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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 31 mai 2005 - Vol. 38 N° 158

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures six minutes)

Le Président: Bon avant-midi, Mmes MM. les députés. Nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre vos places.

Affaires courantes

Aux affaires courantes, aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

Dépôt de documents. M. le ministre des Ressources naturelles et de la Faune.

Rapport annuel de la Société de
développement de la Baie-James

M. Corbeil: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de gestion 2004 de la Société de développement de la Baie-James.

Nouveau diagramme de l'Assemblée

Le Président: Ce document est déposé. Pour ma part, je dépose le nouveau diagramme de l'Assemblée, daté d'aujourd'hui.

Dépôt de rapports de commissions

Dépôt de rapports de commissions.

Étude des crédits budgétaires
pour l'année financière 2005-2006

Je dépose les rapports des commissions parlementaires qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'année financière 2005-2006, soit les rapports de la Commission des institutions, la Commission des finances publiques, la Commission des affaires sociales, la Commission de l'économie et du travail, la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, la Commission de l'aménagement du territoire...

Des voix: ...

Le Président: ... ? à l'ordre, s'il vous plaît, à ma droite, à l'autre bout, là; M. le député de... ? la Commission de l'éducation, la Commission de la culture, la Commission des transports et de l'environnement. Ces crédits ont été adoptés.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions. Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période des questions et réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.

Fermeture d'usines en région

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, nous avons appris, hier, malheureusement, que Shermag va fermer son usine de Victoriaville. Et puis c'est une longue litanie, là, depuis plusieurs mois. Je rappelle: fermeture de quatre usines de Tembec, 375 emplois; GDX Automobile, à Magog, qui est une petite ville particulièrement dynamique, perte de 375 emplois; Domtar ferme Grand-Remous, 200 emplois; Tissages Sherbrooke ferme son usine, 160 emplois; Affinia Montréal ferme ses portes, 370 emplois. Et la liste est longue, elle est triste, puis je ne veux pas en remettre ce matin. Depuis un an, le ministère du Travail a reçu 400 avis de licenciement par établissement. Ça veut dire 24 000 emplois qui disparaissent.

Devant ce constat qui commence à être de plus en plus dramatique, qu'est-ce que le premier ministre entend faire concrètement pour redonner à l'économie du Québec sa vigueur antérieure et freiner le rythme dangereux de fermeture d'entreprises, à travers les régions en particulier?

Le Président: M. le ministre du Développement économique.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. M. le Président, je vous dirais d'abord, en ce qui a trait à la question du chef de l'opposition dans le dossier Shermag, je dirais que tous les efforts ont été faits avec Shermag. On les a rencontrés, on a travaillé avec eux, mais il semble que la décision est irrévocable. Comme dans bien des cas où on a à faire concurrence avec certains pays, l'économie québécoise change. Et je veux bien que le chef de l'opposition ? et c'est son rôle ? tente de faire sortir les points les plus noirs, mais, oui, on accompagne Shermag. On a tout fait, on a tout mis en oeuvre pour tenter de les conserver, et la région, je vous dirais, de l'Estrie, de Magog plus précisément, et des Cantons-de-l'Est, avec le premier ministre, avec le député aussi, mon collègue des Services gouvernementaux, on travaille très fort pour trouver des alternatives.

n (10 h 10) n

Mais il faut aussi regarder les bons côtés et aussi les bonnes nouvelles. Et il n'y a pas une économie dans le monde où parfois il n'arrive pas ces incidents qui sont vraiment dramatiques pour les travailleurs, pour les populations, mais en même temps il faut se réjouir de certains succès que nous avons. Et, dans ces succès-là, on peut penser, entre autres, à Bell Helicopter, on peut penser, entre autres, à Bombardier. Nous avons gagné la série C, et c'est 6 500 emplois qui seront créés au Québec.

Le Président: En conclusion.

M. Béchard: Et, en conclusion, même chose avec Pratt & Whitney. Alors, je veux bien ? et c'est son rôle ? que le chef de l'opposition tente de faire sortir tous les points noirs, mais nous sommes là, nous accompagnons les régions, nous travaillons avec eux pour transformer l'économie québécoise.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

Plan d'action en matière de développement
économique et de création d'emplois

M. Bernard Landry

M. Landry: Si ce n'étaient que des points noirs, M. le Président... Mais c'est que j'ai peur que ça va commencer à ressembler à un trou noir, parce que les chiffres sont vraiment angoissants. Au cours du dernier mois, il s'est perdu 6 000 emplois au Québec. On ne peut pas dire que c'est conjoncturel, l'Ontario en a créé 26 000 durant la même période. Il y a eu une baisse du taux de chômage dont on s'est vanté, oui, mais pourquoi baisse du taux de chômage? Il y a 19 600 personnes qui ont quitté la population active. Ils sont découragés, ils ne trouvent pas d'emploi, ils sortent des statistiques de chômage.

Joëlle Noreau, économiste au Mouvement Desjardins, dit une chose très pertinente que je me permets de citer, M. le Président: «Il faut s'abstenir de plastronner, puisque cette marque avantageuse ? sur le chômage ? est attribuable à un recul de la population active de l'ordre de 19 600 personnes en avril. Depuis le début de l'année, c'est 30 900 personnes qui, découragées de pouvoir travailler, se sont retirées du marché du travail.» Le premier ministre devrait enlever ses lunettes roses, en tout respect. Il ne voit pas la situation telle qu'elle est quand il plastronne et qu'il se vante.

À l'automne 2003, l'ancien ministre des Finances s'est engagé à déposer un plan d'action comportant des mesures concrètes pour relancer l'économie. Alors, ma question: Quand le premier ministre va-t-il déposer ce plan? Quelle est la nature de ce plan? Quel sera son impact tant attendu sur l'économie du Québec?

Le Président: Alors, c'était une question principale. M. le ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Depuis que nous sommes arrivés, en 2003, il s'est créé 100 000 emplois au Québec. Je veux bien qu'on prenne le dernier mois, je veux bien qu'on trouve une statistique où ça va moins bien, mais, depuis que nous sommes arrivés, il s'est créé 100 000 emplois au Québec. Le secteur de la construction va bien, l'économie des régions en général va bien.

Mais il ne faut pas oublier une chose: C'est quoi qu'on a devant nous, M. le Président? Le chef de l'opposition va partout, dans toutes les régions du Québec, et il dit qu'il referait à peu près toutes les mêmes erreurs qu'il a faites. Il est allé en Gaspésie pour dire qu'il repomperait encore de l'argent. Et son collègue, ou ex-collègue, Joseph Facal disait justement à ce sujet-là: «Au-delà des scandales qui défraient la manchette ces jours-ci, notre culture politique est également malade de ce refus d'admettre avec humilité ? avec humilité ? ses erreurs, surtout quand elles crèvent les yeux.» Et Joseph Facal disait: Est-ce que vous auriez mis un sou, vous, dans la Gaspésia? Et c'est son erreur. La Gaspésia, M. le Président, c'est la fin du modèle mis en place par le chef de l'opposition. Il est allé, sur la Côte-Nord, dire qu'il resignerait une entente avec Alcoa où c'était garanti dans l'entente, M. le Président, qu'il se perdrait 250 emplois puis qui garantissait sur la Côte-Nord que c'étaient 250 emplois de moins. Donc, M. le Président, il est temps qu'on change de modèle. On a devant nous l'ancien modèle québécois. On a ici le nouveau modèle québécois qui crée des emplois: Bombardier, Bell Helicopter, Pratt & Whitney.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

Intentions en matière de développement
économique et de création d'emplois

M. Bernard Landry

M. Landry: Les historiens se réjouiront de savoir que Bombardier et Bell Helicopter sont arrivées au Québec le mois dernier. Le ministre n'aime pas...

Des voix: ...

M. Landry: Le ministre n'aime pas que je parle seulement du dernier mois? Je vais lui donner satisfaction, je vais parler des 12 derniers mois. Au cours des 12 derniers mois, il s'est perdu 9 600 emplois au Québec, net-net. Ça veut dire qu'il y a 9 600 emplois de moins qu'il y en avait il y a 13 mois. Et, au Canada ? je ne peux pas invoquer la conjoncture, puis le dollar, puis ce que vous voudrez ? au Canada, il s'en est créé 167 000. C'est ça, la dure réalité.

Je cite encore une fois, sans être trop long, Jean-Robert Sansfaçon, éditorialiste au Devoir: «Il y aura bientôt deux ans que le Parti libéral a été élu. Deux budgets ont été présentés, mais aucun n'a offert de vision cohérente du rôle que ce gouvernement entendait jouer dans l'économie.»

Alors, je repose ma question. Ce n'est pas une question théorique, ce n'est pas des statistiques, c'est des milliers et des milliers d'hommes et de femmes qui ont perdu leur emploi et d'autres qui se sont retirés du marché du travail, c'est-à-dire largement de la dignité puis de la capacité de faire élever sa famille. Ce n'est pas juste des statistiques, c'est des réalités. Et un gouvernement responsable, même s'il a un credo ultralibéral et non interventionniste, il ne peut pas fermer les yeux là-dessus, il doit se lever pour nous dire ce qu'il a fait et ce qu'il entend faire surtout.

Le Président: Alors, c'était une question principale. M. le ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui. M. le Président, de l'interventionnisme partisan, aveugle et à tout prix du chef de l'opposition on passe à de l'interventionnisme intelligent, ciblé et raisonné, qui donne des résultats. Tout le monde en face... Bien, vous vous souvenez de Gaspésia? Vous vous souvenez de Gaspésia? Il a presque fallu agrandir l'aéroport de Chandler, tellement qu'il y avait des ministres qui débarquaient pour faire l'annonce. Savez-vous comment qu'il y a d'emplois, aujourd'hui, à l'usine Gaspésia? Cinq: les cinq gardiens de sécurité qui surveillent le chantier. C'est tout, il n'y en a pas un. Vous avez annoncé 500 emplois en Gaspésie, dans un centre d'appels. Il y en a comment aujourd'hui? Zéro. Pas un. C'est ça, l'ancien modèle, M. le Président. Le nouveau modèle... Quand le chef de l'opposition dit: Bombardier n'est pas arrivée au Québec aujourd'hui, Bombardier est arrivée ici, au Québec, avec la série C. Ils ont choisi le Québec. On a gagné contre l'Ontario, on a gagné contre le Royaume-Uni. On a mis en place un modèle unique pour faire en sorte que la série C sera faite au Québec. Moi, j'en suis fier, de ça. On a gagné sur les meilleurs parce qu'on est les meilleurs.

Mais vous pouvez ternir l'économie du Québec, vous pouvez noircir l'économie tant que vous voulez, vous pouvez noircir l'économie du Québec tant que vous voulez, M. le chef de l'opposition, mais on est fiers de nos réussites.

Le Président: Un simple rappel, M. le ministre: vous vous adressez toujours à la présidence.

En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

Mesures fiscales visant
à stimuler l'économie

M. Bernard Landry

M. Landry: J'espère que les historiens rappelleront au ministre que Joseph-Armand Bombardier était un homme de l'Estrie, un mécanicien, et c'est lui qui a fondé cette formidable entreprise au Québec. Et, comme c'est dit dans son testament, elle y est attachée.

Le Président: Votre question.

M. Landry: Et je voudrais rajouter aussi que les petites blagues du ministre ne font pas rire ceux qui ont des emplois parce que c'est des farces plates, mais il ne console pas ceux qui ont perdu les leurs, par ailleurs.

Est-ce qu'il pourrait répondre sérieusement et nous dire pourquoi, après avoir coupé 700 millions de mesures fiscales qui stimulaient l'économie... On les a abolies bêtement. Parce que c'était signé Parti québécois, pas bon. Et puis là, au dernier budget, un début de repentir, ils en remettent pour 150 millions. Alors, on recule de cinq pas, on avance de un, on est encore en déficit de quatre.

Le premier ministre peut-il nous expliquer pourquoi il a reconduit des mesures qu'il avait coupées, brisant le rythme de l'activité économique? Là, il remet les mesures. Ça veut dire qu'on a perdu deux ans. Pourquoi ce chassé-croisé de mauvaises décisions dans l'ensemble de la gestion du gouvernement ? il a eu sa note de la Revue Commerce ? mais en économie en particulier?

Le Président: Alors, c'était une question principale, c'est un autre sujet. M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Bien, M. le Président, je comprends que le rôle que s'est assigné le chef de l'opposition officielle, c'est de noircir le tableau à chaque occasion, mais la réalité, il le sait, est tout autre. Je prends pour témoin un titre du journal Le Soleil du mois d'avril 2005, Livraisons de biens records en 2004 au Québec. Les investissements privés ont augmenté de 13,7 %, soit la plus forte croissance des 17 dernières années, en 2004 également, au Québec, ce qui est précurseur de création d'emplois. Puis il s'est créé effectivement de l'emploi. Puis ce n'est jamais égal, ce n'est jamais linéaire, il le sait très bien.

Mais, la semaine dernière, le ministre et moi, on était justement à Longueuil pour une annonce d'investissement de Pratt & Whitney qui est très structurant pour l'économie du Québec, qui va permettre, à terme, la création de 300 nouveaux emplois. Si on tenait absolument à présenter tout le portrait, je pense que les politiques du gouvernement actuel vont dans la bonne direction. Puis la preuve qu'on va dans la bonne direction, c'est qu'on ne fait pas ce que le chef de l'opposition faisait.

n(10 h 20)n

Il parle de jugement porté par les autres. Le député de Rousseau, qui est assis à deux bancs de lui, samedi dernier, dans le journal Le Soleil, disait ceci: «Dans son manifeste intitulé Le courage de changer? le député de Rousseau, ça ? rendu public en octobre dernier, le député appelait le PQ à procéder à sa modernisation et à faire un mea-culpa pour les erreurs commises par les gouvernements péquistes. Au cours de l'entrevue, le député a dû convenir que [le chef de l'opposition] refusait toujours de se soumettre à un tel examen de conscience. Et ce n'est pas parce que l'occasion ne s'est pas présentée: le dossier de la Gaspésia aurait pu justifier de sa part une reconnaissance que le gouvernement péquiste aurait pu faire les choses autrement. Mais rien de tel, le chef [de l'opposition] s'en tenant à une défense ferme et sans nuances de ses décisions. L'absence de ce mea-culpa n'a donc pas empêché [le député de Rousseau] d'appuyer M. [le chef de l'opposition].»

Des voix: ...

M. Charest: Je finis, M. le Président. J'arrive à la meilleure partie, là. «Mais le député entend revenir à la charge en demandant au PQ de mettre en avant "une nouvelle vision de la gouvernance" et de revoir le rôle de l'État.» Le député de Rousseau reconnaît sur ce point que le chef de l'opposition officielle se fait tirer l'oreille. Mais les Québécois n'ont pas le temps de se faire tirer l'oreille, ils veulent des résultats.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Bernard Landry

M. Landry: Les réponses partisanes du premier ministre, partisanes...

Une voix: ...

M. Landry: Il a dit le mot «Parti québécois» combien de fois?

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Alors, si vous voulez poser votre question. Vous êtes en complémentaire.

M. Landry: ...sérieuse sur la tragédie des pertes d'emplois explique largement le bris de confiance qu'il y a entre lui en particulier et la population du Québec et son gouvernement dans l'ensemble. Alors, je l'ai encore entendu, là, ignorer la réalité. Et la réalité est inquiétante et ses réponses le sont plus encore parce que le chef de gouvernement national ne sait pas ce qui se passe dans l'économie.

Je vais lui en poser, une question très simple qui devrait le guérir de son plastronnage chronique: Sait-il que les investissements privés non résidentiels au Québec ? enlève le résidentiel, le privé qui crée l'emploi, l'investissement ? sont au plus bas qu'ils n'ont jamais été depuis qu'on a des statistiques? Que le premier ministre se relève et plastronne sur cette catastrophe.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: Je comprends, je comprends, M. le Président, que le chef de l'opposition officielle va toujours chercher un chiffre en quelque part. Et c'est tellement vrai, c'est tellement vrai que, sa philosophie économique, on la connaît. Même une horloge brisée a raison deux fois par jour, M. le Président.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! L'horloge marche toujours ici, là. Alors, M. le premier ministre.

M. Charest: Je veux juste faire une précision pour les gens qui nous écoutent, M. le Président. Quand le chef de l'opposition officielle me reproche une déclaration partisane, le parti auquel je faisais référence, c'est le parti auquel appartient le député de Rousseau qui, samedi dernier, il y a deux jours ? il est assis à deux bancs de vous ? reproche au chef de l'opposition officielle, M. le Président, de ne pas avoir de vision, d'être incapable de faire un mea-culpa. Ça fait déjà plus de deux ans...

Mme Lemieux: ...

Le Président: S'il vous plaît! Quelle est votre question de règlement?

Mme Lemieux: M. le Président, article 79: la réponse doit être brève, se limiter au point qu'elle touche.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Il y a une question de règlement qui est posée, je vous demande votre collaboration. Votre question de règlement.

Mme Lemieux: Alors, j'aimerais que vous rappeliez au premier ministre l'article 79. Les Québécois constateront qu'il ne répond pas aux questions de fermeture... d'emploi. Et, au prix qu'il paie son directeur des coms, il devrait...

Des voix: ...

Le Président: Vous pouvez soumettre une question de règlement, mais... Vous posez la question directement, mais il ne faut pas faire des préambules. Alors, si vous voulez conclure à la question.

M. Charest: M. le Président, il faut sympathiser avec la leader de l'opposition. Après tout, elle est assise entre le chef de l'opposition puis le député de Rousseau. Ça ne peut pas être très confortable, M. le Président, le fauteuil qu'elle occupe.

Mais, puisqu'elle veut la réponse, je vais lui donner la citation qui va répondre à sa question: «L'absence de ce mea-culpa n'a donc pas empêché [le député de Rousseau] d'appuyer [le chef de l'opposition]. Mais le député entend revenir à la charge en demandant au PQ de mettre en avant "une nouvelle vision de la gouvernance" et de revoir le rôle de l'État.»

Ma question est la suivante: Qu'est-ce que vous attendez? Ça fait plus de deux ans.

Le Président: En dernière question complémentaire, M. le chef de l'opposition.

M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, je sais qu'un de vos fils exerce un métier royal, celui d'horloger. Demandez-lui donc...

Le Président: Votre question.

M. Landry: ...oui, demandez donc à votre fils s'il aime mieux une horloge arrêtée qu'un coucou qui répète 25 fois par jour la même musique.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Il faut faire attention aux propos blessants, M. le chef de l'opposition.

Des voix: ...

Le Président: Question de règlement? Question de règlement.

M. Dupuis: Dans ce cas-là, je pense que c'est plus le député de Rousseau qui est un coucou, M. le Président.

Le Président: Alors, il faut s'abstenir des propos blessants, dans cette Assemblée, envers chaque membre. Alors, votre question, M. le chef de l'opposition.

M. Landry: Alors, j'avais une question pour votre fils, mais c'est plutôt pour le premier ministre. Il a dit que je cite un chiffre, le fait que la part des investissements privés au Québec, dans la part canadienne, est la plus basse depuis qu'on a des statistiques. Il a dit que je cite un chiffre. Ce que je veux lui dire, c'est que ce chiffre, c'est le chiffre dont dépend l'avenir économique du Québec. Pas d'investissement, pas d'emploi. Et le glissement catastrophique est déjà commencé et, avec ce chiffre, il va s'accentuer.

Et ce que je demande au premier ministre... Au lieu de faire des blagues ou de spéculer sur ce qui se passe dans notre parti, alors que le sien devrait lui donner tout ce qu'il faut pour spéculer, qu'il réponde donc à cette question: Qu'entend-il faire pour maintenir le succès économique du Québec?

Une voix: ...

Le Président: S'il vous plaît, M. le leader. M. le ministre du Développement économique.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, bien... Oui. M. le Président, écoutez, on voit la technique du chef de l'opposition, qui est d'essayer de décortiquer pour trouver un problème quelque part, un chiffre. Mais je vous dirais que, quand tout le monde au Québec demande à quelqu'un de s'excuser, quand tout le monde au Québec pense que quelqu'un a tort, quand tout le monde au Québec dit qu'un modèle est dépassé, on voit en face, là, plein de gens qui continuent d'appuyer ce modèle-là et de vouloir faire la même chose. Voulez-vous, je vais vous en donner, des chiffres? 800 millions du métro de Laval, 500 millions, la Gaspésia. Hier, on a réduit de 10 fois les pertes à la Société générale de financement. On est passés de 500...

Une voix: ...

M. Béchard: Bien oui! Bien oui! Savez-vous ce que ça donne, ça? Ça donne plus de marge de manoeuvre pour...

Une voix: ...

Le Président: S'il vous plaît, M. le député d'Ungava. S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration, là. Je vous écoute depuis un certain temps. Je vous demande votre collaboration. M. le ministre.

M. Béchard: Oui. Écoutez, là, un déficit de 511 millions à la Société générale de financement, ça ne donne pas beaucoup de marge de manoeuvre pour aider les régions. On va s'aligner, l'an prochain, si la tendance se maintient, sur les premiers bénéfices à la Société générale de financement depuis plus de cinq ans. C'est une bonne nouvelle, ça, pour les Québécois.

Mais je comprends que les gens d'en face ne veulent pas trop s'excuser ou demander au chef de l'opposition... parce qu'on se souvient... pour finir la citation que le premier ministre n'a pas eu le temps de terminer: «On se rappellera que Joseph Facal, alors président du Conseil du trésor, avait été vertement rabroué par le chef pour avoir fait une pareille suggestion.» Alors, si vous voulez un bon conseil, M. le député de Rousseau, si vous voulez aller souper avec le chef de l'opposition, allez-y avant samedi.

Le Président: En question principale, M. le député de Rivière-du-Loup.

Dépliant d'information gouvernemental
intitulé Réaliser le Québec de demain!

M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. On a eu l'occasion de débattre, au cours des derniers jours, et toute la société québécoise a eu l'occasion de débattre de ce dépliant de publicité partisane émis par le gouvernement à même les taxes, les impôts des contribuables. Le premier ministre a largement parlé, tout à l'heure, des tares et des torts de l'ancien gouvernement. Ce qu'on constate, comme dans la SGF: on donne des primes de séparation pour récompenser des années de pertes, on se lance dans la publicité partisane à même l'argent des contribuables, à même les fonds publics. Donc, les pires éléments de mauvaise gestion de l'ancien gouvernement, son gouvernement, aujourd'hui, les reproduit.

Quand il était dans l'opposition, par exemple, hein, l'actuel ministre de l'Éducation disait d'une campagne semblable: «C'est de la réelle propagande. Ils vont essayer de nous faire croire que leurs actions ont été bénéfiques. Ils constatent que le support populaire n'y est pas, ils essaient donc de sauver leur peau avec l'argent des contribuables. C'est un scandale.»

Le Président: Votre question.

M. Dumont: Ça, c'est ce que disait le ministre de l'Éducation sur une campagne identique.

Ma question est bien simple: Maintenant qu'ils sont au pouvoir, qu'ils ont fait la même erreur, qu'ils ont transgressé ces principes, est-ce que le Parti libéral pourrait rembourser les contribuables du Québec et payer pour cette campagne qui sert juste le Parti libéral?

n(10 h 30)n

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît, à l'ordre! M. le ministre des Régions... M. le ministre des Services gouvernementaux.

M. Pierre Reid

M. Reid: Merci, M. le Président. Il est normal et légitime pour un gouvernement d'informer la population et le citoyen sur ce qu'il a fait avec leur argent et sur ce qu'il a l'intention de faire avec leur argent. Les gouvernements le font en général et les gouvernements qui nous ont précédés ne s'en sont pas privés, ils ont d'ailleurs ajouté beaucoup de propagande par-dessus cette information de base. Et parfois même, et j'y reviendrai peut-être, M. le Président, il n'y avait même pas d'information, juste de la propagande, si on recule de quelques années.

Nous l'avons faite, cette information, M. le Président, avec goût, avec goût et sobriété. On regarde ce document, c'est un document qui est fait avec goût et sobriété, qui va chercher des éléments graphiques notamment qui donnent l'importance que les Québécois et les Québécoises, à la grandeur du Québec, aujourd'hui, accordent au fait que notre avenir, ce sont nos enfants en particulier, et il y a beaucoup d'autres éléments. Nous l'avons fait parce que nous sommes fiers, comme gouvernement, de ce que nous avons fait et nous voulons que les Québécois soient fiers de leur gouvernement, M. le Président.

Combien ça coûte? Ça coûte 670 000 $ pour informer les citoyens de ce que nous avons fait avec leur argent et de ce que nous avons l'intention de faire avec leur argent. C'est ce que ça coûte, et nous n'avons pas mis un sou de plus, M. le Président.

Je comprends que le député de Rivière-du-Loup soit malheureux, parce qu'il aurait bien aimé, lui, être au gouvernement et pouvoir faire une annonce de ce qu'il aurait fait. Mais il n'aurait jamais pu faire ce que nous avons fait avec sa philosophie, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Est-ce que le ministre, à qui j'avais épargné de parler de l'extrême mauvais goût de mettre une photo d'enfant sur la une d'un document gouvernemental, là, qui lui-même s'en fait l'apôtre, est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il serait d'accord qu'on se donne enfin au Québec une politique sur cette publicité gouvernementale pour limiter à des types de publicité, d'information, pour avoir des critères en termes d'information factuelle plutôt que de propagande comme celle-là et pour éviter la présence de porte-parole et d'interprétations politiques dans des documents qui sont supposés être d'information? Est-ce que le ministre serait d'accord qu'on ait une politique là-dessus, de telle sorte que, quand les partis sont rendus au pouvoir, ils ne fassent pas exactement ce qu'ils ont dénoncé durant des années?

Le Président: M. le ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, M. le Président. Vous savez, le député de Rivière-du-Loup, probablement par habitude, a vu le débat vendredi ? puis je ne peux pas souligner qu'il n'était pas là vendredi ? il a vu le débat vendredi, il a regardé les journaux en fin de semaine, il s'est dit: Ça pourrait être bon, je vais revenir là-dessus, essayer de trouver une clip, quelque chose.

La politique, là, d'information du gouvernement, là, dans ce document-là, c'est de l'information. C'est le bilan du gouvernement. C'est le fait qu'on a retourné de l'aide pour les familles, c'est le fait qu'on a remis 3 milliards en santé, qu'on a remis plus de 1 milliard en éducation. Ce n'est pas de la propagande, ça, ce sont des réalisations.

Des voix: ...

Le Président: Je vous demande votre collaboration, s'il vous plaît. Merci. M. le ministre.

M. Béchard: C'est une façon pour le gouvernement du Québec de dire à la population ce à quoi ont servi leurs efforts, les efforts collectifs que tout le monde a faits depuis deux ans pour faire en sorte qu'on passe d'un Québec qui était endetté, qui dépensait de l'argent qu'il n'avait pas à un Québec responsable, qui fait confiance aux Québécois et qui leur retourne et qui leur laisse le fruit de leur labeur.

Le Président: En dernière question complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Comment les membres du gouvernement peuvent nous expliquer que dans un document qui en est un d'information la moitié des informations qui sont négatives, qui ont nui à la vie de nos citoyens sont oubliées? Ça s'appelle une interprétation politique. Ça fait partie du processus électoral. C'est le Parti libéral du Québec qui devrait payer ça.

Est-ce que le premier ministre va prendre l'argent de son parti pour faire la job de son parti et rembourser les contribuables, qui n'ont pas à payer, pour essayer de nous faire croire que les deux premières années de son gouvernement ont été d'autre chose qu'une catastrophe?

Le Président: M. le ministre du Développement économique.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Bon. Écoutez, le député de Rivière-du-Loup a passé sa ligne, là, il a passé sa ligne, bon, il a dit ce qu'il voulait dire. Mais, dans la réalité, c'est quoi? Quand on regarde le document qui a été envoyé aux Québécois... Moi, j'en ai eu, des commentaires, en fin de semaine, sur ce document-là. Savez-vous ce que les gens disaient? Les gens disaient: On ne pensait pas que vous aviez réalisé autant de choses, que ce soit en santé, que ce soit en éducation...

Des voix: ...

M. Béchard: Bien oui. Absolument!

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Béchard: Non, mais les gens... Quand les soins de santé...

Des voix: ...

M. Béchard: Quand les soins de santé... Bien oui. Écoutez. M. le député de Rivière-du-Loup... M. le député de... M. le Président, on a oublié... On a annoncé la résonnance magnétique à Rivière-du-Loup; c'était annoncé... Ce n'était pas dans le bilan. Il va falloir envoyer une annexe. On va envoyer une annexe, M. le député de Rivière-du-Loup.

Une voix: ...

M. Béchard: Bien, oui. Les gens au Québec ont le droit de savoir ce que le gouvernement fait pour eux. C'est de l'information. On a amélioré le système de santé, d'éducation. L'économie, on a créé 100 000 emplois. Les Québécois ont le droit de savoir, et maintenant ils le savent.

Le Président: En question principale, M. le député de Vachon.

Reportage concernant le salaire de certaines
directrices de centre de la petite enfance

M. Camil Bouchard

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Hier, Radio-Canada rapportait qu'une vingtaine de directrices de CPE recevraient un salaire autour de 100 000 $. Ces CPE représentent de fait, M. le Président, 2 % des CPE, des centres de la petite enfance. Voilà donc comment se manifeste maintenant la nouvelle stratégie de communication souterraine de la ministre de la Famille: attirer l'attention sur 2 % des CPE.

La ministre veut-elle, par sa stratégie de distraction, nous faire oublier ses compressions de 100 millions, ses augmentations de tarifs, sa taxe de 10 millions à la bonne gestion? Est-ce qu'elle essaie de faire porter encore une fois le blâme ailleurs et de se laver les mains du fait que 40 % des CPE sont en déficit d'opération?

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! M. le vice-premier ministre.

M. Jacques P. Dupuis

M. Dupuis: Il faut reprendre absolument le préambule du député de Vachon, M. le Président. Le député de Vachon impute au gouvernement le reportage qu'il a vu à Radio-Canada hier soir. Or, il n'était absolument pas question, dans ce reportage-là, du fait que ce soit le gouvernement, hein, qui ait donné cette information-là. Et le député cherche à faire dans sa question... cherche à imputer des motifs indignes à la ministre et au gouvernement dans sa question, et c'est nié formellement, M. le député. Reformulez votre question correctement, posez-la correctement, sans imputer de motifs indignes.

Le Président: M. le leader du gouvernement...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, vous devez toujours vous adresser à la présidence, comme le règlement le dit.

En question principale, M. le député de Chicoutimi et leader adjoint de l'opposition officielle.

Origine d'informations nominatives
transmises lors d'un reportage sur
le salaire de certaines directrices
de centre de la petite enfance

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. À la fiche RP49 du cahier des crédits de cette année, Demandes particulières de l'opposition officielle, on peut lire, et je cite: «La liste des centres [de la petite enfance] ayant terminé l'année financière 2003-2004 avec un déficit d'opération ne peut être fournie puisqu'il s'agit de données à caractère confidentiel dont le ministère est dépositaire.» Malgré ce caractère confidentiel, M. le Président, cette information s'est retrouvée entre les mains d'un journaliste de Radio-Canada. Pire encore, les informations dont le ministère et la ministre sont dépositaires contenaient des informations nominatives, sur le lieu et le nom de personnes.

Alors, ma question est claire, M. le Président: J'aimerais savoir: Vu la confidentialité de ces informations, comment la ministre ? et j'espère qu'elle va se lever ? peut-elle expliquer que le journaliste de Radio-Canada détenait de telles informations?

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration. M. le vice-premier ministre.

M. Jacques P. Dupuis

M. Dupuis: La question du député de Chicoutimi est au même effet que celle du député de Vachon, M. le Président. On impute au gouvernement des motifs indignes que nous nions formellement. L'information n'a pas été donnée par le gouvernement, M. le Président, et le député de Chicoutimi n'a aucune preuve de ça, d'ailleurs. Alors, qu'ils prennent le reportage comme il était, qu'ils posent la question à la ministre comme ils veulent poser la question, sans imputer de motifs indignes, M. le Président. C'est ce que je vous soumets respectueusement.

Le Président: En question principale, M. le député de Chicoutimi.

Demande d'enquête sur la divulgation
alléguée d'informations concernant
le salaire de certaines directrices
de centre de la petite enfance

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: M. le Président, d'ailleurs, c'est ce que nous faisons, nous posons la question à la ministre, mais surprenamment c'est le leader, l'avocat de la défense de tous les ministres de cette Chambre, qui vient de se lever pour répondre à sa place. Je pense, M. le Président, que la responsabilité ministérielle a encore une valeur, et c'est à la ministre de se lever et de répondre à ces questions.

Si elle ne sait pas d'où proviennent ces informations dont elle est la dépositaire ? elle est la seule dépositaire de ces informations ? va-t-elle demander une enquête sur le coulage de ces informations?

n(10 h 40)n

Le Président: Mme la ministre de la Famille.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: M. le Président, ce que, moi, j'entends, là, c'est que les gens d'en face ont lancé ce service de garde là avec un manque flagrant de planification.

Des voix: ...

Mme Théberge: Oui, ils ont fait un développement accéléré, c'est ce que j'entends.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! La question a été posée dans l'ordre, je veux que la réponse soit dans l'ordre également. Mme la ministre.

Mme Théberge: ...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Théberge: Excusez-moi. J'ai vu, comme vous, le reportage hier, et, moi, ce que j'ai vu et entendu, c'est ce manque flagrant de planification et de contrôle. C'est un développement accéléré à tout prix, c'est des dépassements sans compter, c'est ça que j'ai entendu, moi, hier, M. le Président. Ils ont fermé les yeux sur les surplus, ils ont fermé les yeux sur la gestion des services. Ça aurait pu mettre le réseau en péril, M. le Président, et ça, moi, ça m'inquiète. C'est pour ça qu'on va faire les gestes qu'il faut pour moderniser la loi et faire en sorte que les services de garde de qualité soient rendus aux parents du Québec, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire, M. le...

M. Bédard: Principale.

Le Président: En question principale, M. le député de Chicoutimi.

Provenance d'informations nominatives
diffusées lors d'un reportage sur
le salaire de certaines directrices
de centre de la petite enfance

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: La question de la ministre... la réponse de la ministre, plutôt, participe de la stratégie et confirme effectivement la stratégie du ministère et de la ministre de couler l'information. Elle avait sa réponse, elle attaque les CPE. Ça participe de cette stratégie de discréditer les CPE.

Alors, Mme la ministre... M. le Président, j'aimerais savoir de sa part: Qui a orchestré cette campagne de dénigrement? Qui dans votre ministère a coulé cette information? Qui dans votre cabinet a coulé cette information dont vous êtes la seule dépositaire? Est-ce que vous allez ordonner une enquête?

Le Président: Mme la ministre de la Famille.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: M. le Président, personne dans mon ministère n'avait le mandat ni n'a coulé de l'information, premièrement.

Deuxièmement, je le dis depuis deux ans, M. le Président, nous devons travailler ensemble et voir à ce que ces services demeurent de qualité et accessibles pour les enfants d'aujourd'hui et les enfants de demain. Il faut s'assurer que toutes les mesures sont prises pour ce faire, M. le Président. Il y a des milliers d'éducateurs et d'éducatrices qui travaillent, à la grandeur du Québec, pour le faire, et, moi, mon devoir, c'est de m'assurer que tout est fait dans les normes, M. le Président, et c'est ce que je vais faire.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Chicoutimi.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: M. le Président, est-ce que la ministre se rend compte que son premier devoir, c'est de s'assurer que ces informations à caractère nominatif qui ont été dévoilées par son ministère ou par son cabinet... qu'on vérifie qui a fait ce coulage. Elle est la seule dépositaire, M. le Président, c'est la seule qui peut donner ces informations.

Alors, pourquoi ne répond-t-elle pas à la question très claire: Est-ce qu'elle va ordonner une enquête pour vérifier qui a coulé ces informations à caractère nominatif?

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le vice-premier ministre.

M. Jacques P. Dupuis

M. Dupuis: Tout le monde, tout le monde sait, M. le Président, et le leader de l'opposition officielle adjoint, le deuxième, tout le monde sait, d'abord, qu'il faut prendre la parole du député en cette Chambre. Il doit prendre la parole de la ministre lorsqu'elle dit, lorsqu'elle affirme de son siège, en cette Chambre, ce matin, que personne n'avait le mandat de couler des informations, comme le député de Chicoutimi et comme le député de Vachon l'ont laissé entendre en cette Chambre. Et tant mieux, M. le Président, que ce ne soient pas les questions qui fassent preuve, mais que ce soient plutôt les réponses. Tant mieux.

Le Président: En dernière question complémentaire, M. le député de Chicoutimi.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Est-ce que la ministre va répondre à ma question, et pas son avocat, mais la ministre? Est-ce qu'elle va nous dire si elle va ordonner une enquête afin de savoir qui, dans son ministère ou dans son cabinet, a coulé une information dont elle est la seule à détenir la provenance?

Le Président: Alors, s'il vous plaît! Adressez-vous toujours à la présidence, M. le leader adjoint de l'opposition officielle. Mme la ministre de la Famille.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: M. le Président, le député devrait écouter les réponses que je lui donne quand je lui dis que je n'ai donné à personne le mandat ni... de coulage d'information.

Ceci dit, M. le Président, ce que, moi, encore une fois, je vois et j'entends, c'est qu'il y a un travail à faire, et on va le faire ensemble avec tous les partenaires du réseau, parce que c'est important pour le réseau des services de garde du Québec. Ils ont fermé les yeux sur plein d'éléments qui ont créé des iniquités et des manquements à tous niveaux. Nous allons moderniser la loi avec les partenaires. Nous allons faire ensemble que ce service-là soit accessible, de qualité, aux parents du Québec. C'est notre choix, et nous allons prendre les mesures pour ce faire en collaboration avec tous les partenaires du terrain, M. le Président.

Le Président: En dernière question complémentaire.

Une voix: Principale.

Le Président: En question principale, M. le député de Chicoutimi.

Demande d'enquête sur l'origine
d'informations nominatives
divulguées concernant des directrices
de centre de la petite enfance

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Nous avons fait, comme opposition, une demande lors de l'étude des crédits, et la réponse a été très claire. Les informations qui sont détenues par le ministère, dont elle est la dépositaire... et c'est clairement dit dans l'avis, donc, que ces informations sont de nature confidentielle. Le reportage est allé plus loin, il a même identifié des individus. Donc, il y a des informations à caractère nominatif qui ont été données à un journaliste, et la seule personne qui a ces informations, c'est la ministre et le ministère dont elle est la responsable, est-ce que je dois le rappeler? Et pas le leader du gouvernement, la ministre.

Alors, est-ce que, Mme la ministre, au lieu de dénigrer les CPE comme vous le faites... est-ce qu'elle va faire ce qu'elle devrait faire, s'assurer qu'il y ait une enquête pour vérifier qui de son ministère ou de son cabinet a coulé ces informations?

M. Pinard: ...

Le Président: M. le député de Saint-Maurice, s'il vous plaît. M. le vice-premier ministre.

M. Jacques P. Dupuis

M. Dupuis: Il n'y a rien de déshonorant à se relever en cette Chambre pour affirmer une chose que la ministre a elle-même affirmée, et effectivement elle est la ministre de ce ministère-là: personne n'a donné le mandat à qui que ce soit de couler des informations, d'une part. D'autre part, d'autre part, tout le monde sait très bien que les centres de la petite enfance sont chapeautés par des conseils d'administration qui sont totalement indépendants.

Alors, M. le Président, le député de Chicoutimi peut bien essayer de tirer sa corde le plus longtemps possible, mais il faut qu'il fasse attention, il risque de se pendre avec.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Question principale, M. le Président.

Le Président: Question principale.

Demande d'enquête sur la divulgation
d'informations nominatives concernant
des directrices de centre de la petite enfance

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Je ne réagirai pas à la menace. Je ne réagirai pas à la menace, ça ne m'intimide pas. Mme la ministre, elle a une responsabilité, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: O.K. Ça va.

M. Bédard: Je suis en question principale. Elle a une responsabilité. Et d'ailleurs elle devrait faire attention, elle est en train de s'incriminer tranquillement. On vient de nous dire qu'on n'a pas donné le mandat. Autrement dit, il y a quelqu'un qui... On sait que quelqu'un a donné cette information-là, mais supposément que la ministre n'aurait pas donné le mandat.

Alors, est-ce qu'elle peut nous dire qui a donné cette information? Et, si elle est incapable, elle devrait normalement ordonner une enquête, à moins qu'elle veuille protéger quelqu'un.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît, à l'ordre! Mme la ministre de la Famille.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: M. le Président, M. le Président, la réponse que justement le député mentionne que j'ai faite lors des crédits prouve très bien l'importance que j'attache à la confidentialité des informations. D'autre part, jamais dans le reportage, du moins le bout que j'en ai vu... ne mentionne que l'information venait du ministère. Troisièmement, il y a des milliers...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration. S'il vous plaît! Mme la ministre.

Mme Théberge: Troisièmement, M. le Président, il y a des centaines de personnes qui travaillent sur les conseils d'administration et sur les équipes, qui sont intervenants. Tout le monde dans le milieu, dans le réseau au complet sont au courant de ces informations-là. Alors, est-ce que l'information venait d'eux? Je n'en ai aucune idée.

Encore une fois, moi, ce que j'entends, par exemple, c'est que ce parti d'en face a fermé les yeux pendant des années sur des situations qui sont inacceptables, et que, moi, mon devoir, c'est de m'assurer que toutes les mesures soient prises pour que le service demeure accessible longtemps aux enfants des contribuables du Québec, et c'est ce que je vais faire, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Chicoutimi.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Alors, la ministre, j'imagine qu'elle va ordonner une enquête, si elle nous dit qu'elle ne le sait pas. Mais peut-elle nous dire... Dans le reportage, on faisait mention, M. le Président, d'une note interne qui datait de 2003. Qui d'autre que le ministère ou son cabinet aurait pu dévoiler une telle information? Alors...

Une voix: ...

M. Bédard: Elle nous répond: Nous autres. Alors, justement, si c'est nous autres, Mme la ministre, ordonnez donc une enquête. C'est ce que vous devriez faire. La loi d'accès à l'information a été violée, sur la protection des renseignements personnels, par les gens de votre ministère ou par vous-même. Alors, ordonnez une enquête immédiatement.

Le Président: Mme la ministre de la Famille.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: M. le Président, je n'ai aucune idée de ce qu'était le document dont il fait mention. On a regardé le reportage. On fait les recherches présentement pour voir si ce qu'il dit est fondé, et tout ça. Je n'en ai aucune idée.

n(10 h 50)n

Ce que je sais, encore une fois ? puis ça, je veux rassurer et les gestionnaires et les parents du Québec ? c'est ensemble qu'on va faire en sorte que ce réseau-là passe à travers les années, demeure viable et accessible, et c'est ensemble qu'on va travailler. On a des comités de travail, on a des tables ensemble pour le faire, et c'est ensemble... Je le dis souvent parce que c'est important, ce service-là est important pour les jeunes familles du Québec, et je vais travailler avec tous les gestionnaires pour m'en assurer. Et c'est ce que, moi, je déduis d'un reportage semblable.

Le Président: Alors, dernière question complémentaire, M. le député de Chicoutimi.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Pourquoi la ministre refuse-t-elle de déclencher une enquête? Qui cherche-t-elle à protéger?

Le Président: Mme la ministre de la Famille.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: Bien, M. le Président, honnêtement, là, on ne déclenche pas des enquêtes sur des choses comme ça, là. Bien, voyons donc! Il faudrait voir... Moi, là... On entend...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre! À l'ordre! Mme la ministre de la Famille.

Mme Théberge: M. le Président, honnêtement, ça voudrait dire qu'on devrait faire des enquêtes sur toutes les hypothèses de reportages, et tout ça.

Ceci dit, encore une fois, il y a des milliers d'éducateurs et d'éducatrices qui sont sur le terrain ce matin à offrir aux parents un service de qualité, et, moi, mon engagement et ma responsabilité, c'est de m'assurer que tout ce monde-là ait un environnement de travail adéquat pour rendre le service, et c'est dans cette optique-là que je vais faire tous les gestes et prendre toutes les mesures nécessaires, en collaboration avec les gens du terrain, pour m'en assurer, pour aujourd'hui, pour demain et pour dans 10 ans, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Chicoutimi.

Demande d'enquête sur la divulgation alléguée
d'informations nominatives par le ministère de
la Famille, des Aînés et de la Condition féminine

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: La loi d'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, M. le Président, est une loi fondamentale, et je suis déçu de l'apprendre à la ministre, qui semble être très peu soucieuse de la protection des renseignements à caractère nominatif. Alors... Et simplement informer la ministre qu'il y a quelques ministres effectivement qui ont dû démissionner pour beaucoup moins que ça, beaucoup moins que ça, pour un coulage d'information nominative de la part de membres de cabinets et de ministères. D'autant plus, d'autant plus que cette orchestration de coulage est liée à tout un plan qui est celui visant à discréditer les CPE. Est-ce que c'est par hasard si la nouvelle est sortie en même temps où la ministre attaquait les CPE?

Alors, comme la ministre semble très peu soucieuse de l'application des lois au Québec, et plus particulièrement de la loi d'accès à l'information, j'aimerais savoir de la part du ministre responsable de l'Accès à l'information: Est-ce que lui, vu la réponse de la ministre qui ne semble pas vouloir s'en faire avec la divulgation d'information à caractère nominatif, est-ce que lui va ordonner une enquête quant au comportement du ministère de la Famille et au comportement du cabinet de la ministre?

Le Président: Alors, si on veut mettre en cause le travail d'une ministre, on peut le faire en vertu du règlement. Alors, est-ce qu'il y a une réponse? Mme la ministre de la Famille.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: M. le Président, l'élément important dans tout ça, c'est la question de la gestion des fonds publics pour rendre service à la population du Québec. Moi, c'est ce que j'entends et c'est ce que je vois. Encore une fois, il y a des milliers d'éducateurs et d'éducatrices qui travaillent sur le terrain pour nous assurer d'un service accessible, de qualité, et c'est avec elles et eux que je vais travailler, et les gestionnaires et tous les intervenants du réseau qui voudront bien faire équipe avec moi, pour nous assurer que ce service-là va demeurer accessible et de qualité, M. le Président.

