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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 25 mai 1999 - Vol. 36 N° 34

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Table des matières

Présence du consul général de la République du Costa Rica à Montréal, M. Roy Thompson Chacón

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés! Nous allons nous recueillir un moment.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Présence du consul général de la République du Costa Rica à Montréal, M. Roy Thompson Chacón

À l'ordre, mesdames, messieurs! Nous allons débuter la séance, mais auparavant j'ai le plaisir de souligner la présence dans nos tribunes du consul général de la République du Costa Rica à Montréal, M. Roy Thompson Chacón.


Affaires courantes

Alors, nous débutons les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de présentation de projets de loi.


Dépôt de documents


Accord-cadre de coopération entre le Parlement centraméricain et l'Assemblée nationale du Québec

Au dépôt de documents, je dépose un exemplaire de l'Accord-cadre de coopération entre le Parlement centraméricain et l'Assemblée nationale du Québec. Cet accord, daté du 6 mai 1999, porte la signature du président du Parlement centraméricain, M. Carlos Roberto Reina, ancien président du Honduras, et celle du président de l'Assemblée nationale du Québec.

Je tiens à signaler aux membres de l'Assemblée que le Parlement centraméricain est le seul Parlement supranational d'Amérique latine dont les membres sont élus au suffrage universel, comme c'est le cas en Europe pour le Parlement de l'Union européenne. L'objet de l'accord-cadre intervenu entre l'Assemblée nationale et le Parlacen est, entre autres, d'intensifier nos relations dans le processus de suivi du processus d'intégration des Amériques.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le député de Saint-Jean. Alors, Mme la présidente de la commission des affaires sociales et députée de Saint-François.


Étude détaillée du projet de loi n° 27

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 19 mai 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 27, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux en matière d'accès au dossier de l'usager. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Merci, Mme la députée de Saint-François.

Il n'y a pas d'autres rapports de commissions.

Il n'y a pas de dépôts de pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise cependant qu'après la période de questions et de réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de censure de Mme la députée de Beauce-Sud, débattue la semaine dernière, le 20 mai.


Questions et réponses orales

Alors, maintenant, nous abordons la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, en question principale.


Pénurie de médecins en région et de radio-oncologues


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci beaucoup, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre et concerne les ratés de son gouvernement dans la gestion du système de soins de santé. Malheureusement pour les Québécois, depuis les deux dernières semaines, les événements se multiplient. Aujourd'hui, on apprend que c'est la grève des pharmaciens. Il y a pénurie chez les infirmières et la possibilité d'une crise cet été dans le système de soins de santé pour ce qui est des effectifs au niveau des effectifs des infirmières et infirmiers. Problème de manque d'équipement, pénurie, en plus, de techniciens, parce que ce n'est pas seulement les spécialités qui font défaut, mais également les personnes qui sont aptes à manipuler l'équipement, M. le Président. Et, évidemment, la situation malheureuse des radio-oncologues et l'obligation des citoyens du Québec de s'expatrier aux États-Unis pour se faire traiter et recevoir les soins auxquels ils auraient droit normalement.

J'aimerais savoir, M. le Président, si le gouvernement est prêt aujourd'hui à admettre ce qu'il n'a jamais voulu admettre depuis des mois et des mois, c'est-à-dire qu'il y a un problème de pénurie de médecins. Et, dans la mesure où il est prêt à dire et à reconnaître aujourd'hui ce que l'ensemble de la population du Québec sait, à quel moment va-t-il présenter un plan? Et est-ce qu'il va soumettre ce plan à une commission parlementaire pour que nous puissions avoir un débat ouvert et transparent sur la crise que ce gouvernement a provoquée dans le système de soins de santé des Québécois?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Il est vrai que la situation est parfois difficile dans un certain nombre de nos hôpitaux, et nous ne l'avons jamais nié, de même qu'à l'égard de certains problèmes particuliers. Celle des radio-oncologues l'illustre d'une façon assez exemplaire même si on ne le souhaiterait pas. Il faut savoir, cependant, que ce problème n'est pas lié à des interventions d'un an ou deux, mais ce sont des problèmes de planification qui, généralement, s'étalent sur 10 à 15 ans. Il faut convenir de ça ensemble.

C'est vrai qu'il y a un certain nombre de difficultés à prévoir cet été dans les hôpitaux à l'égard des infirmières. Nous avons implanté et travaillé à la mise en place d'un programme de rappel d'infirmières qui avaient quitté la profession, nous avons offert de la formation en accéléré, et il y a donc actuellement des mesures pour nous permettre de faire face aux attentes dans les hôpitaux.

(14 h 10)

Il reste un certain nombre d'établissements, environ 25 hôpitaux à travers le Québec, où la situation risque d'être plus difficile. Cependant, comme nous le savons actuellement, nous travaillons de très près et nous travaillerons de très près avec ces établissements à essayer de trouver un certain nombre d'autres solutions.

Par ailleurs, quant à la planification des effectifs médicaux, le Parti libéral, en fin de semaine, je crois, les jeunes du Parti libéral ont convenu que ce n'était pas seulement une question de manque de médecins, et même s'il pouvait y en avoir une, il y avait un problème d'allocation et de distribution des médecins sur l'ensemble du territoire québécois. Je prévois recevoir un certain nombre de rapports d'ici la fin du mois de juin et j'espère proposer, oui, des mesures pour corriger la situation en moyenne et longue période, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, je constate une fois de plus l'indifférence de ce gouvernement, l'indifférence de la ministre, l'indifférence du premier ministre dans le dossier de la santé, comme en témoigne aujourd'hui la réponse de la ministre de la Santé. Elle dit que c'est un problème sur 10 ou 15 ans, elle reconnaît qu'il y a un problème. Permettez-moi de lui rappeler la réponse que son collègue ministre de l'Éducation, qui est son successeur à l'Éducation, a dite en commission parlementaire, le 22 avril dernier, sur la question du contingentement.

Il disait ceci, et je cite: «Selon les dernières discussions qu'on a eues avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, il n'y a pas de pénurie de médecins actuellement.» Fin de la citation. Il continuait dans la même réponse en disant: «Il n'y a pas de pénurie de médecins actuellement, donc pas lieu de changer les contingentements actuels.» C'était le 22 avril dernier en commission parlementaire.

La ministre veut blâmer ça sur les gouvernements précédents, sauf que c'est son gouvernement qui a mis à la retraite 1 200 médecins, dont entre autres 700 spécialistes, qui a offert des incitatifs à six radio-oncologues à prendre leur retraite. C'est ça, l'indifférence du gouvernement péquiste qui refuse de prendre ses responsabilités.

J'aimerais savoir aujourd'hui, puisqu'elle s'intéresse au débat, s'il va y avoir un plan. Et, puisqu'elle veut un plan, elle s'intéresse à ce qui se débat dans le Parti libéral du Québec, est-ce que le gouvernement est prêt à soumettre ça à une commission parlementaire où on pourra, en toute transparence, mettre devant les Québécois les vrais faits et les solutions que propose le gouvernement?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition emploie des mots qui dépassent certainement sa pensée, quand il parle d'indifférence du gouvernement. Il est en face d'un gouvernement qui vient d'annoncer 1 700 000 000 $ de plus de budget à la santé, cette année, un gouvernement qui bien sûr, comme tous les gouvernements du monde actuellement, en tout cas c'est certainement le cas des gouvernements du Canada, des différentes provinces, est en train de débattre et de travailler très fort pour réorienter le régime de soins, compte tenu de tous les phénomènes nouveaux qui sont survenus et que l'opposition connaît très bien.

Et j'aimerais peut-être obtenir de l'opposition parfois – je comprends qu'elle joue son rôle de critique, et c'est normal qu'elle le joue – des propositions plus positives. J'en ai entendu une, en fin de semaine: le Parti libéral, en réunion en Abitibi, a annoncé qu'il y avait un problème de répartition de médecins. J'ai été très heureux d'entendre ce diagnostic parce que nous ne l'avons jamais entendu de la part de l'opposition. Il y a manifestement une rupture de bans entre l'opposition, qui est déconnectée de sa base du Parti libéral, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous, du Parti québécois, saluons ces conseils nationaux qui nous mettent en contact avec la réalité à tous les trois mois.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Mais, compte tenu de cette proposition, j'aimerais demander au chef de l'opposition s'il est d'accord avec l'évaluation qui a été faite en fin de semaine par son parti, des militants de son parti, à l'effet que nous avons un problème de répartition de médecins et qu'il faut examiner différentes mesures, différentes de celles qui présentement existent, pour s'assurer que les différentes ressources médicales que nous avons, et nous en avons beaucoup au Québec, per capita, plus que n'importe qui au Canada... que différentes mesures pourraient permettre une meilleure répartition dans le territoire, dans toutes les régions, de la ressource médicale. J'aimerais avoir son avis là-dessus.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Si le premier ministre veut avoir un avis, veut savoir ce qui se passe sur le terrain, il n'a pas à aller très loin, il a juste à aller à deux bancs derrière lui parler au député d'Abitibi-Ouest.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: Peut-être qu'il pourrait l'écouter. C'est vrai que les opinions des membres de son caucus, ça ne pèse pas très lourd dans la balance, encore moins que ceux de son propre cabinet. Ça explique peut-être son indifférence.

Le premier ministre parle d'un problème de répartition. Il y a un problème de pénurie de médecins, M. le Président. Pénurie. Est-ce qu'il est prêt à admettre qu'il y a un problème de pénurie? Et je comprends sa réponse, il est très fier de dire qu'il y a un surplus budgétaire. Qu'est ce qu'il dit aux patients qui vont aller se faire traiter aux États-Unis, avec leur famille? Qu'est ce qu'il dit aux familles de ces gens-là? Et comment explique-t-il sa bonne gestion des affaires de l'État, alors qu'il sera obligé de payer, en argent américain, des coûts faramineux pour faire traiter des patients aux États-Unis, et que son propre gouvernement a mis de l'avant des programmes d'incitatifs pour que 1 200 médecins prennent leur retraite, 700 spécialistes, six radio-oncologues? Comment expliquer son irresponsabilité devant les Québécois?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, effectivement, si des personnes sont atteintes de cancer et que nous ne pouvons, dans les temps prévus pour les traiter, le faire ici, au Québec, et que leur vie risque d'être ainsi atteinte et leur qualité de vie, oui, nous irons aux États-Unis, nous utiliserons tous les moyens utiles et pertinents pour soigner les gens qui en ont besoin, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Mme Marois: Et nous ne serons pas les premiers à le faire, puisque, dans les faits, l'Ontario, la Colombie-Britannique envoient actuellement et ont des ententes pour envoyer des personnes atteintes de cancer se faire traiter aux États-Unis. Cela ne nous enlève pas l'obligation, cependant, M. le Président, de trouver des solutions à ce manque de radio-oncologues. J'ai rencontré le Collège des médecins vendredi. J'ai encore discuté avec les personnes responsables à mon ministère ce matin. Nous proposerons, dans les jours qui viennent, une série de mesures nous permettant, oui, de traiter les gens à l'extérieur s'il le faut, oui, d'utiliser au mieux toutes les ressources que nous avons, oui, si possible, de rappeler les radio-oncologues qui ont quitté la profession. Mais il faut savoir que ces personnes avaient entre 64 et 74 ans. On comprendra que c'était peut-être normal, aussi, qu'ils puissent prendre leur retraite, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Bourassa, en question principale.


Liste d'attente en pédopsychiatrie dans la région de Québec


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Une centaine d'enfants ayant des problèmes de comportement importants, des problèmes de langage, n'ont pu être vus en pédopsychiatrie à cause d'un manque flagrant de ces spécialistes dans la région de Québec. Vous savez, M. le Président, un jeune peut attendre jusqu'à huit mois pour une évaluation en pédopsychiatrie. Bien souvent, il faudra compter jusqu'à deux ans avant d'établir un plan de traitement complet, et la situation risque de s'aggraver encore avec le départ prochain de trois pédopsychiatres. Or, on apprend...

Et je demande à Mme la ministre de nous expliquer pourquoi la Régie régionale de Québec n'autorise pas le remplacement de trois pédopsychiatres qui vont quitter bientôt quand on sait qu'une centaine d'enfants ayant des problèmes de comportement très importants sont en attente de suivi, sont en attente d'accès en pédopsychiatrie et, surtout, quand on sait les dommages irréparables qu'ils risquent de subir. Alors, pourquoi, Mme la ministre, la Régie n'autorise pas les remplacements?

Une voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Effectivement, nous savons qu'il faudra ajouter éventuellement des pédopsychiatres. On a aussi un problème – et c'est le même qui a été abordé depuis quelques minutes ici, à l'Assemblée – de répartition, évidemment, des professionnels, ce qui reste une difficulté dans l'ensemble de notre système d'allocation de services médicaux sur le territoire québécois. Quant à la question précise de la députée de Bourassa, je vais vérifier auprès de la Régie. Je n'ai pas vérifié cette question-là, mais, normalement, il ne devrait pas y avoir de contraintes au remplacement de pédopsychiatres lorsque le besoin se fait sentir de tels spécialistes, M. le Président.

(14 h 20)

Le Président: En question principale, Mme la députée de La Pinière.


Délais de mise sur pied d'une unité de soins en pédopsychiatrie à l'hôpital Charles-Lemoyne, de Greenfield Park


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. La création d'une unité de soins en pédopsychiatrie à l'hôpital Charles-Lemoyne vient d'être reportée. M. le Président, c'est une principale. Quand on sait que les patients atteints de maladie mentale ne peuvent pas être transférés dans d'autres établissements, qu'attend la ministre pour doter l'hôpital Charles-Lemoyne, et les adolescents psychiatrisés de son comté, et ceux de la Rive-Sud des ressources nécessaires pour l'ajout de lits manquants?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, pour ce qui est de la Rive-Sud en particulier, M. le Président, et de la Montérégie d'une façon plus large, on sait que l'hôpital Charles-Lemoyne a reçu au cours des trois dernières années 2 200 000 $ pour le développement de services en pédopsychiatrie. Des lits, donc, ont été ouverts, des ressources ont été rendues disponibles, des ressources de type familial. On sait que la Régie tente de travailler à développer aussi un certain nombre de ressources alternatives pour les cas problèmes de maladie mentale, M. le Président. Et on me dit qu'en ce qui a trait au fonctionnement et aux sommes nécessaires pour le fonctionnement c'est plus un décalage dans les autorisations, qui n'ont pas été faites au bon moment, de telle sorte que, normalement, pour ce qui est de rendre disponibles les lits, d'avoir le personnel nécessaire pour opérer, pour offrir des services, cela devrait se faire d'ici très peu de temps, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Marquette.


Avis du jurisconsulte concernant la transmission de renseignements par le ministère du Revenu


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, jeudi dernier, la ministre de la Justice émettait un communiqué de presse qui résume les conclusions d'un avis juridique qu'elle a émis dans l'affaire impliquant le vice-premier ministre. L'opinion juridique porte sur l'interprétation de l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu. Ça, c'est une chose.

Or, depuis quatre semaines maintenant, les questions portent sur la légalité de la transmission des renseignements personnels et confidentiels entre le ministère du Revenu et le Bureau de la statistique du Québec.

La question que je pose à la ministre: La ministre peut-elle nous dire aujourd'hui clairement et sans équivoque si l'opinion juridique qu'elle a émise déclare que la transmission des renseignements personnels et confidentiels par le ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec, ça s'est fait conformément aux lois du Québec?

Le Président: M. le vice-premier ministre, ministre d'État à l'Économie et aux Finances et ministre du Revenu.


M. Bernard Landry

M. Landry: Les lois du Québec sont peut-être trop compliquées pour certains membres de l'opposition. Alors, je vais leur suggérer une lecture beaucoup plus simple, beaucoup plus conviviale, mais qui est d'une clarté limpide et qui vient d'un analyste d'expérience qui est à la tribune de la presse depuis aussi longtemps que je suis au Parlement.

Et voici ce qu'il dit, dans des termes d'une remarquable clarté. Et il dit d'ailleurs que l'opposition libérale feint d'ignorer qu'il s'agit de deux choses différentes, SOM et BSQ. «Or, l'Institut ou le Bureau de la statistique est un organisme public à qui l'on peut communiquer des renseignements nominatifs sans le consentement de la ou des personnes concernées. C'est ce qui se faisait sous l'ancien gouvernement libéral entre 1985 et 1994 et c'est ce que M. Landry a répété lorsqu'il est devenu ministre en titre du Revenu, après l'élection du gouvernement Parizeau.»

Vous avez déployé beaucoup d'efforts, depuis quelques semaines, pour introduire la confusion dans une chose qui pourtant est claire et qu'un grand professionnel de l'information vient de rétablir. Aucun commentateur ne vous a suivis dans vos thèses. Vous devriez commencer à examiner vos stratégies et vos tactiques. Mais vous avez gagné plus loin que ça. C'est la première fois que je vois ça, qu'un parti de l'opposition réussit à se quereller avec les syndicats. S'il était au pouvoir, qu'est-ce que ce serait? Qu'est-ce qu'on aurait comme paix sociale?

Le Syndicat canadien de la fonction publique a émis un communiqué en disant: «En s'en prenant au ministre Landry sur la base d'une législation pour le moins floue en matière de communication de renseignements confidentiels, c'est l'intégrité de l'ensemble des serviteurs de l'État que le député Mulcair attaque pour se faire du capital politique à peu de frais, et cela, nous ne l'acceptons pas.»

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Marquette.


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, la question, elle est fort simple et elle s'adresse à la jurisconsulte du gouvernement, en remarquant que le vice-premier ministre n'a pas cité le chroniqueur du Soleil . La question qui se pose, c'est: Peut-elle nous dire clairement et sans équivoque si l'avis juridique dont elle a rendu certains extraits, au niveau des conclusions, a déclaré de façon formelle que la transmission des renseignements du ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec a été faite en respectant les dispositions des lois du Québec? C'est de ça qu'il s'agit depuis maintenant quatre semaines.

Le Président: M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Je l'ai lu aussi, le chroniqueur du Soleil . Évidemment, moi, je les lis tous: quand c'est positif, quand c'est négatif. Ils essaient de faire leur métier du mieux qu'ils peuvent, comme nous. Ce sont des métiers complémentaires. Alors, le chroniqueur du Soleil , il a moins d'expérience, quand même, que celui du Journal de Montréal , en tout respect.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Mais, cela dit, même lui n'a pas cru à votre cirque, même lui ne vous a pas suivis sur la demande de décision, car il sait très bien que les distinctions sont claires. La loi a été amendée, et vous avez expressément voté à l'unanimité, et non pas sur division, sur l'article k qui est le bon sens même.

L'Institut de la statistique du Québec, c'est un organisme public. Ce sont déjà des fonctionnaires. Si on pense à l'avis qui a été émis par la jurisconsulte et ses services, tout porte sur la notion de «fonctionnaire». Alors, si c'est vrai que, de par la loi, un employé d'une firme privée, par la définition de «fonctionnaire», peut être considéré comme un fonctionnaire, imaginez-vous ce que ça peut être pour un vrai fonctionnaire comme à l'Institut de la statistique du Québec.

Le Président: M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, la question s'adresse à la jurisconsulte, pas au vice-premier ministre, là, mais à la jurisconsulte qui est responsable de l'avis juridique: Est-ce que l'avis juridique déclare de façon expresse que les renseignements personnels et confidentiels transmis par le ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec ont été faits en respectant les dispositions des lois du Québec?

Le Président: Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: M. le Président, lorsque l'on demande un avis à la jurisconsulte, ce sont les spécialistes du ministère qui, effectivement, répondent à la demande. Un ministère a demandé quelle était l'interprétation de l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu, et ce qui a été donné comme opinion est en fonction de la demande qui avait été faite. M. le Président, c'est ce qui a été fait, et nous ne commenterons pas davantage en cette Chambre.

Le Président: M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Ai-je bien compris la jurisconsulte, que l'avis portait strictement sur l'interprétation de l'article 69, mais d'aucune façon est-ce que la jurisconsulte a émis un avis sur la légalité de la transmission des renseignements personnels et confidentiels du ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec? C'est de ça qu'il s'agit depuis maintenant quatre semaines.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Ce qui est étonnant, c'est que ça vous ait pris tout ce temps pour comprendre. Ma collègue, ma distinguée collègue, comme jurisconsulte, remet un avis...

Des voix: ...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

(14 h 30)

M. Landry: Ma collègue remet un avis sur un sujet qui est parfaitement identifié dans le communiqué. Ce n'est pas de ça qu'il s'agit dans le cas du Bureau de la statistique. Le Bureau de la statistique, personne, ni la Commission d'accès à l'information, ni personne, ni le ministère du Revenu, ne remet en cause la légalité des relations qu'il a eues avec le ministère du Revenu depuis 1985. Cette cause-là n'est pas contestée, par personne.

Il y a eu un contrat qui a été l'objet d'un litige grave, avec un avis de la Commission, qui est un quasi-tribunal, en fait, et un avis opposé du ministère du Revenu, où il y a des juristes chevronnés qui travaillent depuis des années, et le ministère de la Justice. Alors, là, on a une commission et deux ministères. Et ce qu'il y a de crucial là-dedans, c'est que dans les deux avis, Commission et ministères, on dit une chose que je dis depuis le début: Il faut clarifier la loi.

Si l'opposition veut rendre un service à la population du Québec, et je présume que c'est ce qu'elle veut faire, elle va nous aider, elle va coopérer à clarifier la loi. Pas à chambouler la loi, comme je l'ai dit en cette Chambre, mais, d'une façon précise et minimaliste, clarifier la loi pour que les 10 000, 12 000 fonctionnaires du ministère du Revenu puissent s'acquitter de leurs tâches urgentes, et en particulier envoyer les chèques aux gens qui y ont droit.

Qu'on m'entende bien: si jamais cette loi doit être refaite en profondeur, elle ne le sera pas dans les circonstances présentes. Je vais soumettre au Conseil des ministres, comme je l'ai dit, avec l'approbation explicite de la Commission d'accès à l'information, un amendement requis pour que le ministère fasse son travail et que la population ait ses services. Tout ça est extrêmement simple, sauf si on veut passer quatre semaines à faire de la confusion, à retarder les travaux et à embêter la population considérablement.

Le Président: M. le député de Marquette.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Parlant de transparence, est-ce que la jurisconsulte peut déposer l'avis en question? Parce que le vice-premier ministre a cité un communiqué de presse, on aimerait avoir l'avis qui a été rendu par son ministère.

Le Président: Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: M. le Président, je suis tout à fait surprise que le député de Marquette, qui, lui-même, est membre du Barreau, veuille absolument que l'on réponde à quelque chose qui ne s'est jamais fait dans toute l'histoire. M. le Président, vous savez, la jurisconsulte, ce qu'elle a comme travail, c'est de rendre des opinions qui lui sont demandées par les ministères, et c'est sa responsabilité et c'est son devoir de le faire. Ce qui a été fait par le communiqué, on répond exactement ce que... le contenu de l'opinion à l'effet que l'article 69, quant à son interprétation... Et ce que le député de Marquette est en train de demander, il sait très bien que ça ne se fait pas, on ne dépose pas des opinions juridiques qui ont été rendues par nos ministères. Alors, non, nous ne la déposerons pas, M. le Président.

Le Président: M. le député de Marquette.

M. Ouimet: En principale, M. le Président.

Le Président: C'est bien.


Dépôt d'avis juridiques à l'Assemblée


M. François Ouimet

M. Ouimet: Au cours des quatre dernières années, j'ai été témoin d'avis juridiques déposés par des ministres qui étaient, eux aussi, placés dans des situations embarrassantes. Et, au niveau de la transparence, ils n'ont pas hésité, quand il s'agissait d'une tentative de les tirer d'un mauvais pas, à déposer en Chambre ces avis juridiques. Je cite, M. le Président, dans l'affaire Le Hir, le 6 décembre 1995, l'avis déposé par le sous-ministre Bouchard au sous-ministre en titre, M. Michel Carpentier. Dans l'affaire du FLQ, le 26 novembre 1996, le même sous-ministre a écrit un avis au sous-ministre en titre, M. Carpentier, à nouveau. Ces avis-là ont été déposés en Chambre. Plus récemment, le 4 juin 1998, dans l'affaire du Club Rez, on n'a pas hésité à déposer en Chambre un avis juridique qui avait été rendu par le ministère de la Justice. Au nom de la transparence, M. le Président, pour clarifier cette situation-là, la jurisconsulte peut-elle déposer en cette Chambre l'avis juridique qu'elle a rendu jeudi dernier?

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Oui, M. le Président. Toute règle comporte sans doute des exceptions...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: ...mais la règle est très claire en cette Chambre, cependant, la coutume est bien établie, qu'on ne dépose pas des avis juridiques, et on ne déposera pas cet avis juridique.

Une voix: Très bien.

Le Président: M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: M. le Président, on se demande c'est quoi, la nouvelle règle. Quand le gouvernement est dans l'embarras et que ça sert ses intérêts, comme dans le cas du Club Rez, du FLQ, de l'affaire Le Hir, on dépose; quand on a des choses à cacher, on les garde cachées.

Le Président: En réponse, M. le leader.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Bien, d'abord, question de règlement, parce que ce que vient de dire le leader de l'opposition...

Le Président: Bien, écoutez, je pense que l'échange... Je comprenais que c'est la poursuite de la période de questions, là, ce n'est pas une question de règlement. En réponse, M. le leader.

M. Brassard: Bien, ce que vient de dire le leader de l'opposition, M. le Président, c'est un procès d'intention. Il vient d'accuser le gouvernement de cacher des choses, c'est un procès d'intention. C'est l'habitude de l'opposition, depuis que la session est ouverte, de faire des procès d'intention.

Le Président: M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: C'est très simple, d'être transparent. Qu'on dépose l'avis.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, s'il n'y a pas d'autres questions sur... En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.


Dépôt de l'avis du jurisconsulte concernant la transmission de renseignements par le ministère du Revenu


M. Jean J. Charest

M. Charest: De toute évidence, M. le Président, le gouvernement actuel a des problèmes importants, lorsqu'il s'agit des questions de probité et d'intégrité.

Des voix: ...

M. Charest: Et je rappellerai au premier ministre, qui doit être gêné un petit peu, avec cette histoire-là, même très gêné, que, lorsqu'il y a eu des allégations d'informations transmises illégalement par le ministère du Revenu, la députée de Rosemont a demandé un avis à la CAI et, après avoir reçu l'avis, a posé un geste que lui-même et ses collègues décrivaient comme étant un geste honorable.

Je rappellerai au premier ministre qu'il a lui-même, le 25 novembre 1997, lorsqu'il y a eu allégations d'informations transmises illégalement par son bureau, par le bureau du premier ministre, pris la peine d'écrire à la Commission d'accès à l'information, et je cite le deuxième paragraphe de la lettre, qui disait: «Afin que toute lumière soit faite sur ces allégations, de façon externe, j'invite la Commission d'accès à l'information ou le représentant qu'elle désignera, conformément à l'article 123, à faire enquête.»

M. le Président, est-ce que le premier ministre peut nous expliquer ce qui distingue le cas de la députée de Rosemont de son propre cas à lui, de celui de son ministre du Revenu? Pourquoi y a-t-il deux poids, deux mesures?

Le Président: C'était évidemment une question principale. M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je pense qu'il faudrait préciser sur quoi porte la question. Est-ce qu'elle porte sur le fait qu'il y a eu des contrats d'informatique de donnés ou si elle porte sur la transmission d'informations au BSQ? Alors, si c'est au BSQ, si on réfère au BSQ, je pense que n'importe qui qui va regarder l'affaire froidement, comme ça a été fait dans plusieurs journaux récemment... montre qu'il y a des distinctions fondamentales à considérer entre les deux cas.

D'abord, quand on parle du BSQ, on parle d'un organisme gouvernemental, on ne parle pas d'une firme privée, on parle d'un organisme dont c'est la fonction, en vertu de sa loi constitutive, de recevoir ce genre d'informations, d'en faire des études, de les traiter et de les rendre publiques sous forme statistique.

Deuxièmement, dans la Loi du ministère du Revenu, il y a une exception, l'article 69.1k, qui précise de façon très claire et très explicite qu'il y a possibilité de transmission d'informations nominatives au BSQ. C'est un amendement qui a été adopté ici, avec l'appui unanime de cette Chambre, pour permettre au BSQ de faire son travail. Alors, c'est une deuxième distinction.

Et, en plus, il faut bien dire que, dans le cas de SOM – et je sais bien que, dans son code d'honneur, c'est ce qui a été un élément déterminant de la démission de notre collègue – il y a eu absence de signature des contrats qui étaient requis par la loi, alors que ce n'est pas le cas dans le cas du BSQ, les contrats ont été signés très correctement. Et, à l'insu de la ministre, qui l'ignorait, ces contrats n'avaient pas été signés, contrevenant ainsi de façon directe à une disposition expresse de la loi. Alors, la ministre, dans l'application de son code d'honneur, a assumé, même si on lui avait donné à entendre que tout avait été fait correctement. Donc, il y a une distinction qui est très importante à établir.

(14 h 40)

Et, M. le Président, s'il s'agit d'informatique, eh bien, je pense que l'opposition devrait se calmer un peu, là, parce que j'ai devant moi la liste de 11 contrats de même nature qui ont été décernés par le ministère du Revenu à des agences de consultation informatique...

Des voix: ...

M. Bouchard : Est-ce que je pourrais terminer, M. le Président? Et je vois que, par exemple, de 1990 à 1992, là, il y a 11 contrats. Il y a, en particulier, un contrat qui traite l'information des revenus des particuliers, donné à la firme ETI Québec inc., sur la réalisation de la version annuelle et l'entretien du système de cotisation de l'impôt des particuliers, trois ans. Je vois un deuxième contrat, en 1991: Info-Conseil inc., réalisation...

Des voix: ...

M. Bouchard: J'ai 11 contrats à citer. Je voudrais les citer, M. le Président, parce que le public doit savoir que c'est une pratique qui a été mise en oeuvre de bonne foi par tous les gouvernements, par tous les ministres du Revenu. De bonne foi, les gens ont appliqué le même régime actuel. Nous nous rendons compte aujourd'hui que, peut-être, il y a un problème. S'il y a ambiguïté, de façon, je dirais, chirurgicale, uniquement sur cet aspect pointu – et non pas une réforme générale de la loi – le ministre des Finances et de l'Économie et ministre du Revenu va faire une recommandation au gouvernement, qui statuera et qui informera la Chambre aussitôt de la décision qui aura été prise pour corriger ce qui est, finalement, une faute technique. Parce que tous les gouvernements du monde utilisent l'informatique pour vérifier leurs impôts, M. le Président, et, s'il y avait dans notre législation, à l'insu de tout le monde et même ceux qui nous ont précédés, un problème technique, nous le corrigerons.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Par ce que le premier ministre, M. le Président, essaie d'insinuer, lorsqu'il dit qu'il y a 11 contrats sous un gouvernement précédent et qu'on serait mieux de se calmer... Comme si c'était une espèce de menace. On n'a pas peur, nous, qu'on fasse la lumière là-dessus. Et c'est dans cet esprit-là que je demande au premier ministre s'il ne réalise pas à quel point son gouvernement est en train de se creuser un trou, que son ministère... Comme premier ministre, il a demandé un avis à la CAI, qu'il décrit lui-même comme étant une commission d'accès à l'information, que son propre ministre du Revenu vient de décrire comme étant une instance quasi judiciaire, pour une bonne raison: c'est parce qu'ils sont en mesure, supposément, selon la loi, de donner un avis indépendant.

Comment le premier ministre peut-il accepter que lui-même ait demandé une demande d'avis à la Commission, que sa ministre du Revenu ait agi ainsi, que son vice-premier ministre, ministre du Revenu, lui, ne soit pas soumis aux même règles, mais qu'en plus de cela ils ajoutent un avis de la jurisconsulte, qu'il n'est pas prêt à rendre public? Si le premier ministre est si transparent que ça, si son gouvernement n'a rien à cacher, pourquoi n'est-il pas prêt à déposer aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, l'avis pour que tous les citoyens du Québec puissent le lire?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition a une longue expérience parlementaire. Il a été lui-même leader parlementaire du gouvernement à Ottawa pendant plusieurs années. Il a pratiqué, donc, la procédure parlementaire, et il le fait ici, avec nous, depuis déjà un certain temps. Nous savons tous, comme parlementaires, M. le Président, qu'une très ancienne tradition, qui est un geste de prudence, qui plonge ses racines dans la nuit des temps parlementaires, a établi un usage voulant que les avis formels du jurisconsulte ne soient pas déposés. S'il est arrivé dans le passé des exceptions, comme le disait fort à propos le leader du gouvernement, l'exception ne crée pas la règle. Et la règle, elle est fondamentale. Et je crois que nous devons respecter les institutions, M. le Président.

Et, pour ajouter quelque chose, l'opposition lance beaucoup de confusion. L'opinion de la jurisconsulte, l'avis de la jurisconsulte traitant de l'interprétation qu'il faut donner du concept et du statut de fonctionnaire dans l'application de l'article 69 nous réfère à l'article 69 de façon très littérale. Et je voudrais lire quatre lignes de l'article, M. le Président. S'il est vrai qu'il faut donner un sens aux dispositions que prend le législateur, je crois qu'il faut les appliquer ici. Et c'est un article qui définit dans la loi – c'est l'article 69 – le sens de «fonctionnaire», donc quelqu'un qui est immunisé, qui a l'immunité, peut recevoir des avis, des renseignements nominatifs sans être inquiété.

Et je cite: «Aux fins du présent article, le mot "fonctionnaire" signifie le ministre, un fonctionnaire ou ancien fonctionnaire du ministère du Revenu...» Bon, jusque-là, évidemment, c'est des fonctionnaires. Seuls les fonctionnaires jouissent de l'immunité. Mais le législateur a ajouté un autre bout de phrase, il ajoute également: «...une personne agissant ou ayant agi pour ou au nom du ministre ou du sous-ministre afin de les assister dans la réalisation des objets d'une loi fiscale ou dans toute autre tâche qui peut leur incomber.» Alors, M. le Président, si on a ajouté ce bout de phrase là, c'est pour signifier qu'il pouvait y avoir extension du statut de fonctionnaire à des gens qui recevraient légalement, du sous-ministre ou du ministre du Revenu, des informations pour fins d'une tâche qui leur est confiée.

Dans le problème de SOM, le problème, la difficulté que la ministre a rencontrée, qu'elle a découverte par la suite, parce qu'on ne le lui avait pas dit, c'est que le contrat qui devait être signé entre le ministère et les tiers qui ont reçu les informations n'avait pas été signé. Alors, elle a assumé le problème. Nous ne l'avons pas dans le BSQ, nous ne l'avons pas, nulle part, ce problème.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Conformément aux dispositions de l'article 214 de notre règlement, M. le Président, auriez-vous l'obligeance de demander au premier ministre de déposer le document qu'il a cité?

Le Président: M. le premier ministre.


Document déposé

M. Bouchard: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer un extrait de la Loi sur le ministère du Revenu.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Charest: En additionnelle...

Des voix: ...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Le premier ministre a lui-même choisi de dire qu'il puisait son inspiration dans les nuits obscures des temps des pratiques parlementaires. C'est justement le problème de son gouvernement, dans ce dossier-là, c'est que tout est obscur, tout est noirceur et qu'on aimerait bien avoir un peu de clarté. Et le premier ministre a raison de se rappeler que j'ai été leader adjoint dans un autre Parlement. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de le piloter dans ses premiers débats et je pensais qu'il était meilleur élève que ça. En tout cas, il y aurait des instructions...

Des voix: ...

M. Charest: Il aurait intérêt...

Des voix: ...

Le Président: Bien. M. le chef de l'opposition.

M. Charest: Il aurait intérêt, M. le Président, à appliquer le test des institutions à l'ensemble des institutions. La Commission d'accès à l'information, à ce que je sache, c'est également une institution de l'Assemblée nationale à qui on doit un certain respect. Puisque lui-même a demandé un avis, son ancienne ministre du Revenu a demandé un avis, est-ce qu'il n'est pas prêt aujourd'hui à poser exactement le même geste? Pourquoi deux poids, deux mesures? Pourquoi deux règles différentes pour son ministre du Revenu, alors que lui-même s'est soumis à la règle de la transparence? Et, au-delà des règles, est-ce qu'il ne trouve pas qu'il y a une valeur de base qui doit primer en politique et dans nos institutions? C'est la règle de la transparence, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, il est vrai que plusieurs maîtres ont contribué à ma formation, je l'avoue en toute modestie. Et je voudrais les remercier tous, ces nombreux maîtres qui m'ont formé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Et s'agissant du jeune maître que constitue le chef de l'opposition, je suis heureux de ce rappel nostalgique qu'il vient de faire, puisqu'il m'a rajeuni moi-même, ayant eu un maître aussi jeune.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Pour ce qui est de la question, M. le Président, je pense que nous n'avons pas à essuyer le reproche de manquer de respect pour les institutions. Il s'agit justement, ici, de protéger les institutions. Et il y a un très grave problème quand on trouve dans l'application d'une loi une confusion qui fait que des gens agissant de bonne foi puissent donc sans le vouloir être perçus comme ayant peut-être violé une loi.

Il faut donc que le Parlement et l'opposition, justement dans le respect qui l'anime pour les institutions, accélèrent la mise en place des modifications qui vont permettre de clarifier les équivoques et de faire en sorte que nos fonctionnaires, que les gens avec qui on va traiter au gouvernement pour faire des tâches légitimes en matière de fiscalité puissent travailler en toute quiétude et avec la conscience de respecter la loi.

(14 h 50)

Le Président: En complémentaire, M. le député de Marquette.


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, la jurisconsulte peut-elle, si elle ne veut pas déposer l'avis juridique, nous dire si l'avis juridique déclare de façon formelle que la transmission de renseignements personnels et confidentiels du ministère du Revenu au Bureau de la statistique a été faite en conformité avec les lois de la province de Québec?

Le Président: Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: M. le Président, l'avis qui a été rendu par la jurisconsulte, il a été fait à partir de ce qui a été demandé, à savoir l'interprétation de l'article 69. Et, que ça plaise ou pas à l'opposition, la jurisconsulte ne répond pas de la façon dont il voudrait, la jurisconsulte a répondu en fonction de la règle de droit, avec des professionnels du droit qui travaillent au ministère de la Justice.

M. le Président, en regard du dépôt d'une opinion juridique, l'opposition sait très bien que, dans les rares cas où ça a été accepté, ce n'était pas la jurisconsulte qui déposait une opinion juridique qui émanait d'elle, ça a été – et on vient de m'apporter les documents auxquels faisait référence le député de Marquette – sur consentement de l'Assemblée qu'on a déposé des opinions juridiques...

Des voix: ...

Mme Goupil: M. le Président.

Le Président: Mme la ministre de la Justice.

Mme Goupil: Alors, M. le Président, ce que je mentionnais, c'était que, au moment où ça a été fait, dans les rares exceptions, c'est l'opposition qui l'a fait, et à ce moment-là on a obtenu le consentement pour déroger à l'article 59 du règlement.

M. le Président, le député de Marquette et l'opposition savent très bien que, comme jurisconsulte, les opinions juridiques qui sont émises depuis de nombreuses années par l'institution qu'est le jurisconsulte, et le ministère de la Justice, peu importe le parti politique qui est au pouvoir, le jurisconsulte et le Procureur général... Le jurisconsulte, lorsqu'il émet des opinions, ces opinions-là peuvent être utilisées par la suite dans des procès. Alors, les conséquences de cela seraient dramatiques. C'est pour cela, quand on dit qu'il a été de coutume que les opinions juridiques ne soient pas déposées, que c'est sain que ce soit comme ça. C'est le gros bon sens, c'est le secret professionnel. Et, comme jurisconsulte, il est important que les opinions juridiques ne soient pas déposées ici, devant l'Assemblée.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, l'échange met fin à la période des questions et des réponses orales pour aujourd'hui.


Votes reportés


Motion de censure proposant que l'Assemblée blâme le gouvernement et le premier ministre de ne pas avoir demandé la démission du ministre du Revenu pour les mêmes motifs que fut acceptée celle de la députée de Rosemont

Il n'y a pas de réponses différées, mais, tel que je l'ai annoncé précédemment, nous allons procéder au vote reporté maintenant sur la motion de censure de Mme la députée de Beauce-Sud, débattue le 20 mai dernier. Alors, la motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale du Québec blâme sévèrement le gouvernement péquiste et plus particulièrement le premier ministre de ne pas avoir demandé la démission du ministre du Revenu pour les mêmes motifs qu'il a accepté celle de la députée de Rosemont.»

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever d'abord.

Le Secrétaire adjoint: M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Cusano (Viau), M. Gobé (LaFontaine), M. Benoit (Orford), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Houda-Pepin (La Pinière), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Lafrenière (Gatineau), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Alors, que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

M. MacMillan: M. le Président, question de règlement. Depuis le début de cette session-ci, à chaque fois que le député... Selon l'article 35. À chaque fois que le député d'Anjou se lève...

Le Président: M. le député de Papineau, je vais vous reconnaître après le vote sur votre question de règlement.

Alors, que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Landry (Verchères), M. Legault (Rousseau), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), Mme Maltais (Taschereau), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Perreault (Mercier), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Boisclair (Gouin), Mme Caron (Terrebonne), M. Facal (Fabre), Mme Goupil (Lévis), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Payne (Vachon), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Kieffer (Groulx), Mme Doyer (Matapédia), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), Mme Papineau (Prévost), M. Paquin (Saint-Jean), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), M. Désilets (Maskinongé), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson), M. Côté (Dubuc).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:40

Contre:63

Abstentions:0

Le Président: Très bien. La motion de Mme la députée de Beauce-Sud est rejetée.

M. le député de Papineau, sur votre question de règlement.

M. MacMillan: M. le Président, depuis le début de cette session-ci, à chaque fois qu'il y a un vote à l'Assemblée nationale, puis selon l'article 32, décorum des députés, le député d'Anjou se fait narguer à chaque fois qu'il se lève debout par les députés de ce coin-là. Alors, je demanderais, de votre part, de dire à ces gens de respecter... Il a été élu démocratiquement, pareil comme tout le monde.

Le Président: Sur la question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Sur la même question de règlement. Je ne comprends pas vraiment. Est-ce que le député d'Anjou a un problème?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député de Papineau.

(15 heures)

M. MacMillan: Ce n'est pas le député d'Anjou qui a des problèmes, c'est les gens qui ne respectent pas le député d'Anjou. C'est ça, le problème, ici, à l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Sur cette question, je veux bien comprendre l'intervention du leader du gouvernement. Est-ce qu'on doit comprendre de son intervention qu'il invite ses collègues à violer l'article 32 du règlement?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Non, M. le Président, je dis simplement que je n'ai pas compris les remarques. D'ailleurs, il n'avait pas le droit de les faire, vous en convenez. Vous ne leur aviez pas donné le droit de parole, et je ne les ai pas entendus. Alors, la question que je me pose suite à l'intervention du député de Papineau, c'est: Est-ce que le député d'Anjou a un problème?

Le Président: Bon. Vous avez raison, M. le leader du gouvernement, de rappeler que, s'il y a eu effectivement interventions – et, malheureusement, parfois, certaines interventions de ce côté-ci de la salle et du côté de la présidence, elles ne sont pas toujours audibles – si de telles interventions ont eu lieu pour narguer, intimider ou blesser inutilement, cela va à l'encontre du règlement. Il y a une règle de fair-play qui doit prévaloir à tout moment dans l'Assemblée. Et, quelles que soient les opinions qu'on puisse avoir sur des événements ou quoi que ce soit, je pense que, à l'intérieur de l'Assemblée, quand un membre est un membre en règle de l'Assemblée, il a droit à tout le respect et à la considération qui sont prévus au règlement.


Avis touchant les travaux des commissions

Ceci étant, aux motions sans préavis, s'il n'y a pas d'intervention, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 21, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des transports et de l'environnement poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 24, Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et de 21 h 30 à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 34, Loi modifiant le Code civil en matière de nom et de registre de l'état civil, aujourd'hui, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement. Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, maintenant. D'abord, conformément à l'ordre de la Chambre adopté jeudi dernier, le débat de fin de séance sur la question du député de Marquette à Mme la ministre de la Justice concernant l'appel d'une décision de la Cour supérieure en matière de conjoints de fait aura lieu à 18 heures aujourd'hui.


Décision du président sur une demande de directive du leader de l'opposition concernant le remplacement du Procureur général

Et, en regard de cette question, je voudrais au préalable rendre une décision qui fait suite à une intervention du leader de l'opposition officielle faite la semaine dernière, à l'occasion de ce débat de fin de séance. C'était, à ce moment-là, en présence du vice-président, le député de Jeanne-Mance. Alors, je vais rendre cette décision à la suite d'une discussion que nous avons eue, à la présidence. Le débat de fin de séance de la semaine dernière faisait suite, comme je viens de l'indiquer, à une question posée la veille par M. le député de Marquette.

Des voix: ...

Le Président: Est-ce que je pourrais demander aux députés qui doivent aller travailler à l'extérieur de l'Assemblée, du salon bleu, de le faire? Parce qu'à ce moment-ci je dois rendre une décision.

Alors donc, le débat de fin de séance faisait suite, comme je viens de l'indiquer, à une question qui avait été posée la veille par M. le député de Marquette à la ministre de la Justice et Procureur général du Québec. Pour la tenue de ce débat, la ministre de la Justice et Procureur général du Québec était remplacée par le ministre de la Solidarité sociale et leader adjoint du gouvernement. Par sa question de directive alors posée, le leader de l'opposition officielle désirait savoir si la ministre de la Justice pouvait et peut, en vertu des lois du Québec, être remplacée lorsqu'elle agit à titre de Procureur général du Québec.

Selon le leader de l'opposition officielle, la Procureur général du Québec pourrait être remplacée par un autre ministre, dans le cadre des délibérations parlementaires, seulement si la présidence en arrivait à la conclusion que la Procureur général du Québec peut être remplacée par un autre ministre dans l'exercice de ses fonctions. Au soutien de sa question de directive, le leader de l'opposition officielle a notamment mentionné ce qui suit, et je le cite: «Le député de Marquette n'interpellait pas le gouvernement; le député de Marquette interpellait la Procureur général du Québec. Et il ne s'agit pas, là, d'un cas où un ministre peut remplacer un autre, personne ne peut remplacer le Procureur général, si ce ne sont que les substituts du Procureur général.»

Plus loin, M. le leader de l'opposition officielle ajoutait, et je cite toujours: «Leur question portait [...] sur le retrait d'une procédure devant la Cour d'appel du Québec. Si la présidence arrive à la conclusion qu'un autre ministre du gouvernement peut retirer une procédure devant la Cour d'appel du Québec, n'importe quel ministre peut répondre, je suis complètement d'accord avec votre opinion. Mais, si la présidence en vient à la conclusion que seule la Procureur général peut prendre cette décision-là, à ce moment nous insistons, M. le Président, pour que vous preniez – le tout – en délibéré.»

J'ai pris en délibéré, donc, la demande du leader de l'opposition officielle et du consentement de l'Assemblée pour que le débat de fin de séance soit reporté à aujourd'hui, à 18 heures, comme je viens de l'annoncer. La demande de directive du leader de l'opposition officielle comporte deux volets: premièrement, la possibilité pour la Procureur général du Québec d'être remplacée dans l'exercice de ses fonctions et, deuxièmement, la possibilité pour la Procureur général du Québec d'être remplacée pour répondre aux questions et participer à un débat de fin de séance à l'Assemblée.

Contrairement à ce qu'a soutenu le leader de l'opposition officielle dans son argumentation, je suis d'avis qu'il ne s'agit pas de deux questions qui sont forcément liées l'une à l'autre. Elles peuvent donc, dans mon esprit, être tranchées distinctement. Il faut faire une nette distinction entre les fonctions de la Procureur général du Québec en vertu des lois du Québec et la participation de la Procureur général aux délibérations parlementaires en vertu des règles de procédure de l'Assemblée.

En ce qui a trait au premier volet de la demande, il importe encore une fois de rappeler les limites du pouvoir de la présidence de l'Assemblée en matière d'interprétation du droit. À cet égard, le rôle du président de l'Assemblée nationale est d'appliquer et de faire respecter la procédure que se donne l'Assemblée. Suivant les articles 179 et 180 du règlement, cette procédure est déterminée par la loi, par le règlement de l'Assemblée, par les ordres qu'elle adopte et, au besoin, par les précédents et les usages.

En fait, il est bien établi en droit parlementaire que la présidence est habilitée à interpréter une décision législative uniquement lorsque celle-ci renferme des règles de procédure parlementaire. La présidence de l'Assemblée n'a donc pas la juridiction nécessaire pour trancher le premier volet de la demande de directive du leader de l'opposition officielle.

