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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 2 juin 1999 - Vol. 36 N° 39

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Table des matières

Présence de l'ambassadeur du royaume de Thaïlande, M. Sunai Bunyasiriphant

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés! Nous allons d'abord nous recueillir un moment.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Présence de l'ambassadeur du royaume de Thaïlande, M. Sunai Bunyasiriphant

Alors, pour débuter la séance, j'ai d'abord le plaisir de souligner la présence, dans nos tribunes, de l'ambassadeur du royaume de Thaïlande, Son Excellence M. Sunai Bunyasiriphant.


Affaires courantes

Alors, nous allons débuter les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

À l'étape de la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je vous réfère à l'article e.


Projet de loi n° 216

Le Président: Alors, en rapport avec cet article du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 216, Loi concernant la Ville de Saint-Laurent. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Alors, je dépose ce rapport.


Mise aux voix

Mme la députée de Crémazie présente le projet de loi d'intérêt privé n° 216, Loi concernant la Ville de Saint-Laurent.

Est-ce que l'Assemblée accepte, d'abord, d'être saisie du projet de loi? Très bien. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Brassard: Alors, dans ce cas-là, M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Bien. La motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

Il n'y a pas dépôt de documents.


Dépôt de rapports de commissions

Il y a un dépôt de rapports de commissions. M. le vice-président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Étude détaillée du projet de loi n° 33

M. Sirros: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 27 mai 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Merci. Ce rapport est déposé.

Il n'y a pas dépôt de pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise immédiatement qu'après la période de questions et de réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le ministre des Ressources naturelles proposant que le principe du projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998, soit adopté.


Questions et réponses orales

Alors, cet avis étant fait, nous allons passer immédiatement à la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, en question principale.


Fardeau fiscal des contribuables


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, merci beaucoup, M. le Président. Le premier ministre a fait une récente visite dans la région de l'Outaouais, et je présume que, la proximité de la frontière ontarienne aidant, campagne électorale, il aurait eu un moment de révélation, il aurait eu un moment d'éclair où, soudainement, il se serait lancé dans la campagne ontarienne, à un point tel qu'on titrait, dans la région: Bouchard emprunte le discours de Harris .

Des voix: Oh!

M. Charest: Alors, M. le Président, le premier ministre citait, dans sa nouvelle plateforme ontarienne, le fait que le Québec, c'est l'endroit le plus taxé en Amérique du Nord, grâce à son gouvernement, et qu'il allait y avoir des réductions d'impôts.

Alors, M. le Président, puisque le premier ministre, dans sa nouvelle campagne ontarienne où il emprunte le discours de Mike Harris, annonce des réductions d'impôts pour le Québec, est-ce qu'on pourrait savoir à quel moment les réductions d'impôts seront mises de l'avant?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, le chef de l'opposition a dit, en fin de semaine, que le gouvernement trouvait acceptable que les Québécois et les Québécoises soient les plus taxés d'Amérique du Nord. Cela est radicalement faux. Le gouvernement trouve ça inacceptable et fait une bataille de tous les instants depuis quatre ans, une bataille fructueuse pour faire passer un déficit de 6 000 000 000 $ au niveau de la mer et dégager des surplus pour baisser les impôts. En plus, le gouvernement a déjà commencé à baisser les impôts: 871 000 000 $ et une annonce, pour juillet 2000, de nouvelles baisses, qui pourraient être plus grandes si l'économie répond.

Mais je ne peux pas m'empêcher de rappeler, en terminant, au chef de l'opposition qu'il devrait se documenter sur la cause de cette catastrophe. Et il a juste à aller voir ses deux voisins de droite qui sont des anciens ministres des Finances du Québec. Dans les dernières quatre années, vous avez monté les impôts et taxes de 10 000 000 000 $. 10 000 000 000 $, chiffre bien connu. Mais ce qui est encore plus tragique, c'est qu'avec 7 000 000 000 $ seulement nous pourrions baisser les taxes des Québécois en dessous des taxes ontariennes.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: On s'inquiète beaucoup de la nouvelle bataille du ministre du Revenu, parce que, s'il y a une chose que nous savons, c'est que la bataille, elle est perdue par les contribuables québécois. Ce sont eux les grands perdants de la fameuse bataille dans laquelle il s'est engagé.

Et, puisqu'il aime beaucoup l'histoire et faire des références, permettez-moi de lui rappeler qu'au moment de l'élection d'un gouvernement libéral, en 1985, pour une famille avec un revenu de 50 000 $ et deux enfants, l'écart d'impôt entre le Québec et l'Ontario, c'était 89 $ et que, depuis l'élection d'un gouvernement du Parti québécois, cet écart-là s'est creusé de 1 000 %, M. le Président. Ça, c'est le résultat des politiques du ministre du Revenu.

À quand sa révélation à lui? Est-ce que le premier ministre va envoyer son ministre du Revenu faire une visite dans l'Outaouais pour plonger dans la campagne ontarienne et avoir une révélation semblable à la sienne pour qu'on puisse enfin, au Québec, avoir des réductions d'impôts?

(10 h 10)

Le Président: M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Le raisonnement du chef de l'opposition confine à l'absurde. Tout le monde sait au Canada que, si l'écart s'est creusé, ce n'est pas à cause de l'action du gouvernement du Québec, c'est parce que l'Ontario a dramatiquement baissé ses impôts. C'est une décision qui a été prise à Toronto. Et tant mieux pour eux s'ils ont pu le faire. Parce que, s'ils ont pu le faire, c'est qu'ils étaient moins endettés que nous, puis, s'ils étaient moins endettés que nous, c'est que leurs prédécesseurs étaient moins irresponsables que les nôtres.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


Nouvelles études sur la souveraineté


M. Jean J. Charest

M. Charest: En principale, M. le Président. Dans la même veine, lors du même discours, le premier ministre a eu une autre déclaration un peu surprenante où il disait... Et je cite l'article du journal Le Droit , qui disait: «Poursuivant dans la même veine, M. Bouchard a soutenu que les autres provinces du Canada pouvaient être des alliées du Québec.» Nouveau discours. Il me semblait avoir entendu ça ailleurs, M. le Président. On se réjouit de cette nouvelle révélation.

Ce qui nous inquiète davantage, c'est la nouvelle à l'effet que le comité de la souveraineté que préside son ministre du Revenu a l'intention d'entreprendre de nouvelles études sur la souveraineté semblables aux études Le Hir qui ont coûté justement au contribuable québécois, déjà celui le plus taxé en Amérique du Nord, 10 000 000 $, qui ont fait l'objet de poursuites devant les tribunaux. Et j'aimerais avoir une garantie du premier ministre du Québec aujourd'hui qu'aucuns fonds publics directement ou indirectement ne sont utilisés pour des fins de politique partisane, pour défendre la cause de la souveraineté.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: Premièrement, j'ai la fierté de vous dire, M. le Président, que notre parti, lui, a voté 1 000 000 $ pour précisément promouvoir, étudier et remodeler notre projet national, car nous en avons un. Eux, ils prétendent remodeler le modèle québécois, mais on n'a pas entendu parler qu'ils avaient voté 0,50 $ pour le faire. Alors, vous voyez déjà une différence de sérieux entre notre démarche et la leur.

Deuxièmement, sur le fond des choses, le gouvernement du Québec, dans son fonctionnement normal, sécrète une mine formidable d'informations et d'informations critiques d'un système fédéral déficient. Dans le temps où nos amis d'en face occupaient nos postes, ils ont eux-mêmes, pour soutenir leurs critiques à l'endroit du gouvernement du Canada... Il y en a eu, des bagarres entre M. Bourassa et le fédéral, jusqu'à plus soif. Les fonctionnaires du Québec, fidèlement, du temps des libéraux comme avec nous, produisent de l'information critique. Et nous avons l'intention de nous en servir. Parce que, en plus, nous, l'information critique, ce n'est pas pour faire tourner le Québec en rond à la recherche de solutions qui auraient dû être trouvées depuis très longtemps, c'est pour continuer à faire avancer une idée qui n'était à rien il y a 50 ans, qui était à 50 % des voix au dernier référendum et qui sera victorieuse au prochain.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, pour emprunter le mot que le ministre du Revenu emploie, lui qui est devenu maître dans l'art du secrétage, si j'ai bien compris, à l'intérieur du gouvernement est également devenu maître dans l'art du secret, ce qui n'est pas rassurant sur sa crédibilité et les réponses qu'il nous offre pour les fameuses études qu'il a l'intention d'entreprendre. Et, pour cette raison-là, le premier ministre a l'obligation de répondre franchement à la population du Québec.

Lui qui promet des réductions d'impôts, lui qui a mis à la poubelle les rapports Le Hir, lui qui aura dénoncé les rapports Le Hir, M. le Président, est-ce qu'il a l'intention d'utiliser les fonds publics, oui ou non, pour défendre la cause partisane du Parti québécois?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, nous sommes en face d'un chef de l'opposition qui, durant toute la campagne électorale, s'est engagé, et à satiété, à ne jamais utiliser le référendum si jamais il était élu. Il voudrait maintenant qu'en plus nous engagions le gouvernement à ne jamais faire d'études qui seraient déterminées par l'intérêt public afin de connaître la situation du Québec et les choses qu'il faut faire dans l'avenir pour les améliorer.

M. le Président, nous...

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Je voudrais rappeler aussi, puis je n'ai pas entendu le chef de l'opposition se prononcer là-dessus, les sommes gigantesques qui sont dépensées à Ottawa, au niveau du gouvernement fédéral, dans des activités qui sont purement partisanes, des activités de propagande, la propagande la plus pernicieuse qu'on puisse imaginer, la plus subversive qu'on puisse imaginer, M. le Président.

En ce qui nous concerne, M. le Président, nous avons un fonds de 1 000 000 $, au parti, recueilli dans les activités de financement du parti, qui sera utilisé pour la promotion de la souveraineté. Et, en ce qui concerne l'intérêt public québécois, s'il devenait opportun et requis par l'intérêt public de faire des études qui feraient avancer la cause du Québec, qui feraient avancer l'économie du Québec, qui feraient avancer la situation du Québec dans tous les domaines, nous n'allons pas hésiter à le faire, certainement.

Des voix: Bravo!

Le Président: En question principale, M. le député de Laurier-Dorion.


Projet de fusion de cinq municipalités du Haut-Richelieu


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. M. le Président, d'ici quelques heures, le principe du projet de loi n° 194 sera appelé pour discussion en cette Chambre. On se rappelle que le 12 mai dernier le député de Saint-Jean déposait ce projet de loi qui prévoit le regroupement de cinq villes du Haut-Richelieu. Je n'ai pu m'empêcher, à ce moment-là... Tandis que tous ses collègues applaudissaient debout, la ministre des Affaires municipales est restée assise, presque de glace.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Oui! C'est vrai! C'est vrai, on se rappelle.

Des voix: ...

Le Président: M. le député.

M. Sirros: M. le Président, ayant eu, depuis lors, l'occasion d'examiner de près ce projet de loi, je peux, quant à moi, assurer le milieu que ce projet recevra l'appui de l'opposition, entre autres dans la mesure où la ministre prendra l'engagement de respecter la volonté populaire exprimée par le processus référendaire prévu dans ce projet de loi.

Puis-je donc demander à la ministre si elle entend respecter le résultat des référendums qui pourraient être tenus dans ces villes, tel que le prévoit le projet de loi?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, je remercie le député de Laurier-Dorion de sa question. Le projet de loi n° 194 est un projet de loi de député. Ça n'est ni un projet de loi privé ni un projet de loi public mais un projet de loi de député. C'est un des rares privilèges, avec celui de déposer une pétition à l'Assemblée nationale, qui restent de cette longue tradition parlementaire que connaît l'Assemblée nationale. Et je profite de l'occasion qui m'est donnée par la question du député de Laurier-Dorion pour louer l'initiative, le leadership, le sens de la détermination et de la ténacité qu'a manifestés le député de Saint-Jean.

Des voix: Bravo!

(10 h 20)

Mme Harel: Alors, je comprends, M. le Président, que la vision d'avenir que le député de Saint-Jean a exprimée à l'égard de la communauté de Saint-Jean d'Iberville est appuyée par, je comprends, presque tous les intervenants. L'exécutif libéral du comté de Saint-Jean a exprimé un appui favorable au projet de loi. Également, tous les prédécesseurs qui ont siégé ici même, à cette Assemblée nationale, comme parlementaires, y compris à votre siège, M. le Président, je pense en particulier au député Pierre Lorrain, qui a été président de notre Assemblée nationale, également font partie de ces nombreux appuis que le Canada français a retenus. Alors, je comprends, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: Je termine en vous disant, M. le Président, qu'on pourra donc compter, lors de l'étude en commission parlementaire du projet de loi n° 194, sur l'appui de l'opposition, tel qu'exprimé par le député de Laurier-Dorion, et je l'en remercie.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Je reprends ma question. Puis-je demander à la ministre si elle entend respecter le résultat des référendums qui pourraient être tenus dans ces villes, tel que le prévoit le projet de loi? Oui ou non?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: La réponse, c'est oui, en autant que le projet de loi soit adopté, et ça, ça dépend aussi de l'appui de l'opposition.

Des voix: Ah!

Le Président: M. le député.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Est-ce que, M. le Président, à ce moment-là, la ministre peut me donner une raison qui ferait en sorte que le principe reconnu par elle, à l'effet de tenir un référendum et de respecter la volonté populaire exprimée lors d'un tel référendum, dans le cas de la fusion des cinq villes du Haut-Richelieu, ne serait pas valable dans les cas de fusion ailleurs?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, pourquoi prétendre que cela ne le serait pas? À moins qu'il y ait des égoïsmes sociaux qui s'expriment dans ces décisions. Là, il faut être très clair dans notre société, il faut être très clair. Et je comprends, M. le Président, qu'il peut aussi y avoir des principes de société qui prévalent et qui se situent au-dessus d'avantages que certains sont allés se chercher au détriment de l'équité fiscale dans notre société et au détriment de l'équité sociale. Alors, oui, M. le Président, dans la mesure où ça ne masque et ne cache rien d'autre.

Le Président: En complémentaire? En principale, M. le député de Rivière-du-Loup d'abord, et Mme la députée de Bonaventure.


Projet de fusion des municipalités de l'île de Montréal


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Alors, ce matin, on apprend, à travers un document de travail du Service des finances de la ville de Montréal, ce que représenterait en termes d'équité fiscale, si on évitait les égoïsmes sociaux dont vient de nous parler la ministre des Affaires municipales, ce qu'il adviendrait dans le cas d'une île, une ville. Il y a un certain nombre de villes qui se trouveraient avantagées de par la richesse moyenne de leur population, d'autres villes qui devraient payer un peu plus. Mais, au total, même sans compter aucune économie liée à la fusion, à une île, une ville, 79 % des contribuables de l'île de Montréal sortiraient gagnants de ce projet-là.

Alors, ça fait plus d'une semaine que le maire de Montréal a lancé le débat, a pris position. Le gouvernement a toujours réussi jusqu'à maintenant à patiner, à se cacher, à s'envelopper dans un rapport qui date d'un certain temps. La semaine passée, le chef de l'opposition a pris, au nom de son parti, une position claire contre l'idée d'une île, une ville.

Ma question est bien simple: Est-ce que le premier ministre, dans ce dossier-là, peut être autre chose qu'une girouette qui attend le vent, et est-ce qu'il peut se lever, prendre...

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, je pense qu'on conviendra tous qu'il y a des mots, il y a un vocabulaire qui sied, ici, à l'Assemblée. Et je ne crois pas qu'en utilisant un qualificatif de cette nature pour qualifier le premier ministre on fait avancer notre société et notre institution. Alors, je vous inviterais à faire les choses correctement.

M. Dumont: Je retire ce propos et je reformule. Est-ce que le premier ministre peut faire autre chose que de sentir le vent et se lever en Chambre, comme le gouvernement ontarien? Le premier ministre ontarien l'a fait à un moment et avec succès – on le voit dans le journal La Presse , ce matin – prendre une position au nom de son gouvernement, au nom de son parti, une position ferme, une position claire. Qu'il nous dise ce qu'il en pense. Ou est-ce que, encore aujourd'hui, son gouvernement va se lever pour nous dire en Chambre qu'il consulte, qu'il écoute, mais que sur une question aussi fondamentale il ne sait pas où il s'en va?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, le rapport de la Commission nationale sur les finances et la fiscalité locale a été rendu public il y a à peine cinq semaines maintenant, et nous avons tenu plusieurs rencontres ministérielles et gouvernementales sur cette question.

Je rappelle que c'est un rapport de 500 pages qui contient 108 recommandations. Je crois que le député de Rivière-du-Loup aurait intérêt à en prendre connaissance parce qu'il pourrait justement, M. le Président, constater que la problématique singulière, particulière, qui sévit sur l'île de Montréal est aussi en relation avec la problématique métropolitaine de la région de Montréal.

Ça signifie, M. le Président, qu'il nous faut à la fois discuter des enjeux fiscaux particuliers à l'île de Montréal mais aussi discuter des enjeux de la région métropolitaine de Montréal. C'est un seul bassin d'emplois, c'est un seul bassin de main-d'oeuvre et c'est le critère de l'interdépendance.

Il faut être conscient que c'est un destin commun, la région métropolitaine de Montréal. Et le navettage, c'est-à-dire le fait de se déplacer de son domicile à l'extérieur de sa localité pour aller travailler, c'est le critère de définition d'une région métropolitaine.

Et qu'est-ce que ça signifie, M. le Président? Ça signifie qu'aujourd'hui il y a 450 000 personnes qui n'habitent pas sur l'île mais qui vont traverser, par autobus, auto, train et de toutes les façons, les ponts pour venir travailler sur l'île. Il y a donc une problématique commune, une problématique métropolitaine. Alors, j'inviterais le député de Rivière-du-Loup à ne pas imaginer que la seule solution, c'est une solution exclusive à l'île seulement.

Le Président: M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Est-ce que la ministre peut comprendre qu'il ne s'agit pas de savoir ce qu'il faut discuter ou ce qu'il faut lire, ce que la population veut savoir, ce que les citoyens de l'île de Montréal veulent savoir, ce que les gens qui écoutent le maire de Montréal et qui voient le leadership dans son action veulent savoir, c'est ce que le gouvernement du Québec en pense.

Est-ce que la ministre, qui vient de vanter l'initiative, le leadership du député de Saint-Jean pour contrer des égoïsmes sociaux, va reconnaître elle-même l'existence de paradis fiscaux sur l'île de Montréal et nous dire si, oui ou non, son gouvernement entend les corriger? Oui ou non, est-ce que son gouvernement a une position et veut corriger ça?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, je comprends l'impétuosité, l'impatience du député de Rivière-du-Loup, elle s'exprime de mille façons dans tous les dossiers, mais nous y arriverons, M. le Président, dans des délais tout à fait raisonnables.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Est-ce que la ministre peut au moins nous dire... Est-ce que son orientation, au moment où on abolit le ministère de la Métropole, quoi qu'elle en dise, est-ce que sa vision pour l'avenir de Montréal, c'est qu'il y aura plus de structures encore par la création de nouvelles structures à travers le gouvernement ou est-ce que sa vision pour l'avenir de Montréal, c'est moins de structures, c'est une fusion des forces, une réunion des forces? Est-ce qu'elle ne reconnaît pas que Montréal n'a pas besoin de plus de structures rajoutées encore par le gouvernement mais a besoin de moins de structures, puis d'unir ses forces, et d'éliminer un certain nombre de paradis fiscaux en s'assurant que l'ensemble de l'assiette fiscale va être bien répartie?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, le député de Rivière-du-Loup pose la question de structures. Il en faut moins, de structures. M. le Président, sur le territoire métropolitain de Montréal, nous comptons un total de 54 organismes qui oeuvrent au palier supramunicipal. Ça coûte 200 000 000 $ de coûts de fonctionnement. Ils administrent pour 2 000 000 000 $ de services différents. Et ces 54 organismes supramunicipaux existent. Ça m'apparaît évident qu'il faut faire du ménage, M. le Président.

Le Président: En question principale ou en complémentaire? En principale, M. le député de Montmagny-L'Islet.


Tenue de référendum dans les municipalités sur les projets de fusion


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Ma question à Mme la ministre des Affaires municipales: Si une population locale se prononçait contre un projet de fusion qui lui est présenté par voie référendaire, est-ce que cette population serait considérée comme des égoïstes sociaux?

(10 h 30)

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, je ne réponds pas – ça fait 18 ans que je suis dans cette Assemblée nationale – à des questions qui commencent par des «si».

Le Président: En question principale, Mme la députée de Bonaventure.


Avenir de l'usine Gaspésia à Chandler


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. En Gaspésie, une région qui est touchée par le plus fort taux de chômage au Québec, une usine de pâtes et papiers comme celle de la Gaspésia de Chandler représente un moteur économique de la plus haute importance. Plus de 200 travailleurs sur 550 ont réussi à préserver leur emploi dans un processus de rationalisation dont l'issue est aujourd'hui incertaine. Hier, nous apprenions que l'investissement de 100 000 000 $ qui vise à moderniser cette usine est mis en péril par l'arrêt des négociations entre les syndicats et la partie patronale. On se souviendra, M. le Président, qu'en 1998, en pleine campagne électorale, le premier ministre a affirmé: «Le dossier de la Gaspésia, j'en fais mon affaire.»

Aujourd'hui, les travailleurs de la Gaspésia sont en droit de savoir ce que vaut la parole du premier ministre. Dans ce contexte, sur la base de son engagement personnel, qu'est-ce que le premier ministre entend faire immédiatement pour rassurer la population de la Gaspésie?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement et ministre des Ressources naturelles.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: D'abord, M. le Président, je vous rappellerais que le gouvernement, et ça inclut au premier chef le premier ministre, a été extrêmement actif dans ce dossier-là. Il a été présent, il a facilité les choses, il a travaillé à mettre en place les conditions pour la relance de cette usine de Chandler, usine de pâtes et papiers. Et, au moment d'ailleurs où on a annoncé la relance de l'usine, la députée de Bonaventure n'a pas posé de questions.

Mais je peux dire aujourd'hui que le gouvernement a fait ce qu'il devait faire. Nous avons mis en place les conditions pour favoriser la relance, nous avons assuré un approvisionnement suffisant et à l'usine et à la scierie qui va être créée, qui va être construite et nous avons offert un soutien financier via les programmes d'aide du gouvernement. Donc, le gouvernement a fait son devoir.

Maintenant, il y a des négociations, c'est-à-dire, donc, un problème de relations de travail. Il y a des négociations qui sont en cours, qui éprouvent des difficultés. C'est clair que le gouvernement n'a pas et ne doit pas s'ingérer dans des relations de travail et dans des négociations entre les parties. Cependant, encore une fois, il faut espérer que les pourparlers reprennent. Et, à cet égard, le ministère du Travail est disposé – j'en ai parlé avec ma collègue – à offrir des ressources pour faciliter les négociations, faciliter la reprise les négociations pour qu'elles aboutissent. Il faut espérer qu'elles reprennent, il faut espérer que ces négociations aboutissent et que l'usine voie sa survie assurée, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député Kamouraska-Témiscouata.


Frais imposés par les commissions scolaires pour la surveillance et le transport des élèves le midi


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Les parents de la commission scolaire des Navigateurs, dans Lotbinière, ont appris le 26 mai dernier qu'ils devront, à l'automne, payer des frais de surveillance du midi qui sont majorés à 120 $ par enfant, 240 $ pour deux enfants. Mais, M. le Président, ils ont le choix. S'ils ne veulent pas payer ces frais, ils pourront toujours payer les frais de transport du midi, qui, eux, s'élèvent à 500 $ pour deux enfants.

M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation se rend compte que, malgré ses engagements à faire le ménage, il n'est pas pris très au sérieux par les commissions scolaires? Parce que l'on continue toujours à poursuivre les parents, à envoyer des mises en demeure, à prendre toutes sortes de formules pour se faire payer. Et maintenant, en plus, on envoie déjà les factures pour l'automne. Est-ce qu'il se rend compte que, finalement, ses engagements, ce n'est pas pris très, très au sérieux par les commissions scolaires?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, j'ai déjà mentionné que je suis à revoir actuellement tous les frais qui sont chargés aux parents. J'ai eu une rencontre lundi, cette semaine, avec le président de la Fédération des commissions scolaires du Québec, qui m'a remis un rapport sur les frais chargés aux parents en s'attachant plus spécifiquement à un problème qui est très fréquent, effectivement, qui touche le transport du midi et la surveillance du midi. Je vois dans ce rapport – et c'est l'avis de la Fédération des commissions scolaires du Québec – que le dossier est très complexe, puisqu'on a plusieurs situations particulières qui varient selon l'ordre d'enseignement, selon le nombre d'enfants dans une même famille, selon la nature des activités aussi – dans certaines écoles, les activités du midi sont jumelées avec du sport, des arts – dépendamment aussi du temps alloué au dîner, selon aussi le fait que le dîner ait lieu dans la classe, dans une salle commune, que le service dans certains cas soit assuré par les services de garde de l'école, donc ce qui amène une situation différente.

Il y a des endroits aussi, si on parle du transport, M. le Président, où certains enfants – on le sait, dans notre société aujourd'hui – ont deux adresses. Donc, il y a deux tarifs différents. On a aussi dans certains cas des tarifs annuels, d'autres tarifs qui sont journaliers. On a des élèves qui souhaitent manger à l'école. On a des élèves aussi qui sont en difficulté, qui demandent plus de surveillance. Bref, M. le Président, la situation est complexe.

J'ai convenu avec la Fédération des commissions scolaires et avec la Fédération des parents de revoir tout le dossier. De leur avis même, c'est très difficile d'avoir une nouvelle formule à proposer. On y travaille, M. le Président, de façon active, et on veut qu'au Québec les enfants soient traités de façon égale d'une place à l'autre, mais il faut bien le faire, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: M. le Président, est-ce qu'il se rend compte, malgré tout ça, qu'au bout de la ligne il y a des parents qui n'ont pas le choix de payer soit 240 $ pour les frais de surveillance du midi ou 500 $ pour le transport du midi? Le service offert, c'est qu'on embarque dans un autobus puis on s'en va chez nous. C'est ça, le service offert, ce n'est pas compliqué. Et, pendant ce temps-là, pendant qu'il étudie, il y a des parents dans cette commission scolaire là, de Lotbinière, qui reçoivent des mises en demeure de la firme Lavery, de Billy qui leur dit clairement: Si vous ne payez pas ces frais-là, au montant de 226,50 $, plus les frais de lettre qui sont là en plus, nos instructions sont d'intenter contre vous des procédures judiciaires sans autre avis et sans délai. Et ces mêmes parents, puisqu'on en parle, ont reçu une lettre, effectivement, dans laquelle on les informe: «Notre cliente – la commission scolaire – nous informe que, malgré plusieurs demandes répétées de lui payer une somme pour les frais de surveillance du midi, vous négligez de lui faire parvenir un tel montant. Par la présente, nous vous mettons en demeure de payer ledit montant plus les frais de huissier pour la signification de cette mise en demeure qui s'élève à 25 $, le tout formant un total de 85 $.»

Et pour terminer, M. le Président, la dernière citation, c'est écrit: «Veuillez remettre immédiatement...»

Le Président: M. le député.

Des voix: ...

Le Président: Alors, en terminant, M. le député.

M. Béchard: Oui, M. le Président. La dernière phrase qui est indiquée aux parents qui ne paient pas parce qu'ils n'en ont pas les moyens: «Veuillez remettre immédiatement au huissier de justice porteur des présentes la somme ci-haut mentionnée.» Et le ministre est au courant parce qu'il a eu la même lettre que moi.

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, vendredi soir dernier – et le député de Kamouraska-Témiscouata était présent – il y avait ici, à Québec, un congrès où étaient réunis les parents qui sont représentés sur les conseils d'établissement. Il y avait plus de 1 100 parents, M. le Président, qui étaient présents. Le député de Kamouraska-Témiscouata a pu remarquer que j'ai demandé effectivement la collaboration des parents. Parce que les parents sont sur des conseils d'établissement et, sur chaque conseil d'établissement, les décisions concernant les frais de surveillance du midi doivent y être approuvées. Donc, j'ai demandé aussi vigilance aux parents et j'ai demandé aux parents aussi de m'aider à faire l'inventaire des frais pour être capable éventuellement de prendre position, de pouvoir baliser les frais qui sont chargés aux parents, M. le Président. Actuellement...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

M. Legault: M. le Président, actuellement, on a une loi. J'essaie de faire respecter la loi. Il y a d'ailleurs deux commissions scolaires qui avaient des frais à charger aux parents qui ne respectaient pas la loi. Je leur ai demandé immédiatement de charger ces frais. Pour ce qui est des autres frais qui sont permis par la loi, il faut aller plus loin et il faut baliser les frais.

(10 h 40)

Maintenant, en terminant, M. le Président, pour ce qui est des frais de huissier, vous allez me permettre de vérifier avant, de savoir un petit peu plus ce qui se passe dans ce dossier.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Non-remboursement de certaines dépenses aux participants du Programme d'assistance-emploi


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. On le sait, la réorganisation des services et des programmes d'Emploi-Québec, ce n'est que du fiasco et du fouillis. Les plus démunis sont les grands oubliés et les grands perdants de ce cafouillage. On m'informe que, depuis le début du mois de mai, des agents d'Emploi-Québec communiquent avec des prestataires qui participent à une formation pour les aviser que les paiements des frais couvrant la garderie, le transport, le matériel didactique qui sont prévus au règlement sont suspendus et non payés. Du jamais vu, M. le Président.

Comment la ministre de l'Emploi peut-elle accepter qu'on ne respecte pas les ententes signées de bonne foi entre les prestataires et leur agent d'Emploi-Québec et qu'aujourd'hui ces prestataires se voient privés de sommes auxquelles ils ont droit?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, d'abord, pour une première remarque sur le fait que c'est un fouillis, écoutez, je le répète, cette première année d'Emploi-Québec est une année d'implantation. Nous avons, au cours de cette première année, livré marchandise. À chaque cible qui a été identifiée dans cette entente entre le Québec et le Canada, nous avons livré marchandise, il faut le dire. Il faut dire aussi que plus de 50 % des participants à nos mesures sont des prestataires de la sécurité du revenu. Alors, je pense que c'est inutile actuellement de perpétuer cette idée qu'il y a fouillis. Nous livrons marchandise et nous abordons la deuxième année avec des gros projets devant nous, c'est vrai, mais nous progressons très rondement.

Ceci étant dit, sur la question plus pratique des frais de garderie dans les cas où des gens auraient eu des mesures de formation, vous allez me permettre de vérifier. Je vais le vérifier et je vous reviendrai là-dessus dès que je le peux.

Le Président: Mme la députée.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que la ministre peut comprendre que nous sommes plus tentés de croire les paroles de ses fonctionnaires que la parole de la ministre en ce qui a trait au cafouillage à Emploi-Québec? Et, pendant que la ministre prend avis de la question, peut-elle aussi, s'il vous plaît, prendre avis de la question qui lui est posée par une mère de famille monoparentale qui s'est vue, M. le Président, privée de ses frais afférents et qui lui pose la question dans une lettre: «Pourquoi alors ce coup de massue tout juste avant de franchir la ligne d'arrivée?»

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je prends avis de la question plus pratique. Ceci étant dit, nous devons et nous avons l'obligation de bien choisir et de mieux choisir les mesures de formation qui sont destinées aux personnes. Cette première année a été une première année très dense en activités, mais nous avons cette responsabilité-là de faire en sorte que les gens qui s'engagent dans des mesures de formation se rapprochent le plus près possible du marché de l'emploi. Alors, je ne voudrais pas qu'on charrie n'importe quoi. Bien sûr, je peux comprendre qu'on ne répond pas à tous les besoins qui sont exprimés, mais là n'est pas notre rôle. Là, notre rôle, à Emploi-Québec, est de répondre aux besoins de formation qui vont faire en sorte que les gens sont en action et qu'ils s'approchent du marché de l'emploi.

Le Président: M. le député de Hull, en question principale.


Respect d'un avis de la CAI concernant la transmission de renseignements confidentiels à des entreprises privées d'informatique


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Depuis 1996, l'actuel ministre du Revenu a procédé à la signature de 16 contrats impliquant la transmission de renseignements confidentiels à des entreprises privées d'informatique. C'est ce qu'il nous disait. Cette pratique ne s'était jamais vue avant 1996, en passant, date de l'entrée en fonction de l'actuel ministre du Revenu.

Or, M. le Président, depuis quelques semaines maintenant, le ministre du Revenu administre un somnifère collectif en disant à la population du Québec de dormir sur ses deux oreilles puisque dorénavant il s'engageait solennellement à demander à la Commission d'accès des avis préalablement à la signature de contrats informatiques.

Mais, M. le Président, on sait tous que, pour être crédible, faudrait-il encore que le ministre respecte les avis de la Commission d'accès à l'information. Or, la réalité est tout autre. En effet, on sait maintenant que le ministre possède depuis 1994 un avis de la Commission d'accès à l'information lui interdisant d'avoir recours à des firmes privées d'informatique, avis qu'il a décidé d'ignorer, avis qu'il a violé à 16 reprises en signant des contrats avec des entreprises privées impliquant la transmission de renseignements confidentiels.

M. le Président, comment peut-on avoir confiance dans un ministre qui viole sans scrupule les avis qui lui sont transmis par la Commission d'accès à l'information?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: L'opposition est en train de réaliser un tour de force, avec ses questions sur le ministère du Revenu. En effet, ils se sont fait blâmer par les syndicats, ce qui est rarissime – quand on est dans l'opposition, on ne se querelle pas avec les syndicats. Mais là ils ont réussi à se mériter un éditorial du Soleil , et je vais le citer, qui décrit bien la situation. J'ai déjà cité des autorités considérables en la matière, de divers horizons. Là, je vais aller à l'éditorial du Soleil , qui dit ceci – et je pense que le chef de l'opposition devrait, s'il veut contrôler ses troupes, voir dans quoi ils sont embarqués: «Depuis trois semaines, l'équipe parlementaire a perdu un temps inouï sur le pseudo-scandale de la circulation d'informations personnelles détenues par le ministère du Revenu et réclamé la démission du ministre. Non seulement les députés avocats qui menaient le bal erraient-ils sur le fond des choses, mais ils ont monopolisé des heures qui auraient pu être consacrées à des questions pertinentes.» Je crois que c'est ça, la réalité!

Des voix: Bravo!

M. Landry: Je n'ai pas fini.

Des voix: ...

M. Landry: Des fois, on n'aime pas les titres, hein. De ce côté-ci de la Chambre comme de l'autre, des fois on n'aime pas les titres, des fois on aime les titres. Parce que, dans Le Devoir , éditorial, toujours, 31 mai, Landry tient promesse , on dit: «En fait, l'exigence imposée au ministère du Revenu par le projet de loi n° 63 est plus sévère que ne l'est le régime général. En effet, la Loi sur l'accès n'impose nullement au ministère de soumettre les contrats de sous-traitance à la Commission d'accès à l'information pour approbation préalable. Le projet de loi n° 63 constitue donc une amélioration.»

Et je veux insister, M. le Président, sur celui qui signe ça. En tout respect pour les brillants généralistes qui peuvent écrire sur la question, Michel Venne est le spécialiste québécois, tous ses confrères de la tribune et ses consoeurs le reconnaîtront, de cet aspect pointu de la confidentialité des renseignements. Alors, on peut utiliser des arguments d'autorité, mais les faits suffisent. Alors que, de bonne foi, depuis 1985, les gouvernements n'ont pas fait exactement ce qu'ils auraient dû faire, dès que nous avons pris conscience de la situation, nous avons soit suspendu les contrats ou modifié les lois pour que les citoyens soient rassurés.

Le Président: En question principale, M. le député de Chomedey.

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, vos remarques ne sont absolument pas pertinentes, à ce moment-ci, franchement, là.

M. le député de Chomedey.


Demande d'un nouvel avis à la CAI concernant la transmission de renseignements confidentiels à des entreprises privées


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: M. le Président, un bref rappel. L'ancienne ministre du Revenu pose des gestes, consulte l'autorité, la Commission d'accès, reçoit un avis que c'était illégal, démissionne, se fait louanger par le premier ministre et le nouveau ministre du Revenu, celui qui vient de nous parler. Pour faire oublier le fait qu'il a fait exactement la même chose, transmettre des informations confidentielles, personnelles en dehors de son ministère illégalement, il tient une conférence de presse le 13 mai 1999 et il dit ceci: «Oups! je viens de recevoir une lettre de M. Comeau de la Commission d'accès me disant que c'est illégal. Mais, n'ayez crainte, et les timbres des Frères de l'instruction chrétienne et les chèques de TVQ vont être sauvés, je vais faire une loi conservatrice», loi qu'une autre autorité du Soleil appelle la «loi sur la conservation de Bernard Landry», et c'était samedi dernier, dans le Soleil , s'il y en a qui l'ont manqué.

Si, justement, le vice-premier ministre a compris quelque chose de toute cette affaire-là, il devrait comprendre que les gens ne sont pas dupes de sa stratégie. Est-ce qu'il réalise, comme mon collègue de Hull vient de le mentionner, que ce n'est pas depuis qu'il a eu cet avis, ce soi-disant avis – c'est une lettre de Paul-André Comeau, seulement – depuis qu'il a eu la lettre de M. Comeau, que ce n'est pas ça qui a indiqué que c'était illégal, ce qui se faisait au ministère du Revenu? Depuis 1994, ils savent, par un avis formel de la Commission cette fois-ci, que c'est illégal de transmettre ces informations-là à une compagnie privée.

(10 h 50)

Alors, comment ça se fait que le ministre du Revenu, le nouveau, qui est encore assis à la table du Conseil des ministres, a la témérité de se lever et de se réclamer de l'autorité de Michel Venne alors qu'il n'a pas le courage de faire comme l'ex-ministre du Revenu et demander un avis à la vraie autorité qui est la Commission d'accès à l'information?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, puisqu'on a parlé de M. David et qu'on l'a cité, tout le monde sait que M. David est un brillant journaliste, il a l'avenir devant lui, il a aussi un passé: il fut chroniqueur de théâtre. Alors, je pense que c'est pour ça que c'est lui qui s'intéresse le plus à votre affaire, car c'est du théâtre!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député de Sainte-Marie– Saint-Jacques, s'il vous plaît!

Alors, M. le vice-premier ministre, rapidement, s'il vous plaît.

M. Landry: Tout le monde sait quelle estime j'ai pour la culture générale, soit dit en passant, et je trouve que c'est à son honneur de s'être intéressé à ces choses. Et je suggérerais à l'opposition d'imiter le premier ministre et de lire À la recherche du temps perdu , parce que c'est ça, votre théâtre, depuis des semaines et des semaines.

La réalité, c'est: quand ma collègue a démissionné, elle a démissionné pour une raison d'honneur qui est la suivante, que le Québec entier connaît: elle avait annoncé de bonne foi dans cette Chambre que son ministère avait respecté toutes les lois. Elle a appris malencontreusement que tel n'était pas le cas et a démissionné. Jamais rien n'est arrivé, jamais...

Le Président: Alors, en terminant, M. le vice-premier ministre.

M. Landry: Et, en plus de cette différence majeure, il y a cinq autres différences techniques, dont le fait que certains contrats qui auraient dû être signés ne l'ont pas été dans le cas de la firme privée SOM. Tout le monde a compris donc que c'est radicalement différent de l'attitude que j'ai eue depuis que je suis ministre du Revenu. Depuis que je suis ministre du Revenu, d'abord je n'ai posé aucun geste – je l'ai dit: trop fort ne casse pas – sans avoir l'avis de la Commission d'accès. Quand l'avis était négatif...

Des voix: ...

M. Landry: On va-tu me laisser répondre, M. le Président? Quand l'avis a été négatif, j'ai immédiatement annulé les contrats et, pour être absolument sûr que ce passé qui dure depuis 1985 ne se reproduirait pas, de l'avis du ministère de la Justice et de la CAI, j'ai proposé dans cette Chambre des amendements que l'opposition devrait s'empresser d'accepter, car ils améliorent la situation, comme le dit l'expert pointu, M. Venne, et en plus ils vont permettre au ministère de faire son travail et de retourner la taxe de vente à ceux qui y ont droit.


Votes reportés


Adoption du principe du projet de loi n° 42

Le Président: Très bien, la période des questions et des réponses orales est terminée. Nous allons passer aux votes reportés.

Alors, ce vote, tel que je l'ai annoncé, va porter sur la motion de M. le ministre des Ressources naturelles qui propose que le principe du projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998, soit adopté.

Alors, que les députés en faveur de la motion veuillent bien se lever, d'abord.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Landry (Verchères), M. Legault (Rousseau), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), M. Perreault (Mercier), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Boisclair (Gouin), Mme Caron (Terrebonne), M. Facal (Fabre), Mme Goupil (Lévis), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Simard (Richelieu), M. Rioux (Matane), M. Lachance (Bellechasse), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Laprise (Roberval), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Boucher (Johnson)...

Des voix: Bravo!

Le Secrétaire adjoint: ...M. Kieffer (Groulx)...

Le Président: Un instant, là! Bien, nous allons poursuivre le vote.

Le Secrétaire adjoint: Mme Doyer (Matapédia), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), Mme Blanchet (Crémazie), Mme Papineau (Prévost), M. Paquin (Saint-Jean), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), M. Désilets (Maskinongé), M. Bergeron (Iberville), M. Côté (Dubuc).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Bourbeau (Laporte), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Cusano (Viau), M. Gobé (LaFontaine), M. Benoit (Orford), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount– Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Lafrenière (Gatineau), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud)...

Des voix: Bravo!

Le Secrétaire adjoint: ...M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).

(11 heures)

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:66

Contre: 44

Abstentions: 0

Le Président: Alors, la motion du ministre des Ressources naturelles est adoptée. En conséquence, le principe du projet de loi n° 42 est adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des institutions procède à des consultations particulières sur le projet...» Hop! un instant, s'il vous plaît!

Le Président: Bien, c'est ça. Oui.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Brassard: Oui, d'autant plus que je veux passer toute la journée avec ma collègue députée de Bonaventure, alors il faut que je fasse motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Président: Est-ce que la motion est adoptée? Adopté. Très bien.


Motions sans préavis

Aux motions sans préavis, M. le leader du gouvernement.


Procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 20

M. Brassard: Alors, aux motions sans préavis, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des institutions procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur les permis d'alcool et la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux, le mercredi 9 juin 1999 et, à cette fin, qu'elle entende les organismes suivants: le mercredi 9 juin 1999, de 15 heures à 15 h 30, remarques préliminaires; de 15 h 30 à 16 h 30, Association des restaurateurs du Québec; de 16 h 30 à 17 h 30, Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec; de 17 h 30 à 18 heures, remarques finales;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes, partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre de la Sécurité publique soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»


Mise aux voix

Le Président: Très bien. La motion du leader du gouvernement est-elle adoptée? Très bien.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, s'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement... M. le leader adjoint.

M. Boulerice: M. le Président, pour ma part, j'avise cette Assemblée que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 39, Loi concernant la Société nationale du cheval de course, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'économie et du travail... M. le Président, s'ils veulent savoir à quelle commission ils doivent aller, je pense qu'ils auraient avantage à m'écouter.

Le Président: Alors, que les membres de l'Assemblée qui ont à travailler à l'extérieur de l'enceinte du salon bleu quittent, s'il vous plaît, rapidement. M. le leader adjoint.

M. Boulerice: Je remercie le chef de l'opposition de son appui. Alors, je poursuis, M. le Président:

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des finances publiques, quant à elle, procède à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre: projet de loi n° 21, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal, projet de loi n° 3, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine; et

Qu'en dérogation aux règles de fonctionnement de l'Assemblée nationale quant au délai de convocation des intéressés dans le cadre de l'étude du projet de loi d'intérêt privé la commission de l'éducation entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 201, Loi modifiant la Loi concernant la Fédération des commissions scolaires du Québec, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Alors, si j'ai bien compris, M. le leader adjoint du gouvernement, vous avez parlé... En dérogation des règles. J'imagine qu'il y a un consentement qui... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, quant à ce consentement, est-ce que le gouvernement peut assurer l'Assemblée nationale que, malgré le renoncement au délai de sept jours, personne n'est privé de son droit de représentation devant la commission?

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Je puis assurer le leader de l'opposition que personne ne sera...

Le Président: Très bien. Alors, il y a consentement. En ce qui me concerne, je vous avise que la commission des finances publiques va se réunir en séance de travail, aujourd'hui, de 13 heures à 14 h 30, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement, afin de discuter du dossier concernant l'examen du lobbying au Québec.


Affaires du jour

Alors, s'il n'y a pas d'intervention aux renseignements, maintenant, sur les travaux de l'Assemblée, nous allons passer aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je vous réfère à l'article 10 quant aux intentions de législation de ce matin.


Projet de loi n° 61


Adoption du principe

Le Président: Bien. À cette étape-ci, M. le ministre responsable de la Faune et des Parcs propose l'adoption du principe du projet de loi n° 61, Loi sur la Société de la faune et des parcs du Québec. M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. C'est avec une certaine fierté, et je ne le cache pas, que je propose à cette Assemblée nationale l'adoption de principe du projet de loi créant la Société de la faune et des parcs du Québec.

Dès le 15 décembre dernier, lorsque le premier ministre m'a confié la responsabilité de la Faune et des Parcs, on annonçait déjà en quelque sorte une gestion distincte pour cette mission. Au cours des derniers mois, j'ai multiplié les rencontres avec les partenaires du milieu de la faune et des parcs. Soit dans le cadre de congrès, de colloques ou de réunions d'échanges, j'ai exprimé ma conviction à l'effet que la mission Faune et Parcs avait besoin d'un repositionnement pour mieux refléter les réalités que nous vivons à l'aube du XXIe siècle.

J'ai exprimé clairement, M. le Président, qu'à mon avis le potentiel de la faune et des parcs pouvait davantage être mis en valeur. Ils se devaient de mieux supporter les priorités gouvernementales de développement économique, culturel et social. Il fallait arrêter d'opposer la conservation et la mise en valeur, ce n'est pas incompatible. Ce qu'il faut, c'est s'assurer de la diversité, de l'abondance et de la pérennité de la faune et de ses habitats. Ce qu'il faut aussi, c'est s'assurer que le Québec pourra toujours compter sur un réseau de parcs représentatif de ses régions naturelles et sur la protection de ses sites naturels à caractère exceptionnel.

La recommandation de créer une Société de gestion pour la faune et les parcs résulte de travaux d'un comité de travail que j'ai formé dès le mois de janvier dernier et du résultat des consultations que j'ai menées au cours des derniers mois. Cette appellation m'apparaissait être celle qui traduisait le mieux l'ensemble des mandats que je proposais de confier à cet organisme et l'appellation qui serait la plus appropriée de l'avis de ceux que j'ai consultés.

Premièrement, un mandat de gestion et d'administration de programmes et d'activités. Dans le cadre des lois et règlements et dans le respect des politiques, la Société assumera l'exécution, la mise en oeuvre et la coordination des différents programmes; elle assumera en quelque sorte la responsabilité des opérations sur le terrain.

(11 h 10)

Deuxièmement, un mandat de consultation et de concertation. J'ai déjà affirmé à plusieurs reprises que les défis à relever en matière de faune et parcs ne peuvent être le seul lot du gouvernement. La contribution de tous les intervenants à tous les paliers, local, régional et national, est un ingrédient essentiel. Et la Société, M. le Président, devra refléter cette volonté de travailler en partenariat.

Troisièmement, c'est un mandat de régulation. Il est déjà clairement établi qu'en matière de faune et de parcs l'outil réglementaire est encore bien, bien répandu. Les fonctions de surveillance et de protection sont étroitement associées à l'application réglementaire. Et, même si, en la matière, c'est le gouvernement qui continue d'assumer la responsabilité des conditions de pratique d'activités les plus permanentes et celles relatives au comportement des personnes, il est prévu que la société puisse disposer de certains pouvoirs à caractère plus opérationnel.

Bref, parce qu'elle permet de bien traduire l'ensemble de ses mandats, l'appellation de «société administrative» est celle que nous avons retenue. Certains pourront peut-être questionner le fait que je n'aie pas retenu l'option de la création d'un ministère de la faune et des parcs. Nous pourrons en discuter lors de la commission parlementaire. Mais je peux déjà vous dire que l'histoire des 20 dernières années a révélé qu'il s'agit d'une mission difficile à assortir avec une mission existante et qu'il est difficile de la prioriser en fonction de l'ensemble des problématiques ministérielles. Qu'il suffise de rappeler, M. le Président, qu'au cours des 20 dernières années les missions faune et parcs ont relevé de quatre ministères différents et que 10 ministres se sont succédé comme titulaires.

Il m'est apparu qu'une société administrative serait un meilleur gage de stabilité. La mission de la Société faune et parcs, telle que définie dans ce projet de loi, M. le Président, traduit clairement la volonté gouvernementale de situer cette mission dans une perspective de développement durable et harmonieux sur les plans culturel, social, économique et régional. M. le Président, je vous demanderais une suspension de 10 secondes.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à votre demande, nous allons suspendre les travaux pour 10 secondes.

(Suspension de la séance à 11 h 12)

(Reprise à 11 h 14)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais reprendre, M. le Président, que la mission de la Société faune et parcs, telle que définie dans ce projet de loi, traduit très clairement la volonté gouvernementale de situer cette mission dans une perspective de développement durable et harmonieux sur les plans culturel, social, économique et régional.

Le rapport Brundtland définissait le développement durable comme un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Depuis, plusieurs autres définitions ont été utilisées, mais elles illustrent toutes généralement l'ensemble des dimensions sociale, culturelle, économique et environnementale du développement durable. Je ne suis pas de ceux et celles qui vont faire de longs débats sur les définitions, mais je peux affirmer que c'est dans une perspective de développement durable que doit se situer l'action de la Société. Il est clair que nous devons nous assurer de la conservation, de la mise en valeur de la faune et de son habitat et nous assurer également de la protection et du développement des parcs, autant pour les générations actuelles que pour celles qui nous succéderont.

Le projet de loi, M. le Président, prévoit que la Société sera dirigée par un conseil d'administration composé de 11 membres nommés par le gouvernement, dont un président-directeur général qui exercera ses fonctions à temps plein. La présence d'un conseil d'administration où l'on retrouve des représentants des différents milieux associés à la faune et aux parcs, des différentes sphères d'activité sociale, culturelle et économique constitue une des composantes importantes de la nouvelle Société. Ça lui confère, je crois, un statut très représentatif. La présence d'un conseil d'administration traduit aussi la volonté gouvernementale de gérer ses ressources en faisant davantage participer ses partenaires et ses clientèles. Le conseil d'administration disposera des pouvoirs nécessaires à la gestion administrative et opérationnelle de la Société.

Il est entendu qu'à titre de ministre responsable de la Faune et des Parcs je conserve notamment les pouvoirs d'approbation des politiques d'orientation, et d'approbation également, des règlements. Je rappelle que le projet de loi créant la Société de la faune et des parcs réfère à un nouveau partage de pouvoirs entre le ministère et la Société. Aucun des pouvoirs dévolus au gouvernement et aucune des prérogatives de l'Assemblée nationale n'a cependant été modifié.

Le projet de loi prévoit que les sommes requises pour l'application de la loi sont prises sur les crédits votés annuellement à cette fin par l'Assemblée nationale. Les fonctionnaires de la Société et ceux que le ministre peut désigner pour l'assister dans l'exercice de ses pouvoirs sont nommés et rémunérés conformément à la Loi de la fonction publique.

Lorsque je me suis adressé, au cours des derniers mois, aux membres des différentes fédérations et associations, je les ai tous invités à intensifier leurs efforts de concertation, d'abord entre partenaires des secteurs faune et parcs, mais aussi avec l'ensemble des intervenants des milieux municipaux et socioéconomiques. Les défis que nous avons à relever requièrent la contribution de tous les intervenants, tant au niveau local que régional et national. Nous sommes davantage à l'ère des alliances stratégiques qu'à l'ère de la confrontation.

Pour mieux concrétiser cette volonté de partenariat, j'ai d'abord confirmé les mandats du Groupe faune national et des groupes faune régionaux. On se rappellera que ces groupes faune sont composés de représentants des cinq grandes fédérations et d'un représentant de la SEPAQ, d'un représentant de la Fondation, également, de la faune. Le président-directeur général de la Société de la faune et des parcs y siégera également.

J'ai également annoncé, M. le Président, que je formerais un groupe consultatif sur les parcs et les sites naturels. Ce groupe sera composé de représentants du Fonds mondial pour la nature, de l'Association des biologistes du Québec, du Regroupement Loisir Québec, de l'Association des conseils régionaux, de l'Union des municipalités régionales de comté et de la SEPAQ. Le président-directeur général de la Société y siégera également. Au niveau régional, eh bien, c'est par la mise en place de tables d'harmonisation où l'on retrouvera des représentants des milieux environnementaux, touristiques, scientifiques et municipaux que la concertation sera à l'honneur, sera très favorisée.

Le passage du Québec à l'an 2000, en matière de faune et de parcs, s'effectuera à l'enseigne de la concertation et à l'enseigne du développement. J'ai la conviction, M. le Président, qu'il existe un potentiel de croissance fort important des activités reliées à la nature. Il nous appartient de le mettre en valeur chacun à notre façon, et ce, dans toutes les régions du Québec.

Et, M. le Président, je voudrais inciter mes collègues de l'Assemblée nationale à s'unir à moi pour voter le plus rapidement possible cette structure qui nous permettra, dans plusieurs des régions du Québec, de participer au développement économique de chacune de ces régions, parce que la faune et les parcs sont des outils de développement économique. J'y crois très profondément et très sincèrement, M. le Président.

Je sais, quand on inaugure un parc dans une région, il y a des inquiétudes. Il y a des inquiétudes quant au découpage. Il y a des inquiétudes quant au plan d'aménagement. Il y a des inquiétudes tout simplement parce qu'on vient modifier quelque peu les activités dans une région. Mais ce n'est pas dans le but de diminuer les activités économiques de cette région, bien au contraire.

(11 h 20)

Un parc, par exemple, peut constituer une attraction extraordinaire pour venir visiter des espèces rares, que ce soit dans le domaine de la flore, de la faune, des catégories d'arbres. Il y a une richesse, au Québec, et nous sommes en manque d'espaces verts et de poumons qui oxygènent notre coin de pays. Et je suis convaincu que les parcs peuvent contribuer très correctement au développement économique.

Il en est de même pour la faune, M. le Président. Avec tout ce qui s'est passé au cours des dernières années, il y a eu une diminution de chasseurs, par exemple. Je ne peux pas en dire autant de la pêche parce que c'est moins apparent. Mais je pense qu'il nous faut absolument faire en sorte, maintenant que la SEPAQ a rentabilisé nos réserves...

On le sait très bien, il y a quelques années à peine, nos réserves fauniques étaient déficitaires. Aujourd'hui, même depuis deux ans, la SEPAQ présente des bilans positifs. Il y a même des marges de profit qui se dégagent et qui nous permettent de réinvestir encore davantage dans nos réserves fauniques. Nous avons donc confié à la SEPAQ la partie commerciale de nos parcs, gérer la pêche. Ils géraient déjà les réservations. Et je suis persuadé qu'au Québec, et particulièrement dans plusieurs de nos régions où nous avons de magnifiques lacs, de magnifiques rivières, nous contribuerons au développement économique davantage.