Le Président: Alors, ceci met fin à la période des questions et réponses orales.

Motions sans préavis

Comme il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique des motions sans préavis. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Souligner la Journée mondiale sans tabac

M. Couillard: M. le Président, je voudrais demander que l'Assemblée nationale débatte de la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée mondiale sans tabac.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt de cette motion?

Des voix: ...

Le Président: Alors, je demanderais aux députés qui ont d'autres occupations de quitter immédiatement, et ce, en silence.

Est-ce qu'il y a consentement? Consentement.

Des voix: ...

Le Président: Je vous demande votre collaboration, chers collègues. Ceux qui ont à quitter, qu'ils le fassent rapidement et dans le silence.

Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Merci, M. le Président. Le Québec est donc heureux de répondre à l'appel de l'Organisation mondiale de la santé qui, à l'occasion de la Journée mondiale sans tabac, invite les gouvernements et les organismes de santé à unir leurs voix à celles de tous les pays qui se mobilisent pour sensibiliser la population à la gravité des problèmes causés par le tabagisme.

On connaît les chiffres, M. le Président, le nombre de décès prématurés attribués au tabagisme est en hausse, et, au Québec, le tabagisme demeure un phénomène bien présent. Preuve récente, c'est l'augmentation de la mortalité par cancer du poumon chez les femmes, qui dépasse maintenant celle du cancer du sein. On estime que le tabagisme est à l'origine de 13 000 décès annuellement chez nous. De plus, 350 décès seraient reliés à l'exposition à la fumée secondaire. Le tabagisme est associé à 85 % des cas de maladie pulmonaire chronique, 30 % des cas de maladie cardiovasculaire, 30 % de tous les cas de cancer, et pas uniquement des poumons, mais 85 % de ces cas sont des cancers du poumon.

Des enquêtes plus récentes montrent que nous avons fait des progrès, M. le Président, depuis l'adoption de la loi sur le contrôle du tabac, en 1998, puisque le taux d'utilisation du tabac est passé de plus de 30 % à 25 %, ce qui est encore plus élevé qu'ailleurs au Canada, raison pour laquelle nous devons continuer nos efforts. Nous sommes cependant préoccupés, M. le Président, par la persistance du tabagisme chez nos élèves du secondaire, puisqu'en 2002 on apprenait que ces derniers fument dans une proportion de 23 %, et particulièrement les jeunes filles, M. le Président, pour lesquelles le chiffre est de 26 %.

Donc, malgré les progrès qui ont été réalisés, d'autres efforts sont nécessaires, et c'est dans cet esprit et dans cette perspective que nous avons déposé, le 10 mai dernier, devant l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 112 qui vise à continuer l'effort entrepris en 1998, à intensifier nos efforts dans la lutte contre le tabac avec comme objectifs, d'une part, de diminuer les effets d'exposition à la fumée dans l'environnement et, d'autre part, de réduire notre taux de tabagisme. L'objectif également est d'accentuer la prévention, de diminuer le recours et l'initiation au tabagisme chez nos jeunes, raison pour laquelle nous avons modifié les règles entourant la vente du tabac aux mineurs et également proposé dans le projet de loi qu'il ne soit pas permis de fumer sur les terrains des écoles primaires ou secondaires.

M. le Président, cette année, la Journée mondiale sans tabac a pour thème Les professionnels de la santé et la lutte antitabac. Par cette thématique, l'Organisation mondiale de la santé veut souligner le caractère essentiel de leur participation à la réduction de l'usage du tabac. Il a été démontré que les conseils des professionnels de la santé sur l'importance de renoncer à ce produit constituent un apport extrêmement efficace et significatif dans la lutte pour réduire le tabagisme. Il faut dire que la grande majorité des tumeurs... des fumeurs, pardon, environ 80 %, disent vouloir se libérer de l'habitude du tabac, ce qui jette un discrédit devant toute la notion de libre choix que certains groupes représentant les fumeurs essaient de faire circuler, M. le Président.

À cet égard, les professionnels de la santé rejoignent une proportion importante de la population, Ils sont crédibles en matière de santé et sont des partenaires de premier plan pour aider à sensibiliser les enfants et les adolescents en particulier aux risques du tabagisme et aux bienfaits, plus largement, de l'adoption de saines habitudes de vie.

Nous avons également mis de l'avant un projet novateur de mobilisation des professionnels de la santé, projet qui a été initié en 2004, qui vise à les informer et à les sensibiliser à l'importance d'introduire l'intervention tabagique auprès de leurs patients fumeurs et à optimiser leur pratique de counselling en abandon du tabac. Les ordres professionnels québécois visés sont ceux des hygiénistes dentaires, des pharmaciens, des infirmiers et infirmières, des inhalothérapeutes et bien sûr le Collège des médecins du Québec, ce qui représente, M. le Président, quelque 97 000 professionnels de la santé.

Notre gouvernement s'est engagé à faire de la lutte contre le tabagisme une question centrale de santé publique. En soulignant la Journée mondiale sans tabac, il témoigne de sa détermination à joindre le vaste mouvement qui s'engage à l'échelle mondiale pour libérer les populations de l'emprise du tabac. M. le Président, nous souhaitons que cette journée représente un moment privilégié de ralliement pour celles et ceux qui s'engagent, individuellement ou collectivement, dans la promotion d'un mode de vie où l'usage du tabac n'est plus la norme et qui travaillent avec conviction à assurer au Québec le succès de la lutte contre le tabagisme. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre de la Santé. Mme la députée de Rimouski.

Mme Solange Charest

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, il me fait vraiment plaisir de souligner la Journée mondiale sans tabac. Cette année, la Journée mondiale sans tabac souligne le rôle décisif joué par les professionnels de la santé dans la lutte antitabac. Si le fléau que représente l'usage du tabac et que ses effets néfastes sont aujourd'hui reconnus, c'est beaucoup grâce aux efforts constants de professionnels de la santé qui ont mené des recherches et qui ont contribué à éduquer la population sur les effets du tabac pour en arriver à faire évoluer les mentalités.

n(11 heures)n

Au Québec, depuis quelques années, la lutte pour contrer le tabagisme avance à pas de géant. En 1994, le taux de tabagisme chez les 15 ans et plus était de 35 %, alors qu'en 2001 il était de 25 %. Mais, 25 %, c'est là où il stagne présentement, et il demeure encore des efforts à poursuivre. Entre 1998 et 2002, le taux de tabagisme chez les élèves du secondaire est passé de 30,4 % à 23,1 %, mais c'est encore beaucoup trop. Toujours en 2002, 26,2 % des filles de 15 ans et moins fumaient, alors que ce taux se situe à 20,1 % chez les garçons.

Rappelons qu'en 1998 on a enregistré plus de décès attribuables à la cigarette que de décès attribuables à l'alcool, aux accidents de la route, aux suicides et aux homicides réunis. La nicotine, est-il besoin de le rappeler, crée rapidement une dépendance à la cigarette, dépendance comparable à la consommation de l'héroïne ou de la cocaïne. Le tabac, nous le savons, est la cause de plusieurs types de cancer, de maladies cardiovasculaires et de maladies respiratoires.

En 2004, le plus récent bilan médical scientifique américain sur le tabagisme confirme que le tabac affecte presque chacun des organes du corps humain. Et pour les non-fumeurs les risques sanitaires de l'exposition à la fumée de tabac dans l'environnement sont aussi réels que nombreux: que l'on pense au cancer du poumon, aux maladies cardiovasculaires, au cancer des sinus nasaux. Chez les nouveaux-nés, c'est le problème des faibles poids à la naissance, la mort subite du nourrisson, l'asthme et des problèmes respiratoires également. Bref, si la cigarette était inventée aujourd'hui, les ingrédients qui la composent sont tellement dangereux et ses effets sont tellement néfastes que sa vente serait interdite.

Une statistique encourageante: en décembre 2003, 82 % des fumeurs canadiens avaient l'intention d'arrêter de fumer et plus de 80 % des fumeurs regrettent d'avoir commencé à fumer. Nous voyons dans ces chiffres une indication éloquente de l'évolution des mentalités et de la perception de l'usage du tabac.

En 1998, le gouvernement du Parti québécois adoptait la Loi sur le tabac, qui fut adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. En 2001, toujours sous la gouverne du Parti québécois, nous avons vu la mise en oeuvre du plan québécois contre le tabagisme 2001-2005 par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Entre 1998 et 2005, la société québécoise a poursuivi son évolution, et, aujourd'hui, avec le projet de loi n° 112, nous sommes collectivement arrivés à une nouvelle étape. Cependant, une chose demeure, la question du tabagisme soulève toujours autant de passion. Souvent, avec les changements, surviennent les inquiétudes, les questionnements et parfois les résistances. Mais de nombreux et de convaincants indices nous démontrent que les Québécoises et les Québécois font maintenant de l'usage du tabac un enjeu de santé publique d'abord et avant tout. Merci encore une fois à tous les professionnels de la santé pour ce progrès pour aider à modifier les habitudes de vie de nos concitoyens et de nos concitoyennes.

Autre signe de l'évolution, la lutte contre le tabagisme ne repose plus seulement sur les épaules des professionnels de la santé. Aujourd'hui, c'est à nous tous en tant que parents, éducateurs, travailleurs, professionnels et citoyens, citoyennes, de prendre une part active dans la lutte antitabac et d'aider la société québécoise et particulièrement nos jeunes à faire le choix de la santé.

Je souhaite à tous et à toutes les professionnels de la santé une belle Journée mondiale sans tabac ainsi qu'à tous les citoyens et les citoyennes, et j'espère que vous respecterez cette journée demain, après-demain et tous les jours de votre vie. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Rimouski. Il n'y a pas d'autre intervenant? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Mulcair: Je sais qu'il y a une autre motion sans préavis, mais juste avant, de consentement, j'aimerais donner deux avis touchant les travaux des commissions?

Le Vice-Président (M. Cusano): Excusez, là. Cette motion n'a pas été encore adoptée, la motion sans préavis présentée par votre collègue, là. Alors, vous permettez? Vous allez me permettre...

Mise aux voix

Est-ce que la motion présentée par le ministre de la Santé et des Services sociaux est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cusano): Adopté. M. le leader du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Mulcair: Je sais qu'il y a une autre motion sans préavis, mais, juste avant, M. le Président, j'aimerais donner des avis touchant les travaux des commissions, de consentement.

J'avise cette Assemblée que la Commission de l'éducation entreprendra des consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 95, Loi modifiant diverses dispositions législatives de nature confessionnelle dans le domaine de l'éducation, aujourd'hui, dès maintenant jusqu'à 13 heures et de 20 heures à 22 h 15, à la salle Louis-Joseph-Papineau; et

Que la Commission des affaires sociales poursuivra les consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 112, Loi modifiant la Loi sur le tabac et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, dès maintenant jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif; cette même commission poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, aujourd'hui, de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci. Alors, je présume qu'il y avait consentement.

Motions sans préavis (suite)

Alors, nous revenons aux motions sans préavis. À ce moment-ci, je reconnais le député de Vachon.

Souligner la Semaine des services de garde

M. Bouchard (Vachon): Alors, M. le Président, je veux vous présenter la motion suivante, et en collaboration avec la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine et avec la députée de Lotbinière:

«Que l'Assemblée ? et je lis la motion, M. le Président ? nationale souligne la Semaine des services de garde, qui se tient du 29 mai au 4 juin 2005, et exprime sa reconnaissance envers celles et ceux qui, jour après jour, y assurent le bien-être et le développement de nos enfants.»

Le Vice-Président (M. Cusano): Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? Il y a consentement?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Cusano): Oui. Alors, M. le député de Vachon.

M. Camil Bouchard

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, nous soulignons cette Semaine des services de garde à un bien drôle de moment, au moment où il y a, autour du réseau des centres de la petite enfance et autour du réseau des services de garde, une zone de turbulences extrêmement forte et qui frappe de plein fouet toutes celles et ceux qui non seulement oeuvrent dans les centres de la petite enfance, mais celles et ceux qui, parmi les citoyennes et les citoyens du Québec, parmi les mères et les pères du Québec, ont développé un lien d'attachement et un lien d'affection envers ce réseau qui a été créé de toutes pièces par une population volontaire, par une population courageuse, par une population inventive et créative à partir de la politique familiale ou la première expression de la politique familiale en 1997.

M. le Président, vous vous souviendrez peut-être de ce premier énoncé de la politique familiale de l'époque. On y poursuivait deux objectifs essentiellement. Le premier objectif, en ce qui concerne la création des services de garde, était d'assurer aux parents du Québec une plateforme de conciliation, un outil qui leur permettrait de concilier leurs obligations de travailleuses et de travailleurs, d'un côté, et leurs obligations de parents et leur rôle de parents, de l'autre côté.

Vous savez très bien, M. le Président, que nous assistons, depuis une bonne quinzaine d'années maintenant, à une augmentation assez remarquable du taux d'occupation d'emplois chez les femmes, et particulièrement chez les mères de jeunes enfants, et que désormais ce patron de deux parents qui travaillent à l'extérieur de la maison étant prévalant, il nous fallait trouver, en tant que société, le moyen d'assurer à la fois un niveau de parentage adéquat et consenti entre les parents et à la fois des environnements de suppléance pour les enfants et qui permettent aux parents de gagner les sous nécessaires à la famille en toute tranquillité d'esprit et en sachant que l'enfant fréquente un endroit accueillant, un endroit bienveillant, un endroit stimulant, un endroit où quelque part il est constructeur de son propre développement. Alors, M. le Président, voilà quel était le premier objectif, mais pas en importance nécessairement, mais voilà qui était un des objectifs.

n(11 h 10)n

L'autre objectif important, à part celui évidemment de sortir un certain nombre de dossiers de travail au noir, l'autre objectif était tout aussi important, c'est-à-dire assurer à chacun et chacune de nos enfants un environnement qui leur permettrait un développement optimal. Et «chacun et chacune» est très important dans cette expression-là parce qu'on sait très bien que certains enfants dont les parents bénéficient d'un revenu relativement important, qui peuvent se payer des vacances avec leurs enfants, qui peuvent leur payer des loisirs, qui peuvent se payer un haut niveau... un niveau de qualité supérieur d'encadrement et de garde de leurs enfants, on sait très bien que, pour un grand nombre d'enfants, cela représente la réalité quotidienne. Pour d'autres enfants, ce n'est pas le cas, notamment lorsque les parents sont ou bien malades ou bien qu'ils sont quelque part en crise, ou en état de détresse psychologique, ou encore lorsqu'ils n'ont pas les ressources matérielles nécessaires pour pouvoir arriver à combler l'ensemble des besoins des enfants.

M. le Président, ce deuxième objectif dans la création des services de garde au Québec est extrêmement important à rappeler. Les services de garde sont en effet un outil de conciliation famille-travail, mais c'est aussi un formidable outil d'équité, d'égalité des chances pour nos enfants. C'est un outil qui permet en théorie et, lorsqu'on le fait bien, en pratique de permettre à tous les enfants de développer les aptitudes, les compétences et les talents de base qui leur permettront... les capacités de base qui leur permettront éventuellement de faire une entrée positive dans le monde des institutions officielles d'enseignement, dans le monde de l'éducation, autrement dit qui leur permettront de connaître le succès dès le premier pas qu'ils franchiront dans la classe.

Alors, M. le Président, ce n'est pas rien, cet immense chantier, que j'ai déjà qualifié devant le Regroupement des CPE de la Montérégie de plus important chantier que l'on ait connu depuis la Baie-James, cet immense chantier que la société québécoise a consenti en 1997 et dans lequel on s'est donné comme objectif de créer 200 000 places de qualité pour les enfants de 0-4 ans. Cet objectif, M. le Président, il a été accueilli avec enthousiasme par la population alors même, alors même que le gouvernement du Québec était aux prises avec un problème de finances publiques qui l'avait conduit à une stratégie de déficit zéro.

Et je regarde mes collègues ici, à l'Assemblée nationale, et je pense à d'autres collègues que j'ai eu l'occasion de fréquenter antérieurement dans des colloques ou des conférences en Amérique du Nord, et ces collègues scientifiques me posaient toujours la question: Comment se fait-il que vous ayez réussi au Québec, alors que vous étiez dans la lutte au déficit, à donner à vos enfants et à donner à leurs parents ce formidable outil des centres... ce réseau des centres à la petite enfance et ce tarif réduit à 5 $? Comment avez-vous fait?

Nous l'avons fait de la façon suivante, M. le Président. Nous avons proposé à la population ? et chacun des collègues à l'Assemblée nationale, peu importe le côté de la Chambre, y voyait certainement des vertus ? nous avons proposé à la population de freiner quelque part l'appétit que nous avons à réduire des programmes sociaux, à réduire les taxes et les impôts puis nous avons choisi d'investir dans le capital humain, dans le capital affectif, dans le capital social de nos enfants. Ce fut un choix éclairé de la part d'une population pour qui les enfants, la famille mais aussi l'équité entre tous les enfants apparaissaient en tête de liste des priorités et des valeurs. Nous avons construit sur des valeurs solides, nous avons construit sur des acquis des générations antérieures qui nous avaient fait comprendre que l'équité individuelle, l'équité entre les individus est à la base du développement économique et du développement social de la communauté.

L'instauration, la création des centres à la petite enfance aura été un des plus grands chantiers que le Québec aura entrepris et dont nous sommes le plus fiers. L'histoire retiendra qu'il y a eu en effet la Baie-James, dont on connaît la nature des turbines et qui font tourner dans le fond l'électricité au Québec, qui produit l'électricité au Québec. Dans le cas des CPE, les turbines, ce sont d'abord les enfants mais aussi les éducateurs et les éducatrices qui font développer, qui développent les talents et les capacités de nos enfants, qui développent leurs compétences dès le premier âge.

M. le Président, je pense qu'il n'est pas inutile de rappeler ici que, notamment pour les enfants qui sont les plus vulnérables, les enfants qui vivent dans des environnements les moins nantis, il n'est pas inutile de rappeler que la fréquentation de programmes de stimulation tels que ceux que l'on rencontre dans les CPE, comme, par exemple, Jouer, c'est magique... Je ne sais pas si vous avez eu, M. le Président, l'occasion de connaître ce programme, Jouer, c'est magique, emprunté d'ailleurs d'une très grande expérience faite dans l'État du Michigan, durant les années soixante, et qui permet à l'enfant de bâtir, journée après journée, son propre programme de développement. La journée, là, dans un centre de petite enfance, commence de façon suivante, c'est: Bonjour, mon chéri, que veux-tu faire aujourd'hui? Le «que veux-tu faire aujourd'hui», c'est: Comment entends-tu te développer aujourd'hui? Par quelle méthode? Quelles activités tu veux faire? Comment tu veux devenir ton propre moteur de développement, ta propre locomotive de développement?

Alors, ce type d'intervention, M. le Président, permet à des centaines et à des milliers d'enfants de se développer, de se développer au rythme de sa propre initiative, encadré par des éducatrices et des éducateurs de très grande qualité, formés à la bonne école. Et, M. le Président, il y a à travers le monde... À travers le monde, il y a des reprises de ce type d'interventions qui permettent à des milliers d'enfants d'éviter de fréquenter, par exemple, des classes spéciales, d'éviter de redoubler, d'éviter de s'engager dans des trajectoires qui les mèneraient dans la marginalité.

Il a été démontré, M. le Président, que, lorsque nous investissons ? et je n'ai pas dit dépensons ? lorsque nous investissons 1 $, 1 $ chez un enfant dont la famille est aux prises avec la détresse économique ou la détresse sociale, nous aurons, au bout du compte, épargné 7,16 $, au bout de la vie de cet enfant-là. 1 $ investi pour un retour de 7,16 $. Alors, quand nous entendons, M. le Président, ces sempiternelles litanies concernant le fait que ça nous coûte 5,7 millions par jour, bien il faut multiplier 5,7 millions par jour par sept pour voir les profits que l'on fait au bout d'une vie. À chaque fois, il faut faire ça. C'est un investissement de développement individuel, mais de développement collectif, de développement communautaire que nous devrions constamment chérir, protéger, renforcer, développer, M. le Président, plutôt que de le menacer.

M. le Président, en 2003, en avril 2003, il y avait, au Québec, de créées déjà, après cet effort collectif sans précédent, il y avait de créées, au Québec, 165 000 places en garderie, toutes garderies confondues. Nous avions un programme, un scénario de création de 200 000 places pour fin 2005. Cet effort avait été consenti à coups de création de places qui variaient entre 12 000 à 14 000 places par année.

Les Québécoises et les Québécois, dans un passé pas si lointain, étaient fiers de leur réseau des centres de la petite enfance. Ils en étaient à ce point fiers, et du réseau et de l'aménagement budgétaire autour de ces réseaux, que le gouvernement maintenant en place avait promis, au cours des élections, de ne pas toucher au 5 $. Il s'était engagé formellement à maintenir les tarifs au niveau de 5 $.

Et là je me tourne vers mon collègue de Joliette, qui a déjà eu la responsabilité du portefeuille famille de notre côté, et je le prends à témoin. Quelques semaines à peine après leur arrivée au pouvoir, ce gouvernement reniait sa promesse et disait aux Québécoises et Québécois: Le 5 $ va devenir désormais 7 $. Nous allons augmenter, par année, le tarif de 520 $ par enfant. Pour une famille de deux enfants, on arrivera à 1 040 $ d'augmentation. Et nous n'avons pas prévu, nous n'avons pas prévu, aucunement, pour les enfants de milieux défavorisés, une approche d'atténuation d'augmentation de tarifs.

n(11 h 20)n

Et ça, M. le Président, c'était la première brèche que l'on créait dans l'imaginaire québécois quant à la qualité et quant à la pertinence et l'à-propos du réseau qu'on avait créé. On disait désormais: Nous pouvons, nous pouvons tabler sur ce réseau auquel vous êtes attachés, M. le Président, pour faire des promesses électorales irresponsables. Nous avons pris ce qu'il y a de plus précieux, nous avons pris ce réseau auquel vous tenez tant et dont vous êtes si fiers, nous l'avons pris en otage électoral, nous avons dit qu'on ne toucherait pas aux tarifs, et la première chose qu'on fait, c'est d'augmenter les tarifs. Ça a été la première brèche, dans l'imaginaire des Québécoises et des Québécois, qui a été faite à propos de l'image qu'on avait, de celle qu'on portait des CPE, c'est-à-dire un réseau en bonne santé, un réseau qui se développait bien, qui ne coûtait pas cher pour les parents et qui rendait des services incommensurables à la société. La première brèche.

Ensuite est venue une tentative de créer une banque d'absence de 26 jours pour les enfants, une banque qui a soulevé un tollé et qui a de fait fait banqueroute très rapidement, heureusement. Mais c'était déjà une autre... une autre attaque, une autre brèche créée autour d'un réseau qui n'avait créé, jusqu'à ce moment-là, que de l'harmonie, que de l'harmonie.

M. le Président, a suivi ensuite une série de ce qu'on a appelé... de rationalisations où les CPE, année après année, se sont vu couper les budgets de fonctionnement ou d'opération, qui ont cumulé et qui auront cumulé jusqu'aux derniers crédits, pour un total de 100 millions de compressions. Ce n'est pas rien. Ça veut dire que, dans chacun des centres de la petite enfance qui est touché par ces compressions ou cette rationalisation, il y a un effort à faire, à chaque année, d'une diminution du budget d'opération qui varie entre 30 000 $, 35 000 $ et quelquefois 42 000 $. N'oublions pas, M. le Président, que ces CPE sont régis par un conseil d'administration composé majoritairement de parents. Pourquoi? Parce qu'on voulait avoir, dans chacune des communautés, une antenne forte, un baromètre des besoins qui puisse éventuellement témoigner de ce que les familles et les enfants attendaient du réseau en termes de création de places et en termes d'emplacement aussi, en termes, autrement dit, d'offre de service. Donc, on imposait... on a imposé, durant des années successives, trois années successives, une rationalisation de l'ordre de 30 000 $ à 40 000 $ par centre de la petite enfance, et cela évidemment compliquait singulièrement et a compliqué singulièrement la vie des parents qui oeuvrent dans les conseils d'administration.

M. le Président, ça ne suffisait pas. La ministre en a rajouté. Elle a soudainement pris connaissance que certains CPE, par sagesse de gestion, avaient mis de côté des sous pour pouvoir parer à ce qui est imparable dans le fond, les inattendus: faire les réparations nécessaires, remplacer l'équipement déficient, améliorer l'environnement physique des enfants. La ministre s'est aperçue qu'il pouvait y avoir des surplus, elle a donc pigé dans les surplus. La taxe à la bonne gestion. Et, une fois ce problème, selon elle, réglé, alors qu'elle en créait un, elle a décidé, M. le Président, de s'attaquer aux CPE qui étaient en déficit. Alors, elle a fait des compressions et, durant les deux années qui ont suivi ou qui ont été concomitantes à ces compressions, le taux, le taux de CPE en déficit opérationnel a bondi de 59 %.

Je regrette, M. le Président, de devoir rappeler ça en pleine semaine où on doit souligner l'importance des services de garde au Québec, mais, puisqu'on en souligne l'importance, il faut d'abord souligner l'importance de protéger et de développer ce qu'on a fait de mieux pour les enfants 0-4 ans au Québec. Et ce n'est pas ce qu'on a fait de mieux que ces promesses brisées, que ces compressions budgétaires, que ces taxes à la bonne gestion, que ces surplus éliminés et que ces déficits que l'on a identifiés et pour lesquels on a blâmé ensuite les conseils d'administration de mauvaise gestion, comme si, M. le Président, l'Administration ou la ministre n'avaient aucune responsabilité en la matière.

Sans compter, M. le Président, que, durant tout ce temps-là, il y a eu une opération, au gouvernement fédéral, d'omission volontaire ? certains même pourraient parler de recel ? d'un certain nombre... d'un très gros montant qui équivaut maintenant au-delà de 1 milliard de dollars du fait que les parents québécois, ne déboursant plus désormais que 5 $ de leur poche pour placer leur enfant en milieu de garde, ne recevaient plus le crédit d'impôt que le fédéral leur aurait ordinairement consenti. Le fédéral a tout simplement pris cet argent, l'a mis dans ses poches sans dire un mot et refuse catégoriquement de vouloir considérer cette question. Alors, le réseau s'est développé, M. le Président, malgré ça, parce que les parents québécois sont attachés à ce réseau, parce qu'ils l'aiment, et ils l'aiment beaucoup plus, beaucoup plus que l'Administration précédente. Comme si le réseau, parce qu'il a été créé par le Parti québécois, avait tous les torts au point de départ.

Alors, M. le Président, j'aurais aimé tenir un discours beaucoup plus positif. Je veux tout simplement rappeler qu'il est encore temps pour ce gouvernement de se ressaisir et de dire à la face de tout le monde: Ce réseau des services de garde est si important, nous l'aimons à un point tel que ces attaques, que ces insinuations vis-à-vis de l'incompétence des gestionnaires, que ces insinuations vis-à-vis un trop-plein qu'il y aurait comme ressources dans les CPE vont être désormais abandonnées, et nous allons célébrer désormais ? et nous allons le célébrer avec fierté ? à la fois le développement de notre réseau, unique en Amérique du Nord et unique sans doute pour une bonne part dans le monde, et nous allons célébrer le développement des enfants qui y sont. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Vachon. Je reconnais maintenant Mme la députée de Lotbinière.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir au nom de l'Action démocratique de prendre la parole sur cette motion et de commencer par féliciter tous ceux et celles qui oeuvrent dans les services de garde. J'ai été à même de parler souvent de ces réseaux et de dire quel travail énorme, quel travail important, quel travail essentiel ceux et celles qui oeuvrent font, autant au niveau de l'administration qu'au niveau de l'intervention directe avec nos enfants. Il me semble que c'est notre plus grand trésor, nos enfants, et il n'est pas, jamais... nous n'avons jamais à le répéter assez.

M. le Président, en tant que parlementaire, j'ai dû intervenir au sujet des réseaux de services de garde à plusieurs reprises. Les premières fois que je suis intervenue, c'est au cours de la commission parlementaire portant sur les projets de loi visant à syndicaliser ou à ne pas syndicaliser les services de garde. La démarche que faisaient les représentants des services de garde à cette époque, à la commission, c'était de tendre la main à la ministre puis d'accepter son projet de loi en lui demandant de diminuer les irritants qu'il y avait dans la loi. Ils ont commencé par un geste de confiance, M. le ministre, et la suite des choses va peut-être leur faire regretter le début de coopération qu'ils voulaient voir naître.

Bien entendu, je me souviens à cette époque qu'on avait évalué les services de garde. Il y a eu une étude, et les critères les plus pertinents pour évaluer la capacité ou la qualité d'un service de garde, c'était l'écoute, le respect: l'écoute des enfants, le respect qu'on donnait aux enfants, le respect que chacun des intervenants avait entre eux. Il me semble à vue d'oeil que ce n'est pas les mesures... ce ne sont pas les valeurs qui animent les relations entre le ministère et ses commettants, les CPE. Elle les considère, j'ai l'impression, plus comme ses commettants que comme des personnes partenaires pour le bien-être de nos enfants. J'espère qu'il n'en est pas le cas, et c'est la raison pour laquelle j'ai désiré parler avant Mme la ministre, afin qu'elle exprime envers ces intervenants toute la confiance qu'on doit leur accorder, tout le respect qu'on doit leur accorder et qu'elle leur offre sa coopération plutôt que de continuer à travailler dans la confrontation. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous remercie, Mme la députée de Lotbinière. Je reconnais maintenant la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: M. le Président, c'est avec plaisir que je veux souligner la Semaine des services de garde. Mais permettez-moi tout d'abord de dire, en réponse un peu à ce que le député de Vachon disait, combien, un, le reportage, hier soir, m'a choquée, combien aussi je déplore que le gouvernement d'en face ait développé ce service si important avec un manque si évident de planification, et de contrôle, et de mesures de contrôle. Ils ont fermé les yeux sur la gestion, ils ont fermé les yeux sur des surplus. Ils ont créé des places qui sont virtuelles. Alors, il y a beaucoup d'iniquités et de manquements que nous devons réparer au quotidien, M. le Président.

n(11 h 30)n

Et c'est justement, comme la députée de Lotbinière disait, parce que j'ai trop de respect et pour les parents et pour les gens qui travaillent dans les services de garde, parce que j'ai trop de respect pour eux que je vais permettre que ça continue? Non. Je vais m'assurer que ça arrête et qu'on mette en place un environnement pour qu'ils puissent rendre le service pour lequel ils ont étudié ou pour lequel ils travaillent et dans lequel ils mettent tant de coeur et tant de plaisir, je vous dirais. Parce que j'en ai visité beaucoup de services de garde, à travers le Québec, depuis deux ans, et je suis convaincue que les gens sont là pour les bonnes raisons. Et c'est dans ce sens-là que, moi, je veux travailler avec eux et elles.

Cette semaine, c'est la Semaine des services de garde et c'est important de le souligner. Cet événement nous donne l'occasion de mettre en lumière le travail de milliers de femmes et d'hommes qui accompagnent nos enfants dans leur quotidien et qui leur donnent des outils concrets pour se développer et s'épanouir. Ça concerne évidemment aussi les éducatrices et les éducateurs de services de garde que les parents qui s'impliquent et qui témoignent d'un sens de l'engagement exceptionnel. C'est un environnement de développement extraordinaire que nous devons tous ensemble travailler à maintenir et à y poursuivre le développement. Moi, je tiens à les remercier, tous et chacun, pour ce qu'ils font pour les enfants du Québec, que ce soit dans les centres de la petite enfance, dans les garderies, dans les services de garde en milieu familial, dans les haltes-garderies ou encore dans les services de garde en milieu scolaire.

Notre gouvernement croit qu'il est essentiel de reconnaître à sa juste valeur le travail qui est fait par les éducatrices et les éducateurs des services de garde, puisque leurs conditions sont liées de près à la qualité des services. Et, comme cette qualité de services offerts aux enfants est primordiale pour nous, il va de soi que les conditions des éducatrices et des éducateurs des services de garde nous tiennent également à coeur.

Au cours des deux dernières années, M. le Président, nous avons posé des gestes importants à cet égard. Nous avons majoré de 2 % les échelles salariales des éducatrices et éducateurs des CPE. Nous avons créé une table de négociation centrale dans le dossier des conditions salariales des éducatrices et des éducateurs des CPE. La création de cette table constitue une première et elle témoigne clairement de notre volonté de valoriser le personnel des services de garde. De même, nous poursuivons de façon assidue les travaux sur l'équité salariale, qui se sont accélérés au cours des dernières semaines. Le règlement sur les comparateurs masculins est entré en vigueur au début de mai, ce qui représente une étape importante de cette grande démarche d'équité salariale.

D'un autre côté, pour les éducatrices et les éducateurs des services de garde en milieu familial, nous avons accordé une augmentation de près de 4% de leur rétribution, nous avons adopté la loi n° 8, qui vise notamment à améliorer leurs conditions d'exercice. Nous leur avons accordé le droit au remplacement occasionnel sans motif, ce qui correspondait à une demande de longue date de la part de ce groupe, M. le Président. Nous avons également étendu le congé de maladie et de maternité de six mois à un an. Nous avons ajouté un congé d'adoption. Et nous avons instauré un service de médiation dans les cas de conflit entre une éducatrice ou un éducateur en milieu familial et son centre de la petite enfance.

Depuis deux ans, nous avons travaillé activement et concrètement à améliorer les conditions de travail des éducateurs et éducatrices en service de garde, car elles sont indissociables de la qualité des services offerts aux enfants, et c'est tout ça l'essence même de l'existence de ce service.

Ces démarches s'inscrivent dans une entreprise beaucoup plus vaste, celle de la consolidation du réseau, une consolidation que le Parti québécois n'a jamais faite en agissant avec tellement de laxisme pour la planification et le contrôle. Consolider un tel réseau, c'est une entreprise d'envergure qui demandera beaucoup de la part de tous les partenaires. Heureusement, je sais que les familles québécoises peuvent compter sur des gens dévoués.

Chaque année, nous avons à relever des défis importants. Nous devons tenter de toujours mieux répondre aux besoins des familles, de continuer à leur offrir des services adaptés à leur réalité, d'ajuster l'offre de services à la demande des familles. Nous devons aussi continuer à offrir la même qualité de services et poursuivre nos objectifs d'amélioration, et je crois que le réseau des services de garde a très bien compris l'importance de cette question.

Pourtant, M. le Président, tous ces efforts seront vains si on ne cherche pas en même temps à garantir la viabilité, la pérennité, l'existence à long terme du réseau des services de garde éducatifs. Et, dans ce sens, consolider le réseau, c'est faire le nécessaire dès aujourd'hui pour que demain soit possible, c'est penser à ce que les tout petits sont aujourd'hui mais aussi à ce qu'ils seront demain, c'est penser aux adultes qu'ils deviendront un jour.

Consolider le réseau, c'est réfléchir le réseau des services de garde dans une perspective de développement durable où les possibilités offertes aux générations présentes ne compromettent pas celles des générations futures. Le développement durable, M. le Président, c'est une amélioration continue des conditions des populations actuelles mais qui ne compromet pas la capacité des populations de demain de faire de même. Alors, c'est une amélioration du présent qui fait place à l'avenir. Et c'est dans ce sens que nous devons travailler, et ce, tant évidemment sur les plans environnemental et social que sur le plan économique. Dans cette optique, nous devons réévaluer constamment nos modes de gestion en cherchant toujours à les améliorer, nous devons être pleinement responsables. Et c'est ce que nous faisons, et c'est pour nos enfants et leurs parents que nous le faisons.

La Semaine des services de garde a pour thème, cette année, Ohé! Bonheurs droit devant!. C'est un thème qui nous invite à regarder en avant, à regarder vers l'avenir, à nous diriger ensemble vers les meilleurs services qui soient afin que nos enfants s'y épanouissent pleinement. Et je veux assurer et les parents et tous les intervenants que le meilleur environnement possible doit être en place pour accomplir cette tâche si importante et qu'ils peuvent compter sur moi pour y réussir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous remercie, Mme la ministre. Sur le même... Oui, sur la motion, M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Bédard: Merci, M. le Président. Je vais joindre ma voix à mon collègue...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): Oui. Un instant. Excusez-moi. Est-ce que vous avez une question de règlement?

M. Mulcair: D'information, pour mon collègue le député de Chicoutimi, qui vient de se lever. Il y a des parties de nos travaux qui se discutent entre nous. Nous n'avons pas été saisis de l'intention d'avoir plus d'une personne de l'autre côté. Libre à lui, mais il sait ce que ça signifie pour la suite de nos travaux.

Le Vice-Président (M. Cusano): M. le leader adjoint du gouvernement, je dois vous dire qu'au moment où il y a eu consentement de débattre de cette motion il n'y a eu aucune entente sur le nombre d'intervenants, alors, moi, je dois reconnaître les personnes qui désirent intervenir. M. le député de Chicoutimi.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. D'ailleurs, mon intervention n'aura sûrement pas d'effet sur la tenue des travaux actuels, elle se veut courte et précise. Ajouter évidemment au témoignage de mon collègue le député de Vachon, qui, vous le savez, a été initiateur, d'une certaine façon, de toute l'implantation de ce fantastique réseau qu'est les CPE, à une certaine époque où on parlait beaucoup du bien-être de l'enfant mais qu'il fallait évidemment le matérialiser en actes concrets. Et, dans ce cas-ci, je pense qu'on ne serait pas assez de tous les membres de cette Assemblée pour vanter, vanter cette grande réalisation québécoise qu'est celle de l'implantation des CPE.

Vous dire à quel point évidemment la qualité des services qu'on y retrouve est exemplaire. Je viens témoigner évidemment à titre de parlementaire, mais aussi, M. le Président, à titre de parent qui a cette chance d'avoir un enfant dans un CPE et de voir tous ceux et celles évidemment ? plus particulièrement celles ? qui y travaillent, qui se dévouent pour le bien-être de nos enfants, qui font preuve d'une imagination débordante et qui font en sorte, en même temps, qu'il corresponde à nos standards, je pense, que nous avons, comme société, d'assurer un plein développement de nos enfants, mais en même temps, et je pense qu'il est important de bien le faire comprendre à la population, qui permet aussi, peu importent la classe sociale des gens et les revenus qu'ils ont, de bénéficier du même contexte qui favorise l'épanouissement de l'enfant. C'est ça, je pense, que, quand on parle d'intervention qui se veut sociale, qui se veut solidaire de l'ensemble de la population... je pense que c'est un bel exemple d'action qui a mené à faire en sorte que, peu importent les revenus des personnes, tous ont accès, tous ont accès à ces services de qualité.

Donc, on s'assure un même niveau. On le sait, tous les êtres naissent égaux, M. le Président, mais parfois les environnements, et souvent, influent sur le développement d'un enfant, et d'où l'importance de s'assurer dès le bas âge que, peu importent les revenus, peu importe le contexte, peu importe... ? et souvent ce n'est pas lié aux revenus, M. le Président, mais plus particulièrement aux problèmes vécus par les parents, les problèmes de nature personnelle qui sont liés souvent justement à l'état de pauvreté dans lequel ils se trouvent ? donc de s'assurer que leurs enfants aient droit, aient accès au même encadrement stimulant pour eux.

Et je souhaite évidemment que ce réseau soit estimé à son juste mérite et ne fasse pas l'objet de dénigrement, comme c'est le cas actuellement, M. le Président, d'autant plus lorsque ce dénigrement provient de la personne qui en est la responsable. Je pense qu'il faut aimer ce réseau, M. le Président. Il faut...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): Un instant, M. le député de Chicoutimi. Une question de règlement de la part du leader adjoint du gouvernement.

M. Mulcair: Comme le président de l'Assemblée nationale a eu l'occasion de le dire aujourd'hui, au cours de la période des questions, s'il y a quelqu'un qui a à mettre en question la conduite d'un autre député, il n'y a qu'une seule manière de le faire, puis c'est par une motion de fond mettant en question sa conduite. Ce que vient de faire le député de Chicoutimi, c'est justement ça. S'il a le courage de le faire, qu'il fasse sa motion, mais sinon qu'il s'en tienne au débat qui est devant nous, qui est sur une motion sans préavis qui porte sur les garderies. Il est en train non seulement d'enfreindre d'autres articles de notre règlement qui disent que c'est interdit d'imputer des motifs indignes, mais par ailleurs il démontre qu'encore une fois il n'a pas le courage de faire ce qu'il faut en vertu du règlement.

Une voix: ...

n(11 h 40)n

Le Vice-Président (M. Cusano): Mme la leader de l'opposition officielle.

Mme Lemieux: Sur la question de règlement. Venant du député de Chomedey, ministre de l'Environnement, le mot «courage» est assez audacieux de sa part. Et, deuxièmement, je ne vois pas en quoi l'intervention du leader adjoint de l'opposition était problématique. Il a situé le cadre et le contexte dans lequel les CPE ont été créés, les conditions dans lesquelles on voulait faire en sorte que ces centres à la petite enfance puissent se développer, alors je ne vois pas de problème. Et le député de Chomedey devrait être prudent quant à l'utilisation du mot «courage». On sait ce que certains tribunaux ont dit à son sujet. Alors, il devrait être très, très prudent.

Le Vice-Président (M. Cusano): Écoutez, je demande votre collaboration, là, sur cette motion, de s'en tenir à un langage modeste et approprié. Alors, M. le député de Chicoutimi, je vous redonne la parole.

M. Bédard: C'était plutôt modeste, effectivement. Et j'ai parlé de dénigrement, et je le redis, effectivement, dénigrement dû, entre autres, aux accusations qui ont été portées contre les directions, contre les responsables des parents à l'effet que le réseau, ceux et celles qui gèrent, soient les parents, vous et moi, qui sont sur les conseils d'administration font preuve de laxisme. Et la ministre d'ailleurs a encore répété ce mot, «laxisme» donc, comme si les parents responsables du Québec, eux, ne seraient pas, je vous dirais, concernés par la gestion de ces CPE et de faire en sorte que leur gestion soit pleinement dirigée vers ceux et celles qui en ont besoin, les enfants.

Le devoir de la ministre serait plutôt, elle, je vous dirais, M. le Président, en tout respect, de s'assurer effectivement que ces personnes détiennent les outils financiers pour pouvoir accomplir leur mission, mission qu'elle ne semble pas d'ailleurs bien connaître, M. le Président, par rapport au développement de la petite enfance, leur importance. Et d'ailleurs, dans ses visites à travers le réseau, je pense que c'est un constat qui est clair, celui de sa méconnaissance de l'apport de ce réseau au développement de la petite enfance. Et, au-delà des questions financières, lorsqu'on paie quelque chose, M. le Président, on en tire un bénéfice. Le coût de quelque chose est toujours évalué au bénéfice qu'on en retire. Et, pour l'ensemble de la société, il est clair que cette mesure est pleinement profitable pour l'ensemble des parents et de la société québécoise.

Et mon collègue d'ailleurs a comparé ce fantastique réseau à la décision que nous avons prise il y a près de 40 ans maintenant, celle de développer Hydro-Québec. Je pense qu'effectivement c'est dans la même... de faire les grands chantiers dans le Nord québécois, c'est dans la même pensée de l'État québécois, celle de se donner des moyens pour, d'un point de vue économique, s'assumer, assumer son destin. Et je pense qu'au point de vue du développement de l'enfance c'était un geste très concret qui a servi à faire en sorte que les enfants, mais évidemment les parents par la bande, puissent avoir accès à des services de très grande qualité.

Alors, j'inviterais la ministre à beaucoup de prudence lorsqu'elle parle de laxisme ou lorsqu'elle, je vous dirais, dit ou fait des constats sur la gestion de certains centres de la petite enfance ? ça lui est rappelé en grandes pages encore, actuellement, dans les journaux, M. le Président. Et je l'invite à faire le travail qu'elle devrait faire, c'est assurer la défense de ce réseau, sa promotion, mais en même temps s'assurer que les éducatrices ? Marie-Ève, dans mon cas, M. le Président... Je la cite, parce que tout le monde a une Marie-Ève qui, le matin, comme disait mon collègue d'ailleurs... et j'essaie de reprendre ses mots exacts, je trouvais que c'était la bonne formule effectivement: Bonjour, chéri, qu'est-ce que tu veux faire aujourd'hui?, qui illustre bien le dévouement que ces gens-là ont, et en complément avec l'enfant. Autrement dit, oui, on accorde des services, mais en même temps on fait prendre conscience à l'enfant qu'il est concerné par ce développement. Et j'en suis témoin à tous les jours ? Marie-Ève, dans mon cas, mais chacun peut avoir un nom, Geneviève, Nathalie, peu importe ? ces personnes sont dévouées. Et, moi, je pense qu'aujourd'hui avant tout, on doit...

Une voix: ...

M. Bédard: ... ? ou Diane, oui ? on doit rendre hommage à ces personnes qui s'illustrent dans l'ensemble du réseau. Et j'espère, j'espère que le gouvernement, et plus particulièrement la ministre, s'assurera que ce réseau ait à sa disponibilité les ressources financières suffisantes pour assurer le développement de nos enfants. Merci.

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous remercie, M. le leader adjoint de l'opposition. Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: M. le Président, vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Cusano): Alors, il y a une demande, un vote par appel nominal. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Mulcair: Oui. Conformément à l'article 223 de notre règlement, je vous demande de reporter le vote à la période des affaires courantes du mercredi 1er juin.

Vote reporté

Le Vice-Président (M. Cusano): Alors, le vote est reporté à la période des affaires courantes de demain. M. le leader adjoint du gouvernement.

Procéder à des consultations
particulières sur le projet de loi n° 108

M. Mulcair: Merci, M. le Président. M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la Commission des affaires sociales, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 108, Loi sur l'assurance parentale et d'autres dispositions législatives, procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques le 2 juin 2005, à la salle du Conseil législatif, et qu'à cette fin elle entende les organismes ci-dessous, et ce, dans l'ordre suivant: Regroupement pour un régime d'assurance parentale; Conseil de la famille; Association des femmes pour l'éducation et l'action sociale; la Fédération des parents adoptants du Québec; Confédération des syndicats nationaux; Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; Conseil du patronat; Centrale des syndicats du Québec;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires partagée de la façon suivante: 15 minutes pour le groupe parlementaire formant le gouvernement et 15 minutes pour l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 15 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 30 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés de l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales partagée de la façon suivante: 15 minutes pour les députés de l'opposition et 15 minutes pour le groupe parlementaire formant le gouvernement; et finalement

«Que la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Vice-Président (M. Cusano): Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

Des voix: ...

