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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 17 novembre 1999 - Vol. 36 N° 64

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Table des matières

Affaires du jour

Présence d'anciens parlementaires de l'Assemblée nationale

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Affaires du jour

Alors, nous entreprenons nos travaux aux affaires du jour.


Affaires inscrites par les députés de l'opposition


Motion proposant que l'Assemblée rende la ministre de la Santé et des Services sociaux responsable de l'état des soins de santé

Et à l'article 53 du feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, en vertu de l'article 97 du règlement, Mme la députée Bourassa présente la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec rende responsable la ministre de la Santé et des Services sociaux pour la dégradation de l'accessibilité et de la qualité des soins de santé au Québec.»

À la suite d'une réunion avec les leaders parlementaires afin de répartir le temps de parole, le partage du temps a été établi de la façon suivante: l'auteur de la motion disposera d'un droit de réplique de 10 minutes, cinq minutes sont allouées au député indépendant, 50 % du temps restant est alloué au groupe parlementaire formant le gouvernement et l'autre 50 % au groupe parlementaire formant l'opposition officielle. Dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes s'ajoutera à celui de l'autre groupe, tandis que le temps non utilisé par le député indépendant pourra être distribué entre les groupes parlementaires. Les interventions ne seront soumises à aucune limite.

Et je suis prêt à entendre le premier intervenant. Mme la députée de Bourassa, je vous cède la parole.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Alors, je sollicite effectivement, comme vous le mentionniez, l'opposition ou le consentement de la Chambre pour déposer la motion suivante, et elle est bien importante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec rende responsable la ministre de la Santé et des Services sociaux pour la dégradation de l'accessibilité et de la qualité des soins et des services de santé au Québec.»

M. le Président, il est important encore une fois de revenir sur les éléments de cette motion, à savoir: on ne peut se fier aux discours du gouvernement du Parti québécois et on peut encore moins se fier aux discours faussement rassurants de la ministre de la Santé et des Services sociaux qui veulent toujours prétendre au succès du virage ambulatoire, au succès du système d'assurance-médicaments, alors que le réseau de la santé éclate absolument de partout.

Hier, les journaux locaux faisaient état d'un cri d'alarme qui était lancé par la présidente de l'Association des hôpitaux du Québec qui constatait que le système de santé éclate de partout. Évidemment, ce système-là est rendu à un point de rupture.

Oui, on peut effectivement, suite aux décisions qui ont été prises par ce gouvernement et sa ministre de la Santé, parler encore une fois, revenir sur la dégradation au niveau de l'accessibilité, dégradation aussi au niveau de la qualité des soins et des services de santé. L'opposition officielle faisait valoir dès le mois d'octobre un déficit anticipé de la part des établissements du réseau de la santé, déficit que Mme la ministre de la Santé a d'ailleurs confirmé et qui se chiffre à 350 000 000 $. Vous savez, M. le Président, qu'il y a également un dépassement de 210 000 000 $ au niveau de l'assurance-médicaments, en plus, apprenait-on hier de la bouche de la ministre, d'un dépassement de 80 000 000 $ au niveau de l'enveloppe salariale des médecins. Mme la ministre nous disait: Toutes couleurs confondues, médecins et spécialistes. On reviendra cependant sur cette question-là.

Il est très clair qu'on est face également à l'échec du virage ambulatoire. Le plus bel exemple, c'est la décision de la ministre de la Santé, d'abord, d'envoyer les patients se faire soigner aux États-Unis et, ensuite, incapable de trouver une solution, par incapacité de planifier, incapacité d'avoir une vision d'ensemble du réseau, incapacité de prendre les bonnes décisions, incapacité d'évaluer et de reconnaître l'impact des décisions qui ont été prises, la ministre de la Santé confirmait récemment qu'elle allait prolonger encore d'une année les traitements aux États-Unis.

Alors, c'est vous dire que le système de la santé, c'est un gâchis. On peut également parler du gâchis du virage ambulatoire. On a évoqué, à de nombreuses reprises, l'échec du virage ambulatoire. Pourtant, hier, Mme la ministre, plus préoccupée par son image, plus préoccupée par son discours, un discours qu'elle veut rassurant mais qui n'est pas conforme à la réalité que vit le réseau de la santé, parce qu'on est pris encore une fois avec un gouvernement et une ministre de la Santé qui occultent complètement les réalités du réseau de la santé, trop obsédée par son idéologie du déficit zéro et trop obsédée par son idéologie de l'atteinte de l'équilibre budgétaire...

Donc, même si tout le monde dit et redit que le système de santé éclate de partout, hier encore, Mme la ministre de la Santé, à l'occasion d'une question qui lui était soulevée en Chambre par le chef de l'opposition officielle, répondait, à l'égard du virage ambulatoire: Le virage ambulatoire demeure un véritable succès. Alors, si cette réponse-là ne confirme pas que Mme la ministre de la Santé vit dans une bulle, qu'elle est complètement déconnectée de la réalité du réseau de la santé, je me demande bien qu'est-ce qui pourrait le confirmer.

(10 h 10)

Vous n'avez, M. le Président, qu'à penser aux listes d'attente qui n'ont jamais été aussi longues en chirurgie cardiaque, en oncologie, pour les opérations de cataractes. Les patients vivent au quotidien, dans le réseau de la santé et des services sociaux, des drames qui sont tout à fait déchirants. Au mieux, ils se feront opérer quelque part en l'an 2000. Les hôpitaux de la santé font face à un déficit de 350 000 000 $ qui va les obliger, malgré le faux discours du gouvernement du Parti québécois, malgré le faux discours de Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, à se plier, coûte que coûte, indépendamment des circonstances du réseau de la santé, indépendamment de l'augmentation de la demande, indépendamment des engorgements de l'urgence, à l'atteinte de l'équilibre budgétaire. Alors, vous comprenez bien que c'est tout à fait irréaliste.

Regardez le maintien à domicile, M. le Président. Encore là, il y avait eu des belles promesses qui avaient été faites par le gouvernement du Parti québécois, belles promesses qui ont été réitérées en de nombreuses occasions par Mme la ministre de la Santé. Encore une fois, au moment où on se parle, la réalité du réseau de la santé, c'est que le réseau attend toujours les ressources financières qui lui sont nécessaires pour emboîter le pas au virage ambulatoire et le réseau attend toujours les 40 000 000 $ qui avaient été promis. Où sont ces sommes? Qu'en est-il arrivé? Impossible de le savoir.

Donc, le gouvernement du Parti québécois ne peut pas nier, ne peut pas continuer dans son discours de prétendre qu'il n'y a pas une atteinte au niveau de l'accessibilité et au niveau de la qualité des services. Il est très clair, avec les décisions qu'il a prises, principalement les coupures de 2 100 000 000 $ dans le réseau de la santé, que l'accessibilité et la qualité ont été compromises.

Il est encore plus clair, M. le Président, que, malgré le beau discours de Mme la ministre, il y aura d'autres compressions budgétaires dans le réseau de la santé. Je vous rappelle que les établissements font face à un déficit de 350 000 000 $. Les établissements seront obligés d'atteindre l'équilibre budgétaire. Ils vont donc être obligés de passer au peigne fin l'ensemble des services qu'ils offrent, ils vont être obligés de couper, couper, couper et, encore une fois, de couper dans les soins et services qui sont offerts à une population qui en a grandement besoin.

Cent établissements de santé, M. le Président, sur 135 hôpitaux qui sont membres de l'Association des hôpitaux ne pourront pas atteindre l'équilibre budgétaire. Ça, c'est une réalité du réseau, une réalité qui est occultée, qui est évacuée, qui est niée par la ministre de la Santé, qui continue de se cantonner dans l'obligation de l'atteinte de l'équilibre budgétaire.

En 1997-1998, il y avait 72 hôpitaux qui étaient en déficit, aujourd'hui il y en a 100. Ça veut donc dire qu'il ne sert à rien pour le gouvernement et la ministre de la Santé de nier, de continuer de nier les réalités du réseau et d'affecter un discours qui est faussement rassurant. On ne peut pas faire ça. Si on le fait, c'est au mépris des souffrances, des besoins et des attentes et au mépris du respect de la dignité des personnes qui ont besoin d'avoir des soins et des services de santé.

Les CLSC, M. le Président, 59 CLSC sur 147 vont faire face à un déficit financier important également, qui se chiffre à 20 600 000 $ pour 1998-1999. Et, quand on fait face à un déficit, évidemment il faut couper, encore une fois, au niveau du maintien à domicile. Ça veut dire que le gouvernement, malgré les cibles, les belles phrases qu'il met dans des ententes avec les régies régionales a à intervenir avec les établissements du réseau de la santé. La réalité du réseau, c'est qu'il ne pourra pas atteindre les cibles qui lui sont fixées. Alors, le réseau de la santé ne pourra pas réduire des délais d'attente ou favoriser des soins parce qu'il n'a pas les ressources nécessaires pour le faire.

Mme la ministre de la Santé occulte la difficulté dans laquelle se trouve les établissements qui continuent de dire et de redire quelle est leur situation. Encore hier, dans Le Journal de Québec , Mme Johanne Roy évoquait la situation de l'hôpital de Laval qui, comme bien d'autres établissements, mentionne encore une fois avoir fait tous les efforts possibles de rationalisation. Il est impossible pour cet établissement d'aller chercher les 13 000 000 $ d'économies, à moins d'abattre des pans de mur. Et c'est le Dr Lemieux de l'hôpital Laval qui le mentionne. Il mentionne également qu'en septembre cet établissement-là a fait des représentations auprès de la Régie régionale et du ministère de la Santé afin d'obtenir un financement adéquat. Évidemment, encore là, malgré un beau discours, l'établissement n'a reçu aucune nouvelle encore de Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Hier, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux reconnaissait le déficit, avouait une certaine surprise. Une même surprise qu'elle a aussi eue quand les infirmières se sont prévalues – oh! beaucoup plus qu'elle le pensait – des mises à la retraite. Une autre surprise quand les médecins se sont prévalus de la mise à la retraite. Une autre surprise pour le dépassement de l'assurance-médicaments. Alors, c'est une ministre qui va de surprise en surprise, qui gère au fil du temps et au fil de ses humeurs. Donc, hier, elle reconnaissait, d'une part, le déficit de 350 000 000 $ et confirmait qu'elle n'avait pas l'intention pour l'instant d'éponger à nouveau les déficits des établissements de santé.

En disant ça, bien sûr, M. le Président, elle déclarait également, et c'est dans l'article de François Cardinal du Devoir d'hier, la ministre répondait qu'il était certain qu'elle privilégiera les coupures de services avant de mettre en cause l'équilibre budgétaire. Alors, on poursuit toujours la même idéologie. On la poursuit de façon aveugle. On occulte la réalité du réseau de la santé, on occulte la difficulté dans laquelle se trouve les établissements: 100 établissements du réseau de la santé sur 135, 59 CLSC sur 147.

Et on va tout droit, on n'arrête pas. On est incapable d'évaluer l'impact des décisions des coupures, incapable d'évaluer les ratés du virage ambulatoire, incapable d'évaluer le tort en maintenant l'équilibre budgétaire. Il est très, très, très, très clair que les services devront être coupés. Est-ce qu'ils devront être coupés pour 350 000 000 $? La question se pose, elle est entière et elle est d'importance pour des personnes qui ont besoin de services.

Mme Daigneault-Bourdeau rappelait hier: «Nous n'acceptons plus que nos gouvernements fassent porter le poids, concernant les choix entre les services et les coupures de services, aux seules administrations hospitalières et aux gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux.»

Donc, ce gouvernement et la ministre de la Santé ont maintenant évidemment l'idéologie de l'équilibre budgétaire, et ça, malgré l'incapacité du réseau de la santé de le livrer, parce qu'ils n'ont aucune marge de manoeuvre, donc ils maintiennent le cap, et encore une fois ils le font en occultant des réalités qui sont extrêmement importantes.

Ils l'ont fait au pari d'un équilibre qui va être impossible à rejoindre, ils le font également pour l'assurance-médicaments. On a pris le pari de faire porter la diminution des coûts sur le dos des personnes âgées, et ça, c'est épouvantable. Encore une fois, on occulte la réalité, on occulte que le système qui a été mis en place est un échec, et on ne voit pas encore la situation des personnes âgées qui sont obligées, au moment où on se parle, de se priver de médicaments essentiels parce qu'elles n'ont pas les ressources nécessaires pour les assumer, ces médicaments-là. Alors, il s'agit encore là d'un autre échec au niveau de l'assurance-médicaments.

Et il y a un étudiant en médecine, Prométhée Constantinides, qui, dans un article qui est paru hier dans Le Devoir , dit bien: «Fruit d'une vision à court terme et d'une bonne dose d'improvisation, le régime d'assurance-médicaments instauré en 1996 démontre de sérieuses lacunes.» Encore une fois, des lacunes qu'on occulte, qu'on nie au profit d'un discours qui va dans un autre sens, alors que le vrai sens, c'est celui de répondre aux attentes des personnes qui ont besoin.

Et il mentionne plus avant: «Le gouvernement, obsédé par l'objectif du déficit zéro, jongle avec l'idée d'augmenter la contribution directe des consommateurs, en majorité des personnes âgées et des bénéficiaires du bien-être social.» Il parle de l'autopsie d'un système voué à l'échec, encore là: après l'échec du virage ambulatoire, un autre échec, le système de l'assurance-médicaments.

Mme Tamblyn, dans le rapport, avait démontré très clairement – on le rappelle dans cet article – que l'abolition de la gratuité a contraint une bonne partie des personnes âgées et des prestataires du bien-être social à abandonner les médicaments essentiels pour le diabète, les maladies du coeur, entre autres. Conséquemment, les prestataires du bien-être social ont vu leurs visites à l'urgence doubler, alors que les personnes âgées ont visité 111 % de fois de plus le médecin au cours de cette même période. Et ça, évidemment, c'est toujours des éléments sur lesquels on ne revient pas, ce sont des réalités que la ministre de la Santé préfère occulter, nier dans un discours qui se veut faussement rassurant.

(10 h 20)

Et d'ajouter, dans cet article: «Et ce ne sont que des chiffres. Comment rendre compte de l'immense détresse occasionnée par une mesure comptable aussi froide?» Parce que, oui, M. le Président, on est face à une ministre de la Santé et à un gouvernement de froideur, un gouvernement de statistiques, un gouvernement de chiffres et un gouvernement qui le fait et une ministre de la Santé qui le fait également au mépris des souffrances, au mépris des besoins et au mépris des attentes que vivent les personnes dans le réseau de la santé.

La semaine dernière, Mme Lapointe a été interviewée. Et Mme Lapointe dénonçait qu'actuellement les gens ont peur d'être malades tellement notre système de santé va mal. Bien sûr, on est démagogue. Bien sûr, Mme Lapointe est incompétente, elle aussi, tout comme l'opposition officielle et la porte-parole en santé. Évidemment, quand on remet le nez sur la réalité du réseau de la santé, vous comprenez bien qu'on est démagogue. Si on n'est pas démagogue, on est incompétent. Alors, Mme Lapointe vient renforcer nos rangs et elle confirme qu'on a peur d'être malades tellement notre système de santé va mal. Encore de la démagogie.

Tous mes collègues, lorsqu'ils font des visites sur le terrain, se font dire par des personnes qu'elles ont peur d'être malades, qu'elles préfèrent ne pas aller à l'hôpital, qu'elles préfèrent rester à la maison puis mourir. Mais ça, bien sûr, ce n'est pas grave. Une autre réalité qu'on occulte parce que le gouvernement en place et la ministre de la Santé bien sûr ne veulent pas voir cette réalité-là parce que ça les forcerait à prendre les actions qui s'imposent.

Et c'est un gouvernement qui improvise, qui n'a pas d'approche globale. Il n'a pas de stratégie, il n'a pas de vision d'ensemble, il n'est pas capable de prendre les bonnes... Tout ce qu'il fait, comme le rapportait M. Jean-Jacques Samson, c'est qu'il planifie l'inaction. Il gagne du temps. Il va de comité en comité, d'analyse en analyse, de synthèse en synthèse, et on a toujours à attendre, attendre, attendre.

Alors, Mme Lapointe disait qu'elle n'aime pas ce qui se passe actuellement dans le réseau de la santé. Et l'AHQ lançait un cri de désespoir. L'AHQ n'aime pas ce qui se passe dans le réseau de la santé. Les professionnels qui y travaillent, les intervenants qui y travaillent n'aiment pas davantage ce qui s'y passe. Mais ce n'est pas grave! Tout va très bien! Il n'y a pas de problème! On maintient un discours qui n'est absolument pas conforme à la réalité.

Donc, Mme Lisette Lapointe disait qu'elle n'aime pas ce qui se passe actuellement dans le réseau de la santé: «Trop de coupures, trop de retraites en même temps. Et voilà qu'on a peur d'être malade. C'est incroyable! Le gouvernement devrait s'occuper de cela, mais il ne le fait pas.» Bien sûr, parce que le gouvernement et Mme la ministre de la Santé sont beaucoup trop occupés par leur image, par les sondages aussi. C'est bien, bien, bien important.

Alors, M. le Président, notre système de santé éclate, il craque de partout. L'AHQ lançait un cri d'alarme hier. Et c'est bien sûr que les hôpitaux du réseau de la santé se voient forcés, contraints, suite à l'attitude de Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux – c'est elle qui leur demande de porter l'odieux de compressions budgétaires qui vont arriver... Parce que, oui, un déficit, c'est bien sûr que ça va entraîner des coupures, et parce que ce que le gouvernement préfère maintenir, c'est un discours où il avait annoncé qu'il n'y en aurait plus, de compressions budgétaires: Fini les compressions budgétaires. Ce n'était pas exact et ça n'est pas exact. C'est bien plus facile évidemment de faire porter l'odieux des compressions budgétaires dans le réseau par les établissements de la santé.

Alors, on a un gouvernement et une ministre de la Santé et des Services sociaux qui devraient s'occuper des problèmes mais qui ne le font pas. Nous sommes pris avec un gouvernement qui ne gouverne pas et avec une ministre de la Santé et des Services sociaux qui prend un discours qu'elle veut rassurant, un discours, évidemment, qui n'est pas, rappelons-le, branché sur la réalité. Le gouvernement qui est en place, le gouvernement du Parti québécois n'a pas pris le pari de la santé, il a pris le pari de diminuer les dépenses, la santé des finances publiques, et au mépris, encore une fois, des soins, au mépris de l'accessibilité et au mépris de la qualité des services qui sont offerts. C'est un gouvernement qui n'a pas priorisé la santé parce qu'il a coupé 2 100 000 000 $.

Et c'est un gouvernement qui ne priorise pas, au moment où je suis devant vous, M. le Président, la santé parce qu'il continue avec la règle de l'équilibre budgétaire, et ce, même s'il sait très, très, très bien que ça va conduire à davantage de coupures, des coupures au moins équivalentes au déficit de 350 000 000 $ au niveau des soins et des services de santé. C'est un gouvernement et une ministre de la Santé qui devraient clairement indiquer à la population leur intention de faire des choix. Est-ce que c'est l'équilibre budgétaire qu'ils entendent continuer de prioriser ou c'est l'accessibilité et la qualité des soins? Mais ça, évidemment, on n'en entend pas parler. Qu'est-ce qu'il entend faire, ce gouvernement-là? Qu'est-ce qu'il entend faire? Qu'est-ce qu'il attend pour agir? Qu'attend la ministre de la Santé et des Services sociaux pour prendre les bonnes décisions et rassurer la population qui a besoin de soins et des services de santé?

Encore une fois, c'est un gouvernement de froideur, c'est une ministre de la Santé d'image, de paraître. Alors, c'est un gouvernement de statistiques, de comités, d'études, d'analyses. Regardez qu'est-ce qu'il en est pour les urgences. On a mis deux comités en place, un comité d'experts et un comité de suivi, alors qu'on sait que le gouvernement du Parti québécois, que la ministre de la Santé et des Services sociaux avait tout en main pour prendre une décision. Le comité Arpin, un autre beau comité. Un comité sur les effectifs médicaux, on gagne du temps. Des comités, des rapports. Les radio-oncologues, encore des comités. L'assurance-médicaments, encore des comités.

Je vous assure que les patients dans le réseau de la santé, ça ne les rassure pas de voir que ce qui est priorisé par ce gouvernement, et évidemment la ministre de la Santé et des Services sociaux, ce sont des comités, des statistiques, des chiffres, des rapports. Ça n'aboutit pas, on ne va nulle part. Les problèmes sont épouvantables.

Mme la ministre de la Santé gère des crises. Un gouvernement évidemment qui a créé des crises, qui le nie. Un gouvernement qui est incapable d'évaluer l'impact de ses décisions, une ministre qui prend un discours qui est faussement rassurant, un discours qui n'est pas conforme à la réalité, un discours qui nie la réalité, qui oblige des établissements qui n'ont plus de marge de manoeuvre à atteindre un équilibre budgétaire, une ministre qui prétend qu'il n'y aura pas d'autres compressions budgétaires alors qu'il y a un déficit de 350 000 000 $.

Essayez de comprendre, M. le Président. Mettez-vous à la place d'un patient, d'un malade qui a besoin de soins de santé. Une ministre qui est venue me dire la semaine dernière, en réponse à une question: Oui, je suis au courant que l'hôpital Maisonneuve-Rosemont utilise les moyens, tous les moyens utiles et pertinents pour soigner les malades qui ont des besoins. Les moyens utiles et pertinents, ce sont des roulottes. Des patients qui ont besoin de traitements d'oncologie. Vous savez à quel point ces traitements-là sont invasifs, à quel point une personne peut être réduite.

Et j'ai accompagné une amie qui est décédée, je sais ce que c'est que de recevoir des traitements d'oncologie. C'est épouvantable, épouvantable. Alors, ces patients-là sont dans des corridors. Imaginez-vous! Ils reçoivent des traitements d'oncologie. Il y a des patients qui vont en dialyse, qui peuvent y aller de deux à trois fois par semaine; ils sont dans des roulottes. Il y en a qui sont aux États-Unis, il y en a d'autres qui sont dans des roulottes, et le gouvernement nous dit: Tout va très bien, il n'y a pas de problème. L'accessibilité n'est pas compromise, la qualité des services n'est pas compromise. On donne des bons soins et des services.

Mme la ministre aurait pu s'indigner, se révolter, se scandaliser au nom de la dignité et du respect. Mais pas du tout. Elle me répond que l'hôpital prend tous les moyens utiles et pertinents pour soigner les malades. Elle accepte donc que, suite aux décisions que ce gouvernement du Parti québécois a prises, suite à ces décisions qu'elle maintient, des patients en soient réduits à recevoir des soins dans des roulottes. Je vous assure que c'est épouvantable. C'est indécent. C'est un gouvernement qui n'a pas de principes, qui ne sait plus du tout où sont les vrais principes et ce que signifie le respect des personnes qui sont malades.

Alors, M. le Président, je pense que plus que jamais il est important «que l'Assemblée nationale du Québec rende responsable la ministre de la Santé et des Services sociaux pour la dégradation de l'accessibilité et de la qualité des soins de santé au Québec», une dégradation dont ils sont entièrement responsables.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Bourassa. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Portneuf. M. le député.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président, je vous remercie. Il m'apparaît important effectivement d'intervenir même brièvement ce matin à l'occasion de cette motion dite du mercredi, dont j'aimerais aborder finalement le contenu, bien sûr, pour le commenter et le mettre en perspective, mais aussi peut-être en profiter pour expliquer un peu aux personnes qui nous écoutent, la population en général, ce que ça veut dire, une motion du mercredi. On y retrouve finalement au menu à peu près n'importe quoi. Et en voici une belle occasion, une belle illustration avec cette motion-ci. C'était vrai également la semaine dernière avec une autre motion que l'opposition avait présentée.

(10 h 30)

Il faut comprendre, pour les personnes qui nous écoutent, que de telles motions, dans, je dirais, les sujets prioritaires que l'Assemblée nationale accorde aux parlementaires arrivent bien loin. Puis ce n'est pas pour le fun, c'est justement parce qu'on y retrouve n'importe quoi.

Rappelons-nous qu'aux affaires du jour l'Assemblée est souvent appelée à discuter de ce qu'on appelle les affaires prioritaires. Il peut s'agir, par exemple, du discours inaugural, du discours sur le budget, bref un certain nombre de choses qui sont considérées comme étant d'importance majeure. Viennent ensuite les débats d'urgence, par la suite les débats sur les rapports des commissions, ensuite les autres affaires. Et toujours on y va de plus prioritaire, je dirais, à moins prioritaire, par exemple, les projets de loi du gouvernement, bien sûr, les projets de loi publics, les projets de loi d'intérêt privé. Ce sont des choses importantes mais qui, dans l'ordre de priorité, constituent une marche moins élevée.

Il y a ensuite les motions du gouvernement, les crédits budgétaires, les débats statutaires et enfin les affaires inscrites par les députés de l'opposition. Bon. Alors, on retrouve donc à ce moment-là, à l'initiative de députés de l'opposition, de porte-parole dans différents domaines, un certain nombre de motions, dont celle-ci: «Que l'Assemblée nationale du Québec rende responsable – imaginez! – la ministre de la Santé et des Services sociaux pour la dégradation de l'accessibilité et de la qualité des soins de santé au Québec.»

Bon, on va en parler, de la responsabilité, M. le Président, sous deux angles. Il y a eu au Québec un très large exercice justement de consultation, de réflexion, qui a duré trois ans, à l'initiative des deux gouvernements successifs, péquistes et libéraux, en 1985, où il y a eu une première commission d'enquête qui a été formée, et une deuxième au moment où les libéraux sont arrivés au pouvoir en 1985, début 1986. Ils ont reconduit essentiellement le mandat de la commission qui avait été initié sous le gouvernement de M. René Lévesque dans le temps, avec pour mandat d'examiner justement le fonctionnement, le financement et tout problème susceptible de nécessiter des interventions pour faire en sorte que notre système de santé et de services sociaux puisse mieux fonctionner, réponde davantage aux besoins. Ça a duré trois ans.

La commission a fait le tour du Québec, a interrogé différentes personnes, a reçu différents avis et finalement a conclu, à la fin de 1987. Le rapport a été rendu public par la ministre du temps, Mme Lavoie-Roux, au tout début de 1988. Et elle a voulu vérifier à ce moment-là, Mme Lavoie-Roux, ministre de la Santé et des Services sociaux du gouvernement libéral, la véracité de ce qu'on retrouvait comme diagnostic et comme solutions dans ce rapport-là. Alors, ça a duré à peu près un an. Elle a elle-même réfléchi – bien sûr, c'est normal – essayé de trouver les modulations, mais essentiellement elle a présenté au terme... quatre ans après, à toutes fins pratiques – deux ans après, pardon, mais quatre ans après le début du mandat des libéraux – un avant-projet de loi qu'elle voulait soumettre à une consultation générale. Parfait. Mais on était déjà deux ans après le dépôt du rapport de la commission, deux ans de perte de temps.

Qu'est-ce qui arrive tout de suite après? Élection, bien sûr, 1989. Le gouvernement libéral est reporté au pouvoir. Marc-Yvan Côté arrive comme ministre de la Santé et des Services sociaux. Qu'est-ce qu'il fait? Il se met à l'action? Non. Il dit: On va consulter. Il consulte d'abord sur l'avant-projet de loi. Parfait, très bien. Mais je rappelle qu'on avait déjà tenu une commission d'enquête, que Mme Lavoie-Roux avait elle-même repris l'ensemble de la tournée dans l'ensemble des régions du Québec, avait présenté un avant-projet de loi. Et on retombe en consultation encore une fois. Beaucoup de palabres, bien sûr, beaucoup de représentations qui ont été faites, encore là beaucoup de réflexions pour en venir essentiellement aux mêmes conclusions et que le rapport de la commission Rochon et essentiellement que Mme Lavoie-Roux dans son avant-projet de loi.

Après consultation sur l'avant-projet de loi, présentation d'un projet de loi, discussions en commission parlementaire. Les deux côtés ont été très actifs dans la bonification du projet de loi en question. On est parti d'un mémoire, là, d'un projet de loi qui avait 600 articles, on a fini avec 800, et il y a eu beaucoup de modifications – grosse participation. Parfait. On arrive, de mémoire, fin 1992 avec enfin un projet de loi adopté et un début, quatre ans après, cinq ans après, d'implantation des mesures qui étaient suggérées à ce moment-là. M. Côté commence à appliquer la réforme avec relativement, je dirais, d'effets positifs. Première nouvelle, 1993, il se fait couper les jambes carrément par son gouvernement.

On se rappellera, M. le Président, toute la lutte qu'il y a eu à ce moment-là avec les fédérations sur un certain nombre de dispositions que prévoyait la réforme en ce qui regarde, par exemple, la rémunération, bon, un tas de choses, les conditions de pratique, la répartition des médecins entre les régions, etc. Bref, le premier ministre du temps l'a laissé tomber, puis le gouvernement aussi. On s'est retrouvé en élection, en 1994, il n'y avait encore rien de fait au niveau de la réforme. Arrive le gouvernement du Parti québécois, 1994, on ne perd pas de temps. Effectivement, Jean Rochon, à ce moment-là, député de Charlesbourg, est nommé ministre de la Santé et des Services sociaux. On commence à appliquer la réforme.

Pendant les trois ans qui ont suivi, on a, je crois, marqué des points. Notamment, on a connu une période absolument extraordinaire en termes de performance où l'évolution des dépenses, pour la première fois depuis 25 ans, à toutes fins pratiques, prenait une tangente correspondant effectivement à ce que le gouvernement, et donc la société québécoise, puisqu'on la représente, estimait être en mesure de pouvoir mobiliser comme ressources. De plus ou moins 3 %, 4 % en termes réels d'augmentation à chaque année, on est passé à peu près à une stabilisation de l'évolution des coûts, ce qui était vraiment une première. En même temps, on a procédé à des transformations absolument extraordinaires dans ce réseau-là pour faire en sorte qu'on finisse enfin par avoir des décisions qui sont prises en relation directe avec les problèmes qu'on veut régler et non pas avec les ressources qu'on veut s'accaparer pour faire notre job – et je vous dirais, M. le Président, qu'il y a un danger actuellement, puis j'expliquerai pourquoi très brièvement parce que je ne veux pas prendre trop de temps, en laisser le plus possible à notre ministre qui va venir effectivement prendre la parole tout à l'heure – mais essayer d'orienter l'allocation des ressources, d'abord et avant tout par rapport aux problèmes qu'on veut régler et non pas aux ressources qu'on veut acquérir pour rendre des services à tout prix sans se demander si effectivement ces ressources-là ont de l'impact sur les problèmes qu'on veut régler. C'était ça, la réforme.

À partir de 1995, 1996 à peu près, l'opposition officielle est arrivée en montant en épingle des problèmes qui sont des problèmes réels, mais présentés d'une telle façon qu'on arrive à faire croire à bien du monde que l'ensemble du système ne marchait plus, alors qu'on a un système qui, dans l'ensemble, se compare très avantageusement par rapport à l'ensemble des systèmes de services de santé et services sociaux qu'on peut retrouver dans les pays développés, alors que, dans ce système-là, on injecte effectivement des ressources qui nous placent au sixième rang dans les sociétés développées du monde occidental, au sixième rang quant à la quantité d'argent qu'on met dans le système. Donc, premièrement, ce n'est pas un problème d'abord et avant tout, n'en déplaise à l'AHQ et à la porte-parole de l'opposition officielle, ce n'est pas d'abord et avant tout un problème de ressources, c'est de savoir où mettre ces ressources-là pour avoir de l'impact sur les problèmes qu'on veut régler. Et ça, ni l'opposition officielle ni l'AHQ ne semblent le comprendre dans le moment.

Alors, M. le Président, quand on parle de difficultés que peut rencontrer un système comme le nôtre, on n'en disconvient pas. Elles ne sont pas différentes des difficultés qu'on peut rencontrer en Ontario, en Alberta, en Allemagne, puis en France. Par la force des choses, un système qui organise des services en fonction d'une population qui a des problèmes dans le domaine de la santé, qu'il s'agisse de la santé mentale, qu'il s'agisse également de problématiques sociales ou dans le domaine, je ne sais pas, cardiovasculaire, ou ailleurs, par définition, il peut se produire des situations d'inadéquation: on ne rencontre pas tout à fait la demande au moment où elle se présente. Bon, on peut s'ajuster avec un certain délai des fois, des fois très rapidement. Mais l'opposition officielle, ce qu'elle a fait depuis maintenant quelques années, c'est de monter en épingle ces situations-là qu'on doit corriger effectivement lorsqu'elles se présentent, mais les a présentées de telle façon à faire croire à l'ensemble de la population puis à ceux qui nous observent qu'il n'y a rien qui marche dans ce système-là, sans jamais cependant reconnaître que, avec les retards qu'ils ont mis à enclencher les éléments de la réforme, on est parti quatre années après les autres. L'Alberta a commencé en 1990 à appliquer les changements que, nous-mêmes, nous avions annoncés qui se feraient dans le réseau de la santé et des services sociaux. Ce sont, par exemple, eux, tout comme la Nouvelle-Écosse, qui, à ce moment-là, s'intéressaient à ce que nous faisions; ils ont décidé de l'appliquer avant nous autres, avec les résultats qu'on connaît.

Mais le travail de minage systématique d'une opposition irresponsable a fait en sorte qu'on a recréé la dynamique d'antan. C'est quoi, la dynamique d'antan? Bien, c'est de redonner le pouvoir – pouvoir au sens de la discussion publique – à un certain nombre d'organismes et de milieux dont la première préoccupation, c'est d'en amener le plus possible dans leurs établissements à eux autres, indépendamment de l'impact qu'on aura, par exemple, en ajoutant davantage de ressources dans un secteur donné, indépendamment de la façon dont on pourra agir sur les problèmes de santé et bien-être. Ce qu'on veut, c'est plus de ressources parce qu'il y a de la pression. Bien, de la pression, il y en aura toujours.

(10 h 40)

Je tiens à dire à l'opposition officielle de même qu'à ceux qui font la lutte pour les ressources à tout prix actuellement: grosse nouvelle, il y aura toujours plus de besoins que de ressources disponibles dans un tel système. Vous doubleriez demain matin les budgets consentis au domaine de la santé qu'il n'y en aurait pas encore assez. C'est normal. Par définition, dans ce domaine-là, les besoins sont quasi infinis par rapport aux possibilités.

Donc, arrêtons de charrier. Essayons d'agir pour corriger correctement, dans une perspective de long terme, les problèmes qu'on rencontre actuellement. Il peut y avoir des ajustements qu'on peut apporter immédiatement; on le fait parfois. Parfois, ce sont des ajustements qui peuvent prendre un petit peu plus de temps.

L'essentiel de la réforme disait quoi? Il faut arrêter d'avoir uniquement une logique de ressources pour les ressources, s'intéresser aux problèmes qu'on veut régler puis, après ça, organiser les ressources en conséquence des problèmes qu'on veut régler. Si, par exemple, l'incidence du cancer du poumon est trop élevée, est-ce qu'on doit continuer prioritairement à – je ne sais pas, moi – développer, puis former, puis mettre de l'argent dans les nouvelles technologies à tout prix, rien que là-dedans, ou s'il ne faut pas simplement également mettre un petit peu de ces ressources-là en amont du problème, par exemple, par des interventions au niveau de la prévention et de la santé publique pour faire en sorte qu'en bout de ligne, dans cinq, 10, 15 ans, il y ait peut-être effectivement moins d'incidences du cancer du poumon simplement parce que les gens, par exemple, fumeront moins ou auront de meilleures habitudes de vie? C'est tout ça, là.

Alors, l'opposition officielle a vraiment le nez collé sur chacun des problèmes. Je veux dire, c'est vraiment – mon Dieu! – une attitude de béotiens face essentiellement aux problèmes que vit le système de santé et à la façon de régler ces problèmes-là de façon durable, M. le Président. Et j'inviterais l'opposition officielle: si, pour une fois en trois ans, on pouvait commencer à jouer un rôle responsable en s'intéressant davantage, sans négliger pour autant les problèmes ponctuels qui peuvent se présenter, mais en s'intéressant aussi et de façon tout aussi importante aux façons d'intervenir sur les problèmes et d'organiser les ressources de la santé pour avoir enfin un impact sur les problèmes qu'on veut régler et non pas être constamment en train d'essayer de se rattraper dans une côte dans laquelle on court en descendant et on est toujours à la veille de perdre pied.

Je terminerais, M. le Président – parce que je ne veux pas prendre trop de temps – en disant une chose. Dans toutes ces discussions et dans toutes ces questions que pose l'opposition de façon irresponsable, dont l'impact tient beaucoup plus au nombre de décibels qu'émet leur chef qu'à la valeur quant au contenu de ces questions-là, je vous dirais, que jamais – en tout cas, à ma connaissance, je ne m'en souviens pas – on n'a entendu l'opposition officielle regarder un peu du côté du désengagement du fédéral dans le financement des services de santé. Ah! Le député de Nelligan se retourne de bord, il dit: Ça a-tu du bon sens! Bien, oui, mais, écoutez, réveillez-vous! Réveillez-vous!

Des voix: ...

M. Bertrand (Portneuf): M. le Président, je m'excuse, je vous inviterais à faire en sorte que le député de Nelligan, entre autres, se réveille. Il y a eu du désengagement manifeste, évident du gouvernement fédéral dans le financement de ces programmes-là. Et il me semble qu'au moins une fois dans une Législature il pourrait y faire référence. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Portneuf. Je vais céder la parole à M. le député de Nelligan. Il reste 26 minutes à votre formation.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Le député de Bertrand doit avoir honte, après ce discours, comme ancien membre de la commission Rochon. La commission n'a jamais recommandé de fermer tous ces hôpitaux. Je sais qu'il y a eu des notes du ministère, ils les ont toutes lues, mais ça ne marche pas comme il a dit, M. le Président.

Je comprends que ce côté ne comprend pas les mots «rendre responsable» parce que c'est le gouvernement «faute des autres», c'est toujours la faute... J'ai juste entendu les cassettes typiques, avant ça, sur la faute des infirmières, la faute des médecins, la faute des patients. Bien, voyons donc, là! C'est ça que vous êtes en train de faire. Je comprends pourquoi vous autres, vous ne pouvez pas vous lever sur ce débat. Je lance un défi. J'espère que vous allez vous lever aujourd'hui et appuyer les patients, appuyer la population québécoise, parce qu'elle a besoin de ça, devant ce gouvernement.

M. le Président, il y a une liste d'attente après l'autre parce que ce gouvernement a coupé la santé et les services sociaux de plus de 2 200 000 000 $. M. le Président, laissez-moi lister quelques-unes des listes. Je ne veux pas faire un débat de chiffres, une guerre de chiffres. Parce que j'ai été tellement déçu par le discours de ce gouvernement. Ils n'ont jamais parlé des êtres humains, ils ont toujours dit: C'est tout beau, c'est tout correct. Venez voir les CLSC, les CHSLD, les hôpitaux, les centres de protection jeunesse. Venez, visitez. Arrêtez de juste faire des discours ici, venez voir comment nous avons fait, notre parti.