Par conséquent, il n'est pas de mon ressort de me prononcer sur le pouvoir de la Procureur général du Québec d'être remplacée dans l'exercice de ses fonctions, fonctions qui lui sont attribuées par les lois du Québec, et, partant, de décider si elle peut être remplacée pour retirer une procédure devant la Cour d'appel du Québec.

Pour ce qui est du deuxième volet de la demande du leader de l'opposition officielle, précisons d'entrée de jeu que l'article 2 de la Loi sur le ministère de la Justice prévoit que, et je le cite «le ministre de la Justice est d'office Procureur général de Sa Majesté du chef du Québec». Fin de la citation.

Il existe à l'Assemblée un usage bien établi en vertu duquel, lors de la période de questions, le gouvernement décide quel ministre répond à une question. D'ailleurs, l'article 189 du règlement prévoit expressément qu'un ministre peut agir au nom d'un autre ministre. Et les débats de fin de séance étant en quelque sorte un prolongement de la période de questions, les mêmes règles s'appliquent.

À ce sujet, la jurisprudence est constante. Et je me contenterai de vous rappeler la décision que j'ai rendue le 23 mars dernier, où je statuais que, lors d'un débat de fin de séance, le gouvernement peut répondre par la voix du ministre qu'il désigne et qu'il n'appartient pas au président de désigner et de décider quel ministre répondra au nom du gouvernement.

Alors, ce que le leader de l'opposition officielle me demande de faire, en quelque sorte, c'est de passer outre aux dispositions du règlement et à la procédure établie à l'Assemblée quant au droit d'un ministre de remplacer un autre ministre et de placer la ministre de la Justice sous un régime d'exception pour le motif qu'elle est aussi Procureur général.

Compte tenu qu'un ministre peut être remplacé par un autre ministre lors d'un débat de fin de séance, compte tenu que la Procureur général du Québec est une ministre du gouvernement, la présidence n'a pas à créer des règles particulières lorsque celle-ci est questionnée à l'Assemblée. C'est d'ailleurs parce qu'elle est ministre que la Procureur général du Québec peut être questionnée lors de la période de questions et qu'un débat de fin de séance devient donc possible.

En somme, la présidence n'a pas à juger de l'opportunité pour la ministre de la Justice et Procureur général d'être remplacée dans le cadre des délibérations parlementaires et encore moins de déterminer si le ministre qui remplace le Procureur général dans le cadre de ces délibérations engage ou non cette dernière.

Alors, voilà pour la directive qui avait été demandée par le leader de l'opposition officielle. Je vous rappelle donc que ce débat, qui était à l'origine de cette demande de directive, aura lieu tel que convenu à 18 heures aujourd'hui. M. le leader de l'opposition officielle.

(15 h 10)

M. Paradis: Simplement une précision, M. le Président. Il ne s'agit pas d'une question qui est simple, mais d'une question qui est complexe. Est-ce que la présidence ou son équipe a effectué des recherches dans les autres Parlements de type britannique? Et est-ce que c'est la même façon de faire qui prévaut dans les autres Parlements de type britannique?

Le Président: Vous avez raison, M. le leader de l'opposition officielle, d'indiquer que c'est une question complexe. D'ailleurs, on a pris presque une heure et demie, ce midi, les trois présidents et les officiers de l'Assemblée, y compris le secrétaire général et moi-même, pour regarder cette question qui soulevait toute une série d'autres questions incidentes. Et on a vérifié au Parlement fédéral canadien, et il semble que, là aussi, il est coutume que des ministres en remplacent d'autres, un peu selon les mêmes règles qu'ici.

Je pense qu'il faut faire la distinction entre la capacité pour un ministre d'être remplacé par un autre et le fait qu'un ministre a aussi le statut de Procureur général. Et ce n'est pas parce que le ministre a le statut de Procureur général qu'il n'est pas en mesure d'être remplacé par un autre ministre, un autre membre du gouvernement. Ça ne veut pas dire par ailleurs que l'autre membre du gouvernement – et c'est ce que j'ai indiqué à la fin de la décision – qui parlerait au nom ou en lieu et place du Procureur général engagerait celui-ci dans des responsabilités qui lui sont propres. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Simplement pour qu'on se comprenne bien, là. Suite à votre décision, si le ministre de la Solidarité sociale se présente en Chambre au nom et à la place de la Procureur général, il peut annoncer à l'Assemblée nationale que la Procureur général a décidé de retirer son appel dans une cause x?

Le Président: Écoutez, nous avons fait, ce midi, très clairement la distinction entre une décision et une réponse. En l'occurrence, ce dont vous parlez, ce serait une réponse qui comprendrait une décision que le Procureur général ou la Procureur général aurait eu à prendre, et ce n'est que celle-ci qui pourrait prendre la décision. Si la Procureur général veut faire connaître sa décision par communiqué de presse ou par la voix d'un autre collègue, c'est libre à elle, mais la décision en question, elle, aura été prise par la Procureur général. C'est ça que j'indique.

Et donc, c'est pour ça que j'indiquais qu'un ministre qui remplacerait la Procureur général dans le cadre des délibérations, c'est-à-dire période des questions ou débat de fin de séance, ne peut pas engager celle-ci dans ses réponses à l'égard des décisions qui reviennent uniquement et spécifiquement à la Procureur général. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: À ce moment-là, M. le Président – et je vous suis très bien, là – à partir du moment où un autre ministre ne peut, en Chambre, engager la Procureur général qui agirait à ce titre et qui est interpellée soit à la période des questions soit dans un débat de fin de séance, qui est une extension des débats de fin de séance, un autre ministre ou une autre ministre qui la représenterait, qui la remplacerait ne serait pas en mesure, serait dans l'impossibilité de répondre à la question.

Le Président: Écoutez, tout dépend de la question. Je ne peux pas présumer les questions, mais ce que je peux dire, c'est qu'un député de l'opposition qui poserait une question au Procureur général, et celle-ci, pour une raison ou pour une autre, n'est pas à l'Assemblée, un autre ministre répond, la réponse n'engage pas le Procureur général. Et, de deux choses l'une, ou bien elle reprendrait des décisions qui ont déjà été prises ou bien elle prendrait le risque éventuellement d'être contredite dans ses propos par une décision ultérieure ou passée mais qui n'aurait pas été communiquée au membre du gouvernement qui répondrait.

Je pense qu'il faut que ce soit clair, les membres du gouvernement peuvent répondre, mais ils ne peuvent pas décider à la place de la Procureur général pour des questions qui ne relèvent que de sa compétence exclusive. Faisons la distinction encore une fois entre les décisions et les réponses. Et, si parfois il peut y avoir des réponses qui annoncent une décision, par exemple, si la Procureur général se lève et dit, en réponse au député de Marquette ou à qui que ce soit: «J'ai décidé de», elle fait non seulement répondre au député de Marquette, mais elle décide sur-le-champ, donc elle annonce une décision. Mais elle pourrait aussi, en vertu de ses prérogatives, répondre qu'elle va décider plus tard. Et, si un collègue répondait à sa place, il ne pourrait certainement pas prendre la responsabilité de la Procureur général et décider à sa place. Il faut que ce soit clair. Sur la question de règlement, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Question de directive, M. le Président. Lorsqu'elle porte son chapeau de Procureur général, comment est-ce que la députée de Lévis peut rendre des comptes à l'opposition sur des décisions qu'elle a prises, qui concernent ses qualités de Procureur général, lorsqu'elle n'est pas ici présente? Il n'y a personne d'autre qui peut répondre des décisions qu'elle prend.

(Consultation)

Le Président: Encore une fois, je viens d'en discuter avec le secrétaire général, et ce qu'il faut qui soit clair, ce que j'ai indiqué aussi, c'est que la présidence, dans toute cette affaire-là, applique la règle de la procédure parlementaire. À partir du moment où la loi – je l'ai citée dans la décision – indique que la ministre de la Justice est automatiquement Procureur général, à partir de ce moment-là, on interpelle la Procureur général à titre de ministre de la Justice de la même façon qu'on interpelle n'importe quel autre membre du gouvernement. Sauf qu'on ne peut pas demander, à ce moment-là, à d'autres membres de prendre des décisions qui relèvent...

Donc, elle peut répondre, d'autres peuvent répondre, mais, à l'égard des décisions, je pense que les choses sont plus claires.

M. Paradis: Est-ce qu'on peut, M. le Président, en déduire, de ce que vous venez de nous dire, qu'il serait très imprudent de la part de la Procureur général de se faire remplacer par un collègue, à moins d'avoir décidé de ne pas fournir d'information?

Le Président: Non, là, je ne veux pas aller jusque-là parce que, là, vous voudriez que je qualifie éventuellement des présences ou des absences, d'une façon ou d'une autre. Je n'ai pas à le faire.

Je vous invite simplement, si vous le jugez à propos, à relire la décision que j'ai prise, qui effectivement était difficile et complexe, qui a appelé plusieurs... Et, si c'était nécessaire, je suis prêt, avec les leaders, à faire une rencontre privée qui permettrait d'aller plus loin dans la clarification des conséquences de la procédure parlementaire dont je viens de rappeler les règles. Ça va?

Alors, nous allons maintenant, s'il n'y a pas d'autres questions sur les renseignements... Vous avez une autre question, M. le député de Rivière-du-Loup?

M. Dumont: Oui, sur un autre sujet.

Le Président: Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée?

M. Dumont: Oui.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. On amorce aujourd'hui la période intensive de nos travaux, ce qui met fin à cette période de travaux réguliers à l'intérieur de laquelle vous avez l'occasion de distribuer, entre les partis d'opposition, des interpellations et des motions aux affaires inscrites par les députés de l'opposition.

Vous connaissez bien les dispositions de notre règlement. À l'article 97.2, quant aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, on dit: «Le président peut déterminer l'ordre dans lequel les affaires sont débattues en tenant compte de – les critères sont fixés – l'ordre de leur inscription au feuilleton ou de la réception des préavis, de l'alternance entre les groupes parlementaires et de la présence des députés indépendants.»

Au niveau des interpellations, on a un article au règlement, l'article 297, qui donne au président, en vertu d'un certain nombre de critères, le choix du sujet «en tenant compte de l'ordre dans lequel ils ont été donnés, de leur répartition entre les groupes parlementaires et de la présence de députés indépendants».

Ma question va être relativement simple. Parmi ces critères qui vous sont fournis à l'intérieur du règlement, ma perception de la dernière session, alors qu'aux affaires inscrites par les députés de l'opposition j'avais moi-même inscrit un certain nombre d'affaires qui, dans l'ordre, puisque c'est un critère, l'ordre de leur inscription, arrivaient certainement les premières... Même chose quant à la présence d'interpellations. J'essaie d'interpréter les articles du règlement pour comprendre comment on peut être arrivé à une situation où l'opposition officielle... Et je comprends l'influence que le leader de l'opposition peut avoir, la pression qu'il maintient constamment, mais il n'en demeure pas moins que, dans la répartition, il semble y avoir eu, dans le cas présent, un monopole de la part de l'opposition.

Qui plus est, dans le cadre des interpellations, vous connaissez notre règlement, en n'étant pas membre d'une commission il faut avoir le consentement pour participer. Ce consentement-là, encore ce matin, a été refusé de part et d'autre. Donc, dans ce contexte-là, je pense, où les consentements ne sont pas permis, ça ne fait qu'ajouter à la responsabilité du président de protéger les droits de parole de chacun, en tenant compte, évidemment, des résultats de la dernière élection, du pourcentage d'appréciation de la population dans la répartition de cette enveloppe de 55 % des électeurs qui sont allés du côté de l'opposition, donc du côté contraire au gouvernement. Je voudrais vous entendre sur ces éléments-là, qui sont inscrits à notre feuilleton.

Le Président: Bien. Écoutez, M. le député de Rivière-du-Loup, je pourrais très facilement prendre la question en délibéré, puisque, de toute façon, comme vous venez de le signaler, le problème ne se reposera qu'à la reprise des travaux, l'automne prochain. Mais je vais être, malgré tout, très clair avec vous.

(15 h 20)

J'ai fait l'analyse de la façon dont la présidence de l'Assemblée, à l'égard de ces questions et en particulier concernant les députés indépendants, s'est comportée au cours des dernières Législatures. Et j'ai remonté assez loin dans le temps pour un peu me donner un guide de fonctionnement à l'égard de l'octroi des questions que vous pourriez avoir, en fait, des moments particuliers auxquels vous pourriez avoir droit pour pouvoir intervenir d'une façon différente de ce que vous pouvez le faire normalement à l'Assemblée. Et je me suis rendu compte que, si je vous avais accordé un droit, à ce moment-ci, dans cette première partie de la session parlementaire, ce qu'on pourrait maintenant qualifier de «saison parlementaire», j'aurais créé un précédent qui n'aurait pas été justifié, même en regard des résultats électoraux, par rapport à ce qui s'est fait précédemment. Ce qui ne veut pas dire que, dès l'automne prochain, il n'y aurait pas lieu de considérer les demandes que vous ferez.

D'autant plus que, dans les faits, nous avons un règlement qui parle de session parlementaire et qui a été rédigé à une époque où les sessions parlementaires duraient une année, en moyenne, et on avait, en général, un discours inaugural à chaque année. Mais, maintenant, on peut se retrouver avec une session parlementaire pour toute la Législature. La dernière fois, au cours de la dernière Législature, nous avons eu deux sessions, une sous le premier ministre Parizeau puis une sous le premier ministre actuel. Une a duré une année. Puis, quand on a changé de premier ministre, l'autre session a duré aussi longtemps que le mandat du gouvernement a été en exercice.

Alors, ce sont un peu les guides: à la fois ce que vous avez indiqué, ce que le règlement a indiqué, mais également aussi la vérification que j'ai faite de la façon dont la présidence avait disposé de ces questions-là dans le passé.

Une voix: ...

Le Président: C'est ça. Je pourrais vous donner, si vous le souhaitez, un peu plus tard les précisions quant aux chiffres des Législatures précédentes, qu'on vient de me communiquer. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, M. le Président. Simplement une question concernant ces précédents, et je veux être bien sûr qu'on se comprend bien. Quand vous me dites que vous auriez créé un précédent, quand vous référez à des Législatures ou à des sessions dans le passé, il faut faire preuve de la plus grande des prudences, parce que des Législatures passées qu'on lit a posteriori souvent nous indiquent combien d'interpellations ou combien de motions du mercredi ont pu être attribuées sans nous dire combien ont pu être inscrites au feuilleton.

Donc, si on établit aujourd'hui une comparaison avec une situation qui a pu avoir lieu dans le passé, où des députés indépendants ou des partis ne formant pas un groupe parlementaire n'avaient pas inscrit de motions au feuilleton, bien évidemment, là, a posteriori, on porte un jugement puis on arrive avec des statistiques. On pourrait arriver avec le même genre de statistiques si on regarde l'historique de notre période de questions. Alors, il faut être extrêmement prudent si on se retrouve avec des députés qui, à certaines époques, participaient peu aux travaux parlementaires, réclamaient peu de questions par rapport à d'autres. Alors, il faut faire preuve, quand on regarde les statistiques, de la plus grande des prudences. Et je pense que notre règlement nous invite à le faire, en parlant de l'inscription des motions au feuilleton.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur la même question?

M. Paradis: Sur la même question. Moi, je me serais attendu, M. le Président, dans ce cadre-là, à ce que le député de Rivière-du-Loup n'attende pas le début de la session intensive, où vous êtes, même si vous vouliez lui donner la motion du mercredi ou l'interpellation du vendredi, dans une situation impossible.

Sur le plan des statistiques comme telles, je suis d'accord pour qu'on tienne compte de tous les éléments. Mais, si la présidence nous indique que plus on va inscrire d'éléments au feuilleton, plus on risque d'être appelé, à ce moment-là le Journal des débats va devenir un véritable catalogue, ça va être une course. L'équilibre n'est pas facile à atteindre dans ce domaine-là.

Mais, quand on parle de la période de questions comme telle – c'est un élément que vous avez abordé – moi, ici, j'ai des chiffres en main qui sont alarmants pour l'opposition officielle. Des députés quatre fois plus nombreux avec des mêmes taux de résultats d'élection obtenaient beaucoup moins que le député de Rivière-du-Loup.

C'est important qu'il puisse s'inscrire, c'est important que les questions puissent être posées, c'est important qu'il y ait, dans le respect de l'équilibre, les motions du mercredi, l'interpellation du vendredi. Moi, je ne plaide pas l'exclusion, là, du député de Rivière-du-Loup.

Ce matin, j'ai été témoin, par le biais de nos débats télédiffusés, de sa tentative de s'inscrire dans une interpellation du vendredi qui avait lieu exceptionnellement le mardi. La dernière fois qu'il avait fait la demande, nous, nous avions consenti un bloc de cinq minutes. Ce matin, on a demandé au gouvernement d'utiliser un de ces cinq minutes; le gouvernement a offert une fin de non-recevoir. Il y a peut-être de la préparation à faire autour de ces débats-là et avec le gouvernement et avec l'opposition officielle.

M. le Président, tout ce que je vous invite à faire, là, présentement, c'est regarder très attentivement la période de questions, et, si vous pouvez nous expliquer pourquoi vous vous êtes, jusqu'à ce moment-ci, éloigné de la jurisprudence précédente, moi, je vous en saurais gré. Maintenant, je ne veux pas que nos plaidoyers passent pour une petite tentative d'exclusion du député de Rivière-du-Loup soit des interpellations du vendredi soit de la motion du mercredi. Il y a un équilibre à conserver qui est délicat et qui doit représenter ce que la vie démocratique à l'Assemblée nationale représente, compte tenu des règles qui nous régissent, soit la Loi de l'Assemblée nationale, et le règlement de l'Assemblée nationale, et les précédents, M. le Président.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Le leader ouvre sur la période de questions. Il demande la prudence quant à l'équilibre. Je vous demande la même chose parce que, quand on regarde les précédents – et vous nous sortez des statistiques sur la période de questions – rarement dans l'histoire de notre Parlement, si on exclut la Législature qui venait juste de se passer, là, celle de 1994 à 1998, rarement une opposition officielle aura joui d'une presque autant quasi-totalité de la période de questions, rarement elle aura...

On a vu, dans les années soixante-dix, des oppositions officielles – donc le premier parti de l'opposition – qui avaient 50 % de la période de questions, 60 %. Rarement on aura frisé autant le 100 % que depuis 1994. Et je pense que, quand vous allez regarder ça, il faudrait regarder tous les précédents, remonter jusqu'à 1970, jusqu'à 1973 où il y a des précédents très intéressants, où un président avait tenu compte d'un écart considérable dans ce qui avait été exprimé dans la population et ce qui se retrouvait sur les banquettes de l'Assemblée. Il avait même créé des cas d'exception qui donnaient à un député qui était un seul représentant d'un parti à l'Assemblée une place beaucoup plus considérable que ce qui existe aujourd'hui.

Le Président: Bien, alors, dans l'échange qui vient d'avoir lieu, finalement, il y a deux questions qui ont été abordées: la période de questions et de réponses orales, dans un premier temps, mais, au préalable, celle dont avait parlé initialement le député de Rivière-du-Loup, c'est-à-dire la question des interpellations et des affaires des députés, les affaires du mercredi.

Juste un exemple. Par exemple, au niveau de l'interpellation, dans la dernière Législature, la Trente-cinquième, il y a eu 29 interpellations. Vous avez eu, puis vous étiez le député indépendant... Il y en a eu une – et je pense que c'était vous, M. le député de Rivière-du-Loup – sur 29 qui a été accordée par la présidence, et c'est venu au vingt-quatrième rang. Donc, il y a 23 fois précédemment où c'était d'abord un député de l'opposition officielle.

Dans le cas des affaires inscrites par les députés de l'opposition, par exemple, à la session de la Trente-cinquième Législature, il y a eu, sur 27 débats... En fait, le député, je pense que c'était, encore une fois, le député de Rivière-du-Loup, a eu la quatrième et la treizième sur 27. Donc, il en a eu deux sur 27: quatrième et, par la suite, treizième. Et la Trente-quatrième Législature, si les chiffres qui me sont communiqués sont précis, parce qu'il y a eu deux sessions, il a eu la neuvième sur 15 et puis, par la suite, la dixième sur 18. Et, dans une autre Législature – je pense que c'était la Trente-deuxième, parce que l'autre, c'était la Trente-troisième – sept sur huit.

Alors, vous voyez un peu ce que je vous ai indiqué au départ. J'ai essayé de tenir compte de cela et d'autres éléments. Je crois qu'à ce moment-ci, si je ne me trompe pas, on a fait quatre ou cinq, maximum, interpellations depuis le début de la... quatre, je pense. Alors, on est encore au début. Et on ne peut pas penser qu'à ce moment-ci il y a eu un traitement vraiment inacceptable qui vous a été accordé. Mais, évidemment, cette question-là reste une question qui est, en fait, préoccupante, qui est toujours à l'attention de la présidence quand vient le temps de faire les choix. Et, évidemment, je peux vous donner l'assurance qu'il n'est pas question que les droits du député de Rivière-du-Loup ne soient pas considérés par la présidence de l'Assemblée.

Et, en ce qui concerne la période de questions et de réponses orales, je peux même vous dire que, cette fois-ci, nous nous sommes équipés, à la présidence, pour suivre l'évolution au jour le jour. À chaque semaine, nous avons des statistiques comme on n'en a jamais eu, et nous vous les envoyons, d'ailleurs. On les a fait parvenir au leader, et, je pense, à votre cabinet également, M. le député de Rivière-du-Loup. Donc, tout le monde peut suivre. Et, effectivement, il y a eu un peu plus de temps qui a été accordé, en moyenne, qu'il n'en avait été accordé dans la Législature précédente, tenant compte d'un certain nombre de situations que la présidence avait à appliquer.

(15 h 30)

Mais, néanmoins, il faut aussi tenir compte non seulement du nombre par semaine, mais du temps, du nombre de questions principales, du nombre de questions complémentaires. Alors, il y a toute une série de questions qui sont prises en considération. Aussi, du fait que parfois vous avez la possibilité, comme d'autres députés, et en particulier les députés ministériels qui interviennent, selon la règle, moins souvent, qui peuvent utiliser les questions complémentaires... Je pense que vous l'avez fait d'ailleurs récemment, peut-être la semaine dernière, où vous êtes intervenu en question principale puis, à une autre reprise, sur une question complémentaire – en question complémentaire sur une question principale d'un autre député de l'opposition.

Mais je peux vous assurer que le souci que j'ai, c'est à la fois de tenir compte de la responsabilité qui incombe, selon nos lois, à l'opposition officielle, mais en même temps de faire en sorte que vous puissiez jouer un rôle qui soit significatif et à la hauteur des attentes des citoyens qui ont signifié un appui populaire à la fois à vous, comme député, et à la formation que vous représentez.

M. Paradis: ...

Le Président: Bien, c'est ce que je viens de dire, M. le député de Brome-Missisquoi. Évidemment, j'espère que vous avez écouté le début de l'intervention aussi.


Affaires du jour

Alors, s'il n'y a pas d'autres interventions aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, nous allons aller aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement, à ce moment-ci.

M. Brassard: Oui. Alors, M. le Président, je vous réfère à l'article 8 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 35


Adoption du principe

Le Président: Alors, à l'article 8 de notre feuilleton, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose l'adoption du principe du projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur le mérite agricole. Alors, je suis prêt à reconnaître un premier intervenant. M. le ministre.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Oui, M. le Président. Il s'agit d'apporter, avec ce projet de loi, le projet de loi n° 35, des modifications à la Loi sur le mérite agricole du Québec.

La Loi sur le mérite agricole a été sanctionnée, attention, M. le Président, en mars 1889. C'est donc dire que, cette année, nous allons tenir pour une 110e année le concours de l'Ordre du mérite agricole du Québec, un concours qui récompense les meilleurs au niveau de la production agricole du Québec, parce que, dans chacune de nos régions du Québec, il y a des productrices et des producteurs qui, depuis un très grand nombre d'années, font la production, réalisent la production agricole du Québec. Pour une 110e année cette année se tiendra donc dans quatre régions du Québec un concours distinct pour récompenser les meilleurs, et tout cela sera couronné par un grand gala national, le 30 septembre 1999, au Château Frontenac, à Québec, qui, à ce moment-là, nous permettra de souligner les meilleurs.

Au moment où, donc, nous allons, cette année, procéder pour une 110e année consécutive à l'organisation de ce grand concours national de l'Ordre du mérite agricole du Québec, nous proposons, M. le Président, une légère modification à la loi pour faire en sorte que ce concours, qui vise à encourager le savoir-faire et l'excellence en agriculture chez les productrices et les producteurs agricoles ainsi que chez ceux et celles qui ont contribué de façon exceptionnelle au développement de l'agriculture par la recherche, l'enseignement et les missions officielles, puisse être reconnu. Eh bien, nous proposons dorénavant que les modifications à la loi soient les suivantes: Que l'article 5 de la Loi sur le mérite agricole soit modifié par le remplacement, dans le premier alinéa, de l'élément suivant:

«Le ministre fait publier, en temps utile et de la façon qu'il estime la plus appropriée, les conditions du concours.»

Et cette disposition de cette Loi sur l'Ordre du mérite agricole entrerait en vigueur le 31 décembre 1999.

La modification technique, M. le Président, est assez simple: ces modifications visent à permettre au ministre plutôt qu'au gouvernement d'adapter les conditions du concours aux nouvelles exigences de l'agriculture moderne et de maintenir une cohérence avec les orientations stratégiques du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. Les délais rencontrés actuellement lors des modifications ne permettent pas de corriger assez rapidement les différentes problématiques qui surviennent en cours d'année. Et, pour les fins de ce concours, l'année débute en janvier et se termine au moins de septembre.

L'actuel règlement sur le concours, il établit, quant à lui, les conditions d'admission et le nombre de points à obtenir pour gagner les différentes décorations et les différents diplômes ainsi que la description des décorations, médailles et diplômes, rosettes et rubans qui sont attribués à l'occasion des galas régionaux ou du gala national qui couronne ce grand concours qui vise à récompenser les meilleurs au Québec dans le domaine de la production agricole, M. le Président, ce concours, je le répète, qui se tient depuis 110 ans, une très, très longue tradition.

Le Québec est divisé en quatre régions cette année pour les fins de ce concours, et, cette année, donc, c'est les régions d'Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec... C'est tout à fait un hasard, M. le Président. Cette année, vous avez bien compris, si l'une des régions dans lesquelles on pourra présenter des productrices et des producteurs pour, d'abord, se mériter les prix d'excellence au niveau de la production au niveau régional... Ça va d'abord se tenir, donc, dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec, et, subséquemment, les gagnants au niveau régional seront mis en nomination pour le grand concours national qui va se tenir et qui va s'organiser autour de ce gala dans notre capitale nationale – notre capitale nationale – ici, À Québec, le 30 septembre 1999.

Alors, pour les fins du concours, cette année, les régions qui seront participantes: l'Abitibi-Témiscamingue et le Nord-du-Québec, le Saguenay–Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord, la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine et le Bas-Saint-Laurent. Alors, M. le Président, on aura l'occasion, donc, de revenir ici, mais, dans ces quatre régions, nous soulignerons les meilleures et les meilleurs qui font la production agricole au Québec. Dans chacune de ces régions, à compter du 18 août, il se tiendra, M. le Président, une grande soirée pour souligner l'excellence du travail de la production et des résultats obtenus par les productrices et les producteurs, et, encore une fois, le 30 septembre, nous serons en mesure de fêter, de souligner, de dire au Québec quels sont les meilleurs des meilleurs dans le domaine de la production agricole au Québec.

La modification que nous proposons aujourd'hui à la Loi sur le mérite agricole aura un impact positif auprès de la clientèle visée par le concours, puisqu'elle permettra plus de souplesse et fera en sorte d'ajuster le concours de l'Ordre du mérite agricole à l'évolution de ce secteur d'activité économique au Québec. La modification proposée ne modifie pas, quant à elle, spécifiquement les différentes modalités du concours. Toutefois, ces dernières, quand on les modifiera, feront l'objet de consultations auprès des différents intervenants en cours d'année.

Alors, M. le Président, la modification, elle est assez simple. La loi a été adoptée en 1889, je pense qu'un peu de modernisation de la loi ne fait pas de tort. Nous avons exactement les mêmes méthodes, les mêmes façons de déterminer quels sont les gagnants ou les gagnantes, et, à chaque fois qu'on veut modifier, la loi nous indique qu'on doit le faire par règlement. Quand on connaît la mécanique de la modification des règlements, la Loi sur les règlements, eh bien, c'est très lourd. Et, compte tenu de l'évolution extrêmement rapide, du développement extrêmement accéléré de la production de ce secteur d'activité économique, comme des autres secteurs d'activité au Québec, eh bien, nous devons avoir la souplesse et les possibilités pour être capables d'adapter ce concours aux circonstances et aux conditions modernes de production et d'exercice de cette activité.

Alors, voilà, M. le Président, c'est une modification très simple, mais ça nous permet donc, par la même occasion, de rappeler à la population qu'il existe, ce grand concours national de l'Ordre du mérite agricole du Québec, depuis 110 ans, que cela donne lieu à des fêtes régionales qui, encore cette année, vont se tenir dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, dans la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, et également une grande fête nationale ici, au prestigieux Château Frontenac, le 30 septembre 1999.

M. le Président, il est rare que nous ayons, au Québec, un événement qui dure, qui perdure, se reproduit chaque année depuis 110 ans. C'est une indication de la profondeur historique et des racines de tout ce secteur d'activité économique au Québec et également de l'importance de ce secteur d'activité dans notre vie québécoise, puisque la grande famille de l'agroalimentaire au Québec, ça concerne 400 000 personnes qui y travaillent, dans tous les maillons de la chaîne, de la production à la transformation, de la distribution jusqu'au détail des aliments, y compris la restauration. Il y a 400 000 personnes qui, chaque matin, hommes et femmes, gagnent leur vie dans le secteur de l'agroalimentaire.

(15 h 40)

Et ce dont peu de personnes se rappellent de façon assez automatique, pourrions-nous dire, c'est que le premier secteur manufacturier au Québec, avec 52 000 emplois directs, M. le Président, c'est tout le secteur de l'agroalimentaire, de la transformation des aliments. Beaucoup de personnes sont surprises lorsque, par exemple, nous leur mentionnons qu'en termes d'exportation nous exportons, à titre d'illustration, quelque 150 000 000 $ par année dans tout le Nord-Est américain.

Et les premières denrées que nous expédions dans le Nord-Est américain, M. le Président, en termes d'agroalimentaire – je pense que je n'ai pas encore obtenu une bonne réponse depuis que je le demande à nos intervenants, depuis six mois – eh bien, les denrées que nous expédions pour 250 000 000 $, c'est le cacao et le café, M. le Président. Le cacao et le café parce que nous importons et nous transformons. Nous importons et nous transformons beaucoup de café et de cacao. Les procédés de production de café les plus modernes ont été inventés ici, au Québec, et les usines qui ont ces brevets d'invention en organisent et font toujours la production. Et, également, dans la région de Saint-Hyacinthe, dans notre technopole agroalimentaire du Québec, on a des usines. On a, entre autres, une usine de 500 employés à Saint-Hyacinthe qui fait la transformation et qui utilise le cacao comme produit et qui en fait des bons chocolats, et c'est exporté en particulier dans le Nord-Est des États-Unis.

C'est donc, M. le Président, un secteur d'activité par excellence pour le Québec: 400 000 emplois, 52 000 emplois manufacturiers, 48 000 fermes, producteurs et productrices, 25 tables filières dans chacune de ces productions, 14 régions administratives, 64 bureaux régionaux qui donnent de l'information. M. le Président, la famille de l'agroalimentaire au Québec, c'est une grande famille; c'est une très grande famille qui passe de l'administration au développement industriel, à la production, à la recherche, au développement, également, bien sûr, à tout le secteur des pêches, qui comprend, M. le Président, non seulement les activités traditionnelles de prélèvement de la ressource, mais également des usines de transformation sur la Basse-Côte-Nord, la Moyenne et la Haute-Côte-Nord, dans la Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent, et aussi dans la région de Montréal, puisque 53 usines font de la transformation de produits marins dans la région de Montréal.

Comme on dit souvent, M. le Président, même si c'est un mot qu'on n'utilise pas beaucoup de ce côté-ci, le Québec n'est pas une province maritime, mais elle est la plus maritime des provinces parce que c'est la province qui possède le plus de kilomètres de littoral marin. Nous avons 12 500 km de littoral marin, M. le Président. Nous ne sommes pas une province maritime, mais nous sommes la plus maritime des provinces. Et, en termes de ressources dans l'économie, ça compte. Et c'est un secteur dans lequel il y a beaucoup d'avenir lorsqu'on prend en compte toutes les questions relatives à la production de la ressource en aquaculture et en mariculture.

M. le Président, j'arrive tout juste d'une tournée régionale sur la Basse-Côte-Nord, la Moyenne-Côte-Nord et la Haute-Côte-Nord, la Gaspésie et le Bas-Saint-Laurent, et, croyez-moi, M. le Président, nous avons là un secteur d'activité extrêmement dynamique, qui, au cours des prochaines années, va aussi, comme d'autres secteurs d'activité économique, être en mesure de relever tous les défis du développement régional tout en impliquant des efforts assez spectaculaires au niveau de la recherche et développement, au niveau de la production de la ressource et également de la transformation des ressources existantes, en particulier les espèces sous-exploitées.

J'ai eu l'occasion aussi, dimanche soir – je terminerai là-dessus – de rencontrer la Société des chefs cuisiniers et pâtissiers du Québec, et en particulier de leur parler d'un produit québécois peu connu mais qui est surtout exporté vers le Japon et la Chine et qui marque bien la diversité de notre production. Il n'y a pas beaucoup de monde ici, dans notre Assemblée, sinon les gens des régions maritimes du Québec, qui connaissent l'excellente production de mactre de Stimpson. La mactre de Stimpson, retenez bien ça, M. le Président. Il s'agit d'un produit marin exceptionnel que nous avons en quantité très large dans nos fonds marins, la mactre de Stimpson. La mactre de Stimpson, qui est transformée en particulier à Sainte-Anne-de-Portneuf, sur la Haute-Côte-Nord, et qui est une excellente production que nous expédions pour l'instant vers le Japon et la Chine mais que nous allons bientôt faire pénétrer, j'en suis persuadé, sur tous les marchés québécois.

M. le Président, la modification à la loi que nous proposons aujourd'hui, elle vise précisément à refléter d'une façon la plus efficace, la plus simple possible les modifications, la modernisation de ce secteur de production, et que nous puissions en tenir compte lorsque nous avons à récompenser les meilleurs, quand se tiendra, cette année, pour la 110e année, au Québec le grand gala de l'Ordre du mérite agricole du Québec pour souligner l'excellence de la production agricole au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Nous en sommes à l'étape de l'étude, au niveau de son principe, du projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur le mérite agricole. Et je cède la parole maintenant au porte-parole officiel de l'opposition en matière de dossiers d'agriculture et président de la commission de l'aménagement du territoire et député de Richmond. M. le député, la parole est à vous.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Merci, M. le Président. Alors, si vous le permettez, on va passer de la mactre de Stimpson au projet de loi que nous avons devant nous et qui vise à traiter... et à nous rappeler, comme nous disait le ministre, un concours très populaire, un concours très apprécié par le monde agricole en général.

Le ministre tantôt, quand je l'écoutais parler du secteur des pêches, m'invitait quasiment à lui proposer qu'on puisse créer ce genre de concours qu'est le concours du mérite agricole et le transposer au secteur des pêches. Peut-être qu'à un moment donné on pourrait avoir un concours du mérite des pêches qui permettrait de créer une émulation qui, je l'espère, pourrait rejoindre celle qu'on a pu atteindre dans toutes les régions agricoles du Québec avec le concours du mérite agricole.

Le projet de loi que nous avons devant nous, M. le Président, évidemment est relativement simple, il ne comporte qu'un article. Ça nous permet par ailleurs de tracer un peu d'histoire par rapport à cet important concours que nous connaissons au Québec et qui a vraiment duré dans le temps. Et, s'il a duré, c'est très probablement dû à la qualité exceptionnelle du concours et des gens qui en font la promotion, qui s'en occupent et qui y participent que sont nos producteurs et productrices agricoles de l'ensemble du territoire québécois.

Il faut remonter à 1789, date de formation de la première société d'agriculture, pour identifier les premiers concours reliés au mérite agricole dans le but d'inciter les cultivateurs à améliorer leurs connaissances et leurs pratiques agricoles afin d'augmenter leur productivité et la qualité des produits. À la fin des années 1860, le Conseil de l'agriculture de l'époque organisait un concours pour les fermes les mieux tenues. Or, les nombreuses contraintes entourant ce concours, comme par exemple la rotation de 10 ans ou encore le dixième de la terre pour la culture de légumes, ont eu pour conséquence un faible taux de participation des cultivateurs.

Un journaliste agricole, Édouard Barnard, proposait, quant à lui, en 1884, un concept simple, moins rebutant pour les cultivateurs, soit un concours provincial des terres les mieux tenues, duquel seraient exclus les amateurs riches qui ne font pas de l'agriculture une spécialité et qui cultivent avec des ressources étrangères aux profits de leur terre. Appliqué pour la première fois dans le comté de Portneuf en 1885, ce n'est toutefois qu'en 1888 que le Conseil de l'agriculture adoptera le concept du journaliste Barnard, qualifié aujourd'hui de penseur et d'initiateur dudit concours du mérite agricole.

Mais le mérite d'avoir créé le concours du mérite agricole et de lui avoir donné une impulsion décisive revient, M. le Président, à un politicien québécois bien connu, M. Honoré Mercier, député libéral et premier ministre du Québec de 1887 à 1891 et commissaire de l'agriculture et de la colonisation en 1888, 1890 et 1891.

C'est donc dire qu'une fois de plus ces quelques traits d'histoire me permettent de rappeler que le Parti libéral du Québec a toujours été très soucieux du développement de l'agriculture au Québec et conserve un enracinement exceptionnel à la base agricole québécoise de par les nombreuses lois que le Parti libéral a pu initier et qui ont eu des conséquences très structurantes sur le monde agricole québécois. Et je pense que l'initiative ou l'impulsion donnée par Honoré Mercier en 1887 témoigne également de l'importance que ce gouvernement de l'époque... et de la vision qu'a eue ce gouvernement de M. Mercier face au développement de l'agriculture au Québec.

Il fit donc voter, M. Mercier, par l'Assemblée législative, le 4 février 1889, l'Acte créant des concours provinciaux d'agriculture et des distinctions provinciales du mérite agricole, qui fut sanctionné par le gouvernement le 21 mars de la même année.

(15 h 50)

Je veux vous rappeler, M. le Président, ce que nous disait à ce moment-là Honoré Mercier et qui demeure tout à fait d'actualité mais qui dénote la vision du gouvernement libéral de l'époque. M. Mercier nous disait: «Ce n'est point une oeuvre d'un jour, mais c'est une oeuvre permanente que nous confions à ceux qui viendront après nous.» Fin de la citation. Alors, on voit ici toute l'importance que revêt la vision des gens politiques d'une autre époque et qui, aujourd'hui, demeure tout à fait vraie.

Je pense qu'on peut aujourd'hui dire que, à chaque fois – en tout cas, c'est l'objectif qu'on poursuit – que cette Assemblée nationale adopte une loi, c'est toujours dans le but d'obtenir, sur une base permanente, le maximum de retombées et permettre à ceux qui vont nous suivre à l'intérieur de ces domaines respectifs que nous visons par nos législations de performer le mieux possible et de profiter des meilleurs outils possible pour leur développement. Et je pense que l'initiative d'Honoré Mercier témoigne de cette capacité que nous avons eue de le faire à cette époque. Le temps, d'ailleurs, semble lui donner raison, à M. Mercier, puisque le concours du mérite agricole se tient sans interruption depuis maintenant un siècle. Le premier vainqueur du mérite agricole fut d'ailleurs M. Charles Champagne, de Saint-Eustache, dans le comté de Deux-Montagnes.

Pour les fins du concours, comme le disait tantôt le ministre, le territoire est divisé en quatre régions aujourd'hui pour permettre d'ailleurs un temps raisonnable de jugement, de tenir compte des zones climatiques qui sont différentes d'une région à l'autre, des types de sol et pour rendre plus équitable le concours. Le concours a lieu dans une seule région par année, et je pense que c'est notable, M. le Président, que ces règles qui prévalent actuellement nous semblent tout à fait à propos, puisqu'elles permettent un niveau de participation qui va toujours très bien et qui se maintient dans le temps.

Les règlements du concours du mérite agricole ont connu plusieurs modifications qui n'ont pas affecté la nature du concours mais qui portaient plutôt sur des modalités. Alors, aujourd'hui, nous assistons à une législation que nous allons adopter, M. le Président, et qui vient permettre, dans le fond, au ministre de procéder sans qu'il y ait nécessairement, comme on le faisait auparavant par voie réglementaire, publication dans la Gazette officielle de ces règlements. Et nous allons fort probablement souscrire aux principes qui sont inscrits dans ce projet de loi qu'a déposé le ministre.

Il faut aussi rappeler qu'en 1925 une nouvelle loi a été adoptée pour faire du concours du mérite agricole un véritable ordre avec les titres de commandeur, d'officier et de chevalier et rendre officiel le concours du mérite agricole juvénile inauguré par le ministère de l'Agriculture en 1922. Ce n'est cependant qu'en 1980 que les épouses des lauréats reçoivent les mêmes distinctions afin de reconnaître officiellement leur mérite. Je reviendrai un peu plus tard sur cette dimension des femmes en agriculture et pour faire une proposition au ministre par rapport à leur reconnaissance comme telle à l'intérieur de nos lois.

Après tout ce temps, le concours du mérite agricole est toujours aussi populaire, faut-il le rappeler, auprès des producteurs et productrices agricoles de l'ensemble du territoire québécois. Je voudrais saluer, M. le Président, à cette occasion tous les lauréats du mérite agricole, et, croyez-moi, ils sont nombreux dans chacune de nos régions, des régions que nous représentons ici, à l'Assemblée nationale.

L'application de la Loi sur le mérite agricole a su, au fil des ans, réaffirmer le bien-fondé de son principe fondateur. Il faut continuer à promouvoir et à encourager ceux et celles qui ont su s'engager dans cette voie et qui continuent de le faire, car la ferme familiale du début a fait place, il faut bien l'admettre, à une véritable entreprise, souvent très spécialisée, qui doit combiner plusieurs facteurs de production pour devenir rentable.

Le projet de loi qui est aujourd'hui devant cette Chambre vise aussi à alléger la procédure administrative, et, M. le Président, nous souscrivons volontiers à cet objectif. Cette attitude va dans le sens des pratiques qui ont toujours été prônées et défendues par l'opposition libérale. Nous allons continuer à le faire en nous inscrivant de façon très constructive à l'intérieur du projet de loi qui nous a été déposé.

J'aurais cependant – et je veux l'indiquer au ministre – souhaité que la Loi sur le mérite agricole, puisqu'elle sera modifiée, comporte aussi une autre modification pour l'adapter à la réalité du monde agricole où l'agricultrice joue un rôle maintenant très différent et, je dirais, beaucoup plus important que par le passé. Je veux juste rappeler au ministre qu'à l'article 5 de la Loi actuelle sur le mérite agricole, puisque nous sommes à l'intérieur d'un projet de loi qui comporte très peu de modifications...

Il y aurait lieu, à mon avis, de penser à modifier l'article 5 de ce même projet de loi, de cette Loi du mérite agricole, où il est indiqué: «Le gouvernement peut faire des règlements pour l'exécution de la présente loi et, en particulier, déterminer les conditions d'admission au concours, le nombre de points à obtenir pour gagner les différentes décorations ou diplômes, la description des décorations, médailles et diplômes, rosettes ou rubans.

«Il peut créer une section pour les jeunes cultivateurs ou fils de cultivateurs et leur décerner des médailles et diplômes qui ne comportent aucun titre.»

M. le Président, vous comprendrez que j'ai voulu ici soulever la question qu'on puisse moderniser quelque peu cet article de la loi, qui dit que le ministre peut créer une section pour les jeunes cultivateurs ou fils de cultivateurs. Il va de soi qu'il y aurait lieu de remettre notre loi à la mode, puisqu'on retrouve maintenant de nombreuses productrices agricoles, donc des filles de cultivateurs également, des filles de productrices ou encore des femmes qui, sans que leur père ait été en agriculture, sont maintenant dans ce secteur de l'activité. Et, à mon avis, nous devrions, à chaque fois qu'une loi est déposée en cette Chambre en vue d'en modifier une qui existe, la mettre au diapason de la vie moderne et prévoir, à l'intérieur de cette loi, d'utiliser le langage qui correspond davantage à la réalité d'aujourd'hui et au rôle prépondérant, au rôle important que joue la femme à l'intérieur des exploitations agricoles québécoises.

Ceci étant dit, M. le Président, il va de soi que, comme celui qui m'a précédé, notre intention est de pouvoir contribuer en commission à l'étude de l'article proposé dans cette loi et peut-être aussi à l'ajout d'un autre article, celui dont je viens de faire mention au ministre, qui pourrait peut-être amender l'article 5 pour prévoir que les filles de cultivateurs pourraient également être l'objet de médailles ou d'autres honneurs. Je pense qu'on pourrait profiter de cette occasion que nous offre le ministre de moderniser un petit peu la loi, en ce qui concerne le rôle important que jouent maintenant les femmes en agriculture, en permettant que la description comme telle du concours du mérite, contenue dans la loi actuelle, puisse connaître quelques modifications mineures.

M. le Président, ceci étant dit, je veux signifier au gouvernement notre accord sur le principe du projet de loi, celui qui vise à modifier la Loi sur le mérite agricole.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Richmond. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Réplique? M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, vous avez votre droit de réplique.


M. Rémy Trudel (réplique)

M. Trudel: M. le Président, je me réjouis, d'abord, de l'appui de l'opposition pour l'adoption de ce projet de loi, et c'est précisément ce que nous allons faire en commission parlementaire, c'est-à-dire discuter des différentes possibilités lorsque nous serons à l'étude article par article, et nous allons le faire, comme toujours, avec une très grande ouverture, y compris pour la suggestion du député de Richmond. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Le principe du projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur le mérite agricole, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

M. Brassard: Alors, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

(16 heures)

M. Brassard: Alors, je vous réfère à l'article 11 du feuilleton.


Projet de loi n° 41


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 11, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose l'adoption du principe du projet de loi n° 41, Loi abrogeant la Loi sur les grains et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche et d'autres dispositions législatives. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, je vous cède la parole.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Effectivement, donc, nous présentons à cette Assemblée pour adoption le projet de loi n° 41, un projet de loi abrogeant la Loi sur les grains et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche et d'autres dispositions législatives.

En fait, M. le Président, il s'agit toujours d'une description qui est assez technique, mais ça vise à faire en sorte aussi de moderniser, sous différents aspects, la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche du Québec, et également à faire en sorte que nous nous retrouvions avec une loi assez simple d'application en y intégrant toutes les dispositions qui sont actuellement dans la Loi sur les grains. Et cela va nous permettre d'alléger ou d'abroger cette loi et d'y intégrer ce dont nous avons besoin pour la mise en marché des grains dans la Loi, elle-même, sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche. Et nous allons également toucher à d'autres lois, également sur la question de toute la qualité des aliments et tout ce qui concerne la question de la fixation des prix des produits laitiers au Québec, M. le Président.

J'ai le plaisir, donc, de soumettre à cette Assemblée l'adoption du principe du projet de loi n° 41, la Loi abrogeant la Loi sur les grains et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, La Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés ainsi que la Loi sur la protection sanitaire des animaux, tout en apportant une correction mineure à la Loi sur la justice administrative pour rendre le tout concordant.

Fondamentalement, le projet de loi permet d'abroger la Loi sur les grains et les dispositions redondantes contenues dans cette loi et de transférer à la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec le pouvoir réglementaire attribué au gouvernement. Cet exercice conduira finalement, comme je le disais il y a quelques instants, à l'abrogation de la Loi sur les grains, ce qui va nous permettre, M. le Président, de poursuivre notre effort de simplification, de déréglementation et d'allégement de la législation.

On nous reproche souvent, du côté de l'opposition, de faire en sorte qu'il y ait davantage de législations, davantage de contrôles, davantage d'éléments qui font en sorte que les citoyens se sentent surréglementés et que, à chaque fois, nous soyons aux prises avec ces dispositions réglementaires ou des dispositions législatives. Eh bien, cette fois-ci, M. le Président, nous allons alléger.

