L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 17 mars 1999 - Vol. 36 N° 8

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir.


Affaires du jour

Alors, nous reprenons nos travaux ce matin aux affaires du jour, et j'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer l'objet au menu.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je demande le consentement pour procéder à l'adoption du un douzième des crédits de l'aide sociale.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, tout d'abord, je vous demanderais s'il y a consentement pour déroger à l'article 87 du règlement. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Pour qu'on comprenne bien ce à quoi l'on consent, j'ai compris de la demande du leader adjoint du gouvernement qu'on sollicitait à ce moment-ci consentement pour l'adoption d'un projet de loi qui n'est pas encore présenté. Et j'ai compris de la part de la présidence qu'il y avait à ce moment-ci demande de dérogation à un article du règlement pour nous permettre de procéder étape par étape. M. le Président, moi, je préfère, dans les circonstances, que l'on procède étape par étape et que les consentements requis soient demandés à chacune des étapes. Comme cela, ça va faciliter le travail et de la présidence et du secrétariat et la compréhension de l'ensemble des députés de nos débats. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, écoutez, la démarche au point de départ: il doit y avoir un premier consentement, celui de déroger à l'article 87 du règlement qui prévoit que nous devons procéder aux affaires prioritaires, c'est-à-dire au débat sur le discours du budget, et, une fois que l'on a ce consentement, nous pourrons revenir avec la proposition que vous venez de faire, d'adopter un douzième des crédits de l'aide sociale. Et là nous verrons par la suite les différentes étapes que nous devrons franchir.

Une voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il y a consentement, tout d'abord, pour déroger à l'article 87? Alors, consentement. Maintenant, pour l'autre étape, je donnerais la parole à M. le ministre de la Solidarité sociale et leader adjoint du gouvernement.


Message du lieutenant-gouverneur

M. Boisclair: Alors, M. le Président, un message de Son Honneur le lieutenant-gouverneur du Québec, message signé de sa main.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous fais part du message:

«L'honorable lieutenant-gouverneur de la province de Québec soumet à l'Assemblée nationale, conformément aux dispositions de l'article 54 de la Loi constitutionnelle de 1867, une partie des crédits pour l'année financière se terminant le 31 mars 2000, représentant 11,4 % des crédits du programme Mesures d'aide financière du portefeuille Emploi, Solidarité sociale, 5,7 % des crédits du programme Services à la famille et à l'enfance, et 9,2 % des crédits du programme Prestations familiales du portefeuille Famille et Enfance, soit une somme de 433 600 000 $ et recommande ces crédits à la considération de l'Assemblée.»

Alors, je dépose ce document. Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît, pour la suite des débats. M. le leader adjoint du gouvernement.


Dépôt du projet de loi n° 12

M. Boisclair: M. le Président, pour donner suite au message du lieutenant-gouverneur, qu'il me soit permis de déposer le projet de loi n° 12, Loi n° 1 sur les crédits 1999-2000.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le projet de loi est déposé. Maintenant, ici, je vais solliciter un consentement pour déroger à la procédure habituelle relative à l'étude des crédits budgétaires. Alors, nous verrons la procédure nouvelle qui vous sera proposée en cours de route. Alors, il y a consentement? Je vais laisser la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, j'étais persuadé, tantôt, que le leader de l'opposition officielle avait transposé à la Trente-sixième Législature ses connaissances de la Trente-cinquième. C'est la raison pour laquelle je n'avais pas invoqué l'article 87, sachant qu'il le savait. Puisqu'il faut lui rappeler, donc, je le fais, M. le Président.

Pour continuer, suite à une entente avec l'opposition officielle, il a été convenu que le porte-parole de cette opposition prendra la parole durant 10 minutes, suivi par une intervention de 10 minutes du ministre de la Solidarité sociale.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Savez-vous, on a déposé le projet de loi, mais il aurait à ce moment-là fallu peut-être lire les notes explicatives pour qu'on puisse... Alors, écoutez, si vous voulez simplement, M. le ministre de la Solidarité sociale et leader adjoint du gouvernement, lire les notes explicatives du projet de loi pour la présentation en bonne et due forme. Alors, M. le ministre de la Solidarité sociale et leader adjoint.

(10 h 10)

M. Boisclair: Regardez, M. le Président, peut-être, à ce moment-ci, ce que je comprends de la procédure, c'est que nous nous inspirons de ce qui s'est fait l'an dernier. J'ai les débats de l'Assemblée nationale de 1998, et nous avions procédé de la même façon. Et, à l'époque, il avait été convenu, puisqu'il y a là dérogation, que l'opposition s'exprimait en premier lieu et que, par la suite, j'aurais une réplique. Maintenant, si les gens souhaitent procéder autrement, nous sommes bien disposés à le faire. Il s'agit d'interventions de 10 minutes de part et d'autre de l'Assemblée, et, à cet égard, M. le Président, je n'ai pas nécessairement d'objection à ce qu'on renverse la décision qui a été prise l'an dernier.

L'objectif, c'est que chacun des représentants, tant de l'opposition que du gouvernement, puisse s'exprimer pour une période de 10 minutes, pour qu'ensuite nous puissions procéder à l'adoption du projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, tout simplement, pour simplifier les choses, faites donc la présentation des notes explicatives, et nous procéderons par la suite avec les interventions de part et d'autre.


M. André Boisclair

M. Boisclair: D'abord, M. le Président, au niveau des notes explicatives, ce projet de loi a pour objet d'autoriser le gouvernement à payer sur le fonds consolidé du revenu une somme de 433 600 000 $, représentant 11,4 % des crédits du programme Mesures d'aide financière du portefeuille Emploi et Solidarité sociale, 5,7 % des crédits du programme Services à la famille et à l'enfance et 9,2 % des crédits du programme Prestations familiales du portefeuille Famille et Enfance. Cette somme apparaîtra au budget des dépenses du Québec pour l'année financière 1999-2000.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien. L'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Alors, accepté.

Maintenant, pour l'entente au niveau des interventions, M. le leader adjoint du gouvernement, si vous voulez en faire part.

M. Boulerice: Je vous répète, M. le Président, que l'entente est que le porte-parole, ou la porte-parole – je crois que c'est la porte-parole, n'est-ce pas, madame? oui? non? bien, c'est la porte-parole, donc j'ai bien raison – la porte-parole de l'opposition prendra la parole durant 10 minutes, suivie par le ministre de la Solidarité sociale pour une intervention égale de 10 minutes.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, est-ce que l'Assemblée accepte de donner suite à cette entente entre les partis des groupes parlementaires? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, à moins d'être mal informé – et je conçois, là, que le leader vient d'arriver – le parrain du projet de loi, vu que c'est lui qui est le porteur comme tel, se doit d'intervenir, comme parrain du projet de loi, en premier lieu, et Mme la députée Saint-Henri–Sainte-Anne suivra. Et il est convenu que les interventions sont d'une durée de 10 minutes de part et d'autre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, c'était suite à une entente avec l'opposition officielle. Est-ce que M. le leader de l'opposition est en train de me dire qu'il dédit le consentement qu'il avait donné?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Pour faciliter le travail du leader adjoint du gouvernement, compte tenu qu'il a l'air à être mélangé dans ses ententes, qu'on procède donc suivant le règlement.

M. Boulerice: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, brièvement.

M. Boulerice: Je ne suis pas mêlé, M. le Président, mais c'est le leader qui se confond dans ses dires et dédires. Nuance.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, écoutez, ce n'est pas à moi à faire l'entente; c'est à vous, là. Moi, tout ce que j'ai, j'ai enregistré une entente. On parle...

M. Boisclair: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre de la Solidarité sociale.

M. Boisclair: ...pour clarifier les choses, est-ce qu'on peut tout simplement suspendre quelques instants, le temps que les deux leaders puissent, dans un autre forum que celui-ci, convenir de la démarche, et qu'on revienne très rapidement? Nous sommes tout simplement étonnés de voir là que le leader de l'opposition, alors que nous avions convenu d'une façon de faire en 1998, d'une façon de faire en 1997... Nous nous inspirons de cette façon de faire. Il serait peut-être, avant de changer la tradition, opportun qu'on puisse se voir quelques instants, si vous y consentez, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. leader de l'opposition, pour terminer.

M. Paradis: À ce moment-ci, suite au consentement donné par l'opposition officielle, la Chambre est saisie d'un projet de loi. Si le gouvernement s'est empêtré dans sa procédure, il n'a qu'à en tenir rigueur à ceux et celles qui planifient cette procédure, soit le leader et le leader adjoint du gouvernement. Si on souhaite obtenir davantage de consentements – et ça en prend un, je vous le souligne immédiatement, M. le Président – strictement pour procéder à l'adoption du principe du projet de loi immédiatement, dans les circonstances, que le gouvernement agisse correctement.

On parle de bénéficiaires de l'aide sociale qui n'auront pas de chèques si le gouvernement continue à mal planifier ses travaux. On parle de familles et d'enfants qui n'auront pas de secours financier si le gouvernement continue à mal planifier ses travaux. Je pense que la suspension s'impose pour que le leader adjoint du gouvernement refasse ses travaux.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, c'est justement parce que le leader de l'opposition a du nouveau personnel dans son entourage qu'il convient, je pense, de correctement l'informer de la tradition, des décisions que cette Assemblée a prises en 1997, des décisions que cette Assemblée a prises en 1998, et on s'apercevra que ceux qui sont empêtrés ne sont pas à votre droite mais, encore une fois, à votre gauche.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, comme je vous ai dit tantôt, ce n'est pas à moi à faire les ententes, je n'ai qu'à les enregistrer. Alors, si vous vous n'en avez pas, je vais suspendre. Allez vous entendre!

(Suspension de la séance à 10 h 16)

(Reprise à 10 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous poursuivons nos travaux. Nous avons une entente, nous avons eu un consentement tantôt pour procéder à l'étude de ce projet de loi, et il reste maintenant à voir l'entente que vous avez conclue concernant les temps de parole. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Je comprends qu'il s'agit de 10 minutes. J'ouvrirai avec une présentation courte de 10 minutes et je comprends que la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne s'exprimera par la suite, elle aussi pour une période de 10 minutes.


Adoption du principe et adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors donc, il y a consentement à cette entente-là. Ça va. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement et ministre de la Solidarité sociale, je vous cède la parole.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Alors, M. le Président, le projet de loi n° 12, que j'ai eu l'occasion de déposer au nom du ministre des Finances, nous permet tout simplement d'assurer que les crédits nécessaires pour financer les principaux programmes d'aide financière du gouvernement du Québec soient disponibles dès le 1er avril, c'est-à-dire dès la première journée du nouvel exercice financier 1999-2000. Il nous permet de voter 323 600 000 $, à savoir 11,4 % des crédits à voter, pour les programmes de sécurité du revenu du ministère de la Solidarité sociale. Il permet aussi de voter 35 000 000 $, ou 5,7 % des crédits à voter, pour les services à la famille et à l'enfance, ainsi que 75 000 000 $, soit 9,2 % des crédits à voter, pour les prestations familiales du portefeuille de la Famille et de l'Enfance.

Il est donc question, M. le Président, aujourd'hui des crédits nécessaires pour financer l'émission des prestations d'aide sociale et les allocations familiales aux Québécoises et aux Québécois. Les crédits nécessaires à l'émission des chèques du mois d'avril s'élèvent à 324 000 000 $. Les crédits seront utilisés en fonction de la mission régulière du ministère, c'est-à-dire le maintien et le développement de la solidarité sociale en soutenant, par le financement, les personnes dont les ressources sont insuffisantes pour subvenir à leurs besoins et en mettant aussi en oeuvre les mesures appropriées pour assurer l'insertion et la réinsertion sociale et économique des chômeurs.

Concrètement, M. le Président, ce 324 000 000 $ se ventile de la façon suivante. D'abord, 220 000 000 $ pour le Programme d'assistance-emploi, qui est la nouvelle appellation de l'aide de dernier recours aux personnes capables de travailler, qui était prévu à la loi n° 186 adoptée à l'Assemblée nationale, auxquels nous rajoutons 90 000 000 $ pour la protection sociale, l'ancien programme Soutien financier, 5 000 000 $ pour la gestion du dénuement, 5 000 000 $ en aide aux parents pour leurs revenus de travail, le programme APPORT, et 3 600 000 $ à l'Office de la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris.

Des crédits de 110 000 000 $ seront également utilisés par le ministère de la Famille et de l'Enfance afin de financer les allocations familiales destinées aux familles à faibles revenus et de verser de l'aide financière aux garderies dès les premiers jours du mois d'avril.

Cette présentation étant faite, M. le Président, je comprends que l'opposition sera particulièrement intéressée de savoir de quelle façon nous avons utilisé les disponibilités budgétaires liées à une diminution très significative du nombre de prestataires de la sécurité du revenu au cours de l'année précédente.

Entre 1997 et 1998, donc l'exercice financier précédent, et celui de 1998-1999, environ 32 500 ménages ont réussi à quitter l'aide sociale et participent de nouveau au marché du travail. Le nombre moyen de ménages est, lui, passé de 457 700 à 424 200. Les économies estimées par cette diminution de clientèle sont de l'ordre d'environ 218 000 000 $, alors que les économies qui étaient prévues aux crédits 1998-1999 étaient de 132 000 000 $. Donc, les économies générées par rapport au budget précédent sont de l'ordre de 86 000 000 $. Il s'agit de la différence entre ce qui était estimé et ce qui est maintenant prévu, essentiellement lié à une baisse additionnelle par rapport aux crédits votés l'an dernier, une baisse additionnelle de 12 800 ménages à la sécurité du revenu. Donc, de ce 86 000 000 $, nous avons pu utiliser 24 000 000 $ pour bonifier les prestations aux prestataires de la sécurité du revenu.

Je comprends qu'il est de tradition que l'opposition se questionne sur la façon dont nous entretenons nos relations avec le Conseil du trésor. Et j'ai à plusieurs reprises dans cette Assemblée entendu la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne nous dire: Comment se fait-il que ces budgets ne sont pas demeurés entre les mains du ministère de la Solidarité sociale? M. le Président, il faut d'abord noter que, de la diminution de clientèle, nous avons pu faire en sorte de bonifier les prestations, je l'indiquais tout à l'heure, pour l'ordre de 24 000 000 $.

Et je voudrais, d'entrée de jeu, corriger certaines affirmations qui ont été faites par l'opposition officielle, en rappelant bien que, si nous nous retrouvions dans une situation d'augmentation de clientèle, nous ne serions pas à diminuer les prestations actuellement versées aux prestataires pour financer l'augmentation. Donc, il faut bien comprendre qu'il y a une limite à l'exercice lié à la présence d'enveloppes fermées. Et, à cet égard, je pense qu'il faut noter que ce 24 000 000 $ utilisé pour bonifier les prestations s'ajoute aux 128 000 000 $ qui ont été identifiés dans la récente réforme de la sécurité du revenu.

Je pense qu'il est important de rappeler les récentes bonifications au régime de sécurité du revenu: 15 000 000 $ pour les familles monoparentales; 18 000 000 $ pour le retour au travail; 11 000 000 $ pour l'exemption de la pension alimentaire; 12 000 000 $ pour la hausse du revenu et travail permis; et 19 000 000 $ pour l'ajustement des barèmes APTE. Tout ça dans un contexte où nous avons, nous, au Québec, à faire face aux contraintes nouvelles liées à la réforme de l'assurance-emploi, qui a fait basculer un nombre considérable de personnes de l'assurance-emploi vers la sécurité du revenu. Je vous rappelle que l'étude du professeur Pierre Fortin nous rappelait que, au terme de la réforme, il y aura 36 000 prestataires de la sécurité du revenu de plus, essentiellement lié au resserrement des critères de l'admissibilité de l'assurance-emploi. Il s'agit d'une dépense additionnelle de 157 000 000 $ pour le gouvernement du Québec.

J'indique aussi, M. le Président, qu'il faudra évaluer – et nous aurons l'occasion de le faire à l'occasion des crédits; je comprends qu'un nombre d'heures important aura été réservé pour que je puisse échanger avec la porte-parole de l'opposition officielle – les crédits que nous adoptons aujourd'hui par le biais du projet de loi n° 12 à la lumière aussi des engagements que le gouvernement du Québec a pris récemment en faveur des prestataires de la sécurité du revenu.

Le premier ministre, dans le discours inaugural, nous a bien indiqué la volonté de poursuivre le décloisonnement des clientèles. Nous l'avons fait en instituant des centres locaux pour l'emploi, où, indistinctement de leur statut – soit chômeur, ou assisté social, ou sans-chèque – des gens ont accès à des services égaux, de même qualité. Il faudra maintenant pousser plus loin cette réflexion et faire en sorte qu'au niveau du soutien du revenu nous puissions soutenir les prestataires de la sécurité du revenu de la même façon qu'on le fait pour les gens qui sont à l'assurance-chômage, lorsque ces personnes participent à des mesures d'Emploi-Québec.

Il y a maintenant plus de trois mois que je travaille à pousser plus loin la réforme de la sécurité du revenu, et nous estimons, si nous sommes capables d'aller à terme – et nous prévoyons le faire pour le 1er juillet – être capables de verser 65 000 000 $ de plus dans la poche des prestataires de la sécurité du revenu qui participent à une mesure d'Emploi-Québec. Il s'agit là, M. le Président, d'une pièce maîtresse dont je n'ai pas encore entendu l'opposition convenir de la pertinence. J'espère que la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne pourra le faire au moment de sa présentation. Il s'agit d'une mesure qui nous permet, au Québec, de faire en sorte que notre régime de sécurité du revenu ne soit plus uniquement basé sur une vieille vision qui était celle, d'abord et avant tout, d'une vision de l'assistance, mais plutôt de transformer ce régime de sécurité du revenu en un coffre à outils enrichi pour les gens, faire en sorte que nous puissions, pour ceux et celles qui ont besoin d'un coup de pouce, développer les outils nécessaires pour les aider dans le développement de leur employabilité, mais surtout faire en sorte, si on veut que ces mesures soient efficaces, de réunir l'ensemble des conditions gagnantes pour que ces personnes puissent mener à terme leur formation. Et une des conditions qui était très claire, qui nous est apparue comme devant être corrigée, c'est bien le soutien du revenu, donc l'argent qu'on remettait aux personnes pour participer aux mesures.

L'harmonisation du soutien du revenu sera rendue possible grâce au règlement qui sera adopté très prochainement par le gouvernement du Québec, qui devrait être publié dans les prochaines semaines; s'ajoutera à ça aussi un règlement, récemment publié dans la Gazette officielle , qui nous permet d'assurer une plus grande mobilité possible entre la sécurité du revenu et les nouveaux services d'Emploi-Québec. Nous avons aboli la pénalité de 150 $ pour refus ou abandon d'emploi lorsqu'une personne s'inscrit à une mesure d'Emploi-Québec.

(10 h 30)

Donc, l'ensemble des conditions sont réunies pour que des gens qui sont à la sécurité du revenu, qui se tournent vers leur gouvernement national et qui nous disent: Qu'est-ce que vous pouvez faire pour me donner un coup de pouce? Qu'est-ce que vous pouvez faire pour que je puisse compléter une formation, aller chercher une expertise dans un domaine de pointe, m'inscrire dans un domaine où il y a pénurie de main-d'oeuvre... Ces questions, M. le Président, le gouvernement du Québec y répond de façon exemplaire.

Je pense que, avec ces crédits, avec les gestes législatifs que nous avons posés, avec les règlements qui rentreront bientôt en vigueur, avec l'harmonisation du soutien du revenu, tout est en oeuvre, M. le Président, pour que nous puissions offrir aux Québécois et aux Québécoises des services publics d'aide à l'emploi efficaces comme jamais ils en ont connu. C'est là mon engagement, c'est là l'engagement aussi de ma collègue ministre de l'Emploi et ministre du Travail, députée de Bourget, et c'est là l'engagement de l'ensemble des parlementaires gouvernementaux de cette Assemblée. Nous sommes fiers de pouvoir contribuer à soutenir les gens correctement, soutenir ceux et celles qui ont besoin d'un coup de pouce. Je pense que nous sortirons grandis de cette expérience.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Solidarité sociale. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Mme la députée.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Premièrement, je tiens à informer le ministre de la Solidarité sociale de toute ma collaboration et de la collaboration aussi de mes collègues et de l'opposition officielle quant à l'adoption du projet de loi n° 12 qui, d'une part, vise à mettre en place, à autoriser les crédits nécessaires pour l'émission des chèques des prestataires de l'aide sociale à compter du 1er avril prochain, mais, également, le projet de loi n° 12, comme l'a mentionné le ministre, vise également à l'adoption partielle des crédits pour les programmes de services à la famille, à l'enfance et les programmes aussi pour les prestations familiales. Le gouvernement, en cette matière, reçoit toute la collaboration de l'opposition officielle.

Deuxièmement, M. le Président, je profiterai de cette occasion, parce qu'on n'en a pas parlé dans le budget et je n'ai pas entendu beaucoup de députés ministériels en parler dans leur discours sur le budget, pour parler de la pauvreté qui sévit au Québec

Une voix: ...

Mme Loiselle: Je ne vous ai pas interrompu, M. le ministre, faites pareil, s'il vous plaît.

M. le Président, encore cette année, le Québec a le taux de pauvreté le plus élevé au Canada, et même plus élevé que celui de Terre-Neuve. C'est pour vous dire! La pauvreté, on la voit et on la sent partout au Québec, et particulièrement à Montréal.

Les banques alimentaires, M. le Président, ont de la difficulté à suffire à la demande, à la demande de plus en plus grandissante, et le taux d'itinérants, particulièrement également à Montréal, ne fait qu'augmenter de jour en jour et frappe essentiellement et malheureusement les jeunes, et les jeunes de plus en plus jeunes.

À tous les jours, dans nos écoles, M. le Président, les enseignants et enseignantes sont également des témoins de la misère que vivent certains enfants au Québec: des enfants qui arrivent à l'école le matin qui n'ont pas bien mangé, pour certains en fin de mois qui n'ont pas mangé du tout; des enfants, particulièrement dans la saison d'hiver, qui n'ont pas les vêtements adéquats, qui n'ont pas les vêtements assez chauds; et des enfants qui sont incapables de participer aux sorties d'école, aux activités d'école parce que les parents vivent aussi l'appauvrissement au Québec et n'ont pas les moyens de donner les argents nécessaires pour que ces enfants-là puissent participer aux activités de l'école.

M. le Président, c'était incroyable tantôt d'entendre le ministre, comment ce gouvernement a de la facilité à rejeter du revers de la main son passé, à rejeter du revers de la main le dernier mandat, toutes les coupures, les nombreuses coupures que le gouvernement du Parti québécois a appliquées avec froideur auprès des prestataires de l'aide sociale au cours du dernier mandat. M. le Président, je les ai énoncées, je les ai énumérées à plusieurs reprises, je les ai décriées avec beaucoup de vigueur, et, encore une fois ce matin, j'ai été surprise d'entendre le ministre ne pas parler de ce qu'il a fait, de ce que ce gouvernement a fait aux prestataires de l'aide sociale, de toutes les coupures qui ont été apportées autant aux familles monoparentales qu'à tous les prestataires au niveau des mesures d'employabilité à l'aide sociale au cours de leur dernier mandat, au désengagement aussi qui a été fait sur le dos des plus démunis de notre société, aux effets dévastateurs de l'assurance-médicaments.

Aujourd'hui, il y a des gens – puis il y a un rapport qui a été déposé à cet effet, plus de 2 000 hospitalisations – qui ont été amenés à l'hôpital parce qu'ils n'étaient pas capables de se procurer leurs médicaments suite... et particulièrement les prestataires de l'aide sociale et les personnes âgées à faibles revenus. Ça, M. le Président, c'est le passé de ce gouvernement-là. Et aujourd'hui, quand on nous fait des beaux discours, des belles paroles, les gens ne croient plus à ça, parce qu'ils ont mangé de la soupe de ce gouvernement-là au cours des quatre dernières années.

M. le Président, j'étais aussi très surprise et déçue d'entendre parler le ministre de sa loi n° 186, projet de loi sur la réforme de l'aide sociale. À entendre parler le ministre tantôt, il semblerait qu'il y ait eu un consensus avec cette loi-là. Mais c'est tout à fait le contraire: la loi n° 186, la loi sur la réforme de l'aide sociale, a été décriée en commission parlementaire par la majorité des organismes qui sont venus et aussi par les experts qui sont venus en commission parlementaire démontrer à la ministre de l'époque, à la ministre de la Solidarité sociale, la députée de Hochelaga-Maisonneuve, qu'elle faisait fausse route, parce que toute mesure d'insertion accompagnée de punition a l'effet contraire. Or, l'effet contraire de la réussite, c'est plutôt l'effet du décrochage, et le ministre le sait très bien.

Alors, tantôt, quand il nous parlait de sa belle réforme de l'aide sociale, M. le Président, de la loi n° 186, il faut faire attention à ce qu'on dit en Chambre, les belles paroles de ce gouvernement-là et les gestes qu'il a posés avec le projet de loi n° 186. C'est un projet de loi qui avait pour but initial de faire des économies sur le dos des prestataires de l'aide sociale en appliquant une punition, une coupure de 150 $ pour les gens, surtout pour les jeunes, je le disais tantôt, M. le Président, qui décrochent de plus en plus au Québec et qui deviennent des itinérants qui vivent la pauvreté de façon quotidienne. Le projet de loi n° 186 attaque de plein front les jeunes de 18 à 24 ans en leur imposant des punitions s'ils refusent leur soi-disant parcours individualisé, que certains appellent maintenant «parcours individualisé virtuel», M. le Président.

Il faut être conscient que même les experts qui ont soutenu que la menace de pénalité... Des experts, M. le Président, là. Le ministre de la Solidarité sociale peut nous dire: Écoutez, certains groupes communautaires ont dit que... Non, ce sont des experts, avec des études à l'appui, qui sont venus en commission parlementaire dire que toute pénalité dans une mesure de réinsertion vient tuer le lien de confiance qui peut exister entre le bénéficiaire et l'agent qui doit l'aider à se réinsérer au niveau du marché du travail.

Finalement, M. le Président, la loi n° 186 qui a été adoptée – qui a été adoptée de force, il faut le dire, il faut que les gens qui nous écoutent sachent bien que l'opposition officielle a décrié ce projet de loi là – a été adoptée de force grâce à la majorité ministérielle ici, en cette Chambre. Eh bien, les années à venir nous permettront d'analyser cette dite réforme et d'en faire le bilan.

Tantôt, le ministre, encore une fois, nous a parlé de la restructuration des mesures actives en emploi via l'implantation des nouveaux CLE, qui sont les centres locaux d'emploi. Il va y en avoir environ 150 à 151 à travers le Québec. Eh bien, là, M. le Président, un autre beau fouillis administratif incompréhensible de ce gouvernement. C'est l'enfer, ce qui se vit actuellement dans les CLE à peu près partout au Québec. La nouvelle ministre de l'Emploi et du Travail, la collègue du ministre de la Solidarité sociale, a même dit qu'il s'agissait d'une situation schizophrénique, et pour cause, M. le Président. Il y a des bilans régionaux. J'invite le ministre à lire les bilans régionaux à cet égard parce que ces bilans régionaux là sont désastreux. Les guichets d'emplois sont inexistants. Il n'existe actuellement aucune information sur le marché du travail. Oui, je vous invite à aller vous promener dans des CLE, M. le ministre. Les CLE sont temporairement installés dans des locaux beaucoup trop petits et même désuets dans certaines régions du Québec.

Une voix: Il ne peut pas, Diane Lemieux ne veut pas.

Mme Loiselle: Pardon?

Une voix: Diane Lemieux ne veut pas.

Mme Loiselle: C'est ça. Les employés, eux, M. le Président, au moment où on se parle, n'ont même pas reçu la formation pour répondre adéquatement à la clientèle. Ce qui est assez inquiétant, c'est de se rendre compte que ce gouvernement-là a fait une autre réforme qui est tout à fait mal planifiée, qui est tout à fait mal amorcée, et ça ressemble étrangement à la réforme de la santé, ce qui peut vous dire que c'est très inquiétant pour les gens qui sont à la recherche d'emploi au Québec. Qui paie le prix, M. le Président, de ce cafouillage de ce gouvernement? Particulièrement les prestataires de la sécurité du revenu. Ceux qui veulent participer à des mesures actives en emploi afin de pouvoir réintégrer le plus rapidement possible le marché du travail, eh bien, ce sont ces personnes-là, M. le Président, qui paient le prix de ce cafouillage-là.

(10 h 40)

Et tantôt le ministre disait – j'ai pris note – qu'il s'agissait, pour les prestataires de la sécurité du revenu, de services égaux et de même qualité. Eh bien, M. le Président, là, je l'informe que la référence des personnes assistées sociales ne se fait plus actuellement à Emploi-Québec. Les raisons, M. le Président? Pour le moment, je les ignore, mais je travaille avec des gens à ce niveau-là. Et j'invite le ministre de la Solidarité sociale, et particulièrement la ministre de l'Emploi et du Travail, parce que c'est elle qui chapeaute tout ça, de peut-être regarder ça et de nous répondre à cette question-là: Pourquoi les prestataires de la sécurité du revenu ne sont plus référés à Emploi-Québec?

M. le Président, en terminant, je veux rappeler que ce gouvernement-là a un passé – a un passé et pas d'avenir – douloureux face à ce qu'ils ont fait subir aux prestataires de la sécurité du revenu, face à ce qu'ils ont fait subir, au nom du déficit zéro, lors de leur dernier mandat, aux personnes vivant sous le seuil de la pauvreté. Ce gouvernement a créé beaucoup d'espoir. Le premier ministre excelle beaucoup lui aussi, autant que le ministre de la Solidarité sociale, dans les beaux discours, les belles paroles, mais malheureusement la réalité de tous les jours que vivent ceux et celles qui doivent composer avec la pauvreté est tout autre. Merci.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: La députée m'a adressé une question déterminante, et il me fera plaisir d'y répondre, si l'opposition accepte. Mais, sur la référence des clients à l'aide sociale, c'est complètement inexact, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, moi, l'entente était: deux interventions, 10 minutes. Il y aura une période de questions tantôt. Alors, peut-être qu'il y aurait lieu d'attendre à ce moment-là. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Ou il pourrait y avoir consentement, M. le Président, si le ministre consent à ce qu'on procède, comme on le fait, en complément de réponse, avec une question additionnelle de Mme la députée Saint-Henri– Sainte-Anne.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui, tout à fait. Ça me fera plaisir parce que c'est une question de faute. Et je prendrais, M. le Président, quelques instants – pas un long discours – pour dire une chose: Personne ne nie, dans ce gouvernement, qu'il y a à l'heure actuelle, dans la mise sur pied des CLE, des coûts de transition. Nous le voyons à bien des endroits sur le terrain, et particulièrement sur le territoire de Montréal, où la qualité des services offerts, tant aux prestataires de la sécurité du revenu qu'aux gens de l'assurance-chômage, ne nous satisfait pas.

Nous sommes à l'heure actuelle dans un contexte d'implantation d'une réforme. Nous sommes à l'heure actuelle avec des CLE qui sont temporaires, et nous procédons en ce moment à des appels d'offres pour instituer des CLE qui soient permanents. Et, partout où il y a des CLE permanents, tant des députés du gouvernement que des députés de l'opposition se réjouissent de la qualité des services offerts. Il y a 151 CLE qui seront prévus par la réforme, et je vous dirais que maintenant, dans la moitié des cas, les CLE sont permanents.

Donc, nous sommes dans un processus de transition. Et je dois vous dire que, s'il y a un coût à cette transition, ça n'a rien à voir avec le coût de la duplication qu'on connaissait avant l'entente fédérale-provinciale. Ça n'a rien à voir avec la multiplicité des programmes, cette espèce de labyrinthe sans fin où il y avait 225 programmes qui s'adressaient tant aux chômeurs qu'aux assistés sociaux. On a fait le ménage. On a fusionné SQDM, centres Travail-Québec, DRHC. On arrive, M. le Président, au fur et à mesure de la transition, à des résultats qui sont stimulants.

Deuxièmement, la députée nous dit qu'il n'y a pas de référence des gens de l'aide sociale vers Emploi-Québec. Je veux corriger cette affirmation. Dans l'exercice financier qui se termine, nous estimons que c'est environ 200 000 000 $ qu'Emploi-Québec aura versés à des prestataires de la sécurité du revenu; c'est 40 000 000 $ de plus que dans l'exercice financier précédent. Faut-il se rappeler que le coffre à outils d'Emploi-Québec nous offre des mesures qui sont beaucoup plus intensives, beaucoup plus adaptées aux besoins des gens et que, dans les faits, on a consacré davantage d'argent pour soutenir les assistés sociaux dans leurs démarches de réinsertion au travail qu'on l'a fait dans l'exercice précédent. Ça, c'est la preuve par quatre, M. le Président, que nous faisons mieux qu'on faisait. Oui, il y a des coûts de transition, mais ce serait, à mon avis, à l'heure actuelle, catastrophique de vouloir revenir sur des objectifs qui unanimement ont été fixés à l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie. Maintenant, je vais céder la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne pour une question additionnelle.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Pour une intervention additionnelle, comme le ministre, M. le Président. Le ministre de la Solidarité sociale vient de nous faire la preuve la plus flagrante qu'il n'y a rien qui a changé avec ce gouvernement-là, qu'il vit lui aussi, là, très loin de la réalité de ce que vivent les prestataires de la sécurité du revenu sur le terrain et ceux et celles qui se présentent à un CLE, actuellement. Je l'invite encore, je l'invite, M. le Président, à aller faire la vérification nécessaire auprès des organismes qui travaillent auprès des assistés sociaux. Il va se rendre compte que ces gens-là, la porte leur est fermée, particulièrement dans les CLE, actuellement.

Le ministre, M. le Président, au début de son intervention, il nous a démontré qu'il prend acte de son admission que ça ne fonctionne pas dans des CLE. Et je l'invite encore une fois à lire attentivement les bilans régionaux – je pourrai lui en fournir une copie s'il n'en a pas. Dans ça, on dit que c'est du fouillis, du cafouillage et qu'il n'y a pas de services qui sont rendus aux personnes qui se présentent dans les CLE actuellement au Québec. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, vous aurez l'occasion de revenir sur ce sujet, j'en suis assuré. Ceci met fin au débat sur l'adoption du principe et du projet de loi.


Mise aux voix

M. le leader adjoint du gouvernement et ministre de la Solidarité sociale, au nom de M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances, propose l'adoption du principe ainsi que l'adoption du projet de loi n° 12, Loi n° 1 sur les crédits 1999-2000. Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.


Affaires prioritaires


Reprise du débat sur la motion du ministre des Finances proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement et sur les motions de censure

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nous revenons maintenant aux affaires prioritaires. À l'article 1 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat sur la motion de M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement et sur les motions de censure de Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys et de M. le député de Verdun.

Je vous informe qu'il y a 5 h 24 min d'écoulées à la première étape du débat. Il reste un total de 8 h 6 min réparties comme suit: 3 h 27 min au groupe parlementaire formant le gouvernement, 4 h 19 min au groupe parlementaire formant l'opposition officielle et 20 minutes au député indépendant. Alors, je suis prêt maintenant à céder la parole au prochain intervenant, et ce sera M. le député de Rivière-du-Loup. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Je suis heureux aujourd'hui de répliquer au budget du gouvernement, qui est certainement, en tant que budget de début de mandat, un signe des orientations que le gouvernement entend défendre, prioriser au cours des prochaines années.

D'abord, tout le monde a eu l'occasion de s'en réjouir, que le Québec soit arrivé au déficit zéro. Donc, on commence, à partir de cette année, à arrêter d'accumuler de l'endettement, d'ajouter plus de dettes à celle qui est déjà accumulée. Le gouvernement a pu, en plus, faire le ménage un peu partout dans sa structure, dans les institutions du domaine de la santé. Tant mieux. C'est un travail qui devait être fait.

Mais le problème n'est pas réglé. L'enjeu demeure considérable en matière de finances publiques parce que, bien qu'un paramètre ait été solutionné avec le déficit zéro, il n'en demeure pas moins qu'on est toujours dans une forme de quadrature du cercle. On a une dette de 100 000 000 000 $ qui est toujours là et on a toujours la taxation la plus élevée en Amérique du Nord. Et on l'a toujours après le dernier budget. D'ailleurs, cette pression-là se fait sentir particulièrement fort dans la population. Ça a valu au ministre des Finances le fameux prix Bolo d'une célèbre station radiophonique de la région de Québec.

(10 h 50)

Le danger à ce moment-ci, c'est de penser, donc, que, parce qu'on a le déficit zéro, tout est sous contrôle, qu'on peut se lancer à nouveau, à l'intérieur des quatre prochaines années dans le mandat, dans les grands projets de dépenses, repartir un bal qu'on a déjà connu, alors que la réalité, c'est que la bureaucratie est encore très lourde, qu'il y a encore des dépenses compressibles et qu'il y a encore moyen, tout en répondant aux besoins les plus essentiels de la population, de s'attaquer au fardeau fiscal, à la baisse des taxes, mais aussi et surtout de se donner, à partir des années qui viennent, un plan de remboursement de la dette, un plan de remboursement de la dette qui fait affreusement défaut dans le budget du ministre des Finances.

Parce que c'est bien important – et, dans la population, c'est encore plus important – que tout le monde saisisse bien qu'au-delà des discours, qu'au-delà du discours sur le budget, qui tente toujours un peu de semer une confusion entre le déficit et la dette, de ne plus avoir de déficit, ça veut dire de ne plus utiliser sa carte de crédit pour continuer à en accumuler, de l'endettement.

