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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 23 novembre 1999 - Vol. 36 N° 66

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Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


    Note de l'éditeur: Une erreur s'est glissée à la page 3524 du fascicule n° 63 en date du 16 novembre 1999. En effet, à la question principale de M. Pierre Marsan, il aurait fallu lire, partout où cela apparaît dans cette page, «Confection Lammoda» et non «Confections Lamada». Nous nous excusons de cette erreur bien involontaire.

Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous allons prendre quelques instants pour nous recueillir.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Affaires du jour

Alors, nous allons entreprendre nos travaux aux affaires du jour. Et j'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer l'ordre du jour.

M. Boisclair: Alors, M. le Président, veuillez prendre en considération l'article 8 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 82


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 8 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 18 novembre 1999 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 82, Loi sur l'administration publique. Lors de l'ajournement du débat, il a été ordonné qu'à la reprise du débat il n'y ait qu'un seul intervenant de l'opposition officielle qui prenne la parole, suivi de la réplique du ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor.

Alors, je vais donc céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir aujourd'hui d'intervenir dans le cadre de l'adoption du principe du projet de loi n° 82, Loi sur l'administration publique, Bill 82, Public Administration Act.

Je pense que la loi qui est devant nous... On peut diviser mes commentaires en deux grandes parties: la première partie, c'est qu'est-ce qu'on trouve dans la loi, et je pense qu'on a tout intérêt, comme parlementaires, à discuter les articles, notamment ceux qui touchent à nos devoirs et à nos responsabilités comme parlementaires; et le deuxième volet, que j'aborderai après, c'est qu'est-ce qu'on ne trouve pas dans le projet de loi.

Alors, je vais commencer par la première rubrique: Qu'est-ce qu'on trouve dans le projet de loi? Je parle, entre autres, comme président de la commission de l'administration publique de l'Assemblée nationale, qui est la commission mandatée par cette Assemblée pour traiter à la fois les questions d'imputabilité des organismes et des dirigeants de la fonction publique québécoise. Alors, je pense que je prêche un petit peu pour ma paroisse en disant qu'on trouve dans le projet de loi ce matin des thèmes qui sont fort louables, fort intéressants, des choses que à la fois le Vérificateur général et les autres experts externes ont dites à maintes reprises: qu'il faut avoir une attention accrue dans le domaine de l'imputabilité, dans le domaine de la gestion par résultat, dans la question de déterminer les mesures de performance, d'avoir des redditions de comptes qui sont claires, qui peuvent aider les députés, entre autres, à faire leur travail, à faire leur devoir, à répondre aux questions de nos concitoyens. Alors, quand je regarde le projet de loi, on trouve des choses et des thèmes qui sont fort louables.

Et, en commençant, et je pense que c'est clair de le noter, je veux encore une fois souligner le travail de pionnier qui a été fait par notre collègue le député de Verdun dans le projet de loi 198. C'est notre collègue qui a insisté beaucoup, comme député ministériel. Et on sait fort bien que présenter un projet de loi comme député ministériel et non ministre, des fois, c'est fort difficile, mais le député de Verdun a réussi à faire adopter la loi 198.

Je pense que l'écho qu'on trouve dans l'article 1 du projet de loi ce matin fait un reflet du devoir et du travail accompli par le député de Verdun. Parce qu'on dit, dans le premier article, que la loi «reconnaît le rôle des parlementaires à l'égard de l'action gouvernementale et leur contribution à l'amélioration des services aux citoyens en favorisant l'imputabilité de l'administration gouvernementale devant l'Assemblée nationale». Je pense que, ça, c'est fort important, parce qu'au bout de la ligne chacun de nous, 125 membres de l'Assemblée nationale, quand nous sommes assis dans nos bureaux de comté, on est imputables pour l'ensemble des gestes posés par le gouvernement. Même comme député de l'opposition, quand les citoyens viennent me voir, ils vont me poser des questions sur les décisions prises, même si c'est par le parti de l'autre côté de la Chambre, parce que, moi, je suis leur ombudsman, je suis leur porte-parole. C'est moi qui dois prendre leurs questions, des fois leur colère, et les ramener ici, à Québec, et essayer de trouver des redditions de comptes, des réponses à leurs questions. Je pense que c'est très important, dans le projet de loi, d'avoir cette reconnaissance de l'importance des parlementaires.

(10 h 10)

Mais, après avoir dit ça, c'est un but fort louable et je pense que tout le monde peut applaudir pour dire que les parlementaires, les députés, ont un rôle à jouer, mais comment est-ce qu'on va y arriver? Ça, c'est une des choses qui, je pense, va amener la présidence et les membres de l'Assemblée nationale à faire une réflexion: Comment est-ce qu'on va outiller comme il faut les députés pour accomplir ces nouvelles responsabilités? Parce qu'on sait, même maintenant, comme président d'une commission, à 10 commissions, c'est très difficile de toujours trouver le temps pour avoir des séances de la commission de l'administration publique, comme toutes les autres commissions. Alors, on a maintenant 10 commissions. Notre règlement exige qu'on ne peut en avoir que trois qui siègent à la fois. Alors, c'est très difficile de trouver le temps pour faire nos travaux.

Il y a également la question des ressources nécessaires pour nos commissions de l'Assemblée nationale. On est toujours un petit peu les quêteurs qui doivent aller à la Bibliothèque de l'Assemblée nationale pour avoir une recherchiste à mi-temps, des fois sur mandat. Alors, c'est toujours très, très difficile d'avoir les personnes qui peuvent alimenter les députés pour s'assurer qu'ils peuvent faire leur devoir, comme membres d'une commission, correctement.

Alors, je pense, quand on regarde le projet de loi n° 82, qu'il y a beaucoup de questions que nous devrons, comme parlementaires, nous poser au niveau des ressources, au niveau du temps nécessaire pour faire notre travail. Parce qu'on a déjà le réflexe souvent, dans nos lois, de mettre l'obligation qu'un rapport annuel soit étudié par la commission parlementaire compétente. On trouve ça déjà dans plusieurs, plusieurs de nos lois.

Mais prenez l'exemple de quelqu'un qui émane de l'Assemblée nationale même, le Vérificateur général. Quand la commission de l'administration publique a tenu une séance sur son rapport annuel, cette année, c'était la première fois en 10 ans que nous, comme députés, nous nous sommes acquittés de notre responsabilité de faire ça... à toutes les années, M. le Président. Alors, imaginez, on a mis ça dans notre loi, qu'à tous les ans on va recevoir le Vérificateur général sur son rapport annuel, et on a fait ça une fois en 10 ans! On m'informe, à la commission des affaires sociales, où on a mis une obligation pour les régies régionales de la santé, de les recevoir à tous les trois ans, qu'il y a trois régies régionales qui n'ont jamais témoigné devant la commission des affaires sociales.

Alors, c'est beau d'écrire dans nos lois qu'il y a une obligation d'entendre, qu'il y a une obligation de rendre compte devant les parlementaires, mais, si, dans les faits, on n'a pas les moyens, on ne peut pas livrer la marchandise et faire le travail comme parlementaires, ça devient un petit peu un voeu pieux. Et je pense que c'est quelque chose qui interpelle les 125 membres de l'Assemblée nationale: Comment est-ce qu'on va organiser le temps pour faire nos travaux, exécuter nos devoirs comme députés?

La même chose avec nos unités autonomes de service. On va parler de ça dans une minute, mais, juste le fait qu'on ait déjà 15 unités autonomes de service... La commission de l'administration publique, sous la présidence de mon collègue le député de Westmount–Saint-Louis, a commencé à les recevoir et mieux comprendre cette nouvelle façon de gérer et cette nouvelle entité qui s'appelle unité autonome de service. Il y en a déjà 15, M. le Président, et, avec tous les autres devoirs que la commission doit faire, on est maintenant rendu qu'on en a reçu quatre des 15. Et, si j'ai bien compris, dans les consultations publiques qu'on a faites avant la présentation du projet de loi n° 82, le président du Conseil du trésor se montre très ouvert à créer d'autres unités autonomes de service; on parle d'une trentaine, peut-être même d'une quarantaine d'unités autonomes de service. Mais ça va, premièrement, interpeller les députés, parce que, si on marque dans le rapport annuel, et pour les 15 qui existent... Ça dit clairement qu'elles vont, à toutes les années, venir témoigner devant la commission parlementaire compétente. Alors, on a déjà 15 de ces obligations écrites dans des ententes de services entre le sous-ministre et les dirigeants des unités autonomes de service. Si on va doubler ou même tripler le nombre d'unités autonomes de service, bien... Si on veut qu'il y ait du sérieux, si on veut que ces unités autonomes de service rendent compte aux parlementaires, ça va exiger une réflexion en profondeur de l'organisation de nos commissions parlementaires, parce que c'est quelque chose qui va prendre du temps.

Et je pense à la fois aux parlementaires, mais je pense que le deuxième volet du problème, ça va être beaucoup de travail aussi pour l'outil essentiel pour le bon fonctionnement, notamment de la commission de l'administration publique, c'est-à-dire le Vérificateur général. Parce que le Vérificateur général sera appelé, au-delà des, je pense, 42 fonds qui existent maintenant, qui étaient la plupart du temps la création de ce gouvernement... si on est rendu à une quarantaine d'unités autonomes de service, les ministères restent, il y a d'autres choses... Alors, juste pour bien outiller les membres de l'Assemblée pour examiner une unité autonome de service, l'appui et les conseils du Vérificateur général sont essentiels. Alors, comment on va trouver le temps et les ressources pour les parlementaires pour bien faire leur travail en commission parlementaire est un enjeu très important, mais il faut regarder l'ajout de travail pour le Vérificateur général. Parce que je pense, comme tous les membres de l'Assemblée, que, quand le Vérificateur publie son rapport annuel, à deux reprises pendant l'année, on trouve des choses fort intéressantes, parce que c'est à lui d'aller aux sources, de faire les vérifications, de faire les vérifications sur l'optimisation des ressources à l'intérieur de nos ministères, de nos unités autonomes de service et des autres organismes budgétaires. Alors, c'est quelqu'un qui nous aide, comme parlementaires, beaucoup. Et je pense qu'il faut se poser une autre question: Comment on va être capables de bien faire notre travail comme parlementaires si on va multiplier le nombre de choses qui vont être créées?

Dans les choses, on a eu, entre autres, le secrétaire général du gouvernement, Michel Noël de Tilly, qui est venu témoigner devant la commission spéciale qui a regardé le livre blanc du président du Conseil du trésor. On était très encouragé par le commentaire de M. de Tilly, qui a dit que de venir témoigner, pour les sous-ministres et les dirigeants des organismes, «c'est des occasions stimulantes, permettant de mieux expliquer les programmes et la brochette de services offerts, les difficultés rencontrées, le partage de certaines problématiques. Nous sommes d'avis qu'il faut poursuivre dans cette voie.»

Alors, je pense que c'était encourageant pour les parlementaires de voir que nos échanges... On a fait le Fonds de lutte contre la pauvreté, la semaine passée. On a reçu le Curateur public, on a reçu le Centre de perception fiscale et le Centre de recouvrement de la sécurité du revenu. Alors, c'est des services, des enjeux très importants pour nos concitoyens. Je pense que les députés, les membres de l'Assemblée ont l'occasion de questionner comme il faut les personnes qui rendent ces services à la population, c'est très important, mais il faut trouver le temps, il faut organiser le temps pour le faire.

L'autre chose qui est un petit peu troublante: Dans le rapport de l'année passée, le Vérificateur général parle qu'après un certain temps nos unités autonomes de service souffrent d'un certain épuisement. Au départ, c'est quelque chose qui est une nouveauté, on a beaucoup d'enthousiasme, et, après un certain temps, le Vérificateur général a identifié un certain épuisement dans le modèle.

Et, quand je regarde – et on va regarder ça plus attentivement dans l'étude détaillée du projet de loi – je ne sais pas si la paperasse, le fardeau qu'on est en train de mettre en place dans ce projet de loi n'est pas trop lourd. On parle de faire une déclaration des services aux citoyens, il faut déposer un plan stratégique. Il y aura une convention de performance et d'imputabilité qui comprend une définition de la mission et des orientations stratégiques de l'unité administrative, un plan d'action annuel, les principaux indicateurs, un engagement à produire un rapport de gestion sur les attentes de résultats, l'entente de gestion conclue entre le ministre et le Conseil du trésor. On ajoute à ça un plan de développement des ressources humaines. Bref, on demande beaucoup. Et ma crainte est que ça va aller dans une des deux directions: soit que ça va devenir un exercice de photocopie, on va prendre le rapport de l'année passée, on va changer les dates et on va produire ça de nouveau, et on n'est pas plus avancé, ou...

Parce qu'il faut rappeler qu'il y a certaines unités autonomes de service où on parle d'une trentaine de personnes, de 25 personnes. Et, si elles sont appelées à toutes les années à vraiment faire tous ces exercices, elles vont avoir beaucoup moins de temps pour faire les services parce qu'elles sont appelées à produire de la paperasse pour donner suite aux engagements qui sont ici. Alors, je pense qu'il faut juger c'est quoi qu'on cherche, parce que, comme je l'ai dit, de l'expérience, de l'avis du Vérificateur général, à date, c'est qu'à moyen terme, après deux, trois, quatre ans, on commence à avoir un certain épuisement. Et peut-être qu'au départ ces unités autonomes sont performantes, mais, après un certain temps, elles commencent à être noyées un petit peu dans la paperasse. Alors, je pense que c'est quelque chose où il faut être vigilant.

(10 h 20)

Dans le projet de loi, on dit, dans les déclarations des services aux citoyens, il faut chercher à simplifier le plus possible des règles et des procédures qui régissent la prestation de services. Peut-être qu'il faut inclure dans ça la gestion interne aussi. Alors, c'est un autre commentaire que je veux faire.

L'autre chose, on parle de faire des choses nouvelles, on parle d'essayer de changer les façons de faire, les mentalités, pour axer les choses plus sur les services rendus à la population. Je me demande si l'article 33 sera un grand frein pour obtenir les objectifs qui sont cherchés, parce qu'on dit, dans l'article 33: «Aucune rémunération ne doit être payée aux fonctionnaires en plus du traitement régulier attaché à leurs fonctions, sauf conformément à une décision du Conseil du trésor.»

Je pense qu'il faut regarder, j'ai soulevé ça en commission parlementaire, si ce n'est pas l'argent, peut-être que c'est le temps libre pour les unités qui sont performantes. Mais il faut avoir les moyens pour reconnaître la performance. S'il y a une unité ou une équipe qui est très performante, un bureau régional qui a très bien performé, il faut regarder les moyens que... Il y a des bonis. Il y a peut-être, pour les jeunes pères et mères de famille, une semaine de congé additionnelle aux vacances prévues dans la convention collective, parce que je pense qu'il faut encourager ça. Il y a beaucoup surtout les jeunes mères de famille, parce qu'on sait que c'est avant tout les femmes qui doivent s'occuper des devoirs des enfants et des devoirs de la maison. Alors, pour elles, peut-être, le temps libéré pour une équipe performante, c'est quelque chose d'intéressant à voir. Alors, je ne veux pas que l'article 33 devienne trop un frein pour une fonction publique performante.

Dans le peu de temps qu'il me reste, je veux juste soulever les deux thèmes que je trouve qu'on ne trouve pas dans le projet de loi n° 82, et je pense que c'est quelque chose, des oublis très importants.

Le premier, c'est juste un plan d'action pour la mise en oeuvre. Parce que, comme je dis, en lisant le projet de loi n° 82, c'est très difficile d'être contre. C'est une série de bonnes intentions. Les fins fort louables, qu'on veut avoir une fonction publique axée sur les services à la population, c'est difficile d'être contre ça. On veut avoir une fonction publique performante; difficile d'être contre ça. On veut avoir la reddition de comptes, on veut avoir un rôle bien accru pour les parlementaires d'être capables de poser les questions au nom de leurs commettants; difficile d'être contre ça. Mais comment est-ce qu'on va réaliser tout ça? Et le projet de loi est muet. On ne sait pas à quel moment on va mettre ça en application. On ne sait pas comment le président du Conseil du trésor va faire appel, à travers les ministères, à travers les unités autonomes de service, pour vraiment aller de l'avant.

Parce que je pense qu'un des groupes de cadres de la fonction publique qui sont venus pour... ils ont commencé leur mémoire avec un énoncé. Et c'est un commentaire bipartisan de toutes les grandes réformes de la fonction publique depuis 15, 20 ans, qui a toujours traité les mêmes thèmes de l'imputabilité, meilleur service à la population, meilleure reddition de comptes, et, 20 ans plus tard, on n'est pas plus avancé. Et c'est à la fois le gouvernement précédent du Parti québécois, le gouvernement du Parti libéral, nous avons tous essayé de faire ça. Alors, comment est-ce que, cette fois, ça va être différent et on va faire avancer la question de la réforme de la fonction publique?

Le deuxième, et je pense que c'est quelque chose qui a été beaucoup mieux décrit par mon collègue le député de Vaudreuil, tous les autres États qui ont fait cet exercice d'une réforme de la fonction publique ont regardé à la fois la question de comment on va le faire, mais on va regarder le rôle de l'État en même temps. Soit Next Steps, en Angleterre, soit, aux États-Unis, le Government Performance and Results Act, on a également dit: Est-ce que l'État doit se mêler de tous les domaines? Est-ce que l'État doit jouer un rôle prépondérant dans notre économie ou est-ce que, dans l'article d'alléger le fardeau sur le contribuable et de déréglementer notre économie et notre société, l'État doit chercher d'autres moyens pour y arriver? Et je pense que, ça, c'est le débat qu'il faut faire en même temps.

On peut parler longuement comment l'État doit agir, mais, en même temps, il faut regarder: Est-ce que c'est essentiel que la présence de l'appareil bureaucratique... Est-ce que ça prend trop de place dans notre société? Est-ce que ça explique pourquoi nous sommes les trop taxés en Amérique du Nord? C'est notre championnat, que nous sommes les personnes qui ont le fardeau fiscal le plus lourd à supporter parmi les contribuables nord-américains. Et je pense que faire l'un sans faire l'autre... Avant de créer une quarantaine d'unités autonomes de service, peut-être qu'il faut se poser la question: Est-ce qu'il y a des partenariats avec le privé? Est-ce qu'il y a d'autres moyens pour en arriver à cette fin, avant de dire: Non, dès le départ, nous avons décidé que c'est l'État qui va faire ça, c'est l'État qui va prendre la place? Alors, je pense qu'il y a un débat qui s'impose. Et il faut le faire maintenant parce que, dès que nous aurons déclenché l'opération de créer ces unités autonomes de service, ça risque d'être trop tard.

Alors, pour ces raisons, comme j'ai dit, il y a des choses fort intéressantes dans le projet de loi. On va suivre ça de près en commission parlementaire. Mais il demeure quand même qu'il y a des lacunes importantes quant à comment on va mettre ça en oeuvre et également le débat qui s'impose sur le rôle de l'État dans notre économie et notre société. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor pour sa réplique de 20 minutes. M. le ministre.


M. Jacques Léonard (réplique)

M. Léonard: Merci, M. le Président. J'ai grand plaisir à proposer aujourd'hui l'adoption de principe du projet de loi n° 82, la Loi sur l'administration publique. Ce projet de loi, j'en suis convaincu, contient tous les éléments pour donner un nouvel élan à la gestion gouvernementale, pour orienter celle-ci davantage vers les attentes des citoyens et pour favoriser la recherche de la performance et de l'excellence au sein de la fonction publique.

Dans ma présentation du 17 novembre, j'expliquais que la modernisation du cadre de gestion gouvernementale vise deux grands objectifs: premièrement, de mieux assurer la finalité des services aux citoyens et, deuxièmement, de favoriser la performance du secteur public québécois. Afin de favoriser la mise en place d'une philosophie de gestion répondant à ces objectifs, le projet de loi comporte trois axes; d'abord, l'implantation de mécanismes appropriés à un mode de gestion davantage axé sur les résultats, la révision des contrôles administratifs centraux afin d'assouplir la gestion des ministères et le renforcement de la reddition de comptes devant les parlementaires.

Je me réjouis de constater que mes collègues parlementaires reconnaissent l'importance que ce projet de loi revêt. Aussi, je suis très optimiste, raisonnablement optimiste, M. le Président, pour la suite des travaux lors de l'étude détaillée du projet en commission.

Aujourd'hui, j'aimerais m'attarder sur certains aspects qui ont été soulevés lors des interventions en cette Assemblée, soit la portée de la loi et son champ d'application en particulier, et je décrirai ensuite les qualités de ce projet de loi et les avantages qu'il comporte pour la fonction publique, pour les parlementaires et pour les citoyens.

D'abord, je veux apporter quelques précisions quant à l'objet même du projet de loi. Cette loi porte essentiellement sur la gestion gouvernementale, car, dans un État moderne, cette question à elle seule est déterminante pour la qualité des services aux citoyens et mérite toute notre attention. Tous les jours, les citoyens reçoivent des services de l'État et communiquent avec des hommes et des femmes qui oeuvrent dans les ministères et les organismes. Il est donc de toute première importance de s'assurer que les meilleures conditions soient faites pour que les services de qualité soient rendus avec efficacité. Non pas que nous sous-estimions la question du quoi par rapport au comment, pour reprendre l'expression plusieurs fois entendue. Mais l'examen du quoi est en soi, en elle-même, une fonction continue. Le gouvernement a fait cet examen dans différents secteurs et a entrepris des réformes majeures et nécessaires et continuera de le faire. Alors, cette question n'est pas arrêtée, la question du quoi, elle est continue.

(10 h 30)

Cependant, les changements qui sont proposés ici visent la gestion gouvernementale, et je m'empresse de souligner que ces changements permettront d'éclairer encore davantage les travaux des parlementaires sur le quoi, car les déclarations de service qui comporteront des objectifs de qualité, les plans stratégiques qui donneront l'information pertinente sur les orientations fondamentales de chacun des ministères et des organismes, de même que les rapports de gestion constituent les instruments qui faciliteront dans l'avenir les questionnements sur le quoi.

Par ailleurs, quelques intervenants ont exprimé le souhait que le projet de loi sur l'administration publique s'applique au réseau de l'éducation, de la santé et des services sociaux. Il faut sur ce point considérer que ces réseaux sont administrés en vertu d'un ensemble de lois où sont définis des encadrements spécifiques. Il faut considérer aussi que la responsabilité de ces lois incombe, d'une part, à la ministre de la Santé et des Services sociaux et, d'autre part, au ministre de l'Éducation. Cela dit, les principes sous-jacents à ce projet pourront être une source d'inspiration pour ces réseaux et leurs établissements, et cela a déjà commencé de se faire.

Quels sont maintenant les avantages du projet de loi sur l'administration publique? D'abord, il vise à procurer un encadrement cohérent à la gestion. Il est ensuite de nature à mobiliser la fonction publique en lui donnant plus de possibilités d'exercer ses responsabilités. Et enfin, il donne plus de transparence à tous les aspects de la gestion gouvernementale.

Pour qualifier le projet, je pense que le député de Portneuf a eu le mot juste: C'est un projet de loi solide. Il intègre toutes les composantes de la gestion: planification, reddition de comptes, utilisation des ressources humaines, financières et matérielles, technologies d'information, et ce, en un tout cohérent. Il rejoint les citoyens, les parlementaires et la fonction publique. Il donne un sens, une finalité à la gestion gouvernementale; en tout cas, il la facilite. Il forme un tout qui a été pensé et évalué en regard de la qualité des services à rendre aux citoyens, car, s'il est utile de le rappeler, c'est pour eux que nous existons. Cet immense travail d'harmonisation et de cohérence explique le fait que de nombreuses dispositions modificatrices s'y trouvent. Le produit ne peut être aussi simple que l'était l'énoncé de politique, mais il démontre bien la volonté du gouvernement de changer les choses en profondeur.

Le projet de loi propose un cadre de gestion souple, adaptable et qui fait place à la différence. Il réduit l'imposition de règles administratives générales et prévoit des ouvertures sur des situations particulières. Il prévoit notamment la possibilité de conclure des conventions de performance et d'imputabilité et d'aménager un cadre de gestion propre à une unité administrative pour lui permettre d'être plus efficace. L'examen article par article va nous permettre d'apprécier, j'en suis sûr, le grand nombre d'assouplissements qui seront rendus possibles en vertu du nouveau cadre de gestion. Ce projet a par ailleurs été amélioré à la suite des auditions de la commission parlementaire spéciale de septembre dernier. Et, parmi ces améliorations, j'en mentionnerai deux, M. le Président.

Premièrement, une place a été prévue pour la prise en compte des attentes des citoyens dans les choix de gestion. Par exemple, chaque ministère et organisme devra s'assurer de connaître les attentes des citoyens et prendre les moyens pour ce faire avant de publier une déclaration sur la qualité des services.

Deuxièmement, le projet de loi sur l'administration publique attribue clairement la responsabilité première de la gestion aux ministères et aux organismes et à leurs sous-ministres et dirigeants. Les organismes centraux définiront les orientations gouvernementales en matière de gestion de ressources et tiendront un rôle de guide et de soutien, réservant leurs interventions aux enjeux majeurs.

M. le Président, les grands principes que je viens d'évoquer doivent entraîner l'adhésion de tous les acteurs, en particulier de la fonction publique, car cela implique un changement de culture de gestion, un changement dans les attitudes des personnes. Et je ne doute pas que cela soit possible. Je prends pour témoignage celui des dirigeants des unités autonomes de service. Ceux-ci ont déjà, depuis quelques années, adopté une approche de gestion par résultats et nous ont presque tous signifié, sur la base de leur expérience, qu'une gestion centrée sur les résultats engendrait chez les employés un sentiment de fierté encore plus grand à servir ainsi qu'à rechercher la performance à partir d'objectifs connus et partagés, d'indicateurs de performance convenus et annoncés.

Une clé pour attiser et répandre cette flamme est de faire en sorte que la performance soit reconnue de façon tangible. Il s'agit même ici d'une question de respect et d'équité. La forme que peut prendre cette reconnaissance reste à préciser, car nous ne prétendrons pas avoir déjà réponse à toutes ces questions. Une chose est certaine, c'est que le gouvernement entend continuer à miser sur les gens qui sont capables de s'investir et de respecter les engagements pris pour atteindre des objectifs prédéterminés. Et, pour ce faire, les performants mériteraient et méritent d'être récompensés.

Une autre clé, une clé de voûte, celle-là, M. le Président, qui maintiendra la vigilance et l'enthousiasme de la fonction publique se trouve chez les parlementaires. Disposant d'une information plus complète et plus cohérente, ils pourront participer encore mieux à l'amélioration des services aux citoyens. Les rapports annuels tels que nous les connaissons feront place à une information que nous voulons plus dynamique et, pourquoi pas non plus, de plus en plus interactive.

Les moyens technologiques et l'autoroute de l'information permettront de rendre publiques beaucoup plus rapidement les déclarations sur les services, les plans et les rapports prévus dans le projet de loi. De plus en plus, ces mêmes moyens permettront d'être davantage à l'écoute des citoyens qui pourront réagir à cette information.

En terminant, M. le Président, je crois que, dans ses fondements mêmes, le projet de loi qui sera mis aux voix est porteur d'avenir et sera bien adapté au Québec de l'an 2000. Écoute des citoyens, qualité des services, recherche de la performance, transparence quant aux choix et quant aux réalisations, responsabilisation, imputabilité devant les parlementaires: voilà comment il faut maintenant concevoir l'administration publique. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Ceci met fin au débat. Le principe du projet de loi n° 82, Loi sur l'administration publique, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, veuillez prendre en considération l'article 13 du feuilleton.


Projet de loi n° 88


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 13, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du principe du projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Merci, M. le Président. Je rappellerai d'abord que le projet de modification à la Loi sur l'immigration au Québec qui est présentement devant l'Assemblée prévoit que le plan d'immigration que le ministre responsable de l'immigration doit déposer annuellement à l'Assemblée nationale pourra dorénavant, pour certaines catégories ou sous-catégories d'immigration, prévoir des plafonds ou des maximums et non seulement des estimations comme c'est le cas actuellement. Ce projet donne aussi au ministre le pouvoir de suspendre ses activités de sélection s'il est d'avis qu'un maximum ou une estimation prévu au plan sera atteint.

Alors, pourquoi ce projet de loi, M. le Président? Pour en expliquer le sens et la portée, il faut, je pense, rappeler brièvement ici les pouvoirs du Québec en matière d'immigration et les raisons qui sous-tendent l'intervention du Québec en ce domaine. Comme vous le savez sans doute, le Québec a acquis, au fil des années, des pouvoirs significatifs en matière d'immigration. Et l'Accord Canada-Québec relatif à l'immigration et à l'admission temporaire des aubains, signé en 1991, reconnaît au Québec des pouvoirs exclusifs de sélection des immigrants de la catégorie des indépendants ainsi que des réfugiés et des personnes en situation semblable, à l'exception toutefois des personnes à qui le statut de réfugié est reconnu au Canada, donc sur place, à la suite d'une demande d'asile.

Je rappelle, M. le Président, pour ceux qui nous écoutent et qui sont moins familiers avec ces questions, que, lorsqu'on parle de la catégorie des indépendants, on parle bien sûr des immigrants sélectionnés à titre de travailleurs, d'investisseurs en valeurs mobilières, d'entrepreneurs et de travailleurs autonomes, donc la grande majorité bien sûr des immigrants que le Québec peut sélectionner.

(10 h 40)

Par ailleurs, le Québec n'a pas de pouvoir de sélection des membres de la catégorie de la famille et des réfugiés qui sont issus du mouvement des demandeurs d'asile, donc de ceux qui font cette demande ici même, au Québec, ou ailleurs au Canada. Enfin, pas encore, M. le Président. Peut-être que ça viendra un jour, que nous aurons ce pouvoir, c'est ce qu'on souhaite. De fait, les personnes qui appartiennent à ces deux groupes ne font pas véritablement l'objet de sélection ni de la part du Québec ni du gouvernement fédéral. Leur présence sur le territoire découle d'autres règles déterminées essentiellement par le gouvernement fédéral. Donc, d'entrée de jeu, je tiens à préciser que le présent projet de modification à la loi ne vise pas les membres de la catégorie famille non plus que les réfugiés issus du mouvement des demandeurs d'asile.

Le Québec peut cependant, comme le font tous les États qui pratiquent une politique proactive d'immigration, dans les catégories pour lesquelles il a des pouvoirs exclusifs de sélection, déterminer ses intentions d'accueil et planifier en conséquence ses activités de sélection. C'est ce que nous faisons, M. le Président, puisque nous avons, à chaque année, ici, à l'Assemblée nationale – je l'ai fait encore il y a quelque temps – le dépôt de la planification annuelle en matière d'immigration. Donc, ce sont des choix que nous faisons comme société, d'accueillir un certain nombre de personnes selon certains critères, de les sélectionner dans certains pays et de les intégrer à la société québécoise.

Alors, ayant acquis de tels pouvoirs, le Québec s'est donc doté d'instruments qui lui permettaient justement de gérer ses politiques à cet égard. C'est ainsi, comme je le disais, que nous avons conçu un exercice de planification de l'immigration au Québec qui, depuis plusieurs années déjà, donne lieu à tous les trois ans à une consultation publique – il y en a eu une première déjà il y a trois ans, il y en aura une l'année prochaine – au terme de laquelle le Conseil des ministres adopte un plan triennal en matière d'immigration. Et, tous les ans, comme je le disais tantôt, le ministre responsable de l'immigration au Québec élabore le plan d'immigration pour l'année à venir, fait les ajustements nécessaires conformément au grand cadre de la planification triennale telle qu'adoptée. Alors, le plan a été déposé, je l'ai indiqué, je l'ai fait le 2 novembre dernier, pour la dernière année de ce plan triennal.

Dans le cadre de cette planification, qu'est-ce que fait le gouvernement? Bien, il expose en quelque sorte les choix quant au volume, à la composition de l'immigration qu'il entend voir s'établir sur le territoire du Québec. Et ces choix, vous le savez, procèdent toujours d'une recherche d'un certain équilibre entre des objectifs démographiques, économiques, sociolinguistiques poursuivis par la politique d'immigration et ils tiennent compte, bien sûr, aussi de la capacité d'accueil du Québec.

Alors, conscient de l'importance majeure que l'immigration peut avoir sur son développement, le Québec a revendiqué et acquis ces pouvoirs en matière d'immigration et il doit, bien sûr, utiliser cette marge de manoeuvre pour gérer la part de l'immigration soumise à sa sélection en fonction justement des objectifs qu'il s'est fixés. Or, il arrive, M. le Président, dans la vraie vie, au-delà des planifications qu'on peut faire, que des mouvements migratoires conjoncturels de grande ampleur viennent exercer une telle pression qu'ils peuvent perturber l'équilibre recherché.

Une telle situation met, bien sûr, en lumière les limites d'un exercice de planification à l'avance des volumes de sélection et d'admission, parce que, on le sait tous, le dépôt des candidatures d'immigration obéit en grande partie à des déterminants qui n'ont rien à voir avec les politiques d'accueil des États, qu'il s'agisse, par exemple, soit d'interventions d'intermédiaires en immigration, de l'intérêt des candidats eux-mêmes, de la situation dans les pays d'origine, du mouvement des guerres qui peuvent se produire à travers le monde, bref, d'énormes déterminants sur lesquels, lorsque nous planifions à l'avance notre immigration, nous avons peu de prise, sinon aucune prise, et qu'il est difficile, même, à la limite, de prévoir.

Or, et on peut le comprendre, quel que soit leur nombre, les candidats qui déposent une demande de certificat de sélection du Québec considèrent en quelque sorte avoir un peu le droit que cette demande soit traitée dans des délais relativement courts, puisqu'il y va un peu de leur avenir. Nous annonçons notre ouverture, nos possibilités. Les candidats font des démarches, ils souhaitent donc avoir des réponses, et ils exercent, bien sûr, des pressions pour qu'il en soit ainsi, avec raison. Or, à la limite, le traitement de ces demandes pourrait conduire à l'acceptation de contingents d'immigrants largement supérieurs à ceux que nous avons planifiés et des déséquilibres, en conséquence, dans la composition de l'immigration que nous avons souhaitée, que nous avons discutée au sein de cette Assemblée nationale.

C'est dans ce contexte que les mesures annoncées – un projet de loi, deux articles – doivent être comprises. Ces mesures visent essentiellement à doter le Québec de moyens d'intervenir, le cas échéant, afin de préserver l'équilibre recherché par l'exercice de planification de l'immigration.

Donc, il est à noter – et le projet de loi est clair là-dessus – que les modifications qui sont proposées n'entraînent pas forcément la fixation de plafond ou de maximum ni l'interruption en cours d'année des activités de sélection. Elles permettent cependant au ministre de recourir, le cas échéant, lorsque des situations le commanderaient, à ces mesures s'il est d'avis qu'elles sont nécessaires.

Je dois dire d'ailleurs là-dedans que, ce faisant, nous ne faisons qu'imiter les autres gouvernements ailleurs dans le monde qui ont de telles politiques, notamment le gouvernement fédéral, le gouvernement d'Ottawa, qui s'est doté, en 1993, pour la partie de l'immigration qu'il contrôle ailleurs au Canada – puisque les règles du jeu sont différentes dans les autres provinces canadiennes – d'une disposition semblable à celle qui est proposée dans le présent projet de modifications législatives, puisque l'article 7 de la loi concernant l'immigration au Canada permet en effet au gouvernement fédéral de déterminer si les volumes prévus à son propre plan d'immigration, donc pour la partie qui ne concerne pas le Québec, sont des plafonds ou sont des estimations, et donc de pouvoir intervenir en cours d'année.

En vertu de l'article 7 de cette même loi, il appartient au Québec, dans des catégories ou sous-catégories pour lesquelles il exerce des pouvoirs exclusifs de sélection, de déterminer, le cas échéant, si les volumes prévus à son propre plan d'immigration sont des plafonds ou des estimations. Donc, M. le Président, le projet de loi qui est soumis devant nous vise à inscrire dans notre propre législation cette possibilité qui est déjà prévue dans la loi fédérale, qui est dans l'esprit même des accords intervenus et qui confère au Québec ses responsabilités en matière de sélection.

En terminant, M. le Président, je dirais que ce projet s'inscrit dans un contexte où le Québec atteint les objectifs qu'il se fixe en matière d'immigration – j'ai eu l'occasion de l'indiquer récemment – où le Québec augmente ses objectifs en matière d'immigration, reconnaissant par là l'importance de la part de l'immigration à la vitalité démographique du Québec.

Je tiens à clairement affirmer en cette Assemblée que ces dispositions n'ont nullement pour effet de contrer ou de diminuer de quelque façon que ce soit, je pense, ce qui est un consensus dans notre société, à l'effet que l'avenir passe, pour une bonne part, par l'apport régulier au Québec d'une immigration dynamique, positive, qui est d'ailleurs de plus en plus instruite et scolarisée, de plus en plus francophone, de plus en plus capable de s'intégrer rapidement à la société québécoise.

J'ai eu l'occasion d'annoncer récemment des réformes importantes du ministère de l'Immigration pour justement faire en sorte que cette intégration se fasse sur le terrain plus rapidement, d'une augmentation importante de l'offre de francisation, puisqu'on sait qu'on a fait le choix de vivre dans la langue française, d'où l'importance que ceux qui décident de nous rejoindre ici comprennent cette langue, la connaissent pour y travailler, pour s'intégrer à l'ensemble de nos institutions et à notre société.

J'ai eu l'occasion également d'indiquer nos efforts en matière de sélection: davantage d'immigration francophone dans le monde, puisque, encore une fois, nous avons le choix, nous choisissons, et ces choix, M. le Président, n'altèrent en rien nos engagements, notre volonté d'assumer notre part de notre responsabilité internationale, de notre solidarité internationale lorsqu'il s'agit d'accueillir notre quote-part de réfugiés, de ceux qui vivent des situations dramatiques dans leur pays, à qui on ne demandera pas bien sûr nécessairement de connaître le français ou d'avoir des diplômes avant de venir, mais que, par solidarité, on va accueillir tout simplement, comme on l'a fait avec les gens du Kosovo récemment.

(10 h 50)

Donc, M. le Président, il s'agit d'un tout petit projet de loi, deux articles, qui aurait pu être adopté il y a déjà longtemps, qui s'avère nécessaire pour éviter qu'on se retrouve dans des situations où l'accumulation de dossiers pose des préjudices aux candidats, nous obligerait à retarder indûment certains gestes administratifs, et donc pour qu'il soit clair que, lorsque, à l'Assemblée nationale, on dépose un plan triennal, lorsqu'on dépose un plan annuel avec relativement de générosité, quand on compare ce que le Québec fait par rapport à d'autres pays, par rapport à sa propre population, en même temps il est normal, correct que nous nous donnions les outils pour en quelque sorte respecter ces objectifs que nous avons fixés ensemble. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Mme la députée.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, au nom de l'opposition officielle, d'intervenir sur la loi qui est présentée ce matin par le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, la loi qui modifie la Loi sur l'immigration au Québec, le projet de loi n° 88.

Le projet de loi n° 88, M. le Président, vise à permettre au ministre des Relations avec les citoyens de fixer, dans son plan annuel d'immigration, en plus des estimations, comme il le fait présentement, des plafonds ou des maximums en matière d'admission ou de sélection des ressortissants étrangers.

Le projet de loi n° 88 vient donner également au ministre de l'Immigration le pouvoir de suspendre ses activités en matière de sélection si le ministre est d'avis qu'un maximum ou l'estimation qu'il a prévu dans une certaine catégorie au plan annuel d'immigration est atteint ou sera atteint prochainement.

Il faut rappeler, M. le Président, à nos auditeurs que la Loi sur l'immigration du Québec, particulièrement l'article 3.01, stipule que le ministre doit établir et déposer chaque année à l'Assemblée nationale un plan annuel d'immigration à l'intérieur duquel il mentionne ses estimations quant au nombre de ressortissants étrangers pouvant s'établir au Québec pendant l'année, de même que la répartition des catégories des ressortissants.