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Cusano): Oui. Alors, la motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cusano): Adopté.

Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, ça a été fait.

À la rubrique...

Une voix: ...

Avis touchant les travaux des commissions

Le Vice-Président (M. Cusano): Il en restait. Ah bon! O.K. Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la Commission des finances publiques entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur le ministère des Services gouvernementaux, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 17 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine; et

Que la Commission de l'économie et du travail entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 97, Loi sur la Régie des installations olympiques, aujourd'hui, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le leader adjoint du gouvernement.

À la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Affaires du jour

Alors, la période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je vous demanderais d'appeler l'article 13 de notre feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 108

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Cusano): À l'article 13, Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale propose l'adoption du principe du projet de loi n° 108, Loi modifiant la Loi sur l'assurance parentale et d'autres dispositions législatives. Mme la ministre.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: Alors, merci, M. le Président. C'est véritablement un honneur, aujourd'hui, pour notre gouvernement, de présenter ce projet de loi à l'Assemblée nationale, un projet de loi qui confirme en tous points la mise en oeuvre du régime québécois d'assurance parentale qui entrera en vigueur le 1er janvier 2006. Nous sommes d'autant plus heureux, M. le Président, qu'il s'agit d'une mesure éminemment favorable aux familles québécoises, qui bénéficieront d'un régime beaucoup plus adapté à leur réalité, un régime, nous en conviendrons tous, qui était fort attendu et demandé par la population québécoise depuis plusieurs années.

Ainsi, le 1er mars dernier, de nombreux groupes soulignaient, par voie de communiqué, le gain pour les familles et pour le Québec conclu par notre gouvernement. Permettez-moi, M. le Président, d'en citer quelques-uns. Le Regroupement pour un régime québécois d'assurance parentale, formé de groupes de femmes, d'organismes communautaires et familiaux et d'organisations syndicales, «salue enfin la conclusion de l'entente entre le gouvernement du Québec et celui du Canada sur les congés parentaux. Grâce à cette entente, les parents du Québec vont pouvoir bénéficier de congés de maternité parentaux adaptés à leurs besoins.»

Citons la Confédération des syndicats nationaux, par la voix de Mme Claudette Carbonneau, sa présidente, M. le Président, écoutons: «Il s'agit d'un grand jour pour les pères, les mères, la génération de demain. C'est avec une très grande joie que nous avons appris, aujourd'hui, la conclusion de l'entente fédérale-provinciale qui permettra l'instauration du régime québécois d'assurance parentale.» C'est en ces termes que s'exprimait Mme Diane Lavallée, la présidente du Conseil du statut de la femme, qui disait: «C'est une bonne nouvelle pour toute la société québécoise et en particulier pour les femmes qui sont concernées au premier chef.»

n(11 h 50)n

«Le nouveau régime québécois d'assurance parentale sera en vigueur le 1er janvier 2006. C'est fait! Après des années de négociations et surtout de mésententes ? de mésententes ? les gouvernements fédéral et provincial en sont finalement venus à un accord. Québec obtiendra d'Ottawa une somme de 750 millions pour financer la première année de son programme. Ce montant correspond à la somme versée annuellement aux Québécois par la caisse de l'assurance-emploi en prestations parentales et de maternité.» Et cette dernière citation, M. le Président, provenait de mamanpourlavie.com, qui est un portail Internet fantastique, entièrement québécois, au service des parents et futurs parents d'ici.

Le projet de loi que nous présentons aujourd'hui permettra de mettre en place l'un des éléments prioritaires de la politique de conciliation travail-famille de notre gouvernement, une politique pour la famille qui se veut rassembleuse et adaptée aux nouvelles réalités des familles, une politique qui vise à offrir aux femmes et aux hommes des conditions favorables pour l'exercice de leurs responsabilités familiales et professionnelles, par conséquent une politique qui s'articule autour de trois grands thèmes: le milieu familial, le milieu de travail et le milieu de vie.

Le développement de services de garde éducatifs, le soutien financier aux familles québécoises et la mise en oeuvre d'un régime québécois d'assurance parentale sont des mesures importantes touchant le milieu familial. Nous avons accompli en ce domaine, au cours des deux dernières années, des progrès énormes qui profitent aux femmes, aux hommes et aux enfants du Québec, des enfants qui représentent, ne l'oublions pas, l'une de nos plus grandes richesses. Notre gouvernement s'est engagé à compléter le développement du réseau des services de garde, et ce sera chose faite, M. le Président, en 2006, ce réseau qui comptera alors 200 000 places à contribution réduite.

L'an dernier, nous avons adopté des mesures de soutien à l'égard des familles, et nous parlons ici du Soutien aux enfants et de la Prime au travail, qui représentent une amélioration majeure dans l'aide aux familles québécoises et dans la lutte contre la pauvreté des enfants. Par ailleurs, nous sommes à finaliser l'élaboration d'une véritable politique de conciliation travail-famille qui vise, par des mesures concrètes, à permettre aux parents de concilier plus facilement leurs obligations professionnelles, personnelles et familiales. Et c'est tout à fait dans cette perspective-là, M. le Président, que le régime d'assurance parentale arrive à point.

La famille se trouve donc au coeur de nos préoccupations, il s'agit d'une priorité pour notre gouvernement. Les avancées faites en matière de services de garde, d'aide financière aux familles et d'assurance parentale en témoignent clairement. Il nous importe que les familles québécoises participent pleinement au développement ainsi qu'à la prospérité économique du Québec. Comme société, nous ne saurions compter sans elles pour créer de la richesse. Le marché du travail a besoin d'elles, de leurs compétences, de leur savoir-faire. En soutenant la famille comme nous le faisons, nous reconnaissons concrètement l'importance qu'elle doit avoir au sein de notre société, la place qu'elle doit y occuper et le rôle qu'elle doit jouer dans la réalisation du Québec de demain.

Le projet de loi que nous présentons aujourd'hui est le résultat des efforts que nous avons déployés pour permettre cette mise en oeuvre. Permettez-nous d'en rappeler les grandes étapes. En octobre 1996, le Québec signifie à Ottawa son intention de mettre en oeuvre son propre régime d'assurance parentale. En décembre 1996, Ottawa se déclare prêt à négocier avec le Québec. Plusieurs séances de négociations ont lieu, mais pourtant on n'y arrive pas à la signature finale. Trois points majeurs demeurent en litige et font achopper les négociations: l'imposition des prestations, le fonds de transition et la méthode de calcul de la réduction des taux de cotisation à l'assurance-emploi. Les négociations sont alors rompues. Cette impasse forcera le gouvernement du Québec à annoncer, le 4 août 1997, le report de la mise en oeuvre du régime.

En 1999, le gouvernement fédéral annonce son intention de bonifier le régime d'assurance-emploi au chapitre des prestations de maternité et prestations parentales. Ce régime bonifié entre en vigueur le 31 décembre 2000. Peu de temps après, une motion présentée par le député libéral Russell Copeman est d'ailleurs adoptée à l'unanimité par les membres de cette Chambre à l'effet de reprendre les discussions avec Ottawa. Mais cette résolution, cette motion ne réussit toutefois pas à dénouer l'impasse. Le Québec décide alors de contester en Cour d'appel du Québec la validité constitutionnelle des régimes de prestations de maternité et de prestations parentales, aux articles 22 et 23 de la Loi sur l'assurance-emploi. Le 27 janvier 2004, la Cour d'appel du Québec donne raison au Québec. En février 2004, Ottawa en appelle de la décision. La cause a été entendue le 11 janvier 2005, et bien sûr nous sommes en attente d'un jugement.

Mais, M. le Président, cette loi, elle a été adoptée à l'unanimité par cette Assemblée le 25 mai 2001, et c'est là le point de départ fondamental. Et, par ailleurs, disons-le entre nous très amicalement mais fermement, le précédent gouvernement, pour des raisons qui étaient bien au-delà de l'intérêt des familles québécoises, a effectivement été incapable de procéder à la signature de cette entente. Et, M. le Président, c'est pourquoi aujourd'hui je me lève dans cette Chambre avec beaucoup de fierté pour dire à quel point ce projet de loi, qui permettra la mise en vigueur du régime le 1er janvier 2006, ne peut être possible et n'a pu être possible que par un gouvernement qui a véritablement à coeur l'intérêt des familles québécoises, bien au-delà, M. le Président, d'un discours souverainiste qui a nui au Québec, et qui a particulièrement nui au Québec dans ce dossier de négociation pour en arriver à une entente au profit de tous.

Alors, M. le Président, cette loi qui institue le régime d'assurance parentale définit notamment les conditions d'admissibilité, les différents types de prestations, les conditions d'attribution et les modalités de paiement et de versement de ces prestations. De plus, elle confie au Conseil de gestion de l'assurance parentale la gestion du régime, ce qui veut dire que ce conseil a pour fonctions d'assurer le financement du régime, de proposer au gouvernement les règlements nécessaires à l'administration du régime, d'assurer le paiement des prestations versées en vertu de ce régime et de réaliser tout mandat que lui confie le gouvernement.

Selon cette loi, sont admissibles les personnes qui sont assujetties à une cotisation au régime québécois ou au régime d'assurance-emploi, les résidents du Québec, les personnes ayant un revenu supérieur à 2 000 $ et ayant connu un arrêt de rémunération tel que défini par le règlement du Conseil de gestion. Quatre types de prestations sont prévus: une prestation de maternité, une prestation de paternité, une prestation parentale et une prestation d'adoption.

Aujourd'hui, nous présentons le projet de loi modifiant la Loi sur l'assurance parentale, un projet de loi qui permettra de poursuivre les travaux de mise en oeuvre et qui découle directement de cette entente Canada-Québec signée le 1er mars dernier.

Les modifications contenues dans ce projet de loi touchent notamment l'administration du régime, qui sera confiée à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale et qui fera l'objet d'une entente entre le Conseil de gestion de l'assurance parentale et le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale.

Le projet de loi propose également la constitution du Fonds d'assurance parentale, dans lequel seront comptabilisées les sommes perçues et les dépenses engagées dans le cadre de la loi.

Enfin, plusieurs modifications sont introduites afin d'actualiser la loi et de l'harmoniser, lorsque c'est pertinent, avec l'ensemble des lois en vigueur.

Ce qu'il faut retenir, c'est que le choix des nouvelles dispositions repose sur la volonté d'offrir à la population du Québec un régime de prestations parentales, de maternité, de paternité et d'adoption plus avantageux, plus souple, adapté à la réalité des familles d'aujourd'hui et répondant à leurs besoins.

Rappelons-nous que dès le départ le régime a récolté de très nombreux appuis, je le mentionnais tout à l'heure. Il a fait l'objet d'un large consensus, à la fois politique et social. Je dois admettre qu'il a transcendé les considérations partisanes. Tous les partis l'ont effectivement appuyé dans l'intérêt supérieur des familles québécoises. À l'occasion du Sommet socioéconomique de novembre 1996, les employeurs se sont montrés favorables à la mise en place d'un tel régime. De la même façon, les organismes syndicaux et sociaux l'ont bien accueilli. Leur position a d'ailleurs été résumée par le Regroupement pour un régime d'assurance parentale, un regroupement qui est une coalition de 15 organisations représentant des travailleurs, travailleurs syndiqués, des non-syndiqués, des autonomes ainsi que des citoyennes et des citoyens préoccupés par les conditions de vie familiale. Tous les groupes ayant participé au Sommet du Québec et de la jeunesse, en 2000, ont réitéré l'importance pour le Québec de se doter d'un tel régime. Ils ont alors convenu d'appuyer fermement les démarches à cet effet.

n(12 heures)n

Ce consensus avec les partenaires nous apparaît, nous apparaissait et nous apparaît toujours très important, voire primordial. Nous avons donc voulu le maintenir et associer les partenaires aux décisions relatives au financement du régime. C'est pourquoi nous avons récemment contribué à la mise sur pied du Conseil de gestion de l'assurance parentale, qui est composé de ces représentants dont nous venons de parler. Et, après plusieurs années d'impasse, M. le Président, notre gouvernement a finalement repris ses négociations avec le gouvernement fédéral en 2004, et, à peine un an plus tard, M. le Président, nous avons réussi à signer cette entente, en mars 2005.

Les négociations menées par notre gouvernement nous ont aussi conduits à une signature avec des conditions nettement plus avantageuses. Et cette entente, qui marque une étape cruciale, demeure et demeurera une des pièces maîtresses de la politique familiale qui comporte des gains importants non seulement pour le Québec, mais surtout pour toutes les familles. Dès la première année de la mise en oeuvre, soit en 2006, le gouvernement du Québec se verra transférer la totalité des cotisations versées par les travailleuses et les travailleurs à la caisse de l'assurance-emploi au chapitre des prestations de maternité, parentales et d'adoption.

M. le Président, cela représente un montant annuel actuellement estimé à 750 millions de dollars. Ce montant sera annuellement majoré d'un minimum de 5 millions de dollars pour permettre au Québec de couvrir les coûts de gestion qu'il prendra en charge en lieu et place du gouvernement fédéral. Le gouvernement du Canada versera également au Québec un montant supplémentaire de 200 millions de dollars pour assurer une transition harmonieuse d'un régime à l'autre. Au total, cette entente représente un montant de près de 1 milliard de dollars pour la première année. C'est pourquoi, M. le Président, nous avons raison d'être fiers d'être le gouvernement qui a réussi à mettre de côté les animosités du gouvernement précédent et de réussir à signer cette entente.

Le régime québécois d'assurance parentale donc plus généreux, plus accessible, plus souple mais aussi une belle innovation: plus près du père. Plus accessible en ce sens que les travailleuses et les travailleurs autonomes y seront admissibles, tout comme les salariés qui ont cumulé un revenu assurable d'au moins 2 000 $. On estime que 10 000 personnes pourront bénéficier du régime québécois, alors qu'elles n'auraient pas bénéficié du régime fédéral. Plus généreux, car le revenu assurable maximal sera augmenté et les deux semaines d'attente seront abolies. Plus souple, puisque deux choix de congés seront offerts, l'un de 40, l'autre de 50 semaines. Plus près du père, dans la mesure où le régime québécois prévoit une prestation de paternité non transférable, ce qui représente un élément très novateur.

Des familles qui vont en bénéficier et qui, pour la plupart, devraient avoir recours au régime d'assurance-emploi pour obtenir des congés parentaux. Un régime d'assurance-emploi qui, à ce chapitre, n'était plus tout à fait adapté à notre société, surtout celle des familles québécoises. En fait, le régime québécois est également une réponse à la transformation profonde que connaît le marché du travail et qu'il continuera de connaître au cours des prochaines décennies. Pensons d'abord à l'augmentation des femmes en emploi au Québec. Le taux d'activité des mères de 20 à 44 ans ayant des enfants de moins de six ans est passé de 30 % à 69 % entre 1976 et 2000. Cette tendance devrait d'ailleurs s'accentuer au cours des prochaines années où le taux d'activité des femmes est déjà plus élevé dans certains autres pays.

Pensons à la croissance du travail atypique, en particulier du travail autonome, du travail à temps partiel, des phénomènes qui touchent davantage les jeunes en âge d'avoir des enfants. Mentionnons en outre que, parmi les emplois créés au Québec entre 1975 et 1995, 73 % et plus étaient des emplois atypiques, et cette tendance continue. La problématique de conciliation des responsabilités parentales et professionnelles donc touche de plus en plus de familles. Nous nous devions, comme société et comme gouvernement, de mettre en oeuvre un tel régime. En fait, je vous dirais, M. le Président, ce qui est intéressant, c'est qu'il est réellement adapté à la réalité du XXIe siècle.

Contrairement au régime d'assurance-emploi, il est accessible, aujourd'hui, à la plupart des mères. En effet, en vertu du régime fédéral, environ 50 % des mères qui accouchent ou adoptent un enfant ne reçoivent aucune prestation soit parce qu'elles n'ont pas travaillé suffisamment d'heures, soit parce qu'elles sont des travailleuses autonomes ou qu'elles sont absentes du marché du travail. Alors, le régime facilite l'admissibilité, couvre les travailleuses et les travailleurs autonomes et offre un taux de remplacement supérieur qui permet aux parents de choisir entre deux options de congés, selon ce qui convient le mieux à leur situation.

Le régime québécois d'assurance parentale, on peut l'affirmer haut et fort, il est unique en Amérique du Nord, il est des plus modernes, il s'inscrit carrément dans notre époque. Et, pour cause, la prestation électronique de services constituera le mode de transaction privilégié. C'est par Internet que les familles pourront faire leurs demandes de prestations et effectuer les transactions relatives à leurs dossiers d'assurance parentale. Les services leur seront donc accessibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Elles pourront les utiliser au moment qui leur conviendra le mieux. Et ce nouveau mode de transaction, M. le Président, reflète la volonté de notre gouvernement de moderniser les façons de faire en offrant notamment des services en ligne à la population du Québec et en accélérant l'implantation de ces services en ligne. Bien entendu, nous tiendrons compte des besoins et des préférences de l'ensemble des citoyennes et citoyens, qui ne sont pas toutes ou tous acquis aux nouvelles technologies de l'information et des communications. C'est pourquoi d'autres modes de transaction seront offerts, entre autres la téléphonie.

À cet effet, nous avons récemment annoncé la mise en place, en Abitibi-Témiscamingue, d'un centre de services à la clientèle. Les membres du personnel de ce centre, une soixantaine de personnes provenant majoritairement de cette région, fourniront, par téléphone, l'information ou l'assistance dont la population pourrait avoir besoin. Le choix de l'Abitibi-Témiscamingue pour la mise en place de ce service à la clientèle est une preuve concrète de l'engagement de notre gouvernement à appuyer les initiatives qui sont sources d'emploi et de développement socioéconomique pour les régions. Les régions doivent aussi participer à la création de richesse. En somme, le régime d'assurance parentale est adapté non seulement à la réalité économique et sociale des familles québécoises, mais aux nouveaux modes de transaction utilisés par les plus jeunes générations.

Maintenant que l'entente Canada-Québec est conclue, est signée, notre priorité est donc sa mise en oeuvre prévue pour le 1er janvier 2006. Pour procéder à cette mise en oeuvre, certaines modifications doivent être apportées à la Loi sur l'assurance parentale, et ces modifications ont trait notamment à la prise en charge de l'administration du régime par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, à la création d'un fonds fiduciaire appelé Fonds d'assurance parentale et à l'évolution du droit depuis la sanction de la loi en 2001. Alors, la Loi sur l'assurance parentale, telle qu'adoptée en 2001, confie l'administration du régime à la Régie des rentes du Québec. Nous proposons plutôt de la transférer au ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale parce que ce ministère dispose à la fois des ressources et de l'expertise nécessaires pour cette mise en oeuvre.

Étant donné l'importance des sommes qui seront affectées au régime, sommes qui résulteront de la contribution de l'ensemble des cotisants, il nous apparaît essentiel de nous assurer qu'elles seront utilisées aux seules fins du régime. Ainsi, nous proposons de constituer le Fonds d'assurance parentale dans lequel seront comptabilisées les sommes perçues et les dépenses engagées dans le cadre de la Loi sur l'assurance parentale. Nous suggérons également de revoir les fonctions et pouvoirs du Conseil de gestion de manière à ce qu'il administre, en qualité de fiduciaire, le Fonds d'assurance parentale. Le Conseil de gestion de l'assurance parentale, rappelons-le, est composé de représentants de travailleurs salariés et autonomes, des employeurs et du gouvernement. Récemment mis sur pied, le conseil est responsable de la gestion du régime, il voit à son financement ainsi qu'à l'élaboration de la réglementation soutenant l'application de la loi.

n(12 h 10)n

Le régime d'assurance parentale ? on l'a dit plusieurs fois, mais il faut le répéter, M. le Président ? est un véritable régime d'assurance. Donc, un régime d'assurance est financé par les cotisants qui sont, dans ce cas-ci, les patrons, les employés, représentés à travers les syndicats, et les travailleurs autonomes, ce qui signifie que ce régime est autonome, indépendant du gouvernement et est géré par des personnes responsables représentant ces mêmes patrons, syndicats et travailleurs autonomes. Ce régime devra donc s'autofinancer et être traité comme une caisse d'assurance. Il y a une volonté claire, M. le Président, de notre gouvernement de faire en sorte que, pour qu'il soit indépendant et parce que nous ne voulons pas répéter l'erreur qui s'est passée au programme d'assurance-emploi... Nous ne voulons pas que, s'il y a des surplus, ce soit le gouvernement qui les utilise, M. le Président. Nous voulons que ce régime ait tout à fait sa légitimité et que ce soient les gens qui en sont responsables qui en déterminent les modalités et comment il doit être réparti à l'ensemble des partenaires qui cotisent à ce régime d'assurance parentale. Nous remettons les responsabilités là où elles doivent être.

Par ailleurs, le respect de l'Entente Canada-Québec sur le régime suppose certaines modifications, et celles-ci sont à l'effet de verser des prestations aux personnes qui adoptent un enfant majeur ou l'enfant de leur conjoint et de donner au Conseil de gestion la possibilité de tenir compte, dans sa méthode de calcul, du revenu hebdomadaire moyen de certaines clientèles dont les revenus sont fluctuants.

En somme et en conclusion, l'objectif que poursuit notre gouvernement est d'offrir un régime mieux adapté à la réalité actuelle, mais aussi d'en faciliter l'accès au plus grand nombre. Il nous importe de veiller à ce que les parents du Québec puissent remplir leurs obligations professionnelles et familiales dans les meilleures conditions possible et assurer ainsi le plein épanouissement de leurs familles. Nous nous devons de mettre à la disposition des familles québécoises des moyens facilitant la conciliation travail-famille, car nous voulons qu'elles participent pleinement à la société, à son développement ainsi qu'à sa prospérité économique, qu'elles contribuent, elles aussi, à réaliser le Québec de demain.

Nous avons à coeur de permettre aux enfants de jouir un peu plus longtemps de la présence de leurs parents. De cette manière, nous pensons leur offrir de meilleures chances de bien commencer dans la vie et favoriser leur développement harmonieux, car, nous le savons, la période entourant la naissance ou l'adoption d'un enfant est cruciale pour établir les liens d'attachement entre l'enfant et les parents.

En considération de ce qui précède, nous recommandons l'adoption du principe du projet de loi n° 108, Loi modifiant la Loi sur l'assurance parentale et d'autres dispositions législatives, et nous sollicitons, au nom de tous les futurs parents du Québec, l'appui de tous les membres de cette Assemblée pour que ce régime puisse enfin voir le jour dès le 1er janvier prochain. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous remercie, Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Je reconnais maintenant le député de Vachon.

M. Camil Bouchard

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je veux signifier à l'ensemble des membres de cette Assemblée que l'opposition officielle se montrera en accord avec le principe de la loi n° 108 et que nous ferons tout en notre pouvoir pour faire en sorte qu'effectivement le régime d'assurance parentale, célébré avec tant d'enthousiasme par ma collègue ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, que ce nouveau régime puisse être mis en vigueur dès le 1er janvier 2006. Ce ne sera pas trop tôt, M. le Président, ce sera quasiment la célébration d'une décade de guérilla judiciaire et de batailles rangées avec un gouvernement fédéral qui montrait toute sa mauvaise foi dans un dossier qu'il a d'ailleurs perdu à plate couture au niveau judiciaire.

M. le Président, Mme la ministre me permettra de lui indiquer que sa façon de raconter l'histoire autour de ce dossier témoigne à la fois de narcissisme politique et de restriction mentale. Il y a une très grande période qui a été escamotée par Mme la ministre dans son compte rendu historique du développement de ce dossier, à savoir la période entre le 19 décembre 2001, à partir du moment où le Conseil des ministres d'alors décidait de confier au Procureur général le mandat de contester, en Cour d'appel du Québec, la validité constitutionnelle des régimes de prestation de maternité et de prestation parentale dans la Loi de l'assurance-emploi du Canada, donc, à partir de cette date, 19 décembre 2001, jusqu'à cette date que nous célébrerons, j'espère, tous les ans pour nous rappeler de la victoire du Québec en Cour d'appel, le 27 janvier 2004, où la Cour d'appel donnait raison au Québec sur quatre questions principales que posait le Québec à ce moment-là. La ministre n'a pas fait, je pense, un travail d'histoire transparent et objectif en omettant cette partie importante du parcours que l'on a dû consentir vers éventuellement le dénouement qu'on a connu dernièrement.

M. le Président, vous savez très bien que, dans le livre blanc de la politique familiale de 1997, cette intention de créer un régime d'assurance parentale amélioré était extrêmement claire. Vous savez bien aussi que, le 25 mai 2001, cette Assemblée, de façon unanime, a appuyé, adopté un projet de loi, celui sur l'assurance parentale, dont on reconnaît, des deux côtés de la Chambre, désormais les vertus. Ce à quoi fait référence la ministre dans sa description très positive des avantages du nouveau régime, ce sur quoi elle jette un regard aujourd'hui enthousiaste, ce n'est pas d'autre chose que le projet de loi qui a été adopté sous l'ancien gouvernement, le 25 mai 2001, et qui n'a pas pu être mis en application étant donné l'entêtement du gouvernement fédéral, M. le Président.

Et dans le fond ce qui s'est passé, c'est que le gouvernement actuel, qui se targue d'avoir résolu le problème et d'avoir abandonné une approche d'animosité, nous dit la ministre, pour pouvoir adopter une approche de conciliation et de concertation avec le fédéral... Ce que la ministre ne nous dit pas, c'est que nous avions procuré à ce gouvernement un outil fantastique, celui d'une décision de la Cour d'appel qui disait quatre fois, pas trois, pas deux, pas une, quatre fois que le gouvernement fédéral outrepassait ses compétences et brimait celles du Québec en la matière. Alors, le gouvernement actuel avait cela dans les poches pour se présenter à Ottawa et terminer la négociation. Le fruit était mûr, M. le Président.

Alors, quand la ministre oublie cette importante période, je lui demande, M. le Président, comment on appelle cela, sinon un exercice de narcissisme politique et de restriction mentale qui n'a rien d'honorable envers les efforts qu'ont faits tous les parlementaires dans ce dossier de revendication auprès d'Ottawa.

M. le Président, non seulement ce gouvernement a-t-il profité d'un jugement positif à l'égard des revendications du Québec, mais en plus ce gouvernement a profité qu'il avait en face de lui un gouvernement minoritaire qui était prêt à céder étant donné sa fragilité et un gouvernement qui allait devoir se présenter éventuellement et très rapidement devant l'électorat. Processus judiciaire gagnant pour le Québec, un gouvernement minoritaire en face, et on se dit et on se le fait dire aujourd'hui, M. le Président, que c'est le gouvernement précédent qui avait manqué à ses devoirs, en invoquant la souveraineté comme étant la mère de tous les maux, M. le Président. Ce n'est pas cela du tout.

Le Québec a fait des représentations que n'importe quelle autre juridiction provinciale du Canada aurait pu faire et gagner dans les circonstances, en demandant à une cour d'appel de statuer sur la constitutionnalité des dispositions de l'assurance-emploi du gouvernement fédéral en vertu de sa capacité d'intervenir dans un champ de compétence québécois. Et nous l'avons gagné au profit du gouvernement ultérieur, et c'est tant mieux pour la population du Québec, c'est tant mieux pour les parents du Québec, c'est tant mieux pour nous toutes et pour nous tous, mais qu'on ne vienne pas nous dire que cela dépend d'une stratégie souverainiste à l'opposé d'une stratégie fédéraliste. Jamais, M. le Président. Il s'agissait d'une stratégie de reconnaissance des droits les plus fondamentaux du peuple québécois et de ce gouvernement, de ce Parlement, de cette Assemblée nationale.

n(12 h 20)n

Alors, M. le Président, j'avais besoin de faire cette mise au point parce que quelque part, si nous voulons travailler ensemble, l'opposition et le gouvernement, sur ce dossier, il nous faut, je pense, reconnaître les bons coups que l'un et l'autre auront pu accomplir tout au long de ce cheminement, tout au long de cette trajectoire. Nous ne nions pas qu'il y a eu, durant les derniers mois, des négociations fructueuses avec le fédéral, mais il faut reconnaître par ailleurs qu'elles n'auraient pu être fructueuses, ces négociations, M. le Président, n'eût été de la bataille qui a été livrée durant de très nombreuses années et qui d'ailleurs, durant toute cette période... Je vous le rappelle, M. le Président, l'entêtement du gouvernement fédéral a empêché des centaines de milliers de parents ? dont mon collègue de droite ? d'avoir accès à un régime d'assurance parentale amélioré.

Alors ça, M. le Président, il faut le rappeler. C'est ça, le fédéralisme dysfonctionnel dont se vante la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale et auquel elle a tant d'attachement. C'est ça, M. le Président, et il y a beaucoup de dossiers dans lesquels on arrive à cette espèce d'entêtement du gouvernement fédéral à ne pas pouvoir reconnaître un simple droit constitutionnel qui, à sa face même, est évident.

La preuve, M. le Président, c'est que l'entente dans le fond, ce qu'elle fait, là, c'est qu'elle reconnaît que le Québec a le droit d'exercer des cotisations fiscales, hein, dans le terme qu'on les connaît maintenant, auprès des travailleurs, des travailleuses et des employeurs pour pouvoir créer un régime d'assurance parentale qui est reconnu en même temps, même si la ministre dit le contraire dans certaines entrevues, comme un programme social. Et, si ça n'avait pas été un programme social, M. le Président, nous n'aurions pas gagné en Cour d'appel. C'est parce que c'en était un que nous avons gagné.

Alors, lorsque la ministre affirme que quelque part voilà un régime d'assurance auquel vont cotiser seulement les travailleurs, les travailleuses et les employeurs parce que c'est un régime d'assurance et non pas un programme, elle nous tire dans le pied et elle plaide en faveur du fédéral qui maintenant conteste la décision de la Cour d'appel en Cour suprême. Alors, M. le Président, je demande à la ministre d'être extrêmement prudente dans ses conclusions d'analyse politique à cet égard-là parce que ça a des conséquences juridiques importantes, M. le Président, ça a des conséquences même rétroactives éventuellement sur notre capacité de mettre en oeuvre ce fameux programme le 1er janvier 2006. Il faut être prudent, M. le Président.

Ceci étant dit, je répète, nous allons appuyer le principe parce que nous pensons que c'est un excellent régime que l'Assemblée nationale a adopté en vertu de la loi du 25 mai 2001. Et nous pensons que la loi n° 108 va permettre éventuellement d'activer ce régime au profit du plus grand nombre de pères et de mères du Québec.

Cependant, M. le Président, vous savez très bien, la loi n° 108 va modifier un très grand nombre de lois, je pense que la ministre le reconnaît: la Loi sur les accidents de travail, la Loi sur l'administration financière, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi sur les normes du travail, la Loi sur le régime des rentes du Québec, la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, la Loi sur l'assurance parentale elle-même et la Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels. Alors, ce n'est pas un projet de loi insignifiant. Essentiellement, oui, c'est vrai, il y a plusieurs facettes de changements qui sont proposés qui sont de dimension technique, mais ces changements ont quand même des portées quelquefois fondamentales.

Alors, M. le Président, nous aurons l'occasion d'abord ? et je reconnais la collaboration de la ministre à cet égard et du leader parlementaire qui ont bien voulu ouvrir une journée de séance en consultations particulières ? nous aurons l'occasion de discuter à la fois du principe et de certains éléments plus spécifiques en mode de consultations particulières avec les partenaires qui sont convoqués pour le 2 juin prochain.

Cependant, il y a un certain nombre d'éléments aussi que l'on va ? si vous permettez, M. le Président ? devoir examiner plus attentivement, en commission parlementaire, lorsque nous serons à l'examen article par article. À titre d'exemple, premièrement, par exemple, lorsqu'on supprime le mot «mineur» au paragraphe 3° de l'article 2 de la loi, ce que ça a comme conséquence, c'est que ça semble vouloir permettre aux parents qui adopteraient un enfant majeur l'accès à des prestations d'adoption, alors que les interventions de la ministre jusqu'à maintenant n'ont pas été extrêmement sympathiques aux revendications des parents adoptifs de jeunes enfants. Alors, il y aurait comme deux classes, là, de parents adoptifs, et sans doute qu'on aura l'occasion de discuter de cette dimension extrêmement importante, M. le Président, de l'application du régime parental. Ça concerne, bon an, mal an, 850 à 900 familles.

Deuxièmement, il y a deux mois, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale affirmait que les mères qui recevraient des prestations fédérales de maternité au 1er janvier verraient ces prestations-là bonifiées dans le cadre de la nouvelle assurance... programme d'assurance parentale. On sait que l'article 10 du projet de loi affirme le contraire. La ministre, je pense, à deux reprises, a admis son erreur d'interprétation lorsqu'elle a émis ce commentaire, je pense, à chaud dans des entrevues télévisées, mais reste que l'espoir a été créé chez de nombreuses mamans et de nombreux pères. Il va falloir revenir là-dessus, j'imagine, M. le Président.

On se questionne également sur toute la question de l'article 23 du projet de loi ? et je vois la ministre qui prend des notes, et c'est de bonne guerre, parce qu'on fait l'inventaire sans doute d'un certain nombre de dimensions importantes, là ? qui stipule ce qui suit: «Le ministre peut déduire des prestations payables en vertu de la présente loi le montant qui lui est remboursable en vertu de l'article 102 de la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale.» Alors, on devrait comprendre, j'imagine, là, que, si une personne a un compte en souffrance au ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, sa prestation provenant du régime québécois d'assurance parentale serait coupée d'autant. Alors, M. le Président, je pose cela comme hypothèse d'interprétation. On verra en séance ce qu'il en est vraiment.

Quatrième item, l'article 88 du projet de loi, qui semble créer une brèche et un affaiblissement au programme de maternité sans danger, toute la question du retrait préventif, je ne rentrerai pas dans le détail, M. le Président, nous aurons l'occasion de revenir là-dessus, mais je signale à la ministre que ça pose un certain nombre de problèmes.

Cinquièmement, il y a une multitude d'articles qui effectivement concernent la transmission d'informations confidentielles, et parfois même sans le consentement de la personne, selon la lecture que l'on fait du projet de loi. Je pense qu'il va falloir revenir là-dessus également.

Il y a toute la question des cotisations pour le manque à gagner dans le financement du programme. La ministre faisait état tantôt d'un formidable résultat dans la négociation, mais finalement, tout compte fait: à peu près 750 millions de dégagement de cotisations; on ajoute à cela les gains dus au fait que les revenus qui sont cotisables, le plafond est élevé, donc on rajoute un certain nombre de millions dans les revenus; on ajoute à cela aussi un certain nombre de millions qui vont venir du fait qu'on cotise auprès des travailleuses et des travailleurs autonomes désormais. Sauf que la ministre doit retourner à Ottawa entre 350 millions ou 375 millions, d'ici la fin de l'année fiscale 2007, dû au fait que le fédéral, durant l'année courante, va continuer à offrir les primes aux parents qui se sont engagés dans l'ancien programme, et le fédéral a demandé d'être remboursé, à la fin de cette période, sur une durée, une étendue de temps dont on discutera en commission parlementaire, M. le Président.

Mais il y a un manque à gagner, et le manque à gagner semble, aux yeux de la ministre, représenter une augmentation des cotisations strictement chez les travailleurs, travailleuses et les employeurs. Nous évoquerons l'idée, je pense, importante du fait que, comme le gouvernement, à titre d'employeur, fait aussi des économies dans le cadre de ce nouveau régime ? et nous nous en expliquerons, là, des mécanismes qui font qu'il y a des économies de ce côté-là ? nous pensons que le gouvernement pourrait s'installer comme partenaire dans le financement de ce nouveau fonds et ne pas laisser seuls les travailleurs, les travailleuses et les employeurs relever ce formidable défi qu'est le défi démographique, M. le Président.

Et, septièmement, nous réfléchissons aussi à la possibilité de proposer des amendements relatifs à la reddition de comptes, notamment en ce qui concerne le rôle du directeur général en la matière.

Alors, M. le Président, voilà pour l'essentiel des remarques de l'opposition. Encore une fois, je réitère notre collaboration la plus sentie à la ministre quant à l'objectif qu'elle se fixe d'adopter le projet de loi pour qu'il soit mis en vigueur le 1er janvier 2006. Mais je réitère aussi mon invitation à la ministre de corriger son livre d'histoire. Merci.

Le Vice-Président (M. Cusano): Alors, merci, M. le député de Vachon. Alors, est-ce que...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): Oui, madame...

Une voix: ...

n(12 h 30)n

Le Vice-Président (M. Cusano): Ah bon! Alors, il n'y a pas d'autre intervenant? Alors, vous pouvez exercer votre droit de réplique, Mme la ministre.

Mme Michelle Courchesne (réplique)

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. D'abord, d'emblée, M. le Président, je prends bonne note de l'offre de collaboration du député de Vachon et de l'opposition officielle. Je comprends certainement qu'il a à coeur avec nous de travailler dans l'intérêt des familles québécoises. Mais, M. le Président, vous comprendrez que je ne peux m'empêcher de revenir, moi aussi, sur les faits historiques qu'il a soulignés et de lui dire, en toute bonne guerre, que, quand on ose parler de narcissisme politique et de restriction mentale, je l'invite à la prudence parce que, lorsque j'écoute ses propos, M. le Président, je trouve que, de ce côté-là de la Chambre, particulièrement dans le dossier de l'assurance parentale, il a utilisé les mêmes concepts. Et je pourrais utiliser les mêmes termes pour décrire un peu sa présentation à l'égard du fait qu'il se cache derrière une soi-disant guérilla judiciaire, M. le Président. Je pense qu'au-delà de litiges qui peuvent être débattus devant les tribunaux, M. le Président, quand on n'a que la souveraineté et l'intention de se séparer du gouvernement avec lequel on veut négocier, M. le Président, bien je ne pense pas que ça crée un climat favorable pour, entre autres, faire ce que nous avons fait, c'est-à-dire aller chercher 200 millions de dollars pour l'année de transition.

Ça, M. le Président, dans les cartons du gouvernement précédent, on n'avait pas prévu de montant de transition pour démarrer ce fonds d'assurance pas plus qu'on ne se souciait, M. le Président, des coûts de gestion annuels qu'entraînait ce régime d'assurance. Et donc on sait, M. le Président, combien, dans bon nombre de dossiers du gouvernement précédent, les coûts de gestion étaient plutôt une quantité négligeable.

Donc, nous sommes contents. Dans ce climat de concertation et de conciliation sans animosité, nous avons réussi à aller chercher, sur le plan financier, M. le Président, des gains qui sont fort appréciables. Par ailleurs, j'apprécie le fait que le député de Vachon nous donne, dès ce matin, dès ce matin, oui, la description des items et des éléments, les articles sur lesquels il a l'intention de questionner le gouvernement, et donc j'apprécie effectivement cette collaboration.

En terminant, M. le Président, je souhaite, parce que j'ai écouté attentivement le député de Vachon, je souhaite sincèrement que ce débat que nous allons amorcer suite aux consultations particulières que nous aurons se fasse aussi au-dessus de toute partisanerie, parce que, là où je suis d'accord avec lui, l'adoption de cette loi-là doit avoir un seul objectif, et cet objectif doit être le seul guide de nos travaux parlementaires, c'est-à-dire l'intérêt de l'ensemble des familles québécoises, parce que, ces enfants de demain, M. le Président, nous en avons bien besoin pour assurer la prospérité économique, sociale et culturelle du Québec. Et c'est dans cet esprit que je peux vous assurer de mon entière collaboration. Merci.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Cusano): Alors, merci, Mme la ministre. Le principe du projet de loi n° 108, Loi modifiant la Loi sur l'assurance parentale et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cusano): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. M. le Président, auriez-vous la gentillesse de prendre en considération l'article 7 de notre feuilleton, s'il vous plaît?

Renvoi à la Commission des affaires sociales

Pardon, dans un premier temps, je vais vous demander de référer, sur le projet de loi antérieur, à la Commission des affaires sociales, le déférer là pour étude détaillée avant d'appeler l'article 7.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Cusano): Alors, cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Mulcair: À ce moment-là, M. le Président, je vous demanderais de considérer l'article 7 de notre feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 102

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Cusano): À l'article 7, Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale propose l'adoption du principe du projet de loi n° 102, Loi concernant le financement de certains régimes de retraite. Mme la ministre.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, je présente à l'Assemblée nationale le projet de loi n° 102 qui concerne les mesures temporaires en matière de financement des régimes de retraite à prestations déterminées.

Cette législation encadre 950 régimes privés de retraite qui comptent 1 million de participants, des mesures temporaires pour alléger le financement des régimes de retraite à prestations déterminées bien sûr, parce que la situation est préoccupante et elle nous amène à proposer de telles mesures pour aider les employeurs à traverser la période difficile qu'ils ont à vivre depuis quelques années. Elles visent à alléger dans l'immédiat le fardeau financier que leur impose le régime de retraite à prestations déterminées et qui pour plusieurs est devenu critique. Ce faisant, elles visent ultimement à favoriser le maintien de ces régimes et à assurer la sécurité des prestations de leurs participants. Plusieurs employeurs assument ces responsabilités à l'égard de la retraite de leurs employés au moyen donc d'un régime de retraite à prestations déterminées, et rappelons que ce type de régime détermine à l'avance le montant de la rente de retraite qui sera versée au participant. Nous considérons que ce type de régime de retraite contribue efficacement à maintenir le niveau de vie du travailleur au moment de la retraite. Cependant, dans un tel régime, en plus de sa cotisation, l'employeur a aussi la responsabilité d'y injecter des sommes additionnelles si le régime devient en déficit. Il assume donc un risque financier à l'égard de son régime.

Depuis 2001, le contexte entourant les régimes s'est profondément modifié. La chute des marchés boursiers et des taux d'intérêt ont affecté la santé financière de ces régimes. La situation est préoccupante. Nous devons l'admettre et nous devons y faire face. En 2003, la lecture de la santé financière des régimes de retraite faite par la Régie des rentes du Québec a montré que 70 % des régimes n'auraient pu verser toutes les prestations promises s'ils avaient dû faire face à toutes leurs obligations au 31 décembre 2002, et la situation n'a pas beaucoup changé depuis, ce que confirment les rapports émanant de diverses sources du milieu de la retraite. Les cotisations aux régimes de retraite sont devenues très importantes pour nombre d'entreprises, en particulier lorsqu'on inclut les paiements additionnels requis pour amortir les déficits de solvabilité. Ainsi, le poids financier des régimes s'est accru, et le niveau élevé des cotisations peut dans certains cas mettre en péril l'existence même de l'entreprise. Alors, face à cette situation, les employeurs réclament des assouplissements aux dispositions de la loi liés au financement des régimes afin de les aider à traverser cette période plus problématique. Considérant qu'il y a urgence dans certains cas, il est impératif de mettre rapidement en place les mesures temporaires qui permettront une transition d'ici à ce qu'un nouveau cadre de financement adapté aux nouvelles réalités des régimes fasse l'objet d'un consensus et soit adopté.

Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui contient des allégements à court terme applicables pendant cinq ans, qui permettront de stabiliser la situation financière des régimes pour faire face à la conjoncture actuelle. Le fardeau du financement des régimes de retraite sera ainsi à court terme moins lourd pour les entreprises, et il est fort attendu par ces mêmes entreprises. Plus précisément, le projet de loi prévoit que l'employeur pourra se prévaloir de l'une ou l'autre des mesures d'allégement suivantes à partir de la première évaluation actuarielle du régime réalisée après le 30 décembre 2004.

La première mesure d'allégement permettra de consolider le déficit de solvabilité, c'est-à-dire de combiner les déficits de solvabilité antérieurs et le nouveau déficit pour ensuite ajuster les paiements d'amortissement en fonction du nouveau déficit de solvabilité consolidé. Cette mesure est exceptionnelle. L'objectif est de permettre aux entreprises de bénéficier de l'allégement mais sans compromettre la sécurité des prestations des travailleurs, M. le Président. C'est une préoccupation fondamentale, importante et que nous devons constamment avoir en tête lorsque nous travaillons dans le cadre de modifications à ces régimes, c'est-à-dire la sécurité des revenus que nos travailleurs ont investis dans leur régime de retraite, et qu'ils sont en droit de pouvoir utiliser, et surtout qu'ils sont en droit de profiter au terme d'une vie fort active.

La seconde mesure allège les exigences d'amortissement des déficits de solvabilité consolidés. Pendant les cinq premières années, il sera permis de verser des paiements correspondant à ceux qui auraient été requis si la période d'amortissement avait été de 10 ans. Cet allégement sera permis si l'une des conditions suivantes est remplie: obtenir une garantie conforme pour couvrir la partie du déficit non remboursée pendant ces cinq ans. La garantie devra comporter un niveau de sûreté élevé, comme par exemple une lettre de crédit ou une garantie tangible, être à l'extérieur de la caisse et être disponible en cas de terminaison du régime; obtenir le consentement des participants actifs et du groupe des retraités bénéficiaires et participants non actifs, le consentement étant considéré acquis si moins de 30 % de chacun de ces groupes s'y opposent. Dans ce cas, il ne sera pas permis d'apporter des améliorations au régime à moins de les payer comptant. À noter que, comme elles ont un risque moindre de faire faillite, les municipalités et les universités peuvent se prévaloir de cette seconde mesure sans avoir à remplir ces conditions.

n(12 h 40)n

La troisième mesure proposée vise à assurer que des bonifications au régime ne viennent pas détériorer la situation financière des régimes déjà en déficit. Elle fixe des exigences concernant la façon de calculer le coût d'une amélioration et la durée de son amortissement. Ainsi, une amélioration devra être évaluée selon le mode de calcul le plus onéreux de capitalisation ou de solvabilité, être amorti pendant cinq ans pour un régime en déficit ou 15 ans s'il est solvable. Je tiens à insister sur l'importance d'accorder certains assouplissements législatifs à court terme et de façon temporaire, pour alléger le fardeau financier que représentent, pour certains employeurs, les régimes à prestations déterminées actuellement en déficit de solvabilité. Sans mesure d'allégement, le contexte difficile actuel pourrait amener plusieurs employeurs à mettre fin à leur régime ? et ce n'est certainement pas ce que nous souhaitons ? ou à le transformer en un régime moins généreux, pas non plus souhaitable.

