L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le vendredi 10 juin 2005 - Vol. 38 N° 166

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Présence de M. André Tranchemontagne, ancien
parlementaire de l'Assemblée nationale

Décision de la présidence sur la recevabilité de la demande de débat
d'urgence sur une décision de la Cour suprême concernant les lois québécoises
interdisant les assurances privées en matière de santé

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures sept minutes)

Le Président: Bon matin, Mmes, MM. les députés. Nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Présence de M. André Tranchemontagne,
ancien parlementaire de l'Assemblée nationale

Il me fait plaisir, ce matin, de souligner la présence, dans nos tribunes, de l'ancien député de Mont-Royal à notre Assemblée, M. André Tranchemontagne.

Des voix: ...

Décision de la présidence sur la recevabilité
de la demande de débat d'urgence
sur une décision de la Cour suprême
concernant les lois québécoises interdisant
les assurances privées en matière de santé

Le Président: À l'ordre! J'ai reçu, conformément aux dispositions des articles 88 et 89 du règlement, une demande de débat d'urgence de la part du leader adjoint de l'opposition officielle. La demande porte sur le sujet suivant, et je cite: La décision de la Cour suprême du Canada qui conclut que les articles des lois québécoises interdisant les assurances privées en matière de santé vont à l'encontre des dispositions de la charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Lorsque la présidence doit décider de la recevabilité d'une demande de débat d'urgence, elle doit se baser sur les critères contenus à l'article 88 du règlement ainsi que ceux élaborés, au fil du temps, par la jurisprudence parlementaire. Les principaux critères sont les suivants: la nature de l'affaire, le fait que le sujet a été discuté dans d'autres circonstances, les occasions prochaines de discuter du sujet et la compétence de l'Assemblée sur le sujet.

Je constate que la demande porte sur un sujet précis, d'une importance particulière et qui relève de la compétence de l'Assemblée. De plus, il n'y aura pas d'occasion prochaine pour en discuter, puisque nous sommes en période de travaux intensifs...

M. Dupuis: M. le Président, question de règlement.

Le Président: Oui. Question de règlement?

M. Dupuis: Je ne souhaiterais pas que vous vous commettiez définitivement avant que j'aie pu vous faire une représentation sur ce sujet-là. Ce que je constate, ce que je constate...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre!

n (10 h 10) n

M. Dupuis: ...ce que je constate ? et je peux me tromper; vous me corrigerez si je me trompe ? c'est que vous vous apprêtez à rendre une décision sur la recevabilité de la demande du débat d'urgence. J'aurais eu une représentation à vous faire sur cette question-là et là je constate que vous vous apprêtez à rendre une décision. Je ne voudrais pas ensuite être obligé de me relever pour aller en appel de votre décision, ce que je ne peux pas faire. Alors, c'est simplement par mesure de prudence que je me lève à ce moment-ci.

Mme Lemieux: M. le Président, sur la question...

Le Président: Sur la question de règlement.

Mme Lemieux: ...soulevée par le leader du gouvernement, je lui rappelle l'article 90 de notre règlement qui est à l'effet que le président décide sans discussion si la demande est recevable. Alors, nous avons acheminé la demande dans les délais prescrits par notre règlement. Je comprends que vous vous apprêtez à rendre une décision. Il ne doit pas y avoir de discussion, je crois que notre règlement est très, très clair à ce sujet.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Alors, évidemment, si les termes veulent dire quelque chose, ce que je comprends, c'est que nous ne pourrions pas discuter, donc argumenter, de la question. Mais ça ne vous empêche pas de recevoir une représentation.

Le Président: Alors, sur ce, M. le leader du gouvernement, nous sommes dans une étape de réforme parlementaire. Lorsque le gouvernement propose une déclaration ministérielle, on avise, une heure avant, l'opposition officielle de la déclaration ministérielle, ce qui permet à l'opposition officielle de s'y préparer en conséquence. Lorsqu'il y a une demande de débat d'urgence qui est adressée directement à la présidence, je souhaiterais que, dans le cadre de la réforme parlementaire, lorsqu'un député demande un débat d'urgence, la présidence pourrait aviser à l'avance, comme on avise dans des déclarations ministérielles. Mais, comme ce n'est pas le cas, je ne peux pas, de par ma compétence de président, informer quelque membre de l'Assemblée lorsque je reçois une demande de privilège ou une demande de débat d'urgence. Je reçois la demande, je l'étudie et je rends... et, à la suite de ça, il n'y a aucune discussion en vertu de l'article 90.

Alors, je vais continuer. Je constate que la demande porte sur un sujet précis... Je vais la recommencer en tout, vu que...

J'ai reçu, conformément aux dispositions des articles 88 et 89 du règlement, une demande de débat d'urgence de la part du leader adjoint de l'opposition officielle. La demande porte sur le sujet suivant, et je cite: La décision de la Cour suprême du Canada qui conclut que les articles des lois québécoises interdisant les assurances privées en matière de santé vont à l'encontre des dispositions de la charte québécoise des droits et des libertés de la personne.

Lorsque la présidence doit décider de la recevabilité d'une demande de débat d'urgence, elle doit se baser sur les critères contenus à l'article 88 du règlement ainsi que ceux élaborés, au fil du temps, par la jurisprudence parlementaire. Les principaux critères sont les suivants: la nature de l'affaire, le fait que le sujet a été discuté dans d'autres circonstances, les occasions prochaines de discuter du sujet, la compétence de l'Assemblée sur le sujet.

Je constate que la demande porte sur un sujet précis, d'une importance particulière et qui relève de la compétence de l'Assemblée. De plus, il n'y aura pas d'occasion prochaine pour en discuter, puisque nous sommes en période de travaux intensifs et que toutes les autres procédures qui auraient permis un tel débat sont inapplicables en cette période.

Par ailleurs, comme je l'indiquais dans une décision rendue le 30 novembre 2004, la période de questions et réponses orales ne constitue pas une occasion prochaine de discuter de ce sujet, puisqu'il ne s'agit pas d'une période de débat.

Même si, en période de travaux intensifs, la période doit être donnée aux affaires législatives du gouvernement, il est arrivé à plusieurs reprises que la présidence fasse droit à des demandes de débat d'urgence. À titre d'exemple, en 1988, elle a autorisé la tenue d'un débat d'urgence sur un jugement rendu la veille par la Cour suprême concernant la langue d'affichage, étant donné que rien au feuilleton n'indiquait une occasion prochaine de discuter de cette question et que toutes les autres procédures qui auraient pu permettre un tel débat ne pouvaient être exercées en période de travaux intensifs, soit la motion du mercredi, le débat de fin de séance et l'interpellation.

Je déclare donc la demande recevable et je vous indique que, conformément au deuxième alinéa de l'article 92 du règlement, en période de travaux intensifs, le débat prendra fin trois heures après l'heure fixée pour l'ouverture de la séance. Par conséquent, le débat se terminera au plus tard à 13 heures, aujourd'hui, et il n'entraînera aucun vote de l'Assemblée.

Des voix: ...

Le Président: Je vous demanderais de vous abstenir de vos applaudissements.

Affaires courantes

Aux affaires courantes, aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

Dépôt de documents. M. le ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport.

États financiers de certaines fondations
universitaires et lettre de la Fondation
universitaire de l'Université du Québec
à Montréal concernant ses activités

M. Fournier: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer les documents suivants: les états financiers au 31 mai 2004 des fondations universitaires de l'École des hautes études commerciales de Montréal, l'Université Concordia, l'Université de Montréal, l'Université du Québec, ainsi qu'une lettre datée du 1er juin 2005 concernant les informations relatives aux activités de la Fondation universitaire de l'Université du Québec à Montréal.

Le Président: Ces documents sont déposés. Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions. M. le député d'Iberville.

Assurer des conditions de vie adéquates
aux personnes atteintes de la
maladie d'Alzheimer dans
les centres d'hébergement

M. Rioux: Donc, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 124 pétitionnaires. Désignation: citoyens et citoyennes du comté.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que, selon la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, tout être humain a droit à la vie ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne. En outre, toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation;

«Attendu que, selon la même charte, nul ne peut être privé de sa liberté ou de ses droits, sauf pour les motifs prévus par la loi et suivant la procédure prescrite;

«Attendu qu'il est aussi statué dans la charte que toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation. Toute personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu;

«Attendu que, depuis quelque temps, des propos de plus en plus inquiétants sur les traitements infligés aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer sont mentionnés;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, voulons que la façon de traiter ces personnes soit revue et corrigée, et ce, dans tous les centres d'hébergement privés et publics du Québec.

«Nous demandons donc à l'Assemblée nationale qu'elle assure des conditions de vie adéquates afin que les personnes affectées par cette maladie soient respectées dans leur dignité morale et physique. Pour ce faire, l'Assemblée nationale doit mandater le ministère de la Santé et des Services sociaux pour mettre en place un véritable plan d'intervention pour cesser l'utilisation abusive des contentions chimiques et physiques et que celui-ci intègre la philosophie et l'approche préconisées par la Mouvement Alzheimer du Québec.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, merci, M. le député. Cette pétition est déposée. M. le député de Shefford.

M. Brodeur: M. le Président, je demande le consentement pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement? Consentement. M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 689 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de la région de Granby.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que, selon la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, tout être humain a droit à la vie ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne. En outre, toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation;

«Attendu que, selon la même charte, nul ne peut être privé de sa liberté ou de ses droits, sauf pour les motifs prévus par la loi et suivant la procédure prescrite;

«Attendu qu'il est aussi statué dans la charte que toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation. Toute personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu;

«Attendu que, depuis quelque temps, des propos de plus en plus inquiétants sur les traitements infligés aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer sont mentionnés;

«Par cette pétition, nous, soussignés, voulons que la façon de traiter ces personnes soit revue et corrigée, et ce, dans tous les centres d'hébergement privés et publics du Québec;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons donc à l'Assemblée nationale qu'elle assure des conditions de vie adéquates afin que les personnes affectées par cette maladie soient respectées dans leur dignité morale et physique. Pour ce faire, l'Assemblée nationale doit mandater le ministère de la Santé et des Services sociaux pour mettre en place un véritable plan d'action pour cesser l'utilisation abusive des contentions chimiques et physiques et que celui-ci intègre la philosophie et l'approche préconisées par le Mouvement Alzheimer du Québec.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, M. le député. Cette pétition est déposée.

Il n'y a pas d'interventions sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période de questions et réponses orales, et je cède la parole à Mme la chef de l'opposition officielle.

Demande de sursis à
l'invalidation par la Cour suprême
de dispositions de lois québécoises
interdisant l'assurance maladie privée

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, le premier ministre a laissé entendre hier que la clause «nonobstant» n'était pas applicable pour neutraliser les effets dévastateurs du jugement exécutoire de la Cour suprême sur les lois québécoises de l'assurance maladie et de l'assurance-hospitalisation. Pourtant, M. le Président, ce recours à la clause «nonobstant» est bel et bien à la disposition du gouvernement, comme l'a d'ailleurs publiquement confirmé, hier, le ministre des Affaires intergouvernementales.

En ayant plutôt recours à une demande de sursis, le gouvernement se met à la merci de la Cour suprême pour l'organisation des soins de santé qui démocratiquement doivent relever de l'Assemblée nationale du Québec.

n(10 h 20)n

Alors, est-ce que le vice-premier ministre est conscient que le gouvernement prend le risque, le risque de laisser les compagnies d'assurance entre-temps s'organiser durant les délais de nouvelles auditions, qui peuvent être longs, comme on le sait, durant un recours de sursis, alors que la décision est maintenant exécutoire?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, effectivement le ministre des Affaires intergouvernementales, hier, a très bien expliqué que techniquement il est possible de recourir à la clause dérogatoire dans ce cas. Cependant, ce que la population attend de ses représentants aujourd'hui, c'est qu'ils gardent une attitude de calme et d'analyse objective de la situation. Nous ne souscrivons pas à la description apocalyptique des conséquences de ce jugement sur le système de santé du Québec, ayant, hier, réaffirmé notre foi dans le système public de santé québécois, dans les principes de justice sociale et d'équité qui le sous-tendent, système public dans lequel le privé joue un rôle encadré de façon à ce que ces valeurs soient respectées. C'est ce que nous allons développer au cours du temps d'analyse du jugement qui est devant nous. C'est la raison pour laquelle, comme beaucoup d'analystes l'ont noté ce matin, il est prématuré actuellement d'avoir recours à cette clause dérogatoire, et la demande de sursis d'application est le meilleur outil dont nous puissions disposer actuellement, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, contrairement à ce que dit le ministre, il y a plusieurs experts qui mettent en garde le gouvernement ce matin, et je cite un d'entre eux, que plusieurs membres du gouvernement connaissent bien, le Pr Patrice Garant, et qui dit ceci: «Il y a suffisamment d'arguments solides qui justifient le recours à la clause dérogatoire si le gouvernement en a le courage et la lucidité.»

Alors, je repose ma question au vice-premier ministre: Est-ce qu'il n'y a pas un risque de se confier à la Cour suprême, alors que la décision sur les soins de santé et leur organisation dépend de l'Assemblée nationale du Québec? Est-ce qu'il n'y a pas un risque entre-temps que les compagnies d'assurance s'organisent, M. le Président?

Le Président: Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: M. le Président, bien sûr la députée d'Hochelaga-Maisonneuve favorise les analyses qui sous-tendent sa thèse. D'autres analyses, ce matin, d'autres éditoriaux au contraire nous amènent à nous conseiller la plus grande prudence dans l'utilisation de cette arme législative importante qu'est la clause dérogatoire.

Souvenons-nous, M. le Président, de deux éléments qu'il est essentiel de respecter dans le contexte de ce débat: d'abord, que ce qui est à l'origine du débat judiciaire qui est allé jusqu'en Cour suprême, c'est la détresse des Québécois et des citoyens qui sont sur les listes d'attente en attendant les soins, premièrement; et, deuxièmement, c'est le respect que nous devons aux tribunaux; et, troisièmement, c'est le temps que nous devons prendre, en gouvernement responsable, pour analyser le jugement, en dégager les conséquences et déterminer si un ajustement du cadre législatif permet de répondre aux observations de la Cour suprême.

Et je rappelle que le Parti québécois, dans son programme, lui-même souscrit, comme objectif fondamental, à la défense des libertés des citoyens, et c'est de ça qu'il est question dans le jugement de la Cour suprême, raison pour laquelle nous abordons cette question avec prudence, tout en réaffirmant encore une fois notre foi dans le système public de santé et les valeurs de justice sociale qui le caractérisent.

Le Président: En dernière question complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.

Réaction gouvernementale à la suite
de l'invalidation par la Cour suprême
de dispositions de lois québécoises
interdisant l'assurance maladie privée

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, comment le ministre de la Santé et des Services sociaux peut-il minimiser les conséquences graves du jugement sur les soins de santé alors que les procureurs du gouvernement du Québec ont plaidé qu'une telle décision... Et je les cite: «Il en résultera un détournement des ressources du système de santé public vers les établissements de santé privés et, en fin de compte, une détérioration de la qualité des soins. L'interdiction de souscrire une assurance privée est essentielle ? disent les procureurs au nom du gouvernement du Québec ? pour éviter que le système de santé s'effrite pour devenir un système à deux vitesses.»

Comment le ministre de la Santé et des Services sociaux peut-il, ce matin, M. le Président, minimiser l'impact de ce jugement, en contradiction flagrante avec les procureurs du gouvernement?

Le Président: Alors, c'était une question principale. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Ce que je répète, M. le Président, c'est qu'il est particulièrement important, dans cette période ? et je conçois que c'est difficile pour l'opposition de conserver une attitude de calme et de réaction responsable à cette situation. Effectivement, si on prend la peine de parcourir le jugement et de l'analyser en détail, à plusieurs endroits, dans le jugement, on répète qu'il est légitime pour le gouvernement de vouloir protéger le système public de santé, mais que les outils qui sont utilisés pour arriver à cet objectif ne sont pas nécessairement les seuls que nous pourrions utiliser. Et on cite même l'exemple de quatre provinces canadiennes qui ont recours à des outils différents des nôtres.

Devons-nous, M. le Président, fermer la porte à tout débat au Québec? Devons-nous conserver cette attitude dogmatique et rigide du Parti québécois qui divise tous les sujets en blanc ou noir, sans zone intermédiaire? Non, M. le Président. Nous allons d'abord viser le meilleur intérêt de la population, l'intérêt de notre système de santé. Et, non, M. le Président, nous n'allons pas céder à la panique et aux réactions irresponsables.

Le Président: En question complémentaire.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, c'est quand même étonnant d'entendre le ministre de la Santé souhaiter ce débat que nous avons proposé, que vous avez accepté, alors que son collègue le vice-premier ministre tentait d'intervenir pour que ce débat n'ait pas lieu.

Alors, M. le Président, oui, nous le voulons, le débat, mais ce que nous voulons savoir, c'est: Est-ce que le gouvernement va maintenir l'engagement qu'il a pris en campagne électorale ? et je cite le premier ministre ? que la sauvegarde du système de santé public est la priorité numéro un et qu'il ne peut pas y avoir un système à deux vitesses?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Mais oui, M. le Président, bien sûr que nous souscrivons à cet engagement et à ce principe, et nous le réaffirmons avec force aujourd'hui. Mais la question de la députée montre encore une fois les dangers que nous apporte une attitude trop serrée et trop rigide.

Ce que la cour nous dit, ce que la cour nous dit, M. le Président, c'est: Oui, vous pouvez et vous devez...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Je vous demande votre collaboration. S'il vous plaît! Mme la députée de Laurier-Dorion, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Couillard: M. le Président, nous nous opposons formellement à tout système qui donnerait un accès différencié et privilégié aux gens les plus fortunés de notre société. Là-dessus, le premier ministre et tous les membres du gouvernement et de la députation ont été très clairs à de nombreuses reprises.

Ce que la cour nous dit, c'est: Oui, vous devez maintenir ces objectifs, mais il existe d'autres outils législatifs dont vous pourriez vous inspirer. Pourquoi, M. le Président, ne pas retrouver au Québec le droit à l'imagination et la créativité et permettre l'ajustement de notre cadre législatif qui, tout en respectant ses principes fondamentaux, nous amène à faire progresser notre système de santé?

Le Président: En question principale, M. le député de Rousseau.

État de la situation en matière de développement
économique et de création d'emplois

M. François Legault

M. Legault: M. le Président, on a maintenant un gouvernement des tribunaux.

M. le Président, le gouvernement libéral a mis en place, depuis deux ans, une nouvelle approche de développement économique. Il a réduit, de façon considérable, l'aide aux entreprises, pensant faire des économies. Ce matin, M. le Président, Statistique Canada publie encore des données, là ? et je pèse mes mots ? dévastatrices sur l'emploi au Québec. Au cours du dernier mois, au cours du mois de mai, le Québec a perdu 27 300 emplois. Au même moment, au Québec, il se créait 35 400 emplois... au Canada, excusez, au Canada, 35 400 de plus; au Québec, on en perdait 27 300.

M. le Président, on peut se demander: Est-ce que le mois de mai a été exceptionnel? Non, c'est une tendance, M. le Président. Quand on regarde les 12 derniers mois, au Canada, il s'est créé 215 000 emplois...

Le Président: Votre question.

M. Legault: Savez-vous combien il s'en est créé au Québec? Zéro. On en a perdu 10 600.

Est-ce que le ministre du Développement économique peut reconnaître l'erreur de son gouvernement? Et qu'entend-il faire concrètement pour relancer la création au Québec, en particulier dans les régions du Québec?

Le Président: M. le ministre du Développement économique, de l'Exportation et de l'Innovation.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, je tiens à remercier le député de Rousseau de sa question. Nous sommes vendredi, alors je suis très, très content qu'il me pose une question aujourd'hui.

M. le Président, sur...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît, Mme la députée! S'il vous plaît! Alors, il ne faut pas... Vous savez, M. le ministre, il ne faut pas susciter de débat. M. le ministre.

Des voix: ...

M. Béchard: Je ne pensais pas que... Bien...

Le Président: À la question.

M. Béchard: Le député de Rousseau a déjà donné la date de la journée, il n'a pas suscité de débat, alors le jour ne suscite pas de débat non plus.

n(10 h 30)n

M. le Président, il faut faire attention parce que, de l'autre côté, là, il y a eu un changement de porte-parole au niveau économique. Le chef de l'opposition étant parti, donc il y a un nouveau porte-parole au niveau économique. Mais, simplement, là, c'est toujours la même tendance.

Là, à entendre le député de Rousseau ce matin, là, c'est apocalyptique. Oui, on le reconnaît, le mois de mai n'a pas été un bon mois ? on ne peut pas dire qu'il s'est créé des emplois, il ne s'en est pas créé ? mais il faut faire attention. La tendance des cinq derniers mois, si on compare les cinq premiers mois de 2005 par rapport à la même période en 2004, c'est 35 800 emplois qu'il y a de plus au Québec, M. le Président.

Et je vais vous donner... Le député de Rousseau dit que la philosophie économique du gouvernement a changé puis mène à ces résultats-là. Comparons les deux philosophies économiques. Vous aviez une philosophie économique qui a mené à 771 millions de pertes à la Société générale de financement. Ils avaient une philosophie économique qui a mené au plus grand fiasco économique du Québec moderne: la Gaspésia. Ils ne se sont pas excusés encore. Alors, commencez par garder vos blâmes, excusez-vous pour la Gaspésia, puis après ça vous pourrez continuer à poser des questions.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Rousseau.

M. François Legault

M. Legault: M. le Président, est-ce que le ministre du Développement économique pourrait penser aux hommes et aux femmes qui ont perdu leur emploi? Depuis un an, il s'est perdu 10 600 emplois, alors qu'au Canada il s'en créait 215 000. Depuis que le Parti libéral est au pouvoir, au Québec, on a créé seulement 12 % des emplois, de tous les emplois qui ont été créés au Canada, alors que, lorsque le Parti québécois était là, en 2002, on en créait 35 %.

Il y a une nouvelle approche, c'est vrai, M. le Président, mais est-ce que le ministre du Développement économique peut reconnaître que cette approche a des effets désastreux? Que compte-t-il faire pour changer cette approche pour enfin déposer une politique, un plan d'action pour créer des emplois au Québec?

Le Président: Alors, c'était une question principale. M. le ministre du Développement économique.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui. M. le Président, écoutez, le changement d'approche... Puis je veux vous dire, là, que, oui, pour les travailleurs, aujourd'hui, on y pense. Non seulement on y pense, mais on travaille pour eux et dans chacune des régions. Tantôt, si j'ai une autre question additionnelle, je vous parlerai des annonces qu'on a faites dernièrement justement pour les travailleurs.

Mais, juste pour revenir sur le changement de philosophie, hier, nous avons vendu nos actions dans la minière Québec Cartier Mining. Savez-vous comment ça a rapporté au gouvernement du Québec? Parce qu'en plus de sauver 1 800 emplois sur la Côte-Nord à l'époque, grâce à la ténacité de mon collègue de Louis-Hébert à l'époque, c'est grâce à lui si, hier, nous avons pu vendre les actions et amener 133 millions au gouvernement du Québec. 133 millions de dollars de plus au gouvernement du Québec qui vont aider, oui, à aider les régions, qui vont aider, oui, à aider les travailleurs.

Mais pourquoi on en est là aujourd'hui, M. le Président? Quand on perd de l'argent à la SGF, quand on perd de l'argent à Investissement Québec, quand on est dans des fiascos comme Gaspésia, c'est sûr que, comme gouvernement, on en a moins pour aider. On a redressé les finances publiques, et là...

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Rousseau.

Plan d'action en matière
de création d'emplois

M. François Legault

M. Legault: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait reconnaître que la décision de Québec Cartier, ça avait été pris par l'ancien gouvernement? Est-ce qu'il peut cesser... est-ce qu'il peut cesser de faire diversion...

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! En question complémentaire, M. le député de Rousseau.

M. Legault: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait revenir, cesser de faire des diversions, revenir à la question que je lui pose? Depuis un an, il s'est créé zéro emploi au Québec, zéro emploi au Québec, alors qu'il s'en créait 215 000 au Canada, M. le Président. Est-ce qu'il peut reconnaître que l'approche de laisser-faire, l'approche dogmatique du Parti libéral donne des effets désastreux? Quand va-t-il reconnaître son erreur et quand va-t-il déposer un plan d'action?

Ça fait un an et demi que le gouvernement nous promet un plan d'action pour relancer l'économie du Québec, quand va-t-il nous déposer un plan d'action?

Des voix: ...

Le Président: Alors, s'il vous plaît! Alors, c'est une question principale compte tenu du temps de la question. M. le ministre du Développement économique.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, écoutez, M. le Président, il fut une époque ou le député de Rousseau lui-même demandait à son parti de reconnaître ses erreurs. Alors, j'ose espérer que, ce matin, encore ce matin ? vous êtes encore membre de ce parti-là ? que vous allez demander aussi à votre parti, comme vous l'avez fait... qu'il demande à son parti, M. le Président, comme il l'a fait il y a quelques mois dans son volume, qui est une oeuvre qu'il faut garder, hein, pour les archives maintenant, mais il a demandé à son parti de changer, de s'excuser, de revoir leur mode d'intervention économique.

Notre mode d'intervention économique... Il dit que c'est l'ancien gouvernement, Québec Cartier. On a revu votre entente, on a sauvé 20 millions et on y a amené une participation, c'est ça qui a permis, M. le Président, de faire 133 millions de dollars. Mais qu'est-ce qu'on a fait... La stratégie économique du gouvernement du Québec, là, on a fait 133 millions de dollars et on a sauvé 1 800 emplois sur la Côte-Nord. Eux, ils ont gaspillé 500 millions dans la Gaspésia, et, aujourd'hui, il y a cinq jobs à la Gaspésia, les cinq gardiens de sécurité, parce qu'il n'y a rien sur le chantier. C'est ça, la différence entre les deux.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Rousseau.

M. François Legault

M. Legault: M. le Président, M. le Président, il s'est créé zéro emploi au Québec depuis 12 mois, zéro emploi. Donc, ma question: Qu'est-ce que le ministre compte faire pour changer cette situation? C'est clair.

Le Président: M. le ministre du Développement économique.

M. Claude Béchard

M. Béchard: M. le Président, je ne peux pas accepter sa prémisse. Il prend des mois, là, puis il dit, là: Sur cette période-là, là, il s'est perdu tant d'emplois.

Depuis 2003, il s'est créé 100 000 emplois au Québec...

Des voix: ...

Le Président: Je vous demande... À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! M. le ministre.

M. Béchard: M. le Président, depuis que nous sommes arrivés, en 2003, il s'est créé 100 000 emplois au Québec. Dans les cinq derniers mois, si on compare...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Aïe! S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Rousseau, s'il vous plaît! La question a été posée dans l'ordre, la réponse va l'être également. M. le ministre.

M. Béchard: Plus on dit les chiffres positifs, plus ils crient. Alors, les gens jugeront qui a raison.

M. le Président, sur les cinq derniers mois, là, les cinq mois comparables, cette année, par rapport à l'année passée, c'est 35 800 emplois de plus qu'il y a au Québec. Mais pourquoi, pourquoi on a eu une situation difficile? Quand on n'a plus d'argent dans nos sociétés d'État... puis il y en a qui étaient responsables de la Société générale de financement, qui connaissent du monde à la Société générale de financement de l'époque, hein, ils ne s'en vantent pas, à matin, d'avoir perdu 780 millions. C'est pour ça qu'on n'avait plus de marge de manoeuvre. Mais là...

Le Président: Votre temps est terminé, monsieur.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! En question principale, Mme la députée de Rosemont.

Études sur l'implantation
de terminaux méthaniers

Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. M. le Président, le 2 mai dernier, le premier ministre affirmait que l'implantation de ports méthaniers représentait une très bonne occasion d'affaires pour le Québec. Lors de l'étude des crédits, le ministre des Ressources naturelles nous révélait que, quant à lui, son gouvernement était disposé à soutenir tout projet de port méthanier au Québec ? ça peut être deux, trois ? tout projet. Pendant ce temps-là, la population est inquiète, et je pense qu'il faut la comprendre.

Est-ce que le ministre des Ressources naturelles peut confirmer à cette Chambre qu'il ne dispose d'aucune étude quant aux conditions d'implantation d'un port méthanier au Québec?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Pierre Corbeil

M. Corbeil: M. le Président, effectivement, comme le disait le premier ministre et comme je l'ai déjà dit, c'est des bonnes occasions d'affaires pour non seulement les régions où ces projets-là pourraient s'implanter, mais aussi pour tout le Québec. Tout le Québec, parce qu'on parle ici de diversifier nos sources d'approvisionnement, M. le Président, et je pense que ça, c'est important pour maintenir un certain niveau de compétitivité dans les prix du produit. Et je pense que le processus suit son cours, les promoteurs sont à faire les évaluations nécessaires pour passer les étapes que doit franchir ce genre de projet, et on verra, M. le Président, la suite des choses.

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Rosemont.

Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Est-ce qu'on comprend, M. le Président, que le ministre n'a pas d'étude concernant les conditions d'implantation d'un port méthanier au Québec?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Pierre Corbeil

M. Corbeil: M. le Président, comme je l'ai dit tantôt, on travaille sous l'angle de la diversification de nos sources d'approvisionnement et aussi de la sécurité énergétique du Québec. Alors, il y a des promoteurs qui sont intéressés à faire du développement économique dans nos régions, qui sont intéressés à contribuer à ces deux aspects que je viens de mentionner, et on va laisser suivre le processus et faire en sorte que ces projets-là procèdent de façon normale et régulière à travers toutes les étapes.

n(10 h 40)n

Le Président: Alors, dernière question complémentaire, Mme la députée de Rosemont.

Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Oui, M. le Président. Comment il se fait que le ministre soit prêt à se lancer tête baissée pour que le Québec se dote de deux ports méthaniers simultanément, sans aucune étude, alors que ça fait un an qu'on en parle et que la population s'inquiète? Et dans le cas de la filière éolienne, tout le monde en veut, tout le monde en réclame, mais il attend toujours avant de bouger. Où est la cohérence, M. le Président?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Pierre Corbeil

M. Corbeil: M. le Président, là on part du méthane et on va à l'éolien. Alors, on parle de cohérence, en plus. Maintenant, M. le Président, si je comprends bien, l'opposition officielle semble être contre la sécurité énergétique au Québec et la diversification de nos sources d'approvisionnement.

Et, pour ce qui est de la filière éolienne, monsieur, je tiens à rassurer la députée de Rosemont. On travaille de façon cohérente, avec un inventaire éolien... du potentiel éolien, une possibilité de raccorder

ces installations-là à notre réseau de distribution. C'est une énergie propre et renouvelable, et ça, les Québécois et les Québécoises nous l'ont clairement exprimé lors des consultations publiques sur le dossier de l'énergie au Québec, M. le Président.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Rosemont.

Périmètre de sécurité exigible pour
l'implantation de terminaux méthaniers

Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Récemment, M. le Président, Le Journal de Québec, lui, a jugé bon de dépêcher un journaliste en France pour en apprendre davantage sur les impacts d'un port méthanier. Certains en ont appris, avec ça, beaucoup plus qu'avec tout ce qui a pu être dit depuis un an, parce que ça fait un an qu'on est saisi de deux projets de port méthanier. Le gouvernement, lui, n'a rien fait pour apaiser les craintes des citoyens, pour documenter la question et pour rassurer la population.

M. le Président, j'espère que je n'apprends rien au ministre en lui disant que ce qui préoccupe la population, c'est le périmètre de sécurité qui doit être imposé. Est-ce que le ministre peut nous dire aujourd'hui quel sera le périmètre de sécurité qui sera exigé pour les terminaux méthaniers à Cacouna et à Lévis, M. le Président?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Pierre Corbeil

M. Corbeil: M. le Président, ce qui est assez étonnant venant de ma collègue la députée de Rosemont, c'est qu'elle présume déjà que les deux projets vont se réaliser. Nous, on dit qu'on est ouverts à recevoir des projets de ce type pour contribuer à la sécurité et à la diversification de nos sources d'énergie.

Maintenant, en ce qui concerne de documenter la question, M. le Président, je pense qu'il y a une bonne partie de ça qui incombe aux promoteurs eux-mêmes, qui doivent faire la démonstration du potentiel que ces projets-là peuvent amener non seulement dans les régions où ils peuvent s'implanter, mais aussi pour contribuer aux deux dimensions auxquelles je faisais référence tantôt. Et, M. le Président, ne soyez pas inquiet, toutes les étapes vont être franchies, les certifications seront émises, s'il y a lieu de le faire, selon nos lois et règlements, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Rosemont.

Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Est-ce qu'on a bien compris? Est-ce que le ministre est après nous dire que c'est l'entreprise privée qui va fixer les conditions de sécurité, c'est le promoteur qui va déterminer ce qui est bon comme périmètre de sécurité, et que, lui, il n'a aucune idée, aucune inquiétude quant au périmètre de sécurité approprié pour les projets au Québec? C'est ça qu'il est en train de nous dire, ce n'est pas important le périmètre de sécurité?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Pierre Corbeil

M. Corbeil: M. le Président, je pense que la question était écrite avant que je donne ma réponse précédente. Parce que, M. le Président, la députée de Rosemont sait très bien que, dans tous types de projets comme ceux-là, il y a un BAPE, il y a des autorisations à obtenir tant du gouvernement du Québec que du gouvernement du Canada, et il y a plusieurs niveaux d'intervention. Alors, je pense que le processus est amorcé, il va suivre son cours, et on verra les résultats dans l'avenir.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Rosemont.

Périmètre de sécurité exigible
pour l'implantation d'un
terminal méthanier à Cacouna

Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: On vient d'apprendre, M. le Président, que le ministre est prêt à se lancer tête baissée pour que le Québec se dote d'un, ou de deux, ou de plusieurs ports méthaniers sans études, même si ça fait un an qu'on en parle.

M. le Président, est-ce que le ministre peut nous confirmer que, selon l'analyse de risques exigée par le ministère de la Sécurité publique, les impacts d'une catastrophe pourraient se faire sentir à 1 800 m, à Cacouna, alors que le promoteur, en qui il fait tellement confiance, prévoit un périmètre de sécurité de 350 m, M. le Président?

Le Président: Alors, M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Pierre Corbeil

M. Corbeil: M. le Président, encore là, la députée est en train de parler de techniques, puis de distances, puis de... Elle veut... elle veut carrément, ici, M. le Président, je pense, semer l'émoi et semer l'incertitude. Ce n'est pas le genre de projets qui s'improvisent comme ça sur le coin d'un bureau. Ce qui est catastrophique, M. le Président, c'est que, pendant neuf ans, concernant l'énergie, ils n'en ont pas pris, de décisions. C'est ça qui a menacé la sécurité énergétique des Québécois.

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Rosemont.

Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre peut comprendre que ce dont je parle, c'est la sécurité publique, c'est la sécurité de la population du Québec, M. le Président? Et est-ce que je peux obtenir la réponse à une question toute simple?

Le ministère de la Sécurité publique a fait une analyse et a prévu une marge de sécurité requise de 1 800 m, à Cacouna, et le promoteur, lui, prévoit une marge de sécurité de 350 m. Est-ce que le ministre peut me dire laquelle des deux il va choisir?

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Ressources... M. le ministre des Ressources naturelles.

M. Pierre Corbeil

M. Corbeil: Poser la question, c'est donner la réponse. C'est définitif que ce ne sera pas le promoteur qui va fixer seul les limites concernant la sécurité. Il y a des dispositions qui ont à être prises dans ce genre de projets, et elles le seront, M. le Président.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Taillon.

Efforts consentis en matière de lutte
contre la violence en milieu scolaire

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Dans son rapport, rendu public hier, le Vérificateur général a constaté que plus d'une école sur deux ne dispose d'aucun programme de prévention de la violence et que le tiers des écoles n'offrent aucune activité de sensibilisation auprès des jeunes. Or, le gouvernement du Parti québécois a justement tenu, en janvier 2003, un colloque sur l'intimidation, sur le taxage à l'école. Il a par la suite annoncé un ensemble de mesures de prévention, une campagne de télévision nationale et l'obligation faite à chaque école de se doter d'un plan d'intervention d'ici 2005.

Est-ce que le ministre de l'Éducation peut nous dire combien d'écoles se sont dotées de plan d'intervention à l'égard de la violence, depuis 2003, et quelles ressources son gouvernement y a consacrées?

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Éducation.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: M. le Président, je tiens à noter, comme la députée de Taillon le sait, que les statistiques, auxquelles elle fait référence, du Vérificateur datent justement d'une étude de la Sécurité publique de 2002, donc au terme de deux mandats finalement du gouvernement précédent, où il avait été constaté qu'il y avait justement ces éléments de violence.