Par contre, ça ne veut pas dire que le compte de la carte de crédit vient de s'effacer du jour au lendemain. La dette qui est accumulée, qui est de 100 000 000 000 $, elle est toujours là. La dette qui demeure, elle génère année après année des frais d'intérêt qui sont considérables. Cette année, à l'intérieur du budget du gouvernement, il y a 7 300 000 000 $ de nos taxes, de nos impôts qui s'en va simplement en paiements d'intérêts. Bientôt, dans un an, dans deux ans, ce sera 7 600 000 000 $ qui va aller strictement au paiement des intérêts. Pour se donner un ordre de grandeur, 7 500 000 000 $, c'est la moitié de ce qu'on paie dans l'ensemble du Québec en impôt sur le revenu. On paie une quinzaine de milliards sous forme d'impôt sur le revenu. Donc, l'impôt sur le revenu de l'ensemble des particuliers du Québec, il y a la moitié de nos impôts sur le revenu qui s'en vont strictement au paiement des intérêts sur la dette.

Alors, pourquoi avoir un plan de remboursement de la dette? Pourquoi remettre... Parce que ça peut être tentant, au moment où on a le déficit zéro – ça fait plusieurs années qu'on parle d'endettement – de passer l'éponge sur le tableau et de dire: On va arrêter de parler de la situation de nos finances publiques. Mais il faut en parler, il faut continuer à agir, à se donner des visions de solution à ce problème-là parce que ça a des conséquences très lourdes sur notre société, des conséquences très concrètes et très lourdes.

D'abord, l'argent qu'on met en intérêts sur la dette, le 7 500 000 000 $ qu'on met en intérêts sur la dette, c'est autant d'argent qui n'est pas investi dans des services à la population, c'est autant d'argent qui n'est pas disponible pour payer des services d'éducation, des soins de santé, c'est autant d'argent qui n'est pas disponible pour des transferts, pour améliorer le programme des prêts et bourses, réduire l'endettement des étudiants. Alors, c'est de l'argent qui va pour payer de l'intérêt, donc qui n'est pas disponible dans notre budget annuel de notre gouvernement, au Québec, pour financer les services auxquels on s'attend. Alors, c'est une conséquence grave.

Deuxième conséquence grave, c'est qu'il y a une grande partie de ces paiements d'intérêts qui s'en vont à l'étranger, donc où les contribuables, les payeurs de taxes du Québec vont indirectement enrichir des gens à l'étranger. Un chiffre simple: durant l'année 1998-1999, sur la dette qu'on a additionnée, sur les emprunts qu'on a faits en 1998-1999, il y en a 34,5 % qui ont été faits à l'étranger, donc sur le marché américain, sur les marchés internationaux. Mais ces paiements d'intérêts qui vont suivre, comme ça a été le cas dans le passé, c'est des paiements d'intérêts qui vont dans la poche des Américains, qui vont dans la poche des Japonais, qui vont dans la poche de gens à l'extérieur du Québec, donc de l'argent qu'on paie de nos taxes et de nos impôts pour des services passés, donc de l'argent qui n'est pas disponible pour des services présents, mais qui est versé en paiements d'intérêts pour enrichir des gens à l'étranger qui ont eu les moyens d'acheter nos obligations, donc de financer notre dette.

Troisième conséquence du maintien de la dette, c'est que, dans un contexte de pyramide des âges inversée... Un mot bien savant, la pyramide des âges inversée, pour dire qu'on a un vieillissement de la population. Donc, normalement, on parle d'une pyramide des âges parce que plus on vieillit, moins les générations sont nombreuses. Mais, dans le cas du Québec, c'est l'inverse. On a une génération, on a appelé ça le baby-boom – ce n'est pas seulement au Québec que c'est comme ça – une génération très nombreuse qui, elle, a eu moins d'enfants. Donc, une génération moins nombreuse qui suit.

Dans un contexte comme celui-là, parce qu'on sait qu'on va avoir dans le futur une population vieillissante, plus de besoins en soins de santé, plus de besoins en paiements de pensions, en transferts sociaux de tous ordres, on aurait dû être des gestionnaires prudents, des gestionnaires consciencieux, dans les années soixante-dix, qui se seraient assurés de commencer à accumuler des surplus. Alors, on aurait vu la pyramide des âges se dessiner puis on aurait dit: Oups! on va avoir dans quelques années moins de payeurs de taxes, plus de personnes qui vont requérir des soins de santé; on va commencer à accumuler des surplus puis, quand on arrivera en l'an 2010, en l'an 2015, quand on arrivera dans le resserrement de la situation, on ira piger dans ces surplus. Et ça aurait pu à ce moment-là nous assurer un équilibre, une justice entre les générations, puis un équilibre dans nos finances publiques à long terme.

Mais ce n'est pas ça qu'on a fait dans les années soixante-dix puis au début des années quatre-vingt, on a fait le contraire. Au moment où il y avait un maximum de travailleurs, au moment où la génération la plus nombreuse était massivement et complètement sur le marché du travail, on a fait le contraire, on a commencé à s'endetter. Dès qu'il y a eu des petits ralentissements économiques, on est allé emprunter. La conséquence de ça, c'est que, dans une pyramide des âges inversée et face à un vieillissement de la population, la dette déjà accumulée devient un handicap considérable, parce qu'on sait que plus on avance d'année en année, plus on rencontre une accélération de l'augmentation des besoins, donc on a de plus en plus de besoins puis on a de moins en moins de contributeurs.

Donc, on a de plus en plus de gens qui, au net, dans une année, vont en demander plus au gouvernement qu'ils sont capables de contribuer, donc des personnes qui sont retraitées, qui n'ont plus de revenus d'emplois, qui contribuent moins en termes de taxes et d'impôts, qui ont contribué volontiers dans le passé mais qui, pour l'année en cours, contribuent moins par rapport aux services de santé, par rapport aux transferts sociaux qu'ils vont requérir. Puis on a de moins en moins de contributeurs, on a de moins en moins de travailleurs, en nombre, qui sont là pour payer leurs impôts, parce que la génération qui suit est moins nombreuse. C'est un facteur aggravant.

Ces conséquences que je viens de décrire, conséquences lourdes, conséquences à long terme, conséquences en termes d'hypothèque pour l'avenir, devraient être des raisons suffisantes pour un ministre des Finances, pour un gouvernement responsable de s'attaquer à la dette du Québec, d'inclure dans son Discours sur le budget quelques pages, quelques paragraphes pour rappeler aux gens que la dette est encore là, que, lui, comme ministre des Finances, il s'en rend compte, qu'il a l'intention de prendre des mesures, progressivement, à l'intérieur de la marge de manoeuvre qui se dégage, de dégager des sommes pour aller au remboursement de la dette.

Il y a un autre facteur aggravant qui appelle avec encore plus d'urgence le remboursement de la dette, c'est qu'il faut décomposer la dette que le Québec a accumulée, ce 100 000 000 000 $ de dette. Il y en a une certaine partie qui pourrait être explicable parce qu'il y en a une certaine partie qui est allée, un peu comme une hypothèque, pour payer des infrastructures. À chaque année, la part du déficit qui va à la construction d'écoles, qui va à la construction de routes, qui va à la construction d'infrastructures, on pourrait apparenter ça à la construction d'une maison, d'une résidence pour une famille, puis dire qu'on hypothèque ça sur 20 ans, sur 15 ans, sur 25 ans. Ça peut être défendable.

Mais ce n'est pas le cas parce que la dette du gouvernement du Québec a servi, dans sa plus grande partie, aussi surprenant que ça puisse paraître et aussi irresponsables que ça fasse paraître les gouvernements passés, la plus grande partie a servi à payer des dépenses courantes. Donc, c'est une dette accumulée qui a servi pour payer l'épicerie en 1982, qui a servi pour payer l'épicerie en 1983, qui a servi pour payer l'épicerie en 1984, puis je pourrais continuer comme ça. Alors, ce n'est pas comme une hypothèque. C'est une facture qui traîne pour des dépenses courantes qui ont été payées dans le passé et qu'on n'a pas encore remboursée.

(11 heures)

Ce que ça veut dire, c'est que plus on reporte, à chaque année qu'on reporte le remboursement de la dette, ceux qui ont bénéficié pour les dépenses courantes... Parce que vous voyez la différence, M. le Président. Dans le cas d'une hypothèque, on pourrait dire que la personne qui devient... le jeune qui a son premier emploi cette année, qui devient un nouveau payeur de taxes, il en bénéficie encore, de la route; elle a été construite il y a 20 ans, mais il passe encore dessus. Mais la dépense courante qui a été payée il y a 20 ans, ceux qui en ont bénéficié, c'est ceux qui étaient là à l'époque.

Alors, à chaque année qu'on reporte, bien, ceux qui ont bénéficié du paiement de ces dépenses-là sont de moins en moins là comme contributeurs parce qu'un certain nombre d'entre eux décèdent, par l'évidence de la nature, parce qu'un certain nombre d'autres prennent leur retraite. Donc, plus on reporte, plus ceux à qui ont bénéficié ces dépenses courantes dans le passé ne sont plus là pour payer. D'où l'urgence de profiter du contexte présent, où il y a encore un maximum de contributeurs, où il y a un maximum de ce qu'il est convenu d'appeler, en toute amitié, les babyboomers qui sont encore sur le marché du travail, pour commencer dès maintenant à rembourser la dette, de profiter d'un maximum de contributeurs pour commencer à appliquer des paiements sur le remboursement de la dette. Ça m'apparaît un principe de justice intergénérationnelle le plus élémentaire.

D'ailleurs, la justice intergénérationnelle, le premier ministre nous a dit que ce serait un thème au sommet sur la jeunesse. On ne peut pas ne pas être sceptique sur ce que va devenir le sommet sur la jeunesse. Et, encore là, je veux faire preuve de bonne foi, puis on veut tous que ça marche, le sommet sur la jeunesse, puis on veut tous qu'il y ait des résultats puis qu'il en découle des bonnes choses pour les jeunes, mais comment ne pas être sceptique quand le premier ministre nous parle de justice intergénérationnelle en vue d'un sommet, mais qu'en vue du budget de son ministre des Finances la justice intergénérationnelle n'existe pas?

Dans le cadre d'une discussion où il va y avoir des chaises, des micros puis là on va discuter devant les caméras, là on discutera de justice intergénérationnelle, et le premier ministre va donner le mandat aux gens, il va mettre ça à l'ordre du jour, qu'on discute de la justice entre les générations. Par contre, son ministre des Finances, pour préparer son budget, trois jours après, il a oublié de lui parler de la justice entre les générations.

Vous comprendrez que dès ce moment-ci, M. le Président, on peut être inquiet. Parce que, dans le discours du budget, j'y reviens, il n'y a aucune mention de ces réalités. Pour entendre parler, pour s'informer comme contribuable sur l'endettement de notre gouvernement, il faut aller dans les tableaux, il faut aller dans les Renseignements supplémentaires puis il faut aller dans les tableaux, parce que, dans le discours du budget, c'est comme si la dette n'existait plus.

Alors, ce qui nous donne le sentiment que c'est en train d'être balayé, que le ministre des Finances... Je me souviens de certains de ses discours durant la campagne électorale, il disait: Ah! bien, la dette, en termes simples, elle va se payer toute seule. Parce que, si on la laisse là, bien, étant donné qu'il y a une croissance économique, avec l'inflation, son importance relative – ce qui est vrai en termes théoriques, en termes de théorie économique, ce qui n'est pas faux – dans le poids de l'économie va diminuer un peu. Mais, à ce rythme-là, M. le Président, moi, je vais être à ma retraite puis il n'y en aura pas la moitié de payée, là.

Ça fait que, dans toutes ces années-là, on va avoir payé des milliards et des milliards et des milliards en intérêts sur la dette, puis ça, c'est autant d'argent où, année après année, on reportera tous les intérêts qui vont être payés par les générations qui viennent en intérêts sur la dette. Je vous rappelle que c'est des intérêts payés sur des dépenses courantes dont d'autres ont bénéficié puis que les contributeurs vont être de moins en moins ceux qui ont profité de l'endettement.

Les jeunes ont probablement raison, M. le Président, de s'inquiéter à ce chapitre-là. D'abord, le sentiment que c'est balayé sous le tapis... Parce que je disais plus tôt que la dette, c'était un peu l'irresponsabilité accumulée de différents gouvernements, autant à Québec qu'à Ottawa. Il faut quand même rappeler que les deux ministres des Finances qui, au début des années quatre-vingt, ont présidé au début de l'explosion de l'endettement, le moment où les courbes ont parti d'une façon très accentuée d'endettement, bien, ces deux ministres des Finances là ont été récompensés en étant élus premiers ministres, chacun à leur endroit, à Québec comme à Ottawa, puis il y en a encore un qu'on a l'honneur de garder aujourd'hui. Donc, les jeunes ont peut-être raison de s'inquiéter qu'on ait couronné comme ça ceux qui ont présidé au démarrage du grand moteur de l'endettement.

L'ADQ l'a rappelé durant la campagne électorale, je crois qu'on a été les seuls à le faire avec détermination, ce problème de l'endettement qui existe au Québec, puis des jeunes, tout au long de la campagne, nous l'ont demandé, de rappeler au gouvernement l'importance de penser à long terme, de rappeler à tout le Parlement qu'on prend des décisions, on vote des lois, on discute des budgets qui doivent évidemment être regardés et lus dans l'échéancier de l'année en cours, mais qui doivent aussi être regardés dans une perspective à plus long terme, d'une décennie, d'une couple de décennies, savoir ce que ça signifie comme réalité pour les générations qui viennent.

Il y a des jeunes qui nous l'ont demandé, mais il y a aussi des parents, des grands-parents qui ont compris la nécessité de rétablir l'équilibre entre les générations et qui sont venus nous dire durant la campagne électorale: Continuez à parler de la dette, parce que vous aidez nos jeunes, nos enfants et nos petits-enfants à nous aider plus tard. Parce que ces gens-là ont compris que, si une génération plus nombreuse transfère une dette aussi considérable à une génération moins nombreuse, ça va venir serré à un certain moment.

Puis, en termes de soutien des institutions, des services, des transferts auxquels ces personnes-là qui seront des personnes de plus en plus âgées, cette génération-là qui sont des personnes de plus en plus âgées, sont en droit de s'attendre, bien, que si les contributeurs, en plus d'être déjà pris avec un déséquilibre en termes de pyramide des âges, sont laissés à eux-mêmes avec le paiement des dettes du passé, bien, le système va être mis sous très, très, très haute tension, et ce n'est pas ce qu'on souhaite. On souhaite bâtir des ponts entre les générations, on souhaite préparer l'avenir, on souhaite éviter de se placer dans une position de faiblesse comme ça au Québec.

Alors, d'où cet appel à la responsabilité. C'est un premier budget pour le gouvernement. On va prendre ça comme un oubli de s'occuper de la dette. Mais il n'en demeure pas moins que, pour ce manque de vision à long terme, ce manque de considération pour la justice entre les générations, cette brisure entre le discours inaugural où le premier ministre nous disait: «Ce sera le mandat de la jeunesse» et un budget qui parle relativement peu de la jeunesse mais qui ne prévoit rien au chapitre du remboursement de la dette, je me vois forcé, M. le Président, de présenter la motion de censure suivante et de la soumettre à la considération de l'Assemblée:


Motion de censure

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement du Parti québécois pour avoir encore une fois laissé tomber la nouvelle génération en ne prévoyant pas dans son budget 1999-2000 un plan de remboursement de la dette.» Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, la motion est déposée. Je vous remercie, M. le député de Rivière-du-Loup. Maintenant, je suis prêt à céder la parole à un prochain intervenant. Alors, M. le député de Charlevoix. M. le député de Charlevoix est président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. Je vous cède la parole.


M. Rosaire Bertrand

M. Bertrand (Charlevoix): Merci, M. le Président. M. le Président, permettez-moi d'abord, au début de cette nouvelle session, immédiatement après l'élection, de remercier les gens, les électrices et les électeurs de Charlevoix de m'avoir confié à nouveau le mandat de les représenter. Et je vous dis tout de suite, M. le Président, que c'est avec beaucoup de fierté et beaucoup d'honneur que je représente cette population de Charlevoix ici même, au Parlement, où se prennent les décisions.

Je me mets aujourd'hui à la place de la population qui nous écoute, qui vient d'entendre un jeune député, le député de Rivière-du-Loup, parler durant 20 minutes. Je comprends que le rôle de l'opposition, c'est un rôle parfois très difficile, c'est un rôle de critique surtout, mais on apprécie quand même qu'on fasse beaucoup d'efforts pour apporter des solutions. Et c'est beau, parler de payer la dette, parler de diminuer les impôts, parler de mesures sociales, mais, quand même, faut-il suggérer quelque chose, faut-il donner des idées précises, faut-il soumettre des propositions, et je n'en ai pas entendu.

M. le Président, nous avons assisté hier aux funérailles du Dr Camille Laurin, un ancien collègue en cette Chambre. Permettez-moi, au nom de la population de Charlevoix, parce qu'on sait que le Dr Laurin avait une résidence secondaire dans Charlevoix, qu'il aimait y venir très, très souvent, alors, au nom de toute la population de Charlevoix, permettez-moi de souhaiter nos plus sincères condoléances à Francine, son épouse, et à ses enfants, et à toute la famille.

(11 h 10)

M. le Président, j'ai entendu aussi tout à l'heure une autre affirmation, dans le premier débat de la séance, sur la pauvreté et sur le fait qu'on a de la misère comme gouvernement à faire des choses. Mais, pas plus tard que ce matin, il y a un article dans Le Devoir qui dit ceci: « Pour le bien de qui? Depuis 10 ans, le pourcentage de chômeurs qui ont droit à des prestations d'assurance-chômage n'a fait que chuter. La dernière réforme a contribué à cette diminution et durement frappé les jeunes et les femmes. Le ministre du Développement des ressources humaines, Pierre Pettigrew, qui tarde à publier une étude qui chiffrerait le phénomène, persiste à dire qu'il n'y a pas de discrimination. Ottawa, affirme-t-il, a agi pour leur bien.»

Alors, j'aimerais ça, quand même, que nos gens, nos amis d'en face, nos collègues d'en face se rappellent parfois que la pauvreté au Québec, les difficultés qu'on vit dans le moment viennent beaucoup aussi de ce cher gouvernement qu'ils aiment bien défendre, le gouvernement fédéral.

Depuis le dépôt du budget, M. le Président, j'ai porté une attention toute particulière aux réactions autour de moi, surtout celles des gens de Charlevoix, qui m'ont parlé et qui m'ont beaucoup parlé du budget. J'ai relu très attentivement ce qu'on a pu écrire sur ce budget et j'y ai réfléchi. Après le dépôt du budget, après ce temps d'écoute et de réflexion et à titre de député de Charlevoix, je veux présenter ici ma réaction, ma propre lecture du budget du gouvernement du Québec, ce budget déposé mardi dernier par le ministre des Finances, M. Landry, ici même, à l'Assemblée nationale.

Le premier commentaire, M. le Président, le premier mot qui me soit venu à l'esprit suite à cette réflexion, c'est le mot «cohérence». Les gens qui m'ont parlé du budget, les gens de Charlevoix, ceux que j'ai côtoyés, et ils sont de diverses provenances, me disent que le ministre Landry et que notre gouvernement ont été cohérents. On a parlé beaucoup de cohérence. Ils ont tenu, le gouvernement et les ministres, un discours en campagne électorale. Ils ont mis en débat leur analyse de la situation concernant nos finances publiques. Ils ont présenté leurs orientations et leurs choix. Toutes ces personnes sont fières que le ministre des Finances du Québec soit à la fois cohérent et réaliste.

Ils sont surpris du fait que l'on ait atteint si vite le déficit zéro. Ils sont surpris du surplus réalisé, mais, surtout, je sens à travers leurs propos comme une sorte de fierté, fierté, M. le Président, de ce que nous avons fait comme gouvernement pour redresser les finances publiques du Québec. Et rappelons-nous la situation dans laquelle on avait pris le pouvoir en 1994.

Les gens de Charlevoix, M. le Président, sont également fiers d'avoir réélu un gouvernement qui soit enfin cohérent et réaliste, et je dois dire que je les comprends. Gouverner nécessite que l'on doive prendre ses responsabilités. Gouverner, c'est expliquer, c'est agir et c'est prévoir; ce n'est pas seulement parler, ce n'est pas seulement critiquer. Les gens de Charlevoix sont fiers de voir ce que l'on a fait, qu'on n'a pas fait ces efforts-là pour rien.

À partir de maintenant, on peut, comme société, comme peuple, passer enfin à autre chose. Enfin, M. le Président, nous pouvons avancer sans avoir peur que tout s'écroule. Les gens de Charlevoix veulent que l'on continue à gérer avec prudence. Une personne m'a même dit à l'oreille: Continuez, mais n'allez surtout pas nous remettre dans le trou comme l'ont fait les libéraux. J'avais le goût de dire à cette personne et à bien d'autres personnes: Continuez à nous élire et vous pouvez être sûrs qu'on ne remettra pas le Québec dans le trou – excusez l'expression, M. le Président. Ce commentaire veut tout dire. C'est une invitation à la prudence.

Les gens de Charlevoix voient bien que collectivement nous n'avons pas fait tous ces efforts pour rien. Cependant, du même souffle, ils nous disent ceci, et ils ont raison: On ne doit pas dépenser sans réfléchir, sans se remettre dans le trouble. Santé, éducation, création de dizaines de milliers de nouveaux emplois pour nos jeunes, voilà des priorités qui sont partagées par la population et pour lesquelles nous sentons bien un appui réel.

M. le Président, lorsqu'on circule dans nos comtés, qu'on rencontre les gens, qu'ils soient ou qu'elles soient enseignants, enseignantes, infirmières, assistés sociaux ou directeurs d'entreprises touristiques, chacun d'eux nous présente une lecture personnelle du budget. Ici, je voudrais remercier et souligner de façon particulière la collaboration, la loyauté, la générosité avec laquelle le milieu de la santé, particulièrement les infirmiers, les infirmières, les personnes de soutien, a travaillé durant ces dernières années. Je voudrais leur dire jusqu'à quel point nous savons les mérites que ces personnes ont.

Mais, lorsque l'on échange plus profondément, lorsqu'on discute des choix du gouvernement, on sent bien que tous apprécient la justesse du travail du ministre des Finances du Québec. Je souscris pleinement à la lecture sociale et économique du ministre des Finances, et ses choix sont pleinement justifiés. Au terme d'une récente campagne électorale, prenant en compte le discours tenu par notre gouvernement et celui que nous avons tenu nous-mêmes sur le terrain, je ne vois aucune ambiguïté, aucun paradoxe, aucun faux-fuyant. Je constate que nous avons tenu parole et je suis fier du chemin que nous avons parcouru en toute solidarité. Des mesures particulières me réjouissent pour l'avenir de mon comté et pour la prise en main par le milieu de son développement. Qu'on pense à l'argent investi dans les CLD, le nouvel argent, plus particulièrement les CLD dans les milieux économiques plus difficiles. Qu'on pense à l'effort de 3 000 000 $ par année pour encourager la récupération et le recyclage dans des comtés comme les nôtres, des comtés en milieux ruraux, c'est extrêmement important. Qu'on pense aux 15 000 000 $ additionnels pour les parcs québécois; je m'en réjouis de façon particulière. On commence bientôt les démarches pour qu'il y ait un nouveau parc dans Charlevoix, le parc des Hautes-Gorges, dont le ministre annoncera bientôt les audiences. Donc, c'est extrêmement important.

Ce qui est annoncé en supplément pour le réseau routier, M. le Président... Et, ici, je ne veux pas insister et rappeler les drames routiers qui sont survenus dans Charlevoix. Nos routes, dans presque toutes les régions du Québec, ont besoin d'être adaptées et sécurisées pour la réalité routière de l'an 2000. Pour un comté qui souhaite bâtir une économie touristique à haute valeur ajoutée pour l'an 2000, un comté qui veut être à la fine pointe du tourisme international, au Québec, avec des projets tels que nous avons avec le manoir Richelieu, avec la collaboration du Canadien Pacifique, les travaux massifs, Mont Sainte-Anne, le développement touristique de la région de Québec, enfin, tout ça, cet argent-là est extrêmement important. Plusieurs autres mesures me sourient et vont trouver preneurs dans toutes nos régions. Et je vous assure que, comme députés, nous allons tout mettre en oeuvre pour que les gens de nos milieux utilisent ces outils et les leviers contenus pour les entreprises et les PME. Un budget, c'est ni plus ni moins qu'un outil. C'est à nous, gens du terrain, de faire en sorte que l'argent soit disponible et aide à faire avancer le développement.

En conclusion, M. le Président, le budget de notre gouvernement est réaliste et positif. Ce budget est le résultat d'une longue marche solidaire. Nous avons repris en main le contrôle de nos finances. Nous l'avons fait en respectant et en associant la société québécoise tout entière à notre démarche. Faire le choix de la rigueur et de la prudence dans la gestion des finances publiques, c'est faire le choix pour l'ensemble des familles du Québec, c'est prendre parti pour les jeunes qui nous suivent et qui n'ont pas à payer pour les dépenses folles et inconsidérées que nos prédécesseurs ont eu le culot de réaliser.

Je suis fier d'être de l'équipe gouvernementale qui a redonné au Québec sa capacité d'agir sans s'endetter. Je suis fier d'avoir sonné la fin de la récréation libérale, parce qu'enfin le Québec peut se parler solidairement d'avenir. Les gens de Charlevoix me l'ont dit lors de la dernière élection: Ne lâchez pas notre butin. Reprenons en main et bâtissons un Charlevoix, un Québec où nos jeunes pourront espérer vivre et travailler. Le budget de notre ministre des Finances, M. Landry, dit haut et fort aux gens de tout le Québec qui nous ont fait confiance que ce gouvernement-là est cohérent, réaliste et veut un avenir meilleur pour le Québec. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

(11 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Charlevoix. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Richmond. M. le député.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Je vous remercie, M. le Président. Même si c'est la deuxième occasion où je m'adresse à cette Assemblée depuis la reprise de nos travaux, c'est la première qui me permet de saluer de façon particulière les électeurs et électrices du comté de Richmond, qui pour la sixième fois ont accordé leur support et leur confiance à celui qui vous parle. Alors, c'est vous dire que j'espère être à la hauteur de ces ambitions de mes électeurs et électrices qui au fil des ans me renouvellent leur appui, afin de les représenter en cette Assemblée. Une façon de le faire, c'est, à chaque fois que l'occasion nous le permet, de s'inscrire à l'intérieur de certains débats qui, ici même, en un instant donné, ne modifient pas les us et coutumes des gens qu'on représente mais qui, à plus ou moins long terme, risquent de le faire. C'est le cas du discours sur le budget. C'est aussi le cas du discours inaugural. Et, cette année, contrairement à ce qu'on vit d'habitude en cette Chambre, le discours sur le budget a été précédé du discours inaugural, qui fait part des intentions du gouvernement, des orientations, du plan d'action pour environ la longueur du mandat du gouvernement. Il est suivi du discours sur le budget et il sera suivi d'un autre exercice, celui des crédits, qui viendra confirmer les sommes réelles, les dépenses réelles que le gouvernement compte faire pour réaliser ses objectifs.

M. le Président, vous me permettrez, à l'intérieur de ce qui nous concerne aujourd'hui, le budget, de vous faire part un peu de ma surprise par rapport à ce dont le ministre des Finances nous a entretenus pendant de longues minutes en ce qui concerne le secteur de la santé. J'écoutais plusieurs de mes collègues qui m'ont précédé. Beaucoup seraient portés à dire: On devrait remercier le ministre des Finances pour ses annonces dans le secteur de la santé. Moi, ce matin, je suis venu vous dire, au nom des électeurs que je représente, que je n'ai pas de félicitations ni de remerciements à faire à ce gouvernement, dans le secteur de la santé. Le ministre ne fait que réparer et que très partiellement réparer ce qu'il a lui-même brisé. Ce gouvernement qui est allé trop loin trop vite. Tout le monde le dit, tout le monde en convient. Et, à venir jusqu'à tout récemment, le gouvernement refusait d'admettre que des torts inestimables avaient été faits à notre réseau de la santé.

M. le Président, j'en prends, à titre d'exemple, des fermetures qui ont eu lieu dans mon comté, comme au Foyer Sainte-Anne de Danville, où on ne trouvait pas les quelques dollars requis pour maintenir ouvert un établissement comme celui-là, alors qu'on est dans une MRC, celle d'Asbestos, qui compte le plus haut taux de personnes âgées pour la population qu'elle a, à l'intérieur de l'Estrie, se situant à 18,9 % de personnes âgées, sur le territoire de la MRC d'Asbestos. J'en prends également comme exemple, M. le Président, la pénurie de médecins et d'infirmières à laquelle on assiste sur l'ensemble du territoire québécois, alors que ce même gouvernement a mis à la retraite, on le sait, à coup de millions de dollars, infirmières et médecins, qui se font rares aujourd'hui. Et que dire également de l'insuffisance des soins qui sont donnés à domicile pour les gens qui sortent de l'hôpital, ou les personnes âgées. On pourrait continuer dans ce sens-là. Et c'est pour ça qu'à mon avis on est loin du discours vantard que nous a fourni le ministre des Finances, puisque la situation que je viens de vous décrire a été très largement, pour ne pas dire exclusivement, créée par le même gouvernement.

D'ailleurs, M. le Président, quand le ministre nous annonce l'injection de 1 700 000 000 $ dans le système de la santé, les gens doivent être conscients qu'après avoir payé le déficit de 1 100 000 000 $ des établissements de santé, encore une fois, déficit créé par ce gouvernement dans les établissements de santé – il va injecter 1 100 000 000 $ – et puis, quand on compte environ 400 000 000 $ pour les coûts de système du même système de santé, un 150 000 000 $ pour les salaires, la question qu'il faut se poser, c'est: Qu'est-ce qui reste, en réalité, pour améliorer les services à la population? Mais, nous, on est encore en attente de la réponse. Et si le ministre des Finances s'attendait à ce que nous applaudissions, de ce côté-ci, les annonces qu'il a faites dans le secteur de la santé, je lui dis non. Et à peine, à peine peut-on dire que le ministre a réussi à sauver de justesse le naufrage de notre système de santé, au Québec.

J'ai eu l'occasion, M. le Président, à maintes reprises en cette Chambre également au cours des quatre dernières années, de mentionner jusqu'à quel point ce gouvernement pratiquait l'obsession de sa cause, obsession d'une cause qu'on a retrouvée, encore une fois, autant dans le discours inaugural que dans le discours du budget, et ça, je veux prendre quelques minutes pour le mentionner. Le discours sur le budget qui a été déposé par le ministre des Finances s'inscrit, mais alors comme très bien, dans le prolongement du discours inaugural, qui est de tout mettre en oeuvre pour créer des conditions gagnantes pour le prochain référendum. Est-ce qu'il faut lire dans cet énoncé que, par exemple, l'argent de l'État, donc l'argent des contribuables, pourrait être mis au service de la cause défendue par ce gouvernement? Est-ce que l'appareil gouvernemental pourrait être mis au service de la cause défendue par ce gouvernement, qu'on retrouve à l'article 1 du programme du Parti québécois, soit l'indépendance du Québec?

Je veux, M. le Président, citer ce que le premier ministre nous a indiqué dans son discours inaugural et qui s'intègre bien avec ce que l'on a entendu du ministre des Finances, je le cite, il nous dit: «Cependant, il est indubitable que la réunion des conditions d'un référendum gagnant sur la souveraineté fait partie du mandat que nous avons sollicité et obtenu. L'enjeu politique de l'élection était clair pour tout le monde.» Je termine ici la citation. C'est un des points majeurs, M. le Président, qu'on retrouve dans le discours inaugural, qui correspond, disons-le, à des orientations, à des intentions du gouvernement au cours du présent mandat.

Il est à mon avis vraiment malheureux de voir de pareilles affirmations en cette Chambre. Puis il faudrait avoir un certain culot pour l'avancer alors que, quand on considère le résultat de l'élection, où le Parti libéral du Québec a obtenu la pluralité des voix avec 43,5 %, le Parti québécois avec un peu moins de 43 %, 42,8 %, et, si on ajoute à ça l'ensemble des votes qui se sont prononcés contre le premier ministre et son gouvernement, on retient que c'est 56 % des gens qui ont dit non à cette proposition du gouvernement.

Et pourtant, on la voit apparaître autant dans le discours du budget que dans le discours inaugural. Et pourtant, c'est ce même gouvernement qui, après s'être fait dire non dans cette campagne, non à deux reprises à des référendums, vient à nouveau littéralement nous casser les oreilles avec une cause que la population du Québec se refuse d'épouser.

C'est, M. le Président, à n'en pas douter, du détournement pur et simple par l'État des intentions exprimées par les Québécois et Québécoises lors de l'élection générale tenue au Québec.

J'aurais aimé que le discours du budget fasse écho à un autre aveu du premier ministre, à l'effet que l'incertitude politique crée un tort immense au Québec. Cet aveu du premier ministre, c'est comme s'il disait aux Québécois et aux Québécoises: Bien, là, il est temps de vous brancher. Le premier ministre semble tanné de se faire dire non. Les Québécois et Québécoises, eux autres, M. le Président, sont tannés de se voir ramenés continuellement dans un processus de référendum sans leur autorisation, dans un processus continuel, pour ne pas dire éternel, avec ce gouvernement, de référendums à répétition.

Alors, comment, M. le Président, ne pas, de ce côté-ci, soulever le fait qu'autant dans le discours inaugural que dans plusieurs éléments qu'on retrouve dans le discours du budget il soit clairement fait allusion à ces intentions du gouvernement de créer des conditions gagnantes, à même probablement les fonds publics, pour permettre de se donner le maximum de chances de gagner ce prochain référendum?

Par surcroît, pour un premier ministre qui nous indique que l'incertitude est cause de problèmes pour le Québec, comment comprendre que c'est le même premier ministre et ce même gouvernement et ce même ministre des Finances qui viennent à tour de rôle nous remettre sur les rails de créer des conditions gagnantes? Pourquoi, M. le Président? Pour générer de l'emploi, pour faire en sorte que l'économie soit davantage performante? Non. Ce n'est pas ça qu'on entend; ce qu'on entend, c'est pour tenir un référendum et donc pour créer des conditions qui vont permettre au gouvernement de tenter de gagner ce référendum.

Je suis, M. le Président, par ailleurs d'accord avec le premier ministre quand il parle des conséquences négatives de l'incertitude créée par l'option que véhicule son gouvernement et aussi par les dommages – mais, ça, le premier ministre n'y fait pas allusion, ni le ministre des Finances – qui sont causés à l'économie québécoise par ce gouvernement comme suites à l'indépendance, qui est le leitmotiv, qui est véritablement l'enjeu principal et puis, je dirais, véritablement l'obsession de ce gouvernement.

(11 h 30)

J'ai sorti quelques données au niveau de l'emploi qui permettent d'attirer l'attention sur la très faible performance du gouvernement, qui probablement est due en très bonne partie à l'option qu'il véhicule. En 1996, par exemple, on a assisté au Québec à la création de 8 500 emplois, par rapport à 171 000 emplois dans le reste du Canada. Pour les quatre dernières années du mandat du Parti québécois, le Québec est au huitième rang en termes de création d'emplois, derrière Terre-Neuve, il faut le faire, M. le Président! 15 % des emplois seulement sur 24 % de la population. Alors, quand on lit des données comme celles-là, qui sont vérifiables, c'est bien clair qu'on partage le point de vue du premier ministre quand il dit: L'incertitude, ça cause des problèmes au Québec.

Alors, M. le Président, qu'est-ce qui pourrait être fait par le premier ministre et son ministre des Finances pour au moins stimuler quelque peu l'économie? Nous, on s'attendait que, dans le discours du budget, il y ait une réduction des impôts, mais ce qu'on nous annonce, c'est que dans 16 mois environ il y aura peut-être 200 000 000 $ de réduction d'impôts. M. le Président, quand on était ici, en cette Chambre, pour ceux qui y étaient – ceux qui parlent présentement, probablement qu'ils n'étaient pas ici la dernière fois – quand on a assisté, d'un seul trait, dans une seule phrase du ministre des Finances, dans le dernier budget – pas celui qui vient d'être déposé mais celui qui a précédé – on augmentait la taxe de vente de 1 % au Québec; donc, 500 000 000 $ qu'il est allé chercher dans les poches des contribuables québécois. Aujourd'hui, il nous annonce à tout renfort de publicité, M. le Président, qu'il va réduire les impôts de 200 000 000 $, ce qui correspond à peu près à 40 $ par famille au Québec, lui qui a été l'instigateur d'augmentations de taxes et d'impôts au Québec sans précédent sous le gouvernement et qui a contribué très largement à faire du Québec le champion toutes catégories au niveau des impôts, pas au Canada, pas aux États-Unis, dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. Et là on nous annonce un 200 000 000 $; probablement qu'il va se transformer en 400 000 000 $ ou 500 000 000 $ l'an prochain, c'est l'habitude qu'a créée ce ministre des Finances de sous-estimer les revenus du gouvernement du Québec.

Alors, M. le Président, comment, de ce côté-ci, on pourrait faire pour ne pas discuter, à l'intérieur du discours du budget, de cette piètre performance du gouvernement qui, au cours du dernier mandat, aura très certainement réussi une chose, c'est d'appauvrir l'ensemble du Québec? Et ça, ça peut être vérifié par l'ensemble des collègues qui sont de l'autre côté de la Chambre puisque, au cours des trois dernières années, avec une diminution de 1,2 % du revenu après impôts des Québécois et des Québécoises, on a assisté, dans le reste du Canada, à une augmentation de ce même revenu de 3 % après les impôts payés.

