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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 30 mai 2000 - Vol. 36 N° 114

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Table des matières

Présence des gouverneurs de la Fondation des parlementaires québécois Cultures à partager et d'anciens parlementaires de l'Assemblée nationale

Affaires courantes

Présence de M. Jean-Pierre Saintonge, ancien président de l'Assemblée nationale

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés! Nous allons d'abord nous recueillir un moment.

Très bien, veuillez vous asseoir.


Présence des gouverneurs de la Fondation des parlementaires québécois Cultures à partager et d'anciens parlementaires de l'Assemblée nationale

Alors, chers collègues, pour débuter, j'ai le plaisir de souligner la présence dans nos tribunes des gouverneurs de la Fondation des parlementaires québécois Cultures à partager, qui se réunissent aujourd'hui à l'occasion de leur première assemblée.

Je tiens d'abord à souligner la présence d'anciens députés de l'Assemblée nationale, notamment Mme Jeanne Blackburn. Mme Blackburn est l'initiatrice de ce projet avec son collègue Marcel Parent, qui est ici, ancien député de Sauvé. Nous avons également avec nous, reliés à cette Fondation des parlementaires québécois Cultures à partager, M. André Gaulin, Mme Liza Frulla et M. Michel Clair. Également, un ancien collègue qui a changé de Parlement, le sénateur Jean-Claude Rivest. Vous avez sans doute remarqué la présence d'autres parlementaires ou anciens parlementaires; ceux-là, bien, ils seront salués d'une façon particulière par un de mes collègues qui doit présenter une pétition. Alors, je lui laisse donc cette initiative.


Affaires courantes

Nous allons aborder maintenant les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

À la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je vous réfère à l'article b, M. le Président.


Projet de loi n° 136

Le Président: Alors, à cet article du feuilleton, M. le ministre des Ressources naturelles présente le projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Alors, M. le Président, ce projet de loi a pour objet d'établir de nouvelles règles destinées à régir l'aménagement durable des forêts, principalement en ce qui concerne les forêts de l'État. À cette fin, le projet de loi prévoit que le ministre des Ressources naturelles rende public, au plus tard en septembre 2002, une délimitation du territoire en unités d'aménagement, lesquelles constitueront, à compter du 1er avril 2005, les nouvelles unités territoriales de base pour l'aménagement forestier en vue d'approvisionner les usines de transformation du bois.

Les limites de ces unités ne seront modifiées qu'exceptionnellement et aucune de celles-ci ne pourra être établie au nord de la limite territoriale déterminée par le ministre. À l'égard de chaque unité d'aménagement, le ministre détermine par essence ou groupe d'essences les possibilités annuelles de coupe à rendement soutenu ainsi que les rendements annuels. Il peut également assigner à l'unité d'autres objectifs de protection ou de mise en valeur des ressources du milieu forestier, dont des objectifs de rendement accru visant à augmenter à long terme la possibilité annuelle de coupe.

(10 h 10)

Le projet de loi modifie ensuite les règles régissant les contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier afin de tenir compte de la nouvelle délimitation territoriale et assujettir les droits de récolte consentis aux bénéficiaires de tels contrats à des obligations permettant d'atteindre les rendements et objectifs assignés à l'unité. En cas de pluralité de contrats concernant une même unité d'aménagement, les plans, évaluations et rapports des bénéficiaires sont communs. Chaque bénéficiaire n'est tenu que de la réalisation des travaux dont il est chargé selon le plan annuel d'intervention, mais il est garant des autres travaux qui y sont prévus comme s'il s'était porté caution solidaire.

Le projet de loi ajoute notamment aux engagements contractuels des bénéficiaires de contrats l'obligation d'évaluer les activités réalisées dans l'unité selon des méthodes déterminées par le ministre et d'en présenter les résultats dans le rapport annuel d'activité. La contribution des bénéficiaires au Fonds forestier est désormais affectée au financement des activités liées à l'aménagement ou à la gestion des forêts.

De plus, le projet de loi introduit l'obligation pour les bénéficiaires d'inviter à participer à la préparation du plan général d'aménagement forestier les municipalités régionales de comté dont le territoire recoupe celui de l'unité, les communautés autochtones concernées, les gestionnaires de zones d'exploitation contrôlées et de réserves fauniques, les titulaires de permis de pourvoirie et de permis de culture et d'exploitation d'érablière concernant le territoire de l'unité. Le plan général pourra, à l'égard de superficies pour lesquelles d'autres utilisateurs ont démontré un intérêt, prévoir un calendrier de réalisation des activités d'aménagement forestier et d'autres modalités d'intervention.

Le projet de loi maintient la règle de la révision quinquennale du territoire et des volumes prévus aux contrats, mais précise que cette révision s'effectue par unité d'aménagement suite à l'approbation du plan général. Il ajoute aux éléments dont le ministre tient compte pour cette révision: la réalisation de l'ensemble des activités d'aménagement forestier, notamment de leurs impacts forestiers et environnementaux, ainsi que la performance industrielle du bénéficiaire dans l'utilisation de la matière ligneuse. Aucune augmentation de volume ne peut être attribuée si le ministre est d'avis que l'ensemble des activités réalisées dans l'unité est insatisfaisant, et, en cas de baisse d'une possibilité annuelle de coupe à rendement soutenu, le ministre est habilité à tenir compte des impacts sur l'activité économique pour répartir cette baisse entre les bénéficiaires.

Par ailleurs, le projet de loi introduit le contrat d'aménagement forestier consenti à une personne morale ou à un organisme qui n'est pas titulaire d'un permis d'exploitation d'usine de transformation du bois. Le bénéficiaire d'un tel contrat est assujetti, sous réserve de quelques adaptations, aux mêmes obligations que le bénéficiaire du contrat d'approvisionnement et d'aménagement forestier. Les bénéficiaires de conventions d'aménagement forestier seront également assujettis à plusieurs de ces obligations.

De plus, le projet de loi comporte une procédure de classement pour des écosystèmes forestiers exceptionnels où les activités d'aménagement forestier et les activités minières seront interdites ou assujetties à des modalités particulières.

Le projet de loi prévoit la délivrance de permis d'intervention à des titulaires de permis d'usine de transformation du bois pour des récoltes ponctuelles lorsque des volumes déjà attribués ne sont pas récoltés ou pour assurer la récupération des bois en cas de désastre naturel. Il ajoute également aux catégories existantes de permis d'intervention la récolte d'arbustes ou d'arbrisseaux aux fins d'approvisionner une usine de transformation du bois et permet que certains titulaires de permis pour la culture et l'exploitation d'une érablière soient autorisés à récolter des volumes de bois pour l'approvisionnement d'usines, si les interventions en cause favorisent les productions acéricoles et forestières.

Ce projet de loi modifie la Loi sur le ministère des Ressources naturelles afin de permettre, dans le cadre d'un programme, la délégation à une personne morale de certaines dispositions de la Loi sur les forêts concernant la gestion des ressources forestières.

Enfin, le projet de loi revoit le régime des sanctions pénales, détermine les règles des régimes provisoires applicables aux contrats et conventions conclus avant l'implantation du nouveau mode de gestion forestière fondé sur les unités d'aménagement et précise les règles pour l'implantation de ce mode de gestion.


Mise aux voix

Le Président: Bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, je voudrais, en relation avec ce projet de loi que je viens de déposer, déposer un document d'information, Mise à jour du régime forestier , et un document s'intitulant Des forêts en héritage , qui aideront à la préparation des mémoires.


Documents déposés

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à déroger à l'article 53 du règlement? Il y a consentement. M. le leader.


Consultation générale

M. Brassard: Alors, M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'économie et du travail procède à des consultations générales relativement au projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives, en prenant notamment comme outils de référence les documents suivants intitulés Mise à jour du régime forestier – Document d'information , et Des forêts en héritage , et ce, à compter du 6 septembre 2000;

«Que les mémoires soient reçus au Secrétariat des commissions au plus tard le 18 août 2000;

«Que le ministre des Ressources naturelles soit membre de ladite commission pour la durée de ce mandat.»

Le Président: Bien. Cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Elle est adoptée. M. le leader, maintenant.

M. Brassard: Alors, je vous réfère maintenant à l'article f, M. le Président.


Projet de loi n° 232

Le Président: Alors, en rapport avec cet article du feuilleton, j'ai reçu du directeur de la législation un rapport sur le projet de loi n° 232, Loi concernant la Municipalité de Saint-Mathias-sur-Richelieu. Alors, le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc son rapport. Et, en conséquence, M. le député de Saint-Hyacinthe présente le projet de loi d'intérêt privé n° 232, Loi concernant la Municipalité de Saint-Mathias-sur-Richelieu.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie du projet de loi? Très bien. Adopté. M. le leader.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Brassard: Alors, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Alors, cette motion est adoptée? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre du Revenu.


Rapports du ministre du Revenu sur les suites à donner aux avis de la CAI sur certains contrats, et lettres au secrétaire général du Conseil exécutif

M. Bégin: M. le Président, je dépose les rapports sur les suites à donner aux avis de la Commission d'accès à l'information sur certains contrats en cours le 4 juin 1999 en vertu de l'article 3 de la Loi concernant certains contrats du ministère du Revenu. Ces rapports sont accompagnés d'une copie des deux lettres que j'adressais les 15 et 26 mai derniers au secrétaire général du Conseil exécutif.

Le Président: Bien. Alors, ces documents sont déposés.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission de l'aménagement du territoire et député de Richmond.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 134

M. Vallières: Oui, M. le Président, je désire déposer le rapport de la commission de l'aménagement du territoire qui a siégé les 25 et 26 mai 2000 afin de procéder à des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport est également déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Oui, M. le Président. Je demande le consentement de déposer une pétition non conforme.

Le Président: Alors, y-a-t-il consentement pour un dépôt de pétition non conforme? M. le leader, il y a consentement? Il y a consentement, M. le député de Nelligan.


Faire en sorte qu'il soit procédé en tout temps par avenant pour modifier un contrat d'assurance et intervenir comme gardien légitime des droits des citoyens auprès de l'industrie de l'assurance de dommages

M. Williams: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par un pétitionnaire citoyen de L'Île-Bizard.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Je, Paul Robin, professionnel d'assurances agréé, pour faire suite au mémoire reçu le 13 octobre 1999, par la commission de la culture, concernant le dossier Le passage à l'an 2000, expose respectueusement à l'Assemblée nationale le grief suivant:

«Que l'industrie de l'assurance de dommages, en coalition et en toute solidarité, omet la principale phase élémentaire de la procédure de modification d'un contrat d'assurance au moment de son renouvellement en ne procédant pas par avenant, comme le stipule clairement le Code civil à l'article 2405. De ce fait, par une décision délibérée de l'Assemblée nationale, l'industrie s'expose sciemment à la nullité propre de ces modifications et de la présomption d'acceptation de celles-ci par l'assuré prévue par l'article 2405;

«Que, en tout respect pour l'industrie et les professionnels d'assurances, la décision délibérée de l'Assemblée nationale doit considérer que ce contexte exposé peut laisser croire à une mise en situation coalisée et solidaire qui peut générer en un contexte industriel qui peut nuire sciemment à autrui en exerçant des droits de manière à les dénaturaliser, allant à l'encontre de l'esprit de la loi, de la logistique des professionnels d'assurances, des exigences de la bonne foi et surtout de la protection de l'intérêt du public;

«Que les autorités gouvernementales et les organismes dits de protection du public et du consommateur ont été responsabilisés de cette situation au cours des dernières années. L'IGIF, responsable du critère de la solvabilité des compagnies d'assurance auprès du public, a été responsabilisé à de très nombreuses reprises sur l'impact de ce point particulier depuis janvier 1998 et dernièrement de ce grief daté du 7 novembre 1999;» et, en terminant, M. le Président,

«Que, de ce fait, il n'existe aucun organisme d'autorité indépendant des intérêts industriels qui surveille de façon responsable la pratique saine des professionnels d'assurances;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

(10 h 20)

«C'est pourquoi je, Paul Robin, professionnel d'assurances agréé, en conformité avec la Charte québécoise, demande

à l'Assemblée nationale le redressement de ce grief en prenant une décision délibérée, en reconnaissant officiellement sa propre législation à laquelle l'industrie est assujettie, notamment à procéder en tout temps par avenant pour modifier un contrat d'assurance et en intervenant comme gardien légitime des droits des citoyens auprès de l'industrie de l'assurance de dommages.»

Je certifie, M. le Président, que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Bien, M. le député de Nelligan, cette pétition est déposée. Maintenant, M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: M. le Président, je demande le consentement de cette Assemblée afin de déposer une pétition non conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le député.


Verser des compensations individuelles aux orphelins de Duplessis en s'inspirant des recommandations du rapport de la commission des institutions

M. Paquin: M. le Président, je voudrais d'abord saluer des représentants du Comité d'appui aux orphelins de Duplessis et son président, M. Denis Lazure, qui est ici, notre ex-collègue, de même que les principaux collaborateurs qui sont des siens, donc: Jacques Hébert, André Paradis, Jean-Claude Germain, Yves Beauchemin, Pierre de Bellefeuille et Bruno Roy.

M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition présentée à l'Assemblée nationale par 20 326 pétitionnaires désignés Comité d'appui pour la justice aux orphelins de Duplessis.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant qu'entre les années 1930 et 1960 quelques milliers de garçons et filles ont été placés en hôpitaux psychiatriques avec des diagnostics erronés de "débilité mentale" et "d'arriération mentale";

«Considérant que ces enfants étaient généralement des illégitimes, n'avaient pas de famille ou avaient été abandonnés;

«Considérant qu'ils ont été détenus illégalement, pour la plupart, durant plusieurs années, étant ainsi privés de scolarité et de préparation à une vie normale;

«Considérant que le Protecteur du citoyen du Québec a rendu public son rapport sur le sujet en janvier 1997, que ce rapport a reçu un accueil favorable et unanime auprès des parlementaires de la commission des institutions;

«Considérant qu'il devient urgent pour la société québécoise d'offrir une réparation concrète, bien que partielle, pour les injustices qu'ont subies les orphelins et orphelines de Duplessis;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, les soussignés, demandons à l'Assemblée nationale de donner une suite favorable aux délibérations de la commission des institutions qui, au printemps de 1997, a étudié le rapport du Protecteur du citoyen (janvier 1997) et d'intercéder auprès du gouvernement afin que des compensations individuelles soient versées aux orphelins de Duplessis, en s'inspirant des recommandations de ce rapport.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Bien. Alors, cette pétition est également déposée.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège aujourd'hui.


Présence de M. Jean-Pierre Saintonge, ancien président de l'Assemblée nationale

Avant de passer à la période des questions et des réponses orales, d'abord, je voudrais signaler qu'un autre ancien collègue s'est ajouté à nous. Il s'agit du juge Jean-Pierre Saintonge, ancien président de l'Assemblée nationale du Québec.

Alors, je vous avise aussi qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes qui propose que le principe du projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec, soit adopté.


Questions et réponses orales

Donc, nous abordons maintenant la période des questions et des réponses orales, et je donne la parole au chef de l'opposition officielle pour la première question en principale.


Dépôt du contenu du rapport du Vérificateur général portant sur Emploi-Québec


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. On apprend ce matin que le Vérificateur général du Québec, M. Guy Breton, aurait remis un rapport au gouvernement, un rapport accablant au sujet d'Emploi-Québec, et en particulier le Fonds national de formation de la main-d'oeuvre. Comme ce rapport s'adresse aux parlementaires québécois de l'Assemblée nationale, j'aimerais savoir de la part du premier ministre s'il peut aujourd'hui nous confirmer effectivement qu'il a ce rapport entre les mains et nous confirmer à quelle date il a l'intention de faire déposer ce rapport à l'Assemblée nationale du Québec, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, effectivement, ce rapport est destiné à l'Assemblée nationale. On m'indique qu'il serait déposé quelque part le 13 ou le 14 juin. Je n'ai pas la maîtrise du dépôt de ce rapport-là. Je pense qu'il faut être prudent avant de le commenter. En tout cas, moi, j'ai été prudente, et, considérant que c'est un rapport qui est vraiment destiné aux parlementaires, au moment où on l'aura en main, ça me fera plaisir de faire des commentaires supplémentaires.

Maintenant, je précise aussi que, dans la loi, il y avait une obligation qu'au bout des cinq premières années d'application de cette loi un rapport soit déposé à l'Assemblée nationale. L'échéance est le 22 juin 2000. Alors, je le ferai également dans ces délais.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Une seule question à la ministre, M. le Président: Est-ce qu'elle a le rapport en main, oui ou non?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, on sait très bien qu'il y a un processus qui conduit à la rédaction de ce rapport-là, où les organisations sont mises à contribution. D'ailleurs, on a collaboré à ce rapport-là; le Vérificateur a posé plusieurs questions, a ouvert des dossiers, on a apporté toute la collaboration. Alors, c'est sûr qu'à ce moment-ci j'ai des indications sur un certain nombre d'éléments qui seront avancés par le Vérificateur. Mais je pense qu'il faut demeurer prudent pour se lancer dans des analyses. Au moment où il sera déposé, on pourra faire état des réactions et des avancements dans ce dossier.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Alors, M. le Président, la ministre confirme deux choses: un, c'est que le rapport est destiné aux parlementaires de l'Assemblée nationale; deux, elle l'a en main, le rapport; troisièmement, qu'elle a l'intention de retarder pour pouvoir manipuler, justement, les événements...

Des voix: ...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, je pense que vous conviendrez avec moi que vous êtes allé trop loin dans vos propos et que vous mettez en cause la conduite d'un membre de l'Assemblée et d'un membre du gouvernement en indiquant que, finalement, l'intention de la ministre en particulier, et peut-être des autres membres du gouvernement, serait de manipuler finalement l'Assemblée et l'opinion.

M. Paradis: M. le Président, strictement pour qu'on se comprenne bien, là. Il était prévu que le rapport serait déposé à l'Assemblée nationale au plus tard le 8 juin. Qu'est-ce qui en retarde le dépôt à l'Assemblée nationale?

Le Président: Sur l'intervention.

M. Brassard: M. le Président, vous savez très bien, puis les membres de cette Chambre le savent très bien, le Vérificateur général est désigné par les membres de cette Chambre, relève de l'Assemblée nationale, et ses rapports, que ce soient le rapport annuel ou d'autres rapports spécifiques, sont déposés à l'Assemblée nationale, et c'est le Vérificateur général qui décidera quand il est prêt à faire le dépôt.

Le Président: Bien. L'intervention des deux leaders ne portait pas sur la demande que je fais au chef de l'opposition. Je pense qu'il conviendra avec moi que ses propos ont peut-être dépassé sa pensée. Alors, je lui demande de reformuler sa question correctement, de retirer vos propos, M. le chef de l'opposition.

M. Charest: M. le Président, la ministre confirme effectivement que le rapport s'adresse aux parlementaires de l'Assemblée nationale, qu'elle a connaissance du rapport, qu'elle l'a en main, le rapport. M. le Président, ça doit être déposé pour le 8 juin.

M. le Président, vous vous rappellerez que le juge Moisan avait reçu un mandat également de faire un rapport et une enquête sur une affaire troublante, sur les agissements du bureau du premier ministre, et que le rapport avait été déposé autour du 29 janvier, si ma mémoire est fidèle.

Alors, est-ce que le premier ministre peut nous confirmer aujourd'hui, sur consentement tant du côté de l'opposition officielle que du côté du gouvernement, qu'on peut demander au Vérificateur général du Québec... et s'entendre, lui et moi, aujourd'hui pour que ce rapport soit déposé immédiatement, pour une seule bonne raison: pour éviter que les députés de l'Assemblée nationale du Québec soient les derniers à en prendre connaissance, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition a posé une question pertinente à la ministre, et la ministre lui a répondu que, en effet, le Vérificateur général s'est intéressé aux activités d'Emploi-Québec, qu'il a posé des questions sur plusieurs aspects de son mode de fonctionnement, que le ministère a répondu et que, donc, le ministère est au courant certainement de certains aspects qui seront touchés par le rapport. Mais elle n'a jamais dit qu'elle avait entre les mains le texte du rapport tel quel.

Et le chef de l'opposition sait très bien que le Vérificateur répond à l'Assemblée, que c'est lui qui décide quand il dépose son rapport. Il le dépose, j'imagine, quand il est prêt. Ce n'est pas à l'Assemblée de lui imposer de déposer un brouillon. Si le Vérificateur estime qu'il a besoin encore de quelques jours, c'est à lui de faire ce qu'il convient. Et on sait très bien que la procédure veut qu'il dépose ce rapport entre les mains du président de notre Assemblée nationale pour que nous puissions ensuite, tous ensemble, en prendre connaissance. Et la ministre, à ce moment-là, pourra le commenter en réponse aux questions qui, j'imagine, seront posées par l'opposition.

Une voix: Tout simplement.

(10 h 30)

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, ce que le rapport relève, c'est d'autres difficultés à Emploi-Québec, avec ce Fonds national: des subventions qui, selon le Vérificateur général et les informations qu'on a, peuvent difficilement être justifiées; des subventions données à des entreprises où il n'y a pas de suivi; une relation difficile avec la Commission des partenaires; et des organisations publiques qui reçoivent des subventions de ce Fonds, alors que le gouvernement devrait subventionner les activités en question. Alors, ce qui est allégué dans le rapport, c'est très grave.

Et, quand le premier ministre dit que le Vérificateur général décide seul, on joue sur les mots, parce qu'il sait très bien le processus. Le Vérificateur général doit remettre une copie de son rapport au ministère, à qui on offre, raisonnablement, la chance de répondre et de répliquer. Et, là-dessus, on s'entend.

Sauf que, dans les circonstances actuelles et comme c'est déjà dans le domaine public, à défaut de déposer ce rapport aux parlementaires de l'Assemblée nationale, à qui il est adressé, le gouvernement va chercher à éviter un vrai débat et à éviter la transparence dont il doit faire preuve dans l'administration des fonds publics, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition est étrange. Il sait que nous n'avons pas le rapport officiel et définitif du Vérificateur.

Des voix: Ah! Ah!

M. Bouchard: Il voudrait que nous le déposions à sa place, ce qui nous ferait usurper une fonction qui ressort exclusivement des attributions du Vérificateur général. Et je l'ai entendu ensuite, sur vue d'un article de journal, tirer des conclusions sur la gestion d'Emploi-Québec. Je pense qu'il devrait être prudent, qu'il devrait attendre que l'Assemblée nationale soit saisie du rapport comme elle doit l'être, directement par le Vérificateur, et nous aurons le temps à ce moment-là d'en discuter.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Si le passé est garant de l'avenir, M. le Président, personne n'a été trompé sur la stratégie du gouvernement lorsque le rapport Moisan a été déposé entre Noël et le jour de l'An. Il n'y aurait que le gouvernement pour prétendre le contraire puis continuer à jouer sur les mots. Le Vérificateur général vous a remis un rapport, M. le Président, il est entre les mains de la ministre; on le sait, le premier ministre le sait. Et, lorsqu'il parle de délai, on joue sur les mots. Ce rapport, il est destiné aux parlementaires. Et le but du travail du Vérificateur général, c'est de permettre de la transparence, de la clarté, surtout lorsqu'il s'agit de fonds publics. Alors, je constate que le premier ministre, fidèle à ses habitudes, a les deux mains dans les poches des contribuables. Est-ce qu'il pourrait faire preuve de transparence, faire déposer le rapport pour qu'on puisse en avoir le coeur net, M. le Président?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Je constate que le chef de l'opposition est reparti dans ses algarades outrancières. Tout ce qu'il reste, c'est de monter sur la table aujourd'hui, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Charest: M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, le premier ministre, fidèle à ses habitudes, maintenant qu'il a déshabillé les contribuables, il est en train de dépouiller le Vérificateur général de ses pouvoirs.

Des voix: ...

M. Charest: J'aimerais savoir s'il peut nous donner une autre réponse aujourd'hui pour faire preuve d'un peu de transparence, surtout pour les citoyens du Québec qui paient la note pour tout ça. Est-ce qu'il va, oui ou non, rendre le rapport public pour qu'on puisse en prendre connaissance et qu'on puisse effectivement avoir un débat ou est-ce qu'il va continuer dans le ton qui est si bien connu chez lui et qu'il a repris d'un de ses prédécesseurs, le «toé, tais-toé» du Québec, qui est si commun dans la bouche du premier ministre?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, si quelqu'un ici, en cette Chambre, dépouillait le Vérificateur de ses pouvoirs, ce serait bien le chef de l'opposition, qui veut maintenant que ce soit dorénavant un ministre qui n'a pas le rapport en main qui tente de déposer des informations partielles qu'elle a entre les mains à la place du Vérificateur. Je pense que le premier respect qu'on puisse manifester à l'endroit de cette fonction extrêmement importante, et qui est dévolue directement par l'Assemblée nationale, de quelqu'un qui répond directement à l'Assemblée nationale, c'est bien d'avoir la patience d'attendre le vrai rapport, avec son vrai contenu, signé par le Vérificateur qui décidera du moment où il le déposera ici, M. le Président.

Le Président: M. le député de Westmount–Saint-Louis, en question complémentaire.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, comment le premier ministre peut-il affirmer que la ministre n'a pas le contenu du rapport du Vérificateur général, puisque le Vérificateur général, lorsqu'il le rendra public, selon les propos de la ministre, le 13 prochain, le 13 juin prochain, on retrouvera dans le rapport du Vérificateur général non seulement le rapport du Vérificateur sur l'objet en question, mais aussi la version du ministère?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je pense que l'opposition connaît très bien le processus de travail du Vérificateur général. Et c'est très clair que je n'ai pas la version finale de ce rapport et c'est très clair que c'est le Vérificateur qui décide le moment où il désire déposer ce rapport à l'Assemblée nationale. Je n'ai aucun contrôle sur cette question-là et je n'en veux pas.

Le chef de l'opposition tout à l'heure a fait des allusions, et j'en suis désolée, parce que Emploi-Québec a eu une année difficile, nous avons redressé la situation. À partir d'un article de journal, il se permet de dire à peu près n'importe quoi, à ce moment-ci. Il a dit: Le passé est garant de l'avenir. Parlons-en du passé. Comment se fait-il que là il veut allumer des feux ce matin et que les six derniers mois d'Emploi-Québec, lorsque nous avons redressé la situation, aucune question n'a été posée par l'opposition officielle?

Alors que j'avais dit que nous avions les moyens d'introduire beaucoup de nouvelles personnes aux activités d'Emploi-Québec, j'avais annoncé 84 000 nouvelles participations, eh bien, les six derniers mois, M. le Président, nous en avons fait 88 000. J'avais dit que nous ferions 2 500 participations en formation. Tout le monde craignait que nous ne puissions intervenir en termes de formation, nous en avons fait 22 000 dans les six derniers mois. J'aimerais ça qu'il pose des questions là-dessus!

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, la ministre vient de nous faire une belle démonstration du manque de transparence de son gouvernement. D'un côté, elle dit qu'elle a un rapport entre les mains, que ce n'est pas le rapport final. Elle dit d'attendre puis elle procède à défendre les allégations qui sont rendues publiques, elle répond. Alors, pourquoi ne pas rendre le rapport public pour que tout le monde puisse en avoir le coeur net? Surtout les contribuables québécois qui paient des millions de dollars pour son incompétence. Le premier ministre dit qu'il n'y en a pas, de rapport, elle confirme qu'elle en a un. Qu'ils soient donc constants, qu'ils déposent le rapport pour qu'on puisse savoir exactement de quoi ça retient.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, je vais me permettre de démêler un peu le chef de l'opposition. Le rapport dont il est question ce matin dans les journaux concerne ce qu'on appelle la loi 90, la Loi sur la formation de la main-d'oeuvre. Les informations que je viens de donner concernent les activités d'Emploi-Québec. Il n'y a aucun rapport entre les deux, M. le Président. Et j'en suis désolée parce que l'opposition, il y a plusieurs mois, a mis des feux, a semé des doutes dans la population du Québec alors qu'Emploi-Québec a réussi à desservir un plus grand nombre de la population qu'on ne l'aurait cru. Nous avons réussi à recentrer Emploi-Québec, à bien resituer notre mission. Mais ça, là-dessus, l'opposition ne s'y est pas intéressée. Allumer des feux, ça, ça va, mais, quand on arrive devant la réalité et qu'on a besoin de rassurer des gens qui ont besoin de retourner sur le marché du travail, l'opposition n'y est plus.

Le Président: En question principale, M. le député de Robert-Baldwin, maintenant.


Lettres d'approbation des projets financés par le Fonds de création d'emplois du gouvernement fédéral


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Oui, en principale, M. le Président. Parlons-en, de la transparence de la ministre. Mercredi, le 12 avril dernier, la ministre de l'Emploi s'engageait à déposer en commission parlementaire les lettres du gouvernement du Québec approuvant les projets financés par le Fonds de création d'emplois du ministère fédéral dirigé par Mme Jane Stewart. Pas de réponse, M. le Président.

Le 15 mai dernier, la secrétaire de la commission parlementaire de l'économie et du travail demandait par écrit que la ministre de l'Emploi dépose toutes ces lettres d'approbation des projets qui par la suite ont été autorisés par le gouvernement fédéral. Pas de réponse, M. le Président.

Pourquoi la ministre de l'Emploi du Québec refuse-t-elle de déposer ces lettres d'approbation en cette Assemblée? Qu'est-ce que la ministre veut cacher?

(10 h 40)

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je suis un peu désolée, on semble nous donner l'impression qu'il y a des allusions de scandale. Je pense qu'ils se passent ailleurs, les scandales, M. le Président.

Ceci étant dit, les lettres, j'ai dit qu'on les déposerait. Je n'ai aucune intention... je n'ai rien à cacher. Je vais vérifier au cours de la journée si ces lettres sont disponibles, auprès de la secrétaire de la commission; je n'ai aucun problème à les rendre disponibles, M. le Président.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Saint-François.


Indemnisation des orphelins de Duplessis


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. À maintes reprises en cette Assemblée, nous avons questionné le gouvernement sur son attitude envers les orphelins de Duplessis et son refus obstiné de reconnaître la nécessité d'indemniser les victimes. Après les demandes du Protecteur du citoyen, de la commission des institutions, sur laquelle siègent plusieurs députés ministériels, de la Commission du droit du Canada, du comité d'appui aux orphelins, le gouvernement refuse toujours de mettre sur pied un réel programme d'indemnisation afin de rendre justice aux victimes. Aujourd'hui, M. le Président, plus de 20 000 citoyens du Québec s'ajoutent à la liste et demandent au gouvernement d'agir dans ce dossier par le biais d'une pétition qu'a déposée le député de Saint-Jean.

M. le Président, est-ce que le premier ministre va continuer de croire que le dossier est réglé, va continuer de faire la sourde oreille, alors que ce sont les députés de son propre gouvernement qui lui demandent de faire amende honorable et d'accorder une compensation individuelle aux orphelins de Duplessis?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je suis très fier de faire partie d'un gouvernement qui, sans pour autant vouloir jeter de blâme ou imputer une responsabilité légale à quiconque, a été le premier à reconnaître ce qui n'avait jamais été reconnu.

M. le Président, depuis 1960, le Québec a connu beaucoup de gouvernements. Le gouvernement de M. Lesage, de M. Johnson père, de M. Bertrand, M. Bourassa, à trois reprises – il y a beaucoup de gens, qui sont ici, dans la Chambre, de l'autre côté, qui étaient membres de ce gouvernement – il y a également eu bien sûr M. Lévesque, à deux reprises, M. Pierre-Marc Johnson, M. Daniel Johnson, beaucoup de gouvernements, et aucun de ces gouvernements n'a jamais reconnu quoi que ce soit par rapport à cette situation qui est déplorable et qui a fait en sorte que des enfants abandonnés par leur famille ou placés dans des institutions ont été recueillis par des communautés qui ont fait preuve d'une abnégation et d'une générosité sans pareilles.

Il faut rappeler qu'à l'époque les hôpitaux, les écoles, tout le Québec social était assumé par les religieux et qu'à ce point de vue, quoiqu'on en dise – on peut dire des choses négatives, certainement, parce que rien n'est parfait – le Québec moderne doit beaucoup à ceux qui l'ont construit et qui ont permis que, sur ces assises, on puisse avoir cette société que nous avons aujourd'hui, et j'entends par là les religieux, les religieuses, le clergé, M. le Président.

Alors, je voudrais dire qu'il y a maintenant plus d'un an, le jeudi 4 mars 1999, à l'ouverture de la session, ce qui était au coeur des attentes des orphelins qu'on dits de Duplessis, c'était essentiellement que le gouvernement reconnaisse la situation qui avait été créée à l'endroit de certains d'entre eux et pose un geste formel. À ce moment-là, M. le Président, nous avons fait ces excuses, sans pour autant vouloir jeter de blâme ou imputer une responsabilité légale à quiconque. Et ces excuses – on le lira à la déclaration – je crois qu'elles procèdent d'une attitude de beaucoup de respect et de beaucoup de compassion à l'endroit des personnes en question.

On notera aussi que le gouvernement ne s'est pas arrêté à ce geste formel des excuses, que le gouvernement a mis en place un dispositif de correction des registres de l'état civil, que nous avons facilité l'accès à des programmes sociaux, que nous avons fait en sorte, en tout cas lancé un appel au Collège des médecins pour qu'une procédure soit mise en place afin de rectifier certains diagnostics médicaux, le cas où c'était possible, M. le Président. Nous avons aussi accordé une subvention annuelle pour permettre au Comité dit des orphelins de Duplessis de poursuivre ses activités, de l'ordre de 300 000 $. Nous avons également créé un fonds d'aide de 3 millions de dollars. Et nous avons expliqué, à l'époque, et je le réitère aujourd'hui, qu'on ne peut pas refaire l'histoire, qu'il y a les tribunaux bien sûr et qu'ils sont toujours libres et accessibles à des réclamations. Mais nous savons que, dans ce cas, les tribunaux n'ont pas fait droit à certaines réclamations. Mais ça, ce n'est pas nous qui décidons de cela.

Des voix: ...

M. Bouchard: M. le Président, je voudrais prendre le temps de répondre à cette question, si vous le permettez.

Le Président: Écoutez, je pense, M. le premier ministre, que déjà le silence qui prévalait jusqu'à il y a quelques instants, à l'occasion de votre intervention, indique que finalement les gens souhaitaient vous entendre. Mais je pense que déjà un temps important a été écoulé, alors je vous demanderais de conclure.

M. Bouchard: M. le Président, je voudrais rappeler que le passé, on ne peut pas le refaire, surtout que ce passé a été surtout fait de gestes d'abnégation et de générosité, et qu'on doit, dans les limites que je viens de décrire, assumer son passé.

Le Président: Mme la députée de Saint-François.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, puis-je rappeler au premier ministre, M. le Président, qu'effectivement plusieurs gouvernements se sont succédé, sauf que les enquêtes n'étaient pas terminées et que, malgré qu'il ait réglé plusieurs demandes des orphelins, il y a toujours la compensation individuelle aux orphelins qui n'est pas encore réglée. Pourquoi le premier ministre, M. le Président, ne profite-t-il pas de cette main tendue pour revenir sur sa décision puis corriger une injustice qui est décriée par tous?

On ne lui demande pas de refaire l'histoire. On ne lui demande pas non plus de trouver les coupables. Ce qu'on lui demande, c'est de faire comme il a pu faire dans d'autres dossiers avec lesquels on était en désaccord, mais cette fois-ci, en ce qui concerne la question, de revenir sur sa décision pour être équitable puis donner un peu de dignité. Il n'y a rien de honteux à revenir sur sa décision. Et c'est toute la population qui le demande. Même ses propres députés lui en font la demande. Pourquoi ne pas profiter de cette pétition qui est déposée ce matin pour leur démontrer sa compassion, pour leur envoyer un message positif, mettre un terme à un dossier qui traîne depuis trop longtemps? Je serai la première à le féliciter s'il revient sur sa décision.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je ne doute pas de la sincérité de la démarche de la députée, mais je voudrais noter que, si quelqu'un a fait quelque chose pour les orphelins dits de Duplessis, c'est bien nous autres dans le gouvernement que nous constituons, alors que beaucoup de gens qui sont ici ont été membres de gouvernements qui n'ont rien fait, alors que, nous, nous avons eu le courage – parce qu'il en fallait – de présenter des excuses publiques et nous avons mis en marche ce que je viens de dire.

Je voudrais ajouter, M. le Président, et je terminerai là-dessus, que nous avons accordé beaucoup de réflexion et d'attention à cette question. Nous avons mis beaucoup de temps à prendre une décision. Je crois qu'on a pris près de deux ans. Nous en avons discuté au Conseil des ministres. J'en ai parlé avec le ministre porteur du dossier. Nous avons analysé tous les documents, toute la question et, après mûre réflexion, nous avons pensé, et je pense encore, et c'est ce que mon gouvernement croit, que la décision prise était la bonne.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, quand bien même le premier ministre nous dirait que les gouvernements précédents n'ont rien fait, si ça lui prend ça comme aveu du côté de l'opposition, qu'on dise que, oui, les gouvernements qui ont précédé n'ont peut-être pas agi comme ils auraient dû agir, ça me ferait bien plaisir de le lui dire aujourd'hui, mais ce n'est pas ça, la question. Puis, quand bien même il chercherait à faire un peu de partisanerie là-dessus puis à nous parler d'histoire, on convient tous qu'on ne peut pas réécrire l'histoire, sauf que les hommes et les femmes dont il est question, ils vivent toujours, ces gens-là. Ce n'est pas juste des noms dans des registres. Ce n'est pas juste des noms qui sont écrits dans les pages d'histoire. C'est des hommes et des femmes qui sont bel et bien vivants, qui réclament un peu de justice, comme c'est arrivé ailleurs lorsque les gouvernements ont fait des erreurs et lorsqu'il s'agissait pour les gouvernements de réparer dans la mesure du possible ces erreurs-là.

Alors, il vient d'y avoir un grand cri du coeur. Son député de Saint-Jean dépose une pétition aujourd'hui, puis il y a des milliers de personnes au Québec, qui ne sont ni libérales, ni adéquistes, ni péquistes, qui pensent et qui croient avec conviction que le gouvernement doit répondre. Moi, je le crois.

(10 h 50)

Est-ce que le premier ministre aujourd'hui peut au moins ouvrir une porte pour dire que son gouvernement devrait également revoir ce dossier-là? Parce que la réponse rendue à ce jour ne satisfait pas. Et, si le premier ministre veut prendre quelques secondes pour y penser, qu'il le fasse, mais je pense que les Québécois s'attendraient aujourd'hui à ce que son gouvernement réponde favorablement à ce cri du coeur.

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition doit savoir que, s'agissant d'une question humaine qui comporte de très nombreuses considérations importantes, nous avons mis et que j'ai mis beaucoup de temps sur la question et que j'ai réfléchi sur ce qu'un gouvernement devait faire dans le contexte, puisque nous étions le premier qui avait décidé de faire quelque chose. Nous avons analysé toute la situation, et je pense, M. le Président, qu'on ne peut pas, je répète, rouvrir tous les dossiers de l'histoire, que, à quelque part, il faut réparer ce qu'on peut réparer, mais qu'il y a des limites et que ces limites, nous les avons atteintes, ayant fait, j'en suis convaincu en mon âme et conscience, tout ce qu'un gouvernement doit faire en l'espèce.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en question principale.


Accessibilité des médicaments et des thérapies de pointe


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: En principale, s'il vous plaît, M. le Président. M. le Président, jeudi dernier, je portais à l'attention des membres de cette Chambre une lettre troublante des comités de patients du Centre hospitalier de l'Université McGill, lettre vérifiée et approuvée par deux oncologues et qui démontrait clairement que, en raison des compressions budgétaires du gouvernement péquiste, des femmes atteintes du cancer du sein n'avaient pas accès au même traitement. Cette lettre, M. le Président, dénonce le fait que des patientes bien nanties ou celles qui ont le privilège de posséder une assurance privée pouvaient acheter elles-mêmes ces nouveaux médicaments, les apporter à l'hôpital pour obtenir leur traitement, pendant que les patientes moins fortunées en sont malheureusement privées. M. le Président, la fausse indignation et la réaction démesurée de la ministre de la Santé ont fait en sorte que d'autres patientes, que d'autres médecins m'ont confirmé que malheureusement c'est la triste réalité et que cette pratique s'étend non seulement au Centre universitaire McGill, mais à d'autres hôpitaux au Québec.

Question au premier ministre: Le premier ministre du Québec est-il au courant que, pendant que sa ministre de la Santé nie l'évidence, les pharmaciens d'établissements désavouent publiquement les propos que la ministre de la Santé a tenus dans cette Chambre jeudi dernier?

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, vous le voyez, la ministre de la Santé et des Services sociaux est absente pour une raison majeure: elle est actuellement avec ses homologues des autres provinces à une conférence sur la santé. Alors, je pense que son absence est parfaitement justifiée, parce que, en d'autres circonstances, vous le savez, elle est à peu près toujours présente. Alors, je constate que l'opposition le savait, ils en ont été avisés, ils savaient très bien que la ministre de la Santé n'était pas présente. Je vois que la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne a choisi cette occasion pour poser une question, sachant que l'interlocuteur d'en face n'était pas présent. Je vous rappelle que, la semaine dernière, il a été reconnu qu'elle était dans l'erreur.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Sur la question.

Le Président: En question complémentaire, monsieur?

M. Paradis: Oui, M. le Président. Le leader du gouvernement a souligné l'absence de Mme la ministre de la Santé, c'était son droit de le faire, mais, dans ce dossier, Mme la ministre de la Santé a nié l'évidence comme telle. Qu'elle soit ici aujourd'hui ou absente aujourd'hui, ça ne change rien: elle nie la réalité dans ce dossier. Quand un ministre nie la réalité, il appartient au premier ministre de prendre fait et cause soit pour sa ministre soit pour les malades.

Des voix: Bravo!


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je constate que l'opposition choisit les combats faciles, puisque l'interlocuteur du gouvernement, la ministre de la Santé, est absente. Je vois qu'il y a du côté de l'opposition une crainte de faire front, d'affronter la vérité, parce que, la semaine dernière, la ministre a complètement démoli les arguments et les allégations de la députée.

Le Président: Mme la députée.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: M. le Président, justement au sujet des propos de la ministre de la Santé tenus en cette Chambre jeudi dernier, que répond le premier ministre du Québec aux pharmaciens d'établissements en ce qui a trait à l'accessibilité aux médicaments plus nouveaux et plus coûteux pour traiter le cancer? Et je cite, M. le Président: «L'Association des pharmaciens d'établissements de santé du Québec ne croit pas exacts les propos tenus hier par Pauline Marois à l'effet que les hôpitaux disposent de fonds suffisants pour répondre aux besoins de la population en matière de pharmacothérapie. C'est étonnant, c'est choquant d'entendre de tels propos», a déclaré Linda Vaillant, première vice-présidente de l'Association des pharmaciens en établissements. Que répond le premier ministre à ce désaveu face sa ministre de la Santé, puis aux propos qu'elle a tenus en cette Chambre, M. le Président, le fait de nier la vérité pendant que des femmes qui ont le cancer du sein ne reçoivent pas les mêmes traitements que d'autres?

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, la ministre répondra quand elle sera ici, mais je ne peux que constater que nous avons en face de nous une opposition qui manque de courage, une opposition poltronne et mesquine.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Avoir du courage, M. le Président, c'est de prendre la défense des femmes qui sont sous traitement présentement et qui méritent de meilleurs traitements. Être poltron, c'est rester assis comme le premier ministre le fait.

Des voix: Bravo!

Le Président: Bien. À l'évidence, ce n'était ni une question complémentaire ni une question de règlement. Alors, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en complémentaire.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: S'il vous plaît, M. le Président. Pour preuve de ce que j'avance, M. le Président, est-ce que le premier ministre du Québec pourrait transmettre à sa ministre de la Santé une facture au montant de 3 324,23 $ qu'une patiente atteinte du cancer du sein a dû débourser personnellement pour avoir accès à son traitement de Taxoter, traitement recommandé et prescrit par son médecin? Elle a dû acheter le Taxoter dans une pharmacie à l'extérieur de l'hôpital, le payer, l'apporter à l'hôpital pour obtenir le traitement que son médecin lui avait prescrit.

Est-ce que le premier ministre peut remettre la facture à la ministre de la Santé pour preuve de ce que j'avance? Dépôt de la facture, s'il vous plaît, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: D'abord, y a-t-il consentement pour le dépôt du document?

Une voix: Consentement.


Document déposé

Le Président: Il y a consentement. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: On va vérifier tout ça, M. le Président.

Des voix: Oh!

Le Président: En question principale, M. le député de Rivière-du-Loup.


Application des dispositions du projet de loi sur les clauses orphelin aux jeunes policiers du SPCUM


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Les jeunes policiers du SPCUM ont décidé de porter plainte devant la Commission des droits de la personne concernant un cas de clause orphelin qui est dans leur convention collective. En fait, c'est un écart assez considérable, c'est 23 % d'écart salarial entre les jeunes et les moins jeunes dans ce cas-là. Ils font exactement la même procédure que les jeunes enseignants – qui, eux, avaient signé une convention collective avec le gouvernement lui-même – ont dû faire pour obtenir réparation devant cette clause orphelin là. Là, ils sont allés devant la Commission des droits de la personne. Dans le cas des jeunes enseignants, on s'en souvient, ils ont gagné et, reniant ses engagements, le premier ministre les a portés en appel plutôt que de leur donner réparation.

Or, ma question à la ministre est relativement simple. Lors du débat sur les clauses orphelin, il avait été dit maintes et maintes fois que, faute d'une loi claire, faute d'une loi précise, on se retrouverait dans des guérillas juridiques. On est exactement là-dedans, devant la Commission des droits de la personne. Il faut que chaque individu devienne plaignant. On se retrouve avec des centaines ou des milliers de plaintes. On n'a aucun recours efficace conséquemment. Alors, ma question à la ministre: Est-ce qu'elle reconnaît maintenant que son projet de loi est plein de trous, que son projet de loi est cosmétique? Et est-ce qu'elle peut expliquer aux jeunes policiers quels seront les effets pratiques de son projet de loi pour eux?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux : Alors, M. le Président, cette question me permet de rappeler que nous avons effectivement adopté des dispositions, des changements à la Loi sur les normes du travail à la dernière session, qui introduisent donc des paramètres concernant les clauses qu'on appelle de disparité de traitement.

(11 heures)

J'ai pris connaissance, comme le député de Rivière-du-Loup, de cette cause des policiers. J'ai évidemment réalisé qu'ils avaient décidé de porter une plainte à la Commission des droits de la personne. Mais, très simplement, moi, je les invite à s'adresser à la Commission des normes du travail. Parce que je ne veux pas reprendre tous les éléments de cette loi que nous avons adoptée à la dernière session, mais il est clair que... Par exemple, rappelons-nous que toute nouvelle convention collective ne peut contenir des clauses de disparités de traitement. Alors, par exemple, si les gens sont en train de négocier une convention collective, c'est exactement le meilleur moment pour s'adresser à la Commission des normes du travail et pour pouvoir donc prendre des conseils et poser les gestes qu'il faut pour éviter qu'ils aient les désavantages de ces clauses-là dans leur future convention collective.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Est-ce que j'ai bien compris puis est-ce que les jeunes policiers ont bien compris que la ministre se porte garante que la Commission des normes du travail va être le mécanisme de recours approprié pour eux pour obtenir réparation pour les 46 000 $ qu'ils sont en train de perdre? Au moment où on se parle, sur la période de leur convention collective, c'est 46 000 $ qu'ils sont en train de perdre. Est-ce que la ministre se porte garante qu'avec une plainte devant la Commission des normes du travail ils vont obtenir le traitement raisonnable auquel ils ont droit?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je ne peux pas déterminer l'issue d'une plainte qui serait déposée à la Commission des normes du travail, sinon on va tout gérer ici. Alors, ce dont je me porte garante, c'est d'un certain nombre de choses: D'abord, cette loi, elle a été amendée, elle est en vigueur. La Commission des normes du travail a fait ce qu'il faut pour pouvoir apporter toute l'attention nécessaire à des plaintes ou à des demandes d'information qui lui seraient adressées au sujet de ces nouvelles dispositions. Alors, je pense qu'il faut premièrement que les gens s'adressent à la Commission. Mais c'est bien évident qu'on ne peut pas statuer là-dessus, on n'a pas tous les éléments pour statuer sur cette cause très précise.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Est-ce que la ministre pourrait donner une réponse précise à la question précise? Pour ces personnes-là qui sont dans une clause orphelin déjà signée, qui sont en train d'en être victime, qui sont en train de perdre 46 000 $ à l'intérieur de la convention collective qui est en train de s'appliquer, est-ce que, oui ou non, son projet de loi va changer quelque chose et leur donner un recours? Est-ce que, oui ou non, son projet de loi va les aider ou est-ce que son projet de loi, dans leur cas, est tout simplement un mécanisme cosmétique qui ne change rien à leur situation?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je pense que c'est un peu injuste de parler de mécanisme cosmétique. Je rappellerais que nous sommes le premier Parlement au monde, à ma connaissance, à avoir adopté de telles dispositions. Alors, on n'est pas dans le cosmétique, ici.

Deuxièmement, écoutez, je ne peux pas m'embarquer quant à l'issue de cette cause-là. Ce qu'on sait, c'est qu'on s'est donné des paramètres. On ne peut pas régler toutes les causes passées, mais on sait qu'on s'est donné des échéances, par exemple, au moment du renouvellement des conventions collectives qui ne doivent pas comporter des clauses de disparités de traitement. Mais, si entre-temps il y a des problèmes qui surviennent suffisamment importants pour que des gens se posent des questions très sérieuses, je les invite à s'adresser à la Commission des normes du travail.

Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys maintenant, en principale.


Nombre d'emplois créés et annoncés à la Cité du multimédia


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, le 18 mai dernier, en parlant de la Cité du multimédia, le ministre des Finances a encore une fois affirmé dans cette Chambre, et je le cite: «Je dis d'abord que c'est vrai qu'il y a 7 500 emplois qui ont été créés.» Toujours ce même 18 mai, nous nous souvenons des propos honteux, disgracieux, autocratiques, ma foi, kadhafiens du ministre des Finances lorsque ce ministre a ouvertement et publiquement menacé un employé du gouvernement.

Jamais, M. le Président, de ma carrière politique, ai-je été témoin de propos aussi disgracieux de la part d'un ministre. Je ne veux manifestement pas mettre en péril la carrière de M. Parent, j'éviterai donc de parler de la conversation qui s'est tenue non pas avec moi, mais avec mon attaché politique, M. Martineau, qui s'est identifié comme travaillant pour moi. Je ferai par contre référence à la lettre que le ministre des Finances l'a invité à signer et par laquelle, M. Parent cite: «Les programmes de la Cité du multimédia vont maintenir – je dis bien "maintenir", M. le Président – et créer 7 500 emplois au cours des trois prochaines années. Nous ne pouvons qu'estimer le nombre d'emplois créés en 1999.»

M. le Président, est-ce que le ministre des Finances peut répéter et confirmer dans cette Chambre ce qu'il a affirmé catégoriquement à plus d'une reprise dans cette Chambre et ailleurs, que 7 500 emplois ont été créés à la Cité du multimédia, alors qu'il sait pertinemment que c'est faux?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: Plus de vocabulaire outrancier que de connaissances économiques. Premier élément de la réponse. Effectivement, carrière courte et, avec de tels agissements, chances qu'elle le demeure. Et, troisièmement, je redis que le procédé employé par ma collègue m'a scandalisé. Faire dire à un fonctionnaire des choses qu'il n'a pas dites et le mettre dans l'embarras n'est pas digne d'un parlementaire. Les fonctionnaires sont les bras agissants de l'exécutif, ils doivent être respectés.

Si ce fonctionnaire est crédible, bien, je cite sa lettre. Il est crédible, le fonctionnaire, ou il ne l'est pas? Ce que dit M. André Parent: «Les programmes de la Cité du multimédia vont maintenir et créer plus de 7 500 emplois au cours des trois prochaines années.» Alors, on ne peut pas avoir une mémoire sélective et prendre ce qui fait notre affaire dans les propos d'un fonctionnaire qui ne fait que son travail. Je l'ai dit et je le redis – c'est choquant, hein – on avait prévu 10 000 emplois en 10 ans, il y en a 7 500 d'annoncés en deux ans. C'est un succès prodigieux. Et j'espère que l'opposition va poser des questions jusqu'à plus soif là-dessus.

En guise d'ultime élément de ma réponse, une chose que je fais rarement – je cite souvent les journaux québécois en langue française – là je vais citer le Washington Post en langue originale, qui dit: «Aided by generous tax credits from the Québec Government, Montréal companies put more money into R and D than those elsewhere in Canada. Those efforts have transformed Montréal into one of the most open economies in the world.» Ça peut vous choquer, mais c'est vrai!

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Toujours, M. le Président, avec la peur que M. Parent soit victime de représailles de la part de ce ministre des Finances, je me dois de demander au ministre des Finances comment il peut encore continuer de parler de 7 500 emplois créés, alors que le document joint à la lettre de M. Parent fait mention de 2 500 emplois bénéficiant de l'aide fiscale, dont nous savions très bien que la majorité de ces emplois existaient antérieurement. Alors, comment le ministre peut-il soutenir ce qu'il affirme aujourd'hui?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Encore une fois, plus de brio littéraire que de connaissance des chiffres. Il y a, dans la Cité du multimédia, le nombre total admissible d'employés au crédit d'impôt – admissibles au crédit d'impôt – 2 812 personnes, alors que le nombre total des employés de ces sociétés est de 3 904, parce que tous les employés ne sont pas admissibles. Or, ça veut dire que 65 % des emplois admissibles sont des emplois nouveaux.

Je vais passer du Washington Post , en nous rapprochant donc un peu de nous, au New York Times . Et écoutez ça, là, pour ceux qui ont été dans le gouvernement inactif qui avait tué et ruiné Montréal: «Montréal, dit le New York Times , has reinvented itself as a center for biotech, telecommunication, information technologies companies. Rents are rising along with construction cranes.» Elle voulait des grues, elle en voulait, des grues, et je lui avais dit que dans la plupart des villes il y avait des grues. Bien, il y a des grues dans la plupart des villes, et il y en a plus à Montréal à cause de la Cité du multimédia.

Le New York Times continue: «Montréal has also reinvented itself as a major center for higher education. This city now edges out Boston for the highest percentage of college students in North America.» C'est ça, le Montréal d'aujourd'hui, et ça peut vous enrager parce que c'est le contraire de votre Montréal, qui était mourant.

(11 h 10)

Des voix: Bravo!


Votes reportés


Adoption du principe du projet de loi n° 99

Le Président: Bien, avant de passer aux motions sans préavis, et en particulier à une d'entre elles que tout le monde attend, nous allons procéder au vote reporté sur la motion du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes qui nous propose l'adoption du principe du projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec. Alors, que les députés... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: ...motion aux voix, il s'agit d'un projet de loi qui a été réimprimé par le gouvernement et il s'agit d'un projet de loi dont le vote a été reporté à deux reprises. Je fais une ultime tentative auprès du gouvernement: Est-ce qu'il est prêt à ce moment-ci à renoncer à l'adoption de son projet de loi, qui risque de mettre en péril éventuellement les droits des Québécoises et des Québécois, et de plutôt se rallier ou de considérer la déclaration solennelle soumise par l'opposition officielle par la voix du député de Chapleau et qui a recueilli, je le souligne, M. le Président, l'appui quasi unanime des observateurs et des analystes dans le domaine constitutionnel?

Une voix: Bravo!