Il y a certaines personnes, certains journalistes qui ont qualifié ça de nouveau départ. Il y en a qui ont parlé de revamper, si vous voulez, un peu, cette législation, de faire en sorte que dorénavant la faune pourra trouver sa niche à elle-même, dans une société, sans être accolée à un ministère. Puis ça change, ça oblige à des changements de fonctionnaires qui se rattachent à un autre ministère, etc.

Je pense que la nouvelle structure permettra au premier ministre de pouvoir affecter cette fonction de ministre délégué responsable de la conservation et de la mise en valeur de la faune et de la conservation et de la mise en valeur des parcs, de l'accoler à une personne qui a un intérêt majeur. Et je dois vous dire que, personnellement, ma première fonction en politique a été précisément d'être ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, dans les années 1983-1984, et j'ai adoré ce ministère-là. Parce qu'on le sait très, très bien, comme régionaliste, comme personne qui a à oeuvrer sur le terrain, dans chacune de nos régions, nous avons un parc à mettre en valeur, nous avons des lacs, nous avons des rivières, et ça constitue pour nous un levier de développement économique.

Et je réitère que, pour moi, l'exploitation de la ressource n'est pas synonyme de dégât, d'abandon de la volonté d'assurer la pérennité des espèces. Au contraire, on est capable, dans le cadre du développement durable, M. le Président, de doter plusieurs de nos régions du Québec d'un outil de développement économique extraordinaire. Et je suis convaincu que l'ensemble des membres de cette Assemblée concourront à l'adoption du projet de loi et que, durant les mois d'été, nous pourrons mettre en place cette nouvelle structure qui assurera un dynamisme partout à la grandeur du Québec, et plus particulièrement au niveau du développement des régions. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre responsable de la Faune et des Parcs et député de Joliette. Nous allons maintenant céder la parole au député d'Argenteuil et critique officiel de l'opposition en matière de faune et de parcs. M. le député.


M. David Whissell

M. Whissell: Alors, M. le Président, je salue le ministre et député de Joliette. Alors, on est ici aujourd'hui pour faire l'adoption de principe d'un projet de loi qui vise essentiellement à créer une nouvelle structure administrative qui aura comme principale fonction d'administrer et de gérer les biens de l'État relativement à la faune et aux parcs.

On est tous d'accord qu'au niveau du gouvernement du Québec on a une ressource qui est fantastique, qui est inépuisable, qu'il faut mettre en valeur et qu'il faut conserver. Alors, la réalité québécoise, c'est que le gouvernement du Québec fasse preuve de leadership et mette des mesures en place pour qu'on utilise et qu'on maximise cette ressource.

Présentement, on a déjà une structure qui existe au niveau ministériel. On a le ministère de l'Environnement et de la Faune, on a aussi des fonctionnaires, un sous-ministre. On a une structure qui est en place, et elle ne fonctionne pas. Je pense que tout le monde est d'accord pour dire qu'actuellement les résultats ne sont pas suivant les attentes de la population.

Par contre, si on regarde autour de nous, au niveau mondial, il n'y a pas une autre société en Amérique du Nord, et je dirais peut-être même dans le monde entier, qui a un ministère dédié exclusivement à la faune et aux parcs. Ces activités-là sont toujours rattachées à quelque chose d'autre, que ce soit au niveau des ressources naturelles ou de l'environnement. Alors, ici, on se propose d'aller à l'encontre de ce qui se fait à l'extérieur du Québec et du Canada.

Alors, la raison aujourd'hui pour laquelle on est ici, M. le Président, puis qu'on va se prononcer sur ce projet de loi, c'est très clair, c'est parce qu'il y a eu un manque de leadership depuis les cinq dernières années du gouvernement actuel, du gouvernement du Parti québécois. On a eu deux ministres différents qui ont passé au ministère de l'Environnement et de la Faune depuis que ce gouvernement est en place, et il n'y a jamais eu de prise de position au niveau de la faune et des parcs. D'ailleurs, je ne suis pas sûr qu'il y en ait eu plus au niveau de l'environnement. Alors, il n'y a pas de vision. Le gouvernement actuel n'a pas de vision au niveau de la faune et des parcs, n'a pas pris au sérieux les milieux de la faune, on n'a pas démontré notre responsabilité envers les élus.

Alors, les conséquences depuis les cinq dernières années, M. le Président, c'est clair, c'est un ministère Faune et parcs rattaché à l'Environnement qui a été inactif, qui n'a pas pris de décision pour le bien-être des citoyens afin de maximiser la ressource et mettre en valeur la faune au Québec. Alors, ce qu'on a vu depuis 1994, c'est plusieurs aberrations. Il y a une inertie qui est là présentement. Et le ministre pense qu'en créant une nouvelle structure on va tout régler ces problèmes-là, et que ça va être autonome, et qu'on n'aura plus besoin du législateur, des membres de l'Assemblée nationale pour donner notre vision à la faune et aux parcs au Québec.

Alors, on a vu des agents de conservation dont personne ne s'occupe, dont le temps supplémentaire n'est pas payé, dont les jours fériés ne sont pas payés, des conventions collectives qui sont non négociées depuis longtemps, que les agents de conservation ont été réduits en nombre de façon drastique, qu'on a un système qu'on appelle SOS Braconnage qui est en place pour arrêter les fraudeurs, les braconniers et d'un autre côté qu'on n'a plus assez d'agents de conservation pour faire les enquêtes pour intervenir rapidement sur le terrain.

On avait promis la création de quatre nouveaux parcs au Québec, il n'y a rien qui a été fait. On avait mis des échéanciers qui n'ont pas été respectés; on les a repoussés, on en a mis des nouveaux et on ne les a pas respectés. Mais je pense que le comble de l'aberration que le gouvernement a démontré depuis qu'il est au pouvoir, c'est toute la problématique au niveau de l'enregistrement des gibiers. Ça a été une polémique. Le Protecteur du citoyen s'est positionné, a rendu un rapport public disant que c'était illégal, qu'on avait mandaté des corporations, des compagnies pour effectuer l'enregistrement du gibier, qu'on chargeait 5 $ à ces gens-là, que tout ça était illégal.

On a vu encore des cas patents d'irresponsabilité de ce gouvernement. Les perchaudes. On a permis la pêche à la perchaude en pleine période de fraie à des corporations commerciales alors qu'on sait que la ressource est en problème, que les perchaudes sont en diminution, que les populations de perchaudes dans le lac Saint-Pierre décroissent, et on permet aux pêcheurs de pêcher en pleine période de fraie. Et, comble de l'ironie, les pêcheurs sportifs, eux, après. On passe la pêche sportive après la pêche commerciale.

(11 h 30)

On a vu également des cas aussi aberrants qu'un ministère qui coupe partout, les parcs n'ont pas de fonds pour entretenir adéquatement leur réseau routier, leur structure. Alors, on autorise à dépenser de 10 000 $ à 15 000 $ pour gréer ces parcs-là d'affiches en bois – 10 000 $, 15 000 $. Les guides de pêche et de chasse arrivent après l'ouverture de la saison de la chasse et de la pêche. Comment voulez-vous que les chasseurs et les pêcheurs planifient leurs vacances, planifient leurs voyages de pêche et de chasse?

Alors, les conséquences, M. le Président, c'est que, par l'inertie du gouvernement, par le manque de vision, la pêche et la chasse sont en décroissance au Québec. Et je rappelle au président et à cette Chambre qu'au Québec c'est plus de 1 200 000 pêcheurs, près de 400 000 chasseurs, plus toutes les personnes qui sont des amants de la nature, qui visitent nos parcs, nos réserves. C'est quelque chose quand même d'important au niveau québécois. Le problème, c'est qu'on pense qu'on va régler ce qu'on vit actuellement, et qu'on va créer une nouvelle Société, et que ça va s'autogérer, que les décisions vont se prendre. Je ne suis pas convaincu de ça, M. le ministre.

Le gouvernement s'en lave les mains, se lave les mains de ces réalisations qu'on n'a pas vues depuis les quatre dernières années. J'écoutais le ministre plus tôt. Le ministre, lui, disait que, bon, maintenant, ça va être les gens de la faune et des parcs, les gens du milieu qui vont se prendre en main. Je pense que le ministre aurait très bien pu fonctionner avec une table de concertation et garder la structure actuelle. Ce que le ministre fait, c'est qu'il délègue son pouvoir, il délègue son mandat, son obligation envers la population de gérer et d'administrer les biens publics, les parcs, de donner des directives, de poser des gestes pour protéger et mettre en valeur la faune au Québec. On délègue ça, on délègue notre leadership. On n'est pas capable, au gouvernement du Parti québécois, d'assumer notre rôle, alors on délègue à une société qui, espérons-le, le fera à notre place. Ça, ça se rajoute au barouettage que Faune et Parcs a vécu depuis les 15 dernières années, passer d'un ministère à l'autre. On rajoute une structure, une cinquième fois, et on envoie les parcs et tout ce qui regarde la faune à ces gens-là.

Pour peut-être parler un peu sur la Société elle-même, on se propose de créer une société qui va avoir d'énormes pouvoirs, M. le Président, qui n'aura certainement pas le pouvoir de légiférer des lois et règlements parce que le ministre a gardé ce pouvoir – j'espère, c'est la seule chose qu'il s'est gardée. On autorise cette nouvelle Société à gérer nos biens publics, avec un conseil d'administration composé de 11 membres qui seront nommés par le gouvernement. Ces membres-là, on nous dit qu'ils vont être des gens du milieu. Dans le projet de loi, il n'y a rien qui apparaît. On parle de 11 membres. Est-ce que le gouvernement va profiter de l'occasion pour faire des nominations? On ne le sait pas. Ces gens-là, on peut se demander, est-ce que ça va être des gens qui vont venir de la SEPAQ, des zecs, qui vont venir du milieu de la foresterie, qui vont venir du milieu des pourvoiries? On ne le sait pas. Il va avoir une commission parlementaire. J'espère qu'on va entendre les gens, que ces groupes-la vont venir se manifester. Mais je suis conscient d'une chose, et le ministre l'est également, c'est qu'autour de la table de ces 11 membres là pour la nouvelle Société il va y avoir des conflits, il va y avoir des intérêts qui vont être divergents sur certaines positions.

Le ministre tente de régler la problématique qu'on vit actuellement, à cause d'un manque de leadership du gouvernement, en créant une nouvelle société. Je pense qu'il va falloir être très prudent au niveau de la Société et que ça va prendre un ministre responsable pour surveiller la faune et les parcs. J'ai été surpris, tantôt, le ministre faisait référence qu'il y a eu 10 ministres qui se sont succédé, que lui-même a été ministre dans les années 1983. Je pense que, quand il a été ministre de la Faune, des Parcs et des Loisirs, à l'époque, le ministre avait quand même fait son travail, n'avait pas créé une société à l'époque. Ce qu'il fait aujourd'hui, c'est qu'il crée une structure, une société, pour remplacer les obligations du gouvernement et de ses ministres.

Alors, cette nouvelle façon de faire, M. le Président, n'est pas une garantie de résultats. Comme porte-parole de l'opposition officielle en matière de faune et de parcs et en tant que membre du Parti libéral, je souhaite de tout coeur que la nouvelle Société améliorera et protégera la faune et les parcs au Québec. Mais la problématique va toujours demeurer la même. Si le gouvernement met un ministre responsable de cette nouvelle Société qui, lui, ne fait pas preuve de leadership, d'initiative, le problème va rester le même, va rester entier.

On peut donner comme exemple le problème des zecs actuellement. Le gouvernement a passé une loi qui permet de créer une société qui gère, qui regroupe les différentes zecs, et dans cette loi on dit qu'il y a une cotisation obligatoire qui est faite à la société centrale. Alors, le gouvernement – c'est un bel exemple – ne fait pas preuve de leadership dans ce dossier. La chicane est prise au niveau des zecs, et je ne pense pas qu'un cas comme celui-là c'est la nouvelle Société qui va le régler.

M. le Président, nous aurons toujours besoin de ministres responsables qui sont redevables envers la population. Et je trouve ça quand même dangereux que le gouvernement du Québec consente à transférer ses pouvoirs, comme il le fait dans ce projet de loi.

Alors, écoutez, on a pris le temps de lire attentivement, de consulter, de rencontrer des groupes intéressés, et il y a quand même des lacunes assez sévères au niveau du projet de loi. On a de nombreuses interrogations. On pense qu'il y a beaucoup de place à bonification, et j'espère que le ministre, en commission parlementaire, fera preuve de discernement et d'écoute. Le rôle de l'opposition, comme je le disais plus tôt, est de développer et qu'on utilise au maximum la ressource faune que nous avons au Québec. Nous avons un fantastique pays, la province de Québec a de vastes territoires, de nombreux lacs; on peut développer, on peut bâtir, on peut créer des emplois à partir de la faune et des parcs.

En conclusion, M. le Président, le projet nous semble quand même positif. Je pense que, face à l'inertie du gouvernement, on peut quand même donner la chance à une société d'être composée de gens du milieu, espérons-le, qui prendront les choses en main. Mais il ne faut quand même pas oublier que ça va toujours prendre un ministre responsable, qui a une vision, avec un gouvernement responsable.

Je pense que l'objectif visé, c'est qu'on ait une efficacité accrue au niveau décisionnel, une rapidité de décision, un leadership. Si on peut rentabiliser encore plus les installations du gouvernement, faisons-le, tout ça dans un esprit de développement durable de la ressource pour protéger nos acquis.

(11 h 40)

En conclusion, M. le Président, l'opposition officielle est pour le projet de loi. Cependant, je tiens à rappeler que nous avons des réserves au niveau de créer une nouvelle structure qui, selon nous, sera seulement mise en place pour remplacer le manque de responsabilité du gouvernement, le manque de leadership, et qu'on aurait très bien pu, avec un ministre responsable prendre le ministère tel qu'il est présentement et le remodeler, l'adapter, quitte à rajouter des groupes-conseils, des tables de concertation. Alors, écoutez, comme porte-parole, je vais m'assurer que les groupes intéressés viennent en commission parlementaire, que les articles de loi qui doivent être amendés le soient, qu'on bonifie le projet de loi pour, espérons-le, que la section faune et parcs aille dans la bonne direction. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député d'Argenteuil et critique officiel de l'opposition en matière de faune et de parcs. Nous cédons maintenant la parole au député de Montmagny-L'Islet et critique officiel en matière de régions. Alors, M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Comme mon collègue vient de le mentionner, le député d'Argenteuil, au sujet du projet de loi n° 61, une loi qui met en place une nouvelle structure, donc c'est le questionnement, aujourd'hui, que la population est en lieu de se poser, certaines questions, à savoir: Est-ce que le Service de la faune associé au ministère de l'Environnement, ça posait problème? Est-ce que, dans le passé, sur le plan administratif et sur le plan de la conservation, ça a posé problème?

Plusieurs sont en mesure de prétendre que c'était probablement la meilleure formule qui avait été présentée, soit celle de sensibiliser le service du ministère de l'Environnement à la protection et à la conservation de la faune, en collaboration avec les officiers qui étaient déjà en place, du ministère des Loisirs et de la Faune passé. Donc, à plusieurs égards, plusieurs vous diront, M. le Président, que ça a eu un certain succès. Ça a eu un certain succès parce qu'ils avaient la même préoccupation: l'environnement. Il était, je pense, tout à fait justifié de surveiller justement le développement, la conservation et le respect que la population québécoise pouvait apporter à l'habitat de tous les jours de la faune au Québec.

Le gouvernement a cru bon, à cette session-ci, de présenter un nouveau projet de loi, présenté par le ministre responsable de la Faune, pour former une société. Au Québec, nous avons l'expérience, dans plusieurs domaines, de sociétés qui gèrent des services publics. Est-ce que ça peut être la meilleure formule? Bien, disons que, comme je le mentionnais, il y a certains exemples où ça fonctionne bien. Aujourd'hui, ce projet de loi là nous présente justement cette nouvelle structure. Est-ce que ça aura pour effet d'augmenter les dépenses dans son ensemble? M. le Président, c'est toutes des questions qu'on va devoir se poser: Est-ce que, à l'occasion de la présentation de ce nouveau projet, de cette nouvelle Société, ça va permettre au gouvernement du Québec et au ministre responsable de redéfinir le rôle et le mandat de cette Société-là, de clarifier de façon générale, de mieux clarifier et de mieux définir le rôle et les objectifs? La mission de cette Société-là, est-ce qu'elle va être clairement, aussi, définie? C'est évidemment des questions que nous allons avoir la chance de poser.

On dit justement, dans la présentation du projet de loi, on donne justement comme mission de s'assurer de la conservation et de la valeur de la faune au Québec. Bon, parlons de conservation. Dans les dernières années, nous avons probablement, comme société québécoise, négligé de mettre l'attention nécessaire à la conservation de la faune, donc nos agents de protection et de conservation de la faune n'avaient pas tout l'effectif nécessaire dans certains cas, à certaines occasions et à certaines saisons, n'avaient pas tout l'équipement nécessaire pour bien jouer leur rôle et s'assurer, à la demande de la population de chacune des régions, qu'il y ait eu une surveillance adéquate, jugée raisonnable dans la plupart des cas et, comme je le mentionnais, à des saisons particulières.

Je voudrais tout simplement vous parler d'une région comme celle que je représente, soit la grande région de Montmagny, le comté de Montmagny-L'Islet, mais prenons toute la Côte-Sud dans son ensemble. Au moment où vous avez une période de chasse très populaire, très connue dans l'ensemble du Québec, du Canada et peut-être en Amérique du Nord, qui est la chasse à l'oie blanche, qui mobilise beaucoup d'effectifs, de ressources, des agents de la protection de la faune, au même moment, c'est le début de la chasse au petit gibier et au gros gibier, soit à la fin octobre, début novembre. Donc, vous voyez qu'à ce moment-là une région comme celle que je représente et d'autres régions au Québec, ils sont obligés de se partager entre plusieurs activités sportives et de couvrir plusieurs régions en même temps. Donc, il y a un manque d'effectifs, il y a un manque d'équipement, comme je le mentionnais.

J'ose croire qu'à l'occasion de la création de ce nouveau ministère, c'est-à-dire cette Société, le gouvernement va s'assurer que ça ne nécessitera pas des argents additionnels dans la gestion et l'administration mais qu'on va plutôt mieux répartir le budget de ce service sur le terrain, au niveau de la conservation, parce que c'est un élément important. Je pense que c'est une valeur inestimable que nous avons dans une région comme celle où nous vivons, soit au Québec, au Canada et en Amérique du Nord, mais un pays nordique. Et je pense que notre faune a une valeur inestimable. Je pense que c'est le rêve de plusieurs citoyens et citoyennes de venir chasser ici, au Québec. Il s'agit de parler à des étrangers, et surtout les Américains et les Européens. Quand on leur parle de notre territoire faunique, ces gens-là nous expliquent tout de suite qu'ils ont une très bonne connaissance du Québec et qu'ils souhaitent un jour de pouvoir venir pratiquer certains sports, certaines chasses, qu'ils ont déjà précisés et définis.

Donc, M. le Président, il va falloir s'assurer – c'est le défi – que le nouveau ministre, en supposant que c'est le même titulaire qui prendra la responsabilité, va pouvoir dégager des montants d'argent additionnels ou réorganiser le budget de ce ministère pour s'assurer que nous allons mettre l'emphase sur la protection de notre territoire et la conservation de la faune.

Je vous disais: une valeur inestimable. C'est une valeur sur le plan sportif – je pense que ça permet à plusieurs Québécois et Québécoises et étrangers de venir pratiquer ce sport de pêche et de chasse dans notre région – mais, sur le plan touristique, qu'on néglige parfois d'évaluer et de considérer. Sur le plan touristique, il s'agit de penser à la pêche au saumon et à la chasse au caribou dans le Nord ou à la chasse à l'orignal durant la saison du gros gibier, tous les étrangers qui viennent dans chacune de nos régions, qui viennent soit pour des vacances ou soit pour pratiquer leur sport favori.

Donc, M. le Président, nous allons rappeler constamment au gouvernement, au ministre, d'apporter une attention particulière, à l'occasion de la mise en place de cette nouvelle Société, une attention particulière au développement de cette ressource au bénéfice du tourisme au Québec et de nos infrastructures touristiques, d'une part.

M. le Président, s'ajoute aussi la responsabilité de la gestion des parcs. Ça va de soi. Je pense que ça va de soi que ce même ministère, si on doit mettre en place cette nouvelle structure, forcément, puisse avoir un regard sur l'aménagement et l'organisation de nos parcs. Parce que c'est probablement l'endroit où, dans les années passées, depuis plusieurs années au Québec, nous avons davantage développé de la sensibilité à la protection de la faune à l'intérieur des parcs, à cause des lois et des règlements qu'on y avait définis et qu'on mettait en pratique, et qu'on tentait de faire respecter dans la mesure du possible.

(11 h 50)

Donc, c'est là que les Québécois et ceux qui nous visitent ont davantage pris conscience justement de cette conservation-là, parce que ça se présentait comme tout à fait naturel, je pense: vous étiez à l'intérieur d'un parc et les gens avaient comme réaction tout à fait naturelle, comme je le mentionnais, de considérer justement la faune d'une façon plus attentive et particulière.

Donc, que cette Société ait la responsabilité des parcs, oui, c'est une chose, mais il faut s'assurer que ce n'est pas, je pense, une occasion pour le gouvernement de se désengager et de faire en sorte que cette nouvelle Société ait comme mandat ou comme responsabilité de s'autofinancer, de tenter, par les activités de chasse et de pêche, ou activités sportives, ou autres, sur tout le territoire du Québec et surtout à l'intérieur des parcs, de s'autofinancer et que le gouvernement puisse se retirer, se retirer justement dans sa responsabilité de conserver, dans certaines régions du Québec, soit les parcs et, dans d'autres régions, d'une façon aussi naturelle que possible, de conserver notre patrimoine. Ça aussi, c'est des questions qu'on va poser en commission parlementaire, comme le mentionnait mon collègue.

Et on va s'assurer que le ministre prenne conscience, et je n'en doute pas, M. le ministre, député de Joliette, a cette expérience dans ce domaine-là, je pense qu'il est totalement conscient... mais il aura l'appui de la population, j'en suis certain, et de l'opposition officielle s'il est en mesure de s'assurer que cette Société aura le financement nécessaire pour mener à bien sa mission, soit celle de la conservation de la faune, et de la gestion des parcs, et de l'amélioration justement de l'accessibilité pour l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec, dans des conditions acceptables et à la portée de la bourse, avec des coûts financiers acceptables pour la plupart des familles.

Donc, M. le Président, c'était ce que je voulais ajouter à ce moment-ci. On aura la chance probablement d'y revenir dans l'acceptation finale du projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Nous allons maintenant céder la parole au député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui. M. le Président, j'ai l'impression qu'il n'y a que les libéraux qui s'intéressent au projet de loi n° 61. Après le député d'Argenteuil, maintenant le député de Montmorency, le député d'Orford va prendre la parole, je crois comprendre qu'on aura aussi le député de Westmount–Saint-Louis. Alors, je suis un peu surpris de voir, M. le Président, en cette Chambre, qu'il n'y a que l'opposition qui s'intéresse à la faune. Et ce n'est pas d'aujourd'hui d'ailleurs que je fais ce constat-là qu'il y a peu d'enthousiasme, même s'il y a un million de chasseurs et de pêcheurs au Québec. Si on reçoit la note E pour la préservation des espèces en voie de disparition, avec un organisme reconnu mondialement, E pour échec, M. le Président, je m'attendrais à ce que les gens du gouvernement se lèvent et défendent avec force, vigueur et intérêt le projet de loi n° 61. «V'là t'y pas» que c'est l'opposition qui va améliorer ce projet de loi là, personne du côté du gouvernement. Ils sont tous bouche bée et écoutent bien sûr les sages paroles qu'on a à dire de ce côté-ci.

Fiez-vous, M. le Président, à un gouvernement social-démocrate, vous ne vous tromperez jamais, jamais vous n'allez vous tromper, quand un gouvernement social-démocrate est élu ici, à Vancouver ou en Europe, on joue dans les structures. Ça, c'est une bibitte, quand tu viens au monde, tu es social-démocrate, on a l'impression qu'ils te mettent ça à l'intérieur de toi: il faut que tu taponnes, il faut que tu bouges, il faut que tu changes les structures, il faut que tu t'amuses là-dedans. L'efficacité, ça, c'est une autre affaire. Le coût, ça, c'est une autre affaire. Le résultat, ça, c'est une autre affaire. Mais il faut que tu taponnes dans les structures.

Alors, ça fait cinq ans que ce gouvernement-là est là et Dieu sait qu'ils ont travaillé dans les structures, qu'ils en ont changé, qu'ils en ont éliminé, ils en ont créé. Ce qui s'appelle maintenant Emploi-Québec avait un autre nom avant. C'est le capharnaüm; il n'y a rien qui marche là-dedans. Ce n'est pas grave, M. le Président. L'objectif, le coût, le but, ça, ce n'est pas grave. On taponne dans les structures. Alors, ici, qu'est-ce qu'on va faire, M. le Président? En résumé, on va taponner dans les structures.

Au ministère de l'Environnement, pour les gens qui nous écoutent ici, ce midi, il y avait une très grande logique où l'environnement, la faune, les parcs, les agents de conservation, tout ce beau monde là semblait bien s'entendre. Il faut parler à tout le personnel de l'Estrie, par exemple, qui vont vous dire que ça a été un des grands mariages heureux, dans l'histoire du Québec et de nos structures, d'avoir mis toute la faune, la flore avec le ministère de l'Environnement.

Mais ces bons sociaux-démocrates, tous tant qu'ils sont, taponnant un peu dans les structures, vont créer une autre structure, bien sûr, parce que ça, c'est le propre des sociaux-démocrates aussi, M. le Président, tu n'élimines jamais une structure, tu en crées des nouvelles. Tu en crées des nouvelles, tu places les amis du parti là-dedans, ça coûte de plus en plus cher. Et les études le démontrent, fois après fois après fois, les coûts d'opération de la société québécoise sont beaucoup plus dispendieux que les sociétés qui nous entourent. Le coût de gestion de l'État québécois est nettement plus élevé. Pourquoi? Toutes nos structures, M. le Président. Il n'y a pas une société en Amérique du Nord, et je mets au défi mes sociaux-démocrates d'en face de chez nous de me démontrer qu'il y a une société en Amérique du Nord qui a des structures plus pesantes que les nôtres et moins efficaces que les nôtres, M. le Président.

Prenez juste le monde scolaire, à titre d'exemple. Nous avons 1 200 fonctionnaires ici, à Québec. Nous avons ensuite, dans chacune des régions, le ministère de l'Éducation qui est là. Nous avons ensuite des commissions scolaires, M. le Président. Nous avons des conseils d'école. Nous avons par-dessus ça des comités administratifs dans chacun des cégeps, sans parler, bien sûr, des collèges privés. Aïe! ça fait une sandwich pas mal épaisse, ça, M. le Président, de monde qui décide. Le pauvre payeur de taxes en bas, il est complètement écrasé, M. le Président, par toutes ces structures-là.

Voulez-vous que je fasse la démonstration de la santé maintenant? Mille employés ici, au ministère de la Santé. En dessous de ça, régies régionales, M. le Président – chez nous, là, vous devriez voir l'édifice, à Sherbrooke, de la régie régionale – en dessous de ça, des conseils d'administration dans les hôpitaux. Le pauvre citoyen, il est en dessous de ça, il dit: Je pourrais-tu dire un mot, moi, là, M. le Président? Y a-tu quelqu'un qui m'écoute là-dedans?

Fiez-vous aux sociaux-démocrates, vous ne vous tromperez jamais, gens qui nous écoutez ici, aujourd'hui. Vous ne vous tromperez jamais. Quand un gouvernement social-démocrate, en Europe, dans l'Ouest du pays ou ici, au Québec, a pris possession des commandes, ils vous ont organisés. Le vieil adage: «On veut votre bien puis on va l'avoir», il n'y a rien qui s'applique mieux, quand un gouvernement social-démocrate est élu; ils veulent votre bien puis ils vont l'avoir. On est les plus taxés puis les moins efficaces en Amérique du Nord. On s'entend à peu près là-dessus.

Ceci dit, M. le Président, j'ai fait une petite escapade, là, pour revenir. Je reviens au projet de loi n° 61. Dans ce projet de loi, il y a un article qui me fatigue. Ça aussi, ça va avec la sociale-démocratie. C'est l'article 21. Je parlais avec mes confrères, ici, qui semblent dire: Ouais, ça se fait ailleurs, ça s'est déjà fait avant. Je vous lis ça, M. le Président: «Les membres du conseil d'administration et les membres du personnel de la Société ne peuvent être poursuivis en justice en raison d'actes officiels accomplis de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions.» Bien, moi, M. le Président, quand j'ai un gouvernement qui est après faire Hertel–des Cantons où les citoyens ont été obligés de l'amener en cour, quand j'ai un gouvernement, avec Les Éboulements, où les citoyens ont été obligés de l'amener en cour, quand j'ai un gouvernement où des citoyens, parce qu'une pisciculture déversait ses déchets dans un lac qui se renouvelle à tous les huit ans puis on était après atrophier ce lac-là, où les citoyens ont été obligés d'amener le gouvernement en cour...

Moi, ça me fatigue, M. le Président, quand je parle d'environnement, de faune, de flore, que les membres du conseil d'administration et les membres du personnel finalement se mettent une protection puis disent: Bien, moi, là, je ne serai pas responsable. Comment ça se fait, quand vous acceptez de siéger sur Bell Canada ou que vous siégez sur une entreprise, peu importe laquelle, que vous êtes responsable des salaires, que vous êtes responsable de l'environnement, entre autres – c'est maintenant les responsabilités des administrateurs et ça oblige à une dynamique tout à fait particulière... Je veux dire, moi, quand j'ai demandé à des gens de siéger sur des conseils d'administration ou qui m'ont demandé de siéger sur des conseils d'administration, je me sens obligé, je me sens responsable vis-à-vis l'environnement, je me sens responsable vis-à-vis les vacances et les salaires des employés, advenant la faillite de cette entreprise-là, M. le Président. Ici, je comprends qu'il n'y aura pas de faillite, c'est un organisme gouvernemental, mais il pourrait y avoir malversation en environnement, il pourrait y avoir irresponsabilité d'un certain nombre de personnes. Et on dit: Ne pourra suivre en justice. Moi, j'ai bien de la misère avec ça, je vous le dis tout de suite, et on va aller en commission parlementaire, et c'est un des angles que je vais questionner énormément.

(12 heures)

Je veux mentionner aussi au ministre – c'est une occasion un peu unique qu'on a de lui parler de chasse et de pêche – l'importance, dans les Cantons-de-l'Est, d'un phénomène qu'on retrouve moins ici, au Québec. Il y a un regroupement des clubs de chasse et pêche. Alors, tout ça a commencé quand le cheptel du chevreuil est à peu près disparu, dans l'Estrie – on me dit, au moment de la deuxième guerre mondiale. Les régions de Bedford, de Sutton, d'Austin, de Georgeville, de Mégantic, d'East Angus ont formé des clubs de chasse et pêche. Comment ça fonctionne? C'est à peu près de la façon suivante. C'est-à-dire que les gens ont des grands boisés, de très grands boisés, des boisés soit pour la foresterie, comme Domtar, ou des agriculteurs qui ont des grands boisés. Et ces gens-là avaient le problème de chasseurs qui, d'une façon... les Rambos de ce monde, les exceptions, chez les chasseurs, qui sont les Rambos de ce monde, qui rentraient sur leurs terres et qui saccageaient souvent tous azimuts.

Alors, ils se sont organisés en clubs de chasse. Ils se sont mis des conseils d'administration, ils se sont donné une mission. Et la première mission a été bien sûr, M. le Président, de «promouvoir la mise en place et le maintien de la législation, provinciale et fédérale, sur la faune». C'est extraordinaire, ça, des organismes privés qui ne demandent pas une cenne à personne, ils se réunissent puis ils disent: Nous, on va faire la promotion de la mise en place et du maintien de la législation provinciale-fédérale sur la faune. «De promouvoir la protection des forêts, des terres, de l'eau, de l'air et de l'habitat naturel de la faune – extraordinaire! – d'éduquer le public en général et les jeunes en particulier en conservation et administration de la faune.»

Je continue: «Cette alliance – parce que, là, je vous parle du regroupement aussi – travaillera à empêcher la destruction de propriétés par les chasseurs, pêcheurs et autres intrus et coopérera avec les clubs individuels et les propriétaires de territoires – donc, c'est un amalgame, ça, là, de clubs, d'individus, de propriétaires de terrains – sous bail afin de promouvoir une meilleure relation entre eux, les chasseurs et les pêcheurs, de représenter ces clubs membres face aux gouvernements municipaux, provincial et fédéral, de promouvoir la participation sécuritaire dans ces activités concernant la faune, tout en insistant sur la conservation.» Et le document est bilingue. M. le Président, dans l'Estrie, on a ce regroupement qui a fait un ouvrage tout à fait extraordinaire.

Je vais vous conter une petite histoire. Il y a une rivière, à l'arrière de ma résidence, et, au printemps, l'éperlan y monte. Quantité importante il y a 20 ans; il n'y a à peu près plus d'éperlans qui montent, M. le Président, dans les dernières années. Pourquoi? Il a été surpêché, l'éperlan. Et, comme il n'y avait pas de contrôle – parce que finalement les agents de conservation, il y en a tellement peu et il y a tellement de rivières alentour des lacs de l'Estrie – c'était l'anarchie sur le bord de ces rivières-là, au moment de la montée de l'éperlan. Alors, on l'a à peu près anéanti. On me raconte qu'il y a 20 ans il y avait tellement d'éperlans qui montaient dans cette petite rivière, à l'arrière de la maison, chez moi, que ça débordait sur les côtés. Là, vous allez me dire que c'est une histoire de pêche, M. le Président, je vous vois sourire un peu, là. Bien, croyez-le ou non, c'est le curé de la paroisse qui m'a conté ça, moi, alors je prends pour acquis que l'histoire est vraie.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Benoit: C'est le bon curé de la paroisse qui m'a raconté ça.

Des voix: ...

M. Benoit: Ah! je ne sais pas s'ils débordaient ou pas, moi, je ne les ai jamais vus. Le fils de l'agriculteur, chez nos voisins, nous raconte qu'alors qu'il était après reconstruire la couverture de la grange de son père il entendait l'éperlan monter dans la rivière, il y a 20 ans. M. le Président, c'est bien de l'éperlan, ça!

Cette année, l'an passé, l'année avant et l'année avant, M. le Président, vous ne l'entendrez pas, l'éperlan, il n'y en a plus, vous ne le verrez pas, l'éperlan, il n'y en a plus, puis il ne débordera pas sur les côtés de la rivière, il n'y en a plus, parce que les agents de conservation, qu'est-ce que vous voulez, il n'y en a à peu près plus au Québec, ils ne peuvent pas tout faire.

Alors, qu'est-ce qu'on a fait? Les citoyens d'un peu partout, les gens d'Austin ont demandé à ce club de chasse et pêche d'en prendre le contrôle. Oui, ils ont mis des guérites, oui, ils ont chargé, je pense, 1 $ ou 2 $, puis là ils ont organisé les gens pour qu'ils aillent, avec une certaine sagesse, pêcher à tour de rôle, quand l'éperlan monte, etc.

Alors, c'est le bien-fondé de ces clubs de chasse et pêche là. Et, moi, je veux vous dire... Je demande au ministre de les entendre en commission parlementaire. Je lui rappelle que le président qui vient tout juste d'être nommé est un M. Charles Bury. Je vois que le député de Johnson vient d'arriver, il doit bien le connaître. Charles Bury est l'éditorialiste en chef de la revue The Record de Sherbrooke. Il a passé sa vie au Record de Sherbrooke, qui est notre grand journal anglophone à Sherbrooke. Et Charles Bury est un homme grand environnementaliste, un chasseur de grande classe. Et, moi, j'invite le ministre non seulement à entendre Charles Bury au nom de l'Alliance de chasse et de pêche des Cantons-de-l'Est, mais, comme il devra nommer 11 personnes sur le conseil d'administration suite au projet de loi n° 61...

Nous savons tous que la communauté anglophone au Québec a été particulièrement préoccupée par l'environnement. Particulièrement. Et rappelez-vous, dans vos comtés, les municipalités avec des communautés anglophones, regardez les bords de lacs où les communautés anglophones ont été présentes, elles ont été bien avant nous préoccupées de l'environnement et de la faune, bien sûr.

Alors, j'invite le ministre de l'Environnement publiquement... Et je n'ai aucune hésitation à recommander Charles Bury, qui a été journaliste toute sa vie, qui a été éditorialiste dans un grand journal anglophone de l'Estrie et qui a toujours défendu les chasseurs, les pêcheurs et aussi la sagesse et l'éthique dans le secteur de la pêche et de la chasse.

M. le Président, nous allons regarder le projet de loi parce que dans l'Estrie, d'une façon particulière, il nous préoccupe. Nous avons un parc provincial dans le comté d'Orford, nous avons le parc dans Mégantic et nous avons aussi un parc dans Shefford, et c'est important. Nous avons, d'autre part, dans l'Estrie une pisciculture. Et là, s'il y a une leçon que je veux donner au ministre, depuis qu'ils sont là, M. le Président, depuis cinq ans, c'est de ne rien avoir fait avec les piscicultures du Québec, que ce soit celle de Baldwin, que ce soit celle du Lac-des-Écorces; tout ce qu'on a fait, ça a été de dire qu'on ne savait pas qu'est-ce qu'on ferait.

Et, si aujourd'hui vous veniez avec moi visiter la pisciculture de Baldwin, bien sûr située à Baldwin Mills, si vous veniez visiter celle de Saint-Jovite, celle du Lac-des-Écorces ou celle en Gaspésie, vous vous feriez dire par le personnel, ainsi que les cadres au ministère: On ne sait pas si on avance ou si on recule là-dedans. Pour en avoir visité une couple au moment où j'étais porte-parole en environnement, c'est la décrépitude, M. le Président. Les édifices sont après tomber, le personnel est complètement démotivé, on ne sait pas si on doit faire de la production ou de la recherche, on ne sait pas si on doit faire de la revente ou de l'achat, et c'est dans un no-man's-land. Alors, j'invite le ministre a nous indiquer un peu plus précisément ce qu'il a l'intention de faire avec les piscicultures du Québec, qui ont déjà été un joyau important au ministère.

Finalement, je finirais en disant qu'on a, au Québec, une classe d'agents de conservation d'une qualité extraordinaire. J'aimerais vous dire que le nombre est là; malheureusement, depuis que votre gouvernement est là, M. le Président, la quantité a baissé semaine après semaine. Et le député d'Argenteuil pourrait vous donner les chiffres exacts, il y en a probablement la moitié moins maintenant qu'il y en avait quand nous avons quitté le pouvoir.

Les agents de conservation sont bien organisés au Québec. Ils sont professionnels, ils sont consciencieux, et j'ai toujours été impressionné, quand j'ai eu affaire, soit comme citoyen ou comme politicien, avec ces gens-là, de leur intérêt vis-à-vis de leur métier et de leur dévouement. Leurs conditions de travail ont été absolument terribles dans les dernières années. Le député ex-ministre de l'Environnement, le député de Laval, disait qu'à un moment donné il avait fait un tour dans un pickup avec un des agents de conservation et il était loin d'être sûr qu'il reviendrait à destination tellement le pickup était complètement fini, rouillé, le plancher était après tomber. Imaginez-vous, ces gens-là sont là-dedans à l'année longue.

On s'est fait raconter dans une commission parlementaire qu'on ne permet plus à ces agents de conservation de faire ce qu'on appelle en anglais de l'«overtime», du temps supplémentaire. Alors, imaginez-vous qu'on surveille des gens qui ont fait de la chasse illégale la nuit avec des lumières et on attend juste qu'ils sortent de la forêt à minuit pour les ramasser avec la lampe de poche, le chevreuil, la camionnette, les armes, et tout. Mais votre chiffre finit à minuit comme agent de conservation, à minuit vous devez ramasser vos petits puis disparaître comme agent de conservation. Et les braconniers, imaginez-vous bien qu'ils sont aussi brillants que vous, ils le savent, ça. Alors, ils savent que vous n'avez pas le droit de faire d'overtime, ils savent qu'à minuit vous allez disparaître de là.

Alors, ça, on s'en est fait conter, des histoires d'horreur comme celle-là, sans vous parler quand ils sont appelés sur un cas. On nous racontait que dans des régions du Québec ils devaient faire, de mémoire, c'est 500 ou 600 km pour aller faire une vérification. Alors, je vous dirais que le chevreuil était déjà pourri un peu quand ils sont arrivés là ou bien le voleur avait sacré son camp, M. le Président.

(12 h 10)

Alors, on a un problème avec les agents de conservation, et j'espère qu'on va remettre... C'est beau de passer des lois, c'est beau de jouer dans les structures, mais faut-il encore les faire appliquer, ces lois et ces règlements-là. Le nombre d'agents de conservation est nettement insuffisant au Québec, M. le Président.

Je finirais sur un dada personnel qui me tient un peu plus à coeur, celui de la préservation des espèces. Et, encore une fois, le Wild World Fund, WWF, vous avez sûrement déjà vu ça, M. le Président, c'est un grand organisme mondial qui fait une évaluation de l'effort que font les pays pour préserver les espèces en voie de disparition ou tout au moins aider les espèces. Dans le cas du Québec, cette année, encore une fois, on a eu à peu près la pire note qu'on pouvait avoir: E. A, B, C, D, E, bien j'ai dit: C'est pas pire, c'est la cinquième lettre de l'alphabet. Mais j'ai compris qu'ils ne donnaient pas vraiment plus bas que E, et puis E, pour eux, c'était échec, c'était E pour échec.

Alors, je vous rappellerais que malheureusement les espèces en voie de perdition n'ont pas le droit de parole, elles ne prennent pas la parole non plus sur les tribunes de gens bien intentionnés à la télévision dans tous ces beaux panels. Elles ne viennent pas nous dire, elles, qu'elles sont après disparaître de la planète. Et on a, nous, environnementalistes ou citoyens libres et réfléchis, une responsabilité.

Dans mon comté, M. le Président, on a des gens, j'ai eu l'impression, qui ont été plus responsables que ce gouvernement-là. C'est un groupe d'étudiants dans une école entre Saint-Denis-de-Brompton et Saint-Élie. Ils se sont aperçus que, sur la route 220, il y a un marais et on a bloqué le marais. Et là les pauvres grenouilles – il y en avait qui étaient qualité unique, ou à peu près, au monde – étaient en voie d'extinction. Alors, cet été, au moment où les grenouilles traversent la route 220, ils ont organisé une autoroute de grenouilles. La revue L'actualité d'ailleurs fait un article là-dessus cette semaine. Certains journaux se sont préoccupés... Et, pour avoir entendu ces étudiants-là, ces petits bonhommes, ces petites bonnes femmes là, eux, ils se sentent moralement obligés de dire: Écoutez, il y a quelque chose qui n'a pas d'allure là-dedans.

Et je finirais en vous rappelant cette histoire dans la province de Colombie-Britannique où un groupe d'étudiants – et c'est David Suzuki qui racontait ça, quand je suis monté de mon comté lundi soir, qui interviewait ces enfants – eux, se sont aperçus, lors d'une marche avec l'école, qu'il y avait des grenouilles qui étaient qualité unique au monde, c'était vraiment en voie d'extinction, et que la ville venait de donner une autorisation à la construction d'un complexe domiciliaire. Ces petits bonhommes, ces petites bonnes femmes sont allés au conseil municipal pour expliquer leurs craintes, et bien sûr ils ont été labourés, et pas à peu près, par le promoteur et le conseil municipal. Heureux furent-ils, M. le Président – je finis la petite histoire – les médias se sont emparés de l'affaire. Le promoteur n'a jamais construit. Les grenouilles les remercieront un beau jour. Et c'est ça, l'état de l'environnement, où tous nous devons aider pour un meilleur environnement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député d'Orford. Nous allons maintenant céder la parole au député de Westmount–Saint-Louis. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Alors, j'ai l'intention d'être relativement bref en ce qui concerne le projet de loi n° 61. Je prends la parole à titre d'usager du service que nous avons actuellement, c'est-à-dire du ministère de la Faune, comme chasseur, et comme pêcheur, et comme amateur de nature, et comme amateur de plein air.

J'avoue que j'ai été associé de près, en 1994, à la fusion des organismes qui étaient le ministère du Loisir, le ministère de la Chasse et de la Pêche et le ministère de l'Environnement. Il m'apparaissait à l'époque qu'il y avait un intérêt pour l'ensemble de notre société de faire en sorte que le ministère de l'Environnement et le ministère de ce qu'on appelle aujourd'hui la Faune puissent être groupés ensemble.

D'abord, vous vous souviendrez que le ministère de l'Environnement, en dehors du service de la dette, le ministère de l'Environnement est un ministère relativement petit, petit mais efficace, efficace ayant la possibilité de fonctionner, par exemple, pour faire des vérifications sur le terrain avec ce qu'on a appelé très souvent la «police verte». Et on retrouve au ministère de la Faune ces agents de la faune, ces agents de la conservation dont on vient de parler, dont le député d'Orford vient de nous parler. Alors, l'amalgame de la police verte et des agents de la faune aurait dû, évidemment, sur le terrain faire en sorte de multiplier et d'améliorer la qualité du service de protection de la faune et, en même temps, de faire en sorte que les égarements à l'endroit de la loi de l'environnement puissent être stoppés le plus rapidement possible.

D'autre part, des biologistes – parce que c'est deux ministères où on retrouve des scientifiques spécialisés en biologie marine ou terrestre – eh bien, travaillent sur des écosystèmes au ministère de l'Environnement ou travaillent sur la faune ou des travaux de recherche sur la faune au ministère de la Faune. C'est assez étonnant que, quelques années après l'expérience de la fusion de ces ministères, on soit aujourd'hui en train de les rediviser.

Je sais par ailleurs que dans le milieu de la chasse et de la pêche, particulièrement en ce qui concerne les revues des chasseurs et des pêcheurs, comme Sentier , on est favorable à la division, on est heureux de retrouver, un peu comme on l'avait à l'époque, un ministère de la Chasse et de la Pêche. Mais il n'en demeure pas moins qu'il y avait des effets bénéfiques à la fusion.

Je mentionnerai entre autres le texte de Pierre Gosselin qui était préalable à cette fusion. Pierre Gosselin était vice-président de l'UQCN, l'Union québécoise pour la conservation de la nature. Il nous disait ceci: «La condition d'une conscience écologique et environnementale forte au sein du gouvernement, appuyée sur les bénéfices économiques qu'elle engendre et la population qui en est la base, nous semble un geste concret de développement durable que pourrait poser le gouvernement. La fusion serait un pas dans la bonne direction; cela changerait des tables rondes moribondes ou des comités interministériels – qu'il disait.»

C'est peut-être un qualificatif qui était peut-être un peu trop fort, M. le Président, mais il n'en demeure pas moins que la fusion a été vue par certains comme étant une bonne chose, entre autres Claude Langlois, président de l'Association des biologistes du Québec, qui disait ceci: «Cette fusion a été...» Il nous disait ça dans Le Devoir , le 23 janvier 1999, donc cette année. Il nous disait: «Cette fusion a été bénéfique pour une meilleure cohésion des politiques québécoises en matière de protection de l'environnement et de conservation des ressources naturelles.»

Le choix du gouvernement puis le choix du ministre a été de faire en sorte de nous lancer sur la piste d'une Société de la faune et des parcs du Québec. J'aurais quelques questions. J'aimerais savoir – éventuellement on le saura en commission parlementaire – pourquoi le gouvernement a choisi cette voie-là plutôt que celle d'une unité autonome de service, ou encore pourquoi et comment, par exemple, le Vérificateur général du Québec sera appelé... Aura-t-il la possibilité de contrôler cette nouvelle Société de la faune, de faire un contrôle dessus?

M. le Président, ce sont là des questions qui m'apparaissent être fondamentales et qui s'intéressent à l'avenir de cette Société. En attendant, je pense, entre autres, que cette Société devra éventuellement demeurer et travailler de très près avec le ministère de l'Environnement. Ce sera tous mes commentaires, M. le Président. Je vous remercie beaucoup.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Puisqu'il n'y a plus d'autres intervenants, le principe du projet de loi n° 61, Loi sur la Société de la faune et des parcs du Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des transports et de l'environnement

M. Boulerice: Oui. Alors, M. le Président, je vais vous faire motion que le projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je vais vous référer à l'article 57 de notre feuilleton, le projet de loi n° 194 présenté par le député de Saint-Jean.


Projet de loi n° 194


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 57 de votre feuilleton, M. le député de Saint-Jean propose l'adoption du principe du projet de loi n° 194, Loi concernant le regroupement des municipalités d'Iberville, de L'Acadie, de Saint-Athanase, de Saint-Jean-sur-Richelieu et de Saint-Luc. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 194?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui. Alors, on vient de m'aviser... M. le député de Saint-Jean, on me demande une légère suspension. Alors, nous suspendons nos travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 20)

(Reprise à 12 h 27)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés qui sont debout, veuillez vous asseoir.

Alors, avant la suspension, je venais d'annoncer qu'à l'article 57 de votre feuilleton M. le député de Saint-Jean propose l'adoption du principe du projet de loi n° 194, Loi concernant le regroupement des municipalités d'Iberville, de L'Acadie, de Saint-Athanase, de Saint-Jean-sur-Richelieu et de Saint-Luc. Alors, je reconnais immédiatement M. le député de Saint-Jean. Vous avez un temps de parole de 60 minutes, M. le député.


M. Roger Paquin

M. Paquin: Merci, M. le Président. Je suis très heureux aujourd'hui de m'inscrire dans la volonté des gens de mon milieu pour faire en sorte qu'un débat large, un débat bien documenté et un débat efficace se fasse sur la question de la consolidation de notre communauté locale dans l'hypothèse d'un regroupement de cinq municipalités. Je pense m'inscrire exactement dans la volonté des gens de chez moi, à ce moment-ci, en faisant en sorte de présenter à notre Assemblée un projet de loi qui fournisse un encadrement, qui fournisse un calendrier et qui permette aux différents partenaires de mener à bien cette importante responsabilité qui est celle de définir quel futur on veut pour nous dans le Haut-Richelieu.

Tout le monde a un futur. La question est de savoir si on a un avenir, et, pour avoir un avenir, il faut se placer, se positionner de façon à pouvoir se développer de façon durable, tant sur le plan social que sur le plan économique et que sur le plan environnemental. Et, pour y parvenir, un débat est donc engagé chez nous, et je suis très heureux d'avoir l'occasion de proposer à mes collègues de l'Assemblée nationale le principe de ce projet de loi qui vise essentiellement donc à permettre que la démarche aille bon train dans le Haut-Richelieu. Parce qu'on est dans une époque où partout dans le monde, M. le Président, on assiste à l'affirmation des communautés. Les communautés se prennent en main, s'organisent pour faire face au défi de la modernité et, pour cela, elles le font de différentes façons. On le voit dans tous les groupes humains. Il y a des restructurations dans les entreprises, il y a des restructurations partout, et notamment la question de la restructuration de nos institutions municipales se pose avec acuité.

(12 h 30)

Ce n'est pas seulement et surtout qu'il faille faire des regroupements municipaux partout, tous azimuts, mais il est important que l'on donne à nos communautés la possibilité d'être solides. Pour cela, différents outils sont disponibles au niveau de nos institutions municipales. Il n'y a pas que les fusions qui existent, il est possible de faire des régies, il est possible de faire des ententes intermunicipales, de la sous-traitance, des sous-contrats, des achats de services, des coopératives. Toutes sortes de formes de mises en commun sont possibles.

Chez nous, dans le Haut-Richelieu, on a une société d'économie mixte qui est particulièrement efficace dans la gestion des déchets, et donc il y a plusieurs modèles possibles, plusieurs instruments, plusieurs outils qu'on peut utiliser. Reste que la fragmentation du pouvoir de décision dans un milieu peut amener des inconvénients, surtout quand la concurrence ne vient plus du village d'à côté mais de la région voisine, pour ne pas dire de régions voisines dans un autre pays, dans le cas du Haut-Richelieu, puisque nous sommes sur la frontière des États-Unis et du Québec.

Alors, il y a lieu, donc, de penser à la consolidation de nos communautés, qui ont été fragmentées, à certains moments, par l'histoire même de notre évolution au Québec. On se souviendra que certains villages ont été séparés de la campagne avoisinante pour des raisons de l'époque, des raisons économiques, qu'aujourd'hui on peut se poser la question de l'équité dans ces communautés-là. Et plusieurs des municipalités ont réfléchi à ça. En fin de compte, il est normal que l'on fasse en sorte... Comme responsable de cette juridiction qui concerne les municipalités, il est normal que l'Assemblée nationale voie de quelle façon on peut le plus pertinemment accompagner de façon bienveillante et efficace les démarches et les responsabilités des élus locaux et la volonté des populations, qui est déterminante pour les choix qui concernent l'avenir de chaque communauté. Il y va de l'efficacité des ressources, certainement. Mais il y va de la qualité de vie des gens, il y va d'un développement durable économique, d'un développement durable sur le plan social et le plan environnemental, il y va de l'équité, il y va d'un fonctionnement harmonieux dans nos communautés.

En fait, les responsabilités concernant ces consolidations, et, dans le cas particulier, des hypothèses de regroupements municipaux, sont à peu près à trois niveaux. Et, pas par ordre d'importance mais par ordre de cohérence explicative, je dirais qu'il y a le niveau de l'État, les municipalités étant des créatures de l'État et l'État étant la créature des citoyens; il reste donc la question de déterminer des orientations, d'expliquer à la population que les tenants et aboutissants des défis de la modernité, les encadrements à donner et les soutiens à fournir, les accompagnements à proposer aux différents agents sont une responsabilité que nous avons, comme élus de l'Assemblée nationale. Et, également, c'est une responsabilité du gouvernement de faire en sorte, lorsque des démarches sont initiées dans le milieu dans le but de consolider la communauté, que les instruments, que les outils soient disponibles.

Il y a également la responsabilité des gouvernements locaux au niveau de la structuration, au niveau de l'établissement des institutions, au niveau du fonctionnement, au niveau de la cohésion des actions et au niveau du dynamisme et du leadership à être effectués dans le milieu.

La responsabilité première, au sens profond du mot «responsabilité», revient aux citoyens pour s'intéresser à ces questions dont dépend leur avenir bien sûr, surtout pour s'informer et exiger ce qui leur convient. Et, à nous, il convient de mettre en place les instruments qui vont leur permettre à la fois de s'intéresser à cette question, à la fois d'avoir l'information qui va leur permettre d'éclairer leur jugement, de les informer et de faire en sorte ensuite qu'ils puissent s'exprimer, s'ils le désirent, sur ces questions-là et qu'on respecte leur verdict. Si on croit que c'est une bonne chose de faire un regroupement ou d'utiliser d'autres moyens de consolidation de la communauté, c'est notre responsabilité de mettre sur la table les données et de faire en sorte que les citoyens y aient accès et que, l'éclairage étant apporté, on soit à l'écoute du verdict qui est le leur sur la façon d'organiser l'avenir pour eux.

Alors, bien sûr, des regroupements municipaux, ça ne peut pas se faire par inadvertance, de façon involontaire, ça doit se faire par volonté. Et cette volonté-là, elle doit être teintée de l'adhésion. Les gens doivent adhérer au projet, ça doit être leur volonté. On doit avoir leur consentement. Ça doit être voulu, dans le sens qu'ils souhaitent prendre une orientation. Et aussi, la volonté, c'est en même temps la détermination d'agir, le courage d'agir.