Alors, en d'autres mots – et ça, le contribuable comprend ça, M. le Président – ce qui reste dans nos poches une fois que nos impôts sont payés, bien, ce n'est pas compliqué, dans le reste du Canada, au cours des trois dernières années, c'est 3 % de plus. Au Québec, c'est 1,2 % de moins, ce qui crée un écart, au départ, de plus de 4 %, M. le Président. Et, pour le plus grand malheur des Québécois et Québécoises, le ministre des Finances aura décidé de ne pas corriger cet écart qu'il a lui-même créé.

M. le Président, le temps file rapidement, vous me permettrez également de soutenir qu'au cours de ce discours du budget il n'y avait rien là-dedans sur l'agriculture, un dossier dont j'aurai l'occasion de parler au cours des prochains mois avec, comme interlocuteur particulier, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. On s'est contenté de dire qu'on allait créer 15 000 emplois d'ici 2005. Bien, ça, sauf erreur, il n'y a pas plus réchauffé que ça. C'est un objectif dont tout le monde du secteur bioalimentaire a convenu l'année dernière, lors d'un grand sommet qui a été tenu avec l'ensemble des décideurs. Et, M. le Président, force nous est de constater qu'encore une fois le gouvernement manque, dans le secteur agricole, d'inspiration. Et on pourra vérifier, à l'intérieur des crédits qui seront déposés comme étape additionnelle à nos travaux au cours de la présente session, si on va pouvoir joindre le discours avec les gestes. Est-ce que les crédits du ministère, qui ont été réduits de plus de 20 % au cours du dernier mandat de ce gouvernement, connaîtront une augmentation suffisante pour combler cet écart? Et comment ces crédits nouveaux – s'il y en a, parce que le ministre nous parle de 38 000 000 $ d'ajout – vont se faire ressentir à l'intérieur de programmes qui vont viser directement non pas l'appareil gouvernemental, je l'espère, mais les services aux producteurs et aux productrices agricoles du Québec? Alors, c'est des choses, M. le Président, qu'on aura l'occasion de débattre au cours des prochains jours et des prochaines semaines.

Mais, M. le Président, somme toute, ce que je voulais vous dire, c'est qu'à l'intérieur de ce discours du budget on est toujours dans la même veine, dans le même vieux rigodon de ce gouvernement au cours des dernières années. Le ministre des Finances n'a pu, évidemment, s'empêcher de s'inscrire dans la foulée des propos du premier ministre dans le discours inaugural, et je veux le citer. Il nous dit: «À voir ce que nous avons réalisé, confinés dans le statut réducteur de province, il est facile d'imaginer ce que nous ferions de notre pleine liberté nationale.» Fin de la citation, M. le Président. Et il s'en est fallu de peu pour qu'il ajoute que nous sommes un peuple opprimé – M. le Président, un petit peu plus puis il le disait – une attitude défaitiste et pessimiste qu'on ne peut pas partager de ce côté-ci de la Chambre.

Pareils propos sont, à n'en pas douter, le témoignage, ils confirment, M. le Président, le genre de travail que fait ce gouvernement avec ceux et celles qui devraient être considérés comme des partenaires et non comme des oppresseurs. Plutôt que d'exercer un leadership de démolition de la solidarité canadienne, le gouvernement péquiste, s'il exerçait un leadership pour l'amélioration de l'union canadienne, nous pourrions nous comparer avec beaucoup plus d'avantages, de façon beaucoup plus avantageuse, avec les autres provinces, entre autres au niveau du fardeau fiscal, au niveau des impôts et au niveau de la création d'emplois.

À refuser, comme il s'entête à le faire, de jouer pleinement son rôle avec ses partenaires du reste du pays, ce gouvernement, le ministre des Finances en tête, manque une belle occasion de travailler à la construction d'un État québécois et, pourquoi pas, d'un État canadien davantage performant pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

Et, M. le Président, c'est ça, l'objectif, dans le fond, qu'on poursuit tous comme parlementaires, et il est dommage de voir qu'autant d'énergie, autant d'argent, autant de temps soient consacrés à faire en sorte que ce gouvernement tente par tous les moyens de créer des conditions qui vont le conduire à la tenue d'un autre référendum qu'il souhaite gagner.

M. le Président, permettez-nous de vous dire aujourd'hui que nous partageons la volonté de faire en sorte que les Québécois et les Québécoises trouvent un niveau de vie le plus acceptable possible, le meilleur possible, puissent avantageusement se comparer avec le reste des autres États. Mais permettez-nous également de vous dire que nous différons, comme beaucoup et très largement, des outils, des moyens que veut se donner ce gouvernement pour l'atteinte de ses objectifs. Entre autres, nous ne croyons pas qu'il soit de bon aloi de bouder le reste du Canada, et j'invite autant le ministre des Finances que les autres de ses collègues du Conseil des ministres à mettre leur énergie, là, pourquoi pas leur talent également, leurs compétences, au service de l'amélioration de l'ensemble du fonctionnement de ce pays, ce qui permettra, j'en suis persuadé, aux Québécois et aux Québécoises de vivre avec un peu plus de satisfaction au cours du présent mandat de ce gouvernement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Richmond. Je vais céder la parole maintenant à Mme la députée de Rimouski. Mme la députée.


Mme Solange Charest

Mme Charest: Merci, M. le Président. Le 9 mars dernier, le ministre des Finances, M. Bernard Landry, déposait son budget pour l'année financière 1999-2000. Qu'est-ce qu'il faut retenir de ce budget? Eh bien, je vous dirais qu'il y a, selon moi, cinq éléments qu'il m'apparaît essentiel de souligner.

Premièrement, il faut se rappeler l'élimination du déficit. Enfin, nous avons atteint le déficit zéro. C'est un an plus tôt que prévu, et je vous dirais que c'est grâce et strictement grâce aux efforts des Québécoises et des Québécois qui ont porté fruit.

Dans un deuxième temps, je dirais qu'un autre élément qu'il faut retenir, c'est que nous réinvestissons massivement dans le domaine de la santé et de l'éducation, et ce, grâce aux surplus budgétaires. Dans la réduction des impôts sur les particuliers, nous allons le faire à partir de juillet 1999. C'est un autre élément qu'il faut retenir.

Et, quatrièmement, l'investissement qui est prévu pour la création d'emplois, le développement local et régional ainsi qu'à la culture m'apparaissent des éléments qu'il faut absolument souligner.

Et, en dernier, je vous parlerai de la bonification des crédits d'impôt pour les particuliers dont les familles pourront bénéficier.

C'est sûr que le budget pour l'année financière 1998-1999 comporte une multitude d'autres mesures, mais, puisque le temps dont je dispose aujourd'hui est quand même limité, je vais m'attarder, M. le Président, à ces principaux éléments.

Je pense qu'il y a dans ce budget une excellente nouvelle pour toutes et pour tous. Le budget annonce l'élimination du déficit un an plus tôt que prévu. C'est une première dans l'histoire du Québec, et ce, en 40 ans. M. le Président, j'ai 48 ans et je n'avais jamais connu de gouvernement qui présentait un budget équilibré. Enfin, ce qu'il faut dire, c'est qu'il faut remonter au temps de Maurice Duplessis – et, moi, je ne peux pas dire que j'ai connu Maurice Duplessis – pour voir un gouvernement du Québec présenter un budget équilibré, sans déficit. Quarante ans! Nous devons tous ensemble être très fiers de ce que nous avons réalisé, avec toute l'énergie que nous y avons consacrée. C'est grâce à la solidarité exemplaire de toute la population du Québec. C'est la population du Québec qui a fait preuve, je dirais, de solidarité, de cohérence et qui a permis que cet exercice soit possible. Sans cet appui, sans ce support, le gouvernement du Québec, le gouvernement du Parti québécois n'aurait pas pu y parvenir tout seul. On ne fait rien sans les autres; c'en est une preuve. Rappelons-nous d'où nous partions, en 1994.

(11 h 40)

Des voix: ...

Mme Charest: Hein! Vous vous souvenez, quand nous sommes arrivés au pouvoir, en 1994. Les libéraux quittaient le pouvoir puis ils laissaient derrière eux un déficit record de l'ordre de 6 000 000 000 $, et ce, en hypothéquant les générations à venir. 6 000 000 000 $, un vrai fiasco! C'était inqualifiable, comme fiasco. Et on n'avait pas d'autre choix que de devoir agir rapidement. C'est ce qu'on a fait, d'ailleurs.

En 1996, on s'est donné un échéancier, lors du Sommet de Montréal, pour absorber ce déficit, l'éliminer complètement. On a même adopté, M. le Président, une loi antidéficit pour qu'à l'avenir, peu importe la couleur du gouvernement, il n'y ait aucun gouvernement qui puisse faire des déficits. Dans le fond, cette loi, je devrais la nommer une «loi antigaffe budgétaire libérale»...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Charest: ...pour éviter que ça se répète dans le futur.

Des voix: Bravo!

Mme Charest: Et cet échéancier que l'on s'était donné en 1996 prévoyait l'atteinte du déficit strictement à compter de l'an prochain. Mais, déjà, l'année dernière, nous avions fini d'emprunter pour payer l'épicerie. Alors, cette année, contrairement aux prévisions, avec toute la fierté dont nous pouvons faire preuve, nous pouvons annoncer que le déficit est maintenant à zéro.

Mais, avant d'aller plus loin, résumons la situation financière du gouvernement. Et là je vais vous lire un petit bout, parce que je ne suis pas passée maître dans la mémorisation des chiffres. Alors, ce qu'il faut se rappeler, M. le Président, c'est que la bonne performance de notre économie a permis des entrées fiscales de 1 164 000 000 $, en 1998-1999, et nous prévoyons des entrées fiscales de 651 000 000 $, en 1999-2000. Les transferts fédéraux ont été de l'ordre de 1 642 000 000 $, en 1998-1999, et ils seront de l'ordre de 616 000 000 $, en 1999-2000. Enfin, les économies réalisées au titre des dépenses de programmes ont totalisé 58 000 000 $, en 1998-1999, elles devraient se situer à 201 000 000 $, en 1999-2000. Ce qui porte le surplus budgétaire à 3 930 000 000 $ pour l'année financière 1999-2000.

Maintenant, voyons de quelle manière notre gouvernement, le gouvernement du Québec, le gouvernement du Parti québécois a décidé d'utiliser le surplus budgétaire de 3 900 000 000 $. Je vous dirais qu'en premier lieu on a choisi d'éliminer tout de suite le déficit, parce qu'il faut... C'est simple, dans le fond. Pourquoi faire ça? Pourquoi devancer l'échéancier? Bien, comme je vous l'ai dit tantôt, depuis 40 ans, les gouvernements ont emprunté année après année pour financer les dépenses courantes, les programmes, les travaux d'infrastructure, etc.

Et notre dette globale – on ne l'oublie pas, celle-là – elle avoisine maintenant les 100 000 000 000 $. Puis il faut comprendre que, si on cesse d'emprunter, ça veut dire que notre dette, elle ne s'élimine pas, elle demeure là, sauf qu'elle augmente moins, et son poids va commencer à perdre de l'importance par rapport à l'ensemble de la richesse économique que nous produisons. Alors, je pense que, là-dessus, il faut avoir une bonne idée de la situation financière du Québec pour comprendre les choix budgétaires qui ont été faits. On dépense présentement plus de 6 000 000 000 $, annuellement, pour payer les intérêts accumulés sur la dette. C'est donc dire qu'atteindre le déficit zéro dès cette année va nous permettre d'économiser quand même plusieurs sous.

On se retrouve aujourd'hui, au moment où je vous parle, M. le Président, avec un État qui peut maintenant être libre de faire des choix sociaux importants, un État qui dispose maintenant d'une marge de manoeuvre pour pouvoir recommencer à investir dans les services, un État dont les finances publiques sont maintenant en ordre.

Les libéraux nous disent toujours: C'est bien beau d'éliminer le déficit dès cette année, mais vous auriez dû utiliser la marge de manoeuvre, le surplus pour réduire les impôts des contribuables. C'est vrai que nous aurions pu diminuer les impôts cette année, puisque l'on paie plus d'impôts au Québec que partout ailleurs. Cependant, on est aussi beaucoup plus endetté qu'ailleurs.

Nous nous sommes dit: Il faut être logique, il faut demeurer cohérent, et c'est pourquoi... M. le Président, vous le savez, d'ailleurs, c'est comme quand on reçoit un héritage. Si on a des dettes, c'est préférable de payer immédiatement ses dettes plutôt que de dépenser l'argent reçu. Comme le dit un bon vieux dicton populaire que tout le monde connaît: Qui paie ses dettes s'enrichit . Alors, je pense que les libéraux vont comprendre, et j'espère qu'ils vont le comprendre pour l'avenir, qu'ils vont finir par comprendre le sens de ce dicton populaire: Qui paie ses dettes s'enrichit .

Nous avons reçu, le gouvernement du Québec, un montant imprévu de 1 400 000 000 $ du gouvernement fédéral, une somme qui provient du programme de transferts fédéral. Nous avons choisi d'éliminer le déficit et de réinvestir principalement en santé et en éducation. C'est ce que nous avions d'ailleurs dit lors de la campagne électorale, nous avions dit que les surplus éventuels seraient d'abord réinvestis dans ces deux secteurs d'activité. C'est ce qu'on a fait, nous tenons parole, et nous tenons parole comme nous l'avons fait au cours des quatre dernières années, dans le cadre de notre premier mandat.

Et je vous dirais, M. le Président, pour clarifier les choses, j'aimerais revenir sur le montant du 1 400 000 000 $ que le gouvernement du Québec a reçu du fédéral. Certains disent: L'atteinte du déficit zéro cette année, ça a été rendu possible grâce au cadeau d'Ottawa. M. le Président, c'est faux, archifaux. Le déficit zéro aurait été atteint même sans ce montant. Précisons d'abord que cette somme découle du fonctionnement normal du programme de péréquation et qu'elle aurait été versée au Québec avec ou sans budget fédéral.

De toute façon, ce montant est loin de compenser les coupures fédérales, qui dépassent le 4 000 000 000 $ pour la seule année 1998-1999. Et, depuis 1994, juste au niveau des transferts en santé, le Québec a été privé de 7 000 000 000 $; au niveau de l'éducation, c'est de 3 000 000 000 $; et, au niveau de la sécurité du revenu, c'est 1 000 000 000 $; pour un total de 11 000 000 000 $, depuis 1994, en moins dans les goussets du gouvernement du Québec. Alors, quand ils nous parlent de 1 000 000 000 $, ce n'est pas un cadeau, ils nous le devaient et ils nous en doivent encore plus. Je ne ferai pas l'énumération ici, M. le Président, de tous les argents que le fédéral doit au gouvernement du Québec, nous y reviendrons dans un autre moment.

Dans son dernier budget, d'ailleurs, le gouvernement fédéral annonçait qu'il dépensera 11 500 000 000 $, sur cinq ans, en santé. C'est l'Ontario, comme par hasard, qui va recevoir la grosse part de ce gâteau, soit 42,6 %. Il obtiendra 5 400 000 000 $, et le Québec, lui, il va devoir se contenter de 950 000 000 $. C'est seulement 8,3 % de ce montant. Cette situation reflète, je pense, une tendance qui devient de plus en plus lourde. Compte tenu de notre poids démographique, c'est-à-dire qu'on représente l'équivalent de 24 % de l'ensemble de la population canadienne, nous ne recevons pas notre juste part des dépenses fédérales créatrices d'emplois. Nous ne recevons que 19,7 % des dépenses fédérales en biens et services, nous ne recevons que 18 % des subventions aux entreprises, que 18,5 % des dépenses en immobilisations et investissements structurants et seulement 14 % en recherche et développement.

(11 h 50)

Ceci étant dit, nous allons réinvestir les surplus budgétaires de la façon suivante. Une somme de 1 700 000 000 $ sera injectée en santé et en services sociaux; 1 000 000 000 $ va être utilisé pour la consolidation du réseau; 700 000 000 $ pour éliminer la dette accumulée par les différents établissements; et 300 000 000 $ vont permettre de stabiliser les dépenses et de nous assurer que les déficits seront bel et bien résorbés. Ils permettront également de consolider les services, d'ouvrir de nouvelles places en hébergement et en soins de longue durée afin de désengorger, entre autres, les urgences. 747 000 000 $ seront investis sur deux ans pour améliorer les services en santé: 155 000 000 $ en 1998-1999 et 592 000 000 $ en 1999-2000. À compter de l'année financière 1999-2000, 15 000 000 $ seront utilisés pour accroître les efforts pour lutter contre la toxicomanie, l'alcoolisme et toutes autres détresses qui affligent beaucoup de citoyens et de citoyennes, surtout chez les jeunes.

Nous allons également injecter 600 000 000 $, sur deux ans, en éducation et pour la jeunesse. Dès 1998-1999, 170 000 000 $ sont utilisés pour améliorer la situation financière des universités. Cette somme va permettre d'éliminer une partie des dettes accumulées au cours des dernières années en raison, notamment, du programme des départs assistés. Le versement de l'aide sera cependant lié à la présentation d'un plan assurant le retour à l'équilibre financier sur une période qui ne devra pas excéder quatre ans. C'est normal, M. le Président, le gouvernement a décidé d'éliminer son déficit, il s'est donné une loi antidéficit, et les organismes qui relèvent du gouvernement ont aussi les mêmes obligations, et qu'on leur demande de diminuer leur déficit et d'avoir un plan de redressement budgétaire fait tout à fait partie de la logique que nous avons su inculquer aux différents ministères et programmes gouvernementaux.

Dès 1998-1999, 30 000 000 $ additionnels seront utilisés également pour l'achat de livres, c'est-à-dire 10 000 000 $ pour doter les bibliothèques scolaires de volumes et 20 400 000 $ pour l'achat de dictionnaires et de grammaires pour les écoles. C'est important, c'est des éléments qui sont réclamés. Le gouvernement a été à l'écoute et il a, dès qu'il a pu, réinvesti dans ce secteur.

Naturellement, il y aura d'autres choses pour consolider la réforme de l'éducation. Il s'agit de 58 000 000 $ qui seront consacrés sur une période de deux ans, et c'est un total de 600 000 000 $ sur deux ans qui vont être réinvestis dans notre système d'éducation. C'est sûr, certains disent que c'est peu. Mais, moi, je leur dirais une chose, M. le Président: il s'agit tout simplement d'un début. Au fur et à mesure que des marges de manoeuvre vont apparaître, nous pourrons faire davantage et nous voulons faire davantage et nous ferons davantage.

J'aimerais mentionner au passage que les frais de scolarité sont gelés à nouveau pour toute la durée du présent mandat. Et, pour la prochaine année financière, notre gouvernement a prévu injecter 383 000 000 $ pour soutenir et consolider la création d'emplois et favoriser le développement régional et local.

M. le Président, vous me faites signe que j'ai outrepassé mon temps. Je vous dirais que, dans ce budget, il s'agit d'un début, c'est sûr, parce que, l'argent ne poussant pas dans les arbres, nous ne pouvons pas promettre d'investir quand on n'a pas les argents. Et je pense que, là-dessus, nous demeurons cohérents et logiques avec l'attitude et les choix que nous avons faits dans le cadre de notre premier mandat.

C'est malheureusement tout le temps dont je disposais. Je vous rappelle quand même en terminant les éléments à retenir pour ce présent budget: l'atteinte du déficit zéro un an plus tôt que prévu et le retour à une situation financière saine, c'est-à-dire sans déficit. Notre gouvernement peut recommencer à injecter de l'argent neuf en santé et en éducation. Il faut se rappeler: 1 700 000 000 $ en santé, 600 000 000 $ en éducation, 383 000 000 $ pour la création d'emplois, et réduction de 400 000 000 $ de l'impôt en juillet de l'an 2000.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Rimouski. Il reste cinq minutes avant l'heure de la suspension. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, si vous permettez, il y aura immédiatement consentement si M. le député de Montmagny désire faire l'entièreté de son intervention.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Montmagny-L'Islet, c'est à vous à décider. Si vous voulez arrêter à midi, nous reprendrons à 14 heures pour la suite de votre intervention et, si vous préférez terminer aujourd'hui, pourvu que ça ne dépasse pas exagérément, peut-être jusqu'à 12 h 5. Vous déciderez vous-même, à midi, si vous préférez reprendre à 14 heures.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Je pense que je vais tenter, dans les quelques minutes qui me sont offertes ici ce midi, qui me sont réservées pour pouvoir passer le message que je souhaitais passer... Il faut se rappeler, avant de commencer, que c'est la première fois que j'ai la chance d'intervenir à l'occasion de cette nouvelle session parlementaire, et j'aimerais remercier les électeurs de Montmagny-L'Islet qui, encore une fois, pour un quatrième mandat, m'ont fait l'honneur et le plaisir de les représenter ici, à l'Assemblée nationale. C'est pour moi un honneur que je vous mentionne, M. le Président, de représenter cette région, région avec laquelle j'ai beaucoup d'affinités personnellement, c'est-à-dire que j'ai beaucoup de plaisir à la représenter parce que c'est une région très dynamique et elle l'a prouvé dans le passé.

Donc, j'aimerais aussi rappeler que le premier ministre, à l'occasion de la campagne électorale de l'automne dernier – le premier ministre, député de Jonquière – avait dit, à l'occasion d'une visite parmi les deux, trois visites qu'il a faites dans les derniers 10 jours de la campagne dans la région de Montmagny, qu'il voulait se payer un trophée, qu'il voulait se payer un trophée de fin de campagne et invitait les électeurs à élire un député de sa formation politique. Bien, je rappelle au premier ministre, député de Jonquière, que le trophée est de ce côté-ci de la Chambre, et ce n'est pas lui qui l'a eu, c'est mon chef, M. Charest, le chef du Parti libéral, et je suis doublement fier. Donc, le premier ministre avait sollicité un trophée et n'a pas pu avoir accès à cette partie tant souhaitée de fin de campagne.

Tout ça pour réagir au discours du budget du ministre des Finances, M. le Président. Comme plusieurs d'entre nous ici, dans cette Chambre, on doit se féliciter de l'atteinte du déficit zéro à l'occasion de ce budget-ci. C'est tout à fait normal, c'est ce que la population souhaitait et, comme je le mentionnais, c'est tout à fait normal qu'on se félicite tous ensemble et qu'on félicite la population, les payeurs de taxes, de l'effort qu'ils ont fait pour y parvenir eux aussi. Mais il y a plusieurs facteurs qui ont amené le ministre des Finances, justement, à pouvoir annoncer à ce budget-ci l'atteinte du déficit zéro.

D'abord, comme je le mentionnais, l'effort qui a été fait par la plupart des citoyens, par les municipalités via les payeurs de taxes sur le plan municipal, d'une part, et aussi les revenus, la situation économique, en 1998, a été meilleure, supérieure à ce qu'avait prévu le ministre des Finances. Donc, ça a été aussi un facteur important qui a permis, je pense, des revenus supérieurs aux 1 000 000 000 $ et quelques centaines de millions prévus. Donc, ça a été un facteur important, comme je le mentionnais, pour l'atteinte du déficit zéro. Donc, bravo!

Mais la population s'attendait aussi à ce que le ministre des Finances ait une réaction tout à fait de reconnaissance envers les citoyens et citoyennes du Québec, une réaction de reconnaissance en leur annonçant d'abord un réinvestissement majeur dans l'amélioration des services de santé. Rappelons-nous, M. le Président, que 1 700 000 000 $, tel qu'annoncé dans le budget, investis dans le domaine de la santé, auront pour effet... une très grande partie va au remboursement de l'endettement des établissements de santé, endettement qui avait été d'abord demandé par le gouvernement via les régies de la santé. Il avait incité les établissements à emprunter pour équilibrer leur budget, pour pouvoir continuer à donner des services de santé réduits dans chacune de nos régions.

(12 heures)

Et, plus précisément, pour la région de Montmagny- L'Islet, ils ont à faire face à un budget probablement de 800 000 000 $ à 1 000 000 000 $ juste pour l'année en cours. Donc, juste rembourser ce déficit-là n'apporte rien aux services de santé à venir pour la région de Montmagny-L'Islet. Je me dois de féliciter et de déplorer d'abord la direction de l'hôpital l'Hôtel-Dieu de Montmagny et les directeurs et les conseils d'administration des deux établissements, CLSC et Centre de soins de longue durée, dans le comté de Montmagny-L'Islet qui, eux autres, je pense, de façon tout à fait logique, ont répondu à la demande des régies de la santé pour réduire, et de beaucoup, les budgets. Et, aujourd'hui, ils se retrouvent pénalisés parce que d'autres régions du Québec ont passé outre à certaines directives qui leur venaient des régies de la santé et ont continué à faire face à des déficits et à générer des déficits exagérés, tandis qu'aujourd'hui on leur annonce qu'ils seront remboursés. Les établissements, comme je viens de vous mentionner, de ma région, donc, seront pénalisés parce qu'ils ont répondu aux directives de la régie de la santé de notre région. Il va falloir établir une certaine équité au niveau de ces régions-là, et c'est inacceptable que, pour avoir voulu jouer franc jeu – l'expression qu'on emploie fréquemment – ils soient pénalisés aujourd'hui. Donc, on va devoir, tous ensemble, comme grande région de Montmagny-L'Islet, se concerter et supporter ces établissements-là dans leurs demandes qu'ils devront faire au niveau de la Régie de la santé de la région Chaudière-Appalaches pour établir un certain équilibre.

Je pourrais traiter de plusieurs autres sujets, M. le Président. Je ne voudrais pas prendre de temps exagéré, mais vous avez aussi dans le domaine de l'éducation, au niveau municipal... Si vous me permettez encore une minute ou deux, au niveau municipal, le gouvernement du Québec, dans un protocole d'entente, s'est engagé auprès des municipalités des deux unions, d'abord l'Union des municipalités du Québec et l'UMRCQ dans un deuxième temps, que l'effort qu'il demandait aux municipalités via les citoyens de chacune des municipalités était dans le but d'atteindre le déficit zéro, et aussitôt que le déficit zéro serait atteint, c'est-à-dire il n'y aurait plus de demandes de ponctions additionnelles dans les municipalités. C'est ce que dit à peu près le protocole d'entente. Bien, ce n'est pas ce qu'on retrouve dans le budget aujourd'hui. Donc, je déplore que les citoyens payeurs de taxes de chacune des municipalités soient obligés encore de faire face à cette facture de 375 000 000 $ dans le budget à venir.

Pour ce qui est des régions, le premier ministre et la plupart des candidats du Parti québécois annonçaient, avec des confirmations des ministres responsables, qu'on ajouterait de l'argent dans chacune des régions, qu'on avait à coeur la défense des régions, le support des régions, puis un meilleur développement de l'emploi. Bien, on ne retrouve pas dans ce budget les engagements qu'avait pris ce gouvernement en campagne électorale.

Évidemment, l'impôt des citoyens; tout le monde s'attendait à une réduction d'impôts pour les citoyens, et ç'aurait été tout à fait normal. Je pense que tout le monde l'a mentionné, plusieurs le mentionnent, les éditoriaux le mentionnent, nous sommes le peuple, au Québec, le plus taxé. Sur le plan de l'impôt, rien. Une annonce pour dans un an et quatre mois. Donc, encore une fois, ça aura pour effet de... Nous aurons la responsabilité de continuer à mettre de la pression sur ce gouvernement pour lui rappeler que la population du Québec s'attend à ce qu'il réponde aux engagements qu'il a pris et rétablisse certaines situations déplorables pour chacun d'entre nous. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. Alors, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 4)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous abordons immédiatement les affaires courantes. Il n'y a pas de déclarations ministérielles aujourd'hui.


Présentation de projets de loi

À l'étape de la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je voudrais que vous preniez en considération l'article e du feuilleton.


Projet de loi n° 1

Le Président: Alors, à cet article du feuilleton, M. le ministre des Transports et ministre responsable de la Réforme électorale présente le projet de loi n° 1, Loi concernant l'obligation pour l'électeur de s'identifier au moment de voter. M. le ministre responsable de la Réforme électorale.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, ce projet de loi prévoit que, lors d'une élection provinciale, municipale ou scolaire ou lors d'une consultation populaire, d'un référendum municipal ou scolaire, l'électeur devra, au moment de voter, s'identifier en présentant sa carte d'assurance-maladie, son permis de conduire ou son permis probatoire, son passeport ou tout autre document qui lui aura été délivré par le gouvernement, un de ses ministères ou un de ses organismes et déterminé par règlement après consultation du comité consultatif institué par la Loi électorale.

S'il ne peut présenter un tel document, l'électeur pourra quand même être admis à voter s'il satisfait aux conditions prévues par le projet de loi.

Par ailleurs, le projet de loi interdit à quiconque, sous peine de sanctions pénales, de présenter un faux document ou de recueillir ou d'utiliser tout renseignement contenu dans un document présenté lors du vote pour permettre à un électeur de voter.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. le leader du gouvernement, je crois qu'il y a d'autres présentations de projets de loi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: C'est le vice-premier ministre qui me dérangeait, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Voulez-vous prendre en considération l'article a, M. le Président?


Projet de loi n° 2

Le Président: Alors, d'autant plus que c'est, à cet article-là, M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances qui présente le projet de loi n° 2, Loi sur la réforme de la comptabilité gouvernementale. M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, ce projet de loi donne suite à la réforme de la comptabilité gouvernementale annoncée dans le discours du budget du 31 mars 1998, on s'en souvient. Il a pour objet de porter à la dette nette du gouvernement les dépenses effectuées et non comptabilisées au 1er avril 1997.

Le projet de loi prévoit le paiement de ces dépenses à même le fonds consolidé du revenu pour les cas où tel paiement n'est pas déjà autorisé par une loi spécifique, aux époques et selon les modalités agréées par le ministre des Finances.

Il a également pour objet d'autoriser le gouvernement à payer sur le fonds consolidé du revenu une somme de 344 129 500 $, pour l'année financière 1997-1998, et une autre somme de 78 390 900 $, pour l'année financière 1998-1999, représentant des crédits supplémentaires 1997-1998 et 1998-1999 à voter pour chacun des programmes des portefeuilles énumérés en annexe.

Enfin, le projet de loi propose en outre des modifications à la Loi sur l'administration financière – le chapitre A-6 de nos Lois refondues.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.

M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je vous réfère maintenant à l'article c, M. le Président.


Projet de loi n° 4

Le Président: Alors, à l'article c de notre feuilleton, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole présente le projet de loi n° 4, Loi sur Immobilière SHQ. Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, ce projet de loi donne suite à la réforme de la comptabilité gouvernementale annoncée par le ministre des Finances dans le discours sur le budget du 31 mars 1998 et institue la société Immobilière SHQ, une personne morale de droit public dotée d'un fonds social.

La société a pour mission d'acquérir, avec les droits et obligations qui s'y rapportent, des immeubles d'habitation, notamment les immeubles appartenant à la Société d'habitation du Québec, et de mettre ces immeubles à la disposition des offices municipaux d'habitation ou d'autres organismes sans but lucratif en vue de leur exploitation. Elle a également pour mission d'acquérir les droits et obligations découlant de prêts consentis par la Société d'habitation du Québec à des offices municipaux d'habitation ou à d'autres organismes sans but lucratif.

Ce projet de loi prévoit les modalités de fonctionnement de la société et contient des dispositions financières précisant notamment le fonds social autorisé de la société ainsi que les modalités d'exercice des engagements financiers qu'elle est autorisée à prendre.

Enfin, ce projet de loi contient des dispositions de nature transitoire et finale.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Alors, adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre d'État à la l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor.


Rapport annuel du Secrétariat du Conseil du trésor

M. Léonard: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1997-1998 du Secrétariat du Conseil du trésor.

Le Président: Alors, le document est déposé. M. le ministre des Ressources naturelles.

Directive à la Régie de l'énergie

sur la tarification du transport

d'électricité et décret

M. Brassard: M. le Président, je dépose devant l'Assemblée nationale, conformément à l'article 111 de la Loi sur la Régie de l'énergie, la directive n° 1 donnée à la Régie de l'énergie, approuvée par le gouvernement en vertu du décret 53-99 du 27 janvier 1999. Et au nom de la ministre...

Le Président: Très bien. Alors, au nom de la ministre de la Culture et des Communications.


Avis de classement concernant le lieu de fondation de Montréal et la collection archéologique de place Royale

M. Brassard: Au nom de la ministre de la Culture et des Communications, un avis de classement concernant le lieu de fondation de Montréal et un avis de classement concernant la collection archéologique de référence de place Royale.


Dépôt de pétitions

Le Président: Très bien. Au dépôt de pétitions, maintenant, Mme la députée de Vanier.

(14 h 10)

Mme Barbeau: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je demanderais le consentement de cette Assemblée pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement, Mme la députée.


Appuyer toute démarche visant à assurer la survie du Petit Séminaire de Québec

Mme Barbeau: Merci. Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 642 pétitionnaires, élèves de quatrième et cinquième secondaires ainsi que ceux de la section collégiale du Petit Séminaire de Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que la section collégiale du Petit Séminaire de Québec se heurte à de sérieuses difficultés financières;

«Considérant que celles-ci sont principalement dues à un manque d'étudiants;

«Considérant que diverses solutions furent envisagées afin de solutionner ce problème à incidence monétaire;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Que les pétitionnaires réclament des appuis pour toute démarche menée par le Comité de réorientation du Petit Séminaire de Québec afin d'assurer la survie de cette institution d'enseignement. Je manifeste également mon désaccord devant toute décision qui risque d'entraîner la fermeture de cet établissement tricentenaire.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci.

Le Président: Très bien. Mme la députée, cette pétition est déposée.


Interventions portant sur un fait personnel

Aux interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, j'ai reçu dans les délais requis, de M. le député de Johnson, une demande d'intervention sur une question de fait personnel. Cette demande, d'après M. le député de Johnson, découle des propos tenus par M. le chef de l'opposition officielle et député de Sherbrooke concernant le projet Hertel–des Cantons à la séance du jeudi 11 mars dernier.

Au cours de cette séance, le député de Sherbrooke aurait laissé sous-entendre que le député de Johnson avait été muselé par le bureau du premier ministre et qu'il devrait démissionner de son poste de député.

Après l'avoir examinée, cette demande m'apparaît conforme aux dispositions des articles 71 et suivants du règlement. Cependant, avant de céder la parole au député de Johnson, je voudrais lui rappeler que ses explications doivent être brèves et formulées de manière à ne susciter aucun débat. Alors, M. le député de Johnson.

M. Boucher: Alors, merci, M. le Président.

Le Président: Un instant. Il y a une question de règlement. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Simplement, M. le Président, pour que vous garantissiez aux parlementaires des deux côtés de la Chambre que les critères qui ont prévalu, lorsque vous venez de rendre la décision que vous avez rendue et qui est sans appel, sont les mêmes critères qui vous ont éclairé lorsque vous avez interdit au député de Laurier-Dorion de s'exprimer sur une question de droit et privilège.

Le Président: Je vous rappellerais que, dans le cas du député de Laurier-Dorion, il n'a pas pu donner l'avis, alors que le député de Johnson s'est prévalu des dispositions du règlement, d'une part. Et, deuxièmement, je vous avais indiqué à ce moment-là – et je vous réfère au Journal des débats – que la décision que j'avais rendue était conforme à l'entente que j'avais conclue avec les deux whips. Et j'avais mentionné précisément, avant de décider dans le cas du député de Laurier-Dorion, dans le cadre de la dernière Législature, que dans ces cas-là la présidence, compte tenu de l'incident, souhaitait passer à autre chose conformément à l'entente qui était intervenue avec les deux whips. Et je l'avais très bien spécifié.

M. le député de Johnson.

M. Boucher: M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, simplement sur la question de droit que vous avez décidée, est-ce que vous considérez que la question soulevée par le député de Johnson l'a été à la première occasion ou à la première occasion raisonnable?

Le Président: Je l'ai indiqué, conformément aux dispositions du règlement, j'ai considéré qu'elle était conforme. C'était jeudi dernier, nous sommes mercredi; il n'y a pas eu de séance hier.

Je m'excuse, M. le député de Johnson, le président a statué qu'il faisait référence à des propos qui ont été tenus ici, à l'Assemblée, et qu'il voulait rectifier les faits.

M. le député de Johnson.

M. Boucher: M. le Président...

M. Paradis: M. le Président...

Le Président: Je pense que, M. le leader de l'opposition officielle, ça a été clair. J'ai statué, là.

M. Paradis: Simplement pour vous indiquer que nous nous rendons à votre décision et qu'elle constitue maintenant un précédent.

Le Président: Écoutez, vous pouvez l'interpréter comme vous le voulez, mais je pense que, dans les circonstances, le président a rendu une décision conforme à l'esprit et au texte du règlement.

M. le député de Johnson.


Propos du député de Sherbrooke concernant la liberté d'expression du député de Johnson sur le projet Hertel–des Cantons


M. Claude Boucher

M. Boucher: M. le Président, le député de Sherbrooke, le jeudi 11 mars 1999, en cette Chambre, citant hors contexte un extrait du jugement de la juge Rousseau concernant le projet Hertel–des Cantons, laisse sous-entendre que j'avais été muselé par le bureau du premier ministre.

Je désire assurer cette Assemblée, M. le Président, que jamais le bureau du premier ministre n'a agi ainsi à mon égard, pas plus d'ailleurs qu'il n'est intervenu pour que je corrige les déclarations du chef de l'opposition. J'ai gardé depuis le tout...

Le Président: M. le député de Johnson, je m'excuse. M. le député de Johnson!