M. Brassard: Malheureusement, M. le Président, je suis obligé de constater que la fin de semaine n'a pas été consacrée à la réflexion sur le projet de loi n° 99, elle a été plutôt consacrée à faire un spectacle sur les tables – c'est malheureux – et a été aussi consacrée à faire en sorte que l'État québécois se ratatine. C'est ça maintenant, l'orientation du Parti libéral du Québec, l'opposition officielle. C'est malheureux, mais le temps est maintenant venu de voter.

Le Président: Bien. Alors, nous allons procéder au vote. D'abord, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Landry (Verchères), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Léonard (Labelle), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-NorandaTémiscamingue), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Perreault (Mercier), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Boisclair (Gouin), Mme Caron (Terrebonne), M. Facal (Fabre), Mme Goupil (Lévis), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Simard (Richelieu), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Laprise (Roberval), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Boucher (Johnson), M. Kieffer (Groulx), Mme Doyer (Matapédia), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Gagnon (Saguenay), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), M. Paquin (Saint-Jean), M. Désilets (Maskinongé), Mme Signori (Blainville), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson), M. Côté (Dubuc). M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, maintenant.

Le Secrétaire adjoint: M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Bourbeau (Laporte), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Benoit (Orford), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Brodeur (Shefford), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Lamoureux (Anjou).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:65

Contre:38

Abstentions: 0

Le Président: Alors, la motion de M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, et en conséquence le principe du projet de loi n° 99, est adoptée. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Brassard: Alors, M. le Président, je voudrais faire motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Président: Très bien. Est-ce que cette motion est adoptée? Elle est adoptée.


Motions sans préavis

Alors, je crois que, avant de passer à la motion sans préavis concernant le décès de M. Maurice Richard, M. le leader, vous vouliez faire une motion. Voulez-vous la faire avant ou après? Plus tard. Alors, M. le premier ministre, dans ce cas-là.


Hommage à M. Maurice Richard et condoléances à sa famille

M. Bouchard: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion conjointe suivante:

«Que l'Assemblée nationale offre ses plus sincères condoléances à la famille et aux proches de M. Maurice Richard et rende hommage à ce remarquable modèle de courage et de ténacité qui a inspiré plusieurs générations de Québécoises et de Québécois.»

Le Président: Il y a consentement pour débattre de cette motion. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président, il y a consentement pour que, en plus du premier ministre, il y ait deux intervenants du côté de l'opposition officielle et le député de Rivière-du-Loup.

Le Président: Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Il a été convenu, sans vouloir interdire la personne qui souhaite s'exprimer sur cette motion, qu'effectivement le premier ministre, suivi du chef de l'opposition, suivi du député de Mont-Royal, qui est un ami personnel et qui l'a connu dans des circonstances particulières, suivi du député de Rivière-du-Loup puissent intervenir.

Le Président: Écoutez, par tradition, je voudrais... D'abord, s'il y a un ordre de l'Assemblée sur la façon de faire les choses et que tout le monde convienne qu'on va se limiter à ce nombre d'interventions, ça va. Et, en ce qui me concerne, je préférerais l'ordre suivant: le premier ministre, le chef de l'opposition, le député de Rivière-du-Loup, et je terminerai par le député de Mont-Royal, parce que néanmoins, à chaque fois qu'il y a eu une motion de cette nature, le député de Rivière-du-Loup avait préséance sur ses collègues.

M. Paradis: Oui, M. le Président, il y avait une entente entre les formations politiques. Maintenant, si M. Tranchemontagne, en parlant le dernier, peut transmettre à l'ensemble de la population les sentiments de quelqu'un qui l'a personnellement connu, on procédera ainsi.

Le Président: Je pense qu'on peut faire ça de cette façon. En plus, je comprends qu'il pouvait y avoir entente entre les parties, mais vous comprendrez aussi que la présidence se doit de protéger les droits des députés et même des députés indépendants. Alors, M. le premier ministre, d'abord.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, il y a des personnes qui marquent leurs proches ou leurs amis, d'autres qui laissent un souvenir inoubliable à leurs collègues de travail. D'autres encore ont parfois l'occasion de poser un geste qui fait l'actualité et qui reste en mémoire. Mais peu d'hommes et de femmes laissent dans l'histoire de leur pays une trace indélébile. M. Maurice Richard fait partie de cette dernière catégorie.

Il peut paraître surprenant, pour qui ne connaît pas les liens qui unissent les Québécois et le hockey, de constater l'affection du peuple québécois pour ce grand athlète. Cette relation privilégiée et presque intime entretenue par celui qu'on a appelé le «Rocket» et les Québécois dépasse le simple lien entre une vedette et ses admirateurs.

(11 h 20)

Maurice Richard a été courageux en toutes circonstances, persistant jusqu'à la toute fin, combatif dans l'adversité, et, parmi tous ces records qui sont les siens, il y en a un qui n'a jamais été brisé et qui est le plus éloquent, je crois, pour décrire le personnage: détenteur du record du plus grand nombre de buts en prolongation durant les séries éliminatoires. On sait ce que ça veut dire, M. le Président.

Quand il y avait de grands moments où il fallait quelqu'un qui dépasse les autres, quand il y avait un défi qui était lancé par les événements, une attente de toute une population, des milliers de personnes dans un aréna, il y avait quelqu'un qui était capable de se hausser, de se hisser, je dirais, au niveau de l'événement et des attentes, c'était Maurice Richard avec le but vainqueur. Avec lui, ce n'était pas seulement un club de hockey qui remportait la coupe Stanley, c'est nous tous qui paradions sur la rue Sainte-Catherine.

À juste raison, Félix Leclerc a écrit sur Maurice Richard ce qui suit: «Quand il lance, l'Amérique hurle. Quand il compte, les sourds entendent. Quand il est puni, les lignes téléphoniques sautent. Quand il passe, les recrues rêvent. C'est le vent qui patine. C'est tout le Québec debout qui fait peur et qui vit.»

On a longtemps épilogué sur les motifs et les raisons qui expliquent l'émeute du mois de mars 1955. Certains y voient l'un des ferments de la grande épopée des années soixante. Les réactions avaient en fait dépassé largement le monde du hockey. Le maire de Montréal, M. Drapeau, avait pris partie pour Maurice Richard. Même André Laurendeau, alors au quotidien Le Devoir , rédigea un éditorial choc coiffé du titre On a tué mon frère Richard .

Quatre décennies plus tard, la légende de Maurice Richard est toujours aussi vivante. Peu d'entre nous l'on pourtant vu jouer, imaginant cependant ses descentes à l'emporte-pièce pendant la description des matchs à la radio. La plupart ne le connaissent que de réputation ou par des films d'archives. Tous ont entendu l'histoire de cette journée de décembre 1944 où, après avoir déménagé le piano de sa famille dans les escaliers de l'est de Montréal durant la matinée, il marqua le soir cinq buts – incroyable, mais cinq buts – et participa à trois autres dans la même journée.

En 1996, dans le cadre des célébrations entourant l'inauguration du Centre Molson, il a été le personnage le plus applaudi parmi les nombreuses personnes présentes. On lui accorda une ovation qui dépassait les 10 minutes, et c'était plus de 36 ans après son dernier but en saison régulière.

Le chef de l'opposition se rappellera cette circonstance à Ottawa, à la Chambre des communes, où, je ne sais pour quelle raison, beaucoup de grand joueurs de hockey avaient été réunis à Ottawa et où on les a présentés dans les tribunes. Ils étaient tous là, les grands survivants, les Worsley, les Gordie Howe. Il y en avait une dizaine au moins. Ken Dryden était là. Je ne pourrais pas me rappeler, mais un grand nombre, les grands. Alors, ils les ont tous présentés et évidemment les députés étaient debout, ils applaudissaient avec de longues ovations, et ils avaient réservé Maurice Richard pour la fin. Et, quand ils l'ont présenté à la fin, ça a été une véritable explosion dans la Chambre des communes qui, pour une fois, était d'accord sur tout.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Celui qui nous a quittés samedi dernier, entouré de ses proches, aura maintenu une histoire d'amour et d'admiration et d'affection avec les Québécoises et les Québécois. Une histoire qui a duré pendant près de 60 ans et qui certainement ne se terminera pas.

À la famille de M. Richard, à sa conjointe Sonia Raymond, à ses enfants et à leurs proches, j'aimerais, au nom de toutes les Québécoises et de tous les Québécois, offrir toutes mes condoléances. Le Québec est en deuil. Nous avons perdu un homme d'exception, un modèle pour les jeunes, un exemple de courage et de ténacité. Je ne doute pas qu'il a emporté avec lui sa passion pour son sport. Peut-être joue-t-on au hockey au paradis. Si c'est le cas, je lui lance, au début de cette nouvelle partie qu'il va certainement encore remporter, ce mot d'encouragement qui, au Forum, résonna souvent à ses oreilles: Donne-leur ça, Maurice! Merci, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Depuis l'annonce du décès de Maurice Richard, on a beaucoup lu sur ses exploits. On a pu voir à l'écran certaines de ses prouesses, et avec les réactions de nos concitoyens il ressort clairement que la population du Québec et la population du Canada est aujourd'hui en deuil d'un héros.

Contrairement à plusieurs, je n'ai pas eu l'occasion, moi, de voir jouer Maurice Richard. Pourtant, j'ai tellement de souvenirs de lui que j'ai l'impression d'avoir été là ce soir-là, au Forum, quand les cinq buts ont été comptés. Et c'est un sentiment qui est partagé par plusieurs autres citoyens du Québec, tellement on a vécu, tellement on s'est abreuvés aux récits que nous racontaient nos parents au sujet de Maurice Richard.

Chez moi, bien, tout ça avait un sens particulier, puisque mon père a joué au hockey, a joué dans la Ligne américaine. Je me rappelle très bien, jeune enfant, mon père nous racontant les exploits de Maurice Richard. Il avait toujours au moins un joueur sur le dos au moment où il comptait un but, quand ce n'était pas au minimum deux, trois. À un moment donné, on se demandait s'il n'y en avait pas huit. On avait l'impression en vieillissant, avec le temps, mon frère et moi, entre autres, que peut-être il exagérait un petit peu quand il nous racontait ça. Aujourd'hui, je me rends compte que, dans le fond, il ne nous a pas tout dit et que, loin d'exagérer, les prouesses de Maurice Richard sont, en fait, beaucoup plus grandes que ça.

Ses exploits sont nombreux. Au cours de la saison 1938-1939, alors qu'il était âgé de 16 ans seulement, il était membre d'une équipe qui s'appelait l'équipe Paquette, qui, cette année-là, avait remporté le trophée La Presse . À sa première partie, il avait marqué six buts. Au cours de l'année 1938-1939, l'équipe avait joué 46 parties, M. le Président, et marqué 144 points. Maurice Richard, lui, en avait marqué 133 des 144.

La carrière de Maurice Richard a été marquée aussi de controverses et n'a laissé personne indifférent. C'était le sujet qui sans doute préoccupait beaucoup et qui occupait beaucoup les conversations, et qui a suscité beaucoup d'émotions. Il était souvent blessé. D'ailleurs, au début de sa carrière, on doutait qu'il puisse faire long feu dans la Ligue nationale parce qu'on disait qu'il était souvent blessé.

J'ai ici une citation d'un après-match où il raconte justement cette maladie, où il disait ceci, et je cite: «Parce que j'ai compté trois buts ce soir, personne ne croira que je suis malade. On dira que je suis un parfait acteur et un grand pleurnichard. Je vous ferai remarquer que je n'ai fait qu'une seule déclaration au cours de la dernière semaine quand tout le monde disait que je serais inactif. J'ai simplement déclaré que je jouerais samedi contre Chicago. Je suis malade depuis un mois et demi, j'ai toujours continué à sauter sur la patinoire sans me plaindre. Quand je sentirai que je ne pourrai plus jouer au hockey, j'abandonnerai.» Il a fait une seule déclaration et il a compté trois buts ce soir-là. On a donc relevé de cette déclaration toute sa dignité, sa détermination, son éthique et sa fierté, M. le Président.

Plusieurs événements dans sa carrière décrivent très bien sa détermination et à quel point il avait des adversaires coriaces. Lors d'un match à Toronto, il était poursuivi par Bill Juzda et propulsé dans la baie vitrée qui éclata au même moment sous l'impact. Plus tard, toujours à Toronto, alors qu'il fonçait à toute vapeur, il est plaqué à nouveau par deux joueurs, Juzda et un nommé Ezinicki, qui l'arrêtèrent en le propulsant dans la porte du banc des joueurs qui céda sous la charge, M. le Président.

Six mois après avoir pris sa retraite, notre compatriote a été reconnu par le B'nai Brith, en Amérique du Nord, comme étant ce qu'il décrivait «the nine men of the age», un des neuf grands athlètes. Il était en compagnie de Jack Dempsey pour la boxe, Bobby Jones pour le golf, Ty Cobb pour le baseball, Harold Grange pour le football, Jessie Owens pour l'athlétisme, Don Budge pour le tennis, et évidemment Maurice «Rocket» Richard pour le hockey.

Il a contribué plus que tout autre athlète à donner au hockey la popularité immense que notre sport national connaît. Partout où les Canadiens allaient jouer, il suffisait de mentionner le nom de Maurice Richard pour assurer une salle comble. Il faudra le redire, au moment où il commençait sa carrière dans la Ligne nationale de hockey, la ligue était en difficulté. Il a permis cette renaissance du hockey qui ne s'est pas démentie depuis ce temps-là.

Le souvenir de Richard est et demeurera impérissable non seulement dans la mémoire des amateurs de hockey, mais aussi dans la mémoire de tous. D'ailleurs, comment expliquer aujourd'hui, 40 ans après sa retraite, qu'on puisse collectivement se rappeler cet homme et ses exploits, peu importe qu'on l'ait vu jouer ou non? C'est quand même phénoménal.

Ses courses fulgurantes, ses buts comptés d'une façon incroyable, ses prises de bec avec les adversaires, de temps en temps même avec les arbitres, tous ces gestes forment non seulement un chapitre, mais un volume de notre histoire.

(11 h 30)

Louis Chantigny, le rédacteur sportif du Petit Journal , a tracé un portrait de Richard lorsqu'il a pris sa retraite, et vous me permettrez d'en lire un passage: «Il est par contre des joueurs de hockey d'une espèce rarissime. Un ou deux illuminent de leur présence une génération, rarement davantage. Toujours la leur est une carrière frappée au sceau du légendaire, de l'invraisemblable et du fantastique. Plus que des étoiles, ce sont des bolides qui déchirent le firmament du sport dans un sillage d'éclairs fulgurants. Et, tandis que les prouesses d'autres soulèvent des applaudissements chaleureux, celles de ces titans vous soulèvent de votre siège et vous arrachent littéralement du ventre des cris et des ovations que seul peut inspirer le spectacle du sublime et de la grandeur.»

M. le Président, j'ai souvent entendu dans les derniers jours que Maurice Richard n'aimait pas beaucoup parler en public, qu'il n'était pas du genre à faire des discours. Eh bien, à voir la réaction des Québécois et de la population canadienne suite à son décès, on comprend mieux pourquoi aujourd'hui il ne sentait pas le besoin de parler, puisqu'il avait donné la parole à tout un peuple et que c'était à leur tour, à eux, de parler et d'agir.

Alors, au nom de ma formation politique, je désire offrir nos condoléances à la famille, aux proches et à toute la population du Québec et du Canada. Nos plus sincères condoléances.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. C'est très rare dans l'histoire d'un peuple que l'ensemble des hommes et des femmes soient aussi marqués par un départ, par un décès. C'est que Maurice Richard a fait partie, fait encore partie et va faire partie pour longtemps des images puissantes qui sont inscrites dans l'imaginaire québécois. Il fait partie des éléments profonds de la fibre québécoise.

Moi non plus, je ne l'ai jamais vu jouer, mais on peut dire que sa présence dans des matchs de hockey a fait légende, a fait l'histoire. De bouche à oreille, avec quelques images d'archives pour nous aider, les gens qui, comme moi, n'ont jamais eu le privilège de le voir jouer en direct ou de l'écouter jouer en direct – parce qu'il y en a eu un bon bout qui était à la radio – ont quand même développé une admiration pour son talent, son intensité mais surtout pour l'étincelle dans son jeu à minuit moins une, pour le but en prolongation dans les circonstances les plus dramatiques. C'est le sentiment, quand on pense à Maurice Richard, au hockey, sur la patinoire, qu'il nous reste.

Mais, si son décès a déclenché au cours des derniers jours un tel tremblement de terre au Québec, un tel déferlement de sympathie, d'appuis populaires, de témoignages de sympathie populaire, c'est parce que Maurice Richard était pour les Québécois et pour les Québécoises beaucoup plus. Sans en avoir, lui, la prétention, parce qu'il était un homme simple et sobre, Maurice Richard a transcendé son sport. Il était un homme de valeurs et il a porté le flambeau de plusieurs valeurs qui nous sont chères au Québec: le travail, la volonté de s'affirmer, la fierté, la famille. Maurice Richard était vraiment un homme de valeurs, un homme dont les valeurs ont largement imprimé une direction à sa génération et dont les valeurs devraient continuer à nous inspirer aujourd'hui. Maurice Richard était porteur aussi de valeurs qui rassemblent, qui unissent, et c'est probablement pourquoi aujourd'hui les Québécois et les Québécoises se sentent si près, se sentent aussi rassemblés dans le deuil de son décès.

J'insiste sur une valeur dont il faut parler, je pense, au sujet de Maurice Richard, qui est la famille. Parce que Maurice Richard, à travers les voyages, à travers une carrière de hockey enlevante et fulgurante, a aussi fondé une famille, une famille relativement nombreuse et à laquelle il a démontré un attachement de tous les instants et un attachement très profond.

Pour parler de ce que Maurice Richard a représenté dans l'imaginaire québécois, il y a Pierre Houde, un journaliste sportif québécois, qui a écrit un texte intéressant mais un paragraphe magnifique sur ce qu'est Maurice Richard: «Si Félix Leclerc est le symbole du Québec qui sait si bien aimer, chanter et parler, si René Lévesque est le symbole du Québec qui veut tant s'affirmer, si Judith Jasmin est le symbole du Québec qui veut tant savoir et découvrir, si Joseph-Armand Bombardier est le symbole du Québec qui peut si bien créer et innover, si Alphonse Desjardins est le symbole du Québec capable de prospérer, si Gilles Villeneuve est le symbole du Québec qui peut conquérir le monde, Maurice Richard est le symbole absolu du Québec qui veut et qui peut gagner.»

Et, si Maurice Richard est demeuré pour tant de jeunes, et encore aujourd'hui pour tant de jeunes, le modèle qu'il est... Son entraîneur Dick Irvin avait affiché dans le vestiaire des joueurs du Canadien une citation d'Abraham Lincoln pour laquelle la légende voulait que celui qui s'arrêtait devant la citation pour s'en imprégner, pour la regarder avant chaque match, c'était Maurice Richard... Et la citation dit: «I do the very best I know, the very best I can and I mean to keep on doing so until the end.» J'agis au mieux de mes connaissances, au mieux de mes possibilités, et j'ai l'intention d'agir ainsi jusqu'au bout. Et c'est de cette façon-là, je pense, que Maurice Richard pensait, à la volonté de donner le maximum jusqu'au bout et d'être à la hauteur des événements.

À travers ce deuil collectif, évidemment, M. le Président, il y a le deuil d'une famille et de proches à qui je veux, au nom de notre formation politique, offrir mes plus sincères condoléances. Merci.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.


M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Lorsque j'étais jeune, contrairement à plusieurs d'entre vous, j'ai eu, moi, l'opportunité de suivre la carrière de Maurice Richard...

Une voix: ...

M. Tranchemontagne: Pas tant que ça. Ha, ha, ha! J'ai eu aussi quelques rares opportunités, malheureusement trop rares, d'assister à certains de ses exploits. Un peu plus tard, dans ma carrière, en ma qualité de président de la Brasserie Molson, j'ai eu non pas l'opportunité seulement, mais aussi et surtout le privilège de le côtoyer de très près et de développer avec lui et son épouse Lucille une amitié très sincère.

Comme on a entendu tantôt, nous avons perdu cette semaine un grand joueur de hockey, sûrement le plus grand que le Québec ait connu, mais nous avons aussi perdu un grand homme, un homme qui a marqué le Québec d'une façon exceptionnelle, un homme qui a marqué le Canada également. Autrement, comment pourrait-on expliquer qu'après 40 ans cette homme soit demeuré si populaire? C'est ses exploits mais c'est aussi la personne elle-même. Et j'aimerais prendre quelques minutes pour vous dire, M. le Président, que, dans la vie privée, Maurice avait les mêmes caractères que dans la vie publique. Il avait la même fougue, la même détermination, le même courage et aussi la même intensité que dans sa vie publique. En somme, M. le Président, c'était un homme entier, un homme fidèle, fidèle à ses amis, fidèle à sa famille, un homme droit, d'une extrême droiture, et un homme de caractère, ça, on le savait, plusieurs l'on reconnu et en ont subi les conséquences.

Alors, somme toute, M. le Président, Maurice Richard, il n'y en avait qu'un seul, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. Je suis personnellement très privilégié d'avoir eu l'opportunité de le côtoyer de si près et de développer, comme je le disais tantôt, cette amitié qui nous a liés pendant de nombreuses années.

En terminant, je voudrais offrir mes plus sincères sympathies à sa compagne Sonia, à ses enfants et aussi à ses nombreux amis. Merci.


Mise aux voix

Le Président: Alors, je comprends que la motion est adoptée à l'unanimité. Je vous prierais de vous lever pour un moment de silence.

(11 h 39 – 11 h 40)

Le Président: Bien. Veuillez vous asseoir.

Alors, nous poursuivons cette rubrique des motions sans préavis. Je crois que, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous aviez une motion sans préavis?


Saluer le retour au pays du Soldat inconnu

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. le Président, c'est un honneur pour moi de solliciter le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec salue le retour au pays du Soldat inconnu et lui témoigne toute sa reconnaissance pour le combat que lui et tant d'autres ont mené, assurant ainsi le triomphe de la démocratie et de la paix.»

«That the National Assembly of Québec salute the return of Canada's Unknown Soldier and manifests all its gratitude to him and to the countless others for their combat which ultimately lead to the victory of democracy and peace.»

Le Président: Bien. Alors, il y a d'abord consentement pour présenter cette motion.


Mise aux voix

Adoption sans débat? Alors, la motion est adoptée. Maintenant, Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec reconnaisse le talent, l'effort et la détermination des joueurs de l'équipe de hockey l'Océanic de Rimouski, qui ont remporté en fin de semaine, à Halifax, les grands honneurs du tournoi de la coupe Memorial;

«L'Assemblée nationale félicite chacun des participants de l'équipe de l'Océanic et tous les membres de l'organisation pour leur saison exemplaire et leur brillante victoire.»

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Laporte.

Des voix: ...

M. Boisclair: Alors, M. le Président, il y a un intervenant par formation politique sur la motion de la députée de Rimouski. Ou c'est sans débat?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Sans débat? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Il y a un intervenant qui est prévu de part et d'autre. Je sais que Mme la députée de Rimouski a manifesté le souhait de s'exprimer, également le député d'Anjou de notre côté. Mais, compte tenu de l'agenda du premier ministre et que je crois comprendre qu'il veut intervenir sur la prochaine motion, il y aurait peut-être lieu à ce moment-ci d'intervertir les motions de façon à libérer le premier ministre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Alors, c'est une possibilité, s'il y a accord pour que nous... Alors, à ce moment-là, on va prendre la motion suivante, puis nous reviendrons. Alors, M. le député de Laporte.


Féliciter la mezzo-contralto Marie-Nicole Lemieux, lauréate du Grand Prix du concours musical international Reine Elisabeth de Belgique

M. Bourbeau: M. le Président, je sollicite le consentement de l'Assemblée nationale afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale félicite la mezzo-contralto québécoise Marie-Nicole Lemieux d'avoir remporté le Grand Prix du concours musical international Reine Elisabeth de Belgique, le 27 mai 2000.»

Le Vice-Président (M. Brouillet): Est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de cette motion? Consentement. M. le député.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, le 27 mai dernier, la mezzo-contralto québécoise Marie-Nicole Lemieux a remporté les plus grands honneurs à l'un des concours musicaux les plus renommés au monde, le Grand Prix du concours musical international Reine Elisabeth de Belgique. À cette occasion, le Prix de la reine Fabiola, premier prix, d'une valeur de 500 000 FB, ainsi que le Prix spécial Lied, d'une valeur de 100 000 FB, lui ont été décernés. Le premier prix comprend également plusieurs engagements ainsi que la réalisation d'un enregistrement discographique.

Ce concours international fut d'abord créé en 1950 pour les violonistes et les pianistes, et en 1988 s'ajoutait la discipline des chanteurs d'art lyrique. Or, en autant d'années d'existence, c'est la première fois qu'un concurrent du Québec et même un concurrent du Canada y remporte la première place. Pourtant, de grands noms se sont illustrés. Citons, par exemple, en 1960, la deuxième place remportée par le pianiste canadien Ronald Turini. Ça a été la meilleure performance d'un Canadien dans ce concours. Mentionnons également, M. le Président, au cours des années, des interprètes aujourd'hui illustres tels que les pianistes Vladimir Ashkenazy, Leon Fleisher, Karl Engel et les violonistes Leonid Kogan et Jaime Laredo.

M. le Président, Mme Lemieux aura su franchir les quatre étapes du fameux concours belge, c'est-à-dire l'épreuve préliminaire, l'épreuve du premier degré, la demi-finale ainsi que la finale devant un jury international composé de 17 artistes de renom, dont les célèbres artistes lyriques Nancy Argenta, Joan Sutherland, José Van Dam et Grace Bumbray, pour n'en nommer que quelques-uns.

Née à Dolbeau-Mistassini en 1975, Marie-Nicole Lemieux a fait ses études musicales au Conservatoire de musique du Québec à Chicoutimi et à Montréal, auprès de Marie Daveluy, avec qui elle poursuit actuellement le perfectionnement de son art. Mme Lemieux a été gagnante du Concours de musique du Canada et lauréate du Festival national de musique en 1998, suivi, en 1999, de l'obtention de la bourse du Cercle des cent associés. Après avoir remporté le deuxième prix au Concours national des Jeunesses musicales du Canada en 1999, elle a été proclamée lauréate du prix Joseph-Rouleau de l'édition 2000 de ce même Concours des Jeunesses musicales du Canada. Elle a de même remporté le Grand Prix Hydro-Québec du Festival de musique du royaume à Chicoutimi et, tout dernièrement, le premier prix ainsi que le prix du jury au concours de l'Orchestre symphonique de Trois-Rivières.

Permettez-moi, M. le Président, de citer un court extrait d'un compte rendu des événements paru dans un journal en ligne qu'il m'a été à même de consulter au cours des dernières heures. On dit ceci: «Marie-Nicole Lemieux fut sans doute – et on parle du concours qu'elle vient de gagner, du prix en Belgique – la première à chanter Mozart en saisissant l'ambiguïté qui en suspend les airs entre drame et légèreté. Plénitude, douceur, tressaillement et inquiétude, sa voix transmet de Mahler la douleur et l'apaisement. Chez Berlioz et Tchaïkovski, elle irradie d'une force sereine: son oeil pétille quand sa voix frémit, ample, généreuse et rassurante.»

Et, finalement, le compte rendu des événements, M. le Président, nous apprend que «le jury a donc eu besoin de plus de deux heures pour départager 12 candidats, en choisir six et les classer par ordre décroissant. La reine Fabiola, dit-on, probablement lassée d'attendre, en avait oublié de revenir occuper sa loge, d'où 30 minutes d'attente supplémentaire.» Et, finalement, «la présidente du jury a stoïquement rempli sa mission en appelant un par un les six lauréats qui, tradition oblige, on dit même "protocole", devaient serrer la main de chacun de ses juges, saluer le public puis prendre place derrière le jury avec un bouquet de fleurs offert par le Comité exécutif du concours. Marie-Nicole Lemieux, dit-on, a fait voler en éclats toutes les rigidités du vieux monde en sautant au cou de ceux qui l'avaient nommée, après avoir reçu ses fleurs du lauréat 1996.» Et on conclut en disant: «Premier prix mérité et suracclamée par le public: l'émotion, la maîtrise, l'artiste, la plénitude.»

M. le Président, de retour au pays à la mi-juillet, Marie-Nicole Lemieux recevra le prix Joseph-Rouleau des Jeunesses musicales du Canada lors du dîner-concert de la Fondation Jeunesses musicales du Canada, le 29 juillet prochain, à Dunham, dans les Cantons-de-l'Est, comté de Brome-Missisquoi. D'ici là, Mme Lemieux participera au gala de clôture du concours musical international Reine Elisabeth, le 8 juin, au Palais des beaux-arts, à Bruxelles.

M. le Président, le succès remporté par Marie-Nicole Lemieux vient démontrer encore une fois, s'il était besoin de le faire, la qualité des chanteurs de chez nous et l'urgence de convaincre nos institutions musicales, que ce soient nos maisons d'opéra ou nos orchestres symphoniques, de l'intérêt de retenir les services de nos chanteurs d'ici plutôt que d'encourager systématiquement, comme elles le font présentement, pour les rôles principaux des chanteurs étrangers et surtout des chanteurs américains. Tant que nos institutions musicales n'auront pas compris que nous avons ici de grands talents qui ne demandent qu'à se faire connaître et à se faire apprécier, nos chanteurs, surtout les jeunes, devront continuer à aller se faire connaître et apprécier à l'étranger.

(11 h 50)

M. le Président, je terminerai en disant que je suis heureux que cette Assemblée ait accepté de souligner ce récent exploit accompli par Marie-Nicole Lemieux, soit le Grand Prix du concours musical international Reine Elisabeth de Belgique. Au nom de nos concitoyens qu'elle représente si bien ici et à l'étranger, souhaitons à cette jeune artiste lyrique, dont la carrière s'annonce des plus prometteuses, nos plus sincères félicitations. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laporte, et je vais céder la parole à M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je voudrais appuyer sans réserve l'intervention du député, puisque c'est une nouvelle magnifique, celle qui est tombée sur les fils de presse en fin de semaine nous annonçant que cette jeune fille, cette jeune Québécoise, a raflé tous les honneurs à ce très grand et très important concours international. C'est toujours très émouvant de voir le talent naître et s'affirmer. Ça l'est d'autant plus chez une jeune de 24 ans qui, très certainement, vient d'un seul coup d'entrer dans une grande carrière internationale.

Il faut dire, M. le Président, que le Québec n'est pas avare de talents musicaux, que de tout temps, et je dirais plus que jamais, nous voyons foisonner au Québec ces chanteurs et ces chanteuses avec des voix magnifiques, expressives, sensibles, mais qui ont besoin d'appui, qui ont besoin de formation et qui ont besoin d'un soutien pour cette étape de transition entre la fin des études et l'amorce de la véritable carrière.

Marie-Nicole Lemieux, M. le Président, fait honneur à cette grande tradition québécoise. Je voudrais que nous lui transmettions tous nos félicitations les mieux senties en lui disant combien nous sommes fiers d'elle. En ce qui me concerne, je ne suis pas moins fier, du fait qu'elle soit originaire de ma région, qu'elle soit née à Dolbeau-Mistassini, au Lac-Saint-Jean, qu'elle ait étudié au Saguenay, à Chicoutimi, au Conservatoire. Et je pense que c'est un grand sujet d'encouragement pour tous ces conservatoires de région que nous avons, qui oeuvrent difficilement, avec des gens très dévoués, des professeurs remarquables, et qui ont permis en particulier à ce jeune talent d'éclore et d'amorcer cette grande carrière qui manifestement sera la sienne.

J'écoutais tout à l'heure le député, qui est aussi président des Jeunesses musicales du Canada, nous décrire avec une éloquence que je ne saurais avoir, puisqu'il est un connaisseur de la musique, et de la musique vocale en particulier, reconnu, et je dois dire, M. le Président, que, quand on entend la liste des membres du jury, on voit que là on est dans le sérieux. Quand on parle de Joan Sutherland, quand on parle de ce magnifique baryton, José Van Dam, on voit qu'on a assisté, là, maintenant à la naissance d'une très, très grande chanteuse.

Je voudrais en profiter, M. le Président, pour dire que nous ne ferons jamais trop pour ces jeunes artistes. Et je voudrais saluer la contribution des Jeunesses musicales du Canada qui, depuis maintenant plus de 50 ans, permettent à des musiciens, des musiciennes, des chanteurs, des chanteuses, instrumentistes et autres de faire le tour des écoles du Québec et des salles de spectacle québécoises, en région aussi en particulier, et de faire découvrir la musique sous toutes ses formes aux jeunes. Et je suis l'un de ces jeunes, moi, dans mon école, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, alors qu'on n'avait pas de concert, qu'on n'avait pas accès à la musique, qu'on n'avait pas accès à la musique lyrique autrement que par les disques, qui a profité des travaux et de l'oeuvre magnifique des Jeunesses musicales du Canada.

Je voudrais féliciter le député que je ne peux pas nommer, j'aimerais pouvoir nommer son nom, M. le Président, en cette Chambre, du travail magnifique qu'il fait avec une équipe, et en particulier Joseph Rouleau. Joseph Rouleau, c'est un exemple extraordinaire. C'est quelqu'un qui a fait une carrière magnifique, qui a chanté toute sa vie sur les plus grandes scènes d'opéra, qui était un chanteur régulier au Covent Garden et qui a endisqué des plus grandes oeuvres, des voix de basse du plus grand répertoire, et qui à la fin de sa carrière est rentré à Montréal, s'est mis à enseigner aux jeunes, qui, aux côtés d'une équipe remarquable, a donné une impulsion extraordinaire à Jeunesses musicales du Canada, qui transmet sa maîtrise, sa passion et qui, je crois, fait beaucoup pour perpétuer cette grande tradition québécoise de contribution à la musique.

Alors, je voudrais, M. le Président, réitérer les propos que je viens de dire en souhaitant, moi aussi, que nous donnions sur nos scènes, y compris nos scènes lyriques, autant de chances que possible à nos jeunes chanteurs, aux jeunes chanteuses innombrables et très talentueux pour qu'ils puissent également faire leurs premiers pas sur la scène internationale par la suite.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le premier ministre. Cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.


Féliciter l'Océanic de Rimouski, champion de la coupe Memorial de hockey junior

Alors, nous allons revenir à la motion de Mme la députée de Rimouski. Je crois que nous allons procéder avec un intervenant de chaque côté pour cette motion. Je cède la parole à Mme la députée de Rimouski.


Mme Solange Charest

Mme Charest: Merci, M. le Président. Je ne saurais laisser passer une occasion comme celle-ci, qui m'est donnée, de souligner jusqu'à quel point l'équipe de hockey l'Océanic a su performer tout au long de la saison, et c'est ce qui l'a conduite à cette victoire merveilleuse de la coupe Memorial.

Vous savez, l'Océanic de Rimouski, c'est une équipe avant tout, c'est une équipe formée de jeunes qui croient en leur passion et qui, jour après jour, tout au long de la saison, ont su se surpasser et se dépasser. Je pense que cette victoire, ils la partagent avec tous les citoyens et toutes les citoyennes non seulement de Rimouski, de la grande région du Bas-Saint-Laurent, mais de l'ensemble du Québec.

Je voudrais souligner que ces jeunes ont démontré non seulement de la persévérance et de la ténacité, mais également un savoir-faire extraordinaire, et que cette victoire qu'ils ont remportée est un reflet, je pense, de l'encadrement que les responsables de l'équipe ont su leur donner tout au long de la saison. Parce que les joueurs de l'Océanic sont reconnus aussi comme des jeunes ayant une façon de faire vraiment extraordinaire, un fair-play et un comportement irréprochables, que ce soit sur la patinoire ou à l'extérieur de la patinoire. Et je dois dire aussi que les joueurs de hockey ont pu bénéficier tout au long de la saison d'un support vraiment extraordinaire de la part de la direction et des professeurs du collège de Rimouski, qui s'assurent que les joueurs, de par leurs nombreux déplacements, n'entravent pas, d'aucune façon, leurs résultats scolaires. Et je suis à même d'affirmer aujourd'hui, M. le Président, que les joueurs de hockey de l'Océanic non seulement performent sur la patinoire de glace, mais performent également sur la patinoire scolaire, ils réussissent à bien jouer à la fois leurs études et leur hockey.

Je voudrais aussi souligner que l'équipe de hockey l'Océanic est un plus pour Rimouski et la grande région non seulement en termes de reconnaissance, mais également en termes économiques. Depuis que l'équipe de hockey l'Océanic est à Rimouski, c'est des millions de dollars de plus qui sont dans les coffres de l'économie locale et régionale, et ça, je pense que c'est tout à l'honneur des partisans qui supportent, joute de hockey après joute de hockey, l'équipe l'Océanic.

Je voudrais également souligner de façon particulière le travail d'un jeune joueur, de Caron – hein, on l'appelle comme ça chez nous – Caron qui est le gardien de but, qui vient de la Vallée-de-la- Matapédia, donc du comté de Matapédia, et tout cela, pour non seulement souligner sa grande maîtrise de lui-même malgré son jeune âge, sa grande maîtrise des techniques de gardien de but, mais également souligner que l'équipe de hockey l'Océanic de Rimouski est une affaire de région également et qu'il y a des joueurs d'un peu partout, à la grandeur de la région du Bas-Saint-Laurent, qui sont au sein de l'équipe.

Je voudrais également remercier de façon particulière le conseil municipal de la ville de Rimouski qui a su recevoir correctement et de façon tout à fait appropriée cette équipe de hockey au sein de nos activités municipales. Et je pense que l'utilisation du Colisée de Rimouski, qui n'a pas toujours été ce que l'on connaît aujourd'hui, est un bel exemple que, dans le partenariat et la collaboration, on réussit à faire des choses pour notre milieu. Et je pense que l'Océanic, c'est tout cela, M. le Président.

(12 heures)

Je ne m'attarderai pas aujourd'hui sur leurs performances de hockey, parce que, ça, tout le monde les connaît, et je ne voudrais pas les répéter. Je voudrais aussi peut-être souligner une anecdote, c'est que parfois on confond Rimouski avec Chicoutimi. Vous savez, on est de chaque côté du fleuve, et souvent les gens s'imaginent que Chicoutimi, c'est du côté sud et que Rimouski est du côté nord. Alors, maintenant, je pense qu'avec la publicité que les Océanic font à la ville de Rimouski il n'y aura plus possibilité de faire de la confusion et que l'on saura très bien que Rimouski est située à mi-chemin entre Montréal et Gaspé, à six heures de route de Montréal et à six heures de route de Gaspé, et sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent. Alors, je pense, ne serait-ce que pour cela, que ça sera déjà un autre plus pour nous.

Alors, en terminant, M. le Président, je ne voudrais pas m'étendre plus longtemps sur le sujet, je redis, au nom de toute la population de Rimouski et au nom de toute la région du Bas-Saint-Laurent, aux joueurs et aux administrateurs de l'équipe l'Océanic jusqu'à quel point nous sommes fiers de notre équipe de hockey locale et jusqu'à quel point nous apprécions leurs performances sur la glace et ailleurs dans leur quotidien. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Rimouski. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Anjou. M. le député.


M. Jean-Sébastien Lamoureux

M. Lamoureux: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir, au nom de notre formation politique, de me joindre à la motion de la députée de Rimouski qui, je pense, traduisait bien la fierté des gens de son coin de voir le club l'Océanic de Rimouski remporter en fin de semaine la coupe Memorial. On se souviendra que, pour environ, je pense, c'était quatre ans, tout le monde, tout le milieu sportif au niveau du hockey junior majeur rappelait à quel point le Québec, malgré le fait qu'il envoyait à chaque année des équipes de grand talent, on était incapable de remporter la coupe Memorial. Eh bien, M. le Président, en fin de semaine, avec le gain de l'Océanic, ça porte, au cours des quatre dernières années, une troisième conquête de la coupe Memorial, conquête qui, dans le fond, concrétise les heures et les heures d'efforts de tous les nombreux bénévoles au niveau du hockey mineur, les parents qui supportent leurs enfants.

Mais, pour revenir au cas plus précis de l'Océanic de Rimouski, je pense que, à entendre la députée de Rimouski, on voit bien que c'est une question de coeur dans la région... Et, le support que la ville et que les citoyens et citoyennes ont apporté à ces jeunes qui varient de 15, 16, 17, 18, 19 et 20 ans, des jeunes qui dans bien des cas se sont éloignés du milieu familial pour poursuivre une passion, une passion qui les amène à jouer au hockey, et dans la totalité de ces cas-là également poursuivent leurs études... Bien, je pense qu'il faut leur lever notre chapeau et les féliciter, les féliciter pour leur discipline, leur engagement à poursuivre leur rêve, mais également à poursuivre leurs études.

Profiter également de l'occasion, M. le Président, pour féliciter les propriétaires et les dirigeants de l'Océanic de Rimouski qui au cours des années ont réussi à encadrer ces jeunes-là, à leur faire vivre une expérience unique, une expérience qui, j'en suis convaincu... s'il y en a qui sont chanceux, qui poursuivent leur carrière au niveau professionnel, évidemment en retireront un bagage, mais également tous ces autres jeunes qui vivent une expérience extraordinaire, une expérience de vie, une expérience où tous et chacun s'appuient sur l'autre pour atteindre un but commun, et c'est ça, je pense, l'essence même du travail d'équipe. Eh bien, ces jeunes-là auront vécu quelque chose d'extraordinaire en participant au tournoi de la coupe Memorial.

Il faudrait également ne pas oublier, dans toutes ces félicitations-là, les parents, les parents qui – comme députés, on est à même souvent de le constater – participent à d'innombrables tournois de hockey, vont reconduire leurs enfants dans des pratiques quand ils sont jeunes, les joutes de hockey, les appuient financièrement. Bien, ces parents-là qui ont vécu avec leurs jeunes leur rêve, qui ont été à la coupe Memorial, je pense qu'on se doit aujourd'hui de les féliciter et puis de les remercier. Je pense que ce qu'ils ont apporté à leurs enfants, c'est quelque chose d'excessivement important, et leurs enfants, j'en suis convaincu, leur en seront éternellement reconnaissants.

Il ne faudrait pas non plus passer sous silence le fait qu'on est passé très près d'avoir deux équipes du Québec en finale, deux équipes de la ligue de hockey junior majeur du Québec en finale. Je pense que c'est là une illustration de l'engagement que la ligue de hockey junior majeur du Québec a envers ces jeunes et à faire en sorte que nos équipes soient de plus en plus compétitives.

On mentionnait tout à l'heure, la députée de Rimouski disait que certaines personnes croyaient, erronément, que la ville de Rimouski était au nord du fleuve. Je pense que c'est un processus qui a été amorcé depuis quelque temps avec la présence de Vincent Lecavalier, qui est certainement un des plus beaux talents que le Québec a produits au cours des dernière années. Je pense que Rimouski avait connu une grande campagne de publicité. Rimouski est peut-être même connue de plus en plus à Tampa Bay. Je pense que c'était le premier exemple de ce que l'Océanic de Rimouski peut apporter.

Il y a beaucoup d'autres jeunes joueurs qui au cours des prochaines années, souhaitons-le, pourront faire rayonner la ville de Rimouski à travers la Ligne nationale, mais également le Québec et le talent qui se développe au niveau de la Ligue de hockey junior majeur du Québec. On l'a mentionné tout à l'heure, il y a des jeunes joueurs extraordinaires: le gardien de but Sébastien Caron, qui a d'ailleurs été choisi le gardien de but par excellence du tournoi, et Brad Richards, le capitaine de l'Océanic, qui a été choisi également le meilleur joueur junior au pays. On lui souhaitera bonne chance, lui qui est en négociation pour son premier contrat professionnel.

Donc, M. le Président, c'est le genre de victoires qui, je pense, rejaillissent sur l'ensemble du Québec. Évidemment, c'est un grand moment pour Rimouski; ils en profitent. On est très heureux, on souhaite que Rimouski puisse également répéter l'année prochaine – ils ont de bons jeunes joueurs. Il y a un fait, je pense, qu'il est important de souligner, c'est que l'Océanic de Rimouski a réussi cette année à offrir des performances extraordinaires dès le début de la saison, et ce, avec des joueurs à l'intérieur même de l'organisation, des joueurs qu'ils ont pris sous leur aile, qu'ils ont développés, qu'ils ont encadrés. Il n'y a pas eu de transaction spectaculaire comme on a été habitué de le faire. C'est des jeunes qui, du début jusqu'à la fin, se sont serré les coudes, ont agi en équipe, se sont fixé un but commun, ont travaillé d'arrache-pied tout au long de l'année, et ils se voient récompensés en fin de semaine en remportant la coupe Memorial.

Donc, je souhaite, M. le Président, que la ville de Rimouski fête avec le plus grand brio ses champions. Je pense qu'on en a eu l'exemple au cours des derniers jours, ils sont capables de le faire. On en profite pour leur dire que non seulement la ville de Rimouski, mais l'ensemble des Québécois et des Québécoises sont heureux, sont fiers d'eux, leur souhaitent bonne chance dans tous les projets qu'ils entreprendront. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Anjou. Je vais céder la parole à M. le député de Rivière-du-Loup, pas très loin de Rimouski, pour ceux qui suivent la géographie.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Pas trop loin. Merci, M. le Président. C'était une fierté pour tout le Québec en fin de semaine que l'Océanic de Rimouski nous ramène au Québec la coupe Memorial. Fierté pour tout le Québec, fierté particulière évidemment pour le Bas-Saint-Laurent, qui n'avait pas d'équipe de la Ligue de hockey junior majeur du Québec jusqu'à il y a quelques années et qui maintenant a l'Océanic de Rimouski qui finalement faisait rejaillir par sa victoire sur toute la région de l'Est du Québec cette fierté.

C'est d'autant plus une fierté que c'est une équipe qui a été construite récemment, construite dans les dernières années, et qui, en relativement peu de temps – ce n'est pas ce qu'on pourrait appeler une dynastie – en quelques années est passée d'une fondation au plus haut sommet. Je pense que c'est une fierté supplémentaire pour l'équipe de dirigeants qui est là et qui est parvenue à franchir ce chemin magnifique en un temps extrêmement restreint.

Un bravo évidemment à l'équipe d'entraîneurs, aux joueurs qui ont mené à bien, cette saison, les séries éliminatoires jusqu'à la coupe Memorial et qui ont, dans le cas, on pourrait dire, des séries éliminatoires et de la coupe Memorial en particulier, un parcours presque sans faute, donc qui n'ont cumulé, dans le cas de la coupe Memorial, que des victoires.

Au nom de notre formation politique, aux joueurs, aux entraîneurs, aux parents, à ceux qui ont assuré l'encadrement pour que ces jeunes-là aient une saison finalement avec une vie – ça a été mentionné – équilibrée, où les performances sportives incroyables n'ont pas terni la qualité des rendements scolaires, à ceux qui ont permis ça, un immense bravo. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Rivière-du-Loup. Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Nous allons passer maintenant aux avis... Ah! vous avez d'autres motions sans préavis? Ah bon! C'est très bien. Alors, je vous cède la parole, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'économie et du travail procède à des consultations générales relativement au projet de loi n° 136, Loi modifiant la Loi sur les forêts et d'autres dispositions législatives, en prenant notamment comme outils de référence les documents intitulés Mise à jour du régime forestier - Document d'information ...

(12 h 10)

Une voix: C'est fait.


Procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 135

M. Boisclair: Alors, M. le Président, cette motion est faite, je vais passer à la seconde.

Alors, M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des transports et de l'environnement procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur les transports, le mardi 6 juin 2000, et, à cette fin, qu'elle entende les organismes suivants:

«Le mardi 6 juin 2000, de 11 heures à 11 h 30, les remarques préliminaires du gouvernement suivies de celles de l'opposition; de 11 h 30 à 12 h 15, l'Association des industries forestières du Québec conjointement avec l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec; de 12 h 15 à 13 heures, l'Association canadienne du transport industriel...»

M. le Président, est-ce qu'on me dispenserait de lire l'ensemble de l'horaire? Je pense que vous êtes informé de...

M. Paradis: S'il y a dépôt, M. le Président.

M. Boisclair: Il y aura dépôt de la motion. Et puis il est prévu:

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 15 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 15 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 30 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Et finalement, que le ministre des Transports soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est-elle adoptée? Adopté. Est-ce qu'il y a d'autres motions avant les avis?


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous allons procéder maintenant aux avis sur les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des institutions entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, ainsi que de 15 heures à 18 heures; et, de 20 heures à 24 heures, la commission terminera l'étude détaillée du projet de loi n° 86, Loi sur la police, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'aménagement du territoire poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 110, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures; et, de 15 heures à 17 h 30, ainsi que de 20 heures à 24 heures, la commission poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Et finalement, que la commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 94, Loi sur l'administration financière, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ceci complète les avis sur les travaux des commissions.


Avis de sanction

Nous serions rendus aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, je vous avise qu'il y aura sanction de plusieurs projets de loi au cabinet de Son Excellence le lieutenant-gouverneur aujourd'hui, à 16 heures.


Affaires du jour

Ceci met fin aux affaires courantes, et j'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer l'ordre des affaires du jour.

M. Boisclair: Aux affaires du jour, M. le Président, l'article 9 du feuilleton.


Projet de loi n° 116


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 9, l'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives. M. le député de Verdun avait terminé son intervention. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, M. le député d'Outremont. M. le député.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: Merci, M. le Président. Avant de faire état des motifs de notre opposition au projet de loi n° 116, il serait utile de communiquer clairement aux personnes qui nous écoutent, parce qu'on a tout de même eu la fin de semaine entre la poursuite du débat d'aujourd'hui et celui de la semaine dernière, donc de communiquer clairement aux personnes qui nous écoutent à quoi nous nous opposons au juste.

Le projet de loi n° 116 propose d'éliminer le droit de regard de la Régie de l'énergie sur les coûts de production d'Hydro-Québec, ce qui représente, soit dit en passant, plus de la moitié de l'actif de la société d'État. On n'enlève pas à une régie un droit de regard sur une opération financière mineure; au contraire, on lui enlève un droit de regard sur l'opération financière majeure d'Hydro-Québec.

Le gouvernement fixe le prix de vente à 0,0279 $ le kilowattheure, et la Régie n'a rien à dire au sujet de cette décision. La décision est donc laissée à la discrétion d'Hydro-Québec et éventuellement à la discrétion du gouvernement, puisque, une fois retiré à la Régie le mandat que lui avait donné la loi, c'est finalement le gouvernement qui, dans son pouvoir discrétionnaire, aura toute autorité finale sur la décision qui sera prise.

La décision, M. le Président, n'est pas banale, parce que les coûts de production d'Hydro-Québec sont à la baisse, et vont continuer de l'être, et que par conséquent le prix de vente devrait baisser, mais le gouvernement décide de le geler au niveau que j'ai mentionné plus haut. Pour les personnes qui nous écoutent, il faut parler simplement, c'est-à-dire que tous ces grands développements hydroélectriques nous ont coûté très cher, mais avec le temps ils se rentabilisent et leurs coûts de fonctionnement diminuent. Donc, finalement, la marge de profit d'Hydro-Québec, compte tenu de son coût de production et de la décision de geler le coût de vente à 0,0279 $ du kilowattheure, va aller en augmentant.

Or, et c'est très clair, ça, ici, M. le Président, Hydro-Québec, originellement, en tout cas, à ma connaissance, c'est un service public. Ce n'est pas une entreprise capitaliste qui vise à maximiser de l'accumulation financière, de l'accumulation de capital, mais c'est ce vers quoi on s'en va, M. le Président, avec ce type de projet de loi. Donc, vous et moi et les personnes qui nous écoutent serions justifiés d'anticiper une baisse de notre facture d'électricité au cours des prochaines années, mais le gouvernement vient de nous dire non. Le prix est gelé et, comme on dit, «that's it, that's all».

On a finalement un service public qui s'était donné originellement pour mission de fournir aux consommateurs soit individuels ou soit corporatifs l'électricité au plus bas coût possible, qui aura dans l'avenir toute la marge de manoeuvre pour fournir cette électricité non plus au plus bas coût possible, mais au coût qui lui permettra de maintenir sa rentabilité au niveau où elle est actuellement, en ce qui concerne la production d'électricité. Et les données indiquent que, en ce qui concerne la production de l'électricité, Hydro-Québec est une entreprise extrêmement rentable. Le taux de rentabilité annuel – je ne sais pas exactement s'il y a des estimés variables – ça se situe autour de 25 %, 28 %, donc c'est considérable, ça, un rendement sur l'actif de 25 % par année. Ceux qui connaissent quoi que ce soit à la finance en conviendront facilement avec moi.

Donc, pourquoi sommes-nous contre le projet de loi n° 116, M. le Président? Pour trois raisons. Premièrement, parce que, à l'exception du ministre des Ressources naturelles, des dirigeants d'Hydro-Québec et de leur patron, le premier ministre du Québec, tout le monde, je dis bien tout le monde, est contre le projet de loi n° 116: les associations de consommateurs, les écologistes, les environnementalistes, les clients du service résidentiel d'Hydro, les petits producteurs privés et industriels, et j'ajoute, M. le Président, les militants du Parti québécois qui, par l'entremise de leur Comité national sur l'environnement et le développement durable, se sont prononcés contre le projet de loi n° 116, demandant au gouvernement de le retirer. Ça fait beaucoup de monde, et nous pouvons affirmer que s'opposer au projet de loi n° 116, c'est en quelque sorte faire alliance avec le sens commun et presque le bon sens. On ne peut pas tout de même supposer que le ministre soit le seul à avoir raison, compte tenu de ce concert d'oppositions au projet de loi n° 116.

(12 h 20)

Deuxièmement, M. le Président, nous nous opposons au projet de loi n° 116 parce qu'avec ce projet le gouvernement met la hache dans une politique énergétique et de développement durable votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale durant la session d'automne de 1996, après – et j'insiste là-dessus – un long processus de discussions publiques sur le bien-fondé de conférer à la Régie de l'énergie une autorité d'examen et de décision sur les tarifs d'Hydro-Québec. En d'autres mots, M. le Président, la Régie de l'énergie, c'est un organisme composé de personnes nommées par le gouvernement et qualifiées pour pouvoir évaluer les décisions d'Hydro-Québec, et qui évalue ces décisions d'Hydro-Québec en tenant compte de ce qu'on peut appeler l'intérêt commun, l'intérêt général. Il s'agit là, donc, d'une autorité qui a pour mission fondamentale de nous protéger, nous, les citoyens et citoyennes, de ce que pourraient être des décisions abusives de la part d'une grande société d'État toute puissante et extrêmement – comment dirais-je? – capitalisée d'expertise intellectuelle.

Il faut participer aux commissions politiques dans lesquelles parade Hydro-Québec pour savoir que ce n'est pas une machine à expertise ordinaire, ça. Donc, ces gens-là savent comment s'y prendre pour trouver des justificatifs rationnels convaincants pour leurs prises de décision. Et la Régie était là pour faire ce qu'on appelle en américain du «countervailing power», donc une façon pour nous, les citoyens, de nous assurer qu'il y a là un équilibre entre l'intérêt d'une entreprise d'État qui est un service public, mais aussi une entreprise capitaliste, n'est-ce pas, une entreprise qui vise à l'accumulation du capital, à l'augmentation de son actif, à l'atteinte d'une rentabilité financière optimale, et le grand public, l'intérêt public. Maintenant que le projet de loi n° 116 est présenté devant l'Assemblée nationale pour être éventuellement adopté, le protecteur, la protection, la protection réglementaire sur laquelle on pouvait espérer compter en ce qui concerne la fixation des tarifs d'Hydro-Québec de vente d'électricité, eh bien, cette protection, elle vient d'être éliminée, à toutes fins pratiques.