La modification à la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche permettra d'y regrouper les pouvoirs de nature économique et que la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec puisse les exercer, en vertu de la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés, d'y transférer la responsabilité d'encadrer la garantie de solvabilité des établissements servant à la vente aux enchères des animaux vivants, d'alléger le fonctionnement de la Régie, en plus d'assurer la conformité du libellé de certaines des dispositions avec les structures mises en place par la réforme des tribunaux administratifs.

Ce projet de loi donne, en plus, l'occasion d'éliminer les dispositions vétustes et redondantes de la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés et permet de transférer au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation la responsabilité de délivrer les permis qui y sont mentionnés.

Avant, cependant, d'examiner en détail les dispositions du projet de loi et de voir ses effets, il m'apparaît important de vous souligner la consultation qui a été faite pour mener à bien ce projet, de brosser également à grands traits la mission fondamentale et les moyens d'action de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec et de rappeler aussi le rôle joué par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec dans l'application de ces lois.

M. le Président, la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche du Québec est une loi clé pour le développement de tous ces secteurs d'activité, des pêcheries, de la production alimentaire et de la production agricole au Québec. C'est une loi qui définit tout le système de la mise en marché collective de nos produits et qui nous a donné, qui nous a permis de prendre cet élan formidable au plan de la mise en marché et d'assurer ainsi la sécurité financière de nos productrices et de nos producteurs agricoles au Québec.

Dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, nous avons, M. le Président, procédé à de longues consultations avant d'apporter, à l'Assemblée nationale, des propositions de modifications à cette loi fondamentale pour le secteur de l'agriculture, de l'alimentation et des pêcheries au Québec. Je me suis assuré que soient consultées les autorités syndicales qui regroupent les producteurs agricoles, par l'entremise de leur centrale, l'Union des producteurs agricoles du Québec. Et vous n'ignorez sans doute pas, M. le Président, que la grande majorité des organismes qui administrent des plans conjoints sont affiliés à l'UPA, ce qui en fait un porte-parole privilégié des producteurs et de leurs représentants.

J'ai également demandé l'avis de la Coopérative fédérée de Québec, de l'Association des laiteries du Québec, du Conseil de l'industrie laitière du Québec, de la grande Coopérative Agropur, de l'Association des transporteurs de lait du Québec. J'ai consulté également l'Association des abattoirs avicoles du Québec, l'Association des négociants en céréales ainsi que l'Association québécoise de l'industrie de l'alimentation animale. Les représentants du ministre les ont rencontrés pour leur expliquer les objectifs poursuivis et pour leur faire part de l'essentiel des modifications que je proposais d'apporter aux lois en vigueur.

Je souligne donc avec beaucoup de satisfaction la grande collaboration de tous les intéressés et l'accueil généralement très favorable des explications qui ont été fournies aux représentants de ces différents regroupements. Nous avons également reçu beaucoup de commentaires très constructifs dont j'ai pu tenir compte dans l'élaboration de ce projet de loi. Je tiens à les remercier pour leur collaboration si efficace. Et c'est ce que nous allons entreprendre, en termes d'étude, au cours des prochaines heures et des prochains jours, M. le Président.

Quant au rôle qui est dévolu à la Régie des marchés agricoles du Québec, M. le Président, il faut d'abord rappeler que cette Régie, ce véritable tribunal d'arbitrage, en quelque sorte, au sens le plus large du terme, entre les producteurs, les transformateurs et les acheteurs des produits agricoles, des produits alimentaires et des produits de la pêche au Québec, cette Régie des marchés agricoles, elle a été constituée en 1958, sous un nom différent à cette époque-là, lorsque le gouvernement de l'époque avait jugé important de mettre à la disposition des agriculteurs des moyens supplétifs de mise en marché des produits agricoles et des plans conjoints. Je vous en reparlerai, M. le Président, un petit peu loin au cours de la présente présentation.

Les mandats confiés à la Régie ont bien sûr varié au cours des ans. Ils ont cependant toujours été formulés autour de sa mission fondamentale, telle que l'exprime encore aujourd'hui l'article 5 de cette Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche.

La mission de la Régie des marchés agricoles du Québec repose sur trois axes qu'il importe de bien comprendre pour saisir la portée des dispositions de notre projet de loi. Cette Régie des marchés agricoles du Québec, elle a pour mandat de favoriser une mise en marché efficace et ordonnée des produits agricoles, alimentaires et de la pêche. Elle doit favoriser le développement de relations harmonieuses entre les différents intervenants dans la mise en marché de ces produits. De plus, la Régie des marchés agricoles du Québec est chargée de régler les différends qui surviennent entre les différents intervenants dans le cadre de la production et de la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche.

La Régie surveille la mise en place et le fonctionnement des structures de négociations collectives, des conditions de mise en marché des produits agricoles, de la pêche, de la forêt et des plans conjoints que je viens d'évoquer, M. le Président. Chaque structure, chaque plan conjoint n'est mis en place qu'après un vote favorable des producteurs ou des pêcheurs visés, à l'occasion d'un référendum tenu sous la responsabilité de la Régie des marchés agricoles du Québec. La responsabilité de l'application des plans conjoints relève, par ailleurs, d'offices ou encore de syndicats ou de fédérations, selon le cas, composés exclusivement de producteurs agricoles, de productrices agricoles ou de pêcheurs visés au plan conjoint qui est en question.

Actuellement, au Québec, il y a 35 plans conjoints qui sont en vigueur. Ils couvrent à peu près tous les produits agricoles et une partie importante des produits de la pêche. Je vous les énumère pour vous permettre de comprendre l'importance de ce mécanisme bien particulier dans le développement de l'agroalimentaire: les plans conjoints dans le domaine du sirop d'érable, les plans conjoints dans les ovins, les bovins, le porc, le lapin, les oeufs de consommation, les oeufs d'incubation, la volaille, le bois, le crabe de la Basse-Côte-Nord, le flétan du Groenland, le homard des Îles-de-la-Madeleine, le lait, les céréales, les légumes de transformation, le tabac à cigare et à pipe, le tabac à cigarette, les oignons, la pomme, la pomme de terre et les bleuets. On calcule, M. le Président, en milliards de dollars la valeur des produits mis en marché à chaque année à travers cette structure. C'est plusieurs milliards de dollars.

Pour faciliter la conclusion d'ententes de mise en marché avec les producteurs agricoles représentés par leurs offices, syndicats ou fédérations, la Régie peut accréditer des associations pour représenter des intervenants dans la mise en marché de ces produits. L'accréditation, basée sur des critères de représentativité de l'association en cause, n'est accordée qu'après une réception des observations des personnes intéressées en séance publique.

Un certain formalisme s'impose, compte tenu des effets importants de l'accréditation. En effet, l'organisme accrédité représente toutes les personnes visées pour négocier avec un office déterminé une entente de mise en marché du produit visé par un plan conjoint. L'entente conclue lie les personnes représentées comme si elles l'avaient signée, véritable convention collective pour les producteurs, les productrices agricoles ou les pêcheurs concernés.

(16 h 10)

À ce jour, la Régie des marchés agricoles du Québec a accordé 42 accréditations à des organismes qui regroupent des acheteurs de sirop d'érable, des maisons d'enchères de bovins, des couvoirs, des couvoiriers, des abattoirs de volailles, des acheteurs et des transporteurs de bois ou encore des acheteurs de crabes, de flétans ou de homards, des négociants et des transformateurs de céréales, des transformateurs de légumes, des emballeurs de pommes, des acheteurs, des transformateurs et des emballeurs de pommes de terre, M. le Président. Ces accréditations sont un élément important pour faciliter la conclusion de conventions collectives de mise en marché. On comprendra facilement que le regroupement des intérêts dans des organismes distincts allège sensiblement les démarches préalables à la conclusion de ces ententes.

La Régie doit favoriser la conclusion de conventions de mise en marché et assurer, si nécessaire, leur conciliation et leur arbitrage, subséquemment. Il y a actuellement – tenez-vous bien, M. le Président – 225 conventions de mise en marché, qui touchent tous les plans conjoints. Elles sont homologuées par la Régie sur simple dépôt. Cette Régie vérifie cependant leur conformité avec les exigences de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche et, si nécessaire, recueille les observations des personnes intéressées. Une convention n'est exécutoire qu'après son homologation par la Régie.

Je tiens à souligner que la Régie, M. le Président, peut, à la demande d'une partie intéressée, désigner un conciliateur pour faciliter la conclusion de ces ententes. Si nécessaire, en cas d'échec des négociations, elle peut arbitrer le litige qui subsiste ou encore désigner un arbitre. Ce rôle d'arbitre de la Régie ne se limite pas aux conventions de mise en marché, mais la Régie peut régler tout différend qui survient dans le cadre de l'application d'un plan conjoint. Comme nous le verrons aussi plus loin, la Régie dispose de modalités d'intervention souples qui peuvent être mises en place selon les circonstances pour régler certaines difficultés. Dorénavant, nous irons à la loi pour régler certains différends, M. le Président.

Je vous signale au passage que notre Régie des marchés agricoles du Québec participe à la conclusion d'ententes fédérales-provinciales encadrant la mise en marché de certains produits au niveau canadien, comme dans le cas du lait, par exemple. De telles ententes couvrent la mise en marché du lait, des oeufs de consommation, des oeufs d'incubation, du poulet ou du dindon, M. le Président, des conventions dans le lait et la plume, comme on dit communément. Ce n'est rien. Ce rôle n'est pas remis en cause, aucunement, par les modifications apportées par le présent projet de loi.

La Régie a mis en place et gère des systèmes de garantie de solvabilité des acheteurs de lait, des acheteurs de céréales, des acheteurs de bovins, et, nous y reviendrons plus tard, en termes de garantie de systèmes de solvabilité. C'est tout ça qui constitue la solidité de notre système de mise en marché collectif de nos produits agricoles, alimentaires ou de la pêche et qui fait en sorte que nous pouvons opérer sur une base de sécurité financière suffisante dans un domaine où l'investissement est énorme et où le rendement sur le capital est soumis à un certain nombre d'aléas qui sont toujours présents: les conditions climatiques, les conditions de santé animale ou encore les conditions de comportement des marchés sur ces denrées au plan mondial.

Le projet de loi n° 41 ne concerne pas uniquement la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. Le ministère, et le ministre y est directement impliqué dans la mesure où le ministre doit assuré la salubrité des établissements de vente aux enchères d'animaux vivants et mettre en place des mesures qui assurent la santé des animaux qui transitent dans ces établissements. Le ministre a également la tâche d'assurer tant l'innocuité des produits laitiers transportés, transformés et distribués que la salubrité des véhicules servant au transport et à la distribution des produits laitiers, des établissements de transformation du lait et des produits laitiers.

Nous reviendrons sur ce sujet, M. le Président, puisque c'est le ministre qui en a la responsabilité, en termes d'application des différentes dispositions et de s'assurer que les consommateurs, tant du Québec que de l'extérieur, puissent avoir accès à un produit de qualité en toute sécurité et que la réputation de nos producteurs et de nos productrices soit constamment maintenue par des normes de qualité extrêmement élevées, sévères et surveillées d'une façon on ne peut plus sévère par les différents officiers et les ententes que nous avons avec les groupes ou organismes chargés de surveiller l'application de ces normes d'innocuité et de qualité des produits laitiers transportés, transformés et distribués.

Le projet de loi regroupe et confie à la Régie, dans le cadre de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, la responsabilité de l'encadrement des activités de nature commerciale qui se trouvent dans la Loi sur les grains. Quant à cette loi, M. le Président, nous allons faire en sorte de transporter littéralement les dispositions qui ont encore force de loi, qui sont encore pertinentes. Mais, dans un effort de simplification, nous allons intégrer les dispositions qui concernent la Loi sur les grains dans la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche de façon à simplifier le corpus législatif, le corpus juridique qui est à la base de la mise en marché collective de ces produits des grains.

Elles touchent, ces dispositions, le pouvoir de mettre en place un régime de permis pour l'achat, l'entreposage et la classification des grains, d'administrer un régime de garantie de solvabilité des acheteurs et des entrepositaires de grains.

La Régie peut également inspecter des lots de grains classés, vérifier les transactions commerciales entre producteurs et acheteurs, effectuer le classement officiel de lots de grains et arbitrer, encore une fois, des litiges qui peuvent survenir entre producteurs et acheteurs quant au classement d'un lot de grains.

Les mesures qui sont proposées au projet de loi, M. le Président, précisent et simplifient le rôle de la Régie comme organisme gouvernemental. Simplification parce qu'elle tire son autorité d'une loi au lieu de deux ou plusieurs lois et que son mode d'intervention sera encadré dans un seul texte réglementaire, applicable en vertu des dispositions de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche. Simplification également pour les administrer, puisque le gouvernement n'intervient plus pour réglementer les relations commerciales entre les producteurs et les acheteurs.

Les nouvelles dispositions permettront également de simplifier les dispositions sur les garanties de solvabilité des acheteurs de grains. En effet, actuellement, les personnes qui achètent déposent une garantie en vertu de la Loi sur les grains, alors que ceux qui entreposent sans acheter ont un permis en vertu de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles. Eh bien, nous allons faire en sorte, M. le Président, de régulariser toute cette situation.

En plus, les droits exigibles des titulaires de permis seront fixés en application de l'une ou l'autre loi en même temps. Le projet de loi met donc fin à une situation inhabituelle et vise à régulariser toute cette partie du secteur d'activité commerciale en ce qui concerne la mise en marché collective des grains.

Il faut bien reconnaître par contre que, tout réglementaire qu'il soit, le régime d'intervention de la Régie dans le cadre de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche est plus rapide et plus souple que celui du gouvernement en vertu de la Loi sur les grains, ce qui fait en sorte, M. le Président, que nous allons tenter d'harmoniser pour davantage de simplification.

Le projet, comme l'indique son article 1, permettra donc d'abroger la Loi sur les grains, une bonne partie des dispositions de la loi originale ayant déjà été abrogée lors de la fusion de la Régie des grains et de la Régie des marchés agricoles du Québec. Comme nous pouvons le constater, une mesure transitoire gardera en vigueur l'actuel Règlement sur les grains pris par le gouvernement en vertu de la Loi sur les grains tant qu'il ne sera pas remplacé ou abrogé par un règlement de la Régie en vertu de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche.

Il s'agit du point final de la fusion de la Régie des grains à la Régie des marchés agricoles, alimentaires et administrative qui avait été abordée et qui avait débuté en 1987, M. le Président. Il nous permet de constater l'atteinte de l'objectif original de mettre en place des structures permettant aux producteurs de commercialiser des grains de qualité: un plan conjoint pour négocier les conditions de mise en marché, les garanties de solvabilité des acheteurs et des entrepositaires, une structure de formation des personnes affectées au classement des grains, l'arbitrage des litiges quant au classement, l'accréditation des organismes qui représentent les intervenants de la mise en marché et l'encadrement des conventions de mise en marché par la Régie, M. le Président.

Je suis donc heureux de souligner une contribution significative à l'atteinte d'un objectif fondamental de notre gouvernement, c'est-à-dire l'allégement du poids réglementaire pour les petites et moyennes entreprises engagées dans la mise en marché des grains grâce à l'éventuelle disparition du Règlement sur les grains, de la possibilité de fusionner dans un même texte tout ce qui touche les permis, la solvabilité, le classement des grains et au regroupement de toutes les responsabilités de la Régie dans sa loi constitutive.

Nous allons également, M. le Président, dans cette modification législative, faire des propositions d'amendement à la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés. Le projet de loi qui nous intéresse va donc transférer au ministre la responsabilité d'émettre les permis nécessaires pour assurer l'innocuité, la salubrité des produits laitiers et des succédanés de produits laitiers fabriqués, transportés, transformés ou distribués au Québec. Ils sont actuellement tous, ces permis, délivrés et administrés par la Régie des marchés agricoles du Québec, mais sous la surveillance de la Direction des aliments de mon ministère. Je tiens à les passer en revue pour souligner l'importance du changement apporté par ce projet de loi, M. le Président.

D'abord, l'essayeur de lait, à la ferme, vérifie les qualités organoleptiques du produit recueilli. Permis émis à vie. Un peu plus de 3 000, émis, actuellement en vigueur au Québec, et 50 nouveaux qui ont été émis cette année. Alors, dorénavant, M. le Président, ce sera la responsabilité ministérielle, toujours, on le verra, après consultation nécessaire de l'Office et de la Régie des marchés agricoles du Québec et d'un avis favorable, en particulier de l'Office concerné.

(16 h 20)

Le projet de loi va également apporter des changements en ce qui concerne le transport du lait en vrac ou en bidon de la ferme des producteurs au poste de réception du marchand de lait – il y a 139 transporteurs, actuellement, qui utilisent 351 camions au Québec, qui seront touchés par cette réglementation – la transformation du lait, la fabrication du beurre et du fromage ainsi qu'également la distribution du lait à domicile et chez les détaillants, la fabrication des succédanés et des produits laitiers, la vente en gros des succédanés et des produits laitiers.

Le projet de loi permettra de finaliser législativement la fusion de la Commission de l'industrie laitière à la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec, qui a été commencée, elle, en 1964, M. le Président. La Commission de l'industrie laitière était déjà en place en 1958 quand est apparue la première loi permettant aux producteurs de se donner une structure de négociations collectives, des conditions de mise en marché de leurs produits, la notion de plans conjoints. La Commission déterminait les marchés naturels du lait, accréditait les syndicats de producteurs qui livraient à un marchand et surveillait l'application des contrats de lait entre les producteurs ou un groupe de producteurs et des laiteries. Ce projet de loi permettra donc d'abroger un certain nombre de dispositions vétustes concernant la mise en marché, comme l'approbation des conventions de mise en marché, les suspensions et l'abrogation des conventions de mise en marché, de la détermination des conditions à remplir pour être fournisseur d'un produit de lait.

Le projet entraîne le transfert, dans la Loi de la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, des dispositions de nature économique comme la fixation des prix du lait et des produits laitiers et de l'administration par la Régie d'un régime gouvernemental de garantie de responsabilité financière des entreprises laitières. Cette mesure est assortie des mesures transitoires appropriées assurant l'administration des régimes en place.

M. le Président, comme tout critère de délivrance doit être préalablement vérifié et ultérieurement contrôlé, la mise de côté des critères de nature économique ou commerciale au profit de ceux touchant la salubrité et l'innocuité simplifie les contrôles et les procédures de vérification des activités visées par les permis. Le projet de loi contient donc des mesures transitoires qui visent à assurer que les permis et autorisations délivrés par la Régie restent en vigueur tant qu'ils n'auront pas été modifiés ou abrogés par le ministre.

Cette loi, M. le Président, va toujours, en termes de simplification, de modernisation et d'adaptation, même si ça peut apparaître un peu technique, également toucher la Loi sur la production sanitaire des animaux. Les quelques modifications apportées à la Loi sur la production sanitaire des animaux ont une portée réelle qui dépasse l'espace qu'elle occupe habituellement sur papier grâce à l'élimination d'une structure lourde de vérification des transactions financières des établissements de vente aux enchères d'animaux vivants. En effet, l'acheteur doit payer par chèque et dans un délai déterminé par règlement les animaux achetés en établissement de vente aux enchères. L'établissement, de son côté, doit garder ces sommes dans un compte en fidéicommis durant un certain temps avant de payer le producteur. Il ne peut le faire que si le chèque de l'acheteur a été encaissé. Et il importe de signaler que ces mesures s'appliquent à tous les animaux vendus aux enchères et, comme mon ministère en a la responsabilité, de vérifier son application.

Le projet de loi permet de transférer à la Régie la responsabilité d'encadrer la garantie de solvabilité financière des vendeurs aux enchères d'animaux vivants dans le cadre de sa loi constitutive. Ainsi, les vendeurs seront mieux protégés par un système général de garantie de solvabilité des établissements de vente aux enchères d'animaux vivants, la Régie exploitant déjà semblable système à l'égard des producteurs de bovin, des producteurs de lait et des producteurs de céréales. Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec pourra en même temps abandonner la vérification des transactions commerciales réalisées par les établissements de vente aux enchères, mais en continuant d'assurer leur salubrité.

M. le Président, nous allons donc souligner encore une fois que le projet de loi n° 41 apporte une contribution réelle à l'objectif d'allégement du point de vue législatif et réglementaire pour les petites et moyennes entreprises par l'élimination d'une procédure de paiement relativement lourde et peu efficace, par l'élimination également d'un système de vérification administrativement embarrassant pour la clientèle visée et par la possibilité de remplacement de ce régime par un régime plus familier pour la presque totalité des utilisateurs, après consultation des nombreux groupes que j'ai énumérés au début de ma présentation.

Comme nous l'avons donc indiqué à plusieurs reprises, le projet de loi permet de ramener dans le cadre de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche les mesures législatives de la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés, de la Loi sur la protection sanitaire des animaux ainsi que de la Loi sur les grains qui visent les mêmes objectifs. En somme, M. le Président, nous allons tenter un effort de simplification, faire en sorte que nous retrouvions au coeur de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche du Québec les mêmes dispositions législatives pour faire en sorte que cette loi, qui en quelque sorte police, réglemente, gère le trafic entre les producteurs, productrices et les acheteurs, les distributeurs et les différents intervenants de la chaîne agroalimentaire, que tout cela puisse se faire bien sûr avec une efficacité certaine mais aussi avec davantage de simplification.

Bien sûr, M. le Président, je suis bien conscient que ces dispositions de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche sont d'une complexité certaine. Ce n'est pas la passion qui anime toujours ceux et celles qui écoutent ces dispositions qui visent à réglementer le commerce et le développement du secteur et surtout la commercialisation des produits agroalimentaires au Québec. Mais nous aurons certainement l'occasion, M. le Président, de présenter ces différentes dispositions en des termes qui soient davantage vulgarisés parce qu'on est bien conscients qu'il s'agit ici de dispositions financières, de dispositions réglementaires, de différentes dispositions qui sont arides, qui sont un peu froides dans leur présentation.

M. le Président, veuillez me croire, nous avons connu des progrès remarquables sur le plan de la production agroalimentaire au Québec, en particulier depuis 1960, parce que nous sommes la première province au Canada, nous sommes, au niveau national, la première province à avoir cette loi de mise en marché collective de nos produits. Et le système a déterminé, M. le Président, dans le monde de l'agroalimentaire occidental, un modèle de fonctionnement et un modèle dont on s'inspire très largement à l'extérieur. Et c'est ce modèle aussi qui est souvent questionné, qui sera très certainement questionné à partir du 30 novembre prochain, à Seattle, lorsque recommencera la ronde des négociations de l'Organisation mondiale du commerce, qui vise la libéralisation des échanges commerciaux en matière de produits agroalimentaires parmi et entre 136 pays développés, M. le Président.

J'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, et les modifications réglementaires, les modifications législatives que nous proposons aujourd'hui vont dans cette direction, la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche au Québec, c'est un élément fondamental, c'est la pierre d'assise de notre réussite au plan du modèle québécois du secteur agroalimentaire. Nous allons non seulement continuer à moderniser cette loi, à la protéger comme la prunelle de nos yeux, M. le Président, mais à la rendre la plus efficace possible, parce qu'il s'agit là d'un modèle législatif, d'un modèle de développement du secteur agroalimentaire dans le monde occidental qui a fait ses preuves. Et le modèle québécois, encore une fois, M. le Président, il doit pouvoir compter sur son ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour avoir une défense pleine et entière sur le plan national, sur le plan canadien, sur le plan international.

Non seulement, M. le Président, nous allons présenter aujourd'hui les modifications pour moderniser, rendre encore plus efficace cette loi, mais nous allons continuer à assurer les productrices et les producteurs, les pêcheurs du Québec et les transformateurs que nous allons protéger cette loi, que nous allons protéger notre pierre d'assise du développement agroalimentaire au Québec. Et nous le ferons avec toute l'énergie nécessaire parce que l'agroalimentaire, c'est une industrie qui pousse, au Québec. M. le Président, merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Je vais reconnaître maintenant le prochain intervenant. Il s'agit de M. le président de la commission de l'aménagement du territoire, le responsable de l'opposition officielle des dossiers de l'agriculture et député du comté de Richmond. M. le député, la parole est à vous.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Alors, je vous remercie, M. le Président. D'abord, vous me permettrez, d'entrée de jeu, de reconnaître avec le ministre qu'il s'agit là d'un projet de loi technique, plutôt complexe et que le défi pour nous est probablement, en nous adressant à cette Chambre, de s'assurer que les gens qui vont nous écouter vont bien comprendre et bien saisir toute la portée des modifications législatives qui nous sont proposées par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Et, M. le Président, je pense qu'il faut également, à ce moment-ci de nos travaux, vous indiquer, afin que les gens en soient tous bien conscients, que nous travaillons présentement sur une pièce maîtresse du développement de l'agriculture au Québec, qui est la loi sur la Régie des marchés agricoles. On sait, M. le Président, que cette loi, cette façon de faire, a propulsé l'agriculture québécoise vers des sommets, des sommets au plan de l'efficacité et des sommets sur le développement de l'agriculture sur l'ensemble du territoire québécois.

(16 h 30)

Conséquemment, vous comprendrez, M. le Président, qu'on ne s'improvise pas à modifier une loi aussi complexe et une loi qui permet une mise en marché ordonnée de nos produits, et qui, dans la majorité des secteurs de l'activité agricole au Québec, joue un rôle très important.

Conséquemment, c'est avec beaucoup de détermination que nous entreprendrons les travaux au cours de la soirée, en commission parlementaire, afin d'étudier article par article un projet de loi qui en comporte de nombreux, articles, et qui ont tous des incidences sur les différents secteurs de l'activité sur le territoire québécois, en agriculture plus particulièrement.

M. le Président, faut-il rappeler que ce projet de loi abroge la Loi sur les grains et transfère les responsabilités du gouvernement en rapport avec cette loi vers la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. Il modifie également la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés de même que la Loi sur la protection sanitaire des animaux. Enfin, il modifie certaines dispositions législatives de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche afin de s'ajuster aux structures mises en place par la Loi sur la justice administrative et la loi sur l'application de cette dernière.

L'abolition de la Loi sur les grains, la modification prévue dans la Loi sur la protection sanitaire des animaux, la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés ainsi que les modifications prévues à la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche dans ce projet de loi sont, en fait, des révisions aux mécanismes de ces lois afin de concentrer le développement des marchés et de la mise en marché collective vers une seule structure, soit la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec.

Je ne reprendrai pas ici, M. le Président, toutes les explications qui ont été données par le ministre sur le rôle, comme tel, de la Régie. Je me contenterai, tantôt, de donner peut-être les trois grands volets de son activité. Mais le projet de loi, qui abroge la Loi sur les grains, vient donc transférer les responsabilités vers la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec. Il modifie également, ce projet de loi, la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés afin de confier au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation la responsabilité de délivrer les permis qui sont prévus et de regrouper dans la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche les pouvoirs de la Régie concernant notamment la fixation du prix du lait et l'administration du régime de garantie de solvabilité des acheteurs de lait.

D'ailleurs, le projet de loi prévoit que le ministre devra pour l'émission d'un permis avoir obtenu un avis favorable de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec sur les éléments mentionnés à l'article 43.1 introduit à la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche au chapitre M-35.1, M. le Président.

Je veux lire cet article 43.1 parce qu'il est un article important à l'intérieur du projet de loi qui nous est proposé. Et ça dit: «La Régie doit, à la demande du ministre, lui donner l'avis requis par l'article 32 de la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés; cet avis porte sur les conditions de mise en marché existant dans le secteur d'activité visé par la demande, les conditions d'approvisionnement en lait des usines de transformation et les effets possibles de la délivrance du permis sur l'industrie laitière et les consommateurs.» Fin de l'article 43.1.

Ce projet de loi modifie également, M. le Président, la Loi sur la protection sanitaire des animaux afin de transférer à la Régie la responsabilité d'encadrer la solvabilité des exploitants des établissements de vente aux enchères d'animaux vivants. J'y reviendrai également tout à l'heure.

Enfin, ce projet de loi modifie la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche afin d'y intégrer les dispositions pertinentes des lois précitées, d'introduire des mesures permettant – nous l'espérons – d'alléger le fonctionnement de la Régie et de rendre conforme le libellé de certaines dispositions aux structures prévues dans la Loi sur la justice administrative et la Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative.

Alors, M. le Président, vous me permettrez de relever quelques-uns des propos tenus par le ministre et concernant l'adoption de ce projet de loi que nous avons devant nous. Évidemment, il y a des objectifs généraux dans la loi, qui consistent plus particulièrement à éliminer certaines dispositions redondantes qu'on retrouve dans certaines lois actuellement et à transférer à la Régie des marchés agricoles et alimentaires le pouvoir réglementaire attribué au gouvernement. Je pense que c'est surtout là, M. le Président, la nature de l'application de la loi que nous avons devant nous, qui vise, là, à transférer à la Régie des marchés agricoles le pouvoir réglementaire qui, actuellement, est attribué au gouvernement.

Un des objectifs que le ministre nous dit poursuivre est de transférer la responsabilité d'encadrer la garantie de solvabilité des établissements servant à la vente aux enchères des animaux vivants mais aussi d'alléger, nous dit-il, le fonctionnement de la Régie. Ça, M. le Président – j'ai écouté le ministre, tantôt – évidemment, il serait intéressant de l'entendre en commission parlementaire, à l'étude article par article, afin qu'on puisse vérifier si, vraiment, ces intentions gouvernementales vont se traduire par des gestes concrets qui vont permettre d'alléger le travail de la Régie.

Et, M. le Président, le ministre nous a dit également avoir largement consulté le milieu du secteur agroalimentaire québécois sur les intentions législatives de son gouvernement. Alors, il serait intéressant également de voir dans quelle mesure les gens qui ont été consultés par les officiers du ministère ont réagi à ces propositions. Évidemment, nous avons, de notre côté, effectué quelques consultations. Le ministre nous a indiqué, dans les propos qu'il a tenus tantôt, que l'accueil avait été généralement favorable aux explications qui avaient été fournies.

Il serait intéressant, M. le Président, puisque le ministre nous dit que ça a été généralement favorable, qu'il puisse nous faire part des groupes qui ont fait part d'objections ou qui ont fait part de mesures visant à modifier le point de vue ou les intentions qui étaient présentées par son ministère et qu'on retrouve à l'intérieur de ce projet de loi là que nous avons devant nous. Évidemment, ça nous permettrait, M. le Président, puisque, on le voit, il n'y aura pas de consultations, ni particulières ni générales, à l'intérieur de ce projet de loi, le ministère ayant lui-même effectué ses propres consultations...

Il serait intéressant et, je dirais, éclairant pour les membres de cette Assemblée qu'on puisse connaître du ministre les réactions officielles que le ministère de l'Agriculture a pu obtenir suite aux propositions qui étaient mises de l'avant, et, en toute transparence, nous faire part également des objections ou encore des améliorations qui ont été faites par les différents groupes, et également nous indiquer s'il a l'intention, à l'intérieur de l'étude article par article en commission parlementaire, de tenir en compte ces propositions qui lui ont été faites par le milieu agroalimentaire québécois au cours des dernières semaines.

Évidemment, M. le Président, je vous disais tantôt qu'on s'adresse ici à un des outils fondamentaux qui guident toutes les interventions dans le secteur agricole québécois, qui est l'existence de la Régie des marchés agricoles et, donc, tout le secteur de la mise en marché de nos produits. Je pense qu'il est important de rappeler, même si le ministre l'a lui-même indiqué, quels sont les principaux mandats de la Régie des marchés agricoles.

Il faut rappeler que, en premier lieu, le premier mandat, c'est de favoriser une mise en marché efficace et ordonnée des produits agricoles, alimentaires et de la pêche. M. le Président, c'est important de le souligner parce que, comme je vous disais, c'est un outil de premier calibre pour nous aider à faire du développement agricole québécois.

Le deuxième mandat de cette Régie, c'est de favoriser le développement de relations les plus harmonieuses possible entre les différents intervenants dans la mise en marché de ces produits. Et il faut connaître le secteur pour reconnaître qu'il s'agit là d'un rôle très important de la Régie, puisque les intervenants, qui sont souvent des partenaires à l'intérieur de ces conventions qui sont négociées, ont souvent des intérêts qui doivent être l'objet d'interventions, ou de médiations, ou d'interventions particulières de la Régie pour arrimer les points de vue.

Et, finalement, je dirais que le troisième grand mandat de la Régie, c'est celui d'être chargée de régler les différends qui surviennent entre les divers intervenants dans le cadre de la production et de la mise en marché de produits agricoles, alimentaires et de la pêche.

(16 h 40)

Alors, c'est donc un secteur qui est en continuelle mouvance, M. le Président, puisque, quand il y a négociation comme celle-là de nouvelles conventions, il faut s'attendre à ce que les différents partenaires fassent part de leurs intérêts, qui, parfois, sont divergents mais qui doivent tous converger par ailleurs vers une mise en marché ordonnée et qui permettent à tous les intervenants de trouver leur compte à l'intérieur des dispositions qu'on retrouve dans les différentes conventions.

Par conséquent, quand on arrive à toucher à ces outils fondamentaux qui sont la base même de tout notre développement dans le secteur agricole, il nous faut, vous comprendrez, agir avec vigilance, et s'assurer que les mesures que nous proposons vont permettre d'améliorer les conditions à l'intérieur desquelles tous ces gens interviennent, et faire en sorte que, à l'intérieur d'un monde des plus compétitifs dans le secteur agroalimentaire, les outils dont tous les intervenants disposent correspondent vraiment au monde moderne dans lequel nous sommes et aux impératifs de la compétitivité internationale qui se manifeste, qui s'est manifestée au cours des 10, 15, 20 dernières années mais qui est encore plus omniprésente que jamais, M. le Président, avec des négociations qui interviennent maintenant au niveau international.

On se doit absolument, comme législateurs en cette Assemblée, de s'assurer que les moyens que nous mettons à la disposition de nos producteurs, productrices mais aussi des transformateurs, des gens qui sont sur la ligne de distribution également... d'avoir les meilleurs outils, les outils les plus performants qui vont nous permettre de rivaliser avec l'ensemble de ceux et celles qui, sur notre planète au complet, tentent de conquérir des marchés, dont le nôtre, de s'assurer, donc, que nos produits, ici même, fassent face à la compétition internationale, mais aussi et, je dirais, particulièrement dans ce contexte de mondialisation des marchés, de s'assurer que ces outils-là permettent de percer des nouveaux marchés et que, ma foi, également, ça stimule le développement économique, rappelons-le. Parce que c'est une autre finalité de tous ces outils qu'on met à la disposition des gens, de nous assurer qu'on fasse du développement économique, qu'on crée, dans les différentes régions concernées par le secteur agricole, des emplois, qu'on crée une richesse, M. le Président, qui va nous permettre, au Québec, de continuer, à l'intérieur de nos vies, à avoir un niveau de vie qui est enviable dans le monde entier.

Mais tout ça, comme on le sait, dépend de nombreux outils, et, ma foi, je pense qu'à l'intérieur du projet de loi nous retrouvons plusieurs éléments avec lesquels il sera facile de nous entendre avec le gouvernement et d'autres sur lesquels nous pourrons vérifier jusqu'à quel point on va pouvoir appliquer ce que nous disait le ministre tantôt, c'est-à-dire son haut niveau d'ouverture pour des modifications ou des échanges qui nous permettraient de bonifier le projet de loi que nous présente le ministre.

Faut-il rappeler également, M. le Président, que le projet de loi qu'on a devant nous apporte des changements qui ne sont pas négligeables au système de garantie de solvabilité qui va être donné aux gens qui vendent des produits afin de s'assurer qu'ils puissent être payés, plus particulièrement au niveau des animaux qui sont vendus dans nos systèmes d'enchères au Québec? On sait que, là encore, la Régie des marchés agricoles a pu, dans le passé, si on veut, là, appliquer des systèmes de garantie de solvabilité, par exemple, pour les acheteurs de céréales, les acheteurs de bovin, les acheteurs de lait. Dans le fond, ce que nous propose, si j'ai bien compris, le ministre, c'est comme, par voie d'extension, appliquer ces systèmes-là, qui ont fait leurs preuves dans d'autres productions, aux animaux vendus aux enchères au Québec et également au niveau de toute la vente des grains. Nous verrons également en commission quelles sont les précisions que peut nous apporter le ministre là-dessus.

Le projet de loi qu'on a devant nous également, M. le Président, projet de loi n° 41, vient évidemment modifier les responsabilités du ministre quant aux lois qui sont touchées. Le ministre doit donc assurer la salubrité des établissements de vente aux enchères d'animaux vivants et mettre en place des mesures qui assurent la santé des animaux transitant dans ces établissements. Alors, c'est sûr que la loi qu'on a devant nous vient de façon assez majeure changer le rôle du ministre, également le rôle de la Régie des marchés qui vient se voir confier de nombreuses responsabilités qui étaient autrefois ciblées à l'intérieur de la Loi sur les grains.

Alors, conséquemment, nous verrons en commission l'ensemble de toutes ces responsabilités qui sont transmises, d'une part, à la Régie des marchés agricoles du Québec et d'autres responsabilités qui appartenaient à la Régie et qui vont, elles, être transférées au ministre. Et il faut voir également – M. le Président, vous le comprendrez – que, chaque fois que le législateur se propose d'intervenir par le biais de lois, il faut toujours demeurer prudent pour voir si les intentions qu'on retrouve dans les projets de loi qui nous sont présentés vont se traduire par les effets escomptés sur le terrain. Alors, c'est très certainement un exercice auquel on va s'adonner pendant plusieurs heures, au cours de la soirée. Et nous allons nous inscrire dans un processus constructif de bonification de ce projet de loi que nous avons devant nous.

Et une des choses que nous allons tenter de vérifier avec le ministre, puisqu'il nous a indiqué tantôt, et je cite au texte: «Il faut bien reconnaître que, par contre, tout réglementaire qu'il soit, le régime d'intervention de la Régie dans le cadre de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche est plus rapide et plus souple que celui du gouvernement en vertu de la Loi sur les grains»... Alors, c'est sûr que ce transfert de responsabilités qu'on retrouvait dans la Loi sur les grains à la Régie des marchés agricoles sera objet de vérification en commission parlementaire pour voir si vraiment ce que le ministre nous indique, soit que le processus va être plus rapide et plus souple, va se retrouver comme effet sur le terrain, une fois que la loi pourra être mise en application.

Ce projet de loi, dans le fond, M. le Président, vient finaliser la fusion de la Régie des grains à la Régie des marchés agricoles et alimentaires, fusion qui a été administrativement réalisée au cours de 1987. C'est donc dire que ça vient mettre, dans le fond, un point final à cette fusion qui avait été amorcée à ce moment-là. Et nous aurons l'occasion de voir, encore en commission, comment la mise en application va pouvoir s'effectuer le mieux possible, nous l'espérons. Et enfin, les différents articles du projet de loi auxquels nous allons référer constituent, dans le fond, la mécanique qui va nous permettre de nous assurer que la transition s'effectuera adéquatement et que les effets escomptés se retrouveront sur le terrain.

M. le Président, le projet de loi que nous avons devant nous modifie également la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés. Le projet de loi qui nous intéresse, que nous avons devant nous vient donner au ministre – et ça, c'est nouveau – la responsabilité des permis nécessaires pour assurer l'innocuité et la salubrité des produits laitiers et des succédanés de produits laitiers. Alors, ça, c'est quelque chose qui est nouveau, qui était sous la surveillance de la Direction des aliments du ministère de l'Agriculture, auparavant, mais administré par la Régie. Ces permis seront maintenant transférés à la responsabilité du ministre. Et ils sont nombreux, M. le Président, ces permis. On parle ici de milliers de permis. Le ministre en a fait la nomenclature tantôt. Je reviendrai tantôt sur ce sujet des permis, puisque le projet de loi que nous avons devant nous a des incidences au plan financier. J'aimerais qu'on puisse y revenir un peu plus tard.

Alors, M. le Président, le projet de loi qu'on a devant nous vise également, comme je l'ai indiqué, à apporter quelques modifications à la Loi sur la protection sanitaire des animaux. Il faut dire que ce qui est proposé au niveau par exemple de la solvabilité financière des vendeurs aux enchères d'animaux vivants est déjà, comme je l'indiquais tantôt, exploré ou est déjà en voie d'exécution dans d'autres secteurs de l'activité, au niveau par exemple des producteurs de bovins, de lait et de céréales. Alors, le ministère pourra certainement, M. le Président, s'assurer de la salubrité. Et la Régie, forte de son expérience du passé, pourra très certainement, à mon avis, trouver la meilleure façon d'assurer toutes les garanties de solvabilité des établissements de vente afin que tout le monde soit assuré de toucher les sommes auxquelles il est en droit de s'attendre à l'intérieur des transactions qui se vivent, je dirais, d'une façon non seulement hebdomadaire, mais quotidienne dans le secteur de l'agroalimentaire au Québec.

(16 h 50)

Et, M. le Président, le ministre nous a dit que son projet de loi pourrait corriger certains problèmes qu'on impose aux établissements de vente aux enchères, par exemple un fardeau administratif qui est important. Nous disons, de ce côté-ci, qu'il convient d'éliminer ces fardeaux-là carrément – puisqu'on touche à la loi, qu'on soit capable de les éliminer – et qu'il faut garantir au producteur vendeur que les animaux vendus lui seront effectivement payés. Alors, pour nous, c'est des objectifs que nous partageons avec le ministre, je veux ici le mentionner.

M. le Président, certainement qu'à l'intérieur de ce projet de loi qui vient modifier la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche nous aurons des explications importantes à demander au ministre sur la réduction de trois à deux du nombre de régisseurs mobilisés pour entendre les affaires ne faisant pas l'objet de contestation. Le ministre nous a annoncé qu'il voulait procéder à certaines modifications, et, évidemment, l'article 2 de la loi nous fait, de ce côté-ci de la Chambre, quelques problèmes, je veux immédiatement l'indiquer au ministre.

Évidemment, la question qu'on se pose, c'est: Pourquoi, à part pour des raisons d'économies – parce que le ministre nous indique que la Régie des marchés agricoles va réaliser des économies en passant de trois régisseurs à deux régisseurs sur certaines causes – est-ce qu'il faudrait réduire de trois à deux le nombre de régisseurs pour entendre certaines causes?

Je pense que ce n'est pas très bien expliqué à l'intérieur du projet de loi. Et, de ce côté-ci, nous croyons, M. le Président, que la présence de trois régisseurs nous donne une espèce de police d'assurance quant à la justesse, quant à la qualité et, je dirais, à la diversité de la compréhension de la problématique qui est sous examen par la Régie. Je pense que ça, ce n'est pas négligeable et que la façon de procéder présentement, à trois régisseurs, a permis à ce jour d'assurer un haut niveau de crédibilité à la Régie des marchés agricoles. Et, M. le Président, il faut suivre ce secteur d'activité de façon rapprochée pour constater jusqu'à quel point la crédibilité de la Régie des marchés est importante, je dirais même indispensable à son efficacité. Alors, je pense qu'il faut être vigilant avant de changer ce que j'appellerais une formule gagnante dans ce secteur. À trois régisseurs présentement, nous retrouvons des décisions qui sont rarement l'objet de contestation, et ce qui fait en sorte que la crédibilité comme telle de la Régie n'est plus à faire.

Alors, certainement que le ministre pourra nous indiquer quels sont les motifs autres que ceux qui seraient des motifs d'ordre budgétaire, qui viennent améliorer, si on veut, la performance sur le plan budgétaire de la Régie, donc de réduire ses coûts. J'aimerais que le ministre explicite davantage ces avantages qu'il retrouve à réduire de trois à deux le nombre de régisseurs pour étudier certaines problématiques qui, dois-je le rappeler, sont souvent contentieuses et d'une complexité qui, à mon avis, permettent qu'on puisse retrouver à ces tables-là trois régisseurs, ce qui donne une diversité de la compréhension de cette problématique-là, qui me paraît, dans certains cas, indispensable.

Alors, M. le Président, je voudrais également, si vous le permettez, revenir à quelques autres points qu'on retrouve à l'intérieur du projet de loi et vous indiquer que plusieurs d'entre eux nous seront confirmés lors de notre étude en commission, dans l'article par article.

Je veux également rappeler que le ministre nous a indiqué que la Régie, avec l'application de ce projet de loi qu'on a devant nous, pourrait réduire son coût de fonctionnement – je viens de le dire tantôt – mais le ministre semble avoir négligé le fait que la Régie se voit confier aussi des responsabilités additionnelles transférées par l'abrogation de la Loi sur les grains. Alors, je ne suis pas sûr de l'analyse qu'a faite le ministre, que le global de l'application de cette loi-là va être une réduction d'une induction du coût de fonctionnement de la Régie. Je ne suis pas assuré de ça. Enfin, on pourra voir si, véritablement, on peut y arriver sans nuire au travail, à l'efficacité de la Régie des marchés agricoles.

Ce projet de loi, M. le Président, aura de nombreux impacts sur la Régie, on vient d'en parler. Il aura également de nombreux impacts sur le ministère, puisqu'il y a des responsabilités nouvelles qui vont incomber au ministre.

Mais il y a un secteur que nous allons questionner également dans l'article par article, et j'espère que le ministre sera ouvert sur cette question, puisqu'il nous a indiqué tantôt qu'il – je pense, oui – pourrait mettre en place des mécanismes de récupération des coûts de délivrance et de vérification des permis délivrés. Parce qu'on sait, M. le Président, que toute cette question de délivrance et de suivi des permis à l'intérieur de la Régie, présentement, ne fait pas ses frais. Donc, ce qu'est en train de nous dire le ministre, c'est qu'on va trouver une façon de récupérer quelque part ces frais, comme suite pour l'émission et le suivi des permis.

Faut-il rappeler, M. le Président, que c'est des milliers de permis, et évidemment l'opposition veut exiger du ministre de savoir à qui va incomber la facture. On parle, pour l'essayeur de lait à la ferme, de 3 000 permis qui sont en vigueur. Le ministre nous a parlé du transport du lait en vrac tantôt, du distributeur de lait à domicile et chez les détaillants, c'est plus de 1 100 permis, et de la vente en gros des succédanés de produits laitiers. Il nous a parlé également des fabricants de beurre et de fromage. Enfin, c'est des milliers de permis.

Alors, il serait intéressant de savoir comment le ministre a l'intention de répartir les coûts et s'il peut déjà nous donner une idée de ce en quoi ça va consister, puisqu'il nous dit que la Régie ne fait pas ses frais à ce niveau. Alors, il serait intéressant de l'entendre sur cette question. Alors, nous essaierons donc de mesurer... Et, M. le Président, évidemment, pour nous, ce qui est très important... On a parlé des impacts sur la Régie, des impacts sur le ministre, vous me permettrez également de vous indiquer jusqu'à quel point il est important de mesurer les impacts sur la clientèle. Alors, nous essaierons de mesurer cet impact-là du projet de loi dans l'étude article par article, en commission parlementaire.

Et vous me permettrez, avant de terminer, d'attirer votre attention sur certains problèmes que nous fait le projet de loi. Je vous indiquais tantôt que l'article 2 constituait pour nous un problème. Je veux le reprendre ici. L'article 2, au paragraphe... pardon, à l'article 11, M. le Président. Oui, l'article 11, puisque l'article 2, j'en ai déjà parlé. Je pense que c'est important que le ministre sache que nous aurons des échanges tantôt, en commission parlementaire, en soirée, sur l'article 11, à 40.5, où il est indiqué que:

«La Régie peut fixer par règlement le prix de tout produit laitier dans les limites de tout territoire qu'elle désigne. La Régie doit auparavant inviter, de la façon qu'elle juge appropriée, les intéressés à lui présenter leurs observations selon les modalités qu'elle juge appropriées, y compris en séance publique.

«Pour prendre sa décision, la Régie doit tenir compte de la nature du produit, de ses conditions de production, de transport, de transformation et de livraison et de l'utilisation qui en est faite par les marchands de lait ainsi que des intérêts des producteurs, des marchands de lait, des distributeurs et des consommateurs.»

Enfin, M. le Président, je veux indiquer que, pour nous, il y a un point important qui manque à l'intérieur de cet article, qui serait un des éléments que la Régie devrait prendre en compte, qui serait celui de la valeur du produit. On aura l'occasion, en commission, d'échanger avec le ministre là-dessus. Mais, pour nous, ça nous paraît important qu'il ajoute à ces balises que se voit fixer la Régie par le projet de loi celle de la valeur comme telle du produit qui est concerné dans l'article 11, à 40.5. Donc, c'est une disposition à laquelle, évidemment, nous allons vouloir nous arrêter tout à l'heure.