Jusqu'à ce jour, M. le Président, et avant l'arrivée du projet de loi n° 88, les données contenues dans le plan annuel d'immigration ne sont que des estimations sur la quantité des ressortissants à laquelle s'attend ou vise le ministère. Ce plan annuel fait aussi part de la planification des activités de sélection projetées pour l'année visée.

Avec les dispositions qu'on retrouve dans le projet de loi n° 88, le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration pourrait fixer à l'avance le nombre maximum des ressortissants qu'il souhaite accueillir dans l'une ou l'autre des catégories au cours de l'année et même pourrait limiter le nombre de certificats de sélection pouvant être délivrés par catégorie.

Le projet de loi, M. le Président, donne aussi au ministre le pouvoir de mettre fin à l'examen de nouvelles demandes ou de cesser de délivrer des certificats de sélection dans une catégorie où le maximum est déjà atteint ou s'il estime que le maximum ou l'estimation prévu sera atteint avec les demandes en traitement ou qui sont en cours.

Mais il faut savoir une chose, M. le Président. Le projet de loi n° 88 survient quelques jours après que le ministre des Relations avec les citoyens a annoncé son intention de faire en sorte que 50 % des nouveaux immigrants qui s'installeront au Québec parlent le français. Étant donné que le Québec a le contrôle seulement sur 50 % des immigrants qui arrivent au Québec, ce sont 80 % des ressortissants étrangers sélectionnés par Québec qui devront être francophones pour parvenir à ce taux global et désiré par le gouvernement de 50 %.

Alors, M. le Président, le projet de loi n° 88 donne le pouvoir au ministre de limiter l'entrée des ressortissants étrangers dans certaines catégories, particulièrement dans la catégorie indépendants, sur lesquelles exactement le projet de loi est muet. Le projet de loi ne nous précise aucunement dans quelle catégorie le ministre a l'intention d'appliquer les maximums et de plafonner. Alors, on s'attend, lors de l'étude détaillée en commission parlementaire, à ce que le ministre précise ses intentions à cet effet.

Tantôt, M. le Président, j'avais aussi des questionnements, dans le cadre de l'entente Canada-Québec, en ce qui a trait à la juridiction fédérale sur les personnes, la réunification familiale et les réfugiés. Mais le ministre tantôt, lors de la présentation de son projet de loi, m'a rassurée, car il a bien précisé qu'il n'a pas l'intention de plafonner ou de donner des maximums dans la catégorie des ressortissants étrangers qui relève de la juridiction du gouvernement fédéral.

Il y a un autre point où l'opposition officielle se questionne, M. le Président, avec le projet de loi n° 88, c'est au niveau de la catégorie investisseurs. On peut se demander si un projet de loi permettant de limiter le nombre d'immigrants dans une catégorie ne sert pas aussi à autoriser le ministre à mettre des maximums dans des catégories où les ressortissants étrangers sont généralement moins francophones, comme on le voit souvent, M. le Président, dans la catégorie des investisseurs.

Alors, il faudrait poser la question au ministre en commission parlementaire, à savoir s'il a l'intention de plafonner la catégorie investisseurs, parce qu'on sait très bien que, dans cette catégorie-là, les investisseurs parlent moins le français, mais ils ont quand même un impact significatif sur l'économie du Québec, alors à savoir si, avec cette mesure-là, le ministre a l'intention de cibler particulièrement, de limiter particulièrement les investisseurs et si ça ne va pas à l'encontre de la Charte des droits et libertés. Alors, le ministre pourrait nous éclairer à cet égard-là, ou ses conseillers juridiques, parce que je pense qu'il n'a pas la réponse. Mais ses conseillers juridiques pourraient le faire en commission parlementaire afin de rassurer l'opposition officielle.

Un autre point, M. le Président. En fin de semaine, j'ai lu avec attention l'entente Canada-Québec signée entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec, en 1991, et, dans cette entente-là, l'Accord Canada-Québec, le ministre l'a précisé tantôt, on prévoit que les parties doivent se consulter avant d'apporter à leurs lois et à leurs règlements des modifications touchant l'exécution de l'Accord. J'aimerais rappeler au ministre l'article 12 de l'entente Canada-Québec, qui précise ceci, M. le Président.

En ce qui a trait à la sélection et à l'admission des ressortissants étrangers, l'article 12 dit ceci: «Le Canada et le Québec s'informent mutuellement de leurs choix de critères de sélection, de leur pondération – alors l'équilibre dont le ministre parlait tantôt – du processus d'étude des demandes ainsi que de toute modification qu'ils se proposent d'y apporter.» Alors, en commission parlementaire, je questionnerai le ministre à savoir s'il a informé le gouvernement fédéral, le comité qui a été mis en place, sur les modifications, sur le projet de loi qui apporte certaines modifications à l'entente.

Il y a aussi l'article 31 de l'entente Canada-Québec qui est quand même assez important, M. le Président, l'article 31 qui dit ceci: «Le Canada et le Québec s'engagent à prendre les mesures nécessaires pour qu'aucune de leurs lois, règlements et procédures administratives respectives en matière d'immigration ne fasse obstacle à la pleine application du présent Accord.» Alors, je pense que c'est important d'éclaircir cette situation-là, à savoir si le gouvernement du Québec a bien informé les autorités fédérales de l'implication du projet de loi n° 88, M. le Président.

Alors, j'offre ma collaboration au ministre en commission parlementaire lors de l'étude détaillée, M. le Président, afin de travailler ensemble sur le projet de loi n° 88. Et tout ce que nous espérons de ce côté de la Chambre, c'est que le gouvernement du Québec a bien consulté le gouvernement fédéral sur ses intentions avec le projet de loi n° 88, tel que le stipule l'entente Canada-Québec signée, en 1991, entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec sur l'immigration. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, je voudrais joindre ma voix à celle de ma collègue la députée qui vient de me précéder sur le projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec.

M. le Président, j'ai eu l'occasion à quelques reprises d'intervenir sur ce dossier-là de l'immigration et j'ai lu avec grand intérêt, aussi avec un certain questionnement, les propos qui ont été tenus par le nouveau ministre de l'Immigration et des Relations avec les citoyens en rapport avec les objectifs qu'il veut se donner.

Notamment, le 26 septembre dernier, dans Le Devoir , en marge d'une mission qu'il effectuait en France, l'actuel ministre avait affirmé qu'il visait 65 % de l'immigration qui proviendrait des pays francophones. On sait que, en 1997, sur 15 000 immigrants sélectionnés par le Québec, 9 500 avaient une connaissance préalable du français et, en 1998, il y a eu une augmentation de 17 %, puisque c'est 10 600 immigrants francophones qui sont arrivés au Québec.

M. le Président, depuis de nombreuses années, il y a eu un consensus au Québec sur l'importance d'avoir une immigration qualifiée qui répond aux objectifs et aux attentes du marché du travail au Québec, qui soit francophone, c'est légitime, mais ce n'est pas exclusif, M. le Président. Là-dessus, le ministre est parfaitement au courant du débat tel qu'il se fait dans les communautés et aussi dans la société.

(11 heures)

Mais je voudrais saisir cette occasion qui nous est donnée de discuter de ce projet de loi pour sensibiliser le ministre à la préoccupation spécifique de l'immigration francophone. On en parle à chaque fois comme si c'était une nouveauté, comme si on n'a jamais eu d'immigrants francophones. Or, M. le Président, ce projet de loi peut créer également des attentes à cet égard. Le message qu'on envoie dans les pays francophones, les pays sources de l'immigration, c'est que le Québec cherche l'immigration francophone. Il en veut. Et il y a de nombreuses personnes candidates à l'immigration qui sacrifient leurs avoirs, leurs biens, et parfois elles passent par des consultants en immigration qu'elles paient des montants d'argent assez significatifs pour venir au Québec parce qu'elles estiment qu'elles sont souhaitées, qu'elles sont attendues et qu'elles veulent s'installer ici, au Québec.

Elles n'ont pas besoin de passer par les COFI. Donc, ça ne coûte rien au gouvernement pour les former sur le plan linguistique. Elles arrivent ici avec une connaissance préalable du français, et cette connaissance du français est conjuguée aussi à une compétence toute en français. Or, cette catégorie d'immigrants fait face à une problématique très aiguë parce que l'intégration au marché du travail, aussi difficile que cela puisse paraître, est extrêmement pénible pour cette catégorie d'immigrants francophones qui arrivent au Québec avec une connaissance du français et avec des compétences en français.

On le sait, la fonction publique du Québec est doublement verrouillée. On est autour de 2 % de communautés culturelles qui oeuvrent au niveau de la fonction publique. On a également un problème, M. le Président, qui est assez réel, qui est le problème de la rétention de l'immigration francophone au Québec. Non seulement faut-il la vouloir, la souhaiter et la faciliter, mais encore faut-il la retenir. Or, lorsque l'immigrant francophone qui arrive ici avec un diplôme universitaire – et ils sont nombreux – se cherche du travail au Québec, il fait le tour de la fonction publique, il n'y a rien; il fait le tour de l'entreprise privée et ce qu'il réalise concrètement, c'est que, s'il veut avoir un emploi qui corresponde à sa qualification, il doit d'abord et avant tout apprendre l'anglais. Et, très souvent, cette catégorie d'immigrants fait l'effort de payer à même ses propres ressources des cours d'anglais dans l'espoir de pouvoir augmenter ses chances d'employabilité au Québec et au Canada. Le ministre le sait, dans son propre ministère, ils ont des données qui démontrent qu'on a perdu de nombreux immigrants francophones qualifiés qui sont allés à l'extérieur du Québec.

L'autre difficulté que rencontre l'immigration qui vient dans le cadre de l'immigration indépendante, la catégorie des immigrants indépendants, c'est la reconnaissance de leurs diplômes. Et, même s'ils viennent de pays francophones, donc de pays avec lesquels on a des ententes, on a de la coopération sur le plan de l'éducation, le problème demeure encore entier. Je vois l'ancien ministre qui hoche de la tête, c'est une réalité, M. le Président. Alors, encore faut-il être conséquent et cohérent. D'un côté, on veut avoir des immigrants francophones, de l'autre, les outils ne sont pas encore en place pour faciliter leur intégration sur le marché du travail.

Le même problème se rencontre aussi en ce qui a trait à la reconnaissance des expériences acquises hors Québec. Ça aussi, M. le Président, on a beau être francophone, ça n'ouvre pas nécessairement la clé du marché du travail.

Et finalement, une autre difficulté tout aussi insurmontable, c'est l'accès aux corporations professionnelles. Je sais que le gouvernement libéral a fait des efforts pour établir des rencontres et sensibiliser les corporations professionnelles à l'insertion des immigrants qui arrivent ici avec des compétences bien précises, et le problème est loin d'être réglé.

Ma collègue vient de signaler l'Accord Québec-Canada, qui a été aussi une réalisation du gouvernement libéral. En vertu de cet Accord, le gouvernement du Québec est allé chercher 90 000 000 $ pour offrir des services d'intégration linguistique et d'intégration au marché du travail pour les nouveaux arrivants. Nous avons là un exemple de coopération fédérale-provinciale qui marche très bien. Mais il n'en demeure pas moins que l'immigration francophone, oui, on la veut, mais encore faut-il mettre en place les mesures, les ressources, les programmes pour faciliter son intégration au Québec, dans la société québécoise, et aussi et surtout dans le marché du travail.

L'immigration francophone, oui, mais, M. le Président, on ne peut pas se priver d'avoir aussi de l'immigration qui nous vienne de partout dans le monde et qui apporte avec elle des compétences et des ressources dont on a besoin au Québec. C'est une réalité, ça. On a besoin au Québec d'un certain nombre de compétences. D'ailleurs, l'immigration qui est sélectionnée dans le cadre des immigrants indépendants se veut essentiellement une immigration en fonction des besoins du marché du travail du Québec. Les autres catégories d'immigrants, à savoir la réunification de la famille, la catégorie des réfugiés, répondent à d'autres critères, humanitaires et autres, M. le Président.

Mais, dans le cadre de l'immigration indépendante, on a besoin, M. le Président, d'avoir des qualifications qui nous viendraient d'aussi loin que de l'Inde, du Pakistan, du Sri Lanka ou du Moyen-Orient, des pays d'Afrique anglophone, des pays où le français n'est pas nécessairement la première langue seconde, mais c'est des compétences qui sont réellement souhaitées au Québec et dont on a besoin.

Alors, M. le Président, je vais me joindre à ma collègue pour continuer le travail sur ce projet de loi en commission parlementaire de façon à ce qu'on s'assure que tous les outils sont en place non seulement pour fixer des objectifs théoriques, mais aussi pour faciliter une intégration harmonieuse à tous les nouveaux arrivants qui choisissent le Québec comme destination pour se fixer et pour installer leur famille et vivre harmonieusement avec l'ensemble des Québécois. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Alors, je vais céder la parole à M. le ministre pour son droit de réplique. M. le ministre.


M. Robert Perreault (réplique)

M. Perreault: Oui. Alors, très brièvement, M. le Président. J'écoutais les propos de l'opposition. D'abord, rassurer l'opposition. Je suis content de constater que la critique officielle a indiqué qu'elle collaborerait à l'étude de ce projet de loi, M. le Président.

Je veux juste indiquer que c'est un projet de loi qui, je pense, va être utile. Il ne faut pas y voir d'intentions ou d'objectifs qui n'y sont pas clairement indiqués. Il est normal, je pense, dans tout pays qui pratique une politique proactive d'immigration, qui le fait en toute transparence, qui dépose cette politique dans le cadre d'une planification à l'Assemblée nationale, il est normal, me semble-t-il, que nous disposions d'un outil pour nous assurer de l'atteinte des objectifs.

Or, l'histoire démontre, l'histoire récente, que, dans certains cas, dans certaines situations, malheureusement, nous nous retrouvons, pour toutes sortes de raisons – j'aurai l'occasion de les expliquer en commission parlementaire – devant des situations où, à toutes fins pratiques, les objectifs que s'est fixés l'Assemblée nationale, M. le Président, qui ont été déposés à l'Assemblée nationale, discutés à l'Assemblée nationale, risquent d'être pervertis par toutes sortes de contraintes extérieures aux choix que nous faisons.

Alors, ça me semble donc normal que nous nous dotions de cet outil. J'ai indiqué que tous les pays l'ont, que le régime fédéral l'a. Je peux tout de suite rassurer la critique de l'opposition, c'est prévu au projet de loi fédéral, à l'entente. Nous sommes conformes aux articles de la loi. Les objectifs que nous nous fixons annuellement, y compris ceux que j'ai annoncés récemment, ont été discutés avec le gouvernement fédéral et ont fait l'objet d'échanges et de communications entre les fonctionnaires. J'aurai moi-même l'occasion de repréciser toutes ces questions avec Mme Caplan bientôt, la ministre fédérale de l'Immigration. Mais, dans le cadre des comités de travail conjoints, toutes ces questions ont été abordées.

M. le Président, j'aimerais plus entendre l'opposition me dire – j'entendais la dernière critique – entendre l'opposition confirmer que les choix que nous faisons sont les bons, que, effectivement, sans pour autant prétendre à ce que 100 % de l'immigration au Québec soit francophone, nous avons raison de souhaiter que la partie de l'immigration que nous sélectionnons soit francophone. Je rappelle que l'immigration que le gouvernement fédéral sélectionne, dont il a la responsabilité, est à plus de 80 % anglophone, à plus de 80 %. Donc, autrement dit, dès le départ, à chaque année, une moitié presque des immigrants que nous recevons au Québec ne parlent pas le français de façon évidente et l'autre moitié, M. le Président, bien, ça dépend des choix que nous faisons, ça dépend des critères que nous fixons.

Je pense qu'il n'y a rien d'abusif de souhaiter qu'une majorité de ceux que nous sélectionnons, et non pas la totalité... Là-dessus, je suis bien conscient que le Québec n'a pas à se priver de la part de gens qui viennent de divers pays du monde, mais, dans la mesure où nous connaissons quand même nos propres défis démolinguistiques, je pense qu'il est normal que nous souhaitions... Et, ce faisant, je pense que nous nous inscrivons dans une tradition de cette Assemblée. Nous n'inventons rien. Peut-être, ce que nous faisons davantage, c'est de marquer dans l'action cette détermination et cette volonté d'atteindre des résultats qui ont déjà été discutés, avant même que notre gouvernement ne soit en place, par le gouvernement précédent et qui ont fait l'objet d'adoptions de politiques unanimes par cette Assemblée nationale.

(11 h 10)

Alors, je veux juste rassurer les gens d'en face, qu'il me semble que nous nous inscrivons tout à fait dans cette perspective. Ça sera un outil utile qu'il ne sera peut-être même pas nécessaire d'utiliser dans le courant des prochaines années. Mais, compte tenu de certains signaux qui nous seront envoyés, s'il devenait nécessaire de l'utiliser, bien, on en disposera, M. le Président. Et je pense que c'est une précaution nécessaire et souhaitable.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Alors, nous allons mettre aux voix le projet de loi, le principe du projet de loi. Le principe du projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de la culture

M. Boisclair: Oui, M. le Président, l'article... Non, d'abord, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de la culture pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, l'article 33 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 65


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 33, M. le ministre délégué aux Affaires autochtones propose l'adoption du projet de loi n° 65, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif en matière d'affaires autochtones. Premier intervenant, M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Chevrette: Nous avons convenu que le député de Jacques-Cartier commencerait, puisque nous sommes deux à intervenir sur le projet de loi, et je sais qu'il soulève des questions importantes auxquelles il faut répondre, de sorte que j'utiliserais exclusivement le droit de réplique après le discours du député de Jacques-Cartier.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, très bien. Alors, je suis prêt à céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. On arrive à la fin du débat sur le projet de loi n° 65, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif en matière d'affaires autochtones, Bill 65, An Act to amend the Act respecting the Ministère du Conseil exécutif as regards Native affairs. Et, dès le départ, et, je pense, comme on dit dans l'éducation, la répétition, c'est un bon outil pédagogique, alors, au risque de me répéter, une dernière fois, je pense que les réserves qui ont été soulevées par ce côté de la Chambre, c'est qu'on ne veut pas que ce projet de loi, que la mécanique qui est mise de l'avant freine ou ralentisse le projet qu'on a d'arriver avec les ententes avec les premières nations du Québec. Mais, les deux préoccupations que j'ai exprimées, je veux les exprimer de nouveau juste pour m'assurer que le ministre va bien répondre à mes deux préoccupations.

La première, et, malgré le fait que je suis un fédéraliste, je pense, des fois, il faut regarder à Ottawa pour ne pas répéter les erreurs qu'ils ont faites là-bas. Et je pense qu'une des grandes erreurs de notre passé, c'est le ministère des Affaires indiennes, à Ottawa. Et c'est maintenant un constat qui est partagé par les premières nations du Canada, même par les gouvernements subséquents, à Ottawa. Le gouvernement de M. Mulroney, le gouvernement de M. Chrétien ont convenu que ce modèle ne marche pas.

Et la raison pour laquelle ça ne marche pas, c'est qu'au lieu d'avoir une responsabilité à travers un gouvernement pour s'assurer que le ministre de la Santé et des Services sociaux, s'assurer que le ministre de l'Éducation, le ministre des Ressources naturelles, le ministre de l'Environnement ont le souci de travailler avec les premières nations du Québec, ont le souci de dire que les enjeux dans la santé à Kuujjuaq, c'est mes affaires comme ministre de la Santé et des Services sociaux, ou que la formation donnée dans les écoles à Eastmain, c'est l'affaire du ministre de l'Éducation... Qu'est-ce qu'on a vu à Ottawa et qu'est-ce qu'on ne veut pas faire ici en premier lieu? Que tous les autres ministres sectoriels se déresponsabilisent, en disant: C'est maintenant le ministre député de Joliette qui s'en occupe, ce n'est plus de mes affaires. Et je pense que c'est très difficile...

Moi, je me rappelle le débat qu'on a eu au printemps: deux projets de loi de ce gouvernement sur les sages-femmes, où la ministre de la Santé et des Services sociaux n'était pas au courant des projets existant notamment à Inukjuak, chez les Inuit, chez les Mohawks d'Akwesasne, qui étaient déjà en place, qu'elle rendra illégaux avec son projet de loi.

Nous avons corrigé le tir, mais c'est, encore une fois, un exemple où on n'a pas pris le souci d'être à l'écoute des besoins, qui étaient légèrement différents, des premières nations du Québec. On a vu le même phénomène quand on a voulu établir les règles du jeu pour une étude d'impact de l'environnement des chutes Churchill sans aviser les Montagnais. Ils demeurent là-bas, M. le Président, ils ont tout intérêt à venir témoigner comment on va étudier les impacts environnementaux du projet des chutes Churchill. Et le ministre de l'Environnement a carrément refusé de les recevoir en commission parlementaire. Il faut le faire, M. le Président. Alors, je ne veux pas que ça se répète. Tout le monde dit: Ah! les affaires autochtones, c'est bien compliqué, ce n'est pas de mes affaires, allez voir le député de Joliette, il va s'en occuper.

Ça, c'est ma première crainte. On verra avec l'usage si ça va se concrétiser ou non. Mais, comme je l'ai dit, on a juste à regarder à Ottawa, l'expérience du ministère des Affaires indiennes est un échec. Et je pense même à ce gouvernement, qui a dit: On va créer – il y a trois ans, avec le projet de loi n° 1 – un ministère de la Métropole qui va tout régler, tout va être beau; on va aller voir le ministre de la Métropole, et les dossiers de la région montréalaise vont avancer. Trois ans plus tard, le ministère est maintenant aboli, on a réintégré ça dans les Affaires municipales parce que ça ne marchait pas.

Alors, je pense qu'on a tout intérêt que, avant tout, il faut s'assurer qu'on a des bonnes relations entre nos premières nations et Hydro-Québec, entre nos premières nations et le ministère de la Santé et des Services sociaux, entre nos premières nations et le ministère de l'Éducation, entre nos premières nations et les Ressources naturelles, l'Environnement, etc. Et je ne veux pas que ce qu'on est en train de mettre en place ici déresponsabilise, comme je l'ai dit, les ministres sectoriels.

Deuxième problème. Je ne veux pas non plus, parce que le mot... et j'ai cherché, en commission parlementaire, même dans le débat qu'on a eu sur la prise en considération du rapport de la commission des institutions... parce que, dans ce projet de loi, je trouve fort troublant qu'on dise que toutes les ententes doivent être signées par le ministre délégué aux Affaires autochtones. Prenons juste la Convention de la Baie James, M. le Président, il y a des dizaines et des dizaines d'ententes auxquelles il faut arriver, à toutes les années, pour respecter nos responsabilités qui découlent de la Convention de la Baie James. Le ministre délégué aux Affaires autochtones a un secrétariat qui compte, de mémoire, une quarantaine d'effectifs. Alors, si, à chaque fois, une entente doit porter la signature du ministre délégué aux Affaires autochtones, ça va prendre deux, trois, quatre, cinq semaines d'analyse additionnelle par un autre ministre avant que le député de Joliette pose sa signature.

Prenons l'exemple des ententes annuelles entre la Commission scolaire crie et le ministère de l'Éducation. Alors, ça, c'est quelque chose qu'on fait sur une base récurrente, ça découle de nos obligations dans la Convention de la Baie James. Est-ce qu'à chaque fois il faut prendre le mémoire, porter ça au bureau, au Secrétariat des Affaires autochtones pour une autre analyse après qu'une analyse ait déjà été faite par le ministère de l'Éducation avant que le ministre pose sa signature sur l'entente?

Je sais que le ministre – et c'est malheureux qu'il n'ait pas fait ça encore – entend déposer un projet de règlement d'exclusion. Alors, il y a certaines des centaines d'ententes qu'on voit entre les premières nations et le gouvernement qu'il va exclure de la portée du projet de loi n° 65. Mais c'est une autre mise en garde qu'on ne veut pas, parce que, déjà, si on est dans une petite communauté comme Kangiqsualujjuaq, avec 500 personnes, c'est loin de la Grande Allée, ici, à Québec, et c'est loin d'être un projet qui va de l'avant, qui va répondre aux besoins des personnes dans un village nordique, dans une communauté autochtone éloignée.

(11 h 20)

Alors, je ne veux pas que, après avoir enfin réussi à convaincre le ministre de l'Éducation de l'importance d'un agrandissement d'une école ou le ministre de la Santé de l'ajout d'un programme de santé, il faille attendre un autre deux, trois mois pour chercher la signature d'un autre ministre. Alors, oui, je comprends. Et le ministre a dit ça, mais j'aimerais que, dans sa réplique, il dise de nouveau que ce qu'il vise, c'est vraiment d'être présent au moment de la création soit des nouvelles ententes, une revendication territoriale, même la question d'un traité éventuel. Parce qu'on a vu dans les autres provinces canadiennes, les Nishga entre autres, le traité moderne est un outil privilégié par les autochtones. La Convention de la Baie James est peut-être le premier exemple d'un traité moderne.

Alors, que le ministre délégué aux Affaires autochtones et partie prenante soit là pour la création d'un nouvel arrangement ou relation avec les premières nations, ça se comprend. Mais, dès qu'on a mis en place des règles de jeu d'une façon générale, que, année après année, il y aurait une relation entre une commission scolaire autochtone et le gouvernement, je dis: Laissez son collègue le ministre de l'Éducation composer avec la réalité autochtone et les dirigeants des écoles autochtones. Et on n'a pas besoin de rendre le processus trop lourd.

Ça, c'est mes deux craintes, à la fois la déresponsabilisation de ses collègues et, l'autre, qu'on ne veut pas alourdir trop le processus. Et notamment mais pas exclusivement, j'aimerais entendre le ministre de nouveau sur les liens entre le projet de loi qui est devant nous et les obligations du gouvernement du Québec qui découlent déjà de la Convention de la Baie James. Parce que, cette convention, c'est quelque chose que nous avons signé à cinq, de mémoire. C'est-à-dire que les Naskapis, les Inuit, les Cris, le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada sont les cinq signataires de la Convention de la Baie James. Alors, l'Assemblée nationale seule ne peut pas changer les conditions, on ne peut pas changer les règles du jeu. Il y a des obligations pour la santé, pour l'éducation, pour l'environnement, pour les ressources naturelles existant dans la Convention de la Baie James. Alors, je pense que c'est très important de mettre au clair que ce qu'on trouve dans le projet de loi ne remet pas en cause les obligations qui découlent de la Convention de la Baie James.

I think this is an important point, Mr. Speaker, because five parties signed the James Bay and Northern Québec Agreement, the Inuit, the Naskapi, the Cree, the Québec Government and the Canadian Government, that are all partners in this treaty that was signed over 20 years ago. And we can't, as a National Assembly, alone change the rules of procedure, and it's very important. And there are number of passages in the James Bay Agreement where it states quite clearly that the signature of the Minister of the Environment or the signature of the Minister of Education is required.

So, we have to be respectful of that treaty. If Québec, the Government of Québec would like to change the rules of operation... We're not talking about a great change, but, if we want to change it, it has to be with the consent of our partners. Because you cannot change a partnership unilaterally; it's something that you have to do working with your partners, working with the other people who signed the James Bay and Northern Québec Agreement.

So, I think it's very important that the Minister state quite clearly today that the obligations that are there, that the procedures agreed upon by the five partners in the James Bay Agreement will be respected and that we cannot, through Bill 65 or another tool, change those rules of procedure, change those obligations without the consent of the other parties concerned.

Aussi, je comprends qu'il y avait une proposition d'un ajout à l'article 3.48, et que, semble-t-il, l'avis du ministre était défavorable, mais je vais le lire quand même, parce que, je pense, à la fois pour respecter les droits issus des traités mais également pour mieux préciser la notion d'une entente, quelqu'un m'a soumis une proposition que j'ai trouvée intéressante. Alors, je vais lire ça pour les membres de l'Assemblée parce que je pense que c'est important.

C'est une proposition d'un ajout à l'article 3.48: «La présente sous-section n'a pas pour effet de modifier les dispositions de tout traité ou accord de revendications territoriales. Et toute entente convenue entre l'un des ministères du gouvernement ou l'un de ses organismes en application d'un traité ou un accord de revendications territoriales n'est pas visée par la présente sous-section.»

J'entends, par règlement d'exclusion ou «opting out», que le ministre entend faire ça dans un projet de règlement pour le mois de janvier. Mais je veux que, dans sa réplique, il soit très clair: c'est quoi, le genre d'ententes qu'il entend exclure. Moi, je pense, entre autres, M. le Président, en maintenant en place une cinquantaine d'ententes policières avec les différentes communautés autochtones au Québec. Et, oui, parce que c'est une politique qui a été mise en place au début des années quatre-vingt-dix par le Solliciteur général du Canada de l'époque, M. Doug Lewis, et le ministre de la Sécurité publique du Québec, M. Claude Ryan, qui est un partage intéressant des coûts – c'est 52 % fédéral et 48 % provincial – mettre de l'argent pour assurer des services policiers autochtones.

Et Québec, je suis très fier de le dire, a pris de l'avance sur toutes les autres provinces. C'est nous autres qui avons saisi ce modèle, qui avons dit que c'est vraiment quelque chose qui est intéressant pour nos communautés autochtones, parce que, avant tout, c'est à ces communautés... Dans la prise en charge des responsabilités, la responsabilité policière est une responsabilité essentielle pour une communauté.

Alors, je pense que la réussite de ce programme est quelque chose qui est au mérite des gouvernements, à la fois libéral et maintenant du Parti québécois, que nous ayons réussi à signer des ententes sur l'ensemble des communautés autochtones du Québec. Mais, maintenant qu'elles sont mises en place, je me demande si c'est juste une question de reconduire ces ententes. Règle générale, elles ont une durée de trois ans. Est-ce que, à chaque fois, le ministre délégué aux affaires autochtones doit apposer sa signature? Est-ce que c'est essentiel, maintenant que les relations entre le ministère de la Sécurité publique et les communautés autochtones sont établies – les paramètres de ces ententes – que les façons de les négocier sont mises de l'avant? Tout en rappelant, M. le Président, qu'il n'y a que 44 effectifs au Secrétariat des affaires autochtones.

Dans le projet de loi qui est ici, on a un projet de développement économique et d'infrastructures communautaires de 125 000 000 $ à gérer. Alors, il y a des choses importantes dans ce projet de loi. Je pense qu'on a tout intérêt à bien cerner le genre d'ententes que le ministre va signer.

Alors, c'est ça. Comme je l'ai dit, on a vu que le ministre a essayé d'en arriver à des ententes dans plusieurs domaines. Les ententes que nous avons regardées dans le projet de loi n° 66 pour la communauté mohawk de Kahnawake, on a tout intérêt, au niveau des relations harmonieuses avec la nation mohawk, que ça soit une réussite. Alors, on va encourager le gouvernement dans ses efforts.

Mais je pense qu'on a quand même le double souci que à la fois le projet de loi ne devienne pas un processus trop lourd, que ça freine ou ralentisse la réalisation des projets avec la communauté autochtone. Alors, dès que le ministre pourra déposer un avant-projet de règlement sur l'exclusion, je pense que ça pourra clarifier assez rapidement et peut-être répondre aux craintes de certaines des premières nations qui aimeraient savoir, aimeraient mettre les choses au clair. C'est ça, la nature des ententes visées par le projet de loi n° 65. Et ça, c'est les autres genres d'ententes administratives – je ne sais pas comment on peut les qualifier – qui ne seraient pas assujetties à l'obligation de toujours chercher la signature d'un ministre déjà fort occupé avec ses préoccupations de ministre des Transports, entre autres.

Également, comment on va s'assurer que les ministres sectoriels demeurent dans le coup? Je pense que, ça, c'est fondamental. Entre autres, la question du diabète chez les Cris. Il y a eu des études publiées récemment, que c'est une épidémie dans les communautés cries. Et je pense que le ministère de la Santé et des Services sociaux, c'est là où se trouve l'expertise. Ce n'est pas au Secrétariat aux affaires autochtones, mais avant tout au ministère de la Santé et des Services sociaux. Et également au ministère de l'Éducation, parce que beaucoup de la prévention du diabète, je pense, passe par l'école, parce que ça touche à la fois une maladie, c'est quelque chose qui traite de la santé, mais également de la diète et des choses qu'on mange. Il y a une incidence sur le nombre de cas qu'on trouve. Mais, quand on voit les communautés cries, de mémoire, l'incidence du diabète est cinq fois plus élevée que dans le reste de la société québécoise. Il y a quelque chose. Il faut s'y adresser de manière urgente. C'est la ministre de la Santé et des Services sociaux, et j'appelle la ministre à insister auprès de son collègue, parce que c'est quelque chose, ça prend un plan d'action assez rapidement pour aller de l'avant et confronter le fléau du diabète chez nos premières nations, mais notamment chez les Cris.

(11 h 30)

Alors, c'est ça, l'essentiel de mes questions. Et j'aimerais que, dans la réplique du ministre, on puisse voir comment il va limiter la portée de la notion d'entente dans le projet de loi et également s'il peut répéter le lien entre le projet de loi qui est ici et les obligations de son gouvernement qui découlent de la Convention de la Baie James. Je pense que ça peut rassurer certaines des premières nations du Québec. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre délégué aux Affaires autochtones pour son droit de réplique. M. le ministre.


M. Guy Chevrette (réplique)

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je tenterai, dans un premier temps, de répondre aux questions très précises qui me sont posées par le député de Jacques-Cartier, que je remercie, en passant, de la façon positive dont on tente de légiférer en matière autochtone au Québec. Je pense que c'est la seule voie si on veut démontrer qu'on est capable de vivre en harmonie au niveau du discours même des affaires autochtones. Je pense que ça peut être incitatif pour que les relations entre les gouvernements et les autochtones soient aussi harmonieuses.

On a parlé du danger de déresponsabilisation. C'est un peu la première question de fond. Si le ministre des Affaires autochtones, à toutes fins pratiques... Parce que le député est courtois, mais il avait le goût de me dire, et je le sentais: Je ne voudrais pas que le ministre des Affaires autochtones du Québec devienne le type de ministre des Affaires indiennes du Canada, où tout lui passe par les mains, où tout se signe, où tout se contrôle. C'est loin d'être ça, et d'ailleurs c'est grâce à la commission parlementaire précisément qui nous a amenés à regarder quels types d'ententes le ministre pourrait signer ou devrait signer par rapport à celles qu'il n'est pas nécessaire qu'il signe. Je pense que cela, ça va se régler dans les 30 jours de la signature justement de la loi, où il y aura – je lui donne ma parole là-dessus – un décret d'exclusion, et je veux expliquer.

Toutes les ententes qui découlent de l'administration courante d'un ministère n'ont pas à passer par le ministre des Affaires autochtones. Le ministère de la Santé a un problème, je ne sais pas, moi, dans un village inuit. Il fait une entente soit avec Kativik ou avec Makivik. Pas de problème, ça découle d'une entente-cadre qu'on a signée. Mais les types d'ententes-cadres, les types de grands thèmes à discuter... Quand on a une entente avec les Micmacs, je ne sais pas, de Maria, on s'entend sur trois thèmes, ça, c'est le ministre des Affaires autochtones qui la signe. Il n'est même pas nécessaire de signer avec les ministres sectoriels à ce moment-là parce que la loi nous autorisera à signer des ententes-cadres. Mais, quand on tombe dans le sectoriel ou dans un type d'ententes qui découlent d'une entente-cadre, là, je crois qu'il ne sera même pas nécessaire non plus de signer le type d'ententes.

Donc, vous avez deux situations où il y aura une exclusion: les ententes qui découlent naturellement d'une entente-cadre ou d'une entente globale qu'on a faite et toutes les ententes administratives qui découlent de la gestion même d'un ministère. Et ça, ce sera clair, et on aura répondu à cette partie-là.

Donc, on ne déresponsabilise pas du tout les ministères sectoriels. Au contraire, je pense qu'on vient les responsabiliser. Parce que, si je signe une entente comme ministre des Affaires autochtones sur deux ou trois points qui me sont soumis et sur lesquels j'ai négocié un type d'entente-cadre, je lie au contraire et je responsabilise le ministère pour qu'il vienne négocier son contenu, pour qu'il participe à la négociation, et l'autorité juridique qu'on donne maintenant au ministre des Affaires autochtones lui permet même d'intervenir et de favoriser la relation de négociation entre un ministère sectoriel et la communauté ou la nation autochtone. Je pense que c'est l'objectif fondamental de la loi et je pense qu'elle répond en tous points à ce qu'on vise, c'est l'efficacité dans ce domaine.

L'alourdissement s'en trouvera réglé aussi parce que c'est vrai que ça aurait été très lourd. Je n'en disconviens pas. Je remercie même le député de penser à la surcharge que ça m'aurait occasionnée parce que, quand on s'est mis à discuter en commission parlementaire, on a réalisé qu'il pouvait y avoir une avalanche d'ententes à signer dans la gestion même. Imaginez 24 ou 25 ministères qui concluent des ententes ponctuelles, puis ce serait dans le cadre de leur administration courante, c'est évident que le Secrétariat aux affaires autochtones, avec sa petite poignée d'employés, qui sont très bons d'autre part, qui travaillent puis qui sont dévoués comme ce n'est pas possible... Mais il reste que ça aurait été très lourd de contrôler l'ensemble des gestes administratifs qui s'opèrent dans chacun des ministères, et ce, quotidiennement.

Il y a une interrogation également qui est de taille, mais à laquelle il faut répondre, c'est la suggestion d'amendement qui a été présentée par le député de Jacques-Cartier, qui s'interroge sur les obligations de faire en ce qui regarde le gouvernement vis-à-vis de l'application soit d'un traité ou soit de la Convention de la Baie James, à toutes fins pratiques, parce que c'est le traité le plus moderne que l'on ait en matière de relations avec les autochtones, c'est même un exemple qu'on pourrait projeter à travers plusieurs continents. Et je dois vous dire qu'on est surpris de voir qu'on n'est pas cité en exemple parce que, depuis... Et ce sont les gouvernements qui se sont succédé, d'ailleurs, qui sont arrivés à conclure cette Convention de la Baie James.

Est-ce que le projet de loi n° 65 vise à établir autre chose, une nouvelle mécanique, ou vient diminuer ou vient s'ingérer? Je pense qu'il faut répondre à ça de façon très concrète.

Tout d'abord, le projet de loi n° 65 ne vient qu'assurer une cohérence gouvernementale mais ne change en rien tout ce qui a été signé jusqu'à date dans le cadre de l'application de la Convention de la Baie James. Il n'a aucune portée rétroactive. Il faut être clair là-dessus, le projet de loi n° 65 n'a aucune portée rétroactive. Et, même si ce projet de loi requiert maintenant que le ministre délégué aux Affaires autochtones soit signataire des éventuelles ententes visant à modifier les dispositions du chapitre de la Convention de la Baie James, il ne contrevient en rien à l'application de la Convention de la Baie James. Ce n'est qu'une signature.

Parce que vous remarquerez que c'est un consentement non pas d'un ministre, c'est un consentement du gouvernement. Et je vous prie de me croire là-dessus, le consentement du gouvernement peut s'exprimer par la signature d'un ou de plusieurs ministres, à part de ça, et donc, pour modifier ou changer le cours des choses dans une convention, comme l'expliquait tantôt le député, il faut que les parties signataires soient d'accord, et c'est un consentement gouvernemental et non pas d'un ministre.

Ce qui accrochait dans cela, c'est que, comme ministre responsable de l'application des lois, de l'application de ce traité, on n'avait pas à signer. Bien souvent, c'était nous qui conduisions les négociations puis, en bout de course, on n'avait pas à signer, il fallait référer à l'Exécutif, et tout. Mais là c'est clair que cette entente-là vient mettre de l'ordre dans la cohérence gouvernementale.