Le Haut-Richelieu est une région qui a une longue histoire. Je ne prendrai pas des minutes précieuses de cette Assemblée au moment où, en fin de session, nous avons beaucoup de projets sur la table, où le menu législatif est imposant et important – il y aura d'autres circonstances où on pourra revenir là-dessus – mais ce qu'il est important de dire, c'est que ce milieu-là est un milieu riche, un milieu où les possibilités sont nombreuses, un milieu qui a sa personnalité régionale propre, sa personnalité civique propre, qui a des moyens nombreux. Pour peu qu'on puisse ensemble définir une façon de les faire travailler en faisceau, il est certain que notre milieu peut être très prospère et très agréable sur le plan de la qualité de vie. Il faut éviter que le déclin qui s'est observé malheureusement dans les années dernières devienne la tendance lourde, il faut se donner un coup de fouet, et, cela, les intervenants du milieu sont disposés à le faire et, bien sûr, sont conscients que c'est nécessaire de le faire. Pas n'importe comment! C'est pour ça qu'il faut que le cheminement soit bien campé, bien adéquat et permette à la population, au bout du compte, d'avoir les vraies données et de se prononcer.

Nous avons beaucoup de réussites, par contre, dans le Haut-Richelieu; je pense qu'il faut aussi le mentionner. En évitant de parler de la situation actuelle, il ne faudrait pas négliger de dire qu'il y a des réussites. On a, par exemple, notre CLD qui est à l'oeuvre depuis seulement un an, qui apprend à fonctionner ensemble et à coordonner les énergies du milieu, qui faisait dans son rapport... le fait qu'il y a eu 49 300 000 $ d'investissements dans le Haut-Richelieu, création nette de 496 emplois dans la dernière période, c'est important, c'est majeur, mais on peut encore faire plus, on peut faire mieux. Et c'est pour cela qu'il faut qu'on se pose les questions sur: Comment voulons-nous aborder les années qui viennent, ensemble, pour faire en sorte d'être le plus prospère et bien chez nous?

En fait, les principaux arguments qui font en sorte qu'on doit faire un regroupement municipal, c'est souvent à l'auge des taxes municipales qu'on l'évalue et, pourtant, ce n'est pas l'argument premier. Il est vrai que combien coûtent les choses, c'est important, mais combien de choses on peut se donner avec l'argent qu'on a, c'est aussi une question fondamentale. Et, en fait, une ville qui a la bonne taille par rapport à l'importance de sa communauté et du contexte environnant, sur le plan régional, une ville qui se dote d'un projet de communauté, d'un projet local de développement concerté pour l'économie, l'emploi et la bonne humeur de vivre ensemble, c'est important parce que ça prépare l'avenir de notre collectivité et en particulier celui de nos jeunes.

L'unicité d'action au moment de faire des interventions, plutôt que de gaspiller dans des dédoublements d'installation, dans deux municipalités voisines qui rivalisent pour avoir le plus bel amphithéâtre, aréna – on peut les nommer – alors qu'il y a moyen de coordonner l'ensemble de ces activités-là, l'unicité d'action donc est un principe fondamental; la cohérence de la planification, pour éviter de se tirer dans le pied en faisant des concurrences d'un clocher à l'autre, d'une paroisse à l'autre, dans une même conurbation, plutôt que de se placer en faisceau pour tirer dans la même direction, aujourd'hui où les concurrents ne sont plus, comme je le disais tantôt, le village d'à côté mais la région d'à côté; la cohérence de la planification et la complémentarité des partenaires, plutôt que de considérer ses voisins comme des adversaires ou des concurrents, plutôt voir comment ensemble on peut choisir le cap, regarder à l'horizon et conjuguer les efforts des uns et des autres pour le meilleur intérêt de la communauté; développer une masse critique sur le plan économique, une masse critique susceptible d'attraction et de rétention des industries, des commerces, des institutions du milieu, un milieu où il y a une équité, où il n'y a pas une partie des citoyens qui se trouvent, par des raisons historiques, dans une situation d'inéquité par rapport, par exemple, à une ville qui est centre par rapport aux autres; un positionnement stratégique plus important, plus adéquat.

(12 h 40)

La municipalité que l'on propose serait la neuvième au Québec. On comprend que son positionnement stratégique sur le plan de l'importance politique par rapport à l'ensemble de l'État du Québec devient accru. On ne déplace pas un seul citoyen. On fait en sorte que, conjugués, ils aient un positionnement plus important.

Positionnement stratégique aussi en Montérégie, dans un contexte d'une métropole en pleine évolution. L'interface entre le marché américain et celui de la métropole se trouve géographiquement et sociologiquement et traditionnellement dans le Haut-Richelieu. Comment pouvons-nous tirer bénéfice le mieux possible de ce positionnement-là? Je pense que ce sont là toutes des raisons qui militent en faveur de donner à ce cheminement possible vers un regroupement toutes les chances d'être éclairé par des études rigoureuses, par un protocole qui a de la vision sur la façon de gérer notre avenir et aussi par un débat très large qui donne le dernier mot aux citoyens.

Alors, si on regarde ce qui s'est fait dans d'autres municipalités – d'ailleurs, les gens sont bien conscients de ça – au Québec, on a fait des sondages pour savoir, les villes qui avaient fait des regroupements, comment elles avaient vécu ça et comment elles se sentent là-dedans, y compris dans les regroupements qui ont été les plus contestés au départ. Partout, les gens sont unanimes à dire que c'est très positif.

Dans l'étude qui a été faite par le ministère des Affaires municipales, sur les 84 municipalités qui se sont regroupées de 1993 à 1998, on voit que 41 % des municipalités ont eu une baisse de taxes, 48 % ont eu les mêmes ou à peu près, et, dans tous les cas, il y avait plus de services. On voit donc que 11 % des villes seulement ont eu un léger accroissement de taxes. Et, quand on les examine, on s'aperçoit que ça correspond toujours à des rétablissements d'équité qui auraient coûté beaucoup plus cher si la réalité des coûts avait été appliquée par la ville, qui était en quelque sorte parasitée, et qui finalement rétablissent l'équité.

Et est-ce que c'est à la satisfaction des gens? Eh bien, oui. Le même sondage dit que – et là, c'est plus que sur les heures d'ouverture le dimanche ou sur la couleur de la margarine, là – 94 % des élus de ces municipalités – 94 % – sont très satisfaits ou satisfaits de la situation et qu'ils ne reviendraient pas en arrière. Et ils estiment que leur population est satisfaite à 97 %. Ce n'est pas rien, M. le Président. C'est majeur.

Dans 42 % des cas d'ailleurs, on observe que les services sont meilleurs, et, dans 56 %, les services ont été maintenus à coût moindre. Alors, ça veut dire que 98 % des cas, les services sont ou bien maintenus à coût moindre ou meilleurs qu'avant.

Alors, je pense que les gens sont conscients de ce genre de choses là, et c'est ce qui explique qu'actuellement la population en général est ouverte à ce qu'on lui fasse une démonstration, à ce qu'on lui propose des données, à ce qu'on voit comment, si on s'organisait autrement, on pourrait mieux vivre ensemble et mieux planifier l'avenir de notre communauté. Donc, c'est pour être mieux organisé qu'il faut s'adresser à ces questions-là.

Dans le Haut-Richelieu, M. le Président, j'ai la satisfaction de vous dire que c'est un engouement très général qu'il y a concernant l'hypothèse de cette fusion-là. Les citoyens sont au courant. Les sondages sont clairs. J'ai des sondages, par exemple, effectués de 1997 à 1999. En 1997, à titre d'exemple, M. le Président, dans Saint-Saint-Jean-sur-Richelieu, 75 % de la population était très ou assez favorable à la fusion et 14,6 %, donc disons 15 %, était contre; Saint-Luc, c'était 61 % à 25 %; Iberville, 64 % à 25 %. En 1998, en octobre, un sondage à Saint-Jean a donné 72,5 % en faveur du regroupement municipal, 11 % contre. C'est des statistiques éloquentes. Dans Iberville, les semaines passées, il y a deux semaines, un sondage a donné 66 % favorable, 17 % contre. Alors, voilà donc un témoignage que la population est très favorable.

Les appuis non seulement au projet de loi, parce que le projet de loi, c'est une modalité, c'est une occasion pour le milieu d'aller jusqu'au bout de sa démarche, mais les appuis sont très nombreux. D'abord, ça a été le milieu communautaire qui s'est manifesté, Solidarité populaire, puis ensuite les agriculteurs qui regardent d'un bon oeil, disent qu'ils vont se prononcer incessamment, mais ils sont positifs, le milieu de la culture est positif, le tourisme, les commerçants, les industriels, tout le monde est très positif.

Il s'est créé l'Alliance du Haut-Richelieu, un organisme qui vise à s'assurer que l'information va être disponible, qu'elle va circuler et qu'elle va se rendre aux citoyens, qui va veiller au grain, s'assurer que la démarche démocratique sera respectée jusqu'au bout. Et ce comité d'ailleurs est présidé par deux anciens députés: l'un a été président... excusez, non, lui, il n'a pas été président de l'Assemblée nationale, c'était un député libéral d'Iberville, M. Jacques Tremblay; l'autre a été ministre du cabinet de M. Mulroney, et c'est M. Bissonnette. M. Bissonnette a siégé d'ailleurs aux côtés du chef de l'opposition et du chef du gouvernement actuel dans ce cabinet-là. Alors, ces deux personnes qui sont désormais dans la vie civile mais qui sont très impliquées dans leur milieu ont décidé de prendre conjointement la présidence de ce comité de citoyens.

Le Parti libéral aussi a pris position en faveur d'une démarche respectueuse de la population dans laquelle l'information va circuler, une démarche qui va faire en sorte que, au bout du compte, il y aura une consultation et que les gens pourront s'exprimer de façon claire.

Il y a bien sûr des contraintes, on pourra y revenir à d'autres étapes du projet de loi, il y a des contraintes bien sûr qui existent, des contraintes du quotidien, des craintes, des habitudes, les problèmes, la peur de payer les taxes des autres, les dettes des autres, alors qu'on sait très bien qu'il n'est pas du tout question que quiconque paie la dette des autres. Le passé, on en est responsable; ce qu'on cherche à savoir, c'est comment ensemble on va investir dans l'avenir. Maintenant, il y a toutes les énergies à investir là-dedans, l'arrimage des conventions collectives, la pension des élus – il y aurait des choses à dire là-dessus – le nom de la municipalité, parce que le sentiment d'appartenance, y a-tu quelque chose de plus important et de mieux traduit que par le nom de la municipalité? Donc, voilà des contraintes qu'il faut respecter, dont il faut tenir compte, mais, quand on fait la démarche de façon très sereine, très complète, ça nous permet d'arriver à quelque chose d'intelligent à ces égards-là.

Le projet de loi, donc, crée une pause dans le temps, évite que des élections viennent perturber le cheminement. Quand il y a cinq villes, une année, c'est une qui est en élection, l'autre année, c'est l'autre, après ça, il y en a des provinciales, des fédérales. Bon. Là, un espace, une pause ou une démarche sur un calendrier, suffisamment long pour que toutes les étapes soient faites correctement mais suffisamment court pour qu'on aboutisse, qu'on ait une espèce d'obligation de résultat, est mis en place. Alors, voilà, c'est l'essence même du projet. Il s'inscrit donc dans le cheminement du milieu.

Et les élus municipaux, le 24 avril, ont décidé ensemble – ils étaient, pour la majorité, présents, les cinq conseils ensemble – de tout un cheminement et ils ont fait des suggestions. On a modifié le projet de loi pour tenir compte de ça, pour que ça fonctionne bien. Il y a eu des résolutions unanimes dans les cinq hôtels de ville pour s'engager à l'action. C'est sûr qu'il y a et qu'il y aura des inconvénients, on ne s'entendra pas sur une chose, on ne s'entendra pas sur l'autre, mais il y a une volonté de travailler, et je pense que c'est ça qu'il faut souligner et qui est important.

Je voudrais mentionner, avant de passer à ma conclusion, M. le Président, que ce n'est pas une démarche exagérément prématurée qui se passe dans Le Haut-Richelieu. Déjà, en 1917, on avait commencé, à la Chambre de commerce, à parler de ce genre de choses là. Et, en 1921, il y a la première résolution écrite, à cet égard, qui a été déposée par la Chambre de commerce. À la fin de mon intervention, je déposerai, pour les fins de l'Assemblée nationale, la page 27 du cahier de la Chambre de commerce, où on voit que le président Prézeau et le secrétaire Poulin font une demande pour étudier la fusion. Donc, on parle de 1921, ce n'est pas exactement prématuré. Mais, périodiquement, ces choses-là sont revenues sur le tapis.

Et, aujourd'hui, tous ceux qui ont à coeur le milieu, que ce soit la Chambre de commerce ou l'ensemble des députés... Il y a 15 députés encore vivants, d'Iberville et de Saint-Jean, fédéral et provincial ensemble réunis. L'ensemble des députés, au-delà des lignes de partis, tous sont en faveur. On a été même une dizaine à figurer sur la même photo, à l'occasion d'une prise de position commune. Mais je voudrais mentionner Jérôme Proulx, Jacques Veilleux, Pierre Lorrain, Michel Charbonneau, Alfred Croisetière, Jacques Beauséjour, Jacques Tremblay, Yvon Lafrance, Richard Le Hir, Paul-André Massé, André Bissonnette, Clément Couture, Claude Bachand, l'actuel député d'Iberville et l'actuel député de Saint-Jean, tous impliqués dans notre milieu de façons différentes, impliqués dans notre milieu et à l'écoute des gens, tous, au-delà des lignes de partis, et tous les partis sont représentés, on est en faveur non seulement de la démarche, mais de cette fusion de nos municipalités.

(12 h 50)

Alors, qu'est-ce qu'il va se passer maintenant? Maintenant, je demande à mes collègues de l'Assemblée nationale de me permettre et de permettre, à travers ce projet de loi, aux citoyens de ma communauté de faire un cheminement. Le cheminement sera en quatre temps: cet été, on fera les études avec l'aide de la ministre des Affaires municipales, qui s'y est engagée lors d'une rencontre avec les cinq maires; cet automne, on fera le protocole; cet hiver, un débat public; et, au printemps, on donnera le dernier mot aux citoyens. Ils pourront exercer leur volonté en connaissance de cause.

Beaucoup de travail reste à faire, M. le Président, mais ce qui est important, c'est que, quelle que soit la démarche, la planification, les gens de chez moi, les gens du Haut-Richelieu pourront choisir non pas d'avoir un quelconque futur, mais d'avoir un réel avenir. Merci, M. le Président.


Document déposé

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Jean. Nous allons... Excusez-moi! Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Il y a consentement. Très bien. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, compte tenu de l'heure, je vais proposer l'ajournement. Nous reprendrons en séance subséquente, à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous suspendons donc nos travaux à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 52)

(Reprise à 15 h 2)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, si vous voulez nous indiquer le point à l'ordre du jour.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, nous reprendrons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 194. Donc, je vous réfère à l'article 57 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le leader adjoint. À l'article 57, M. le député de Saint-Jean propose l'adoption du principe du projet de loi n° 194, Loi concernant le regroupement des municipalités d'Iberville, de L'Acadie, de Saint-Athanase, de Saint-Jean-sur-Richelieu et de Saint-Luc. M. le député de Saint-Jean avait terminé son intervention, je crois, alors je vais céder la parole à M. le député de Laurier-Dorion. M. le député.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir dans le cadre de ce débat sur le regroupement de cinq villes du Haut-Richelieu, un projet de loi qui est présenté par un collègue ministériel. C'est une des rares occasions que nous avons en cette Chambre, comme députés, de proposer de façon concrète des choses qui changent la façon dont nos concitoyennes vivent leur vie, et on voit de façon concrète également le résultat de nos actions ici. Et c'est dans ce sens-là que c'est un plaisir d'intervenir dans ce contexte, d'autant plus que je dirais que, la première fois, il y a presque 20 ans – 18 pour être plus exact – j'arrivais en cette Chambre et un des premiers projets de loi devant lesquels j'ai dû faire mon apprentissage de député, c'était un autre projet de loi qui touchait la fusion de deux villes. Mais c'était un projet de loi qui était un peu différent; il s'agissait, vous vous en rappellerez peut-être, du projet de loi qui forçait la fusion de Baie-Comeau, Hauterive.

Pour un nouveau député qui arrivait, à l'époque, c'était tout un apprentissage, parce qu'on a vu déferler ici, en cette Assemblée, des dizaines puis des dizaines sinon des centaines de personnes qui étaient concernées par le projet de loi, en provenance des villes de Baie-Comeau et de Hauterive, au point où le sergent d'armes, M. le Président, a dû intervenir en commission parlementaire pour mettre fin à une bousculade qui avait éclaté lors de l'un des débats assez houleux qu'a entraînés ce projet de loi. Il y a eu presque de la violence à l'Assemblée nationale autour de ce projet de loi, à l'époque, mené par le ministre du temps, M. Marc-André Bédard, si ma mémoire est bonne. Et ça m'avait marqué...

Une voix: ...

M. Sirros: Lucien Lessard, effectivement. Merci pour ce rappel, M. le Président. C'était M. Lucien Lessard qui était ministre responsable du projet de loi et qui avait ordonné la fusion des deux villes. Et, si je pige un peu dans mes souvenirs de cette époque, c'est parce que c'était un exemple à éviter, ce dont on a, je pense, tous, par la suite, convenu. Et d'ailleurs, d'après ce qu'on me dit, presque 20 ans plus tard, les remous ne sont pas encore terminés ou les cicatrices ne sont pas encore cicatrisées. Il y a encore des gens à Baie-Comeau–Hauterive qui ont une mémoire amère de cette situation, et c'était un mariage forcé qui évolue ou a évolué très mal.

Et c'est dans ce sens-là que je dis que c'est un plaisir d'intervenir dans le cadre de ce projet de loi, parce que c'est le pendant inverse. C'est un exemple à suivre, je dirais, ce que nous avons ici, devant nous. Et je le dis sans partisanerie, parce que je disais tantôt à mon collègue le député de Saint-Jean – et je n'ai pas eu l'occasion de le dire à celui d'Iberville qui copilote, en quelque sorte, ce projet de loi – qu'ils sont chanceux d'avoir été là au moment où le milieu leur a demandé d'être des porteurs des désirs du milieu. Et ça aurait pu être d'autres, il s'agit que ce soient ces deux pour l'instant. Ils sont appuyés dans ça par un ensemble d'intervenants du milieu de toutes provenances politiques; donc ce n'est pas ici une question de dire que c'est un projet d'un député ministériel, c'est un projet qui véhicule une volonté du milieu. C'est ce que j'ai confirmé avec des consultations, des contacts, des échanges, la lecture de la revue de presse, etc. Et c'est dans ce sens-là que je trouve que je suis heureux d'intervenir, 18 ans plus tard, dans le contexte d'un regroupement de municipalités qui se fait sur des bases qu'on avait, nous, à l'époque, défendues également.

Et nous avons été conséquents depuis tout ce temps-là, parce qu'une des lignes directrices que nous avons gardées ici, du côté de l'opposition, à ce moment-ci, c'était de promouvoir, dans la mesure du possible, les regroupements en se basant sur la volonté du milieu, l'encouragement qu'on peut donner aux gens de trouver un intérêt à mettre leurs forces en commun. D'autant plus qu'on se trouve, M. le Président, à la veille du IIIe millénaire, et nous sommes effectivement à un moment où nous sommes en train de regarder comment on va s'organiser comme société pour faire face au IIIe millénaire. On va se donner des façons de faire qui vont concorder avec la réalité que nous vivons maintenant et que nous projetons vivre dans l'avenir également, donc de pouvoir trouver cette nouvelle façon de faire afin de préparer l'affrontement que nous aurons à faire de l'avenir.

Cet affrontement, M. le Président, d'un avenir qui va se situer de plus en plus dans un contexte que nous connaissons tous, un contexte d'ouverture de marchés, un contexte de globalisation, il doit se fonder sur deux concepts: le concept de la reconnaissance des identités, locales dans ce cas-ci, et le concept de l'interdépendance entre les gens qui vivent ensemble. Et ces deux concepts d'interdépendance et de reconnaissance nécessitent qu'on trouve l'équilibre qui doit exister entre ces deux choses là, c'est-à-dire l'équilibre qui doit exister entre, comment je peux dire, l'interdépendance de nos liens économiques et la reconnaissance de ce que chacun d'entre nous est, selon l'organisation qu'on se donne. Mais le concept de l'équilibre, M. le Président, véhicule la notion qu'il faut qu'on cherche avec soin à trouver cet équilibre, parce qu'un équilibre se construit par un jugement puis des ajustements; il ne se construit pas par des coups de massue, M. le Président.

Et c'est dans ce sens-là que le projet de loi n° 194 reprend dans son principe cette approche d'un soin judicieux par rapport à l'équilibre qu'on recherche entre la notion d'interdépendance des municipalités, dans ce cas-ci, qui vivent et évoluent dans un territoire commun, et la reconnaissance de ce que chaque municipalité est. Et c'est pour ça qu'il me fait plaisir de pouvoir dire aujourd'hui au milieu concerné, au milieu qui a mobilisé ses forces, que, nous, de ce côté-ci de la Chambre, serons heureux d'appuyer ce projet de loi, M. le Président, d'autant plus qu'il est caractérisé par le principe qui nous a toujours guidés dans toute la question des regroupements des municipalités, c'est-à-dire qu'il s'agit de regroupements basés sur le désir du milieu et sur le respect fondamental du processus démocratique.

(15 h 10)

Et dans la mesure, M. le Président, où on peut s'assurer que cette acceptation de reconnaître le pouvoir ultime de l'identité locale de s'exprimer par rapport à ce que cette communauté considère son meilleur intérêt et la possibilité de le faire de façon démocratique, il va de soi qu'on nous enlève toute possibilité de le faire de façon démocratique, il va de soi, qu'on nous enlève toute possibilité, comment puis-je dire, de présenter des embûches à ce projet de loi. Donc, notre rôle d'opposition ici sera une de nos positions constructives qui viseront à s'assurer que la volonté du milieu sera respectée, que l'exigence de la transparence et de la démocratie sera également respectée. Et il ne faut pas non plus oublier que ce projet de loi arrive à un moment de notre vie parlementaire et de vie sociale où nous sommes également en train d'examiner un ensemble d'autres questions précisément sur le sujet de l'organisation de nos communautés locales. On a vécu depuis une couple d'années des moments difficiles au niveau des négociations entre les municipalités et le gouvernement sur les ententes afin d'atteindre le déficit zéro. Il y a eu un rapport qui a été déposé, il y a à peine quelques semaines, qui propose une vision des choses, dont le regroupement fait partie de ces recommandations.

C'est donc dans ce contexte qu'il faut aussi regarder le projet de loi n° 194 qui arrive de l'initiative du milieu, véhiculé ici par les députés qui se trouvent à être en place dans ce milieu, M. le Président. C'est donc sous cet angle-là également que nous l'avons examiné. Et, après cet examen, nous sommes arrivés à la conclusion que le projet de loi comporte en son sein des principes sains de respect de la démocratie, étant donné que ce n'est pas strictement les élus locaux, les maires ou les conseillers, qui auront à décider du bien-fondé ou non d'un regroupement de leurs municipalités, mais que dans une question de cette nature qui changera pour l'avenir et pour toujours probablement, tout au moins pour très longtemps, la nature de l'organisation politique, ça revient aux citoyens de se prononcer sur la question. Et il revient aux personnes responsables, des personnes comme les maires ou les conseillers qui sont allés chercher des mandats pour représenter ces populations, de mettre devant la population les arguments pour ou contre, le cas échéant, et de permettre ultérieurement à la souveraineté du peuple de s'exprimer sur la question. Et il est intéressant de voir donc que le projet de loi met la responsabilité ultime là où elle doit être: entre les mains du peuple, entre les mains de ceux qui auront à vivre ce qui est proposé. C'est donc une approche éminemment démocratique dans son principe, M. le Président. C'est pour cette raison que ça nous facilite la tâche de pouvoir dire au député qui le présente ici aujourd'hui et à la ministre des Affaires municipales, qui, j'espère, écoute à un moment donné, que ça me fera plaisir d'appuyer le principe de ce projet de loi, M. le Président.

Et j'insiste sur ça parce qu'il est, comme je le disais, une période qu'on vit où les gestes qu'on pose ici, dans ce projet de loi, auront nécessairement des conséquences également sur le reste de la société. Parce que, normalement, on évolue comme société en apprenant de notre passé et en construisant sur notre avenir, en tirant les leçons du passé. Et nous avons ici, je pense, un excellent exemple de ce qui est, à mon point de vue et à notre point de vue comme opposition officielle, éminemment exportable à l'ensemble des municipalités du Québec, surtout dans le contexte de la recherche de cette nouvelle façon de s'organiser en vue du IIIe millénaire, M. le Président: une démarche respectueuse de la volonté populaire et respectueuse de la démocratie fondamentale. Elle doit reposer sur l'information, la transparence et le recours ultime à l'entérinement par les populations concernées.

Donc, en appuyant aujourd'hui ce projet de loi, nous voulons aussi donner un message clair au gouvernement et à l'ensemble de la société que les exemples comme Baie-Comeau–Hauterive sont à proscrire et que les exemples comme le regroupement des cinq municipalités du Haut-Richelieu sont à encourager. Et pour les encourager, j'en tire la conclusion, M. le Président, qu'il va de soi que ce qui est bon pour un Québécois est bon pour tous les Québécois. Et s'il est vrai que, dans le cas des regroupements de ces cinq municipalités, on s'assure... parce qu'on a inscrit dans le projet de loi qu'il y aura nécessairement une possibilité de tenir un référendum dans le cas de ces fusions qui, on se rappelle, je le rappelle, n'est pas un projet qui arrive dans un vacuum. C'est un projet qui a été travaillé de longue haleine et un projet qui a été travaillé avec de l'information donnée aux populations pour justement aplanir les résistances, parce que la résistance, plus souvent qu'autrement, elle vient du fait que les gens ne connaissent pas les conséquences, et il y a bien des gens qui peuvent dire toutes sortes de choses. Mais, tant et aussi longtemps que les gens n'ont pas accès à l'information, ils sont susceptibles d'être, comment puis-je dire, déviés de la réalité en croyant toutes sortes de choses.

Donc, ce projet de loi prévoit que, dans le cas où un conseil municipal votera que ce n'est pas dans son intérêt de se regrouper avec les autres municipalités, il va nécessairement y avoir ouverture d'un registre au conseil de ville pour permettre à ceux... Non, je m'excuse. Dans le cas où un conseil municipal refuserait de se regrouper avec les autres, il va y avoir nécessairement un recours à un référendum pour demander à la population si elle est d'accord avec la décision de ses élus.

Dans le cas inverse, dans le cas où un maire et son conseil municipal décideraient qu'ils veulent se regrouper, là non plus, ce n'est pas automatique, parce que – et c'est ça qui est intéressant, parce que c'est vraiment respectueux de la démocratie – là, on va ouvrir le registre. Et, si jamais il y a dans le milieu des gens et des groupes qui prétendent que ce n'est pas dans l'intérêt des citoyens de cette municipalité de se regrouper avec les autres, ils vont pouvoir enclencher le processus référendaire et remettre entre les mains des citoyens la décision ultime quant à la participation de la municipalité à ce processus de regroupement.

Donc, ce n'est pas quelque chose qui est décidé strictement par les élus, au niveau municipal, mais c'est nécessairement remis entre les mains de la population. Et ça, on le dit clairement, c'est un exemple à suivre, parce que, à partir du moment où on se réfère à la population, et où on est obligé, ce faisant, de leur expliquer pourquoi telle option ou telle option est la voie à suivre, ça nous force, tous et chacun, à nous en remettre à la démocratie et à expliquer nos arguments, et à expliquer notre point de vue et à le défendre, M. le Président, dans un débat calme et serein, dans un débat qui permet aux gens de faire valoir les arguments en faveur de chacune de leurs positions.

Il me semble que, les référendums, on en a assez tenu pour savoir que, effectivement, c'est un processus démocratique. Alors, dit dans le cas du Haut-Richelieu, ça vient confirmer que la communauté pourra ultimement décider. Il me semble que nous avons là un excellent exemple à suivre.

(15 h 20)

Je ne sais pas ce que la ministre voulait dire ce matin par... parce que je lui posais la question, vous vous rappellerez, M. le Président, que, si c'était bon pour Saint-Jean-sur-Richelieu, le Haut-Richelieu, ce principe de la tenue du référendum et le respect des résultats, pourquoi ça ne serait pas bon ailleurs. Je ne sais pas ce qu'elle voulait dire en disant que ça serait peut-être bon ailleurs, en autant qu'il ne s'agit pas d'avoir des égoïsmes sociaux, de défendre des égoïsmes sociaux. Il faudrait qu'on nous définisse c'est quoi, un «égoïsme social». Si, dans le cas des municipalités, dans le cas qui nous préoccupe ici, une ville refuse... La population, pas la ville, pas les maires, pas les conseillers, mais la population qui s'exprime par voie référendaire, après avoir eu accès à toute l'information et avoir pu juger comme des adultes matures, comme des citoyens matures, décide que ce n'est pas dans son intérêt, est-ce que ça va être considéré comme un égoïsme social, ou est-ce que cet égoïsme social va s'appliquer seulement dans certains cas? Et lesquels? Vis-à-vis certains groupes? Et lesquels? Ça, je laisse le soin à la ministre de définir ce qu'elle voulait dire par «égoïsme social», M. le Président, en vous disant pourtant que, moi, ça me laisse plutôt froid, cette façon de faire les choses, et je n'ai pas la prétention de pouvoir être omniscient et décider, moi, à la place de tous, c'est quoi, un comportement socialement égoïste de la part de tel ou tel groupe, une fois que le groupe se serait exprimé librement suite à un processus démocratique.

Mais, ça étant dit, j'en retiens ici le fait que, d'ores et déjà, le principe de la tenue d'un référendum, dans le cas d'un regroupement, est acquis. Je ne peux pas concevoir que le gouvernement va dire qu'un projet de loi qui est présenté par un de nos députés et qui comporte l'exigence de la tenue d'un référendum va être correct dans ce cas-ci, mais on ne va pas permettre la tenue d'un référendum dans d'autres situations de regroupement.

Deuxième chose qui reste à voir, c'est: une fois ce référendum tenu... Et ça, ce n'est pas encore acquis, mais on verra. Il me semble que c'est acquis dans l'esprit du projet de loi, mais ce n'est pas encore acquis, à mon point de vue, au niveau de l'intervention qu'on a eue ce matin de la part de la ministre. Une fois ce référendum tenu puis la volonté exprimée, est-ce qu'on va respecter cette volonté? On verra. Mais ici, d'après ce que je peux comprendre, puis on pourra examiner plus à fond cette question en commission parlementaire avec les collègues, il me semble que c'est ça, la volonté du milieu, que, si jamais, suite à un débat ouvert, transparent, où l'information circule, où personne n'est otage de quiconque, où on a pu avoir une période de discussion honnête, transparente et démocratique, si, pour une raison x, une municipalité décide qu'elle préfère continuer comme elle était, je comprends que ce qui est dans le projet de loi prévoit que le souhait de ceux qui le présentent et du milieu serait de respecter cette volonté.

Il n'est pas acquis dans le projet de loi que la ministre va nécessairement respecter cette volonté, puis elle n'a pas pu me confirmer ça ce matin. Donc, on a une partie qui est acquise pour l'ensemble du Québec, c'est-à-dire que, normalement, il devrait y avoir la possibilité pour les populations de s'exprimer par référendum quand il s'agira de projets de regroupement des municipalités, et le deuxième pas qui reste à faire, c'est de s'assurer que cette volonté sera respectée.

Alors, c'est dans ce contexte, M. le Président, qu'il me fait sincèrement chaud au coeur de voir qu'un député parmi les 125 qui siègent ici, avec le milieu, avec les ex-députés de toutes les formations politiques... Et je disais à la blague que c'est par hasard que le député de Saint-Jean est là aujourd'hui. Ça aurait pu être un député du Parti libéral, et, sans lui souhaiter de mal, je souhaite que ce soit un député du Parti libéral qui verra éventuellement la mise en application de ce projet. Mais ça me fait chaud au coeur, donc, de voir que nous pourrons ici ensemble franchir un pas qui va permettre à nos concitoyens de vivre une conséquence réelle de tout le parlottage qu'on fait dans le Parlement et que finalement toutes les paroles qu'on se dit et qu'on fait ont aussi des aboutissements concrets.

Il me reste à souhaiter que la ministre, qui aura des décisions importantes à prendre dans les mois à venir, pourra, elle aussi, tirer leçon du processus qui a été mis sur pied, de l'exemple qui est présenté ici et prendre la décision que ce qui est fait ici, ce que nous acceptons tous aujourd'hui de promouvoir et de mettre de l'avant est un modèle exportable. C'est effectivement un nouveau modèle québécois, on pourrait dire, par rapport aux regroupements. Ça nous permettra de s'asseoir sur nos forces, et nos forces, c'est de pouvoir évoluer de façon consensuelle en société, parce que, chaque fois qu'on se confronte, on se divise, et que, chaque fois qu'on se divise, on s'affaiblit. À la veille, comme je disais – pour conclure tranquillement, dans le calme – du IIIe millénaire, il me semble que c'est important qu'on puisse donc pouvoir se brancher sur les leçons du passé, en tirer des leçons, s'asseoir sur ce que nous avons déjà acquis et bâtir ensemble un avenir plus fort parce qu'il sera basé sur l'harmonie sociale, le consensus et surtout la démocratie et le respect des populations locales. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laurier-Dorion. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, je voudrais intervenir sur ce projet de loi n° 194, Loi concernant le regroupement des municipalités d'Iberville, de L'Acadie, de Saint-Athanase, de Saint-Jean-sur-Richelieu et de Saint-Luc, déposé par mon collègue le député de Saint-Jean. Je dis «collègue» même si on n'est pas dans le même parti, mais nous sommes dans la même région, donc il arrive que nos intérêts se rejoignent quand il s'agit de défendre les intérêts des citoyens.

Mon collègue le député de Laurier-Dorion et porte-parole en matière d'affaires municipales et de la métropole a éloquemment exprimé le point de vue auquel j'adhère, à savoir que c'est une initiative qu'il faudrait souligner, à savoir aussi qu'il faut poser les bonnes questions pour avoir les bonnes réponses et respecter un certain nombre de paramètres.

D'abord, sur l'initiative, je voudrais la saluer, parce que c'est rare qu'un député, de sa propre initiative, décide d'agir comme animateur dans son milieu pour rassembler les forces vives autour d'un projet rassembleur. Et donc, de ce côté-là, je pense que c'est quelque chose qu'il faudrait souligner, bien qu'il y ait deux collègues, le collègue d'Iberville, aussi, s'est associé à l'initiative. J'ai eu l'occasion de parler avec le député de Saint-Jean sur ce projet de loi, il m'en a informée, il m'a informée de la démarche qu'il entreprenait, comme porte-parole de l'opposition officielle pour la région de la Montérégie. J'ai eu aussi l'occasion de parler avec les décideurs locaux et régionaux, j'en ai parlé également, lors du congrès de l'Union des municipalités, avec des personnes concernées par ce processus-là, qui m'ont sensibilisée à leurs préoccupations par rapport à ce projet de loi. J'ai eu également l'occasion de me rendre, il y a deux semaines, dans le beau comté de Saint-Jean et de parler avec les représentants des citoyens sur un certain nombre de dossiers, notamment celui-là.

Donc, M. le Président, je peux dire que, comme Montérégienne, et considérant que ce projet de fusion qui nous est soumis touche une partie de la Montérégie, j'ai suivi ce dossier-là avec grand intérêt. Tantôt, j'ai salué l'initiative, je voudrais aussi saluer l'implication du milieu, des élus locaux, les socioéconomiques, les anciens députés de tous les partis, au fédéral, au provincial, qui ont, d'une certaine manière, ouvert le chemin à cet exercice. Et je pense qu'on ne peut pas le rejeter du revers de la main; il faut regarder ça attentivement, il faut voir un peu c'est quoi, d'abord, les possibilités qu'un projet comme celui-là puisse réussir. Qu'il puisse réussir dans l'intérêt des citoyens, on le souhaite vivement, et peut-être même qu'on pourrait tirer des leçons de cette expérience.

(15 h 30)

Et ce que je constate à la lumière des consultations que j'ai faites, de la documentation que j'ai lue, notamment les écrits qui ont couvert ce projet de loi, je suis forcée de constater qu'il y a un consensus qui s'est dégagé dans la communauté, dans différents milieux, dans différents conseils municipaux. On parle ici de cinq villes, bien entendu.

Par ailleurs, lors de ma rencontre, il y a deux semaines, à Saint-Jean, j'ai rencontré des citoyens de L'Acadie qui m'ont dit qu'ils étaient préoccupés de l'avenir des municipalités rurales, des petites municipalités, dans la fusion à l'intérieur d'une agglomération où elles perdraient leur identité. Et donc, ils m'ont questionnée sur la position que j'aurais à prendre par rapport à ce projet de loi, et je leur ai dit, M. le Président, je vous répète ce que je leur ai dit: Dans mon esprit à moi, d'abord, la fusion, ce n'est pas du mur-à-mur. Il faut s'assurer que ce soit une initiative d'abord sur une base volontaire, à laquelle adhèrent tous les acteurs qui sont impliqués dans un tel dossier. Non seulement au niveau du processus, mais il y a quand même un certain nombre de paramètres qu'il faudrait garder à l'esprit lorsqu'on parle de fusion des municipalités. La première, c'est qu'il faut que ça se fasse dans un processus démocratique et transparent. C'est une exigence fondamentale, c'est également une preuve de succès. Et une telle démarche ne peut pas être entreprise par une seule personne, quel que soit le poids que cette personne-là puisse avoir dans la communauté. Il faut également rallier l'ensemble des acteurs, l'ensemble des intervenants autour d'un projet rassembleur de fusion.

Deuxièmement, il faut garder à l'esprit qu'une fusion des municipalités, c'est un brassage de structures et que, s'il faut faire un exercice de cette ampleur, il faut garder toujours à l'esprit l'importance de la fiscalité municipale, donc placer les citoyens au centre des préoccupations. Si une fusion municipale a pour conséquences de pénaliser les citoyens, d'augmenter leur taux de taxes, alors que nous sommes les citoyens les plus taxés en Amérique du Nord, M. le Président, il y a lieu de questionner une telle fusion.

Troisième paramètre important, ce sont les services à la population. Est-ce que la fusion va permettre d'améliorer l'accessibilité, la disponibilité et la qualité des services à la population? Si on répond oui à cette question, elle est au centre du débat, parce que les municipalités, leur premier mandat, c'est d'abord d'offrir des services de première ligne à la population, au niveau municipal.

Et, finalement, c'est subjectif, mais c'est aussi important, au-delà des symboles, il y a toute la question du sentiment d'appartenance. Il faut que les communautés qui sont invitées à s'associer, à s'impliquer dans une fusion municipale, se sentent totalement à l'aise, se sentent partie prenante. C'est pourquoi je me permets aujourd'hui, dans ce forum, d'exprimer les craintes que j'ai reçues des citoyens de L'Acadie qui se préoccupent de leur place à l'intérieur d'une grande agglomération, et c'est une crainte légitime. Il s'agit tout simplement d'y répondre intelligemment, parce que c'est fondé. Quand on a été habitué à vivre et à être servi dans un espace beaucoup plus près de nous, au niveau de l'exercice municipal, et que tout d'un coup on se retrouve dans une agglomération où on sent que le lieu de décision s'éloigne de nous, les citoyens sont concernés, et il faut être à leur écoute. Et j'invite mon collègue le député de Saint-Jean à tenir compte de cette préoccupation, elle est essentielle.

L'exigence de la démocratie, j'en ai parlé tantôt. Concrètement, pour revenir à ce projet de loi en particulier, c'est qu'il faudrait s'assurer que non seulement les décideurs locaux, par la voie des conseils municipaux, non seulement les décideurs économiques, que ça soit la chambre de commerce, l'association des gens d'affaires, et tout le tissu social qui gravite autour de cette agglomération-là, doivent être impliqués, il faut aussi que les citoyens soient impliqués et qu'ils le soient par voie de référendum. Je pense que c'est une exigence essentielle, conditionnelle au succès d'une telle entreprise. Donc, il faut donner la parole aux citoyens même si le consensus se dégage jusqu'à maintenant, et on peut s'en réjouir, donner la parole aux citoyens, parce que c'est eux, les payeurs de taxes, c'est eux qui vont avoir ou ne pas avoir les services, et je pense que c'est extrêmement important de considérer impérativement cette exigence.

Je ne peux pas m'empêcher, M. le Président... Parce que j'ai écouté le député de Saint-Jean présenter le projet de loi et dire à quel point il trouve essentiel et déterminant pour la nouvelle agglomération qui va se créer, si elle se crée, d'être un nouvel espace à la fois économique, social et culturel à l'intérieur de la Montérégie. Il a parlé aussi des liens économiques avec les États-Unis. Et c'est important; moi, je plaide pour ça. Puis le député de Saint-Jean connaît ma position là-dessus.

Mais, en même temps, je ne peux pas m'empêcher de lui signaler que sa collègue la ministre responsable de la Montérégie, elle veut démembrer la région de la Montérégie. Et pourtant, c'est une force vive, une force importante dans laquelle évoluent différentes sous-régions, avec des particularismes, avec des sentiments d'appartenance, avec des besoins, avec des réalités économiques. La Montérégie, c'est une région à la fois urbaine et rurale. C'est à la fois le centre névralgique de la nouvelle technologie. C'est également le lieu où on a une technopole agroalimentaire, c'est le jardin du Québec. Et tout ça fait partie de la force de la Montérégie. Alors, cette force-là qui existe, qui est fonctionnelle, qui est en action, en mouvement, la ministre de la Montérégie, elle, pense qu'il faudrait démembrer cette région-là, pour des raisons, M. le Président, que j'ignore parce que jusqu'à maintenant elle n'a pas été en mesure d'aligner une raison qui se tienne, qui soit logique, qui soit cohérente et qui soit compréhensible.

Alors, je trouve qu'il y a comme un contresens: d'un côté, vous avez un député qui, lui, veut rassembler les forces à l'intérieur d'une seule ville, il veut regrouper cinq villes en une seule et il trouve dans cette façon de procéder une façon d'outiller cette ville-là, cette nouvelle structure, de forces encore plus grandes pour faire face à la mondialisation, aux relations Nord-Sud, aux échanges économiques; et, de l'autre, vous avez la ministre responsable de la région qui, elle, veut démembrer sa région, démembrer cette force vivante, complémentaire qui fait la force de la Montérégie, deuxième région en importance au plan démographique, l'une des régions économiques les plus dynamiques au Québec, qui est forte non seulement de sa force économique, mais aussi de sa diversité. Alors, M. le Président, je tenais à le rappeler parce que je sais que ce sont deux mouvements contradictoires, mais c'est à l'intérieur du même gouvernement.

J'ai également entendu la ministre responsable des Affaires municipales et de la Métropole nous parler tantôt, en réponse à une question qui lui a été posée par mon collègue le député de Laurier-Dorion, d'«égoïsmes sociaux», en qualifiant les décideurs qui ne veulent pas nécessairement marcher dans l'itinéraire de la fusion, et je trouve ça regrettable, de la part de la ministre qui est responsable de ce dossier, de parler des décideurs locaux dans ces termes-là.

(15 h 40)

Et je profite de cette occasion qui m'est donnée d'appuyer l'initiative qui est devant nous et qui est exprimée dans le projet de loi n° 194, de réaffirmer par la même occasion que, si on salue cette initiative, on n'est pas pour le mur-à-mur. Si ce projet-là réussit, ce qu'on lui souhaite, on souhaite que la population y trouve son compte, on souhaite que la population y adhère et que tout fonctionne bien, sauf qu'il ne faut pas prendre cet exemple-là et vouloir l'appliquer indistinctement dans les différentes régions du Québec comme un outil pour forcer les municipalités à fusionner. Il faut faire extrêmement attention, M. le Président, et je voudrais le rappeler devant cette Assemblée et le rappeler à la ministre des Affaires municipales et de la Métropole.

Je trouve ça, M. le Président, judicieux, d'une certaine façon, que, dans le projet de loi n° 194, on nous présente essentiellement un échéancier en quatre temps, un échéancier des quatre saisons, où on va partir de l'été 1999, les études, ensuite on va aller au protocole, la présentation du protocole, son acceptation, et finalement la démarche va aboutir un peu plus tard, en l'an 2000, avec peut-être la mise en place des mécanismes qui vont mener à la réalisation du projet de fusion. Et les études, dans ce contexte-là, sont essentielles, parce que c'est la référence. C'est là où on va analyser, entre autres, les coûts de la fusion. C'est là où on va considérer la pertinence, finalement, du projet pour les citoyens. Et c'est là où les citoyens vont voir si ce projet-là va être à leur avantage. Ils vont regarder soigneusement ce que cela leur apporte et, à ce moment-là, ils pourront porter un choix et prendre une décision judicieuse sur la base des résultats des études qui vont être faites.

Alors, M. le Président, moi, je ne peux que souhaiter bonne chance à cette initiative. Encore une fois, j'insiste sur l'importance, l'urgence et la pertinence d'avoir un référendum dans chacune des villes qui sont concernées par cette fusion-là. Il ne s'agit pas de faire un registre dans certaines villes où le mécontentement est manifeste. Il s'agit, pour s'assurer que ce projet va fonctionner, et fonctionner à plus long terme, de mettre la population dans le coup, et pour cela il faut faire un référendum dans chacune des municipalités pour que la population puisse avoir la chance de se prononcer, pour que le processus soit démocratique, transparent et acceptable à la population qui est directement concernée.

Alors, M. le Président, je voudrais souhaiter bonne chance à l'initiative et je voudrais assurer le député de Saint-Jean ainsi que la population qui est dans les cinq villes concernées de toute ma collaboration pour s'assurer que le projet se réalise dans les meilleures conditions et toujours, toujours dans l'intérêt des citoyens. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Iberville.


M. Jean-Paul Bergeron

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Je suis fier d'être associé et d'associer ma voix à celle du député de Saint-Jean concernant le projet de loi n° 194 sur la fusion des municipalités d'Iberville, de Saint-Athanase, de Saint-Jean-sur-Richelieu, de L'Acadie et de Saint-Luc. Deux des cinq municipalités visées par le présent projet de loi se retrouvent à l'intérieur de ma circonscription. Il est donc primordial, et le député de Saint-Jean l'a très bien compris, que je sois partie prenante de ce projet de loi, et ce, afin de m'assurer que les intérêts de mes électrices et de mes électeurs soient bien pris en considération.

Cependant, M. le Président, ce n'est pas la seule raison qui me pousse à appuyer ce projet de loi. La raison primordiale, c'est la région du Haut-Richelieu. En effet, la région entière, et je dirais même toute la Montérégie, va bénéficier de ce projet de regroupement. Le comité Bédard a remis il y a quelques semaines un rapport dans lequel il recommandait, entre autres pour la région métropolitaine de Montréal, et je cite: «...une démarche de regroupement obligatoire des municipalités locales conduisant à réduire le nombre de ces dernières à tout au plus une vingtaine sur le territoire de la région métropolitaine de recensement – ce qu'on appelle une RMR – de Montréal.» Fin de la citation.

J'aimerais vous rappeler, M. le Président, que la région métropolitaine de recensement comprend une part importante de la Montérégie. En effet, les MRC de Beauharnois-Salaberry, de Rousillon, de Champlain, de Lajemmerais seront touchées par ces changements. Si des changements et des fusions devaient avoir lieu à l'intérieur de ces MRC, le reste de la Montérégie en subirait les contrecoups. Ainsi, M. le Président, il nous presse d'agir. Nous devons, dans le Haut-Richelieu, avoir une vision à long terme. Nous devons avoir une vision coordonnée des événements, et nous devons mettre toutes les chances de réussite de notre côté. Nous croyons que la fusion de ces cinq municipalités donnerait un nouvel élan, deviendrait un outil essentiel pour le développement économique et social de notre belle région.

Imaginez la situation si les changements prévus selon la carte 8 du rapport Bédard devaient devenir réalité. Ce n'est pas moins de 38 villes et villages qui sont visés. Certains d'entre eux pourraient fusionner pour n'en former au total que cinq ou six. Imaginez le poids de ces nouvelles villes si ce projet venait à voir le jour. Que resterait-il en Montérégie? Bien sûr, il y a toujours Saint-Hyacinthe, capitale québécoise de l'agroalimentaire et ayant la visée de devenir un pôle international de la biotechnologie. Il y a également Granby et Sorel, mais, comme les villes de Saint-Jean-sur-Richelieu et Iberville, ces villes ont le désavantage de ne pas vraiment posséder la masse critique nécessaire pour espérer jouer le rôle de moteur dont la région a un si urgent besoin.

L'on pourrait m'objecter que les cinq ou six grandes villes que je viens de poser en postulat précédemment pourraient devenir le moteur de la région. Cependant, M. le Président, comme vous le savez, ces nouvelles villes axeraient certainement leurs liens avec Montréal du fait de leur proximité et de leurs liens déjà étroits avec la métropole.

Donc, M. le Président, comme vous pouvez le constater, ce qui resterait de la Montérégie doit s'organiser et se prendre en main. Il ne s'agit pas ici d'être alarmiste mais bien de poser clairement le problème dans son ensemble et de réfléchir à des solutions réalistes, dynamiques et surtout porteuses d'avenir.

M. le Président, le projet de fusion que nous avons en main comporte de nombreux avantages. Le premier d'entre eux est de démarrer les études de faisabilité et d'impact pour les différentes villes comprises dans ce processus de fusion. Je considère qu'il s'agit ici d'un avantage, puisque de l'aveu même de certains maires, même de ceux les plus en faveur de la fusion, le débat ne se ferait pas si le projet de loi n'était pas là. Et, ici, je salue l'heureuse initiative de mon collègue le député de Saint-Jean, et en même temps son courage.

Mais, auparavant, j'aimerais mettre au clair quelque chose. Le présent projet de loi n'oblige qu'à deux choses. Premièrement, la discussion par le biais d'études et, deuxièmement, l'obligation de résultat. Point. Que les études démontrent que le projet est viable – ce que je crois pertinemment – ou bien qu'elles démontrent le contraire, du moins l'exercice aura été fait, il aura été salutaire, et nous ne supputerons plus dans le vague et dans le noir.

Les avantages escomptés par le regroupement sont nombreux. En effet, selon une étude récente provenant du ministère des Affaires municipales et de la Métropole, la qualité des services aux citoyens a grandement été améliorée dans 71 % des cas de fusion de ces dernières années. Dans le cas qui nous intéresse, il est évident que les services directs à la population ne pourraient qu'aller en s'améliorant. J'en prends pour preuve le fait que bon nombre de services municipaux, dont ceux de la police et des incendies notamment, sont déjà partagés entre les cinq municipalités concernées par le projet de regroupement.

(15 h 50)

L'important, M. le Président, dans tout ce débat sur le regroupement desdites villes, relève du long terme. En effet, dans une étude effectuée en 1997, étude qui avait comme objet la fusion de trois des cinq villes, c'est-à-dire Saint-Jean-sur-Richelieu, Iberville et Saint-Luc, cette étude démontrait clairement qu'une telle ville fusionnée constituerait, et je cite, «une opportunité de développement du territoire susceptible de consolider l'agglomération sur le plan économique et de mieux la positionner sur le plan régional, Montérégie-métropole, et sur le plan des échanges avec les États-Unis. Plusieurs facteurs contribuent déjà à confirmer ce choix de développement du territoire». Fin de la citation.

De plus, M. le Président, nous avons un autre atout: l'autoroute 35. Toujours selon la même étude: «L'autoroute 35 assure en effet au secteur une très grande accessibilité et, en tant que principale voie rapide régionale de circulation, lui procure une visibilité régionale susceptible de l'identifier en tant que pôle majeur d'activité.» Je le répète: «...lui procure une visibilité régionale susceptible de l'identifier en tant que pôle majeur d'activité.» Si je l'ai répété, c'est dans le but de bien mettre en évidence les objectifs que nous tentons d'atteindre par ce projet de loi, c'est-à-dire faire de la nouvelle ville un pôle incontournable de développement pour la région du Haut-Richelieu, voire de toute la Montérégie. La nouvelle ville deviendrait l'interface entre la métropole et les États-Unis. Imaginez le développement qu'elle apporterait aussi, dans ce contexte, si l'autoroute 35 venait à être complétée jusqu'à la frontière américaine.

Si la fusion des trois principales villes du présent projet de loi était déjà considérée comme une bonne chose il y a deux ans, alors le fait d'y incorporer L'Acadie et Saint-Athanase nuirait-il au processus actuel? Je pose la question, M. le Président, mais je suis persuadé que la poser, c'est aussi y répondre. En effet, inclure L'Acadie et Saint-Athanase, c'est, un, augmenter la masse critique de la nouvelle ville, qui se classerait au neuvième rang, tout juste derrière Sherbrooke, en termes de population, et c'est, de plus, augmenter la visibilité de la ville sur les autoroutes 10 et 35, donc augmenter davantage la vitrine et le potentiel que nous donnent ces voies rapides de circulation.

Encore un autre point que cette étude met de l'avant comme avantage direct de la fusion relève des luttes intestines que se livrent actuellement les différentes villes pour attirer les investissements et l'implantation des nouvelles entreprises. Ainsi, pour citer encore une fois l'étude: «Le regroupement permettra une meilleure capacité de gestion du territoire basée sur une plus grande concertation, l'élimination de certaines structures et le remplacement des ententes intermunicipales par une organisation permanente.» Fin de la citation. Cette citation, M. le Président, démontre une chose, c'est que le regroupement, bien qu'étant un outil très intéressant de développement, n'est pas une fin en soi. Il ne faut surtout pas confondre finalité avec moyen. La fusion n'est qu'un moyen permettant, si la volonté est présente, d'éliminer les chevauchements, les irritants et les chicanes de clocher qui sévissent entre villes concurrentes et mitoyennes.

J'aimerais poursuivre, M. le Président, en vous parlant un peu de fiscalité municipale. Sur ce plan, la conclusion de l'étude de Raymond Chabot Muni-Consult démontrait, en 1997, que chaque ville était avantagée et que, malgré les changements prévus à Saint-Luc, c'est-à-dire notamment sur la base de la taxe foncière en 1998, cela aurait comme conséquence soit d'augmenter les avantages pour Saint-Jean-Sur-Richelieu et Iberville ou de diminuer, sans les annuler pour autant, ceux de Saint-Luc. Vous voyez, il semblerait – mais les nouvelles études devraient venir appuyer ce point – que les impacts de la fusion, quoique réels, risquent d'être plus limités que le scénario du pire pourrait le laisser croire.

En terminant, je tiens à vous assurer que cette fusion ne se fera pas contre la volonté des populations des différentes municipalités. En effet, des référendums sont prévus au projet de loi, et, advenant le rejet par la population de ce projet, la fusion ne sera pas effectuée. Il n'est pas dans notre volonté d'imposer contre sa volonté une fusion dont la population ne voudrait pas. Mais les sondages actuels montrent une ouverture parmi la population, un désir de s'informer, de participer à l'ensemble du débat. Le Canada français , hebdomadaire régional, publiait récemment que 66,1 % des citoyens d'Iberville étaient favorables au projet de fusion selon des perspectives de consolidation, d'affirmation de collectivités qui se prennent en main.

