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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mercredi 23 octobre 2013 - Vol. 43 N° 82

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Déclarations de députés

Souligner le 75e anniversaire de La Survivance,
Compagnie mutuelle d'assurance vie

M. Irvin Pelletier

Remercier les conseillers municipaux de la circonscription
de Laporte qui quittent la vie politique

Mme Nicole Ménard

Féliciter Mme Sara Patenaude, nommée Agricultrice
de passion et Agricultrice de l'année

M. Stéphane Billette

Souligner le 25e anniversaire de l'ARC Les Aînés regroupés de Charlesbourg

Mme Denise Trudel

Rendre hommage à soeur Huguette Fleurant, directrice
générale du Centre d'action bénévole d'Iberville et
de la région, à l'occasion de sa retraite

Mme Marie Bouillé

Féliciter M. Anthony Housefather, gagnant de
sept médailles aux Jeux de Maccabiah

M. Lawrence S. Bergman

Inviter les citoyens de la circonscription de Chutes-de-la-Chaudière
à participer aux guignolées

M. Marc Picard

Souligner l'inauguration du nouveau local de la Société
Saint-Vincent-de-Paul de la circonscription
de Marguerite-Bourgeoys

M. Robert Poëti

Souligner le 30e anniversaire de la Maison des jeunes de Contrecoeur inc.

M. Stéphane Bergeron

Rendre hommage à l'Association québécoise des retraité-e-s
des secteurs public et parapublic

Mme Suzanne Proulx

Déclarations ministérielles

Réaffirmation des principes fondamentaux inhérents à la société
et à la démocratie québécoise

M. Alexandre Cloutier

M. Pierre Moreau

M. Éric Caire

Mme Françoise David

M. Alexandre Cloutier (réplique)

Motion proposant que l'Assemblée réaffirme les principes formulés
dans la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des
prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec

Mise aux voix

Présentation de projets de loi

Projet de loi n° 492  Charte de la laïcité  

Mme Nathalie Roy

Mise aux voix

Dépôt de documents

Rapport annuel de la Régie des marchés agricoles et alimentaires

Rapports annuels 2011-2012 de certains ordres professionnels

Rapport annuel 2010-2011 de l'Ordre des administrateurs agréés,
rapport annuel 2011-2012 du Collège des médecins et rapports
annuels du Tribunal administratif et de la Société
québécoise d'information juridique


Dépôt de rapports de commissions

Étude détaillée du projet de loi n° 46  Loi modifiant la Loi
sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidents


Dépôt de pétitions

Rendre sécuritaire l'intersection de la rue Commerciale
et de la route 138 à Donnacona


Questions et réponses orales

Situation de l'emploi au Québec

M. Jean-Marc Fournier

Mme Pauline Marois

M. Jean-Marc Fournier

Mme Pauline Marois

M. Jean-Marc Fournier

Mme Pauline Marois

M. Jean-Marc Fournier

Mme Pauline Marois

Contrôle des dépenses publiques

Mme Nicole Ménard

M. Nicolas Marceau

Mme Nicole Ménard

M. Nicolas Marceau

Mme Nicole Ménard

M. Nicolas Marceau

Coupes dans le budget consacré aux infrastructures

Mme Fatima Houda-Pepin

M. Sylvain Gaudreault

Mme Fatima Houda-Pepin

M. Sylvain Gaudreault

Mme Fatima Houda-Pepin

M. Sylvain Gaudreault

Projet de loi sur la charte des valeurs québécoises

M. François Legault

Mme Pauline Marois

M. François Legault

Mme Pauline Marois

M. François Legault

Mme Pauline Marois

Situation économique et financière du Québec

M. Christian Dubé

M. Nicolas Marceau

M. Christian Dubé

Document déposé

M. Nicolas Marceau

M. Christian Dubé

M. Nicolas Marceau

Financement de l'assurance autonomie

Mme Marguerite Blais

M. Réjean Hébert

Mme Marguerite Blais

M. Réjean Hébert

Mme Marguerite Blais

M. Réjean Hébert

Tenue des élections générales à date fixe

M. Amir Khadir

M. Bernard Drainville

M. Amir Khadir

M. Bernard Drainville

M. Amir Khadir

M. Bernard Drainville

Soutien au secteur agroalimentaire

M. Stéphane Billette

M. François Gendron

Motions sans préavis

Souligner la Semaine de la PME

M. André Drolet

M. Stéphane Le Bouyonnec

M. Amir Khadir

Mme Élaine Zakaïb

Mise aux voix

Rappeler l'adoption unanime d'une loi établissant des élections à date fixe

Mise aux voix

Procéder à l'audition des dirigeants du Fonds de
solidarité FTQ sur la gouvernance du fonds

Mise aux voix

Avis touchant les travaux des commissions

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Affaires du jour

Projet de loi n° 52  Loi concernant les soins de fin de vie

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Mme Noëlla Champagne

Mme Rita de Santis

M. Lawrence S. Bergman

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée réitère sa confiance envers la
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
et qu'elle exige du gouvernement qu'il s'engage à respecter,
dans sa charte des valeurs québécoises, la Charte
des droits et libertés de la personne

M. Marc Tanguay

M. Bernard Drainville

Mme Nathalie Roy

Mme Rita de Santis

M. Stéphane Bergeron

M. Gérard Deltell

M. Gerry Sklavounos

M. André Villeneuve

M. Marc Tanguay (réplique)

Mise aux voix

Projet de loi n° 52  Loi concernant les soins de fin de vie

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Mme Maryse Gaudreault

Mme Christine St-Pierre

Mme Francine Charbonneau

Ajournement

Journal des débats

(Neuf heures quarante-cinq minutes)

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, chers collègues, je vous souhaite une très belle journée. Veuillez prendre place.

Affaires courantes

Déclarations de députés

Nous sommes à la rubrique de la déclaration des députés, et je cède la parole maintenant à M. le député de Saint-Hyacinthe.

Souligner le 75e anniversaire de La Survivance,
Compagnie mutuelle d'assurance vie

M. Irvin Pelletier

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : M. le Président, en avril dernier, j'assistais au 75e anniversaire d'une institution maskoutaine qui rayonne aujourd'hui partout au Québec. La Survivance, mutuelle d'assurance vie, poursuit sa mission depuis 1938. C'est toutefois bien avant que l'histoire a débuté. En 1874, l'abbé Louis-Zéphirin Moreau a fondé L'Union Saint-Joseph, qui avait pour mission de secourir ses membres en cas de maladie ou d'incapacité de travailler, en plus d'aider les veuves et orphelins de ses membres. Ces valeurs sont encore présentes, puisque La Survivance offre maintenant des produits d'assurance vie, invalidité, santé et autres à ses membres propriétaires.

Ce 75e anniversaire marquera l'histoire de la mutuelle, puisque celle-ci a choisi d'adopter un tout nouveau nom, Humania Assurance, qui lui permettra de se moderniser tout en évoquant mieux les valeurs humaines qui animent l'entreprise depuis sa naissance. L'an dernier, un projet de loi privé voté par cette Assemblée avait permis de scinder l'entreprise en deux entités. Naissait alors La Survivance, Mutuelle de gestion, qui continuera à vivre à côté de son entreprise soeur. Le nom qui a marqué l'histoire de Saint-Hyacinthe reste donc bien vivant.

Je félicite les membres du conseil d'administration, le président et chef de direction, M. Richard Gagnon, ainsi que tout le personnel…

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : …longue vie à la compagnie.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, le temps est terminé.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Je vous remercie, M. le député de Saint-Hyacinthe pour cette déclaration. Mme la députée de Laporte, je vous cède la parole.

Remercier les conseillers municipaux de la
circonscription de Laporte
qui quittent la vie politique

Mme Nicole Ménard

Mme Ménard : M. le Président, je veux saluer aujourd'hui plusieurs élus municipaux de ma circonscription qui ont choisi de quitter la vie politique après avoir fièrement représenté et servi leurs concitoyens. M. Gilles Grégoire, Mme Mireille Carrière ont représenté la population respectivement dans le secteur LeMoyne et dans l'arrondissement de Greenfield Park de Longueuil; Mme Natalie Kirk, MM. François Boissy, Marc-André Croteau, Francis Dumais et Gilles Therrien ont quitté le conseil de ville de Saint-Lambert après avoir servi de nombreuses années.

À vous tous, merci. Merci pour ces précieuses années de collaboration. Vous avez fait le choix du service public et vous avez contribué de manière significative et durable au développement et à l'épanouissement de notre communauté. Aujourd'hui, une nouvelle étape de votre vie débute. Je vous souhaite tout le succès que vous méritez dans vos projets futurs. La population vous dit merci.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la députée de Laporte. M. le député de Huntingdon, pour votre déclaration.

Féliciter Mme Sara Patenaude, nommée
Agricultrice de passion et Agricultrice de l'année

M. Stéphane Billette

M. Billette : Merci beaucoup, M. le Président. Je profite de la tribune qui m'est offerte aujourd'hui afin de rendre hommage à une agricultrice vraiment exceptionnelle de la circonscription électorale de Huntingdon. En effet, lors du Gala Saturne, Mme Sara Patenaude a reçu l'honorable mention du titre d'Agricultrice de passion remis par la Fédération des agricultrices du Québec. Cette femme dévouée au milieu agricole a également reçu, le 5 octobre dernier, l'enviable titre d'Agricultrice de l'année lors du gala Hommage aux agricultrices du syndicat de Val-Jean. Après un cheminement de carrière hors du secteur de l'agriculture, Mme Sara Patenaude, en compagnie de son conjoint Jean-Yves Lalande, s'est découvert une passion dans l'élevage des alpagas. Avec ses 50 têtes, cette mère de famille s'est engagée afin de rendre les lettres de noblesse au métier d'agricultrice.

Mme Patenaude, félicitations. Ces honneurs sont pleinement mérités, et la meilleure des chances pour l'avenir. Merci.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de Huntingdon. Mme la députée de Charlesbourg, je vous cède la parole pour votre déclaration.

Souligner le 25e anniversaire de l'ARC
Les Aînés regroupés de Charlesbourg

Mme Denise Trudel

Mme Trudel : M. le Président, en cette année soulignant le 25e anniversaire de l'organisme Les Aînés regroupés de Charlesbourg, connu aussi sous le nom de l'ARC, je désire souligner l'apport important que cet organisme a auprès de nos aînés dans le comté de Charlesbourg. Avec comme désir de mieux coordonner les activités offertes aux personnes âgées, Les Aînés regroupés de Charlesbourg ont fait de grandes choses. Cet organisme a participé à la création du Centre d'aide et d'action bénévole de Charlesbourg et de la Coopérative de solidarité de services à domicile de Québec. C'est aussi lui qui a proposé le Programme d'aide aux aînés pour contrer la solitude, l'isolement et l'insécurité chez les gens du troisième âge. L'organisme des Aînés regroupés de Charlesbourg s'investit aussi dans des projets tels que Villes amies des aînés et Respect et prise en charge par et pour les aînés de Charlesbourg, et bien d'autres. Dans mon comté, j'ai toujours eu à coeur le soutien de nos aînés, mais ce sont des gens comme les membres du comité d'administration des Aînés regroupés de Charlesbourg qui font une différence concrète. 

Aujourd'hui, je tiens donc à remercier tous ceux et celles qui se sont impliqués de près ou de loin dans ce regroupement, et longue vie à cet organisme.

• (9 h 50) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la députée de Charlesbourg. Mme la députée d'Iberville, je vous cède la parole pour votre déclaration.

Rendre hommage à soeur Huguette Fleurant, directrice
générale du Centre d'action bénévole d'Iberville
et de la région, à l'occasion de sa retraite

Mme Marie Bouillé

Mme Bouillé : M. le Président, j'aimerais rendre hommage à soeur Huguette Fleurant, qui a été directrice générale du Centre d'action bénévole d'Iberville au cours des 10 dernières années et qui a pris sa retraite au printemps. À son arrivée en 2003, le centre d'action bénévole n'était pas aussi diversifié qu'aujourd'hui. L'organisme offrait du soutien à domicile, de l'alphabétisation et un comptoir familial. 10 ans plus tard, une multitude de services se sont ajoutés, tels que le jardin communautaire, les cuisines collectives, les ateliers d'artisanat ainsi que les activités pour les jeunes lors des journées pédagogiques. Tous ces ajouts avaient comme objectif de briser l'isolement et de donner des outils et des moyens afin d'acquérir une plus grande autonomie. Je veux également souligner que soeur Huguette a toujours eu une profonde conviction de justice sociale, c'est l'une de ses grandes valeurs qu'elle a toujours véhiculées.

C'est donc avec une très grande joie et une grande fierté que je reconnais l'apport inestimable de cette femme au sein de notre communauté. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Merci à vous, Mme la députée d'Iberville. M. le député de D'Arcy-McGee.

Féliciter M. Anthony Housefather, gagnant
de sept médailles aux Jeux de Maccabiah

M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman : M. le Président, j'aimerais féliciter le maire de Côte-Saint-Luc, Anthony Housefather, qui s'est distingué lors des Jeux de Maccabiah, qui se sont tenus en Israël cet été. Anthony Housefather won seven medals for Canada in the Masters division of the swimming competition during the last Maccabiah Games. M. Housefather est certainement une source d'inspiration, autant pour les jeunes que pour les adultes, qui cumule plusieurs responsabilités. Mayor Housefather, qui est avocat-conseil pour une compagnie multinationale en plus d'être un maire bien-aimé d'une municipalité, trouve le temps et l'énergie, mais aussi la détermination de s'entraîner pour être l'athlète de haut niveau qu'il est. Mayor Housefather, congratulations, you're definitely a source of inspiration for us all. You show us that, even in the hustle and bustle of our daily lives, determination and discipline can bring us even further. You're also a superb and well-liked mayor of Côte-Saint-Luc. Thank you.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière, votre déclaration.

Inviter les citoyens de la circonscription de
Chutes-de-la-Chaudière à participer aux guignolées

M. Marc Picard

M. Picard : Merci, M. le Président. Solidarité, entraide et partage sont toujours d'actualité lorsqu'il est question de combler les besoins des personnes moins favorisées de notre communauté. Aussi, cet automne, la générosité des citoyens des Chutes-de-la-Chaudière sera sollicitée par de nombreux bénévoles qui s'impliquent dans l'organisation des différentes guignolées qui se dérouleront dans chacun des quartiers du comté.

La pauvreté est une réalité que plusieurs vivent au quotidien, et tous les gestes d'entraide sont salutaires. Aussi, cette grande campagne de cueillette de denrées non périssables ainsi que les dons d'argent sont essentiels pour combler les demandes de dépannage alimentaire et préparer les paniers de Noël, qui seront distribués aux personnes dans le besoin.

J'invite donc toute la population du comté que je représente à poser un geste de partage en encourageant tous les bénévoles qui sillonneront les rues dans le seul but de contribuer au mieux-être des plus démunis. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Merci à vous, M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous cède la parole.

Souligner l'inauguration du nouveau local
de la Société Saint-Vincent-de-Paul de la
circonscription de Marguerite-Bourgeoys

M. Robert Poëti

M. Poëti : Merci, M. le Président. La Société Saint-Vincent-de-Paul de LaSalle inaugurait un nouveau local le 25 septembre dernier. Cet organisme œuvre auprès des quartiers où sévit la pauvreté. À LaSalle, les plus démunis y sont accueillis depuis maintenant 81 ans. Les services offerts à la population sont possibles grâce à 25 bénévoles dévoués, dont Mme Rita Juneau, âgée à peine de 93 ans, M. le Président.

Les bénévoles de LaSalle viennent en aide à plus de 5 600 personnes à chaque année, dont 37 % sont des enfants et 41 % des personnes seules. Cette aide peut être trouvée sous toutes les formes, que ce soient les paniers de Noël, la rentrée scolaire, un appui dans la vie de tous les jours ou seulement l'écoute.

En terminant, M. le Président, en mon nom et ceux des citoyens de LaSalle, j'aimerais féliciter et remercier la Société Saint-Vincent-de-Paul pour l'action concrète faite auprès des personnes les plus démunies de mon comté. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Merci à vous, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le député de Verchères, votre déclaration.

Souligner le 30e anniversaire de la
Maison des jeunes de Contrecoeur inc.

M. Stéphane Bergeron

M. Bergeron : Merci, M. le Président. Le 19 octobre dernier, la Maison des jeunes de Contrecoeur, qui célèbre cette année son 30e anniversaire de fondation, tenait une journée portes ouvertes dans le cadre de la Semaine des maisons de jeunes, laquelle soulignait l'importance de cette ressource vouée à l'épanouissement de la jeunesse, qui, est-il besoin de le rappeler, constitue la plus grande richesse d'un peuple. Il est donc heureux de pouvoir compter sur la présence et l'action de cet organisme favorisant l'intégration harmonieuse des jeunes au sein de leur communauté, encourageant du même coup leur participation citoyenne.

Depuis trois décennies, la Maison des jeunes de Contrecoeur offre aux adolescents de la région un lieu de rencontre qui leur permet de s'épanouir, de développer un sentiment d'appartenance et de mettre à profit leurs talents et habiletés, un lieu où ils peuvent trouver l'écoute, le soutien et la valorisation qui revêtent une si grande importance à ce stade de leur développement, et ce, grâce aux échanges entre camarades et à l'inestimable intervention d'animateurs compétents et attentionnés.

Qu'il me soit donc permis de féliciter chaleureusement et de remercier toutes les personnes grâce auxquelles nous pouvons aujourd'hui célébrer ce 30e anniversaire. Longue vie à la Maison des jeunes de Contrecoeur et à ses membres.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Merci à vous, M. le député de Verchères. Enfin, Mme la députée de Sainte-Rose, je vous cède la parole pour votre déclaration.

Rendre hommage à l'Association
québécoise des retraité-e-s des
secteurs public et parapublic

Mme Suzanne Proulx

Mme Proulx : Merci, M. le Président. Nous avons le grand plaisir, aujourd'hui, d'accueillir une délégation lavalloise d'une trentaine de membres de l'Association québécoise des retraité-e-s des secteurs public et parapublic.

Forte de ses 28 000 membres très actifs et engagés envers les aînés, l'association est présente dans toutes les régions du Québec. Sa mission principale est de promouvoir et de défendre les droits et intérêts économiques et sociaux de ses membres, tout en s'assurant du maintien et de l'amélioration de leur qualité de vie.

Ce sont des hommes et des femmes de coeur, qui ont gardé la foi dans leurs idéaux et qui continuent de s'impliquer pour la société dans laquelle ils évoluent. Pour eux, la retraite est une réalité dans laquelle se conjuguent vie active, vie sociale, solidarité, enthousiasme, envie d'avancer et de faire avancer leurs semblables.

Longue vie aux membres de l'AQRP et merci de votre implication citoyenne. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la députée de Sainte-Rose. Voilà qui met un terme à la rubrique Déclarations des députés.

Alors, je suspends les travaux de l'Assemblée quelques instants.

(Suspension de la séance à 9 h 57)

(Reprise à 10 h 16)

Le Président : Bon début de journée, chers collègues. Nous allons nous recueillir quelques instants.

Merci. Veuillez vous asseoir.

Déclarations ministérielles

Nous poursuivons les affaires courantes et ce matin, aux affaires courantes, nous avons une déclaration ministérielle. Alors, je vais inviter M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, à la Francophonie canadienne et à la Gouvernance souverainiste à prendre la parole pour cinq minutes. M. le ministre.

Réaffirmation des principes fondamentaux
inhérents à la société et à la démocratie québécoise

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier : Merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, une fois de plus, nous sommes face à un assaut inquiétant du gouvernement fédéral contre la liberté d'expression politique des Québécois. En effet, le gouvernement fédéral a choisi d'intervenir dans la contestation juridique de la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec. Il a choisi de s'associer à une cause qui nie l'existence même de la nation québécoise. Alors qu'il aurait pu demeurer en retrait et faire preuve de respect envers nos institutions et les principes démocratiques qui nous gouvernent, le gouvernement fédéral a choisi, au contraire, de mettre tout son poids dans cette contestation.