En plus de ça, certains articles à l'intérieur de la Convention de la Baie James réfèrent à des ministres en particulier. Il s'agit d'une approbation de mesures administratives et non d'ententes, à ce moment-là. Donc, quand on dit qu'il y a un chapitre qui fait nommément appel au ministère de l'Éducation, ce qui se signe, ce n'est pas en contravention avec la Convention de la Baie James, mais c'est tout simplement un acte découlant de l'application de la Convention de la Baie James. Ça, ça demeure intégral, ça ne change absolument rien.

À l'article 2.7 de la loi mettant en oeuvre la Convention de la Baie James, on prévoit que la conclusion d'ententes doit se faire conformément à la Loi sur le ministère du Conseil exécutif. C'est ça qui était à l'article 2.7, et je vais le lire: «Tout ministre responsable de l'application d'une disposition de la Convention peut, conformément à la Loi sur le ministère du Conseil exécutif (chapitre M-30), conclure des ententes avec le gouvernement du Canada ou tout autre organisme en vue de faciliter la mise en application de ladite Convention.» C'est déjà nommément dans la Convention de la Baie James, où un ministre peut conclure, dans le cadre de l'administration de son ministère, des ententes qui découlent justement du grand traité que constitue la Convention de la Baie James. Donc, il n'y a pas de problème de ce côté-là, et on ne change en rien un iota de la Convention elle-même et de son application.

Il est possible, pour une question de régie interne, bien sûr, d'exiger l'approbation de différents ministres dans le processus de conclusion d'ententes, d'autre part. Et ça, je pense que ça ne crée pas tellement de problèmes.

Vous l'avez vu dans le cas de Kahnawake, on a conclu une entente globale, je l'ai signée en tant que ministre responsable des Affaires autochtones. Et, de bonne foi, on a mis à l'oeuvre l'ensemble des ministères directement avec les gens de Kahnawake, et on est arrivé à la conclusion de 11 ententes, dont six nécessitaient une intervention juridique pour bien être cohérent avec ce qu'on avait publié en avril 1998, à savoir la politique en matière de relations avec les autochtones.

Mais, fondamentalement, vous avez eu des ministres, cinq ministres différents, je pense, qui sont venus signer. Certains en avaient deux, d'autres en avaient une seule. Mais on a signé, et j'ai dû signer les 11. Ça n'a pas alourdi le mécanisme parce que c'était la conclusion d'ententes qui changeaient le cours des choses, et ce, après une négociation. Mais ce n'était pas dans le cadre administratif, parce que ça changeait la nature des choses, justement, que je signais. Si ça avait été administratif, exclusivement d'un ministère à un ministère, ça n'aurait pas été nécessaire, et le décret d'exclusion viendra confirmer cela. Pour ne pas alourdir la tâche inutilement et même le processus et peut-être déresponsabiliser à la longue, je pense qu'on doit adopter effectivement ce projet de loi là.

(11 h 40)

Je ne crois pas qu'il y ait d'autres conditions supplémentaires qui pourraient être défavorables, de toute façon, dans ce projet de loi là à quelque nation autochtone que ce soit. Plus je lis le projet de loi, plus tout simplement... Ce n'est pas un projet de loi révolutionnaire, mais c'est un projet de loi qui dit: Bon, bien, on relevait de la Loi de l'exécutif, on a un ministre des Affaires autochtones, on l'incite à appliquer une politique, on lui permet de signer des ententes-cadres et, avec le décret d'exclusion, on permettra aux ministres de garder leurs responsabilités administratives ou encore sur les ententes qui découlent des ententes-cadres que l'on signera. Moi, je pense qu'on a trouvé quelque chose d'assez original.

D'ailleurs, je pense que ça a été une des belles discussions qu'il m'a été donné de faire dans mon dossier, très honnêtement, en commission parlementaire. J'ai aimé non seulement le ton, mais le contenu sur lequel on a fait les discussions. Ça a été fort intéressant, sachant qu'on partageait des objectifs communs, à savoir l'application... pas l'application d'une politique nécessairement, mais qu'on avait les mêmes visées d'établir fondamentalement des relations de plus en plus harmonieuses et de faire en sorte que nos relations avec les autochtones tiennent compte des réalités, du vécu qu'ils ont, que ces nations ont dans certains milieux québécois.

Les nations autochtones ne sont pas toutes en bordure d'un tissu urbain. Je peux vous dire qu'il y a des nations autochtones dans certains milieux éloignés qui connaissent des difficultés. C'est seulement trois nations qui bénéficient d'un traité ou d'une Convention de la Baie James: ce sont les Naskapis, les Cris et les Inuit. Mais il y a les Algonquins, les Montagnais. Il y a même des Montagnais qui sont considérés hors réserve, dans le sens qu'ils n'ont pas de réserve, qu'ils ont un territoire... Je pense à Saint-Augustin où ce n'est pas facile, les conditions de vie, là. Dans le parc de La Vérendrye, au Grand-Lac-Victoria, ce n'est pas facile de voir les conditions de vie.

Mais, malheureusement, même aujourd'hui, les conditions de vie... même dans des territoires de réserves, le logement social est devenu une préoccupation épouvantable. Le logement social crée des malaises et des problèmes sociaux majeurs, et c'est là-dessus qu'il faut, je pense, s'attaquer dans les prochaines semaines et les prochains mois, tâcher de faire corriger certaines injustices flagrantes et bâtir des projets, des programmes qui vont permettre, eux aussi, d'accéder à une qualité de vie.

En tout cas, moi, je suis très heureux, M. le Président, que les représentants de l'Assemblée nationale, que les membres de l'Assemblée nationale du Québec gardent ce ton dans les relations, entre nous d'abord, vis-à-vis des contenus très précis, vis-à-vis des gens à qui on a reconnu des droits en 1983 et en 1985 dans cette enceinte. Et je voudrais remercier tous ceux et celles qui ont participé à la commission parlementaire et qui contribuent à bâtir quelque chose d'intéressant non seulement pour les autochtones, mais aussi pour la nation québécoise, pour l'ensemble des relations entre les Québécois et les nations autochtones. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Ceci met fin aux discussions. Le projet de loi n° 65, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif en matière d'affaires autochtones, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. M. le Président, compte tenu de l'heure, je proposerais d'ajourner nos travaux à 14 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je m'en vais suspendre jusqu'à 14 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 11 h 45)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir un moment.


Affaires courantes

Très bien. Veuillez vous asseoir. Alors, nous débutons les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi aujourd'hui.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le premier ministre, d'abord.


Rapport annuel du ministère du Conseil exécutif

M. Bouchard: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1998-1999 du ministère du Conseil exécutif.

Le Président: Ce document est déposé, M. le premier ministre. Mme la ministre des Relations internationales et responsable de la Charte de la langue française.


Rapport annuel de la Commission de toponymie

Mme Beaudoin: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1998-1999 de la Commission de toponymie.


Préavis d'une motion des députés de l'opposition

Le Président: Alors, ce document est déposé. Pour ma part, j'ai reçu dans les délais prescrits préavis d'une motion qui sera inscrite dans le feuilleton de demain, aux affaires prévues par les députés de l'opposition. Conformément à l'article 97.1 du règlement, je dépose copie du texte de ce préavis.

Au dépôt de rapports de missions, M. le député d'Ungava.


Rapport de mission auprès du Conseil nordique, à Copenhague, et de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des pouvoirs locaux de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, à Paris

M. Létourneau: M. le Président, je dépose le rapport de mission de la Délégation de l'Assemblée nationale pour les relations avec les institutions multilatérales européennes auprès du Conseil nordique, à Copenhague, du 17 au 19 mai 1999, et auprès de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et des pouvoirs locaux de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, à Paris, les 20 et 21 mai 1999. Au cours de cette mission, j'étais accompagné par M. le député de Beauharnois-Huntingdon.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport de mission est déposé. M. le président de la commission des finances publiques et député de Richelieu.


Dépôt de rapports de commissions


Consultation générale sur la réduction de l'impôt des particuliers

M. Simard (Richelieu): M. le Président, j'ai le plaisir et l'honneur de vous déposer le rapport de la commission des finances publiques qui a tenu un colloque le 12 octobre 1999 et des auditions publiques les 13, 14, 19, 20, 26 et 27 octobre et les 10, 16, 17 et 18 novembre 1999 dans le cadre d'une consultation générale portant sur la réduction des impôts des particuliers.


Auditions et étude détaillée du projet de loi n° 222

Également, M. le Président, j'ai le plaisir de vous déposer le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé aujourd'hui, le 23 novembre 1999, afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi privé n° 222, Loi concernant L'Industrielle-Alliance Compagnie d'Assurance sur la Vie. La commission a adopté le projet de loi avec un amendement.

Le Président: Alors, merci, M. le président de la commission des finances publiques. Les deux rapports sont déposés.

En ce qui concerne le rapport sur le projet de loi d'intérêt privé n° 222, est-ce qu'il est adopté? Très bien.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Robert-Baldwin.


Tenir une consultation générale sur la mission et l'organisation d'Emploi-Québec

M. Marsan: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition conforme adressée à l'Assemblée nationale, de différents groupes communautaires de l'Ouest-de-l'île de Montréal, par 56 pétitionnaires.

«Les faits invoqués sont le suivants:

«Considering the political and administrative confusion which reigns in the Employment Ministry;

«Considering the inability of the Minister of Employment and her government to correct the situation;

«Considering the harm caused to the unemployed, welfare recipients and job seekers as a result of the incompetence of this Government;

«Considering the population of Québec has lost confidence in the employment services offered by the Government;

«Considering the withdrawal of the Québec Government from the financing of active measures aimed at individuals seeking to improve their skills and their chances to obtain a rewarding and stable job;

«Considering the lack of transparency in the management of the Employment Ministry;

«Considering the unacceptable cutbacks and the changes that the Minister is undertaking without consultation in the programs in the areas of preparation, insertion, maintaining and creating jobs;

«Considering the important loss of expertise that the cutbacks have to the external services who are partners of Emploi-Québec in the fight against unemployment, poverty and exclusion.

«Et l'intervention réclamée se résulte ainsi:

«We, the undersigned, ask the National Assembly to require that the Québec Government hold an open public debate on the mission, organization and role of Emploi-Québec in the application of a true policy for the work force in order to put an end to the existing confusion, the lack of transparency and the improvisation that has made victims in the most vulnerable people in Québec society; and to this end, the Government organize a parliamentary committee which would allow the unemployed, welfare recipients, job seekers, community organizations, employment agencies, partners from the workplace and school boards to be heard.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition. Merci, M. le Président.

(14 h 10)

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. Avant de passer à la période de questions et de réponses orales, je vous annonce qu'il y aura trois réponses différées après celle-ci. D'abord, une réponse que Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux donnera à la question posée le 18 novembre dernier par Mme la députée de Bourassa concernant le nombre de places en centres d'accueil et d'hébergement, puis Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi répondra à la question posée le 16 novembre 1999 par M. le député de Robert-Baldwin concernant l'entreprise Confection Lammoda, et, finalement, M. le ministre du Revenu répondra à une question posée le 11 novembre par Mme la députée de Beauce-Sud concernant la vente de bière et de cigarettes sans taxes sur la réserve de Restigouche.


Questions et réponses orales

Alors, en question principale, d'abord M. le chef de l'opposition officielle.


Négociation d'un nouveau pacte fiscal avec les municipalités


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci beaucoup, M. le Président. Le 21 avril dernier, à l'Assemblée nationale, le premier ministre disait ceci, et je cite: «...il n'y personne qui peut nier que le fardeau fiscal des Québécois est excessif.» Le printemps dernier, l'opposition officielle présentait une motion à l'Assemblée nationale, qui demandait au gouvernement, à défaut d'une baisse d'impôts immédiate, de s'abstenir d'imposer toute nouvelle forme de tarif, taxe ou impôt de façon directe ou indirecte ou d'augmenter les taux des taxes, tarifs ou impôts existants. Cette résolution, vous vous rappellerez, M. le Président, le gouvernement avait refusé de l'appuyer. Eh bien, hier, on a appris pourquoi, puisque, dans les négociations avec les municipalités, ce qu'on apprend, la seule chose qu'on apprend qui est absolument garantie, qui est sûre, c'est que les contribuables québécois, sur une période de quatre ans, vont voir leurs impôts fonciers augmenter au-delà de 1 200 000 000 $. En transférant aux commissions scolaires la responsabilité, en autorisant une augmentation des impôts fonciers, le seul résultat tangible garanti des négociations à ce jour, c'est une augmentation de plus de 1 200 000 000 $, et ça, je le rappelle au gouvernement, c'est de l'argent payé par le citoyen du Québec, après impôt.

Est-ce que le premier ministre peut nous dire aujourd'hui de quelle façon il compte s'assurer que cette augmentation de taxes directes aux contribuables ou aux citoyens du Québec va être réduite de manière équivalente, sinon plus, avec d'autres réductions d'impôts par son gouvernement, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, comme on le sait, le gouvernement a déjà réduit de 500 000 000 $ net le fardeau fiscal québécois. Il a contracté l'engagement de le réduire de 400 000 000 $ additionnels en juillet prochain, et nous avons, pour la durée du mandat, l'engagement de réduire les impôts de l'ordre de 1 200 000 000 $.

S'agissant des négociations qui sont en cours entre les Unions municipales et le gouvernement, je pense que le chef de l'opposition n'est pas au courant – et c'est normal, il n'est pas à la table de négociation – de tout ce qui est en train de se discuter. Ce qui se discute, M. le Président, c'est que le transport scolaire ne sera pas transféré, comme il en a été initialement question, aux MRC, il continuera d'être assumé par les commissions scolaires, et que les 356 000 000 $ annuels qui, sur une période de trois ans, doivent être payés par les municipalités seront remplacés par une augmentation de la taxe scolaire du même ordre, à la condition – et nous travaillons là-dessus présentement – sine qua non – autrement, il n'y aura pas d'accord – qu'un mécanisme législatif contraignant soit mis en oeuvre de façon à garantir à la population par la loi et de façon mécanique qu'à chaque année, d'année en année, à chaque accroissement du fardeau fiscal global scolaire correspondra une diminution au moins équivalente du fardeau foncier municipal, M. le Président.

Alors, le chef de l'opposition, je pense, devrait se rassurer. C'est hier, au cours des deux séances des négociation que nous avons eues avec les deux Unions, que nous avons convenu très clairement que c'était la condition à laquelle il fallait satisfaire. Et, présentement, il y a des gens qui travaillent des deux côtés pour élaborer la mécanique qui va donner cette garantie absolue aux contribuables.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, il n'y a absolument rien de rassurant dans ce que le premier ministre vient de nous dire, surtout lorsqu'il prétend que son gouvernement a réduit les impôts de 500 000 000 $ puis qu'il a oublié de mentionner qu'il a augmenté la TVQ de 1 %, hein. Ça, il oublie toujours de mentionner ça. Par toutes sortes d'autres moyens, son gouvernement trouve toujours le moyen de taxer.

Alors, on a bien compris hier que les citoyens du Québec vont se faire imposer un fardeau supplémentaire de plus de 1 200 000 000 $ sur une période de quatre ans. Et le premier ministre prétend maintenant qu'il y a 1 300 municipalités au Québec qui vont s'engager à réduire les impôts pour un montant équivalent, alors que Florian Saint-Onge, hier, qui représente la Fédération québécoise des municipalités, disait qu'il n'avait aucune intention, lui, de demander à ses membres de réduire les impôts. Puis on peut comprendre pourquoi: ces mêmes municipalités ont dû avaler une facture, depuis les deux dernières années, qui leur a imposé des restrictions de dépenses, qui les a forcées à négliger leurs infrastructures, M. le Président.

Alors, comment le premier ministre peut-il prétendre aujourd'hui faire passer cette réduction, à moins de mettre les municipalités du Québec sous tutelle?

Le Président: Alors, M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: Je pense qu'il est normal que le ministre des Finances aide le chef de l'opposition à avoir une vision factuelle de la fiscalité québécoise. Le premier ministre a dit: 500 000 000 $ de baisse, c'est 500 000 000 $ net, effectivement. Le contribuable, dans cette opération où il y a eu hausse de la taxe de vente, baisse des impôts, en a eu pour 500 000 000 $ net.

Mais je voudrais ajouter à la culture libérale du chef de l'opposition, cette fois, ce n'est peut-être pas une chose dont il s'est pénétré profondément. En effet, l'accroissement du fardeau fiscal... Non, mais, s'il connaissait l'histoire fiscale de son parti, ça lui inspirerait des réflexions plus profondes quand il parle de la nôtre. Ils ont inventé les impôts rétroactifs, par exemple. Je ne sais pas si le chef de l'opposition le savait. Mais, sans parler des rétroactifs, juste les vraies hausses d'impôts, là – des fois, le président m'arrête parce qu'il trouve que c'est trop long – c'est une litanie: 960 000 000 $ en 1990-1991, 1 900 000 000 $ en 1991-1992, 2 200 000 000 $ en 1992-1993, 3 300 000 000 $ en 1993-1994, 2 400 000 000 $ en 1994-1995. Total: 10 000 000 000 $ net, M. le chef de l'opposition.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, on va offrir l'occasion au gouvernement, justement, de nous dire de quelle façon il a l'intention de travailler avec les municipalités pour les réduire, les impôts. Puisqu'il parle de ses conditions à lui, il doit savoir – parce que ça a dû être discuté aux tables – que, du côté du monde municipal, ils ont également parlé de conditions. Puis il y en a une, condition, qui est très clairement répétée, qui a déjà été exprimée à plusieurs reprises, c'est de revoir les articles 45 et 46 du Code du travail parce que, ça tombe sous le bon sens, si le premier ministre veut favoriser des fusions... quoiqu'on sait qu'il est absolument contre les fusions forcées, et on est heureux qu'il se soit prononcé là-dessus, lui, personnellement. Mais, si le premier ministre puis son gouvernement espèrent justement arriver à des économies, s'il veut encourager les fusions, s'ils veulent faire toutes ces belles choses là, est-ce qu'ils vont détacher les mains du monde municipal? Est-ce qu'ils vont leur permettre de travailler? Est-ce qu'ils vont s'engager aujourd'hui à respecter les conditions du monde municipal, qui leur demande de revoir les articles 45 et 46 du Code du travail, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, il faut bien noter que tout le monde nous demande de modifier l'article 45. Donc, on pourrait penser que ça va être facile, puisque tout le monde nous le demande. Mais il y en a la moitié qui nous le demande pour le resserrer puis l'autre moitié qui nous le demande pour le diluer, pour l'assouplir. Alors, quand on parle de l'article 45, on parle d'une des dispositions du Code du travail qui sont une clef de voûte de l'équilibre entre les employeurs, les travailleurs et les syndicats au Québec. C'est quelque chose qu'il faut regarder, nous en convenons, mais ça ne se fait pas en criant lapin et ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire de façon légère.

Ceci étant dit, quand nous avons conduit l'entente de 1997 avec l'Union des MRC, nous avons pris l'engagement de donner un outil législatif, s'il le fallait, pour permettre aux municipalités de réaliser la diminution de 6 %, notamment, de leurs coûts de main-d'oeuvre. Nous l'avons fait et nous avons vu que, à la faveur d'une négociation, les parties ont été capables, dans beaucoup de cas, de diminuer de 6 % les coûts de main-d'oeuvre et nous pensons aussi que très souvent... Je ne veux pas charger les municipalités, mais il y a aussi des responsabilités qu'elles doivent assumer comme employeurs. Quand elles négocient avec des syndicats, il faut qu'elles soient capables de se tenir debout aussi quand c'est le temps et il faut qu'elles soient capables de discuter de réalisme et de responsabilité fiscale avec les syndicats, et je pense qu'il est possible de le faire. M. le Président, on est toujours capable de convaincre les gens quand ça a du bon sens.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: C'est intéressant de noter que le premier ministre cite justement un projet de loi qui a permis a création de clauses orphelin dans les municipalités puis qu'aujourd'hui il est obligé de reculer là-dessus.

Mais, comme il vient de me donner la moitié d'une réponse, puis qu'il parle d'une moitié qui est en faveur, puis une moitié qui est contre, est-ce qu'il pourrait nous dire dans quelle moitié il se situe, lui, aujourd'hui?

(14 h 20)

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, la question a été évoquée hier au cours d'au moins une des séances de négociations, et, de mémoire, l'union qui l'a soulevée, cette question-là, n'a pas réclamé de modifications immédiates. Elle a demandé qu'on examine les perspectives de cette question, et nous sommes en train justement de procéder à l'étude de ce qu'on peut faire dans le cadre d'un règlement comme celui-là.

Le Président: En question principale, M. le député de Hull, maintenant.


Orientations en matière de fusions de municipalités


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Alors, jeudi passé, à l'Assemblée nationale, on a assisté au Festival Juste pour Rire, avec trois acteurs privilégiés en termes de fusion municipale. Tout d'abord, le premier ministre qui, lui, dit: Vous savez, un mariage forcé, ce n'est jamais bon. Deuxièmement, le vice-premier ministre qui, lui, dit: Le premier ministre n'est pas là, c'est moi qui mène, puis moi, des fusions forcées, je suis d'accord avec ça. Puis, dans le rôle de figurant, bien, on avait le ministre des Transports qui dit, lui: Bien, moi, j'ai le droit à mon avis là-dedans, puis je peux le dire tout haut.

Bien, si ce n'était pas assez, en fin de semaine, le ministre des Transports a décidé de faire paraître une lettre ouverte dans un hebdo de son coin, et je vous cite ce qu'il a dit, le ministre des Transports: «Je suis contre toute fusion forcée parce qu'elle braque davantage les citoyens entre eux. Je n'appartiens pas au groupe de ceux et celles qui se complaisent dans la confrontation.»

Ma question est simple, M. le Président: Pourquoi la ministre des Affaires municipales est-elle campée dans le camp qui se complaît dans la confrontation? Pourquoi cherche-t-elle la confrontation avec les résidents de Mont-Tremblant?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, il me semble pourtant assez évident qu'il faut exercer un jugement d'opportunité et que le gouvernement a dit clairement qu'il n'y aurait pas de statu quo en matière de réforme municipale, mais qu'il n'y aurait pas non plus de mur-à-mur, et ce n'est pas notre intention de faire du mur-à-mur. Est-ce qu'il faut des fusions? Oui. Est-ce qu'il en faut partout? Non. Et je crois, M. le Président, qu'il faut clairement le rappeler à cette Assemblée, chaque cas doit être décidé au mérite, et cela dépend essentiellement des conséquences sur l'ensemble du territoire en termes de développement régional, de protection de l'environnement, d'équité dans les services et dans le partage des coûts de financement.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire?

M. Charest: En principale, M. le Président.

Le Président: En principale, très bien.


Entente relative aux bourses d'études du millénaire


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, ma question est en principale, et ça touche la question des bourses du millénaire. Le premier ministre aura sans doute pris connaissance d'une déclaration faite hier par la Fédération étudiante universitaire du Québec qui répudie son ministre de l'Éducation en qui elle n'a plus confiance. La Fédération a parlé avec beaucoup de fermeté, a demandé que le premier ministre intervienne personnellement pour tenter de régler ce dossier, alors que partout ailleurs ça a été réglé.

Je rappellerai au premier ministre, M. le Président, que l'opposition libérale a présenté une résolution à l'Assemblée nationale, qui a été adoptée à l'unanimité. Je rappellerai également au premier ministre que, sur mon initiative, lui et moi avons signé une lettre conjointe au premier ministre du Canada, ce qui a eu pour effet de débloquer les négociations, de faire nommer des négociateurs et de faire avancer le dossier. La Fédération étudiante universitaire du Québec demande à nouveau que le premier ministre intervienne pour qu'on puisse enfin fermer ce dossier et faire en sorte que les étudiants puissent avoir accès au fonds des bourses du millénaire.

Alors, M. le Président, aujourd'hui, je demande à nouveau au premier ministre – je le fais dans un esprit constructif – s'il ne serait pas prêt à écrire à nouveau au premier ministre du Canada pour lui demander d'intervenir et d'enfin régler cette affaire-là, et de le faire personnellement, puisque la Fédération étudiante universitaire du Québec n'a plus confiance dans son ministre de l'Éducation.

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, je voudrais effectivement, moi aussi, faire un bref historique. Oui, il y a eu une résolution unanime de l'Assemblée nationale. Oui, il y a eu aussi une lettre qui a été signée par les trois chefs de parti, une lettre dans laquelle on disait que chacun, c'est-à-dire du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral, nommerait un représentant, ce qui a été fait. Il y a eu plusieurs rencontres et il y a eu une entente administrative qui a été conclue au début du mois de juillet. D'ailleurs, la dernière version a été produite par le gouvernement fédéral. C'est cette version, M. le Président, que j'ai signée il y a quelques semaines et que je demande à la ministre Mme Stewart de faire signer par la Fondation.

M. le Président, il y avait deux points qui étaient en suspens. Il y avait un point qui concernait les chèques. Ce point est réglé, on va faire des versements électroniques. Il restait l'autre point qui était l'utilisation des fonds. M. le Président, je ne sais pas si l'opposition officielle se rend compte qu'elle a appuyé la dernière proposition du gouvernement fédéral et que la Fédération étudiante universitaire a aussi appuyé la dernière proposition du gouvernement fédéral, proposition dans laquelle on nous suggérait d'avoir un système d'aide financière aux étudiants à deux vitesses – à deux vitesses, M. le Président – puisque, dans la dernière proposition du gouvernement fédéral, on excluait de la réduction de l'endettement des étudiants tous les étudiants en formation professionnelle, tous les étudiants en première année du cégep, tous les étudiants à la maîtrise, tous les étudiants au niveau du doctorat. On a un système universel au Québec, je ne vois pas pourquoi on changerait notre système. On verse trois quarts de milliard par année. Pour 70 000 000 $ par année, on va tout changer notre système? Jamais, M. le Président.

Le Président: En question principale?

M. Béchard: Oui.

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata maintenant.


Retard dans l'émission des chèques d'aide financière aux étudiants


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. Dans une lettre qui nous a été acheminée par une préposée au service de l'aide financière d'un cégep de Montréal, elle y indique que son fils devra défrayer les frais des services éducatifs à même l'aide financière venant du gouvernement et qu'on lui a appris que son chèque, qui devait entrer en octobre, arriverait, au mieux, à la fin de janvier. Elle indique aussi que, depuis quelques semaines, les émissions de chèques de l'aide financière aux étudiants via les institutions accusent des retards importants et inexpliqués. Inexpliqués jusqu'à ce qu'on découvre une lettre du directeur du service de l'aide financière et de la Direction des services à la clientèle, M. Michel Verge, qui dit que, finalement, si les chèques sont retardés, si on a de la difficulté à gérer le système d'aide financière au Québec, c'est parce qu'il y a une diminution des outils d'information, c'est parce que l'équipe connaît aussi plus que sa part d'absences pour maladie prolongée et c'est aussi à cause de toutes ces circonstances malheureuses qui ajoutent aux effets d'un débordement qui perdure et le poids énorme du sentiment de ne pas fournir le service attendu. Ça, c'est au Québec, M. le Président.

M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation comprend maintenant pourquoi les étudiants au Québec ont perdu confiance en lui dans le dossier des bourses du millénaire? Parce qu'il est incapable de gérer le système d'aide financière au Québec, ce qui fait en sorte que des étudiants devront attendre quatre mois pour recevoir leur aide financière.

Qu'est-ce qu'il va faire, avant de donner des leçons de gestion aux autres, pour lui-même s'assurer que les étudiants du Québec vont recevoir leur aide financière à temps et telle que promise?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, il est exact qu'il y a eu un certain engorgement des lignes téléphoniques, et, selon les informations qu'on m'a rapportées, c'était pour implanter les nouvelles dispositions concernant la loi d'accès à l'information. Donc, je me suis assuré qu'on suivait comme il faut toutes les lois.

M. le Président, je voudrais revenir sur le dossier des bourses du millénaire pour rappeler au député de l'opposition que l'éducation, c'est une compétence exclusive du Québec, puisque ça ne semble pas encore clair dans sa tête. Le gouvernement du Québec ne renoncera pas à cette compétence parce qu'il y a des milliards à Ottawa. Jamais nous n'accepterons de nous asseoir avec la Fondation pour négocier les priorités en matière d'éducation, et je ne suis pas le premier ministre de l'Éducation à défendre cette position.

Je vous citerai, en terminant, une ex-ministre du gouvernement du Québec qui disait, et je cite: «Le Québec entend demeurer maître de ses politiques en matière d'enseignement postsecondaire. La participation fédérale au financement de l'enseignement postsecondaire doit demeurer inconditionnelle. Jamais celle qui vous parle n'acceptera, à titre de ministre de l'Enseignement supérieur, de discuter directement ou indirectement de quelque forme que ce soit d'ingérence du gouvernement fédéral en matière d'éducation, notamment en enseignement supérieur, jamais. Ma réponse à une invitation fédérale de rencontre à ce sujet sera simple, mais combien convaincue: Non, merci.»

(14 h 30)

M. le Président, je fais miennes ces déclarations de Mme Lucienne Robillard en cette Chambre, le 29 mai 1991.

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, peut-être que le ministre de l'Éducation aurait intérêt à s'inspirer de son premier ministre qui a été nommé au cabinet fédéral et qui était secrétaire d'État responsable d'un programme de bourses où les députés fédéraux allaient directement sur les campus universitaires livrer les chèques. C'était lui, le ministre responsable, qui les envoyait livrer ça. Alors, M. le Président, s'il veut s'inspirer de quelqu'un, qu'il s'inspire donc de celui qui est le premier ministre, le chef de son parti, le président de son parti, à qui on demande aujourd'hui une chose fort simple.

Au lieu de cultiver les chicanes, au lieu de cultiver les désaccords – parce que la Fédération étudiante universitaire du Québec ne vous croit plus, les étudiants du Québec ne vous donnent plus de crédibilité – est-ce que le premier ministre pourrait, lui, poser un geste, faire en sorte qu'on puisse enfin débloquer le dossier, signer une entente puis permettre enfin aux étudiants d'avoir accès à l'argent qui leur appartient?

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, je le rappelle – peut-être que le chef de l'opposition ne m'a pas bien compris tantôt – le gouvernement fédéral propose, dans le 35 000 000 $ pour la réduction de l'endettement étudiant, d'exclure les étudiants de formation professionnelle, les étudiants de première année du cégep, les étudiants à la maîtrise et au doctorat, puis on sait comment on a besoin d'augmenter le nombre d'étudiants dans ces domaines. Je voudrais savoir clairement de la part du chef de l'opposition: Est-ce qu'il nous suggère d'aller négocier les priorités du Québec, en matière d'éducation, avec une fondation qui est présidée par le chef de la direction de Bell Canada? Est-ce que c'est ça que le chef de l'opposition nous propose, aujourd'hui? Qu'il soit clair dans sa recommandation, s'il vous plaît.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup, et, par la suite, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


M. Mario Dumont

M. Dumont: En complémentaire, M. le Président, est-ce que le premier ministre se rend compte que, si son ministre aujourd'hui est obligé de faire des références historiques, c'est parce qu'il nous a présenté devant l'Assemblée une entente qu'il était le seul à avoir signée, que, depuis le début, dans ce dossier-là, ça a été sous le signe de l'incompétence, non pas des compétences du Québec mais de l'incompétence? Son ministre a agi devant l'Assemblée comme un pee-wee, les étudiants du Québec ne lui font plus confiance et lui, le premier ministre, a un devoir devant les étudiants aujourd'hui de se prononcer là-dessus puis de dire qu'est-ce qu'il va faire pour régler le dossier que son ministre a raté.

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, je rappellerai au chef de l'ADQ qu'il a signé une lettre, lettre d'ailleurs qui a été signée par les trois chefs de parti ici, en cette Chambre, lettre où on disait qu'on devait chacun nommer un représentant, ce qu'on a fait. Il y a eu plusieurs rencontres pour négocier une entente administrative. L'entente que j'ai signée par incompétence, comme il l'a dit, c'est l'entente qui a été suggérée par le gouvernement fédéral. Donc, je suis très surpris, effectivement, qu'aujourd'hui on vienne nous dire que cette entente n'est pas acceptable et qu'on vienne nous demander des précisions additionnelles sur l'utilisation des fonds en nous suggérant d'exclure des étudiants des niveaux de formation professionnelle, de première année de cégep, de maîtrise et de doctorat.

On a un régime universel d'aide financière aux études, M. le Président. On distribue chaque année 750 000 000 $ de prêts et bourses au Québec, on le fait bien, on le fait depuis plus de 30 ans. Je ne vois pas pourquoi on changerait toutes nos priorités parce que le gouvernement fédéral arrive avec 70 000 000 $. Je ne vois pas pourquoi on se mettrait à genoux devant le gouvernement fédéral et devant la Fondation des bourses du millénaire.

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


M. Claude Béchard

M. Béchard: M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation se rend compte que, si les étudiants du Québec n'ont pas confiance en lui, c'est parce qu'il n'est même pas capable de gérer et de régler un cas de virus à l'aide financière aux étudiants au Québec qui ferait en sorte que les étudiants auraient leur chèque à temps et non pas quatre mois en retard? Vous n'êtes pas capable de gérer votre propre système d'aide financière. Alors, avant de donner des leçons aux autres, assurez-vous donc que les étudiants au Québec aient leur chèque à temps et non pas avec quatre mois de retard.

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, le système de prêts et bourses au Québec fonctionne très bien. On donne à chaque année pour 750 000 000 $ de prêts et bourses. On a fait quelques...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre...

Des voix: ...

Le Président: Très bien. À l'ordre, s'il vous plaît! Merci de votre collaboration. M. le ministre, en réponse.

M. Legault: M. le Président, on a eu quelques difficultés, effectivement, avec notre système de prêts et bourses pour quelques dossiers. On a mis le personnel additionnel en place. On me dit que les problèmes sont réglés. On a le meilleur système de prêts et bourses en Amérique du Nord et on va s'assurer de le garder.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, maintenant.


Plaintes relatives à l'émission de bons de souscription par L'Alternative, compagnie d'assurances sur la vie


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. La semaine dernière, le ministre des Finances a déposé un présumé rapport complet de l'Inspecteur général des institutions financières. Le ministre s'est dit tout à fait satisfait. D'ailleurs, le 11 novembre, il a réitéré ses propos, comme étant tout à fait satisfait. À titre de porte-parole de l'opposition, je reçois nombre d'appels de gens qui ont investi dans Gestion AVP ou Gestion Alternative et même L'Alternative vie. J'ai même, d'ailleurs, une demande de 80 investisseurs qui veulent me rencontrer, qui sont prêts à se regrouper pour me rencontrer. Il me semble qu'il n'y a pas de fumée sans feu. Il me semble qu'on ne peut pas être complaisant face à ça. Or, je viens de recevoir la preuve – je viens juste de la recevoir – d'une irrégularité au niveau d'Alternative vie. Une compagnie doit émettre ordinairement un prospectus pour solliciter de l'argent. Si... Non. Il faut que je vous explique.

Le Président: Je veux bien que vous ayez la possibilité d'expliquer non seulement au président, mais à l'ensemble des membres, mais je vous indique simplement de le faire dans les délais prescrits. Vous avez déjà largement dépassé votre temps pour le préambule et la question, alors je vous indique: Si vous pouvez aller à votre question maintenant, Mme la députée.

Mme Jérôme-Forget: Une compagnie qui veut solliciter de l'argent doit émettre un prospectus. Or, L'Alternative n'a pas émis de prospectus et devait solliciter au moins 165 000 $ par personne qui donnait de l'argent, qui investissait – c'est écrit dans le document – dans des bons de souscription. J'ai deux bons de souscription pour 82 500 $. Voilà une irrégularité. C'est illégal d'avoir fait ça.

Comment le ministre des Finances peut-il encore accepter qu'il ait reçu un rapport complet au sujet d'Alternative vie, alors que, moi, à titre de porte-parole de l'opposition, je reçois des documents comme celui-là?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, je réitère que l'Inspecteur général des institutions financières, en ce qui a trait à la compagnie d'assurances L'Alternative, non seulement a fait son travail habituel, mais, comme c'était la première fois qu'on incorporait une compagnie d'assurances depuis très longtemps, il a fait du zèle et il a fait des vérifications et des contre-vérifications, et je suis parfaitement satisfait de son travail jusqu'à ce jour.

Pour ce qui est de la compagnie de distribution, ça ne relève pas de l'Inspecteur des institutions financières, ça relève de la Commission des valeurs mobilières, et cette Commission, qui est un organisme quasi judiciaire et qui doit travailler à distance du pouvoir, fait présentement une enquête. Si des irrégularités sont survenues non pas dans l'aspect assurance des choses – parce que la compagnie d'assurances est d'une extrême solidité – mais dans l'aspect distribution, bien là on tombe dans un autre univers. On est dans le modèle capitaliste, d'économie de marché, les gens investissent, il y en a malheureusement – et on compatit beaucoup avec eux – qui investissent dans des opérations moins rentables que d'autres, et même que des déconfitures, cela existe. Ce n'est pas encore le cas pour la compagnie de distribution, j'espère que ça n'arrivera pas. Entre-temps, comme je l'ai dit, la Commission des valeurs mobilières fait son enquête.

Je serais lourdement blâmé si j'essayais de m'immiscer dans cette enquête. Cependant, je recommande à la critique de l'opposition de diriger les 80 plaignants chez moi aussi. Même qu'il y a une certaine logique de s'adresser plutôt au pouvoir qu'à l'opposition quand on veut que des gestes administratifs soient posés. Alors, je pense que, avant que je vous conseille de le leur conseiller, si vous aviez été sérieuse, vous l'auriez fait vous-même. Mais, maintenant que je vous ai avertie, faites-le donc.

(14 h 40)

Le Président: Mme la députée.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, en complémentaire, est-ce qu'on me permet de déposer les souscriptions, les demi-bons de souscription que j'ai en main...

Le Président: Je voudrais, à cette étape-ci, dire une chose très clairement, c'est-à-dire que, si vous voulez un consentement pour déposer, vous êtes à la période de questions et de réponses, vous devez intervenir, sinon... Parce que, la semaine dernière, il est arrivé une situation où finalement un député de l'opposition a demandé à la présidence l'autorisation d'un dépôt, le dépôt a été autorisé et il n'y a pas eu de question par la suite.

Une voix: On avait eu consentement.

Le Président: Non, mais un instant! Je pense que la règle doit être claire. Nous sommes à la période de questions et de réponses orales, et, selon une décision qui a déjà été rendue par la présidence dans le passé, je dois en informer...

Est-ce que je peux, s'il vous plaît, intervenir en silence? Ce que je vous indique, c'est que, si vous le faites, Mme la députée, vous devrez poser une question; autrement, si vous ne le faites pas, je donnerai la parole au gouvernement même s'il n'y a pas de question. Et c'est une directive, M. le leader adjoint de l'opposition officielle, pour votre collègue, pour qu'elle comprenne bien les choses. Alors, si, vous, vous avez compris, je voulais être sûr que tout le monde comprenne. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Pour que tout le monde comprenne, M. le Président, les demandes de consentement ne s'adressent pas à la présidence, elles s'adressent à l'Assemblée nationale, et c'est l'Assemblée nationale qui en dispose.

Le Président: Non. Je m'excuse, un député, pour demander un consentement, doit avoir la parole. Il doit avoir la parole. Il doit donc être reconnu par la présidence, et, à la période de questions et de réponses orales, un député a la parole parce qu'il est reconnu pour poser une question. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Je vous remercie de me donner vos explications. Est-ce que le ministre des Finances se rend compte que, dans le moment, le public fait appel à lui pour clarifier une situation, pour apporter un éclairage, pour permettre à L'Alternative de prendre un deuxième souffle? C'est la raison pour laquelle je veux absolument solliciter l'appui de cette Chambre pour déposer le document, parce que je veux que le ministre des Finances réalise que c'est sérieux et qu'il y a eu une irrégularité.