Et on peut donner la vérité. Déficience intellectuelle: la ministre – pas le fédéral, pas d'autres gouvernements – elle-même a coupé 37 000 000 $ dans ça. Depuis 1994, 37 000 000 $. Il y a une liste d'attente d'êtres humains: 1 092 personnes qui attendent trois, quatre, cinq, six ans. C'est irresponsable. Il y a souffrance, là. Peut-être que ça n'a aucune importance pour ce gouvernement, mais, pour les êtres humains, ça fait mal. Il y a souffrance, là. C'est assez clair, ce que la députée de Bourassa a dit: C'est un gouvernement sans coeur.

Déficience physique: il y a une liste d'attente de 5 500 personnes, incluant 3 173 jeunes qui attendent un, deux, trois ans pour leurs services. Et, s'ils n'ont pas les services oraux ou verbaux d'appui pour tous les problèmes, ils vont entrer dans les écoles avec plus de problèmes. Est-ce que c'est une façon de traiter nos personnes qui ont besoin de services? Je trouve ça inacceptable.

Services à domicile et maintien à domicile. Vous savez, ce n'est pas juste le Parti libéral qui dit: Ça ne marche pas, votre virage. Le Conseil du statut de la femme dit que c'est un prix caché pour les femmes. Il a donné un rapport très sévère contre la réforme: les lacunes à l'hôpital, les retours à domicile, les problèmes de soins et services à domicile. Il y a une liste d'attente pour les services à domicile: 1 486 familles. Est-ce que c'est une façon de traiter des personnes qui ont besoin de services? Non, ce n'est pas une bonne façon, mais c'est la façon dont ce gouvernement veut gérer les affaires, parce qu'il veut gérer les affaires par listes d'attente. Pourquoi? Parce qu'il peut sauver de l'argent. C'est plus important pour eux le déficit zéro et sauver de l'argent que la santé et les soins de la population québécoise.

M. le Président, maintien à domicile. Comme le Conseil du statut de la femme l'a déjà mentionné, il y a un impact sur les femmes parce que, avec le virage et le pelletage que nous avons vus, il y a beaucoup de services nécessaires dans notre communauté. Maintien à domicile, il y a encore une liste d'attente: 1 046 familles. Encore une fois, est-ce que c'est ça la stratégie de ce gouvernement? Je comprends que, vous autres, vous avez honte de vous lever pour défendre ça. Parce que ça ne marche pas. Et vous le savez, M. le député de Bertrand, que ça ne marche pas.

Hier, j'ai parlé des services jeunesse. Le gouvernement aime les comités, les études, les analyses, les chantiers, etc. Même dans le rapport pour les services jeunesse, il est clairement mentionné que c'est pire maintenant qu'avant. Depuis 1998, c'est pire. Il y a une liste d'attente des jeunes, des jeunes en difficulté, des familles en difficulté: 1 562 jeunes, le 29 octobre. C'est des êtres humains encore. Peut-être que ce n'est pas important pour ce gouvernement, mais je trouve ça une façon inacceptable de fonctionner comme ça.

Services préhospitaliers d'urgence. Le Vérificateur général dénonce l'attitude et le manque de leadership depuis quatre ans. Ce n'est pas nous, ce n'est pas un autre gouvernement, c'est vous autres. Depuis quatre ans, vous n'avez montré aucun leadership dans les services préhospitaliers d'urgence. Et le gouvernement dépense plus de 200 000 000 $. Le Vérificateur général a dénoncé votre manque de leadership. C'est question de survie, c'est question de vie et de mort, là.

Ils ont soulevé les questions de formation et de temps de réponse. Ils ont fait une stratégie. Peut-être, M. le Président, que vous n'êtes pas au courant. Ils ont fait la même chose avec les infirmières et infirmiers. S'il n'y en a pas assez à l'école, ils ne pourront pas engager les personnes plus tard. Ça prend des années. L'ancien directeur général d'Urgences-santé m'a dit qu'il ne peut pas remplir tous ses quarts de travail parce qu'il n'a pas assez de personnes formées. Il me semble que cette pénurie causée par le gouvernement, c'est inacceptable. On doit agir tout de suite.

M. le Président, encore une fois, les chaises roulantes, les personnes qui ont besoin d'un appareil. Ils ont eu une augmentation des demandes de 3 700. Mais qu'est-ce que ce gouvernement a fait? Il a coupé le budget de 3 000 000 $. Est-ce que c'est correct de traiter les êtres humains comme ça? Non.

(10 h 50)

M. le Président, il y a d'autres exemples qu'il faut que je souligne. Les familles d'accueil, qui rendent un service extraordinaire pour nos jeunes et pour notre société, qu'est-ce que le gouvernement a fait pour elles? Ils ont augmenté le per diem de 0,13 $ par jour, «$ 0,13 a day». M. le Président, est-ce que c'est une façon d'encourager les familles à s'occuper de nos jeunes? Non.

Et j'ai un exemple chez moi. Dans l'Ouest de l'île de Montréal, le gouvernement libéral a annoncé l'agrandissement de l'Hôpital Lakeshore. Après l'entrée du gouvernement péquiste, ils ont fermé Lachine, ils ont arrêté l'agrandissement de Lakeshore. C'est une perte nette pour l'Ouest de l'île de Montréal de 220 lits d'hôpitaux. Est-ce que c'est une bonne façon de nous traiter? Et c'est inacceptable parce que, M. le Président, ils ont décidé de faire ça parce qu'ils peuvent sauver de l'argent. Santé et services sociaux, le bien-être de la population québécoise, ce n'est pas important pour vous, je vois que ce n'est pas important, je le vois par votre comportement. Vous devez avoir honte. C'est le temps maintenant d'agir d'une façon beaucoup plus active.

M. le Président, la députée de Bourassa, et je voudrais la féliciter pour son excellent travail et la façon dont elle défend les intérêts de la population québécoise, elle a parlé des déficits dans nos hôpitaux. Laissez-moi aussi parler des déficits dans nos centres de protection jeunesse. J'ai entendu, comme l'année passée, qu'il y en a 11 sur 16 qui sont potentiellement en déficit.

M. le Président, qu'est-ce qui se passe avec ce gouvernement? Qu'est-ce qui se passe avec ce gouvernement, quand il n'est pas capable de gérer notre système d'une façon légitime? C'est un gouvernement qui n'est pas connecté à notre réalité. C'est un gouvernement sans coeur. Il est en train de créer une souffrance pour toute la province de Québec.

J'ai mentionné les déficiences intellectuelles, les déficiences physiques, les services à domicile, le maintien à domicile, les services préhospitaliers d'urgence, les services jeunesse, les services des familles d'accueil, mon propre hôpital et aussi certainement – une chose assez importante que j'ai mentionnée particulièrement – tout le cas des chaises roulantes. M. le Président, ce n'est pas la façon de gérer.

Mr. Speaker, this Government has consistently and deliberately cut back on health services. The MNA from Bertrand, who used to be a Member of the Commission that planed this reform, should be ashamed of what he was trying to convince us of. There are serious problems. There are serious problems in this Government. He can't blame anybody else. I know this is a government «it's everybody else's fault». He brings out his old cassette; he blames the federal Government; he blames doctors; he blames nurses; he blames social workers; he blames patients. I blame the Minister. I blame this Government.

And, when it comes to waiting lists... Just let me tell you a few of them. There are over 1 000 people on intellectually handicapped waiting list; physically handicapped waiting list, over 5 500. Home care services is another waiting list. What they're doing in ambulance services is completely irresponsible. What the Government did? While they'd promised to move on it right away, it has now created another Committee that may report in September 2000. This is a question of life and death, Mr. Speaker. The waiting list for youth services is growing, not getting less, and growing since 1998, Mr. Speaker. They can't blame other people for this.

Mr. Speaker, and finally, locally, the way they treated our community in the West Island by refusing the expansion of Lakeshore General Hospital is irresponsible. They are creating a serious problem. And I suggest this Government should look themselves in the mirror. They should look themselves in the mirror and ask themselves very seriously: Why are they being so careless, why do they not show any compassion?

M. le Président, effectivement, ce gouvernement et la ministre sont responsables pour la dégradation de l'accessibilité et de la qualité des soins de santé au Québec. J'appuie la motion de ma collègue la députée de Bourassa, et la population appuie cette motion aussi. Ils ont tous vu qu'à cause d'eux ils n'ont pas les services qu'ils méritent. Ils ont réduit l'accessibilité et, dans mon opinion, M. le Président, ils mettent toute la qualité de vie et toute la qualité des soins en danger. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan.

M. Paquin: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Jean, pour un question de règlement?

M. Paquin: Oui. En vertu de 213, est-ce que le député de Nelligan accepterait de répondre à une question?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors... Non? Alors, M. le député n'accepte pas, finalement, cette invitation. Je vais céder la parole à la prochaine intervenante, Mme la députée de Mille-Îles. Mme la députée de Mille-Îles.


Mme Lyse Leduc

Mme Leduc: Je vous remercie, M. le Président. Je tenais à prendre la parole ce matin dans le cadre de ce débat surtout afin de rassurer la population et face aux discours de l'opposition qui ne cesse d'inquiéter les gens quand ils parlent du système de santé. Je voudrais rappeler aux personnes qui nous écoutent que la finalité du système de santé, c'est d'offrir des soins aux personnes qui sont malades.

Ce que je voudrais rappeler, c'est que – et sûrement l'opposition a eu le même son de cloche – on a eu des sondages, mais je ne me fie pas aux sondages. Moi, je me fie aux gens que je rencontre dans mon bureau de comté, aux gens que je rencontre lors de différentes prestations que nous faisons. Et l'ensemble, la grande majorité qui ont dû recevoir des soins, qui ont dû être hospitalisés se disent satisfaits quand je leur pose la question: Est-ce que vous avez reçu les soins que votre situation demandait? Et la réponse, c'est toujours: Oui.

J'admets, M. le Président, que quelquefois, dans ce qui entoure la prestation des soins, ils peuvent avoir certaines réserves, mais ils sont d'accord avec moi que, pour ce qui est de recevoir les soins et de l'amélioration de leur état de santé, ils reçoivent les soins que cela commande. Alors, c'est ce que je voudrais quand même souligner, ici, face aux discours de l'opposition qui semble laisser entendre que les malades, ici, au Québec, ne sont pas soignés, ce qui est complètement faux.

On a toujours dit qu'il y avait des améliorations à apporter, et c'est vrai pour toute chose qui est en évolution. Donc, une des améliorations qui à notre avis était à apporter, c'était l'assurance-médicaments. Je pense que, quand on a instauré le programme d'assurance-médicaments, il faut se rappeler que c'est une mesure des plus progressistes et sociales-démocrates, si on compare à ce qui se fait chez nous, ici, au Québec, par rapport à d'autres pays institutionnalisés.

M. le Président, nous devons être fiers, comme Québécois et Québécoises, d'avoir assuré la couverture de 1 600 000 personnes de plus qu'on assurait avant l'adoption du régime d'assurance-médicaments. Aujourd'hui, des hommes, des femmes, des enfants, ont accès à leurs médicaments sans que cela ne leur coûte des milliers de dollars par an. Au Québec, n'en déplaise à l'opposition, nous faisons l'envie de toutes les provinces du Canada pour ce régime. Notre régime est un modèle pour d'autres pays qui n'ont, eux, aucune couverture médicamenteuse. Dans la loi n° 33, M. le Président, nous avons prévu de déposer un rapport d'évaluation sur le régime. Nous allons le faire d'ici la fin de l'année. Nous procéderons aussi à des consultations en commission parlementaire et, par ce processus, nous visons à améliorer notre régime, qui est quand même un des plus performants. Mais, comme je le disais précédemment, il y a toujours de la place pour l'amélioration.

Je sais, M. le Président, que l'opposition aurait aimé instaurer un régime d'assurance-médicaments. Mais rappelez-vous surtout, durant les dernières années du régime libéral, que ce parti, qui est le Parti libéral québécois, éprouvait des problèmes de gestion, manquait de vision, n'avait aucune volonté pour répondre à la demande criante dans ce domaine, la demande de ceux et celles qui avaient besoin de se procurer leur médication sans hypothéquer leurs biens. C'est, M. le Président – et j'en suis très fière – sous le règne du Parti québécois que les Québécois ont profité et profitent d'un régime d'assurance-médicaments qui fait l'envie des autres pays.

La preuve que notre gouvernement est à l'écoute de ses concitoyens, rappelez-vous, M. le Président, que Mme la ministre a annulé toutes les cotisations pour les prestataires de la sécurité du revenu avec incapacité, soit 115 000 prestataires pour une enveloppe de 28 000 000 $. Ça, je pense que c'est être à l'écoute des personnes les plus démunies de notre société et voir, quand on est conscient qu'il y a des améliorations à apporter, à prendre les décisions qui s'imposent.

Je voudrais, en conclusion... Dans le fond, je m'interroge quand j'écoute les discours de la députée de Bourassa qui s'opposait précédemment, qui critiquait le fait que nous ayons envoyé des patients en oncologie se faire traiter aux États-Unis. M. le Président, qu'est-ce qu'elle aurait souhaité? C'est une décision pragmatique qui répond à une situation. Je pense que c'est la marque de commerce de notre gouvernement de répondre aux situations auxquelles nous devons faire face. Alors, je ne comprends pas ce qu'elle aurait souhaité.

(11 heures)

Ce que j'aimerais leur dire, dans le fond, sur tous leurs discours de la santé – ça fait longtemps que j'en écoute – je n'ai jamais rien entendu, rien, M. le Président, qui soit une critique, ce qu'on appelle, constructive, qui apporte des solutions. Ce que nous entendons, c'est des états de fait, des dénonciations et jamais rien qui apporte des solutions. Je pense que c'est aussi le rôle de l'opposition. Je comprends qu'ils doivent s'opposer, mais il y a des oppositions constructives. Alors, moi, je les inviterais, M. le Président... si Mme la députée veut vraiment répondre aux besoins de la population, travailler en concertation, qu'elle nous apporte des critiques constructives. Je pense que toujours démolir, c'est trop facile.

Et je voudrais terminer, M. le Président, en rappelant que le président du Conseil médical, que nous avons entendu en commission parlementaire en septembre dernier, commençait sa présentation en disant: Le système de santé au Québec fonctionne bien à 95 %. Il y a 5 % qui mérite amélioration. C'est là-dessus que Mme la ministre se penche et je pense que nous trouverons des solutions pragmatiques et concrètes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Mille-Îles. Je vais céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Il reste 15 minutes à votre formation, madame.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je voudrais profiter de cette occasion qui nous est donnée par ma collègue la députée de Bourassa qui a eu la pertinence de soumettre la motion du mercredi qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale du Québec rende responsable la ministre de la Santé et des Services sociaux pour la dégradation de l'accessibilité et de la qualité des soins de santé au Québec.»

M. le Président, sur ce dossier-là, j'ai eu l'occasion d'intervenir à de nombreuses reprises devant vous dans cette Assemblée, en commission parlementaire et en région, pour souligner les carences, les défaillances, les difficultés du système en ce qui a trait justement à l'accessibilité et à la qualité des services.

J'écoutais tantôt la députée de Mille-Îles qui disait que tout va bien dans le meilleur des mondes dans le domaine de la santé. Et, puisqu'elle accuse l'opposition officielle d'avoir un point de vue partisan, je voudrais lui parler au nom et dans les termes des gens qui sont directement concernés par le problème des soins et qui donnent les soins dans la plupart des cas, ceux et celles qui sont sur la première ligne de front, puisque, pas plus tard que lundi dernier, j'ai rencontré dans mon bureau de comté six représentants syndicaux de ma région, la Montérégie, qui sont venus justement m'exposer, preuves à l'appui, avec des cas concrets, des informations actuelles, des données vérifiées et vérifiables, l'état lamentable des soins de santé et le niveau de dégradation des soins.

J'ai rencontré, M. le Président, lundi, le 15 novembre dernier, à mon bureau de comté, des représentants syndicaux de la CSN et de la FTQ qui oeuvrent dans le domaine de la santé bien sûr, mais aussi de l'éducation, parce qu'il y a un parallèle à faire. Quand il s'agit de dégradation des services, c'est le même pattern, c'est le même modèle qui a été appliqué dans le domaine de la santé qui est en train de s'appliquer dans le domaine de l'éducation.

Et qu'est-ce que ces gens-là nous ont dit? Ça, c'est les représentants syndicaux, ce n'est pas nécessairement des alliés traditionnels du Parti libéral du Québec, ils sont plus près idéologiquement du parti du gouvernement. Ils sont venus nous voir parce qu'ils cherchaient une écoute, parce qu'ils désespéraient de ce gouvernement qui s'est bouché les oreilles et qui refuse d'écouter les malades, d'écouter les patients, d'écouter les familles, d'écouter les groupes de citoyens qui ne cessent d'envoyer des signaux clairs et d'indiquer au gouvernement que ça va très mal dans notre système de santé.

Qu'est-ce qu'ils m'ont dit? Premier constat, que les syndicats dans ma région, la Montérégie – par ailleurs, dont la ministre de la Santé et des Services sociaux est également responsable – ils sont venus me dire que ce gouvernement agit dans le domaine de la santé sans aucune ligne directrice, sans aucune orientation; il navigue sans boussole, M. le Président. Et ce n'est pas le Parti libéral qui parle, ce n'est pas l'aile parlementaire libérale qui parle, ce sont les intervenants directs dans le domaine de la santé, ceux et celles qui oeuvrent dans les établissements, qui sont au contact avec ces réalités au quotidien.

Deuxième constat qu'on m'a signalé, M. le Président, c'est au chapitre de l'organisation du travail. L'organisation du travail, c'en est mêlant de voir que la ministre intervient pour imposer sa volonté dans la gestion interne des établissements, pour embaucher des infirmières bachelières, faire le mur-à-mur comme elle a fait avec les garderies à 5 $ avec le résultat qu'on connaît actuellement: il y a des centaines de parents dans ma région qui cherchent une place de garderie, qui ne sont pas capables de l'avoir. Le pattern est là. Alors, ça met en péril les emplois des préposés aux bénéficiaires, des infirmières auxiliaires, et ça, c'est encore une fois le même modèle.

On m'a dit, M. le Président, que 10 % des infirmières au Québec ne donnent pas de soins aux patients parce qu'elles font de l'administration. En même temps, ce problème est conjugué avec la pénurie des infirmières qui est un phénomène réel, plus spécifiquement dans ma région. Il faut savoir que, au delà de ces problèmes qui découlent de la fameuse réforme Rochon à laquelle la ministre actuelle de la Santé et Services Sociaux est venue ajouter son grain de sel, dans ma région on souffre d'une inéquité interrégionale au niveau du financement de nos établissements de santé et services sociaux. On a un manque à gagner d'au-delà de 200 000 000 $ uniquement pour avoir le même niveau de ressources pour soigner nos malades comme on peut les soigner, par exemple, à Montréal. Alors, lorsque à ce facteur aggravant s'ajoutent les coupures, s'ajoutent les pénuries de médecins, s'ajoutent les pénuries des infirmières, la situation devient intenable.

On m'a également – les représentants syndicaux de la CSN, de la FTQ dans ma région qui m'ont rencontrée pas plus tard que le 15 novembre dernier – sensibilisée à la problématique réelle qui se vit dans les CLSC. On se rappelle que les CLSC étaient supposés être la porte d'entrée dans le système de santé. De la façon dont le virage ambulatoire a été pris, les CLSC ne sont pas en mesure de répondre adéquatement à la mission qui leur est consacrée par le gouvernement.

Un autre dossier extrêmement problématique chez nous, en région, c'est celui de la santé mentale, M. le Président. On sait que le dossier de la santé mentale, c'est un dossier qui est sectorisé, c'est-à-dire que les malades de la Montérégie doivent être soignés dans les établissements de la Montérégie. On ne peut les envoyer ailleurs. Avec la désinstitutionnalisation, on assiste à un phénomène de tourniquet où les malades mentaux vont engorger les urgences et ils ressortent de l'hôpital pour y revenir le lendemain. Les parents de ces malades-là sont excédés, sont incapables de supporter ce fardeau.

Les groupes communautaires qui oeuvrent dans le domaine de la santé et services sociaux, qui eux se multiplient en quatre pour offrir les services et répondre à ces nouveaux besoins, n'en peuvent plus, parce qu'ils attendent encore une décision de la ministre de leur donner 2 000 000 $ pour faire leur travail correctement. Et, malgré que la Régie régionale de la santé et des services sociaux ait confirmé qu'ils auraient droit à ces 2 000 000 $, la décision tarde à venir.

La députée de Mille-Îles vient de dire que l'assurance-médicaments, c'est une bonne chose. Elle devait venir écouter, pas plus tard qu'hier, l'Association des aînés du Québec, qui est venue nous parler, en commission parlementaire des finances publiques, sur la réduction de l'impôt des particuliers. Vous auriez dû écouter ces gens-là qui représentent les véritables citoyens affectés par l'assurance-médicaments. Vous n'auriez pas tenu ce discours dans cette Chambre si vous aviez été à l'écoute de la réalité et des besoins des citoyens.

Je ne sais pas, M. le Président, comment est-ce qu'on peut s'enorgueillir de dire qu'on a mis en place un système qui pénalise les citoyens les plus démunis, les aînés en particulier. Nos patients, on est rendus à les renvoyer aux États-Unis. C'est incroyable! Notre système est en train de s'écrouler. C'est une dégradation systématique qui pénalise les citoyens et qui les empêche d'avoir accès à nos services de santé, et surtout à des services de santé de qualité. Alors, je le regrette infiniment et je dénonce l'incurie de ce gouvernement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Il reste six minutes à votre formation. M. le député de Papineau.

(11 h 10)


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Pour la deuxième fois depuis que cette session est commencée, nous avons eu la chance de pouvoir discuter avec le gouvernement du Québec sur les problèmes qu'il y a en santé.

On a beau parler de différentes choses, mais on doit dire que, nous, du côté-ci de cette Chambre... On a beau dire que l'opposition crie toutes sortes de faussetés dans les problèmes de la santé qui existent au Québec, mais je dois vous dire que, nous, de ce côté de cette Chambre, nous avons, par l'entremise de notre porte-parole la députée de Bourassa, fait une tournée au Québec dans tous les hôpitaux du Québec. Et toutes les revendications qui ont été faites ici pour la deuxième fois, un deuxième débat sur la santé, sur la motion du mercredi matin, nous avons retransmis ce que les gens qui travaillent en santé nous ont dit dans cette opération qui a été faite par la députée de Bourassa.

Je pense, M. le Président, quand on nous dit que c'est des faussetés, qu'il ne faudrait pas prendre les gens qui travaillent dans le milieu de la santé qui nous ont dit carrément, par une visite des députés libéraux... Les 48 députés ont visité tous les hôpitaux, les CLSC, les centres d'accueil, et il y a eu quand même avec ça... Je n'ai pas vu de députés péquistes se promener, puis rencontrer ces gens-là, puis donner une opinion sur ce qu'on devrait faire pour régler le problème une fois pour toutes. C'est ça qu'on essaie de faire depuis le début.

Dans les conclusions de la tournée de la députée de Bourassa dans toutes les régions du Québec... Et je répète: On n'a pas inventé ça, c'est les gens qui nous ont dit les problèmes qui existaient dans le système de santé du Québec depuis cinq ans, six ans.

Une voix: Cinq ans.

M. MacMillan: Cinq ans, oui, depuis que le gouvernement est au pouvoir qu'on n'a pas agi. Tantôt, le député de Portneuf disait que l'Ontario n'avait peut-être pas les mêmes problèmes. Mais l'Ontario a injecté des milliards d'argent depuis deux ans dans la santé pour l'augmenter; nous, on a injecté 1 400 000 000 $ puis l'argent venait du fédéral. Les pauvres gars du fédéral, c'est toujours de leur faute. C'est toujours la faute du fédéral, mais il y a quand même qu'il y a des fonds qui ont été mis sur la table, qui ont été injectés par les gens du fédéral.

La conclusion des gens qui travaillent en santé... Et je le répète, M. le Président, et je pense que c'est très important de le répéter que c'est les gens qui travaillent en santé qui ont fait ce rapport-là, ici. C'est seulement rapporté par les gens de l'opposition suite aux rencontres de la députée de Bourassa: «La réforme de la santé a donné lieu à des compressions budgétaires sans précédent. C'est appliqué d'une façon désastreuse pour les malades, notamment au niveau de l'accès aux soins de santé.

«Ceci laisse à penser que la réforme qui était attendue n'avait pour seul objectif qu'une opération aveugle de compressions budgétaires ayant comme conséquence le démantèlement du réseau de santé: pénurie de médecins, pénurie de personnel infirmier, problèmes de recrutement, surcharge de travail, alourdissement de la charge du travail liée au vieillissement de la population, pénurie des lits de courte et de longue durée, soins à domicile insuffisants, manque de médecins pour les services médicaux dans les CLSC, pénurie des ressources en santé mentale et au niveau des soins à domicile, longs délais pour la consultation d'un spécialiste, listes d'attente pour les chirurgies et les hospitalisations, reports des chirurgies électives, effets dévastateurs des mises à la retraite des médecins et des infirmières, les conditions de travail du personnel infirmier sont difficiles, voire dangereuses, manque d'information à la population concernant les services offerts, inéquité interrégionale au niveau du financement, manque d'équipement technologique médical de pointe, déficit accumulé des établissements, suite aux fusions d'établissements, problèmes liés à un trop grand nombre de syndicats non fusionnés, manque de partenariat entre les différents intervenants du réseau: centres hospitaliers, CLSC, cliniques médicales, groupes communautaires.

«On ne peut que conclure que la réforme du système de la santé telle qu'implantée par le gouvernement péquiste est un échec. Le gouvernement péquiste utilise des méthodes statistiques tronquées. Les aires de transition qu'on peut également qualifier de lits tampons en sont un bel exemple. Ce faisant, le gouvernement accepte de dissimuler à la population l'ampleur de la crise qui sévit dans les urgences. Par son inaction, le gouvernement fait en sorte que la gestion quotidienne du réseau de santé en soit une de gestion de crise, et puisque le gouvernement péquiste responsable du meilleur intérêt de la population n'a aucune vision d'ensemble de l'orientation que doit prendre le système de soins de santé du Québec.»

M. le Président, ce n'est pas nous qui avons inventé ça, c'est les gens qui travaillent en santé à tous les jours. On dirait qu'on ne veut pas l'admettre, on dirait que le gouvernement du Québec ne veut pas prendre de solution ou mettre des solutions sur la table pour régler tout ça. J'en ai nommé une quinzaine, de problèmes qui existent, qui ont été dits par les gens qui travaillent en santé. Où sont les gens de l'autre côté? Est-ce qu'on a revisité les hôpitaux dans chacune des régions? Je ne pense pas, M. le Président. On met sur la table des problèmes, on a aussi mis sur la table des solutions, et on dit que l'opposition veut aggraver la situation des soins de santé au Québec.

Alors, M. le Président, il me fait plaisir d'appuyer la motion de ma collègue de Bourassa: «Que l'Assemblée nationale du Québec rende responsable la ministre de la Santé et des Services sociaux pour la dégradation de l'accessibilité et de la qualité des soins de santé au Québec.» Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Papineau. M. le député de Saint-Jean, une question de règlement.

M. Paquin: M. le Président, est-ce que le député accepterait de répondre à une question?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Papineau, vous avez une invitation à répondre à une question.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je dois vous dire que nous avions distribué le temps non accordé au député indépendant, c'est-à-dire non utilisé, et ça aurait donné jusqu'à huit minutes pour l'opposition. Il y a un deux minutes qui aurait pu être utilisé encore avant la réplique. Mme la ministre, vous avez 30 minutes avec le deux minutes qu'on vous alloue pour le temps non utilisé par le député indépendant. Alors, 30 minutes pour vous, Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Je vais rassurer d'abord le député de Papineau. Non seulement, comme ministre de la Santé et des Services sociaux, je vais régulièrement dans les hôpitaux, dans les CLSC, dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée, mais mes collègues y vont aussi et me font état des difficultés qui sont rencontrées, bien sûr, et nous sommes très au fait de ce qui se vit quotidiennement dans nos institutions.

Je vais me permettre d'ailleurs de rappeler aux gens de l'opposition, en citant leur chef, qu'ils avaient pris un engagement avant de venir à cette session. Leur chef, Jean Charest, disait ceci, il souhaitait que cette nouvelle session soit l'occasion de proposer des choses, de semer de l'enthousiasme, d'être positif, de lever la morosité. Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai entendu ce matin, M. le Président. À mon point de vue, au contraire, on vient alarmer la population, on vient inquiéter la population sans avoir le début de l'ombre d'un iota d'une proposition à faire pour corriger la situation, pour corriger les choses.

Les seules propositions d'ailleurs qui viennent viennent actuellement des jeunes de leur formation politique, et, ce matin, la dernière trouvaille, on voulait mettre la hache dans le Régime de rentes du Québec. Et un journaliste disait de cette proposition: «On met de l'avant les recettes les plus éculées de la droite.» Alors, ça, c'est la façon dont les jeunes libéraux veulent engager le débat quand ce n'est pas de proposer de vouloir faire payer les malades, en fonction, évidemment, j'imagine, du degré de leur maladie, là, hein. Alors, ça, c'est un système à deux vitesses, M. le Président, que ça s'appelle.

J'attends toujours, je suis disponible. S'il y a quelque proposition intéressante, pertinente, susceptible de nous permettre d'améliorer ce que nous connaissons actuellement dans le réseau de la santé et des services sociaux, je suis partante, M. le Président. Je vais le recevoir avec toute l'attention que cela mérite et je vais voir comment on peut en tenir compte dans l'action que nous menons au quotidien.

(11 h 20)

Ce matin, cependant, comme je n'ai rien entendu de tel, je vais me permettre, à l'occasion de cette motion présentée par l'opposition, de corriger par ailleurs certaines inexactitudes et rétablir les faits en ce qui concerne l'état de notre réseau de santé et de services sociaux. Et je pense que l'état de ce réseau, malgré des contraintes qu'il subit depuis un bon moment, est satisfaisant, malgré des difficultés qui sont rencontrées. Et je crois – et c'est ça que je voudrais particulièrement dire à l'opposition, faire partager à l'opposition – que nous devons être fiers de ce qui se fait dans l'ensemble de notre réseau.

Nous avons demandé à l'ensemble du personnel qui oeuvre quotidiennement au sein des établissements, dans les hôpitaux, dans les CLSC, dans les centres de réadaptation, des efforts considérables, et nous l'avons fait dans un contexte difficile. Et je tiens, malgré tous les discours qu'on peut entendre et que l'opposition d'ailleurs ne se prive pas d'alimenter, à assurer les hommes et les femmes qui travaillent dans ce réseau de la reconnaissance de la population à leur endroit.

On nous parle de détérioration, de l'autre côté; je vous parlerai de gains, M. le Président. On nous parle de dégradation; je vous parlerai des gestes que nous avons posés et des conséquences qu'il commence déjà à y avoir sur notre système de santé et de services sociaux. C'est trop facile de tirer à boulets rouges sur la santé et les services sociaux. Non seulement cela est trop facile, comme je le disais d'entrée de jeu, mais je crois aussi que cela a des conséquences néfastes sur la population, qui, elle, sait cependant, une fois qu'elle a utilisé les services de santé, comment ceux-ci sont à la hauteur des attentes, comment ceux-ci sont de qualité.

Quand vous regardez d'ailleurs tous les sondages à cet égard, autant les sondages internes des institutions, des organisations, que le dernier sondage qui est paru encore au début de la semaine dans La Presse , ce que l'on constate, c'est qu'il y a un très haut niveau de satisfaction quant aux soins reçus. Est-ce que ce n'est pas là la véritable mesure que l'on doit prendre de la qualité des services qui sont offerts dans l'ensemble de notre réseau?

C'est pour cela, M. le Président, que je ne crois pas qu'il faille être alarmiste. Cependant, sans être alarmiste, on va convenir que la situation n'est pas facile, qu'il y a des problèmes à résoudre, bien sûr, et nous ne l'avons jamais nié, et que les efforts demandés jusqu'à maintenant ont été très importants et ont été considérables. Évidemment, si on pouvait vivre dans une société parfaite, on ne vivrait pas ces difficultés. Ce n'est pas le cas. Mais reconnaître des difficultés, c'est le début, je vous dirais, de ce qui permet ensuite d'intervenir et d'agir, et c'est ce que nous avons fait. C'est surtout ce que nous continuerons à faire, M. le Président.

Qu'est-ce qui explique cependant qu'on vive des situations aussi tendues et aussi difficiles dans certains cas? Il faut essayer de voir et de comprendre un peu plus globalement les phénomènes auxquels on est confronté dans notre réseau, les contraintes avec lesquelles on doit composer. La première – et mon collègue le député de Portneuf a été d'une éloquence remarquable à cet égard – c'est, entre autres, le retard que nous avions pris à transformer notre réseau de santé et de services sociaux. Il rappelait les multiples consultations qu'à tour de rôle les ministres libéraux responsables du dossier de la santé et des services sociaux avaient tenues sans commencer à intervenir à cet égard. En fait, on adoptait à toutes fins pratiques le statu quo comme vision du système de santé et de services sociaux.

Et il faut savoir que la reconfiguration du système de santé et de services sociaux était par ailleurs déjà amorcée dans tous les pays industrialisés du monde, chez nos voisins, dans le reste du Canada, où on avait déjà commencé à modifier les façons de faire, à modifier les vocations des institutions. Et c'est à peine à la fin du mandat qu'on a commencé à transformer un certain nombre de choses au sein du réseau. Ajoutez à cela, M. le Président, le fait qu'on s'est retrouvés, lorsque nous sommes arrivés au gouvernement, avec un véritable gâchis au plan des finances publiques. Donc, retard à intervenir, à commencer les transformations et à les faire d'une façon systématique, comme l'ont fait ailleurs nos voisins ou comme l'ont fait ailleurs les pays industrialisés qui ont des systèmes comparables au nôtre.

Par ailleurs, au moment où justement nous avons pris en main les affaires de l'État, nous avons, nous, résolument mis en branle une réforme importante de nos services de santé et de nos services sociaux. Et je pense qu'il est important de se rappeler que cette réforme a été faite sous l'autorité d'un homme courageux et d'un homme compétent, mon prédécesseur le député de Charlesbourg, auquel, je crois, il faut rendre hommage pour l'excellence du travail accompli.

Et, quand j'entends l'opposition faire des remarques complètement désobligeantes et inacceptables, à mon point de vue, à l'égard de mon collègue, dans le fond ils devraient se pencher sur leur propres turpitudes, puisque c'est eux-mêmes qui n'avaient pas eu le courage de s'engager dans cette transformation qui nous a permis de connaître des gains de productivité indispensables et qui viennent accompagner les nouvelles façons de faire quand le mode de traitement ambulatoire, le maintien à domicile, entre autres, sont privilégiés en lieu et place des soins en institution, des soins à l'hôpital lorsqu'on peut faire autrement. La première contrainte, la première réalité à laquelle nous avons été confrontés.

La deuxième contrainte à laquelle il a fallu faire face et à laquelle nous faisons toujours face, M. le Président, ce sont les coupures de transfert, des coupures draconiennes de transfert qui nous ont été imposées par le gouvernement fédéral. Alors, à chaque fois qu'on se lève ici... J'entendais encore le député de Papineau dire: On ne doit pas blâmer le gouvernement fédéral, ce n'est pas de sa faute si on en est là. Bien, ce n'est peut-être pas de sa faute, mais disons qu'il nous a enlevé pour 12 100 000 000 $ depuis 1994-1995, qui est un manque à gagner qui aurait pu être directement affecté au dossier de la santé et des services sociaux. Je pense que c'est 12 000 000 000 $ qui nous ont fait cruellement défaut dans la transformation dans laquelle nous étions engagés et à un moment particulièrement stratégique. Et je vais le répéter, M. le Président, ces coupures fédérales privent le système de santé québécois de ressources qui sont absolument cruciales à sa survie.

Ce matin – j'étais heureuse de le constater, parce que nous ne sommes pas toujours d'accord à l'égard de l'évaluation que nous faisons quant à nos relations entre le fédéral et le Québec – à cet égard, l'éditorialiste de La Presse rappelle justement que ce problème auquel nous sommes confrontés dans les relations entre les provinces et le fédéral, entre le Québec et Ottawa, c'est: «Le partage de compétences – et je le cite – entre les ordres de gouvernement a voulu que les domaines d'intervention incompressibles, comme la santé ou l'éducation, soient de ressort provincial. Il en résulte que les provinces sont aux prises avec des besoins croissants, tandis que le gouvernement central dispose, quant à lui, d'une marge de manoeuvre qui va en grandissant. La formule du premier ministre Bouchard, qui dit en substance que les besoins sont dans les provinces pendant que l'argent est à Ottawa résume bien la situation.» Et il conclut en disant que ce déséquilibre doit être corrigé et qu'on doit retourner aux provinces un niveau de transfert qui soit acceptable.

Et il dit aussi autre chose. Il dit qu'Ottawa doit cesser ou éviter d'investir et d'entrer dans de nouveaux champs de responsabilité des provinces en agissant ainsi d'une façon irresponsable. Justement, actuellement, devant la Chambre des communes, on est sur le point d'étudier, ou en train de le faire, un projet de loi, le projet de loi C-13, qui prévoit qu'on va implanter des instituts de recherche en santé sur le territoire canadien, et au Québec en particulier. De grâce, M. le Président, nous avons ici des instruments d'analyse. Ils sont sérieux, ils sont solides, ils sont bien faits et satisfont à nos besoins. Et nous pouvons encore, malgré tout, les améliorer. Peut-il s'empêcher, ce gouvernement, d'intervenir, d'investir des fonds dans des nouveaux champs de dépenses, pour nous les transférer, et nous les investirons dans la santé, dans l'éducation?

(11 h 30)

Alors, cela a donc exigé de nous, ce retrait du gouvernement fédéral du côté des transferts fédéraux, que notre gouvernement multiplie les efforts exigés pour contenir les efforts demandés au secteur de la santé et des services sociaux, et je vous dirais, à un niveau tel que sa sauvegarde et évidemment son développement puissent être assurés. C'est vrai que nous avons dû procéder à des arbitrages difficiles, et nous croyons que nous l'avons fait judicieusement. Ça n'a pas toujours été populaire, cependant, qu'on le fasse et que notre gouvernement ait convié les Québécoises et les Québécois à relever ce défi.

En ce sens, si on ne nous avait pas laissé une telle situation au plan budgétaire, si Ottawa n'avait pas procédé comme il l'a fait – et continue de le faire, et c'est là que ça devient plus désolant et inacceptable, à mon point de vue, parce qu'ils en ont, des surplus – nous aurions pu procéder sûrement autrement que nous avons dû le faire, M. le Président. Mais je crois que, pour l'essentiel, nous avons préservé et la qualité des soins et la qualité des services. Ça s'est fait souvent au détriment d'une charge plus grande sur notre personnel et, de cela, M. le Président, nous sommes très conscients.