Cette loi québécoise, qui est attaquée, réaffirme de façon solennelle les principes politiques et juridiques qui constituent les assises mêmes de la société québécoise. Il ne s'agit pas d'une loi ordinaire, comme les autres, mais d'une loi fondamentale qui énonce nos droits politiques collectifs. Elle réaffirme notamment que les Québécois et les Québécoises ont le droit de choisir leur avenir politique et de décider eux-mêmes de leur avenir.

Par les droits fondamentaux qu'elle reconnaît aux Québécois, la loi énonce des normes que les institutions de l'État québécois doivent respecter dans l'exercice de leurs pouvoirs. En ce sens, elle ne lie personne d'autre que l'Assemblée nationale ou l'État du Québec.

Rappelons, par ailleurs, que les principes énoncés dans la loi ne sont pas particuliers au Québec. Par exemple, la règle du 50 % plus un, énoncée à l'article 4 de la loi, est la norme universellement reconnue et appliquée entre autres par l'Organisation des Nations unies.

D'autres principes énoncés par la loi font partie du tissu de l'histoire de notre nation. La loi indique notamment que l'État tient sa légitimité de la volonté du peuple; que l'Assemblée nationale n'est subordonnée à aucun autre gouvernement; que le territoire du Québec et ses frontières ne peuvent être modifiés qu'avec le consentement de cette dernière; et que l'État du Québec est souverain dans les domaines de compétence qui sont les siens, y compris sur la scène internationale.

• (10 h 20) •

Ces principes, les gouvernements québécois, souverainistes comme fédéralistes, les ont défendus et appliqués, notamment dans le cadre de trois référendums, en 1980, 1992 et 1995. Devons-nous rappeler que les règles dont nous parlons ici étaient en vigueur lors du référendum de Charlottetown, qui portait sur le renouvellement du fédéralisme? Ces principes n'ont donc pas d'appartenance partisane. Ils n'ont pas à être qualifiés de souverainistes ou fédéralistes. Ils réaffirment simplement le droit fondamental du peuple québécois de disposer librement de son avenir, rien de plus, rien de moins.

Rappelons ici, en ce lieu qui symbolise la démocratie québécoise, que ces principes fondamentaux qui sont les nôtres ont pour origine la naissance d'un peuple et d'un État antérieur de plus de deux siècles à la Constitution canadienne. Notre nation, contre les vents et marées de l'histoire, a su porter ces principes immanents sous diverses formes, dont la loi qui est aujourd'hui attaquée est l'expression la plus contemporaine.

Aujourd'hui, donc, c'est le fondement de nos institutions qui est remis en question par le gouvernement fédéral, car c'est bien de cela dont il s'agit. Ce geste n'est ni plus ni moins qu'une tentative de négation de notre histoire, de notre liberté de disposer de notre avenir comme nation. En voulant donner sa propre interprétation de nos droits collectifs, le gouvernement fédéral est en nette contradiction avec la reconnaissance de la nation québécoise. Le gouvernement fédéral attaque ainsi des principes qui rassemblent les Québécois et interpellent tous les courants politiques.

M. le Président, soyez assuré que le gouvernement du Québec ne ménagera aucun effort pour défendre les droits collectifs des Québécois et les principes fondamentaux qui fondent la démocratie québécoise. Devant cette nouvelle attaque contre la liberté, nous ne pouvons que mesurer la justesse de cette affirmation de René Lévesque : «Il est un temps où le courage et l'audace tranquilles deviennent pour un peuple, aux moments clés de son existence, la seule forme de prudence convenable.»

Nous demandons donc au gouvernement fédéral, de façon solennelle, de se retirer de sa volonté de vouloir mettre fin et de vouloir abolir la loi sur les droits fondamentaux. Merci, M. le Président.

(Applaudissements)

Le Président : Je vous remercie, M. le ministre, et j'inviterais maintenant M. le leader de l'opposition officielle et porte-parole en matière de Secrétariat aux affaires intergouvernementales. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Pierre Moreau

M. Moreau : Merci, M. le Président. «…quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, le Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement.» Ces paroles, prononcées par le premier ministre Robert Bourassa au lendemain de l'échec et du rejet du lac Meech, le 22 juin 1990, résonnent encore dans cette Assemblée. Elles nous rappellent avec éloquence que le Québec est une société dont les fondements reposent sur la démocratie garantie par la primauté du droit et le respect des règles de justice et que les Québécois seront toujours, seuls, capables d'assumer leur destin en tant que nation et en tant que peuple.

La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui est celle contre laquelle le premier ministre Jean Charest, alors chef de l'opposition, avait mis en garde haut et fort le gouvernement péquiste au moment du débat sur l'adoption de la loi n° 99. À l'époque, nous, les libéraux, avions sévèrement mis en garde le gouvernement péquiste de ne pas fragiliser les droits des Québécois. Nous lui avons répété à maintes reprises qu'en privilégiant une loi plutôt qu'une motion ou une déclaration solennelle les péquistes allaient ouvrir la porte à une contestation judiciaire, tel que l'avaient soulevé les juristes de l'État à l'époque. En permettant que soit judiciarisé un débat qui touche essentiellement des droitspolitiques, le gouvernement péquiste a affaibli le Québec. Nous aurions préféré que le Parti québécois s'inscrive dans la tradition de ce qu'a fait l'Assemblée nationale jusqu'alors dans des situations similaires. Nous aurions préféré qu'il s'inspire des déclarations solennelles du premier ministre René Lévesque, qui réagissait aux décisions du gouvernement fédéral. À l'époque, nous avons même tendu la main au gouvernement de Lucien Bouchard à deux reprises en proposant des motions visant à réitérer le droit à l'autodétermination des Québécois, mais celui-ci a eu l'incohérence de s'y opposer. Il faut le dire, si le droit des Québécois de décider de leur avenir est aujourd'hui contesté devant les tribunaux, c'est en raison d'une mauvaise décision partisane du Parti québécois, qui a choisi de se servir de cette loi à des fins souverainistes et d'alimenter le mouvement séparatiste.

En fait, les vraies raisons ayant poussé le Parti québécois à agir de la sorte étaient évidentes en 2000, et elles le sont encore — et les mêmes — 13 ans plus tard. En 2000, le ministre péquiste Guy Chevrette disait que le projet de loi n° 99 allait alimenter la ferveur nationaliste et allait créer les conditions gagnantes pour la tenue d'un référendum. Avec le recul, on est à même de constater que tant la loi sur la clarté, adoptée par le gouvernement fédéral, que la loi n° 99, adoptée par un gouvernement péquiste, sont le résultat direct des énoncés flous et ambigus des questions soumises au cours des deux référendums par les gouvernements péquistes pour décider de l'avenir constitutionnel du Québec.

La première ministre actuelle, qui aime bien citer le cas de l'Écosse, devrait rougir de honte si elle osait sérieusement comparer le libellé des questions soumises aux Québécois par rapport à celle à laquelle auront à répondre les Écossais. Car, soyons clairs, le Parti libéral du Québec, ses chefs et les premiers ministres de tous les gouvernements qu'il a formés ont toujours souscrit sans réserve à l'affirmation que seule l'Assemblée nationale du Québec peut déterminer les conditions entourant le processus référendaire sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec dans le respect des règles démocratiques, et notamment la règle du 50 % plus un, et ce, en conformité avec la décision de la Cour suprême dans le renvoi sur la sécession du Québec.

Mais, si nous réaffirmons notre attachement à la règle du 50 % plus un, encore faut-il que la question soit claire : Souhaitez-vous que le Québec devienne un pays indépendant? À chaque fois qu'ils ont eu à s'exprimer démocratiquement sur leur avenir, les Québécois ont toujours, toujours choisi le Canada. Nous sommes confiants qu'ils le feraient encore aujourd'hui si une question claire leur était posée, parce que les Québécois sont libres, parce que les Québécois sont fiers et parce qu'ils ne souscrivent pas à cette mentalité d'opprimés et d'assiégés à laquelle tente de les réduire la vision péquiste. Ils savent qu'ils sont les cofondateurs de ce pays, qu'ils en ont influencé la marche et qu'ils peuvent faire rayonner leur culture et leurs talents qui leur sont propres partout au Canada et ailleurs dans le monde. Comme l'exprimait le chef du Parti libéral du Québec, M. Philippe Couillard, il y a un consensus au Québec pour dire que l'avenir du Québec se décidera ici, par les Québécoises et les Québécois. C'est clair, il n'y a jamais eu de discussion là-dessus.

M. le Président, dans quelques instants, nous voterons en faveur d'une motion déposée par le gouvernement péquiste dont le libellé et la formulation ne nous appartiennent pas. Notre vote sur cette motion ne devra pas être interprété autrement que par notre réaffirmation du principe qui veut que l'Assemblée nationale du Québec soit seule à pouvoir déterminer des conditions entourant le processus référendaire sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec dans le respect des règles démocratiques et notamment la règle du 50 % plus un, et ce, en conformité avec la décision de la Cour suprême. M. le Président, «quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, le Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement». Nous sommes des Québécois libres et, de cette liberté, nous choisissons d'être Québécois et d'être Canadiens.

Le Président : Merci, M. le leader de l'opposition. Nous allons…

Une voix :

Le Président : M. le député de Chauveau? De La Peltrie. C'est vous… O.K. Je pensais que c'était le leader de la deuxième opposition qui s'exprimait sur le dossier.

Une voix :

Le Président : Ah bon! Bien, c'est parfait. Alors, nous allons maintenant…

Des voix :

• (10 h 30) •

Le Président : Nous allons maintenant entendre M. le député de La Peltrie. M. le député de La Peltrie.

M. Éric Caire

M. Caire : Merci. Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir d'intervenir sur la déclaration du ministre. S'il y a une chose qui ne fait aucun doute dans l'esprit des membres de la coalition et, j'espère, dans l'esprit de tous les Québécois, c'est que les Québécois forment un peuple uni par sa langue, sa culture, son histoire. Ce peuple occupe un territoire qui lui appartient et qui est indivisible. C'est le legs de nos ancêtres, c'est le legs de ceux qui ont bâti le Québec. Et, si nous avons tous, ici, collectivement, un devoir sacré, c'est de protéger et de défendre ce legs. M. le Président, je pense que le moment que nous vivons n'est pas un moment pertinent pour faire un débat constitutionnel. Je ne doute pas un seul instant de la légitimité de toutes les options qui sont proposées aux Québécois par les formations politiques, que ce soit la souveraineté, que ce soit le fédéralisme ou que ce soit notre option qui dit : Nous n'avons pas le luxe aujourd'hui de faire ce débat. Je pense que, dans le respect de toutes les options, nous devons nous élever au-dessus de ce débat.

Ce qui a été fait par Ottawa, c'est une attaque sur deux fronts. Le premier front, c'est la démocratie qui dépasse largement le débat constitutionnel. Si, à toutes les fois qu'un groupe, qu'un Parlement ou qu'une autorité décide qu'un sujet est tellement important que les fondements de notre démocratie ne s'y appliquent plus, M. le Président, c'est la démocratie que nous attaquons. Ce qu'Ottawa attaque, c'est un principe de démocratie. Et, M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, nous le jugeons inacceptable. Ce qu'Ottawa a attaqué aussi, c'est un autre principe qui nous apparaît fondamental. Le peuple québécois est souverain en ce qu'il décide de son avenir par et pour lui-même. Et, si le peuple québécois fait un choix et si le peuple québécois fait un débat sur ses choix, la seule autorité légitime, c'est l'autorité que le peuple québécois se donne, et cette autorité, c'est l'Assemblée nationale. Il n'y en a pas d'autre.

M. le Président, les Québécois, dans leur histoire, ont exercé cette souveraineté à deux reprises, où ils ont collectivement décidé de garder le lien qui les unissait à la fédération canadienne. Je n'ai jamais entendu, quelque option qu'on défende, je n'ai jamais entendu de Québécois contester cette décision, la légitimité de cette décision, le résultat de cette décision. Et, si, au Québec, nous avons eu pour nous-mêmes le respect de notre démocratie, le respect de l'intelligence du peuple québécois et le respect de son autorité à décider pour lui-même et par lui-même, nous devons, dans cette Assemblée, parler d'une seule voix pour exiger que tous les Parlements, de Québec, d'Ottawa ou de quelque province que ce soit, respectent cette même autorité, cette même légitimité et ce même droit fondamental qu'a le peuple du Québec à le faire.

M. le Président, encore une fois je le répète, je pense que nous devons, comme élus de l'Assemblée nationale, mettre de côté nos querelles, mettre de côté ce qui nous divise, travailler sur ce qui nous rassemble. Nous sommes des élus du peuple québécois, nous sommes leurs représentants en cette Assemblée, nous sommes les gardiens de cette autorité du peuple québécois, de sa légitimité à décider pour lui-même, et c'est ensemble que nous devons parler d'une seule et même voix pour dire à Ottawa que jamais aucun élu du Québec n'acceptera quelque ingérence que ce soit du Parlement fédéral dans des questions qui ne concernent que les Québécois. Et ça, ça n'a rien à voir avec le fait qu'on veuille défendre la légitimité du Québec au sein de la fédération canadienne ou le fait que le Québec devrait accéder à sa pleine souveraineté. Ce n'est pas ce débat-là que nous faisons aujourd'hui. Nous défendons nos concitoyens dans la souveraineté qu'ils peuvent exercer sur l'autodétermination.

Alors, M. le Président, j'espère que c'est d'une seule voix et sans réserve, et sans réserve, que nous appuierons la motion qui est présentée par le ministre, parce qu'aujourd'hui le ministre, c'est le ministre de tous les Québécois et nous devons nous conduire comme des élus qui représentons tous les Québécois. Les débats politiques, il y aura de l'espace pour les faire, il y aura des occasions pour les faire. Les options seront légitimes, toutes les options pourront être débattues, mais encore faut-il que l'autorité du Québec soit reconnue, encore faut-il que la légitimité du peuple québécois à prendre une décision et que cette décision-là soient respectées par tous, soient reconnues. Et, si, nous-mêmes, nous nous divisions, comment pouvons-nous demander à un autre Parlement de respecter cette autorité? Merci, M. le Président.

Le Président : Merci, M. le député de La Peltrie. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Mme la députée de Gouin demande à intervenir. Est-ce que j'ai un consentement pour permettre à Mme la députée de Gouin d'intervenir pour trois minutes? Alors, Mme la députée de Gouin, nous vous entendons.

Mme Françoise David

Mme David : Merci, M. le Président. Le Québec est une nation construite sur 400 ans d'histoire, une histoire de luttes et d'espoirs, 400 ans de rêves réalisés, de déceptions passagères, de progrès économiques et sociaux importants. Cette nation est fière de se développer en français, cette langue belle, dans un continent largement anglo-saxon.

La nation québécoise est particulière; ni pire ni meilleure qu'une autre, simplement particulière. Cette société s'est construite autour d'une majorité parlant français, mais aussi d'une minorité historique anglophone et de toutes les personnes venues des quatre coins de la planète qui ont choisi le Québec et désirent y vivre en paix. Les 11 nations autochtones vivant en territoire québécois font aussi intimement partie de notre vie collective.

Ce Québec, que j'aime profondément, aspire à décider lui-même de son avenir politique. Bien qu'il soit traversé de courants diversifiés, le peuple québécois s'unit autour d'une idée : son avenir politique, économique, culturel lui appartient, nul n'a le droit de se substituer à la volonté de la nation québécoise, quelle que soit cette volonté. La population du Québec se mobilise plus que jamais auparavant, dans toutes les régions, pour clamer : Ce territoire nous appartient, il est le garant d'un avenir prospère, vert et juste.

Le peuple québécois, ces dernières années, s'est battu pour dire aux gouvernants d'ici et d'Ottawa : Notre terre nous appartient, notre sous-sol est à nous, nos rivières et notre fleuve ne sont pas à vendre, notre âme n'est pas à vendre. Notre peuple fier et audacieux a le droit, et même le devoir, d'être pleinement responsable de son avenir. Nous ne permettrons à quiconque, dans quelque autre Parlement, de se substituer à la volonté de toute une nation, et surtout pas à un gouvernement conservateur, dévastateur de planète, pourfendeur des droits des femmes, un gouvernement qui n'a de leçons à donner à personne en matière de démocratie.

M. le Président, l'Assemblée nationale du Québec votera d'une seule voix pour la motion déposée plus tard en cette Chambre. Nous signifierons ainsi de la manière la plus claire qui soit notre amour du Québec, de son peuple et de sa liberté de choisir son avenir politique. Cela s'appelle la souveraineté populaire. Cela s'appelle la démocratie, tout simplement.

Le Président : Merci, Mme la députée de Gouin. J'invite maintenant M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, à la Francophonie canadienne et à la Gouvernance souverainiste pour son droit de réplique.

M. Alexandre Cloutier (réplique)

M. Cloutier : M. le Président, dans quelques minutes, l'Assemblée nationale va adopter une motion qui est unanime. L'Assemblée nationale va parler d'une seule voix pour réaffirmer les principes qui sont inclus dans la loi sur les droits fondamentaux. L'Assemblée nationale va réaffirmer le droit du peuple québécois de décider seul de son avenir politique. L'Assemblée nationale va réaffirmer ce principe de base du 50 % plus un. L'Assemblée nationale va réaffirmer le droit de l'Assemblée nationale de choisir de la question référendaire.

L'Assemblée nationale va parler d'une seule voix pour envoyer un message à Ottawa qu'ils n'ont pas de droit de contester ces principes de base de notre démocratie, qu'ils viennent nier l'histoire du Québec. M. le Président, l'Assemblée nationale va parler d'une seule voix pour défendre les prérogatives du peuple québécois à décider de son avenir politique. L'Assemblée nationale va parler d'une seule voix pour envoyer un message clair à Ottawa qu'ils doivent se retirer de cette cause devant la Cour supérieure du Québec parce que, quoi qu'on dise et quoi qu'il arrive, M. le Président, c'est ici, à l'Assemblée nationale, et c'est le peuple québécois qui va décider de son avenir.

• (10 h 40) •

Le Président : Merci, M. le ministre. M. le leader de l'opposition… le leader adjoint de l'opposition officielle… du gouvernement.

M. St-Arnaud : Oui, M. le Président. Alors, M. le Président, je sollicite le consentement de cette Chambre pour que la première ministre puisse présenter, conjointement avec le chef du deuxième groupe d'opposition, la députée de Gouin, le député de Blainville — c'est bien ça? — la motion… une motion à ce stade-ci de nos travaux, M. le Président.

Le Président : Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 53 de notre règlement afin de permettre la présentation d'une motion sans préavis par Mme la première ministre?

Des voix : Consentement.

Le Président : Consentement. Mme la première ministre, nous vous écoutons.

Motion proposant que l'Assemblée réaffirme
les principes formulés dans la Loi sur l'exercice
des droits fondamentaux et des prérogatives du
peuple québécois et de l'État du Québec

Mme Marois : Merci, M. le Président. De fait, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter, conjointement avec le chef du deuxième groupe d'opposition, la députée de Gouin et le député de Blainville, la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale du Québec réaffirme et proclame unanimement les principes fondamentaux formulés dans la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec;

«Que l'Assemblée nationale réaffirme que les Québécois et les Québécoises ont le droit de choisir leur avenir et de décider eux-mêmes de leur statut politique;

«Que l'Assemblée nationale réaffirme que lorsque les Québécois et Québécoises sont consultés par référendum tenu en vertu de la Loi sur la consultation populaire, la règle démocratique alors applicable est celle de la majorité absolue, soit 50 % des votes déclarés valides plus un vote;

«Que l'Assemblée nationale réaffirme que seule l'Assemblée nationale du Québec a le pouvoir et la capacité de fixer les conditions et modalités entourant la tenue d'un référendum conformément à la Loi sur la consultation populaire, y compris le libellé de la question référendaire;

«Que l'Assemblée nationale réaffirme qu'aucun Parlement ou gouvernement ne peut réduire les pouvoirs, l'autorité, la souveraineté et la légitimité de l'Assemblée nationale, ni contraindre la volonté démocratique du peuple québécois à disposer lui-même de son avenir;

«Que l'Assemblée nationale condamne l'intrusion du gouvernement du Canada dans la démocratie québécoise par sa volonté de faire invalider les dispositions contestées de la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec;

«Que l'Assemblée nationale réclame que le gouvernement du Canada s'abstienne d'intervenir et de contester la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec devant la Cour supérieure du Québec.»