Des gens l'ont dit, dans les éditoriaux qui ont été faits dans les journaux, il s'agit d'une décision extrêmement grave qui remet en question, si on veut, le contrat social qu'Hydro-Québec avait conclu avec la citoyenneté québécoise depuis les débuts de la Révolution tranquille. Et, compte tenu qu'Hydro-Québec est un service public et non pas une entreprise capitaliste standard, nous sommes évidemment, comme je l'ai mentionné tantôt, dans une situation où nous ne pouvons plus compter sur des protections contre des abus éventuels. Et la Société est donc maintenant en mesure de maximiser ses rendements, ses profits et surtout, j'y reviendrai tantôt, d'augmenter l'encaisse du gouvernement. Parce que là, il y a un enjeu tout à fait exceptionnel en ce qui concerne le gouvernement et l'État du Québec, parce que, comme tout le monde le sait, on se trouve devant un gouvernement qui manque totalement de marge de manoeuvre financière – on y reviendra tantôt, M. le Président.

Jeudi dernier, j'entendais le ministre des Ressources naturelles déclarer de façon péremptoire que cette loi n° 116 n'était à toutes fins pratiques qu'une révision de la loi actuelle et que, disait-il, s'il fallait s'opposer à toutes les tentatives ou à toutes les pratiques de révision législative dont est saisie cette Assemblée, M. le Président, eh bien, il faudrait probablement en diminuer les trois quarts des travaux. Soit, M. le Président. Mais, dans le cas qui nous intéresse, nous ne sommes pas en présence de la révision d'une loi, nous sommes en présence d'un abandon pur et simple des principes, des objectifs et des priorités de la politique adoptée en 1996 par l'actuel gouvernement et parrainée par l'ancien ministre de l'Énergie, le député de Joliette.

Le gouvernement n'est pas en train de réviser le rôle de la Régie de l'énergie, il est en train de mettre la hache dans une politique qu'il avait lui-même fait adopter et d'arracher les dents de la Régie, de l'édenter, comme disait l'un des éditorialistes des journaux de la semaine dernière, sans lui fournir un dentier, parce que, à l'avenir, Hydro-Québec contrôlera totalement ses décisions de tarification. Parce que ce n'est pas le gouvernement qui va s'objecter à ce que le prix de vente de l'électricité d'Hydro-Québec l'enrichisse et enrichisse son encaisse. Donc, on se trouve dans une situation où, je le répète, Hydro-Québec jouit maintenant d'une autonomie de décision qui est beaucoup plus importante que ce dont elle disposait antérieurement.

Et je pense que nous sommes justifiés de nous interroger sur le bien-fondé de cet accroissement de discrétion, de pouvoirs discrétionnaires d'Hydro, compte tenu du fait que finalement la mission d'Hydro est celle d'un service public et que l'objectif primordial, ce n'est pas d'accumuler du capital, mais de fournir des services au public québécois au coût le plus bas possible. On sait – les gens l'ont montré dans les analyses qui ont été faites du sujet – que ces coûts, ces prix de vente qui sont pour nous un coût à payer en matière d'électricité, pourraient être baissés compte tenu de la baisse du coût de production d'Hydro-Québec.

Troisièmement, le projet de loi n° 116, M. le Président, on a dit que c'était une arnaque. Mais c'est beaucoup plus qu'une arnaque, c'est une tromperie. Dans une arnaque, il y a toujours, comme disent les Américains, une des parties qui joue le rôle de ce qu'on appelle le «con man».Il y a toujours quelqu'un qui se fait embarquer et qui se fait déjouer et qui se fait finalement, comme on dit en termes populaires, fourrer, si vous voulez. Mais, dans le cas d'une tromperie, c'est pire, parce que ce n'est pas seulement quelqu'un qui se fait déjouer dans ses calculs et dans ses anticipations, dans une tromperie, il y a un parti – des acteurs – qui est pris pour un imbécile. Et, dans ce cas-là, eh bien, c'est vous et moi, M. le Président, et les gens qui nous regardent. Cette loi présume que nous sommes des imbéciles et que nous n'avons pas la capacité de nous interroger sur les décisions qui sont prises maintenant, qu'il n'y aura pas de débat public sur ces décisions-là et que finalement la meilleure décision est celle qui est prise par le grand-papa, le papa qui, lui, connaît beaucoup mieux que nous ce qui est souhaitable. C'est évidemment, en surface, Hydro-Québec, mais, en profondeur, ce que c'est, c'est le premier ministre et finalement le Conseil des ministres qui a accepté la décision en question.

(12 h 30)

Ce projet de loi, M. le Président, cache les véritables intentions du gouvernement. Le blabla du ministre des Ressources naturelles ne trompe personne, l'intention vraie du projet de loi n° 116 est de créer une marge de manoeuvre financière à l'usage d'un gouvernement qui n'en possède plus. Compte tenu du fardeau fiscal insupportable auquel sont assujettis les contribuables du Québec, il est devenu, je dirais, politiquement impossible pour l'actuel gouvernement de poursuivre à la fois les deux objectifs qui sont au coeur de son style de gouvernement: d'une part, un interventionnisme de plus en plus agressif, une pratique de plus en plus agressive de l'État subventionnaire – on le voit dans la création, sur laquelle d'ailleurs certaines personnes compétentes s'interrogent, de la Cité électronique, du ministre des Finances – donc un gouvernement qui est de plus en plus agressif en subventionnant largement, à coups de milliards de dollars, des grands projets, et, d'autre part, le besoin ressenti et justement ressenti de baisser les impôts, c'est-à-dire de répondre aux attentes des contribuables pour une baisse d'impôts.

M. le Président, le problème du fardeau fiscal du Québec est à ce point cuisant que je lisais dernièrement un article paru dans une revue dans laquelle il était cité, il était montré que, alors que le revenu moyen annuel du contribuable québécois depuis 10 ans a augmenté de 6 %, la partie du revenu payée en impôts par le même contribuable depuis 10 ans, elle, a augmenté de 6,7 %. Donc, lorsque des gens viennent nous dire que nous sommes des Américains de langue française, je pense qu'ils nous racontent des histoires, parce que, s'il fallait que nous soyons des Américains de langue française, M. le Président, compte tenu du fardeau fiscal, il y a longtemps qu'il y aurait des gens dans les rues et qu'on se retrouverait devant une révolution, une révolte fiscale. Les Américains n'accepteraient jamais un fardeau fiscal aussi lourd, aussi accablant et même aussi oppressif que celui que nous acceptons.

Évidemment, le gouvernement, avec sa politique très agressive d'atteinte du déficit zéro, a appris un message très important, M. le Président. Il a appris le message que nous sommes capables d'endurer et que nous sommes capables d'endurer silencieusement et longtemps. Et voilà que, dans ce contexte d'apprentissage de sa capacité de nous faire endurer, le gouvernement agit toujours de la même façon parce que, incapable de réduire le fardeau fiscal autrement que par des moyens que nous venons de décrire, eh bien, il nous arrache du même coup, il nous arrache sournoisement une contribution fiscale en faisant en sorte que ce qui pourrait être un prix de vente et un coût d'achat d'électricité inférieur restera au niveau où il est actuellement pour les quatre prochaines années ou les trois ou quatre prochaines années. Donc, un interventionnisme extrêmement agressif visant à construire, et je dirais à des fins politiques et même électorales, une ambiance plutôt artificielle de prospérité.

J'entendais le ministre tantôt, le ministre des Finances, qui citait d'abondance le Washington Post et le New York Times pour témoigner de la satisfaction des grands investisseurs étrangers de ses politiques de subventions agressives. Mais, évidemment, M. le Président, qui aurait le culot, je dirais, la non-intelligence de refuser comme ça des subventions que leur accorde l'État afin de faire qu'on participe à des projets comme ceux dont on parle? Dans Le Devoir de ce matin, il y a un article d'un professeur de l'Université de Montréal en urbanisme, qui montre que, si la Cité du multimédia peut être qualifiée d'une réussite, celle de la cité électronique pourrait peut-être... peut être qualifiée à son tour d'un, disons... résulter de décisions très dangereuses du point de vue de l'avenir immobilier de Montréal.

Donc, on subventionne agressivement des projets de développement, et, pour le faire, eh bien, M. le Président, il faut absolument qu'on se trouve des sources additionnelles de revenus. On ne peut pas les trouver à même les impôts...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député d'Outremont et je vais céder la parole maintenant à M. le député de Shefford. M. le député.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Je prends la parole sur le projet de loi n° 116, M. le Président, qui, essentiellement, est un projet de loi qui réduit les pouvoirs de la Régie de l'énergie. M. le Président, je veux faire un parallèle avec le dernier projet de loi concernant l'énergie, sur lequel je suis intervenu il n'y a pas si longtemps que ça. Et puis on peut faire des parallèles entre ces deux projets de loi. On se souviendra, M. le Président, que le projet de loi sur la ligne Hertel–des Cantons avait un peu un principe semblable, c'est-à-dire permettre au gouvernement ou permettre à Hydro-Québec d'imposer des volontés aux Québécois contre leur gré.

Le grand message que nous donne le gouvernement dans le projet de loi n° 116, comme il nous le donnait à l'époque sur le projet de loi Hertel–des Cantons, c'est: Vous, Québécois, ne vous mêlez pas de ça, on s'organise avec ça, et puis, en fin de compte, c'est le contraire de la transparence qu'on essaie d'inculquer dans toutes les lois qui ont rapport principalement à l'énergie, M. le Président.

M. le Président, on dit souvent: L'opposition est contre ci, est contre ça. Dans ce cas-là, il y a une unanimité contre le projet de loi, qui réduit les pouvoirs de la Régie de l'énergie, qui augmente les pouvoirs discrétionnaires d'Hydro-Québec. Je pense que M. Caillé a un pouvoir évident sur le gouvernement du Québec, et c'est sûrement un habile négociateur, puisque tout est négocié à l'avantage d'Hydro et non à l'avantage des citoyens du Québec.

Donc, M. le Président, comme je vous le disais il y a quelques instants, il y a unanimité, quasi-unanimité contre l'adoption d'un tel projet de loi. Souvent, comme je le disais tantôt, l'opposition s'oppose, il y a des groupes d'intérêts qui invitent le gouvernement à changer d'idée. Dans le cas qui nous occupe – et c'est très rare, ça – vendredi dernier, on recevait un communiqué du Parti québécois. Et là on est restés surpris, ce n'est pas tous les jours qu'un organisme qui est issu du parti qui est devenu le parti ministériel, le parti qui a le pouvoir à l'Assemblée nationale, et son propre parti, fait le message que son gouvernement, en fin de compte, va contre la politique adoptée par le Parti québécois et contre la volonté des gens qui militent dans ce parti-là.

Donc, M. le Président, juste pour vous donner quelques citations pour bien imager les propos de l'opposition, et surtout pour le bénéfice des gens qui nous écoutent à la maison, j'ai ici un communiqué de presse du Parti québécois, du Comité national sur l'environnement et le développement durable. Ce communiqué-là a été émis le 26 mai 2000 – c'est vendredi dernier, si je ne m'abuse – et est intitulé carrément Demande de retrait du projet de loi n° 116, qui réduit l'autorité de la Régie de l'énergie . Donc, comme on voit, même les militants de ce parti, du parti qui forme le pouvoir, sont contre le projet de loi n° 116, et c'est peu dire, M. le Président. Je vais juste vous citer quelques considérants et la conclusion pour bien imager les propos des militants du Parti québécois qui disent:

«Considérant que cette loi était demandée – parlant de la Loi sur la Régie de l'énergie – par la majorité des intervenants qui ont participé au débat sur l'énergie pour sortir la procédure d'examen du dossier de l'énergie électrique de la noirceur.»

Donc, M. le Président, dans ce premier considérant là – je fais appel à votre mémoire – vous vous rappellerez le député de Joliette qui, si on peut dire, faisait des cocoricos, se pétait les bretelles lorsqu'il nous a fait adopter le projet de loi créant la Régie de l'énergie. Aujourd'hui, on est devant un projet de loi qui, en fin de compte, coupe les ailes carrément à la Régie de l'énergie et en fait un organisme qui va être là pour tout simplement dire oui au gouvernement dans toutes les questions qu'on pourrait lui poser.

«Considérant que cette loi – toujours la citation du communiqué de presse du Parti québécois – issue de la politique énergétique du Québec a été approuvée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1996 – et là, M. le Président, on parle toujours de la loi qui a créé la Régie de l'énergie – il devient inopportun de présenter et de vouloir entériner le projet de loi n° 116, qui est contraire aux orientations de la politique énergétique et qui, de plus, dénature la mission de la Régie de l'énergie.»

Il continue: «On annonce maintenant les états généraux de la langue et un débat public sur l'organisation et le financement du système de santé. Doit-on déjà s'attendre que notre gouvernement trouve des moyens de contourner les orientations ou les résultats qui en découleront, comme on veut le faire dans le projet de loi n° 116, qui contourne la politique énergétique?»

Donc, M. le Président, ce n'est pas pour rien que je fais la citation de ce communiqué de presse là, imaginez-vous que même les militants du Parti québécois doutent de la sincérité du gouvernement et sont devant l'évidence que le gouvernement n'était pas sincère lorsqu'il a créé la Régie de l'énergie. Souvent, le gouvernement, son habitude, c'est de pelleter en avant. Là, on veut pelleter en avant dans le domaine de la santé, on veut pelleter en avant dans le domaine de la langue. Donc, je pense qu'il est établi que ce gouvernement est en perte de confiance, a perdu toute crédibilité dans le domaine de l'énergie.

(12 h 40)

Donc, M. le Président, on entend toutes sortes de propos. J'entendais le discours du ministre des Ressources naturelles, la semaine dernière, qui nous parlait des héritages. L'héritage de Jean Lesage, oui, nous en sommes fiers, M. le Président. On sait que chacun des partis, ici, qui a siégé à l'Assemblée nationale a laissé un héritage. On est très fier de l'héritage de Jean Lesage. On se souvient, entre autres, de la création d'Hydro-Québec.

Chaque parti qui a succédé... On se souvient que le parti de Robert Bourassa, le Parti libéral, lorsqu'on formait le gouvernement entre 1970 et 1976, on se souvient de la création de l'assurance maladie, par exemple. Si on revient à Jean Lesage, on peut aussi parler de l'éducation, de la Révolution tranquille en général. Même le gouvernement du Parti québécois de 1976 à 1984, on se souvient de quelques réalisations d'eux, M. le Président. On pense, par exemple, à l'assurance automobile, à la Commission de protection du territoire agricole.

Donc, M. le Président, chacun des partis laisse habituellement un héritage concret dont nous sommes fiers au Québec. Ce gouvernement-là, depuis 1994, va laisser un héritage, disons, un peu douteux à la province de Québec. Tout ce qu'on sait présentement, c'est qu'il va nous laisser un héritage... qu'il est en train de détruire présentement notre Hydro-Québec dont tous les Québécois étaient fiers. Au moins, on pouvait contrôler cette immense entreprise là. On sait aussi qu'ils sont en train de détruire le système de santé.

Donc, M. le Président, si j'étais en position des députés du Parti québécois, je me poserais des questions d'héritage. Moi, ce que je peux vous dire, c'est que je ne veux pas être couché sur le testament du gouvernement actuel. Présentement, il n'y a absolument rien à part un manque de transparence que l'on peut percevoir de ce gouvernement-là qui va donner aux Québécois un recul sans précédent.

Donc, on s'aperçoit que c'est une autre loi qui est commandée aussi par le ministre des Finances. Le ministre des Finances a passé des commandes. On se souviendra, dans la santé, on a coupé des milliards de dollars dans la santé. Le ministre des Finances voit aussi l'appât d'une masse monétaire importante d'Hydro-Québec. Donc, le message qu'il nous dit, c'est: Parfait, on va cacher les profits d'Hydro-Québec, on va s'en accaparer et, avec ces argents-là, plutôt que de donner des baisses dans les tarifs d'électricité, on va tout simplement... je vais tout simplement, moi, à titre de ministre des Finances – et je parle pour le ministre des Finances – administrer pour la population cet argent-là et on en prendra le crédit politique. Donc, c'est un peu une loi qui sert de tour de passe-passe.

M. le Président, j'étais là en 1996, vous aussi, et plusieurs de nos collègues, ici, se souviendront des discours à l'emporte-pièce du député de Joliette. Donc, je pense que le successeur du député de Joliette, aujourd'hui, met en pièces la loi, et on peut en venir à la conclusion qu'à ce moment-là c'était un écran de fumée, c'était pelleter en avant, sachant très bien que, lorsque était venu le temps de mettre en opération la Régie de l'énergie et qu'elle exerce certains pouvoirs, on lui enlève carrément les pouvoirs qui étaient nécessaires pour, en fin de compte, la surveillance, un mandat de surveillance adéquat d'Hydro-Québec.

M. le Président, il y a plusieurs, plusieurs éditorialistes qui en viennent aux mêmes conclusions. C'est pourquoi, M. le Président, j'aimerais vous en citer quelques-uns. Premièrement, j'ai ici une opinion de M. Jean-Jacques Samson, une opinion qui a paru dans Le Soleil le 19 mai dernier et qui est intitulée à juste titre Court-circuit . Donc, je vous en lis quelques passages, puisque j'ai récolté énormément d'opinions qui correspondent à l'opinion de l'opposition officielle.

Dans l'article en question, M. le Président, si je peux vous en citer quelques paragraphes seulement, M. Samson nous disait: «Le projet de loi n° 116 piloté par le ministre Jacques Brassard vise à exclure du regard de la Régie de l'énergie pour les fins de fixation des tarifs d'électricité les très rentables activités de production. Le projet de loi a été déposé à la dernière heure, le 12 mai, en vue de son adoption dans la précipitation – dans la précipitation, c'est de toute évidence, M. le Président – et le désordre qui caractérisent les fins de saisons parlementaires à l'Assemblée nationale, en juin et décembre. Les débats publics n'ont alors pas le temps de lever. C'est le premier court-circuit.»

Donc, M. le Président, je pense qu'il aurait été de bon aloi de faire des consultations auparavant avant d'y aller d'un projet de loi qui est si drastique et si dangereux pour la démocratie québécoise. Donc, le fait de déposer un tel projet de loi à la dernière minute concrétise tout simplement le fait que le gouvernement a quelque chose à cacher, il veut en passer une petite vite à la population.

M. le Président, M. Samson continue. Il dit: «Les clients d'Hydro-Québec, en somme l'ensemble des Québécois, ont supporté les coûts des équipements [...] d'Hydro, de la Manic à la baie James. Leur financement s'est répercuté sur la facture d'électricité. Maintenant qu'ils turbinent et turbineront toujours plus de profits fort convoités, le gouvernement veut s'approprier ceux-ci directement et laisser aux consommateurs les frais liés au transport et à la distribution, appelés à croître pour sécuriser le réseau, notamment par l'enfouissement des fils. C'est l'autre court-circuit.»

Donc, M. le Président, si on se reporte en arrière, on se rappellera la crise du verglas où il y a eu des dommages très considérables au réseau d'Hydro-Québec. Le message qu'on donne aux citoyens, s'il arrivait par exemple une catastrophe de tel genre, c'est que, d'un côté, on ferait payer la facture aux payeurs d'électricité puis, de l'autre côté, les profits, le gouvernement s'en mettrait plein les poches avec l'argent des factures que l'on paie, M. le Président.

Il continue un peu plus loin: «L'objectif gouvernemental est plutôt à forte saveur politique.» Ça, M. le Président, je pense que tout le monde est bien conscient de ça. Il continue: «D'abord, le président d'Hydro-Québec, André Caillé, qui disait très bien s'accommoder de la surveillance qu'exercerait la Régie de l'énergie, a plutôt tout fait pour que le navire amiral conserve son statut particulier d'État dans l'État, dirigé en vase clos avec le bureau du premier ministre.»

Donc, M. le Président, c'est tout simplement la confirmation de ce que l'on sait déjà depuis longtemps. Et, si on le sait déjà depuis longtemps, que c'est dirigé en vase clos, on se demande pourquoi on fait une entaille si importante à la démocratie pour permettre en fin de compte aux députés de l'Assemblée nationale, aux gens qui ont le pouvoir de regard, même à la population qui peut à certains égards avoir un mandat aussi de surveillance sur Hydro-Québec... Ce qu'on fait: on soutire la transparence que pourrait avoir un gouvernement éventuellement sur Hydro-Québec.

On se souviendra, M. le Président... Moi, j'étais dans la région où la crise du verglas était la plus forte. Je me souviens d'avoir chez nous M. Caillé et M. Bouchard. C'est très bien, sauf que, M. le Président, on dirait que depuis ce temps-là le phénomène qui s'est créé entre les deux fait en sorte qu'on dirige en catimini Hydro-Québec. Et là, M. le Président, c'est un danger, parce qu'on doit se rappeler que ce sont tous les Québécois et les Québécoises qui ont mis sur pied, par leurs deniers, cette industrie-là, ce fleuron québécois qui a été créé sous le gouvernement de Jean Lesage.

Je continue la citation de M. Samson: «M. Caillé a invoqué des raisons de concurrence pour cacher à la Régie les coûts réels de production d'électricité, et le gouvernement cautionne cette attitude avec la loi n° 116. La Régie de l'énergie s'est révélée tout à fait inutile pour contrer le yo-yo des prix de l'essence; le même gouvernement qui l'a créée en 1996 lui coupera l'autre bras, par la loi n° 116. Nous n'avons plus besoin de cette instance paravent qui n'aurait jamais dû voir le jour.»

Il continue, M. le Président: «Le tout-puissant ministre des Finances fera main basse – ici, je souligne "main basse" – sur les profits d'Hydro et pourra les utiliser, à son bon vouloir, en dépenses pour allouer des baisses d'impôts, plutôt qu'ils se traduisent en baisses de tarifs qui procureraient peu de crédits politiques.»

Donc, M. le Président, de toute évidence, c'est le crédit politique, c'est une manoeuvre politique que fait le gouvernement en déposant un projet de loi n° 116 comme ça, sans consultation et puis à la dernière minute. Ce n'est pas moi qui le dis, là, c'est M. Jean-Jacques Samson dans son éditorial du 19 mai de l'an 2000. Et il conclut: «Ce projet de loi aux conséquences majeures à long terme n'a aucun caractère d'urgence et est unanimement rejeté par les gens d'affaires et groupes de pression du secteur énergétique. Un gouvernement vertueux en reporterait l'adoption à l'automne pour permettre un véritable débat ouvert.»

M. le Président, je pense que la vertu n'est pas une des qualités de ce gouvernement. Il semble encore une fois que l'on va imposer, je dirais même – je m'inspire d'un autre titre de journal – un coup fourré à la population du Québec. En parlant de coup fourré, j'ai un autre éditorial ici du Devoir – il y a à peu près unanimité, je dirais même qu'il y a unanimité partout chez les chroniqueurs – j'ai ici un article de Jean-Robert Sansfaçon, qui s'intitule Coup fourré , et justement il y a deux paragraphes que j'ai soulignés, puis je pense que c'est important de les mettre en relation avec la situation que nous vivons ici, aujourd'hui, principalement dans l'étude de ce projet de loi là.

(12 h 50)

Donc, M. Jean-Robert Sansfaçon, le 15 mai – à peu près à la même époque que M. Samson – en venait à peu près aux mêmes conclusions. Et je cite le premier paragraphe, M. le Président: «Avant même que la Régie de l'énergie ne puisse prendre son envol, Québec lui coupe les ailes. En adoptant le projet de loi n° 116 présenté jeudi dernier par le ministre des Ressources naturelles, Jacques Brassard, l'Assemblée nationale privera la Régie de ses mandats les plus importants qui étaient de fixer un juste prix – et je souligne "un juste prix" – pour l'électricité et de décider des meilleurs moyens à prendre pour répondre à nos besoins en énergie dans le respect du développement durable.» Il continue en une simple phrase: «C'est un grand pas en arrière.» Donc, on recule de plus en plus avec ce gouvernement-là et principalement dans le domaine de l'énergie.

Donc, M. le Président, M. Sansfaçon continue un peu plus loin en disant: «Un des premiers "avis" remis à la demande du gouvernement en août 1998, la Régie précisait que pour remplir adéquatement les mandats qui lui étaient confiés par la loi, notamment celui de fixer les tarifs d'électricité, elle devait d'abord connaître en détail les coûts de production.» Donc, la Régie de l'énergie, pour être efficace – puis je vous répète que la Régie de l'énergie était là pour surveiller la très puissante société d'État qu'est Hydro-Québec – devait être au courant des coûts de production, et c'est ça qu'elle a demandé en 1998.

Nous sommes devant un projet de loi, M. le Président, qui fait en sorte que, justement, à l'avenir, Hydro-Québec n'aura pas à montrer ses coûts de production et en fin de compte les Québécois n'auront aucune espèce d'idée de quel sera l'ordre des profits d'Hydro-Québec; seul le ministre des Finances pourra s'en servir à des fins politiques essentiellement.

Donc, M. le Président, il continue: «...en détail les coûts de production, de transport et de distribution de cette électricité. Une logique implacable, prévisible, et qui pourtant heurtait de plein fouet la vision défendue par Hydro-Québec.» Donc, on voit dans ce dossier-là qui a gagné encore une fois: Hydro-Québec, qui est un État dans l'État et un État sur lequel le citoyen n'a plus maintenant ou n'aura plus aucun contrôle.

Donc, il continue dans le même paragraphe: «Après des mois d'attente, la réponse de cet avis de la Régie est venu jeudi dernier sous la forme d'amendements majeurs à la loi. Entre l'analyse de la Régie et les demandes d'Hydro-Québec, le gouvernement a tranché: Hydro a gagné!» Donc, encore une fois, Hydro-Québec a gagné. Au ministère des Ressources naturelles, on sait qu'Hydro-Québec, en fin de compte, on peut dire que c'est le réel ministère et que M. Caillé est probablement le vrai ministre de l'Énergie.

«La Régie ne pourra donc pas connaître les coûts de production d'Hydro-Québec et, pour fixer les tarifs, elle devra limiter ses calculs aux coûts du transport et de la distribution d'électricité. Pour la partie du prix de vente qui découle des coûts de production, le Québec a décrété un montant de base fixe, arbitraire, qu'il qualifie pompeusement de patrimonial et qu'il pourra seul modifier si bon lui semble.»

Là, M. le Président, ce que confirment les éditoriaux... Puis vous me dites que mon temps achève dans ce discours-là, mais je pourrais vous en citer encore des dizaines, parce qu'il y a unanimité. Si on regarde juste les titres, là: Main basse sur les hydrodollars , Le sapin patrimonial . M. le Président, Hélène Baril, dans le journalLe Devoir, en vient en fin de compte à la conclusion que c'est les Québécois qui se font passer un sapin. Un autre article: Ce projet de loi bafoue l'héritage de René Lévesque . Donc, je vous le disais tantôt, je pense que, moi, en tant que citoyen du Québec, je ne serai pas tellement fier de l'héritage qu'ils vont laisser aux Québécois. J'ai passé une partie de ma vie à régler des successions, puis je pense que je recommanderais aux héritiers, aux légataires de cette succession-là de renoncer à celle-ci.

Donc, je pense qu'avant que le gouvernement puisse adopter un tel projet de loi ce serait la moindre des choses de faire des consultations, et, à ce moment-là, il est de toute évidence que le gouvernement se doit absolument de reculer afin qu'on ait vraiment une Régie de l'énergie qui ait des pouvoirs réels sur une société si importante pour les Québécois qu'est Hydro-Québec.

Donc, M. le Président, en conclusion, je pense qu'on va s'opposer autant qu'on le peut et j'espère que le gouvernement prendra au moins connaissance des propos des gens de son parti, des éditoriaux, de la majorité des gens qui... Vous me dites que c'est terminé, M. le Président, mais j'espère que ces gens-là comprendront le message qui est lancé par la population du Québec. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Shefford. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole concernant le projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, Bill 116, An Act to amend the Act respecting the Régie de l'énergie and other legislative provisions.

M. le Président, il y a une vieille expression qui veut que faire et défaire, c'est toujours travailler. Sauf que, lorsqu'on sait que le travail que l'on effectue ici, à l'Assemblée nationale, est payé par les contribuables, on se doit d'être le plus productif possible et de ne pas justement intervenir pour rien. Voilà quatre ans maintenant, en 1996, pour donner suite à un ensemble de revendications largement appuyées à travers la population, unanimement, cette Assemblée nationale, à la demande du gouvernement du Parti québécois, on a adopté une loi qui instaurait une régie de l'énergie qui allait avoir comme fonction majeure l'établissement d'un prix juste pour l'hydroélectricité.

Vous savez, M. le Président, qu'Hydro-Québec est devenue tellement large, tellement puissante que ça peut même faire faire à un gouvernement comme celui du Parti québécois des choses que les tribunaux ont jugées comme étant complètement illégales. On n'a qu'à penser à la ligne Canton–Hertel passée direct à travers Val-Saint-François, un des sites les plus pittoresques du Québec. Pourquoi? Pour satisfaire à l'ego d'Hydro-Québec, à sa demande insatiable de pouvoir, dans son propre intérêt, comme toute bureaucratie qui s'autogère, comme c'est le cas avec Hydro-Québec, parce qu'il n'y a personne dans le gouvernement du Parti québécois qui ose lui tenir tête.

Hydro-Québec est en train d'instaurer sa propre loi. On en a la preuve encore aujourd'hui, M. le Président, avec le fait que le gouvernement du Parti québécois veut émasculer, veut enlever tout pouvoir réel à cette Régie de l'énergie. Pourquoi? Parce qu'ils ne peuvent pas décider au lieu et à la place.

Vous savez, on a eu des exemples avec la Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen, le Vérificateur général, où ces instances ont été mises en place afin de protéger l'intérêt du public. Le Parti québécois tente souvent de les contrôler, de les influencer, de réduire la portée de leurs interventions. Avec la Régie de l'énergie, on voit l'audace poussée à son extrême. C'est vraiment une manière de montrer, à notre point de vue, un mépris pour la population que de dire: Vous vous souvenez qu'il y avait un consensus, une unanimité pour la création d'une régie de l'énergie pour contrôler Hydro-Québec et les prix? Eh bien, voilà, on l'enlève.

Alors, ce que le député de Joliette a fait – c'est lui qui a introduit cette loi-là – le leader du gouvernement est en train de l'enlever. C'est drôle, parce que ça se passe aussi dans l'autre sens: le leader du gouvernement est celui qui a enlevé les cours obligatoires pour les motos, puis c'est le député de Joliette qui, avec beaucoup de pompe maintenant, se promène disant: À bien y penser, je vais instaurer des cours obligatoires de moto. Ce n'est pas instaurer, c'est remettre. Ça y était avant, les péquistes les ont enlevés. Faire et défaire, c'est toujours travailler, mais c'est vraiment travailler d'une manière bâclée, c'est vraiment travailler en gaspillant les fonds publics, et c'est un autre exemple qu'on a devant nous aujourd'hui.

Le public est en droit de s'attendre à ce que le gouvernement tienne tête à Hydro-Québec à l'occasion. À la place, on a vu des décrets signés à toute vapeur, sans la moindre analyse critique, qui étaient très dommageables pour l'environnement, dans le cas de la ligne Cantons– Hertel. À ce point, c'est vrai, M. le Président, que les tribunaux n'ont pas hésité à accorder une injonction pour stopper les travaux. Comble de l'ironie, le gouvernement maintenant dit: Bien, écoutez, on a déjà dépensé tant, il faut bien continuer. Comme si le fait d'avoir dépensé illégalement de l'argent pour une fin illégale justifiait le fait de continuer la poursuite de cet objectif justement contre la loi.

Alors, M. le Président, je vois que le temps est en train de se terminer pour cette partie-ci de la journée. J'aurai l'occasion de continuer plus tard sur le projet de loi n° 116.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, étant donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures, et il vous restera encore 16 minutes pour votre intervention.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15 h 10)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bon après-midi à vous tous. Si vous voulez prendre place.

Alors, l'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, et je reconnais le député de Chomedey, whip adjoint de l'opposition officielle, lui indiquant qu'il lui reste près de 16 minutes de droit de parole. M. le député, la parole est à vous.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, effectivement, un peu plus tôt aujourd'hui, on avait commencé le débat sur le projet de loi n° 116 qui a pour but fondamental d'enlever les pouvoirs qu'avait, de consensus... C'est-à-dire, unanimement, de part et d'autre, ici, à l'Assemblée nationale, on avait décidé de doter une régie qui se voulait autonome, indépendante de l'État, de pouvoirs importants de fixer les tarifs d'électricité.

Pour le monde qui nous écoute, ça voulait dire quoi, ça, dans la vie de tous les jours? Ça voulait dire que, au lieu d'avoir seulement Hydro-Québec qui, d'autorité, établissait les tarifs d'électricité avec très peu de regard par les pouvoirs de l'État, on allait créer un instrument avec des gens nommés d'une manière indépendante pour s'assurer que leur travail se fasse d'une manière correcte, en tenant compte de la capacité des gens de payer, des coûts de fourniture et en s'assurant, en fin de tout, M. le Président, que les citoyens du Québec avaient toujours le meilleur prix d'électricité possible.

Vous avez constaté comme nous que, dès le départ, il y avait certains problèmes et certaines critiques de la Régie de l'énergie. Des experts en droit public, notamment dans les milieux universitaires, avaient fortement critiqué la manière de procéder aux nominations à la Régie de l'énergie. Ils avaient noté par ailleurs qu'il y avait un manque apparent d'autonomie et d'indépendance parce que les nominations étaient trop proches du gouvernement. Alors là, dans un premier temps, on a vu la stratégie typique du gouvernement du Parti québécois, c'est-à-dire de créer soi-disant un instrument autonome et indépendant de contrôle puis, à côté de ça, de faire tout ce qui était possible pour le contrôler, c'est-à-dire d'enlever son réel pouvoir de faire des recommandations, de prendre des décisions qui allaient dans l'intérêt du citoyen, de toujours créer les marionnettes, de mettre une main dedans et d'essayer de contrôler ce qui se passait. Quand ça ne fait pas leur affaire, ce que dit un organisme ou une entité juridictionnelle autonome du gouvernement ou de l'État, ils le critiquent, parfois avec violence, ouvertement.

Il y a des organismes et des individus, des rôles dans notre système du gouvernement qui sont censés être tellement autonomes et au-dessus de la mêlée qu'on exige qu'ils soient nommés par deux tiers des membres de l'Assemblée nationale; on peut penser au Protecteur du citoyen, on peut penser au Vérificateur général. Qu'est-ce qu'on a vu avec le gouvernement du Parti québécois dernièrement dans ces deux cas-là? On a vu que le Protecteur du citoyen, Me Daniel Jacoby, s'est fait donner un avertissement que la raison pour laquelle le gouvernement du Parti québécois refusait de renouveler sa nomination, c'est que le gouvernement du Parti québécois prenait très mal l'intervention de Me Daniel Jacoby dans le dossier, au Revenu, des gens qui avaient fait des investissements dans la recherche et le développement.

Vous vous souviendrez sans doute, M. le Président, que M. Jacoby, Protecteur du citoyen, était intervenu pour dire: Écoutez, il y a quelque chose d'illogique là-dedans. Ces programmes de recherche ont été approuvés. Il y a une sorte d'incitation par le gouvernement de dire aux gens d'investir là-dedans. Après coup, il déclare invalides les investissements, annulant du même coup les crédits d'impôt que les gens avaient pu avoir, et il dit: Non seulement vous ne bénéficiez plus de ça, mais vous êtes aptes à payer d'importantes amendes et pénalités. M. Jacoby, faisant son travail comme la loi le lui demande et à la demande unanime des membres de l'Assemblée nationale, se fait blaster littéralement, dans un cadre tout à fait informel, par un membre du personnel du premier ministre lui disant: Bien oui, toi, Jacoby, on ne te renommera pas. Tu sais pourquoi? Parce qu'on n'a pas aimé ça, comment tu es intervenu.

Alors, vous voyez une des importantes fonctions de l'État, le nom l'indique, Protecteur du citoyen. On peut l'appeler aussi l'«ombudsman». C'est un des personnages importants dans le gouvernement, il est censé jouer un rôle tampon entre l'État tout-puissant et le citoyen, et voilà que le gouvernement du Parti québécois, fidèle à sa tradition, veut l'écraser, veut le faire plier à sa volonté et veut lui enlever justement un pouvoir réel.

Même chose avec le Vérificateur général – c'était du jamais vu – lorsque le vice-premier ministre et ministre des Finances, ministre d'État aux Finances, a dit: Écoutez, oui, la critique qui vient de sortir sur les 841 millions que j'ai cachés à Toronto, oui, l'adjoint du Vérificateur général vient de dire qu'il y avait des choses là-dedans qui n'étaient pas claires, mais, moi, je ne veux pas entendre parler d'un sous-fifre. Quand le Vérificateur général disait que c'était de l'argent des contribuables et que ce n'était pas normal qu'on n'ait pas le droit de savoir un peu plus ce qui se passait à la Société générale de financement et dans différentes autres sphères où l'argent des contribuables est utilisé pour des investissements, il a dit: Écoutez, moi, je ne fais pas de cas avec ça. Je suis le vice-premier ministre, le ministre d'État aux Finances. Moi, je fais ce que bon me semble.

Le Vérificateur général, le Protecteur du citoyen, la Régie de l'énergie, même combat, M. le Président. Ce qu'il y a de nouveau ici dans le cas de la Régie de l'énergie, c'est qu'ils se sont peut-être rendu compte qu'avec les pouvoirs dont la Régie avait été dotée par cet instrument législatif ils n'allaient pas être capables de la contrôler à leur goût, ils n'allaient pas pouvoir contrôler le résultat, l'extra. Alors, qu'est-ce qu'ils font? Ils édictent par loi un prix, ils disent que c'est 0,0279 $. Ils enlèvent le pouvoir primordial, le pouvoir le plus important de la Régie de l'énergie.

Et c'est important de faire remarquer, M. le Président, que, si on remonte 40 ans en arrière, l'élection, le 22 juin 1960 – ça va faire 40 ans le mois prochain – du gouvernement libéral de Jean Lesage en 1960, un des chefs-d'oeuvre de ses deux mandats, parce qu'il y a eu une élection quasi référendaire qui s'en est suivie en 1962, l'élection de Jean Lesage et l'élection quasi référendaire avaient pour objet principal de réaliser l'État du Québec, de voir à acquérir les leviers économiques et autres pour pourvoir au développement du Québec, développement qui manquait cruellement lorsqu'on se comparait aux autres provinces au Canada. Ce qu'on a eu aussi à l'intérieur, donc, de ça, c'était la nationalisation d'une série de compagnies hydroélectriques, Shawinigan Light and Power, Gaspé, Lower St. Lawrence, des compagnies comme ça qui ont été nationalisées au profit de l'ensemble de la collectivité, sauf que, comme dans toute situation de cette nature-là, lorsqu'on crée des structures et qu'on nourrit des structures, on a tendance à oublier ce pour quoi le tout a été construit.

Vous vous souvenez comme moi, M. le Président, que, lorsqu'on a créé les régies régionales de la santé, c'était censé être une structure pour alléger, pour amoindrir le rôle bureaucratique. Qu'est-ce qu'on a, aujourd'hui? Mille huit cents fonctionnaires dans les régies régionales. Si vous en voulez un, vous pouvez prendre celui de Laval. Hormis les médecins qui y travaillent et qui font un travail dans la communauté qui est nécessaire, il y a 80 fonctionnaires à la Régie régionale de la santé à Laval. On a un hôpital, la Cité de la santé, et quatre CLSC. Est-ce qu'on a besoin de 80 fonctionnaires? Je vous soumets que non.

Mais c'est cette idée de toujours privilégier, préconiser et nourrir les structures qui est représentative de nos adversaires d'en face. C'est représentatif de cette vision du Parti québécois parce que, lorsque vient le temps d'assainir, dans ses termes, les finances publiques, la première chose qu'il coupe, c'est le service direct à la population. La santé n'existe pas pour que les fonctionnaires de l'édifice Joffre envoient des notes de service à la Régie régionale de Montréal-Centre qui envoie des notes de service aux fonctionnaires dans les hôpitaux. Tout le système de santé puis les milliards, et les milliards, et les milliards de dollars qu'on met là-dedans visent à donner des soins de santé aux gens qui en ont besoin. Ça semble être la première chose qu'on oublie lorsqu'on parle de revoir les structures.

Et c'est la même chose ici, il y a une structure qui avait été prévue, la Régie de l'énergie. Ça avait pour objectif de veiller à ce que les citoyens du Québec aient le meilleur tarif d'électricité possible. Et, quand il s'est rendu compte qu'il allait perdre la maîtrise absolue du tarif de l'électricité, le Parti québécois est arrivé avec ce projet de loi n° 116 pour enlever les vrais pouvoirs à la Régie de l'énergie, M. le Président, coup après coup, structure après structure.

(15 h 20)

Dans le domaine municipal, ça va être la même chose bientôt. On a la Communauté urbaine de Montréal, le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal suit ce territoire-là, il y a d'autres structures régionales et superrégionales qui existent – Montréal international est un exemple – il y a des choses dans le domaine du transport. Là, on veut imposer encore une nouvelle structure. Est-ce qu'on enlève quelques-unes des anciennes structures? Pas question, tout le monde veut juste avoir une petite affaire de plus pour participer à d'autres réunions. Au fur et à mesure qu'on ajoute des structures et des réunions, on oublie que toutes ces structures, tout cet argent des payeurs de taxes qui sort de leurs poches est supposé faire une seule chose, rendre des services à la population. Mais on dirait que la machine bureaucratique est tellement imbue d'elle-même, tellement préoccupée avec sa propre existence qu'on oublie ça. On croit que la machine existe pour faire plaisir à la machine.

Puis à structures d'autres structures, fusions municipales. La carte des fusions est sur la table depuis des décennies dans les officines du ministère des Affaires municipales. Ministre après ministre se fait présenter la même carte des fusions municipales par les mêmes fonctionnaires ou leurs successeurs ou ayants droit. Bon ministre après bon ministre, libéral comme péquiste, regardait cette carte-là et disait: Pourquoi? Ah! parce qu'il faut moderniser, il y en a bien trop. Qui dit qu'il y en a bien trop? Est-ce que ça va couper les taxes pour les citoyens? Non, mais ça va être mieux s'il y a des fusions, il y aura moins de municipalités. Ça va être mieux comment?

Dans les petites municipalités où il y a un conseil municipal avec six personnes puis où il y en a une qui s'occupe des loisirs, une autre qui s'occupe des fleurs, des gens qui font ça quasi bénévolement parce qu'ils y tiennent, à leur collectivité locale, si vous mettez ça dans une ville-centre, vous allez chercher plus d'argent dans les poches des gens qui habitent là-bas. Est-ce que vous pensez qu'on va continuer à avoir cette sorte d'attachement à la collectivité locale avec du travail quasi bénévole? Oubliez ça, c'est du fonctionnariat. C'est à croire, M. le Président, que les seules personnes à qui on veut faire plaisir, c'est les syndicats à qui on va générer d'autres membres en créant une nouvelle structure, en alourdissant l'État mais en rendant moins de services à la population.

Ce n'est pas juste du projet de loi n° 116 qu'il est question, donc, cet après-midi, M. le Président. Le projet de loi n° 116, comme tout projet de loi qu'on étudie ici, à l'Assemblée nationale, s'analyse dans un contexte. Le contexte du projet de loi n° 116, c'est un gouvernement qui ne sait pas gérer, un gouvernement qui ne sait pas faire autre chose que d'ajouter des structures, d'adopter des nouvelles lois, de proposer d'autres fonctionnaires. Mais il y a une énorme ironie ici aujourd'hui: c'est précisément le même gouvernement qui, il y a à peine quatre ans, a proposé l'adoption par l'Assemblée nationale du projet de loi créant la Régie de l'énergie qui aujourd'hui se rend compte qu'il y a un petit bout qui lui manque, qu'il y a un petit quelque chose qu'il ne contrôle pas.

Ç'aurait probablement été plus honnête puis ç'aurait été plus conforme à ce qu'ils essaient de faire, d'alléger, à ce moment-là, d'enlever une structure. Mais ils vont tout garder là. Ils peuvent dire: Non, non. J'entends le leader du gouvernement qui se lève jour après jour et dit: Je ne touche pas à la Régie de l'énergie, je ne l'enlève pas de là; ce que je fais, c'est que je modernise ça. Toute une modernisation! Comme si le monde avait changé tellement au cours des quatre dernières années que ce qui est là-dedans ne pouvait pas être fait il y a quatre ans. Pas vrai, ça. Ce n'est pas vrai que ce qui était prévu il y a quatre ans était prévu dans un monde tellement différent de celui qu'on connaît aujourd'hui. Non. La réalité, c'est que le gouvernement du Parti québécois a créé une structure de plus et maintenant veut lui enlever, à cette structure, ses vrais pouvoirs, des pouvoirs qui allaient dans l'intérêt de la population mais des pouvoirs qui enlevaient le dernier mot au gouvernement sur le tarif d'électricité que paie le citoyen ordinaire.

Dieu sait qu'on est déjà les plus taxés en Amérique du Nord. Tout le monde se rend compte de cette réalité-là. On a des augmentations massives des soi-disant primes d'assurance dans le monde de l'assurance médicaments, mais il n'y a aucune vision d'ensemble, aucune manière de dire que cette soi-disant réforme et ce virage ambulatoire cadrent avec des changements importants de consommation de médicaments, et c'est pour ça qu'on l'augmente. Non, c'est une structure, c'est une taxe déguisée. C'est un «tax grab». Ils sont en train d'aller chercher plus de sous.

Ils disent, dans le domaine de la santé, que ça prenait un virage ambulatoire. Ça n'a jamais été mesuré, ça n'a jamais été testé. Ils mettent à la retraite des milliers d'infirmières, ils paient des milliers de médecins jusqu'à 300 000 $ pour arrêter de soigner le monde, puis là ils créent un autre programme, une autre structure. Là, ils paient des gros sous par job pour déménager, des centaines de millions de dollars pour déménager des jobs d'une rue de Montréal à une autre rue de Montréal. Entre-temps, ce sont nos médecins spécialistes, les radio-oncologues, qui partent, eux, de Montréal pour s'en aller à Toronto qui a un plan pour attirer les médecins.

Vous voyez, M. le Président, l'incohérence totale du gouvernement du Parti québécois dans un ensemble de dossiers parce qu'il est obnubilé par la structurite. Il voit une autre structure comme toujours étant la solution. Ici, on va avoir le pire des deux mondes, on va avoir les structures, mais les structures vont être dépourvues de leur seul pouvoir réel. C'est pour ça que, du côté de l'opposition officielle, on est totalement et complètement contre l'idée d'enlever ces importants pouvoirs de fixer les tarifs d'hydroélectricité chez Hydro. On aurait voulu conserver à un instrument neutre, et indépendant, et léger le pouvoir de fixer ainsi les tarifs. Merci beaucoup.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Chomedey. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives. Je vais reconnaître le vice-président de la commission des finances publiques et porte-parole de l'opposition officielle en matière de dossiers de services sociaux, M. le député de Nelligan. M. le député, la parole est à vous.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Merci de m'accorder le temps pour faire une intervention sur le projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, Bill 116, An Act to amend the Act respecting the Régie de l'énergie and other legislative provisions. C'est une loi typique de ce gouvernement péquiste, et on peut voir une tendance comme on peut le voir dans plusieurs autres lois, c'est une astuce de comment on peut fouiller un peu plus dans les poches de la population québécoise, des contribuables, et je vais expliquer ça. C'est aussi, comme nous avons vu dans plusieurs autres projets, que c'est le gouvernement qui veut décider lui-même pour la population québécoise soit pour le branchement au réseau Internet soit pour les garderies à 5 $, et il pense qu'il peut décider lui-même pour la population québécoise. Et aussi un troisième thème que je vois assez souvent avec ce gouvernement, c'est un non-respect pour les institutions démocratiques du Québec.

Mais, avant d'aller plus profondément dans mon intervention sur le projet de loi n° 116, je voudrais féliciter la députée de Bonaventure pour son excellent travail, sa ténacité et l'énergie qu'elle met dans ce dossier pour protéger le consommateur québécois. Il me semble que nous avons besoin de ça avec ce gouvernement. Nous avons vu le comportement de ce gouvernement dans des dossiers comme la loi n° 116, et aussi n'oubliez pas, M. le Président, la ligne des Cantons–Hertel et plusieurs autres dossiers.

M. le Président, laissez-moi juste citer quelques exemples de la mission même de la Régie de l'énergie, parce que ce n'est pas nécessairement une institution bien connue par la population québécoise. J'ai pris ça sur le site Web du gouvernement. «La Régie de l'énergie est un organisme de régulation économique dont la mission consiste à favoriser la satisfaction des besoins énergétiques des consommateurs québécois, dans une perspective de développement durable, en tenant compte des préoccupations économiques, sociales et environnementales tout en assurant le développement ordonné et rentable de l'industrie énergétique au Québec. À cette fin, elle fixe les tarifs et conditions des services des distributeurs de gaz naturel et d'électricité tout en privilégiant le libre jeu des forces du marché et l'adoption de mesures incitatives permettant d'améliorer la performance des distributeurs et la satisfaction des besoins des consommateurs. Elle exerce également un pouvoir de surveillance sur les prix des produits pétroliers et de la vapeur.»

(15 h 30)

Je n'entre pas dans tous les détails, mais, voilà, j'ai juste cité la mission. Mais, quand je lis le premier paragraphe des notes explicatives de la loi n° 116, je vois que ce projet de loi n° 116 modifie la Loi sur la Régie de l'énergie afin de modifier les compétences de la Régie relatives à la tarification de l'électricité, d'interdire des mesures de concurrence dans la fourniture de l'électricité, d'assouplir le mode de fonctionnement de la Régie et d'élargir les sources de financement. Il y a quatre ou cinq autres paragraphes, mais, dans les grandes lignes, le gouvernement est en train d'amputer les plus grandes tâches de la Régie de l'énergie, et son rôle a été fixé en 1996. Ils ont créé ça officiellement avec un pouvoir quasi judiciaire le 2 juin 1997 et ils ont créé ça avec un rôle qui consiste à réglementer les activités monopolistiques liées à la fourniture de gaz naturel et d'électricité.

M. le Président, le gouvernement, avec la loi n° 116, est en train d'amputer ce rôle pour l'électricité, mais il laisse ce rôle pour le gaz naturel. Il me semble qu'on doit demander pourquoi. Pourquoi il ne veut pas garder les deux à la Régie de l'énergie? Et c'est assez clair, je pense, quand on voit dans les journaux, comme Le Journal de Québec , Michel Van de Walle, le vendredi 26 mai, il a bel et bien compris. Parce qu'il a dit, comme j'ai mentionné: «Le projet vient ni plus ni moins amputer la Régie du coeur de son mandat, soit examiner les demandes de hausses tarifaires d'Hydro-Québec en fonction de ses coûts de production de l'électricité.»

Pourquoi production, M. le Président? Parce qu'il laisse encore distribution et transport, parce que, dans les questions, dans les secteurs du transport et de la distribution, les coûts d'exportation seront à la hausse. Mais, à cause des investissements dans le passé et des amortissements, les coûts pour la production peuvent être à la baisse. Avec ça, le profit pour l'État peut être beaucoup plus large.

Je cite encore M. Van de Walle. Il dit: «Il arrive fréquemment qu'un gouvernement décide de mettre la hache dans l'une des réalisations du gouvernement précédent, question de se démarquer de l'administration antérieure. Mais on ne voit pratiquement jamais un gouvernement défaire l'essentiel de ce que lui-même avait bâti dans un précédent mandat.» En 1996... Et je cite le ministre à l'époque: «Ce mécanisme transparent garantit que les décisions tarifaires seront dorénavant à l'abri des impondérables politiques et qu'elles seront prises en tenant compte de tous les impératifs économiques.»

M. le Président, l'idée en arrière de la Régie, c'est rendre ça plus neutre, d'assurer que, dans une instance démocratique, on peut avoir les audiences publiques, on peut avoir un débat public, on peut avoir la transparence. Et, comme j'ai mentionné, un des objectifs visés était de soustraire une fois pour toutes la détermination des tarifs d'électricité des débats partisans à l'Assemblée nationale et des besoins évidents du ministre des Finances pour équilibrer son budget. Et j'ai juste cité l'article encore de M. Van de Walle du 26 mai.

Avec ça, M. le Président, je demande pourquoi. Il doit y avoir une logique en arrière de ça. Et, selon moi, ils ont vu qu'ils vont avoir les coûts qui vont baisser, mais ils ne veulent pas avoir un débat public sur les tarifications parce qu'ils veulent décider eux-mêmes. Première raison: parce qu'ils veulent avoir plus d'argent pour le gouvernement du Parti québécois.

M. le Président, je demande: Effectivement, quand il y a un changement de moitié de mandat, pourquoi ils gardent le mandat dans le gaz naturel? Et je vois qu'il y a un intérêt de plus en plus d'Hydro-Québec dans le gaz naturel. Est-ce que c'est à cause des précédents de l'action actuelle maintenant? Je ne sais pas. Est-ce que la prochaine loi qu'ils vont déposer, ça va être aussi d'amputer cette responsabilité? Parce que, quand nous avons créé la Régie de l'énergie, c'était une contrebalance de pouvoirs. C'était donner une chance pour la population de mieux comprendre toutes les questions de tarification. Le gouvernement malheureusement est en train d'amputer, de vider cette responsabilité.

La premier but, M. le Président, comme j'ai mentionné, c'est d'avoir plus d'argent et c'est une autre astuce pour augmenter le fardeau de la population québécoise, comme nous avons vu dans plusieurs autres dossiers que j'ai suivis beaucoup – et que, je pense, chaque citoyen a suivis: le fameux programme d'assurance médicaments. Le gouvernement est en train de doubler les primes. C'est plus d'argent de nos poches encore.

J'ai vu que la ministre de la Santé a déjà annoncé qu'elle met fin à la gratuité des soins à domicile pour ceux et celles qui ont besoin de services à domicile, qui paient leurs taxes. Et n'oubliez pas, M. le Président, que nous sommes les plus taxés en Amérique du Nord. Il me semble que c'est tout à fait légitime qu'on demande d'avoir des services. Mais le gouvernement, d'une façon ou de l'autre, est en train, avec des mots différents comme «prime» et «franchise» et avec ce projet de loi n° 116, d'avoir accès à plus de notre argent sans augmenter nos taxes.

Il me semble qu'on doit vraiment questionner c'est quoi en arrière de ce projet de loi n° 116 et on doit certainement s'assurer que, comme plusieurs groupes – et je vais mentionner quelques groupes plus tard – on va demander que le gouvernement retire, arrête le passage du projet de loi n° 116.

Une autre chose, M. le Président, qui m'inquiète beaucoup du comportement de ce gouvernement, c'est la mentalité de ce gouvernement qu'il peut décider tout pour nous. Je me souviens – le député de Chomedey en a juste parlé – un de mes dossiers quand j'étais porte-parole du revenu, c'était effectivement les dossiers de recherche-développement, les abris fiscaux. Ils ont eu 8 000 contribuables qui, de bonne foi, ont mis leur argent dans des projets d'investissement. Rétroactivement, le gouvernement a changé les règles, rétroactivement, ils ont fait ça. Le Protecteur du citoyen a fait le suivi de ce dossier et finalement il a sorti un rapport qui met en doute le comportement du gouvernement et recommandait une annulation de quelques années de cotisation pour ces dossiers.

Mais qu'est-ce qui s'est passé? Parce que le gouvernement ne respecte pas les instances démocratiques. Le Protecteur du citoyen a eu une visite officieuse du chef du cabinet et il a eu un message tellement clair qu'il met en doute son mandat à cause de ses interventions. Est-ce que c'est vraiment un gouvernement démocratique qui respecte la parole démocratique? J'ai mes forts doutes, M. le Président.