Ceci étant dit, le Vérificateur, et on n'a qu'à prendre son communiqué d'hier... Parce qu'il y a des choses qui sont correctes, il y a des choses qu'il faut améliorer, puis je pense que c'est comme ça qu'il faut regarder les éléments à venir, M. le Président. Mais, quand même, pour l'information de l'Assemblée, précisons certains points. D'ailleurs, dans le communiqué d'hier, on pouvait lire: Le Vérificateur «mentionne que les écoles secondaires sont rarement le lieu d'actes de violence graves. [...]Le Vérificateur général constate que des efforts sont faits dans bon nombre d'écoles pour prévenir et contrer la violence. Par exemple, il note que toutes les écoles visitées ont établi et diffusé des règles de conduite. [...]M. Lachance est d'avis que le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport ainsi que les commissions scolaires soutiennent les écoles dans leurs actions pour prévenir et contrer la violence.» Donc, M. le Président, il y a certains éléments qui sont reconnus par le Vérificateur et qui sont bien.

Cela étant dit, on ne peut pas se satisfaire non plus de demi-mesures, et il y a, dans la violence, des éléments qu'on ne peut pas accepter, et donc il faut agir, M. le Président. Et c'est d'ailleurs dans ce sens-là que nous intervenons déjà. Par exemple ? et je termine parce que je sais que vous m'indiquez de terminer ? il vaut mieux cerner et recenser les cas, M. le Président. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons mandaté un chercheur de l'Université de Montréal qui développe justement des outils pour permettre d'avoir un meilleur portrait, cela, dans le respect d'ailleurs et avant le rapport du Vérificateur.

Des voix: ...

n(10 h 50)n

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! En question complémentaire, Mme la députée de Taillon.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Nous partageons le même point de vue, M. le Président, quant au fait que nous devons intervenir pour lutter contre la violence. Ma question était cependant simple: Je veux savoir du ministre de l'Éducation combien d'écoles se sont dotées d'un plan d'action pour lutter contre la violence et quelles ressources celui-ci a-t-il consacrées à ce plan, M. le Président.

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Éducation.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: De toute évidence, M. le Président, il y en a plus qu'il y en avait avant que nous arrivions au pouvoir. Cela étant dit, parmi les mesures qui doivent être mises de l'avant: mieux recenser les cas, accompagner en proposant des protocoles d'intervention, évaluer le rendement des mesures prises, ce qui me semble aussi excessivement important, parce qu'on discute de différentes mesures qui sont prises dont on ne peut pas être certain du meilleur potentiel. Par exemple, vous le savez, depuis que nous sommes arrivés, à chaque année, nous mettons 10 millions de plus pour des ressources professionnelles qui viennent en aide dans différentes situations, dont celle-là; 10 millions l'année passée, 10 millions de plus cette année. Il est évident que, lorsqu'il y a une suspension à l'extérieur, il est impossible de bénéficier de l'encadrement qui est à l'intérieur. Donc, il faut envisager tout ça.

Mais la députée de Taillon est bien au courant que les mesures que nous mettons, grâce aux crédits budgétaires importants en éducation, permettent en partie de régler des problèmes. Il y en a bien sûr beaucoup d'autres, moyens. Ce n'est pas juste l'argent, il y a aussi des façons de faire, et c'est ce que nous faisons, M. le Président.

Le Président: En dernière question complémentaire, Mme la députée de Taillon.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je comprends qu'éventuellement le ministre pourra nous répondre plus précisément sur la question posée, mais je voudrais cependant qu'il nous explique comment il se fait qu'à la Commission scolaire de Montréal celle-ci a été obligée, depuis 2003, de réduire ? pas d'augmenter, mais de réduire ? ses efforts en matière de prévention de la violence en raison d'un manque de ressources. Est-ce que ce n'est pas la responsabilité du gouvernement et du ministre de l'Éducation, qui n'a pas fourni ces mêmes ressources? Nous assistons ici à un recul, M. le Président, et non à une avancée, sur cette importante question qui concerne nos enfants, M. le Président.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: La députée de Taillon resoulève un débat qu'on a eu l'occasion d'aborder à quelques reprises: les sommes d'argent que le gouvernement du Québec attribue en matière d'éducation. Dois-je rappeler à la députée de Taillon qu'après avoir fait des coupures de 1,8 milliard... Et je ne dis pas les effets qu'il a pu y avoir sur la violence à l'école, je fais juste dire qu'il y a eu des coupes de 1,8 milliard. Et, par hasard, en 2002, la Sécurité publique a fait un état qu'il y avait une hausse de violence, et le Vérificateur fait un constat aujourd'hui à partir de ce recensement-là, M. le Président. Dans l'ensemble de leur mandat, en neuf ans, ils auront investi 600 millions. Plus de 1 milliard en trois ans; ce gouvernement aura investi plus du double dans trois fois moins de temps, M. le Président. Quand on voit cet effort-là, on ne peut quand même pas... Même si on le segmente, on fait des compartiments, on ne peut pas dire que ce gouvernement n'a pas l'éducation en priorité. Quand on compare avec ce qu'ils ont fait, on est bien contents d'être de ce côté-ci, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Richelieu.

État des négociations avec les enseignants

M. Sylvain Simard

M. Simard: Avec des réponses comme celle-là, M. le Président, il y a encore de belles années pour la violence à l'école, hein?

M. Dupuis: M. le Président...

Des voix: ...

M. Dupuis: M. le Président, question de règlement.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Évidemment, j'invoque l'article 35 du règlement, M. le Président. Là, on parle de violence à l'école, on parle d'intimidation de nos enfants, c'est un sujet qui est extraordinairement important. Même s'il s'agit d'un préambule, même s'il s'agit d'une question principale, vous ne pouvez pas permettre, vous ne pouvez pas permettre, M. le Président, que, même dans son préambule, le député de Richelieu viole le règlement et impute des motifs, impute des motifs indignes au gouvernement, qu'il sait très bien ne pas être le cas.

Le Président: Alors...

Une voix: ...

Le Président: S'il vous plaît, Mme la ministre! S'il vous plaît! En question principale, M. le député. Posez votre question.

M. Simard: Merci, M. le Président. M. le Président, depuis plusieurs semaines, la présidente du Conseil du trésor multiplie les déclarations indiquant sa volonté, sa préférence, son souhait d'en arriver à une entente avec les enseignants avant la période d'été. Il reste donc à peu près... un peu plus de deux semaines pour parvenir à un règlement, et ainsi éviter que le conflit ne perdure jusqu'à l'automne, et éviter une rentrée scolaire qui serait catastrophique.

M. le Président, est-ce que la présidente du Conseil du trésor peut nous indiquer si elle croit toujours, à ce moment-ci, aujourd'hui, à un règlement avec les enseignants avant la fin du mois de juin?

Une voix: ...

Le Président: M. le ministre du Développement économique, je vous demande votre collaboration. Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, je veux rassurer le député de Richelieu: nous allons poursuivre nos négociations avec toute la rigueur et la sincérité qu'on peut mettre dans une telle démarche. Je peux vous assurer que j'y mets toute mon énergie pour essayer de régler ce conflit de travail.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Richelieu.

État des négociations avec
certains employés du secteur public

M. Sylvain Simard

M. Simard: C'est moins optimiste que ça a déjà été. Mais on peut lire dans les journaux ce matin, M. le Président, que le gouvernement a maintenant décidé d'emprunter la voie judiciaire pour forcer le retour au travail des membres des syndicats de la fonction publique du Québec qui déclenchent des grèves sectorielles.

Est-ce que la présidente du Conseil du trésor croit toujours, considérant les démarches entamées par le gouvernement, à un règlement négocié avant la fin du mois pour les employés de la Société d'assurance automobile du Québec et des ministères de la Justice et du Revenu?

Le Président: Alors, c'est une question principale étant donné que c'est un autre sujet. Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, il est clair que, dans la démarche que nous poursuivons, à savoir de négocier intensivement avec nos partenaires dans ce dossier, il est clair que nous souhaitons vivement arriver à une entente négociée.

Le Président: En question principale, M. le député de Dubuc.

Avis de l'Office des professions
sur les relations commerciales
entre médecins et pharmaciens

M. Jacques Côté

M. Côté: Merci, M. le Président. Hier, M. le Président, dans un reportage de Radio-Canada, on apprenait que l'Office des professions du Québec blâme l'Ordre des pharmaciens pour son laxisme à l'endroit des pharmaciens qui ont négocié des ententes d'exclusivité avec des résidences privées pour personnes âgées: «L'office ? et je cite ? se dit préoccupé par le fait qu'il faille attendre une intervention médiatique pour justifier une action musclée du côté de l'Ordre des pharmaciens.» L'office parle également d'accumulations, puisque l'Ordre des pharmaciens a également tardé à dénoncer auprès de ses membres d'autres pratiques douteuses telles que des locaux gratuits offerts à des médecins, des cadeaux, des ristournes offerts par des compagnies pharmaceutiques et acceptés par des pharmaciens.

Comme l'office met en doute présentement le jugement de l'Ordre des pharmaciens et compte tenu justement de ces révélations et de l'impact qu'elles ont sur la population...

Le Président: Alors, votre question.

M. Côté: ...est-ce que le ministre, qui a entre les mains depuis au moins un mois l'avis de l'office concernant les relations entre médecins et pharmaciens, peut s'engager à rendre public cet avis dès aujourd'hui?

Le Président: M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, M. le Président, je voudrais d'abord distinguer les choses. Hier, le sujet qu'a abordé le député de Dubuc touchait des services qui seraient rendus par les pharmaciens en relation avec des résidences pour personnes âgées. Jamais je ne cautionnerai des pratiques qui pourraient mettre en cause la sécurité et la dignité des personnes âgées et leur droit fondamental de choisir le professionnel, donc le pharmacien, de leur choix.

Et, à ce sujet-là, vous savez, l'Office des professions du Québec a, en vertu du Code des professions, le pouvoir de prendre des mesures appropriées et qu'elle juge requises pour corriger des situations si les ordres professionnels, selon son jugement, ne s'acquittent pas de leur mission de protection du public. Alors, moi, j'appuie l'Office des professions, et c'est à l'Office des professions de prendre des mesures dans ces cas-là si elle juge que l'ordre ne l'a pas fait, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Dubuc.

M. Jacques Côté

M. Côté: Est-ce que, M. le Président... Justement, le ministre a en main un avis de l'Office des professions relativement à ces relations entre des médecins et des pharmaciens. Et pourquoi le ministre attend avant de... alors que c'est maintenant confirmé qu'il y a un problème de laxisme à l'Ordre des pharmaciens? Que contient cet avis, M. le Président, pour que le ministre ne le rende pas public immédiatement? Qu'attend-il? Que veut-il cacher ? le fait de ne pas rendre public cet avis?

Le Président: Vous ferez attention, monsieur, pour ne pas impliquer de motifs dans votre question. Alors, je vous demanderais de retirer le mot «cacher».

M. Côté: ...

n(11 heures)n

Le Président: C'est très bien, merci. M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, le député de Dubuc aborde un autre sujet, celui des relations pharmaciens-médecins. Mon prédécesseur avait demandé un avis à l'Office des professions, en novembre dernier, demandant d'examiner l'ensemble de la situation, de comparer également avec des pratiques qui avaient lieu ailleurs, dans d'autres juridictions. L'office m'a remis son rapport au mois de mai, donc c'est une analyse sérieuse que l'office a faite.

Ce que j'ai déjà indiqué, c'est que j'étais en train de l'analyser, d'ailleurs en collaboration avec mon collègue le ministre de la Santé et des Services sociaux, d'évaluer les impacts. Et nous allons le rendre public, M. le Président. Il n'y a rien à cacher là-dedans, je l'ai déjà dit, il va être rendu public, M. le Président.

Le Président: Dernière question complémentaire, M. le député de Dubuc.

M. Jacques Côté

M. Côté: Oui. Quand, M. le Président? Ça fait un mois que le ministre a cet avis entre les mains. Quand va-t-il le rendre public? Peut-il nous assurer, aujourd'hui, qu'il est prêt à le rendre public d'ici la fin de la présente session? Est-ce qu'il peut me confirmer ça ou si on va attendre encore des mois et des semaines avant de recevoir cet avis?

Le Président: M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, M. le Président, ce n'est pas nouveau, comme dans tout autre dossier de ce genre, ou rapport, je l'analyse, et nous allons le rendre public dans les meilleurs délais. Et, quant à moi, je ne connais pas encore la date de la fin de la session, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Dubuc.

M. Côté: Complémentaire, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire.

M. Jacques Côté

M. Côté: M. le Président, est-ce que le ministre, qui a pris une heure à réagir au jugement de la Cour suprême... comment se fait-il que ça fait un mois qu'il a un avis, qu'il n'a pas encore réagi, M. le Président, et qu'il n'a pas encore déposé cet avis?

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, M. le Président, nous sommes en train de l'analyser et nous allons donner la meilleure réponse possible pour assurer la protection du public. C'est l'objectif qui est poursuivi, et c'est ça que je vais faire, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Dubuc... Question complémentaire.

M. Jacques Côté

M. Côté: M. le Président, est-ce que le ministre a l'intention de recommander à l'Office des professions du Québec de mettre en tutelle l'Ordre des pharmaciens?

Le Président: M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, en vertu du Code des professions, l'office est responsable de surveiller le travail des ordres professionnels dans l'application des codes de déontologie et ce qui touche la protection du public. Ce qui a été indiqué, hier, par le président de l'office, c'est qu'il collaborait avec l'ordre. L'office a les pouvoirs pour faire des recommandations, M. le Président, l'office est un organisme indépendant qui est chargé de faire appliquer les lois, qu'il prenne les mesures appropriées pour le faire, ils ont les pouvoirs en vertu du Code des professions, M. le Président.

Le Président: Question de règlement.

M. Dupuis: On pourrait s'entendre...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Dupuis: On pourrait s'entendre, on pourrait s'entendre...

Des voix: ...

M. Dupuis: Mais on peut mettre fin à la période de questions, de consentement.

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Ce n'est pas une question de règlement. En question...

Des voix: ...

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Dubuc.

M. Jacques Côté

M. Côté: Je voudrais simplement demander au ministre: En quoi cela empêche justement de rendre public l'avis de l'analyse de l'Office des professions?

Le Président: M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, je voudrais remercier encore une fois le député de Dubuc pour sa question, qu'il m'a posée à une couple de reprises. Il me semble que ma réponse a toujours été très claire: Nous analysons le rapport, comme dans tout autre processus dans des dossiers comme ceux-là, et nous allons rendre public l'avis de l'office dans les meilleurs délais et toujours, M. le Président, dans la perspective où nous devons, dans le domaine des ordres professionnels, remplir l'objectif primordial de protéger le public, M. le Président. C'est ça...

Des voix: ...

Le Président: Alors, ceci met fin à la période des questions et réponses orales.

Des voix: ...

Le Président: Comme il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique des motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Est-ce que je peux me permettre... Est-ce que je peux me permettre de solliciter le consentement pour donner les avis touchant les travaux des commissions, avec évidemment l'adaptation, compte tenu du débat d'urgence, M. le Président?

Le Président: Il y a consentement?

Des voix: ...

Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Consentement. Vous pouvez donner les avis touchant les travaux des commissions.

M. Dupuis: Alors, je vais vous demander que la lecture des avis fasse foi pour le document écrit que je vais modifier à mesure, M. le Président, compte tenu de votre décision sur le débat d'urgence.

Alors donc, que la Commission des affaires sociales poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, aujourd'hui, après les affaires courantes, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la Commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée à l'égard du projet de loi n° 99, Loi modifiant la Loi concernant la location d'une partie des forces hydrauliques de la rivière Shipshaw, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine; et finalement

Que la Commission de l'éducation entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 106, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur l'enseignement privé, aujourd'hui, après les affaires courantes, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine. Je ne pense pas qu'elle va siéger longtemps.

Motions sans préavis

La Vice-Présidente: Merci, M. le leader du gouvernement. Alors, nous en sommes maintenant aux motions sans préavis. Mme la ministre des Affaires municipales et des Régions.

Souligner la Semaine de la municipalité

Mme Normandeau: Alors, M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion conjointe suivante. Alors:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Semaine de la municipalité, qui a eu lieu du 5 au 11 juin 2005, sous le thème À la santé de ma municipalité!, et félicite les 14 lauréats et lauréates, citoyens et citoyennes, employés municipaux et organismes à but non lucratif qui recevront le prix du Mérite municipal, ce vendredi 10 juin. Pour la 15e année, le Mérite municipal rend hommage à des individus et à des organismes ayant oeuvré de façon exemplaire au service de leur communauté.»

La Vice-Présidente: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Mme la leader de l'opposition officielle.

Mme Lemieux: Alors, Mme la Présidente, je crois qu'il y a eu une entente entre nos collaborateurs à l'effet que cette motion soit débattue mais pour une courte période, cinq minutes des deux côtés, pour permettre d'entamer le débat d'urgence sur la décision de la Cour suprême.

La Vice-Présidente: Alors, il y aurait consentement pour un intervenant de chaque côté, un intervenant aussi du côté des députés indépendants, pour un total de cinq minutes ou cinq minutes chacun? Mme la leader de l'opposition officielle, pour un total de cinq minutes ou cinq minutes chacun?

Mme Lemieux: Non. Un total de 10 minutes.

La Vice-Présidente: O.K. Alors, plus la partie des députés indépendants. Alors, Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Alors, dans quelques minutes, nous nous dirigerons vers le salon rouge, à l'Assemblée nationale, pour remettre les prix du Mérite municipal. 14 citoyens et citoyennes, employés municipaux et représentants d'organismes à but non lucratif de neuf régions administratives seront honorés. Leurs réalisations ont été reconnues par leurs municipalités et présentées par celles-ci au concours du Mérite municipal 2005. Un jury a eu l'agréable tâche de désigner 14 lauréates et lauréats qui se sont tous démarqués pour leur contribution exceptionnelle à l'épanouissement de leur municipalité.

Depuis 15 ans maintenant, le Mérite municipal est une occasion de reconnaître publiquement la qualité de l'engagement de citoyennes et de citoyens, d'employés municipaux et d'organismes communautaires. Tous sont honorés pour des actions qui ont amélioré la qualité de vie et le mieux-être de leurs pairs.

Mme la Présidente, j'ai eu moi-même l'occasion de participer au lancement de cette Semaine de la municipalité dans mon comté, avec la population de Caplan. Et je souhaite profiter de l'occasion, Mme la Présidente, pour témoigner publiquement du travail inlassable effectué par les élus municipaux de cette localité de bord de mer, dans la Baie-des-Chaleurs.

Donc, Mme la Présidente, j'aimerais donc souligner le travail du maire, M. Doris Boissonnault, ses conseillers, MM. Jean-Guy Morneau, Paul-Renaud Poirier, Marcel Boudreau, Donald Doucet, Gérard Audet et Germain Glazer, Mme la Présidente. Ils ont tenu une activité sur leur territoire qui a permis à la population de mieux connaître les services offerts par la municipalité de Caplan, et bien sûr une activité qui a permis aux élus municipaux et aux employés de la municipalité, que je salue, donc de se rapprocher de leurs citoyens.

Cette année, nous avons choisi le salon rouge de l'Assemblée nationale pour immortaliser un moment qui restera sans aucun doute gravé dans la mémoire de nos récipiendaires. Ce haut lieu de la démocratie qu'est l'Assemblée nationale est tout désigné pour procéder à la remise des prix du Mérite municipal. Ces prix sont décernés une fois l'an, depuis 1990, à l'occasion de la Semaine de la municipalité, un événement qui vient couronner cette semaine d'action pour le monde municipal. Cette année, 13 municipalités et un arrondissement ont vu leurs candidatures retenues par le jury. Tous bénéficient également d'un témoignage de reconnaissance publique par le biais d'une plaque commémorative que je remettrai aux maires des municipalités et de l'arrondissement visés.

n(11 h 10)n

Mme la Présidente, vous savez que nos municipalités sont des moteurs de développement économique, social et communautaire. Notre gouvernement est fier de les compter parmi nos partenaires. Alors, pour officialiser cet hommage et remercier de façon formelle l'ensemble de nos municipalités qui ont participé aux activités entourant cette Semaine de la municipalité, alors donc pour officialiser cet hommage qui est rendu à nos 14 lauréates et lauréats pour le Mérite municipal, je suis donc très heureuse de m'associer à mon collègue le député de Blainville pour l'adoption de cette motion. Merci.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la ministre des Affaires municipales. Alors, comme prochain intervenant, je reconnaîtrai le député de Blainville et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires municipales. À vous la parole.

M. Richard Legendre

M. Legendre: Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de joindre ma voix à celle de Mme la ministre pour justement souligner cette Semaine de la municipalité qui a démarré déjà le 5 juin dernier et d'abord, dans un premier temps, évidemment, pour rendre hommage aux gens que l'on veut reconnaître aujourd'hui et dont les noms seront dévoilés tout à l'heure, au salon rouge, des gens, des citoyens, des organismes municipaux, des employés municipaux qui ont travaillé très, très fort justement à l'avancement de leur communauté.

Vous savez, Mme la Présidente, cette Semaine de la municipalité permet beaucoup de choses, d'abord, évidemment, de faire connaître les nombreux services qui sont offerts par les municipalités. Et souvent on déplore le fait que les gens ne s'impliquent peut-être pas assez au niveau des élections municipales. Bien, c'est peut-être parce qu'ils ne réalisent pas jusqu'à quel point maintenant la municipalité joue un rôle.

Évidemment, c'est le premier niveau de gouvernement, c'est le gouvernement qui est le plus près de la population. Et je pense que c'est important de faire connaître les services offerts par la municipalité justement pour créer un rapprochement avec les citoyennes et les citoyens et souhaiter d'ailleurs qu'aux prochaines élections municipales... C'est la première année, en 2005, où nous aurons des élections municipales dans toutes les villes du Québec, le 6 novembre. Alors, on le dit déjà aux gens: Préparez-vous à aller voter le 6 novembre pour justement choisir vos élus municipaux.

Et d'ailleurs, moi, je veux aussi en profiter pour rendre hommage à tous ceux et celles qui s'impliquent au niveau municipal. Quand on dit: C'est le premier niveau d'intervention, c'est tout à fait vrai, et c'est souvent le niveau le plus accaparant d'ailleurs parce qu'évidemment les gens sont en contact constamment avec la population. Quand on est conseiller municipal ou maire dans une municipalité, bien, les problèmes de la population, les problèmes concrets, on s'en fait parler beaucoup, j'en suis certain. Et d'ailleurs, dans ma circonscription de Blainville, j'aimerais saluer toutes les équipes, à la fois... J'ai quatre municipalités, Mme la Présidente, Blainville, Bois-des-Filion, Lorraine et Sainte-Anne-des-Plaines, et je peux vous dire qu'il y a beaucoup de travail qui se fait de ce côté-là.

Également, la Semaine de la municipalité, bien il y a beaucoup d'activités, de portes ouvertes, de démocratisation, de créer de l'interaction entre la population et ses dirigeants municipaux. Et, j'ai remarqué, et je l'apprécie, et je pense que c'est une bonne initiative, il y a eu une démarche aussi, cette année, pour faire la promotion de plus en plus grande de l'activité physique et des activités sportives, et ça, je pense que c'est important parce que... d'abord, c'est important pour le bien-être de la population, mais c'est important parce que justement les municipalités jouent un rôle extrêmement important dans l'organisation de toutes les activités de loisir et de sport, alors je pense que c'est extrêmement intéressant qu'on profite de la Semaine de la municipalité pour le faire savoir de plus en plus à la population.

Alors, en terminant, Mme la Présidente, je veux encore une fois féliciter tous les intervenants en milieu municipal, que ce soient les élus, que ce soient les employés, que ce soient les bénévoles, les organismes. On leur rend hommage ici, aujourd'hui. Et j'espère qu'en plus d'une bonne semaine de la municipalité, j'espère que ce sera une bonne année de la municipalité, Mme la Présidente, parce que 2005 est une année charnière pour le monde municipal, il y a des enjeux énormes. On a parlé des élections, mais il y a le renouvellement du pacte fiscal, il y a tout le dossier de la décentralisation. Alors, j'espère qu'au cours des prochains mois le monde municipal aura de bonnes nouvelles de la part du gouvernement, Mme la Présidente. Alors, merci.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Blainville. Alors, pour ma part, M. le député de Blainville, moi, j'ai 24 municipalités dans mon comté. J'espère que vous me permettrez de les saluer en cette journée et semaine municipales, tous les maires, les élus et conseillers municipaux. Alors, je serais prête maintenant à reconnaître un dernier intervenant, le député de Beauce-Nord. À vous la parole.

M. Janvier Grondin

M. Grondin: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir d'intervenir sur cette motion présentée par la

ministre des Affaires municipales et des Régions, soulignant la Semaine de la municipalité.

Depuis quelques années, Mme la Présidente, les Québécoises et les Québécois sont invités à célébrer la vie municipale lors d'une semaine spécifique au cours de laquelle de nombreuses activités visent à mieux faire connaître aux citoyens du Québec les nombreux services offerts par leurs municipalités, à favoriser un rapprochement entre les administrations municipales et les résidents et à reconnaître les efforts que leurs municipalités déploient au bénéfice de leurs citoyens.

Nous, à l'Action démocratique du Québec, nous souhaitons depuis longtemps que le Québec décentralise des pouvoirs vers les régions et les municipalités, avec les moyens qui s'y rattachent. Pour nous, le gouvernement municipal est un partenaire à part entière que nous respectons. Mme la Présidente, étant issu du monde municipal, tout comme d'ailleurs notre ministre, la ministre des Affaires municipales, je suis à même de comprendre le sentiment des élus municipaux confrontés aux décisions prises ici, à Québec, et qui bien souvent leur sont imposées. La Semaine de la municipalité devrait donc aussi servir aux membres de cette Assemblée pour se sensibiliser aux problématiques municipales.

D'autre part, Mme la Présidente, nous saluons aussi, par cette motion, les lauréats du Mérite municipal qui, depuis 1990, rend hommage publiquement à l'engagement des femmes et des hommes qui ont contribué à améliorer la qualité de vie des citoyens de leur milieu. Par leur action bénévole ou par leur travail exceptionnel, ces femmes et ces hommes soutiennent les efforts que déploient les municipalités pour offrir des services de qualité. Et, moi aussi, je veux en profiter pour saluer tous les maires et les conseillers, les secrétaires qui travaillent au sein de nos municipalité, j'en ai 22 dans mon comté.

Alors, c'est avec plaisir que je me joins, en mon nom et au nom de ma formation politique, à cette motion soulignant la Semaine de la municipalité 2005. Merci, Mme la Présidente.

Mise aux voix

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Beauce-Nord. Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. Alors, toujours aux motions sans préavis, M. le leader du gouvernement.

Proposer que l'Assemblée se réunisse
le lundi 13 juin 2005, à 10 heures

M. Dupuis: Mme la Présidente, je ferais motion, aux motions sans préavis, je ferais motion, en vertu de l'article 21, alinéa deux de notre règlement, pour que nous siégions lundi le 13 juin 2005, à 10 heures du matin.

Mise aux voix

La Vice-Présidente: Alors, est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

Aux avis touchant les travaux des commissions, je crois que tous les...

Une voix: ...

La Vice-Présidente: Ils ont tous été donnés.

Maintenant, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, est-ce qu'il y a des questions sur les travaux de l'Assemblée? Pas de question.

Affaires du jour

Alors, la période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour.

Débat d'urgence sur une décision de la
Cour suprême concernant les lois québécoises
interdisant les assurances privées
en matière de santé

Et, aux affaires du jour, aujourd'hui, Mmes et MM. les députés, je dois suspendre les travaux afin de réunir les leaders pour procéder à la répartition du temps de parole pour la tenue du débat d'urgence concernant la décision de la Cour suprême du Canada qui conclut que les articles de loi québécois interdisant les assurances privées en matière de santé vont à l'encontre des dispositions de la charte québécoise des droits et libertés de la personne, demandé par le leader adjoint de l'opposition officielle et député de Chicoutimi. Alors, je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 19)

 

(Reprise à 11 h 21)

La Vice-Présidente: Rebonjour. Alors, je vous rappelle que, puisque nous sommes en période de travaux intensifs, conformément à l'article 92 du règlement, le débat d'urgence doit prendre fin trois heures après l'heure fixée pour l'ouverture de la séance, soit à 13 heures.

À la suite de la réunion avec les leaders, je vous informe de la répartition du temps de parole établi pour la durée de ce débat: 10 minutes sont accordées à l'ensemble des députés indépendants; le reste du temps sera partagé également entre les deux groupes parlementaires.

Dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes pourra être utilisé par l'autre groupe, tandis que le temps non utilisé par les députés indépendants sera redistribué également entre les deux groupes parlementaires, étant entendu que cette répartition ne pourra être effectuée avant que le temps dévolu aux deux groupes parlementaires ne soit entièrement écoulé. Et je vous rappelle que les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps.

Alors, je suis maintenant prête à entendre le premier intervenant. Mme la chef de l'opposition officielle, à vous la parole.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Il s'agit, Mme la Présidente, dans les faits, d'un premier

débat d'urgence, dois-je dire, parce que, sur cette question importante qui est celle de la décision de la Cour suprême du Québec, à quatre juges contre trois, d'invalider des dispositions de la loi québécoise sur l'assurance hospitalisation de 1960, sur la loi québécoise de l'assurance maladie de 1970, il est certain, Mme la Présidente, que l'opposition officielle va exercer toute la vigilance possible dans ce dossier.

Ce qui nous a amenés à proposer à la présidence de l'Assemblée ce débat d'urgence aujourd'hui même, c'est la décision du gouvernement d'écarter l'utilisation... qu'on aurait accepté être temporaire, ça aurait pu être pour six mois ou un an, mais d'écarter l'utilisation de la clause dérogatoire, qu'on appelle parfois aussi la clause «nonobstant», celle qui aurait permis d'indiquer clairement la volonté du gouvernement de ne pas soumettre à la Cour suprême... de ne pas se mettre à la merci d'un tribunal qui vient de décider fortement en faveur des droits individuels et avec une conception individualiste plutôt qu'en faveur des droits collectifs.

Mme la Présidente, ce qui nous inquiète, c'est l'attitude notamment du ministre de la Santé et des Services sociaux qui a choisi de minimiser les conséquences et l'impact d'un tel jugement sur l'organisation des soins de santé au Québec. Alors, disons-le tout de suite, Mme la Présidente, cela est en contradiction flagrante avec ce que les procureurs du gouvernement du Québec eux-mêmes ont plaidé devant la Cour suprême. Ai-je besoin également de rappeler que, sur les 11 juges qui se sont prononcés sur cette affaire, depuis la Cour supérieure, et puis par la suite la Cour d'appel, et finalement la Cour suprême, sur les 11 juges, sept ont donné raison au gouvernement du Québec. Et nous nous trouvons devant une situation certainement, Mme la Présidente, où, en droit et en fait, selon les experts, il y a lieu de s'interroger.

D'abord, je voudrais rappeler pourquoi nous avons mis en place ce système, cette organisation des soins de santé au Québec. Rappelons-nous qu'en 1961, en 1961, il y avait plus de la majorité de la population canadienne ? et ça évidemment couvrait les Québécois aussi ? qui ne bénéficiait pas d'une protection quelconque d'assurance maladie et qu'à l'époque les coûts des soins de santé représentaient la première cause de faillite personnelle au Canada.

Alors, Mme la Présidente, ce que la Cour suprême vient de décider, c'est de donner un droit constitutionnel à un système de santé à deux vitesses. C'est ça que la Cour suprême fait dans le prononcé de son jugement par, encore une fois, une majorité de quatre juges sur trois. C'est donc un droit constitutionnel à un système à deux vitesses qu'auraient les gens ayant les moyens de souscrire une assurance médicale privée. Et ça, on le sait, ça provoque un changement radical de la politique québécoise en matière de santé mais aussi de la politique en santé telle qu'elle se pratique dans les autres provinces. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le juge dissident... un des trois juges dissidents, le juge Lebel, qui rappelle que le droit constitutionnel à un système de santé à deux vitesses ne peut pas être reconnu.

Mme la Présidente, comment justifier que quatre des juges utilisent la charte québécoise, notamment l'article 1 sur le droit à la vie, alors que, les personnes qui n'auront pas les moyens de se payer les primes... comment peut-on penser que cet article 1 de la charte ne pourrait pas aussi les protéger?

Alors, Mme la Présidente, ça se situe ailleurs, et ce n'est pas à la Cour suprême, qui, comme le disaient bien des gens qui ont siégé dans cette Assemblée auparavant, est comme la tour de Pise et qu'elle penche toujours du même côté. Là, on peut constater maintenant qu'elle penche de plus en plus, avec les récentes nominations de l'ancien premier ministre Jean Chrétien, elle penche de plus en plus en faveur des droits individuels.

Et je voudrais vous citer à cet effet le constitutionnaliste Henri Brun, professeur à l'Université Laval, qui lui-même déclare que le plus haut tribunal a clairement opté pour les droits individuels aux dépens des droits collectifs. Il l'a fait dans la santé, hier, et, il y a quelques semaines, il l'a fait également sur l'accès à l'école publique. Et je le cite: «On fait primer les droits des gens qui ont les moyens de se payer une assurance privée sur le droit de tout le monde à ce que les délais ne soient pas plus longs. En ouvrant la porte à un régime parallèle privé, on empire la situation de l'ensemble de la collectivité au bénéfice de quelques privilégiés», déplorait le Pr Brun, dans les journaux, ce matin.

C'était d'ailleurs la même opinion du Pr Patrice Garant, ami avec un certain nombre de membres du gouvernement actuel. C'est aussi l'opinion du Pr Otis, qui dit ceci: «Si on peut rallier une forte majorité à l'Assemblée nationale en faveur du recours à la clause dérogatoire, ce serait parfaitement légitime...» Alors, le gouvernement a choisi d'écarter ce recours à la clause dérogatoire et de préférer un recours en sursis qui peut durer très longtemps et, comme le jugement de la Cour suprême est exécutoire, permettre aux compagnies d'assurance privées de se préparer, de se préparer.

Et pourquoi, Mme la Présidente, pourquoi introduire un système privé parallèle en santé, même si de prime abord ça paraît alléchant, faire payer les riches, faire payer les riches? Mais ce qu'il faut dire à la population, c'est que c'est l'immense majorité de la classe moyenne, des familles avec enfants, des ménages qui auront en fait à débourser des primes pour payer ces assurances privées. Il faut voir ce qui se passe aux États-Unis. Le système américain coûte deux fois plus cher que le système de santé québécois. Et que dire, Mme la Présidente, de ceux et celles qui ne seront pas admissibles parce qu'ils ont une maladie chronique? Je pense, entre autres, aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, à celles qui sont atteintes d'une maladie tel le diabète, le VIH/sida, l'asthme et tout l'ensemble de ces personnes qui souffrent de maladies chroniques et qui ne trouveront pas d'assureurs prêts à prendre les risques. Parce que, dans les assurances privées, on aime les maladies qui ne rendent pas les gens malades.

n(11 h 30)n

Alors, c'est bien évident que c'est un système, Mme la Présidente, qui perturbe, qui peut perturber profondément les soins de santé, notamment pour les personnes qui n'auront pas les moyens de se payer des primes et qui verront restreindre leur accès à des soins, compte tenu que ces compagnies d'assurance privées vont contracter avec des professionnels de la santé pour assurer l'exclusivité des soins aux personnes qui paient des primes privées et qui, de cette façon, pourront s'attribuer une partie des soins qui sont présentement dispensés à la population.

C'est d'ailleurs le cas de toutes les études les plus récentes. Je cite celle, en janvier dernier, du Conseil de la santé et du bien-être sur cette question; je cite aussi l'étude de l'Université McMaster, qui a été publiée dans le Journal de l'Association médicale canadienne. Et toutes ces études concluent à une diminution de l'accessibilité aux soins et à une augmentation des coûts dans un tel système où on introduit des assurances privées, avec évidemment un fardeau financier beaucoup plus lourd à porter pour les ménages et les familles, et aussi, en fait, très souvent, une mise à l'écart des personnes dont la situation de santé, le vieillissement, une rémission de cancer ne leur permettraient pas d'avoir accès à ces assurances sans payer des primes exorbitantes.

Mme la Présidente, c'est ce que les procureurs du gouvernement eux-mêmes ont plaidé devant la Cour suprême. Puis-je rappeler que les procureurs du gouvernement se sont présentés en plaidant qu'un tel système, tel que le permet la décision de la Cour suprême ? et je cite ? «va résulter en un détournement des ressources du système de santé public vers les établissements de santé privés et, en fin de compte, une détérioration de la qualité des soins, puisque l'interdiction de souscrire à une assurance privée est essentielle pour éviter que le système de santé unique s'effrite pour devenir en fait un système à deux vitesses»?

Alors, il est évident, Mme la Présidente, qu'il y a péril en la demeure. Il y a une situation dans laquelle le gouvernement s'engage en négligeant d'utiliser la clause «nonobstant» et une situation qui est une brèche, mais qui pourrait amener une hémorragie dans l'organisation de nos soins de santé, d'autant plus, Mme la Présidente, que la décision doit appartenir à l'Assemblée nationale.