Sans ce projet de loi sur les mesures temporaires, des règlements d'exception, au cas par cas, risqueraient d'être requis pour aider certains régimes en difficulté. Leur adoption aurait des effets moindres, car cela exigerait des délais importants en plus de réduire l'aide ainsi apportée, car les règlements ne peuvent pas avoir d'effet rétroactif. Ce que nous visons avec ces mesures, c'est que le régime de retraite à prestations déterminées puisse continuer à assurer pleinement le rôle de complément au programme public. Pour y arriver, il faut à la fois les aider à traverser cette période difficile et leur fournir des solutions viables à long terme.

Les mesures que nous proposons aujourd'hui vont permettre des assouplissements sans compromettre à long terme la protection des prestations ou du moins, si un tel risque subsiste, en s'assurant que les parties intéressées soient consultées. Nous y avons veillé notamment en prévoyant certaines conditions pour que l'employeur puisse alléger les paiements du déficit, la mesure 2, comme celle d'obtenir une garantie ou sinon l'obtention du consentement des participants et des bénéficiaires du régime.

M. le Président, je souhaite donc obtenir la collaboration de tous les parlementaires pour adopter rapidement ce projet de loi... Je m'excuse.

Le Vice-Président (M. Cusano): Je me permets de vous donner un peu de temps pour prendre quelques gorgées d'eau, oui. Ça va?

Mme Courchesne: Oui, ça devrait aller. Merci de votre compréhension. Il permettra aux régimes en difficulté de remplir leurs obligations d'ici à ce que la situation se rétablisse et que nous puissions leur offrir des solutions permanentes avec l'accord de tous les intervenants concernés du domaine des régimes de retraite.

Nous devons entretenir cet élément important de notre système de protection du revenu à la retraite que sont les régimes complémentaires de retraite, et je crois que, comme ils jouent un important rôle dans la source majeure du revenu à la retraite, bien c'est d'autant plus important, M. le Président, que, dans un contexte de vieillissement de la population, il est tout à fait de notre devoir, de notre responsabilité de prendre les moyens pour sécuriser l'avenir économique des retraités.

Et, M. le Président, ce projet de loi va tout à fait dans la lignée de ce que nous avons déclaré au Forum des générations où nous avons fortement insisté sur l'importance de nos aînés dans notre société, sur la reconnaissance que nous devons poursuivre auprès de ces travailleurs et travailleuses qui ont contribué à construire un Québec moderne, un Québec prospère et qu'il est tout à fait logique, cohérent, dans nos actions, de s'arrêter et d'apporter ces modifications pour sécuriser ces revenus, pour donner espoir à ces hommes et ces femmes qui de bonne foi, toute leur vie active, ont contribué et qui, malheureusement, dans certains cas ont des mauvaises surprises à la toute fin de cette vie active.

Alors, c'est avec non seulement fierté, M. le Président, mais je veux souligner que nous ne laisserons pas tomber ces hommes et ces femmes pour qui nous avons un profond respect, qui méritent notre admiration et notre reconnaissance. Et c'est dans ce sens-là que ce projet de loi, M. le Président, quoique technique, demeure extrêmement important pour un grand, grand nombre de notre population et, je dirais, pour aussi les retraités futurs qui pourront voir l'avenir avec beaucoup plus de sécurité et d'espoir, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous remercie, Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Je reconnais maintenant Mme la députée de Mirabel.

Mme Denise Beaudoin

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Alors, c'est avec plaisir que j'interviens, aujourd'hui, pour l'adoption de principe du projet de loi n° 102, Loi concernant le financement de certains régimes de retraite, à titre de porte-parole pour l'opposition officielle en matière de régime de rentes et de retraite.

Je voudrais d'abord dire à Mme la ministre qu'elle aura toute notre collaboration comme par le passé, puisque j'ai eu personnellement le privilège d'assister à plusieurs consultations, que ce soit au niveau de la CARRA, au niveau du régime des rentes, et elle aura également notre collaboration concernant ce projet de loi.

Avant de parler du fonds, parce qu'on a quand même certaines interrogations, j'aimerais quand même faire un bref historique sur les projections démographiques au Québec parce que c'est relié, quand même. C'est très inquiétant parce qu'au Québec ? ce n'est pas un secret pour personne ? vous savez qu'il y a de plus en plus d'aînés. Et ce n'est pas ça qui est le problème, mais c'est avec la rapidité avec laquelle s'effectue ce changement démographique. Alors, il faut s'adapter. Et je regardais les statistiques. Puis c'est important, là, pour que la population soit au courant, que, selon le Bureau de la statistique du Québec, si on regarde les gens de 65 ans et plus, on regarde en 2000, on parlait de 941 684 personnes, et, en 2005, on parlait de 1 025 798 personnes. Et, si on va ? ça paraît loin, mais ce n'est pas si loin ? en 2050, nous allons être 2 146 121 aînés au Québec, c'est-à-dire de plus de 65 ans. Et ceci nous amène à regarder également la situation économique des aînés parce qu'elle n'est pas rose, la situation économique des aînés. On parle souvent que c'est facile pour eux. La situation est précaire.

Et j'inviterais la population également à consulter le... C'est un rapport. Ça s'appelle Profil de la pauvreté. Ça a été écrit, en 1997, par le Conseil national du bien-être social. On mentionne qu'il y a des répercussions directes sur l'état de santé physique et psychologique des aînés, et c'est relié également à leur situation économique. Alors, c'est sûr que la situation, M. le Président, s'améliore parce que maintenant les aînés planifient un peu plus leur retraite, heureusement. Mais par contre il reste quand même que ça demeure précaire.

Et je vous amène aussi au fait qu'on n'a pas beaucoup aidé, par l'étude des crédits, puis tout ça, les aidants naturels. On s'attendait à beaucoup plus de la part du gouvernement. Parce que, si on regarde les aidants naturels, on regarde simplement le cas du cinéaste Gilles Carle et de sa conjointe, ils ont beaucoup de difficultés, ça coûte cher à l'État, puis tout ça. Et qu'est-ce qu'on a fait pour remédier à tout ça? On avait fait des promesses, et puis finalement ce n'est qu'un crédit d'impôt remboursable pour aidants naturels. Alors, nous, on considère que ce n'est pas suffisant. En effet, les aidants naturels n'auront droit à aucune somme d'argent cette année, malgré les 28 millions pourtant annoncés pour le nouveau crédit d'impôt remboursable pour aidants naturels. Pis encore, seulement 5 millions des 28 millions sont au rendez-vous, en 2006-2007, et le reste est reporté aux calendes grecques. Alors, nous, on trouve ça déplorable.

Et c'est la même chose également, M. le Président, pour l'aide à domicile. Je vous donne un exemple d'un commettant, chez nous, que tout le monde connaît puis qu'on apprécie, Claude Léveillé, Claude Léveillé qui est un poète, qui est un comédien. Et, à ce moment-là, il a de la difficulté à retourner chez lui. J'en profite pour le saluer à titre de député de la circonscription de Mirabel. C'est difficile. On n'a pas accordé de quoi également pour l'aide à domicile. On avait promis beaucoup de choses, on avait dit: Ce gouvernement-là du Parti libéral du Québec portera l'investissement, dans les soins à domicile, au niveau de la moyenne canadienne. Et qu'est-ce qu'on a eu finalement? Bien, le ministre de la Santé n'a investi qu'un maigre 20 millions, M. le Président, cette année, 2005-2006. À titre d'exemple, 4 000 personnes attendent pour des services à domicile à Montréal seulement. Alors, tout ça n'aide pas la situation pour les aînés.

n(12 h 50)n

Et ceci m'amène quand même au projet de loi, là, n° 102. Il y a quand même une situation précaire au niveau de la santé financière des régimes à prestations déterminées sous ce gouvernement-là. Alors, qu'est-ce qui se passe exactement? Si on regarde la situation ? évidemment, nous, on est là pour aider les travailleurs; nous sommes le chien de garde, en fin de compte, nous, de l'opposition officielle ? qu'est-ce qu'on remarque, M. le Président? Alors, c'est évident que la situation mérite un examen approfondi. Il y a quatre constats. On dit: La gestion des risques propre aux régimes de retraite n'est toujours pas adéquate; les régimes de retraite peuvent représenter une charge financière importante pour les employeurs; lorsqu'un régime de retraite devient en déficit, l'employeur a cinq ans pour faire les paiements nécessaires afin de l'éliminer. Et finalement on dit: Les lois et les règles qui concernent les surplus et les déficits des régimes n'incitent pas les employeurs à verser plus que le minimum requis dans le régime ni à constituer une provision en cas de conjecture économique défavorable. Alors ça, c'est déplorable parce qu'on est arrivés à une situation financière qui a évolué, malheureusement, pas dans le bon sens.

De 1990 à 2000, M. le Président, c'était une belle période prospère pour les régimes de retraite. Les hauts rendements boursiers, les taux d'intérêt élevés nous ont permis de bien garnir finalement les coffres, mais qu'est-ce qui est arrivé par la suite? Depuis 2001, malheureusement, la chute de rendements boursiers de 2001 et 2002 combinée à des taux d'intérêt maintenus bas a fait apparaître toute une nouvelle réalité. Et la réalité, aujourd'hui, là, c'est une situation financière très préoccupante. On a un problème qui déborde les frontières du Québec également, M. le Président, parce que la situation difficile dans laquelle se trouvent les régimes de retraite n'existe pas uniquement au Québec, elle existe ailleurs. Alors, c'est pour ça que, nous, on va collaborer également pour qu'on trouve une solution. Et on a collaboré par le passé. On a collaboré lorsqu'il y a eu toute la consultation concernant l'examen des orientations sur la CARRA. J'étais, moi, comme membre de la Commission des finances publiques, impliquée dans cette consultation-là. Et cet examen des orientations des activités et de la gestion a permis quand même, là, de bonnes choses parce que l'opposition avait dénoncé certaines choses. On avait dénoncé les délais, on avait dénoncé que le système informatique était inadéquat. Et, lors de l'étude des crédits, j'ai posé certaines questions, et il y a eu une ouverture de la part du gouvernement, puisqu'on va aider à améliorer le système informatique de la CARRA.

Alors, on voit qu'avec la collaboration, de part et d'autre, on arrive à des solutions. Et également il y a eu toute la consultation concernant la Régie des rentes du Québec à laquelle j'ai eu le bonheur de collaborer. On a entendu près de 40 intervenants. Ça a été très, très intéressant. Les gens sont venus de partout. Et, lors de cette consultation-là ? le titre, c'est Adapter le Régime de rentes aux nouvelles réalités du Québec, c'était au mois de mars ? j'intervenais également et je disais qu'il y avait quand même certaines inquiétudes, M. le Président. J'ai soulevé ces inquiétudes-là à la ministre lors de l'étude des crédits également, puisqu'on avait parlé aussi des inquiétudes concernant le conjoint survivant. On n'était pas d'accord parce qu'on voulait réduire à trois ans la rente pour le conjoint survivant. On a contesté. Il semblerait qu'il y a une certaine ouverture. On avait également soulevé d'autres points.

Alors, c'est toujours quand même très productif. On collabore parce que, comme vous savez, cette consultation-là, c'est une réforme importante. Il y en a une qui a été réalisée en 1998, et elle se fait à tous les six ans. Les parlementaires auront désormais l'occasion de s'assurer que le régime puisse survivre et puisse poursuivre sa mission pour les prochaines générations.

Alors, si on regarde qu'est-ce qui se passe aujourd'hui, vous savez, on ne veut pas que des situations comme c'est arrivé à l'entreprise des Aciers inoxydables Atlas de Sorel-Tracy, qui a fermé ses portes en juin 2004, qui a entraîné la perte de 440 emplois... Bien, là, ils se retrouvent dans une situation très, très difficile, parce que les retraités de l'entreprise dont le régime de pension accuse un important déficit actuariel qui ont subi, eux, des diminutions de leurs rentes de 25 à 30 %.

Alors, c'est pour ça que, nous, de l'opposition officielle, on va collaborer avec le gouvernement, pour trouver des solutions, parce qu'on s'en va vers un financement plus sûr et plus flexible avec la solution de ce projet de loi là. Mais nous nous posons des questions quand même quant aux mesures temporaires. Nous sommes inquiets sur certains points. On a des questionnements, on a des questionnements dans le sens que ? j'en ai parlé d'ailleurs à la ministre lors de l'étude des crédits ? la question qu'on se pose: Quel est l'intérêt de procéder en deux temps? Parce que la ministre devrait en faire la preuve, que c'est le meilleur moyen d'abord.

On se pose d'autres questions, M. le Président. N'y a-t-il pas des risques, au terme des consultations, que des modifications fassent en sorte que les mesures temporaires ne soient pas indiquées? C'est une autre question qu'on se pose. Alors, en adoptant à la hâte des mesures temporaires, se pourrait-il qu'il soit plus difficile de revenir en arrière? Ça aussi, c'est une question. Alors, je réitère le fait qu'il faut travailler ensemble. On a travaillé ensemble pour la loi n° 195 avec le député de Verdun d'ailleurs, ensemble. Ça a été voté à l'unanimité, cette loi n° 195, vous vous souvenez. Ceci permettait au groupe des participants actifs d'un régime de retraite qui ne sont pas représentés par un syndicat ainsi qu'un groupe des participants non actifs et des bénéficiaires de régime de donner leur assentiment lorsque l'employeur désire affecter l'excédent d'actif du régime de l'acquittement de ces cotisations.

Alors, on a travaillé ensemble, on est arrivés à une loi, et l'opposition a collaboré avec le député, et on a même félicité. Alors, je voudrais réitérer le fait qu'il ne s'agit pas de partisanerie, il s'agit de trouver des solutions ensemble, sauf qu'on a des interrogations. Et puis pour nous la survie du régime de pension à prestations déterminées est très importante et nécessaire. Elle nécessite l'attention que lui donne la ministre. Puis je voudrais rappeler cependant que les modifications, laissées en plan par son prédécesseur, pour améliorer le régime public sur lequel sont fondées 40 % des retraites des travailleurs du Québec méritent autant d'attention, M. le Président. Son prédécesseur mentionnait à l'hiver 2004: «Nous prendrons les prochains mois pour préparer le projet de loi qui sera déposé, l'automne prochain, pour une adoption au printemps et à l'été 2005.» J'ai soulevé cette question-là à la ministre lors de l'étude des crédits.

Alors, ce projet de loi, M. le Président, se fait toujours attendre, et j'espère que je serai conviée par la ministre très bientôt pour une autre adoption de principe, parce que je réitère ma collaboration. Je dis simplement que le projet de loi n° 195 est un bel exemple, mais, comme je le disais tantôt, il y a des questionnements, et je n'ai pas eu de réponse lors de l'étude des crédits. Pourquoi le faire en deux temps? Ça nous inquiète, ça nous inquiète. Et puis, vous savez, les aînés ont le droit d'avoir toute l'attention possible. Puis, si on regarde toutes les consultations auxquelles j'ai participé, les aînés venaient de partout. Moi, j'étais toujours surprise de voir que des gens de l'Abitibi, des gens du Saguenay, des gens de Gatineau venaient. C'étaient des gens âgés, puis ils prenaient la peine d'expliquer comment c'est difficile pour les aînés aujourd'hui. Et ce régime-là à prestations déterminées est très particulier au Québec. On veut les garder. Et je l'ai toujours mentionné, M. le Président, dans toutes mes interventions, qu'on a beau faire tout ce qu'on veut, mais il faut maintenir ce qu'on a. Et je dis qu'avec ce projet de loi n° 102 on va collaborer, on va collaborer, sauf qu'il faut quand même que, nous, on demeure des chiens de garde, et c'est ce qu'on a fait dans toutes les consultations. Je l'ai fait lors de la consultation de la CARRA, et ça a porté fruit parce que, suite aux soulèvements ou aux inquiétudes qu'on a soulevés, il y a eu des changements.

Concernant la consultation sur la Régie des rentes du Québec, on a soulevé des inquiétudes, et j'ose espérer que Mme la ministre sera ouverte aux inquiétudes soulevées pas simplement par l'opposition officielle, mais par les aînés du Québec, par tous les gens qui prennent leur retraite. Et, pour le projet de loi n° 102, ce sera exactement la même chose. Et, comme je le disais, nous voulons arriver. Comme on a fait pour la loi n° 195, on aimerait bien, à l'unanimité, si on peut dire, fêter ça parce que la loi n° 195 a été l'aboutissement de ce que le Parti québécois avait fait avec la loi n° 102. On avait déjà commencé, en 2000-2001, à améliorer tout ça et finalement on a continué en 2000-2004.

Alors, je termine en disant: Soyez assurés de notre collaboration, soyez assurés que nous défendrons d'abord les travailleurs parce que ce sont eux qui sont importants dans tout ça. Et je ne veux plus jamais, jamais qu'une situation comme il s'est produit aux gens du Saguenay, comme il s'est produit à Aciers Atlas, se reproduise malheureusement. Merci.

Le Vice-Président (M. Cusano): Excusez-moi, Mme la députée de Mirabel. Compte tenu de l'heure, je me dois de suspendre nos travaux à 15 heures cet après-midi.

n(13 heures)n

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): Est-ce qu'il y a consentement pour dépasser pour le moment?

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): Vous avez terminé, Mme la députée?

Mise aux voix

Alors, si vous avez terminé, est-ce que le principe du projet de loi n° 102, Loi concernant le financement de certains régimes de retraite, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cusano): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la Commission des finances publiques

M. Mulcair: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la Commission des finances publiques pour étude détaillée.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Cusano): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cusano): Adopté. Alors, compte tenu de l'heure, je suspends nos travaux à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

 

(Reprise à 15 h 6)

La Vice-Présidente: Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Bonjour, Mme la Présidente. Alors, puis-je vous référer à l'article 4 de notre feuilleton... 15, excusez-moi.

Projet de loi n° 110

Adoption du principe

La Vice-Présidente: Vous êtes tout excusée, Mme la leader. Alors, à l'article 15, M. le ministre du Revenu propose l'adoption du principe du projet de loi n° 110, Loi modifiant la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales et d'autres dispositions législatives. Alors, comme premier intervenant, je vais reconnaître le ministre du Revenu. À vous la parole.

M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, je soumets à cette Assemblée, pour qu'elle en adopte le principe, le projet de loi n° 110, intitulé Loi modifiant la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales et d'autres dispositions législatives.

Mme la Présidente, ce projet de loi, présenté le 12 mai dernier, modifie la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales ainsi que la Loi sur le ministère du Revenu principalement pour permettre aux entreprises de jumeler à leur déclaration de revenus la déclaration annuelle qu'elles doivent produire au Registraire des entreprises afin de mettre à jour les informations les concernant contenues au registre des entreprises.

Mme la Présidente, il modifie également la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales afin de prévoir notamment:

1° la substitution aux droits payables, lors de la présentation d'une déclaration annuelle, par un droit annuel d'immatriculation;

2° la possibilité d'utiliser des technologies de l'information pour la production des déclarations visées par la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales dans les conditions qui seront établies par le Registraire des entreprises;

3° la continuation de l'existence d'une personne morale afin de terminer toute procédure judiciaire ou administrative intentée contre elle;

4° le pouvoir pour le Registraire des entreprises de corriger d'office les adresses inexactes déclarées au registre des entreprises;

5° le pouvoir pour le Registraire des entreprises, suite à la conclusion d'une entente, de transmettre à un ministère, ou à un organisme, ou à une entreprise du gouvernement les informations contenues au registre; et finalement

6° le remplacement du mot «matricule», dans la loi, par les mots «numéro d'entreprise».

Mme la Présidente, je vais m'abstenir de décrire plus en détail les mesures contenues dans le projet de loi n° 110, puisque nous aurons l'occasion de les examiner en commission parlementaire.

Mme la Présidente, les entreprises québécoises ont à plusieurs reprises demandé au gouvernement de jumeler la déclaration annuelle devant être produite au Registraire des entreprises avec la déclaration de revenus. Mme la Présidente, ce projet de loi donne suite à cette demande. Il démontre notre détermination à simplifier la vie des entreprises québécoises. De plus, il concrétise un engagement que nous avions pris, l'an dernier, envers les entreprises, lors du dépôt du Plan d'action gouvernemental en matière d'allégement réglementaire et administratif. J'invite donc, Mme la Présidente, les membres de cette Assemblée à adopter le principe du projet de loi n° 110. Merci, Mme la Présidente.

n(15 h 10)n

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre. Alors, comme prochain intervenant, je vais reconnaître le député de Gaspé et porte-parole de l'opposition officielle en matière de revenu. À vous la parole, M. le député.

M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Alors, merci, Mme la Présidente. Le projet de loi qui nous est présenté, le projet de loi n° 110, contient des dispositions quand même très importantes.

Alors, ce projet de loi vise à permettre aux entreprises, lors de la production de leur déclaration de revenus, de mettre à jour les informations contenues au registre des entreprises conformément à une entente à intervenir entre le Registraire des entreprises et le ministre du Revenu.

Le projet de loi également vient substituer aux droits payables, lors de la présentation d'une déclaration annuelle, des droits annuels d'immatriculation. Quels seront ces droits? Le ministre, j'imagine, en commission parlementaire, pourra élaborer davantage sur ces droits, sur la tarification, la réglementation aussi qui va accompagner ce projet de loi.

Alors, il établit également, Mme la Présidente, que les personnes morales tenues de produire une déclaration de revenus et les personnes physiques qui exploitent une entreprise individuelle paieront ces droits au ministre du Revenu, tandis que les entreprises qui choisissent d'autres formes juridiques les paieront au Registraire des entreprises.

Par ailleurs, ce projet de loi introduit des dispositions qui permettront au Registraire des entreprises, à la suite de la conclusion d'une entente, de transmettre à un ministère, à un organisme ou à une entreprise du gouvernement les informations contenues au registre. Il accorde aussi au Registraire des entreprises le pouvoir de corriger d'office les adresses déclarées au registre des entreprises qui se révèlent inexactes.

Également, sur cet aspect, nous aurons des questions à poser, en commission parlementaire, pour comprendre comment le ministre peut déterminer qu'une adresse peut être inexacte, alors que l'information lui est parvenue de bonne foi ou autrement.

L'opposition officielle se montre aussi ouverte, Mme la Présidente, aux propositions qui visent à la simplification réglementaire. Je rappelle à cet égard les travaux du groupe de travail sur l'allégement réglementaire qui, sous l'ancien gouvernement, a permis de simplifier ou de voir disparaître des milliers de contraintes et d'exigences administratives. Cependant, cette simplification ne doit pas se faire aux dépens de la protection des renseignements personnels et nominatifs. D'ailleurs, en ce qui a trait à cet aspect, nous voulons aussi savoir éventuellement de la part du gouvernement si une entente ou des avis de la Commission d'accès à l'information ont été produits justement pour encadrer cette circulation de renseignements personnels et nominatifs et d'autre part pour en assurer la sécurité.

Compte tenu de la nature également très sensible des échanges d'information en provenance du ministère du Revenu, nous nous attendions à ce que le ministre du Revenu se soit d'abord validé avec la Commission d'accès à l'information. Si c'est le cas, j'imagine que le ministre pourra nous en faire part dès aujourd'hui. Or, selon les informations transmises lors de l'étude de crédits, aucun avis n'avait été demandé à la Commission d'accès à l'information à ce sujet. Donc, le ministre, si ce n'est pas déjà fait, a à obtenir cet avis.

Puisque les personnes morales pourront désormais s'acquitter de leurs obligations envers le Registraire des entreprises par le biais du ministère du Revenu et que les exigences quant aux dates de production des déclarations modificatives seront modifiées, cela ne doit pas avoir pour effet de ralentir le processus de mise à jour des informations possédées par le registre des entreprises. Dans le but de limiter le plus possible nombre des informations qui transitent du ministère du Revenu vers d'autres organismes et dans le but de favoriser une plus grande validité des informations détenues par le Registraire des entreprises, d'autres outils pourraient être utilisés pour les mêmes fins, comme par exemple l'utilisation du portail électronique du gouvernement destiné aux entreprises.

Avec les nouvelles possibilités transactionnelles des sites Internet du gouvernement, les entreprises québécoises pourraient transmettre les déclarations modificatives en ligne au registre des entreprises plutôt que de le faire par le biais de leur déclaration de revenus. En plus d'éviter une trop grande circulation des informations possédées par le ministère du Revenu, une telle mesure permettrait donc une mise à jour plus rapide des informations possédées par le REQ. Le ministre devra indiquer si une entreprise aura à offrir son consentement particulier pour que l'échange d'information puisse avoir lieu entre le ministère du Revenu et le Registraire des entreprises du Québec.

Aux articles 73.2, 73.3 du projet de loi, le ministre ouvre la porte à des ententes entre le Registraire des entreprises et d'autres organismes ou ministères pour la transmission d'une partie ou de l'ensemble des informations que le registraire possède sur une personne morale, et on parle également des entreprises du gouvernement.

Par contre, si le ministre institue l'obligation de soumettre une entente réalisée en vertu de l'article 73 du présent projet de loi à la Commission d'accès à l'information pour avis, il ne reprend pas la même obligation pour les ententes conclues en vertu de l'article 73.2. Le ministre devra donc nous expliquer pour quelle raison les ententes conclues en vertu de 73.2 ne sont pas soumises aux mêmes règles, aux mêmes exigences en matière de protection des renseignements personnels. Voilà, Mme la Présidente, les remarques que j'avais à faire à l'adoption de principe de ce projet de loi.

La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le député de Gaspé. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Il n'y a pas d'autre intervenant sur le projet de loi.

Mise aux voix

Alors, est-ce que le principe du projet de loi n° 110, Loi modifiant la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales et d'autres dispositions législatives... est-il adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Renvoi à la Commission des finances publiques

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la Commission des finances publiques pour étude détaillée.

Mise aux voix

La Vice-Présidente: Je vous remercie. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Mme la Présidente, je vous réfère à l'article 9 de notre feuilleton.

Projet de loi n° 104

Adoption du principe

La Vice-Présidente: À l'article 9, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 104, Loi modifiant le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives. Alors, comme premier intervenant, je vais reconnaître le ministre de la Justice. À vous la parole.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui, à l'étape de l'adoption du principe, modifie le Code de procédure civile, le Code de procédure pénale et la Loi sur les cours municipales afin de permettre aux juges des tribunaux judiciaires québécois de continuer et de terminer les procès dont ils sont saisis lorsqu'ils sont nommés à un autre tribunal judiciaire.

La nomination des juges d'un tribunal à un autre tribunal a mis en relief à diverses reprises les problèmes engendrés par la perte de compétence de ces juges sur des causes civiles, pénales ou criminelles dont ils étaient alors saisis au moment de leur nomination et qui étaient en cours d'audition ou en délibéré. En 1994, le législateur fédéral modifiait le Code criminel pour prévoir, à l'article 669.3, que le juge nommé à un autre tribunal conserve sa compétence à l'égard du procès qu'il préside jusqu'à son terme. La modification répondait alors à un besoin réel, puisqu'en l'absence de cette disposition la nomination de juges à un autre tribunal avait entraîné dans le passé l'avortement de procès criminels.

Il n'existe pas de règle analogue en matière civile et pénale afin de permettre au juge nommé à une autre juridiction de terminer les affaires dont il était saisi. Cette perte de compétence comporte des inconvénients tant pour les justiciables que pour l'administration de la justice, puisqu'elle peut entraîner la reprise, devant un autre juge, de l'audition de leurs affaires. Cette reprise comporte des coûts et ajoute des délais additionnels. En l'absence de règle claire maintenant la compétence des juges nommés à un autre tribunal afin de leur permettre de terminer leurs dossiers, vous me permettrez, Mme la Présidente, d'exposer brièvement les règles qui s'appliquent actuellement, tant en matière civile que pénale, lorsqu'un juge est nommé à un autre tribunal.

n(15 h 20)n

En matière civile, l'article 464 du Code de procédure civile, qui régit la procédure en première instance et qui s'applique aux juges municipaux ainsi qu'aux juges de la Cour du Québec et de la Cour supérieure, prévoit qu'en cas de cessation de fonction d'un juge le juge en chef peut ordonner que les causes dont ce juge était saisi soient continuées par un autre juge ou remises au rôle pour être entendues de nouveau. Si la cause était en délibéré, le juge en chef peut demander au juge qui a cessé d'exercer ses fonctions de rendre jugement dans les 90 jours.

Par ailleurs, l'article 517 du Code de procédure civile prévoit qu'un juge de la Cour d'appel qui a entendu une cause et qui est nommé à un autre tribunal peut néanmoins participer au jugement.

En matière pénale, l'article 195 du Code de procédure pénale prévoit que, si un juge est empêché, en raison d'une maladie ou pour un autre motif sérieux, de compléter l'instruction ou de rendre jugement, l'instruction doit être reprise par un autre juge de même compétence. S'il est empêché, après avoir rendu sa décision quant à la culpabilité du défendeur ou au rejet de la poursuite, d'imposer une peine ou de rendre une ordonnance, un autre juge de même compétence peut lui être substitué. Cette disposition s'applique tant aux juges municipaux qu'aux juges de paix magistrats et aux juges de la Cour du Québec, de la Cour supérieure et de la Cour d'appel.

En ce qui a trait aux cours municipales, l'article 74 de la Loi sur les cours municipales prévoit que la procédure applicable en matière civile, devant une cour municipale, est édictée au Code de procédure civile sous réserve des dispositions spécifiques de la Loi sur les cours municipales. Effectivement, l'article 79 de cette dernière loi prévoit qu'en matière civile, en cas de cessation de fonction d'un juge municipal, celui nommé pour le remplacer est compétent pour entendre les causes dont le premier juge était déjà saisi. En matière pénale, c'est plutôt la règle du Code de procédure pénale qui s'applique.

Comme je l'ai déjà indiqué, les règles actuelles comportent des inconvénients, tant pour les justiciables que pour l'administration de la justice, aussi bien en termes de coûts que de délais. C'est pourquoi le projet de loi vient corriger la situation en permettant au juge de continuer et de terminer les causes civiles ou les poursuites pénales dont il était saisi avant sa nomination à un autre tribunal, qu'il s'agisse d'une cour municipale, de la Cour du Québec, de la Cour supérieure ou de la Cour d'appel. Il s'agirait d'une faculté offerte au juge ainsi nommé de poursuivre l'audition d'une demande ou, selon l'étape où il en était rendu, de continuer son délibéré et de rendre jugement. Le juge n'aurait aucune obligation de poursuivre ses dossiers, de sorte que son indépendance serait préservée.

Toutefois, l'accord des juges en chef de chacun des tribunaux concernés serait requis afin de respecter l'autonomie administrative des tribunaux. À défaut du consentement du juge ou de l'accord des juges en chef, les règles que j'ai décrites précédemment s'appliqueraient.

Compte tenu des avantages que la solution proposée présente, il est apparu opportun d'étendre son application aux causes pendantes dont pourrait être saisi un juge nommé à un autre tribunal avant l'entrée en vigueur du projet de loi n° 104. C'est pourquoi le projet de loi contient une disposition transitoire à cet effet.

Telles sont, Mme la Présidente, les modifications proposées par le projet de loi n° 104. Il s'agit de dispositions importantes qui répondent à des préoccupations réelles et qui éviteront aux citoyens qui participent au processus judiciaire de devoir reprendre les procédures devant un autre juge. Le projet de loi n° 104 favorise donc une meilleure administration de la justice, au bénéfice des justiciables.

Je vous remercie de votre attention.

La Vice-Présidente: Alors, merci, M. le ministre. Comme prochain intervenant, je vais céder la parole au député de Chicoutimi et porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice et d'accès à l'information et leader adjoint de l'opposition officielle. M. le député.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Donc, concernant le projet de loi n° 104, j'informe tout de suite le ministre effectivement que nous sommes en accord avec le principe du projet de loi et que nous allons collaborer à chacune des étapes pour s'assurer effectivement que les modifications qui seront apportées aux différentes lois, entre autres au Code de procédure civile, au Code de procédure pénale et à la Loi sur les cours municipales, puissent se faire dans les délais les plus acceptables possible. Vous dire effectivement que ce projet de loi répond à une préoccupation qui est celle des coûts de la justice évidemment, d'une saine administration de la justice.

En effet, les tribunaux civils, lorsqu'un juge a la responsabilité effectivement d'un dossier et qu'il se voit nommé à une autre instance, nous avions la problématique que cette personne ne pouvait continuer à exercer ses fonctions dans le cadre qui était le sien avant sa nomination, ce qui entraînait et ce qui peut entraîner des coûts importants pour les justiciables. Quand on sait les coûts d'abord, évidemment, d'un procès ordinaire, devant un tribunal, lorsqu'on est rendu à l'étape de l'adjudication, donc de décision devant le tribunal, on sait ce qu'entraîne une procédure devant les tribunaux, et, lorsque ces procédures sont interrompues, peu importe leur étape, mais plus particulièrement à l'étape de décision, cela entraîne des coûts importants pour les justiciables concernés, d'autant plus lorsqu'il y a eu témoignages, contre-interrogatoires, assignations de témoins, de nombreux témoins. Et, vous savez, les procédures peuvent se dérouler sur plusieurs jours, plusieurs semaines, parfois même plusieurs mois, donc de faire en sorte que les procédures cessent ou doivent être recommencées entraîne des coûts importants pour les justiciables qui se retrouvent devant ces tribunaux. Donc, il est évident que les modifications apportées au Code de procédure civile, au Code de procédure pénale ainsi qu'à la Loi sur les cours municipales concernant les juges responsables des cours municipales donc correspondent avec une amélioration de notre système de justice, et c'est pour ces raisons, Mme la Présidente, que nous serons en faveur.

La seule chose peut-être... à l'étude détaillée, nous aurons certaines questions. Mais, je voyais, en matière criminelle, cette possibilité existe, elle est incarnée par l'article 669.3 du Code criminel, qui prévoit qu'un juge nommé à un autre tribunal conserve sa compétence à l'égard du procès qu'il préside jusqu'à son terme. Mais aussi il est prévu, à l'article 669.2, une possibilité pour le juge en question de se dessaisir du dossier s'il se sent incapable de le terminer. Donc, on sait que la procédure actuelle prévoit, elle, qu'un juge qui cesse d'exercer ses fonctions en raison de sa nomination à un autre tribunal peut néanmoins, avec l'accord des juges en chef des deux tribunaux concernés, donc, par exemple, de la Cour d'appel et de la Cour du Québec, de... terminer les dossiers dont il était saisi. À défaut, il est procédé conformément aux deux premiers alinéas, donc autrement dit on renomme un juge responsable du dossier.

Il faudrait aussi s'assurer peut-être ? et ce sera évalué avec le ministre ? s'il y avait lieu d'avoir le même souci de qualité de justice et la même prudence par rapport à l'état d'esprit dans lequel se trouve le juge... pour des raisons x, se trouverait, lui, personnellement incapable d'exercer. Par contre, puisqu'on demande l'accord des juges en chef, cela suppose quand même un geste positif de la part du juge en question. Donc, a priori, il ne semble pas y avoir de problématique, mais nous questionnerons le ministre à ce niveau.

Donc, encore une fois, nous accordons notre appui au principe du projet de loi et nous sommes impatients qu'il passe aux prochaines étapes. Je sais d'ailleurs que ce projet de loi a une importance toute particulière due à certains dossiers actuellement qui se retrouvent devant les tribunaux. Donc, on va assurer encore une fois le ministre de notre entière collaboration.

Mise aux voix

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres interventions portant sur ce projet de loi? Alors, puisqu'il n'y a pas d'autres interventions, le principe du projet de loi n° 104, Loi modifiant le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives, est-il adopté? Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Renvoi à la Commission des institutions

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la Commission des institutions pour étude détaillée.

Mise aux voix

La Vice-Présidente: Je vous remercie. Est-ce que cette motion est aussi adoptée? Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Mme la Présidente, article 14 de notre feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 109

Adoption du principe

La Vice-Présidente: Je vous remercie. Alors, à l'article 14, M. le ministre de la Justice et Procureur général propose l'adoption du principe du projet de loi n° 109, Loi sur le Directeur des poursuites publiques. Alors, comme premier intervenant, je vais reconnaître le ministre de la Justice et Procureur général. À vous la parole.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, Mme la Présidente. Alors, le projet de loi n° 109, dont nous discutons de l'adoption du principe, prévoit la création d'un poste de Directeur des poursuites publiques. Ce projet de loi s'inscrit dans le cadre des travaux de modernisation de l'État, entrepris par le gouvernement, et permettra de mieux distinguer les fonctions de Procureur général, de ministre de la Justice de celles liées à l'exercice de la fonction de poursuites publiques.

n(15 h 30)n

Je pense que ce projet de loi marque une étape importante dans le domaine de la justice. En créant ainsi un poste de Directeur des poursuites publiques, nous accentuons les garanties d'indépendance qui sont liées à la fonction de la poursuite publique et nous renforçons la transparence du processus judiciaire. Il est important que nous puissions accroître la confiance de la population dans notre système judiciaire. Nous posons donc, aujourd'hui, les bons gestes en modernisant notre approche à l'égard du processus accusatoire.

Et je voudrais simplement signaler, Mme la Présidente, que nous rejoignons à cet égard d'autres juridictions qui ont mis en place cet organisme ou cette institution qu'on appelle le Directeur des poursuites publiques. Je pense, entre autres, à l'Angleterre, où c'est différent, mais par analogie ça rejoint le concept qui existe en Angleterre. Également, ça existe en Australie, depuis un certain nombre d'années, ainsi qu'ici, au Canada, en Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique.

Alors, ce n'est pas inédit. Cependant, je pense que, sur le plan de l'évolution des institutions, c'est extrêmement positif. Et selon le projet de loi, pour aller un peu plus en détail, la responsabilité donc d'assumer, de diriger et de coordonner les opérations courantes dans les affaires qui découlent de l'application du Code criminel ou de toutes les autres lois fédérales pour lesquelles le Procureur général a l'autorité d'agir, y compris la loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ainsi que dans les affaires intentées sous l'autorité du Code de procédure pénale, sera donc, par le projet de loi n° 109, attribuée au Directeur des poursuites publiques.

Il est aussi prévu que le Directeur sera, au sens du Code criminel, le substitut légitime du Procureur général du Québec et qu'il sera d'office sous-procureur général dans les matières concernant les poursuites criminelles et pénales. Le Directeur exercera les fonctions que le projet de loi lui attribue sous l'autorité générale du ministre de la Justice et Procureur général, mais avec l'indépendance que lui reconnaît la loi. Ainsi, le ministre de la Justice et Procureur général demeure toujours responsable, comme élu et membre du gouvernement, d'établir la politique publique de l'État en matière de justice et à cet égard d'élaborer et de prendre des orientations et des mesures, y compris pour les affaires criminelles et pénales et celles intéressant les jeunes. Ainsi, s'il revient au Directeur d'agir comme poursuivant en matière criminelle et pénale, selon le projet de loi, il appartient cependant au ministre de la Justice et Procureur général de fixer les orientations et de prendre des mesures générales concernant la conduite de ses affaires...

M. Lelièvre: Excusez-moi, Mme la Présidente. Compte tenu de l'importance du projet de loi...

Une voix: ...

La Vice-Présidente: Un instant. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Mme la Présidente, pourriez-vous vérifier le quorum?

La Vice-Présidente: Avec plaisir, M. le député.

Alors, si vous voulez appeler les députés.

n(15 h 34 ? 15 h 35)n

La Vice-Présidente: Merci. Alors, je vous invite à poursuivre, M. le ministre de la Justice et Procureur général.

M. Marcoux: Alors, merci, Mme la Présidente. Donc, en vertu du projet de loi, s'il revient au Directeur des poursuites publiques d'agir comme poursuivant en matière criminelle et pénale, il appartient cependant au ministre de la Justice et Procureur général de fixer les orientations et de prendre des mesures générales concernant la conduite de ses affaires, par exemple pour assurer la prise en compte des intérêts légitimes des victimes d'actes criminels et le respect ou la protection des témoins ou pour promouvoir certaines catégories d'affaires ou le traitement non judiciaire d'affaires. Les orientations et mesures ainsi prises seront publiées à la Gazette officielle du Québec et seront portées à l'attention du Directeur, lequel sera tenu de les respecter.

Par ailleurs, plusieurs règles sont prévues pour assurer l'indépendance du Directeur tant dans la gestion des affaires que de l'organisation elle-même. C'est ainsi, par exemple, qu'il est prévu que le Procureur général ne pourra que de manière exceptionnelle, lorsqu'une affaire relève de la responsabilité du Directeur, prendre en charge un dossier ou intervenir dans sa conduite. Dans ce cas, le Procureur général sera tenu de notifier au Directeur un avis de son intention de prendre en charge l'affaire ou ses instructions sur la conduite de l'affaire et de publier sans tarder l'avis ou les instructions à la Gazette officielle du Québec. Le Directeur sera alors tenu de donner suite à cette instruction ou cet avis. Cette règle n'empêche pas cependant le Procureur général d'intervenir en première instance ou en appel dans une poursuite déjà intentée par le Directeur lorsque celle-ci soulève des questions d'intérêt général qui dépassent celles que l'on retrouve habituellement dans des poursuites criminelles ou pénales.

Toujours dans le but d'assurer l'indépendance du Directeur, le projet de loi prévoit que celui-ci sera nommé par le gouvernement, sur la recommandation du ministre de la Justice, parmi les avocats ayant exercé leur profession pendant au moins 10 ans. La personne recommandée devra avoir fait l'objet d'un avis favorable de la part d'un comité dont la composition est prévue dans le projet de loi. Ce comité sera composé de trois membres nommés par le ministre sur la recommandation respective du bâtonnier du Québec, des doyens de facultés de droit du Québec et du secrétaire général du gouvernement. Le Directeur sera nommé pour un mandat de sept ans non renouvelable.

Compte tenu du caractère personnel de la charge, le projet de loi prévoit la nomination d'un adjoint au Directeur. Cet adjoint remplacera le Directeur en cas d'absence, ou d'empêchement, ou lorsque la charge deviendra vacante. Le Directeur et l'adjoint ne pourront être destitués que pour cause, et leur traitement, une fois fixé, ne pourra être réduit.

De plus, l'autonomie du Directeur sera aussi assurée par le fait que celui-ci sera considéré au même titre qu'un dirigeant d'organisme. À ce titre, il aura la responsabilité de nommer des procureurs aux poursuites publiques, nouvelle appellation des substituts du Procureur général, de même que les procureurs chefs et les procureurs chefs adjoints. Le changement d'appellation des substituts est en correspondance avec les nouvelles responsabilités du Directeur, puisqu'ils agiront désormais sous l'autorité directe du Directeur des poursuites publiques et non plus du Procureur général.

Dans cette même ligne de pensée, le Directeur sera aussi responsable, sur l'autorisation du Conseil du trésor, comme c'est le cas actuellement, de l'application du régime de négociation de toute entente sur les conditions de travail des procureurs aux poursuites publiques.

Enfin, autre élément d'autonomie, le Directeur aura la responsabilité, puisqu'il sera considéré comme un organisme budgétaire au sens de la Loi sur l'administration financière, d'établir et d'administrer le budget accordé pour l'accomplissement de sa mission. Il devra rendre compte, au moins une fois l'an, au ministre de la Justice, lequel déposera les états financiers et le rapport annuel de gestion du Directeur à l'Assemblée nationale.

n(15 h 40)n

Sur d'autres plans, le projet de loi viendra préciser les fonctions ainsi que les pouvoirs et devoirs du Directeur et établir le cadre de ses rapports avec le Procureur général ou le ministre de la Justice. Il prévoit ainsi que le Directeur exercera pour le compte du Procureur général certaines responsabilités que la Loi sur le ministère de la Justice confie à ce dernier relativement à la garde et à l'administration de biens saisis, bloqués ou confisqués en application du Code criminel et de certaines lois fédérales, particulièrement en matière de stupéfiants, ou que le Directeur devra informer le Procureur général lorsque des questions d'intérêt général se soulèvent ou sont susceptibles de se soulever dans certaines affaires. D'autres dispositions du projet prévoient également des échanges d'information, d'avis ou d'expertise ou encore la possibilité de conclure des ententes de services.

Pour assurer la cohérence des actions et un traitement égal des citoyens devant les tribunaux en matière criminelle et pénale, les substituts actuels du Procureur général sont tenus de suivre les directives qui leur sont données par les autorités du ministère. Le projet de loi prévoit que dorénavant ces directives seront établies et publiées par le Directeur. Il prévoit toutefois que non seulement ces directives devront être appliquées par les poursuivants sous son autorité relativement à la conduite des poursuites en matière criminelle et pénale, mais qu'elles pourront aussi s'appliquer à tout procureur qui agit en matière criminelle et pénale, y compris devant les cours municipales. Afin de tenir compte de la diversité des situations, ces poursuivants désignés, dont les municipalités, seront consultés afin d'y apporter les adaptations nécessaires.

En terminant, il importe de souligner que le projet de loi étend la portée de l'article 95 du Code de procédure civile afin que le Procureur général soit avisé des demandes de réparations à l'encontre de l'État ou de l'Administration publique fondées sur la violation ou la négation des droits et libertés fondamentaux. De telles demandes sont souvent présentées dans le cours d'affaires criminelles et pénales, et il convient donc d'établir la notification d'un avis dans de tels cas. Enfin, le projet prévoit en outre plusieurs modifications dans les lois afin de faire les arrimages nécessaires avec le projet de loi n° 10, notamment pour tenir compte du partage des responsabilités entre le Directeur et le Procureur général ainsi qu'à l'égard de la terminologie utilisée. Il contient enfin des dispositions transitoires concernant le transfert de certaines responsabilités du Procureur général au Directeur des poursuites publiques.