Quand un membre de l'Assemblée invoque une question de droit ou de privilège, je pense qu'à ce moment-ci l'ensemble des collègues doivent reconnaître que, parmi les dispositions du droit parlementaire... M. le député de Papineau, s'il vous plaît! Parmi les dispositions du droit parlementaire, les dispositions qui concernent les droits et les privilèges des membres de l'Assemblée nationale sont parmi les dispositions les plus sacrées. Je pense qu'à cet égard-là le député de Johnson a le droit d'être entendu sans que personne n'interrompe.

M. le député de Johnson.

M. Boucher: M. le Président, j'ai gardé depuis le tout début, dans ce dossier comme dans tous les autres, toute la marge de manoeuvre requise pour la défense des intérêts des citoyens du Val-Saint-François dans mon comté. Si le député de Sherbrooke connaissait bien la politique québécoise, il saurait que les membres du Parti québécois...

Des voix: Ah!

Le Président: M. le député de Johnson, je vous ai indiqué que, conformément au règlement, les explications non seulement doivent être brèves mais elles doivent être formulées d'une manière à ne susciter aucun débat. M. le député de Johnson.

M. Boucher: Alors, M. le Président, je désire vous dire que les députés du Parti québécois chérissent au plus haut point les valeurs de liberté et d'indépendance, c'est bien connu, et que personne ne s'avise de les museler. Ces députés, par ailleurs, connaissent bien la différence entre la soumission et la solidarité.

Le député de Sherbrooke, plus loin dans ses propos et aussi à l'occasion d'une entrevue qu'il accordait au journal La Tribune , telle que rapportée le vendredi 12 mars 1999, laisse sous-entendre que, dans la logique de mes propos, je devrais démissionner. De toute évidence, le député, à moins d'être de mauvaise foi – et je lui donne le bénéfice du doute – n'a pas compris mes propos ni leur signification.

J'ai dit que j'avais défendu mon point de vue jusqu'à la limite de ce qui est possible, au-delà de quoi, compte tenu de la nécessaire solidarité dans un caucus, je devais quitter la vie politique. Le député de Sherbrooke, lui, en citant mes propos et en ajoutant: «On est rendu plus loin», m'invite à démissionner, dans la logique, dit-il, de mes interventions. Le député n'a pas fait la différence entre la logique de ma démarche et celle de notre gouvernement. Il a récidivé en ne le faisant pas davantage dans une entrevue qu'il accordait à La Tribune , telle que parue dans l'édition du mardi 16 courant.

Si je me fie aux commentaires des citoyennes et citoyens de mon comté et de notre région, l'Estrie, il semble être le seul à ne pas l'avoir fait.

Si vous me le permettez, M. le Président, en terminant, je désire rappeler au député de Sherbrooke que, lors d'une autre entrevue qu'il accordait au journal La Tribune , le 6 mars 1999, il refusait d'indiquer s'il souhaitait le démantèlement des structures construites dans la foulée des décrets gouvernementaux. M. le Président, il n'a trompé personne sur ses véritables convictions. Je l'invite donc à plus de transparence dans ce dossier, car les citoyens...

Des voix: ...

Le Président: Alors, je pense, M. le député, que vous avez eu l'occasion de corriger les faits de votre point de vue. Je pense que le reste, c'était à nouveau des détails qui suscitent un débat, et ce n'est pas permis par notre règlement. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Il y aurait consentement, à ce moment-ci, à ce qu'il conclue.

(14 h 20)

Le Président: Alors, avant d'aborder maintenant la période de questions et de réponses orales, je vous avise qu'après celle-ci M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances va répondre à une question posée le 11 mars dernier par M. le député de Mont-Royal concernant les Expos de Montréal et l'aide à l'industrie des courses de chevaux.


Questions et réponses orales

Alors, à ce moment-ci, nous abordons la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, en principale.


Projet de fusion des bourses de Montréal, Toronto, Vancouver et Calgary

M. Charest: Merci, M. le Président. Ma question est au ministre des Finances. C'est une question qui ne le surprendra pas, c'est au sujet du projet de fusion de bourses entre Montréal, Toronto, Vancouver et Calgary, en Alberta.

J'aimerais savoir, de la part du ministre des Finances, suite à la proposition de ce projet de fusion et à l'attribution des responsabilités ou du travail à Montréal pour les produits dérivés – ce qu'on appelle les «futures» – si le vice-premier ministre et le gouvernement ont l'intention d'obtenir des garanties et quelles démarches ils vont entreprendre pour obtenir de telles garanties pour les investisseurs québécois, les gens des milieux d'affaires québécois, s'ils obtiendront les mêmes niveaux de services et auront accès aux mêmes services que si la situation était comme elle est aujourd'hui.

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.

M. Landry: Le chef de l'opposition pose des questions que je me pose moi-même. Alors, il rend service à tout le monde en les posant et en me donnant la possibilité, comme je l'ai fait d'ailleurs avec la presse, mais devant notre Assemblée et pour la population, de donner certaines assurances.

Tout le monde sait, et ça avait été mis en lumière par un ancien député, d'ailleurs d'en face, le député d'Outremont, André Raynauld, en 1964, que, depuis la fin des années quarante, la Bourse de Montréal a subi un déclin, pour ses activités traditionnelles, assez spectaculaire, pour en arriver autour de 10 % des transactions, en même temps avec beaucoup d'innovations – et il faut rendre hommage aux gens qui l'ont fait – elle a développé une technologie pour les produits dérivés – les options, les futures – assez exceptionnelle.

Alors, les autorités de la Bourse sont devant le dilemme suivant, devant NASDAQ, devant l'Internet, devant l'érosion des bourses les plus puissantes du Canada et du monde, de proposer une réaction. Ils l'ont fait. Je ne leur fais pas de procès d'intention, ils veulent consolider, suivant une logique mondiale, la Bourse de Montréal en partageant stratégiquement avec d'autres. Cependant, il y a d'autres points de vue à sauvegarder, et le chef de l'opposition y a fait allusion: les épargnants, les entreprises, les petites surtout, qui ont besoin d'un guichet unique et près d'elles.

Alors, j'ai demandé, ne comptant pas uniquement sur mes propres connaissances du dossier et mes propres réactions, à la Commission des valeurs mobilières, notre Commission des valeurs mobilières, de me faire un rapport sur la question – c'est dans sa juridiction, et elle le fera sur le plan technique et sur le plan juridique – mais j'ai aussi demandé à un comité de citoyens et citoyennes éminents, bien connus dans ces milieux, de me faire aussi un rapport sur l'opportunité stratégique. Et le gouvernement du Québec ne permettra d'aucune manière que la place financière de Montréal soit affaiblie et ne donnera jamais le feu vert à cette opération, à moins d'avoir eu réponse aux questions que je me pose et que le chef de l'opposition me pose.

Le Président: Le député de Chomedey, en principale.


Arrêt de l'enquête de la Commission d'accès à l'information concernant la communication de renseignements personnels au bureau du premier ministre

M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. À l'automne 1997, il y a eu des allégations d'utilisation, pour fins politiques partisanes, d'informations fiscales confidentielles d'un député au bureau du premier ministre. Dans un premier temps, on a tenté de nous faire croire que la communication entre le ministère du Revenu et le bureau du premier ministre était tout simplement pour obtenir un numéro de téléphone. Quand, ça, ça n'a pas marché, on a demandé à la sous-ministre du Revenu de faire une enquête, enquête qui a duré 24 heures et qui a résulté dans un rapport d'une demi-page. Elle a dit: Il n'y a pas de problème là. Quand le public ne croyait pas ça non plus, le premier ministre a mandaté la Commission d'accès à l'information de faire une enquête, soi-disant pour faire toute la lumière là-dessus. Seul hic, la Commission d'accès à l'information n'a jamais fait une telle enquête, et on a vu les résultats hier, ça a foiré.

Parce que le temps nous manque, M. le Président, on ne donnera pas tous les détails, mais on connaît maintenant les résultats.

Notre question est pour la Procureur général de la province de Québec: Est-ce qu'elle peut nous dire quelle méthode d'enquête, quels moyens elle a l'intention de proposer à son gouvernement pour qu'on puisse procéder à une enquête publique indépendante et complète sur cette question d'utilisation pour fins politiques, partisanes de renseignements fiscaux confidentiels concernant les députés? Quels moyens appropriés existent et quelles sont ses suggestions là-dessus?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

M. Perreault: Oui. M. le Président, dans ce dossier, je pense qu'il est clair que le gouvernement aurait souhaité que la Commission termine ses travaux, d'autant plus que, contrairement à ce que dit le député, si on me permet, cette Commission était quand même très avancée. Elle avait déjà entendu au-delà de 60 personnes, témoignages devant elle et elle s'apprêtait à reprendre les audiences publiques. Dans ce dossier, donc, nous regrettons bien sûr que la Commission n'ait pas pu terminer, d'autant plus que, à l'invitation même du gouvernement et conformément à sa loi, nous avions demandé à la Commission d'agir dans ce dossier. La loi prévoit que la Commission peut se saisir de cas semblables.

M. le Président, le président de la Commission, qui a été nommé à l'unanimité par cette Assemblée, a conclu hier les travaux de la Commission de la manière que l'on sait et il a conclu en soulignant notamment comment la situation dans laquelle se trouvait la Commission était tout à fait inusuelle, compte tenu de l'attitude du procureur de la Commission. Le gouvernement a toujours l'intention, tel qu'il s'y était engagé, que toute la lumière soit faite dans ce dossier, le premier ministre lui-même l'a évoqué hier. Il n'a pas encore eu l'occasion de faire son témoignage, il souhaite le faire.

M. le Président, le gouvernement évalue actuellement l'ensemble des alternatives qui s'ouvrent devant lui et, très prochainement, il fera connaître ses décisions.

Le Président: M. le député.

M. Mulcair: M. le Président, est-ce que le ministre réalise qu'il vient de nous donner la même réponse que Paul-André Comeau hier? La question se pose: Est-ce que c'est lui qui écrit les réponses de Paul-André Comeau ou est-ce que c'est Paul-André Comeau qui écrit ses réponses ou est-ce que c'est Raymond Doray qui écrit les réponses des deux?

Notre question s'adressait...

Des voix: ...

Le Président: À ce moment-ci, M. le... Alors, je pense que vous avez, M. le député de Chomedey, suffisamment d'expérience pour savoir que vous ne pouvez pas faire un commentaire sous la forme d'une question qui est déguisée. À ce moment-ci, je vais laisser au ministre le soin de réagir, puisqu'on est à...

M. Perreault: M. le Président, je pense que le ministre responsable des Relations avec les citoyens ne dicte pas, d'aucune manière, au président de la Commission d'accès à l'information ses décisions, pas plus que le président de la Commission ne dicte au gouvernement ses propres choix. Le président de la Commission a dû, hier, conclure, devant une situation tout à fait inextricable qui était liée notamment à l'attitude du procureur de cette Commission... Et je cite le rapport de M. Comeau, qui est quand même assez dur à l'égard du procureur de la Commission, puisqu'il dit ceci: S'il avait voulu, de propos délibéré, faire avorter l'enquête, il n'aurait pas fait mieux.

M. le Président, je ne dicte pas au président de la Commission ses paroles, mais je ne le sais pas si, parfois, dans sa croisade, le député de Chomedey n'a pas, à l'occasion, dicté ses paroles au procureur de la Commission.

Le Président: M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Est-ce que la Procureure générale de la province de Québec, qui, comme nous, comprend que la Commission d'accès à l'information n'a plus rien à voir là-dedans, et à plus forte raison son ministre, peut assumer une partie de ses responsabilités comme jurisconsulte du gouvernement et nous dire quels moyens vont être mis en place pour faire toute la lumière là-dessus? Quels sont les mécanismes pour une commission d'enquête publique indépendante et complète qui vont être mis en place? Et on offre toute notre collaboration à cet égard, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre de la Justice.

Mme Goupil: D'abord, M. le Président, comme mon collègue M. Perreault vient de le mentionner, il n'y a personne qui va dicter la conduite et du ministre de la Justice et du ministre responsable des Relations avec les citoyens, non plus qu'à l'égard du gouvernement du Québec.

Ceci étant dit, d'abord, c'est avec vraiment grande surprise et étonnement que nous avons appris la décision de la Commission. On vous rappellera qu'après 18 mois d'enquête, avec des personnes qui sont venues témoigner, des personnes qui sont venues s'exprimer de bonne foi, répondre aux questions qu'on leur posait, alors vous comprendrez que nous allons prendre le temps nécessaire afin d'analyser et d'étudier toutes les possibilités que le gouvernement pourrait utiliser devant cette situation. Nous allons le faire avec vigilance et dans les meilleurs délais possibles.

Le Président: M. le député de Chomedey, en principale à nouveau.


Demande d'enquête publique sur la communication de renseignements personnels au bureau du premier ministre

M. Mulcair: M. le Président, on est assez inquiet de ce côté de la Chambre lorsqu'on entend le ministre responsable des Relations avec les citoyens dire que...

Des voix: ...

(14 h 30)

Le Président: Un instant! M. le député de Chomedey est en question principale. M. le député.

M. Mulcair: M. le Président, lorsque j'entends le ministre responsable des Relations avec les citoyens nous citer les propos du premier ministre qui, lui, est à Paris en ce moment, lorsque j'entends la Procureur général dire: Bien, ça ne saurait tarder, est-ce qu'ils ne sont pas en train de nous dire qu'ils attendent le retour du premier ministre de Paris pour que celui qui devrait être un témoin clé leur dise comment il va accepter qu'on fasse enquête sur ses propres agissements? Ce n'est pas ça qu'ils sont en train d'admettre?

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

M. Perreault: M. le Président, le premier ministre a déjà eu l'occasion de témoigner. Il souhaite le faire publiquement. Je pense que le gouvernement a déjà indiqué qu'il n'avait rien à cacher dans ce dossier, qu'il souhaitait au contraire que toute la lumière soit faite. Et je répète que, dans ce dossier, ce n'est pas le gouvernement qui a multiplié les procédures pour retarder le travail de la Commission. Au contraire, conformément à la loi, nous avons demandé à la Commission de faire son travail.

M. le Président, nous ne souhaitions pas mieux qu'elle puisse terminer. Malheureusement, ça n'a pas été possible. Et, encore une fois, parce que je pense qu'au Québec il y en a qui se prennent, malheureusement, M. le Président, pour Kenneth Star... Je ne sais pas si c'est M. Bergeron ou si c'est le député de Chomedey qui se prend pour le Kenneth Star québécois.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Ah! La belle...

Le Président: M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, est-ce que le ministre est capable de comprendre que, depuis que l'opposition, au nom de tous les députés, a obtenu au mois d'août 1998 le droit de contre-interroger les témoins, pas un seul témoin n'a été amené à la barre devant la Commission d'accès? Ça n'a rien à voir avec l'opposition, ça. Et, au lieu de blâmer l'opposition, au lieu de faire des procès d'intention auprès...

Des voix: ...

Le Président: Alors, écoutez, je pense qu'on commence à prendre une petite tangente qui n'est pas acceptable, en tout cas, tant qu'on n'aura pas modifié nos règles de fonctionnement. La semaine dernière, je pense que le chef de l'opposition officielle s'est plié de toute façon à nos us et coutumes. Il n'est pas question, en complémentaire, de commencer à faire un complément, en fait, une remarque ou une réponse à la réponse qui a été donnée et, par la suite, de poser une autre question. Je vous demande, à ce moment-ci, de vous conformer au règlement. Vous avez une question additionnelle à poser, posez-la maintenant.

M. Mulcair: Est-ce qu'au lieu de faire des procès d'intention ou de l'opposition ou du procureur de la Commission le ministre peut tout simplement dire à cette Chambre, lui ou la Procureur général, quel mécanisme va être utilisé pour faire toute la lumière, pourquoi il refuse une commission d'enquête indépendante publique pour faire toute la lumière?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, très simplement, j'ai déjà répondu à cette question en disant que le gouvernement est saisi de la décision de la Commission depuis hier, que le gouvernement a l'intention d'analyser la situation et fera connaître au cours des prochains jours la façon dont il entend s'assurer que l'ensemble des faits soit connu et que, dans le fond, le public soit rassuré.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, en principale.


Incident au Centre de détention de Rivière-des-Prairies

M. Dupuis: M. le Président, les images que la télévision diffusait dans les bulletins de nouvelles, samedi dernier, étaient navrantes mais malheureusement éloquentes sur l'absence d'autorité et de leadership du ministre de la Sécurité publique: ses policiers de la Sûreté du Québec se colletaillant avec ses agents des services correctionnels devant le Centre de détention de Rivière-des-Prairies.

Au moment où le Protecteur du citoyen indique clairement dans un rapport volumineux aussi que la sécurité des gardiens est en danger, que la sécurité des détenus est en danger à cause des coupures de personnel dans les prisons provinciales, quand le ministre de la Sécurité publique va-t-il mettre son pied à terre, faire preuve d'autorité et de leadership et annoncer la fin des coupures de personnel dans les prisons provinciales et notamment à Rivière-des-Prairies?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Ménard: Comme le député de Saint-Laurent, je trouve navrantes les images que j'ai vues à la télévision, à la porte de Rivière-des-Prairies, en fin de semaine. Ces décisions malheureuses ont été suscitées par l'application d'une mesure qui avait été négociée avec le Syndicat des agents de la paix, des agents des services correctionnels. Cette décision a été appliquée d'ailleurs dans d'autres centres de détention sans problème.

Cette décision permettait effectivement une économie de quelque 10 personnes sur environ 50 pendant 2 heures – pas toute la journée, pendant 2 heures – les samedis et dimanches matin, entre 9 heures et 11 heures, parce que, en prison, les prisonniers préfèrent – un peu comme en dehors, n'est-ce pas – prendre leur déjeuner plus tard, les fins de semaine, que plus tôt. On va donc leur porter dans des chariots, dans leur secteur, le petit déjeuner et...

Des voix: ...

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Ménard: Un secteur, c'est essentiellement une salle commune avec des cellules de chaque côté. À 9 heures, les cellules sont ouvertes et les prisonniers sont enfermés dans leur secteur. Ils peuvent donc se servir entre 9 heures et 11 heures, ce qui nous permet des économies. Les gens de Rivière-des-Prairies estimaient que c'était dangereux. Ils ont convoqué la CSST qui a décidé que ça ne l'était pas. Le Conseil des services essentiels a siégé toute la nuit de samedi à dimanche pour décider que ça...

Le Président: Je m'excuse, M. le ministre, mais je voudrais encore une fois demander aux uns et aux autres de la collaboration. Quand je fais signe que vous devez conclure, vous devez le faire, sinon vous me placez dans la situation de devoir vous couper et de donner la parole au vis-à-vis. À ce moment-ci, M. le député de Saint-Laurent, est-ce que vous avez une autre question?

M. Dupuis: Le ministre réalise-t-il, M. le Président, que sa préoccupation pour les brunchs dominicaux des détenus risque de faire en sorte qu'il y ait débrayage général dans les prisons provinciales sous peu?

Le Président: M. le ministre.

M. Ménard: Donc, et le syndicat et la CSST...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: ...et le Conseil des services essentiels ont décidé qu'il n'y avait aucun danger, puisque les détenus étaient confinés à leur secteur, d'avoir environ 10 agents de ces services correctionnels de moins. Pour des gens qui prétendent qu'il n'y a pas cette sécurité, ce n'est pas une démonstration à faire que de laisser cinq personnes seulement surveiller la prison. Si 40 n'est pas assez, comment se fait-il qu'ils en ont laissé moins de cinq? S'ils veulent me convaincre que ces mesures, qui ont été négociées avec eux avant que je redevienne ministre de la Sécurité publique, que cela est dangereux, je leur suggère de prendre d'autres moyens. Et je suis ouvert, comprenant qu'il y a d'autres problèmes qu'ils voulaient soulever, à traiter de ces autres problèmes, mais je pense qu'ils doivent montrer une attitude responsable. Celle qu'ils ont montrée en fin de semaine, à mon avis, ne l'était pas, comme semble le penser aussi l'opposition.

Le Président: M. le député de Marquette, en principale.


Comparution devant les tribunaux des personnes accusées de violence conjugale

M. Ouimet: M. le Président, dans l'état actuel des choses, lorsque la preuve révèle qu'il y a eu infraction, une personne accusée de violence conjugale doit comparaître devant les tribunaux pour subir son procès. Or, en vertu d'un nouveau programme conçu par le ministère de la Justice, cette même personne accusée, entre autres, de violence conjugale, pourra éviter de comparaître devant un juge dans tous les cas où le Procureur général lui suggère des mesures de rechange. En effet, d'ici quelques semaines, trois projets-pilotes autorisés par le ministère de la Justice vont débuter, un à Hull, un à Rivière-du-Loup et un à Longueuil, introduisant de nouvelles mesures de rechange pour les criminels.

(14 h 40)

Ma question s'adresse à la ministre de la Justice: Comment la ministre de la Justice peut-elle envisager qu'une personne accusée de violence conjugale échappe à son procès?

Le Président: Mme la ministre de la Justice.

Mme Goupil: M. le Président, dans le programme auquel fait référence la député de Marquette, en ce qui a trait aux mesures de rechange, j'informerai la Chambre que, pour ce qui est des agressions sexuelles, les mesures de rechange ne s'appliquent pas aux agressions sexuelles. Et ce qu'il est important aussi de souligner, c'est que, lorsque vient le temps d'analyser des mesures de rechange, au ministère de la Justice, nous avons instauré des projets-pilotes et nous allons faire des analyses à des endroits bien spécifiques pour avoir un bon état de la situation dans les dossiers où il y a des agressions sexuelles, justement pour s'assurer, lorsque l'on proposera des mesures de rechange, qu'elles correspondent vraiment aux besoins et à la réalité des victimes.

Le Président: M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, la ministre réalise-t-elle que ma question ne portait pas sur les cas d'agression sexuelle? Je sais qu'ils sont exclus. Ma question porte sur des infractions relativement à la violence conjugale qui est envisagée dans son programme qui circule présentement. La question qui se pose, c'est: Qu'entend faire la ministre de la Justice à cet égard-là?

Le Président: Mme la ministre de la Justice.

Mme Goupil: M. le Président, la violence conjugale est un acte criminel, et, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, actuellement, dans le projet-pilote, les infractions ou les agressions à caractère sexuel ne font pas partie du programme des mesures de rechange, alors, ce qui fait en sorte que, pour ce qui est de la violence conjugale, nous allons faire une analyse sérieuse et précise pour justement être capables d'analyser et d'avoir des solutions. Et, si les mesures de rechange incluent la violence familiale ultérieurement, nous aurons été à même de voir de quelle façon on peut le mieux rassurer les victimes et le mieux répondre à leurs besoins.

Le Président: M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, la ministre de la Justice réalise-t-elle que les infractions relatives à la violence conjugale – l'analyse a déjà été faite – c'est envisagé dans le nouveau programme qui va être en application d'ici quelques semaines? Voilà l'objet de ma question. Et pourquoi la ministre de la Justice fait-elle la sourde oreille aux pressions des substituts du procureur de la couronne qui lui demandent de retirer cette mesure-là des mesures de rechange?

Le Président: Mme la ministre de la Justice.

Mme Goupil: D'abord, M. le Président, je ne suis pas sourde d'oreille. Loin de là, j'entends très bien. Je pense que c'est le député de...

Une voix: Marquette.

Mme Goupil: ...Marquette qui n'entend pas ou ne comprend pas la réponse. Actuellement, la violence conjugale ne fait pas partie des mesures de rechange.

M. Gendron: M. le Président, une question principale.

Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest, en principale.

M. Gendron: Oui, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, madame... Je m'excuse, M. le député. En complémentaire, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que la ministre responsable de la Condition féminine réalise qu'elle va carrément à l'encontre de la politique d'intervention en matière de violence conjugale, annoncée d'ailleurs en grande pompe en 1995 par l'ancien premier ministre et six ministres signataires de cette politique, et qui stipule à la page 60 que, «pour assurer la sécurité et la protection des victimes et de leurs proches, il faut arrêter l'agresseur lorsque la situation le requiert et assurer sa comparution devant les tribunaux»?

Une voix: Eh oui!

Mme Loiselle: Politique de violence conjugale, M. le Président, de ce gouvernement.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Goupil: D'abord, M. le Président, la politique en matière de violence conjugale est une politique qu'il a fallu avoir le courage pour la mettre en application. C'est ce que nous avons fait. Et ce à quoi faisait référence la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, évidemment, il faut que la situation et la preuve qui a été présentée requièrent une telle situation.

Au niveau de la politique au niveau de la violence conjugale, nous devons, comme gouvernement, faire toutes les recherches proposées, les mesures alternatives, proposer des... Ce qu'il faut s'assurer, finalement, c'est qu'il n'y en ait plus, de violence conjugale. Et nous allons prendre les moyens pour nous assurer que, comme gouvernement, on met en place tous les mécanismes nécessaires pour qu'il n'y en ait plus. Malheureusement, il en existe encore, et nous allons prendre tous les moyens pour nous assurer qu'il n'y en ait plus dans l'avenir.

Le Président: En principale? M. le député d'Abitibi-Ouest, en principale.


Pénurie d'omnipraticiens au centre hospitalier Saint-François-d'Assise de La Sarre

M. Gendron: Oui, M. le Président, depuis plusieurs années, l'Abitibi-Témiscamingue, malgré sa grande vigilance et son active préoccupation concernant le fameux dossier du nombre de médecins spécialistes et d'omnipraticiens nécessaires pour donner les services requis aux citoyens, est toujours devant un problème qui perdure et s'aggrave. C'est un problème qui ne date pas d'hier. Mais, présentement, il se vit une situation plus particulière et plus exceptionnelle au centre hospitalier Saint-François-d'Assise de La Sarre et dans son bassin de population.

D'ici deux mois, cet hôpital, qui fonctionne avec des effectifs presque de plus de la moitié inférieurs à la normale, perdra six omnipraticiens, qui quittent la région, deux autres partiront en congé de maternité sous peu, ce qui veut dire qu'il ne restera que six omnis au mois de mai. Et, malheureusement, j'apprenais une mauvaise nouvelle additionnelle, il semblerait que ça peut être devancé au 1er mars. Donc, six omnis, avec un plan d'effectifs de 29 pour desservir une population de 29 000. La direction de l'hôpital et les médecins parlent de fermer l'urgence.

Alors, ma question s'adresse à la ministre de la Santé et des Services sociaux: Est-ce que la ministre peut nous indiquer le support concret qu'elle entend nous donner et, en particulier, répondre à une demande précise du milieu, supportée par la régie, supportée également par mes collègues députés, de désigner la MRC d'Abitibi-Ouest et son territoire comme territoire isolé afin que, rapidement, on puisse corriger une situation qui n'a pas de sens?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je remercie notre collègue le député d'Abitibi-Ouest parce que c'est une façon aussi de pouvoir, en même temps, par cette question qui est soulevée ici, rassurer la population d'Abitibi-Ouest, compte tenu de l'accessibilité à des services médicaux.

D'abord, j'aimerais souligner aux membres de cette Assemblée que mon collègue m'a fait part de ce problème dès mon entrée en fonction et suit ce dossier de très près. Par ailleurs, je suis d'accord avec lui que, malgré que nous ayons fait des pas remarquables pour couvrir l'ensemble des régions du Québec, il reste des situations difficiles, et celle de La Sarre, en particulier, en est une.

J'ai un certain nombre de solutions qui sont à l'étude actuellement et qui auront des impacts sur l'ensemble du Québec: des comités de travail, etc. Mais je crois qu'il faut pouvoir intervenir plus rapidement, dans le cas de La Sarre. Et j'ai demandé à mon ministère d'évaluer cette solution plus pointue, qui est de reconnaître un territoire plus délimité comme région éloignée, ce qui, à ce moment-là, nous permet de dégager quelques ressources pour soutenir l'accueil de nouveaux médecins à La Sarre et dans ses environs immédiats.

Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Est-ce que la ministre de la Santé et des Services sociaux peut également regarder la solution qui a été mise de l'avant par les concernés qui connaissent le milieu, d'envisager exceptionnellement d'avoir l'autorisation de pouvoir se servir de ce qu'on appelle le «permis restrictif» pour des omnis, alors que, règle générale, il est accordé aux spécialistes? Pour deux, trois omnis, rapidement, est-ce que ça vous tente de regarder ça?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Effectivement, il n'y a aucune piste d'action et aucune solution qui n'est éliminée d'emblée, au contraire. Et, si certaines peuvent s'avérer être pertinentes et utiles pour un temps déterminé, je suis prête à les envisager, M. le Président.

Le Président: M. le député d'Abitibi-Ouest.

(14 h 50)

M. Gendron: Est-ce qu'on pourrait également, Mme la ministre, vous suggérer de rapidement vérifier avec la Fédération des omnipraticiens du Québec afin qu'on puisse passer par ce qu'ils appellent le «service des dépanneurs», qui, pour l'instant, pour nous, n'a donné aucun résultat? Et, s'il y avait un minimum d'efforts... Parce que, moi, je ne blanchis pas les fédérations, je ne suis pas sûr qu'elles ont fait leur travail, au fil des ans. Alors, y a-t-il moyen, rapidement, d'exiger de la Fédération des omnipraticiens du Québec d'être plus vigilante, diligente afin que, nous aussi, on ait droit à cette banque de dépanneurs qui, pour l'instant, a donné zéro résultat à La Sarre, alors qu'elle marche ailleurs? Pourquoi ça ne marche pas chez nous? On aimerait ça que vous regardiez ça.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Effectivement, nous sommes en contact régulièrement, et je vous dirais même quotidiennement, avec la Fédération des médecins omnipraticiens, et, dans les faits, c'est aussi une des avenues. En fait, il y a plusieurs avenues, que ce soit de ce côté-là, que l'on puisse avoir des équipes de dépannage, sachant que ça reste une solution quand même un peu temporaire parce que les citoyens, eux, veulent avoir accès à une continuité de services; non seulement l'accessibilité, mais la continuité. Cependant, pour traverser une période difficile, oui, ça pourrait être envisagé.

Il y a une solution plus structurante qui, j'espère, me sera proposée aussi par un groupe de travail qui devra me faire part de ses conclusions et qui est composé de médecins qui vivent en régions éloignées, pour voir à apporter des solutions plus permanentes. Mais j'accepte d'emblée, M. le Président, la proposition de mon collègue, le député d'Abitibi-Ouest.

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi, en complémentaire.

M. Paradis: En complémentaire, M. le Président. Avec sa multitude de solutions, avec sa multitude d'avenues, quand les gens de La Sarre auront-ils des services médicaux adéquats?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je travaille, M. le Président, autant avec mon collègue d'Abitibi-Ouest qu'avec mes collègues du Conseil des ministres, pour qu'il y ait continuité dans l'accessibilité aux services et qu'il n'y ait donc à cet égard jamais de brisure dans ces services, dans les heures de disponibilité de ces services, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Bélanger: M. le Président, est-ce que la ministre est consciente que la méthode de rémunération des omnis qui vont faire de l'urgence en dépannage, en divisant les groupes en 1, 2, 3, où le groupe 1 est rémunéré à 300 $ du quatre heures le soir, le groupe 2 à 275 $ et le groupe 3 à 225 $, ça incite les médecins à aller en régions éloignées, comme Lac-Mégantic par exemple, qui vit exactement la même situation que l'Abitibi-Témiscamingue?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Mme la députée de Mégantic-Compton, M. le Président, fait référence au fait que nous avons signé une entente avec les médecins omnipraticiens pour reconnaître la lourdeur de la tâche des médecins en urgence. Et, selon la classification de l'hôpital, ça dépend du nombre de personnes qu'on reçoit, de la lourdeur des cas; il y a trois groupes d'hôpitaux. Elle y faisait référence rapidement, M. le Président.

Et une des craintes qui a été énoncée, qui a été présentée, c'est à l'effet que ça attirerait des médecins vers ces hôpitaux-là et qu'à ce moment-là on n'en aurait plus pour les régions éloignées. Ça pourrait être vrai en partie, mais dans les faits il reste que, dans une urgence, on a la possibilité que deux ou trois médecins traitent et interviennent en même temps. Une fois qu'on a atteint les trois médecins en même temps, quand bien même la rémunération serait 10 fois ce qu'elle est là plutôt qu'ailleurs, on ne peut pas en prendre plus. Donc, ça ne peut pas avoir un effet d'attraction en ce sens-là.

Ça veut dire cependant qu'il reste encore un certain nombre de problèmes à régler; et j'espère qu'avec la collaboration, autant des spécialistes que des omnis, nous y arriverons, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de La Pinière, en principale.


Manque de places en réadaptation pour les jeunes de la Montérégie

Mme Houda-Pepin: M. le Président, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a déposé la semaine dernière une requête en injonction devant la Cour supérieure pour réclamer la fermeture de cinq unités de transit relevant des centres de réadaptation de Chambly, Valleyfield et Boisjoli qui opèrent sans permis et où les jeunes sont placés sous la surveillance d'agents de sécurité, sans scolarisation ni services appropriés. Les centres jeunesse de la Montérégie ont réagi ce matin par voie de conférence de presse. Ils réclament un fonds d'urgence de 1 000 000 $ pour offrir des services aux 155 jeunes en attente de place en réadaptation.

M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux et ministre responsable de la Montérégie peut s'engager, devant cette Assemblée, à octroyer dans les plus brefs délais cette aide d'urgence?

Le Président: M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse.

M. Baril (Berthier): M. le Président, je remercie la députée de sa question. Nous reconnaissons actuellement qu'en Montérégie il y a un manque de ressources. Je voudrais préciser à cette Chambre que dès la semaine passée, avec le dépôt du budget du ministre des Finances, déjà la ministre a annoncé qu'elle réglerait l'ensemble des déficits, au niveau des centres jeunesse au Québec, de l'ordre de 25 000 000 $. Et je dois vous dire qu'en ce qui concerne cette région il y a eu quand même des investissements extrêmement importants dans les derniers mois. On parle que la Régie régionale a dégagé une marge de manoeuvre de près de 1 200 000 $ pour soutenir les centres jeunesse au début de l'année, c'est-à-dire en 1999, et qu'un budget de 1 400 000 $ a été octroyé pour le développement de 24 nouvelles places de réadaptation, et que 1 000 000 $ a aussi été dégagé pour 39 nouvelles places en ressources résidentielles. Et je dois dire, M. le Président, que, depuis le mois de février dernier, l'institution de Saint-Luc a été fermée, et je dois assurer cette Chambre que les ressources financières sont disponibles à partir de maintenant pour régler le problème qui a été soulevé par la députée.

Le Président: M. le député d'Anjou, en principale.


Refus d'une contribution du gouvernement canadien à l'organisation des Jeux du Québec à Trois-Rivières

M. Lamoureux: Merci, M. le Président. On apprenait, le 13 mars dernier, que le gouvernement péquiste avait investi 200 000 $ en catastrophe lorsqu'il avait appris que le drapeau canadien allait flotter sur le site des Jeux du Québec à Trois-Rivières.

Ma question s'adresse au ministre de l'Éducation et responsable du dossier sports et loisirs: Est-ce que le ministre réalise que son obsession a amené son gouvernement à s'ingérer dans l'organisation des Jeux du Québec en exigeant que le comité organisateur refuse un chèque du gouvernement fédéral, chèque qui, comme se plaît à le rappeler constamment le gouvernement péquiste, provient de nos taxes et de nos impôts?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.

M. Legault: M. le Président, effectivement, j'ai été mis au courant de la proposition du gouvernement fédéral. Il faut, par contre, se remettre dans le contexte. Les Jeux du Québec sont financés, incluant les finales régionales, à hauteur de 1 900 000 $ par le gouvernement du Québec. Il y a, par-dessus ça, des commanditaires qui viennent offrir des fonds au comité organisateur. Le gouvernement fédéral a fait une proposition au comité organisateur pour offrir un 200 000 $ additionnel, et ce qu'il demandait en échange, c'est d'être commanditaire de tous les tapis au sol, d'avoir des drapeaux du Canada à toutes les cérémonies d'ouverture et de fermeture des Jeux du Québec. Le gouvernement du Canada demandait aussi d'avoir des logos sur toutes les affiches officielles, sur tous les dépliants, des logos du gouvernement du Canada, donc le drapeau du Canada, sur toutes les couvertures des copies du quotidien, une photo, dans le quotidien Le Nouvelliste , avec le drapeau du Canada, trois panneaux avec le drapeau du Canada...

Le Président: En terminant, M. le ministre.

M. Legault: Donc, en conclusion, je pense que la proposition du gouvernement fédéral était tout à fait ridicule et qu'il faut bien se rendre compte qu'il s'agit des Jeux du Québec, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier (Abitibi-Est): M. le Président, la liste que M. le ministre vient de nous... Est-ce que cette liste doit être complétée par M. le ministre?

Le Président: Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président.

M. MacMillan: Il acceptait son argent du Canada, par exemple, quand il s'est mis riche.

(15 heures)

Le Président: M. le député de Papineau, je suis convaincu que votre collègue de Bonaventure souhaiterait pouvoir poser sa question dans une quiétude acceptable. Mme la députée.


Choix de l'organisme qui tiendra des consultations publiques concernant le projet Hertel–des Cantons

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Dans une déclaration rapportée par le journal La Presse dans son édition du 13 mars dernier, l'attachée de presse du ministre des Ressources naturelles a précisé des déclarations de son ministre sur le processus de consultation publique prévu dans le dossier Hertel–des Cantons. Permettez-moi de citer ses propos: Il y aura, dit-elle, une commission publique sur la sécurité du réseau d'Hydro-Québec, et ensuite va se tenir le processus du BAPE sur ce qu'il reste à construire des projets de bouclage. Or, à la page 15 du jugement Rousseau, la juge se prononce très clairement sur l'unicité du projet. Pour la juge, et je cite, «il apparaît clair au tribunal qu'il s'agit d'un seul projet».