Et je voudrais citer un juge dissident, le juge LeBel, et je souhaite que... Me LeBel, ce juge qui a rappelé la nécessité, Mme la Présidente, que ce soit l'Assemblée nationale... Je le cite: «C'est à l'Assemblée nationale qu'il appartient de discuter et d'établir la politique sociale du Québec.» Il ajoutait d'ailleurs dans ses commentaires: «Contrairement à nos quatre collègues, nous sommes incapables d'admettre qu'un tel débat soit tranché par la voie judiciaire, comme s'il s'agissait d'un simple problème de droit.»

Alors, c'est évident, Mme la Présidente, que, loin de faire l'unanimité, ce jugement... autant que la plaidoirie, dis-je, du juge LeBel, permet de comprendre qu'il peut y avoir autant des problèmes de droit que de fait dans le prononcé du jugement de la Cour suprême.

Je le cite encore... Je cite les trois juges dissidents, cette fois: «La résolution d'un débat d'orientation aussi complexe ne s'enferme pas dans le cadre que définissent la compétence et les procédures institutionnelles des cours de justice. Les tribunaux ne peuvent recourir à l'article 7 de la Charte canadienne pour court-circuiter les débats publics sur la question.»

Alors, il faut un débat public, Mme la Présidente, nous l'amorçons ce matin. Mais il y aura un débat public important, et ce débat public doit prendre en considération que la solution, puisqu'il y a des problèmes...

Les attentes hors délais médicalement acceptables, ces attentes sont un véritable problème. J'ai eu l'occasion ici même, à l'Assemblée nationale, de faire écho à l'augmentation, au cours des deux dernières années, du nombre de nos concitoyens et concitoyennes qui attendent une intervention chirurgicale hors des délais médicalement acceptables.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux s'était engagé, il y a deux ans, à éliminer ces attentes hors délais médicalement acceptables. Je ne parle pas des promesses du premier ministre qui, lui, prétendait éliminer toute attente ? on pourra en citer des extraits... Je le cite: «Nous allons combattre l'attente sous toutes ses formes», alors que, Mme la Présidente, 8 000 personnes de plus qu'il y a deux ans attendent ? 43 000 au total, 8 000 de plus qu'il y a deux ans ? attendent une intervention chirurgicale hors des délais médicalement acceptables.

Mais la solution, c'est d'investir plus pour réduire les délais d'attente. Et comment peut-on faire cela? Évidemment, pas comme l'a fait le présent gouvernement. Le croiriez-vous que, malgré leurs engagements électoraux de faire de la santé la priorité numéro un, depuis trois ans, les budgets sont décroissants à chaque année. Le ministre de la Santé le sait: cette année, avec l'augmentation de 763 millions, c'est 400 millions de moins en santé qu'il y a deux ans, 160 millions de moins que l'an passé. Mme la Présidente, avec des budgets décroissants, il est bien évident que le ministre, malgré ses ambitions, ne peut pas faire de miracle. Ce qui est décevant, Mme la Présidente, c'est que le gouvernement a tant promis, alors que... On a bien compris, lorsqu'il est rentré d'Ottawa, après avoir négocié une entente sur 10 ans, qu'il détournait les 500 millions qu'il avait négociés en santé, avec l'appui de la population du Québec, qu'il les détournait pour les investir dans d'autres secteurs d'activité du gouvernement.

Et comment y arriver? C'est certain, Mme la Présidente, je ne peux pas ne pas en parler parce que j'y crois profondément, il y a une manière d'y arriver, c'est d'arrêter le passage obligé par Ottawa de notre argent. Mme la Présidente, le moyen d'y arriver, c'est de garder ici tous nos impôts, c'est de faire la souveraineté, c'est d'établir nos priorités, et c'est mettre l'argent du déséquilibre fiscal, plus de 50 millions par semaine, Mme la Présidente, plus de 2,5 milliards par année, et ce sont des chiffres qui font consensus ici, du ministre des Finances au ministre des Relations intergouvernementales. Cependant, Mme la Présidente, ce qui est de plus en plus évident, c'est que leur conviction inconditionnelle à l'égard du fédéralisme canadien leur barre les mains complètement. Et ce que je souhaite, Mme la Présidente, c'est qu'à l'occasion de ce débat on puisse rappeler qu'il y en a, des solutions, et que nos solutions en santé passent par la souveraineté. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la chef de l'opposition officielle. Alors, comme prochain intervenant, je reconnaîtrai le ministre de la Santé et des Services sociaux. À vous la parole.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. J'ai bien sûr écouté avec beaucoup d'attention les représentations et le discours de ma consoeur d'Hochelaga-Maisonneuve, et je dirais qu'en général son argumentaire était bien construit et intéressant, mis à part encore une fois la tendance fâcheuse qu'a cette formation politique de tout subordonner à l'enjeu de la souveraineté. Il n'est pas possible d'avoir une discussion sur aucun enjeu de société au Québec, que ce soit la santé ou l'éducation, l'environnement, sans que toujours on subordonne tout à cette obsession, et ça, c'est une tendance historique dans cette formation politique depuis très longtemps. Et, quand on dit que nous sommes liés par notre adhésion au fédéralisme, je dirais au contraire, Mme la Présidente, que le Parti québécois est lié pieds et mains par leur soumission totale à cet enjeu, au-dessus de toutes les autres considérations, et on verra tantôt quel impact ce phénomène a eu sur le système de santé du Québec.

Je commencerais, Mme la Présidente, par réaffirmer le fait que nous croyons fortement à un régime de santé public universel dans lequel le privé joue un rôle, nous nous opposons à l'avènement de tout système à deux vitesses dans lequel l'accès aux soins serait déterminé avant tout par la capacité financière des citoyens de payer pour des services. Ces valeurs fondamentales que notre système public défend, qui sont les valeurs d'équité et de justice sociale, ont d'ailleurs été reconnues dans le jugement, où on confirme la validité des efforts de tous les gouvernements de protéger le système public, et j'affirme encore une fois, Mme la Présidente, que nous partageons entièrement ces valeurs, et je crois que là-dessus les deux côtés de l'Assemblée sont d'accord sur cette question. Je dis «les deux côtés» parce que, pour le troisième côté, l'ADQ, c'est très difficile de savoir de quel côté il se trouve.

Le défi qui est devant nous, Mme la Présidente, avec ce jugement, c'est un défi auquel a fait allusion la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, c'est pour tous les gouvernements de réaliser le difficile équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels. On sait que, chez nous, le privé joue déjà un rôle dans le système de santé avec les cliniques médicales privées ? que ce soient les omnipraticiens ou d'autres types de cliniques ? les médicaments, la physiothérapie, d'autres éléments de notre système de santé qui expliquent qu'environ 30 % des dépenses de santé au Canada, et au Québec en particulier, sont d'origine privée. Ce que cependant la Cour suprême introduit, ce qui est nouveau dans le jugement de la Cour suprême et ce qui effectivement présente à la fois une occasion et des risques, c'est le fait d'étendre la permission d'obtenir des assurances pour les services médicaux, les soins de santé et notamment les soins de santé assurés.

n(11 h 40)n

On nous fait également remarquer dans le jugement que, compte tenu de la validité de nos objectifs, qui est d'augmenter l'accessibilité et de préserver l'équité et la justice sociale, le gouvernement ou les gouvernements auraient pu utiliser d'autres outils législatifs, et on nous cite en exemples certaines provinces canadiennes, dont la Saskatchewan, berceau du système d'assurance maladie et d'assurance hospitalisation canadien, où on permet aux citoyens de détenir des assurances privées pour certains types de services assurés lorsque pratiqués par des médecins qui sont désengagés du système. On reviendra à cette question.

Des exemples ailleurs existent également, ailleurs dans le monde, notamment en Europe occidentale. Et il faut toujours éviter de céder à la tentation lorsqu'on parle de ce débat entre privé et public, de dire: C'est le système canadien ou c'est le système américain, comme s'il n'y avait pas de solution entre les deux, comme s'il n'y avait pas de moyens créatifs et imaginatifs d'inventer, au Québec ? on a une occasion de le faire maintenant ? au Québec, notre propre mode de coexistence entre ces deux types de prestations de services. Et à mon avis, Mme la Présidente, il est faux et tendancieux d'établir un lien entre la participation du privé au système de santé et le degré de progressisme d'une société. Comment peut-on soutenir que des sociétés comme la France, l'Angleterre, la Suède sont moins avancées socialement que le Québec sur la base même de la participation de prestataires privés à leurs systèmes de santé? On voit bien, M. le Président, que ça n'a... Mme la Présidente, pardon ? comment puis-je me tromper? ? que ça n'a aucun sens. À sa face même, la société... Les sociétés scandinaves ? on parle de la Suède qui est pourtant un modèle, je crois, pour le Parti québécois ? les pays scandinaves eux-mêmes ont une participation privée dans leurs systèmes de santé. À ce je sache, personne ne les accuse d'être conservateurs ou arriérés socialement.

Mais cependant nous partageons les craintes de l'opposition sur les dérives possibles que ce jugement pourrait apporter, notamment que, sous des dehors de vouloir préserver l'accessibilité, on pourrait mettre en danger l'accessibilité du plus grand nombre, ainsi que l'a fort éloquemment expliqué la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, et c'est une opinion que nous partageons, en drainant, par exemple, les ressources professionnelles vers un système privé parallèle ou en faisant en sorte que les assurances bien sûr seraient très enthousiastes à offrir des protections aux gens présentant des conditions pathologiques aiguës ou transitoires, mais relativement peu, sinon très peu enthousiastes à l'offrir pour des personnes âgées ou des malades chroniques nécessitant des soins complexes et très lourds.

Et là-dessus on me permettra, monsieur... Mme la Présidente ? comment encore ai-je pu récidiver dans cette erreur fondamentale? Je m'excuse. On me permettra de faire allusion à la position très indécise et très indéfinie de l'ADQ dans cette question. On a vu hier, à la période des questions, de quel point l'allusion à la vente des Mercedes... On se souvient de cette déclaration du chef de l'ADQ durant la campagne électorale, alors qu'il avait dit: Écoutez, ce n'est pas difficile ? je pense qu'il l'a encore dit hier ? ce n'est pas un problème, c'est très simple: s'il y a 30 personnes sur la liste d'attente, on permet à cinq d'entre elles de payer pour avoir les soins puis on vient de régler le problème des 25 autres. Or, là-dessus, nous ne sommes pas d'accord. Il faut faire en sorte que... Les médecins qui sont là pour traiter ces 30 personnes, s'ils sont tous partis dans une clinique privée, il n'y en aura pas un pour traiter les 25 en question. Et ce que je dirais au chef de l'ADQ ? on pourra lui répéter ? c'est que bien sûr sa solution règle le cas des quelques Québécois qui se promènent en Mercedes, mais il y a bien des Québécois, Mme la Présidente, qui se promènent en autobus, puis il faut penser à eux aussi. Et ce qui va arriver avec ce que l'ADQ propose, c'est que l'ADQ... l'autobus va s'arrêter sur le bord du chemin, le chauffeur va débarquer, il va embarquer dans la Mercedes puis il va continuer, laissant tous les passagers de l'autobus en champ et sans solution. Et ça, jamais, jamais, Mme la Présidente, notre formation politique ne va défendre ce type de solution.

Il faut noter, dans le discours qui nous est présenté du côté de l'opposition, cette tendance constante à un certain dogmatisme et une certaine étroitesse dans l'argumentaire. C'est comme s'il n'y avait jamais de position intermédiaire: tout est noir ou blanc, c'est le système canadien ou le système américain, c'est les bons Québécois ou les moins bons Québécois. C'est toujours le même type de raisonnement et le même type d'argumentaire, et je ne crois pas que notre population suive sur ce terrain. Les Québécois, Mme la Présidente, sont essentiellement des gens pragmatiques, ouverts aux analyses objectives des situations et aux ajustements que la situation apporte.

Ce que j'ai noté également dans le discours de l'opposition, Mme la Présidente, c'est l'absence totale de toute étincelle d'autocritique. Pourquoi parlais-je d'autocritique? Pourquoi devons-nous parler d'autocritique? Parce que souvenons-nous que les faits invoqués pour le jugement remontent à 1997. Que se passait-il dans notre système de santé, en 1997? Souvenons-nous-en. Le gel des budgets. On a noté, par exemple, que les budgets de santé, en 1997-1998, étaient inférieurs, Mme la Présidente, à ce qu'ils étaient en 1994-1995. C'est les départs massifs de plus de 1 000 médecins et de 4 000 infirmières à la retraite. C'est la baisse sans précédent ? une autre erreur historique ? des admissions en facultés de médecine.

Et tout cela est à la base... je ne dis pas que c'est la seule cause, mais on aurait pu au moins, dans le discours de l'opposition, prendre acte de leur responsabilité historique devant ce phénomène et présenter des excuses à la population. D'ailleurs, certains membres de leur formation l'ont fait. L'ancien premier ministre, M. Bouchard, a admis que ça avait été une erreur. D'autres également l'ont mentionné. Le député de Rousseau, dans son document, mentionne qu'il s'agit d'une erreur. Et je crois qu'il n'y pas de mal, lorsqu'on discute de ce thème-là, à faire cet exercice d'autocritique.

D'ailleurs, il y a un autre cas devant les tribunaux actuellement, et on ne peut en parler de façon approfondie bien sûr, mais il y a un recours collectif de personnes ayant eu des traitements de radiothérapie retardés dans le domaine du cancer du sein. Ce recours collectif chemine actuellement devant les tribunaux et se situe dans les mêmes années que le cas sur lequel la Cour suprême s'est prononcée hier.

Soyons également respectueux de ce dont nous parlons aujourd'hui. Nous parlons de, encore une fois, cet équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs. Mais ce qui est arrivé hier, à la Cour suprême, c'est qu'un citoyen, une personne comme nous, qui était sur une liste d'attente a jugé que, d'après elle, ses droits fondamentaux en vertu de notre charte, notre charte des droits et libertés, la Charte québécoise des droits et libertés, étaient mis en péril, et le tribunal lui a donné raison de façon partagée. Il faut le dire effectivement, que c'est de façon très partagée. Mais ayons un minimum de respect pour ces citoyens et les autres qui, encore trop nombreux, nous l'avouons... et nous sommes d'accord qu'il faut continuer nos efforts pour tous ces citoyens qui sont en attente de services.

Parce que leur présenter aujourd'hui que la simple solution devant nous actuellement, c'est d'adopter la clause dérogatoire, c'est d'une part nier le débat, on ne peut même pas avoir de débat, on prend la clause dérogatoire et c'est comme s'il ne s'était rien passé, et c'est dire également à tous ces citoyens qui sont en attente de services et qui sont parfois en détresse, étant donné la longueur d'accès pour certains services: Écoutez, le tribunal a bien beau dire que vos droits sont limités et qu'on doit faire attention à votre sécurité, mais nous balayons ça rapidement, sans même nous donner le temps de quelques semaines ou quelques mois d'analyse, et nous allons de l'avant en continuant notre approche qui de toute évidence a des ratés, nous le savons tous depuis quelques années. Le système québécois, c'est une grande histoire de succès en santé, mais il y a également des problèmes, notamment, notamment et surtout, dans le domaine de l'accessibilité aux services.

On parle également des exemples internationaux. Je reviens sur les pays scandinaves, Mme la Présidente, où on a trouvé des façons socialement justes d'introduire la prestation privée de services, sans que cela ne soulève de passion ou de débat dans un pays qui pourtant est très avancé socialement. Il a servi d'inspiration au Québec dans plusieurs mesures sociales. Et d'ailleurs ça me ramène à un autre élément du discours du Parti québécois, Mme la Présidente. Lorsqu'on entend certains membres de cette formation politique, surtout parmi les plus récemment arrivés, on a l'impression qu'ils considèrent leur formation comme une sorte de phalange de l'Internationale socialiste, là. Ils sont un parti de gauche, un discours social-démocrate, ils sont la partie avancée de la société, par opposition à leurs adversaires politiques.

Mais voyons un peu ce que la réalité nous enseigne, au cours des dernières années, dans ce domaine-là, et on verra que les actes n'ont pas suivi les paroles. Et je me permets de déborder un peu du système de santé parce que ça met tout le discours de l'opposition dans un contexte qui, d'après moi, mérite d'être souligné. Qu'a-t-on fait, pendant ces neuf années au pouvoir du Parti québécois entre les années... fin des années quatre-vingt-dix jusqu'en 2003? Des coupes massives en santé et en éducation, on vient d'en parler ? les principaux services publics du Québec, Mme la Présidente, ont été mis en péril par ce parti qui, d'après son orientation prétendument sociale-démocrate, aurait dû vouloir tout faire pour préserver les services publics du Québec ? les mises à la retraite et le drainage incroyable de personnel dans les deux réseaux, pas de politique du médicament, l'introduction de contributions des personnes recevant l'assistance-emploi et des personnes âgées pauvres au régime d'assurance médicaments, sans politique du médicament et sans méthode de compensation, pas de plan de lutte contre la pauvreté, pas d'indexation ni de barème plancher à l'assistance-emploi, la forêt publique dilapidée ? on en a vu quelques exemples récemment avec le rapport Coulombe ? et bien sûr le fait de consentir des avantages fiscaux improductifs aux entreprises.

Alors, dans tous ces éléments, nous avons agi à l'opposé, en rengageant du personnel, en réinvestissant massivement en santé et en éducation, en adoptant et en présentant une politique du médicament, un plan de lutte contre la pauvreté, en commençant, dès cette année, la gratuité pour les personnes âgées à très faibles revenus pour les médicaments, en adoptant les recommandations de la commission Coulombe avec un grand courage politique ? et je salue mon collègue le ministre des Ressources naturelles à cet effet ? et également en corrigeant les avantages fiscaux improductifs consentis aux entreprises.

n(11 h 50)n

Alors, ce que ça nous dit, Mme la Présidente, c'est que, dans les faits et de façon continue, au Québec, c'est le Parti libéral du Québec qui a réussi à faire l'équilibre entre la création de la prospérité et la protection des plus démunis. Parce que, dans chaque exemple que l'on cite, on peut donner l'exemple d'actions opposées du gouvernement actuel, et je réfère d'ailleurs la population à l'entrevue qu'on pouvait lire, je crois, hier, dans Le Devoir, de notre consoeur ministre de l'Emploi et de la Solidarité, où on fait des comparaisons justement entre les actions de certains parlementaires avant le gouvernement actuel. Encore une fois, Mme la Présidente, nous nous trouvons dans une situation où il faut savoir faire preuve de créativité.

Revenons au jugement. Parce que la décision de la Cour suprême bien sûr nous donne l'occasion de faire un débat important. Ce débat commence aujourd'hui, il va se continuer au cours des prochains mois, mais nous permet d'une part de réaffirmer notre foi profonde dans les principes qui sous-tendent notre système de santé.

J'en ai parlé tantôt, il s'agit des principes de justice, d'équité, de justice sociale, d'uniformité de l'accès, quels que soient les moyens financiers dont nous disposons, et du fait qu'historiquement, au Québec, nous avons choisi de nous doter de cet instrument d'assurance collective qu'est notre système de santé public et universel.

Mais nous devons également prendre acte, et c'est ce que la Cour suprême nous envoie comme message, du fait que, si nous avons très bien réussi, au Québec et au Canada, dans le domaine collectif pour la santé ? on sait, Mme la Présidente, que nos indices de santé publique sont parmi les meilleurs au monde, qu'on parle de l'espérance de vie, la mortalité infantile, ces autres types d'indices ? on est dans le premier... de loin parmi les leaders mondiaux, et on n'a rien à envier à personne en ce domaine.

Cependant, l'autre mission des systèmes de santé, qui est de servir les individus et de leur donner accès à des soins dans des délais raisonnables, il est certain, et la Cour suprême nous le répète, que plus d'efforts encore doivent être faits et qu'il faut peut-être faire preuve de plus d'imagination et de créativité. Et c'est justement cette porte que nous ouvre la Cour suprême, cette porte à la créativité et à l'imagination. A-t-on le droit, Mme la Présidente, au Québec, de faire des débats et d'imaginer des solutions québécoises qui sont pragmatiques, créatives, imaginatives, tout en respectant, encore une fois, et j'y reviens encore une fois, en respectant nos valeurs fondamentales et en faisant en sorte de ne pas faire de la situation financière personnelle d'un individu le déterminant de son accès aux soins de santé?

Parce que ce que nous pouvons faire maintenant, justement, compte tenu du fait que le système privé ou les prestataires privés occupent déjà un rôle dans notre système de santé, nous pouvons profiter de cette occasion pour bien encadrer ce rôle, le définir de façon législative, pour encadrer encore une fois la participation du privé, dans certaines conditions; répondre à certaines suggestions de la Cour suprême, tout en protégeant encore une fois, et j'y reviens ? il faut revenir à plusieurs fois ? en protégeant les valeurs d'équité et de justice sociale que nous avons, en commun, au Canada et au Québec, décidé d'adopter et qui sont particulièrement illustrées dans le système de santé dont nous nous sommes dotés.

Donc, retrouver ce droit à l'imagination, Mme la Présidente, retrouver ce droit à la créativité, à l'innovation, et on sait que, nous, les Québécois, sommes un peuple d'innovation et d'imagination. Retrouver ce droit-là, Mme la Présidente, c'est sortir des limites dogmatiques très étroites dans lesquelles ou entre lesquelles, de l'autre côté de la Chambre, on voudrait nous enfermer. Enfin, nous allons pouvoir nous permettre de recommencer à réfléchir au fondement de notre système de santé, de penser à la façon dont nous organisons les services, toujours sous la gouverne de ces grands principes, encore une fois, d'équité, de justice sociale et d'accessibilité non différenciée selon la situation personnelle des gens.

Parce qu'on sait déjà qu'il y a des phénomènes, au Québec, qui existent. Il existe des cliniques privées d'imagerie, de résonance magnétique par exemple, et, à ce que je sache, ces cliniques existaient également lorsque le Parti québécois était au gouvernement, et, à ce que je sache, jamais rien n'a été fait pour en contrôler ou en encadrer la pratique, ni aucun commentaire d'ailleurs n'a été fait à ce sujet-là pendant les neuf ans, neuf ans pendant lesquels le Parti québécois était au pouvoir. Il y avait là amplement de temps pour agir, et, s'il y avait un problème là, en prendre acte et suggérer des solutions. On ne l'a pas fait.

Il y a le cas des médecins non participants à l'assurance maladie. Hier, on montrait l'exemple d'une clinique orthopédique à Montréal, où un orthopédiste, un chirurgien-orthopédiste pratique, où des gens peuvent aller là pour payer et avoir une chirurgie.

Est-ce que, ça, c'est une solution, pour le système de santé? Non, Mme la Présidente, ce n'est pas une solution pour le système de santé. Il y avait un citoyen de Vancouver qui était là et qui disait avoir payé, je crois, 18 000 $ pour son opération. Combien de Québécois, Mme la Présidente, disposent-ils ou disposent-elles d'argent en montant suffisant pour pouvoir se payer les soins de santé? Qui parmi ceux et celles qui nous écoutent, aujourd'hui, peut trouver 18 000 $ pour payer pour une opération de prothèse de hanche?

Et d'ailleurs ceux qui sont enthousiastes en faveur de ce type de système là, et je regarde nos collègues de l'ADQ, devraient faire attention et se méfier des solutions faciles. Parce que ce que tout le monde découvrirait, ce que tout le monde découvrirait si, demain, on avait accès à un système à deux vitesses, comme le souhaite l'Action démocratique du Québec, c'est ce que tous les parlementaires du Québec qui ont occupé le gouvernement, des sièges au gouvernement savent très bien, c'est que, Mme la Présidente, la santé, ça coûte très cher. Très cher.

Alors, lorsque le chef de l'ADQ nous dit: Bien, ça va permettre de mettre plus d'argent dans le système, d'où est-ce qu'il va venir, l'argent de plus dans le système? Il va venir de la poche des citoyens qui auront à payer pour des primes d'assurance privée, et, notamment, éventuellement, et on en voit une démonstration claire au sud de chez nous, des employeurs qui auront éventuellement, si on permettait d'ajouter ce type de bénéfice à des régimes collectifs, à l'ajouter à leur charge.

Parce qu'il faut dire quelque chose qui n'a pas été assez souvent dit et remarqué, Mme la Présidente, c'est que notre système de santé public québécois présente, sur le plan économique, un avantage formidable pour les entreprises du Québec parce qu'ils n'ont pas à inclure, dans leurs frais de fonctionnement, outre la taxe sur la masse salariale qui sert au fonds de santé et de services sociaux, ils n'ont pas à inclure, dans leur masse salariale et leurs frais, les coûts énormes de la santé que par exemple les entrepreneurs du sud de notre frontière ont à affronter.

On voyait récemment d'ailleurs, dans les journaux, des statistiques qui montraient que, pour chaque automobile, sur chaque automobile produite par General Motors, si je ne m'abuse, il y avait plusieurs milliers de dollars dans cette automobile qui étaient dus à la contribution de l'employeur au régime de santé ou d'assurance privée des employés.

Alors, comment on va faire, au Québec? Ça va être quoi, l'impact sur nos employeurs, de ça? Est-ce qu'on a seulement réfléchi à ça, du côté de l'ADQ, qui, pourtant, sont favorables à l'entreprise, et la petite entreprise et la moyenne entreprise?

Des voix: ...

M. Couillard: Non, non, ce n'est pas un problème: ceux qui sont riches vont payer, puis les autres s'arrangeront. Bien, nous, ce n'est pas comme ça qu'on voit ça. On dit: D'accord, on va regarder la question, on va prendre le temps d'étudier la question, on va prendre le temps de prendre acte, de prendre acte de ce que la Cour suprême nous envoie comme message, et on va s'assurer de répondre adéquatement aux besoins de la population.

Nous avons donc décidé ? et mes collègues, le ministre de la Justice et Procureur général, et mon collègue, le ministre des Affaires intergouvernementales, auront l'occasion de débattre de cette question au cours des prochaines minutes ? nous avons donc décidé, d'une part, de demander un sursis d'application du jugement, et on donnera, tantôt, les considérants et les caractéristiques techniques de ce sursis, et, d'autre part, de réfléchir, pendant l'application de ce sursis, à la façon de rénover ou d'ajuster ou de moderniser notre cadre législatif et ainsi répondant, d'une part, aux attentes de nos concitoyens et concitoyennes, et, d'autre part, à notre besoin collectivement, fréquemment, d'ailleurs, exprimé, qui est de maintenir la justice sociale, l'équité et la cohésion dans la société québécoise qui est une société, compte tenu de notre situation particulière en Amérique du Nord, qui est particulièrement solidaire, et ceci s'est reflété dans la façon dont nous avons bâti nos services publics.

Et bien sûr, si accordé, ce sursis sera rétroactif, mon collègue le Procureur général en parlera tantôt. Et il est donc très improbable ? je reviens là-dessus parce que c'est une chose que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve a mentionnée, à la période de questions tantôt, compte tenu du fait que nous allons demander ce sursis et que ce sursis, si accordé, sera rétroactif ? il est très improbable que les assureurs se lancent tête baissée dans un domaine qui, pour eux, pourrait rapidement devenir un gouffre financier, s'il n'est pas encadré et défini correctement.

C'est à cet exercice que nous convie le jugement de la Cour suprême, c'est à cet exercice que nous convions la population, en leur garantissant que, pour notre gouvernement, la qualité et la disponibilité des services publics sont une priorité, que nous voulons continuer à développer notre système de santé, dans le respect des valeurs d'équité, de justice sociale et d'accessibilité, mais également en y reflétant l'imagination, la créativité de tous les Québécois et les Québécoises, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la Santé. Alors, comme prochain intervenant, je reconnaîtrai le député de Vanier. À vous la parole.

M. Sylvain Légaré

M. Légaré: Merci, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais débuter mon intervention en citant évidemment le Dr Jacques Chaoulli et... Augustin Roy ? je m'excuse ? ex-président du Collège des médecins, qui disait, hier, en point de presse, la phrase qui s'applique exactement à ce que nous entendons, aujourd'hui, ici, en Chambre. Et il disait, hier: «Au cours des prochaines semaines, vous entendrez une rhétorique démagogique venant des défenseurs du système actuel.» Mme la Présidente, c'est exactement ce que nous entendons aujourd'hui.

L'idée d'amener un débat de fond sur la place publique est prônée par notre formation politique depuis bien longtemps. Les défenseurs de la technocratie tiennent, depuis, des discours pour effrayer les gens, au nom de la défense de l'interventionnisme d'État. Contrairement à ça, Mme la Présidente, nous défendons le droit des citoyens du Québec, nous défendons le droit à la vie, le droit de la dignité, le droit de choisir.

n(12 heures)n

Hier, la Cour suprême du Canada nous disait que le Québec était dans l'illégalité en empêchant les citoyens qui le désirent évidemment de payer pour recevoir les soins de santé. Combien de personnes par exemple, peu importe la classe, ont travaillé toute leur vie, qui arrivent à un moment de leur vie où ils ont besoin d'une opération, qu'ils seraient prêts à assumer ces frais-là, et évidemment ils se font dire non. On leur dit, Mme la Présidente: Bien, demeurez sur la liste d'attente, parce que, nous, ici, au Québec, on aime mieux faire un peu plus de ce qui ne fonctionne pas. C'est inacceptable. C'est une atteinte au droit à la vie et à la dignité que tout citoyen possède. Évidemment, la cour des plus hautes instances, hier, est allée dans ce sens-là.

Autre argument complètement intenable des défenseurs du système est de dire que nous allons copieusement promouvoir le système de santé à l'américaine. Rien n'est plus faux, Mme la Présidente. Cependant, nous devons évidemment réfléchir sur la possibilité d'établir un système mixte qui rassemblerait les meilleurs éléments évidemment de ceux qui... où est-ce qu'on retrouve, en Suisse, en Grande Bretagne, en France ou en Allemagne, des endroits qui n'ont pas vraiment de problèmes de listes d'attente. Il faut aussi, Mme la Présidente, ralentir les ardeurs de ceux qui craignent un système à deux vitesses, car cela évidemment n'est aucunement envisageable.

La création d'un système de santé mixte n'est pas un système parallèle à deux vitesses. Prenons le cas des quotas actuels imposés. Une des avenues est de transformer ces quotas en plancher. Présentement, on impose des quotas pour évidemment des raisons de coûts. Or, en transformant les quotas en plancher, on indique au médecin ou au spécialiste qu'il doit maintenant faire ce minimum avant d'oeuvrer en privé. Cela n'affecte en rien l'accessibilité au système public pour ceux qui le choisissent, mais cela évidemment va désengorger les listes d'attente. Il y a aussi la participation de laboratoires privés avec les cliniques médicales, qui est évidemment envisageable. Bref, il faut absolument qu'un débat rationnel ait lieu.

Présentement, le système de santé coûte aux citoyens du Québec 3 667 $ par habitant. Avec la création de l'assurance maladie, les gouvernements ont fini par faire croire à plusieurs citoyens du Québec que leur système de santé ne coûte rien. Mme la Présidente, ce système coûte un peu plus de 14 000 $ par année pour une famille de deux adultes et deux enfants. C'est 40 $ par jour, un petit peu plus de 40 $ par jour, Mme la Présidente. En 2005, 43 % du budget du gouvernement va en santé. Malgré cela, le système évidemment ne suffit plus. On estime qu'en 2020, à ce rythme, ce système coûtera 80 % du budget. C'est énorme.

En terminant, Mme la Présidente, arrêtons de faire croire aux gens que c'est la fin du système public et le début d'un système à deux vitesses. Rien n'est plus faux et rien n'est... C'est démagogique. Nous, à l'ADQ, on est d'accord avec un système universel mixte. Cependant, nous voulons l'améliorer. Pouvons-nous profiter de l'occasion pour faire des débats rationnels pour élaborer un système mixte tout en assurant la continuité d'un système actuel pour ceux qui le choisissent?

Mme la Présidente, je ne sais pas comment on avait de temps. Je pense que j'aimerais passer la parole au député de Chutes-Chaudière pour continuer l'intervention, si évidemment le député est prêt ou...

Une voix: En alternance.

M. Légaré: Alternance.

La Vice-Présidente: Oui. Alors, ceci met fin à votre intervention. Ce que je peux comprendre, le député des Chutes-de-la-Chaudière pourra toujours revenir, mais je dois quand même respecter, à ce moment-ci, l'alternance. Merci, M. le député de Vanier. Alors, je reconnaîtrai le député de Mercier. À vous la parole.

M. Daniel Turp

M. Turp: Merci, Mme la Présidente. J'ai le plaisir de prendre la parole dans ce débat d'urgence que le président de l'Assemblée, dans sa sagesse, a permis de tenir ce matin. Je crois qu'il était tout à fait approprié qu'il y ait un débat d'urgence sur cette question, parce qu'il y a urgence au lendemain de l'adoption par la Cour suprême de cet arrêt qui pourrait mettre en péril, comme l'a dit la leader de l'opposition officielle... créer cette situation où il y aurait péril en la demeure de notre système public de santé.

Et, Mme la Présidente, il n'est pas donné à tous les jours de faire un commentaire d'arrêt, mais je pense que la situation rend tout à fait utile de faire un commentaire de cet arrêt pour présenter aux membres de cette Assemblée les raisons qui permettent à l'opposition officielle de s'inquiéter de la portée d'un jugement, rendu par sept juges, sur le système public de santé au Québec, sur les lois adoptées par cette Assemblée nationale dont on a dit qu'elles étaient, pour deux d'entre elles et deux de leurs dispositions, inconstitutionnelles, contraires à la Charte québécoise des droits et libertés et à la Charte canadienne des droits et libertés.

Et, Mme la Présidente, ce serait intéressant d'informer les gens de cette Chambre... les majorités de cette décision et les raisons fondamentales de cette décision. Je vous ferais remarquer d'abord que la décision est fondée sur l'article premier de la charte québécoise, et une juge dit de cette charte québécoise qu'elle rend inconstitutionnelles les dispositions de deux de nos lois. Par ailleurs, trois juges disent que ces lois sont inconstitutionnelles en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, et trois autres juges disent qu'elle ne l'est pas. Et donc la majorité sur laquelle repose cette décision est fragile, elle est précaire. Elle est d'autant plus précaire que cette majorité, qui vient dire que des lois québécoises sont inconstitutionnelles, pourrait être différente demain matin, puisqu'il y a deux nouvelles juges qui vont être amenées à statuer sur des affaires semblables ou qui pourraient être semblables, à cause de cette décision, dans le cas de l'Ontario ou d'autres provinces. Et il se pourrait que, dans quelques mois ou quelques années, des juges décident, contrairement à ce qui a été décidé, hier, par la Cour suprême que des dispositions interdisant l'assurance médicale privée sont tout à fait conformes aux chartes, à la charte canadienne, à la charte québécoise, ou à d'autres législations provinciales visant à respecter ou faire respecter les droits et libertés.

Et, Mme la Présidente, cela doit nous amener à nous interroger sérieusement sur le rôle respectif des tribunaux et du Parlement lorsqu'il s'agit de décider des régimes de santé publics, de nos politiques sociales, puisque nous avons un exemple ici où des juges pourront, si le gouvernement se sent l'obligation de respecter cette décision, si le gouvernement en définitive sent son action subordonnée, subordonnée à la décision de la Cour suprême... Nous parlions ? et le ministre de la Santé parlait ? de cette question de subordonner nos arguments à la question de la souveraineté. Je lui dis, quant à moi, que, si le gouvernement ne décide pas d'agir et de déterminer qu'il est lui-même le maître des décisions, il, lui, aura à décider de se subordonner à la Cour suprême.

Et c'est la raison pour laquelle, Mme la Présidente, notre formation politique croit qu'il est opportun de faire appel à la clause dérogatoire. Le ministre de la Justice nous dira sans doute, tout à l'heure, qu'un sursis est possible. Mais quand ce sursis arrivera-t-il? Et, en dépit de son caractère rétroactif, est-ce que cela ne sera pas un sursis qui empêchera, aujourd'hui, les compagnies d'assurance et d'autres d'indiquer les raisons pour lesquelles ces politiques visant à privatiser en quelque sorte notre système public de santé sont aujourd'hui justes, d'autant qu'elles sont approuvées par la Cour suprême du Canada?

Mme la Présidente, pour ces raisons, nous croyons que le gouvernement serait beaucoup mieux inspiré s'il faisait appel à la clause dérogatoire et si un débat public pouvait avoir lieu non pas pour arrêter de façon définitive le système, mais voir à son amélioration, dans le sens d'un système qui ne serait pas un système au profit et au bénéfice des plus fortunés de cette société mais de tous les Québécois et qu'il pourrait donner à tous les Québécois un accès semblable, égal, au système de santé. Merci, Mme la Présidente.

n(12 h 10)n

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Mercier. Alors, comme prochain intervenant, je reconnaîtrai le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, ministre de la Francophonie canadienne, ministre responsable de l'Accord sur le commerce intérieur, et de la Réforme des institutions démocratiques, et de l'Accès à l'information. À vous, M. le ministre.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier: Oui, merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, la décision qu'a rendue la Cour suprême du Canada, hier, est une décision qui est lourde de conséquences. Je pense que tout le monde l'admet, tout le monde le reconnaît. C'est une décision qui a donc beaucoup d'impact, qui est susceptible, à tout le moins, d'avoir beaucoup d'impact. C'est la raison pour laquelle le gouvernement donc a décidé d'en faire une analyse extrêmement minutieuse et également d'avoir, dans ce dossier, une attitude calme et responsable. Mais, cela étant dit, Mme la Présidente, nous n'abdiquons pas pour autant nos responsabilités. Vous allez voir dans quelle mesure nous ne le faisons pas, puisque j'y reviendrai dans un instant.