Mme la Présidente, telles sont les propositions législatives contenues dans le projet de loi n° 109. L'institution de la charge de Directeur des poursuites publiques devrait mieux satisfaire aux impératifs fondamentaux de la justice notamment en garantissant l'indépendance de la poursuite en matière criminelle et pénale et en assurant la transparence du processus de poursuite. La distinction, comme je l'ai mentionné, entre les orientations générales de politique publique et les opérations habituelles liées aux poursuites devrait y contribuer. Également, l'institution d'un Directeur des poursuites publiques devrait renforcer la confiance du public dans le système judiciaire québécois criminel et pénal et ainsi éviter chez les citoyens une possible perception que de telles poursuites puissent être influencées par des considérations qui ne serviraient pas l'intérêt supérieur de la justice.

Et ce que je vous rappelais au début, c'est que ce concept de Directeur des poursuites publiques, cette institution est évidemment en existence notamment en Angleterre, où le système est un peu différent, mais en Australie, où les systèmes sont très analogues au nôtre, en Nouvelle-Écosse et également en Colombie-Britannique. Et je pense qu'on peut dire que d'autres provinces canadiennes actuellement sont en train de considérer l'implantation ou l'institution d'un poste de Directeur des poursuites publiques.

C'est donc un projet de loi qui est important, et nous avons convenu avec l'opposition officielle de tenir des consultations particulières pour entendre des groupes ou des personnes dont l'expertise est reconnue dans ce domaine d'activité.

Mme la Présidente, je suis convaincu que ce projet de loi dont nous discutons du principe aujourd'hui servira bien les intérêts supérieurs de la justice et également les intérêts des justiciables. Merci de votre attention.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre. Alors, comme prochain intervenant, je reconnaîtrais le député de Chicoutimi, leader adjoint de l'opposition officielle et critique en matière de justice et d'accès à l'information. M. le député, à vous la parole.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, Mme la Présidente. Alors, il me fait plaisir de prendre la parole à nouveau sur cet important projet de loi, projet de loi n° 109 concernant l'instauration d'un Directeur des poursuites publiques, un projet de loi qui a toute son importance vu le rôle qui est accordé au Procureur général dans nos institutions ici, au Québec, évidemment dans le rôle aussi qu'il a exercé à tous les jours comme Procureur général, et ses démembrements, disons, les substituts du Procureur, partout au Québec, qui accomplissent un rôle fort important dans notre société, qui portent les accusations contre ceux et celles qui ont contrevenu aux lois d'ordre pénal et criminel.

Alors, ça n'a rien de léger comme sujet, au contraire, Mme la Présidente. On parle ici d'un sujet qui est au coeur des responsabilités ministérielles, au coeur des pouvoirs qui appartenaient auparavant au roi, donc celui de porter des accusations contre un individu.

Le projet de loi actuel, Mme la Présidente, m'a posé plusieurs questionnements. J'ai eu à réfléchir beaucoup sur la question, à consulter, à vérifier quels étaient les tenants et aboutissants et surtout qu'est-ce qui pourrait légitimer une telle modification de nos règles actuelles. Parce qu'évidemment cette solution a été réfléchie à plusieurs moments de notre histoire, et donc j'ai eu à vérifier effectivement pourquoi dans le passé, pourquoi elle n'avait pas été retenue. Et certaines des justifications m'ont amené à prendre une position par rapport au projet de loi, soit celle-ci: d'abord, un, à sa lecture même et par rapport aux justifications, le projet de loi comporte plusieurs vices. Le premier, et la première justification qu'invoquait le ministre, la règle de l'indépendance. Et là il y a un mélange des genres entre l'indépendance que requiert un processus judiciaire d'adjudication devant un juge et celui de la prise de décision par rapport à une personne, si, oui ou non, elle doit porter des accusations.

En quoi, Mme la Présidente... Mais, je vous dirais, mes solutions, ou plutôt mes réponses, ça porte plus en termes de questionnement: En quoi une personne nommée sera plus indépendante qu'un élu à l'Assemblée? En quoi un élu... Est-ce qu'un élu porte en lui-même un degré d'indépendance moins grand que quelqu'un qui serait nommé? Je ne le crois pas. Et c'est un des vices que je constate dans le choix qu'a fait le ministre d'assurer... On peut assurer une plus grande herméticité, je dirais ? «herméticité», ça se dit sûrement, alors oui ? du moins que les pouvoirs exercés par le ministre se fassent dans un cadre plus hermétique donc aux différentes pressions qui pourraient venir d'un peu partout. Mais il reste que, sur la règle de l'indépendance, je ne vois pas en quoi une personne nommée aura un degré d'indépendance plus grand qu'un élu ici, en cette Chambre, qui doit y répondre.

D'ailleurs, Mme la Présidente, dans les 100 dernières années, à aucun moment cette indépendance n'a été remise en cause. Au contraire, elle a permis plutôt que quelqu'un, lorsqu'il avait des insinuations, ou des reproches à faire, ou des explications à donner, la personne responsable du dossier, le Procureur général, se lève en cette Chambre et dise les motifs qui sous-tendent les choix qui ont été faits par le Procureur général. Et jamais cette institution, à partir de là, n'a été mise en cause. Et même, bien des fois elle a servi, elle a servi la justice.

Il est arrivé même, à une certaine époque, on me racontait, il y a tout près de... à la fin des années soixante-dix, où un membre de l'opposition, à l'époque libérale, avait fait l'objet d'insinuations malheureuses, et le ministre de la Justice s'était levé à l'époque en cette Chambre pour clairement clarifier que les vérifications avaient été faites et qu'à aucun moment elles ne pouvaient justifier, de quelque façon que ce soit, que des accusations soient portées, et donc elles n'étaient pas fondées. Donc, et à aucun moment, à ce moment-là, lorsque le ministre de la Justice s'était levé, quiconque n'a remis en doute son indépendance. Au contraire. Et cela a apporté plutôt... cela a permis de faire en sorte que la population conserve confiance dans le système de justice et dans l'institution qu'est le Procureur général.

n(15 h 50)n

Cette indépendance parfois a même joué lorsqu'il y a eu des choix à faire par le Procureur général pour empêcher que des poursuites soient intentées contre... Et je me souviens de tout le débat qui concerne l'avortement, où le Procureur général lui-même a décidé qu'aucune accusation, malgré les textes du Code criminel, qu'aucune accusation n'allait être portée dans les cas qui concernent des manquements au Code criminel, tout particulièrement les dossiers qui relèvent... qui relevaient des dispositions concernant l'interruption de grossesse. Alors...

Et, ce pouvoir, il le détient plus particulièrement par le fait qu'il est élu. Et, si les gens ne sont pas contents, il peut arriver deux choses: le premier ministre le destitue de son poste s'il juge effectivement qu'il a mal accompli ses fonctions, ou, deuxièmement, si la population, elle, ultimement n'est pas contente du travail qu'il a fait, elle peut le battre aux élections, ce qui fait que cette personne doit répondre. Et c'est un autre des motifs évidemment qui m'amènent à considérer le vice de cette proposition, bien que son caractère... Et je ne remets pas en doute les intentions du ministre. Au contraire, quand je parle de vice, c'est par rapport évidemment à la qualité de la justice, l'imputabilité.

Et mon propos a porté, vous l'avez vu, beaucoup sur la possibilité pour quiconque en cette Chambre de poser une question par rapport à un dossier, mais aussi à l'ensemble de la population de savoir pourquoi, oui ou non, des accusations ont été portées ou n'ont pas été portées. Et je pense qu'il appartient au gouvernement... pas au gouvernement, au ministre de la Justice individuellement, comme personne, de répondre de ses gestes. Or, en créant ce... je vous dirais, cet écran, on fait en sorte de faire disparaître cette règle de l'imputabilité qui est au coeur, selon moi, de la qualité du rôle du Procureur général, et je crois qu'on sacrifie un des éléments les plus importants qui assurent cette qualité, l'imputabilité, au détriment d'une autre ou plutôt en valorisant une autre qualité qui est celle de l'indépendance et qui, dans ce cas-ci, n'est pas rencontrée.

Une personne élue n'est pas plus indépendante qu'une personne nommée. Pas dans le rôle de Procureur général. Personne ne pourra me faire admettre que le Procureur général, lorsqu'il prend une décision ? et on sait que ce n'est pas dans tous les cas... Au contraire, il existe, dans le ministère de la Justice, des règles qui s'assurent évidemment que le Procureur n'a pas à prendre chacune des décisions dans les dossiers de poursuite, mais, lorsque des dossiers viennent... commandent... où on sait qu'il aura à répondre ou commandent une intervention du Procureur, alors il y a, à ce moment-là, un processus qui permet effectivement... ou qui fait en sorte que le ministre de la Justice est avisé, et ultimement lui-même, comme élu, aura à prendre la décision si, oui ou non, des accusations seront portées.

Donc, autant la règle d'indépendance n'est pas améliorée par rapport au système actuel, au contraire, on a quelqu'un qui sera nommé et qui prendra des décisions dans son bureau mais qui sera tout aussi dépendant ou perméable à... Il aura une famille, il aura des gens qu'il connaît, il aura des avis personnels, mais à ce moment-là il n'y aura pas moyen de vérifier cette imputabilité, donc ce qui motive des décisions de la part du Procureur général.

Et ce qui m'amène au troisième vice, celui de la transparence. L'imputabilité amène un élément qui a toujours fait en sorte que l'institution du Procureur général n'a pas fait l'objet, je vous dirais, d'attaques sur de longues périodes. Pourquoi? Parce qu'elle implique la règle de la transparence, celui, pour un élu, lorsqu'il se promène, lorsqu'il sort de cette Assemblée... Soit on lui pose la question directement, soit il sort et il répond directement à ceux et celles qui ont des questions sur les choix qu'il a faits, et ça fait en sorte ? même, je regarde parmi les événements récents ? de faire en sorte de conforter la population par rapport à la croyance qu'ils ont que le système est effectivement juste, que des accusations ont été portées ou non, et que la justification qui est donnée, elle, elle est la bonne, et que cela ne reste pas dans le mystérieux. Et que les gens puissent sous-tendre ou prétendre qu'il y aurait eu peut-être des contacts, des pressions faits sur une personne qui a à prendre une décision, non, c'est le Procureur général qui prend cette décision en son âme et conscience.

Donc, d'où l'importance d'ailleurs de nommer des gens compétents dans ce domaine. Et je pense que, dans l'histoire du Québec, s'il y a un poste qui, sauf en de très rares occasions, s'est distingué par la qualité des individus qui l'occupaient, c'est bien le poste de ministre de la Justice, dû aux responsabilités qu'il a, dû à la discrétion qu'il doit avoir, dû à l'indépendance que requiert son poste. D'ailleurs, même lorsqu'il siège au Conseil des ministres... Et c'est peut-être un des éléments à revoir d'ailleurs ? je ne suis pas fermé à tout, au contraire ? pour assurer que le poste soit plus hermétique, peut-être qu'il y a des modifications à apporter, et j'en suggérerai quelques-unes qui ont d'ailleurs fait l'objet de recommandations dans d'autres Parlements. Mais peut-être que, pour assurer le caractère plus hermétique, la solution qui est envisagée n'est pas la bonne, au contraire. Lorsque le ministre de la Justice est au Conseil des ministres, il n'a pas à répondre à ses collègues, et encore moins au premier ministre, des dossiers qui se retrouvent devant les tribunaux pénaux et les tribunaux criminels. Et d'ailleurs, même lorsque le sujet est évoqué, on sait que, la règle du ministre de la Justice, qui doit agir en toute transparence mais aussi avec jugement, il doit se retirer des délibérations du conseil si même un ministre ou un premier ministre insisterait pour discuter de ce sujet.

Alors, ça amène, à ce moment-là, un pouvoir particulier, mais un exercice de jugement qui est nécessaire, qui, s'il n'est pas exercé par le ministre de la Justice, sera exercé par quelqu'un d'autre. Peut-être que dans les dernières années il s'est présenté des cas où le ministre de la Justice n'a pas eu ce souci d'exercer son jugement avec clairvoyance et peut-être a-t-il traversé des limites et qu'il ne devait pas le faire.

Mais là, vous savez, on donne l'exemple du Nouveau-Brunswick, qui a instauré ce régime. C'est suite à un grand scandale d'ailleurs qu'on a instauré un tel régime. Pourquoi? Parce qu'il y avait une perte de confiance de la population dans l'institution, ce qui n'est pas notre cas. Au contraire, moi, ce que je sens de la population, c'est que les gens ont confiance dans le Procureur général, dans ces substituts du Procureur et sont contents de voir qu'à tous les jours il y a quelqu'un qui peut répondre de l'action de chacun des procureurs généraux dans tous nos districts. Et se priver, Mme la Présidente, de cet outil pourrait nous conduire, au contraire, à remettre en cause, à faire en sorte que la population ait moins confiance dans l'institution du Procureur général. Parce que le fait de répondre et d'être transparent envers la population amène ce degré d'agrément de la population envers la personne qui répond et envers les justifications qu'il donne. Ça n'a rien d'obscur pour un procureur, bien que le sujet parfois puisse être délicat, de répondre des actions posées par ses procureurs, ce qui ne sera plus le cas, Mme la Présidente. Donc, nous allons créer une opacité autour des décisions du Procureur.

Et, encore une fois, bien que sympathique à l'idée... je l'étais au départ, Mme la Présidente, mais, après beaucoup de réflexion, j'ai plutôt maintenant tendance à croire qu'au contraire l'ajout de cette opacité risque ? risque ? là de faire en sorte que la population perde confiance ou du moins que cette confiance diminue envers l'institution aussi fondamentale que la personne qui porte des accusations. Et là on est au coeur de notre système démocratique, Mme la Présidente, on est au coeur de la confiance que la population a envers nos institutions. Et le fait de dire... Je ne pense pas qu'il soit... on ajoute à l'indépendance, à l'imputabilité ou à la transparence. Le fait de dire, pour quelqu'un en cette Chambre, vous le savez: Je n'ai pas cette responsabilité, quelqu'un d'autre l'exerce à ma place, et je n'ai pas d'opinion sur la question, je n'ai pas à la justifier, eh bien, moi, je pense qu'à partir de ce moment-là on pourrait avoir un problème, pas actuellement, mais, s'il se posait des circonstances très particulières ou même comme on a vécues dernièrement, il pourrait y avoir à ce moment-là des problématiques de confiance.

C'est un secret de Polichinelle, Mme la Présidente, de dire que cette réflexion vient aussi des événements qui ont entouré tout le mégaprocès des Hell's Angels et des décisions qui ont été prises ou n'ont pas été prises. Et cela a amené beaucoup de questionnements par rapport à l'institution. Mais il reste qu'il ne faut pas se servir d'un événement, dans peut-être les 30 dernières années ? je recule le plus possible, mais ? où la personne qui exerçait la fonction a agi d'une façon qui aurait pu compromettre effectivement un des plus grands procès de notre histoire, pour remettre en cause toute l'institution. Au contraire. Et j'aurais plusieurs exemples à donner au ministre, Mme la Présidente, où le fait d'avoir un ministre de la Justice élu, un Procureur général qui a répondu ici, en cette Chambre, a fait en sorte d'éviter bien des problématiques, de sauver bien des réputations et de conserver la confiance du public envers ses institutions.

n(16 heures)n

Alors, j'invite le ministre ? et nous aurons des consultations ? à continuer à réfléchir sur cette question, comme je l'ai fait, d'ailleurs. Parce qu'a priori, je l'ai dit, je ne remets pas en cause les intentions du ministre, elles sont nobles, qui sont celles d'assurer une certaine stabilité. Or, j'ai bien peur que... Et, bien que le poste, lui, de ministre de la Justice et de Procureur général, dans les trois dernières années, a fait l'objet d'une instabilité, elle, quasi certaine, Mme la Présidente, il reste que, de façon historique, le rôle joué par le Procureur général, dans notre histoire, comme élus, a mieux servi les intérêts de la justice. Alors, avant de changer quelque chose qui n'est pas brisé, Mme la Présidente, je pense qu'il faut le regarder à deux fois et bien réfléchir à la question au lieu de...

Et je souhaite d'ailleurs... Et je ne prête pas d'intentions, je souhaite que le ministre fasse la même réflexion que moi autour des gens que nous aurons à entendre. Peut-être même qu'il sera pertinent d'entendre des anciens ministres de la Justice qui ont occupé cette fonction pour qu'eux viennent nous dévoiler, nous dire leurs impressions par rapport à cette possibilité qui n'est pas à son premier essai, là. Ça fait au moins 15 ans, là, au moins... Et j'en parlais même à des ministres qui étaient là au début des années quatre-vingt, Mme la Présidente, et cette idée n'est pas nouvelle. Elle existe depuis longtemps mais a toujours été analysée, jamais balayée du revers de la main, au contraire, parce qu'on est ici dans des choses fondamentales, mais a toujours été évaluée, soupesée, réfléchie mais rejetée pour certains des motifs que je vous ai indiqués.

Mais évidemment, dû à mon expérience, Mme la Présidente, je n'ai pas occupé le siège de ministre de la Justice et de Procureur général... le poste plutôt de Procureur général, donc je n'ai pas tout l'éclairage que peut avoir un ministre de la Justice sur cette question, mais je pense qu'il serait pertinent aux membres de notre commission, au-delà des règles de la dualité qui existent dans notre Parlement, mais d'avoir le bénéfice d'un éclairage particulier d'anciens ministres de la Justice.

D'ailleurs, j'avais souhaité des consultations générales, nous avons des consultations particulières. Nous tentons de l'élargir le plus possible parce que, ce projet de loi, il y a une chose qui est sûre, Mme la Présidente, c'est que ce n'est pas un genre de projet de loi qui est adopté à la vapeur, là. Il a été déposé au mois de mai, et c'est un sujet qui demande beaucoup de réflexion personnelle. Mais tous ceux et celles qui seront en commission vont voir que ce n'est rien de simple, au contraire. Il demande de la sérénité, il demande aussi de la...

Cette sérénité provient souvent et la sécurité provient souvent des délais, Mme la Présidente, autrement dit de permettre à tout le monde, en son âme et conscience, de faire cette réflexion au-delà de l'aspect partisan, parce qu'il n'y en a pas dans ce dossier-là ? il n'y a pas de partisanerie, il y a strictement les intérêts de la justice ? donc que chacun puisse, de façon consciente des problématiques soulevées, faire la même réflexion en toute sérénité. Donc, je souhaite que le ministre n'ait pas l'empressement de...

Si on peut passer aux étapes ultérieures dans des délais normaux, ça me fera plaisir. Il n'y a pas de blocage, au contraire. Mais ce que je souhaite, c'est que c'est exactement le type de projet de loi qui, dans la réforme parlementaire qui est actuellement proposée par le leader et la présidence, aurait justifié que le dépôt et l'adoption ne se fassent pas au cours d'une même session. Les sujets méritent, je pense, au contraire, qu'ils fassent l'objet d'une réflexion approfondie. Et, je le répète, cette sérénité ne vient souvent que par le fait de sortir de cette Assemblée.

On est en pleine session intensive, on siège jusqu'à minuit, ce qui laisse peu de place aux consultations extérieures, aux réflexions, je vous dirais, de façon plus légère, plus débarrassée de notre train-train quotidien, si on peut appeler ça un train-train quotidien ici, là, de la tornade des sessions intensives, mais ce qui demande beaucoup plus de prendre un pas de recul et de dire: Maintenant, est-ce que vraiment on sert les intérêts de la justice, malgré la pertinence du projet de loi? Et je n'enlève pas sa pertinence, au contraire. C'est un débat qui va être intéressant, et je veux y être. Mais peut-être demande-t-il effectivement que son adoption se fasse à une autre session pour éviter la précipitation, qui serait, dans ce cas-ci, très mauvaise conseillère.

Cela fait plus de 100 ? 1967? ? donc plus de 100 ans que nous fonctionnons, au Québec, de cette façon-là. L'État britannique a fonctionné de cette façon-là pendant plus de 1 000 ans parce que, il faut dire, le roi avait auparavant ce pouvoir. Changer une telle façon de faire, je pense que la sérénité nous commande d'agir avec toute la précaution requise et donc de faire les consultations les plus larges possible, d'entendre... et en même temps de prendre un temps de répit pour bien juger de l'opportunité de modifier nos règles. Et j'invite encore une fois le ministre de bien faire le décompte des fois où le Procureur général élu en cette Chambre a servi les intérêts de justice en y répondant, en y étant imputable.

Et, quand je disais: Je ne suis pas fermé au changement, au contraire, j'ai même proposé, lors de l'étude des crédits, au sous-ministre, un des fonctionnaires qui a eu à parcourir ou à s'informer auprès de d'autres législatures ailleurs au Canada mais aussi dans le monde, au Royaume-Uni, en Australie: Est-ce que peut-être... Pour assurer un plus grand aspect hermétique à la fonction, peut-être qu'il faudrait s'assurer que le Procureur général, lui, ne siège pas au Conseil des ministres, tout simplement, purement et simplement, qu'il soit ici, en cette Chambre, qu'il soit nommé, qu'il ait à répondre des choix qu'il fait, mais qu'il soit retiré tout simplement du Conseil des ministres. Et, à ce moment-là, nous gagnerions, Mme la Présidente, quant au caractère hermétique de ses décisions, mais surtout nous ne perdrions pas un élément important qui est celui de l'imputabilité et, je vous dirais, trois éléments: l'imputabilité, la transparence et, je pense aussi, la confiance, Mme la Présidente.

J'ai tenté d'ailleurs... Et peut-être que le ministre pourra me souligner des événements où il y a eu des poursuites, parce que le Procureur général est souvent poursuivi, par contre, et ça, ça arrive assez régulièrement, pas à cause de la fonction exécutée par le Procureur général, pas par le fait qu'il est élu, mais chacun des substituts du Procureur prennent des décisions dans leurs districts, et parfois il se révèle qu'il y a des causes célèbres où les décisions prises par le Procureur, qui en prend, vous le savez, des centaines et des centaines... Il peut arriver des cas où effectivement on remet en cause le fait, par un substitut en tant que tel, de prendre une accusation... de porter plutôt une accusation contre quelqu'un, et souvent ces dossiers sont rejetés, parfois effectivement ils sont gagnés, et l'État doit verser les montants afin de compenser les victimes. Parfois, c'est même le travail des policiers qui est remis en cause, et, à ce moment-là, Mme la Présidente, l'État est responsable.

Mais je n'ai jamais trouvé, en jurisprudence, Mme la Présidente ? et là j'ai fait un recul de plusieurs dizaines d'années ? je n'ai jamais trouvé un cas où c'est le Procureur lui-même, dans les 30 dernières années... où la décision du Procureur général lui-même a été remise en cause ou que, la décision qu'il a portée, on a pu voir finalement que c'était le Procureur qui avait influencé ses substituts pour ne pas déposer ou porter des accusations. Ça n'est jamais arrivé. Pourquoi? Parce que je pense que...

J'ai un respect profond, vous le savez. On a beau avoir des débats, là, assez acrimonieux des fois puis assez rudes sur le plan verbal, évidemment, en cette Chambre, moi, j'ai toujours cru que ceux qui sont ici, ceux qui aspirent à être élus ont la capacité d'exercer des fonctions importantes et ont le jugement nécessaire pour prendre des décisions aussi importantes que celles-là, et peu importe le côté de la Chambre où on se trouve. Il n'est pas vrai que, dans les élus qui se trouvent ici, dans cette Chambre, ou ceux qui nous ont précédés, il n'y avait pas les gens qui correspondaient au standard d'indépendance que requiert le poste de Procureur général. Et nous ne serons jamais à l'abri, Mme la Présidente, peu importe quel écran on mettra, on ne sera jamais à l'abri des erreurs de jugement. Mais on ne sera jamais non plus à l'abri de la perméabilité des personnes qui sont là, qui exercent la fonction.

n(16 h 10)n

Un directeur des poursuites publiques est tout aussi perméable à l'actualité, lit les journaux, a une famille, a des gens près de lui qui lui parlent à l'occasion. Donc, lui aussi doit exercer ses fonctions en faisant la part des choses. Lorsqu'il met son habit finalement de Procureur général ou, dans ce cas-ci, de... où éventuellement il doit s'assurer que ses réponses ou que les choix qu'il aura faits... qu'il fera plutôt en son âme et conscience serviront les intérêts de la justice, donc... Et c'est pour cela, Mme la Présidente, qu'au moment où nous sommes, à l'étape du principe, bien que je serai...

Et j'avais d'ailleurs invité le ministre à beaucoup, beaucoup... d'ouvrir les portes. J'aurais souhaité des consultations générales et je pense que, s'il y a un sujet qui méritait des consultations générales, c'est bien celui-là. Nous sommes aux consultations particulières. Le ministre, je dois le dire, au début, bon, avait soumis une liste que je trouvais très ténue et très faible, donc nous l'avons... Nous y ajoutons des noms, et j'aurai, d'ici à la fin de la journée, l'occasion de lui donner les noms que nous pensons qui apporteront un éclairage à nos débats. Mais j'aurais quand même souhaité ouvrir ce débat plus largement. Pourquoi? Parce que des gens, des criminalistes qu'on ne connaît pas ou qui n'ont pas encore de réputation, je vous dirais, qui pourrait justifier leur venue... pas leur venue mais qui pourrait justifier le réflexe, de la part des membres de la commission, de les inviter à venir témoigner... Peut-être que des gens qui ont des idées très arrêtées, des constitutionnalistes, parce que cela amène aussi des questions constitutionnelles et administratives, des spécialistes en droit administratif... J'aurais souhaité ouvrir pour que certains qui réfléchissent à cette question, peut-être même des professeurs dans des universités, autres qu'en droit, qui ont réfléchi à cette question, puissent nous éclairer de leurs travaux, de leur réflexion, de leurs études comparées parfois à d'autres législatures qui ont procédé de d'autres façons.

Je regardais, entre autres, le Royaume-Uni qui a préféré, lui, en faire... Ou plutôt on me dit que c'est l'Angleterre. Donc, ce serait l'État de l'Angleterre qui a préféré, lui, avoir un procureur général élu mais non membre du cabinet, et je pense que c'est une solution qui est sage, bien que je n'exclue pas le fait de discuter de la question, mais je pense que ça demande un éclairage. Donc, par prudence, Mme la Présidente, à l'étape où on est, pour les raisons données, par le fait que je pense qu'à tout moment l'institution du Procureur général n'a jamais été remise en cause par nos citoyens et citoyennes, au contraire, et que des décisions difficiles ont été prises ? et je regarde encore dans les dernières années où des fois certains commentaires amenaient plutôt à remettre en doute la présence du Procureur; certes, pas nous, membres de cette Assemblée, au contraire, les justiciables ? que quelqu'un ait à répondre ouvertement à l'ensemble de la population du Québec... Et c'est sa crédibilité, à ce moment-là, qui est en jeu, et je ne pense pas que le fait d'enlever ou d'affaiblir les pouvoirs des élus en cette Chambre renforce nos institutions, Mme la Présidente. Alors, à cette étape, je voterai contre le principe du projet de loi.

Je le dis encore une fois, lorsque le ministre l'a déposé, j'étais même plutôt en faveur. Mais, après lecture, discussion, réflexion... Même encore tantôt, je réfléchissais seul, pendant deux heures de temps, pour voir: Est-ce que c'est bien l'enlignement qu'on veut donner à notre justice? Je vous avouerais que la prudence m'a amené à conclure pour l'instant le contraire. Donc, je souhaite deux choses du ministre, c'est qu'il soit très ouvert à la liste que nous lui transmettrons et qu'il fasse preuve de sérénité et de prudence en ne pressant pas l'adoption d'un tel projet de loi, qu'il laisse aux commentateurs et à tous ceux qui sont concernés par la question... de regarder, de l'analyser. Et je ne pense pas, d'aucune façon, que notre institution ou que cette institution serait mise en danger par le report de l'adoption... pas par le report, par une procédure normale, qui est celle de l'adoption finale du projet de loi ultimement, si on juge, après la commission, que c'est la bonne voie ? et, moi, vous savez, je suis très ouvert, je ne suis pas quelqu'un de dogmatique, au contraire ? donc qu'on reporte l'adoption finale, si le ministre ne change pas d'idée, à la prochaine session. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le leader adjoint de l'opposition officielle. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Groulx, à vous la parole.

M. Pierre Descoteaux

M. Descoteaux: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir, aujourd'hui, Mme la Présidente, de discuter, en cette Chambre, du principe du projet de loi n° 109. J'ajouterai aux propos déjà tenus que le projet de loi n° 109 instituant le Directeur des poursuites publiques s'inscrit dans le contexte de modernisation de l'État. En effet, nous tenions à inclure, dans le plan de modernisation de l'État, notre volonté d'accroître les garanties d'indépendance des poursuivants en matière criminelle et pénale et hausser la transparence du processus de poursuite en ces matières.

Rappelons qu'il est important pour nous, en tant que gouvernement, d'aller au-delà des attentes des citoyens du Québec et d'innover. Nous n'hésitons donc pas à revoir nos façons de faire. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait en déposant le plan de modernisation de l'État il y a un an, en mai 2004. Concrètement, c'est à nouveau ce que nous avons fait en présentant ce projet de loi n° 109 qui crée le Directeur des poursuites publiques.

Notre système actuel, fondé sur des principes de justice, doit pouvoir compter sur la transparence dans son processus de poursuites, justement. Et, afin de mieux satisfaire aux impératifs fondamentaux de la justice, nous présentons ce projet de loi qui distingue les orientations générales de politique publique des décisions quotidiennes relatives aux poursuites.

L'état actuel du droit permet au Procureur général, qui est également le ministre de la Justice, par le biais de ses substituts, d'autoriser et de diriger les poursuites prises en vertu du Code criminel de même que celles prises en vertu de certaines lois fédérales, notamment celles relatives aux stupéfiants. C'est également à eux que revient de poursuivre, en vertu du Code de procédure pénale, pour les infractions aux lois pénales provinciales. Le Procureur général, à travers ses substituts, est donc la personne qui a l'autorité pour agir dans l'application de la loi fédérale sur le système de justice pénale des adolescents.

Le projet de loi confiera au Directeur des poursuites publiques la mission actuellement dévolue au Procureur général en matière de poursuites criminelles et pénales. Ultimement, le ministre de la Justice demeure le Procureur général, puisqu'il conserve, en vertu du Code criminel, ses fonctions de poursuivant de même que sa capacité d'agir en matière civile. En effet, si le Procureur général désire intervenir dans une affaire spécifique pour la diriger, il doit le signifier publiquement au Directeur des poursuites publiques au moyen d'un avis, et je rappelle que cette intervention se fera sous la responsabilité du Directeur. Mentionnons également que le Procureur général ne pourra intervenir que de façon exceptionnelle, et ce, après consultation avec le Directeur. Le Directeur des poursuites publiques devient donc le substitut légitime du Procureur général et d'office le sous-procureur général.

Peut-être pour rassurer le porte-parole de l'opposition officielle, le député de Chicoutimi, rappelons que le ministre de la Justice et Procureur général demeurera cependant responsable, comme élu et membre du gouvernement, de la politique d'intérêt général et des orientations et mesures générales à prendre en matière d'affaires criminelles et pénales. Ces politiques publiques seront intégrées dans les directives du Directeur des poursuites publiques. Ces directives ont pour but d'assurer un traitement égalitaire des affaires. Je pense notamment à l'importance, lorsqu'il est question de facultés affaiblies, que le Directeur réclame que tous voient certaines peines appliquées dans certaines circonstances. Aussi, des échanges d'information ont été prévus entre le Directeur et le ministre pour permettre, entre autres, au Procureur général d'intervenir lorsque des questions constitutionnelles ou d'intérêt collectif sont soulevées dans des affaires, surtout celles portées devant les tribunaux supérieurs. C'est également le Directeur des poursuites publiques qui sera responsable d'assurer la cohérence de l'action des substituts, notamment au moyen de directives dont je viens de faire mention.

En terminant, je pense qu'il est important de rappeler que le projet de loi n° 109 ne crée aucune rupture juridique dans l'exercice de la charge des opérations de poursuite. Le tout continue de s'inscrire dans la tradition constitutionnelle et permet de respecter la responsabilité étatique en matière d'affaires criminelles et pénales.

Donc, comme je le disais au début de mon intervention, ce projet de loi, qui s'inscrit dans les travaux de modernisation de l'État entrepris par le gouvernement, marque une étape fort importante. En créant un poste de Directeur des poursuites publiques, notre gouvernement accentue les garanties d'indépendance liées à la fonction de la poursuite publique et renforce la transparence du processus. Il est important que nous puissions accroître la confiance de la population dans notre système judiciaire. Le choix des dispositions contenues dans le projet de loi a été guidé par notre désir d'offrir à la population un système de justice intègre, transparent, digne de confiance et surtout efficace. Nous posons donc, aujourd'hui, les bons gestes en modernisant notre approche à l'égard du processus accusatoire. Merci, Mme la Présidente.

n(16 h 20)n

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants portant sur le projet de loi? Il n'y a pas d'autre intervenant? M. le ministre, pour votre droit de réplique, à vous la parole.

M. Yvon Marcoux (réplique)

M. Marcoux: Merci, Mme la Présidente. Je veux remercier le député de Groulx, également le député de Chicoutimi. Nous pouvons avoir, je pense, une approche différente sur des concepts qui sont les mêmes. L'objectif que nous poursuivons, et nous l'avons établi, je pense, à la fois le député de Groulx et également dans mes remarques préliminaires...

Il y a trois principes fondamentaux que nous respectons dans le cadre de ce projet de loi, et principes que nous voulons renforcer, d'ailleurs. Premièrement, l'imputabilité. Le Procureur général demeure imputable devant son titre d'élu. Il le demeure d'une part parce qu'il aura à définir des politiques publiques qui touchent le système accusatoire, les poursuites, et ça, c'est majeur. Donc, on distingue les politiques des actions quotidiennes. Et, même dans le cadre d'actions quotidiennes, une action spécifique du Directeur, le projet de loi prévoit que le Procureur général pourra toujours intervenir. À ce moment-là, il devra consulter le Directeur et surtout, et justement en termes de transparence, il devra immédiatement rendre publique une telle intervention, ce qui permettra à la fois aux élus, à la fois également à la population de juger du contenu et de l'opportunité d'une intervention spécifique du Procureur général.

Troisième élément, donc, en plus de l'imputabilité, d'une plus grande transparence, de pouvoir distinguer et d'avoir le Directeur des poursuites publiques qui est nommé pour une période de sept ans, donc qui ne peut être démis de ses fonctions au cours de cette période, d'assurer une indépendance dans l'exécution quotidienne des poursuites, dans le cadre des politiques générales, et également d'accroître la confiance de la population à l'égard des poursuites et des actes d'accusation qui peuvent être portés parce que ce le sera par quelqu'un qui a été, disons... qui est inamovible pour une période de sept ans, qui a à s'inscrire dans le cadre de politiques générales et qui ne peut être influencé par d'autres contextes, que ce soient des contextes politiques ou autres...

Il est clair, Mme la Présidente, que nous avons mûrement réfléchi. Nous allons pouvoir en discuter, d'ailleurs, nous allons consulter. Ce n'est pas un contexte de débat partisan, j'en conviens, et ce n'est pas comme ça non plus que ça a été présenté. C'est vraiment dans la perspective d'améliorer nos institutions. C'est bien sûr qu'on peut dire: Bien, écoutez, il n'est pas rien arrivé jusqu'à maintenant; bien, ne touchons pas à rien. Je pense que la vision que nous devons avoir, quand c'est possible, c'est toujours de vouloir améliorer nos institutions publiques et accroître à la fois l'intégrité, la transparence, la confiance et l'efficacité de notre système judiciaire.

Alors, nous allons donc, en commission parlementaire, en discuter. Ce sera certainement un débat intéressant. Nous pourrons compter sur les commentaires ou les suggestions de personnes ou de groupes qui viendront devant la commission parlementaire. Mais l'objectif, et comme ça a été fait à la fois en Angleterre, à la fois en Australie, à la fois en Nouvelle-Écosse, c'est pour accroître l'imputabilité, accroître la transparence et également accroître également la confiance du public dans l'ensemble de notre système. Alors, on prendra le temps, Mme la Présidente, d'en discuter, je pense que c'est important, mais c'est toujours dans la perspective de vouloir améliorer nos institutions publiques, dans la vision de pouvoir rendre de meilleurs services aux citoyens et de maintenir surtout la confiance de la population dans son système de justice, du côté criminel et pénal. Alors, merci, Mme la Présidente.

Mise aux voix

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre. Alors, est-ce que le principe du projet de loi n° 109, Loi sur le Directeur des poursuites publiques... Est-il adopté?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté.

Une voix: Sur division.

La Vice-Présidente: Sur division. Adopté sur division. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Renvoi à la Commission des institutions

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la Commission des institutions pour étude détaillée.

Mise aux voix

La Vice-Présidente: Je vous remercie. Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, Mme la Présidente. Puis-je vous référer à l'article 2 de notre feuilleton?

Projet de loi n° 76

Adoption du principe

La Vice-Présidente: Je vous remercie. Oui. À l'article 2, Mme la ministre des Affaires municipales et des Régions propose l'adoption du principe du projet de loi n° 76, Loi abrogeant la Loi sur la Commission municipale et modifiant diverses dispositions législatives. Alors, comme première intervenante, je vais reconnaître la ministre des Affaires municipales et des Régions. À vous la parole.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci à vous, Mme la Présidente. Alors, il me fait plaisir, aujourd'hui, d'être ici pour vous entretenir du projet de loi n° 76.

Mme la Présidente, on se le rappellera, le projet de loi n° 76, qui a été déposé par mon prédécesseur et collègue, le ministre de l'Éducation, l'actuel ministre de l'Éducation, du Sport et du Loisir, en novembre dernier, ce projet de loi, Mme la Présidente, est une loi... ou un projet de loi qui abroge la Loi sur la Commission municipale du Québec et modifie diverses dispositions législatives. Ce projet de loi s'inscrit dans l'actuelle démarche de modernisation de l'État québécois. Par cette mesure, notre gouvernement entend alléger les structures et mettre fin à des dédoublements dans l'administration publique.

Je vous rappelle que la Commission municipale est un tribunal administratif créé en 1932, dans le contexte de la crise économique qui a précédé la Seconde Guerre mondiale. À cette époque, son rôle consistait à assurer le contrôle et la surveillance des finances des municipalités, des commissions scolaires et des fabriques. Au cours des quelque 70 années qui se sont écoulées depuis la création de cette commission, sa mission s'est passablement transformée. On comprend, Mme la Présidente, entre 1932 et aujourd'hui, que la mission pour laquelle la commission a été créée effectivement a évolué au rythme bien sûr de l'évolution du monde municipal. Ces transformations ont résulté de transferts de pouvoirs d'organismes qui ont été abolis, comme la Régie des eaux et la Commission nationale de l'aménagement. Ces transformations ont résulté également de changements majeurs dans certains domaines de l'administration municipale, notamment en matière de fiscalité, d'aménagement et d'urbanisme. C'est ainsi qu'au fil des ans la Commission municipale s'est vu confier une multitude de compétences de nature tant juridictionnelle qu'administrative.

Avant d'aborder la question du transfert comme tel des compétences, je vous signale que les responsabilités confiées à la Commission municipale se retrouvent dans sa loi constitutive ainsi que dans plus de 20 autres lois liées au domaine municipal.

Alors, Mme la Présidente, pour ce qui est du transfert des compétences, la mission diversifiée de la Commission municipale a conduit à l'élaboration de solutions différentes, selon la nature des compétences, afin qu'elles soient transférées aux instances les mieux adaptées pour les exercer. Alors, ce n'est pas tout de procéder à la dissolution d'un organisme comme celui de la Commission municipale du Québec, encore faut-il, Mme la Présidente, proposer des alternatives qui assurent une plus grande efficacité dans les services qui peuvent être rendus au monde municipal.

Alors, les solutions que nous proposons peuvent être divisées en cinq grandes catégories. La première, nous souhaitons transférer... donc s'adresse au processus de transfert vers le Tribunal administratif du Québec. La deuxième solution consistera à transférer certaines compétences ou dispositions vers un certain nombre d'organismes. La troisième solution, Mme la Présidente, consiste à procéder à un transfert vers un arbitre. La quatrième solution consiste à un transfert à un ministre, à un administrateur ou encore à un expert, et la cinquième solution repose sur la suppression des pouvoirs désuets ou inappropriés. Donc, par ce projet de loi, Mme la Présidente, nous venons non seulement améliorer le soutien qui peut être offert au monde municipal, mais également nous venons moderniser les outils qui sont à la disposition des municipalités au Québec.

n(16 h 30)n

Mme la Présidente, le Tribunal administratif du Québec est un organisme dont la fonction est de statuer sur les recours formés contre une autorité administrative ou une autorité décentralisée. Il n'exerce que des compétences de nature juridictionnelle. Aussi les compétences qui lui sont transférées portent-elles sur la contestation des décisions prises par un organisme municipal ou un ministre concernant les objets suivants: tout d'abord, les décisions prises par la ville de Bécancour, par exemple, en matière d'application de règlements municipaux, de taxation et de coût des services offerts par la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour; deuxièmement, Mme la Présidente... M. le Président, pardon, deuxième objet, la fixation de l'indemnité lorsque la ville de Québec ordonne l'enlèvement des poteaux et des fils aériens ou prend possession de conduits souterrains; troisième élément, les décisions prises par les commissions des services électriques des villes de Montréal et de Québec, par exemple, et par les municipalités concernant les conduits souterrains ou l'utilisation conjointe de poteaux. Autre élément, M. le Président, les décisions prises par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs relatives aux tarifs des services d'élimination des matières résiduelles, ou encore les décisions prises par les organismes municipaux responsables de l'évaluation en matière de reconnaissance à des fins d'exemption de taxes.

M. le Président, si je fais référence à l'ensemble des missions qui sont dévolues, par exemple, au Tribunal administratif du Québec ou à certains autres organismes, c'est pour vous illustrer ou vous démontrer que nous avons prévu des alternatives à la dissolution de la Commission municipale du Québec.

Alors, pour ce qui est de la deuxième solution proposée dans le projet de loi qui est déposé, nous parlons d'une partie d'un transfert de responsabilités de la Commission municipale vers d'autres organismes. Alors, les organismes, par exemple, municipaux responsables de l'évaluation, de même que la Commission des relations de travail et le Directeur général des élections du Québec font partie de la catégorie des autres organismes qui hériteraient chacun d'une fonction de la Commission municipale du Québec.

Les organismes municipaux responsables de l'évaluation, ce qu'on appelle dans notre jargon, M. le Président, les OMRE, alors on regroupe sous cette dénomination les municipalités régionales de comté et les municipalités locales à l'égard desquelles une MRC n'a pas compétence en matière d'évaluation, ils sont au nombre, au Québec, de 189. Ces organismes sont responsables de la confection des rôles d'évaluation. Dans le cadre de leur mandat, ils sont notamment appelés à faire déterminer par l'évaluateur quels biens sont des immeubles au sens de la Loi sur la fiscalité municipale, quels immeubles doivent être portés au rôle et quelle est leur valeur. L'évaluateur doit également inscrire au rôle d'évaluation les immeubles exemptés de la taxe foncière et les personnes exemptées de la taxe d'affaires en raison de la reconnaissance dont ils font l'objet. Étant donné la nature des fonctions que les OMRE exercent déjà, il est recommandé de leur confier la responsabilité d'attribuer ou de révoquer, sur la base des critères actuels prévus dans la loi, les reconnaissances à des fins d'exemption de taxes en remplacement de la Commission municipale.

Vous savez, M. le Président, il y a plusieurs organismes communautaires, entre autres, qui sollicitent année après année la Commission municipale du Québec pour bénéficier d'une exemption de leurs taxes foncières, là, auprès de leur municipalité. Pour remplir ce nouveau mandat, il est prévu de faire agir les OMRE par l'intermédiaire d'une personne qu'ils désigneraient à cette fin. La décision donc de l'OMRE pourrait être contestée devant le Tribunal administratif du Québec, comme je l'ai mentionné un peu plus tôt.

Maintenant, la Commission des relations de travail, autre organisme qui pourrait donc recevoir un certain nombre, M. le Président, de compétences qui sont actuellement dévolues à la Commission municipale du Québec. Alors, depuis le 20 décembre 2000, la Commission des relations du travail entend les appels de certains fonctionnaires municipaux qui ont été congédiés ou suspendus ou dont le traitement a été réduit. C'est exactement dans le même esprit qu'il est recommandé de transférer à cette commission la compétence de destituer un président d'élection pour cause.

Autre organisme, M. le Président, qui donc accueillera... si le projet de loi bien sûr est adopté par cette Assemblée, le Directeur général des élections du Québec. Alors, il est proposé dans ce projet de loi n° 76 de transférer au Directeur général des élections du Québec la responsabilité d'autoriser un greffier ou un secrétaire-trésorier à ne pas agir à titre de président d'élection. Comme le Directeur général des élections est déjà impliqué dans le processus électoral municipal, il apparaît l'instance appropriée pour remplir cette fonction.

Pour ce qui est maintenant, M. le Président, de l'arbitrage, alors le projet de loi confie ou prévoit confier les compétences exercées par la Commission municipale qui sont de la nature d'un arbitrage. Un arbitre donc sera nommé par la ministre des Affaires municipales et des Régions, par le ministre de la Justice ou encore par le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, selon bien sûr la nature du cas. C'est, par exemple, M. le Président, le cas lorsqu'elle est appelée à intervenir à la demande de l'une des parties sur les objets suivants ? on parle bien sûr de la ministre des Affaires municipales et des Régions: par exemple, la gestion commune de routes qui traversent la limite des territoires de deux municipalités locales ? je vous donne certains cas de figure, M. le Président, qui pourraient faire l'objet, de la part de la ministre des Affaires municipales et des Régions, de la désignation d'un arbitre pour régler un certain nombre de litiges qui pourraient survenir ? deuxièmement, deuxième exemple, l'application d'ententes intermunicipales, troisièmement, les conditions de transfert d'un équipement ou de matériel lors de l'acquisition d'une compétence par une MRC, quatrièmement, les conditions de transfert du territoire de compétence entre deux organismes municipaux responsables de l'évaluation à la suite d'une annexion ou d'un regroupement d'une municipalité locale.