Il y a, M. le Président, toutes les raisons d'être optimiste face à ce débat qui s'enclenche, face aux valeurs démocratiques qu'il véhicule, face au dynamisme d'une région qui décide d'articuler son avenir économique et qui va au-delà des querelles partisanes, qui opte résolument vers la modernité, vers l'avenir, vers la prospérité. En un mot, et si vous me permettez d'utiliser une métaphore, c'est un projet d'altruisme social. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Iberville. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Nous avons à débattre un projet de loi qui aurait pu être considéré comme un projet de loi privé, mais c'est un projet de loi de député, comme plusieurs l'ont rappelé, un projet de loi qui prévoit la fusion d'un certain nombre de municipalités, projet de loi présenté par un député ici, le député de Saint-Jean, à l'Assemblée nationale, qui, à mon avis, est très d'actualité parce que nous aurons à débattre d'un pacte fiscal avec les municipalités dans les prochains mois aussi au Québec. Et d'ajouter à tout ce débat un débat sur un projet de loi de fusion de municipalités, je pense, ne vient qu'enrichir le débat tout simplement. Et on se doit de prendre le temps nécessaire pour bien comprendre la portée et la teneur du projet de loi qui va permettre aux citoyens et citoyennes de chacune de ces municipalités de se prononcer sur le projet de loi. Du moins, c'est ce qu'on souhaite, qu'ils auront la chance.

À la lecture du projet de loi, M. le Président, on pourrait prétendre, dès l'article 1, que le projet de loi prévoit déjà la fusion de chacune de ces municipalités, parce qu'on dit: À compter de la date indiquée, le décret prévu à l'article 14 fera en sorte que les contribuables des municipalités concernées seront considérés comme... Mais on est sécurisé quand on va plus loin dans le projet de loi. Effets du regroupement, on vient nous préciser... Et un peu plus loin, on décrit la procédure requise en vue du regroupement.

Donc, la question à ce moment-ci, M. le Président, est à savoir – et on aura à se la poser dans d'autres régions du Québec: Est-ce qu'il y a d'abord une volonté? Est-ce qu'il y a une volonté générale dans cette région pour fusionner ces cinq municipalités et en faire une nouvelle ville? Je pense que les députés de cette région-là... Le député d'Iberville, qui vient juste d'intervenir, a en partie répondu à cette question-là, comme le député de Saint-Jean, qui l'a présenté un peu plus tôt aujourd'hui. Donc, il est souhaitable qu'une majorité de citoyens soit intéressée par la présentation de ce projet de loi et soit intéressée à en faire le débat. Est-ce qu'il y aura économie? On dit d'abord: Est-ce qu'il y a intérêt de la part de la population? Est-ce qu'il y aura une économie de fusionner ces municipalités? Est-ce que les services à la population seront améliorés par le fait même? Ça, c'est des questions, je pense, auxquelles le milieu aura à répondre, d'une part.

(16 heures)

L'autre question qu'on pourrait se poser: Est-ce qu'il y a avantage, dans une région comme le Haut-Richelieu, à faire dans cette région, avec le regroupement, une ville d'une importance comme celle-là? C'est possible, si je compare à d'autres régions du Québec où il est peut-être souhaitable que les forces économiques et politiques se regroupent pour faire un secteur, faire une région plus forte en soi. C'est possible, M. le député de Saint-Jean, que vous ayez déjà la réponse, ou que des gens aient déjà la réponse à cette question-là. Si c'était le cas, ça peut faire, dans cette région que vous appelez la région du Haut-Richelieu, une région qui pourra se concerter plus facilement sur le plan du développement économique. Mais il faut venir à l'objectif visé: d'abord, il faut s'assurer que la population y voie de l'intérêt. Et on a souvent employé l'expression que les gens n'avaient pas trop développé l'esprit de clocher. C'est possible que dans certaines régions on soit moins en présence de cette réaction-là par rapport à d'autres. Donc, c'est peut-être des municipalités qui ont l'habitude de travailler ensemble. Et on a tantôt mentionné que déjà beaucoup de services avaient été regroupés. Donc, encore là, on a une partie de cette réponse-là.

Je vous disais tantôt: Est-ce qu'il y aura économie? On dit dans le projet de loi: Tous les fonctionnaires et employés qui sont à l'emploi aujourd'hui de toutes ces municipalités devront conserver leur emploi. Donc, évidemment, on reconnaît que, pour sécuriser tout le monde, je pense qu'il y a lieu de déjà prévoir que ces gens-là puissent garder leur emploi, mais il va y avoir forcément réaménagement. Je ne sais pas de quelle façon ça se fera, mais, ça, je pense que c'est pour plus tard, parce qu'il devra y avoir un réaménagement au niveau des services, si on veut réorganiser les services et les centraliser à certains égards, d'une part, et, un jour, viser une certaine économie.

M. le Président, il y a un questionnement qui a été fait par mon collègue de Laurier-Dorion, à savoir: Est-ce que la Mme la ministre des Affaires municipales saura respecter le verdict des citoyens dans chacune de ces municipalités-là? Qu'est-ce qu'il adviendra s'il n'y a que quatre municipalités sur cinq qui se déclarent favorables à la fusion? Est-ce que le projet est complètement rejeté, ou s'il y aura pression sur la municipalité qui n'aura pas cru bon d'appuyer le projet de regroupement, c'est-à-dire dont les citoyens n'auront pas cru bon d'appuyer ce projet de regroupement, pour des raisons qui seraient les leurs?

Et une autre question, à savoir: Est-ce que, M. le Président, le protocole d'entente qui aura été préparé par le milieu et présenté à Mme la ministre... On dit, à un moment donné, à l'article 10: Celle-ci peut décider, peut revoir le protocole d'entente, l'accepter ou le revoir. Évidemment, je pense qu'on aura la chance de poser la question à Mme la ministre en commission parlementaire, parce que, comme on le mentionnait, et mes collègues l'ont mentionné, c'est un projet de loi qui peut servir à initier des débats dans d'autres régions du Québec. Évidemment, on ne peut peut-être pas l'appeler déjà projet-pilote; il s'agit même de se demander si ce n'est pas, je pense, souhaité par le ministère des Affaires municipales, d'avoir eu un projet de loi comme celui-là à ce moment-ci, mais on n'enlèvera pas le crédit au député de Saint-Jean qui a eu cette initiative.

On sait très bien que, dans la région, ça ne fait pas l'unanimité, dans l'ensemble. Il y a des gens qui s'inquiètent et qui pourraient être considérés comme pouvant s'objecter. Mais, ça, c'est le lot de tout projet de changement important, comme celui qui est présenté, soit le regroupement de municipalités, parce que les citoyens ne veulent pas nécessairement perdre leur identité à une municipalité, identité à une sous-région. Et, quand vous présentez un projet de fusion de cinq municipalités, l'appellation de la nouvelle ville va être un élément très important dans le débat. Ça s'est vécu ailleurs; ça va probablement être la même chose. Je pense que ça va être inévitable dans la région d'Iberville–Saint-Jean et les autres municipalités qui sont citées ici.

M. le Président, je pense que c'est une belle occasion pour l'Assemblée nationale, les députés de l'opposition et l'ensemble des députés de cette Chambre, de faire un débat serein, de faire la démonstration, justement, qu'il y a peut-être lieu de se regrouper pour se renforcir, ce qui est une réaction naturelle dans plusieurs projets, plusieurs régions au Québec, dont dans une que je représente, et de faire la démonstration, si c'était le cas, que des citoyens, après avoir eu la chance de se prononcer en référendum sur un sujet spécifique avec une question très claire qui nous apparaît avoir déjà été prévue dans le projet de loi... pouvoir démontrer qu'il y a peut-être lieu, par des moyens comme ceux-là, d'amener la population à réagir et à se prononcer, parce que ça prend un élément déclencheur.

C'est sûr et certain, M. le député de Saint-Jean, que, si ça avait été un directeur de service, un maire d'une des municipalités, qui avait initié le projet, il y aurait probablement eu réaction de part et d'autre parce que les gens y auraient vu un intérêt de la part d'une municipalité par rapport à l'autre, même s'ils n'étaient pas nécessairement capable d'en faire la démonstration. Donc, à ce moment-ci, présenté par un élu qui représente une région, ça peut probablement plus facilement amener la population à évaluer de façon plus sereine, je pense, le projet.

Donc, je reviens à la question que je disais tantôt, M. le Président: Qu'advient-il s'il y a une ou deux municipalités qui ne sont pas en faveur, qui se prononcent contre? Est-ce que le projet est maintenu avec ceux et celles qui ont eu un référendum qui était positif, en faveur? Qu'advient-il aux citoyens des municipalités qui n'auront pas adhéré au projet? Est-ce qu'ils seront pénalisés? Est-ce qu'ils n'auront plus accès aux programmes du ministère des Affaires municipales et, par le fait même, qu'il y aura augmentation éventuelle de taxes pour continuer à conserver les services déjà existants, en un mot, qu'ils n'auront pas le support du ministère des Affaires municipales qu'ils avaient eu dans le passé, ce qu'on appelle des mesures punitives? Et ça, c'est des questions qu'on aura à poser et à clarifier avec Mme la ministre des Affaires municipales.

En un mot, M. le Président, les députés de l'opposition vont collaborer au débat de ce projet de loi. Nous allons essayer, dans la mesure du possible, M. le député de Saint-Jean, de collaborer avec vous pour l'enrichir s'il y a lieu, de faire préciser des choses pour que cette expérience, cette initiative puisse, si c'est la volonté d'autres régions, servir. Et ça sera le moment de s'appliquer à vérifier tous les points qui peuvent sécuriser la population, citoyens, payeurs de taxes.

M. le Président, évidemment, il y a des délais, qui sont mentionnés dans le projet de loi, qu'on peut considérer comme très courts, même assez courts, mais, sachant que le débat a déjà été fait sur le terrain depuis quelques mois... On a mentionné tantôt qu'il y avait déjà eu un projet qui avait été présenté, de fusion de trois municipalités, donc la population a déjà eu à évaluer un semblable projet, et probablement que, avec le temps, ça aura cheminé de façon positive ou, dans certains cas, peut-être de façon négative, l'avenir nous le dira, mais nous serons là pour collaborer en commission parlementaire et dans cette Chambre, M. le Président, pour essayer de voir s'il n'y a pas lieu de servir cette population-là, si c'est son souhait, et de lui donner l'entité juridique qu'elle souhaiterait pour se renforcir dans cette région du Québec qui, probablement un jour, nous fera la démonstration que, oui, quand on peut se regrouper au niveau des services, quand on peut se regrouper au niveau de la concertation pour le développement de notre région, quand on peut se regrouper pour produire des biens avec les manufacturiers de notre région et les exporter, il y a peut-être lieu d'y gagner, et c'est peut-être là que la population de cette région-là y trouvera des avantages.

(16 h 10)

Donc, M. le Président, en quelques mots, c'étaient les commentaires que je voulais faire et vous exprimer mon intérêt pour ce débat, parce qu'on pourra probablement se servir des échanges que nous aurons eus pour expliquer à d'autres régions du Québec que c'est peut-être possible de s'entendre quand c'est la volonté du milieu, mais toujours en se disant: Il faut que ça soit très clair, que les règles soient très claires, que ce soit la population qui décide et qui choisisse et que le ministère des Affaires municipales et Mme le ministre respectent le choix de la population. Merci.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député de Verdun, vous êtes le prochain intervenant. Je vous cède la parole.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, il me fait énormément plaisir aujourd'hui d'intervenir sur ce projet de loi. J'interviens sur ce projet de loi pour plusieurs raisons – et je vous expliquerai en cours de route – parce que je tiens à signaler qu'un parlementaire ministériel pour lequel j'ai la plus haute estime va joindre un club assez sélect des quelques parlementaires qui, dans l'histoire du Parlement, auront fait adopter une loi par ce Parlement sans être membres du cabinet. J'ai eu dans le passé, lorsque j'étais député ministériel, à vivre les affres de ce que ça pouvait être de présenter une loi comme député ministériel non membre du cabinet et à traverser tout ce que ça peut vouloir dire: des comités de législation dont vous n'êtes pas membre mais qui, par déférence, vous écoutent, des ministres qui certes considèrent que c'est une très bonne idée mais qui probablement auraient aimé en être le parrain ou la marraine en cette occasion.

J'imagine, M. le Président, à quel point le député de Saint-Jean, pour qui, et je tiens à le répéter, indépendamment des différences d'opinions qu'on peut avoir à l'intérieur de cette Chambre, j'ai la plus haute estime... Depuis son élection, il a démontré à la fois une connaissance du règlement... Il l'a d'ailleurs fait vendredi dernier. J'en étais conscient, moi aussi, mais enfin – ha, ha, ha! – je pensais que j'aurais pu passer certaines choses à certains moments. Et c'est un parlementaire qui a démontré sa connaissance à la fois du règlement mais aussi à la fois du fonctionnement du Parlement. Donc, je ne peux ici que soutenir cette démarche qui redonne aux parlementaires ce qui normalement devrait être une de leurs principales fonctions, qui est celle de pouvoir présenter des lois. Mais, une fois qu'on a écrit ça magnifiquement et lorsque, les jeunes qui nous visitent, on leur dit: Vous savez, les députés sont là pour présenter des lois et les faire voter, la réalité triste de la vraie vie, c'est que très souvent, lorsqu'une loi n'est pas réellement issue du cabinet ou du sérail, c'est parfois horriblement difficile. Donc, bravo au député de Saint-Jean parce qu'il a réussi à traverser un chemin qui, je l'imagine, a dû être semé d'embûches et de beaucoup de difficultés.

Je tiens à dire aussi, M. le Président, parce que j'ai fait des consultations, que, bien sûr, ce projet de loi est présenté aujourd'hui par un député de la formation ministérielle, c'est-à-dire qui n'est pas de notre formation politique, mais que, localement, les gens qui ne sont pas de sa formation politique appuient aussi le projet. Je pourrais rappeler, par exemple, le maire de Saint-Luc, M. Dolbec, qui aurait aimé être député d'Iberville...

Une voix: De Saint-Jean.

M. Gautrin: ...de Saint-Jean, député de Saint-Jean, mais que des phénomènes électoraux n'ont pas permis d'être élu. Peut-être, la prochaine fois, malgré la qualité du député de Saint-Jean, sera-t-il à nouveau le député de Saint-Jean. Mais, aussi, le maire de Saint-Luc, M. Gilles Dolbec, appuie le projet de loi.

Le député qui avait précédé l'actuel député de Saint-Jean, Michel Charbonneau, qui a été aussi député de Saint-Jean ici, dans cette Chambre, appuie le projet de loi. M. Tremblay, Jacques Tremblay, qui a été député d'Iberville à un moment dans notre formation politique, appuie aussi le projet de loi. M. Bissonnette, M. André Bissonnette, qui, au provincial, est assez dans notre tradition de notre formation politique, mais qui a été plus connu parce qu'il a siégé dans le Parlement fédéral comme ministre, et ministre du gouvernement Mulroney et député de Saint-Jean au fédéral, il appuie aussi le projet de loi.

Alors, M. le Président, il est important ici de dire que ce n'est pas seulement le résultat d'un projet de loi présenté, disons, par la formation ministérielle, c'est le résultat d'un consensus que le député de Saint-Jean actuel a réussi à établir dans son milieu, avec des adversaires politiques d'antan mais qui, pour le bien de leurs populations, ont réussi à se mettre d'accord et à présenter ensemble ici un projet de loi qui veut répondre au voeu, disons, au moins des leaders de la région du Haut-Richelieu.

M. le Président, il faut bien comprendre que, si ce projet de loi répond au voeu des leaders du Haut-Richelieu, c'est-à-dire cette fusion entre les municipalités d'Iberville, de L'Acadie, de Saint-Athanase, de Saint-Jean-sur-Richelieu et de Saint-Luc, elle ne pourra se faire que si c'est aussi la volonté de la population. Donc, ce n'est pas uniquement la volonté des conseils de ville, mais la loi précise, et c'est pour cette raison, comme l'ont rappelé tout à l'heure le député de Laurier-Dorion, notre critique, et le député de Montmagny-L'Islet, de notre côté, parce que le projet de loi ne force pas les fusions... Il faut bien être conscient, ce n'est pas une décision de forcer les fusions, c'est, au contraire, un mécanisme qui est offert à la population pour lui dire: Si vous désirez, comme nous pensons que vous le désirez, ne plus former qu'une métropole, une structure municipale plus forte, nous allons vous en donner la possibilité. Nous avons pensé à un véhicule législatif qui va vous permettre d'atteindre ce que nous pensons être votre désir et votre volonté. Mais il n'est pas question – et c'est ça qui est l'intérêt du projet de loi pour nous, M. le Président, et le député de Montmagny-L'Islet l'a rappelé tout à l'heure – ici d'imposer – rappelez-vous, M. le Président, c'est très important, ce que je vous dis – une fusion, mais bien de permettre d'accompagner une volonté des populations de Saint-Jean-sur-Richelieu, d'Iberville, de Saint-Athanase, de Saint-Luc et de L'Acadie dans leur volonté de fusionner ensemble. Et, pour le futur et ce qui risque d'arriver dans d'autres régions du Québec, il est bien important de prendre ceci comme exemple, où on veut tenir compte réellement des volontés de la population. Ça, pour moi, c'est un point, et pour nous, ici, de l'opposition, c'est un point qui est assez fondamental.

M. le Président, il y a trois points dans le projet de loi qui, à première vue, peuvent poser quelques interrogations. Je ne dis pas... mais quelques interrogations. Et je vais les signaler à mon collègue de Saint-Jean. Quand j'ai lu le projet de loi, il y a trois articles qui me posent quelques questions. Le premier article qui me pose quelques questions, c'est l'article 3. L'article 3, M. le Président, vous comprenez bien, c'est celui qui dit – et je comprends qu'il est nécessaire dans un tel projet de loi – qu'il n'y aura pas perte d'emplois, les fonctionnaires de chacune des municipalités vont devenir fonctionnaires de la nouvelle entité. Et, par sagesse, le député de Saint-Jean n'a pas mis de nom sur la nouvelle entité, donc on appelle ça une nouvelle ville. C'est tout à fait sage, parce que, comme l'a rappelé tout à l'heure le député de Montmagny-L'Islet, les gens sont attachés au nouveau nom et, probablement, ils auront à débattre entre eux le nom qui devra être accordé à cette nouvelle structure municipale, mais tous les fonctionnaires vont être intégrés.

Alors, à court terme, M. le Président, il faut être conscient que ça va avoir des coûts. Ça va avoir des coûts, parce que personne ne perdra son emploi, parce qu'on va avoir des directeurs de ville. Il y a un directeur à la ville de Saint-Jean, il y a un directeur à la ville d'Iberville, il y en a un aussi dans les villes de Saint-Luc et de Saint-Athanase et dans L'Acadie. Et on va donc devoir multiplier ces fonctions. Je comprends qu'à moyen terme les choses vont se régler; à court terme il peut y avoir un coût pour la ville.

(16 h 20)

Le plaidoyer que je fais ici, et je comprends... Et, s'il y en a un qui doit savoir, c'est bien le député de Saint-Jean: les députés qui ne sont pas ministériels ne peuvent pas faire d'amendement qui a pour effet de faire dépenser de l'argent au gouvernement. Mais je tiens à rappeler qu'il y a ici peut-être lieu, si réellement toute la volonté des populations, la volonté des gouvernements... Et je comprends la nécessité de l'article 3. Il serait important aussi que, temporairement, l'État puisse accompagner ces municipalités dans leur volonté de fusion, à court terme, de manière qu'il n'y ait pas augmentation du fardeau fiscal sur les contribuables qui font un choix qui à long terme va amener des économies. J'en suis parfaitement conscient, qu'il y aura des économies d'échelle, mais, à court terme, compte tenu de nos lois, compte tenu de notre Code du travail, compte tenu de nos instruments, il va y avoir nécessité d'adaptation.

Il y a aussi nécessité de donner à cette nouvelle entité des outils, peut-être. Je sais qu'il y a une réforme actuellement du Code du travail. Il va falloir qu'on y réfléchisse très sérieusement, parce que je ne suis pas sûr, quoique je ne l'ai pas vérifié personnellement, qu'il y a identité entre les conventions collectives des villes d'Iberville, de Saint-Jean, de L'Acadie, Saint-Athanase ou de Saint-Luc, et qu'on pourra avoir dans un même travail de voirie deux personnes qui font le même travail et qui, pour une période de transition, vont avoir des salaires horaires ou des taux horaires qui peuvent être différents. Il y aurait lieu, M. le Président, pour éviter et pour soutenir, j'entends bien ici dire pour soutenir une mesure qui est éminemment intéressante – j'insiste, éminemment intéressante – peut-être de prévoir un fonds de transition, pour qu'on ne se trouve pas à avoir Paul et Pierre faisant le même travail et l'un gagnant 0,20 $ de plus de l'heure, etc. Il va probablement y avoir une tendance de vouloir uniformiser ces conventions collectives, et peut-être, pendant une période de transition d'un an ou deux, il pourrait y avoir un fonds ou un effort créé par le gouvernement pour soutenir cette démarche des municipalités.

Deuxième point, M. le Président, les délais. Je comprends tout à fait la nécessité de mettre des délais dans le projet. Je le comprends, parce que le député de Saint-Jean a certainement eu des expériences analogues à celle que j'ai pu vivre, et, si on ne met pas de délai, il craint que ça s'étire dans un horizon éternel dans lequel les volontés seraient en train de se diluer lentement. Donc, mettre des délais était quelque chose de nécessaire. Mais les délais sont extrêmement courts, extrêmement courts, peut-être parce que la discussion a déjà eu lieu dans le milieu. Mais, d'expérience, même si on croit que la discussion arrive à terme, etc., il peut parfois arriver une petite divergence, quelque chose qui prenne beaucoup plus de temps à résoudre qu'on aurait imaginé au départ. Donc, je maintiens qu'il est nécessaire de mettre des délais à l'intérieur du projet de loi, mais je voudrais qu'il puisse y avoir souplesse de la part de la ministre, que si – parce que je vais vous expliquer, après, l'autre questionnement que j'ai – réellement, dans la discussion du protocole, on n'arrive pas, on se cherche, parce qu'il y a une culture à développer actuellement entre des organisations, même si elles sont voisines, même si elles décident de vivre ensemble, ont probablement des cultures organisationnelles qui peuvent être voisines sans être nécessairement identiques...

La date du 13 décembre 1999 – on en est arrivé au protocole – est un peu courte, et il faudrait l'interpréter par souplesse, parce qu'il faut bien lire, M. le Président, les articles 5 et 6. Et c'est ça, j'avais plaidé ici pour une certaine forme de souplesse de la part de la ministre, parce que, si tant est que le protocole de fusion doive être négocié entre les conseils de ville de ces cinq nouvelles municipalités, il reste que si – et c'est l'article 6, que je comprends aussi parce qu'on dit – à la fin, on est tellement dans une impasse, il va falloir trouver un moyen de sortir de l'impasse. Mais je voudrais qu'il puisse y avoir une certaine forme de souplesse de la part de la ministre pour que, si, le 13 décembre 1999 – qui va arriver très, très vite, M. le Président – le protocole n'est pas encore fini d'être négocié mais est dans une bonne voie, elle n'utilise pas l'article 6 tel qu'il est rédigé, parce que l'article 6... Et c'est là peut-être qu'il y a lieu d'amender le projet de loi et trouver une autre rédaction plus souple sur l'article 6. L'article 6 dit: «À défaut par les municipalités de présenter un protocole de regroupement au plus tard le 13 décembre 1999 – ce qui vient très vite – le ministre en détermine le contenu. Le protocole ainsi établi tient alors lieu de protocole de regroupement.»

Alors, je comprends qu'il est nécessaire, dans un tel projet de loi, d'avoir une clause qui permet au ministre d'intervenir s'il y a blocage. Ça, je comprends ça. Mais cette clause-là est extrêmement rigide, et il y aurait peut-être lieu d'avoir une rédaction qui donne plus de souplesse à une intervention éventuelle de la ministre, où il peut arriver... Il va probablement arriver, à moins que les discussions aient déjà eu lieu et que le protocole soit presque prêt... Mais, j'imagine facilement, nous sommes en juin, la période de l'été, et vous le savez, n'est pas nécessairement l'endroit ou la période la plus facile pour tenir des réunions, donc on va réellement discuter entre ces conseils de ville, et il y a cinq unités, cinq conseils de ville. La discussion va se faire en septembre, octobre, novembre. Elle peut être en bon train, parce que c'est une chose lourde mais nécessaire qu'on propose, c'est-à-dire qu'on va demander un protocole qui soit accepté par cinq conseils municipaux. Eh bien, il pourrait arriver que les travaux aillent bon train, qu'il n'y ait pas de blocage, mais le simple jeu des échanges entre une municipalité, L'Acadie et Saint-Jean-sur-Richelieu, par exemple, ou Saint-Luc et d'Iberville, et qu'il n'y aurait pas lieu d'arriver de l'extérieur et que la ministre vienne imposer son protocole.

Donc, il serait peut-être préférable de pouvoir prévoir à l'intérieur de la clause 6 pour dire... Au lieu que «le ministre en détermine», ça serait «peut en déterminer le contenu», ou un élément de souplesse que je crois qu'on aurait avantage d'introduire dans la clause 6 pour ne pas automatiquement lier la ministre, le 13 décembre 1999, avec la détermination d'un protocole de fusion s'il y a bonne volonté de la part de toutes les parties, et qu'elle estime, elle, qu'il y a bonne volonté de la part des parties, et qu'un mois ou deux d'échanges entre les conseils municipaux permettraient d'atteindre l'objectif qui est prévu par ce projet de loi.

(16 h 30)

Alors, M. le Président, je vais résumer en quelques mots le point. Nous tenons aujourd'hui à saluer la démarche et deux choses. Deux choses qui sont importantes: saluer le député de Saint-Jean pour le travail qu'il a fait... Et, je le dis aujourd'hui comme parlementaire de l'opposition, il a fait un travail exceptionnel, et je l'en félicite. Ce n'est pas toujours qu'on réussit à créer les consensus – et j'imagine aussi le député d'Iberville qui, lui, est associé, enfin... – dans un milieu, entre les parlementaires, les anciens parlementaires qui étaient leurs opposants politiques, les maires des différentes municipalités. Je crois que le travail a été un travail important. Je tiens aussi à signaler l'originalité du projet, parce que c'est un projet qui va respecter la volonté des citoyens et non pas des leaders locaux. Ce sont les volontés des citoyens qui sont les premiers éléments représentés à l'intérieur de ce projet de loi. Et je terminerai aussi en saluant nos amis qui ont été des promoteurs, et qui sont aussi plus de notre formation politique, des gens comme M. André Bissonnette, Jacques Tremblay, Michel Charbonneau, Gilles Dolbec, qui est le maire de Saint-Luc, pour leur appui, aussi, et la manière dont ils se sont fait les promoteurs de ce projet.

Saluons un projet original qui, souhaitons-le, M. le Président, sera... souhaitons qu'il puisse être un modèle que l'on pourrait exporter et utiliser lorsqu'on va parler de fusion. Nous avons trop vu dans cette Assemblée – je voudrais terminer rapidement, M. le Président – des fusions qui ont été imposées directement à des populations pour ne pas nous réjouir d'un projet de loi qui veut ici respecter les volontés des populations. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Verdun. Nous en sommes toujours à l'étude du projet de loi n° 194, quant à l'adoption de son principe, et je vais reconnaître le prochain intervenant, le président de la commission de l'administration publique et député du comté de Jacques-Cartier. M. le député, je vous cède la parole.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais intervenir dans le débat de principe du projet de loi n° 194, Loi concernant le regroupement des municipalités d'Iberville, de L'Acadie, de Saint-Athanase, de Saint-Jean-sur-Richelieu et de Saint-Luc; Bill 194, An Act respecting the amalgamation of the municipalities of Iberville, L'Acadie, Saint-Athanase, Saint-Jean-sur-Richelieu and Saint-Luc.

À mon tour aussi, je veux, d'entrée de jeu, un petit peu comme le député de Verdun... Et peut-être, d'entrée de jeu, rappeler que c'est le député de Verdun qui a piloté la loi 198 sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants des organismes, et ça, c'était une lutte fort difficile. À l'époque, il était député ministériel, au début des années quatre-vingt-dix, il a dû confronter le Comité de législation, le Conseil des ministres et beaucoup d'autres intervenants avant de réussir à faire adopter un projet de loi d'un député, qui a laissé des conséquences fort importantes, surtout pour la commission de l'administration publique que j'ai le plaisir de présider.

Dans le même ordre d'idées, on voit un député... Et j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le discours du député de Saint-Jean, qu'il a livré dans la Chambre aujourd'hui, dans le débat sur le principe, et j'ai souligné le nombre de fois qu'il a parlé, et je le cite: «Je suis très heureux aujourd'hui de m'inscrire dans la volonté des gens de mon milieu pour faire en sorte qu'un débat large, un débat bien documenté et un débat efficace se fasse sur la question de la consolidation de notre communauté locale.» Alors, la volonté locale, la volonté populaire. On parle encore de: «...les communautés se prennent en main, s'organisent pour faire face au défi de la modernité.» En tout cas, c'est un discours qui est truffé de références à l'importance de la volonté locale.

Et, moi, si je suis ici, ce n'est pas pour intervenir comme expert dans la Montérégie ni le Haut-Richelieu, je laisse ça aux députés, ici, de l'Assemblée nationale qui sont mieux placés pour le faire, mais je suis ici pour souligner le processus que le député de Saint-Jean a respecté. C'est quelqu'un qui est allé travailler avec le milieu, qui est allé rencontrer les maires, les anciens députés, les chambres de commerce, les autres intervenants locaux. Ils sont arrivés avec un projet. Alors, au lieu d'imposer quelque chose d'en haut, il a travaillé sur le terrain, il a fait ça correctement. Et je pense que c'est quelque chose qui doit nous inspirer. Et je suis beaucoup plus intéressé par une approche comme ça qu'une approche comme... Moi, je suis un député de l'île de Montréal, M. le Président, comme vous, et, quand je vois une personne qui veut imposer les beaux projets, les beaux textes, des annonces dans des journaux au lieu de travailler sur le terrain, au lieu de chercher un consentement, je dis: On a tout un contraste aujourd'hui, M. le Président, entre les façons de faire.

Et je veux saluer à la fois le député de Saint-Jean, son collègue le député d'Iberville, mais également le milieu, les maires, parce que j'imagine que les maires des cinq municipalités en question aiment leur métier, aiment avoir le poste au bureau de maire, et c'est quelque chose qu'ils aient le goût de participer pleinement dans la démocratie locale. Alors, d'être capable de laisser ça de côté, de voir, dans l'intérêt du Haut-Richelieu, est-ce qu'il y a d'autres façons de faire... Dans son discours, le député de Saint-Jean parle qu'ils ne sont pas loin de la frontière américaine. Il y a beaucoup de potentiel au niveau du développement économique pour sa région, pour ces cinq municipalités. Alors, ils ont dit: Peut-être, en faisant une concertation, on peut mieux profiter de notre proximité de la frontière américaine, entre autres. Peut-être que l'organisation, la planification et le développement des dossiers locaux seront mieux planifiés ensemble. Alors, comme je dis, je veux d'entrée de jeu souligner le processus et dire que, sur une base volontaire et pas les campagnes de marketing et les autres choses, mais sur une base volontaire, les gens du Haut-Richelieu se mettent ensemble pour respecter ça, parce qu'il y a des risques. Et je pense que c'est quelque chose, parce qu'il y a de la fusion dans l'air un petit peu à travers la province, et je pense que tout le monde doit faire le débat éclairé – ça, c'est une autre expression que le député de Saint-Jean a utilisée – parce qu'il y a des désavantages de notre démocratie... petits.

Moi, il y a 13 municipalités dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Tout le monde dit: Peut-être que c'est trop. Par contre, on connaît notre maire, on connaît notre conseiller municipal. C'est quelqu'un qui est un voisin. Alors, s'il y a des choses qui se passent dans le parc le vendredi soir, c'est très facile d'aller le voir, dire: J'ai vu ça. Ou: Il y a quelque chose ici qui ne marche pas. Si le déneigement n'est pas fait comme il faut pendant une tempête de neige, à l'hiver, on a un contact direct, comme citoyen, avec nos élus au niveau municipal. Alors, de mettre ça dans des entités plus grandes, on va perdre cet aspect intime de notre démocratie municipale. C'est incontournable qu'un maire, c'est comme un député. Un député d'un comté de 10 000 personnes peut connaître peut-être tous ses commettants. Rendu, comme moi, à 50 000 électeurs, je fais de mon mieux, mais je ne connais pas tous mes commettants. Et, si je mets, comme il y a une des propositions, toutes les municipalités de l'Ouest-de-l'Île de Montréal ensemble, on parle d'une municipalité de 200 000 personnes. Alors, à ce moment, le maire, c'est impossible qu'il connaisse tout le monde qui demeure dans sa municipalité. Alors, c'est quelque chose qui est à risque.

Par contre, et je pense que le député de Saint-Jean l'a mentionné, il y a également des avantages d'avoir quelque chose qui est plus efficace au niveau de la gestion du territoire, du développement économique, du développement des terrains. Il y a moins de frontières. Alors, on voit souvent dans les municipalités où il y a des rues qui s'arrêtent abruptement, tout d'un coup, dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal... On a des longues discussions sur... Il y a en a une dans mon comté, la rue Brunswick. Ça fait, je pense, 15 ans qu'il y a 80 m, peut-être, à finir pour avoir une route d'accès à un grand centre d'achats. Ça a pris 15 ans à deux municipalités pour discuter de ça. Enfin, je pense qu'après les élections qui ont eu lieu au mois de novembre passé la ville de Pointe-Claire va maintenant boucler le bout qui reste pour faire ça. C'est un exemple petit, mais quand même, je pense, typique des problèmes des fois qu'il peut y avoir entre deux municipalités. Alors, j'imagine que, dans la structure qui est proposée ici, on va réussir à régler ça.

Mais, encore une fois, je veux souligner l'importance de la volonté, parce que, également dans le discours du député de Saint-Jean, il a parlé des études menées par le ministère des Affaires municipales et les sondages, si la population était satisfaite des fusions qui ont eu lieu entre 1993 et 1998, de mémoire. Mais il faut rappeler que, ça, c'est des fusions volontaires, M. le Président. Alors, qu'est-ce que ces études ont regardé? Je sais que, pas loin de chez nous, Vaudreuil-Dorion sont deux municipalités qui ont fait un long processus, mais, au bout de la ligne, Vaudreuil-Dorion ont décidé de se mettre ensemble. Mais c'était la volonté locale, et c'est nous autres qui avons donné une approbation au consensus qui était établi dans le milieu. Et ce n'était pas facile.

Et on a également un exemple à côté: les quatre municipalités sur L'Île-Perrot jusqu'à l'Ouest, le West Island, si je peux vous dire ça, où les quatre municipalités... C'est un long processus. Elles étaient tout près de finaliser tout ça il y a un an, M. le Président, et ça a tout tombé à l'eau. Alors, pour les personnes qui ont mis énormément de travail, énormément d'énergie dans l'effort de mettre les quatre municipalités de L'Île-Perrot ensemble, c'est une grande déception.

Mais je demeure convaincu que l'effort de concerter tout le monde vaut la peine, au lieu d'arriver en haut et d'imposer une solution. C'est pourquoi je pense que la ministre des Affaires municipales et de la Métropole a tout intérêt à lire attentivement le projet de loi n° 194, à le regarder comme il faut, parce qu'il y a dans ça les germes d'un processus qui sont fort intéressants.

(16 h 40)

Si je peux ouvrir une parenthèse, M. le Président, j'ai entendu parler beaucoup du problème des petites villes et des petites municipalités: il faut toutes les effacer de la carte. Je vais faire un genre de plaidoirie pour la plus petite municipalité au Québec. Où se trouve la plus petite municipalité au Québec? C'est dans le beau comté de Jacques-Cartier, et c'est la ville de L'Île-Dorval. Ça a été souvent cité, surtout par les deux ministres des Affaires municipales précédents, le député de Rouyn-Noranda– Témiscamingue et le député de Joliette, comme le meilleur exemple d'une municipalité qu'il faut effacer de la carte. Mais c'est un non-sens de le faire, parce que la ville de L'Île-Dorval, c'est 50 chalets d'été. Alors, c'est plutôt un club privé, vraiment, qu'une vraie municipalité, mais elle a des coûts qui sont beaucoup plus... Le «middle rate» est beaucoup plus élevé à L'Île-Dorval que dans la ville de Dorval.

Alors, si on fusionne les deux, c'est de dire aux résidents de Dorval de payer pour les chalets d'été des autres. Il n'y a aucune économie pour la population. Peut-être que c'est une carte de Noël de moins pour la ministre à envoyer au maire de L'Île-Dorval, mais, au bout de la ligne, il n'y a aucune raison pour les fusionner, sauf de réduire de un la liste de noms de municipalités au Québec. C'est vraiment un cas très spécial. Mais ça prend une connaissance locale. Il faut aller à la ville de L'Île-Dorval rencontrer le monde pour voir que ce n'est pas, ici, un bon exemple. Par contre, je sais qu'il y a de la fusion dans l'air entre ville Saint-Pierre et Lachine, qui sont dans le comté de mon collègue le député de Marquette, et, encore une fois, ils sont en train, au niveau local, de regarder ça. Et, s'ils arrivent à quelque chose qui est intéressant, s'ils arrivent avec un projet, ils peuvent revenir ici, et je suis certain que mon collègue le député de Marquette va être disponible pour aider le milieu, il faut le souligner, à arriver à une conclusion.

Mr. Speaker, we have a very good example here of the right process to follow when it comes to municipal mergers. The MNA for Saint-Jean, working with his other colleagues, working with the five mayors and town councils, have come to a proposal, a marriage proposal, if you will, to put the municipalities of Haut-Richelieu together. And I think what is to be underlined and what is to be highlighted in the bill that is before us today is the fact that it respects local government. It is something that has taken the concerns at a local level, brought them forward and, instead of imposing a solution, instead of people from outside of the area saying: No, no, no, we're going to erase your past, we're going to get rid of your municipal boundaries and we're going to move forward, instead of doing that, it was a patient process, probably a long process that took many, many meetings, an awful lot of time was spent to try to come to an agreement. But I think there is a message here for the Minister of Municipal Affairs, I think it's something that she has to look at very closely: Instead of imposing solutions, it's very, very important to work with local communities to bring them along so that they decide, and not the Minister, not the Government decide, but that the milieu decide that it's very important to move forward with bringing things together.

Tout comme mon collègue le député de Verdun, je veux également souligner, je pense, une certaine inquiétude quant à l'article 6 du projet de loi. Comme nous avons vu dans l'exemple de L'Île-Perrot, de mettre quatre municipalités ensemble, c'est un genre de château de cartes. On était presque rendu à mettre toutes les cartes en place, et le château est de toute beauté, et, au tout dernier moment, une carte glisse, qui tombe à terre. Des fois, ça peut arriver. Alors, je pense qu'il faut avoir la souplesse nécessaire dans l'article 6, parce que la ministre, en forçant pour en arriver à la fusion, qui est souhaitable, risque de faire tomber le château de cartes au complet. Alors, je veux juste souligner également mon inquiétude que, le 13 décembre, s'il n'y a aucune proposition ou aucun protocole sur la table, la ministre tranche. Il faut rappeler que la fin de l'année, pour les municipalités, c'est le moment où il faut préparer leur budget municipal. Alors, il y a déjà beaucoup de travail qu'elles doivent faire en préparation pour un budget. Les ressources humaines, surtout des petits conseils, ne sont pas illimitées, et on est à ce moment à 12 jours de Noël, alors il y a d'autres activités aussi dans la vie des personnes qui travaillent. Alors, une certaine souplesse autour de ça.

Le deuxième, sur l'article 3, encore une fois, je vois les deux côtés de la médaille. C'est très important de ne pas semer la panique pour les professionnels et les travailleurs qui travaillent pour ces cinq municipalités, mais il faut – et je ne sais pas si c'est possible ou non, M. le Président – éviter le phénomène où on va toujours niveler par le haut. On sait que, les salaires et les bénéfices dans le monde municipal, il y a des études qui démontrent qu'ils sont peut-être élevés en comparaison avec le secteur privé et d'autres paliers du gouvernement, et, si on prend pour acquis qu'on va prendre les meilleures conditions dans la convention collective d'Iberville pour une certaine classe de travailleurs, qu'on va prendre les autres bénéfices qu'on retrouve dans la convention collective à Saint-Jean-sur-Richelieu, et peut-être qu'il y a quelque chose à Saint-Luc qui est non négligeable aussi, et si le résultat, c'est d'encore agrandir l'écart entre le travailleur du secteur privé qui demeure là et les personnes qui travaillent pour la nouvelle ville, peut-être Paquinville – je ne sais pas si on est en concours pour suggérer des noms pour la nouvelle municipalité dans le secteur – je ne sais pas comment on peut freiner ça, mais je pense que c'est important d'essayer, dans la mesure du possible, de ne pas avoir des conditions de travail ou des salaires, des bénéfices qui vont agrandir l'écart entre les travailleurs du secteur privé du coin et les personnes qui vont travailler pour la nouvelle municipalité.

En terminant, je pense que le projet de loi qui est devant nous est porteur d'espoir pour les autres municipalités, parce que, en effet, le constat, c'est qu'il y a la question des fusions dans l'air, et je veux souligner à la fois le fait que le projet de loi est respectueux des droits des citoyens. Toute la possibilité de recours au référendum est préservée dans le projet de loi. Il y a également le temps qu'il faut pour développer les protocoles d'entente, avec la réserve que j'ai émise sur l'article 6. On a vu le travail, qui a été fait par un député de l'Assemblée nationale, de rassembleur, de quelqu'un qui est allé sur le terrain, qui a cherché des appuis partout. De mettre cinq conseils municipaux ensemble, c'est quelque chose, M. le Président, et je pense que vous avez une expérience municipale. D'avoir cinq municipalités sur une même longueur d'onde, on ne voit pas ça à tous les jours. Alors, je pense que c'est un fait tout à fait remarquable, et je veux le souligner aussi.

Mais avant tout, et, pour la ministre des Affaires municipales, je pense que c'est très, très important, dans ces études, dans les sondages qui ont été cités préalablement, on a parlé des fusions volontaires, on a parlé des fusions où il y avait un sens d'appartenance, que c'était mon idée, comme résident d'une ville ou d'une autre ville, de m'associer avec une autre, de mettre nos forces ensemble... Et ça, c'est quelque chose qu'il est très, très difficile, je dirais quasiment impossible, d'imposer de l'extérieur. C'est vraiment prendre le travail qui a été fait dans le milieu du Haut-Richelieu pour en arriver à un consensus. Peut-être que c'est un petit peu plus laborieux, peut-être que ça va prendre un petit peu plus de temps, mais ça vaut la peine, parce que, si le monde... Ça prend la volonté pour rallier les forces et se mettre ensemble. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut imposer de l'extérieur, c'est vraiment quelque chose qu'il faut développer sur le terrain, et je félicite, en conclusion, le député de Saint-Jean pour ces efforts dans cette veine. Merci beaucoup.

(16 h 50)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Jacques-Cartier, de votre intervention. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le leader de l'opposition officielle et député de Brome-Missisquoi. M. le député, la parole est à vous.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui. Merci, M. le Président. C'est un petit peu par devoir et un peu par nostalgie que j'interviens dans le cadre de ce projet de loi. Iberville, Saint-Jean, Saint-Athanase, L'Acadie, Saint-Luc, ce n'est pas dans le comté de Brome-Missisquoi, mais ça fait partie de la vie du député de Brome-Missisquoi: j'ai fait mes études classiques, je les ai débutées au juvénat Notre-Dame, à Iberville, et je les ai complétées en partie au Séminaire de Saint-Jean. Puis, j'ai vécu dans ce milieu la transformation du système d'éducation, de séminaire à nouveau cours collégial, à cégep. Je suis peut-être un des plus anciens parlementaires à avoir fréquenté le cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu.

Ce n'est pas facile de convaincre des populations qui, traditionnellement, ont connu des rivalités. Il y a une rivière entre Iberville et Saint-Jean. M. le Président, souvent, ces populations-là se sont jalousées. Il y a pratiquement eu des guerres sociales, si on demeurait d'un côté de la rivière ou pas. Je pense que, à la veille d'un nouveau millénaire, que l'on tente ensemble de réunir les deux rives, c'est pacificateur et ça peut unifier les populations.

Maintenant, ce n'est pas un projet de loi qui peut nous apporter une garantie de succès. Je regrette de le dire, mais je le dis comme je le pense, M. le Président. On ne peut pas légiférer les mentalités des populations. On peut donner un sens de direction, on peut exercer un degré de leadership, on peut tenter de convaincre, mais il y a dans ces municipalités des disparités, quand même, qui sont importantes.

Ce n'est pas évident que L'Acadie se sent d'égal à égal avec Saint-Jean. Ce n'est pas évident que Saint-Athanase se sent d'égal à égal avec Saint-Luc. Mais qu'on tente, au lieu de séparer, au lieu de diviser, de regrouper, moi, je trouve ça sain, et c'est à l'honneur du député de Saint-Jean d'avoir pris le leadership dans ce dossier.

Mais j'ai dit tantôt qu'il n'y a pas de garantie de succès. Il faut préparer les gens, il faut préparer les mentalités, il faut que les enjeux soient clairs, il faut que chacun y trouve soit des avantages soit des inconvénients. Mais, lorsqu'une fois qu'il les a mis dans la balance il soit favorable à la création d'une force dans cette région importante du Québec, dans cette région riche du Québec, M. le Président... Moi, j'ai vécu, au cours, je dirais, des deux dernières années, un projet à succès et un projet qui a failli, dans mon comté. Je le dis, je le raconte pour les intéressés, pour que vous puissiez bénéficier des forces de l'un et des faiblesses de l'autre.

Je vais commencer par le dossier où on a réussi, M. le Président, la fusion des municipalités de Saint-Armand-Ouest et de Philipsburg. Parce qu'on a pris le temps, parce qu'on a réussi à faire comprendre aux gens que les grands projets d'assainissement – et là on se trouve en bordure du lac Champlain – ne se feraient pas sans que les communautés s'intègrent, sans que les communautés travaillent ensemble, les gens ont compris qu'il y avait intérêt. Ça a passé de justesse, M. le Président, parce qu'on demandait quand même aux gens d'investir dans un projet. Et, quand on demande aux gens d'investir dans un projet, il ne faut pas être juste un bon vendeur, il faut être un excellent vendeur, et il faut que les gens y croient.

On a failli, M. le Président, puis je dis «failli» non pas négativement, parce que la population n'en a pas voulu. Et, quand la population n'en a pas voulu, ce n'est pas nécessairement une faillite, parce que c'est une victoire de la démocratie, mais c'est une faillite sur le plan de réunir deux municipalités, la municipalité du canton de Sutton et la municipalité de la ville de Sutton. Quand les gens du canton se sont rendu compte que leur compte de taxes était susceptible d'augmenter, ils se sont ralliés à un projet qui ne voulait pas de fusion.

Et je le dis pour que le député de Saint-Jean et que la population autour fassent en sorte que, sur le plan des taxes... Mon collègue de Jacques-Cartier y a touché, d'autres y ont touché, c'est un phénomène qui est important. Les gens au Québec sont les plus taxés en Amérique du Nord, puis ce n'est pas le temps d'arriver avec des projets qui augmentent les taxes. C'est le temps d'arriver avec un projet qui soit garantit, dans le pire des scénarios, le gel de la taxation, et dans le meilleur des scénarios, une réduction de la taxation. Et, à partir du moment où vos concitoyens sont convaincus, ça peut passer, mais c'est difficile. Saint-Armand–Philipsburg, c'est fait. Sutton - canton de Sutton, parce que ça n'a pas réussi, moi, je dirais que le projet est décalé d'une décennie, au minimum. Donc, si on ne réussit pas, on peut retarder dans le temps également, et c'est un des risques auxquels nous sommes confrontés quand nous déposons un tel projet devant l'Assemblée nationale.

M. le Président, il y a une autre expérience qui nous enseigne ou qui nous invite à la prudence, que nous avons tous vécue à l'Assemblée nationale, je pense que vous l'avez vécue, la fusion forcée des municipalités de Baie-Comeau et de Hauterive, dans le comté de Saguenay. Je vois le député, ancien leader, qui m'indique: Oui, ça a été difficile. Lucien Lessard, qui était un politicien aimé et admiré de sa population, a osé imposer une fusion forcée. Parce qu'il a pris cette voie – et ce n'est pas la voie que prend présentement, je l'indique, le député de Saint-Jean – parce qu'il avait choisi cette voie à l'époque, la voie de l'autorité, la fusion n'a jamais été complètement acceptée des populations. Le député de Saguenay me dit que c'est faux, mais j'ai été encore à Baie-Comeau il n'y a pas tellement longtemps. Si c'est faux... J'espère qu'il n'a pas passé dernièrement devant le monument qui est érigé, là, dans la baie, tout près du manoir et qui indique: Ici gît la démocratie. Sauf erreur, ça a laissé des traces, ça a laissé des séquelles à l'Assemblée nationale. Il y a eu des actes de violence qui ont été commis à l'époque à l'Assemblée nationale du Québec. Mais ça a été un dossier qui a été mal mené. Je pense que personne des deux côtés de la Chambre va prétendre que le dossier a été bien mené. Mon bon ami l'ex-ministre et député du comté du Saguenay, M. Lucien Lessard, va dire que, si c'était à recommencer, ce n'est certainement pas la voie qu'il choisirait, de tenter d'imposer d'autorité à la population, par voie législative.

Le projet de loi déposé par le député de Saint-Jean ne semble pas prendre cette voie d'autorité. C'est une voie de leadership, mais qui permet à la population de s'exprimer. Je pense que, si M. Lessard nous écoute aujourd'hui, au lieu de nier comme le fait l'actuel député de Saguenay, M. Lessard dirait: C'est sans doute la voie que je choisirais, si c'était à recommencer.

M. le Président, ce que je retiens de cet exercice démocratique, c'est la façon claire avec laquelle s'y prend le député de Saint-Jean qui propose le projet de loi. Les citoyens d'une des cinq municipalités qui désireront s'opposer pourront le faire correctement et démocratiquement. Il n'y a pas de question alambiquée; la question est claire. Au registre de chacune des municipalités va apparaître la question suivante: Je suis opposé au protocole de regroupement des municipalités d'Iberville, de L'Acadie, de Saint-Athanase, de Saint-Jean-sur-Richelieu et de Saint-Luc. Je dirais même que le député de Saint-Jean, s'il pèche, c'est par excès de clarté. Il n'a pas dit: Je suis d'accord. Il a dit: Je suis opposé. Il permet aux gens qui s'opposent de le manifester aisément, clairement et démocratiquement suite à une question qui est claire. Donc, à partir de cette question, et les élus municipaux, et le député de Saint-Jean, et l'Assemblée nationale, et la ministre des Affaires municipales vont connaître clairement la position des citoyens de ces municipalités.

M. le Président, il y a peut-être des éléments qui demeurent à clarifier, peut-être pas. Je pense que le débat public va permettre de le faire. Je me réfère à l'article 14 du projet de loi comme tel, qui se lit comme suit: «Pour les municipalités visées par le regroupement où un référendum n'a pas été nécessaire – c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu suffisamment de personnes qui ont signé suite à la question très claire – et pour celles où le résultat du scrutin est favorable au protocole de regroupement, le ministre recommande au gouvernement l'adoption d'un décret constituant la nouvelle ville conformément à l'article 108 de la Loi sur l'organisation territoriale.»

(17 heures)

Moi, tout ce qui m'intéresse, c'est, si ça fonctionne, bravo. Si ça ne fonctionne pas, que la ministre n'aille pas plus loin, ou que le député qui est parrain du projet de loi n'aille pas plus loin que la volonté exprimée suite à un exercice démocratique, M. le Président. Je pense que ce n'est pas trop demander que de demander aux gens de s'exprimer clairement et de respecter le voeu de la population.

J'interrelie cet article 14, M. le Président, avec l'article 19 du projet de loi, où on mentionne: «La présente loi n'a pas pour effet de priver la nouvelle ville de bénéficier des programmes de soutien aux regroupements municipaux actuels ou de ceux qui pourraient être établis dans les deux années qui suivent la date du décret gouvernemental de regroupement.»

Moi, je n'ai aucun problème avec cet article-là, mais j'aimerais que, dans le débat ou que sur le plan législatif... Mais, parce que le projet de loi est basé sur des bases démocratiques, moi, je n'insiste pas pour que ce soit inscrit dans le projet de loi, simplement qu'on ait la franchise de le dire à la population, qu'il n'y ait pas de menace pour les gens qui souhaiteront ne pas faire partie de cette agglomération municipale. Autrement dit, M. le Président, législativement, on s'assure qu'il n'y aura pas de pénalité pour ceux et celles qui acceptent de se regrouper, mais que ceux et celles qui démocratiquement choisiront de ne pas se regrouper, qu'on donne au moins ces mêmes garanties qu'il n'y aura pas de pénalité parce que quelqu'un aura exercé un choix démocratique. C'est ce qu'on appelle l'équilibre et l'oxygène nécessaire qu'on se doit de donner dans un projet qui interpelle les citoyens lorsqu'on appelle leur milieu d'appartenance.

Moi, j'ai eu l'occasion, au moment où j'occupais des fonctions de l'autre côté de l'Assemblée nationale, M. le Président, d'être celui qui a uni un petit peu, en matière d'environnement, la plupart de ces municipalités. Ce n'était pas facile, sur le plan de l'assainissement des eaux de la rivière Richelieu, de faire en sorte que des municipalités un petit peu en compétition en arrivent à signer un protocole d'entente pour assainir la rivière Richelieu. Je pense qu'on a posé à ce moment-là les premiers jalons de ce qui devait unir la population. Ces jalons-là vont un petit peu plus loin. Iberville s'est développée au cours des années une mission spécifique. Saint-Jean, de l'autre côté de la rivière, aussi. Saint-Luc, à moins d'erreur, c'est peut-être la municipalité qui est la plus en croissance sur le plan du nombre de résidents, de ces cinq municipalités. L'Acadie ne voudra pas perdre sa ruralité et sa tranquillité. Il faut voir comment on peut, à travers un projet de loi, unir des gens en mettant ensemble leurs forces tout en préservant leurs caractéristiques et leurs différences.

Je connais le député de Saint-Jean comme un député studieux, comme un député minutieux, comme un député – ce n'est pas bon à dire, parce que ça peut être repris en campagne électorale, mais à un moment donné il faut quand même le dire à l'Assemblée nationale – soucieux du bien-être de ses concitoyens.

Des voix: Bravo!

M. Paradis: Moi, j'aimerais être capable d'en dire autant, M. le Président, de tous ceux et toutes celles qui ont applaudi en face, mais je vais donner un exemple d'un moment très difficile vécu par le député de Saint-Jean, où il avait le choix entre ce qu'on appelle la ligne ministérielle et la défense de sa population.