Merci, M. le Président.

Le Président : Merci. Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Oui, M. le leader du gouvernement.

M. St-Arnaud : Oui, M. le Président. Il a été convenu de ne pas tenir de débat sur cette motion, d'immédiatement passer au vote. Et je vous demanderais un vote par appel nominal, M. le Président.

Mise aux voix

Le Président : Alors, je comprends qu'il y a un consentement. Alors, nous allons procéder, donc, par vote nominal. M. le secrétaire général. On est prêts pour le vote, les… Oui? Oui. Alors, M. le secrétaire général… Ça va? Alors, quels sont ceux qui sont en faveur de la motion?

Le Secrétaire : Mme Marois (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Maltais (Taschereau), M. Duchesne (Borduas), Mme Malavoy (Taillon), M. Marceau (Rousseau), Mme Zakaïb (Richelieu), M. Hébert (Saint-François), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Turcotte (Saint-Jean), M. Trottier (Roberval), Mme Richard (Duplessis), M. Ferland (Ungava), M. Drainville (Marie-Victorin), Mme De Courcy (Crémazie), M. Bergeron (Verchères), M. Leclair (Beauharnois), Mme Champagne (Champlain), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gaudreault (Jonquière), M. Kotto (Bourget), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. St-Arnaud (Chambly), M. Dufour (René-Lévesque), Mme Ouellet (Vachon), M. Lisée (Rosemont), M. Blanchet (Johnson), Mme Hivon (Joliette), M. Breton (Sainte-Marie—Saint-Jacques), Mme Beaudoin (Mirabel), M. McKay (Repentigny), M. Bureau-Blouin (Laval-des-Rapides), M. Bérubé (Matane-Matapédia), M. Pagé (Labelle), M. Traversy (Terrebonne), Mme Larouche (Abitibi-Est), Mme Bouillé (Iberville), M. Pelletier (Rimouski), Mme Gadoury-Hamelin (Masson), M. Villeneuve (Berthier), M. Pelletier (Saint-Hyacinthe), M. Chapadeau (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Richard (Îles-de-la-Madeleine), M. Cardin (Sherbrooke), Mme Proulx (Sainte-Rose), M. Therrien (Sanguinet), M. Roy (Bonaventure), M. Claveau (Dubuc), M. Goyer (Deux-Montagnes), M. Richer (Argenteuil), M. Trudel (Saint-Maurice).

M. Fournier (Saint-Laurent), M. Moreau (Châteauguay), M. Hamad (Louis-Hébert), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Arcand (Mont-Royal), Mme James (Nelligan), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Sklavounos (Laurier-Dorion), Mme Charbonneau (Mille-Îles), Mme St-Amand (Trois-Rivières), M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Ouimet (Fabre), M. Tanguay (LaFontaine), Mme St-Pierre (Acadie), M. Ouellette(Chomedey), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Vallières (Richmond), Mme Gaudreault (Hull), Mme Charlebois (Soulanges), Mme Blais (Saint-Henri—Sainte-Anne), Mme Vallée (Gatineau), M. Bolduc (Jean-Talon), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Lessard (Lotbinière-Frontenac), Mme Ménard (Laporte), Mme Boulet (Laviolette), M. Carrière (Chapleau), M. Billette (Huntingdon), M. Morin (Côte-du-Sud), M. Diamond (Maskinongé), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Reid (Orford), M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Gautrin (Verdun), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vien (Bellechasse), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Iracà (Papineau), Mme de Santis (Bourassa-Sauvé), M. Bolduc (Mégantic), M. Rousselle (Vimont).

M. Legault (L'Assomption), M. Deltell (Chauveau), M. Bonnardel (Granby), Mme Roy (Montarville), M. Dubé (Lévis), M. Caire (La Peltrie), Mme St-Laurent (Montmorency), M. Le Bouyonnec (La Prairie), Mme Roy (Arthabaska), Mme Daneault (Groulx), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Trudel (Charlesbourg), M. Spénard (Beauce-Nord).

M. Ratthé (Blainville), Mme David (Gouin), M. Khadir (Mercier).

Le Président : Est-ce qu'il y a un ou des députés qui sont contre la motion?

Est-ce qu'il y a des abstentions? Je n'en vois pas non plus.

M. le secrétaire général.

Le Secrétaire : Pour :  114

                      Contre :              0

                      Abstentions :     0

Le Président : Alors, la motion est adoptée. Et je présume que vous allez me demander d'en faire évidemment la distribution au Parlement fédéral, tant au Parlement qu'au Sénat fédéral, n'est-ce pas? Alors, ce sera fait. Ce sera fait.

Présentation de projets de loi

Alors, nous poursuivons. À la rubrique Présentation des projets de loi, M. le leader du deuxième groupe d'opposition.

M. Deltell : M. le Président, je vous invite à appeler l'article e de notre feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 492

Le Président : À l'article e du feuilleton, Mme la députée de Montarville présente le projet de loi n° 492, Charte de la laïcité. Mme la députée de Montarville.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Bien, j'ai l'immense plaisir et honneur de déposer ce projet de loi intitulé Charte de la laïcité.

Notes explicatives. Ce projet de loi établit les principes généraux et les balises servant de guide et de référence en matière de laïcité.

Ce projet de loi prévoit que plusieurs personnes ne peuvent porter de signes religieux visibles dans l'exercice de leurs fonctions, dont les juges, le Procureur général, le Directeur des poursuites criminelles et pénales, les agents de la paix, les enseignants et les directions d'école, également les fonctionnaires de l'administration gouvernementale qui sont des salariés et qui occupent un poste en vertu duquel ils exercent une autorité auprès des citoyens au nom de l'État du Québec.

• (10 h 50) •

Ce projet de loi prévoit également qu'un membre du personnel de l'administration gouvernementale ou d'un établissement doit avoir le visage découvert lors de la prestation de services. Il en va de même pour toute personne à qui des services sont fournis par cette Administration ou cet établissement, s'il est nécessaire d'avoir le visage découvert pour des raisons d'identification et de sécurité.

Ce projet de loi crée l'obligation pour le ministre responsable de l'application de la charte d'élaborer et de mettre en oeuvre une politique gouvernementale de gestion de la diversité culturelle.

Enfin, ce projet de loi prévoit que seul un accommodement raisonnable peut être accordé à une personne. Il définit la notion d'accommodement et énonce plusieurs critères à respecter pour qu'un accommodement soit considéré comme raisonnable. Merci.

Mise aux voix

Le Président : Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.

Dépôt de documents

Nous en sommes maintenant à la rubrique Dépôt de documents. M. Le ministre de l'Agriculture.

Rapport annuel de la Régie des
marchés agricoles et alimentaires

M. Gendron : Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel de gestion 2012‑2013 de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec.

Le Président : Alors, ce document est déposé. M. le ministre de la Justice, en prenant une grande respiration.

Rapports annuels 2011-2012 de certains ordres professionnels

M. St-Arnaud : …M. le Président, je vais avoir besoin de deux ou trois pages. Alors, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer les rapports annuels 2011‑2012 des ordres professionnels suivants : l'Ordre des acupuncteurs du Québec, l'Ordre des administrateurs agréés du Québec, l'Ordre des architectes du Québec, l'Ordre des audioprothésistes du Québec, l'Ordre des chimistes du Québec, l'Ordre des comptables en management accrédités du Québec, l'Ordre des comptables généraux accrédités, l'ordre des conseillers en relations humaines et en relations industrielles agréés du Québec, l'Ordre des conseillers et conseillères d'orientation du Québec, l'ordre des diététistes du Québec, l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec, l'Ordre des huissiers de justice du Québec, l'Ordre des hygiénistes dentaires du Québec, l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, l'Ordre des ingénieurs du Québec, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, l'ordre des inhalothérapeutes du Québec, l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec, l'Ordre des opticiens d'ordonnances du Québec, l'Ordre des optométristes du Québec, l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec, l'Ordre des pharmaciens du Québec.

Il y a seulement 45 ordres professionnels au Québec, M. le Président. Je suis rendu à «P». Ça s'en vient. L'ordre de la physiothérapie du Québec, l'Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec, l'Ordre des psychologues du Québec, l'Ordre des techniciens et techniciennes dentaires du Québec, l'ordre des technologistes médicaux, l'Ordre des technologues en imagerie médicale et en radio-oncologie du Québec, l'Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec, l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec et l'Ordre des urbanistes du Québec.

Rapport annuel 2010-2011 de l'Ordre des administrateurs
agréés, rapport annuel 2011-2012 du Collège des médecins
et rapports annuels du Tribunal administratif et de
la Société québécoise d'information juridique

Et je dépose aussi, M. le Président, par la même occasion, le rapport annuel 2010‑2011 de l'Ordre des administrateurs agréés du Québec, le rapport annuel 2011‑2012 du Collège des médecins du Québec, ainsi que les rapports annuels de gestion 2012‑2013 du Tribunal administratif du Québec et de la Société québécoise d'information juridique.

Et, M. le Président, si je peux me permettre de reprendre les propos tenus par le leader du gouvernement la semaine dernière, vous savez que chacun de ces rapports sont reçus en 30 copies papier au cabinet du leader du gouvernement. Il est rentré une trentaine de boîtes il y a quelques jours. Et je pense que le Bureau de l'Assemblée nationale devrait urgemment se pencher sur cette question. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président : D'abord, vous avez passé le test, M. le ministre, pour avoir déposé probablement le plus grand nombre de documents dans cette session-ci, probablement en compétition avec le leader du gouvernement. Mais, dans un cas comme dans l'autre, le raisonnement que vous nous faites ainsi que celui qu'avait fait le leader du gouvernement sont tout à fait justifiés. Et, s'il n'en tient qu'à moi, on devrait, d'ici Noël, ce qui est quand même relativement court dans cette session-ci, nous permettre de modifier le règlement du dépôt de l'Assemblée pour nous permettre justement de rendre numérique notre organisation de façon à être à la page, et de façon à être modernes, et de façon justement à éviter d'avoir à transporter ce nombre de documents, sans compter, sans compter, évidemment, pour les amateurs de forêt, le nombre de… Et je pense, entre autres, à notre collègue, je suis certain que tout le monde appréciera le fait qu'on ne soit pas obligés d'avoir autant de papier à transporter et à transborder dans nos prochains dépôts de documents. Alors, voilà.

Dépôt de rapports de commissions

Nous en sommes maintenant au dépôt de rapports de commissions. J'inviterais Mme la présidente de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles et députée d'Iberville.

Étude détaillée du projet de loi n° 46

Mme Bouillé : M. le Président, je dépose le rapport de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles qui a procédé, le 22 octobre 2013, à l'étude détaillée du projet de loi n° 46, Loi modifiant la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidents. La commission a adopté le texte du projet de loi avec un amendement.

Dépôt de pétitions

Le Président : Merci. À la rubrique Dépôt de pétitions, j'ai reçu la demande de M. le député de Chauveau, au nom du député de Portneuf, pour la présentation d'une pétition non conforme. Est-ce qu'il y a un consentement pour le dépôt de la pétition? Consentement. M. le député, nous vous écoutons.

Rendre sécuritaire l'intersection de la rue
Commerciale et de la route 138 à Donnacona

M. Deltell : Merci, M. le Président. Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 1 757 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants :

«Considérant les problèmes de sécurité tant pour les piétons que pour les automobilistes à l'intersection de la rue Commerciale et de la route 138 à Donnacona;

«Considérant les résolutions nos 208-06-230 du 2 juin 2008 et 2010-08-278 du 16 août 2010 par lesquelles le conseil municipal demandait au ministère des Transports l'installation d'un feu de circulation à l'intersection de la rue Commerciale et la route 138;

«Considérant la correspondance du 5 juin 2012 de M. Jean-François Saulnier, directeur général de la Capitale-Nationale du ministère des Transports du Québec, dans laquelle ce dernier confirme la pertinence d'intervenir pour assurer la sécurité des piétons à l'intersection de la rue Commerciale et de la route 138;

«Considérant que la correspondance indiquait que le ministère des Transports allait poursuivre son analyse et amorcer la préparation d'un projet en vue de procéder à l'installation d'un feu de circulation au cours des prochains mois;

«Considérant la résolution n° 2013-01-33 du 29 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal demandait au ministère des Transports de procéder à des améliorations à l'intersection de la route Commerciale et de la route 138 pour assurer la sécurité des piétons et des automobilistes en raison de nombreux accidents survenus au cours des derniers mois;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi :

«Nous, soussignés, demandons au gouvernement que le ministère des Transports exécute les travaux nécessaires afin de rendre sécuritaire cette intersection pour les piétons et les automobilistes.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président : Alors, l'extrait de cette pétition est déposé.

Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une question de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes donc rendus à la période de questions et de réponses orales. J'invite M. le chef de l'opposition officielle.

Situation de l'emploi au Québec

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier : Merci, M. le Président. Les dernières statistiques de l'emploi sont inquiétantes. Durant les neuf premiers mois de 2013, le Québec a perdu des emplois privés, alors qu'au Canada ils ont augmenté. Par contre, les emplois publics, ceux payés par les contribuables, ont augmenté au Québec, alors qu'ils ont diminué dans le reste du Canada. Après neuf mois, on fait face à une tendance lourde, une tendance qui établit que, pendant que les Canadiens s'enrichissent, les Québécois s'appauvrissent, M. le Président.

Regardons les emplois privés au Québec, M. le Président. C'est moins 45 000 que nous avons eu cette année; dans le reste du Canada, c'est plus 223 000, M. le Président. Au niveau des emplois publics, le Québec a ajouté 14 000 employés publics pendant que le Canada a réduit de 80 000 les employés du secteur public.

Comment la première ministre explique-t-elle que le Québec du PQ fasse exactement le contraire du Canada? D'abord, ici, il y a plus d'emplois publics, et donc la facture gouvernementale monte, pendant qu'au Canada la facture gouvernementale baisse. Ensuite, ici, il y a moins d'employés privés qui paient la facture gouvernementale qui monte, donc ça coûte plus cher par travailleur, pendant qu'au Canada il y en a plus qui se partagent la facture qui baisse, donc ça coûte moins cher. Comment la première ministre explique son bilan de l'emploi?

Le Président : Mme la première ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois : La facture publique qui est en hausse, M. le Président, j'informe le chef parlementaire de l'opposition officielle, c'est à cause des décisions prises par l'ancien gouvernement sur les taxes, sur les tarifs et surles impôts, M. le Président, parce que, depuis que nous sommes là, nous n'avons pas rehaussé ni taxes, ni tarifs, ni impôts, M. le Président; au contraire, nous les avons réduits.

Le Président : J'entends mal la réponse et j'ai bien entendu la question. Mme la première ministre.

• (11 heures) •

Mme Marois : Merci, M. le Président. Alors, nous allons remettre les pendules à l'heure. Sur la question des emplois, il y a 56 500 emplois de plus aujourd'hui au Québec qu'il y en avait à la même période l'an dernier. Seulementau dernier mois, il s'est créé 15 000 nouveaux emplois, M. le Président. Nous avons dépassé les prévisions de l'ancien ministre des Finances libéral pour l'année dernière et nous sommes en train de le dépasser pour cette année, M. le Président. Ça, ce sont les chiffres tels que fournis par Statistiques Québec, M. le Président, l'Institut de la statistique du Québec.

Maintenant, je croyais qu'au contraire, ce matin, le chef parlementaire de l'opposition officielle allait nous féliciter, puisque, dans les faits, dans les faits, l'activité économique du Québec, en juillet, a crû, le produit intérieur brut réel aux prix de base a augmenté de 1,4 % en juillet 2013, premièrement. Deuxièmement, M. le Président, les exportations internationales du Québec, en dollars constants désaisonnalisés, augmentent de 6,6 % en août 2013, alors qu'au Canada cela diminue, M. le Président. C'est le résultat de certaines décisions que nous avons prises.

Le Président : Première complémentaire, M. le chef de l'opposition.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier : Le problème, M. le Président, c'est que la première ministre fait tout pour éviter de répondre à la question. Elle nous dit que ça va très bien : 2 milliards de déficit, 2013‑2014; manque à gagner de 2 milliards pour le budget 2014‑2015. On pellette 2 milliards de dépenses de plus dans un plan panique pour avoir moins d'emplois en 2014 que ceux que le ministre prévoyait dans son budget de novembre dernier.

La question est la suivante : On perd des emplois privés. Ce sont eux qui ont assumé l'augmentation du coût de la facture des emplois publics. Est-ce qu'elle a un mot à dire là-dessus ou elle se ferme les yeux?

Le Président : Mme la première ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois : Alors, j'ai répondu strictement à la question qui m'était posée, M. le Président, quant au nombre d'emplois nouveaux cette année par rapport à la même période l'année dernière, M. le Président, alors que c'était le gouvernement du Parti libéral qui était là. Et je répète ce que j'ai dit d'entrée de jeu, M. le Président : C'est le Parti libéral, le gouvernement du Parti libéral qui a augmenté les taxes, les impôts, les tarifs, de telle sorte que cela a augmenté, effectivement, la pression sur nos finances publiques, M. le Président. Maintenant, parce que nous souhaitons que ça aille mieux encore, nous avons décidé d'adopter une politique économique d'envergure. Pas des mesurettes, une vraie politique…

Le Président : En terminant.

Mme Marois : …structurante comprenant plusieurs volets, M. le Président, dont, entre autres, le soutien…

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le chef de l'opposition.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier : J'ai un tableau pour 2012, M. le Président. Dans le temps que c'était un gouvernement libéral, il se créait plus d'emplois privés au Québec que dans le reste du Canada, puis on augmentait moins les emplois publics que dans le reste du Canada. Autrement dit, la facture que les Québécois avaient à payer était moins grosse que celle du reste du Canada.

Comment ça se fait que, quand c'est le PQ qui est là, les Québécois sont en train de s'appauvrir pendant que les Canadiens s'enrichissent? Pourquoi vous ne comprenez pas que vous posez les mauvais gestes en inquiétant tous les investisseurs de la planète?

Le Président : Mme la première ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois : Alors, plus spécifiquement à la question sur les emplois privés, M. le Président, en 2013, par rapport à 2012, il s'est créé 56 500 emplois au Québec, dont, effectivement, 59 900 dans le secteur privé, 1 000 emploisindépendants, alors que l'emploi du secteur public a reculé de 4 300 emplois, M. le Président. Alors, Institut de la statistique du Québec, je m'excuse, là, mais il me semble que c'est une institution suffisamment sérieuse, et le chef parlementaire de l'opposition devrait s'en inspirer, M. le Président.

D'ailleurs, la politique sur l'emploi que nous avons déposée prévoit la création de 43 000 emplois…

Le Président : En terminant.

Mme Marois : …de plus que ce qui avait été prévu, M. le Président, parce que nous allons supporter les entreprises privées…

Le Président : Troisième complémentaire, M. le chef de l'opposition.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier : M. le Président, ça vient de Desjardins, M. le Président. C'est Desjardins qui fait les chiffres pour toute l'année, qu'on parle 2012, qu'on parle 2013. Elle ira les voir, M. le Président. Maintenant, elle nous parle de son plan panique. Je vais vous dire, dans le budget, le ministre prévoyait 38 000 emplois. Avec son plan panique, 2 milliards, le coût, il va se rendre à 37 000 emplois. Qui va payer le 2 milliards pour avoir moins d'emplois que ce qu'il avait prévu au mois de novembre? Le fiasco économique, il apparaît ici, sur ce tableau-là, puis c'est les Québécois qui vont payer votre fiasco économique.