Mais, comme l'a mentionné, tout à l'heure, le ministre de la Santé, nous sommes favorables, et je crois qu'à ce stade-ci il est important que nous le réaffirmions, nous sommes tout à fait favorables à ce que nous ayons, au Québec, un système de santé public et universel. Cependant, nous croyons en même temps qu'il peut y avoir un certain rôle pour le secteur privé. Je dis bien «un certain rôle» pour le secteur privé. L'idée n'est évidemment pas que nous en venions à une médecine à deux vitesses. Nous savons très bien que ça, c'est l'objectif de l'ADQ, et donc ce n'est pas l'objectif que nous poursuivons. Nous pensons qu'il peut y avoir un rôle pour le privé, mais qu'en même temps ce rôle pour le privé doit être aménagé de façon à ne pas porter atteinte au principe de l'universalité de notre système de santé et de son caractère public.

Je tiens à dire, Mme la Présidente, que le jugement d'hier met en cause des droits et libertés qui sont tout à fait fondamentaux. Il s'agit du droit à la vie et du droit à la sécurité. Donc, nous sommes en présence de droits et libertés qui ont une importance tout à fait singulière dans notre société, je pense que tout le monde va l'admettre. Cependant, Mme la Présidente, nous avons décidé de soumettre une demande de sursis à la Cour suprême du Canada. C'est l'annonce qu'a faite le ministre de la Justice du Québec hier. Mais nous n'avons pas, je dois le dire, nous n'avons pas renoncé à utiliser le pouvoir dérogatoire, ce que l'on appelle communément la clause «nonobstant». Cependant, pour l'instant, nous focalisons sur la demande de sursis. Nous espérons effectivement que cette demande de sursis sera accueillie par la Cour suprême du Canada. Nous focalisons sur la demande de sursis. Notre intention n'est pas de faire du chantage non plus avec la Cour suprême du Canada. En temps opportun, nous verrons quel sort sera réservé à cette demande de sursis et d'ici là nous analyserons l'importance... l'opportunité, devrais-je dire, d'utiliser la clause «nonobstant» ou le pouvoir dérogatoire.

Cependant, tout le monde s'entend pour dire que c'est une disposition, la disposition dérogatoire, à laquelle nous ne devons avoir recours que de façon extrêmement prudente, pas parce que c'est odieux ? ce n'est pas odieux d'utiliser un pouvoir dérogatoire qui est reconnu dans nos lois, que ce soit dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec ou dans la Charte canadienne des droits et libertés, ce n'est pas odieux ? mais parce qu'ici ce qui est en cause, c'est le droit à la vie et le droit à la sécurité de la personne. Donc, forcément, on ne peut à cet égard utiliser un pouvoir dérogatoire ou une clause «nonobstant» qu'avec beaucoup de circonspection, qu'avec beaucoup de réserves. Mais je répète, parce que je pense que c'est important de le dire dans le débat, le gouvernement n'a pas renoncé à utiliser une telle disposition. C'est toujours une hypothèse qui est sur la table, mais il est vrai que, dans l'immédiat, là, nous allons focaliser sur la demande de sursis qui sera présentée par le ministre de la Justice du Québec. Et cette demande de sursis en quelque sorte pourra être appuyée d'un certain nombre d'arguments, notamment le fait que nous sommes en présence d'une décision qui est très partagée. Nous ne sommes pas en présence d'une décision unanime de la Cour suprême du Canada et donc, forcément, nous croyons que cela vient appuyer l'idée que nous obtenions un sursis dans l'instance, un sursis d'exécution de la décision ou d'application de la décision.

Par ailleurs, Mme la Présidente, les témoins des appelants eux-mêmes ont reconnu que ça pouvait prendre de deux à trois ans pour donc apporter les ajustements qu'ils souhaitaient voir apportés aux lois québécoises. Donc, eux-mêmes ont reconnu qu'en quelque sorte l'application du jugement ne pourrait pas être faite à tout événement, du jour au lendemain, mais qu'au contraire c'est une application qui devrait être progressive et qui ne pourrait être faite que sur une période de deux ou trois ans, renforçant par le fait même l'idée que nous puissions obtenir un sursis de l'application de la décision.

Et n'oubliez pas, Mme la Présidente, qu'au surplus notre demande de sursis est d'autant plus justifiée que les mesures qui ont été examinées par la Cour suprême du Canada datent de 1997. Or, depuis 1997, le gouvernement du Québec, et surtout depuis deux ans, le gouvernement du Québec donc est parvenu à améliorer la situation en ce qui concerne le système de santé au Québec. Et donc ça veut dire que, factuellement parlant, les données dont a tenu compte la Cour suprême du Canada, qui, je le répète, sont des données qui datent de 1997, peuvent aujourd'hui ne plus être applicables dans leur totalité. Donc, forcément, vous voyez que nous ne manquons pas d'arguments à avancer à la Cour suprême du Canada en ce qui concerne notre demande de sursis. Nous avons confiance, le ministre de la Justice vous le dira lui-même dans quelques minutes, nous avons confiance d'obtenir cette demande de sursis.

Et d'ailleurs je dois vous dire que les commentateurs de la scène publique dans l'ensemble ont bien, je dirais, accueilli l'initiative du gouvernement de demander un sursis auprès de la Cour suprême du Canada. C'est le cas pour André Pratte qui, aujourd'hui, donc, en quelque sorte félicite le gouvernement en disant ceci: «C'est pourquoi le gouvernement [du Québec, le gouvernement libéral] est bien avisé de demander à la cour de lui accorder un sursis.» Et par ailleurs Alain Dubuc, aujourd'hui même, dans le journal Le Soleil, disait exactement la même chose. Il a dit que le gouvernement libéral «a bien fait de demander un sursis d'application à la cour pour se soumettre à ce jugement, une décision plus sage qu'un recours précipité à la clause "nonobstant"».

Alors, nous n'en avons pas du tout contre la clause «nonobstant», nous n'en avons pas contre le pouvoir dérogatoire, nous ne voulons cependant pas y recourir de façon précipitée, encore une fois parce que les droits et libertés qui sont en cause ici, ce n'est rien de moins que le droit à la vie et le droit à la sécurité, Mme la Présidente.

Alors, nous abordons ce dossier sans dogmatisme. Nous l'abordons visière levée. Nous l'abordons avec une attitude qui en soi est responsable, je crois, et est tout à fait pondérée, une attitude de calme. Bien entendu, nous confirmons notre désir que soit confirmé le principe de la justice sociale au Québec, parce que, quand on aborde toute la question du système de santé, forcément il faut également avoir des préoccupations sociales. C'est pour ça qu'au Québec nous avons fait le choix historique d'opter pour un système de santé public et universel. C'est parce que nous avons évidemment des préoccupations sociales, pas seulement que pour les propriétaires de Mercedes, mais en fait pour l'ensemble de la population, y compris les gens les plus démunis.

Mais donc nous avons cette conscience sociale, et cette conscience sociale fera partie, Mme la Présidente, de la décision que prendra le gouvernement dans le dossier ? ça, ça va de soi ? mais nous allons agir de façon ordonnée. Et, s'il devait ? je dis bien «s'il devait», c'est une pure hypothèse ? y avoir, conformément au jugement, une certaine ouverture pour le privé dans le système de santé au Québec, cette ouverture serait encadrée et serait réglementée de façon tout à fait satisfaisante, de façon notamment à ne pas porter ombrage au principe du caractère public et universel de notre système de santé au Québec.

Je terminerai, Mme la Présidente, en vous disant également qu'il me semble très, très clair que le jugement de la Cour suprême du Canada, d'hier, n'interpelle pas que le gouvernement du Québec, ce jugement interpelle également le gouvernement du Canada et sa Loi canadienne sur la santé. Ça fait des années, Mme la Présidente, que nous plaidons, nous, au Québec pour qu'il y ait une modernisation des principes de la Loi canadienne sur la santé, une actualisation de ces principes, une plus grande implication des provinces dans l'interprétation des principes de la Loi canadienne sur la santé. Jamais cette Assemblée n'a accepté de se soumettre à une loi fédérale dans le domaine de la santé. Et, bien que nous partagions les objectifs de la Loi canadienne sur la santé, bien qu'il y ait une coïncidence entre les objectifs qui sont donc soutenus dans cette loi, contenus dans cette loi, et les objectifs du gouvernement du Québec et de l'Assemblée nationale du Québec, nous n'acceptons pas d'être assujettis ou nous n'acceptons pas d'être soumis à la Loi canadienne sur la santé.

Et cette loi, oui, doit être interprétée de façon à ce que les provinces aient leur mot à dire. Les provinces doivent avoir leur mot à dire dans l'interprétation de cette loi. Et le temps est venu pour le gouvernement du Canada, lui aussi, de moderniser et d'actualiser sa loi, la Loi canadienne sur la santé.

n(12 h 20)n

Alors, voilà, Mme la Présidente, quelle est, en ce moment, la position du gouvernement du Québec, mais je peux vous dire que le débat ne fait que commencer. Et j'imagine aisément que nous saurons profiter des judicieux conseils, des judicieuses réflexions qui nous seront faites par les deux partis qui forment l'opposition ici, à cette Assemblée, parce que nous ne saurions, dans un dossier comme celui-là, prendre des décisions sans tenir compte de tous les points de vue qui s'expriment. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre. Alors, je vais passer la parole à Mme la députée de Rimouski. Je vous reconnaîtrai ensuite, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. À vous la parole, Mme la députée de Rimouski et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux.

Mme Solange Charest

Mme Charest (Rimouski): Merci, Mme la Présidente. C'est un débat d'urgence parce que la santé, au Québec, c'est une priorité pour l'ensemble de la société québécoise. Et, comme l'a dit le ministre avant moi, oui, c'est un débat de fond, c'est un débat qui interpelle tous les citoyens et toutes les citoyennes du Québec, et ce n'est pas seulement aujourd'hui que le débat va se faire, ce n'est que le début.

Alors, le jugement de la Cour suprême du Canada, qui touche à la fois l'assurance maladie et l'assurance hospitalisation, remet en question l'universalité des soins. Et on sait tous que l'universalité des soins ne peut être assurée que par un système public et par un financement public. Même les juges admettent que l'objectif général de la Loi sur l'assurance-hospitalisation et de la Loi sur l'assurance maladie est de promouvoir, pour tous les Québécois et pour toutes les Québécoises, des soins de santé de la meilleure qualité possible, et ce, sans égard à leur capacité de payer.

L'interdiction de l'assurance privée, dans le fond ce que ça fait, ça vise à préserver l'intégrité du système de santé public. Et l'interdiction absolue des assurances privées a un lien tout à fait rationnel avec cet objectif premier du système de santé. Et préserver le système public, le régime public demeure un objectif urgent, un objectif réel, concret, et je dirais que, pour tous les fédéralismes du Québec, ça nous remet la réalité en plein visage. Alors, la défense du fédéralisme à tous crins, on a là de quoi en débattre avec cette décision.

Je rappellerais aussi que le système de santé repose sur une politique d'accès aux soins qui est fondée sur le besoin des personnes plutôt que la capacité de payer ou le statut social des individus. Et c'est vrai que la conception, le financement puis l'exploitation d'un système de santé public, dans une société démocratique et moderne comme est le Québec, représente un défi important, nous en convenons. Les listes d'attentes, les services d'urgence, les soins en longue durée, ce sont des problèmes qui existent, oui, mais il y a des possibilités d'y remédier, et on ne doit pas remettre en question le système public parce qu'il y a des problèmes qui sont réglables.

Alors, ce défi est renouvelé au cours des dernières décennies par les générations précédentes, compte toujours comme l'option qui se justifie très bien pour questionner l'application du jugement de la Cour suprême. Alors, je pense que là-dessus on ne doit pas tout de suite dire: Bon, la question est réglée, on n'en parle plus, on passe à autre chose. Non, Mme la Présidente. Et, vous savez, confier la conception du système de santé aux tribunaux, ce n'est pas le choix que l'on doit faire et ce n'est pas un choix judicieux. Nous, les législateurs, nous avons des responsabilités, c'est à nous de les assumer. C'est ce pourquoi la population nous a élus, c'est pour défendre leurs intérêts et défendre les intérêts des citoyens les plus mal pris, hein, ceux qui souvent sont malades, ont des problèmes de santé majeurs, des problèmes de santé récurrents et qui n'ont pas les moyens de se payer des interventions. Vous savez, c'est un leurre de faire croire que le système privé va régler les problèmes du système public. Croire à cela, je pense que c'est ne pas connaître la réalité de tous les éléments qui font la richesse et la valeur de notre système public de santé.

D'ailleurs, à maintes occasions, tout comme les juges, comme tous les observateurs, analystes et partenaires du réseau de la santé, tout le monde est d'avis que la solution du problème de l'accès aux soins dans un système public comme le nôtre, ça réside dans une injection importante de ressources. On ne parle pas juste de ressources financières, on parle de ressources humaines, technologiques, etc.

Mme la Présidente, afin d'illustrer ce à quoi je me réfère en disant que le gouvernement libéral du Québec est tout à fait justifié de recourir à la clause dérogatoire, je vais vous relater brièvement deux cas. Il s'agit de Mme Josette Giguère, de Québec, qui a reçu un diagnostic du cancer du poumon le 5 avril dernier. Sur la recommandation de son médecin, elle a, le 6 avril, passé le test du TEPscan à Montréal, dans une clinique privée, pour lequel elle a déboursé 2 500 $. Et suite à son TEPscan, elle a été opérée le 28 avril, soit 22 jours après son diagnostic. Elle va bien, je lui ai parlé hier, elle est en forme et elle fait sa convalescence.

Par contre, M. Fournier, qui est également de Québec, a reçu, lui aussi, un diagnostic du cancer du poumon et du rein, le 14 mars dernier. Comme il n'avait pas 2 500 $ pour le TEPscan en clinique privée, il a attendu cinq semaines pour subir le test à l'Hôpital de Sherbrooke, et il est toujours en attente de sa chirurgie qui doit avoir lieu le 22 juin prochain. Lui aussi, je lui ai parlé hier. Il est nerveux, anxieux, impatient de subir son opération parce qu'il a peur. Son cancer est toujours là, et on n'a pas pu intervenir.

Est-ce ce type de médecine que le gouvernement et que tous les prosystèmes privés veulent perpétuer au Québec, une médecine pour les riches et une médecine pour les pauvres? Alors, Mme la Présidente, je ne crois pas que c'est le genre de système de santé que les Québécoises et les Québécois ont fait et font encore aujourd'hui.

Et toujours selon le Pr Garant, parce que le Pr Garant est un professeur de droit constitutionnel à l'Université Laval, et sa décision... Lui, il trouve que la décision de la Cour suprême est vraiment surprenante. Et ce qu'il dit, je vais le citer rapidement: «L'instauration d'un système de santé privé risque de venir gruger les ressources du secteur public. Le vrai problème de notre système de santé public est le manque de ressources humaines. Si ce n'était pas le cas, il n'y aurait pas de liste d'attente. Il est difficile de nous convaincre que c'est en agrandissant le secteur privé que l'on réglera les problèmes du secteur public.»

Alors, Mme la Présidente, on me fait signe que le temps qui m'est alloué est terminé, mais ce que je veux dire en terminant, c'est aux Québécoises et aux Québécois de faire leur choix de société par l'entremise de leurs élus à l'Assemblée nationale. Les choix de société, les choix politiques relèvent non seulement de la population québécoise, relèvent aussi des élus de l'Assemblée nationale. Ils ne relèvent pas du pouvoir judiciaire. La réalité est là pour nous le rappeler. Que l'on cesse de s'assujettir pour établir nos choix de société. Et le jugement de la Cour suprême du Canada est un autre exemple de la gouverne du fédéral. Qu'attendons-nous, Québécoises et Québécois, pour se donner les moyens de faire nos propres choix? Pour nous, je pense que la souveraineté du Québec est un outil de développement social, un outil qui nous permettrait de faire nos choix pour nous et par nous. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Je vous remercie, Mme la députée. Alors, comme prochain intervenant, je reconnaîtrai le député des Chutes-de-la-Chaudière. À vous la parole.

M. Marc Picard

M. Picard: Merci, Mme la Présidente. C'est sans surprise que nous nous retrouvons ici dans ce débat d'urgence sur le jugement de la Cour suprême qui, pour les uns, ouvre la porte au privé en santé et, pour les autres, signe l'arrêt de mort du système actuel. La démesure est à l'ordre du jour. À entendre le président de la FTQ et ses amis du premier parti de l'opposition, c'est la survie même du système de santé public qui est en danger, rien de moins, Mme la Présidente, alors que, du côté gouvernemental, plutôt que d'ouvrir un réel débat de société, on tente de trouver la meilleure parade légaliste pour s'en sortir.

n(12 h 30)n

Peut-on espérer un peu de retenue et un véritable débat de société sur cette question? Peut-on aussi dire la vérité aux Québécois? Ce qui leur est maintenant permis par ce jugement du plus haut tribunal du Canada n'est pas une nouveauté. Cela existe ailleurs sans mettre en danger quoi que ce soit. La question que l'on doit se poser, c'est: Est-ce que le système de santé actuel assure aux citoyens des soins qui sont donnés dans le respect et la dignité humaine? La réponse est non si l'on se base, comme vient de le faire la Cour suprême, sur la charte québécoise des droits et des libertés, adoptée par Robert Bourassa et René Lévesque. La réponse est également non quand c'est devenu courant que des gens meurent dans l'anonymat d'un corridor d'hôpital.

Cette semaine encore, le Vérificateur général du Québec nous apprenait, dans son rapport, que les délais d'attente pour certains examens médicaux sont passés de 60 à 418 jours dans certaines régions. 418 jours, Mme la Présidente, et on nous accuse de vouloir détruire le système! Pour une société civilisée comme la nôtre, Mme la Présidente, cette situation est inacceptable, et il est de notre devoir de tout mettre en oeuvre pour rétablir intégralement la dignité humaine dans notre système de santé.

À ceux et à celles qui croient encore que la solution pour renverser les changements qui émergent au Québec réside dans une nouvelle forme de taxe santé pour investir encore plus massivement en santé, il faut se rappeler que le monopole public n'obtiendra jamais la dose dont il a besoin dans le régime actuel, et où le financement est limité par la capacité de payer des gouvernements mais surtout des contribuables. Mme la Présidente, l'État est à bout de souffle, et c'est leurrer les gens que de promettre une hausse massive des budgets. En 1985, à titre d'exemple, le Québec consacrait 30 % de ses dépenses de programmes à la santé. On est maintenant à plus de 40 % et on devrait atteindre 50 % d'ici 2011.

L'idée de permettre aux gens d'acheter une quantité additionnelle de services fournis par l'État n'est pas nouveau. En éducation, on peut inscrire son enfant dans une école privée sans que l'État réduise sa contribution à zéro. En justice, on peut régler un litige à l'aide d'un médiateur privé sans pour autant perdre son droit de recourir aux tribunaux. Dans tous ces domaines, on peut ajouter aux prestations de l'État sans nuire aux plus démunis ni à ceux qui ont opté pour d'autres choix. On doit être capable de la même flexibilité et ouverture lorsqu'il est question de santé. Quand une façon de faire n'aboutit pas à des résultats acceptables, il faut la revoir. La décision de la Cour suprême vient simplement briser certains tabous sur la place du privé dans les soins de santé au Québec.

Mme la Présidente, je suis très fier d'appartenir à une formation politique dont le chef a peut-être été le premier à parler haut et fort en faveur du système de santé mixte public-privé. Si la décision des juges de la Cour suprême nous apporte une lueur d'espoir, elle ne s'ajoute qu'à la volonté d'une majorité de plus en plus grande de Québécois et de Canadiens. Deux sondages réalisés, l'année dernière, pour le compte de l'Institut économique de Montréal révélaient qu'entre 68 % et 72 % des Québécois sont favorables à l'implantation d'un système de santé public-privé. Si cette décision historique de la Cour suprême permet ce débat, ce sera une grande victoire pour les patients québécois dans leur bataille contre les listes d'attente.

En terminant, Mme la Présidente, j'aimerais citer un extrait d'un courriel que j'ai reçu, hier soir, de la part d'un citoyen de Saint-Jean-Chrysostome, et je le cite: «Depuis maintenant 10 ans que je suis la politique avec plus d'intérêt, et, ce matin, c'était la meilleure nouvelle que j'ai entendue pour l'avenir du Québec, c'est-à-dire la possibilité de laisser aux citoyens le libre choix via sa compagnie d'assurance de pouvoir choisir les services de santé privés.» Et il ajoute: «Cette décision de la Cour supérieure ne doit absolument pas être renversée par une quelconque clause politique ou autre loi. Pourquoi ne pas consulter les syndiqués eux-mêmes et oublier les chefs syndicaux?» Et elle termine ainsi, Mme la Présidente: «À avoir parlé de ce sujet avec les collègues, au bureau, aujourd'hui, l'avis des gens de mon entourage était assez unanime: on est...

La Vice-Présidente: En conclusion.

M. Picard: ...très heureux de cette décision concernant le système de santé et nous ne désirons pas qu'elle soit annulée.» Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. Alors, comme prochain intervenant, je reconnaîtrai le ministre de la Justice.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, je suis heureux d'intervenir, ce matin, sur le jugement de la Cour suprême qui a été rendu hier et qui touche des aspects fort importants de notre vie et de notre collectivité, soit d'abord tout notre système de santé.

Et je voudrais simplement vous rappeler, à cet égard-là, que la santé, pour le gouvernement du Parti libéral, c'est une priorité. C'était une priorité, c'est toujours une priorité, et nous avons, depuis quelques années seulement, investi 3 milliards de plus dans notre système de santé. Et, quand vous comparez la situation actuelle par rapport à celle qui existait quand nous avons été élus par la population, en avril 2003, on peut constater une amélioration importante dans notre système de santé, que ce soit dans les urgences, que ce soit dans les opérations, que ce soit dans les services aux citoyens, et j'aurai l'occasion de le rappeler, j'espère, au cours de mon allocution.

Mais, à cet égard-là, je voudrais aussi rendre hommage à mon collègue le ministre de la Santé et des Services sociaux pour le travail remarquable qu'il a accompli à ce titre, au gouvernement, comme ministre de la Santé, et ça, pour offrir de meilleurs services en termes de santé aux citoyens.

Le jugement de la Cour suprême, hier, c'est un jugement qui est volumineux et c'est un jugement qui est lourd de conséquences. En plus de toucher à la santé ? ce qui est très important ? on touche également à des droits fondamentaux que sont la vie et la sécurité des citoyens.

Il est essentiel de prendre, devant ce jugement, une attitude qui est responsable, une attitude calme afin de pouvoir bien en évaluer les impacts, de bien l'étudier, de pouvoir dégager les conséquences que ça peut représenter pour notre système de santé et surtout pour nos patients. Parce que l'objectif, vous le savez très bien ? et ça, nous n'avons jamais dérogé ? c'est d'avoir, au Québec, un système de santé public, universel, accessible, à l'intérieur duquel le privé peut jouer un rôle.

Alors, Mme la Présidente, la démarche que nous avons choisi de prendre, relativement à ce jugement de la Cour suprême, est la suivante: d'abord de faire une demande de sursis d'application des effets du jugement qui a été rendu hier ? le jugement, hier, invalide des articles de la Loi sur l'assurance-hospitalisation et de la Loi sur l'assurance maladie ? donc d'obtenir de la Cour suprême un sursis d'application des effets du jugement afin de maintenir la situation actuelle pour une certaine période, et de donner l'occasion d'avoir un débat, et de déterminer les aménagements que nous pourrions vouloir faire à nos systèmes actuels, dans la perspective et toujours dans l'objectif fondamental de maintenir un système public, universel, à l'intérieur duquel le privé peut jouer un rôle.

Alors, faire une demande de sursis d'application, Mme la Présidente, il y a des délais qu'on doit respecter. Alors, ça doit se faire à l'intérieur de 30 jours du jugement, de la date où le jugement a été rendu. Ce que nous nous proposons de faire, et évidemment nous l'examinons de façon très sérieuse avec les légistes du gouvernement, qui d'ailleurs ont travaillé beaucoup dans cette cause, donc nous prévoyons faire cette demande de sursis d'application le plus rapidement possible, et il serait souhaitable... ce que je voudrais, c'est qu'on puisse le faire d'ici une quinzaine de jours.

Une telle demande de sursis d'application, Mme la Présidente, ce n'est pas inédit ou exceptionnel. Ça s'est déjà produit pour d'autres décisions de la Cour suprême. Et la Cour suprême, si, comme dans d'autres cas, elle accepte d'accorder la requête de sursis d'application, dans le passé elle a donné des délais qui variaient de six mois à deux ans justement quant à l'impact de son jugement, ce qui donnerait le temps de pouvoir faire un débat et de proposer ou de mettre en oeuvre des aménagements qui correspondent aux objectifs fondamentaux que nous poursuivons en matière de santé.

n(12 h 40)n

Je vous rappellerai à cet égard-là que la situation qui a fait l'objet de la cause en Cour suprême ? du jugement ? date de 1997. Donc, les conditions qui prévalaient, à ce moment-là... et, depuis, je pense que notre système de santé, au Québec, s'est grandement amélioré. Donc, on fait une demande de sursis d'application, requête à la Cour suprême, et, s'il est accordé par la Cour suprême, il est rétroactif à ce moment-là, cette demande-là est rétroactive à la date du jugement, soit au 9 juin ? la date d'hier ? ce qui veut dire évidemment qu'il serait, je pense, extrêmement improbable que des compagnies d'assurance se lancent tête baissée, vous savez, dans l'offre d'assurance privée.

Et, là, je voudrais faire une distinction, parce qu'actuellement, pour les citoyens qui nous écoutent, il existe des régimes d'assurance privés pour des services complémentaires. Ça, plusieurs, évidemment, citoyens bénéficient souvent, dans des assurances de groupes des employeurs, de ces assurances, là, qui couvrent des services complémentaires; cependant il n'y a pas d'assurance couvrant des services qui sont déjà assurés.

On peut aussi ? évidemment, ça a été invoqué ? dire: Bien, nous devrions utiliser la clause dérogatoire. Mme la Présidente, une disposition dérogatoire, c'est un recours que nous devons utiliser de façon prudente, de façon extrêmement réfléchie, d'autant plus que ce qui est en cause, c'est le droit à la vie et à la sécurité.

Donc, il nous apparaît préférable actuellement de demander un sursis d'application, sans exclure bien sûr, comme l'a mentionné mon collègue le ministre des Affaires intergouvernementales, un recours éventuel à une clause dérogatoire. Mais cette dernière doit être utilisée de façon extrêmement prudente, et c'est pour ça que, suite à des consultations d'ailleurs avec les juristes du ministère, nous avons choisi de procéder par une demande de sursis d'application.

D'ailleurs, si vous regardez auprès des personnes qui ont écrit, aujourd'hui, sur ce sujet-là, certains peuvent avoir des opinions différentes. Cependant, vous savez, si nous lisons ce que M. André Pratte, de La Presse, indique ce matin... Et je voudrais simplement citer un extrait de son opinion, et voici, je cite: «C'est pourquoi le gouvernement Charest est bien avisé de demander à la cour de lui accorder un sursis. L'opposition officielle réclame que Québec ait recours rapidement à la clause dérogatoire. Voilà une position franchement étonnante de la part d'un parti qui, dans le programme adopté il y a à peine quelques jours, s'engage au "respect rigoureux et sans compromis des droits fondamentaux de l'ensemble des citoyennes et des citoyens du Québec".» Et, dans le journal Le Soleil, si nous lisons Alain Dubuc, il dit: «Cela prendra du temps, et le gouvernement Charest a bien fait de demander un sursis d'application à la Cour pour se soumettre à ce jugement, une décision plus sage qu'un recours précipité à la clause nonobstant.»

Alors, Mme la Présidente, il y a également d'autres éléments qui nous réconfortent dans cette demande de sursis d'application qu'aura à juger la Cour suprême. C'est que, d'une part, les événements qui ont donné lieu au jugement de la Cour suprême se sont passés en 1997, et la situation depuis a beaucoup évolué, et vous le savez: notre système de santé s'est grandement amélioré, les citoyens ont un accès élargi aux soins des services de santé, que ce soit sur le plan des urgences, sur le plan des opérations, le nombre de listes d'attente a diminué, et ça, les statistiques sont là pour le prouver. D'autre part, vous savez, des témoins mêmes, des appelants en Cour suprême ont indiqué... ou ont reconnu qu'une période serait requise pour mettre en application le jugement.

Alors, Mme la Présidente, il nous apparaît donc que la décision la plus responsable à prendre, à ce moment-ci, c'est de demander un sursis d'application des effets du jugement de la Cour suprême, ce qui nous permettra, s'il est accordé, de pouvoir avoir un débat, de maintenir la situation actuelle et d'arriver avec, le cas échéant, des aménagements et des changements qui nous permettront toujours de mieux rencontrer l'objectif fondamental d'avoir un système public performant, où on assure l'accessibilité dans les principes de justice sociale et d'équité, avec un système privé qui pourra, à l'intérieur du système public, jouer un rôle important alors pour toujours améliorer les services à la population.

Donc, Mme la Présidente, c'est une décision qui n'est pas facile à prendre, où nous devons agir avec beaucoup de responsabilité. Et c'est pourquoi à notre avis il est important de procéder de la façon que j'ai indiquée, donc...

La Vice-Présidente: En conclusion.

M. Marcoux: ...d'y aller avec une demande de sursis d'application des effets du jugement de la Cour suprême. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le ministre de la Justice. Comme prochain intervenant, le député de Joliette, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires intergouvernementales canadiennes. À vous la parole.

M. Jonathan Valois

M. Valois: Merci, Mme la Présidente. À mon tour, je suis assez heureux d'intervenir, là, sur cette motion-là, d'autant plus que je suis très heureux que la présidence ait accepté la motion d'urgence déposée par l'opposition officielle en cette matière. Je suis heureux que nous puissions débattre ici, à l'Assemblée nationale, sur le terrain politique, du jugement de la Cour suprême. Je suis content qu'entre élus nous puissions ensemble discuter d'une décision qui a été prise par la Cour suprême, une décision qui, comprenons-le bien, est prise sur le terrain du politique. Et plusieurs observateurs en conviennent, cette décision-là est réellement une décision politique.

D'ailleurs, un des juges dissidents, M. Louis LeBel, dit lui-même ? et je le cite ? que «de confier la conception du système de santé aux tribunaux ne représente pas un choix judicieux». Et, bien que ce ne soit pas un choix judicieux, bien que la Cour suprême ne soit pas la meilleure instance placée pour discuter et réfléchir de la conception du système de santé, c'est bien quelque chose qui est arrivé et c'est bien ce que nous avons aujourd'hui. Alors, que nous puissions en débattre ici, dans cette Assemblée nationale, que nous puissions en débattre et apporter déjà les premiers éléments des réflexions ici, sur le terrain politique, il me semble que c'est tout à fait approprié.

Alors, à cette décision politique de la Cour suprême il me semble que nous devons renvoyer une décision politique de Québec, une décision politique qui sera prise par le gouvernement du Québec. Si la Cour suprême a décidé d'investir le champ du politique avec une prise de décision comme elle est, comme celle que nous avons reçue cette semaine, il en vient à nous, l'Assemblée nationale, le gouvernement du Québec, de répondre avec une position politique ferme. Il faut que la réponse affirme qu'il en revient aux Québécois et aux Québécoises de décider de la conception et de l'organisation du système de santé et que ce n'est pas à un tribunal de faire ça. Alors, si nous ne reconnaissons pas le rôle du tribunal dans ce dossier, il faut absolument que la réponse du gouvernement du Québec soit très ferme, et c'est pour cette raison que l'opposition officielle demande au gouvernement d'y aller avec la clause dérogatoire.

La clause dérogatoire, Mme la Présidente, ne nous enlève pas le devoir, comme politiciens, comme élus, comme législateurs, de réfléchir sur la collectivité québécoise, de réfléchir sur la conception et l'organisation de notre système de santé, de faire un vaste débat public sur cette question. La clause dérogatoire envoie le message très fort que le Québec n'accepte pas qu'une cour suprême vienne prendre ce type de décision. Ça bloque, dans un premier temps, toute forme de représentation ou de tentative de réflexion d'une institution par rapport à ce qui devrait nous appartenir à nous, comme politiciens, à nous, comme Assemblée nationale et comme législateurs.

n(12 h 50)n

Alors, à partir du moment où nous comprenons que c'est à nous, les gens de cette Assemblée, avec nos concitoyens et nos concitoyennes, de faire vivre les droits fondamentaux des personnes et que justement il en revient à nous, législateurs, les élus, de trouver des façons de faire vivre les droits fondamentaux des personnes, nous devons aller très rapidement et prendre ces responsabilités-là. Surtout et d'autant plus, Mme la Présidente, que, pour ce qui est de la Cour suprême, les juges ne s'entendent pas. Et pas sur des virgules, ils ne s'entendent pas sur le rôle de la cour dans ce domaine, ils ne s'entendent pas sur les risques de dégradation du système public. Les juges ne s'entendent pas non plus sur le fossé possible entre les riches et les pauvres généré par ce type de décision. Alors, ce n'est pas sur des points qu'on pourrait dire qui sont vraiment triviaux, ce sont des points qui sont importants.

Et, à partir du moment où est-ce que ces points sont importants, et que nous parlons de risque de dégradation du système public de santé, et que nous parlons du fossé entre les riches et les pauvres, nous savons très bien que nous ne parlons plus de considérations juridiques, nous parlons de considérations politiques. Alors, il en revient à nous de prendre les décisions fortes et fermes qu'il nous revient de prendre pour envoyer le message clair que nous prendrons les décisions et que nous ferons les débats, mais que ces débats se feront là où ils sont appropriés, c'est-à-dire dans les instances politiques.

Alors, si nous croyons, comme nous l'avons toujours cru, que c'est l'effort de toute une collectivité qui est le meilleur moyen de n'échapper aucun individu et de respecter l'ensemble des droits des individus, nous comprenons très bien que ce type de réflexion n'est pas une réflexion qui relève du droit, que ce n'est pas une réflexion qui relève du juridique, mais bien que c'est une réflexion qui est politique.

Alors, en ce sens, alors que nous savons que le gouvernement du Québec a lui-même plaidé en disant que ce type de décision pourrait amener un détournement de ressources entre le public et le privé, bien l'attente, l'équivoque, l'ambivalence qui nous est présentée, aujourd'hui, par le gouvernement envoie, jour après jour, que cette logique du détournement de ressources du public vers le privé apportée par ce type de décision, bien, jour après jour, cette logique-là est envisageable.

Et il y a une chose qu'il faut se rappeler à partir du moment où est-ce qu'on a choisi, aujourd'hui, d'être beaucoup plus ambivalent, d'avoir beaucoup plus d'équivoque sur cette question-là, bien, que ce n'est pas un prix juridique que les responsables, les représentants du gouvernement vont payer, mais bien un prix politique. Nous sommes sur le terrain de la politique, c'est aux politiciens de prendre des décisions très fermes là-dessus. Et la seule décision ferme en ce moment pour envoyer le message que le Québec, par ses élus, décidera lui-même des orientations et de la conception de son système de santé, c'est d'envoyer le message de la clause dérogatoire, et c'est pour ça que nous le demandons encore une fois.

La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le député de Joliette. Alors, comme dernier intervenant, je suppose, le député de Chicoutimi et leader adjoint de l'opposition officielle. À vous la parole.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir à mon tour d'intervenir...

Une voix: Madame.

M. Bédard: Mme la Présidente, oui, sur un débat aussi important que celui de la préservation de notre système public tel que nous le connaissons actuellement et dans la protection de cette égalité qui existe et qui est symbolisée à travers le système entre les riches et les pauvres face aux problèmes qui peuvent se produire pour chacun des individus dans leur santé, donc c'est une égalité qui est consacrée à l'intérieur d'une loi, à l'intérieur d'une façon de vivre qui, je pense, a toujours été l'apanage de nos valeurs québécoises mais aussi, il faut le dire, des valeurs canadiennes.