Dans ce contexte, M. le Président, il apparaît clairement que c'est l'ensemble du projet, y compris la phase I déjà construite, qui doit être soumis à l'étude d'impact et au processus d'audiences publiques. Et j'ajouterais: À la page 47 du jugement Rousseau, elle déplore que le gouvernement ait choisi, et je cite, «de soustraire le projet aux mesures de contrôle prescrites par des lois d'ordre public et leur remplacement par des mesures moindres».

Dans ce contexte, M. le Président, est-ce que le ministre des Ressources naturelles peut nous dire quels motifs l'ont amené une fois de plus à ne pas respecter le jugement Rousseau, en choisissant de tenir des consultations publiques via la commission permanente de l'économie et du travail ou encore la commission Nicolet, alors que, selon la Loi sur la qualité de l'environnement, les consultations devraient se tenir devant le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Brassard: M. le Président, j'ai beaucoup de misère à bien préciser, à bien voir la position de l'opposition officielle et je me demande si ce qu'elle souhaite, finalement, ce que l'opposition officielle souhaite, ce n'est pas le démantèlement de la ligne de transmission entre des Cantons et Saint-Césaire. C'est une question centrale, c'est 300 000 000 $ d'investissement. Alors, il me semble qu'on devrait savoir avec précision quelle est la position du Parti libéral du Québec sur cette question.

Ceci étant dit, pour ce qui est construit, je l'ai dit et répété dans ma déclaration ministérielle, ce sera maintenu et sécurisé, sur le plan juridique, par une loi conservatoire qui sera déposée à l'Assemblée nationale. Pour ce qui reste à faire, ce sont les procédures habituelles et régulières dans nos lois qui vont être respectées, et ça peut varier selon la nature de ce qui reste à faire. Dans certains cas, le BAPE pourra être impliqué; dans d'autres cas, non. C'est ce qu'Hydro-Québec est en train de faire, de faire la liste des projets qui restent à construire et de déterminer les procédures appropriées pour chacun des projets.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Charest: En additionnelle, M. le Président. Je ne sais pas si le ministre des Ressources naturelles pourrait confirmer à l'Assemblée nationale que son gouvernement a reçu des avis juridiques de l'intérieur, avant de faire son investissement de 300 000 000 $, il prétend – on va dire que c'est le chiffre – l'avisant qu'il agissait illégalement et qu'il dépensait ainsi des sommes faramineuses d'argent des contribuables québécois en sachant très bien qu'il était dans l'illégalité.

Le Président: M. le ministre.

M. Brassard: M. le Président, ce n'est qu'au moment où Mme la juge Rousseau a rendu son jugement stipulant que les décrets adoptés par le Conseil des ministres en janvier et février 1998, prévoyant des travaux, que ces décrets étaient illégaux, c'est à partir de ce moment-là que nous avons pris acte de ce jugement et pris les décisions que nous avons...

Des voix: ...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, nous avons demandé des avis juridiques après le jugement et...

M. le Président, à partir du moment où la cour a tranché, où Mme la juge Rousseau a rendu public son jugement, c'est évident qu'à ce moment-là il a fallu en faire une évaluation, l'évaluation des impacts, en faire une analyse exhaustive et que, pour ce faire, nous avons eu besoin d'avis de juristes, à ce moment-là.

Le Président: Une dernière complémentaire rapidement, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. M. le Président, est-ce que le ministre de l'Environnement peut nous donner la garantie qu'il abandonnera son simulacre de consultation publique et qu'il aura le courage – parce que c'est lui, le ministre de l'Environnement – de tenir de véritables consultations pour qu'on sache le fond de cette histoire-là?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Bégin: Je pense que le député d'Orford aurait eu mérite à écouter la réponse de mon collègue, puisqu'il lui a dit très clairement qu'il y aurait des audiences du BAPE qui se tiendraient là où c'est requis.

Le Président: Alors, la période des questions et des réponses orales est terminée.


Réponses différées


Aide gouvernementale à l'industrie des courses de chevaux et aux Expos de Montréal

Il y a une réponse différée, comme je l'ai annoncé précédemment. À ce moment-ci, M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances va répondre à une question posée la semaine dernière par M. le député de Mont-Royal concernant les Expos de Montréal et l'aide à l'industrie des courses de chevaux. M. le vice-premier ministre.

M. Landry: M. le Président, c'est depuis 1995 que le gouvernement s'occupe de l'industrie du cheval au Québec, et c'est la première fois qu'il y a une question en cette Chambre. J'en déduis trois choses: le député de Mont-Royal, nouveau, n'a pas consulté ses collègues; deuxièmement, ses collègues ont trouvé que ce qu'on avait fait depuis 1995 était assez bien pour qu'ils ne posent pas une seule question; et, troisièmement, ses collègues connaissaient l'histoire.

Et l'histoire, c'est la suivante. C'est que M. Picotte – je peux l'appeler M. Picotte aujourd'hui, il n'est plus député – avait apposé au nom du gouvernement du Québec sa signature en garantie de toutes les dettes de la SPIC, la Société de promotion de l'industrie du cheval, pour à peu près 55 000 000 $. Et cette société, quand on est arrivé au pouvoir, était en faillite virtuelle, confirmée par les comptables. Alors, ce qu'il nous restait à faire, c'était d'allonger un chèque de 55 000 000 $, ce qui n'est pas dans nos moeurs de gaspiller l'argent public.

Des voix: ...

M. Landry: Et, deuxièmement, pire encore...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry: Deuxièmement – et ça, c'est pire, et le député de Brome-Missisquoi me comprendra très bien – il aurait fallu faire une croix sur l'emploi de 5 000 personnes, dont plusieurs dans son propre comté, des emplois aux salaires modestes, des palefreniers, ce qu'on appelle des hommes et des femmes à chevaux. Il y a 100 000 de ces bêtes au Québec, mais il y a 5 000 Québécois, Québécoises qui gagnent leur vie avec cette industrie.

Alors, je dis au député de Mont-Royal qu'il aurait dû, avant de poser sa question, anticiper que notre gouvernement, plutôt que préférer deux douzaines de citoyens des États-Unis d'Amérique qui gagnent plus dans une semaine que le palefrenier du député de Brome-Missisquoi... ont eu la préférence du gouvernement et que plusieurs villes du Québec, comme Montréal, Trois-Rivières, Aylmer, Québec, et 5 000 emplois répartis sur le territoire ont plus d'importance pour nous que, en tout respect pour ce merveilleux sport qu'est le baseball, deux douzaines de citoyens des États-Unis.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Mont-Royal, en complémentaire.

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre des Finances peut, vu que je suis nouveau, pour m'aider à comprendre, m'expliquer c'est quoi, les critères, et c'est quoi, les mesures d'évaluation qui font qu'il a investi plus de 90 000 000 $ dans cette industrie, qui sauve des emplois, je le reconnais, mais qu'il ne donne rien à quelque autre sport que ce soit, y compris le baseball?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry: Je les ai dits, M. le Président, les critères: des Québécois et des Québécoises qui gagnent honnêtement leur vie dans 25 ou 30 comtés – il y en a dans mon comté quelques-uns, il y en a beaucoup plus dans Brome-Missisquoi, il y en a beaucoup dans Argenteuil, des villes québécoises – l'Hippodrome de Québec sera restauré; et, enfin, l'intérêt public du Québec.

Vous pouvez ne plus vous souvenir de M. Picotte, mais, nous, on s'en souvient. D'ailleurs, c'était un honnête homme, qui avait mis sa signature probablement pour les mêmes raisons qui m'ont poussé à agir, pour sauver des emplois. Alors, là, on a sauvé les emplois, on a sauvé l'argent, puis, en plus, l'Hippodrome de Montréal est dans le patrimoine, ce qui n'était pas le cas autrefois. Donc, tout ce qu'on a fait est, en plus, garanti financièrement. «C'est-u» assez, comme critères, ça, M. le Président?

(15 h 10)

Le Président: Alors, à moins qu'il n'y ait consentement de la part... Il n'y a pas consentement. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, compte tenu des loisirs bien connus du député de Brome-Missisquoi, on consent à ce qu'il pose une question.

Le Président: En espérant qu'on ne dérogera pas à la règle à chaque jour pour les loisirs de chacun des membres de l'Assemblée. M. le député.

M. Paradis: Oui. Sans que ni le leader du gouvernement ni le ministre des Finances ne prennent le mors aux dents, est-ce que le ministre des Finances peut expliquer, si ces mesures visaient à sauver des emplois, pourquoi la principale ferme d'élevage au Québec, qui est dans le comté de Brome-Missisquoi, Ferme Angus, a cessé ses opérations?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry: Non seulement je ne prends pas le mors aux dents, mais je souhaite que, si cette ferme est en difficulté et a les quatre fers en l'air, ça ne serait pas à cause des conseils que son député lui aurait donnés.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Ce que je réponds à ça: Je ne connais pas le cas particulier, là, et nous sommes dans une économie de marché, et l'industrie des courses n'échappe pas à ça. Alors, il y a des succès, il y a des échecs. Mais toute l'industrie du cheval – qu'il connaît bien mieux que moi d'ailleurs parce que, moi, je n'ai pas monté sur un canasson depuis la ferme de mon grand-père, il y a 45 ans...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: ...lui, il le fait à toutes les semaines – toute l'industrie du cheval appuie l'action du gouvernement, et les amis du député qui l'ont écouté poser ses questions ne sont peut-être pas très fiers de lui ce soir.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, s'il vous plaît.


Motions sans préavis

Très bien. Alors, nous en arrivons maintenant aux motions sans préavis. M. le vice-premier ministre.


Hommage à M. Camille Laurin, ex-député de Bourget, et condoléances à sa famille et à ses proches

M. Landry: M. le Président, on voit bien que cette vie politique est une chose étrange et bizarre qui, d'une minute à l'autre, nous fait passer de choses, disons, assez légères à des choses extrêmement tragiques. Je veux, en effet, proposer la motion suivante:

«Que cette Assemblée nationale offre ses sincères condoléances à la famille et aux proches du Dr Camille Laurin et lui rende un dernier hommage en reconnaissant l'extraordinaire héritage qu'il a légué au peuple du Québec.»

Le Président: Alors, je pense qu'il y a consentement pour débattre cette motion. Une intervention? Alors, M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Alors, il est vrai, M. le Président, que la vie est une chose difficile et complexe même dans les meilleures conditions. La condition humaine a bien des aspects tragiques. Cependant, les quelques mots que je vais dire au sujet du Dr Camille Laurin nous consolent de certaines difficultés de l'existence.

D'abord, une petite consolation, mince, c'est que Camille est parti tranquillement. Il est parti tranquillement de la vie, il est parti tranquillement de la vie publique aussi, ce qui fait que les quelques mots que je vais dire, j'ai pu les dire devant lui deux fois de suite, à une fête qui a eu lieu dans son comté pour son départ et à une autre qui a eu lieu dans son village natal, autour de sa famille et de ses amis, à Charlemagne. Et, en un mot, c'est ceci.

Camille Laurin a eu une vie tellement réussie que c'est une sorte d'hommage à la vie. C'est un modèle pour les jeunes. Ce n'est pas une recette de bonheur, parce qu'il n'y a pas de recette de bonheur, mais c'est sûrement une très forte indication de la manière dont on doit aborder l'existence. Camille Laurin est né dans une grande famille, la famille Laurin, dans le petit village de Charlemagne. Une famille modeste, mais extrêmement conviviale et au rayonnement dans le milieu, et déjà, dès son arrivée au collège de L'Assomption, où il a été acquérir une formation classique comme on en prodiguait à l'époque, il s'est révélé un être exceptionnel.

Une anecdote que ses maîtres racontaient plusieurs années après son départ: une fois, la cloche avait sonné la fin de la récréation au collège de l'Assomption, le soir, la récréation du soir. Tous les élèves étaient entrés, puis Camille Laurin était resté en arrêt, contemplant un objet sur le sol. Alors, le maître de salle le prend par l'oreille puis dit: Laurin, qu'est-ce que tu fais là? Tu ne rentres pas? Il dit: Je regarde une grenouille. Tu n'as jamais vu ça, une grenouille? Oui, mais pas celle-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: En d'autres termes, Camille Laurin a développé dès ses premiers contacts avec la culture un attrait pour l'observation et la méthode scientifique, mais en même temps la culture générale, en même temps la philosophie, en même temps la musique, et ça l'a conduit tout naturellement à un choix de carrière humaniste. Camille Laurin n'a pas choisi la politique du tout; il a choisi de s'intéresser à ses semblables au cas par cas, dans la détresse de la maladie mentale. Il l'a fait avec passion, avec vigueur, avec les méthodes du temps, qui n'étaient pas négligeables – il avait étudié aux États-Unis et en France – et il s'est vite rendu compte que l'action au niveau micro peut être très valable.

Mais, quand on veut faire plus, on fait plus. Alors, il est passé du particulier au général. Il a révolutionné la psychiatrie québécoise, révolutionné notre système de santé mentale, s'est illustré dans des institutions – Albert-Prévost, bien sûr – mais il a rayonné sur toutes les institutions de santé mentale du Québec. Et, dans ce parcours, il a fait une transposition au politique. Il s'est occupé des gens, il s'est occupé d'un secteur et il a cru que, du particulier au général, de l'individuel au collectif, il devait venir servir sa patrie ici, ce qu'il a fait d'une façon magnifique. Parlementaire distingué qui, même dans les débats les plus orageux et les plus difficiles – et c'est peut-être lui qui a eu à les affronter surtout, et on comprend très bien pourquoi et on sympathise avec nos compatriotes anglophones – jamais il n'a développé envers quiconque la moindre agressivité personnelle, la moindre aigreur. Il parlait recto tono dans les débats, il pensait recto tono, il aimait recto tono. C'était un homme d'harmonie.

Et son principal héritage, qui est plus vaste que la loi 101 – mais la Charte de la langue française est le principal héritage – plus vaste parce qu'il y a aussi une action culturelle extraordinaire – il a été ministre de l'Éducation, il a mené de très grandes réformes plus vastes que la question linguistique – mais son principal héritage, la question linguistique, est aussi un immense facteur de paix sociale au Québec. Imaginez-vous, à cause de l'action de cette loi, les enfants de nos compatriotes, nos frères immigrants et immigrantes venus d'ailleurs, vont dans les mêmes écoles que nos enfants, ce qui évidemment leur rend l'énorme service de pouvoir s'intégrer beaucoup plus facilement à la vie publique québécoise, à la vie culturelle québécoise, à notre vie nationale en général. Alors, Camille Laurin a bien servi la patrie et les hommes et les femmes qui y habitaient au moment où la loi a été passée, mais ceux aussi qui y sont venus par la suite et qui, au coude à coude avec nous, construisent la société québécoise.

(15 h 20)

En ce sens, une vie complète, une vie remplie et une vie modèle. Et je n'hésite pas à dire que, parmi les Québécois de notre temps, Camille Laurin est un des plus grands. C'est un fils illustre de la patrie, il a bien mérité d'elle, et je crois, M. le Président, que cette Assemblée, comme notre peuple entier, ne l'oubliera jamais.

Le Président: M. le député d'Outremont.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, M. Camille Laurin, dont les funérailles avaient lieu hier en l'église Notre-Dame de Montréal et dont nous commémorons aujourd'hui la mémoire, était un politicien de vision. Cette vision, le Dr Laurin l'avait inscrite au coeur même de son fameux livre blanc sur la politique de la langue dans lequel il avait proclamé sans ambiguïté que le Québec devait être une société essentiellement française. On conviendra, M. le Président, qu'il s'agissait là d'un rêve ancien témoignant d'une volonté de reconquête, dont Camille Laurin s'était fait le porteur sans en avoir été néanmoins l'auteur. Sauf qu'avec Camille Laurin le rêve d'un Québec français prenait la forme d'une législation étatique, législation linguistique, faut-il ajouter, d'une ambition sans précédent.

L'ancien député de Bourget, M. le Président, était autant un homme de décision. Ayant suivi de très près les débats entourant l'adoption de la Charte de la langue française, j'ai pu le voir à l'oeuvre et voir à l'oeuvre la détermination quasi inébranlable de Camille Laurin à faire les choix qu'il jugeait souhaitables malgré des oppositions tenaces, dont certaines venaient de sa propre formation politique. Il y avait là, M. le Président, une manifestation de leadership transformatif dont la politique nous offre normalement peu d'exemples.

M. le Président, nous ne partagions pas la vision de Camille Laurin, à l'époque de l'adoption de la loi 101, et nous ne la partageons toujours pas. Nous avons à plusieurs reprises discuté avec le député de Bourget des désaccords qui nous séparaient sans pour autant réussir à nous rapprocher.

Ces désaccords, contrairement à ce qu'on pourrait croire à première vue, ne tiennent pas d'abord et avant tout à des considérations partisanes. Le Dr Laurin était un souverainiste, et, à ses yeux, la Charte de la langue française était plus qu'une législation linguistique; il la voyait, en effet, comme un outil de mobilisation vers la souveraineté. Nous n'avons jamais cru que ce pari pouvait être gagné, et faut-il ajouter que, jusqu'ici, les événements nous ont donné raison.

Nos désaccords avec le Dr Camille Laurin résidaient ailleurs. La Charte de la langue française, grande oeuvre de Camille Laurin, renvoie, en dernière analyse, à une évaluation des dangers auxquels est exposé le français du Québec, entendu à la fois comme «moyen de communication» et comme «milieu de vie» – ces expressions sont tirées du livre blanc du Dr Laurin. Or, M. le Président, nous croyons que cette évaluation de risque que faisait le Dr Laurin s'inspire d'un pessimisme, un courant profond du nationalisme minoritaire que nous ne pouvons comprendre mais pour lequel nous n'avons pas de sympathie.

On sera étonné de m'entendre dire que le Dr Laurin participait de ce type de nationalisme qui a tellement marqué sa génération, surtout compte tenu de ce que Camille Laurin lui-même a pu écrire sur le besoin de dépasser ce nationalisme minoritaire. Sauf, M. le Président, que les états d'âme d'une génération sont parfois plus tenaces qu'on le souhaiterait.

Il en résulte plusieurs conséquences déplorables, du point de vue des effets de la Charte de la langue française sur certains aspects critiques de notre vie communautaire. D'abord...

Des voix: ...

M. Laporte: Écoutez, il faut tout de même dire les choses telles qu'on les voit et telles qu'on les pense. Alors, je vous demanderais de me laisser parler. Laissez-moi parler!

Le Président: M. le député, un instant, s'il vous plaît!

M. Laporte: Il en résulte, à mon avis, M. le Président, plusieurs conséquences déplorables, du point de vue des effets de la Charte de la langue française sur certains aspects critiques de notre vie communautaire:

D'abord, une forte polarisation de la langue issue du ton des débats entourant l'adoption de la Charte, qui, selon moi, n'a pas contribué, comme ça aurait pu être autrement, au ralliement massif de toutes les Québécoises et de tous les Québécois aux objectifs légitimes et ultimes de la législation;

Ensuite, ce que nous percevons comme étant le rigorisme dont témoignent certaines règles proclamées par la Charte de la langue française et qui nous ont exposés, malgré ses intentions, à un climat linguistique de rancoeur dont nous subissons toujours les effets;

Finalement, un manque de préoccupation pour la mise en place de mécanismes institutionnels auxquels il aurait fallu penser afin d'assurer que, dans sa mise en oeuvre, l'application de la législation ne produise des effets d'inéquité sociale qui nous sont toujours apparus comme étant prévisibles.

Mais, je le répète, M. le Président, en terminant, ces désaccords tenaces n'ont diminué en rien le respect que nous a toujours inspiré la volonté de Camille Laurin de poursuivre un objectif qu'il jugeait souhaitable. Le Dr Camille Laurin était un politicien passionné, se faisant une très haute idée de ses responsabilités d'homme public et capable d'un flair et d'un coup d'oeil qui suffisent à motiver notre respect.

Ce type de politicien, M. le Président, ne court pas les rues. Pour cette raison et pour bien d'autres, le Dr Camille Laurin était tout un interlocuteur et son départ, il va sans dire, laisse un grand vide, crée un manque qu'il nous sera très difficile de combler. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, sur la même motion.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Je vous remercie, M. le Président. Nous avons l'occasion aujourd'hui de souligner la contribution à la vie de notre société d'un homme que plusieurs ici ont connu pendant plus longtemps que moi, mais que j'ai connu comme un homme serein, déterminé, dont le travail colossal a marqué certainement toute une époque.

Quand on veut regarder l'affirmation du Québec comme une échelle, comme un processus progressif, on peut le voir comme une étape qui est allée d'un parti politique à l'autre. On peut le voir comme des étapes qui sont allées d'un gouvernement à l'autre, mais on peut aussi le voir comme une progression qui s'est faite de grande personnalité en grande personnalité et certainement que, dans cette succession de personnalités fortes qui ont marqué l'affirmation du Québec, le nom de Camille Laurin est inscrit à jamais.

Je dois aussi souligner sa contribution politique, placée dans le contexte où Camille Laurin aurait pu faire bénéficier plusieurs autres sphères de la société, comme il l'a fait pendant une grande partie de sa carrière, de sa certitude tranquille, probablement d'une façon plus libérante pour les fins de semaine, probablement d'une façon plus rémunératrice, à la limite, probablement d'une façon moins exigeante sur le plan du stress personnel, et il a choisi, pour une grande partie de sa carrière, de s'investir dans la voie politique et il le faisait clairement par choix, par dévouement, par détachement de son intérêt personnel; et je pense que ça doit faire aujourd'hui partie de cet hommage qu'on lui rend, d'avoir choisi de mettre sa certitude tranquille, qui le marquait tant, au service de la population du Québec. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Président: Alors, est-ce que la motion du vice-premier ministre est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Alors, en conséquence, je vous inviterais à vous lever pour un moment de recueillement.

(15 h 28 – 15 h 29)

Très bien. Veuillez vous asseoir.

Toujours à l'étape des motions sans préavis, M. le député de l'Acadie, maintenant.


Hommage à M. Gratien Gélinas, homme de théâtre, et condoléances à sa famille et à ses proches

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Alors, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion sans préavis suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne le décès de M. Gratien Gélinas en rendant hommage à cet éminent homme de théâtre dont l'apport inestimable aura marqué de façon exceptionnelle la vie culturelle québécoise et offre ses plus sincères condoléances à sa famille ainsi qu'à ses proches.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Très bien. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Il y a consentement, M. le Président, pour qu'il y ait aussi un intervenant de chaque côté.

Le Président: Très bien. Alors, M. le député de l'Acadie.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Hier, le Québec a vu disparaître un homme remarquable, M. Gratien Gélinas.

M. Gélinas aura su jeter un regard juste sur les valeurs, les inquiétudes, mais aussi les petits travers de la société québécoise. Ce fut un comédien, un dramaturge et un humoriste également de grand talent.

(15 h 30)

Il suffit de signaler que nous venons de perdre le père de Fridolin, de Ti-Coq, de Bousille et de Narcisse Mondoux pour prendre conscience de l'importance de la présence de M. Gélinas dans la vie culturelle du Québec. Dans tous ces personnages, nos concitoyens ont retrouvé certains traits caractéristiques de notre vie collective. S'il a su faire rire plusieurs générations, il a également su nous faire réfléchir pour faire évoluer notre société et pour lui permettre de se dépasser. Soucieux de refléter les préoccupations sociales de son époque, il traita de l'esprit de contestation face aux valeurs figées de notre société, de la conscription, de l'évolution de la religion au moment de la Révolution tranquille et de l'essor du féminisme.

Homme de convictions, déterminé à vivre et à créer au Québec, il décida, au début des années trente, d'écrire une première pièce de théâtre vraiment québécoise, ce qui devait ouvrir la voie, entre autres, aux Marcel Dubé, Yves Thériault, Françoise Loranger, Michel Tremblay. D'ailleurs, il produisit lui-même certains des premiers dramaturges québécois dans le théâtre qu'il créa et qui fut durant plusieurs décennies un phare de la vie théâtrale montréalaise, La Comédie-Canadienne.

Gratien Gélinas représentait pour nous tous un homme exceptionnel. En plus de ses qualités de coeur et de sa simplicité, il est demeuré fidèle à certaines valeurs fondamentales qui l'ont guidé durant toute sa vie: la famille, les amitiés, le respect du public.

M. Gélinas a parcouru un long chemin, heureusement jalonné de succès qui s'expliquent évidemment, d'abord et avant tout, par son grand talent, mais aussi par sa détermination, sa grande capacité de travail, sa confiance en l'avenir et sa recherche continue de la perfection. Rappelons qu'il a joué partout au Québec, à travers le Canada et même à New York. La fierté qu'il a pu ressentir à la fin de sa vie en regardant l'ensemble de ses réalisations rejaillit sur toute la société québécoise dont il aura été l'un des plus illustres promoteurs.

Pour bien nous faire prendre conscience du rôle crucial de M. Gélinas dans la mission qu'il s'était donnée de refléter la société québécoise du Xxe siècle, le destin a fait en sorte qu'il joue au cinéma, probablement pour une de ses dernières fois, dans le film Les tisserands du pouvoir qui rappelait une époque tragique de la vie du Canada français, soit l'exode aux États-Unis d'un grand nombre de nos compatriotes.

Au cours de ce siècle, M. le Président, il aura su nous rappeler ou aura lui-même été de tous les moments tragiques ou drôles de l'évolution du Québec moderne. Il est heureux que son apport à notre vie culturelle ait été reconnu à de très nombreuses reprises par ses concitoyens qui lui ont notamment décerné l'Ordre national du Québec et l'ont hissé au rang de Compagnon de l'Ordre du Canada.

Voilà, M. le Président, un homme dont nous pouvons tous nous inspirer et dont la vie demeure un modèle pour les générations futures, plus particulièrement pour la relève théâtrale à qui il a pavé la voie, une voie humaine, généreuse et exemplaire.

Au nom de mes collègues de même qu'au nom de tous les Québécois et Québécoises, je désire transmettre mes plus vives condoléances à son épouse, Mme Huguette Oligny, à toute sa famille ainsi qu'à ses nombreux amis. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, leader adjoint du gouvernement.


M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, il est un vieux proverbe issu du judaïsme qui dit que lorsque quelqu'un meurt on ne dit que du bien de lui. Géographiquement, le député d'Outremont aurait été bien placé pour le pratiquer. Et je laisserai à M. le leader de l'opposition d'intervenir, je crois que c'est ça qu'il s'apprête à vouloir faire... Non? D'accord, je poursuis.

M. le Président, au moment où hier nous sortions de la très belle basilique Notre-Dame de Montréal, joyau de notre patrimoine national, lourds de chagrin à l'occasion du décès du Dr Laurin, nous apprenions que nous devions continuer de porter nos habits de deuil: un autre des nôtres venait de nous quitter, M. Gratien Gélinas était décédé. Pour paraphraser Malraux: Un autre chêne était abattu.

Comédien, auteur, directeur, administrateur, M. Gélinas a été, comme l'a si bien dit notre premier ministre, un précurseur. C'est lui le premier qui a permis à notre écriture théâtrale d'avoir notre accent et, par voie de conséquence, permis à d'autres – pour ne nommer que deux seuls, Marcel Dubé, Michel Tremblay – de poursuivre dans cette voie.

Ce petit bonhomme franc, rieur était un rebelle d'abord et avant tout. Il l'a exprimé d'une façon particulière en amenant vers le peuple une culture qui n'était à l'époque que bourgeoise et élitiste, avec le mépris que cela a pu lui valoir, à lui comme à tant d'autres à cette époque. Et j'ai à la mémoire Rose Ouellette. Comme le rappelle Michel Tremblay, il a osé, par la bouche de Fridolin, dire ce qu'il pensait du clergé et des politiciens de cette époque. Il contestait, à travers la dérision, la rigolade, mais le sourire et le rire provoqués n'atténuaient nullement la portée et la valeur du message politique, social et culturel qu'il voulait livrer. Sa critique va plus loin avec la pièce Bousille et les justes .

Par cela, tout ce qui a précédé et suivra, Gratien Gélinas a permis, je le répète, une écriture théâtrale, une dramaturgie nationale. Il n'est pas exagéré de dire, comme plusieurs l'ont dit, qu'il est le père de cette dramaturgie nationale québécoise. Père d'un théâtre qui nous ressemble, mais père d'un théâtre qui nous rassemble. Père d'un théâtre que d'autres poursuivront grâce à lui qui a été le premier à permettre à nos exceptionnels comédiens de nous donner, dans le souffle du texte, la vérité, la liberté et la modernité.

Récompensé à maintes fois – M. le député de l'Acadie a oublié de le mentionner – il a reçu l'Ordre national du Québec, ce qui n'est pas un ordre mineur, ainsi que plusieurs récompenses venant notamment de ses pairs, donc de l'ensemble du milieu de la culture.

À Mme Oligny, son épouse, qui est à la fois compagne de théâtre et compagne de vie, à ses enfants, en ayant, pour notre part, une pensée tout à fait spéciale pour Michel, un de nos compagnons de lutte nationale, j'offre, au nom du gouvernement et de l'ensemble des députés ministériels, nos plus sincères condoléances. C'est dans nos coeurs que vivent ou meurent ceux qu'on aime, M. le Président. Gratien Gélinas est vivant. Merci.


Mise aux voix

Le Président: Alors, la motion est adoptée. M. le chef de l'opposition officielle, maintenant.


Souligner la fête nationale des Irlandais

M. Charest: Merci, M. le Président. Ma motion, sur un sujet qui, je pense, ralliera tous les députés de cette Chambre, concerne une fête qui est bien soulignée au Québec, et la lecture de la motion est la suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la fête des Irlandais et émette le voeu que la communauté irlandaise puisse continuer à prospérer et ainsi contribuer à l'évolution et au progrès du Québec.»

Le Président: Alors, je pense qu'il y a consentement pour débattre de la motion.

M. Brassard: ...M. le Président, mais il y a aussi une entente pour qu'il y ait deux intervenants de chaque côté.

M. Paradis: Malgré le souhait exprimé encore une fois par de nombreux parlementaires qui souhaiteraient intervenir.

Le Président: Alors, M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, c'est avec un peu d'émotion que je prends la parole sur cette motion aujourd'hui, sur une motion qui, je le souhaite, sera adoptée unanimement par la Chambre, sur la présence, en Amérique du Nord, mais surtout au Québec, d'une communauté qui a beaucoup marqué notre histoire. Et je le fais avec un peu d'émotion parce que je suis moi-même descendant d'une famille irlandaise. Ma mère s'appelait Rita Leonard, originaire des Cantons-de-l'Est, un petit village qui s'appelle Bury, et ma famille, de ce côté-là, de ma mère, était venue au Canada dans des circonstances très difficiles, pendant une famine qui a terrassé le peuple irlandais à l'époque, qui, en passant, a été marquée et soulignée, pas très loin d'ici, dans le fleuve Saint-Laurent, un endroit qui s'appelle Grosse-Île, que certains appelaient l'île des Irlandais, où il y a là un monument qui souligne les souffrances du peuple irlandais et de ceux qui étaient déracinés, à ce moment-là, de leur pays natal pour venir au Québec.

(15 h 40)

Et pour ceux qui n'ont pas eu l'occasion de visiter cet endroit, M. le Président, je les encourage à le faire. Ils y retrouveront un monument qui évoque la mort, les sacrifices et un voyage, un périple absolument affreux pour certains d'entre eux, qui s'est terminé dans la mort mais qui, heureusement, s'est terminé surtout dans la vie, une vie qui a eu une influence inespérée au Québec. Ça nous a permis de vivre un des moments de solidarité qui a marqué notre histoire pour ces jours-là et pour toujours.

Je raconterai rapidement une des histoires ou une anecdote qui a été répétée plusieurs fois, celle de ces jeunes enfants confiés à des familles qui étaient des familles francophones, canadiennes-françaises, le long des rives du Saint-Laurent, ces jeunes enfants, imaginez-vous, irlandais, M. le Président, qui avaient fait, dans certains cas, des promesses solennelles à leurs parents, avant que leurs parents ne meurent, qu'ils allaient préserver leur nom. Et ces enfants-là, par le biais de l'Église et la générosité de l'Église catholique, étaient confiés à des familles canadiennes-françaises qui acceptaient de les prendre, de les accepter. Puis, imaginez-vous un peu, je peux déjà voir ça, des familles de huit, neuf et 10, ils avaient besoin de ça, d'un autre enfant! Et, typique de notre générosité, de la grandeur d'âme des Québécois, ils les ont pris sans hésitation, et ils ont permis à ces enfants-là de garder leur nom. Puis il faut se placer dans le contexte de l'époque. Ça ne devait pas être facile d'accepter un compromis comme celui-là. Je le raconte parce que, pour moi, en tout cas, c'est un exemple extraordinaire de ce que nous sommes et de ce qui a façonné nos valeurs.

Ces enfants-là, bien, c'est devenu les Ryan du Québec, c'est devenu les Johnson, c'est devenu... On dit que 40 % au moins de tous les Québécois ont du sang irlandais. C'est devenu probablement les Bouchard, les Landry puis les Charest et à un point tel que, en ce jour du 17 mars, ma mère me disait toujours: Il y a deux sortes de gens au monde. Il y a ceux qui sont Irlandais puis il y a ceux qui veulent l'être.

Et je vais vous raconter une autre anecdote amusante, dans le contexte québécois, parce que je me rappelle de ça comme si c'était hier. De temps en temps, quand on arrivait à la maison et qu'on racontait à ma mère que quelqu'un nous disait qu'on parlait anglais ou qu'on avait des racines anglophones, elle nous reprenait systématiquement et avec beaucoup de fermeté. Elle nous disait, en anglais: «You're not English.» Et, pour un enfant qui était jeune, c'était un peu difficile à comprendre. «You're not English. You understand me. You're not English. You are Irish.» Et on était un peu étonné de cela, mais, pour tout vous dire, elle n'avait jamais foulé le sol irlandais. Elle était à trois ou quatre générations du voyage qu'avaient fait ses ancêtres, mais c'était, pour elle, un sentiment qui était bien senti, sans aucune malice, en passant. Il n'y avait aucune malice là-dedans. C'était là une façon pour elle de rappeler nos origines.

Je veux, M. le Président, simplement, aujourd'hui, rappeler cette grande contribution de la communauté irlandaise au développement du Québec. Sur le plan de la culture, les reels, par exemple, que nos ancêtres ont dansés, qui ont fait partie de notre culture, c'était, ça, le lien direct avec notre culture celtique.

Je vois le député des Îles-de-la-Madeleine qui hoche de la tête parce qu'il a bien dû danser de temps en temps, lui aussi, et je le remercie de reconnaître cette contribution. Mais c'est pour dire, M. le Président, à quel point nous sommes, nous, ici, comme ailleurs dans le monde, l'issue et le résultat de la fusion de plusieurs cultures, de langues, d'expériences, et que, en bout de ligne, ce que je retiens de notre volonté, de ce que nous sommes, c'est que nous avons ensemble vécu des expériences communes.

C'est ce que le philosophe Renan nous rappelait au sujet de l'existence des pays: C'est quoi, dans le fond? Est-ce que c'est les frontières? Est-ce que c'est la langue qui nous définit, l'ethnicité, ou est-ce que ce n'est pas plutôt les valeurs communes, l'expérience commune et la volonté partagée de vouloir vivre et partager le même destin?

M. le Président, aujourd'hui, on remercie les Irlandais de nous avoir inspirés dans nos choix, et qu'ils puissent toujours continuer à nous inspirer pour l'avenir, et même, pour cette journée, je serais prêt à reconnaître que les Landry, c'est de l'Irlandais à 100 %.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Avant qu'on se mette à parler celtique, ou gaélique plutôt, je vais céder la parole au député de Groulx.


M. Robert Kieffer

M. Kieffer: Merci, M. le Président. Permettez-moi à mon tour de vous raconter une anecdote. Probablement deux des berceuses dont je me rappelle le plus de ma tendre enfance, et qui étaient chantées par ma mère, d'ailleurs, c'était À la claire fontaine et When Irish eyes are smiling . Ma mère, M. le Président, c'est une Lalonde. Les Lalonde sont débarqués au Québec en 1642 avec Samuel de Champlain. Ils ont littéralement peuplé – pour ceux qui sont de ce coin-là – L'Île-Perrot. Mais aussi, dans l'arbre généalogique de ma mère, il y a des McNab qui sont arrivés au Québec au siècle dernier, qui se sont intégrés. Ma grand-tante ne parlait pas un mot d'anglais, mais elle avait conservé son nom, comme l'a si bien souligné tantôt le chef de l'opposition.

Alors, je profite aujourd'hui, en cette fête de la Saint-Patrick, M. le Président, de l'occasion qui m'est donnée d'offrir mes meilleurs voeux aux Québécoises et aux Québécois d'origine irlandaise et, du même coup, de leur rendre hommage. Dimanche dernier, les Québécoises et les Québécois d'origine irlandaise, des citoyennes et des citoyens venant de tous les milieux, ont participé au défilé traditionnel de la Saint-Patrick à Montréal, et qui célébrait son 175e anniversaire. C'est, en fait, le plus vieux défilé commémorant la journée et l'anniversaire de l'Irlande en Amérique du Nord. En fait, c'est en 1824 qu'a eu lieu le premier défilé de la sorte, et c'est à Michael O'Sullivan qu'en revient le mérite puisqu'il fut l'instigateur et l'organisateur de ce premier défilé.