Autre cas de figure, M. le Président, concernant cette fois-ci la fixation des taux de vente d'eau ou du service d'égout entre des municipalités ou entre une municipalité et une personne qui exploite un système d'aqueduc ou d'égout, autre cas de figure, c'est celui qui concerne, par exemple, l'adoption du budget de la Commission de l'aqueduc de la ville de La Tuque ou le choix du cinquième membre de son conseil d'administration.

Aussi, pour l'ensemble de ces compétences ainsi que pour celles qui consistent à trancher les différends pouvant découler du partage des dépenses engagées dans le cadre de la Loi concernant la consultation des citoyens sur la réorganisation territoriale de certaines municipalités, il est proposé de remplacer «la commission» par «un arbitre». Ce dernier serait nommé par la ministre des Affaires municipales et des Régions, sauf pour les différends relatifs à l'application d'une entente sur une cour municipale et à la fixation des taux de vente d'eau et de services d'égout, auxquels cas la nomination serait faite respectivement par le ministre de la Justice et par le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.

Il est également, M. le Président, recommandé de transférer une partie des compétences de nature administrative à un ministre ou à un administrateur. Au nombre de ces compétences, il y a, entre autres, les pouvoirs d'enquête de la Commission municipale sur l'administration d'une municipalité. Il est proposé de les faire exercer par la ministre des Affaires municipales et des Régions ou par une personne qu'elle désigne à cette fin. Le ministre ou la ministre et la personne qu'il désigne seraient donc investis des pouvoirs d'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, soit ceux d'assigner des témoins, de les contraindre à déposer des documents, de les interroger et de déclarer un outrage au tribunal. Les pouvoirs d'enquête sur le financement ou l'administration d'une cour municipale seraient pour leur part transférés à une personne désignée par le ministre de la Justice, puisque ces tribunaux relèvent de sa compétence.

En ce qui concerne maintenant les tutelles des municipalités des cours municipales, on a un certain nombre de cas, M. le Président, bien qu'exceptionnels, pour lesquels la commission est mise à contribution. Alors, pour les cas de tutelles des municipalités des cours municipales, il est recommandé de les transférer à un administrateur nommé par le gouvernement pour la période qu'il détermine. Dans le cas de l'administration temporaire des municipalités, laquelle survient lorsqu'un conseil municipal ne peut siéger valablement, notamment parce qu'il n'y a plus quorum, l'administrateur serait nommé par la ministre des Affaires municipales et des Régions.

Les audiences publiques portant maintenant sur les différents aspects de l'organisation territoriale municipale, par exemple changement de nom, annexion, transfert de territoire ou encore regroupement, seraient tenues par la personne mandatée à cette fin par le ou la ministre. Les aspects sur lesquels les audiences pourraient porter seraient étendus aux différents domaines de la compétence du ministre. De la même façon, il est prévu de transférer à une personne désignée par la ministre le soin de réaliser une étude sur le caractère supralocal ou non d'un équipement municipal.

Il est par ailleurs proposé, M. le Président, dans ce projet de loi n° 76, de confier directement au ministre des Affaires municipales et des Régions trois responsabilités actuellement attribuées à la Commission municipale. La première concerne l'approbation des décisions des conseils des villages cris et naskapi relatives à l'engagement de crédits de plus de cinq ans et à l'emprunt de sommes d'argent. Le ou la ministre exerce déjà un tel pouvoir à l'égard des autres municipalités du Québec.

La deuxième responsabilité maintenant qui serait attribuée est celle de constater la fin de mandat d'un élu municipal en raison de son défaut d'assister aux séances du conseil pendant 90 jours consécutifs, de son inhabilité, de la nullité de son élection ou de la dépossession de sa charge.

La troisième responsabilité maintenant est celle qui a trait aux avis sur la conformité du plan et des règlements d'urbanisme, aux objectifs du schéma d'aménagement et de développement et aux dispositions du document complémentaire, ainsi que sur la conformité des règlements d'urbanisme au plan d'urbanisme ou aux orientations gouvernementales en matière de protection et de développement durable des activités agricoles en zone agricole.

Dans le cas particulier des avis sur la conformité de certaines interventions gouvernementales aux objectifs du schéma d'aménagement et de développement et aux dispositions du règlement de contrôle intérimaire, le mandat serait confié à un expert choisi par la ministre à partir d'une liste adoptée par le gouvernement et publiée à la Gazette officielle du Québec après consultation de l'Union des municipalités du Québec et de la Fédération québécoise des municipalités, la FQM.

Enfin, le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs se verrait confier la responsabilité de fixer les tarifs d'élimination des matières résiduelles, comme il le fait déjà en matière de services d'aqueduc et d'égout. Sa décision encore une fois pourrait être contestée devant le Tribunal administratif du Québec par l'exploitant de l'installation d'élimination.

Maintenant, M. le Président, concernant tous les pouvoirs qui sont désuets ou inappropriés, alors nous souhaitons procéder à une révision en profondeur des compétences qui sont actuellement attribuées à la Commission municipale. Alors, c'est, M. le Président, une révision qui nous permettra de mettre en lumière un certain nombre de dispositions désuètes ou inappropriées au contexte actuel.

n(16 h 40)n

Comme je le disais dans ma partie introductive, au fil des années, des modifications ont été apportées à la mission de la Commission municipale à la pièce, sans que soit effectuée une révision systématique de l'ensemble des dispositions législatives pertinentes. Cela a eu pour effet de maintenir en vigueur des dispositions qui n'ont plus leur raison d'être parce qu'elles relèvent d'une époque maintenant révolue.

Les dispositions que le présent projet de loi propose d'abroger portent, par exemple, sur les objets suivants. Tout d'abord, la surveillance et le contrôle des finances des fabriques, M. le Président, on comprendra dans le contexte qu'effectivement c'est une disposition qui est révolue, M. le Président, compte tenu de l'autonomie de nos fabriques, hein. Deuxièmement, l'administration d'un système d'électricité établi en commun par les municipalités. Troisième élément, troisième élément qui fait référence à des pouvoirs ou à des compétences, M. le Président, que nous souhaitons abroger ou encore qui sont inappropriés, la déclaration à défaut d'une municipalité qui refuse de payer sa quote-part à une communauté métropolitaine. Autre élément, le règlement des différends en matière financière entre les municipalités locales et l'Administration régionale Kativik. Autre élément, c'est celui ayant trait au règlement des différends relatifs à la gestion commune des chemins d'hiver sur l'eau. Autre élément également, M. le Président, la détermination de l'étendue ou du coût des réparations nécessitées par une excavation dans les rues de la ville de Montréal.

On se rend compte que, quand on est dans le domaine municipal, c'est très, très, très précis, M. le Président. Quand on sait que les municipalités, hein, gèrent des services de proximité, je pense qu'on en a un certain exemple, là, une démonstration assez éloquente. Autre élément, M. le Président, celui concernant l'approbation de certains actes des conseils municipaux. Également, les dispositions concernant la recommandation de la Commission municipale pour que soit adopté un décret du gouvernement autorisant une commission scolaire située sur le territoire des autochtones cris, inuits et naskapis de cesser de faire partie d'une commission régionale. Autre élément, M. le Président, que nous souhaitons donc abroger, c'est les ordonnances pour enjoindre une communauté métropolitaine de ne pas occuper un immeuble situé sur le territoire d'une municipalité locale qu'elle a par ailleurs le droit d'occuper en vertu de ses propres compétences. Et, en terminant, M. le Président, nous souhaitons donc abroger tout l'aspect lié aux ordonnances quant aux travaux utiles à plusieurs municipalités.

Alors, en terminant, je vous précise, M. le Président, qu'il est prévu que le transfert des compétences aux différentes instances désignées se ferait à compter de la date de la sanction de la loi. La Commission municipale demeurerait toutefois compétente pour décider de toute instance qui est pendante devant elle à cette date, jusqu'à ce qu'elle soit officiellement abolie. Je vous signale également que les organismes et ministères qui hériteront de nouveaux pouvoirs ont tous été consultés et qu'ils se sont montrés favorables au transfert de compétences proposées. Nous avons également consulté les associations municipales, les unions municipales et les villes touchées directement par ce projet de loi.

Ceci étant dit, M. le Président, après donc avoir fait état de la consultation que nous avons menée avec un certain nombre d'organismes, de municipalités et de ministères, je souhaite évidemment que l'opposition puisse se montrer favorable à l'adoption de ce projet de loi n° 76, étant entendu, M. le Président, que nous souhaitons moderniser nos façons de faire et nos relations avec le monde municipal. Merci de votre attention.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, Mme la ministre des Affaires municipales et des Régions, de votre intervention. Et, toujours sur l'adoption du principe de ce projet de loi, je cède maintenant la parole à M. le député de Blainville, porte-parole de l'opposition officielle en ces matières. M. le député, à vous la parole pour votre intervention.

M. Richard Legendre

M. Legendre: Oui, merci, M. le Président. Alors, effectivement, M. le Président, le projet de loi n° 76, qui est finalement devant nous aujourd'hui, c'est l'abolition de la Commission municipale du Québec qui existe depuis 1932 et c'est un très bon exemple, M. le Président, d'une bien mauvaise décision gouvernementale, une décision qui reflète à la fois, je dirais, improvisation et dogmatisme, ce qui est un peu paradoxal, il faut en convenir.

Je dis d'abord «improvisation», et je me permettrais peut-être aussi, M. le Président, de dire «indécision» parce que ce projet de loi a été présenté non pas il y a quelques semaines, mais l'automne dernier, l'automne 2004, et cette adoption de principe à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui se produit presque six mois plus tard. Et, d'ailleurs, la Commission municipale, le gouvernement initialement avait prévu son abolition, sa fermeture pour le 31 mars 2005, il y a trois mois. Alors, qu'est-ce qui est arrivé? Qu'est-ce qui est arrivé entre le moment où c'est présenté et maintenant, si ce n'est de l'indécision évidemment, de l'improvisation? Nous avons eu, de ce côté-ci, M. le Président, espoir, espoir, avec le remaniement ministériel ? c'était peut-être un des seuls espoirs d'ailleurs que nous avions avec ce remaniement ? que la nouvelle ministre soit plus sensible à l'importance de la Commission municipale. Malheureusement, peut-être a-t-elle hésité, mais on arrive au même résultat, malheureusement, qui est l'abolition de la Commission municipale.

Je dis «dogmatisme» également, M. le Président, parce que finalement, probablement qu'après cette indécision, cette improvisation, bien c'est le bon vieux réflexe dogmatique du gouvernement qui a fait qu'on décide aujourd'hui d'abolir cette commission qui a, je le rappelle, 73 ans d'existence. Pour quelle raison, pour quelle raison, M. le Président, à part la réingénierie pour la réingénierie? Nous n'avons découvert aucune véritable... aucune raison valable. Et d'ailleurs ça a été assez, je dirais, significatif tout à l'heure, Mme la ministre, dans sa présentation, est allée très rapidement sur les motifs. J'y reviendrai tout à l'heure, mais disons que ça n'a pas été ça, le coeur de l'élaboration de son 16 minutes. Un peu comme si on était mal à l'aise de cette décision. Nous, M. le Président, malgré ce que la ministre souhaite, nous sommes opposés à ce projet de loi, et dans notre cas nous avons de bonnes raisons de l'être, et on va vous en faire part cet après-midi.

Mais d'abord, M. le Président, je pense que c'est important pour les gens qui nous écoutent de leur dire qu'est-ce que c'est que la Commission municipale, qu'est-ce que c'est que cet organisme. Mais d'abord dire, M. le Président, que c'est le seul organisme gouvernemental indépendant qui est spécialisé, qui a une expertise dans le monde municipal, qui existe depuis 1932. Et bien évidemment ça prenait le gouvernement libéral pour trouver, après 73 ans, que ce n'était pas bon, que ce n'était plus bon.

Mais je vais vous décrire, moi, M. le Président, dans un premier temps, la mission actuelle, pas celle de 1932, là, la mission actuelle de la Commission municipale du Québec. Et je vous lis le texte de la Commission municipale, «dont la mission consiste à agir comme expert ou décideur en matière d'organisation territoriale, d'équipements à caractère supralocal, de tutelle, de régulation technique, d'enquête et d'adjudication dans une perspective d'efficacité et d'efficience des administrations municipales. À cette fin, la commission est appelée à statuer sur les droits des municipalités et des citoyens, trancher des litiges et des différends, effectuer des études, donner des avis, superviser et aider les conseils municipaux lors d'une tutelle, administrer [et gérer] à l'occasion une municipalité et agir à titre de conciliateur ou de médiateur, en rendant des décisions motivées, en produisant des rapports circonstanciés ainsi qu'en mettant à contribution l'expérience et l'expertise multidisciplinaires de ses membres.» Et, à la page suivante, M. le Président, je vais raccourcir, là, mais quand même on décrit à la fois les pouvoirs administratifs ? il y en a une liste, là, une dizaine ? et les pouvoirs quasi judiciaires.

Et d'ailleurs, dans son introduction, je trouvais intéressant au moins que Mme la ministre reconnaisse que la Commission municipale s'était vu confier multitude de compétences. C'est tout à fait juste, multitude de compétences: tutelle des municipalités, administration temporaire de municipalités, enquête sur l'administration financière ou sur tout aspect de l'administration d'une municipalité, détermination du caractère supralocal d'un équipement, avis au ministre des Affaires municipales, ça, c'est dans l'administratif; dans le quasi-judiciaire: exemption de taxes foncières et de taxe d'affaires ? dossier extrêmement substantiel ? avis sur la conformité de certains règlements d'urbanisme, arbitrage d'ententes intermunicipales. Ça, M. le Président, on abolit.

n(16 h 50)n

D'ailleurs, la ministre a dit quelque chose d'entrée de jeu, elle a parlé d'alléger la structure. Alors, ça doit être gros, la Commission municipale, ça doit être énorme, ça doit être lourd, ça doit être coûteux, ça doit être épouvantable, si on décide de l'abolir. C'est tout petit, M. le Président, c'est 16 commissaires plus une douzaine d'employés, dans deux bureaux, un à Montréal et un à Québec. Et ça coûte combien, M. le Président, pour tout ce qu'on a vu, là? 3,5 millions. 3,5 millions sur un budget, si je ne m'abuse, la ministre me corrigera, mais sur un budget, au ministère des Affaires municipales et des Régions, de 1,7 milliard, si je ne m'abuse. Alors, ça, je pense que ça fait à peu près 1/5 de 1 % du budget de Mme la ministre. Ça, il faut alléger cette énorme structure! Bien, moi, je vais vous dire, M. le Président, en termes de rapport qualité-prix, là, on ne peut pas faire beaucoup mieux.

D'ailleurs, ça a été extrêmement intéressant... Je vous parlais d'improvisation. M. le Président, je ne veux pas tourner le fer dans la plaie, là, mais, l'automne dernier, imaginez-vous donc, on a fait un mandat de surveillance, la Commission de l'aménagement du territoire et avec nos collègues d'en face ? c'était une bonne idée ? on a accepté de faire un mandat de surveillance d'un organisme qu'on allait abolir. Nous, on était d'accord parce qu'on aimait... on voulait entendre la Commission municipale. Et on les a entendus le 1er décembre dernier. Et ça nous a permis, à ce moment-là... à entendre le président de la commission, M. Guy LeBlanc et son comité de gestion, bien nous avons appris des choses extrêmement intéressantes.

D'abord, et je me souviens très bien, dans ses toutes premières affirmations, le président, ce sur quoi il a insisté, c'était sur le rôle crucial que la Commission municipale joue en termes de neutralité et d'impartialité ? parce qu'il y a un rôle, on l'a vu, quasi judiciaire, dans bien des cas ? rôle de neutralité et d'impartialité au service des municipalités, au service des MRC et bien évidemment au service également des citoyens. Ce qu'on appris également, M. le Président, j'en ai parlé tout à l'heure, c'est que cette petite commission ? on parle de 16 commissaires et 12 employés, 3,5 millions de budget ? avait un rôle, un double rôle, à la fois administratif et à la fois judiciaire.

Et je me permets de citer justement le président, M. LeBlanc, qui nous parlait justement des fonctions juridictionnelles. Il nous dit: «...c'est lorsque [la commission] se prononce sur le droit des parties, qui implique soit un citoyen, [soit] un organisme municipal, une ou plusieurs municipalités. Elle rend alors ? et on parle de la commission ? une décision motivée après la tenue d'une audience publique conduite dans le respect des règles de justice naturelle, de la loi et des chartes des droits et au cours de laquelle les parties ont l'occasion d'être entendues et d'exposer leur preuve.» Alors, on n'est pas dans n'importe quel domaine, là, on est dans un domaine extrêmement pointu, sérieux, important où on a besoin d'expertise. Il mentionne même, M. LeBlanc: «Si la commission excède sa compétence, ses décisions sont sujettes alors à une révision judiciaire en Cour supérieure.» Donc, une démarche extrêmement importante.

Qu'est-ce qu'on a appris également de la part de la Commission municipale? J'ai entendu Mme la ministre parler tout à l'heure de... Évidemment, quelque chose qui est là depuis 1932, c'est probablement suspect aux yeux du nouveau gouvernement, hein, ça fait bien trop longtemps, il faut réviser ça, il faut moderniser ça. Bien, je vais vous dire ce que, le président, il nous a dit. C'est que la Commission municipale a constamment, M. le Président, constamment vécu des changements, des adaptations et elle s'est toujours, justement, adaptée.

Je parlais tout à l'heure d'un des rôles qu'elle a maintenant: la reconnaissance des organismes à des fins d'exemption de taxes municipales. Il y a quelques années, il n'y a pas très longtemps, c'était environ 400 demandes par année, et, au cours des toutes dernières années, ça a monté à 1 700 par année. Leur rôle a complètement changé, et, oui, la Commission municipale, elle s'est adaptée, elle s'est renouvelée à cet égard.

Même chose, en 2002, on lui a confié de nouveaux pouvoirs, des pouvoirs de médiation extrêmement importants. Je cite à nouveau le président, M. le Président: «En termes d'utilisation de la médiation, l'Ontario est en retard d'à peu près 12 ans sur les États-Unis, et le Québec est en retard d'à peu près cinq ans sur l'Ontario. La médiation obtient environ 80 % de taux de succès en général quand c'est appliqué. Maintenant, si on imaginait, nous, qu'on serait capables, dans le milieu municipal, de régler [seulement] 50 % des conflits, on aurait déjà fait un pas de géant vers une meilleure collaboration entre les partenaires du développement social, économique et culturel du Québec. Ce moyen, la médiation, c'est un outil souple, rapide, économique et efficace[...]. Tous les membres de la commission ont suivi [de la] formation en médiation au début de 2003 ? suite à un nouveau mandat qu'on leur a donné. [...]Ainsi, les techniques de médiation ont servi à dénouer des impasses ou à rapprocher les parties dans [une multitude de cas].»

M. le Président, voici donc un organisme qui ne coûte pas très cher, qui en fait beaucoup, qui a une expertise particulière, qui est neutre et impartial, qui s'est constamment adapté aux nouvelles réalités, aux nouveaux mandats que le gouvernement lui confiait. Et qu'est-ce que le gouvernement libéral va faire avec cet organisme? Il va l'abolir. Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? On a cherché, M. le Président, et on n'a pas trouvé.

D'autant plus que, quand j'ai vu, il y a deux semaines, les déclarations de la présidente du Conseil du trésor, le 18 mai, bien là aussi, avec le remaniement puis son remaniement de discours de la présidente du Conseil du trésor, je me disais: Un et un vont peut-être faire deux, là. Parce que, là, on voyait, bon: Québec ? La restructuration de l'État sur la voie de garage. Seulement une poignée d'organismes sont éliminés. Et là je lisais ce que la présidente du Conseil du trésor disait, et je la cite, M. le Président: «Le but de l'opération, ce n'est pas d'abolir des structures de façon dogmatique ? jusque-là, ça va bien. Le but, c'est d'examiner l'appareil gouvernemental pour s'assurer que le travail s'effectue de façon pertinente.»«Pertinente», le mot clé, M. le Président.

Autre article, mais même présidente du Conseil du trésor. Elle rajoute: «Au niveau des organismes, je n'en ai jamais fait une religion, moi, qu'il fallait abolir des organismes.» Et par la suite elle nous dit ? ça, c'est un peu plus inquiétant: «Le gouvernement ne sait pas toutefois quelles économies il pourra réaliser ? je la cite. Je ne le sais pas parce que justement, quand on va réintégrer des organismes dans des ministères, il est bien difficile d'estimer comment est-ce qu'il va y avoir d'économie.» Alors, là, je ne sais pas si on fait ça pour économiser 3,5 millions, M. le Président, mais le 3,5 millions, là, les tâches à accomplir ne disparaîtront pas soudainement. Et d'ailleurs on l'a bien vu tout à l'heure.

Alors, pourquoi, pourquoi une telle décision? Est-ce que c'est pour justement sauver de l'argent? Bon, 3,5 millions, à mon humble avis, je le mentionnais tout à l'heure, ce n'est pas énorme par rapport à ce que la commission a livré au fil des années. Sauf que 3,5 millions, ça demeure important, évidemment. Mais là, les tâches à accomplir, on les a vues tout à l'heure, M. le Président, et d'ailleurs la ministre l'a confirmé, la commission s'est vu confier une multitude de compétences, bien, la multitude de compétences, là, elle va devoir être assumée par quelqu'un d'autre.

Et justement, intéressant, la ministre disait tout à l'heure «alléger la structure et mettre fin aux dédoublements». Alléger la structure et mettre fin aux dédoublements. Il y avait une organisation, la Commission municipale du Québec, qui faisait tout ce qu'on a vu, et là, pour simplifier les choses, ça va prendre six autres intervenants pour faire tout ça. On passe de un à six pour ne pas avoir de dédoublements. Je ne suis pas tout à fait, moi, M. le Président. Au lieu d'avoir un, on va avoir six, et on parle de réduction.

n(17 heures)n

Parce que, là, on dit, quand on regarde les notes explicatives: «Ce projet de loi abolit la Commission municipale du Québec et transfère certaines de ses compétences aux instances suivantes ? et, là, il y en a six, il faut répartir ça en six: le Tribunal administratif du Québec[...]; les organismes municipaux responsables de l'évaluation se voient confier le rôle d'attribuer ou de révoquer les reconnaissances à des fins d'exemption de taxes...» Alors, la tâche extrêmement importante dont je vous parlais tout à l'heure, vous vous souvenez, qui est passée de 400 par année à 1 700 par année, là on envoie ça au milieu municipal. Troisième niveau d'intervenants dont on a besoin pour remplacer la commission: la Commission des relations du travail; et après ça on parle aussi du Directeur général des élections.

Et après ça c'est pas mal intéressant, M. le Président, pas mal intéressant. Quand on nous chante toutes ces belles chansons pour réduire la centralisation, pour faire en sorte que tout ne revienne pas à Québec, que tout ne revienne pas dans les mains du ministre ou de la ministre, bien écoutez les deux points suivants. «Le projet de loi confie les compétences qui sont de la nature d'un arbitrage à un arbitre nommé par le ministre des Affaires municipales [...] ou par le ministre de l'Environnement.» Et le dernier point, le sixième niveau d'intervention: «Le projet de loi transfère la plupart des compétences de nature administrative exercées par la commission ? à qui? ? au ministre...» On ne veut pas décentraliser, mais la plupart des compétences exercées par un organisme indépendant, on ramène ça à Québec, au ministre. Et, là, on nous dit que l'objectif initial, c'était d'alléger, de rendre ça plus souple et d'éviter les dédoublements.

Évidemment, les coûts additionnels pour les municipalités ? on y reviendra tout à l'heure ? quand on voit qu'une bonne partie des compétences vont être larguées auprès des municipalités, bien la question se pose: Est-ce qu'il n'y aura pas justement, évidemment, des coûts additionnels pour les municipalités? Donc, visiblement, ce n'est pas pour sauver de l'argent, là, parce qu'il y a quelqu'un quelque part qui va payer pour tout ça, pour toutes les tâches accomplies. Est-ce que c'est pour être plus efficace, plus pertinent, comme disait la présidente du Conseil du trésor?

Bien, M. le Président, moi, je vais vous poser la question: Quelle est la pertinence de perdre tant d'expertise? Parce que la Commission municipale, au fil des ans, évidemment, s'est développé une expertise extrêmement spécifique. Quelle est la pertinence de perdre la neutralité et l'impartialité? Parce qu'il y a un rôle judiciaire, il y a un rôle, on l'a vu, où la Commission municipale doit trancher, doit décider entre le citoyen et la municipalité. Quelle est la pertinence aussi de perdre un organisme qui avait carrément démontré, au fil des ans, sa capacité d'adaptation? Et quelle est la pertinence, M. le Président, d'éparpiller toutes ces tâches un peu partout sans vraiment préparation?

On nous dit: Est-ce que c'est pour moderniser? Bien, je vous l'ai mentionné tout à l'heure, M. le Président, depuis 1932, la commission, je pense qu'on peut dire qu'elle s'est développé un sixième sens, celui de s'adapter constamment, constamment, de constamment se moderniser, se renouveler.

J'aimerais à cet effet citer à nouveau le président, M. Guy LeBlanc, qui, lors de notre échange, lors du mandat de surveillance, nous disait exactement ceci, M. le Président, il dit: «Je dirais que, pendant toute l'histoire, quand on regarde les notes de ceux qui nous ont précédés puis les textes qui ont été écrits, je dirais que l'histoire de la commission, ça se résume quasiment à "évolution", continuellement. [...]On est en mutation continuelle.» Et il rajoute: «Moi, je peux vous parler évidemment un peu plus des trois dernières années [...] ? parce que ça fait trois ans et demi qu'il est là, et il dit ? je vous dis que ça a été le changement continuel.»

Alors, on ne peut pas dire, on ne peut pas blâmer la commission de ne pas s'être adaptée et d'être une commission... Évidemment, elle a été créée pour une raison, en 1932, et cette raison a changé. Et justement la commission, elle a changé avec le temps et elle s'est adaptée. Même, plus que cela, M. le Président, lorsque la commission a vu le nouveau gouvernement arriver, elle a bien entendu le discours de la réingénierie, et donc elle a proposé des choses, la commission. Elle a proposé des choses au gouvernement, elle a proposé de nouvelles façons de faire, de continuer à changer ses responsabilités, ses mandats, d'améliorer les choses, et encore une fois...

Écoutez cet échange entre un de mes collègues, le député de Beauharnois, qui posait la question suivante: «Est-ce que vous avez fourni au gouvernement, au ministre des Affaires municipales, ce que je vais appeler un plan B, c'est-à-dire une proposition pour faire en sorte qu'on ne perde pas la commission comme institution, qu'on la transforme, qu'on ajoute, qu'on bonifie?»

Et le président de répondre: «C'est certain que, pour nous, même si on avait des moments de doute, on croyait profondément que ce n'était pas possible que la commission voie arriver la fin de ses opérations, jusqu'à ce que la nouvelle soit annoncée. [...]Il y avait cette volonté des commissaires ? écoutez bien ça, M. le Président ? de dire: On va en faire plus[...]. Pour le même budget, voici les pistes de solution qu'on propose et qu'on a écrites, qu'on a remises au ministère, avec zéro augmentation, là, ni de budgets ni de ressources humaines. [...]pour nous, c'était notre plan, c'est-à-dire qu'on avait une valeur ajoutée à ce qu'on faisait déjà.»

On ne peut pas reprocher, M. le Président, à la commission de ne pas s'être modernisée, et on ne peut pas lui reprocher même de ne pas avoir proposé un plan d'action pour justement continuer de moderniser son travail. Et, M. le Président, on s'est posé la question lors de ce mandat de surveillance, et après ça, bien, on n'en a plus réentendu parlé. Mais on s'en est parlé entre nous, les différents collègues. On n'a pas trouvé de réponse pourquoi vraiment est-ce que le gouvernement veut abolir la Commission municipale. Mais ce que j'aimerais vous dire aussi, c'est qu'on n'est pas les seuls à se poser des questions. On n'est pas les seuls à se poser des questions. Tout à l'heure, Mme la ministre a mentionné qu'ils avaient consulté les unions municipales. Bien, ils les ont peut-être consultées, mais ils ne les ont pas écoutées. Parce que là la Fédération québécoise des municipalités...

Je vous lis, M. le Président, son communiqué. Évidemment, c'était au 10 décembre 2004, ça fait déjà six mois de cela, j'en ai parlé tout à l'heure. Alors, le titre, c'est ceci: Abolition de la Commission municipale: des économies douteuses, selon la FQM. «L'abolition de la Commission municipale du Québec devrait générer peu ou pas d'économies. Et encore ces économies risquent de se faire sur le dos de? Sur le dos des municipalités ? une chance qu'on les a consultées ? qui auront à assumer de nouvelles responsabilités sans transfert financier annoncé.» Et je cite le président de la FQM: «D'abord, l'expertise développée au sein de la Commission municipale du Québec ? je répète, l'expertise développée ? devra être acquise au sein de chaque organisme municipal responsable de l'évaluation foncière. D'autre part, certaines décisions seront sujettes à deux paliers décisionnels plutôt qu'un.» Vous vous souvenez l'objectif, M. le Président? D'éviter les dédoublements. Là, la FQM nous dit: Il va y avoir deux paliers au lieu d'un, «ce qui occasionnera des frais supplémentaires, tant pour l'administration de la justice que pour les municipalités et les justiciables.» Donc, frais supplémentaires pour les municipalités et les justiciables.

n(17 h 10)n

Et je continue, M. le Président. Ça, c'était le communiqué, mais je vous lis la conclusion du mémoire qui a été préparé par la Fédération québécoise des municipalités mais que malheureusement on n'a pas pu entendre parce qu'il n'y a pas eu de consultations; j'espère bien qu'il va y en avoir. Et là je vous lis la conclusion: «La FQM déplore néanmoins que la décision de dissoudre la Commission municipale soit prise non pas en considérant l'objectif de mieux servir l'institution municipale et le citoyen à meilleur coût, mais dans l'objectif de réduire le nombre de structures de l'État. Nous doutons que le transfert de compétences de la CMQ au ministre, au Tribunal administratif du Québec et aux organismes municipaux soit de nature à générer des économies globales pour le citoyen.» Alors, la FQM est d'avis avec nous: ce n'est pas pour des raisons financières, ce n'est pas pour alléger le fardeau financier qu'on devrait abolir la Commission municipale du Québec.

Mais l'autre partie de la conclusion, M. le Président, est extrêmement intéressante également, et voici comment la FQM nous la présente: «Mais la pire mesure de ce projet de loi concerne le transfert au ministre de l'attestation de la conformité des règlements d'urbanisme aux schémas et orientations gouvernementales en zone agricole. Ce transfert aura pour conséquence d'accroître son pouvoir discrétionnaire ? en parlant du ministre ? et sa tutelle à l'endroit des décisions d'urbanisme locales, ce qui en réduit le caractère décentralisé.» Et la toute dernière phrase du mémoire, M. le Président, j'y faisais référence un peu tout à l'heure: «Une telle décision irait ? mais là, malheureusement, ce n'est plus au conditionnel, une telle décision ira ? à contre-courant du mouvement de décentralisation annoncé par le gouvernement.» J'ai bien dit «annoncé», pas «amorcé», annoncé par le gouvernement. Donc, on dit qu'on va faire une chose et on fait son contraire.

Alors, on n'est pas les seuls à s'interroger, le Barreau du Québec, M. le Président ? ils doivent connaître ça un peu, le domaine quasi judiciaire, le Barreau du Québec ? je les cite: «Le projet de loi confie à l'organisme municipal responsable du rôle d'évaluation la compétence de reconnaître certains organismes sans but lucratif aux fins de l'exemption de taxes foncières, avec appel au Tribunal administratif du Québec.» Ce dont je vous parlais tout à l'heure, et ça, là, on était rendu à 1 700 cas par année. Le Barreau continue: «Il est important de noter que cette attribution exercée actuellement par la Commission municipale représente une charge de travail considérable.» Le Barreau a compris cela. Par ailleurs, il continue en disant: «Le régime de reconnaissance prévu aux articles 80 et suivants du projet de loi en question est défaillant ? défaillant ? à plusieurs égards. Aucune formation juridique n'est obligatoire pour cette personne désignée.»

Et, là, la conclusion, M. le Président, est vraiment inquiétante: «Tout est donc en place pour la production systématique de décisions arbitraires en matière d'exemption de taxes foncières. Il ne faut pas perdre de vue que les critères d'exemption de taxes applicables aux organismes sans but lucratif sont complexes. En bout de course, c'est l'équité fiscale municipale qui sera compromise par des décisions arbitraires, incohérentes et illégales de décideurs multiples non soumis à la jurisprudence, sans formation juridique et sans garantie d'indépendance et d'impartialité.» Vous vous souvenez, M. le Président, les toutes premières paroles du président de la Commission municipale dont je vous faisais part lors du mandat de surveillance? Il a commencé en disant: L'importance de la Commission municipale, c'est la neutralité et l'impartialité. Et la Fédération québécoise des municipalités reconnaît tout à fait cette dimension également et est très inquiète de devoir se retrouver avec cette nouvelle responsabilité.

Alors, M. le Président, en conclusion, je le rementionne, je l'ai mentionné tout à l'heure, on l'a vu avec quelques témoignages, alors qu'il n'y a pas eu de consultation de convoquée, nous souhaitons vraiment qu'il y ait des consultations particulières. Nous sommes très déçus que le gouvernement aille de l'avant avec ce projet de loi. Et nous avons des inquiétudes également à l'égard de la transition. Je pense que ? et c'est ce qu'on constate aussi quand on s'informe un petit peu sur le terrain, là, justement je ne pense pas que le terrain ait été beaucoup, beaucoup préparé ? je pense que ce serait extrêmement important qu'on puisse entendre les différents intervenants qui sont concernés, pour que, si malheureusement nous devions perdre ce vote, la transition se fasse de la façon la plus harmonieuse possible.

Mais, en conclusion, M. le Président, à force de chercher pourquoi, pourquoi le gouvernement libéral va abolir la Commission municipale, qui existe depuis 1932 et qui a extrêmement bien servi, de toutes sortes de manière, le peuple québécois en s'ajustant constamment, la seule raison, M. le Président, qu'on a trouvée, c'est qu'effectivement on va abolir pour abolir. On va abolir pour faire exemple. On a dit: La réingénierie, la restructuration va accoucher d'une souris; bien, malheureusement, là, c'est un petit bout de la souris. Et c'est très, très dommage, M. le Président, que la Commission municipale paie pour cette fausse réingénierie. Parce que, je vais vous dire, M. le Président, l'abolition de la Commission municipale, elle est essentiellement impertinente et inefficace, et c'est une erreur, M. le Président, une autre erreur du gouvernement libéral, et nous allons voter contre. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Blainville, pour votre intervention. Et je suis prêt à entendre le prochain ou la prochaine intervenante sur le principe de ce projet de loi. Alors, M. le député de Gaspé. M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: ...M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, pour votre intervention sur le principe du projet de loi n° 76. M. le député.

M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Dans ma vie antérieure, j'ai eu l'occasion de pratiquer le droit, et je sais que la Commission municipale du Québec est une institution qui a toujours agi avec rigueur, avec compétence. Et les services donnés en région, M. le Président, étaient toujours sur un aspect positif, bien reçus par les organismes qui se présentaient devant la commission pour demander des exemptions de taxes. Également, au niveau municipal, des directeurs, des employés municipaux qui avaient des plaintes à déposer les déposaient à la Commission municipale. Il y a eu des cas où, par exemple, les directeurs d'une municipalité subissaient d'énormes pressions de la part de certains membres du conseil municipal, et, n'eût été de l'intervention de la commission des affaires municipales, ça ne se serait jamais arrêté.

La commission des affaires municipales est un organisme quasi judiciaire, c'est-à-dire qui écoute les parties en toute indépendance ? et, ici, j'imagine qu'il y a quelques avocats encore dans cette Assemblée ? qui écoute les parties, qui entend les témoignages et qui par la suite rend une décision fondée sur la preuve qui est présentée. Là, ce qu'on est en train de faire, M. le Président, avec le projet de loi n° 76, bien ce n'est pas compliqué, ce qu'on est en train de faire, c'est l'expertisation du gouvernement. On va confier à peu près à tous les experts du Québec les litiges.

n(17 h 20)n

Et la ministre des Affaires municipales, elle nous dit, dans son projet de loi... J'ai regardé ça, aujourd'hui, et il y a quelque 200... il y a 160 articles pour abolir la commission des affaires municipales. C'est quand même important. C'est quand même très important que le gouvernement dépose un projet de loi de 160 articles ? et là je vous fais grâce des alinéas, hein? ? pour abolir une institution, au Québec, qui a fait ses preuves, qui est peu coûteuse. Ça coûte environ 3 millions par année. Et, là, le gouvernement, il semble terriblement désemparé, M. le Président, parce que, pour économiser 3 millions et jeter à la poubelle un organisme qui fonctionne bien, avec des règles démocratiques...

Et je reviendrai, tout à l'heure, sur le mémoire qui a été présenté par la Fédération québécoise des municipalités. Ils ne sont pas très heureux des orientations gouvernementales, contrairement à ce que le gouvernement affirme et que la ministre affirme, parce que, si elle avait lu au complet le mémoire de la FQM, elle se rendrait compte que son projet de loi ne fait pas l'unanimité, M. le Président.

J'ai pris la peine de le relire, ce mémoire, pour le bénéfice des collègues qui sont ici, à l'Assemblée nationale. «La Fédération québécoise des municipalités est présente sur 85 % du territoire québécois, en milieu rural et en milieu urbain. [Elle regroupe] 900 municipalités locales et 85 municipalités régionales de comté, [elle] représente plus de 3 millions de citoyens et de citoyennes qui habitent [dans] les territoires couverts par ses membres.»

Lorsque le gouvernement, lorsque le gouvernement va forcer l'adoption de ce projet de loi par sa majorité, il va faire fi des représentations qui ont été faites par le monde municipal. La ministre nous disait tout à l'heure: On a consulté le monde municipal. Bien, écoutez, le plan de modernisation 2004-2007 du gouvernement du Québec vise à alléger les structures. Mais là, là, ce n'est pas un allégement de structure qu'ils font avec la commission des affaires municipales, c'est la démolition de la structure, c'est la hache qu'ils mettent dans l'organisme, c'est ça qu'ils font, et sans se préoccuper des conséquences éventuelles.

Et la FQM nous dit: «Elle déplore ? hein, elle déplore ? [...] que cette décision soit prise non pas en considérant l'objectif de mieux servir l'institution municipale et le citoyen à moindre coût, mais dans le but de réduire le nombre de structures.» Uniquement réduire le nombre, le reste, ça n'a pas d'importance. Le gouvernement a décidé qu'il allait couper tant de structures, c'est ça qu'ils vont faire.

Et je vois le député de Verdun qui certainement connaît l'efficacité de ce tribunal administratif et qui est en cette Assemblée depuis de nombreuses années, et je suis persuadé, M. le Président, que le député de Verdun n'est pas en accord avec cette décision. Je suis convaincu que, par solidarité ministérielle, il va voter pour malheureusement, comme la plupart de leurs collègues. Ils vont voter en faveur de la démolition de la commission des affaires municipales par solidarité, par ligne de parti, par manque d'écoute de la population, par manque d'écoute du monde municipal.

Et je vais vous en dire encore un petit peu concernant la position de la Fédération québécoise des municipalités, hein? Qu'est-ce qu'ils disent, la commission: «Il faut mentionner que la Commission municipale a développé une expertise unique dans le domaine municipal et qu'elle a exercé, au fil des ans, un devoir de réserve exemplaire à l'égard des décisions prises par les conseils municipaux, respectant leurs pouvoirs décentralisés en aménagement et en urbanisme. Qui plus est, la commission offre des services de proximité à peu de frais et dans des délais raisonnables. Afin de préserver ces acquis, le projet de loi devra être modifié.»

Ce n'est pas ça que la ministre fait, M. le Président, elle la démolit. Elle la démolit d'un bout à l'autre. Les experts vont faire de l'argent. Ensuite de ça, les municipalités ou les organismes vont aller au Tribunal administratif. Qu'est-ce qu'ils vont faire au Tribunal administratif? Ils vont créer une nouvelle chambre? Ils vont créer une nouvelle division au Tribunal administratif du Québec? Alors, pourquoi abolir la commission des affaires municipales? Pourquoi? Est-ce qu'on change une pomme pour un raisin? C'est ça qu'on veut faire? C'est ça, l'orientation gouvernementale? C'est ça, l'application de la nouvelle doctrine libérale?

M. le Président, la commission des affaires municipales a fait ses preuves. Et la FQM dit, malgré ce que la ministre nous disait tout à l'heure: «[...]la FQM s'oppose fermement aux mesures proposées dans le projet de loi relativement à l'examen de la conformité des documents d'urbanisme...» Comment ça se fait qu'on nous dit qu'ils les ont consultés? Et ça laisse sous-entendre qu'ils sont d'accord. Mais ce n'est pas ça qu'on lit, là, ce n'est pas ça qu'on lit, M. le Président. Le mémoire de la Fédération québécoise des municipalités date du 2 décembre 2004, et je pourrais leur en remettre une copie, s'ils le désirent, pour qu'ils puissent en prendre connaissance, hein? «[...]la FQM s'oppose fermement aux mesures proposées dans le projet de loi relativement à l'examen de la conformité des documents d'urbanisme et à la reconnaissance à des fins d'exemption de taxes foncières de certains organismes.»

Pourquoi? Pourquoi, M. le Président, qu'ils s'opposent? On va voir les raisons un petit peu plus loin. «Le projet de loi transfère au ministre des Affaires municipales [...] le mandat d'émettre les avis de conformité des règlements d'urbanisme aux schémas d'aménagement et parfois même aux orientations gouvernementales en zone agricole.» La FQM dit ceci: «[Je m'y] oppose vigoureusement.» Est-ce qu'il y a quelqu'un au gouvernement qui va tenter de convaincre la ministre des Affaires municipales qu'elle fait fausse route? C'est ça, la réalité. Est-ce qu'il y aura un ministre ou un député ou des députés qui vivent en région agricole, dont leurs électeurs sont en région agricole, M. le Président, qui vont intervenir auprès du gouvernement pour faire en sorte que son entêtement ne l'amène pas à l'irréparable? C'est ça, la réalité.

Et la FQM continue en disant: Il faut «préserver le caractère décentralisé de la fonction réglementaire d'urbanisme». Et c'est curieux, hein? «Le gouvernement du Québec était inspiré d'une volonté de décentralisation lorsqu'il a adopté, il y a près de 20 ans, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Les principes ? hein, les principes ? qui ont [...] guidé ? M. le Président, les principes qui ont guidé ? la réorganisation des responsabilités en matière d'aménagement ont été clairement énoncés dans le troisième fascicule du livre vert [en] 1977.»

Et là la FQM prend la peine de les rappeler: «Premièrement, il fut établi que l'aménagement est une responsabilité politique et non technique, donc devant relever des élus.» Premier élément, premier principe. Deuxièmement: «Le deuxième principe énoncé [...] le partage des pouvoirs doit respecter le domaine propre d'intervention de chaque palier de gouvernement. [...]troisième principe [...] une concertation des choix et des actions des trois paliers de gouvernement.» Et ils mettent une réserve: «[...]une concertation des choix et des actions ne signifie pas une hiérarchie des décisions mais leur harmonisation. Il n'est pas question que le gouvernement dicte ses volontés aux comtés, ni ceux-ci aux municipalités.» C'est ça que le monde municipal est en train de vous dire. Le monde municipal est en train de vous dire que vous faites fausse route. Et je suis persuadé que le leader du gouvernement est tout à fait d'accord avec ce que je viens de dire, parce que, quand ils étaient à l'opposition, M. le Président, ils parlaient de décentralisation, ils parlaient de bureaucratisation puis que le gouvernement du Parti québécois ne faisait pas de décentralisation, bureaucratisait, etc. Qu'est-ce qu'ils font, aujourd'hui? Ils font de l'idéologie doctrinaire. M. le Président: «Le quatrième principe [...] une participation plus active des citoyens à la prise de décisions et à la gestion de l'aménagement.» C'est ça, les quatre principes qui sont en  jeu.

Et: «Le ministre a déjà la responsabilité d'élaborer les orientations gouvernementales et celle d'approuver la conformité des schémas à ces orientations.» Et ce qu'a dit la FQM: «Dans les faits, [...]l'analyse des projets de schéma est faite par les fonctionnaires du ministère, et les avis gouvernementaux sont souvent directifs et parfois même plus volumineux que les schémas eux-mêmes.»

n(17 h 30)n

Alors, M. le Président, est-ce que la ministre va en rajouter par-dessus ça? Est-ce qu'elle va alourdir davantage le processus? Parce qu'il faut voir que le projet de loi, qui nous est présenté sous le couvert de l'abolition de la Commission municipale du Québec, il y a une centralisation fantastique au ministère des Affaires municipales. Je ne sais pas combien de personnes seront embauchées pour gérer tout ça, mais la ministre va se retrouver au centre de tous les conflits potentiels qui peuvent exister. Tout va être centralisé. Et j'invite les membres de l'aile parlementaire du gouvernement de le lire attentivement, M. le Président.

M. le Président, est-ce que vous pourriez vérifier si nous avons quorum?

Le Vice-Président (M. Gendron): On va vérifier. Effectivement, nous n'avons pas quorum, puisque, les commissions étant terminées, ça prend... Alors, oui...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, que l'on appelle les députés, puisque nous n'avons pas quorum.

n(16 h 31 ? 16 h 33)n

Le Vice-Président (M. Gendron): À l'ordre, mesdames messieurs! Nous allons poursuivre le débat sur l'adoption du principe parce que nous avons maintenant quorum.

À vous la parole, M. le député.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Alors, je disais donc que nous avions assisté à une centralisation fantastique, au ministère des Affaires municipales, de tous les litiges qui pourront exister dans le milieu municipal.

Et j'aimerais attirer votre attention, M. le Président, sur ce qu'a dit également encore la Fédération québécoise des municipalités concernant le projet de loi qui est proposé: On propose de l'étendre aux règlements d'urbanisme en confiant au ministre et lire à ces mêmes fonctionnaires l'examen de la conformité des règlements locaux au schéma. Pire, pire encore, la situation promet d'être particulièrement préoccupante en ce qui concerne l'aménagement du territoire agricole. Est-ce que le monde municipal n'est pas inquiet? Et ils continuent en disant: Il faut à tout prix éviter que l'examen de cette conformité fasse l'objet d'une décision politique ministérielle. Elle doit conserver un caractère juridictionnel, autrement dit un tribunal indépendant qui va trancher. Et là tout est à prévoir: les erreurs, M. le Président, les bavures qui peuvent survenir, toutes sortes de conflits d'intérêts potentiels qui sont évoqués.