Mais c'est un gouvernement qui vraiment pense qu'il peut décider c'est quoi, la meilleure chose, lui-même, entre le ministre de l'Énergie et le ministre des Finances, il peut décider pour la population québécoise, comme il est en train de décider par la ministre des Affaires municipales, c'est elle qui va décider quelles municipalités vont être fusionnées, comme la ministre de la Famille qui décide c'est quoi qui est mieux pour la population avec les garderies.

M. le Président, beaucoup de personnes commencent à se questionner sur cette attitude. Mais ce n'est pas juste nous, et je voudrais juste citer... Ce n'est pas souvent que je cite un communiqué de presse du Parti québécois, mais effectivement j'espère que tous les membres du gouvernement ont une copie de ça. Le 26 mai, le Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois a sorti un communiqué. Eux-mêmes, du Parti québécois, c'est le parti de ce gouvernement, ont demandé le retrait du projet de loi n° 116 qui réduit l'autorité de la Régie de l'énergie.

Je ne cite pas tout le communiqué, mais je voudrais juste citer quelques paragraphes: «Il devient inopportun de présenter et de vouloir entériner le projet de loi n° 116 qui est contraire aux orientations de la politique énergétique et qui, de plus, dénature la mission de la Régie de l'énergie – comme j'ai déjà mentionné, M. le Président.

«Le gouvernement du Parti québécois doit retirer ce projet de loi en respect pour tous les intervenants qui ont participé au débat public sur l'énergie et qui ont demandé une Régie de l'énergie, et ceux de la table de concertation qui ont proposé et finalement le gouvernement du Parti québécois qui a approuvé la politique énergétique, la loi et la mission de la Régie, en respect pour les délégués du Parti québécois qui ont adopté les deux motions citées – je ne cite pas toutes les motions – en respect pour les congressistes qui ont adopté à plus de 70 % cette proposition n° 462 incluse au programme 2000 du Parti québécois.»

(15 h 40)

En terminant, M. le Président, cette déclaration: «Finalement, nous réitérons notre position:

«Que le gouvernement maintienne intégralement les dispositions actuelles de la loi relatives au secteur électrique ainsi que les cadres réglementaires existants, incluant les trois secteurs d'activité, incluant la production;

«Que le gouvernement mette en vigueur dès maintenant toute la réglementation pertinente pour que la Régie puisse remplir efficacement son mandat tel qu'énoncé à sa création de 1996.»

M. le Président, leur propre parti est contre le projet de loi. Ils demandent qu'on donne plus de moyens utiles pour assurer que la Régie de l'énergie remplisse tous ses mandats.

M. le Président, ils ne sont pas seuls, il y a eu beaucoup, beaucoup d'articles. Dans Court-circuit , un éditorial dans Le Soleil , il questionne le timing de ce projet de loi à la fin de session. Il mentionne, dans l'éditorial de Jean-Jacques Samson, que les abonnés, ils n'ont aucune garantie. Et c'est assez clair qu'il dit que l'objectif gouvernemental est plutôt à forte saveur politique. Et, dans cet éditorial, il y a une demande de reporter l'adoption de ce projet de loi à l'automne pour assurer que nous allons avoir une chance de faire un vrai débat sur ce projet de loi. Nous avons déjà aussi sorti qu'on questionnait la réelle intention de ce projet de loi, bel et bien citée dans La Presse . Notre porte-parole a cité qu'Hydro-Québec serait transformée en machine à imprimer de l'argent. Le ministre lui-même, le ministre des Ressources naturelles, sa crédibilité est questionnée par Greenpeace. Je ne cite pas tout l'article.

Il me semble, M. le Président, que c'est le temps de repenser sur ce projet de loi, parce que c'est clair, c'est assez simple qu'est-ce qu'il est en train de faire: le gouvernement est en train d'enlever le pouvoir décisionnel de la Régie pour la production, pour la tarification. Elle garde la décision sur distribution et transport, qui est de plus en plus coûteux, et on lui enlève la responsabilité de fixer les tarifications.

Il me semble, comme je vois dans les articles de M. Samson, que c'est un abus de pouvoir, c'est une autre astuce pour avoir plus d'argent. On peut avoir soit une augmentation de tarification... Mais, plus important, on perd une balance, le pacte entre le monopole ou quasi-monopole d'Hydro et la population. Maintenant, nous n'allons pas avoir une instance où on peut avoir une bonne discussion, un bon débat public sur les tarifications. Il me semble que c'est dangereux et c'est antidémocratique. Il me semble qu'on doit vraiment assurer que la loi n° 116 soit arrêtée, une loi qui est en train d'amputer le pouvoir même de la Régie. Je pense qu'on doit repenser sur ça.

Mr. Speaker, Bill 116 is a very important bill. It is consistent with the PQ tendencies that we've seen over the last few years, which are finding ways to dig deeper into the pockets of the people of Québec without saying the word «tax» but by increasing their payments, whether it's in medical insurance, whether it's in prescription drug programs, whether it's in other types of user fees. The number one theme that you find in this «projet de loi» is that it is another way by which the Government can get more money, even though we are, before and after the last budget, the most taxed population in North America. Yet, this Government is consistently finding ways to dig deeper into our pockets.

The other consistent behavior that I find in Bill 116, which is most disturbing, is a government that believes it can decide things for all Quebeckers, that we, as individuals, shouldn't be having public debates, we shouldn't have a régie, a board in which we can have a full public debate, full public disclosure and determine the rates.

They themselves, in 1996, created this Régie, and, at that time, this was supposed to be the place in which we could avoid political debate, partisan debate, we could allow for transparent, democratic debate in terms of the fixing of prices. Particularly when you have a quasi-monopoly, Mr. Speaker, it's very important that there's a balance of power, there's a balance in which people can intervene when Hydro-Québec, as you have seen many times, figures many times that it can divide and decide how it wants, when it wants and where it wants to develop.

So, Mr. Speaker, I believe that this bill is a serious step backwards, I believe this is a bill that, one, will cost us more; two, it will take away a very important access in which some people can participate in the public debate; and, three, I believe it is non democratic in nature. And I have already mentioned it before, Mr. Speaker, but this Government is not well known for supporting democratic structures. A case that I mentioned before: the threats that the provincial Ombudsman had when he disagreed with the Government policy.

What this Government is now doing is... Maybe the Régie was causing a little too much trouble for the Government and they wanted more money. So, what does the Government come along with? It comes along with a law, it takes away part of the major power of the Régie, it takes away its ability to have a public debate on this issue, it takes away the ability to set rates.

And, of all issues, Mr. Speaker, Quebeckers, when we developed our electrical policy in this province, we believed that we could continue to have inexpensive rates, but we believed we could also have an input in the decision-making process. Unfortunately, Mr. Speaker, this Government has now decided to pass a law that will cost us more, that will deprive the rights, will gut one of the major responsibilities and roles of the Régie de l'énergie.

And that is why, Mr. Speaker, I certainly plan, and our party plans to vote against this bill. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Nelligan. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, et je cède la parole au vice-président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et député de Viger. M. le député de Viger, je vous écoute attentivement.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. J'interviens aujourd'hui sur le projet de loi n° 116, projet de loi parrainé par le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles.

M. le Président, il faut se poser la question pourquoi aujourd'hui on est là. On parle sur ce projet de loi là, et c'est seulement l'opposition officielle qui parle. Parce que, vous voyez, là, il y a trois députés de ce côté-ci qui sont en train de parler, puis, de l'autre côté, il n'y a personne qui parle, il n'y a personne qui bouge, il n'y a personne qui dit rien, parce qu'ils savent très bien que ce projet de loi là il ne respecte pas la volonté populaire, il ne respecte pas ce à quoi les Québécois s'attendent du gouvernement du Québec.

M. le Président, exactement, ce qu'ils sont en train de faire avec ce projet de loi là, c'est la marque de commerce de ce gouvernement. On se rappellera qu'en 1976 on a créé la Régie de l'énergie, et, en 1976, il y a eu un consensus général. Tout le monde était d'accord, pas seulement la population du Québec, mais même les partis à l'Assemblée nationale. On se rappellera – M. le Président, vous étiez là, moi, j'étais là – que ça a été voté, cette loi-là, ça a été formé, cette Régie-là, à l'unanimité des partis qui représentaient l'Assemblée nationale. Ça veut dire qu'il y avait un consensus dans la population pour que cette Régie puisse vraiment avoir un certain contrôle sur les allées pas seulement d'Hydro-Québec, mais aussi sur la question du prix de l'essence et d'autres choses.

Aujourd'hui, M. le Président, comme je disais tout à l'heure, le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles jette à la poubelle ce consensus parce que, avec le projet de loi n° 116, il retire à la Régie de l'énergie certains pouvoirs de contrôle sur Hydro-Québec.

M. le Président, il faut se poser la question: Pourquoi? Il faut se poser exactement la question: Pourquoi aujourd'hui on arrive puis on dit à la Régie de l'énergie: Écoutez, dans certaines choses, il ne faut pas que vous mettiez votre nez, parce que c'est un peu délicat?

(15 h 50)

On se rappellera qu'au dépôt du budget du ministre des Finances, M. Landry, le dernier budget, le soir même, après le dépôt du budget, M. Landry disait à Radio-Canada qu'Hydro-Québec devait devenir une machine à sous. Ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'Hydro-Québec doit produire de l'argent à n'importe quelle condition, à n'importe quel prix. Et sur le dos de qui, M. le Président? Sur le dos de la population du Québec, parce que, avec le projet de loi n° 116, on retire à la Régie de l'énergie le volet production, qui est le volet, exactement, qui produit de l'argent. Ce n'est pas le transport, ce n'est pas les autres, c'est la production. Et aujourd'hui on arrive puis on dit: Non, non, la Régie de l'énergie, ne mettez pas le nez là-dedans, parce que, si vous mettez le nez là-dedans, probablement que ça ne rapportera pas plus.

M. le Président, c'est tellement vrai que même les instances mêmes du Parti québécois, elles s'opposent au projet de loi n° 116. Des fois, vous savez, ça peut arriver qu'ils disent: Mais les libéraux sont toujours opposés puis s'opposent à n'importe quoi, à tout et ils sont là seulement pour faire de la destruction, ils sont là seulement pour dire que rien ne va bien, que tout est mauvais, que rien ne fonctionne. Mais, à moins que je ne me trompe ou que quelqu'un l'ait fait d'une manière sans consulter, j'ai ici un communiqué du Parti québécois, et il est daté du 26 mai, dans lequel on écrit quoi? On écrit Demande de retrait du projet de loi n° 116 qui réduit l'autorité de la Régie de l'énergie .

Qu'est-ce qu'il dit, le communiqué, M. le Président? Il dit:

«Considérant l'adoption à forte majorité de la proposition n° 462 du programme du Parti québécois du congrès 2000;

«Considérant les propositions adoptées à l'unanimité en septembre 1998 et en septembre 1999 pour mettre en vigueur tous les articles de la Loi de la Régie de l'énergie telle que présentée en novembre 1996 par le ministre des Ressources naturelles, M. Guy Chevrette;

«Considérant que la Loi sur la Régie de l'énergie contient tous les outils pour permettre au gouvernement et au ministre d'agir selon des conditions ou des orientations que celui-ci peut décréter quand il le juge opportun;

«Considérant que cette loi était demandée par la majorité des intervenants qui ont participé au débat sur l'énergie pour sortir la procédure d'examen du dossier de l'énergie électrique de la noirceur;

«Considérant que cette loi est un pas important vers plus de transparence et de démocratie dans les orientations énergétiques du Québec;

«Considérant que cette loi, issue de la politique énergétique du Québec, a été approuvée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1996;

«Considérant que tous les articles et règlements pertinents de cette loi permettent à la Régie de l'énergie de remplir son mandat selon sa mission;

«Considérant le respect que doit avoir le ministre envers les travailleurs de la Régie de l'énergie et les intervenants pour bien accomplir leur mandat et respecter la loi;

«Il devient inopportun de présenter et de vouloir entériner le projet de loi n° 116 qui est contraire aux orientations de la politique énergétique et qui, de plus, dénature la mission de la Régie de l'énergie.

«Le gouvernement du Parti québécois doit retirer ce projet de loi en respect pour tous les intervenants qui ont participé au débat public sur l'énergie et qui ont demandé une régie de l'énergie, et ceux de la table de consultation qui ont proposé et finalement le gouvernement du Parti québécois qui a approuvé la politique énergétique, la loi et la mission de la Régie, en respect pour les délégués du Parti québécois qui ont adopté les deux propositions citées, en respect pour les congressistes qui ont adopté à plus de 70 % cette proposition n° 462 incluse au programme 2000 du Parti québécois.»

M. le Président, voilà, comme je vous le disais tantôt, que, des fois, vous savez, on est porté toujours à dire que l'opposition, elle s'oppose, mais ce que je viens de vous lire, c'est un communiqué du Parti québécois. Alors, la question qu'il faut se poser est celle-ci: Qui a raison? Le gouvernement en face de nous ou l'opposition officielle avec la population puis avec le Parti québécois même? Ça veut dire qu'un gouvernement, actuellement, qui est issu du Parti québécois, il s'en passe – pour ne pas dire autre chose – de son parti même, parce que c'était une résolution approuvée par le congrès du Parti québécois.

M. le Président, notre position, je pense qu'elle a été toujours très claire sur la question de la Régie de l'énergie – et je pense que notre collègue de l'opposition officielle a très bien statué pendant son discours sur le projet de loi n° 116: La position du Parti libéral du Québec s'est toujours opposée à toute réduction des pouvoirs de la Régie de l'énergie en défendant son intégrité et en soutenant que celle-ci devrait assumer l'ensemble de ses responsabilités prévues dans la loi.

Comme je disais, la porte-parole libérale déposait d'ailleurs une motion à l'Assemblée nationale le 19 mai 1999, M. le Président, demandant... Et je vous dis exactement la motion, comment elle était libellée: «Que l'Assemblée nationale s'assure que le gouvernement du Québec donne dans les faits, à la Régie de l'énergie, toute l'indépendance nécessaire à l'exercice de son mandat initial.»

M. le Président, je pense que notre position est très claire, elle l'a toujours été et va continuer à l'être. Mais ce gouvernement, je dirais quasiment depuis la dernière élection, est rendu tellement insensé, tellement arrogant, tellement, je dirais, insensible à ce que la population puisse... Parce que, M. le Président, il ne faut pas oublier non plus que ce gouvernement-là est en train, comme je le disais deux semaines passées, dans le domaine de la santé, de mettre des gens dans des situations qui sont vraiment pitoyables et spécialement des gens qui ont créé cette société, spécialement vis-à-vis des gens qui ont créé le Québec d'aujourd'hui, M. le Président, les gens d'un certain âge.

Vous vous rappelez, moi puis vous, on a reçu du CLSC de Saint-Léonard certaines lettre où il nous disait qu'à un certain moment des personnes handicapées, des personnes âgées, des personnes qui ne peuvent pas bouger de chez elles, elles doivent attendre jusqu'à 390 jours pour recevoir la visite d'un médecin. Est-ce que, d'après vous, M. le Président, c'est normal? Est-ce que, d'après vous, c'est logique? Ces gens ont consacré leur vie pour bâtir le Québec d'aujourd'hui, et pourtant aujourd'hui on dit: Vous êtes un poids pour la société. Vous êtes quelqu'un, malheureusement, qu'on doit essayer de mettre de côté.

C'est ça, la façon de voir. C'est ça, la façon de se comporter. C'est ça, la façon d'agir de ce gouvernement, M. le Président. Et je pense que ce n'est pas honnête, ce n'est pas logique. Ce n'est pas un gouvernement responsable. Un gouvernement, il devrait, je dirais, passer outre à certaines choses et avoir une certaine humanité, une certaine responsabilité, une certaine sensibilité, M. le Président. Mais, malheureusement, ce n'est pas ça qu'on a en face de nous, on a un gouvernement qui dit: C'est moi qui suis aux commandes, c'est moi qui décide, et, s'il y en a qui s'opposent ou si même la population n'est pas d'accord, comme avec le projet de loi n° 116, bah! tant pis pour eux. Nous, nous allons procéder. Nous, nous allons commander. Nous, nous allons décider ce qu'on va faire. Au détriment de n'importe qui, M. le Président, et ça, comme je le disais, pas seulement dans le domaine de l'énergie, mais c'est dans tous les domaines.

(16 heures)

Je vous disais le domaine de la santé, le domaine de l'économie, le domaine de l'éducation, M. le Président. Aujourd'hui, et vous le savez comme moi, il y a encore des jeunes, des personnes – quand on parle des jeunes, de 25, 30 ans – qui viennent dans nos bureaux de comté, qui nous disent: Bah! il faut qu'on quitte, il faut qu'on s'en aille à Toronto, il faut qu'on s'en aille à Vancouver, il faut qu'on s'en aille aux États-Unis, parce que, justement, ce gouvernement, il ne fait rien pour les retenir ici, et c'est là l'insensibilité que je vous disais tout à l'heure, c'est là l'arrogance de ce gouvernement qui dit: C'est moi qui suis là, c'est moi qui commande, je me fiche de tout le monde. Moi, je me dis qu'un jour ce gouvernement, il va en payer les conséquences parce que ça ne peut pas continuer comme ça. On commence à le sentir dans la population, la population commence à en avoir assez parce que, quand on commence à être aussi insensible, aussi arrogant, c'est sûr qu'un jour ça va retomber sur soi-même.

Pour revenir à ce projet de loi n° 116, moi, j'ai une question à poser: Qui est d'accord avec ça? Je pense que mes collègues l'ont posée et, moi aussi, je vais la poser: Est-ce qu'il y en a un qui est d'accord avec ce projet de loi n° 116? S'il y a quelqu'un de l'autre côté, moi, je suis prêt à m'asseoir. Qu'il se lève et qu'il nous dise: Voilà qui est d'accord avec le projet de loi n° 116. S'il y en a un qui est d'accord avec ça, bien, moi, je dirai, à ce moment-là, M. le Président...

Une voix: ...

M. Maciocia: O.K. Allons-y. Est-ce qu'il est là? Vous voyez, il y a des députés qui sont assis là. Il n'y a personne qui se lève pour dire: Vous vous trompez, il y a telle personne qui est d'accord, il y a tel organisme qui est d'accord. Il n'y a personne qui est d'accord. Comment on peut être aussi insensible quand on sait que personne n'est d'accord avec ce projet de loi là?

Qu'est-ce qu'on lisait dans Le Devoir , les actualités du vendredi 12 mai, M. le Président? On disait: «Ce projet de loi bafoue l'héritage de René Lévesque.» Et je vais le lire parce que c'est très important, très intéressant: «Ce projet de loi du gouvernement Bouchard compromet non seulement la crédibilité et l'efficacité de la Régie de l'énergie, mais introduit des modifications majeures dans la structure du marché de l'électricité au Québec sans débat public et sans que le gouvernement n'ait obtenu le moindre mandat ni présenté la moindre justification sensée et transparente de sa pertinence. Globalement, ce projet de loi bafoue l'héritage de René Lévesque en s'attaquant au monopole d'Hydro-Québec issu de la nationalisation de l'électricité.» C'est en ces termes lapidaires qu'une des porte-parole de la Coalition Arc-en-Ciel à l'énergie, Manon Lacharité, d'Action Réseau Consommateur, a ouvert le point de presse improvisé au cours duquel les représentants des écologistes, des petits producteurs privés et des grands consommateurs industriels de la province ont unanimement dénoncé le projet de loi n° 116 déposé hier à l'Assemblée nationale par le ministre des Ressources naturelles, Jacques Brassard.

C'est terrible de se faire dire par un parti qui a été fondé par René Lévesque qu'on est en train de trahir l'héritage de René Lévesque. C'est vraiment aller loin, parce que c'est cet homme-là qui l'a fondé, le parti. Moi, je peux dire – j'étais ici quand René Lévesque était ici, M. le Président, vous étiez là, vous aussi – que jamais, j'en suis profondément convaincu, jamais, jamais René Lévesque n'aurait posé un geste comme celui-là que vient de poser le gouvernement actuel. C'est vraiment renier l'héritage de cet homme qui a fait beaucoup, il faut le dire, pour la nationalisation de l'électricité. On se rappellera que René Lévesque était avec le Parti libéral en 1962. C'est ça, ils sont en train de le renier, et, moi, je suis profondément convaincu qu'à très courte échéance ces gens-là, ils vont en payer le prix. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Viger, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, et je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité publique et député de Saint-Laurent. M. le député, je vous cède la parole.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: M. le Président, je vous remercie. J'ai l'habitude de vous regarder quand vous nous écoutez parler et je note que vous nous regardez avec attention, mais je veux vous dire que vous n'êtes pas le seul à nous regarder avec attention, nous aussi, on vous regarde quand vous nous écoutez parler. Et, quand je vous regarde, après midi, que je vous regarde pendant que mon collègue de Nelligan prononce son discours, quand mon collègue de Viger prononce son discours – et je sais que mon collègue de Marquette vous regarde aussi – on comprend une chose, et celle que dans votre regard il y a, c'est la chose suivante: merci, merci qu'il y ait l'opposition. Merci qu'il y ait l'opposition pour dénoncer le gouvernement du Parti québécois, l'attitude du gouvernement du Parti québécois, qui est une attitude qui est strictement, uniquement arrogante. Et, dans le fond, quand mon collègue de Viger disait tantôt: Un jour, ils vont payer pour ça, ce qu'il voulait dire, c'est que, ce jour-là, ils vont traverser de l'autre côté, ils vont s'en venir ici et, merci, mon Dieu, l'opposition va passer de l'autre côté. Et, vous, M. le Président, ce jour-là, peut-être vous appellera-t-on M. le Président dans toute la valeur de votre titre, peut-être vous appellerons-nous M. le Président dans toute la valeur de votre titre, et je le souhaite.

Alors, qu'est-ce qu'on a devant la Chambre actuellement? En 1995 – ce n'est pas très compliqué, là, l'arnaque n'est pas très compliquée – ce gouvernement-là décide de faire une vaste consultation publique, un comité, mais un grand comité, un comité comme ceux de la ministre de la Santé, sur la politique énergétique au Québec. Réflexion pendant un certain temps. En 1996, publication des résultats de cette vaste consultation publique, et on dépose ce qu'il est convenu d'appeler la politique énergétique québécoise L'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable . Et c'est l'ancien ministre des Ressources naturelles, l'actuel ministre des Transports, le député de Joliette, M. Conciliation lui-même – M. Conciliation lui-même selon l'opinion de sa collègue la ministre de la Justice... Je n'ai jamais rien entendu d'aussi drôle de ma vie. À chaque fois qu'il tend la main, il la tend comme ça puis il se demande comment ça se fait que ses conciliations ne fonctionnent pas. À chaque fois que quelqu'un n'est pas d'accord avec lui, c'est des gosseux de poils de grenouille qui s'expriment. C'est son expression, M. Conciliation, la main tendue, le député de Joliette, M. Matamore, qui était à ce moment-là ministre de l'Énergie.

Pour une fois, il s'était fait pondéré, et il s'exprimait de la façon suivante dans le document qu'il publiait en 1996, document qui devait être la politique énergétique du gouvernement, document qui annonçait les nouveaux pouvoirs et la création de la Régie de l'énergie, le député de Joliette, ancien ministre de l'Énergie: «La création d'une régie de l'énergie dotée de pouvoirs décisionnels apportera transparence et équité dans le fonctionnement du secteur énergétique québécois, dans la définition des tarifs des entreprises réglementées.» Dans la définition des tarifs des entreprises réglementées. Or, M. le Président, j'ajoute – parce que je vais lire un autre extrait, la définition des tarifs des entreprises – les tarifs, ça concerne bien sûr certaines entreprises, mais ça concerne au premier chef et de prime importance les consommateurs québécois, vous, moi et tous les membres de cette Chambre de même que toute la population qui sommes des résidents ou qui sommes des propriétaires, qui payons des tarifs pour l'électricité, qui payons nos factures.

(16 h 10)

Alors, l'ancien ministre de l'Énergie continuait, toujours dans le document qui était publié en 1996: «En déclenchant un débat public sur l'énergie – il faisait référence bien sûr au débat qui venait de se terminer – le gouvernement du Québec a fait en sorte que la nouvelle politique soit établie sur les bases les plus solides.» Puis on connaît le député de Joliette, quand il a dit ça, là, c'est effrayant comme il voulait donner l'impression que toute son affaire c'était du solide, en «beton», immuable.

«La politique énergétique que nous déposons constitue en effet l'aboutissement d'un des plus vastes débats d'idées qu'ait connus le secteur énergétique québécois, débat auquel ont participé tous les courants de la société.» Tous les courants de la société ont participé à ce débat-là en 1996, dont un des aboutissements était la création de la Régie de l'énergie avec les pouvoirs qu'on lui donnait en théorie – en théorie – à ce moment-là. Le rapport est issu de ce débat, que dit le député de Joliette, et le rapport a été chaleureusement accueilli, dit-il.

Toujours dans son document, le député de Joliette ajoutait, M. le Président... Et je termine avec les déclarations qu'il a faites en 1996 et qui ont précédé la création de la Régie de l'énergie de la façon suivante. Il disait, l'ancien ministre de l'Énergie, le député de Joliette: «La Régie de l'énergie sera dotée de pouvoirs étendus, et son autorité, réelle – c'est le député de Joliette qui s'exprimait – pour le gouvernement. Il est essentiel que l'organisme soit crédible, indépendant et que ses décisions soient respectées par les différents intervenants concernés.» Le député de Joliette s'exprimait ainsi en 1996, M. le Président, lors du dépôt de son document sur la politique énergétique qui créait la Régie de l'énergie. Alors donc, en résumé, en 1996, le député de Joliette, dans le style qu'on lui connaît, un sans-nuance, sans aucune espèce de nuance et tout en transparence, disait: «Régie de l'énergie, organisme crédible, indépendant, détenant une autorité réelle.»

Il y a une expression qu'on emploie de temps en temps quand il y a quelque chose qui n'est pas tout à fait clair dans une déclaration. On appelle ça un «catch». Il y en avait un, «catch». Il y avait, dans les propos du ministre, une petite absence de transparence, et elle est dans la note au lecteur qui précédait le dépôt de son gros document dans lequel il voulait confier tous les pouvoirs nécessaires à la Régie de l'énergie pour discuter de la façon dont Hydro-Québec fixait les tarifs d'électricité. Petite note: «En ce qui concerne la déréglementation, la Loi de la Régie de l'énergie étant maintenant à l'électricité, les dispositions déjà existantes pour le gaz naturel et qui donnent obligation à la Régie de l'énergie de refléter dans le tarif de fourniture de services – le tarif de fourniture d'électricité – le coût réel d'acquisition de la marchandise – et voici le "catch", malheureusement; ça, c'est mon mot à moi, "malheureusement" – ne pourront cependant être mises en vigueur que tout de suite après avis de la Régie de l'énergie qui proposera au gouvernement les modalités d'application de celles-ci.»

Alors donc, le ministre de l'Énergie, le député de Joliette, là, il s'est fait complice, à ce moment-là, M. le Président, de ce qui est en train de se passer aujourd'hui avec la Régie de l'énergie, qui est le recul du gouvernement sur les pouvoirs qu'il avait donnés à la Régie de l'énergie. Il s'est fait complice. Il s'est fait complice, puis à la façon dont le Parti québécois, dont le gouvernement du Parti québécois se fait complice de ce genre d'affaire là, par des petites notes à côté des grands principes, par des petits ajouts à côté des derniers principes, par des petites entourloupettes à côté des grands principes, par des petites astuces à côté des grands principes.

Ça, là, ce n'est pas le seul dossier dans lequel on a vu ça. On voit ça dans l'assurance médicaments aujourd'hui, hein? À l'époque, pour faire des économies, régime d'assurance médicaments, et là ils nous font des grands principes, c'est pour le bien commun de tous, en sachant très bien que ce qu'ils chargent, les coûts que les citoyens doivent payer pour l'assurance médicaments à ce moment-là ne sont pas suffisants pour assurer la viabilité du régime, puis aujourd'hui ils vont doubler les coûts bientôt. Une autre entourloupette. Alors, un autre dossier dans lequel ça s'est produit.

Revenons à celui-ci, M. le Président. Petite entourloupette, ça prend un avis de la Régie de l'énergie avant qu'on puisse lui donner tous les pouvoirs dont elle a besoin pour scruter la façon dont Hydro-Québec établit ses tarifs de fourniture d'électricité. Or, l'avis, ça, c'est une façon d'acheter du temps de la part du gouvernement. Or, l'avis en question, il est déposé le 11 août 1998, et, le 11 août 1998, la Régie de l'énergie dit: La proposition qu'Hydro-Québec nous a faite, la proposition qu'Hydro-Québec a bâtie entre le moment où on nous a créés, nous, la Régie de l'énergie, en 1996, et aujourd'hui, le 11 août 1998, la proposition qu'Hydro-Québec a concoctée pour établir les tarifs de fourniture d'électricité, on n'est pas d'accord avec la façon dont Hydro-Québec a concocté sa façon d'établir les fournitures d'électricité. La Régie dit: La façon d'établir les tarifs de fourniture d'électricité devrait être en fonction, devrait tenir compte, devrait prendre en compte les coûts de transport de l'électricité, les coûts de distribution, le réseau de distribution de l'électricité et les coûts de production.

Mais là, M. le Président, Hydro-Québec n'est pas d'accord et le gouvernement n'est pas d'accord non plus. Alors, qu'est-ce qui se passe, à ce moment-là? Il se passe, à ce moment-là, qu'on dépose le projet de loi n° 116 plutôt que de respecter ce qui avait été convenu par tous les groupes, par tous les partis politiques présents à l'Assemblée nationale en 1996, c'est-à-dire la création de la Régie de l'énergie avec les pouvoirs nécessaires pour scruter la façon dont Hydro-Québec établit les tarifs de fourniture d'électricité. Plutôt que de respecter ça, dès qu'Hydro-Québec dépose sa façon d'établir les tarifs, que la Régie, les étudiant, n'est pas d'accord avec sa façon, qu'est-ce qu'il fait, le gouvernement? Qu'est-ce qu'il fait? Pour continuer de garder le contrôle de la façon dont Hydro-Québec établit ses coûts de production, de garder le contrôle sur les économies qui sont faites, de la façon dont Hydro-Québec établit ses coûts de production, le gouvernement, ce gouvernement-là, contrairement à ce qu'il a dit à la population, contrairement à ce qu'il a représenté à nos concitoyens, contrairement à ce qu'ils nous a représenté à l'Assemblée nationale, il ne respecte pas sa parole, il décide d'enlever à la Régie de l'énergie ces pouvoirs-là, les pouvoirs de discuter de la façon dont Hydro-Québec va établir ses tarifs de fourniture d'électricité, principalement en ce qui concerne les coûts de production, parce que ça ne fait pas son affaire.

(16 h 20)

Ça ne fait pas son affaire à lui, mais ça faisait l'affaire de la population, cependant, les pouvoirs qui étaient confiés à la Régie de l'énergie, parce que voilà qu'était créé un organisme indépendant qui allait étudier la façon dont les tarifs d'électricité étaient établis. M. le Président, nous y avons cru en 1996. Là, on n'y croit plus! Là, c'est fini! Les grands principes avec lesquels ce gouvernement-là cherche à nous endormir, c'est fini, on n'y croit plus! C'est pour ça qu'on dénonce en Chambre en si grand nombre le projet de loi n° 116. C'est pour ça qu'on va dénoncer en Chambre en aussi grand nombre le projet du gouvernement de hausser les primes pour l'assurance médicaments. C'est pour ça, alors que nous réclamions en si grand nombre que le système de santé fasse l'objet d'un examen important de la part de ce gouvernement-là, que le gouvernement nous répondait: On n'a pas d'argent à mettre en santé, que le ministre des Finances nous cachait la vérité au sujet d'une somme d'argent qui lui avait été transférée par le gouvernement fédéral dans un compte en banque à Toronto. C'est pour ça qu'on dénonçait, tout le monde, en grand nombre ce gouvernement-là qui est bien fort pour venir nous donner des grands principes, des grands objectifs de société, mais qui, par en arrière, par des entourloupettes, par des astuces, par le fait de ne jamais respecter sa parole, vient, par ses tentacules, défaire ce qu'il a fait deux ans auparavant. C'est le cas de la Régie de l'énergie.

M. le Président, je sais qu'il me reste peu de temps et je sais que les gens qui nous écoutent pourraient avoir le réflexe de dire: Bien, c'est sûr, les libéraux s'opposent au projet de loi n° 116 parce qu'ils s'appellent l'opposition officielle et qu'il faut qu'ils s'opposent. Vous savez très bien – parce que vous suivez nos débats religieusement, tous les débats que nous avons en cette Chambre – que, lorsque le gouvernement pose un geste qui est bénéfique, qui est bon pour la population, on n'a pas peur de le dire, on a ce courage-là. Mais il faut aussi avoir le courage de dénoncer le gouvernement lorsque le gouvernement accomplit des actes qui ne sont pas bénéfiques à l'endroit de la population.

Pourquoi vous pensez que le gouvernement veut garder le contrôle sur la façon dont les tarifs d'électricité vont être établis par Hydro-Québec? Parce que c'est payant, M. le Président. C'est quoi, la motivation, vous pensez? La motivation, c'est pour permettre au ministre des Finances de continuer à aller chercher dans la poche des citoyens du Québec qui sont fournis en électricité des comptes, des sommes d'argent que les citoyens paient après impôts – après impôts on paie l'électricité – de continuer d'aller chercher ces sommes d'argent dans la poche des contribuables, de le faire revenir dans le fonds consolidé puis ensuite de faire semblant – et c'est important, parce qu'on va le dire des dizaines de fois – qu'il baisse les impôts des gens puis de se péter les bretelles en espérant que les gens vont oublier que, ces baisses d'impôts, il est allé les chercher par toutes sortes de taxes, dont les tarifs d'électricité. L'opposition officielle va continuer de dénoncer ce genre de comportement-là.

En ce qui concerne la Régie de l'énergie, en ce qui concerne l'opprobre qui va retomber sur les épaules de ce gouvernement-là d'avoir fait adopter le projet de loi n° 116 sur la Régie de l'énergie, M. le Président, il n'y a pas que l'opposition officielle qui a fait des déclarations, et qui fait des déclarations, et qui se bat pour que le gouvernement recule sur ce projet de loi là. Je ne veux pas faire de citations – je n'ai pas le temps de les faire – mais M. Jean-Paul Gagné, dans le journal Les Affaires du samedi 26 juin 1999, faisait une déclaration dans le même sens. Mme Lisa Binsse, du journal La Presse , le 11 décembre 1999, faisait la même déclaration. M. Jean-Jacques Samson, dans le journal Le Soleil , le vendredi 19 mai 2000, faisait la même déclaration. Steven Guilbeault, du groupe Greenpeace, dans Le Devoir du 17 mai 2000, faisait la même déclaration. M. Jean-Robert Sansfaçon, dans le journal Le Devoir du lundi 15 mai 2000, la même chose. M. Sansfaçon parle d'abus de pouvoir. M. Sansfaçon – il n'est pas dans cette Chambre, il n'est pas en train de faire un discours aujourd'hui – il le déclarait le 15 mai 2000, «un abus de pouvoir».

Et M. Louis-Gilles Francoeur, qui est bien connu, avantageusement connu dans le monde de l'environnement puis dans le monde du développement de l'énergie, dans le monde de la politique énergétique au Québec, dans Le Devoir , faisait le même genre de déclaration, et il terminait en disant: «L'électricité patrimoniale, la vraie, était un service public essentiel, le moins cher du continent. Le problème, c'est qu'à Québec on a décidé d'utiliser cet héritage patrimonial pour équilibrer le budget familial et éviter d'avoir à répondre par une gestion transparente à la fois du budget et de l'héritage. Un problème de démocratie, dit M. Francoeur, plutôt que d'énergie.». Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Saint-Laurent. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant, M. le député de Gaspé. La parole est à vous, M. le député.


M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Depuis déjà quelques jours, nous assistons à un concert qui porte toujours autour du même sujet concernant les modifications qui sont proposées dans le projet de loi n° 116. L'opposition n'a qu'un seul terme, c'est-à-dire le fait de déréglementer la production dans le projet de loi n° 116. Le projet de loi n° 116 a une portée beaucoup plus large que ce que l'opposition nous présente. Hydro-Québec est une institution maintenant qui fait la fierté de tous les Québécois et de toutes les Québécoises depuis sa formation et depuis sa création.

Il faut se souvenir qu'Hydro-Québec a été créée tout d'abord en 1944. Hydro-Québec était une société qui produisait et qui distribuait de l'électricité. Par la suite, on s'est vite rendu compte au Québec qu'Hydro-Québec et le pouvoir que nous avions sur nos ressources naturelles nous permettaient de développer une entreprise qui allait satisfaire l'ensemble des besoins des Québécois.

L'année 1960 a été quand même une année importante. Il y a eu l'élection du premier gouvernement de Jean Lesage, et à la tête du ministère des Ressources naturelles s'est retrouvé celui qui est devenu chef du Parti québécois plus tard, M. René Lévesque, qui a eu une vision qui permettrait au Québec de se développer avec un outil dont nous disposions. Et d'ailleurs cette vision et le combat qui a été fait par M. Lévesque ont amené l'élection de 1962, donc, l'élection référendaire de 1962, à savoir si le gouvernement du Québec allait nationaliser Hydro-Québec.

Il faut se souvenir aussi qu'il y avait dans chacune des régions du Québec des disparités en termes de distribution, de transport, de qualité de service, etc., et que chacune des régions était, dans le fond, à la merci des distributeurs, selon leur capacité financière d'intervenir, de fournir l'électricité. Il y avait des coopératives dans certaines régions; dans d'autres régions du Québec, c'étaient des entreprises privées. Donc, on assistait, dans le fond, à une situation qui faisait en sorte que la qualité du service et le prix qui était demandé aux consommateurs québécois à l'époque amenaient, je ne dirai pas des injustices, mais tellement d'écarts importants que le ministre titulaire des Ressources naturelles de l'époque a cru bon de proposer à son gouvernement de nationaliser Hydro-Québec. Et, par la suite, il y a des politiques qui ont été mises en place, politiques qui prévoyaient qu'au Québec le financement de la société d'État allait passer par des investissements, oui, certes, mais également par des revenus et également par le développement d'Hydro-Québec. On a mis en place l'interfinancement. L'interfinancement, c'est qu'on a dit: Peu importe la région que vous habitez, peu importe le lieu où vous allez faire des affaires, il y aura une parité de tarifs entre la Gaspésie, l'Abitibi, la Côte-Nord, etc. Alors, graduellement, au Québec, Hydro-Québec a desservi les régions adéquatement.

(16 h 30)

Dans le cadre du projet de loi n° 116, M. le Président, il y a énormément de mesures que l'on retrouve, particulièrement en ce qui a trait aux obligations gouvernementales. Le gouvernement a dit: Nous voulons déréglementer la production et soustraire cet aspect du contrôle de la Régie de l'énergie. Deuxième volet: transport et distribution. Le transport et la distribution sont déjà et seront encore soumis à la juridiction de la Régie de l'énergie. Alors, le gouvernement du Québec, dans le projet de loi, a décidé de fixer le prix moyen de la production hydroélectrique et des contrats d'achat à long terme d'Hydro-Québec à 0,0279 $ le kilowattheure.

Pourquoi on parle de prix patrimonial? Un patrimoine, ça peut être constitué de différentes choses. Lorsqu'on parle du patrimoine familial, ce sont les acquisitions, ce sont les revenus que chacun investit et qu'il a fait fructifier dans... Lorsqu'on regarde Hydro-Québec, on a un patrimoine. C'est un patrimoine national, un patrimoine collectif, un patrimoine qui appartient à l'ensemble des Québécois. La quantité totale d'électricité du parc patrimonial du Québec actuellement est établie à 165 TWh. Ça veut dire que le gouvernement dit que le prix de fourniture patrimoniale n'augmentera pas. Actuellement, le gouvernement du Québec a gelé les tarifs jusqu'en 2002 et Hydro-Québec a annoncé que d'ici 2004 les tarifs n'augmenteraient pas.

Alors, il s'est produit aussi différentes choses depuis quelques années. On assiste à une ouverture des marchés, à une libéralisation des marchés, Hydro-Québec fait des affaires à l'échelle nord-américaine en ce qui a trait à la vente d'énergie mais aussi fait des affaires partout dans le monde. Hydro-Québec, c'est une entreprise qui a un chiffre d'affaires de plus de 10 milliards par année et des actifs d'au-delà de 50 milliards, M. le Président. Alors, si on regarde Hydro-Québec, on se dit: Bon, bien, ça appartient à qui, Hydro-Québec? Ça vous appartient, ça appartient à tous les Québécois, ça appartient à tous ceux qui sont résidents, des citoyens du Québec. Notre entreprise, c'est une entreprise qui fait la fierté de tout le monde, qui investit, qui a été génératrice d'emplois et qui va continuer à être génératrice d'emplois.

Alors, comment ça va opérer dans le futur en ce qui a trait à la vente de l'énergie? La vente de l'énergie va se faire par appel d'offres. Le gouvernement du Québec, lorsqu'il va décider, au niveau de la production par exemple, c'est lui qui va réglementer, c'est lui qui va décider des conditions. Et la Régie de l'énergie, en ce qui a trait au transport puis à la distribution, elle va conserver son rôle, ses juridictions. Elle va continuer à établir des conditions.

On se souviendra, M. le Président, que la Régie de l'énergie, ce n'est pas quelque chose d'immuable non plus. Je comprends qu'on a décidé de lui confier le mandat de prendre en considération l'ensemble des coûts qu'il y avait, mais aujourd'hui, si on regarde au niveau de la production, de la distribution puis du transport, si on soustrait la production, c'est qu'éventuellement Hydro-Québec Production pourra aller aussi sur les marchés extérieurs. S'il y a des appels d'offres qui sont lancés, Hydro-Québec sera en compétition également. Et, si on fait connaître, à mon avis, comme dans toute entreprise, dans les moins détails... Si on a des éléments de production qui font que, à un moment donné, il y a des données qui influencent la concurrence, bien les concurrents, à ce moment-là, pourront utiliser toutes ces données-là et dire: Bien, écoutez, nous, on connaît le jeu ouvert sur la table et, à ce moment-là, se servir d'autres éléments pour nous compétitionner.

Si Hydro-Québec, M. le Président, est en mesure de faire face à la concurrence, c'est parce qu'on s'est donné les moyens. On a une entreprise qui est forte, qui se développe, qui génère des bénéfices, et, à entendre nos amis d'en face, les gens de l'opposition, ça ne serait pas normal qu'Hydro-Québec puisse faire des bénéfices. Mais Hydro-Québec contribue par ses activités économiques à verser à son actionnaire, qui est le gouvernement du Québec, des sommes importantes, et ces sommes sont réinvesties. Ces sommes s'en vont dans la fonds consolidé mais sont réinvesties dans la santé, dans l'éducation, dans tous les budgets du gouvernement du Québec. Comment peut-on reprocher à une société d'État de vouloir faire des bénéfices?

Alors, M. le Président, toute la question du pacte social qui avait été établi au Québec, le gouvernement du Québec veut s'assurer qu'il n'y ait pas de choc tarifaire. Il y a eu une étude qui a été présentée à tous les membres de l'Assemblée, tout le monde a pu en prendre connaissance, c'est l'étude de Merrill, Lynch qui prévoyait que, si on mettait fin à l'interfinancement, ça veut donc dire que les tarifs d'électricité, pour la consommation domestique, pourraient augmenter jusqu'à 30 %, et les tarifs des autres consommateurs, industriels et autres, diminuer. Ce n'est pas ça que le gouvernement du Québec veut atteindre comme objectif, et c'est ça que nous visons par le projet de loi, M. le Président.

Maintenant, j'aimerais également soulever les autres éléments que nous avons dans le projet de loi puis dont on parle très peu. Jusqu'à ce jour, je n'ai entendu personne – en tout cas, de ce que j'ai entendu – nous parler, par exemple, que, au niveau d'introduire la concurrence entre les fournisseurs pour les nouveaux besoins d'électricité puis de confier à la Régie de l'énergie la supervision des appels d'offres publics du distributeur... Je n'ai entendu personne parler de ça. Je ne pense pas que c'est un sujet qui les intéresse. Tout ce qui intéresse l'opposition présentement, c'est de dire: Nous déréglementons, nous extirpons de la juridiction de la Régie l'examen de la production.

Également, M. le Président, le gouvernement se donne le pouvoir de fixer les quotes-parts puis le prix maximal de certaines sources d'énergie qu'il souhaite privilégier. Entre autres, pensons à l'éolienne, à la petite hydraulique.

Dans ce projet de loi, on donne également des pouvoirs et des possibilités d'agir aux MRC. Les MRC pourront dorénavant former des sociétés en commandite pour la mise en valeur des sites hydroélectriques de moins de 50 MW. Bien, M. le Président, c'est important, parce que, jusqu'à ce jour, les MRC ne pouvaient pas le faire. Alors, si on leur permet d'investir sur leur territoire avec des partenaires puis de développer leur territoire puis de se donner une source d'approvisionnement, c'est important.

L'éolien. Chez nous, en Gaspésie, M. le Président, on est l'une des régions, au Québec, qui avons la plus grande capacité de développement de l'éolien. Pensons, par exemple, au député de Matane qui a dans son comté le plus grand parc éolien au Canada. Ce n'est pas un hasard. C'est l'un des meilleurs sites au Québec, c'est l'un des meilleurs sites au Canada. Alors, nous allons continuer à travailler là-dessus. Mais ça veut donc dire, M. le Président, que, si on se donne les moyens pour développer ces nouvelles énergies, ça va nous faciliter les choses.

L'autre élément qu'on prévoit au projet de loi, c'est de permettre à un producteur d'électricité de générer à partir des biomasses forestières et de vendre directement cette électricité à une entreprise dans la mesure où sa centrale est installée sur un emplacement adjacent à cette entreprise.

On n'entend personne, de l'autre côté, nous parler de ces éléments-là. Mais c'est des éléments nouveaux, importants qui vont faire en sorte que les grandes industries qui utilisent la biomasse forestière pour faire de la transformation ou autre vont pouvoir utiliser des résidus et générer de l'électricité et pouvoir s'en servir. Alors, je pense, M. le Président, que c'est un élément aussi très positif. Personne n'en parle.

(16 h 40)

En ce qui a trait à l'ouverture des marchés de détail, à la concurrence pour des nouveaux projets industriels, personne n'en parle. Personne ne parle de cet élément-là. Par contre, le gouvernement du Québec – et je pourrai vous donner des détails tout à l'heure – entend faire une expérience à ce sujet-là: fixer à tous les trois ans l'examen, par la Régie, du coût que doivent supporter les détaillants d'essence. Autre élément important dans le projet de loi n° 116; on n'en parle pas, M. le Président. Tout ce qu'on nous dit, dans le fond, c'est: Le gouvernement du Québec, par ce projet de loi là, veut soustraire la production d'électricité de la compétence de la Régie. Aucun élément sur tous les autres sujets, aucune argumentation.

Les quotes-parts fixées par le gouvernement. Le gouvernement s'attribue le pouvoir de fixer les quotes-parts et le prix maximal de certaines sources d'énergie qu'il souhaite privilégier. Le gouvernement aura aussi le pouvoir d'exiger qu'une partie des besoins en électricité soient satisfaits par une source particulière d'énergie. Alors, si on veut développer l'éolien, si on veut développer les petites centrales électriques, à ce moment-là, on va se servir de son pouvoir, et nous allons le faire. Si on vote une loi, M. le Président, c'est parce qu'on a constaté qu'il y avait des possibilités de développement, qu'il y avait des possibilités de faire en sorte que les régions qui ont du potentiel dans ces domaines-là puissent le développer. Comment va se faire le choix du fournisseur? Bien, le choix du fournisseur, ça va se faire par appel d'offres puis selon des nouvelles règles qui seront proposées. C'est comme ça que ça va fonctionner.

Tout à l'heure, je vous parlais d'un projet-pilote au niveau du marché de détail. Le gouvernement, dans le but de permettre la concurrence pour le marché de détail, lancera un projet-pilote qui sera réservé aux nouveaux projets industriels de plus de 5 MW. Ça, c'est les annonces que le ministre des Ressources naturelles a faites récemment dans un communiqué qui a été émis le 11 mai dernier. Comment ils vont procéder? Bien, écoutez, les consommateurs industriels intéressés pourront choisir un fournisseur d'électricité autre qu'Hydro-Québec, parce qu'on ouvre à la concurrence. Par ailleurs, le gouvernement, par décret, va déterminer quels seront les paramètres de l'expérience-pilote. La Régie, quant à elle, fixera, sur proposition d'Hydro-Québec Distribution, les conditions applicables. Donc, la Régie conserve tous ses pouvoirs en ce qui a trait au transport et à la distribution.

En ce qui a trait aux contrats spéciaux et à l'exportation, je pense que l'opposition se souviendra que, pendant qu'elle était au pouvoir, les contrats spéciaux, les contrats secrets, il y en a eu plusieurs qui ont été signés. Je me souviens des débats qu'il y a eu dans cette Assemblée, l'opposition qui était, à l'époque, du Parti québécois et le gouvernement qui était formé par le Parti libéral, l'information ne coulait pas comme dans les barrages. C'était plutôt en haut des barrages et camouflé et gardé secret dans des coffres-forts. Lorsque l'opposition tentait d'avoir des explications sur la nature de ces contrats, elle se faisait répondre: C'est secret, c'est privé, c'est confidentiel, on ne vous donne aucune information.

Alors, M. le Président, en ce qui a trait aux aménagements puis aux améliorations qui sont apportés dans ce projet de loi, dans le fond, c'est qu'on assiste au Québec, depuis quelques années, à une déréglementation. Alors, comment les consommateurs québécois pourront tirer le meilleur avantage de cette déréglementation et comment, au niveau de la libéralisation des marchés, les Québécois vont pouvoir aussi tirer avantage? Alors, si effectivement les tarifs d'électricité sont toujours fixés au plus bas, c'est-à-dire 0,0279 $ le kilowattheure, dans le futur, avec les jeux et les règles de la concurrence, les entreprises qui voudront obtenir des contrats vont soumissionner, et le meilleur l'emportera. Ça sera le meilleur prix qui sera fixé à l'avantage des Québécois, qui nous permettra de faire en sorte que les consommateurs ne seront pas lésés.

Je voudrais, en terminant, M. le Président, vous dire que, en date du 23 mai dernier, le président de la Régie de l'énergie du Québec, M. Jean Guérin, disait que le projet de loi qui modifie les pouvoirs de la Régie sur la production de l'électricité sera à l'avantage des Québécois. On a entendu personne de l'autre côté nous dire ça. M. Guérin dit ceci: «Par ce projet de loi, le gouvernement entend favoriser la concurrence pour toute augmentation future de la production de l'électricité et non confier cette fonction uniquement à Hydro-Québec. M. Guérin estime que cette façon de faire amènera l'établissement à un prix raisonnable grâce au marché.»

Alors, M. le Président, je vous remercie beaucoup de l'attention que vous avez portée à la présente.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Gaspé. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Marquette.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup d'intérêt et d'attention que j'ai écouté le discours prononcé par le député de Gaspé. Et j'ai quelques réponses à fournir par rapport aux questions qu'il soulevait. Premièrement, j'ai constaté qu'il n'a pas, lui, cité aucun commentateur, chroniqueur, éditorialiste indépendant qui a fait le bilan du projet de loi, parce qu'il n'y en a pas. La seule personne qu'il a réussi à citer, c'est le président de la Régie de l'énergie, M. Guérin. Je reviendrai à M. Guérin, la façon dont il a été nommé par le gouvernement et sa provenance et son passé.

Je signale également au député de Gaspé que c'est vrai qu'il y a plusieurs éléments du projet de loi auxquels nous ne faisons pas référence, parce que, à notre point de vue, ce sont des leurres, c'est de l'accessoire. Et on ne s'est pas fait embarquer, nous, par la façon dont le ministre a tenté d'abrier et de camoufler l'orientation véritable du projet de loi, qui est ni plus ni moins de retirer des pouvoirs importants à la Régie de l'énergie.

M. le Président, nous, on s'est attardés à l'importance des pouvoirs exercés par la Régie de l'énergie dans l'intérêt des contribuables et pour le bénéfice de tous nos citoyens au Québec. Si on poursuit la logique développée par le député de Gaspé qui dit: Mais qu'est-ce qu'elle a, l'opposition, contre le fait qu'Hydro-Québec fasse d'énormes surplus, puisqu'elle remet ces surplus-là à l'État? Bien, nous, ce qui nous inquiète, c'est que, premièrement, lorsque les surplus sont trop considérables, sont trop importants, c'est peut-être signe que les contribuables, ceux qui paient leurs factures d'hydroélectricité, on leur charge trop cher, d'une part.

D'autre part, moi, je ne suis pas trop favorable à ce que l'argent soit transmis au ministre des Finances lorsque je vois la façon dont il dépense les fonds des contribuables, entre autres pour financer des emplois qui sont déjà existants, et ça, à coup de dizaines et de centaines de millions de dollars, tel que ça a été dénoncé dans les journaux récemment. Moi, je ne suis pas favorable à augmenter les fonds qui sont à la disposition du ministre des Finances, qui, lui, cherche énormément de visibilité, un kid Kodak qui aime bien se faire photographier, faire des annonces un peu partout pour tenter, et ça, c'est la vieille façon de faire de la politique, penser qu'en étant souvent présent dans les médias comme l'est le ministre des Finances et en dépensant l'argent des contribuables à créer des choses qui existent déjà dans le seul but de mousser sa propre popularité... tenter de se faire élire de cette façon-là. Nous pensons qu'il serait de loin préférable d'utiliser l'argent pour baisser le compte de taxes des contribuables.

M. le Président, le projet de loi n° 116 est la deuxième phase d'un projet gouvernemental qui vise ni plus ni moins qu'à contrôler et à rendre dépendant un organisme quasi judiciaire, la Régie de l'énergie, à la rendre dépendante du pouvoir de l'Exécutif.

(16 h 50)

Je suis dans la deuxième phase, M. le Président. Je vais revenir à la première phase et je vais faire le lien avec M. Guérin. Il faut bien prendre conscience de l'importance en principe et en théorie du rôle de la Régie de l'énergie. La Régie de l'énergie rend des décisions qui sont exécutoires, qui affectent directement le coût de l'électricité payée par les contribuables que nous représentons ici, à l'Assemblée nationale, qui affectent directement le coût également du gaz naturel, de l'essence et également du carburant diesel.

M. le Président, on voit depuis des mois et des mois comment les contribuables sont, entre autres, à la merci des grandes pétrolières qui, avec Hydro-Québec, exercent un lobby trop puissant sur le gouvernement du Québec et qui par la suite passent leurs exigences. Et l'Exécutif leur rend la pareille en apportant des modifications dans un projet de loi qui ne sert pas les intérêts des contribuables, mais davantage les intérêts des grandes pétrolières, les intérêts d'Hydro-Québec et puis, par la suite, les intérêts de l'Exécutif qui, lui, se voit bénéficier des fonds d'argent qui lui sont transmis soit par le biais des taxes, au niveau des pétrolières, ou des dividendes versés par Hydro-Québec au gouvernement.

M. le Président, le gouvernement a tenté de rendre dépendante la Régie de l'énergie en contrôlant la façon dont ont été nommés les premiers régisseurs de la Régie de l'énergie. Une enquête avait été demandée et ça a peut-être échappé à la mémoire collective des députés de l'Assemblée nationale. Un organisme très crédible associé à une Faculté de droit d'une grande université montréalaise, qui suit tout ce qui se passe dans le domaine de la régulation économique, avait demandé à la Procureur général du Québec de nommer un procureur indépendant chargé d'enquêter sur les circonstances qui ont entouré la constitution du comité de sélection des premiers régisseurs de la Régie de l'énergie, le 12 février 1997, de même que les critères retenus par le gouvernement du Québec pour nommer les premiers régisseurs de cet organisme.