Et c'est un cas très difficile pour un député, encore plus difficile quand il se retrouve sur les banquettes ministérielles et qu'il peut, à juste titre, aspirer à des fonctions ministérielles. Il a choisi de s'oublier pour penser aux siens. Je fais référence au cas de l'hôpital Saint-Jean-sur-Richelieu. J'ai vu des ministériels à ce moment-là, dans les premières banquettes, assis juste en face du chef de l'opposition et du leader de l'opposition, vouloir faire taire le député de Saint-Jean. Il ne s'est pas tu. Il a pris la défense de ses citoyens. J'ose espérer que ce n'est pas ça qui lui a coûté une banquette ministérielle. Même si c'était le cas, je le connais assez bien pour vous dire qu'aujourd'hui ça ne le dérange pas. Il a fait ce qu'il avait à faire comme membre de l'Assemblée nationale et comme député de l'Assemblée nationale. J'aurais aimé entendre les mêmes applaudissements de ses collègues pour ce geste qu'il a posé, et, quand je n'entends pas d'applaudissements, c'est ce qui m'inquiète le plus sur la relève des députés péquistes et sur l'asservissement de certains députés péquistes aux diktats ministériels, M. le Président.

Suite à cet hommage, j'en reviens au projet de loi qu'il a déposé, M. le Président. C'est un projet de loi qui est bien inspiré, qui a reçu, au moment où on se parle, l'appui des leaders de la région, à travers les couleurs politiques. Ça en dit beaucoup de la qualité d'une initiative. Il faut s'assurer que ce leader continue à tirer dans la même direction. Mais le plus grand défi qu'aura à relever le député de Saint-Jean, c'est de s'assurer que ce leadership transcende toutes les couches de la société, qu'à partir des étudiants du juvénat Notre-Dame, à Iberville, en passant par le cégep de Saint-Jean, à partir des résidents de Saint-Luc, de L'Acadie, de Saint-Athanase, il y ait une communauté d'appartenance qui aille au-delà des mots contenus dans le projet de loi. Et ça, il n'y a pas d'Assemblée nationale, il n'y a pas de Parlement qui peut le réussir sans un leadership sur le plan local et régional.

Ça va prendre également une collaboration du député d'Iberville. J'ai eu l'occasion d'entendre son discours tantôt, il me semble impliqué, mais, pour le moment, disons pas aussi impliqué – je me trompe peut-être, c'est peut-être une question de perception – que le député de Saint-Jean. Le député de Saint-Jean m'indique qu'il est impliqué, j'en prends note. On va suivre le débat sur le plan local, sur le plan régional. Il va être victime de plus de pression, si je peux m'exprimer ainsi – et c'est normal qu'il en soit ainsi – que le député de Saint-Jean.

Moi, je peux déjà consentir, au nom de l'opposition officielle, si le député d'Iberville est prêt à y consentir, si le député de Saint-Jean est prêt, à ce que le projet de loi, exceptionnellement – et je fais l'offre au leader adjoint du gouvernement – soit parrainé par deux députés de l'Assemblée nationale. Parce que, si cette collaboration est à ce point intrinsèque, si cette complicité est à ce point profonde, M. le Président, il faut mettre tous les efforts et toutes les chances de succès du côté de ceux et de celles qui font valoir cette idée-là démocratiquement. Tant que les règles du jeu demeureront claires, tant que la question demeurera claire, tant que les citoyens pourront s'exprimer librement et sans être victimes de représailles, M. le Président, c'est un projet de loi qui est à l'honneur du député pour le moment, et des députés si ma proposition est acceptée, et à l'honneur de l'Assemblée nationale du Québec. Mais le dernier mot ne nous appartient pas, le dernier mot appartient aux citoyens concernés. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Brome-Missisquoi. M. le leader adjoint du gouvernement, vous avez une question à la présidence?

M. Boulerice: Non. M. le Président, je veux simplement dire que je prends bonne note de l'offre de M. le leader de l'opposition, en ayant toujours à la mémoire le vieil adage: Timeo Danaos et dona ferentes.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Pour ceux qui n'ont pas compris, qu'est-ce que ça veut dire, en français?

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Craignez ces Grecs, surtout lorsqu'ils vous font des cadeaux. Ce qui est un vieil adage. Ça n'a rien à voir avec l'ethnie, là, mais c'est mythique, mythologique. Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci de votre intervention. M. le leader de l'opposition officielle.

(17 h 10)

M. Paradis: Simplement indiquer, M. le Président, qu'il ne s'agit pas d'un cadeau, il s'agit d'un élément qui est mérité de la part de ceux et de celles qui voudront conjointement parrainer le projet de loi, s'il s'agit là de leur voeu.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci beaucoup de vos interventions à tous les deux. Alors, je voudrais maintenant reconnaître un autre intervenant. N'ayant pas d'autre intervenant, je reconnais M. le député de Saint-Jean en vertu de son droit de réplique. M. le député de Saint-Jean, vous avez 20 minutes.


M. Roger Paquin (réplique)

M. Paquin: Alors, merci, M. le Président. Concernant l'offre qui est faite par le député qui est le leader de l'opposition, écoutez, moi, ça m'honorerait, parce que le travail a vraiment été fait par les deux députés, et, si c'est quelque chose qui est permissible par nos règles – je ne connais aucun précédent à ça – à ce moment-là, moi, ça m'honorerait de partager ce travail avec mon collège parce qu'il a participé, depuis qu'il est élu, à toutes les étapes et à toute l'animation du milieu.

Alors, M. le Président, rapidement, en guise de réplique, quelques points. D'abord, je voudrais remercier les députés des deux côtés. J'ai déjà eu des témoignages des gens du côté de ma formation politique, aujourd'hui, on voit que les députés qui forment l'opposition voient dans cette démarche quelque chose qui est non seulement utile pour mon milieu, mais qui pourrait être exportable éventuellement. Alors, j'en prends bonne note et j'offre ma collaboration, le cas échéant, pour d'autres projets.

Mais il reste que, depuis qu'on a tenu le forum socioéconomique dans le Haut-Richelieu, que j'ai présidé, en 1996, au mois de juin, on a cheminé beaucoup. On est maintenant trois ans plus tard, et les travaux sont avancés, la volonté, l'animation du public est là, et on s'apprêtera bientôt, grâce à l'adoption de ce projet de loi là, à avoir une démarche qui nous permettra de créer, le 24 juin 2000, une nouvelle ville, la neuvième du Québec, avec 76 461 habitants, 225 km², 79 900 000 $ de budget et 2 980 000 000 $, tout près de 3 000 000 000 $, d'évaluation foncière imposable. On voit qu'il y a là vraiment une masse critique.

Et, pour ce qui est de l'aspect débat large dans le milieu, on a déjà de prévu un colloque pour informer la population, à la fin de l'été, et également une commission itinérante qui va aller recueillir les souhaits des gens pour qu'on puisse les inclure au protocole. Alors, quand on nous dit que les délais sont courts, les municipalités souhaitent que les délais ne soient pas longs, parce que ça demande beaucoup d'énergie, parce que ça demande beaucoup d'argent, mais surtout des énergies à investir dans le projet. Donc, les délais sont courts, mais ils sont réalistes.

Et il existe une soupape, notamment concernant l'article 6, je pense qu'il est opportun qu'on remplace peut-être les mots «déterminer le contenu» par «peut déterminer le contenu». Mais ce qui est important, c'est que des délais supplémentaires peuvent être accordés par le ministre en vertu de l'article 18 qui est déjà là. Il y a aussi le fait que les discussions sont très engagées et que les travaux ne commenceront pas cet automne, M. le Président, les travaux sont déjà commencés dans les municipalités, avec la collaboration des cinq conseils municipaux.

Enfin, je retiens la remarque à l'effet que le projet à lui seul ou la volonté d'un leader à lui seul, ça ne peut pas donner une garantie de succès en soi. Effectivement, il reste beaucoup de travail à faire. La bonne volonté des gens est là, et, avec le projet de loi, désormais il y a un processus qui est définitivement enclenché. Ce qui est important, donc, c'est qu'au terme de ce processus on ait un respect du verdict démocratique et que l'on fasse les ajustements qui sont nécessaires.

Il y a eu quelques remarques de faites, notamment: Est-ce que c'est toutes les villes où le projet est terminé? Non, c'est... Effectivement, comme l'indiquait d'ailleurs le leader de l'opposition, pour toutes les villes où ça passe, il y a un décret qui crée la municipalité, et notre responsabilité, les élus du milieu, les leaders du milieu, c'est de faire en sorte que les citoyens des cinq municipalités aient devant eux un protocole gagnant et qu'ils choisissent d'adhérer à ce protocole, consacrant ainsi le fait que nous sommes une même communauté dans le Haut-Richelieu.

Il y avait aussi la question concernant les employés, l'arrimage des conventions collectives. Il y a déjà des travaux qui seront entrepris à cet effet-là. Maintenant, pour ce qui est de l'acceptation du protocole par le ministre, effectivement, on pourra faire les corrections qui ont été suggérées.

Au demeurant, M. le Président, je voudrais surtout, si c'est accepté à l'unanimité, que désormais nous ayons un projet de loi parrainé par les députés de Saint-Jean et d'Iberville. Une fusion des deux dans un projet de loi, ce qui existera, est peut-être à l'image, augure peut-être pour ce qui existera dans le Haut-Richelieu, c'est-à-dire une même communauté. Mais je voudrais donc, en concluant, M. le Président, remercier mes collègues qui forment l'équipe gouvernementale et mes collègues qui forment l'opposition pour leur compréhension des besoins de ma région, pour la compréhension qu'ils manifestent et qu'ils traduisent par cet appui au projet de loi n° 194. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, je fais motion que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire pour...

Une voix: ...

M. Boulerice: ...oui.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous allez plus vite que moi, là, vous. Alors, le principe du projet de loi n° 194...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...je pensais que vous vouliez me parler, c'est pour ça que je vous ai donné la parole.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez vous asseoir. Merci. Le principe du projet de loi n° 194, Loi concernant le regroupement des municipalités d'Iberville, de L'Acadie, de Saint-Athanase, de Saint-Jean-sur-Richelieu et de Saint-Luc, est-il adopté? Adopté.

M. Paradis: M. le Président, simplement pour vérifier auprès de...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: ...à un moment donné, le leader adjoint du gouvernement a vérifié auprès du député parrain s'il souhaite avoir, et simplement si c'est une offre, un vote enregistré pour marquer le voeu de l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a une demande de vote enregistré, mais c'était...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...une demande de consentement, mais...

Une voix: ...


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...non. Alors, est-ce que la motion pour l'adoption du principe du projet de loi n° 194 est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Boulerice: Alors, M. le Président, donc je vais faire motion pour que le projet soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire pour étude détaillée et, conformément à l'article 124 de notre règlement, que Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole soit membre de ladite commission.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, sans jeu de mots, mais après avoir adopté le principe d'une sage loi, nous référons à l'article 2 du feuilleton pour faire l'adoption de principe du projet de loi n° 28, Loi sur les sages-femmes.


Projet de loi n° 28


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): L'article 2. Mme la ministre responsable de l'application des lois professionnelles propose l'adoption du principe du projet de loi n° 28, Loi sur les sages-femmes. Alors, Mme la ministre de la Justice et responsable de l'application des lois professionnelles, je vous cède la parole.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, merci, M. le Président. Le projet de loi dont nous vous proposons d'adopter le principe a pour objet l'intégration des sages-femmes au sein de deux systèmes, soit le système professionnel et le système de santé et de services sociaux du Québec.

À l'énoncé même de l'objet de ce projet, vous avez compris qu'il comporte des aspects dont l'organisation et la planification exigent qu'il fasse appel à l'attention de plus d'une instance au sein du gouvernement. C'est pourquoi deux ministres se sont penchées avec attention sur ce projet de loi, soit ma collègue ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux ainsi que moi-même en tant que ministre responsable de l'application des lois professionnelles.

En ce qui regarde les aspects dont j'ai la responsabilité, le projet de loi notamment réserve le titre de sages-femmes aux membres de l'ordre professionnel que nous nous apprêtons à créer et réserve en même temps des activités que les sages-femmes auront en partage avec d'autres professionnels. De par le projet de loi, la pratique de la profession sage-femme consistera en substance à donner à une femme les soins et les services requis au cours d'une grossesse et d'un accouchement normaux et à donner à l'enfant les soins et les services professionnels requis pendant les six semaines suivant l'accouchement.

Notre projet de loi est une étape importante pour toutes les femmes du Québec. Tout ou presque a déjà été dit au sujet de l'opportunité de reconnaître et légaliser la pratique des sages-femmes au Québec. Rappelons simplement que, si les Québécoises et Québécois ont la chance de bénéficier d'un système de santé exceptionnel, plusieurs ont ressenti que la grossesse et l'accouchement se déroulant de manière normale pourraient être vécus autrement et souhaitent avoir la possibilité de donner la vie selon une approche différente.

(17 h 20)

De son côté, l'État, à l'écoute de ce souhait de sa population, a le devoir de s'assurer en effet que les nouvelles pratiques qui émergent, dans ce domaine comme dans d'autres, soient assorties des meilleures garanties pour la protection du public. Notre démarche en tant que législateur et gouvernement a été prudente et soigneusement menée. Je n'en rappellerai pas ici dans le menu détail chacune des étapes. Cependant, permettez-moi simplement de mentionner les principales.

En 1990, l'Assemblée nationale a institué la pratique des sages-femmes en adoptant la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes, cette loi mettant sur pied un cadre d'expérimentation en vue de vérifier l'opportunité de permettre la pratique des sages-femmes et, le cas échéant, de déterminer l'organisation professionnelle nécessaire et le mode d'intégration de la sage-femme à l'équipe de périnatalité.

En décembre 1997, le Conseil d'évaluation des projets-pilotes, créé par cette Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes, a transmis au ministre responsable des conclusions favorables sur cette expérimentation. Au vu de ces conclusions et suite aux recommandations, le gouvernement a décidé d'aller de l'avant afin de doter cette pratique de cadres légaux définitifs, en autant que faire se peut. À cette fin, l'une des recommandations ministérielles mandatait l'Office d'examiner le mode d'intégration des sages-femmes au système professionnel selon la méthode qui lui semblerait la plus appropriée. Trois hypothèses de base avaient été retenues dans les recommandations ministérielles, soit la création d'un ordre mixte avec le Collège des médecins, la création d'un ordre mixte avec l'Ordre professionnel des infirmiers et infirmières, ou la création d'un ordre professionnel spécifique aux sages-femmes. N'ayant pu développer avec les principaux intéressés la formule d'un ordre mixte, l'Office des professions, dans un avis de décembre dernier, a proposé une formule d'ordre spécifique qui, en substance, est reflétée dans le projet de loi qui vous est soumis.

En créant un nouvel ordre, la loi satisfait d'abord à l'objectif d'inscrire l'activité des sages-femmes à part entière dans le système professionnel du Québec. Par ailleurs, cette formule fait droit au désir fortement exprimé par le milieu de gérer la profession de façon autonome. Toutefois, il sera important que l'ordre nouvellement créé ne ménage aucun effort pour favoriser chez ses membres un esprit de collaboration multidisciplinaire.

Au-delà de ce principe, la loi, selon une proposition de l'Office des professions, prévoit une mesure d'accompagnement sous la forme d'un conseil consultatif qui, dans les premières années, assistera l'ordre nouvellement créé. Ce conseil consultatif permettra à l'ordre, entre autres choses, de profiter le plus rapidement possible de l'expérience d'autres professionnels, notamment en matière d'organisation, tout en laissant une pleine autonomie au bureau de l'Office.

Enfin, et toujours compte tenu des particularités que nous venons d'évoquer, l'État apportera une assistance financière de départ, jusqu'à ce que l'ordre ait suffisamment de membres pour que la profession puisse se financer elle-même par les cotisations, ce que nous estimons à huit ans, considérant le nombre actuel des sages-femmes, l'implantation prochaine d'un programme universitaire de formation des sages-femmes et des finissantes qui en sortiront par la suite.

Nous avons, avec ce projet de loi, une formule à la fois réaliste, équilibrée et souple. Réaliste, car l'émergence de la profession de sage-femme au Québec est un progrès pour le choix des femmes dans un acte qui leur est fondamental. Il n'y a pas ici de précédent, l'activité des sages-femmes existant dans la plupart des membres de l'Organisation mondiale de la santé. La formule proposée est équilibrée puisque à l'écoute de la demande depuis longtemps exprimée par divers groupes. L'État n'impose pas pour autant une nouvelle manière d'accoucher mais permet un choix qui tient compte de toutes les conceptions et sensibilités.

Par ailleurs, l'apparition de cette activité sous forme d'une profession se place sous le signe de l'autogestion et d'une autoréglementation bien encadrée, sans oublier l'autodiscipline, autant de caractéristiques qui ont fait jusqu'ici le succès du système professionnel québécois. Cette formule est également gage de souplesse, car le cadre d'une profession autonome, telle que nous la connaissons, permet d'adapter au fur et à mesure les conditions d'exercice de l'activité à la réalité vécue par le public et par les professionnels.

La création et la mise en place d'un nouvel ordre professionnel, fait plutôt rare, constitue un défi important. Le gouvernement est confiant que l'Office des professions fournira à cette nouvelle institution l'accompagnement permettant d'assurer le succès rapide de sa mission. En proposant de constituer cette nouvelle profession, le gouvernement a voulu répondre à l'appel des femmes qui réclamaient depuis longtemps une alternative sécuritaire pour les grossesses normales. Bien sûr, les femmes du Québec continueront d'avoir accès à la panoplie complète des moyens et compétences pour garantir leur santé et celle de leurs enfants. Toutefois, elles auront un choix réel, et l'intégration des sages-femmes à un système professionnel qui a fait ses preuves permettra aux Québécoises de compter sur des sages-femmes intègres et compétentes.

En adoptant le principe de ce projet de loi, soyez assurés que cette Assemblée aura l'occasion, jusqu'à l'adoption finale, d'en examiner tous les aspects. Par-delà le fait que l'Office des professions du Québec a déjà mené des consultations dans les milieux concernés, je serai à l'écoute de tous ceux et de toutes celles qui en cette Assemblée pourraient éclairer ou améliorer ce qui est proposé aujourd'hui. La question de l'intégration de ces nouvelles professionnelles au système de santé du Québec est cruciale également, et ma collègue et ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux vous en entretiendra un peu plus tard. Merci de votre attention, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 28, Loi sur les sages-femmes. Et je cède la parole au prochain intervenant. Il est le porte-parole de l'opposition officielle en matière de lois professionnelles et député de D'Arcy-McGee. M. le député, je vous cède la parole.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Nous sommes ici aujourd'hui pour procéder à l'adoption du principe du projet de loi n° 28, intitulé Loi sur les sages-femmes – Bill 28, Midwives Act – qui prévoit la constitution d'un ordre professionnel dont les membres exerceront une profession d'exercice exclusif, à savoir la profession de sage-femme, et qui sera régie par le Code des professions.

Compte tenu que les activités des sages-femmes relèvent du domaine de la santé, des mesures spécifiques visant à permettre leur intégration au réseau de la santé et des services sociaux sont prévues au projet de loi n° 28 ainsi que les dispositions concernant la signature du contrat de services avec un établissement qui exploite un centre local de services communautaires et la création de conseil des sages-femmes sous certaines conditions.

De plus, comme certaines personnes exercent déjà à titre de sage-femme dans le cadre de projets pilotes, dont je reparlerai plus loin, le projet de loi contient des mesures spécifiques visant leur intégration dans le nouvel ordre professionnel. La démarche des sages-femmes vers la reconnaissance de leur profession a été longue et difficile, et je ne peux que féliciter leur détermination et leur travail. C'est pourquoi – et je veux être très, très clair – je veux qu'il soit bien clair que les commentaires que je ferai aujourd'hui et ceux que j'apporterai plus tard en commission parlementaire ne visent en rien le bien-fondé de l'exercice de la profession de sage-femme mais sont faits dans le but de s'assurer que la création d'un ordre professionnel exclusif est bien le meilleur choix à retenir dans l'intérêt des sages-femmes et dans l'intérêt de la population du Québec.

Nous devrons aussi être vigilants lors de l'étude du projet de loi n° 28, car il est important que cette décision résulte d'une étude approfondie de cette profession et que la décision soit prise dans le respect des critères établis dans la loi et qui sont prévus à l'article 25 du Code des professions, qui sont notamment: les connaissances requises pour exercer les activités des personnes qui seraient régies par l'Ordre dont la constitution est proposée; deuxièmement, la question du degré d'autonomie dont jouissent les personnes qui seraient membres de cet Ordre; et, troisièmement, le caractère personnel des rapports entre ces personnes et les gens qui recourent à leurs services.

(17 h 30)

Mais qui est vraiment la sage-femme? L'Organisation mondiale de la santé définit ainsi ce qu'est une sage-femme, et je cite: «Une personne qui a suivi un programme de formation reconnu dans son pays, a réussi avec succès les études afférentes et a acquis les qualifications nécessaires pour être reconnue ou licenciée en tant que sage-femme. Elle doit être en mesure de donner la supervision, les soins et les conseils à la femme enceinte, en travail et en période post-partum, d'aider lors d'accouchements sous sa responsabilité et de prodiguer des soins aux nouveaux-nés et aux nourrissons. Ses soins incluent des mesures préventives, le dépistage des conditions anormales chez la mère et l'enfant, le recours à l'assistance médicale en cas de besoin et l'exécution de certaines mesures d'urgence en l'absence d'un médecin. Elle joue un rôle important en éducation sanitaire non seulement pour les patientes, mais pour la famille et la préparation au rôle des parents, et doit s'étendre dans certaines sphères de la gynécologie, de la planification familiale et des soins à donner à l'enfant.» Fin de citation.

On peut donc voir le haut degré d'importance que revêt le rôle de la sage-femme. Il faut d'ailleurs se rappeler que la profession de sage-femme est loin d'être récente. Dès le début de la colonie française, on trouvait au Québec des sages-femmes de formation française et aussi, mais surtout en milieu rural, des sages-femmes qui avaient reçu leur formation par tradition orale et pratique. On assistera graduellement à la réduction du nombre de sages-femmes lorsque les domaines de la médecine et de l'obstétrique procéderont.

C'est cependant vers l'année 1970 qu'on note un regain d'intérêt pour les méthodes naturelles et que l'on commence à s'interroger sur les différents aspects des pratiques en périnatalité, et plus particulièrement sur la prévention, la qualité des soins et la réorganisation des services. À travers le Québec, des comités sont alors mis sur pied par des femmes qui veulent vivre l'expérience de l'accouchement d'une manière normale et naturelle sous la surveillance d'une sage-femme. Elles revendiquent donc, avec droit, le choix de l'accouchement. Ainsi, après une première politique sur la périnatalité en 1973, c'est en 1983 que l'on recommande de reconnaître la pratique de sage-femme, lors du dépôt du rapport du Comité interministériel sur les sages-femmes, qui touche principalement le champ professionnel, le statut, la formation et les lieux d'exercice.

C'est le 22 juin 1990, sous un gouvernement libéral et après consultation auprès de l'Office des professions du Québec sur l'expérimentation de la profession sous certaines conditions, que la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes est adoptée et fait en sorte que huit projets-pilotes sont mis en place au Québec pour une période de six ans, période qui devra cependant être prolongée, en juin 1998, par l'adoption d'une loi parce que le ministre péquiste alors responsable de la santé et des services sociaux est incapable de déposer ses recommandations, alors qu'il a pourtant tous les outils en main pour ce faire. Il ne faut cependant pas se surprendre quand on connaît le laxisme du gouvernement du Parti québécois quand il s'agit de la santé.

M. le Président, il est important de noter que tous les intervenants ont été unanimes et ont reconnu la pertinence de la pratique des sages-femmes dans notre société, la détermination de l'organisation professionnelle de cette pratique et son mode d'intégration dans l'équipe de périnatalité. Bien que toutes les études confirment la nécessité de reconnaître la pratique de la sage-femme comme un choix qui doit s'offrir à la femme enceinte, il est toutefois de notre devoir de nous assurer que la santé de la femme, ainsi que celle de son enfant à naître, n'est pas mise en danger, puisque, pour la plupart des parents, la question la plus importante qui se pose quand ils veulent décider où et avec qui accoucher est celle de la sécurité. Il va sans dire qu'il y a des risques et des avantages propres à chaque lieu de naissance, que ce soit à l'hôpital, à la maison de naissance ou la maison, mais notre rôle est de réduire ces risques autant que faire se peut.

C'est pourquoi, M. le Président, nous ne pouvons oublier que l'un des chercheurs qui a évalué les résultat des huit projets-pilotes implantés en 1994 a indiqué que le taux de mortinaissance, c'est-à-dire le nombre de bébés morts-nés, atteint 7,3 %, excluant les malformations congénitales majeures, chez les clientes des sages-femmes, alors qu'il est de 4,3 %, incluant les malformations congénitales, chez les patientes de médecins.

C'est d'ailleurs à la lumière de ces résultats que la ministre de la Santé et des Services sociaux a mis sur pied un comité d'experts pour étudier le problème et tenter de déterminer les causes des décès. À ce jour, le comité d'experts n'a toujours pas rendu son rapport, et je me demande quel est le but de mettre sur pied un comité si la ministre n'a pas pris le soin de nous donner le rapport de ce comité pour faciliter notre débat sur le projet de loi, M. le Président. Il ne faut pas oublier que l'on parle de la vie et de la mort. Est-ce que cela ne demande pas d'avoir toutes les informations en main, dans le respect du rôle qui est le nôtre, soit celui d'assurer la protection du public?

Je suis de plus étonné de constater, à la lecture du projet de loi, de voir qu'un grand nombre des commentaires soulevés à la suite de la consultation mise sur pied par l'Office des professions du Québec, à laquelle prenaient part une trentaine de groupes, n'ont pas été retenus. Les points majeurs soulevés par les intervenants directement touchés par ce secteur d'activité concernaient la définition du champ de pratique de la sage-femme, sa formation et sa capacité tant au plan financier qu'au plan des ressources humaines d'assurer sa survie dans l'optique de sa gestion comme ordre professionnel.

Mr. Speaker, Bill 28 contains a very serious and inexcusable oversight by the PQ Government. There are no provisions for respecting and accommodating the traditions, customs and procedures of Native women insofar as concerns the practice of midwifery. I'm disappointed that the PQ Government failed to listen to the representations of l'Association des femmes autochtones du Québec and also of the Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador. Bill 28 is silent on this matter, which shows a lack of sensitivity of the PQ Government. Perhaps the National Assembly commission, Mr. Speaker, to which this bill shall be referred, should invite these two groups to appear before the commission. I would then hope the PQ Government will accept to make some of the suggested modifications to this bill, because the perspectives of Native people to midwifery are different and distinct and they should be heard, listened to and their views respected. We must address their concerns in this bill before us.

J'aimerais revenir sur la démarche qui a été entreprise pour en arriver au dépôt du projet de loi qui est devant nous. À la suite de l'implantation de projets-pilotes à travers le Québec, un premier rapport est déposé en décembre 1997 par le Conseil d'évaluation des projets-pilotes, un organisme multidisciplinaire composé de 11 membres, chargé de livrer aux deux ministres responsables du dossier ses commentaires et recommandations.

M. le Président, ensuite, c'est au tour de l'Office des professions du Québec, en février 1998, de déposer son rapport contenant sa réflexion et ses conclusions au sujet de l'organisation professionnelle des sages-femmes. L'Office fait état alors qu'elle a étudié sept avenues possibles d'organisation professionnelle, mais qu'au cours de son analyse seulement trois se sont avérées les plus avantageuses: la première étant la création d'un ordre professionnel d'exercice exclusif spécifique aux sages-femmes; la deuxième étant la constitution d'un ordre professionnel d'exercice exclusif mixte avec les infirmières et infirmiers, et la troisième étant la constitution d'un ordre professionnel d'exercice exclusif mixte avec les médecins.

(17 h 40)

C'est en avril 1998 que le ministre responsable de l'application des lois professionnelles et le ministre de la Santé et des Services sociaux déposent un rapport conjoint indiquant leurs recommandations qui rejoignent en substance le contenu du rapport de l'Office des professions du Québec et lui confient le mandat de mener une consultation auprès des intervenants et groupes du milieu. L'Office des professions a donc déposé en décembre 1998 son avis sur la création d'un ordre professionnel spécifique aux sages-femmes en réponse à cette consultation.

Je vous avouerai, M. le Président, que je suis perplexe devant le choix des questions qui ont été soumises aux participants, puisque, malgré le fait que les recommandations de l'Office des professions portaient sur la possibilité de trois cadres différents d'organisation professionnelle, au moment de la consultation, une seule voie a été proposée aux intervenants consultés, à savoir la création d'un ordre professionnel d'exercice exclusif spécifique aux sages-femmes.

Pourtant, dès le début de son avis, en introduction, l'Office écrit, et je cite: «De plus, l'éventualité d'un ordre professionnel mixte avec les infirmières et infirmiers conserve, selon l'Office, des avantages tangibles en termes de pérennité et de financement.» Fin de la citation. M. le Président, encore, l'Office reprend de nouveau cette alternative dans les conclusions de son avis, lorsqu'il écrit, et je cite: «Mais, parallèlement, une intégration dans un ordre mixte avec les infirmières et infirmiers n'est pas à rejeter.» Fin de la citation. Afin d'avoir une opinion éclairée des groupes consultés, à mon avis, il aurait été intéressant de conserver les trois avenues retenues originellement, car les conséquences de la création d'un ordre professionnel exclusif sont considérables.

M. le Président, l'Office des professions a continué à recommander la création d'un ordre professionnel exclusif, et ceci, bien que, pour y arriver, l'Office estime que le gouvernement devrait investir la somme de 1 000 000 $ pour assurer la survie de ce nouvel ordre pour les huit prochaines années. Dans le projet de loi, par contre, on nous demande d'accepter que le gouvernement signe un chèque en blanc, parce que nulle part on ne retrouve d'indication quant aux montants précis dont on parle. Il est évident, au départ, que ce nouvel ordre ne peut s'autofinancer, comptant seulement 72 membres et n'ayant aucune diplômée qui viendrait s'ajouter aux rangs d'ici peu puisqu'il n'y a pas de formation universitaire pour le moment.

M. le Président, l'Office des professions prévoit que l'Ordre des sages-femmes du Québec pourra s'autofinancer en 2007 ou 2008, basé sur plusieurs hypothèses allant du nombre des membres au taux des cotisations annuelles, et même aux données financières comparatives de 10 ordres professionnels comportant moins de 1 000 membres en 1996-1997. Il aurait peut-être fallu comparer avec 10 ordres professionnels comptant moins de 100 membres pour avoir des données plus réalistes.

M. le Président, quelles garanties avons-nous que le nombre de sages-femmes va augmenter à chaque année, sachant toujours que les qualifications et les compétences sont plus importantes que l'augmentation du nombre? Avons-nous pris en considération, dans ces chiffres, que certaines d'entre elles pourraient décider de prendre leur retraite ou de quitter, pour quelque raison que ce soit? Quelles garanties avons-nous également qu'elles auront la volonté et qu'elles seront en mesure d'acquitter des cotisations allant de 1 000 $ à 1 500 $ par année, selon les prévisions de l'Office?

Et, M. le Président, si, au bout de ces huit ans, l'Ordre n'est toujours pas en mesure de s'autofinancer, qu'arrive-t-il? Le gouvernement investira-t-il de nouveau des fonds publics, ou est-ce que l'Ordre devra cesser d'exister? Le projet de loi est silencieux à ce sujet. Qu'adviendra-t-il alors de ces sages-femmes qui auront payé des cotisations variant de 1 000 $ à 1 500 $ chaque année?

Quoi qu'il en soit, je me questionne sérieusement sur cette possibilité d'octroyer la somme minimum de 1 000 000 $, qui, dans les faits, sera beaucoup plus élevée si l'on calcule tous les coûts, qui incluent la mise en place d'une nouvelle structure administrative au sein des divers groupes et établissements concernés, sans compter les modifications à apporter à toutes les lois qui sont touchées, et qui auront des conséquences importantes sur les finances publiques.

M. le Président, de plus, l'Office des professions précise que, si on reporte les chiffres sur le calendrier de ses huit premières années d'existence, l'Ordre doit disposer d'un budget global variant de 2 000 000 $ à 2 400 000 $, et qu'à ces coûts devront être ajoutés ceux de l'assurance-responsabilité obligatoire.

Nous connaissons les coupures répétées et drastiques qui ont été effectuées par le gouvernement du Parti québécois dans notre système de santé, qui est d'ailleurs dans un état lamentable. À toutes les semaines, on nous rapporte les situations dramatiques vécues par les usagers: la pénurie d'infirmières et de médecins, la fermeture des lits, et j'en passe. Comment, M. le Président, le gouvernement peut-il trouver 1 000 000 $ pour créer un nouvel ordre professionnel, quand il n'en trouve même pas pour assurer des services de santé adéquats à la population québécoise?

M. le Président, l'Office des professions du Québec avait pourtant fait état, dans son avis du mois de décembre 1998, que les associations du réseau de la santé et des services sociaux consultées, c'est-à-dire les CLSC, les hôpitaux, les régies régionales, se questionnaient sur la faisabilité d'un ordre professionnel exclusif pour les sages-femmes, tant d'un point de vue financier qu'au plan des ressources humaines. Cette inquiétude face aux ressources financières nécessaires au fonctionnement de l'Ordre s'est retrouvée tant au Conseil interprofessionnel que chez les ordres professionnels, ministères et organismes consultés. De son côté, l'Association des hôpitaux, tout comme un des regroupements faisant partie des associations professionnelles médicales et infirmières, a rejeté catégoriquement l'idée d'un ordre professionnel subventionné par les pouvoirs publics.

M. le Président, une autre de nos préoccupations concerne le champ de pratique de la sage-femme. Nous connaissons tous le caractère particulier des activités exercées par les sages-femmes, et j'ose espérer que nous sommes d'accord qu'il faut être prudent dans la description des actes qui leur seront réservés et ceux qui seront réglementés. C'est pourquoi, à mon grand étonnement, j'ai dû constater que peu de changements avaient été apportés au projet de loi devant nous malgré le fait que 59 % des groupes consultés par l'Office des professions du Québec suggéraient d'y apporter des modifications, des précisions et même des mises en garde. Il a été demandé de définir clairement quels sont les lieux d'accouchement autorisés, car cet aspect est primordial pour la santé de la mère et de l'enfant à naître. Il faut se rappeler que les projets-pilotes ont été réalisés en maisons des naissances, dans un cadre spécifiquement conçu et approvisionné de tout l'équipement nécessaire. Mais le seul endroit où l'on retrouve une allusion au lieu de naissance dans le projet de loi devant nous est à l'article 5, alinéa 2°, du projet de loi, où l'on parle des conditions d'exercice de la profession lors des accouchements à domicile. Pourtant, l'avis de l'Office des professions du Québec indiquait bien que la majorité des organismes consultés déclarait que la pratique de l'accouchement à domicile ne devrait pas être permise.

(17 h 50)

D'ailleurs, les usagères elles-mêmes ne font pas consensus sur l'accouchement à domicile. Le groupe MAMAN, Mouvement pour l'autonomie dans la maternité et pour l'accouchement naturel, qui a dressé un bilan des groupes de discussion auprès d'usagères des projets-pilotes dans les maisons des naissances, mentionne que les femmes s'accordent sur le fait que les sages-femmes devraient pouvoir exercer en milieu hospitalier et en maisons des naissances parce qu'elles s'y sentent en sécurité. Il me semble donc prématuré de permettre des accouchements à domicile, d'autant plus que nous n'avons pas le rapport du comité d'experts sur les cas de mortinaissance.

M. le Président, à plusieurs reprises, les groupes consultés par l'Office se sont questionnés sur l'interprétation à donner à certains termes que l'on retrouve maintenant employés dans le projet de loi, à savoir «lorsque tout se déroule normalement», fin de citation, que l'on peut lire à l'article 6, qui se lit comme suit: «Constitue l'exercice de la profession de sage-femme tout acte ayant pour objet, lorsque tout se déroule normalement, de donner à une femme les soins et les services professionnels requis pendant la grossesse, le travail et l'accouchement et de donner à une femme et à son enfant les soins et les services professionnels requis durant les six premières semaines de la période postnatale.» Fin de citation.

Également, comment définit-on l'expression «en cas d'urgence» dans l'article 6, alinéa 3°? Il faut se rappeler que la vie d'êtres humains est en jeu, et j'aimerais être certain qu'un cadre bien spécifique est établi de manière à s'assurer que le transfert vers un centre hospitalier se fait avec le minimum de risques possible et qu'il y ait suffisamment de temps prévu pour assurer la sécurité de la mère et de l'enfant.

M. le Président, à ce sujet, j'aimerais d'ailleurs porter à votre attention une étude menée par une étudiante en santé communautaire à l'Université de Montréal, rendue publique à l'occasion du Congrès de l'ACFAS et effectuée auprès de 363 femmes de la région de Montréal qui ont accouché en 1996 et qui travaillaient pendant leur grossesse. Les résultats de cette recherche démontrent que sept femmes sur 10 qui travaillent ont connu un accouchement difficile nécessitant une intervention médicale. Dans un tiers de ces cas, l'accouchement a été provoqué, dans un autre tiers, on a dû utiliser les forceps ou une ventouse, et un soluté pour accélérer le travail a été administré à un cinquième des femmes, tandis que 14 % ont accouché par césarienne en urgence. Compte tenu que la majorité des femmes de notre société québécoise occupent un emploi, quelles en seront les conséquences sur les accouchements pratiqués par les sages-femmes? Y aura-t-il augmentation des cas nécessitant un transfert vers le milieu hospitalier?

M. le Président, un autre élément important du projet de loi est la formation académique des sages-femmes. Il faut remarquer que les dimensions appréciées par les femmes chez les sages-femmes, et qui sont même soulevées lorsqu'on les interroge sur les compétences des sages-femmes, sont d'abord et avant tout les qualités humaines de la sage-femme. Les femmes apprécient l'écoute, la qualité du temps passé avec la sage-femme et le lien de confiance qui s'établit. Le Groupe Maman auquel je faisais référence plus tôt parle d'ailleurs d'un lien de dépendance très fort qui se tisse entre la femme et la sage-femme. Est-ce le résultat d'une société individualiste où la femme doit transposer sur la sage-femme le rôle qui devrait appartenir aux membres de sa famille ou à ses proches? Peut-être, mais ce lien est important et nous devons le respecter. C'est pourquoi, M. le Président, nous devons être vigilants quant à la formation de la sage-femme, parce que nous savons que tout individu qui requiert les services d'un membre d'un ordre professionnel s'attend à ce que ses qualifications et ses compétences soient les mêmes que celles d'un autre membre de ce même ordre, puisque l'adhésion à un ordre professionnel est synonyme de vérification, d'examen et de contrôle.

M. le Président, le projet de loi n° 28 est plutôt nébuleux au titre de la formation. L'accent est donné à la reconnaissance des sages-femmes admises au projet-pilote, et aucune mention n'est faite quant à des cours d'appoint ou même à la formation continue obligatoire, qui est un élément clé de notre système professionnel québécois pour assurer la protection du public. Il est essentiel d'élaborer des règlements obligatoires sur les normes minimales de formation des sages-femmes, et, à ce sujet, l'Association des CLSC et CHSLD préconise que le statut de sage-femme ne soit accordé qu'après une formation universitaire intégrant l'acquisition des connaissances et des habiletés requises à l'intervention en périnatalité, et le Collège des médecins ajoute que les milieux de formation devraient être affiliés aux facultés de médecine.

M. le Président, j'abonde dans le même sens, puisqu'il faut encourager la collaboration entre les diverses disciplines de la santé dans ce souci de respecter une approche multidisciplinaire qui ne peut qu'être bénéfique pour tous les intervenants. Encore une fois, cependant, je m'interroge sur la décision de la ministre, qui a, a-t-on appris, déjà arrêté son choix sur l'Université du Québec à Trois-Rivières, seule université à ne pas avoir de faculté de médecine. Loin de moi l'idée de mettre en doute la qualité de l'enseignement offert à l'Université de Trois-Rivières, mais j'aimerais qu'on m'explique les raisons qui ont guidé ce choix. Trois universités, soit Montréal, qui d'ailleurs avait déjà mis sur pied un programme de formation destiné à l'accréditation des sages-femmes diplômées hors Québec et avait donc une certaine expertise en la matière, McGill et Trois-Rivières avaient soumissionné pour être l'établissement de formation des nouvelles sages-femmes. Il serait intéressant de connaître les raisons qui ont guidé le choix de la ministre.

M. le Président, je ne m'étendrai pas sur le mandat du conseil consultatif nommé au sein de l'Ordre, bien que cette nomination laisse peut-être présumer de la part de la ministre un manque de confiance envers la reconnaissance d'une pleine autonomie des sages-femmes. Ceci m'amène toutefois à partager les craintes soulevées par l'Office des professions du Québec dans son avis de décembre 1998, que cette autonomie tant convoitée et tant attendue par les sages-femmes ne se fasse à leurs dépens. À la lumière de tous les arguments soulevés par les organismes consultés par l'Office des professions du Québec, par certaines sages-femmes et par l'expérience des projets-pilotes, les sages-femmes, tout en conservant leur autonomie, auraient peut-être pu bénéficier de l'assistance et du soutien d'un ordre professionnel d'accueil.

Néanmoins, M. le Président, nous allons appuyer le projet de loi n° 28, en demandant toutefois au gouvernement de prendre en considération nos commentaires qu'on a faits ce soir et de nous donner des réponses claires aux questions que nous avons soulevées. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Alors, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de cette Assemblée jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 5)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, puisque nous avons maintenant quorum, nous pouvons débuter nos travaux. Alors, nous sommes toujours aux affaires du jour. Nous sommes à l'article 2 de votre feuilleton. Mme la ministre responsable de l'application des lois professionnelles propose l'adoption du principe du projet de loi n° 28, Loi sur les sages-femmes. Alors, avant de suspendre nos travaux pour le souper, M. le député de D'Arcy-McGee a terminé son allocution. Alors, à ce stade-ci, je céderais maintenant la parole à M. le député de Nelligan. M. le député.

M. Kelley: Jacques-Cartier, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: À mon tour, j'aimerais intervenir dans le cadre du débat sur le projet de loi n° 28, Loi sur les sages-femmes, Bill 28, Midwives Act. Et, avant tout, je veux dire au niveau de... comme député du comté de Jacques-Cartier, on est très fier de notre projet-pilote. Le CLSC Lac-Saint-Louis était parmi les projets-pilotes qui étaient mis de l'avant par le gouvernement précédent à la fin des années quatre-vingt. Alors, on a un succès avec le centre des naissances à Pointe-Claire, pour les sages-femmes. Et je pense que tout le monde a appris beaucoup de choses comme participant dans le succès du programme des sages-femmes.

Mais ce soir j'interviens plutôt comme porte-parole pour l'opposition officielle en matière des affaires autochtones, parce qu'encore une fois le gouvernement, malgré son discours, ses belles paroles, qu'il va former des partenariats avec les peuples autochtones, a refusé de passer aux actes et de respecter sa propre parole dans le dossier des sages-femmes. On se rappelle tous, M. le Président, il y a un an, ce gouvernement qui a publié une politique, Partenariat, développement, actions , et les belles promesses, les belles paroles qu'on trouve à l'intérieur de cette politique autochtone de ce gouvernement de forger le partenariat avec les peuples autochtones. Mais, dans ce dossier précis, on cherche en vain les suites données aux maintes représentations des peuples autochtones pour une reconnaissance de leurs sages-femmes. Et on ne les trouve pas, M. le Président. Et ça, c'est quelque chose que je trouve fort regrettable parce que, au-delà du beau discours sur l'importance de parler des partenariats, de faire le partenariat, c'est de s'asseoir avec les peuples autochtones et de trouver les moyens de s'entendre pour quelque chose comme ça.

Juste un bref rappel, une des choses ce soir qui sont surprenantes, ce n'est pas la première fois mais c'est la deuxième fois dans cette session que nous sommes en train de modifier la loi qui touche à la loi sur la santé des Cris sans les consulter, sans même avoir la courtoisie de les aviser. On est en train de toucher la loi qui gouverne la santé chez les Cris. Il faut le faire, M. le Président! C'est quelque chose! On parle de partenariat, mais, quand ça prend le député de l'opposition officielle avec son fax pour envoyer, premièrement, le projet de loi n° 27 dont les Cris n'étaient pas du tout au courant... Ce soir, c'est le projet de loi n° 28 qui touche la loi sur la santé des Cris, et ce gouvernement n'a même pas pris la peine de les aviser. Il faut le faire! On touche la loi de nos partenaires sans les consulter. Et, quand j'ai posé la question à la ministre de la Santé et des Services sociaux concernant la loi n° 27, elle a dit: Oh, ce n'est qu'une affaire de concordance. M. le Président, il faut être un petit peu plus sérieux que ça, si on veut établir des partenariats avec les autochtones, ce n'est pas en disant que c'est uniquement de la concordance. J'ai trouvé la réponse de la ministre arrogante, elle ne tenait pas du tout compte de la réalité chez les autochtones.

(20 h 10)

Encore ce soir, on a un autre projet de loi, et ce n'est pas tous les ministres. Et c'est un petit peu une confusion, ce soir, parce que la ministre de la Justice, qui est auteure de la loi n° 28, dans le cadre du débat sur la loi n° 32 qui traitait des conjoints de même sexe, a consulté le Grand Conseil des Cris. Ils sont arrivés avec un consentement, il y a eu une modification faite en étude détaillée la semaine passée. Alors, sur un projet de loi, le gouvernement est capable de consulter, d'agir, mais, quant à la ministre de la Santé et des Services sociaux, comme j'ai dit, M. le Président, c'est la deuxième fois dans cette session qu'on a un projet de loi qui touche les Cris, et ils ne sont même pas avisés. Alors, première des choses, si on veut faire un partenariat, si on veut tenir compte de la réalité des sages-femmes dans les communautés autochtones, il faut les aviser, il faut les contacter, prendre le téléphone, peut-être envoyer un représentant du ministère de la Santé et des Services sociaux pour les aviser du contenu du projet de loi. Mais ce n'était pas fait. Et ce n'est pas malgré les efforts de divers groupes autochtones qui ont essayé à maintes reprises d'aviser le gouvernement de l'importance de tenir compte des projets qui sont en place ou en développement chez les autochtones.

Il y avait – et je pense que c'est très important – l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador qui a écrit à la ministre de la Santé et des Services sociaux le 8 février 1999 – alors, il y a quatre mois déjà – pour indiquer son intérêt de s'asseoir avec la ministre et de voir si on peut arriver à une entente qui serait intéressante. Le 10 mars 1999, Mme Michèle Audet, qui est la présidente de l'Association des femmes autochtones du Québec, a écrit elle-même à la ministre pour dire: Il y a un problème ici. On a des projets en place, on a des projets en développement quant à la réalité des sages-femmes autochtones. Est-ce qu'on peut négocier une entente? Mais ça, c'est des lettres qui sont restées sans réponse, sans action de ce gouvernement. Alors, le 7 avril, l'Assemblée des premières nations a pris la peine d'adopter une résolution pour appuyer la demande qui a été faite par l'Association des femmes autochtones du Québec d'explorer la possibilité de faire une reconnaissance d'un statut de stage sage-femme autochtone à l'intérieur du projet de loi n° 28.

Alors, on a vu les démarches par plusieurs organismes. Je peux ajouter à ça les résolutions qui ont été adoptées et envoyées à la ministre de la Santé et des Services sociaux par la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador. Ça, c'est une résolution qui a été adoptée le 18 mai. Le 11 février, le Conseil de la nation huronne-wendat a adopté une résolution dûment envoyée à la ministre. On est maintenant au mois de février aussi. Le Conseil des montagnais du Lac-Saint-Jean à Mashteuiatsh a également adopté une résolution. Ça a été dûment envoyé à la ministre. Le Conseil des Attikameks de Weymotaci, dans le mois de février aussi, a également adopté une résolution dûment envoyée à ce gouvernement. La communauté et le village inuit de Inukjuak, également au mois de février – et je vais revenir sur la question d'Inukjuak – ont adopté une résolution dûment envoyée au gouvernement, ce gouvernement qui se vante d'avoir les personnes qui sont capables de faire le partenariat. Tous ces avis, tous ces documents ont été envoyés, sans réponse par ce gouvernement.

Il faut le faire, M. le Président. Parce que, qu'est-ce qu'ils cherchent et qu'est-ce qu'ils veulent explorer... Et je pense qu'en commission parlementaire on aura l'occasion de le faire. Mais qu'est-ce qu'ils ont demandé, ils ont pris l'exemple de la loi adoptée en Ontario il y a huit ans... Et ce n'est pas compliqué du tout, c'est fort facile. À l'intérieur de la loi qui a été adoptée, la Loi concernant la réglementation de la profession de sage-femme, An Act respecting the Regulation of the Profession of Midwifery, en Ontario, le 25 novembre 1991, on a mis dans la loi une clause de style dérogatoire en disant que toute autochtone qui offre des services traditionnels de sage-femme peut employer le titre de sage-femme autochtone, une variante, ou une abréviation, ou un équivalent dans une autre langue, se présenter comme une personne ayant qualité pour exercer en Ontario à titre de sage-femme autochtone.

À partir de ça, le Collège des sages-femmes, en Ontario, avait payé les cours de formation adaptés aux besoins et à la réalité autochtones. C'est un programme qui date maintenant de sept ans. Il y a un grand centre des naissances chez les Mohawks, dans le bout de Brantford, Hamilton, Ontario, qui est comme un noyau pour la formation, maintenant, des sages-femmes autochtones. Alors, ils ont pris en considération la réalité des communautés autochtones, mis ça dans la loi. Huit ans après, ça fonctionne très bien, et je pense qu'il y a de quoi, ici, dont on peut s'inspirer.

Mais, au lieu de faire ça, toutes les demandes, toutes les résolutions que je viens d'énumérer demeurent sans réponse, et je trouve ça regrettable, et j'invite le gouvernement... Ce n'est pas quelque chose qui prendrait beaucoup de temps, avant de commencer l'étude détaillée article par article, au moins, si la ministre pouvait inviter l'Association des femmes autochtones du Québec à passer une heure avec les membres de la commission, je pense que ça serait fort souhaitable. Mme Audet, qui est la présidente, connaît très bien ce dossier. Il y avait un grand colloque tenu à Kahnawake, je pense, au mois de décembre de l'an passé, 150 personnes qui sont venues pour discuter les projets qui sont en place ou les projets qui sont en marche.

Par exemple, j'ai mentionné que, chez les Inuit, dans le comté de notre collègue le député d'Ungava, il y a à Povungnituk un projet-pilote qui a été commencé il y a maintenant 13 ans pour la formation des sages-femmes en milieu inuit. Il faut rappeler qu'on est loin, ici, de Salluit ou Povungnituk, Inukjuak, les endroits où il n'y a pas de médecin dans le village. Il faut se rappeler de ça, il y a souvent des conditions où on ne peut même pas arriver en avion. Alors, il faut rappeler l'isolement de ces communautés. Et le fait de former les sages-femmes en milieu inuit est quelque chose qui est fort pratique, fort simple. Et, comme je dis, c'est un programme qui était même avant le commencement de nos projets-pilotes. Il y avait un projet commencé par les Inuit en 1986. Alors, ça fait 13 ans. On a maintenant cinq sages-femmes en place, et au moins, ces cinq femmes qui sont déjà en place sont protégées par le projet de loi. Mais, pour le reste, pour les trois ou quatre femmes inuit qui sont en formation aujourd'hui, il n'y a aucune reconnaissance dans le projet de loi qui est devant nous. Alors, oui, d'une une certaine façon, l'article 53 reconnaît les cinq femmes qui travaillent chez les Inuit à partir de Povungnituk et Inukjuak aujourd'hui, mais, pour le reste, pour les personnes qui sont en formation aujourd'hui, on ne trouve rien dans ce projet de loi. Et, M. le Président, je pense que c'est quelque chose qui est essentiel.

Il y a également un programme de formation à Akwesasne, une Mme Katsi Cook qui est en train... C'est quelqu'un avec beaucoup d'expérience. À cause de la situation géographique, c'est quelqu'un qui est branché sur le côté ontarien; elle a pris les cours qui étaient donnés par le Collège des sages-femmes de l'Ontario, parce que le tiers de la communauté d'Akwesasne se trouve en Ontario. Alors, c'est quelqu'un qui a commencé à former les gens. Mais il n'y a pas d'espoir, dans le projet de loi qui est devant nous ce soir, que ces programmes de formation puissent porter fruit.

Et, comme j'ai dit, dans les communautés qui sont très éloignées, très isolées, ça, c'est quelque chose qui fait partie de la tradition autochtone et des moeurs autochtones. Et je pense qu'on a tout intérêt à s'asseoir, travailler avec les peuples autochtones pour en arriver avec une solution, plutôt que, comme j'ai dit... Malgré les démarches et les différents organismes qui ont essayé de contacter ce gouvernement, pour dire: Est-ce qu'on peut s'asseoir? Est-ce qu'on peut regarder le modèle qui était dans la loi ontarienne pour trouver une solution? Tout ça sans réponse, M. le Président.

(20 h 20)

Et je trouve ça dommage parce que, même dans le rapport qui a été fait par l'enquête royale sur les peuples autochtones, l'exemple que je viens de citer est mentionné. Le projet de maternité du centre de santé Inuulitsivik de Povungnituk, dans le Nord-du-Québec, est présenté comme le programme modèle conçu pour donner sa légitimité au rôle des anciennes. Alors, c'est quelque chose. Il y a un papier de recherche, qui a été fait dans la foulée de toute l'enquête royale sur les peuples autochtones, qui a souligné que c'est un modèle dont toutes les autres nations autochtones au Canada peuvent tirer des leçons, l'exemple qui existe sur le territoire québécois de Puvirnituq. Mais, au lieu de reconnaître ça... Ce n'est pas un rapport qui date d'hier, mais ça date déjà de trois ans, l'enquête royale sur le peuple autochtone. On a quelque chose ici, au Québec, un modèle, quelque chose que les autres nations, les peuples non autochtones sont en train de regarder, mais, au lieu de le reconnaître, au lieu de lui donner vie, de développer tout ça, la loi les a oubliés.

Et c'est dommage, M. le Président, parce qu'on voit, dans plusieurs domaines, au-delà d'un discours de prise en charge par les premières nations... Il y avait une grande étude publiée au mois de janvier de cette année par l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador sur les dossiers de la santé et des services sociaux dans les premières nations du Québec. C'est une brique de 150 pages. La recherche a été faite, conçue et dirigée par les autochtones sur leurs propres besoins au niveau de la gestion des services autochtones en milieu autochtone. Alors, il y a une volonté de prendre une plus grande place, et il y a, à l'intérieur de tout ça, la volonté exprimée à maintes reprises de revenir sur les formes traditionnelles et, entre autres, la question des sages-femmes, qui est complémentaire et rejoint un petit peu le modèle qui est présenté ici pour les autres femmes québécoises à l'intérieur du projet de loi n° 28. Au lieu de miser sur ça, au lieu de dire que peut-être on peut s'asseoir avec les peuples autochtones, avec le Grand Conseil des Cris, qui a indiqué un grand intérêt d'être associé, le gouvernement n'a rien fait. Et ça, c'est le gouvernement qui se vante qu'on va créer des liens, créer les partenariats avec les peuples autochtones.