C'est très certainement l'un des groupes de citoyens issus de l'immigration le plus important en nombre à s'être établi au Québec. Et, comme le soulignait encore le chef de l'opposition tantôt, il y a plus de 40 % des Québécois et des Québécoises qui ont quelque part du sang irlandais. On le reconnaît à la couleur des cheveux, on le reconnaît à un certain bleu du fond des yeux, on le reconnaît aussi à notre propension à fêter et, quelquefois aussi, à lever le coude.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Kieffer: On le reconnaît aussi à plusieurs noms qui se sont complètement francisés: les Barrette, qui viennent des Barrett, les Guérin, qui viennent des Guerin ou des Guerrey, les Morin, qui viennent des Moran, les Nolin pour les Nolan, et j'en passe. Descendant de la verte Érin par le truchement de leurs ancêtres, ces derniers ont fondé des quartiers montréalais bien connus, tels que Griffin Town, Goose Village et Pointe-Saint-Charles, qui d'ailleurs a très longtemps porté le nom de The Point. Ils font maintenant partie intégrante du paysage québécois, et je veux leur rendre hommage aujourd'hui, d'autant plus qu'ils ont contribué à enrichir par leur histoire et leurs nombreuses réalisations le Québec tout entier et, par le fait même, contribué à son développement et à sa modernisation. Je pense, entre autres, à ceux que l'on surnommait à une certaine époque les «navvies», les ouvriers qui ont oeuvré à la construction des chemins de fer, du canal Lachine et du pont Victoria.

(15 h 50)

S'il est une partie de leur histoire qui est beaucoup moins reluisante, c'est celle de la grande famine qui a dévasté l'Europe, et particulièrement l'Irlande, autour de 1847. Pour ceux et celles qui ont eu l'occasion d'aller voir Grosse-Île – je suis de ceux-là, je l'ai visitée à certaines occasions – c'est frappant, c'est mémorable. C'est même dur par moments de réaliser que des dizaines de milliers d'Irlandais et d'Irlandaises sont enterrés là depuis plus d'un siècle. Mais ce sont aussi ceux et celles qui sont passés par les camps de Grosse-Île et qui ont survécu qui ont peuplé le Québec.

En cette fête de la Saint-Patrick, M. le Président, je veux dire un merci tout spécial aux Québécois et aux Québécoises d'origine irlandaise pour leur contribution exceptionnelle à la vie culturelle, sociale et économique du Québec. Le peuple irlandais comme le nôtre se ressemblent, en ce sens que, malgré les aléas de l'histoire, que d'ailleurs a soulignés tantôt le chef de l'opposition, il demeure un peuple bien vivant qui a su résister et garder son identité. Heureuse Saint-Patrick à tous les Québécois et à toutes les Québécoises de descendance et d'origine irlandaise. Merci.

Le Président: M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. C'est un grand plaisir et un honneur pour moi de me joindre à mes collègues sur cette importante motion, et je tiens à dire tout de suite en partant que le libellé même de la motion est typiquement québécois, en ce sens qu'on ne parle pas de la fête de la Saint-Patrick, mais bel et bien de ce qu'on dit ici au Québec, de la fête des Irlandais.

Et justement, M. le Président, je tiens à souhaiter, comme mes autres collègues, une joyeuse fête de la Saint-Patrick, une joyeuse fête des Irlandais à tous les gens du Québec qui sont de descendance irlandaise.

M. le Président, un peu comme le chef de l'opposition tantôt, je fais partie de ce grand pourcentage de la population qui a tantôt des parents d'origine canadienne-française, tantôt des parents d'origine irlandaise.

In my family, Mr. Speaker, my father, Harry Donnelly Mulcair, and my mother, Jeanne Honorine Hurtubise, had 10 children, and I think that the names of my brothers and sisters, the names of all 10 of us, are probably a pretty good road map, a good indication as to our origins. Our names are: Colleen, Tommy, Peter, Jeannie, Danny, Debbie, Sheylagh, Maureen, Kelly and Sean.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Beaucoup plus irlandais que ça, M. le Président, c'est difficile à trouver.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: M. le Président, un des facteurs qui ont toujours fait en sorte que les gens d'origine irlandaise se sont si facilement tissés dans la population, le peuple québécois, c'est le fait qu'on partageait surtout, à l'origine, la même religion.

When I went to Laval Catholic High School, there was as much French spoken in the schoolyard as English. So, those of us who went through the English catholic system wound up having a bit of an advantage, to the extent that we were exposed quite early to French; not always the most classic French, mind you, but enough French words to get us going and make us less shy in learning to speak the majority language.

Et c'est peut-être ce genre de contacts avec la population majoritaire, M. le Président, qui fait en sorte que la magie qu'est le Québec est si facilement transportée outre-frontières quand les gens qui ont eu le plaisir de parler anglais et français ici, qui font partie de ce peuple qui, justement, comprend des gens de diverses origines, vont à l'extérieur. Je pense, par exemple, M. le Président... My sister Sheylagh, when she was hired to teach French first language in the Calgary School Board, they couldn't quite figure out how someone named Sheylagh Mulcair was able to teach French first language in an elementary school in Calgary. And who knows? Maybe if there are enough of us who go outside the province and explain the reality of Québec, with a little bit of Irish luck, people in the rest of Canada will begin to understand some of the special characteristics of this extraordinary place that we share together.

So, to everyone, happy St. Patrick's Day, enjoy your Irish coffee. Thank you.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, M. le député de Vachon, maintenant.


M. David Payne

M. Payne: Ça fait plaisir, M. le Président. Ça m'a fait penser aussi, M. le Président, les propos du député de Chomedey... Moi aussi, une bonne famille catholique irlandaise, on avait ma mère, de County Kilkenny, son grand-père était né au pied du mont Tara, qui est dans le County Meath. Lorsqu'on était jeunes, on récitait avant le coucher les prières, sauf qu'on avait une grande famille, et, effectivement, on avait les noms irlandais: il y avait Anthony, Michael, David, Deirdre, Martin, Gerry, Patricia, Deirdre, Mary, Maureen, et les autres, j'oublie un peu. Mais ils étaient tous, les noms très irlandais, et comme enfants, on était tellement fatigués et empressés de finir la prière pour se coucher, on ne finissait jamais. Mais c'était toujours beaucoup plus intéressant de dire cette prière-là plutôt que le chapelet. Alors, on avait l'habitude de dire tout simplement: Que Dieu bénisse... Et la liste s'ensuivait, et on se couchait. C'était beaucoup plus facile.

Ce qui n'est pas dit en anglais – je ne le dirai pas, peut-être, en anglais, je préfère le dire à mes compatriotes francophones – mais il y avait beaucoup de séparatistes, de souverainistes, depuis longtemps chez les Irlandais.

Je pourrais même évoquer un père de la Confédération, pour le souvenir du député de Sherbrooke, qui s'appelle D'Arcy McGee. Je ne voudrais pas lire tout ce qu'il avait dit parce que c'est une abomination sur le règne de terreur de l'empire britannique, et j'en sais quelque chose. Il a longuement écrit là-dessus. Il y avait même une thèse à l'effet qu'il était l'objet d'une assassination justement à cause qu'il a résilié ses prétentions et son appui pour le Mouvement de la libération du Québec dans ce temps-là. Il a beaucoup écrit à ce sujet-là, et je le recommanderais au député de Sherbrooke. C'est assez intéressant parce qu'il a changé son avis 20 ans plus tard, D'Arcy McGee.

Il y avait aussi un premier député, ici, en Chambre, qui s'appelait M. Lester, qui était un Irlandais. C'était en 1747, si je me souviens bien, 1795, je m'excuse, la première fois qu'il a été élu. Tout à son honneur. Il était né d'ailleurs à Cork, le premier député à l'Assemblée nationale.

Dans une histoire un peu plus récente, en 1837, il y avait deux des patriotes qui étaient exportés vers l'Australie: John Ryan et son fils faisaient partie active dans la révolution de 1837.

Je voudrais aujourd'hui rendre hommage à tous ceux qui sont passés à travers l'île de Grosse-Île. J'ai eu le plaisir de visiter Grosse-Île à plusieurs reprises dans les derniers 20 ans. J'ai même déposé une motion dans cette Chambre, en 1982, une motion à l'effet que Grosse-Île devrait être consacrée au peuple irlandais. D'ailleurs, le premier ministre de l'époque, M. Lévesque, a accueilli ma demande, il a établi une «task force», une équipe, qui a fait des recherches à ce moment-là sur Grosse-Île.

J'ai reçu une lettre de bêtises du ministre de l'Agriculture du temps, Eugene Whelan, qui me disait que ma proposition que ça devrait être consacré, cette terre-là, Grosse-Île, constituait une gifle au gouvernement fédéral parce qu'on en avait besoin dans ce temps-là, disait-il, pour faire de ça une île de quarantaine. C'était de valeur parce que, quelques années plus tard, la proposition que j'avais faite, entérinée par M. Lévesque, était accueillie par le gouvernement fédéral qui avait effectivement mis de l'argent dans Grosse-Île.

J'étais assez fier l'an passé d'accompagner Mary McAleese, la présidente de la République d'Irlande, à Grosse-Île. Et elle a remarqué, comme l'autre présidente avant elle – encore une femme, Mary Robinson – l'extraordinaire travail qui était fait dans la récente histoire pour consacrer les terres de Grosse-Île à la mémoire du peuple irlandais. C'est assez intéressant parce que lorsque, l'an prochain le bateau-réplique va arriver d'Irlande, qu'il va nous rappeler l'histoire de Grosse-Île – comment on dit ça, la roue? la barre! – la barre va être fabriquée par les Québécois. Et cette partie du bateau va être notre contribution pour le bateau qui va quitter l'Irlande et passer par Québec l'an prochain.

Document déposé

Justement, je voudrais peut-être suggérer que je puisse déposer le rapport qui a été fait par le gouvernement Lévesque soulignant l'intérêt et la passion que les Québécois ont pour entretenir la mémoire des Irlandais au Québec. J'ai fait des recherches, la semaine passée, et j'ai trouvé que, malgré le fait qu'il y avait beaucoup de travail qui était fait sur Grosse-Île pour rétablir le nom et la renommée de Grosse-Île, le document n'a jamais été déposé en Chambre. Alors, avec le consentement de l'opposition... Je suis sûr qu'ils seraient intéressés de le lire. Je pense qu'aujourd'hui c'était déposé... La motion, la première fois que je l'ai déposée, c'était le 17 mars 1982; je voudrais déposer le rapport une quinzaine d'années plus tard. Merci.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Alors, la motion est adoptée, et le président fera le nécessaire pour que cette motion soit transmise également au Parlement irlandais puisque nous avons visité nos collègues du Parlement irlandais, l'an dernier, avec le député de Richmond et le député d'Ungava.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, puisqu'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous arrivons maintenant aux avis touchant les travaux des commissions. Alors, je vous avise que la commission de l'éducation va se réunir en séance de travail aujourd'hui, après les affaires courantes, jusqu'à 18 heures, à la salle RC-161 de l'hôtel du Parlement, et l'objet de la séance est d'informer les membres de la commission des travaux qui sont envisagés.

(16 heures)

Je vous avise également que la commission des institutions va se réunir en séance de travail demain, jeudi le 18 mars, de 10 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau, afin de faire la présentation des activités de la commission et de discuter de la planification de ses travaux.

Je vous informe également que la commission de l'économie et du travail va également se réunir en séance de travail demain matin, de 11 heures à 12 h 30, à la salle RC.171, afin d'informer les membres de la commission des activités du fonctionnement de la commission et de procéder à l'organisation de ses travaux.

Et, finalement, la commission des transports et de l'environnement va également se réunir en séance de travail demain matin, de 9 h 30 à midi, à la salle RC.161, afin de discuter de l'organisation de ses travaux.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Alors, s'il n'y a pas de renseignements sur les travaux de l'Assemblée, nous allons... Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, hier, notre Parlement aurait dû normalement entendre un débat de fin de séance, mais, pour les tristes raisons que vous connaissez, nous n'avons pas pu siéger. Alors, je demanderais le consentement de l'opposition pour que ce débat ait lieu ce soir, à la fin des affaires courantes, c'est-à-dire à 18 heures.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Ce n'est pas tellement clair, là, l'intervention du leader adjoint du gouvernement, M. le Président. L'Assemblée nationale n'a pas siégé pour tous ses travaux au cours de la journée d'hier. Compte tenu de l'application du règlement, il n'y a pas besoin de demande de consentement à ce moment-ci. Le règlement n'a qu'à continuer à s'appliquer, et ce qui avait été prévu pour hier peut très bien s'appliquer demain compte tenu – si je lis bien dans les pensées, parce qu'il ne l'a pas exprimé, du leader adjoint – en appliquant l'article 308 du règlement, M. le Président.

Le Président: M. le leader adjoint.

M. Boulerice: M. le Président, ce qui est très clair, c'est que son appareil auditif ne fonctionne pas tellement bien. Pourtant, j'ai la voix assez forte, et elle porte. M. le Président, ce que j'ai demandé à l'opposition, c'est s'ils acceptaient que ce débat de fin de séance ait lieu aujourd'hui, à 18 heures. C'est oui ou c'est non.

Le Président: M. le leader l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, le règlement prévoit que les débats de fin de séance ont lieu soit le mardi, soit le jeudi, qu'on procède en fonction du règlement.

Le Président: M. le leader adjoint.

M. Boulerice: Je comprends, M. le Président, que le règlement prévoit que ce soit soit le mardi ou le jeudi, sauf que je demande le consentement s'ils veulent bien qu'exceptionnellement nous le tenions aujourd'hui, 18 heures.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, habituellement, une demande de consentement de cette nature est accompagnée d'explications. Moi, on ne m'a fourni aucune explication.

Le Président: M. le leader adjoint.

M. Boulerice: Mercredi est le lendemain du mardi, M. le Président, c'est suffisant.

Le Président: Bon. Je pense qu'à ce moment-ci il n'y a pas de consentement.

Par ailleurs, je vous informe, avant d'aller aux affaires du jour, que, aujourd'hui, après la période de questions, j'ai été avisé qu'il y aurait une question posée au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux qui concerne les centres de jeunesse en Montérégie. C'est la députée de La Pinière qui m'informe qu'elle a l'intention de se prévaloir des dispositions du règlement pour lui permettre de soulever une question à la fin de la séance de demain, jeudi, le 18 mars, sur le sujet qui a été abordé cet après-midi, à la période des questions et des réponses orales.


Affaires du jour


Affaires prioritaires


Reprise du débat sur la motion du ministre des Finances proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement et sur les motions de censure

Alors, nous allons maintenant aller aux affaires du jour et, en vertu des dispositions de notre règlement, nous abordons d'abord les affaires prioritaires, c'est-à-dire la reprise du débat sur la motion du vice-premier ministre concernant le budget de l'État et que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement, et également sur les motions de censure qui ont été déposées par la députée de Marguerite-Bourgeoys, le député de Verdun et M. le député de Rivière-du-Loup.

Alors, à ce moment-ci, M. le leader de l'opposition, vous vouliez?

M. Paradis: J'ai aperçu le ministre de la Sécurité publique debout. Simplement pour confirmer avec le leader adjoint du gouvernement s'il a vérifié auprès du leader du gouvernement s'il y avait entente pour qu'à ce moment-ci le chef de l'opposition soit reconnu.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: J'ai le même attachement, M. le Président, envers les règles de notre Parlement que M. le leader de l'opposition. La réponse est non. Le principe de l'alternance est maintenu.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Est-ce que je dois comprendre... Je vais répéter ma question: Est-ce qu'il a vérifié s'il y avait entente? Et, à ce moment-là, je demanderai au président de la constater. S'il me dit qu'il n'y avait pas entente, qu'il y a mésentente, à ce moment-là, on aura compris, M. le Président.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, quand je parle en cette Chambre, je parle d'autorité. La réponse est non.

Le Président: Alors, je dois comprendre qu'il n'y a pas entente et en conséquence, puisque le dernier intervenant sur le débat était le député de Montmagny-L'Islet, je vais maintenant céder la parole au ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. Bon, je ne suis pas particulièrement heureux d'être mêlé à des débats de procédure sur un sujet sur lequel j'ai moins de compétence que sur d'autres, mais je pensais utile quand même de prendre la parole sur le discours du budget, même si j'ai été l'un des ministres qui a eu des responsabilités qui sont celles que, dans tous systèmes économiques, aussi libéraux soient-ils, l'on confie à l'État.

Et je dirai tout de suite en introduction que j'ai acquis très rapidement la conviction profonde que l'une des choses les plus importantes à faire au Québec au moment où nous avons pris le pouvoir en 1994, c'était effectivement de reprendre le contrôle des finances publiques parce qu'il était important de diminuer éventuellement les taxes au Québec. Mais je pense qu'il fallait procéder par étapes. Et la première de ces étapes, c'était d'avoir une gestion rigoureuse de chacun de nos ministères. Et je peux dire que c'est une tâche qui est assez pénible lorsque, effectivement, nous avons beaucoup d'idées à réaliser, des idées que nous croyons utiles à long terme pour la société au service de laquelle nous travaillons.

Mais, dans les débats qui viennent, dans les débats sur les budgets, sur les dépenses publiques, pour justement quelqu'un qui vient principalement de l'extérieur, parce qu'ayant passé sa carrière dans un domaine qui est nettement celui – même si j'étais en pratique privée – que l'on confie généralement à l'État, c'est-à-dire le domaine de la justice, dans le domaine des forces policières, et d'avoir réfléchi beaucoup sur les prisons, un autre domaine dont on laisse généralement l'administration aux corps publics, on est étonné des débats de chiffres qui sont menés lorsqu'on parle du budget.

L'une de ces expressions qui m'est apparue courante dans les critiques que j'entends de l'administration actuelle, c'est que nous sommes le régime le plus taxé en Amérique du Nord. Je ne sais pas pourquoi on insiste toujours sur cette insistance de dire «en Amérique du Nord». On pourrait peut-être étendre aussi les Amériques au complet et, un coup parti, penser à l'Afrique également, et j'imagine aussi qu'en Russie actuellement les gens sont moins taxés qu'au Québec.

D'abord, il est évident que nous serons toujours, au Canada, un des régimes plus taxés qu'aux États-Unis tant que les États-Unis ne se seront pas donné, comme les Canadiens, un système universel de santé. Parce que, les gens doivent le réaliser, le tiers de nos dépenses est consacré au budget de la santé. L'autre quart – et cela va aussi à financer une partie de notre système qui est plus gratuit qu'aux États-Unis – va à l'éducation. Il est donc parfaitement normal, à cause de ces services, que nous soyons plus taxés qu'aux États-Unis.

Mais je pense que les études américaines démontrent que les dépenses que nous faisons en santé au Canada ont un meilleur rendement qu'aux États-Unis. Le prix des accouchements, par exemple, est incommensurable quand on compare les États-Unis avec le Canada. Et le régime universel amène l'ensemble des citoyens à recevoir une qualité moyenne de soins bien supérieure à la qualité moyenne que reçoivent les citoyens américains, où sans doute, si on est très riche et si on est assuré, on peut se payer des services de luxe, mais, si on est pauvre ou si encore on a eu la malchance d'avoir un accident cérébrovasculaire, d'avoir un passé cardiaque, d'avoir perdu son emploi dans une entreprise et de devoir aller dans une autre entreprise sans être assuré, on risque d'être mis en faillite par la première maladie qui pourrait nous frapper. Donc, cela est important.

(16 h 10)

Mais, d'abord aussi, c'est que le régime le plus taxé d'Amérique du Nord, c'est comme ça que nous l'avons trouvé quand nous sommes arrivés au pouvoir de sorte que, ce qui se présentait devant nous, c'est: Qu'est-ce que nous devons faire pour cesser d'être le régime le plus taxé du Canada?, puisque, comme je l'expliquais, je pense que nous serons toujours plus taxés que les États-Unis tant que nous aurons un système de santé géré à même les fonds publics et que, eux, ils auront un système de santé géré largement à même des fonds privés. Et ça, par contre, c'est parfaitement pertinent.

Alors, la solution, c'était d'abord de contrôler les dépenses, et c'est ce à quoi nous nous sommes attaqués. Et ce qui est remarquable, dans le premier mandat que nous avons respecté, c'est que nous nous sommes fixé des objectifs de dépenses et qu'à chaque fois nous les avons rencontrés.

De plus, le ministre des Finances, prudent dans ses prévisions, connaissant, semble-t-il, faut-il penser, mieux l'économie que ceux qui prétendent avoir des attitudes plus libérales et mieux se connaître en économie, ses prédictions ont toujours été conservatrices, et, par conséquent, il est toujours arrivé à l'intérieur de la fourchette de revenus qu'il avait prévue. Ce qui lui permettait d'annoncer cette excellente nouvelle que, cette année, nous atteignons le déficit zéro un an avant le temps. Et il est remarquable que nous l'aurions atteint même si nous n'avions pas eu cet apport supplémentaire de 1 400 000 000 $ que nous donnait la péréquation.

Ensuite, si on se compare, donc, il faut se comparer avec le reste du Canada. Et, c'est évident, je vois effectivement toujours qu'il y a trois provinces qui sont plus riches que le Québec. Mais, encore là, sans être économiste, sans être un spécialiste, je pense que tout le monde reconnaît un peu pourquoi ces provinces sont actuellement plus riches que le Québec.

La première, c'est l'Ontario. D'abord, remarquons que l'Ontario a encore un déficit, que l'Ontario a choisi comme voies de stimuler son économie pour éventuellement maîtriser son déficit, de diminuer les impôts avant d'avoir atteint son déficit zéro. Je n'entends personne au Québec qui nous suggère la même solution. Je pense qu'effectivement elle est trop dangereuse.

Mais pourquoi l'Ontario est plus riche que le Québec? Il y a plusieurs raisons, mais il y en a quand même une qui m'a frappé et qui revient continuellement, c'est qu'il y a quand même 25 % de l'économie ontarienne qui repose sur l'automobile, alors qu'au Québec il n'y a que 5 % de l'économie québécoise qui repose là-dessus. La force à long terme, probablement, de l'économie du Québec par rapport à celle de l'Ontario, c'est sa diversité.

Mais l'autre province plus riche, c'est l'Alberta. Encore là, sans être économiste, si je demande à n'importe qui: Qu'est-ce qui fait que l'Alberta est plus riche que le Québec, est-ce une meilleure gestion ou est-ce les richesses pétrolières?

La troisième province qui est plus riche, c'est la Colombie-Britannique. Et, encore là, il suffit de... Je me pose la question: Qu'est-ce qu'on pense qui fait que la Colombie-Britannique est plus riche que le Québec? Et la réponse qui vient presque immédiatement, c'est: l'immigration asiatique, l'apport considérable de capitaux de populations immigrantes qui sont venues de l'Asie, notamment de Hong-kong, pour s'installer de ce côté-ci du Pacifique et enrichir l'économie de Colombie-Britannique, et l'ouverture aussi de cette province qui est sur le Pacifique vers les économies asiatiques. Et, effectivement, depuis que l'économie asiatique connaît les difficultés dont on entend parler, la Colombie-Britannique commence à voir certains problèmes.

Alors, le Québec, là-dedans, ne s'en tire quand même pas si mal, ayant si peu de l'automobile, n'ayant pas le pétrole et n'ayant pas eu l'apport des ventes à l'Asie. Effectivement, quand je me suis occupé de la métropole, j'ai constaté que la grande richesse de l'économie québécoise, c'est sa diversité, c'est l'obligation dans laquelle nous avons été de ne plus dépendre seulement de nos richesses naturelles classiques, les mines, le papier, la forêt, mais de nous être tournés vers l'industrie, vers la richesse de l'intelligence, de nous développer dans les industries de pointe, dans les industries qui demandent beaucoup d'apport de l'intelligence. Et cela a donné notre formidable développement dans les logiciels, dans l'aéronautique, dans le biopharmaceutique. Et c'est là une politique qui a quand même eu, quoi, même si certains la critiquent, cette politique, d'encourager la recherche et le développement, une politique installée par l'actuel ministre des Finances lors de son premier passage au pouvoir et que le parti d'en face, lorsqu'il a pris le pouvoir, a eu l'intelligence de conserver. De sorte que c'est vrai, peut-être, que les citoyens québécois, individuellement, sont encore plus taxés que ceux de l'Ontario ou que ceux des autres provinces, mais, par contre, les entreprises au Québec sont moins taxées qu'ailleurs, et particulièrement celles qui font de la recherche et du développement le sont moins. Je ne vois personne qui prétende que c'est une situation que l'on devrait changer, mais cela aura nécessairement des conséquences sur les individus.

D'autant plus que d'autres choses me frappent dans les critiques que l'on nous fait. Lorsque l'on dit que... Lorsque l'on compare... Et je dois reconnaître, d'ailleurs, que j'ai apprécié son discours; c'était, je pense, des propos rafraîchissants venant de l'opposition par rapport à ce qu'on avait été habitué d'entendre de la députée de Marguerite-Bourgeoys. Lorsqu'elle compare deux couples avec un certain revenu, l'un en Ontario, l'autre au Québec, et qu'ils en concluent qu'ils ont une différence d'un peu plus de 1 000 $ à dépenser par année pour les dépenses personnelles, je pense que, si on tient compte de ce à quoi l'on consacre nos dépenses principalement, j'ai bien peur que, plutôt que d'avoir une grande liberté dans les dépenses qu'ils peuvent faire, ils seront obligés de dépenser plus que cette différence de montant pour se payer l'équivalent sur le plan logement qu'un couple ayant les mêmes revenus, étant peut-être plus taxé, mais étant mieux logé au Québec pour le même prix. Ça aussi, ce sont des réalités dans la vie quotidienne.

Mais je reviens donc quand même à l'essence de ce budget qui est: disposant d'une marge de manoeuvre, à quoi le gouvernement devait-il consacrer ces argents en priorité? Qu'est-ce que l'on entend lorsque l'on va sur le terrain, lorsqu'on lit les journaux, lorsqu'on voit les critiques qui nous sont faites dans les difficultés que nous avons à administrer dans une situation budgétaire difficile? Quel est le premier choix des citoyens? Est-ce que c'est la baisse des impôts ou la qualité des services qu'ils attendent de l'État moderne qu'est devenu le Québec, et dans la conception québécoise plutôt qu'américaine? Parce que, dans la conception américaine de ce que l'on attend de l'État, l'on n'attend pas de l'État des services de santé de qualité. Mais, au Québec, je pense que la priorité que les gens attendent de l'État, c'est la qualité des services de santé. Et Dieu sait que l'opposition, au cours du dernier mandat, nous l'a rappelé à de très nombreuses reprises. Mais cela coûte cher. D'autant plus qu'il fallait faire une réforme importante au moment où, d'ailleurs, les budgets de la santé, les transferts de la santé avaient d'abord été coupés du fédéral vers les provinces, le fédéral qui avait taxé pour la santé, mais qui a gardé une partie de ces taxes en diminuant les transferts. Mais, de toute façon, donc, je pense que la priorité des citoyens, tout le monde le reconnaîtra, c'est la qualité des soins de santé.

Et ensuite, l'autre priorité que je sens chez la majorité des citoyens, c'est de penser, en bon Québécois, à l'avenir. Et penser à l'avenir, c'est penser à l'éducation. Et donc, la deuxième grande priorité des Québécois après la santé, avant la baisse des impôts, c'est l'éducation. Or, que donne justement ce budget? Bien, il met en priorité la santé en lui consacrant 1 700 000 000 $, et ensuite 600 000 000 $ à l'éducation. Et puis, finalement, viendra après la baisse des taxes qui, comme je l'ai dit dès le début, m'apparaissait l'un des objectifs que nous devions viser en ce moment, si on était au gouvernement. Et c'est un objectif qui nous est imposé, nous, ici, aux autres, à l'ensemble des ministres qui avons à gérer des fonctions qui sont proprement gouvernementales, dans quelque régime que ce soit, et particulièrement dans les domaines dont j'ai présentement la responsabilité, c'est-à-dire les services policiers, les mesures correctionnelles et un certain nombre d'organismes et puis la sécurité civile, c'est-à-dire les mesures qui doivent être prises en cas de désastre naturel ou de catastrophe qui dépasse la capacité des autorités locales de gérer.

(16 h 20)

Alors, dans ce domaine, la rigueur nous est encore imposée. Je pense qu'effectivement nous devons encore poursuivre cet objectif de diminuer les taxes, de diminuer l'ensemble des impôts pour que notre fiscalité devienne compétitive. Mais il n'y a encore qu'une seule recette, et cette recette, dans le cas qui nous occupe, dans la situation dans laquelle nous sommes, passe par une seule chose, c'est la gestion rigoureuse. Cela nous amène à faire des choix parfois difficiles. Cela nous amène aussi à demander la collaboration des représentants de nos employés, avec lesquels nous voulons être le plus justes possible. Nous ne sommes pas une entreprise qui cherche à faire des profits en diminuant les revenus que nous donnons à nos employés. Nous sommes une entreprise d'État et, pour fixer la rémunération de nos employés, nous avons besoin de certaines balises. Contrairement à l'entreprise privée, l'argent que nous ne donnons pas à nos employés, nous ne le mettons pas dans nos poches, il n'ira pas enrichir des actionnaires.

Et, donc, il faut trouver des comparables. Mais justement, nous nous sommes donné des outils, au Québec, qui nous permettent d'établir ces comparables. L'objectif du gouvernement, bien exposé par le président du Conseil du trésor, qui est, soit dit en passant, un des hommes les plus rigoureux qu'il m'ait été donné de rencontrer dans ma vie et pourtant un très grand idéaliste, sur le plan des mesures sociales... Je suis convaincu que la rigueur qu'il nous impose tous, au gouvernement, a un grand but, c'est effectivement de pouvoir continuer le type de société dans lequel nous sommes, de faire servir l'État là où il est nécessaire, mais de ne pas nuire à la création de la richesse.

Mais, de toute façon, cet homme rigoureux nous dit qu'il veut que nos employés puissent avoir des revenus équivalents à ceux qui, dans les secteurs privés, occupent des fonctions qui demandent à peu près la même compétence. Mais comment établir cela? Bien, justement, on s'est donné, au Québec, un institut parfaitement indépendant qui peut nous éclairer dans ce domaine, et c'est là-dessus qu'il base ses offres, c'est l'IRIR, c'est-à-dire l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération. Si nous faisons cette première proposition, c'est justement parce que nous estimons que c'est la façon la plus équitable de rémunérer nos employés.

C'est la même chose dans mon domaine. C'est sûr que certaines mesures ont été prises entre le moment où j'ai quitté le ministère de la Sécurité publique et celui où j'y reviens. Il se peut qu'il y ait eu des erreurs de choix, à certains moments donnés. Personnellement, il y a des choses que je veux changer. Je suis très sensible à la situation de certains de nos employés et particulièrement des plus jeunes et de ceux qui viennent d'entrer. J'ai demandé, d'ailleurs...

Mais, pour ça, ça demande quand même une préparation. Ça prend un certain temps pour préparer de nouvelles offres qui tiendront compte de la situation des plus jeunes comme des plus âgés. Mais j'espère que leur impatience ne nous amènera pas à gérer à la petite semaine, à répondre, à cause de mouvements comme j'en ai vus en fin de semaine, spontanés et regrettables, par des mesures trop rapides qui nous coûteraient très cher et qui ne nous permettraient pas de les redistribuer en discutant avec eux de la façon la plus équitable possible. Ça n'est pas par des mesures impulsives que nous pouvons atteindre la justice dans la rémunération.

Donc, je pense que ce budget marque très clairement que les choix qui ont été faits par le ministre des Finances sont les choix de la population, les grandes priorités: santé, éducation et baisse des impôts et, avec nos employés, recherche de l'équité, puisque nous gérons une entreprise publique et non une entreprise privée. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député Saint-Laurent.

M. Dupuis: M. le Président, en vertu de l'article 213 de notre règlement, est-ce que le ministre me permettrait de lui poser une question?

Le Président: Alors, il n'y a pas de consentement, M. le député de Saint-Laurent. M. le chef de l'opposition officielle, maintenant.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci beaucoup, M. le Président. C'est pour moi une occasion additionnelle, aujourd'hui, de commenter un budget qui a été livré rapidement dans la foulée du discours inaugural prononcé par le gouvernement le 3 mars dernier.

Pour nous situer un peu sur le sens de ce budget, c'est utile de rappeler aux députés de l'Assemblée et aux citoyens du Québec qu'un gouvernement a des moments très formels dans son mandat où il exprime, où il dit ses intentions, ses orientations à la population, et un de ces moments, c'est le discours inaugural qui a été prononcé le 3 mars dernier, discours inaugural où on fait un peu l'inventaire des intentions puis des bonnes intentions. C'est rarement controversé, on fait habituellement beaucoup de vertu dans le discours, puis on dit beaucoup de bonnes choses sur plusieurs groupes dans la société, puis on tente – en tout cas, ceux qui écoutent tout ça – de décoder dans le discours inaugural là où on s'en va, quel cap nous allons prendre.

Et suit le budget qui, lui, bien, dit avec beaucoup plus de précision les choix que fait le gouvernement et les instruments, parce qu'il n'y a pas d'instrument plus percutant, plus important que celui de l'économie, des leviers économiques que contrôle le gouvernement du Québec. Il faut donc, à la lumière de ces deux documents, interpréter l'orientation que nous propose le gouvernement actuel.

Or, M. le Président, je dois vous dire, à la conclusion du discours inaugural puis après avoir pris connaissance du budget, que les Québécoises et Québécois ont plusieurs raisons de s'inquiéter, et de s'inquiéter sur, entre autres, l'orientation parce qu'il y a une chose qui me semble très claire: ce gouvernement-là ne sait pas où il va. Il n'en a pas d'orientation. D'ailleurs, la grande ironie des événements puis des circonstances, c'est que, dans le discours inaugural, le gouvernement passe plus de temps à nous expliquer les intentions de l'extérieur du Québec puis du Canada anglais. Il ne fait à peu près aucun commentaire sur le sens du mandat que, lui, a reçu, alors que le Parti libéral représenté à l'Assemblée nationale a reçu plus de votes que le gouvernement. Incapable d'interpréter son mandat.

Et là, bien, pour faire suite à ça, le gouvernement puis le chef du gouvernement est à l'extérieur du Québec, en train de nous expliquer ce que le reste du monde entier veut.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: Mais, lui, il ne sait pas ce qu'il veut. Alors, pour revenir au budget, on se serait attendu que le budget l'exprime clairement, qu'il y ait une orientation dans ce budget qui, à tout le moins, aurait reconnu ce que nous vivons actuellement au Québec. Et j'aurais aimé, moi, entendre, venant du ministre des Finances, une allusion, une reconnaissance de ce que vivent nos familles québécoises, de ce que vivent les jeunes, de ce que vivent les hommes et les femmes qui sont en chômage au Québec et qui ont besoin d'opportunités, qui ont besoin d'une occasion pour se replacer, pour travailler, pour participer pleinement à la société québécoise.

(16 h 30)

D'ailleurs, il y a des silences qui en disent très long sur le problème, sur le vide et la panne que vit actuellement le gouvernement du Parti québécois. Très peu d'allusions, M. le Président, à l'importance d'avoir de la croissance économique au Québec. À peu près pas d'allusions à ça, alors que, partout ailleurs en Amérique du Nord, entre autres, on se préoccupe d'avoir de la croissance. Ce n'est pas parce que c'est des chiffres puis des statistiques, mais parce qu'il y a derrière ça de l'emploi, des hommes, des femmes capables de participer à la société, des jeunes qui vont graduer, obtenir leur diplôme, qui ont un espoir. Mais il n'y a à peu près rien, ni dans le discours inaugural ni dans le budget, qui nous laisse penser, qui pourrait nous donner un début de réflexion sur la façon dont on doit entreprendre un plan de croissance économique au Québec, surtout dans un contexte exceptionnel. Et là je fais référence au document du budget, le Plan budgétaire déposé par le gouvernement. Dans l'introduction de ce document, à la page 3, il y a, au dernier paragraphe, un paragraphe qu'il faudrait lire pour se situer sur les choix qu'on fait et ce qu'on vient de vivre. Le dernier paragraphe se lit de la façon suivante – je le cite:

«Avec une autre année de croissance économique exceptionnelle, l'expansion – parce que, là, on parle de l'Amérique du Nord, pas du Québec – de l'économie aura duré jusqu'à présent 31 trimestres – une expansion de 31 trimestres. Sa longévité est donc égale à celle du cycle de 1982-1990. Le cycle actuel est donc le deuxième plus long de l'après-guerre, avec seulement quatre trimestres de moins que celui de 1961-1969, dont la durée a été de 35 trimestres.»

En lisant ce paragraphe-là, il y a des gens qui diraient: Bravo, c'est une bonne nouvelle, d'autres, je pense, avec un peu plus d'expérience, en viendraient peut-être à la même réflexion que j'ai faite, moi, M. le Président, et je me suis posé la question suivante: Si on arrive au bout d'une des plus longues périodes de croissance économique qu'on ait jamais connues, c'est donc dire qu'on arrive au bout. On n'est pas au début, on est plus sur la fin qu'au début. Et, si, ayant vécu cette période de croissance économique sans précédent ou à peu près sans précédent – parce que non seulement cette croissance a été longue, elle a été assez forte... D'ailleurs, c'est probablement une des périodes de croissance, en termes de force, là, les plus importantes qu'on ait connues dans le dernier siècle. Et, si c'est le cas et que le Québec a connu une si piètre performance, imaginez-vous ce que ce sera si on tombe en récession. C'est ça, l'inquiétude.