Documents déposés

Le Président: Mme la députée, il y a d'abord consentement pour le dépôt de votre document. Et, en réponse, M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Moi, je veux en savoir le plus possible, hein? Si elle a un document que je n'ai pas... Mais, encore une fois, pourquoi prendre ce détour-là? Si une personne, de bonne foi, veut sensibiliser un ministère à une situation, qu'elle envoie le document au ministère. Est-ce qu'on fait une comédie pour faire semblant d'être le bon ou le méchant ou si on veut servir le public? Moi, je veux bien avoir ce document, j'aurais aimé l'avoir avant.

Bon, sur le fond des choses, maintenant. Sur le fond des choses, je réitère que, s'il fallait que l'Assemblée nationale ou le gouvernement se mêle lui-même de faire des enquêtes touchant le domaine quasi judiciaire des valeurs mobilières, on serait dans une anarchie financière et économique invraisemblable. Notre Assemblée a créé cette Commission des valeurs mobilières, cette Commission des valeurs mobilières fait son enquête. Laissons-la travailler pour préserver les individus, les réputations, les intérêts financiers. On ne va pas se mettre à débattre des bilans de compagnies sous enquête dans notre Assemblée nationale.

Le Président: En question principale, maintenant, Mme la députée de Bourassa.


Exigences du virage ambulatoire et du maintien à domicile pour les femmes


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Mardi dernier, la ministre de la Santé et des Services sociaux déclarait en cette Chambre, et permettez-moi de la citer: «Le virage ambulatoire auquel nous avons procédé [...] demeure un véritable succès.» Alors, j'aimerais vous annoncer que ce n'est pas ce que dit le rapport du Conseil du statut de la femme, qui dresse un portrait bien sombre des conséquences du virage ambulatoire sur la vie des femmes, vous savez, celles que les bureaucrates, les technocrates, les spécialistes de la langue de bois ont commodément dissimulées sous le terme «aidantes naturelles».

Alors, le Conseil du statut de la femme dit et trace un portrait où il dénonce: que les soins et les services ne sont pas toujours accessibles au moment requis; deuxièmement, que les femmes sont devenues des soignantes malgré elles; troisièmement, l'absence de choix d'accepter ou de refuser les soins à dispenser; quatrièmement, l'anxiété et l'insécurité devant la complexité des soins à donner; cinquièmement, les coûts financiers à assumer; sixièmement, la perte de travail ou la diminution du temps de travail; l'épuisement des femmes, et j'en passe.

M. le Président, j'aimerais savoir si Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux maintient toujours que le virage ambulatoire demeure un succès. Et est-ce que c'est un succès pour les femmes qui le portent, Mme la ministre?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Effectivement, le virage ambulatoire a permis d'offrir des services de meilleure qualité dans les institutions où normalement ces services doivent être rendus, qu'il s'agisse des personnes âgées ou qu'il s'agisse des services dans les hôpitaux de soins de courte durée. Dans l'ensemble de cette transformation, c'est vrai que nous avons demandé des efforts considérables de la part des aidants naturels, que ce soient des conjoints ou des conjointes, des fils ou des filles ou que ce soient des parents immédiats qui ont aidé ces personnes à mieux vivre dans leur milieu naturel. Oui, c'est vrai que ça nous interpelle parce que c'est très lourd pour un certain nombre de personnes concernées, et c'est dans cette perspective-là qu'actuellement se fait un travail, au ministère de la Santé et des Services sociaux, entre autres sur une politique qui va concerner le vieillissement de la population et qui va nous permettre de mieux reconnaître le travail accompli par ces personnes, surtout si nous pouvons injecter certaines sommes pour aider des organismes d'accompagnement pour permettre du répit à ces femmes et à ces hommes qui font preuve de tant de générosité à l'égard de leurs proches.

Le Président: Mme la députée.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, est-ce que la ministre de la Santé, qui vit dans une bulle déconnectée de la réalité, peut convenir que ce sont les femmes, dans une proportion de 80 %, qui portent le virage ambulatoire? Et est-ce que, si votre déclaration est vraie... J'imagine que c'est encore le rapport du Conseil du statut de la femme qui est erroné parce qu'il qualifie le virage ambulatoire de dérive des soins et encore d'économie pour l'État. Alors, qui dit vrai: Mme la ministre, encore une fois, vous ou le Conseil du statut de la femme?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je n'ai pas le sentiment de vivre dans une bulle, M. le Président; au contraire, je dois dire que, quotidiennement et régulièrement, je suis en contact avec des intervenants et des intervenantes autant dans le réseau de la santé et des services sociaux qu'au niveau de l'action communautaire, qu'au niveau des CLSC ou des centres de soins et d'hébergement. Je ne nie pas que ce sont largement les femmes qui, dans les cas où il y a des interventions qui ont été faites en milieu naturel, ont été largement interpellées, et, en ce sens, j'en conviens. Je n'ai d'ailleurs pas répondu à la députée de Bourassa que j'étais en désaccord avec ce qu'elle disait. Ce que je lui ai dit, cependant, si elle avait bien écouté ma réponse, c'est que nous travaillons actuellement, au ministère, à voir comment mieux soutenir, mieux aider justement les personnes – qui sont largement et majoritairement des femmes – sinon à accompagner leurs proches, du moins à avoir de l'aide de telle sorte qu'on puisse les dégager pour ce faire.

Le Président: En question principale, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Conditions salariales des responsables de services de garde en milieu familial


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Le développement des places en services de garde repose largement sur le milieu familial. Malheureusement, il est de plus en plus difficile de recruter des responsables de services de garde en milieu familial, en plus d'une grave pénurie de places en installation qui prive des milliers de familles québécoises des services de garde. L'un des obstacles majeurs au recrutement des responsables en milieu familial est certainement le niveau de contribution du gouvernement, et pour cause. Une étude faite pour la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance nous apprend que le revenu annuel net moyen d'un responsable de services de garde en milieu familial au Québec s'établit à 6 800 $ par année, ce qui revient environ à 2,32 $ de l'heure.

M. le Président, est-ce que la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance trouve normal que son ministère exploite des milliers de femmes québécoises qui représentent la base même du développement de sa politique familiale? Et que compte-t-elle faire pour leur assurer un revenu décent?

(14 h 50)

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: Oui. M. le Président, dans le cadre du redressement salarial qui a été fait en juin dernier, tous les services de garde et tout le personnel ont été redressés, que ce soit dans les installations, les garderies telles quelles, que ce soit dans le milieu familial, que ce soit dans les garderies à but lucratif. Dans le cadre de la révision du mode de financement tel quel, il y a une indexation du coût de la vie de 1,6 % dans le milieu familial accordée aux responsables des services de garde en milieu familial en 1999-2000. Dans le cadre du redressement salarial tel quel, le plancher des tarifs des responsables en services de garde a été augmenté de 5 $; il était passé à 10 $, et maintenant à 15 $. Alors, cette hausse touche plus de 60 % des responsables en services de garde. Personne n'a été oublié, tout le monde dans le milieu des services de garde a eu un rattrapage salarial.

Le Président: M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, comment est-ce que la ministre déléguée explique que, pour des éducatrices en installation, dont une bonne partie est syndiquée, les augmentations consenties étaient de l'ordre de 38 % à 40 % sur quatre ans, mais que, pour les travailleuses autonomes, les responsables de garde en milieu familial qui ne sont pas syndiquées, sa fameuse augmentation est de 1,6 %, ce qui ne touche même pas le coût de la vie? Est-ce que c'est le fait qu'elles ne soient pas syndiquées qu'ils ont accordé seulement une augmentation minimale consentie par ce gouvernement?

Le Président: Mme la ministre déléguée.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: M. le Président, les responsables en services de garde en milieu familial sont aussi importantes que celles qui sont en garderie. Tout le personnel des services de garde est d'une importance capitale pour le réseau des services de garde au Québec, pour les parents et les enfants. Qu'on soit en milieu familial ou qu'on soit en services de garde, elles ont toutes leur importance dans l'implantation du vaste réseau que nous sommes en train de faire ici, au Québec.

Le Président: M. le député de Marquette, en question principale.


Écoute de conversations téléphoniques entre des agents de recouvrement et des débiteurs de l'État


M. François Ouimet

M. Ouimet: En principale. M. le Président, dans le contrat contenant la clause d'écoute téléphonique, le président du Conseil du trésor affirmait la semaine dernière que tout était légal, et je cite ses propos: «Il n'y a rien d'illégal qui ait été fait ou commis dans le dossier.» Nous avons sollicité, de ce côté-ci, un avis de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec pour déterminer si cette clause violait l'article 5 de la Charte québécoise qui stipule que «toute personne a droit au respect de sa vie privée». Or, hier, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse m'informait de ce qui suit, et je la cite: «À titre indicatif et sans préjuger de la position que d'autres instances pourraient être appelées à prendre dans l'exercice de leurs compétences, l'article 19 du protocole d'entente nous semble, a priori, porter atteinte au droit au respect de la vie privée prévu à l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne.»

J'adresse ma question à la responsable de l'application de la Charte au Québec, la ministre de la Justice: Maintenant que nous savons que le président du Conseil du trésor a violé les dispositions de la Charte québécoise des droits et libertés...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Marquette, je vous invite à la prudence. Je pense que vous avez une opinion d'une commission qui a été mise sur pied par une loi de l'Assemblée. La Commission vous a donné une opinion, mais je ne crois pas qu'à ce moment-ci on puisse accuser un membre de l'Assemblée d'avoir violé délibérément une loi. Il y a un débat, vous l'alimentez, vous avez le droit de le faire. Je vous invite simplement à la prudence quant à l'utilisation de propos et à des accusations que vous pourriez, même involontairement, porter à l'endroit d'un collègue de l'Assemblée. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, maintenant que nous savons que le président du Conseil du trésor pourrait avoir enfreint les dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne, au dire même de la Commission des droits de la personne, la question s'adresse à la ministre responsable de l'application de la Charte: Qu'est-ce qu'elle va faire? Quels gestes concrets va-t-elle poser pour éviter que les droits des citoyens à la vie privée soient violés par son gouvernement?

Le Président: Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: D'abord, M. le Président, c'est important de rappeler en cette Chambre que la clause 19 concernant l'écoute téléphonique n'est pas en application. Alors, évidemment, comme nous l'avons mentionné dans cette Chambre et comme mon collègue du Conseil du trésor l'a mentionné, il y a un protocole d'application qui est en train actuellement de se préparer, et, s'il y a eu une...

Nous allons tenir compte également de l'opinion qui vient d'être émise, M. le Président, mais, à ce stade-ci, il n'y a aucune écoute téléphonique qui a été mise en application et elle ne se fera pas tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas un protocole d'entente qui encadre tout cela conformément au droit des citoyens.


Réponses différées

Le Président: Bien. Alors, puisque la période des questions et des réponses orales est terminée, nous allons passer à l'étape des réponses différées. Nous en avons trois, comme je l'ai indiqué précédemment.


Nombre de places en centres d'accueil et d'hébergement

Nous allons d'abord entendre la réponse de Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux à la question posée le 18 novembre dernier par Mme la députée de Bourassa concernant le nombre de places en centres d'accueil et d'hébergement. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. En fait, la députée de Bourassa, la semaine dernière, a déposé un document du ministère qui laisserait entendre que le nombre de lits dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée serait passé de 45 915 à 42 336. En fait, il faut savoir que cette compilation déposée par Mme la députée prête à confusion, puisque, dans les faits, elle englobe l'ensemble des lits de longue durée, peu importe la clientèle concernée, soit les personnes âgées en perte d'autonomie mais aussi les personnes hospitalisées en psychiatrie de longue durée, de même que les personnes dont l'état physique requiert l'hospitalisation et les déficients intellectuels, et ce, peu importe le type d'établissement.

Dans les faits, si nous prenions les mêmes cohortes statistiques et les mêmes données concernant les personnes âgées qui ont des besoins d'hébergement et de soins de longue durée – ce sont nos centres d'accueil qui sont maintenant ces centres d'hébergement et de soins – on reconnaîtrait qu'il y a eu une légère augmentation entre 1990 et 1998. Pourquoi une légère augmentation? Parce que nous avons consacré des sommes considérables – et c'est là que, en particulier, le virage ambulatoire a eu des résultats positifs – aux soins à domicile de telle sorte que des personnes âgées n'aient pas à utiliser des soins de longue durée, et nous avons augmenté les budgets consacrés aux personnes âgées dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée pour leur offrir des services de meilleure qualité. Nous avons transformé des places dans certains centres d'accueil qui étaient des places inadéquates, qui n'offraient pas les services correctement, en soins plus complets à l'égard des personnes âgées. Donc, oui, une légère hausse, mais pas une baisse, M. le Président, du nombre de lits offerts pour les personnes âgées en soins de longue durée.

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Oui. Encore une fois, M. le Président, ce sont des statistiques qui émanent du ministère, et on parle bien de places pour l'hébergement et les soins de longue durée. Alors, j'aimerais bien que Mme la ministre, qui n'a pas précisé à combien se chiffre cette légère augmentation, nous dise précisément combien de places en hébergement et en soins de longue durée ont été créées, puisque les statistiques attestent, contrairement au beau discours, qu'il n'y a pas eu de création de places mais coupure de 4 000 places en hébergement et soins de longue durée.

(15 heures)

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: C'est évident, M. le Président, qu'à partir du moment où nous désinstitutionnalisons certains cas, c'est-à-dire que, des personnes qui vivent des problèmes, par exemple, de maladie mentale, des problèmes psychiatriques, qui autrefois étaient en hébergement et étaient considérées dans ces nombres, maintenant on retrouve ces personnes plutôt dans des pavillons ou dans des familles d'accueil, il devient très difficile d'évaluer le nombre exact de places qui se sont ajoutées. Ce que, moi, j'ai, à ce moment-ci, comme information – parce que je ne voudrais pas induire la Chambre en erreur – c'est que, en fait, on parle actuellement de 39 693 lits de centre pour des soins de longue durée pour les personnes âgées, auxquels il faudrait ajouter un certain nombre de lits de longue durée psychiatrique qui continuent d'être disponibles pour des personnes âgées; on parle, ici, d'environ 3 190 lits. Cependant, je ne peux dire si c'est 20 % de ces lits, 30 % ou 35 % de ces lits. Éventuellement, nous aurons ces informations. Mais, à ce moment-ci, ce que je peux dire, c'est qu'il y a eu des ajouts et non pas une perte nette de lits, et que par ailleurs nous avons consacré non seulement des sommes considérables aux personnes âgées à domicile, mais qu'en plus nous avons investi 318 000 000 $, depuis 1994, dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée, soit pour construction ou rénovation. Je pense que, sur cela, nous n'avons aucune leçon à recevoir du Parti libéral, M. le Président.


Subvention d'Emploi-Québec à la compagnie Confection Lammoda

Le Président: Maintenant, Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi va répondre à une question posée le 16 novembre dernier par M. le député de Robert-Baldwin concernant l'entreprise Confection Lammoda. Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. Alors, effectivement, le 16 novembre dernier, le député de Robert-Baldwin s'interrogeait sur l'intervention d'Emploi-Québec dans ce dossier de l'entreprise Confection Lammoda. Je rappelle qu'il s'agit d'une entreprise qui avait pour objectif, comme idée, de développer des services de sous-traitance dans la fabrication de vêtements. C'est en août 1998 que l'entreprise a demandé l'assistance, l'intervention d'Emploi-Québec, mais également d'Investissement-Québec.

Alors, quelques semaines plus tard, effectivement, la Commission des partenaires du marché du travail, le 23 septembre 1998 exactement, a donc approuvé ce projet-là, a donc approuvé une subvention d'une hauteur de 2 600 000 $ sur une période de deux ans. Cela a été jugé par la Commission des partenaires comme un projet majeur, puisqu'il s'agissait d'un projet dont l'investissement total était de presque 5 000 000 $. C'est un projet aussi qui concernait le retour en emploi d'au moins 400 personnes. Donc, c'était un projet relativement important.

Donc, à l'origine, effectivement, la Commission des partenaires et Emploi-Québec ont prévu investir 2 600 000 $. Mais il s'est produit des problèmes en cours de route, comme ça peut se produire dans certains cas. Alors, l'entreprise a connu un certain nombre de difficultés au niveau de la qualité des produits finis, au niveau de la commercialisation également et de la productivité de l'entreprise. Si bien que, dans les faits, comme cela peut se passer, Emploi-Québec a versé 479 000 $, donc pour la portion du projet qui a été réalisée; Investissement-Québec a investi, quant à lui, 100 000 $ plutôt que 250 000 $ prévus.

Alors, c'est une expérience malheureuse. Actuellement, il y a beaucoup d'efforts pour essayer de redémarrer l'entreprise dans cette communauté où il y avait un taux de chômage passablement élevé. Alors, je pense que c'est un dossier qui est à la fois triste, parce que, évidemment, on n'a pas pu aller jusqu'au bout, il n'a pas eu tout le succès escompté... Mais c'est le genre de dossier où il y a toujours un niveau de risque, et malheureusement ça s'est produit dans ce cas-là.

Le Président: M. député de Robert-Baldwin, en question complémentaire.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Merci, M. le Président. Comment se fait-il qu'un investissement aussi important ait eu lieu en pleine campagne électorale? Un investissement qui s'est mal terminé, qui a mal abouti, puisque la compagnie a fermé ses portes au lendemain de la campagne électorale. Et pourquoi la ministre de l'Emploi, depuis qu'elle est membre du gouvernement péquiste, ne dénonce-t-elle pas l'utilisation des fonds publics en pleine campagne électorale? Pourquoi, Mme la ministre, vous cachez la vérité?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je considère que, dans ce cas-ci, et c'est très clair, il n'y a rien à dénoncer. Ce dossier-là a été introduit auprès d'Emploi-Québec à la fin de l'été 1998; je n'y peux rien, l'entreprise a formulé une demande formelle au mois d'août. Premièrement. Deuxièmement, quelques semaines plus tard, la Commission des partenaires a statué sur la nature de l'information. Et, troisièmement – et ça, ça m'apparaît important aussi – à ce moment-ci, c'était un projet audacieux dans une région, dans une MRC où le taux de chômage est passablement élevé. Oui, il y a du monde qui ont remué ciel et terre pour que ce projet-là puisse fonctionner, parce qu'il y a un taux de chômage important et qu'il y a des gens qui avaient besoin d'avoir un emploi. Ce projet-là a sollicité la collaboration non seulement d'Emploi-Québec, mais également d'Investissement-Québec, également de la Société d'aide au développement des collectivités, qui ont investi 125 000 $, également du CLD, également du Comité industriel de Saint-Gabriel-de-Brandon qui a investi 50 000 $ dans ce projet. Alors, je pense que c'est assez difficile de prétendre que tous ces partenaires ont convenu d'un montage financier et qu'ils l'ont fait délibérément pour des motifs électoralistes.


Vente de bière et de cigarettes sans taxes sur la réserve de Restigouche

Le Président: Alors, nous allons maintenant procéder à la dernière réponse différée. Celle-ci sera donnée par le ministre du Revenu à la question posée le 11 novembre dernier par Mme la députée de Beauce-Sud concernant la vente de bière et de cigarettes sans taxes sur la réserve de Restigouche. M. le ministre du Revenu.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, certains marchands, aux environs de la réserve de Restigouche, par l'intermédiaire de leur président, M. Jean, ont demandé au ministère du Revenu certaines informations concernant les taxes sur les bières et les cigarettes. Dans un premier temps, le ministère n'a pas donné accès à cette information-là. Les gens d'Avignon sont allés en appel devant la Commission d'accès à l'information qui a demandé au ministère du Revenu de rendre ces renseignements disponibles, ce qui fut fait immédiatement par le ministère de l'Environnement. Cependant...

Une voix: Revenu.

M. Bégin: Déformation professionnelle. Alors, ministère du Revenu. Merci, M. le leader de l'opposition. Je n'ai pas transmis les renseignements à l'autre.

Alors, cependant, les représentants des marchands n'étaient pas satisfaits et ils voulaient avoir d'autres renseignements. Cependant, ces renseignements-là ne sont pas détenus par le ministère du Revenu. Il faudrait que nous fassions des enquêtes, que nous allions les cueillir, mais vous comprenez, M. le Président, que donner accès ne veut pas dire faire des enquêtes pour avoir des renseignements et les fournir par la suite. Alors, nous ne pouvons pas les fournir, nous ne les avons pas. Mais tout ce qui a été demandé et que l'on détenait, selon l'ordonnance rendue par la Commission d'accès, a été rendu accessible, tel que requis par la Commission d'accès.

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Beauce-Sud.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Oui, merci, M. le Président. Alors, est-ce que je peux savoir de la part du ministre du Revenu quand il va régler une fois pour toutes le problème d'évasion fiscale sur la réserve de Restigouche, problème qui est dénoncé depuis maintenant trois ans par l'Association des marchands d'Avignon? Parce que, pendant que le ministre, lui, réfléchit puis qu'il refuse finalement de donner toutes les informations pour faire la lumière sur ce dossier-là, bien, le gouvernement perd des dizaines de millions de dollars, et, pendant ce même temps là, la moitié des dépanneurs de Pointe-à-la-Croix ont dû fermer leurs portes et un autre va fermer ses portes tout prochainement. Alors, qu'est-ce que le ministre entend faire pour réagir à ça?

Le Président: M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, il y a une taxe spécifique et il y a également la TPS et la TVQ qui existent sur le tabac. Afin de régler la partie du problème qui concernait le Québec, au mois de juin 1998, une déclaration ministérielle a été faite à l'effet que la taxe spécifique était rehaussée d'un montant égal au montant de la TPS qui devait être versé sur ces produits-là. Donc, M. le Président, cette partie-là n'existe plus. S'il y a un problème, c'est que la partie qui est gouvernée par le gouvernement fédéral n'a pas été réglée, mais, pour le Québec, on a fait ce qu'il fallait faire pour régler ce problème-là.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Bien. On m'a indiqué qu'il y avait consentement pour permettre au leader du gouvernement de procéder à un avis à cette étape-ci. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Vous êtes bien informé. Alors, avec le consentement de l'Assemblée, je voudrais aviser cette Assemblée que la commission de l'éducation poursuivra la consultation générale sur la place de la religion à l'école aujourd'hui, immédiatement après le présent avis, jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.


Motions sans préavis

Le Président: Bien. Alors, nous revenons maintenant à la rubrique des motions sans préavis. À cette étape, M. le ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse et responsable des Loisirs, des Sports et du Plein air va présenter une motion. M. le ministre.


Condoléances à la famille du père Marcel de la Sablonnière et à la communauté des jésuites

M. Baril (Berthier): Alors, M. le Président, je sollicite le consentement de l'Assemblée nationale pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale offre ses plus sincères condoléances à la famille du père de la Sablonnière qui nous a quittés samedi dernier et à la communauté des jésuites.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Consentement. M. le ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse.


M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): Alors, M. le Président, le père de la Sablonnière nous a quittés samedi dernier, mais, comme l'a si bien dit le premier ministre du Québec, de nombreuses générations pourront profiter de l'héritage qu'il a légué. Depuis son départ, on nous a lu et relu son curriculum vitae. Il est inutile de répéter ici ses nombreuses créations, dont le Centre Immaculée Conception, et son engagement dans l'Association olympique canadienne. Engagé auprès de la jeunesse québécoise pendant des décennies, le père de la Sablonnière était un homme de vision. Déterminé, il a su intéresser les jeunes au sport, il leur a inculqué...

(15 h 10)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, M. le député, je vous demanderais l'ordre le plus strict. M. le ministre, si vous voulez poursuivre votre intervention.

M. Baril (Berthier): Merci, M. le Président. Déterminé, il a su intéresser les jeunes aux sports. Il leur a inculqué le goût du défi à relever, le goût de participer mais aussi de gagner.

M. le Président, le père de la Sablonnière était d'abord et avant tout un humaniste engagé dans le sort de la condition humaine du Québec. Il était en sorte une lumière et une source d'inspiration pour des milliers de jeunes. Il disait, et je cite: «Quand on donne la passion de quelque chose à un jeune, rien d'autre n'existe pour lui, il ne cherche pas ailleurs.»

Le père de la Sablonnière était un phare pour la société québécoise. Il nous laisse un héritage important qu'il nous incombe de faire fructifier. Voilà le défi qu'il nous demande de relever: engager la jeunesse sur la voie de l'accomplissement, de l'excellence et du dépassement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je cède la parole au chef de l'opposition officielle et député de Sherbrooke. M. le chef de l'opposition officielle, la parole est à vous.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci beaucoup, M. le Président, très bonne décision. Je veux me joindre à mon collègue ministre qui vient de rendre hommage au père Marcel de la Sablonnière. Avec le décès de celui qui était connu par ses amis et ses proches, celui qu'on appelait affectueusement «père Sablon», le Québec perd un homme qui a mis sa vie au service des autres, au service des jeunes, au service d'un idéal, un idéal qui va durer très longtemps après son passage.

Il était inspiré, dit-on, par l'oeuvre de Don Bosco, ce prêtre italien qui avait consacré sa vie à éduquer, catéchiser les enfants. Jeune séminariste, M. Marcel de la Sablonnière n'a qu'un seul rêve, s'occuper des jeunes, et la liste de ses réalisations est longue. On en a beaucoup parlé, mais il faut en rappeler quelques-unes.

Dès 1946, il fondait la Ligue de hockey intercollégiale. Il a également été un ardent défenseur du Centre sportif de l'Immaculée Conception qui a été construit à côté de l'église. C'est d'ailleurs sur la glace du poulailler – parce que c'est là où ça se situait – que Serge Savard, Guy Lapointe, Bernard Geoffrion ont usé leurs premiers patins.

En 1949, Marcel de la Sablonnière est nommé aumônier et animateur des terrains de jeux du parc Lafontaine. Lorsque le Centre Immaculée Conception ouvre ses portes le 9 décembre 1951, on fait appel à lui pour en assurer la direction. Et, de toute évidence, M. le Président, il savait négocier, il savait ce qu'il faisait, puisqu'il a accepté à une condition: qu'il ait un mandat de 20 ans pour mener à bien toutes les idées qu'il avait.

Membre en 1962 du premier Conseil consultatif national de la santé et du sport amateur, il l'a été pour une durée de quatre ans. Fondateur, en décembre 1962, de l'Association canadienne des centres de loisirs. En 1962, il met sur pied l'auberge de jeunesse Le P'tit Bonheur, à laquelle sont venus se rattacher plus tard le camp d'été Jeune-Air et le Foyer du skieur, puis le Gîte Familial. La base de plein air Le P'tit Bonheur connaît un développement considérable, M. le Président: 1 400 acres de terrain et une capacité de plus de 400 lits.

Il lance, au printemps de 1962 et à l'automne de 1963, les grandes promotions pour le plein air: le salon Camping-Famille, le Salon international des sports d'hiver de Montréal, qui se dérouleront plus tard à Place Bonaventure.

Nommé à l'été 1962 directeur de l'Association olympique canadienne, il est élu en 1969 vice-président de cette Association et président de son comité technique.

En avril 1965, il est élu directeur de l'Association des parcs nationaux et provinciaux du Canada où il accède à la vice-présidence en 1966. Puis, en 1964, il fait partie de l'Association mondiale de la récréation dont il devient vite l'un des directeurs avant d'en assumer la vice-présidence. Au printemps de 1969, il se joint à Claude Michel, de Québec, et participe à la fondation du nouveau club de voyages vacances Horizons du monde.

Élu au premier exécutif de la nouvelle Confédération des sports du Québec en 1969. À partir de 1973, il est aussi l'un des délégués de l'Association olympique canadienne au Congrès olympique de Varna où il est nommé membre du groupe de travail chargé de l'étude des conclusions tirées du congrès. Il participe donc, après ça, à tous les deux ans, à tous les congrès, jusqu'à celui de Baden-Baden en 1981.

M. le Président, il était délégué par l'Association olympique canadienne et le comité organisateur des jeux de la XXIe olympiade pour représenter le Canada aux cérémonies de transfert de la flamme olympique en Grèce, et sans doute que c'est le souvenir, l'image que nous garderons de cet homme extraordinaire, alors que, symbole aidant, il recevait une flamme dont il était déjà porteur depuis très longtemps, qu'il tenait enfin dans ses mains et qu'il nous lègue aujourd'hui. Je vous rappelle qu'il a été chef de mission de l'équipe canadienne d'athlètes aux Jeux olympiques de Lake Placid en 1980.

Et, M. le Président, j'ai eu le plaisir personnel de le rencontrer à plusieurs reprises, lorsque j'étais ministre d'État à la Condition physique et au Sport amateur. Je peux en témoigner: Pour le milieu sportif québécois et canadien, c'était un mythe, c'était un homme extraordinaire, d'une très, très grande influence. Ça a été un privilège pour moi de le croiser de temps à autre. Parce qu'il était très présent dans ces milieux-là, il l'a été jusqu'à la toute fin de sa vie. Et il était une référence pour ceux et celles qui s'intéressaient non seulement au sport, mais également aux réalisations de nos athlètes, mais surtout une référence pour les familles défavorisées, pour les familles monoparentales, pour les familles québécoises, sans qui l'accès aux sports et au plein air n'aurait pas été rendu possible. Il nous lègue donc un héritage très, très, très important.

Au nom de l'opposition officielle, je veux le remercier aujourd'hui, offrir mes condoléances à sa famille, à ses amis et à tous ceux que le départ du père de la Sablonnière marquera.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

Si vous voulez vous lever pour observer un moment de recueillement.

(15 h 16 – 15 h 17)

Veuillez vous asseoir.

Alors, nous poursuivons aux motions sans préavis. Mme la ministre de la Culture et des Communications, je vous cède la parole.


Féliciter les créateurs culturels récipiendaires des Prix du Québec et saluer leur présence

Mme Maltais: M. le Président, je sollicite le consentement de l'Assemblée nationale afin de saluer «la présence en cette Chambre de cinq des six grands créateurs culturels qui se voient remettre aujourd'hui les Prix du Québec 1999 pour leur précieuse contribution à l'avancement de la société québécoise».

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Consentement. Mme la ministre, je vous écoute.


Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Alors, M. le Président, toutes les actions du ministère de la Culture et des Communications du Québec visent la démocratisation de la culture. Toutes les mesures que nous instaurons, toutes les activités que nous organisons sont au service de cette mission. Dans la plupart des cas, nous veillons à stimuler la création d'oeuvres d'ici et à encourager leur diffusion ainsi qu'à soutenir nos industries culturelles et à développer leur public. Démocratiser la culture veut aussi dire faire reconnaître l'apport inouï de grands artistes et de chercheurs importants dont l'oeuvre exceptionnelle invite au dépassement de soi, dont l'exemple devrait stimuler en nous le désir de grandir, de se réaliser. C'est donc avec beaucoup de fierté que je vous présente aujourd'hui les lauréats 1999 des Prix du Québec dans le champ culturel. Cinq d'entre eux sont présents à la galerie. Nous leur rendrons hommage au cours d'une cérémonie au salon rouge à 16 heures.

M. le Président, je suis heureuse de vous présenter M. Jean-Pierre Ronfard, prix Denise-Pelletier. Homme de théâtre, il a inspiré toute une génération de comédiens et de metteurs en scène qui recherchent des approches nouvelles pour insuffler à cet art une liberté – liberté, M. Ronfard – toujours plus grande et une vérité en constant renouvellement.

M. René Derouin, prix Paul-Émile-Borduas. Artiste multidisciplinaire de renommée internationale, son oeuvre est riche de l'exploration des thèmes de l'identité, du territoire et des migrations dans la perspective généreuse du métissage des cultures.

(15 h 20)

M. Roland Giguère, du prix Athanase-David, poète qui, malheureusement, ne peut être ici avec nous. Il tient une place essentielle dans le monde littéraire québécois et il a su créer des images et transmettre par sa parole des émotions profondes qui touchent au coeur de notre identité.

M. Luc Noppen, prix Gérard-Morisset, architecte. Il travaille inlassablement et depuis des années à décrypter et à analyser le patrimoine architectural québécois. Son enseignement universitaire et ses publications fort nombreuses contribuent à notre enrichissement collectif.

M. Roger Frappier, prix Albert-Tessier, réalisateur, producteur de films marquants et découvreur de jeunes talents. Il a contribué à l'émergence de notre cinématographie nationale dont la voix, de plus en plus forte et originale, raisonne maintenant ici et à l'étranger.

M. Marc Favreau, prix Georges-Émile-Lapalme. M. Favreau est auteur et comédien. Depuis 40 ans, il nous a donné en cadeau son amour infini pour la langue française, traduite en des textes d'une inventivité et d'un raffinement uniques au monde.

Alors, à tous ces lauréats et à ceux que mon collègue le ministre Rochon aura le plaisir de vous présenter dans quelques secondes, j'aimerais dire merci. Merci pour votre remarquable contribution à l'avancement de la société québécoise. Au nom de tous les Québécois et de toutes les Québécoises que je représente ici, bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur cette motion, je reconnais maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications. Mme la députée de Sauvé, je vous écoute attentivement.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. C'est vraiment avec beaucoup de fierté que j'interviens en cette Chambre aujourd'hui à l'occasion de la motion présentée reconnaissant l'apport inestimable de six lauréats du secteur culturel dans l'évolution de la culture québécoise, puisque, au-delà des actions d'un gouvernement, la culture du Québec repose avant tout entre les mains de nos créateurs.

Depuis 1922, les Prix du Québec honorent des hommes et des femmes qui, par leurs réalisations exceptionnelles, ont su marquer leur champ d'activité tout en contribuant à l'essor de la société québécoise. M. le Président, les six lauréats des prix culturels de cette année vont se joindre à une liste déjà impressionnante de personnalités qui ont marqué la culture du Québec.

Le prix Athanase-David, du nom du secrétaire de la province de Québec, créateur, en 1922, des concours littéraires qui sont à l'origine des Prix du Québec, couronne une carrière littéraire hors du commun. Le prix fut attribué dans le passé à des écrivains et écrivaines comme Réjean Ducharme, Michel Tremblay, Yves Thériault, Hubert Aquin, Gabrielle Roy, et la liste est encore longue et tout aussi prestigieuse. Cette année, le prix est attribué à M. Roland Giguère, qui est un des poètes les plus appréciés du Québec. Je me permets de citer un extrait d'un de ses poèmes: «Hier, j'écrivais pour en arriver au sang. Aujourd'hui, j'écris amours, délices et orgues pour en arriver au coeur.» Je crois que ça décrit bien la quête qu'il a poursuivie tout au long de sa carrière.

Le prix Paul-Émile-Borduas, pour les arts visuels, est remis, cette année à M. René Derouin, qui est un des artistes en arts visuels les plus réputés, les plus reconnus. Par sa grande connaissance de l'art visuel nord-américain, il a su se forger une identité propre qui allie l'exotisme à la simplicité de l'art canadien. Les oeuvres de M. Derouin font partie de plus d'une vingtaine de collections privées, dont celles du Musée des beaux-arts du Canada, de la Bibliothèque nationale de Paris et aussi de la collection du Musée de l'art du Mexique. M. Derouin, je vous félicite pour votre fructueuse carrière mais aussi pour être l'un des artistes les plus accessibles, les plus soucieux d'établir une réelle communication entre l'artiste et le public.

Le prix Gérard-Morisset, pour le patrimoine, est remis à M. Luc Noppen, membre de l'Académie des lettres et des sciences humaines de la Société royale du Canada. M. Noppen est l'un des historiens de l'architecture les plus réputés au Canada, mais il est aussi un artisan ayant travaillé à la restauration de plusieurs maisons historiques du Vieux-Québec, ce qui confère à son enseignement la crédibilité du travail terrain. Il est largement reconnu par ses pairs et par le public, et c'est maintenant au Québec tout entier de lui dire merci pour son travail et surtout pour sa passion du paysage construit qui fait maintenant partie de l'identité des Québécois et des Québécoises.

Le prochain lauréat que je voudrais féliciter n'a peut-être pas besoin de présentation. À travers son personnage de Sol, Marc Favreau nous présente des éditoriaux percutants qui nous séduisent depuis 40 ans. M. Favreau a un don exceptionnel pour la langue française, c'est bien connu. Son père lui aura légué une curiosité pour les livres qui a sûrement grandement contribué à développer son extraordinaire talent, qui lui a peut-être fait accepter la présidence du Salon du livre de Montréal cette année. Ses années à l'école du Théâtre du Nouveau Monde avec les Jean Gascon, Jean Dalmain, Guy Hoffmann, Jean-Louis Roux lui ont permis de monter sur scène et de ne plus jamais en redescendre, pour notre plus grand bonheur. Ainsi, M. le Président, le prix Georges-Émile Lapalme, qui reconnaît la contribution exceptionnelle d'une personne à la langue française, va à l'extraordinaire et talentueux Marc Favreau.

Le prix Denise-Pelletier pour les arts de la scène est attribué à M. Jean-Pierre Ronfard. Tour à tour directeur artistique de l'École nationale de théâtre du Canada de 1960 à 1965, secrétaire général du TNM, membre du comité d'enquête sur la formation théâtrale au Canada, il fonde en 1975, avec Pol Pelletier et le regretté Robert Gravel, le Théâtre expérimental de Montréal. M. Ronfard a parcouru de multiples chemins pendant ces 40 années consacrées à l'aventure théâtrale. Cumulant des rôles de comédien, mais aussi de metteur en scène, d'animateur, d'auteur, il a toujours été étroitement lié au développement du théâtre au Québec. M. Ronfard, vous avez grandement votre place aux côtés des Raymond Lévesque, Jean-Louis Roux, Jean Gascon, Gilles Vigneault, Jean Duceppe, Félix Leclerc dans la liste des lauréats du prix Denise-Pelletier.

Et, enfin, le prix Albert-Tessier, cette année, récompense l'oeuvre cinématographique de Roger Frappier. C'est dans le contexte du studio de fiction de l'ONF, qu'il a dirigé de 1984 à 1985, que M. Frappier fera ses premières grandes marques dans le cinéma québécois en coproduisant les films Anne Trister de Léa Pool, Pouvoir intime de Yves Simoneau et, bien sûr, Le déclin de l'empire américain de Denys Arcand, en nomination aux Oscar en 1989. La liste des succès de M. Frappier est longue: Un zoo la nuit , Un 32 août sur terre , plusieurs autres. En 1998, le 51e Festival de Cannes lui rendait hommage, et c'est maintenant au Québec de le faire en lui remettant le prix Albert-Tessier.

Vous comprendrez, M. le Président, qu'au nom de l'opposition officielle je présente toutes mes félicitations, mais surtout mes plus sincères remerciements à ces créateurs du Québec pour leur contribution à la culture et au développement du Québec. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée de Sauvé, de votre intervention. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. La motion est adoptée.

Nous en sommes déjà à une autre motion sans préavis. Je reconnais M. le ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie.

M. Rochon: Alors, M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne les réalisations...»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Excusez, M. le ministre. Je demanderais l'ordre, s'il vous plaît, j'ai de la difficulté à entendre. M. le ministre, si vous voulez poursuivre.


Féliciter les scientifiques récipiendaires des Prix du Québec

M. Rochon: Merci, M. le Président.

«Que l'Assemblée nationale souligne les réalisations exceptionnelles de quatre grands scientifiques qui se voient remettre aujourd'hui les Prix du Québec 1999 pour leur précieuse contribution à l'avancement de la société québécoise.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Gautrin: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Consentement. Merci, M. le député de Verdun. Si vous voulez poursuivre, M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Alors, M. le Président, c'est vraiment un grand honneur de souligner aujourd'hui la contribution exceptionnelle de quatre grands scientifiques à l'avancement des connaissances dans leur domaine respectif. Alors qu'il importe d'assurer une relève scientifique capable de relever les défis de demain, les lauréats scientifiques des Prix du Québec sauront, certes, inspirer les jeunes qui sont en quête de carrières stimulantes.