D'autres contraintes par ailleurs, d'autres réalités auxquelles nous sommes confrontées mais qui ne sont propres ni particulières au Québec, elles sont propres et particulières à l'ensemble des sociétés industrialisées, la première de ces réalités – et il ne s'agit pas de blâmer les gens, il s'agit juste de constater que cela se passe, et cela va de plus en plus se passer – c'est le vieillissement de la population, dont les conséquences vont se faire sentir sur l'ensemble des soins de santé et des services sociaux.

Je vous donne quelques exemples. Dans les urgences, en 1998-1999, il y a eu 50 000 personnes de plus sur civière par rapport à 1994-1995. De ce nombre, en fait, 56 %, il y avait 28 000 personnes qui avaient plus de 75 ans. C'est normal, on vieillit. On est soigné plus rapidement, plus correctement, on vieillit avec une meilleure qualité de vie, mais ça ne veut pas dire qu'on n'a pas des petits bobos, rendu à 60, 70, 75 ans, et ils s'accentuent au fur et à mesure de l'âge. Donc, dans les faits, nous avons accueilli ces personnes-là dans nos urgences, et elles sont et seront de plus en plus nombreuses, avec des problèmes multiples, M. le Président.

Et, malgré tout, je vous dirai que nous avons fait beaucoup mieux – on l'oublie parfois – que le gouvernement qui nous a précédé et qui, lui, en mettait beaucoup, beaucoup d'argent dans les urgences, mais les gens attendaient beaucoup, beaucoup, beaucoup plus longtemps, M. le Président. Alors, comme quoi il n'est pas incompatible parfois de procéder à des réorganisations, à des rationalisations, tout en maintenant et en améliorant les services. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problèmes, M. le Président, je ne dis pas qu'il ne faut pas travailler encore plus ardemment, je vous dirais, à corriger la situation, mais je vous dis qu'on fait déjà des efforts importants et on offre des services.

En radio-oncologie, on en a parlé très souvent, pourquoi sommes-nous confrontés tout d'un coup – et ce n'est pas propre au Québec, l'Ontario a vécu le même problème, la Colombie-Britannique le même problème – à une hausse très importante de la demande de la part de gens qui vivent des problèmes de cancer? Parce qu'on est plus habiles, on a de meilleurs outils pour les détecter plus tôt. Comme on les détecte plus tôt, on peut les guérir. Et tant mieux, M. le Président, j'espère qu'on ira encore plus loin dans ce sens-là. On peut les guérir. Mais comme, pour les guérir, ça prend des équipements très sophistiqués et surtout, surtout, du personnel spécialisé particulièrement bien formé et qu'on ne pouvait pas imaginer l'explosion au plan des découvertes technologiques comme on l'a connue depuis quelques années, on s'est retrouvé avec une demande beaucoup plus grande que la capacité que nous avions d'y répondre.

Et, devant ça, parce qu'il s'agissait de la vie des gens, nous avons choisi toutes sortes de façons de faire pour nous permettre de rendre le service, allant même, M. le Président, jusqu'à acheter des services, jusqu'à aller chercher des services du côté américain. Vous savez pourquoi on a réussi à en avoir du côté américain? L'Ontario fait comme ça aussi, la Colombie-Britannique aussi, hein. Alors, j'imagine que la motion devrait blâmer aussi le ministre de la Santé de l'Ontario, le ministre de la Santé de la Colombie-Britannique. Ils doivent être des pas bons, eux autres aussi, parce qu'ils envoient les gens se faire soigner, pour qu'ils soient guéris et qu'ils voient leur vie sauvée, aux États-Unis. Nous l'avons fait parce qu'aux États-Unis ils ont un système, eux, à deux vitesses et que, quand tu ne peux pas payer, tu ne les as pas, les soins. Donc, ça laisse de la place dans les cliniques. Et, nous, nous l'avons utilisée. Et nous n'avons pas demandé aux gens de payer, M. le Président, nous avons offert le service pour les guérir. Moi, je pense que c'est plutôt de la responsabilité, ça, qu'autre chose.

On peut choisir un autre champ d'intervention. Et là ce n'est pas à 70 ans ou à 80 ans, généralement, qu'apparaissent les grands cas, les cas les plus nombreux de cancer, ce sont chez les gens de 50 ans. Alors donc, c'est un autre groupe d'âge qui est concerné, puis à celui-là aussi, comme à ceux de 75 ans, comme à ceux de 80 ans, il faut offrir le service. En cardiologie, on a vu une progression de 6 % par année des interventions en chirurgie cardiaque, pour sauver des vies, encore une fois, M. le Président. Les dilatations coronariennes – ça veut dire qu'on permet à des gens d'éviter un problème cardiaque, d'éviter une chirurgie – savez-vous de combien ça a augmenté depuis 10 ans? De 260 %. On a eu 8 000 cas en 1997. Tant mieux. On soigne, on guérit, mais sauf que c'est exigeant ça pour un réseau de la santé et pour les ressources à rendre disponibles. Et je pourrais continuer comme ça, M. le Président, du côté des chirurgies orthopédiques, du côté des chirurgies de la cataracte.

Alors, ça, c'est la première réalité. Nous vieillissons, nous sommes plus nombreux à vieillir, nous avons des meilleurs moyens de traiter, nous guérissons les gens; ça coûte plus cher, ça demande des outils plus perfectionnés, ça demande un personnel formé en plus grand nombre. Nous essayons de relever le défi et nous réussissons pas trop mal, en tout cas mieux que ce qui se passe ailleurs. Donc, on se dit qu'on doit avoir bien fait nos devoirs et nos leçons.

La seconde contrainte, c'est justement l'apparition aussi de nouvelles maladies, et c'est fulgurant à cet égard, et la progression importante de certains problèmes sociaux. Pensons seulement au sida qu'on a découvert il y a quelques dizaines d'années à peine et pour lequel il y a un effort considérable de fait en recherche pour trouver des médicaments pour soigner, pour trouver la cause. Et on a trouvé. On a trouvé au moins des médicaments pour améliorer la qualité des gens et pour prolonger leur vie d'une façon très significative. Ce sont des coûts énormes, de l'ordre de 20 000 $ à 30 000 $ par année par personne pour les médicaments. Mais tant mieux, on guérit, on soigne. Ça, ce sont des réalités auxquelles on est confronté comme État, comme tous les États à travers le monde. La maladie d'Alzheimer, dont les conséquences et les séquelles sont terribles, M. le Président, on découvre de plus en plus que des gens ont et devront vivre avec cette maladie.

Le problème de la mésadaptation psychosociale des jeunes, on en parlait tout à l'heure, c'était le député de Nelligan. Il a juste oublié de dire que nous avons amélioré la situation de ces jeunes en attente d'évaluation, en attente d'une intervention, d'une façon exceptionnelle et remarquable, comme jamais on ne l'avait réussi pendant les 30 dernières années, 20 dernières années que s'applique la loi. Il me semble que, malgré le contexte de contrainte, encore une fois on a réussi à rendre disponible un service. Ce n'est pas parfait encore, mais c'est mieux que c'était.

Une troisième réalité qui nous interpelle – j'en ai parlé, je ne m'étendrai pas longtemps sur cela parce que je veux aborder d'autres questions – c'est l'apparition de nouvelles technologies et des découvertes au niveau, entre autres, des médicaments. Je donnais l'exemple de la trithérapie pour les personnes atteintes du virus du sida. Mais prenons du côté des outils diagnostiques, des outils d'intervention. Regardez seulement la question de la laparoscopie qui permet d'intervenir sans opération ou sans intervention invasive chez la personne, qui permet à la personne de retourner chez elle en fin de journée.

Alors, tout ça, entre autres, nous permet, par cette formidable révolution technologique, et a même rendu nécessaire le virage ambulatoire auquel nous avons procédé depuis quelques années. L'exemple de cette chirurgie en est une bonne illustration, M. le Président.

Alors, non seulement ça a contraint le réseau de la santé et services sociaux, le ministère, la ministre, le ministre qui l'a précédée auparavant, le gouvernement, à faire des choix dans la réorganisation des services, mais ce faisant, et c'est pour ça que je disais qu'il y avait des gains très positifs aux changements que nous avons faits, ce faisant être soigné chez soi dans son milieu de vie, si on a accès aux bons services au bon moment, il me semble que c'est mieux que d'être dans un lit d'hôpital. Être soigné, traité, soutenu dans un centre d'accueil et d'hébergement, dans un centre d'hébergement et de soins de longue durée, quand on est une personne âgée qui a besoin d'être bien entretenue, d'être aidée, d'être accompagnée, il me semble que c'est mieux d'être là avec des gens compétents, capables d'assumer ces tâches plutôt que d'être dans un hôpital où on n'a pas d'intervention à recevoir qui relève de la responsabilité de l'hôpital. Il me semble que ça a plus d'allure. Il me semble que ça a plus de bon sens. C'est ça qu'on a fait depuis cinq ans dans le secteur de la santé et des services sociaux.

Et, dans ce contexte, M. le Président, nous avons fait des gains majeurs, et je vais en rappeler quelques-uns. D'abord, on a décidé justement de mettre à la portée de tous les moyens modernes de diagnostic et de soins. On a réussi.

(11 h 40)

Notre réussite, elle est à quel niveau? Parce que ça, là, M. le Président... Puis je vais essayer de le faire de la façon la plus pédagogique possible, on va le faire, mes collègues et moi, ensemble, puis on va le faire à travers tout le Québec, parce que j'ai annoncé depuis quelques jours qu'il faudrait s'engager dans un débat concernant l'avenir des soins de santé et de services sociaux, surtout leur financement.

Mais je pense qu'il faut faire aussi une illustration de ce que nous avons réussi à faire comme société. C'est facile, ce matin, pour la députée de Bourassa de se lever puis de mettre ensemble un paquet de lieux communs pour dire: Ça ne marche pas ici, ça ne marche pas là; on fait un comité, on fait ci, on fait ça. Comment on évalue un système de santé? Par ses résultats. Sommes-nous en meilleure santé qu'avant? Avons-nous une meilleure longévité qu'avant? Vivons-nous, autrement dit, plus longtemps? Est-ce que nos enfants qui naissent ont un bon taux de survie? Dans tous les indicateurs que l'on analyse actuellement, le Québec, pas le Canada, pas d'autres pays, le Québec est dans le peloton de tête des pays qui réussissent le mieux: deux ans de plus en termes de longévité que nos voisins américains dont on vante parfois les services. Remarquez qu'hier il y avait un article qui démolissait un peu le mythe, un article du Soleil , je crois. Bon. Deux ans de plus en termes de longévité.

Sur la qualité de vie... pas la qualité de vie comme sur la survie de nos bébés à la naissance, qui naissent plus tôt que prévu et de petit poids, à peine les pays nordiques et le Japon nous dépassent. Le Québec est en peloton de tête. C'est un des indicateurs le plus reconnu à travers le monde. On a un peu moins de succès du côté du cancer du poumon, c'est pour ça qu'on a une loi sur la protection des fumeurs et sur le tabac. Parce que, si on améliore ça, on va aussi rehausser notre performance. C'est comme ça, M. le Président, qu'on évalue un système de santé, pas seulement en s'alarmant, pas seulement en inquiétant les gens, mais en disant: Est-ce qu'on est en meilleure santé? Est-ce qu'on a des bons résultats? Est-ce qu'on vit plus longtemps? Est-ce que notre qualité de vie s'est améliorée? Et, sur tous ces fronts-là, on peut dire: Nous sommes au rendez-vous des nations les plus développées du monde.

Ce que nous avons fait donc pour y arriver, nous avons amélioré notre taux de chirurgies d'un jour, nous avons diminué notre taux d'hospitalisation. Je pourrais vous donner tous les chiffres qui nous montrent des performances remarquables. Et on m'aborde – alors, je ne le ferai pas parce que je vois qu'il me reste peu de temps...

Souvent, on nous soulève aussi toute cette question des listes d'attente. Je crois qu'il faut s'attaquer à ce problème des listes d'attente. Non seulement je crois qu'il faut s'y attaquer, nous l'avons fait et depuis un bon moment, M. le Président, et nous améliorons d'une année à l'autre la performance. Comment et quelle va être notre façon de nous assurer qu'on corrige la situation à cet égard? Disons que la députée de Bourassa trouve que je parle trop souvent aux gens, en disant: Bon, elle a rencontré les gens, elle a fait un groupe de travail. Oui, mais, si on n'associe pas les gens qui sont ceux qui opèrent, ceux qui traitent, ceux qui soignent et ceux qui guérissent, c'est bien sûr qu'on ne changera pas les choses. Alors, c'est ma façon à moi de travailler, puis généralement ça donne des résultats pas trop mal, pas tous les résultats que je voudrais atteindre, mais des résultats satisfaisants.

Alors, qu'en est-il de nos fameuses listes d'attente? Évidemment, encore une fois, nous, on trouve qu'on n'est pas bon, qu'on n'est pas fin, qu'on est petit, qu'on ne réussit pas. Il y en a d'autres à travers le Canada qui ont évalué ce qui se passait dans toutes les provinces. L'Institut Fraser – ce n'est pas des amis généralement du gouvernement du Parti québécois, ils sont plutôt assez critiques à l'égard de notre gouvernement – on a constaté que, dans les faits, c'était au Québec et en Colombie-Britannique où l'attente pour consulter un spécialiste était la plus courte. De plus, il n'y a que deux provinces qui ont diminué leurs délais d'attente pour voir un spécialiste. Qui c'était? Le Québec et Terre-Neuve. Alors, ça ne doit pas être si mal, M. le Président.

Mais ça ne veut pas dire qu'il faut s'arrêter là. Et c'est pour ça que je travaille actuellement avec les oncologues, qu'on a rencontré les chefs de service, de département en chirurgie cardiovasculaire pour essayer d'identifier des outils pour prendre une décision éclairée, pour ne jamais faire attendre une personne qui ne doit pas attendre sur une liste parce que, pour cette personne-là, c'est urgent qu'on intervienne, donc qu'on s'entende pour déterminer... Une personne peut attendre quelques semaines, dans telle et telle condition, et sa situation ne se détériorera pas; une autre ne peut pas attendre, et, même si elle vient d'arriver maintenant puis s'il y a 50 personnes qui attendent, elle va passer avant parce qu'elle, elle risque de mourir si on n'intervient pas. Il faut en parler, de ça, il faut être franc, il faut être clair, et c'est ce à quoi on travaille.

Et on est arrivé à établir des règles, des critères qui font qu'on va traiter plus rapidement une personne que l'autre, sans mettre la vie de l'une ou de l'autre en danger, en évitant que la situation ne se détériore. Et c'est actuellement ce que je fais. On l'a fait au niveau du cancer, en oncologie, on le fait au niveau de la chirurgie cardiovasculaire. Et on est à peu près en contrôle, dans certains cas, sur les listes en orthopédie, les changements de hanches et de genoux. Quand on devient plus âgé, il y a des difficultés qui se présentent, et il y a maintenant des prothèses qui peuvent être placées pour nous permettre d'avoir une vie normale, M. le Président. Et c'est vrai aussi du côté de la cataracte.

Alors, pour ce faire, pour essayer de trouver des bons critères, évidemment, je pensais que c'était peut-être utile de parler aux oncologues, puis aux spécialistes, puis aux chirurgiens cardiaques. Je n'ai pas la prétention de tout connaître et de tout savoir, puis je pense que c'est comme ça qu'on va finir par résoudre nos problèmes. Alors, les listes d'attente restent une priorité. Oui, M. le Président, j'accélère, je sais qu'il me reste deux minutes.

La question des urgences. On a fait des gorges chaudes: un comité, une organisation ici et là. M. le Président, c'est la première fois, la première fois depuis 20 ans qu'existe le problème des urgences que, quatre mois à l'avance, on dit: Voilà les ressources qui seront disponibles pour vous permettre de faire des ententes avec des centres d'hébergement, avec des CLSC, d'ouvrir des lits tampons, d'ajouter quelques lits de dépannage, qu'on va investir maintenant. Vingt-cinq mille personnes âgées à vacciner en un mois dans Chaudière-Appalaches, 4 500 000 $ pour procéder à de la vaccination, pour faire de la prévention, pour éviter qu'on ne vienne à l'urgence, M. le Président. Il me semble que ça ne doit pas être de l'inaction complètement, ça.

Puis oui, je me suis associée avec des médecins, des urgentologues, des infirmières cliniciennes parce que je pense qu'ils sont meilleurs que tout nous autres ensemble pour trouver des solutions dans les urgences. Et ils nous ont proposé des choses concrètes, précises. Dans deux semaines, je vais rencontrer tout ce monde-là, à la même table, et là on va dire: Ça, vous le faites quand? Comment? Quand est-ce qu'on va avoir des résultats? Ça, chez les urgentologues, dans les urgences, est-ce qu'on en a un, code pour trier les gens correctement, pour éviter qu'un n'ait pas le traitement qu'il faut et que l'autre attende trop longtemps?

C'est ce qu'on fait, M. le Président. Ça, là, ce n'est pas théorique, ce n'est pas ésotérique, ce n'est pas perdu, ce n'est pas irresponsable. C'est, au contraire, ce que nous pouvons faire de plus responsable. Et, à mon point de vue, l'irresponsabilité, elle est pas mal plus de l'autre côté de cette Assemblée, des personnes qui n'ont absolument aucune idée, aucun début d'une idée de proposition à nous faire pour améliorer la situation. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la ministre. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Bourassa. Mme la députée.


Mme Michèle Lamquin-Éthier (réplique)

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Alors, je reviens avec le texte même de la motion, qui veut:

«Que l'Assemblée nationale rende responsable la ministre de la Santé et des Services sociaux pour la dégradation de l'accessibilité et de la qualité des soins de santé au Québec.»

J'aimerais rappeler à la ministre de la Santé et des Services sociaux que c'est elle qui est en poste, c'est elle qui a des responsabilités à assumer et que c'est elle qui a la responsabilité de donner des soins et des services de qualité à la population, Mme la ministre.

Moi, je veux bien, M. le Président, répondre à la question de la ministre: Comment évalue-t-on un système de la santé, Mme la ministre? Eh bien, Mme la ministre, on l'évalue de la même façon qu'un gouvernement, c'est-à-dire à ses résultats, hein? Alors, vous serez jugée vous-même, comme ministre de la Santé et des Services sociaux, sur les résultats que vous aurez affichés concrètement dans le réseau de la santé, et il en sera de même pour le gouvernement du Parti québécois, et le gouvernement du Parti québécois... Vous avez beau prétendre, Mme la ministre, avec une aisance tout à fait remarquable, que le système de santé va bien et que l'opposition officielle, sans avoir le début de l'ombre d'un iota de solution... Je trouve ça arrogant, quand même, pas à peu près. Je trouve ça arrogant plus, plus, plus. L'opposition officielle, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, comme mon collègue de Papineau l'a rappelé...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, Mme la députée, vous devez vous adresser au président, vous savez, dans vos interventions.

Mme Lamquin-Éthier: Alors, M. le Président, j'aimerais porter à l'attention de Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, qui disait sans ambages que l'opposition officielle, sans avoir le début de l'ombre d'un iota d'une solution... Qu'est-ce que c'est, ça, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux? Qu'est-ce que c'est, ça, M. le Président? Ce n'est pas un document... Un document de 39 pages. Moi, je veux bien qu'on prétende qu'il n'y a pas de problème, que tout est sous contrôle, mais comment peut-on à ce point afficher une arrogance qui va à nier la réalité du réseau, nier la situation des personnes qui souffrent, tout ça, par souci de conserver une image? Il y en a un document. Ce sont des propos, comme mon collègue de Papineau le disait, qui ont été rapportés par l'ensemble des collègues qui sont allés dans leurs circonscriptions électorales respectives rencontrer des intervenants du réseau de la santé, des membres de syndicats, des membres de conseils d'administration, et ces gens-là ont fait rapport des constats, le constat du réseau, puis ils ont donné des solutions.

(11 h 50)

Alors, que Mme la ministre nous dise, à nous, qu'on n'en a pas, c'est une insulte pour les gens que nous avons rencontrés, c'est une insulte pour les gens qui nous ont donné du temps, c'est une insulte pour des gens qui ont fait des constats et c'est une insulte pour les gens qui ont soumis des solutions de leur dire qu'il n'y a pas l'ombre d'un iota d'une solution. C'est tout à fait inacceptable. C'est également une insulte de venir prétendre que l'opposition officielle ne veut que semer un vent de panique. L'opposition officielle a le nez collé sur la réalité, le nez collé sur les gens qui sont dans nos comtés respectifs, le sous-financement chronique des CLSC. Et relisez, Mme la ministre de la Santé, le rapport accablant, un dossier charge du Conseil du statut de la femme, vous allez voir les dérapages du virage ambulatoire, vous allez voir qu'il n'y a pas eu d'arrimage et qu'il n'y en a pas entre les centres hospitaliers, les CLSC, vous allez voir que les CLSC, malgré une bonne volonté, n'ont pas les ressources nécessaires, vous allez voir que les CLSC sont obligés de saupoudrer pour répondre aux besoins.

Où est, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, le 40 000 000 $ qui a été promis par le gouvernement du Parti québécois? Vous ne pouvez pas nier la vétusté...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, madame, je vous ai rappelé que vous devez vous adresser – c'est une règle, dans nos assemblées – au président. Ça permet de baisser la tension de part et d'autre à ce moment-là, ce n'est pas pour rien que la règle est là. Alors, je vous inviterais, s'il vous plaît, à vous adresser au président.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, je suis indisciplinée et je vous prie de m'excuser. Je ne veux pas ne pas me plier. Je suis désolée, désolée, désolée, mais j'entends des choses qui, vous le constatez, me troublent particulièrement.

Alors, M. le Président, le gouvernement, comme la ministre de la Santé, seront jugés sur les résultats, les résultats concrets, la réalité qu'on ne peut pas occulter à la faveur d'un petit discours qui est très dépassé. L'engorgement des urgences, allez demander aux patients qui sont civière à civière dans des corridors si ça va si bien que ça dans les urgences. Allez voir les patients qui sont en attente pour une opération, une hanche, marcher, une prothèse du genou, pour des cataractes, quand on n'a pas de qualité de vie. Que Mme la ministre, M. le Président, nous confirme concrètement combien d'accélérateurs linéaires ont été livrés, sont rendus, utilisés dans les établissements de santé.

Que Mme la ministre nous confirme que les CLSC ne font pas face à un sous-financement chronique. Que Mme la ministre nous confirme que la situation n'est pas pareille pour l'ensemble des CHSLD qui sont sous-financés. Mme la ministre, nous dit-elle, considère normal, digne, acceptable qu'une personne âgée reçoive un bain par semaine dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée. Trouve-t-elle acceptable, normal, hein, pour la dignité de ces personnes-là qu'on donne des bains maintenant à la vapeur, les bains qui sont en dehors du bain complet, le bain partiel? C'est une course contre la montre que les infirmiers et les infirmières, les préposés sont à faire. Mme la ministre peut-elle nier un déficit de 350 000 000 $ dans le réseau de la santé? Mme la ministre veut maintenir son image. Elle maintient les cibles au niveau de la performance, alors que les établissements n'ont plus de marge de manoeuvre. Mme la ministre, encore une fois, est plus soucieuse de son image que du respect de la dignité, parce qu'elle fixe aux établissements des cibles de performance qui ne sont pas réalistes et qui ne seront pas réalisables. Elle maintient l'équilibre budgétaire, ce qui signifie qu'il y aura au moins pour 350 000 000 $ de compressions budgétaires, ce qui signifie qu'elle aura encore une fois une dégradation au niveau de l'accessibilité.

Mme la ministre nous dit qu'elle associe les gens. M. Jean-Jacques Samson a considéré, évidemment dans le cadre de la tournée des urgences et l'annonce des deux comités, que: «Pareilles tentatives d'utilisation des médias pour leurrer la population sont particulièrement odieuses, on joue avec la santé des citoyens.» Cela n'a pas empêché Mme la ministre de créer deux nouveaux comités dont le principal mérite sera sans doute de réduire au silence tous les groupes d'acteurs qui auraient pu exercer des pressions sur elle ou la dénoncer dans les prochains mois. Même tactique qu'elle a employée, elle dénonce l'attitude des jeunes. Le Parti libéral du Québec favorise les débats, les échanges. Il ne tente pas de museler, il n'a pas tenté de museler des intervenants du réseau de la santé en mettant en place des comités qui sont vus par M. Jean-Jacques Samson comme vouloir réduire au silence. Il y avait un contestataire, Maxime Barakett. Qu'est-ce qu'a fait Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux? Elle s'est empressée de lui offrir un poste au cabinet. Alors, je me demande bien qui parle de museler.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, écoutez, là, il faut intervenir sur une question de règlement et non pas de réflexion. Il y a des règles, monsieur, puis il faut respecter les règles. Alors, madame a le droit de parole et, jusqu'à maintenant, bien, elle a utilisé des propos parlementaires. Moi, je m'en tiens aux propos et, pour ce qui est des contenus, des argumentations, bien, que voulez-vous, chacun portera son jugement.

M. Paradis: ...intervention du leader adjoint du gouvernement, je comprends sa colère. Il est choqué que ce ne soit pas lui qui a été invité au cabinet.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, de part et d'autre, ce ne sont pas tout à fait des questions de règlement, mais vous pourrez reprendre la discussion après les débats. Mme la députée de Bourassa, à vous la parole.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Alors, qu'est-ce que fait Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, qui s'en défend, pour sauvegarder son image? C'est de tenter de gagner du temps et de museler. Évidemment, elle fait autre chose aussi, elle contourne les questions. Alors, Mme la ministre, quand on lui demande quand elle va déposer les plans triennaux pour qu'on puisse avoir une vision claire de ce qui se passe ou tenter d'offrir aux établissements de santé qui n'ont pas de marge de manoeuvre et qui font face à des difficultés réelles des pistes de solution ou l'ombre d'un iota d'une piste de solution, bien, c'est sous étude. Évidemment, à un moment donné, en quelque part, tantôt, plus tard, on aura le plan. Vous avouerez que c'est quand même un peu étonnant qu'à ce moment-ci de l'année on n'ait pas encore le plan triennal, pas de réponse claire.

On parle des délais pour les personnes qui sont en attente d'avoir des traitements en radio-oncologie. Ah! qu'est-ce qu'elle fait? Elle détourne. Elle nous répond toutes couleurs confondues, et pour le cancer du sein et pour le cancer de la prostate, alors qu'en ouverture elle avait bien pris la peine de préciser l'importance de départager. Mais elle répond les deux couleurs confondues. Alors, c'est ça qu'elle fait, Mme la ministre. Elle est habile, elle est extrêmement habile. Elle contourne les questions qui lui sont posées en répondant à côté. Parce que c'est très difficile d'avoir une vision claire, elle nous empêche d'avoir une vision. Et non seulement elle nous empêche, nous, l'opposition officielle, de jouer notre rôle, de dénoncer au gouvernement ses responsabilités, de lui rappeler ses engagements et ses belles promesses électorales, hein... On nous empêche de faire ça.

Alors, on nie, M. le Président, encore une fois, que le système de santé craque de partout. Et l'Association des hôpitaux du Québec a lancé un cri d'alarme. Et vous savez que l'Association des hôpitaux du Québec, c'est un partenaire important dans le réseau de la santé. Alors, c'est bien important de les avoir à côté de nous, mais encore faut-il les écouter. Que disait l'Association des hôpitaux à Mme la ministre? Le système éclate de partout. Elle lançait un cri d'alarme. Les hôpitaux nagent dans le rouge, les listes d'attente n'ont jamais été aussi longues, les patients s'en vont vers les États-Unis, il y en a d'autres qui sont soignés dans des tentes-roulottes, mais on préserve notre ouvrage. Tout va très bien, M. le Président, il n'y a pas de problème.

Nous sommes face à un gouvernement qui peut encore prétendre, avec une audace absolument inqualifiable et une ministre de la Santé que je considère particulièrement arrogante de nous accuser de ne chercher qu'à faire de la démagogie alors qu'on est confronté à tous les jours avec des drames que vivent des personnes qui attendent pour avoir des services et des soins de santé.

M. le Président, il y aura d'autres compressions budgétaires dans le réseau de la santé en plus de tous les dommages qu'ont entraînés les coupures de 2 100 000 000 $. Il y a un déficit de 350 000 000 $, un dépassement de 200 000 000 $ au niveau de l'assurance-médicaments, l'enveloppe des médecins est dépassée, alors, oui, il y aura encore une atteinte, une dégradation à l'accessibilité et à la qualité des services, et c'est inacceptable.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Bourassa. M. le député de Saint-Jean?

M. Paquin: Est-ce que, en vertu de 213, la députée de Bourassa accepterait de répondre à une question?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée?

Mme Lamquin-Éthier: Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: J'ai compris des propos de l'opposition qu'ils ont fait une tournée exhaustive des institutions de santé au Québec et qu'ils aiment les réponses claires et qui ne sont pas à côté. Ma question serait la suivante: Combien d'institutions au Québec ont dit que les transferts fédéraux en santé étaient suffisants et est-ce qu'elle-même considère que ces transferts fédéraux sont suffisants?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, vous voyez, ça, c'est une question qui ne conduit nulle part. On a blâmé les infirmières dans le cadre...

Des voix: Ah!

(12 heures)

Mme Lamquin-Éthier: Je m'excuse! On a blâmé les infirmières. Et il y a même une circulaire, une belle directive clandestine qui avait été envoyée dans le réseau par le gouvernement du Parti québécois pour tenter d'entacher la réputation des... Ça, c'est une solution constructive! On blâme les établissements récalcitrants qui n'arrivent pas à l'équilibre budgétaire. Ça aussi, c'est une solution constructive! On blâme les personnes âgées, M. le Président, parce que, qu'est-ce que vous voulez, elles vieillissent après s'être sacrifiées toute leur vie, avoir payé des taxes et des impôts, elles sont malades. Ah! Le gouvernement du Parti québécois, obsédé par le rapport qualité-prix, ne considère que l'aspect financier. Il reproche aux personnes âgées de vieillir, d'être malades, d'avoir besoin de soins et de services. On blâme les...


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, madame. Je dois vous arrêter, il est midi. Alors, je vais mettre aux voix la motion:

«Que l'Assemblée nationale du Québec rende responsable la ministre de la Santé et des Services sociaux pour la dégradation de l'accessibilité de la qualité des soins de santé au Québec.»

Une voix: Vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote par appel nominal. Alors, le vote sera par appel nominal.

M. Boulerice: Suite à ce que vient de demander la nouvelle leader de l'opposition et le député de La Peltrie, ce vote sera reporté en vertu de notre règlement, l'article 223, à la période des affaires courantes de cet après-midi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le vote sera reporté à la période des affaires courantes de cet après-midi, et nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 14 h 4)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés. Nous allons nous recueillir un moment.

Très bien, veuillez vous asseoir.


Présence d'anciens parlementaires de l'Assemblée nationale

Alors, pour débuter nos travaux, j'ai le plaisir de souligner la présence dans nos tribunes de deux anciens collègues de l'Assemblée: M. Jean Garon, ancien député de Lévis et maire de Lévis; et Mme Violette Trépanier, ancienne députée de Dorion. En espérant que leur présence au-dessus de nous cet après-midi saura nous inspirer.

Des voix: Ha, ha, ha!


Affaires courantes

Le Président: Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclarations ministérielles, ni présentation de documents, ni présentation de projets de loi.


Dépôt de rapports de commissions

Alors, au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des transports et de l'environnement et député de Bellechasse.


Étude détaillée du projet de loi n° 73

M. Lachance: Merci, M. le Président. Alors, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des transports et de l'environnement qui a siégé le 16 novembre 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 73, Loi visant la préservation des ressources en eau. La commission a adopté le projet de loi sans amendement.

Le Président: Très bien. Alors, ce rapport est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période de questions et de réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de Mme la députée de Bourassa présentée aux affaires inscrites par les députés de l'opposition.


Questions et réponses orales

Nous abordons maintenant la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, en question principale.


Plan d'action en matière de santé et de services sociaux


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Lorsque le député de Charlesbourg était ministre de la Santé, il disait que la réforme était planifiée dans les moindres détails. Or, on apprend dans les derniers jours qu'il y aura un déficit non anticipé, non annoncé de 350 000 000 $ dans les hôpitaux, qui s'ajoute au déficit puis aux dettes qu'ils ont déjà. Dans l'assurance-médicaments, le gouvernement va défoncer son budget de 210 000 000 $. Hier, la ministre de la Santé nous apprenait que le budget pour les omnipraticiens était défoncé de 80 000 000 $. Elle décrivait tout ça, hier, à l'Assemblée nationale, comme étant un véritable succès.

Et, M. le Président, en même temps, la ministre de la Santé, depuis les derniers mois, nous apprend qu'elle remet en question la construction... ou le virage ambulatoire. Elle nous dit en même temps, et je cite, que «la croissance des coûts de soins de santé et celle du rythme global des dépenses de l'État sont incompatibles». Et là, aujourd'hui, on nous apprend qu'elle réfléchit sur l'avenir des régies régionales de la santé, M. le Président.

Alors, M. le Président, compte tenu du fait que tout ça avait été planifié dans les moindres détails et que le gouvernement, aujourd'hui, dit vouloir réfléchir non seulement sur le virage ambulatoire, sur les budgets défoncés, mais maintenant sur le rôle et le financement du secteur de la santé, est-ce que le premier ministre pourrait nous informer de son plan de réflexion? Puisque la ministre nous apprend au fil des jours qu'il y a cette grande réflexion à l'intérieur de son gouvernement, c'est quoi, le plan, maintenant, du gouvernement du Parti québécois eu égard au système de soins de santé? Ou est-ce qu'on va se limiter aux déclarations des gens qui, dans le milieu de la santé, continuent à nous dire qu'à défaut d'agir, à défaut de pouvoir rectifier le tir il faudra faire des arbitrages, il faudra couper des services aux citoyens du Québec, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'ai compris que, de la part de l'opposition, de toute façon, dans le cas des régies, le sort en était jeté, parce que, quant à eux, si j'ai bien saisi le sens de leur intervention, c'est qu'ils les aboliraient. Nous avons effectivement travaillé...

Une voix: C'est l'oeuvre...

Mme Marois: Oui, c'est l'oeuvre, d'ailleurs, de quelqu'un qui nous a précédés ici, qui était député de Charlesbourg, mais du Parti libéral, M. le Président, si on peut s'en souvenir.

Oui, il y avait une planification quant aux objectifs sur la question du virage ambulatoire. Et c'était quoi, cette planification-là? C'était essentiellement de faire en sorte que les services soient disponibles dans les hôpitaux, dans les CLSC, dans les centres d'accueil et d'hébergement, et que ces services soient disponibles pour mieux répondre aux besoins des gens compte tenu qu'on utilisait mal certains lits d'hôpitaux qui étaient utilisés, entre autres, par des personnes qui auraient eu de meilleurs services au centre d'hébergement ou au CSLC. Alors, oui, cette réforme, elle était planifiée, avec des cibles, des objectifs, et je peux faire état de l'avancement de chacune de ces cibles et de chacun de ces objectifs.

(14 h 10)

Cependant – et je le répète pour la xième fois – mon collègue le député de Charlesbourg et nous comme gouvernement, nous avons dû faire ces changements dans une période plus courte que ce qui a été fait dans tous les autres cas ailleurs, et dans le reste du Canada et à travers le monde. Parce que ce n'est pas nouveau, les changements auxquels nous avons procédé. Pourquoi avons-nous dû le faire sur une période plus courte? Parce que le gouvernement qui nous a précédés n'avait pas engagé suffisamment tôt la réforme et que, par ailleurs, nous l'avons fait dans un contexte difficile. Un contexte difficile parce que nous avons dû en même temps rationaliser les ressources compte tenu du gâchis dans lequel nous avons trouvé les finances publiques lorsque nous sommes arrivés au gouvernement, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Ça nous inquiète, M. le Président, que la ministre parle de cibles, parce que les citoyens du Québec savent que la seule cible qu'elle a frappée depuis qu'elle est ministre de la Santé, c'est les citoyens malades du Québec. Ç'a été la seule cible qu'elle a réussi à atteindre, elle a défoncé ses budgets dans tous les autres domaines.

Elle prétend que son gouvernement avait des délais très courts. Il n'y a personne qui a demandé à son gouvernement d'aller couper puis de mettre à la retraite des milliers de personnes qui travaillaient ou comme infirmiers, infirmières ou médecins spécialistes. Il n'y a personne qui peut aujourd'hui assumer cette responsabilité et cette incompétence à part que le gouvernement du Parti québécois. Et, elle a beau blâmer les autres, il reste toujours que, dans la province voisine, depuis qu'ils sont au gouvernement, ils ont mis 3 000 000 000 $ de plus dans le système de soins de santé. Pourtant, ils vivent au même endroit, ils vivent dans le même régime fédéral, alors que son gouvernement a coupé 2 100 000 000 $.

Mais, puisque la ministre réfléchit à voix haute aujourd'hui sur les régies régionales de santé, peut-elle au moins nous garantir que, s'il y a des coupures à faire à l'avenir, elle va les faire dans la bureaucratie puis dans les régies régionales de la santé puis qu'elle va arrêter de couper dans les services aux patients, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre de la Santé.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Il y a une petite chose facile à comprendre, j'imagine, M. le Président, que et le chef de l'opposition et son équipe vont rapidement admettre: s'il y a eu des déficits dans le cas des hôpitaux de même qu'au régime d'assurance-médicaments, c'est parce qu'il y a eu des services de rendus et pas des services de coupés. Il me semble que ça, c'est, à l'évidence, une chose que l'on peut constater. Quant à l'effet que nous améliorions l'accessibilité aux services, j'ai expliqué à moult reprises ici, je peux reprendre chacun des faits et des événements, que, oui, nous avons amélioré l'accessibilité malgré des rationalisations et malgré des efforts considérables demandés à l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux. Ça se constate, entre autres, sur l'accessibilité en cas de services de radio-oncologie, par exemple, M. le Président.

Et nous avons déjà fait, et nos établissements ont fait leurs devoirs en ce qui a trait à la réduction des coûts administratifs. Simplement le nombre d'établissements, on est passé de 684 établissements à 364. On a diminué le nombre de cadres d'une façon considérable, de plus de 10 %, dans l'ensemble du réseau. On a réduit les frais administratifs de l'ordre de 6,4 %. Ce sont donc des efforts importants qui se sont faits à l'égard de l'administration pour justement préserver l'accessibilité et la qualité des services de santé et des services sociaux du Québec, M. le Président.

Le Président: En question principale ou complémentaire?

M. Bergman: Principale.

Le Président: En principale, M. le député de D'Arcy-McGee.


Alimentation des personnes âgées dans les hôpitaux


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: M. le Président, le 14 octobre, Mgr Hutchison, l'évêque anglican de Montréal, écrivait, et je cite: «The lack of nurses and aides in hospitals, as well as the poor quality of food, means that an hospital is not necessarily a place of healing but of weakening, due to lack of attention to patients who may need to be encouraged to eat.» Et, le 5 novembre, lors d'une conférence sur la malnutrition, le Dr Paul Saba a dit, et je cite: «Plus de la moitié de nos aînés arrivent aux urgences mal nourris. Ils quittent les hôpitaux encore plus mal nourris qu'à leur arrivée.»