Je suis aussi déçu de voir que le gouvernement ne choisisse pas la voie la plus sage, et, dans ce cas-ci, elle aurait été simple: employer la clause dérogatoire dans le respect des institutions, dans le respect en même temps des pouvoirs de l'Assemblée et dans le respect des décisions des cours de justice. Et pourquoi cela, Mme la Présidente? Parce que je suis ouvert au débat. Je pense que, oui, nous devons avoir un débat, mais nous avons aussi déjà eu ce débat. Et, quand j'entends les députés indépendants qui se sont présentés sous la bannière de l'Action démocratique crier leur joie par rapport au dernier jugement, on constate, par la même occasion, que ces gens ont eu l'occasion de faire campagne sur ce thème et que la réponse de la population, elle, a été très claire, c'est qu'ils ne souhaitaient pas voir introduire un système de santé à deux vitesses où les riches auraient accès plus rapidement aux soins, que les pauvres auraient plus de chances d'attendre sur les listes d'attente. Alors, ce choix politique a été fait par la population.

Les tribunaux ont eu à se pencher sur la question, et rarement j'ai lu un jugement, Mme la présidente, qui démontre une telle rupture entre deux formes de pensée, tant au niveau juridique que politique. Parce que, si sous lisez le jugement de la majorité et le jugement de la minorité, vous constaterez rapidement qu'on mélange sciemment les arguments juridiques et politiques pour faire valoir leurs points de vue. Et pourquoi? Parce que très clairement, comme le dit la minorité, c'est que ce débat, la résolution de ce débat... d'orientations aussi factuelles et complexes ne s'enferme pas aisément dans le cadre que définissent la compétence et les procédures institutionnelles des cours de justice. Autrement dit, ce que la minorité dit très clairement, c'est qu'on ne peut pas, nous, du point de vue juridique, trouver une solution à une problématique qui, elle, est beaucoup plus large et qui touche l'ensemble de notre société et des choix qui la gouvernent. Et ils le disent très clairement, eux, dans leur jugement, que c'est aux politiciens, à ceux qui sont élus, à déterminer ce qu'ils pensent être le meilleur.

Parce qu'aucun des deux systèmes n'est parfait, et ça, il faut le dire. Effectivement, le système public aspire à la perfection mais n'est pas parfait. Et le système privé peut avoir certains avantages, mais il n'est sûrement pas parfait, il crée d'autres problématiques. Et eux le disent avec une sincérité qu'il est rare qu'on voie dans les jugements. Quand je vous parle de sincérité, c'est qu'on traverse la barre, normalement, qui est établie pour le juridique, mais on y va du côté plus humain, plus politique aussi pour déterminer qu'eux, ce débat, bien qu'ils, comme membres de la société, se sentent interpellés, comme juges du plus haut tribunal du pays, ils sont convaincus que ce n'est pas à eux à déterminer quel est le meilleur de ces deux systèmes.

D'ailleurs, la preuve présentée devant eux a clairement démontré que, si le système privé tel que le conçoit la majorité était appliqué au Québec et au Canada, il s'en trouverait un affaiblissement du système public, de l'accessibilité du système public. Alors, eux en concluent tout simplement qu'à ce moment-là c'est comme si nous étions forcés à choisir, nous, un système social à la place de ceux et celles qui sont élus, et ce n'est pas, ce n'est pas notre rôle, et c'est ce qu'ils disent, et c'est pour ça que je le fais en toute déférence.

Quand on demande l'application de la clause «nonobstant», effectivement c'est un geste qui a des conséquences, c'est un geste important, mais c'est un geste qui parfois demande à être commandé, surtout dans une situation aussi particulière, où il y a une rupture très claire entre la majorité et la minorité, mais aussi parce que je pense très sincèrement et avec respect pour la majorité que les juges ont traversé du côté politique dans leur décision, ce qui sort de leur compétence.

D'ailleurs, les juges minoritaires affirment sans nuance, là, que le lien avec un principe de justice fondamental et les listes d'attente, c'est un lien qui est très ténu, voire presque inexistant. Ça ne relève pas du droit constitutionnel, de savoir comment on peut gérer le mieux une liste d'attente en termes de soins de santé. Ce n'est pas le droit constitutionnel qui contient des solutions pour trouver quelle est la juste ligne... ou la juste action à trouver pour s'assurer d'un système accessible à tous et en même temps performant, donc qui contient le moins de délais d'attente.

Et ce qui me surprend un peu, Mme la Présidente, c'est que le gouvernement parle de calme. Or, malheureusement, ce calme cache plutôt de l'indécision. Je suis juriste, je n'ai pas une équipe très grande en arrière de moi pour déterminer quels sont les tenants et aboutissants du jugement. J'ai eu le temps de le lire dans la journée d'hier, Mme la Présidente, et ce qui est clair, les conséquences pour le système de santé au Québec, c'est clair, il n'y a pas le moindre doute: il crée, à ce moment-là, un système à deux vitesses, et ça, personne n'en doute.

Alors, le gouvernement, lui, il dit: Je suis calme face à cette situation parce que je n'ai pas pris le temps... je n'ai pas eu le temps de lire tout le jugement. Vous savez, je pense qu'avec tous les juristes qui sont au ministère de la Justice et dans le ministère de la Santé... je pense que les tenants et aboutissants de cette décision sont bien compris et reçus. Alors, je ne souhaite pas que cela consiste en une modulation d'un engagement électoral du Parti libéral aussi, Mme la Présidente, qui était celui de respecter cet engagement et de respecter la protection du système de santé public, accessible à tous. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Je vous remercie, M. le député. Alors, cela met fin au débat d'urgence. Alors, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

 

(Reprise à 15 h 6)

Le Vice-Président (M. Cusano): Veuillez vous asseoir. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Bonjour, M. le Président, merci. Puis-je vous indiquer l'article 27 du feuilleton, s'il vous plaît?

Projet de loi n° 98

Adoption

Le Vice-Président (M. Cusano): À l'article 27 du feuilleton, M. le ministre du Travail propose l'adoption du projet de loi n° 98, Loi modifiant la Loi sur le bâtiment et d'autres dispositions législatives. Je suis prêt à reconnaître M. le ministre du Travail.

M. Laurent Lessard

M. Lessard: Alors, merci, M. le Président. Je soumets, aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, pour son adoption, le projet de loi n° 98 modifiant la Loi sur le bâtiment et d'autres dispositions législatives.

M. le Président, notre gouvernement a été élu avec, entre autres, la volonté ferme de moderniser l'État pour offrir de meilleurs services aux Québécois et aux Québécoises. Le projet de loi que je soumets aujourd'hui, à cette Chambre, pour son adoption, s'inscrit tout à fait dans cette voie, en proposant la modernisation de la Régie du bâtiment du Québec.

Les modifications que nous proposons, aujourd'hui, à la Loi sur le bâtiment ont pour objet de permettre à la régie de mieux réaliser sa mission, qui est d'assurer la qualité des travaux de construction et la sécurité des personnes qui accèdent à un tel bâtiment.

Ce projet de loi vise essentiellement la modification, d'une part, de certaines règles relatives à la gouvernance de la Régie du bâtiment du Québec et à la délivrance, dans un deuxième temps, d'une licence à durée indéterminée afin d'alléger le fardeau administratif des entrepreneurs et des constructeurs en bâtiment.

Abordons en premier lieu les modifications à la structure administrative de la Régie du bâtiment du Québec. Fondamentalement, ce projet de loi a pour objectif de modifier la structure financière de la Régie du bâtiment pour la transformer en un organisme non budgétaire, mandataire de l'État.

Les différentes activités de la régie seront financées à même les revenus qu'elle perçoit, à l'exception de ceux accordés traditionnellement par le gouvernement du Québec aux deux corporations de métiers, soit celle des métiers d'électricien et de tuyauteur, dans le cadre de leur mandat qui leur a été confié pour la qualification professionnelle.

De plus, le comité consultatif de la Régie du bâtiment du Québec, qui avait pour seule fonction de donner un avis au conseil d'administration de la régie, n'avait plus sa raison d'être et sera aboli. Nous avons plutôt décidé de l'abolir et d'élargir le conseil d'administration de la régie afin qu'il soit plus représentatif, passant maintenant de cinq à neuf membres nommés par le gouvernement pour un mandat d'au plus cinq ans dont un président-directeur général. Le conseil d'administration deviendra un véritable lieu, M. le Président, de concertation.

Les fonctions de président du conseil d'administration et de président-directeur général seront donc séparées. Afin d'assurer une gestion plus efficace de la mission de la régie, ce projet de loi prévoit la nomination de deux vice-présidents ? donc ce n'est pas un ajout additionnel ? pour assister le président dans l'exercice de sa fonction, puisqu'il constitue une nouvelle nomination dans ses fonctions.

À cela s'ajoute, M. le Président, un comité de vérification interne pour être plus efficace, transparent, pour évaluer le rendement de la régie et la qualité de ses contrôles internes. Des ajustements législatifs seront aussi apportés pour permettre à certains membres du personnel du ministère du Travail, comme c'était le cas, lorsqu'il y a entente administrative de gestion, d'engager la régie dans ses actes, documents ou écrits. Des dispositions sont prévues, dans ce projet de loi, pour assurer la transition aussi de la régie vers un organisme budgétaire à un organisme non budgétaire et pour permettre le maintien du mandat des membres à temps complet du conseil d'administration pour assurer cette transition.

n(15 h 10)n

M. le Président, le deuxième aspect sur lequel il faut insister est celui lié à la délivrance d'une licence à durée indéterminée. La Loi sur le bâtiment prévoit qu'une licence est délivrée pour une période déterminée actuellement qui est d'une période d'un an, alors il faut l'améliorer. Pour votre information, la régie, M. le Président, renouvelle annuellement plus de 24 000 licences d'entrepreneurs et de constructeurs propriétaires. La vérification de la demande de renouvellement se fait sur réception d'un dossier complet, conforme, et la régie délivre la licence pour une durée maximale... dans une durée maximale de 30 jours. Cependant, il faut noter que les demandes sont renouvelées dans 80 % des cas sans modification, ce qui entraîne beaucoup de travail pour le propriétaire constructeur ou nos entrepreneurs. Alors, parmi celles-ci, 30 % font l'objet d'échanges entre la régie et le demandeur pour compléter le dossier sans en compromettre la recevabilité. La situation actuelle impose une démarche de renouvellement qui représente un coût et un irritant administratif, il faut le rappeler, pour la majorité des entrepreneurs et des constructeurs qui exercent leur profession durant le jour et le soir.

Afin d'alléger les contraintes administratives et d'accélérer le service pour la très grande majorité des titulaires de licences sur tout l'ensemble du territoire du Québec, des modifications sont prévues afin que la régie puisse délivrer une licence pour une durée indéterminée. Celle-ci demeurera en vigueur tant et aussi longtemps qu'elle ne sera pas suspendue ou annulée. Alors donc, on va dans la tendance inverse, à savoir qu'elle était renouvelée annuellement sur production de rapports, maintenant elle va être à durée indéterminée sur informations complétées à la régie. Celle-ci demeurera en vigueur tant qu'elle ne sera pas suspendue ou annulée, et la vérification des renseignements et l'analyse de la conformité du dossier du titulaire se feront, selon un plan d'action annuel, sur des bases d'analyse de risques. Alors, on va concentrer nos efforts sur ceux qui ont plus de problèmes. Ce changement amènera donc une diminution des coûts, ce qui est souhaitable, et un allégement administratif important pour les entrepreneurs et les constructeurs propriétaires.

Cette nouvelle procédure favorisera aussi les transactions en ligne ? ce qu'on souhaite d'ailleurs, mon collègue voisin et le ministre délégué aux Communications en ligne... au Gouvernement en ligne ? conformément aux orientations gouvernementales, tout en améliorant et en accélérant le service pour la très grande majorité des titulaires de licence.

Je vous rappelle aussi que ce projet de loi vient permettre aux deux corporations de métiers, soit la Corporation des maîtres électriciens et la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, d'appliquer la réglementation de la régie en matière de qualification professionnelle des entrepreneurs, sauf si ces dernières évidemment décidaient d'adopter leurs propres réglementations en cette matière.

Avant de conclure, permettez-moi de souligner à nouveau l'excellente collaboration de mes collègues des deux côtés de la Chambre, particulièrement celle du député de René-Lévesque, porte-parole de l'opposition officielle en matière de travail, tout au long du processus législatif menant à l'adoption du projet de loi n° 98.

M. le Président, je rappelle donc à cette Assemblée l'adoption du projet de loi n° 98, Loi modifiant la Loi sur le bâtiment et d'autres dispositions législatives. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre du Travail. Je reconnais maintenant le député de Chicoutimi et leader adjoint de l'opposition.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir d'intervenir, moi aussi, sur l'adoption finale du projet de loi n° 98, au nom de l'opposition officielle mais évidemment au nom aussi de mon collègue le député de René-Lévesque, qui a dû s'absenter pour des motifs personnels. Donc, c'est un projet de loi que je n'ai pas eu le plaisir de suivre en commission parlementaire, mais vous connaissez toute la compétence de mon collègue de René-Lévesque, donc je suis convaincu que le travail a été bien fait avec toutes les connaissances qu'il a d'ailleurs dans ce milieu, qu'on sait profondes.

Alors, le projet de loi n° 98 est un projet de loi modifiant la Loi sur le bâtiment et autres dispositions législatives et résulte de mesures qui avaient été entreprises sous le précédent gouvernement. Il modifie d'abord le fonctionnement de la gouvernance de la Régie du bâtiment en éliminant le comité consultatif, en agrandissant et en modifiant le conseil d'administration. Le gouvernement souhaite et espère, et nous le souhaitons tous, une administration plus efficace. Le conseil d'administration passerait de cinq actuellement, nommés par le gouvernement, dont deux proviennent des associations d'entrepreneurs, à neuf membres: trois des associations d'entrepreneurs, un du public, un du milieu financier, un des associations propriétaires, un des organismes municipaux et un des ordres professionnels du domaine de la construction.

Notons que les associations d'entrepreneurs généraux, soit l'Association de la construction... de la Corporation des entrepreneurs généraux, l'Association patronale des entreprises en construction, l'association professionnelle des constructeurs d'habitations et des corporations spécialisées que sont les électriciens, mécaniciens, tuyauteurs, maçons, etc., sont plutôt en accord avec le projet de loi, quoique certains craignent la venue de représentants du public sur le conseil d'administration. On parle ici de l'Association des consommateurs. Nous estimons pour notre part que la répartition de la composition du C.A. permet un juste équilibre des forces en présence.

Cependant, le gouvernement a déjà procédé, M. le Président, à deux nominations partisanes à la Régie du bâtiment du Québec, soit Michel Beaudoin, candidat libéral dans la partielle de Vanier, et Michel Gagnon, ex-chef du cabinet de Marc Bellemare, sont respectivement vice-présidents et membres du conseil d'administration. Est-ce que, comme à la SAAQ ou à la SAQ, le conseil d'administration de la Régie du bâtiment deviendra un lieu de nominations partisanes? Nous ne le souhaitons pas, M. le Président, et mon collègue le député de René-Lévesque ne le souhaite pas. C'est par le comité consultatif qui sera aboli qu'étaient représentés les intervenants des différents groupes liés au domaine de la construction. Cependant, ce comité n'avait aucun pouvoir décisionnel, ce qui a provoqué une désaffection l'empêchant malheureusement même d'obtenir quorum pendant plusieurs années. Nous croyons que les modifications qui sont proposées sont donc adéquates et justifiées.

Le projet de loi veut faire de la régie un mandataire de l'État qui devra s'autofinancer. Le montant versé par le gouvernement à la régie, qui est un montant quand même assez important, en 2003-2004, est semblable au montant qui avait été versé au fonds... plutôt que celle-ci, que la régie verse au fonds consolidé ? vous voyez que je ne maîtrise pas le sujet aussi bien que mon collègue de René-Lévesque. Il ne devrait donc pas y avoir d'augmentation de tarifs pour les entreprises faisant affaire avec la Régie du bâtiment. Pourtant, le président a clairement affirmé qu'il y aura une révision de la tarification des activités. Alors, est-ce qu'il en coûtera plus cher pour les entreprises maintenant? Nous suivrons le dossier, et mon collègue de René-Lévesque le fera sûrement, il va suivre ce dossier de très près.

Donc, le projet de loi n° 98 modifie un système de délivrance des licences en éliminant le besoin de les renouveler annuellement. La licence demeurera valide aussi longtemps qu'elle ne fera pas l'objet d'une annulation ou d'une suspension. Et ce qu'on nous dit, c'est qu'il y aura moins de paperasse pour les entrepreneurs et que la régie redéploiera son action sur le terrain. Pourtant, on apprend, M. le Président, on apprend une diminution du nombre d'inspecteurs et d'enquêteurs en région. Encore une fois, le député de René-Lévesque informe le ministre qu'il sera vigilant à ce sujet. Tous les Québécois, quelle que soit leur région, ont droit aux mêmes services et aux mêmes égards de la Régie du bâtiment du Québec. Il faudra s'assurer donc que le public sera toujours aussi bien protégé et aussi bien servi par la Régie du bâtiment.

Évidemment, j'aimerais préciser aussi l'importance de la sécurité du public, et cela inclut la réorganisation à la Régie du bâtiment du Québec. Donc, l'opposition va donc voter en faveur du projet de loi. Elle a collaboré, M. le Président, à chacune des étapes avec beaucoup de compétence et clairvoyance, et souhaitons que les effets recherchés par le projet de loi seront rencontrés, d'autant plus que cette réflexion avait été initiée par l'ancien gouvernement. Ça prouve que la rupture n'est pas totale entre l'ancien et le nouveau gouvernement, il y a encore des points de rencontre. Donc, ce projet de loi en est un. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous remercie, M. le député de Chicoutimi.

Mise aux voix

Alors, le projet de loi n° 98, Loi modifiant la Loi sur le bâtiment et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cusano): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Puis-je vous indiquer l'article 22 du feuilleton?

Projet de loi n° 100

Prise en considération du rapport de
la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Cusano): À l'article 22, l'Assemblée prend en considération le rapport de la Commission des finances publiques sur le projet de loi n° 100, Loi budgétaire n° 2 donnant suite au discours sur le budget du 30 mars 2004 et à certains autres énoncés budgétaires. M. le ministre du Revenu.

M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. le Président, je soumets à cette Assemblée, en vue de sa prise en considération, le rapport de la Commission des finances publiques qui a été déposé le 9 juin 2005, à la suite de l'étude détaillée du projet de loi n° 100 intitulé Loi budgétaire n° 2 donnant suite au discours sur le budget du 30 mars 2004 et à certains autres énoncés budgétaires.

n(15 h 20)n

M. le Président, le projet de loi n° 100 a été présenté le 11 mai 2005, et le principe en a été adopté le 2 juin 2005. La Commission des finances publiques en a fait l'étude détaillée les 7 et 8 juin 2005 et en a adopté les 285 articles. M. le Président, un amendement a été adopté afin d'y ajouter un article. Une motion de renumérotation a été adoptée afin de tenir compte de cet amendement. Le rapport de la commission a été déposé le 9 juin 2005.

M. le Président, ce projet de loi modifie 13 lois, dont la Loi sur les impôts et la Loi sur la taxe de vente du Québec, afin de donner suite principalement au discours sur le budget du ministre des Finances du 30 mars 2004. M. le Président, de manière accessoire, il donne suite au discours sur le budget du 12 juin 2003 et du 21 avril 2005 et à certaines autres mesures annoncées dans divers bulletins d'information publiés par le ministère des Finances.

M. le Président, ce projet de loi contient plusieurs mesures. Dans ce contexte et par souci de concision, je ne traiterai que les mesures principales. M. le Président, ce projet de loi modifie principalement la Loi sur les impôts afin de prévoir notamment: premièrement, des assouplissements aux règles de calcul de l'impôt minimum de remplacement; deuxièmement, l'étalement de l'imposition du revenu provenant d'activités artistiques et l'admissibilité des artistes interprètes à la déduction pour droits d'auteur; troisièmement, la bonification du taux du crédit d'impôt remboursable pour la création d'emplois dans certaines régions maritimes du Québec et l'introduction de règles plus avantageuses, applicables aux secteurs de la biotechnologie marine et de la mariculture; quatrièmement, M. le Président, l'abolition du congé fiscal de cinq ans pour les nouvelles sociétés; cinquièmement, la hausse de 600 000 $ à 1 million de dollars du plafond de la déduction qu'une société peut demander dans le calcul de son capital versé assujetti à la taxe sur le capital; finalement, M. le Président, l'instauration de la nouvelle taxe sur les services publics en remplacement de la taxe relative aux réseaux de télécommunications, de gaz et d'électricité.

M. le Président, ce projet de loi modifie également la Loi sur la taxe de vente du Québec afin notamment de limiter les évaluations admissibles aux fins du calcul de la taxe de vente du Québec à l'égard de la taxe des véhicules routiers et d'apporter une précision concernant la restriction au remboursement de la taxe sur les intrants relativement à l'énergie acquise par une grande entreprise.

En terminant, M. le Président, ce projet de loi apporte diverses autres modifications à caractère technique, de concordance ou de terminologie.

M. le Président, j'invite donc les membres de cette Assemblée à adopter le rapport de la Commission des finances publiques sur l'étude détaillée du projet de loi n° 100. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre du Revenu. M. le whip en chef de l'opposition...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Cusano): Ah, il n'y a pas de débat? Bon, alors, il n'y a pas de débat.

Mise aux voix du rapport

Le rapport de la Commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 100, Loi budgétaire n° 2 donnant suite au discours sur le budget du 30 mars 2004 et à certains autres énoncés budgétaires, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cusano): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Puis-je vous référer à l'article 25 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 2

Adoption

Le Vice-Président (M. Cusano): À l'article 25, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du projet de loi n° 2, Loi concernant l'obtention et l'exécution réciproques des décisions en matière d'aliments. Est-ce que M. le ministre veut prendre la parole?

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Alors, je suis heureux de proposer l'adoption du projet de loi n° 2, Loi concernant l'obtention et l'exécution réciproques des décisions en matière d'aliments.

M. le Président, ce projet de loi propose de remplacer le régime actuel de coopération juridique internationale qui est prévu à la Loi sur l'exécution réciproque d'ordonnances alimentaires qui avait été adoptée, en 1952, par le Québec. Le nouveau régime proposé facilitera l'obtention et l'exécution réciproques des décisions en matière d'aliments entre le Québec et les États avec lesquels ont été ou seront conclus des accords de réciprocité.

Le projet de loi a deux objectifs principaux: premièrement, adapter le système d'exécution réciproque des ordonnances alimentaires du Québec aux besoins actuels et futurs de coopération avec ses partenaires du Canada et des États-Unis; deuxièmement, harmoniser ce régime de coopération en matière de recouvrement des aliments aux règles générales du droit civil québécois, en particulier des règles de droit international privées, introduites au Code civil, à l'occasion de la réforme de 1994 ainsi qu'au Code de procédure civile du Québec.

Ce projet s'inspire d'une loi modèle, développée au Canada par le Comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille, déjà adoptée dans toutes les autres provinces et les territoires canadiens. Il tient également compte de la législation applicable en ce domaine aux États-Unis où huit États américains ont déjà été désignés par le gouvernement du Québec aux fins de l'application de la loi actuelle. Les États en question sont: la Californie, la Floride, le Maine, le Massachusetts, le New Jersey, New York, la Pennsylvanie et, récemment, cette semaine, le Vermont, qui vient tout juste d'être désigné par décret du gouvernement.

La Commission des institutions a procédé à des consultations particulières sur le projet. En plus de recevoir, à cette occasion, les commentaires écrits du Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale, de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et du Conseil de la famille et de l'enfance, la commission a entendu les groupes suivants: le Barreau du Québec et l'Association des avocats et avocates en droit familial du Québec.

La commission a eu l'occasion d'échanger avec les représentants de ces organismes. Ces échanges ont permis de constater un appui général aux objectifs du projet de loi n° 2 et d'élaborer, notamment en raison de l'apport des deux groupes d'avocats, certains amendements dans le but de bonifier le projet de loi. Le projet de loi a par ailleurs fait l'objet de discussions fructueuses au cours de son étude détaillée par la commission, et plusieurs amendements ont été adoptés pour y donner suite.

Le projet de loi, il importe de le souligner, M. le Président, étend considérablement le champ d'application de la loi actuelle. Ainsi, le système d'exécution qu'il prévoit ne sera plus limité aux seules décisions judiciaires rendues au bénéfice d'un créancier alimentaire, mais s'appliquera également aux décisions alimentaires rendues par des autorités administratives de même qu'aux ententes qui sont exécutoires au lieu d'origine. De plus, les débiteurs d'aliments pourront dorénavant se prévaloir des dispositions de la loi.

Mais, surtout, le projet de loi introduit une nouvelle procédure d'obtention des décisions en matière d'aliments. Une personne qui réside au Québec ou dans un État désigné pourra de ce fait demander que soit rendue, dans l'État où réside le débiteur alimentaire, une décision en matière d'aliments en sa faveur sur présentation d'une demande à cet effet aux autorités compétentes désignées. Cette demande devra être accompagnée d'une déclaration assermentée et des éléments de preuve requis. La modification d'une décision existante pourra également être demandée par l'une ou l'autre des parties.

L'introduction, dans notre législation, de dispositions particulières concernant l'établissement de la filiation biologique de l'enfant pour qui les aliments sont demandés constitue un autre atout majeur qui facilitera notamment le développement de nos relations de coopération avec nos partenaires américains.

Au chapitre de la reconnaissance des décisions étrangères, le projet conserve le régime simplifié introduit au Québec par la Loi sur l'exécution réciproque d'ordonnances alimentaires. Il est complété par l'introduction de dispositions nouvelles précisant les conditions suivant lesquelles le débiteur pourra s'opposer à l'exécution de la décision ainsi reconnue ou en demander la suspension. Une référence a, à ce sujet, été faite aux règles prévues au Code civil. Il est apparu important en effet de maintenir, dans toute la mesure du possible, l'application des règles générales prévues au Code civil du Québec et au Code de procédure civile dans le cadre de la loi nouvelle et de ne s'en écarter que lorsqu'il était vraiment nécessaire de le faire pour réaliser les objectifs spécifiques de cette loi, et ce, pour assurer la cohérence du nouveau régime avec le droit civil québécois.

Enfin, la responsabilité de l'application de la nouvelle loi a été confiée au ministre de la Justice qui se voit expressément attribué le pouvoir de conclure des ententes avec des États étrangers visant à faciliter l'obtention et l'exécution réciproques des décisions en matière d'aliments. La désignation de provinces, territoires et États, faite par le gouvernement en vertu de la Loi sur l'exécution réciproque d'ordonnances alimentaires, qui existait demeure par ailleurs valide et est réputée avoir été faite en vertu de la nouvelle loi.

n(15 h 30)n

En conclusion, j'aimerais remercier tous ceux et celles qui ont participé aux travaux concernant le projet de loi n° 2. Je remercie d'abord les groupes qui ont soumis leurs commentaires et suggestions à la Commission des institutions. Je tiens également à remercier tous les parlementaires qui ont pris part aux travaux de cette commission pour leur intérêt et leur collaboration, et notamment le député de Chicoutimi qui est critique officiel de l'opposition. Leur contribution, comme celle des organismes qui ont répondu à notre invitation, a permis de bonifier le projet de loi pour mieux atteindre les objectifs visés et surtout toujours rendre de meilleurs services aux citoyens.

M. le Président, je propose maintenant l'adoption du projet de loi n° 2 par cette Assemblée. Merci.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant le député de Chicoutimi et leader adjoint de l'opposition.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Donc, comme à l'étape de l'adoption de principe, à l'étape finale, nous sommes en faveur de l'adoption de ce projet de loi qui a pour effet de faciliter l'obtention et l'exécution réciproques des décisions en matière d'aliments et accordées sous différentes formes à l'une ou l'autre des parties qui n'a pas sa résidence habituelle ? bien que ce terme a fait beaucoup l'objet de discussions dans le cadre de notre commission et a même été modifié. Il prévoit que les États visés pour son application seront désignés par décret du gouvernement. Le projet de loi précise évidemment la procédure à suivre s'il s'agit d'une demande plutôt d'obtention et d'exécution d'une décision en matière d'aliments et distingue selon que la demande provienne du Québec ou d'un État désigné.

Je tiens, comme le ministre l'a fait, à souligner le travail des membres de la commission, le député de Mercier, comme vous le savez, un fin légiste qui est venu donner un bon coup de main. C'est un projet de loi qui avait été proposé, lors de la législature précédente, par mon collègue de Drummond, à l'époque ministre de la Justice, qui a été continué sous Marc Bellemare et pour lequel nous avons apporté, il faut le dire, beaucoup de modifications mais de bonnes modifications en termes... entre autres, au niveau de l'emploi de certains termes qui étaient beaucoup plus collés au droit civil qu'à d'autres notions de droit, plus particulièrement toute la notion de la résidence et du domicile, où nous avons convaincu le ministre de l'époque, Marc Bellemare, d'y apporter modification, et il l'a fait, il faut le dire, avec beaucoup de générosité et dans un souci du travail bien fait.

Donc, c'est un projet de loi qui nous semblait simple au départ mais avec des conséquences quand même très importantes. On parle ici de réciprocité dans la perception de pensions alimentaires. Donc, c'est fort important: c'est les familles et les enfants qui sont touchés par ces mesures.

Je tiens à souligner encore une fois l'apport de l'Association des avocats et avocates en droit familial. Il y a eu le Barreau aussi qui est venu faire... qui nous a transmis, je pense, un mémoire, mais l'Association des avocats et avocates en droit familial ont fait un travail formidable. Pour un projet de loi qui semblait, là, aller de soi, il y avait des modifications à apporter sur plusieurs aspects qui semblaient plus techniques mais importants, et ils nous ont éclairés, ils nous ont proposé des modifications au projet de loi qui, dans la plupart des cas, ont été retenues ou expliquées, dans le cas où elles ont été rejetées, par le ministre de l'époque. Donc, ça a été un travail vraiment de collaboration entre le gouvernement et l'opposition, qui a fait en sorte, je suis convaincu, que le projet de loi correspond beaucoup mieux à la volonté qui a été exprimée, mais dans un souci de respect des concepts juridiques existants, des concepts juridiques de droit civil. Donc, il faut toujours avoir, je pense, ce souci de bien faire les choses, de la cohérence des lois, de la cohérence avec notre loi fondamentale en droit civil, qui est notre Code civil. Donc, cette recherche, à travers les notions juridiques, d'assurer la cohérence a été maintenue grâce, entre autres, à notre vigilance et aussi par l'ouverture du ministre de l'époque, Marc Bellemare.

Donc, fort heureux de l'adoption de ce projet de loi. Souhaitons qu'il trouve son application le plus rapidement possible et qu'il sera utile aux familles et aux enfants du Québec afin qu'ils puissent, de façon beaucoup plus facile, utiliser ces moyens afin de faire respecter les jugements en matière d'aliments. Donc, encore une fois, c'est le type de projet de loi, M. le Président, qui démontre, comme le projet de loi précédent d'ailleurs, celui du lien entre... peu importent les gouvernements qui sont là, il arrive effectivement qu'il y a des points de rencontre. Dans ce cas-ci, le travail avait été bien fait et a été continué sous le gouvernement actuel. Donc, fort heureux de l'adoption finale de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le député de Chicoutimi. Puisqu'il n'y a pas d'autre intervenant, le projet de loi n° 2, Loi concernant l'obtention et l'exécution réciproques des décisions en matière d'aliments, est-il adopté?

Mise aux voix

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cusano): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, puis-je vous indiquer l'article 29 du feuilleton, s'il vous plaît?

Projet de loi n° 104

Adoption

Le Vice-Président (M. Cusano): À l'article 29 du feuilleton, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du projet de loi n° 104, Loi modifiant le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions? M. le ministre de la Justice.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Alors, je suis heureux de proposer l'adoption, à l'Assemblée nationale, du projet de loi n° 104, Loi modifiant le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives.

M. le Président, ce projet de loi a pour but de permettre aux juges des tribunaux judiciaires québécois de continuer et de terminer les procès dont ils sont saisis lorsqu'ils sont nommés à un autre tribunal judiciaire. Rappelons que les tribunaux judiciaires québécois sont les cours municipales, la Cour du Québec, la Cour supérieure et la Cour d'appel. Comme je l'ai déjà évoqué, la nomination de juges d'un tribunal à un autre tribunal a mis en relief, à diverses reprises, les problèmes engendrés par la perte de compétence de ces juges sur les causes civiles, pénales et criminelles dont ils étaient alors saisis et qui étaient en cours d'audition ou en délibéré.

À l'instar des modifications apportées au Code criminel en 1994 pour résoudre ce problème de perte de compétence, toutes les modifications proposées par le projet de loi n° 104 répondent à un besoin réel, car, en leur absence, la nomination de juges à un autre tribunal peut toujours entraîner l'avortement de procès. Soulignons qu'en plus de préserver la compétence du juge nommé à un autre tribunal, ce projet de loi prévoit la nécessité d'un accord entre les juges en chef et les tribunaux concernés. Cet accord s'inscrit dans le respect de l'autonomie administrative des tribunaux judiciaires et vise la conciliation des anciennes et nouvelles fonctions du juge nommé. L'adoption du projet de loi permettra aussi d'éviter l'inconvénient principal de la situation actuelle, soit la reprise devant un autre juge de l'audition d'une affaire. Cette reprise comporte, entre autres, des coûts et ajoute des délais additionnels, tant pour les justiciables que pour l'administration de la justice.

Enfin, comme nous en avons discuté lors de l'étude détaillée du projet de loi, il est opportun d'étendre l'application de ce projet de loi aux causes pendantes dont pourrait être saisi un juge nommé à un autre tribunal avant l'entrée en vigueur du projet de loi. C'est pourquoi l'article 4, tel qu'il a été amendé d'ailleurs, contient une disposition permettant de faire revivre la compétence d'un juge sur ces causes pendantes. Notons que l'amendement de cet article 4 est de nature technique et ne vise aucunement à déroger aux principes adoptés en cette Chambre.

Telles sont, M. le Président, les modifications proposées par le projet de loi n° 104. C'est un projet dont l'adoption vous est proposée aujourd'hui, et je souhaite que, comme en commission, il soit adopté à l'unanimité.

En terminant, je tiens à remercier tous les membres de la Commission des institutions qui ont travaillé à ce projet de loi pour leur intérêt et leur collaboration, remercier également l'opposition officielle pour la collaboration apportée à l'étude de ce projet. Alors, merci, M. le Président.

n(15 h 40)n

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, M. le ministre de la Justice. Je reconnais maintenant M. le député de Chicoutimi et leader adjoint de l'opposition.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Comme vous pouvez le voir, j'ai eu l'occasion, en commission, de passer beaucoup de bons moments avec le ministre de la Justice. Donc, ces moments résultent à l'adoption finale du projet de loi n° 104, qui est un projet de loi, comme le ministre l'a dit, très particulier, qui concerne une réalité singulière, soit celle des nominations de juges à d'autres instances, afin d'éviter qu'il y ait des conséquences sur les procès en cours dans le domaine civil et même administratif, parce que... On a eu la générosité, M. le Président, de tous les légistes et membres du ministère de la Justice qui ont eu l'amabilité de nous répondre sur l'ensemble des questionnements que nous avions par rapport à l'adoption de ce projet de loi, et aussi aux conséquences qu'il peut avoir et même, de façon plus large, aux règles qui gouvernent les nominations, même des tribunaux administratifs, d'un juge... un membre plutôt, d'un tribunal administratif à une cour autre que le TAQ, par exemple, les conséquences lorsqu'on nomme un membre du tribunal à la Cour du Québec ou à la Cour supérieure, à la Cour d'appel. Donc, ils ont été très généreux dans leur façon de faire, dans les explications qu'ils ont données.

D'ailleurs, je tiens à souligner ici leur travail dans le projet de loi n° 2, que je n'ai pas eu l'occasion de faire plus tôt, où on les a fait travailler fort, M. le Président. Et ils se sont montrés très ouverts aussi aux propositions qu'on faisait. Parce que, quand le texte nous appartient, bien que ce soit le ministre qui le présente... Ils ont travaillé normalement à la rédaction de façon plus précise. Donc, on est souvent plus... on a une tendance naturelle à défendre nos textes. C'est normal, c'est le résultat de notre travail. Donc, dans les deux cas, les légistes se sont montrés très ouverts aux modifications possibles, les ont analysées, les ont regardées et, quand c'était pertinent, ils les prenaient, quand ce n'était pas pertinent, bien ils nous en faisaient part, nous donnant les explications appropriées.

Donc, je remercie le ministre de sa collaboration, les membres de la commission aussi, qui ont travaillé avec moi ? dans ce cas-ci, on était plutôt évidemment le ministre et moi. Donc, souhaitons effectivement que l'objectif soit rencontré, parce qu'il visait une réalité des plus singulières, sinon, comme je le disais tantôt, très, très particulière. Et, à l'avenir, bien ces dispositions pourront être appliquées aussi pour éviter d'entraîner des délais mais surtout des coûts pour les justiciables devant nos tribunaux civils.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous remercie, M. le député de Chicoutimi. Il n'y a pas d'autres interventions? Alors, le projet de loi n° 104, Loi modifiant le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cusano): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Puis-je vous indiquer l'article 28 de notre feuilleton, s'il vous plaît?