Mais, actions speak louder than words, Mr. Speaker. And, if the Government was serious about working with native people on the question of midwives, they would have sat down, they would have opened the door, they would have brought them to the table. As I say, we have before us a very clear example from Ontario where legislation was adopted to recognize native midwives; it's been in place for eight years. Because of that derogation or exemption that was put into a law, a training program has now been developed so that people are being trained as native midwives. It has worked very closely with the College of Midwives in Ontario. It's a success. And, in Québec as well, as the Royal Commission on aboriginal people has said: We have examples that are very interesting as well, notably in the far North, in Puvirnituq, where a service run by the Inuit already has five midwives who have been trained, who are ready to be dispatched into the isolated communities along the Hudson's Bay Coast. The possibility to extend that program to all of Nunavik exists. So, there's a lot of hope, there's a lot of work being done here.

And, instead of finding any encouragement in Bill 28, there is nothing, Mr. Speaker. And I think, if we are looking for something that... One small program about midwives won't change the world, I accept that, but I think if there were a moment when we could send a positive signal to the Cree, to the Inuit, to the Mohawks, to the Attikameks, to the Montagnais, to all the First Nations that make up Québec, that here is something tangible that we could work on, that meets your interests in terms of promotion of a more traditional, a more holistic kind of medicine, rejoining some of the native traditions that have been lost in these communities, I think midwives is a fine example where we could work together.

It is not to cast aside everything that the medical science knows, but medical science is incomplete. A midwife takes the whole knowledge of a pregnancy, from its beginning through the birth to the care for the newborn. It is a whole cycle that is seen. It is something – the knowledge – that our midwives could share with native midwives. I think there is an awful lot of potential here to move forward. It could be a good news story but, instead, we find nothing.

En conclusion, M. le Président, je répète mon offre. Je pense que ça peut être organisé assez rapidement, avant que la commission chargée de faire l'étude détaillée de ce projet de loi commence l'étude article par article. Je pense qu'on a tout intérêt, au moins à s'asseoir avec l'Association des femmes autochtones, en commission parlementaire, leur poser des questions, voir avec les juristes s'il y a des façons dont on peut prendre le modèle qui se trouve dans la loi ontarienne et l'adapter à nos besoins, ici.

Parce qu'il y a déjà des projets prometteurs en place, il y a d'autres projets qui sont en développement. Et, compte tenu de l'isolement de ces communautés, l'éloignement de ces communautés, au lieu de prétendre qu'on peut, par avion, sortir chaque femme autochtone enceinte pour l'amener à l'hôpital, souvent très loin de sa famille et de ses proches, je pense que le projet de sages-femmes qui est déjà en développement chez les autochtones est très prometteur pour les femmes autochtones. Et je demande au gouvernement, avant de commencer l'étude détaillée, de regarder de près la loi qui existe en Ontario, pour voir si on peut aménager le projet de loi qui est devant nous.

Comme membres de l'opposition officielle, règle générale, nous appuyons le projet de loi. C'est une suite logique au projet-pilote qui a été mis en place il y a neuf ans par le gouvernement libéral. Mais je demande au gouvernement de regarder la question spécifique qui a trait aux autochtones du Québec. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jacques-Cartier et critique officiel de l'opposition en matière d'Affaires autochtones. Alors, nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. J'ai écouté attentivement la présentation qui a été faite par mon collègue le député de Jacques-Cartier, qui est toujours pertinent dans les propos qu'il tient en cette Chambre, et j'ai été profondément touchée. C'est un fait, j'ai été profondément touchée par les arguments qu'il a avancés en faveur des femmes autochtones. Je pense qu'il a amené des suggestions très constructives et j'espère que la ministre va comprendre la portée de ses propos et qu'elle va y donner suite.

À mon tour, M. le Président, je souhaite intervenir sur le projet de loi n° 28, Loi sur les sages-femmes, qui a été présenté par la ministre responsable de l'application des lois professionnelles et ministre de la Justice également. Ce projet de loi tant attendu par les sages-femmes, mais aussi par les parents, par les femmes enceintes, a finalement abouti, et je me permets de souligner la portée de ce projet de loi dans les notes explicatives.

On nous dit, M. le Président, dans les notes explicatives, que ce projet de loi prévoit la constitution d'un ordre professionnel dont les membres exerceront une profession d'exercice exclusif, à savoir la profession de sage-femme. Donc, le projet de loi n° 28 institue un nouvel ordre professionnel, celui des sages-femmes. Il en fait également un exercice exclusif aux sages-femmes. À cet égard, il définit leur champ d'exercice et précise que l'Ordre et ses membres seront régis par le Code des professions. Le projet institue également, pour une période transitoire, un conseil consultatif qui conseillera notamment le Bureau de l'Ordre quant à la réglementation qu'il adoptera.

Le projet de loi contient de plus certaines mesures visant à permettre l'intégration des sages-femmes au réseau de la santé et des services sociaux. À cet effet, une sage-femme pourra conclure un contrat de services avec un établissement qui exploite un centre local de services communautaires. L'établissement devra créer un conseil des sages-femmes lorsqu'il aura conclu un contrat de services avec au moins cinq sages-femmes et devra nommer un directeur des services de sage-femme lorsqu'il aura engagé plus d'une sage-femme. Certaines mesures permettant la conclusion d'une entente entre le ministère de la Santé et des Services sociaux et un organisme représentatif des sages-femmes, notamment quant aux modes de rémunération de ces dernières, sont également prévues dans ce projet de loi.

Par ailleurs, le projet de loi édicte des mesures visant l'intégration dans le nouvel ordre professionnel des personnes qui sont actuellement reconnues aptes à pratiquer à titre de sage-femme dans le cadre des projets-pilotes, en application de la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes.

(20 h 30)

Voici, M. le Président, en substance, la teneur de ce projet de loi. Et je voudrais, en tant que députée de La Pinière, mais aussi en tant que femme, exprimer tout le plaisir que je ressens de voir que cette lutte, qui a quand même duré pratiquement une trentaine d'années, a fini par aboutir à un résultat, un résultat concret.

Je rappellerai, M. le Président, le contexte en vous disant que cette lutte qui a été menée par les sages-femmes, mais aussi par les femmes qui ont exprimé le choix d'être accouchées par des sages-femmes dans des conditions plutôt naturelles et harmonieuses, près de leur famille, loin de milieux médicaux en tant que tels, elle a commencé par la reconnaissance, je dirais, de facto du travail des sages-femmes par le gouvernement libéral, en juin 1990, lorsque le gouvernement de l'époque avait institué des projets-pilotes pour permettre à la pratique de sage-femme de passer par une phase d'expérimentation dans des maisons de naissance mais aussi à la maison, mais pour superviser cette pratique-là pour voir quels résultats ça peut donner et voir aussi à rassurer et les sages-femmes sur le champ de l'exercice dans lequel elles s'engageaient, et les femmes qui accouchent, et les parents qui sont concernés par cette pratique-là.

Il faut dire, M. le Président, que le projet de loi qui est devant nous va permettre l'accréditation des sages-femmes qui sont passées par les projets-pilotes. On parle de huit projets-pilotes à travers le Québec qui ont duré – le premier mandat, c'était de six ans – de 1990 à 1996. Il y a eu une prolongation de deux ans, en fait, qui nous a amenés jusqu'à aujourd'hui, mais disons que les sages-femmes qui ont déjà été impliquées dans les projets-pilotes vont être accréditées, et on ne peut que s'en réjouir. J'ai d'ailleurs reçu une lettre de la présidente du Regroupement des sages-femmes du Québec, Mme Lucie Hamelin, qui m'invitait et qui m'incitait à appuyer ce projet de loi et à réclamer, en fait, son introduction devant nous.

Je voudrais donc aujourd'hui lui répondre le plus officiellement possible: Oui, Mme Hamelin et toutes les femmes qui ont milité avec vous et dans d'autres organisations et dans d'autres milieux pendant les 30 dernières années, je me réjouis de voir que ce projet de loi est finalement devant nous. Et, comme parlementaires, mes collègues et moi-même, notre porte-parole, le député de D'Arcy-McGee, et d'autres de mes collègues, nous allons travailler à le bonifier, à l'améliorer de façon à s'assurer que ce projet de loi va fonctionner dans l'intérêt du public et dans l'intérêt des sages-femmes.

M. le Président, la profession que nous tentons aujourd'hui, par ce projet de loi, d'encadrer, c'est d'abord et avant tout la reconnaissance d'un nouvel ordre professionnel, comme je disais tantôt, à usage exclusif. Donc, pour pratiquer, ça prend un permis, un permis qui va être remis par l'ordre professionnel. J'ai eu l'occasion de rencontrer un représentant du Conseil interdisciplinaire, il y a quelque temps, et je lui ai demandé son avis. Je lui ai dit: Qu'est-ce que vous pensez de la reconnaissance des sages-femmes comme nouvel ordre professionnel? Il m'a rassurée. Il m'a dit: Évidemment, tout ce qui touche à la santé, à l'intégrité physique de la personne, à l'intégrité psychologique, c'est très délicat. Il y a des risques, et donc on est beaucoup plus rigoureux dans la reconnaissance de ce type de profession. Mais, compte tenu que le gouvernement libéral, dans sa grande sagesse, en 1990, a décidé de passer par des projets-pilotes, par l'expérimentation pratique, cela nous donne déjà un point d'appui sur lequel on peut s'accrocher pour reconnaître cette profession qui est arrivée finalement à maturité.

Donc, le projet de loi définit le champ de l'exercice des sages-femmes. Et il faut dire, M. le Président, que la pratique des sages-femmes, c'est ce qu'il y a de plus naturel. C'est ce qu'il y a de plus naturel, parce que mettre au monde un enfant, c'est un événement très heureux, et la pratique des sages-femmes, ce n'est pas quelque chose de nouveau.

Au Québec même, c'est depuis le début de la colonisation que les sages-femmes pratiquaient. Évidemment, à l'époque, on ne parlait pas d'ordre professionnel, c'était très naturel que les sages-femmes accouchaient. Et, par après, à la faveur des années soixante-dix, lorsque le mouvement des femmes s'est exprimé pour l'autonomie des femmes, pour la reconnaissance du travail des femmes, à nouveau on a vu ces réclamations et ces préoccupations s'exprimer sur la place publique. Et donc, aujourd'hui on a un projet de loi qui, finalement, reconnaît la pratique. Et je pense qu'il faudrait saluer toutes ces femmes qui, durant toutes ces années, ont tenu bon. Elles ont milité et elles ont poussé pour la reconnaissance de leur profession.

Donc, le projet de loi aussi vient, d'une certaine manière, tout en encadrant la profession sur le plan du champ de la pratique, limiter la portée de l'exercice de cette pratique-là. Alors, des questions se posent. Évidemment, selon le projet de loi, les sages-femmes ne pourraient pratiquer désormais, celles qui sont accréditées, que dans les hôpitaux et dans les maisons de naissance. Les actes qu'elles vont poser touchent à la période de la grossesse, c'est-à-dire qu'elles peuvent intervenir durant toute la période de la grossesse, durant l'accouchement et six semaines durant la période postnatale. Le fait d'intervenir dans une maison de naissance ou dans un hôpital, ça présente des avantages certes, parce qu'on est près, finalement, des ressources médicales autour, et, si, en cas de complication les choses se présentent mal, on a recours à ces ressources.

Il n'en demeure pas moins, M. le Président, que ce projet de loi laisse en plan toutes les autres sages-femmes qui n'ont pas pu participer dans les projets-pilotes et qui, par conséquent, se retrouveront exclues de l'exercice de cette pratique, du moins sur le plan légal. Et ça, c'est très préoccupant parce que ça remet en question toute la notion de la liberté de choix, la liberté de choix de la femme qui accouche et qui choisit la sage-femme qui l'accompagnera dans son événement de naissance.

Et j'ai eu des appels, M. le Président, de certaines femmes qui sont enceintes dans le moment, et qui sont à la veille d'accoucher, et qui se demandent: Comment se fait-il que... Elles avaient déjà des sages-femmes qu'on peut qualifier de traditionnelles par rapport aux sages-femmes accréditées avec lesquelles elles étaient en confiance, qu'elles connaissaient. Elle souhaitait que cette sage-femme-là, en tout cas pour l'appel que j'ai reçu, puisse l'accompagner dans son événement de naissance. Et, tout d'un coup, parce que la loi arrive devant nous et que la naissance aussi coïncide avec cette période-là, la personne est vraiment extrêmement inquiète. J'ai reçu également une copie d'une lettre qui a été adressée au premier ministre. Cette lettre adressée au premier ministre est signée par Christian Blanchet d'Adamsville, à Bromont. Et la lettre est datée du 2 juin 1999, donc elle est en date d'aujourd'hui: «L'accouchement à la maison, une question de choix personnel et familial rendu illégal.»

(20 h 40)

Il faut, M. le Président, aussi être à l'écoute de ceux que ce projet de loi excluent. Et donc, si vous permettez, je voudrais citer au texte certains extraits de cette lettre-là: «Pourquoi le gouvernement Bouchard veut-il rendre illégal un acte aussi naturel? Avec son projet de loi sur la législation des sages-femmes, le gouvernement imposera dorénavant où et comment les mères donneront naissance. Comment une société soi-disant libre et démocratique en est-elle arrivée à ce point, se demande M. Christian Blanchet. En réalité, c'est une question de gros sous, où les groupes d'intérêts organisés sont plus importants pour nos politiciens que les valeurs familiales et le libre choix de ses concitoyens.»

J'espère, M. le Président, que, comme parlementaires, nous allons regarder toutes les avenues et considérer aussi le point de vue de ces personnes qui se préoccupent aussi de l'exercice de la profession dans le sens traditionnel, comme on le connaît. Et je continue, M. le Président, à citer au texte: «À titre de parents, nous n'avons plus le choix d'avoir nos enfants à la maison, entourés de personnes de notre choix et de sages-femmes qui ont su maintenir et préserver au fil des siècles des valeurs familiales naturelles, saines et sécuritaires. Nous avons eu deux enfants à la maison, et le troisième, si les conditions le permettent, naîtra aussi à la maison. Alors, quel choix nous reste-t-il, à part la désobéissance civile?» Et M. Christian Blanchet termine sa lettre par une interrogation: «Pourquoi nous imposer la clandestinité pour un acte aussi naturel qu'est la naissance?»

Alors, M. le Président, c'est extrêmement important d'être à l'écoute aussi du point de vue des personnes qui sont exclues de ce projet de loi et qui ne seront pas couvertes. Et, de toute façon, M. le Président, les sages-femmes accréditées à l'issue de leur participation dans les projets-pilotes étaient aussi des sages-femmes traditionnelles. Pourtant, elles pratiquaient, même si la profession n'était pas reconnue légalement.

M. le Président, il est très important que l'on regarde aussi la situation de ces femmes qui accouchent et qui étaient déjà engagées avec des sages-femmes dites traditionnelles dans leur milieu, et qui souhaitent accoucher chez elles, à la maison. C'est une liberté, c'est un choix que certaines femmes font et qu'on doit respecter. Et, dans ce sens, il y a lieu de regarder, et je vais certainement aller en commission parlementaire et faire valoir le point de vue de ces femmes enceintes, des parents, aussi, qui réclament le respect et la liberté du choix qu'ils ont fait.

Alors, M. le Président, encore une fois, je me réjouis, avec mes collègues qui m'ont précédée, du dépôt de ce projet de loi. On est heureux que cette profession soit encadrée, mais on veut aussi qu'on regarde également pour les personnes qui sont laissées pour compte et qui ne sont pas touchées par le projet de loi en tant que tel.

Dans le document de présentation que le réseau, le regroupement des sages-femmes du Québec nous présente, M. le Président, on nous dit que les principes directeurs qui guident la pratique des sages-femmes sont les suivants – je me permettrai de les rappeler, parce que c'est important: respect et confiance dans le processus physiologique de la grossesse et de l'accouchement; confiance dans la compétence et l'autonomie des femmes; continuité des soins; relation personnelle et égalitaire; et respect de la globalité de l'individu et de la diversité des besoins. Ça, M. le Président, c'est les principes directeurs que les sages-femmes se sont donnés elles-mêmes, avant même que la profession ne soit reconnue.

Par contre, la profession des sages-femmes se situe à la frontière de l'exercice médical, et aussi du travail des infirmières. Donc, pour cette raison, M. le Président, il faut que le gouvernement et que dans la législation on s'assure qu'il y aura une collaboration harmonieuse qui va se faire entre ces trois corps professionnels, dans l'intérêt de la personne qui accouche, dans l'intérêt du bébé qui vient au monde, parce qu'il est essentiellement important et déterminant que l'on puisse exercer cette profession en harmonie avec tous les intervenants du milieu.

Il y a actuellement, M. le Président, une cinquantaine de pays où, déjà, la profession de sage-femme est reconnue. Et je voudrais, en terminant, M. le Président, saluer une femme, une sage-femme qui m'a marquée, qui m'a appris ce que c'était qu'être une sage-femme et qui a mis au monde des dizaines d'enfants, et, à chaque fois, pour elle, c'était un plaisir, c'était une bonne nouvelle, c'était comme si elle accouchait elle-même de son propre bébé. Cette femme qui m'a appris à respecter le travail des sages-femmes, qui m'a appris l'importance aussi d'assister une femme qui donne naissance, qui m'a appris à respecter la vie, cette sage-femme qui m'a marquée, c'était ma mère. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Sauvé. Mme la députée.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Merci, chers collègues. Il me fait plaisir, effectivement, de prendre la parole sur le projet de loi n° 28, Loi sur les sages-femmes.

De tout temps, M. le Président, et dans pratiquement toutes les collectivités, toutes les communautés, il y a eu une collaboration et une solidarité entre les femmes non seulement pour suivre la grossesse, mais dans l'acte de la naissance. Cette solidarité et cette collaboration entre femmes a développé une compétence certaine chez plusieurs femmes par rapport à la grossesse, le travail, l'accouchement en lui-même et, bien sûr, aussi toute la période postnatale où on doit prendre soin du nourrisson. Cette compétence, cette solidarité, cette collaboration entre femmes, elle s'est faite autour d'une relation, une relation personnelle, une relation de confiance extrêmement forte entre femmes.

Ce projet de loi, je crois, confirme la reconnaissance de cette compétence développée au fil du temps – au fil des temps, pourrait-on dire – par les femmes. La grossesse et l'acte d'accouchement est un événement intime. L'acte d'accouchement est un acte intime, est un acte qui appartient principalement à la femme, dans la douleur trop souvent, et heureusement de plus en plus c'est un acte qui appartient aux couples, puisque maintenant de plus en plus le père ou le conjoint est invité à participer à cet événement extrêmement important.

Néanmoins, les conditions dans lesquelles on veut vivre cet acte de naissance sont un choix qui, ultimement, appartient aux femmes. Il faut faire confiance aux femmes, on le fait déjà, et surtout il faut reconnaître la liberté individuelle, la liberté de chaque femme de décider comment elle souhaite mettre à jour, mettre au monde – ce merveilleux acte – mettre au monde son enfant. Il est extrêmement important de respecter cette liberté individuelle des femmes, mais néanmoins, comme société, je crois que nous avons toujours été sensibles à l'importance, dans la même foulée, d'assurer leur sécurité, d'assurer leur survie, d'assurer la santé et la survie du nourrisson.

Ce projet de loi, M. le Président, le projet de loi n° 28, on peut affirmer que c'est un projet de loi qui va en continuité avec la première reconnaissance officielle des sages-femmes au Québec qui a été faite par le gouvernement dirigé par le Parti libéral du Québec. Nous sommes en 1990, et ce gouvernement du Parti libéral du Québec promulgue la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes. Ce sont des projets-pilotes qui ont eu une durée de six ans et qui ont dû être prolongés encore de deux ans sous le présent gouvernement, compte tenu qu'on n'avait pas encore réussi à décider comment on allait légiférer dans le cas des sages-femmes.

(20 h 50)

Je prends tout de suite le temps, M. le Président, vraiment d'offrir mes plus vives et mes plus sincères félicitations pour la détermination et le travail des femmes du Québec, des groupes de sages-femmes et de toutes ces femmes qui n'ont jamais abandonné leur idéal dans cet acte aussi personnel qui est l'acte de naissance. Et je crois qu'il faut féliciter les femmes du Québec pour leur détermination, leur travail et d'en être arrivées non seulement en 1990 à travers des projets-pilotes, mais aujourd'hui à une reconnaissance officielle des sages-femmes au Québec.

Le projet de loi n° 28 crée donc un ordre professionnel où le titre de sage-femme sera réservé à ses membres et aussi où l'acte, comme défini dans le projet de loi, sera un acte exclusif aux membres de ce nouvel ordre professionnel. Ce projet de loi n° 28 permet aussi à des sages-femmes de procéder à la signature de contrats de services avec nos CLSC et permet aussi la création de conseils de sages-femmes dans les CLSC, là où il y aura au moins cinq sages-femmes dans les établissements.

Il est important, M. le Président, dans la foulée des commentaires du porte-parole officiel de l'opposition en ces matières, mon collège de D'Arcy-McGee, de tout de même faire nôtres certains commentaires de l'Office des professions, qui a procédé à des consultations récentes dans le dossier des sages-femmes et qui faisait certains commentaires qui, à mon sens, sont autant de reflets de la faiblesse actuelle du projet de loi. Je crois qu'en commission parlementaire il sera important qu'on ait, dans un climat serein, des débats de fond pour répondre et mettre en lumière certains éléments importants du projet de loi.

Pensons, par exemple, à la définition des «lieux de naissance autorisés». Nous savons, bien sûr, que l'acte de naissance est autorisé dans nos établissements de santé, dans nos hôpitaux. Nous savons aussi que, à partir du projet-pilote promulgué par le Parti libéral du Québec, en 1990, il y a maintenant des maisons de naissance où travaillent en toute légalité des sages-femmes. Mais est-ce que la naissance dans un domicile, est-ce que cet acte-là de naissance dans un domicile est vraiment autorisé? Tout ce qu'on peut dire, c'est que nous sommes devant un point assez nébuleux de ce projet de loi et qui pourtant fait partie habituellement des attentes qu'ont les couples du Québec qui souhaitent avoir un enfant ou qui se préparent à avoir un enfant. Je crois que c'est une attente qu'on a, d'éclaircir à tout prix ce point.

Vous savez, mon collègue de D'Arcy-McGee l'a mentionné, nous attendons avec, je pense, impatience un rapport d'experts sur la question: Est-ce que les accouchements à domicile présentent en ce moment plus de risques par rapport à la santé et à la survie des nourrissons? Et je sais que, lorsqu'on parle de ça, on parle d'un sujet extrêmement délicat, parce que vouloir légiférer en la matière, c'est aussi bien sûr restreindre la liberté de décision des femmes. Néanmoins, il faut éclaircir ce point.

Je porterais à votre attention qu'à l'article 5 du projet de loi, dans le deuxième alinéa, on fait une allusion, mais c'est le seul du texte de loi qui nous est présenté aujourd'hui. On dit que le Bureau de ce nouvel ordre professionnel pourra «déterminer les normes de pratique et les conditions d'exercice de la profession exigées lors d'accouchements à domicile». Mais vous voyez comment ce texte de loi en ce moment est confus. Ma collègue de La Pinière vient de vous lire une lettre de parents qui sont sûrs et certains, des parents qui attendent un troisième enfant, que dorénavant accoucher à domicile sera un acte illégal et qu'ils devront faire preuve de désobéissance civile s'ils veulent exercer ce choix. Sommes-nous devant un acte illégal ou pas? Il faudra, je pense, en commission parlementaire, statuer et éclaircir ce projet de loi sur la légalité ou pas d'accoucher à domicile.

M. le Président, je crois qu'il y a aussi plusieurs groupes qui se sont fait entendre devant l'Office des professions, qui ont demandé à ce qu'on soit devant une définition claire de la notion de «lorsque tout se déroule normalement» ou encore la notion de «en cas d'urgence». Il est clair que nous sommes ici, devant ces deux expressions, devant le coeur de ce projet de loi. Les attentes des parents, c'est effectivement qu'on puisse, je pense, en tout temps, assurer la sécurité de la mère et du nourrisson tout en assurant sa liberté d'exercer son choix sur avec qui et où elle souhaite accoucher. Donc, plusieurs groupes ont demandé à l'Office des professions, ont fait la recommandation, ont fait le commentaire à l'Office des professions qu'il serait important que l'on définisse clairement la notion de «lorsque tout se déroule normalement».

Et je voudrais vous relire l'article 6, qui dit ceci: «Constitue l'exercice de la profession de sage-femme tout acte ayant pour objet, lorsque tout se déroule normalement, de donner à une femme les soins et les services professionnels requis pendant la grossesse, le travail et l'accouchement et de donner à une femme et à son enfant les soins et les services professionnels requis durant les six premières semaines de la période postnatale.»

Vous voyez comme moi, M. le Président, comment cette périphrase mise entre parenthèses, «lorsque tout se déroule normalement», comment il sera important qu'on la définisse clairement, entre autres lors des discussions qu'il y aura en commission parlementaire. Il ne faudra pas laisser le soin aux tribunaux, à des juges, lors d'éventuelles poursuites, de trancher cet élément. Je crois qu'on se doit de donner aux familles du Québec, aux parents du Québec des définitions claires sur les intentions du législateur.

La même chose, les mêmes commentaires, M. le Président, pour la notion de «en cas d'urgence». On fait référence à cette notion lorsqu'on dit que la sage-femme aura l'obligation de référer, de transférer sa responsabilité professionnelle vers le médecin en cas d'urgence. Encore là, ne laissons pas des drames survenir, ne laissons pas le soin à des tribunaux, à des juges, de trancher cette question. Je crois que c'est notre responsabilité comme parlementaires, en 1999, lors de l'adoption de la loi n° 28, d'éclaircir ce point.

Autres commentaires qui ont été faits régulièrement devant l'Office des professions lorsqu'on statuait sur la création de cet Ordre... des différents projets possibles de création d'un projet d'encadrement de l'acte professionnel de la sage-femme, c'est toute la question de la formation des sages-femmes. Nous savons que le projet de loi n° 28 fera en sorte que les 72 sages-femmes du Québec... C'est le nombre de sages-femmes qu'il y a actuellement au Québec. Ce sont les sages-femmes qui oeuvrent en ce moment dans les différents projets-pilotes qui ont cours au Québec depuis 1990 grâce à la loi passée par le Parti libéral du Québec. Donc, nous savons que nous avons 72 sages-femmes, au Québec, mais le projet de loi n° 28, M. le Président, n'est pas limpide sur les exigences en termes de formation professionnelle des sages-femmes, sur l'expérience que les sages-femmes devront avoir.

Par exemple, est-ce que la formation universitaire sera dorénavant obligatoire? À mon sens, ce n'est pas clair en ce moment. Est-ce que, si on crée un ordre professionnel, on s'attend à ce que les professionnelles sous la juridiction de cet ordre soient soumises à des processus de vérification, d'examen, de contrôle? On s'attend également, bien sûr, à ce qu'elles soient soumises à un code d'éthique. Est-ce que ceci est un corollaire à une formation de type universitaire? J'espère qu'en commission parlementaire nous saurons éclaircir ce point. Est-ce que, également, nous allons exiger – et ça m'apparaît assez important – dans le cadre d'une profession où on sait que l'expérience a peut-être toujours été un peu la base de la compétence de ces femmes qui oeuvrent comme sages-femmes... Est-ce que nous allons avoir des critères ou des exigences quant à la formation continue, quant à la mise à jour de cette expérience des sages-femmes du Québec? Là encore, nous n'avons pas de réponse claire.

(21 heures)

Si je peux me permettre, M. le Président, je crois que, parmi les commentaires reçus par l'Office des professions du Québec, il y a un commentaire extrêmement important qui tient à la survie même non pas de la mère, du nourrisson, mais à la survie même de cet ordre professionnel que nous sommes en train de créer. Je l'ai dit auparavant, il y a actuellement 72 sages-femmes au Québec. L'ordre professionnel créé par le projet de loi n° 28 reconnaîtra donc 72 professionnelles. Vous reconnaîtrez que c'est un très petit nombre de personnes pour créer un ordre professionnel exclusif à cette profession. Certains chiffres nous ont montré que cet ordre professionnel atteindra l'autofinancement seulement en 2007 ou 2008. Ça signifie que notre société, ce gouvernement, devra pallier ce manque à gagner. Bien sûr, 72 personnes, à elles seules, ne peuvent pas faire survivre un ordre professionnel. Donc, il y a au moins 1 000 000 $ qui sera versé à cet ordre professionnel, sur les huit prochaines années, pour assurer sa survie.

M. le Président, à mon sens, la question qui se pose et qu'on doit se poser, comme femmes – et j'espère que les sages-femmes se posent aussi cette question – c'est, oui, mais, après 2007-2008, compte tenu que nous ne connaissons pas bien, même avec ce projet de loi, quelles seront les règles de reconnaissance de ce qu'est une sage-femme ou pas, à partir de quels critères une sage-femme sera considérée comme pouvant faire partie de cet ordre professionnel, qu'est-ce qui nous dit combien il y aura de sages-femmes en 2007-2008? Et est-ce que cet ordre va vraiment réussir à survivre?

Je pense, M. le Président, comme je le mentionnais, que nous parlons ici de la survie de ce métier de sage-femme. J'espère que nous ne sommes pas en train de jouer un mauvais tour aux sages-femmes et, par le fait même, aux femmes du Québec, et qu'en commission parlementaire nous allons vraiment nous interroger sur la capacité, tant du point de vue financier que du point de vue des ressources humaines, de ce nouvel ordre professionnel à survivre, tout simplement, M. le Président.

Avant de terminer, je me dois aussi, M. le Président, de reprendre les propos de mon collègue de Jacques-Cartier, porte-parole de tout ce qui concerne les peuples autochtones. M. le Président, j'ai moi-même pris connaissance d'un ensemble de lettres qu'ont acheminées à la ministre de la Justice, par exemple l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador, les Services de santé et des affaires sociales du Conseil de la nation huronne, le Conseil des Attikameks et le Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean – mon collègue d'Ungava pourra me reprendre sur les accents, j'apprendrai. M. le Président, tous ces représentants des peuples autochtones ont demandé, lettre à l'appui, résolution de leur conseil respectif à l'appui, que le projet de loi n° 28 reconnaisse que nous devons faire exception quant aux sages-femmes autochtones.

Nous connaissons les us et coutumes des peuples autochtones. Nous savons même qu'assez souvent certaines études ont démontré, à une certaine époque, que la pratique des sages-femmes autochtones faisait en sorte qu'il y avait moins d'interventions de type médical lors des accouchements dans ces grands territoires. Elles ont donc une compétence vraiment reconnue.

L'Ontario a réussi, dans son projet de loi créant un ordre professionnel des sages-femmes, à tout simplement faire un article qui dit: «Nous reconnaissons le statut de sage-femme autochtone.» Tout simplement, M. le Président. Or, malgré les appels répétés des peuples autochtones faits au cours des dernières semaines et des derniers mois, le projet de loi n° 28 est complètement muet sur le statut des sages-femmes autochtones. Et je crois, M. le Président, qu'en tout respect de ces peuples, qui utilisent les services, bien sûr, de leurs sages-femmes depuis nombre d'années, on se devra, en commission parlementaire, non seulement de discuter de ce point, mais je vous prie, M. le Président, de considérer ma demande que les représentantes des sages-femmes autochtones soient entendues en commission parlementaire.

En terminant, M. le Président, je crois qu'il est important de se questionner et de lancer un appel aux établissements de santé et aux CLSC du Québec. Les sages-femmes prendront toute leur place et pourront exercer toutes leurs compétences si, et seulement si, il y a une réelle volonté dans notre système de santé et de services sociaux d'intégrer les sages-femmes. Nous connaissons les difficultés financières vécues par le réseau de la santé et des services sociaux. L'intégration des sages-femmes sera une nouvelle façon de faire. Il faudra être sûr qu'il y a une réelle volonté politique et financière d'intégrer les sages-femmes, entre autres dans nos CLSC, par la signature de contrats de services.

Pour terminer, M. le Président, j'aimerais aussi qu'en commission parlementaire on se questionne sur l'impact à long terme de cette intégration des sages-femmes à notre système de santé. Je fais confiance aux sages-femmes, je reconnais leur compétence. Je crois qu'il faudra être vigilant sur la préservation de la qualité de la relation qui a toujours existé entre la sage-femme et la mère. Trop souvent, notre système de santé, notre système de services sociaux, par son appareil bureaucratique, a créé plutôt un système de relation entre le patient et le médecin; dans ce cas qui nous intéresse, entre la mère et la sage-femme, qu'elle soit préservée avec toutes les qualités que nous lui connaissons actuellement, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Sauvé. Nous allons poursuivre notre débat, et je cède maintenant la parole à Mme la députée de Taillon et ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Pour moi, c'est un moment historique, finalement. Vous savez, j'étais ministre à la Condition féminine en 1981, et à ce moment-là déjà nous souhaitions pouvoir reconnaître la profession de sage-femme au Québec. Nous considérions que cela était un apport utile à l'ensemble des interventions concernant la naissance et concernant le support aux couples, pas seulement aux femmes, aux couples qui désiraient avoir des enfants. Et je me souviens d'avoir été sur la même tribune, entre autres, que Mme Lavoie-Roux, qui était à ce moment-là députée de l'opposition, députée de l'Acadie, si mon souvenir est bon, et qui défendait aussi avec beaucoup de conviction le fait qu'on devait reconnaître cette profession dans l'ensemble de nos services de santé et de services sociaux. Et plus tard je l'ai retrouvée, à ce moment-là moi dans l'opposition et elle au gouvernement comme ministre d'ailleurs de la Santé et des Services sociaux, défendant le même point de vue.

Alors, je suis un peu étonnée des réserves importantes qu'actuellement émet l'opposition sur ce projet de loi et j'espère que nous pourrons compter sur leur appui dans l'étude du projet de loi pour reconnaître la profession de sage-femme. Je crois que nous avons pris toutes les précautions nécessaires. Cela ne nous empêche pas, bien sûr, de nous poser un certain nombre de questions, et c'est pour cela d'ailleurs que le temps prévu en commission parlementaire pour l'étude de ce projet de loi nous permettra d'aborder un certain nombre d'aspects qui pourraient clarifier, préciser, améliorer. Mais j'espère que de ce côté-ci nous pourrons compter sur l'appui de l'opposition dans le projet de loi que nous proposons et que nous débattons ce soir, M. le Président.

En fait, ce projet de loi vient encadrer la pratique des sages-femmes au Québec. Ça remplace donc évidemment la loi qui prolonge l'effet de certaines dispositions de la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes, d'ailleurs qui doivent se terminer, soit dit en passant, en septembre 1999. C'est donc d'autant plus important que nous adoptions maintenant ce projet de loi. Et, il faut le rappeler, c'est l'aboutissement d'un long processus. Je rappelais ces engagements des années quatre-vingt, du début des années quatre-vingt, mais c'est aussi l'aboutissement d'un long processus qui a été entériné par l'Assemblée nationale du Québec un peu plus tard, soit en 1990. Et, à ce moment-là, le choix du gouvernement a été de procéder. Nous n'étions pas l'équipe au pouvoir à ce moment-là; c'était le Parti libéral qui était là. Mais le choix du gouvernement à l'époque avait été de procéder de façon progressive en expérimentant d'abord la pratique de sage-femme dans le cadre de projets-pilotes. Et on peut dire que ces projets-pilotes ont duré assez longtemps pour que nous soyons capables maintenant de tirer un certain nombre de conclusions.

(21 h 10)

Nous avons en effet la preuve que c'est viable, puisque près de 3 500 grossesses et naissances ont été suivies et assistées par les sages-femmes oeuvrant dans les maisons de naissance. Les résultats de cette expérimentation nous permettent aujourd'hui de nous engager vers la reconnaissance de cette profession, de même que son intégration, tant au système professionnel québécois qu'au réseau de services de santé et de services sociaux.

C'est évident que l'intégration d'une nouvelle profession dans notre système de santé est peu fréquente. Ça nécessite donc des aménagements législatifs de même que des aménagements administratifs qui sont importants, nous en conviendrons. Donc, pour réaliser pleinement cette intégration, permettre à la sage-femme d'exercer cette profession, il nous a fallu – et vous pourrez le constater – harmoniser la Loi sur les services de santé et les services sociaux, de même que d'autres lois.

L'opposition s'est inquiétée jusqu'à maintenant du fait que nous ayons à consacrer quelques centaines de milliers de dollars – en fait, on parle de 1 000 000 $ – au support d'un ordre professionnel. On ne peut pas en même temps, M. le Président, souhaiter reconnaître une profession, reconnaître qu'elle soit, cette profession, appuyée sur un code d'éthique solide, un encadrement professionnel reconnu, sans pour autant, sachant le petit nombre de membres de la profession, accepter de contribuer pour quelques centaines de milliers de dollars, oui, peut-être, au support de cette profession. Alors, encore une fois, on ne peut pas souhaiter une chose et son contraire, M. le Président. Alors, quand j'entends l'opposition se plaindre du fait que cela coûtera quelques milliers de dollars... Oui, cela coûtera de telles sommes, mais je crois qu'il en va de la crédibilité de la profession et des gestes, aussi, que pose le gouvernement. Et, en ce sens, j'imagine qu'on recevra aussi leur appui à cet égard.

On a questionné aussi le fait que nous ne voulions pas soustraire les sages-femmes autochtones de notre projet de loi. Je suis un petit peu étonnée, M. le Président, parce que, dans le fond, on est très, très critique sur le projet qui est devant nous. On dit: Il faut que toute la profession s'exerce dans des conditions idéales, presque parfaites, M. le Président, parce qu'il y un certain risque qu'il faudrait mieux encadrer, ce avec quoi je suis d'accord. Mais, lorsqu'il s'agirait des femmes autochtones qui désirent donner naissance dans des conditions qui ressemblent à celles que l'on accepte au plan scientifique en général dans le monde, là, tout d'un coup, on n'aurait pas les mêmes exigences pour les femmes autochtones sages-femmes, tout en ayant procédé et en pouvant procéder à certains aménagements, ce que je ne rejette pas, M. le Président. Alors, je suis un peu étonnée. D'un côté, on a un discours très exigeant, où il faut absolument encadrer, en tout état de cause, la pratique de la profession, puis, quand il s'agit de sages-femmes autochtones, bien, là, on devrait les soustraire aux exigences de la loi. Je le dis maintenant, M. le Président, je suis en désaccord avec cette approche.

Mais je ne suis pas en désaccord, cependant, avec le fait que nous entendions les communautés autochtones, et particulièrement les représentantes des femmes autochtones, sur cette question. D'ailleurs, je peux vous dire qu'en mai dernier un responsable au ministère, un membre du personnel du ministère de la Santé et des Services sociaux a rencontré des représentants de la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Labrador de même que... Il était en compagnie, à ce moment-là, de l'Office des professions. Il y a eu, donc, une discussion. Et, de cette discussion, il en est ressorti que la Commission de la santé et des services sociaux des premières nations du Labrador a demandé un premier report, si on veut, de cette rencontre parce qu'ils n'étaient pas prêts, à ce moment-là, à faire connaître leur point de vue d'une façon plus précise, autrement que de demander une exemption au projet de loi. Évidemment, il faut, pour qu'on reconnaisse la demande d'exemption, qu'on nous explique un petit peu pourquoi on souhaite le faire. Et nous n'avons pas refusé le fait qu'on nous fasse des représentations et qu'on nous présente ces oppositions ou ces propositions. Et j'attends donc de leur part un avis formel à cet égard, M. le Président.

Mais, encore là, j'imagine que, une fois cette consultation faite, ces documents obtenus... je comprends que l'opposition ne s'objectera pas au fait qu'il y ait aussi une certaine forme d'encadrement lorsqu'on reconnaît la pratique sage-femme dans les communautés autochtones en raison, bien sûr, d'une obligation que nous avons d'assurer la sécurité de la naissance des enfants dans des conditions où ce sont des sages-femmes qui accompagnent les femmes qui donnent naissance aux enfants.

Par ailleurs, en écoutant aussi les membres de l'opposition, un certain nombre d'entre eux nous ont souligné qu'il avait été un peu long avant que nous ne déposions le présent projet de loi. Encore une fois, on ne peut souhaiter une chose et son contraire, hein? Alors, pourquoi avons-nous pris autant de temps? Essentiellement, parce que nous voulions procéder à une évaluation très rigoureuse des projets-pilotes qui s'est faite par un conseil d'évaluation formé d'un regroupement de chercheurs qui provenaient, entre autres, de différentes universités.

Essentiellement, les recherches consistaient en une étude de cas multiples et en une étude comparative avec groupes témoins appariés. Autrement dit, on observait dans une perspective où on regardait le travail des sages-femmes par rapport au travail accompli par des professionnels de la santé dans un réseau plus conventionnel. Alors, chaque projet a été étudié en profondeur, des comparaisons ont été faites entre un groupe de 1 000 femmes suivies par des médecins et 1 000 femmes suivies par des sages-femmes. Le conseil d'évaluation des projets-pilotes conclut que la pratique des sages-femmes, telle qu'expérimentée, a satisfait les exigences de la loi, et, selon lui, l'ensemble des résultats obtenus confirme l'aspect sécuritaire de la pratique sage-femme.

Cependant, par souci de précaution, le ministère a demandé une étude supplémentaire sur un des aspects qui ne lui apparaissait pas suffisamment documenté, entre autres sur le taux de mortinaissance. Je crois que notre collègue de D'Arcy-McGee l'a d'ailleurs souligné cet après-midi. Il faut savoir que le Bureau de la statistique du Québec n'a pas fourni aux chercheurs, pendant 10 mois des 17 mois qu'a duré l'appariement, les mortinaissances au fichier des naissances dans le groupe de clientèles suivies par les médecins, ce qui a rendu la comparaison, à toutes fins pratiques, impossible.

Alors, les chercheurs ont essayé par ailleurs de comparer les données obtenues dans le groupe de femmes suivies par les sages-femmes à des données extraites de la littérature, évidemment sans toutefois pouvoir conclure d'une façon significative. Alors, devant cela, nous avons demandé au Conseil d'évaluation des technologies de la santé de pousser plus à fond cet aspect, et les mortinaissances observées pendant et après l'évaluation ne remettent pas en question le lieu de naissance – j'y reviendrai d'ailleurs tout à l'heure – puisqu'elles ont toutes été diagnostiquées avant la naissance. Et, de plus, toute information supplémentaire ou étude complémentaire viendront, de toute façon, servir à bonifier la pratique et non, bien sûr, la restreindre.

Et je peux vous dire, M. le Président, que j'essaierai d'apporter l'éclairage le plus complet possible par rapport à l'évaluation des projets-pilotes, tel que cette évaluation a été engagée. Même si nous n'en avons pas les résultats complets à ce moment-ci, j'essaierai, d'ici à ce que nous finissions l'étude du projet de loi et que nous l'adoptions ici, que nous ayons accès à ces informations.

(21 h 20)

On a soulevé aussi une autre question, soit la formation des sages-femmes. Écoutez, nous avons fait, pour ce qui est de ce volet absolument essentiel, un appel à l'ensemble des universités à travers le Québec pour qu'elles puissent nous présenter des projets de formation exigeants, rigoureux, respectant les règles de l'art, et nous avons obtenu un certain nombre de propositions. De ces propositions, nous avons retenu, nous avons fait le choix de l'Université du Québec à Trois-Rivières qui mettra en oeuvre un programme de Baccalauréat en pratique sage-femme. Il faut vous dire, M. le Président – et vous connaissez bien cette région – que cette décision, elle est conforme à la recommandation que le comité de sélection, comprenant des représentants du ministère de la Santé et des Services sociaux de même que des représentants de la Conférence des recteurs et rectrices des universités du Québec, a rendue en février dernier. Donc, là encore, ce n'est pas un choix aléatoire, ce n'est pas un privilège que nous avons donné à une université ou à l'autre, c'est vraiment suite à un éclairage très complet qui nous a été apporté par ce comité de sélection qui est, je pense, assez crédible et sérieux lorsqu'il nous fait de telles recommandations, entre autres la Conférence des recteurs. Donc, en ce sens, je crois qu'il faut être satisfait de ce qui a été proposé et retenu, et nous offrirons une formation de très grande qualité aux futures sages-femmes du Québec. Quant à la formation continue, il y a un certain nombre de mécanismes qui seront prévus et qui permettront de l'assurer.

Donc, plusieurs éléments distinctifs de la pratique des sages-femmes, notamment la continuité des soins par une même professionnelle tout au long de la période périnatale, une approche globale participative, le respect des choix de la cliente, offrent une réponse aux demandes de la population quant à l'humanisation des soins et des services. Je peux vous dire d'ailleurs, M. le Président, que j'ai eu la chance de profiter de cette expérience pour la naissance de mon deuxième enfant, où j'étais accompagnée d'une sage-femme, et je vous dirai aussi que cette naissance a eu lieu à la maison, même si, dans les faits, nous ne le retiendrons pas dans un premier temps dans le projet de loi, ce qui était aussi l'objet d'inquiétudes de la part de nos collègues de l'opposition.

Le projet de loi que nous avons déposé vient préserver ces caractéristiques de la pratique des sages-femmes et offre une alternative aux femmes qui le désirent. De plus, les modalités d'intégration aux services périnataux qui sont proposés contribueront à l'atteinte des objectifs d'amélioration poursuivis dans le réseau des services sociosanitaires. La collaboration, la concertation en matière d'organisation et de distribution des services seront essentielles à l'intégration de la pratique des sages-femmes. Une meilleure utilisation des ressources professionnelles doit être visée, compte tenu de leurs qualifications respectives et dans le respect de la hiérarchisation des lignes de services. L'intégration doit également tenir compte des nouveaux services offerts par les sages-femmes pendant la période périnatale. Ce projet de loi vient reconnaître la pleine autonomie, l'entière responsabilité des sages-femmes dans leur domaine d'action. Il prévoit le rattachement administratif des sages-femmes aux établissements exploitant un centre local de services communautaires. Cela vient renforcer, bien sûr, la sage-femme comme intervenante de première ligne. Le projet maintient l'accouchement en maison de naissance comme service offert par les CLSC, rend possible l'accouchement en centre hospitalier par des sages-femmes grâce à des ententes interétablissements.

Quant à l'accouchement à domicile – et je le disais tout à l'heure – la loi prévoit que l'ordre professionnel détermine par règlement les normes de pratique et les conditions d'exercice de la profession avant que ce lieu de naissance soit accessible, et nous n'avons pas l'intention que cela soit possible avant quelques années et donc quelques années d'expérience. Avoir le choix du lieu se veut une réponse aux demandes des femmes. Les maisons de naissance ont démontré qu'il est possible d'accoucher de façon sécuritaire avec une professionnelle autre qu'un médecin en dehors d'un centre hospitalier. Cela contribue à redonner à l'accouchement sa dimension d'événement naturel et à désinstitutionnaliser les accouchements dits normaux. Afin de favoriser la planification des services en périnatalité, la loi confie aux régies régionales la responsabilité d'identifier les établissements pouvant signer un contrat de services avec une sage-femme.

Je termine, M. le Président. Il faut s'assurer que les services des centres hospitaliers, des CLSC, des médecins travaillant en cabinet privé, des ressources communautaires, de l'ensemble des intervenants et intervenantes en périnatalité soient harmonisés afin d'encourager une collaboration professionnelle optimale dans le respect de l'autonomie et des responsabilités cliniques de chacun et en vue de favoriser le décloisonnement des pratiques professionnelles et institutionnelles.

Finalement, afin d'éviter toute coupure dans les services offerts à la population, le projet de loi qui est déposé aujourd'hui prévoit certaines mesures transitoires qui permettront aux sages-femmes et aux établissements de se conformer au nouveau cadre légal. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la députée de Taillon et ministre de la Santé et des Services sociaux. Comme il n'y a pas d'autres interventions, est-ce que, Mme la ministre de la Justice, vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique?


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 28, Loi sur les sages-femmes, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Boisclair: Oui. M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour son étude détaillée et, en vertu de l'article 124 du règlement de l'Assemblée nationale, pour que la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux en soit membre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. L'article 61 du feuilleton de ce jour, M. le Président.


Dépôt du rapport de la commission qui procédé à l'étude détaillée du projet de loi n° 201

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 61, Mme la vice-présidente de la commission de l'éducation. Madame.

Mme Charest: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé aujourd'hui, le 2 juin 1999, afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 201, Loi modifiant la Loi concernant la Fédération des commissions scolaires du Québec. La commission a adopté le projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 53 de notre règlement concernant l'ordre des affaires courantes? Consentement?

Des voix: Consentement.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que ce rapport est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Je comprends, M. le Président, que nous venons d'adopter le rapport et que nous pourrions procéder aussi aux autres étapes de l'adoption du projet de loi. Il s'agirait de requérir les consentements, toujours pour l'article 61 du feuilleton.


Projet de loi n° 201


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 61 de votre feuilleton, M. le député de Portneuf propose l'adoption du principe du projet de loi n° 201, Loi modifiant la Loi concernant la Fédération des commissions scolaires du Québec.

Y a-t-il consentement pour déroger à l'article 268 de notre règlement prévoyant que l'adoption du rapport et l'adoption du principe d'un projet de loi privé doivent avoir lieu à une séance distincte? Consentement?

Des voix: Consentement.

M. Béchard: M. le Président, en raison de l'urgence de la situation qui nous a été décrite par la Fédération des commissions scolaires, qui tient son congrès cette fin de semaine, il y a consentement pour déroger aux articles que vous avez mentionnés.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci. Alors, puisqu'il y a consentement, nous allons procéder. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 201? M. le député de Portneuf.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Brièvement. Il s'agit donc de modifications qui sont apportées à la désignation du conseil d'administration et du nombre de vice-présidents, de même qu'au mode de décision. Et, par ces modifications, qui sont davantage d'ordre technique, la Fédération, néanmoins, pourra, estime-t-elle – et nous l'estimons aussi – procéder à ses affaires de façon plus efficace, si je peux dire, même s'il ne s'agit que de modifications de nature, je dirais, technique à ce moment-ci.

J'aimerais simplement, M. le Président, mentionner que nous avons eu l'occasion, en présence du président de la Fédération des commissions scolaires, M. André Caron, d'examiner le projet de loi à l'étape de l'examen article par article, et nous avons obtenu, dans l'ensemble, les réponses aux questions que nous nous posions comme membres de la commission. Et j'aimerais ici remercier l'ensemble des membres de la commission de leur collaboration, de même que le porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Je vous remercie.

(21 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Portneuf et parrain du projet de loi n° 201. Nous allons céder maintenant la parole au député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. M. le Président, simplement pour vous souligner, effectivement, que les travaux que nous avons eus cet après-midi sur ce projet de loi là ont été relativement rapides, et il y a une raison bien simple à cela – on l'a mentionnée aussi en commission parlementaire – c'est que la Fédération des commissions scolaires avait, depuis un an, préparé ce projet de loi là et même préparé les habitudes de fonctionnement qui découleront de ce projet de loi là. Ils nous ont expliqué clairement que l'ensemble des gens qui sont membres de la Fédération des commissions scolaires souhaitaient ces changements-là, et je crois que, en tant que législateur, quand un projet de loi de cette nature-là nous parvient et quand un projet de loi de cette nature-là est aussi bien préparé que celui de la Fédération des commissions scolaires du Québec, il est de notre devoir, si le cas est nécessaire, de procéder à certaines dérogations à notre règlement pour s'assurer que les projets de loi sont adoptés rapidement et que l'on rend service aux groupes.

Vous me permettrez, en terminant, de souhaiter un excellent congrès à la Fédération des commissions scolaires du Québec, congrès qui a lieu cette fin de semaine, et qui, comme toujours, sera sûrement des plus importants et des plus intéressants, et qui traitera de l'avenir de nos commissions scolaires et surtout de l'avenir du coeur de ceux qui forment ces commissions scolaires là, c'est-à-dire les jeunes, les parents, les enseignants, le personnel de direction. Donc, à tous et à toutes, je souhaite de très bons débats, cette fin de semaine, et de faire en sorte que le premier vice-président élu en fonction de ce projet de loi là ait un très bon mandat. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata et critique officiel de l'opposition en matière d'éducation. Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 201?

Une voix: Il n'y en a pas.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Le principe du projet de loi n° 201, Loi modifiant la Loi concernant la Fédération des commissions scolaires du Québec, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du... Excusez-moi.

M. Bertrand (Portneuf): ...principe. On n'en est pas à l'étape du principe, là, mais de l'adoption finale.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Portneuf, nous venons de terminer l'adoption du principe du projet de loi n° 201, et, si le leader adjoint du gouvernement l'appelle de nouveau, nous allons poursuivre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: M. le Président, vous lisez dans mes pensées.

Le Vice-Président (M. Pinard): Ah!

M. Boisclair: L'article 61, s'il vous plaît.


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Toujours à l'article 61, M. le député de Portneuf propose l'adoption du projet de loi n° 201, maintenant, Loi modifiant la Loi concernant la Fédération des commissions scolaires du Québec. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 201?

Une voix: Non.

Le Vice-Président (M. Pinard): Monsieur...

Une voix: Adopté, adopté.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Aucune intervention. Alors, le projet de loi n° 201, Loi modifiant la Loi concernant la Fédération des commissions scolaires du Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, ceci complète l'article 61 de notre feuilleton. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. À ce moment-ci, je vous demanderais de prendre en considération l'article 5 du feuilleton.


Projet de loi n° 43


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 5 de notre feuilleton? À l'article 5 de notre feuilleton, M. le ministre de l'Éducation propose l'adoption du principe du projet de loi n° 43, Loi concernant certaines dispositions dérogatoires dans les lois relatives à l'éducation. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 43? Comme il n'y a pas d'interventions... Il y a une intervention, effectivement.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Ha, ha, ha! Alors, avant d'adopter le principe, on va permettre au ministre de l'Éducation de procéder à son intervention. M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, la...

Des voix: Bravo!

M. Legault: Merci. M. le Président, la Charte canadienne des droits et libertés autorise le Parlement, comme vous le savez, à adopter une loi où il est expressément déclaré qu'une loi ou une de ses dispositions a effet indépendamment des dispositions de la Charte. C'est ce que le Parlement québécois a choisi de faire pour accorder des droits et privilèges aux catholiques et protestants dans cinq lois relatives à l'éducation. Ce sont les lois suivantes: donc, on a, d'abord, la Loi sur le ministère de l'Éducation; la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation; la Loi sur l'instruction publique; la Loi sur les élections scolaires; et la Loi sur l'instruction publique pour les autochtones cris, inuit et naskapis.

Donc, les dispositions de ces lois, M. le Président, accordent des droits et privilèges, comme je disais, aux catholiques et aux protestants, qui ont effet indépendamment du paragraphe a de l'article 2, de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Donc, ces articles protègent la liberté de conscience et de religion et interdisent toute discrimination fondée sur la religion.

Je vous rappelle que ces clauses dérogatoires ont été introduites dans les lois de l'éducation une première fois d'abord en 1982, avec le rapatriement de la Constitution, puis réintroduites en 1986, en 1988 et en 1994. En vertu de l'article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés, les clauses dérogatoires cessent d'avoir effet au plus tard cinq ans après leur entrée en vigueur. Donc, ainsi, dans le présent cas, à compter du 1er juillet 1999, donc le 1er juillet qui vient, l'effet des clauses dérogatoires cesse, et donc les droits et privilèges accordés aux confessions religieuses catholique et protestante, dans le système scolaire québécois, pourraient donc devenir et être jugées discriminatoires. Aussi, malgré la modification constitutionnelle qui, en décembre 1997, a rendu inapplicables au Québec les paragraphes 1 à 4 de l'article 93 de la Loi constitutionelle, certains droits et privilèges ont été maintenus quand les commissions scolaires confessionnelles ont été remplacées par des commissions scolaires linguistiques.