(17 heures)

Nous sommes, par ailleurs, M. le Président, en accord avec plusieurs articles du projet de loi qui viennent rafraîchir nos textes de loi – le ministre le disait avec beaucoup d'à-propos tantôt – en préciser d'autres, les adapter aux changements intervenus, entre autres au plan de l'application de la Loi sur la justice administrative, je pense que ça va de soi. Il y va de soi également de certains ajustements comme suite au vécu de la Régie des marchés agricoles. L'article 7 en constitue un bel exemple: en cas de déchéance d'un administrateur d'un office de producteurs, toute décision de l'office à laquelle cette personne a participé après la déchéance prononcée par la Régie devient – actuellement, là – invalide et nulle. Alors, il faut permettre, je crois, M. le Président, des ajustements, et je pense que c'est tout à fait à propos, et nous serons d'accord avec les articles de cette nature que nous retrouvons à l'intérieur du projet de loi.

Je vais également, M. le Président, en terminant, indiquer au ministre qu'un autre article, chez nous, fait problème, qui est l'article 36 de la loi où, si j'interprète bien l'article et que je le lis par rapport à la loi actuelle, ma conclusion en serait que la Régie me semble vouloir se soustraire de l'application de sa propre loi pour les articles 28 et 40.5 et une partie de l'article 54 de la loi actuelle. Alors, nous allons y voir de plus près en commission. Certaines dispositions relatives à la publication en vertu de la Loi sur les règlements ne s'appliqueraient plus, alors nous croyons que le ministre devrait justifier très clairement en commission les motifs qui l'inspirent et qu'est-ce que ça va apporter de plus qu'on puisse, comme ça, soustraire la Régie à l'application de certains articles de la Loi sur les règlements.

Alors, vous comprendrez, M. le Président, que, comme il s'agit de toucher à des outils qui sont fondamentaux, qui sont déterminants dans une approche de haute compétitivité et de haute performance, je pense qu'il faut être vigilant et j'espère que, comme l'indiquait le ministre tantôt, il sera tout ouïe tout à l'heure en commission et que nous pourrons agir avec lui afin que nous puissions bonifier certains articles du projet de loi.

Et je vais immédiatement indiquer au ministre que le principe, pour nous, M. le Président, ne fait vraiment pas de problème et que nous rejoignons les objectifs que poursuit le gouvernement à l'intérieur du projet de loi. Nous pourrons maintenant voir en commission, avec les détails que nous obtiendrons, si nous sommes en mesure de conclure qu'il est suffisamment bonifié, ce projet de loi, et suffisamment apte à répondre aux besoins du secteur agroalimentaire québécois pour que nous l'appuyions en troisième lecture. C'est le voeu que je formule maintenant, que nous puissions travailler en commission à le bonifier au maximum pour que, de chaque côté de la Chambre, nous puissions adopter de façon positive ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Richmond et critique officiel de l'opposition en matière d'agriculture, pêcheries et alimentation. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 41? M. le ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique?

M. Trudel: Non.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Non? Alors, le principe du projet de loi n° 41, Loi abrogeant la Loi sur les grains et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

M. Brassard: Oui. Alors, M. le Président, je voudrais faire motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Brassard: Et, M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre: projet de loi n° 35, Loi modifiant la Loi sur le mérite agricole, projet de loi n° 41, Loi abrogeant la Loi sur les grains et modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Là-dessus, M. le Président, je vous demanderais...

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 18?

M. Brassard: Je vous réfère à l'article 18.


Projet de loi n° 48


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 18 de votre feuilleton, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose l'adoption du principe du projet de loi n° 48, Loi sur le Bureau d'accréditation des pêcheurs et des aides-pêcheurs. Y a-t-il des interventions sur l'adoption projet de loi n° 48? M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. C'est à titre de ministre désigné dans la deuxième particule du descriptible, de ministre des Pêcheries, que j'interviens aujourd'hui pour présenter ce projet de loi n° 48 qui vise à créer le Bureau d'accréditation des pêcheurs et des aides-pêcheurs au Québec. Ce projet de loi reflète en quelque sorte l'engagement que nous avons pris au cours des derniers mois et des dernières années et l'engagement pris également, sauf erreur, par d'autres gouvernements dans d'autres régimes précédents sur la reconnaissance ou encore la professionnalisation des pêcheurs et aides-pêcheurs au Québec.

M. le Président, comme on dit communément, sans vouloir élever à un niveau trop haut la taquinerie, il y en a certains qui en parlent pendant longtemps puis il y en a d'autres qui le font. Alors, nous autres, on le fait parce que nous nous étions engagés à reconnaître le statut de pêcheur et d'aide-pêcheur au Québec à l'intérieur d'une loi, et nous allons le faire, je le souhaite vivement et j'en suis presque assuré, avec la collaboration de l'opposition pour reconnaître la profession de pêcheur et d'aide-pêcheur et toute la mécanique que nous devrons mettre en place pour assurer cette responsabilité à partir du corpus législatif du gouvernement du Québec et pour en assurer la mise en application avec les associations et les représentants des pêcheurs et des aides-pêcheurs au Québec.

M. le Président, c'est l'objet même du projet de loi n° 48, et ce projet de loi, il est donc l'aboutissement d'une démarche qui a été entreprise au début des années quatre-vingt-dix – alors, vous voyez pourquoi je fais appel à nos engagements successifs, mais qui vont aboutir aujourd'hui – par différents gouvernements, donc une démarche qui avait été entreprise en 1990 à la demande de l'Alliance des pêcheurs professionnels du Québec, et il assure par ailleurs non pas la promesse mais l'engagement que nous avons pris pendant la dernière campagne électorale. Tout le monde sait que, de ce côté-ci de la Chambre, on dit ce que l'on fait et l'on fait ce que l'on dit. Aujourd'hui, nous passons à l'action, nous allons proposer la reconnaissance de la profession de pêcheur et d'aide-pêcheur à travers la création du Bureau d'accréditation de ces professionnels au Québec dans les régions maritimes du Québec.

M. le Président, nos pêcheurs exploitent les ressources marines dans tout le golfe Saint-Laurent, au large des côtes du Québec et dans l'Atlantique. Ils font face à trois défis importants: l'exploitation des ressources halieutiques, qui est dans les principes mêmes d'une pêche responsable, l'amélioration des conditions de travail à bord des navires et les développements technologiques. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le préciser, on ne reconnaît pas, généralement, que le Québec soit une province maritime, mais c'est la plus maritime des provinces à travers le Canada, puisque, en termes de littoral, nous possédons 12 500 km. Il y a peu de gens qui ignorent cette donnée-là.

Ce sont 12 500 km de littoral avec la mer, lorsqu'on prend la baie d'Ungava, la baie d'Hudson et évidemment tout le golfe Saint-Laurent, tout le pourtour de la Gaspésie, et de l'île d'Anticosti, et des Îles-de-la-Madeleine, 12 500 km de rive, de littoral qui font en sorte que nous sommes, à cet égard, en termes d'accès, la province la plus maritime à travers le Canada. C'est pourquoi, en termes d'accès à cette ressource, de sa protection, de son renouvellement, il nous faut encadrer l'exercice de la responsabilité, l'exercice des interventions, l'exercice du travail de pêcheur et d'aide-pêcheur sur nos différents bâtiments, sur nos différents navires, nos différents types de navire, dans les différents types de flottilles qui sont sous la responsabilité du gouvernement du Québec en termes non pas d'accès à la ressource mais en termes de prélèvement de la ressource, puisque, dans le domaine des pêches, il faut se souvenir qu'en 1983 le gouvernement fédéral a posé un geste unilatéral et qu'il s'est réaccaparé la responsabilité qui avait été déléguée aux provinces, et en particulier au Québec, qu'il s'est réapproprié la responsabilité constitutionnelle qu'il avait déléguée au Québec en termes de prélèvement des différentes ressources halieutiques au Québec.

(17 h 10)

Depuis ce temps, M. le Président, c'est le gouvernement d'Ottawa qui exerce sa responsabilité constitutionnelle. Oui, il faut bien le reconnaître, c'est inscrit formellement dans la Constitution que les autorisations de prélèvement des ressources halieutiques au Québec, c'est la responsabilité du gouvernement fédéral. Mais, après avoir posé un geste de confiance envers le Québec, eh bien, on a retiré cette délégation de pouvoir, en 1983. Si bien qu'aujourd'hui le Québec est responsable du prélèvement, de la transformation, de la commercialisation et de la consommation des produits marins au Québec, mais n'a pas d'emprise sur les quotas, sur les différents contingents de pêche.

Et j'aurai l'occasion très certainement d'y faire quelques allusions dans la présentation du présent projet de loi parce que nous sommes, à cet égard-là, M. le Président, dans l'entre-deux, en quelque sorte. Parce que, après que, tout récemment, il y a un mois à peine, le gouvernement fédéral a été en mesure de se prononcer pour accorder les différents contingents pour le prélèvement de la ressource de la crevette du nord, encore une fois, le Québec a été négligé. Et on n'a pas respecté les parts historiques qui ont été accordées au Québec en termes de prélèvement de cette ressource puisque, malgré l'augmentation des contingents de crevettes, en particulier dans les zones où on peut prélever ce qu'on appelle la crevette du nord, eh bien, nous détenons 20 % des permis de pêche dans ce lucratif secteur de prélèvement de nos ressources marines, on ne nous a accordé que 1,6 % de toute la ressource et l'augmentation de la ressource qui avait été identifiée, pour en accorder quelque chose comme 98 % aux pêcheurs de Terre-Neuve.

M. le Président, c'est d'autant plus désolant que nous avons pu constater que, l'an passé, les pêcheurs de Terre-Neuve, les entreprises de Terre-Neuve ont loué des bateaux, ont sous-contracté des installations et des bâtiments québécois pour aller prélever de la ressource qu'ils étaient incapables de prélever, compte tenu des limitations de leurs bâtiments et des capacités de prélèvement de leurs bâtiments, de leurs navires et des différents éléments de leur flottille. Alors, M. le Président, je comprends qu'ils n'étaient pas en mesure d'aller faire le prélèvement au complet de crevettes du nord, puisque nous détenons 3,5 permis sur les 17 qui sont accordés dans toute la région atlantique, ce qui correspond à 20 % des permis de prélèvement. Mais, cependant, lorsqu'on arrive à accorder les quotas, les contingents pour les pêcheurs du Québec, eh bien, ce n'est plus 20 %, c'est 1,6 %. J'ai eu l'occasion de dénoncer cette situation.

J'espère, M. le Président, que, cette semaine, le ministre fédéral des Pêches, qui sera appelé à publier le plan de pêche dans le domaine des poissons de fond, en particulier pour la morue... qu'enfin cette semaine on pourra connaître un peu plus de justice, puisque le Conseil canadien des ressources halieutiques vient de recommander la reprise – modeste, cela va de soi – de la pêche à la morue dans le golfe Saint-Laurent, qui est interdite depuis 1993 maintenant. Et le Conseil canadien des ressources halieutiques a recommandé au ministre d'accorder un minimum de 6 000 tonnes, au niveau de la reprise des pêches commerciales à la morue, pour cette année, dans le golfe du Saint-Laurent, et de 7 500 autres tonnes dans les zones un peu plus éloignées auxquelles nous avons accès.

Nous espérons, M. le Président, que, cette semaine, les pêcheurs du Québec seront non seulement entendus, mais écoutés, parce qu'il s'agit là d'un élément extrêmement important. Nous qui avons souffert depuis 1993 non seulement bien sûr de ce moratoire sur le poisson de fond, et en particulier sur la morue, mais également qui avons souffert lourdement de toute cette remise en cause, de cette remise en question de ce régime d'assurance-emploi qui a fait en sorte que nos pêcheurs et aides-pêcheurs et ceux et celles qui sont reliés à l'industrie de la pêche, dans nos régions maritimes du Québec, sur la Basse-Côte-Nord, la Moyenne-Côte-Nord, la Haute-Côte-Nord, la Gaspésie, le Bas-Saint-Laurent, les Îles-de-la-Madeleine, ont souffert de ce régime parce qu'il était, on l'a vu à Ottawa, contre-productif, inéquitable pour les travailleurs saisonniers dans différents secteurs d'activité économique...

On l'a vu, M. le Président, ce régime, il a constitué essentiellement une politique de prélèvement d'argent dans la poche des travailleurs pour constituer des surplus qui, eux, ont servi à réduire l'endettement irresponsable du gouvernement d'Ottawa. Comme disait quelqu'un dans mon comté, M. le Président: Rarement a-t-on vu un chômeur frauder le gouvernement comme le gouvernement a fraudé les chômeurs à l'occasion de la mise en place de ce régime révisé d'assurance-chômage. M. le Président, vous avez vu, dans votre comté, vous aussi, vous avez vu ça partout: du moment qu'il y avait un chômeur qui retirait 5 $ de trop, on s'occupait bien sûr de le traduire devant la Commission de l'assurance-chômage, cet individu qui avait le tort d'avoir retiré 25 $, 35 $, 50 $. Mais, quand il s'agit d'aller prendre des milliards dans la caisse de l'assurance-emploi des travailleurs, des travailleuses, ah! ça, ce n'est pas la même chose. C'est pour ça qu'un chômeur est en mesure de dire aujourd'hui que jamais, jamais un chômeur n'a fraudé le gouvernement comme le gouvernement a réussi à frauder les chômeurs dans la question de l'assurance-emploi.

Et les pêcheurs et les aides-pêcheurs du Québec, ils savent de quoi on parle, M. le Président. J'ai l'occasion de les rencontrer assez régulièrement, les différentes associations de pêcheurs, les représentants de l'Alliance des pêcheurs du Québec, ceux et celles qui oeuvrent au sein de la Fédération des pêcheurs semi-hauturiers du Québec. Ils savent très bien de quoi l'on parle. Et, en plus, le Québec a été obligé de mettre sur pied sa propre politique de soutien financier au maintien de notre capacité de pêche, soit pour les pêcheurs côtiers ou les pêcheurs semi-hauturiers au Québec, parce que nous devions suppléer à cette difficulté qui a été provoquée par le moratoire sur le poisson de fond, mais en particulier aussi par cette politique de l'assurance-emploi, et sur le soutien nécessaire que nous devions apporter pour maintenir notre effort de pêche lorsque – nous l'espérons, cette semaine – il y aura reprise légère mais reprise des pêches commerciales à la morue dans le golfe Saint-Laurent.

Le projet de loi que nous avons devant nous, M. le Président, il vise à reconnaître la profession de pêcheur et d'aide-pêcheur et les qualifications nécessaires à posséder pour avoir un carnet, pour avoir une carte d'intervention qui nous permet d'agir en toute responsabilité sur nos différents types d'engins qui oeuvrent au niveau du prélèvement de la ressource dans les différentes zones qui nous sont accessibles au Québec.

Les pêcheurs québécois exploitent les stocks de produits marins à partir de flottilles de différents catégories. Ils partent en mer pour des périodes allant d'une journée à une dizaine de jours, et parfois plus, M. le Président, lorsqu'ils vont dans le Nord. De mars à novembre, les conditions de navigation dans le golfe Saint-Laurent et dans l'Atlantique sont très variables. Les espaces de travail sont exigus. Les équipages ne peuvent compter que sur eux-mêmes, en cas d'urgence. Premiers soins, santé et sécurité et mesures d'urgence en mer doivent faire partie de leurs constantes préoccupations.

Au cours des dernières années, le développement de la technologie des engins de pêche ainsi que l'introduction des ordinateurs ont profondément changé les exigences des durs métiers de la mer. Les pêcheurs et les aides-pêcheurs doivent acquérir et maintenir leurs connaissances et leurs aptitudes à utiliser ces nouveaux équipements d'une façon constante, M. le Président.

Par ailleurs, le secteur des pêcheries au Québec fait face aux problématiques particulières d'une scolarisation minimale, d'une sous-utilisation des outils de formation disponibles. En effet, malgré la complexité croissante des métiers de la pêche, l'accès à la pêche ne requiert pas actuellement d'exigences formelles de formation. Les artisans du milieu des pêches maritimes sont, en effet, oui, peu scolarisés, formellement. 71 % des pêcheurs ne détiennent aucun diplôme ou formation qualifiante, comme on dit dans le milieu, et seulement 15 % possèdent un Diplôme d'études secondaires, comparativement à 41 % et 24 % pour l'ensemble des secteurs industriels comparables, au Québec.

Le projet de loi que nous présentons aujourd'hui va viser, à moyen terme, à corriger cette situation. Deux programmes de formation sont actuellement offerts à l'ensemble du secteur des pêches. Il s'agit d'abord d'un Diplôme d'études professionnelles en pêche commerciale et également d'un Diplôme d'études collégiales en exploitation et production des ressources marines qui est dispensé par un établissement de niveau collégial, mais qui donne et la formation secondaire et la formation collégiale. Il s'agit du Centre spécialisé des pêches de Grande-Rivière, en Gaspésie. J'ai eu l'occasion de rencontrer l'équipe de direction, des professeurs, des chercheurs, des étudiants, samedi dernier, à Grande-Rivière, en Gaspésie. On peut être fier de ce Centre spécialisé des pêches, qui assure la formation, d'abord, des pêcheurs et aides-pêcheurs, au niveau secondaire et au niveau collégial, qui y effectuent des recherches d'un niveau remarquable, M. le Président, d'un niveau remarquable.

(17 h 20)

Je sais qu'il s'agit d'éléments qui sont peut-être un peu spécialisés, mais, vous savez, lorsqu'on est dans la question de toute la prise du prélèvement de la morue, par exemple, qui fait l'objet d'un moratoire depuis 1993, eh bien, il faut inventer des instruments qui font en sorte qu'on peut prendre des espèces de poissons, mais que, suivant leur taille, on laisse échapper ce qu'on appelle communément les juvéniles. Eh bien, ils ont inventé ça, à Grande-Rivière, M. le Président. Les professeurs, les étudiants, ils ont inventé ça. Ils ont inventé un nouveau verveux, une nouvelle façon, un nouvel équipement que l'on traîne, qui n'endommage pas le fond de la mer et qui permet aux juvéniles de s'échapper tout en retenant les autres espèces d'une taille plus respectable.

J'ai été à même, M. le Président, de constater également les efforts de recherche qui sont réalisés par ces professeurs de l'équipe du Centre spécialisé des pêches à Grande-Rivière, en Gaspésie, qui ont entrepris il y a quelques années des recherches assez approfondies sur toute l'évolution de cette espèce qui s'appelle le homard. M. le Président, la somme de connaissances au niveau des homards est assez réduite, au plan scientifique, dans le monde entier. Et cette somme de connaissances fort réduite, eh bien, on a entrepris, au Centre spécialisé des pêches, d'abord d'augmenter la connaissance au niveau de la reproduction, d'augmenter notre connaissance au niveau de la capacité d'adaptation et le niveau de connaissances au niveau de la possibilité que nous aurions éventuellement d'influer sur le processus et sur la rapidité de croissance des homards, de ces crustacés, au Québec. Bien, encore une fois, M. le Président, on va être les meilleurs dans le monde là-dessus, j'en suis persuadé, parce qu'il y a des efforts assez sensationnels qui sont faits au plan de la recherche scientifique.

Nul doute qu'avec une nouvelle responsabilité au ministère de la Science, de la Technologie et de la Recherche on sera en mesure d'aider également ces équipes spécialisées. Au niveau de la recherche au niveau de l'enseignement supérieur, très certainement que mon collègue le député de Charlesbourg va être en mesure non seulement d'être sensibilisé par son voisin de banquette à l'Assemblée nationale, mais sensibilisé par ces questions importantes.

Et je veux en profiter pour rendre hommage à toute cette équipe des professeurs et des étudiants qui, à Grande-Rivière en Gaspésie, oeuvrent, travaillent dans l'ombre, M. le Président, parce qu'il n'y a pas beaucoup de monde qui connaît cela, il n'y a pas beaucoup de monde qui connaît ce Centre spécialisé. Mais les centres de transfert technologique au niveau collégial, dans ce cas-là, M. le Président, et, je le sais, dans d'autres cas aussi, ça fait des merveilles. C'est exceptionnel en termes de réussite, et il faut en être fier.

Ils offrent, bien sûr, de la formation, par entente avec la commission scolaire, au niveau professionnel au niveau secondaire, mais également la formation collégiale. Il y a une centaine d'étudiants qui, chaque année, y obtiennent des diplômes, et en particulier des diplômes qui sont reliés à des domaines spécialisés: l'aquiculture et la mariculture. Parce que la meilleure façon de contrôler l'évolution de l'industrie, c'est donc de produire la ressource.

Lorsqu'on est en eau douce, on appelle ça l'aquiculture; lorsqu'on est dans la mer, dans l'eau salée, on appelle ça la mariculture, M. le Président. Il y a des équipes qui sont spécialisées au niveau du développement de l'aquiculture, en eau douce, et également de la production en eau salée des différents... en particulier des crustacés, au niveau de la mariculture.

D'ailleurs, une entreprise comme Purmer, à Sept-Îles, M. Gagnon, qui en est le propriétaire, est en train d'initier un projet... enfin, ça fait deux ans qu'il travaille sur son projet, et on va connaître la phase de production commerciale au cours des prochains mois. À Sept-Îles, Purmer et M. Gagnon, le propriétaire, et toute son équipe de professionnels vont lancer, et ont lancé, un vaste projet de mariculture de la moule bleue, M. le Président. La moule bleue, une culture particulière au Québec, nous en produisons déjà en très petite quantité, nous en récoltons à l'état naturel une très grande quantité par ailleurs, mais, là, on va se lancer maintenant dans la production commerciale, en mariculture, de la moule bleue, en particulier avec l'expérience et le travail qui va se réaliser avec l'entreprise Purmer, à Sept-Îles. Et, sans l'ombre d'un doute que tout le travail qui a été fait depuis deux ans et les conditions dans lesquelles nous sommes installés actuellement vont nous permettre d'obtenir des résultats assez probants.

Eh bien, au Centre spécialisé des pêches à Grande-Rivière, en Gaspésie, on travaille aussi là-dessus. On prépare les jeunes, on prépare les professionnels qui non seulement peuvent intervenir au niveau de la recherche, mais au niveau du soutien au développement de la production et de la commercialisation de ces produits également.

M. le Président, il ne faudrait pas non plus oublier qu'au Centre spécialisé des pêches on fait du perfectionnement au niveau des adultes. On l'a dit tantôt, 71 % ne détiennent pas de diplôme professionnel, les gens qui interviennent sur nos navires des différentes flottilles, soit la flottille côtière ou la flottille semi-hauturière. Alors, M. le Président, le Centre spécialisé des pêches, il offre aussi de la formation, et on va faire en sorte que le Bureau d'accréditation des pêcheurs et aides-pêcheurs au Québec, qui, comme par hasard, est logé déjà, en termes de préparation, dans le Centre spécialisé des pêches à Grande-Rivière en Gaspésie... Eh bien, il va y avoir comme une espèce de mariage, M. le Président, pour faire en sorte que l'expérience professionnelle, la reconnaissance des acquis et la reconnaissance de la formation soient administrées quasiment directement sur place pour s'assurer d'une main-d'oeuvre qualifiée et s'assurer aussi des capacités d'intervention sur nos différentes flottilles.

Le concept de professionnalisation des pêcheurs et des aides-pêcheurs, ça a commencé depuis 1990, M. le Président. La surexploitation des espèces, notamment les stocks de morue dans le golfe et dans l'Atlantique, qui a amené au moratoire de 1992 et de 1993, nous a sensibilisés d'ailleurs davantage et a sensibilisé les pêcheurs à cette démarche de responsabilisation, entre autres à l'égard de l'exploitation durable et responsable de nos ressources halieutiques. C'est notamment l'Alliance des pêcheurs professionnels du Québec qui a fait la promotion de ce concept de professionnalisation. L'Alliance était préoccupée de sa reconnaissance en tant que groupe, mais aussi de la reconnaissance de la compétence professionnelle des métiers de la pêche. C'est elle, l'Alliance des pêcheurs professionnels du Québec, qui a demandé au comité sectoriel de main-d'oeuvre des pêches maritimes, lors de sa création à l'automne 1996... Il y avait eu des élections en 1994, le bureau sectoriel de la main-d'oeuvre... Et nous pouvons dire que cette démarche du comité sectoriel de main-d'oeuvre, ajoutée à l'Alliance des pêcheurs professionnels du Québec, eh bien, on a décidé de prioriser cette demande de la reconnaissance professionnelle des pêcheurs.

Le comité a piloté le dossier et a constitué un groupe de travail formé principalement de pêcheurs et d'aides-pêcheurs afin d'actualiser et de matérialiser le concept. Il a aussi mené une vaste consultation auprès des milieux au printemps 1997, à la suite de laquelle tournée de consultation il a déposé à mon ministère une demande pour établir un cadre législatif. Nous y allons aujourd'hui. Comme on dit communément dans le langage, M. le Président, on livre la marchandise.

Déjà, Terre-Neuve a un tel régime en vigueur depuis 1997. Ailleurs, dans les Provinces maritimes et en Colombie-Britannique, la réflexion des pêcheurs, elle poursuit son cours. Le gouvernement fédéral, pour sa part, s'est engagé à inscrire dans son règlement de pêche de l'Atlantique les régimes provinciaux de reconnaissance de la compétence professionnelle. Puisqu'il s'agit d'une responsabilité en termes de permis pour avoir accès à la ressource, une responsabilité fédérale, eh bien, dans son règlement, le règlement du gouvernement fédéral sur le régime des pêches dans l'Atlantique, le gouvernement fédéral, par la voix de M. Anderson, m'a fait savoir qu'ils vont inscrire dans ce règlement... non seulement ils vont souscrire à notre démarche, mais ils vont inscrire dans leur règlement que c'est le Québec, dorénavant, qui est responsable des permis et de la reconnaissance professionnelle des pêcheurs et aides-pêcheurs au Québec.

Le projet de loi n° 48 que je soumets à cette Assemblée vise à permettre au milieu directement concerné d'assurer lui-même la reconnaissance de la compétence professionnelle dans un cadre respectueux des droits des individus. Le projet de loi propose la création du Bureau d'accréditation des pêcheurs et des aides-pêcheurs – dans le milieu, M. le Président, on connaît déjà ça par coeur, ça s'appelle le BAPAP – qui va administrer le régime, reconnaître la compétence professionnelle, reconnaître les acquis, administrer le carnet professionnel des pêcheurs et aides-pêcheurs, et, lorsqu'il y aura pleine application de la loi, eh bien, pour avoir accès à un navire de pêche, on devra être porteur, être muni d'un permis, être muni d'une accréditation à titre de pêcheur ou d'aide-pêcheur.

(17 h 30)

Ce Bureau aura pour mission, donc, d'élaborer et de mettre en oeuvre un régime de reconnaissance de la compétence professionnelle des pêcheurs et des aides-pêcheurs et, à ce titre, il pourra notamment leur délivrer un certificat attestant leur qualification à exercer leur métier selon les exigences de la pêche commerciale. Ce Bureau sera composé de neuf membres qui seront nommés par le gouvernement, dont six pêcheurs, deux aides-pêcheurs qui proviendront, d'une façon égale, des flottilles côtières et semi-hauturières, après consultation des associations représentatives de ces groupes de pêcheurs au Québec.

Ce Bureau d'accréditation sera doté de pouvoirs réglementaires requis pour exercer sa mission. Il devra adopter les règlements appropriés à son fonctionnement et les faire approuver par le gouvernement. Il est aussi prévu, dans un cas de refus de délivrance, de suspension ou de révocation d'un certificat, un droit d'appel – là où est-ce qu'il y a un droit, il y a un droit d'appel – qui pourrait être exercé devant le TAQ, le Tribunal administratif du Québec. Le projet de loi prévoit aussi que le Bureau d'accréditation financera ses activités notamment via le paiement de droits annuels par les pêcheurs et les aides-pêcheurs, et actuellement on pense à une somme de 50 $, M. le Président. Ce régime va aussi offrir des éléments de mobilité professionnelle. Ça, c'est extrêmement important. En effet, il reconnaîtra au titulaire des acquis et des compétences qui pourront lui être utiles dans d'autres métiers. Cet élément est fort intéressant lorsqu'on parle de diversification de l'économie régionale des régions maritimes du Québec et d'augmenter l'employabilité des individus.

Les clientèles visées concernent 1 200 pêcheurs et 3 000 aides-pêcheurs qui sont actuellement couverts par le Règlement fédéral de pêche de l'Atlantique. Ces 1 200 pêcheurs et 3 000 aides-pêcheurs devront dorénavant satisfaire des niveaux de compétence professionnelle minimaux basés sur la formation, ou l'expérience, ou l'apprentissage en mer, ou leur équivalence. Afin d'obtenir leur certificat de pêcheur ou d'aide-pêcheur professionnel, ils devront satisfaire à ces exigences.

Le régime d'accréditation est prévu pour les nouveaux venus, et un régime transitoire sera instauré pour les pêcheurs et les aides-pêcheurs qui sont déjà actifs dans nos différentes flottilles. À titre d'exemple et sous réserve des règlements à être adoptés par le Bureau, il est prévu que tout nouveau venu, pêcheur ou aide-pêcheur, recevra un certificat d'apprenti et devra, puisque ce certificat aura une durée limitée, suivre la formation et acquérir de l'expérience pour devenir aide-pêcheur ou pêcheur professionnel au Québec.

Le certificat d'aide-pêcheur sera obtenu après avoir suivi avec succès la première année de scolarité du Diplôme d'études professionnelles en pêche commerciale et après avoir effectué un apprentissage en mer. Donc, un régime d'études, mais aussi un régime qui va comporter de la pratique en mer, M. le Président. Le certificat de pêcheur sera délivré à la suite de l'obtention du Diplôme d'études professionnelles en pêche commerciale et de l'expérience en mer appropriée.

Toujours sous réserve des règlements à être adoptés par le Bureau, les pêcheurs et aides-pêcheurs actifs devront satisfaire à des critères de formation et d'expérience ou à leur équivalence pour obtenir leur certification. Il est envisagé qu'ils aient à suivre avec succès un certain nombre de cours offerts en région, notamment ceux de pêche responsable, ceux de pêche équitable et de tout ce qui concerne le renouvellement de la ressource afin d'assurer, M. le Président, ce qu'on peut appeler le «développement durable» des pêcheries, des pêches au Québec. Ces personnes bénéficieront d'un délai raisonnable pour réussir ces prérequis. Déjà, nous avons mis en place un bureau provisoire qui est en opération depuis 1998, et plus de 3 000 pêcheurs et aides-pêcheurs ont complété leur formulaire sur une base volontaire, et plus de 1 000 livrets ont été émis. Pour 1999, un grand nombre de pêcheurs et d'aides-pêcheurs professionnels ont procédé au renouvellement sur une base volontaire de leur livret.

Le développement des pêches maritimes, je l'ai déjà indiqué, implique deux niveaux de gouvernement. Le gouvernement fédéral, qui est responsable de la réglementation des activités de prélèvement de la ressource comme telle, il émet l'enregistrement requis de tout pêcheur et aide-pêcheur travaillant à bord d'un bateau et il émet le permis de pêche, lequel fixe les modalités d'exploitation des ressources maritimes. Le système fédéral actuel d'enregistrement ne tient toutefois pas compte des aptitudes et des compétences des demandeurs, pêcheurs ou aides-pêcheurs. Le gouvernement fédéral est disposé, suite aux différents échanges que nous avons eus avec le gouvernement, à reconnaître dans son Règlement de pêche de l'Atlantique des certificats de compétence professionnelle émis en vertu du régime québécois en lieu et place de son enregistrement. M. le Président, on va en récupérer un bout, comme on dit. On va en récupérer un bout.

Le gouvernement fédéral s'est engagé il y a quelques jours, dans une lettre qui m'a été expédiée par le ministre fédéral des Pêches, à reconnaître la compétence québécoise que nous allons mettre en place pour assurer la reconnaissance professionnelle et l'émission des certificats reconnaissant cette compétence pour les pêcheurs et les aides-pêcheurs du Québec. Ainsi, il prendrait, le gouvernement fédéral, en compte le régime de reconnaissance de la compétence professionnelle lorsqu'il émet ses permis de pêche aux pêcheurs ou lorsqu'il autorise les pêcheurs et les aides-pêcheurs à effectuer des activités de pêche à bord des bateaux. C'est lui qui autorise les activités; nous allons reconnaître, nous, les personnes qui oeuvrent sur le pont de ces bateaux.

Le 27 avril dernier, le ministre fédéral des Pêches, M. Anderson, m'a confirmé sa volonté de collaboration et celle de son ministère dans notre démarche québécoise. Ainsi, l'arrimage des cadres réglementaires québécois et canadien permettra au Québec de jouer pleinement son rôle en matière de formation, et de formation continue, et de reconnaissance professionnelle. Le processus de professionnalisation des pêcheurs et des aides-pêcheurs permettra donc à la fois de valoriser les ressources humaines dans ce secteur d'activité, de hausser le niveau de qualification des travailleurs, et de permettre à l'industrie de relever les défis de demain, et de demeurer ainsi concurrentielle sur le marché mondial.

Le projet de loi répond, de plus, aux priorités identifiées par les Forums sur les pêches maritimes de 1995 et 1996 et par le Colloque sur les pêches et l'aquiculture administré en 1997, ainsi que par le comité des priorités établi par le comité sectoriel de main-d'oeuvre des pêches maritimes et par le Réseau pêches et aquiculture du Québec qui rassemble autour d'une même table, M. le Président, les pêcheurs, les aides-pêcheurs, les transformateurs, les agents de commercialisation et également les agents qui sont concernés par la mise en marché et la consommation des produits de la mer.

Nous confirmons donc aujourd'hui, par le projet de loi n° 48, M. le Président, que nous allons pouvoir dire à nos pêcheurs, à nos aides-pêcheurs que nous aurons dorénavant un régime québécois responsable, administré à partir des concernés qui vont administrer ce Bureau, et c'est le gouvernement qui va approuver, donc, les règlements qui seront pris pour exercer cette responsabilité.

M. le Président, le secteur des pêcheries au Québec, c'est 10 000 hommes et femmes qui en tirent leur subsistance, à temps plein. Les régions maritimes du Québec, ça existe: le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, la Côte-Nord, les Îles-de-la-Madeleine, toute la partie du Grand Nord québécois qui touche la mer. Et, lorsqu'on pense aussi à ce que ça implique pour, même, le golfe Saint-Laurent, et même le Saint-Laurent, puisqu'il y a des pêches commerciales, en particulier dans le lac Saint-Pierre, tout près de Trois-Rivières, les 43 pêcheurs professionnels, les pêcheurs de perchaude qui commercialisent leur ressource, et également toutes les entreprises de la région de Montréal, 53 au dernier dénombrement, qui transforment les ressources de la mer, eh bien, M. le Président, le secteur des pêcheries commerciales au Québec est un secteur d'activité extrêmement important et qui pourrait connaître, au cours des prochaines années, des développements spectaculaires.

Les transformateurs, les différents entrepreneurs au niveau des régions maritimes du Québec connaissent actuellement un regain de dynamisme. Ils investissent des sommes d'argent et d'énergie considérables, M. le Président, pour faire en sorte qu'il y ait de nouveaux développements, des emplois, des emplois et des emplois pour les régions maritimes du Québec. Et en particulier au niveau d'espèces de poissons, de crustacés sous-exploités actuellement, des efforts considérables sont réalisés, et aussi des succès spectaculaires sont obtenus, M. le Président.

J'aurai l'occasion, lors de la présentation d'un autre projet de loi, d'indiquer aux membres de l'Assemblée, par exemple, que d'excellentes ressources en termes de crustacés, des ressources de la mer, ne sont actuellement à peu près pas exploitées. Les gens connaissent peu ce que c'est que la mactre de Stimpson, M. le Président. Les gens connaissent peu tout ce qu'on peut faire avec le concombre de mer, tout ce qu'on peut faire avec les oursins – comme dirait le député de Vimont – et également un très grand nombre d'autres ressources de la mer qui pourraient connaître, et qui vont connaître, au cours des prochains mois, j'en suis convaincu, des développements assez spectaculaires pour aider au développement régional, soutenir la création d'emplois dans nos régions maritimes du Québec. Parce que, M. le Président, il n'y a pas un pays plus maritime que le Québec avec ses 12 500 km de littoral, et nous pouvons tirer profit de cette situation, ne serait-ce que... nous pourrions développer d'une façon spectaculaire tout l'aspect de l'aquiculture et de la mariculture au Québec.

M. le Président, pendant tout ce temps-là, on va continuer d'avoir quelque 4 500 personnes qui vont continuer à fournir d'excellentes ressources de la mer, d'excellentes ressources en termes de crustacés, d'excellentes ressources... Et mon propre voisin le député de Charlesbourg, ministre responsable de la Science et de la Technologie, m'assurait de sa pleine et entière collaboration pour atteindre ces objectifs. Voilà ce que nous allons effectuer, M. le Président, avec la présentation de ce projet de loi n° 48, qui vise la reconnaissance professionnelle de nos pêcheurs et de nos aides-pêcheurs au Québec.

(17 h 40)

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Rouyn-Noranda et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Nous cédons maintenant la parole au député de Richmond et critique officiel de l'opposition en matière de pêcheries, d'alimentation et d'agriculture. M. le député.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Je vous remercie, M. le Président. On va procéder le plus rapidement possible. Alors, vous me permettrez d'intervenir à ce moment-ci sur le projet de loi n° 48, qui vise à créer un bureau d'accréditation des pêcheurs et des aides-pêcheurs.

Évidemment, le ministre a eu l'occasion tantôt, en débutant son allocution, de nous indiquer que son gouvernement passait de la parole aux actes. J'aurais le goût de dire au ministre que, personnellement et comme ministre responsable des Pêcheries, quand j'ai initié des démarches, dans les années 1990-1992, afin de pouvoir sonder l'opinion vis-à-vis de la création ou du dépôt d'un projet de loi qui permettrait de professionnaliser le métier de pêcheur, nous avons pu faire le constat qu'il était important de s'attaquer à certaines mentalités qui prévalaient à ce moment-là dans le secteur des pêches. Je suis heureux de voir que les consultations que nous avons faites à ce moment-là ont très certainement permis au ministre aujourd'hui de pouvoir quasiment se vanter de pouvoir déposer son projet de loi.

Et, M. le Président, j'indiquerais au ministre que, s'il n'avait pas été nécessaire de travailler à l'évolution des mentalités dans le secteur des pêches, son gouvernement aurait probablement adopté ce projet de loi au cours de son premier mandat, si tout était prêt.

M. Trudel: ...

M. Vallières: Alors, je pense que le ministre nous indique qu'il nous l'accorde. Je pense qu'effectivement c'est un secteur qui se doit de poser des gestes afin de se donner une structure organisationnelle qui va permettre de répondre aux impératifs du monde dans lequel nous sommes et qui va permettre d'agir de façon ordonnée également dans ce secteur des pêches. Et, je vous parle en connaissance de cause, M. le Président, ce n'est pas toujours facile, puisqu'il y a beaucoup de pêches qui sont par région, qui sont par espèce, dans certains cas. On a, dans ce secteur, des pêcheurs qui sont des côtiers, d'autres qui sont des hauturiers, des semi-hauturiers. Donc, ce n'est pas un secteur qui est nécessairement facile d'intervention, de coordination et de planification.

Il faut avoir assisté à toutes ces consultations qui s'effectuent pour la redistribution, la distribution de la ressource sur l'ensemble du territoire canadien pour voir jusqu'à quel point il est devenu important de s'assurer qu'au Québec en plus du MAPAQ, évidemment du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, nous ayons des associations représentant les pêcheurs, des associations les plus représentatives possible, les plus compétentes possible, les plus dotées d'outils possible afin de nous permettre d'exercer toute l'influence requise dont nous avons besoin à l'intérieur, entre autres, de la détermination des plans de pêche et aussi d'autres enjeux qui sont prioritaires pour les régions maritimes québécoises.

Alors, M. le Président, vous me permettrez évidemment de rappeler que le projet qu'on a devant nous porte un peu les odeurs de ce qui a été présenté ou de ce qui a été véhiculé au cours des années 1990-1992 mais qu'il y a plusieurs événements qui se sont succédé et qui sont venus permettre finalement aujourd'hui au ministre responsable des pêches de nous présenter un projet de loi qui à maints égards correspond à des objectifs que nous partageons. Donc, sur le principe, je pense que le ministre va vite comprendre que nous sommes en accord avec le principe du projet de loi. Nous avons cependant et nous aurons cependant à apporter de nombreuses nuances par rapport aux moyens qu'a choisis le ministre pour arriver à son objectif de professionnalisation ou d'accréditation des pêcheurs et des aides-pêcheurs.

Faut-il rappeler qu'en 1996 l'idée devint de plus en plus envisagée, avec le transfert exercé en matière de gestion de la main-d'oeuvre vers les provinces par le gouvernement fédéral? Ce transfert aura entraîné la mise sur pied d'un comité sectoriel de la main-d'oeuvre pour les pêches, communément appelé dans le milieu le Comité d'accréditation des pêcheurs du Québec. Donc, on voit déjà là, M. le Président, des éléments apparaître, des éléments, sur une base volontaire, d'application de la reconnaissance des pêcheurs ou des aides-pêcheurs professionnels au Québec.

Le même Comité, ce Comité a toujours prôné et travaillé avec ardeur, encore aujourd'hui, à la reconnaissance du statut du pêcheur et à la sensibilisation en ce sens de l'ensemble du secteur des pêches au Québec. Le gouvernement fédéral a d'ailleurs indiqué être maintenant prêt à transférer aux provinces sa responsabilité en matière d'accréditation des pêcheurs si celles-ci prévoyaient les structures nécessaires à la gestion des demandes. Alors, je pense que le ministre aura l'occasion aussi de nous en parler en commission parlementaire, de cette ouverture du fédéral où, dans le fond, il y a un pan complet, là, du secteur pêches qui va revenir aux provinces, et en particulier, dans ce cas-ci, au gouvernement du Québec et au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Ceci dit, M. le Président, le présent projet de loi vise éventuellement à rapatrier, donc, vers le Québec le système fédéral d'attestation qui est administré actuellement par Pêches et Océans Canada et qui émet actuellement les permis aux pêcheurs québécois. Faudrait évidemment trouver, pendant la période de transition, une façon de procéder adéquate, puisque je comprends que, pendant une certaine période, possiblement, les pêcheurs se retrouveront avec deux attestations, une qui aura été émise par Pêches et Océans et une autre qui aura été émise par le Bureau d'accréditation des pêcheurs et des aides-pêcheurs du Québec. Bien, ce n'est là qu'un détail, nous aurons l'occasion d'y revenir en commission parlementaire.

Le Bureau qui nous est proposé dans le projet de loi que nous avons, M. le Président, aura, entre autres, pour mission la reconnaissance du statut de pêcheur, donc la professionnalisation du métier de pêcheur. Le Bureau aura la responsabilité de délivrer un certificat attestant la qualification des pêcheurs et aides-pêcheurs à exercer leur métier selon les exigences de la pêche commerciale, un détail très important quand on parle ici de la qualification des pêcheurs et des aides-pêcheurs, me direz-vous. Puisque nous voulons reconnaître de façon officielle ce qu'est un pêcheur professionnel au Québec, encore faudra-t-il qu'on reconnaisse que certaines qualifications sont accrochées à cette reconnaissance.

Je me serais attendu à ce que, à l'intérieur du projet de loi, nous ayons beaucoup plus de précisions par rapport à ce qu'est un pêcheur ou à ce que devrait être un pêcheur professionnel au Québec. Je veux juste rappeler, M. le Président, que, dans le secteur agricole, actuellement, pour être reconnu producteur agricole, c'est prévu dans la loi, la loi l'indique. Alors, c'est une situation qui est très clairement établie, et le législateur en a ainsi convenu. Moi, je me souviens, j'ai participé à de nombreux débats en cette Chambre juste sur la façon dont on voulait qualifier les producteurs pour qu'ils soient reconnus officiellement comme étant des producteurs agricoles.

Alors, si j'ai un reproche à faire important actuellement au ministre actuel, c'est de tout prévoir par voie réglementaire au niveau des qualifications qui vont être requises. Par surcroît, M. le Président, ce n'est pas ce Parlement qui va prévoir les règlements qui vont permettre de qualifier comme tels des pêcheurs au statut reconnu de pêcheur, c'est le Bureau, c'est le Bureau d'accréditation. Et seul le ministre, là-dessus, va avoir un droit de veto. Le ministre va être roi et maître de la situation. Il pourra, comme suite aux propositions qui seront faites de règlements du Bureau, indiquer qu'il n'est pas d'accord. Il pourra aussi indiquer qu'il est d'accord. Mais il pourra aussi indiquer qu'il n'est pas d'accord avec ce qui est proposé par le Bureau et, donc, dans le fond, imposer sa loi.

M. le Président, Dieu sait que nous avons ici même, en cette Chambre, des débats importants, par exemple sur tout ce qui concerne l'établissement de la ligne Hertel–des Cantons, où on reproche au gouvernement actuel de gouverner par décret. Alors, est-ce qu'on n'est pas en train, ici, cette fois-là, de gouverner non pas par décret, mais par voie réglementaire, par surcroît une voie réglementaire qui échappe totalement aux parlementaires? Et ça va transiter éventuellement par le ministre, qui aura son droit de veto à émettre ou encore à exiger qu'à l'intérieur de ces règlements à venir on retrouve ce que le ministre, lui, souhaite voir, comme qualifications à l'exercice du métier de pêcheur au Québec.

(17 h 50)

Le ministre, lui-même, tantôt a indiqué qu'il y aurait, à l'intérieur des règlements, des mesures visant la qualification des pêcheurs. Par exemple, au plan académique, est-ce que le ministre pense qu'il y a des exigences qui devront être exigées aux pêcheurs pour qu'ils soient reconnus à ce titre? Parce qu'on sait que, par exemple, dans le secteur agricole, actuellement, pour pouvoir profiter de certaines aides gouvernementales, on doit être reconnu producteur agricole. Est-ce qu'il ne serait pas important que le législateur, celui qui adopte et qui façonne les lois, ici, au Québec, soit impliqué dans la reconnaissance, dans les qualifications de reconnaissance, de telle sorte que... Peut-être qu'éventuellement on calquera ce qui se passe en agriculture dans le secteur des pêches, et le législateur, dans le fond, aura été éliminé du processus comme tel. Probablement qu'il y a beaucoup de députés qui seraient intéressés de savoir puis de s'interroger et de regarder jusqu'où on devrait se rendre pour s'assurer que les pêcheurs du Québec se voient reconnaître un statut qui colle à la réalité du terrain, également.

Alors, M. le Président, c'est un point que je voulais soulever, qui est un point qui est, à notre avis, majeur qu'on retrouve à l'intérieur de ce projet de loi. Il y en aura d'autres également, puisque le projet de loi qu'on a devant nous n'identifie pas, à l'intérieur du conseil d'administration... On nous dit qu'il y aura consultation des associations les plus représentatives, mais on ne les identifie pas. Ça aussi, on trouve que le projet de loi fait vraiment preuve d'imprécision à l'intérieur d'éléments qui sont, à notre avis, clés pour permettre à celui qui accepte les lois ici, en cette Chambre, le législateur, donc les députés, de porter non seulement un intérêt, mais un jugement sur la qualité du projet de loi qu'on a devant nous. Donc, il serait intéressant de voir si le ministre est en mesure d'identifier quelles sont ces associations que lui estime être représentatives.

Et je remarque, M. le Président, à l'intérieur de ce projet de loi là, et ça, c'est une différence fondamentale avec ce qui avait été proposé ou, en tout cas, avancé en consultation en 1992... On dirait que le projet de loi vient évacuer les associations représentatives. En même temps qu'on dit qu'elles vont être consultées sur le conseil d'administration, en même temps c'est comme si elles étaient évacuées à l'intérieur du projet de loi. On ne leur voit pas de responsabilité particulière, de rôle particulier à jouer, alors qu'à mon sens, M. le Président, je vous l'indiquais tantôt, on a avantage, pour développer un secteur des pêches fort au Québec, à avoir des associations représentatives les plus fortes possible, à leur assurer, entre autres, un financement adéquat et à leur donner des responsabilités qui vont faire en sorte que les pêcheurs reconnus vont avoir le goût de transiger avec leurs associations représentatives, vont avoir le goût également de confier leurs problèmes et aussi de faire bloc avec leurs associations au niveau des représentations que les pêcheurs auront à faire, tant au niveau du gouvernement du Québec que du gouvernement fédéral, dans les discussions qu'ils auront.