En 1999, dans le domaine des sciences, l'excellence et l'esprit d'innovation qui caractérisent les Prix du Québec se sont encore une fois manifestés de brillante façon. En effet, c'est dans des milieux aussi variés que la génétique, la chimie organique, l'économétrie et l'astrophysique qu'ont émergé cette année les personnalités marquantes qui se voient remettre les plus hautes distinctions attribuées par le gouvernement du Québec dans le domaine scientifique.

(15 h 30)

Le prix Wilder-Penfield, dédié au domaine des sciences biomédicales, est décerné cette année à M. Clarke Fraser. Ce prix reconnaît la contribution remarquable de M. Fraser à l'avancement de la génétique médicale. Au cours de ses travaux, le Dr Fraser a expliqué des mécanismes responsables de malformations congénitales. Le Dr Fraser est considéré comme l'un des fondateurs de la génétique clinique actuelle. C'est lui qui le premier a introduit la génétique médicale en milieu hospitalier. Spécialiste de l'influence de l'hérédité sur la santé au Québec, il a fondé plusieurs institutions spécialisées remarquables, et ses connaissances en la matière ont rejailli dans le monde entier.

Dans le domaine de la recherche et du développement en milieu industriel, le prix Lionel-Boulet est décerné au chimiste le Dr Robert Zamboni. Soulignons que c'est la première fois cette année que ce prix est destiné aux chercheurs liés au monde industriel et qu'il est attribué au Dr Zamboni. Ce prix récompense la persévérance et le sens de l'innovation du Dr Zamboni dans le domaine de la chimie organique. M. Zamboni a mis au point, avec son équipe, l'un des premiers traitements vraiment nouveaux de l'asthme au cours des 25 dernières années, et cela, après plus d'une dizaine d'années de recherche et d'efforts. Grâce à ses travaux menés avec détermination, le Dr Zamboni s'est taillé une réputation internationale dans son domaine. Sa persévérance, ses découvertes et son esprit d'initiative sont hautement méritoires et lui valent aujourd'hui ce prix.

Le prix Léon-Gérin, accordé pour le domaine des sciences humaines, est décerné cette année à l'économètre Marcel Dagenais. M. Dagenais n'a pas pu être présent avec nous aujourd'hui, mais il est représenté par son épouse, Mme Denise Dagenais, qui est elle-même aussi économètre. Ce prix rend hommage à M. Dagenais pour son apport remarquable à l'économétrie théorique et appliquée. Marcel Dagenais est reconnu mondialement pour avoir développé des outils et des modèles qui ont grandement amélioré la précision des analyses statistiques et qui ont bénéficié à différents secteurs de notre société. Sa grande expertise a été sollicitée et appréciée par de nombreux organismes publics tant au Québec et au Canada qu'à l'étranger et sans que cela affecte pour autant sa grande disponibilité pour ses collègues et pour ses étudiants.

Dans le domaine des sciences pures et appliquées, le prix Marie-Victorin est décerné, cette année, à M. Gilles Fontaine, astrophysicien et astronome. Ce prix constitue un témoignage de reconnaissance envers le professeur Gilles Fontaine dont les travaux de recherche sur les étoiles appelées les «naines blanches» ont contribué à faire avancer les connaissances tant en astrophysique qu'en astronomie. Ses travaux jettent en effet les bases d'une véritable théorie de l'évolution de ces étoiles pouvant contribuer à la détermination de l'âge de l'univers. La grande polyvalence et les qualités de pédagogue et de vulgarisateur scientifique de M. Fontaine, ainsi que son implication dans les forums scientifiques internationaux et ses nombreuses publications, ont permis de diffuser au Québec et de par le monde l'expertise québécoise en sciences pures et appliquées.

Alors, M. le Président, j'invite donc tous les membres de cette Assemblée à appuyer cette motion de félicitations destinée aux lauréats des Prix scientifiques du Québec, édition 1999.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vais céder la parole maintenant au vice-président de la commission des institutions et porte-parole de l'opposition officielle en matière de recherche, de science et de technologie, le député de Verdun. Je vous écoute attentivement, M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, je veux, moi aussi, présenter l'ensemble de nos félicitations aux lauréats des quatre prix scientifiques du Québec. Je commencerai par le premier, le prix Penfield, donné à un généticien, mais un généticien qui est doublé d'un médecin, d'une personne qui a été initialement un biologiste, quelqu'un qui a eu un doctorat, après, en génétique mais qui a compris, et en particulier en ce qui touchait la génétique humaine, qu'il était important de le faire en milieu hospitalier et de pouvoir développer ses recherches en milieu hospitalier. Il est devenu ultérieurement médecin. C'est un des grands leaders actuellement de la génétique. Il est professeur à l'Université McGill, ce n'est pas inutile de le rappeler, et je voudrais, ici, le féliciter.

La deuxième personne que nous voudrions féliciter, c'est M. Zamboni. Le député de Charlesbourg l'a rappelé, Robert Zamboni est un chimiste qui travaille sur les leucotriènes et qui a développé un médicament dans un secteur qui n'est pas un secteur universitaire – c'est l'exemple parfait du lien que nous souhaitons tous entre le milieu pharmaceutique et le milieu universitaire – un médicament de premier cost pour l'asthme. Souhaitons, M. le Président – je fais une petite remarque – que ce gouvernement, en même temps qu'il reconnaît les travaux du Dr Zamboni, soit en mesure d'inscrire sur la liste des médicaments les médicaments choisis aujourd'hui et découverts par le professeur Zamboni. Ils ne le sont pas encore.

M. le Président, le troisième prix, c'est le prix Marie-Victorin, accordé à un de mes collègues, le professeur Gilles Fontaine, qui a travaillé sur les naines blanches. Par un modèle théorique, il a été en mesure de prédire, au début, les pulsars, naines blanches de type DB, et, après, les pulsars sous-naines, les sous-naines blanches de type B, qui, après, se sont avérées exister réellement. On se trouve, là encore, devant le cas d'un astrophysicien ou d'un physicien-théoricien qui se double aussi d'un expérimentateur, car le professeur Fontaine, en plus d'un théoricien de première classe, a été aussi, lorsqu'il était dans son passage à Western Ontario, un astronome et un observateur de première classe. Je voudrais aussi, au nom de l'opposition, le féliciter.

Je voudrais féliciter aussi le professeur Dagenais qui est à la fois un économiste et un statisticien – on l'appelle en quelque sorte un économètre – et qui a travaillé sur quelque chose d'extrêmement intéressant, M. le Président, vous allez le comprendre tout de suite, c'est comment, lorsqu'on a des observations qui ne sont pas tout à fait complètes, lorsque l'échantillon n'est pas complet, lorsque parfois il y a des erreurs même dans les données, on peut, même si les données initiales ne sont pas totalement correctes, être en mesure de prévoir et de corriger, par modèle statistique, les insuffisances de données. Le professeur Dagenais comme le professeur Fontaine sont des professeurs de l'Université de Montréal, et je me réjouis à l'heure actuelle de l'honneur qui leur est fait.

Je terminerai, M. le Président, par un mot, et je voudrais me faire ici l'interprète du milieu un peu de la recherche, et je sais que ce n'est pas une critique du ministre là-dessus. Le milieu de la recherche au Québec a réussi à produire ces personnes de première qualité, mais aujourd'hui il est terriblement en crise par manque de soutien financier. Il n'est pas inutile, aujourd'hui, lorsque nous félicitons ces quatre lauréats, de rappeler que, si nous voulons encore avoir des lauréats de même nature et de même qualité dans une dizaine d'années, il est important de pouvoir soutenir la recherche. Merci.

Des voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Verdun. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Aux motions sans préavis, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole, je vous cède la parole.


Souligner l'anniversaire de l'entrée en vigueur de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme

Mme Harel: Alors, M. le Président, j'aimerais déposer la motion suivante, avec le consentement de cette Assemblée:

«Que l'Assemblée nationale souligne le 20e anniversaire de l'entrée en vigueur de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Consentement. Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole, je vous écoute attentivement.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Nous soulignons, par cette motion, le 20e anniversaire de l'adoption de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Cette loi a joué un rôle déterminant dans l'évolution des institutions municipales et elle est maintenant essentielle à l'aménagement du territoire du Québec. Il est rare que nous puissions célébrer un 20e anniversaire de l'adoption d'une loi dans cette Assemblée nationale alors que le parrain de cette loi est toujours parmi nous. Alors, je voudrais bien évidemment souligner que cette loi fut adoptée grâce au travail acharné du député de Labelle qui est également président du Conseil du trésor, et je pense que nous pouvons l'en remercier.

(15 h 40)

Alors, M. le Président, je disais donc que c'est une loi qui a joué un rôle déterminant dans l'évolution des institutions municipales. Ça a donné naissance à ce qu'on connaît maintenant sous le nom de MRC, municipalités régionales de comté. Il faut se rappeler que c'est d'il y a 20 ans seulement que date la réunification des municipalités rurales et des villes assujetties à la Loi des cités et villes au sein d'une même structure commune. Auparavant, c'était donc parallèlement que le monde rural et le milieu urbain se développaient sans qu'il y ait de contact entre eux, formellement du moins. Alors, c'est à la suite d'un long cheminement amorcé en 1977 que le gouvernement ébauchait une série de propositions de réforme qui ont touché notamment l'aménagement du territoire et qui ont donné lieu à cette Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Je pense que c'est une bonne occasion d'évaluer, d'apprécier à quel point il y a résistance aux changements avant qu'ils ne surviennent et à quel point, une fois ces changements mis en place, il y a un consensus qui se dégage.

Par exemple, M. le Président, le croiriez-vous, que l'opposition de l'époque, qui est la même que l'opposition de maintenant, s'était farouchement, avec une résistance vraiment obstinée, opposée à l'adoption de la loi 125 sur l'aménagement et l'urbanisme? Et, finalement, quand on regarde, 20 ans plus tard, la situation qui prévaut maintenant, puisque cette institution a vieilli, dans le cadre d'une institution, 20 ans, avec évidemment tous les changements survenus dans nos sociétés industrielles avancées, ça exige des adaptations. Comme, nous-mêmes, nous nous sommes adaptés au cours de ces 20 dernières années, eh bien, je crois qu'il est évident qu'il faut aussi introduire des adaptations à nos institutions. L'histoire en général et celle du Québec en particulier nous montrent que les grands changements qui ont marqué notre époque ont été positifs et constructifs, alors qu'ils avaient souvent d'abord été rejetés. Il est utile de comprendre que c'est le paradoxe de l'être humain que de résister aux changements, mais que c'est en même temps une responsabilité collective et personnelle que d'être capable d'aller de l'avant.

Alors, que nous aura laissé cette loi, 20 ans plus tard? Elle fut finalement l'assise à des plans d'urbanisme qui étaient inexistants sur une grande partie du territoire, à des schémas d'aménagement, et c'est finalement une loi qui aura permis d'instaurer des mécanismes formels de concertation entre les municipalités d'un même territoire, le gouvernement, ses ministères et ses mandataires et qui aura permis, au fil des ans, de développer un très fort sentiment d'appartenance et une vision commune de l'aménagement du territoire. C'est aussi une loi qui, il est utile de le rappeler, aura mis en place les schémas d'aménagement comme nous les connaissons maintenant. Ces premiers schémas d'aménagement sont entrés en vigueur en 1985, et plusieurs autres au fil des années 1987, 1988. Donc, nous en sommes maintenant à la deuxième génération de schémas d'aménagement.

Je vous parlais tantôt des réactions de l'époque. En fait, il est, je pense, utile de se rappeler que l'opposition fut farouche contre la création des MRC, tant de l'Union des conseils de comté que de son illustre président, qui a cependant fini par s'y rallier, M. Jean-Marie Moreau, et, comme je l'indiquais tantôt, opposition farouche de l'opposition de l'époque, l'opposition libérale, qui s'était engagée à abolir les MRC une fois de retour au gouvernement. Ce fut là un engagement de l'opposition qui, fort heureusement, a été mis de côté durant les neuf années où elle fut au gouvernement, et on voit bien, M. le Président, que les pronostics du porte-parole de l'opposition de l'époque ne se sont pas avérés fondés.

Je cite les débats de l'Assemblée nationale de 1979 où le porte-parole de l'opposition disait: «C'est précisément l'effet d'aboutir à la disparition des conseils de comté et à leur remplacement par des organismes hybrides qui seront de véritables foyers de chicanes et de tensions.» Alors, M. le Président, qui, maintenant, y compris ailleurs au Québec mais dans cette Assemblée, voudrait voir disparaître les MRC?

J'entendais un peu plus tôt un discours de foyers de chicanes et de tensions, cette fois du porte-parole de l'opposition, le député de Hull, à l'égard des fusions qui sont actuellement à l'étude devant cette Assemblée nationale. Je pense, M. le Président, que l'on peut certainement constater qu'on peut accomplir et qu'on doit accomplir des pas de géant. Ce fut le cas avec l'adoption de la loi 125 il y a 20 ans, le Québec s'est doté d'outils d'aménagement nécessaires à son développement. Des phases importantes d'ajustement ont été nécessaires. Cependant, il faut convenir qu'on avait besoin de cette loi pour encadrer l'aménagement du territoire et que finalement cette loi qui est souhaitée et dont le maintien, évidemment, est confirmé, dont la légitimité est confirmée par l'ensemble de la collectivité, doit être adaptée à la lumière des deux décennies passées et des exigences nouvelles qui se profilent à l'aube de l'an 2000. J'ai donc décidé d'examiner le cadre juridique actuel de la loi pour l'adapter aux nouvelles réalités et, pour ce faire, j'ai mis en place trois chantiers qui portent respectivement sur la consolidation en matière d'aménagement, sur la modernisation et la bonification des instruments d'urbanisme et également sur la démocratie locale.

M. le Président, je me dis avec quelle facilité l'opposition actuelle prétend détenir toutes les solutions à des problèmes qu'elle n'a pas réglés et qui se sont même aggravés lorsqu'elle était au gouvernement, et en même temps je suis obligée de constater que cette structure de concertation a vieilli et qu'elle va exiger des adaptations importantes non seulement en termes de compétence, parce que la seule compétence qui lui fut dévolue il y a 20 ans, hors celle qu'elle détenait déjà en reconduisant les mandats des conseils de comté déjà existants, en fait, c'est une compétence en matière d'aménagement... Je comprends qu'au fil des années, cependant, cette compétence exercée en matière d'aménagement et qui fut poursuivie également dans la préparation des rôles d'évaluation ou dans la vente d'immeubles pour défaut de paiement de taxes, qui lui était d'ailleurs déjà accordée dans le passé...

(15 h 50)

Finalement, d'autres innovations ont permis aux MRC de jouer un rôle de plus en plus important. J'en veux pour preuve maintenant les pouvoirs accordés pour participer à un fonds d'investissement destiné à soutenir des entreprises en démarrage ou en développement, également les pouvoirs qui lui furent reconnus pour fonder, créer, maintenir un organisme à but non lucratif qui fournit de l'aide technique et les services d'un agent de développement économique aux entreprises. Je pense, entre autres, aux compétences pour implanter, gérer un parc linéaire, un parc industriel régional, parc pour le divertissement et le développement du récréotourisme, donc compétences pour établir et gérer des parcs qui sont des corridors récréatifs, également à la mise en valeur et à la gestion des terres du domaine public. Le ministère des Ressources naturelles a donc favorisé la concertation avec les MRC pour mettre en valeur et gérer les terres du domaine public. Il s'est également associé à un regroupement de producteurs forestiers et à d'autres intervenants du secteur pour permettre la formation d'agences régionales de mise en valeur des forêts privées. Alors, on voit différents domaines.

Que ce soit dans le domaine du récréotourisme avec les pistes cyclables, dans le domaine de la mise en valeur de forêts privées, que ce soit également dans le développement économique aux entreprises, que ce soit dans le démarrage de nouvelles entreprises, déjà les MRC, durant ces dernières années, ont été investies de compétences nouvelles, et je voudrais vous donner quelques exemples, ce matin. Au fil de ces 20 dernières années, par exemple, l'Abitibi-Témiscamingue fut la première région à gérer 3 500 km² de l'eau qui se trouvait sur des terres publiques intramunicipales. Alors, à partir de cette expérience-pilote, des conventions de gestion des terres publiques intramunicipales ont été signées avec les MRC du Saguenay–Lac-Saint-Jean, également de la Petite-Rivière-Saint-François, avec le Bas-Saint-Laurent et les Laurentides. Également, la région de l'Outaouais, n'est-ce pas, a pu bénéficier de cette façon de mettre en valeur les terres publiques, et ce fut un exemple de succès important.

Un autre exemple dans un domaine complètement différent, je pense au programme RénoVillage qui aide les propriétaires à faibles revenus en milieu rural à faire des réparations, à améliorer leur résidence. Alors, c'est donc un programme dont j'ai la responsabilité, qui est financé par la Société d'habitation du Québec mais qui est élaboré conjointement avec les MRC, qui en assurent d'ailleurs la gestion. C'est un succès. Au départ, le programme, l'an dernier, lorsqu'il fut mis en place, devait injecter 20 000 000 $ de subventions à ces propriétaires à faibles revenus en milieu rural qui veulent faire de la rénovation, et finalement c'est l'injection de 40 000 000 $, compte tenu des demandes qui ont été déposées dans les MRC.

Un troisième exemple, c'est la création de sociétés en commandite avec Hydro-Québec. Alors, une première entente est déjà intervenue entre quatre MRC – celles du Fjord-du-Saguenay, de la Haute-Côte-Nord, de la Manicouagan, de Maria-Chapdelaine – et Hydro-Québec pour la réalisation de projets de production d'électricité. Et puis bien d'autres exemples auraient pu être apportés, et un dernier est celui des parcs linéaires. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, le gouvernement du Québec a acquis ces anciens corridors ferroviaires et en a confié la gestion, la mise en valeur aux MRC, et, grâce à cette collaboration, ces parcs linéaires, qui font partie intégrante de la Route verte, pourront offrir aux Québécoises et aux Québécois, aux visiteurs étrangers également, un itinéraire cyclable de plus de 3 000 km qui va relier toutes les régions du Québec. Alors, c'est un survol rapide.

Je pense que même le parrain du projet de loi 125, il y a 20 ans, n'aurait pas pu imaginer à quel point les MRC se seraient déployées autant dans tous les domaines. Elles ont développé un rôle d'agent de mise en valeur des ressources naturelles, de protection des habitats fauniques, d'agent de développement économique, d'agent de mise en valeur de patrimoine bâti, d'agent de planification environnementale et de gestion des matières résiduelles. Et, avec le dépôt, la semaine passée, du projet de loi introduisant la politique de gestion des matières résiduelles par le ministre de l'Environnement, on voit bien que cela ne fait que commencer et que les MRC, qui ont pu développer un sentiment d'appartenance très fort, pourront certainement, au cours des années qui viennent, relever le défi du développement durable sur leur territoire.

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, je crois qu'il était indiqué d'adopter cette motion de 20e anniversaire, en souhaitant que les années qui viennent puissent intensifier la concertation. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Alors, sur cette motion pour souligner le 20e anniversaire de l'entrée en vigueur de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, je cède la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires municipales et député de Hull. M. le député, je vous écoute attentivement.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole pour célébrer la fête d'un projet de loi qui a été voté au moment où je n'avais même pas le droit de vote, il y a 20 ans passés. Alors, je n'aurais pas pu me prononcer par vote sur l'à-propos de ce projet de loi là, mais la ministre a fait référence au fait que mon parti s'y était objecté. Effectivement, on s'y était objecté, mais il faut comprendre que le projet de loi contenait plusieurs domaines, plusieurs volets, particulièrement la création des MRC, mais aussi la question de l'aménagement et de l'urbanisme.

En ce qui a trait à la création des MRC, on voyait, à ce moment-là, comme c'est la tradition péquiste, évidemment, que c'était la création d'une nouvelle structure. Et, bien que certaines MRC, depuis, se soient très bien tirées d'affaire, aient prouvé leur utilité, force est de constater que, encore, certaines éprouvent certaines difficultés, puisque, notamment, la question des schémas d'aménagement était la pierre angulaire de leurs responsabilités, et que, 20 ans plus tard, on a encore certaines MRC qui ne sont même pas habilitées à adopter des schémas d'aménagement. Alors, il faut quand même faire attention lorsqu'on donne un bilan extrêmement positif de la création des MRC. On voit qu'avec la négociation, actuellement, certaines se cherchent.

En ce qui a trait à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, bien, j'ai eu l'occasion de travailler avec cette loi à titre de membre de conseil municipal, notamment à titre de président d'un comité consultatif d'urbanisme et aussi siégeant à la Communauté urbaine de l'Outaouais sur la commission de l'aménagement, cette loi qui encadre le développement ordonné du territoire. Alors, c'est une très bonne loi pour ça, les balises sont claires, les développeurs, les citoyens savent à quoi s'en tenir lorsqu'on traite du développement près de chez eux, lorsqu'on traite du développement du territoire municipal. Mais vous savez que la plus grande réalisation de cette loi, M. le Président, c'est que ça oblige les élus à respecter l'opinion publique lorsque vient le temps de faire des modifications importantes à l'aménagement urbain autour d'eux. En effet, cette loi-là oblige la consultation populaire par voie référendaire lorsqu'il y a un nombre – et j'évite les détails – important de citoyens qui désirent un référendum, et cette provision fait en sorte que le conseil ne peut procéder à un amendement de zonage, particulièrement, sans avoir le consentement des citoyens. On voit qu'aujourd'hui ce n'est pas tout à fait ce qui se passe au niveau du rationnel et de la décision du gouvernement avec le projet de loi n° 81.

Vous allez me permettre, M. le Président, parce que je serai court dans mes propos, de reprendre le Journal des débats et de vous citer certains passages des débats qui ont eu cours le 7 novembre 1979. Alors, je cite: «Toutes ces leçons acquises en moins de 100 ans ont eu leur effet jusqu'à nous. Nous avons compris un peu instinctivement que l'aménagement, l'organisation du milieu de vie, c'est, par définition, à la fois volontaire, à la fois implacable, à la fois continu et à la fois souple. Nous sommes déterminés à ce que soient défendues l'importance du territoire comme l'importance des populations, mais surtout à ce que soit respectée la volonté réelle de la population.

«Nos hommes et nos femmes québécois sont tous des citoyens d'une municipalité, d'une petite région, d'un coin de pays où ils veulent vivre de façon harmonieuse. Ce sont aussi des utilisateurs de ce territoire. En apprenant à travailler ensemble, ils vont le façonner à partir des valeurs auxquelles ils croient. Voilà ce à quoi nous convie non pas le projet de loi 125 mais la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.»

(16 heures)

M. le Président, ces propos ont été prononcés par le ministre d'État à l'Aménagement du temps, actuel président du Conseil du trésor, député de Labelle, député d'une région où on est en train de bafouer la démocratie, de bafouer le respect des citoyens, de bafouer, en fait, ce que les gens pensent vraiment de leur aménagement du territoire. Ce qui est dommage, c'est qu'en célébrant aujourd'hui 20 ans d'une loi on réalise que les propos qui ont défendu cette loi sont vides de sens. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion de Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole est adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Substituer le nom de M. Paul Bégin à celui de M. Bernard Landry comme parrain des projets de loi n° 3, n° 21, et n° 29

M. Brassard: Alors, M. le Président, je voudrais d'abord faire motion pour que le nom de M. Paul Bégin soit substitué à celui de M. Bernard Landry comme parrain des projets de loi suivants: projet de loi n° 3, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives, projet de loi n° 21, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal, et le projet de loi n° 29, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

Nous en sommes maintenant aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 206, Loi modifiant de nouveau la charte de Les Filles de Jésus, le mardi 23 novembre 1999, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 80, Loi modifiant la Loi sur le recours collectif, demain, le mercredi 24 novembre 1999, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine; et

Que la commission des finances publiques entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 92, Loi sur le ministère des Finances, demain, le mercredi 24 novembre 1999, de 10 heures à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vos avis sont déposés.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Je vous informe que, demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le député de Verdun. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il passe de la parole aux actes en respectant la décision unanime de cette Assemblée prise le 1er avril 1999 concernant les travailleurs autonomes.»

Je vous informe également que la présidence a reçu, dans les délais, des demandes de débats de fin de séance. Un premier, à la demande du député de Marquette, suite à une question qu'il a posée aujourd'hui à la ministre de la Justice concernant les contrats d'écoute électronique du Conseil du trésor enfreignant l'article 5 de la Charte québécoise des droits et libertés. Ce débat de fin de séance aura lieu après les affaires du jour, à 18 heures. Un débat de fin de séance est également demandé par M. le député de Notre-Dame-de-Grâce à la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance concernant le revenu indécent des personnes qui oeuvrent en service de garde dans le milieu familial. Et un troisième débat de fin de séance, à la demande de Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, suite à une question qu'elle a posée aujourd'hui au ministre des Finances concernant certaines irrégularités dans le dossier de L'Alternative vie. Ces trois débats de fin de séance auront lieu à la fin des affaires du jour, à 18 heures.


Affaires du jour

Ceci termine les affaires courantes. Nous passons maintenant aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, M. le Président, je vous réfère d'abord à l'article 5 du feuilleton.


Projet de loi n° 78


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 5, M. le ministre des Ressources naturelles propose l'adoption du principe du projet de loi n° 78, Loi modifiant de nouveau la Loi sur le développement de la région de la Baie James. M. le ministre, je vous écoute attentivement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, vous vous souviendrez que le 4 novembre dernier, au moment où nous adoptions le projet de loi n° 18, qui modifiait aussi la Loi sur la Société de développement de la Baie James, j'avais indiqué à ce moment-là, à la critique de l'opposition et députée de Bonaventure, que je déposerais devant les membres de l'Assemblée nationale un nouveau projet de loi qui vise, celui-là, à réviser et à moderniser la Loi sur le développement de la région de la Baie James à l'égard du champ de responsabilité relevant du ministère des Ressources naturelles. Alors, je remplis cet engagement aujourd'hui en déposant le projet de loi n° 78, qui vise justement à réviser la Loi sur le développement de la région de la Baie James, et cela, dans son volet corporatif, volet qui, vous le savez, relève de la responsabilité du ministère des Ressources naturelles.

Les objectifs poursuivis par ce projet de loi sont on ne peut plus clairs: d'abord, actualiser la Loi constitutive de la Société de développement de la Baie James dans un cadre plus général de développement économique et, également, redéfinir sa mission afin qu'elle reflète les réalités contemporaines. Comme vous le constatez, les objectifs poursuivis visent essentiellement à actualiser le mandat corporatif dévolu à la Société de développement de la Baie James lors de sa création il y a 25 ans. Comme chacun le sait, le contexte socioéconomique a beaucoup évolué depuis cette époque. La réalité du Grand Nord n'est plus tout à fait la même, le Grand Nord n'est plus tout à fait pareil, et les enjeux ne sont plus tout à fait les mêmes. Nous nous devons donc d'ajuster notre loi à ces nouvelles réalités et de faire en sorte que tous les intervenants y trouvent leur compte. La mise en place de la région administrative Nord-du-Québec – c'est tout récent – l'émergence, aussi, d'organismes régionaux qui n'existaient pas à l'époque et la réévaluation du rôle et de la présence des organismes d'État sur le territoire ont notamment mis en évidence la nécessité de rajeunir cette loi.

Les modifications apportées par le gouvernement visent également à refléter l'évolution de la législation regardant les sociétés d'État. Parmi les changements majeurs, mentionnons notamment, d'abord, des dispositions concernant la localisation du siège social. Le projet vient confirmer la présence du siège social sur le territoire de la région de la Baie James. C'est déjà une réalité, c'est déjà un fait; le projet de loi l'officialise, en quelque sorte, puisque depuis quelques années les opérations de la Société sont entièrement régionalisées.

Concernant la mission de la Société, cette mission est formulée d'une façon plus générale quant aux champs d'intervention de la Société. La mission intègre l'idée de diversification économique, ce qui n'est pas le cas dans la loi actuelle, et précise sa vocation sur son territoire d'activité. Alors, le nouveau libellé met davantage l'accent sur la promotion et le soutien des initiatives susceptibles de favoriser le développement économique du territoire de la Baie James dans une perspective de développement durable, alors que la loi actuelle ciblait de façon spécifique l'exploitation des ressources naturelles. Également, les notions de partenariat et de concertation seront au coeur de sa mission. La Société favorisera la concertation avec les autres intervenants tant du secteur public que du secteur privé. Elle pourra établir aussi des partenariats sur une base d'affaires.

Le projet de loi révise également les règles relatives à la composition du conseil d'administration et à ses modalités de fonctionnement. Ainsi, le nombre des membres au conseil d'administration est augmenté et la durée du mandat est également revue conformément à l'évolution de la législation actuelle à l'égard de l'ensemble des sociétés d'État. Le projet de loi prévoit également des modifications concernant l'administration et le financement de la Société, notamment en ce qui regarde les autorisations gouvernementales exigées à l'égard de certains engagements financiers ou investissements.

La notion de filiale de la loi actuelle a été revue. La Société aura dorénavant une autonomie de financement et d'investissement, dans les limites cependant de l'obtention d'une autorisation gouvernementale. La Société de développement de la Baie James aura également à produire un plan de développement à la satisfaction du gouvernement.

En résumé, le projet de loi que je dépose aujourd'hui devant cette Chambre permet d'actualiser, de rajeunir, de moderniser la loi constitutive de la Société de développement de la Baie James, élargit aussi son mandat économique, sur la base d'une plus grande diversification, sans se limiter au secteur des ressources naturelles, et ouvre la voie à l'établissement de partenariats d'affaires. Les modifications proposées répondent aux attentes des acteurs politiques et socioéconomiques du territoire de la Baie James qui veulent accroître son développement économique. Je souhaite donc très sincèrement, M. le Président, que cette modernisation de la Loi sur le développement de la région de la Baie James renforce nos liens aussi avec les communautés nordiques et qu'elle nous permette de concrétiser de nouveaux partenariats autochtones, et cela, pour le mieux être des collectivités qui vivent au coeur de cet immense territoire.

J'informe aussi cette Chambre que j'ai écrit au grand chef du Conseil des Cris, M. Ted Moses, pour l'informer de nos intentions et lui rappeler toute l'importance de la notion de partenariat et de concertation qui se trouve au coeur de la mission de la Société de développement de la Baie James, lui confirmant ainsi que le développement conjoint de projets sur une base d'affaires sera favorisé. Je rappelle aussi à M. Moses que le projet de loi n° 78 modernise la partie 1 de la loi actuelle et que, pour ce qui a trait au volet municipal et la relance de la Société de développement autochtone de la Baie James, des discussions sont en cours avec les autorités concernées. Le cas échéant, nous apporterons d'autres modifications à la deuxième partie de la loi de la Baie James pour tenir compte des résultats des discussions amorcées, en espérant qu'elles aboutiront.

(16 h 10)

M. le Président, j'insiste en terminant sur le fait que je suis fermement convaincu que le projet de loi facilitera le travail de la Société sur le territoire de la Baie-James et contribuera aussi à l'amélioration de l'économie du Nord-du-Québec pour en faire bénéficier au premier chef toutes les communautés qui y habitent. J'invite donc les membres de cette Chambre à adopter le principe du projet de loi modifiant la Loi sur le développement de la région de la Baie James. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le ministre. Alors, simple rappel que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 78, Loi modifiant de nouveau la Loi sur le développement de la région de la Baie James. Et je cède la parole à la porte-parole officielle de l'opposition en matière de ressources naturelles et députée de Bonaventure. Je vous écoute, Mme la députée.


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, notre intérêt aujourd'hui se porte, comme vous l'avez si bien souligné, sur le projet de loi n° 78, un projet de loi qui modifie de nouveau la Loi sur le développement de la région de la Baie James. L'expression «de nouveau» dans le titre de ce projet de loi est fort importante. Il faut comprendre que le projet de loi n° 78 origine du projet de loi n° 18, un projet de loi qui a été déposé à la dernière session et qui a été adopté lors du processus de l'adoption finale le 4 novembre dernier. C'est un projet de loi qui s'inscrit dans un processus qui a débuté à la dernière session et qui trouve donc son aboutissement aujourd'hui.

Le projet de loi n° 78 modifie de nouveau la Loi sur le développement de la région de la Baie James. Que nous dit ce projet de loi, M. le Président? En fait, ce projet de loi précise que la mission de la Société de développement de la Baie James est de réviser les règles concernant la composition du conseil d'administration de la Société et ses modalités de fonctionnement. On nous indique également que ce projet prévoit des modifications concernant l'administration et le financement de la Société, notamment en ce qui concerne les autorisations gouvernementales exigées à l'égard de certains engagements financiers ou d'autres formes d'intervention de la Société.

Lors de tout le processus qui a conduit à l'adoption finale du projet de loi n° 18, l'opposition officielle a fait plusieurs remarques au ministre des Ressources naturelles, dont la principale portait sur le fait suivant: Pourquoi le gouvernement, pourquoi le ministre des Ressources naturelles a-t-il attendu pour présenter le projet de loi n° 78? Évidemment, lorsque le projet de loi n° 18, qui, lui, dans un premier temps, visait à modifier, mais malheureusement que partiellement, la Loi sur la région de la Baie James... donc, pourquoi le ministre a-t-il attendu, dans un très court laps de temps, de déposer deux projets de loi, dans le fond, qui visent l'atteinte du même objectif, soit celui de modifier la Loi constitutive de la Société de développement de la Baie James?

Évidemment, M. le Président, ces remarques, elles tiennent toujours, puisque, malgré le fait que le ministre, en déposant ce projet de loi, réponde aux représentants de la Société de développement de la Baie James, nous nous interrogeons toujours sur le fait que le ministre a attendu le dépôt d'un deuxième projet de loi, alourdissant en quelque sorte tout le processus législatif. Et vous savez comme moi que ça peut être souvent un processus qui est ardu. Alors, la question: Pourquoi se compliquer la vie? Pourquoi se compliquer la tâche en déposant deux projets de loi qui visent essentiellement un même objectif?

Alors, M. le Président, ce projet de loi n° 78, il est important dans la mesure où il vient en quelque sorte, je vous dirais, apporter des modifications en profondeur à la Loi sur la région de la Baie James, mais c'est un projet de loi également qui vient en quelque sorte, et le ministre nous en a fait mention tout à l'heure, révolutionner les mandats qui sont confiés à la Société de développement de la Baie James.

Évidemment, les représentants de la Société qui nous écoutent aujourd'hui doivent être très heureux du dépôt d'un projet de loi de cette nature. Évidemment, ils sont heureux, parce qu'ils souhaitent, tout comme les intervenants qui travaillent au développement économique, améliorer le développement économique de leur région. Ils sont très heureux du dépôt de ce projet de loi, puisque les modifications qui seront apportées, notamment à la mission de la Société de développement de la Baie James, leur permettront de faire un travail plus efficace et plus efficient pour permettre à la région de la Baie-James de mieux se développer. Évidemment, la mission de la Société de développement de la Baie James, la société embrasse évidemment plusieurs secteurs d'activité, qu'il s'agisse du domaine forestier, du domaine minier, du domaine touristique. Évidemment, lorsqu'il s'agit de développement économique d'une région, M. le Président, vous savez que les organismes qui sont destinés à travailler pour améliorer les conditions économiques de leur région le font dans plusieurs secteurs d'activité.

Évidemment, ce projet de loi, qui contient 17 articles, embrasse des domaines fort importants. On souligne au passage que des modifications seront apportées sur la mission du conseil d'administration, que le siège social sera déplacé. Et, en passant, le siège social qui, dans la première loi, était en principe situé à Montréal est, depuis 1986, situé dans la région du Nord-du-Québec. Alors, il va de soi, M. le Président, que l'actualisation de la loi constitutive de la Société de développement de la Baie James permettra de corriger – comment dire? – certains faits qui méritent effectivement qu'on y apporte des correctifs essentiels.

Alors, M. le Président, de notre côté, cependant, après lecture de ce projet de loi, il y a une chose qui nous frappe, et c'est la suivante: c'est qu'on s'interroge et on se demande pourquoi le gouvernement, dans le fond, s'accapare de la Société de développement de la Baie James. On a l'impression que le gouvernement, en précisant la mission de la Société, va davantage contrôler les travaux de la Société de développement de la Baie James.

Je dois vous dire, M. le Président, que, après lecture du projet de loi, il y a un réflexe qui nous vient en tête, c'est celui... Et là, évidemment, le ministre va probablement sursauter sur son siège, on a l'impression, littéralement, que la Société est en quelque sorte mise sous tutelle par le ministre des Ressources naturelles, et je dois vous dire que c'est inquiétant. C'est inquiétant, et je souhaite que, en commission parlementaire, on puisse aller plus loin, on puisse investiguer davantage, parce que la Société, dans le passé, avait une mission qui lui permettait, donc, d'avoir un champ d'action qui était large. Alors, ce qu'on constate sur la base de ce projet de loi, c'est que le ministre va contrôler davantage les faits et gestes de la Société de développement de la Baie James. Alors, j'imagine que le ministre des Ressources naturelles nous en dira un peu plus en commission parlementaire.

Et on se demande également, M. le Président, si les voeux qui avaient été exprimés par les représentants de la Société de développement de la Baie James en septembre 1998... Ces gens-là sont venus nous dire en commission parlementaire, la commission, donc, de l'aménagement du territoire, qu'ils souhaitaient voir effectivement la Loi sur la Société de développement de la Baie James amendée pour qu'ils puissent faire correctement leur travail. Parce que vous savez qu'il y a une série de recommandations, à l'époque, qui ont été formulées, des recommandations, je vous dirais, M. le Président, ambitieuses mais fort louables pour une région comme celle du Nord-du-Québec, et, à l'heure où on se parle, je ne suis pas encore convaincue que le projet de loi n° 78 réponde véritablement aux attentes qui ont été exprimées en septembre 1998 par les représentants de la Société de développement de la Baie James. Bon, évidemment, on comprend que ce projet de loi... j'espère qu'il s'est fait en concertation avec le ministère des Ressources naturelles et les gens du milieu, mais je me pose encore la question et je serais très curieuse d'entendre les représentants de la Société de développement de la Baie James nous livrer leurs commentaires sur le projet de loi n° 78.

Alors, M. le Président, malgré ces appréhensions de notre côté, évidemment nous donnerons notre accord à ce stade-ci, au stade de l'adoption du principe pour le projet de loi n° 78. L'opposition a exprimé un voeu à la dernière session – donc dans le cadre du dépôt du projet de loi n° 78 – que le ministre des Ressources naturelles procède le plus rapidement possible à un amendement en profondeur de la loi sur la région de la Baie James, mais, cependant, il faudra garder en mémoire le fait que le voeu qui est exprimé par l'opposition est un voeu qui rejoint celui de la Société de développement de la Baie James et il faudra voir, lors de l'étude détaillée du projet de loi, si ce projet de loi répond véritablement aux attentes et s'il réussira finalement, ce projet de loi, avec les amendements qui sont proposés, à donner de véritables outils à la Société pour qu'elle puisse répondre efficacement et avec diligence au mandat qui lui a été confié.

Alors, voilà, mes remarques s'arrêtent ici, M. le Président. Encore une fois, nous réitérons notre position et nous appuyons le ministre des Ressources naturelles pour ce projet de loi n° 78. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Bonaventure. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

Le principe du projet de loi n° 78, Loi modifiant de nouveau la Loi sur le développement de la région de la Baie James, est-il adopté? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Brassard: Alors, M. le Président, dans ce cas, je ferais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté, oui. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, j'attends désespérément le ministre de l'Environnement. Peut-on suspendre quelques minutes?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vais suspendre pour quelques instants. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 20)

(Reprise à 16 h 23)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place. Merci. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, M. le Président, l'article 30 du feuilleton, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 73


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 30, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des transports et de l'environnement sur le projet de loi n° 73, Loi visant la préservation des ressources en eau. Alors, M. le ministre de l'Environnement, je vous cède la parole.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir, au moment de la prise en considération du rapport de la commission parlementaire des transports et de l'environnement, de m'adresser sur le projet de loi n° 73 qui vise à assurer la préservation des ressources en eau.