Projet de loi n° 101

Adoption

Le Vice-Président (M. Cusano): À l'article 28 du feuilleton, Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles propose l'adoption du projet de loi n° 101, Loi sur le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Je reconnais maintenant la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Mme Lise Thériault

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Comme il est prévu à notre règlement, je présente aujourd'hui à cette Assemblée une motion pour l'adoption du projet de loi n° 101, la Loi sur le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles.

D'entrée de jeu, M. le Président, j'aimerais remercier mes collègues du parti ministériel, mais également les collègues députés de l'opposition ainsi que la porte-parole de l'opposition officielle pour avoir travaillé vaillamment à franchir toutes les étapes de ce projet de loi. Et j'aimerais aussi évidemment remercier le personnel du ministère, qui m'a accompagnée tout au long de cette démarche.

Depuis quelques décennies, M. le Président, comme vous le savez, l'immigration a fait du Québec une société diversifiée, en plein essor et en ouverture sur le monde. L'immigration est un formidable outil non seulement pour assurer le renouvellement de la population active et infléchir les tendances démographiques, mais aussi pour insuffler, dans toutes les sphères d'activité, le dynamisme nécessaire à la prospérité du Québec et de toutes ses régions.

En sélectionnant ses immigrants, et en affirmant la place du français, et en établissant des liens étroits avec les communautés culturelles, le Québec s'est donné une manière d'accueillir et d'intégrer ses immigrants en préservant son équilibre et son identité. Nous croyons dans un monde ouvert, ouvert sur les autres marchés et ouverts sur les autres cultures. L'apport des personnes immigrantes et des Québécois des communautés culturelles au développement du plein potentiel du Québec fait l'objet d'un large consensus.

M. le Président, un Québec fier de sa diversité, voici ce qui résume à mes yeux la finalité de notre mission en matière d'immigration et d'intégration. Je suis fermement convaincue, M. le Président, que la constitution d'un ministère voué exclusivement à l'immigration et aux communautés culturelles s'avère plus que jamais nécessaire pour que le Québec puisse assumer adéquatement ses responsabilités en ce domaine et puisse continuer à bâtir le Québec de demain. Et c'est pourquoi, M. le Président, je demande à cette Assemblée d'adopter le projet de loi instituant un ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Merci.

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous remercie, Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles. Et, maintenant, je reconnais Mme la députée de Prévost, critique en cette matière.

Mme Lucie Papineau

Mme Papineau: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. M. le Président, nous voici à la dernière étape: l'adoption du projet de loi sur le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles.

J'aimerais d'abord remercier la ministre d'avoir du moins écouté mes craintes face aux changements que subit le ministère de l'Immigration. Je pense que j'ai été assez claire sur les enjeux auxquels devra faire face la nouvelle ministre et sur l'orientation que devra prendre ce nouveau ministère afin d'assurer à l'ensemble des citoyens issus de l'immigration et des communautés culturelles une intégration respectueuse et inclusive au sein de leur nouvelle terre d'accueil, le Québec. Je tiens également, M. le Président, à remercier les gens du ministère de l'Immigration qui ont déjà et auront la lourde tâche d'appuyer la ministre dans l'orientation qu'elle entend donner à ce nouveau ministère.

À cette étape-ci de l'adoption du projet de loi, je pense que ma position est claire: l'opposition officielle se voit déçue des changements effectués par le gouvernement, mais n'objectera pas devant cette loi qui fait du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles un ministère restreint avec des pouvoirs amoindris. Merci, M. le Président.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous remercie, Mme la députée de Prévost. Puisqu'il n'y a pas d'autre intervention, le projet de loi n° 101, Loi sur le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cusano): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, pourriez-vous suspendre quelques instants, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Cusano): Alors, une demande de suspension, mais très brève, Mme la leader adjointe du gouvernement.

(Suspension de la séance à 15 h 46)

 

(Reprise à 15 h 47)

Le Vice-Président (M. Cusano): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, puis-je vous référer à l'article 21 du feuilleton.

Projet de loi n° 95

Prise en considération du rapport de
la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Cusano): À l'article 21 du feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la Commission de l'éducation sur le projet de loi n° 95, Loi modifiant diverses dispositions législatives de nature confessionnelle dans le domaine de l'éducation. Je reconnais M. le ministre de l'Éducation.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir à l'égard du projet de loi n° 95, qui est un projet important, qui marque une étape historique dans un long processus de déconfessionnalisation et qui nous amène, aujourd'hui, à faire rapport de ce qui s'est discuté en commission parlementaire.

Nous avons eu, en commission parlementaire, l'occasion d'entendre des groupes qui sont venus faire des propositions ou des commentaires sur le projet de loi. Nous avons aussi débattu du projet de loi article par article, et je vous dirais que, de façon générale, ce qu'il est intéressant de noter, c'est que ce que propose le projet de loi, et j'ai eu l'occasion de le dire en commission parlementaire, ce que propose le projet de loi, c'est de permettre aux jeunes, dans nos écoles, d'apprendre ensemble à vivre ensemble. Et nous avons eu l'occasion, lors de ces échanges, de, nous-mêmes, parlementaires de cette Assemblée, de groupes parlementaires différents, de vivre ensemble, et nous l'avons fait de très belle façon, M. le Président.

D'une façon unanime, nous avons travaillé à nous entendre sur un projet de loi qui contient, par rapport à la version originale, quelques amendements, dont un assez important, qui est la modification de l'article 41 de la charte, mais qui démontre que nous étions, M. le Président, vraiment rendus là. Nous avons donc pu témoigner qu'il est possible de travailler ensemble pour faire avancer le Québec, de la même manière que le projet de loi vise à intégrer, à faire vivre ensemble des étudiants pour cesser de les séparer selon leur confession religieuse.

n(15 h 50)n

Court mot sur l'essence. Les groupes qui sont venus nous voir nous ont confirmé, M. le Président, que le statu quo, la situation actuelle était invivable. On peut bien, pour certains, vouloir continuer de s'y accrocher, la vérité c'est qu'on ne s'accroche pas à quelque chose qui tient, on s'accroche à une branche qui est elle-même coupée, M. le Président. Parce que, dans les faits, il y a des difficultés organisationnelles qui font en sorte que les choix qui sont offerts sont, jusqu'à un certain point, un leurre. À telle enseigne que ceux qui doivent dispenser l'enseignement prévu par ces options sont en nombre insuffisant, ont de moins en moins la formation appropriée, et conséquemment le choix ne devient plus vraiment un choix réel. Il fallait donc proposer autre chose.

En même temps que, par essence, par choix, plusieurs ? au fil du temps, le groupe augmentait, maintenant c'est une très grande majorité, il n'y a pas unanimité mais une très grande majorité ? souhaitent que nous passions d'un enseignement confessionnel privilégié catholique ou protestant à un enseignement d'éthique et de culture des religions, avec évidemment toujours un lien avec l'héritage, toujours un lien avec la tradition. Parce qu'on n'enseigne pas à nos jeunes comme si on était dans un monde désincarné, et le programme ? et l'ossature en a déjà été dévoilée ? le programme qui sera enseigné partira de la réalité que vivent les jeunes dans leur milieu. Donc, forcément, l'importance de l'héritage catholique ou protestant sera présent dans le cours. Donc, il est préservé. Beaucoup craignaient cela, mais cet héritage est préservé.

Mais, au-delà de ça, je vous dirais que cet héritage est amélioré par le fait que nous allons... nos jeunes vont être en mesure de connaître les tenants et aboutissants d'autres religions que nous-mêmes, M. le Président, n'avons pas connues. Nous-mêmes, on ne nous l'a pas enseigné. Nous décodons des bribes de ces religions à travers les médias d'information, mais nos enfants auront la possibilité, eux, de savoir encore mieux décoder ces médias d'information et les informations qui sont portées par eux. Ils seront en mesure, parce qu'ils connaîtront mieux l'autre, d'apprécier mieux l'autre.

Et, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, s'il y avait une seule mesure de rapprochement interculturel que nous devrions présenter, c'est celle-là, M. le Président: cesser de séparer les... ou cesser de former des groupes différents en fonction de l'appartenance et commencer à constituer des groupes où les gens vont apprendre à comprendre ce qui les réunit, ce qui les différencie. Parce qu'on ne mettra pas non plus en sourdine ce qui rassemble. Parce qu'il peut bien y avoir, entre un individu ou deux collectivités, des différences, mais, M. le Président, on oublie trop souvent de dire qu'il y a bien plus de points communs, il y a bien plus de points qui rassemblent. L'oeil parfois ne veut voir que ce qui est différent, mais, lorsqu'on s'y attarde vraiment, on voit qu'il y a des points de jonction qui sont beaucoup plus nombreux. Et c'est pour ça que la nature humaine... et la société qu'on veut bâtir est une société qui doit faire place à tout le monde.

Le statu quo n'était pas vivable, M. le Président. La plupart des groupes qui sont venus sont venus nous dire qu'on en était rendus là: rendus là parce que le programme est intéressant et donne une plus-value et rendus là parce que, lorsqu'on regarde l'évolution de la situation, en 1999-2000, lorsque le débat s'est présenté, pour la dernière fois avant celui-ci, sur le renouvellement des clauses dérogatoires qui, rappelons-le, sont toujours une mesure d'exception ? bien que légitimes et légales, il reste que c'est des mesures d'exception ? bien la Fédération des comités de parents ? ça, c'est important, on parle des enfants, c'est les parents qui ont un mot à dire ? la Fédération des commissions scolaires souhaitaient alors la reconduction, alors que, maintenant, ils souhaitaient que nous passions plutôt du côté d'un programme d'éthique et de culture religieuses, de culture des religions, tel que nous le proposons.

Donc, clairement, les travaux que nous avons eus en commission parlementaire ont démontré que le Québec était rendu à cette étape. Nous allons, au cours des trois prochaines années, travailler à la préparation de ce programme, en même temps que nous allons le faire en formant les maîtres et en même temps qu'on envoie le signal que tout cela se fait au rythme respectueux de la population.

Ce qui était intéressant de noter, durant cette commission ? je sais que notre collègue de Taillon interviendra tantôt ? ce qui était intéressant de noter, c'est qu'il y avait des positions, vous savez... certains souhaitaient que nous ne renouvelions pas les clauses, d'autres souhaitaient que ce soit pour un an ou deux, et j'ai préféré, M. le Président, les renouveler pour trois ans. Pas cinq ans, trois ans, renouvellement terminal. Au bout de trois ans, c'est terminé, et on passe à un nouveau programme.

Mais je souhaitais qu'il n'y ait pas une rupture brusque. Parce que, s'il est vrai qu'il y a un grand nombre, une grande majorité qui appuie ce choix-là maintenant, il faut aussi dire qu'il y en a qui ne le souhaitent pas non plus. Et il faut aussi éviter d'envoyer le signal à ces Églises catholiques et protestantes, qui ont été le ministère de l'Éducation pendant des décennies et des décennies, de leur envoyer...

Une voix: Et de la Santé.

M. Fournier: ... ? et de la Santé ? de leur envoyer le message qu'il y avait une rupture et un rejet. Au contraire, ce n'est pas un rejet, c'est un relais. Il y a donc, dans nos classes et dans notre identité québécoise, une importance que ces Églises ont eue. Il était inconvenant d'envoyer un message qu'on basculait tout ça. Il fallait éviter ce message-là.

Respectueux, au rythme des gens, des parents qui sont encore hésitants et qui ont des inquiétudes normales dans un cadre de changement, respect à l'égard de ces Églises qui ont façonné l'identité québécoise. Il y a un relais parce qu'eux ont des responsabilités accrues maintenant. Il est évident que ce que l'école cesse de faire, l'Église... les Églises et temples prendront le relais, selon le choix que les parents feront. Alors ça, ça nous semblait important, et ça a été noté par des groupes qui, au départ, auraient souhaité que ce soit un peu moins long.

Et à la fin on a un projet de loi qui aboutit en cette Chambre, dans un climat excessivement différent des autres époques, M. le Président. Et là je le dis le plus correctement possible. Ça n'a rien à voir avec l'appartenance politique du gouvernement actuel; ça aurait pu arriver avec une autre étiquette politique. La société était rendue là. Mais la société est rendue là quand on lui donne une chance aussi de continuer ce parcours, et on voulait lui donner cette chance avec ces trois autres années.

On pense que le programme, sur le fond, est bénéfique pour les enfants; ils en sauront plus. On pense qu'au niveau de la société ça va permettre d'avoir des signaux de rapprochement plus que des signaux d'exclusion et on pense que c'est très profitable. On pense que, par rapport au système d'enseignement actuel, qui était non fonctionnel au plan organisationnel, c'est un plus.

Quand on regarde l'ensemble, M. le Président, on se dit que le projet de loi n° 95, qui est sur la table, est un projet de loi qui est attendu depuis des décennies par certains, depuis quelques années par d'autres. Certains viennent de s'y joindre, quelques-uns hésitent encore. Donnons-leur un peu de temps. Dans trois ans, lorsque le nouveau programme prendra sa place, lorsque les clauses transitoires seront terminées, lorsque les clauses dérogatoires n'auront plus d'effet et que nous ne serons plus en matière d'exception, mais que nous appliquerons les chartes des droits dans leur entièreté, nous aurons réussi à accomplir tout ça pour le bien du Québec dans un climat harmonieux, comme on le voit présentement. Et, M. le Président, je suis très heureux que nous puissions franchir ce pas, aujourd'hui, avec l'ensemble des membres de cette Assemblée. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous remercie, M. le ministre de l'Éducation. Je reconnais maintenant Mme la députée de Taillon et critique en matière d'éducation.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci. Merci, M. le Président. Je suis très heureuse d'intervenir, à cette étape-ci de nos travaux, pour que nous prenions en considération le rapport qui rend compte de ce que nous avons fait ensemble en commission parlementaire. Je souscris pleinement et entièrement aux propos du ministre, M. le Président. Je vais me permettre cependant de rappeler d'autres éléments ou d'insister sur certains aspects.

Nous avons effectivement bien travaillé ensemble, et c'est l'aboutissement d'un long cheminement. En fait, c'est notre histoire qui... c'est l'histoire qui évolue, c'est l'histoire qui s'écrit. Depuis le rapport Parent, nous avons été confrontés à une intégration à l'école de certains concepts religieux. Nous avons transmis des doctrines, nous avons transmis la foi en tentant de se diriger progressivement vers une école laïque et, tout au long de cette histoire, nous avons procédé à un certain nombre de changements qui parfois ont effectivement été très houleux et ont amené des débats très difficiles, très déchirants. Mais je dirais que, dans les derniers 10 ans, on a constaté qu'au fur et à mesure que les changements se sont apportés tous et chacun y ont trouvé satisfaction à leurs attentes.

n(16 heures)n

Du changement constitutionnel en 1997, où nous changions le statut des commissions scolaires, qui étaient à ce moment-là confessionnelles, pour les transformer et leur donner un statut de commissions scolaires linguistiques, en passant par la modification du statut des écoles confessionnelles, qui a disparu, M. le Président, en passant par les expérimentations dans nos écoles primaires et secondaires, de nouveaux types de formation où on a réuni ensemble tous les enfants, peu importent leurs convictions, leurs croyances, leur appartenance à une religion ou à l'autre, pour finir par aboutir à ces changements auxquels nous procédons avec le projet de loi n° 95, où nous permettrons à nos enfants, nous permettrons à nos enfants d'avoir accès maintenant à un programme commun, un programme commun d'éthique et de culture religieuse.

De fait, cela ne fait pas l'unanimité mais presque, M. le Président, puisque la très grande majorité des groupes qui sont venus nous présenter leur point de vue ont admis que nous en étions là de notre évolution. Et donc, aujourd'hui, nous pouvons nous réjouir d'avoir travaillé harmonieusement à faire en sorte que cette loi puisse être adoptée ? elle le sera dans les prochains jours, j'imagine ? et que ce programme commun d'éthique et de culture religieuse puisse être implanté dans nos écoles, M. le Président.

Je voudrais revenir d'ailleurs sur celui-ci, puisque c'est un défi auquel est confronté maintenant le nouveau ministre et ses collaborateurs et collaboratrices. Effectivement, nous permettrons à nos enfants, qui auparavant étaient divisés en trois groupes, hein, dans nos écoles... Ou on était de foi catholique, ou on était de foi protestante, ou on voulait assister à des cours... Donc, on assistait à un cours de foi catholique, de foi protestante ou à un cours de morale, soit parce qu'on avait des convictions différentes, soit parce qu'on ne voulait pas que nos enfants, par exemple, soient formés dans l'une ou l'autre de ces religions.

Et, avec les changements que nous apportons, avec le fait que cette responsabilité de former à la religion, surtout de transmettre la foi, sera, cette responsabilité, entre les mains des Églises, ce qui m'apparaît normal et sain, nous demanderons maintenant à l'école cependant d'instruire, de former, de qualifier sur une connaissance des religions qui sont pratiquées au Québec, mais qui sont pratiquées dans le monde, et donc qu'ensemble on puisse être capables de comprendre mieux l'autre, qu'on puisse ensemble, comme citoyens et comme citoyennes, développer un certain sens critique nous permettant de mieux analyser le monde, de mieux le comprendre, M. le Président.

Et je suis d'accord avec le ministre quand il nous dit que c'est probablement une des décisions qui aura le plus d'impact sur le vouloir vivre ensemble, sur le fait... Que l'on vienne de quelque culture ou qu'on ait quelque conviction que ce soit, on saura et on connaîtra mieux celle de l'autre, et, la connaissant mieux, moi, je pense que cela amène de la tolérance, cela amène du respect, M. le Président. Et donc que des apprentissages permettent à nos jeunes de favoriser ce vivre ensemble et même ce vouloir vivre ensemble, ce respect de la liberté de conscience, de religion est, pour moi, un grand pas que nous franchissons comme société. Et je suis fière, je le redis, d'avoir pu participer à cela, depuis un long moment, parce que j'ai occupé la fonction déjà, dans mon gouvernement, de ministre de... j'ai occupé la fonction de ministre de l'Éducation. Et maintenant, à titre de porte-parole, j'ai pu, à l'occasion de ce débat, faire valoir notre point de vue qui rejoignait celui présenté par le ministre.

Et, autant parfois nos débats peuvent être un peu difficiles, pour ne pas dire davantage, autant, dans ce cas-ci ? et c'est normal et c'est sain dans nos démocraties, on ne partage pas toujours le même point de vue ? autant, je crois, nous avons travaillé harmonieusement. Et, à cause de ce que nous avons fait ensemble, demain le Québec va être un peu meilleur. Je vous remercie, M. le Président.

Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Cusano): Je vous remercie, Mme la députée de Taillon. Le rapport de la Commission de l'éducation portant sur le projet de loi n° 95, Loi modifiant diverses dispositions législatives de nature confessionnelle dans le domaine de l'éducation, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cusano): C'est adopté? Adopté. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Puis-je vous indiquer l'article 49 du feuilleton?

Motions du gouvernement

Motion proposant la constitution
d'une commission spéciale en vue de
l'étude de l'avant-projet de loi
remplaçant la Loi électorale

Reprise du débat sur
la motion d'amendement

Le Vice-Président (M. Cusano): À l'article 49 du feuilleton, aux motions du gouvernement, l'Assemblée reprend le débat, ajourné hier, sur la motion d'amendement de M. le député de Saint-Maurice présentée dans le cadre du débat sur la motion du ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques proposant que soit constituée une commission spéciale en vue de l'étude de l'avant-projet de loi remplaçant la Loi électorale, déposé le 15 décembre 2004. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. Mme la députée de Mirabel.

Mme Denise Beaudoin

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Alors, j'interviens à un deuxième amendement présenté par ma formation politique, concernant la participation citoyenne. C'est suite à la motion présentée par le gouvernement pour la constitution d'une commission spéciale en vue de l'étude de l'avant-projet de loi remplaçant la Loi électorale. Il s'agit de 711 articles, et évidemment on parle de la réforme du mode de scrutin. Je suis intervenue hier, M. le Président, concernant un premier amendement présenté par ma formation politique et j'ai manifesté mon inquiétude et surtout ma grande déception suite au dépôt de cette motion, parce que nous considérons que cette motion est antidémocratique et que ça ne permet pas la parité, la parité des parlementaires.

Ce premier amendement se lisait comme suit:

«[Que] la commission soit composée de 11 membres ainsi répartis: trois du groupe parlementaire formant le gouvernement, incluant le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, trois du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, trois députés indépendants, un président du groupe parlementaire formant le gouvernement et un vice-président du groupe parlementaire formant l'opposition officielle, tous deux élus aux 2/3 par l'Assemblée nationale.»

Je suis d'autant plus déçue que les collègues d'en face, hier, n'ont pas répondu à mon appel, M. le Président, ils ont voté contre notre amendement.

Cet amendement-là était nécessaire, parce que, nous, on considérait qu'il était partisan. Il était partisan, parce que les collègues d'en face constituent 76 sièges, ce qui représente la majorité, et, à ce moment-là, bien, évidemment, c'est eux qui vont décider. Alors, on ne peut pas accepter ça. La réforme du mode de scrutin, c'est très important. Et, comme je le disais hier, et je le dis à la population du Québec, on appelle ça se faire passer un sapin, parce qu'on n'a pas le droit de parole, ni les citoyens ni les parlementaires qui ne constituent pas la majorité. Normalement, une réforme comme celle-là devrait manifester de l'enthousiasme, ça devrait manifester de la participation. Mais non, tout ce que ça apporte, c'est de la méfiance, de la méfiance parce qu'on n'a pas le droit de parole.

Vous savez, par ma formation juridique ? je suis avocate ? on avait toujours, quand on se présentait à la cour, la possibilité de se faire entendre, autant des deux côtés, et, si le juge était partisan, on avait le droit... on a toujours le droit de dire: Bien, il doit se récuser. Mais, ici, ce n'est pas le cas, parce que ce n'est pas démocratique. Les deux amendements étaient très importants, le premier a été rejeté, et j'ose espérer que le deuxième va être accepté, qu'ils vont se reprendre, parce que le deuxième concerne toute la population du Québec. Et je voudrais vous le lire, M. le Président, c'est pour assurer un vrai pouvoir aux citoyens et aux citoyennes, parce qu'avec cette motion-là ils n'ont pas le droit de parole, ils n'ont pas de pouvoir.

Alors, la motion se lit comme suit:

Premièrement, par le remplacement des 18e, 19e, 20e et 21e paragraphes par les paragraphes suivants:

«Un comité citoyen sur les questions électorales assiste, de façon non partisane, à la commission dans la réalisation de son mandat, en faisant valoir le point de vue des électeurs en complément de celui des élus;

«Le comité citoyen participe ? et je dis bien "participe" ? aux travaux et auditions tenues par la commission;

«Le comité citoyen prend part à la rédaction du rapport de la commission et peut y inclure ses observations, conclusions et recommandations;»

Et, deuxièmement, par le remplacement du 24e paragraphe par le paragraphe suivant:

«La sélection des membres du comité citoyen se fasse par tirage au sort parmi les candidats disponibles en assurant une composition la plus représentative possible de la diversité de la société québécoise, notamment selon l'âge et les régions.»

n(16 h 10)n

Il me semble que ça va de soi, M. le Président, on veut tout simplement que les Québécois et les Québécoises puissent se faire entendre, puissent avoir un vrai pouvoir. Et, à ce moment-là, le ministre parle de mener à bien une des consultations les plus ambitieuses, il parle de briller parmi les meilleurs. Mais ce n'est pas avec une motion comme ça qu'ils vont briller parmi les meilleurs, et vice versa, le départ... le processus de consultation, il dépose une motion qui ne répond pas du tout aux aspirations qu'il semble vouloir laisser croire. Pourquoi, M. le Président? Parce qu'il maintient sa majorité parlementaire et ainsi oriente les conclusions de la commission parlementaire, parce qu'il refuse une parité entre les formations politiques, parce qu'il ne veut pas d'une démarche paritaire transparente et transpartisane.

Vous savez, je suis un peu gênée par cette motion-là. Parce que le Québec est un chef de file en matière de démocratie. On l'a prouvé depuis plus de 30 ans, on a fait des pas de géant, M. le Président. Et on a fêté dernièrement ? je l'ai souligné hier ? le 60e anniversaire du droit de vote des femmes. Même avec cette motion-là, on a parlé de parité entre hommes et femmes. Mais ce qui arrive, c'est que, et ça a été manifesté par justement le Collectif Féminisme et Démocratie, c'est bien beau, accorder une parité, mais il faut avoir le droit de parole. Ce collectif-là disait que ça n'a pas de bon sens, c'est timide, c'est limité, ce comité écarte les débats des membres de la commission parlementaire. Alors, personne n'est content, parce que justement la réforme du mode de scrutin est ce qu'il y a de plus important presque au Québec, puis on écarte les parlementaires, les autres parlementaires, on écarte la population.

Et, quand je dis que le Québec est un chef de file en matière de démocratie, bien j'ai fait une petite recherche, et puis, si on regarde tout ce qu'on a fait sur le plan international pour prouver, dans d'autres pays, comment on fonctionne chez nous, comment c'est démocratique... On a simplement à voir tout ce que le Directeur général des élections a fait, le Directeur général des élections du Québec. Il a fait des missions d'observation des élections dans plusieurs pays. Je vais en noter simplement quelques-uns.

En Belgique, en 1985, pour montrer c'était quoi, la démocratie. Haïti, en 1987, c'étaient des missions qui se sont déroulées avec la participation de l'Organisation internationale de la Francophonie, l'Organisation des Nations unies, l'Assemblée parlementaire de la Francophonie. Puis, l'une des plus importantes expériences qu'a connues l'institution à cet effet a été l'élection haïtienne de 1990.

Également, le Directeur général des élections va montrer dans d'autres pays la démocratie ici, au Québec, par des missions d'analyse et d'évaluation des besoins et des capacités électorales. Le Directeur général des élections a réalisé plus d'une vingtaine de missions d'analyse et d'évaluation des besoins à travers le monde, pour ne citer que le Cameroun, Haïti et République démocratique du Congo, Côte d'Ivoire. Également, ils ont fait des missions d'assistance technique. On a parlé en République du Congo, en 2002, 2004; en Serbie, en 2002, au Mali, en 2003, pour n'en nommer que quelques-uns.

Vous savez, c'est un peu gênant, cette motion-là, quand on pense qu'on est fiers, chez nous, de notre démocratie. Et même le Directeur général des élections a fait l'accueil des visiteurs étrangers. On les voit ici qui viennent souvent. Ils viennent ici parce qu'on est des modèles. Des modèles. Le Directeur général des élections a reçu à ses bureaux et rencontré à plusieurs reprises, à l'occasion de leur séjour au Québec, des délégations de nombreux visiteurs étrangers, des administrateurs d'élections, des chercheurs, des journalistes, des étudiants, des parlementaires pour leur montrer ce qu'on fait, nous, ici, au Québec.

Mais regardez ce qu'on fait, là: on présente une motion antidémocratique. C'est un peu gênant. Ça me fait penser, quand on était jeune, il y avait un jeu qu'on appelle le serpent puis l'échelle. On était en haut, là, et puis là on vient de descendre en bas, avec une motion comme ça, M. le Président. C'est inacceptable, inacceptable. J'espère que la population du Québec va réagir, parce que, nous de l'opposition, on n'est pas ici simplement pour dénoncer puis s'opposer à tout. Le gens me connaissent à titre de députée de la circonscription de Mirabel, ils me connaissent aussi comme porte-parole de l'opposition officielle en matière de régime de rentes et de retraite. Quand c'est bon, c'est bon, on participe, on participe aux projets de loi. J'ai participé, avec mon collègue de Verdun, sur un projet de loi privé, et finalement il y a eu la loi n° 195 et qui remédiait, disons, à certains pouvoirs que les retraités n'avaient pas. On a participé, c'était bon. Mais là, là, ce n'est pas bon, c'est antidémocratique. Et j'invite, j'invite mes collègues d'en face à voter pour notre amendement afin que la participation de tous les citoyens soit possible. C'est très, très important. Ils peuvent se reprendre. Hier, ils ont voté contre notre premier amendement. Ils ont une chance, M. le Président, de se reprendre. Parce qu'ils vont être jugés par la population. Disons qu'ils ne sont pas très populaires ces temps-ci, 77 % d'insatisfaction. Bien, peut-être qu'ils pourraient prouver qu'ils sont de bonne foi et, à ce moment-là, se reprendre et accepter notre amendement. Cet amendement-là, c'est simple, c'est simple, c'est simplement pour que les gens, les citoyens et les citoyennes aient un droit de parole, pas simplement, simplement assister. Ça, ça ne donne absolument rien. C'est partisan.

Alors, M. le Président, encore une fois, je dis: Cet amendement-là représente la démocratie. Merci.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Mirabel. Je reconnais la prochaine intervenante, Mme la députée de Deux-Montagnes.

Mme Hélène Robert

Mme Robert: Merci, M. le Président. Alors, pour la deuxième fois, je me présente dans cette Assemblée pour intervenir face à la motion qui a été présentée par le ministre, motion visant à former une commission parlementaire spéciale.

Nous sommes en plein débat. Ce qui est en jeu à l'heure actuelle, cette commission qui fera... qu'on a dit itinérante, qui pourrait faire le tour du Québec, et tout ça, c'est sur tout notre régime démocratique, notre façon de voter, tout ce qui est à la base de notre démocratie, comme... À chaque fois qu'on m'a élue, pour moi, ça a toujours été important de me considérer comme la représentante de la population, et, la façon que les gens m'élisent, elle est importante pour chacun d'eux parce que c'est là leur exercice. Ça fait 200 ans que la population vote de cette façon-là au Québec, et là on dit: Il faudrait changer cette façon-là. Effectivement, ça se parle depuis très longtemps. Loin de là, nous, de dire que ce n'est pas nécessaire, que ce n'est pas quelque chose qui doit se penser, qui doit se discuter.

Et là on présente une motion d'une commission parlementaire, et le peuple... la consultation se fait d'une façon complètement contrôlée par le gouvernement en place. Au niveau de notre démocratie et au niveau de notre régime de votation, ce n'est pas ça, ce n'est pas ce que la population veut, et ça, énormément de groupes l'ont dit. Ça, c'est une... Plusieurs expériences ont été dans ce sens-là. On en a eu une qui a été faite par ce gouvernement, la consultation, la commission Bélanger-Campeau, la société civile a quand même apporté une richesse incroyable à cette commission-là. Il y a beaucoup d'expériences où les citoyens, la société civile vient enrichir, si vous voulez, vient donner une touche de créativité pour arriver à un meilleur consensus pour savoir où on va. D'ailleurs, le ministre le disait que ce sont les consultations les plus ambitieuses. Alors, justement, ces consultations-là étant les plus ambitieuses parce que le résultat, le rapport, c'est un rapport qui devra être un rapport d'une société, d'un plus large éventail possible de la population, et que, durant cette consultation-là, les débats, les échanges d'idées, les façons de faire puissent vraiment être partagés par un très large pan de la population.

n(16 h 20)n

Hier, le gouvernement a refusé une composition paritaire. Déjà, il nous donne le signe qu'il a peur. Il a peur de ne pas contrôler ce que le peuple du Québec voudra bien décider comme régime de vote... mode de scrutin et différents éléments qui sont à la base de l'exercice de notre démocratie. Il a peur. C'est certain qu'on se pose la question: De quoi a-t-il peur? Est-ce qu'il a peur que les gens de la société civile ne soient pas à la hauteur de non seulement écouter, mais de donner leur avis, de proposer d'égal à égal avec des députés membres de cette commission? Est-ce qu'on a peur que notre population civile, parce qu'elle n'a pas eu la grâce de l'élection, qu'elle ne puisse pas apporter quelque chose à cette commission? Alors, c'est certain que vous allez me répondre: Non, nos gens pourraient apporter quelque chose de merveilleux, de fantastique à l'intérieur de cette commission-là. Alors, mais pourquoi, pourquoi on leur dit: Vous allez écouter, vous allez participer qu'aux auditions de la commission, mais, quand ce sera question de faire le rapport, quand ce sera la question de donner vos idées et de... non, vous n'êtes plus là, c'est la commission des députés, avec une majorité gouvernementale, qui, au bout de la ligne, décideront ce qui sera mis dans ce rapport-là?

Et c'est un avant-projet, c'est une consultation à partir d'un avant-projet. Vous savez, développer un consensus pour changer une façon de faire de 200 ans, ce n'est pas quelque chose qui doit se faire en disant: Nous devons contrôler totalement tout ce qui va se faire dans toutes les étapes, dans tous les horaires, dans... et de ne pas faire place au véritable débat. D'ailleurs, en parlant de débat, ça fait quand même plusieurs heures ici, en Chambre, que nous débattons. Je pense que c'est notre lieu de débat, c'est notre lieu de vraiment donner notre opinion, c'est notre lieu pour en arriver à prendre les meilleures décisions pour les gens que l'on représente, pour notre population, et je remercie tous mes collègues qui ont participé à ce débat en grand nombre et qui ont enrichi ce débat.

Mais j'ai remarqué ? et ça me rend triste ? que, du côté des députés de la partie ministérielle, il n'y a eu à peu près pas de participation au débat. Je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas pourquoi, face à cette grande consultation ? ça fait 200 ans qu'on n'a pas modifié ? pourquoi, face à cette grande consultation là, les députés de la partie ministérielle ne participent pas à cet échange, à ce débat. J'ai bien vu intervenir M. le ministre, qui a déposé la motion, j'ai vu aussi intervenir un autre ministre, et je pense qu'il y a un seul député qui est intervenu, qui a donné son opinion et qui a travaillé avec nous.

Alors, écoutez, moi, je me pose des questions et je suis inquiète. Est-ce qu'on contrôle à ce point-là où on ne peut plus arriver à faire de débat, où on ne peut plus véritablement, au moins à l'intérieur de l'Assemblée nationale, mettre tout sur la table? Vous savez que, quand le ministre dit: Il y a une distorsion et il faut changer, bien, écoutez, justement, il ne faut pas que, les prémisses de la distorsion, on s'en serve pour justement mettre une consultation et empêcher la partie citoyenne de vraiment donner son opinion, de donner ses idées, mais aussi de participer au rapport d'égal à égal. Je pense que notre société sera de plus en plus démocrate, sera de plus en plus libre quand on se considérera, tant que nous sommes, comme égaux et que nous avons le pouvoir de réaliser des choses, mais non le pouvoir sur. Alors, merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Deux-Montagnes. Je reconnais maintenant le député de Saint-Hyacinthe.

M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président. Tout de suite, dès le début, je veux qu'il soit bien clair que nous sommes en faveur d'un processus de réforme de nos institutions et en particulier de notre façon d'élire nos représentants. Alors ça, ça doit être très clair. Et la preuve que nous sommes en faveur, c'est que nous proposons des amendements à la loi pour l'améliorer, M. le Président. Nous voulons que la loi soit plus démocratique, nous voulons que la consultation soit plus démocratique. C'est pour ça que nous essayons d'expliquer, à chaque fois que nous prenons la parole, nous essayons d'expliquer encore mieux pourquoi nous le voulons.

Par exemple, nous proposons l'amendement suivant: qu'on forme un comité de citoyens sur des questions électorales, que ce comité de citoyens assiste, de façon non partisane, à la commission dans la réalisation de son mandat, donc un comité de citoyens qui ne soit pas partisan, qui soit représentatif des intérêts des gens qu'il représente; un comité citoyen participe aux travaux et auditions tenues par la commission, il participe à tout; et enfin le comité de citoyens prend part à la rédaction du rapport ? c'est important, ça, ce n'est pas tout d'écouter, ce n'est pas tout de dire aux gens: Parlez, on va vous écouter. Il faut que les gens sachent qu'il y a déjà deux de leurs groupes qui vont être là quand le crayon va courir et qu'ils vont pouvoir dire: Bien, ce n'est pas tout à fait ça que j'ai entendu, oui, c'est ça que j'ai entendu, et qui vont pouvoir développer tranquillement un consensus ? et donc qui vont pouvoir inclure leurs observations... ce comité de citoyens va pouvoir inclure ses observations, ses conclusions et ses recommandations. La sélection des membres du comité citoyen, qu'elle se fasse en assurant une composition la plus représentative possible de la diversité de la société québécoise, notamment selon l'âge et les régions.

Alors, M. le Président, il me semble que l'orientation qui est prise est une orientation positive, une orientation de dire: Bon, il y a là un projet de loi, il y a une volonté de faire des réformes, il y a une volonté de consulter, assurons-nous qu'il y ait de la crédibilité là-dedans et que les citoyens puissent avoir confiance que ça va se passer de façon normale et qu'ils vont être écoutés.