Ma question s'adresse à la ministre de la Santé: Est-ce que la ministre est consciente que la malnutrition empire souvent la maladie des personnes âgées au sein même de nos hôpitaux, et qu'est-ce qu'elle entend faire de concret de cette situation intolérable?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Il faut vous dire, M. le Président, que, depuis que nous sommes à la barre, on a procédé à des investissements considérables du côté de l'aide aux personnes âgées. On a ajouté des centaines de millions de dollars dans le réseau des CLSC pour venir en aide par des soins et de l'aide à domicile aux personnes âgées. Nous avons investi dans l'ajout de nouvelles places en centres d'accueil et d'hébergement, alors qu'on avait littéralement arrêté les investissements lorsque le Parti libéral était au pouvoir. Et actuellement, sur la question de la malnutrition des personnes âgées, il y a un réel problème à cet égard. Nous avons engagé un travail au sein du ministère, avec nos différents partenaires, pour adopter une politique sur le vieillissement et qui comprendra, entre autres, une approche en ce qui concerne la qualité de la nutrition dans nos institutions, de même aussi que l'accompagnement de certaines personnes âgées qui, à cause de leur grand âge, non seulement choisissent parfois mal les types d'aliments qu'elles mangent, mais en plus doivent être aidées pour ce faire. Et, à ce moment-là, on accompagnera, à la mesure évidemment des ressources que nous pourrons rendre disponibles, les personnes âgées dans de telles situations, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Construction d'un musée d'histoire des boissons alcooliques


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, le ministre des Finances, qui cherche de l'argent partout – on a vu ça encore au début de la semaine – doit estimer que la Société des alcools lui verse suffisamment de dividendes et de revenus. En effet, des amis qu'il a lui-même fait nommer à la direction de la Société des alcools ont annoncé tout à fait récemment qu'ils avaient l'intention de construire un musée souterrain sur l'histoire des boissons alcooliques, pour à peu près 8 000 000 $. On a même déjà fait paraître l'appel d'offres pour faire construire ce nouveau Tãj Mahal de l'alcool.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: M. le Président, est-ce que le ministre des Finances pourrait être sérieux au point de demander à la Société des alcools de lui verser les revenus qu'elle a pour qu'il puisse lui-même financer les services publics que sont la santé et l'éducation?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: Je ne connaissais pas M. Gaétan Frigon quand je l'ai nommé à la Société des alcools. Je l'ai regretté, par ailleurs, et j'aurais aimé qu'il soit mon ami, parce que, depuis un an qu'il est là, il a non seulement réglé des problèmes lancinants comme La Maison des Futailles, avec laquelle vous vous êtes amusés sans rien faire pendant 15 ans, mais en plus il a rendu...

Des voix: ...

M. Landry: Vous ne savez pas c'est quoi? Ils ne savent même pas c'est quoi, le dossier! C'était un dossier lancinant d'une usine d'embouteillage qui marchait à 20 % de son rendement.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le vice-premier ministre.

M. Landry: Alors, non seulement il nous a réglé ce problème-là, qui est accessoire par rapport à tout le reste, c'est un des meilleurs gestionnaires que notre Société ait jamais eus, il nous donne des rendements records qui vont servir justement à financer la santé et l'éducation. Et ce projet de musée, qui est un point de vente des meilleurs vins français d'Amérique, va devenir non seulement une attraction touristique, mais un point de rentabilité et de profit extraordinaire pour notre Société des alcools, tout en ayant un rendement touristique. Qu'est-ce qu'ils veulent de plus?

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata, en question principale.


Jugement de la Cour supérieure sur la légalité de la tutelle imposée à la commission scolaire de Montréal


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, M. le Président, merci. Dans le jugement rendu hier par la Cour supérieure du Québec, on indique que la tutelle imposée par le ministre de l'Éducation à la commission scolaire de Montréal était finalement une patente illégale teintée d'incompétence et de partisanerie. Incompétence parce que, contrairement à ce qu'il disait lorsqu'il a imposé la tutelle, il n'a pas tout essayé, puisque le jugement indique qu'«une injonction ou un jugement déclaratoire, deux procédures traitées d'urgence par la Cour, auraient permis de tester la validité de la tutelle». Partisanerie parce que le même jugement indique, «même si le dossier fait voir certains indices d'un empressement ministériel plus compatible avec un désir de mettre la nouvelle majorité des commissaires au pas plutôt que le maintien de la qualité des services éducatifs».

(14 h 20)

M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation se rend compte que ce jugement vient confirmer qu'au lieu de travailler de façon neutre dans ce dossier il a travaillé de façon partisane pour garder en autorité une présidente que son parti a fait élire, qui vient de son parti, et finalement sur laquelle il a le plein contrôle?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, j'inviterais le député de Kamouraska-Témiscouata à bien relire le jugement, s'il ne l'a pas déjà fait, puisqu'il se rendrait compte que ce qu'il vient de dire n'est pas exact. La tutelle était légale. Donc, il vient dire que la tutelle était illégale. La tutelle était tout à fait légale.

Toutes les décisions, M. le Président, qui ont été prises par le gouvernement dans ce dossier visaient à assurer la sécurité juridique des gestes posées par la CSDM, tant pour sa propre protection que pour celle des tiers. Le député de Kamouraska nous a lu un petit bout de jugement, mais il a arrêté une phrase. Il y avait une virgule, et il aurait dû continuer. Je vais lire la fin de la phrase qu'il a commencée. On y dit: «La Cour, présumant de la bonne foi de tous les intervenants, constate qu'au moment où il a proposé la tutelle de la CSDM le ministre avait en main un rapport d'un enquêteur, dont l'indépendance n'a pas été mise en doute, qui concluait que la décision du Conseil de remplacer les membres du comité exécutif était illégale et susceptible d'entraîner des jugements de nullité à l'égard des décisions prises par le nouveau comité exécutif.»

Et il ajoute, M. le Président: «Dans un tel contexte – et c'est le juge – le décret de mise en tutelle apparaît pris dans la poursuite d'un intérêt public légitime.» C'est ça qu'il a dit, le juge, M. le Président.

Maintenant que les incertitudes juridiques sont levées par le jugement, c'est logique que le gouvernement lève la tutelle. C'est ce qu'on a fait rapidement aujourd'hui, M. le Président.

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


M. Claude Béchard

M. Béchard: M. le Président, est-ce que le ministre se rend compte qu'il vient d'enlever une tutelle que lui-même vient de qualifier de légale? C'est assez curieux comme démarche, c'est assez paradoxal!

Mais, M. le Président, est-ce que le ministre se rend surtout compte que, s'il avait vraiment agi dans l'intérêt des étudiants, si ça n'avait pas été une opération de sauvetage de la présidente, il aurait reconnu dès le départ et il aurait fait dès le départ appel à une injonction ou à un jugement déclaratoire, deux procédures traitées rapidement, qui lui auraient permis de savoir, avant même de mettre en place la tutelle, avant même d'ajouter au conflit politique à la commission scolaire de Montréal, si la solution qu'il proposait était équitable, légale ou non?

Mais, M. le Président, est-ce que le ministre peut nous dire pourquoi, au lieu d'avoir agi en tant qu'intervenant neutre, en ayant recours à des avis juridiques dès le départ autres que ceux faits par l'adjointe de la présidente de la commission scolaire de Montréal... Est-ce qu'il se rend compte que, au lieu d'ajouter de l'incertitude, d'ajouter au conflit, il aurait pu proposer une solution beaucoup plus rapide, une solution dans l'intérêt des intérêts politiques, partisans de tout le monde à la CSDM, pas seulement d'un certain groupe que son parti a fait élire, mais surtout dans l'intérêt des parents et des enfants qui depuis des semaines vivent une incertitude?

M. Brassard: M. le Président, question de règlement.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Simplement pour vous signaler, M. le Président, que le député de Kamouraska-Témiscouata a la vilaine habitude en complémentaire de faire des préambules aussi longs que lorsqu'on est en principale. Cette latitude-là, vous le savez, elle est réservée au chef de l'opposition. Je ne sais pas s'il aspire à le remplacer un jour, là, mais, pour le moment, il est député. Et, quand il pose une complémentaire, qu'il se contente de poser la question.

Le Président: Alors, la remarque étant faite, maintenant, M. le ministre de l'Éducation.


M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président, le député de Kamouraska-Témiscouata ne nous a pas habitués à faire des propositions constructives. Il vient de nous en faire une. Donc, il nous dit: On aurait dû, le gouvernement aurait dû contester en cour la légalité de la décision de la CSDM. C'est ce qu'il vient de dire: plutôt que de mettre en place une tutelle, on aurait dû contester la décision de la CSDM. Imaginez-vous, M. le Président, qu'on y avait pensé. On avait regardé cette possibilité de contester, mais, suite à un avis que j'ai reçu du ministère de la Justice, on me dit que ce genre de procédure, même instruite et jugée d'urgence, comporte des délais, des délais qui sont inhérents au fonctionnement des tribunaux, en particulier dans le district judiciaire de Montréal.

M. le Président, qu'est-ce qu'on aurait fait durant le déroulement de ces procédures? Le comité exécutif, dont la validité était contestée – donc, toutes les décisions du comité exécutif étaient contestées – aurait exercé les pouvoirs délégués par le Conseil des commissaires en mettant en danger la légalité de ses décisions. On avait une décision, on avait une situation qui n'était pas claire. Aujourd'hui, on a une situation qui est claire. Je pense que c'est pour le bien-être. Et, bien sûr, je souhaite que tous les commissaires de la commission scolaire de Montréal travaillent d'abord pour le bien des enfants, de l'école, de la commission scolaire.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: En vertu de 214, M. le Président, est-ce que le ministre peut déposer l'opinion à laquelle il a fait allusion?

Le Président: Écoutez, un instant, là. Avant, M. le ministre, il faudrait s'assurer... ce n'est pas ce que j'ai compris, mais, si le leader veut m'indiquer, le ministre pourra par la suite corriger, mais cette obligation est faite dans la mesure où il y a citation. Et, moi, j'ai plutôt eu l'impression qu'il faisait référence. Si ce n'est pas le cas...

Encore une fois, je vous indique ce que j'ai compris. Si le leader de l'opposition a une intervention additionnelle à faire sur ce que je viens de dire...

M. Paradis: M. le Président, de façon à faciliter le déroulement de la période de questions, il existe des moyens électroniques qui vont vous permettre, suite à la période de questions, de vérifier que le ministre a cité, et, à ce moment-là, il déposera.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: De toute façon, citation ou pas, vous connaissez la règle en cette Chambre: on ne dépose pas d'avis juridique.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, la règle en cette Chambre n'est pas celle qui a été émise par le leader du gouvernement. Des avis juridiques ont déjà été déposés en cette Chambre, au moins à trois reprises par le gouvernement pour se tirer d'un mauvais pas. La seule façon dont le ministre peut se défiler, c'est en suivant les dispositions de l'article 214. Il faut qu'il invoque l'intérêt public. Comme il a invoqué l'avis juridique pour se défendre, il serait peut-être d'intérêt public que la population en prenne connaissance.

Le Président: Alors, effectivement, vous avez raison de rappeler que le gouvernement ou un membre du gouvernement peut se soustraire à cette obligation que nous fait le règlement en invoquant la question d'intérêt public. Je n'ai pas compris que le ministre le faisait à ce moment-ci, mais je comprends l'intervention du leader du gouvernement, par ailleurs, que c'est ce que le gouvernement a choisi de faire. Autrement dit, la politique, en vertu de l'intérêt public, du gouvernement, si je comprends bien le leader, c'est que les opinions juridiques, en l'occurrence, ne sont pas déposées à l'Assemblée. C'est la réponse que je viens d'entendre du gouvernement et l'interprétation que j'en fais. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, il n'y a pas beaucoup de place à interprétation. Il y a déjà eu des avis juridiques, dont trois qui ont été déposés par ce gouvernement-là pour se sortir de mauvais pas dans des histoires. À ce moment-ci, si le gouvernement choisit d'invoquer l'intérêt public, ça fera une quatrième fois qu'il utilise son droit de ne pas déposer de documents pour se tirer d'un mauvais pas dans une autre histoire.

Le Président: Très bien. Cette question de règlement étant tranchée, maintenant, je suis prêt à céder la parole à un autre député. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Ouimet: M. le Président, en complémentaire.

Le Président: En complémentaire? D'abord, M. le député de Marquette, en question complémentaire.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Très rapidement, M. le Président. La Procureur général, peut-on lui demander quel genre d'avis juridique elle donne à ses collègues quand le jugement lui donne tort à nouveau? Un autre jugement qui donne tort à la Procureur général. Pour l'information du ministre de l'Éducation, le juge a même félicité les procureurs d'avoir réussi à compléter l'ensemble du processus judiciaire en moins de 40 jours. C'était quoi, les longs délais auxquels il faisait référence?

(14 h 30)

Le Président: Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, mon collègue a effectivement fait part des raisons qui l'ont motivé pour expliquer ici, en cette Chambre... pour commenter le jugement suite à l'intervention du député de l'opposition. Alors, en regard des avis juridiques, vous le savez, nous l'avons déjà mentionné en cette Chambre, ce n'est pas la première fois, nous n'avons pas déposé d'opinions juridiques de la jurisconsulte, et je maintiens la même ligne qu'un éminent ministre de la Justice aussi, qui était M. Gil Rémillard, qui a toujours mentionné qu'on ne déposait pas les avis juridiques de la jurisconsulte en cette Chambre.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup. Et, par la suite, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Financement de la recherche universitaire


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Alors, comme c'est souvent son habitude, le gouvernement du Parti québécois, quand il veut indiquer une priorité sur quelque chose, il crée un ministère, il annonce des politiques pour plus tard. C'est ce qu'il a fait dans le domaine de la recherche, de la science et de la technologie. En pratique cependant, hier, le Conseil de la science et de la technologie est venu porter un jugement sur l'action du gouvernement en disant: Le financement a diminué. Ce qui est pire encore, c'est ce que le Conseil nous indique concernant l'état du réseau universitaire et les impacts de l'état du réseau universitaire sur la recherche.

L'exode des cerveaux, là aussi, est noté. Il faut parler aux gens qui sont dans le monde universitaire, aux recteurs pour connaître les problèmes de rétention des chercheurs universitaires. Il faut connaître la situation de l'Université de Montréal qui, dans certains de ses départements, les meilleurs il y a quelques années, a perdu jusqu'à 10 chercheurs dans les deux dernières années. Le rapport nous rappelle ça, qu'il y a moins de professeurs, qu'on a sacrifié, à travers le réseau universitaire, la recherche.

Alors, ma question au ministre, qui déposait récemment une politique universitaire bidon pour nous dire qu'on souhaiterait que tout aille bien mais où on ne parle même pas des vrais enjeux puis du financement: Est-ce que le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur est conscient de l'impact que son inaction est en train d'avoir sur le domaine de la recherche universitaire et pour conserver nos chercheurs?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président. D'abord, je rappellerais au député de Rivière-du-Loup que nous investissons actuellement au Québec davantage per capita dans nos universités que ce qu'on fait en Ontario. Donc, de dire qu'on néglige nos universités, je pense que c'est carrément exagéré.

M. le Président, au cours des dernières années, évidemment, on le sait tous, on a dû faire face au fameux déficit de 6 000 000 000 $ que nous avait laissé l'opposition. Donc, il y a eu des restrictions. Il y a eu des restrictions qui ont été appliquées au cours des quatre dernières années. Cependant, dès cette année, mon collègue le ministre des Finances a annoncé... on a ajouté au budget de l'Éducation 600 000 000 $, incluant un montant de 170 000 000 $ pour les universités, pour réduire leurs déficits.

On a aussi une série de mesures, puis je pourrais vous les mentionner, M. le Président. On a recommencé à réinvestir dans nos universités. Oui, on est en train de mettre en place une politique à l'égard des universités pour se faire un plan stratégique de réinvestissement dans nos universités. On souhaite le faire avec la collaboration des recteurs. Et je peux vous dire que jusqu'à présent le dépôt de l'énoncé de la politique a connu des réflexions très positives de la part des recteurs.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Est-ce que le ministre, qui sait très bien que globalement les universités québécoises reçoivent moins de financement que celles des autres provinces, peut nous dire quand il va déposer une politique universitaire sur les vrais enjeux, sur l'embauche de professeurs, sur l'ajout de financement et non pas une politique universitaire sur des généralités dont personne ne sait exactement ce que ça veut dire, puis qui ne veut rien dire s'il n'y a pas plus d'argent, de toute façon?

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, il faudrait que le député de Rivière-du-Loup revoie ses chiffres. Je peux lui en mentionner quelques-uns. Dans nos universités, nous investissons, au Québec, 391 $ par habitant, alors qu'en Ontario on investit 380 $ par habitant. Donc, je pense que c'est assez clair: on investit davantage au Québec qu'en Ontario. Donc, ça vient un peu contredire ce qu'il vient de nous dire.

Concernant la politique à l'égard des universités, je suis content – parce que l'opposition, malgré le dépôt de l'énoncé il y a déjà deux semaines et demie, n'a toujours pas posé de questions, n'a fait aucune allusion, comme si ça n'intéressait pas les gens de l'opposition. Je reprendrai quelques remarques qui ont été faites par différentes personnes. D'abord, la FNEEQ, la Fédération nationale des enseignants du Québec, qui a dit: «La reconnaissance [...] de l'Université comme service public essentiel [...] constitue un aspect positif de l'énoncé. Les principes d'accessibilité aux études universitaires et la mise en oeuvre de moyens accrus pour favoriser la réussite étudiante sont partagés par la FNEEQ.» Il y a M. François Tavenas, et je complète là-dessus, recteur de l'Université Laval, qui nous dit: C'est «une démarche intéressante et prometteuse [...] le document publié par M. Legault est remarquablement cohérent avec les conclusions de la Commission d'orientation de l'Université». M. le Président, je pense que ça fait pas mal l'unanimité, qu'on se dirige dans la bonne direction pour ce qui est du refinancement des universités.

Le Président: Dernière question complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Est-ce que le premier ministre est conscient que, pendant que son ministre de l'Éducation se tape sur la poitrine devant le miroir en Chambre, les professeurs quittent le Québec – c'est ce que vivent les universités – et qu'alors que son gouvernement appauvrit le Québec, sur tous les points de vue, la perte de nos meilleurs cerveaux – c'est le seul qui n'est pas réparable – il devrait commencer à s'en occuper maintenant?

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: Le phénomène du recrutement des chercheurs éminents, comme l'a dit le député de Rivière-du-Loup, est un phénomène qui est mondial. On a un problème partout à retenir les meilleurs chercheurs. Par contre, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: Alors, est-ce que je peux demander à mes collègues de l'opposition, s'il vous plaît, de permettre au ministre de l'Éducation de répondre? Merci.

M. Legault: M. le Président, je suis, avec mon collègue de la Recherche, Science et Technologie, à préparer une étude actuellement sur l'exode des cerveaux. Je pense qu'il faut d'abord bien cerner le phénomène. Il ne faut pas dramatiser le phénomène. Oui, dans certains cas, il y a exode des cerveaux. Nous travaillons actuellement avec les recteurs et rectrices des universités pour mettre en place un environnement propice à garder ces chercheurs. On parle beaucoup des salaires des chercheurs, mais c'est plus que ça, la situation de l'exode des cerveaux. Il faut parler aussi de la qualité des infrastructures de recherche, de la qualité de vie socioéconomique, qui est appréciée, à Montréal et au Québec. On est en train, et c'est couvert dans l'énoncé de politique à l'égard des universités, de revoir justement la façon, ensemble, avec tout le réseau universitaire, de mettre en place des conditions pour garder nos meilleurs chercheurs au Québec, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne.


Réforme de la curatelle publique


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Suite au rapport accablant du Vérificateur général sur le fonctionnement et la gestion de la curatelle publique, où, je vous le rappelle, on rapportait que 34 personnes sous la curatelle publique du Québec étaient toujours introuvables, le gouvernement a alors amorcé, il y a un an, un redressement de la curatelle publique au Québec. Or, M. le Président, il semble qu'un an après le début de ce virage le Curateur public est toujours incapable de retracer certaines personnes sous sa protection.

La semaine dernière, le 11 novembre 1999, le Curateur public a fait parvenir une lettre à un hôpital afin d'obtenir le rapport de réévaluation d'une personne sous la protection de la curatelle publique. Mais le hic, M. le Président, c'est que la lettre signée par le Curateur public a été envoyée à l'hôpital Reine Elizabeth de Montréal. Cet hôpital, M. le Président, a été fermé en 1996 par le gouvernement du Parti québécois. M. le Président, je demande la permission pour déposer la lettre du Curateur public adressée à l'hôpital Reine Elizabeth pour connaître le rapport d'évaluation d'une personne sous sa protection. J'ai enlevé, j'ai rayé le nom et le numéro de dossier.


Document déposé

Le Président: Très bien. Alors, madame, maintenant, votre question, s'il vous plaît.

Mme Loiselle: M. le Président, le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration n'est-il pas inquiet ou troublé d'apprendre que le Curateur public pense qu'un de ses protégés réside dans un hôpital, un hôpital fermé depuis trois ans, un hôpital fermé par le gouvernement du Parti québécois?

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Oui. Alors, M. le Président, le cas mentionné en particulier, évidemment, j'en ignore la portée précise. J'aurai l'occasion éventuellement de le vérifier avec le Curateur. Je tiens à rappeler que, dans le dossier de la curatelle publique, le gouvernement a pris des décisions assez substantielles au cours des deux dernières années, particulièrement au cours de la dernière année, des derniers mois. Il a investi des sommes considérables pour corriger une situation que tout le monde reconnaissait difficile.

Et le Curateur, notamment, a clairement inscrit au coeur de sa réforme l'attention aux personnes et non seulement à la protection des biens. Il a pris pour ça des décisions importantes en termes de réorganisation de son personnel, y compris la visite – puisque la plupart des personnes qui dépendent de la curatelle sont souvent dans des centres hospitaliers de longue durée – sur place de ces centres. Le Curateur vient, entre autres, de visiter une série de ces centres. Et, dans bien des cas, M. le Président, ça a donné lieu et ça donne lieu à des améliorations substantielles des situations qu'on avait connues.

Alors, dans ce dossier, M. le Président, sans connaître le cas très précis qui est soulevé, ça se peut que, sur des dizaines de milliers de cas, il soit arrivé un incident. Mais je pense qu'au total ce qu'on peut dire, c'est que la curatelle publique actuellement s'acquitte très bien, M. le Président, de ses mandats.

(14 h 40)

Le Président: Mme la députée.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Comment, M. le Président, le ministre des Relations avec les citoyens peut-il rester aussi calme devant une situation aussi troublante? L'hôpital est fermé depuis trois ans, le Curateur écrit à l'hôpital pour obtenir le rapport d'évaluation de cette personne-là. Il y a une personne, M. le Président, dont le Curateur public a perdu la trace complètement. Et, pendant qu'il prend avis, qu'il vérifie, qu'il s'engage à nous donner dans cette Chambre... Avant la fermeture sauvage de l'hôpital Reine Elizabeth de Montréal, combien de personnes étaient sous la curatelle publique dans cet hôpital, et où sont rendues ces personnes?

Parce qu'au moment où on se parle il y a des personnes inaptes au Québec, qui sont sous la curatelle publique, puis actuellement personne ne sait où elles sont, où ces personnes-là sont, personne ne s'en occupe, et c'est des personnes inaptes qui ont besoin d'aide de la société.

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Alors, M. le Président, je veux bien qu'on s'inquiète d'un problème d'adresse, qui est peut-être réel, je veux bien qu'on s'en inquiète, s'il est exact, mais j'aurais aimé également que l'opposition se soit inquiétée pendant des années de l'état dans lequel cette opposition avait laissé la curatelle publique. Parce que, pendant des années, ce que nous avons retrouvé lorsque nous avons pris les responsabilités dans ce dossier, c'est une situation qui était complètement, absolument, comme on dit en bon français, bordélique, à tous points de vue. On ne retrouvait plus les dossiers, il manquait de fonds pour que la curatelle publique fonctionne, il y avait des mélanges dans les fonds.

Le Vérificateur a été clair et a posé des accusations graves à l'égard des processus de la curatelle. Nous avons investi près de 20 000 000 $ pour corriger la situation, augmenté par centaines le nombre des employés, confié la curatelle publique à quelqu'un qui est respecté. Il prend les décisions, il procède, il est sur le terrain. Il y a des gestes très concrets qui ont été posés. Je veux bien croire qu'il y a peut-être eu un problème d'adresse, on le vérifiera, mais de là à faire comme fait l'opposition et vouloir faire croire qu'à partir d'un fait comme celui-là la situation serait complètement bouleversée, catastrophée, M. le Président, c'est absolument irresponsable.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Plan d'action de l'Inspecteur général des institutions financières auprès de L'Alternative, compagnie d'assurances sur la vie


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. J'ai demandé, jeudi dernier, un compte rendu du ministre des Finances au sujet d'AVP, Alernative vie, gestion alternative. Le ministre des Finances s'était engagé, vous vous rappelez, à déposer un document, un rapport d'activité de l'Inspecteur général des institutions financières. Je vais même citer le ministre: «...je réitère que j'ai fait une vérification complète des agissements de l'Inspecteur général des institutions financières. Il m'a fait un rapport détaillé de ses activités.» Il nous a montré le rapport. Or, cinq jours plus tard, le ministre nous a déposé hier supposément... manifestement un rapport détaillé, selon lui, invoquant qu'il devait déposer le rapport tel qu'on le lui avait demandé. Or, le rapport, il s'agit d'une page sans en-tête, sans signature.

D'accord? Est-ce que le ministre des Finances pourrait déposer aujourd'hui le rapport complet qu'il avait en main, le rapport au sujet de l'Inspecteur général des institutions financières?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: Il est clair que, dans notre Journal des débats , on retrace la question qui m'avait été posée et la demande qui m'avait été faite de déposer le document que j'avais entre les mains. Et vous vous souvenez très bien, M. le Président, que j'ai dit que je le ferais volontiers, en ayant extrait mes notes personnelles. C'était mon document pour répondre à la période de questions, donc un document sommaire et succinct. Mais, en toute transparence, j'en dépose un beaucoup plus complet aujourd'hui, qui est celui à partir duquel on m'avait rédigé les notes utiles pour la période de questions. Et j'ai l'honneur de le déposer, M. le Président.


Document déposé

Le Président: Alors, le document est déposé. M. le député de Beauce-Nord, maintenant, en question principale.


Révision du mécanisme prévu pour encadrer l'expansion des entreprises agricoles


M. Normand Poulin

M. Poulin: Merci, M. le Président. Le 19 juin 1996, la Loi du droit de produire a été acquise après de chaudes luttes par les représentants du monde agricole. L'opposition officielle de même que le ministre de l'époque et certains membres du gouvernement avaient pris soin de signaler la présence de failles dans le projet de loi n° 23. Aujourd'hui, soit trois ans plus tard, des conflits émergent dans toutes les régions du Québec, et le gouvernement ne présente toujours pas des correctifs nécessaires permettant une cohabitation harmonieuse tant recherchée.

M. le Président, qu'entend faire le ministre de l'Agriculture pour éviter que de nouveaux conflits surviennent et que ceux qui existent déjà ne prennent pas une ampleur démesurée?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: D'abord, M. le Président, on a parlé de protection du territoire agricole pendant 20 ans, puis il y a quelqu'un qui l'a fait. Le maire de Lévis et ex-député de Lévis a décidé, avec le gouvernement à l'époque, de passer à l'action et de protéger. Quinze autres années plus tard, un autre gouvernement du Parti québécois a décidé de faire du droit de produire un droit absolu à exercer par les producteurs et les productrices agricoles, et trois ministères, l'Environnement et les Affaires municipales, avec l'Agriculture, se sont entendus et ont fait adopter la loi n° 23 pour protéger le droit de produire.

Aujourd'hui, trois ans plus tard, tel que prévu à la loi, nous devons examiner, évaluer. Il y a un problème particulier qui subsiste, celui de l'expansion des entreprises existantes. Nous travaillons ardemment à cette situation, à ce problème. Nous avons réglé les deux autres; on peut espérer qu'on va régler celui-là aussi, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Normand Poulin

M. Poulin: Ma question s'adresse au ministre actuel de l'Agriculture, pas à M. Garon, qui est dans les tribunes: Est-ce que le ministre se rappelle qu'il y a huit mois il déclarait dans une entrevue du journal Le Soleil , et je le cite: «La fameuse loi n° 23 ne fonctionne pas»? Qu'attend-il pour agir?

Le Président: M. le ministre.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, nous avons prévu, à la loi n° 23, un mécanisme particulier en ce qui concerne l'expansion des entreprises, c'est-à-dire le mécanisme des ententes mutuelles notariées, une servitude, dans le langage juridique. Il y a des difficultés d'application avec cette clause, évidentes. Nous sommes à discuter de cette question et à l'analyser pour que nous introduisions les changements nécessaires, mais les bons changements au bon moment.

Le Président: M. le député de Beauce-Nord, une dernière question complémentaire?


M. Normand Poulin

M. Poulin: En additionnelle. Quand le ministre compte-t-il agir? Quand? Est-ce qu'il y a un échéancier, ou c'est dans un an, deux ans?

Le Président: M. le ministre.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, j'ai évoqué trois situations particulières. Dans cette question comme dans les autres, il y en a qui en parlent, il y en a qui le font. Nous le ferons.

Le Président: Mme la députée de Bonaventure, en question principale.


Diversification de l'économie de la Gaspésie


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Au lendemain du Sommet économique de 1996, le gouvernement péquiste était très fier d'annoncer que le dossier de la modernisation de l'usine Gaspésia était considéré comme un dossier prioritaire. Depuis trois ans, trois ans plus tard, malgré son engagement, force est de constater que le gouvernement a lamentablement échoué, et pour preuve, l'usine aujourd'hui est fermée. Puisque le Québec s'est doté d'un ministre des Régions, il y a justement une région aujourd'hui qui a besoin que le ministre se tienne debout, et c'est la Gaspésie. Ce que les Gaspésiens attendent du gouvernement actuel, c'est plus qu'un comité de gestion de crise, c'est un plan d'action concret, immédiat, avec des mesures musclées.

Alors, dans ce contexte, M. le Président, ma question au ministre des Régions, qui s'est fait plutôt discret jusqu'à maintenant: Est-ce que le ministre convient que les mesures annoncées pour diversifier l'économie de la Gaspésie sont nettement insuffisantes? Le gouvernement a annoncé des mesures de moins de 2 000 000 $ pour la Gaspésie, pour diversifier son économie. Est-ce que le ministre des Régions trouve que c'est suffisant pour une région qui en a grandement besoin?

Le Président: M. le ministre des Régions.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: M. le Président, nous avons annoncé il y a maintenant près d'une semaine, avec le ministre responsable de la région et le ministre de la Sécurité du revenu, des argents pour la Gaspésie. Nous aurons l'occasion de donner des détails supplémentaires lorsque le temps sera venu, parce que nous avons des décisions à prendre, et nous aurons l'occasion de le dire aux gens de la Gaspésie bientôt.

(14 h 50)

Le Président: Mme la députée de Bonaventure.


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: M. le Président, est-ce que le ministre des Régions peut nous garantir que le sommet économique qui se tiendra à Gaspé en fin de semaine... Est-ce qu'il peut nous garantir que, contrairement au Sommet de 1996, le sommet d'en fin de semaine donnera des résultats tangibles pour la région? Est-ce que le ministre peut nous dire que son gouvernement va annoncer des mesures concrètes à la fois pour la Gaspésie, à la fois pour permettre à l'économie gaspésienne d'être relancée? Merci.

Le Président: M. le ministre des Régions.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: La députée va devoir refréner son impatience. Dans quelques heures, nous aurons l'occasion, au Conseil des ministres, de prendre les décisions qui s'imposent et nous aurons l'occasion de le dire à la population de la Gaspésie en fin de semaine, c'est-à-dire vendredi.

Le Président: En question principale, M. le député de Hull.


Projet de fusion de Mont-Tremblant et des municipalités voisines


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Alors, on sait maintenant que la ministre des Affaires municipales veut forcer la fusion de Tremblant avec ses voisines malgré le fait que 96 % des gens se sont prononcés contre ce projet. Mais vous savez que les citoyens de Tremblant, ce n'est pas vraiment les seules personnes à s'objecter à ce projet de fusion. D'ailleurs, le ministre des Transports, qui a occupé le poste de ministre des Affaires municipales pendant deux ans et demi, déclarait, le 1er novembre, devant la Chambre de commerce de Joliette, et je cite: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon, ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles.»

Alors, M. le Président, qui croire dans ce gouvernement, l'actuelle ministre des Affaires municipales qui bafoue la démocratie ou le ministre des Transports qui s'ennuie de ses anciennes responsabilités?

Le Président: Alors, Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, je souhaiterais que le député de Hull ne fasse pas de démagogie avec la démocratie. C'est une prérogative...

Le Président: Alors, nous conviendrons tous que la seule qui a la parole à ce moment-ci, c'est la députée et ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Mme Harel: D'ailleurs, M. le Président, je m'étonne que le député de Hull, qui prétend à une grande expérience en matière municipale, ne sache pas encore que c'est une prérogative de l'Assemblée nationale octroyée aux provinces en vertu de l'article 92, paragraphe 8, de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de déterminer les frontières municipales.

Alors, M. le Président, je comprends que c'est ici, à l'Assemblée nationale, que s'arbitre le bien commun, et le bien commun a demandé à maintes occasions que cette Assemblée nationale se prononce justement en faveur de l'équité sociale, fiscale et de la protection environnementale, et nous n'avons pas l'intention de nous dérober à cette responsabilité.

Le Président: Bien. La période de questions et de réponses orales est terminée pour aujourd'hui.


Votes reportés


Motion proposant que l'Assemblée rende la ministre de la Santé et des Services sociaux responsable de l'état des soins de santé

Nous allons procéder maintenant au vote reporté que j'avais précédemment annoncé. Alors, ce vote va porter sur la motion de Mme la députée de Bourassa présentée aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, et elle se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale du Québec rende responsable la ministre de la Santé et des Services sociaux pour la dégradation de l'accessibilité et de la qualité des soins de santé au Québec.»

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever d'abord.

Le Secrétaire adjoint: M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Bourbeau (Laporte), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Cusano (Viau), M. Gobé (LaFontaine), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount– Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Lafrenière (Gatineau), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), Mme Normandeau (Bonaventure), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever maintenant.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Landry (Verchères), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Perreault (Mercier), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Boisclair (Gouin), Mme Caron (Terrebonne), M. Facal (Fabre), Mme Goupil (Lévis), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Simard (Richelieu), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Payne (Vachon), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Laprise (Roberval), M. Paré (Lotbinière), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Boucher (Johnson), M. Kieffer (Groulx), Mme Doyer (Matapédia), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), M. Côté (La Peltrie), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), Mme Papineau (Prévost), M. Paquin (Saint-Jean), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), M. Désilets (Maskinongé), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson), M. Côté (Dubuc).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:41

Contre:66

Abstentions:0

Le Président: Alors, en conséquence, la motion de Mme la députée de Bourassa est rejetée.


Motions sans préavis


Réclamer de la compagnie Abitibi-Consolidated le respect de sa signature de l'entente assurant la relance de l'usine Gaspésia

Alors, à l'étape des motions sans préavis maintenant, M. le ministre des Ressources naturelles. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Alors, merci, M. le Président. Alors, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter une motion conjointe avec la députée de Bonaventure, qui se lirait ainsi:

«Que l'Assemblée nationale réclame de la compagnie Abitibi-Consolidated le respect de sa signature au bas de l'entente assurant la relance de l'usine Gaspésia conclue le 31 mars 1999 avec le gouvernement du Québec et le Groupe Cedrico et réitérée le 4 mai dernier avec le Groupe Cedrico inc.»

(15 heures)

Le Président: Il y a consentement pour débattre de la motion?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, comme il s'agit, M. le Président, d'une motion conjointe du député de Gaspé et de Mme la députée de Bonaventure et comme il y a un souhait clairement exprimé par la population de Chandler, par la municipalité: Chandler mise sur la diplomatie – par ailleurs, la ville exhorte l'Assemblée nationale à surmonter ses partisaneries politiques et à soutenir unanimement Chandler – je pense que, des deux côtés de la Chambre, M. le Président, nous serions prêts à adopter cette motion immédiatement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, comme le leader de l'opposition a quand même fait quelques remarques... Je constate qu'il demande que cette motion conjointe soit adoptée sans débat. On en est très satisfait. C'est la motion que le député de Gaspé a cherché à maintes reprises à présenter, sans succès. Maintenant, l'Assemblée nationale va parler d'une voix unanime sur un dossier majeur, sur une question qu'on peut qualifier, je pense, de dramatique pour toute une population. Alors, tant mieux, quoique nous aurions souhaité quand même, nous, en débattre.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, comme la municipalité de Chandler, nous sommes méfiants de la partisanerie qui peut s'emparer de l'Assemblée nationale et nous préférons faire comme les gens de Chandler: miser sur la diplomatie libérale en cette circonstance.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: La municipalité ayant repris intégralement la motion que le député de Gaspé voulait présenter la semaine dernière, alors je pense que la municipalité de Gaspé constate sans équivoque que cette motion est tout à fait dénuée de partisanerie.


Mise aux voix

Le Président: Alors, sur ce concert d'unanimité, je pense qu'il devrait y avoir consentement également pour qu'exceptionnellement, au procès-verbal, nous inscrivions qu'il s'agit d'une motion conjointe présentée par les deux députés, celui de Gaspé et celle de Bonaventure. Très bien. M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, maintenant.


Condoléances à l'Assemblée nationale libanaise et à la famille de M. Khatchig Babikian, président délégué de la section libanaise de l'Assemblée parlementaire de la francophonie

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je sollicite à regret le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale présente à l'Assemblée nationale libanaise et à la famille du défunt ses plus sincères condoléances à l'occasion du décès de M. Khatchig Babikian, député, ancien ministre, membre fondateur de l'Assemblée parlementaire de la francophonie et, jusqu'à ce jour, président délégué de la section libanaise de l'Assemblée parlementaire de la francophonie.»


Mise aux voix

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, pour débattre et adopter sans intervention? Très bien. Alors, cette motion est adoptée.

S'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, j'aviserai cette Assemblée... Ha, ha, ha! J'aviserai cette Assemblée quand...

Le Président: Alors, je vais donc, puisque vous l'indiquez si gentiment, céder le fauteuil au vice-président Bissonnet.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, les députés qui doivent vaquer à d'autres occupations, je vous demande votre collaboration.