Donc, M. le Président, je désire rappeler, entre autres, certains droits encore aujourd'hui que les clauses dérogatoires permettent de maintenir dans nos lois. D'abord, dans la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation, la composition du Conseil est établie sur une base confessionnelle catholique et protestante. Ensuite, cette Loi prévoit aussi l'existence de comités catholiques et protestants avec des pouvoirs réglementaires en matière d'éducation, ensuite, dans la Loi sur le ministère de l'Éducation, la désignation de deux sous-ministres associés à la foi catholique et à la foi protestante, nommés par le gouvernement après consultation. Donc, c'est pourquoi encore aujourd'hui on a, au ministère de l'Éducation, un sous-ministre associé à la foi catholique et un sous-ministre à la foi protestante.

On retrouve aussi dans la Loi sur l'instruction publique, M. le Président... Il y a trois parties importantes: d'abord, le droit des élèves de recevoir un enseignement religieux catholique ou protestant et des services d'animation pastorale et religieuse; deuxièmement, on a aussi, dans la Loi sur l'instruction publique, la possibilité pour une école d'être reconnue comme catholique ou protestante et ainsi donc d'intégrer dans son projet éducatif des valeurs confessionnelles; et on a finalement aussi l'obligation pour les commissions scolaires et les conseils d'établissement d'administrer leurs écoles conformément aux règlements approuvés par les comités confessionnels pour les écoles publiques catholiques ou protestantes.

Finalement, dans la Loi sur l'instruction publique pour les autochtones cris, inuit et naskapis, on retrouve le droit de tout enfant à un enseignement moral et religieux, suivant un programme approuvé par un ministre du culte ou un prêtre desservant la communauté et par le comité catholique ou protestant.

(21 h 40)

En ce qui concerne la Loi sur les élections scolaires, M. le Président, depuis que les commissions scolaires ont été établies sur une base linguistique, cette loi ne comporte plus aucune disposition de nature confessionnelle. Le projet de loi n° 43, déposé devant cette Assemblée, propose de renouveler les clauses dérogatoires pour une période de deux ans – donc, je dis bien pour une période de deux ans – soit jusqu'au 1er juillet 2001. M. le Président, vous vous demandez peut-être pourquoi nous devons renouveler les clauses dérogatoires pour deux ans? Bien, le gouvernement veut se donner le temps de tenir un débat serein sur la place de la religion à l'école.

Deux ans, M. le Président, c'est, à notre avis, un laps de temps qui est suffisant pour dégager dans la société québécoise un consensus le plus large possible autour de la place de la religion à l'école. Notre souhait serait évidemment, idéalement, d'agir dans le secteur de l'éducation avec la loi générale sans qu'il soit nécessaire de faire appel à une clause dérogatoire, compte tenu de l'importance que revêtent les Chartes et les droits qu'elles énoncent. Peut-être qu'au terme de ce débat nous serons en mesure d'y parvenir.

M. le Président, vous vous posez peut-être une deuxième question: Pourquoi tenir maintenant une discussion sur la place de la religion à l'école? Je vous rappelle que, le 26 mars 1997, Mme Pauline Marois, députée de Taillon, ma prédécesseure, avait fait une déclaration ministérielle sur la gestion de la diversité des attentes religieuses à l'école. La ministre de l'Éducation y annonçait alors la création d'un groupe de travail qui aurait pour mandat, et je cite, «d'étudier l'ensemble de la question de la place de la religion à l'école». Elle s'engageait à ce que le rapport de ce Groupe de travail sur la place de la religion soit ensuite transmis à la commission parlementaire de l'éducation qui pourrait entendre des groupes qu'intéresse cette question.

Or, le 31 mars dernier – le 31 mars 1999 – ce Groupe de travail sur la place de la religion à l'école a remis son rapport qui a été largement diffusé dans les établissements d'enseignement et aussi auprès des groupes que la question intéresse. Il nous revient donc, M. le Président, maintenant, en tant que parlementaires, de bien prendre connaissance du rapport sur la place de la religion à l'école et d'en discuter. Il est aussi de notre responsabilité d'écouter nos concitoyens et nos concitoyennes sur ce qui leur semble être des accommodements raisonnables permettant de faire une place à la religion à l'école sans aller à l'encontre de la liberté de conscience et de religion. Et ce n'est qu'après avoir écouté la population que le gouvernement statuera sur la question et décidera, selon les modalités retenues, s'il doit de nouveau recourir à une clause dérogatoire pour l'un ou l'autre des articles des lois scolaires.

Mais, M. le Président, durant le débat, il faut se poser des questions, il faut être ouvert. Par exemple, on peut se demander: Pour faire une place à la religion à l'école, est-il nécessaire que l'école ait un statut confessionnel qui teinte son projet éducatif? On peut se demander aussi comment envisager des aménagements qui permettraient de donner un enseignement religieux confessionnel sans aller à l'encontre des droits fondamentaux. Il faut se poser ces questions aussi. On peut se demander aussi quelle est la responsabilité des églises au regard de l'enseignement religieux. Et cet enseignement doit-il se donner à l'intérieur des horaires des élèves dans les écoles? Et qui doit payer pour l'enseignement religieux? Donc, il y a toutes sortes de questions. On peut se demander aussi si les attentes au regard de cet enseignement sont les mêmes pour l'enseignement primaire qu'elles le sont pour l'enseignement secondaire. Donc, ce sont quelques exemples des questions auxquelles plusieurs citoyens et citoyennes devraient pouvoir répondre lors de ce débat.

Par ailleurs, nous en convenons aisément, il est difficile d'évoquer l'histoire de notre peuple en passant sous silence les traces profondes qu'ont laissées les religions catholique et protestante. J'emprunte ce mot du père Julien Harvey qui montre comment le christianisme a imprégné notre société, et je cite: «Comment lire Félix-Antoine Savard, Émile Nelligan, Margaret Atwood sans connaître les sources spirituelles de leur inspiration? Comment chanter Félix Leclerc et Gilles Vigneault sans comprendre leurs racines? Comment visiter la place Royale et le Musée de la civilisation de Québec, comment visiter le Vieux-Montréal et le Musée des beaux-arts sans connaître la Bible et les Évangiles? À moins de se contenter du regard intéressé mais superficiel qu'on aurait en visitant le Taj Mahal sans initiation.» Fin de la citation.

Toutefois, M. le Président, pour comprendre le Québec de demain, celui qui se construit aujourd'hui, il faut aussi connaître les sources d'inspiration de gens d'origines différentes, qu'il s'agisse de bouddhisme ou de religion musulmane. À cet égard, il n'est pas inutile de se rappeler ce qu'on disait déjà au début des années soixante. Je cite: «Disons, d'abord, que la solution au problème religieux de l'enseignement devra respecter une double exigence. Elle devra d'abord tenir compte du caractère pluraliste, au point de vue religieux, que prend maintenant le Québec. À côté de la majorité catholique et protestante, diverses minorités sont apparues[...]. D'autre part, des parents ne partageant pas ou ne partageant plus la foi catholique ou la foi protestante ou n'appartenant à aucune religion demandent pour leurs enfants des établissements non-confessionnels et l'exemption de tout enseignement religieux.» Et je ferme les guillemets, fin de la citation. Ces propos, je les tire du rapport de la commission présidée par Mgr Parent qui, au début des années soixante, constatait déjà la diversité religieuse naissante au Québec.

Près de 40 ans plus tard, M. le Président, force est de constater que cette diversité s'est non seulement confirmée, mais qu'elle s'est étendue à l'intérieur du catholicisme et du protestantisme eux-mêmes. Aujourd'hui, plusieurs groupes religieux occupent une place plus importante dans certaines communautés locales. Le nombre aidant, certains d'entre eux pourraient être tentés d'exiger plus fermement la reconnaissance de leur droit de recevoir un enseignement conforme à leurs croyances.

Donc, lorsque viendra le temps pour nos nouveaux conseils d'établissement d'adapter les services éducatifs de leur école aux besoins et aux caractéristiques de la population qu'elle dessert, comment parviendront-ils à gérer, dans certains milieux, cette diversité croissante? De plus, on me fait la remarque souvent, un nombre grandissant d'enseignants et d'enseignantes en religion ne sont même plus croyants. Donc, comment peut-on demander aujourd'hui à des enseignants, des enseignants qui sont responsables d'enseigner la religion à l'école alors qu'ils ne sont pas croyants, de faire un bon travail, comme on dit? Donc, on voit que le statu quo devient difficile. Est-il acceptable?

En conclusion, M. le Président, c'est tout cela dont il faut convenir, et l'étude demandée au Groupe de travail sur la place de la religion à l'école explore plusieurs facettes des questions que je viens de soulever. Les questions liées aux aménagements de la confessionnalité scolaire en lien avec le respect de la liberté de conscience demeurent, j'en conviens, difficiles. Toutefois, le rapport du Groupe de travail nous donne une base de discussion qui nous permettra d'engager un dialogue ouvert et, je le souhaite, respectueux et positif. Il ne faut pas se contenter de lire les recommandations du rapport; il faut aussi regarder toutes les solutions qui sont envisagées, l'analyse complète qu'on retrouve à l'intérieur de cet excellent rapport.

(21 h 50)

Jusqu'à maintenant, la dimension confessionnelle du système scolaire du Québec a été gérée de façon pragmatique. Les évolutions nécessaires se sont faites progressivement, et ce, dans le respect de l'histoire et de la culture québécoises. Donc, je souhaite, M. le Président, que nous puissions trouver avec nos concitoyennes et nos concitoyens des accommodements raisonnables nous permettant de respecter, d'un côté, la liberté de conscience et de religion de toutes et de tous dans nos lois scolaires. Je suis confiant que nous allons également respecter, de l'autre côté, le point de vue et le désir des parents. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre de l'Éducation. Alors, nous allons maintenant céder la parole au député de Kamouraska-Témiscouata et critique officiel de l'opposition en matière d'éducation. M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. le Président, sur le projet de loi n° 43, projet de loi concernant certaines dispositions dérogatoires dans les lois relatives à l'éducation, finalement, M. le Président, ce projet de loi constitue un des éléments de toute la discussion et du débat qu'il y aura sur la place de la religion comme telle et de l'enseignement religieux, c'est-à-dire, dans nos écoles. Et, M. le Président, ce projet de loi là, comme le ministre l'a mentionné, vise à reconduire pour une période de deux ans seulement les clauses dérogatoires qui, je dirais, protègent le système actuel d'éducation.

Cependant, avant d'aller plus loin, M. le Président, juste pour reprendre quelques-uns des points qui ont été soulevés par le ministre et qui peuvent avoir une influence sur les décisions que nous aurons à prendre sur la reconduction ou non des clauses dérogatoires... Et je relève que M. le ministre a mentionné que le statu quo, c'est-à-dire le système que l'on connaît actuellement, serait difficile à conserver, au-delà du débat, là, que ce statut-là serait difficile à conserver. Et je vois aussi dans son discours qu'il souhaite, comme nous tous, un débat serein sur la question de l'enseignement religieux dans les écoles. Et je vois aussi qu'il a l'intention, après la discussion, de prendre position et de déterminer si un changement de statut sera nécessaire. Donc, il est clair, M. le Président, que nous nous situons dans un débat évolutif, dans un débat qui fait en sorte que, dans deux ans, on souhaite – peut-être même avant – qu'il y ait des changements, et que le statu quo soit finalement changé, et qu'on réadapte la place de l'enseignement religieux dans nos écoles.

Vous me permettrez, M. le Président, de replacer la situation dans le contexte et de mentionner que, finalement, c'est effectivement depuis presque 40 ans que le débat et la question de la confessionnalité, de la laïcité de l'école dure et qu'il est encore irrésolu. C'est encore un débat important au niveau social, et la modification, en décembre 1997, de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 et le remplacement des commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques en juillet 1998 n'ont pas clos la discussion. On passe, je dirais, à une autre étape, et qui est à une étape où on passe des structures vers, vraiment, ce qui se passe dans l'enseignement comme tel dans les écoles.

Et justement le fait qu'on ait, je dirais, résolu la question des structures comme telle fait que l'élément recentré sur la place de l'enseignement religieux est encore plus important. Et c'est dans ce contexte-là, comme le ministre l'a mentionné, que sa prédécesseure, en 1997, a confié un mandat au comité qu'on peut appeler, je pense, le comité Proulx, pour, justement, examiner la question de la place de la religion à l'école, définir des orientations pertinentes et proposer des moyens en vue de leur mise en oeuvre.

Et, sur, M. le Président, l'évolution comme telle du dossier, j'ai été revoir un petit peu dans les notes du dernier débat de 1994 pour voir un petit peu quelle était la position de nos amis d'en face, qui étaient alors dans l'opposition, face à la reconduction comme telle des clauses dérogatoires et, je tiens à le souligner, à un moment où la situation des structures des commissions scolaires n'était pas encore réglée, alors qu'aujourd'hui cette situation est réglée. Donc, ce qui, logiquement, fait en sorte qu'à l'époque les clauses dérogatoires étaient plus nécessaires que maintenant, parce que, justement, il y avait une question de structure qui était là, plus une question de la place de la religion comme telle dans les écoles. Et, à cette époque-là, ils avaient voté contre le recours aux clauses dérogatoires.

Et j'ai relevé un des éléments que le porte-parole de l'opposition, à l'époque, et député de Lac-Saint-Jean avait relevés. Et il parlait, lui, beaucoup plus dans son discours, justement, de l'aspect structure commission scolaire et il disait que l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique était un véritable carcan constitutionnel. Il mentionne: «L'article 93, tous ceux qui se sont penchés sur cette question en sont arrivés à la même conclusion: c'est un véritable carcan constitutionnel, c'est une véritable camisole de force qui nous oblige, qui nous contraint et qui nous empêche de simplifier et de moderniser notre système scolaire. C'est sur ce butoir, je dirais, qu'à chaque fois qu'on a tenté de moderniser notre système scolaire on a échoué, on a connu l'échec.»

Bien, M. le Président, je tiens à ce moment-ci à souligner le travail dans ce dossier-là de mon collègue de Marquette et le travail de mon collègue de Châteauguay, qui ont contribué, je dirais, extrêmement positivement à dénouer cette impasse-là et à faire en sorte qu'en 1997, en décembre, on a obtenu une modification constitutionnelle. Alors, tous ceux qui disent qu'une constitution, ça ne change pas, ça n'évolue pas, ça ne bouge pas, il y a eu un changement constitutionnel qui a fait en sorte qu'aujourd'hui on est rendu à une étape plus loin dans l'analyse, dans l'évolution et dans la réflexion sur le statut de l'enseignement religieux et le statut confessionnel de nos organisations scolaires et, maintenant, la place de l'enseignement religieux dans les écoles. Et je crois que les députés de Châteauguay et de Marquette, à cette époque-là, ont été à la base de ce changement-là et ont été à la base du fait que tous ceux qui voient ça comme un carcan, comme une situation qui ne bouge pas, bien, M. le Président, ils en ont pris pour leur rhume.

Dans le dossier de la place de l'enseignement religieux comme tel dans les établissements scolaires, je suis, j'ai été extrêmement surpris de voir le manque de position, je dirais, ou d'orientation qu'a donné le ministre dans ce dossier-là et le fait qu'il n'y a eu aucune, aucune, aucune appréciation du rapport comme tel, de la place comme telle de la religion dans nos écoles. Et c'est pour ça, M. le Président, que j'ai cru bon, avant d'aller plus loin, de vraiment voir quelles étaient les positions respectives des parties en place.

D'abord, la position du Parti québécois, telle qu'adoptée lors de son dernier Conseil national, et je vais vous lire la proposition, proposition 31: «Il est proposé que le Conseil national demande au gouvernement d'abroger les clauses dérogatoires qui permettent à nos lois sur l'éducation de déroger aux articles 3 et 10 de la Charte des droits et libertés de la personne ainsi qu'aux articles 2 et 15 de la Charte des droits et libertés.» Et on ajoute, à la fin: «a) en permettant une reconduction transitoire d'au plus deux ans; b) de supprimer dans toutes nos lois sur l'éducation toute référence au statut confessionnel du système scolaire tant au niveau de la structure des institutions que dans la description des tâches et des fonctions des membres du personnel; c) de prévoir dans la Loi sur l'instruction publique le remplacement de l'enseignement confessionnel des religions catholique et protestante par un programme d'initiation culturelle au phénomène religieux dans une perspective de promotion du respect mutuel, de compréhension interculturelle, de formation morale et d'éducation à la citoyenneté.» M. le Président, voici la position du Parti québécois à ce moment-ci et voici ce dont, je crois, le ministre tente de se dissocier depuis le début du débat sur la place de la religion à l'école.

La position du Parti libéral du Québec dans ce dossier-là, telle qu'adoptée en fin de semaine dernière au Conseil général, se lit comme suit: «1) Que le Conseil général du Parti libéral du Québec propose que la commission politique soit mandatée pour élaborer une réponse au rapport Proulx qui respecterait le principe de la liberté de choix des parents et des élèves défini à l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne dans une perspective d'accommodement raisonnable, assurerait le respect de la diversité des croyances religieuses des citoyens en ce qui a trait aux structures scolaires, éviterait le recours aux clauses dérogatoires; 2) que ladite position puisse servir d'hypothèse de travail aux députés et soit présentée lors des consultations en commission parlementaire; 3) que le processus de révision du statut confessionnel des écoles soit interrompu et que l'on ajuste au besoin ce processus lorsqu'une décision finale sera prise en ce qui concerne la place de la religion à l'école.»

(22 heures)

Et, M. le Président, sur ce dernier point, juste pour placer bien ça dans le contexte, présentement, en vertu de la loi n° 180, les écoles sont présentement en processus de reconfirmation de leur statut confessionnel, c'est-à-dire qu'elles ont deux ans pour dire quel sera leur statut confessionnel. Et cette démarche-là se situe exactement en même temps que, d'un côté, on propose de revoir la place justement de l'enseignement religieux dans les écoles; donc, on parle de revoir le statut confessionnel au même moment où on parle de revoir la place de l'enseignement religieux dans les écoles.

Pour nous, il semble y avoir, sans être un paradoxe, du moins une situation assez obscure parce qu'il pourrait bien survenir que 95 % des écoles au Québec reconfirment un statut confessionnel et qu'en même temps, dans l'enseignement comme tel qu'on va y donner, il n'y aurait peut-être plus de place pour l'enseignement religieux. Donc, il sera nécessaire, selon nous, que le ministre de l'Éducation se rende bien compte que ce processus de révision du statut confessionnel des écoles se situe, je dirais, en paradoxe avec le débat qui a cours actuellement au Québec.

Je veux revenir, M. le Président, à la clause dérogatoire comme telle, toujours en vous indiquant que cette clause dérogatoire vise, comme le mentionne le ministre, à garantir que, pendant la période de transition, il n'y ait pas de contestation du système et que le tout se fasse dans un climat serein. Vous me permettrez, M. le Président, d'avoir certaines réserves sur l'argumentaire du ministre à ce niveau-là.

Quand on regarde la définition d'une clause dérogatoire, comme le rappelait un juge, c'est... Certes, la Constitution permet à une Législature provinciale de déroger à la Charte canadienne des droits et libertés. Mais, pour qu'une telle dérogation ait quelque sens ou effet, encore faut-il que la loi provinciale contredise ou nie un droit que la Charte elle-même consacre. Nous croyons que nous devons respecter les droits de tous les citoyens et que l'utilisation d'une clause dérogatoire est une mesure exceptionnelle qui mérite d'être traitée comme telle. Or, dans le présent cas, M. le Président, il nous apparaît évident que le gouvernement avait le fardeau de la preuve, c'est-à-dire le fardeau et la responsabilité de nous démontrer l'importance d'avoir recours aux clauses dérogatoires, ce qui, depuis le début du débat comme tel, n'a pas été fait.

Là-dessus, vous me permettrez, M. le Président, de mentionner que le gouvernement avait finalement deux ans ou au moins un an pour se préparer au dépôt du rapport, que l'on appelle le rapport Proulx, il avait aussi ce même temps là pour nous indiquer où on s'en allait et quelles étaient ses positions, et c'est ce que son parti a fait. Cependant, le gouvernement ne semble pas vouloir aller plus loin avec la position de son parti. Et là-dessus, M. le Président, cette volonté de ne pas prendre position s'est même traduite lors d'une séance de la commission de l'éducation, séance à laquelle la vice-présidente de la commission est arrivée, peut-être sur une suggestion du ministre, pour proposer que la commission prenne un mandat d'initiative pour faire la consultation sur la place de la religion dans nos écoles.

Cette situation aurait pu provoquer le fait que, dans une commission parlementaire, on aurait entendu de nombreux groupes. Le ministre, pour ceux qui nous écoutent, dans ce type de commission parlementaire où c'est un mandat d'initiative, n'est pas tenu d'y assister. Et donc, il aurait pu arriver qu'à la fin de l'exercice la commission dépose un rapport comme tel sur les consultations qu'elle a tenues et que le ministre n'ait aucun lien avec ce rapport-là, n'y soit pas associé, et que, malheureusement, se produise la même chose qui s'est produite dans le cas du rapport Baril, le rapport sur la Loi sur les intermédiaires de marché, où une commission a travaillé pendant plusieurs mois, a déposé un rapport qui n'a pas été respecté par le ministre des Finances à l'époque et qui a fait en sorte que le travail a dû être recommencé.

Pour nous, M. le Président, il semblait absolument essentiel que le ministre participe à ces consultations-là, et c'est pour ça que nous privilégions davantage une consultation publique qui sera faite sur ordre de la Chambre, qui sera faite en présence du ministre, en présence des membres de la commission de l'éducation qui entendront des groupes et qui verront quelle est la position des Québécois et des Québécoises sur cette question-là et qui tentera, suite à ça, de faire valoir quelle est la meilleure position pour l'avenir des Québécois et des Québécoises.

Mais, M. le Président, vous me permettrez de rappeler que, à part quelques allusions, il n'a pas été vraiment clair que le ministre de l'Éducation avait l'intention de respecter, je dirais, à la lettre l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec lorsqu'il est question de trouver des accommodements appropriés et de respecter le choix des parents. C'est malheureusement un engagement qu'il n'a pas encore pris et qui laisse planer de nombreux doutes dans l'esprit des Québécois et des Québécoises. D'ailleurs, je tiens à lui rappeler que sa prédécesseure avait pris cet engagement-là à l'effet de respecter l'article 41, ce qui ne semble pas être le cas du ministre actuel.

M. le Président, sur le débat comme tel sur les clauses dérogatoires, je reviens sur un élément qui est important. Ce débat se situe dans l'esprit où le ministre de l'Éducation a lui-même avoué qu'il voulait changer, qu'il ne voulait pas conserver le statu quo. Et, je dirais, dans cette option-là, il y a de nombreuses avenues à explorer, de nombreuses situations que l'on peut regarder et qui, effectivement, permettraient de changer le statu quo, de revoir quelle est la place de l'enseignement religieux dans nos écoles et, surtout, de ne pas avoir recours aux clauses dérogatoires, clauses contre lesquelles, je le rappelle, le gouvernement actuel a voté – contre – en 1994.

Je vais, M. le Président, simplement, si vous le permettez, rappeler les principaux éléments et les principales options qui sont sans doute à la base du rapport Proulx et qui, je l'espère, guideront le ministre dans sa réflexion, parce que ce sont des avis juridiques qui viennent de son ministère et qui ont servi de consultation, de base aux personnes qui ont élaboré, peut-être, le rapport Proulx, qui élaborent ses discours et, peut-être, qui élaboreront la position du ministère.

D'abord, un des premiers avis juridiques tente de voir les différentes formes d'enseignement religieux ou moral qui pourraient être conformes à la Charte canadienne. Ainsi, en tenant compte d'un arrêt, l'arrêt Elgin, ainsi que de l'expérience américaine, Carol Stephenson, dans une étude, a tenté de dégager quel genre d'enseignement moral ou religieux, confessionnel ou culturel, pourrait être considéré comme conforme à la Charte canadienne s'il était dispensé dans des écoles publiques.

M. le Président, la première option: l'enseignement moral laïque. L'auteur note que «pour échapper aux reproches, l'enseignement moral devrait transmettre des valeurs religieuses neutres, c'est-à-dire qui ne soient ni religieuses ni antireligieuses. Il est cependant fort difficile – selon lui – de définir des valeurs morales qui respectent cette condition.» Et il mentionne que «l'enseignement moral laïque risque d'entraîner l'école dans une situation paradoxale et, pour éviter le reproche d'inculquer des valeurs religieuses, l'école tendra à présenter des valeurs morales de la façon la plus neutre possible et à souligner la pluralité des opinions à leur sujet. Certains parents pourraient alors trouver qu'un tel enseignement véhicule un relativisme moral incompatible avec les convictions religieuses qu'ils cherchent à transmettre à leurs enfants. Dès lors, ils pourraient prétendre que l'enseignement moral donné à l'école viole leur liberté religieuse. Un autre argument similaire pourrait consister à prétendre que l'humanisme laïque qui est véhiculé par l'enseignement moral constitue lui-même une religion.»

«Une façon d'éviter ces divers reproches consisterait – selon les auteurs – à prévoir une possibilité de dispense de l'enseignement moral. Certains pourraient alors prétendre que la nécessité d'obtenir une dispense a pour effet de stigmatiser les enfants, mais on peut croire qu'un système de dispense de l'enseignement moral serait plus facilement justifié sous l'article premier de la Charte canadienne qu'un système de dispense de l'enseignement religieux confessionnel. On pourrait également prévoir que l'enseignement moral doit faire l'objet d'un choix positif.» Un type d'«opting in».

(22 h 10)

Deuxième option: l'enseignement religieux culturel, les grandes lignes qui découlent – selon les auteurs – de ce que devrait comprendre cet enseignement religieux culturel. «L'enseignement doit viser l'étude et non la pratique des religions. Il doit présenter aux élèves toutes les religions, mais n'en imposer aucune. L'approche doit être académique et non confessionnelle. Le but recherché doit être de rendre les élèves sensibles à l'existence de toutes les religions et non pas de leur en faire accepter une en particulier.» L'auteur indique que «cependant, un cours sur les religions, qui voudrait éviter tout reproche et être vraiment en lien direct et en respect avec la Charte canadienne des droits et libertés, risquerait de sombrer dans la rectitude politique et de devenir intellectuellement insignifiant».

Une autre option: l'enseignement religieux confessionnel. «Étant donné qu'en droit canadien le soutien étatique accordé à une religion n'est pas en tant que tel prohibé, l'enseignement religieux confessionnel à l'école publique n'est contraire à la Charte canadienne que s'il entraîne une coercition à l'égard des non-croyants ou s'il est discriminatoire. Un programme d'enseignement confessionnel organisé de façon à échapper à ces deux reproches serait donc valide.» Il y a trois modèles qui sont présentés pour justement être valides et éviter les reproches dont j'ai mentionné l'existence plus tôt.

«Premièrement, que la plage horaire réservée durant la journée scolaire pour un enseignement confessionnel sur les lieux de l'école, c'est-à-dire que, durant la journée scolaire, une plage horaire est réservée pour que les enfants puissent recevoir l'enseignement religieux confessionnel dans les locaux scolaires, enseignement qui est assuré par les ministres représentants de divers cultes. La fréquentation de ces cours est entièrement volontaire, et les écoliers qui décident de ne pas fréquenter font du travail scolaire pendant cette période. Un programme de ce genre avait déjà été prévu par la commission scolaire du comté d'Elgin en 1988-1989 et – selon l'auteur – ce modèle, pour respecter le principe d'égalité, devrait prévoir l'enseignement de toutes les religions pour lesquelles il existe une demande significative ainsi qu'un enseignement ou une activité alternative pour les non-croyants.»

Donc, M. le Président, si on résume, il peut y avoir de l'enseignement religieux à l'intérieur de l'école comme telle – les lieux de l'école – pourvu qu'on offre différentes options selon les besoins et les demandes des parents, sans brimer les non-croyants, et leur prévoir une activité alternative.

Un autre élément, une autre option, M. le Président, est que la plage horaire durant la journée scolaire pour un enseignement confessionnel, la prévoir, cette plage-là, mais en dehors des lieux comme tels de l'école. «Et ainsi, dans ce système, le choix opéré par les enfants et leurs parents en matière d'éducation religieuse n'est pas ou peu visible par leurs camarades ou par les enseignants et l'effet de stigmatisation est donc inexistant et fortement atténué.» Évidemment, si l'on pense prévoir de l'enseignement religieux ailleurs que dans les lieux de l'école comme tels, il y a des problèmes d'organisation, de disponibilité de locaux et de transport, et tout ça, qu'il faut prendre en considération.

Troisièmement, M. le Président: l'enseignement confessionnel sur les lieux de l'école avant ou après les classes régulières. C'est un peu comme le premier modèle, sauf que l'enseignement comme tel est prévu en dehors des lieux de l'école par des représentants de diverses religions avant ou après la fin des classes régulières. Et, contrairement au premier modèle, ce système a été validé par la Cour suprême des États-Unis.

Donc, M. le Président, les avis juridiques, ce n'est qu'un avis, on en a quelques-uns que le ministre a aussi sans doute lus, et il a pris connaissance de ces avis-là, les avis juridiques expriment clairement qu'il y a différentes possibilités, il y a différentes hypothèses que l'on peut mettre de l'avant dans le choix de l'enseignement religieux et même de la laïcisation complète de l'école, qui nous permet de ne pas avoir recours comme tel aux clauses dérogatoires.

Et je tiens à rappeler qu'aujourd'hui la question est de savoir: Est-ce que, oui ou non, nous aurons recours aux clauses dérogatoires pour une période de deux ans? Et il semble, M. le Président, que cette situation-là n'est pas nécessaire. Elle n'est pas nécessaire parce que, étant donné, comme le ministre l'a mentionné, que nous sommes dans un processus de changement, nous sommes dans un processus où, dans deux ans, normalement, le système devrait avoir évolué et l'enseignement religieux, tel qu'on le connaît aujourd'hui, devrait avoir été transformé avec le but, je pense, que tout le monde poursuit dans cette Assemblée, de ne pas avoir recours aux clauses dérogatoires dans deux ans.

Donc, dans cet esprit-là, il faut référer à l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés qui dit: «La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.» Lorsqu'il y a contestation, en vertu de la Charte, d'une loi, normalement le tribunal agit en deux étapes. La première étape est que le tribunal doit décider si la loi contestée limite un des droits garantis par la Charte. Si la loi limite un droit, on atteint alors la deuxième étape, et cette deuxième étape est que la cour doit, à ce moment-là, déterminer si la limite est raisonnable et se justifie dans le cadre d'une société libre et démocratique.

Donc, M. le Président, dans cette situation-là, dans l'esprit où nous sommes, dans un processus qui fait en sorte que, dans deux ans, le système aura changé, il nous apparaît extrêmement, extrêmement peu risqué de dire que quelqu'un pourrait, à partir de demain, la semaine prochaine, dans un mois, partir une contestation du système actuel et se rendre, je dirais, au bout du processus, quand l'interprétation qui pourrait être donnée ultimement à cette démarche-là est que la limite est raisonnable et qu'elle se justifie parce qu'on est en processus de changement.

Donc, ce que l'on fait aujourd'hui, ce que le gouvernement veut faire, d'avoir recours aux clauses dérogatoires pour deux ans, il y a peut-être des choses qui l'expliquent. Et il y a une chose qui est certaine, c'est que, s'ils sont sérieux dans leur volonté de changer le système actuel... et quand on parle de changer, on peut voir qu'il y a autant de solutions pour changer le système en continuant d'avoir un enseignement religieux dans les écoles qu'en éliminant l'enseignement religieux dans les écoles. Toutes ces options-là qui permettent de ne pas avoir recours aux clauses dérogatoires comme telles, M. le Président, on peut se demander: Est-ce que les motifs sont assez sérieux aujourd'hui pour qu'on ait recours aux clauses dérogatoires comme telles? Et, selon nous, M. le Président, il semble que non. Il semble que, sans avoir recours aux clauses dérogatoires, le processus, le débat et, je dirais, les différentes concertations qui doivent se tenir sur la place de la religion à l'école pourraient se tenir aussi facilement et dans un climat aussi serein, qu'on ait ou qu'on n'ait pas recours aux clauses dérogatoires, parce que nous sommes dans un processus de changement qui, selon l'article 1 de la Charte canadienne, fait en sorte que, lorsque la limite est raisonnable, on peut très difficilement invalider une loi sur la base de cette article-là, parce que nous sommes dans un processus de changement, M. le Président.

Et d'ailleurs, vous pouvez le constater – j'en ai mentionné plusieurs – un grand nombre de solutions de rechange pourraient réconcilier les droits prévus à l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés et les autres dispositions des chartes sur les droits, entre autres sur l'égalité. Selon nous, c'est cette voie-là; et c'est cette voie-là que la formation politique du Parti libéral du Québec entend prendre et elle entend rendre son mandat à échéance pour trouver une solution qui permette de respecter le choix des parents et qui permette aussi de ne pas avoir recours aux clauses «nonobstant» comme telles. Selon nous, si le gouvernement est sérieux, si le gouvernement suit les différents avis juridiques qu'il a reçus lui-même, qui émanent de son ministère, nous nous dirigeons vers une situation où la place de la religion à l'école sera en accord avec nos chartes, et tout cela, selon le gouvernement, devrait se faire dans un délai relativement court, qui est un délai de deux ans.

Donc, je vous dirais que, contrairement à la situation qui prévalait jusqu'à la mise sur pied des commissions scolaires linguistiques, on peut raisonnablement penser, dans cette perspective de changement, que l'on peut faire confiance à la population afin de permettre au débat d'avoir lieu et au gouvernement et à l'Assemblée nationale de débattre rapidement d'un projet précis, ce qui nous empêcherait, si le gouvernement est sérieux, d'avoir recours aux clauses dérogatoires. Et je vous dirais que c'est un sujet qu'il faut traiter avec beaucoup de sérieux.

(22 h 20)

Mais la grande question est: Qui aurait intérêt à recourir aux tribunaux pendant cette période transitoire là? Il faut se rappeler, en 1994, les clauses dérogatoires ont été amenées parce qu'on voulait étudier la question pendant cinq ans, procéder à la déconfessionnalisation comme telle des structures des commissions scolaires et, par la suite, poursuivre. Et ces gens-là, à l'époque, M. le Président, avaient voté contre les clauses dérogatoires. Maintenant, ils sont au gouvernement, la déconfessionnalisation des structures a eu lieu, il y a un débat qui s'engage sur la place de l'enseignement religieux comme tel dans les écoles, débat qu'ils veulent régler avant deux ans, et ils viennent nous dire: Nous devons absolument avoir recours aux clauses dérogatoires. Pour nous, M. le Président, il y a, je dirais, une logique qui est extrêmement difficile à suivre, surtout quand on regarde l'évolution comme telle du dossier de la confessionnalité au Québec.

Et je vous dirais que, si on regarde la situation comme telle, le vote que l'on devra prendre sur les clauses dérogatoires, et l'impact et la signification comme tels de ces clauses-là, les clauses dérogatoires sont là pour être utilisées en cas d'urgence, en cas de danger, et il nous semble que, si le gouvernement est sérieux dans sa démarche de modifier comme tel la place de la religion dans les écoles, s'il veut respecter l'article 41 qui, avec des accommodements acceptables, garantit le choix des parents, pour nous, le recours aux clauses dérogatoires à ce moment-ci est, je vous dirais, plus ou moins utile et nous sommes convaincus que, si le processus est sérieux, si nous faisons confiance aux Québécois, si nous faisons confiance aux différents intervenants qui sont impliqués dans ce dossier-là, il y a moyen d'enclencher une réflexion sérieuse, de trouver un cadre possible dans le contexte actuel des chartes sans avoir recours aux clauses «nonobstant» pour une période de deux ans, à moins, et comme l'a mentionné le ministre dans son allocution, que, suite à ce débat-là, il soit dans l'impossibilité de prendre position et que, finalement, le véritable but pour lequel on reconduit les clauses «nonobstant», c'est pour simplement, dans deux ans, après le débat, les reconduire pour un autre deux ans et, finalement, ne pas procéder à des changements qui nous permettraient d'avoir un système d'enseignement religieux au Québec ou encore des écoles laïques, mais qui ne seraient pas en contradiction avec la Charte canadienne des droits et libertés.

Et, M. le Président, je vous dirais que le grand signal que l'on doit envoyer aux Québécois et aux Québécoises – et c'est un peu le signal que le Parti libéral du Québec veut envoyer – c'est que les libertés individuelles sont fondamentales, que nous croyons fermement que les Québécois et Québécoises ont atteint une maturité à ce niveau-là qui fait en sorte que tous sont conscients des changements qui vont survenir d'ici deux ans, si le gouvernement est sérieux, et qu'ils sont tous conscients que, peu importe là où on loge, peu importe que l'on veuille continuer d'avoir de l'enseignement religieux dans les écoles, peu importe que l'on veuille arrêter d'avoir l'enseignement religieux dans les écoles dans le cadre du curriculum régulier d'enseignement, il y a des solutions que l'on peut trouver sans avoir recours aux clauses dérogatoires. Et la propre jurisprudence du ministère de l'Éducation, qui a été faite à sa demande, pour justement asseoir les bases du débat, le prouve, le démontre, et ça, de façon assez claire.

Pour nous, je vous dirais que... ne pas présentement avoir recours aux clauses dérogatoires, parce que nous sommes convaincus que, si nous... et notre commission politique s'engage dans ce sens-là, parce que nous sommes convaincus que la proposition, du moins, que, nous, nous allons mettre de l'avant, que nous allons proposer, que nous allons défendre au cours des prochains mois permet de respecter le libre choix des parents, permet de respecter l'article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés et permet de respecter les libertés individuelles, et que, pour nous, il est clair qu'il y a de la place, qu'il y a une fourchette possible de solutions dans le cadre constitutionnel actuel, dans le cadre, je vous dirais, des chartes qu'on a actuellement.

Surtout, M. le Président, nous croyons que les différentes craintes qui peuvent amener le gouvernement actuel à avoir recours aux clauses dérogatoires sont, nous pensons, beaucoup plus fondées sur le fait qu'ils n'ont aucune idée d'où s'en va le débat, n'ont aucune idée présentement d'où ils se brancheront, n'ont aucune idée des solutions qu'ils pourront apporter, et que, finalement, la clause dérogatoire, pour eux, est une position de repli en attendant de faire oublier la position de leur parti, en attendant de faire oublier peut-être qu'ils ont lancé le débat eux-mêmes. Mais, pour nous, M. le Président, il est clair, et on ne croit pas, tout en respectant les craintes légitimes qui se sont manifestées, que la situation exige le recours aux clauses dérogatoires à ce moment-ci. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata, de votre intervention. Un rappel aux membres de l'Assemblée que nous sommes sur l'adoption du principe du projet de loi n° 43, Loi concernant certaines dispositions dérogatoires dans les lois relatives à l'éducation. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Je vais reconnaître maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice et député du comté de Marquette. M. le député, je vous cède la parole.


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, merci. Il me fait extrêmement plaisir de prendre la parole sur le projet de loi n° 43 et, d'emblée, de souligner, de saluer le travail considérable effectué par M. Jean-Pierre Proulx et son comité qui ont produit le rapport commandé par le gouvernement intitulé Laïcité et religion: perspective nouvelle pour l'école québécoise .

M. le Président, j'ai pris connaissance du rapport. C'est un rapport qui est très rigoureux, qui est extrêmement bien fait, qui est fidèle à son président, un homme qui connaît ce dossier mieux que quiconque au niveau de la province. C'est tellement vrai que, alors que j'étais critique en matière d'éducation, j'avais retenu les services de M. Proulx, et il nous a bien servis, M. le Président, collectivement, comme Assemblée nationale. Il nous a permis de faire un pas que nous n'avions pas réussi à faire en 30 ans. J'avais commandé une étude qui a conduit à l'implantation des commissions scolaires linguistiques et qui a passé, M. le Président, par une modification constitutionnelle. On se rappelle que les gens d'en face avaient tout fait pour résister à la modification constitutionnelle, parce que, bien sûr, ça ne cadrait pas bien avec leur projet souverainiste et le discours qu'ils défendaient à l'effet que la Constitution canadienne était immuable, que la Constitution canadienne était un carcan, que la Constitution canadienne ne pouvait pas être modifiée. Alors, M. le Président, nous avons démontré, avec le gouvernement fédéral à Ottawa, que nous avons réussi sur cette importante question pour le Québec: l'article 93 en question a été abrogé.

Et, M. le Président, je salue le travail fait également par la ministre de l'Éducation de l'époque, Mme Marois. Ça n'avait pas été facile. Je la talonnais régulièrement. J'étais convaincu du bien-fondé du projet. Il y a eu plusieurs volte-face dans ce dossier-là de la part du parti ministériel. On sait que, suite à l'adoption d'une résolution unanime par l'Assemblée nationale, ça a donné lieu à plusieurs démissions de la part de militants du Parti québécois qui étaient complètement en désaccord avec la position gouvernementale. Mais je dois saluer le courage de la ministre de l'Éducation de l'époque qui a décidé de ne pas suivre la ligne que voulaient tracer les militants du Parti québécois et qui a répondu à l'appel que je lui faisais lorsque je lui disais: Je vous tends la main, Mme la ministre, allons à Ottawa ensemble, nous allons obtenir la modification constitutionnelle. Et cela fut fait.

(22 h 30)

Nous sommes maintenant, M. le Président, dans une deuxième phase. Parce que la ministre de l'époque avait annoncé qu'il fallait maintenant voir également en toute logique la place de la religion dans les écoles au Québec. Ce que je n'arrive pas à comprendre aujourd'hui, c'est la position gouvernementale par rapport aux clauses dérogatoires. Comment expliquer, M. le Président, qu'il y a eu unanimité au niveau de l'Assemblée nationale pour abroger l'article 93 de la Constitution canadienne, l'article 93 de la Constitution canadienne qui prévoyait des privilèges pour deux catégories de personnes, pour deux religions? Les catholiques et les protestants bénéficiaient dans notre système de privilèges particuliers en regard de l'enseignement religieux catholique et protestant, non seulement au niveau des écoles, mais au niveau des commissions scolaires. Nous avons posé un geste collectivement, comme Assemblée nationale, il y a trois ans, pour dire: Nous abolissons l'article 93. Et le gouvernement fédéral, dans une démarche bilatérale, a répondu à l'appel. Et aujourd'hui, M. le Président, nous avons une Constitution canadienne où l'article 93 de la Constitution ne s'applique plus au Québec.

Aujourd'hui, nous sommes face à un nouveau ministre de l'Éducation qui, lui, dépose un projet de loi qui vient contredire le geste posé par l'Assemblée nationale, qui dit: Sur le plan constitutionnel, plus de privilèges pour les catholiques et les protestants; tout le monde sur le même pied d'égalité, l'égalité des citoyens, qui est un principe extrêmement cher pour le Parti libéral du Québec, avec les libertés individuelles qui sont fondamentales dans une société libre et démocratique. L'actuel ministre de l'Éducation, lui, vient dire: Nonobstant tout ce que vous avez fait dans le passé, nonobstant la modification constitutionnelle obtenue qui vient aborder l'article 93... Il dépose un projet de loi qui prévoit rien de moins que le maintien des privilèges des catholiques et des protestants dans notre système scolaire, ce qui va à l'encontre de la démarche amorcée il y a maintenant trois ans par l'Assemblée nationale, à l'unanimité des membres.

M. le Président, le Parti libéral du Québec a le courage de remettre en cause ce que j'appelle, ce que d'autres appellent le modèle québécois. Et le système scolaire dont nous avons hérité depuis plus de 30 et 40 ans fait partie de ce que j'appellerais le modèle québécois. Nous avons le courage de le remettre en cause, de le questionner, de poser des questions par rapport au bien-fondé. Est-ce qu'il répond, à l'aube de l'an 2000, aux besoins de la société québécoise? Avons-nous besoin d'un système scolaire qui prévoit des privilèges pour deux classes, deux catégories de citoyens: les catholiques et les protestants? C'est la question que nous posons. Nos militants ont donné un mandat à la commission politique pour élaborer une position, mais une position qui est basée sur le fait qu'on ne doit pas non plus maintenir une clause dérogatoire par rapport à la Charte québécoise et à la Charte canadienne des droits et libertés de la personne.

M. le Président, comme mon collègue le député de Kamouraska-Témiscouata l'a indiqué, il y a plusieurs perspectives qui sont analysées dans ce rapport, mais je vous soumets bien humblement et bien personnellement qu'elles ne sont pas exhaustives, il y en a d'autres. Ce à quoi nous nous heurtons, c'est à la réalité sociale québécoise qui a hérité, au fil des années et au fil des décennies, d'un modèle qui prévoit que la transmission de la foi catholique et protestante puisse s'opérer au niveau des écoles.

La question qui se pose: Est-ce que c'est le rôle de l'État – c'est la question que nous posons et nous verrons, par la suite, la position qui sera déposée par la commission politique du Parti libéral du Québec et ce qu'en fera le gouvernement et nos militants – de financer, à même les deniers publics, la transmission de la foi d'une religion, de deux religions ou de plusieurs religions? Voilà une des question qui est posée. Comment devons-nous réagir, comme législateurs, par rapport à la demande constante des parents qui souhaitent que cette transmission de foi là puisse s'opérer dans nos écoles québécoises par le biais, entre autres, d'un cours d'enseignement religieux soit catholique soit protestant ou autre?

La réalité sociale québécoise, elle est celle-là. Ce que je soupçonne, M. le Président, et je ne suis pas le seul à le soupçonner, c'est que le gouvernement ne souhaite pas faire un véritable débat sur la question. Comme le disait l'éditorialiste M. Dubuc, dans un éditorial publié ce matin dans le journal La Presse , en parlant des questions économiques en ce qui concerne le modèle québécois, mais qui s'appliquent, à mon point de vue, au niveau scolaire... Il disait ceci: «...mais aussi parce que la possibilité d'une échéance référendaire paralysera encore plus le processus. Une remise en cause du modèle québécois risquerait de perturber les alliances politiques et s'attaquerait à la conception traditionnelle de l'État que porte le projet souverainiste.»

M. le Président, ce qu'on sent, depuis que l'actuel ministre de l'Éducation est devenu ministre porteur de ce dossier-là, c'est qu'il ne souhaite pas poser les questions, il ne souhaite pas faire un véritable débat. Et ce qu'il fait présentement, en reconduisant une clause dérogatoire, c'est ni plus ni moins d'aller à l'encontre de la volonté exprimée par l'Assemblée nationale lorsqu'elle a voté, il y a trois ans, pour une modification constitutionnelle.

Je soupçonne, M. le Président, comme l'éditorialiste de La Presse le soupçonne, que le gouvernement ne veut pas poser des questions qui risqueraient de perturber les alliances politiques que le gouvernement a bâties au fil des années par rapport à son projet souverainiste. Ils veulent être très prudents. Ils ne veulent rien faire, M. le Président, qui pourrait susciter des controverses dans l'opinion publique. Et, s'il y a une question qui soulève les passions... on le voit depuis la publication pas seulement du rapport Proulx, mais également au moment du dépôt des états généraux de l'éducation, on envisageait la même perspective qui est envisagée aujourd'hui dans le cadre du rapport Proulx. À l'époque et aujourd'hui, ce même gouvernement refuse de faire le débat sur cette question, qui est quand même fondamentale et qui implique tout le système scolaire québécois.

M. le Président, comment est-ce que le ministre de l'Éducation va pouvoir avancer au niveau des programmes d'étude, au niveau de la réforme du curriculum, s'il n'a pas clairement annoncé ses indications par rapport à cette importante question là? Parce qu'on sait que l'enseignement religieux catholique ou protestant occupe une place importante dans le curriculum. Comment peut-il aller de l'avant tant et aussi longtemps qu'il n'a pas fait une réflexion et que l'Assemblée nationale n'a pas pris position dans cet important débat là?

J'ai l'impression, M. le Président, qu'il y a d'autres motifs, d'autres considérations qui entrent en ligne de compte, qui sont étrangers par rapport aux intérêts des enfants, aux intérêts des parents et aux intérêts de la société québécoise en général, sur le plan éducatif. Le gouvernement, encore une fois, a comme perspective son option, son ultime but, son objectif, c'est-à-dire réaliser la séparation du Québec du reste du Canada. Et voici un dossier sur lequel...

(22 h 40)

Et je regarde le ministre, qui est en face de moi, qui semble être incrédule, M. le Président. Je lui rappelle que ça ne vient pas strictement de moi, c'est partagé par des éditorialistes. Je pense qu'on ne peut pas faire confiance au Parti québécois pour remettre en question l'état actuel des choses sur le plan fondamental. Je rappelle à mes amis d'en face que la Révolution tranquille a été l'oeuvre du Parti libéral du Québec, qui est un parti moderne, qui est un parti ouvert, qui est un parti qui respecte les libertés fondamentales, qui respecte le principe, également, de l'égalité des citoyens devant l'État, devant la loi. Et, donc, M. le Président, comme l'indiquait M. Alain Dubuc, l'éditorialiste de La Presse , on ne peut pas faire confiance au Parti québécois pour remettre en cause ces choses-là.

Et on ne peut pas présumer de nos conclusions. Nous allons être à l'écoute de la population québécoise, et je pense qu'on va devoir également faire une certaine pédagogie au niveau des parents pour tenter d'expliquer véritablement qu'est-ce qui s'est passé sur le plan scolaire au cours des dernières années et au cours des 30 dernières années. Est-ce que ça correspond également, le système que nous avons actuellement, aux véritables besoins de notre société? Mais, cependant, M. le Président, on ne peut pas se fier sur les gens d'en face pour amorcer cette réflexion-là. On se rappelle qu'à l'aube des années soixante, c'est sous un gouvernement libéral de Jean Lesage que ces importants changements là ont été réalisés, dont nous sommes extrêmement fiers aujourd'hui, et je pense que 30 ans, 40 ans plus tard, nous sommes le parti tout désigné pour pouvoir amorcer sérieusement non seulement la réflexion, mais également les changements qui s'imposent au niveau de la société québécoise.

Et, lorsqu'on regarde ce que les gens d'en face nous proposent, ils proposent rien de moins que le statu quo. On n'a pas vu de déclaration de la part de l'actuel ministre de l'Éducation ni de la part du premier ministre sur, pourtant, une question qui est fondamentale, qui est extrêmement importante, qui est dans le décor depuis plus de 30 ou 40 ans, alors que c'est eux-mêmes, c'est ce même gouvernement qui a commandé l'étude que nous avons sous les yeux, M. le Président, une étude, je le répète, qui a été faite de façon extrêmement rigoureuse, très lucide, et qui interpelle non seulement les parlementaires, mais tous les parents, et qui interpelle également notre questionnement par rapport au rôle de l'État. On a nettement l'impression que les gens d'en face ne semblent pas vouloir faire le débat sur de telles questions; ça n'a pas pris cinq minutes pour le caucus et le parti du Parti québécois pour prendre une position qui semble être unanime, de dire: On poursuit les clauses dérogatoires pendant une période de deux ans, on ne troublera pas l'état actuel des choses et on va s'inscrire dans le statu quo, dans la continuité, alors qu'il y a toutes sortes d'indicateurs dans notre société que nous sommes mûrs pour des changements, et il faut les saisir alors qu'ils frappent à notre porte.

Il y a eu le rapport des états généraux de l'éducation. Il y a maintenant le rapport Proulx; les gens sont prêts pour en faire le débat, M. le Président. Mais on n'a aucunement besoin d'une clause dérogatoire. Ce qu'une clause dérogatoire laisse entendre, c'est une volonté de la part du gouvernement du Parti québécois de poursuivre l'état actuel des choses. Et on n'a qu'à lire les biographies de l'actuel premier ministre pour se rendre compte que lui n'a aucunement l'intention d'apporter quelque changement que ce soit. On se rappellera, dans son enfance, M. le Président, que l'évêque du coin était venu mettre un béret sur la tête de Lucien Bouchard pour dire qu'il serait un cardinal un jour. M. le Président, on a entendu des choses au sujet de l'actuel ministre de l'Éducation qui, sur ce point de vue là, est très traditionnel, très conservateur, et qui semble vouloir imposer ses propres convictions dans un débat et par rapport à une question qui touche l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

J'entends le député de Gouin qui, depuis tantôt, fait appel au rôle que j'ai joué antérieurement comme président d'une commission scolaire. Je lui dirai que j'ai fait une profonde réflexion au cours de nombreuses années. J'ai moi-même vu, sur le terrain, à Montréal, ce que signifiait une commission scolaire confessionnelle, j'ai vu ce que ça voulait dire de façon concrète, et je me suis rendu compte qu'à plusieurs égards c'était vide de sens. Et j'ai posé un geste, en 1994, pour m'assurer que la commission scolaire que je présidais allait se transformer en commission scolaire linguistique. Et on a vu, par la suite, ce qui s'est passé: malheureusement, le Parti libéral du Québec a perdu ses élections, le gouvernement du Parti québécois a été élu et ne semble pas avoir une grande volonté pour poursuivre ce changement-là. Je me rappelle, M. le Président, que j'étais à cette banquette-là, que j'ai talonné la ministre de l'Éducation et le premier ministre pour les amener à amorcer le changement qui a donné lieu aux commissions scolaires linguistiques et à la modification constitutionnelle.

Je veux bien, M. le Président, que ça ait été fait sous la gouverne de l'actuel ministre de l'Éducation, mais je peux vous dire que nous l'avons talonné, nous ne lui avons donné aucune chance, nous avons travaillé de pair avec une coalition qui cherchait ces mêmes changements là, et je pense que maintenant nous sommes mûrs pour amorcer un changement important. Mais on ne sent pas cette volonté-là, cette volonté politique de la part de l'actuel gouvernement. Et je leur dis qu'ils sont peut-être en train de rater une occasion inespérée dans l'histoire de la société québécoise, de remettre en cause ce que j'appelle le modèle québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député de Marquette. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant, M. le vice-président de la commission des institutions et porte-parole officiel de l'opposition en matière de recherche, de technologie et de science, responsable du Régime de rentes du Québec et du RREGOP et député de Verdun de l'opposition officielle. M. le député, vous avez la parole.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Il y a un certain nombre de députés ministériels qui sont nouveaux, dans cette Chambre. Je pense au député de Montmorency, que j'ai vu il y a un instant, au député de Chicoutimi, au député de Rousseau, à la députée de Rimouski, qui n'étaient pas là en 1994, qui, en 1994, n'ont pas participé en cette Chambre à nos débats.

Pour eux, je vais me permettre de faire un petit rappel que, je suis certain, le député de Gouin, qui, lui, était présent, se rappelle, qui a voté contre la clause «nonobstant», à l'époque. Le député de Laviolette se rappelle aussi qu'il a voté, à l'époque, contre la clause «nonobstant». Les discours que je me rappelle, à l'époque, du député du Lac-Saint-Jean, enflammés, se levant contre la clause «nonobstant». Le député d'Abitibi-Est aussi, qui avait été un orateur qui avait – ce qu'on appelle dans notre langage – déchiré sa chemise, M. le Président, contre la clause «nonobstant». C'est important de se le rappeler.