Le Président : Mme la première ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois : Quand nous sommes arrivés au gouvernement, M. le Président, il y avait un déficit de 1,6 milliard que nous avons dû combler, M. le Président. Ça, c'était le gâchis du gouvernement libéral qui nous a précédés, M. le Président. On n'a pas de leçons à recevoir de leur part.

Nous avons annoncé une politique économique d'envergure comportant plusieurs volets, dont une politique industrielle, dont une politique en matière de recherche et développement, dont une politique en matière de commerce extérieur, dont la politique sur l'électrification des transports. Ces deux dernières seront déposées dans les prochaines semaines. On ne fait pas la même lecture, de fait, M. le Président…

Le Président : En terminant.

Mme Marois : …et la Banque Laurentienne, elle, croit que les initiatives proposées par notre nouvelle politique…

Le Président : Principale, Mme la députée de Laporte.

Contrôle des dépenses publiques

Mme Nicole Ménard

Mme Ménard : Merci, M. le Président. On assiste à une perte de contrôle totale du gouvernement sur les dépenses de l'État, un dépassement de 40 % des dépenses pour les trois premiers mois de l'année. À cela s'ajoutent une pluie d'annonces non budgétées, 200 annonces budgétées pendant le mois de septembre, 200 autres annonces non budgétées depuis le début d'octobre. 200 annonces par mois, c'est hallucinant, M. le Président. Et ce n'est pas tout, à cela s'ajoutent 7 milliards de dollars en plan panique électoraliste.

Comme je n'ai pas encore de réponse, est-ce que le ministre des Finances peut nous dire où, dans son budget, sont prévues les sommes pour financer ces mesures?

Le Président : M. le ministre des Finances.

M. Nicolas Marceau

M. Marceau : M. le Président, je vais commencer par rappeler à cette Chambre que, lorsque nous sommes arrivés, il y avait un trou de 1,6 milliard de dollars, héritage empoisonné de l'ancien gouvernement, et que le gouvernement du Parti québécois a réussi à redresser la barque, si bien que les résultats préliminaires pour 2012-2013 qui ont été publiés il y a quelques mois montrent que nous avons remarquablement atteint la cible que nous nous étions donnée.

D'ailleurs, cet accomplissement de notre gouvernement a été salué par le député de Brome-Missisquoi, qui a vanté l'excellence de l'action du gouvernement en matière de contrôle des dépenses. Et, je pense, d'ailleurs, il avait vanté plus particulièrement l'action du président du Conseil du trésor, qui ne m'en voudra pas de dire que c'est le résultat du travail non seulement du président du Conseil du trésor, mais de l'ensemble du gouvernement, M. le Président.

Alors, écoutez, quand la députée nous parle de contrôle des dépenses, quand ça provient d'une membre d'un ancien gouvernement qui, systématiquement, n'est jamais parvenu à atteindre ses cibles, M. le Président, ça me fait rire un petit peu. De ce côté-ci, on contrôle; de l'autre côté, on n'y est jamais parvenu, M. le Président.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Laporte.

Mme Nicole Ménard

Mme Ménard : Le ministre ne peut pas répondre, car l'argent n'est pas là. Le ministre publiait, le 7 octobre dernier, un bulletin d'information qui distribuait des crédits d'impôt. C'est donc moins d'argent dans la colonne des revenus alors que le dérapage des finances s'accentue.

Le ministre des Finances doit nous dire : Quelle taxe imposera-t-il aux Québécois pour financer ces mesures?

Le Président : M. le ministre des Finances.

M. Nicolas Marceau

M. Marceau : On voit tout de suite, M. le Président, le réflexe du côté du Parti libéral. Problème? On taxe. C'est dans les gènes, M. le Président, du Parti libéral. Alors, écoutez…

Par ailleurs, j'aimerais ça être bien clair, là. La députée a parlé de crédits d'impôt, elle n'est pas sans savoir que les crédits d'impôt, ça va être utilisé par les ménages du Québec. 23 000 familles, M. le Président, qui vont pouvoir utiliser un crédit d'impôt à la rénovation. Elle a entièrement raison de le dire, c'est une excellente mesure, M. le Président. Par ailleurs, on parle de 4 500 entreprises, au cours des prochaines années, qui vont pouvoir se moderniser et qui vont pouvoir automatiser leurs processus de production, qui vont devenir plus productives puis qui vont réussir…

Le Président : M. le député.

M. Marceau : …à compétitionner toutes les entreprises à travers le monde. Alors, M. le Président…

Le Président : En terminant.

M. Marceau : …je ne suis pas très sûr de comprendre ce qu'elle veut. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on…

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Laporte.

Une voix :

Le Président : Voulez-vous la parole, M. le député? Voulez-vous la parole? Non?

Une voix :

Le Président : Non, ça va bien? Je ne sais pas si vous allez bien, mais je voudrais entendre la députée de Laporte.

Une voix :

• (11 h 10) •

Le Président : Mais c'est à Mme la députée de Laporte, la parole.

Mme Nicole Ménard

Mme Ménard : Alors, M. le Président, tous les Québécois savent que, dans un budget, il y a deux colonnes : les revenus et les dépenses. Colonne des revenus, à l'aveu même de la première ministre, les revenus sont en baisse. Colonne des dépenses, le gouvernement a perdu le contrôle.

Le ministre des Finances peut-il nous dire quelles taxes va-t-il augmenter pour équilibrer son budget?

Le Président : M. le ministre des Finances.

M. Nicolas Marceau

M. Marceau : M. le Président, c'est quand même intéressant de constater que le Parti libéral constate qu'il y a deux colonnes dans le budget seulement quand il est dans l'opposition. Quand ils sont au pouvoir, il y a juste la colonne des revenus, M. le Président.

Alors, M. le Président, nous avons contrôlé les dépenses, nous continuons à les contrôler. C'est nécessaire, c'est certain. Et je peux rassurer les Québécois : Contrairement à ce que le chef fantôme du Parti libéral veut, nous n'augmenterons pas les taxes, M. le Président.

Le Président : Principale. Mme la députée de La Pinière.

Coupes dans le budget consacré aux infrastructures

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin : M. le Président, on savait que les annonces péquistes étaient électoralistes et qu'elles n'étaient pas budgétées. À preuve, la première ministre a annoncé en grande pompe, le 17 juillet dernier, la mise en service, dès le début de l'automne 2013, du corridor de recharge électrique Québec-Vermont avec 31 bornes accessibles aux conducteurs de voitures électriques. Or, ce corridor, qui correspond à l'autoroute 35, est toujours inachevé à cause des coupures de 15 milliards de dollars que le gouvernement péquiste a effectuées dans le budget des infrastructures.

Est-ce que la première ministre peut admettre que l'autoroute 35 se termine dans un champ de vaches à la hauteur de Saint-Sébastien d'Iberville et que le dernier tronçon Saint-Sébastien—Saint-Armand, qui devait relier le Québec au Vermont, n'est même pas…

Le Président : M. le ministre des Transports.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Écoutez, M. le Président, encore une fois, je constate que la députée de La Pinière ne manque pas de culot et d'audace parce qu'il faut bien se rappeler que l'ancien gouvernement avait sous-budgété une série de routes, une série de budgets. Ils avaient sciemment caché à la population des…

Des voix :

Le Président : D'abord, à ma gauche, je vais réclamer le silence. Et, à ma droite, je vais demander à M. le ministre de retirer son propos. Ce n'était pas…

M. Gaudreault : Oui, M. le Président, l'ancien gouvernement avait sciemment omis…

Des voix :

Le Président : J'ai compris que M. le ministre avait retiré son propos. Il a même trouvé une analogie, j'ai l'impression.

M. Gaudreault :Oui. Ça tombe bien, M. le Président, que ça soit le député de Châteauguay qui fasse l'intervention parce que c'est lui qui était ministre des Transports alors qu'il avait été informé…

Des voix :

Le Président : M. le leader de l'opposition officielle.

M. Moreau : Le thème est très bon, le ministre est dans le champ, on parle de son annonce d'électrification.

Le Président : Ce n'est pas une question de règlement. M. le ministre, veuillez compléter.

M. Gaudreault : Oui, M. le Président, à deux reprises, à deux reprises, le cabinet…

Des voix :

Le Président :Je ne sais pas si vous attendez une tempête de neige bientôt, mais j'ai l'impression qu'il va neiger avant la fin de l'après-midi si vous continuez comme ça. Alors, M. le leader.

Une voix :

Le Président : Ah! bien, il y en a déjà assez, de trouble de ce côté-ci. M. le leader.

M. St-Arnaud : M. le Président, j'avais cru comprendre qu'avec Philippe Couillard le ton allait changer à l'Assemblée nationale, et j'aimerais… S'il vous…

Des voix :

M. St-Arnaud :M. le Président, force est de constater que non.

Des voix :

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. St-Arnaud : M. le Président, c'est encore le même vieux Parti libéral qui ne respecte pas le décorum en cette Chambre.

Des voix :

Le Président : M. le leader de l'opposition.

Des voix :

Le Président : Et, dépêchez-vous, on est dans une période de questions. Je ne sais pas si ça vous tente d'en faire une.

M. Moreau : M. le Président, avec Philippe Couillard, ce qui va changer, c'est le gouvernement.

Des voix :

Le Président : Je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 16)

(Reprise à 11 h 24)

Le Président : C'est à vous la parole, M. le ministre des Transports. Veuillez continuer, s'il vous plaît.

M. Gaudreault : Oui. Alors, M. le Président, je pense que c'est important de rappeler d'où on est partis quand nous sommes arrivés, il y a un an. Et la réalité, c'est celle-là, c'est que l'ancien gouvernement avait sorti du budget pas seulement la 35, la 70, la 20, la 185. Et le député de Châteauguay, l'ancien ministre, a été informé à deux reprises de cela par son ministère, M. le Président…

Le Président : En terminant.

M. Gaudreault : Ça, c'est la réalité à laquelle on a fait face quand on est arrivés. Et maintenant…

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de La Pinière.

Mme Fatima Houda-Pepin

 Mme Houda-Pepin : M. le Président, c'est faux. Comment la première ministre peut-elle annoncer, à grand renfort de publicité, la mise en service d'une trentaine de bornes pour les voitures…

Une voix :

Le Président : Je pense qu'elle va m'écouter. Mme la députée de La Pinière, vous devez toujours croire ce que dit un des membres de cette Assemblée et vous avez une expérience qui vous permet de le savoir. Je vous écoute, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin : Merci, M. le Président. Alors, comment la première ministre peut-elle annoncer, à grand renfort de publicité, la mise en service d'une trentaine de bornes pour les voitures électriques sur une autoroute dont elle a elle-même arrêté la construction? Est-ce qu'elle comprend que l'autoroute 35 est, à ce jour, inachevée, qu'une partie sert actuellement de piste cyclable et l'autre partie se termine dans un champ de vaches?

Le Président : M. le ministre des Transports.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Oui, M. le Président. Je suis heureux de constater que la députée de La Pinière souligne notre politique d'électrification des transports qui a été annoncée par la première ministre, qui a été annoncée dans la politique économique. Et les bornes jusqu'au Vermont s'inscrivent dans cette politique-là et vont s'installer le long de la 35.

La réalité, c'est que ceux qui ont arrêté le développement de la 35, c'est l'ancien gouvernement. Nous, dans la prochaine programmation, nous allons nous assurer qu'elle est là parce que, comme vous le savez, nous, on dit ce qu'on fait puis on fait ce qu'on dit.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de La Pinière.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin : Alors, M. le Président, c'est ça, leur politique d'électrification des transports, annoncer des bornes de recharge électrique virtuelles sur l'autoroute 35 Québec-Vermont, une autoroute que vous avez réduite vous-mêmes à une piste cyclable à cause des coupures de 15 milliards de dollars dans les budgets des infrastructures?

Est-ce que le député de Saint-Jean, le député d'Iberville sont d'accord avec ça?

Le Président : M. le ministre des Transports.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : M. le Président, on travaille correctement. On travaille avec le sens des responsabilités. Les bornes seront installées le long de l'autoroute, mais il faut d'abord s'assurer que l'autoroute sera financée, ce que nous faisons...

 (11 h 30)

Des voix : ...

M. Gaudreault : M. le Président...

Le Président : Franchement, on peut arrêter tout ça là, puis vous reviendrez demain si vous n'êtes pas capables de subir les feux de la rampe aujourd'hui. M. le ministre des Transports.

M. Gaudreault : Exactement ce que faisait l'ancien gouvernement avec la population, il riait de la population en faisant toutes sortes d'annonces non budgétées. Alors, nous, dans la prochaine programmation, il y aura les sommes...

Le Président : Principale, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

  Projet de loi sur la charte des valeurs québécoises

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, ça fait deux mois que le sujet le plus médiatisé au Québec, c'est le projet de charte du PQ. Ça fait deux mois que le ministre des Institutions démocratiques lance des ballons d'essai dans les médias. Ça fait deux mois que les Québécois sont divisés. M. le Président, ce matin, la coalition a déposé un projet de loi pour essayer de faire avancer un débat qui est nécessaire, mais qui est délicat, qui doit se régler rapidement. C'est irresponsable, M. le Président, de laisser traîner ce dossier avec tous les risques de dérapage. Ce matin, je veux revenir à la charge pour demander à la première ministre d'agir de façon responsable. Elle a un projet de loi qui pourrait être le début, là, d'une entente qu'on pourrait faire rapidement au cours des prochains jours.

Est-ce que la première ministre peut nous expliquer ce matin comment ça se fait qu'on n'a pas… avec tous les budgets du gouvernement, elle n'a pas encore réussi à déposer un projet de loi sur cette fameuse charte?

Le Président : Mme la première ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois : Alors, M. le Président, je remercie le chef du deuxième groupe d'opposition de sa question. Et nous étudierons, bien sûr, et regarderons le projet de charte qui a été déposé ce matin par sa formation politique. Cela pourra faire partie des débats que nous aurons dans la suite des choses.

Je voudrais cependant rappeler, M. le Président, que c'est un débat majeur pour une société, qui demande beaucoup de courage, parce que ce sont des changements culturels, des changements politiques, des changements sociologiques particulièrement importants. La société québécoise a la maturité qu'il faut, me semble-t-il, pour participer à ce débat, prendre le temps qu'il faut pour le faire. Alors, je rassure le chef du deuxième groupe d'opposition, nous allons déposer le projet de charte des valeurs québécoises. Il y aura un espace pour en débattre avec sa formation politique comme avec la formation politique de l'opposition officielle, M. le Président, même si, dans le cas de l'opposition officielle, dirigée par M. Couillard, malheureusement, on rejette d'emblée tout ce qui est proposé jusqu'à maintenant par la charte québécoise, M. le Président.

Des voix :

Le Président : Si vous avez des questions, c'est une période de questions. C'est à vous de faire valoir… C'est à vous de…

Des voix :

Le Président : M. le leader de l'opposition.

M. Moreau : La première ministre ne peut pas profiter d'une réponse à la question de la deuxième opposition pour dire des choses qui sont inexactes quant à notre position…

Le Président : Si vous jugez qu'elles sont inexactes, vous avez la chance, pendant cette période de questions là, de poser des questions plus tard. Mme la première ministre.

Une voix :

Le Président : M. le leader du gouvernement, M. le leader du gouvernement, Mme la première ministre a la parole.

Mme Marois : Alors, M. le Président, M. Couillard a lui-même dit qu'il faudrait lui passer sur le corps pour qu'il accepte ce que l'on retrouve dans le projet de charte québécoise. C'est exactement ce qu'il a dit, M. le Président. Je le cite au texte, M. le Président.

Des voix :

Le Président : Si vous voulez… Ici, c'est une place pour débattre. Si vous n'êtes pas contents de l'argumentation du gouvernement, vous avez le droit, puis c'est correct, mais l'interprétation que Mme la première ministre fait est la sienne. Qu'elle soit juste ou pas ou qu'elle soit… qu'elle fasse votre affaire ou pas, c'est à vous de le dire plus tard pendant la période de questions. M. le leader.

M. Moreau : M. le Président, ce qu'elle dit dénature les propos d'une personne qui…

Des voix :

Le Président : S'il vous plaît! Je vais resuspendre, puis on se reverra demain matin.

Des voix :

Le Président : Mme la première ministre.

Mme Marois : Alors, M. le Président, il serait intéressant, d'ailleurs, que le chef de l'opposition, M. Philippe Couillard, chef du Parti libéral, puisse être parmi nous. Il pourrait donc en débattre.

Je rassure le chef du deuxième groupe d'opposition : nous allons avoir tous les débats utiles, nécessaires, M. le Président, à travers les outils dont nous disposons et les…

Le Président : Première complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

M. François Legault

M. Legault : En repoussant le dépôt du projet de loi sur la charte, la première ministre nous confirme que, dans le fond, ce n'est rien d'autre, là, que la pièce maîtresse pour sa prochaine campagne électorale.

Quand la première ministre va-t-elle agir de façon responsable, arrêter de diviser les Québécois? Quand va-t-elle agir pour l'intérêt des Québécois, pas pour ses intérêts partisans?

Le Président : Mme la première ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois : Alors, M. le Président, peut-être que le chef du deuxième groupe d'opposition veut aller en élection. Ce n'est pas notre cas, M. le Président, parce que nous croyons qu'il y a beaucoup de défis à relever au Québec, et c'est ce à quoi nous travaillons déjà depuis un bon moment.

Je reviens maintenant sur le fond de la question. C'est un débat majeur pour une société. C'est un débat qui, oui, concerne les valeurs, et il faut prendre le temps de bien le faire. Le ministre a procédé à une consultation dans un premier temps. Il a rendu publics hier les résultats de ce premier volet de consultation. Il y aura un dépôt de la charte. Nous voulons le faire dans l'ordre, de façon correcte, M. le Président, en tout respect pour les membres de cette Assemblée. Nous allons donc déposer le projet…

Le Président : En terminant.

Mme Marois : …et nous aurons par la suite tous les débats utiles et nécessaires.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, j'ai une suggestion à faire à la première ministre. Étant donné que son ministre n'a pas eu le temps de préparer le projet de loi, est-ce qu'elle ne pourrait pas le garder à Québec au cours des prochains jours plutôt que de l'envoyer aux frais des contribuables pour un séjour à l'Auberge du lac Taureau?

Le Président : Mme la première ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois : Alors, je reste un peu bouche bée, mais, enfin, M. le Président, de fait, nous aurons une réunion, une réunion spéciale du Conseil des ministres, qui était prévue déjà depuis quelque temps, dans un endroit isolé où nous aurons le temps de réfléchir à un bon nombre des questions qui nous préoccupent et qui préoccupent le peuple québécois.

Et qu'il se rassure... Sur le fond des choses — j'y reviens — qu'il se rassure, nous prendrons le temps qu'il faut pour débattre du projet de charte, M. le Président, autant des propositions qu'il pourra faire que de celles que le gouvernement présentera, M. le Président.

Le Président : Principale, M. le député de Lévis.

Situation économique et financière du Québec

M. Christian Dubé

M. Dubé : Alors, merci, M. le Président. Il y a deux semaines de cela, le gouvernement nous présentait une politique économique dont une grande partie des dépenses n'étaient pas budgétées dans l'exercice courant. Depuis, nous avons eu droit à l'annonce de trois autres politiques mais aucune explication sur les sources de financement de celles-ci, puis on apprend qu'il y en a deux autres à venir. M. le Président, nous savons, depuis plusieurs semaines déjà, que ce gouvernement ne respectera pas le déficit zéro cette année. De plus, ce gouvernement nous présente des plans qui sont flous, financés par la carte de crédit et remettant en cause les équilibres financiers pour les prochaines années.

M. le Président, comment le ministre des Finances conciliera-t-il le report du déficit zéro, les sommes virtuelles annoncées pour les quatre politiques et les revenus de l'État qui ne sont pas encore au rendez-vous?

Le Président : M. le ministre des Finances.