Moi, M. le Président, je suis de ceux qui prêchent pour des secteurs; je le fais dans le secteur agricole, je le fais aussi pour le secteur des pêches. Développer un secteur des pêches fort signifie que ce secteur-là est en mesure de se mobiliser, à l'occasion, pour défendre certaines causes et de se mobiliser aussi sur une base permanente par le biais des associations représentatives. Et je regrette qu'on n'ait pas trouvé le moyen, à l'intérieur du projet de loi qu'on a devant nous, d'associer davantage les associations représentatives des milliers de pêcheurs auxquels faisait allusion tantôt le ministre responsable du secteur des Pêcheries.

Alors, M. le Président, il aurait été aussi intéressant – et ça, peut-être que le ministre pourra nous indiquer s'il est d'accord avec ça – qu'on puisse tester sur le terrain, auprès des pêcheurs et des aides-pêcheurs, les propositions qui nous sont faites par le ministre pour leur reconnaissance officielle de statut professionnel, de métier de pêcheur comme tel. C'est sûr que, nous, on va en parler entre parlementaires autour d'une table dans les heures qui vont venir, mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'exercer une consultation, même si elle était très rapide, auprès des intimés que sont les pêcheurs du Québec, dans les différentes régions du Québec, qui pourrait nous dire, elle, ce qu'ils pensent actuellement de ce projet de loi qui va venir, dans le fond, régir l'exercice de leur métier pour des années et des années à venir.

M. le Président, j'ai une autre inquiétude à l'égard de ce projet de loi. Vous allez voir que, dans le fond, je souscris au principe mais qu'il y a beaucoup de choses qui sont de nature à nous interroger à l'intérieur du projet de loi, et j'espère qu'on aura de nombreuses précisions là-dessus.

Entre autres, je décode dans le projet de loi qui est devant nous qu'il prévoit un semblant de garantie sur la protection des droits acquis des pêcheurs et des aides-pêcheurs au Québec, car il ne prévoit pas d'exemption en regard de cette considération. Alors, s'il n'y a pas d'extension ou d'exception en regard de cette considération, est-ce que, par exemple, ça voudrait dire que, pour qu'un pêcheur devienne accrédité, il doive se soumettre à toute une série de cours même s'il est dans le secteur des pêches depuis 15, 20 ans et qu'il en gagne sa vie, qu'il exerce ce métier-là? Est-ce que le ministre peut, dans les heures qui viennent, nous garantir que les pêcheurs qui vivent de la pêche aujourd'hui, qui sont de vrais pêcheurs, pourront garder leur statut de pêcheurs sans qu'ils aient à se soumettre à toute une série d'exigences qu'on ne connaît pas présentement, exigences qu'on va, dans le fond, adopter avec une loi qui nous est présentée par le ministre?

Dans le fond, le législateur, actuellement, là, qui va accepter cette loi, à moins qu'on ait d'autres précisions en commission, donne un chèque en blanc à d'autres personnes qui auront à déterminer c'est quoi, être un pêcheur professionnel, un pêcheur commercial professionnel au Québec. Alors, M. le Président, j'ai des interrogations sérieuses sur cette partie du projet de loi qui nous est présenté et j'espère que le ministre nous fournira des informations susceptibles de nous convaincre de son approche à l'intérieur de ce qui est nous est proposé.

Et, M. le Président, un dernier point avant... parce qu'on va ajourner dans quelques minutes. Je veux simplement vous indiquer que le projet de loi nous semble proposer une structure lourde. On parle même de plan d'effectifs, j'ai hâte qu'on...

Une voix: ...

M. Vallières: Oui, oui, dans le projet de loi, on nous parle de plan d'effectifs, alors on va voir en quoi ça peut consister. Et, nous, les consultations qu'on a pu mener là-dessus à ce jour, les gens nous indiquent que, à moins que le ministre nous dise le contraire, chiffres en main, cette structure qui va être mise en place ne fera pas ses frais avec les cotisations qui vont être perçues, là, par le Bureau comme tel. Le ministre a avancé quelque 50 $ par pêcheur tantôt, nous, on nous indique que ça ne serait pas suffisant. Alors, si ça ne l'est pas, faudrait savoir comment on finance, après ça. Est-ce que ce sont les pêcheurs qui vont en faire les frais?

Enfin, M. le Président, je termine là-dessus, je pourrais encore vous en parler assez longtemps. Je pense qu'il est important, là, que le ministre comprenne que nous souscrivons grosso modo au principe du projet de loi qu'il nous propose et que, en particulier sur ce projet de loi, puisqu'on en a vu trois cet après-midi, nous aurons besoin véritablement d'éclairage additionnel afin qu'on puisse, en troisième lecture, se mettre d'accord pour son approbation. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Richmond. Est-ce que je comprends que votre intervention est terminée ou si vous revenez à 20 heures?

M. Vallières: C'est terminé.

Le Vice-Président (M. Pinard): C'est terminé. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi? Comme il n'y a pas d'autres intervenants, M. le ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique?

M. Trudel: Non.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Non? Le principe du projet de loi n° 48, Loi sur le Bureau d'accréditation des pêcheurs et des aides-pêcheurs, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

M. Brassard: Alors, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté.

M. Brassard: Alors, il y a un débat de fin de séance, M. le Président.


Débats de fin de séance

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, nous suspendons les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures. Mais, comme nous avons eu un ordre exceptionnel de l'Assemblée jeudi dernier, nous allons procéder exceptionnellement, puisque nous sommes en session intensive, à un débat de fin de séance entre Mme la ministre de la Justice et M. le député de Marquette concernant l'appel d'une décision de la Cour supérieure en matière de conjoints de fait.

(18 heures)

M. le député de Marquette et critique officiel de l'opposition en matière de justice, je vous cède la parole. Vous avez un droit de parole de cinq minutes.


Appel d'une décision de la Cour supérieure sur la reconnaissance des droits des conjoints de fait de même sexe


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, merci. Il s'agit d'une question que je vais poser à la ministre de la Justice, en sa qualité de Procureur général, jeudi dernier, concernant un appel qu'elle a logé devant la Cour d'appel du Québec, qui tente de faire casser le jugement rendu par l'honorable juge Jacques Vaillancourt le 13 novembre 1998.

Ce qui étonne, M. le Président, les experts que j'ai consultés: voici un jugement qui est rendu par la Cour supérieure le 13 novembre 1998, qui reconnaît que les conjoints de fait de même sexe ont droit de recevoir la rente du conjoint survivant et que la définition de «conjoint» à l'intérieur des lois du Québec, à cet égard-là, est discriminatoire, va à l'encontre de la Charte québécoise et de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne.

Le juge Vaillancourt, M. le Président, a donné six mois au gouvernement pour venir corriger sa législation. Le juge a suspendu l'ordonnance dans les termes suivants, à la page 37 du jugement: «...ordonne à la mise en cause, la Régie des rentes du Québec, de verser au requérant – donc les quatre personnes – la rente de conjoint survivant.» Puis, finalement, je cite les propos du juge Vaillancourt: «...suspend cette ordonnance de même que la déclaration d'invalidité pour une période de 180 jours à compter de la date du présent jugement afin de permettre à la Législature – donc le gouvernement du Québec – de modifier les dispositions contestées de façon à les rendre conformes à la Charte des droits et libertés de la personne.»

Le gouvernement pose donc le geste suivant. À la lumière du jugement de la Cour supérieure, qui condamne, si on veut, le gouvernement du Québec à faire en sorte que la législation soit conforme aux dispositions de la Charte, bien, le gouvernement dépose le 6 mai dernier le projet de loi n° 32, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les conjoints de fait, et on lira «les conjoints de fait de même sexe». La ministre de la Justice en compagnie du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques se sont vantés d'être très avant-gardistes. Cependant, il fallait connaître un peu la jurisprudence pour se rendre compte que le gouvernement ne faisait que respecter les ordonnances d'un jugement de la Cour supérieure.

Mais ce qui frappe, M. le Président, c'est qu'en même temps le gouvernement dépose une inscription en appel devant la Cour d'appel du Québec pour faire casser le jugement de la Cour supérieure qui a donné suite au projet de loi n° 32. On loge un appel de 50 pages où on conteste à peu près tout ce que le juge Vaillancourt a dit dans son jugement. C'est renversant.

La question que je posais à la ministre de la Justice, en sa qualité de Procureur général: Comment peut-elle faire une chose et son contraire en même temps? Et comment peut-elle se vanter, par la suite, dans un communiqué de presse daté du 6 mai 1999... À l'égard des quatre intimés, des quatre personnes qui ont fait avancer la cause des conjoints de fait de même sexe, elle dit, dans son communiqué de presse, à la page 2: «La ministre – donc la députée de Lévis – a voulu remercier tous ceux et celles qui ont sensibilisé la population à la réalité des couples de même sexe.» Bien, les quatre personnes suivantes: Yves-Bernard Bleau, David Brody, André Crispin et Réjean Lebeau ont fait précisément ça en portant leur cause devant la Cour supérieure pour sensibiliser, pas juste l'opinion publique, mais pour ramener le gouvernement du Québec à ses devoirs de respecter le jugement et de respecter les chartes québécoise et canadienne des droits et libertés.

M. le Président, la question est bien simple: La ministre, qu'attend-elle pour retirer son pourvoi devant la Cour d'appel du Québec, surtout à la lumière du fait que le jugement de la Cour suprême vient de trancher de façon claire, nette et précise cette question-là, jeudi dernier?

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député. Mme la ministre de la Justice et Procureur général du Québec, vous avez un droit de parole de cinq minutes.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, je suis très étonnée que le député de Marquette revienne, en débat de fin de séance, en me posant une question qui implique une cause devant le tribunal. D'abord, je pense qu'il me donne l'occasion de faire un petit cours de droit – le député de Marquette, qui, je comprends bien, ça fait un certain temps qu'il n'a pas pratiqué devant les tribunaux – sur le rôle de la ministre de la Justice et la règle sub judice, c'est-à-dire lorsqu'une cause est devant le tribunal. M. le Président, et même, j'ajouterais que le député de Marquette le sait très bien qu'il y a, même au niveau d'un règlement à l'Assemblée nationale, qui est l'article 35, paragraphe 3°, qui dit: «Paroles interdites et propos non parlementaires. Le député qui a la parole ne peut – et à l'article 35.3° – parler d'une affaire qui est devant les tribunaux ou un organisme quasi judiciaire, ou qui fait l'objet d'une enquête, si les paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui que ce soit.»

Alors, M. le Président, dans le dossier auquel fait référence le député de Marquette, il est vrai qu'il y a eu un jugement de la Cour suprême jeudi dernier, un jugement de la Cour suprême qui vient éclairer le dossier en regard de la reconnaissance des conjoints de même sexe. Lorsque j'ai exprimé haut et fort que notre gouvernement était avant-gardiste, non seulement c'est vrai, mais nous sommes un des seuls gouvernements qui ont déposé un projet de loi qui reconnaît noir sur blanc que les conjoints de même sexe, peu importe leur orientation sexuelle, si le projet de loi est adopté... Et je suis convaincue qu'il le sera dans les meilleurs délais, puisque l'Assemblée nationale, avec toutes les parties en place ici, a accepté de soutenir à l'unanimité ce projet de loi là, ce projet de loi qui vient dire que, pour l'avenir, les conjoints de même sexe, peu importe leur orientation sexuelle, lorsqu'ils s'identifieront comme des couples, bénéficieront des mêmes privilèges et auront les mêmes responsabilités. Alors, il est évident que c'est une fierté pour nous, pour le gouvernement du Québec, de déposer ce projet de loi là qui devrait être adopté sous peu.

En regard de la décision de la Cour suprême, il est évident, d'abord, que je vais m'enquérir auprès des experts au sein du ministère de la Justice, qui sont des gens experts sur les règles de droit, qui vont examiner le jugement de la Cour suprême qui a été rendu jeudi dernier et qui me feront des recommandations, à savoir: Est-ce qu'il est toujours pertinent de maintenir notre appel devant la Cour d'appel? Et je me permettrai, M. le Président, de lire le communiqué qui avait été, à ce moment-là, soit au mois de décembre, transmis pour exprimer les raisons pour lesquelles le Procureur général du Québec a décidé d'en appeler du jugement qui a été rendu le 13 novembre dernier par le juge Jacques Vaillancourt, de la Cour supérieure de Montréal. À ce moment-là, il a été clairement identifié que le Procureur général a pris cette décision, car il veut obtenir l'éclairage de la Cour d'appel sur certains aspects de ce jugement qui ont une portée beaucoup plus grande que la seule attribution de la rente de conjoint survivant à des conjoints de même sexe. En effet, ce jugement soulève des questions quant à la souveraineté de l'Assemblée nationale et à sa prérogative d'engager les fonds publics. Il soulève également des questions quant à l'interprétation de certaines dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne.

La décision du Procureur général du Québec de porter l'affaire en appel ne remet aucunement en question la volonté du gouvernement d'étendre la notion de conjoint de fait aux conjoints de même sexe.

Alors, M. le Président, comme ministre de la Justice et comme Procureur général, ce n'est pas en Chambre, dès qu'une question nous est posée, une procédure qui est devant le tribunal, que nous allons répondre de façon systématique. Il est tout à fait responsable que la jurisconsulte, qui discute avec les experts qui sont au ministère de la Justice, ces experts qui l'informent à partir de la seule règle de droit... Et c'est à partir de la règle de droit que les opinions sont émises à la jurisconsulte.

Alors, M. le Président, vous comprendrez que les Québécois et Québécoises peuvent être fiers d'avoir un ministère de la Justice où des femmes et des hommes travaillent depuis de nombreuses années et qui rend des décisions qui sont uniquement basées sur la règle de droit. Et c'est ce qui nous permet, M. le Président, de dire que les Québécois et Québécoises peuvent se sentir rassurés parce que l'opinion qui est émise par la jurisconsulte n'est pas une opinion de nature politique, mais c'est une opinion qui est à partir d'une règle de droit. Et, lorsque j'aurai été informée correctement du jugement de la Cour suprême, j'aviserai des conséquences à suivre par la suite, M. le Président.

(18 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la ministre de la Justice et Procureur général du Québec. Nous cédons maintenant la parole au député de Marquette et critique officiel de l'opposition en matière de justice. Votre droit de réplique de deux minutes, M. le député.


M. François Ouimet (réplique)

M. Ouimet: M. le Président, j'invite la Procureur général à relire les propos qu'elle vient de tenir et à dire à sa chef de cabinet qui prépare ces notes-là et ces propos: Ça ne tient pas la route pour deux minutes. La ministre, la Procureur général ne peut pas se réfugier dernière la règle du sub judice parce qu'il ne s'agit pas d'une cause pénale. C'est à vous, M. le Président, de trancher la question. Ça voudrait dire que, chaque fois que la Procureur général rend une décision, elle ne sera jamais redevable devant cette Chambre, elle n'aura jamais à rendre des comptes à l'Assemblée nationale? Ça n'a aucun sens, M. le Président!

La plus belle preuve, c'est qu'aujourd'hui elle dit: Jamais, jamais, jamais, dans toute l'histoire, est-ce que le jurisconsulte dépose des avis juridiques qu'il reçoit du ministère, et je ne comprends pas le député de Marquette, etc. M. le Président, au cours des trois, quatre dernières années, on a eu l'occasion de voir trois ministres, successivement, qui ont déposé eux-mêmes...

Une voix: ...

M. Ouimet: Eux-mêmes, ils ont déposé... Bien, l'ancien ministre de la Justice, député de Louis-Hébert, à deux reprises – elle relira ses notes – lui-même a déposé les avis juridiques et, à ce que je sache, il était jurisconsulte les deux fois. Donc, M. le Président, la ministre, il va falloir qu'elle... À un moment donné, c'est elle qui est en cette Chambre, c'est elle qui doit rendre des comptes. Elle va aller voir le chef de cabinet puis elle va lui dire: Les notes que tu me prépares, ça ne tient pas la route pour deux minutes, ça ne marche pas. C'est impossible, M. le Président.

Dans le cas qui nous occupe, il me semble que la ministre devrait faire ce que Michel David a dit qu'elle a fait dans un autre dossier, une heureuse volte-face, dans ce dossier-là aussi, concernant les conjoints de fait de même sexe, alors qu'on est devant la Cour d'appel. Ça n'a aucun bon sens d'aller devant la Cour d'appel alors que la question vient être tranchée par la Cour suprême, alors que, M. le Président, le gouvernement donne suite au jugement de la Cour supérieure avec le projet de loi n° 32. Qu'elle se rende à l'évidence.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci infiniment, M. le député de Marquette. Je vous remercie. Ceci met fin à notre débat de fin de séance. Et, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous reprenons nos travaux ce soir, à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 13)

(Reprise à 20 h 4)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous allons poursuivre nos travaux aux affaires du jour, et j'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer l'ordre du jour. M. le leader adjoint.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je vais vous référer à l'article 12 du feuilleton.


Projet de loi n° 42


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 12, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 13 mai 1999 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998. Alors, je serais prêt à céder la parole à un prochain intervenant. M. le député d'Orford, je vous cède la parole.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. Il est 20 heures, les gens nous écoutent, ce soir, et ils vont nous entendre jusqu'à minuit parler du projet de loi n° 42. Alors, quel est le projet de loi n° 42, pour les gens qui nous écoutent? C'est un projet de loi qui a trait à la ligne des Cantons. Qu'est-ce que c'est, la ligne des Cantons? Qu'est-ce que c'est, 735 kV? Qu'est-ce que c'est, le BAPE? Alors, j'aimerais, dans le 20 minutes qui m'est donné, expliquer un peu toute la saga qui s'est passée entre le moment où va commencer une crise de verglas au Québec et le moment où des citoyens libres et réfléchis, avec leurs deniers, iront contre le gouvernement, iront demander à un juge: Est-ce que ce gouvernement avait le droit légalement de transgresser ses propres lois?

Alors, la séquence des événements est à peu près la suivante. Il y a, oui, une crise écologique au Québec, crise de verglas au cours de laquelle 1 000 000 de personnes devront pendant des semaines vivre sans électricité, et d'une façon particulière en Montérégie. Et Dieu sait que les libéraux, Daniel Johnson en tête, ont été dans ces comtés-là jour après jour, ont oeuvré, ont essayé d'amener du bois, ont livré de la marchandise. Nous avons hébergé chacun chez nous, dans les comtés en périphérie où il y avait de l'électricité, des gens. Alors, nous avons, bien sûr, les libéraux, donné un signal bien clair à nos gens d'aider partout où nous pouvions.

Hydro-Québec a vu l'heure de ne pas aller en audiences publiques pour passer une ligne électrique. Elle avait ça dans la tête depuis longtemps. Ça a été démontré par la juge Rousseau, ça a été démontré par l'enquête Nicolet, et, coup de force d'Hydro-Québec dans le milieu de la crise, elle convainc le premier ministre – ce n'est pas la première fois qu'Hydro-Québec fait ça – qu'il y a péril en la demeure, qu'il faut faire la ligne pour la prochaine crise de verglas, alors que Nicolet nous dit que les chances sont qu'elle sera dans 10 000 ans, la prochaine crise de verglas de cette ampleur-là. Alors, il fallait faire une ligne très rapidement pour la prochaine crise de verglas.

Hydro-Québec n'a écouté personne. Le gouvernement n'a écouté personne. Et non seulement on n'a écouté personne, M. le Président, on a été d'une agressivité absolument incroyable. Le distingué député de Joliette, qui était ministre, à l'époque, de ce dossier, ira même traiter les gens, les environnementalistes, les citoyens chez qui va passer cette future ligne de 735 kV, de quelques poils de grenouille, M. le Président. On les traitera de quelques poils de grenouille. Ils étaient malheureusement passés sur le sentier sur lequel le ministre se trouvait. Imaginez-vous, on n'a pas le droit, au Québec, de se prononcer contre une idée de ce gouvernement social-démocrate dogmatique.

Alors, malheureusement, des citoyens tout à fait bien intentionnés s'étaient prononcés contre le gouvernement, et on va les traiter jour après jour de minus, on va les traiter de poils de grenouille, on va faire tout ce qu'on peut pour, effectivement, essayer de les écoeurer au max, M. le Président.

Ces citoyens n'arrêteront jamais, convaincus qu'ils ont raison. Ils seront d'abord aidés dans leur cause des maires, les élus les plus près de nos citoyens, les maires qui embarqueront avec ces citoyens-là. Je pense, entre autres, au préfet de la MRC, un gars extraordinaire. Jamais, jamais au Québec on n'a questionné la qualité de ce préfet-là. Nous le connaissons très bien, dans l'Estrie. Un gars d'une réputation fantastique, bien aimé dans sa municipalité, très crédible dans la MRC. On lui est passé sur le corps, M. le Président.

Après ça, il y a eu ce groupe de citoyens. Bien sûr qu'on leur est passé sur le corps. Il y a eu ensuite les agriculteurs du coin, anglophones et francophones. Parce que, oui, il y a des communautés, il y a des gens qui sont là depuis des générations, qui leur ont dit: Attention, il y a des lois au Québec, que, vous, le PQ, la régie des terres agricoles, c'est vous qui avez mis ça en place, la protection des terres agricoles. C'est vous, le PQ, qui avez dit que les terres agricoles, au Québec, c'était sacré, qu'on ne pouvait pas passer là-dessus sans avoir les approbations. Un citoyen ne peut pas faire des choses comme ça, M. le Président. On leur est passé dessus. On a dit: Il n'y a rien là, cette loi-là, on va passer par-dessus.

Ensuite, il y a la Loi de l'aménagement du territoire. Vous ne pouvez pas, vous, M. le Président, ce soir, décider de bâtir en arrière de chez vous un petit garage sans aller à l'Hôtel de Ville proposer des plans. On va vous les refuser, vous allez revenir avec un deuxième devis, peut-être qu'on va amener ça au conseil. Finalement, vous allez avoir une approbation pour un petit garage. Ah bien, là, l'aménagement du territoire, ça ne s'appliquait pas. On sera passé sur ces lois-là. Ce n'était pas un petit garage, c'était une ligne électrique de 735 kV.

(20 h 10)

Vous devriez voir ça. Moi, je passe là tous les jours en descendant à Sherbrooke – quand on quitte Québec pour Sherbrooke – je suis passé ce matin. C'est haut, ça, M. le Président, les tours qu'il y a là. Juste pour donner une idée, là, c'est assez haut que, quand tu passes là, pour ne pas que les avions s'accrochent dedans, on a mis des ballons après les fils électriques tellement c'est haut, ces tours-là. Moi, au début, je pensais que ça serait des petits poteaux de bois, ou des petites tours de métal, ou des tours blanches comme on a à côté du pont Victoria à Montréal; c'est deux fois haut comme ça. C'est des tours Eiffel, ces histoires-là. Je vous garantis que le paysage en mange un coup, hein? Alors, on a passé sur la loi des terres agricoles.

Ensuite, il y a une autre loi, c'est celle du BAPE, c'est-à-dire que, quand tu veux faire quelque chose en environnement au Québec, tu vas devant le Bureau d'audiences publiques en environnement. Et c'est une des grandes oeuvres environnementales qu'il y a en Amérique, je dois vous avouer. Moi, je suis un fervent défenseur du BAPE. Tu prends des gens qui sont pour un projet, tu prends les gens qui sont contre un projet, puis tu mets un arbitre dans le milieu qui est compétent, et puis ces gens-là discutent, et on arrive à un compromis, ou on arrive à pas de compromis, ou on arrive à totalement pour le projet. Historiquement, au Québec, ça a été heureux, le BAPE. Je veux dire, des projets qui nous semblaient incroyables, qui nous semblaient impossibles, dont un dans cette région-là, une immense entreprise, Magnola, qui a pris place, le BAPE a statué, et finalement les compromis se sont établis.

Alors, nous, dès le début, M. le Président, du coup de force, on a dit: Faites donc ce qui se fait ailleurs. Allez devant le BAPE. Allez en accéléré devant le BAPE. Demandez au BAPE de faire un peu plus vite, de faire un peu mieux. Même pour aider les groupes qui étaient contre ou qui questionnaient, aidons-les financièrement. Ça se fait, ça, ailleurs au Canada. Mais non, on a raison. C'étaient quelques poils de grenouille, il ne fallait pas écouter ces gens-là. Alors, on a aussi passé par-dessus le BAPE et on est allé par décret. Alors, ça, c'est la fin d'un gouvernement, M. le Président, quand on gouverne par décret, quand on crée des chimères: l'urgence, la prochaine crise d'environnement à cause du verglas. Encore une fois, je vous rappellerai que M. Nicolet, dans son rapport, nous dit que les chances sont que la prochaine sera dans 10 000 ans. Alors, il n'y a peut-être pas autant péril en la demeure qu'a bien voulu le prétendre le premier ministre.

Alors, là, finalement, on a commencé à bâtir. On a coupé les arbres, on a commencé à bâtir le circuit, et ces citoyens-là sont allés en cour. Ils ont perdu en première instance et, en deuxième instance, ils ont eu l'honorable Jeannine Rousseau. J'invite les concitoyens du Québec, ce soir, qui jamais dans leur vie n'ont lu un jugement ou n'en ont à peu près jamais lu... Moi, je n'ai pas une formation légale, je n'ai pas l'occasion de souvent lire en détail des jugements, j'ai eu tout un plaisir à lire ce jugement-là. Mme Rousseau, je ne la connais pas, mais j'ai rarement vu une situation aussi clairement expliquée de son début jusqu'à sa fin, de comprendre aussi clairement toutes les magouilles – et, excusez-moi, M. le Président, de prendre ce mot-là, parce que c'est le mot qu'il faut prendre, le mot «astuces» n'est pas assez fort – toutes les magouilles que ce gouvernement a prises – et elle en cite des pages et des pages – pour ne pas donner la vérité, pour transgresser les lois, pour finalement arriver à ses fins. Tous les moyens sont bons pour arriver à notre fin. Vous avez entendu ça avant aujourd'hui. Alors, tous les moyens étaient bons, ici, pour arriver à notre fin.

Ils y sont arrivés, à leurs fins, M. le Président. Ils l'ont bâtie envers et contre tous. Si ce n'est que la juge Rousseau, femme extraordinaire... Ce jugement-là, il y a une synthèse dedans, il y a une logique, il y a un déploiement de l'argument qui dit: Le gouvernement, vous n'aviez pas raison. Tout ce que vous avez fait depuis le début, vous avez transgressé vos premières lois. Vous allez maintenant tout arrêter. Pire, vous allez payer les avocats de la partie adverse. C'est fort, ça, là, M. le Président. Elle dit au gouvernement: Tu vas payer tes avocats, tu vas payer les avocats de l'autre parce que tu étais tellement erroné dans tout ça, là. Ça n'a pas d'allure que des citoyens aient été obligés de se battre contre leur propre gouvernement.

Alors, le gouvernement, se ramassant devant une situation, qu'on lui avait dit, hein... Il n'y a rien de nouveau pour nous autres. Moi, les députés de l'Estrie, ici, les députés de Saint-François, de Richmond, de Brome, de Sherbrooke, de Mégantic, on a tout vu ça, nous, on l'a tous dit. On l'a tous dit pendant la campagne électorale, on l'a dit pendant la crise du verglas. Tout ce qui se passe aujourd'hui, on savait tout ça. On l'a dit combien de fois: Écoutez les gens. Mais les gouvernements qui se déconnectent, qui traitent le monde de poils de grenouille, M. le Président, bien, ils n'écoutent plus le monde. Ils n'écoutent tellement plus le monde qu'à un moment donné les juges sont obligés de les remettre à leur place.

Ah! bien, là, le ministre s'est levé puis il a dit: Aïe! les gars, on a dépensé 350 000 000 $, on n'est toujours bien pas pour défaire ça, ça n'a pas de saint maudit bon sens! On a dépensé 350 000 000 $, allez-vous nous demander de défaire les tours, à cette heure? Bien, oui, mais les tours, c'est eux autres qui les ont construites, ils ont transgressé toutes leurs lois puis, là, ils nous disent qu'il ne faut pas défaire les tours.

M. le Président, il y a deux sortes de lois, d'après ce que je peux voir, au Québec, il y a les lois pour Jos-public puis il y a les lois pour Jos-gouvernement. Jos-public, dans ce coin-là, je vais vous conter deux cas qui se sont passés récemment. Un, c'est un gars qui a bâti un petit camp sur une terre agricole. Il a transgressé la Loi des terres agricoles. Il n'avait pas le droit de faire ça. On lui a dit: Écoute, Jos-public, ton camp, «out»! Ce n'était pas fini. Lui, il a dit: Oui, mais j'ai investi 300 $ dans mon camp. Ils ont dit: Non, c'était à toi d'observer les lois du Québec, «the laws of the land». Alors, tu ne les as pas observées, «the laws of the land», ton petit shack, tu le prends, tu le sors d'ici. Ça, c'étaient les lois de la régie des terres agricoles.

L'autre, c'est à Mansonville, dans l'Estrie, toujours. Il y en a plein, de cas comme ça. Lui, il avait transgressé une loi de l'environnement. Il avait détourné un petit ruisseau, M. le Président, Jos-public, à Mansonville, dans la ville de Potton exactement. Alors, c'est allé en cour, et on a dit à Jos-public, à Mansonville: Le petit ruisseau que t'as déplacé – je vois l'ancien ministre de l'Environnement, ici; il a dû en avoir des centaines de causes comme ça – Jos-public, ton petit ruisseau, tu vas le remettre où il était, puis tu va remettre les arbres originaux. Puis, même si tu nous dis que ça a coûté bien cher, déplacer le ruisseau, ce n'est pas grave, tu vas le remettre où il était parce que t'as transgressé les lois de l'environnement au Québec. Puis je pourrais vous en citer d'autres, dans mon petit village d'Austin, où on avait transgressé des lois d'aménagement du territoire, et on leur a fait défaire des garages, etc. Dans notre cas, le bon ministre se lève, puis il dit: Aïe! Je ne suis pas pour défaire les tours, ça a coûté 300 000 000 $. Bien oui, il a transgressé toutes ses lois, puis, aujourd'hui, il dit: Ça n'a pas d'allure, voyons donc!

Ce qu'on lui dit, nous, de ce côté-ci de la Chambre: D'abord, vous avez posé des gestes illégaux. C'est ça que la juge Rousseau vous dit. Puis là vous essayez, là, par le projet de loi n° 42, de vous rabrier. Puis je ne suis pas sûr que vous le faites dans l'esprit du jugement de la juge Rousseau, loin de là.

La juge Rousseau, elle, elle dit: Le projet d'Hertel–des Cantons, c'est un projet, ce n'est pas quatre projets, ce n'est pas cinq projets, c'est un seul projet. Il part d'un bout de la ligne puis il s'en va à l'autre bout de la ligne. Moi, je n'ai jamais vu de l'électricité arrêter dans le milieu d'une ligne, là. Ça va partir d'un boutte puis ça va jusqu'à l'autre boutte, M. le Président. C'est ça qu'elle dit, la juge Rousseau.

Alors, vous autres, ce que vous êtes après faire, le PQ, vous êtes après essayer de dire: Bien, il y en a un petit bout, on va écouter le monde, là – bien, je comprends, la juge, elle ne vous donne pas le choix – on va faire une audience du BAPE. Mais, ce qui est déjà bâti, là, ça, c'est bien de valeur, on ne veut pas entendre ce que le monde a à dire là-dessus. Tout à coup qu'ils auraient des bonnes idées, imaginez-vous donc!

Ce que le ministre a oublié de nous dire dans sa présentation du projet de loi, puis, moi, je veux le lui rappeler, ici, ce soir, puis c'est une nuance bien importante: nous, les libéraux, ce que nous demandons, c'est que le BAPE entende, pour l'entièreté du projet, de son début jusqu'à sa fin... que les citoyens du Québec, que les citoyens de l'Estrie et d'ailleurs, de la Montérégie, viennent se prononcer. Le Conseil des ministres aura toujours le droit – c'est son droit, au Conseil des ministres – à partir des recommandations du BAPE, de dire oui ou non à une partie ou à l'ensemble du projet, mais nous devons d'abord écouter les gens qui ont des choses à dire sur ce projet-là. Eh bien, le ministre dit: On va les écouter, mais ce qu'on a déjà fait, ce que les poils de grenouille nous disent qu'on n'aurait pas dû faire, ceux-là, on ne veut pas les entendre. On va écouter nos amis.

Il y a deux façons d'écouter nos amis. La première, c'est faire une commission parlementaire ici, à l'Assemblée nationale, inviter 10 groupes. Moi, j'ai suggéré qu'on invite le Conseil régional de développement de l'Estrie, création en laquelle le PQ croit beaucoup. Eux, ils se sont prononcés contre. C'est-u drôle, ils n'ont pas été invités. Le Conseil régional de l'environnement de l'Estrie, ils ont fait bien attention de ne pas l'inviter. Lui, il représente tous les groupes d'environnement de l'Estrie. Alors, on a fait bien attention de ne pas inviter les groupes, ou en tout cas on a organisé les affaires assez bien. On a invité 10 groupes. On a invité les gars qui bâtissent les tours – puis les filles. Bien, eux autres, ils sont pour, c'est bien sûr. Qu'est-ce que tu veux, si tu fais une ligne puis si tu mets des tours, si tu vends des tours puis si tu crées de l'ouvrage, bien, on n'est pas contre ça. On est drôlement pour ça, d'ailleurs. Puis ce n'est pas au public du Québec de payer pour les erreurs d'un gouvernement qui n'a pas voulu écouter le monde, M. le Président.

(20 h 20)

Alors, on a fait une petite commission bidon, et, nous, on s'est dissociés de cette opération-là. On l'a fait publiquement et, si c'était à recommencer, on le ferait encore, M. le Président. On pense que c'est de se moquer, d'abord, de Mme Jeannine Rousseau, l'honorable juge Jeannine Rousseau. Ce n'est pas du tout l'esprit de ce jugement-là. Mme Rousseau, elle a été limpide, elle a donné des pistes, elle a été claire et ce n'est pas du tout ça que Mme Rousseau... Moi, je pense que vous n'observez pas le jugement, personnellement, ou, en tout cas, encore une fois vous y allez d'astuce en astuce. Ce n'est pas la première fois que le PQ est capable de faire ça dans sa carrière.

M. le Président, ensuite on nous a conté une autre ribambelle, celle de l'urgence. Alors, on s'est mis à croire à ça. On a dit: Coudon, tout à coup qu'il y aurait une urgence puis tout à coup que, l'hiver prochain, même si ça arrive à tous les 10 000 ans, bon, ça arriverait deux ans de file à la place de dans 10 000 ans puis qu'il y aurait encore la moitié du Québec à la noirceur? Puis là on s'est tous questionnés là-dessus.

M. Nicolet a fait un rapport, 2 500 pages. Pas sûr qu'il y en a beaucoup qui l'ont lu de couvert à couvert, le rapport, encore, mais on a tous été voir ce qu'il disait sur Hertel–des Cantons quand ça a sorti. M. Nicolet a été bien clair. Moi, je l'ai vu en conférence de presse, je l'ai vu au caucus des députés libéraux, je l'ai lu dans les journaux, quand il a dit: «Le rapport les qualifie même d'un faisceau non pas de preuves mais de présomptions...», l'importance d'avoir Hertel–des Cantons à ce moment-ci. M. Nicolet, qui a été un candidat du PQ dans Shefford, qui n'a pas à encenser le gouvernement, qui n'a pas non plus à lui dire qu'il a tort ou qu'il a raison, a été très clair dans son jugement du rapport, il n'y avait pas urgence en la demeure. Alors, tout le mythe qu'on a été capable de créer alentour de l'urgence, M. Nicolet l'a défait avec son rapport. Il n'était pas tout seul d'ailleurs sur ce rapport-là, le maire de Saint-Hyacinthe et combien d'autres gens étaient là-dedans, des gens qui ont subi l'impact. Alors, Nicolet va dire: Écoutez, ce qu'on vous a raconté, ce qu'Hydro-Québec vous a raconté, avec son «turtleneck», dans le milieu de la crise du verglas, là, ce n'était pas tout vrai, cette affaire-là, il n'y en avait pas tant d'urgence que ça.

Et il va aller plus loin que ça, M. Nicolet, dans son rapport. Il va nous dire: Coudon! peut-être bien que ça serait pour exporter de l'électricité aux États-Unis, cette affaire-là. Il met un doute dans l'esprit de tout le monde. Moi, je ne suis pas capable de répondre à cette question-là. Comme membre de l'opposition, je dois écouter tous ces gens-là puis essayer de me faire une idée.

Ce que je sais, M. le Président, à deux minutes de la fin, c'est que ce gouvernement, d'abord, a été arrogant avec les citoyens et les environnementalistes. Il les a envoyés paître, carré. Il les a traités de poils de grenouille, sans aucune peur, hein, des groupuscules, puis envoye donc par là!

À la veille d'une élection, il est allé les rencontrer puis il leur a dit: Écoutez, s'il y a un jugement, on va faire tout ce que le jugement va dire, on va tout écouter ce que le jugement va dire. Là, il était bien poli. Nous autres, on regardait ça. On était en élection, nous autres aussi, imaginez-vous donc, en même temps que vous autres. On était en élection. On a tous gagné, dans l'Estrie, hein, tous gagné. Je me poserais des questions, si j'étais à votre place. Celui qui n'a pas gagné, d'ailleurs, il n'a pas voté. Celui qui a gagné pour l'autre parti, il n'a pas voté, quand vous avez voté ce projet de loi là. Il avait un besoin important, à ce moment-là, il avait mal à la gorge, je ne sais pas, il est sorti, en tout cas. Il n'a pas voté. Ses citoyens vont lui poser des questions, quand il va revenir, là. Nous autres, les libéraux, on est resté là puis on a voté. On a parlé au nom des gens de cette région-là.

Alors, un, vous n'avez pas écouté le monde. Deux, vous transgressez vos propres lois. Vous transgressez vos propres lois et vous le faites sans aucune forme d'hésitation. Quand tu possèdes la vérité, quand tu es social-démocrate, quand tu es dogmaticien, il n'y en a pas de problème, tu la possèdes, la vérité: Voyons donc! enlevez-vous de là, on passe! Troisièmement, la priorité de l'urgence n'a pas été démontrée. Vous avez essayé de la démontrer. M. Nicolet, dans un rapport de 2 500 pages, va dire exactement le contraire. Donc, il n'y a pas urgence.

Et, finalement, M. le Président, ce projet-là, il fait partie d'un même projet. Vous autres, vous essayez de faire comme des tranches de pain. Quand tu achètes un pain, là, tu achètes bien des tranches, mais tu achètes tout ça dans le même sac. Ce projet-là, c'était un sac, c'était un projet. Vous autres, vous essayez de faire ça en petites tranches, dire: Ah! cette tranche-là, on ne veut pas y goûter, on n'y touchera pas; l'autre tranche, oui, celle-là on va la garder; celle-là, on va la faire cuire; celle-là, on va la manger.

Prenez-vous le monde pour des tatas, M. le Président? Alors, c'est pour ça qu'on va voter contre ce projet de loi là. Et on va le faire avec force et vigueur, soyez-en assurés.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Prochain intervenant, M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. J'ai beaucoup aimé votre respect pour l'alternance et le fait que vous avez cherché en vain de trouver quelqu'un de l'autre côté de la Chambre pour défendre ce projet de loi.

Il me fait plaisir d'intervenir à mon tour dans le débat de principe du projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998, Bill 42, An Act respecting the construction of infrastructures and equipment by Hydro-Québec on account of the ice storm of 5 to 9 January 1998.

Et, moi aussi, d'entrée de jeu, je veux encore réitérer un thème qui devient de plus en plus évident, et ça, c'est l'écart énorme entre le beau discours de ce gouvernement et les gestes concrets qu'il pose. Et je pense que ça devient de plus en plus évident que, malgré que ce gouvernement soit le champion des bons discours, quand les choses arrivent pour poser les gestes pour respecter leur parole, ils ne sont pas capables de livrer la marchandise.

Il y a quatre grandes réformes qui sont souvent mentionnées dans cette Chambre ces jours-ci. On parle souvent de la création d'une Commission d'accès à l'information et une protection des renseignements personnels. Grande réussite du gouvernement de M. René Lévesque. Également, on parle souvent dans ce projet de loi du Bureau des audiences publiques sur l'environnement et toute la Loi sur la protection de la qualité de l'environnement. Un autre grand succès du gouvernement de M. Lévesque. Troisièmement, on parle de la loi sur la protection du territoire et des activités agricoles. Une autre réussite, et on va tout faire pour protéger nos cultivateurs, et ça va être très, très important. Quatrièmement, on parle de la création d'une Régie sur l'énergie, une réussite de ce gouvernement pour protéger le consommateur et les citoyens contre les grands acteurs dans le domaine énergétique, entre autres Hydro-Québec.

Mais, comme on dit en anglais, «by your acts you shall be known». Et, M. le Président, qu'est-ce qu'on a? Les quatre sur quatre sont brimés d'une façon systématique par ce gouvernement, et c'est ça au-delà des beaux discours qu'on est là pour la protection des renseignements confidentiels, c'est un de nos grands succès comme gouvernement. Quand nous avons mis ça au test, pas juste une fois... Si c'était juste la question du député bloquiste Lebel, peut-être qu'on pourrait dire: Cas isolé. Si c'était uniquement la question des huit fonctionnaires qui ont été congédiés par ce gouvernement à cause des fuites des renseignements confidentiels, on pourrait dire: Oh, juste un accident de parcours. Mais, quand on a vu une ministre, la députée de Rosemont, qui a dû démissionner, quand on voit un autre ministre qui est toujours dans l'eau chaude sur cette question, on dit: Il y a un manque de respect de la protection de la vie privée par ce gouvernement. Alors, malgré le beau discours, malgré le fait que ce sont eux autres qui ont créé la Commission d'accès à l'information, quand ils sont appelés à poser des gestes, ils sont incapables de respecter leur propre parole.

Ce soir, qu'est-ce qu'on a devant nous? C'est le projet de loi n° 42. Et j'invite la population, elle peut visiter le site Web de l'Assemblée nationale, c'est un projet de loi qui n'a que 10 articles, deux pages, mais il faut le lire pour voir un genre de liste d'épicerie de toutes les lois que ce gouvernement n'a pas respectées, qu'il doit mettre dans la loi maintenant que, malgré les lois que l'Assemblée nationale a votées, on va agir rétroactivement parce que nous avons brimé notre propre loi.

Alors, dans l'article 2, on trouve que, malgré les dispositions de la Loi sur Hydro-Québec, le projet va procéder. Si ce n'est pas assez, on ajoute dans l'article 3 qu'on va exempter de l'application de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, on va ajouter la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et on va ajouter la Loi sur la qualité de l'environnement. Alors, ça, c'est déjà quatre lois que la juge Rousseau, comme mon collègue le député d'Orford l'a bien dit, a indiqué clairement que ces lois n'étaient pas respectées. Et, juste par souci de... si on en a oublié une, on ajoute plus loin, dans l'article 5, qu'on va mettre la Loi sur la Régie de l'énergie, au cas où. Peut-être qu'on en a oublié d'autres, et j'imagine qu'avec la créativité de ce gouvernement ils ont toujours le pouvoir de revenir ajouter d'autres lois qu'ils ont oubliées.

(20 h 30)

Mais il faut le faire, M. le Président, de dire, comme aveu, que nous avons brimé les droits. Alors, encore une fois, le marketing, le «packaging» de ça, c'est parfait, on parle d'une loi conservatoire. Qui peut être contre une loi conservatoire? C'est des mots mielleux qui camouflent la réalité. C'est une loi pour réparer les pots cassés, c'est une loi pour corriger les erreurs de ce gouvernement, c'est une loi qui est le résultat d'un gouvernement qui a oublié le réflexe primordial de tout gouvernement, qui est d'être à l'écoute de la population, qu'il y a des citoyens, et les citoyens ont un mot à dire, et c'est la responsabilité du gouvernement, préalablement, de mettre en place un processus pour entendre la population.

Mais ce gouvernement a dit: Ho! On est trop bon pour ça. On n'a pas besoin de nos lois sur la protection de l'environnement. Ça, c'est pour les autres, ce n'est pas pour nous autres, parce qu'on est un gouvernement, et on est bon, et on est fin, alors on va procéder. On a une loi pour protéger nos cultivateurs, la Loi sur la protection du territoire agricole, mais, ça, c'est pour les autres, ce n'est pas pour nous autres. Ça, c'est vraiment quelque chose, parce qu'on est bon, qu'on est fin, qu'on est intelligent, alors, nous autres, on va aller de l'avant. Cette loi, qui est adoptée, qui est partie de notre héritage de René Lévesque, et tout ça, ce n'est pas assez important à ce moment-ci. La loi sur la création d'une Régie de l'énergie, oublie ça. Ça, c'est vraiment pour les autres dossiers, mais ce dossier-ci en question, on va mettre dans le projet de loi d'écarter ça du processus, parce que ça risque de compliquer notre projet, et il faut agir d'urgence.

Agir d'urgence, M. le Président, malgré le fait que ce gouvernement a mandaté une commission Nicolet, qui a coûté aux contribuables des millions de dollars, pour regarder le problème... Parce que, effectivement, la crise du verglas est un problème majeur pour la société québécoise, pour le gouvernement fédéral, pour le gouvernement du Québec, pour les assureurs, pour les familles, pour les citoyens, tout le monde qui a été touché. La facture était très importante. Alors, je pense qu'on a tout intérêt à prendre le temps qu'il faut pour voir c'était quoi, les problèmes, pourquoi est-ce que notre système avait autant d'échappées dans cette crise, qu'est-ce qu'on peut faire pour corriger le tir.

Et ça, c'est juste le tome I. M. et Mme Tout-le-Monde qui nous regardent à la télévision ce soir, il y a cinq grands tomes comme ça, qui sont la commission Nicolet, mais le gouvernement a tout fait avant même la publication du rapport. Comme on dit en anglais: «It's closing the barn door after the horse has bolted.» Alors, le cheval est sorti de la grange et, maintenant, on va fermer la porte. Alors, au lieu d'attendre, au lieu de prendre le temps qu'il faut pour dire c'est quoi, les meilleures choses qu'il faut faire, le gouvernement a agi, passé les décrets à la vapeur, sans consulter la population, sans consulter le monde, et maintenant on a une loi. Comme j'ai dit, parce que le gouvernement n'était pas cohérent avec ses propres lois, on est devant le fait, ce soir, qu'il faut corriger les pots cassés. Il faut arriver avec un projet de loi en catastrophe pour corriger la situation parce que la cour a donné raison aux citoyens.

I think that's very important, Mr. Speaker, to remember why we are here tonight. We are here tonight because this Government acted in great haste, without consulting the population, without consulting the various organizations and laws that it, itself, put in place to govern our activities. This is the Government that goes out and tells everyone else to respect the law, but when it comes to them respecting the law, well, they're too important for that, because they're in a hurry. So, many of the pieces of legislation that are put into place to protect our farmers, to protect our environment, to protect the right of simple citizens against big Government, against big government agencies like Hydro-Québec, put all that aside. That's not important, because we're a government that's going to move forward, so your rights don't impress us at all.

Well, they took that argument to the Court, Mr. Speaker, and they lost right down the line. And that's why we're here tonight, to try to retroactively justify the steps that were taken by a government that has lost touch with the population. And it's a pattern that we are seeing more and more often, the Government that goes on and on about its heritage, its contribution, but, as we say in English: I'm from Missouri, show me. And it's in their acts, it's in the concrete things that they do, that is where they're falling down.

Alors, je pense qu'il faut revenir au discours qui a été prononcé par ma collègue la députée de Bonaventure, parce que l'autre motif qui a été invoqué par le gouvernement, c'est une question d'urgence. Une urgence, dans ma propre définition, c'est quelque chose de 24 heures, de 48 heures, d'une couple de semaines. Mais ça, c'est un projet de trois ans en réponse à une tempête qui était, tout le monde le dit, la tempête du siècle. C'est quelque chose qu'on n'a jamais vu. Peut-être qu'on ne verra jamais une autre tempête comme ça. Alors, au lieu de prendre le temps qu'il faut pour vraiment voir pourquoi est-ce qu'il y avait autant de pannes...

Moi, je pense qu'il y a un volet qui est la question du bouclage de Montréal pour s'assurer du courant sur l'île de Montréal, mais il y a beaucoup d'autres problèmes aussi. La négligence d'Hydro-Québec de son réseau, le fait qu'elle n'a pas fait l'entretien comme il faut sur l'île de Montréal, le fait qu'Hydro a abandonné, sous ce gouvernement, un programme de couper les arbres et les branches autour des lignes d'électricité a contribué largement aux dégâts, mais on passe sous silence tout ça.