M. le Président, ce projet de loi, qui est très court – cinq articles – vise à assurer temporairement qu'il n'y aura pas de transfert d'eau hors du Québec – sauf pour des fins que je vais énoncer après – suite à des prélèvements d'eau massifs qui auraient été faits soit en surface soit de manière souterraine. Alors, le projet de loi vise à s'assurer que, jusqu'à ce que le BAPE, qui a commencé au mois de mars 1999 des audiences qui doivent se terminer par la production d'un rapport au mois de mars de l'an 2000... donc, d'assurer que, d'ici à ce que ce rapport soit connu et que le gouvernement, en ayant pris connaissance, puisse avoir élaboré une politique sur l'eau, il n'y ait aucun transfert massif d'eau à l'extérieur du Québec.

On se rappellera que beaucoup de citoyens avaient demandé, des groupes avaient demandé qu'on adopte un tel moratoire. Par ailleurs, la Commission mixte internationale qui s'était vu confier un mandat par le gouvernement canadien et le gouvernement américain sur une étude relative aux eaux des Grands Lacs a recommandé, au mois d'octobre, qu'un moratoire soit adopté relativement aux exportations, mais surtout aux prélèvements d'eau massifs en vue d'en faire le transfert hors du territoire où elle est prélevée. Alors, le Québec donne suite à cette recommandation de la Commission mixte internationale par l'adoption du projet de loi n° 73.

Je dois dire que, en commission parlementaire, j'ai eu toute la collaboration de l'opposition. On a pu faire une étude intéressante, exhaustive du projet de loi, qui, même s'il n'est pas volumineux, a quand même une importance considérable. Et on a tenu, M. le Président, je tiens à le souligner, à indiquer dans les considérants que l'on retrouve au début du projet de loi – méthode qu'on utilise très peu maintenant, sauf dans les cas exceptionnels – que ce projet de loi était adopté dans le cadre du développement durable, dans le cadre d'une protection maximale de l'environnement, et c'est dans cet esprit-là que le projet de loi a été adopté.

Bien sûr, toute extraction d'eau en vue d'être transférée à l'extérieur n'est pas interdite. Par exemple, les dérivations d'eau à des fins hydroélectriques ne sont pas incluses; également, les prélèvements qui sont faits en petite quantité. «Petite quantité», dans ce cas-ci, voulait dire 20 l et moins. Donc, pour bien situer, c'est cette bouteille d'eau que les gens achètent chez eux, c'est une bouteille de 20 l. Donc, tout ça est prévu. Il y a aussi, bien sûr, des gens qui prennent de l'eau pour leur consommation personnelle, qui passent du Québec à l'extérieur; évidemment, M. le Président, il ne s'agissait pas de les empêcher ou de les accuser d'avoir exporté de l'eau. Il y a la même chose aussi pour les bateaux qui viennent ou qui s'en vont et qui ont besoin d'eau pour leurs ballasts. Donc, ils prennent une bonne quantité d'eau, mais c'est évident que c'est pour des fins tout à fait légitimes.

Donc, il y a des exceptions comme celles-là, elles sont prévues au projet de loi. Mais, fondamentalement, par ce projet de loi, jusqu'à temps que le gouvernement ait reçu le rapport du BAPE, ait adopté une politique et une législation, il y aura interdiction de prélèvements massifs d'eau souterraine ou de surface à des fins de transfert à l'extérieur du territoire. Le projet de loi prévoit jusqu'à 2001, à moins que le gouvernement, par un décret antérieur, ne décide soit de raccourcir le délai – imaginons que le projet de loi est prêt quatre mois avant le 1er janvier 2001, donc on pourrait faire anticiper la fin de l'existence du projet de loi – ou encore de le prolonger après 2001, à une seule reprise, pour tenir compte des circonstances qu'on connaîtrait à ce moment-là.

Alors, voilà, M. le Président, l'essence de ce projet de loi extrêmement important pour une ressource qui, dans la vie de tout le monde, a de l'importance et qui en aura de plus en plus, tant au Québec que partout à travers le monde. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre de l'Environnement. Je vais céder la parole au député d'Argenteuil qui est aujourd'hui le représentant de l'opposition officielle en matière d'environnement. M. le député, en vous indiquant que vous avez un temps de parole de 30 minutes.


M. David Whissell

M. Whissell: Eh bien, oui, M. le Président, aujourd'hui, je serai porte-parole. Alors, M. le ministre, M. le Président, chers collègues, ici, nous sommes réunis aujourd'hui pour effectuer la prise en considération du projet de loi n° 73 qui vise à préserver la ressource en eau au Québec.

Je pense que, pour bien situer, il faut rappeler que, à l'aube de l'an 2000, il y a une problématique de l'eau qui surgit au Québec. Par le passé, souvent on a dit: Ah! le Québec est un immense réservoir. Nous avons des lacs, des réservoirs hydrauliques faramineux, nous avons beaucoup de cours d'eau, des nappes souterraines qui sont fréquentes. Mais je pense qu'avec les années on a réalisé que cette ressource en eau était épuisable et qu'on devait la préserver et légiférer pour s'assurer que les générations futures aient toujours de l'eau à leur disposition. D'autant plus que, avec la mondialisation, on a réalisé au Québec qu'il y avait des endroits, des pays où l'eau était une denrée rare et que, avec les technologies modernes de transport en eau, il était maintenant possible d'effectuer des envois massifs d'eau du Québec vers d'autres pays.

Alors, M. le Président, au Parti libéral du Québec, nous sommes très concernés sur le sujet qu'est la préservation de la ressource eau au Québec. On pense que, pour protéger cette ressource, il est important que les élus, qui sont les législateurs et, si on veut, un peu les protecteurs de la collectivité, mettent en place des lois et des règlements qui vont faire en sorte que les générations présentes et futures vont toujours avoir de l'eau à leur disposition. Je pense que le ministre l'a également souligné: il y a une volonté très ferme de la population, des villes, des MRC, de tous les milieux au Québec, que le gouvernement du Québec mette en place une législation en matière de préservation des nappes souterraines et des eaux de surface. Même chose non seulement au Québec, mais également au Canada, aux États-Unis, en Amérique du Nord, où on réalise que, oui, on a de l'eau, on a des gros volumes d'eau qui sont présents, mais qu'il est important qu'on entame immédiatement les mesures pour les préserver.

(16 h 30)

M. le Président, le Parti québécois a beau faire de beaux discours, nous dire qu'ils sont d'accord, qu'ils entérinent la position du Parti libéral de protéger cette ressource, mais, année après année, depuis 1994 qu'ils sont élus, on est toujours dans des étapes de consultation, on nous parle de politique, mais, en bout de ligne, ce que ça prend au Québec, ça prend des lois, ça prend des règlements pour s'assurer que la ressource est vraiment protégée. Alors, nous sommes présentement au Québec dans une étape de législation. Et, actuellement, il y a le BAPE, le Bureau d'audiences publiques du Québec, qui fait une tournée à travers le Québec, tournée qui dure depuis plus d'un an, et le BAPE écoute les différents intervenants afin de déposer un rapport au ministre qui, à partir de ce rapport, devra établir la législation, les lois qui devront s'appliquer.

Alors, la loi qui nous concerne aujourd'hui, M. le Président, est fort simple. En gros, c'est cinq articles. On dit qu'il va y avoir un moratoire sur l'exportation massive d'eau, l'exportation en vrac, donc dans des contenants de plus de 20 L, et que les gens ou les compagnies qui ne respecteront pas la loi pourront subir des sanctions. Également, dans le projet de loi, on réfère à des exclusions, c'est-à-dire l'eau qui pourrait être utilisée à des usages de consommation ou de fonctionnement d'équipements qui peuvent traverser les frontières du Québec. Le projet de loi mentionne également que le moratoire sera en vigueur jusqu'au 1er janvier 2001 et que le gouvernement pourra reporter cette échéance, s'il le veut bien. En résumé, ce projet de loi empêche temporairement tout individu ou toute corporation qui voudrait exporter en vrac de l'eau à l'extérieur des limites territoriales du Québec.

Je pense qu'il est important que nous, les législateurs, les élus, garantissions à nos générations futures que la ressource soit bien protégée. Et on pense que le ministre devra quand même faire un compromis et s'asseoir avec ses confrères provinciaux afin qu'il y ait une législation un peu unifiée. On comprend qu'on peut avoir des disparités avec nos collègues ontariens ou albertains, mais, dans l'ensemble, l'eau est quand même une ressource qui n'a pas de frontières, et on pense que le ministre devra s'asseoir dans des réunions pancanadiennes et établir des politiques communes en matière de gestion des eaux de surface et des eaux souterraines.

Le ministre nous a légèrement et, je vous dirais, particulièrement déçus lors de l'étude du projet de loi quand il faisait mention que, lui, il avait une vision et que sa vision n'était pas nécessairement celle de nos voisins canadiens ou de nos voisins américains. Mais on tient à lui rappeler aujourd'hui, en cette Chambre, qu'on pense que le ministre doit faire ses devoirs et établir une politique générale et commune avec nos voisins. Et je me répète, M. le Président, on peut avoir des disparités et des différences, mais on pense que le gouvernement du Québec ne doit pas faire bande à part dans ce dossier, mais vraiment établir une position commune. Alors, l'opposition libérale veillera à ce que le ministre et le gouvernement du Parti québécois ne fassent pas cavalier seul dans ce dossier très important qu'est la gestion des eaux au Québec. L'opposition veillera également à ce que le ministre élabore des politiques communes avec nos voisins et qu'en bout de ligne ce soient des lois et des règlements qui voient le jour au Québec.

Le ministre a souvent fait mention du mot «politique». Nous l'avons vécu dans un autre projet de loi à caractère environnemental, qui est la gestion des déchets, où on a une politique en matière de gestion des déchets et des matières résiduelles, et on n'a pas de lois et de règlements qui s'appliquent. Et, aujourd'hui, on veut passer le message au ministre que c'est beau de dire que nous allons avoir une politique en matière des eaux, mais ce que ça nous prend, ça nous prend des lois et des règlements, que tous les Québécois et Québécoises sachent ce qui est permis, ce qui n'est pas permis, de quelle façon opérer. Et, si le ministre entend continuer avec une politique en matière d'eau, j'espère que cette politique sera très, très courte et que, en bout de ligne, les lois et les règlements verront le jour avant l'échéance du moratoire, c'est-à-dire avant janvier 2001.

Alors, je pense que, M. le Président, c'est notre intervention, et nous espérons sincèrement que le ministre verra à ce que les lois soient mises en place le plus rapidement possible. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Argenteuil et également responsable des dossiers concernant la faune et les parcs. M. le ministre, vous avez droit à un temps de réplique de cinq minutes. M. le ministre de l'Environnement.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Très brièvement, M. le Président. Mon collègue vient de soulever un aspect que je n'avais pas abordé dans mon intervention, celui de convenir avec les autres provinces – sans qu'il l'ait dit comme tel, c'est à ça qu'il référait – d'une politique commune.

Comme je le lui ai mentionné au moment de l'étude du projet de loi en commission, il faut faire bien attention avant de donner des O.K. aussi larges que celui-là. Par exemple, dans le document que le gouvernement fédéral nous a fait parvenir, qui serait ce que devrait contenir le projet d'accord, il est mentionné que seraient interdites les dérivations d'eau de bassin versant à bassin versant et de rivière dans le même bassin versant.

Je vous ferai remarquer, M. le Président, que, si, dans certaines provinces, les rivières, les cours d'eau n'ont pas tellement d'importance, ici, au Québec, nous nous en servons pour produire de l'hydroélectricité et que, si nous empêchons des transferts de bassin à bassin, dans certains cas il serait interdit de faire des projets que nous avons en main.

Par exemple, la Baie-James aurait été interdite si on avait et si on adoptait une procédure semblable à ça. Vous vous rappelez que la Baie-James, c'est trois rivières qui sont regroupées dans une seule et qui servent à faire le réservoir. Est-ce qu'on doit convenir avec les autres provinces de s'entendre pour interdire, à l'avenir, ces choses-là? M. le Président, ça n'est certainement pas l'intention de notre gouvernement de convenir de ces choses-là. Mais, dans le projet de loi fédéral, c'est là, et il est donc déjà convenu que nous ne pourrons pas convenir à cet égard avec le gouvernement canadien et les autres provinces, même si elles étaient toutes d'accord, parce que ça va carrément à l'encontre des intérêts des Québécois et des Québécoises. Alors, en ce sens-là, oui, je suis d'accord pour collaborer; oui, je suis ouvert à trouver des accommodements avec les autres provinces, mais pas au détriment des intérêts des citoyens du Québec.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de l'Environnement. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du rapport de la commission des transports et de l'environnement sur le projet de loi n° 73? Le rapport de la commission des transports et de l'environnement portant sur le projet de loi n° 73, Loi visant la préservation des ressources en eau, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, maintenant, M. le Président, je vous réfère à l'article 4.


Projet de loi n° 77


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 4. À l'article 4 de votre feuilleton, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 77, Loi sur les centres financiers internationaux. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 77? M. le ministre des Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: Naturellement, M. le Président, qu'il y a une intervention, d'abord parce que nos règlements l'exigent et parce que je pense que ce projet est extrêmement intéressant.

Il s'appelle, comme vous l'avez dit, Loi sur les centres financiers internationaux. Il porte, pour les fins de nos travaux, le numéro 77 et il s'inscrit dans la foulée des moyens qui ont été pris depuis le milieu des années quatre-vingt afin de confirmer Montréal à titre de véritable place financière internationale.

Vous savez qu'à partir des années 1955 on a vu une érosion du pouvoir financier de Montréal vers Toronto. En fait, il fut résolu, plus ou moins confusément, par l'élite économique du Canada – et je ne suis pas sûr qu'ils avaient tort non plus – de dire: Un pays de cette taille ne peut pas avoir plusieurs grandes places financières. La Grande-Bretagne, qui a trois fois plus d'habitants, même à l'époque, a Londres d'abord et, subsidiairement, Édimbourg, qui est déjà dans une autre nation, l'Écosse; l'Allemagne a Francfort, la France a Paris, l'Italie a Milan, alors, le Canada se disait, plus ou moins confusément: On ne peut pas en avoir deux. On ne peut pas avoir Montréal et Toronto et, comme Toronto partage la langue dominante du Canada, la langue dominante du continent nord-américain, on a vu, à partir de 1955, à peu près, une érosion de Montréal vers Toronto.

(16 h 40)

Montréal s'est battue du mieux qu'elle a pu, et, au milieu des années quatre-vingt, j'avais l'honneur d'être membre du gouvernement, j'étais ministre du Développement économique à l'époque, nous avons mis de l'avant une Loi sur les centres financiers internationaux. Et, je ne sais pas si vous vous souvenez du débat, c'était pour faire comme ont fait certaines places européennes qui ont réussi à se relancer de façon extraordinaire en favorisant la venue de centres financiers. Un des grands exemples, c'est la ville de Luxembourg, capitale du grand duché du même nom, qui est devenue un centre financier, ma foi, très important, avec des législations de ce genre, pour ne rien dire de la Suisse, de Genève et de Zurich. Sauf qu'il y avait l'os habituel.

L'os habituel dans toutes les bonnes initiatives du gouvernement du Québec qui portent sur des matières fiscales, c'est que le fédéral ne suit pas. On vient de le voir, là, dans notre loi pour favoriser les chantiers maritimes, la loi de la construction navale, la politique maritime, qui est énormément appréciée de tous les constructeurs maritimes du Québec et de tous les armateurs, mais elle n'est opérationnelle qu'à moitié parce que les fédéraux n'ont pas suivi. Alors, dans le cas de Montréal, les fédéraux n'ont pas suivi non plus. Vancouver a dit: Non, non, non, c'est moi. Toronto a dit: Non, c'est déjà moi, je veux que ça reste moi. Mais on l'a fait quand même et puis on a eu un certain succès malgré tout.

Alors, là, on veut aller encore plus loin. Quand je parle au futur, il y a quelque chose d'un peu surréaliste là-dedans parce qu'on a déjà commencé. Parce que vous savez que, d'après nos lois, quand le ministre des Finances annonce dans le discours du budget ou par une déclaration ministérielle du ministre des Finances, les mesures commencent à s'appliquer dès ce jour. Alors, ce qu'on propose aujourd'hui, là, c'est pour que s'appliquent des mesures, de façon juridique, qui s'appliquent déjà depuis que je les ai mentionnées en cette Chambre.

Et je l'ai annoncé en particulier lors du discours sur le budget du 31 mars 1998. Le but de ce que j'ai annoncé était de permettre au programme des centres financiers internationaux d'atteindre une vitesse de croisière supérieure – donc, aller plus loin que ce qu'on avait fait depuis les années quatre-vingt – et de soutenir la compétition vis-à-vis des autres centres financiers internationaux, parce que d'autres sont dans les mêmes marchés que nous et en veulent autant que nous et en veulent plus. Alors, ce projet de loi donne suite, donc, au discours du budget, aussi, du 9 mars 1999 et des bulletins d'information – parce que le ministre des Finances peut aussi agir par bulletins d'information – 98-3, 98-6, 99-1 qui ont été publiés en juin et en septembre 1998 et en juin 1999, respectivement.

Depuis l'annonce de ces nouvelles mesures, M. le Président, pas moins de 35 nouveaux CFI, soit une augmentation de plus de 75 %, et cela, en moins d'un an et demi. Il m'est arrivé deux fois d'en annoncer une douzaine en même temps, et une fois il y en avait treize. Alors, c'est treize à la douzaine. Donc, ça va bien. Ces mesures fiscales sont très attirantes pour les CFI, et ce que nous faisons aujourd'hui en les consignant dans une loi, bien, c'est leur donner une solidité, une pertinence, une fiabilité dont ont besoin les financiers qui partent de Zurich ou qui partent... Il y en a qui sont venus d'Alberta, il y en a qui sont venus de Colombie-Britannique pour s'installer à Montréal, bien, ils aiment mieux que leur statut juridique soit assis sur une loi que simplement sur un discours ou une déclaration.

Ainsi, sont désormais admissibles dans nos centres financiers internationaux les activités de support administratif, de création, de promotion, d'administration et de gestion de fonds communs de placement, services fiduciaires, gestion de trésorerie, affacturage et crédit-bail, donc une énumération à peu près complète de ce que fait un centre financier international et qu'il a rapatrié de l'étranger. L'idée, c'est que des activités qui se faisaient à l'étranger se fassent maintenant à Montréal. Le projet de loi, donc, a comme but principal de regrouper dans une même loi l'ensemble des règles applicables. C'est pour ça que l'on prévoit dans son texte les règles relatives au processus de délivrance, de modification et de révocation des certificats, parce que chacun de ces centres financiers doit être approuvé par certificat.

On crée aussi le Fonds du centre financier de Montréal qui sera affecté au financement d'activités de promotion et de développement de Montréal comme place financière internationale, et l'ensemble des avantages fiscaux dont peuvent se prévaloir les entreprises exploitant un centre financier, de même que leurs employés, parce que certaines mesures touchent la fiscalité des employés, d'autres, les organisations elles-mêmes.

Ces avantages fiscaux sont les suivants – et ils sont assez stimulants et assez puissants, c'est pour ça qu'on a pu en annoncer quelques douzaines: exemption d'impôts sur les bénéfices provenant de l'exploitation d'un CFI; exemption de la taxe sur le capital relative à un CFI; exemption de cotisation au Fonds des services de santé du Québec à l'égard du salaire versé aux employés d'un CFI; exemption totale d'impôt accordée pour une période maximale de cinq ans aux spécialistes étrangers dans le domaine des transactions financières internationales qui viennent oeuvrer dans un CFI; exemption d'impôts accordée aux autres employés d'un CFI à l'égard de la partie, pouvant atteindre un tiers, de la rémunération qui leur est versée; crédit d'impôt remboursable visant à favoriser le développement d'une relève qualifiée dans le domaine des transactions financières internationales; crédit d'impôt remboursable à l'égard des dépenses de démarchage ayant permis d'amener de nouvelles transactions financières internationales à Montréal.

Rappelons, à l'endroit des contribuables qui nous écoutent, que toutes ces mesures extrêmement stimulantes et généreuses, en fait, ne leur coûtent rien, car, s'il n'y avait pas ces mesures, ces centres financiers resteraient à Zurich, resteraient à Genève, resteraient à New York, et on ne toucherait aucune fiscalité ni aucun autre bénéfice. Alors, là, en attirant ces activités ici, certains emplois sont créés, qui sont partiellement défiscalisés, mais les gens, le lendemain, s'en vont dépenser rue Sainte-Catherine, ils s'en vont se louer un logement à ville Mont-Royal ou dans le Vieux-Montréal ou ailleurs. Donc, c'est tout bénéfice pour l'économie, c'est tout bénéfice pour le contribuable aussi.

Je ne peux pas m'empêcher, en terminant, de rappeler que, si le gouvernement du Canada... Je le dis pour la énième fois, mais il faut le redire, au dernier référendum, on avait convaincu juste 50 % de la population. Peut-être plus d'ailleurs, car on sait que les résultats sont et doivent être tenus en haute suspicion à cause des actions du gouvernement du Canada qui ne s'est pas gêné pour dépenser de l'argent dans des fonds secrets de l'unité nationale dont on n'a jamais pu avoir le fin mot, qui ne s'est pas gêné d'accélérer le fonctionnement des tribunaux, ce qui est un crime majeur en démocratie et qui ne s'est fait que sous des régimes extrêmement odieux. Ils ont tout fait ça. Donc, peut-être qu'on n'a pas perdu, au fond des choses, puisqu'il y avait 50 000 voix de différence. Mais, de toute façon, il n'y avait que 50 000 voix de différence, et c'était 50-50. À cause de ça, bien, on est obligé encore de quémander des choses qui seraient dans l'intérêt immédiat de Montréal et du Québec, que le fédéral n'a pas voulu faire en 1980, qu'on lui redemande solennellement de faire maintenant, pour nous aider à consolider Montréal comme place financière.

Alors, pour ces raisons et pour toutes les autres que j'ai énumérées, j'invite les membres dans cette Assemblée à adopter le principe du projet de loi n° 77 sur les centres financiers internationaux.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le vice-premier ministre et ministre des Finances. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys et critique officielle de l'opposition en matière de finances. Madame.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Effectivement, il s'agit d'une loi sur les centres financiers internationaux. On a entendu parler récemment de Montréal à titre de centre financier international, plus précisément, M. le Président, au niveau de la réorganisation des bourses canadiennes alors qu'on a décidé de donner à Montréal la responsabilité des produits dérivés. Et les produits dérivés, dans le secteur financier, c'est un secteur en croissance, c'est un secteur qui est en pleine évolution. On peut soupçonner que Montréal va devoir attirer plusieurs personnes, notamment pour développer ces produits dérivés, en développer de nouveaux, pour nous assurer que nous occupons une place sur la scène internationale.

(16 h 50)

Effectivement, depuis déjà les années cinquante, il y a eu un virage à l'effet que le secteur financier au Canada a quitté Montréal pour se diriger vers Toronto. Pour des raisons de langue, pour des raisons d'hospitalité également, les gens ont trouvé l'environnement de Toronto plus convivial et ont décidé d'établir le centre financier du Canada à Toronto. On essaie aujourd'hui de corriger une histoire qui se dessine depuis de nombreuses années et on essaie de faire de Montréal un centre financier international. Il est bien sûr que nous sommes d'accord avec le principe de ce projet de loi. Je pense qu'il faut effectivement nous assurer que Montréal continue à jouer un rôle sur le plan financier, c'est-à-dire le secteur financier international.

Par ailleurs, je m'étonne parfois parce que le ministre des Finances parle souvent du paradoxe de Montréal. Et le paradoxe est le suivant: Montréal est une ville si extraordinaire et ça coûte si bon marché que tout le monde devrait courir venir s'installer ici. Vous vous rappelez, il a fait référence à l'étude de KPMG à l'effet que ça coûtait moins cher vivre ici et que c'était plus attirant de vivre ici plutôt que de vivre ailleurs, à peu près n'importe où en Amérique du Nord. On voit que, pour attirer des gens à Montréal, actuellement, de grands spécialistes, il faut avoir recours à des mesures incitatives, comme on a actuellement via le projet de loi n° 77, le projet que je suis à discuter présentement. Le ministre devra approuver ces projets, il faudra que quelqu'un consacre 75 % de son temps à un projet international. Il est clair que ça va poser peut-être certains problèmes à l'occasion pour déterminer qu'est-ce que représente 75 % du temps d'une personne. Enfin, je souhaite bonne chance au ministre. Je présume qu'il sera tout à fait habilité pour déterminer qui relève d'un poste international par rapport à une autre personne.

Alors, M. le Président, ce projet de loi essaie de corriger une histoire du passé par des avantages fiscaux, des bénéfices que l'on veut donner aux gens qui viendraient s'installer ici, essentiellement de donner à ces personnes un avantage additionnel pour pouvoir les attirer ou de Toronto, ou de Calgary, ou de Vancouver, ou de quelque part en Amérique du Nord et de partout dans le monde.

Le ministre des Finances faisait référence au référendum. Moi, j'aimerais lui rappeler en plus tous les votes qui ont été annulés lors de ce référendum. Et, s'il a voulu faire le plaidoyer à l'effet que le gouvernement fédéral avait joué un rôle incongru dans le débat référendaire, lors du vote, bien, moi, je lui dirai qu'il y a eu 50 000 votes qui ont été annulés lors du référendum. On n'a jamais su la fin de toute cette histoire, d'ailleurs. On a su qu'il y avait eu effectivement des votes annulés qui n'auraient pas dû être annulés et, par conséquent, on peut s'interroger aujourd'hui face à cette mesure qui avait été prise lors du référendum.

De plus, je m'étonne également du ministre des Finances, soudain, de vouloir attirer tout le monde, alors qu'il s'est réjoui pendant des années de voir des gens quitter le Québec, 400 000 Québécois éduqués, formés à même nos impôts, qui ont quitté le Québec pour aller précisément s'établir à Toronto, dans bien des cas. Moi, je n'ai pas entendu le ministre des Finances, jamais, être triste de ces événements et s'efforcer d'essayer de retenir ces gens au Québec, de retenir ce savoir-faire, cette connaissance que nous avions d'une main-d'oeuvre qualifiée, pour essayer de les garder chez nous, pour essayer de les faire produire chez nous et augmenter la productivité du Québec.

Alors, autant j'appuie ce projet de loi, parce que je pense qu'il faut faire malgré tout des efforts et je pense qu'il faut absolument faire quelque chose, notamment au niveau des produits dérivés à la Bourse de Montréal et tout le commerce international électronique qui va s'ensuivre, je pense qu'il faut prendre un peu avec un grain de sel les propos tenus par le ministre vis-à-vis du gouvernement fédéral et considérer le comportement du gouvernement fédéral à l'endroit de Montréal comme étant un os. Je pense, M. le Président, que le gouvernement fédéral avait effectivement d'autres villes qui avaient fait des demandes analogues, notamment Vancouver, qui a mis d'ailleurs un tel centre en place et qui s'inspire largement de ce que nous faisons, nous, ici, et je pense que c'est là une tendance de nos jours d'essayer d'attirer des cerveaux. Espérons que cette politique va réussir à attirer des gens.

Merci, M. le Président. Nous appuyons en principe le principe de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys et critique officielle de l'opposition en matière de finances.

Comme il n'y a pas d'autres intervenants, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique, M. le ministre des Finances?


M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry: Ce n'est pas une vraie réplique, mais formellement je peux dire que j'apprécie d'abord le concours de l'opposition, les propos, somme toute, relativement modérés de notre collègue de Marguerite-Bourgeoys. Quand elle a parlé... Je dis «relativement modérés» parce que, souvent, de son côté de la Chambre, on a participé au problème plutôt qu'à la solution parce qu'on disait ici – je l'ai entendu encore dernièrement, là – que le Québec est comme ceci, le Québec est comme cela. On disait des insanités sur le Québec, des calomnies sur son économie, puis on se demande ensuite pourquoi nos concurrents prennent les débats de l'Assemblée puis vont dire dans un pays tiers: N'allez pas à Montréal, le Parti libéral du Québec dit que le Québec est comme ceci, est comme cela. Je n'entends pas qu'il ne faut pas critiquer les mesures du gouvernement et les critiquer vigoureusement, mais il faut dire des choses vraies. Autrement, on est dans un univers de concurrence globalisé, et nos concurrents – je ne dis pas nos adversaires, nos ennemis – se servent de ces propos.

Le chef de l'opposition, par exemple, a dit il n'y a pas longtemps – tout le monde l'a entendu – que le nombre des assistés sociaux ne cessait d'augmenter au Québec; le nombre des assistés sociaux ne cessait d'augmenter, alors qu'il y en a 200 000 de moins. Alors, ça, c'est tirer dans le dos de l'économie en disant des choses qui ne sont pas exactes.

Alors, la critique, bien, je pense que notre collègue de Marguerite-Bourgeoys a fait ça plutôt bien, à la frontière, quand même, à certains moments, là. Parler de la convivialité de Toronto par rapport à Montréal, moi, M. le Président, je trouve que Montréal est une ville extrêmement conviviale. Et je n'ai rien contre Toronto, mais, si j'ai à décrire la convivialité de Montréal à un banquier de Zurich par rapport à la convivialité de Toronto, vous pensez bien ce que je vais dire, hein. Mais ce que ma collègue a dit, ce n'est pas sûr qu'elle ne dirait pas: Toronto est plus conviviale, puis on pourrait perdre un investissement. Alors, on sert l'économie ou on ne sert pas l'économie. Et, quand on veut dire des choses, il faut qu'on soit sûr que c'est vrai et que ça ne va pas être au détriment de la croissance économique de Montréal et du Québec.

Moi, je trouve que Montréal, c'est une ville fabuleuse, et c'est le message que je donne quand je vais à Davos – j'y vais à tous les ans – quand je fais les fameux road show, entre guillemets, dans le langage anglo-américain. Après chaque budget, je vais parler aux investisseurs, je leur parle de Montréal, de Québec aussi. Québec, vingtième destination touristique du monde, une des plus belles villes du monde; Montréal, une floraison extraordinaire d'activités culturelles, financières, économiques. Montréal est le deuxième centre académique du continent nord-américain. En termes de concentration d'intellectuels, d'universitaires, de scientifiques encadrés dans des universités, Montréal est au numéro deux. Et qui est le premier? Le premier, je dirais, c'est la capitale occidentale du savoir, c'est Boston, une ville qui est dans notre grand giron géographique. Mais être le deuxième après Boston, il faut que ça se sache, n'est-ce pas?

Allez dire que Toronto est plus conviviale puis sous-entendre que Montréal est un bled, erreur profonde parce que, à bien des égards, sans insulter Toronto, il y a des aspects bled à Toronto. Des gens qui étaient contre le libre-échange, par exemple, là, en 1989, alors qu'il était absolument évident qu'il fallait intégrer l'Amérique, faire des campagnes nationalistes canadiennes contre le libre-échange, et même des hauts personnages y ont souscrit, l'actuel premier ministre du Canada était contre le libre-échange; il faut le faire! Et il y a une centaine de députés en Ontario, de son parti – lui n'est pas Ontarien, vous le savez trop bien, M. le Président, puisqu'il a le même comté que vous – mais, s'il avait écouté les gens de son comté, il n'aurait jamais été combattre contre une idée aussi extraordinaire et mener un combat carrément rétrograde. Ce n'est pas le premier combat rétrograde que mène le premier ministre du Canada, il faut dire. Bon.

(17 heures)

Alors, je remercie malgré tout l'opposition officielle, et surtout sa critique qui, elle, n'a pas encore assumé tous les péchés des vieilles traditions libérales. Alors, elle est encore en mesure d'appuyer un projet avec efficacité. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le vice-premier ministre et ministre des Finances.


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 77, Loi sur les centres financiers internationaux, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Brassard: Alors, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader.

M. Brassard: On peut passer maintenant à l'article 11, M. le Président.


Projet de loi n° 85


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 11 de votre feuilleton, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 85, Loi modifiant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi? M. le ministre des Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, il s'agit du projet de loi modifiant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit et, à cause de ça, je suis obligé de prendre une petite précaution avant de commencer à parler du projet. Vous savez que, dans une société comme la nôtre, dans toutes les sociétés, et même les plus vieilles, il y a diverses rumeurs qui circulent; on appelait ça le téléphone arabe, aujourd'hui c'est les lignes ouvertes et beaucoup d'autres moyens de répandre des rumeurs. Alors, il y a une rumeur à l'effet que je serais le prochain président du Mouvement Desjardins. Je tiens à la démentir avec vigueur. Autrement, je suis en conflit d'intérêts, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Je suis en train de proposer la loi qui va modifier le Mouvement des caisses populaires Desjardins. Bon. Alors, si l'opposition se réjouissait de mon éventuel départ, je veux la décevoir cruellement. Tous ceux et celles qui me connaissent – et, après 25 ans de vie publique, il y en a plusieurs – savent que mon intérêt est pour le service public, mon intérêt est pour le service de notre patrie, et que j'aurais pu songer, peut-être, à faire d'autres choses, y compris ce que la rumeur me prête, si le Québec était souverain. Mais, tant qu'il ne le sera pas et tant que je serai capable de participer à la défense et à l'illustration du peuple québécois et à sa vraie prise de position dans le concert des nations, tant que notre peuple sera considéré dans une camisole de force et un appareil de domination qui visent à faire de lui une simple province d'un autre peuple, je ne serai pas à la direction d'une banque ou d'une immense coopérative d'épargne et de crédit, je serai sur la ligne de front politique pour combattre démocratiquement en faveur de la souveraineté du Québec.

Des voix: Bravo!

M. Landry: Je peux me permettre maintenant, donc, sans risque, de parler des caisses d'épargne et de crédit.

Vous savez que ces caisses ont joué dans notre histoire économique, surtout à des époques de plus grande misère et de plus grandes difficultés mais aujourd'hui encore et peut-être un jour de plus en plus à l'ère de la prospérité, un rôle extrêmement important. Les caisses, en particulier, ont un actif de 70 000 000 000 $. C'est presque aussi gros que la Caisse de dépôt et placement, et c'est la propriété de 5 000 000 de Québécois et de Québécoises. Donc, quand nous faisons régulièrement des mises à jour de la loi du mouvement coopératif financier, nous faisons un geste important qui touche un très grand nombre de nos concitoyens et concitoyennes et qui touche à leur épargne et à leur bien-être économique.

Alors, notre projet de loi d'aujourd'hui, qui va dans ce sens général, comporte trois volets: un premier volet qui consiste à permettre aux caisses, aux fédérations et à la Confédération d'hypothéquer leurs biens pour toutes fins autres que celles déjà prévues par la loi lorsque ces fins sont autorisées par l'Inspecteur général et, s'il s'agit d'une caisse affiliée, par la Fédération. Les avantages recherchés de cette mesure, c'est que, pour participer à des systèmes de compensation et de règlement, les institutions financières donnent généralement des biens en garantie. Les banques jouissent déjà de ce pouvoir, et il est urgent de donner aux caisses le même pouvoir. Il faut permettre au Mouvement Desjardins de participer à un mécanisme d'intervention établi par la Banque du Canada pour assurer aux institutions de dépôts l'accès aux liquidités qui pourraient être requises lors du passage à l'an 2000. Donc, c'est urgent.

Le deuxième volet, c'est pour permettre aux caisses d'épargne et de crédit, aux fédérations et à la Confédération d'acquérir ou de céder des créances, sauf dans les cas prévus par règlement du gouvernement. Les transferts d'actifs et d'acquisitions de titres entre les caisses et les personnes morales du même groupe ainsi que la Caisse centrale Desjardins du Québec n'auront plus à être spécifiquement autorisés par le conseil d'administration de la Caisse. Pourquoi est-ce qu'on fait ça? La vente et l'achat de créances font partie d'une stratégie de gestion efficace des risques. Si on n'a pas la possibilité de le faire, on diminue son efficacité, donc on peut être plus à risque parce qu'on n'a pas eu la mobilité requise. Et le caractère est urgent, encore une fois, parce que la vente de créances permettrait d'obtenir des liquidités supplémentaires requises, toujours, dans le cadre du passage à l'an 2000.

Le troisième volet, c'est pour permettre à l'Inspecteur général des institutions financières de prescrire à l'égard des états financiers des caisses, y compris de la Caisse centrale Desjardins du Québec, des fédérations et de la Confédération, des règles comptables comportant des exigences particulières ou différentes de celles applicables suivant les principes comptables généralement reconnus. Les avantages que l'on recherche, c'est pour permettre à l'Inspecteur général de s'assurer que le traitement comptable des coopératives de crédit du Québec est approprié et ne les désavantage pas par rapport à leurs principaux concurrents, c'est-à-dire les banques.

Il est urgent de rappeler cette mesure parce que le Surintendant des institutions financières fédéral permet aux banques, pour l'exercice financier 1999, d'augmenter leurs provisions générales en affectant directement les bénéfices non répartis, c'est-à-dire sans réduire d'autant leurs bénéfices de l'année. Si l'Inspecteur général ne peut accorder le même traitement aux caisses pour l'exercice financier 1999, le Mouvement Desjardins devra afficher une profitabilité relativement réduite afin d'établir des provisions équivalentes à celles des banques.

Alors, ces mesures sont, encore une fois, requises rapidement parce que l'année s'achève. Elles favoriseront à l'avenir le fonctionnement efficace du secteur des caisses d'épargne et de crédit. C'est pourquoi je recommande, en toute liberté et à distance complètement de ces organisations, que notre Assemblée adopte le principe du projet de loi n° 85 qui modifie la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le vice-premier ministre et ministre des Finances. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, critique officielle de l'opposition en matière de finances. Mme la députée.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, je ne voudrais pas passer sous silence la mention qu'a faite le ministre des Finances à l'effet qu'on sollicitait sa personne pour devenir le futur président du Mouvement Desjardins. À ce que je sache, c'est une rumeur. Je n'avais jamais entendu cette rumeur-là, mais je la trouve intéressante. Je me dis qu'il y a bien des gens qui commencent à voir le ministre des Finances ailleurs. Il aurait probablement été préférable qu'il ne le dise pas publiquement, ça veut dire qu'il y a des gens qui le voient ailleurs. Mais ils le voient ailleurs qu'à titre de ministre des Finances. Peut-être qu'ils pensent que, à titre de ministre des Finances, il y aurait peut-être des changements opportuns à apporter au Québec. Mais enfin, je passe, M. le Président. J'étais surtout ravie que ça ne soit pas la Banque Royale qui lui ait fait une offre de devenir le président.

Le ministre des Finances nous annonçait que, tant que le Québec ne sera pas indépendant, il va être à la bataille, devant l'armée, en train de se battre. Je pense qu'il va être très vieux, très vieux, très vieux. Il va se déplacer avec deux cannes et plusieurs appuis, M. le Président, pour s'assurer que le Québec devienne indépendant. Alors, on peut, à certains égards, dire qu'il va être à l'Assemblée nationale encore pendant beaucoup d'années. Je trouve ça...

Des voix: ...

(17 h 10)

Mme Jérôme-Forget: Effectivement, je lui souhaite longue vie, M. le Président.

Ce projet de loi n'est pas anodin, mais ce n'est pas le projet de loi sur la réorganisation du Mouvement Desjardins. D'accord? C'est bien important de rappeler aux auditeurs que ce n'est pas le projet de loi que va soumettre le Mouvement Desjardins. Je pense que c'est au printemps prochain.