Ici, dans un article paru dans Le Journal de Montréal du 1er juin, je lis ceci: «Benoît Pelletier ? excusez, c'est... évidemment, c'est M. le ministre, hein, bien oui ? ne s'en cache pas, il veut s'assurer "que ça permet de réduire les écarts entre les votes obtenus par les partis politiques et leur représentation à l'Assemblée nationale".» Bon, c'est un objectif noble, noble, mais, moi, M. le Président, ce n'est pas mon objectif principal. Mon objectif principal, c'est de m'assurer qu'après l'opération il y ait plus de démocratie qu'avant. C'est ça, mon objectif, c'est-à-dire qu'on fasse un pas qualitatif par rapport à la conviction, à la conscience que le peuple aura qu'il aura fait un pas en avant vers plus de démocratie. C'est ça qui est ma préoccupation et c'est pour ça que je participe à ces travaux, M. le Président.

n(16 h 30)n

Avez-vous pensé que le gouvernement veut changer le mode de scrutin parce qu'il paraît qu'il y a des distorsions? Bon, je suis prêt à convenir qu'il y a des distorsions. On en a parlé, j'en ai parlé moi-même hier, j'en conviens, il y a des distorsions. Mais, voyez-vous, ce qui est bizarre, c'est qu'actuellement, constatant qu'il y a des distorsions, il veut faire des changements, mais il fait des changements en s'appuyant sur les mêmes distorsions qu'il veut créer, les distorsions qui font que le Parlement est ce qu'il est et que le parti au pouvoir a le pouvoir, c'est-à-dire qu'il peut imposer ces changements.

Mais, M. le Président, moi, j'ai un grand principe auquel je me rattache toujours: les moyens doivent être insérés dans la fin et la fin doit être insérée dans les moyens. Si je veux que mon mur soit blanc, je prends de la peinture blanche, pas de la peinture noire. Si je veux aller vite, je ne vais pas à pied, je prends ma voiture. Il faut que l'objectif qu'on cherche soit présent dans le moyen que l'on prend. L'objectif qu'on cherche, c'est plus d'égalité et plus de démocratie. Donc, il faut qu'il y ait plus de démocratie dans le moyen. C'est simple, hein, M. le Président, ce n'est pas difficile, ça, tout le monde comprend ça. Alors, c'est la démarche que nous suivons, nous voulons qu'il y ait plus de démocratie dans le moyen qu'on prend.

Et le moyen, c'est quoi? Là, un des moyens qu'on prend, que suggère M. le ministre, c'est une consultation. Alors, on veut que, dans l'organisation de la consultation, il y ait plus de démocratie. Et il y a plusieurs éléments qui rentrent en ligne de compte là-dedans, mais un des éléments, c'est que les gens, quand on va leur proposer la consultation, ils aient conscience qu'ils auront prise sur le résultat final de la consultation, c'est-à-dire que le résultat final leur sera soumis par référendum. Ils pourront dire: Oui, c'est à peu près ça qu'on a dit ou, non, vous ne nous avez pas compris. Alors, si le ministre s'engageait à soumettre nécessairement la réforme à l'adoption par un référendum, déjà ça nous rassurerait parce qu'on sait que ça rassurerait beaucoup les gens.

Mais on voudrait qu'il y ait encore... Pour être sûrs qu'on arrive à ce résultat-là, on voudrait que les gens, que la société civile soit présente dans tout le processus, c'est-à-dire qu'elle soit présente pour écouter ce que les gens vont dire, qu'elle soit présente pour poser des questions sur un pied d'égalité et sans conditionnement, sans être conditionnée par une majorité parlementaire quelconque, et on voudrait qu'elle soit là pour ensuite faire partie du comité qui va rédiger le rapport final. Alors, là, on aurait des garanties que, de a à z, on a plus de démocratie.

Ensuite, on voudrait s'assurer que monsieur et madame qui viennent devant le comité de consultation, qui viennent devant cette commission de consultation, bien, qu'ils aient le sentiment qu'ils peuvent venir en toute sécurité, qu'on n'essaiera pas de les intimider ou de les conditionner. Alors, on propose, on proposait... Malheureusement, ça a été rejeté hier, on proposait qu'il y ait autant de députés d'un bord que de l'autre, des libéraux, du Parti québécois ou de l'ADQ, pour que les gens soient rassurés qu'ils peuvent avoir confiance, qu'ils ne seront pas conditionnés, ils pourront dire ce qu'ils veulent. Bon, ça a été rejeté hier, ça a été battu. C'est malheureux parce que ça aurait été un pas en avant. Un petit pas, mais dans la bonne direction. Alors, aujourd'hui, nous proposons de créer des conditions qui vont faire que les gens de la commission, la société civile va se sentir considérée de a à z, du début jusqu'à la fin du processus.

Alors, c'est pour ça que, M. le Président, on est malheureux, parce que l'objectif qui est de réformer pour améliorer, pour diminuer les distorsions, on trouve que c'est un objectif louable. Et c'est l'objectif qu'on avait et qui a fait qu'on a initié ce processus il y a déjà quelques années, et on avait même mis, le premier ministre avait nommé un ministre à la Réforme parlementaire qui avait juste ça à faire, c'était sa seule fonction. Alors, on y tenait, on y tient encore et là on voudrait évidemment que l'espace public, que l'espace public qui va être offert aux gens ne soit pas clôturé, trop clôturé par une majorité parlementaire, que les gens se sentent qu'ils peuvent venir là, et dire ce qu'ils pensent, et que ce sera considéré.

La réforme du mode de scrutin doit se faire avec la population du Québec et pour la population du Québec. Bon, oui, on veut que les partis soient égaux là-dedans et que, face au vote, que les partis soient représentatifs du vote. On veut ça, mais notre objectif, Mme la Présidente, ce n'est pas les partis, c'est la population, c'est le pouvoir de la population. Nous, nous ne sommes que des instruments de la population. Alors, Mme la Présidente, voyez-vous, tout ça me mortifie parce qu'il me semble, ce serait tellement plus simple d'améliorer la situation, de créer un lieu de consultation publique où les gens vont se sentir à même de dire ce qu'ils veulent, comme ils voient les choses. Il y a des gens qui ont toutes sortes d'expériences démocratiques. Que ce soit dans les clubs sociaux, dans les municipalités, les commissions scolaires, les syndicats, les groupes de patrons, les chambres de commerce, ils ont toutes sortes d'expériences de la démocratie. On voudrait qu'ils puissent vraiment en faire bénéficier le processus pour que l'avenir soit plus démocratique au Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Alors, je serais prête à reconnaître un prochain intervenant. M. le député de Labelle, à vous la parole.

M. Sylvain Pagé

M. Pagé: Merci, Mme la Présidente. En fait, mon collègue le député de Saint-Hyacinthe a à peu près fini comme je voulais commencer. Et on a fini un peu sur la même note parce que, moi aussi, hier, Mme la Présidente, j'ai pris la parole dans le contexte du débat, qui est extrêmement préoccupant. Pas qui me préoccupe, c'est un débat extrêmement préoccupant, et il faut que tout le monde en prenne conscience. Et il a fini ? puis je veux recommencer sur la même note ? il disait: La réforme du mode de scrutin doit être une réforme pour et par la population. Et ça, ça doit être un leitmotiv, tout le monde doit se répéter ça. Cette réforme-là doit être par et pour la population et non, comme on doute, comme on doute, et non par et pour une formation politique. Parce que la façon dont on est en train de faire les choses et la démonstration que le Parti libéral du Québec est en train de nous faire, c'est qu'on réformerait le mode de scrutin par et pour une formation politique. Et ça, ce n'est pas ce que l'on souhaite.

Est-ce qu'il y a une distorsion dans notre mode de scrutin? Oui, je n'en disconviens pas, on est d'accord avec ça. Est-ce qu'il faut le réformer? Oui, on est d'accord avec ça. René Lévesque en parlait dans les années soixante-dix. Il n'y a pas eu d'unanimité, il n'est pas allé de l'avant. Robert Bourassa en a parlé. Il n'y avait pas d'unanimité, il n'est pas allé de l'avant. Tout le monde, depuis les années soixante-dix, à partir du moment où on s'est préoccupé d'une façon sérieuse du problème, a toujours admis que, si on voulait aller de l'avant, il fallait l'unanimité de cette Chambre ou du moins, à terme, que la population soit consultée.

On vient de le vivre, là, en Colombie-Britannique, il y a eu élection générale, en même temps que l'élection générale, il y a eu référendum. La population en fait a dit oui et a dit non en même temps, parce que, même en Colombie-Britannique, on a demandé 60 % d'appui à la réforme du mode de scrutin, on a obtenu, je pense, c'est 56 % ? le député de Masson pourrait me dire ça ? je pense que c'est 56 % qu'on a obtenu en Colombie-Britannique. Et, même s'il y avait une majorité, pourtant on n'est pas allé de l'avant parce que c'est majeur, changer notre mode de scrutin. Notre mode de scrutin, Mme la Présidente, vous le savez comme moi, il existe au Québec depuis 220 ans... 219, je crois, exactement. Depuis tant d'années, notre mode de scrutin fonctionne. Et il fonctionne bien quand même, et c'est un peu ce qui est le gage de notre démocratie, de notre paix sociale. Je l'ai dit hier et je vais le répéter encore, si on veut que notre société fonctionne, il faut que les gens aient confiance à notre démocratie, à nos institutions politiques.

Mais la façon dont, au départ, on compose la commission qui va étudier cette réforme-là, déjà, je regrette de le dire, mais c'est biaisé parce qu'on veut le faire à partir d'une majorité gouvernementale, donc aucune parité, et c'est ce qui est troublant, et c'est ce qui est troublant. Et on dit: Il y aura une participation citoyenne. La participation citoyenne, je regrette, on veut les écouter, mais ils ne font pas véritablement partie de la solution, là. Et c'est pour ça qu'on a amené un deuxième amendement, c'est pour ça qu'on apporte un deuxième amendement. Le député de Saint-Maurice, hier, il l'a amené, et je vais faire la comparaison, Mme la Présidente, entre l'amendement déposé par le député de Saint-Maurice et la réalité qui est proposée par le parti ministériel.

n(16 h 40)n

Ce qu'on nous dit relativement à la participation citoyenne et des citoyens, ce que le ministre nous propose, premier point: «Un comité citoyen sur les questions électorales assiste, de façon non partisane et sur une base consultative...» Nous, on dit: Il faut éliminer «sur une base consultative». Et la proposition que nous avons faite, l'amendement en quatre volets, en quatre étapes, quatre amendements importants pour que la participation citoyenne soit véritablement dans le processus, on veut tout simplement enlever «sur une base consultative» pour que les citoyens ne soient pas que consultés, mais qu'ils participent réellement à la consultation.

Autre point, on dit... là, la proposition ministérielle: «Le comité citoyen participe exclusivement aux auditions publiques...» Nous, on veut faire tomber le mot «exclusivement» pour dire «participe aux travaux et auditions [publiques]». En fait, on a dit, hein... déjà, là, deux points, et ce que vous entendez, Mme la Présidente, je suis convaincu que vous entendez la même chose que moi, une participation citoyenne mais limitée: vous avez droit d'être là, mais seulement sur une base de consultation, et exclusivement aux auditions publiques, vous ne participez pas aux travaux. Alors, ça change singulièrement, singulièrement le sens de la participation citoyenne.

Troisième point, ce que le ministre nous propose: «Le comité citoyen ne [prend] pas part à la rédaction et à l'adoption du rapport de la commission.» Nous, ce qu'on dit: «Le comité [de citoyens] prend part à la rédaction du rapport de la commission», et on ajoute, on ajoute: «[il] peut y inclure ses observations, conclusions et recommandations». Est-ce qu'on veut simplement un comité de citoyens juste pour la frime, juste pour se donner bonne conscience, ou bien ou veut véritablement qu'il prenne part? Mais ce n'est pas du tout, du tout le message que le ministre nous envoie.

Et quatrièmement, et là c'est peut-être moins majeur dans notre amendement, mais c'est quand même quelque chose qu'il faut éclaircir, parce que le ministre, ce qu'il nous dit: «La sélection des membres du comité [de citoyens] se fasse par tirage au sort parmi les candidats admissibles et disponibles...» Bien sûr, il faut qu'ils soient disponibles. «Admissibles», ça veut dire quoi? Qui va être admissible? On ne le sait pas. On n'a pas de définition de ça. Alors, nous, dans la quatrième partie de notre amendement, on dit tout simplement d'enlever cette partie-là, d'être des «candidats admissibles», parce qu'on n'a pas du tout défini ce que ça veut dire, parce que l'interprétation que le ministre pourrait en faire, avec ce que j'entends et ce que je vois présentement, bien, disons que vous allez me permettre de dire que c'est inquiétant, Mme la Présidente.

Alors, quand je lis tout ça, Mme la Présidente, quand je vois qu'hier la majorité parlementaire a refusé également que le comité soit formé à partir de trois membres de l'Action démocratique, trois membres du Parti québécois, trois membres du gouvernement, donc comité paritaire avec, autant que possible, égalité hommes-femmes... Ils ont refusé cela. Ils ont refusé cela. Alors, je vais leur dire tout simplement: En fin de semaine, là, les députés, là, qui sont ici, et quelques-uns qui écoutent certainement dans les bureaux, et j'invite aussi la population qui nous écoute cet après-midi, en fin de semaine, chaque député, quand vous allez retourner dans vos circonscriptions, parlez à vos citoyens et citoyennes, dites-leur quels sont vos objectifs. Vous voulez changer le mode de scrutin et vous n'êtes pas encore certains si la population va être consultée par voie référendaire. Vous voulez que la commission qui soit formée pour consulter la population, que les comités citoyens viennent observer mais qu'ils ne prennent pas véritablement part aux conclusions.

Le ministre nous a dit hier ? j'ai pris quelques notes, j'étais dans mon bureau, hier soir, quand le ministre a parlé ? le ministre nous a dit: Aucun parti n'est allé aux citoyens... n'est allé aussi loin dans la forme de consultation. Mais c'est totalement faux. Je regrette, c'est totalement faux. Dès le départ, ce qu'on a mis sur place, mis sur pied, en 2002, c'était véritablement une participation citoyenne. Ce qu'il nous propose aujourd'hui, ce n'est pas du tout une participation citoyenne. Il a fait référence à Bélanger-Campeau. Bélanger-Campeau, on a fait ressortir, aujourd'hui, ce que ça représentait: il y avait 18 membres de gens non élus de l'Assemblée nationale, 16 députés de l'Assemblée nationale. La présidence, Michel Bélanger et Jean Campeau, ce n'étaient pas des députés, ce n'étaient pas des ministres. La commission était véritablement dirigée, si l'on veut, par l'ensemble des citoyens, des gens d'affaires, des gens de syndicats. Le pouvoir était à ces gens-là.

Mme la Présidente, c'est inquiétant, c'est très inquiétant. Mon collègue le député de Masson fait un excellent travail dans ce dossier-là. Il alerte la population, il nous donne l'information, il pose des questions au ministre, et ces questions-là restent souvent sans réponse.

Mais je regrette, si on veut faire une réforme du mode de scrutin, on doit le faire d'une façon transparente, non partisane, citoyenne, pas comme ce que vous nous proposez là. Je l'ai dit tantôt, Mme la Présidente, depuis 219 ans exactement, on a cette façon de voter au Québec, et soudainement les gens du gouvernement, parce qu'ils ont tout simplement le pouvoir entre les mains, ils voudraient changer tout ça. C'est inacceptable. Et ça, Mme la Présidente, on va se battre à mort contre ça.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Labelle. Alors, comme prochaine intervenante, je reconnaîtrais la député de Laurier-Dorion. À vous la parole.

Mme Elsie Lefebvre

Mme Lefebvre: Merci, Mme la Présidente. Encore une fois, puisque je suis intervenue hier, chaque occasion d'intervenir sur cet avant-projet de loi anime en moi un important sentiment de crainte et d'urgence, un sentiment d'urgence d'alerter la population du Québec sur les enjeux d'une réforme qui aura des impacts extrêmement graves et extrêmement négatifs pour l'avenir du système électoral du Québec et de notre système démocratique d'une façon globale. Il faut avouer également que notre système électoral n'est peut-être pas parfait, mais il demeure un des modèles de haut standard démocratique à l'échelle mondiale, et on se doit de le souligner. L'amendement que nous amenons a pour objet différents aspects. Donc: Premièrement, par le remplacement des 18e, 19e, 20e et 21e paragraphes par les paragraphes suivants:

«Un comité citoyen sur les questions électorales assiste, de façon non partisane, à la commission dans la réalisation de son mandat, en faisant valoir le point de vue des électeurs en complément de celui des élus;

«Le comité citoyen participe aux travaux et auditions tenues par la commission;

«Le comité [de citoyens] prend part à la rédaction du rapport de la commission et peut y inclure ses observations, conclusions et recommandations;»

Et deuxièmement, par le remplacement du 24e paragraphe par le paragraphe suivant:

«La sélection des membres du comité citoyen se fasse par tirage au sort parmi les candidats disponibles en assurant une composition la plus représentative possible de la diversité de la société québécoise, notamment selon l'âge et les régions.»

Donc, l'objet de l'amendement, c'est évidemment la participation citoyenne. La participation citoyenne qui, me semble-t-il, devrait être au coeur d'une réforme d'une aussi grande envergure.

Le ministre écrivait, dans une lettre publiée au Devoir, et je le cite: «En matière de réforme du mode de scrutin, le consensus doit être construit ? je suis bien d'accord avec lui; il ne peut naître que d'un débat sain et ouvert, que du choc des idées.» Je me demande quel choc des idées se produira dans un groupe de personnes qui est dominé par une majorité libérale. Il ajoutait: «Voilà pourquoi le gouvernement propose la création d'une commission parlementaire spéciale chargée de mener à bien une des consultations les plus ambitieuses jamais engagées par le législateur québécois.» Fin de la citation.

La réalité, Mme la Présidente, est tout autre. Le gouvernement dépose une motion pour la composition d'une commission parlementaire qui n'a de spéciale que son nom. Mes collègues avant moi l'ont répété, et je le redis encore une fois, aujourd'hui, il s'agit en fait d'un espace public qui sera clôturé par une majorité libérale. Le ministre parle de mener à bien des consultations les plus ambitieuses, mais il vice dès le départ le processus de consultation en déposant une motion ne répondant pas du tout aux aspirations qu'il semble vouloir croire.

n(16 h 50)n

Il y a plusieurs raisons pour ça, Mme la Présidente. Premièrement, parce qu'il maintient sa majorité parlementaire et ainsi oriente les discussions de la commission parlementaire, parce qu'il refuse une parité entre les formations politiques, parce qu'il ne veut pas d'une démarche paritaire, transparente et transpartisane, mais en plus parce qu'il ne donne aucun pouvoir au comité citoyen. En fait, ils ne seront là que pour une caution morale. Donc, amener les citoyens dans le débat public, s'ils ne sont là que pour écouter et regarder, je me demande en quoi la participation citoyenne est ici recherchée. La démarche poursuivie par ce gouvernement n'est donc pas à la hauteur des aspirations de la rigueur méthodologique et politique que commande une telle entreprise.

En fait, ce que nous essayons de rappeler et ce que nous martelons, c'est que c'est grâce à l'opposition officielle si au moins on retrouve dans la motion du ministre la constitution d'un cahier de participant avec des questions sur lesquelles la population devrait se prononcer.

L'objet de l'amendement ici déposé, c'est la participation citoyenne. On s'entend qu'en ce moment l'opposition officielle tente d'améliorer un avant-projet de loi qui devrait tout simplement retourner sur les planches à dessin et être complètement réécrit. La réforme du mode de scrutin, rappelons-le, doit se faire avec la population du Québec et pour la population du Québec, et minimalement avec un consensus des élus ici, à l'Assemblée nationale. 125 personnes ont été élues pour représenter les citoyens et les citoyennes de chacun de leurs comtés. Il me semble qu'avant d'entreprendre une réforme d'une aussi grande ampleur il serait minimal d'accepter d'avoir un consensus des trois partis ici représentés à l'Assemblée nationale. Ce qu'il ne faut pas faire et qui a été fait jusqu'à maintenant, c'est d'exclure les citoyens du processus. On exclut les élus qui représentent les citoyens et, une fois de plus, on tente d'exclure les citoyens de cette commission.

Rappelons-nous qu'on a tenu des soi-disant consultations derrière des portes closes pour l'élaboration de l'avant-projet de loi. Comme je le mentionnais, notre amendement, celui dont on discute présentement, va exactement avec l'idée d'accroître la participation citoyenne d'individus de la société québécoise. Avec l'avant-projet de loi proposé, on veut faire croire ? et c'est une supercherie ? que les citoyens sont impliqués en créant un comité citoyen, mais on ne leur donne aucun pouvoir en réalité. Ils y seront seulement pour assister la commission parlementaire sur une base consultative seulement. Quel pouvoir auront ces citoyens dans cette commission? Les élus des autres partis, puisque le ministre a affirmé qu'il était possible que cet avant-projet de loi soit adopté à majorité simple, donc les élus n'auront pas de pouvoir, les citoyens n'auront pas de pouvoir. Je crois que les seuls qui auront du pouvoir ici, c'est les élus du Parti libéral du Québec, et ça, c'est inacceptable.

Donc, en plus de privilégier un contrôle partisan de la démarche, le gouvernement libéral veut se donner une caution morale ? et c'est ça, c'est une caution morale, le comité de citoyens ? en faisant croire que sa commission est spéciale parce qu'il y prévoit des citoyens. C'est incroyable, c'est absolument inacceptable. Donc, en plus, le minus... le ministre ? pardon, petit lapsus ? en plus, le ministre n'exclut pas la possibilité que la loi réformant notre façon de voter soit adoptée sans consensus, avec la majorité des parlementaires ici, dans cette Assemblée. Le plus grave, c'est qu'après s'être dessiné un modèle voilà que le gouvernement se dessine une commission parlementaire et pousse l'outrage à vouloir cautionner cette démarche partisane en y ajoutant un comité citoyen qui, lui, n'aura aucun pouvoir sur la démarche entreprise par le gouvernement en place.

L'amendement que nous proposons assurera au moins un vrai pouvoir au comité citoyen. Le comité citoyen pourra véritablement assister la commission dans la réalisation de son mandat. Ce que l'on demande au gouvernement, c'est d'accepter... à l'Assemblée, ici, aux élus, d'accepter cet amendement minimal, rappelons-le, qui permettra un minimum de participation citoyenne dans ce processus. Le comité citoyen pourra participer autant aux travaux qu'aux auditions tenues par la commission et non pas seulement assister en écoutant aux consultations générales, comme le prévoit la motion du ministre. Les citoyens pourront écouter le ministre, mais, s'ils participent à une commission, il serait intéressant qu'ils puissent avoir un pouvoir effectif sur les prises de décision. En plus, nous proposons, si le ministre est vraiment sérieux dans sa démarche et que le comité citoyen ne soit pas qu'une caution morale, de permettre au comité de prendre part à la rédaction du rapport de la commission, d'y inclure ses observations, conclusions et recommandations.

Donc, on n'a pas beaucoup de temps pour intervenir sur un projet de loi aussi fondamental, et c'est ce qui est malheureux dans les circonstances. J'espère que les prochaines semaines, les prochains mois permettront à la population du Québec de prendre connaissance de l'objet de cet avant-projet de loi et puis de le sensibiliser à la chose.

Comme je le disais, je plaide afin que le gouvernement accepte cet amendement qui est à mon avis minimal. Ceci étant dit, si ce gouvernement en déroute pouvait voir la lumière au bout du tunnel, il agirait avec sagesse et renoncerait tout simplement à cet avant-projet de loi qui nous mènera, s'il est adopté, à un énorme recul de la démocratie au Québec. De surcroît, il est d'autant plus ironique de constater que c'est un gouvernement en déroute, avec un taux d'insatisfaction record de 77 %, qui nous conduit vers une réforme partisane, si peu démocratique. Avec 77 % d'insatisfaction, je comprends pourquoi le Parti libéral voit cette réforme avec autant d'intérêt. Rappelons que le principal auteur de la réforme, le professeur Louis Massicotte, louangé par le ministre dans ses avant-propos, déclarait, lors d'un exposé à un conseil du Parti libéral du Québec, en septembre 2004, aux délégués libéraux, que la proportionnelle mixte était le seul moyen pour les libéraux de se sortir du triangle des Bermudes et d'obtenir des victoires électorales plus fréquentes.

Sincèrement, je savais que ce gouvernement travaillait en fonction de ses propres intérêts, mais bafouer la démocratie pour se maintenir au pouvoir en adoptant seul une réforme de ses institutions démocratiques québécoises, c'est complètement inacceptable.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée. Alors, comme prochain intervenant, je vais reconnaître le député de Portneuf. À vous la parole.

M. Jean-Pierre Soucy

M. Soucy: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, ayant entendu l'appel de plusieurs collègues de l'opposition depuis deux jours, je me suis permis de me préparer à vous exposer mon point de vue sur le sujet, Mme la Présidente.

Alors, au cours des deux derniers jours, on a entendu plusieurs collègues de l'opposition, je vous dirais, maltraiter beaucoup, je pense, la définition de démocratie. On accuse le gouvernement actuel de tous les maux et on se sert beaucoup de... en fait un peu de tout pour dire que la démocratie québécoise est à la déroute. Par contre, quand on regarde ce que c'est vraiment, la démocratie... puis je vais me permettre, Mme la Présidente, d'apporter quelques définitions de cette démocratie. En fait, j'ai cherché, mais il n'y a pas de définition, je vous dirais, unanime, mais il y a un ensemble de définitions qui font en sorte qu'on s'y retrouve en termes de démocratie.

Alors, on dit qu'il y a plusieurs types de démocratie dont les pratiques variées produisent des effets semblables. La compréhension, l'expérience et les croyances de celui qui apprend l'histoire de son pays devraient être incorporées afin de créer une définition qui est significative et pratique pour sa vie quotidienne. La démocratie n'existe pas à l'intérieur d'un ensemble d'institutions universelles, le format spécifique que prend la démocratie dans un pays est largement déterminé par des circonstances politiques, sociales, économiques et est influencé par des facteurs historiques traditionnels et culturels.

La plupart des lectures que j'ai faites sur la démocratie commencent en identifiant l'origine du mot, où il a vu le jour, et on y fournit également des définitions simples et complexes de la démocratie, qui ont servi au fil des temps. Quand on parle de démocratie, évidemment on revient à l'époque grecque, donc il y a des siècles et des siècles, alors le mot grec «demos» qui signifie «personne» et le mot «kratos» qui signifie «autorité» ou «pouvoir». On dit aussi que c'est un gouvernement qui est dirigé avec le consentement du peuple. On dit aussi que c'est un système de gouvernement dont l'autorité suprême appartient au peuple, la gouverne du pays par le peuple directement ou par représentation.

n(17 heures)n

Alors, quand je parle de «par représentation», c'est exactement ce qui est le cas ici. Alors, considérant qu'on est trop nombreux évidemment, Mme la Présidente, pour se rassembler à 5, 6 millions d'électeurs dans le Parlement, on a décidé avec une façon de se faire représenter, un système électoral. Alors, on est représentés par des citoyens en qui on met notre confiance. Alors, cette confiance-là, elle se traduit évidemment par la dernière élection, les gens ont accepté de porter au pouvoir le gouvernement d'un Parti libéral avec un ensemble de projets qu'on voulait réaliser. Dans le cadre du projet qu'on voulait réaliser, il y avait une réforme du mode de scrutin qui est appelée depuis plusieurs années. Je croyais que ça faisait à peu près 40 ans, mais, hier soir, en écoutant le député de Borduas, il me disait que ça fait plus de 103 ans qu'on attend une réforme du mode de scrutin. Puis, si j'en crois l'expérience aussi des dernières années, c'est toujours quand on est dans l'opposition souvent que le sujet revenait à la mode. On parlait de réforme du mode de scrutin parce que, dans l'opposition, on se rendait compte que, bon, le système actuel ne nous avait pas bien servis. Alors, on comprendra difficilement qu'aujourd'hui, pour une première fois de l'histoire du Québec, un gouvernement qui est en poste décide d'aller de l'avant dans cette volonté de modifier un petit peu le système de représentation.

Au niveau de la démocratie, Mme la Présidente, toujours, toujours, les femmes et les hommes du Québec seront représentés par d'autres femmes et d'autres hommes en qui ils mettront leur confiance. Et ce système de représentation là fait en sorte que la démocratie est maintenue. Par contre, quand on regarde les résultats des modes de scrutin et l'évolution au cours du temps, on se rend compte que, depuis quelques années, il y a une diminution, je dirais, du taux de participation aux élections.

J'ai fait un petit relevé au niveau canadien, et c'est une phénomène un petit peu généralisé. Si on regarde aux dernières élections fédérales, les quatre dernières élections, le taux est passé de près de 70 %, en 1993, à 60 %, en 2004, et la tendance était perceptible lors de ces quatre élections là. Au niveau provincial, il faut faire attention quand on regarde les statistiques, Mme la Présidente, parce qu'avant 1931 certains législateurs étaient élus et réélus par acclamation. Donc, il n'était pas question de compter les votants, il n'y en avait pas de votant. C'était probablement la belle époque que d'être élu par acclamation. Et ça me rappelle aussi, Mme la Présidente, que j'ai été réélu par acclamation comme maire de ma municipalité, il y a quelques années. Et c'était la belle époque.

Des voix: Bravo!

M. Soucy: Merci, chers collègues. Mme la Présidente, après 1931, pendant une période de 50 ans, j'ai analysé les statistiques pour me rendre compte que la moyenne du taux de participation était autour de 78 %. Et, depuis 1985, on sent aussi une tendance à la baisse, on est passé de 75 % de taux de participation à 70 % du taux de participation. Pourtant, Mme la Présidente, depuis ce temps-là, s'est ajouté un nombre assez important de partis politiques. Quand on regarde ici, à la Chambre, on se rend compte qu'aujourd'hui on retrouve trois partis politiques représentés, mais, lorsqu'on regarde l'ensemble, l'assiette totale au Québec, il y a actuellement, Mme la Présidente, neuf partis électoraux, au Québec, reconnus. Alors, avec ces neuf partis, là, je vous lancerais un défi, Mme la Présidente, de me les nommer les neuf, je vous jure que ce n'est pas certain qu'on puisse passer au travers et découvrir qu'il y a neuf partis politiques au Québec.

Eh bien, contrairement à ce qu'on aurait pu penser, avec neuf partis politiques, on aurait pu penser que le taux de participation aux élections aurait été plus élevé. Mais non. Pourquoi? Bien, parce que probablement que le système actuel de représentation, le mode de scrutin n'est pas à la hauteur. Alors, c'est la raison pour laquelle on avait mis dans le programme électoral, Mme la Présidente, de vouloir modifier le système électoral. Et, si on a pris deux ans pour, je vous dirais, en proposer un, c'est qu'il fallait quand même faire l'étude de l'ensemble des systèmes électoraux qui existent sur la planète, évidemment toujours dans le respect du principe démocratique et du fait qu'on vit dans une démocratie, une démocratie représentative. Et ça, pour les citoyens du Québec et les citoyennes du Québec, c'est très rassurant.

Alors, on a une augmentation du nombre de partis politiques, par contre on a une diminution du taux de fréquentation à l'élection, du taux de participation. Alors, c'est donc dire qu'il y a un problème? Oui, il y a un problème. On adresse ce problème-là en déposant, Mme la Présidente, un avant-projet de loi. Cet avant-projet de loi a le mérite d'être très bien détaillé. Oui, c'est vrai qu'il y a au-delà de 700 articles, mais je pense que ça valait la peine de les écrire, et ça vaudra la peine aussi, à la commission itinérante, d'aller sonder la population sur un projet de loi qui est quand même avancé, hein. C'est un avant-projet, je m'excuse, je ne voudrais pas qu'il y ait une mauvaise interprétation. C'est un avant-projet de loi qui est quand même écrit avec beaucoup de rigueur, qui prend en compte un système qui propose aux citoyens une autre alternative qui va faire en sorte qu'il y a probablement des prochains élus ici qui vont représenter de nouveaux partis politiques. Je pense que, ça, c'est souhaitable. Avec la quantité de partis politiques qui sont maintenant, je vous dirais... qui ont leurs lettres de noblesse, ça va faire en sorte qu'on aura une meilleure représentativité.

Et le système qu'on propose va faire en sorte aussi que, dans certaines régions... Je vais prendre l'exemple dans Lanaudière, il n'y a aucun député du Parti libéral. Probablement qu'avec une nouvelle carte ça ferait en sorte qu'il y en aurait un. Alors, ce que ça va faire, Mme la Présidente, ça va faire en sorte que les citoyens auront peut-être plus d'oreilles pour se faire entendre. Mais je pense que, pour la démocratie, c'est sain, c'est sain qu'au Québec on soit capable d'aller trouver quelqu'un qui puisse écouter nos problèmes sans appréhender le fait qu'on s'était peut-être montré plus partisan pour un parti que pour un autre.

Alors, en ce sens-là, la réforme qui est proposée est tout à fait, je vous dirais, admirable, est à la hauteur, je pense, du gouvernement qui est là pour établir des réformes, pour procéder à des réformes. On est rendu là, Mme la Présidente. Le député de Borduas nous l'a dit, après 102 ans d'attente, il était normal qu'on le fasse. D'autant plus que, comme je vous ai dit, au moment où les partis politiques en parlent le plus, c'est toujours au moment où ils sont dans l'opposition. Alors, à partir du moment où on est au gouvernement, on veut réaliser cet engagement-là, un autre de ces engagements-là. Alors, moi, je suis tout à fait favorable au processus qui est mis en place.

Et, quand on regarde le libellé de l'avant-projet de loi, on se rend bien compte que ce n'est pas à la portée de tous les citoyens non plus, je dirais, de rédiger des articles de loi. On sait que le processus législatif est quand même d'une certaine complexité. Mais, chose certaine, Mme la Présidente, chaque vote compte. Et le projet, l'avant-projet de loi qui est sur la glace, qui est là fait en sorte que chaque personne, chaque citoyen, chaque citoyenne du Québec qui va aller voter sera probablement assuré d'avoir un représentant ici, à l'Assemblée nationale, et c'est le but de l'exercice, Mme la Présidente. Je vous remercie.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Portneuf. Alors, comme prochain intervenant, je reconnaîtrai le député d'Ungava. À vous la parole.

M. Michel Létourneau

M. Létourneau: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, à mon tour de prendre la parole pour la motion présentée par le gouvernement pour la constitution d'une commission spéciale en vue de l'étude de l'avant-projet de loi remplaçant la Loi électorale.

Alors, vous savez, Mme la Présidente, j'ai eu l'occasion d'intervenir hier, et mon collègue le porte-parole de l'opposition officielle en matière de réforme des institutions démocratiques, le député de Masson, qui est un jeune député qui fait un travail remarquable, je tiens à le souligner pour la rigueur de son travail, entre autres, et aussi son leadership dans ce dossier-là, nous avait proposé de soumettre un amendement, un premier amendement qui voulait... qui visait une composition paritaire des parlementaires. Alors, on l'a fait.

Et, hier, j'ai essayé de mettre en contradiction, si on veut, le ministre en utilisant deux citations, une au moment où le député de Chapleau était ministre... est ministre actuellement évidemment, et une autre au moment où le député de Chapleau était professeur. Et brièvement les deux citations, juste quelques lignes, le député de Chapleau disait, le député de Chapleau professeur ? vous voyez que j'ai appris d'hier, Mme la Présidente: «À l'échelle provinciale, la concentration des pouvoirs entre les mains du premier ministre rend nécessaire que l'on procède à un rééquilibrage entre le rôle de l'exécutif et celui du législatif dans le système gouvernemental québécois.» Et il disait aussi: «Pour les uns, la perte de confiance dans ces institutions est attribuable à des pratiques de gouverne politique où le citoyen ne peut efficacement faire entendre sa voix.»

Alors, évidemment, je concluais, moi, en disant qu'en imposant une composition partisane de commission, en ne s'engageant pas à tenir un référendum, en laissant la possibilité que la réforme soit adoptée à la majorité simple, le ministre faisait le contraire de ce qu'il prônait en 2001, alors qu'il était professeur, et impose, imposait le pouvoir exécutif. J'ai aussi utilisé, comme j'aime le faire pour nos concitoyens... Parce qu'il n'y a pas que les députés qui s'intéressent à la chose politique, il n'y a pas juste nos commettants qui s'intéressent à la chose politique, il y a aussi des analystes qui sont des professionnels de la scène politique. Et là je citais des articles: Les libéraux feront fi de la règle de l'unanimité, dans Le Devoir; dans Le Journal de Montréal, Les libéraux prêts à adopter la réforme électorale par une majorité simple, dans Le Journal de Montréal; Le Journal de Québec, Les libéraux pourraient faire cavaliers seuls; et, dans La Presse, Réforme électorale: retour à la case départ.

n(17 h 10)n

Je pensais que j'avais réuni tous les éléments pour atteindre la sensibilité des membres du gouvernement, mais, hélas, Mme la Présidente, je suis obligé de dire que c'est un constat d'échec parce que nos collègues d'en face, après qu'on ait fait nos interventions, ont utilisé leur pouvoir majoritaire, il y a eu un vote, et malheureusement le rouleau compresseur de la grande majorité du gouvernement a fait son oeuvre et on a perdu.