Le centre alléguait dans sa requête que le gouvernement du Québec avait compromis par ses agissements l'indépendance et l'impartialité de la Régie de l'énergie qui pourtant, comme organisme quasi judiciaire, devrait bénéficier de toute l'indépendance et de toute l'impartialité voulues en vertu de l'article 23 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

M. le Président, le gouvernement s'est assuré qu'un de ses proches, Michel Clair, qui était alors en situation de conflit d'intérêts, tel qu'allégué...

Une voix: ...

M. Ouimet: Oui, oui, exactement. Il était vice-président d'Hydro-Québec International, on lui a confié le mandat de nommer les premiers régisseurs de la Régie de l'énergie, alors que la Régie de l'énergie doit précisément contrôler Hydro-Québec. Belle situation! Pourtant, c'était le plan voulu par le gouvernement. Dans un premier temps, contrôler les membres qui vont siéger à la Régie de l'énergie et puis, par la suite, la deuxième phase, soustraire des pouvoirs de la Régie de l'énergie afin d'en exercer le contrôle le plus total.

M. le Président, le dossier auquel je fais référence a été bien documenté, a fait l'objet de demandes d'enquête qui bien sûr sont demeurées lettre morte au niveau de la Procureur général qui, elle-même, est membre du même gouvernement, du même Conseil exécutif.

Pourtant, les gens de l'université, qui sont rattachés à la Faculté de droit, visaient strictement les intérêts des citoyens pour s'assurer que nous ayons, au Québec, une Régie de l'énergie qui soit à l'abri de toute partialité, qui soit à l'abri de toute dépendance soit par rapport aux grandes industries qu'elle doit contrôler ou par rapport au gouvernement du Québec, au gouvernement précisément du Parti québécois.

M. le Président, le député de Laviolette, ministre des Régions, semblait un peu s'étonner des affirmations que je fais aujourd'hui, que j'ai faites par le passé et que je maintiens. Pourtant, les critiques étaient quand même sévères, bien documentées dans les journaux, y compris des articles du Devoir , entre autres sous la plume de Louis-Gilles Francoeur. Regardez la manchette du 13 janvier 1999: Audiences sur les prix de l'essence – et Dieu sait que les Québécois paient très cher pour le prix de l'essence – La Régie de l'énergie s'attire de sévères critiques .

Pour le bénéfice du député de Laviolette, je vais lire quelques extraits de l'article d'un journaliste du Devoir . On disait ceci: «Le Centre d'études sur les industries réglementées vient de se désister de son statut d'intervenant auprès de la Régie de l'énergie parce qu'il estime que la procédure de cet organisme quasi judiciaire a perdu toute crédibilité dans le dossier de la détermination des prix de l'essence. Fondamentalement, le Centre d'études reproche à la Régie de se laisser mener par le lobby des pétrolières.» Et: «Le Centre d'études sur les industries réglementées avait demandé en mai le désistement du régisseur André Dumais en raison de ses nombreuses années de service chez Shell Canada juste avant son entrée en fonction à la Régie.»

Imaginez-vous, M. le Président, ce gouvernement-là a nommé des gens qui ont fait carrière pendant 20 ans et 30 ans au niveau de grandes pétrolières, leur a donné une promotion pour devenir régisseur à la Régie de l'énergie, et c'est cette même Régie de l'énergie, par la suite, à qui on demande de contrôler les grandes pétrolières. Quant à moi, c'était proprement scandaleux, la façon dont ça s'est opéré.

Un peu plus loin, toujours dans un article du Devoir , Étude des coûts d'exploitation des détaillants d'essence . S'il y a quelque chose qui est présentement au coeur des intérêts de notre société, c'est le prix que nous payons pour l'essence à la pompe, chargé par les grandes pétrolières. La Régie de l'énergie maintient sur le banc le commissaire Dumais , toujours un article du journaliste du Devoir , Louis-Gilles Francoeur, pour le bénéfice du député de Laviolette et le ministre des Régions: «Le président de la Régie de l'énergie, Jean Guérin, a décidé de maintenir sur le banc le commissaire André Dumais qui entend la cause sur les coûts d'exploitation des détaillants d'essence même s'il était jusqu'à sa nomination vice-président au marketing chez Shell Canada et, partant, responsable du dossier des prix et de la guerre avec les indépendants.»

Ce sont des personnes comme ça qu'on a nommées à la Régie de l'énergie, puis on se pose la question: Pour protéger les intérêts de qui? Des contribuables, ou des grandes pétrolières, ou d'Hydro-Québec? Parce que M. Dumais n'était pas la seule nomination, M. le Président, il y en avait beaucoup d'autres. Il y avait: M. Guérin lui-même; qui a fait carrière comme directeur exécutif de Soligaz, qui a été membre pendant de nombreuses année du conseil d'administration de Gaz métropolitain, un autre organisme qui est assujetti aux compétences et à la juridiction de la Régie de l'énergie; M. Anthony Frayne, qui a été, lui, cadre supérieur pendant plus de 20 ans – on me dit près de 30 ans – chez Hydro-Québec, M. le Président; l'ancienne attachée de presse du premier ministre du Québec sous un gouvernement péquiste, Catherine Ruel-Tessier, très près de l'Exécutif, très près du gouvernement qui devrait voir à la défense des intérêts des contribuables et des citoyens. On a nommé les petits amis du régime au niveau de la Régie de l'énergie. Même chose au niveau de M. Pierre Dupont qui était un membre du conseil exécutif. Donc, la seule personne qu'on a nommée... Il y a une personne qu'on a nommée qui avait véritablement les mains libres, une sur sept.

(17 heures)

Ça, c'était la première phase, M. le Président, pour permettre au premier ministre du Québec, aux membres du Conseil des ministres d'exercer un contrôle sur la Régie de l'énergie. Et la façon avec laquelle ça s'est fait, c'est que, un ex-ministre du gouvernement péquiste, M. Michel Clair, qui, à ce moment-là, était vice-président pour Hydro-Québec International, on lui a confié le mandat de recruter les régisseurs de la future Régie de l'énergie qui doit, par définition, contrôler Hydro-Québec. Et, lorsqu'il a fait sa série de recommandations, qui ont été entérinées, M. le Président, très, très, très rapidement, M. Michel Clair est devenu président d'Hydro-Québec International.

Alors, moi, j'ai toujours exprimé des doutes sur l'indépendance, ou sur l'apparence d'indépendance et d'impartialité, de la Régie de l'énergie. Mais, même si ce n'était pas suffisant, là, on est dans la deuxième phase, on a un gouvernement qui décide de retirer des pouvoirs de la Régie de l'énergie, et même si c'est contesté par les membres du Parti québécois. Les membres du Parti québécois ont adopté une résolution le 26 mai 2000, eux aussi constatant, tout comme les libéraux, la réduction de l'autorité de la Régie de l'énergie, et on parle de la Régie de l'énergie comme entité qui est censée avoir certains pouvoirs et les exercer dans l'intérêt des contribuables et des citoyens. Cependant, on constate assez rapidement que le gouvernement a vite contaminé cet organisme quasi judiciaire. Dans cette deuxième phase maintenant de contrôle de l'exécutif au niveau de la Régie de l'énergie, même les militants du Parti québécois – et vous y étiez sûrement, M. le vice-président – se sont prononcés à plusieurs reprises en conseil national et lors de votre dernier congrès pour dire que le projet de loi n° 116 est contraire aux orientations de la politique énergétique du Québec et que le gouvernement du Parti québécois doit retirer ce projet de loi en respect pour tous les intervenants qui ont participé au débat public et qui ont demandé une régie de l'énergie et manifestement une régie de l'énergie indépendante et impartiale.

Alors, le député de Gaspé, là, qui prenait la parole tantôt, qui est passé complètement à côté de l'enjeu principal du projet de loi, qui s'est accroché dans l'accessoire du projet de loi, et les accessoires, M. le Président, qui encore une fois font l'affaire d'Hydro-Québec et font l'affaire des grandes pétrolières mais ne font pas nécessairement l'affaire des contribuables et des citoyens, nous faisait le reproche de ne pas en parler. Le reproche qu'il nous adressait, j'imagine qu'il l'adresse également aux militants du Parti québécois, parce que eux aussi ne se sont pas fait prendre au piège par le vice-premier ministre et le leader du gouvernement, ministre responsable des Ressources naturelles. Ils allaient plus loin, les militants. Ils commençaient à être aussi soupçonneux que l'opposition libérale au sujet de leur propre gouvernement. Ils disaient ceci dans cette même résolution: «On annonce maintenant les états généraux de la langue et un débat public sur l'organisation et le financement du système de santé. Doit-on déjà s'attendre que notre gouvernement trouve des moyens de contourner les orientations et les résultats qui en découleront comme on veut le faire dans le projet de loi n° 116 qui contourne la politique énergétique?»

M. le Président, il est clair que le gouvernement n'a pas véritablement à coeur les intérêts des contribuables et de la population. Plus ça va, à chaque jour qui avance, à chaque jour qui passe, plus on constate que le gouvernement s'éloigne des véritables priorités des gens, et du monde, et du petit peuple. Le gouvernement fait la sourde oreille et enlève des pouvoirs à un organisme qui, en principe, en théorie – ce que les membres de l'Assemblée nationale ont voulu – permettrait d'exercer un contrôle sur les appétits voraces d'Hydro-Québec et des grandes pétrolières qui font des victimes en les personnes des contribuables. Parlez-en au député de Gaspé, parlez-en au député de Matane, combien ça coûte, l'essence à la pompe. Si on ne peut pas se fier sur une régie de l'énergie indépendante et impartiale pour exercer un contrôle dans la fixation des prix, on va se fier sur qui?

Le gouvernement est en train de nous dire et le leader du gouvernement dit: Fiez-vous sur nous. C'est quand même assez grave. Et pourtant, comme l'a fait valoir la députée de Bonaventure, M. le Président, ça va à l'encontre du pacte social, ça va à l'encontre des audiences publiques qui avaient été tenues, comme l'a fait valoir le député de Saint-Laurent, ça va même à l'encontre des engagements pris par le prédécesseur de l'actuel ministre des Ressources naturelles, le député de Joliette, qui, lui, avait pris toutes sortes d'engagements pour faire en sorte que la Régie de l'énergie soit crédible, soit indépendante, soit impartiale. Pourtant, aujourd'hui, le gouvernement semble compléter sa deuxième phase du plan gouvernemental qui vise à réduire la Régie de l'énergie à pas grand-chose, à un organisme qui, dans les faits, est contrôlé par l'exécutif pour certaines matières et pour d'autres matières qui à cette heure ne relèveront plus de la Régie de l'énergie.

Alors, c'est pour cette raison, M. le Président, que nous voterons contre ce projet de loi n° 116 qui n'est pas bon ni pour la population, ni pour les contribuables, ni pour les citoyens à travers la province. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marquette. Prochain intervenant. Alors, Mme la députée de Saint-François, je vous cède la parole.

M. Ouimet: M. le Président, juste avant de céder la parole à la députée de Saint-François...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: ...avons-nous quorum en cette Chambre?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous allons vérifier rapidement. Alors, écoutez, il en manque quelques-uns. Je donne quelques secondes pour rétablir l'ordre.

(17 h 7 – 17 h 8)

Alors, nous avons quorum. Nous allons poursuivre nos travaux. Mme la députée de Saint-François.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Tout comme mes collègues, vous me permettrez d'intervenir sur le projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives. D'entrée de jeu, je dois vous dire que je ne comprends pas trop la façon d'agir du gouvernement. Je ne la comprends pas, mais, par contre, je ne m'en étonne pas. On nous a habitués, depuis les six dernières années, à faire, à défaire, à avancer et à reculer, et on est un peu habitués maintenant à ces contradictions.

Mais, avant d'entrer dans le vif du sujet et de décortiquer un peu le projet de loi n° 116, M. le Président, je voudrais peut-être vous parler de ce qui a amené le gouvernement, à l'époque, à la création de la Régie de l'énergie. Je retrouvais justement dans une petite revue, Gestion , un article qui était écrit par Jean-Thomas Bernard sur la structure du marché québécois de l'électricité, Changement majeur ou simple accommodation commerciale , qui nous donnait un bon aperçu de l'évolution de la politique énergétique québécoise mais aussi qu'est-ce qui a amené le gouvernement à créer la Régie de l'énergie.

En 1995, le gouvernement du Québec, on se souviendra, a organisé une vaste consultation publique pour mettre à jour sa politique énergétique dont le dernier énoncé remontait à 1988 et visait à favoriser le développement économique. Cette consultation fut menée par une table de consultation composée de 13 personnes venant de différents milieux, et plusieurs sujets furent abordés. Le rapport unanime – parce qu'il y a eu un rapport unanime de cette Table de consultation – fut rendu public en mars 1996, et je vous donne, M. le Président, les trois points majeurs qui sont reliés à une éventuelle restructuration du marché de l'électricité et qui justement ont conduit à la création de la Régie.

«L'objectif premier de la politique énergétique est la satisfaction des besoins énergétiques des Québécois dans une perspective de développement durable. Une régie de l'énergie – c'était une recommandation qu'on faisait à l'époque – doit être créée pour approuver les tarifs d'électricité et du gaz naturel.» Donc, un des premiers objectifs de la création de la Régie de l'énergie était d'approuver les tarifs d'électricité et du gaz naturel, ne l'oublions pas, parce que j'y reviendrai par la suite pour justement décrire ce qu'on retrouve dans le projet de loi concernant – comment pourrais-je dire, donc? – ce retrait qu'on fait maintenant à la Régie de l'énergie des pouvoirs qui avaient été suggérés à l'époque et qui lui avaient été accordés.

(17 h 10)

Également, la Table de consultation reconnaissait qu'on assistait à une libéralisation de la production de l'électricité à plusieurs endroits. Elle ne s'est pas prononcée sur l'opportunité pour le Québec d'adopter cette orientation, elle a plutôt recommandé que la Régie de l'énergie organise des audiences à ce sujet une fois qu'elle serait mise en place.

À l'automne 1996, le gouvernement du Québec publia un nouvel énoncé de politique énergétique qui incorporait à peu près toutes les recommandations de la Table de consultation, et c'est ainsi que, le 19 décembre 1996, on s'en souviendra, l'Assemblée nationale adopta la loi créant la Régie de l'énergie. Il s'agit d'un tribunal administratif dont les sept membres sont nommés par le gouvernement et qui doit, en principe, être à l'abri des pressions politiques, parce que n'oublions pas que nous parlons toujours d'approbation des tarifs d'électricité et de gaz naturel.

«Le gouvernement peut émettre des directives, mais il s'agit d'une mesure exceptionnelle, et les décisions de la Régie de l'énergie sont sans appel en ce qui concerne sa mission première, c'est-à-dire l'approbation des tarifs de l'électricité et du gaz naturel.» Sans appel, ça veut dire que le gouvernement ne peut pas faire changer d'idée la Régie de l'énergie, une fois qu'elle a fait ses recommandations.

«L'article 167 de la Loi de la Régie de l'énergie traite expressément des audiences qu'elle doit tenir à la demande du gouvernement au sujet du coût de production de l'électricité et de la réorganisation potentielle du marché québécois de la production dans une perspective de libéralisation. C'est ainsi que la Régie de l'énergie a tenu des audiences au printemps 1998 sur la base tarifaire du coût de fourniture à la suite de la proposition d'Hydro-Québec, et cette dernière a en effet suggéré que le coût de la fourniture soit établi à partir du tarif industriel pour les grandes entreprises, corrigé pour le coût de transport, et la très grande majorité des intervenants se sont opposés à cette proposition et ils ont donné leur appui à une réglementation plus traditionnelle sur la base de coûts encourus et évalués par un processus réglementaire.

«Dans l'avis qu'elle a transmis au gouvernement en août 1998, la Régie a tranché en faveur de cette dernière position, et le gouvernement n'y a pas donné encore suite. Le processus en cours comporte une difficulté majeure. Dans son avis au gouvernement, la Régie de l'énergie a traité abondamment du coût de fourniture et elle a très peu abordé la question de l'ouverture du marché. Les deux sujets ne sont pas pourtant pas indépendants et ne doivent pas être traités de façon séparée.»

Alors, ça, M. le Président, ce que je viens de vous lire, ça provient justement, comme je vous le disais, d'une petite brochure ou d'une revue, Gestion , et on parlait abondamment à ce moment-là de la création des pouvoirs et pourquoi finalement la Régie avait ce rôle important à jouer dans l'approbation des tarifs de l'électricité et du gaz naturel. Mais il s'est passé plusieurs choses depuis, et ce qui est surtout étonnant, c'est que le ministre de l'époque, qui est maintenant le ministre actuel des Transports, qui était ministre des Ressources naturelles à l'époque, disait, et je le cite: «Ce mécanisme transparent garantit que les décisions tarifaires seront dorénavant à l'abri des impondérables politiques et qu'elles seront prises en tenant compte de tous les impératifs économiques.» Qui a dit cela, pour se le rappeler? Ça, c'est le ministre des Ressources naturelles de l'époque, qui est maintenant ministre des Transports et député de Joliette, lorsqu'il a annoncé la création de la Régie de l'énergie à l'Assemblée nationale en 1996. Donc, ce que le ministre, à l'époque, disait, c'est le contraire aujourd'hui qu'est en train de faire le ministre des Ressources naturelles en voulant faire adopter – en s'entêtant, je devrais dire – son projet de loi n° 116.

Mais, M. le Président, quel est l'objet de ce projet de loi n° 116? Le projet de loi modifie, comme je le mentionnais, la Régie de l'énergie en soustrayant de sa compétence l'examen de tout le volet production d'Hydro-Québec pour l'établissement du tarif de fourniture de l'électricité et introduit la notion d'électricité patrimoniale, et je vous rappelle, n'oublions pas, que, tout à l'heure, lorsque je vous parlais de la création de la Régie de l'énergie, c'était justement pour approuver les tarifs de l'électricité et du gaz naturel.

D'autre part, le projet de loi permet la mise en place d'une procédure d'appel d'offres pour satisfaire les nouveaux besoins en électricité des Québécois. Par ailleurs, M. le Président, les municipalités pourront dorénavant former des sociétés en commandite avec des partenaires privés pour la mise en valeur des sites hydroélectriques de moins de 50 MW.

Le projet de loi permettra également à un producteur d'électricité générée à partir de biomasse forestière de vendre directement son électricité à une entreprise, en autant que cette dernière soit située sur un emplacement adjacent à l'entreprise. Enfin, dans le secteur hydroélectrique, le projet de loi prévoit la mise en place par le gouvernement d'un projet-pilote réservé aux projets industriels de plus de 50 MW visant à évaluer les avantages et les inconvénients de la concurrence dans le marché de détail.

En ce qui a trait aux produits pétroliers, le projet de loi permet à la Régie d'établir à tous les trois ans plutôt qu'annuellement les coûts d'exploitation que doit supporter un détaillant d'essence ou de carburant diesel et détermine que le gouvernement assumera dorénavant le coût des enquêtes sur le prix des produits pétroliers qu'il recommande ou qu'il commande à la Régie. Finalement, le projet de loi n° 116 modifie certaines règles de fonctionnement de la Régie, notamment en élargissant le nombre de demandes pouvant être étudiées par un seul régisseur et en introduisant la procédure de conciliation en matière de plaintes de consommateurs.

M. le Président, le projet de loi exclut – et c'est très important – les coûts de production d'Hydro-Québec, dans l'établissement du tarif de fourniture d'électricité, des compétences de la Régie de l'énergie qui ne conserve sa compétence qu'en matière de tarification pour les activités de transport et de distribution. De fait, les nouvelles dispositions du présent projet de loi octroient la responsabilité au gouvernement de fixer un prix moyen pour l'ensemble du volet production d'Hydro-Québec. Ce coût moyen est de 0,0279 $ le kilowattheure pour l'ensemble du parc patrimonial québécois, évalué à 160 TWh, correspondant au volume de consommation des marchés québécois. Le projet de loi impose donc un nouveau contrat dit patrimonial entre les consommateurs québécois et Hydro-Québec et précise également que la Régie ne pourra modifier le tarif d'une catégorie de consommateurs afin d'atténuer l'interfinancement entre les tarifs applicables à des catégories de consommateurs. On retrouve ceci aux articles 10 et 16 du présent projet de loi.

Le distributeur d'électricité, c'est-à-dire Hydro-Québec, détenant un droit exclusif de distribution doit préparer et soumettre à l'approbation de la Régie un plan d'approvisionnement décrivant les caractéristiques des contrats qu'il entend conclure pour satisfaire les besoins des marchés québécois, plutôt qu'un plan de ressources qui, en vertu de la loi actuelle, incluait les futurs projets de développement hydroélectrique d'Hydro-Québec. Celle-ci ne sera plus tenue d'obtenir l'autorisation de la Régie pour la construction d'actifs, voire même des barrages, destinés à la production. Le gouvernement, à titre d'actionnaire, approuvera lui-même les projets de production d'Hydro-Québec, et on retrouve ceci aux articles 23 et 24.

Aux articles 61 et 63, M. le Président, les contrats spéciaux de même que tout contrat relatif à l'exportation seront désormais sous la responsabilité du gouvernement qui, d'une part, les autorise et, d'autre part, prend à sa charge, à titre d'actionnaire, les pertes ou les bénéfices découlant de ces contrats. À l'article 27, le projet de loi introduit le principe d'appel d'offres pour satisfaire les nouveaux besoins en électricité identifiés par Hydro-Québec.

Dans son plan d'approvisionnement Besoins en électricité dépassant 165 TWh , la Régie de l'énergie devra surveiller l'application de la procédure d'appel d'offres et du code d'éthique et veiller à ce que ceux-ci soient respectés. Hydro-Québec, à titre de producteur, pourra soumissionner sur ces contrats.

Le projet de loi attribue également au gouvernement le pouvoir de fixer par règlement les quotes-parts et le prix maximal de certaines sources d'énergie – éolienne, de petite hydraulique, etc. – qu'il entend privilégier. Le gouvernement a le pouvoir d'exiger qu'une partie des besoins en électricité soit assumée par une ou plusieurs sources particulières d'énergie. Le choix du fournisseur sera soumis à la procédure d'appel d'offres, tel que prescrit à l'article 27.

(17 h 20)

Par ailleurs, M. le Président, le projet de loi permettra aux municipalités régionales de comté de former des sociétés en commandite avec des partenaires privés pour la mise en valeur de sites hydroélectriques de moins de 50 MW sur leur territoire. Cette disposition s'applique uniquement aux nouveaux projets hydroélectriques qu'on retrouve aux articles 58, 59 et 60. De plus, de nouvelles dispositions législatives permettront à un producteur d'électricité générée à partir de biomasse forestière, c'est-à-dire la cogénération, de distribuer son électricité à une autre entreprise, en autant que cette dernière soit située sur un emplacement adjacent au site de production. Le ministère des Ressources naturelles identifiera les quantités de résidus forestiers qui pourront être ainsi utilisées pour produire de l'électricité, et c'est à l'article 19 qu'on retrouve ça.

Il y a également un projet-pilote, que le projet de loi prévoit qu'on devra mettre en place, pouvant permettre aux consommateurs de s'approvisionner en électricité auprès d'un fournisseur de leur choix. Il y a d'autres modifications, M. le Président. Comme par exemple, le projet de loi porte d'un an à trois ans la fréquence des auditions que doit tenir la Régie afin d'établir le coût d'exploitation que doit supporter un détaillant d'essence ou de carburant diesel. De plus, le gouvernement assumera les coûts relatifs aux enquêtes sur les prix des produits pétroliers qu'il exige de la Régie de l'énergie. Il soustrait également des responsabilités de la Régie les préoccupations environnementales, sociales, économiques dont elle devait tenir compte en vertu de sa loi constitutive. Dorénavant, le gouvernement pourra – ça, c'est important – s'il le juge à propos, demander par décret à la Régie de tenir compte de ces préoccupations; mais pourra, il n'est pas obligé de le faire.

Enfin, le projet de loi contient diverses autres modifications afin de permettre plus de souplesse dans les règles de fonctionnement de la Régie. La Régie pourra, dans le cas de plaintes d'un consommateur, tenir une séance de conciliation avec l'accord des parties en cause. Également, plus de plaintes pourront être examinées par un seul régisseur et certaines normes pourront être établies par une ordonnance plutôt que par règlement.

M. le Président, on se souviendra que le Parti libéral du Québec s'est toujours opposé à toute réduction des pouvoirs de la Régie de l'énergie en défendant son intégrité et surtout en soutenant que celle-ci devait assumer l'ensemble de ses responsabilités qui avaient été prévues dans sa loi constitutive. On se souviendra également que la porte-parole libérale déposait une motion à l'Assemblée nationale, le 19 mai 1999, qui demandait, et je cite, «que l'Assemblée nationale s'assure que le gouvernement du Québec donne dans les faits, à la Régie de l'énergie, toute l'indépendance nécessaire à l'exercice de son mandat initial». Ce n'est pas ce qu'on fait actuellement avec le présent projet de loi. Aujourd'hui, en invoquant de faux prétextes de vouloir préserver le pacte social et garantir aux consommateurs québécois les tarifs les plus bas possible, le gouvernement péquiste met la hache dans la Régie de l'énergie en lui retirant notamment son pouvoir d'examiner toutes les activités de production d'Hydro-Québec, ce qui est son activité, en somme, la plus rentable, tous les projets de développement de barrages de même que tous les contrats d'exportation.

Cependant, le véritable objectif poursuivi par le gouvernement et par Hydro-Québec est davantage de rentabiliser l'entreprise afin de verser à son unique actionnaire, qui est le gouvernement, des dividendes importants tenant compte de ce que, le soir du budget, le ministre des Finances déclarait, et ça, il déclarait lui-même à Radio-Canada qu'Hydro-Québec, on s'en souviendra, deviendrait une machine à imprimer de l'argent. Alors, l'examen réel des coûts de production aurait pu forcer Hydro-Québec à réduire ses tarifs plutôt qu'à les geler. Donc, M. le Président, on comprend mal pourquoi le gouvernement ampute à la Régie de l'énergie ses principaux pouvoirs, et donc vous comprendrez qu'en raison de tout ce qui précède nous devons être contre ce projet de loi.

Mais le Parti libéral du Québec n'est pas le seul à s'opposer à l'adoption de ce projet de loi. Dans un article de Michel Auger dans Le Journal de Québec , tout récemment, le 26 mai dernier, on y titrait Une régie édentée . Et ce qui est curieux mais non surprenant, c'est qu'il disait: «Il arrive fréquemment qu'un gouvernement décide de mettre la hache dans l'une des réalisations du gouvernement précédent, question de se démarquer de l'administration antérieure. Mais on ne voit pratiquement jamais un gouvernement défaire l'essentiel de ce que lui-même avait bâti dans un précédent mandat.»

Alors, je vous disais, M. le Président, que c'est le ministre de l'Énergie et des Ressources, qui est maintenant ministre des Transports, qui avait créé la Régie de l'énergie avec les pouvoirs qui étaient importants et nécessaires pour le bon fonctionnement de la Régie, et c'est sous ce même gouvernement, non pas, là, un autre gouvernement, c'est sous ce même gouvernement, après avoir été au pouvoir pendant le premier mandat, que, lors d'un deuxième mandat, parce qu'on change de ministre, on retrouve un autre ministre à la tête des Ressources et de l'énergie. Maintenant, on change d'idée, on enlève à la Régie les pouvoirs dont elle avait absolument besoin pour pouvoir contrôler.

Alors, je cite, ici: «Le projet vient, ni plus ni moins, amputer la Régie de l'énergie du coeur de son mandat, soit examiner les demandes de hausses tarifaires d'Hydro-Québec en fonction des ses coûts de production de l'électricité.» Alors donc, hausse des coûts pour le transport et la distribution et baisse du côté de la production.

Mais, M. le Président, ce ne sont pas seulement les journalistes qui s'inquiètent et qui se posent des questions, même les membres du Parti québécois, et ici j'ai un communiqué de presse qui a été émis par le Parti québécois, le Comité national sur l'environnement et le développement durable. Après avoir mentionné plusieurs considérants, on demande à ce que le gouvernement du Parti québécois retire ce projet de loi en respect pour tous les intervenants qui ont participé au débat public sur l'énergie et qui ont demandé une régie de l'énergie, et ceux de la Table de consultation qui ont proposé et finalement le gouvernement du Parti québécois qui a approuvé la politique énergétique, la loi et la mission de la Régie. Donc, en respect des délégués du Parti québécois qui ont adopté les deux propositions citées, en respect pour les congressistes qui ont adopté à plus de 70 % cette proposition, le Comité national sur l'environnement a demandé à son propre gouvernement de retirer ce projet de loi. Alors, vous comprendrez qu'il sera très facile pour nous de voter contre le projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-François, et je vais céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, j'interviens à mon tour sur le projet de loi n° 116 qui est une loi qui modifie la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives. Je m'en tiendrai plus spécifiquement à un volet de cette loi qui modifie la Loi sur la Régie de l'énergie en soustrayant de sa compétence l'examen de tout le volet production d'Hydro-Québec pour l'établissement du tarif de fourniture de l'électricité et qui introduit la notion d'électricité patrimoniale. Il permet aussi la mise en place d'une procédure d'appel d'offres pour satisfaire les nouveaux besoins en électricité des Québécois.

Un petit peu d'histoire, M. le Président. Je sais que vous l'avez entendu à quelques reprises, je voudrais juste vous rappeler qu'en 1995 le gouvernement du Parti québécois tenait une vaste consultation publique sur toute la question du développement énergétique au Québec. On s'en rappellera, il y a beaucoup de gens qui sont venus puis qui sont intervenus sur cet important sujet. D'ailleurs, ça nous touche personnellement, puisqu'on en est, les citoyens et citoyennes du Québec.

Du consensus qui avait été dégagé de cette consultation, on se rappellera qu'en 1996 il y a une politique énergétique qui est née, et ça s'appelait L'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable . Ça avait conduit aussi à l'adoption de la Loi sur la Régie de l'énergie, en décembre 1996, qui permettait à ce moment-là de créer une instance, cette instance d'ailleurs qui s'appelle la Régie de l'énergie, qui était dotée de tous les pouvoirs nécessaires notamment pour contre-expertiser de façon satisfaisante les demandes tarifaires d'Hydro-Québec selon un mécanisme – M. le Président, vous allez vous en rappeler parce que vous étiez là; on était tous ici, la plupart d'entre nous – qui garantissait la transparence et la participation du public. Ça, c'est dans la loi. Or, la Régie de l'énergie n'a jamais, dans les faits, assumé pleinement ses pouvoirs sur Hydro-Québec, car elle devait au préalable soumettre un avis au gouvernement sur la façon d'établir le tarif de fourniture.

Puis ce qui est quand même intéressant, c'est qu'on parle ici d'un tribunal administratif composé de sept membres et qui ne devait d'aucune façon – on s'en rappellera quand on parle de transparence – être influencé par le gouvernement. C'était donc un tribunal où les décisions étaient sans appel. Or, on s'aperçoit maintenant que, avec le dépôt de la loi n° 116, ce n'est pas tout à fait ce qui se passe.

(17 h 30)

M. le Président, on se rappellera, pour continuer l'historique, que le 11 août 1998 la Régie remettait cet avis au gouvernement dans lequel elle rejetait la proposition d'Hydro-Québec concernant l'établissement de ses tarifs de fourniture. La société proposait que ces tarifs soient établis sur la base d'un prix fixe qu'elle établissait elle-même, impliquant que la production fasse l'objet d'une réglementation sur la base d'un prix de référence plutôt que sur ses coûts réels de production. La Régie soutenait alors cependant dans son avis que, contrairement au voeu d'Hydro-Québec, les tarifs de fourniture devaient être établis en fonction des coûts de production, de distribution et de transport. Ça implique donc qu'elle devait vérifier tous les coûts d'exploitation d'Hydro-Québec et autoriser la construction de nouvelles centrales.

Deux ans plus tard, le gouvernement du Québec, le gouvernement actuel, en retirant de l'examen de la Régie de l'énergie tout le volet production d'Hydro-Québec et en instaurant cette notion d'électricité patrimoniale pour établir un prix moyen fixe, se range du côté d'Hydro-Québec et retire à la Régie une partie importante de ses pouvoirs pour contre-expertiser adéquatement le monopole de la société d'État.

M. le Président, il faut s'interroger sur les raisons qui motivent l'actuel ministre des Ressources naturelles à déposer ce projet de loi dans lequel on retrouve justement le retrait d'une grande partie des pouvoirs qui sont dévolus actuellement à la Régie de l'énergie. Il y a quelqu'un qui l'a dit pas mal mieux que moi, il s'appelle Jean-Paul Gagné, du journal Les Affaires . Et je le cite, dans le journal Les Affaires du 26 juin 1999: «Le ministre Guy Chevrette, qui a dirigé l'élaboration de la politique de l'énergie et qui a fait voter la Loi sur la Régie de l'énergie, a été remplacé par Jacques Brassard sur qui Lucien Bouchard semble avoir plus d'influence.» Alors, ici, M. le Président, on fait probablement et sûrement allusion au compagnonnage entre M. Caillé, qui est le P.D.G. d'Hydro-Québec, et le premier ministre actuel qui, on le sait, écoute beaucoup, beaucoup, beaucoup les propositions de M. Caillé.

J'aimerais, M. le Président, revenir toujours à notre historique. En vertu de la loi actuelle, les grandes pétrolières doivent aussi actuellement assumer à tous les ans les dépenses qui sont encourues par la Régie dans le cadre des auditions relatives à la fixation des coûts d'exploitation des détaillants en essence ou en carburant diesel de même que les dépenses pour les enquêtes de l'organisme qui sont effectuées à la demande du gouvernement. Les modifications qui sont proposées concernant ces deux questions répondent en partie aux demandes des représentants de l'industrie pétrolière. Le projet de loi exclut donc des coûts de production d'Hydro-Québec dans l'établissement du tarif de fourniture d'électricité les compétences de la Régie de l'énergie qui ne conserve sa compétence qu'en matière de tarification pour les activités de transport et de distribution.

De fait, M. le Président, les nouvelles dispositions du présent projet de loi, donc le projet de loi n° 116, octroient la responsabilité au gouvernement de fixer un prix moyen pour l'ensemble du volet production d'Hydro-Québec. Ce coût moyen est de 0,0279 $ le kilowattheure pour l'ensemble du parc patrimonial québécois qui est évalué à 165 TWh, correspondant au volume de consommation des marchés québécois. Le projet de loi impose donc un nouveau contrat qu'on qualifie de patrimonial entre les consommateurs québécois et Hydro-Québec et précise également que la Régie ne pourra modifier le tarif d'une catégorie de consommateurs afin d'atténuer l'interfinancement entre les tarifs applicables à des catégories de consommateurs.

Le distributeur, donc, d'électricité qui est Hydro-Québec, détenant un droit exclusif de distribution, doit préparer et soumettre à l'approbation de la Régie un plan d'approvisionnement qui décrit les caractéristiques des contrats qu'il entend conclure pour évidemment satisfaire les besoins des marchés québécois plutôt qu'un plan de ressources qui, en vertu de la loi actuelle, inclut les futurs projets de développement hydroélectrique d'Hydro-Québec. Celle-ci ne sera plus tenue d'obtenir l'autorisation de la Régie pour la construction d'actifs. Donc, on peut penser à des barrages destinés à la production. Le gouvernement, à titre d'actionnaire, approuvera les projets de production d'Hydro-Québec.

M. le Président, le Parti libéral du Québec s'est toujours opposé à toute réduction des pouvoirs de la Régie de l'énergie parce qu'on croit réellement en son intégrité. On soutient que cette Régie doit assumer l'ensemble des responsabilités qui sont prévues dans la loi. D'ailleurs, ma collègue députée de Bonaventure et responsable du dossier, au Parti libéral du Québec, des ressources naturelles a présenté une motion récemment, qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale s'assure que le gouvernement du Québec donne dans les faits, à la Régie de l'énergie, toute l'indépendance nécessaire à l'exercice de son mandat initial.»

Aujourd'hui, en invoquant le faux prétexte de vouloir préserver le pacte social et garantir aux consommateurs québécois les tarifs les plus bas possible, le gouvernement actuel met la hache dans la Régie de l'énergie en lui retirant notamment – et ça, M. le Président, c'est grave – son pouvoir d'examiner toutes les activités de production d'Hydro-Québec, qui en fait est son activité la plus rentable, tous les projets de développement de barrages, de même que tous les contrats d'exportation.

Cependant, le véritable objectif poursuivi par le gouvernement et par Hydro-Québec est davantage de rentabiliser l'entreprise afin de verser à son unique actionnaire qu'est le gouvernement des dividendes importants, tenant compte évidemment que le soir du budget le ministre des Finances déclarait à Radio-Canada qu'Hydro-Québec deviendrait une machine à imprimer de l'argent.

Et c'est vraiment étrange, M. le Président, parce que j'ai souvent entendu le ministre des Finances ici, en Chambre, nous dire qu'on accusait le gouvernement de vouloir faire de l'argent, qu'on trouvait ça terrible. En fait, c'est M. le ministre des Finances qui lui-même a utilisé cette expression, donc c'est parce qu'il savait de quoi il parlait lorsqu'il l'a utilisée. L'examen des réels coûts de production aurait pu forcer Hydro-Québec à réduire ses tarifs plutôt qu'à les geler.

Je peux vous dire aussi, M. le Président, que je déplore que le gouvernement ait fermé la porte aux nombreuses représentations de l'ensemble des intervenants du milieu énergétique qui revendiquent le maintien des pleins pouvoirs de la Régie. De cette façon-là, si on n'avait pas touché à cette loi-là, le gouvernement impose une taxe... c'est-à-dire qu'avec la nouvelle loi, pardon, le gouvernement va imposer une taxe sans en porter l'odieux, ce qui démontre encore une fois le manque de transparence du gouvernement péquiste. Qui plus est, comme j'ai dit, il retire des pouvoirs de la Régie les préoccupations environnementales qui représentaient probablement un frein important dans le développement des infrastructures d'Hydro-Québec.

Ce que le gouvernement ne dit pas clairement, c'est que les tarifs de distribution et de transport vont demeurer sous la juridiction de la Régie et que ces secteurs d'activité sont loin de faire miroiter les mêmes perspectives de rendement que le secteur de production. Ils font cependant partie intégrante du prix que nous payons, nous, comme consommateurs pour notre électricité, puisqu'ils sont ajoutés au fameux tarif patrimonial de 0,0279 $ le kilowattheure. Hydro-Québec, M. le Président, ne s'est pas engagée à geler son tarif de fourniture au-delà de 2002, elle a simplement exprimé le souhait de viser une stabilité tarifaire jusqu'en 2004, et le gouvernement – le gouvernement – a approuvé cette proposition tarifaire. Reste à savoir quelle sera la véritable situation des secteurs de distribution et du transport lorsque le gel tarifaire aura pris fin. Dans les faits, là, ça va être presque impossible pour le client de s'assurer d'avoir un tarif qui soit compatible finalement avec sa capacité de payer.

Alors, M. le Président, le gouvernement a choisi d'écouter le président-directeur général d'Hydro-Québec et d'ignorer ce que tous les intervenants du milieu énergétique lui ont demandé. L'Association des consommateurs, je pourrais vous en faire toute une liste, ces gens-là réalisent aujourd'hui qu'ils n'auront aucune prise et que leur voix ne sera même pas entendue.

(17 h 40)

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, j'abonde dans le même sens que mes collègues et je vais voter contre le projet de loi n° 116.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Jean-Talon. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Beauce-Sud. Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, nous poursuivons l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives. Ce projet de loi modifie plus particulièrement la Loi sur la Régie de l'énergie en soustrayant de sa compétence l'examen de tout le volet production d'Hydro-Québec pour l'établissement du tarif de fourniture de l'électricité et introduit la notion d'électricité patrimoniale. D'autre part, il permet la mise en place d'une procédure d'appel d'offres pour satisfaire les nouveaux besoins en électricité des Québécois. D'autres modifications liées aux municipalités, aux produits pétroliers et au fonctionnement de la Régie sont aussi incluses dans ce projet de loi.

Alors, nous, au Parti libéral du Québec, M. le Président, nous sommes opposés à toute réduction des pouvoirs de la Régie de l'énergie. Nous avons toujours défendu son intégrité et soutenu que celle-ci devait assumer l'ensemble de ses responsabilités prévues par la loi. Aujourd'hui, en invoquant le faux prétexte de vouloir préserver le pacte social et de garantir aux consommateurs québécois les tarifs les plus bas possible, le gouvernement péquiste met la hache dans la Régie de l'énergie en lui retirant notamment son pouvoir d'examiner toutes les activités de production d'Hydro-Québec – qui, M. le Président, est son activité la plus rentable, il faut se le rappeler – tous les projets également de développement de barrages de même que tous les contrats d'exportation. Nous sommes contre cet état de fait, mes collègues vous l'ont dit avant moi, et voilà pourquoi nous voterons contre ce projet de loi.

Pour mieux comprendre pourquoi nous sommes contre ce projet de loi, M. le Président, je veux vous parler de la Régie de l'énergie qui a été créée en 1996 et des motivations qui étaient à l'origine de la création de cette Régie. La Régie de l'énergie prend sa source dans la politique énergétique qui a été déposée par le prédécesseur du ministre actuel, soit le ministre des Transports et député de Joliette, en 1996. Le dépôt de cette politique a été précédé, rappelons-le, d'un vaste débat public qui a rassemblé à peu près tous les intervenants du domaine énergétique au Québec. Ces gens-là ont travaillé des mois et des mois. Le débat a commencé en février 1995 pour se terminer au début de l'année 1996. Ces gens-là, donc, ont mobilisé beaucoup d'énergie pour nous offrir ce que eux voyaient en termes de développement énergétique. Tous les débats ont conduit à l'élaboration de cette politique qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale.

Selon les documents officiels du gouvernement, l'objectif global de la nouvelle politique énergétique était de mettre l'énergie au service des Québécois et de construire un développement durable qui soit respectueux des générations à venir tout en tirant pleinement parti des changements en cours. De plus, on a pris soin de donner au concept de développement durable une acceptation très large. Selon cette approche, le développement durable englobe les préoccupations économiques, sociales et environnementales et prend en compte la notion d'équité sur le plan individuel comme sur le plan collectif. M. le Président, toute la question des préoccupations économiques, sociales et environnementales qui sont à la base de la politique énergétique, eh bien, elle a été complètement retirée du projet de loi qui a été déposé par le ministre, donc a été retirée complètement de l'autorité de la Régie de l'énergie.

À partir de cet objectif global qui a été annoncé, qui était à la base de la politique énergétique, quatre lignes de force ont été définies. Dans un premier temps, il s'agissait d'assurer aux Québécois les services énergétiques requis au meilleur coût possible; en deuxième lieu, de promouvoir de nouveaux moyens de développement économique; en troisième lieu, d'assurer le respect ou le rétablissement des équilibres gouvernementaux; et la quatrième ligne était de garantir l'équité et la transparence. Cette ligne est l'une des plus importantes de toutes.

M. le Président, le ministre de l'époque, le député de Joliette, évidemment, après avoir annoncé ces grandes lignes qui constituent la force de ce qu'a été la politique énergétique depuis 1996, a pris soin d'ajouter un autre élément que vous me permettrez de lire parce que je pense qu'il représente un enjeu majeur pour l'ensemble des Québécois.

Le ministre, à l'époque, nous a dit la chose suivante, et je le cite: «Grâce à l'initiative majeure que prend ainsi le gouvernement, il sera possible de contre-expertiser de façon satisfaisante les demandes tarifaires d'Hydro-Québec selon un mécanisme garantissant la transparence et la participation du public.» Le ministre venait nous garantir, donc, que tout allait se faire dans la transparence. La Régie de l'énergie allait être cet outil de transparence qui permettrait aux citoyens de se faire entendre sur ce sujet.

Mais qu'en est-il aujourd'hui avec le projet de loi n° 116? Que fait-il pour conserver cette transparence et pour s'assurer que les tarifs d'Hydro-Québec sont ce qu'il y a de mieux pour le citoyen? Rien, M. le Président. Même, au contraire, le ministre des Ressources naturelles retire à la Régie de l'énergie des pouvoirs importants et il renie les engagements du gouvernement péquiste, les engagements du ministre qui l'a précédé.

Permettez-moi encore de citer ici M. Jean Guérin, le président actuel de la Régie, lors d'une conférence qu'il a prononcée le 12 février 1998, sur sa propre vision d'une Régie de l'énergie en pleine possession de ses moyens. Et je le cite, il disait: «Dans le domaine de l'électricité, la Régie prend la relève du gouvernement quant à l'approbation des tarifs d'Hydro-Québec. La fixation des tarifs et des conditions de fourniture et de transport de l'électricité se fera au terme d'un processus rigoureux d'audiences publiques qui permettra à tous les intéressés de se faire entendre.»

Encore une fois, le projet de loi n° 116 vient contrecarrer cette vision, car il retire tout le volet production de la juridiction de la Régie de l'énergie. Donc, la Régie ne pourra plus, dans le futur, tenir ces audiences publiques qui permettraient d'assurer à tout le processus la transparence à laquelle tous les consommateurs québécois ont droit, M. le Président.

Il serait intéressant aujourd'hui, avec le projet de loi que nous étudions, d'entendre le président de la Régie de l'énergie, parce que, évidemment, le voeu ou la vision que celui-ci a exprimée à cette époque s'inscrit tout à fait dans le respect de la vision, donc, du gouvernement péquiste, de tous les intervenants du domaine énergétique et qui a conduit à l'adoption de la fameuse politique énergétique en 1996.

Lorsqu'on regarde le projet de loi n° 116 de plus près, il y a un élément majeur qui retient notre attention. Cet élément est le fait que tout le volet production électricité au Québec ne sera dorénavant plus sous l'autorité ou la juridiction de la Régie de l'énergie. Cela concerne tous les citoyens du Québec, car Hydro-Québec nous appartient. Hydro-Québec, c'est 57 milliards d'actifs, M. le Président. En retirant le volet production de l'autorité de la Régie de l'énergie, on prive les Québécois du contrôle de 50 % de leurs actifs. Alors, comme scénario, on n'aurait pas pu imaginer pire.

Mais il n'y a pas seulement nous, les membres du Parti libéral du Québec, qui sommes contre ce projet de loi, M. le Président. Plusieurs organismes au Québec ont manifesté leur désaccord avec ce projet de loi et ont occupé toutes les tribunes qui leur étaient possibles pour le dire, puisque le gouvernement n'a pas encore tenu les consultations particulières qu'il a annoncées. À le voir aller actuellement, j'ai l'impression qu'il n'est pas très pressé de les tenir et d'entendre ce que les gens ont à dire sur son projet de loi.

(17 h 50)

L'un de ces organismes est le Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois. Ce Comité émettait un communiqué pas plus tard que vendredi dernier pour mentionner que, pour ses membres, il était «inopportun de présenter et de vouloir entériner le projet de loi n° 116 qui est contraire aux orientations de la politique énergétique et qui, de plus, dénature la mission de la Régie de l'énergie». Toujours selon le Comité: «Le gouvernement du Parti québécois doit retirer ce projet de loi: en respect pour tous les intervenants qui ont participé au débat public sur l'énergie et qui ont demandé une Régie de l'énergie, pour ceux aussi de la Table de consultation qui ont proposé sa création et finalement pour le gouvernement du Parti québécois qui a approuvé la politique énergétique, la loi et la mission de la Régie.»

Je continue toujours de les citer: «On annonce maintenant les états généraux de la langue et un débat public sur l'organisation et le financement du système de santé, doit-on déjà s'attendre que notre gouvernement trouve des moyens de contourner les orientations ou les résultats qui en découleront, comme on veut le faire dans le projet de loi n° 116 qui contourne la politique énergétique?»

On peut donc voir, M. le Président, qu'il y a des gens dans le Parti québécois qui comprennent bien l'impact que ce projet de loi aura sur le Québec et ses citoyens ainsi que sur l'environnement et le développement durable. J'aimerais bien, moi, que le ministre des Ressources naturelles s'inspire d'eux lorsqu'il a Hydro-Québec en tête et qu'il pense moins au ministre des Finances, au premier ministre et au président d'Hydro-Québec.

D'autres organismes, comme les 35 associations de protection des droits des consommateurs, se sont, eux aussi, ligués pour demander le retrait du projet de loi n° 116, 35 associations de consommateurs au Québec, de grandes associations qui représentent des millions de consommateurs. Eh bien, le ministre a banalisé la mobilisation de ces 35 groupes en nous disant que ces gens-là ne représentaient pas l'ensemble des consommateurs du Québec. Bien, moi, si j'étais membre de l'un de ces groupes, je serais offusquée de tels propos.

Ces 35 groupes sont assez sévères à l'endroit du projet de loi n° 116. En fait, les groupes en question, en plus d'exiger le retrait du projet de loi, dénoncent les prétentions du ministre des Ressources naturelles à l'effet que ce projet de loi est avantageux pour les consommateurs. Ils rajoutent une chose intéressante: Dans les faits, disent-ils, le cocktail concocté pour la fixation des tarifs d'Hydro-Québec correspond au pire scénario des consommateurs. Alors, M. le Président, leur équation est simple: coût caché plus monopole – parce qu'on sait qu'Hydro-Québec, c'est un monopole – plus absence d'imputabilité font en sorte qu'Hydro-Québec deviendra dorénavant le seul maître à bord pour décider du développement de ces nouveaux projets. Coût caché, monopole, de fait, plus absence d'imputabilité égalent abus potentiels.

Alors, ces associations sont inquiètes, et je les approuve. Pour elles, je dois vous dire qu'il s'agit littéralement d'une volte-face du gouvernement Bouchard qui, quatre ans à peine après l'entrée en vigueur de la Régie de l'énergie, s'apprête à la vider de sa substance.

Je veux ici citer un des intervenants qui affirme la chose suivante: «Si le gouvernement désire taxer nos tarifs d'électricité, qu'il ait le courage de ses actes et le fasse visière levée plutôt qu'en utilisant de faux prétextes et en privant les consommateurs québécois de leur droit de connaître l'ensemble des coûts d'Hydro-Québec et de la possibilité de débattre collectivement des choix de développement énergétique à venir.»

Et puis il y a aussi la Coalition arc-en-ciel qui inclut les 35 groupes de protection des consommateurs dont je faisais état tantôt ainsi que des syndicats, des industriels qui, en d'autres circonstances, vous savez, ne font pas bon ménage. Alors, vous voyez bien, M. le Président, que la cause est importante, puisque tous se rassemblent ainsi contre le projet de loi n° 116. Si la Coalition tient la route, c'est parce qu'il y a un réel problème. Alors, ces gens-là se soutiennent. Ils parlent littéralement d'arnaque pour qualifier la situation actuelle. Ils mentionnent également, sur la base d'une étude qui a été produite le 27 avril dernier par des consultants en énergie et en gestion, que les consommateurs québécois auraient droit à une baisse de tarifs de l'ordre de 10 % par rapport aux tarifs qui sont proposés par Hydro-Québec. Alors, lorsque le ministre ainsi que le président d'Hydro-Québec nous annoncent en grande pompe que nous aurons une baisse ou un gel de tarifs, laissez-moi vous dire, M. le Président, qu'ils ne nous disent pas entièrement la vérité et qu'ils auraient une plus grande marge de manoeuvre qu'ils le disent.

En d'autres termes, si la Régie de l'énergie avait tous les pouvoirs nécessaires pour effectuer correctement son travail, M. le Président, je pense qu'on aurait, une fois pour toutes, réponse à nos questions. Ces groupes-là pourraient faire la démonstration dans un contexte démocratique, et on pourrait leur donner raison. Mais le ministre choisit, encore une fois, d'étouffer le débat, comme c'est son habitude et comme c'est l'habitude du gouvernement péquiste, parce que, en termes de transparence, de cohérence puis de vision, on a déjà vu mieux.

Il n'y a pas seulement les membres de partis politiques ou d'organisations de protection des consommateurs qui ont réagi sur le projet de loi n° 116, il y a aussi les nombreux commentateurs de l'actualité: des éditorialistes, des journalistes qui ont joint leur voix à ceux et celles qui sont contre ce projet de loi. Je veux citer ici M. Jean-Jacques Samson, du journal Le Soleil, qui dit: La loi n° 116 «vise à exclure du regard de la Régie de l'énergie, pour les fins de fixation des tarifs d'électricité, les très rentables activités de production. Le projet de loi a été déposé à la dernière heure, le 12 mai, en vue de son adoption dans la précipitation et le désordre qui caractérisent les fins de session parlementaire à l'Assemblée nationale, en juin et décembre. Les débats publics n'ont alors pas le temps de lever. C'est le premier court-circuit.»

Alors: «Ce projet de loi aux conséquences majeures à long terme n'a aucun caractère d'urgence et est unanimement rejeté par les gens d'affaires et les groupes de pression du secteur énergétique. Un gouvernement vertueux en reporterait l'adoption à l'automne pour permettre un véritable débat ouvert.»

Alors, M. le Président, je vous ai démontré pourquoi le Parti libéral du Québec, des organisations de protection de consommateurs, des syndicats, des industriels, des journalistes et même des membres du Parti québécois étaient contre ce projet de loi. Je vous ai surtout démontré que le Parti québécois et son ministre des Ressources naturelles ne veulent plus que la Régie de l'énergie effectue le travail pour lequel elle a été créée. Pourquoi? Eh bien, tout simplement parce que le ministre des Ressources naturelles a reçu une commande de la part du ministre des Finances, du premier ministre et du président d'Hydro-Québec d'avoir un taux de rendement qui soit acceptable pour Hydro-Québec. Donc, pour lui, ce qui prime d'abord et avant tout, ce n'est pas la protection des intérêts des consommateurs, c'est le taux de rendement d'Hydro-Québec. C'est ça qui est important pour lui. C'est ce qu'on retrouve essentiellement dans le projet de loi n° 116, lorsqu'on sait lire entre les lignes.

Alors, M. le Président, je ne peux que m'associer à mes collègues et voter contre ce projet de loi dans l'intérêt des citoyens du Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Beauce-Sud. Il reste encore quelques minutes. Y a-t-il des intervenants?

Alors, s'il n'y a pas d'intervenants, je vais mettre aux voix le principe du projet de loi. Le principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Vote nominal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote nominal. Vous devez être cinq députés pour pouvoir demander le vote nominal.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une minute, s'il vous plaît, j'ai répondu, là. Alors, M. le leader adjoint.

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint.

M. Boisclair: M. le Président, vous allez me donner 30 secondes pour savoir pour la suite des choses, si nous ajournons à demain ou si nous continuons. Est-ce que je peux vous demander de suspendre quelques instants?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, moi, je dois prendre parce que...

M. Boisclair: Je fais motion, M. le Président, pour que nous ajournions nos travaux au jeudi 1er juin 2000, à 10 heures.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Ce soir, 20 heures. Donc, il n'y a pas de motion d'ajournement spéciale. Nous allons suspendre nos travaux à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 13)

Le Président: Bien. Veuillez vous asseoir.

Alors, à l'ajournement à 18 heures, il est arrivé un malentendu, et je pense que c'est à la présidence à clarifier cela. Quand cette suspension de nos travaux est intervenue, nous en étions sur le débat sur le principe du projet de loi n° 116, et à ce moment-là le vice-président qui est au fauteuil, voyant qu'il n'y avait pas d'autres interventions, a demandé si le principe du projet de loi était adopté et on a demandé d'un côté le vote par appel nominal. Et, comme il n'y avait pas cinq députés pour faire cette demande-là, de l'autre côté, on a dit: Adopté.