M. Nicolas Marceau

M. Marceau : M. le Président, je suis heureux de me lever pour parler de notre politique économique; on n'a pas eu beaucoup de questions. Je rappelle que cette politique économique, c'est une politique qui est majeure, politique qui englobe à la fois des mesures de court terme et des mesures de long terme, des mesures structurantes, des mesures qui s'attaquent aux problèmes fondamentaux de l'économie québécoise. Il y a, entre autres, là-dedans une politique de recherche et d'innovation qui va faire en sorte qu'il y aura plus d'innovation dans les entreprises au Québec. Il y a aussi une stratégie industrielle qui vise à ce que nos PME en particulier investissent plus, s'automatisent, se modernisent, se verdissent, donc faire en sorte que nos entreprises manufacturières soient plus productives et qu'elles soient à même de réussir mieux sur les marchés extérieurs. Je vous rappelle, M. le Président, que les exportations québécoises ont diminué de façon importante sous l'ancien gouvernement, en particulier vers notre principal marché que sont les États-Unis.

Je vais conclure en disant au collègue qu'évidemment nous contrôlons les dépenses — il le sait très bien — que nous allons déposer une mise à jour, dans les prochaines semaines, qui fera état de la situation. Cela étant, nous sommes un gouvernement responsable, nous l'avons montré par notre contrôle exemplaire des dépenses…

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Lévis.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Je suis surpris d'entendre la réponse du ministre des Finances, M. le Président, parce que, justement, le ministre des Finances nous a même refusé un document que nous avons demandé. J'ai la lettre ici, que je vaisdéposer, demandant les revenus et les dépenses de l'ensemble des organismes et fonds spéciaux du gouvernement pour mieux comprendre la croissance réelle des dépenses. Les représentants du gouvernement à la Commission des finances publiques s'y étaient pourtant engagés.

Le ministre peut-il nous expliquer, concrètement et de façon correspondante... qu'on peut avoir les vraies réponses, aujourd'hui, s'il vous plaît?

Document déposé

Le Président : Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document? Consentement. M. le ministre des Finances.

M. Nicolas Marceau

M. Marceau : Écoutez, je ne sais pas de quel document en particulier… auquel le député réfère. De mémoire, là, je me rappelle qu'en commission parlementaire nous avions évoqué la question d'une reddition de comptes plus élaborée, disons, dans le cas des fonds spéciaux. Et effectivement, lorsque l'exercice de reddition de comptes se fera, ethabituellement ça se fait après le dépôt du budget, bien, on aura, à ce moment-là, l'occasion de fournir les documents qui sont demandés par le député.

De mémoire encore une fois, je m'y étais engagé lors de la commission parlementaire, et, à mon sens, il y avait toute une année financière à couvrir, au-delà de laquelle l'exercice de reddition de comptes serait fait…

Le Président : En terminant.

M. Marceau : …et c'est là-dedans qu'on est, M. le Président, là.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Lévis.

M. Christian Dubé

M. Dubé : La lettre est très claire, M. le Président, je vais vous laisser en prendre connaissance.

Deuxièmement, ça fait des mois que l'on demande au gouvernement de faire preuve de transparence et de présenter la mise à jour économique du gouvernement pour l'année en cours.

M. le Président, on est à la veille d'élections, le ministre des Finances peut-il… s'engager — excusez-moi, excusez-moi — peut-il s'engager, aujourd'hui, à déposer sa mise à jour économique avant les élections?

Le Président : M. le ministre des Finances.

M. Nicolas Marceau

M. Marceau : M. le Président, il y a des choses que nous avons l'intention de faire dans les prochaines semaines : premièrement, déposer les comptes publics, les comptes publics qui, donc, nous disent… qui nous donnent un portrait des états financiers du gouvernement du Québec en date du 31 mars 2013.

M. le Président, par ailleurs, dans les prochaines semaines, par la suite ou en même temps, il y aura le dépôt de la mise à jour et, dans le passé, là, dans les dernières années, ça s'est fait en quelque part entre le 15 octobre et le 15 décembre. Nous sommes à travailler là-dessus, M. le Président, et, en temps et lieu, ce sera déposé.

• (11 h 40) •

Le Président : Principale, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Financement de l'assurance autonomie

Mme Marguerite Blais

Mme Blais : Je n'ose croire, M. le Président, que le ministre dépense près de 1 million de dollars pour faire de la pub pour une commission parlementaire qui débute cet après-midi. Ça me dépasse, M. le Président, 1 million de dollars pour vanter un projet qui n'est même pas chiffré, mais le ministre est capable de couper 2,4 millions de dollars à l'institut de gériatrie de Montréal, capable de couper 3 millions de dollars au CSSS Bordeaux-Cartierville, capable de couper 17 lits au CSSS de Weedon. Il est capable de couper et il est capable de trouver 1 million de dollars pour vanter un livre blanc. Dans une émission très populaire dimanche dernier, il a avoué que tous les Québécois étaient pour payer une taxe.

Ma question est très simple : Les aînés et les personnes vulnérables vont payer combien en plus pour les soins et les services à domicile?

Le Président : M. le ministre de la Santé.

M. Réjean Hébert

M. Hébert : M. le Président, les personnes âgées au Québec méritent amplement, M. le Président, d'être informées des grandes politiques. En avril dernier, nous avons lancé une grande campagne de publicité sur la maltraitance, M. le Président, qui a coûté aussi le même montant d'argent parce que les personnes âgées, pour les atteindre, il faut utiliser des médias qui sont dispendieux, M. le Président. Mais ça vaut la peine d'informer les personnes âgées. La campagne sur la maltraitance, M. le Président, a provoqué 2 000 appels à la ligne Aide Abus Aînés et nous a permis, M. le Président, d'aider de très nombreuses personnes âgées qui étaient face à des problèmes de maltraitance.

La campagne qui est actuellement en cours, M. le Président, c'est pour informer les personnes âgées d'une innovation sociale extraordinaire, M. le Président, qui sera probablement l'innovation sociale du XXIe siècle, qui est de redonner aux personnes âgées la liberté de choisir là où elles veulent vivre et par qui elles veulent recevoir des services de soutien à domicile.

Je pense que c'est important, M. le Président, que les personnes âgées en soient informées et il faut prendre les moyens pour les informer correctement, M. le Président.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Marguerite Blais

Mme Blais : Je suis contente, M. le Président, qu'il aime notre plan d'action gouvernemental pour contrer la maltraitance et qu'il le vende sur toutes les tribunes.

Le 23 avril dernier, le ministre a mentionné dans un quotidien : «Ce projet se [fera] "à coût nul" — pas besoin d'une cotisation supplémentaire des contribuables…»

La question est simple : Combien les personnes vulnérables, les personnes aînées devront payer de plus pour obtenir des soins à domicile? C'est clair, la…

Le Président : M. le ministre de la Santé.

M. Réjean Hébert

M. Hébert : M. le Président, nous nous sommes engagés, à la dernière campagne électorale, à consacrer 500 millions de dollars de plus aux soins à domicile, M. le Président. Ça, ça veut dire doubler le budget des soins à domicile. Nous nous y sommes engagés, M. le Président, et nous allons la réaliser. 

Les libéraux s'étaient engagés, en 2008, à faire la même chose et ne l'ont jamais faite, M. le Président. Cette année, on fait un investissement, dans une année financière difficile, de 110 millions de dollars, du jamais-vu, M. le Président, en une seule année, pour augmenter les services de soins à domicile. À la différence des libéraux, nous autres, on fait ce qu'on dit, M. le Président, et je pense que c'est la caractéristique de l'ensemble de notre gouvernement.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Marguerite Blais

Mme Blais : M. le Président, au mois d'avril, à coût nul; au mois de septembre, dans un quotidien, on prévoit une contribution spécifique des contribuables. Cette taxe semble la voie privilégiée. On fait ce qu'on dit? Il y a une contradiction ici.

On veut savoir, au nom des aînés vulnérables, combien ça va coûter. Je ne suis pas la seule qui le demande ce matin. Il y a le Regroupement pour le mieux-être des personnes en perte d'autonomie. Ce regroupement est inquiet…

Le Président : M. le ministre de la Santé.

M. Réjean Hébert

M. Hébert : M. le Président, notre investissement de 500 millions couvrira l'assurance autonomie, M. le Président. Et c'est ce que nous…

M. Moreau : …il nous dit où il va dépenser de l'argent, il ne nous dit pas où il va aller le chercher. La question, c'est : Où allez-vous le…

Le Président : M. le ministre de la Santé.

M. Hébert : M. le Président, les 500 millions que nous nous sommes engagés à faire font partie de notre cadre financier, M. le Président. Il n'y aura pas de taxe supplémentaire, M. le Président. On a même diminué… M. le Président, elle est rendue plus équitable, la taxe santé que les libéraux avaient imposée, M. le Président.

Je vous rappellerai que le champion taxeur, là, c'est les libéraux et que Philippe Couillard, le fantôme du Parlement, veut même augmenter la taxe de vente, M. le Président. Les taxeurs, c'est les libéraux, M. le Président.

Le Président : M. le député de Mercier, en principale.

Tenue des élections générales à date fixe

M. Amir Khadir

M. Khadir : M. le Président, en juin dernier, nous avons voté une loi à l'unanimité pour fixer la date des élections. Le ministre des Institutions démocratiques disait qu'avec cette loi la date des élections ne serait plus déterminée selon des calculs partisans ou électoralistes. Il disait que sa loi était un engagement moral de respecter une certaine date, que le citoyen aura enfin le sentiment qu'on lui redonne les élections. Pourtant, interrogé sur la date des élections, la première ministre a dit le 7 octobre — je la cite : «Je ne sais pas. Mais [...] lorsque je penserai qu'il est temps de prendre cette décision, je le ferai.» Cette réponse, malheureusement, contredit la parole du ministre.

Alors, la question s'adresse à la première ministre : Va-t-elle respecter l'engagement moral de son gouvernement? Est-ce qu'on va avoir une élection à date fixe ou à date molle? Une date molle, c'est quand c'est laissé au bon vouloir de la première ministre de déclencher selon des calculs partisans. Alors, va-t-il…

Le Président : M. le ministre des Institutions démocratiques.

M. Bernard Drainville

M. Drainville : M. le Président, M. le Président, d'abord, j'aimerais noter le fait que ceux qui parlent le plus d'élections ces temps-ci, ce n'est pas les députés ou les ministres du gouvernement, ce sont les gens d'en face, les gens du Parti libéral, M. le Président, qui ont voté, eux aussi, pour le projet de loi et qui semblent très, très, très pressés d'aller en élection, M. le Président.

Alors, nous, sur le principe des élections à date fixe, effectivement, nous avons voté ce projet de loi, M. le Président, et c'est un projet de loi, évidemment, dans lequel nous croyions, et nous y croyons toujours.

Maintenant, c'est bien clair aussi que des élections à date fixe, M. le Président, ça doit être un engagement qui doit être respecté par tous les partis. À partir du moment, M. le Président, où vous avez des partis d'opposition, dans un contexte minoritaire, qui envisagent ouvertement la tenue d'élection, on n'a pas le choix, nous, de notre côté, de les envisager également. L'objectif d'un projet de loi sur les élections à date fixe, M. le Président, ce n'était pas de donner un avantage à l'opposition, c'était de mettre tout le monde sur le même pied d'égalité. À partir du moment où les partis d'opposition envisagent des élections…

Le Président : En terminant.

M. Drainville : …on n'a pas le choix que de s'y préparer également.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Mercier.

M. Amir Khadir

M. Khadir : M. le Président…

Des voix :

Le Président : Je n'entends pas la question. M. le député de Mercier, en complémentaire.

M. Khadir : M. le Président, déclencher des élections pour devenir majoritaire, c'est exactement le genre de calcul partisan qu'a fait Harper en 2008, rappelez-vous. En fait, il a violé sa propre loi, gaspillé 300 millions de dollars pour se retrouver encore minoritaire. Gilles Duceppe suggère que, même minoritaire, l'élection doit être à date fixe, sauf si le gouvernement est renversé par une majorité de députés.

Alors, le ministre pourrait-il s'engager à modifier sa loi pour…

Le Président : M. le ministre des Institutions démocratiques.

M. Bernard Drainville

M. Drainville : M. le Président, l'idée des élections à date fixe, c'était d'égaliser les chances, hein? C'était ça, l'idée des élections à date fixe. Alors là, on a des partis d'opposition, celui d'en face en particulier, qui, depuis l'été, M. le Président, nous disent qu'on s'en va en élection. Le chef, Philippe Couillard, le fantomatique Philippe Couillard est allé déclarer devant les jeunesses libérales : On s'en va en élection dans les prochaines semaines, M. le Président.

Alors, je m'excuse, l'objectif d'un projet de loi sur les élections à date fixe…

Des voix :

M. Drainville : L'objectif, M. le Président, d'un projet de loi sur les élections à date fixe…

Des voix :

Le Président : Ce n'est peut-être pas un sujet qui vous intéresse.

Des voix :

Le Président :Ce n'est peut-être pas un sujet…

Des voix :

Le Président : M. le ministre, veuillez poursuivre et compléter.

M. Drainville : M. le Président, avec les élections à date fixe, on a voulu égaliser les chances. À partir du moment où l'opposition libérale dit qu'elle s'en va en élection, nous, on n'a pas le choix de se préparer.

• (11 h 50) •

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Mercier.

M. Amir Khadir

M. Khadir : M. le Président, je crois que le député de Marie-Victorin ne devrait pas prendre son engagement moral à la légère comme ça. Selon la loi, la date des élections est fixée au 3 octobre 2016. Alors, le ministre pourrait s'engager à ce que sa chef, moralement, n'ait pas le droit de décider seule, quand bon lui semble, de dissoudre l'Assemblée.

Est-ce que le ministre peut appuyer notre motion qui va exactement dans ce sens, une motion qu'on va présenter tout à l'heure?

Le Président : M. le ministre des Institutions démocratiques.

M. Bernard Drainville

M. Drainville : M. le Président, l'idée des élections à date fixe, c'était d'égaliser les chances, donc d'enlever au parti qui est au gouvernement la possibilité de pouvoir le faire seulement à partir de ses calculs à lui. L'idée n'était pas de donner au parti d'opposition l'avantage de pouvoir déclencher à sa guise une élection, M. le Président.

Si on est d'accord avec le principe de l'égalité des chances, ce qui sous-tend le projet de loi sur les élections à date fixe, il faut, M. le Président, que… À partir du moment où l'opposition peut, dans un contexte minoritaire, nous défaire, on n'a pas le choix, nous, que d'égaliser les chances et de se préparer à toute éventualité, M. le Président. C'est ce qu'on fait.

Le Président : Principale, M. le député de Huntingdon.

Soutien au secteur agroalimentaire

M. Stéphane Billette

M. Billette : Merci, M. le Président. Le secteur agroalimentaire est un des plus importants secteurs avec ses 500 000 emplois directs et indirects et 7 % du PIB. M. le Président, où cela fait mal au niveau du secteur, c'est les coupures péquistes subies depuis un an : 15 millions à l'ASRA, 10 millions dans Prime-vert, 9 millions dans le programme des circuits courts. Mais où ça fait encore plus mal : au niveau de la jeunesse. Aucun renouvellement de la politique jeunesse depuis six mois, qui s'est terminée en mars 2013, 10 millions des programmes destinés aux jeunes qui sont disparus. En août 2012, la première ministre promettait d'investir 20 millions; aucun sou n'est apparu dans les budgets. Donc, on parle d'un programme pour notre relève, nos jeunes en agriculture de demain, 30 millions de moins, aucune politique.

Est-ce que le ministre réalise qu'il a complètement laissé tomber la relève agricole au Québec?

Le Président : M. le ministre de l'Agriculture.

M. François Gendron

M. Gendron : Je suis un peu catastrophé, mais ce n'est pas la première fois qu'on réussit à me catastropher avec de telles affirmations gratuites.

D'abord, partons, là, de la présentation du budget. Lors de la présentation du budget, je répète, il y a un budget, pour toutes sortes de raisons, qui a été coupé de 0,5 %, c'est celui du MAPAQ, parce qu'on a réussi à absorber cette coupure-là — parce qu'on voulait faire notre part comme tout le monde, compte tenu de la catastrophe qu'ils nous ont laissée — sans affecter aucun des programmes.

Je prends juste un exemple. Ça ne se peut pas, dire des choses comme ça. Prime-vert. Prime-vert, c'est un programme qui a obligé… Tu as parlé de ça dans ton introduction.

Le Président : …s'adresse à la présidence, M. le ministre.

M. Gendron : Oui, vous avez raison. Prime-vert, on a atteint les objectifs qui étaient fixés. 95 % des producteurs agricoles dans le programme Prime-vert ont atteint les objectifs d'avoir une gestion plus responsable au niveau del'environnement. J'ai renouvelé le Prime-vert, mais est-ce que j'ai besoin exactement des mêmes sommes à la même place pour continuer à atteindre l'objectif d'une gestion intelligente des fumiers solides? La réponse, c'est non, parce que, l'objectif, on l'a atteint. Donc, en conséquence, personne ne m'a parlé de ça.

La relève agricole…

Le Président : Alors, cela met fin à la période de questions et de réponses orales.

Motions sans préavis

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, nous en sommes à la rubrique des motions sans préavis. Et, en fonction de nos règles et de l'ordre de présentation, je reconnais maintenant M. le député de Jean-Lesage.

Souligner la Semaine de la PME

M. Drolet : Merci, M. le Président. M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec la ministre déléguée à la Politique industrielle et à la Banque de développement économique du Québec, le député de La Prairie, le député de Blainville et le député de Mercier :

«Que l'Assemblée nationale souligne la Semaine de la PME qui s'est tenue du 14 au 20 octobre 2013;

«Qu'elle reconnaisse l'importante contribution des petites et moyennes entreprises au tissu économique du Québec.»

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de Jean-Lesage. Y a-t-il consentement pour débattre de la motion? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Traversy : Merci, M. le Président. Il y a consentement pour débattre de cette motion pour un temps de parole d'environ une minute par intervenant, en débutant, bien sûr, par le député de Jean-Lesage qui en est le dépositaire, suivi par le député de La Prairie, le député de Mercier, et vous dire, M. le Président, que nous terminerons cette motion par la ministre déléguée à la Politique industrielle et à la Banque de développement économique.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, je comprends qu'il y a un consentement pour permettre quatre interventions d'une durée d'environ une minute en commençant par vous, M. le député de Jean-Lesage.

M. André Drolet

M. Drolet : M. le Président, il me fait plaisir de présenter cette motion aujourd'hui pour souligner la Semaine de la PME 2013, dont la 33e édition s'est tenue officiellement du 14 au 20 octobre dernier.

C'est bien connu, les petites et moyennes entreprises représentent une part importante de l'économie au Québec. Présentes dans toutes les régions, elles comptent en effet pour 99,8 % des entreprises et représentent 57 % des emplois chez nous. Leur contribution à notre tissu économique n'est plus à démontrer. Elles ont contribué, au fil des années, à maintenir ou à relancer l'économie de plusieurs régions. Au cours de la dernière récession, elles ont davantage résisté aux licenciements que les grandes entreprises. Finalement, elles sont au cœur de l'édification de notre économie, ce qui représente un avantage important de résistance aux soubresauts et à l'incertitude économique. Le Québec a eu… Le Québec a d'ailleurs bénéficié en tant que des États… le mieux traversé la récente crise économique en 2008.

Notre formation politique a toujours cru au développement de nos petites et moyennes entreprises. À cet égard, je rappelle que le précédent gouvernement avait présenté la toute première Stratégie québécoise de l'entrepreneuriat en novembre 2011, issue d'une consultation à la grandeur du Québec. Elle a été réalisée par et pour les acteurs du milieu entrepreneurial québécois. Il ne faut cependant pas ménager les efforts que nos entreprises… ont besoin de notre soutien pour se développer et performer. À cet effet, je tiens à réitérer l'engagement de notre formation politique envers elles. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de Jean-Lesage. M. le député de La Prairie, je vous cède la parole.