En 1994, M. le Président, le ministre de l'Éducation d'alors, qui était le député de Westmount–Saint-Louis, avait proposé qu'on maintienne la clause «nonobstant» pour permettre la déconfessionnalisation des structures des commissions scolaires. À l'époque, nos collègues ministériels avaient dit: Ce n'est pas nécessaire d'avoir une clause «nonobstant». C'était quelque chose qui était inacceptable, il ne fallait pas voter en faveur d'une clause «nonobstant».

M. le Président, je me permets de vous rappeler que, grâce, en particulier, au travail du député de Marquette et de la députée de Taillon, qui a été, à l'époque, ministre de l'Éducation...

Une voix: ...

M. Gautrin: ... – oui, le député de Verdun un peu, mais enfin... non, mais c'est important de bien comprendre ça, M. le Président – la Constitution canadienne a été amendée, l'article 93 de la Constitution a été amendé, et nous avons pu instaurer des structures non confessionnelles dans les écoles. Et on a pu, à ce moment-là, avoir des comités de parents, qui existent à l'intérieur de ce qu'on appelle des comités d'école, où les parents – et le ministre se plaît à le rappeler bien des fois – jouent un rôle important pour pouvoir discuter de l'orientation même de l'école.

(22 h 50)

Ce que nous pensons aujourd'hui... c'est que je n'arrive pas à comprendre la logique de mes collègues ministériels ou tout au moins de ceux qui étaient présents en 1994. Je n'arrive pas à comprendre votre logique. Si, en 1994, vous pensiez, comme vous l'avez fait, qu'il n'était pas nécessaire d'utiliser une clause «nonobstant» pour atteindre l'objectif que nous partagions, à l'époque, des deux côtés de la Chambre, pour atteindre la déconfessionnalisation des structures scolaires, convenez avec moi que le même raisonnement que vous faisiez à l'époque, le même raisonnement que faisiez à l'époque avec beaucoup plus d'éloquence que je peux en avoir et que vos porte-parole... Je pense au député Lac-Saint-Jean, je pense au député d'Abitibi-Est à l'époque qui disaient: Nous n'avons pas besoin de la clause «nonobstant», vous ne nous avez pas fait la preuve que vous avez besoin de la clause «nonobstant» pour atteindre l'objectif qui est celui de la déconfessionnalisation des structures scolaires. Et vous essayez de nous faire croire aujourd'hui que, pour atteindre un objectif qui est relativement, nécessairement beaucoup moindre, qui n'a pas la même envergure et le même poids que la déconfessionnalisation des structures scolaires, ça prend la clause «nonobstant».

Sérieusement, je ne comprends pas, aucunement, la logique des parlementaires, M. le Président, et vous étiez là dans cette Chambre. Rappelez-vous, dans cette Chambre, M. le Président, à quel point ils ont intervenu avec virulence contre la clause «nonobstant» à l'époque en argumentant: On n'a pas besoin de la clause «nonobstant» pour changer les structures scolaires. Maintenant, on a atteint cette modification des structures scolaires en la modification de l'article 93. La même logique qu'ils avaient à ce moment-là devrait s'appliquer aujourd'hui et ils devraient aussi être d'accord avec leurs porte-parole et les discours qu'ils ont faits à l'époque, que le député du Lac-Saint-Jean a fait à l'époque et que le député d'Abitibi-Est a fait à l'époque. Et je n'a pas voulu – parce que ça aurait peut-être manqué d'élégance – ressortir leurs discours et leur lire. J'aurais pu parfaitement ici, en cette Chambre, relire les discours qu'avait faits à l'époque le député d'Abitibi-Est, à quel point il était percutant pour expliquer, surtout dans un sujet qui est de beaucoup moindre importance que celui qu'on avait ici, à quel point il n'était pas pertinent d'utiliser la clause «nonobstant».

Parce que, M. le Président, il faut bien que vous compreniez – et vous le savez parce que je sais, je sais que, compte tenu des partis dans lesquels vous avez milité, et nous avons milité ensemble... M. le Président, nous venons, nous sommes issus des mêmes familles politiques. Vous savez, vous comme moi, à quel point nous tenons au principe des libertés individuelles et la défense des droits, M. le Président. Arriver à devoir non pas amender la Charte, ne pas permettre l'application de la Charte, ça ne peut se faire, M. le Président, que dans une période ou pour des raisons extrêmement précises. Le gouvernement ou celui qui propose une clause dérogatoire a l'obligation de démontrer que la clause dérogatoire est nécessaire. S'il n'arrive pas à faire une preuve de première évidence qu'une clause dérogatoire est nécessaire, il ne doit pas utiliser la clause dérogatoire. Une clause dérogatoire, ce n'est pas une espèce de chose qu'on utilise à satiété pour éviter d'avoir des problèmes ou quoi que ce soit. La Charte, une Charte des droits... Et, M. le Président, faites attention, la Charte des droits est quelque chose sur lequel est bâtie notre société. Notre société actuellement est bâtie sur un certain nombre de principes dont une Charte des droits.

Nous, du Parti libéral, nous reconnaissons la primauté du droit individuel, de faire en sorte que, même si vous êtes un individu, vous pouvez avoir la protection de la Charte contre des grosses structures, contre des gouvernements pour protéger vos droits envers les lois ou les tendances de différents gouvernements. Il est important, M. le Président, de bien se rappeler ceci et il est important de ne pas remettre en question, de reposer d'une manière aussi simple la possibilité de déroger à l'application de la Charte.

M. le Président, de notre côté, nous avons entamé, au Parti libéral, une réflexion pour déterminer la possibilité ou de quelle manière, dans une société moderne, la religion doit s'inscrire à l'intérieur des curriculums de formation. C'est une réflexion que nous faisons actuellement, mais nous voulons la faire absolument dans un cadre qui respecte un des principes de notre société, à savoir la Charte des droits et libertés.

M. le Président, d'aucuns vont vous dire: Oui, il y a des personnes... Et je ne dis pas nécessairement que c'est ce que le député de Rousseau et ministre de l'Éducation veut faire. Je ne dis pas ça. Je ne veux pas lui prêter des paroles actuellement. Mais il y a des gens qui vont vous dire: Oui, si on n'utilise pas la clause «nonobstant», ça voudra dire que, peut-être, il ne pourra pas y avoir d'enseignement religieux à l'école. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai. Pratiquement, aujourd'hui, si nous ne votons pas le recours à la clause «nonobstant», rien n'est changé demain. Rien n'est changé demain. La crainte qu'il essaie de nous dire, c'est: Oui, il pourrait y avoir des contestations juridiques, le cas échéant. Mais, de fait, rien n'est changé à l'heure actuelle. Et ne pas recourir aujourd'hui à la clause «nonobstant», ce n'est pas nécessairement dire que nous allons bannir l'enseignement religieux dans les écoles, ce qui ne veut pas dire que nécessairement aussi nous allons instituer l'enseignement religieux dans les écoles.

Une réflexion dans notre société a lieu, a cours. Nous, de notre côté, dans notre formation politique, nous nous sommes engagés dans cette réflexion. Je crois que les ministériels se sont aussi engagés dans une réflexion à cet égard-là. Mais, dans cette période de réflexion, je plaide aujourd'hui, M. le Président, pour dire: Nous n'avons pas besoin, pour faire cette réflexion qui doit nous amener à une forme de modernité, de déroger à un des principes fondamentaux de notre société qui est la Charte des droits.

Je me permettrai de vous rappeler, M. le Président, et c'est important de bien comprendre ce que dit la Charte des droits dans son article 1, et c'est important, M. le Président, que je vous le lise, l'article 1 de la Charte canadienne des droits, parce que l'article 1 de la Charte canadienne des droits, de notre point de vue, donne toute la liberté et toute la latitude nécessaire pour pouvoir, dans le cadre d'une réflexion sereine sur un sujet éminemment important, poursuivre cette réflexion sereine. Il est important de le lire, M. le Président. Quel est cet article 1? «La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés.» Je ne vous lirai pas toute la Charte, bien sûr. «Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit – et là, ce qui est important, c'est les mots qui vont venir après – dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.»

(23 heures)

Ce que nous prétendons de ce côté-ci de la Chambre, et je crois ce que prétendaient à l'époque – et je voudrais réellement vous le rappeler, mes collègues, parce que là on est réellement dans une chose qui est très importante – ce que prétendaient aussi les orateurs qui étaient dans l'opposition à l'époque, c'est que la latitude qui est permise à l'intérieur de l'article 1 de la Charte des droits et libertés, lorsqu'on énonce qu'il limite un petit peu ces droits en disant: l'application «par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique», il me semble, M. le Président, qu'il n'y a pas lieu actuellement, pour pouvoir poursuivre la démarche d'une façon sereine, dans une société qui est en évolution...

Et reconnaissons de part et d'autre que notre société évolue, elle évolue quant à la place de la religion dans nos écoles, la manière dont on doit aussi transmettre les fois, les différentes fois aux jeunes Québécois, l'apport bien important des nouvelles communautés. Et le député de Gouin doit savoir, lui qui a été ministre de l'Immigration à un moment, il doit savoir que les nouvelles communautés n'ont pas nécessairement les religions dites traditionnelles dans notre société, ont des religions moins communes dans la société. Si on veut refléter dans notre loi notre pensée, cette diversité religieuse et les diversités de croyances, une réflexion sereine est nécessaire et doit être poursuivie dans notre société, M. le Président. Mais cette réflexion, qui doit se faire d'une manière sereine, ne peut pas être basée au départ sur une dérogation à ce qui est un des principes fondamentaux auxquels nous, les libéraux, nous croyons, à savoir que, dans notre société, les individus ont des droits, que ces droits sont protégés par une charte et qu'on ne doit déroger à la Charte des droits que dans des circonstances exceptionnelles, circonstances qui doivent être démontrées par le gouvernement.

Et, vous permettez, M. le Président, je crois, de part et d'autre, que cette démonstration n'a pas été faite, la démonstration qui est absolument nécessaire actuellement pour poursuivre la réflexion d'une manière sereine et harmonieuse, qui est nécessaire pour poursuivre cette réflexion d'une façon sereine sur la place de la religion dans nos écoles, qu'il est nécessaire de faire appel à une clause dérogatoire, la preuve n'a pas été faite.

Alors, c'est bien sûr que, pour un ministre de l'Éducation ou n'importe quel ministre ou n'importe quel gouvernement, il est tellement plus agréable de dire: Je vais déroger à la Charte, je n'aurai pas besoin de me soumettre à cette Charte. Parce que, dans le fond, qu'est-ce que fait une charte des droits? Elle va dire: Oui, au-dessus du gouvernement, aussi au-dessus des volontés des gouvernements, il existe quelque chose qui est au-dessus de ce qu'on peut faire, qui est une constitution, qui est une charte des droits qui protège le citoyen contre l'État. Pensez-vous, M. le Président, qu'un des ces piliers aussi fondamentaux dans notre société – aussi fondamentaux –

que dire: Qui que vous soyez, comme citoyens, vous avez une protection contre les volontés ou contre les lois qui sont mises de l'avant par nos gouvernements... C'est, probablement, dans la société canadienne...

Une voix: ...

M. Gautrin: Dans la société canadienne, M. le Président, c'est un des fleurons de notre société, c'est un élément qui nous distingue d'autres constitutions, d'autres sociétés, mais qui permet à tout citoyen canadien de dire: Voici, quelle que soit la volonté ou les tendances de mon gouvernement, il existe une charte qui va limiter l'action d'un gouvernement, qui va limiter le pouvoir que le gouvernement peut avoir sur telle, telle et telle action.

Alors, M. le Président, je pense qu'il est clair qu'on ne doit pas, justement parce qu'on rentre dans une question aussi éminemment sensible, commencer ce débat sur une question qui touche des droits et des perceptions propres à chaque individu, comme peuvent l'être l'enseignement religieux, les croyances ou les non-croyances, ou la nécessité de transmettre ou de ne pas transmettre dans l'école une foi ou de laisser une école qui soit sans transmission religieuse, un débat que je crois que nous devons faire, dans notre société, compte tenu de l'état où nous sommes rendus, nous ne pouvons pas commencer ce débat-là en commençant à dire: La Charte qui protège les droits du citoyen – parce que c'est la Charte des droits et des libertés du citoyen – nous allons commencer ce débat en dérogeant à la Charte des droits du citoyen.

Et, bien simplement, M. le Président, parce que je crois à l'importance actuellement de mener ce débat dans notre société, ce débat que nous allons faire, nous, au sein de notre parti, parce que je crois que ce débat doit se faire d'une manière la plus sereine possible, je voudrais prier mes collègues ministériels de ne pas commencer ce débat-là par une dérogation à la Charte des droits, de ne pas commencer ce débat en niant, en refusant, en occultant un des principes fondamentaux sur lesquels est basée notre société, à savoir la Charte des droits et libertés.

M. le Président, c'est réellement parce que je crois à l'importance du débat, parce que je crois qu'on peut faire ce débat d'une manière sereine... De grâce, ne niez pas la Charte des droits et libertés pour commencer le débat et, collègues ministériels qui étaient là en 1994, rappelez-vous ce que vous aviez dit, rappelez-vous vos arguments en 1994, rappelez-vous quel était ce à quoi vous croyiez à l'époque, et, Bon Dieu, retirons ce projet de loi. Il ne sert à rien. Il ne va servir simplement qu'à faire partir le débat sur un mauvais pied. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Verdun. Nous poursuivons le... Nous en sommes à l'étape du principe du projet de loi n° 43, Loi concernant certaines dispositions dérogatoires dans les lois relatives à l'éducation, et je suis à reconnaître un prochain intervenant. M. le vice-président de la commission de l'économie et du travail, et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires municipales et de la métropole, et député de Laurier-Dorion, M. le député, la parole est à vous.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. M. le Président, je commencerais mon discours et mes paroles en reprenant les derniers mots de mon collègue parce qu'il me semble qu'on part sur un bien mauvais pied dans ce débat. Et je dois dire, avant d'aller plus loin, que... Et je ne veux pas faire un débat – comment je peux dire, là – acrimonieux ou partisan dans ce sens-là. Il est partisan dans le sens que nous représentons ici deux philosophies différentes. Je pense que le projet de loi que nous avons devant nous démontre de façon assez claire que nous sommes des deux côtés de la tranchée sur cette question, au niveau de comment on doit mener ce débat par rapport aux choix que nous devons exercer pour l'avenir de la société. Je dois dire, et je veux dire le plus sincèrement possible, que ce serait minimalement requis, je crois, qu'il puisse au moins y avoir quelques explications, au-delà du discours du ministre, sur la nécessité de cet écart qu'on fait à la Charte des droits et libertés, M. le Président. Ça étant, il semble qu'il n'y aura pas beaucoup d'intervenants de l'autre côté.

Et je reviens à ce que je disais, qu'effectivement, sans vouloir être acrimonieux dans ce débat, c'est un débat quand même partisan parce que ça met en relief les idéologies de nos deux partis sur cette question à ce point de notre histoire, et je le répète, M. le Président, au point dans notre histoire où nous avons évolué, au point où nous avons amendé la Constitution du pays pour arriver au point où nous en sommes, c'est-à-dire de se doter d'un système scolaire linguistique et non plus confessionnel.

Le système confessionnel qui a caractérisé l'évolution de notre société depuis ses fondements accordait, dans son fonctionnement, des privilèges à deux groupes de la société, pour des raisons historiques et valables dans le temps. Notre société a évolué assez loin dans le temps, M. le Président, et nous sommes arrivés au point où on a reflété cette nouvelle réalité par la volonté, qu'on a tous trouvée, de modifier la Constitution. Ça a été fait avec, au préalable, un premier recours à la clause «nonobstant», en 1993, afin de justement... Au moment où la Constitution reconnaissait l'existence des écoles confessionnelles, d'un système scolaire confessionnel, on s'est prévalu de cette clause, à ce moment-là, afin d'avoir un cinq ans devant nous afin d'arriver à ce changement constitutionnel.

(23 h 10)

Nous y sommes rendus. Et là il est clair que nous sommes, sinon à l'heure des choix quant à comment exactement ça va se dérouler, à l'heure des décisions sur le signal qu'on veut donner. Et le signal que donne le gouvernement à ce moment-ci, M. le Président, est un très mauvais signal, un mauvais signal pour plusieurs composantes de notre société, un très mauvais signal par rapport à la question fondamentale qui doit caractériser notre présence ici, en cette Chambre, comme législateur, c'est-à-dire la promotion et la protection de la démocratie, mais surtout du respect de l'égalité de tous les citoyens. Et, s'il y a un rempart de protection de cette égalité et de cette reconnaissance que nous devons être tous égaux devant la loi et tous être traités de la même façon comme citoyens, c'est bel et bien la Charte des droits et libertés.

La proposition que nous avons devant nous, c'est de suspendre l'application de cette Charte dans le nouveau contexte d'une organisation scolaire basée sur la question linguistique et non plus confessionnelle. Elle nous présente un certain nombre d'arguments, M. le Président, qui sont loin de nous convaincre. Et je dis que c'est un très mauvais signal. Parce que c'est assez simple à comprendre, je crois: à partir du moment où on vote une première fois ici, ce soir, l'adoption d'une clause dérogatoire qui empêcherait l'application de la Charte des droits et libertés, le signal qui est donné, c'est que nous sommes prêts à considérer de nouveau dans deux ans l'adoption de cette même clause «nonobstant» pour une autre période. Donc, le signal qu'on donne, M. le Président, c'est qu'on peut entretenir les possibilités pour des choix qu'on fera qui nécessiteront la clause «nonobstant».

Moi, je ne suis pas prêt à le dire. Je ne pourrais pas voir qu'on pourra choisir dans deux ans de voter une clause «nonobstant». Et, si je ne suis pas prêt à la voter dans deux ans, on ne doit pas être prêt à la voter aujourd'hui, M. le Président. C'est quoi, la logique de la voter aujourd'hui, si ce n'est que de protéger la possibilité de la voter dans deux ans. Donc, le signal que donne le gouvernement, c'est: on peut entretenir l'hypothèse, dans deux ans, de continuer un système qui va accorder des privilèges à certains groupes puis non à d'autres, de continuer d'organiser le fonctionnement de nos écoles d'une telle manière que ça nécessite la clause «nonobstant».

Le gouvernement nous dit, en réponse à ça, que ça prend la clause «nonobstant» parce qu'il faut faire un débat serein, durant ces deux ans, afin d'arriver à une décision sur le choix que nous devons faire. Cet argument, M. le Président, ne résiste pas à l'analyse. Il n'y a absolument rien qui va empêcher un débat serein s'il n'y a pas de clause «nonobstant». Même s'il y avait une contestation devant les tribunaux, M. le Président, la Charte actuelle prévoit qu'il peut y avoir des limites raisonnables, à l'article 1. À l'article 1, quelqu'un pourrait évidemment contester, puis on pourrait argumenter devant les tribunaux sans la clause «nonobstant». On pourrait argumenter devant les tribunaux que, pour le moment, parce que la volonté de changement a été clairement expliquée, et le temps de préparer ces changements, le système reste tel quel pour l'instant. Mais le signal aurait été donné, si la clause «nonobstant» n'est pas là, que la solution qu'on va choisir ne recourra pas à la béquille de la clause «nonobstant».

Donc, l'invitation que je fais à mes collègues de l'autre côté, c'est de repenser l'affaire et de dire clairement aujourd'hui à tous nos concitoyens que nous avons franchi une étape dans notre évolution comme société, comme collectivité, comme peuple, que nous sommes rendus au point où ce que nous allons retenir ultimement, dans un an ou deux ans... Parce que ce n'est pas non plus nécessaire d'attendre deux ans avant d'appliquer ce que doit être le système scolaire et son fonctionnement, M. le Président. Si on peut le faire plus tôt, on pourra le faire plus tôt. Mais deux ans, ça semble être une limite puis une barre qu'on s'est données.

Alors, donnons donc aujourd'hui le signal, en n'adoptant pas la clause «nonobstant», que, peu importe ce qu'on choisira comme solution dans deux ans, ça sera une solution qui sera respectueuse de la Charte des droits et libertés, que nous n'entretiendrons pas la possibilité d'avoir un recours ultérieur à la clause «nonobstant». Parce que c'est exactement ça qu'on fait en l'adoptant ici ce soir, on se dit: Je me réserve le droit de l'adopter de nouveau dans deux ans.

M. le Président, je ne peux pas et je ne veux pas croire que cet exercice sera un exercice cynique de la part de ce gouvernement qui se donne des marges de manoeuvre basées sur les considérations purement électoralistes afin de se donner le temps d'essayer de noyer le poisson, et d'occulter le débat, et d'arriver, dans deux ans, avec une solution qui va faire quoi? Et c'est ça, la question que je pose: Pourquoi ça prend la clause «nonobstant» aujourd'hui, si ce n'est le fait que vous voulez garder la possibilité de l'utiliser de nouveau? Et personne n'a répondu à cette question, M. le Président.

Le seul argument, et je le répète, que j'ai entendu, c'est que ça nous prend la clause «nonobstant» pour avoir un débat serein. Mais personne n'a expliqué non plus en quoi la non-adoption de la clause «nonobstant» empêcherait la tenue d'un débat mature, serein, complet sur la question. En quoi? Je ne crois pas que les foules vont descendre dans la rue avec de la violence un peu partout pour empêcher le fonctionnement de la société s'il n'y a pas de clause «nonobstant». Je suis certain que des commissions parlementaires, que des colloques, que les discussions dans les journaux, que les échanges en commission parlementaire vont pouvoir se tenir sur des questions de choix fondamental que nous avons à faire. Même si quelqu'un décidait de contester devant les tribunaux parce que la clause «nonobstant» ne serait pas là, ça changerait quoi dans la réalité des choses au niveau du choix que nous avons à faire?

Mais, je le répète, prenant, aujourd'hui, la décision que ce gouvernement semble en train de prendre, sans même se lever pour l'expliquer, à 23 h 30, minuit, sur une question d'une importance aussi fondamentale, bien, il me semble que le gouvernement donne le message qu'il se garde le droit de revenir dans deux ans avec une solution qui va nécessiter de nouveau la clause «nonobstant». Soyons clairs – c'est tout ce qu'on dit au gouvernement – soyons clairs, soyons honnêtes, soyons transparents et mettons nos valeurs sur la table.

Alors, notre valeur qu'on met sur la table sur cette question, et on a à faire face aux mêmes considérations politiques auxquelles vous avez à faire face de l'autre côté, c'est de vous dire clairement – et c'est pour ça que je disais que c'est un débat partisan dans le bon sens du mot: Nos valeurs sont des valeurs qui mettent de l'avant le respect fondamental que nous accordons à la Charte des droits et libertés et la protection qu'elle accorde aux citoyens quant à l'égalité qu'ils ont tous devant la façon dont ils doivent être traités.

Donc, il en découle que, sans, à ce moment-ci, dire exactement quelle est la solution une telle, parce que, effectivement, il faut avoir un débat, nous pouvons d'ores et déjà dire que, peu importe la solution qu'on va retenir, ça sera une solution qui ne nécessitera pas la clause «nonobstant». J'aimerais que le gouvernement puisse en dire autant. J'aimerais que le gouvernement puisse clairement se lever puis dire: Nous allons prendre le chemin de la modernité, du respect des droits et libertés qui doit caractériser une société moderne à l'aube du XXIe siècle. Et nous disons clairement que la solution qu'on va trouver sera une solution pour laquelle il ne sera pas nécessaire d'adopter la clause «nonobstant».

C'est l'engagement que, nous, on prend de ce côté-ci, parce que, nous également, on cherche et on va discuter, on va dialoguer, on va participer au débat social, on va participer au débat au sein de notre propre parti. Mais déjà on peut dire que la solution qu'on va trouver sera respectueuse des droits et libertés et on ne votera pas une clause «nonobstant» pour l'appliquer. Il y a, à l'heure actuelle, un éventail assez grand qui va permettre cette possibilité-là, et, sans entrer dans les détails, parce que, comme j'ai dit, on n'est pas à l'heure des choix, mais on est à l'heure des décisions sur l'orientation qu'on veut prendre, sur le chemin qu'on veut suivre et sur lequel on va trouver la solution ou le choix qu'on voudrait exercer...

(23 h 20)

Et, M. le Président, je suis très sensible aux arguments de plusieurs qui croient que c'est nécessaire de garder la clause «nonobstant» parce que je reconnais là qu'il y a des personnes pour qui effectivement leurs croyances religieuses, leur nécessité de voir cette continuité dans l'histoire se perpétuer, se continuer, les amènent à réclamer la continuité de ce privilège qui existait jusqu'à maintenant pour deux groupes, deux religions finalement dans notre société: la religion catholique et la religion protestante. Je suis sensible à ça, je comprends ça, mais je leur dis également, à ces mêmes personnes, qu'il faut aussi étendre le même respect, la même sensibilité à tous les autres membres de la société et à toutes les autres composantes. Et assoyons-nous ensemble pour justement mieux comprendre ce dont chacun a besoin et ce que chacun requiert et que chacun cherche pour qu'on puisse se donner les instruments qui vont permettre à la société d'évoluer de façon respectueuse de cette réalité. Et, M. le Président, on pourra le faire, ça, sans avoir recours à la clause «nonobstant».

Donc, personne n'arrive jusqu'à maintenant, de l'autre côté, à nous expliquer pourquoi c'est si essentiel. Les considérations politiques qui existent sont évidentes pour plusieurs, sont réelles dans les comtés, pour beaucoup de monde, mais il arrive des moments, dans l'évolution d'une société, où les gens qui sont élus pour représenter la population et qui siègent ici, à cette Assemblée, doivent parfois prendre des décisions qui mènent la société, qui l'amènent vers l'avenir en donnant des signaux clairs. Et le signal clair dans ce cas-ci, après une première utilisation de la clause qui a été faite en 1993 justement pour faire évoluer la société afin de permettre la transformation des écoles confessionnelles en écoles linguistiques... nous a amenés ici. Et le «ici», c'est le point où on doit dire: C'est quoi, l'étape suivante? Dans quel cadre est-ce que l'étape suivante va se retrouver?

C'est pour ça que je dis que ce n'est peut-être pas l'heure des choix encore, mais c'est l'heure des décisions. C'est la décision de définir et de choisir le cadre dans lequel la solution qu'on va trouver va être enracinée, et cette solution doit être enracinée, d'abord et avant tout, dans le respect de tous, tel que reflété par l'existence et l'application de la Charte. Or, commencer le débat sur qu'est-ce qui doit caractériser le fonctionnement de nos écoles par rapport à la religion en adoptant une clause «nonobstant» donne, comme le disait mon collègue de Verdun, un très mauvais signal, parce que ça donne le signal que, dans le débat qui va suivre, il est possible d'entretenir des hypothèses de solutions qui nécessiteront la clause «nonobstant».

Je mettrais au défi quiconque de l'autre côté de dire que tel n'est pas le cas. C'est ce que vous faites. C'est ce qu'ils font, M. le Président – c'est à vous que je dois m'adresser – en adoptant la clause «nonobstant» aujourd'hui. Ils disent aux gens: C'est correct, on peut considérer des solutions qui nécessiteront cette clause-là dans deux ans. Parce que, s'ils étaient d'abord conséquents avec eux-mêmes, avec leur programme, avec leurs discours d'il y a cinq ans, c'est eux qui tiendraient le discours que je tiens aujourd'hui. Et c'est eux qui diraient aux gens: Non, venez avec des solutions qui respectent l'égalité de tous, qui respectent la Charte. Et l'éventail peut aller d'aucun enseignement religieux jusqu'à l'autre extrême, au niveau de l'enseignement des religions dans les écoles. Et, quelque part entre ça, il y a peut-être d'autres solutions qu'on pourra trouver. Une fois que l'impératif serait donné de trouver la solution qui ne nécessite pas la clause «nonobstant», là on pourrait mettre le débat sur les bons rails, sur la bonne plateforme et le bon carré de sable, et c'est dans ça qu'on devrait chercher cette solution.

Alors, occulter cette nécessité de prendre un parti clair pour l'application de la Charte des droits et libertés en invoquant la nécessité de la clause «nonobstant» pour un débat serein, M. le Président, est à côté de la track, parce que – je me répète pour une dernière fois en espérant qu'on pourra faire entendre raison puis entendre une voix ou deux au moins de l'autre côté qui vont nous expliquer pourquoi tel n'est pas le cas – ce n'est pas vrai que, sans la clause «nonobstant», il ne pourra pas y avoir de débat serein. Il peut y avoir des débats sereins, il doit y avoir un débat serein. Puis les Québécois, le peuple québécois, la collectivité, la société est assez mature justement pour faire ce débat calmement, en respectant tout le monde, sans avoir recours à la clause «nonobstant». Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. Nous en sommes toujours à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 43, Loi concernant certaines dispositions dérogatoires dans les lois relatives à l'éducation. Et je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. M. le whip de l'opposition officielle et député de Châteauguay, M. le député, je vous écoute.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Avec un peu d'étonnement, j'interviens sur le projet de loi n° 43 tout de suite. Je me serais attendu – je le dis autant que je le pense – que, sur un projet de loi de cette importance, il y ait utilisation de l'alternance, qu'il y ait des voix qui se fassent entendre chez nos collègues d'en face, parce que le geste que nous allons poser doit être justifié. J'ai l'impression que l'intervention que je vais faire risque de passer passablement là-dessus.

Je suis étonné de voir qu'on se refuse, de l'autre côté, à faire un des devoirs qui nous sont donnés lorsqu'une pièce législative est déposée. C'est encore plus vrai quand c'est une pièce de cette espèce. Quel est ce devoir? Ce devoir, c'est de donner des motifs, des arguments, de justifier, de plaider, de faire de la pédagogie, qui permettent à la société de voir quels sont les virages qu'on veut lui faire prendre, vers quelle route on veut aller, quelle est la destination qu'on s'est donnée. Et, lorsque le gouvernement se refuse de parler, se refuse de plaider, se refuse de faire l'oeuvre pédagogique qui est son devoir, il y a lieu de s'inquiéter.

Et c'est encore plus vrai, je le disais tantôt, sur un projet de loi comme celui-ci, un projet de loi qui vise à demander aux citoyens du Québec de prendre une distance face à la Charte des droits, dire aux Québécois qu'il y aura des exceptions par la clause «nonobstant». Nous allons nous retirer, comme société, de cette Charte. Ce qui implique, dans le cadre d'un projet de loi comme celui-là, un projet de loi qui appelle une mesure exceptionnelle... C'est tellement exceptionnel que c'est impossible de le faire pour plus de cinq ans. Il y a des limites de temps, et je vais revenir sur les raisons de ces limites de temps. Mais c'est tellement exceptionnel qu'il n'y a aucune raison que le gouvernement décide de ne rien dire, de ne pas intervenir, de ne pas faire l'oeuvre pédagogique qu'il doit faire pour expliquer pourquoi il nous demande de nous retirer de la Charte à l'égard de certaines dispositions, pourquoi il faudrait utiliser une clause dérogatoire.

Il y a un fardeau lorsque, M. le Président, vous décidez de ne pas respecter la Charte des droits. Lorsqu'un gouvernement décide de ne pas respecter la Charte des droits, il a un fardeau, le fardeau d'expliquer pourquoi il est forcé de faire ça. Il est dans une situation d'impossibilité de respecter la Charte, et c'est pour ça qu'il va nous dire: Il faut faire une clause dérogatoire.

(23 h 30)

Le premier élément où le gouvernement ne remplit pas son fardeau, c'est en constatant que, justement, les clauses sont valables pour cinq ans. Pourquoi sont-elles valables pour cinq ans? C'est parce que, pendant cette période-là, il y a un travail à faire auprès de la société, de ses composantes, de ses intervenants pour amener une certaine évolution.

Je vais vous donner un exemple, M. le Président. Lorsque la loi 178 a été adoptée, il y avait une clause «nonobstant». Dans les années qui ont suivi, il y a eu un travail qui a été fait pour trouver une solution qui permettrait de ne pas répéter la clause «nonobstant», il y a eu une volonté gouvernementale de respecter la Charte. C'était une volonté d'un gouvernement libéral. Ce que ça a donné? Ça a donné la loi 86, qui donnait à la société québécoise une solution, qui donnait la paix linguistique. Et on n'avait pas besoin de déroger à la Charte. Au contraire, on s'inspirait de la Charte, on allait donner toute la force et la valeur de la Charte des droits à la société québécoise.

Je reproche au gouvernement du Parti québécois de ne pas avoir fait ce travail de préparation. Je reproche au gouvernement du Parti québécois d'avoir démissionné devant sa responsabilité de préparer, au Québec, une solution alternative qui nous aurait amenés dès aujourd'hui, dès l'expiration du délai de cinq ans, à une solution qui se satisfait, qui s'inspire et qui s'enrichit des valeurs de la Charte, qui permet à notre société de croître. Pendant cinq ans, ils n'ont rien fait, à cet égard. Aujourd'hui, il est minuit moins cinq – presque réellement, M. le Président, c'est une expression pour dire qu'on est à la toute fin, près de l'échéance, je sais que vous l'aviez compris, mais je le précise pour les autres collègues – on est tout près de l'échéance, et là on nous dit: On n'a plus le temps, excusez-nous, pendant cinq ans, on n'a rien fait, alors on va passer un «nonobstant», il n'y a rien là! C'est ça qu'on nous dit. Il y a tellement rien là qu'on n'a même pas besoin de parler, l'alternance ne s'applique plus, on est muets, de l'autre côté.

Comment les gens qui nous regardent vont juger la façon dont ce gouvernement s'en sort dans ses devoirs, respecte ses devoirs? A-t-il bien répondu, relevé le fardeau qu'il avait, ce gouvernement, lorsqu'il est établi que, durant les cinq dernières années, rien n'a été fait pour préparer le virage qui permettait à la société d'avoir une solution qui respecte et s'inspire de la Charte? Rien n'a été fait.

Alors, on nous demande aujourd'hui de donner notre appui à une clause dérogatoire pour la raison que le gouvernement n'a tout simplement rien fait pendant cinq ans, a démissionné, a baissé les bras. Ce n'est pas la raison pour laquelle je donnerais mon appui, M. le Président. Est-ce qu'il y a d'autres raisons que le gouvernement nous dépose, nous présente, qui nous permettraient d'appuyer cela?

M. le Président, à mon avis, ce que le gouvernement est en train de nous dire, c'est: On l'a déjà fait, on va le refaire, on n'est pas plus intéressé que ça à se donner la pression pour avoir la solution qui satisfait la Charte.

Moi, je vous dis, M. le Président, lorsque vous sortirez de ces murs, ici, lorsque vous allez voir les Québécois et les Québécoises partout sur le terrain, vous allez vous apercevoir que, les gens, ils sont prêts. Ils sont prêts! Si tant est qu'il y ait un gouvernement qui les respecte et qui les écoute, les Québécois et Québécoises sont prêts à une solution qui s'inspire, qui s'enrichit des valeurs de la Charte, qui la respecte, qui permet aux parents, aux élèves d'exercer un choix, qui assure le respect de la diversité des croyances religieuses et qui évite les recours aux clauses dérogatoires. C'est possible, M. le Président. C'est possible d'aménager, même si on avait à mettre de côté l'article 1 de la Charte, même si on avait à mettre cet article de côté, il est possible d'imaginer des solutions qui nous amènent à y arriver. Il est vrai, M. le Président, que ça peut demander une certaine réflexion. C'est vrai.

Le ministre de l'Éducation nous a dit aujourd'hui que le dossier des frais de surveillance du dîner est très compliqué. C'est sûr que, si les frais de surveillance du dîner, c'est compliqué pour un ministre, ça ne doit pas être facile de trouver une solution comme celle-là. Ça, je comprends ça. Pas fort, le ministre, pas fort. Ça, je comprends ça. Y a-tu quelque chose de plus simple que de prendre le dossier puis de dire: Les frais de surveillance du dîner, qui coûtent ce prix-là, qui amènent les gens dans cette situation-là, on les enlève? Pas capable. Il nous a dit aujourd'hui: Ça, c'est compliqué. Ça veut faire la séparation du Québec, M. le Président, puis ce n'est pas capable de s'occuper des frais de surveillance du dîner. Wow!

Là, aujourd'hui, ça veut nous faire passer un «nonobstant». Moi, je vous le dis: Est-ce qu'il a le fardeau d'une volonté de ce gouvernement de s'occuper de donner à notre société une solution qui s'inspire de la Charte, qui la respecte, qui lui donne toute sa valeur? On va entendre... Enfin, on va entendre... on n'entendra pas, non, les gens du gouvernement. Ça, ils n'ont pas l'air de vouloir nous en parler. J'aurais aimé qu'on entende différents points de vue. J'aurais aimé qu'on puisse, déjà dans ce débat qu'on fait sur ce principe, commencer à échanger sur des valeurs fondamentales. Est-ce que je dois comprendre du silence du gouvernement qu'ils n'en ont pas, de valeurs fondamentales, et que c'est pour ça qu'ils ne diront rien? Pourtant, c'est un sujet excessivement important. On s'en va donner le signal, tout à coup... Bah! on banalise ça. On banalise: on va passer une clause dérogatoire, on va le faire pour deux ans, puis quand elle va arriver à échéance, on la refera pour un autre deux ans. C'est-u important de prouver pourquoi? Bien non! Y a-tu quelqu'un qui va s'en apercevoir? Bien non! Bien non, on est au pouvoir, il n'y a rien là. On n'a pas besoin, les autres, c'est des groupuscules. S'il y en a qui vont se lever puis qui vont dire qu'on a tort, c'est des groupuscules, il ne faut pas s'occuper d'eux autres.

Non, je pense qu'on devrait avoir des ministres qui devraient se lever là-dessus puis qui devraient nous en parler. Des députés du côté du Parti québécois devraient se lever là-dessus puis nous dire pourquoi on va enlever des droits aux citoyens du Québec. C'est de ça dont il est question. Ce projet de loi là est un projet de loi qui enlève des droits. Pourquoi il faut faire ça? Parce que pendant cinq ans on n'a rien fait? Parce que pendant cinq ans le gouvernement du Parti québécois était trop occupé à faire autre chose que de préparer des solutions qui s'enrichissent des valeurs de la Charte? Parce que le gouvernement du Parti québécois ne croit pas aux valeurs de la Charte? Je pose des questions, je n'oserais pas prêter ces intentions au gouvernement du Parti québécois.

J'aimerais entendre – et je le dis autant que je le pense, M. le Président – j'aimerais ça qu'on ait les justificatifs, qu'on me dise pourquoi il est minuit moins cinq puis que c'est le temps d'agir, pourquoi on n'a pas agi avant.

Le ministre dit qu'il est moins vingt; ça me donne espoir, M. le Président, peut-être qu'il va changer d'idée. Je tire un message de son intervention qu'il vient de faire hors micro, il est en train de me dire que j'ai peut-être un peu plus de temps pour le convaincre. Bien, pour le bénéfice de la société, M. le Président, je vais le prendre, ce temps-là, et je vais m'assurer que le ministre, qui est avec nous ce soir – forcément, il s'occupe de ce projet de loi là en ce moment; donc, la solution sur les frais de surveillance du dîner, là, on va l'attendre encore longtemps – je m'attends à ce qu'il saisisse – je le dis avec tout le sérieux – que le ministre saisisse que c'est un geste important qu'on fait. Et, s'il y a quelqu'un qui pense que ce n'est pas important d'adopter une clause dérogatoire, j'aimerais aussi le savoir. J'aimerais ça que quelqu'un de l'autre bord me dise: Non, le député de Châteauguay, là, il s'est trompé. Il a dit ce soir: C'est important une clause dérogatoire. Non, ce n'est pas vrai, ce n'est pas important. Je voudrais que quelqu'un me le dise. Si personne ne me le dit puis si tout le monde est d'accord que c'est important, bien, j'aimerais ça qu'on ait un débat là-dessus.

(23 h 40)

Moi, je pense qu'on est capable de trouver une solution, si on se donne la peine, qui fera en sorte que les Québécois vont avoir une société meilleure. Si on s'intéressait à ça, hein, juste donner aux Québécois toute la force des droits qui sont à leur disposition et auxquels le ministre et le gouvernement nous demandent aujourd'hui de renoncer; si on se donnait comme projet, pour les 20 minutes qui nous restent avant minuit, comme dit le ministre, si on se donnait comme projet d'améliorer notre qualité de citoyens en nous donnant toute la force des droits auxquels on a droit, plutôt que de nous proposer, ce qui est la proposition sur la table, de renoncer à des droits; si on se donnait comme mission de se dire: Nous avons encore le temps de nous donner tout le potentiel des choix individuels que nous pouvons exercer, pas un choix dicté par l'autorité centrale, donner toute la place, tout l'air possible aux citoyens du Québec; si on se donnait ça ensemble, comme Assemblée législative, comme Assemblée nationale: ouvrir les portes, donner de l'air, permettre aux citoyens d'avoir le plein potentiel des choix qui sont à leur disposition et que la Charte protège; si on se disait qu'en faisant cela on s'enrichirait en même temps de la diversité des croyances religieuses; si on se disait: On va essayer de saisir toute la richesse de la diversité qui existe au Québec...

Ce que je propose à cette Assemblée, c'est l'enrichissement de tous les citoyens et de notre société, l'enrichissement par la possibilité d'exercer la plénitude de nos droits et l'enrichissement par la découverte, par le respect, par l'ouverture à la diversité que constitue la société québécoise, que certains, peut-être, ne veulent pas voir, ne voient pas – peut-être ne le voient-ils pas ou ne veulent pas le voir. De mon côté, force est de constater que je ne les entends pas, on ne les entend pas plaider, justifier le recours à une clause «nonobstant» qui nous enlève des droits, qui nous empêche de goûter à toute la diversité de notre société et de nous enrichir de toute cette diversité. Et je vois que le leader adjoint est probablement à la veille d'accepter cette façon de voir la société. Je l'ai entendu, M. le Président, je l'ai entendu quelquefois discourir en prenant une distance face à d'autres déclarations de certains de ses collègues de son mouvement. Et il nous disait, M. le Président, combien son projet national était inspiré d'ouverture. Eh bien, un défi lui est lancé ce soir: à tous ses discours qu'il a prononcés sur l'ouverture, saura-t-il aujourd'hui ajouter l'action? Saura-t-il aujourd'hui parler, nous dire où il loge sur un projet de loi qui nous offre comme choix le renoncement à nos droits, ce que propose le gouvernement du Parti québécois, ou exercer, assumer...

Une voix: ...

M. Fournier: ...et on me souffle, M. le Président, qu'il a déjà agi dans le sens des discours qu'il avait prononcés et qu'il avait voté contre des clauses dérogatoires. Il me dit oui; alors donc, on se comprend là-dessus. Le leader adjoint a déjà voté contre. Dites-moi comment on pourrait expliquer que ce qui est une mesure d'exception, qui dure un certain temps, le temps de permettre qu'on adopte des solutions consensuelles qui nous permettent de bénéficier de tous les droits, de tout le potentiel des choix qui nous sont offerts, comment on pourrait, un jour, être contre ça, que cette solution néanmoins est adoptée, et que, tout à coup, lorsque justement à la fin de ce délai où on devrait être à la recherche sans cesse de cette solution, on se lèverait pour dire: Bien oui, j'étais contre, mais là je suis pour maintenant. C'est aller à l'encontre de la logique. Comment se sent-il, le leader adjoint, dans ce débat, M. le Président? De mon côté, je serai obligé de comprendre, avec mes collègues comme avec l'ensemble de la population, M. le Président, que là où il logeait avant, il n'est plus au même endroit, que maintenant il est du côté de ceux qui veulent limiter les choix des Québécois. Il est du côté de ceux qui veulent que ce soit l'autorité gouvernementale, celle du Parti québécois qui dicte la ligne de conduite aux Québécois, il est du côté de ceux qui se refusent à l'ouverture, à la diversité, à l'enrichissement.

Je ne serai pas à ses côtés dans ce combat qui vise à faire reculer le Québec. Je suis, M. le Président, du côté de ceux qui visent le progrès, du côté de ceux qui aspirent à assumer, à jouir de tous leurs droits, de tous leurs choix, de la découverte de tout ce qui nous entoure, plutôt que de se borner à regarder ce que nous avons vu depuis tant d'années. Il y a, devant nous, des perspectives inouïes. Pouvons-nous, allons-nous faire le choix de nous refuser les portes de l'avenir?

M. le Président, voter pour ce projet de loi, c'est voter pour s'empêcher de respirer, pour nous asphyxier. Je propose, au contraire, qu'on ouvre les portes, qu'on donne au Québec une bouffée d'air et qu'on puisse jouir de tous les droits, de tous les choix et qu'on puisse s'enrichir de la diversité qui existe au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Châteauguay. Nous poursuivons le débat sur le projet de loi n° 43 quant à son adoption de principe. Et je cède la parole à M. le président de la commission de l'administration publique et député de Jacques-Cartier. M. le député, la parole est à vous.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais intervenir dans le débat sur le principe du projet de loi n° 43, Loi concernant certaines dispositions dérogatoires dans les lois relatives à l'éducation, Bill 43, An Act respecting certain declarations of exception in Acts relating to education.

Je pense, M. le Président, qu'on est, pour la deuxième fois dans cette session, devant un projet de loi que je peux caractériser de paresseux, par un gouvernement qui veut dire que, au-delà de faire le débat, au-delà d'aller défendre sa position et ses gestes, on va prendre la route facile, on va prendre la chose la plus commode peut-être pour faire plaisir aux avocats et à des personnes qui sont appelées à défendre les positions du gouvernement, on va adopter ça.

L'autre, c'est le projet de loi n° 42, où on a dit carrément – le gouvernement qui avait des positions à défendre quant à la protection de l'environnement, la protection du territoire agricole: C'est beaucoup de travail, tout ça, de défendre la position du gouvernement envers les droits des citoyens et les positions qui étaient prises par les citoyens. Alors, avec le projet de loi n° 42, qu'est-ce que nous avons dit? C'est beaucoup plus facile d'enlever surtout ces droits au lieu d'aller sur la place publique et les défendre, au lieu d'aller devant les tribunaux et les défendre.

C'est un petit peu la même chose, ici. On a un projet de loi, n° 43, qui touche la clause «nonobstant». Et, entre parenthèses, M. le Président, je pense qu'il faut avouer que la mécanique qui est contenue dans la Charte des droits et libertés canadienne est très intéressante, en comparaison avec la Charte des droits québécoise. C'est-à-dire qu'à chaque cinq ans il faut provoquer un débat sur le fait qu'on veut supprimer les droits des citoyens. Notre clause «nonobstant» qui est dans la charte québécoise, une fois que c'est invoqué, c'est invoqué à vie. Et ce n'est pas une bonne idée, M. le Président.

Moi, je pense que, s'il faut enlever les droits, si on va dire que, carrément, on a une loi qui est adoptée dans l'Assemblée nationale qui brime les droits des citoyens, nous devrons, à tous les cinq ans – une genre de clause crépusculaire – revenir en Chambre, provoquer de nouveau le débat pour s'assurer que les raisons qui ont motivé une assemblée de brimer ces droits, les motifs sont toujours valables et on a tout intérêt à reconduire la clause «nonobstant».

Alors, je pense qu'il faut admettre que la mécanique qu'on trouve dans la Charte canadienne est supérieure à la mécanique qu'on trouve dans la Charte québécoise des droits et libertés parce que, à chaque cinq ans, comme on est en train de faire ici ce soir, il faut refaire le débat: Est-ce que les conditions sont changées? Est-ce que les conditions sont pareilles, comme elles étaient il y a cinq ans, quand cette Assemblée a utilisé la clause «nonobstant»?

(23 h 50)

Et je pense que, dans le dossier qui est devant nous ce soir, de toute évidence, on a vu un changement fondamental dans les règles du jeu, qui peut remettre en question l'utilité ou la nécessité de remettre une clause «nonobstant». Il y a cinq ans, et c'est une remarque bipartisane, on a eu beaucoup d'efforts des deux côtés de la Chambre pour faire les changements pour nous amener vers un système de commissions scolaires linguistiques. Le gouvernement de M. Lévesque, le gouvernement de M. Bourassa, il y avait beaucoup d'essais de réforme qui ont été mis de l'avant. M. Ryan, quand il était ministre de l'Éducation, M. Laurin, quand il était ministre de l'Éducation, il y avait plusieurs projets de loi, il y avait plusieurs essais de faire une réforme dans ce dossier qui est un dossier majeur. C'est un dossier fort compliqué, M. le Président. Ce n'est pas quelque chose qu'on va faire à la légère.

Mais, depuis cinq ans, il y a eu des changements majeurs. Les deux formations politiques ici, à l'Assemblée nationale, ont décidé de travailler ensemble. Nous avons réussi à faire un changement quant à la portée de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique sur nos commissions scolaires. Alors, aujourd'hui, dans mon comté, M. le Président, je ne trouve plus la commission scolaire Baldwin-Cartier, je ne trouve pas la commission scolaire Lakeshore, je trouve aujourd'hui la Lester-B.-Pearson School Board et la commission scolaire Marguerite-Bourgeois. Parce qu'il y a eu un changement. Nous avons réussi, depuis cinq ans, à faire avancer. Au niveau des structures et surtout les commissions scolaires, on a fait les changements.

Maintenant, M. le Président, il y a d'autres séquelles qui donnent suite à cette période de transition. Mais je pense que le gouvernement doit avoir le courage, via la section 1 de la Charte des droits et libertés, de défendre sa position d'une période transitoire. Parce que c'est toujours, toujours dangereux d'invoquer les clauses «nonobstant». Et je veux souligner le caractère exceptionnel des clauses «nonobstant».

The «notwithstanding» clause, Mr. Speaker, is not something you do every day. The whole point is that you really put it into legislation: We do that because we have no other choice. And I think the case that is before us tonight, Mr. Speaker, is the case where, in the last five years, there have been many changes that have been made in the terms of our education legislation, and it's no longer necessary for us to look to the «notwithstanding» clause to protect our education system.

Five years ago, we had catholic and protestant school boards protected by section 93 of the British North America Act which became the Canadian Constitution Act. That is something that was a reality. The two parties in this House worked together, Mr. Speaker, and we were able to make a change. We have moved forward in the last year and a half, we have seen the creation of linguistic school boards instead of confessional school boards, a transitional period is under way, and I think in these circumstances to use the «notwithstanding» clause, to use section 33, is no longer necessary because we are moving towards a change, we are waiting for public hearings as I understand from the Minister of Education. This fall we will open up a parliamentary commission to hear different groups who will come and tell us what they think of the Proulx Report and what are the changes that come from that. After that, we expect, sooner or later, this Government will have a position on this question because so far we haven't heard beyond Bill 43, which is all three articles, which says that we're a lazy government, we'll put off for the next two years having a debate over this because we don't know what to say, we don't know what to do, so...

Much as we saw on Bill 42, Mr. Speaker, where, instead of doing the hard work of trying to work with our laws that protect the environment, our laws that protect agricultural territory, what the Government said: Well, we are going to build this Hydro line from Hertel to des Cantons, get out of the way, we have all these rules and regulations and laws that... Curiously enough, Mr. Speaker, they were mostly legislation that were brought forward by previous PQ Governments. They were René Lévesque's laws.

We always talk about René Lévesque. I think tomorrow at 1:00 o'clock there will be a statue unveiled to his honor here on Parliament Hill, here in Québec City. But, when it comes to respecting his legacy about the protection of the environment, the BAPE, when it came to Hertel–des Cantons, well, I'm sorry René, please get out of the way because we have to build this Hydro line because M. Caillé has told us that it's very important to do that, and we really don't need to go through these environmental studies, it takes too long! We don't need to worry about the protection of agricultural territory because that's complicated, Mr. Speaker.

That's why I call these two Bills, 42 and 43 – 43, we're looking at tonight – the result of a lazy government, a government that just says: Well, I could go through the hard work of sitting down with the citizens and explaining to them: Well, this is what we're going to do, these are your rights, these are the decisions we've taken, we think our decisions are wise, we think our decisions have been taken carefully, so, in the context, we are willing to stand without a «notwithstanding» clause and defend ourselves in the court of public opinion and the Court of Law. That's what a hardworking government would do, Mr. Speaker. That's what a government that was committed to protecting the rights of its citizens would do.

But a lazy government says: Well, you know, that would take a lot of time, we might have to work after 5:00 o'clock in the evening, maybe work weekends, Mr. Speaker, we just don't have the time for that anymore because we are an important government that has come to our second term in office, and we're way more important than that. So whether it's responding to the citizens of the Eastern Townships in the question of Hertel–des Cantons, whether it's a question of answering the citizens who are curious about the place of religion in school... It's not an easy debate, there are no easy answers on this question, but as I say I think there is more than enough evidence now that the situation since 1994 has evolved greatly and the decision that was taken in 1994 to defend a clearly discriminatory system, where you had catholic school boards and protestant school boards, has gone by the boards – no pun intended – and we're now in the situation where what we have are linguistic school boards, and, in the interior of these linguistic school boards, what is the place for religion.

It's an interesting debate. I'm sure that the parliamentary commissions that we're going to have later on this year will enlighten us all as parliamentarians as to what are the choices we should make, but there is no reason for a «notwithstanding» clause, there is no reason to use article 33. And I come back again to what I think is something that perhaps, if we ever look at our Québec Charter of Rights again, we should think about: it's this idea that every five years, as parliamentarians, we're required to take stock, we're required to look at the «notwithstanding» clause and say: Is it still necessary? Have the circumstances changed? Have the decisions that we took five years ago to invoke the «notwithstanding» clause changed or not? In our Québec Charter, unfortunately, we don't have that mechanism.

So, once the «notwithstanding» clause is invoked, according to the Québec Charter, the debate is over. Circumstances can change, the world can evolve, everything else, and we don't do the debate again. And I find that unfortunate, Mr. Speaker, because the case that's before us tonight I think is a classic example where both sides of the House working together have succeeded in making changes, have succeeded in probably making article 33, in the «notwithstanding» clause, in this situation, no longer necessary.

So I would urge the government... And I'm reminding the Government that five years ago, when they were over here on this side of the House, they voted against the «notwithstanding» clause, they understood the importance of a debate, they understood the importance of respecting citizen's right. I would argue with them that we have moved the yard sticks forward, we have made a great deal of progress in terms of reforming our educational system, and the circumstances that existed in 1994, that may or may not have justified the use of the «notwithstanding» clause, are no longer there, Mr. Speaker.

So I'm going to join with my colleagues in voting against Bill 43 because, as I say, I think it's a lazy bill, I think it's a government that, instead of going out to the citizens and saying: We need two more years, this is a complicated question, you cannot solve this question overnight...

Et je conviens, M. le Président, ce n'est pas quelque chose qu'on peut régler dans quelques instants, ça va prendre le temps qu'il faut, mais, avec tous les développements, avec l'évolution de ce dossier depuis cinq ans, la clause «nonobstant» n'est plus nécessaire, et je pense qu'on a tous intérêt, comme parlementaires, à dire qu'on peut continuer d'avoir le débat, on peut établir la place de la religion dans nos écoles, mais ça ne prendra pas une clause «nonobstant». Dans ce contexte, on peut laisser tomber la clause «nonobstant», on peut faire notre débat, et, j'espère, un jour, qu'on aura des propositions fort intéressantes de ce gouvernement quant à la place de la religion dans nos écoles. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Alors, il est maintenant minuit, et nous allons...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui. Le député de Jacques-Cartier a terminé son intervention. Si j'ai bien compris, vous avez terminé votre intervention? Alors, l'intervention est terminée, c'est ce que j'avais bien compris.

Et les débats de cette Assemblée sont ajournés à demain, le jeudi 3 juin, à 10 heures. Bonne soirée à tous!

(Fin de la séance à minuit)