Avis touchant les travaux des commissions

Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques poursuivra et terminera la consultation générale sur la réduction de l'impôt des particuliers aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, ainsi que demain, le jeudi 18 novembre 1999, de 9 heures à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'aménagement du territoire poursuivra l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 210, Loi modifiant la Charte de la Ville de Québec, demain, le jeudi 18 novembre 1999, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau; et, en terminant

Que la commission de l'éducation poursuivra, quant à elle, la consultation générale sur la place de la religion à l'école demain, toujours le jeudi 18 novembre 1999, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des travaux de la commission? La CFP débutera ses travaux à 9 heures au lieu de 9 h 30. Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Consentement.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Consentement. Renseignements sur les travaux de cette Assemblée. Je vous rappelle que, conformément à l'entente intervenue entre les leaders, le débat de fin de séance demandé à la séance du 11 novembre dernier concernant la question de Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne à Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi sur les mesures en alphabétisation et implication sociale a été reporté à la fin de la séance d'aujourd'hui. Alors, je vais suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 6)

(Reprise à 15 h 9)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez prendre place.


Affaires du jour

Alors, la période des affaires courantes étant terminée, je vais passer maintenant aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je vous réfère à l'article 8 du feuilleton de ce jour, c'est-à-dire le projet de loi n° 81.


Projet de loi n° 81


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 8, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole propose l'adoption du principe du projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite. Mme la ministre des Affaires municipales, je vous cède la parole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Le projet de loi que je propose aujourd'hui prévoit une procédure permettant au gouvernement de décréter le regroupement de la municipalité de Mont-Tremblant, de la ville de Saint-Jovite, de la municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la paroisse de Saint-Jovite en vue de constituer une municipalité locale dont le territoire correspondra à celui de ces quatre municipalités. En posant ce geste, je suis consciente du défi qui se pose au sein de ces quatre municipalités et de l'effort commun que nous devons déployer ensemble pour relever ce défi de la concertation et du partenariat.

(15 h 10)

Aujourd'hui même, la municipalité de Mont-Tremblant était en conférence de presse à Montréal, et je voudrais reprendre un des titres de son communiqué de presse qui s'intitulait comme suit: Une question qui dépasse les frontières de Mont-Tremblant. Oui, M. le Président, c'est une question qui dépasse les frontières municipales de Mont-Tremblant. Le gouvernement a le devoir de prendre ses responsabilités en matière d'arbitrage du bien commun afin de favoriser une plus grande équité et une vision commune du développement durable, de la promotion environnementale, de la promotion économique, de l'aménagement du territoire et des services à offrir aux citoyens de ces quatre municipalités interdépendantes. Parce que c'est de ça qu'il s'agit. Ce sont des municipalités qui ont été secouées, chacune d'entre elles, par l'arrivée massive d'un projet de 1 000 000 000 $ qu'on appelle communément Intrawest, projet qui, selon, en fait, toutes les annonces qui l'ont confirmé, viendra s'élargir à un investissement de 1 500 000 000 $ dans les années qui viennent.

C'est rare qu'on ait, dans cette Assemblée nationale, à aborder ce type de problème de croissance, mais je suis convaincue, malgré les difficultés inhérentes aux réajustements puis aux adaptations nécessaires avec ce type d'investissement, que vous-même, M. le Président, et tous les parlementaires membres de cette Assemblée nationale aimeriez être aux prises avec ce genre d'adaptation à faire suite à un investissement aussi important dans vos circonscriptions. Je suis convaincue que le député de Hull aimerait aussi et certainement le député de Matane aimerait voir un investissement semblable se faire dans la région de la Gaspésie.

Alors, l'approche que nous privilégions dans ce dossier est spécifique et circonstanciée. C'est une intervention à caractère d'exception qui est imposée par l'urgence des enjeux fiscaux, sociaux, environnementaux et économiques, et il s'agit d'une intervention législative mais qui prend en considération ces enjeux. Le caractère d'ailleurs particulier commande un projet de loi qui a été fait sur mesure pour prendre en considération les préoccupations légitimes sur le plan environnemental.

M. le Président, cette montagne est un joyau, et c'est avec énormément de souci et d'attention que j'ai travaillé avec les légistes pour rédiger une législation qui soit respectueuse des sites naturels. Alors, c'est donc pour témoigner de cette spécificité que le projet de loi n° 81, tel que déposé, tient compte de la valeur patrimoniale du territoire et prévoit des mesures exceptionnelles pour protéger notamment le site du Domaine Saint-Bernard, confirmant sa vocation de parc, et protéger également les règlements d'urbanisme de la municipalité de Lac-Tremblant-Nord.

Le regroupement suggéré par le projet de loi permettra de mettre fin à la disparité fiscale entre la municipalité de Mont-Tremblant, riche du développement spectaculaire de la montagne, et ses voisines, M. le Président. Je comprends que, dans le cas qui nous préoccupe, cette idée de regroupement au sein de la collectivité a débuté avec un projet de fusion de la ville et de la paroisse de Saint-Jovite. Ce projet de fusion, dans l'air depuis 1996, a conduit à une étude de faisabilité menée en janvier 1998 par une firme indépendante, et cette étude est venue confirmer qu'un tel regroupement de la paroisse et du village de Saint-Jovite aurait des retombées positives pour les deux communautés locales, en autant cependant qu'une fusion élargie soit réalisée avec les municipalités de Mont-Tremblant et de Lac-Tremblant-Nord.

Il est incontournable, M. le Président, que nous assistons à la consolidation d'une station touristique à caractère international, et je dirais que dans l'ensemble du Québec, dans l'ensemble de l'Amérique du Nord, je crois, les milieux informés sont au fait qu'il y a une station florissante dans le secteur Saint-Jovite–Mont-Tremblant. Les nombreux investissements effectués par la compagnie Intrawest sont maintenant de notoriété publique et suscitent un intérêt grandissant pour bien d'autres promoteurs. D'ailleurs, le gouvernement du Québec lui-même, y compris le gouvernement fédéral, a injecté, par l'intermédiaire de plusieurs ministères...

M. Dupuis: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je m'excuse, Mme la ministre. Question de règlement, M. le député de Saint-Laurent?

M. Dupuis: Le discours est tellement intéressant...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui. Quelle est votre question de règlement?

M. Dupuis: Le discours est tellement intéressant qu'il serait malheureux...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a quorum. Mme la ministre, si vous voulez poursuivre.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors donc, je disais que la société Intrawest a déjà investi à Mont-Tremblant près de 1 000 000 000 $, prévoit en investir un autre 1 500 000 000 $ d'ici quelques années, que cette injection de capital, ajoutée à celle des deux niveaux de gouvernement... Le gouvernement du Québec, jusqu'à maintenant, a déjà injecté directement... C'est-à-dire qu'il y a déjà eu une injection, pour les deux niveaux de gouvernement, de 126 000 000 $, et la contribution du Québec est actuellement à la hauteur de 69 000 000 $. On voit bien qu'il y a là des enjeux extrêmement importants qui transcendent les limites d'une municipalité qui compte 900 résidents permanents. C'est, dans le fond, un pôle majeur du développement touristique de la grande région qu'est devenu ce secteur et le pôle principal de la MRC des Laurentides, ce qui doit entraîner une meilleure capacité de prendre en charge les obligations et les retombées de cette station touristique internationale.

Le projet de loi se veut, M. le Président, extrêmement respectueux de manière à faire en sorte que l'on puisse, de manière efficiente, de manière efficace, répondre au défi qu'un projet d'une si grande envergure pose à l'ensemble du territoire. Le regroupement des quatre municipalités va favoriser une gestion équitable et efficace des services publics, tels les services de police, de prévention des incendies, les loisirs, les bibliothèques, l'assainissement des eaux, le transport collectif et bien d'autres, et ce regroupement permettra également de planifier une baisse du compte de taxes pour la totalité des résidents des quatre municipalités. Je voudrais d'ailleurs, à cet effet, déposer un tableau qui nous permet de... Voilà. Est-ce qu'il y a consentement?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a... Pourriez-vous identifier le tableau, avant, Mme la ministre?

Mme Harel: Alors, c'est donc un tableau du taux de taxes pour chacune des quatre municipalités concernées, y compris le taux de taxes après l'acquisition du Domaine Saint-Bernard, tel que prévu dans le projet de loi n° 81.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document?

M. Cholette: Est-ce que la ministre peut nous assurer que les citoyens vont payer ça de...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement? Il y a consentement? À cette époque-ci, moi, je dois demander s'il y a consentement.


Document déposé

Il y a consentement. Le document est déposé. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Harel: Alors donc, M. le Président, je vous disais qu'il y a une situation nouvelle qui permettra à l'ensemble des citoyens des quatre municipalités visées par le projet de loi de bénéficier d'un partage qui va garantir à tous une diminution qui est de 1,4 % pour les citoyens de village Mont-Tremblant, jusqu'à 19,5 % pour ceux de Lac-Tremblant-Nord. Alors, il s'agit d'un partage plus équitable de la richesse foncière générée par le projet de station touristique internationale, donc partage avec les municipalités directement touchées par ce projet.

(15 h 20)

Certaines retombées positives comme la construction de nouvelles habitations amènent, en contrepartie, des responsabilités plus grandes pour les deux Saint-Jovite, et ces responsabilités plus grandes peuvent difficilement être gérées alors que la richesse foncière permettant d'assurer de telles charges appartient exclusivement à une seule municipalité. Mont-Tremblant village, avec ses 623 000 000 $ de richesse foncière uniformisée, détient une fois et demie plus de richesse foncière que ses trois voisines. Les avoirs de la ville de Saint-Jovite s'établissent à 227 000 000 $, ceux de la paroisse Saint-Jovite à 129 000 000 $ alors que la paroisse Saint-Jovite occupe le trois quarts du territoire de la montagne, pour un total de 356 000 000 $. Quant à la municipalité de Lac-Tremblant-Nord, elle compte à son actif 26 000 000 $. C'est donc une richesse foncière uniformisée qui est celle d'un territoire très restreint, celui d'une municipalité de 900 résidents permanents.

Le regroupement des quatre municipalités va favoriser une gestion équitable et efficace des équipements et des services disponibles – qui sont, pour un bon nombre d'entre eux, sur le territoire de la ville de Saint-Jovite – un partage équitable des coûts, un renforcement de la solidarité municipale et du sentiment d'appartenance, de même qu'une représentation politique municipale plus forte auprès des intervenants gouvernementaux ainsi que des particuliers et des entreprises intéressés par le développement. Ce regroupement, M. le Président, va favoriser une planification harmonieuse de l'aménagement du territoire, une protection adéquate des sites naturels et un développement durable associé, cette fois, à une plus grande équité fiscale.

Des exemples, M. le Président, je voudrais n'en apporter qu'un seul, mais je suis convaincue que mes collègues auront l'occasion certainement de faire valoir les avantages pour bien d'autres services par l'élimination de certains dédoublements de services. Alors, à titre d'exemple, la mise en place d'un seul corps de police municipal va contribuer à réaliser des économies évaluées à au moins 500 000 $. Environ 500 000 $, à la suite de ce regroupement, pourront être injectés dans une baisse du compte de taxes. Donc, c'est là, je pense, une gestion équitable des services, l'exemple du service de police. Pourraient s'ajouter aussi la prévention des incendies, les loisirs, les bibliothèques, l'assainissement des eaux et le transport collectif.

En 2002, toutes les prévisions sont à l'effet que la Station Mont-Tremblant comptera 2 824 employés, femmes et hommes de tous âges, et qu'elle accueillera près de 2 500 000 visiteurs. Est-il nécessaire d'ajouter que, par son ampleur, le projet engendre une problématique qui déborde largement les limites municipales de la municipalité de Mont-Tremblant, ne serait-ce qu'au plan du transport des employés, du logement, des services qui doivent leur être offerts? Si l'on se fie aux résultats d'une étude réalisée en juin dernier, on s'aperçoit que, sauf dans le cas de l'hôpital, où Mont-Tremblant offre certains services, la ville de Saint-Jovite est la municipalité de référence, celle de centre de services pour les trois autres municipalités voisines, avec ce que cela entraîne d'être un centre de services avec fonction de centralité pour ses voisines. Vous conviendrez certainement, M. le Président, qu'il y a ici une situation d'injustice, puisque la ville de Saint-Jovite connaît un taux d'endettement nettement supérieur à celui des municipalités voisines. Son taux de taxes est une fois et demie à plus de deux fois supérieur à celui de ses voisines parce que, en grande partie, elle a à offrir des services à des villes voisines qui n'en paient pas le prix.

C'est là, M. le Président, une situation similaire, n'est-ce pas, à la situation décrite par des études menées par les villes-centres du Québec, villes-centres qui comprennent notamment la ville de Hull, et je suis convaincue que le député de Hull, qui fut pendant plusieurs années conseiller municipal, connaît bien les problématiques et les difficultés inhérentes au fait d'être une ville-centre. Saint-Jovite vit ces difficultés et connaît cette problématique.

La richesse foncière uniformisée, comme je l'ai indiqué, de la municipalité de Mont-Tremblant est supérieure de près de 240 000 000 $ à la somme des richesses des municipalités voisines. L'écart ne peut que s'accentuer et, à défaut d'un regroupement, cet écart sera une source d'inéquité à l'intérieur d'une même communauté d'appartenance. C'est cela qui est inadmissible.

En plus de la dimension économique du projet, s'ajoute la dimension du patrimoine écologique qui m'apparaît également prioritaire et dont le projet de loi tient compte de façon explicite. Incidemment, l'une des mesures du projet de loi vise à protéger l'emplacement patrimonial connu sous le nom de Domaine Saint-Bernard, situé dans le territoire de la municipalité de Mont-Tremblant et dans celui de la paroisse de Saint-Jovite. L'article 7 du projet de loi vient consacrer le statut de parc du Domaine Saint-Bernard. C'est un joyau de la nature qui a été, au fil des décennies, entretenu avec minutie par les Frères de l'instruction chrétienne. La municipalité de Mont-Tremblant a, à la fin du mois d'août dernier, adopté une résolution pour en faire l'acquisition. Le projet de loi prévoit que le coût en sera partagé par l'ensemble des contribuables de la nouvelle municipalité, M. le Président. Donc, le coût d'acquisition ne sera pas assumé seulement par les contribuables de Mont-Tremblant, mais par l'ensemble de ceux de la nouvelle municipalité qui sera formée. Mais la vocation de ce joyau de la nature ne pourra pas être changée, aucun règlement municipal ne pourra modifier cet engagement qui désormais repose dans une loi du Parlement du Québec, loi qui vient confirmer la vocation de parc du Domaine Saint-Bernard.

Toujours dans le but de respecter le patrimoine, le projet de loi servira à protéger les droits des personnes habiles à voter de la municipalité de Lac-Tremblant-Nord pour préserver le cachet de ce site enchanteur. Il fera en sorte que seules les personnes habiles à voter de Lac-Tremblant-Nord pourront approuver les règlements d'urbanisme dans ce secteur, en leur permettant de participer au contrôle de la construction, du zonage et du lotissement. Il faudra donc, M. le Président, l'assentiment des résidents permanents et des villégiateurs pour modifier le règlement d'urbanisme actuellement en vigueur dans la municipalité de Lac-Tremblant-Nord qui compte quatre résidents permanents mais au-delà de 200 villégiateurs. Nous avons donc le souci, dans ce projet de loi, de préserver l'environnement patrimonial cher à la population de l'ensemble de la région et de consacrer cette intention par voie législative pour assurer le respect de cet engagement.

(15 h 30)

D'autre part, M. le Président, j'aimerais également faire valoir qu'une municipalité regroupée sera une municipalité plus forte, plus engagée solidairement dans son développement, plus structurée pour offrir de meilleurs services à l'ensemble de sa population.

Les enjeux qui sont inhérents au secteur Saint-Jovite–Mont-Tremblant sont primordiaux et commandent l'établissement d'un cadre local permettant aux élus municipaux de se donner des outils, des instruments en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire. Les citoyens, les organismes socioéconomiques, les organismes communautaires, les promoteurs et développeurs doivent pouvoir échanger avec une entité municipale consolidée possédant une vision, des orientations compatibles et qui évite le piège de la fragmentation de l'ensemble du secteur entre quatre municipalités. Une représentation élargie issue du regroupement offre la capacité de faire face aux enjeux, de relever les défis qui se pointent maintenant, et ça permettra une représentation politique plus forte, admettons-le, auprès des développeurs, auprès également des gouvernements, qui ne pourra qu'être bénéfique au milieu tout entier qui connaît ces changements structurants et qui veut pouvoir les gérer adéquatement.

M. le Président, par exemple, nous faisons face à la nécessité de mettre en place un système de transport collectif qui va tenir compte des réalités géographiques et des besoins de la population. J'ai parlé de 2 854 employés. Il faudrait doubler, n'est-ce pas, ce nombre d'ici une décennie et moins. Ces gens ont des familles et ont des besoins spécifiques en matière de logement pour leurs familles et les travailleurs du secteur. Et convenons qu'avec une valeur moyenne des résidences à 200 000 $ dans la municipalité de Mont-Tremblant il est bien évident que les employés n'ont, pour la plupart d'entre eux, pas les moyens d'y résider et qu'ils doivent donc venir chercher une résidence dans les villes voisines. Alors donc, défi en matière de logement pour les familles des travailleurs du secteur, défi en matière de développement de services d'éducation, de santé, évidemment aussi, défi en matière du maintien de la sécurité publique, en matière d'optimisation des ressources touristiques, de loisirs, et, en fait, un défi qui ne peut être relevé que collectivement.

Alors, peut-être, M. le Président, dois-je signaler également que, dans la problématique qui est celle de la région, il y a également celle qui concerne la spéculation foncière. Il faut bien comprendre qu'il y a, en contrepartie, une équité qui est venue certainement bonifier la valeur foncière des résidences, et cela entraîne cependant vers la périphérie de la région l'établissement des employés qui viennent occuper ces nouveaux emplois qui sont créés. Alors, je pense que la création de cette nouvelle entité municipale est la réponse adéquate et objective à une répartition et à une redistribution plus équitable de la richesse foncière créée par l'investissement privé de développeurs et de promoteurs. Il aurait été facile pour le gouvernement de ne rien faire et tout simplement de faire en sorte que les choses continuent de cette façon-là, mais je comprends que nous ne pouvons pas nous dérober à nos responsabilités. C'est un regroupement municipal qui ne se fera pas sans heurter certaines prises de position déjà défendues par des intervenants. La municipalité de Mont-Tremblant a repris l'initiative de déclencher, sur son seul territoire, un référendum, M. le Président, pour refuser d'envisager même une étude de regroupement. Je crois qu'il est bien évident que les provinces ont pleine prérogative en matière de délimitation territoriale des municipalités.

Et heureusement qu'il en est ainsi. Chacune des 1 346 municipalités du Québec ne peut pas prétendre décider de son sort en refusant de tenir compte de la réalité de ses voisines. Heureusement que la prérogative d'arbitrer l'offre de service... parce que, essentiellement, une municipalité, c'est une communauté d'appartenance qui s'offre des services, et fort heureusement que l'arbitrage du bien commun se fait ici. C'est là l'essentiel de notre démocratie. J'ai eu l'occasion de rappeler d'ailleurs qu'il y a maintenant 35 ans, en 1965, un gouvernement mené par Jean Lesage, et le ministère des Affaires municipales était dirigé par Pierre Laporte, avait déposé, au nom du bien commun, un projet de loi regroupant les 14 municipalités de l'Île-Jésus pour en faire la grande ville que nous connaissons depuis: ville Laval.

Alors, la répartition de la richesse foncière, l'allégement significatif du fardeau fiscal pour une grande majorité de citoyens nous imposent une obligation d'agir. Je vous ai donc parlé de cet allégement significatif du fardeau fiscal. Et je voudrais vous en dire quelques mots, M. le Président. J'ai ici donc le tableau qui nous permet de constater que les taux de taxe, y compris avec l'acquisition du Domaine Saint-Bernard par la nouvelle municipalité regroupée... Donc, que ce taux de taxe va, après le regroupement de l'ensemble des quatre municipalités, connaître une variation à la baisse de 1,4 % pour les citoyens de la municipalité de Mont-Tremblant, le taux de taxe qui était prévu, puisque la municipalité avait par résolution adopté en août dernier le projet d'acquérir le Domaine Saint-Bernard, ce qui faisait monter le taux de taxe à 0,68 $ le 100 $ d'évaluation. Après le regroupement, le taux de taxe projeté est de 0,67 $. Et, évidemment, cet allégement fiscal est bien plus important là où il était beaucoup plus lourd à porter pour les contribuables. Et je veux parler des citoyens des municipalités de Saint-Jovite ville et de Saint-Jovite paroisse. Le taux de taxe à Saint-Jovite est actuellement de 1,43 $ du 100 $ d'évaluation. Après le regroupement, y compris avec l'acquisition du Domaine Saint-Bernard, le taux de taxe projeté est de 1,18 $, c'est-à-dire 17 % de diminution.

Je pense que, M. le Président, c'est là des chiffres suffisamment éloquents pour démontrer que la richesse foncière, une fois partagée, bénéficie à l'ensemble de la collectivité. C'est la même chose à l'égard des citoyens qui résident dans la paroisse Saint-Jovite, le taux de taxe étant de 0,84 $ le 100 $ d'évaluation. Après le regroupement, y compris, encore une fois, avec l'acquisition du Domaine Saint-Bernard, le taux de taxe est réduit à 0,68 $, une diminution de 19,5 %. Et il en va également de même pour les citoyens de Lac-Tremblant-Nord.

(15 h 40)

Alors, je crois, M. le Président, qu'il s'agit là du développement d'une synergie qui va permettre l'amenuisement de la concurrence entre les municipalités, qui va permettre d'optimiser le cadre environnemental requis pour favoriser le développement durable. Et je pense que le gouvernement prend ses responsabilités en agissant avec célérité dans ce dossier. Alors, pour toutes ces raisons, je souhaite que l'opposition comprenne qu'il s'agit d'une intervention législative spécifique et circonstanciée et je souhaiterais que l'opposition ait suffisamment le sens des responsabilités pour favoriser l'adoption du projet de loi n° 81. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la ministre des Affaires municipales. La présidence a reçu aujourd'hui, dans la période requise, deux demandes de débats de fin de séance. Un premier qui a été demandé par M. le député de Hull suite à une question qu'il a posée aujourd'hui à la ministre des Affaires municipales concernant des contradictions entre la ministre et le ministre des Transports dans le dossier de la fusion forcée de Mont-Tremblant. Ce débat de fin de séance aura lieu demain, après les affaires du jour. Et également une demande du député de Kamouraska-Témiscouata suite à une question qu'il a posée aujourd'hui au ministre de l'Éducation concernant le dossier de la tutelle à la commission scolaire de Montréal. Ce débat de fin de séance aura lieu également demain, jeudi, après les affaires du jour.

Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite, et je cède la parole au porte-parole officiel en matière municipale de l'opposition et député de Hull. M. le député, la parole est à vous.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Il y a presque un an, il y a eu des élections. Bientôt, ça va faire un an. J'ai été élu dans le comté de Hull et, quand j'ai pris la route pour venir à Québec, jamais je n'aurais imaginé être obligé de me lever en cette Chambre pour débattre d'un projet de loi qui bafoue les règles démocratiques, qui bafoue l'autorité municipale, qui bafoue l'opinion des gens du Québec et qui force des fusions de municipalités, alors que l'expérience du Québec est désastreuse dans ce domaine-là. Aujourd'hui, je suis confronté à le faire, je suis obligé de le faire pour protéger non pas simplement l'intérêt des gens de Mont-Tremblant, de cette région-là, mais pour protéger l'autonomie des municipalités et de l'ensemble des citoyens du Québec. C'est de ça qu'il s'agit, M. le Président. La ministre peut bien nous faire accroire que c'est ponctuel puis que c'est quelque chose d'isolé, mais on sait très bien que, lorsqu'on ouvre la porte à de telles manoeuvres, cette possibilité existe pour l'ensemble du Québec, et ça cache très mal les intentions du gouvernement dans ce domaine-là.

Je vais commencer, M. le Président, par la fin. Je vais commencer par vous résumer pourquoi je suis debout aujourd'hui. Je suis debout parce que le gouvernement a décidé, avec le projet de loi n° 81, de forcer la fusion de quatre municipalités sans aucune consultation au préalable, en faisant un coup de force en catimini durant l'été pour forcer la main de ces quatre conseils municipaux. C'est bafouer la démocratie, où un référendum a été tenu dans deux des quatre municipalités et où 96 % des gens ont dit non. Pourtant, il me semble que la question référendaire, du côté du Parti québécois, ça leur tient à coeur. Puis il me semble que le résultat d'un référendum, ça aussi, ça leur tient à coeur. Sauf à Mont-Tremblant.

Et l'autre élément, c'est qu'on refuse complètement d'écouter des propositions. Et je vais y revenir tantôt, parce qu'il y en a, des propositions sur la table, M. le Président, si vraiment le problème, c'est le partage fiscal, si c'est ça, le véritable problème. Puis je vais vous démontrer, M. le Président, noir sur blanc que ça n'en est pas un, problème. Mais, si c'est ça, je vais vous montrer aussi qu'il y a des propositions concrètes sur la table.

Mais, dans le fond, on est ici, M. le Président, vous savez pourquoi? Bien, c'est parce que la ministre des Affaires municipales souhaite faire plaisir. Elle veut faire plaisir à quelqu'un dans ce débat-là, à une seule personne: au président du Conseil du trésor. C'est de ça qu'il s'agit, M. le Président.

Vous savez que, dans tout ce débat, le problème, c'est que les prémisses de la ministre sont fausses. La question du partage de la richesse, c'est une fausse prémisse, je vais vous le démontrer. La question de l'empêchement du développement, ça aussi, c'est faux, je vais vous le démontrer. Puis le problème de concertation régionale, ça aussi, c'est une fausse prémisse, puis je vais vous le démontrer.

En fait, le message qu'on lance aujourd'hui, c'est que les villes du Québec, à partir de ce matin, M. le Président, vont jouer un rôle de figurant. C'est un peu un chien dans le jeu de quilles, c'est quelque chose dont on n'a pas besoin parce que, de toute façon, leur avis, leur opinion, ça ne compte pas. Demandez donc à l'UMQ et à la Fédération québécoise des municipalités si leur avis compte beaucoup présentement pour le gouvernement. Demandez donc aux maires du Québec s'ils se sentent écoutés par le gouvernement actuel. Demandez donc aux gens qui se prononcent partout au Québec par référendum si eux autres aussi se sentent écoutés par la ministre. La réponse, c'est non.

Alors, dans les prochaines minutes, on va avoir la chance de revenir sur tous ces sujets. Vous savez que, depuis belle lurette, les municipalités sont au coeur de notre société, de notre Québec, de notre développement. C'est le gouvernement le plus près du monde, c'est celui à qui on confie des tâches qui sont directement reliées à la santé, à la sécurité des citoyens. C'est à notre conseiller municipal puis c'est à notre maire qu'on parle lorsqu'on a un problème chez nous, lorsqu'on veut que des choses changent près de chez nous. C'est au coeur de notre tissu, c'est vital, l'aspect municipal au Québec. Par le geste qu'on pose actuellement, on décide de bafouer cette responsabilité-là.

C'est drôle que tout à coup, là, le nombre de municipalités au Québec – on en a près de 1 400 – ça soit un problème. Mais c'est toujours en fonction de ce à quoi tu te compares que c'est un problème. Parce que 1400 municipalités, c'est peut-être beaucoup par rapport à l'Ontario, c'est peut-être moins gros par rapport à la France, peut-être moins énorme par rapport aux États-Unis. Peut-être que si on prend un autre barème de comparaison, par rapport, par exemple, aux tranches de 100 000 de population, c'est drôle qu'on se compare bien au reste du Canada. C'est qui qui a dit ça, qu'il y en avait trop, de municipalités? C'est qui qui a inventé ça? Parce que, dans le fond, ça, c'est le symptôme; il est où, le vrai problème? Moi, j'aimerais ça que la ministre puisse répondre à ça.

Comme je l'ai dit, les municipalités, les conseils municipaux touchent la vie courante de tout le monde, mais plus que ça. Avec notre système actuel, pour la très grande majorité des 1 400 municipalités, ce sont presque des oeuvres de bénévolat. Ce sont des hommes, ce sont des femmes qui décident de s'impliquer dans la vie publique pour servir à un niveau très terre à terre, avec très peu de rémunération, avec des heures incroyables de travail. Demandez aux gens qui siègent ici, à l'Assemblée nationale, qui ont eu la chance de siéger sur un conseil municipal. Ma collègue maire de Maria l'a fait, la députée de Bonaventure, qui, elle, jour après jour était auprès de ses citoyens pour un traitement presque insignifiant, mais qui réglait des problèmes de tous les jours. Pourquoi tout à coup bafouer tout ça? Pourquoi dire: Je n'ai plus besoin de vous autres? Moi, de mon omniprésence gouvernementale, je vais régler tous les problèmes de la société, alors qu'ils ne sont même pas capables de régler leurs problèmes qui sont de juridiction provinciale. Est-ce que j'ai besoin de rappeler le problème d'Emploi-Québec, les hôpitaux, les problèmes d'éducation? Je pense qu'ils en ont plein les bras, sans pour autant venir jouer dans la talle qui est réservée à du monde qui est sur le terrain et qui s'occupe du vrai monde, des vrais problèmes.

Vous savez, le gouvernement a décidé d'imposer une loi qui dit aux municipalités: Vous ne ferez pas de déficit. Bien, ces administrateurs-là, contrairement aux gens d'en face, eux ont respecté ça, ils n'en ont pas fait, de déficit. Et vous savez qu'eux ne peuvent pas pelleter leurs factures ailleurs, ils les paient puis ils livrent des services pour ça. C'est drôle que, pour faire ça, ils sont bons, puis on a confiance en eux, mais, pour autre chose, on repassera. Puis c'est drôle que ces gens-là sont obligés de livrer des services malgré le fait qu'on les considère comme des créatures, pas comme des partenaires, pas comme des alliés, pas comme des gens en qui on peut avoir confiance pour aider le développement du Québec. Non, comme des créatures.

J'entendais la ministre nous dire: Vous savez, l'opposition, vous ne comprenez rien, parce que la Constitution canadienne – alors, on l'implore quand ça fait notre affaire – dit que c'est la responsabilité du gouvernement de décider... de vie ou de mort sur les villes. Peut-être que légalement elle a raison. Puis après? Ça change quoi dans la vie de tout le monde, ça, que la ministre ait dit ça aujourd'hui? Ça veut-u dire que, nous autres, on est moins capables, dans les villes, d'administrer des deniers publics puis des services à rendre à la population parce que la Constitution dit, au Québec, qu'elle a droit de vie ou de mort sur les municipalités? Bien non, M. le Président.

(15 h 50)

C'est drôle que, quand le gouvernement a besoin des municipalités pour venir à sa rescousse dans le cadre de l'opération déficit zéro, là il avait confiance en elles. Il leur a dit: Signez-moi ça, ce document-là, un contrat, deux ans, vous allez payer 375 000 000 $ par année pour venir m'aider parce que je ne suis pas capable d'administrer correctement mes finances publiques. C'est drôle qu'à ce moment-là, là, il écoutait les municipalités. Il a bien encaissé leurs chèques, peu importe leur nombre, peu importent leurs regroupements, peu importent leurs tiraillements, il les a encaissés, les chèques. Et là, encore une fois fidèle à lui-même, on a décidé de renier sa signature. Les paroles mêmes de la ministre: Bien qu'on ait un contrat, que ça soit clair que c'était pour les finances publiques, que ça durait deux ans, qu'on ait atteint le déficit zéro et bien que le deal soit théoriquement fini, vous ne pensez quand même pas qu'on va vous laisser comme ça. Vous ne pensez quand même pas que vous allez garder le 375 000 000 $. On est habitué à ça; le deal, il se poursuit. On oublie ça, la signature de M. Bouchard, de toute l'équipe gouvernementale. Ça ne vaut rien, on continue comme si on n'avait pas signé. Bien, c'est ça qu'on fait présentement.

Le gouvernement a décidé aussi, dans le cadre de cette entente, de bonifier l'entente en disant au monde municipal: Vous savez, vous avez raison, il faut regarder l'ensemble de la situation. Ce n'est pas bien, bien correct de vous refiler une facture, mais on est un petit peu mal pris. Donc, on va procéder à une immense réflexion sur tout l'appareil municipal, sur les structures, sur les finances, sur la fiscalité. Et on a eu le rapport Bédard. Le rapport Bédard, qui est très étoffé, il y a toutes sortes de choses là-dedans, qui ratisse très large, qui provoque, si c'est implanté à la lettre, beaucoup de bouleversements dans le monde municipal, mais qui a au moins le mérite d'être une réflexion rigoureuse, une réflexion qui a interpellé l'ensemble des gens qui voulaient se faire entendre, réflexion qui a au moins mérite qu'on la regarde.

Bien, il y a deux choses là-dessus. Premièrement, dans le cadre des négociations actuelles, on en fait fi. Puis, dans le cadre de Mont-Tremblant, c'est encore pire. On bouge même avant d'avoir décidé du pacte fiscal, on bouge même avant d'avoir déposé la proposition qu'on offre à l'ensemble des municipalités. Ça, c'est deux poids, deux mesures. Deux poids, deux mesures, parce que, vous savez, le coup de force qui est en train de se faire à Mont-Tremblant, c'est un genre de vendetta. C'est un peu comme si la ministre et son entourage se disent jaloux qu'il y ait eu du développement dans une région du Québec.

Et je veux revenir à quelque chose que tantôt elle nous expliquait. Vous savez, elle nous dit ça bien solennellement: On a un problème de croissance à Mont-Tremblant. Je comprends que le PQ trouve ça un problème, la croissance, il n'est pas habitué à ça. Je comprends, il fait tout pour ne pas en avoir. Je comprends. Puis il souhaite mettre les bâtons dans les roues pour ne pas en avoir. Puis je vais vous lire une citation à la fin, M. le Président, où les gens de Mont-Tremblant, du site de Mont-Tremblant, de la station de ski, ce qu'ils pensent de la fusion des quatre villes. Je vais vous lire ça.

Alors, quand la ministre s'en va dire en cette Chambre que c'est un problème, la croissance, puis qu'il faut régler ça, ça n'a pas de bon sens, il faut aplanir vers le bas. Ça n'a pas de bon sens que quelqu'un s'enrichisse, au Québec. Voyons donc! Tous égaux vers le bas. Et elle me demande, à moi: Est-ce que j'aimerais ça, voir autant de croissance dans ma ville? Elle demande ça à mes collègues: Est-ce que vous n'aimeriez pas ça, vous, voir ça, de la croissance comme ça dans vos villes? Voyons donc, pourquoi s'élever contre notre projet? Bien, oui, j'aimerais ça, en voir, autant de croissance. Mais, personnellement, je dois vous dire que je n'ai pas beaucoup de chance de voir cette croissance-là en Outaouais, puisque c'est une région non pas éloignée, mais oubliée de la part du Parti québécois. Mais, si je suis obligé de troquer la croissance pour une tutelle, non merci. Si je suis obligé de troquer la croissance pour un coup de force, pour une mainmise sur une administration municipale et les décisions qui relèvent du milieu le plus près des gens, non merci. Parce que ce n'est pas ça, le choix des Québécois. On peut faire les deux. L'histoire nous a prouvé qu'on pouvait faire les deux. Ce n'est pas un choix entre de la croissance et une tutelle qu'il faut avoir au Québec, ce n'est pas le fusil sur la tempe qu'il faut administrer nos villes, M. le Président. Ce n'est pas comme ça qu'on va développer le Québec.

Si on regarde la situation particulière de Tremblant... Donc, je répète, dans notre projet de loi, on a... Et le projet de loi n° 81, ce n'est pas compliqué, il y a 10 articles, 10 articles qui disent essentiellement: On va fusionner Saint-Jovite, Saint-Jovite paroisse, Mont-Tremblant et Lac-Tremblant-Nord. On ne parle pas des autres villes, on ne parle que de celles-là. Et ce qui est inquiétant là-dedans, c'est que l'ancien ministre des Affaires municipales, lui avait regardé cette situation-là... D'ailleurs, j'entendais la ministre, il y a quelques mois, féliciter, dans le cadre du congrès de la Fédération québécoise des municipalités, les municipalités qui s'étaient regroupées dans le cadre du volet I de l'ancien ministre, qui lui a mis sur la table un programme de regroupement. Il a dit: Moi, je souhaite qu'il y ait des regroupements de 400 municipalités au Québec. Puis il a laissé ça sur la table. Puis là les gens se sont parlé, puis il y en a une centaine, cent et quelques qui se sont regroupées. Mais je peux-tu vous dire quelque chose, M. le Président? Lui, il avait compris, il n'avait pas mis les quatre villes dans son projet I.

C'est drôle que, dans le volet I, dans le projet de fusion des municipalités de ce gouvernement, on ait identifié seulement Saint-Jovite et Saint-Jovite paroisse. C'est drôle. Comment ça se fait que ce n'était pas bon dans ce temps-là de fusionner aussi Mont-Tremblant et Lac-Tremblant-Nord? Pourquoi, tout à coup, c'est bon maintenant? Ça ne se peut pas que Tremblant puis Intrawest aient poussé comme ça au moment où on a passé les pouvoirs entre l'ancien puis la nouvelle ministre. Ce n'est pas vrai, ça. Intrawest était déjà là. L'ancien ministre avait conclu, lui, que ce n'était pas une bonne idée de fusionner comme ça. Il ne les a pas mis dans le volet I. Je peux-tu vous dire aussi que c'est drôle que, à ce moment-là, dans le volet I, Saint-Jovite paroisse était contre la fusion, Saint-Jovite était pour la fusion à deux? Mais une de ces parties-là, elle, était contre.

C'est drôle aussi que la ministre n'ait jamais communiqué avec Mont-Tremblant jusqu'au moment où elle a déposé son projet de loi. Le seul temps où elle les a rencontrés, c'est dans une rencontre privée dans le cadre du congrès de l'UMRCQ, FQM, rencontre de quelques heures où on lui a expliqué ce qui était sur la table au Mont-Tremblant, où elle s'est même portée volontaire pour offrir de l'aide technique pour développer un projet de «Tax Base Sharing», puis je vais vous en parler tantôt, de ça. Elle l'a promis, mais elle ne l'a pas livré. Et jamais la municipalité n'a reçu une proposition d'étude, jamais la municipalité n'a reçu une lettre ou un coup de fil disant: Je songe à faire une fusion. Jamais. Les gens de Tremblant l'ont appris dans les journaux. Ils l'ont appris dans les journaux, M. le Président, et les gens de Tremblant ont décidé de se mobiliser. Et j'entends la ministre dire: C'est épouvantable, ils ont fait un référendum. C'est vrai. D'être obligé de faire un référendum pour préserver notre survie, ce n'est pas correct, surtout quand la ministre ne nous a jamais parlé.