Par ailleurs, ce projet de loi amène des changements qui s'avèrent essentiels, notamment au niveau d'avoir accès aux liquidités de la Banque du Canada pour le passage de l'an 2000. Vous savez que la Banque du Canada, à cause de dangers potentiels, a décidé de mettre des liquidités disponibles au niveau de toutes les banques, et, par conséquent, le Mouvement Desjardins veut avoir accès à cette disponibilité de liquidités. En substance, ce que fait le Mouvement Desjardins par ailleurs, il ouvre une porte. Il ouvre une porte parce qu'il vise à permettre aux caisses d'épargne et de crédit, aux fédérations et à la Confédération d'acquérir ou de céder des créances, et ceci, sans toutefois devoir avoir recours à l'approbation du conseil d'administration de chacune des caisses concernées.

Je pense que c'est un changement qu'il faut porter à l'attention des personnes qui nous écoutent. Ça s'avère bien sûr important, essentiel pour la caisse, pour fonctionner de façon moderne aujourd'hui, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a quand même là un changement important. Essentiellement, ce projet de loi veut également harmoniser avec les banques à charte les règles comptables, tel que prescrit par le Surintendant des institutions financières du Canada.

Alors, M. le Président, outre le fait que le ministre des Finances a cru bon de nous rappeler qu'il aurait pu être le président du Mouvement Desjardins, le successeur de l'actuel président, je pense que nous allons avec plaisir appuyer le principe de ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys et critique officielle de l'opposition en matière de finances. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 85?


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 85, Loi modifiant la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Brassard: Je voudrais faire motion, M. le Président, pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader du gouvernement, aimeriez-vous qu'on suspende quelques instants?

M. Brassard: S'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui. Alors, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 13)

(Reprise à 17 h 14)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés qui êtes debout, veuillez vous asseoir. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je ne m'assoirai pas tout de suite, M. le Président, je vais d'abord vous référer à l'article 2.


Projet de loi n° 67


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 2 de votre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 18 novembre 1999, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 67, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement.

Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 67? Alors, M. le député de Limoilou.


M. Michel Després

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir, comme vous venez de le mentionner, sur le projet de loi n° 67 qui est la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement, un titre qui, à première vue, a besoin, un peu, d'explication parce que le projet de loi n° 67 vise à interdire les disparités dans le traitement, sur le salaire, la durée du travail, les jours fériés, chômés, payés, les congés annuels payés, les repos, l'avis de cessation d'emploi ou de mise à pied, le certificat de travail, l'uniforme, les primes et indemnités diverses fondées uniquement sur la date d'embauche entre les salariés qui effectuent les mêmes tâches dans un même établissement, toutefois le projet de loi prévoit aussi des exceptions à cette interdiction en permettant l'ajout d'échelons.

M. le Président, au fond, ce dont on vient parler aujourd'hui, on vient parler des clauses orphelin, et il faut bien spécifier que, même si on parle de la Loi sur les normes du travail, on vient parler des conventions collectives qui existent dans les entreprises. On ne parle pas du libre marché où il n'y a pas d'entente, où il n'y a pas de conventions collectives. On parle strictement ici... Le gouvernement est venu cerner, bien identifier et parler des entreprises où l'on parle de décrets ou de conventions collectives, M. le Président.

Ce qui est un peu particulier, c'est que le gouvernement qui est en face veut essayer – je dis bien essayer – de tenir promesse suite à la dernière campagne électorale. Parce qu'il avait pris l'engagement, comme l'avait dit le premier ministre... Et une citation où le premier ministre disait: «Ils bénéficieront, dit-il, de la protection d'une législation contre les clauses discriminatoires.»

Et là c'est le premier ministre du Québec qui est en campagne électorale qui parlait. Il parlait devant le Forum des jeunes étudiants, il parlait devant les travailleurs et il disait: Les clauses discriminatoires, on va s'en occuper. C'est chose faite, M. le Président. Je n'ai pas l'impression que c'est totalement fait parce que mon collègue critique du dossier du travail a passé en commission parlementaire, il y a déjà quelques semaines, à entendre des groupes, des syndicats, des patrons qui sont venus tour à tour donner leur point de vue. Mais ceux qui sont principalement concernés par ce projet de loi, c'est les jeunes, ceux qui sont carrément affectés par ces clauses discriminatoires. Et ce qui est intéressant... J'aimerais citer des passages du mémoire des jeunes de Force Jeunesse.

Force Jeunesse, on y retrouve des gens d'à peu près... tous les jeunes dans la société, que ce soit au niveau des conditions de travail, que ce soit du milieu universitaire, que ce soit du milieu du travail. Ils sont venus donner leur point de vue et ils disaient quoi, ces jeunes qui sont d'un regroupement apolitique mais qui sont là pour défendre les intérêts des jeunes: «Un tel projet de loi constitue – et je cite, M. le Président – un parachute troué qui n'offre en rien toute la protection nécessaire pour enrayer de telles pratiques discriminatoires. La proposition de législation déposée par le gouvernement péquiste ne vise pas à enrayer le problème mais à le restreindre uniquement, cette loi pouvant être facilement contournée.» Voilà ce qu'ils disent: Un parachute troué.

M. le Président, j'aimerais bien savoir... Je regarde les députés d'en face, le député de Saint-Jean, qui n'est pas loin de moi, la députée de Vanier, le député de Portneuf, des gens de la région de Québec qui ont fait campagne électorale et qui se sont fait élire, et je suis certain qu'ils ont des groupes de jeunes – moi, j'en ai dans mon comté – puis je suis certain qu'ils ont fait le tour, eux autres aussi, ils sont allés les voir durant la campagne électorale. Ils ont dû répéter ce que leur premier ministre avait dit: On va éliminer les clauses discriminatoires. Mais ce n'est pas ça que le projet de loi fait parce que le projet de loi va permettre, au lieu d'avoir des échelles en parallèle, d'ajouter des échelons.

Et pourquoi on a déposé ce projet de loi de cette façon? Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas tenu ses engagements? Pourquoi la ministre du Travail, en commission parlementaire, disait: C'est une chose facile de dire qu'on est contre pendant la campagne électorale, mais c'est plus compliqué par la suite de faire dans la réalité?

Donc, elle reconnaissait qu'effectivement elle était contre, que son gouvernement avait dit qu'il prendrait l'engagement de régler la situation. Mais, une fois qu'on est rendu au pouvoir puis qu'il faut tenir compte des lobbys patronaux, puis des lobbys syndicaux, puis tenir compte de l'engagement qu'on a pris face aux jeunes, bien là on est un petit peu plus coincé. Ça fait qu'on s'est dit: On va faire un projet de loi, on va le déposer, on va leur montrer, aux jeunes, qu'on a fait quelque chose. Au lieu de mettre les choses en parallèle, on les a mises une au-dessus, une en dessous, M. le Président. Pas de problème, on rajoute des échelons. Comment vous en voulez? Un, deux, quatre, dix? Pas de problème, ça, la loi ne le définit pas.

(17 h 20)

On avait pris un engagement, on prend l'engagement, comme gouvernement, on dépose un projet de loi, mais la ministre l'a dit et elle l'avoue: Facile d'être contre, plus difficile dans la réalité, parce que, là, elle veut tenir compte de tout le monde. Pourtant, en campagne électorale, quand elle parlait aux jeunes du Québec, elle disait quoi? On va régler la situation, ça ne se passera plus comme ça. Mais, une fois que c'est le temps de déposer la loi, bien là on veut essayer de faire plaisir à tout le monde. Bien, ceux qui ne sont pas heureux, ce sont les jeunes, M. le Président.

À la dernière campagne électorale, le thème de la campagne, c'était J'ai confiance . Allez donc voir le Forum des jeunes pour savoir s'ils ont confiance maintenant en la parole du gouvernement qui est en place, entre autres en la parole de celui qui est le premier ministre du Québec et député de Jonquière. Il y a ses représentants qui sont ici, en Chambre, les députés qui, durant la campagne électorale, ont rencontré ces groupes de jeunes puis qui ont pris l'engagement de régler cette situation-là. Et puis là, maintenant, on ne règle pas la situation. On dépose un projet de loi, pas de problème. On sauve la face, puis on va être capable de dire à ces groupes de jeunes: Écoutez, on a déposé une loi.

M. le Président, la crédibilité puis la confiance du gouvernement sont sûrement très affectées face aux groupes de jeunes. Tout au long des audiences publiques, qu'est-ce qu'on a pu constater? La ministre qui venait constamment essayer de convaincre que l'ajout d'échelons vers le bas dans une échelle salariale, bien que ce soit une clause discriminatoire différente de celle qui existe actuellement, ce n'est pas une clause discriminatoire pareil, ce n'est pas tout à fait la même chose.

C'est drôle, les jeunes qu'on rencontre, là, eux, ce qu'ils nous disent, c'est que c'est une clause discriminatoire. Mais la ministre a passé son temps, groupe après groupe, à leur expliquer que ce n'était pas pareil. On ne met pas des clauses en parallèle, on les met une au-dessus de l'autre. Pas de problème, M. le Président. Vous aussi, vous en avez, des groupes de jeunes dans votre comté. Vous en avez sûrement rencontré, et vous allez en rencontrer d'autres à la prochaine campagne électorale. J'espère que vous allez réussir à les convaincre, M. le Président, parce que ceux qu'on rencontre, eux, ne sont pas heureux du projet de loi.

Il y a une chose qu'on apprend, c'est que la ministre, apparemment, a des amendements dans sa poche, elle va probablement les déposer prochainement. Il va y avoir une commission. Je ne sais pas si, tranquillement, elle est en train de changer son opinion, vouloir changer la loi. Espérons que oui parce qu'ils l'ont fait en campagne électorale quand c'était le temps de prendre le pouvoir. On a fait la même chose avec Emploi-Québec. Pas de problème, les valves sont ouvertes, on prend des engagements, on a de l'argent, on défonce les budgets. Après ça, on ferme les valves, Emploi-Québec est fermé. Il reste quatre, cinq mois dans l'année, on n'a plus d'argent.

Les jeunes, la même chose, M. le Président: on prend des engagements, on veut le pouvoir, on veut les convaincre, puis on apprend après peu de temps qu'une fois qu'on est rendu aux affaires de l'État, une fois qu'on est bien assis à l'Assemblée nationale, une fois que c'est le temps de respecter nos engagements, on ne respecte plus nos engagements. On l'a fait à Emploi-Québec. Pas de problème, on doit être capable de le faire encore parce que c'est la même ministre, de toute façon. Elle l'a fait une fois, elle doit être capable de le faire une deuxième fois: on ne respectera pas notre engagement.

Nous, M. le Président, au Parti libéral, on avait pris l'engagement, en campagne électorale... un engagement qui était ferme, pas un engagement qui tenait compte des différents intervenants ou des différents lobbys, un engagement, face aux jeunes, qu'on éliminerait totalement les clauses discriminatoires. On n'a pas changé d'idée. Mais c'est eux en face qui forment le gouvernement, c'est eux aussi qui ont pris des engagements et c'est eux qui ne respectent pas leur parole. Mais ça, on est habitué, ils le font régulièrement. Ils l'ont fait à Emploi-Québec, ils le font dans le secteur de la santé et continuent à le faire. Constamment, dans tous les dossiers, on fait des coupures. Soit qu'on prend des engagements qu'on va réinjecter de l'argent... Allez voir dans le secteur de la santé, allez voir dans le secteur de l'éducation, les coupes de services à la population qu'on est obligé de faire.

M. le Président, la clientèle des jeunes d'aujourd'hui, la génération de 18 à 35 ans, gagne 10 % de moins que la génération des 35 ans et plus pour les mêmes emplois. Pourquoi? À cause des clauses discriminatoires, à cause de ces clauses orphelin. Et, si on compare avec une autre génération, la vôtre, M. le Président, pour les mêmes emplois, c'est 9 % de moins. Donc, vous voyez immédiatement qu'on a créé deux classes de travailleurs dans la société: ceux qui ont pu entrer à une certaine époque dans des emplois avec des conditions bien déterminées et ceux qui sont entrés dans les dernières années où on a permis, par entente employeurs et syndicats, il faut bien le dire, d'engager pour les mêmes postes, les mêmes emplois, avec des conditions différentes: c'est ce qu'on appelle les clauses orphelin.

Maintenant, le gouvernement, avec son projet de loi, lui, il nous permet de créer des échelons supplémentaires. On élimine apparemment les clauses orphelin, mais on permet des échelons supplémentaires, M. le Président. Mais il faut vous dire que le gouvernement est mal placé parce qu'il l'a fait lui-même.

Prenons un exemple. Le ministère de la Justice. On engage un avocat. On ouvre un poste, on engage un avocat au ministère de la Justice. Il est reçu, M. le Président. Ce n'est pas un stage. Il est reçu, il est avocat, il a fait son Barreau, il a fait son stage. On rouvre un poste. On a un corps d'emploi pour lui, pas de problème, avec une échelle salariale. On a un poste avec des conditions bien déterminées.

Dans d'autres cas, pour le même avocat, reçu du Barreau, qui a fait son stage, là, on rouvre un poste de stage – pourtant il est fait, son stage – d'intégration au travail. Ça, c'est pour une période de deux ans. Ça, c'est pour aider cet avocat-là à s'intégrer à l'emploi. Ça fait qu'ils peuvent être un à côté de l'autre, dans le même ministère, avec le même titre d'avocat. Il y en a un qui est un avocat pour le ministère de la Justice, l'autre est un avocat stagiaire au ministère de la Justice mais avec une échelle salariale totalement différente.

Ça fait que, voyez-vous, M. le Président, il y a un problème. On l'exerce, cette façon de fonctionner au gouvernement du Parti québécois. Ça fait qu'il devient difficile de dire aux employeurs du Québec de ne pas le faire, M. le Président. Il faudrait que le gouvernement commence lui-même à corriger ses pratiques. Il ne peut pas faire la morale aux autres. Il faudrait qu'il commence par se la faire à lui-même. C'est ça qu'on dénonce. C'est pour ça qu'on n'est pas d'accord avec le projet de loi. C'est pour ça qu'on espère que les députés qui sont en face, je les vois, qui sont des gens qui travaillent fort pour leur comté...

Je vois le député de Portneuf. Je suis certain qu'il est préoccupé par ça, le député de Portneuf. Je suis certain qu'il va dire à la ministre du Travail que les jeunes dans son comté ne sont pas satisfaits de la situation. J'espère que la ministre va déposer des amendements. Je vois la députée de Vanier. La même chose. Je sais qu'elle s'occupe bien de son comté, elle s'occupe de son monde. Je suis certain...

J'espère, Mme la députée de Vanier, que vous avez sensibilisé votre collègue. Je ne peux pas croire que les jeunes de votre comté sont heureux, qu'ils sont contents. Vous avez pris un engagement en campagne électorale. Vous allez être mal à l'aise, à la prochaine campagne électorale, de vous présenter puis de dire aux jeunes: On s'excuse, on a essayé, on a déposé un projet de loi, mais ce n'est pas tout à fait ce qu'on avait dit. Moi, je suis certain que la députée de Vanier va être malheureuse quand elle va se présenter devant son monde parce que ce n'est pas dans ses habitudes. Quand elle prend des engagements, elle aime bien les respecter. Mais là elle a un problème: elle a les mains liées. Elle ne pourra pas respecter son engagement parce que son gouvernement ne dépose pas le projet de loi tel qu'il a pris son engagement.

(17 h 30)

Et ça, M. le Président, ça fait deux campagnes électorales qu'on fait depuis qu'ils sont au pouvoir. Le premier thème, on appelait ça L'autre façon de gouverner en 1994. On a vu ce que c'était, on a coupé à peu près dans tous les secteurs d'activité, on a coupé les services à la population. En 1998, c'était le thème J'ai confiance , M. le Président. Allez donc demander...

Je vois le député de Saint-Jean, lui aussi, il n'a pas l'habitude de se gêner pour dire ce qu'il pense, même à son gouvernement. Je suis certain qu'il a fait des revendications auprès de la ministre du Travail. Je suis certain qu'il l'a fait. Ce qu'il nous reste à espérer, c'est que la ministre du Travail a encore le temps pour corriger son projet de loi. On va l'appuyer, M. le Président, puis on va changer notre position. On va l'appuyer, le projet de loi, mais qu'elle dépose des amendements. Puis on espère qu'elle va le faire pour qu'elle respecte la parole de son premier ministre, la parole des collègues qui sont ici, en Chambre. Je suis certain, ils l'ont tous pris, cet engagement-là.

Je vois le député de Gaspé qui porte beaucoup d'attention, je suis certain que, lui aussi, il l'a pris, l'engagement, en campagne électorale, parce que son parti l'a pris. Donc, s'il l'a pris, il va vouloir se promener à la prochaine campagne électorale, puis se promener dans son comté, puis dire aux jeunes: Voici ce que mon gouvernement a fait. Voici, à l'unanimité, les parlementaires de l'Assemblée nationale, M. le Président, ont été d'accord pour éliminer les clauses discriminatoires. Tout le monde va être heureux: l'Assemblée nationale va être unanime, les jeunes du Québec vont être satisfaits de la situation.

Mais, encore une fois, on fait une entourloupette puis on décide de ne pas respecter notre engagement. C'est la marque de commerce de ce gouvernement-là, ne pas respecter ses engagements, ne pas respecter sa parole. On prend un engagement en campagne, c'est clair, c'est ferme, on élimine les clauses orphelin. On arrive au Parlement, on s'en va en commission parlementaire, tout le monde nous en parle, il y a des lobbys un peu partout puis on essaie de trouver une petite formule qui va faire plaisir à tout le monde.

M. le Président, si le gouvernement veut se donner de la crédibilité auprès de la population puis auprès des jeunes du Québec, il a encore le temps, qu'il corrige son projet de loi pour que les députés en cette Chambre puissent retourner dans leur comté et dire: Voyez-vous, à l'Assemblée nationale du Québec, on a adopté de façon unanime un projet de loi. On a respecté notre parole, les parlementaires ont été crédibles, les gens d'en face ont respecté leur engagement. Ça va nous faire plaisir de le dire. Mais là on ne peut pas le dire, il faut les dénoncer. Régulièrement, M. le Président, ils font ça dans bon nombre de dossiers, ils ne respectent pas leur parole. Puis la ministre du Travail est l'une des grandes spécialistes. J'en ai parlé tantôt, on a juste à parler d'Emploi-Québec, tous les députés, ici, parlementaires, ont reçu à la dizaine des cas de gens d'Emploi-Québec qui se font fait fermer la porte, ou d'organismes communautaires. Là, maintenant, c'est les groupes de jeunes.

Je vois mon collègue le député de Robert-Baldwin qui s'occupe du dossier d'Emploi-Québec, je le sais, il a fait une tournée à travers le Québec pour se faire dire comment ce gouvernement-là ne respecte pas sa parole, et là c'est la même chose dans le dossier qui est déposé devant nous, qui est la loi n° 67. Ce que, nous, nous voulons, c'est que le gouvernement respecte son engagement, tel qu'il l'a formulé, tel qu'il l'a dit aux jeunes du Québec, comme la députée de Vanier, comme le député de Portneuf, comme le député de Gaspé et tous les autres qui sont ici, en cette Chambre, en face, ont pris l'engagement formel de régler cette situation. Ils ont encore le temps, et j'espère que mes collègues et le député de LaFontaine, on pourra appuyer le gouvernement dans ce projet de loi, mais il va falloir que la ministre du Travail nous dépose très rapidement des amendements. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Limoilou. Nous allons maintenant céder la parole au député de Verdun. Alors, M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Moi aussi, j'ai lu ce projet de loi et j'en ai été éminemment déçu, déçu parce que... Et, je voudrais vous le rappeler, hein, c'est un projet de loi qui touche une question extrêmement importante et je vais vous expliquer dans un instant, M. le Président, ce que sont les clauses orphelin. Mais déçu aussi parce que c'est un projet de loi qui naît pour mourir. C'était le titre du journal Le Soleil : Né pour mourir . Est-ce que vous êtes conscient, M. le Président, qu'on est en train de faire un projet de loi qui n'entrera en vigueur que dans trois ans et qui disparaîtra en 2004? C'est ça qu'on est en train de voter.

J'ai beaucoup de respect pour les parlementaires ministériels. Je me demande combien de temps on va tolérer, dans les rangs ministériels, cette ministre du Travail. J'ai rarement vu quelqu'un de plus incompétent comme ministre; je dis bien «de plus incompétent». Et je vais vous dire, il y a assez de gens parmi vous qui seraient capables de la remplacer demain en étant beaucoup plus efficaces et autant capables de présenter des projets de loi qui auront un peu de bon sens, M. le Président. Je maintiens et je suis prêt à le maintenir... Et je ne le dis pas du tout par partisanerie, je le dis parce qu'on est capable de juger, et il y a un bon nombre de gens que je respecte dans la députation ministérielle, il y a beaucoup de gens que je respecte dans le cabinet des ministres, mais cette ministre-là, pour moi, est la plus incompétente que j'aie rarement vue dans un cabinet ministériel.

Alors, on va parler ensemble, on va en parler. D'abord, c'est quoi, une clause orphelin? C'est un terme que... beaucoup de gens ne savent pas exactement de quoi on parle quand on dit: On veut faire des lois contre les clauses orphelin. C'est un accord. Souvent, dans une convention collective, on dit: Les personnes qui sont actuellement à l'emploi votent des conditions de travail ou négocient des conditions de travail pour les gens qui sont actuellement à l'emploi, c'est-à-dire la partie patronale et la partie syndicale négocient des conditions de travail. Mais on dit aussi: Pour les nouveaux arrivés, ceux qui ne sont pas là, qui n'ont pas la chance de pouvoir s'exprimer, qui n'ont pas la chance de pouvoir participer réellement au vote, eux... Ah! Bien, vous allez avoir des conditions de travail différentes de celles que vos compagnons auront parce que vous êtes engagés après. Et c'est ça qu'on appelle, M. le Président, des clauses orphelin. Il n'y a rien de miraculeux là-dedans, c'est une manière de donner des avantages à ceux qui sont en place et pour pénaliser ceux qui vont venir.

Alors, bien sûr, M. le Président, on a écrit un projet de loi; je le rappelle, comme vous l'avez bien compris, un projet de loi qui ne durera que trois ans et qui est là pour disparaître en 2004. Comprenez-moi bien, chacun des membres ici devant moi: pour disparaître en 2004. Premier élément. Deuxième point, on utilise, pour essayer de combattre cette question des clauses orphelin, les normes minimales de travail. Alors, il y a un paquet de champs d'application qui ne sont pas couverts par la loi, et je vais très spécifiquement vous en donner un exemple et vous donner un exemple à quel point même le gouvernement, actuellement, pratique des clauses orphelin. Je vais vous expliquer.

Vous allez voir arriver – parce qu'on l'a voté en deuxième lecture, et ça va arriver bientôt en troisième lecture devant cette Chambre – un projet de loi qui s'appelle le projet de loi n° 22, qui est la loi régulière que l'on a pour réformer ou adapter nos régimes de pension, que ça soit le RREGOP, le RRE, le RRF, le régime des employés des prisons, enfin, il y a cette loi-là qu'on révise périodiquement. Alors, à l'intérieur de ce projet de loi, et regardez à quel point on peut avoir des tendances pernicieuses... Et je ne suis pas en train, actuellement, de jeter la pierre, de dire: Les gens du Conseil du trésor ont fait quelque chose volontairement pour créer des clauses orphelin, ce n'est pas ça que je veux dire, mais c'est la tendance, et vous allez voir.

Vous le savez, la Société des alcools du Québec a constitué, pour faire l'embouteillage, une nouvelle corporation qui s'appelle maintenant La Maison des futailles. Une partie des employés de la Maison des Futailles – nouvelle corporation – va être faite par des gens qui étaient employés de la Société des alcools du Québec et qui sont transférés à la Maison des Futailles pour s'occuper de l'embouteillage. Donc, les premiers employés de la Maison des Futailles sont des gens de la Société des alcools.

(17 h 40)

Alors, si vous regardez le projet de loi n° 22 qu'on va avoir à débattre devant nous, il dit très justement: Les personnes qui sont actuellement employées de la Société des alcools du Québec et qui sont transférées à la Maison des Futailles continueront leur droit de contribuer à ce qu'on appelle dans notre langage le RREGOP, c'est-à-dire le Régime de pension des employés du gouvernement. Par contre, ce privilège n'est accordé seulement qu'aux premiers employés, ceux qui sont transférés, et les nouveaux employés que la Maison des Futailles serait à même de pouvoir engager ne bénéficieront pas des mêmes avantages.

Alors, M. le Président, comprenez-moi bien... Et je ne suis pas en train de dire: Là, ils ont voulu véritablement faire quelque chose de discriminatoire. Mais la tendance a été naturellement de dire: Bon, bien, on va maintenir les droits acquis pour ceux qui sont transférés; bien, pour les autres, ils ne les auront pas. Sauf que la situation pratique, ça veut dire que, dans la compagnie la Maison des Futailles, vous allez vous trouver actuellement à avoir des personnes qui travaillent, qui font la même fonction: si elles sont engagées au début de la création de la corporation, là, elles auront droit à la protection, ou pouvoir contribuer au régime de rentes des employés du gouvernement; les autres, celles qui seront engagées après, qui probablement seront plus jeunes, parce qu'il y a un lien direct entre l'âge et la période à laquelle on est engagé, ne le pourront pas.

Alors, M. le Président, vous allez dire: Est-ce que ceci contrevient à la loi n° 67? Parce que, à première vue, il s'agit clairement d'une clause qui est une clause orphelin ou une clause discriminatoire dans le fait que la date de votre engagement vous permet ou ne vous permet pas de contribuer à un régime de pension. Alors, ceci n'est pas couvert. C'est un cas patent et, moi, je pensais: Bon, il y a une contradiction dans l'action du gouvernement, parce que je me fiais en quelque sorte au titre du projet de loi et non pas au libellé du projet de loi. Donc, j'ai regardé dans le projet de loi me disant: Bon, il y a là, probablement par inadvertance de la part des gens qui ont rédigé cette petite clause à l'intérieur d'un projet de loi beaucoup plus complexe sur le Régime de rentes, quelque chose qui a pu leur échapper mais qui est contradictoire au projet de loi n° 67. Or, si nous regardons le projet de loi n° 67, ce n'est pas vrai, ce n'est pas contradictoire. Parce que tout ce genre de clause discriminatoire qui touche non pas strictement des rémunérations ou des questions de congé, mais qui touche des avantages, comme la possibilité de contribuer ou ne pas contribuer à un régime de rentes, n'est pas protégé à l'heure actuelle par le projet de loi n° 67.

Alors, la lecture que je fais, à l'heure actuelle, de ce projet de loi: c'est un travail mal fait. Je le dis bien, M. le Président, c'est un travail mal fait. L'intention était louable. Et je dis bien: L'intention est louable. Et, de part et d'autre – j'ai toujours tendance, moi, à croire à la bonne foi des gens – je pense que, de bonne foi, les ministériels voulaient bannir ce que nous appelions les clauses orphelin des régimes de travail au Québec, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public. Mais le travail a été mal fait. On n'a pas fait la recherche nécessaire pour pouvoir aller voir quelle était exactement la portée des clauses orphelin, et tout ce qui touche les régimes de rentes n'est pas couvert.

Je me permettrais de vous rappeler... Je vais retourner sur une autre question, M. le Président, et vous allez voir avec moi. Les clauses orphelin, ce n'est pas uniquement des choses qui pénalisent les jeunes, ça peut aussi pénaliser les personnes qui sont beaucoup plus âgées, théoriquement. Autrement dit, si dans un régime de pension vous accordez des bénéfices à ceux qui sont en activité sans nécessairement les accorder à ceux qui sont pensionnés... Je ne voudrais pas refaire un débat que j'ai déjà fait ici, en cette Chambre, mais, lorsqu'on utilise les surplus actuariels, c'est-à-dire lorsqu'on utilise ce qui a été le gain collectif des gens qui ont contribué à un régime de pension et qu'on l'attribue à une fraction simplement des participants pour leur permettre, par exemple, de prendre une retraite anticipée sans pénalité actuarielle, de fait, on pénalise ceux qui sont déjà pensionnés et qui ne peuvent pas bénéficier d'une augmentation de leur rente pour tenir compte du fait que le régime s'est comporté particulièrement bien.

Alors, M. le Président, lorsqu'on aborde toute cette question de discrimination dans le travail, lorsqu'on aborde toute cette question des clauses orphelin, je me permets de vous dire: Le travail a été mal fait par votre ministre actuellement, que je considère comme une des plus incompétentes du gouvernement. Et on n'a pas recherché réellement quelle est la portée complète de ce sur quoi la loi pourrait s'appliquer.

Mon collègue le député de Limoilou en a cité un autre exemple: lorsqu'on joue sur les échelons. Lorsqu'on dit: Bon, on ne fera pas de clauses orphelin, mais on va pouvoir permettre le rajout d'échelons, ce qui implicitement va faire en sorte que, pour la rentrée... les échelons au niveau négatif, vous comprenez, c'est-à-dire que les gens qui vont rentrer dans le même travail, ils vont rentrer sur une échelle, mais au lieu de rentrer... c'est un peu comme si on vous disait: Vous allez rentrer au sous-sol au lieu que tout le monde rentre d'habitude au premier étage, mais dorénavant vous rentrerez au sous-sol puis vous allez avoir à monter les escaliers pour arriver au premier étage. C'est inclus à l'intérieur du projet de loi.

Alors, autant je dois dire que l'objectif est de dire: Il faut que, dans notre société, ce concept d'équité... parce que ce qu'on recherche, c'est une valeur, je crois, que nous partageons, pas une valeur qui est plus partagée par ce côté-ci de la Chambre que par l'autre côté de la Chambre. Je pense que tout le monde partage ce concept d'équité et cette recherche de l'équité. Je pense que c'est quelque chose que nous partageons aussi bien que mes collègues ministériels actuellement. Mais je vous dis que ce projet de loi, malheureusement, a été fait à la va-vite et laisse énormément de trous, laisse énormément de vide, ce qui nous inquiète considérablement.

Mon collègue a parlé tout à l'heure des échelons, j'ai parlé des trous en ce qui touche les régimes de rentes, le député de LaFontaine qui fait un énorme travail sur ces questions en avait signalé d'autres. Il y a, à l'heure actuelle, dans ce projet de loi, des lacunes absolument majeures qui nous font douter même du sérieux du travail de ceux qui ont rédigé ce projet de loi.

Ce que j'ai dit au début – et je voudrais finir là-dessus, M. le Président, parce que c'est une question qui est aussi extrêmement importante – la durée du projet de loi est la période à quel moment il va rentrer en application. S'il y a quelque chose sur lequel nous devons collectivement dire: Nous ne devrions pas accepter ce qui a un caractère discriminatoire, ce n'est pas en disant: Bon, on va retarder trois ans pour la mise en pratique du projet de loi. Je comprends qu'il y a des articles qui nécessitent une mise en pratique progressive, mais qu'on ne dise pas ici: On va passer... Non, mais regardez la situation, elle est absolument cocasse – cocasse.

(17 h 50)

Écoutez-moi bien. On fait un grand débat ici pour voter un projet de loi qui essaie d'éliminer les clauses dites orphelin. Je vous ai expliqué tout à l'heure ce que c'était qu'une clause orphelin. On dit: Ça va prendre trois ans pour le mettre en pratique. Mais, ensuite, on dit: Le projet de loi cessera de prendre action en 2004. Alors, moi, je fais un peu d'arithmétique. Je dis: Je suis en 1999. Mettons qu'on va finir quand même par passer ce projet de loi. En général, la majorité ministérielle a tendance à écraser l'opposition et à pouvoir passer les projets de loi. Donc, mettons que vous finissez, pour l'an 2000, à passer votre projet de loi. Si vous finissez, si vous passez votre projet de loi pour l'an 2000, il ne rentrera donc, en pratique, qu'en 2003, pour cesser de prendre effet en 2004. Et je ne vous raconte pas d'histoire, M. le Président, c'est absolument cela.

Je vous dirais la liste, la Section VII.1, c'est l'article 4. Mais c'est très sérieux, je vous dis. «La Section VII.1 de la Loi sur les normes du travail, édictée par l'article 1 de la présente loi – enfin, c'est ce qu'on est en train de modifier – cesse d'avoir effet le 31 décembre 2004.» Non, mais écoutez, là. Alors, vous faites ce petit calcul d'arithmétique. Ça prend trois ans pour la mettre en vigueur. Donc, on va la mettre pratiquement en vigueur à peu près en 2003, et elle cessera d'avoir effet en 2004. Donc, on aura une année dans laquelle vous allez avoir réellement banni lesdites clauses orphelin, pendant une année.

Je suis sûr, mais vraiment, je suis sûr, moi, je ne dis pas ça... que ce n'est pas l'objectif de votre groupe ministériel. Je suis à peu près sûr que vous aviez des objectifs beaucoup plus nobles et beaucoup plus élevés lorsque vous disiez: Il faut qu'on élimine les clauses orphelin des relations de travail. Mais je vous signale: C'est ça que vous avez devant vous. C'est ça que vous avez devant vous. D'abord, on en élimine d'une manière toute trouée, je vous l'ai dit, deux sections, là: le rapport sur les échelles de salaires, la question des fonds de pension qui ne sont pas couverts par ce projet de loi. Puis on pourrait encore trouver d'autres trous. Mais non seulement vous avez un projet de loi troué, M. le Président, vous avez un projet de loi qui n'a pratiquement d'effet que durant une seule année. Vous allez dire: Oui, mais ça va donner trois ans pour que les conventions collectives puissent s'adapter, et, au bout de trois ans, les conventions collectives seront adaptées puis ne retomberont plus dans cette méchante ornière de recréer des clauses orphelin. Permettez-moi d'en douter. Pourquoi, réellement, avoir besoin de dire que la loi cesse d'avoir effet le 31 décembre 2004? Ça n'a pas de bon sens. Ça n'a réellement pas de bon sens.

Alors, pour toutes ces questions-là, M. le Président, et je vais vous dire, on ne peut pas accepter réellement ce projet de loi. Autant l'objectif – mais je terminerai là-dessus, je comprends que mon temps est en train d'être écoulé – était un objectif louable, un objectif auquel nous adhérions, un objectif que nous trouvions qui était un objectif valable d'éliminer les clauses orphelin, autant je dois dire que ce qu'a produit actuellement la ministre du Travail ne correspond en aucune manière à ce qu'on aurait attendu, et je dois dire – je ne le dis pas par partisanerie parce que je sais à quel point il y a des personnes compétentes, d'habitude, dans le gouvernement – que c'est réellement elle, réellement la preuve d'une personne que je qualifie de totalement incompétente. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Nous allons maintenant céder la parole au député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. Je sais que le temps file, mais je voulais absolument venir faire cette intervention.

Dernièrement, j'ai questionné la ministre de l'Emploi sur les clauses orphelin et Emploi-Québec particulièrement à la ville de Montréal, parce qu'on sait que c'est la ville de Montréal qui gère Emploi-Québec sur son territoire. Eh bien, imaginez ce qui arrive. On met à pied les jeunes occasionnels de cinq ans et moins d'Emploi-Québec et on engage à la place des employés auxiliaires formés par les occasionnels qui sont congédiés, et ces employés auxiliaires sont beaucoup moins bien rémunérés, M. le Président.

Ça, c'est les deux visages du gouvernement du Parti québécois, un visage: celui pour leur Kodak, celui qu'on a entendu en campagne électorale... Les annonces de l'abolition des clauses discriminatoires, l'abolition des clauses orphelin, ça, c'était pendant le discours, pendant la campagne, le sommet péquiste de la jeunesse, la grand-messe qui s'en vient et où les jeunes ne semblent pas être dupes et, de l'autre côté, la réalité, le visage de la réalité qui rattrape toujours ce gouvernement-là. Eh bien, qui est-ce qui écope? C'est un bel exemple, encore une fois ce sont les jeunes qui paient pour les politiques du gouvernement péquiste.

Un autre exemple, M. le Président, je pense que c'est important que ce soit mentionné, c'est le président du Conseil du trésor qui décide d'engager des jeunes gradués de l'Université Laval. Bien d'accord, 200 jeunes pourraient avoir accès à la fonction publique, et je pense que c'est enfin une bonne décision. Ça, c'est pour le Kodak. On fait la publicité, c'est beau, mais la réalité, c'est que, pendant qu'on fait ça, on abolit 250 postes de jeunes à Emploi-Québec, dans les différentes régions et particulièrement dans la ville, ici, à Québec. Eh bien, ça, c'est la réalité qui rattrape encore une fois ce gouvernement-là.

M. le Président, j'aimerais me permettre de citer notre ministre de l'Emploi qui, elle, a décidé que cette fois ce n'est pas à cause du fédéral si ça va mal, ce n'est pas à cause de l'ancien gouvernement, c'est à cause des jeunes. Et Mme la ministre de l'Emploi accuse les jeunes de chantage. Imaginez ça, c'est la ministre actuelle qui accuse les jeunes de faire du chantage: «La ministre de l'Emploi reproche à des groupes de jeunes de se livrer à une forme de chantage en liant l'adoption de la loi sur les clauses orphelin à leur participation au Sommet de la jeunesse.» Imaginez ça, M. le Président, c'est notre ministre qui dit ça aux jeunes.

Elle y est allée d'un commentaire encore plus cinglant à l'endroit de Force Jeunesse qui regroupe plusieurs jeunes qui n'ont pas adhéré automatiquement à la doctrine péquiste: «Elle se dit profondément mal à l'aise entre le Sommet et les clauses, a-t-elle lancé. La ministre a fait valoir que, tout importante que soit la loi, elle ne peut régler tous les maux qui assaillent la jeunesse, l'intégration à l'emploi», etc. Pourquoi elle est ministre, M. le Président? Elle ne peut pas s'occuper des problèmes des jeunes, particulièrement des clauses discriminatoires, des clauses orphelin.

Et c'est la même ministre qui nous disait, en plein été: Mais, écoutez, je ne sais pas ce qui se passe dans mon ministère. Alors, aujourd'hui, elle nous avoue qu'elle ne peut régler les problèmes de nos jeunes: «Force Jeunesse, a-t-elle laissé entendre, ne propose pas de solutions – d'après la ministre – pour combler l'énorme fossé qui sépare syndicats, patrons, mouvements des jeunes.» Pareil comme si c'était aux jeunes de régler les problèmes de la ministre. C'est ça qu'elle nous a dit, M. le Président. «Selon elle, ce regroupement d'une dizaine d'organisations contestataires préfère véhiculer la théorie du complot.»

M. le Président, je pense que le gouvernement du Parti québécois a des problèmes sérieux avec les jeunes. Le président de Force Jeunesse, François Rebello, a répliqué que sa thèse n'est pas celle du complot, mais celle de l'irresponsabilité envers la jeune génération. Et, lorsque le président de ce regroupement des jeunes parle d'irresponsabilité envers la jeune génération, c'est le gouvernement du Parti québécois qu'il accuse, et vous allez comprendre qu'il a bien raison. Selon lui, le fait que le gouvernement ait pris deux ans pour en arriver à une législation qu'il juge pleine de trous témoigne de sa sclérose politique.

M. le Président – je vois que le temps avance, on pourrait continuer – j'espère que les jeunes vont profiter de l'expérience de ce qui s'est passé. On se souvient des messes péquistes, le Sommet économique, où on avait promis tous les rattrapages possibles, on devait devancer le Canada dans la création d'emplois, etc.; on traîne toujours à la queue du train. J'espère que les jeunes ne seront pas dupes, qu'ils sauront exactement combien d'argent le gouvernement du Parti québécois a l'intention d'investir. J'espère que les jeunes sauront regarder dans les yeux chacun des députés du gouvernement, les députés ministériels, pour voir si c'est vraiment des promesses qu'ils ont faites en pleine campagne électorale, s'ils étaient sérieux, alors que, d'un côté, ils avaient ce beau discours et que maintenant ils ont la réalité, c'est-à-dire qu'ils sont absents de ce gouvernement. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Robert-Baldwin. Je conclus que vous avez terminé votre intervention et que vous ne me demandez pas de l'ajourner? Vous avez terminé. Parfait.

Alors, ceci met fin à nos travaux de cet après-midi. Nous allons ajourner nos travaux au mercredi 24 novembre, à 10 heures.