Le problème, c'est que, par la suite, la présidence n'a pas fait adopter le principe du projet de loi dans les formes et dans les règles, ce qui fait que, en conséquence, le principe n'a pas été adopté et que la motion qui a été adoptée par la suite, le renvoi du projet de loi en commission parlementaire, est invalide. Et, à ce moment-ci, nous allons reprendre donc là où les choses se sont terminées d'une façon réglementaire, c'est-à-dire sur le débat sur le principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives.

Alors, en conséquence, je serais prêt à reconnaître une autre intervention. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, il s'agit du projet de loi n° 116, la Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives.

C'est un projet de loi d'apparence anodine, 70 articles, et ça touche finalement un organisme qui touche peu les citoyens du Québec parce qu'ils ne sont pas très au courant comment ça fonctionne, cette Régie de l'énergie. Or, que veut faire ce projet de loi? Ce n'est pas sorcier, la Régie de l'énergie devait s'intéresser, devait voir à surveiller Hydro-Québec. Or, Hydro-Québec est impliquée dans trois volets au niveau de l'énergie: elle produit l'énergie, elle transporte et emmagasine l'énergie et elle la distribue aux citoyens, aux consommateurs. Or, que veut faire le projet de loi n° 116? Bien, il veut soustraire la production de l'énergie d'Hydro-Québec à l'autorité de la Régie de l'énergie. Vous, vous direz: Bien, ça fait quoi, ça, finalement, de soustraire de la Régie la production d'électricité? On va essayer de voir, M. le Président, ce que ça peut représenter pour les citoyens et citoyennes, les consommateurs et consommatrices, les gens finalement qui paient la note d'électricité.

Rappelons-nous, dans un premier temps, qu'Hydro-Québec est un monopole. Bien sûr, on peut, dans sa cour, s'installer une éolienne. Bien sûr, on peut également s'acheter une génératrice. On se rappelle, M. le Président, quand il y a eu la crise du verglas, les gens se sont tous jetés sur les génératrices qui restaient dans les magasins pour pouvoir, pendant un certain temps, s'approvisionner en électricité par le biais d'une génératrice.

Or, Hydro-Québec, par ailleurs, est un monopole et non seulement est-il un monopole au niveau de l'électricité, mais, il n'y a pas très longtemps, il a décidé de s'associer à Gaz Métropolitain, et par conséquent nous sommes aujourd'hui face à une immense machine qui contrôle et l'électricité et le gaz.

Jadis, bien sûr, parce qu'il y avait le gaz qui était séparé de l'électricité, il y avait une forme de concurrence, une concurrence additionnelle. Aujourd'hui, cette concurrence a disparu, ils ont fusionné. Il s'agissait apparemment d'avoir une stratégie de complémentarité. Il ne fallait pas que l'un fasse la même chose que l'autre. Or, c'est précisément ça, la concurrence. La concurrence, c'est de permettre à deux volets différents, à deux offreurs de services différents de pouvoir compétitionner pour être sûrs que, nous, les consommateurs, nous ayons le meilleur prix.

Or, M. le Président, à travers tout ça, il y a un consommateur. C'est toujours ce même consommateur qui est là pour payer la note d'électricité, c'est ce même consommateur qui est là pour payer la note du gaz et c'est le même consommateur qui doit s'approvisionner en ressource d'énergie quelconque. C'est toujours lui qui est là pour payer la note.

Or, il y a quatre ans, M. le Président, branle-bas de combat au Québec, vaste consultation comme seul le Parti québécois peut en organiser. Nous étions unanimes! Finalement, après avoir consulté jour après jour après jour tous les Québécois, voilà qu'on s'entend tous, nous avons trouvé la solution, nous avons trouvé que la Régie de l'énergie allait pouvoir – puisque nous étions dans une situation de monopole – déterminer les taux, les tarifs que l'on va charger aux Québécois et aux Québécoises.

(20 h 20)

C'était, ma foi, voyant ce qui se passe aujourd'hui, un grand exercice de relations publiques, parce que, alors qu'on disait que la mission de cette Régie, qui devait être là pour protéger le consommateur... Aujourd'hui, on est en train de défaire ce qu'on a invoqué hier. Alors, aujourd'hui on se dit: Bien, voilà, on s'est trompés. Ce qu'on vous a dit il y a quatre ans, ce n'était pas exact. Aujourd'hui, on détermine qu'on s'est trompés, il faut virer capot. Tout ça, pour nous parler d'une espèce de contrat patrimonial, M. le Président.

Ça, imaginez-vous qu'un contrat patrimonial, c'est un nouveau contrat entre Hydro-Québec et le consommateur. Or, qu'est-ce que ça fait, ça, ce projet de loi, le projet de loi n° 116? Tout le volet de production, notamment en termes de développement hydroélectrique d'Hydro-Québec, n'est plus soumis à la Régie. C'est donc dire que, si Hydro-Québec veut construire un nouveau barrage, veut déterminer et agrandir son potentiel de production, personne ne va pouvoir aller voir, vérifier qu'est-ce qui se passe dans les objectifs poursuivis par Hydro-Québec. Donc, on peut commencer à s'interroger: Quelles sont, M. le Président, les intentions de ce gouvernement aujourd'hui? Quelles sont les véritables motivations du gouvernement actuel?

Je vais vous demander, M. le Président, de m'avertir peut-être cinq minutes à l'avance parce que je vois que l'horloge ne fonctionne plus. Alors, vous pourrez peut-être, cinq minutes à l'avance, m'avertir.

Alors, quel est l'objectif de ce projet de loi? Est-ce que le gouvernement veut faire par la porte d'en arrière ce qu'il n'a pas le courage de faire par la porte d'en avant et de débattre publiquement, ouvertement des enjeux d'Hydro-Québec? Est-ce qu'on a l'intention de privatiser Hydro-Québec? Est-ce qu'on a l'intention de privatiser la production d'électricité? Non, dit le ministre, ce n'est pas du tout là notre intention.

Parce que, si c'était là l'intention du ministre, il n'a qu'à le dire, on va avoir un débat public, ouvert et qui va nous permettre de voir les vertus, les bénéfices d'une privatisation. Ah non! Le ministre est catégorique: Non, on ne veut pas privatiser. Alors, qu'est-ce que le ministre a en tête? Bien, on ne le sait pas. On commence à s'en douter, par ailleurs. On commence à s'en douter. Pourquoi la démarche actuelle? Pourquoi faire tout ce branle-bas de combat? Pourquoi remettre en cause un organisme qui n'avait même pas encore fait ses preuves? Pourquoi défaire aujourd'hui ce qu'on a fait hier avec autant d'éclat, avec autant de brio? Parce qu'on était unanimes au Québec au niveau de cette Régie de l'énergie. Il doit y avoir anguille sous roche, il doit se passer quelque chose. Il y a quelque chose derrière cet objectif. Il y a quelque chose derrière le président d'Hydro-Québec, derrière sa politique, puisque la mission, c'est de fournir de l'électricité aux contribuables québécois. Pourquoi cette démarche actuelle?

M. le Président, on dit qu'on veut augmenter la rentabilité d'Hydro-Québec. Ah! ce n'est pas fou, augmenter la rentabilité d'Hydro-Québec. Pour en faire quoi de cette rentabilité? Est-ce qu'on veut baisser les taux des consommateurs? Est-ce qu'on s'engage à dire: Bien, effectivement on va augmenter la rentabilité pour nous assurer qu'on va baisser les taux de l'électricité et donc, par conséquent, faire bénéficier tous les Québécois et toutes les Québécoises? Or, ce n'est pas ça qui se passe. Non, non, non, on ne veut pas privatiser, mais on ne veut pas qu'il y ait de connexion justement entre la production et la distribution d'électricité. Il faut que ce soit deux membres séparés. Ah! pourquoi arriver à cette détermination si on ne veut pas finalement augmenter la concurrence? On peut se poser la question.

Moi, quand on pose des gestes comme ça, je soupçonne qu'il y a anguille sous roche. Pourquoi, M. le Président? Parce que, imaginez-vous donc, le ministre des Finances, lui, il le sait. Il est fin, le ministre des Finances. Lui, il sait qu'il est capable d'aller chercher plus d'argent dans les poches des contribuables. Il va aller chercher, par des hausses de taux, au niveau de la production, les dividendes. On va garder les taux, les tarifs élevés d'électricité, et le ministre des Finances va à ce moment-là avoir plus d'argent dans les coffres de l'État. Savez-vous ce qu'il veut en faire, le ministre des Finances, de son argent? Il veut donner des subventions aux entreprises du Québec. Il veut aller donner des subventions le plus rapidement possible ou à la Cité du multimédia, ou à la Cité du commerce électronique, ou aux 2 500 autres entreprises du Québec qui reçoivent une aide quelconque via Investissement-Québec.

Oui, M. le Président, on va distribuer l'argent. On va donner des subventions à des entreprises richissimes qui font des centaines de millions par année de profits – des centaines de millions. On va aller chercher ça chez les contribuables, la classe moyenne, celle qui gagne entre 25 000 $ et 50 000 $ par année. Eux autres, on va permettre qu'on hausse les taux d'électricité pour que le ministre des Finances puisse se retourner et alors là flatter son ego et distribuer l'argent: Oui, oui, je vous en donne. Non, vous, je ne vous en donne pas. Oui, oui, vous, vous êtes dans la Cité du multimédia? D'accord. Vous, vous êtes dans le meuble? Non, pas maintenant, plus tard.

Alors là le ministre des Finances, lui, se donne belle allure, n'est-ce pas, et le ballon qui gonfle et l'énergie du ministre des Finances s'enfle, qui s'emporte et qui se... Bon. Alors, ça, c'est notre ministre des Finances. Parce que, vous vous rappelez, le ministre des Finances, en plus de ça, non seulement il donne de l'argent, mais ses chiffres ne sont pas toujours très bons. Moi, je dirais: Des fois, je me demande s'il a complété sa cinquième année forte, c'est-à-dire s'il sait additionner. On ne lui demande pas des analyses économiques. On lui demande de savoir compter. On lui demande de savoir additionner. Bon.

Alors, il n'y a pas très longtemps, il nous annonce en cette Chambre qu'il avait créé 7 500 emplois. Ah! il était tout heureux. Oui, il a affirmé catégoriquement publiquement qu'il avait créé 7 500 emplois dans la Cité du multimédia. Aujourd'hui – aïe, aïe, aïe! – ce n'était plus la même chanson, là c'étaient 2 700 emplois, 2 700 emplois, d'accord? Ça, entre 7 500 puis 2 500 qu'il a avoué aujourd'hui, il y a un petit écart, ma foi. Ça ressemble à du 30 %, ça. Moi, je ne parlerai pas des grands cours de mathématiques ou d'économie, je parle d'addition puis de soustraction. Ce n'est pas fort, ça, dans la vie. Bien, c'est de ça que je parle, M. le Président.

Parce que, en plus de ça, M. le Président, la beauté de la Cité du multimédia, imaginez-vous donc, savez-vous combien est-ce qu'il y avait d'emplois quand les gens des entreprises se sont associés, qu'ils ont obtenu leur visa? Vous vous rappelez, le ministre, aujourd'hui, il vient de dire qu'il y avait 2 800 emplois qui étaient éligibles. Savez-vous combien est-ce qu'il y avait d'emplois dans la Cité du multimédia en janvier 1999? Il y en avait 2 700, et ça, ce sont des chiffres qui sortent d'Investissement-Québec, fournis justement par Investissement-Québec. Alors, c'est donc dire, M. le Président, que ça aussi, ça ne fait pas des enfants forts. Ça ne fait pas des enfants forts, on a là des chiffres. Moi, je ne demande pas des grandes théories, je demande juste qu'on sache additionner et soustraire, d'accord?

Or, qu'est-ce qu'on sait par ailleurs, c'est que là on va payer du déménagement. Tout le monde va se transporter, puis là on va redéménager d'un centre, d'un endroit où on paie 10 $, 15 $, 16 $ le pied carré, puis là on va s'en aller à la Cité du multimédia où ça coûte effectivement 45 $ le pied carré. Ça, M. le Président, ce sont les grands projets du ministre des Finances et ce pour quoi il a besoin de dividendes, il a besoin d'argent, parce que, plus il va avoir de dividendes, plus il va être capable précisément de faire la distribution de la manne comme ça.

(20 h 30)

Une subvention béton, bien il aime ça. Il en a parlé aujourd'hui, des grues, il est donc content de voir les grues, bien il faut qu'il le dise: Ce n'est pas des subventions aux emplois, c'est une subvention à la construction...

Une voix: Pour grues.

Mme Jérôme-Forget: C'est ça, pour grues. Alors, on va être d'accord, on va dire: Oui, c'est ça, M. le Président, c'est une subvention aux grues. Alors, les gens sont obligés de déménager à 45 $ le pied, alors qu'ils en paient 15 $ ailleurs. C'est amusant parce que toutes les entreprises où il y a eu des délais, elles sont toutes ravies parce qu'elles se disent que, au moins, là où elles sont, ça leur coûte moins cher.

M. le Président, si on veut utiliser les contribuables québécois pour les taxer pour pouvoir exporter de l'électricité aux États-Unis – c'est une façon de hausser les taxes; c'est une autre façon de hausser les taxes – bien qu'on le dise, que c'est là notre objectif, de hausser les impôts, puisque l'électricité, c'est un monopole. Lorsque vous allumez le commutateur dans la maison ou que vous utilisez des appareils ménagers, vous devez faire appel à Hydro-Québec. Vous n'avez pas le choix. Alors, étant dans une situation de monopole, manifestement, les gens n'ont pas le choix. Donc, si on hausse les tarifs, les taux, manifestement, on va devoir... C'est une taxe aux consommateurs.

M. le Président, quand on voit tout ça, quand on voit la confusion dans ce projet de loi, quand on ne connaît pas l'intention derrière un projet de loi comme celui qu'on nous présente aujourd'hui par le projet de loi n° 116 sur la Régie de l'énergie, bien, manifestement, on soupçonne qu'il y a quelque chose d'autre. Parce que, s'il y a quelque chose d'autre – et on le sait, là – c'est parce que le ministre des Finances a passé une commande, comme disait très bien ma collègue la députée de Bonaventure. C'est une commande qui vient du ministre des Finances. Le ministre, probablement, n'est pas très chaud à l'endroit de ce projet de loi là. Mais le ministre des Finances, lui, il y tient, puis on sait pourquoi il y tient: parce que, lui, il pense qu'il sait mieux que quiconque comment dépenser l'argent des Québécois. Lui, il dit: Moi, je suis capable de déterminer une meilleure façon – une façon plus efficace, je suppose – comment les Québécois doivent dépenser leur argent.

Or, on sait, M. le Président, que le fait que le Québec est l'État le plus taxé en Amérique du Nord, ça a des répercussions au niveau économique des Québécois. D'ailleurs, au niveau de la qualité de vie, vous prenez tous les États américains, vous additionnez toutes les provinces – ça fait 50 plus 10 provinces, ça fait 60 – le Québec se situe à la 52e place. D'ailleurs, je cite ici un ami commun, Pierre Fortin, qui en a fait d'ailleurs un très bon article.

On est témoin d'un style de gouvernement qui, aujourd'hui, hélas, est devenu arrogant. À force d'être au pouvoir... On dit, M. le Président, que le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument. Savez-vous pourquoi on dit ça? C'est parce que là, tout à coup, on utilise le pouvoir à des fins qui, parfois, ne sont pas toujours aussi transparentes qu'elles devraient être. Et c'est la raison pourquoi nous allons voter contre ce projet de loi, parce que, nous, nous sommes du côté des citoyens et des payeurs de taxes, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Nous allons maintenant céder la parole au député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Nous poursuivons ce soir l'étude du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, car, en effet, il y a dans ce projet de loi différentes dispositions qui ne touchent pas seulement l'énergie. Il y a la mise en place d'une procédure d'appel pour satisfaire les nouveaux besoins en électricité des Québécois, mais, bien sûr, il y a les modifications liées aux municipalités et aux produits pétroliers et au fonctionnement de la Régie.

M. le Président, ce qui retient notre attention particulièrement, ce soir, bien sûr, c'est ce qui concerne la Régie de l'énergie. En effet, le gouvernement du Québec, prétextant, aujourd'hui, le faux prétexte ou le prétexte de vouloir préserver le pacte social, de garantir aux consommateurs des tarifs d'électricité de bas niveau, bien sûr, ou le plus bas possible, eh bien, a décidé de saborder la Régie de l'énergie. Et ça, M. le Président, c'est quelque chose qui doit attirer l'attention de tous les Québécois et toutes les Québécoises, parce que vous n'êtes pas sans savoir que la Régie de l'énergie a été créée à une époque où de graves questionnements avaient lieu en ce qui concerne les coûts de l'énergie hydroélectrique au Québec, et aussi, bien sûr, au niveau des produits pétroliers. Et il était, à l'époque, notamment, donné au pouvoir de la Régie d'examiner tous les projets de développement, les barrages, ainsi que bien sûr tous les contrats d'exportation.

Et c'est là qu'on rentre dans le coeur du projet de loi, parce que, lorsqu'on parle des barrages et des produits d'exportation, eh bien, on touche là aux activités certainement qui sont parmi les plus rentables du mandat, de la mission d'Hydro-Québec. Et, M. le Président, nous avons ici, du côté de l'opposition, beaucoup de réserves à ce projet de loi là, et nous sommes même contre ce projet de loi là, bien entendu, parce que nous ne sommes pas assurés, et même nous croyons que le projet de loi va aller à l'encontre de l'intérêt des consommateurs québécois.

Et pourquoi, M. le Président? C'est très simple. En scindant les pouvoirs de la Régie en deux parties, bien sûr, le gouvernement se trouve à faire en sorte que nous n'aurons plus le contrôle sur les coûts de production de l'énergie parce que tout ce qui va être production, barrage, exportation, eh bien, va se retrouver complètement sorti du cadre qui était celui qu'il y avait précédemment. Et ça va permettre un certain nombre d'aberrations venant d'Hydro-Québec, pas forcément du gouvernement. Mais le gouvernement cautionne cette activité, cautionne cette démarche. Et je trouve ça un peu dommage, parce que, lorsque nous avons été en commission parlementaire avec le ministre responsable d'Hydro-Québec, nous avions eu de longues discussions avec les gens d'Hydro-Québec à l'effet qu'il était très important de maintenir, pour l'ensemble des Québécois et Québécoises, les taux les plus bas en ce qui concerne la production d'électricité.

Là, on parle, M. le Président, pour les consommateurs résidentiels, domiciliaires, les ménages, les Québécois et Québécoises qui, année après année, ont vu depuis six, sept, huit ans les coûts d'électricité doubler et même tripler par rapport à ce qu'ils payaient précé6demment. C'est une charge sur les ménages qui a été très importante et c'est une charge qui a fait en sorte d'appauvrir encore plus les ménages québécois. On se rappelle qu'à cette époque-là nous connaissions aussi au Québec un ralentissement économique important, nous connaissions un taux de sans-emploi, de non-emploi, de chômage important, un taux de gens sur l'aide sociale très, très fort. Et, en plus de ça, eh bien, nous avons dû absorber des taux d'augmentation d'électricité très importants. Et je n'impute pas de faute à aucun gouvernement, simplement je constate cet état de choses.

M. le Président, nous avons vite compris qu'il était important de restaurer, dans le meilleur intérêt des Québécois et des Québécoises bien sûr, cette capacité d'Hydro-Québec de livrer aux Québécois, aux ménages des tarifs d'électricité raisonnables. Parce que l'énergie que nous avons, ce qui a été développé il y a 25, 30 et 40 ans pour certains barrages, c'est de la richesse collective québécoise. Ça a été financé par les Québécois, ça a été financé par les impôts, par les redevances payées à Hydro-Québec et ça a été fait pour le Québec.

Je me souviens très bien, moi, lorsque nous faisions la promotion des développements de la Baie-James, au début des années soixante-dix, nous disions: Nous bâtissons pour l'avenir, nous bâtissons pour le Québec, nous bâtissons pour les Québécois, nous allons assurer une autonomie, une indépendance énergétique aux futures générations, et cela, au meilleur coût. Et, en effet, nous avons bon an, mal an réussi à préserver une marge de manoeuvre différente par rapport à nos compétiteurs nord-américains, par rapport à l'Ontario, par rapport bien sûr aux États-Unis, mais il ne faudrait pas que cela se trouve maintenant compromis.

(20 h 40)

Et le gouvernement, en scindant la mission de la Régie, eh bien, M. le Président, certainement nous invite et nous pose un certain nombre de questions et d'interrogations, et pas seulement à nous, parce qu'il y a un grand nombre de citoyens ou d'organisations de consommateurs. Si c'était juste l'opposition officielle, on pourrait dire: Bon, peut-être fait-elle encore là une opposition de bon aloi, certes, sur un projet de loi un peu complexe pour un certain nombre de citoyens, mais, ma foi, somme toute nécessaire.

Mais ce n'est pas ça, M. le Président. Quand nous regardons d'un peu plus près, on voit qu'il y a un grand nombre de citoyens et d'organisations politiques, comme le Parti libéral, mais aussi de réseaux de consommateurs au Québec qui s'opposent à ce projet de loi et qui dénoncent ce projet de loi. Il y a des organismes bien sûr traditionnels qui s'occupent de vérifier, de surveiller Hydro-Québec de manière bien souvent bénévole, mais il y a aussi le Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois. Ça, ce n'est pas un comité du Parti libéral, c'est un comité qui a été fait, qui a été formé, qui existe, une instance du Parti québécois, comme il existe des instances au sein du Parti libéral, des commissions politiques, des sous-comités qui visent à faire des recommandations au parti sur les politiques, sur les orientations que le Parti libéral doit prendre, l'opposition officielle étant sa voix la plus publique en cette Chambre. Le sous-comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois est l'équivalent pour le Parti québécois, donc pour le gouvernement.

Et que dit-il, ce comité sur l'environnement et le développement durable, M. le Président? Ce qu'il dit, ce comité, M. le Président, c'est la chose suivante. Vendredi dernier, il a émis un communiqué qui était très important et dans lequel il disait: Il est inopportun de présenter et de vouloir entériner le projet de loi n° 116. Qui dit ça? C'est le comité sur le développement durable du Parti québécois. Ce n'est pas le député de LaFontaine, ce n'est pas la députée de Bonaventure, critique officielle pour le ministère de l'Énergie et pour le Parti libéral, pour l'opposition. C'est le sous-comité du Parti québécois.

Et il disait: La politique énergétique et qui, de plus, dénature la mission de la Régie de l'énergie... Et, selon ce comité – et là, je vais les citer entre les guillemets – il disait: «Le gouvernement du Parti québécois doit retirer ce projet de loi en respect pour tous les intervenants qui ont participé aux débats publics sur l'énergie et qui ont demandé une régie de l'énergie, pour ceux de la table de consultation qui ont proposé sa création et finalement pour le gouvernement du Parti québécois qui a approuvé la politique énergétique, la loi et la mission de la Régie.»

Quel constat, M. le Président! Quel constat lorsque vos propres instances politiques se permettent – pas se permettent, mais décident – d'émettre un communiqué sur la place publique qui vous demande de retirer un projet de loi. Est-ce que l'on ne doit pas, comme gouvernement, se poser la question? Est-ce qu'on ne doit pas prendre un temps d'arrêt, est-ce qu'on ne doit pas dire: Oh! Un instant, quelque chose ne va pas, car 35 organisations de protection de consommateurs, protection d'environnement et autres au Québec nous envoient ce message, notre propre sous-comité de notre propre parti, donc nos militants. On ne parle pas des gens qui veulent le mal du Parti québécois, des gens qui veulent le défaire à la prochaine élection, des gens qui veulent le voir remplacé par les députés libéraux sur les banquettes du gouvernement, non, des gens qui ont comme vision de défendre la mission et le mandat électif du Parti québécois.

Bien, lorsque ces gens se permettent ou décident d'émettre un communiqué public et de dire: Retirez ce projet de loi là, il ne correspond pas à la mission que vous avez donnée à la Régie, il ne correspond pas aux orientations politiques de notre parti, eh bien, il y a lieu de se poser des questions. Et il est dommage ce soir que, en cette Chambre, ce soient les gens du Parti libéral qui soient obligés de rappeler à nos collègues du Parti québécois le voeu de leurs instances. Un peu paradoxal, M. le Président.

Moi, je m'attendrais à ce que, à l'occasion, mes collègues, dans différents colloques comme celui qui a eu lieu en fin de semaine, dans des débats virils mais certes empreints d'un grand respect les uns envers les autres, nous nous rappelions entre nous et que nos militants nous rappellent: MM. les députés, le programme du Parti libéral est dans telle direction, ne l'oubliez pas. Faites-le. Nous comptons sur vous pour tenir la mission du parti. Je suis prêt à accepter ça et je l'accepte volontiers, c'est la règle du jeu. Depuis 15 ans que je suis élu député et depuis 20 ans que je milite dans ce parti qu'est le Parti libéral, je l'ai vu à de nombreuses reprises et je le verrai certainement encore dans de nombreuses occasions, et c'est tant mieux pour le bien de la vie politique démocratique d'un parti. Mais, lorsque c'est l'opposition en Chambre qui est rendue à se faire le relais des souhaits du parti politique au pouvoir, le relais des souhaits des militants de ce parti-là, il y a lieu de se poser des questions sur le bien-fondé de cette politique.

M. le Président, moi, je connais très bien le ministre de l'Énergie, ça fait une quinzaine d'années que je le côtoie en cette Chambre. Je sais que c'est un homme de bon sens, un homme pragmatique, et je crois qu'il devrait bien sûr écouter cette unanimité qui semble poindre au Québec en ce qui concerne ce projet de scinder le rôle de la Régie de l'énergie au Québec.

M. le Président, les associations de consommateurs, elles représentent des millions de citoyens au Québec; 35 groupes, je le disais précédemment. Et, si j'étais, moi... Je ne suis pas membre du Parti québécois. C'est pour ça que je dis des fois: Si j'étais membre du Parti québécois, je serais content, ce soir, que le député de l'opposition rappelle à mes ministres ce que... Et ils refusent de m'écouter, mais je suis un membre consommateur et je peux donc espérer que, si j'étais un membre de ces groupes consommateurs, eh bien, M. le Président, je serais content de voir qu'ils rejettent ce projet et qu'ils font des représentations au ministre. Parce qu'ils ne rejettent pas pour rejeter.

On ne peut pas dire que toutes les associations de consommateurs du Québec sont antigouvernementales, sont anti-Parti québécois; au contraire, M. le Président, on retrouve parmi eux des gens de différentes allégeances politiques, des gens qui peuvent être, d'un côté, à l'occasion d'une élection ou d'un programme politique, eh bien, plus enclins à voter pour un des partis présents en cette Chambre. Eh bien, M. le Président, on devrait donc penser que le Parti québécois, qui se réclame d'une alliance, lors des élections, avec les partis environnementalistes, avec les partis de consommateurs – et on sait là le discours gouvernemental lors de ces campagnes électorales – il devrait, en dehors des campagnes électorales, les écouter, parce que, lorsque les campagnes électorales arrivent, il table sur leur vote pour faire la différence dans les élections dans les circonscriptions, dans les comtés. Et ce n'est pas ce qu'ils font.

Alors, pourquoi ne le font-ils pas, M. le Président? Pourquoi s'entêtent-ils à ce projet de loi là? Je vais vous dire pourquoi, M. le Président, ils s'entêtent. Ils s'entêtent parce que ce gouvernement est tombé dans le piège de l'assujettissement des gouvernements à Hydro-Québec. Ce n'est pas le gouvernement qui mène, c'est Hydro-Québec qui mène, pouvait-on lire dans les journaux il y a une quinzaine d'années, en disant – on se souvient ces reportages que nous voyions – l'empire Hydro-Québec. Eh bien, M. le Président, ce gouvernement est tombé dans la même ornière. Ce gouvernement est assujetti entièrement aux grands décideurs qui sont sur le boulevard René-Lévesque, et leur bureau n'est pas au 17e étage, mais au 22e, au 23e, celui du premier ministre étant au 17e étage. On voit que la grande direction est élevée un peu plus haut.

Alors, M. le Président, ce n'est pas bon pour les consommateurs, ce n'est pas bon pour les Québécois, ce n'est pas bon pour le Québec. M. le Président, est-ce que le gouvernement, le ministre peuvent se rendre compte qu'avec ce projet de loi là nous risquons de nous retrouver dans une dérive de coûts, une dérive qui va faire que, dans un an, deux ans, trois ans, inexorablement les tarifs d'électricité des Québécois vont se retrouver à la hausse? Et là, bien, on justifiera ça en disant: Vous savez, bien, voilà, c'est la division de distribution qui a tels coûts, qui a telles obligations, et nous devons donc vous charger, faisant payer probablement par les Québécois et les Québécoises le coût des infrastructures qui servent à l'exportation, alors que la division d'exportation, elle, sera bénéficiaire, pouvant ainsi justifier la construction de nouveaux ouvrages, alors que ce sera subventionné par les tarifs élevés des Québécois et des Québécoises. C'est là le grand danger. C'est là ce qui guette et ce à quoi les Québécois sont exposés, M. le Président, dans les prochaines années.

(20 h 50)

Alors, nous ne pouvons pas l'accepter. Bien sûr que nous ne pouvons pas accepter, et je ne pense pas que les Québécois soient dupes de cette situation. Je ne pense pas que les Québécois se rendent à la décision du ministre. Ils ne l'acceptent pas, ils le dénoncent.

Il n'y a pas seulement les groupes environnementalistes, il n'y a pas seulement le sous-comité du Parti québécois sur l'environnement et le développement durable. Ce sont quand même des gens sérieux. Vous ne pouvez pas dire qu'ils ne sont pas sérieux. Moi, je serais malheureux de voir le gouvernement, en face, dire que le sous-comité de l'environnement du Parti libéral n'est pas sérieux. Je sais qu'ils sont sérieux, comme je sais que le leur est sérieux, parce que ce sont là des citoyens. Ce n'est pas des politiciens qui siègent à ces sous-comités, ce sont des gens qui ont à coeur le développement de leur société. Et, même si les opinions politiques peuvent diverger, les objectifs, des fois, sont les mêmes. C'est l'intérêt général des Québécois et des Québécoises. Et là nous nous rejoignons avec ces gens-là, ce qui prouve qu'au-dessus des machines et des appareils politiques, il y a des moyens, il y a des convergences qui se font. Et là il y a une convergence.

Alors, le sous-comité du Parti québécois, les 35 organisations de protection du consommateur et de l'environnement, c'est déjà beaucoup de monde, M. le Président, ça, c'est énormément de monde. Et on pourrait dire: Oui, mais bon, c'est juste des militants environnementaux ou des militants consommateurs, des militants politiques du PQ, des libéraux, mais il y a aussi la presse, les journaux, M. le Président.

Alors, qu'en disent les journaux? On sait que ce gouvernement a toujours une grande attention envers les journaux. Ils sont sensibles, ils gouvernent un peu par sondages, un peu par jour. On dit que les politiciens sont en général tous un peu comme ça. Oui, c'est vrai que c'est un peu sensible. Personne n'aime avoir vraiment des critiques ou des articles dans les journaux qui ne font pas notre affaire.

Eh bien, je vais en lire un, M. le Président. Jean-Jacques Samson, le journal Le Soleil . Ce n'est pas un journal bien libéral, le journal Le Soleil , Jean-Jacques Samson. On ne peut pas dire que c'est un journal péquiste non plus, mais disons qu'il a une certaine tendance. Qu'est-ce qu'il dit, M. Samson? M. Samson, il dit: «La loi n° 116 vise à exclure du regard de la Régie de l'énergie, pour des fins de fixation des tarifs d'électricité, les très rentables activités de production. Le projet de loi a été déposé à la dernière minute, le 12 mai, en vue de son adoption dans la précipitation et le désordre qui caractérisent les fins de sessions parlementaires à l'Assemblée nationale en juin et en décembre. Les débats publics n'ont alors pas le temps de lever, c'est le premier court-circuit.» Et il poursuit: «M. Caillé a invoqué des raisons de concurrence pour cacher à la Régie les coûts réels de production d'électricité, et le gouvernement cautionne cette attitude avec la loi n° 116. La Régie de l'énergie s'est révélée tout à fait inutile pour contrer le yoyo du prix de l'essence – et chacun des Québécois le voit actuellement – et le même gouvernement qui l'a créée, en 1996, lui coupera l'autre bras par la loi n° 116.» Voilà, M. le Président, ce qui est dit dans Le Soleil .

Un autre journal, montréalais cette fois-ci, mais national quand même: Le Devoir . Jean-Robert Sanfaçon – ce n'est pas encore un grand classique du Parti libéral, ça, Le Devoir – qui a apporté ses commentaires sur le projet de loi, et je le cite: «Entre l'analyse de la Régie et les demandes d'Hydro-Québec, le gouvernement a tranché: Hydro a gagné! La Régie ne pourra donc pas connaître les coûts de production d'Hydro-Québec et, pour fixer les tarifs, elle devra limiter ses calculs aux coûts du transport et de la distribution d'électricité. Pour la partie du prix de vente qui découle des coûts de production, le Québec a décrété un montant de base fixe, arbitraire, qu'il qualifie pompeusement de patrimonial et qu'il pourra seul modifier si bon lui semble.» Jean-Jacques Samson, M. le Président. Et il poursuit: «Voilà un abus de pouvoir de la part de l'actionnaire unique d'un monopole. Et ce n'est pas la promesse d'un gel temporaire des tarifs qui rend la décision plus acceptable, puisque c'est à des baisses de prix auxquelles on devrait s'attendre si on laissait la Régie faire son travail. [...] Nous voilà revenus à la case départ. Quant à la Régie, son rôle se limitera désormais à celui d'un exécutant servile des décisions du gouvernement.»

M. le Président, j'ai fait le tour très rapidement – il me reste une minute et je vous remercie de me le faire savoir – des opposants et des commentaires sur ce projet de loi là. Que ce soit ma collègue la députée de Bonaventure, du Parti libéral, qui a fait un excellent travail, qui a été vigilante et qui a vu les dangers qui nous guettaient avec le projet de loi, que ce soit le sous-comité du Parti québécois sur l'environnement et le développement durable, comité hautement responsable vu que ce sont des citoyens et des militants, que ce soit le comité du Parti libéral, que ce soient les groupes de consommateurs, que ce soit la Coalition Arc-en-Ciel qui regroupe des patrons, des groupes patronaux industriels et de protection de l'environnement, tous et chacun avons le même constat, M. le Président: Ce n'est pas un bon projet de loi pour le Québec, donc ce n'est pas bon pour les Québécois, et il doit être retiré sans plus de discours et rapidement par le ministre, dans le meilleur intérêt du Québec et des Québécois.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Sauvé. Mme la députée


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Effectivement, il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi no° 116, qui est la Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives.

Je dis qu'il me fait plaisir de prendre la parole sur ce projet de loi, mais enfin, M. le Président, vous comprendrez que je veux surtout dire qu'il me semblait important, drôlement important, de prendre la parole sur ce projet de loi n° 116, puisqu'il me semble important d'expliquer à la population qui nous écoute en quoi ce projet de loi défie tout entendement, en quoi ce projet de loi se retrouve à bafouer une entente qui a été prise ici, en cette Assemblée nationale, où nous sommes tous et toutes représentants de la population du Québec et où nous avons voté unanimement, il n'y a pas si longtemps, c'était en 1996, la loi créant la Régie de l'énergie. Pratiquement quatre ans plus tard, on se retrouve devant un gouvernement qui veut soustraire de la compétence de la Régie de l'énergie tout un volet de la fonction d'Hydro-Québec.

Pour le bénéfice de tous, je répète qu'Hydro-Québec, en fait, la Régie de l'énergie a un droit de regard, d'examen, de questionnement et de recommandation sur trois volets de la fonction d'Hydro-Québec qui sont les volets production, distribution et transport de l'énergie. Or, le projet de loi n° 116, présenté par l'actuel ministre des Ressources naturelles, indique, en fait se promet de soustraire de la compétence de la Régie de l'énergie tout le volet production d'Hydro-Québec qui, en passant, M. le Président, il faut le souligner, est le volet le plus rentable d'Hydro-Québec. Les deux autres volets – distribution, transport – sont des volets déficitaires. Mais le volet production est le volet le plus rentable et donc le volet ayant le plus d'impact sur le tarif d'électricité que paie le consommateur, la consommatrice d'électricité au Québec.

Donc, on se promet de retirer le volet production du regard de la Régie de l'énergie. En contrepartie, on dit qu'on va établir le tarif de fourniture d'électricité. On introduit la notion d'ailleurs un peu tarabiscotée d'électricité patrimoniale, et, comme porte-parole dans le domaine de la culture et des communications, ça me fait un peu sourire de voir que, dans un domaine comme l'énergie, on ose utiliser le mot «patrimonial», alors que le ministère même de la Culture, qui devrait être le gardien, l'ange-gardien, j'aimerais dire, du volet patrimoine de notre société, eh bien, ce ministère n'a même pas de direction du patrimoine actuellement, au Québec. Donc, c'est assez amusant, et on voit jusqu'à quel point c'est inoffensif, pour le gouvernement, dans son projet de loi n° 116, de faire référence vaguement, de façon très tarabiscotée, à une notion d'électricité patrimoniale. Permettez-moi de sourire, M. le Président.

Mais on se doit de faire un peu un brin d'historique dans ce dossier, puisque, en 1995, le gouvernement du Parti québécois tenait une vaste consultation publique sur toute la question du développement énergétique au Québec, une vaste consultation publique qui a eu lieu, si je ne me trompe pas, du tout début de l'année 1995 – je crois que c'était de février 1995 – jusqu'au tout début de l'année 1996. C'est une année complète où les différents acteurs qui proviennent, par exemple, du milieu bien sûr des consommateurs, des associations de consommateurs... Et je me dois ici de les saluer parce que, moi-même, j'ai eu l'expérience professionnelle, pendant quelques années, de militer au sein d'associations de consommateurs et je connais la qualité de leur travail, la probité de leurs prises de positions, jusqu'à quel point ils sont documentés et jusqu'à quel point ils ne s'écartent jamais, eux, de leur mission qui est de prendre la défense des consommateurs et des consommatrices du Québec.

(21 heures)

Donc, j'indiquais que, pendant plus d'un an, de 1995 à 1996, le milieu bien sûr des consommateurs, des associations de consommateurs, mais aussi le milieu des organismes environnementaux, le milieu également – et c'est la beauté de la chose – de représentants des compagnies industrielles, tous se sont prononcés, tous se sont mobilisés, ont mobilisé leurs énergies importantes pendant tout près d'un an, de 1995 à 1996, pour faire en sorte que l'Assemblée nationale du Québec procède à l'unanimité.

Je pense ici que, au bénéfice de tous dans cette Chambre, il est important de rappeler qu'en 1996, au tout début de l'année 1996, cette Chambre, vous, les représentants et représentantes des citoyens et citoyennes du Québec, qui étiez là à ce moment-là... Je peux en parler, M. le Président, moi, je n'y étais pas. J'ai l'honneur d'avoir joint cette Chambre à la fin de l'année 1998. Mais plusieurs ici, en cette Chambre, étaient là en l'année 1996, lorsque, unanimement, en cette Chambre, on a procédé à l'adoption de la Loi sur la Régie de l'énergie.

Cette loi, elle était considérée par tous, elle a été adoptée unanimement. Et Dieu sait que ce n'est pas toujours facile, en cette Chambre, de procéder à l'adoption unanime d'un projet de loi. Il faut donc que ça touche de près les intérêts des Québécois et des Québécoises, leurs convictions profondes mais surtout leur défense. Ce projet de loi a été adopté à l'unanimité et dotait la Régie de l'énergie de tous les pouvoirs nécessaires pour notamment, et je cite, «contre-expertiser de façon satisfaisante les demandes tarifaires d'Hydro-Québec – ça, c'est nos tarifs d'électricité, votre compte d'électricité, M. le Président – selon un mécanisme garantissant la transparence et la participation du public».

Je vous ai cité, M. le Président, un extrait du document qui s'appelle L'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable . À cette époque – c'est un peu dur pour les parlementaires de reconnaître ça – on a reconnu, comme l'a fait encore plus récemment lors de l'étude du plan stratégique d'Hydro-Québec, comme l'a reconnu ma collègue de Bonaventure, le fait que les parlementaires en cette Chambre n'ont pas toujours toute l'expertise, toutes les données, les moyens d'utiliser un service de recherche leur permettant de questionner, avec toute la crédibilité nécessaire, Hydro-Québec sur ses choix.

Reconnaissant cette faiblesse – si j'ose utiliser ce mot – de nos institutions parlementaires, on s'est dotés d'une Régie de l'énergie qui, elle, possédait le mandat exclusif, les pouvoirs exclusifs, la crédibilité nécessaire pour questionner Hydro-Québec, et ça a été salué par l'ensemble de la société québécoise, y compris les groupes environnementaux, les associations de consommateurs et les groupes industriels. Et la Régie de l'énergie a joué son rôle, de peine et de misère, diront certains, devant vraiment les revendications d'Hydro-Québec, mais, tout de même, elle a joué son rôle.

J'aimerais vous rappeler, M. le Président, que, le 11 août 1998, la Régie remettait un avis au gouvernement selon lequel elle rejetait la proposition d'Hydro-Québec concernant l'établissement de nos tarifs en fourniture d'électricité. Hydro-Québec proposait que ces tarifs soient établis sur la base d'un prix fixe qu'Hydro-Québec allait établir elle-même impliquant que la production d'électricité fasse l'objet d'une réglementation sur la base d'un prix de référence plutôt que sur les coûts réels de production.

Vous remarquerez, M. le Président, qu'on retrouve exactement les mêmes notions dans le projet de loi n° 116. Alors que, en 1998, Hydro-Québec parlait d'un prix de référence, le projet de loi n° 116, avec un langage assez biscornu, nous parle de tarifs patrimoniaux. Mais enfin, on parle d'exactement la même chose. Or, en 1998, la Régie de l'énergie, avec un courage qu'on doit souligner, émettait dans un avis au gouvernement, la Régie soutenait, elle, cependant, que, contrairement aux voeux d'Hydro-Québec, les tarifs de fourniture d'électricité devraient être établis en fonction des coûts de production – et je souligne «en fonction des coûts de production» – de distribution et de transport, que le prix de l'électricité qu'on paie au Québec devrait être établi selon ces trois fonctions majeures interdépendantes d'Hydro-Québec.

M. le Président, en retirant, par le projet de loi n° 116, complètement du regard, de l'expertise neutre et documentée de la Régie de l'énergie le volet production, qui est le volet, je le répète, le plus rentable d'Hydro-Québec, celui qui peut avoir le plus d'influence sur le prix de l'électricité que l'on paie comme consommateurs et consommatrices, eh bien, en retirant de l'examen de la Régie de l'énergie tout le volet production d'Hydro-Québec, le gouvernement du Québec actuel nous indique clairement qu'il a fait son lit.

Il se range du côté d'Hydro-Québec plutôt que de se ranger du côté des consommateurs et consommatrices du Québec. Plus que ça, M. le Président, en fait, le gouvernement nous indique qu'il se range du côté de la grande noirceur. Il se range du côté d'Hydro-Québec, qui tente de camoufler tout un volet de ses profits, pour plutôt se ranger du côté du manque de transparence et retirer du rôle, de la fonction de la Régie de l'énergie tout le regard sur la question de la production de l'électricité.

M. le Président, c'est avec une fierté certaine que je tiens à rappeler en cette Chambre que le Parti libéral du Québec, premièrement, a voté en faveur, en 1996, du projet de loi créant la Régie de l'énergie telle que nous la connaissons en ce moment, c'est-à-dire avec les pleins pouvoirs de regard sur les questions relevant de la production, de la distribution et du transport de l'énergie. Non seulement nous avons voté en faveur de l'établissement de la Régie de l'énergie en 1996, mais également l'année dernière.

On est le 19 mai 1999, notre porte-parole en matière de ressources naturelles, la députée de Bonaventure, avec beaucoup d'à-propos, déposait en cette Chambre une motion demandant, et je cite: «Que l'Assemblée nationale s'assure que le gouvernement du Québec donne dans les faits, à la Régie de l'énergie, toute l'indépendance nécessaire à l'exercice de son mandat initial.» Je crois que c'était prémonitoire, M. le Président, que l'on dépose en cette Chambre une telle motion, puisque effectivement, à l'encontre de l'avis de tous les experts et analystes politiques au Québec, le gouvernement, le ministre des Ressources naturelles a décidé tout de même d'aller de l'avant avec son projet de loi n° 116.

M. le Président, le gouvernement péquiste met carrément la hache dans la Régie de l'énergie en lui retirant notamment son pouvoir d'examiner les activités de production – je le répète, c'est les activités les plus rentables d'Hydro-Québec – mais il retire également tous les projets de développement de barrages de même que tous les contrats d'exportation. Ça nous fait dire que le véritable objectif poursuivi par le gouvernement du Québec, c'est davantage de rentabiliser l'entreprise Hydro-Québec afin de verser à son unique actionnaire...

Parce que, faut-il le rappeler, nous sommes en situation de monopole, au Québec. Hydro-Québec exerce un monopole sur la question de la production d'électricité au Québec. Donc, nous sommes devant un gouvernement qui a choisi de favoriser les bénéfices d'Hydro-Québec aux dépens des consommateurs et consommatrices d'électricité au Québec. Nous sommes devant un gouvernement qui a décidé qu'il valait mieux verser à l'unique actionnaire, le gouvernement, des dividendes importants.

Je tiens à rappeler au bénéfice de ceux qui nous écoutent les propos tenus le soir du budget par l'actuel ministre des Finances, qui déclarait lui-même à la télé de Radio-Canada qu'Hydro-Québec deviendrait une machine à imprimer de l'argent. C'est assez révélateur, les propos tenus par certains ministres de ce gouvernement un peu comme ça, dans l'euphorie du moment, en ondes à la télévision. Ça me rappelle malheureusement – très malheureusement – les propos tenus même par leur premier ministre le soir du référendum, des propos comme ça où on peut dire: Ah non! ça a dépassé ce que je voulais dire, ça a dépassé l'esprit de ce que je voulais dire. Mais pourtant, M. le Président, comme citoyens et citoyennes du Québec, on est plutôt à même de penser que ces phrases échappées à la faveur d'une entrevue accordée à des médias télévisés sont, dans le fond, des phrases très révélatrices de la vraie volonté de ce gouvernement.

(21 h 10)

Donc, je rappelle au bénéfice de ceux qui nous écoutent que le ministre des Finances, vice-premier ministre de ce gouvernement, a qualifié Hydro-Québec d'une machine prête à imprimer de l'argent. Et, lorsqu'on connaît l'appétit du ministre des Finances actuel à dépenser l'argent des contribuables québécois, à le dépenser en faveur... Comme le soulignait ma collègue critique en matière de finances quelques minutes auparavant, M. le Président, lorsqu'on connaît l'appétit du ministre des Finances à plonger non seulement une main, mais deux mains dans les poches des contribuables québécois afin de favoriser plus de 2 500 entreprises du Québec, déjà très florissantes, à l'aide de subventions, lorsqu'on connaît son appétit à créer de toutes pièces des mégaprojets qui ne tiennent pas la route, selon les commentateurs...

Prenons l'exemple de la Cité du commerce électronique, que tous déplorent, puisque nous savons qu'une très grande majorité des emplois que ce gouvernement va se plaire à décrire comme des emplois créés sont, en fait, tout simplement des emplois déménagés. Lorsqu'on réalise qu'on favorise, à l'aide de nos impôts puis à l'aide des tarifs supplémentaires qu'on va éventuellement payer à Hydro-Québec, qu'on favorise plus une grande industrie du déménagement à Montréal qu'une véritable prospérité d'une industrie du commerce électronique, lorsqu'on réalise ça, c'est à faire pleurer, puisque, sans aucune gêne, non seulement sans aucune gêne, mais avec un manque de transparence qui est inqualifiable, ce gouvernement s'apprête à faire en sorte que les tarifs d'électricité pour les consommateurs et consommatrices du Québec...

Non seulement les consommateurs et consommatrices ordinaires – j'ai envie d'employer ce qualificatif, M. le Président – c'est vous et moi, dans notre maison, l'électricité qu'on consomme pour notre chauffage, notre consommation courante, mais également les clients industriels qui, eux, sont la base, là, de la prospérité économique du Québec et de la création d'emplois, eux paieront la note des idées de grandeur du ministre des Finances et vice-premier ministre du Québec, appuyé en silence, puis-je dire, par le premier ministre du Québec.

Je pense, M. le Président, que les gens qui nous écoutent auront compris que ce gouvernement est en train, ultimement, d'imposer une taxe supplémentaire, puisqu'il y a des analystes sérieux qui nous convainquent qu'Hydro-Québec ne devrait pas seulement maintenir gelés ses tarifs d'électricité, Hydro-Québec est en mesure de baisser ses tarifs d'électricité. En faisant en sorte qu'on annule du volet de la Régie de l'énergie tout le volet production, lorsque le ministre des Ressources naturelles se targue qu'Hydro-Québec va geler ses tarifs, ce n'est pas suffisant, puisqu'une étude a été déposée par le Conseil international en affaires énergétiques – ça a été déposé tout récemment – qui indique que la stratégie du gouvernement du Québec, du gouvernement péquiste rapportera au gouvernement 1,5 milliard de dollars en quatre ans grâce à la surfacturation invisible – invisible – dont les consommateurs d'électricité feront les frais sans le savoir.

M. le Président, je cite ici un article du journaliste du Devoir Louis-Gilles Francoeur, qui a d'ailleurs récemment été honoré par le gouvernement du Québec. On lui a remis le prix Phénix qui qualifie tout son mérite et son expertise dans le domaine de l'environnement et des ressources naturelles. Eh bien, Louis-Gilles Francoeur cite cette étude avec conviction, indiquant que le gouvernement péquiste pourrait procéder en toute légitimité, dans les prochains mois et les prochaines années, à des baisses du tarif d'électricité. Mais nous sommes devant un gouvernement qui choisit plutôt la noirceur, qui choisit le manque de transparence et qui choisit littéralement, en toute noirceur, d'imposer une taxe supplémentaire mais en tentant de ne pas en porter l'odieux. C'est un manque de transparence qu'on se doit de déplorer et qu'on se doit de déplorer en choeur avec les militants du Parti québécois.

Je regarde l'ensemble des collègues assis de l'autre côté. Vos militants et militantes, la journée même que ce projet de loi a été déposé, ont cru nécessaire d'émettre un communiqué public extrêmement sévère envers la stratégie de votre gouvernement, où, en toutes lettres, on demande le retrait du projet de loi n° 116, et où, en toutes lettres, on fait référence aux tactiques de ce gouvernement, et je cite: «On annonce maintenant des états généraux de la langue et un débat public sur l'organisation et le financement du système de santé, doit-on déjà s'attendre que notre gouvernement trouve des moyens de contourner les orientations ou les résultats qui en découleront, comme on veut le faire dans le projet de loi n° 116 qui contourne la politique énergétique?» M. le Président, quand ce sont les militants du Parti québécois qui parlent ainsi, on est en droit de se dire que le gouvernement est rendu vraiment au bout de son rouleau.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, Mme la députée de Sauvé. Alors, nous allons maintenant céder la parole au député de Hull. Alors, M. le député.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir aujourd'hui de participer au débat sur le projet de loi n° 116 qui, essentiellement, vient jouer directement dans les poches des contribuables.

Moi, quand j'étais petit, M. le Président, je regardais... Oui, je ne suis pas encore bien grand, mais, quand j'étais plus jeune, je regardais Hydro-Québec avec des grands yeux d'admiration, je disais: Mon Dieu! tu parles d'une belle réussite. Pour les Québécois et Québécoises, c'est toute une réussite. On est en train de produire chez nous, avec la main-d'oeuvre de chez nous, avec nos technologies, de l'électricité pour notre consommation. On est même en train de la produire pour l'exporter puis on est en train de s'autosuffire en termes d'électricité pour nos besoins. Alors, pour moi, c'était vraiment épatant.

Plus on progresse, plus on voit que c'est bien vrai, tout ça, Hydro-Québec, ça va bien, mais il y a d'autres motifs que la production d'électricité, M. le Président, et on s'aperçoit rapidement que les motifs tournent au pécuniaire rapidement. Alors, on se ramasse avec une société comme Hydro-Québec, qui de plus en plus délaisse son mandat principal de produire notamment de l'électricité pour que, vous et moi, on puisse, par exemple, regarder la télévision le samedi soir puis voir – et aujourd'hui c'est un moment pour le souligner – quelqu'un comme Maurice Richard qui joue au hockey. Grâce à la télévision, on voyait ses prouesses, un grand Québécois, un grand Canadien. Grâce à l'électricité, on l'écoutait à la radio. Grâce à l'électricité, il y a plein de progrès technologiques qui ont été possibles au Québec.

Mais, de plus en plus, la société d'État, avec un seul actionnaire, a décidé de délaisser son rôle de producteur d'électricité pour devenir le bras financier du gouvernement. Parce qu'il faut être clair, là, pour les gens qui nous écoutent à la maison, tout ça, ça va dans la même poche. Quand Hydro-Québec produit de l'électricité et vous la vend avec le monopole, elle vous la vend pour votre consommation, l'argent qu'elle collecte de vos poches, bien ça retourne à l'État, ça retourne au premier ministre, au ministre des Finances, qui, lui, décide qu'est-ce qu'il va faire avec. Et, nous, de ce côté-ci, on pense qu'il est clair que l'État est surchargé de taxes. Il est clair que, pour nous, le niveau de taxation est le pire en Amérique du Nord, M. le Président, et ça, on ne tient même pas compte d'Hydro-Québec encore là-dedans. Et, malgré le fait que nous sommes les plus taxés en Amérique du Nord, on continue à voir Hydro-Québec assoiffée d'argent d'année en année.

M. le Président, ce qu'on a devant nous aujourd'hui, c'est la seule mesure d'atténuation, la seule mesure de contrôle qui existait et qui était encore en vigueur pour contrôler l'appétit vorace d'Hydro-Québec, la Régie de l'énergie, le seul bastion à la défense des citoyens du Québec. Eh bien, ce gouvernement est en train de dépouiller la Régie des pouvoirs qu'elle avait. Il est en train de lui enlever le pouvoir de contrôle qu'elle avait sur la production, la tarification.

(21 h 20)

Essentiellement, M. le Président, au Québec, il y a trois grands constats qu'on peut faire. Premièrement, la question du consensus. 1996, après des discussions interminables, après une vaste consultation, après un an de dialogue, le Québec est arrivé à un consensus sur sa production énergétique avec une politique énergétique qui se tenait, 1996.

Avec le projet d'aujourd'hui, on est en train de mettre à la poubelle ce consensus. On est en train, encore une fois, de dire aux citoyens du Québec que leur opinion ne compte pas. On est en train de leur dire que, malheureusement, après l'ensemble des débats, l'ensemble des discussions, le consensus auquel le Québec était arrivé ne tenait plus, M. le Président, et tout ça dans un objectif ultime de faire plaisir à Hydro-Québec. Mais pas seulement à Hydro-Québec, puisque Hydro-Québec est le bras financier du gouvernement, faire plaisir au gouvernement. C'est une façon détournée d'augmenter la taxation au Québec.