Et les gens, bien, ils ont publié des choses pour faire valoir leur point. Je vais me permettre de vous lire quelques passages. Dans un document intitulé Protégeons Mont-Tremblant – le 8 août prochain, c'est-à-dire la date du référendum – on peut lire: «Rappelons qu'en janvier 1998 le ministre des Affaires municipales de l'époque, M. Trudel, avait clairement indiqué au conseil municipal et aux citoyens que Mont-Tremblant ne faisait pas partie des villes, municipalités et paroisses ciblées dans les regroupements municipaux, pour des raisons évidentes, soutenait-il, de vocation, puisque Mont-Tremblant et Saint-Jovite, notamment, n'ont pas le même créneau de développement, l'un étant un centre de villégiature de calibre international et l'autre une ville de services.» Ça, c'est l'ancien ministre qui disait ça. Ce n'est pas moi.

«Plus récemment, le conseil municipal a eu l'occasion de sensibiliser la ministre à la réalité de Mont-Tremblant. Nous lui avons indiqué que nous accordions beaucoup d'importance au choix démocratique de ceux qui nous ont élus et que nous étions confiants que le gouvernement respecterait l'opinion de la majorité des citoyens. Un référendum est une occasion unique de participation démocratique. C'est un moment solennel qui permet à une population d'indiquer un choix déterminant. Il serait curieux que ceux-là même qui ont adopté la Loi sur les élections et les référendums et qui ont fait des référendums un outil privilégié de la démocratie au Québec banalisent et rejettent soudainement les résultats d'un référendum parce qu'il ne va pas dans le sens qu'ils le voulaient. Nous ne pouvons pas croire à cela, car, jusqu'à preuve du contraire, nous croyons que le gouvernement sera sensible au choix démocratique des citoyens et citoyennes de Mont-Tremblant.» M. le Président, ils se sont trompés. Les citoyens se sont trompés... de faire confiance à ce gouvernement.

(16 heures)

Alors, il y a eu un référendum, le 8 août, où plus de 50 % de la population s'est prononcée – ce qui est beaucoup plus que dans la plupart des villes au Québec qui ont eu des élections dimanche passé, le 7, en passant – et où 96 % des gens ont dit non à la fusion. Non à la fusion, 96 %.

Il y en a qui peuvent dire: Le chiffre n'est pas bon, ce n'est pas suffisant. Il ne faut quand même pas rire du monde, là. 96 %. Il y en a qui peuvent dire: La question n'était pas claire. Voulez-vous que je vous la lise la question, M. le Président? Le 8 novembre. Le référendum, soit dit en passant, a été tenu selon les règles de la Loi sur les élections et les référendums au Québec votée par le PQ. Tout est conforme. Il n'y a pas de virgule, là, tout est conforme. Alors, la question, question ambiguë, s'il y en a une qui existe: Êtes-vous favorable à la fusion de la municipalité de Mont-Tremblant avec la ville de Saint-Jovite et la paroisse de Saint-Jovite? Il est où, le problème? C'est ça, la question. Qu'on ne me dise pas que la question n'est pas claire, qu'on ne me dise pas que le résultat n'est pas clair, qu'on ne me dise pas que le référendum est tout croche, ce sont tous des éléments limpides. Les gens ont dit non.

Au Lac-Tremblant-Nord, maintenant, eux aussi ont fait un référendum, et les citoyens de cette municipalité, toute petite municipalité, particulièrement isolée, avec des caractéristiques – puis je vais vous en parler encore tantôt – bien particulières, bien, là aussi, 96 % des gens ont dit qu'ils optaient pour l'autonomie municipale. Mais, évidemment, le projet n° 81 bafoue ces résultats de façon éloquente. Puis on oublie ces résultats-là, parce qu'on a un nouveau terme, là, qu'on utilise, puis on dit à ces gens-là: Vous êtes des égoïstes sociaux. C'est les termes qu'on utilise. Vraiment, là, vous ne devriez pas vous prononcer par référendum. Vous devriez vous fusionner, parce que, si vous ne le faites pas, vous êtes des égoïstes sociaux. Ça, c'est du respect du monde, ça. Des fois, je me demande si ce n'est pas un film de science-fiction qu'on vit présentement. Puis on est dans les nuages, là, puis on est dans une situation que personne ne peut comprendre parce que le bon sens n'est pas là.

Moi, je voudrais vous parler des faits parce que, là, la ministre a parlé de toutes sortes de choses: la richesse foncière, et puis etc. On va parler de vraies affaires. Si c'est ça, la question, là, on va parler des vraies affaires pour toutes ces villes-là. Lac-Tremblant-Nord, population de 12 résidents permanents et de 208 contribuables. Ça été fondé en 1915. Ce sont des chalets autour d'un lac qui n'ont ni électricité, ni eau, ni téléphone, avec des règles d'urbanisme qui sont parmi les plus sévères au Québec. Ce sont des gens qui ont accès par bateau à leur résidence. Il y a environ 3 km de routes au total. Ils reçoivent des subventions, fédérales, provinciales toutes confondues, de 64 $ par année.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui.

Mme Harel: Une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Quelle est votre question de règlement?

Mme Harel: Est-ce qu'il faut attendre à la fin de la prestation du député pour lui poser une question ou si...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non, il faudrait que vous attendiez à la fin. Vous pourriez lui demander de lui poser une question en vertu de l'article 213, mais vous avez toujours votre droit de réplique à la fin du débat pour répliquer au discours de chacun des parlementaires qui sont ici. Alors, M. le député, si vous voulez poursuivre votre intervention.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît. S'il vous plaît. S'il vous plaît! Il y a rien qu'un président, ici, puis il préside bien.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous cède la parole, M. le député.

M. Cholette: Vous savez, M. le Président, le tour de la députée de poser des questions va venir assez vite quand elle sera dans l'opposition, elle.

Des voix: Bravo!

M. Cholette: Le niveau de la taxation, pour continuer – parce que je peux comprendre que ces chiffres font mal à la ministre, puisqu'elle ne les connaît pas – est de 0,68 $ du 100 $ d'évaluation, le même taux qu'à Mont-Tremblant. La superficie du territoire, c'est 20 km², M. le Président. Le budget total de Lac-Tremblant-Nord, c'est de 214 000 $. 214 000 $ pour l'ensemble de la municipalité. Eux autres, là, tout ce qu'ils demandent, c'est: Laissez-nous comme on est là, laissez-nous tranquilles; on a une qualité de vie, on préserve notre environnement, on a accès à de l'eau potable, puis c'est correct comme ça.

Si on poursuit, Mont-Tremblant village, et là je vais vous parler de la question depuis l'arrivée d'Intrawest environ en 1994. Il faut comprendre qu'Intrawest bénéficie d'un crédit d'impôt de 12 000 000 $ réparti sur plusieurs années. Le budget total de Mont-Tremblant est de 5 600 000 $. La contribution nette – puis là c'est important parce qu'il n'y a pas grand monde qui semble réaliser ça, de l'autre côté – de l'apport d'Intrawest, ce que l'arrivée d'Intrawest et ses milliards d'investissements ont contribué comme apport net à la ville de Mont-Tremblant, c'est 2 200 000 $ annuellement sur un budget de 5 600 000 $. Ça représente une contribution de 38 % des revenus alors que les services commandés par l'arrivée de ces investissements-là utilisent 80 % du budget total de Mont-Tremblant soit par le service d'incendie, le service de police, les eaux usées ou l'eau potable. 38 % des revenus, 80 % des dépenses. L'endettement de Mont-Tremblant a été multiplié par cinq depuis l'arrivée d'Intrawest parce qu'on a dû établir toutes sortes de services: des routes, des infrastructures. L'endettement a été multiplié par cinq.

Quand on veut jouer avec les chiffres, on fait ce que la ministre fait. Il y a 900 résidents permanents, c'est vrai, il y a environ 900 logements permanents, M. le Président, sauf qu'on est à Tremblant. Puis on peut-u se parler franchement? Il y a 2 400 et quelques logements saisonniers. Mais saisonniers, là, ça veut-u dire qu'il n'y a pas de monde dedans? Bien non, ça veut dire que c'est des logements à temps partagé, notamment. C'est des condos. Il y a de l'activité à l'année à Tremblant. Il y a des activités à l'année. La desserte, en termes de services municipaux, doit être fonction de 5 000 de population, pas de 900. Il n'y a jamais 900 personnes à Mont-Tremblant. La desserte, donc, doit être en fonction et équipée pour desservir au moins 5 000 personnes.

Il y a 2 500 000 visiteurs par année qui vont dans la municipalité de Tremblant, qui vont au Mont-Tremblant, 2 500 000. Faut desservir ce monde-là. Il va aux salles de bains, ce monde-là, il utilise les routes, il a besoin de la police. Ça prend un service d'incendie capable de répondre à une demande pour cette clientèle-là. Quand la ministre me fait la leçon sur les villes-centres, est-ce que ça, ce n'est pas un des critères, l'affluence comme ça, de centralité? Est-ce que Mont-Tremblant ne pourrait pas, donc, bénéficier, selon sa logique, de précarité de ville-centre? 2 500 000 visiteurs, puis je vous parle seulement des gens qui y vont «in and out», pas de coucher. Je ne vous parle pas des nuitées supplémentaires.

Un autre beau débat dans tout ça, ça a été le lieu de résidence des employés. Moi, je dois vous dire, là, que, après six ans au conseil municipal, il y a quelque chose que je ne comprends pas encore dans ce qu'on m'a expliqué. Il y a quelque chose que je ne comprends pas. On m'explique que c'est épouvantable que du monde décide d'acheter des maisons à Saint-Jovite. Ça, c'est épouvantable. Le monde travaille à Mont-Tremblant, puis il décide de ne pas acheter là, pour toutes sortes de raisons, financières aussi, puis il décide d'investir dans la municipalité voisine et de contribuer aux taxes de Saint-Jovite, puis ça, c'est épouvantable. Si c'est le cas, qu'on arrête le développement domiciliaire au Québec. Si les villes perdent de l'argent avec ça, bien, qu'on arrête ça, ça n'a pas de bon sens. Mais évidemment que ce n'est pas le cas. Puis, même si la ministre avait raison sur le principe de la mobilité des travailleurs, je peux-tu vous dire que 47 % des employés qui travaillent à Mont-Tremblant vivent à plus de 50 km à la ronde? Près de la moitié, un sur deux, ne vivent pas à Saint-Jovite, ils vivent à l'extérieur. Il y a seulement 22 % des gens qui travaillent à Mont-Tremblant et qui résident à Saint-Jovite et à Saint-Jovite paroisse. Ça, c'est un gros total de 808 personnes, M. le Président, puis on est en train de faire tout ce bouleversement-là, de bafouer la démocratie parce qu'on a 808 personnes qui achètent des maisons ailleurs? C'est ça qu'on fait, là.

On dit que, vous savez, Mont-Tremblant est très riche. Je vous ai expliqué tantôt que 38 % des revenus venaient d'Intrawest, la dette multipliée par cinq, et, c'est drôle, il n'y a pas eu de baisse de taxes depuis 1994. C'est le même taux de taxes, même taux, 0,68 $ dans le 100 $. Je ne sais pas, moi, je pense que, s'il y avait des gouvernements locaux ou provinciaux qui avaient beaucoup de marge de manoeuvre, une des choses qu'on ferait, c'est baisser les impôts, fonciers particulièrement. Ça n'a pas été le cas. Ça a été pris, cet argent-là, pour desservir l'arrivée massive d'investissements comme on a vus puis l'arrivée de 2 500 000 visiteurs. Il y a cinq bassins de rétention à Mont-Tremblant. Cinq! Pensez-vous qu'on en aurait cinq si c'était pour desservir 900 personnes, M. le Président? Voyons donc!

(16 h 10)

Là, l'expérience qu'on nous démontre présentement, c'est de dire aussi: Ah! Saint-Jovite, c'est une ville de services. C'est vrai. C'est vrai qu'il y a des choses là qu'on utilise, surtout au commercial, puis les gens qui sont dans le domaine commercial à Saint-Jovite paient des taxes en conséquence. Puis les gens d'ailleurs qui sont des non-résidents qui utilisent des services de loisirs, premièrement, faut faire la démonstration qu'il y en a beaucoup. Ce n'est pas le cas. Puis, deuxièmement, il y a des frais afférents à des non-résidents qui couvrent largement les dépenses encourues.

Mais là on me dit: Bien, il y a des étudiants qui vont à l'école à Saint-Jovite. C'est épouvantable! Bien, on va parler de ça. Il y a 120 élèves à Mont-Tremblant qui vont à l'école à Saint-Jovite. Si je prends l'ensemble des contributions en taxes scolaires de Mont-Tremblant qu'ils paient à la commission scolaire, ça équivaut à une contribution de 12 000 $ par élève de Mont-Tremblant qui va de l'autre côté. Ça fait que l'ensemble de la taxation scolaire sur le territoire de Mont-Tremblant qu'on donne à la commission scolaire contribue pour 12 000 $ pour chaque élève. Ils ne perdent pas d'argent avec ça, là. 12 000 $.

On nous dit, dans le projet de loi puis dans toutes les déclarations publiques, que vous savez que les motifs de fusion, c'est des motifs d'équité. On ne parle pas de contrôle de l'environnement, on ne parle pas que c'est suite à des échecs de négociations. On ne parle pas de ça, on dit: C'est des motifs d'équité. Bien, c'est bizarre parce que, malgré la richesse relative... Puis on pourrait faire un grand débat là-dessus, ça me ferait plaisir. Est-ce qu'une ville est riche parce qu'elle reçoit 38 % d'un seul employeur ou un seul investissement? Parce que je pourrais prendre Dorval, je pourrais prendre Mirabel, je pourrais prendre Hull, je pourrais prendre bien des exemples où est-ce que, par exemple, le gouvernement fédéral contribue largement chez nous. Est-ce que ça veut dire qu'on a une richesse relative?

Mais mettons qu'on lui donne raison. Admettons ça. C'est drôle, Mont-Tremblant met sur la table aujourd'hui même – et elle le savait très bien – un projet de partage de la richesse qui dit – et je l'invite à prendre connaissance du document – que Mont-Tremblant est prêt à mettre 29 000 000 $ sur la table en 10 ans pour répartir régionalement. 29 000 000 $, et ça, pas un mot. Non, non, je ne veux pas regarder ça, là. Si c'est vrai que le problème, c'est l'équité fiscale, pourquoi ce n'est pas une option? Puis il y a trois options sur la table, M. le Président, parce que, quand on regarde les vrais chiffres, on va voir que Saint-Jovite paroisse, ce n'est pas nécessairement les plus pauvres dans la région. Peut-être que d'autres municipalités auraient avantage à recevoir des deniers publics provenant de Mont-Tremblant. Alors, les trois options sur la table: un partage de la richesse avec six villes, un partage de la richesse avec huit villes ou un partage de la richesse avec quatre villes.

Au moins, peut-on regarder le projet? Un projet sensé, intelligent, qui mérite d'être au moins regardé. En fait, les motifs, bien, ce n'est pas ça du tout. Il y a juste un motif. Ce n'est pas l'équité fiscale, parce qu'elle serait ouverte à ça. Le vrai motif, c'est pour faire plaisir au Conseil du trésor, au président du Conseil du trésor qui s'est déjà avancé là-dedans. Mais vous savez que l'avis n'est certainement pas partagé entre tous les collègues péquistes, et on va faire la nomenclature de ça. On va s'amuser un petit peu. Alors, on va commencer avec la saga du député de Bertrand, adjoint parlementaire à la ministre des Affaires municipales. Ah! ça, c'est intéressant, ce qui s'est passé là-dedans, M. le Président. C'est un bijou de démocratie, cette affaire-là. Alors, commençons.

La première chose, c'est que le député a déposé deux projets de loi, soit le projet de loi n° 198 et le projet de loi n° 199, le 18 juin 1999. Il a déposé ça. Le premier projet de loi, donc 198, forçait la fusion de Tremblant telle qu'on la voit aujourd'hui. Le projet de loi n° 199 forçait la fusion de Saint-Sauveur et des villes environnantes. Ça, il a fait ça en juin. Il est adjoint parlementaire à la ministre, je vous le rappelle, quelqu'un d'important dans l'appareil gouvernemental, très important même. Alors, là, il s'en va en vacances – parce que ça, c'est la dernière journée de l'Assemblée – et puis là il jase avec le monde dans son coin, tu sais, puis c'est un gars à l'écoute. C'est un gars près du monde puis à l'écoute des citoyens. Il passe l'été en consultation puis il dit au maire: Qu'est-ce que tu penses de mon affaire? Et là, tout à coup, il revient au mois d'août et il décide d'écrire une lettre le 13 août 1999, et vous allez me permettre de passer certains passages, de vous dire ça. Alors, il écrit au maire de Saint-Sauveur paroisse, Charles Garnier.

«M. le maire – j'ai le temps, ça va me permettre de vous lire ça, c'est très intéressant – suite à la mise au feuilleton de l'Assemblée nationale du projet de loi visant le regroupement de la municipalité du village de Saint-Sauveur-des-Monts, de la municipalité de Piedmont, de la municipalité de paroisse Sainte-Anne-des-Lacs et de Saint-Sauveur, j'ai consulté cet été un grand nombre d'intervenants et en particulier certains membres des conseils des municipalités de Piedmont et de Sainte-Anne-des-Lacs pour connaître les positions de chacun dans ce dossier – remarquable député.

«Contrairement à ce que j'avais pensé – il avoue! – il n'y a pas ou à peu près pas de personnes ayant la volonté de procéder à une fusion à quatre. Par contre, la fusion à deux, comme le précise le volet I de la Politique de consolidation des municipalités locales paroisse Saint-Sauveur et village de Saint-Sauveur, reçoit beaucoup d'appui – alors, on revient au volet I de M. Trudel. Aussi, il est très intéressant de noter l'ouverture d'esprit des membres des conseils municipaux de Piedmont et de Sainte-Anne-des-Lacs concernant les échanges de services, d'une part, et la possibilité de faire des études de regroupement élargi pour l'avenir.

«Suite à ces discussions, aux rencontres que j'ai eues en période estivale et aux réflexions concernant ce dossier, j'ai fait retirer du feuilleton le projet de loi. Je vous invite donc, comme le précise la correspondance en provenance de la ministre, à signifier avant le 15 septembre 1999, par résolution, votre demande commune de regroupement avec Saint-Sauveur village, et ce, pour faire en sorte d'obtenir les subventions liées à ce regroupement.»

Alors, M. le Président, on a un député qui a fait sa job, un adjoint parlementaire qui, lui, a réalisé: Ça n'a pas de bon sens, mon affaire, ça fait que je vais retirer ce projet de loi là. Mais savez-vous quoi? Il n'a pas juste retiré ça, il a retiré aussi Tremblant parce qu'il s'est dit: Ce qui est bon pour minou est bon pour pitou. Puis, il l'a retiré, ce projet de loi là aussi, pour laisser la ministre seule dans cette galère, pour lui demander, à elle, de faire la job de bras. Donc, on écrivait, le 14 septembre, au secrétaire général de retirer du feuilleton, en fait, ces deux projets de loi: un sur Tremblant et un sur Saint-Sauveur.

Mais ce n'est pas le seul qui a des remords au niveau des fusions forcées, vous savez qu'il y a le député de Saint-Jean. Lui a un très grand respect de la démocratie, particulièrement des référendums. Puis on l'a vu savez-vous quand, M. le Président? Dans le projet de loi n° 194 qui a été torpillé, haché par la ministre actuelle. En fait, on avait cinq municipalités du Haut-Richelieu qui voulaient regarder la possibilité de se fusionner, puis on avait un projet de loi n° 194 de 18 articles, puis, dans ces articles-là, ça disait: Bien, chaque municipalité va tenir un référendum pour savoir qu'est-ce qu'on en pense, puis, si ça marche, elle est dedans, puis, si ça ne marche pas, elle n'est pas dedans. Dix-huit articles. Mais là, tout à coup, la ministre a décidé de modifier ça. Sur les 18 articles, bien, il y a eu 18 modifications. Et là le député a eu un malaise important, il était bien mal à l'aise avec cette affaire-là, puis c'est mort au feuilleton. Ils ont même décidé de ne pas le mettre dans le bâillon, parce que, là, on bafouait encore la démocratie, et le député de Saint-Jean, lui, il avait compris qu'on ne peut pas faire ça.

Là, on va continuer. Un autre personnage important du Parti québécois, lui aussi, il est contre: Jacques Parizeau. On s'en souvient tous. Lui, il a écrit dans le journal Les Affaires , à la section Actualité . Lui, il dit, en première ligne, là – ce n'est pas dans le fond du texte, première ligne, M. le Président; il me semble que c'est important: «"Les contribuables n'ont rien à gagner des politiques menant aux fusions forcées, ils en seraient même pénalisés", affirme l'ex-premier ministre Jacques Parizeau. "Quant aux fameuses économies d'échelle que font miroiter les partisans des fusions, la démonstration reste à faire." Les grosses administrations n'ont jamais eu la cote auprès de M. Parizeau, selon qui "small is very beautiful", quand on peut se le payer. Et, s'il n'en tenait qu'à lui, le Québec continuerait de faire bande à part des autres provinces avec ses quelque 1 400 municipalités.

«M. Parizeau avoue avoir déjà été partisan des fusions, séduit par les économies d'échelle à réaliser. Il a changé d'idée en 1985 après avoir présidé la Commission sur l'avenir des municipalités lancée par l'Union des municipalités du Québec. Des études déposées lors de la Commission l'ont sensibilisé aux distinctions à apporter entre services homogènes et services hétérogènes. Chose certaine, les interrogations dépassaient les réponses. Selon M. Parizeau, les meilleurs moyens de s'assurer que les services soient rendus au moindre coût sont les ententes intermunicipales. Dans certains cas, après 12 ou 13 ententes, la fusion devient l'aboutissement normal.»

(16 h 20)

On va poursuivre: «Il y a toujours eu de grands appétits, dans les administrations gouvernementales, pour fusionner par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens. Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions, c'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier, ces fusions, en disant que c'est pour le bien du citoyen. Le citoyen se méfie en diable lorsqu'il voit le processus de fusion qui amène une augmentation de coûts par habitant! Estimant que nous perdons notre temps et de l'argent à débattre de la pertinence des amalgamations forcées, M. Parizeau suggère de passer à autre chose. Reconnaissant que Québec a tous les pouvoirs en matière de regroupement municipal – il est allé à la même école que la ministre – il met le gouvernement en garde: "Avoir tous les pouvoirs et avoir le jugement de les exercer, ce n'est pas pareil."» Bonne leçon. Très bonne leçon.

Ensuite, on a le député de Borduas qui, habituellement, n'est pas très partisan, mais là c'est autre chose. Alors, à propos du référendum sur la fusion de Mont-Saint-Hilaire avec Otterburn Park, je cite le député de Borduas: «Peu importent les résultats du référendum, la ministre des Affaires municipales s'est engagée à respecter la volonté des citoyens. Nous avons obtenu cette garantie. La situation est différente de celle de Mont-Tremblant où la fusion pourrait être imposée.» Il ajoute que «plusieurs citoyens de Mont-Saint-Hilaire et d'Otterburn Park ont manifesté des inquiétudes à la suite des récentes déclarations de la ministre des Affaires municipales qui affirmait que les référendums étaient consultatifs». Jean-Pierre Charbonneau. Comment se fait-il que, dans certains cas, on donne des garanties de respect des référendums puis que, dans d'autres cas, on bafoue les résultats des référendums? Elle est où, l'équité, si c'est ça, la question, M. le Président?

Je vais recommencer aussi avec la citation du ministre des Transports qui a été ministre des Affaires municipales, qui est assis en arrière de l'actuelle ministre, qui est ministre des Transports présentement, mais probablement qu'il s'ennuie de son ancienne job. Alors, lui, il disait à la Chambre de commerce de Joliette: Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon, ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles. Ça, c'est un ministre qui dit ça; pas l'an passé, pas il y a quatre ans, il y a deux semaines, alors qu'il savait très bien que le projet s'en venait. C'est ça, son avis, M. le Président.

Si on poursuit, là, la ministre nous dit beaucoup: Il y aura des économies de taxes. Évidemment, elle ne peut pas garantir ça, hein, parce que, s'il y a une chose, au moins, que le gouvernement n'a pas décidée, c'est les taux de taxes municipales. C'est encore les villes qui peuvent décider ça, même fusionnées. Je ne sais pas si je lui apprends quelque chose, là, mais, mettons que la fusion se fait, la nouvelle ville fusionnée aura le choix de ses taux de taxes, puis, si elle veut les augmenter, les taxes, elle va le faire malgré la ministre. Alors, de dire aux citoyens: Il y aura une économie d'impôts fonciers, c'est pour le moins étirer la réalité, pour le moins, puis je vais vous montrer pourquoi.

Laval. «À part ceux de Laval-des-Rapides et de Chomedey, les habitants de toutes les anciennes municipalités ayant formé Laval font face aujourd'hui à un fardeau fiscal plus élevé que celui qu'ils auraient eu en moyenne si la fusion n'avait pas été réalisée.» Ce n'est pas moi qui dis ça, c'est Jacques Desbiens, prof à l'Université du Québec à Chicoutimi, expert en matière municipale, qui écrit constamment sur le monde municipal, et lui, là, son grand constat, c'est qu'il n'y en a pas, d'économies à faire avec les fusions. Il n'y en a pas. Laval est un bon exemple, il n'y en a pas.

Baie-Comeau. Je cite encore Jacques Desbiens: «Ce n'est pas en ce qui concerne les économies d'échelle que la fusion de Baie-Comeau peut être citée en exemple.» Si la ministre décide de nous parler de Baie-Comeau, il me fera plaisir d'entreprendre un long débat sur Baie-Comeau– Haute-Rive. Lévis. Encore Jacques Desbiens: «Encore une fois, on ne constate pas de phénomène d'économies d'échelle ici, suite à la fusion.»

Toronto et Ottawa-Carleton, que je connais bien, il y a une grande différence entre ces situations et la situation au Québec. Dans le cas de l'Ontario, 70 % de la fiscalité municipale était déjà regroupée au supralocal – déjà – et on est passé d'une municipalité régionale forte, avec des pouvoirs de taxation, avec des pouvoirs en santé... et là on a forcé la fusion de certaines municipalités. La situation était bien différente. Mais aussi la situation des conventions collectives pose encore problème, M. le Président, et ça, ce n'est pas réglé.

Et là on peut continuer. C'est encore le professeur Desbiens qui dit: «Les fusions ne sont pas toujours rationnelles et elles peuvent se traduire, comme dans bien d'autres domaines, par davantage de bureaucratie, plus de taxes à payer et, au bout du compte, moins de services aux citoyens. Puis l'idée que des fusions conduisent systématiquement à une réduction des dépenses est un mythe qui ne résiste pas à l'examen des faits.» Ce n'est pas moi qui dis ça, c'est le professeur, et ça se poursuit comme ça. Je pourrais être très long, là. Et le professeur Desbiens nous explique noir sur blanc qu'il n'y en a pas, d'économies à faire avec la fusion, particulièrement forcée.

Mais là, si on dit: Ah bien, lui, c'est un prof, il ne connaît pas ça, puis les maires, eux autres, ils ne connaissent pas ça, puis les citoyens, encore moins, puis mon collègue des Transports, il n'a jamais été un bon ministre des Affaires municipales de toute façon, il ne connaissait rien là-dedans, c'est Mme la ministre, actuellement, qui connaît tout, bien, je dois vous dire qu'il y a un ancien collègue au ministère des Affaires municipales qui, lui aussi, a une opinion. Et, délié de son bâillon, puisqu'il est ex-sous-ministre adjoint, bien, lui, il nous a dit ceci, cette semaine. L'ex-sous-ministre, c'est-à-dire, M. Robert Cournoyer, s'est d'ailleurs dit lui-même peu favorable aux fusions, préférant de loin une meilleure concertation régionale à des regroupements forcés. «Les gens vont s'épuiser à faire le débat sur les fusions, alors que le problème est plutôt l'unité d'action. Au lieu de créer un palier supramunicipal et de forcer des fusions, le gouvernement devrait plutôt se servir des institutions existantes», suggère l'ex-fonctionnaire. Ça, c'est une personne qui était dans l'entourage de la ministre, un ex-sous-ministre adjoint aux Affaires municipales qui, lui, est complètement contre ce genre d'action.

Lorsqu'on regarde le discours de la ministre, on voit qu'il semble y avoir une incompatibilité entre le développement et le fait qu'on ait une spécificité municipale. Bien, peut-être qu'on pourrait nous expliquer, donc, comment il se fait que New York et Boston fonctionnent. Pourquoi, ailleurs, ça fonctionne, et pas ici? Pourquoi nos élus municipaux, eux autres, sont plus caves, ont moins de connaissances, ont moins de panache, ont moins de rigueur pour administrer correctement des ententes et leurs villes?

On nous parle aussi du Domaine Saint-Bernard et de la protection qu'on va octroyer au Lac-Tremblant-Nord. La ministre, en ayant ces dispositions plutôt timides dans son projet de loi, crée tout un préjudice également. En plus de dire: Je ne respecte pas le voeu de la population, en plus de dire: Ce n'est pas important, ce que le monde pense, je vais attacher les mains du prochain conseil municipal puis je vais lui dire: Alors que tu es censé être responsable de ton développement, de ton aménagement et que Québec ne devrait pas jouer là-dedans, tu devrais avoir une loi-cadre puis agir là-dedans, bien, par ce projet de loi n° 81, la ministre est en train d'attacher les mains d'un prochain conseil municipal en lui disant: Ah, en passant, tu n'auras pas pleine autonomie sur ton territoire. C'est encore une autre tutelle de la ministre sur une autre instance gouvernementale.

En fait, on peut voir aussi que la ministre est un peu juge et partie dans ce domaine-là, puisqu'elle décide de regarder ce qui s'est passé dans les derniers mois dans les conseils municipaux et là devient juge. Alors, elle regarde ce qui s'est passé dans le Domaine Saint-Bernard, la décision de Mont-Tremblant de l'acquérir, et là elle dit: C'est une bien bonne affaire, cette affaire-là. Vraiment, là, vous avez été intelligent, le conseil, tellement intelligent que je vais dire que, dans la ville fusionnée, tout le monde va partager cette dépense-là parce que c'est une bonne décision.

Alors que, dans le dossier de la contestation juridique – parce qu'il y a des droits, c'est une société de droit, ici, M. le Président – présentement, en Cour supérieure, on a la présentation d'une opposition sur ce qui se fait, malgré ça, on est allé de l'avant avec le projet de loi parce que les tribunaux, ce n'est pas bien, bien important; de toute façon, on aura une loi rétroactive si ça ne marche pas. On nous a habitués à ça. Mais, malgré la contestation judiciaire, la ministre a décidé de dire: Bien que Saint-Bernard, ça ait bien du bon sens, cette affaire-là, puis que tout le monde doive payer la facture, savez-vous, là, le droit de vous défendre, ça, ce n'est pas correct; vous n'avez pas d'affaire à faire ça, vous n'avez pas d'affaire à aller devant les tribunaux. Puis, si jamais vous continuez, bien là c'est rien que vous autres qui paierez, pas tout le monde. Ça, c'est du jamais vu dans des projets de loi. L'article 8 du projet de loi dit ça. Il dit: Vous autres, la gang de 900 citoyens, les caves, là, si jamais vous continuez à faire valoir vos droits devant les tribunaux, vous allez être les seuls à payer. Ça, ce n'est pas deux poids, deux mesures, M. le Président, juste faire valoir nos droits. Ça, c'est correct.

(16 h 30)

En résumé, on a une action unilatérale d'un gouvernement qui se cherche, dans le monde municipal, qui bafoue la démocratie pour atteindre des fins, qui bafoue une procédure inscrite en cour, qui bafoue des droits légitimes aux citoyens de se défendre, qui, de façon évidente, a des objectifs loufoques dans ce projet de loi là, qui nous dit qu'il y aurait des économies de taxes, alors qu'il n'a aucun contrôle là-dessus. Si vraiment elle veut donner une économie de taxes, là, qu'elle signe, la ministre, avec l'UMQ qui propose 10 % de réduction de taxes, soit dit en passant. On n'a aucun respect des élus, dans ce cadre-là, et des citoyens. Les résultats qu'on va atteindre après la fusion sont des plus contestables.

Présentement, la ministre est en mission commandée de la part du président du Conseil du trésor, une vraie marionnette du président du Conseil du trésor, qui d'ailleurs, je ne serais pas surpris, dans quelques instants, va venir à sa rescousse en tentant de défendre un projet comme celui-là. Il va se lever, sans arrière-pensée, et dire que ça a bien du bon sens, sans jamais avoir parlé à Mont-Tremblant ni Lac-Tremblant-Nord. De façon manifeste, l'argumentation ne tient pas à l'examen. Tous s'entendent pour ça, pas même à Intrawest, qui, dans une lettre qu'adressait Michel Aubin à Jacques Léonard, président du Conseil du trésor – et là je parle d'Intrawest – a dit ceci... Et je veux vous rappeler que tout ça, là, c'est dans une optique de partager la richesse, parce qu'on a du développement, à Tremblant, c'est incroyable. Et là on a le promoteur Intrawest, le plus important, très relié à cette situation, qui écrit ceci en page 4, une opinion sur la fusion des quatre municipalités. Je vous demande de bien écouter, M. le Président, parce que c'est des propos très durs: «S'il est imposé, le projet de fusion des quatre municipalités pourrait créer beaucoup de turbulence. Il risque d'entraîner des déchirements sociaux et installer un climat hautement explosif. Une telle situation pourrait entraîner des délais importants au développement de Tremblant.» En plus, elle ne fait plaisir à personne et, en plus, elle vient jouer dans les pattes d'Intrawest qui menace de ralentir son développement à cause d'un malaise évident dans la communauté une fois fusionnée.

Plus important, M. le Président, la ministre nous lance un message très inquiétant, lance aux villes du Québec un message très inquiétant aujourd'hui. Elle dit à l'ensemble des villes du Québec: J'ai ma baguette magique. D'un seul coup, je vais décider de votre sort. Vous, minables élus municipaux, vous n'avez rien à dire là-dedans. Vous, minables citoyens, n'allez même pas voter au référendum, parce que je ne le respecterai pas, il est consultatif, c'est seulement moi qui ai le monopole de la vérité dans cette situation.

Bien, M. le Président, moi, je tiens à vous dire que, comme porte-parole de l'opposition officielle, avec l'ensemble de mes collègues, on va se battre avec la dernière énergie pour préserver la liberté d'individu, la liberté de choix, la liberté d'association et la liberté des conseils municipaux au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Hull. Nous allons maintenant céder la parole à l'auteur... Excusez-moi, je vais suspendre quelques secondes. Mme la secrétaire, voulez-vous venir ici?

(Suspension de la séance à 16 h 33)

(Reprise à 16 h 34)

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous reprenons nos travaux. Alors, Mme la ministre, je vous reconnais.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je serai brève, étant donné que j'aurai donc une réplique à la fin de nos travaux. Une seule question au député de Hull pour tout de suite, en vertu de notre règlement. Étant donné qu'il nous a parlé de ces résidences secondaires – c'est bien ça? – au Lac-Tremblant-Nord...

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous acceptez une question de la part de la ministre des Affaires municipales, M. le député de Hull?

M. Cholette: Si cela peut éclaircir la ministre, ça me fera certainement plaisir de l'aider.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, ma question est très simple. Le député de Hull a parlé en fait de chalets – je pense que c'est le mot qu'il a utilisé – qui n'avaient ni électricité, ni gaz, ni téléphone. Sait-il que ces chalets sont des résidences secondaires dont la valeur moyenne par résidence est de 134 682 $?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Hull.

M. Cholette: Alors, de façon évidente, la ministre ne comprend pas ce dossier-là, pour me poser cette question-là. Il s'agit du Lac-Tremblant-Nord, où les deux tiers du lac sont dans cette municipalité-là, et environ un tiers du lac est dans la municipalité de Mont-Tremblant. Et, lorsqu'on regarde l'ensemble des propriétés au Lac-Tremblant-Nord, il est vrai que la valeur moyenne des propriétés est élevée. Mais la raison pourquoi c'est élevé, c'est que la valeur des bâtiments, en moyenne, se situe environ entre 30 000 $ et 50 000 $, et c'est les terrains qui valent tant d'argent, étant donné le frontage sur le lac, frontage préservé grâce aux règlements d'urbanisme concoctés par la municipalité et ses citoyens. C'est pour ça que ça vaut de l'argent, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît!

Mme Harel: ...consentement, M. le Président, en vertu de notre règlement, pour que je puisse poser une autre question?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mme la ministre, je crois que notre règlement permet une question, en vertu de 213. Ce ne serait ni plus ni moins que poursuivre un débat alors que le temps imparti est effectivement arrêté. Donc, à ce stade-ci, est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 81? Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je ne veux pas briser cette franche camaraderie, là, mais je vais quand même vous proposer l'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, alors, M. le Président, pour la poursuite des choses, je vais vous référer à l'article 9 du feuilleton, qui est l'adoption de principe du projet de loi n° 82.


Projet de loi n° 82


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 9 de votre feuilleton, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique, président du Conseil du trésor, propose l'adoption du principe du projet de loi n° 82, Loi sur l'administration publique. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 82? Alors, M. le président du Conseil du trésor et également député de Labelle.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Alors, c'est avec beaucoup de plaisir et de fierté même que j'interviens pour appuyer l'adoption de principe du projet de loi n° 82, Loi sur l'administration publique.

Le dépôt de ce projet de loi marque l'aboutissement de la consultation menée à la suite de la publication, le 9 juin dernier, d'un énoncé de politique sur la gestion gouvernementale intitulé Pour de meilleurs services aux citoyens – Un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique . Les 21, 22, 23 et 30 septembre dernier, une commission spéciale de cette Assemblée a tenu des auditions afin d'écouter le point de vue et de questionner les 22 groupes qui avaient manifesté le désir de se faire entendre sur le sujet. Les commentaires recueillis à l'occasion de cette consultation ainsi que ceux obtenus au sein de l'appareil gouvernemental nous ont amenés à modifier ou reformuler un certain nombre de dispositions qui se retrouvaient dans la proposition de loi qui accompagnait l'énoncé de politique publié en juin. Voilà pourquoi le projet de loi n° 82 diffère, aussi bien dans sa forme que dans son contenu, de la proposition de loi déjà rendue publique.

Il est opportun d'ajouter aussi que le ministre des Finances a par ailleurs déposé la semaine dernière deux projets de loi, soit le projet de loi n° 92, Loi sur le ministère des Finances, et le projet de loi n° 94, Loi sur l'administration financière, qui permettent en quelque sorte de donner une vision intégrée de l'ensemble des changements qui sont actuellement proposés afin de moderniser le cadre de gestion gouvernementale.

M. le Président, le contexte a changé. Les règles qui régissent la gestion gouvernementale trouvent leur assise en bonne partie dans la Loi sur l'administration financière, adoptée en 1970, ainsi que dans la Loi sur la fonction publique, adoptée en 1983. À bien des égards, ces règles ne répondent plus aux exigences d'aujourd'hui. Elles n'intègrent pas les changements amorcés au cours des dernières années, non plus que la philosophie de responsabilisation mise de l'avant en vertu de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics, adoptée en 1993.