Hydro a sorti de son tiroir la recette magique qui est cette ligne Hertel–des Cantons, et, à partir de ça, nous allons de l'avant avec un projet qui a été préparé longtemps d'avance. Ce n'est pas quelque chose qu'ils ont fait entre le 5 et le 21 janvier ou le 28 janvier quand les décrets ont été adoptés par ce gouvernement. Alors, Hydro a regardé la situation et a dit: Oh, j'ai un projet qui dort dans mes tiroirs; ça va être bien compliqué d'aller devant le BAPE, voir avec la Commission de protection du territoire agricole, consulter des citoyens. Oh, c'est long, ça, M. le Président. C'est laborieux, ça prend du temps. Le temps presse, j'ai d'autres engagements. C'est nettement plus important pour moi d'avoir mon beau projet au lieu d'aller s'asseoir dans le sous-sol de l'église, dans l'Estrie, rencontrer le monde, voir c'est quoi, leur opinion. Ça, c'est laborieux, M. le Président, ça prend du temps.

Mais c'est ça, gouverner. C'est ça, l'essence d'une société démocratique, qu'il faut prendre le temps. Mais, au lieu de faire ça, ce gouvernement, toujours en justifiant, toujours trouver les fins louables, on va dire qu'on va laisser à côté les citoyens, on va les marginaliser. On va leur trouver des noms: ce sont les groupuscules, ce sont les pas bons, ce sont les... Mais c'est très, très troublant, M. le Président, quand on a un gouvernement qui commence à regarder les personnes avec des opinions divergentes comme un problème. Au lieu de quelque chose qui est un défi, qui fait partie d'une saine société démocratique, on dit: On a un problème. Et ça, c'est le premier réflexe quand il y a quelqu'un qu'on n'aime pas. Ah, misère! On revient peut-être dans les cours d'écoles. On va les appeler les noms. Ça, c'est des groupuscules, ils ne sont pas représentatifs, ils sont des pas bons.

Alors, au lieu de les engager au niveau des idées, au lieu de dire qu'on va faire un débat, parce qu'on pense que notre projet a des mérites, on pense que notre projet, la ligne Hertel–des Cantons est important pour le Québec, et je suis prêt à aller le défendre sur la place publique, non, non, parce que ça prend trop de temps, on va gouverner par décret. On va dire: Tassez-vous, j'arrive avec mes bulldozers, j'arrive avec mes grandes tours Eiffel, comme le député d'Orford a dit. On va les poser, on va aller de l'avant, et, vous autres, avec vos opinions, c'est un problème, c'est un obstacle, mais c'est mineur, alors tassez-vous. Ce n'est pas comme ça qu'une société doit fonctionner. Ce n'est pas pour cette raison que nous avons adopté les lois à l'Assemblée nationale pour la protection de l'environnement, pour la protection des territoires agricoles, pour la saine gestion de nos acteurs dans le domaine de l'énergie.

Et ce gouvernement a dit: On va mettre tout ça à côté parce qu'il y a une panique. Il n'y a pas de panique, les choses se sont replacées. Il y avait une facture très élevée pour la tempête de verglas, mais, à part de ça, on a dû prendre le temps qu'il faut pour attendre le rapport Nicolet, pour voir qu'est-ce qu'il avait à nous suggérer sur la question comment on peut sécuriser le réseau pour la provision de l'électricité dans notre société, c'est quoi, les enjeux, puis c'est quoi, les autres choses qu'il faut faire pour bien assurer la sécurité de notre réseau électrique. Mais on a dit non, ça prend trop de temps, on va aller de l'avant.

(20 h 40)

Mr. Speaker, one of the most dangerous sayings in the twentieth century has been the following phrase: «The end justifies the means». So that if we have a good goal which is to keep peoples' houses lit, to keep people warm at night, to keep peoples' families with refrigerators that work... Because I lived through the ice storm too and I had eight days where, with my family, I was in the dark like millions of others Quebeckers, so I know what it was like, the ice storm. So we always invoke these ends that are very, very important to justify any means.

And, as I say, it often starts out by bulldozing people's rights. We say that this end is so important that your rights, that the National Assembly has adopted... Well, we're going to make them... They're going to really take second place, behind our project that we're going to go forward with. So it's always in the name of good cause. But your rights, that we've adopted here in the National Assembly, set them aside because we have something that is more important.

The second thing that I think was so reprehensible is that this government started to marginalize and ridicule the opposition, not the Official Opposition, but the people who live in the territories affected, the people... it was on their land, it was in their neighborhood, it was on their property. They wanted to make their rights known. They wanted to have their voice heard by the government, and they were dismissed as marginal, little groups, people that don't matter.

Well, if you don't have the arguments, if you don't have the intellectual strength to defend your idea, well, then, you always are left trying to criticize people by those kinds of ad hominem attacks, Mr. Speaker. And it's not right.

So, once again, we are faced with this Janus-faced Government that, on one side, the discourse side, it's always these wonderful achievements, and rights, and protections, and work for the little guy. But when it comes for the acts, when it comes for them to pose concrete gestures, it's always on the side of: Get out of the way, you're an obstacle, we don't like opposition, we don't really think citizens' rights matter. What is more important is that Hydro-Québec told me I have to get this project. So, get out the bulldozers from the garage and we are going to go forward.

And that's why we're here tonight, Mr. Speaker, because, fortunately, the Courts and Judge Rousseau told this Government: You cannot proceed that way. You cannot tell citizens that they have no rights. You cannot say that the other legislation, adopted by this Assembly, doesn't matter.

Alors, en conclusion, M. le Président, c'est pour rappeler au monde, ce soir, qu'on a des lois qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale, par les divers gouvernements, qui sont importantes. Et on les a mises en place, une loi sur la protection de l'environnement, une loi sur la protection des territoires agricoles, effectivement, pour les moments de crise, parce qu'on n'a pas besoin des lois au moment où tout le monde s'entend. Quand il y a consensus, quand tout le monde est heureux, on n'a pas besoin des lois, on n'a pas besoin de droits, on n'a pas besoin des protections des lois. Mais c'est effectivement au moment où il y a une controverse, où il y a un litige, que ces lois et ces privilèges deviennent primordiaux.

Et, dans la question de la construction de la ligne Hertel–des Cantons, on était effectivement dans une situation où il y avait des intérêts de la société dans son ensemble, qui était face à un petit groupe de citoyens, mais des citoyens qui ont des droits qui ont été votés par cette Assemblée. Et je pense que c'est une triste leçon qu'on a envoyée ce soir, que, malgré les lois, malgré le fait que ces citoyens aient réussi à engager un avocat, à aller devant les cours, à faire présenter et défendre leurs arguments, et aient gagné – ils ont eu raison, M. le Président – malgré ça, on va dire, ce soir, que cinq lois que nous avons adoptées dans le passé de l'Assemblée nationale, on va les mettre de côté pour faire plaisir à un gouvernement qui a perdu le réflexe d'écouter la population.

Et, au lieu de faire ça, comme je dis, parce qu'ils sont paresseux, parce qu'ils ont perdu le contact avec la population, ils vont aller de l'avant, malgré les lois et les droits que nous avons accordés aux citoyens et citoyennes du Québec.

Et c'est pour cette raison, M. le Président, que je vais voter contre l'adoption de principe du projet de loi n° 42. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Groulx. M. le député.


M. Robert Kieffer

M. Kieffer: M. le Président, permettez-moi, d'entrée de jeu, de corriger certaines informations que nous a transmises le député d'Orford tantôt, certaines affirmations qu'il a faites.

Il a mentionné le nombre de victimes à 1 000 000 de Québécoises et de Québécois. C'est déjà beaucoup qu'une crise frappe 1 000 000 de Québécois et de Québécoises, ça donne effectivement lieu à une intervention énergique du gouvernement. Cependant, ce n'est pas 1 000 000 de Québécoises et de Québécois qui ont été touchés lors de la crise du verglas de janvier 1998, c'est 1 500 000 clients, pour un chiffre approximatif de 3 000 000 et plus de Québécois et de Québécoises. Ce n'est pas une petite erreur, M. le député d'Orford, c'est une erreur très importante parce qu'elle resitue l'ampleur du désastre dans son contexte réel. Quand la moitié de la population du Québec est privée d'une ressource essentielle qui est l'énergie, on se doit, c'est une obligation légale, morale et sociale d'intervenir de façon massive pour rétablir la sécurisation dans la distribution et dans le transport de l'énergie. Première correction, si vous me le permettez.

Deuxième correction. Le député d'Orford a dit: Bon, bien, moi, j'aurais invité tel groupe, tel groupe, j'ai suggéré tel groupe, tel groupe, puis le gouvernement a refusé. Erreur! Erreur! Notre leader le ministre de l'énergie devrait le savoir, il occupe les deux fonctions, il a tenté, à plusieurs reprises, de s'entendre et de négocier avec l'opposition officielle, dont fait partie le député d'Orford...

Une voix: ...

M. Kieffer: ... – dont fait partie le député d'Orford! – il a tenté à plusieurs reprises de négocier avec l'opposition officielle une liste de gens à inviter, et, à toutes les fois – à toutes les fois – la réponse de l'opposition officielle a été de refuser. Je souligne: refuser toute négociation. Exactement, d'ailleurs, comme ils s'y sont pris au moment de la commission parlementaire, ils s'en sont retirés. Alors, correction, correction! Le ministre était tout à fait disposé à entendre et sûrement à accepter les recommandations faites par l'opposition. L'opposition a refusé. Corrigeons!

Troisième correction. Troisième correction, M. le Président. Le député d'Orford a qualifié la commission de bidon. Je souligne, encore une fois: de bidon. M. Audet, le président de la Chambre de commerce du Québec, qui est venu témoigner en commission parlementaire et à qui j'ai posé la question sur la légitimité du processus, je vais me faire un plaisir, quand je vais le rencontrer la prochaine fois, de lui transmettre le commentaire du député d'Orford et de ses consoeurs et confrères, parce qu'ils ont tendance à penser ça. Je ne suis pas sûr, moi, que les gens d'affaires du Québec qui, au nombre de plusieurs dizaines de milliers, font partie des différentes chambres de commerce locales, chapeautées par une Chambre de commerce provinciale qui s'appelle la Chambre de commerce du Québec, avec comme président M. Audet, apprécieraient fort qu'on leur dise qu'ils se déplacent pour une commission bidon. Ils n'en ont pas eu, du tout, l'impression et ils nous l'ont signifié.

L'UPA. Ce n'est pas rien, l'UPA, l'Union des producteurs agricoles, qui est venue témoigner. La Communauté urbaine de Montréal, et, c'est vrai, bon, c'est 2 000 000 de personnes que ça représente. Ils n'ont pas eu l'impression de se présenter devant une commission bidon.

(20 h 50)

Le Parti libéral, lui, il s'est retiré. C'est toujours plus facile, évidemment, de se retirer et d'aller chercher son 15 secondes de gloire que de tenter d'identifier avec les intervenants quels ont été les problèmes, où les solutions auraient dû arriver et comment on pourrait améliorer. Ça, ça aurait été un travail de législateur sensé et responsable. Nous l'avons fait à votre place, nous avons écouté, et les commentaires n'étaient pas toujours complaisants, je vous le soulignerai. À plusieurs reprises, des groupes sont venus nous dire que nous aurions dû faire telle chose de telle façon ou de telle autre façon. C'est ça, assumer correctement son rôle de législateur.

Parlons maintenant des mesures correctives qui ont été entre autres présentées et recommandées par le rapport Nicolet et qui ont amené des interventions d'Hydro-Québec cette dernière année. Évidemment, il y a eu tout le renforcement des infrastructures. Des poteaux aux tours, Hydro-Québec a, pour une grande partie, refait l'ouvrage.

Une autre des mesures correctives qui ont été apportées par le rapport Nicolet était la nécessité d'assurer le bouclage des différents réseaux de transport d'électricité. Et je dis le bouclage des différents réseaux parce qu'on a tendance à penser qu'il n'y a qu'Hertel–des Cantons qui a été bouclé, alors qu'en réalité Québec a été bouclé ou est en train de l'être: la Mauricie, Montréal, la région de l'Outaouais et aussi effectivement, pour une partie, pas pour la totalité, la Montérégie.

Les libéraux, le parti de l'opposition, prétendent que toutes ces mesures-là ont été faites sans aucune forme de consultation, que ce que disaient les décrets, c'est: Allez de l'avant, n'en parlez à personne. Faites votre job, puis on assumera ensuite les réalités qui se présenteront. Permettez-moi de corriger cette impression que le parti de l'opposition a laissée planer.

Tableau des activités – au pluriel – d'information et de consultation quant aux différents travaux de bouclage entrepris par Hydro-Québec. La boucle montérégienne – ça, c'est Hertel–des Cantons – des rencontres publiques, il y en a eu 53. Il aurait peut-être fallu y en avoir 200, mais 53, c'est beaucoup plus que zéro. Des rencontres avec les comités techniques Hydro-Québec–MRC – je dis bien MRC – ces regroupements de maires qui représentent les citoyens concernés, 34. Ce n'est pas rien, ça. Rencontres avec des comités techniques Hydro-Québec–UPA, l'Union des producteurs agricoles, 27. Rencontres avec des personnes individuelles et des propriétaires, 1615. Ce n'est pas vrai qu'il n'y en a pas eu de consultations. Il y a eu beaucoup de consultations dans un contexte où Hydro-Québec devait rapidement – je le dis bien, rapidement – rassurer la population et sécuriser le réseau de transport d'électricité, évidemment.

Permettez-moi de vous citer au texte le mémoire présenté par la communauté urbaine, mémoire qui a été écrit, selon ce qu'on nous dit, il y a à peu près deux semaines. Et cette phrase-là m'a interpellé, et j'ai pris la peine de questionner les personnes qui représentaient la communauté urbaine. Alors, le titre, c'est Notre dépendance énergétique . «Lors de la tempête de verglas de janvier 1998 – et je cite – nous avons constaté l'ampleur de l'insécurité énergétique dans laquelle se trouvaient la population, les services publics, les entreprises et les autres infrastructures vitales.» C'est le constat qu'une année plus tard fait encore la Communauté urbaine de Montréal sur le désastre que représentait le verglas. Ils nous disent: Nous devons absolument sécuriser la grande région de Montréal, qui est plus ou moins la moitié de la population du Québec aussi, afin de s'assurer, que ça soit dans un an, dans six mois, dans 10 ans, qu'un désastre de l'ampleur de celui que nous avons connu en 1998 ne puisse avoir les mêmes impacts – il pourrait toujours se reproduire, mais ne puisse avoir les mêmes impacts.

La ligne Hertel–des Cantons va garantir à Montréal, dans l'éventualité d'un désastre, une sécurité de l'ordre de 2 000 MW. Ce n'est pas suffisant pour remplir l'ensemble des besoins de la région métropolitaine, mais c'est un des outils qui permettra aux hommes, aux femmes, aux écoles, aux hôpitaux, l'accessibilité à l'eau courante, qui assurera que cette région puisse être protégée.

Mais je me pose la question: selon le parti de l'opposition, la ligne Hertel–des Cantons n'a pas vraiment pour objectif de sécuriser la région de Montréal. C'est une façade, c'est une façon de tromper la population. En réalité, ce que nous dit le parti de l'opposition, c'est que cette ligne-là a principalement pour objectif d'envoyer notre électricité aux États-Unis. C'est ça qu'ils disent. C'est ça, leur prétention.

(21 heures)

Qu'en est-il de cette prétention-là? J'ai posé la question – et le ministre l'a fait – à M. Caillé lui-même. Et c'est dans le verbatim. Et soyez assurés d'une chose, ce que dit M. Caillé, on pourra toujours y revenir si ce n'est pas vrai. Il a déclaré... Question du ministre: «Entre Hertel et des Cantons, avec un nouveau poste en Montérégie, qu'est-ce que vous dites des sombres complots qu'on vous prête de vouloir, au fond, utiliser cette ligne pour augmenter vos exportations vers les États-Unis, en y ajoutant, bien sûr, une interconnexion?» La question est assez claire: La ligne Hertel–des Cantons ne sert pas à sécuriser le système montréalais, elle sert à transporter l'électricité québécoise vers les États-Unis.

Réponse de M. Caillé: «Oui, alors, commençons d'abord par nos intentions, nos sombres desseins d'exporter de l'électricité à travers le Vermont, donc en utilisant la ligne des Cantons–Hertel. Je dois vous dire que, premièrement, dans l'état actuel des choses, en 1998, il y a un rapport annuel qui le confirme, on a utilisé les interconnexions, les interconnexions existantes – pas celles qui pourraient être projetées, là; elle n'existe pas, l'interconnexion, actuellement, entre des Cantons et les États-Unis, donc, je reviens au texte – on les a utilisées à 38 % de leur capacité, pour des exportations de 18 TWh.» Les interconnexions actuelles, qui existent au Québec et qui sont construites pour pouvoir, lorsque l'occasion se présente, exporter aux États-Unis, sont utilisées à 38 % de leur capacité.

M. Caillé continue: «Si on se place dans 10, 15 ans – ce n'est pas demain, ça, dans 10, 15 ans – quand on aura complété ce qu'on appelle le "parachèvement du développement du potentiel hydroélectrique du Québec", on aura peut-être ajouté 25 % à la capacité de production. Supposons donc, à ce moment-là, que nous ayons 40 TWh de plus. De ce 40 TWh là, comme on a déjà eu l'occasion de l'expliquer ici même, il y en a seulement 30 % qui pourront aller aux États-Unis.» Donc, dans 10, 15 ans, lorsqu'on aura développé toutes les infrastructures nécessaires, on ne pourra, de toute façon, exporter plus de – 30 % de 40 TWh, ça fait à peu près 13 TWh – 13 TWh. Actuellement, on en envoie 18 TWh pour 38 %. Si on ajoute un 13 TWh à ça, ça ne fera jamais plus que 72 % ou 75 % de la capacité des interconnexions.

Donc, je réponds comme M. Caillé l'a fait. Il a beau n'être pas vite, on n'ira quand même pas...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi. M. le député de Groulx, je m'excuse. M. le député de Groulx, non, ce n'est pas... vous avez encore du temps. C'est que M. le leader adjoint de l'opposition soulève une question de règlement. Là, je dois l'entendre sur ça.

M. Mulcair: Oui. S'il vous plaît, il vient de nommer le député par son nom, «comme M. Kelley l'a fait». Qu'il le nomme par son comté, qui est Jacques-Cartier.

M. Kieffer: Oui, M. le Président. C'est...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ça m'a échappé, moi aussi. En tout cas, je vous demande de désigner par leur titre...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous laisse, monsieur, le temps de poursuivre.

M. Kieffer: Alors, avant cette interruption, je disais donc que, dans 10, 15 ans, nous aurons suffisamment de capacité d'interconnexions avec les Américains pour leur envoyer les surplus d'électricité que les projets hydroélectriques qui seront mis en place dans ces 10 ou 15 ans là auront permis de libérer comme énergie supplémentaire. Donc, ce serait une folie d'aller dépenser des centaines de millions de dollars, alors que nous n'en avons pas besoin, uniquement pour construire une ligne qui irait vers les États-Unis.

Donc, par l'absurde – j'ai de la difficulté, des fois; je me demande s'ils comprennent ce que ça signifie – Hertel–des Cantons n'a aucune utilité pour le Québec vis-à-vis de l'exportation. La seule et unique fonction d'Hertel–des Cantons est d'assurer la sécurisation du transport et du réseau d'électricité au Québec pour faire en sorte que, la prochaine fois qu'il y aura un désastre – et personne ne le souhaite – il n'y ait pas 3 500 000 personnes, et non pas 1 000 000, comme le prétendait le député d'Orford, qui souffrent inutilement parce que nous n'aurons pas prévu. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Groulx. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Pontiac. M. le député.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Oui. Merci, M. le Président. À entendre le député de Groulx, il semblerait que le gouvernement a procédé et que l'opposition s'objecte à ce qu'on puisse sécuriser le réseau. Il n'y a rien de plus faux que ça. Et, avant peut-être que le député passe à d'autres – pardon? – ...

Une voix: Responsabilités.

M. Middlemiss: ...oui, d'autres responsabilités, j'aimerais juste citer la partie du rapport de M. Nicolet.

On disait que Hertel–des Cantons, ça ne faisait pas de sens de construire ça parce qu'il n'y aurait pas d'énergie de disponible pour le Vermont avant 30 ans. À la page 276 – et je cite le rapport de M. Nicolet: «La solution technique retenue pour améliorer la sécurité du poste de Saint-Césaire et qui consiste en l'aménagement d'un lien de 535 kV entre le poste des Cantons et le nouveau poste Montérégie à Sainte-Cécile-de-Milton ne peut être appréhendée sur la seule base de déclarations publiques d'Hydro-Québec. En l'absence de renseignements confirmés, les experts de la Commission en ont été réduits à interpréter un faisceau non pas de preuves, mais de présomptions. La puissance énergétique de la boucle prévue entre Hertel et des Cantons se comprend mal dans la seule perspective de la croissance anticipée du marché de la Montérégie.» Ça, M. le Président, c'est M. Nicolet qui dit ça. «Le projet de nouvelle ligne de transport en direction nord-sud, qui est attribué à Vermont Electric Power Company, laisse, en fait, présager de nouvelles interconnexions avec le Québec.»

Donc, M. le Président, regardez, hein, c'est certain que l'opposition ne s'objecte pas à vouloir sécuriser le réseau dans l'éventualité d'une autre tempête de verglas qui serait équivalente à celle que nous avons eue au mois de janvier 1998. Mais le problème, c'est que, si le gouvernement aujourd'hui cherche toutes sortes de façons de procéder à construire la ligne Hertel–des Cantons, et dans le tumulte, c'est que le gouvernement n'a pas procédé à faire les études, à respecter les lois que lui-même, ce gouvernement, a mises en place.

Commençons par la Loi sur la protection du territoire agricole. Qui a mis cette loi en place? Le Parti québécois, le parti de la social-démocratie. Et je me souviens bien, M. le Président, en 1989, mai, juin 1989, que le présent ministre des Ressources naturelles critiquait le gouvernement libéral du temps sur le zonage agricole de la ville de Laval. C'était épouvantable, M. le Président. Et je vais vous expliquer.

La ville de Laval, à ce moment-là, avait passé un plan de développement, un schéma de développement en 1970. Le zonage agricole est arrivé en 1978. Et on a peinturé des endroits où, déjà – en vert, on a peinturé ça – on avait les égouts et les aqueducs. Devant ce problème, et ce problème survenait partout à travers le Québec au moment de la révision du schéma d'aménagement qui se faisait à tous les cinq ans, le gouvernement en place, on s'est organisé: Regardez, si le zonage agricole cause des problèmes au moment de la révision du schéma d'aménagement, on va mettre en place une procédure de consultation auprès de la population. On l'a fait. Et le premier endroit où nous avons réussi, où nous nous sommes présentés avec la consultation, ça a été la ville de Laval, et, ce n'était pas surprenant, ça a été accepté. Même les membres du Parti québécois de la région ont présenté des mémoires qui supportaient la position. Donc, il n'y a aucun changement. M. le Président, ça, c'est pour vous montrer qu'il y a des gouvernements qui sont réceptifs aux oppositions, aux suggestions, aux recommandations de l'opposition. Nous l'avons fait.

(21 h 10)

M. le Président, lorsque ça vient à la Loi sur la qualité de l'environnement, regardez, il me semble que ça aussi, c'est bien important. On dépense des millions et des millions pour des études d'impact, lorsqu'on construit des routes, lorsqu'on construit des barrages. Et, cette fois-ci, on construisait une ligne de transmission d'électricité, quelque chose qu'on ne peut pas cacher dans la nature. C'est quelque chose qui est très apparent dans la nature. Et, M. le Président, on peut bien évoquer l'urgence, sauf que l'urgence, lorsqu'on... Et, dans le cas de Hertel–des Cantons, ça va prendre trois ans à construire, donc, réellement, l'urgence... Je peux voir que l'urgence, c'est quelque chose qu'on doit faire immédiatement. Mais, même à ça, il n'y a aucune raison de ne pas suivre la Loi sur la qualité de l'environnement, faire les études qui s'imposaient, faire les consultations.

Et, en bout de piste, comme le disait tantôt mon collègue d'Orford, le gouvernement, dans sa sagesse, pouvait, à cause de l'urgence, certainement passer un décret disant: Oui, regardez, on est allé, on a écouté, mais, pour telle ou telle raison, nous ne sommes pas d'accord de suivre les recommandations, et on passe un décret. Mais on a mis la charrue devant les boeufs, M. le Président. On n'a même pas osé soumettre ce projet au Bureau des audiences publiques en environnement.

M. le Président, on parle d'Hertel–des Cantons. Il y a aussi la région de l'Outaouais. Oui, M. le Président, je pense que les travaux sont terminés, mais, là aussi, ça n'a pas été facile. Ça n'a pas été facile, M. le Président. Les gens, les élus municipaux, les gens des MRC ont été obligés de forcer le gouvernement, de forcer Hydro-Québec à même changer le tracé.

Donc, il me semble que c'était tellement important et il me semble que la chose qu'on doit faire dans un premier temps, c'est de certainement respecter les lois qui touchent la qualité de l'environnement, qui touchent la protection de notre territoire agricole, la Loi sur l'aménagement du territoire, toutes des lois qui ont été mises en place et auxquelles tous les citoyens sont obligés, eux, de se soumettre, avec les conséquences qui en résultent. Ils doivent se soumettre à ça. Mais le gouvernement, lui, il peut, lorsque ça fait son affaire... Et, comme le disait tantôt le député de Jacques-Cartier, M. le Président, c'est la fin qui justifie les moyens.

Là on se servait d'une crise du verglas, on se servait de ça comme prétexte qu'on pouvait passer outre à la Loi sur la qualité de l'environnement, la Loi sur la protection du territoire agricole, la Loi sur l'aménagement du territoire. Tout était permis parce que, M. le Président, on avait eu une crise, et la population, oui, en a souffert énormément. Et c'est certain, lorsqu'on dit à ces gens-là: Regardez, on est en train de faire quelque chose qui va empêcher qu'une telle crise se reproduise encore...

Mais, M. le Président, je pense que tout le monde connaît les statistiques, et une tempête de verglas de cette envergure, d'après les statistiques, je ne crois pas, M. le Président, que ça se ferait en l'espace de 10 ans ou 15 ans. Il y en a qui sont des experts puis qui ont émis une opinion que ça prendrait pas mal plus d'années que ça. C'est un peu comme les inondations. On a des inondations qui se produisent, et on a établi, on a réussi avec le temps, avec l'amélioration des moyens, à prédire quelles sont les zones inondables, les zones qui sont inondables à tous les 10 ans, à tous les 15 ans, à tous les 20 ans. Donc, M. le Président, dans le cas de la tempête de verglas, ça aussi, ça peut se prévoir, à quel moment dans le temps. Donc, l'urgence en soi, d'après moi, c'est quelque chose qui n'avait pas de justification.

Et, lorsqu'on s'aperçoit, ce gouvernement s'aperçoit qu'il se fait prendre la main dans le sac... Parce qu'il y a un juge qui a dit: Aïe! qu'est-ce que vous avez fait? Vous n'avez pas fait selon les règles, selon le respect des lois, et vous allez être obligé de le faire de cette façon-là. Et, à cause de ça, M. le Président, immédiatement, le gouvernement, pour se défendre, a attaqué: Les gens de l'opposition veulent nous faire démolir quelque chose qui nous a coûté 900 000 000 $.

Ce n'est pas vrai, M. le Président. Ce n'est pas vrai. Si le gouvernement avait au moins eu la décence d'écouter l'opposition, ici, ainsi que les gens, les citoyens que nous représentons ici, à l'Assemblée nationale, les gens qui nous envoient ici, chacun de nous, si on avait pu écouter ces gens-là, ils ne seraient pas dans le pétrin dans lequel ils sont aujourd'hui, ils ne seraient pas obligés d'accuser tout le monde, d'être arrogants envers tout le monde, d'appeler les gens qui ne sont pas d'accord avec eux un groupuscule, M. le Président. À ce moment-là, je vous dis que certainement ça démontre que, lorsqu'on se fait prendre à faire les choses qu'on n'est pas censé faire, notre réaction est différente.

M. le Président, le jugement a été assez clair. On a dit: Regardez, le projet en soi, c'est un tout. Ce qui a été fait doit aussi être soumis à qu'est-ce qu'il reste à faire. Mais le gouvernement présente un projet de loi rétroactif et, à ce moment-là, il tente encore... Même après avoir été avisé, après un jugement qui a été rendu, on cherche encore toutes sortes de moyens pour ne pas se soumettre, ne pas respecter les lois que le gouvernement lui-même a passées.

Mr. Speaker, this Bill 42 is an Act respecting the construction of infrastructures and equipment by Hydro-Québec on account of the ice storm of 5 to 9 of January 1998. The reason why this bill has been presented, it is because the Government, instead of listening to the Official Opposition and also, maybe mostly, to the citizens affected by that power line Hertel–des Cantons, instead of listening to them, they decided to proceed by decree, proceed on the basis that it was urgent, as a result of the ice storm of January 1998, that it was very important to proceed to reinforce and provide a more solid service of electricity to the Montérégie, the areas that were more affected by the ice storm.

Mr. President, we are not against it. We also suffered, even though we're not members of the Government, we also suffered by the lack of electricity, and basically we all agree that we should do something to improve the status of the transportation of our power, which is very important. So, why are we doing this bill this evening? A bill that was forced by a judgment. The Judge Rousseau said that what has been done, all of the decrees that were passed were not legal, they went against the existing laws on the quality of the environment, the protection of the agricultural land and also the planning.

(21 h 20)

So, basically, what we are suggesting to the Government is that it's not too late. Why not proceed to have this project go through the proper channels? And, basically, if, at the end of all this, the Government judges that the decisions, the recommendations are too severe and we will not be able to provide a safe transportation system for electricity, then the Government has that power to utilize the decree, to proceed with decree and build the line, Mr. President.

And this has happened. I know that it has happened in the construction of highways and so on. And the surprising thing is: Why didn't the Government proceed to do studies? Because, when we build roads, we build dams and we are subjected to this, and there are millions of dollars that are spent in impact studies. And, from these impact studies, you end up having the environment examine this and make their recommendations.

Donc, M. le Président, c'est triste de voir un gouvernement qui se dit un gouvernement social-démocrate qui... surtout depuis sa réélection. Avant l'élection, c'était pas mal différent. Avant l'élection de 1998, M. le Président, on avait une attitude positive, on respectait tout le monde. Mais il semblerait, M. le Président, que, depuis l'élection de novembre 1998, il y a une certaine arrogance qui s'est mise un peu dans le gouvernement.

Et, M. le Président, ce n'est pas celui qui vous parle, en réalité, qui le dit. Et je voudrais vous citer L'arrogance du pouvoir , certains passages, de Michel David. On dit: «Bien sûr que non, mais, si on suit la logique de M. Chevrette, le gouvernement ne consultera désormais la population que si elle est d'accord avec lui. Voilà une conception assez singulière de la démocratie.»

Et ensuite on dit: «On serait tenté de porter cet incident au compte du manque de tact légendaire de M. Chevrette, si son collègue Brassard, aujourd'hui responsable des Ressources naturelles, n'avait réagi de façon tout aussi déplorable face à la Coalition des citoyens du Val-Saint-François.

«Il est facile de comprendre l'irritation de M. Brassard en voyant les travaux de la commission parlementaire qui examine les travaux de sécurisation du réseau d'Hydro-Québec être perturbés par le boycott de la Coalition et de l'opposition libérale.

«Cela ne justifie cependant en rien le mépris qu'il a manifesté lui aussi à l'endroit de ce qu'il a qualifié de "groupuscule de Val-Saint-François qui se qualifie pompeusement de coalition et à qui la victoire judiciaire manifestement monte à la tête".»

Ça, M. le Président, c'est certainement un signe d'arrogance. «Il y aura bientôt – et je cite encore – cinq ans que le PQ est au pouvoir. Tous ceux qui sont passés par là vous diront que le plus grand danger qui guette un gouvernement à ce stade de son existence, c'est l'arrogance.

«Ça n'arrive pas tout d'un coup. Petit à petit, on s'éloigne de la population. On devient plus insensible à ses malheurs. On finit par voir des "groupuscules" partout. Et, un beau matin, on se réveille dans l'opposition.»

Et, M. le Président, c'est pour ça qu'avec mes collègues de l'opposition nous allons voter contre ce projet de loi, pas parce qu'on ne juge pas que c'est nécessaire de faire le bouclage, mais il y a le respect des lois, et les lois sont faites pour tout le monde, incluant le gouvernement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Pontiac. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Évidemment, j'ai hésité également, par souci d'alternance, à savoir s'il y avait un député ministériel qui voulait prendre la parole sur cette importante question. Mais j'imagine, après le spectacle son et furie du député de Groulx, que les députés ministériels n'ont plus rien à dire. Le député de Groulx a parlé tellement fort qu'il a, j'imagine, pris la parole de presque tous les députés ministériels.

M. le Président, nous sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998. The Bill 142, Bill 42 – pardon me, Mr. Speaker – An Act respecting the construction of infrastructures and equipment by Hydro-Québec on account of the ice storm of 5 to 9 January 1998.

Évidemment, M. le Président, il s'agit d'un projet de loi qui est le résultat de la tempête du grand verglas survenue au Québec en janvier 1998. Et la raison pour laquelle nous sommes ici, ce soir, à 21 h 25, pour discuter de ces questions, c'est dû presque entièrement au fait que le gouvernement du Parti québécois a adopté, en plaidant l'urgence, une série de décrets pour sécuriser le réseau. C'est l'argumentation, en tout cas, du gouvernement, des députés ministériels. Et, quand on parle de sécuriser le réseau, il s'agit évidemment de travaux communément appelés des travaux de bouclage. La ligne principale est Hertel–des Cantons, mais il y en a d'autres. Les décrets, qui ont été adoptés sur une période de quatre mois, à peu près – janvier, février, mars, avril, mai – tout près de cinq mois, série de décrets qui...

Je rappelle aux gens qui pourraient nous écouter, M. le Président, la différence évidemment entre un décret puis un projet de loi. Le décret est adopté par le Conseil des ministres, c'est-à-dire 20 personnes, les ministres du gouvernement du Parti québécois, avec aucune voix dissidente, avec aucune possibilité de débat public. Et ce principe est fort important, M. le Président, parce que les décrets se font, comme vous le savez, à l'intérieur d'un huis-clos tout à fait formel. Ça se discute entre ministres du gouvernement du Québec, avec aucun commentaire des partis de l'opposition, avec aucun parlementaire, tout autre parlementaire, d'ailleurs, M. le Président. Alors, c'est vraiment fait derrière des portes fermement fermées et barrées.

Mais, de toute évidence, M. le Président, la série de décrets adoptés par le gouvernement du Québec allait à l'encontre de trois de nos lois. Je pense que, probablement, le ministre des Ressources naturelles d'alors, le député de Joliette, probablement le ministre de l'Environnement savaient que ces décrets-là allaient à l'encontre de nos lois, et plus précisément de trois de nos lois: la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et la Loi sur la qualité de l'environnement. Moi, j'imagine que les ministres savaient, de toute évidence, que leurs décrets allaient à l'encontre de ces trois lois-là. Mais ils ont jugé, dans le temps, pour toutes sortes de raisons qu'on va examiner plus tard, qu'il fallait procéder à ce moment-là par décret. On va voir, M. le Président, que c'était une mauvaise décision du gouvernement du Québec, du gouvernement du Parti québécois, de procéder par voie de décret.

En août 1998, M. le Président, un groupe de citoyens se sont prévalus de leur droit de contester ces décrets, ces décisions gouvernementales devant les cours. Et, en même temps, ou peu après, le gouvernement a constitué une commission d'enquête, une commission scientifique et technique sur le verglas, plus communément appelée la commission Nicolet.

M. le Président, cette situation assez délicate est survenue quand plusieurs citoyens du Québec, des citoyens de Val-Saint-François, ont été obligés de traîner leur gouvernement en cour afin qu'il respecte ses propres lois. Il faut le faire, M. le Président! Le fardeau de faire respecter les lois du Québec, des lois dûment votées par l'Assemblée nationale, reposait sur les épaules des simples citoyens de la MRC du Val-Saint-François, une coalition de citoyens de Val-Saint-François. On aurait pu s'attendre à ce que le gouvernement du Québec s'assure le respect de ses lois. Mais non, c'est le contraire. Alors, les citoyens ont été obligés de commencer des procédures judiciaires, avec tout ce que ça comporte, pour tenter de faire en sorte que le gouvernement du Québec, leur gouvernement, respecte ses propres lois. Il faut le faire, M. le Président! Et ils ont gagné leur cause.

(21 h 30)

Ils ont gagné leur cause. L'honorable Jeannine Rousseau a écrit un jugement, fort intéressant, d'ailleurs, qui donne raison à 100 % aux citoyens du Val-Saint-François, la Coalition. Elle déclare et juge que toute une série de décrets outrepassent les pouvoirs du Conseil exécutif et sont, à toutes fins que de droit, illégaux, ultra vires, nuls et sans effet. Et ça continue, M. le Président, le jugement est très limpide, très clair. On déclare l'exercice du pouvoir d'autorisation en vertu de l'article 66, et ainsi de suite, nul, sans effet, ultra vires, et ainsi de suite. Ça continue. M. le Président, il y a à peu près une douzaine de paragraphes où le gouvernement du Québec, Hydro-Québec est condamnée à 100 % par la juge Rousseau.

M. le Président, le gouvernement aurait pu agir autrement. Et, le député de Groulx, tantôt, parlait du fait que le parti de l'opposition s'insurge contre le fait qu'il n'y a pas eu de consultations, et, lui, il dit: Bien, il y en avait, des consultations, avec la MRC du Val-Saint-François. Il a même dit, je pense – je ne veux pas induire la Chambre en erreur – qu'il y avait eu une quarantaine de rencontres. Ça dépend évidemment comment on définit le mot «consultations», M. le Président. Pour le député de Groulx, le fait qu'Hydro-Québec ou un représentant du gouvernement s'est assis avec des représentants de la MRC du Val-Saint-François pour en parler, du projet, c'est des consultations. Mais la juge Rousseau, par contre, parle d'autres choses.

Et l'honorable juge Rousseau, à la page 17 de son jugement, donne un extrait du procès-verbal – je la cite au texte, M. le Président – du 1er avril 1998, ci-bas: «...exprime – et je suis convaincu que le député de Groulx m'écoute attentivement – le désaccord profond de la MRC quant à l'absence de respect des lois à teneur environnementale; ce quasi-mépris de ces lois se manifestait par l'imposition d'un délai très court, mais aussi par l'attitude d'Hydro-Québec qui voulait imposer les conclusions qu'elle désirait avant même que ces conclusions n'aient été étudiées conformément à la loi.»

Le député de Groulx, dans son spectacle de son et furie, appelle ça des consultations. Mais le député de Groulx n'a pas lu le jugement, parce que la juge Rousseau indique très clairement que la MRC du Val-Saint-François était complètement contre, exprimait son désaccord profond, parlait du fait qu'Hydro-Québec voulait imposer les conclusions qu'elle désirait avant même que ces conclusions n'aient été étudiées. Pour le député de Groulx, c'est des consultations, ça. Mais, je regrette, M. le Président, pour M. et Mme Tout-le-Monde, je pense, pour le monde ordinaire, ce n'est pas des consultations, ça. Qu'Hydro-Québec veuille imposer des conclusions avant même qu'elles soient étudiées, si c'est ça que le député de Groulx appelle des consultations, il a une drôle de façon de voir les choses, M. le Président.

Quelle aurait été la procédure normale, M. le Président? The normal procedure, Mr. Speaker, would have been for the Government to submit these infrastructure projects to, amongst other things, the Bureau des audiences publiques sur l'environnement. We have a procedure, Mr. Speaker, for these types of public works. The procedure is clear and the Government had an option of submitting these public works to the proper process. That would have respected citizens. It would have respected our laws and procedures.

C'est ça que la juge Rousseau nous dit. Il aurait fallu passer par le BAPE, il aurait fallu soumettre le projet au BAPE. Le ministre des Ressources naturelles nous dit: Non, je ne veux rien savoir. Au lieu de respecter le jugement de Mme le juge Rousseau, je prends une loi qui exempte rétroactivement toutes les choses qu'on a faites et que la juge a déclarées illégales.

Alors, c'est ça que le gouvernement propose. Et pourquoi? Le gouvernement plaide que c'est urgent pour sécuriser le réseau. Il dit: C'est un gouvernement responsable, il a fallu agir immédiatement, il y a une notion d'urgence. J'ai entendu l'autre jour, M. le Président, le ministre des Ressources naturelles, si vous permettez l'expression, M. le Président, «blaster» l'opposition libérale parce qu'on n'était pas responsable. Il a fallu qu'un gouvernement agisse... il faut qu'il agisse, pas pour des groupuscules, mais pour tout le monde, pour sécuriser le réseau. Il s'est pété les bretelles. Il a dit: Moi, je suis responsable. Moi, j'agis pour le bien du Québec en entier. C'est bien beau, là. C'est moi, le ministre. L'opposition peut faire autre chose, peut jouer avec des groupuscules, des petites affaires, peut jouer avec des niaiseries.

M. le Président, personnellement, je n'ai pas besoin de recevoir des leçons du ministre des Ressources naturelles quant à la crise du verglas. J'ai un soupçon, M. le Président, que lui-même n'était pas personnellement touché par la crise du verglas. J'ai l'impression que le ministre des Ressources naturelles d'alors, le député de Joliette, n'était pas touché personnellement par la crise du verglas. Mais, M. le Président, mon comté y était. Ma résidence était touchée personnellement. J'ai été touché personnellement. Mon épouse a été touchée personnellement. Mes trois enfants ont été touchés personnellement. Le député de Vimont opine du bonnet parce que nous demeurons dans le même quartier. Alors, lui-même aussi a été touché, j'imagine, personnellement.

Alors, je n'ai pas de leçons à recevoir à quel point il est important de sécuriser le réseau, pas de leçons du tout. Nous avons vécu, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, un minimum de huit jours, pour à peu près 90 % des domiciles, sans électricité. Comme la ville de Montréal était... Il y avait une possibilité qu'il n'y ait plus d'eau potable. Ça ne touchait pas, j'imagine, le ministre des Ressources naturelles, mais ça me touchait, M. le Président. Ça a touché ma fille de trois ans et mes enfants. Alors, oui, on a vécu ça ensemble, dans un grand esprit de solidarité. Alors, je n'ai pas de leçons à recevoir du ministre quant à l'importance d'agir pour l'avenir, pour éviter une telle crise, ni du député de Groulx, pas de leçons à recevoir du tout, M. le Président.

Mais la juge Rousseau, encore une fois, est très éloquente là-dessus, M. le Président, parce qu'elle aussi elle a pris conscience et en considération la notion d'urgence. Et je la cite, à la page 83: «Mais qu'en est-il de l'urgence, les millions de personnes dont la vie a été perturbée, les centaines de milliers de personnes évacuées...» On a vécu les évacuations forcées dans mon quartier, M. le Président, dans mon comté, des personnes âgées qui vivaient dans des tours, des blocs-appartements, qui étaient là depuis cinq jours, six jours, sans chauffage; il a fallu les obliger à sortir, M. le Président. J'étais présent pour l'opération des pompiers de la ville de Montréal. Il y avait des abris d'urgence chez nous, M. le Président, où des centaines de résidents de Notre-Dame-de-Grâce étaient obligés de vivre, d'obtenir des repas, de vaquer à leurs besoins les plus importants.

Alors: «...les décès, les problèmes de santé et de sécurité, dont l'alimentation en eau potable – on a vécu ça, M. le Président – les pertes économiques, le désir, bref, de se prémunir contre une catastrophe appréhendée? Ces faits ne sont pas oubliés – selon la juge Rousseau. Mais d'autres moyens existaient pour permettre une action rapide en toute légalité – parce que c'est de ça qu'il s'agit, M. le Président – entre autres une loi spéciale.» Mais pas une loi spéciale aujourd'hui rétroactive, M. le Président. Il faut bien faire la distinction. La juge Rousseau nous indique: «Il eût fallu, bien sûr, rappeler l'Assemblée nationale et y débattre les mesures envisagées. Il est de connaissance judiciaire que les gouvernements agissent ainsi à l'occasion: grèves illégales, conventions collectives dans le domaine public, par exemple. Cette approche législative aurait pu régler toutes les embûches, techniques et autres.» C'est un commentaire très limpide de l'honorable juge Rousseau, M. le Président.

(21 h 40)

Mais non, ce n'est pas ça que le gouvernement a fait. Il a agi avec les décrets. Et maintenant, après un jugement qui indique que ces décrets sont illégaux, on revient avec une loi à caractère rétroactif. Puis l'autre côté tente de nous faire croire qu'ils sont un gouvernement responsable parce qu'il vient rétroactivement corriger une situation qui était manifestement illégale.

M. le Président, l'urgence de sécuriser, la juge Rousseau en parle, mais aussi la commission Nicolet en parle, puisqu'on parle du tronçon, entre autres, Hertel– des Cantons. Je cite à la page 276 la Commission Nicolet: «La solution technique retenue pour améliorer la sécurité du poste Saint-Césaire, qui consiste en l'aménagement d'un lien de 735 kV entre le poste des Cantons et le nouveau poste Montérégie à Sainte-Cécile-de-Milton, ne peut être appréhendée sur la seule base des déclarations publiques d'Hydro-Québec.» C'est fort, ça, M. le Président, «ne peut être appréhendée sur la seule base des déclarations publiques d'Hydro-Québec». Ça, c'est la commission scientifique mandatée par le gouvernement.

«En l'absence de renseignements confirmés, les experts de la commission en ont été réduits à interpréter un faisceau non pas de preuves mais de présomptions. La puissance énergétique de la boucle prévue entre Hertel et des Cantons se comprend mal dans la seule perspective de la croissance anticipée du marché de la Montérégie. Le projet de nouvelle ligne de transport en direction nord-sud et attribué à Vermont Electric Power Company laisse en fait présager de nouvelles interconnexions avec le Québec.» Autrement dit, M. le Président, laisse en fait présager de l'exportation.

Il y a cet élément qui est absolument important et critique pour nous parce que, si la commission Nicolet elle-même indique qu'on ne peut pas expliquer la puissance de la ligne Hertel–des Cantons par le fait même de vouloir sécuriser le réseau, mais plutôt pour exporter au Vermont, ça change tout à fait le caractère des travaux qui ont été entrepris par Hydro-Québec. M. le Président, pour toutes ces raisons, il est clair que l'opposition ne peut pas souscrire aux démarches prévues par le gouvernement.

Mr. Speaker, my colleague, the Member for Jacques-Cartier, spoke earlier about this famous phrase about the end justifying the means and it's being used by the Minister of Natural Resources and I suspect will be used by others that, in order to obtain the ends that are necessary, according to the Government, to solidify the network, all the means at their disposal are valid.

Well, Mr. Speaker, we do not share that point of view. We understand the necessity to solidify the network to prevent this kind of thing from happening again, but we do not believe that the means undertaken by the Government are legitimate, are transparent and will serve the purposes to which they were designed. We suspect other motives relating to the export of electricity to the state of Vermont and we cannot agree with the motives that were presented by the Government. Thank you, Mr. Speaker.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de La Prairie. M. le député.


M. Serge Geoffrion

M. Geoffrion: Merci, M. le Président. La tempête de pluie verglaçante de janvier 1998, la tempête de verglas comme on l'appelle communément, s'est abattue sur neuf régions du Québec. Quelque 598 municipalités de l'Estrie, de l'Outaouais, de Chaudière-Appalaches, de Laval, de Montréal, de Lanaudière, du Centre-du-Québec, des Laurentides et bien sûr de la Montérégie ont été touchées, en tout ou en partie.

Dans mon comté de La Prairie, c'est plus de 75 000 femmes, hommes et enfants qui ont été affectés par ce qui est aujourd'hui reconnu par tout le monde comme un sinistre majeur. En fait, le Québec n'avait jamais vécu de sinistre de cette envergure affectant autant de personnes pour une période de temps aussi longue, de quelques jours pour les uns à plus d'un mois pour des milliers d'autres. Parlez-en aux gens de mon comté, mais également aux gens de Saint-Jean-sur-Richelieu, de Granby, de Saint-Hyacinthe et de tant d'autres municipalités de la Montérégie. Comme le signale le rapport de la commission scientifique et technique chargée d'analyser les événements relatifs à cette tempête de verglas, la commission Nicolet, le sinistre climatique vécu par le sud du Québec entre le 5 et le 9 janvier 1998 s'est rapidement transformé en un sinistre technologique avec l'interruption des approvisionnements en électricité. L'évolution du nombre d'abonnés d'Hydro-Québec affectés par les différentes pannes permet de mesurer l'ampleur du sinistre. Dès le 6 janvier 1998, Hydro-Québec annonce que 700 000 abonnés sont privés d'électricité. Ce nombre chute à 500 000 le 7 janvier, pour dépasser le million d'abonnés le 8. Un maximum d'abonnés sans courant sera atteint le 9 janvier 1998. À cette date, nous apprend Hydro-Québec, plus de 1 400 000 abonnés ne disposent plus de services, ce qui représente environ 3 500 000, soit la moitié de la population québécoise, comme l'a souligné tout à l'heure le député de Groulx.