(18 heures)

Maintenant, nous allons procéder aux trois débats de fin de séance qui doivent avoir lieu: le premier entre M. le député de Marquette et Mme la ministre de la Justice; le second entre M. le député de Notre-Dame-de-Grâce et Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance; et le troisième entre Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys et le ministre des Finances.

M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Mulcair: M. le Président, mon collègue le député de Marquette, porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, devrait être ici dans quelques instants.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 18 h 3)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Merci beaucoup.


Débats de fin de séance


Écoute de conversations téléphoniques entre des agents de recouvrement et des débiteurs de l'État

Nous débutons nos débats de fin de séance. Le premier débat aura lieu entre M. le député de Marquette et critique officiel de l'opposition en matière de justice et Mme la ministre de la Justice, concernant les contrats d'écoute électronique du Conseil du trésor enfreignant l'article 5 de la Charte québécoise des droits et libertés.

Alors, je vous résume les règles. En vertu de notre règlement, M. le critique officiel, vous avez un temps de parole de cinq minutes, Mme la ministre, une réplique de cinq minutes, et, à la toute fin, vous avez droit à un dernier deux minutes.

M. le député de Marquette.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je repose la question: Quelle sorte de ministre de la Justice avons-nous au Québec? Aujourd'hui, à la période des questions, la ministre de la Justice, malgré le fait que je lui aie lu l'avis de la Commission des droits de la personne qui conclut que la clause d'écoute téléphonique qui est inscrite dans un contrat du gouvernement qui a été signé par nul autre que le président du Conseil du trésor et le ministre délégué à l'inforoute, M. Cliche... on conclut, dans l'avis de la Commission des droits de la personne, M. le Président, que nous sommes face à une clause qui porte atteinte au droit au respect de la vie privée prévu à l'article 5 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Nous avions attiré l'attention de la ministre de la Justice à plusieurs reprises sur cette clause-là. La ministre n'a trouvé rien de mieux aujourd'hui que de dire que c'était tout à fait légal, que c'était tout à fait correct et que les citoyens du Québec n'avaient pas été lésés, alors que nous sommes face à un avis qui a été remis par la Commission des droits de la personne.

C'est un avis que j'ai sollicité, alors qu'elle aurait dû faire son travail. Elle siège à la table du Conseil des ministres, elle regarde ce que ses collègues font, elle a la responsabilité non seulement de conseiller ses collègues à titre de jurisconsulte, mais également de veiller à l'application de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Manifestement, M. le Président, la ministre, encore une fois, n'a pas fait son travail correctement, n'est pas à la hauteur de la situation, parce que la Commission des droits de la personne a donné un avis pour dire: Ce que fait le président du Conseil du trésor viole les dispositions de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

J'ajoute: Comment peut-elle prétendre en cette Chambre qu'il n'y a pas eu de violation, qu'il n'y a pas eu d'écoute téléphonique, alors que le même président du Conseil du trésor nous a dit que ça se faisait dans d'autres contrats du gouvernement? La ministre, là, elle a des réponses sélectives. La question que nous posions aujourd'hui était beaucoup plus large que juste le contrat sur lequel le président du Conseil du trésor a dit: Dès le moment où on a vu qu'il y avait un problème, on a décidé de mettre un arrêt, on a décidé de revoir nos processus, nos façons de faire, et il n'y a pas eu d'écoute téléphonique. Mais le président du Conseil du trésor a également admis qu'il y avait eu d'autres contrats impliquant, entre autres, la Société de l'assurance automobile du Québec où il y avait des clauses d'écoute téléphonique.

Alors, M. le Président, comment la ministre de la Justice peut-elle se défiler face à ses responsabilités, comme celle de devoir être la gardienne des droits et libertés les plus fondamentaux de toute la société, de tous les citoyens de la société québécoise, alors qu'elle a permis et qu'elle va continuer de permettre qu'une telle clause d'écoute téléphonique demeure dans les contrats signés par le gouvernement? Elle devra se justifier, parce que c'est tout à fait inacceptable.

Si nous avions obtenu un avis ou si c'était notre propre avis, la ministre pourrait dire que, écoutez, elle est en désaccord avec le point de vue que nous défendons. Mais, M. le Président, je le répète, là, c'est l'organisme qui est chargé par l'Assemblée nationale du Québec de veiller au niveau des droits et libertés de la personne et de donner des avis. Nous avons précisément sollicité l'avis de cette Commission des droits de la personne du Québec, qui nous a transmis son avis et qui dit très clairement que ça vient porter atteinte au droit au respect de la vie privée prévu à l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne. Comment peut-elle se justifier, comment peut-elle justifier la réponse qu'elle a donnée aujourd'hui? Elle est en train de cautionner, comme ministre de la Justice, une violation à la Charte, une violation de l'article 5 de la Charte.

M. le Président, il va falloir que la ministre se ressaisisse, reprenne de l'aplomb puis commence à bien comprendre quel est le rôle qu'elle joue au Conseil des ministres, parce qu'on a vu la semaine passée, dans cinq autres dossiers, qu'elle a failli à la tâche, entre autres au niveau du jugement rendu dans la cause de l'affichage commercial, dans également le projet de loi concernant ses pouvoirs comme ministre, où un de ses propres procureurs lui avait dit qu'il ne fallait pas attendre au mois de novembre pour légiférer. Elle a attendu au mois de novembre pour légiférer. Au niveau des comités de sélection pour les juges de la Cour du Québec, elle a attendu à la toute dernière minute. C'est le juge qui lui a rappelé ses devoirs, et, plus encore récemment, un jugement de la Cour supérieure.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marquette. Mme la ministre de la Justice, votre temps de parole, cinq minutes.

Mme Goupil: M. le Président, si vous me permettez, je demanderais au député de Marquette de bien vouloir le déposer, l'avis qu'il a entre les mains, pour que nous puissions nous aussi en prendre connaissance, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous désirez vous prévaloir de cette demande?


Document déposé

M. Ouimet: ...la ministre qui n'a pas l'habitude de déposer des documents que nous demandons, c'est avec plaisir que je vais déposer l'avis de la Commission des droits de la personne du Québec.

Le Vice-Président (M. Pinard): Il y a consentement. Alors, je vais permettre... je cesse le temps de couler...

M. Mulcair: M. le Président, une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, M. le...

M. Mulcair: Je m'excuse. Même si c'est relativement inusité, lors des débats de fin de séance, de faire une question de règlement, je remarque qu'on a décidé d'arrêter l'horloge. Mon collègue le député de Marquette ne faisait que répondre à une interrogation de la part de la ministre, et, de bonne grâce, il s'est prêté au dépôt. À notre point de vue, ça aurait dû être inclus à l'intérieur des cinq minutes attribuées à la ministre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mais, à mon point de vue, il est tout à fait normal, tout d'abord, de recueillir le document qui est déposé, également d'en faire des photocopies afin de permettre à la ministre ou à l'autre partie d'en prendre connaissance, parce que, dans un tel débat où le temps de parole est de cinq, cinq, deux, il faut absolument qu'on en prenne maintenant connaissance. En acceptant le dépôt de ce document, il faut que, moi, comme président, je transmette ce document à l'autre intervenant afin qu'il en prenne connaissance, parce que, sinon, de quelle façon on peut fonctionner au niveau d'une réplique? Alors, voulez-vous, s'il vous plaît...

M. Mulcair: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Le débat a cessé, là, M. le leader adjoint de l'opposition. Je veux maintenant que vous fassiez des photocopies, que vous en transmettiez une photocopie à Mme la ministre. Et, une fois qu'elle va avoir pris connaissance de ce document, nous allons pouvoir continuer à procéder pour la balance de temps qu'il restait avant cette intervention, soit... Il y a une minute...

Une voix: ...

(18 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Pardon?

Une voix: ...20 secondes.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, 20 secondes. Alors, Mme la ministre, il vous restera un temps de parole de 4 min 40 s. Pour l'instant, je suspends le débat de fin de séance le temps de permettre d'obtenir une photocopie.

M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Alors, comme d'habitude, on va se soumettre à votre décision et à la nouvelle jurisprudence que vous venez de créer. Je veux tout simplement vous informer que c'est bel et bien la dernière fois que, nous, on va accepter d'interrompre une intervention de cette nature-là pour accorder plus de temps au côté ministériel. Si la ministre avait voulu demander le document, elle n'avait qu'à le faire lors de la période des questions et réponses orales aujourd'hui.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...vous avez tout à fait raison, M. le leader adjoint de l'opposition, et je tiens à vous faire mention qu'en vertu de jurisprudences antérieures le président peut accorder du temps lorsqu'une question de règlement est soulevée lors des débats de fin de séance, et ce, tant et aussi longtemps que la jurisprudence ne sera pas renversée. M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Mulcair: M. le Président, je tiens à vous dire que je suis tout à fait sensible à la jurisprudence que vous évoquez. Je connais son existence, elle a été utilisée ici la semaine dernière. Sauf tout le respect qu'on vous doit, cette jurisprudence s'applique lorsqu'un parti... En l'occurrence, la semaine dernière, c'était le leader adjoint du gouvernement qui a soulevé une question de règlement, il était normal, à ce moment-là, de ne pas enlever ce temps-là au débat en cours. Ce n'est pas ce qui s'est passé ici. Ici, la ministre était à l'intérieur de ses propres cinq minutes, elle a demandé le dépôt d'un document, et, comme vous voyez, le ministre responsable des Relations avec les citoyens est en train de lui donner un petit cours, et elle a un tuteur qui est en train de lui donner un petit cours. Ce n'est pas tout à fait la même chose, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Comme c'est à la présidence de constater l'importance de ce qui est fait de part et d'autre, je considère à ce stade-ci qu'il est fort important, lorsqu'on soulève un document, qu'on le transmette ou qu'on le dépose et que les personnes impliquées dans le débat puissent en prendre connaissance avant de poursuivre notre débat.

À ce stade-ci, Mme la ministre, est-ce que vous êtes prête pour continuer votre débat?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mme la ministre, il vous reste un temps de parole, précisément, de 4 min 40 s. Alors, Mme la ministre.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais rappeler en cette Chambre les objectifs, qui sont fort louables, des contrats qui ont été signés par mon collègue du Conseil du trésor. D'abord, dans un premier temps, il faut rappeler qu'il s'agit de contrats qui permettent – qui permettent, et je le dis bien – de s'assurer que les services qui sont rendus aux citoyens, qui les concernent, soient faits correctement. Alors, ça, c'est une première des choses. Deuxième objectif, qui est fort louable, c'est qu'on se donne des outils pour être capable d'aller récupérer des sous qui sont dus à l'État par des mauvais créanciers qui habitent à l'extérieur. Alors, évidemment, il est important que l'État puisse aller recueillir les deniers publics qui sont dus à l'État.

Maintenant, M. le Président, j'aimerais rappeler au député de Marquette, qui a une mémoire très courte des événements, que la clause 19 du contrat dont il a été fait question en cette Chambre, et ce, à plusieurs reprises, elle n'est pas en application. Et ce qui a été mentionné également, c'est qu'elle ne le serait pas tant et aussi longtemps qu'il n'y aurait pas un protocole d'application qui ne serait pas en application, et un protocole qui, lui, assure la protection des citoyens. Alors, à cet égard, M. le Président, la portée de l'avis de la Commission des droits de la personne... Parce que, évidemment, quand on lit l'avis versus qu'est-ce qui a été mentionné par le député de Marquette, c'est deux choses très différentes.

Et, M. le Président, il faut rappeler que, dans ce dossier, il est clairement indiqué que l'article 19 que l'on retrouve dans ce contrat n'est pas en application et qu'il ne le sera pas tant et aussi longtemps qu'il ne sera pas balisé par un protocole d'application. Nous l'avons répété à maintes reprises, mon collègue du Conseil du trésor l'a également mentionné, et à cet égard je trouve assez scandaleux que le député de Marquette ait demandé à un organisme pour lequel j'ai énormément de respect de vérifier des contrats concernant de l'écoute électronique du Conseil du trésor. M. le Président, c'est de façon tout à fait erronée. Le Conseil du trésor a signé un contrat de services dans lequel il y a une clause, l'article 19, qui parle d'écoute téléphonique. Il n'y a jamais eu d'écoute électronique qui a été signée par le Conseil du trésor.

Et là, M. le Président, le député de Marquette, qui passe son temps à vouloir mêler les citoyens... je vous dirais que c'est dommage, parce que lui qui se dit un ardent défenseur de nos institutions se permet de vouloir mettre la population dans le doute, alors que ça n'existe d'aucune façon. Pour que la Commission puisse émettre un avis, encore il aurait fallu que l'article 19 soit en application. Alors, il ne l'est pas, et la Commission ne pouvait pas mettre un avis sur une chose qui n'existe pas. Alors, je vous dirais qu'à cet égard le député de Marquette tente encore une fois de mêler les citoyens du Québec, et ça, c'est triste. C'est très triste parce que lui qui se dit le critique officiel de la justice, qui se permet de vouloir mêler les citoyens du Québec, ce n'est pas en son honneur, d'aucune façon.

L'écoute téléphonique, comme nous l'avons mentionné, ne sera pas en vigueur tant et aussi longtemps qu'elle ne sera pas balisée par un protocole d'application. Le ministère de la Justice travaille en collaboration avec les autres ministères pour s'assurer que ce protocole puisse se faire dans le respect des employés de l'État et des citoyens et que ça puisse se faire dans l'équité et dans la transparence. Pour qu'il y ait eu viol, M. le Président, comme le député de Marquette passe son temps à le décrier, encore il faudrait qu'il y ait eu un acte. Or, le député persiste et signe sur quelque chose qui n'existe pas. Il n'y a rien de nouveau dans ses déclarations, c'est toujours la même chose.

À défaut d'avoir des critiques constructives, M. le Président, je vous dirais que le député de Marquette invente des scandales, voit des complots partout, puis finalement, comme d'habitude, je vous dirais que toutes ses fanfaronnades finissent toujours en queue de poisson. À vouloir faire de la petite politique comme il le fait, le seul objectif qu'il vise est d'insécuriser les citoyens, et ça, je vous dirais que c'est triste lorsque quelqu'un siège à l'Assemblée nationale et qu'il fait de telles choses.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de la Justice. M. le critique officiel de l'opposition et député de Marquette, deux minutes.


M. François Ouimet (réplique)

M. Ouimet: Je vois qu'Esther Gaudreault a bien rédigé sa petite note, M. le Président, mais il faut que la ministre lise le protocole d'entente, là. Si ça n'existe pas, le protocole d'entente, il a été signé, il a été initialé, entre autres par les représentants qui ont été dûment nommés par le président du Conseil du trésor. Elle vit sur quelle planète, là? Le protocole d'entente, il existe, il est signé par deux parties, puis il est même daté du 15 octobre de l'année 1998. Voyons donc! Qu'elle revienne sur terre! J'aimerais qu'elle me dise où est-ce qu'elle voit la distinction, dans le Code criminel, entre l'écoute électronique et l'écoute téléphonique. C'est du pareil au même, il n'y a aucune différence. C'est l'interception d'une communication privée entre deux individus, qui est complètement illégale, M. le Président.

(18 h 20)

La ministre qui dit que c'est un but fort louable que poursuit le gouvernement... Est-ce que c'est un but louable de violer la Charte québécoise des droits et libertés de la personne? Est-ce que c'est ça que la ministre de la Justice est en train de nous dire? C'est un but louable que poursuit le gouvernement de violer le droit des citoyens d'avoir le respect, entre autres, du gouvernement à leur vie privée. Il y a eu tellement de jurisprudence dans ce cas-là, concernant la Cour suprême du Canada ou même la Cour d'appel, M. le Président.

La ministre, là, il faudrait qu'elle se secoue et qu'elle se réveille et qu'elle commence à prendre entièrement conscience des responsabilités qui lui incombent au Conseil des ministres. Elle est là pour conseiller ses collègues, au Conseil des ministres. Lorsqu'elle voit des choses qui apparaissent illégales, elle doit tout de suite avoir la puce à l'oreille puis demander, entre autres, des avis. Si elle avait fait son devoir au lieu de demander, comme l'a fait le ministre responsable des Relations avec les citoyens... Lui, il a dit: On a demandé un avis verbal suite à une conversation que nous avons eue avec les représentants de la Commission d'accès à l'information. Ils sont complètement passés à côté du vrai problème. Il y a une violation du droit à la vie privée. Si le ministre n'y croit pas... Il est responsable de la Commission des droits de la personne du Québec. C'est eux-mêmes qui l'ont dit dans un avis...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marquette. Ceci met fin au premier débat de fin de séance entre M. le député de Marquette et Mme la ministre de la Justice.


Conditions salariales des responsables de services de garde en milieu familial

Nous débutons maintenant le second débat de fin de séance entre M. le député de Notre-Dame-de-Grâce et Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance. Le sujet: le revenu indécent des personnes qui oeuvrent en services de garde en milieu familial. Alors, vous connaissez les règles, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, un temps de parole de cinq minutes.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Nous avons demandé ce débat de fin de séance suite à la question que j'ai posée, en Chambre, à la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance, cet après-midi, concernant les augmentations consenties aux responsables des services de garde en milieu familial.

M. le Président, un bref exposé des faits. Il y a présentement autour de 6 500 personnes – une forte majorité, presque la totalité, des femmes – qui opèrent, qui sont reconnues comme des responsables de services de garde, au Québec, en milieu familial, c'est-à-dire qui reçoivent entre un maximum de six enfants, si elles sont seules, jusqu'à neuf, si elles sont deux, avec une assistante, chez elles.

M. le Président, il y a presque 43 000 enfants qui utilisent les services de garde en milieu familial, et le développement des places préconisé par le gouvernement mise majoritairement sur le développement des places en milieu familial. Tout près de 60 % des nouvelles places à venir vont venir du milieu des services de garde en milieu familial. Le gouvernement va tenter de créer 55 000 places. Ça occasionnera entre 8 000 et 9 000 autres personnes reconnues comme des responsables de services de garde au Québec. C'est un nombre important.

La prétention qu'on a, c'est que présentement il y a de la difficulté à recruter des gens qui veulent accepter de devenir responsables de services de garde, et ce, à cause largement des conditions de travail qu'on retrouve dans le domaine. Selon une enquête sur les personnes responsables de services réglementés de garde en milieu familial, faite pour le compte de la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance, les responsables de services de garde, au Québec, reçoivent une rémunération nette d'environ, en moyenne, 6 800 $ par année. Ça, c'est après les dépenses, M. le Président, et parce qu'ils sont très fortement réglementés, évidemment; ils doivent être ouverts 10 heures par jour pendant les cinq jours de la semaine, ils travaillent en moyenne, incluant un temps de préparation, 56,2 heures par semaine. Ça fait une moyenne, si on utilise la règle de trois, d'à peu près 2,32 $ de l'heure.

M. le Président, au printemps, le gouvernement se targuait de donner une augmentation pour redresser le salaire des éducatrices en services de garde, tous confondus. Mais, malheureusement, les gens, dépendamment s'ils travaillent dans le milieu familial, en installations, centres de la petite enfance ou en garderie, ne sont pas traités équitablement. La ministre a annoncé que l'augmentation moyenne des éducatrices et éducateurs – ça, c'est dans les centres de la petite enfance, en installations – sera de l'ordre de 38 % à 40 % sur quatre ans. Oui, ces gens-là avaient besoin d'un redressement salarial, on ne conteste pas ça d'aucune façon. Mais la même augmentation consentie aux responsables des services de garde au Québec se situe autour de 1,6 % pour cette année et une offre éventuelle de 1,6 % sur trois ans, selon les informations qu'on a. 1,6 % cette année, 1,6 % pour les trois prochaines années nous semble très, très loin du 38 % à 40 % offert aux éducatrices en services de garde en installations. Les services de garde en milieu familial s'insurgent contre ces faibles taux de rémunération. Il y avait un article dans La Presse du 16 juillet de cette année: Colère du côté des services de garde en milieu familial. «Les hausses de subventions gouvernementales sont jugées nettement insuffisantes. Les regroupements des services – je cite l'article – de garde en milieu familial pestent contre la hausse envisagée par le ministère. Nathalie D'Amours, présidente par intérim de l'Association des professionnels des services de garde en milieu familial du Québec, estime qu'elle est tout simplement scandaleuse.»

M. le Président, cet après-midi, la ministre a dit que les partenaires en milieu de garde familial au Québec sont des partenaires importants et qu'on traite tout le monde de la même façon. Ce n'est manifestement pas le cas – manifestement pas le cas – et c'est peut-être dû au fait que les travailleuses en garderie, en installations sont syndiquées avec la CSN, tandis que les responsables des services de garde sont des travailleuses autonomes. Il y a un traitement complètement différent qui...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, maintenant, à vous la parole, Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance. Vous avez un temps de parole de cinq minutes.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci, M. le Président. Le 22 mai dernier, le gouvernement du Québec annonçait qu'il consacrait une somme de 148 000 000 $ au redressement salarial de l'ensemble du personnel des services de garde du Québec. Cette décision qualifiée d'historique par tous les partis faisait suite à un engagement pris lors de la dernière campagne électorale. Nous savons tous qu'il est important de reconnaître le travail exceptionnel qu'accomplissent à chaque jour les milliers de travailleurs ou travailleuses du réseau des services de garde auprès des enfants et des familles québécoises. Cette reconnaissance était essentielle afin de valoriser notamment la profession des éducatrices et éducateurs.

J'aimerais revenir, M. le Président, au 1,6 % dont M. le député de Notre-Dame-de-Grâce parle. Le 1,6 %, c'est l'indexation au coût de la vie. Il a été accordé aux responsables des services de garde pour l'année 1999-2000. Dans le cadre du redressement salarial, le plancher des tarifs des responsables en services de garde a été augmenté de 5 $. Il est en effet passé de 10 $ à 15 $, ce qui représente, pour 1999-2000, une augmentation de 50 %. Alors, cette hausse, actuellement, touche environ 60 % des responsables en services de garde, et ce rattrapage se poursuivra pour les trois prochaines années. Alors, je tiens à rappeler que le redressement se fera aussi pour les trois prochaines années, mais aussi en deçà du 15 $, comme je faisais mention, pour un rattrapage encore plus significatif. Alors, cette situation, M. le Président... De ce 15 $, il faut ajouter le 5 $ payé par les parents, alors ce qui fait, pour les parents, les garderies à 5 $.

Quand on parle aussi... Il ne faut pas oublier aussi que ce sont des travailleurs et des travailleuses autonomes, donc qui peuvent donner des services au nombre d'enfants qu'ils désirent. Donc, ça peut être deux enfants comme six enfants, selon la disponibilité qu'il en décide ou qu'elle en décide. Le 6 800 $ dont parle M. le député de Notre-Dame-de-Grâce est un revenu moyen. Donc, certaines ou certains travailleurs autonomes peuvent avoir un revenu de 30 000 $ et d'autres 3 000 $, si je peux le citer en exemple. Alors, c'est un revenu moyen pour un travailleur autonome. Donc, vraisemblablement, cela dépend des gains qu'il a faits durant l'année.

Alors, il faut aussi tenir compte du revenu net. Donc, c'est un revenu net en enlevant les dépenses, évidemment, et les impôts payés. Alors, on sait très bien que, pour les travailleuses et travailleurs autonomes, ils peuvent bénéficier d'un régime fiscal différent, adapté à leur réalité, donc des dépenses liées à leur travail: électricité, hypothèque, matériel éducatif, etc. Alors, les tarifs versés aux responsables des services de garde ont été basés sur des tarifs que les responsables nous ont déclarés lors de l'entrée en vigueur du redressement salarial. Et ça, M. le Président, cette déclaration-là s'est faite à ce moment-là.

Alors, pour tous, le plancher passe de 10 $ à 15 $, et l'indexation du coût de la vie de 1,6 %... Alors, les responsables en service de garde, pour revérifier, sont celles et ceux qui, de leur maison, de leur résidence, offrent le service de garde aux parents du milieu, aux parents du quartier, aux parents de la municipalité, du rang, ou du village, ou de la paroisse, M. le Président.

J'aimerais redire que, afin de répondre aux préoccupations des parents, le gouvernement a implanté un vaste réseau des services de garde au Québec. L'une des dispositions de la politique familiale du Québec, que le gouvernement du Parti québécois a réalisée lors de son mandat, et faisant suite à la volonté des partenaires lors du Sommet de l'économie et de l'emploi... Savez-vous que le gouvernement s'engageait alors à créer 173 000 places en quelques années seulement? Conformément à nos engagements électoraux, ce nombre fut porté à 200 000 places pour 2005-2006. Déjà plus de 105 000 places ont été créées jusqu'à maintenant, ce qui veut dire que nous sommes à près de 50 % de notre objectif réalisé présentement. Auparavant, on créait 2 500 places par année. Maintenant, depuis l'implantation de ce réseau de services de garde, nous avons créé près de 15 000 places l'an passé et plus de 17 000 places cette année. Alors, c'est six fois plus de places créées.

(18 h 30)

Et ces enfants, M. le Président, c'est une clientèle pour toutes les garderies du Québec, tant en garderie telle quelle qu'en milieu familial. Le milieu familial est tout aussi privilégié à cet effet, lorsqu'on sait que, selon une étude du ministère, les parents privilégient davantage le milieu familial pour les enfants de moins de deux ans. Alors, les parents préfèrent davantage utiliser cette forme de services, c'est-à-dire à la maison, chez les responsables des services de garde.

Alors, pour moi, M. le Président, le responsable des services de garde en milieu familial m'est tout aussi précieux...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je vous remercie infiniment, Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance. Je vous recède la parole, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Vous avez un temps de parole de deux minutes.


M. Russell Copeman (réplique)

M. Copeman: Merci, M. le Président. Là, encore une fois, comme à son habitude, la ministre déléguée a fait des voeux pieux. Elle a dansé autour de la question. Elle prétend que ces gens-là sont précieux pour elle, mais ils ne sont pas rémunérés en conséquence. C'est des voeux pieux. Quand la ministre me dit que c'est une moyenne, qu'il y en a qui font plus, qu'il y en a quelques-uns qui font moins, je l'informe simplement que, pour le chiffre de 6 800 $, le nombre d'enfants gardés, la moyenne est de 5,8. On est très près du maximum de six permis.

Ça fait qu'elle ne commence pas à tenter de jeter la confusion sur la question. Quand elle a parlé du rattrapage salarial de 148 000 000 $, le qualifiant d'historique, elle sait fort bien que ce rattrapage ne s'applique pas à des responsables de services de garde. Elle peut se targuer de ce rattrapage historique tant qu'elle voudra, ça ne touche pas la question que je lui ai posée cet après-midi. Ça touche uniquement des gens qui sont des salariés, des salariés dans le système. Le communiqué de presse du ministère ne peut pas être plus clair.

Alors, ce qui est arrivé: oui, le plancher a augmenté de 10 $ à 15 $. Tous les intervenants sont presque unanimes là-dessus. Le plancher de 15 $ n'est pas suffisant. Il y a beaucoup de responsables de services de garde au Québec qui demandent plus que ça parce qu'ils font moins maintenant, avec les garderies à 5 $, les places à 5 $, qu'ils faisaient avant. Et, si c'est comme ça que la ministre pense qu'elle va encourager 9 000 femmes à venir travailler pour notre fantastique réseau, bien j'ai des nouvelles pour elle. Ça ne marchera pas de même.

M. le Président, en terminant, le porte-parole a dit aujourd'hui: «Le gouvernement se pète les bretelles avec les places à 5 $ et se félicite de nous donner plus d'argent, alors qu'il fait tout ça sur notre dos.» C'est le porte-parole des responsables des services de garde. Si elle pense qu'elle va recruter 9 000...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci infiniment, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Merci, Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance. Ceci met fin à notre second débat de fin de séance.


Plaintes relatives à l'émission de bons de souscription par L'Alternative, compagnie d'assurances sur la vie

Nous allons terminer avec un débat de fin de séance entre Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys et M. le ministre des Finances. Le sujet: Certaines irrégularités dans le dossier de L'Alternative vie. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous avez un temps de parole de cinq minutes.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Ce n'est pas nouveau, ça fait plusieurs fois que je soulève le problème de la compagnie d'assurances L'Alternative vie ou de sa compagnie de distribution AVP ou du holding Gestion Alternative, et je dois dire que, jusqu'à présent, le ministre s'est complètement désintéressé de mes questions.

On se rappelle, M. le Président, que le ministre, le 11 novembre, a dit qu'il a fait des vérifications, il a demandé à l'Inspecteur général des institutions financières de lui soumettre un rapport, il a déposé ce rapport, il était parfaitement satisfait du rapport qu'il avait eu. Aujourd'hui, M. le Président, le ministre s'interroge: Comment il se fait que les gens viennent à l'opposition, à la critique de l'opposition au niveau des finances, la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui n'a effectivement aucun pouvoir? Comment se fait-il que les gens viennent, me téléphonent? Je dois dire que j'ai reçu à peu près une cinquantaine d'appels à ce sujet-là, et je mentionnais d'ailleurs qu'il y avait 80 personnes qui étaient prêtes à me rencontrer cette semaine pour m'expliquer leurs griefs.

Moi, je ne suis pas étonnée que les gens m'approchent, M. le Président. Ils m'approchent parce qu'ils veulent précisément que je fasse appel au ministre des Finances pour qu'il s'occupe de ce dossier. Alors, moi, je ne suis pas étonnée. Ce pour quoi je m'occupe de ce dossier, c'est parce que j'ai rencontré toutes ces personnes, j'ai parlé à ces personnes. Il y a des gens qui ont investi des sommes importantes pour eux. Il y en a qui ont transféré leur fonds de pension dans ces placements, un placement qui était supposément garanti par Hydro-Québec. Je peux vous lire, M. le Président, une lettre à l'effet que c'était garanti à raison de 10 % par des obligations d'Hydro-Québec: Assureurs-vie professionnels, et le capital est garanti à 100 % par des obligations d'Hydro-Québec, et ce, en votre faveur. C'est donc que les gens faisaient confiance quand ils allaient placer leur argent.

Le ministre des Finances a invoqué qu'il n'avait pas de contrôle sur le distributeur ni sur le holding, mais, M. le Président, il faut qu'à un moment donné on s'interroge quand on voit autant de plaintes surgir sur la place publique. Ce n'est pas par hasard que les gens, tout à coup, se soulèvent. Je comprends que, pour le ministre des Finances, 12 000 000 $, ce n'est pas beaucoup, la totalité des investissements, mais, pour le petit citoyen qui investit 30 000 $, 40 000 $, 50 000 $ dans des investissements, c'est parfois toutes ses économies.

M. le Président, on essaie aujourd'hui de faire une distinction entre le fonds de distribution et la compagnie d'assurances. Moi, j'aimerais juste rappeler au ministre un document d'information dont la page couverture se lit comme suit: L'Alternative, compagnie d'assurance-vie, février 1998 . Dédié à l'intention des autorités gouvernementales et des investisseurs potentiels .

Donc, le ministre a dû avoir accès à cet énorme document. C'est dans ce document-là d'ailleurs, M. le Président, qu'il y a une analyse de M. Vaugeois, le nom que j'avais soulevé antérieurement. D'ailleurs, au niveau du sommaire exécutif, on a une description – toujours dans ce document de L'Alternative vie – de AVP. On décrit qui est AVP, qui en est le propriétaire. Et, déjà en page 1, on décrit tout le projet de L'Alternative et, encore en page 1: «L'Alternative confiera au distributeur AVP inc. le mandat de développer les campagnes de publicité et de distribution.»

C'est donc dire que, pour les citoyens, de faire une distinction comme ça... Je comprends que, juridiquement, il y a une distinction, mais il faudrait que le ministre s'intéresse à ça. M. le Président, je lui ai donné aujourd'hui deux exemples de citoyens qui ont signé un document à l'effet qu'ils investissaient dans Alternative vie, et alors non seulement ils n'ont pas investi, apparemment, dans Alternative vie, ils auraient investi, ont-ils appris, dans Gestion Alternative. On leur a dit que c'était la même chose. Ce n'est pas la même chose. Ils veulent investir dans la compagnie Alternative vie, c'est ce qu'ils veulent. Ils ne veulent pas être ni à AVP ni à Gestion Alternative.

M. le Président, je pense que nous touchons une corde sensible. Nous touchons à des citoyens qui font appel au ministre des Finances pour qu'il se penche sur ce dossier-là, qu'il arrête de penser au grand programme du Québec mais qu'il se penche sur des petits, des hommes et des femmes.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, madame. Je regrette, votre cinq minutes est maintenant passé. Alors, M. le ministre des Finances, vous avez un temps de parole de cinq minutes.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, d'abord, je voudrais redire pour la énième fois, parce qu'il ne faudrait pas qu'avec une bonne foi apparente la députée ameute de braves clients et clientes d'une compagnie d'assurances qui s'appelle L'Alternative et dont l'Inspecteur général suit l'évolution pas à pas et qui est une société solide: L'aspect assurance des choses est consolidé. Que la députée de Marguerite-Bourgeoys fasse bien attention de ne pas semer l'émoi chez des gens qui ne méritent pas d'être ameutés pour rien du tout. Alors, c'est le cas de la compagnie d'assurances.

L'autre cas, je lui demande aussi de faire très attention aux gens qu'elle prétend aider pour ne pas, avec ce qu'elle fait, leur nuire et, en même temps, de faire attention à nos institutions. Les deux sont importants, mais les hommes et les femmes, je suis d'accord avec elle, sont plus importants que tout.

Je vais prendre un exemple que les gens qui nous écoutent vont comprendre. Moi, j'adore les citoyens de mon comté, électeurs et électrices. Ils m'ont élu, je suis à leur service, je suis prêt à me décarcasser pour eux. Disons qu'un groupe d'entre eux vient me voir et dit: Le gérant de la banque X, c'est un voleur; il nous a volé notre argent, il est parti avec la caisse. Alors, je dis: O.K., on va lui faire son procès à l'Assemblée nationale. Je vais aller à l'Assemblée puis on va en parler, du gérant, puis on va le condamner d'avance, puis on va le traiter de «crook», puis on va le traiter de tous les noms, puis on va même le châtier à l'Assemblée nationale. C'est ça qu'elle essaie de faire. Avec bonne intention. Elle a le mauvais réceptacle. Si un gérant de banque nous escroque, on va à la police puis il y a une enquête, puis ensuite ça va aux tribunaux, les tribunaux correctionnel et pénal.

(18 h 40)

Alors, je présume, et la bonne foi se présume, que la députée veut aider les gens. Si elle veut aider les gens, ce n'est pas en essayant de faire son petit spectacle à l'Assemblée nationale, même si elle le faisait à tous les jours; c'est de les orienter vers une instance responsable, une instance quasi judiciaire, notre Commission des valeurs mobilières, qui d'ailleurs est présentement en train de faire enquête. C'est pour ça que je dis à la députée de faire attention, pour ne pas nuire à l'enquête non plus. Là, il y a des gens sur le terrain dont c'est le métier, les officiers quasi judiciaires – je n'ai même pas le droit de leur dire quoi faire, moi, ça serait un scandale – qui font enquête pour protéger les épargnants. Il faut présumer que tout le monde a été de bonne foi, tout le monde est innocent, ce sont des présomptions, et, s'ils n'ont pas été innocents, ils n'ont pas été de bonne foi, l'enquête va le faire ressortir et ils seront soumis aux foudres de nos lois.

Mais je reviens encore une fois à mes électeurs, que j'aime beaucoup. Si un groupe d'entre eux me disait: Le gérant de banque est un voleur, peut-être que le gérant de banque est un voleur, mais est-ce que, moi, le député, j'ai le droit de dire: Le gérant de banque est un voleur, sans enquête, sans procès, sans preuve, sans analyse, procédé qui dessert ceux-là même que la députée veut servir? Tant que cette enquête sera en cours, le ministre des Finances n'a pas le droit de s'en mêler.

Quand la députée laisse entendre que le ministre des Finances se désintéresse du sort des épargnants, c'est une fausseté absolue. Ça fait 25 ans que je m'intéresse au sort de mes concitoyens et de mes concitoyennes, et les plus démunis. J'ai commencé ma carrière d'ailleurs comme ça, comme avocat de province à défendre des gens, puis des expropriés à Mirabel, et toutes sortes de choses. Alors, je ne veux pas avoir de leçon de compassion d'elle-même, je veux simplement qu'elle respecte nos institutions. Et, si elle veut bien servir les gens qui s'adressent à elle, et je suis prêt – je le lui ai offert cet après-midi – à les recevoir moi-même, mais ce qu'il faut, c'est que la Commission des valeurs mobilières, qui doit faire la lumière dans toute cette affaire, ait toute l'information.

Cet après-midi, elle me donne, à la période de questions, une information. Très bien. Ce que j'en ai fait, moi, de l'information, je l'ai envoyée immédiatement à la Commission des valeurs mobilières. Mais, si elle l'a depuis quelques jours, cette information-là, bien elle a fait perdre quelques jours au monde. Elle a pris le détour par l'Assemblée. Bien, peut-être que, si l'enquêteur de la Commission l'avait eue avant, il aurait pu commencer son travail avant sur ce cas-là.

Mais, encore une fois, ce cas-là, je n'en présume pas. On a vu assez de cas où des innocents ont été condamnés d'avance par une sorte de tribunal populaire de l'opinion publique. On n'est pas dans une république populaire à tribunal populaire, on est dans une démocratie organisée avec tribunaux, instances judiciaires et quasi judiciaires et présomption d'innocence, ceci dit en toute compassion pour des gens qui auraient été abusés et dont les épargnes auraient été dilapidées par des gens peu scrupuleux. Et, si une telle chose est arrivée, tous les mécanismes possibles seront mis en cause pour que les coupables soient châtiés et les dommages réparés. Mais, encore une fois, prenons le bon canal.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Finances. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, votre réplique de deux minutes.


Mme Monique Jérôme-Forget (réplique)

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, d'abord, à titre d'information au ministre, je voudrais lui souligner que j'ai eu le document cet après-midi. J'ai eu l'information cet après-midi, alors que j'étais en Chambre. C'est la raison pour laquelle j'ai posé ma question.

Le ministre, aujourd'hui, essaie de nous faire croire qu'il y a effectivement des mécanismes en place qui sont en train de déterminer s'il y a des coupables ou des personnes qui ne sont pas coupables. M. le Président, je ne veux pas du tout laisser croire qu'il y a des gens qui sont coupables. Ce que je demande au ministre des Finances, c'est de s'intéresser et de voir à ce que tout fonctionne bien, et qu'il arrête de nous dire que tout est parfait et qu'il n'y a rien à faire et rien à réviser et qu'il est absolument content de la façon dont les choses ont procédé.

M. le Président, si tout avait été aussi parfait qu'il veut bien nous le laisser croire, on n'aurait pas aujourd'hui un environnement comme on a, alors qu'il y a des dizaines et des dizaines de citoyens qui ont perdu leurs investissements et qui s'interrogent même aujourd'hui sur combien ils ont perdu et combien ça vaut, ce qui a été investi dans ce projet-là.

Moi non plus, je ne veux pas rendre des personnes coupables alors qu'elles ne le sont pas. Si tout le monde est blanc comme neige, bien, tout le monde sera blanc comme neige dans ça, sauf qu'il va falloir que le ministre des Finances arrête de se soustraire de tout ça et qu'il nous fasse la morale à l'effet qu'il n'a pas à s'immiscer. Je ne suis pas avocate, mais je sais une chose: l'IGIF, ce n'est pas un tribunal administratif, M. le Président. Moi, je lui ai parlé de l'IGIF nombre de fois. Alors, si, aujourd'hui, il veut rétorquer: La CVMQ, je lui parle, moi, de l'IGIF, l'Inspecteur général des...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Ceci met fin à notre troisième débat de fin de séance.

Alors, le tout étant maintenant terminé, je vous rappelle que demain nous débuterons nos travaux à 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 46)


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