J'aurais aimé, moi, entendre, venant du ministre des Finances, en tout cas, une allusion, une reconnaissance du fait qu'il fallait aussi se préparer pour le pire, qu'il fallait faire en sorte que les citoyens du Québec puissent, eux, s'en tirer si jamais il devait y avoir un ralentissement économique. Je m'attendais à ça, mais je vous avoue que j'ai rapidement déchanté quand j'ai lu dans le document qu'en 1998 on avait eu une année exceptionnelle de croissance économique, que ça dépassait même les espérances puis les prévisions du gouvernement du Québec. Alors, là, je vois des députés sourire, de l'autre côté. C'est parce que tout le monde connaît, dans le fond, la raison de ça. J'aurais aimé ça qu'on puisse le dire aussi: Bien sûr, il y a eu plus de croissance économique, il y a eu un désastre naturel qui s'appelle le verglas.

Ça me fait penser, M. le Président, à l'Alaska, qui, dans une seule année, avait réussi à tripler son produit intérieur brut. Un navire qui s'appelait l'Exxon Valdez s'était écrasé le long des plages de l'Alaska. Un désastre naturel avait triplé le produit intérieur brut de l'Alaska. Pourtant, il n'y a personne qui aujourd'hui se vanterait de cela, sauf que le gouvernement du Québec dit: Ça va mieux! Ils ont même pris une publicité, pendant la campagne, vous vous rappelez, juste avant la campagne électorale, dans les journaux pour dire: Ça va bien, au Québec. Le Globe and Mail avait écrit un article où il disait que le Québec avait connu une plus forte croissance économique. Une fois qu'on lisait l'article, l'article disait que c'était dû au verglas, un désastre naturel. À ce compte-là, on va finir par souhaiter des guerres, des conflits, un désastre naturel pour pouvoir pousser l'économie du Québec.

On voit bien, M. le Président, que, quand on en est réduit à souhaiter, ou à reconnaître, ou à applaudir des situations de catastrophe parce que ça fait mieux paraître les chiffres, il y a un problème. Il y a un problème très, très important, d'abord un problème de manipulation qu'il faut dire puis dénoncer et un problème économique. Je veux, à regret, répéter que, ayant vécu cette période de forte croissance économique, nous, on est passés à côté, au Québec. Les investissements privés sont à peu près à leur plus bas niveau, la croissance d'emploi est faible.

Au Sommet économique, tiens, prenons un test que le gouvernement s'est imposé lui-même. Ce n'est pas le député de Brome-Missisquoi qui a demandé ça, ce n'est pas non plus le député de Limoilou, le gouvernement lui-même s'est offert, a dit: Bon, on va se fixer comme objectif, suite au Sommet économique de 1996, d'atteindre le même taux de croissance, en termes d'emploi, que la moyenne canadienne. Est-ce qu'ils ont réussi le test? Non. Échec. À la place, on a créé à peu près 15 % des emplois créés au Canada. On a 24 % de la population. Échec, échec monumental. Échec sur le plan des chiffres, mais, pire que ça, M. le Président, parce que, on ne le dira jamais assez souvent, quand on parle de ces chiffres-là, il y a derrière ça des hommes, des femmes, des familles, des jeunes qui cherchent un emploi, qui cherchent l'occasion de travailler puis de faire leur part, d'acheter des vêtements à leurs enfants, d'acheter des médicaments... Et ça, M. le Président, ça illustre à quel point les politiques économiques de ce gouvernement-là sont un échec, mais un échec monumental.

Ça se reflète dans le revenu disponible. On a un gouvernement qui aime bien blâmer les autres. Le gouvernement fédéral. Quand ça va mal, c'est la faute du fédéral. Quand ça va mal, bien, ça doit être la globalisation. Quand ça, ça ne marche pas, bien, ça doit être la faute du gouvernement précédent, hein. Alors, c'est une des trois raisons. Parce que le sens de la responsabilité, ça ne semble pas être très, très développé, du côté du gouvernement.

Sauf que sur un facteur, celui du revenu disponible des citoyens, comment expliquer que, au Québec, depuis 1995, le revenu disponible a baissé de 1,3 % alors qu'il a augmenté d'environ 3 % ailleurs au Canada et qu'il a augmenté aux États-Unis, en plus? Ce n'est pas juste comme si c'était le Canada, là – sortons un petit peu des sentiers battus – partout autour de nous on a connu une période de croissance économique, mais au Québec on a réussi à passer à côté. La population du Québec s'est appauvrie, M. le Président, généralement, mais, en plus de ça, le problème de la pauvreté s'est aggravé au Québec. Et pourquoi? Bien, parce qu'on a un gouvernement qui fait de très mauvais choix, qui ne réalise pas que par ses politiques d'impôt, entre autres, il réussit à appauvrir la population, qu'il est le principal responsable de ce phénomène.

Je vais vous donner un exemple. Page 22 du même document – on ne nous reprochera pas de ne pas avoir lu, de ne pas avoir pris connaissance du Plan budgétaire – page 22 du Plan budgétaire , dans section 1, page 22, pour être très précis, sous le titre La demande des ménages , le gouvernement écrit ceci: «L'impact retardé des hausses des taux d'intérêt et le niveau élevé de l'endettement constitueront un frein à la consommation – c'est vrai. De plus, les ménages n'ont presque plus de marge de manoeuvre pour réduire davantage leur taux d'épargne afin de soutenir leur consommation. Dans ce contexte, les dépenses des consommateurs devraient croître de 1,8 % cette année.»

Savez-vous ce qu'il y a d'intéressant dans ce paragraphe-là, M. le Président? Ce n'est pas ce qui est dit, c'est ce qui n'est pas dit. Il parle de consommateurs puis de ménages qui ont une marge de manoeuvre qui baisse. Pourquoi la marge de manoeuvre baisse, chez les ménages québécois? C'est quoi, le problème? Le problème, il est clair. C'est les impôts que prend ce gouvernement dans leurs poches, qu'il leur enlève.

Et pour faire quoi, M. le Président? Il enlève plus d'impôts pour couper davantage dans la santé, couper dans l'éducation. Mais trouver 2 000 000 000 $ pour donner des subventions aux entreprises, ça, le gouvernement a été capable de faire ça. Ils les ont trouvés, les 2 000 000 000 $ pour donner à des entreprises qui, dans beaucoup de cas, disent ne pas en avoir besoin pour faire des investissements qu'ils auraient faits de toute façon, pour créer des emplois qu'ils auraient créés de toute façon.

En vertu de quelle logique, M. le Président, de quelle façon un gouvernement qui, de surcroît, se dit social-démocrate peut justifier un bilan comme celui-là? Puis ce qu'il y a encore de plus inquiétant... Et là je m'inquiète parce que je ne suis pas sûr que les députés du côté ministériel ont tout lu le document, peut-être pas. J'ai malheureusement une mauvaise nouvelle pour eux, aujourd'hui. Page 24, section 1, sur les perspectives économiques du Québec, il nous dit quoi, ce gouvernement, lui-même, lui, il dit quoi? Bien, au niveau de l'emploi, il dit ceci, et je cite: Pour 1998, on prévoit, en milliers, création d'emplois, 67 000; en 1999, 54 000; en 2000, 47 000. Vous avez l'air de ne pas me croire, M. le Président. Je ne vous blâme pas. Je vais les relire. Je ne vous blâme pas, mais, moi aussi, il a fallu que je le relise. En milliers, 67 000 en 1998; en 1999, 54 000 – on s'en va en baissant; puis en 2000, 47 000.

M. le Président, il y a un problème, là. Le gouvernement du Québec prévoit que la croissance d'emploi va aller en baissant avec ses propres politiques. Pourquoi? Facile à comprendre. C'est que partout ailleurs c'est compris. Ça a été testé. Les résultats sont clairs. Là où on réussit à réduire les impôts puis les taxes, on réussit à générer de la croissance économique. On donne la chance aux familles, entre autres les familles de la classe moyenne, d'avoir un peu d'argent dans leurs poches et de pouvoir consommer et surtout de retrouver une liberté perdue: celle de dépenser leur argent comme bon leur semble. Ce n'est pas compliqué. C'est juste ça.

(16 h 40)

Je vois le député qui hoche de la tête. Ça ne me fait rien, moi. Si vous êtes d'accord avec ça, vous irez expliquer aux contribuables québécois puis aux citoyens que vous avez besoin de plus de leur argent. Ça, vous le ferez. Je vous invite à frapper sur les portes, dans L'Assomption, puis à leur expliquer tout ça.

Mais, M. le Président, ça nous amène à être champions taxes et impôts. Et, juste pour illustrer à quel point il ne semble pas être clair sur ses orientations, un gouvernement qui dit qu'il veut bâtir au Québec une économie du savoir, bien, bâtir l'économie du savoir puis être l'endroit où l'on taxe le plus les gens, il n'y a pas plus grande contradiction que celle-là, c'est irréconciliable, point. Dans le contexte mondial actuel, espérer former, retenir nos plus brillants, nos plus intelligents et les mieux formés dans un contexte où ils sont les plus taxés en Amérique du Nord, alors que, à côté de chez nous, on leur offre des salaires qui sont plus élevés, moins d'impôts, moins de taxes, puis qu'en plus on alimente nos enfants dans un discours, un environnement où on les invite à explorer le monde... Il n'y a pas plus grande contradiction que de dire: On va avoir une économie du savoir puis d'imposer les taxes, les impôts les plus élevés en Amérique du Nord. C'est impensable. Et pourtant, le gouvernement continue dans cette voie-là.

D'ailleurs, il faut faire très attention, c'est un gouvernement qui aime bien dire qu'il réduit les impôts. Le dernier budget, ça a été l'occasion pour certains de faire des analyses. Il y a un économiste, entre autres, qui rappelait ceci: «Dans la présentation de son document de consultation Réduction de l'impôt des particuliers , le ministre des Finances, Bernard Landry, s'autocongratule pour avoir annoncé – il y en a beaucoup de ça...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: ...puis il le fait bien, à part de ça, je lui reconnais un talent pour ça – dans un précédent budget une réduction annuelle d'impôts de 841 000 000 $ à partir de 1998. Un autre allégement du fardeau fiscal suivra à partir du 1er juillet de l'an 2000 – faut-il lui dire merci?

«Cette réduction d'impôts de 841 000 000 $ ne sert qu'à éponger la hausse d'impôts attribuable à la non-indexation des tables d'impôts provinciales depuis 1994. C'est d'ailleurs ce qui est mentionné dans le document d'appoint utilisé par les hauts fonctionnaires pour répondre aux questions budgétaires.» Ce qu'on appelle en anglais «bracket creep», la non-indexation des tables d'impôts, a un effet insidieux d'aller chercher de plus en plus d'argent dans les poches des contribuables québécois sans qu'on le leur dise, bien sûr, en pleine face, parce que c'est la poche d'en arrière dans laquelle on va chercher ça, ce n'est pas la poche d'en avant.

«Bref, la réduction d'impôts de 841 000 000 $ du ministre Landry n'est donc qu'une mesure compensatoire. On vit en réalité sous le joug de réelles hausses d'impôts. En effet, il faudrait rappeler qu'en 1998 on s'est fait refiler une hausse de la TVQ de 6,5 % à 7,5 %, que cette hausse de la TVQ rapporte un supplément annuel d'à peu près 476 000 000 $. À cette hausse de la TVQ, ajoutons celle de notre compte de taxes, municipales et scolaires – parce qu'on s'est fait livrer le compte par un autre messager que le gouvernement du Québec, qui, lui, a refilé ça aux municipalités puis aux commissions scolaires. Cette augmentation de taxes est strictement attribuable à la réforme de la fiscalité municipale que le gouvernement a imposée aux municipalités. C'est 375 000 000 $, en 1998 seulement.

«Le résultat. Depuis l'an passé, on se retrouve finalement non pas avec une réduction d'impôts de 841 000 000 $, mais avec une augmentation réelle de notre fardeau fiscal annuel de 851 000 000 $: 476 000 000 $ de TVQ, 375 000 000 $ de taxes municipales, et – puis je vous le rappelle – la réduction d'impôts de 841 000 000 $ ne sert qu'à éponger les augmentations de revenus que le gouvernement a prises par la porte d'en arrière.»

M. le Président, c'est le même ministre qui nous annonçait le soir du budget une réduction d'impôts de 400 000 000 $ pour, quoi, le 1er juillet de l'an 2000, oubliant de dire que, comme l'année va être scindée en deux – petite parenthèse – en réalité c'est 200 000 000 $. C'est un gouvernement où il faut toujours lire le lettrage dans le bas, quand il y en a. Il faut toujours aller voir l'astérisque.

Ou, pour toutes sortes de raisons, c'est devenu une espèce de méthode ici, à l'Assemblée nationale, on remarque la tendance, depuis qu'on a été convoqué – on a vu ça dans le dossier Hertel–des Cantons, dans le dossier des orphelins de Duplessis, dans tous les autres dossiers – c'est un gouvernement où, quand le chef du gouvernement rencontre les citoyens, la version de ce qui s'est passé est toujours différente de ce que les citoyens ont entendu. Ça semble être la tendance confirmée à chaque fois, à chaque occasion. C'est devenu, là, comme une espèce de règle.

Commission d'accès à l'information, même chose aujourd'hui: c'est de la faute du Parti libéral puis des députés du Parti libéral si on a retardé la Commission, alors que tout ce qu'on a fait, c'est se prévaloir de nos droits.

M. le Président, sur le plan budgétaire, il faut aussi connaître cette règle-là pour bien analyser les choix que fait le gouvernement. Il y en a un que je veux vous souligner au niveau des jeunes. Je sais que vous vous préoccupez beaucoup des jeunes, M. le Président, je vous en félicite. Si on s'en préoccupe sincèrement, on agit en conséquence. Je constate que, dans le discours inaugural, il y en avait, des références aux jeunes, on en parlait beaucoup, des jeunes. Sauf que j'aimerais bien qu'on m'explique, moi, pourquoi, au Québec, ce gouvernement insiste pour mettre en place un programme d'exode de la jeunesse québécoise. C'est aussi simple que cela.

Pourquoi ce gouvernement montre-t-il la porte aux jeunes du Québec? Pourquoi en veut-il aux jeunes Québécoises et Québécois? Pourquoi fait-il exprès pour augmenter les impôts des jeunes et leur faire le message suivant... Parce qu'il n'y a pas d'instrument plus efficace – puisque la députée ne semble pas le savoir – plus rapide, plus direct que la fiscalité pour influencer les choix de la population. Et, quand on dit à un jeune qui obtient un diplôme dans un secteur de pointe: Si tu restes au Québec, on va te faire payer 40 % de plus d'impôts, le message est clair, c'est: Va ailleurs.

Et, s'il y a des députés qui ont de la difficulté à se convaincre de ça, ils devraient parler à leur collègue député de l'Outaouais, qui, à tous les jours, croise des jeunes qui font le choix, eux. Ils ne font pas le choix juste dans les mots, ils traversent la frontière et ils vont vivre là où ils paient moins d'impôts. Je vois le député de Hull, là, qui vient d'être élu à l'Assemblée nationale, qui hoche de la tête. On en a assez vu, là-bas, qui font ce choix-là. Imaginez la perte sèche que ça représente pour le Québec, M. le Président. Ça, c'est un citoyen plein de talent, d'avenir qui part du Québec puis qui s'en va payer ses impôts en Ontario, en totalité. C'est ça de moins en services pour nous. Pourquoi? Parce qu'on a un gouvernement qui, pour une raison qui m'échappe... Je ne le sais pas, j'aimerais qu'on me dise pourquoi il a le programme d'exode des jeunes, pour dire aux jeunes: Allez-vous-en, partez, allez ailleurs. Je ne comprends pas. Je suis incapable de trouver une justification pour une telle décision.

On se serait attendu, M. le Président, à ce que le gouvernement nous parle aussi d'une revue de programmes, de l'importance de voir le fonctionnement, d'aborder des façons de faire qui sont différentes, des partenariats publics-privés. On en a parlé pendant la campagne, on a reparlé de ça par la suite. Très peu d'allusions à ce sujet-là, très peu.

Et l'autre élément qui nous inquiète un petit peu, c'est la façon dont le gouvernement semble traiter ses chiffres. Je parlais tantôt de manipulation. Je vous rappelle qu'avant la campagne électorale le gouvernement avait rendu publiques ses prévisions budgétaires après le dernier trimestre, et, dans les prévisions en question, on prévoyait un résultat très différent de ce qu'on nous a annoncé lors du budget.

Je vais vous donner un exemple, et là je cite un journaliste bien connu, Normand Girard du Journal de Montréal , qui disait ceci: «M. Landry signalait ainsi qu'il avait réussi à engranger, à la surprise générale, des surplus budgétaires de 1 500 000 000 $ en 1998-1999. Mais, en ce faisant, il venait de jeter un doute sur l'exactitude et l'authenticité des synthèses des opérations financières trimestrielles du gouvernement, lesquelles ont toutes signalé que l'État ne pataugeait pas dans le trèfle jusqu'aux genoux. Devra-t-on croire ces documents officiels émanant du ministère des Finances dans l'avenir, ou les considérer simplement comme une quantité négligeable ne reflétant pas véritablement la situation des finances publiques?»

M. le Président, cette tendance à manipuler les faits, qui se reflète dans tous les autres dossiers que je mentionnais tantôt, c'est drôlement inquiétant, surtout que, dans le fond, il faut le dire, ça met en doute les chiffres qui émanent du ministère des Finances du Québec. Ce n'est pas un ministère qui est insignifiant, c'est un ministère extrêmement important pour la crédibilité du gouvernement et des finances de l'État québécois.

(16 h 50)

D'autres juridictions surveillent de très près l'intégrité de ces chiffres-là et dorénavant, bien, comme M. Girard l'a fait, elles s'interrogeront sur l'authenticité des chiffres, quand c'est si évident que, au moment où le gouvernement rendait ces chiffres-là publics, il savait très bien que ça ne reflétait pas du tout l'état des finances publiques. Du tout. Alors, il faudra s'interroger là-dessus.

Je veux reprendre un peu là où le ministre de la Sécurité publique faisait une intervention il y a quelques minutes. Il parlait des succès de l'économie québécoise, puis il y a des succès importants. Je pense entre autres à l'aéronautique, aux biotechnologies, à la pharmaceutique, aux télécommunications. Je vous rappelle que ces succès sont attribuables à des luttes que les Québécois ont faites à tous les niveaux – j'ai moi-même participé à certaines de ces batailles – et que ces succès sont directement attribuables à la concertation entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, et pas le gouvernement qui est devant nous, mais les gouvernements qui ont précédé le gouvernement actuel. On a raison d'être fiers de ces réussites-là, on ne doit pas les prendre pour acquises. Le pire, ce serait de penser et de se satisfaire de ces réussites-là pour dire que tout va bien, alors qu'on sait qu'on peut en faire beaucoup plus.

M. le Président, le Parti libéral du Québec avait pris certains engagements pendant la campagne électorale qui allaient dans le sens d'un plan de croissance, d'une réduction immédiate des impôts qu'on aurait très bien pu avoir il y a de cela quelques jours quand le ministre des Finances s'est levé. Je vois le député de Johnson qui dit non. Non, non, continuez à taxer les gens. Je vous rappelle qu'ailleurs ils ont fait ce choix-là, puis ils l'ont fait avec raison. Ils l'ont fait parce que ça leur a permis d'avoir de la croissance économique puis de remettre de l'argent dans les poches des contribuables, les gens à qui ça appartient, cet argent-là. En faisant une réduction d'impôts, on aurait dû viser les familles avec des enfants. C'est la politique qu'un gouvernement libéral aurait mise en place.

Il aurait fallu un plan de croissance qui nous permettrait également de déréglementer davantage notre économie, de faire des partenariats publics-privés, d'aller chercher l'argent là où il est. C'est encore choquant, aujourd'hui, que le ministre de l'Éducation ne soit pas capable de prendre le téléphone, d'appeler son vis-à-vis fédéral, d'arrêter les enfantillages puis d'aller chercher le 70 000 000 $ qu'il nous faut pour l'enseignement postsecondaire au Québec.

Des voix: Bravo!

M. Charest: Malheureusement, l'objectif de faire ce qu'eux appellent des conditions gagnantes, de cultiver un climat de chicane, d'incertitude perdure, puis ça sert bien la cause. Malheureusement, ce sont les étudiants et les étudiantes du Québec qui en paient le prix, alors que, grâce au député de Verdun, grâce au député de Kamouraska-Témiscouata qui est notre porte-parole dans l'éducation, il y a une solution qui est à portée de main, basée sur une résolution votée unanimement à l'Assemblée nationale. Le gouvernement fédéral a dit qu'il était capable d'en venir à une entente sur la base de cette résolution, votre gouvernement a dit ça, les étudiants de la FECQ et de la FEUQ disent la même chose, mais ils ne sont pas capables de se parler. On est obligé de prendre de la pub dans les journaux sur le dos des contribuables.

M. le Président, juste pour que ce soit clair, je veux que l'Assemblée nationale le sache formellement, dans l'hypothèse où les deux ministres réussissent à se parler, que les gens réussissent à en venir à une entente sur la base de la résolution, ici, au Parti libéral, on est prêts, nous, à voter sur la base d'une entente qui serait présentée par le ministre de l'Éducation. Qu'on soumette ça à un vote à l'Assemblée nationale et qu'au vu et au su de tout le monde on puisse dire à la population du Québec où on se campe là-dessus. Mais je comprends difficilement pourquoi ce gouvernement-là prive le système d'enseignement postsecondaire de 70 000 000 $ et plus par année, alors que la solution est à portée de main.

M. le Président, tant qu'il n'y aura pas de plan de croissance économique, tant qu'il n'y aura pas une volonté réelle de mettre en place un plan de réduction des impôts, tant qu'il n'y aura pas un plan qui va parler de productivité au Québec, tant qu'il n'y aura pas une volonté réelle de rééquilibrer la présence de l'État avec le secteur privé, tant qu'il n'y aura pas dans ce gouvernement un discours qui va reconnaître que le succès de l'économie québécoise revient d'abord et avant tout aux hommes et aux femmes qui, eux, l'ont bâtie – pas à des espèces de modèles, pas à des institutions, pas à des structures, pas à des subventions – tant que ce gouvernement-là ne sera pas capable de s'inscrire dans ce nouveau siècle en réalisant qu'il y a une économie qui dépasse les frontières du Québec, on va continuer à reculer.

La députée de Marguerite-Bourgeoys, porte-parole pour l'opposition officielle sur les questions de finances, l'a très bien dit dans sa réplique au discours inaugural et à la fois au discours du budget. Elle a articulé la position et la vision du Parti libéral du Québec. Et, M. le Président, je réitère aujourd'hui notre volonté de travailler avec tous les Québécois pour faire avancer nos intérêts, mais j'invite surtout ce gouvernement-là à se faire une tête et à décider où il va puis à faire en sorte qu'on puisse reprendre en main l'économie du Québec, la grande priorité, la première priorité, pour qu'on puisse se payer un système de soins de santé puis un système d'éducation qui est à la hauteur de nos besoins. Et mon souhait le plus ardent, c'est que le gouvernement se secoue, qu'il réalise l'erreur de maintenir ce régime de taxes et d'impôts et que ce réflexe interventionniste puisse un jour céder le pas à l'ambition des Québécoises et des Québécois, à leur travail, à leur labeur et à la justice qu'on leur doit en leur permettant de gagner leur vie, de créer de l'emploi, de la prospérité et de bâtir le Québec, M. le Président.

(Applaudissements)

Le Président: Alors, suivant la règle de l'alternance, je reconnais maintenant et je cède la parole au député de Johnson.


M. Claude Boucher

M. Boucher: M. le Président, je suis extrêmement fier, évidemment, d'intervenir sur ce magnifique budget que nous a présenté, qu'a déposé à l'Assemblée nationale le vice-premier ministre, ministre d'État à l'Économie et aux Finances, mais je suis d'autant plus fier que j'interviens suite à l'intervention du député de Sherbrooke, chef de l'opposition officielle.

Je veux d'abord, dans un premier temps – puisque je n'ai pas eu l'occasion de le faire – saluer mes commettants du comté de Johnson et l'ensemble des citoyens de l'Estrie qui ont accordé au Parti québécois...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Un instant, M. le député. Pour permettre au député de pouvoir intervenir, j'aimerais demander à ceux qui ont d'autres occupations de bien vouloir s'y rendre. M. le député de Johnson, si vous voulez poursuivre votre intervention.

M. Boucher: Merci, M. le Président. Alors, comme je le disais, j'aimerais saluer les gens de mon comté qui, pendant cette campagne électorale là, m'ont donné toute l'appréciation que je souhaitais obtenir de leur part et ont triplé ma majorité dans un contexte, comme vous le savez, M. le Président, où le Parti québécois, malheureusement, n'a pu faire élire qu'un seul député alors qu'il obtenait 40 % des voix en Estrie.

J'aimerais vous dire, M. le Président, que je suis d'autant plus heureux d'intervenir, comme je le disais tout à l'heure, que le chef de l'opposition vient de parler du budget dans des termes qui nous situaient dans un contexte d'une autre planète. Je disais, dans une intervention précédente, ici, à l'Assemblée nationale, que le député de Sherbrooke avait une méconnaissance incroyable de la politique québécoise.

Une voix: C'est vrai, ça.

M. Boucher: Il vient de nous le démontrer. Le député de Sherbrooke est très peu crédible lorsqu'il parle de son projet qu'il a essayé de vendre aux Québécois pendant la campagne électorale. Il est très peu crédible, puisqu'il n'a pas eu l'audience des Québécois. Il n'a pas été élu, justement. Il a failli perdre dans le comté de Sherbrooke, d'ailleurs. Il a failli perdre, n'est-ce pas? Il n'a obtenu que 700 voix de majorité dans un contexte où, chef de l'opposition, avec une visibilité extraordinaire au niveau national... Il a failli se faire battre par notre collègue qui a mené une lutte extraordinaire, l'ancienne députée de Sherbrooke.

(17 heures)

Alors, le chef de l'opposition nous dit que, lui, il aurait pu faire des choses extraordinaires. Les Québécois ne l'ont pas cru, ils ne l'ont pas élu. Mais il oublie des choses – et je reviens sur le fait que je disais qu'il ne connaissait pas la politique québécoise – extraordinaires. Il oublie d'abord que, lorsque notre gouvernement, en 1994, a pris le pouvoir, le parti dont il a hérité et qui était au gouvernement a multiplié les déficits pendant neuf ans. Il les a multipliés au point que, à la dernière année de pouvoir, il a fait 6 000 000 000 $ de déficit. C'est la situation épouvantable, sur le plan économique, que nous a laissée le Parti libéral. Il n'en parle pas. Il ne parle pas des difficultés qu'ont rencontrées nos collègues ministres et notre gouvernement pour essayer de rattraper le temps perdu. Il oublie aussi de dire que, pendant les quatre dernières années de pouvoir du Parti libéral, il s'est créé au Québec zéro emploi. Zéro emploi, M. le Président, par ce parti qui, pense cet homme, aurait pu prendre le pouvoir et aurait pu, lui, faire mieux que notre gouvernement.

Il oublie que ce gouvernement qui nous a précédés était le champion justement des taxes, avec des taxes de 10 000 000 000 $ de plus qu'il a imposées aux Québécois et même une taxe rétroactive, M. le Président, dont tout le monde se souvient ici avec honte, n'est-ce pas? Il oublie aussi que ce gouvernement avait utilisé de façon éhontée l'article 7 de la SDI, qu'il a plongé cette Société dans un déficit de 1 000 000 000 $. Il oublie tout ça. Visiblement, le chef de l'opposition, député de Sherbrooke, ne connaît rien de la politique québécoise. Il ne l'a pas intégrée, visiblement, et il est toujours sur l'autre planète qu'on trouve à Ottawa.

Le chef de l'opposition nous a dit tout à l'heure que nous aurions à expliquer aux Québécois là où nous allions, prétendant que nous n'allions nulle part. Le chef de l'opposition, évidemment, ne comprend pas et ne connaît pas la politique québécoise, parce que tous les Québécois et toutes les Québécoises savent exactement où va le gouvernement. On le leur a expliqué clairement lors de la dernière campagne électorale, et ils nous ont réélus. Comme je le disais tout à l'heure, lui, il a perdu avec un plan qui n'avait aucune espèce de crédibilité. Pourquoi il n'avait pas de crédibilité, M. le Président? D'abord, il a promis de baisser les impôts, il a promis d'augmenter les budgets de la santé, il a promis d'augmenter les budgets de l'éducation, il a promis d'augmenter les budgets voués à la création d'emplois, il a même promis de baisser le déficit et la dette accumulée du Québec. Alors, il a tout promis. Tout le monde se demandait où est-ce qu'il prendrait son argent. Il a été incapable de nous le dire. Voilà pourquoi d'ailleurs les Québécois ne lui ont pas fait confiance.

M. le Président, je ne m'attarderai pas plus longtemps sur les propos du chef de l'opposition et député de Sherbrooke parce qu'ils ne sont pas crédibles et que les Québécoises et les Québécois le reconnaissent et ne lui prêtent pas attention comme il le souhaiterait, évidemment. J'aimerais plutôt revenir à ce que notre gouvernement, nous, a fait au cours des derniers quatre ans et à ce qu'il va faire maintenant, et parler particulièrement de notre région, l'Estrie, que je représente au même titre que le chef de l'opposition. Nous avons donc atteint le déficit zéro, comme je le disais tout à l'heure. Nous sommes partis de très loin pour le faire, et c'est grâce à la solidarité de toutes les Québécoises et de tous les Québécois et à leur sens des responsabilités que nous avons réussi. Nous avons, grâce à cette atteinte du déficit zéro et grâce aux surplus qui ont été dégagés...

Et je vous répète, M. le Président, que les surplus qui ont été dégagés l'ont été grâce à l'effort et à la rigueur de la gestion gouvernementale et non pas au chèque de bien-être social que nous a fait parvenir le gouvernement fédéral. Donc, nous avons atteint le déficit zéro et nous avons pu dégager des surplus, et, ces surplus-là, nous les avons investis exactement là où le chef de l'opposition d'ailleurs souhaitait qu'on les investisse. Je le sais particulièrement pour la région de l'Estrie où le député de Sherbrooke s'est fait des gorges chaudes en défendant le dossier du Centre universitaire de la santé de l'Estrie et en disant que, si, lui, il était élu premier ministre du Québec, il mettrait plein d'argent dans la santé, et particulièrement dans sa région, et particulièrement au CUSE. Sachez, en passant, que le CUSE, qui a accumulé un déficit important, recevra 17 000 000 $ pour nettoyer son déficit, et ça, c'est notre gouvernement actuel qui a pris cette décision grâce aux 1 700 000 000 $ qui seront investis dans la santé.

Une voix: Toujours nous autres.

M. Boucher: Comme mon collègue vient de le signaler, c'est nous qui faisons ces choses-là. C'est grâce à notre rigueur, à notre gestion, au sens des responsabilités que nous avons eu que nous sommes capables de le faire.

Nous allons réinvestir aussi dans l'éducation, 600 000 000 $. Il nous a parlé des jeunes, le chef de l'opposition. Il aime bien nous parler des jeunes, il nous en parle beaucoup, mais des jeunes, dans son entourage, il n'y en a pas. C'est une vieille organisation qu'il a autour de lui, dont il a hérité du Parti conservateur, qu'il a emmenée avec lui. Il n'y en a pas de jeunes. Les jeunes ont fui son parti, les jeunes ont fui son organisation. Vous en parlerez aux gens de la région de l'Estrie. Il nous en parle des jeunes, mais jusqu'à quel point il est prêt à travailler avec eux, en collaboration, dans l'organisation politique qu'il dirige? Non, M. le Président, il ne le fait pas.

J'ai autour de moi, donc, particulièrement, une de mes filles qui est justement étudiante à l'Université Laval pour faire des études d'enseignante, et elle me disait justement que les étudiants sur le terrain parlent du budget Landry. Ils sont extrêmement fiers de certaines choses, dont le fait qu'on ait gelé les frais de scolarité. Je sais que mon collègue le ministre de l'Éducation est là pour... il s'est battu pour ça. Nous avons gelé les frais de scolarité, nous allons bonifier les bourses à 3 000 $, nous allons investir dans la santé au niveau des déficits des universités, ce qui permettra aux étudiants d'avoir plus d'argent pour faire leur cours. Ces étudiants-là disent actuellement, sur les campus universitaires, qu'ils sont contents du gouvernement. Ça, c'est la vraie vie, M. le Président. Ce n'est pas les propos du chef de l'opposition, qui est déconnecté, qu'on ne voit jamais de toute façon à Sherbrooke et qui reste à Montréal depuis 11 ans et qui ne connaît pas ce que disent les étudiants sur le campus universitaire. Voilà ce que disent les étudiants. Ils sont fiers du gouvernement, de notre parti.

Nous allons investir aussi dans la création d'emplois, M. le Président. Je sais que le temps presse et j'aimerais vous dire que, par rapport à la création d'emplois, dans notre région plus particulièrement, la situation de l'emploi s'est améliorée passablement, depuis l'année passée. Le taux de chômage était, en février 1998, en Estrie, de 11,8 %; il est maintenant de 9,4 %. C'est une baisse significative de 2,4 %. C'était qui qui était au pouvoir pendant que ça s'est produit? C'était notre gouvernement. C'était notre gouvernement qui était au pouvoir. Et, dans notre région, qui, malheureusement, n'a pas voté suffisamment pour le Parti québécois, il y a eu une baisse de 2,4 % du chômage, M. le Président. Il y a eu 5 600 emplois de plus de créés entre février 1998 et février 1999, une hausse de 2,3 %, M. le Président.

Le rapport emplois-population, ça, c'est significatif. Évidemment, le député de Sherbrooke ne peut pas comprendre ces choses-là, c'est difficile pour lui, les chiffres, il comprend mal les chiffres. Le rapport emplois-population a augmenté de plus de 2 points, M. le Président. Ce qui est intéressant aussi, et il faut le constater, c'est que c'est dans le manufacturier que notre performance en Estrie est la plus intéressante: des investissements majeurs et une augmentation de l'emploi de plus que 12 %. Il y a une hausse aussi dans le commerce, et l'emploi s'est stabilisé évidemment dans le tertiaire. Je pense à la santé, à l'éducation, où il y a eu des coupures importantes qui ont contribué à l'augmentation du chômage auparavant. Mais là ça s'est stabilisé, et on doit prévoir maintenant qu'il y aura probablement une augmentation de l'emploi, même dans ces secteurs-là.

Alors, ce que je veux vous dire, M. le Président, c'est que les gens dans notre région, particulièrement, en Estrie, sont très fiers de ce que fait le gouvernement au niveau de la création d'emplois. Et les nouvelles mesures qui seront mises de l'avant... Vous savez que le gouvernement investira dans la création d'emplois beaucoup d'argent, il augmentera les budgets des CLD, comme vous le savez, 300 000 000 $ seront mis de l'avant. Et, si la quote-part de l'Estrie demeure, dans les sommes annoncées et prévues dans le domaine de l'emploi, nous pouvons d'ores et déjà prévoir une injection de plus de 5 000 000 $ pour aider nos entreprises et centres de recherche à développer une base de recherche scientifique de calibre international et accélérer le passage à l'économie du savoir. Nous pouvons prévoir aussi qu'il y aura une augmentation dans notre région de 2 000 000 $ pour soutenir les investissements de nos entreprises régionales et de plus d'un quart de 1 000 000 $ pour promouvoir l'exportation auprès de nos PME.

Le chef de l'opposition nous parlait d'une économie du Québec qui était fermée sur elle-même; je ne le comprends pas. Je ne le comprends pas. L'Estrie, depuis quelques années, a presque doublé ses exportations aux États-Unis. Ce qui lui fait mal, probablement, au député de Sherbrooke, ancien député à Ottawa, c'est sans doute le fait que notre économie se tourne de plus en plus vers le sud, hein, dans son mouvement naturel d'ailleurs, elle se tourne vers le sud, que les Québécois sont très à l'aise avec les Américains, qu'ils n'ont pas peur de leur identité culturelle quand ils rencontrent les Américains, qu'ils sont sûrs d'eux. Tandis que le député de Sherbrooke, lui, il souhaiterait qu'on maintienne les liens économiques et qu'on les développe d'est en ouest, ce qui n'est pas naturel dans le développement de notre économie. Malheureusement pour lui, ce n'est pas ce qui se passe. Les Québécoises et Québécois investissent davantage aux États-Unis et les Américains chez nous, de sorte que les échanges commerciaux augmentent de plus en plus, et c'est naturel. C'est suite aussi aux efforts qui ont été faits par le gouvernement dans le cadre... Et notre collègue, le ministre d'État à l'Économie et aux Finances, a été un champion du libre-échange, vous le savez, et c'est grâce justement à ses efforts que ceci peut être permis maintenant.

(17 h 10)

Notre région, donc, se développe, elle est supportée par le gouvernement dans ses nouvelles mesures, et je vous dirai en terminant, M. le Président – parce qu'on me fait signe que mon temps achève, n'est-ce pas – que l'Estrie reconnaît l'importance des investissements qui sont faits par notre gouvernement dans notre région, le reconnaît au point que, partout, ce qu'on entend par rapport au budget Landry, par rapport aux orientations du gouvernement, les Estriens et les Estriennes nous disent: On est contents, on est fiers, et continuez comme ça. Et c'est ce que nous allons faire, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Johnson et également adjoint parlementaire au vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances. Nous cédons maintenant la parole au député de Papineau et whip adjoint de l'opposition officielle. M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. M. le Président, avant de commenter, à mon tour, le discours sur le budget de M. Landry, j'aimerais juste lire un article dans La Voix de l'Est , le jeudi 25 février 1999 – et, ce matin, ils ont soulevé une affaire de question personnelle – je voudrais juste dire, et je le cite, là, ici: Le gouvernement a agi de bonne foi avec les informations qu'il avait d'Hydro-Québec, lui qui a transmis... et avec la perception qu'on avait, M. Bouchard avait peur que ça se reproduise. Hydro nous a dit qu'il fallait construire cette ligne-là, il n'y en a pas, de débat. Le député de Johnson croit que le gouvernement a été mal informé. C'est juste une petite information que je voulais vous dire, qui a été défendue ce matin ici, par le député.