À titre de représentant d'une population parmi les plus frappées par ce sinistre, il est aujourd'hui de mon devoir d'appuyer le projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998. Cette loi, M. le Président, je vous le rappelle, a pour objet d'assurer la légalité de la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de ce sinistre sans précédent. Ce projet de loi confirme une exemption rétroactive de l'autorisation prévue par la Loi sur Hydro-Québec, la Loi sur la qualité de l'environnement, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles. Cela veut dire en clair, comme l'a déjà expliqué le ministre des Ressources naturelles, que le gouvernement mettra ainsi à l'abri de toute poursuite ou de démantèlement les travaux effectués avant le 11 mars 1999 de même que les travaux faits après cette date en matière de conservation, de sécurité et de remise en état du réseau d'Hydro-Québec.

M. le Président, j'ai écouté ou lu la plupart des échanges entre le ministre des Ressources naturelles et les députés de l'opposition officielle qui se sont prononcés jusqu'ici sur le projet de loi n° 42. En tout respect pour la députée de Bonaventure et critique de l'opposition officielle en matière de ressources naturelles, je suis surpris par les propos intéressants, certes, mais étonnamment abusifs sur l'esprit dans lequel toutes les décisions ont été prises par notre gouvernement au cours de cette crise majeure. Le 13 mai dernier, ici même, la députée de Bonaventure disait, je la cite: «On sait que la crise du verglas a laissé dans le noir des centaines de milliers de Québécoises et de Québécois, et certains de nos collègues – et la députée de La Pinière est ici pour en témoigner – ont même vécu cette crise qui est passée à l'histoire.» Quelques secondes auparavant, la députée de Bonaventure souligne, je cite: «Le ministre des Ressources naturelles et le premier ministre – il l'a également fait dans le passé – ont tenté de nous émouvoir avec l'urgence de la situation relativement à la crise de verglas.» Ainsi, d'un côté, on admet que ce fut une crise digne de passer à l'histoire, ce qui n'est pas rien, et de l'autre on impute au gouvernement, à son ministre des Ressources naturelles et à son premier ministre de vouloir émouvoir la population avec l'urgence de la situation.

(21 h 50)

Je sais que la critique de l'opposition officielle en matière de ressources naturelles, avant son élection comme députée de Bonaventure le 30 novembre dernier, était la mairesse de la municipalité de Maria, dans la baie des Chaleurs, au moment de la crise du verglas de janvier 1998. Comme première citoyenne de Maria, en janvier 1998, elle a été, j'en suis sûr, solidaire de ses 497 collègues aux prises avec ce formidable défi d'organiser les mesures d'urgence, de rassurer leurs populations respectives. Vous le savez, M. le Président, le Code municipal et la Loi sur les cités et villes comportent des dispositions auxquelles les autorités municipales peuvent recourir pour intervenir en cas d'urgence. En fait, en cas de sinistre, les autorités municipales ont un pouvoir général de représentation pour rassurer leur public et assurer la sécurité de la population, et c'est ce qu'elles ont fait avec brio. Et j'en profite pour témoigner de l'extraordinaire contribution des mairesses de Sainte-Catherine, de Saint-Philippe et des maires de Saint-Constant, de Candiac, de Delson, de La Prairie et de Saint-Mathieu qui ont été, avec leurs équipes, avec des centaines de bénévoles, de véritables héros au cours de cette crise qualifiée par le rapport Nicolet de «tempête du siècle». Il y en a eu beaucoup de citoyennes et de citoyens exemplaires tout le long de ces pénibles semaines, mais je dois avouer, pour les avoir vus à l'oeuvre, que les élus municipaux de mon comté comme ceux de l'ensemble des municipalités touchées ont été remarquables. Et je suis persuadé que l'ex-mairesse de Maria, face à une telle catastrophe, aurait été tout aussi dévouée auprès de sa population et aurait souhaité, pendant et après la crise, que tout soit mis en oeuvre pour que de tels événements ne se reproduisent plus.

Une autre déclaration digne de mention a été celle – toujours le 13 mai dans cette Chambre – de la députée de La Pinière. Je la cite: «Parce que la crise du verglas, ce n'est pas à cause du verglas, mais à cause de la vulnérabilité de notre réseau hydroélectrique que les citoyens ont été pénalisés.» Devant une telle conclusion, j'invite la députée à lire ou, du moins, à parcourir le livre III du rapport Nicolet intitulé Les conditions climatiques et l'approvisionnement en énergie . Je l'invite aussi à poser un regard objectif sur les conclusions finales du rapport Nicolet pertinemment intitulées Pour affronter l'imprévisible . En choisissant ce titre, la commission Nicolet a clairement indiqué le sens de ses préoccupations et particulièrement à la page 398 du dernier volume, où elle souligne, et je cite: «Près de 500 avis, conclusions et recommandations ont été formulés pour qu'en bout de ligne le Québec soit mieux préparé face à un prochain sinistre.» Fin de la citation.

En plus d'élaborer longuement sur la mise en oeuvre d'une politique québécoise de sécurité civile, la commission a également porté son attention sur les approvisionnements en énergie. Un ensemble de recommandations concernent les meilleurs moyens d'assurer ces approvisionnements et plus particulièrement de sécuriser les approvisionnements en électricité en renforçant la structure et le réseau électrique.

Je termine, M. le Président, en soulignant, comme l'a déjà fait le ministre des Ressources naturelles le 18 mai dernier, lors de l'ouverture de la commission parlementaire portant sur la sécurisation du réseau de transport et de distribution dans les régions touchées par la tempête de verglas de janvier 1998, que notre gouvernement a fait ses preuves dans le domaine de la gestion de crises: d'abord en juillet 1996, lors des pluies diluviennes du Saguenay– Lac-Saint-Jean, alors que le gouvernement a adopté une centaine de décrets afin de ramener au plus vite la situation à la normale; et en janvier 1998, lors de la tempête de pluie verglaçante qui a bousculé l'existence de milliers de Québécoises et de Québécois, qui a coûté la vie à 30 personnes, dont deux dans mon comté, et laissé une facture d'environ 2 000 000 000 $.

Ayant vécu personnellement une autre crise célèbre, celle de juillet 1990 – certains s'en souviennent chez les députés de l'opposition – je suis à même de constater notre capacité à gérer des crises, qu'elles soient politiques ou climatiques. D'ailleurs, on s'en rappelle, dans les régions de Châteauguay et de La Prairie, les procédures avaient été accélérées en raison de la situation pour la construction d'une portion de l'autoroute 30, pour la construction d'une voie de contournement de la réserve de Kahnawake.

Avant de terminer, M. le Président, je demande d'ajourner les travaux. Ce projet de loi n° 42 ne vise certainement pas un premier prix de popularité – j'étais pour dire un premier prix de conservatoire – mais il nous interpelle comme élus dans notre tâche la plus rigoureuse, la plus fondamentale, soit l'organisation du bien commun, ce qui est l'objet, pensons-nous de ce côté-ci, de ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci beaucoup, M. le député de La Prairie. Vous n'avez pas parlé d'ajourner le...

Une voix: ...ajournement?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non?

M. Geoffrion: Oui, parce qu'on n'a pas terminé de discuter de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, vous proposez une motion d'ajournement du débat.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, ça va. Très bien. Parce que, habituellement, on le fait à la fin de notre exposé. Alors, là, je n'étais pas trop sûr que j'avais bien entendu. Alors, je vous remercie beaucoup.

Donc, il y a une motion d'ajournement du débat. Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, alors, nous allons aller vers un autre projet de loi. Je vous demande de considérer l'article 53 du feuilleton.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous avez bien dit l'article 53?

M. Boulerice: L'article 53, M. le Président, qui vous réfère au projet de loi n° 25, qui est la Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives au bâtiment et à l'industrie de la construction.


Projet de loi n° 25


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, j'ai bien 53, ici. À l'article 53, Mme la ministre du Travail propose l'adoption du projet de loi n° 25, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives au bâtiment et à l'industrie de la construction. Alors, Mme la ministre du Travail, je vous cède la parole.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, le 12 mai dernier, l'Assemblée nationale adoptait le principe du projet de loi n° 25, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives au bâtiment et à l'industrie de la construction. Ce projet de loi apporte des modifications à deux lois importantes dans les domaines du bâtiment et de l'industrie de la construction, soit la Loi sur le bâtiment et la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.

Quoique peu volumineux, ce projet de loi n'en est pas moins important, puisqu'il vise, d'une part, à rendre opérationnels certains ajustements apportés à ces lois par le législateur en 1998 et, d'autre part, à reconnaître un nouveau partenaire au sein de l'industrie de la construction.

De façon plus précise, M. le Président, ce projet de loi a pour objet de reconnaître comme intervenant dans les domaines du bâtiment et de la construction le Conseil conjoint de la Fédération des travailleurs du Québec et du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction formé le 17 novembre dernier et issu du regroupement de deux associations représentatives majeures de l'industrie, la FTQ-construction et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction.

Le projet de loi vise également à permettre aux corporations d'entrepreneurs de s'acquitter correctement du mandat de qualification qui leur a été confié lors de l'adoption du projet de loi n° 445. En effet, on se rappelle qu'en 1998 le législateur a introduit des modifications à la Loi sur le bâtiment afin d'y prévoir entre autres possibilité pour le gouvernement de confier des responsabilités en matière de qualification professionnelle aux corporations d'entrepreneurs.

Le projet de loi n° 25 habilite le gouvernement à confier à la Corporation des maîtres électriciens du Québec et à la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, dans la mesure qui l'indique, le mandat de voir à l'application de la Loi sur le bâtiment relativement aux garanties financières exigibles de leurs membres. Il s'agirait là de garanties financières dont l'instauration serait sujette à l'approbation du gouvernement et qui seraient complémentaires à celles prévues au plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs de la Régie du bâtiment du Québec.

Le projet de loi permet également de modifier l'habilitation réglementaire afférente au partage entre les corporations mandataires et la Régie du bâtiment des droits exigibles des entrepreneurs de construction en matière de licence.

Enfin, le projet de loi habilite le Commissaire de l'industrie de la construction à régler toute difficulté d'interprétation ou d'application des définitions existantes des quatre secteurs de cette industrie établies aux fins de la négociation et de l'application des conventions collectives.

Soumis à l'attention de nos collègues parlementaires siégeant à la commission de l'économie et du travail, le projet de loi a rapidement recueilli leur adhésion dans les principaux aspects, une fois compris qu'il ne cherchait d'aucune manière à modifier les rapports de force entre les différentes associations de salariés représentatives au sein de l'industrie ni à occasionner des coûts supplémentaires pour les entrepreneurs de la construction et les consommateurs.

Nous avons tous convenu de la nécessité d'adopter les modifications afin de rendre pleinement opérationnelle la volonté gouvernementale énoncée lors de l'adoption de la loi n° 445, en 1998, et de prendre compte de la nouvelle réalité qu'est le Conseil conjoint de la Fédération des travailleurs du Québec, FTQ-construction et du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction.

(22 heures)

Je prie donc cette Assemblée de prendre en considération et d'adopter le projet de loi n° 25, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives au bâtiment et à l'industrie de la construction. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre. C'est très bien. Alors, je suis prêt à céder la parole maintenant à M. le député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Nous sommes à l'étape finale du projet de loi n° 25 et nous avons eu amplement le temps et les occasions de discuter de ce projet de loi, des circonstances qui nous amènent à l'adopter et des implications qu'il va avoir dans ses différents champs d'application en particulier et, premièrement, dans celui de la fusion du Conseil provincial des métiers de la construction et de la FTQ-construction.

M. le Président, on sait que les gens, les travailleurs représentés par ces deux centrales syndicales, ces deux organisations syndicales ont décidé, après un vote démocratique, de se joindre ensemble et de ne former qu'une seule entité représentant les travailleurs de la construction. Nous n'avons pas grand-chose à redire à cela, étant donné que cela fait partie du processus normal édicté par les lois du travail du Québec qui font en sorte que, lorsqu'il y a décision démocratique et libre de travailleurs de se joindre, ils peuvent le faire.

Quelques questions ont pu être abordées, M. le Président, pendant l'étude du projet de loi, en particulier, le fait que maintenant nous nous retrouvons, dans le domaine de la construction, avec une concentration d'un bloc d'à peu près 70 %, 75 % de travailleurs au sein d'une même organisation syndicale, alors qu'on assiste... Et c'est là une première, depuis la commission Cliche qui s'était prononcée, on se rappelle, à l'époque, sur les relations de travail dans la construction suite à certains problèmes qui avaient eu lieu, on se retrouve avec une concentration ouvrière et un éclatement de la représentation patronale, car on sait en effet que maintenant les patrons de la construction sont divisés en quatre secteurs: alors, la construction résidentielle, la construction des grands travaux, l'industriel et le commercial en particulier.

Alors, c'est là peut-être les questionnements que nous pouvons nous faire: Est-ce que cette nouvelle donne, ce nouveau rapport de force qui se crée – car cela crée un nouveau rapport de force – sera bénéfique à l'ensemble de cette profession? Il reste à souhaiter que oui, M. le Président, et il reste à souhaiter que ça donnera, au contraire, une nouvelle dynamique et que ça permettra certainement d'avoir des meilleures relations de travail, car on sait tous, nous savons tous, ici, que les relations de travail, dans le domaine de la construction en particulier, sont primordiales. De la paix syndicale dépendent l'activité des chantiers, l'ouverture des chantiers, le travail des ouvriers et l'activité économique qui en découle, et il serait malheureux et regrettable que cette loi qui entérine un changement de rapport de force ait comme effet pervers, dans les années futures, de faire en sorte que nous nous retrouvions avec un changement ou une détérioration des relations syndicales-patronales.

Un autre point du projet de loi, M. le Président, qui est quelque chose de nouveau, qui est certainement dans la philosophie actuelle du gouvernement, de tous les gouvernements, d'ailleurs, et qui était bien sûr aussi dans notre philosophie, c'est de permettre à des corporations professionnelles, donc aux gens qui représentent les employés, les ouvriers, les artisans d'une même corporation – on parle des plombiers, on parle, entre autres, des maîtres électriciens – de gérer une partie de leurs affaires, en particulier le cautionnement. Les cautionnements, tout le monde, les gens qui nous écoutent ce soir doivent savoir que, lorsque les entrepreneurs soumissionnent sur un projet de construction, eh bien, ils doivent déposer un cautionnement pour pouvoir garantir l'exécution de ces travaux. Avant, ces cautionnements étaient gérés par la Régie du bâtiment du Québec. Ils seront maintenant gérés pas les corporations elles-mêmes, et je pense que c'est là certainement un pas en avant vers la prise en charge par les intéressés de leurs propres affaires.

Et on retrouve aussi, dans la même foulée, la formation professionnelle, car maintenant les corporations auront un rôle plus important lorsqu'il s'agira de voir à ce que les gens de leur profession ou de leur métier aient une formation professionnelle de bonne qualité.

Alors, c'est là, M. le Président, des pouvoirs, des changements, actuellement, qui peuvent sembler assez mineurs pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui nous écoutent ce soir. Mais, pour les gens qui sont tous les jours confrontés, de par leur profession, de par les relations de travail qu'ils doivent entretenir avec le patronat, avec les syndicats, ce sont des changements majeurs, et qui – ça laisse espérer, comme je le disais précédemment – vont aller dans la bonne direction, la direction d'une amélioration de la productivité, amélioration du climat de relations de travail, amélioration de la qualité de vie des travailleurs et des patrons qui vont être à l'intérieur de ces changements-là, qui vont être les principaux tributaires de ces changements.

Un des autres points, et c'est là un point qui peut sembler assez technique, M. le Président, du projet de loi, et nous en avons discuté en commission avec Mme la ministre, qui a su, bien sûr, nous expliquer le bien-fondé et l'intérêt de ce changement, c'est faire en sorte que le Commissaire de la construction, maintenant, sera la personne, sera l'autorité qui décidera, lorsqu'il y aura litige entre les... Je parlais de quatre champs, de quatre secteurs différents de la construction précédemment, et en particulier le résidentiel, les grands travaux, l'industriel et le commercial, mais lorsqu'il y aura... M. le Président, des fois, il arrive qu'il y ait des litiges, c'est-à-dire que des entrepreneurs vont... ou un secteur déborde dans l'autre secteur, et là il y a problématique, et, à ce moment-là... Antérieurement, c'étaient les gens de la Régie du bâtiment qui tranchaient ce litige. Maintenant, avec le projet de loi, eh bien, nous allons retrouver le Commissaire de l'industrie de la construction qui, lui, va être la personne qui va trancher ce litige. C'est un nouveau rôle pour le Commissaire.

Au début, nous avons été un peu, peut-être, pas surpris, mais étonnés de voir qu'on sortait ce pouvoir de la Régie du bâtiment pour le donner au Commissaire de la construction, mais les explications de la ministre en commission parlementaire ont été, ma foi, satisfaisantes pour l'opposition, et nous n'y voyons pas, actuellement, de problème ou de difficulté.

Je dirais aussi, M. le Président, que, pour avoir fait un peu le tour des différents intervenants qui sont touchés par ce projet de loi là... Vous savez que le rôle de l'opposition, c'est de faire en sorte de voir, à l'occasion, lorsqu'un projet de loi est présenté, s'il y a des irritants ou des situations problématiques qui peuvent découler pour des citoyens, pour des entreprises, pour des corporations, pour des associations syndicales ou patronales, du projet de loi. Pour avoir parlé à un certain nombre de personnes, je dois dire que nous n'avons reçu aucune contre-indication. Nous avons reçu quelques mises en garde, en particulier sur la concentration d'une même unité syndicale, représentativité pour les travailleurs par rapport au patronat qui est un peu plus, maintenant, éclaté en quatre secteurs en particulier, mais personne n'a jugé utile ou nécessaire de venir témoigner en audience à la commission parlementaire, ou alors de nous faire parvenir des amendements que nous aurions pu suggérer au gouvernement.

Ce qui reste à dire, M. le Président, c'est que, si tout le monde n'était pas forcément enchanté, personne n'était suffisamment insatisfait ou craintif pour faire ce genre de recommandations. Donc, ceci étant dit, l'opposition ne pouvait, après avoir obtenu les explications nécessaires et demandées au gouvernement, eh bien, que de donner son accord à ce projet de loi. Et, en conséquence, nous allons, M. le Président, mettre fin, par mon discours, à ce projet et donner notre accord au projet de loi n° 25.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 25? Alors, Mme la ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique? Non.

Alors, le projet de loi n° 25... M. le député, est-ce que vous désirez prendre la parole sur le projet de loi?

Une voix: Non.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Est-ce que le projet de loi n° 25, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives au bâtiment et à l'industrie de la construction, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

(22 h 10)

M. Boulerice: M. le Président, alors, dans la foulée des bonnes intentions, je vous réfère à l'article 20 du feuilleton.


Projet de loi n° 50


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 20 de votre feuilleton, Mme la ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 50, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives concernant le travail des enfants. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 50? Mme la ministre du Travail et de l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, le projet de loi n° 50 donne suite à des travaux importants de la commission de l'économie et du travail. Pour fins de mémoire, je rappelle que l'Assemblée nationale avait déjà adopté un projet de loi sur le travail de nuit des enfants. Il s'agit du projet de loi n° 172, sanctionné le 9 décembre 1997. Je vous rappelle que cette loi interdit à l'égard des salariés de moins de 16 ans tout travail entre 23 heures et 6 heures, sauf dans les cas de livraison de journaux ou dans tout autre cas déterminé par le gouvernement. De plus, elle oblige un employeur à aménager les heures de travail d'un salarié de façon à ce qu'il puisse être à la résidence familiale entre 23 heures et 6 heures, sauf exception déterminée par le gouvernement.

Et c'est au moment de l'étude du projet de loi n° 172 que la commission de l'économie et du travail s'est donné un mandat d'initiative pour examiner en profondeur toute la problématique du travail des enfants. Elle s'est réunie, cette commission, en mars 1998 pour procéder à des consultations particulières et à des auditions publiques. Deux principaux thèmes ont été abordés à ce moment par la commission. Le premier: la protection des enfants eu égard à leur capacité de travailler sans compromettre leur éducation et leur développement physique ou moral. La commission a aussi abordé l'harmonisation de la législation du travail tenue à la fréquentation scolaire obligatoire. Le projet de loi n° 50 porte précisément sur ces thèmes.

Dans les choix qui ont été faits, on reconnaît l'autonomie des enfants dans la mesure où elle ne compromet pas leur intégrité physique ou morale. On consacre aussi la responsabilité des parents à l'égard de leurs enfants, particulièrement à l'égard des plus jeunes enfants, c'est-à-dire ceux de 14 ans et moins, en leur demandant de fournir un consentement écrit à un employeur qui fait effectuer un travail par leur enfant. Cette obligation est conforme et respectueuse de la tradition de droit civil au Québec.

Je rappelle que le nouveau Code civil du Québec entré en vigueur en 1994 nous a guidés dans notre réflexion. Comme on le sait, cette législation fondamentale du Québec est le résultat d'une révision en profondeur qui a exigé des années de travail. Ainsi, le droit antérieur affirmait le principe de l'incapacité du mineur, sauf des exceptions prévues à la loi. On pose désormais le principe différemment en énonçant que le mineur est capable de l'exercice des droits civils, mais dans la seule mesure prévue par la loi. C'est ainsi que le Code civil prévoit maintenant que le mineur de 14 ans et plus est réputé majeur pour tous les actes relatifs à son emploi.

Le projet de loi n° 50 prévoit aussi que les employeurs sont partie prenante à cette responsabilité collective à l'égard des enfants, puisqu'ils auront désormais l'obligation générale de veiller à ce que le travail effectué par un enfant ne soit pas disproportionné par rapport à ses capacités. Les employeurs devront également veiller à ce que le travail ne soit pas susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique ou moral.

De manière plus spécifique, les employeurs devront s'assurer que le consentement des parents a bel et bien été donné. Il faut comprendre que ce consentement n'est pas requis dans tous les cas, mais seulement lorsque l'employeur poursuit des fins lucratives. En effet, tous s'entendent pour dire qu'il ne s'agit pas d'interdire à ces jeunes personnes de gagner un peu d'argent de poche en faisant du gardiennage ou des petits boulots dans le voisinage.

En ce qui concerne la conciliation de l'activité scolaire avec le travail, les employeurs sont aussi invités à ne pas compromettre la réussite scolaire des enfants tenus de fréquenter l'école. En fait, la Loi sur l'instruction publique interdit déjà à un employeur de faire effectuer un travail par un enfant tenu de fréquenter l'école. Cependant, il semble que cette interdiction soit méconnue ou qu'elle ait été tout simplement oubliée avec le temps. Selon une enquête du ministère de l'Éducation, près de 10 % des élèves qui travaillent le font parfois à des moments où ils devraient être à l'école. En transférant cette obligation dans la Loi sur les normes du travail, une législation bien connue des employeurs, ils seront mieux à même de la respecter ou de la faire respecter par leurs représentants.

Le projet de loi va un peu plus loin par rapport à cette obligation actuelle des employeurs. Ils devront aussi aménager les heures de travail de façon à ce que les enfants puissent être à l'école pendant les heures de classe. On ne parle pas ici uniquement des enfants de moins de 14 ans, mais bien de tous les enfants tenus de fréquenter l'école au sens de la Loi sur l'instruction publique. Cette loi prescrit la fréquentation scolaire obligatoire jusqu'au dernier jour du calendrier de l'année scolaire au cours de laquelle l'enfant atteint l'âge de 16 ans ou au terme de laquelle il obtient un diplôme décerné par le ministre de l'Éducation selon la première éventualité.

L'éventualité la plus fréquente est que les jeunes de l'enseignement secondaire atteignent l'âge de 16 ans pendant l'année scolaire, généralement au cours de la quatrième ou de la cinquième année du secondaire. J'aimerais insister sur ce point, car il arrive parfois que des intervenants confondent le travail des enfants avec le travail des jeunes qui sont au collégial ou à l'université. Il n'est pas question ici de cela dans ce projet de loi. Il est important que tout le monde comprenne bien la portée véritable du projet de loi.

Enfin, notre réflexion sur l'importance de la réussite scolaire nous amène à reconsidérer la portée des dispositions du projet de loi n° 172 dont j'ai parlé en introduction. En effet, l'interdiction du travail de nuit entre 23 heures et 6 heures et l'obligation faite à un employeur d'aménager les heures de travail de façon à ce qu'un enfant puisse être à la résidence familiale pendant cette période visent actuellement les enfants de moins de 16 ans. Il s'agit donc d'un âge fixe. Dans le projet de loi que nous avons sous les yeux, ces dispositions sont reprises, mais avec la différence qu'elles s'appliqueront jusqu'à la fin de la période où il est tenu à la fréquentation scolaire obligatoire. De cette façon, toutes les dispositions de la Loi sur les normes du travail concernant le travail des enfants s'appliqueront à ces jeunes travailleuses et travailleurs.

Alors, M. le Président, je pense qu'il sera très intéressant de discuter plus à fond, au cours du processus parlementaire, de ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre du Travail. Nous allons maintenant céder la parole au député de LaFontaine et critique officiel de l'opposition en matière de travail. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. M. le Président, le projet de loi n° 50 est certainement un projet de loi qui recouvre, dans notre société québécoise, une approbation et un consensus quasiment unanimes. En effet, M. le Président, c'est un projet qui interpelle l'ensemble de la société québécoise, particulièrement les parents, les pères, les mères du Québec. Pour moi personnellement, M. le Président, je dirais que ce projet de loi me fait plaisir à double titre, tout d'abord parce que, lorsqu'en 1995 et 1996, je fus nommé à ce poste de critique du travail, c'était lors d'une intervention avec mon vis-à-vis de l'époque, le ministre-député de Matane, ministre du Travail. Un des premiers projets sur lequel nous avions fait consensus, c'était celui du travail des enfants. Et, à l'époque, le député de Matane et ministre du Travail nous avait assurés qu'il légiférerait, qu'il ferait en sorte de voir à ce que le travail des enfants et des adolescents en âge scolaire soit réglementé, non pas pour réglementer d'une manière supplémentaire les activités des individus, mais pour faire en sorte de mettre certaines balises. Et il avait tenu parole à l'époque, et nous avions adopté le projet de loi – si mon souvenir est exact – n° 172.

La ministre maintenant, sa successeur, décide d'aller encore un peu plus loin et apporte quelques précisions, quelques obligations supplémentaires, en particulier l'autorisation parentale pour les jeunes de moins de 16 ans de travailler. Et certes, M. le Président, je n'y vois là aucun mal, au contraire, car, en effet, quoi de plus tentant maintenant pour nos jeunes, des jeunes hommes, des jeunes filles, que de vouloir occuper des emplois, des emplois temporaires, des emplois à temps partiel, pour se gagner un peu plus d'argent afin de pouvoir améliorer certainement leur sort, afin de pouvoir se payer des loisirs, se payer des vêtements. On sait que la société québécoise, M. le Président, comme la société canadienne d'ailleurs, s'est appauvrie depuis les dernières années et il est donc tentant maintenant, devant l'appauvrissement ou la limitation des moyens des familles, de voir les jeunes aller vouloir occuper des emplois rémunérateurs pour se faire un peu d'argent.

(22 h 20)

Alors, la norme, elle est où? Est-ce que la norme est à 16 ans? Est-ce qu'elle est à 14 ans? Le gouvernement la fixe à 16 ans. Je pense que cela est sage, la loi obligeant de toute façon la fréquentation scolaire à 16 ans. Mais, en bas de 16 ans, c'est évident qu'il est normal que l'on demande une autorisation écrite des parents, parce que quel contrôle pourrons-nous avoir? Qu'est-ce qui pourrait remplacer mieux que des parents pour juger s'ils trouvent normal, acceptable que leur enfant travaille un certain nombre d'heures, s'ils trouvent normal que leur enfant exerce une activité dans tel secteur ou dans tel autre secteur? Est-ce que l'enfant abuse? Est-ce que les employeurs ou l'employé n'ont pas le même rapport de force qu'un employé normal plus âgé? Et je crois que l'autorité parentale, là, s'affirme.

Et on voit souvent dans nos lois, M. le Président, une dilution de l'autorité parentale. Il faut saluer dans ce projet de loi une reconnaissance de l'autorité parentale, qui manque dans certains autres projets de loi de ce gouvernement, mais, dans celui-là, au moins elle est là, et, moi, je m'en félicite. Car, comme je le disais, les parents sont certainement – c'est ceux qui élèvent leurs enfants – les juges, mais aussi sont capables de voir si leur enfant a besoin de travailler, de voir aussi si cela nuit à son éducation, à son apprentissage scolaire. Et cette possibilité de pouvoir donner une signature pour qu'il travaille ou qu'il ne travaille pas donne aussi aux parents certainement un levier qui leur permet d'avoir sur leur enfant un certain nombre de décisions appuyées par cette autorisation qu'ils peuvent ou peuvent ne pas donner.

M. le Président, le gouvernement aurait pu, comme certains l'ont suggéré par le passé dans une commission parlementaire, dire: Voilà, on interdit le travail en bas de 14 ans, on l'interdit en bas de 15 ans. Le fait qu'on recoure à l'autorité parentale me semble être la meilleure des solutions.

Certains diront: Oui, mais c'est jeune un peu, ce n'est peut-être pas tellement la meilleure façon d'élever ou de préparer les enfants. Moi, je crois, au contraire, M. le Président, que le travail est formateur. Les jeunes enfants, bien sûr avec un certain encadrement, avec certaines protections, qui occupent un travail apprennent là le sens de la responsabilité, apprennent là le sens aussi de la valeur de l'effort et de l'argent gagné. Et je parle là comme père de famille et père d'une jeune fille de 19 ans. Je peux vous assurer, comme tous les parents du Québec doivent le savoir, que, lorsque nos enfants reçoivent, lorsqu'ils ont 12 ans, 13 ans, 14 ans, 15 ans, une petite somme d'argent de poche par semaine, 50 $, 60 $ ou 20 $, dépendant... ou même 10 $ dans certaines familles, pour subvenir à leurs besoins de petites dépenses, lorsqu'ils le reçoivent de la famille ou lorsqu'ils le gagnent, la perception n'est pas la même, la responsabilisation est là.

Un jeune homme ou une jeune fille qui a été travailler pendant quelques heures pour... Moi, chez moi, j'ai un jeune homme qui passe lorsqu'il y a des tempêtes de neige. Moi, étant au Parlement ici, je n'ai pas le temps d'aller enlever la neige dans l'entrée de la maison, et là il y a un jeune homme de 13, 14 ou 15 ans qui passe et qui, sonnant à la porte, demande à mon épouse s'il peut enlever la neige moyennant rétribution. Bien sûr, mon épouse, étant prise avec deux jeunes enfants, se fait un plaisir de dire au jeune homme: Allez-y. Ça va coûter 10 $, 15 $, 20 $, dépendant de l'épaisseur de neige qui est tombée. Ce jeune homme qui enlève cette neige, lorsqu'il reçoit son salaire pour une demi-heure ou une heure de travail, peut-être des fois un peu plus, dépendant de l'épaisseur de neige, eh bien, il en est très fier, et je suis assuré, pour avoir un peu discuté avec lui par la suite, qu'il ne va pas le dépenser de manière inconsidérée, parce qu'il a découvert le fruit de l'effort, le fruit du labeur gagné lui-même, et cela a certainement un effet éducatif sur lui, lui permet de se rendre compte que, dans la société, dans la vie, l'effort est récompensé. Et je crois que c'est là certainement quelque chose de très important dans la formation, l'éducation de nos jeunes.

Maintenant, que l'on demande aux parents l'autorisation, je trouve ça normal, car, en effet, la question à se poser, c'est: Est-ce que les parents qui ont la responsabilité... Même si on est considéré, à l'âge de 16 ans, au point de vue légal, comme majeur pour travailler – quand je dis «majeur», autorisé à travailler ou à exercer une activité professionnelle – il n'en reste pas moins que, lorsqu'on est en bas de cet âge-là, M. le Président, je crois que les parents ont cette responsabilité, et je ne serais pas malheureux de demander, la prochaine fois, au jeune homme, ou demander à mon épouse, lorsqu'il viendra déneiger l'hiver prochain, s'il repasse encore, l'entrée chez nous, bien, de dire à mon épouse: Demande-lui s'il a une lettre de ses parents lui permettant de venir faire cette activité. Je pense que ça sera logique et ça sera de bon aloi.

Alors, M. le Président, nous ne pouvons qu'être en faveur de ce projet de loi là. Certaines petites améliorations... Nous avons eu l'occasion de discuter et de recevoir une lettre avec quelques petites modifications demandées par le Protecteur du citoyen. Je crois que Mme la ministre en a reçu copie elle-même aussi, aujourd'hui, en cette journée. Nous aurons l'occasion d'en parler en commission parlementaire qui est l'endroit idéal pour aborder ces sujets-là. Nous verrons à discuter avec la ministre pour voir si les recommandations du Protecteur du citoyen sont une amélioration, si elles méritent ou si elles nécessitent des amendements à la loi. Si c'est le cas, nous verrons avec elle pour les y introduire, en espérant, bien sûr, que ça sera pour la meilleure mécanique et la meilleure philosophie de la loi.

Alors, ceci étant dit, M. le Président, au stade du principe, nous sommes en faveur du principe et nous souhaitons pouvoir aller très rapidement en commission parlementaire afin de peaufiner cette loi et, si possible, de la rendre encore plus efficace et plus intéressante pour les jeunes enfants, pour les familles de ces jeunes enfants et pour l'ensemble de la société québécoise.

Je dois dire que là, on a vu dernièrement qu'il y avait des rapports du BIT, Bureau international du travail, qui sortaient, qui dénonçaient dans certains pays le travail difficile que les enfants doivent effectuer, une espèce d'esclavage des temps modernes, et grand bien nous fasse en ce pays, nous sommes très loin de là, M. le Président. Au contraire, nous sommes certainement parmi les sociétés qui ont des lois parmi les plus progressives et, cette fois-ci, même si dans notre philosophie libérale nous avons comme programme politique de ne pas réglementer et, au contraire, d'aller vers une déréglementation, force est de constater que, dans ce domaine-là, il est important que l'action de l'État soit là, tout en faisant, bien sûr, transférer la responsabilité aux parents qui restent, après tout, les seuls juges et les seuls maîtres de l'éducation de leurs enfants.

Alors, M. le Président, nous sommes en faveur du principe de ce projet de loi là.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de LaFontaine et critique officiel de l'opposition en matière de travail. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, je voudrais également à mon tour intervenir à cette étape de l'adoption de principe du projet de loi n° 50, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives concernant le travail des enfants.

M. le Président, ce projet de loi est un projet de loi de sept articles. Donc, au niveau de son volume, ce n'est pas un projet très volumineux, mais, par contre, il a une portée assez significative. Il modifie la Loi sur les normes du travail, ainsi que la Loi sur l'instruction publique dont il abroge deux articles. Essentiellement, c'est l'article 16 qui stipule ceci: «Il est interdit d'employer un élève durant les heures de classe alors qu'il est assujetti à l'obligation de fréquentation scolaire.» Il abroge également l'article 486 de la Loi de l'instruction publique qui stipule que «quiconque contrevient à l'article 16 est passible d'une amende de 100 $ à 200 $». Ces deux articles sont abrogés par le projet de loi qui est devant nous.

Le projet de loi n° 50 énonce quatre interdictions relatives à la charge disproportionnée du travail effectué par un enfant, à l'emploi des jeunes de moins de 14 ans, au travail durant les heures de classe et au travail de nuit. Et, lorsqu'on parcourt les notes explicatives, M. le Président, le projet de loi nous dit qu'il modifie la Loi sur les normes du travail afin d'interdire à un employeur de faire effectuer par un enfant un travail disproportionné à ses capacités ou susceptible de porter atteinte à son éducation, à sa santé ou à son développement.

(22 h 30)

Le projet de loi interdit à un employé qui poursuit des fins lucratives de faire effectuer un travail par un enfant de moins de 14 ans sans le consentement écrit du titulaire de l'autorité parentale ou du tuteur. Ce projet de loi interdit également l'emploi d'un enfant durant les heures de classe. Il oblige, en outre, un employeur à aménager les heures de travail d'un enfant de façon qu'il puisse être à l'école durant les heures de classe. De plus, le projet de loi interdit à un employeur de faire effectuer un travail de nuit par un enfant, sauf exceptions. Il oblige aussi un employeur à aménager les heures de travail d'un enfant de façon qu'il puisse être la nuit à la résidence familiale, sauf exceptions.

Alors, M. le Président, les notes explicatives indiquent clairement la portée du projet de loi et énoncent les quatre interdictions sur lesquelles il porte. Il faut également se rappeler que la Loi sur les normes du travail n'a pas été touchée depuis une vingtaine d'années, finalement depuis 1979, particulièrement en ce qui a trait au travail des enfants. Par contre, le débat, lui, c'est un débat de société. Il se fait chez nous, il se fait ailleurs. C'est un débat aussi qui se fait au niveau international.

C'est sûr que, lorsqu'on parle du travail des enfants, ce qui vient spontanément à l'esprit, c'est les images d'exploitation des enfants qu'on voit et qui se vivent dans le quotidien dans certains pays du Sud, en Afrique, en Asie, en Amérique latine, les petites filles qui sont exploitées dans l'industrie du tapis dans certains pays du Moyen-Orient, les enfants, par exemple, en Asie. On se rappellera de cette opération qui a été menée par un jeune Canadien en faveur des enfants exploités en Inde, et il a poussé son courage jusqu'à aller rencontrer le premier ministre du Canada, lors d'un voyage en Inde, pour plaider la cause des enfants qui sont exploités dans certains pays.

Au Québec, fort heureusement, on est une société civilisée où les jeunes sont appelés à se prendre en main. Bien sûr, pour les parents que nous sommes, des fois, on trouve qu'ils veulent se prendre en main à un âge relativement précoce, mais il faut dire qu'à chaque génération appartiennent ses défis, et le travail apparaît aux yeux d'un certain nombre d'entre eux comme un tremplin pour s'assumer et pour assumer leur autonomie au-delà d'avoir aussi de l'argent de poche et une certaine liberté d'action. Le Québec est aussi une société assez progressiste, disons-le, en ce qui a trait aux droits et à la protection des enfants, du moins en ce qui concerne le dispositif législatif qui est à notre portée. La société civile est relativement consciente de l'importance de la protection des enfants contre les abus de toutes sortes et aussi contre l'abus en rapport avec le travail et les conditions de travail des jeunes.

Le revers de la médaille, c'est tout le phénomène de la pauvreté, et ça, M. le Président, c'est au coeur du débat concernant le travail des enfants. Selon les données du recensement de Statistique Canada, en date de 1996, le Québec comptait 1 631 000 personnes à faibles revenus, pour une population totale de l'ordre 7 000 000 d'habitants, une hausse de 4,4 % en cinq ans. En effet, la fréquence des unités à faibles revenus est passée de 19 %, en 1991, à 23,4 %, en 1996. Cette réalité de la pauvreté, et de l'appauvrissement aussi, parce qu'on assiste à une paupérisation de la classe moyenne, elle frappe toutes les régions du Québec, certaines plus dramatiquement que d'autres. C'est le cas pour Montréal, en particulier. Mais, même dans une région très dynamique économiquement comme la Montérégie, la tendance à la hausse au niveau de la pauvreté et de l'appauvrissement de la population, et de la classe moyenne en particulier, est assez significative. Le taux de pauvreté est passé de 13,8 % à 18 % entre 1991 et 1996. La pauvreté semble être aussi un phénomène accentué surtout en milieu urbain. En Montérégie, plus de 33 % de tous les pauvres sont concentrés dans la MRC de Champlain, Longueuil en particulier.

Conjuguée aux autres facteurs sociaux, tels la drogue, l'exclusion, la violence, la toxicomanie, la pauvreté devient un facteur très explosif qui jette des milliers d'enfants et des jeunes dans la rue avec tout ce que cela comporte comme lot de petits boulots où les jeunes se retrouvent forcés à travailler pour survivre et parfois même faire vivre leur propre famille au lieu de se retrouver sur les bancs d'école.

L'une des conséquences dramatiques de cet état de fait, c'est le décrochage scolaire. À Montréal, on estime à un sur trois le nombre d'élèves qui quittent l'école avant la fin du secondaire et sans avoir obtenu leur diplôme du secondaire V. Quand on sait que les exigences du marché du travail du troisième millénaire commandent 15 ans de scolarité pour décrocher un emploi, on mesure l'ampleur du décalage qui sépare l'école québécoise du milieu du travail.

On dit toujours que l'avenir du Québec, c'est aussi l'avenir de sa jeunesse. M. le Président, rien n'est plus vrai, car la jeunesse est au coeur de notre avenir. Le projet de loi n° 50 ne réglera pas les problèmes auxquels sont confrontés les enfants et les jeunes d'aujourd'hui, car il faut agir sur les causes de ce phénomène qu'est la pauvreté et non seulement sur ses effets. Il faut combattre la pauvreté et mettre de l'avant un plan de l'emploi qui va redonner aux exclus de notre société la dignité du travail et le sentiment d'être utiles à la collectivité. La lutte contre la pauvreté aura pour conséquence de réduire le nombre d'enfants qui sont forcés de travailler pour assurer leur survie.

Le débat sur le travail des enfants a donné lieu à un document de réflexion publié en janvier 1998 par l'ex-ministre du Travail et député de Matane, que je salue – il est très studieux dans son banc. Peu de temps après, en mars 1998, la commission de l'économie et du travail a tenu une consultation à laquelle ont pris part une vingtaine de groupes tant du milieu patronal que syndical et divers organismes concernés. Cet exercice de réflexion et de consultation a conduit à l'adoption en juin 1998 d'une loi interdisant le travail des enfants la nuit entre 23 heures et 6 heures du matin.

Le projet de loi n° 50 qui est devant nous aujourd'hui va un peu plus loin en ajoutant une nouvelle section sur le travail des enfants à la Loi sur les normes du travail. En fixant un certain nombre de balises, nous exprimons comme législateur notre volonté de lutter contre les abus de certains employeurs. Reste la question du nombre d'heures raisonnables qu'un jeune peut effectuer pour travailler sans compromettre sa scolarité.

(22 h 40)

Le document de réflexion déposé par l'ex-ministre du Travail a fixé la limite à 15 heures par semaine. Par ailleurs, une étude réalisée par le ministère de l'Éducation du Québec en 1993 intitulée Étudier et travailler , étude conduite par Suzanne Dumas et Claude Beauchesne auprès des jeunes du secondaire qui exerçaient un travail rémunéré, l'étude démontrait que, dans ce débat, les nuances sont de mise. En effet, étudier et travailler, c'est possible, dans certains cas c'est souhaitable, mais tout est une question d'équilibre. L'étude indique que travailler 10 heures par semaine, pour un jeune, c'est tout à fait compatible avec sa réussite scolaire. Au-delà des 10 heures-semaine, ce sont les résultats scolaires qui écopent.

Comme on le sait, la Loi sur l'instruction publique assujettit les jeunes à la fréquentation de l'école jusqu'à l'âge de 16 ans. Or, selon certaines études, près de 40 % des jeunes du secondaire exercent un emploi rémunéré durant l'année scolaire. La proportion est de 50 % pour les élèves de la CECM.

Le projet de loi vient baliser le travail des enfants, surtout ceux de moins de 14 ans mais également ceux de moins de 16 ans. Il limite bien entendu les excès et les abus dont ils peuvent faire l'objet. Cela correspond à une logique avec laquelle je ne peux qu'être d'accord, étant moi-même une mère avec des jeunes enfants, dont l'une travaille la fin de semaine parfois, l'été à l'occasion, mais elles savent très bien que, durant l'année scolaire, la priorité, c'est d'abord l'école. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 50? Le principe du projet de loi n° 50, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres dispositions législatives concernant le travail des enfants, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Je fais motion que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Eh bien, M. le Président, puisque cette première journée de la session intensive semble vouloir se faire dans une grande unanimité, je vais vous référer à l'article 17 du feuilleton.


Projet de loi n° 47


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, pour que votre voeu soit exaucé, à l'article 17 du feuilleton, Mme la ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 47, Loi concernant les conditions de travail dans certains secteurs de l'industrie du vêtement et modifiant la Loi sur les normes du travail. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 47? Mme la ministre du Travail.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, merci, M. le Président. Alors, l'adoption de principe de ce projet de loi n° 47 risque d'être un petit peu plus complexe. Il faut comprendre que ce projet de loi va certainement soulever beaucoup de commentaires, avec raison, de part et d'autre, de la part des travailleurs, de la part des entrepreneurs dans ce secteur-là et de plusieurs intervenants. Je me permets de situer dans quel contexte ce projet de loi s'inscrit.

Il faut rappeler que ce régime de décrets de convention collective dans différents secteurs, dans ce cas-ci dans les secteurs de la confection pour dame, pour homme, de la chemise et du gant de cuir, a été largement critiqué comme étant non adapté à la situation d'aujourd'hui. Il faut aussi se rappeler que la Loi sur les décrets de convention collective, adoptée en 1996, si je ne me trompe pas, nous a tous obligés à une révision de l'ensemble des décrets dans plusieurs secteurs. Depuis, deux décrets ont été abrogés et d'autres sont très sérieusement dans un processus de révision pour chacun d'entre eux.

Alors, dans le secteur du vêtement, cela soulève beaucoup de questionnements. Et je pense que nous avons sur la table un projet de loi qui a été préparé avec soin, où nous avons tenté de préserver à la fois les protections à ces travailleurs et ces travailleuses tout en faisant en sorte qu'il nous fallait aussi viser à faire exploser le potentiel de développement de l'emploi dans cette industrie.

Je vous rappelle que c'est une industrie qui comporte au moins 1 000 entreprises, qui a 23 000 salariés qui sont assujettis aux décrets actuels et que les problèmes ou les réalités auxquelles nous devons faire face, des réalités qui ont été décriées par plusieurs, pour moderniser les règles qui encadrent les décrets des conventions collectives, notamment dans l'industrie du vêtement, sont diverses, sont complexes. Certains problèmes, par exemple, dans l'industrie... par l'industrie ont été soulignés.

Il y a le problème du double assujettissement. Le fait qu'il y ait plusieurs décrets différents dans des sous-secteurs dans l'industrie du vêtement qui peuvent se retrouver en application dans une seule industrie, dans une seule manufacture, cause certaines difficultés. On a beaucoup décrié la lourdeur administrative, la rigidité du système. Plusieurs nous ont parlé ces dernières années de la faible représentativité des parties contractantes, patronale et syndicale, dans certains de ces secteurs. C'est un secteur aussi qui est très affecté par le travail au noir, quoiqu'il y ait eu des travaux importants ces derniers mois, notamment entre le ministère du Revenu et plusieurs composantes patronales dans l'industrie du vêtement, travaux qu'il nous faut saluer. Et plusieurs aussi ont critiqué l'imposant déficit du fonds de vacances de l'industrie de la confection pour dames. Alors, pour toutes ces raisons, je pense qu'il y a lieu de moderniser, d'actualiser les manières d'encadrer ce secteur et d'encadrer aussi la protection des travailleurs et des travailleuses qui y sont.

Vous savez que, depuis plusieurs années, ce problème-là a été soulevé, ce n'est pas nouveau. Les discussions se sont accentuées ces derniers mois, mais c'est un problème qui est soulevé depuis fort longtemps et qui a eu de nombreuses discussions, rencontres, séances de travail – on peut appeler ça comme on le veut – avec les différents intervenants et qu'aucun consensus général ne s'en est dégagé, malgré la volonté expresse du gouvernement de tenter de faire quelque chose dans ce dossier.

Vous savez aussi que le dernier Sommet sur l'économie et l'emploi a donné un autre coup de barre dans ce dossier-là, puisque plusieurs ont prôné l'abrogation pure et simple du régime des décrets de convention collective, notamment dans le secteur du vêtement, et qu'à l'opposé les syndicats ont favorisé le maintien de la réglementation. Alors, il y a donc là eu une deuxième vague, si je peux m'exprimer ainsi, de critiques ou d'espoir dans l'encadrement renouvelé de ce secteur d'activité économique. On sait aussi que le groupe de travail sur l'allégement réglementaire, qu'on appelle fréquemment le rapport Lemaire, recommandait l'abrogation du régime tout en maintenant, pour une certaine période, certains acquis en regard des conditions de travail.