Alors, quand on dit que la Commission municipale juge de la conformité des règlements d'urbanisme en toute impartialité, dans le respect de la compétence décentralisée des municipalités et du principe voulant que le partage des pouvoirs entre les municipalités, les MRC et le gouvernement soit respecté, bien, M. le Président, ce n'est pas ça qu'on a comme projet de loi. On a un projet de loi qui fait fi de tout ça. Et par ailleurs, dans les notes explicatives qui apparaissent à la première page du projet de loi, la FQM dit ceci: «Contrairement à ce qu'indiquent les notes explicatives du projet de loi, cette compétence de la Commission municipale n'est pas de nature administrative, mais bien de nature juridictionnelle.» Et la Cour supérieure, dans une décision, l'a confirmé. C'est un tribunal impartial, là où les gens peuvent avoir des débats contradictoires, M. le Président.

Et le projet de loi, M. le Président, pourquoi on s'y oppose, au projet de loi? On s'y oppose, M. le Président, parce que la commission, au fil des ans, une commission qui existe depuis 1932, qui s'est adaptée, qui s'est modernisée et qui a fait en sorte que son approche, afin d'offrir des services de qualité aux municipalités, et aux citoyens, et aux MRC... aujourd'hui, ils sont menacés. Et le gouvernement devra faire ce qu'il doit faire, c'est-à-dire reculer sur ce projet de loi, M. le Président. Quand ils ont déposé le projet de loi, nous avons tenté de comprendre pourquoi ils avaient déposé ce projet de loi, M. le Président. Et, aujourd'hui encore, on cherche les réponses. Peut-être que la ministre des Affaires municipales pourra nous le dire un jour, mais on peut émettre les hypothèses suivantes. Pour sauver de l'argent? Le budget, c'est 3,5 millions. Ce n'est pas le budget du ministère de la Santé, hein, c'est 3,5 millions, M. le Président. Pour être plus efficaces? Alors, on va perdre toute l'expertise acquise au fil du temps, on va perdre toute la neutralité et l'impartialité de l'organisme. Il faut moderniser? La commission a prouvé qu'elle avait su se moderniser et s'adapter aux nouvelles réalités. Pour prouver le bien-fondé de la réingénierie de l'État? Pour pouvoir dire: «On a aboli un organisme, une structure de trop»? Force est de constater, M. le Président, que c'est la seule raison que nous avons trouvée, M. le Président.

La commission des affaires municipales, elle est bien gérée et, je vous le disais tout à l'heure, c'est un arbitre indépendant. Il y a des gens. Lorsqu'un conseil municipal décide de congédier quelqu'un, hein, à la municipalité, il y a un recours à la Commission municipale du Québec, un tribunal qui va entendre les parties, qui va les écouter. J'ai déjà vu des situations où des élus étaient en conflit d'intérêts et qu'un directeur de municipalité est obligé de s'adresser à la commission des affaires municipales, M. le Président, pour réintégrer son emploi parce qu'on l'avait congédié. Il en savait trop. Il en savait trop sur des choses inadmissibles qui se passaient dans la municipalité, donc on l'a congédié, on l'a mis à pied, on a dit: Va-t-en chez vous, tu en sais trop. Et c'est ça qui va arriver. C'est ça qui va arriver, et le gouvernement devra s'en souvenir, M. le Président.

Quand on parle, M. le Président, que le Barreau du Québec s'est prononcé: «Le gouvernement doit prendre au sérieux les inquiétudes du Barreau mais aussi celles exprimées par la FQM», M. le Président, ce sont des gens qui savent de quoi ils parlent. Vous me faites signe que mon temps achève, alors, M. le Président, j'invite les collègues de l'aile parlementaire libérale à faire les pressions nécessaires pour qu'ils retirent ce projet de loi et qu'ils votent contre, M. le Président, parce que c'est une mauvaise loi. Et je suis convaincu que le leader du gouvernement en est persuadé, M. le Président, et qu'il doit convaincre ses collègues du Conseil des ministres de retirer ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Gaspé, pour votre intervention. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant sur l'adoption du principe du projet de loi n° 76 et je reconnais M. le député de Beauharnois. M. le député, à vous la parole.

M. Serge Deslières

M. Deslières: Merci, M. le Président. M. le Président, à l'instar de mes collègues de Blainville et de Gaspé qui sont intervenus avant moi concernant l'abolition de la Commission municipale du Québec par la loi n° 76, il est bien clair et net que...

Des voix: ...

n(17 h 40)n

Le Vice-Président (M. Gendron): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député. Écoutez, j'ai été très tolérant, là, mais là j'ai compté: il y a huit petits caucus puis plusieurs députés qui ne sont pas à leur banquette. Moi, ça ne me dérange pas, mais à condition que ça se fasse de façon très silencieuse, et ce n'est pas le cas, là, depuis un bout de temps. Ce n'est pas le cas depuis un bout de temps, donc un appel à l'ordre collectif. Autrement que ça, je vais être obligé de rappeler les députés d'aller occuper leur banquette.

Alors, vous pouvez poursuivre, mais à condition qu'il y ait un peu plus de silence. M. le député.

M. Deslières: Merci, M. le Président. Alors, je disais, M. le Président, qu'à l'instar de mes collègues de Blainville et de Gaspé je cherche, moi aussi, les raisons ou la raison qui sont à la base de l'abolition de cette institution qui de mémoire, je crois, a plus de 70 ans ? elle a été créée en 1932 ? qui est reconnue par tous en termes de sa compétence, de son impartialité, qui, au cours de toutes ces années, a vu son mandat, sa mission, se développer, son rôle prendre de l'ampleur pour rendre service au monde municipal. Et j'en ai pour preuve, M. le Président: juste à jeter un coup d'oeil sur l'ensemble des domaines dans lesquels les pouvoirs des municipalités sont exercés par la commission.

Vous me permettrez, pour le bénéfice de nos citoyens et citoyennes qui nous écoutent, d'énumérer quelques-uns des pouvoirs. Je ne ferai pas la lecture de toute la liste, mais c'est assez important, c'est assez imposant pour se demander encore une fois pourquoi la ministre, et le Conseil des ministres, et le gouvernement libéral veulent abolir une autre de nos institutions québécoises. M. le Président, lorsqu'on regarde la liste des pouvoirs qui sont attribués à la Commission municipale, premier réflexe, je me dis: Avec cette petite équipe ? ils sont une cinquantaine, 16 commissaires et une trentaine de personnes qui oeuvrent au sein de cette commission, 46 exactement ? avec un budget de 3,5 millions, ils réussissent. Ils réussissent, M. le Président. Cette commission, ces membres de cette commission réussissent à accomplir un travail extraordinaire.

Regardons un peu la liste des pouvoirs qui sont attribués à la commission, des pouvoirs administratifs: tutelle de municipalités; administration temporaire de municipalités; enquête sur l'administration financière de municipalités; soumissions publiques; détermination du caractère supralocal d'un équipement, d'une infrastructure, d'une activité ou d'un service; établissement de règles de gestion, de financement et de partage de revenus; avis au ministre des Affaires municipales et de la Métropole; autorisation de ne pas agir comme président d'élection; enregistrement de documents d'urbanisme; approbation administrative de certains règlements. Voilà, monsieur ? et j'en ai bien sûr sauté, je ne l'ai pas lue de façon exhaustive ? l'ensemble des pouvoirs administratifs qui sont confiés à cette commission.

Maintenant, en plus des pouvoirs administratifs de la commission des affaires municipales, regardons du côté des pouvoirs quasi judiciaires qui sont exercés par cette même commission. Je me permets de vous en énumérer quelques-uns, M. le Président: exemption de taxes foncières et de taxe d'affaires; tarification à l'égard de lieux d'élimination des déchets; fixation du prix de vente de l'eau ou du service d'égout; avis sur la conformité de certains règlements d'urbanisme; arbitrage d'ententes intermunicipales; arbitrage conventionnel entre municipalités; détermination du caractère intermunicipal d'une route et établissement des règles de gestion et de financement; détermination de l'intérêt public à l'exécution de travaux utiles à plusieurs municipalités et répartition des coûts; appel de décisions relatives à l'utilisation conjointe de réseaux souterrains d'installations publiques.

Alors, voilà donc, M. le Président, énumérés rapidement, l'ensemble des pouvoirs qui sont confiés à cette institution québécoise. Et c'est avec beaucoup de fierté que je pense que le monde municipal a vécu avec cette commission, tout au long de ses 73 ans, parce qu'elle a été fondée en 1932, de mémoire...

Une voix: ...

M. Deslières: 1932. Non, j'hésitais, je pensais que c'était un peu plus, je pensais que c'était 1936, mais voilà on me rappelle que c'est en 1932, donc 75 ans d'existence des pouvoirs extraordinaires. Personne ne s'est plaint dans le monde municipal. Est-ce que les différentes fédérations se sont plaintes du fait qu'il n'y avait pas une bonne qualité? Est-ce qu'on demandait au gouvernement, à la ministre d'abolir cette commission? Non, non, M. le Président, personne ne demande au gouvernement d'abolir cette institution québécoise.

Alors là, on nous arrive aujourd'hui, il faut le dire, avec un certain retard parce que tout ça avait été commencé sous son prédécesseur. On avait hésité et on avait cru qu'à un moment donné le gouvernement allait revoir la situation, allait corriger le tir, mais non, M. le Président, on revient à la charge, la ministre revient à la charge, et là c'est une tentative, un grand coup pour abolir cette institution.

M. le Président, il est bien clair et bien net que l'opposition va s'opposer avec tous les moyens dont elle dispose sur le plan parlementaire, pour que cette institution québécoise survive, non seulement survive, ne soit pas abolie, survive mais qu'on voie son mandat extensionné parce qu'il y a, dans son expertise, de la commission, de grandes valeurs que le monde municipal ne veut pas perdre. Et, en diluant toute l'expertise de la commission dans différents organismes, il est bien sûr que ce sera une perte, une perte pour le monde municipal quant à l'expertise que cette commission, tout au long des différentes années, depuis 70 ans, a pu développer, a pu prendre comme expertise.

Alors, M. le Président, vous me permettrez de revenir un peu en arrière parce que, lorsqu'on abolit une institution, il faut se rappeler, il faut se rappeler certains éléments historiques qui sont à la base même de la création. Et, comme je le disais tout à l'heure, l'origine de la Commission municipale du Québec remonte à 1932. Alors que sévit une crise économique à la suite du crash boursier de 1929, plusieurs municipalités se retrouvent en difficultés financières, hein? C'est des éléments importants à savoir. C'est bon de se rappeler un peu notre passé pour savoir où on va dans l'avenir. On crée alors la Commission municipale que l'on dote de pouvoirs exclusivement administratifs relatifs au contrôle et à la surveillance des finances des municipalités, des commissions scolaires et des fabriques: approbation des emprunts temporaires à long terme, tutelle, réorganisation financière, contrôle des ventes à la suite de défaut de paiement des taxes et enquête sur l'administration financière des municipalités. Alors, c'est de là que viennent les fondements et l'origine de la création de la Commission municipale. Cette institution, comme bien d'autres, a connu différentes phases de sa vie. On peut la séparer, je pense; tous ses 73 ans peuvent être séparés en quatre ou cinq grandes étapes, M. le Président, et vous me permettrez de prendre quelques minutes, quelques minutes seulement, pour revoir un petit peu les grandes étapes de cette Commission municipale.

1932, création. De 1932 à 1962, la commission, qui est alors composée de deux membres et faisant appel à de nombreux délégués qu'elle engageait elle-même. En 1957, il faut le rappeler, 1957, le sous-ministre des Affaires municipales devient membre d'office de la Commission municipale. Il le restera jusqu'en 1962. Et regardez un commentaire à ce moment-là, regardez un commentaire. «Selon Julien Drapeau, la Commission municipale a été l'organisme gouvernemental le plus actif et le plus efficace de l'administration publique du Québec d'avant les années 1960.» Alors, c'est une première période, 30 ans, 30 ans de la commission, et c'est un commentaire élogieux, M. le Président, qui vaut la peine d'être lu et redit.

n(17 h 50)n

En... un changement important se produit alors qu'on confie à la commission la compétence d'entendre des appels relatifs à la... destitution, excusez-moi, d'officiers municipaux, greffiers, trésoriers ou secrétaires-trésoriers et chefs de police. Deuxième étape, M. le Président, 1963 à 1971. Une date importante à retenir, M. le Président, dans ces années-là, dans ces 10 ans là ? 1963 à 1971: en 1964, la Commission municipale est appelée à donner des avis au ministre relativement au nouveau processus de soumissions applicable aux municipalités. C'est très actif, cette période-là, il y a beaucoup de changements législatifs qui se font dans le monde municipal. La commission également est appelée à jouer un rôle plus grand, à voir son rôle, sa mission se développer. Et, à partir de 1968, le gouvernement peut demander à la Commission municipale de tenir des enquêtes sur tout l'aspect de l'administration des municipalités et il peut les déclarer assujetties au contrôle de celle-ci.

On poursuit, M. le Président. En 1970, la commission acquiert le pouvoir d'administrer des municipalités où le conseil ne peut siéger, faute de quorum. C'est à compter de 1971 qu'elle peut s'adresser à la Cour supérieure pour assujettir à son contrôle une municipalité où le conseil est dans l'impossibilité de fait d'administrer les affaires courantes, même si le nombre de membres pour former le quorum est suffisant.

Troisième période, M. le Président, de 1972 à 1988. Là aussi, la commission subit des modifications internes, voit son rôle se modifier, puisque la vie change, la vie municipale également change. Et, dans cette période, M. le Président, de 1972 à 1988, les commissaires qui siègent à la Commission municipale sont portés de 10 à 15. Alors, voyant son rôle accru, on lui accorde des ressources et financières et humaines plus grandes naturellement pour faire face à ses nouvelles responsabilités.

Depuis 1987 ? ça, c'est important, c'est une date charnière, là, une date importante ? la Commission municipale possède depuis 1987... C'est bon de se rappeler l'évolution de cette institution, elle n'a pas demeuré toujours stagnante, cette institution. La commission, elle a vu, par les différents gouvernements qui ont été à la tête du Québec, son rôle et sa mission se développer. Et, je disais donc, M. le Président, la Commission municipale possède, depuis 1987, un pouvoir d'arbitrage afin de régler les différends entre municipalités notamment en matière d'interprétation et d'application d'ententes intermunicipales. Également, c'est depuis 1987 qu'elle peut accorder des exemptions de taxes d'affaires et fixer les tarifs à l'égard des lieux d'élimination des déchets. Elle peut également faire enquête pour déterminer certaines fins de mandat des élus municipaux et aussi pour cause destituer un président d'élection.

Alors, on voit donc que la commission, tout au long, tout au long, a reçu l'aval des différents gouvernements pour le représenter ou faire en sorte que le monde municipal, les problèmes générés par le monde municipal ? il y en a là comme ailleurs ? devaient avoir une institution qui tentait de réglementer, qui tentait de trouver des solutions, d'intervenir en termes de médiation, termes aussi de décision, devait donc jouer son rôle.

Personne, M. le Président, je le dis encore, personne, au cours des 25, 30, 50 dernières années, n'a demandé formellement ? quand je dis personne, je parle de corporations, je parle des municipalités, des fédérations ? personne n'a demandé l'abolition. Bien plus, on demandait au gouvernement, on demandait au monde municipal d'augmenter le pouvoir, le rôle pour réglementer, régler les différends qui pouvaient survenir dans la vie municipale.

Alors, M. le Président, aujourd'hui, l'opposition est un petit peu et beaucoup sceptique devant les raisons, les raisons qu'on ne connaît pas. Ce n'est pas clair. La ministre, tout à l'heure dans son intervention, ne nous a pas expliqué quelles étaient les raisons fondamentales, quelles étaient les raisons fondamentales, sinon que ce soit idéologique, qu'on veut réduire l'ensemble de notre État québécois, tout ce qui a été construit au cours des dernières années. Parce qu'on ne le voit pas. On ne le voit pas, M. le Président. Et on ne voit pas, on nous dira: Écoutez, ça coûte cher. Ça ne peut pas coûter cher, voyons, 3,5 millions de dollars, 46 personnes qui accomplissent un boulot extraordinaire, qui sont d'une compétence reconnue par tous. On va éparpiller, pensant la récupérer dans sa totalité, mais on va éparpiller l'expertise de toutes ces personnes-là, de tous ces commissaires. On va l'éparpiller dans trois, quatre organismes, aux Affaires municipales, à l'Environnement, au Tribunal administratif. À son sens même, M. le Président, ça ne tient pas debout. Ça ne tient pas debout. Il n'y aura pas de gain, il va y avoir une perte. Il va y avoir une perte. En termes d'expertise, M. le Président, il va y avoir une perte.

M. le Président, tout au long des années de la commission, plusieurs, plusieurs rapports ont été faits pour examiner le fonctionnement de la Commission municipale. Rapidement, un topo de ce qui s'est passé, M. le Président, depuis une trentaine d'années. On se rappellera tous qu'en 1973 il y a eu un rapport. Je vais l'appeler par le titre de son président, le rapport Dussault. Que recommandait ce rapport, M. le Président? M. le Président, le rapport Dussault recommandait que la Commission municipale soit retenue comme susceptible de constituer un tribunal administratif ? 1973. Plusieurs autres rapports ont suivi; le rapport Hébert ? 1974 ? qui faisait la même recommandation: personne ne voulait que la Commission municipale soit abolie, bien au contraire; 1960, 1970, 1980, on voulait que la Commission municipale joue un plus grand rôle. C'est tout à fait normal; le rapport Gobeil, le rapport Gobeil qui, en 1986, faisait en sorte de recommander que la Commission municipale, comme dans les autres rapports, comme... un tribunal administratif avec la Commission municipale; le rapport Ouellette, le rapport Ouellette faisait la même chose en 1987; le rapport Garant et d'autres rapports qui ont tous analysé le fonctionnement et demandé au ministre des Affaires municipales, au gouvernement de faire en sorte de donner encore plus de pouvoirs.

M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, non, nous ne voulons pas, nous ne voulons pas réduire l'État québécois, les institutions québécoises. Bien au contraire, nous sommes fiers de ce que se sont dotés les Québécois depuis la Révolution tranquille, mais bien avant depuis la Révolution tranquille. Non, nous ne sommes pas ici pour abolir, briser, faire en sorte que des institutions québécoises disparaissent, M. le Président. Nous sommes ici comme législateurs, comme parlementaires pour faire en sorte de doter le Québec d'institutions dont on a besoin pour faire fonctionner l'ensemble de notre collectivité avec beaucoup de rigueur, beaucoup de qualité dans tous les ordres, tous les ordres de notre société, dans tous les volets de notre société.

M. le Président, pour nous c'est une fin de non-recevoir. Nous allons nous opposer. Comme mon collègue et porte-parole des affaires municipales l'a dit, nous allons nous opposer au fait que le gouvernement, la ministre veulent abolir une de nos plus belles institutions québécoises. M. le Président, c'est une fin de non-recevoir, et nous allons prendre tous les moyens pour faire en sorte que la commission puisse vivre après ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député, pour votre intervention. Et, compte tenu de l'heure, les travaux sont suspendus jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

 

(Reprise à 20 h 8)

Le Vice-Président (M. Cusano): Veuillez vous asseoir.

Alors, nous poursuivons le débat sur le principe du projet de loi abrogeant la Loi sur la Commission municipale et modifiant diverses dispositions législatives, présenté par Mme la ministre des Affaires municipales et des Régions. Alors, à ce moment-ci, je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de Dubuc.

M. Jacques Côté

M. Côté: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, à l'instar de mes collègues qui m'ont précédé cet après-midi, j'interviens également sur le projet de loi n° 76, Loi abrogeant la Loi sur la Commission municipale et modifiant diverses dispositions législatives, un projet de loi, M. le Président, qui, à premier abord, est étonnant, étonnant parce que ce projet de loi a été présenté, a été déposé en novembre 2004 et qu'on a entendu, en Commission d'aménagement du territoire, le 1er décembre 2004, le président de la commission. Alors, ça m'apparaît d'une incohérence de fait d'avoir déposé un projet de loi qui abolit l'organisme de la Commission municipale, en novembre 2004, et, quelques jours après, quelques semaines après, d'entendre, en commission, le président de l'organisme, d'ailleurs qui avait fait un excellent exposé sur les avantages de la Commission municipale.

La première question, M. le Président, qu'il faut se poser est celle-ci: Est-ce que, par l'adoption de cette loi qui prône l'abolition de la commission, l'abrogation pure et simple de la Commission municipale du Québec, les citoyens et les citoyennes du Québec seront mieux servis? Non, M. le Président, la réponse est simple, et je vais essayer, dans les quelques minutes qui vont suivre, de vous en faire la démonstration.

n(20 h 10)n

D'abord, M. le Président, je crois qu'il est important de faire un court rappel historique de la Commission municipale. Nous savons que les origines de cette Commission municipale remonte à 1932. Nous savons également qu'en 1929 il y avait eu une crise économique importante et qu'à la suite de cette crise plusieurs municipalités se trouvaient dans des difficultés financières, et c'est alors qu'on a créé, qu'on a décidé de créer la Commission municipale. On lui a donné, à cette époque, des pouvoirs exclusivement administratifs, et ces pouvoirs étaient justement relatifs au contrôle et à la surveillance des finances des municipalités et des commissions scolaires de même que des fabriques.

Quels étaient donc ces pouvoirs que la Commission municipale possédait à cette époque? Eh bien, la Commission municipale approuvait les emprunts temporaires, les emprunts temporaires qui pouvaient être faits à long terme. Elle pouvait également mettre une municipalité sous tutelle. Elle pouvait faire une réorganisation financière à l'intérieur des municipalités. Elle contrôlait également la vente des immeubles à défaut de paiement des taxes et pouvait également faire des enquêtes sur l'administration financière desdites municipalités. Alors, comme je vous l'ai dit, c'étaient des pouvoirs administratifs qu'elle avait au moment de sa création.

Tout au long des années cependant, la commission s'est vu octroyer de nouvelles responsabilités qui ont modifié effectivement graduellement son rôle pour en faire un organisme mixte de contrôle et d'adjudication. La commission exerce aujourd'hui non seulement des pouvoirs de nature administrative, mais également des pouvoirs qui sont de nature quasi judiciaire.

Voilà, M. le Président, un peu en gros, là, l'évolution des pouvoirs de la Commission municipale du Québec. Aujourd'hui, elle constitue ? et je pense que ça, c'est important ? elle constitue le seul organisme indépendant voué exclusivement au domaine municipal. Et ça, je pense que c'est une phrase qu'il faut se souvenir: C'est le seul organisme indépendant voué exclusivement au domaine municipal. Et, en tant qu'organisme spécialisé ? parce qu'elle est un organisme spécialisé ? naturellement, c'est que son expérience et les connaissances de ses membres sont mises au service et à la disposition des municipalités et du monde municipal. De ce fait, son expertise est mise à contribution dans énormément de domaines, et c'est ce qui fait justement l'efficacité de cette Commission municipale.

Qu'est-ce qu'on fait, M. le Président, par ce projet de loi? Qu'est-ce qui arrive avec la présentation de ce projet de loi? C'est qu'on vient tout simplement mettre de côté cette expertise dont je parlais tout à l'heure, qui, n'ayons pas crainte de l'avouer, a bien servi les municipalités au cours de toutes ces années. Et je parle, M. le Président, de 73 ans: créée en 1932, la Commission municipale est en place depuis 73 ans.

D'ailleurs, M. le Président, dans son rapport de gestion, le président, Me Guy Leblanc, affirmait, et je le cite: «Dans ses interventions relatives à des différends qui opposent des municipalités, la commission a favorisé davantage la médiation, une stratégie tournée vers le règlement à l'amiable plutôt que vers la confrontation. Une telle approche a permis à tous les intervenants municipaux de mieux servir les citoyens» et les citoyennes.

M. le Président, l'approche de la médiation, plutôt que l'approche de la confrontation, est très à la mode. Même le ministre de la Justice, le ministre de la Sécurité publique ont eu l'occasion, au cours des différentes commissions parlementaires, de s'exprimer à ce sujet, et tous reconnaissent aujourd'hui que la médiation et la déjudiciarisation valent beaucoup mieux que la confrontation. Et là on vient d'abolir un organisme justement qui favorisait cette médiation plutôt que la confrontation. Alors, M. le Président, les paroles ne suivent pas les actes. Autrement dit, c'est que le gouvernement se prononce en faveur de ces grands principes de médiation, mais ils abolissent justement un organisme qui prône cette médiation.

Au nom de la réingénierie de l'État, M. le Président, on se devait d'éliminer des structures, et je crois qu'on a pigé le numéro de la Commission municipale du Québec. Que fait-on du service aux citoyens et aux citoyennes? Que fait-on des services offerts aux municipalités? Le gouvernement va prendre le plat principal et il va le diviser en plusieurs petits plats: le Tribunal administratif du Québec; les organismes municipaux responsables de l'évaluation; la Commission des relations de travail; le ministre lui-même aura des pouvoirs énormes; et même le Directeur général des élections.

Pourtant, M. le Président, il y a des principes et il y a des valeurs au sein de cette commission, des principes qui pourront difficilement se retrouver suite à ce transfert des compétences. Et on vient, M. le Président, par cette loi n° 76, on vient modifier 27 lois qui sont modifiées par ce projet. Alors, ce n'est pas que l'abolition de la commission, mais 27 lois sont modifiées par la présentation de ce projet de loi.

M. le Président, comme je le disais tout à l'heure, les valeurs organisationnelles sont très présentes au sein de la Commission municipale du Québec. Je voudrais en mentionner ici quelques-unes qui sont très importantes. Ce sont des valeurs qui sont privilégiées par la Commission municipale et ce sont des engagements qu'elle prend envers justement sa clientèle dans la réalisation de sa mission.

Le rôle de la commission, les pouvoirs qu'elle détient lui imposent d'être d'abord indépendante, objective et impartiale. Et on verra plus tard, M. le Président, que ces notions d'indépendance, que ces notions d'impartialité, ces notions d'objectivité, elles seront très, très difficilement atteignables avec l'abolition de la commission. La commission s'engage également à rendre des décisions motivées, des décisions cohérentes ainsi qu'à produire des rapports dans des délais raisonnables, et c'est ce qu'elle fait très bien. Enfin, les municipalités peuvent compter naturellement, je l'ai dit également précédemment, sur l'expérience et sur l'expertise multidisciplinaire des membres de la commission qui sont également soutenus par des personnes très compétentes.

Alors, tout ça, M. le Président, ces valeurs organisationnelles, elles vont disparaître avec l'abolition de la Commission municipale du Québec. Comment voulez-vous que ces valeurs survivent à l'abrogation de la commission, puisqu'il est mentionné au projet de loi qu'en matière d'arbitrage, par exemple, c'est le ministre qui décidera, puisqu'en matière de compétence de nature administrative on y lit également, dans les notes explicatives du projet de loi, ce qui suit: «Le projet de loi transfère la plupart des compétences de nature administrative exercées par la commission au ministre des Affaires municipales, du Sport et du Loisir ou à une personne qu'il désigne à cette fin. Plus particulièrement, le projet de loi accorde le mandat d'émettre les avis de conformité des règlements et du plan d'urbanisme aux objectifs du schéma d'aménagement et aux dispositions du document complémentaire. Dans le cas des avis sur la conformité de [certains intervenants... gouvernemental], le mandat est confié à un expert choisi par le ministre à partir d'une liste adoptée par le gouvernement et publiée à la Gazette officielle du Québec après consultation de l'Union des municipalités [...] et de la Fédération québécoise des municipalités»? Alors, voilà, M. le Président, les doutes que j'exprime relativement à ces notions d'objectivité, à ces notions d'indépendance dont je soulignais tout à l'heure...

Plus particulièrement, M. le Président, le projet de loi également accorde au ministre «le mandat d'émettre des avis de conformité des règlements et du plan d'urbanisme». «Dans le cas des avis sur la conformité de certaines interventions gouvernementales», je l'ai dit tout à l'heure, on confie, on va même jusqu'à confier à un expert choisi par le ministre, à partir d'une liste adoptée, une liste adoptée par le gouvernement...

Alors, M. le Président, on voit bien que la décision d'abolir la Commission municipale du Québec n'est aucunement fondée sur l'objectif de mieux servir l'institution municipale ou encore les citoyens et les citoyennes, mais dans l'unique but d'éliminer une structure, M. le Président, une structure qu'il, selon la présidente du Conseil du trésor, fallait absolument abolir pour justement justifier la réingénierie de l'État.

n(20 h 20)n

Pourtant, M. le Président, depuis sa création, depuis sa création, la Commission municipale du Québec, ses pouvoirs, depuis 1932, ont énormément changé. Ils ont été modifiés, mais ils ont également grandement changé. D'un organisme de tutelle qui avait simplement un rôle administratif, soit celui de veiller au contrôle et à la surveillance des finances des municipalités, des commissions scolaires et des fabriques, la commission exerce maintenant des compétences variées qui sont de quatre ordres. La commission est à la fois un organisme consultatif, elle est un organisme de tutelle et de régulation technique, un organisme juridictionnel également et un organisme d'enquête. La commission est donc, aujourd'hui, un tribunal administratif exerçant des responsabilités autant administratives que juridictionnelles. Son mode de fonction varie selon la nature des compétences qu'elle exerce. Elle tient des audiences publiques et conserve une grande souplesse dans sa façon de procéder, puisque, dans plusieurs dossiers de nature juridictionnelle, les parties ne sont pas toujours représentées par un procureur.

En novembre 2000, M. le Président... c'est-à-dire, je m'excuse, en décembre 2000, il y a eu des nombreux changements législatifs qui sont survenus dans le monde municipal, dont certains touchaient directement la commission. Son expertise naturellement a été mise à contribution dans les domaines de l'organisation territoriale municipale tant pour la détermination des équipements, des infrastructures, des activités et des services à caractère supralocal que pour des études qui portaient sur les avantages et les inconvénients des regroupements des municipalités. Par ailleurs, des modifications importantes avaient également été apportées à la Loi sur la fiscalité municipale relativement aux exemptions de taxes foncières et de taxe d'affaires. Et, en décembre 2003, la Commission municipale a poursuivi la réalisation de son mandat relatif aux nouvelles règles en vertu desquelles elle peut accorder à certains organismes à but non lucratif une reconnaissance dont découle une exemption de taxes foncières ou de la taxe d'affaires. Ce mandat s'applique tant à l'égard des nouvelles demandes qu'aux reconnaissances devenues caduques en vertu de l'ancien régime.

Dans ce contexte naturellement, M. le Président, le défi de la commission fut de s'assurer de répondre rapidement, efficacement aux demandes qui lui étaient acheminées tout en se dotant des outils nécessaires pour y parvenir et en maintenant sa crédibilité et son indépendance, de même qu'un service de qualité. La commission n'a donc plus besoin de prouver, aujourd'hui, sa raison d'être. Le travail et les mandats qui lui sont confiés, qui lui ont été confiés justifient pleinement son existence, et nous comprenons très mal, M. le Président, ce projet de loi. Le gouvernement s'est-il interrogé sur toute l'expertise qui a été acquise au fil des années, sur la perte de la neutralité et de l'impartialité de l'organisme?

Vous me permettrez, M. le Président, de citer ici quelques actions de la Commission municipale, des actions qui justement renforcent cette expertise acquise au fil des ans. En 2003-2004, en vertu de l'article 100 de sa loi constitutive, la Commission municipale du Québec a administré temporairement six municipalités où le conseil municipal ne pouvait plus siéger, faute de quorum. Une telle administration a été maintenue jusqu'à ce que le conseil ait obtenu le quorum à la suite de la tenue d'élections fixées par le ministère des Affaires municipales. En abolissant la Commission municipale du Québec, comment va-t-on pouvoir exercer ces pouvoirs qu'on a réussi à faire cette année? Et qui va exercer à la place de la Commission municipale, par exemple... qui va exercer temporairement l'administration d'une municipalité qui est incapable de le faire?

La commission a également, M. le Président, au cours de l'exercice de cette année, et on y trouve ça, à son rapport de gestion... elle a donné à cinq reprises son autorisation à un secrétaire-trésorier ou à un greffier d'une municipalité qui sollicitait cette autorisation à ne pas agir à titre de président d'élection en vertu de l'article 70 de la Loi sur les élections et les référendums.

Elle a également, la commission, complété l'exécution des mandats de réorganisation municipale qui lui avait été confiée au cours de l'exercice précédent par le ministre des Affaires municipales, du Sport et du Loisir et qui visait certaines municipalités.

La Commission municipale du Québec, M. le Président, a ainsi produit à l'intention du ministre des Affaires municipales, du Sport et du Loisir neuf rapports, des rapports très bien documentés, des rapports complets sur des études qui avaient été requises par le ministre.

Elle a également, en matière d'aménagement et d'urbanisme, M. le Président, été la gardienne de tous les documents d'aménagement et d'urbanisme que devaient lui acheminer, aux fins d'enregistrement, les municipalités régionales de comté, les municipalités dont les territoires sont équivalents aux MRC, des municipalités locales et le gouvernement. Et, en raison de l'adoption de certaines dispositions législatives depuis 2003, l'enregistrement des documents d'urbanisme auprès de la Commission municipale, tel que le prévoyait la loi, n'est plus requis. Savez-vous, M. le Président, que, depuis le début de l'exercice de cette compétence, en 1984, la Commission municipale a procédé à l'enregistrement de 71 000 documents d'aménagement et d'urbanisme? Alors, c'est quelque chose, M. le Président, d'abolir la Commission municipale. Comment va-t-on régir toutes ces archives, tous ces documents d'urbanisme?

Elle a également, M. le Président, exercé des avis... des activités juridictionnelles. La commission a été saisie de huit demandes, entre autres, d'avis de conformité. Elle a émis des avis favorables, d'autres défavorables. Elle a également, M. le Président, après consultation naturellement de la municipalité locale, elle a reconnu, elle a pu reconnaître, aux fins d'exemptions de taxes foncières et de taxes d'affaires, certains organismes à but non lucratif qui répondaient naturellement aux critères de la loi. Et enfin, M. le Président, la commission, pour votre information, a reçu au cours de l'exercice qui vient de se terminer, elle a reçu 514 demandes de reconnaissance aux fins d'exemption de la taxe d'affaires, ce qui représentait une augmentation de 35 % comparativement aux années précédentes.

Alors, vous voyez, M. le Président, par cette énumération que la Commission municipale du Québec a rempli amplement le rôle qui lui était attribué et elle l'a bien rempli. Et c'est pour ça, M. le Président, que nous comprenons mal le projet de loi qui est déposé présentement.

Alors, ce sont des exemples concrets qui vous démontrent hors de tout doute l'efficacité, la nécessité de la Commission municipale du Québec, que ce soit... Que cache ce projet de loi qui vient abolir la Cour municipale? Et là je m'aperçois que le temps file... Est-ce que c'est pour sauver de l'argent que le ministre a présenté ce projet de loi? On sait que le budget de la Commission municipale n'est que de 3,5 millions. Est-ce que c'est par souci de modernisation? Je ne le pense pas, puisqu'elle s'est modifiée au cours des années. Est-ce que c'est pour être efficace? Encore là, je ne le pense pas parce qu'elle a quand même une excellente expertise.

Alors, je pense, M. le Président, que, pour toutes ces raisons, ce projet de loi devrait être retiré et que, s'il n'est pas retiré, je voterai contre l'adoption de principe de ce projet de loi. Alors, merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Dubuc. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant, Mme la députée de Matapédia.

Mme Danielle Doyer

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, bien sûr que j'ai voulu intervenir sur le projet de loi n° 76, mais j'ai été obligée d'aller chercher mon discours dans la boule à mites, les toiles d'araignée, la poussière, un petit peu, hein ? des fois, il y en a dans nos bureaux ? et à travers les décorations de Noël parce qu'il était remisé. Il était remisé parce que c'était à l'autre session qu'on était supposés discuter de ça. Alors, on nous le ramène malheureusement, parce que, moi, M. le Président, je l'aurais bien laissé dans les boules à mites, ce projet de loi là.

Alors, oui, j'ai quand même voulu intervenir, je l'ai un petit peu mis au goût du jour, et pourquoi je voulais intervenir sur ce projet de loi? Parce que ce projet de loi malheureusement abolit la commission des affaires municipales, et j'ai des choses à dire sur cette abolition, sur cette volonté du gouvernement actuel d'abolir cette Commission municipale qui, moi, M. le Président, m'a bien rendu service. Parce que, savez-vous, j'ai ici la liste des municipalités de mon comté, et sûrement que la ministre, qui est ma voisine de comté, qui est l'ancienne mairesse de la ville de Maria... J'ai été conseillère municipale à Baie-des-Sables, un tout petit village du Bas-Saint-Laurent. Vous savez, quand on est une députée et on a 34 municipalités dans son comté...

n(20 h 30)n

Bon, j'ai quasiment le goût de vous en nommer quelques-unes. J'en ai 34, imaginez-vous: Albertville, Amqui, Causapscal, La Rédemption, Lac-au-Saumon, Les Hauteurs, Mont-Joli, Price, Saint-Alexandre-des-Lacs, Saint-Charles-Garnier, Saint-Cléophas, Saint-Donat, Saint-Gabriel, Saint-Joseph-de-Lepage, Saint-Léon-le-Grand, Saint-Moïse, Saint-Tharcisius, Saint-Vianney, Saint-Zénon-du-Lac-Humqui, Sainte-Angèle-de-Mérici, Sainte-Flavie, Sainte-Florence, Sainte-Irène, Sainte-Jeanne-d'Arc, Sainte-Luce, Sainte-Marguerite, Sayabec, Val-Brillant ? vous allez voir où je veux en venir ? municipalité de Grand-Métis, municipalité de Métis-sur-Mer, Padoue, Saint-Damase, Saint-Noël, Saint-Octave-de-Métis. Vous en avez moins que ça, hein, M. le Président, des municipalités dans votre comté. Vous en avez une, elle est pas mal grosse, par exemple, c'est Montréal. Et, moi, j'en ai 34, des petits villages dispersés en milieu rural et des petites villes moyennes comme Amqui et Mont-Joli.

Savez-vous ce que ça signifie? Parce qu'il ne faut pas que j'oublie non plus mes deux MRC, Mitis et Matapédia. Ça signifie, quand on fait le total des hommes et des femmes qui font partie de ces conseils municipaux, que ce sont 238 élus, 34 maires, 34 villes et villages avec de multiples dossiers. C'est ça que ça veut dire, et ça veut dire du travail.

Et avec ce projet de loi qui vise l'abolition de la commission des affaires municipales... Bon, moi, je le lis, bon, il dit: Il «abolit la Commission municipale du Québec et transfère certaines de ses compétences aux instances suivantes ? hein, vous l'avez vu: [au] Tribunal administratif du Québec [qui] devient responsable d'entendre les recours en contestation des décisions prises par un organisme municipal ou un ministre; les organismes municipaux responsables de l'évaluation se voient confier le rôle d'attribuer ou de révoquer les reconnaissances à des fins d'exemption de taxes; la Commission des relations [de] travail a compétence relativement à la destitution, pour cause, d'un président d'élection; le Directeur général des élections se voit confier le pouvoir d'autoriser un greffier ou un secrétaire-trésorier à ne pas agir à titre de président d'élection.»

Alors, moi, dans le fond on a dispersé les différentes compétences de la commission des affaires municipales, ce qui faisait son rôle, sa vie, et on les disperse à trois, quatre, cinq instances autres.

Et ce qui m'inquiète un peu aussi, c'est: Qui vont-ils nommer, M. le Président, qui vont-ils nommer pour faire le travail, pour remplacer 76 ans... Parce que j'avais mis «75 ans» dans mon autre discours. Là, je suis obligée de mettre «76 ans». Qui vont-ils remplacer? Parce que, hein, c'est: Je suis prêt, mais pas tout le temps. Mais ça, j'aimerais autant qu'ils ne soient pas prêts, par exemple, qu'ils le laissent dans la boule à mites, comme je disais tantôt. Alors, qui vont-ils nommer pour faire ce travail, pour remplacer 76 ans d'expérience, d'expertise accumulée au Québec, hein? Alors, ces compétences, cette expérience dans la conciliation, dans l'arbitrage, dans la médiation...

Et c'est complexe, le monde municipal. Ma collègue voisine députée de Bonaventure, je suis sûre qu'elle le savait déjà, comme mairesse de Maria, ancienne mairesse. Mais elle le sait, maintenant qu'elle est ministre. Et qui elle va nommer? Des experts. Elle va se faire une liste d'experts et elle va aller les chercher. Mais ça ne s'improvise pas, la compétence, dans ce domaine-là, et on va la perdre. Alors, moi, c'est ça qui m'inquiète.

Alors, M. le Président, vous savez, quand ça va bien dans une municipalité, quand ça va bien au conseil, quand ça va bien dans les différents milieux, dans les organismes qui relèvent d'une municipalité, corporation de loisirs, etc., quand ça va bien... Et ça se peut. Et généralement, moi, j'ai été quand même relativement chanceuse. Depuis 10 ans, 11 ans bientôt que je suis députée, ça a été relativement bien dans mes municipalités. Mais malheureusement ça arrive parfois, pour toutes sortes de raisons, que ça se mette à aller mal. Alors, René Lévesque disait: Où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie, M. le Président. Où il y a des gens, des êtres humains, des fois il y a des tensions, et c'est normal. Mais, à un moment donné, ce n'est pas normal que ça aille trop loin. Alors, quand la chicane, les tensions s'installent, je peux dire que ce n'est pas drôle, M. le Président. Et je l'ai vécu dans quelques-unes de mes municipalités.

Alors, vous le savez, la démocratie nous donne certains moyens pour faire en sorte que, quand il y a des tensions, quand il y a des chicanes, bien il y a des moyens. Le conseil municipal est là, le maire; ils ont un rôle à jouer. Mais, quand ça commence à jouer dur, à un moment donné, il faut peut-être qu'on mette une espèce de barrière, quelque chose qui pourrait nous aider à régler des litiges. Alors, l'harmonie, la collaboration, la reconnaissance de l'élu numéro un, qui est le maire, mais qui doit aussi, je dirais, être en bonne entente avec le conseil municipal...

C'est un équilibre des différents pouvoirs, un conseil municipal, des gens les uns envers les autres, des solidarités aussi. Alors, j'en ai vécu depuis 10 ans. Sainte-Angèle, dans mon comté, malheureusement, M. le Président, Sainte-Angèle-de-Mérici, il y a eu une certaine époque... Ça va relativement bien aujourd'hui, mais il y a eu une certaine époque où il y avait des tensions dans le village. Sayabec aussi, des fois, et ça a joué dur un peu à une certaine époque. Saint-Gabriel-de-Rimouski, dans mon comté aussi, ont eu certaines tensions. Des fois, ça s'arrange tout seul, ça s'arrange avec de l'arbitrage, comme je le disais, une médiation, une conciliation, mais des fois... C'est aussi des fois les employés municipaux qui écopent, mais des fois les problèmes viennent aussi du conseil municipal versus les employés d'une municipalité. Alors, normalement, je vous le dis, M. le Président, avec les règles qu'on a, normalement ça se règle. Mais, quand ça dure sur un an, deux ans, qu'est-ce qu'on fait? Qu'est-ce qu'on fait?

Alors, moi, pour l'avoir vécu... Souvent, ce sont des tensions, des chicanes, les avocats, on invoque le recours au Protecteur du citoyen. C'est la direction régionale du ministère des Affaires municipales qui se met de la partie. Moi, à une certaine époque, M. le Président, le délégué au niveau du ministère des Affaires municipales, on me disait qu'il travaillait à peu près un jour-semaine sur un des dossiers de mon comté, à force que c'était rendu grave assez solidement. Alors, le ministère des Affaires municipales... La députée était prise entre, je vous dirais, le marteau et l'enclume et essayait de mettre un peu du sien pour faire en sorte que ça se ramène.

Les groupes qui se forment dans une municipalité, comités de citoyens, le conseil municipal d'un bord, etc. Et là qu'est-ce qu'on fait? Et là on agit comme conciliateur, on agit comme négociateur, on écoute, on tente de ramener les choses, et rien n'y fait. Alors, quels sont les recours? Les recours, bon, moi, un des dossiers, un des dossiers, là, que j'ai eus dans mon comté, il y en a qui allaient renverser les pierres tombales au cimetière. Je ne vous dirai pas lesquels, c'est des gens. Parce qu'ils n'aimaient pas l'autre groupe, on allait renverser des pierres tombales dans le cimetière. On avait des agressions physiques, on avait des menaces, on avait de l'irrespect et de la difficulté de tenir des conseils dans le décorum et l'ordre.

M. le Président, quand, à un moment donné, j'ai fait l'évaluation du dossier et que je me suis dit, avec la Sûreté du Québec: On est rendus à 20 000 $ de dépenses, qu'est-ce que j'ai fait? J'ai dit: Une décision s'impose. Et quelle a été ma décision comme députée? J'ai demandé une tutelle. Et je ne la regrette pas. Pour les gens qui m'écoutent puis qui ne sont pas encore contents de ma décision, j'ai appelé au ministère des Affaires municipales et j'ai dit: C'est assez, ça n'a pas de bon sens. Il faut ramener ça, ça ne se ramène pas tout seul. Quand ça fait deux ans que ça dure, c'est long. Alors, moi, je l'ai demandée, la tutelle.

Le ministre, un arbitre et avec une liste d'experts, c'est ça qu'ils veulent nous proposer avec l'abolition de la commission des affaires municipales. Mais est-ce que je peux vous dire que j'ai été contente d'avoir l'expertise? Et ma collègue députée de Matane, qui est ici, connaît la personne qui est venue dans le dossier, Maurice Gauthier. Maurice Gauthier, qui était membre de la commission des affaires municipales, Rolland Dion, l'ancien maire de Sept-Îles, on a plein de collègues qui sont membres de... Vous en connaissez, hein, des anciens députés qui sont membres de la commission des affaires municipales et qui peuvent agir à titre d'experts dans des dossiers.