Briser ce consensus de 1996 risque d'avoir des conséquences incroyables, M. le Président. D'ailleurs, tous les intervenants le moindrement près de cette situation se sont prononcés contre le projet de loi, sans cesse, tous. Les éditorialistes nous disent: Prenez garde, car la manoeuvre gouvernementale dans ce dossier-là est pour le moins suspecte. On est en train de briser un consensus, on est en train d'enlever des pouvoirs à une Régie pour le bien-être simplement du gouvernement. On voit des gens comme Jean-Jacques Samson qui nous disent que, essentiellement, le projet de loi n° 116, c'est un court-circuit, langage connu en matière d'électricité.

Évidemment, chez nous, de notre côté, ma collègue de Bonaventure a soulevé avec brio les interrogations que nous avions en matière de tarification d'électricité, les doutes qui étaient présents chez nous suite aux discussions et suite à la décision gouvernementale d'abroger les pouvoirs de la Régie de l'énergie. Ma collègue titrait également que nous flairions une arnaque.

Un autre chroniqueur disait à propos de n° 116: La crédibilité du ministre Brassard est remise en cause . La crédibilité du ministre est remise en cause, ce n'est pas rien, ça, M. le Président. La Régie de l'énergie muselée . Et ça, ça me fait penser, lorsqu'on parle de museler, ça me fait penser au monde municipal, ça. Le monde municipal qui présentement est muselé dans le débat sur les fusions forcées. J'arrive d'une commission parlementaire qui traitait notamment du projet de loi n° 124 où on dit aux citoyens du Québec: Pas un mot, vous n'avez pas un mot à dire sur l'avenir de vos municipalités.

Bizarrement, on dit la même chose à la Régie de l'énergie. Et qui va payer pour le fait que ça soit muselé, la Régie de l'énergie? Eh bien, c'est vous, M. le Président, c'est vous dans le salon, c'est tout le monde qui achète de l'électricité au Québec, les mêmes gens qui vont être pris à payer la facture pour les fusions municipales forcées. C'est toujours le même contribuable qui paie, au Québec, toujours le même. Coup fourré , M. le Président, un autre titre, un autre titre de Jean-Robert Sansfaçon, qui titrait dans Le Devoir à propos de cette réforme...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le député de Hull. Malgré le fait que vous relatez certains titres de journaux, il n'en demeure pas moins que vous devenez de plus en plus un parlementaire aguerri. Alors, je vous prierais de bien vouloir continuer votre débat tout en restant dans les éléments de décorum que l'on connaît si bien.

M. Cholette: Je vous remercie pour vos bonnes paroles et je m'efforcerai de transmettre vos commentaires à Jean-Robert Sansfaçon, qui titrait de cette façon.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je n'ai pas de problème avec ça.

M. Cholette: Évidemment, nous craignons, M. le Président – et c'était un autre titre – une hausse importante des tarifs d'électricité étant donné que le chien de garde était maintenant muselé. Le chien de garde qui était la Régie de l'énergie est maintenant muselé. Main basse sur les hydrodollars . Ça, c'est un titre qui en disait très long de Louis-Gilles Francoeur dans Le Devoir , où il a pu constater, comme nous, comme vous tous à la maison, combien cette décision gouvernementale ouvre la porte aux abus, au fait que l'on puisse puiser dans vos poches d'innombrables dollars via le bras financier maintenant du gouvernement, soit Hydro-Québec.

Le sapin patrimonial , un autre titre, où on traite notamment d'Hydro-Québec. La Régie de l'énergie est amputée de ses pouvoirs . Le Devoir encore, avec Robert Dutrisac, nous expliquait combien il était incroyable et malheureux de voir la Régie de l'énergie amputée de ses pouvoirs de contrôle, de chien de garde, de son rôle de vigilance sur le gouvernement, qui, via un bras financier et un bras surtout de monopole, utilise Hydro-Québec pour aller puiser des taxes davantage.

Au moins, il y avait une unité de contrôle qui s'appelait la Régie de l'énergie, et cette unité de contrôle pouvait justement jouer le rôle de chien de garde, assurer un niveau acceptable de tarification et de production, M. le Président, assurer essentiellement que tout est fait sur la table et qu'ultimement ce soit encore le citoyen qui soit protégé, que ce ne soit pas lui qui soit obligé de payer la note de décisions gouvernementales parce qu'on décidait d'investir à gauche ou à droite dans des entreprises qui n'ont jamais demandé de subventions et qui n'ont pas créé un seul emploi avec les subventions reçues.

D'ailleurs, cette semaine, les témoignages de mes collègues ont été éloquents à la période de questions, où est-ce qu'on a démontré que la plupart des subventions qui sont données, notamment dans le domaine du commerce électronique, résultent en fait qu'il n'y a aucun emploi nouveau qui est créé; c'est un transfert d'emplois d'une adresse civique à une autre. Et ça, on prend l'argent des contribuables du Québec, des payeurs de taxes partout au Québec pour subventionner des emplois qui existent déjà.

Un autre titre, dans Le Devoir , Ce projet de loi bafoue l'héritage de René Lévesque . Et ça, pour le groupe parlementaire, ça aurait dû allumer une lumière rouge, ça aurait dû dire: Mon Dieu! si le projet est perçu comme ça de l'extérieur, est-ce qu'on devrait peut-être y repenser? Bien non! Tête baissée, on fonce, peu importent les commentaires des gens qui sont autour, M. le Président, peu importent les commentaires de l'opposition, peu importent les commentaires des groupes comme la Coalition Arc-en-Ciel. Ce n'est pas grave. L'opinion du monde, ça ne compte pas.

Je reviens au monde municipal. C'est le même symptôme, on dirait qu'ils ont attrapé la même maladie. Pourtant, les deux ministres ne sont pas assis côte à côte, là. Mais c'est la même chose, c'est la même médecine, que ça soit pour un contribuable municipal, M. le Président ou que ça soit un contribuable qui achète de l'électricité à Hydro-Québec: Pas un mot à dire, paie! Tu es un Québécois, tu es habitué de payer. Surtout avec le gouvernement du Parti québécois. Les pouvoirs de la Régie de l'énergie sont pour... Et ça, je vous relate notamment le congrès du Parti québécois, où on dit que le ministre heurte les militants de front avec les propositions qu'il fait.

Je peux poursuivre, parce qu'il y en a plusieurs. Hydro-Québec: 1,5 milliard de dollars en surfacturation . Ça, c'est de nature à apaiser les craintes des citoyens, ça, M. le Président. Quand les gens nous écoutent dans le salon, puis on dit ça, là, que, dans Le Devoir du 3 mai de cette année – il n'y a pas 40 ans, là, c'est le 3 mai de cette année – on dit qu'Hydro-Québec a surfacturé pour 1,5 milliard de dollars. Encore là, la seule unité de contrôle qui existait, eh bien, on est en train de lui couper les vivres, on est en train de lui couper ses pouvoirs, on est en train de lui dire: Sais-tu, les mesures de contrôle que tu exerçais sur le gouvernement et sur Hydro-Québec afin de protéger le consommateur, tu n'as plus de rôle à jouer. C'est un peu comme l'Office de la protection du consommateur en matière d'électricité, et maintenant on lui dit: Il n'y a plus de rôle à jouer. On laisse libre cours aux consommateurs. Bonne chance la prochaine fois! C'est exactement ce que le gouvernement est en train de dire: Hydro-Québec peut réduire ses tarifs sans y perdre au change. Et je peux poursuivre.

Si ça, ce n'est pas pour convaincre le gouvernement au moins de réfléchir un peu sur ce projet de loi, peut-être que le communiqué du Parti québécois en date du 26 mai aurait fait réfléchir le ministre qui... Et je comprends que ça fait mal, l'autre côté, parce qu'il y a plusieurs députés ici qui ont relaté ce communiqué de presse là, mais il faut le dire. Parce que, vous savez, un parti politique, M. le Président, comment ça marche. Là, je ne vous apprends pas ça à vous, mais peut-être qu'il y en a qui nous écoutent puis qui voudraient savoir c'est quoi, le lien entre le Parti québécois puis le gouvernement.

(21 h 30)

Bien, essentiellement, le lien, c'est que la base du Parti québécois, ce sont ses militants, des militants qui ont payé un montant, probablement 5 $, pour acheter une carte de membre, et ça, ça donne droit de parole au Parti québécois. Et il y a des instances dans une formation politique, que ça soit des conseils généraux, des conseils nationaux, que ça soit des congrès des membres, où on élabore une plateforme, où est-ce qu'ils débattent des idées pour dire: Voici pourquoi on veut être membres du Parti québécois, comme ça existe chez nous, ça, M. le Président.

Les membres du Parti québécois se sont penchés sur cette question-là, sur la question de la Régie de l'énergie, et ils sont arrivés à la conclusion: Ça n'a pas de bon sens, ce que mon parti est en train de faire. Je ne suis pas heureux d'être membre du Parti québécois s'il est en train de détruire une instance comme, par exemple, la Régie de l'énergie. Je ne suis pas heureux d'être membre et d'avoir ma carte de ce parti-là si on est en train de torpiller les acquis au Québec depuis fort longtemps, si on est train de dire aux citoyens: Arrangez-vous avec vos problèmes, il n'y en aura plus, d'unité de protection du consommateur en matière d'électricité. Et les militants du Parti québécois qui ont leur carte dans leur poche puis qui sûrement sont fiers de faire partie d'un parti politique, se disent outrés de l'attitude du gouvernement dans cette matière-là. Et, pour que des militants d'un parti politique décident de prendre la voie publique, décident d'émettre un communiqué de presse pour dire combien c'est le désarroi dans leur formation politique, il faut le faire, ça, M. le Président. Habituellement, ils règlent ça en famille. Mais c'est tellement gros, le projet de loi n° 116, c'est tellement insultant pour l'intelligence des Québécois, c'est tellement contre-productif. Parce qu'on est en train de ne plus protéger les Québécois, les militants ont décidé de sortir publiquement et ils ont décidé de sortir publiquement avec un communiqué de presse.

Le titre du communiqué, c'est: Demande de retrait du projet de loi n° 116 qui réduit l'autorité de la Régie de l'énergie . Et je ne vous lirai pas tous les considérants, mais: «Il devient inopportun de présenter et de vouloir entériner le projet de loi n° 116 – et je vous lis le texte – qui est contraire aux orientations de la politique énergétique et qui, de plus, dénature la mission de la Régie de l'énergie. Le gouvernement du Parti québécois doit retirer ce projet de loi en respect pour tous les intervenants qui ont participé au débat public sur l'énergie.»

Les militants, M. le Président, sont obligés de prendre la voie des médias pour faire comprendre leur message au ministre. Mais là le ministre, il est en avant de nous aujourd'hui, il est juste là, là, et j'espère qu'il comprend et qu'il entend notre appel. Oui, l'opposition veut travailler avec lui pour bonifier ce qui est présentement sur la table mais pas au détriment des citoyens du Québec. Et il devrait au moins, s'il ne veut pas écouter l'opposition officielle, écouter ses militants.

Mais je flaire quelque chose, je flaire le fait que ça fait bien l'affaire du ministre des Finances d'abolir la Régie de l'énergie pour laisser libre cours à Hydro-Québec. Et la raison, c'est qu'en date du 14 mars dernier le ministre des Finances a déposé un budget dans lequel il fait main basse sur la taxe sur le gaz, les télécommunications et l'électricité, qui devait être redonnée au monde municipal. Ça, historiquement, le gouvernement du Québec collectait cette taxe et la redonnait au monde municipal. Hydro-Québec contribuait pour l'ordre de 200 millions de dollars, à ce montant, à chaque année, 200 millions de dollars. Mais M. le ministre des Finances savait très bien que les perspectives financières et économiques d'Hydro-Québec démontraient, sans l'ombre d'un doute, que les prévisions financières de profits pour 1999 à 2004 faisaient en sorte qu'Hydro-Québec prévoyait une augmentation de profits passant de 925 millions à 1,6 milliard. Conséquemment, le ministre des Finances a décidé: C'est des montants importants qui devront être donc redonnés au monde municipal; nous allons les saisir.

Ce n'est pas la première fois qu'on fait un coup comme ça, un coup de force au monde municipal. Alors, on va le refaire. Et, pour s'assurer qu'on n'aura pas de trouble à le refaire, on va se débarrasser de la Régie de l'énergie, ce qui va nous permettre justement de prendre ce montant qui est dédié au monde municipal et qui maintenant est amputé de ce montant. Et ça, c'est à la source de tous les problèmes que nous vivons présentement dans la négociation d'un véritable pacte fiscal avec le monde municipal. Or, on peut comprendre l'appétit vorace du ministre des Finances qui, en voyant ses profits augmenter comme ceci à Hydro-Québec, voulait trouver une façon d'enlever de ses jambes une embûche, soit la Régie de l'énergie qui contrôlait notamment la question de production et la question de tarification.

Pour nous, c'est un projet de loi malheureux, c'est un projet de loi qui est contre-productif, c'est un projet de loi qui pénalise au plus profond les citoyens du Québec, qui n'ont qu'une seule alimentation en électricité, soit Hydro-Québec, un monopole. Il n'a pas un choix, il doit utiliser ce monopole d'État. Avec la décision gouvernementale, toutes les mesures de sécurité pour garantir un tarif bas et un fair-play avec le monde de l'électricité vient de tomber. Pour nous, ce projet de loi est inacceptable. La députée de Bonaventure défend avec ardeur ce principe. Et, quand les citoyens du Québec sont aux prises avec un gouvernement qui a arrêté d'écouter, que ça soit dans le monde de l'électricité ou que ça soit dans le monde municipal, on est aux prises avec un gouvernement dépassé qu'on doit changer, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Hull. Nous allons maintenant céder la parole au député de Chapleau. M. le député.


M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, ce soir, de venir, moi aussi, conforter la position de ma collègue la députée de Bonaventure qui tente de convaincre le ministre de ne pas aller de l'avant avec la Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie.

La raison est fort simple, c'est que la Régie de l'énergie elle-même est le fruit d'un consensus intervenu dans la société québécoise, entre les formations politiques par ailleurs, en 1996. Effectivement, en 1996, M. le Président, il y a eu, je répète, consensus au Québec – ça, c'est très important de le souligner, ça n'a pas été une initiative unilatérale – afin de doter le Québec d'une véritable politique énergétique, d'une part, et, d'autre part, afin de créer la Régie de l'énergie. Le but, à l'époque, donc toujours en 1996, était de doter cette Régie de tous les pouvoirs nécessaires pour lui permettre de contre-expertiser les demandes tarifaires d'Hydro-Québec.

Or, voici qu'aujourd'hui, avec le projet de loi qui nous est actuellement soumis, la Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, communément appelé le projet de loi n° 116, on veut priver la Régie de l'énergie des pouvoirs qu'en 1996 on estimait pourtant nécessaires pour lui permettre d'accomplir pleinement son mandat. On veut priver la Régie de l'énergie des principaux pouvoirs qui peuvent lui permettre d'avoir vraiment un droit de regard sur l'établissement du tarif de fourniture de l'électricité.

Permettez-moi de rappeler, M. le Président, que le 19 mai dernier ma collègue la députée de Bonaventure a déposé à l'Assemblée nationale une motion demandant ce qui suit:

«Que l'Assemblée nationale s'assure que le gouvernement du Québec donne dans les faits, à la Régie de l'énergie, toute l'indépendance – et le mot, ici, est important – nécessaire à l'exercice de son mandat initial.»

Il s'agit donc, M. le Président, de faire en sorte que la Régie puisse conserver l'ensemble des pouvoirs et l'ensemble de son autonomie de gestion, l'ensemble des pouvoirs, donc, qui sont nécessaires à l'accomplissement des fonctions qui lui ont été dévolues dès 1996. Et pourquoi cette motion a-t-elle été déposée par ma collègue la députée de Bonaventure? C'est parce que le Parti libéral du Québec, et l'opposition officielle bien entendu, s'est toujours opposé à toute réduction des pouvoirs de la Régie, et a toujours voulu défendre l'intégrité même de la Régie, et a soutenu que celle-ci – la Régie – devait avoir l'opportunité d'assumer l'ensemble de ses responsabilités, tel que celles-ci sont prévues par sa loi constitutive.

Aujourd'hui, M. le Président, le gouvernement met la hache littéralement dans la Régie de l'énergie en lui retirant notamment son pouvoir d'examiner toutes les activités de production d'Hydro-Québec, c'est-à-dire l'activité la plus rentable en tant que telle d'Hydro-Québec, parce que les activités de production, c'est ce qu'il y a de plus rentable pour Hydro-Québec. Et on veut également enlever à la Régie sa capacité d'examiner tous les projets de développement de barrages de même que tous les contrats spéciaux et les contrats d'exportation.

Si je résume, la seule chose qui resterait à la Régie, c'est finalement de pouvoir contre-expertiser, de pouvoir examiner les activités de transport et de distribution d'Hydro-Québec. Mais tout le reste, c'est-à-dire toutes les activités de production d'Hydro-Québec qui sont, je répète, ses activités les plus importantes, les activités d'exportation d'Hydro-Québec de même que les projets de développement d'Hydro-Québec, échappe complètement, à cause du projet de loi qui est ici sous étude, à l'autorité et à la juridiction de la Régie. Ce n'est pas rien, ça, M. le Président.

(21 h 40)

Il faut saisir, il faut que la population saisisse ce dont il s'agit. Ça veut dire qu'on enlève à la Régie son droit de regard sur tout le volet de production d'Hydro-Québec. On enlève à la Régie son droit de regard sur la construction des barrages hydroélectriques, sur la construction des centrales. On enlève à la Régie son droit de regard sur tout ce qui concerne finalement le développement des infrastructures d'Hydro-Québec.

Ça veut dire quoi, le développement des infrastructures d'Hydro-Québec, M. le Président? Ça veut dire que la Régie, dorénavant, n'aura pas de droit de regard, ne pourra pas examiner les futurs projets de développement hydroélectrique d'Hydro-Québec, dont bien entendu la construction des barrages dont je parlais à l'instant même. Bien entendu, la Régie ne pourra plus non plus contre-expertiser, ne pourra plus examiner tout ce qui concerne la construction d'actifs qui sont reliés à la production d'électricité. C'est énorme, ça, M. le Président, c'est énorme parce que toute cette production d'électricité par Hydro-Québec, tout ce qui concerne l'exploitation des ressources hydroélectriques au Québec, tout ce qui concerne le développement des infrastructures, finalement, a des conséquences sur l'établissement du tarif de fourniture d'électricité. En privant, donc, la Régie d'un droit de regard sur le rendement même du secteur de production d'Hydro-Québec, on enlève à la Régie la capacité de contre-examiner l'établissement du tarif de fourniture d'électricité par Hydro-Québec et, ce faisant, on prive finalement la Régie de l'une de ses missions, sans doute, les plus fondamentales.

M. le Président, est-ce que demain, si le projet de loi est adopté – et nous ne souhaitons pas qu'il le soit, mais, vraisemblablement, le parti ministériel souhaite son adoption – la Régie de l'énergie va pouvoir examiner les coûts de production de la compagnie Hydro-Québec? La réponse est non. Est-ce que la Régie de l'énergie va pouvoir tenir compte de préoccupations environnementales? La réponse est non. Est-ce que la Régie de l'énergie va pouvoir tenir compte du rendement réel du secteur de production d'Hydro-Québec? M. le Président, la réponse est non. Est-ce que la Régie va pouvoir procéder à un examen des coûts de production de l'électricité au Québec? La réponse est non. Et est-ce que, donc, la Régie va pouvoir contre-expertiser les demandes tarifaires d'Hydro-Québec? La réponse est non. C'est majeur, et c'est tellement majeur que l'on se trouve à dépouiller la Régie de l'énergie de l'essentiel de ses responsabilités et on se trouve finalement à l'émasculer.

La question se pose alors de savoir: Mais pourquoi donc le gouvernement procède-t-il ainsi? Pourquoi donc le gouvernement sape-t-il les acquis du consensus dégagé en 1996 en ce qui concerne la politique énergétique au Québec et la création de la Régie de l'énergie? La réponse est très simple, M. le Président. La réponse a d'ailleurs été fournie par le ministre des Finances lui-même, j'imagine, avec la caution du ministre des Ressources naturelles. La réponse, c'est la suivante. C'est qu'on veut tout simplement qu'Hydro-Québec ne soit plus surveillée. On veut que les demandes tarifaires d'Hydro-Québec soient tout à fait approuvées, non pas par la Régie, que ça ne passe pas par la Régie, mais que ce soit approuvé par le cabinet du ministre lui-même. Et surtout, M. le Président, on veut faire en sorte qu'Hydro-Québec devienne, encore plus qu'aujourd'hui, une machine à faire de l'argent. C'est ça, le but. C'est pour ça que l'on veut à tout prix empêcher la Régie de pouvoir contre-expertiser les demandes tarifaires d'Hydro-Québec.

Maintenant, vous allez me dire, M. le Président: Oui, mais est-ce qu'on n'a pas un certain nombre de garanties qu'il y aura une stabilité tarifaire au niveau d'Hydro-Québec? La réponse est: Oui, jusqu'en 2002, on a une certaine garantie que le tarif d'Hydro-Québec, en matière d'électricité, va être gelé ou va être stabilisé jusqu'en 2002. Hydro-Québec a exprimé le souhait – mais là nous ne parlons plus d'une garantie – de viser une stabilité financière au-delà de 2002, jusqu'en 2004.

Prenons l'hypothèse où cela devrait se réaliser et où, effectivement, nous aurions une stabilité tarifaire en ce qui concerne Hydro-Québec jusqu'en 2004. La question se poserait alors: Mais, après 2004, qu'en sera-t-il? Eh bien, après 2004, Hydro-Québec deviendra pleinement la machine à faire de l'argent du gouvernement, pourra donc imposer les tarifs qu'elle souhaite imposer. C'est le gouvernement lui-même qui aura le dernier mot et qui aura le contrôle des tarifs d'Hydro-Québec. Et, bien entendu, c'est le gouvernement qui mettra Hydro-Québec à son service et qui fera en sorte que, finalement, la production d'Hydro-Québec vienne renflouer les goussets de l'État.

Cela étant dit, M. le Président, au-delà de toute cette question qui touche l'émasculation de la Régie de l'énergie, il y a une question qui me préoccupe davantage, et c'est celle de l'autonomie de fonctionnement de la Régie. Parce qu'il faut comprendre que nous sommes ici en présence d'une régie, c'est-à-dire d'un organisme qui, normalement, en droit administratif, devrait bénéficier d'une certaine autonomie d'exécution, devrait bénéficier d'une certaine autonomie de fonctionnement, du moins d'une autonomie de fonctionnement certaine et appréciable par rapport aux cabinets des ministres. Nous sommes en présence d'une régie, c'est-à-dire que nous sommes en présence d'un organisme qui est paragouvernemental et qui, donc, devrait normalement pouvoir prendre ses distances par rapport au gouvernement pour pouvoir sainement assumer ses fonctions.

Or, avec le projet de loi qu'on nous propose ici, ce que l'on fait, c'est que non seulement on prive la Régie de ses principales responsabilités, non seulement on prive la Régie de l'essentiel de sa juridiction, telle que cette juridiction-là découle du consensus de 1996, mais, au surplus – et c'est peut-être ça qui est le plus grave – on affecte l'autonomie de gestion de la Régie, on affecte l'autonomie et l'indépendance de fonctionnement de la Régie, cette même autonomie de gestion et cette même indépendance dont, normalement, toute régie doit pouvoir profiter par rapport aux cabinets des ministres en tant qu'organisme paragouvernemental au sein de l'administration publique. C'est ça qui est le plus grave.

Et ça ne semble pas faire sourciller, M. le Président, les gens du parti ministériel, qui ne semblent pas du tout s'inquiéter du sort de la Régie. La seule chose qui, finalement, les préoccupe, c'est de faire en sorte qu'Hydro-Québec fasse de l'argent, que cet argent-là soit investi dans les coffres du trésor public et, de cette façon-là, qu'Hydro-Québec devienne, si je puis dire, la caisse enregistreuse du gouvernement.

Eh bien, M. le Président, nous dénonçons cela. Et c'est pourquoi aujourd'hui je joins ma voix à celle de la députée de Bonaventure, je joins ma voix à celle de tous les autres collègues qui, avant moi, ont dénoncé le projet de loi qui cherche à modifier les pouvoirs et les responsabilités de la Régie de l'énergie. Et, fort heureusement, je constate que nous, les députés de l'opposition officielle, ne sommes pas les seuls à dénoncer ce projet de loi. Je le constate avec un certain plaisir, je dois dire, d'abord parce que la grande majorité des commentateurs politiques et des commentateurs de la chose publique, eux aussi, dans un grand nombre d'articles de journaux publiés dans les journaux et magazines les plus divers et les plus reconnus, ont dénoncé le projet de loi qui est actuellement proposé par le ministre des Ressources naturelles.

(21 h 50)

Mais, comme si cela ne suffisait pas, on doit noter par ailleurs que même les membres du Parti québécois et même les gens qui oeuvrent au sein du Comité national sur l'environnement et le développement durable se sont plaints contre le projet de loi qui est ici sous étude et ont demandé – figurez-vous, M. le Président – le retrait du projet de loi n° 116. Je peux comprendre que les gens du parti ministériel se moquent des représentations des membres de l'opposition officielle, je pourrais même comprendre, à la limite, M. le Président, qu'ils n'accordent aucune importance aux analyses et aux commentaires des journalistes et des autres commentateurs qui se sont exprimés sur la place publique, mais de là à ce qu'ils bafouent les représentations, les idées de leurs propres membres, des membres du Parti québécois, là j'avoue que ça me dépasse.

Mais c'est pourtant ce qui arrive, M. le Président, puisque, dans un communiqué de presse qui a été distribué à tous les médias, et qui est daté du 26 mai 2000, et qui est signé par Christian Haché, vice-président, et Jean-Paul Thivierge, conseiller du Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois, M. le Président, on retrouve ceci, et je cite: «Il devient inopportun de présenter et de vouloir entériner le projet de loi n° 116 qui est contraire aux orientations de la politique énergétique et qui, de plus, dénature la mission de la Régie de l'énergie.» Vous voyez, c'est exactement ce que je vous disais précédemment. Nous sommes ici en présence d'un projet de loi qui vise à dénaturer la Régie de l'énergie, qui vise finalement à dépouiller la Régie de l'énergie de ses principaux pouvoirs.

Je continue la citation, avec votre permission, M. le Président: «Le gouvernement du Parti québécois doit retirer ce projet de loi – c'est clair – en respect pour tous les intervenants qui ont participé au débat public sur l'énergie et qui ont demandé une Régie de l'énergie et ceux de la Table de consultation qui ont proposé et finalement le gouvernement du Parti québécois qui a approuvé la politique énergétique, la loi et la mission de la Régie, en respect pour les délégués du Parti québécois qui ont adopté les deux propositions citées, en respect pour les congressistes qui ont adopté à plus de 70 % cette proposition n° 462 incluse au programme 2000 du PQ.»

Vous voyez, M. le Président, même les membres du Parti québécois constatent à quel point le gouvernement du Québec actuel est en train de détruire le projet mis sur pied par René Lévesque, est en train de détruire le rêve de René Lévesque et est en train, finalement, de détruire le consensus de 1996 à partir duquel a émergé la Régie de l'énergie et à partir duquel a été créée la Régie de l'énergie.

Alors, M. le Président, en terminant, j'aimerais tout simplement vous exprimer à quel point l'opposition officielle est contrariée par le projet de loi qui nous est actuellement soumis. Nous considérons qu'il est important que la Régie de l'énergie conserve ses pouvoirs, tels que formulés depuis 1996, intacts. Il est important que la Régie de l'énergie puisse contre-expertiser les demandes tarifaires d'Hydro-Québec. Il est important que la Régie de l'énergie puisse avoir vraiment tous les pouvoirs qui lui permettent de dire son mot et de le faire efficacement en ce qui a trait à l'établissement du tarif de fourniture de l'électricité au Québec, ça veut dire tout simplement conserve les pouvoirs qu'elle possède déjà. Il est important, donc, que la Régie conserve son autonomie, conserve son indépendance face au gouvernement, un droit de regard sur les activités de production d'Hydro-Québec, un droit de regard sur les activités de développement, les projets de développement d'Hydro-Québec, notamment le développement des infrastructures. Il est important, M. le Président, que les Québécois puissent continuer de bénéficier des plus bas tarifs qui soient, les plus bas tarifs possible.

Et surtout, M. le Président, faisons en sorte que non seulement la Régie garde son indépendance, mais qu'Hydro-Québec garde sa dignité, qu'Hydro-Québec garde l'appréciation qu'elle a du public québécois actuellement, qu'elle ne devienne pas une pure succursale du cabinet des ministres, qu'elle ne soit pas à la merci du ministre des Ressources naturelles ni du ministre des Finances et qu'elle ne soit pas une machine à faire de l'argent.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le député de Chapleau. Nous allons maintenant céder la parole au député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, merci. Je veux d'abord ajouter ma voix au député de Chapleau. Il est tout à fait extraordinaire, d'abord comme député de Chapleau. Les gens, là-bas, l'apprécient grandement. On voit ça dans les journaux, on entend ça ici, à l'Assemblée nationale, comment il est apprécié comme député. Mais aussi, comme porte-parole en matière constitutionnelle, il fait un ouvrage extraordinaire, et, moi, je tiens à le souligner. C'est une nouvelle recrue dans l'équipe libérale et il représente très bien cette région-là. Il défend avec force, vigueur, intelligence les positions du Parti libéral du Québec. Et on vient d'avoir un exposé absolument magistral d'un professeur, docteur-professeur, qui nous a expliqué succinctement, en 20 minutes, les contradictions du projet de loi n° 116. Et je veux lui dire que j'ai admiré sa présentation bien sûr, mais je veux en ajouter un peu sur sa présentation et je vais revenir tantôt, je veux parler un peu bien sûr de l'environnement. Mais le député de Chapleau, très bon député là-bas, m'a impressionné dans sa présentation.

Je veux aussi dire un mot sur notre députée de Bonaventure qui est la porte-parole de l'opposition en matière d'énergie. Et ce n'est pas évident de tenir le fort dans l'opposition quand on a un huitième d'une recherchiste, qu'on n'a pas de moyen de transport, qu'on n'est pas ministre avec limousine, les voitures et une équipe ministérielle alentour de nous, des attachés politiques qui écrivent les documents pour nous. Alors, M. le Président, depuis que notre députée de Bonaventure a été nommée porte-parole en matière d'énergie, elle a eu un grand nombre de projets de loi, je pense entre autres...

Des voix: ...

M. Benoit: M. le Président, j'ai l'habitude d'être très respectueux pour les gens qui parlent. J'apprécierais la même chose, particulièrement ceux qui sont ministres de l'autre côté.

Alors, M. le Président, elle a eu, dans les derniers mois, depuis l'élection, des projets de loi très compliqués, très difficiles et particulièrement tout le débat de Hertel–des Cantons. Et je tiens à dire aux gens de Bonaventure qu'ils ont là une députée extraordinaire qui fait un ouvrage ici, à l'Assemblée nationale. Et il faut se rappeler aussi que, quand, nous, on termine le vendredi soir, elle, elle devra se taper un 10, 12 heures de voiture pour descendre en Gaspésie et revenir le lundi. Il faut le faire, hein. La démocratie a ce coût sur les individus. Et la députée de Bonaventure, qui a succédé à Gérard D. Levesque, fait un ouvrage extraordinaire, M. le Président.

Ceci dit, le projet de loi n° 116, et d'autres avant moi l'ont dit, et j'espère que d'autres après moi vont le dire, comme à peu près l'ensemble des éditorialistes du Québec, ça ne tient pas debout. Je pensais que j'avais tout vu dans cette Chambre, M. le Président, mais là je devrais ajouter une autre page dans le chapitre des choses qui ne se tiennent pas debout ici depuis que le gouvernement est en place.

D'abord, ils se sont fait élire avec un programme électoral. Il y avait un chapitre complet de ce programme qui disait qu'une régie de l'énergie, ils ne comprenaient pas que ça n'existait pas, qu'Hydro-Québec faisait la pluie puis le beau temps, quand ce n'était pas le bureau du premier ministre. Il n'y a rien qu'on ne disait pas dans ce programme électoral là. Et je rappelle à ces gens, je les invite à relire leur propre programme qui a été écrit par les gens qui sont maintenant assis dans ces banquettes-là. Ça n'a pas été écrit par des gens qui ne sont pas là maintenant. Les gens qui ont écrit le programme de l'environnement, ils sont ici; les gens qui ont écrit le programme en énergie, ils sont ici. Alors, ils se sont fait élire sur ces engagements-là.

Moi, je vais vous dire franchement, je n'y croyais pas trop, à la Régie. C'est assez franc, je n'y croyais pas trop. Alors, il y a eu une commission itinérante. Ils se sont promenés à travers le Québec. C'était une grosse affaire, hein. Les commissions itinérantes, on n'en a pas eu tant que ça dans l'histoire du Québec. Je pense à Bélanger-Campeau. Il n'y en a pas eu des multitudes. Alors, moi, je suis allé les écouter, entre autres quand ils ont siégé ici, à Québec, dans un hôtel, ici, à l'arrière. Je suis allé là toute une journée de temps. Il y avait des micros, du monde dans la salle, il y avait toutes sortes d'invités. En tout cas, ça jouait aux gars bien importants. Et puis on a écouté bien du monde. Ils sont venus, ils sont allés à Trois-Rivières. J'ai voulu qu'ils viennent à Sherbrooke, ils ne sont pas venus. Bon, ils ont fait le tour du Québec.

(22 heures)

Et je dois avouer, à ma grande surprise, qu'il y avait un consensus mais pas à peu près, M. le Président. Et je vous rappellerai que le ministre qui menait ça, c'était le distingué député de Joliette. Et plus d'une fois – on le connaît tous – il a déchiré sa chemise quand quelqu'un osait dire qu'il n'était pas sûr si c'était si bon que ça, la Régie de l'énergie. Ah! bien là il déchirait sa chemise dans la salle puis il disait qu'on n'avait rien compris, puis c'était bien important, la Régie de l'énergie, puis il y avait quelques sacres à travers tout ça, et le distingué député de Joliette ne laissait pas le pavé à grand monde qui osait dire pour un instant qu'il pouvait douter un peu de l'importance de cette Régie de l'énergie. Ça, M. le Président, c'était en 1995. Programme électoral, le distingué député de Joliette qui déchire sa chemise pour tous ceux qui oseraient penser que ce n'est pas si bon que ça, une régie de l'énergie.

Et puis là, bien, en 1996, ça a tout été décrété, cette affaire-là, et puis là on a dit: Enfin, Hydro-Québec, elle va être un peu mise au pas. Dans la vraie vie, qu'est-ce qui s'est passé? Quand je vous dis que je pensais tout avoir vu à l'Assemblée nationale, c'est qu'il y a une grande partie de cette loi-là qui n'a jamais été décrétée. Les mêmes gens qui déchiraient leur chemise... Je pourrais vous citer ici des pages et des pages du premier ministre qui nous expliquait comment c'était important, cette Régie-là, comment c'était fini, l'époque où Hydro-Québec faisait la pluie et le beau temps au Québec, comment finalement les experts se prononceraient sur les coûts de production d'électricité, etc.

Bien là l'euphorie, c'est qu'à soir il est 22 heures et qu'on est après défaire la Régie de l'énergie, M. le Président, croyez-le ou pas. Un programme électoral, une commission parlementaire itinérante, un projet de loi, engagement du premier ministre, etc., il n'y a rien qu'on n'a pas dit, puis ce soir on est après défaire la Régie de l'énergie. Pourquoi? Parce que la Régie de l'énergie, elle a fait ce que le PQ n'aime pas, elle est allée poser des questions puis elle a essayé de trouver des réponses précises et exactes. Ça coûte combien, un kilowatt d'électricité au Québec, à être produit? Ça coûte combien, ce kilowatt, à être transporté? Et est-ce que le consommateur, en bout de ligne, il paie trop cher? C'est facile, le ministre nous dit: C'est une petite commission parlementaire, on va écouter ça. Parce qu'il faut bien comprendre que, une commission parlementaire, on écoute des gens, mais ensuite le ministre fait bien ce qu'il en veut, de cette commission parlementaire là. Alors, ici, on avait une régie indépendante qui, elle, pouvait statuer, pouvait donner des obligations.

Et je voudrais en arriver – je sais que le député de Chapleau l'a fait tantôt – à parler de l'aspect environnemental, le point de vue qui me fatigue particulièrement. Je me souviens clairement, à plus d'une occasion, d'avoir posé la question au ministre de l'Énergie: Oui, mais... Parce que j'étais un de ceux qui croyaient que toutes les études environnementales du Québec, peu importe de quelle nature elles étaient, devaient relever du Bureau d'audiences publiques en environnement, il me semblait qu'il y avait là un organisme extraordinaire qui faisait une bien bonne ouvrage et qu'il ne fallait pas se mettre à tous avoir chacun nos petits bureaux d'audiences publiques, finalement, que ce soit l'énergie sur un bord, les forêts sur l'autre bord. On en avait une avec une très grande crédibilité, et il fallait garder ça là. Or, notre distingué député de Joliette, bien sûr, m'a clairement indiqué deux phrases, que ça ne tenait pas debout et qu'il fallait que ce soit la Régie de l'énergie qui fasse les études en environnement, d'ailleurs ce que le ministre du développement régional nous confirme à l'instant même, que ça avait bien de l'allure, cette affaire-là. Alors, la loi étant ce qu'elle est, la Régie de l'énergie devait, à partir de ce moment-là, statuer sur les aspects environnementaux quand il y avait des projets de développement énergétique.

On sait tous maintenant – et je fais une parenthèse, ici, au cas où le ministre de l'Énergie ne s'en souviendrait pas – le jeu de passe-passe et de cache-cache qu'il y a eu dans Hertel–des Cantons, dans la région que je représente, celle des Cantons-de-l'Est, où même le député de la place, le député du comté de Johnson, a clairement indiqué – et je m'excuse du mot – cette grande magouille que le gouvernement a faite, M. le Président.

Des voix: Oh! Oh!

M. Benoit: Alors, M. le Président, il a fallu que de simples citoyens, d'humbles citoyens aillent en cour contre le gouvernement. Il faut le faire, hein! Vous votez pour un gouvernement, vous faites confiance à un gouvernement, vous vous déplacez, gens âgés, pour aller voter, vous faites confiance à ce gouvernement, et, la première nouvelle que vous savez, ils vont passer à côté de toutes les instances qui ont été mises pour éviter ce genre de situation là, ils vont se servir d'une crise au Québec, ils vont éviter ce qu'on appelle des rencontres de sous-sols d'église. Hydro-Québec n'aime pas aller dans les sous-sols d'église parler au vrai monde, au vrai peuple, expliquer ses affaires pour être obligée de répondre, ce que nous, politiciens, devons faire sur une base quotidienne. J'ai passé la journée à répondre de mes gestes, de mes discours, de mes intentions à mes concitoyens. Ça fait partie de la vie politique, ça. Hydro-Québec, elle, c'est un gouvernement au-dessus du gouvernement. Elle aimerait mieux ne répondre à personne ultimement. Il faut bien qu'elle retourne les appels au premier ministre, j'imagine, de temps en temps.

Alors, ceci dit, Hydro-Québec, dans le cas de Hertel-des Cantons, on se souvient de tous les jeux de passe-passe, du décret gouvernemental, et finalement les citoyens, avec leurs poches, leurs deniers, ils se sont cotisés et ils sont allés en cour, et là un jugement extraordinaire. Quel était le nom de la juge? La juge Rousseau. Je ne suis pas avocat de formation, je l'ai souvent dit, mais j'ai lu ce jugement à plusieurs occasions et elle disait au gouvernement, cette juge, des choses énormes, énormes, jugement d'une quarantaine de pages, de mémoire. C'était extraordinaire. Elle rappelait au gouvernement comment il avait passé à côté de ses propres lois, de ses propres institutions pour arriver à faire ce qu'il avait fait, et elle lui disait d'arrêter instantanément la construction de Hertel-des Cantons, M. le Président.

Alors, imaginez-vous, ils ne répondent plus au BAPE, puis là ils ne répondront pas, ils ne répondront plus, en ce qui a trait à l'environnement, à la Régie. Moi, j'aimerais ça être Hydro-Québec. Je veux dire, je fais ce que je veux quand je veux avec qui je veux s'il veut. C'est ça qui va se passer, M. le Président. Puis là, dans la loi, ça va être de toute beauté: si tu t'entends avec la MRC, puis une compagnie, envoie donc, tu y vas puis...

Alors, nous, on va vous dire, comme les membres du Comité national sur l'environnement et le développement durable du PQ, on n'y croit pas, au projet de loi n° 116. Ce n'est pas Robert Benoit, le député d'Orford, qui n'y croit pas, M. le Président. Là, je vais vous parler du Parti québécois, Comité national sur l'environnement et le développement durable, communiqué émis le 26 mai de l'an 2000. Ce soir, 22 h 30, nous sommes quatre jours plus tard, 30 mai.

Une voix: Ça ne va pas bien.

M. Benoit: Ça ne va pas bien, non. C'est un député du PQ qui vient de dire ça, «ça ne va pas bien», M. le Président. Ça vient d'abord de leur programme électoral, je vous rappelle ça, commission itinérante du PQ à travers le Québec où, si quelqu'un osait parler contre la Régie, je vous garantis qu'il se déchirait une autre chemise, ce soir-là, dans le sous-sol de l'église.

Le premier ministre a vanté les mérites de cette Régie-là sur toutes les tribunes qu'il a pu, et là on est après défaire ça. Mais là c'est le retour, hein, c'est les propres gens qui ont voté ce programme-là qui réécrivent au PQ et qui lui disent – je pourrais vous en lire, il y en a des pages, ici: Écoutez, ça n'a pas d'allure de défaire ça. Je pourrais vous parler aussi des CRE, conseils régionaux en environnement. On les a rencontrés, nous, il y a quelque temps, et, le Regroupement des conseils régionaux en environnement, M. Charest l'a rencontré il y a environ un mois à Sherbrooke, et j'ai eu le grand plaisir – d'ailleurs, je les salue, leur président et leur directeur général, leur président de Hull et leur directeur général de Trois-Rivières – de souper avec eux après la rencontre avec M. Charest, des gens extraordinaires, des gens qui se battent avec peu de moyens à la grandeur du Québec pour l'environnement. Eux, sur toutes les tribunes, de toutes les façons – ils ont écrit au ministre, ils ont écrit au premier ministre – ils ont indiqué clairement, ces groupes d'environnement qui regroupent tous les groupes d'environnement au Québec, qu'ils n'étaient pas d'accord, M. le Président, avec le retrait des articles de la loi via la loi n° 116.

Alors, le PQ se prononce contre ce projet de loi là, hein, les membres, et là on s'aperçoit qu'un gouvernement qui est en place trop longtemps se déconnecte de sa base, et là on a un bel exemple. On a eu un bel exemple aujourd'hui, d'ailleurs. On en a vu, des gouvernements agressifs et agressants, on en a vu à Ottawa, on en a vu dans d'autres provinces, et ils ont tous le même sort, M. le Président, ils se font battre. Tous les gouvernements qui n'écoutent plus la base militante, tous les gouvernements qui se pensent plus intelligents que les gens qui les ont élus ont le même sort, et aujourd'hui on a eu un bel exemple de ça du ministre des Finances à la période des questions, cette façon absolument démagogue, épouvantable qu'il a de planter les députés l'un après l'autre. Si c'est ça, faire de la politique, ce qu'on a vu, l'exemple du ministre des Finances aujourd'hui dans cette Chambre, ce n'était pas très élégant.

Et puis, si encore il était seul à faire ça, même s'il est le vice-premier ministre, ce ne serait pas si tant pire. Mais, quand je vois cette gang l'applaudir quand il dit des grossièretés comme il a dites à la période de questions aujourd'hui, M. le Président, on n'a pas à être fier d'avoir un gouvernement comme ça au Québec, loin de ça.

(22 h 10)

Mais c'est ça que les membres du PQ sont après leur dire, qu'ils ne sont pas fiers de ce gouvernement, qu'ils ne sont pas fiers. Ils n'ont pas dit ça, M. le Président, il y a trois ans, il y a cinq ans, ils ont dit ça il y a quatre jours. Le Comité national sur l'environnement et le développement durable dit: Retraitez, M. le ministre. C'est la première chose qu'on apprend, dans la vie, de nos parents, finalement, qu'il n'est jamais trop tard, si on a fait une erreur, pour arrêter puis reculer. En tout cas, moi, je me souviens, c'est une des premières choses que mes parents m'ont apprises: Tu t'en vas dans une direction, tu t'aperçois que ce n'est pas la bonne direction, tu peux toujours changer.

M. le ministre, on vous dit: Il n'est pas trop tard pour arrêter. Il n'est pas trop tard. Je comprends que votre ministre des Finances nous a annoncé en grande primeur, en se pétant les bretelles le soir du budget, qu'Hydro-Québec, ce serait une machine à imprimer des piastres. Que bien vous soit fait! Qu'Hydro-Québec continue à imprimer des piastres! Pendant ce temps-là, les électeurs du Québec, vos électeurs, seront les plus taxés du Québec, d'abord. Pendant ce temps-là, on prendra 400 millions des profits d'Hydro-Québec pour envoyer à un autre patente du gouvernement, la Société générale de financement. Comme s'il n'y avait pas assez de capital de risque au Québec, on prend les profits d'Hydro-Québec et on les envoie dans une autre société d'État plutôt que d'essayer de régler nos problèmes de finances publiques ici, au Québec, en baissant le déficit.

Environnementalement, M. le Président, il y en a d'autres qui se sont prononcés, et l'autorité au Québec, bien sûr, c'est ce journaliste du Devoir . C'est l'autorité, c'est une des grandes autorités au Québec. Je vous ai parlé des CRE, je vous ai parlé du Comité national sur l'environnement, et, bien sûr, il y a ce journaliste du Devoir qui est une autorité, que tout le monde lit et qui enseigne à l'université. Bien sûr, je ne vous lirai pas son éditorial, il ne me reste pas assez de temps, mais lui aussi a dit au ministre que c'était une erreur monumentale, ce projet de loi n° 116. Or, devant tous ces faits, moi, je demande au ministre, comme l'ont fait les autres députés...

Nous sommes rendus 36, 37 députés, en date de ce soir, et on ne pourra pas parler plus que 48. Nous, de l'opposition, on est 48. Après le 48e... Le ministre peut se consoler de ça, il n'y en aura pas plus que 48 qui vont parler contre son projet de loi. Nous, on est convaincus, par les appels qu'on reçoit dans nos comtés des groupes d'environnement, des CRE... Moi, je pensais que j'avais tout vu dans cette Chambre, mais jamais je n'ai pensé qu'un gouvernement qui voterait une loi après une consultation populaire comme il a fait serait capable, dans les années qui suivent, de défaire cette loi-là. Ou bien ce n'était pas bon quand ils l'ont faite, ou bien ce n'est pas bon en ce moment quand ils sont après la défaire. Il y a une des deux décisions qui n'a pas été la bonne, M. le Président.

Alors, vous me dites qu'il ne me reste plus de temps. J'aurais tellement d'autres choses à vous dire, M. le Président. Mais là, si je dois terminer, j'invite le ministre à repenser à son affaire. Il lui reste encore du temps, on est ici jusqu'à la fin de juin. On va fêter le 40e anniversaire, le 22 juin, de la Révolution tranquille, époque où le Québec s'est dynamisé avec les libéraux, époque où on a créé Hydro-Québec, époque où on a cru à l'hydroélectricité comme un moyen de développement du Québec, et on y croit encore, mais pas à n'importe quel coût, pas de n'importe quelle façon, pas seulement avec une société d'État qui ne répond à personne ou à peu près. Nous, on pense que, 40 ans après la Révolution tranquille, à peu près 40 ans après la création d'Hydro-Québec, on a à mettre en place des mécanismes qui font que le citoyen là-dedans va être protégé, et, en défaisant la loi n° 116, je pense que le citoyen va être le premier à être pénalisé. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Orford. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, et je reconnais maintenant le whip adjoint de l'opposition officielle et député de Papineau. M. le député, la parole est à vous.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, à cette heure-ci, de pouvoir parler du projet de loi n° 116. L'objet de ce projet de loi là, c'est de modifier la Loi sur la Régie de l'énergie en soustrayant de sa compétence l'examen de tout le volet production d'Hydro-Québec pour l'établissement du tarif de fourniture de l'électricité et d'introduire la notion d'électricité patrimoniale. D'autre part, il permet la mise en place d'une procédure d'appel d'offres pour satisfaire les nouveaux besoins en électricité des Québécois et des Québécoises.

Par ailleurs, les municipalités pourront dorénavant former des sociétés en commandite avec des partenaires privés pour la mise en valeur de sites hydroélectriques de moins de 50 MW. Le projet de loi permettra également à un producteur d'électricité générée à partir de biomasse forestière de vendre directement son électricité à une entreprise, en autant que cette dernière soit située sur un emplacement adjacent à l'entreprise. Enfin, dans le secteur hydroélectrique, le projet de loi prévoit la mise en place par le gouvernement d'un projet-pilote réservé aux projets industriels de plus de 5 MW visant à évaluer les avantages et les inconvénients de la concurrence dans le marché de détail.

En ce qui a trait aux produits pétroliers, le projet de loi, M. le Président, permet à la Régie d'établir à tous les trois ans plutôt qu'annuellement les coûts de l'exploitation que doit supporter un détaillant d'essence, de carburant diesel, comme on dirait bien, et détermine que le gouvernement assumera dorénavant le coût des enquêtes sur le prix des produits pétroliers qu'il recommande à la Régie. Finalement, le projet de loi modifie certaines règles de fonctionnement de la Régie, notamment en élargissant le nombre de demandes pouvant être étudiées par un seul régisseur et en introduisant la procédure de conciliation en matière de plaintes des consommateurs.

En 1995, le gouvernement du Parti québécois tenait une vaste consultation publique sur toute la question du développement énergique au Québec. Du consensus dégagé de cette consultation naissaient, en 1996, la politique énergique québécoise, L'énergie au service du Québec : une perspective de développement durable , M. le Président, et l'adoption à l'unanimité de la Loi sur la Régie de l'énergie, en décembre 1996, qui allait créer cette instance dotée de tous les pouvoirs nécessaires notamment pour contre-expertiser de façon satisfaisante les demandes tarifaires d'Hydro-Québec selon un mécanisme garantissant la transparence et la participation du public. Or, la Régie de l'énergie n'a jamais, dans les faits, assumé pleinement ses pouvoirs sur Hydro-Québec, car elle devait au préalable soumettre un avis au gouvernement sur la façon d'établir le tarif de fourniture. De fait, le 11 août 1998, la Régie remettait cet avis au gouvernement dans lequel elle rejetait la proposition d'Hydro-Québec concernant l'établissement de ses tarifs de fourniture. La Société proposait que ses tarifs soient établis sur la base d'un prix fixe qu'elle établissait elle-même, impliquant que la production fasse l'objet d'une réglementation sur la base d'un prix de référence plutôt que sur ses coûts réels de production.

La Régie soutenait cependant dans son avis que, contrairement au voeu d'Hydro-Québec, le tarif de fourniture devrait être établi en fonction des coûts de production, de distribution et de transport. Cela impliquait qu'elle devait vérifier tous les coûts d'exploitation d'Hydro-Québec et autoriser la construction de centrales. Près de deux ans plus tard, le gouvernement, en retirant de l'examen de la Régie de l'énergie tout le volet de production d'Hydro-Québec et en instaurant la notion d'électricité patrimoniale pour établir un prix moyen fixe, se range du côté d'Hydro-Québec et retire à la Régie une partie importante de ses pouvoirs pour contre-expertiser adéquatement le monopole de la société d'État.

Par ailleurs, en vertu de la loi actuelle, les grandes pétrolières doivent actuellement assumer à tous les ans les dépenses encourues par la Régie dans le cadre des auditions relatives à la fixation des coûts d'exploitation des détaillants en essence ou en carburant, de même que les dépenses pour les enquêtes de l'organisme effectuées à la demande du gouvernement. Les modifications proposées concernant ces deux questions répondent en partie aux demandes des représentants de l'industrie pétrolière, et on sait, M. le Président, tout le débat, Hydro-Québec, le gaz, dans toutes nos régions, qui descend, qui augmente, qui baisse à toutes les semaines. Aujourd'hui, on veut quand même pouvoir enlever du pouvoir à certaines personnes, ou à certaines associations, ou à la Régie de pouvoir contrôler les prix ou quoi que ce soit.

(22 h 20)

Le projet de loi exclut l'examen des coûts de production d'Hydro-Québec, dans l'établissement du tarif de fourniture d'électricité, des compétences de la Régie de l'énergie qui ne conserve sa compétence qu'en matière de tarification pour les activités de transport et de distribution. De fait, les nouvelles dispositions du présent projet de loi octroient les responsabilités au gouvernement de fixer un prix moyen pour l'ensemble du volet production d'Hydro-Québec. Ce coût moyen est de 0,0279 $ du kilowattheure pour l'ensemble du parc patrimonial québécois, évalué à 160 TWh, des termes que beaucoup de gens ne comprennent pas, mais, en discutant depuis deux semaines, une semaine ou un an, même, ils commencent à comprendre que ces tarifs-là ont un niveau respectable, un niveau très respectable – on est d'accord avec ça – mais que, dans la Régie – d'après moi, si j'ai bien compris, si j'ai bien lu – on va avoir moins de pouvoirs. Ça va être contrôlé – comment je dirais? – par les gens...

Et je me rappelle, M. le Président, les premiers débats de la Régie. On peut sortir un peu du texte en disant que ces gens-là, au commencement, on nous a même – je m'en rappelle un peu – accusés, les gens, dans notre temps, quand on était au pouvoir, que les contrôles des prix d'électricité, ça n'avait pas de bon sens, ça. On ne pouvait pas toucher à ça. On ne pouvait rien faire. Mais, on se rappelle, dans ce temps-là, puis je pense que c'est important, que la situation économique du Québec...

Quand je suis arrivé ici – M. le leader et le ministre des Ressources naturelles doivent se rappeler de moi – en Chambre le 29 mai 1989 – ça a fait 11 ans hier – j'étais très, très, très populaire dans cette enceinte, M. le Président, vous vous rappelez. Mon collègue qui, je dois vous dire... Bien, peut-être, dans ce temps-là, que je n'étais pas trop, trop chum avec, parce que, pendant un mois de temps, j'ai été la cible du gouvernement d'aujourd'hui. Et il était de ce côté-ci de la Chambre, alors il remplissait la job que, nous, on veut faire aujourd'hui pour dire aux citoyens du Québec: Ça ne marche pas. C'est aussi clair que ça.

Et l'autre point qu'on a, qui me fait rire dans tout ce débat-là, avec tout le respect que j'ai pour mon collègue le leader du gouvernement, c'est que j'ai reçu à mon bureau pour la première fois en 11 ans un communiqué de presse du Parti québécois. À mon bureau à moi, député de Papineau, aussi convaincu qu'eux le sont sur leur côté, moi, je reçois à mon bureau un communiqué de presse qui demande le retrait du projet de loi n° 116. Pouvez-vous vous imaginer la réaction que j'ai eue, moi, assis dans mon bureau, un fédéraliste convaincu comme moi, recevoir, adressé à moi, un communiqué de presse du Parti québécois, M. le Président? J'ai eu, pas un choc, mais j'ai dit: Y a-tu eu une erreur? Est-ce que c'est le fax qui s'est trompé? Comment on peut recevoir, au Parti libéral, à l'opposition, une demande de retrait d'un projet de loi par le Parti québécois, Comité national sur l'environnement et le développement durable?