Alors, c'est un peu dans tout ce contexte-là que le projet de loi que nous avons sous les yeux a été travaillé, peaufiné, discuté, débattu. Comme je le disais, il nous fallait composer avec des intérêts très différents, et je dirais même cristallisés aussi, entre deux pôles très éloignés l'un de l'autre.

Alors, en quelques mots, les éléments clés de cette loi sont les suivants. D'abord, il m'apparaissait important, il apparaissait important au gouvernement de ne pas faire vivre une période de flottement qui pourrait générer des problèmes majeurs. Il nous fallait prévoir des périodes de transition. Alors, la première chose que ce projet de loi prévoit, c'est que le gouvernement va fixer des conditions minimales de travail jusqu'au 1er janvier 2000, et, en raison donc de ce recours à un processus réglementaire, nous allons donc prolonger les décrets jusqu'au 31 décembre 1999. Je pense qu'il ne fallait pas prévoir une fin brutale de ces décrets.

(22 h 50)

À partir de là, nous aurons une période de transition de deux ans. Il nous fallait et il nous apparaissait important d'éviter de provoquer des bouleversements trop profonds. Alors, pendant deux ans un certain nombre de conditions – le salaire, la durée de semaine normale de travail, les jours fériés, les vacances, les repas, les congés – seront prévues dans la Loi sur les normes du travail de manière transitoire. Pendant cette période de transition, parce qu'il y aura donc une période de transition, nous allons demander aux gens les plus concernés, c'est-à-dire les représentants des employeurs et des salariés, de proposer un certain nombre de modifications aux conditions de travail qui auront été édictées précédemment.

Et, à la suite, donc, de cette période de transition, nous allons intégrer des normes dans la Loi sur les normes du travail qui concerneront ce secteur d'activité, l'industrie du vêtement, des normes, donc, qui seront uniformes pour l'ensemble de ce secteur. Alors, nous n'aurons donc plus des normes différenciées dépendamment qu'on soit dans la confection pour dames, pour hommes, de la chemise, ou du gant, ou du cuir, comme c'est le cas actuellement.

Nous avons également prévu, puisque ces normes seront inscrites dans la Loi sur les normes du travail, que ce sera la Commission des normes du travail qui sera responsable de la surveillance des normes. Il est prévu d'ailleurs que les différents inspecteurs qui sont actuellement assignés par les comités paritaires en cause soient transférés à la Commission des normes du travail pour permettre à la Commission des normes de faire ce travail et surtout de ne pas perdre l'expertise de ces personnes qui ont travaillé depuis de nombreuses années dans ce secteur d'activité. La Commission des normes sera donc invitée à développer toutes sortes de mécanismes, probablement des mécanismes nouveaux. Il nous faudra être proactifs pour voir à l'application de ces normes minimales de travail dans le secteur de l'industrie du vêtement.

Nous prévoyons aussi dans le projet de loi la fin du fonds de vacances et la résorption du déficit. Vous savez qu'il a été au fil des ans constitué un fonds de vacances permettant ainsi aux employés d'avoir je pourrais me permettre d'appeler ça un guichet unique quant au paiement de leurs vacances. Pour toutes sortes de raison, il y a un déficit qui s'est accumulé au fil du temps, alors nous avons donc prévu des dispositions pour résoudre cette difficulté.

Et finalement le projet de loi prévoit que, suite à ce deux ans de transition, identification de normes sectorielles, nous devrons nous donner l'obligation de revoir l'ensemble de ces normes sectorielles le plus tard en l'an 2004. Je pense que c'est important, et ça a été une des critiques très sévères qui ont été faites à l'endroit de cet instrument que sont les décrets. C'est important de prévoir dans les lois – de plus en plus de lois d'ailleurs le font – des moments, des temps d'arrêt où on évalue correctement si les objectifs qui étaient fixés au moment de l'adoption de cette loi sont bien remplis et s'il y a des ajustements à faire comme législateurs.

Alors, je dirais en terminant, comme je l'ai dit un peu en introduction: Ce projet de loi, je pense, est un excellent point de départ qui va susciter des commentaires, et nous les entendrons en commission parlementaire. Mais c'est un point de départ qui tient compte de cet équilibre fragile, mais cet équilibre qu'il faut faire entre la protection des travailleurs et travailleuses, entre un secteur d'activité qui...

Curieusement, on a cru que ce secteur, de l'industrie du vêtement, serait très, très, très affecté par la mondialisation des économies. Or, c'est une industrie qui est dans une autre source, c'est une industrie qui a un potentiel de création d'emplois. On ne peut pas ignorer ce potentiel-là, on ne peut pas passer à côté de ce potentiel-là. Nous devons donc faire un équilibre entre les droits des travailleuses et des travailleurs et le potentiel de développement de cette industrie.

Nous avons donc opté pour des normes qui deviendront des normes avec un certain caractère permanent. Certains ont voulu qu'on ne soit que dans la possibilité des normes temporaires. Je pense que dans les conditions actuelles, considérant que les conditions de travail dans ce secteur sont quand même très modestes, il nous fallait viser quelque chose d'un peu plus structurant. Il fallait aussi considérer que 75 % de la main-d'oeuvre est féminine. Elle est composée en bonne partie de femmes immigrantes, donc c'est un environnement qui n'est pas toujours évident, cet environnement dans lequel elles travaillent. On a beaucoup été sensibilisé au fait que l'environnement physique même du travail n'était pas toujours adéquat et que le travail au noir favorisait, je pense que ça va de soi, le travail souterrain favorise une certaine forme d'exploitation. Il nous fallait donc considérer cela.

Il fallait aussi considérer qu'une baisse beaucoup trop rapide, brutale, accentuée des conditions de travail aurait pour effet d'augmenter un taux de roulement déjà très élevé chez les salariés. Or, dans certains secteurs, on nous indique qu'il y a une certaine pénurie de main-d'oeuvre, curieusement. Alors, il nous fallait éviter ce type de problème-là. Il fallait aussi considérer que c'est des secteurs d'activité où la syndicalisation est pratiquement impensable. On parle ici beaucoup de petites manufactures, avec très peu d'employés. Alors, on ne peut pas imaginer qu'il y a un levier collectif permettant d'augmenter ou d'améliorer les conditions de travail dans ces secteurs.

Il fallait aussi considérer, malgré tout ce qui a pu se dire, que l'industrie – et je dois vous dire que les gens au ministère du Travail on fait un travail extraordinaire – était vraiment favorable à des normes sectorielles, des normes sectorielles plus simples, plus souples, plus modernes, mais qu'il y ait quand même des normes sectorielles dans le secteur de l'industrie du vêtement. Et nous avons évidemment pris l'option de la Loi sur les normes du travail parce que la loi elle-même prévoit que, selon certaines branches d'activité, il peut y avoir des normes différentes. C'est l'exemple, par exemple, des travailleurs à pourboire.

En même temps, ce projet de loi constitue aussi un allégement réglementaire. On vise donc un seul taux horaire minimal, peu importe la catégorie d'emploi, et ça, je pense, que c'est une amélioration, puisque, comme je le disais, il y a plusieurs manufactures qui se retrouvent à vouloir diversifier leur production, et ça, c'est fort heureux. Mais donc, en diversifiant, elles se trouvent donc à devoir appliquer plusieurs décrets de convention collective dans ce secteur-là, si bien que ça devient problématique et ça crée un frein au développement de ces entreprises. Il fallait donc éviter les doubles assujettissements. Il fallait éviter aussi des contraintes techniques lourdes pour les employeurs. Il nous fallait aussi, je pense, penser, en modernisant ces décrets, à diminuer de manière significative le nombre de conditions de travail qui sont édictées par ces décrets de convention collective. Et je rappelle que la Loi sur les normes comprend des éléments minimaux sur lesquels socialement on s'entend pour que le législateur intervienne.

Alors, c'est évident que ce projet de loi va susciter beaucoup de discussions. Je pense que les débats en commissions parlementaires vont être extrêmement importants. Nous devrons, comme parlementaires, être attentifs aux représentations qui sont faites par toutes les parties concernées, et j'ai très hâte de les entendre. Je pense que nous posons un geste d'actualisation d'un mécanisme pour encadrer nos réalités du travail, et c'est un beau défi que nous avons devant nous. Nous devrons être prudents, attentifs, mais, en même temps, proactifs. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Bourget et également ministre du Travail. Nous cédons maintenant la parole au député de LaFontaine et critique officiel de l'opposition en matière de travail. Alors, M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur aujourd'hui et le plaisir, au nom de ma formation politique, d'entreprendre un débat important, qui est le débat de principe sur le projet de loi n° 47. J'aurai l'occasion dans mon discours de traiter de trois grands sujets qui sont au coeur de ce dossier-là.

Premièrement, la raison politique et le comportement du gouvernement. C'est la première et dernière fois certainement qu'on pourra traiter ce dossier de cette manière. La ministre aura l'occasion certainement, dans les étapes suivantes, de répliquer et de nous faire valoir ses commentaires suite à mon discours.

Par la suite, M. le Président, je tiendrai à souligner que nous avons l'occasion et l'intention de prendre tout le temps nécessaire pour entendre les groupes d'associations, tant patronales qu'ouvrières, syndicales, et quitter le terrain partisan pour entrer dans celui plus constructif de l'objectivité, de la recherche de la vérité et de l'intérêt collectif avant de rejeter ou d'appuyer la proposition du gouvernement. C'est pourquoi nous demandons formellement, en cette Chambre, les études d'impacts économiques sur la création d'emplois qui découlerait de ce projet de loi, création d'emplois encore mentionnée par la ministre dans son discours.

(23 heures)

Finalement, M. le Président, j'aborderai toute la question de la raison sociale ou l'équité de notre société. Ces principes sont inscrits au coeur même de notre constitution, au Parti libéral du Québec. Notre vision, notre projet de société, c'est le développement économique du Québec au service de l'équité, de la justice sociale en faveur des citoyens. Le Parti libéral du Québec poursuit l'objectif ambitieux d'augmenter la richesse et la qualité de vie des citoyens, de faire reculer les frontières de la pauvreté, de garantir notre avenir collectif en tant que société et de protéger notre culture unique sur ce continent.

Est-ce que le projet de loi n° 47 est équitable et juste pour les femmes qui occupent cette industrie en grande majorité et qui travaillent fort pour gagner leur pain et contribuer au développement économique du Québec? Est-ce que le projet de loi n° 47, c'est une intervention qui respecte les droits des travailleurs et des travailleuses de ce secteur? À ce moment-ci, une première lecture du projet de loi pose un certain nombre de questions et démontre un certain nombre de problèmes non seulement pour les travailleuses, mais pour les entreprises qui oeuvrent dans ce secteur.

Nous essaierons d'expliquer notre compréhension en espérant que les consultations à venir et les études d'impact économique, que nous souhaitons et que nous demandons au gouvernement, permettront de mieux comprendre la réalité des choses. Après, M. le Président, nous pourrons porter un jugement sur la proposition du gouvernement, à son mérite bien sûr.

Comme on le sait, ce projet de loi a pour objectif principal, à première vue, de réduire les conditions de travail sur une base permanente à compter du mois de juillet prochain, pendant une période de transition de deux ans, de plusieurs milliers de travailleuses et de travailleurs qui sont à l'oeuvre dans les ateliers de couture partout sur le territoire du Québec, mais principalement dans la région de Montréal, de l'Estrie, M. le Président. C'est d'abord et avant tout en pensant à eux et à elles que j'interviens aujourd'hui, et en particulier pour les couturières et opératrices qui demeurent dans les comtés des différents collègues de l'Assemblée nationale. Parce que, vous savez, M. le Président, tout au long de nos débats en cette Chambre, je demanderai à mes collègues parlementaires d'avoir une pensée positive et un peu de compassion pour ces femmes et ces hommes qui travaillent dans nos usines et qui sont à l'origine des succès d'une industrie importante pour le Québec et pour l'économie québécoise.

Le Québec est et demeure la capitale canadienne de l'industrie de l'habillement, et c'est un fait reconnu par tout le monde, M. le Président. Ce titre, on le doit à nos entreprises, mais aussi à nos travailleurs et à nos travailleuses qui sont la plus grande richesse de cette industrie. Et ce titre, nous en sommes fiers, M. le Président. Nous voulons que les décisions que nous prenons ici, à l'Assemblée nationale, favorisent la prospérité de cette industrie délaissée depuis trop longtemps et que cette prospérité soit partagée équitablement par tous les acteurs de cette industrie.

Et, là-dessus, j'ai quelque chose à dire, M. le Président, c'est important. Près des trois quarts de la main-d'oeuvre, 75 % des emplois visés par ce projet de loi sont occupés par des femmes, des travailleuses, des femmes qui travaillent fort dans des conditions de travail pénibles et parfois difficiles, même si elles ont la protection des comités paritaires, des femmes souvent chefs de famille monoparentale qui gagnent de petits salaires pour une production toujours plus pressante, toujours plus exigeante. Il faut se dépêcher, travailler plus vite pour livrer la marchandise, pour remplir la commande, pour être juste à temps, comme on le dit dans le vocabulaire de l'économie et du monde commercial. Des femmes, donc, en grande majorité, dont 50 % sont issues des communautés culturelles, des femmes et des hommes dont 8 % ne parlent ni l'anglais ni le français, des femmes et des hommes qui n'ont pas terminé leur secondaire V dans une proportion de 54 %, des femmes et des hommes qui travaillent à domicile bien souvent, le soir et la nuit, dans la solitude, en plus de garder les enfants, de préparer les repas, de changer les couches, pour quelques sous à la pièce, trop souvent sous la table.

Tout cela, M. le Président, le Parti libéral du Québec le comprend, alors que le projet de loi déposé par la ministre semble vouloir l'ignorer. C'est d'ailleurs un gouvernement issu du Parti libéral du Québec qui, pour la dernière fois, en 1992, soit sept ans en arrière, a accepté de donner suite aux augmentations négociées par les parties en modifiant la réglementation en conséquence. La dernière bonification au régime des conditions de travail de ces femmes remonte à 1992 alors que nous étions dans une période économique très difficile. Mais, depuis ce temps-là, alors que l'économie québécoise se porte encore mal mais un peu mieux, ce gouvernement refuse d'améliorer leurs conditions de travail. Les travailleuses du vêtement sont sans bonification de leurs conditions de travail depuis ce temps; elles sont, à toutes fins pratiques, gelées depuis 1992 pour les unes et depuis 1994 pour les autres.

Et ce qui est triste, M. le Président, c'est la nature du projet de loi n° 47 et le comportement du gouvernement par ce projet de loi qui laisse entendre que ces femmes qui gagnent entre 13 000 $ et 16 000 $ par année sont trop payées, qu'elles n'ont pas le droit d'avoir des conditions de travail décentes. Le projet de loi n° 47 laisse entendre que ces milliers de femmes, dans le fond, ne méritent rien d'autre que des conditions minimales sous le seuil de la pauvreté. Pour ce gouvernement, M. le Président, les femmes du vêtement sont trop payées pour ce qu'elles font. Les dispositions négociées par l'industrie elle-même sont trop généreuses, trop compliquées à administrer, irritent les employeurs et les entrepreneurs qui finalement – c'est affreux – ne peuvent pas demander à leurs employés de faire du bénévolat.

La ministre accepte sans broncher, selon les termes de son propre mémoire au Conseil des ministres, à la page 15, de diminuer d'au moins 2 % les conditions de travail des travailleuses non syndiquées. La ministre oublie que ces travailleuses vivent avec des conditions de travail gelées depuis sept ans et cinq ans, et ces femmes non syndiquées, bien que majoritaires, n'ont pas un mot à dire. Les employeurs, eux, voient par ce projet de loi leurs obligations diminuer: moins de contrôle, moins de rapports à faire, moins de surveillance, et certains, selon la ministre, verront leur contribution diminuer. C'est un projet de loi sur mesure pour eux, M. le Président. Le tableau, à première vue, fait mal aux yeux et se digère plutôt mal. On a de la difficulté à en croire nos oreilles et croire que c'est là le discours du Parti québécois à la dernière élection.

Ce qui m'amène, M. le Président, à discuter et à débattre de la raison politique derrière le projet de loi n° 47 devant nous aujourd'hui. Lorsqu'on cherche à trouver la motivation profonde ou la raison pour laquelle ce gouvernement intervient aujourd'hui plutôt que l'année dernière, on se rend compte qu'il s'agit d'un projet de loi tout à fait surprenant. Tellement surprenant que le gouvernement lui-même est resté complètement immobile dans ce dossier depuis son élection en 1994 alors qu'il préparait le référendum, et après parce que la campagne électorale arrivait.

Manifestement, M. le Président, jamais en campagne électorale le Parti québécois ou son chef, le premier ministre, n'ont laissé entendre qu'ils devaient s'attaquer à un modèle des relations de travail typiquement québécois, basé sur la concertation et les négociations des partenaires patronaux et syndicaux, autour d'une table où les forces vives de l'industrie se réunissent avec le pouvoir de négocier des transformations et des conditions de travail de leur industrie. Si je voulais être sarcastique, je dirais que le Parti québécois n'a pas été élu pour s'attaquer au modèle québécois. Mais je vais être honnête et démocrate, je dirai que le peuple du Québec n'a pas choisi le Parti québécois et son chef pour qu'ils s'attaquent aux petits travailleurs, et aux travailleuses en particulier, en passant à la tronçonneuse un régime de nos relations de travail qui est un modèle populaire en Europe, unique en Amérique ou presque.

On est en plein, bien sûr, dans le Sommet de 1996 où le ministre des Finances s'est amusé à se crêper le chignon avec le président de la FTQ de l'époque, M. Clément Godbout. Souvenez-vous, M. le Président, de cette altercation – et le mot est faible – portant justement sur les décrets dans le secteur du vêtement où, en réponse aux attaques plutôt mesquines du gouvernement, le président de la FTQ de l'époque répliquait courageusement qu'on n'était tout de même pas pour jouer au hockey en pieds de bas. Et je crois qu'il avait raison.

Par la suite, M. le Président, souvenez-vous du rapport Lemaire et de la façon dont certains partenaires du milieu du travail ont claqué la porte avant la fin des travaux. Ce rapport est peu connu de la population, il n'a jamais été débattu publiquement. Pourquoi? Parce qu'au PQ on l'a soigneusement étouffé lors de sa sortie, au printemps de l'année dernière; les élections s'en venaient, et le Parti québécois se préparait à monter aux barricades avec comme thème Défendre le modèle québécois .

C'est drôle, M. le Président, lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre des recommandations importantes de ce rapport, qui touchent par exemple l'application de l'article 45 du Code du travail, le premier ministre s'assoit sur la raison d'État pour ne pas bouger sans un consensus des acteurs du marché du travail. Quand il s'agit de protéger les travailleuses téléphonistes de Bell Canada contre une anomalie, un vide juridique de notre Code du travail du Québec, le premier ministre invite un vote contre un engagement de son propre parti, de sa ministre du Travail, des arguments factices, très faibles, en faveur de la stabilité des lois parce qu'une transaction est en cours et du fait qu'on ne fait pas de réformes à la pièce. Comme si l'Assemblée nationale n'avait pas le pouvoir de changer ses lois, comme si le gouvernement n'avait pas le pouvoir de suivre les résolutions des militants de son propre parti.

En vérité, le premier ministre s'est engagé privément à ne pas changer le Code, parce que ses amis, ou des gens de Bell, ces gens au comité Lemaire, continuent d'y siéger. Pourtant, pas plus tard que la semaine dernière, le gouvernement annonçait un investissement majeur dans l'est de Montréal, pour la Alsthom Canada qui a été vendue par les chemins de fer du CN. Des employés, des hommes en majorité, ont eu la chance de conserver leur accréditation et de négocier avec leur nouvel employeur des aménagements pour protéger leur emploi.

(23 h 10)

Quand ça touche des femmes, M. le Président, qui sont déjà au tapis, au bas de l'échelle, non syndiquées et gelées depuis 1992, depuis sept ans, le consensus n'est plus nécessaire. À première vue, M. le Président, il n'y a pas de consensus sur ce dossier. Nous recevons des pétitions, nous en avons déposées. Dans certains cas, ces pétitions sont signées à la fois par des travailleuses et à la fois par des propriétaires d'entreprises. Pourquoi deux poids, deux mesures? Est-ce que c'est parce que l'on retrouve le plus grand nombre de travailleurs et de travailleuses du vêtement dans la région de Montréal et dans l'Estrie? Est-ce que c'est parce que les trois quarts des jobs sont occupées par des femmes immigrantes, dans une proportion de plus de 50 %? Est-ce que ça fait partie des conditions gagnantes de faire plaisir au lobby patronal en faisant la sourde oreille à l'égard des milliers de couturières qui restent sans voix? Est-ce un retour de l'ascenseur pour la dernière campagne électorale?

Pour essayer de comprendre pourquoi, M. le Président, ce gouvernement nous arrive avec ce projet de loi, j'ai fait une recherche dans les programmes du Parti québécois. J'y ai découvert un engagement très intéressant, en 1994, il s'intitulait Des idées pour mon pays . Vous souvenez-vous de L'autre façon de gouverner , M. le Président? Nous retrouvons dans ce programme un engagement formel de maintenir et d'améliorer le régime des décrets de conventions collectives en attendant l'adoption de l'accréditation multipatronale. Vous savez, quand on syndique une pharmacie, toutes les pharmacies deviennent syndiquées par le fait de cette accréditation multipatronale.

Alors, M. le Président, si ma lecture est bonne, le Parti québécois, pour se faire élire, s'engageait à maintenir le régime des décrets et même à l'améliorer. À cet égard, le projet de loi n° 47 s'éloigne considérablement de l'orientation politique du PQ, non seulement quant à la protection du fameux modèle québécois répété et répété par le premier ministre lors des dernières élections et si on regarde les engagements pris lors de la campagne électorale précédente afin de se faire élire au gouvernement.

Le PQ, M. le Président, en abrogeant quatre décrets dans le secteur du vêtement, ne respecte pas son programme parce qu'il n'améliore pas le régime des décrets en attendant l'accréditation multipatronale. Au contraire, une première lecture du projet de loi nous démontre qu'il alourdit davantage le marché du travail en élargissant le pouvoir réglementaire du gouvernement qui s'autorise lui-même, s'il le désire, à décréter unilatéralement des conditions de travail moindres et diminuées pour les travailleuses, taxant davantage les entreprises concernées. De plus, le gouvernement déresponsabilise les parties en envoyant le tout à la Commission des normes du travail qui n'est pas équipée pour faire ce travail, qui n'a pas les moyens d'offrir les mêmes services aux travailleurs dans le nouveau régime. Dans l'ancien régime, les services s'autofinancent parce qu'ils sont appuyés non seulement par la contribution des entreprises mais aussi des travailleurs qui le supportent, qui en bénéficient. Fini la solidarité.

Si ce n'est pas la base militante du PQ qui demande l'abolition des comités paritaires et l'adoption du projet de loi n° 47, qui a bien pu demander ou forcer la ministre du Travail à présenter un projet de loi contraire au programme de son parti et aux engagements pris en campagne électorale pour se faire élire? Voilà une question, M. le Président, très intrigante. Comme le projet de loi touche directement les conditions de travail de plus de 22 000 personnes, je me suis dit: Ça vaut la peine de regarder ça. Si ce n'était pas la base militante et le programme du Parti québécois, est-ce que les fonctionnaires et les experts du ministère du Travail sont ceux qui forcent la ministre ou le premier ministre à s'attaquer contre leur volonté à ces femmes? Et là je suis reparti faire de la recherche. Je ne le regrette pas, M. le Président, ça m'a permis de découvrir des choses très intéressantes et la réponse à ma question.

Alors, M. le Président, j'espère que ça vous rassure, car ce ne sont pas les fonctionnaires, les experts du ministère du Travail, pour qui j'ai beaucoup de respect dans ce domaine-là, qui forcent le gouvernement et la ministre du Travail à présenter ce projet de loi. Bien au contraire, M. le Président. Au contraire, les experts du ministère ne recommandent pas l'abolition des décrets paritaires dans ce secteur, tel qu'en fait foi un rapport daté du 1er mai 1996, jour de la fête des Travailleurs. Ce rapport demandé par l'ex-titulaire du Travail, la députée de Hochelaga-Maisonneuve, a été abandonné ou pas traité par son successeur. Aucune énergie véritable par les élus responsables n'a été consentie à cette option suite au départ de la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Ce rapport s'intitulait Comité de travail sur le vêtement, rapport, ministère du Travail, 1996-05-01 .

Alors, M. le Président, si ce n'est pas le programme du Parti québécois, si ce n'est pas les experts et les fonctionnaires du ministère, qui peut bien avoir assez de pouvoir pour forcer le gouvernement à appauvrir des travailleuses parmi les plus pauvres du marché du travail? Est-ce la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec, la plus grosse organisation syndicale au Québec, qui demande l'abolition des comités paritaires? Est-ce la Centrale des syndicats nationaux, la CSN, qui demande l'abolition des comités paritaires? Le 18 mars 1999, La Presse titrait: L'abolition des décrets créera 8 000 emplois, selon Diane Lemieux . Dans cet article, on explique que, «dans les milieux syndicaux, toutefois, on était bien circonspect devant les intentions de Québec. La CSN est carrément contre l'abolition, dit Gérald Larose. "L'abolition des décrets dans le vêtement est une mauvaise décision. Les décrets harmonisent le secteur et nivellent les coûts pour toutes les entreprises. Celles-ci se font concurrence sur la qualité de leur produit et non sur les conditions offertes" à leurs travailleuses et à leurs travailleurs.

«Pour Henri Massé, président de la FTQ, la centrale était prête à "moderniser les décrets mais le gouvernement est allé beaucoup plus loin, déplore-t-il. Dans ce secteur, la compétition est féroce, et, si on fait sauter les décrets, ce sont les conditions de travail qui vont écoper"», donc les travailleurs, prédit-il, et les travailleuses, et sa Centrale des syndicats démocratiques, la CSD, qui demande l'abolition des comités paritaires.

Le 22 avril 1999, sous la plume de Marie Caouette, Le Soleil titrait: Fin des décrets dans le vêtement, baisses de salaire en vue, la CSD dénonce la réforme de la ministre . Selon cet article, M. le Président, plusieurs milliers de couturières qui gagnent entre 9 $ et 10 $ de l'heure dans les usines québécoises pourraient se ramasser au salaire minimum de 6,90 $ de l'heure d'ici deux ans. Selon François Vaudreuil, président de la Centrale, il suffirait d'alléger les tâches administratives exigées par les comités paritaires pour soulager l'irritation des employeurs. Pas besoin d'abolir un régime qui a consacré la concertation entre employeurs et travailleurs pour fixer les conditions de travail dans ce secteur. Nous le verrons en commission parlementaire, ses opinions sont toujours les mêmes. Nous avons l'intention de demander à la ministre de les inviter à venir faire valoir leur point de vue.

Pour le moment, j'ai trois sources qui plaident en faveur de l'abolition de ce régime de relations de travail dans l'industrie du vêtement: l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, la Chambre de commerce du Québec et une recommandation du rapport Lemaire, qui n'était pas partagée par les syndicats et les autres partenaires qui ont claqué la porte de ce groupe de travail avant la fin de son mandat. Nous recevons présentement, je le répète, M. le Président, des pétitions de plusieurs coins du Québec, signées par des centaines de travailleuses et même parfois par leurs employeurs ou par des propriétaires d'entreprises qui s'inquiètent et qui contestent la décision du gouvernement. J'imagine que toutes ces personnes ne sont pas au courant des raisons qui motivent le gouvernement, puisqu'on n'a pas soulevé ce projet lors des dernières élections, préférant l'escamoter afin de ne pas déranger d'éventuels électeurs et électrices dans des régions très sensibles.

La raison qui m'amène à quitter le terrain politique pour discuter de la raison économique, c'est celle-là. Si les raisons politiques concernant le projet de loi n° 47 sont obscures, peut-être que la raison économique permettra aux parlementaires de mieux comprendre l'action du gouvernement dans ce domaine, de l'appuyer et de l'expliquer aux travailleuses et aux entreprises, le cas échéant. Quel rapport peut-on faire entre l'économie, la vigueur d'un secteur et un régime de relations de travail qui permet l'existence d'un comité paritaire: l'existence de conditions de travail minimales négociées – j'insiste sur le mot «négociées» – entre les représentants patronaux et syndicaux représentatifs de l'industrie, avec le concours et la collaboration du gouvernement.

Le régime des comités paritaires, M. le Président, c'est un peu comme un mariage à trois. Il peut naître, exister et vivre, comme il peut mourir aussi, à certaines conditions. Il faut d'abord, à la base, une dose suffisante de volonté des acteurs économiques et sociaux, et recourir à l'application de cette loi, d'une part. Mais, en même temps, il faut le concours et un minimum de volonté politique du ministre responsable et du gouvernement en place pour établir, dans l'intérêt des entreprises et des travailleuses du secteur, ou des travailleurs, une convention collective de base égale et équitable pour le monde. Quand ça fonctionne, le gouvernement peut procéder à la publication dans la Gazette officielle de ces conditions de travail négociées, et toutes les entreprises et tous les travailleurs actifs dans le champ d'application de cette convention, que ça soit au niveau du territoire, de la région, au niveau de l'activité économique, doivent respecter ces règles du jeu.

Je vous rappelle que cette loi sur les décrets de conventions collectives, en vigueur au Québec depuis le début des années trente, a fait l'objet d'une modernisation en décembre 1996, suite aux engagements pris par le gouvernement libéral au sortir d'une commission parlementaire, en mai 1994, portant sur l'avenir de ce régime. À l'époque, le gouvernement du Parti libéral du Québec et le ministre de l'Emploi de l'époque, M. Serge Marcil, endossaient l'idée qu'il fallait moderniser ce régime. Bien sûr, M. le Président, l'industrie du vêtement a connu une évolution constante depuis les quarante dernières années, et cela s'imposait comme dans d'autres domaines. C'est important de rappeler que le Québec est la capitale canadienne de la confection de vêtements. Ce titre, nous l'avons encore et nous pouvons en être fiers. Mais, en même temps, l'industrie a connu des transformations profondes au cours de son histoire. Avec le vieillissement des générations d'hommes d'affaires, la relève ne suit pas toujours. Plusieurs fils ou filles des entrepreneurs choisissent d'autres professions ou d'autres métiers que la confection de vêtements. Certains d'entre eux, pour différentes raisons, décident d'aller vers l'ouest et de quitter le Québec, de sorte qu'aujourd'hui de nouvelles familles sont à l'oeuvre et l'industrie se régionalise davantage. On retrouve plusieurs entreprises dans la Beauce, la Montérégie, l'Estrie. Bien sûr, Montréal demeure le chef-lieu de l'industrie québécoise du vêtement.

(23 h 20)

Plus récemment, avec l'arrivée de nouvelles technologies et de la mondialisation, l'industrie est confrontée à de nouveaux défis toujours plus complexes et fascinants, M. le Président. L'industrie change, les manufacturiers donnent plus de sous-contrats à des contracteurs et embauchent moins de monde. Les affaires changent, les frontières nationales et internationales tombent, la concurrence se mondialise et de nouveaux pactes sont signés entre les pays pour favoriser les échanges et le commerce d'un pays à l'autre. Dans le contexte de la mondialisation, la concurrence internationale s'accélère dans le domaine du vêtement, et les conséquences de l'abolition de l'Accord multifibres, AMF, demeurent incertaines encore aujourd'hui. En effet, M. le Président, il faut savoir que le commerce des vêtements était régi par l'arrangement multifibres, AMF, lequel permettait aux pays participants de contingenter les importations des produits vestimentaires provenant de certains pays, afin d'empêcher les pays en voie de développement d'inonder les marchés industrialisés avec leurs produits à faible coût de revient. À l'heure actuelle, le Canada est signataire d'au-delà de 43 accords bilatéraux.

Cependant, suite aux négociations commerciales, des contingents imposés aux importations de produits textiles et vestimentaires doivent, sur une période qui a débuté en 1995, disparaître d'ici 2005. Est-ce que le projet de loi n° 47 est susceptible de rendre le Québec plus fort à l'égard de cette situation encore incertaine? À première vue, le projet de loi n° 47 ne répond d'aucune manière aux besoins économiques des employeurs et des travailleurs de l'industrie. Car, en effet, selon une étude de Statistique Canada, l'industrie connaît trois grands problèmes: un retard dans l'adoption de nouvelles technologies, des conditions de travail difficiles, peu attrayantes, une pénurie chronique de main-d'oeuvre spécialisée. Donc, M. le Président, pour créer des emplois, il faudrait, contrairement à la proposition gouvernementale, améliorer les conditions de travail, accélérer la recherche et l'application de nouvelles technologies, tout en formant de la main-d'oeuvre en qualité et en nombre suffisants. Voilà ce que les experts nous disent, M. le Président.

Bien sûr, nous sommes prêts à reconnaître que des questions se posent sur le régime des décrets à travers toutes ces transformations et nous devons aussi admettre que ce régime, bien qu'imparfait, humanise, au moins chez nous, cette concurrence. Pourquoi c'est simple, M. le Président? Le comité paritaire permet le dialogue. Il permet aux gens de l'industrie de se parler, d'échanger autour d'une table, d'avancer des solutions à des problèmes concrets et parfois complexes, une table décisionnelle où les employeurs peuvent entendre les revendications et proposer des avenues pour maintenir ou améliorer les conditions de travail de ces travailleurs et travailleuses.

À la base même des réussites des entreprises du Québec, cette table s'appelle le comité paritaire. Et cette table est peut-être mal exploitée aujourd'hui. Elle est peut-être mal perçue par certains, elle est peut-être imparfaite. Mais, avant de la jeter par-dessus bord pour la remplacer par la Commission des normes du travail, j'aimerais dire à ceux et à celles qui veulent sa disparition qu'ils s'exposent peut-être à des problèmes plus graves, dont la réalisation d'un engagement du Parti québécois inscrit formellement dans son programme, à savoir la syndicalisation multipatronale.

La ministre de l'Emploi affirmait dans les journaux que la disparition des comités paritaires permettrait la création de 8 000 emplois. Questionnée lors des crédits, le 27 avril dernier, par moi-même, on apprend qu'elle fait fi des déclarations de certaines associations patronales lors du Sommet. Essayons de voir comment on peut expliquer une telle affirmation. En vertu de quel principe économique l'appauvrissement de ceux et celles qui travaillent dans ce secteur permettrait de créer 8 000 emplois? On me dit que les entreprises, maintenant que les frontières sont disparues, exportent des emplois à l'extérieur pour faire des profits à faible coût de revient. Est-ce vrai? Est-ce à cause des comités paritaires au Québec ou du libre-échange, de la mobilité des capitaux, des entreprises, de la proximité de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick?

Dans une étude de Statistique Canada publiée au printemps 1997, dans la rubrique Perspectives, on dit que le nombre d'emplois au Canada dans l'industrie du vêtement a chuté de 28 % entre 1989 et 1994. Ce phénomène n'est donc pas unique au Québec, mais partout au Canada, ceux qui n'ont pas les mêmes régimes de décrets. Les auteurs affirment que ce recul est attribuable à un certain nombre de facteurs, comme la vigueur de l'économie, la demande des produits de consommation, la libéralisation des échanges et la capacité de l'industrie de faire face à la concurrence étrangère. On ajoute, M. le Président, que l'industrie du vêtement est cependant particulièrement vulnérable à la libéralisation des échanges. Comme nous le savons, l'accord de 1989 avec les États-Unis et l'Accord de libre-échange nord-américain, conclu en 1994, ont progressivement réduit les droits de douanes prélevés sur les vêtements importés des États-Unis et du Mexique. On dit dans cette étude que les importations de vêtements de confection américaine ont augmenté de façon constante depuis l'entrée en vigueur du premier accord en 1989. Heureusement, le Québec et le Canada ripostent en augmentant constamment les exportations de vêtements.

L'accroissement des exportations, depuis 1992, contribue à mettre un frein à la décroissance de l'emploi, selon cette étude. Contrairement à la tendance de l'emploi, la production des vêtements s'est redressée en 1993, 1994 et 1995, pour atteindre le seuil de 6 200 000 000 $. On dit dans l'étude que les exportations ont progressé régulièrement depuis 1990, pour atteindre la valeur de 1 300 000 000 $ en 1995. Plus de 90 % des exportations sont destinées aux États-Unis, alors que des marchés comme le Japon puis le Royaume-Uni sont négligés, avec 2 % et 1 % de nos exportations. En même temps, M. le Président, Statistique Canada nous apprend que, depuis 1989, les manufacturiers ont perdu du marché intérieur. On voit qu'il y a de sérieux efforts à faire pour maintenir et améliorer la part de ce marché.

On dit aussi que les salaires ici sont relativement faibles par rapport à ceux des autres industries manufacturières du pays, mais qu'ils sont comparables à ceux des autres pays industrialisés. Alors, on peut se demander où est le problème. Toujours selon cette étude, les salaires mensuels dans le vêtement en Allemagne, au Danemark, aux États-Unis, qui est notre principal concurrent, sont supérieurs à nos salaires ici, au Québec, dans cette même industrie. Alors, M. le Président, pourquoi le gouvernement veut-il diminuer les conditions de travail des Québécoises et des Québécois qui travaillent dans ce secteur?

J'ai lu, dans un article publié dans la Gazette , le 20 mars dernier, que les établissements de confection de vêtements de l'île de Montréal fabriquent la moitié de la production canadienne de vêtements. On dit que l'industrie emploie 70 000 personnes au Québec et que 1 113 entreprises emploient 11 % des emplois manufacturiers au Québec, ce qui n'est pas rien, M. le Président.

Dans cet article, on donne l'exemple de Peerless, un important fabricant de vêtements pour hommes qui exporte 80 % de sa production aux États-Unis. Cette entreprise, parce qu'elle est au Québec, paie seulement 9 % de droits de douane sur la laine qu'elle importe de l'Italie et qui entre dans la fabrication de ses habits. Aux États-Unis, la même laine est frappée d'un droit de douane de 36 % à 38 % pour protéger le coton américain. Depuis que Peerless importe sa laine à seulement 9 % de douane, elle peut exporter ses habits sans droits de douane à payer aux États-Unis. Elle est très compétitive, et ça marche très bien aux États-Unis.

Comme vous le voyez bien, M. le Président, on s'éloigne des conditions de travail des employés en ce qui concerne la compétitivité des entreprises québécoises. On dit, dans le même article de la Gazette , que la concurrence entre les magasins au détail a créé une très forte pression chez les manufacturiers pour qu'ils baissent leurs prix. Au lieu d'avoir un projet de loi là-dessus, le PQ préfère baisser le salaire des femmes qui fabriquent des vêtements. Pourquoi ne pas tenter de civiliser la concurrence dans les grandes chaînes de commerce de détail? Pourquoi faire payer les travailleuses au bas de l'échelle?

On dit, dans le même article, que la pression s'est accrue depuis que Wal-Mart a acheté Woolco. Rappelons-nous, M. le Président, que Greenberg, K Mart et Wise sont disparus. Bientôt, c'est Eaton qui va disparaître, qui va partir. Tous ces commerces étaient de grands consommateurs de nos productions de vêtements. Ils encourageaient avec fierté nos couturières, nos opératrices de machines à coudre reconnues pour leur dextérité à manier les tissus, à les façonner de leurs mains aux doigts de fées. Le nombre de grandes chaînes de commerce de détail est en chute libre au Québec et personne ne se pose de questions.

Si les travailleuses du vêtement étaient organisées comme les agriculteurs, M. le Président, ça ferait longtemps que la Caisse de dépôt ou la SGF aurait examiné ces transactions en termes d'impacts sur les emplois chez les fournisseurs de ces grandes chaînes. À ma connaissance, il n'existe aucune clause en faveur de notre industrie de la confection alors qu'on négocie des clauses particulières dans l'alimentation pour tenir compte de nos agriculteurs.

Où sont les associations patronales du commerce dans ce dossier? Qui pense aux intérêts québécois dans ces transactions? Est-ce que quelqu'un dans ce gouvernement s'est levé pour demander poliment aux grandes multinationales de ne pas oublier les travailleuses de notre industrie du vêtement quand viendrait le temps d'offrir du linge sur les comptoirs à grande surface? Et, pendant que le gouvernement ne fait rien, les études démontrent que nos industries d'ici, nos manufacturiers, nos entrepreneurs de Montréal et d'ailleurs en province ont de la difficulté sur le marché intérieur malgré qu'ils percent les marchés extérieurs.

Bien sûr, M. le Président, pour ceux qui exportent, la valeur du dollar canadien est un atout certain. Et, pour M. Jack Kivenko, de la compagnie Jack Spratt, une des plus grosses entreprises canadiennes de fabrication de jeans, la valeur du dollar canadien constitue un couteau à double tranchant. Comme il doit importer le coton des États-Unis en dollars américains pour fabriquer ses jeans, l'opération devient passablement coûteuse. Comme d'autres, on commence à chercher des endroits dans le monde où on trouve ce qu'on appelle du «cheap labor», en français, des travailleurs à bon marché, comme au Mexique ou dans les Caraïbes. Est-ce que le gouvernement du Parti québécois voudrait transformer les régions où il y a une industrie de couture, du Québec, en Caraïbes des Amériques?

Malgré ces difficultés réelles, l'industrie québécoise de l'habillement est en vie et relève le défi de la mondialisation avec courage, comme les chiffres que je viens de citer le démontrent. L'industrie québécoise est en bonne santé. Les Québécois trouvent des niches de production bien de chez nous, des modèles, des lignes de production qui correspondent à notre savoir-faire, à notre débrouillardise, à notre imagination connue mondialement.

(23 h 30)

Bien sûr, il y a des ajustements à faire, des efforts à compléter pour moderniser nos entreprises et leur manière de fonctionner. Notre industrie est encore bien vivante, M. le Président. Grâce à l'ingéniosité, la persévérance, l'endurance de ces milliers de femmes qui besognent dans le bruit, la chaleur, en cadence, beau temps, mauvais temps, toujours mieux, toujours plus vite, nous sommes en bonne position. Nous exportons plus aujourd'hui et toujours plus demain qu'il y a 10 ans. Ainsi, M. le Président, tenez-vous bien, les exportations de vêtements augmentent de 408 % entre 1990 et 1997; 408 %, malgré les décrets, Mme la ministre. Les entreprises exportent des produits haut de gamme, elles ont bien sûr délaissé la fabrication des produits bas de gamme fabriqués à faibles coûts ailleurs.

Pour toutes ces raisons, avant de nous prononcer sur le projet de loi n° 47, nous voulons savoir en vertu de quel principe économique la disparition des décrets permettrait la création de 8 000 emplois? Serait-ce un coup de baguette magique? Nous voulons voir les études d'impact économique. Les travailleurs et les travailleuses de cette industrie et les entrepreneurs de cette industrie demandent à voir des études d'impact économique. La ministre nous promet la création de 8 000 emplois avec la disparition des décrets et l'adoption d'un nouveau décret unilatéral du gouvernement. On veut voir avant de croire. C'est comme si on échangeait une piastre pour trois trente-sous. Et hop! apparaissent par magie 8 000 emplois, sans tenir compte de tous les autres facteurs économiques. Le mémoire de la ministre fait référence à une étude d'impact dont les conclusions sont la diminution de 2 % des conditions de travail des travailleuses non syndiquées et un coût réduit pour les entreprises, sauf pour le remboursement du déficit du fonds de vacances. On veut voir comment, M. le Président, où et quand ces 8 000 emplois seront créés, avant de nous prononcer.

Mais la présentation du projet de loi n° 47 soulève une question de fond qui touche l'ensemble de notre société. Je parle de l'équité. Est-ce que le projet de loi n° 47 représente un recul ou une avancée vers une plus grande équité dans notre société entre les emplois occupés par les femmes et ceux occupés par les hommes? Parce qu'il faut bien le dire, la majorité des entreprises de confection du vêtement, 70 % en fait, comptent moins de cinq employés et échappent à l'application de la Loi sur l'équité salariale adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale. En quoi le projet de loi n° 47 permettrait-il un jour à ces femmes qui occupent les trois quarts des emplois dans cette industrie de rattraper au moins le salaire moyen du secteur manufacturier occupé principalement par des hommes? Car, en effet, la ministre n'est pas sans savoir que le salaire moyen dans l'industrie de la confection de vêtements tourne autour de 8,92 $ de l'heure, alors que le salaire moyen dans les autres industries manufacturières où les hommes sont majoritaires se situe à 16,11 $ de l'heure, selon Statistique Canada.

Le 14 mai 1999, la présidente de la Fédération des femmes du Québec réagit dès le lendemain de la présentation du projet de loi n° 47 à l'Assemblée nationale. Ça dit: L'abolition des décrets dans le vêtement inquiète la Fédération des femmes . Françoise David dit: «"C'est sûr que la disparition des décrets est inquiétante. Si les patrons veulent l'abolition des décrets, ce n'est pas seulement pour réduire la paperasse." Selon elle, cette industrie très compétitive veut probablement ajuster les conditions de travail des femmes au Québec sur celles qui ont cours ailleurs.» Cela lui pose un problème. «Elle prend aussi avec un gros grain de sel les promesses de l'industrie auxquelles la ministre du Travail a fait écho, selon lesquelles l'abolition des décrets permettrait la création de 8 000 emplois.»

Alors, M. le Président, il faudra qu'on explique aux 22 000 travailleuses du vêtement ainsi qu'à leurs familles, au cours des prochaines semaines, pourquoi le gouvernement, sur les conseils de la ministre du Travail, ancienne présidente du Conseil du statut de la femme, diminue par loi, contre leur volonté et contre le mouvement syndical et certains entrepreneurs, les conditions de travail de plusieurs milliers de femmes non syndiquées qui gagnent en moyenne entre 13 000 $ et 16 000 $ par année, alors que leurs salaires sont gelés depuis de nombreuses années.

M. le Président, nous réitérons notre demande à la ministre de déposer et de faire faire une étude d'impact sur l'impact de l'abolition de ces décrets sur les conditions de travail et sur le salaire de ces travailleuses, et nous demandons, bien sûr, par la suite de tenir des audiences publiques pour les gens qui seront intéressés à venir faire valoir leur point. Et, par la suite, nous donnerons ou ne donnerons pas notre appui à des changements dans les décrets de convention collective.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine et critique officiel de l'opposition en matière de travail. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 47? Mme la ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique? Mme la ministre du Travail.


Mme Diane Lemieux (réplique)

Mme Lemieux: Alors, ce sera une intervention très courte pour dire une première chose. Il a fallu exactement 23 minutes, 23 minutes sur une intervention de 35 minutes, il a fallu donc 23 minutes au député de LaFontaine pour finalement dire: Bien sûr, nous sommes prêts à reconnaître les problèmes avec le régime de décrets de convention collective. Bien sûr. Eh oui! il y avait certaines difficultés. L'opposition officielle qui n'arrête pas de nous dire: Il y a trop d'impôts au Québec, la masse salariale est trop taxée, qu'est-ce qu'elle propose? L'opposition officielle, au lieu de nous parler de notre programme, devrait en avoir un, et je ne suis pas sûre qu'elle en a un. L'opposition officielle n'a aucune solution aux problèmes qui sont soulevés, aux problèmes légitimes qui sont soulevés de part et d'autre, autant du côté de l'industrie que du côté des travailleurs et des travailleuses. Aucune solution, M. le Président. L'opposition officielle ne fait que de la démagogie dans ce dossier-là.

Moi, je suis très fière d'être dans un gouvernement qui a vu ces problèmes-là, qui a développé une solution qui n'est peut-être pas parfaite, mais qui a développé un point de départ extrêmement intéressant, qui a été responsable, qui n'a pas acheté la théorie de l'abrogation pure et simple des décrets, qui a prévu des alternatives, qui a prévu des processus pour pouvoir poursuivre dans ce dossier-là et qui a prévu des périodes de transition. Je suis très, très, très heureuse d'être associée à ce gouvernement-là. Et, oui, nous allons faire des audiences, mais j'espère que ça ne prendra pas 23 minutes à chaque début de commission parlementaire, lorsque nous entendrons les gens, pour reconnaître qu'il y avait des problèmes, M. le Président.

Des voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre du Travail. La réplique ayant été exécutée, le principe du projet de loi n° 47, Loi concernant les conditions de travail dans certains secteurs de l'industrie du vêtement et modifiant la Loi sur les normes du travail, est-il adopté?

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Boulerice: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux à demain, mercredi, 26 mai 1999, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, j'ajourne donc nos travaux au mercredi 26 mai, 10 heures, pour les affaires courantes.

(Fin de la séance à 23 h 38)


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