M. Stéphane Le Bouyonnec

M. Le Bouyonnec : Merci, M. le Président. Créatrices d'emplois et de prospérité, les PME sont en quelque sorte le poumon économique du Québec. De Gatineau à Matane, en parcourant le Québec cet été, dans le cadre de la tournée du Projet Saint-Laurent, mes collègues et moi-même avons réellement pu constater la qualité, le courage et le dévouement de nos entreprises innovantes.

Cependant, ce courage et ce dévouement envers l'innovation continuent d'être étouffés par une structure fiscale trop lourde qui défavorise l'emploi et les investissements. Pourtant, ce dont le Québec a aujourd'hui le plus besoin, surtout avec l'année que nous venons de connaître, c'est justement des investissements privés. Autrement dit, nos entreprises ont une marge de manoeuvre diminuée par rapport au reste du Canada, et cette même marge de manoeuvre qui, autrement, pourrait leur permettre d'offrir des salaires plus compétitifs et d'investir dans de nouvelles technologies plus productives. Miser sur les PME, c'est assurer la prospérité du Québec. Afin de redonner aux entrepreneurs les bons outils de développement de leurs entreprises, nous devrions revoir à la baisse leur niveau de taxation.

Enfin, c'est avec beaucoup de respect et de reconnaissance pour nos entrepreneurs et leur contribution àl'avancement du Québec que je me joins aujourd'hui au député de Jean-Lesage pour souligner la Semaine de la PME qui s'est tenue du 14 au 20 octobre 2013. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de La Prairie. M. le député de Mercier.

M. Amir Khadir

M. Khadir : M. le Président, Québec solidaire tient, bien sûr, à joindre sa voix aux autres formations pour souligner la Semaine des PME. Nous avons un attachement profond à une économie à échelle humaine, d'où l'intérêt que nous portons, bien sûr, au rôle majeur des PME dans une économie à échelle humaine, créatrices d'emplois, créatrices de richesse et, surtout, dirigées par des femmes et des hommes dont le premier objectif et souci n'est pas de mettre leurs profits à l'abri de l'impôt ou de délocaliser à la première occasion leur entreprise pour générer des bénéfices plus importants; des femmes et des hommes qui, habituellement, regardent leur entreprise non seulement uniquement comme un investissement qui rapporte des bénéfices individuels à leurs dirigeants, mais comme des moteurs d'activité, des soutiens à la cohésion et à la pérennité de la vie dans nos régions.

Récemment, nous sommes intervenus pour souligner les craintes que laissent planer les accords commerciaux et la mondialisation économique que s'apprête à entériner le gouvernement actuel. Les menaces de ces accords sur les PME présentes partout au Québec... Nous avons entendu parler, bien sûr, abondamment de la menace qui pèse sur les producteurs fromagers au Québec, mais ils ne sont pas les seuls. La concurrence déloyale qui va s'installer au profit des grandes entreprises va faire mal à beaucoup d'emplois et à beaucoup de PME au Québec.

• (12 heures) •

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Alors, merci à vous, M. le député de Mercier. Et enfin Mme la ministre déléguée à la Politique industrielle et à la Banque de développement du Québec.

Mme Élaine Zakaïb

Mme Zakaïb : M. le Président, au Québec, 98 % de nos entreprises sont des PME. Elles constituent la trame de notre structure économique dans chacune de nos régions. Derrière ces PME, il y a près de 500 000 entrepreneurs, des hommes et des femmes déterminés, créatifs et audacieux, les véritables créateurs de richesse et d'emplois. Nous devons donc les reconnaître et les honorer, mais, comme gouvernement, nous devons aussi les soutenir, les aider à innover, à moderniser, à verdir leurs activités, les aider à croître, à se démarquer et à être plus compétitives. Nous leur devons d'avoir unevision porteuse, une stratégie structurante et mobilisatrice, de leur fournir des moyens efficaces et adaptés à leur réalité. C'est ce que propose notre politique économique Priorité emploi et les quatre initiatives stratégiques qui en découlent, dont la politique industrielle. C'est ensemble, le gouvernement, les acteurs socioéconomiques et les entrepreneurs à la tête des PME, que nous créerons un Québec vert et moderne et des emplois durables et de qualité pour tous. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la ministre.

Mise aux voix

Cette motion est-elle adoptée?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Adopté. Je reconnais maintenant un membre du deuxième groupe d'opposition, M. le député de La Prairie pour une autre motion sans préavis.

M. Le Bouyonnec : M. le Président, je demande le consentement pour déposer la motion suivante conjointement avec le député de Jean-Lesage et le député de Blainville :

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement de prendre acte de l'étude publiée par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante qui classe le Québec au dernier rang en matière de fiscalité imposée aux PME;

«Qu'elle rappelle l'importance de poser des gestes concrets afin de réduire le fardeau fiscal de nos entreprises et de créer un climat d'affaires favorable à la croissance économique.»

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci, M. le député de La Prairie. Y a-t-il consentement pour débattre de la motion, M. le leader adjoint?

M. Traversy : Il n'y a pas de consentement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Il n'y a pas de consentement. Un membre formant le gouvernement, d'autres motions sans préavis? Y a-t-il d'autres motions sans préavis de votre côté? Alors, allons du côté de M. le député de Mercier pour une motion sans préavis.

Rappeler l'adoption unanime d'une loi
établissant des élections à date fixe

M. Khadir : M. le Président, c'est avec l'espoir de plus de magnanimité dans les consentements que je demande le consentement de la Chambre pour débattre de la motion suivante, conjointement avec le député de Beauce-Sud, le député de Chauveau et le député de Blainville :

«Que l'Assemblée nationale se réjouisse de l'adoption unanime par les parlementaires, en juin dernier, d'une loi établissant des élections à date fixe au Québec;

«Que l'Assemblée nationale rappelle aux partis qu'ils ont ainsi établi que "le temps où la date des élections était fixée en fonction des intérêts du parti au pouvoir est maintenant chose du passé", tel que rapporté dans le communiqué du ministre des Institutions démocratiques le 14 juin dernier.»

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci, M. le député de Mercier. Y a-t-il consentement pour débattre de la motion? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Traversy : M. le Président, il y a consentement, sans débat, pour la motion.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Adopté. Y a-t-il d'autres motions sans préavis? M. le ministre de la Justice et leader adjoint du gouvernement.

M. St-Arnaud : Oui, M. le Président. Je solliciterais le consentement de cette Chambre pour présenter une deuxième motion.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, vous en êtes à votre première motion, à moins que je ne m'abuse. Donc, vous n'avez pas besoin du consentement.

M. St-Arnaud : Ce sera pour une... Alors, je ne sollicite pas ce consentement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Juste un instant. Question de règlement, Mme la leader adjointe?

Mme Thériault : M. le Président, je pense qu'il y avait déjà eu un consentement pour qu'ils présentent leur première motion suite à la déclaration ministérielle. Donc, ça prend un consentement, mais nous le donnons, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, vous avez raison, Mme la leader adjointe de l'opposition officielle. Voilà, vous êtes à votre deuxième motion, effectivement.

Procéder à l'audition des dirigeants du Fonds
de solidarité FTQ sur la gouvernance du fonds

M. St-Arnaud : Alors, M. le Président, ça me rassure, ça me rassure sur l'efficacité de nos équipes. Alors donc, M. le Président, je suis très heureux d'avoir ce consentement de la part de tous les membres de cette Assemblée, et, M. le Président, je sollicite donc le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter, conjointement avec le député de Lévis, le député de Mercier et le député de Blainville, la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale confie à la Commission des finances publiques le mandat d'entendre, le mardi 5 novembre 2013 pour une durée de 5 heures, le président-directeur général et le président du conseil d'administration du Fonds de solidarité FTQ afin de présenter les mesures d'améliorations de sa gouvernance, plus particulièrement les changements apportés en 2009, [ainsi que l'Autorité des marchés financiers];

«Qu'une période de 15 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires;

«Que le temps dévolu au parti formant le gouvernement et au parti formant l'opposition officielle pour les remarques préliminaires soit de 6 minutes chacun, et que le temps dévolu au deuxième groupe d'opposition soit de 3 minutes;

«Que la durée maximale de l'exposé pour les dirigeants du Fonds de solidarité soit de 40 minutes et que l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 140 minutes;

«Que le temps dévolu au parti formant le gouvernement soit de 64 minutes; et que le temps dévolu aux députés de l'opposition soit de 76 minutes;

«Que la durée maximale de l'exposé pour l'Autorité des marchés financiers soit de 30 minutes et que l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 90 minutes;

«Que le temps dévolu au parti formant le gouvernement soit de 41 minutes et que le temps dévolu aux députés de l'opposition soit de 49 minutes;

«Qu'une période de 15 minutes soit prévue pour les remarques finales partagée de la même façon que pour les remarques préliminaires;

«[Et finalement, M. le Président,] que la ministre du Travail soit membre de la dite commission pour la durée du mandat.» Voilà, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci, M. le ministre. Alors, y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Traversy : M. le Président, il y a consentement, sans débat, pour la motion.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : La motion est adoptée. Y a-t-il d'autres motions sans préavis? Il n'y en a pas?

Avis touchant les travaux des commissions

Nous allons maintenant passer aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Traversy : Merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, aux avis touchant les travaux des commissions, nous avons… et j'avise cette Assemblée, M. le Président que la Commission des institutions, avec mon collègue de Chambly, poursuivra l'étude détaillée à l'égard du projet de loi n° 28, un projet de loi que vous connaissez certainement, Loi instituant le nouveau Code de procédure civile, aujourd'hui, de 15 heures à 17 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

La Commission de la santé et des services sociaux entamera les consultations particulières, quant à elle, et les auditions sur le document intitulé L'autonomie pour tous, livre blanc sur la création d'une assurance autonomie, aujourd'hui, de 15 heures à 18 h 15, à la salle du Conseil législatif.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Et, pour ma part, je vous avise que la Commission de l'économie et du travail se réunira en séance de travail aujourd'hui et après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de statuer sur une demande du député de Chomedey afin que la commission se saisisse d'un mandat d'initiative concernant la Loi éliminant le placement syndical et visant l'amélioration du fonctionnement de l'industrie de la construction.

Je vous avise également que la Commission de l'administration publique se réunira aujourd'hui, à la salle des Premiers-Ministres de l'édifice Pamphile-Le May, en séance de travail, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, afin de préparer l'audition portant sur la déficience intellectuelle et les troubles envahissants du développement; en séance publique, de 15 heures à 18 heures, afin d'entendre le ministère de la Santé et des Services sociaux, les agences de la santé et des services sociaux de Montréal et de la Montérégie, le Centre de santé et des services sociaux de Rivière-du-Loup ainsi que le centre de réadaptation de déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement de Montérégie-Est; et en séance de travail, de 18 heures à 18 h 30, afin de statuer sur les observations, les conclusions et, s'il y a lieu, les recommandations à la suite de ces auditions.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

À la rubrique, maintenant, Renseignements sur les travaux de l'Assemblée, j'ai été informé que l'interpellation qui devait se tenir demain, jeudi 24 octobre, de 13 heures à 15 heures serait déplacée au jeudi 31 octobre de 13 heures à 15 heures.

          Y a-t-il consentement pour déroger à l'article 298 du règlement relativement à l'horaire habituel des interpellations et, le cas échéant, l'article 20 du règlement afin que l'interpellation puisse se dérouler dans la salle de l'Assemblée nationale et que les travaux de l'Assemblée soient suspendus pour une période équivalente à l'accomplissement de ce mandat?

Des voix : Consentement.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Consentement.

Affaires du jour

La période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. Alors, pour la suite des choses, M. le leader adjoint du gouvernement.

• (12 h 10) •

M. Traversy : M. le Président, depuis le début de cette semaine, nous sommes dans la discussion d'un débat qui anime le Québec depuis plusieurs mois et plusieurs années. J'aimerais donc que vous appeliez l'article 11 du feuilleton pour le continuer aujourd'hui.

Projet de loi n° 52

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, à l'article 11 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 22 octobre 2013 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie. Alors, y a-t-il des intervenants? Mme la députée de Champlain, je vous cède la parole.

Mme Noëlla Champagne

Mme Champagne : Merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, j'ai l'immense honneur et privilège d'intervenir sur le projet de loi n° 52, qui donne suite à nos travaux sur la commission qui s'est tenue pendant, je dirais, plusieurs années, la commission mourir dans la dignité, et j'ai devant moi celle qui a présidé la plus grande partie de cettecommission-là, la députée de Gatineau… de Hull — je dis Gatineau, c'est toujours l'erreur que je fais, alors je me corrige, la députée de Hull — qui, je pense, suit les travaux sur le projet n° 52 avec beaucoup, beaucoup, beaucoup d'attention. Parce qu'elle a donné du temps, elle a donné du cœur puis elle a donné, avec ma collègue, maintenant ministre déléguée aux Services sociaux, tout ce qu'elles avaient, je pense, en elles, ces deux dames, pour faire que cette commission-là atterrisse avec un document qui a fait, je pense, le tour du monde, et je n'exagère que très peu.

Et ce document-là, qui a été déposé en 2012 suite à des travaux qui avaient débuté en 2009, le 4 décembre 2009, suite à une motion qu'a créée cette commission-là, spéciale, afin d'étudier la question de mourir dans la dignité, ça a été, M. le Président, là, de mémoire — et c'est encore très frais à ma mémoire — des moments, je dirais, particulièrement intensifs de chacun des parlementaires présents à cette commission. Les parlementaires de toutes les formations politiques étaient invités à participer, avec des délégués… pour participer à cette commission qui parlait de valeurs, qui parlait de valeurs profondes. Il fallait définitivement arriver autour de cette table-là avec une ouverture d'esprit. On ne pouvait pas aller travailler dans une telle commission si, au départ, on était totalement contre ou on voyait ça comme quelque chose d'anodin.

Et les informations que j'ai reçues de la part de nos invités spéciaux, nos spécialistes, nos personnes qui avaient toute, je dirais, la légitimité pour venir nous informer des tenants et des aboutissants d'aller dans tel sens ou dans tel autre sens d'une telle décision vers laquelle on s'en allait, du moins au départ, ce n'était pas une décision comme des orientations qu'on voulait donner. Et, quand on s'entend, dans une commission parlementaire, de façon aussi, je dirais… qu'on s'implique de façon aussi personnelle, parce qu'on met sur la table nos propres états d'âme, nos propres émotions face à un débat qui parle de la vie et de la mort des gens…

Je vous dis, M. le Président, qu'après plus d'un an, dans mon cas, parce que j'ai succédé à une de mes collègues à cette commission-là, j'ai eu des mardis matins, et la députée de Hull va s'en rappeler, des mardis matins où j'arrivais de Trois-Rivières et, pendant 1 h 15, 1 h 30, j'étais dans mes réflexions sur les discussions que nous allions avoir 1 h 15 plus tard, parce que tu devais le réfléchir, et ces discussions-là sur cette commission-là m'ont interpelée et ont interpelé les gens autour de moi de façon très intensive et tellement humaine.

Tu ne peux pas parler de cette commission-là, sur mourir dans la dignité, sans parler de soins palliatifs, bien évidemment, et on sait que c'est revenu régulièrement dans nos discussions, sans parler également des hésitations, des craintes des gens qu'on rencontrait. Et, que ce soient les groupes comme la FADOQ, la Fédération de l'âge d'or du Québec, que ce soient des groupes comme les AQDR du Québec, les associations québécoises de défense des droits des retraités, que ce soit… peu importe l'organisme qui nous interpelait, dans chacun de nos milieux, on s'entend, M. le Président, que ce ne sont pas seulement les membres de la commission qui ont été interpelés, ce sont tous les membres de ce Parlement qui, à l'époque, dans le mandat auquel s'est… dans lequel s'est tenu cette commission, ce sont tous les parlementaires qui ont été interpelés dans chacun de leurs milieux. Et, dans chacune de nos formations politiques, il y avait des débats internes, des échanges plus que des débats, sur la suite à donner à cette fameuse commission là.

Alors, je ne referai pas toute la commission puisque je sais que, depuis hier, le débat se tient et qu'on a bien parlé de 32 experts, on a parlé de 273 mémoires, on a parlé de 239 personnes et organismes entendus, on a parlé de 29 jours d'auditions publiques, on est allés dans huit villes du Québec, dont Trois-Rivières, on a rencontré 114 personnes pendant la période de micro ouvert, qui était une première, un peu. Après ta commission, tu permettais à des gens qui n'avaient pas de mémoire de venir se faire entendre. Et j'ajoute, M. le Président, ça vous a été dit peut-être hier et vous devez l'avoir en mémoire, 6 558 réponses au questionnaire en ligne, ce n'est quand même pas peu, 16 000 commentaires reçus par courriel, par la poste, par téléphone, et ça, on ne compte pas toutes les interventions dans nos bureaux de comté auprès de nos attachés politiques. Il y a eu 21 rencontres pendant la mission en France, aux Pays-Bas et en Belgique. Et quatre de nos collègues sont allés, quatre collègues qui ont fait de cette mission-là, là, je dirais, une mission hors du commun. Et 51 séances de travail des membres en commission parlementaire.

Je dis aujourd'hui à la députée de Hull, qui est ici présente en cette Chambre, et à tous les autres collègues qui ont participé : Quelle belle expérience nous avons vécue. Jamais plus on ne pourra se rencontrer à l'intérieur, dans les couloirs du Parlement, sans se reconnaître différemment, n'est-ce pas? Et je pense que cela permet à un député de grandir, permet également aux équipes qui nous entourent de grandir également parce que c'est avec eux qu'on partageait parfois nos hésitations, nos questionnements. Nos propres familles, M. le Président, ont été prises à partie dans cette grande discussion-là.

Alors, quand, le 22 mars 2012, après 51 séances de travail, on a déposé le document, on n'était pas peu fiers rien qu'à peu près. Je nous vois tous en ligne et avec un sentiment de fébrilité beaucoup meilleur. M. le Président, je me permets de vous dire qu'un soir de campagne électorale on est tous excités, là. C'était un moment intense, humain, et je le dis aujourd'hui puis j'ai le bonheur de le partager avec vous autres. Alors, vous savez, là, vivre ces moments-là, ça nous change pour toujours, puis on reste toujours avec toutes sortes de petits doutes, qu'on le veuille ou pas, parce qu'on veut aller assez loin, pas trop loin. On ne veut pas heurter, on veut rassurer puis on est conscients qu'à quelque part on va avoir à vivre avec les décisions que nous aurons à prendre puisqu'aujourd'hui on parle d'un projet de loi. Un projet de loi, là, qui donne suite à 24 recommandations unanimes de l'ensemble des députés sur la commission, qui représentent l'ensemble des formations… présenté 24 recommandations.

Et je dis à ceux et celles qui nous écoutent… parce qu'on sait, M. le Président, qu'il y a des millions de personnes qui nous écoutent, n'est-ce pas? Alors, je dis à ces personnes-là ou celles qui viennent me voir encore : Moi, je n'ai même plus en main les documents de la commission parce que je les ai tous distribués. Mais il y a moyen d'aller sur le site et d'aller chercher l'information. Et, pour ceux qui veulent le lire de façon plus… admettons, plus raccourcie, bien, il y a un document résumé. Il y a eu 12 recommandations sur la bonification des soins de fin de vie. On n'a pas parlé seulement de soins de fin de vie ou de mesures létales, on a parlé de bonification de soins de vie, oui, de sédation palliative, de directives médicales anticipées et de l'information qu'on doit donner au patient — c'était très large comme commission — et les 12 recommandations sur l'aide médicale à mourir, qui, bien sûr, incluent une approche intégrée pour les fins de vie.