Mais, sous l'impulsion de mon collègue le député de Masson on a regardé ça puis on a dit: Bon, ce n'est pas parce qu'on a perdu qu'on va lancer la serviette. Et le premier amendement visait la composition et le fonctionnement de la commission. Alors, on a fait un autre amendement, un deuxième amendement qui s'inscrit relativement à la participation des citoyennes et des citoyens et qui traite, entre autres, des articles ou des paragraphes 18, 19, 20 et 21e et aussi du 24e paragraphe. Alors, je vous les lis rapidement, je suis certain que vous allez comprendre l'enjeu.

«Un comité citoyen sur les questions électorales assiste, de façon non partisane, à la commission dans la réalisation de son mandat, en faisant valoir le point de vue des électeurs en complément de celui des élus.» C'est un désir élémentaire pour quelqu'un de démocrate.

Deuxième élément d'amendement: «Le comité citoyen participe aux travaux et auditions tenues par la commission.»

Troisième: «Le comité citoyen prend part à la rédaction du rapport de la commission et peut y inclure ses observations, conclusions et recommandations.»

Et, dans la deuxième partie, le remplacement du 24e paragraphe par le paragraphe suivant: «La sélection des membres du comité citoyen se fasse par tirage au sort parmi les candidats disponibles en assurant une composition la plus représentative possible de la diversité de la société québécoise, notamment selon l'âge et les régions.»

Moi, je pense que les citoyens qui nous écoutent vont constater avec vous et avec nous qu'on parle de simple bon sens, on parle de partisans d'une démocratie qui se vit au jour le jour, qui se vit au quotidien, mais qui se vit aussi de manière citoyenne à la condition bien sûr qu'on donne l'occasion à ces gens-là de le faire. Alors, c'est le coeur du deuxième amendement qui est présenté.

Dans la liste des analystes de la scène politique que j'aime citer, il y a, à ce moment-ci, un groupe. Ce n'est pas nécessairement des analystes politiques au sens que j'ai cités hier, mais je voudrais parler de l'intervention ou plutôt d'un communiqué qui a été émis par le Collectif féminin sur la démocratie, que j'ai trouvé intéressant, que je n'avais pas relevé hier. Parce que nos amis d'en face nous apportent souvent des exemples dans le reste du Canada. Et ces gens-là ont un point de vue intéressant. Je vous cite un petit bout. Mme Paquet, qui est la porte-parole du Collectif Féminisme et Démocratie, disait récemment, là: «Il est regrettable que le gouvernement ait choisi de ne pas suivre un processus similaire à celui de la Colombie-Britannique où la démarche a été confiée exclusivement à une assemblée citoyenne. À tout le moins, le ministre aurait dû retenir l'idée d'une commission parlementaire vraiment spéciale composée de façon paritaire de partis politiques et de [citoyens,] citoyennes. La réforme du mode de scrutin n'est pas un projet de loi comme les autres: elle engage l'avenir de la société québécoise pour longtemps. On aurait pu s'attendre à ce que le gouvernement se hisse hors de la logique partisane pour en disposer.»

Alors, je pense, Mme la Présidente, que c'est un commentaire qui est extrêmement pertinent et j'espère que ça va atteindre le coeur de nos amis d'en face et leur faire penser deux secondes avant de siffler le rappel des troupes de la majorité pour penser à faire passer le rouleau compresseur sur ce deuxième amendement. Mais, moi, j'ai confiance de les toucher et que la raison triomphe.

Alors, je continuerais en disant que récemment le ministre écrivait dans une lettre publiée dans Le Devoir, et je cite: «En matière de réforme du mode de scrutin, le consensus doit être construit; il ne peut naître que d'un débat sain et ouvert, que du choc des idées. Voilà pourquoi le gouvernement propose la création d'une commission parlementaire spéciale chargée de mener à bien une des consultations les plus ambitieuses jamais engagées par le législateur québécois.» Fin de la citation.

Bien, le problème, Mme la Présidente, c'est que la réalité est tout autre. Alors, le gouvernement dépose une motion pour la composition d'une commission parlementaire qui n'a de spécial que son nom. Il s'agit en fait d'un espace public clôturé par une majorité libérale. Le ministre parle de mener à bien des consultations les plus ambitieuses et fixe dès le départ le processus de consultations en déposant une motion ne répondant pas du tout aux aspirations qu'il semble laisser croire. Je vous dirais, Mme la Présidente, que, en plus de garder sa majorité parlementaire, contrôle à la liste des experts, contrôle quant au temps accordé à ceux qui viendront en commission, contrôle quant à l'agenda de la commission, il garde en plus le contrôle du... Pour l'écriture du rapport final de la commission, il ne veut même pas le partager avec le comité citoyen.

L'amendement que nous proposons assurera au moins un vrai pouvoir au comité citoyen. Le comité citoyen pourra véritablement assister la commission dans la réalisation de son mandat. Le comité citoyen pourra participer autant aux travaux qu'aux auditions tenues par la commission et non pas seulement assister en écoutant aux consultations générales, comme le prévoit la motion du ministre. En plus, nous proposons, si le ministre est vraiment sérieux dans sa démarche et que le comité citoyen ne soit pas qu'une caution morale, de permettre au comité de prendre part à la rédaction du rapport de la commission et d'y inclure ses observations, conclusions et recommandations.

Vous voyez, Mme la Présidente, je pense que vous-même dans votre fonction évidemment de neutralité... mais je sens que vous avez été touchée par les arguments, et j'espère que les collègues en face aussi, et j'espère aussi qu'ils vont s'exprimer pour qu'on puisse comprendre leur point de vue et qu'on puisse arriver à ce que la démocratie triomphe. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Alors, comme prochaine intervenante, je reconnaîtrai la députée de Prévost. À vous la parole.

Mme Lucie Papineau

Mme Papineau: Merci, Mme la Présidente. Aujourd'hui, Mme la Présidente, j'interviens sur la motion d'amendement présentée par mon collègue de Saint-Maurice. Premièrement, dans cette motion d'amendement, il serait important de remplacer les paragraphes 18, 19, 20 et 21, qui sont relatifs à la participation des citoyens et des citoyennes à cette commission dite spéciale, par les paragraphes suivants. Puis on va les prendre un par un.

Dans le paragraphe 18, l'opposition officielle propose qu'«un comité citoyen sur les questions électorales assiste, de façon non partisane, à la commission dans la réalisation de son mandat, en faisant valoir le point de vue des électeurs en complément de celui des élus». Le gouvernement, lui, Mme la Présidente, voudrait que ce soit sur une base consultative seulement. Donc, ça veut dire que le comité ne pourrait pas poser de question, il n'aurait aucune participation active. Donc: Soit beau puis tais-toi.

Dans le paragraphe 19, l'opposition officielle propose que «le comité citoyen participe aux travaux et auditions tenues par la commission». Le gouvernement, lui, Mme la Présidente, voudrait que ce comité participe exclusivement aux auditions, pas aux travaux, et selon ses modalités définies par elle. Ça, ça s'appelle, Mme la Présidente, de la partisanerie.

Dans le paragraphe 20, l'opposition officielle propose: «Le comité citoyen prend part à la rédaction du rapport de la commission et peut y inclure ses observations, conclusions et recommandations.» Ici, Mme la Présidente, c'est bien simple, le gouvernement ne veut tout simplement pas voir le comité citoyen prendre part à la rédaction du rapport et il dit à ce comité: Tu peux bien me dire ce que tu penses, mais, si ce que tu penses, ça ne fait pas mon affaire, bien tu ne le verras pas dans le rapport. Ne trouvez-vous pas cela un peu insultant, Mme la Présidente, pour les citoyens qui voudront se pencher sur un sujet aussi important que celui du mode de scrutin? Il me semble que le gouvernement a le devoir non seulement de consulter les citoyens, mais de les impliquer à toutes les étapes du processus.

Deuxièmement, l'opposition officielle remplacerait le paragraphe 24 par le paragraphe suivant: «La sélection des membres du comité citoyen se fasse par tirage au sort parmi les candidats disponibles en assurant une composition la plus représentative possible de la diversité de la société québécoise, notamment selon l'âge et les régions.» Ici, Mme la Présidente, le gouvernement voudrait que le tirage au sort se fasse parmi les candidats admissibles. Qu'est-ce que ça veut dire «admissible»? Qui va établir les critères d'admissibilité? Est-ce que le fait d'avoir sa carte du Parti libéral va être un critère d'admissibilité?

n(17 h 20)n

Le ministre écrivait, dans une lettre publiée au Devoir, et je le cite: «En matière de réforme de mode de scrutin, le consensus doit être construit; il ne peut naître que d'un débat sain et ouvert, que du choc des idées. Voilà pourquoi le gouvernement propose la création d'une commission parlementaire spéciale chargée de mener à bien une des consultations les plus ambitieuses jamais engagées par le législateur québécois.» Fin de la citation.

Bien, je peux vous dire que la réalité, c'est tout autre. Le gouvernement dépose une motion pour la composition d'une commission parlementaire qui n'a, comme on le dit et le répète depuis le début de nos interventions, de ce côté-ci de la Chambre... cette commission parlementaire n'a de spécial que le nom. Il s'agit en fait d'un espace public clôturé par une majorité libérale. Le ministre parle de mener à bien une des consultations les plus ambitieuses et visse, visse dès le départ le processus de consultation en déposant une motion ne répondant pas du tout aux aspirations qu'il semble vouloir laisser croire. Pourquoi, Mme la Présidente? Parce qu'il maintient sa majorité parlementaire et ainsi orienter les conclusions de la commission parlementaire, parce qu'il refuse une parité entre les formations politiques, parce qu'il ne veut pas d'une démarche paritaire transparente et transpartisane, mais en plus, Mme la Présidente, parce qu'il ne donne aucun pouvoir au comité citoyen. En fait, ils ne seront là que pour une caution morale.

La démarche poursuivie par ce gouvernement n'est pas à la hauteur des aspirations, et la rigueur méthodologique et politique que commande une telle entreprise n'est pas au rendez-vous. En fait, Mme la Présidente, nous devons rappeler que c'est grâce à l'opposition officielle si au moins on retrouve dans la motion du ministre la constitution du cahier du participant avec des questions sur lesquelles la population devrait se prononcer.

Comme je le mentionnais dans une autre intervention sur une autre motion d'amendement, Mme la Présidente, la réforme du scrutin doit se faire avec la population et pour la population. Modifier la façon dont on votera doit nécessairement être entériné par la population par voie de référendum. Encore là, Mme la Présidente, le ministre refuse de s'engager à tenir un référendum avant d'adopter tout changement au mode de scrutin actuel. Pire encore, il laisse entendre que la loi pourrait être adoptée par la majorité libérale. Bien, voyons donc! Quelle démocratie!

Ce que l'on tente de faire mais qu'il ne faut pas faire, c'est d'exclure les citoyens du processus. Rappelons-nous qu'on a tenu de soi-disant consultations derrière des portes clauses pour l'élaboration de l'avant-projet de loi. Et là on veut nous faire croire que les citoyens sont impliqués en créant un comité de citoyens, mais on ne leur donne aucun pouvoir. Ils y seront pour assister la commission parlementaire sur une base consultative seulement. En plus de privilégier un contrôle partisan de la démarche, le gouvernement libéral veut se donner une caution morale en faisant croire que sa commission est spéciale parce qu'il y prévoit des citoyens. Le gouvernement, Mme la Présidente, n'a prévu aucun budget au sein du secrétariat. Pire encore, ils ont fait des coupures. Pas même un budget de communication. Aucun. Ça ne fait vraiment pas sérieux.

L'amendement que nous proposons assurera au moins un vrai pouvoir au comité citoyen. Ce comité citoyen pourra véritablement assister la commission dans la réalisation de son mandat. Il pourra participer autant aux travaux qu'aux auditions tenues par la commission et non pas seulement assister comme des plantes vertes en écoutant lors de consultations générales, comme le prévoit la motion du ministre. Et, Mme la Présidente, si le ministre est vraiment sérieux dans sa démarche et que le comité de citoyens ne soit pas qu'une caution morale, il devrait permettre au comité citoyen de prendre part à la rédaction du rapport de la commission et d'y inclure ses observations, ses conclusions et ses recommandations.

Mme la Présidente, je terminerai en disant: Qu'on ne soit pas toujours d'accord, qu'on ait nos différends, mais que nous donnions la chance à ceux et celles qui sont concernés d'exprimer leur point de vue, d'exprimer ce différend, d'avoir l'espace et le nombre suffisant pour le faire, il me semble que cela coule de source. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, Mme la députée. Alors, je serais prête à reconnaître un prochain intervenant. M. le député de L'Assomption, à vous la parole.

M. Jean-Claude St-André

M. St-André: Merci, Mme la Présidente. Alors, c'est la deuxième fois que j'interviens sur la motion. Je suis déjà intervenu hier sur le premier amendement présenté par l'opposition officielle et, aujourd'hui, j'interviens sur le deuxième amendement. Hier, dans mon intervention, je déplorais le fait que seulement deux ministres et un député de la majorité ministérielle s'étaient exprimés sur la question. Il faut croire que nos appels ont été enfin entendus, un député, le député de Portneuf, a pris la parole aujourd'hui pour nous présenter ses vues sur la question. Il a partagé avec les membres de l'Assemblée un ensemble de définitions en démocratie, des définitions parfois philosophiques. C'était extrêmement intéressant, Mme la Présidente. Mais, au-delà des considérations philosophiques et au-delà des définitions qu'il a présentées, que nous partageons tous et toutes, je crois, dans cette Assemblée, le député de Portneuf n'a répondu d'aucune façon aux inquiétudes et aux questions qui sont soumises par l'opposition officielle, et par beaucoup d'autres groupes, et par beaucoup de citoyens qui sont concernés par la réforme du mode de scrutin.

Mme la Présidente, pour faire vivre la démocratie, pour faire en sorte que la démocratie soit effective, elle doit d'abord et avant tout reposer sur des règles, des règles claires, des règles qui sont partagées, acceptées et respectées par l'ensemble des acteurs impliqués dans l'arène politique et par l'ensemble des citoyens et des citoyennes. Or, dans le cas qui nous occupe, ce n'est pas le cas. Le gouvernement et le ministre responsable de la réforme se gardent toutes les portes ouvertes. Il a dit, il a déclaré que peut-être le principe de la règle de la majorité simple parlementaire pourrait être appliqué pour faire appliquer cette réforme, alors qu'il existe une règle qui dit que, sur des questions aussi fondamentales, il doit y avoir consensus des formations politiques représentant l'Assemblée nationale. Le ministre responsable de la réforme du mode de scrutin refuse de s'engager à tenir un référendum. Alors, on entame un débat sur une réforme fondamentale pour la démocratie, sans savoir quelles sont les règles qui vont s'appliquer. Mme la Présidente, et c'est ce que l'opposition fait valoir depuis le début, c'est inacceptable. Le Parti libéral, en cette matière, il est à la fois juge et partie.

On se souviendra, Mme la Présidente que, lors d'un conseil général du Parti libéral, il y a un politologue, Guy Massicotte, si ma mémoire est bonne...

Une voix: ...

M. St-André: ...Louis Massicotte, qui est allé faire une présentation à huis clos, à huis clos, dans un conseil général du Parti libéral, et il a dit aux délégués libéraux, aux membres du Parti libéral: Si vous voulez augmenter vos chances de gagner des élections, il faut réformer le mode de scrutin. Il est même aller plus loin que ça, Mme la Présidente, il s'est permis de suggérer, il s'est permis de suggérer la méthode, le mécanisme de mode de scrutin proportionnel qui devrait être retenu. Mme la Présidente, je m'excuse, là, mais on est manifestement en présence, à sa face même, de règles élémentaires où on déroge à la démocratie. Et, nous, de ce côté-ci, comme l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec, on ne peut pas accepter ça.

n(17 h 30)n

Puis d'ailleurs les groupes qui s'inquiètent des orientations qui sont présentées par le gouvernement sont manifestes. Je vais simplement vous en citer deux. Le Collectif Féminisme et Démocratie, sa porte-parole, Mme Paquet, a été claire, le 2 juin dernier, elle a déclaré: «Il est regrettable que le gouvernement ait choisi de ne pas suivre un processus similaire à celui de la Colombie-Britannique où la démarche a été confiée exclusivement à une assemblée citoyenne.» C'est clair, ça, une assemblée citoyenne. Dans le cas qui nous occupe, c'est une commission parlementaire formée par le Parti libéral du Québec qui va dicter ses conclusions, où le gouvernement va dicter ses conclusions. Et Mme Paquet poursuit: «À tout le moins, le ministre aurait dû retenir l'idée d'une commission parlementaire vraiment spéciale composée de façon paritaire de partis politiques et de citoyens.» Ce n'est pas le cas dans la motion qui nous est présentée, c'est une commission parlementaire où les libéraux font primer leur majorité pour pouvoir dicter les conclusions à la commission. «La réforme du mode de scrutin n'est pas un projet de loi comme les autres: elle engage l'avenir de la société québécoise pour longtemps. On aurait pu s'attendre à ce que le gouvernement se hisse hors de la logique partisane pour en disposer.»

Mme Paquet poursuit plus loin: «...il réitère l'importance que des ressources financières soient investies afin d'informer adéquatement la population et lui donner les moyens de participer à la consultation. "Il ne faut pas que les débats se limitent aux seuls initiés mais que la population participe pleinement à cet exercice démocratique", de conclure Mme Paquet.» À la lumière de la motion que la majorité libérale nous a présentée, tel n'est pas le cas. Les citoyens sont exclus de la commission qu'ils ont formée, ils sont relégués au rang d'observateurs. Ils n'ont aucun pouvoir de décision, ils ne sont là que pour donner une caution morale aux conclusions que la majorité libérale va dicter dans le rapport de la commission. Mme la Présidente, en tout respect pour les élus de l'Assemblée nationale et pour la population, il faut dénoncer ce genre de pratiques partisanes où on va venir tripoter le mode de scrutin pour se donner un avantage électoral lors d'élections à venir.

Mme la Présidente, je vais encore essayer de convaincre nos amis d'en face de revenir au bon sens. Il y a eu des exemples, un exemple en particulier dans l'histoire récente du Québec, où on a mis en place une commission parlementaire spéciale où des citoyens prenaient une part active, et c'est la commission Bélanger-Campeau. La commission Bélanger-Campeau qui a été mise sur pied sous un gouvernement libéral, sous le gouvernement de Robert Bourassa, suite à l'échec des accords du lac Meech. À ce moment-là, Mme la Présidente, le chef de l'opposition de l'époque avait tendu la main à son premier ministre, le premier ministre l'a acceptée, et on a formé une commission parlementaire spéciale formée de députés de l'Assemblée nationale, formée de citoyens, formée de représentants de l'ensemble des acteurs de la société civile, et puis là on a pu vraiment faire des débats ouverts. Ce n'est pas rien, Mme la Présidente. Cette commission-là, bien, il y avait 18 personnes, 18 citoyens qui y prenaient une part active. Les deux coprésidents n'étaient pas membres de l'Assemblée nationale, M. Michel Bélanger et M. Jean Campeau.

Bien sûr, évidemment, procéder de cette façon-là, ça implique qu'il faut discuter avec l'opposition officielle puis ça implique qu'il faut discuter aussi avec les députés indépendants. C'est compliqué, ça, c'est dur, hein, surtout quand on a déjà son idée de faite où on veut imposer son modèle. Mme la Présidente, sur une question aussi fondamentale pour l'avenir de notre démocratie, je plaide fortement, j'en appelle au bon sens des gens d'en face pour ne pas imposer une réforme du mode de scrutin grâce à leur majorité libérale. C'est inacceptable, Mme la Présidente.

Et, en conclusion et encore une fois, j'en appelle au bon sens de mes collègues d'en face. Franchement, moi, je pense que les amendements qu'on a présentés sont minimalistes. Cette motion-là devrait être revue de fond en comble. On devrait la mettre à la poubelle, puis recommencer avec une nouvelle, puis y aller vraiment avec une commission parlementaire non partisane formée à parts égales de députés de l'Assemblée nationale et de citoyens. Et, là, peut-être qu'on va arriver à un résultat qui va faire en sorte qu'on va impliquer l'ensemble des citoyens et des citoyennes dans leur devenir collectif. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député. Alors, je serais prête à reconnaître un prochain intervenant, le député de Mercier. À vous la parole.

M. Daniel Turp

M. Turp: Mme la Présidente, je vous remercie beaucoup. À mon tour d'intervenir sur cette motion présentée en vue d'amender quelque chose qui devrait être amendé, Mme la Présidente. Hier, le gouvernement a refusé des amendements qui visaient à rendre paritaire cette commission spéciale pour la rendre moins partisane, d'ailleurs pour en faire une commission vraiment spéciale parce qu'elle aurait été paritaire. Mais le gouvernement a refusé de donner son assentiment à un amendement qui pourtant était un amendement qui visait à créer une institution dans l'esprit d'une réforme qui vise à modifier un mode de scrutin et de modifier la façon dont les citoyens seront représentés dans cette Assemblée.

Nous revenons à la charge, Mme la Présidente, puisque le gouvernement a prévu, dans cette motion, qu'il accompagnerait les membres de la commission d'un comité citoyen. Mme la Présidente, on n'est guère impressionnés par ce comité citoyen dont on apprend qu'il assistera aux travaux de cette commission, dit-on, de façon non partisane et sur une base consultative seulement, qu'il ne participera qu'aux auditions publiques tenues par la commission, qu'il ne prendra aucunement part à la rédaction ou l'adoption du rapport par la commission. Et, Mme la Présidente, c'est comme si on voulait faire de ces citoyens et de ces citoyennes des plantes vertes, des pots aux fleurs qui regarderont les trains passer, qui pourront entendre, observer mais qui n'auront aucune voix au chapitre, Mme la Présidente. Et je ne crois pas que c'est la façon adéquate de procéder si on veut vraiment que le processus conduisant à la réforme du mode de scrutin soit un processus citoyen. Si l'on veut que le processus soit citoyen, il faut que les citoyens et les citoyennes du Québec soient intimement associés aux travaux de cette commission et qu'ils participent à la rédaction et à l'adoption du rapport.

Et d'ailleurs mon collègue a présenté et a rappelé comment fonctionnait la commission Bélanger-Campeau. D'ailleurs, Mme la Présidente, j'ai le souvenir d'avoir participé aux travaux de la commission Bélanger-Campeau comme un jeune professeur qui venait témoigner comme expert dans le salon rouge tout à côté, ici, et qui se présentait devant une commission impressionnante, coprésidée par deux personnes issues de la société civile, avec des députés de cette Assemblée et des députés de la Chambre des communes, des personnes représentant le milieu syndical, le milieu patronal, le milieu municipal, des gens qui donc présentaient et représentaient le Québec dans sa diversité et qui avaient droit... Et là est la très grande différence entre la commission Bélanger-Campeau et cette commission spéciale: les membres qui n'étaient pas des députés ont eu la possibilité de participer à l'ensemble des travaux de cette commission, ont pu délibérer avec les députés lorsqu'il s'est agi de faire les grands choix, les grands compromis, ont participé à la rédaction même du rapport, ont pu lire les projets de rapport et faire leurs commentaires et ont pu même participer à l'adoption du rapport.

Et vous vous rappellerez que ce rapport a été adopté dans des conditions très difficiles, qu'il y a eu jusqu'au dernier moment de grandes tractations entre des députés, des représentants des milieux syndical et patronal et que les gens ont véritablement pu être associés à cette étape très importante qui était celle du rapport de la commission Bélanger-Campeau, dont on sait aujourd'hui qu'il demeure important puisque sa recommandation la plus importante reste encore à être mise en oeuvre: celle de faire du Québec un pays souverain, puisque l'autre recommandation, celle de chercher à renouveler à nouveau le fédéralisme a une fois de plus été mise en oeuvre et a donné lieu, quelques années plus tard, à un accord de Charlottetown qui a été mis en échec à la fois par la population du Québec dans un référendum et la population du Canada dans son propre référendum.

n(17 h 40)n

Mais, Mme la Présidente, pour revenir à cet amendement que nous proposons, je crois qu'il bonifierait considérablement les travaux d'une commission qui a comme mandat de modifier ce mode de scrutin. Mme la Présidente, je veux rappeler, dans cette Chambre, que notre parti est favorable à la réforme du mode scrutin, qu'il convient avec d'autres groupes, avec plusieurs citoyens, que des distorsions doivent être corrigées à ce mode de scrutin, que l'on doit envisager une formule proportionnelle parmi des modèles nombreux qui pourraient faire l'objet de débats durant les travaux de cette commission ici et là au Québec, où elle est appelée à entendre des citoyens et des citoyennes et des groupes.

Mais, Mme la Présidente, vous savez, partir de l'avant-projet de loi électoral, c'est mal partir le débat, d'ailleurs. Moi, j'ai souligné à quelques reprises déjà que ce document de 711 articles est un document où on cherche à confondre les gens, où on mêle la réforme du mode de scrutin avec toutes sortes d'autres réformes relatives à la méthode de votation, à la façon dont on va faire la carte électorale. Et je crois, Mme la Présidente, que, s'agissant de la réforme du mode de scrutin, il aurait été de loin préférable de mettre l'accent sur les dispositions qui devaient être modifiées dans la Loi électorale pour assurer que le mode de scrutin corrige les distorsions.

Et, Mme la Présidente, ce qui, je crois, nous inquiète et a raison de nous inquiéter, c'est que le gouvernement, dans cette consultation qu'il veut faire faire par cette commission trop partisane à notre goût... en est une où il demande maintenant, aujourd'hui, aux citoyens de le libérer en quelque sorte de sa promesse électorale. Il a dit qu'il voulait faire une réforme du mode de scrutin, il s'est fait élire sur la base de cet engagement de faire une réforme du mode de scrutin. Mais, Mme la Présidente, on lit, dans le projet de mandat de cette commission, que l'une des questions que cette commission trop partisane va pouvoir examiner avec les citoyens, c'est l'intérêt de faire une telle réforme. Alors, pourquoi demande-t-on à nouveau aux citoyens s'il y a intérêt à faire une telle réforme si on leur a demandé de voter en faveur du Parti libéral parce qu'il ferait cette réforme?

Et, Mme la Présidente, il me semble que ce processus qu'on choisit, la façon dont on présente le projet de loi, le retard, le retard indu à le présenter... Et je vois parmi nous le leader du gouvernement qui était jadis le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques. Il doit être un petit peu déçu du déroulement des événements, lui qui était arrivé dans ce Parlement, dans cette nouvelle législature... Et je me rappelle très bien d'une séance d'étude de crédits avec mon collègue le porte-parole en matière de réforme des institutions démocratiques... nous rappeler l'importance de cette réforme, nous rappeler en quelque sorte même l'urgence de cette réforme, l'imminence du dépôt de document, de projet de loi et non pas d'avant-projet de loi.

Mais, Mme la Présidente, on se retrouve à mi-mandat maintenant. Les travaux d'une commission spéciale n'ont pas encore commencé. Nous nous rapprochons de cette échéance électorale et nous avons bien hâte d'ailleurs, nous, de cette échéance électorale pour pouvoir proposer aux Québécois de faire un pays et de donner aux Québécois un mode de scrutin non pas dans une province, mais dans un pays, mode de scrutin qui peut-être permettra d'ailleurs non plus seulement d'élire une Assemblée nationale, mais peut-être un président, le président d'une république du Québec qui pourra exercer le pouvoir exécutif et le fera peut-être avec une assemblée législative plus indépendante et plus importante et dont les pouvoirs sont plus importants que la nôtre.

Donc, Mme la Présidente, pour toutes ces raisons, j'invite diplomatiquement les députés du parti majoritaire à reconnaître que ces amendements devraient être adoptés pour qu'il y ait une véritable consultation citoyenne.

La Vice-Présidente: Merci, M. le député de Mercier. Alors, comme prochain intervenant, je cède la parole au député de Charlevoix.

M. Rosaire Bertrand

M. Bertrand: Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi d'abord de féliciter de façon particulière mon collègue le député de Masson pour tout le travail qu'il fait dans ce dossier depuis... je ne dirais pas des journées, depuis des mois, et l'ardeur qu'il y met, et la compétence, et jusqu'à quel point il prend ce dossier-là à coeur.

Il faut, Mme la Présidente... J'en ai parlé un petit peu hier, mais j'en reparle aujourd'hui. Quelqu'un m'a téléphoné, aujourd'hui, puis il dit: On prend des interventions depuis quelques jours, et je voudrais bien comprendre l'importance de ce qui se passe. J'en ai parlé et j'en reparle encore. On a un avant-projet de loi qui a été déposé en décembre 2004 sur la Loi électorale. Mme la Présidente, pour la prochaine élection au Québec, qui aura lieu dans deux ou trois ans, il n'y a aucun changement qui sera produit au niveau de la Loi électorale. Mais il y a deux éléments qui sont touchés par l'avant-projet qui vont nous affecter à la prochaine suivante, c'est-à-dire quelque chose comme 2011, 2012, mais qu'on doit déjà régulariser, régler avant la prochaine élection. Et ça, c'est fait de façon simplement à... on s'est tous entendus entre parlementaires pour ne pas modifier de façon aussi forte la loi applicable à la prochaine élection. Je dis qu'il y en a deux parce que la Loi électorale inclut aussi les amendements à la carte électorale. Normalement, tous les deux mandats, le Directeur général des élections procède à une révision de la carte électorale, et, quand on va passer la prochaine élection, tout de suite le lendemain, le Directeur général est à l'oeuvre pour qu'en 2012, 2013, plus ou moins, on soit sur une nouvelle carte électorale.

Ça veut dire quoi? Ça veut dire que... Est-ce que nos comtés garderont la même grandeur de comté, la même population? La règle actuelle existe, mais elle va être modifiée par la Loi électorale. Elle va être modifiée. Non seulement la carte électorale va être modifiée, mais tout le processus pour en arriver à la proportionnelle. Et là, Mme la Présidente, je n'élaborerai pas ce que ça veut dire, la proportionnelle, il y a toutes sortes de proportionnelles, mais il y a une chose qui est sûre, Mme la Présidente, c'est qu'en 2012 ou 2013 il faut que les citoyens et citoyennes comprennent qu'avec la proportionnelle c'est la fin des comtés tels qu'on les connaît actuellement, c'est la fin des comtés dits traditionnels. Et je vais prendre l'exemple, Mme la Présidente, de mon comté, le comté de Charlevoix, c'est toujours plus facile de parler de son propre comté. Actuellement, le territoire que j'ai qui est de Sainte-Anne-de-Beaupré à Baie-Sainte-Catherine, dans la forme nouvelle que ça prendra il faudra multiplier ce territoire-là par deux fois et demi, plus ou moins, en territoire et évidemment en population plus grande plus tout le reste, là, qui est concerné par la Loi électorale.

n(17 h 50)n

Il faut que les gens commencent à comprendre pourquoi on met autant d'importance dans le dossier de la Loi électorale qui nous est présenté. Aujourd'hui, ce dont on débat, c'est une motion pour la constitution d'une commission spéciale en vue de l'étude de l'avant-projet de loi remplaçant la Loi électorale. Mais, Mme la Présidente, notre rôle à nous de l'opposition est de prendre note de ce qui est proposé et de prévoir le plus possible comment ça va fonctionner pour que, lorsqu'on arrivera à l'étude de cet avant-projet de loi qui comprend 711 articles... Je vous ferais remarquer qu'un coup qu'on aura procédé à l'étude, l'étude qui sera faite justement par la commission, le gouvernement va nous arriver avec un projet de loi après, mais qui a des grosses chances d'avoir à peu près le même nombre d'articles.

Donc, ce que je suis en train de dire, c'est que c'est un gros projet, c'est un important projet, et je répète aussi ce que j'ai dit hier: Le parti de l'opposition, le Parti québécois, est favorable au changement de la Loi électorale pour en venir à la proportionnelle, mais il y a tellement de conséquences. Et, moi, je l'ai dit hier, je le répète puis je le répète en présence de mes collègues du gouvernement, je suis terriblement déçu de voir que le gouvernement n'ait pas trouvé une façon moins partisane, n'ait pas adopté, c'est-à-dire, parce que le gouvernement le sait comment ça marche, n'ait pas adopté une façon non partisane pour procéder à cette importante réforme qui s'en vient.

Hier, on avait une motion qui concernait la composition de la commission. La majorité évidemment nous a battus, cette proposition. Moi, je trouvais qu'elle était très, très bonne et je trouvais qu'elle nous permettait justement de commencer ces travaux-là de façon plus optimiste, en sachant que c'est plus équilibré, c'est plus objectif, avec beaucoup plus d'espoir d'y voir un meilleur fonctionnement. Mais force est d'admettre, Mme la Présidente, que l'amendement d'hier a été battu avant même qu'on commence à en discuter, ce qui est déplorable. Notre rôle de parlementaire, c'est de discuter, d'échanger, d'essayer d'apporter des amendements, ce qu'on fait de façon plus particulière en commission, j'en suis bien d'accord, mais de bonifier un projet. Mais, quand on nous dit carrément qu'il n'y a rien à faire, qu'on n'acceptera pas aucun amendement, aucune bonification de l'opposition, moi, personnellement, je trouve ça très regrettable. Donc, hier, l'amendement sur la composition de la commission a été rejeté. On présente un autre amendement et on va en présenter d'autres, c'est bien évident, Mme la Présidente, qu'on va en présenter d'autres, en espérant être capables de convaincre les principaux leaders du gouvernement qu'on a raison de bonifier cet avant-projet de loi, cette motion pour la composition d'une commission spéciale. Et, aujourd'hui, ce dont on parle aujourd'hui, notre amendement... Mme la Présidente, moi, je pense que vous allez comprendre très, très facilement des éléments qui m'apparaissent tellement, tellement simples et faciles à comprendre, mais remplis de bon sens. Et c'est là-dessus, je pense, que je demanderais à mes collègues d'écouter le bon sens. La population qui nous écoute ? et elle est nombreuse, j'en suis sûr ? la population qui nous écoute... Je vois que mes collègues, Mme la Présidente, ont l'air sceptiques. Mais c'est quand on arrive chez nous ? oui, dans Charlevoix ? puis qu'on se faire dire par plusieurs citoyens et citoyennes: Tu as parlé sur tel sujet, à chaque fois je dis: Bien, coudon, ils l'écoutent. Alors, chers collègues, chers amis ? parce qu'il y a une expression qui dit «chers collègues néanmoins amis» ? oui, il y a des gens qui nous écoutent, et il m'apparaît extrêmement important d'ailleurs qu'il y en ait beaucoup qui nous écoutent.

Je regarde le premier paragraphe, Mme la Présidente, dans le projet, tel qu'il nous est présenté actuellement, on dit: «Un comité citoyen sur les questions électorales assiste, de façon non partisane et sur une base consultative ? remarquez l'expression "et sur une base consultative" ? la commission dans la réalisation de son mandat, en faisant valoir le point de vue des électeurs en complément de celui des élus.» Et «sur une base consultative», ça veut simplement dire que les citoyens qu'on va inviter à cette commission, Mme la Présidente, vont écouter, vont regarder, vont donner leur opinion, mais on leur dit déjà au début: On n'en prendra pas bien, bien, bien acte, de vos remarques, parce qu'on ne s'engage pas à le prendre.

Nous, ce qu'on suggère, c'est que le «comité citoyen sur les questions électorales assiste, de façon non partisane ? bien sûr ? à la commission dans la réalisation de son mandat». Donc, Mme la Présidente, dès le premier article de notre amendement qu'on propose, on change «sur une base consultative» par: vont assister à la commission dans la réalisation de son mandat non seulement en faisant valoir les points de vue des électeurs, mais là vous parlez de choses concrètes, Mme la Présidente, là vous intéressez, là vous mettez le citoyen et la citoyenne au centre même de la démarche. Si on invite... Hier, on refuse notre amendement de modifier la composition. Donc, quel va être notre rôle vraiment, étant minoritaire? On peut présumer qu'il ne sera pas fort. On invite des citoyens consultatifs et on peut présumer aussi que leur rôle ne sera pas fort.

Alors, Mme la Présidente, pour toutes ces raisons et bien d'autres, je vais voter en faveur de cet amendement et demander à mes collègues néanmoins amis, de l'autre côté, de ne pas se gêner pour accepter des bonifications à...

La Vice-Présidente: Merci, merci, M. le député. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Oui. Mme la Présidente, alors, en vertu de l'article 100 de notre règlement, je fais motion pour que le débat sur la motion déposée par le ministre des institutions démocratiques soit ajourné.

La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Conformément à la motion qui a été présentée au moment des affaires courantes, cet après-midi, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au lundi 13 juin, à 10 heures.

Ajournement

La Vice-Présidente: En conséquence, j'ajourne les travaux à lundi 13 juin, à 10 heures. Alors, bonne fin de semaine, chers collègues.

(Fin de la séance à 17 h 56)