(16 h 40)

Dans l'énoncé de politique publié en juin, il a été fait état des changements profonds qui ont marqué le Québec depuis la Révolution tranquille. En bref, la société québécoise s'est transformée pour entrer dans la modernité. Notre économie s'est développée et ouverte sur le monde. L'État québécois, tout en continuant de jouer un rôle déterminant, a cessé d'être l'unique moteur de notre développement pour agir de plus en plus en partenariat avec les leaders de notre société. Et, plus récemment, nous avons réussi collectivement à réaliser avec succès la lourde tâche d'assainir nos finances publiques.

À l'aube de l'an 2000, d'autres défis nous attendent au plan économique. Qu'il suffise de mentionner la concurrence que le Québec doit subir de la part de ses voisins ainsi que l'extraordinaire potentiel que représentent dans cette nouvelle économie du savoir les nouvelles technologies de l'information et des communications. Tous ces changements que je viens d'évoquer interpellent directement notre fonction publique. Celle-ci doit, pour être à la hauteur des attentes aussi bien des citoyens que des dirigeants politiques, savoir répondre à ces nouvelles réalités. Si le Québec veut se classer dans le peloton de tête des sociétés modernes, sa fonction publique doit se mesurer aux meilleures dans le monde.

Ce n'est pas l'administration publique qui fixe elle-même le cadre de son action, ce sont les lois. Par conséquent, c'est à l'Assemblée nationale qu'il revient de répondre aux attentes des citoyens et de réviser le cadre législatif pour l'adapter, lorsque nécessaire, aux nouvelles façons de gérer. Il revient à cette Assemblée de donner aux fonctionnaires les moyens dont ils ont besoin pour mettre en oeuvre les programmes qui leur sont confiés et relever les défis d'aujourd'hui. Tel est l'objet du présent projet de loi sur l'administration publique.

Si nous révisons actuellement le cadre de gestion gouvernemental, ce n'est pas simplement pour réviser des règles de gestion ou encore des pratiques administratives devenues désuètes. Plus fondamentalement, la modernisation du cadre de gestion gouvernemental vise deux grands objectifs. Premièrement, cette modernisation du cadre de gestion vise à mieux assurer la qualité des services aux citoyens. C'est là la première mission de la fonction publique et c'est pourquoi cet objectif est affirmé dès le premier article du projet de loi. Deuxièmement, la modernisation du cadre de gestion vise à favoriser la performance du secteur public québécois. Dans une économie comme la nôtre, ouverte sur le monde et où l'État joue un rôle déterminant, il est impératif de prendre tous les moyens à notre disposition pour permettre à notre fonction publique d'être performante et de se mesurer aux meilleurs.

Le projet de loi sur l'administration publique s'inspire d'une nouvelle philosophie de gestion qui met l'accent sur les résultats à atteindre plutôt que sur la normalisation des gestes administratifs et la conformité à des règles applicables uniformément. Pour ce faire, les gestionnaires de l'État doivent disposer d'une plus grande latitude quant au choix des moyens pour atteindre les objectifs fixés, d'où la nécessité d'un assouplissement des contrôles a priori exercés par les organismes centraux. En contrepartie, des gestionnaires de tous les paliers de l'administration gouvernementale doivent rendre des comptes sur les résultats atteints.

Afin de favoriser la mise en place de cette philosophie de gestion, le projet de loi sur l'administration publique comporte trois grands axes: d'abord, l'implantation de mécanismes pour favoriser un mode de gestion davantage axé sur les résultats; ensuite, la révision des contrôles administratifs centraux pour assouplir la gestion des ministères; enfin, le renforcement de la reddition de comptes devant les parlementaires. Le projet de loi prévoit la mise en place de nouveaux mécanismes pour mettre l'accent sur les résultats et sur la qualité des services à la population ainsi que pour créer les conditions qui favorisent la recherche et la performance au sein de l'administration publique.

Ces conditions, le projet de loi n° 82 les mettra en place à l'aide des mécanismes suivants. Premièrement, la publication par les ministères et les organismes qui rendent des services directement aux citoyens d'une déclaration publique sur le niveau et les objectifs de qualité des services. Cette déclaration pourra porter notamment sur la diligence avec laquelle les services devraient être rendus en plus de fournir une information claire sur leur nature et leur accessibilité. Au préalable, les ministères et les organismes devront s'assurer de connaître les attentes des citoyens et les considérer dans leur choix de gestion, ceci bien sûr dans les limites des ressources disponibles. Deuxièmement, le dépôt à l'Assemblée nationale par chaque ministre d'un plan stratégique pluriannuel précisant, entre autres, la mission du ministère ou de l'organisme, les orientations stratégiques, les objectifs et les résultats visés ainsi que les indicateurs de performance utilisés pour mesurer les résultats atteints par rapport aux objectifs. Troisièmement, un plan annuel de gestion des dépenses élaboré par chacun des ministres et déposé à l'Assemblée nationale lors de la présentation du budget des dépenses. De tels plans sont déjà publics depuis 1995-1996. Ils visent à présenter les choix effectués dans l'allocation des ressources et les actions envisagées pour atteindre les objectifs du plan stratégique. M. le Président, voilà des mécanismes simples mais exigeants qui font appel au sens des responsabilités plutôt qu'au conformisme.

Dans cet esprit, nous avons voulu que le cadre de gestion soit souple et adaptable, et, pour ce faire, le projet de loi prévoit la possibilité de fixer un cadre particulier adapté à une unité administrative au sein d'un ministère ou d'un organisme. Il s'agit de la convention de performance et d'imputabilité qu'un ministre pourra conclure avec le dirigeant d'une unité administrative de son ministère ou le dirigeant d'un organisme dont il est responsable. Le dirigeant de l'organisme ou de l'unité administrative prendra alors des engagements sur des objectifs de résultats et sera évalué en fonction des résultats réalisés. Il bénéficiera en retour d'une plus grande flexibilité de gestion pour diriger les opérations de son unité. Les termes autorisant plus de flexibilité seront définis dans une entente de gestion intervenue entre le ministre et le Conseil du trésor.

Dans une perspective de responsabilisation des ministères et des organismes, il doit être laissé plus de latitude aux ministères comme aux organismes quant au choix des moyens. Le Conseil du trésor verra donc son rôle profondément transformé. Son action deviendra plus stratégique, puisqu'il réduira autant que possible les contrôles a priori et réservera ses interventions aux enjeux majeurs. Le projet de loi investit le Conseil, outre ses fonctions traditionnelles concernant le budget de dépenses et la négociation des conventions collectives de travail, d'une fonction d'orientation sur les principes et les pratiques à favoriser en matière de gestion des ressources humaines, budgétaires, matérielles ou informationnelles. Ces orientations serviront de guide, de référence aux ministères et aux organismes.

Dans cette optique, un effort de déréglementation interne a été réalisé déjà et certaines rigidités ayant cours dans les lois ont été éliminées ou remplacées par des dispositions permettant une gestion plus simple et plus efficace. Ainsi, en regard de la gestion des ressources humaines, des modifications sont proposées au processus de promotion dans la fonction publique ainsi qu'au contrôle de l'effectif. Par exemple, lors d'une promotion sans concours, la vérification et la déclaration d'aptitudes pourront être déléguées au sous-ministre et au dirigeant d'organisme. Il sera également possible d'accorder une promotion à des fonctionnaires ayant réussi un Programme de développement des ressources humaines préalablement approuvé par le Conseil du trésor. D'autres modifications sont destinées à améliorer le processus de dotation tout en préservant les assises solides du régime du mérite, notamment en ce qui touche aux réserves de candidatures et aux appels dans le cadre des concours de promotion.

En ce qui concerne le contrôle de l'effectif, celui-ci ne s'appliquera plus aux organismes hors fonction publique et pourra s'appliquer de manière plus flexible qu'il ne l'est actuellement pour les ministères et les organismes dont le personnel est assujetti à la Loi sur la fonction publique, notamment dans le cadre d'une entente de gestion intervenue pour donner suite à une convention de performance et d'imputabilité.

En ce qui concerne la gestion des contrats, le gouvernement pourra adopter des règlements qui prévoient des conditions particulières pour un ministère ou un organisme ou pour une catégorie de contrats. Il s'agit, dans ce domaine, d'appliquer les principes d'impartialité et d'économie en visant la simplicité du processus pour les entreprises, tout en reconnaissant les situations où des règles mieux adaptées sont plus efficaces.

(16 h 50)

En matière de gestion budgétaire, le projet de loi prévoit un ensemble d'assouplissements possibles pour alléger la gestion des ministères. Ainsi, il sera dorénavant possible, dans le cadre des lois annuelles sur les crédits adoptées par l'Assemblée nationale, de permettre une plus grande flexibilité de gestion. Je mentionne quatre possibilités à cet égard. La première pourrait consister à faire autoriser certains crédits sur une période de plus d'un an, sans toutefois excéder trois ans. Cette pratique pourrait se justifier, par exemple, dans le cas d'une convention de performance et d'imputabilité ou encore dans le cas de projet d'immobilisation. La seconde pourrait permettre le report de certains crédits périmés sur l'exercice qui suit. Une telle pratique a déjà été instaurée dans d'autres juridictions afin d'inciter les ministères à planifier leurs dépenses d'opération sur plus d'un an et d'éviter le syndrome des dépenses de fin d'année.

La troisième permettrait d'effectuer certains virements de crédits entre programmes. Une plus grande flexibilité en cette matière serait de nature à éviter les procédures qui ont cours actuellement pour obtenir un recours au Fonds de suppléance dans un programme alors que des disponibilités existent dans un autre programme. Et la quatrième possibilité ferait en sorte de voter certains crédits au net de manière à ce que la dépense autorisée puisse fluctuer en fonction des recettes perçues. Une telle pratique, qui existe déjà dans d'autres juridictions, vise à responsabiliser les gestionnaires qui administrent des programmes où les revenus et les dépenses varient en fonction du volume d'activité. Par ailleurs, le projet de loi prévoit aussi, pour encourager une saine gestion, qu'un ministère pourra se voir rembourser un montant de crédit lorsqu'il fournit un service à un autre ministère ou organisme budgétaire, ou encore lorsqu'il procède à l'aliénation d'un bien dont le produit de la vente est versé au fonds consolidé.

Il est important de noter que tous ces assouplissements en matière budgétaire seront balisés d'une façon ou de l'autre par l'Assemblée nationale, le gouvernement ou le Conseil du trésor. Ils ne doivent pas être perçus comme des automatismes mais plutôt comme des moyens qui pourront, lorsque la situation le justifie, être mis à la disposition des ministères pour leur permettre d'atteindre plus facilement les résultats attendus.

Par ailleurs, les technologies de l'information et des communications sont incontournables dans toute entreprise de modernisation des services publics. C'est pourquoi le projet de loi prévoit que les ressources informationnelles doivent être gérées de façon à contribuer à l'atteinte des objectifs d'accessibilité et de simplification des services à la population et aux entreprises en favorisant la concertation entre ministères et organismes. Les technologies de l'information soulèvent cependant des problématiques nouvelles que reconnaît le projet de loi. Celui-ci comprend en effet des dispositions visant la sécurité et la protection des renseignements personnels ainsi que le partage d'infrastructures technologiques. Ces dispositions lient les ministères et les organismes qui détiennent les principaux systèmes servant à la prestation directe de services aux citoyens.

M. le Président, la contrepartie d'une plus grande latitude quant à la gestion des ressources est le renforcement de la reddition des comptes. Le contrôle a priori sur les moyens se déplace vers le contrôle a posteriori, lequel portera davantage sur les résultats. À cet effet, le projet de loi prévoit rendre les rapports annuels des ministères et des organismes plus significatifs, mettant en lumière les résultats obtenus en fonction des objectifs du plan stratégique et du plan de gestion des dépenses. Ces trois documents seront donc complémentaires. Des objectifs fixés à l'avance et des résultats mesurés, et surtout leur publication dans les plans et dans les rapports, voilà qui favorisera l'imputabilité et la transparence. En fait, ce qui est recherché, c'est une gestion au grand jour de l'appareil administratif devant les citoyens et devant les parlementaires.

D'ailleurs, la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics est intégrée à la Loi sur l'administration publique et elle est élargie pour étendre les sujets de discussion aux aspects administratifs des plans stratégiques et des plans annuels de gestion de même qu'à la déclaration de services aux citoyens.

M. le Président, en résumé, le projet de loi n° 82 comporte, à mon avis, tous les ingrédients requis pour transformer notre administration publique, et ce, en lui permettant d'opérer dans un encadrement beaucoup moins rigide et en recentrant son action sur les résultats. Ce faisant, ce projet de loi permettra à nous, parlementaires, d'atteindre quatre grands objectifs que nous partageons tous, j'en suis sûr, à savoir: confirmer la primauté du service aux citoyens; favoriser la performance du secteur public; accroître la transparence de l'appareil gouvernemental; renforcer l'imputabilité devant les parlementaires. Pour la fonction publique, ce projet ouvre de nouvelles perspectives. Il lui reviendra de saisir les moyens qui s'offrent à elle, de prendre davantage d'initiatives, de devenir encore plus novatrice et de viser la performance. La fonction publique sera davantage responsable de sa gestion et des résultats obtenus. Elle sera plus à l'écoute des citoyens. Plus de latitude et plus d'imputabilité, voilà les nouvelles règles du jeu.

De leur côté, les parlementaires pourront mieux surveiller la gestion gouvernementale. Ils disposeront d'une meilleure information, présentée en termes d'objectifs et de résultats, une information cohérente faisant un lien entre la planification et la reddition de comptes. Ils pourront participer encore mieux à l'amélioration continue des services aux citoyens.

M. le Président, le projet de loi sur l'administration publique permettra de définir les règles du jeu de la gestion gouvernementale pour les années à venir. Sa finalité première, c'est d'assurer à la population des services de qualité de la manière la plus efficace possible. Ce faisant, il interpelle tous ceux et celles qui dispensent ces services ainsi que nous, parlementaires, qui avons la charge de représenter les Québécois et les Québécoises à qui ces services sont offerts. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et également président du Conseil du trésor.

Nous allons maintenant céder la parole au critique officiel de l'opposition en matière des dossiers relevant du Conseil du trésor, M. le député de Vaudreuil.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir en deuxième lecture sur le projet de loi n° 82 qui donne suite au document de consultation qui avait été préparé par le président du Conseil du trésor et qui a été l'objet des séances de commission parlementaire au mois de septembre dernier.

D'entrée de jeu, je voudrais simplement rappeler que nous avons au Québec une fonction publique qui est compétente, qualifiée, loyale, intègre et soucieuse de bien administrer les deniers publics et de servir le citoyen le mieux possible. Je pense qu'on reconnaît tous le grand professionnalisme de la fonction publique et le désir des gestionnaires et des employés de bien administrer pour le citoyen. D'ailleurs, j'ai été membre moi-même de la fonction publique. J'en suis fier et je nourris pour l'ensemble du personnel le plus grand des respects.

(17 heures)

Il est bien sûr qu'il est nécessaire de faire évoluer les modes de gestion de l'État pour assurer une administration qui soit plus transparente, qui soit plus efficace dans le contexte des changements externes que nous connaissons, telles la mondialisation, la rareté des ressources financières, qui posent des défis majeurs sur le plan de la compétitivité et de la productivité. Nous nous inscrivons ainsi dans les grandes orientations qui ont déjà été prises par plusieurs pays modernes. Si l'on se réfère aux éléments du document de consultation, éléments que l'on retrouve dans le projet de loi, M. le Président, éléments d'ailleurs qui souvent ont été repris par la commission de l'administration publique, comme, par exemple, une meilleure détermination des objectifs, meilleur plan stratégique, la mise sur pied d'indicateurs de performance, une imputabilité accrue, un rapport annuel qui renforce la reddition de comptes, accroître la qualité des services aux citoyens, ce sont là des éléments positifs que nous appuyons. D'ailleurs, ces éléments, pour plusieurs, vous savez, auraient pu être mis en place sans qu'on soit nécessairement obligé d'avoir un projet de loi de 243 articles. Comme exemple, le gouvernement a mis sur pied depuis quelques années des unités autonomes de service. Il y en a 15 ou 16, et tout ça s'est fait, vous savez, sans qu'on ait été obligé de passer une loi.

Les propositions du ministre dans le document de consultation et, évidemment, ce que l'on retrouve dans le projet de loi ne réfèrent qu'au fonctionnement de l'État, réfèrent au comment. On ne peut pas dire que ce n'est pas important, mais il me semble que c'est accessoire à une autre réflexion qui devrait porter davantage sur le rôle de l'État, en fait, sur le quoi, quelles sont les fonctions essentielles de l'État, quelle est la mission pour laquelle nous allons chercher de l'argent dans les poches des contribuables. Une réflexion sur le réaménagement et l'allégement des structures de l'État. On ne se questionne absolument pas sur des changements d'orientation fondamentaux requis pour remettre notre économie sur les rails de la croissance.

D'ailleurs, le ministre lui-même, dans son document déposé au printemps dernier, dit bien, à la page 6, et je cite: «Afin d'éviter de faux débats, la réforme proposée ne porte pas sur le rôle de l'État, elle porte sur son fonctionnement. Il ne s'agit pas de discuter de ce que l'État doit ou ne doit pas faire, le quoi, il s'agit plutôt de la manière dont l'État doit faire ce qu'il a à faire, le comment.» Fin de la citation. Or, il nous semble que, dans l'ordre logique des choses – et ça a été souligné par des groupes qui sont venus témoigner devant la commission parlementaire – dans tout projet qu'on veut mettre en oeuvre, on doit d'abord s'interroger sur ce qu'on veut faire. Donc, le quoi doit précéder le comment, c'est-à-dire comment nous allons atteindre les objectifs que nous nous fixons, les résultats que nous voulons atteindre.

Vous savez, il y a plusieurs pays de l'OCDE – et il y a beaucoup de rapports à cet égard-là – qui ont procédé au cours des dernières années à des modifications de leur cadre de gestion: aux États-Unis, par exemple, on peut parler du Government Performance and Results Act; en Grande-Bretagne, The Next Steps Initiative; en Suède, en Allemagne, au gouvernement fédéral et dans plusieurs provinces canadiennes. Notons cependant que ce qui différencie la présente démarche du processus qui a été entrepris dans d'autres pays qui ont, comme je le mentionnais, entamé ce même projet sur les modes de gestion, c'est que, dans ces pays, dans ces gouvernements, on a revu au préalable les fonctions de l'État, sa mission, son organisation, ses structures, et on a procédé à un examen général des programmes. Est-ce que l'État fait les bonnes choses? Donc, on a modifié des programmes, on les a revus. Dans certains cas, ils ont été abandonnés. On s'est posé la question: Est-ce qu'il est nécessaire que l'État, par exemple, fournisse lui-même tous les services qu'il croit justifié de fournir aux citoyens, ou peut-il faire appel à d'autres partenaires, que ce soient des organismes sans but lucratif, que ce soient des entreprises du secteur privé?

Or, au Québec, nous devons admettre que le gouvernement n'a pas fait cet exercice. Le ministre déclare d'ailleurs, à la page 2 du document de consultation, et je cite: «L'État a cessé d'être vu comme l'unique moteur de développement, et le rôle des autres acteurs s'est ramifié et raffermi dans tous les secteurs de la vie collective.» Fin de la citation. Ce que le ministre indique là, c'est vrai ailleurs, ce qui s'est fait dans d'autres juridictions, parmi les partenaires qui sont nos compétiteurs, ça s'est réalisé au cours de la dernière décennie, mais ce n'est pas vrai au Québec. Nous n'avons pas, ici, suivi les tendances qui se sont dégagées ailleurs. Ici, nous avons un gouvernement péquiste qui juge que l'État est toujours meilleur juge que le citoyen lui-même pour dépenser son argent. Et, à chaque fois qu'on collecte 1 $ en taxes, vous savez, ça en coûte 1,40 $ pour rendre le service aux citoyens.

Au Québec, nous avons toujours un modèle d'intervention constante de l'État. Par exemple, les dépenses du secteur public représentent 50 % de notre produit intérieur brut, c'est-à-dire de l'ensemble de ce que nous produisons. Si nous comparons avec d'autres juridictions, en Ontario, c'est 38 %, en Alberta, 32 %. Et c'est pourquoi donc l'État coûte plus cher à administrer. Parmi toutes les régions du Canada, c'est au Québec où ça coûte le plus d'argent aux contribuables pour gérer le secteur public. Par exemple, notre main-d'oeuvre: 18 % de la main-d'oeuvre au Québec oeuvre dans le secteur public, alors qu'en Ontario c'est 13 % et que, dans le reste du Canada, c'est 15 %.

Quels sont les résultats de cet interventionnisme étatique qui a été délaissé par les autres gouvernements au cours de la dernière décennie, les autres gouvernements des pays industrialisés? Eh bien, notre richesse collective continue de baisser constamment. Elle était de 23,5 % de la richesse collective canadienne en 1981, c'est maintenant 22,5 %, en 1998. Donc, ça veut dire que, comme société, nous continuons de nous appauvrir par rapport au reste du Canada. Deuxièmement, nos contribuables sont toujours les plus taxés en Amérique du Nord. Les Québécoises et les Québécois paient 5 500 000 000 $ de plus de taxes au Québec qu'en Ontario. Au seul titre de l'impôt sur le revenu des particuliers, l'écart du fardeau fiscal des Québécois par rapport, cette fois-ci, à la moyenne canadienne – non pas à l'Ontario, mais à la moyenne canadienne – c'était, en 1996, de 1,8 % du PIB, à peu près 3 200 000 000 $. Donc, 5 500 000 000 $ de différence avec l'Ontario, 3 200 000 000 $ de différence avec la moyenne canadienne. Et, si on prenait les autres provinces sans le Québec, en 1996, l'écart aurait été de 2,5 % du PIB, soit à peu près 4 500 000 000 $. Et ça, ça veut dire 600 $ de moins de richesse par habitant et 1 500 $ de richesse de moins par contribuable qui paie de l'impôt au Québec. Et, si on voulait ramener la ponction fiscale du Québec au niveau de celle de l'Ontario, évidemment, la correction devrait être encore plus importante.

Et ces données que je viens de mentionner, M. le Président, ne tiennent pas compte des baisses d'impôts qui ont eu lieu depuis 1996 dans la plupart des provinces canadiennes. Et on se rappelle, par exemple, en Ontario, la baisse a été de 30,2 %, de l'impôt sur le revenu des particuliers, de 1996 à 1998, et d'autres sont annoncées pour les prochaines années.

Évidemment, on peut sourire un peu quand on entend le président du Conseil du trésor dire: Toute notre opération, vous savez, c'est pour mettre le citoyen au coeur de la modernisation de la fonction publique et au coeur des préoccupations de l'État. Les conséquences du fardeau fiscal, c'est que chaque individu au Québec s'appauvrit. Depuis trois ans, le revenu personnel, c'est-à-dire ce que les gens gagnent, a augmenté de 3 %. Cependant, le revenu personnel disponible, ce qui reste dans la poche de chacun, ce qui vous reste, M. le Président, après avoir reçu votre salaire, eh bien, l'augmentation a été de 0,4 %. Revenu disponible, donc ce qui reste dans les poches, augmentation depuis trois ans de 0,4 %. Ça veut dire que ce n'est pas une très grande incitation pour des individus à travailler; plus leur salaire augmente, évidemment, il n'en reste pas plus dans leurs poches.

(17 h 10)

Si nous allons maintenant du côté du taux de chômage et de la croissance de l'emploi. Si le Québec avait rattrapé, comme c'était l'engagement au Sommet économique, M. le Président, la moyenne canadienne en termes de création d'emplois, c'est 100 000 Québécois et Québécoises de plus qui travailleraient aujourd'hui. Puis ce n'est pas l'opposition officielle seulement, vous savez, qui parle du taux de chômage. Je prends l'article de M. Jean-Robert Sansfaçon dans Le Devoir du 6 novembre 1999, et qui, parlant justement de la croissance de l'emploi et du chômage, dit: «Pour le Québec, un retard monstrueux». Donc, ce n'est pas des analyses partisanes, vous savez, qui sont faites uniquement par l'opposition. Autre facteur, nous avons moins d'investissements privés au Québec, donc moins d'investissements, moins de création d'emplois. Les investissements privés non résidentiels, au Québec, représentent 9,5 % de notre richesse collective, de notre produit intérieur brut. La moyenne canadienne est de 11,6 %. Ça fait une différence de 2,1 %. Ça peut paraître pas important, mais ça se traduit dans la réalité par 4 200 000 000 $ d'investissements de moins au Québec.

Si nous parlons du ratio des immobilisations, Québec versus le Canada, et que nous prenons un document qui a été produit par le ministère de l'Industrie et du Commerce au mois de septembre dernier – le ministère a fait une évaluation à mi-année de la prévision de croissance des immobilisations Québec, Ontario et Canada – donc, les investissements du secteur privé au Québec, par rapport au Canada, en 1999 sont de 18,3 %, donc considérablement en bas de notre richesse collective, par rapport à la moyenne canadienne, bien que cette richesse collective soit déjà moindre. Et, vous savez, en 1994, la proportion des investissements du secteur privé au Québec, par rapport au Canada, était de 18,5 %. Elle a baissé à 17,1 % en 1995. Et aujourd'hui, alors que nous avons bénéficié d'une croissance économique sans précédent en Amérique du Nord, nous sommes évidemment à 18,3 %, mais nous n'avons pas encore rattrapé le ratio des immobilisations du Québec, par rapport à l'ensemble du Canada, de 1994. Donc, c'était supérieur en 1994 à ce que c'est en 1999, selon les prévisions établies par le ministère de l'Industrie et du Commerce. Et ça, évidemment, malgré les nombreuses subventions que distribue généreusement le gouvernement aux entreprises avec l'argent des contribuables. Nous sommes rendus à ce point que, quand je parle de richesse collective et d'appauvrissement, les dépenses per capita en santé et en éducation sont maintenant, au Québec, en dessous de la moyenne canadienne.

Donc, après neuf ans de croissance économique sans précédent, M. le Président, en Amérique du Nord, comme je le mentionnais, nous n'avons pas bénéficié, au Québec, de cette même croissance, de ce partage de la croissance économique. Nous ne l'avons pas fait au même niveau que nos partenaires. Les citoyens du Québec n'ont pas participé comme, par exemple, ceux de l'Ontario ou du reste du Canada ou des États-Unis. Et ce modèle d'intervention étatique, on doit le constater, ne livre plus la marchandise pour assurer la croissance, pour assurer une meilleure prospérité pour tous les citoyens et permettre également de pouvoir partager la richesse, parce que, pour partager de la richesse, il faut être capable d'en créer, de la richesse. Lorsque, vous savez, le vent change de direction, on dit: Il faut réorienter les voiles. Le gouvernement du Québec ne l'a pas fait. Il suit toujours la même direction même si le vent a changé autour de nous.

La part du secteur public, donc, au Québec, dans l'économie, est devenue énorme. Lorsque nous nous comparons à d'autres pays ou à d'autres gouvernements dans le contexte contemporain d'aujourd'hui – pas il y a 20 ans, aujourd'hui – les pays qui ont la meilleure croissance économique sont ceux qui ont revu le rôle de l'État, qui ont réduit les impôts et qui ont permis d'avoir justement une croissance qui permet de financer les services essentiels comme la santé et l'éducation. Pour ramener le pourcentage des dépenses publiques à des niveaux qui se comparent davantage avec nos voisins, pour devenir plus compétitifs, le gouvernement devrait se questionner davantage sur le quoi, revoir les programmes, revoir l'organisation structurelle du secteur public.

Évidemment, devant des questions qui ont été posées en commission parlementaire, le ministre a répondu qu'il n'y avait pas de raison de s'occuper du quoi ou de la mission de l'État, puisque ça avait déjà été fait avec l'atteinte du déficit zéro. Évidemment, on se rappellera, ça a été fait en pelletant des déficits dans la cour des hôpitaux, des commissions scolaires et des municipalités. Une telle réponse implique une volonté de statu quo sur un modèle, oui, qui nous a bien servis il y a 40 ans, mais un modèle qui ne répond plus aux exigences des temps modernes. Et, même si nous sommes entièrement d'accord pour améliorer l'efficacité de la fonction publique – c'est un objectif louable – rendre les gestionnaires plus responsables, il est faux de prétendre que ce sera suffisant.

Le gouvernement devrait se questionner sur le quoi, revoir ses programmes, réexaminer son organisation institutionnelle. D'ailleurs, dans le rapport du groupe de travail qu'il avait présidé en 1997, M. Facal, Groupe de travail sur l'examen des organisations gouvernementales, reconnaissait la nécessité de redéfinir le rôle de l'État. Les coupures du gouvernement, du président du Conseil du trésor ne signifient pas qu'on a réellement revu le contenu des programmes, le bien-fondé d'interventions actuelles de l'État où l'on dépense beaucoup d'argent, les structures qui rendent l'État plus lourd et plus complexe. Parce que, vous savez, la lourdeur, ça engendre inévitablement l'inefficacité, des coûts inutiles ou encore des structures qui ne sont plus pertinentes.

Je voudrais vous donner, M. le Président, certains exemples sur le plan du rôle de l'État-entrepreneur et sur les subventions aux entreprises. Parlons, par exemple, de la super SGF, où le gouvernement verse 400 000 000 $ par année. Donc, on prend les dividendes d'Hydro et, avec le résultat net puis des dividendes qui sont générés à même les frais d'électricité payés par le contribuable, on transfère ça à la Société générale de financement. Le président de la SGF prend ça et décide où ça va aller. Évidemment, ça permet au ministre d'aller couper des rubans de façon tout à fait régulière. On va vous donner des exemples: 100 000 000 $ pour Culinar. Et je comprends que le dirigeant d'entreprise qui se voit offrir un 100 000 000 $ dise: Oui, je vais l'accepter. Mais, pourtant, j'ai bien entendu à CKAC M. Arcand, dans une conversation avec M. Saputo, et ce dernier lui dire: Écoutez, moi, je ne l'avais pas demandé, ça; évidemment, je l'ai pris. Et nous le comprenons très bien. Pourtant, vous savez, nous avons déjà au Québec, et le ministre des Finances le reconnaît lui-même, beaucoup de capital de risque. Même, je pense, c'est 50 % par rapport à l'ensemble du Canada. Nous avons la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui a plusieurs filiales dans différents secteurs d'activité, Investissement-Québec, Innovatech, etc. Malgré tout, on dit: Ça nous prend une super SGF pour aller encore dépenser l'argent des contribuables, de l'argent qui pourrait être redirigé pour les services de santé et pour l'éducation.

Mon collègue de Westmount–Saint-Louis soulevait aujourd'hui une question... la Société des alcools du Québec, un autre monopole d'État qui a décidé de prendre 7 000 000 $, 8 000 000 $ et d'investir pour faire un musée du vin, au lieu de dire: On va verser ces argents-là en dividendes au gouvernement et ça permettra de financer des services essentiels. Des entreprises à qui nous avons donné des subventions, c'est-à-dire à qui le gouvernement a donné des subventions, et qui déclarent après coup qu'elles auraient investi de toute façon, même sans les subventions. Spectra Premium, une subvention qui lui a été donnée, par exemple, on rapporte dans La Presse que le vice-président aux acquisitions a admis que Spectra aurait sûrement fait l'investissement même sans aide gouvernementale. «Nous avons, dit-il, une des capitalisations les plus saines au Québec.»

Dans le cas de Cognicase, une entreprise, une excellente compagnie québécoise qui fait de très bons profits, qui a récemment publié ses résultats, un de ses dirigeants qui a reconnu, lors de la conférence où on annonçait la création de 2 000 emplois dans la cité: «Sans subvention aucune, dit-il, Cognicase est passée de 150 à 1 500 employés en un an.» Et on peut parler de GM aussi où, sans aucune demande, on s'est empressé de dire: Écoutez, on va mettre 360 000 000 $ à la disposition d'une entreprise qui fait des milliards de profits et sans qu'on ait, en tout cas, donné l'intention ou signifié aucune intention, du côté de l'entreprise, qu'on en avait besoin. Et on fait ça, M. le Président, alors que des gens attendent dans les hôpitaux, que les parents doivent encourir des frais de plus en plus élevés pour l'éducation de leurs enfants, dans un système qui est dit gratuit. Il me semble que ce sont là des choix de gouvernement, et c'est une question de revoir le rôle de l'État et de revoir sa mission.

(17 h 20)

Quelques exemples, maintenant, des structures dans le domaine de la santé. Nous avons des régies régionales, entre le ministère et les établissements; 18 régies régionales dans le territoire du Québec où les coûts approchent les 100 000 000 $. Vous savez, au moment où ça a été mis en place, les régies régionales, il y avait probablement 1 200 établissements de santé, peut-être plus, au Québec. Maintenant, il y en a 500. La ministre a indiqué que les hôpitaux universitaires dorénavant ne relèveraient plus des régies régionales, qu'ils relèveraient directement du ministère. Je dois vous dire que les hôpitaux universitaires représentent une proportion importante des dépenses dans le budget de la santé. La ministre, également, centralise les décisions au ministère. Dans un article de La Presse du 13 mars 1999, on dit: «Le réseau de la santé devra répondre à des critères de performance», avec lesquels évidemment nous sommes d'accord. «Pauline Marois entend tenir en laisse les régies régionales.»

On a bien vu que la ministre a renversé récemment des recommandations qui ont été faites par les régies régionales, notamment dans la région de Québec, ici, soit sur le centre mère-enfant, la greffe de moelle osseuse. On avait mis deux ans de débats, vous savez, dans le milieu. On a investi énormément d'énergie pour consulter, générer des discussions, avoir l'avis de tout le monde. Finalement, la régie fait une recommandation et la ministre, d'un trait de plume, dit: Non, ce n'est pas ça qu'on va faire, ça va être autre chose. Et c'est vrai pour le centre mère-enfant, c'est vrai pour la greffe de moelle osseuse. Il y a deux ans, je me souviens très bien avoir participé dans la région de Montréal à toute une consultation, vous savez, de la régie régionale qui a présenté un plan de consolidation pour les trois prochaines années. Sauf qu'il y avait un petit hic, ça prenait de l'argent. Et le ministre a dit: Il n'y en a pas. Donc, tous les plans, toutes les orientations qui avaient été convenus par la régie avec le milieu sont tombés à l'eau.

Aujourd'hui, vous savez, on peut, avec 500 établissements et les moyens de technologie de l'information, transmettre très facilement les données des établissements au ministère qui, de toute façon, en a besoin, des données. Pas nécessaire de faire passer ça, vous savez, par les régies régionales. Donc, pourquoi ne pas revoir le rôle des régies régionales, réduire leur ampleur, diminuer les coûts d'administration et prendre l'argent ainsi économisé pour l'affecter aux soins des patients? Je pense que c'est ça qui compte. Ce sont les patients.

Un autre exemple de complexité. Le gouvernement a établi, vous savez, 42 fonds de toutes sortes depuis quatre ans. Ça n'existe pas dans les autres provinces. Nous sommes la seule province où ça existe, ces genres de fonds. Exemple de coûts additionnels qu'entraîne, vous savez, la complexité de l'appareil de l'État – et je suis sûr qu'il y en a bien d'autres. Simplement pour vous donner un exemple. La commission de l'administration publique a étudié, au mois de mai, je pense, le rapport financier du Vérificateur général. Une comparaison a été faite entre le budget du Vérificateur général au Québec et le budget du Vérificateur général en Ontario. Au Québec, le budget du Vérificateur général, c'est 14 000 000 $; en Ontario, un petit peu plus de 7 000 000 $. Donc, un écart de 7 000 000 $. Cet écart-là, il existe non pas parce que le personnel du Vérificateur général ici est moins efficace qu'ailleurs ou parce qu'il est moins compétent. Au contraire, je pense que nous avons, comme institution, un Vérificateur général extrêmement compétent, un personnel extrêmement efficace. Mais comment le Vérificateur général explique-t-il cet écart quand même très significatif – c'est du simple au double? Il l'explique par la complexité de l'appareil gouvernemental du Québec. Et, dit-il, malgré le fait que le budget de l'Ontario soit environ un tiers de plus que celui du Québec – c'est normal, il y a plus de population, 11 000 000 versus 7 000 000 au Québec – le gouvernement de l'Ontario est moins complexe, avec moins d'entités. Je comprends que nous avons ici, au Québec, certaines institutions qui nous sont particulières. Je vous donne des exemples: la Caisse de dépôt, la Régie des rentes du Québec – donc, ça, c'est particulier – et le ministère du Revenu, où nous percevons notre propre impôt. Mais, excluant ces organismes, ces unités importantes, vous savez, ça n'explique pas l'écart aussi important entre le budget des deux, et ce que le Vérificateur général reconnaît. Donc, c'est simplement un exemple, M. le Président, de coûts qui sont générés par un appareil plus complexe et plus compliqué.

Ce qui nous différencie et, je pense, ce qui a différencié l'approche du gouvernement actuel de celle des autres pays de l'OCDE, c'est que le gouvernement n'a pas osé, donc, remettre en question le moindre élément de ce qu'on appelle le modèle québécois. Il a refusé de se questionner sur le quoi, et le ministre, également, élimine toute discussion sur de nouveaux modes de prestation de services ou de nouvelles manières de faire, du moins selon son document. Pourtant, vous savez, une fois qu'un programme sert l'intérêt public, on dit: Oui, l'État doit fournir ce service-là au citoyen. Il me semble que les questions que nous devrions alors nous poser, dans une orientation, un objectif d'efficacité, sont les suivantes: Est-il légitime et indispensable que ce soit le gouvernement lui-même qui exécute, qui rende ce service-là? Le gouvernement peut-il le faire en partenariat avec d'autres? Peut-il attribuer la responsabilité de rendre ce service-là à d'autres intervenants qui, peut-être, pourraient le faire de façon plus efficace ou à meilleur coût? Ce qui n'est pas toujours le cas, mais ce qui peut très bien arriver. Ce n'est pas nécessaire, vous savez, que l'État lui-même livre tous les services. Et ces orientations, vous savez, ces questions se sont posées dans les autres ordres de gouvernement.

Puis c'est vrai aussi dans les grandes entreprises, ce n'est pas différent. Si vous prenez les grandes entreprises qui ont revu leur organisation, souvent elles ont transféré à d'autres entreprises plus petites, d'autres partenaires l'exécution d'activités qu'elles exerçaient auparavant elles-mêmes, parce que l'autre était plus expert, parce que les coûts étaient moindres et que le service pouvait être de meilleure qualité.

Donc, le ministre, dans son document, exclut de la discussion les nouveaux modes de prestation de services et également toute discussion sur la privatisation de services. En somme, le ministre dit: Écoutez, les services publics, oui, ça pourrait être mieux géré, mieux produit, mieux dispensé, et nous sommes d'accord. Je pense que la fonction publique, il y a toujours une efficacité accrue qu'on peut obtenir avec des améliorations, mais, aussi, nous devrions nous interroger sur la façon de pouvoir les rendre et sur qui est le mieux placé pour fournir ces services-là. Vous savez, d'un côté, le président du Conseil du trésor dit: On va accorder plus de flexibilité aux gestionnaires; de l'autre côté, si ce dernier, le gestionnaire, juge qu'il pourrait rendre le service de façon plus efficace en établissant un partenariat avec d'autres, là on dit: Oups! C'est une question politique. Et c'est ce que les représentants des groupes de gestionnaires sont venus nous dire lors des audiences de la commission parlementaire.