Alors, le projet de loi, aujourd'hui, que ma collègue la ministre déléguée aux Services sociaux a déposé, c'est un projet de loi qui reflète cette réalité-là, dans lequel il y a eu beaucoup de soins de pris. J'écoutais ma collègue hier après-midi en commission parlementaire, et elle le disait : Ce projet de loi là, il est en droite ligne avec les recommandations du rapport. Il s'inscrit dans la même lignée de toutes ces recommandations-là. Le projet de loi, il concerne les soins de vie puis les tissus d'une réflexion approfondie sur le sujet et basée sur de multiples recommandations. Ce n'est pas un projet de loi… On a pris le temps de le faire. Ma collègue a pris près d'un an avant de le déposer parce qu'elle voulait y mettre toute son intensité et mettre toutes les valeurs qu'on avait pu ressortir de cette réflexion-là. C'est une réponse aux demandes de la société québécoise. Il y a de la demande, il y a une acceptabilité sociale très grande dans ce projet-là. Il n'y a pas unanimité, là, on ne se leurre pas, mais il y a une acceptabilité sociale très grande, avec toutes les précautions qu'on y prend.

Vous savez, on vit dans une société qui est ouverte, une société qui est solidaire, on le dit, une société qui est empreinte de compassion, de valeurs humaines, une société qui est capable de réfléchir, une société qui est capable d'agir pour le bien-être de tous. Maintenant, on est à l'époque d'atterrissage. On est au moment où, avec les parlementaires de la commission parlementaire, on va devoir se repencher sur chacun des articles, dont deux articles sur lesquels je vais dire quelques mots, là, si le temps me le permet.

• (12 h 20) •

Alors, le projet de loi n° 52, il vise à répondre aux besoins de personnes en fin de vie, à prévenir puis à apaiser des souffrances. Et je vais me permettre, M. le Président, tout en reconnaissant que c'est un projet de loi qui est présenté à l'Assemblée nationale suite à des recommandations votées à l'unanimité… Puis une recommandation dans un tel projet de loi ne doit pas rester sur une tablette, comme on l'appelle souvent, la tablette n° 13, où elle s'empoussière. Ce document-là, si précieux, avec tellement d'intervenants, se doit d'accoucher d'une loi. Et cette loi-là va engager les gouvernements qui vont nous suivre, c'est une loi d'engagement. Alors, je comprends qu'on va avoir des interrogations, qu'il va y avoir des discussions sur certains articles. C'est sain et ça doit se faire. Mais je m'attends, M. le Président — je suis une fille positive qui a des attentes — à ce que ça se fasse avec autant de respect et de dignité qu'on a pu le vivre, nous, en commission parlementaire sur le droit de mourir dans la dignité.

Là, on parle d'un projet de loi sur des soins de fin de vie dans lequel on inclut l'ultime, la grande finale, si nécessaire, mais avec tellement de balises que je ne vois pas la possibilité de dérapage, tout en comprenant que l'humain n'est pas parfait.

Je dis également que cette vision-là qu'on a sur les soins de fin de vie —et là la phrase est importante, M. le Président, puis je vois à quel point vous écoutez avec attention, là — ça s'inscrit dans un continuum de soins. Les soins d'abord. L'aide médicale à la fin de ta vie d'abord. De telle sorte que les personnes vont pouvoir avoir accès à des soins adaptés à leurs situations dans le respect de leurs décisions.

Puis il y a trois grands principes sur lesquels on a tellement travaillé, que… je relisais ça, là, hier soir et ce matin, et je me dis que, quand on parle de ces trois grands principes là, qui sont des principes forts et qui sont des phares qui vont guider le projet de loi, c'est : le respect de la personne en fin de vie, la reconnaissance de ses droits et libertés qui doivent inspirer chacun des gestes posés à son endroit, la personne en fin de vie doit, en tout temps, être traitée avec compréhension, compassion, courtoisie, équité, dans le respect de sa dignité, de son autonomie, de ses besoins et de sa sécurité. Ce n'est pas rien que des mots, on les a travaillés plus de deux ans, ce sont les mêmes mots. Et je sais à quel point il va en être question dans la commission parlementaire. Et les membres de l'équipe des soins responsables d'une personne en fin de vie vont devoir établir et maintenir avec elle une communication ouverte et honnête.

Alors, vous savez, là, il y a eu beaucoup d'attentes, beaucoup d'intérêt, beaucoup d'espoir suscités par les travaux de la commission parlementaire. Et nous avions la responsabilité comme gouvernement… Et je le dis, là, en toute sincérité si ce n'était pas nous qui étions au gouvernement, le gouvernement en place aurait la même responsabilité comme gouvernement de donner suite à cette fameuse commission parlementaire là.

Je dis également ceci, que le projet de loi n° 52 prévoit une option exceptionnelle pour répondre à des souffrances exceptionnelles, soit l'aide médicale à mourir. Et là je viens me référer à l'article 26, là, qui décrit de façon explicite les critères devant être rencontrés pour qu'une personne en fin de vie puisse obtenir l'aide médicale à mourir. Et, si quelqu'un pense que ça va se faire juste d'un coup de téléphone : Bonjour, merci, peux-tu m'aider à mourir, bien, c'est bien de valeur, ça ne se passera pas comme ça, n'est-ce pas?

Alors, j'arrive à mon article 26, sur lequel je sais que les discussions vont durer longtemps : «Seule une personne qui satisfait aux conditions suivantes peut obtenir l'aide médicale à mourir : elle doit être majeure, apte à consentir aux soins et être une personne assurée au sens de la loi sur l'assurance maladie — ça, ça va de soi, personne ne va contester ça, je ne pense pas; elle doit être atteinte d'une maladie grave et incurable; sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités.» C'est ça. Plus fin que ça, là, je ne pense pas que ça existe, là.

Sa situation médicale, le point 3, «sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités». Ça s'ajoute à la maladie grave et incurable. «Elle éprouve — la personne — des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables […] qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'elle juge tolérables.

«La personne doit, de manière libre et éclairée, formuler pour elle-même — elle doit le formuler, le dire — la demande d'aide médicale à mourir au moyen d'un formulaire prescrit par le ministre. Ce formulaire doit être daté et signé par cette personne ou, en cas d'incapacité physique de celle-ci, par un tiers.» Mais la personne doit elle-même manifester le besoin. «Le tiers ne peut être un mineur ou un majeur inapte et ne peut faire partie de l'équipe des soins responsable de la personne.

«Le formulaire est signé en présence d'un professionnel de la santé et des services sociaux qui le contresigne et qui, s'il n'est pas le médecin traitant de la personne, le remet à celui-ci.»

L'article 28 : «Avant d'administrer l'aide médicale à mourir, le médecin doit être d'avis que la personne satisfait aux conditions [de] l'article 26», qui, en soi, comprennent quatre éléments majeurs, et, bien évidemment, l'aide médicale à mourir, avant de l'administrer, le médecin doit, «en s'assurant auprès d'elle du caractère libre de sa demande, en vérifiant entre autres qu'elle ne résulte pas de pressions extérieures», genre : Tu dois mourir, maman, là, hein? Tu n'en peux plus. Ce n'est pas ça, là. Ça ne sera pas retenu. «en s'assurant — également — auprès d'elle du caractère éclairé de sa demande, notamment en l'informant du pronostic, des possibilités thérapeutiques envisageables et de leurs conséquences; en s'assurant de la persistance de ses souffrances et de sa volonté réitérée…» Pas juste, un bon matin : Là, c'en est assez, je ne veux plus vivre, là. Ce n'est pas ça, là. Donc, «sa volonté réitérée d'obtenir l'aide médicale à mourir, en menant avec elle des entretiens à des moments différents, espacés par un délai raisonnable compte tenu de l'évolution de son état».

Alors, ce que je vous dis, M. le Président, cette personne-là, après avoir passé toutes ces étapes-là, là, va devoir en plus s'entretenir «de sa demande avec des membres de l'équipe de soins en contact régulier avec elle, le cas échéant; en s'entretenant de sa demande avec ses proches, si elle le souhaite; s'assurer que la personne a eu l'occasion de s'entretenir de sa demande avec les personnes qu'elle souhaite contacter; obtenir l'avis d'un second médecin confirmant le respect des conditions prévues à l'article [27]».

Alors, M. le Président, quand je regarde ça, et je regarde tout ce qui est écrit là, je me dis : Il n'y a personne, il n'y a strictement personne qui va s'en aller à la mort les yeux fermés. Personne ne va faire cela. Tous les autres soins, et on a ajouté il n'y a pas longtemps puis encore cette semaine de l'aide encore davantage plus grande pour les soins palliatifs, ce qui nous a été répété et demandé. Et la députée de Hull peut le confirmer, ça nous a été demandé et redemandé, de s'assurer d'abord que tous les soins accordés aux personnes étaient disponibles.

Alors, M. le Président, après tous ces commentaires, cette merveilleuse commission parlementaire sur le droit de mourir dans la dignité, je suis aujourd'hui devant vous en réitérant évidemment mon appui aux membres de la commission, qui vont devoir se pencher sur le projet de loi article par article, et en souhaitant avec toute l'ardeur dont je suis capable de revenir en Chambre dans un temps raisonnable — on ne poussera pas sur le dos de personne, puis on ne heurtera pas personne, on n'en est pas là, là — permettre aux gens de la commission dans un respect de faire valoir leurs commentaires, de nous aider à améliorer cette réflexion si importante pour la suite des choses.

Et, quand ce projet reviendra au salon bleu, ce sera pour une adoption finale après avoir pris toutes les précautions nécessaires comme parlementaires afin que la société soit très fière de nous et qu'on puisse dire, comme plein de gens qui sont venus nous rencontrer en commission parlementaire : Bravo, vous avez bien travaillé.

Et j'ajoute, M. le Président, en cette fin de commentaire, que, vous savez, un projet de loi, ce n'est jamais quelque chose de fini et de bouclé à tout jamais. Il y a toujours lieu de le bonifier et de l'améliorer. Mais on va s'assurer avec les collègues des partis d'opposition que c'est fait dans le respect des gens, que c'est fait dans le respect des gens qui sont venus nous rencontrer et que c'est fait dans le respect des gens qui auront un besoin et un accès un jour à ce projet de loi là. Merci beaucoup, M. le Président.

• (12 h 30) •

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la députée de Champlain. Mme la députée de Bourassa-Sauvé pour votre intervention.

Mme Rita de Santis

Mme de Santis : Merci, M. le Président. Le 4 décembre 2009, les membres de l'Assemblée nationale ont adopté unanimement une motion créant une commission spéciale afin d'étudier la question de mourir dans la dignité. Le 25 mai 2010, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a rendu public un document de consultation sur cette question. La commission spéciale a produit son rapport en mars 2012. Le projet de loi n° 52 a été par la suite présenté à l'Assemblée nationale en juin 2013.

Je suis, nous sommes fiers de la qualité et de la sérénité des travaux qui ont mené au projet de loi n° 52. L'exercice, un travail effectué sur un sujet extrêmement complexe et sensible pour tout le monde, y compris tous les parlementaires, s'est déroulé et se déroule dans un contexte non partisan. Tous les parlementaires ainsi que tous ceux et celles qui ont présenté des mémoires à la Commission de santé et services sociaux ont fait preuve de respect, d'une qualité d'écoute, d'une rigueur et d'une compréhension des enjeux d'une rare qualité. Merci, merci.

Notre ami le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne devrait en prendre bonne note. Quand on discute de valeurs fondamentales, on écoute, on essaie de rassembler, on ne procède pas à diviser pour régner, diviser pour conquérir. Il faut être très sensible aux débats qui font appel autant à des arguments rationnels qu'à des valeurs personnelles et à des croyances intimes. Je veux souligner la sensibilité de notre chef Philippe Couillard qui a annoncé qu'il permettra un vote libre sur le projet de loi.

Si le projet de loi est adopté, les soins de fin de vie, y compris les soins palliatifs, constitueront dorénavant un droit pour tout usager du réseau de la santé et des services sociaux. Mais oui et non un droit, car le tout s'applique en tenant compte des ressources humaines, matérielles et financières dont les établissements et les maisons de soins palliatifs disposent. Le véritable défi que pose le projet de loi pour le réseau de la santé n'est pas tant dans l'encadrement proposé que dans les ressources qui seront consenties. Nous vivons dans un contexte où 80 % des patients n'ont pas accès aux soins palliatifs. Le soutien financier n'est pas au rendez-vous. Il faut se poser la question : Avons-nous les ressources financières pour permettre un accès aux soins palliatifs à tous ceux qui en ont besoin? Ce qui doit être visé, c'est un accès concret et réel aux services de soins palliatifs de fin de vie, au bénéfice de tous les citoyens qui le requièrent.

D'abord, j'aimerais souligner qu'il existe, dans notre société, une grande confusion entre l'aide médicale à mourir et le retrait des soins qui n'ont plus d'effets bénéfiques, deux réalités totalement différentes, tant du point de vue médical qu'éthique. Dans nos communications avec nos concitoyens, c'est important qu'ils comprennent la différence.

Quant au projet de loi, il y a un manque important de précision quant aux définitions des expressions qui sont utilisées. Premier exemple, il existe plus d'une définition des soins palliatifs. Selon la définition de l'Organisation mondiale de la santé, je cite : «Les soins palliatifs sont l'ensemble des soins actifs et globaux dispensés aux personnes atteintes d'une maladie avec pronostic réservé. L'atténuation de la douleur, des autres symptômes et de tout problème psychologique, social et spirituel devient essentielle au cours de cette période de [la] vie. [...]La plupart des aspects des soins palliatifs devraient également être offerts plus tôt au cours de la maladie, parallèlement aux traitements actifs.» Fin de citation.

L'Organisation mondiale de la santé complète sa définition en soulignant que — je cite — «les soins palliatifs soutiennent la vie et considèrent la mort comme un processus normal, ne hâtent ni ne retardent la mort, atténuent la douleur et les autres symptômes, intègrent les aspects psychologiques et spirituels des soins, offrent un système de soutien pour permettre aux usagers de vivre aussi activement que possible jusqu'à la mort». Fin de citation.

Selon l'Organisation mondiale de la santé, les soins palliatifs visent tous les patients atteints de maladies chroniques potentiellement fatales, doivent être introduits dès l'annonce du diagnostic et incluent même les services de deuil. Est-ce que c'est ceci qui est la définition de soins palliatifs pour les fins du projet de loi n° 52?

Quant à la sédation palliative terminale, en réduisant l'état de conscience du patient, on cherche, comme objectif, de soulager la personne des symptômes réfractaires, c'est-à-dire insupportables et résistants aux traitements. L'objectif primaire n'est pas de supprimer la vie. Oui, la sédation palliative est théoriquement réversible, mais la réalité est qu'une fois la sédation amorcée, elle sera maintenue jusqu'au décès. En parallèle et pour rester logique, l'alimentation et l'hydratation seront souvent simultanément interrompues; l'alimentation pourrait aggraver l'inconfort du patient. Bien que la sédation palliative n'ait pas pour intention primaire de raccourcir la durée de vie ou d'y mettre fin, elle aura indirectement la mort par conséquence. La décision d'entamer une sédation palliative implique donc toujours un choix concernant la fin de vie.

Mais Louis-André Richard, professeur de philosophie au cégep de Sainte-Foy, et Dr Michel L'Heureux, le directeur général de La Maison Michel Sarrazin, soutiennent que la sédation palliative terminale n'est pas l'aide médicale à mourir, mais eux-mêmes écrivent, dans leur ouvrage Plaider pour une mort digne, que je cite : «La sédation palliative continue entraîne l'arrêt de l'alimentation et surtout de l'hydratation, ce qui pourrait abréger la vie d'un malade avec un long pronostic de survie. En effet, il est communément admis en médecine que, sans hydratation, la capacité de survie d'un être humain malade diminue rapidement au-delà d'une semaine [sans hydratation]. La possibilité de maintenir une [déshydratation] artificielle, pendant une sédation continue qui serait prolongée, est peu recommandable, à cause des complications de surcharge de liquides en fin de vie.» Fin de citation.

Alors, moi, Rita, je ne suis pas sûre que je comprends où se trouve cette ligne fine entre la sédation palliative terminale et aide médicale à mourir.

Dr L'Heureux affirme aussi que — je cite — «beaucoup de gens pensent que, quand on est rendu à la morphine, on fait mourir la personne plus vite. C'est faux. C'est un mythe de dire que la morphine fait mourir.» Fin de citation.

Il y a d'autres médecins qui affirment que la morphine ou tout autre morphinique ne convient pas pour induire et assurer une sédation. Les effets secondaires, hallucinations visuelles, auditives, tactiles, les myoclonies, les nausées provoquées par l'augmentation des doses morphiniques, sont très mal vécus, mais quel est le cocktail de médicaments lors d'une sédation palliative terminale? Le projet de loi n° 52 ne nous informe pas. Le projet de loi ne définit pas ce qui est la sédation palliative terminale.

Le projet de loi n° 52 prévoit que le consentement à la sédation palliative terminale peut être donné par la personne qui souhaite le recevoir ou, le cas échéant, la personne habilitée à consentir pour elle. Je suis un peu déçue que le projet de loi ne prévoie pas plus de balises quant à la sédation palliative terminale. Assimiler sédation et mort naturelle est en fait une construction qui permet d'évacuer un sentiment de culpabilité et de considérer l'acte comme moralement bon, supérieur aux autres interventions médicales possibles. Pourtant, ce n'est pas un sommeil mais un coma médicamenteux dûment induit.

• (12 h 40) •

La sédation palliative terminale n'est, dans les faits, pas moins problématique que l'aide à mourir... médicale à mourir. Et, oui, on retrouve, dans le projet de loi n° 52, des balises, des vraies balises quant à l'aide médicale à mourir, où un médecin, un tiers met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci, et celle-ci doit être majeure et apte à consentir. Contrairement au consentement à la sédation palliative terminale, une personne habilitée à consentir aux soins de l'autre personne ne peut pas consentir à l'aide médicale à mourir pour elle.

Moi, personnellement, je ne vois pas comment on peut être d'accord avec la sédation palliative terminale et non pas avec l'aide médicale à mourir, à moins que le projet de loi ne soit absolument clair que, dans le cas d'une sédation palliative terminale, on ne touche pas à l'alimentation et l'hydratation, qu'on définit clairement le cocktail de médicaments à administrer pour une sédation palliative terminale et qu'on peut m'affirmer sans équivoque que ce cocktail ne provoque pas le décès.

Advenant qu'on est d'accord avec l'aide médicale à mourir, je pose la même question que le Barreau et d'autres se sont posée quant aux directives médicales anticipées. L'article 45 du projet de loi porte sur les directives médicales anticipées et vise les soins médicaux qui pourraient être requis par l'état de santé d'une personne majeure apte à consentir aux soins. On définit «soins de fin de vie» à l'article 3 du projet de loi. Est-ce que l'expression «les soins médicaux» à l'article 45 inclut les soins de fin de vie? Si le projet de loi sera adopté, je suis d'accord avec le Barreau que les directives médicales anticipées devraient être ouvertes et utilisables pour les soins de fin de vie, y compris la sédation palliative terminale et l'aide médicale à mourir, et que le projet de loi devrait être modifié pour que cela soit clair et non équivoque.

Le projet de loi, si adopté, devrait tenir compte de façon plus complète des volontés exprimées par des personnes aptes qui sont devenues inaptes et qui seraient autrement en droit d'obtenir une aide médicale à mourir. Si les directives médicales anticipées peuvent inclure l'aide médicale à mourir, il faudra prévoir la possibilité qu'une personne devenue inapte puisse retirer sa demande. Rappelons-nous, anticiper une situation n'est pas toujours la même chose que vivre la situation.

Et aussi je prends note que le Curateur public, dans sa lettre du 5 septembre 2013 à la commission, nous rappelle, je cite : «Enfin, nous rappelons que tout majeur est présumé apte à consentir à ses soins, et ce, même s'il bénéficie d'une mesure de protection, à savoir un régime de protection ou un mandat de protection homologué.» Fin de citation.