Et je vous le lis, l'article 237.4 qui fait en sorte de remplacer la commission des affaires municipales. Bon, c'est quoi, cet article-là? Cette loi, elle dit.

L'article 20: Cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 237.3, du suivant:

«237.4. Après avoir consulté l'Union des municipalités du Québec et la Fédération québécoise des municipalités locales et régionales, le gouvernement dresse une liste des experts à qui le ministre peut, en vertu de l'article 153, demander des avis de conformité. Cette liste est publiée à la Gazette officielle du Québec.

«Seul un membre de l'Ordre professionnel des avocats du Québec, de l'Ordre professionnel des notaires du Québec ou de l'Ordre professionnel des urbanistes du Québec peut être inscrit sur la liste.»

Alors, moi, je trouve ça dommage. Je trouve ça dommage parce qu'on va se priver d'une expertise, je le disais tantôt et je le répète, d'une expertise accumulée à travers 76 années. Et, avec l'article 237.4, cette liste d'experts...

Il y avait aussi, comme je le disais, d'anciens maires, d'anciens députés, des gens qui ont une expertise, une expérience. Et les frais, les frais de ça, c'était... Je vous le dis, quand on regarde le rapport qui nous avait été fait par la commission, c'était à des coûts très raisonnables, M. le Président, des coûts très raisonnables.

n(20 h 40)n

Et c'est le caractère... aussi plein de dossiers qui ont été, je dirais... qui relèvent... Les lois qui sont modifiées, les lois qui touchaient la commission des affaires municipales, regardez, ça touchait et ça touche la Loi sur la fiscalité municipale, la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, la Loi sur l'organisation territoriale municipale, la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, la Loi sur la qualité de l'environnement. Et c'était quoi, les compétences en matière administrative exercées dans les... C'étaient ces domaines-là, M. le Président: une tutelle de municipalités, comme celle dont je vous parlais tantôt, l'administration temporaire de municipalités, parce qu'à un moment donné, pour toutes sortes de raisons, il peut y avoir ? c'est inscrit dans les lois ? une situation qui commande de faire l'administration temporaire d'une municipalité, le temps que des choses se replacent, une enquête aussi sur l'administration financière de municipalités ? par exemple, si certains citoyens invoquent un cas de fraude ou un cas de malversation, il peut y avoir obligation de tenir une enquête ? une enquête aussi sur tout aspect de l'administration de municipalités. Alors, je vous fais grâce de la lecture de tout ce que la commission des affaires municipales pouvait faire, mais le rôle était grand, il est grand encore.

Alors, le caractère supralocal, par exemple, on a eu des bons services qui nous ont été rendus par la commission des affaires municipales dans plusieurs dossiers. Dans mon comté, il y a eu un litige dans la vallée de la Matapédia, où on avait de la difficulté à établir quelles sont les... je vous dirais, comme une piscine, un aréna, quelles sont les... Bon, je ne trouve pas le mot. Mes collègues, aidez-moi. Je ne le trouve pas, monsieur. Ha, ha, ha! Vous ne le trouvez pas, vous? Bon, quelles sont les... Bon, comme un aréna, une piscine, les... qui peuvent servir de...

Une voix: Les infrastructures.

Mme Doyer: Bon, merci. Je le savais. Vous voyez, mes collègues libéraux sont très gentils. Les infrastructures. Ça arrive qu'à un moment donné on ne trouve pas le bon mot. Alors, quelles sont les infrastructures de la MRC de la vallée de la Matapédia qui peuvent devenir des infrastructures supralocales. Et, en cas de litige, c'était la commission des affaires municipales qui venait à la rescousse des gens, qui aidait à analyser le dossier, par exemple quels sont les types de clientèle, les élèves de telles écoles qui utilisent la piscine ou l'aréna, et, en cas de litige, ils tranchent. Mais ils ne tranchent pas de n'importe quelle façon, ils tranchent avec des données pour le faire, des données d'utilisation, des distances, des coûts. Ils sont capables d'étoffer le dossier et d'aider, de supporter le milieu municipal, quelle que soit la MRC. Et, même dans vos quartiers, je suis sûre qu'ils ont été d'une grande aide pour trancher certains dossiers, certains litiges. Alors, oui, des dossiers délicats où les arbitrages entre les divers utilisateurs d'une infrastructure ont de la difficulté à s'entendre, et ça se fait de façon démocratique après, avec des données qui sont correctes.

Combien ça coûte? Comment on partage les coûts équitablement après, lorsque l'infrastructure devient une infrastructure supralocale? Alors, beaucoup de ces personnes ont eu des dossiers de conciliation, d'arbitrage, ont sauvé à quelque part de l'argent à l'ensemble des citoyens.

Alors, au niveau de l'évaluation municipale, M. le Président, c'est la même chose pour des gens ou des organismes, surtout des organismes, qui demandent une exemption de taxes, c'était aussi la commission des affaires municipales qui avait ces dossiers. Et souvent on peut retrouver aussi des entreprises qui ne sont pas d'accord avec leurs évaluations municipales, et il faut que quelqu'un tranche à un moment donné, et ça aussi, c'est une longue expertise qui s'est accumulée au niveau des affaires municipales, au niveau de la commission des affaires municipales.

Alors, au niveau d'une réorganisation municipale qu'on a vécue aussi, ça a été vraiment utile de... Et, moi, je veux vous donner des exemples de personnes qui sont dans mon comté, M. le Président, et qui ont donné leur opinion, et ce sont des personnes qui détiennent une expertise aussi et qui ne sont pas du tout en lien nécessairement avec la commission des affaires municipales, mais qui à quelque part en ont vu l'usage ou en ont eu l'usage à travers les années.

J'ai M. Noël Fournier, qui est directeur général et trésorier de la ville d'Amqui. M. Noël Fournier s'interroge à savoir qui va assurer la continuité des mandats dévolus actuellement à la Commission municipale du Québec. Ce questionnement vaut particulièrement pour les questions touchant l'administration municipale. Par exemple, la municipalité d'Amqui fait régulièrement affaire avec la Commission municipale du Québec pour des dossiers relativement à des questions d'exemption de taxes municipales pour des organismes à but non lucratif. Ces mêmes organismes doivent rencontrer les critères de la Loi de la Commission municipale du Québec s'ils désirent être exemptés de ces taxes. Alors, M. Fournier s'interroge, il dit: Il peut également se produire des situations où des municipalités sont mises en tutelle, qui est alors exercée par la commission. Ce sont là des exemples parmi bien d'autres où la Commission municipale du Québec joue un rôle clé dans la gestion du domaine municipal.

Un autre exemple, M. le Président, c'est un haut fonctionnaire de ma région, le Bas-Saint-Laurent. Je vous dirais que c'est même le plus haut fonctionnaire de ma région au niveau du ministère des Affaires municipales, Loisir et Sport. Il se questionne: Est-ce que les directions régionales seront en mesure d'absorber les dossiers importants de médiation, compte tenu du fait que le volume de la main-d'oeuvre, lui, n'augmente pas? Donc, est-ce que les fonctionnaires qui sont là, souvent qui donnent un coup de main... Comment ça va fonctionner à l'avenir? Et est-ce qu'on va manquer de ressources, ou s'il y a quelqu'un à quelque part qui va penser d'avoir les ressources suffisantes?

J'ai aussi Mario Caron, qui est notre ancien... Je dois malheureusement dire «notre ancien», malgré que le nouveau... parce qu'il est notre ancien directeur général de la ville de Mont-Joli, qu'il était directeur aussi à Pointe-au-Père et qu'il est rendu, je pense, dans la Beauce, mais peut-être que je me trompe. Et le nouveau directeur de la ville de Mont-Joli, Joël Harrisson, qui est arrivé, je le salue aussi. Mais M. Mario Caron, qu'est-ce qu'il disait sur ça, sur le projet de loi qui est présenté actuellement, le projet de loi n° 76? Il nous dit: L'abolition éventuelle de la commission est triste pour le domaine municipal du Québec, d'autant plus qu'elle a développé une expertise et une compréhension des enjeux des élus et des affaires municipales. Il ne faut pas perdre de vue que le secteur municipal en est un qui est très politique et très particulier, ce qui n'est pas nécessairement le cas d'autres institutions organisationnelles. Il faut rappeler aussi, selon M. Caron, que la Commission municipale est un excellent gestionnaire des conflits qui peuvent survenir entre les intervenants locaux et régionaux ou encore entre le conseil municipal et les officiers municipaux. Pour lui, revoir le rôle de la commission, c'est une chose; l'abolir, c'est autre chose.

Alors, M. le Président, moi, je suis désolée, vraiment désolée pour les personnes qui malheureusement vont disparaître de la carte de cette Commission municipale. On va malheureusement perdre un historique de 76 ans au niveau des municipalités, parce que vous savez que ça fait longtemps qu'il y a des municipalités qui existent au Québec, et on balaie, avec ce projet de loi n° 76, 75 ans... 76. Ça va bien, hein? C'est le projet de loi n° 76, et on balaie 76 ans. Ça va nous aider à nous en rappeler. Je n'avais pas remarqué ça. Ma leader, qui est ici, hein, c'est un adon, comme on dit par chez nous, c'est tout un adon avec le projet de loi...

Une voix: ...

Mme Doyer: Une minute? Et je conclus là-dessus. Avec le projet de loi n° 76, on balaie du revers de la main 76 années d'expertise, une petite équipe, 30 personnes, qui, avec quand même des ressources très bien gérées et assez limitées, on doit en convenir, mais correctes, était capable de faire un travail, je dirais, quasi de titan pour régler un paquet de dossiers, qui faisait en sorte d'aider dans toutes sortes de domaines, qui faisait en sorte que la vie municipale se fasse en harmonie, davantage en équilibre et en harmonie, M. le Président.

Et pour moi je vais voter contre ce projet de loi parce que je trouve que c'est très dommage et qu'encore une fois on bousille une institution qui rendait service aux Québécois et aux Québécoises partout sur notre territoire du Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous remercie, Mme la députée de Matapédia. Je suis prêt à reconnaître le prochain ou la prochaine intervenante. Mme la députée de Bourget et leader de l'opposition officielle.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. M. le Président, j'interviens à ce moment-ci de l'adoption du principe du projet de loi n° 76, loi qui abroge la Loi sur la Commission municipale.

M. le Président, c'est un dossier assez étonnant, et je pense que l'intervention qu'on vient d'entendre de la députée de Matapédia, qui est à la fois une intervention qui est basée sur une série d'expériences auprès des localités qui sont dans son comté... est une intervention assez éloquente et qui démontre à quel point la Commission municipale du Québec a rendu de très grands services aux communautés et municipalités, qu'elle en rend encore et qu'elle pourrait en rendre encore, et c'est un peu le sens de mon intervention que je vais faire au cours des prochaines minutes.

D'abord, M. le Président, je voudrais vous rappeler ? évidemment, les gens n'ont pas eu connaissance de ça ? qu'à l'occasion des mandats des députés, au mois de décembre dernier, est arrivé un petit événement que je me permets de vous raconter. Vous savez, M. le Président, que les commissions, les différentes commissions permanentes, à l'Assemblée nationale, ont toutes sortes de mandats, étudier des projets de loi, etc., et il leur arrive d'exercer ce qu'on appelle un mandat de surveillance, c'est-à-dire de convoquer un organisme qui est dans le grand paysage de la fonction publique québécoise et d'examiner son rapport d'activité, quelles sont les priorités, comment ça fonctionne, d'exercer donc notre regard de parlementaires sur un organisme.

n(20 h 50)n

Hasard incroyable, c'est la Commission municipale du Québec qui, en décembre dernier, est convoquée par les membres de notre Commission parlementaire de l'aménagement du territoire et c'est à peu près au même moment... Ça ne faisait que quelques semaines. C'est dommage d'ailleurs que certaines personnes nous quittent, parce qu'elles auraient pu entendre cette histoire. Cette commission avait été... on avait annoncé, le gouvernement avait annoncé son intention d'abolir la Commission municipale du Québec.

Le témoignage, M. le Président ? et j'ai des collègues qui ont été présents, dont le député de Blainville, le député de Beauharnois, qui est intervenu cet après-midi ? le témoignage des représentants, dont le président notamment de la Commission municipale, tombait à point, puisque le gouvernement avait signifié son intention d'abolir la Commission municipale du Québec. Donc, formidable occasion pour les parlementaires de dire: Comment ça va dans cette commission? Qu'est-ce que vous avez fait ces dernières années? Qu'est-ce qui a évolué? Avez-vous des projets quant à votre mandat, quant à votre rôle auprès des municipalités?

Et il s'est retrouvé là un échange très intense entre les députés des deux formations politiques, M. le Président, je dois le dire. C'est ce qu'on m'a rapporté, et je me suis permis d'aller en lire un certain nombre d'extraits. Et les deux formations politiques, les députés des deux groupes politiques ont posé des questions très librement sur le rôle de la Commission municipale du Québec, et quiconque le moindrement sensé qui participait à ces travaux, à ces échanges avec la Commission municipale du Québec, présidé d'ailleurs, cet échange, brillamment par le député de Marquette, n'en arrivait qu'à une seule conclusion, M. le Président: la Commission municipale du Québec a joué un rôle, elle joue un rôle et elle peut encore jouer un rôle. Non pas, M. le Président... Puis je sais que quelquefois il y a des hasards de la vie qui sont troublants. Ce projet de loi est numéroté du numéro 76 alors que la Commission municipale a 76 ans. Mauvais hasard, n'est-ce pas?

M. le Président, la question n'est pas de savoir: Est-ce qu'on conserve la Commission municipale telle qu'elle est parce qu'elle a vécu pendant 76 ans? Ce n'est pas ça, la question. On ne garde pas des reliques du passé pour le plaisir. La question est de savoir: Considérant ce qu'elle a fait, ce qu'elle fait maintenant et ce qu'elle pourrait faire, est-ce qu'elle est encore utile et pertinente pour le monde municipal et pour l'ensemble des contribuables ultimement, M. le Président? Et à cette question je réponds oui. Oui, elle est utile, la Commission municipale, comme elle l'a été, utile dans le passé. Elle nous a démontré dans un passé récent qu'elle pouvait jouer un rôle extrêmement important, et je crois que les témoignages des députés sont très clairs à cet effet et qu'il suffirait de peu, si quelqu'un voulait ajuster un certain nombre de choses dans ce mandat, pour faire en sorte qu'elle se déploie de manière maximale quant à ses fonctions.

Mais non, M. le Président. Le gouvernement a décidé de l'abolir. Pas pour des motifs profonds. Ça arrive, M. le Président, qu'un gouvernement fasse le tour d'un certain nombre d'organismes et dise: Pour toutes sortes de raisons, il n'est plus justifié de maintenir l'organisme X. Ça arrive, j'en conviens. Mais, dans ce cas-ci, M. le Président, si la Commission municipale n'avait pas fait la démonstration de son utilité passée, présente et future, il y aurait des raisons de l'abolir. Ce n'est pas le cas, et je prédis que l'abolition de la Commission municipale, qui est une question d'entêtement, d'orgueil politique, va créer plus de problèmes, M. le Président. Parce que ce qu'il faut comprendre, c'est que la Commission municipale est déposée sur l'autel de la réingénierie. C'est ça, le vrai motif politique. Le vrai motif politique, c'est que, depuis deux ans, le gouvernement libéral nous rebat les oreilles: On va faire les choses autrement. Oui, on voit ce que ça donne quand ils font les choses autrement, M. le Président.

Et, entre autres, ils nous ont dit: Une des manières de mesurer à quel point on fait les choses autrement, c'est qu'on va abolir des organismes. Évidemment, ils ont parlé, comme disait ma grand-mère, à travers leur chapeau et, avant de prendre de tels engagements, ils sont allés à l'oeil puis au pif puis ils se sont dit: Ah! les gens, ils n'aiment pas ces organismes-là, on va promettre d'en abolir.

Le problème, c'est quand arrive le test de la réalité, et, quand ils font un travail minimalement rigoureux, ils se rendent bien compte qu'il n'y en a pas des caisses, d'organismes à abolir. Et là ils en cherchent un, M. le Président, pour démontrer qu'ils ne l'ont pas mis sur l'autel de la réingénierie pour rien. Parce que, M. le Président, la dernière fois où la présidente du Conseil du trésor a parlé de sa réingénierie et des 60 et quelques organismes qu'elle voulait sacrifier au nom de la réingénierie, bien elle s'est fait dire que c'était une réingénierie de papier. Le gouvernement n'a pas livré, il cherche quelque chose à livrer.

Puis le hasard est quelquefois malheureux, c'est tombé sur la Commission municipale du Québec, le plus mauvais exemple de l'organisme à abolir, M. le Président. C'est ça, le problème. Et là ils se sont embourbés pour une question d'orgueil politique, et, au lieu de dire: Écoutez, on a bien évolué, il y a des fonctions administratives, quasi judiciaires qui sont importantes, on ne veut pas être en porte-à-faux, on ne veut pas que le ministère des Affaires municipales, à qui on confierait des mandats qui sont actuellement exercés par la Commission municipale, se retrouve en conflit avec le monde municipal, pour toutes ces raisons-là, on préfère maintenir la Commission municipale, on demande à la Commission municipale tout de même de nous faire un certain nombre de propositions pour que les mandats soient plus serrés, pour que les fonds publics soient bien utilisés ? quoique je ne pense pas qu'il y ait eu de problème d'utilisation des fonds publics à la Commission municipale, M. le Président ? mais de s'assurer que les mandats sont bien à jour, qu'ils répondent vraiment aux considérations d'aujourd'hui, on demande à la commission de faire un effort et de moderniser ce mandat... Mais non. Au lieu de ce geste sensé, non, ils ont décidé que le premier morceau qu'ils livreraient à l'autel de la réingénierie serait la Commission municipale du Québec.

M. le Président, c'est une erreur. Ce n'est pas juste un geste triste pour l'histoire. Et personnellement ce n'est pas pour le passé que je plaide pour la Commission municipale du Québec, quoique son passé nous démontre à quel point elle a été capable d'évoluer et que les gouvernements successifs ont été capables de moduler, de modifier les mandats au fur et à mesure des développements, des nouvelles réalités du monde municipal.

Par exemple, M. le Président, au moment où la Commission municipale a été créée, cette idée de médiation n'était pas une idée qui était présente dans la manière de gérer la chose publique. Aujourd'hui, on le sait, les modes de médiation traversent plusieurs grandes organisations. Que ce soit, par exemple, à la CSST, que ce soit même dans certains tribunaux où il y a des étapes de médiation, que ce soit dans le domaine familial, on le sait, que la médiation est un mode de résolution de conflits. Et ce mode, il a été proposé aussi par le gouvernement, à ce moment, à la Commission municipale. La Commission municipale fait de la médiation maintenant. Alors qu'elle n'en faisait pas il y a 30, il y a 40 ou 50 ans, cette organisation a eu la capacité et les moyens ainsi que les directives gouvernementales de s'adapter aux nouvelles réalités.

Alors, M. le Président, je le dis, ce n'est pas uniquement pour le passé, quoique la Commission municipale a fait son travail, mais c'est également pour l'avenir qu'il nous faut préserver cet organisme. Ça ne veut pas dire qu'il ne faudrait rien changer, M. le Président. Et c'est ça, le compromis que le gouvernement devrait faire, plutôt que de l'abolir simplement. Ça veut dire que c'est une organisation qui a sa raison d'être. Pourquoi, M. le Président? Parce que la Commission municipale a des mandats qui sont très diversifiés et que, même si la Commission municipale est abolie, ça ne change pas le fait qu'il y a des choses qui devront être faites, que des décisions devront être prises. Ce n'est pas parce qu'on efface le nom «Commission municipale» qu'il n'y a pas des gestes à poser.

n(21 heures)n

Par exemple, M. le Président, on sait que la Commission municipale joue un rôle important quant à des décisions sur des équipements, que ce soit une bibliothèque ou une salle de spectacle ? j'ai un exemple clair en tête ? qui est à cheval entre deux frontières de deux municipalités. Une municipalité a développé, par exemple, une salle de spectacle, elle considère qu'elle profite à un ensemble beaucoup plus vaste que sa propre municipalité, elle signifie à l'autre municipalité: Il me semble que vous devriez y contribuer un peu, étant donné que vous en tirez des bénéfices. La chicane prend, M. le Président, entre les deux municipalités. Qui ultimement, une fois qu'ils se sont parlé dans les journaux, puis qu'ils ont fait des conférences de presse, puis qu'ils ont envoyé des avocats, ou je ne sais quoi, une fois que tout ça est épuisé, qui ultimement peut aider ces deux, ou trois, ou quatre municipalités à savoir comment on gère cet équipement qui va au-delà des frontières d'une seule municipalité, qui ultimement peut faire les arbitrages?

Même si le gouvernement efface la Commission municipale, il reste que des problèmes comme ça, il va y en avoir encore, il n'efface pas ces problèmes. Qui va assumer cette responsabilité d'aider, d'arbitrer, de décider dans des cas comme ça? Le ministère des Affaires municipales qui lui-même contribue quelquefois, par des subventions ou autrement, à ce type d'équipement? Pourquoi le ministère des Affaires municipales se mettrait dans de telles situations, M. le Président, alors qu'il existe déjà un organisme rodé où des personnes compétentes y siègent, reconnu par le monde municipal, crédible? Les municipalités ne contestent pas à tout bout de champ les décisions de la Commission municipale, c'est donc le signe que ses décisions ont du bon sens pour le monde municipal. Pourquoi le ministère des Affaires municipales se mettrait dans une position comme celle-là, M. le Président?

Alors, voici un exemple, un autre exemple. Vous savez... Et ça, c'est un pouvoir qui est plus récent dans l'histoire de la commission des affaires municipales, c'est toute la question de l'exemption des taxes foncières ou taxes d'affaires pour les organismes sans but lucratif. Vous le savez, M. le Président, il y a des dizaines de milliers d'organismes sans but lucratif au Québec, qui souvent ont des moyens modestes, se posent la question: Est-ce qu'ils doivent payer les mêmes taxes d'affaires qu'un commerce par exemple? Il s'est développé toute une série de réglementations permettant dans certains cas, avec certains critères, d'exempter, en tout et en partie, le paiement de taxes d'affaires pour ces organismes qui sont de taille plus modeste et qui ont des vocations humanitaires. Qui, M. le Président, va statuer là-dessus? Et ce que je déplore, M. le Président, dans cette décision du gouvernement, c'est non seulement qu'il éparpille des décisions et des dossiers qui de toute manière vont interpeller quelqu'un quelque part, il les éparpille, cette décision nous met tous dans des positions potentielles de conflit d'intérêts et, troisième élément, quel gâchis d'expertise et de crédibilité.

Par exemple, M. le Président, dans cette question d'exemption de taxes foncières et de taxes d'affaires, c'est des centaines de décisions qui ont été prises par la Commission municipale du Québec. Imaginons que c'est quelqu'un, des quelqu'un d'autre qui décident, des personnes individuelles choisies aux aléas de je ne sais quels critères, M. le Président. Qu'est-ce qu'on fait de la prévisibilité des décisions? Si les décisions ne sont pas prises dans un lieu où il y a des pratiques, une culture, de la jurisprudence, comment voulez-vous que les élus municipaux ou alors les organismes en question qui ont besoin d'avoir des décisions qui tranchent une situation problématique puissent se gouverner et prévoir devant quel type de décision ils pourraient être confrontés.

Alors, M. le Président, c'est non seulement une perte d'expertise, mais c'est une perte également de prévisibilité. Quand, M. le Président, je donnais l'exemple, tout à l'heure, d'un équipement, prenons l'exemple d'une salle de spectacle qui est à cheval entre deux territoires, quand cette situation-là se produit ailleurs, M. le Président, il faut s'assurer, évidemment chaque cas est un cas d'espèce, mais il faut s'assurer tout de même que, si le cas se présente à Rouyn-Noranda, une problématique similaire à Valleyfield va apporter une décision similaire. Pourquoi dans le cas a la décision irait dans une direction et dans le cas b qui est similaire ça irait ailleurs? La prévisibilité, la cohérence, la continuité, la stabilité des décisions, M. le Président, qu'est-ce qu'on en fait? Mais non, M. le Président, le plus important, c'est de livrer quelque chose qui va donner le sentiment que le gouvernement a fait de la réingénierie. Et à l'hôtel de la réingénierie a été déposée, comme si de rien n'était, la Commission municipale du Québec.

Alors, M. le Président, je déplore beaucoup, beaucoup cette décision, et nous nous y opposons. Et nous y ajoutons, à notre opposition, une demande, M. le Président. M. le Président, c'est un peu par hasard qu'il y a eu un minimum d'échanges entre les parlementaires et la Commission municipale du Québec. Ce hasard s'est produit en décembre dernier, M. le Président, comme je vous l'expliquais, parce que les députés avaient examiné le mandat de la Commission municipale du Québec.

Or, dans les faits, d'aucune manière formellement il n'y a eu un examen un peu plus minutieux de l'effet de l'abolition de la Commission municipale du Québec. D'aucune manière, M. le Président, on ne s'est demandé... Notamment, tout l'aspect de gestion de villes en difficulté, de tutelles, l'aspect quasi judiciaire, M. le Président, de la Commission municipale du Québec qui est transféré essentiellement au Tribunal administratif du Québec. Personne ne s'était interrogé sérieusement, du point de vue parlementaire, sur les conséquences pratiques de ce transfert de responsabilités au TAQ ou alors au ministère des Affaires municipales.

Alors, non seulement il ne faut pas l'abolir, mais, à tout le moins, avant de procéder à l'étude plus détaillée, je crois qu'il faut demander aux gens, à des experts ? et, dans ce cas-là, les experts, il y a, entre autres, des gens dans le monde municipal ? comment ils voient, quels problèmes ils anticipent, quels espoirs peut-être ? je ne sais pas, M. le Président ? ils mettent dans cette abolition de la Commission municipale du Québec. Alors, avant d'abolir un organisme qui a 76 ans puis qui est plus qu'une relique historique, qui a livré marchandise, qui a démontré, dans un passé récent, qu'il était capable de livrer marchandise, qui a démontré qu'il était capable de s'adapter à des nouvelles réalités, il me semble qu'il y a un exercice un peu plus sérieux à faire, M. le Président.

Alors, je termine, M. le Président, en disant que l'orgueil, dans nos vies personnelles, est quelque chose qui quelquefois nous met dans des situations terriblement embarrassantes. L'orgueil politique, ça doit être 10 fois pire, M. le Président. Et je trouve très dommage que le gouvernement ne trouve pas une porte de sortie élégante parce qu'il veut contourner cette réingénierie de papier, parce qu'il veut prouver qu'il est tough, il est capable de casser des organismes et est capable d'en abolir, M. le Président. Alors, c'est un peu dommage parce qu'il me semble que la politique devrait avoir un peu plus de sens, un peu plus de fondement, un peu plus de rigueur lorsque des choix comme ceux-là sont proposés aux Québécois et aux Québécoises, M. le Président. Alors, nous allons nous opposer à l'adoption de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous remercie, Mme la députée de Bourget et leader de l'opposition officielle. Je suis prêt maintenant à reconnaître le prochain intervenant, M. le député de Chicoutimi et leader adjoint de l'opposition.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Donc, il me fait plaisir à mon tour d'intervenir sur un important projet de loi qui a des conséquences majeures, il faut le dire, dans le domaine municipal. Et vous avez eu l'occasion d'ailleurs, depuis le début de l'adoption de principe, d'entendre mes différents collègues sur cette question. Donc, je vais tenter de me faire bref et concis sur les arguments qui, je le souhaite, convaincront la ministre de faire marche arrière ou du moins de se mettre en position arrêt, comme l'a fait d'ailleurs son collègue qui l'a précédée aux Affaires municipales, qui avait déposé ses intentions mais qui finalement n'y a pas donné suite, jugeant, j'imagine, effectivement sa première action non fondée ou pas aussi avantageuse qu'elle semblait l'être à prime abord et qui avait jugé opportun de remettre à plus tard, sinon aux calendes grecques, l'adoption d'un tel projet de loi.

n(21 h 10)n

Ce n'est pas la première fois que le gouvernement se rend compte d'une erreur qu'il a commise, et il aurait été souhaitable effectivement que les intentions exprimées par le ministre... non exprimées, je vous dirais, par le ministre, celles de reporter donc... Parce qu'il est dur en politique de reculer, parfois. Donc, souvent la position la plus confortable, c'est celle en état d'arrêt, donc de ne pas avouer son erreur mais plutôt de dire: Bien, écoutez, je constate effectivement que la recommandation que j'ai faite n'est pas conforme au bien public, n'est pas conforme au but recherché, donc je m'abstiens d'aller plus loin dans cette intention.

Malheureusement, la ministre a décidé de faire autrement et de pousser plus loin l'étude de ce projet de loi. Donc, nous serons encore une fois, M. le Président, obligés d'être aux aguets et souhaitons-le de ne pas être obligés de monter aux barricades pour s'assurer que la ministre n'agisse pas de façon contraire aux intérêts des municipalités, contraire aux citoyens aussi ? parce qu'on le verra, les citoyens particulièrement sont touchés dans l'abolition de cette commission ? contraire aussi à cette tendance malheureuse parfois, parfois bonne, il faut le dire, parfois malheureuse, qui est celle de vouloir tout simplement abolir des organismes.

Ça peut paraître noble parfois de dire: Bon, bien, on fait le ménage, on regarde est-ce que les organismes qui sont actuellement... qui ont des vocations, qui ont des missions rencontrent les objectifs que nous leur avons donnés, qui leur ont été donnés dans le courant des années. Et, dans ce cas-ci, on ne parle pas d'un mandat de quelques années, ça fait plus de 75 ans effectivement que cette Commission municipale existe, donc elle a prouvé, je crois... Elle n'a pas le fardeau de preuve de démontrer son utilité. Et ses 76 ans de vie renversent le fardeau et imposent au gouvernement, plus particulièrement à la ministre, de convaincre le monde municipal, de convaincre les élus de cette Chambre de l'inutilité de cette commission. Or, malheureusement, cette commission, elle est utile. Il ne faut pas céder à cette tentation parfois attirante, séduisante, de dire: Regardez, j'ai fait le ménage, j'ai aboli un organisme. Mais on se rend compte, après un an, deux ans, que finalement cette abolition était contraire aux intérêts des municipalités, des villes, des citoyens, et, à ce moment-là, on est obligé de revenir et de refaire finalement quelque chose qui existait déjà.

J'en prends pour preuve d'ailleurs le dernier budget, et je ferai un petit aparté, où plusieurs mesures de fiscalité pour aider les entreprises, en région entre autres, s'étaient trouvées amputées en grande partie dans le premier budget du ministre des Finances. Et on regarde le dernier budget, eh bien, plusieurs de ces mesures ont été réintégrées, réintégrées dans le budget actuel, pas toutes mais certaines, après avoir constaté l'impact négatif de retirer de telles mesures. Sauf que le mal est fait, M. le Président. À partir du moment où, au niveau... et là, plus particulièrement, c'est au niveau économique, on retire ces mesures, eh bien, ça a un impact au niveau des entreprises, au niveau de leur productivité, au niveau des emplois dans ces secteurs, au niveau du risque que ces entreprises vont prendre pour explorer d'autres marchés, pour parfois aller dans des secteurs fort difficiles, qui demandent des investissements majeurs. Eh bien, lorsque le gouvernement se retire, retire son aide, eh bien, ces entreprises vont prendre des décisions, et c'est légitime, décisions un peu plus prudentes, alors qu'on sait que, dans le monde où nous vivons, où les fenêtres d'opportunités économiques se font parfois de façon fort brève, il faut permettre aux entreprises de plonger dans ces fenêtres rapidement pour prendre la part de marché qui leur revient. Et ça, tout le Québec est gagnant: les entreprises en région, mais les entreprises aussi à Montréal, partout au Québec sont gagnantes.

Je regarde, entre autres, dans le domaine des biotechnologies, on avait fait un effort extraordinaire pour développer ce secteur lié aux connaissances, lié à l'économie du savoir, et malheureusement le gouvernement a laissé tomber. Ça a eu pour effet de déstabiliser totalement ? et je parlais encore à des intervenants dans le domaine il y a deux semaines à peine ? tout le secteur. Et même des démarches qui avaient été prises à l'extérieur pour vanter les mérites des mesures fiscales ici, au Québec, et qui se sont faites sur de nombreuses années se sont trouvées à tomber à l'eau, puisque tout d'un coup l'appui qu'avait besoin ce secteur est tombé, malheureusement, et qui a fait perdre au Québec un avantage concurrentiel important dans ce domaine, à travers le monde. Parce qu'il faut se le dire: Cet avantage concurrentiel est important puisque les entreprises déterminent leur lieu d'implantation sur les avantages qu'on leur concède, et c'est normal, ils magasinent. Alors, avancer... reculer plutôt pour avancer, ce n'est pas simplement le fait de reconnaître son erreur, mais ça a un impact au niveau du développement économique.

Alors, dans le domaine municipal, ça a aussi un impact, M. le Président. D'autant plus que le projet de loi qui a été déposé n'a pas reçu un accueil des plus élogieux, des plus avantageux, entre autres, au niveau de la Fédération québécoise des municipalités qui a clairement indiqué son désaveu par rapport à la mesure gouvernementale. J'aurais pensé que le gouvernement actuel, qui a prétendu à plusieurs reprises, souvenez-vous: Nous devons entendre la voix des élus... Bien, ce que je comprends, c'est... Il y a une sélection qui se fait sur la voix des élus: on prend ce qui fait notre affaire, puis le reste, bien on le laisse tomber.

Alors, pour ceux qui faisaient des leçons de démocratie, bien je ne peux pas dire que c'est un autre bel exemple de démocratie participative et de respect des intervenants dans ce secteur, d'autant plus que la justification n'est pas le bien commun dans ce cas-ci, même si on voulait nous faire accroire, M. le Président, que le bien commun est servi par une telle mesure, où l'intérêt public requiert l'abolition d'une telle commission. Je pense qu'on n'en est pas là, on est plutôt en termes d'efficacité de gestion. Donc, à partir de ce moment-là, on doit se dire: Est-ce que le fait d'enlever une telle commission, un tel organisme, va nous faire faire des gains pour l'ensemble de la société, pour l'ensemble de nos concitoyens et concitoyennes, sur ce qui se passait auparavant? Et malheureusement on doit conclure que non, M. le Président, et c'est ce qui nous amène, nous, comme membres de l'opposition, à s'opposer de façon très claire à l'adoption de ce projet de loi.

Un des éléments que je connais mieux aussi, pour avoir eu l'occasion de voir à l'oeuvre les membres de la Commission municipale, qui est un rôle important et qui, lui, est destiné principalement aux citoyens et citoyennes, concerne évidemment tout le rôle quasi judiciaire qui appartient à cette Commission municipale. Combien d'organismes de chez vous, M. le Président, ont eu la chance de se présenter devant la Commission municipale pour réclamer, entre autres, des détaxations et qui trouvaient, dans un environnement, il faut le dire, fort sympathique et ouvert aux discussions, ouvert aussi... qui ne s'enferrait pas dans une procédure lourde pour les participants et ceux et celles qui faisaient leurs représentations... D'autant plus que ces organismes, vous le savez, n'ont souvent pas les moyens de consulter ou d'avoir à grands frais le soutien de procureurs dans le domaine et d'avocats, ils vont... Souvent, les gens se présentaient seuls, au nom de leur organisme, pour faire ces demandes, et cela se faisait, pour avoir assisté même à une représentation, à une audience, de façon amicale, respectueuse des procédures évidemment, mais aussi respectueuse de ceux et celles qui se présentaient devant la commission. C'était une justice qui était ramenée... et qui avait un côté humain que je trouvais sympathique et qui s'alliait bien au mandat qui leur était confié à ce niveau-là. Et j'aurais souhaité que la ministre prenne en compte ce côté du justiciable, de voir une justice plus accessible, plus humaine et qui, il faut le dire aussi, rendait justice dans des délais très courts.

Pourquoi? Parce que ce n'étaient pas des gens qui recevaient des dossiers de toute nature et tout d'un coup se retrouvaient dans un domaine qu'ils ne connaissaient pas. Au contraire, c'était un tribunal très spécialisé, une commission qui était très spécialisée dans ses compétences, parce qu'elle entendait de façon récurrente des problèmes liés à des questions précises dans le domaine municipal, donc avait développé une expertise fantastique, il faut le dire, dans ce domaine et que le gouvernement aurait avantage à valoriser, avantage à développer.

D'ailleurs, la plupart des rapports qui ont porté sur la Commission municipale et son rôle dans les 30 dernières années, M. le Président, ont toujours été dans le sens de ne pas abroger, de ne pas faire disparaître cet organisme, mais plutôt de le renforcer, de lui reconnaître ses mérites, parfois de le modifier mais toujours dans le sens de renforcer le mandat qui était confié à cet organisme, de lui attribuer d'autres qualités, d'autres compétences qu'il avait. Pourquoi? Pour faire bénéficier à l'ensemble de nos concitoyens et concitoyennes des expertises qui ont été développées par cette commission.

n(21 h 20)n

Le gouvernement a choisi, et là je dirais la ministre plus particulièrement, parce que le gouvernement avait, comme je vous le disais d'entrée de jeu, M. le Président, avait comme décidé d'adopter la position stationnaire par rapport à ce projet de loi, la ministre a décidé de le relancer, et là le but recherché, il est... On peut présumer bien des choses, M. le Président. Est-ce que c'est à cause de la pauvreté du menu législatif? Est-ce que c'est parce qu'on a décidé d'en faire un élément de notre bilan législatif de la présente session? Est-ce qu'on a décidé ou est-ce qu'on a vu que finalement toute la réingénierie ? M. le Président, souvenez-vous des rapports concernant l'abolition des organismes ? jusqu'à maintenant, il faut bien le dire, là, n'a pas donné grand-chose, hein? On a accouché d'une souris et on n'a pas beaucoup d'éléments de bilan à faire valoir auprès de la population. Il faudrait que je reprenne le petit document de propagande, là, qui a été transmis à nos concitoyens, mais je ne pense pas y retrouver grand-chose à cet effet-là, si ce n'est que des déclarations de principe. Alors, le bilan est très pauvre, et là on tente par la bande de tenter de le faire grandir.

Malheureusement, on fait des mauvais choix, hein, on fait des mauvais choix. La Commission municipale, M. le Président, en plus d'avoir à développer cette expertise dans le domaine judiciaire et quasi judiciaire plus particulièrement, il faut le dire, répondait à un besoin des municipalités. Ma collègue, tantôt, la leader de l'opposition faisait référence à des questions aussi importantes, épineuses que, par exemple, les tutelles au niveau municipal, les accompagnements au niveau des villes en difficulté. Ça prend un organisme qui jouit d'une indépendance, qui a cette expertise dans ce domaine.

D'ailleurs, ceux qui la composaient provenaient en large, très large majorité du domaine municipal ou y avaient développé des compétences. Mais la très grande majorité ? et je me souviens de certaines personnes qui avaient été nommées ? étaient souvent des anciens maires, anciennes mairesses ou personnes liées au monde municipal. Donc, on avait là une expertise fort intéressante pour soutenir, pas simplement à coups de massue, mais surtout en termes d'accompagnement, les municipalités. Et même parfois les ministres des différents gouvernements ont demandé des avis à la Commission municipale qui, à cause de son rôle d'indépendance, à ce moment-là, pouvait mettre en lumière des éléments que d'autres auraient jugés soit partisans, soit liés à une conjoncture ou à une défense d'intérêts partisans. Ces gens n'avaient pas de choses à défendre, ils jouissaient d'une indépendance certaine par rapport aux actions et aux avis qu'on leur demandait.

Donc, le fait de se soustraire à cette expertise, je pense, n'est pas de nature à améliorer le sort des élus municipaux, qui sont d'ailleurs très inquiets, M. le Président. Ils sont très inquiets aussi des coûts éventuels que pourrait entraîner une telle abolition, et j'en prends pour preuve le mémoire de la FQM, qui affirmait très clairement que l'abolition de la Commission municipale du Québec ne générera pas d'économies pour le gouvernement. Donc, c'est une première affirmation que j'aurai l'occasion de discuter avec vous. Et la deuxième: s'il y en a, ces dernières risquent de se faire sur le dos des municipalités qui auront à assumer de nouvelles responsabilités sans transferts financiers approuvés.

Alors, la première, ne générera pas d'économies, M. le Président. Alors, quel est le but recherché? Est-ce que c'est parce qu'il y a eu trop de nominations pendant les huit années de pouvoir? Et on sait que les membres se renouvellent. C'est des mandats de cinq ans normalement. Est-ce qu'on considère que les gens qui sont là n'ont pas les qualités requises pour exercer de telles fonctions? Est-ce qu'on juge que l'expertise apportée par la commission, par rapport aux individus, cause problème? Qu'on nous le dise, là, ouvertement si c'est le cas, et alors soyons transparents dans nos intentions, parce qu'en termes d'économies...

Et là on parle de gens qui proviennent du domaine municipal. J'affirmerais la même chose, M. le Président, vous diriez: Bon, c'est votre opinion, M. le député, elle vaut autant que les 125 qui sont ici. Mais là on parle de la Fédération québécoise des municipalités, je dirais, ceux et celles qui utilisent les services, qui voient l'efficacité de ces services. Eux reconnaissent l'utilité de cette commission. Ils disent: Écoutez, en plus d'être utile, d'être efficace et d'être pertinente, bien, en plus, si vous l'abolissez, il n'y aura pas d'économies, vous ne pourrez générer d'économies. Pourquoi? Parce qu'il y aura des dépenses qui seront générées du fait que la commission disparaît, et c'est peut-être même que nous nous retrouverons avec des responsabilités qui entraîneront pour nous des dépenses et qui finalement alourdiront, mais par la bande, le fardeau fiscal de nos concitoyens et concitoyennes. Parce que de regrouper de telles responsabilités dans un seul organisme a des avantages très clairs pour tout le Québec. Cette commission travaillait dans tout le Québec et elle se déplaçait. Et je dois saluer le travail de ceux et celles qui ont agi sur cette commission, peu importe le côté qu'ils étaient.

Parce que j'ai pratiqué à une certaine époque, M. le Président. C'était pendant les années où le gouvernement libéral était au pouvoir, et je peux vous assurer, sauf exception, de la qualité des gens qui se sont retrouvés sur cette commission, de leur disponibilité. Ils venaient en région rencontrer les gens, ils se déplaçaient, étaient disponibles. Les délais, même, pour avoir une audition n'étaient pas longs, n'étaient pas longs, et ils jouissaient d'une expertise très grande qui faisait que les débats étaient relativement courts aussi. Courts, parce que, quand on a 50 fois, pendant quelques semaines, un dossier sans être pareil mais qui a les mêmes prétentions de base et dont les faits peuvent, eux, s'avérer différents, mais dont l'élément de base et les éléments juridiques, les contours juridiques sont bien connus, sont sus et appris par les membres, évidement c'est un temps énorme qui est sauvé par ceux et celles qui se présentent devant la commission, et rapidement les commissaires établissaient tel élément: L'aspect public, ça, ça peut être clair; par contre, pour tel aspect, c'est moins clair, je vous demanderais peut-être de nous donner des explications. Et les gens se retrouvaient là-dedans, et on gagnait beaucoup de temps.

Malheureusement, on a décidé de procéder autrement et de confier à d'autres cette responsabilité qui amène là des compétences et un éclairage qui est peu commun, là, et qui est très, très, très particulier, très, très, très... comme on dit dans le domaine, dans le domaine juridique, là, une compétence qui est spécialisée dans un domaine qui est, il faut le dire, très, très, très spécial, et qui sert bien nos citoyens.

La contribution de la Commission municipale, elle a été marquante dans le temps, et j'aurais souhaité un peu plus de respect, bien que nous ne soyons pas fermés, je vous dirais, à l'amélioration, à la bonification. S'il y a des problèmes de gestion, qu'on nous le dise. Est-ce qu'il y a des sommes qui ont été dépensées de façon indue, auraient été dépensées de façon non utile au public? Qu'on nous le dise. Mais ce n'est pas le cas, M. le Président. Alors, il n'y a pas de problème de gestion à l'intérieur de la commission. Au contraire, les mandats qui leur sont confiés ont toujours été acquittés avec le plus grand professionnalisme, le plus grand souci de transparence, d'équité et de bon jugement.

Alors, pourquoi, pourquoi abolir une telle organisation, si ce n'est que pour ? un de mes collègues le disait d'ailleurs, le député de Salaberry-Soulanges ? sacrifier sur l'autel de la réingénierie un organisme? Parce que, comme la liste est plutôt faible, bien on vient d'en sacrifier un. Au moins, si on avait à en sacrifier quelques-uns, prenons ceux qui pourraient poser questionnement quant à leur utilité. Et ce n'est pas le cas de la Commission municipale, et je trouve malheureux que le gouvernement se prive d'une telle expertise, malheureux que les Québécois, les maires, ceux et celles qui sont dans le domaine municipal seront aussi privés d'une telle expertise.

Mais, vous savez, le processus législatif a quelque chose de bon, c'est qu'il s'étend dans le temps, M. le Président, et permet parfois à certains ministres de faire une réflexion un peu plus avancée sur leur questionnement, sur leurs actions, et qui permet parfois que la grâce frappe. Et souhaitons que le gouvernement entendra cette voix, entendra le monde municipal et n'ira pas plus loin dans l'adoption de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous remercie, M. le député de Chicoutimi. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

Mise aux voix

Alors, est-ce que le principe du projet de loi n° 76, Loi abrogeant la Loi sur la Commission municipale et modifiant diverses dispositions législatives, est adopté?

Des voix: Adopté.

M. Bédard: Contre.

Le Vice-Président (M. Cusano): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la Commission
de l'aménagement du territoire

M. Mulcair: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la Commission de l'aménagement du territoire pour étude détaillée.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Cusano): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cusano): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Mulcair: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mercredi 1er juin 2005, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Cusano): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: ...

Ajournement

Le Vice-Président (M. Cusano): Adopté. Alors, nos travaux sont ajournés à mercredi, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 30)