M. le Président, en concluant sur ce premier point, on peut constater que le président du Conseil du trésor, le gouvernement proposent de discuter uniquement du comment des processus, et, à cet égard-là, on se distingue de ce qui a été fait dans les autres pays de l'OCDE qui, dans l'exercice qu'ils ont réalisé, ont commencé par revoir les programmes, revoir la mission en y attachant beaucoup d'importance et également les structures et l'organisation de l'État.

(17 h 30)

D'ailleurs, cette préoccupation est également ressortie, vous savez, de la part des gestionnaires qui ont participé à un colloque de l'ENAP, colloque sur l'administration publique en septembre dernier. Et, si nous nous référons à la synthèse de ce colloque, par exemple, où on a traité justement des préoccupations des gestionnaires vis-à-vis le quoi. On dit: «Insérer les transformations de l'administration dans le cadre d'une vision de l'État – et je cite – qui la justifie et légitimise sur le plan des valeurs et dans laquelle se reconnaissent à la fois la population du Québec et l'ensemble des membres des services publics.» Entre parenthèses: «À cet égard dissiper le flou du discours actuel en matière de rôle de l'État et éviter les discours contradictoires et parfois démagogiques qui varient selon les auditoires.» Fin de la parenthèse, fin de la citation. Je pense, M. le Président, que ça indique l'importance de s'interroger sur le quoi et non pas uniquement sur le comment.

Un autre élément important dans la réussite de la mise en oeuvre d'un nouveau processus de gestion est celui de la motivation du personnel, la motivation des employés qui auront à mettre en place les changements proposés. Vous savez, une implantation, partout, la réussite d'une implantation de nouveaux modes de gestion, que ce soit dans les gouvernements ou dans les entreprises – où j'ai participé également – ça requiert une adhésion sans réserve de tout le personnel. Les gestionnaires et les employés doivent être enthousiastes et s'approprier le projet eux-mêmes. Ils doivent donc, oui, être consultés, ça va de soi, mais également participer à la définition et à la mise en oeuvre des changements.

Le président du Conseil du trésor, évidemment le secrétaire général également du Conseil exécutif, disent: On a mené une consultation au cours de l'été. Je pense que d'abord il faut s'interroger sur l'opportunité de tenir une consultation en pleine période estivale, premièrement. Deuxièmement, devant la commission parlementaire qui a tenu des audiences, des représentants des groupes d'employés sont venus nous faire part de leur inquiétude et de leur impression de n'être pas vraiment partie au processus et de bien recevoir la réforme.

Enfin, simplement rappeler cette synthèse du colloque de l'ENAP, à laquelle j'ai référé tout à l'heure, qui indique que les fonctionnaires du gouvernement sont démotivés par le manque de vision – je l'ai indiqué tantôt – en ce qui concerne la conception et la mise en oeuvre des réformes. Ils disent également que, pour qu'une réforme réussisse, et je cite des extraits de la synthèse du colloque: «il faut se soucier au premier chef de la mobilisation affective et professionnelle de ceux qui en seront les artisans. C'est là une responsabilité fondamentale de l'État en tant qu'employeur et en tant que garant de l'intérêt public.» Fin de la citation.

Et je comprends que cette synthèse, les résultats de cette discussion aient pu susciter un peu des réactions de la part du président du Conseil du trésor, qui a dit: Bien, écoutez, à l'ENAP, il semble que ce soient plutôt des gens en recyclage qui sont là. Et puis les mandarins mécontents devraient plutôt venir se présenter devant la commission parlementaire. Je pense que c'est une attitude qui est un peu regrettable. Il me semble que, si on veut vraiment tenir compte de l'opinion des employés, savoir ce qu'ils pensent, si on dit: Oui, écoutez, je pense qu'ils trouvent qu'on n'est pas tout à fait dans la même direction ou qu'on doit les écouter davantage, on devrait le faire en disant: On va tenter de savoir vraiment ce que vous voulez. On va renforcer votre confiance et votre motivation. Parce que les employés, dans un cadre comme celui-là, un climat de confiance et de motivation, ne demandent pas mieux que de travailler ensemble à des objectifs qui sont convergents, qui sont cohérents. Évidemment, il faut leur donner cette chance, il faut également prendre le temps d'effectuer ces changements de culture, d'habitudes et de mentalité. Ça ne peut pas se faire uniquement par une loi ou par un règlement.

M. le Président, un autre volet important pour le succès ou la réussite de la mise en oeuvre de changements du cadre du gestion, c'est la nécessité d'avoir un plan de mise en oeuvre. Et, à cet égard, nous avons mentionné que l'énoncé de politique était silencieux sur la conception d'un plan et le dépôt public d'un plan de mise en oeuvre. Maintenant que nous avons le projet de loi – parce que le ministre avait indiqué à ce moment-là, évidemment, que ce n'était qu'un document de consultation, qu'il y aurait un projet de loi – pourquoi n'y a-t-il pas le dépôt d'un plan de mise en oeuvre? On ne peut pas prendre le risque et on ne peut pas assurer le succès d'une réorganisation administrative comme celle-là sans une planification réaliste qui se fasse au niveau supérieur, avec la participation des gens, une planification qui décrit les étapes, qui prévoit des échéanciers, qui précise les moyens de mise en oeuvre. C'est ce qui s'est fait aux États-Unis, et je pense que c'est ce qui a été un des facteurs de succès de «The Performing Results Government Act».

La nécessité d'un tel plan n'a pas été soulignée seulement par l'opposition officielle, plusieurs groupes sont venus en parler en commission parlementaire, et le Vérificateur général, de façon particulière, s'est adressé à cette question. En fait, dans son mémoire, le Vérificateur général dit, et je cite, parce que je pense que c'est important de bien rapporter ce qu'il mentionne: «La vague de fond nécessaire pour soulever l'engouement des acteurs de la réforme, qui, soit dit en passant, ont vu plusieurs philosophies se bousculer au fil des ans, ne sera pas provoquée par la stratégie de mise en oeuvre. Le plan de mise en oeuvre est absent. Un tel plan devrait reconnaître la période d'apprentissage qui accompagnera les débuts de la réforme.»

Donc, je pense que le Vérificateur général, qui a été un de ceux qui ont prôné la mise en place de la gestion par résultats, vient nous dire: Il est essentiel d'avoir un plan de mise en oeuvre général de ce que nous voulons faire. Et la nécessité d'un tel plan, vous savez, c'est d'éviter qu'encore une fois on passe une loi, on passe un règlement et que les suites à donner ne concordent pas avec les objectifs que l'on poursuit, ce qui crée souvent et beaucoup de déception, d'amertume et de désillusion chez les employés. Et ça, je pense que c'est extrêmement important pour assurer le succès d'une opération comme celle que le président du Conseil du trésor veut mettre en oeuvre. Et c'est également une façon, vous savez, pour le président du Conseil du trésor, de s'appliquer à lui-même ce qu'il prêche. Il prêche la gestion par résultats, l'évaluation de la performance, la détermination d'objectifs, l'imputabilité au niveau supérieur, un plan de mise en oeuvre qui définit les objectifs, qui définit les résultats attendus au niveau de l'ensemble de l'administration publique, avec un rapport annuel aussi qui viendra justement évaluer les résultats réellement obtenus par rapport aux objectifs. Bien, ça permettra, ça, de mettre en pratique ce qu'on veut que les ministères et les organismes mettent en pratique, chacun dans leur secteur.

Dans le cadre de la discussion du projet de loi n° 51 sur les programmes d'accès à l'égalité, le président du Conseil du trésor nous avait parlé d'un bilan, bilan qui devait être prêt au mois de juin, qui n'était pas prêt au mois de septembre, qui n'était pas prêt au mois d'octobre et qui n'était pas prêt au mois de novembre. Il me semble qu'il serait important que, si les ministres s'engagent à présenter des choses, ils puissent le faire. Je pense que ce sont des exemples à donner.

Et je voudrais simplement vous mentionner également un cas, pour la ministre de la Santé et des Services sociaux. La commission de l'administration publique a examiné un rapport du Vérificateur général sur les services préhospitaliers d'urgence. Et le sous-ministre de la Santé et des Services sociaux, qui est venu discuter avec les membres de la commission, rendre compte de ce qu'il avait fait avec les recommandations du Vérificateur général, a dit aux membres de la commission: Nous devons mettre sur pied un groupe de travail, groupe de travail qui devrait être formé d'ici la fin du mois de juin, groupe de travail qui remettra son rapport d'ici la fin 1999, au plus tard le début de l'année 2000. Or – et ça, c'est écrit dans le compte rendu des débats de la commission de l'administration publique – qu'est-il arrivé, M. le Président? La ministre de la Santé et des Services sociaux a formé son comité il y a à peu près un mois, l'a rendu public et n'a même pas inséré dans le mandat de date d'échéance pour la remise du rapport du comité, en disant: Écoutez, ça va prendre probablement 10 à 11 mois. Je pense que ce n'est pas un exemple, vous savez, à donner lorsqu'on parle de gestion par résultats. Si ça s'applique aux fonctionnaires, aux gestionnaires, aux employés de l'État, ça devrait également s'appliquer au ministre qui gère un ministère. Si, au niveau de l'Assemblée nationale, vous savez, les parlementaires veulent évaluer l'ensemble de l'opération, s'ils veulent évaluer les résultats de gestion, eh bien, je pense qu'il est essentiel que les ministres soient capables également de respecter les échéances qu'ils se donnent.

(17 h 40)

Donc, ce que je souhaite, M. le Président, c'est que, avant la fin de l'étude de ce projet de loi, le président du Conseil du trésor, comme l'a suggéré le Vérificateur général, comme l'ont repris d'autres groupes devant la commission parlementaire, dépose un plan de mise en oeuvre, plan qui permettra dans un an, un an et demi, de juger de l'évolution de la mise en oeuvre et de juger également de la performance du président du Conseil du trésor lui-même.

Si je viens maintenant à certaines des propositions qui sont contenues dans la Loi de la fonction publique, propositions qui concernent, évidemment, uniquement le fonctionnement de la fonction publique, des objectifs comme gérer davantage par résultats, établir des plans stratégiques, responsabiliser davantage les gestionnaires, mettre sur pied des indicateurs de performance, accroître l'imputabilité des hauts fonctionnaires, revoir le contenu des rapports annuels, tous ces éléments vont dans un sens positif.

L'objectif des propositions de gestion par résultats – et le président du Conseil du trésor l'a mentionné tout à l'heure – c'est d'alléger les processus et d'augmenter l'efficacité, remplaçant des contrôles a priori par des contrôles a posteriori. À cet égard, vous savez, on suggère toute une série de mécanismes de gestion, des plans de gestion, des contrats de performance, des rapports d'imputabilité, le tout, évidemment, sous le contrôle du Conseil du trésor. Je pense que c'est fort louable comme objectif, mais il faudrait cependant faire attention pour ne pas remplacer une bureaucratie a priori par une bureaucratie a posteriori.

L'objectif, vous savez, ça doit être de simplifier l'appareil de l'État. Et, si on morcelle l'organisation gouvernementale avec des contrats de performance, avec toute une série d'unités administratives dans un ministère, on se demande quel rôle va jouer le sous-ministre, premièrement, et, deuxièmement, il va devenir difficile pour le citoyen de se retrouver là-dedans. Un morcellement de l'organisation gouvernementale est susceptible d'avoir un effet négatif sur les mesures d'amélioration de la qualité au sein du gouvernement plutôt que de servir le client dans son intégralité. En effet, on peut l'expédier successivement dans divers services spécialisés selon la nature des besoins.

Autre remarque, M. le Président, dans le projet de loi, on exclut les réseaux de la santé et de l'éducation, donc on exclut les organismes qui assument les deux tiers des dépenses du budget des programmes de l'État. Pourquoi exclure les réseaux de la santé et de l'éducation, qui pourtant font affaire avec une vaste clientèle, que ce soit dans le réseau de la santé ou dans le réseau de l'éducation? On se rappellera d'ailleurs que le Vérificateur général lui-même se demandait pourquoi on excluait les deux réseaux des principes d'efficacité de gestion qu'on veut appliquer dans la fonction publique, et sa recommandation était de les inclure.

Dans le projet de loi n° 82, plusieurs dispositions touchent la gestion des ressources humaines et notamment la dotation des postes dans la fonction publique. On veut favoriser une plus grande flexibilité. C'est louable, et nous sommes d'accord. Cependant, nous devons maintenir le principe du mérite et ne pas prêter flanc à des mesures qui ouvriraient sur l'arbitraire. La Commission de la fonction publique a fait des commentaires très clairs lors de sa présentation devant la commission parlementaire au mois de septembre. Elle a même suggéré divers moyens d'accélérer le processus tout en maintenant la promotion par concours dans la fonction publique. Je peux vous dire que c'est une section du projet de loi que nous allons examiner avec beaucoup de soin. Nous examinerons également avec beaucoup de soin les sections concernant la gestion des contrats et des ressources matérielles, la gestion des ressources informationnelles ainsi que la gestion budgétaire des dépenses.

Il y a aussi un autre élément, évidemment qui n'apparaît pas dans le projet de loi, qui apparaissait dans le document de consultation et qui était la reconnaissance de la performance. On dit, vous savez, dans le document du ministre: «L'un des moteurs de l'amélioration de la performance largement utilisé dans le secteur consiste à récompenser l'atteinte des objectifs généralement par le truchement de la rémunération. D'autres méthodes sont également utilisées concernant, par exemple, les perspectives de carrière.» Je dois vous dire que les membres auraient certainement été intéressés à avoir, lors de la discussion en commission parlementaire, des éclaircissements un peu plus profonds que ça pour savoir qu'est-ce que le ministre entend faire à cet égard-là. Parce que c'est un élément important de la mise en place de tout ce qui touche la performance.

M. le Président, nous allons appuyer les objectifs qui sont poursuivis par le projet de loi n° 82, à cette étape-ci. Gestion par résultats, responsabilité des gestionnaires, imputabilité, rapport annuel, nous sommes d'accord avec ces objectifs, bien que tout ça, une bonne partie, aurait pu se faire sans être obligé de présenter un projet de loi. Par ailleurs, nous avons des réserves sur des dispositions du projet de loi, sur certains des principes qui sont contenus. Nous aurons des propositions de modification, des additions également qui, nous l'espérons, permettront de bonifier le projet de loi.

Je rappelle enfin, M. le Président, que l'amélioration de l'efficacité de la fonction publique – et je rappelle que l'on touche uniquement à l'organisation centrale, on ne touche pas aux réseaux de la santé et de l'éducation qui comptent pour les deux tiers des dépenses de budget – c'est un objectif qui est louable et qui a toujours été recherché, même dans le passé, par des méthodes différentes, par les gens de la fonction publique, par les gestionnaires, par le gouvernement. Cependant, nous considérons que, si le gouvernement se limite à cet exercice, s'il n'a pas le courage de revoir le rôle de l'État et son organisation, ce sera insuffisant pour améliorer notre compétitivité et notre productivité comme société, ce sera insuffisant pour générer une croissance économique au moins égale à celle de nos voisins, une croissance économique qui profitera à chacun des citoyens, qui permettra à l'État de payer pour les services essentiels sur lesquels il doit se concentrer, soit l'éducation, la santé, l'aide aux plus démunis, augmenter le revenu disponible des citoyens du Québec – il n'a pas augmenté depuis les trois dernières années, il n'a augmenté que de 0,4 % – leur permettre, aux citoyens du Québec, de décider eux-mêmes où ils veulent investir le fruit de leur labeur, les faire participer à la croissance économique sans précédent que nous avons connue en Amérique du Nord depuis neuf ans.

Il me semble que ça, M. le Président, c'est le premier service que nous pouvons rendre comme État à nos citoyens. Et c'est à cette condition que nous pourrons, comme société, dans le monde moderne d'aujourd'hui, dans le monde contemporain, nous placer dans le peloton de tête des sociétés modernes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Vaudreuil et critique officiel de l'opposition dans les dossiers du Conseil du trésor. Alors, nous cédons maintenant la parole au député de Mont-Royal et critique officiel de l'opposition en matière d'industrie et commerce. En vous rappelant, M. le député, que, effectivement, vous avez un droit de parole de 20 minutes. Si vous pouvez débuter à cette séance, dans 10 minutes je devrai ajourner nos travaux, mais de nouveau vous aurez droit à votre 10 minutes qu'il vous restera si vous désirez vous en prévaloir. Alors, M. le député de Mont-Royal.


M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président, je vous remercie de ces clarifications. Quand on est nouveau, on a toujours besoin d'un petit peu plus de clarifications que d'autres.

Alors, tout d'abord, d'entrée de jeu, j'aimerais vous dire que le Parti libéral et moi-même, nous sommes d'accord avec les principes énoncés dans le projet de loi. Nous sommes, par exemple, d'accord avec le principe au niveau de la responsabilisation des employés de l'État. C'est un phénomène qui s'est retrouvé d'une façon spectaculaire dans les entreprises au cours des dernières années, particulièrement au cours de la dernière décennie. La responsabilisation des employés est souvent le seul moyen que l'entreprise a d'atteindre ses objectifs et d'impliquer ses employés pour que, finalement, ils fassent partie des objectifs eux-mêmes et qu'ils les fassent leurs, les objectifs de l'entreprise. Alors, il en va de même pour l'État, je crois. Donc, si on réussit à responsabiliser les employés de l'État, je crois que nous avancerons dans le bon sens.

(17 h 50)

Également, qui dit responsabiliser dit aussi imputabilité. Donc, il est normal que, si quelqu'un est responsabilisé, il soit imputable, donc qu'il doive rendre compte des objectifs qu'il avait et aussi, surtout, des résultats en fonction de ces objectifs-là. Alors, ceci est un deuxième principe qui est couvert dans le projet de loi et avec lequel nous ne pouvons pas être en désaccord, évidemment.

Le troisième point qui est mentionné, c'est qu'on parle de marge de manoeuvre pour les employés de l'État. Évidemment, si vous êtes responsable et si vous allez devoir répondre de vos actes en termes d'imputabilité, il est normal qu'on vous donne la marge de manoeuvre nécessaire pour pouvoir accomplir la tâche que vous avez à faire. Alors donc, ça découle d'une façon logique des deux premiers objectifs, et finalement nous ne pouvons qu'accepter aussi le but ultime d'améliorer la transparence de l'État face à ses citoyens.

Par contre, M. le Président, ce projet de loi met ce qu'on appelle la charrue avant les boeufs, c'est-à-dire que, avant de responsabiliser les employés de l'État, il faudrait d'abord que le gouvernement au pouvoir se responsabilise lui-même. Et qu'est-ce qu'on veut dire par se responsabiliser, le gouvernement? C'est très simple, M. le Président, il faut que le gouvernement apprenne lui-même à faire les choses différemment. Dans l'entreprise privée, au cours des 10 dernières années, c'est ça qui est arrivé, c'est ça qui a apporté le plus grand changement dans les entreprises. C'est d'apprendre à faire les choses différemment, à réduire la taille de l'État, d'apprendre à revoir le rôle de l'État d'une façon différente.

Je vais vous donner un exemple. On donne à chaque année 400 000 000 $ à la SGF. Ce 400 000 000 $ vient des profits qu'Hydro-Québec déclare au gouvernement. Mais ce 400 000 000 $, au lieu d'être donné à la SGF, devrait être donné au réseau de l'éducation, M. le Président, parce que ce 400 000 000 $ là ne produit pas comme l'entreprise privée, avec le même investissement, pourrait produire. C'est donc important que le gouvernement du Parti québécois repense sa façon de fonctionner, repense le rôle de l'État dans la société québécoise – ce qu'on peut appeler partiellement le modèle québécois – repense ce rôle-là afin de diminuer l'importance de l'État, l'incidence de l'État dans la situation économique du Québec. Et, si on réduisait le rôle de l'État, si on réduisait la grosseur de l'État...

Mon confrère a parlé, par exemple, de la fonction publique. La fonction publique au Québec, c'est 18 % de l'ensemble de la population. En Ontario, notre voisin, et c'est une province qui est comparable à la nôtre, d'une grosseur un peu plus grosse que nous, 13 %, comparable au 18 % du Québec. Et, finalement, dans l'ensemble du Canada, c'est 15 %. Mais ça, c'est des dépenses, M. le Président, que le Québec a et que d'autres provinces au Canada n'ont pas, des dépenses que l'Ontario et l'ensemble canadien n'ont pas, et c'est des dépenses qui nous permettraient de baisser l'impôt de nos citoyens. Car, comme vous le savez, il y a une taxation beaucoup plus grande au Québec au niveau de l'impôt des individus et des citoyens, qui est équivalente à 5 500 000 000 $ par année. Autrement dit, si on voulait équivaloir l'impôt que les Ontariens paient, au Québec, il faudrait baisser nos impôts de 5 500 000 000 $, un objectif énorme. Et il ne peut pas être accompli, M. le Président, si on ne pense pas à faire les choses différemment au niveau de l'État et aussi arrêter de donner des subventions à gauche et à droite à des gens qui ne le demandent même pas et à des gens comme General Motors, excellente entreprise mais qui va faire entre 3 000 000 000 $ et 4 000 000 000 $ de profits cette année. Pourquoi leur offrir 360 000 000 $ alors qu'ils ne le demandent même pas? Et mon confrère tantôt – je ne répéterai pas ses exemples – il vous a apporté plusieurs autres exemples: Spectra, Cognicase, etc. Ça, c'est des dépenses que l'État fait et qui ne sont pas nécessaires, ne sont pas essentielles au Québec et qui nous permettraient de baisser les impôts, d'une part, de générer de la croissance économique et de diriger ces 400 000 000 $ là vers la santé ou l'éducation, deux domaines qui, comme vous le savez sûrement, en ont grandement besoin.

Les Québécois, M. le Président, à cause de tout ce phénomène-là, de la grosseur de l'État, de la taxation, au cours des dernières années, depuis l'avènement du Parti québécois au pouvoir, se sont appauvris. Notre revenu personnel n'a crû que de 0,4 %, en termes de revenus disponibles évidemment, c'est-à-dire revenu net après impôt. C'est incroyable, on a reculé par rapport à l'ensemble canadien et on a reculé encore plus par rapport à l'ensemble nord-américain. Donc, ce que je veux dire, c'est qu'avant que l'État demande à ses employés de se responsabiliser je pense que l'État devrait se demander à lui-même de se responsabiliser, de réduire sa grosseur, de simplifier ses processus, etc.

Au niveau des entreprises, par exemple, M. le Président, c'est incroyable le nombre de réglementations auxquelles elles doivent faire face. Alors, tout ça entraîne une lourdeur administrative qui est, à mon point de vue, inacceptable et qui ne fait pas partie des années quatre-vingt-dix et encore moins du prochain siècle ou du prochain millénaire. Alors donc, la première chose qu'il faudrait faire, il faudrait réviser notre façon de faire, et, deuxièmement, on pourrait commencer à parler de responsabilisation des employés de l'État.

Mais je vais quand même vous donnez quelques indications, quelques opinions sur le projet de loi spécifiquement. La première chose que je déplore, M. le Président, c'est que ce projet de loi ne couvre que le tiers des dépenses des programmes du gouvernement, seulement le tiers. Pourquoi le tiers? Parce qu'il ne touche pas du tout au réseau de l'éducation et ne touche pas du tout au réseau de la santé qui, comme vous le savez, compte pour les deux tiers de dépenses de l'État. Pourtant, l'objectif primaire de ce projet de loi... et je vais vous citer le texte, si je le trouve, le voilà. Alors, le texte dit: «Dans l'objet de la loi, la présente loi affirme la priorité accordée à la qualité des services aux citoyens.» Alors, si on parle de qualité des services aux citoyens, est-ce qu'il y a un ministère où la qualité des services aux citoyens est plus importante et plus déficiente que le ministère de la Santé? Alors donc, je ne comprends pas qu'on veuille faire un projet de loi comme celui-là et qu'on n'inclue pas le ministère de la Santé ou le ministère de l'Éducation, comme je l'ai dit tantôt, mais particulièrement le ministère de la Santé, qu'on ne l'inclue pas sous le chapitre de cette nouvelle loi que nous désirons instaurer au Québec. C'est absolument inacceptable, d'autant plus qu'on a des problèmes sérieux au niveau de la santé, qui durent depuis de nombreuses années, depuis en fait que le Parti québécois est au pouvoir. Il faut donc orienter nos activités, les actions du gouvernement vers le service à la population, comme l'objectif de la loi le dit.

Autre chose que je déplore, M. le Président, c'est les indicateurs de performance dont on parle ici, dans ce projet de loi. En aucune place, on ne qualifie ces indicateurs de performance. Comme vous savez, M. le Président, quand on est dans l'entreprise, des indicateurs de performance et des objectifs, ça doit avoir des choses bien précises. Et ce n'est pas du tout couvert dans le projet de loi. Pour être correct, un objectif doit être simple, il doit être mesurable, il doit être atteignable, mais il doit être aussi exigeant. On parle d'objectifs, on parle d'indicateurs de performance, mais en aucun moment on ne donne les orientations, qu'est-ce que ça devrait être, ces indicateurs de performance. M. le Président, je pourrais continuer encore pas mal longtemps mais je vois que vous me faites des signes.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, effectivement, M. le député de Mont-Royal. Malheureusement, nous atteignons 18 heures. Donc, de ce fait, je dois vous arrêter. Vous avez actuellement 10 minutes de votre temps de parole d'écoulées. Donc, lorsque le leader du gouvernement appellera le projet de loi n° 82, à ce moment-là, vous serez le premier intervenant sur l'adoption du principe du projet de loi n° 82.

(18 heures)

Alors, il est maintenant 18 heures, nous avons donc terminé nos affaires du jour, j'ajourne les travaux au jeudi 18 novembre, à 10 heures.

Mais là, nous avons, tel que requis par le président cet après-midi, un débat de fin de séance qui a été demandé le 11 novembre dernier concernant la question de Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne à Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi. Le thème du débat sera: Les mesures en alphabétisation et implication sociale. Alors, nous allons débuter dans quelques secondes. Je vais tout simplement suspendre nos travaux pour permettre à Mme la ministre ainsi qu'à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne de bien vouloir s'installer.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 18 h 4)


Débats de fin de séance


Engagements du gouvernement en matière d'alphabétisation et d'insertion sociale

Le Vice-Président (M. Pinard): Veuillez vous asseoir. Nous débutons le débat de fin de séance entre Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne et Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi. Le thème, ce soir: Les mesures en alphabétisation et implication sociale. Alors, Mme la députée, vous avez un temps de parole de cinq minutes, Mme la ministre, une réplique de cinq minutes, et vous complétez le débat avec un deux minutes additionnel. Mme la députée.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Est-ce que ça va? Oui? M. le Président, depuis une dizaine de jours, à deux reprises, la ministre de l'Emploi, à des questions posées par le député libéral de Robert-Baldwin – le député lui demandait de l'information sur la mesure en alphabétisation – à deux reprises, lors de la période de questions et aussi lors d'un débat en cette Chambre, un débat de fin de séance, la ministre lui a jasé de sa boîte à outils. Ça, M. le Président, la boîte à outils, c'est la nouvelle formulation, les nouveaux mots que l'on découvre pour parler des mesures actives en emploi, pour parler des mesures en insertion sociale.

La ministre lui a parlé de sa belle boîte à outils, elle lui a dit, et je la cite, que «tous les instruments étaient dans la boîte à outils». Ce que la ministre de l'Emploi a oublié de dire à mon collègue, M. le Président, c'est qu'elle est verrouillée à double tour, sa boîte à outils, à la ministre, et que la ministre, depuis qu'elle est au ministère de l'Emploi, tout ce qu'elle fait, c'est qu'elle essaie de trouver la clé, la clé pour ouvrir la boîte à outils afin que les gens qui sont en attente de mesures actives en emploi, en insertion sociale puissent en profiter. Et, pendant que la ministre cherche sa clé, M. le Président, le cafouillage à Emploi-Québec perdure.

Je rappelle à la ministre qu'en campagne électorale le premier ministre du Québec s'engageait à mettre en place une mesure en alphabétisation d'implication sociale sur tout le territoire du Québec. Ça, c'est en campagne électorale. Après la sortie du premier ministre, 10 jours plus tard, en campagne électorale, la ministre des Affaires municipales actuelle, députée d'Hochelaga-Maisonneuve et l'architecte, la grande architecte du cafouillage d'Emploi-Québec, eh bien, la ministre, elle annonçait par voie de communiqué et conférence de presse qu'à compter du 1er janvier 1999 la nouvelle mesure en alphabétisation rejoindrait 1 500 participants à travers le Québec, et la ministre de l'époque, M. le Président, en campagne électorale, garantissait l'investissement de 1 800 000 $ par année pour soutenir cette mesure en implication sociale.

Eh bien, un an plus tard, M. le Président, presque jour pour jour – parce que tout ça, ça s'est passé entre le 13 novembre, pour le premier ministre, et le 23 novembre, pour la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, à l'époque ministre de l'Emploi – le premier ministre du Québec, l'ex-ministre de l'Emploi et la ministre actuelle de l'Emploi n'ont toujours pas tenu parole, n'ont toujours pas tenu leur engagement envers la population du Québec.

M. le Président, la semaine dernière, le premier ministre du Québec a reçu des centaines de lettres – des centaines de lettres – de la part de citoyens et citoyennes du Québec lésés par ce gouvernement et aussi de la part des groupes en alphabétisation. La ministre ne peut pas dire qu'elle n'est pas au courant parce qu'elle a obtenu copie, comme moi j'ai obtenu copie, de ces lettres-là.

Laissez-moi vous lire quelques lignes de ces lettres qui ont été adressées au premier ministre: «M. Bouchard, il y a déjà un an, le 13 novembre, vous vous engagiez auprès des groupes populaires en alphabétisation à assurer le déploiement de la mesure alphabétisation et implication sociale sur tout le territoire du Québec.

«Pour sa part, la ministre d'État à l'Emploi et à la Solidarité, Mme Louis Harel, à l'époque, annonça, dans un communiqué, le 23 novembre, le déploiement de la mesure en alphabétisation à compter du 1er janvier 1999.

«Mais voilà qu'arrive la restructuration du ministère de l'Emploi et de la Solidarité à laquelle s'ajoutent les problèmes d'Emploi-Québec. Rien ne va plus. Mme Lemieux, ministre de l'Emploi, ne veut pas de cette mesure, la considérant beaucoup trop lourde. Pourtant, sa prédécesseure, Mme Harel, l'a appuyée très fortement. Quant à M. Boisclair, ministre de la Solidarité sociale, lui, il est très intéressé, mais son ministère, M. le Président, n'a pas d'argent pour des mesures actives. Mme Lemieux ne veut pas prendre cette responsabilité, souhaitant plutôt que celle-ci revienne à d'autres ministères.» Un peu plus loin, M. le Président, on dit: «Nous attendons depuis le mois de novembre 1998. Ne trouvez-vous pas que c'est suffisant?»

M. le Président, quand j'ai posé la question en cette Chambre au premier ministre du Québec sur sa promesse, sur ses écrits, sur ses engagements, il n'a même pas eu le respect de répondre aux groupes communautaires. Il avait la chance de le faire en cette Chambre, il a laissé la ministre de l'Emploi se débrouiller.

Alors, je repose la question à la ministre de l'Emploi: Où est allé le 1 800 000 $ promis aux personnes analphabètes du Québec? Où est allé le 1 800 000 $? Qu'avez-vous fait avec? Et quand allez-vous tenir votre promesse de cet engagement électoral depuis déjà un an, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Nous allons maintenant céder la parole pour cinq minutes à Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi. Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, je vous remercie. D'abord, j'aimerais rappeler, enfin, signifier à la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne que le ton, les sarcasmes et les images très disgracieuses de clé sont tout à fait inappropriés – est-ce que je peux parler, M. le Président? merci – que je peux lui reposer la question: À l'époque où le gouvernement du Parti libéral était au pouvoir, qu'a-t-il fait? Qu'a-t-il fait dans ces matières-là? On se souviendra, il a créé bien des boubous macoutes, alors que, nous, actuellement, on est en train de se donner des services publics d'emploi accessibles à tout le monde, peu importe le statut, qu'ils soient des chômeurs de longue durée, qu'ils aient été hors circuit du marché du travail depuis longtemps. Alors, le ton et les sarcasmes n'ont pas leur place ici, quant à moi.

(18 h 10)

Deuxièmement, je vous rappellerai, malgré les interventions de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, que d'aucune manière – et je la mets au défi de trouver le début d'une preuve de cela – dans les choix que j'ai faits ces dernières semaines pour rendre Emploi-Québec une organisation performante, je n'ai retiré ces mesures, comme les mesures d'alphabétisation, comme les mesures d'insertion sociale, d'aucune manière. Et je la mets au défi de trouver le début d'une preuve de cela. Et la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne fait des jeux de mots avec cette expression «coffre à outils». Je peux bien en utiliser d'autres. Il y a un certain nombre d'interventions, une douzaine...

M. le Président, est-ce que c'est possible que je puisse m'exprimer sans obstruction de la part de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne ou c'est impensable?

Le Vice-Président (M. Pinard): Madame, actuellement, il n'y a que votre micro qui est ouvert, et la caméra est sur vous.

Mme Lemieux: Bon, d'accord. J'aimerais quelquefois que le public voit ça. Enfin.

Alors, d'aucune manière ces mesures-là ne sont disparues. Il y a une douzaine d'interventions qu'Emploi-Québec privilégie, qui sont de tous ordres. Ça va de la subvention salariale au projet... le coût de développement de compétences, à l'insertion sociale. Et ces mesures sont toujours présentes.

Je rappellerai d'ailleurs que, effectivement, suite à un engagement du gouvernement, la mesure alphabétisation a pris même des dimensions plus précises dans le coffre à outils d'Emploi-Québec et que cette mesure, implication sociale, elle a été introduite à la fin de la dernière année, au début de cette année. Et d'ailleurs cet engagement-là a eu lieu en novembre 1998. Emploi-Québec a fait ce qu'il faut pour développer... Dans son bulletin d'interprétation, ce qui est remis à tous les fonctionnaires qui doivent administrer ces programmes-là, il y a un bulletin d'interprétation spécifique sur la mesure alpha-insertion sociale.

Alors, qui dit qu'on n'est pas intéressé à ça? On a même les procédures pour faire en sorte que ce soit intégré sur le terrain et que ça soit présent dans l'esprit des agents, des agentes qui ont à travailler avec les clientèles. Ils ont les instruments techniques pour le faire. Alors, c'est une nouvelle mesure. C'est une nouvelle mesure dont les résultats ne sont pas encore à leur plein potentiel, c'est bien évident. Elle a été introduite au début de l'année 1999, donc une directive administrative claire à ce sujet-là... On a donc tenté de préciser les modalités d'application, mais c'est effectivement tout nouveau, et on vise à ce que cet outil-là, d'Emploi-Québec, puisse prendre l'espace qu'il doit prendre dans les interventions à venir.

Ça veut dire concrètement qu'on a fait pas mal de choses. Il y a même eu des sessions de sensibilisation auprès des fonctionnaires qui sont chargés d'administrer cette mesure-là. On a eu des rencontres sur le terrain avec un organisme, par exemple, comme Concept, que des gens de mon cabinet ont vu cet hiver. On a eu des rencontres dernièrement, parce que, effectivement, pour pouvoir déployer cette mesure-là à son maximum, il faut la planifier. Et on a discuté, il y a quelques jours, même, de manière encore plus précise, sur combien de projets on pouvait enclencher dès maintenant.

Parce qu'il y a une question d'offre et de demande. Si l'opposition arrêtait de faire une mauvaise presse à Emploi-Québec, peut-être qu'on aurait plus de références de clients, peut-être que les gens hésiteraient moins à venir à Emploi-Québec. Alors, il y a aussi là des difficultés à dénouer. Mais, je le répète, cette mesure-là, elle est présente, et nous avons pris les moyens... Actuellement, nous sommes en discussion pas juste du côté administratif, mais aussi avec ces groupes-là, pour faire en sorte qu'elle puisse se déployer au cours des prochaines semaines et des prochains mois et qu'on puisse rejoindre les gens qu'on avait dit qu'on rejoindrait.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, deux minutes.


Mme Nicole Loiselle (réplique)

Mme Loiselle: Oui. Merci, M. le Président. M. le Président, c'est incroyable ce qu'on peut entendre dans cette Chambre. La ministre me met au défi de dire qu'elle n'a pas retiré la mesure. Elle ne peut pas l'avoir retirée, elle ne la met pas en application. Elle nous dit qu'elle a formé ses fonctionnaires, qu'elle a même eu la délicatesse d'aller rencontrer les gens de Concept à Trois-Rivières. M. le Président, la mesure d'implication sociale, elle est basée sur le projet-pilote qui a été mis en place par le groupe Concept de Trois-Rivières en 1995, ce qui a été annoncé en campagne électorale. On ne peut pas dire n'importe quoi dans cette Chambre puis s'en sortir comme ça.

Ce que la ministre, députée d'Hochelaga-Maisonneuve, a annoncé en campagne électorale, ça venait justement des résultats positifs du groupe Concept de Trois-Rivières, projet-pilote depuis 1995. Ce qu'ils ont annoncé, la mesure devait être en application depuis un an. Ils n'ont rien fait parce que la ministre, elle piétine. Elle piétine dans son ministère. Elle attend des nouvelles, elle attend des ordres de son tuteur, M. Bernard. Mais, pendant qu'elle piétine, M. le Président, qu'elle ne fait rien, il y a des gens qui attendent, il y a des gens qui sentent qu'ils ont été abandonnés par la ministre.

M. le Président, je veux seulement relire l'engagement du gouvernement et de la ministre à l'époque, parce qu'on dit – en campagne électorale, ça, c'est sûr, on est en campagne électorale, on est prêt à tout pour gagner des votes: «Le déploiement de la mesure alphabétisation, implication sociale à travers le Québec, à compter de janvier 1999, permettra de rejoindre plus de 1 500 participants. Ils pourront recevoir une aide financière directe d'Emploi-Québec après entente avec leur agent. De plus, une somme de 1 800 000 $ par année sera accordée par Emploi-Québec pour soutenir les organismes qui offriront cette mesure.»

Alors, ce qu'on peut constater actuellement, c'est que la ministre de l'Emploi qu'on a devant nous n'est pas plus convaincue que le premier ministre du Québec quand il a fait sa promesse d'aider les gens analphabètes avec la mesure d'implication sociale. Et, avec ce qu'on vient d'entendre ici, dans cette Chambre, moi, je peux dire aux groupes d'alphabétisation: Ne retenez pas votre souffle, parce que la ministre...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Merci, Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi. Ceci met fin à ce débat de fin de séance. Et j'ajourne nos travaux à demain, jeudi, à 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 16)


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