M. le Président, nous devons nous élever contre le budget déposé par le ministre Landry. Il nous a présenté un beau gros feu d'artifice, mais le défilé de bonnes nouvelles se fait toujours attendre. Il s'agit d'un budget fort décevant, qui laisse la population québécoise sur sa faim, car on n'y retrouve pas de plan de croissance économique, comme le disait si bien tantôt le chef du Parti libéral. De plus, en refusant de baisser les impôts des contribuables, le gouvernement Bouchard présente, en quelque sorte, un programme négatif à l'exode des jeunes. Comme le chef du Parti libéral le disait, les citoyens du Québec, sur le plan financier, vont faire du vélo stationnaire pendant très longtemps.

Le ministre des Finances n'a pas à se bomber le torse pour avoir atteint le déficit zéro, M. le Président, une année avant l'échéancier initialement prévu. Le ministre Landry a pu effacer son déficit grâce au milliard et demi supplémentaire versé par Ottawa en paiement de péréquation. En février, le ministre avait comparé la péréquation à de l'aide sociale versée par Ottawa aux provinces. Ça veut dire que le ministre a décidé, M. le Président, de changer son chèque de bien-être social. Mais le malheur là-dedans, c'est que le Québec reçoit cet argent-là à cause de sa piètre performance économique. Le plus drôle, c'est que le premier ministre pense qu'à cause du déficit zéro les Québécois voteront pour le Oui à un éventuel référendum sur la souveraineté.

D'autre part, le ministre s'est adonné, au budget, à une gymnastique mathématique qui, en vérité, ne se traduira pas par des réinvestissements de 1 700 000 000 $ dans la santé et de 600 000 000 $ dans l'éducation. Ce supposé argent neuf disparaîtra dans l'augmentation prévisible des dépenses courantes de fonctionnement et les hausses salariales du personnel. La population n'aura pas droit à des services de meilleure qualité. Dans la santé, le gouvernement répare les dégâts qu'il a lui-même causés. Il n'y avait pas de déficits et de dettes dans les hôpitaux en 1994; en mettant 700 000 000 $, il dit qu'il va les effacer et qu'en plus de ça il investit 300 000 000 $ pour réparer ses propres erreurs dans le système. C'est donc dire qu'on a continué à couper dans les services.

C'est la même chose dans le domaine de l'éducation. M. le Président. Samedi, dans le Journal de Montréal , à la page 10, on a une annonce: «Pour la prospérité, nouveaux investissements et création d'emplois». Et c'est marqué ici: «Pour aider les jeunes du Québec à relever le grand défi de l'avenir, 600 000 000 $ seront investis pour l'éducation et la jeunesse.» Dans la page 16 du même journal, M. le Président, et je le cite, c'est le ministre de l'Éducation, mais il a expliqué hier, en parlant de vendredi: 600 000 000 $ alloués par M. le ministre des Finances, il faut soustraire immédiatement 520 000 000 $ pour éponger le coût du système, sans compter les augmentations salariales pour les enseignants, 90 000 000 $, et rembourser les institutions qui ont creusé des déficits pour financer les mises à la retraite des enseignants du collégial, 6 000 000 $, et des universités. On paie 300 000 $, 400 000 $ pour annoncer des chiffres qui... Vraiment, les chiffres ne sont pas réels. C'est des faussetés, M. le Président.

Quant aux réductions d'impôts, les Québécois n'auront pas droit à un allégement de 400 000 000 $, comme prétend le ministre des Finances. Ce sera plutôt 200 000 000 $, puisque ces réductions seront en vigueur à compter de juillet de l'an 2000, M. le Président. Avec la marge de manoeuvre de 2 900 000 000 $ dont jouissait M. le ministre Landry, il aurait pu se montrer beaucoup plus généreux envers les contribuables québécois complètement étranglés par les impôts et les taxes.

M. le Président, les maires de l'Outaouais fulminent. Et je cite: «Un vol qualifié, voilà comment le président de la Communauté urbaine de l'Outaouais, M. Marc Croteau, maire d'Aylmer, interprète la décision de facturer un autre 375 000 000 $ aux municipalités de la province. La raison numéro un de l'entente, c'est le déficit zéro. Maintenant qu'il est atteint, nous n'avons plus à payer, de dire M. Croteau.»

«L'UMQ a conclu de bonne foi une entente avec le Québec à l'automne 1997 dans un effort sans précédent d'assainissement des finances publiques. Il n'y a plus de partenaires, il y a le gouvernement du Québec et ses victimes, dit le maire de Gatineau, M. Guy Lacroix.»

En fait, M. le Président, tous les maires de l'Outaouais se demandent pourquoi le gouvernement du Québec ne les a pas épargnés malgré le chèque surprise. «1 000 000 000 $ du fédéral, ça fait 8 000 000 $ qu'on pompe vers le haut. Il n'y a rien qui redescend», déclarait le maire Yves Ducharme, déçu de l'ensemble du budget.

Il n'est pas le seul. «Habituellement, on va chercher de l'argent dans les poches des contribuables pour offrir des services. Là, on le fait pour aider le gouvernement à gérer sa boîte», disait le maire de Buckingham, M. Jacques Lareau.

En plus, M. le Président, dans le budget, il n'y a pas un mot sur la situation des personnes pauvres, assistées sociales et en particulier des mesures qui leur viennent en aide. M. Landry qui, joyeusement, par des envolées lyriques sur l'atteinte du déficit zéro... Ce que M. Landry – et je cite – ne dit pas, c'est à quel prix il a été atteint, avec la déconstruction des réseaux de la santé, de l'éducation ainsi que l'appauvrissement des personnes assistées sociales, M. le Président.

Dans l'Outaouais, au moins 6 000 ménages consacrent plus de la moitié de leurs revenus au logement, alors que la norme est de 25 %. Québec finance 1 300 logements coopératifs, environ 40 dans l'Outaouais. En plus, M. le Président, l'Outaouais s'attendait, tel que promis par l'ancien ministre régional de l'Outaouais, le député de Richelieu, et le ministre des Transports, à une mention en ce qui concerne l'autoroute 50. Malheureusement, rien dans le budget. Par contre, le boulevard Métropolitain et l'autoroute 30 en profiteront.

Rien pour les régions, 7 500 000 $ pour les CLD. Je vais vous expliquer un petit peu, M. le Président. Nous, dans l'Outaouais, le Conseil régional de développement de l'Outaouais avait un budget, une enveloppe de 2 500 000 $. Nous, dans le comté de Papineau, quand le Conseil régional de développement de l'Outaouais avait une enveloppe de 2 000 000 $, on avait été chercher au-delà de 76 % de ce budget-là pour toutes sortes d'activités, ou de programmes, ou quoi que ce soit de création d'emplois. Maintenant, avec les CLD – j'entendais tantôt les gens vanter les CLD – avec un fonctionnement de 300 000 $, avec un fonds local d'investissement de seulement 86 000 $, les jeunes promoteurs, 28 000 $, et l'économie sociale, 30 000 $, juste dans le comté de Papineau, on a une perte de 1 500 000 $. C'est beaucoup.

(17 h 20)

Alors, le système, M. le Président, des CLD, pour des régions comme chez nous, n'aura pas... comme quand on l'avait et que c'était très régional avec le Conseil régional de développement.

Le ministre, M. le Président, semble avoir réussi à décevoir carrément le patronat et, imaginez-vous, en laissant aussi sur sa faim le monde syndical. Et je vais en citer. On va commencer par M. Massé de la FTQ, qui dégonfle très vite les annonces de 1 700 000 000 $ pour la santé et de 600 000 000 $ pour l'éducation lancées dans le budget Landry: «On est loin de régler les problèmes du réseau.»

Mme Lorraine Pagé: «Il faudrait consacrer trois fois plus que le 600 000 000 $ promis pour remettre les réseaux en état.» Elle rappelle que le gouvernement Bouchard a coupé 1 500 000 000 $ en trois ans dans le domaine. «Nos dépenses par élève sont beaucoup plus faibles ici que le reste de l'Amérique du Nord. Et, comme société, nous paierons cette situation, à moins d'un coup de barre.»

M. Gérard Ponton, de l'Alliance des manufacturiers: «En l'an 2000, on aura encore la médaille d'or des payeurs de taxes en Amérique du Nord. En deux ans, l'Ontario a baissé les impôts de 30 %; nous, on aura à peine fait 15 % dans quatre ans.» Pour lui, les mesures incitatives proposées dans le budget pour la recherche, le développement et les régions, ça ne vaut même pas la peine d'en parler, M. le Président.

M. André Caron, président de la Fédération des commissions scolaires du Québec: «Nous sommes les enfants pauvres du budget. Peut-être que la prochaine fois on ferait mieux d'être délinquants et d'accumuler des déficits pour que le gouvernement vienne finalement les éponger.» C'est un drôle de message qu'on nous envoie.

M. Michel Audet, la Chambre de commerce du Québec, dans le Journal de Québec du 10 mars: «En dépit d'excédents de 4 000 000 $ en 1998-1999 et 1999-2000, le gouvernement n'a pas trouvé le moyen d'alléger le fardeau fiscal des Québécois et se contente d'annoncer une baisse symbolique d'impôts commençant en juillet 2000, tandis que les contribuables supportent un fardeau additionnel de 5 100 000 000 $ au seul titre de l'impôt des particuliers, comparé avec l'Ontario.» Et M. Clément Gignac: «Il est étonnant et décevant de voir que ce qui était important, voire prioritaire, l'an dernier, ne l'est plus.»

Les municipalités: «Le monde municipal est le grand perdant du budget que vient de déposer M. le ministre des Finances. Le pacte fiscal qu'on voulait pour la fin de cette année est compromis. Pour nous, c'est décevant. On a décidé de faire payer encore une fois pendant une année de plus la facture de 375 000 000 $.» Mario Laframboise, le président de l'Union des municipalités.

M. le Président, this budget is very disappointing and leaves the Québec population with a sour taste in their mouth as there is no plan for economic development. By refusing to decrease individual income tax, the Bouchard Government is contributing to the continuous exodus of our young Quebeckers. The money injected in our health care system is not enough. There is an additional 46 000 000 $ required. The education budget is 300 000 000 $ with salary increases costing an additional 88 000 000 $; once again, the Minister of Education will need to cut services' costs, and Québec students will have to pay the price.

En somme, M. le Président, je pense que le budget, vraiment... les gens, les Québécois s'attendaient à des coupures dans le sens d'une baisse d'impôts; nous ne l'avons pas eue. Nous, dans les régions, on s'attendait à des investissements plus directement pour la création d'emplois; nous n'en avons pas eu. Alors, on ne peut pas, nous, de ce côté de cette Chambre, féliciter le gouvernement de son budget qui vient d'être déposé. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Papineau et whip adjoint de l'opposition officielle. Nous cédons maintenant la parole au député de Salaberry-Soulanges et adjoint parlementaire à la ministre du Revenu. M. le député.


M. Serge Deslières

M. Deslières: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, vous me permettrez également à moi, à l'occasion de ma première intervention en début de cette Trente-sixième Législature et dernière de ce XXe siècle, de saluer mes concitoyens et concitoyennes du comté de Salaberry et de les remercier chaleureusement, électeurs et électrices, pour la confiance qu'ils m'ont manifestée et renouvelée le 30 novembre dernier, confiance qu'ils ont multipliée par six, M. le Président, faisant passer ma majorité de 1 000 voix obtenue en 1994 à 6 258 voix en novembre 1998.

Des voix: Bravo!

Une voix: Félicitations!

M. Deslières: Soyez assurés, gens du comté de Salaberry-Soulanges, que nous allons travailler, mon équipe et moi, avec la même détermination et le même acharnement pour que l'ensemble de la région du Suroît, et particulièrement les gens du comté de Salaberry-Soulanges, puissent connaître développement et prospérité.

M. le Président, la suite de mon intervention portera, bien sûr, sur les faits saillants du budget déposé par notre collègue et ministre des Finances et de l'Économie mardi soir dernier en cette Chambre.

Que nous dit donc ce budget 1999-2000? On retiendra, premièrement – et on l'a signalé à plusieurs occasions, mes collègues l'ont signalé à plusieurs occasions, et il faut le faire, parce que c'est une grande victoire – que les Québécois et les Québécoises, ce mardi soir, ont enregistré cet engagement qui était majeur pour notre équipe ministérielle, pour notre formation ministérielle, et plus d'un nous a dit: Jamais vous n'allez réussir, en ce laps de temps, cet échéancier si serré, à atteindre ce déficit zéro. Eh bien, c'est fait, M. le Président, et c'est une grande victoire. Plusieurs collègues, encore une fois, l'ont rappelé: ça fait 40 ans, année après année, que le Québec enregistrait déficit par-dessus déficit; cette année, un an – il faut le signaler – avant notre engagement, nous avons réussi l'atteinte de l'équilibre budgétaire.

Oui, certes, M. le Président, ça a été difficile, parce qu'il faut savoir d'où l'on partait. Avons-nous besoin de rappeler 1994-1995, fin du régime libéral? Atteinte d'un déficit record, historique, de 5 700 000 000 $, tout près de 6 000 000 000 $, 5 700 000 000 $. En 1993-1994, 4 800 000 000 $ de déficit. Et vogue la galère, M. le Président, c'est venu de plus loin encore: en 1992-1993, 4 900 000 000 $; 1991-1992, 4 200 000 000 $ de déficit. Une catastrophe nationale, M. le Président, le saccage de nos finances publiques, un carnage, M. le Président. Les Québécois et les Québécoises s'en sont rappelé, ils les ont renvoyés, le 12 septembre 1994, dans les banquettes de l'opposition. Et pour cause, M. le Président, et pour cause.

Ce qui devait arriver arriva. Conséquence de ces déficits, la dette augmente. On passe d'une dette, en 1985-1986, début du mandat du Parti libéral, de 31 000 000 000 $, dette totale, et on enregistre, à la fin du régime libéral, 1994-1995, 74 000 000 000 $ de dette. C'est plus de 43 000 000 000 $ de dette, en neuf ans, que ces gens-là ont laissé en héritage aux Québécois et aux Québécoises. Conséquence immédiate de cette augmentation de la dette, M. le Président, le service de la dette passa, au début des années 1990, de 4 400 000 000 $ pour atteindre, à la fin de l'année 1994-1995, 5 800 000 000 $, une augmentation de 1 500 000 000 $. C'est 1 500 000 000 $ de plus pour payer les intérêts de notre dette. Performance du Parti libéral ou, devrais-je dire, une contre-performance que les Québécois et les Québécoises ne seront pas près d'oublier.

(17 h 30)

Voilà la bonne nouvelle, une grande victoire de ce budget, M. le Président, et on n'aura cesse de le répéter: comme gouvernement responsable, comme gouvernement transparent, nous venons de réussir un exercice fort difficile.

La deuxième bonne nouvelle, M. le Président, dans ce budget, c'est la création d'emplois. Malgré toutes les difficultés que nous avons pu rencontrer, dans ce budget on peut constater que le ministre des Finances consacre 380 000 000 $ à la création d'emplois. 132 000 000 $ serviront à financer les premières mesures issues de la nouvelle politique québécoise de la recherche scientifique, 42 000 000 000 $ seront ajoutés en faveur de l'innovation sous forme d'appuis fiscaux, 50 000 000 $ supplémentaires serviront à susciter 2 000 000 000 $ d'investissement et à créer 15 000 nouveaux emplois.

Ça me permet d'ouvrir une parenthèse au niveau de la création d'emplois, M. le Président, de faire un court rappel, court bilan de la création d'emplois que ce gouvernement-là a réussi à faire malgré les difficultés dans nos finances publiques, au cours du premier mandat 1994-1998, pour rappeler à l'ensemble des Québécois et des Québécoises que nous avons créé, de janvier 1995 à décembre 1998, 209 000 nouveaux emplois. Faisons un rappel. Les libéraux: aucun emploi net lors du dernier mandat de 1989-1994. Fallait le faire! C'est même 600 emplois, pour être bien précis, sur le bilan de l'emploi et de la création d'emplois, de moins lorsqu'ils ont été sortis par les Québécois du pouvoir.

Troisième bonne nouvelle, M. le Président: nous avons réinvesti en santé et services sociaux, nos deux grands réseaux. Puisque ces deux réseaux, c'est les deux tiers de notre budget, si on exclut le service de la dette, c'est 24 000 000 000 $ sur les 36 000 000 000 $. C'est 1 700 000 000 $ que nous avons investis, et, là encore, en termes de gouvernement responsable, nous investissons 700 000 000 $ pour éliminer la totalité des dettes. On vient de faire le ménage dans les différents établissements et dans la dette accumulée des différents établissements.

C'est 600 000 000 $ en éducation également. Et, si je ne m'abuse, lorsqu'on a franchi cette étape du déficit, lorsqu'on a été obligés de faire de la rationalisation dans notre système de santé et d'éducation, on a dû subir également 7 000 000 000 $ de coupures du fédéral. Jamais on n'a entendu une intervention de la part des représentants et représentantes, des députés du Parti libéral. Ils étaient sur le répondeur automatique. Ils venaient d'avoir un message: Pas un mot sur ces coupures! Ils ont écouté et appliqué à la lettre ce message. Jamais on ne les a entendus décrier, dénoncer ces coupures. Jamais. Mais non. Et après on viendra nous dire, M. le Président, qu'on veut toujours faire accroire aux Québécois et aux Québécoises qu'ils veulent défendre les intérêts de ceux-ci.

Quant à la baisse des impôts que le présent budget annonce pour juillet 2000, c'est 400 000 000 $ de baisse d'impôts. C'est un début. Notre engagement est de 1 300 000 000 $ pour l'ensemble du budget. Et, quand, à ce sujet-là, je les vois et surtout quand je les entends et quand j'entends les commentaires des députés libéraux, simplement vous dire, M. le Président, que ça ne vole pas plus bas que les pâquerettes, tout juste à la hauteur de la démagogie. Quand on sait que le Parti libéral, lors de son dernier passage de 1985 à 1994, en plus d'endetter les Québécois de 43 000 000 000 $, de faire des déficits remarquables, a eu le culot d'augmenter les impôts de 10 000 000 000 $, c'est 1 000 000 000 $ en moyenne par année, c'est 3 000 000 $ par jour qu'il a réussi à augmenter les impôts de ces mêmes... Puis aujourd'hui ils viennent nous dire: Bien, vous n'avez pas baissé les impôts.

Le budget de 1991, M. le Président. Parce que tout à l'heure la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne nous disait: Vous avez un passé, vous. On est très fier de notre passé, en passant. Mais je veux lui rappeler qu'ils ont quelques cadavres très chauds dans leurs placards, M. le Président. En 1991, hausse de la taxe de vente. Une ponction annuelle de 700 000 000 $ de plus à partir de 1992. Toujours dans le budget 1992, hausse de la taxe sur le carburant: 165 000 000 $ de plus en 1991, 316 000 000 $ de plus en 1992. Eh!

Budget 1992, M. le Président – puis je vais terminer bientôt, vous me faites signe. Indexation du régime fiscal. Un petit cadeau de 158 000 000 $ pour 1993 seulement. Ils nous parlent souvent de la réforme de la TVQ, M. le Président. Gain de 65 000 000 $ en 1992 suivi d'une autre ponction de 100 000 000 $ en 1993. Abolition de la déduction de 700 $ pour revenu d'emploi. Écoutez bien ça, M. le Président, ça va vous intéresser. Qu'est-ce que ça traduit, M. le Président, pour les citoyens et citoyennes du Québec? Cela se traduit par une hausse d'impôts de 411 000 000 $ en 1993, 419 000 000 $ en 1994, 429 000 000 $ en 1995.

Je pourrais en citer plusieurs, M. le Président. Le budget 1994, pour terminer. Parce qu'ils nous en parlent souvent, de la diminution des impôts. Qu'est-ce qu'ils ont fait, ces gens-là? Dix milliards d'augmentation d'impôts, M. le Président; 10 000 000 000 $. On va s'en rappeler. N'ayez crainte, M. le Président, nous allons aussi corriger cette erreur-là, cette erreur historique du Parti libéral. On a le mandat pour le faire et on va respecter notre engagement.

Des voix: Bravo!

M. Deslières: Dernier rappel, M. le Président. Budget de 1994. Un petit cadeau de 425 000 000 $ de l'impôt des contribuables à faibles et moyens revenus. Application du taux unique à 6,5 % de la TVQ, un autre petit gain de 100 000 000 $. Ça, c'est leur cadavre dans le placard. Qu'ils en prennent pour leur rhume.

Vous voyez, M. le Président, le problème qu'on rencontre avec les députés de l'opposition, c'est ceci. C'est que, lorsqu'ils sont assis dans cette Chambre, ils ne savent pas ce qu'ils vont dire. Quand ils sont debout, ils ne savent pas ce qu'ils ont dit, et, de nouveau assis, ils ne savent plus ce qu'ils ont à dire, M. le Président. Merci, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Salaberry-Soulanges et adjoint parlementaire à Mme la ministre du Revenu. Je tiens à souligner à mes collègues en cette Chambre de bien vouloir se lever seulement lorsque l'intervention de vos collègues est terminée. Alors, maintenant, nous allons céder la parole au député de Shefford. M. le député.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de prendre la parole après un humoriste comme le député de Salaberry-Soulanges. D'ailleurs, M. le Président, ce qu'on a entendu du député, c'est à peu près la même cassette qu'on a entendue depuis quatre ans, avec les mêmes choses. Ce n'est pas plus imaginatif que c'était, M. le Président. Et j'invite les députés de l'autre côté à ajuster leur tir puis leur discours afin de se mettre à date. Je peux leur faire certaines suggestions.

On pourrait ajouter que, lorsque le PQ a été élu en 1994, la dette était de 75 000 000 000 $, elle est de 100 000 000 000 $ aujourd'hui. Donc, il peut ajouter ça à sa cassette. Pendant que le taux d'intérêt baissait de 4 %, M. le Président, ils ont réussi à prendre la dette de 75 000 000 000 $ et ils l'ont mise à 100 000 000 000 $. En plus, ils ont réussi à taxer les citoyens du Québec à coups de 3 000 000 000 $ par année depuis quatre ans. Donc, j'invite les députés de l'autre côté, s'il y en a d'autres qui ont la même cassette, à bien vouloir l'ajuster.

M. le Président, il me fait plaisir aussi de prendre la parole pour la première fois dans cette Législature. J'aurais aimé auparavant prendre la parole sur le discours inaugural tout en soulignant, M. le Président, la présence ici de plusieurs députés fédéraux qui nous visitent aujourd'hui. Donc, je voudrais les saluer pour leur visite.

(17 h 40)

M. le Président, comme je disais, c'est la première occasion que j'ai de prendre la parole en cette Législature, et j'aimerais tout simplement placer quelques mots pour remercier les citoyens du comté de Shefford qui m'ont fait confiance pour un troisième mandat. J'y reviendrai dans un prochain discours sur le discours inaugural, puisque celui-ci est consacré au discours du budget. Donc, ça me fait aussi plaisir de parler après le député de Sherbrooke et chef de l'opposition, qui soulignait, à juste titre, qu'un discours du budget, c'est un peu un énoncé formel des intentions du gouvernement pour le prochain mandat. Il y a un discours inaugural, qui est un discours d'importance, premier discours d'importance, mais le premier budget revêt une importance spécifique, puisqu'il met sur pied, qu'il donne un élan, une direction pour les priorités budgétaires du prochain mandat.

M. le Président, on a pu constater, dans le discours du budget, autant que dans le discours inaugural d'ailleurs, que le gouvernement ne sait pas où il s'en va. D'ailleurs, dans le discours du budget, il n'y a aucune allusion à un plan de croissance spécifique, et je me rapporte au discours du député précédent qui y allait de statistiques dans les années quatre-vingt-dix. Il y allait à qui mieux mieux dans les statistiques. Faut se rappeler que le début des années quatre-vingt-dix a été marqué par une récession nord-américaine, et présentement ce qu'on a en Amérique du Nord, c'est de la croissance partout, sauf au Québec. Donc, le discours du budget a été excessivement décevant.

Je reprends les propos de la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui disait que c'est un gros feu d'artifice sans de véritables bonnes nouvelles. Donc, pas de plan de croissance, M. le Président. Ce dont on avait besoin, c'était de créer de l'activité économique, créer de l'activité pour faire en sorte que le Québec ne soit plus le wagon de queue de l'économie canadienne, de l'économie nord-américaine, et il y a des raisons majeures pourquoi le Québec est le wagon de queue de l'économie nord-américaine. Cette raison-là, c'est le fardeau fiscal des Québécois, le fardeau fiscal qui est énorme.

M. le Président, depuis trois ans, le revenu des Québécois avant impôts a baissé de 1,2 % pendant que celui des autres Canadiens augmentait de 3 %. En conséquence, il y a moins d'argent disponible pour chacun des Québécois et des Québécoises, moins d'argent disponible pour investir en économie, moins d'argent pour l'achat d'une propriété, moins d'argent pour l'achat de biens de consommation, moins d'argent aussi pour démarrer des petites entreprises.

Donc, lorsque le Québécois est taxé, on n'a pas de soutien à l'emploi, puisqu'il ne peut investir lui-même dans l'économie. Je vais prendre des exemples très simples. La fin de semaine dernière, j'avais un ami à la maison, un expert en aéronautique, qui me disait: Bien, la semaine passée, je suis allé à Tucson, en Arizona, passer une entrevue, puisque chez moi la quantité d'impôts qui est payée dans la famille est totalement inacceptable. Il se comparaît avec ses amis d'Ontario, et c'est pourquoi ces gens-là, ces cerveaux-là du Québec pensent à partir du Québec. D'ailleurs, le chef de l'opposition tantôt soulignait exactement la même chose.

Et, pas plus tard qu'hier encore, dans une rencontre avec des médecins spécialistes dans mon comté – on en parlera plus tard, de la santé – un me disait aussi qu'il venait juste de passer des entrevues à Boston pour partir pour Boston, naturellement, croulant sous la charge des taxes et des impôts du Québec. Et, lorsqu'on parle d'exode des jeunes, d'exode des cerveaux, la raison principale, c'est que le Québec est le champion toutes catégories pour les taxes.

Donc, M. le Président, le ministre des Finances nous a simplement signifié dans son budget que les réductions de taxes ou d'impôts, c'était pour le 1er juillet de l'an 2000. Donc, tout ce qu'il a réussi à mettre sur pied présentement, ce qu'il nous a annoncé, c'est une commission parlementaire qui était pour étudier la façon de baisser les impôts, comment on était pour les baisser. Donc, pour nous, ce n'est qu'une mesure dilatoire. On sait très bien que le ministre des Finances sait comment baisser les impôts. Ce qu'on a besoin de savoir, ce n'est pas comment, c'est quand il va baisser les impôts. Les citoyens du Québec nous disent tout simplement: À partir de quand? C'est de maintenant, M. le Président.

L'Ontario a déjà réduit ses impôts de 30 % depuis quatre ans. Nous devons rester concurrentiels. Donc, l'écart continue de s'agrandir entre le Québec et le reste du Canada. Pendant ce temps-là, les Québécois s'appauvrissent pendant que le reste du Canada s'enrichit. Il y a moins de capacité économique, elle est reliée à la capacité de dépenser, puis ce n'est pas créateur d'emplois, M. le Président.

Donc, ce qu'il faut retenir, c'est que le gouvernement du Parti québécois dit aux contribuables: Vous ne savez pas, vous, comment administrer votre argent. On va le garder, on va s'arranger avec ça, ne vous inquiétez pas. Moi, ça m'inquiète, M. le Président, puis ça inquiète aussi les citoyens.

Donc, M. le Président... Puis je m'en rapporte au discours de la critique de l'opposition en matière de finances qui, le soir du discours du budget, disait que les objectifs du gouvernement, de tout gouvernement responsable devraient être les suivants: la parité fiscale avec le reste du Canada. Et c'est ça que les citoyens lancent comme message au gouvernement du Québec: s'inspirer du reste du Canada dans ses mesures, ce qui va permettre la croissance économique du Québec. Et cette croissance économique là, M. le Président, ça passe par une réduction d'impôts.

Parlons un peu de santé dans le temps qui m'est alloué. Donc, dans le budget, le ministre des Finances, dans son style théâtral habituel, annonçait une injection de 1 700 000 000 $ dans le système de santé. Mais, en y regardant d'un peu plus près – je me suis inspiré des intervenants dans le milieu de la santé dans mon comté – on s'aperçoit tout simplement qu'il y a au-delà de 1 000 000 000 $ pour éponger les déficits des hôpitaux accumulés à cause de la façon qu'a de gérer le gouvernement actuel. Il reste 592 000 000 $ pour améliorer le système supposément, sauf qu'il y a 400 000 000 $ qui seront attribués aux coûts du système, il y a 150 000 000 $ qui s'en viennent sûrement pour les augmentations salariales, et puis les hôpitaux, la façon dont on a organisé leur financement, ils vont faire des pertes encore de 200 000 000 $ par année, et c'est récurrent. Donc, la conséquence, M. le Président: soit que les hôpitaux fassent encore des déficits ou qu'on coupe encore dans la santé, ce qui a comme conséquence que c'est encore le patient qui va payer.

Et, dans ma région, M. le Président, il est arrivé un phénomène la semaine dernière que je n'aurais jamais cru possible auparavant. Les municipalités, chez nous, ont demandé aux CLD d'intervenir dans la santé. M. le Président, c'est incroyable. Chez moi, les municipalités vont se servir des taxes des citoyens pour intervenir dans le milieu de la santé, dans le... Ces gens se sont sentis totalement abandonnés.

Donc, c'est un message qu'on lance au gouvernement. Lorsque les municipalités, par l'entremise des CLD, décident d'utiliser les taxes municipales des citoyens qui sont déjà surtaxés, je pense qu'il y aurait tout avantage au gouvernement de prendre ce message-là et d'intervenir dans ces milieux-là qui sont plus nécessiteux que d'autres. On a entendu cet après-midi une question du député d'Abitibi-Ouest sur un problème du système de santé dans sa région; ce problème-là se répète dans tous les centres.

Et, M. le Président, pour bien imager le problème qui existe chez nous, autant en taxes que dans le problème de santé, j'ai reçu des documents d'un maire d'une municipalité, chez nous, le maire Jean-Paul Forand, maire du canton de Shefford. Et il s'exprimait ainsi, et je vais vous le citer, M. le Président:

«Le système des soins de santé du Québec est malade, il suffit de lire les gros titres pour s'en convaincre. Dans un contexte de sauve-qui-peut, on voit émerger une initiative locale aux conséquences douteuses. Dans ce contexte, certains demandent aux municipalités de faire le pont entre les demandes des médecins et le salaire versé par Québec. Pour parvenir à une telle fin, on peut utiliser un centre local de développement – c'est ce qu'ils ont fait, M. le Président – même si ce n'est pas là sa fonction. C'est ainsi que plusieurs proposent aux maires de la MRC de La Haute-Yamaska d'accorder une somme de 100 000 $ à même les sommes dévolues au développement économique local pour ajuster le salaire des médecins de l'hôpital de Granby. Dans certains milieux, on pense pouvoir ainsi maintenir sur place les médecins qui menacent de partir. Comme maire d'une des municipalités qui font l'objet de pressions pour souscrire ainsi à la caisse municipale de santé, je me dois de soulever certaines objections sur le fond et de sonner l'alarme sur la forme, sans compter l'embarras dans lequel on retrouve un maire qui doit décider quelle institution de santé de notre vaste territoire sera soutenue ainsi au détriment des autres.»

(17 h 50)

Et je continue, M. le Président. Un peu plus loin, il disait: «À terme, ce sont les villes riches qui pourront se permettre des soins de santé de qualité, ou encore ce seront les milieux où les citoyens acceptent un fardeau écrasant de taxes municipales qui obtiendront des services de santé acceptables. Ce système de caisse municipale de santé ne peut qu'entraîner une spirale inflationniste, sans compter la ministre de la Santé qui se retrouvera dans l'impossibilité de négocier directement avec les médecins selon les normes nationales.»

Donc, M. le Président, comme disait un comédien bien connu jadis, l'heure est grave. Les municipalités dans les régions sont obligées de prendre les taxes des citoyens et d'investir dans la santé. Donc, M. le Président, il faut se rendre compte que les maires des municipalités sont harcelés de tous côtés pour l'augmentation des taxes municipales, des taxes scolaires aussi. Donc, il faut réagir immédiatement.

Et le même maire du canton de Shefford me disait, un petit peu plus loin, un commentaire sur le budget, en passant, qui disait, à la page 12 de la section 3 du Plan budgétaire: «Voilà de quoi refroidir notre allégresse fiscale naissante. Le fonds spécial de financement des activités locales est maintenu pour l'année fiscale et n'est en rien menacé de disparition pour les années subséquentes. Concrètement, ça veut dire que, si Québec diminue le fardeau fiscal provincial de 300 000 000 $ en l'an 2000, c'est parce qu'il a maintenu, en 1999, une pression de 375 000 000 $ sur les finances municipales. Bref, le contribuable peu enclin à analyser les bouquins budgétaires recevra comme une bonté provinciale ce qu'il a financé de son propre argent l'année précédente.»

Donc, M. le Président, encore là, le signe flagrant que le citoyen québécois est le citoyen le plus taxé du Canada.

Donc, je vois que le temps s'est écoulé. Pour laisser la chance à d'autres collègues... J'aurais pu parler aussi d'éducation, des coûts de système. On a eu un paquet d'interventions, au bureau de comté, pour dénoncer le budget du côté éducation. Mais, juste pour imager ce qui a été dit, je peux vous citer Gaétan Boucher, président-directeur général de la Fédération des cégeps, qui, dans Le Soleil du 10 mars 1999, nous disait: «Ce budget, c'est l'art de rire des gens. Il ne s'y trouve pas 1 $ pour embaucher des profs, alors qu'il en manque 1 500, pas 1 $ pour mettre plus de livres sur nos bibliothèques, dit-il, en reprochant à M. Landry de parler d'économie du savoir sans fournir le matériel adéquat à la formation.»

M. le Président, en terminant, puisque je suis député de région, j'aimerais parler de l'aspect région du discours du budget. Et j'ai trouvé une citation d'un journaliste régional de La Voix de l'Est , qui dit tout simplement: «Notre région s'enfoncera davantage avec ce nouveau budget qui se résume, pour nombre d'intervenants, à un odieux statu quo.» Donc, rien pour les régions, rien pour la santé, rien pour les contribuables. C'est pourquoi, M. le Président, nous allons dénoncer ce budget. Et nous allons continuer à le dénoncer jusqu'au prochain budget. Donc, M. le Président, je vous remercie et je vous laisse la parole.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. le député de Shefford. Nous allons maintenant céder la parole au député de Viau. M. le député.

Une voix: M. le Président, étant donné l'heure...

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Peut-être, au lieu et à la place du député de Viger, personne ne s'est levé, de l'autre côté, et on les comprends un peu, compte tenu de l'heure...

Une voix: ...

M. Paradis: Quand on dit qu'on les comprend, ils hurlent, M. le Président. Il reste à peine cinq minutes. Pour un député, débuter un discours et n'avoir que cinq minutes à sa disposition, ça le place dans des conditions qui sont difficiles. Le député de Viger a eu la gentilhommerie de se porter volontaire, mais, dans les circonstances, M. le Président, on pourrait d'un commun accord ajourner nos travaux, à ce moment-ci. Sinon, lorsque la motion d'ajournement arrivera, on verra si elle est débattable ou pas, etc.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Il n'est pas dans mes habitudes de céder à la menace, M. le Président. Nous poursuivons.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Moi, je vous demanderais, à ce moment-ci, de demander au leader adjoint de l'opposition de retirer ses propos. Il est interdit par le règlement d'imputer des motifs à qui que ce soit.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, il reste quatre minutes avant de suspendre nos travaux, et nous avons une demande de la part du leader de l'opposition. M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, vous avez fait mention que... Voulez-vous répéter?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition officielle, M. le leader adjoint du gouvernement, je m'excuse, je n'ai vraiment pas prêté attention aux propos qui ont été prononcés. Mais, puisque, à ce stade-ci, le député de Gaspé se lève pour prendre la parole et comme l'horaire nous permet de continuer nos débats, est-ce que... M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. M. le Président, je vous demande, à cette heure-ci, d'effectuer les vérifications requises et d'exiger du leader adjoint du gouvernement qu'il retire ses propos antiparlementaires.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je suspends nos activités, puisque je n'ai point entendu les propos.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

(Reprise à 18 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, concernant l'interrogation et la demande du leader de l'opposition, je me suis rendu réviser les débats qui se sont déroulés devant nous, et la phrase qui a été prononcée: «Il n'est pas dans mes habitudes de céder à la menace.» Et, concernant votre menace, qui était d'effectuer un débat d'ajournement, je tiens à vous préciser à tous les deux que, d'une part, l'article 103 mentionne que le débat se termine à l'heure prévue. Donc, pour qu'il y ait effectivement un débat d'ajournement, il aurait fallu une motion d'ajournement.

Et, dans le cas prévu, étant donné qu'il est maintenant 18 h 2, j'ajourne donc les travaux à jeudi matin, 18 mars, à 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 2)