Et, si vous me permettez, j'aimerais vous en lire un peu, parce que, pour moi, c'est une première, recevoir un communiqué de presse... Malheureusement, j'ai regardé pour voir si c'était signé par mon collègue – et, je m'excuse, on n'est pas supposé parler du nom – Jacques Brassard. Ce n'était pas ça. C'est les gens du Comité national sur l'environnement et le développement durable qui m'envoyaient une note à moi à mon bureau pour dire: Aïe! retirez cette loi-là, ça presse! Là, j'ai dit: Il y a quelque chose qui ne marche pas, là. Ça se suit à quoi?

Puis là, à ma grande surprise, aujourd'hui on parlait de notre chef qui, en fin de semaine, à Trois-Rivières, est monté sur une table parce qu'il y avait 400, 500 personnes qui étaient satisfaites du travail de notre chef, puis on a ridiculisé ça, ces gens-là. On a été même arrogant, M. le Président. On a été vraiment arrogant envers le chef qui travaille très fort à tous les jours, qui est sur le terrain. Je pense qu'on commence à sentir que le Parti libéral est en train de faire son travail, côté politique. Je sens ça, M. le Président.

Pour revenir au sujet avant qu'on ne me demande de retourner au vif du sujet, recevoir, pour moi, au bureau un communiqué de presse du Parti québécois... Je vais le garder, je vais même l'encadrer, M. le Président, si vous voulez passer le message à mon leader préféré qu'on a eu sur ce côté-là depuis que je suis ici. C'est une demande de retrait qui réduit l'autorité de la Régie de l'énergie. C'est les gens du Parti québécois qui disent ça. Ce n'est pas la porte-parole du tout qui dit ça, c'est nous qui recevons ça dans chacun de nos bureaux. Je ne sais pas si tout le monde a reçu ça, mais, moi, je l'ai reçu. Alors, je vais vous lire ça, M. le Président:

«Considérant l'adoption à forte majorité de la proposition 462 du programme du Parti québécois du congrès 2000;

«Considérant les propositions adoptées à l'unanimité en septembre 1998 et en septembre 1999 pour mettre en vigueur tous les articles de la loi [...] de l'énergie telle que présentée en novembre 1996 par le ministre des Ressources naturelles, M. Guy Chevrette;

«Considérant que la Loi sur la Régie de l'énergie contient tous les outils pour permettre au gouvernement et au ministre d'agir selon des conditions ou des orientations que celui-ci peut décréter quand il le juge opportun;

«Considérant que cette loi était demandée par la majorité des intervenants qui ont participé au débat sur l'énergie pour sortir la procédure d'examen du dossier de l'énergie électrique de la noirceur – de la noirceur, M. le Président;

«Considérant que cette loi est un pas important vers plus de transparence et de démocratie dans les orientations énergétiques du Québec – j'espère que le ministre de l'Agriculture était présent quand ça a été lu;

«Considérant que cette loi issue de la politique énergétique du Québec a été approuvée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1996;

«Considérant que tous les articles et règlements pertinents de cette loi permettent à la Régie de l'énergie de remplir son mandat selon sa mission;

«Considérant le respect que doit avoir le ministre envers les travailleurs de la Régie de l'énergie et les intervenants pour bien accomplir leur mandat et respecter la loi;

«Il devient inopportun de présenter et de vouloir entériner le projet de loi n° 116 qui est contraire aux orientations – M. le Président, il faut répéter ça, qui est contraire aux orientations – de la politique énergétique et qui, de plus, dénature la mission de la Régie de l'énergie.

«Le gouvernement du Parti québécois doit retirer ce projet de loi.»

Et je me répète, là, c'est un communiqué de presse reçu, qui a été envoyé à tous les médias – ce n'est pas marqué «à tous les députés», mais, moi, je l'ai reçu, je suis chanceux – du Parti québécois. Et il faut le répéter: «Le gouvernement [...] doit retirer ce projet de loi en respect pour tous les intervenants qui ont participé au débat public sur l'énergie et qui ont demandé une régie de l'énergie et ceux de la Table de consultation qui ont proposé et finalement le gouvernement du Parti québécois qui a approuvé – M. le Président, vous m'entendez, là – la politique énergique, la loi et la mission de la Régie.»

(22 h 30)

Ça me surprend, M. le Président. Je regarde le ministre de l'énergie, le leader du gouvernement, c'est un homme qui a toujours été, ici, à l'écoute. Puis, quand il était de ce côté-ci de la Chambre, c'était un des meilleurs parlementaires. Si vous vous rappelez, vous siégiez à cette chaise-là, c'était un des meilleurs parlementaires. Surtout quand il a transféré puis qu'il est devenu ministre des Transports, là il était bon. Ha, ha, ha! On pouvait lui parler, on pouvait parler de nos dossiers de comté puis on les réglait. Mais là il est devenu ministre des Ressources naturelles puis ça ne marche pas. Il n'écoute pas. Il n'écoute pas du tout. On trouve ça drôle, mais c'est vrai, je vous dis la vérité. Il a changé totalement. Le ministre est devenu sourd – je m'excuse, M. le Président – quand surtout ça vient de son parti. C'est son parti qui demande de retirer ce projet de loi là. Si c'est une autre façon de gouverner, je ne sais pas comment est-ce qu'on appelle ça, mais, quand il était aux Transports, je vous le dis, M. le Président, là, quand le ministre actuel, qui s'occupe d'Hydro-Québec... Il écoutait, aux Transports, on pouvait lui parler, on pouvait lui demander s'il y avait de la logique dans un projet de loi ou s'il y avait de la logique dans un dossier de comté comme l'autoroute 50. Il a écouté.

Mais là ce n'est pas nous autres qui avons demandé ça les premiers. La même journée que le dépôt de loi a été déposé, M. le Président, ça a été, excusez l'expression, le «point of no return». Personne n'écoutait, personne n'écoutait. Et ça me surprend, M. le leader du gouvernement, parce que, en temps normal, c'est un homme qui a une logique, qui écoute alentour de lui. Il écoute ses conseillers politiques, surtout une que je respecte beaucoup, et là, avec ce projet de loi là, pas du tout, M. le Président. Notre porte-parole, la députée de Bonaventure, a posé plusieurs questions sur la Régie de l'énergie, a mis des faits sur la table même avant d'avoir ce communiqué de presse là.

Puis je reviens là-dessus, puis je me répète, M. le Président, c'est la première fois dans une carrière de 11 ans que je reçois de la part du Parti québécois un communiqué de presse sur mon bureau. Puis ce n'est pas à leur avantage de m'envoyer ça chez moi, pas du tout. Parce qu'il y a des fois que je suis d'accord avec eux autres, là – je ne parle pas du débat de l'article 1, mais d'autres choses – mais, là-dessus, tout le monde, même dans leur congrès pour l'an 2000 qui vient de passer, ces gens-là, M. le Président, étaient vraiment d'accord à retirer ça. Le ministre a oublié ça. Le ministre a dit: Non, je m'excuse, on retire... on ne peut pas faire ça pour toutes sortes de raisons.

Qui est le patron? Est-ce que c'est Hydro-Québec, c'est les gens à Montréal? Est-ce que c'est l'Assemblée nationale? Est-ce que c'est les citoyens du Québec, de notre province, de notre peuple québécois, comme vous aimez à dire, puis que nous aussi on dit? C'est quoi, là, le problème? Est-ce qu'on pourrait changer ça, M. le Président? Est-ce qu'on pourrait vraiment demander que la Régie garde le pouvoir qui est mis sur la table?

Alors, M. le Président, je pense qu'on devrait vraiment prendre la position que notre parti, notre parti d'opposition, le Parti libéral du Québec, qui s'est toujours opposé à toute réduction des pouvoirs de la Régie de l'énergie en défendant son intégrité et en soutenant que celle-ci doit assumer l'ensemble de ses responsabilités prévues par la loi. Notre porte-parole a déposé d'ailleurs une motion à l'Assemblée nationale au mois de mai, le 19 mai 1999, demandant que «l'Assemblée nationale, M. le Président, s'assure que le gouvernement du Québec donne dans les faits, à la Régie de l'énergie, toute l'indépendance nécessaire à l'exercice de son mandat initial». Et je dois de répéter: Toute l'indépendance – ce n'est pas un mot que j'ai dans mon dictionnaire, M. le Président, mais pour la Régie et Hydro-Québec, qui nous appartient, qui est la fierté de tous les Québécois – dans l'exercice de son mandat initial.

Aujourd'hui, sous les faux prétextes de vouloir préserver le pacte social et de garantir aux consommateurs québécois les tarifs les plus bas possible, le gouvernement péquiste met la hache dans la Régie de l'énergie en lui retirant notamment son pouvoir d'examiner toutes les activités de production d'Hydro-Québec, son activité la plus rentable, tous les projets de développement de barrages de même que tous les contrats d'exportation. Cependant, le véritable objectif poursuivi par le gouvernement et par Hydro-Québec est davantage de rentabiliser l'entreprise afin de verser à son unique actionnaire, le gouvernement, les dividendes. Ou une machine à faire de l'argent, comme la porte-parole dit souvent, tenant compte que le soir du budget le ministre des Finances déclarait lui-même, M. le Président, à Radio-Canada qu'Hydro-Québec deviendrait une machine à imprimer de l'argent. L'examen réel des coûts de production aurait pu forcer Hydro-Québec à réduire ses tarifs plutôt qu'à les geler.

Alors, M. le Président, vraiment, nous déplorons, et il est impossible pour nous de pouvoir accepter ce projet de loi là. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Papineau. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, et je reconnais le président de la commission de l'aménagement du territoire et député de Richmond. M. le député, je vous cède la parole.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Oui, je vous remercie, M. le Président. Il y a quelques années, et encore quelques mois, je n'aurais pas cru que j'aurais à prendre la parole sur un projet de loi qui vient dans le fond contredire complètement ce que nous avait présenté le même gouvernement il y a quelques années en termes d'objectifs poursuivis quant à la gestion de tout le secteur énergétique québécois. Alors, je veux joindre ma parole à ceux et celles qui m'ont précédé au stade ici de l'adoption du principe du projet de loi n° 116, Loi qui modifie la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives.

M. le Président, vous me voyez donc étonné de l'attitude du gouvernement dans ce dossier. Ma collègue de Bonaventure a bien essayé, par tous les moyens qui sont mis à notre disposition, de convaincre nos honorables amis d'en face qu'ils font fausse route. J'essaierai, en ajoutant ma voix à la sienne et à celle de mes collègues, de peut-être ajouter le point de vue de celui qui représente un comté où l'ensemble des électeurs sont loin d'être insensibles à ce qui se passe ici, à l'Assemblée nationale, et qui dans le fond fait en sorte qu'on prive les Québécois, et entre autres les électeurs de mon comté, de l'assurance de tarifs d'électricité qui soient au meilleur coût possible.

Vous me permettrez, M. le Président, de vous rappeler, et à mes collègues puis aux gens qui peuvent encore nous écouter à cette heure-ci, les principes qui nous ont dirigés quand on a nationalisé l'électricité. J'entendais dire – moi, j'étais à ce moment-là dans ma toute jeune adolescence – on indiquait... Je me souviens d'avoir entendu des discours à l'emporte-pièce, entre autres de René Lévesque. Craie à la main, je l'ai vu écrire sur des tableaux, à l'intérieur de mon propre comté, pour nous indiquer que, quand on a nationalisé l'électricité, l'objectif majeur, c'était évidemment une prise en main par les Québécois de leur développement, mais c'était aussi et surtout, nous disait-on, la garantie pour le Québec de procurer à l'ensemble de la population de chez nous une électricité, de l'énergie au meilleur coût possible.

Et, M. le Président, j'ai cru jusqu'à tout récemment, jusqu'à ce que je vois le texte de ce projet de loi, que le gouvernement actuel, ceux qui l'ont précédé maintenaient le cap afin de faire en sorte que les Québécois et Québécoises puissent profiter d'une énergie chez nous qui est renouvelable, d'une énergie propre et aussi au meilleur coût possible.

Alors, je pense que nous sommes tout à fait dans le ton, M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, de vouloir dénoncer l'attitude du gouvernement actuel, qui, sans l'ombre d'un doute, ne fait pas ses devoirs adéquatement. Et, si je ne connaissais pas aussi bien le ministre qui est porteur de ce projet de loi là, je ne serais pas en mesure de dire ce soir que probablement il est en mission commandée. Je connais assez mon collègue d'en face pour savoir que certainement il ne peut pas nier qu'un des objectifs que nous poursuivons collectivement, c'est très certainement de faire en sorte que l'électricité au Québec, à tous ceux qui en consomment, soit fournie au meilleur coût possible. Si c'est un atout pour le Québec, bien ma foi qu'on en profite et qu'on fasse en sorte que ce qui s'est perpétué dans le temps puisse continuer à être fait au cours de l'année 2000 et des années subséquentes.

Alors, M. le Président, j'aurai certainement l'occasion de revenir également, comme mon collègue de Papineau qui m'a précédé, sur toutes ces personnes qui joignent leur voix à celle du Parti libéral, l'opposition libérale, pour dénoncer la façon de procéder du gouvernement et dénoncer les intentions que l'on retrouve à l'intérieur du projet de loi qui a été déposé. Et ça inclut évidemment les gens du Parti québécois – mon collègue de Papineau y faisait allusion tantôt – qui ont émis récemment, je pense que c'est vendredi dernier, un communiqué qui est adressé à leur propre gouvernement.

(22 h 40)

Il faut dire que ce n'est pas la première fois que les gens impliqués, qui sont des bénévoles, qui sont des gens engagés au sein du Parti québécois, tentent de redresser le gouvernement, qui, plus souvent qu'autrement, n'est pas sur la bonne voie. Et, à l'occasion, il y a des militants du Parti québécois qui décident de se lever debout puis d'indiquer très clairement au gouvernement qu'ils ne sont pas en accord avec les gestes qu'il se prépare à poser. J'y reviendrai de toute manière un peu plus loin. Mais, pour continuer à l'intérieur de mon intervention, vous me permettrez de vous expliquer un petit peu l'historique de la Régie de l'énergie. Je pense que c'est important pour les gens qui nous écoutent de savoir comment ça se fait que le gouvernement avait créé cette Régie de l'énergie, qui est, rappelons-le, carrément attaquée à l'intérieur du projet de loi qui a été déposé par le ministre.

La députée de Bonaventure et porte-parole de l'opposition officielle en matière des ressources naturelles et des pêcheries nous mentionnait récemment que la Régie de l'énergie avait été adoptée à l'Assemblée nationale à l'unanimité il y a à peu près quatre ans. Alors, pourquoi le gouvernement est-il allé de l'avant avec cette Régie de l'énergie? C'était, nous disait-on, pour faire suite à la politique énergétique que le gouvernement du Parti québécois avait développée et mise de l'avant. Pourquoi une régie de l'énergie? C'était inscrit dans la politique énergétique, qui s'appelle L'énergie au service du Québec: une perspective de développement durable . Au chapitre II, et je cite, M. le Président: «Il faut contre-expertiser de façon satisfaisante les demandes tarifaires d'Hydro-Québec selon un mécanisme garantissant la transparence et la participation du public.» Fin de la citation. Trois éléments importants: contre-expertise, transparence, participation du public. C'était là les trois éléments, semble-t-il, qui motivaient le gouvernement, il y a quatre ans, à aller de l'avant avec la Loi sur la Régie de l'énergie.

Mais voyons quels sont les effets réels du projet de loi n° 116 qu'on nous présente aujourd'hui. On entend différentes interprétations. Le ministre, lui, nous dit: Ça protège le patrimoine énergétique, ça conserve le pacte social au Québec. Sauf la vraie interprétation, qui est appuyée et supportée par beaucoup de gens: c'est qu'on dilue les pouvoirs de la Régie, une régie, en somme, qui est en train de s'évaporer avec le projet de loi qui est présenté par le ministre des Ressources naturelles. Tout le volet de production est soustrait de la responsabilité de la Régie de l'énergie. On soustrait tous les coûts de production et des pouvoirs d'examen, de surveillance de la Régie de l'énergie, la laissant ainsi avec les coûts de distribution et les coûts de transport de l'électricité, coûts qui sont de toute évidence moins rentables que les coûts de production et dont les perspectives ont moins de rentabilité. Le projet de loi n° 116 exclut les coûts de production d'Hydro-Québec dans l'établissement des tarifs de fourniture d'électricité. C'est ça, M. le Président, finalement, l'objet principal, la conséquence principale du projet de loi que nous avons devant nous.

En 1962, Jean Lesage, qui était alors premier ministre, a scellé avec les Québécois une entente qui, depuis cette date, nous garantit à nous, les consommateurs d'électricité et aux gens que nous représentons en cette Assemblée nationale, des tarifs d'électricité qui sont bas, qui sont stables, qui sont uniformes. Cela a été un gain majeur sur le plan collectif et nous a permis, comme société, de se développer et de prendre le chemin de la croissance. C'est vraiment, M. le Président, un tournant important qui a marqué l'histoire du Québec et qui devrait continuer à être aujourd'hui un atout important à la disposition des Québécois et des Québécoises et dont on va, semble-t-il, si ce projet de loi là est approuvé et voté, nous priver. Cependant, avec donc le dépôt de la loi n° 116, du projet de loi que nous avons devant nous, qui confirme l'amputation et le retrait des pouvoirs importants de la Régie de l'énergie, on laisse de côté cet héritage que nous a légué Jean Lesage et tous ceux qui ont contribué avec lui, dont René Lévesque à l'époque, à faire en sorte qu'on puisse se donner une politique énergétique qui faisait et qui continue, au moment où on se parle, de faire l'envie de nombreux gouvernements à travers le monde entier.

Mais, évidemment, pour ces gens qui ont vu loin, qui ont vu grand également, qui étaient vraiment des visionnaires, il est dommage de constater ce soir, aujourd'hui et au cours des prochains jours où nous aurons à délibérer de cette loi, que le gouvernement actuel semble, non seulement semble, mais va jeter par-dessus bord tous ces efforts qui ont été consentis par ceux qui nous ont précédés pour doter le Québec d'un outil absolument exceptionnel afin de permettre aux Québécois et Québécoises de profiter de tarifs au plan énergétique qui sont nettement avantageux, pour une simple et bonne raison, M. le Président, c'est qu'ils ont décidé, les Québécois et Québécoises, d'en devenir les propriétaires. Alors, ils ont véritablement accepté ce contrat social que leur avaient proposé les hommes politiques et les femmes politiques des années soixante, et voici qu'aujourd'hui, dans le fond, par le biais d'une loi comme celle qui nous est proposée, on vient littéralement compromettre les efforts qui ont été faits dans le passé à ce niveau.

On va donc couper littéralement les pouvoirs à la Régie de l'énergie, une instance qui, faut-il le rappeler, a été créée en 1996 par le gouvernement du Parti québécois. On retranche des pouvoirs importants avant même que la Régie de l'énergie n'ait pu les utiliser. C'est spécial, ça, M. le Président, de mettre dans une loi, qui a déjà été passée en cette Chambre, des éléments dont on n'a pas donné encore la chance de considérer que c'est des éléments performants. On enlève, on retire de cette loi ces éléments qu'on aurait pu mesurer au bout d'un certain nombre d'années pour voir la pertinence et être capable de calculer jusqu'à quel point ça aurait pu donner des résultats efficaces, puisque c'est de ça qu'on se vantait quand on a fait adopter, de l'autre côté, le projet de loi, ici, à l'Assemblée nationale.

Et je dois vous dire, M. le Président, que le geste que pose le ministre en déposant son projet de loi n° 116 témoigne d'un manque de vision en matière de développement énergétique et constitue un désaveu total à l'endroit de son propre gouvernement, à l'endroit des choix qui ont été faits par son parti, le Parti québécois, et surtout par son prédécesseur, le ministre des Transports et député de Joliette, qui était à l'époque, en 1996, le ministre responsable des Ressources naturelles, et c'est lui, M. le Président, qui, au nom du gouvernement, ne négligeait aucun effort pour nous convaincre, tous et toutes en cette Chambre, de l'importance des pouvoirs que se donnait le gouvernement et également des objectifs qui étaient poursuivis en créant cette Régie et en lui donnant les pouvoirs que le gouvernement a installés dans sa loi. Et c'est très tôt, quatre ans seulement après, pour venir nous dire, ici, en cette Chambre, à peu près aux mêmes parlementaires, qu'on va maintenant amputer la Régie d'une bonne partie des pouvoirs que lui avait confiés cette Assemblée, et ce, de façon unanime.

Alors, M. le Président, si j'interviens aujourd'hui, c'est vraiment dans le but de défendre les intérêts de l'ensemble des Québécois et Québécoises, de défendre aussi l'intérêt des contribuables que je représente en cette Assemblée, et ce que ne semblent pas être prêts à faire mes collègues d'en face, qui sont assis devant nous, et qui, je l'espère, auront l'occasion de nous confier dans leurs discours les motifs qui les guident à l'intérieur de cette décision et qui ne laisseront pas le ministre tout seul défendre ce projet, et peut-être qu'on connaîtra des éléments nouveaux qui pourraient nous faire la démonstration que c'est nous qui sommes sur la mauvaise route. Mais j'aurai l'occasion de vous citer d'autres personnes qui, comme nous, pensent que le gouvernement est vraiment sur la mauvaise voie, et il n'est pas trop tard pour corriger le tir.

(22 h 50)

Alors, M. le Président, nos collègues d'en face sont, c'est bien clair, au service du ministre des Finances, et ça va, un jour ou l'autre, leur causer de bien mauvais tours. De ce côté-ci de la Chambre, nous, ce que nous croyons être notre devoir, c'est de continuer d'être au service de l'ensemble des citoyens du Québec, et je pense que nous adoptons en cette Chambre une attitude tout à fait responsable en dénonçant les intentions de ce gouvernement à l'intérieur du projet de loi qui nous a été déposé.

Nous avons reçu, mes collègues l'ont déjà mentionné, un communiqué de presse, et le député de Papineau le mentionnait tantôt, qui a été émis tout récemment, émanant du Comité national sur l'environnement du Parti québécois et signé par M. Christian Haché, qui en est le vice-président, et Jean-Paul Thivierge, qui est conseiller. Alors, le Comité national sur l'environnement et le développement durable du Parti québécois demande instamment au ministre des Ressources naturelles et député de Lac-Saint-Jean de retirer son projet de loi n° 116 qui réduit l'autorité de la Régie de l'énergie. Mais, M. le Président, je peux-tu vous dire qu'on sait d'avance que ça ne marchera pas?

C'est bien clair que ça ne marchera pas, parce que la commande vient de trop haut, la commande vient de très haut. Et, c'est clair, c'est le fric d'Hydro qui intéresse le gouvernement. Je pense qu'il n'y a pas d'autre explication à cet entêtement du gouvernement et également à la volonté exprimée par le ministre des Ressources naturelles qui, bien clairement, est en mission commandée à l'intérieur de ce projet de loi que nous avons devant nous, puisque ce gouvernement, après nous avoir annoncé, faussement d'ailleurs, une réduction qui dépassait le milliard de dollars des impôts des Québécois et des Québécoises, est en train lentement, et puis même pas lentement, rapidement puis sûrement de nous imposer toutes sortes de tarifications, toutes sortes d'augmentations, ce qui fait en sorte qu'au net les gens, c'est bien clair, au cours de l'année 2000, vont payer davantage que ce qu'ils payaient tant en impôts qu'en tarifications de toutes sortes, certaines qui sont très clairement établies, d'autres qui sont beaucoup plus sournoises, comme celles qu'on retrouve à l'intérieur du projet de loi n° 116 que nous avons devant nous.

Il y en a d'autres qui sont moins hypocrites, moins sournoises que celles qu'on a devant nous, par exemple, celle qui consistera dans les prochains jours à plus que doubler la participation de l'ensemble des contribuables du Québec au régime d'assurance médicaments. L'impôt médicaments, qu'on avait dit aux gens quand le gouvernement est intervenu pour une ponction de 175 millions dans la poche des contribuables québécois, bien, M. le Président, ça va être doublé dans les jours qui viennent. Et, encore une fois, on va le dénoncer, de ce côté-ci. Mais on espère que les gens, l'ensemble de la population comprendra qu'il est de notre devoir de tenter de faire voir à la population l'impact de toutes ces mesures qui se succèdent à l'intérieur de ce gouvernement et qui font en sorte finalement que cette Assemblée, par le biais des législations qui nous sont présentées, par le biais de ce qui émane de l'exécutif, du gouvernement, est carrément et clairement au service de celui qui détient les rênes du gouvernement, le ministre des Finances. Alors, c'est bien clair que, lui, il a décidé que ça prenait de l'argent dans les coffres puis il a dit: Le cash va sonner.

Puis, une façon de faire sonner le cash, bien, c'est la loi n° 116, entre autres, celle que nous avons devant nous. Puis je pense que le ministre lui-même a reconnu que les profits d'Hydro-Québec n'étaient pas suffisants et que, sur cette base, eh bien, on allait mettre à contribution l'ensemble des Québécois et des Québécoises. M. le Président, nous ne sommes pas les seuls à dire et à croire qu'il s'agit pratiquement d'une véritable arnaque à laquelle nous assistons présentement, à l'intérieur de ce projet de loi là mais également à l'intérieur de toutes sortes d'autres mesures qu'on rencontre. Et on va en avoir d'autres même avant la fin de la présente session.

Alors, M. le Président, est-il nécessaire de rappeler – et je veux le faire en terminant parce que je pense qu'il ne me reste que quelques minutes – que la mission première d'Hydro-Québec, ce n'est pas d'être la vache à lait pour le gouvernement, c'est d'offrir les meilleurs tarifs d'électricité aux Québécois et aux Québécoises. Et, hors de tout doute, le projet de loi que nous avons devant nous vient faire le contraire de ce qui a servi de base à vendre ce projet à l'ensemble de la population québécoise qui était soit... Et ça fait partie du pacte social qu'on semble nous dire qu'on veut défendre, de l'autre côté de la Chambre. Mais on dirait qu'on ne se rend pas compte qu'on est en train de mettre la hache dedans et qu'on est train, dans le fond, de trahir les principes qui ont fait en sorte que les Québécois et les Québécoises ont cru dans la capacité qu'ils pouvaient se donner, en devenant propriétaires du réseau hydroélectrique au Québec, le meilleur moyen de se donner une économie performante et aussi de se donner de l'énergie propre, comme je vous disais tantôt, mais aussi à meilleur coût possible.

M. le Président, si le temps me le permettait, je vous citerais un article. J'invite les gens qui nous écoutent cependant, peut-être, à aller le lire. C'est un article, qui est signé par Louis-Gilles Francoeur, qui parle également de la «main basse sur les hydrodollars» et, enfin, un autre éditorial, qui est signé par Jean-Robert Sansfaçon du journal Le Devoir, qui parle de «coup fourré» quand il décrit les intentions qu'on découvre à l'intérieur du projet de loi n° 116.

Alors, M. le Président, je terminerai ici en vous indiquant que je continuerai avec mes collègues, tout au long du processus, jusqu'à la dernière minute, par mes arguments, de tenter de convaincre le ministre et son gouvernement qu'il font fausse route et qu'il ne sera jamais trop tard pour revenir. Et il peut être assuré qu'on ne négligera aucun effort – je sais que c'est un gars qui est compréhensif – de ce côté, pour continuer de croire que le ministre, jusqu'à la dernière minute, pourra se servir de l'excellent jugement dont il fait preuve habituellement pour éviter qu'on applique cette législation. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Richmond. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le leader de l'opposition officielle et député de Brome-Missisquoi, la parole est à vous.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président, je ne souhaitais pas intervenir sur ce projet de loi parce que je croyais que mon bon ami le ministre de l'Énergie et leader du gouvernement pourrait s'en tirer sans l'aide de l'opposition. Je me dois de constater que, bien qu'il y ait des collègues de son côté qui le supportent dans sa lutte contre le bureau du premier ministre et la direction d'Hydro-Québec, il a encore besoin d'aide et d'assistance des députés de l'Assemblée nationale, de quelque formation politique qu'ils proviennent, pour faire basculer ce qu'on appelle l'État dans l'État, le pouvoir dans le pouvoir, Hydro-Québec au bureau du premier ministre. Ce n'est pas un lot facile, une tâche facile que d'être ministre de l'Énergie, de devoir répondre à l'Assemblée nationale des faits et gestes, des actions ou des omissions d'une société d'État qui voit passer les ministres de l'Énergie un après l'autre sans s'en soucier, qu'ils soient péquistes ou libéraux, qu'ils soient ministres seniors ou ministres juniors. Hydro-Québec se soucie très peu de qui est le ministre de l'Énergie. Ces gens-là transigent directement avec le bureau du premier ministre.

Dans la pratique, et tout le monde le sait, est au courant de ces choses-là, à Québec en tout cas – c'est peut-être bon de le répéter à l'ensemble de la province – le responsable d'Hydro-Québec dans l'organigramme du premier ministre, ce n'est pas le ministre de l'Énergie, c'est Jean-Roch Boivin. Il est au bureau du premier ministre. Et, quand André Caillé, président d'Hydro-Québec, a un problème, je ne pense pas qu'il connaisse par coeur le numéro de téléphone du ministre de l'Énergie, mais je suis certain qu'il connaît par coeur le numéro de téléphone du bureau du premier ministre. Vous le connaissez, M. le Président: 418-643-5321. Vous demandez à parler soit à Jean-Roch Boivin, soit au premier ministre, et, à partir de ce moment-là, les ordres sont transmis au ministre de l'Énergie, qui se doit de les exécuter, même si ça va contre ses principes.

Moi, je me souviens de discours en cette Chambre, d'interventions musclées de députés péquistes. Le député de Saint-Hyacinthe, entre autres, que je vois ici ce soir, ça va contre ses principes, ce projet de loi là. Je ne sais pas de quelle façon il va voter ou s'il va voter, mais je le sais pour le connaître que ça va contre ses principes. L'ancien ministre de l'Énergie, celui qui a créé la Régie de l'énergie, qui est parmi nous depuis près d'un quart de siècle, qui a été chef du Parti québécois, chef de l'opposition officielle, je fais référence, vous l'aurez reconnu, M. le Président, au député de Joliette, notre bon ami à tous le député de Joliette, a créé la Régie de l'énergie. Il a ignoré le coup de téléphone du bureau du premier ministre, il a décidé de se tenir debout pour les consommateurs d'électricité du Québec. Mais là les relations se sont envenimées avec les années entre le député de Joliette et le député de Lac-Saint-Jean, et ça, ce n'est pas sain pour la démocratie québécoise, ce n'est pas sain pour le fonctionnement du gouvernement.

(23 heures)

Moi, je ne le sais pas, là, j'espère, je ne veux pas prêter aucune intention au député de Lac-Saint-Jean, mais ce n'est pas parce que le député de Joliette est en train de corriger une erreur qu'il a commise lorsqu'il était ministre des Transports en enlevant les cours obligatoires pour la moto qu'à ce moment-ci le député de Lac-Saint-Jean est obligé de se revenger. Ce n'est pas comme ça qu'on doit servir l'intérêt public et tenter de détruire quelque chose qui avait été mis sur pied par le député de Joliette en son âme et conscience, avec son expérience politique. Et c'était le premier ministre de l'Énergie, et je lui lève mon chapeau, M. le Président, qui avait réussi à mettre au moins un semblant de pouvoir sur Hydro-Québec en créant une régie de l'énergie. Mais pourquoi retourner de bord, pourquoi abandonner? Parce qu'on a eu un appel du bureau du premier ministre? Parce que Jean-Roch Boivin... M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean est une personne élue, élection après élection dans son comté, qui a prêté serment de bien accomplir sa fonction, puis, moi, je ne suis pas certain qu'il est heureux ce soir ici, en cette Chambre. Je ne suis pas certain qu'il est heureux de siéger à 23 heures pour faire quelque chose qu'il n'aime pas faire, pour faire quelque chose dans lequel il ne croit pas, puis, s'il a besoin de l'aide de l'opposition...

Jusqu'à ce moment-ci, nous avons offert nos modestes moyens, mais, s'il faut ensemble présenter une motion conjointe demain matin, la faire adopter par l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale pour que le premier ministre comprenne puis pour qu'Hydro-Québec comprenne, je pense que, de ce côté-ci de la Chambre, c'est sans réserve qu'on va le faire. Ce n'est pas l'opposition qui lance un message au ministre, ce n'est pas l'opposition qui lance un message au gouvernement. Le leader du gouvernement, ministre de l'Énergie, nous a récité les notes explicatives du projet de loi dans un langage écrit par Hydro-Québec pour que personne ne comprenne. C'est un petit peu comme votre compte d'électricité: ce n'est pas toujours clair quand ils vous l'envoient, mais ce qui est clair, c'est qu'il faut que vous envoyiez votre chèque. Ça, c'est bien clair. Autrement, ça ne fonctionne pas, ils vont vous couper.

Il y a un journaliste qui a tenté de vulgariser les notes explicatives du projet de loi lues par le leader du gouvernement et écrites par Hydro-Québec, Michel van de Walle, dans Le Journal de Québec du vendredi 26 mai de l'an 2000. Et je sais que vous l'avez lu, M. le Président, mais je vais vous le rappeler, parce qu'on en lit beaucoup. Je vais le rappeler également au ministre des Ressources naturelles pour qu'il s'en imprègne, pour qu'il s'aperçoive qu'il n'est pas seul dans sa lutte contre Hydro-Québec et contre le gouvernement et que, s'il décide de se tenir debout, il a peut-être des alliés.

Michel van de Walle s'exprime ainsi, et c'est comme ça qu'il a compris les notes explicatives écrites par Hydro-Québec et lues par le ministre des Ressources naturelles: Une Régie édentée . «Il arrive fréquemment qu'un gouvernement décide de mettre la hache dans l'une des réalisations du gouvernement précédent, question de se démarquer de l'administration antérieure. Mais on ne voit pratiquement jamais – on ne voit pratiquement jamais – un gouvernement défaire l'essentiel de ce que lui-même avait bâti dans un précédent mandat.»

M. le Président, moi, je me souviens de l'élection où le Parti québécois s'était engagé envers ses militants, où le Parti québécois s'était engagé envers la population du Québec, à créer une régie de l'énergie qui aurait des dents. Est-ce que vous vous souvenez – je vous prends à témoin, M. le Président – dans la dernière campagne électorale, d'un gouvernement du Parti québécois qui aurait promis et qui se serait engagé, et devant ses militants et devant la population du Québec, à édenter la Régie de l'énergie? Non, jamais. On est arrivé et, sans mandat, on tente d'édenter la Régie.

Je vais continuer à citer M. van de Walle: «Eh bien, on est en train d'assister à cet exceptionnel revirement de l'histoire avec le projet de loi n° 116 amendant la Loi sur la Régie de l'énergie du Québec. Il a été déposé récemment par le ministre des Ressources naturelles, Jacques Brassard. Le projet vient ni plus ni moins amputer la Régie de l'énergie du coeur de son mandat, soit examiner les demandes de hausses tarifaires d'Hydro-Québec en fonction de ses coûts de production de l'électricité.»

M. le Président, avant ça, ça passait devant une commission parlementaire de députés. Mais ce qu'on a dit aux gens, pour créer la Régie: Peut-être que les députés ne sont pas tous formés, ils n'ont pas tous des doctorats, sauf quelques-uns, en ressources énergétiques. À ce moment-là, on va créer une régie de l'énergie qui a l'expertise et on va s'assurer que les consommateurs aient un tarif qui soit bas.

On poursuit la citation: «Le gouvernement conserve le contrôle de cette portion des tarifs, la plus rentable, ne laissant à la Régie que l'analyse des demandes tarifaires liées au transport et à la distribution de l'énergie. Québec a décidé de geler à 0,0279 $ le kilowattheure le prix moyen de vente de l'électricité pour la portion liée à la production. Le gouvernement pourra diminuer ce prix.»

M. le Président, tout le monde a vu clair dans le jeu d'Hydro-Québec et dans le jeu du bureau du premier ministre. Je ne dirai pas encore: Dans le jeu du ministre responsable, parce qu'il n'est pas rendu au stade de jouer la game complètement. Peut-être qu'il lui reste encore un petit peu de conscience. Ce qu'on dit aux gens finalement, c'est: Vous savez, toute la question production d'électricité, les barrages sont construits, on achève de payer pour – comme si vous acheviez de payer l'hypothèque sur votre maison, M. le Président. Ça fait que, là, on dit aux gens: Étant donné que ça, c'est bien rentable pour le gouvernement puis qu'on achève de payer, on ne comptera plus ça, la Régie n'aura plus le droit de regarder ça. Mais il y a des choses qui coûtent cher à Hydro-Québec. Tout le réseau de distribution, ça, ça coûte cher, ça, ça a été ébranlé par le verglas puis ça, il faut moderniser ça, bien ça, on va le compter.

Ça fait qu'on ne comptera pas la partie qui est profitable puis on va compter la partie qui est déficitaire. Puis, avec la partie qui est déficitaire, c'est avec ça qu'on va faire payer le prix de l'électricité au consommateur, M. le Président. C'est un petit peu bizarre. J'écoutais le gouvernement, qui parlait récemment de programme de brancher les ordinateurs, etc. Ce qu'ils ont oublié, ces gens-là, c'est que ça marche à l'électricité, ça, là. Puis les gens qui vont se faire, passez-moi l'expression, M. le Président, mais déploguer par Hydro-Québec parce qu'ils n'ont pas payé leurs comptes, ça va servir à quoi, là, les nouveaux programmes d'accès à Internet, etc.? À la chandelle, M. le Président?

C'est un gouvernement qui ne sait pas où il s'en va en fonction des programmes qu'il lance. Il y a un ministre qui lance un programme à gauche; puis l'autre ministre lance un programme à droite. Il y a un ministre qui crée une régie de l'énergie; il y a un ministre qui tente de l'édenter. Il y a un ministre qui abolit les cours obligatoires en moto; il y a un autre ministre qui dit: Il faut les remettre. Il y a des gens – puis vous allez me dire que c'est des méchantes langues, M. le Président – qui, dans mon comté, en fin de semaine, me disaient: M. le député, vous savez, le ministre Chevrette puis le ministre Brassard – le ministre des Ressources naturelles puis le ministre des Transports, pour être conforme au règlement – ils ont des jobs à vie. J'ai dit: Comment ça qu'ils ont des jobs à vie? Il a dit: Il y en a un qui répare les erreurs de l'autre; puis l'autre répare les erreurs de l'un. Il a dit: C'est certain que ces gens-là en ont pour toute leur vie à réparer leurs erreurs.

Mais ce n'est pas à ça que la population s'attend d'un gouvernement. Elle s'attend à quelqu'un qui est responsable et qui, au lieu de corriger les erreurs des autres, va de l'avant avec des projets qui sont précis, qui sont définis, qui sont issus de la base militante de leur formation politique puis qui rencontrent des objectifs d'intérêt public, M. le Président.

Des objectifs d'intérêt public, en ce qui nous concerne comme députés, c'est quoi? Pourquoi on a voté pour la création d'une régie de l'énergie? Parce qu'on s'est dit qu'on ne voulait pas laisser à l'actionnaire, qui est le ministre des Finances, le pouvoir d'aller fouiller dans les deux poches de nos contribuables, qui sont nos électeurs, sans qu'il y ait une grille d'analyse qui soit objective. Puis ça, c'est ce que le ministre Chevrette – excusez, M. le Président – ce que le ministre des Transports avait fait à l'époque où il était responsable des Ressources naturelles.

Mais Hydro-Québec n'aime pas ça. Puis, quand Hydro-Québec n'aime pas ça, elle appelle au bureau du premier ministre. Puis le bureau du premier ministre, je ne sais pas ce qu'ils doivent à Hydro-Québec, mais ils doivent lui devoir quelque chose parce qu'ils disent oui. Puis, à ce moment-là, ils disent au ministre des Ressources naturelles: Tu déposes un projet de loi qui va empêcher la Régie de l'énergie puis qui va empêcher l'Assemblée nationale de protéger la population du Québec contre des hausses tarifaires. Puis c'est comme ça qu'on commence, comme politiciens, à trahir le mandat que nos électeurs nous ont donné, de prendre la défense de leurs intérêts dans les dossiers qui les affectent quotidiennement. Et est-ce qu'il y a un dossier qui les affecte plus quotidiennement, M. le Président, que la fourniture d'électricité?

Michel van de Walle, M. le Président, parce qu'il faut encore citer des sources qui sont neutres, dans un sous-titre où on écrit Applaudissons la pirouette! , continue de la façon suivante: «En somme, en retirant de la juridiction de la Régie l'examen des coûts reliés à la production, le gouvernement s'est assuré d'éliminer tout débat sur le niveau des tarifs actuels, sur la possibilité de les diminuer et d'en laisser la décision au soin d'un organisme indépendant. Ou encore d'examiner les projets de barrages d'Hydro-Québec en fonction des besoins réels en énergie du Québec et des stratégies de développement de l'entreprise.»

(23 h 10)

M. le Président, tout le monde a compris ça, y inclus le ministre responsable. Mais, à partir du moment où tout le monde a compris ça, y inclus le ministre responsable, pourquoi feindre un débat? Pourquoi faire semblant quand tout le monde a compris le véritable enjeu? Les producteurs d'électricité et d'énergie ont compris le véritable enjeu. Les environnementalistes ont compris le véritable enjeu. Les représentants des consommateurs ont compris les véritables enjeux.

Puis, bon parlementaire comme il est ou expérimenté et rusé comme il est, le leader du gouvernement a tenté, dans ce qu'on peut appeler un de ses derniers retranchements, à l'occasion de la période des questions, il n'y a pas tellement longtemps, d'invoquer le fait que les militants du Parti québécois auraient demandé au ministre d'intervenir à l'Assemblée nationale pour s'assurer qu'il n'y aura plus d'organismes ni d'institutions qui vont pouvoir contrôler Hydro-Québec. Bien voyons donc! Même les militants péquistes ne demandent pas ça, là.

D'ailleurs, estomaqués de la déclaration du ministre... Puis il y a des gens au Parti québécois... Je ne sais pas si le ministre a eu le temps d'en prendre connaissance, je sais qu'il est fort occupé ces temps-ci. Le communiqué de presse officiel à tous les médias, ils ne s'en sont pas cachés eux, là: Parti québécois, Comité national du Parti québécois, Montréal, le 26 mai 2000. Là, ce n'est pas le Parti libéral, ce n'est pas les députés de l'opposition. Mais ça rejoint, par exemple, la préoccupation de plusieurs ministres de l'autre côté et de plusieurs députés de l'autre côté qui demandent... Ils ne demandent pas de modifier, ils ne demandent pas de l'envoyer en commission parlementaire, ils ne demandent pas des audiences publiques, ils demandent tout simplement et tout bonnement... Et je vais les citer, parce que je suis certain que le ministre, c'est son dernier appui, c'est le dernier appui qu'il a invoqué à l'Assemblée nationale, à moins qu'il en ait un autre dans son droit de réplique, qu'il va longuement exercer tantôt, M. le Président.

Ce que le Parti québécois demande, c'est le retrait du projet de loi. C'est-u assez clair? C'est-u assez simple? Est-ce que ça peut être plus unanime dans la société québécoise quand tout le monde, y inclus la formation politique de laquelle est issue le gouvernement d'en face, demande de ne pas légiférer là-dessus? Il me semble que, quand on est ministre de l'autre côté, puis leader de surcroît, puis qu'on sait qu'il y a plusieurs ministres qui ont bien des projets de loi en attente, beaucoup de projets de loi que les gens aimeraient discuter à l'Assemblée nationale, on ne se met pas dans les jambes – pour utiliser l'expression – avec un projet de loi que personne ne veut, sauf Hydro-Québec, le ministre des Finances puis Jean-Roch Boivin au bureau du premier ministre.

Je pense que, quand on a été élu puis qu'on a reçu un mandat, on agit comme le député de Saint-Hyacinthe, on émet des réserves. On agit comme l'ensemble des députés libéraux, on émet des réserves. On agit comme... Le ministre de l'Agriculture doit être inquiet. S'il faut qu'on n'ait plus le droit de regarder les tarifs à l'Assemblée nationale puis que la Régie n'ait plus de pouvoirs, les cultivateurs vont payer pour ça tantôt. Moi, j'ai hâte; je suis certain qu'il a envie de se lever puis de nous dire qu'il a obtenu la garantie du ministre de l'Énergie que ça ne sera pas le cas.

Je regarde le ministre du Tourisme, silencieux. Combien d'industries touristiques au Québec, qui vont avoir à subir les hausses de tarifs, vont lui reprocher son silence? Mais pas pour longtemps, M. le Président, il se meurt d'envie d'intervenir au nom de l'industrie qu'il représente en cette Chambre. Je regarde le ministre des Transports. Il n'y a pas un ministre qui, au niveau du Conseil des ministres, a le droit d'oublier sa clientèle et de se plier aux voeux d'André Cailler puis de Jean-Roch Boivin. Est-ce qu'ils sont plus forts que les élus en cette Chambre? C'est le test auquel est confronté le ministre et leader du gouvernement.

M. le Président, dans les circonstances et dans le but de clarifier les choses – parce que ce n'est pas très, très clair présentement – et de s'assurer que l'on sait sur quel principe on va voter, j'aurais une motion à ce moment-ci à introduire à l'Assemblée nationale du Québec pour nous permettre de savoir très clairement sur quel principe on aura à se prononcer.


Motion de scission

En vertu de l'article 241 de notre règlement, je vous soumets la motion suivante:

«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 116, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, soit scindé en deux projets de loi, un premier intitulé Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives, comprenant les articles 1 à 16, 19 à 29 et 31 à 70, et un second intitulé Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'énergie et d'autres dispositions législatives concernant la surveillance des prix de la vapeur et des produits pétroliers, comprenant les articles 4, 5, 17, 18, 23 et 24, 26, 30, 32 et 33, 38, 41, 43, 45 à 48, 50 à 53 et 70.» Et nous aimerions être entendus quant à la recevabilité de cette motion.


Débat sur la recevabilité

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je dois vous arrêter, parce que vous aviez votre droit de 20 minutes, là. Alors, il y a une motion de scission qui est présentée par le leader de l'opposition officielle en vertu de l'article 241. Je suis prêt à vous entendre sur l'argumentation en ce qui a trait à cette présentation de motion de scission. M. le leader du gouvernement ou M. le leader de l'opposition. À votre tour, chacun votre tour.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, le projet de loi n° 116 a pour objet, comme vous le savez, et pour principe d'apporter un certain nombre d'amendements à une loi, et une seule, qui est la loi constituant la Loi sur la Régie de l'énergie, et je suis convaincu et persuadé que cette loi ne comporte qu'un principe, elle vise essentiellement à apporter un certain nombre d'amendements, d'adaptations à la Loi sur la Régie de l'énergie, et qu'il n'y a pas lieu donc d'accepter ou de juger recevable une motion dilatoire visant à scinder le projet de loi.

Quant à ça, tout projet de loi pourrait être scindé en deux, trois, quatre ou cinq, un projet de loi par disposition, un projet de loi par article. À ce compte-là, ça ferait beaucoup de projets de loi. Dans le cas présent, il y a un seul principe, qui vise à soustraire la fonction production d'Hydro-Québec à la compétence de la Régie. Essentiellement, c'est ça, le principe, et les diverses dispositions qu'on retrouve dans le projet de loi visent à mettre en oeuvre ce principe de déréglementation de la production. Alors, je vous demande de considérer comme irrecevable cette motion dilatoire du leader de l'opposition.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur cette question, sur votre motion, M. le leader de l'opposition officielle, je vous écoute.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Dans une revue récente des précédents, on n'avait pas encore entendu plaider qu'une motion de scission pouvait être dilatoire. Ce n'est pas un motif de recevabilité comme tel, là, à moins que le leader du gouvernement puisse citer des autorités, soit doctrinales soit de précédents, à l'appui de sa thèse. C'est une nouvelle thèse. Maintenant, tout leader a le droit à la créativité, M. le Président, et à ce moment-ci on ne peut que prendre note de cette créativité qui, à moins d'éléments contraires, ne s'appuie sur aucun précédent en cette Assemblée.

M. le Président, vous le savez, vous siégez parmi nous depuis longtemps et vous avez eu à arbitrer d'importants débats, il y a quatre critères qui doivent guider la présidence dans l'appréciation de la recevabilité comme telle d'une motion de scission. Il ne s'agit pas, M. le Président, de critères subjectifs, il s'agit de critères objectifs, et la présidence doit s'en tenir à ces critères. D'ailleurs, à l'appui de ces éléments, j'aurai l'occasion de vous citer des précédents qui ont toujours été maintenus par la présidence de l'Assemblée nationale du Québec.

M. le Président, la motion de scission est basée sur le fait que la loi n° 116 contient deux principes distincts, c'est notre premier argument que vous devez considérer. Un des principes concerne la tarification et la fourniture de l'électricité. C'est un des éléments, M. le Président. Un autre concerne la surveillance des prix de la vapeur et des produits pétroliers.

(23 h 20)

M. le Président, vous aurez compris, là, tarification et fourniture de l'électricité d'un côté, et il est possible qu'on ait, et on l'a exprimé, des réserves profondes de ce côté-ci de l'Assemblée, et même de l'autre côté, quant à cet élément. Un autre concerne la surveillance des prix de la vapeur et des produits pétroliers, il est possible qu'on soit d'accord, M. le Président.

Donc, comment fait-on pour s'exprimer comme parlementaires quand, possiblement, on est d'accord avec un des principes et en désaccord avec l'autre principe, M. le Président? La seule façon de permettre aux parlementaires des deux côtés de la Chambre de s'exprimer librement, c'est de constater que le projet de loi contient deux principes.

Pour exemplifier, M. le Président, cet argument, j'attire particulièrement votre attention – je peux vous en faire la lecture si vous le désirez, ou si vous m'en dispensez – sur les articles 17, 18 et 30, qui sont des articles qui concernent la surveillance des prix, tandis que l'ensemble des autres articles concernent la surveillance des prix de la vapeur et des produits pétroliers.

Chaque partie du projet – et c'est le deuxième élément, M. le Président – scindé constitue un tout et non une fraction d'un tout. Il faut que le projet de loi, une fois scindé, et nous avons tenté, avec les faibles moyens dont l'opposition dispose dans notre système parlementaire, d'aligner les articles qui permettent au principe de s'appuyer sur un tronc qui soit suffisamment solide pour que le projet de loi se tienne, et le premier et le deuxième projet de loi...

Maintenant, M. le Président, je tiens à vous aviser immédiatement que, si jamais dans la forme nous avions, compte tenu des faibles moyens à notre disposition et de l'heure tardive, commis une erreur de forme, la présidence a toujours la possibilité, je vous le souligne très respectueusement, de venir à notre aide et de corriger l'erreur que nous aurions pu commettre dans de telles circonstances.

Troisième élément, M. le Président, chaque partie du projet de loi scindé constitue plus qu'une simple modalité. S'il s'agissait d'une simple modalité qui affecterait un des deux principes ou qui affecterait le projet de loi, à ce moment-là il n'y a pas de scission possible. Moi, je me serais attendu à ce que le ministre responsable plaide qu'il s'agissait de modalité. Je me serais attendu à de l'argumentation. Mais son silence sur cet objet, M. le Président, m'oblige de constater qu'il est d'accord avec nous, là. Ce n'est pas une question de modalité, c'est une question de principe comme telle, et nous franchissons à ce moment-ci l'étape de rencontrer le troisième élément auquel nous sommes confrontés pour vous convaincre que la motion de scission doit s'appliquer.

Quatrième élément, M. le Président, les projets de loi qui résulteraient de la scission constituent des projets de loi en eux-mêmes. Je vous soumets respectueusement, M. le Président, j'ai un petit peu de difficultés avec cet élément parce qu'il me semble rejoindre, au moins en partie, l'élément deuxième. Je pense qu'il s'agit d'un élément complémentaire à l'élément deuxième qui hausse la barre de l'exigence sur le fait que chacun des projets de loi doit constituer un tout. Mais ça m'apparait répétitif.

Peut-être y aurait-il lieu à ce moment-ci, M. le Président, et je le soumets très respectueusement à votre attention, que la présidence se penche sur la possibilité de fusionner les éléments 2 et 4 pour que ce soit très clair que nous n'avons que trois éléments à rencontrer. Maintenant, si la présidence juge à propos de maintenir les quatre éléments, j'apprécierais que, dans la décision, la présidence nous fournisse des éclaircissements quant à la distinction à apporter entre le point 2 et le point 4. À la lecture des décisions, il a semblé que peut-être qu'on a ajouté, avec le temps, pour ajouter. Peut-être que je me trompe, M. le Président, et, à cet effet-là, j'apprécierais de la présidence un éclaircissement.

Je vous soumets respectueusement, M. le Président, que les quatre critères de recevabilité sont rencontrés, et ce, conformément à la décision charnière rendue par le président Bissonnet le 7 juin 1993, décision suivant laquelle le second projet de loi pourrait donc exister sans les dispositions concernant la production et la fourniture de l'électricité. M. le Président, vous aviez déjà prévu dans votre grande sagesse, dès 1993, que la question allait se poser à l'occasion du prochain millénaire. Ça témoigne de votre clairvoyance dans le domaine.

Le 4 décembre 1990, le président Bissonnet rendait une décision fort importante sur les motions de scission et énonçait un critère additionnel capital. Je vous cite, M. le Président, modestement: «Un parlementaire pourrait être contre un élément en étant par ailleurs d'accord avec les autres mesures venant bonifier le projet de loi, en autant que les deux projets de loi qui résulteraient de la scission seraient des projets de loi en eux-mêmes.»

Ce que vous avez fait – je vous le soumets très respectueusement et très sagement, M. le Président – à l'époque, vous avez ramené les quatre critères à deux. Mais je ne veux pas me limiter à ces quatre critères ce soir, je pense que c'est l'occasion rêvée pour nous ramener une jurisprudence claire et peut-être réaffirmer votre jurisprudence du 4 décembre 1990 et du 7 juin 1993.

J'attire également votre attention, M. le Président, sur une décision rendue par un de vos collègues à la vice-présidence, le président Pinard, qui, lui, encore plus contemporain, le 11 décembre 1997, déclarait: «Lorsqu'elle décide de la recevabilité d'une motion de scission, la présidence n'a pas à rechercher l'intention du législateur – d'ailleurs, c'est d'autant plus facile dans le cas qui nous préoccupe, l'intention du législateur étant celle du président d'Hydro-Québec et de Jean-Roch Boivin au bureau du premier ministre – elle se limite à la lecture des textes sans l'interpréter.»

Donc, ça facilite d'autant plus votre travail et est garant de votre neutralité, vous n'avez pas à interpréter les textes comme tels, vous n'avez qu'à les lire. Ce sont les propos que je voulais vous tenir, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le leader de l'opposition officielle. Nous en avons plus que pour une demi-heure à regarder ça. On va prendre ça en délibéré, et la présidence apportera sa décision lors de la prochaine Assemblée, aux affaires du jour. C'est ça?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Et, si vous permettez, je peux aller en délibéré puis revenir à minuit. S'il y a consentement pour que vous ajourniez les travaux compte tenu qu'à minuit je ne serai pas prêt à rendre cette décision-là, alors c'est libre à vous que j'aille en délibéré puis que je revienne à minuit, puis on ajournera les travaux. Ou, si vous voulez les ajourner tout de suite, ça prendrait le consentement pour le faire.

Alors, est-ce que vous voulez que j'aille en délibéré puis que je revienne à 23 h 55 pour vous dire que je ne suis pas prêt à vous rendre ma décision et puis à ce moment-là vous ajournerez, ou vous voulez ajourner tout de suite?

M. Brassard: On sait d'avance, M. le Président, que vous avez besoin d'autant de temps, alors je vous propose qu'on ajourne nos travaux à jeudi – puisque demain il n'y a pas de séance – à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion d'ajournement des travaux à jeudi, 10 heures, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Donc, les travaux de cette Assemblée sont ajournés au jeudi le 1er juin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 29)