Un autre élément que je trouve un peu troublant avec le projet de loi n° 52 est qu'en limitant l'aide médicale à mourir aux seuls adultes aptes on exclut les personnes répondant aux autres conditions médicales décrites à l'article 26 du projet de loi mais qui seraient devenus inaptes ou l'auraient toujours été. Nous craignons, en effet, deux catégories de citoyens, car pas tous les citoyens auront droit aux mêmes soins de fin de vie. Les souffrances constantes, insupportables qui ne peuvent pas être apaisées dans des conditions qu'un médecin traitant juge tolérables ne sont pas plus supportables parce qu'une personne n'est pas majeure ou est inapte.

Si on accepte que le projet de loi maintienne l'aide médicale à mourir, je suis d'accord avec le Collège des médecins qui dit, et je cite : «Cette question des patients inaptes à consentir aux soins, notamment les mineurs, devra inévitablement être abordée. À nos yeux, une certaine ouverture ne constituerait en rien une dérive, mais bien une réponse plus complète à la question initiale. [...]Dans une logique de soins, le fait que le patient soit apte ou non à consentir aux soins est beaucoup moins déterminant, les patients inaptes devant bénéficier non seulement de notre protection, mais également des meilleurs traitements disponibles. Malheureusement, la moindre ouverture à ce que les patients inaptes puissent bénéficier de l'aide médicale à mourir fait craindre les dérives. Tout en comprenant que le législateur se doit d'être prudent, on peut, selon nous, imaginer d'autres solutions que de fermer complètement la porte aux patients inaptes, même ceux qui auraient rédigé des directives anticipées alors qu'ils étaient encore aptes.» Fin de citation.

L'article 26 du projet de loi propose six critères d'accès à l'aide à mourir. Trois critères sont médicaux : être atteint d'une maladie grave incurable, avoir une situation médicale caractérisée par un déclin avancé et irréversible de ses capacités, éprouver des souffrances physiques ou psychiques constantes insupportables et qui ne devient… et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions jugées tolérables.

Je suis d'accord avec le Collège des médecins, qui propose — et je cite — que «la condition voulant que la mort soit inéluctable et imminente devrait être formulée plus explicitement, en faisant appel à la notion de "phase terminale". Le plus simple serait probablement d'exiger que la personne soit en phase terminale, ce qui, tout en laissant une marge dans l'interprétation, limite quand même l'ouverture à des cas exceptionnels. Cette exigence remplacerait la condition voulant que la situation médicale de la personne se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités.» Fin de citation.

Mais je suis aussi préoccupée par ce que le Collège des médecins écrit ailleurs dans leur mémoire; même s'ils écrivent qu'ils sont d'accord et qu'ils souscrivent au deuxième objectif du projet de loi, soit celui d'assurer la primauté aux volontés exprimées par la personne à l'égard de ses soins, le collège écrit, je cite : «…il faut éviter de laisser croire que toutes les volontés exprimées seront nécessairement respectées. Même quand on veut bien reconnaître la primauté de ces volontés, il reste que d'autres éléments sont essentiels pour la prise de décision en situation clinique : le jugement médical, celui des autres intervenants de l'équipe de soins et parfois celui des proches. Ceci est d'autant plus vrai quand il s'agit de soins extrêmes [...] exceptionnels comme l'aide médicale à mourir où s'ajoute alors une autre contrainte déterminante : les limites que la société a décidé d'imposer à tous ces acteurs et qui font justement l'objet du débat actuel.» Fin de citation.

Comment interpréter ce commentaire? Comment les médecins agissent ou comment vont-ils vraiment agir face aux volontés exprimées par leurs patients?

Si le projet de loi sera adopté, il y aura toujours des questions qui vont demeurer, le sujet étant très complexe et sensible. C'est une bonne chose que le projet de loi assure la poursuite de la réflexion par le biais de la commission sur les soins de fin de vie, qui doit aussi surveiller l'application de la loi et favoriser l'évolution des pratiques. Dans le cadre de son mandat de surveillance de l'aide médicale à mourir, la commission devra également exercer une vigilance particulière concernant l'impact de l'application des dispositions de la loi sur divers groupes de personnes vulnérables, comme proposé par la Protectrice du citoyen. Les conclusions de la commission devraient être publiques et faire obligatoirement partie de son bilan quinquennal portant sur l'application de la loi.

Parce que je crois qu'il y a une ligne fine entre la sédation palliative terminale et l'aide médicale à mourir, je suggère que non seulement les cas d'aide médicale à mourir soient divulgués à la commission, comme prévu à l'article 41 du projet de loi, mais aussi les cas de sédation palliative terminale. Il est précisé, dans le projet de loi, qu'un mandat d'inaptitude même notarié ne constituera pas des directives médicales anticipées. Il y a plus qu'un risque de confusion; il y a déjà une confusion entre le mandat d'inaptitude et les directives médicales anticipées. La différence entre ces deux documents n'apparaît pas d'évidence; cette distinction doit être clarifiée.

J'appuie l'objectif principal du projet de loi n° 52, qui est d'assurer aux personnes en fin de vie les soins les plus appropriés possible, mais je ne suis pas convaincue qu'on devrait adopter l'aide médicale à mourir. Quand même, je voterai pour l'adoption du principe du projet de loi, car le projet de loi mérite un examen encore plus approfondi de ses articles, toujours dans un contexte non partisan et dans la sérénité. Quant au vote pour l'adoption du projet de loi, on va attendre, et je n'ai pas encore pris ma décision. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la députée de Bourassa-Sauvé. Mme la leader adjointe de l'opposition officielle.

• (12 h 50) •

Mme Thériault : Oui, merci, M. le Président. Tout simplement, étant donné l'heure qu'il est, je voulais vous informer qu'il y a eu discussion entre le leader adjoint du gouvernement et de notre côté pour qu'on puisse permettre au député de D'Arcy-McGee, qui va prendre la parole sur cet important projet de loi, de continuer quelques minutes, pas très longtemps, une minute ou deux, au-delà de l'heure qui est impartie pour nos travaux.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, est-ce qu'il y a consentement, M. le leader adjoint du gouvernement?

M. Traversy : M. le Président, après concertation avec l'opposition officielle, nous allons laisser une à deux minutes de plus, là, au député pour qu'il puisse bien compléter son intervention sur la question.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, à vous la parole.

M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman : Merci, M. le Président. C'est vraiment un privilège de prendre la parole aujourd'hui. Et le sujet devant nous fait partie d'une étude, un débat non partisan qui a commencé avec la commission mourir dans la dignité, qui a reçu beaucoup de mémoires et entendu les citoyens dans les villes de Québec. Je félicite les députés de Jacques-Cartier, Hull et Joliette pour le leadership de cette commission, ainsi que tous les députés qui ont assisté à la commission.

M. le Président, aujourd'hui, nous sommes à l'étape du débat sur l'adoption en principe du projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie, Bill 52, An Act representing end-of-life care.

M. le Président, le projet de loi n° 52 est le suivi de la commission mourir dans la dignité et le rapport que la commission a publié.

M. le Président, j'ai l'honneur d'être le président de la Commission de la santé et des services sociaux del'Assemblée nationale. La commission a tenu des consultations particulières et des auditions publiques sur le projet de loi n° 52. La commission a reçu en auditions publiques 55 individus et groupes pour une heure chacun. Les individus et groupes ont déposé et présenté des mémoires. Et, en commission parlementaire, il y avait des discussions entre les parlementaires et les présenteurs, des discussions qui nous ont éclairés sur beaucoup de questions et sujets du projet de loi n° 52. C'était une consultation de haute qualité et non partisane.

Mr. Speaker, participatory democracy was at its best.

Je félicite tous les membres de la Commission de la santé et des services sociaux, de tous les côtés de la Chambre, incluant Mme la ministre déléguée aux Services sociaux et la Protection de la jeunesse qui a présenté le projet de loi n° 55... 52 à l'Assemblée nationale, Mme la députée de Gatineau, la porte-parole de l'opposition officielle pour le projet de loi n° 52, ainsi que le député de Groulx, le porte-parole du deuxième groupe d'opposition dans cette manière… en cette matière.

M. le Président, les mémoires ont été très bien faits et nous ont donné beaucoup de réponses à des questions importantes.

M. le Président, depuis les auditions, nous avons reçu une demande de sept autres groupes pour être entendus, et je suggère, en tant que président de la commission, qu'on entende les sept groupes, qui peuvent nous éclairer sur quelques sujets importants qu'il serait… Et il serait facile pour moi et, je suis certain, pour la commission et l'Assemblée, de trouver sept heures dans les jours qui viennent pour entendre ces groupes, M. le Président. Le sujet est trop important pour laisser à côté des groupes, et des idées, et des sujets qui peuvent nous éclairer.

M. le Président, la question des soins palliatifs, la qualité et l'accessibilité aux soins palliatifs, était soulevée par la plupart des intervenants. Quand on parle de soulager la souffrance, on doit insister sur l'importance et la nécessité de soins palliatifs. Le Réseau de soins palliatifs du Québec, Précieuse fin de vie, dans un mémoire présenté à la commission spéciale mourir dans la dignité en juin 2010 ont dit, et je le cite : «La personne en fin de vie est toujours vivante et mérite toutes nos attentions. Cette période de la vie suscite des craintes, des souffrances réelles, mais c'est aussi le temps des bilans, des dernières rencontres. C'est un moment précieux dans la vie des hommes...»

M. le Président, l'article 5 du projet de loi n° 52, le premier alinéa est écrit comme suit : «Toute personne, dont l'état le requiert, a le droit de recevoir des soins de fin de vie, sous réserve des exigences particulières prévues par la présente loi.» Nous avons eu le privilège d'entendre un expert sur le sujet, Pre Jocelyn Downie, dans un mémoire et présentation devant la commission le 9 octobre 2013. Et elle nous a dit, et je la cite : «The Bill clearly establishes the right to receive palliative care. It also clearly establishes the obligation for institutions to offer palliative care and to have appropriate policies and programs in place to meet that obligation. Traditional palliative care is essential, an essential element of quality end-of-life care. As a society, we owe to those who are dying to give them better access to high quality palliative care. This Bill will help to make that moral obligation a legal one.» Fin de citation.

Les Québécois ont droit à l'accès universel et des soins palliatifs. Il y a un vrai consensus social autour de cette question. Est-ce qu'on peut dire qu'il y a des soins palliatifs de qualité disponibles pour tous, universels, dans toutes les régions du Québec? Et la réponse, M. le Président, est non. La réponse à cette question est non. On a entendu quelques groupes devant nous, en commission parlementaire, qui ont plaidé avec nous pour que nous… pour nous donner accessibilité et universalité des soins palliatifs avant de se prononcer sur les sujets de ce projet de loi. M. le Président, ils ont raison. Oui, on a fait beaucoup dans le domaine des soins palliatifs, mais on ne peut pas dire que nous avons réussi sur les questions d'accessibilité et universalité à date.

Aussi, M. le Président, j'aimerais vous parler des mots «confiance», «confusion», «ambiguïté» et «crainte» qu'un patient peut avoir en ce qui concerne le projet de loi n° 52. M. le Président, la relation qu'un patient et un médecin ont est primordiale. La relation de confiance que le médecin a envers le patient et le patient a envers le médecin est primordiale. C'est une confiance énorme qui est établie. Est-ce que les prévisions du projet de loi n° 52 peuvent affecter ou nuire à cette confiance? À mon avis, ça va nuire à la confiance entre médecin et patient. Est-ce que cet élément primordial, la confiance de base entre le médecin et son patient, peut être dérangé? La réponse est oui.

M. le Président, je soulève la question, car avec le projet de loi n° 52, pour la première fois, le médecin qui a le devoir de vous soigner a aussi le droit, sujet à votre consentement, de vous donner le soin palliatif terminal et le soin… et vous donner aide médicale à mourir. Alors, certainement, ça peut créer un manque de confiance et vraiment une confusion dans l'esprit de certains patients, qui vont avoir une crainte en se rendant à l'hôpital, certainement un sens d'ambiguïté et un sens de crainte, pour le patient, que le médecin et l'hôpital ne jouent pas uniquement le rôle de vous soigner, mais aussi un autre rôle, et je suis vraiment préoccupé par cette question.

M. le Président, finalement, je ne crois pas qu'on peut mettre fin à la vie de nous-mêmes, la vie est trop précieuse.

Mr. Speaker, I do not believe that anyone has a right, with the consent of the patient, to end the life of another person, and a person doesn't have the right, of course, to end his own life.

M. le Président, alors, je vais voter contre le projet de loi n° 52 en tant que député de D'Arcy-McGee. I will vote against Bill 52 in my quality of... as the MNA for D'Arcy-McGee. Mais, M. le Président, comme j'ai mentionné, je suis le président de la Commission de la santé et des services sociaux de l'Assemblée nationale, et on sait que, si le projet de loi est adopté en principe, il sera retourné à la Commission de la santé et des services sociaux, et je veux vous assurer qu'en tant que président de la commission je vais présider la commission dans une manière non partisane, dans une manière professionnelle, nonobstant comment je vais voter pour le projet de loi n° 52 en principe, car je vous ai dit que je vais voter contre le projet de loi n° 52, et je vais employer, en tant que président, toute mon expérience comme député à l'Assemblée nationale depuis 1994 pour être correct et professionnel, comme je préside toutes les séances de la Commission de la santé et services sociaux. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee.

Compte tenu de l'heure... il n'est pas tout à fait 13 heures, mais il le sera maintenant. Donc, on n'avait pas besoin du consentement, mais ça a été de manière préventive. Compte tenu de l'heure et afin de permettre, cet après-midi, le débat sur une affaire inscrite par les députés de l'opposition, le présent débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie, est ajourné.

Et les travaux de l'Assemblée sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 2)

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, je vous souhaite un bon après-midi, chers collègues. Veuillez vous asseoir.

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée réitère sa confiance
envers la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse et qu'elle exige du gouvernement qu'il
s'engage à respecter, dans sa charte des valeurs
québécoises, la Charte des droits et libertés de la personne

Nous en sommes aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, et, à l'article 40 du feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, M. le député de LaFontaine présente la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale réitère sa pleine confiance envers l'organisme indépendant du gouvernement qu'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse;

«Qu'elle exige que le gouvernement péquiste s'engage formellement à respecter, dans son projet de loi sur une charte des valeurs québécoises, les droits et libertés de toutes les Québécoises et Québécois tels que garantis par la charte québécoise des droits et libertés adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1975.»

Conformément à ce qui a été énoncé antérieurement par la présidence, je vous informe que la répartition du temps de parole pour le débat restreint sur la motion inscrite par M. le député de LaFontaine s'effectuera comme suit : 10 minutes seront réservées à l'auteur de la motion pour sa réplique; environ 43 min 39 s sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement; environ 38 min 48 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle; et environ 14 min 33 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition; six minutes sont allouées aux députés indépendants. Dans ce cadre, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué aux groupes parlementaires en proportion de leur représentation à l'Assemblée. Enfin, mis à part les consignes mentionnées précédemment, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps.

Alors, M. le député de LaFontaine, vous avez l'honneur de présenter la motion, donc je vous cède la parole.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. le Président, cette motion extrêmement importante, vous me permettrez de le souligner, s'inscrit évidemment dans le cadre de la proposition — et non pas du projet de loi, mais de la proposition — qu'a rendue publique le gouvernement du Parti québécois il y a maintenant trois, quatre semaines et qui vise notamment… qui vise entre autres des éléments sur lesquels, M. le Président — et j'aimerais m'y attarder d'entrée de jeu — nous avons, comme libéraux — et aujourd'hui non seulement historiquement comme libéraux, mais aujourd'hui comme opposition officielle responsable — clairement identifié et indiqué notre appui.

D'abord et avant tout, la neutralité religieuse des institutions de l'État, que ce soit inscrit à l'intérieur de la charte, nous sommes tout à fait d'accord. Mais, au-delà d'être d'accord, nous l'avons même verbalisé, M. le Président, et rendu public le 5 septembre dernier, soit bien avant que le gouvernement ne dépose sa proposition.

La neutralité religieuse des institutions de l'État fait en sorte que l'État ne favorise ni ne défavorise aucune religion ou encore l'absence de religion. Cet élément, M. le Président, nous en sommes évidemment tout à fait d'accord, mais nous en sommes le parti qui justement en fait la promotion et sur lequel, demain matin, M. le Président, nous pourrions faire avancer le Québec.

Autre élément également sur lequel nous pourrions faire avancer le Québec, des balises quant aux accommodements, pour que les accommodements soient raisonnables, pour ne pas qu'il y ait de contrainte excessive et pour que l'on respecte l'égalité entre les femmes et les hommes. Ces balises, M. le Président, non seulement nous réitérons, et nous l'avons fait le 5 septembre dernier, notre désir le plus ardent de les voir naître et de les voir écrites à l'intérieur d'une loi, nous avions eu, comme libéraux, en 2010, l'occasion de déposer un projet de loi, le projet de loi n° 94, qui visait justement à étayer des balises quant aux accommodements afin qu'ils soient raisonnables.

Troisième élément, M. le Président — et c'était toujours dès 2010, à l'intérieur du projet de loi n° 94 : nous voulons que les services de l'État soient rendus et reçus visage découvert. C'était, dès 2010, rendu public comme étant l'intention, à l'époque, du gouvernement libéral, et c'est toujours notre position. Nous nous inscrivons en continuité.

Alors, dans le cadre de ce qui nous est proposé non pas dans un projet de loi évidemment, mentionnons-le, mais dans un document qui a été rendu public, il y a là trois éléments centraux sur lesquels, nous, comme libéraux, opposition officielle responsable, nous avons d'ores et déjà indiqué que nous sommes prêts à pleinement collaborer pour faire en sorte que le Québec avance. Je le répète : Neutralité religieuse des institutions de l'État, premier élément; deuxième élément, balises pour les accommodements afin qu'ils soient raisonnables, deuxième élément sur lequel nous voulons faire avancer le Québec; troisième élément, les services de l'État dispensés et reçus à visage découvert.

Que reste-t-il, M. le Président, d'écueils ou d'éléments sur lesquels nous ne sommes pas d'accord? Évidemment, il s'agit de l'interdiction… de la proposition du gouvernement à l'intérieur du document, toujours pas dans le projet de loi mais à l'intérieur du document, de cette proposition que soit totalement interdit le port de tout signe religieux par les agents de l'État. Nous avons clairement indiqué... et nous ne sommes pas les seuls, d'où le débat. Il n'y a pas personne qui va mettre de côté cette évidence ou le fait qu'il y a un vif débat présentement au Québec, un vif débat sur cet élément très précis. Et je vous dirais même que l'on entend de plus en plus, M. le Président, des personnes qui sont effectivement pour la laïcité, qui veulent que le Québec s'inscrive dans cette neutralité et qui ne sont pas nécessairement d'accord avec tout ce que proposent les groupes d'opposition, mais qui se rendent compte d'une chose, M. le Président, c'est que, demain matin, sur les trois éléments que je vous ai mentionnés, on pourrait faire avancer le Québec. Et, à cet effet-là, le deuxième groupe d'opposition, et les gens de Québec solidaire, et nous également — nous l'avions fait avant le 5 septembre — avons clairement étayé et mis par écrit publiquement cette position.

Un seul élément fait écueil, M. le Président, et c'est cette fameuse interdiction de port de signes religieux par tous les agents de l'État. M. le Président, la résolution qui est devant nous fait suite à des commentaires qui ont été rendus publics par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Faisons un pas en arrière. La Commission des droits de la personne, M. le Président, est là pour veiller à l'application pleine et entière des droits et libertés qui sont garantis, assurés pour toutes les Québécoises et pour tous les Québécois. Ce qu'a dit la Commission des droits de la personne quant à la proposition qui fait écueil — du gouvernement — à savoir interdiction de tout port de signes religieux ostentatoires par les agents de l'État : Ne respecte pas, brime, viole la liberté de religion de toutes les Québécoises et de tous les Québécois.

• (15 h 10) •

De qui parlons-nous, ici, M. le Président? D'approximativement 600 000 Québécoises et Québécois qui seraient, au lendemain d'une telle adoption, directement visés, touchés, brimés dans leurs droits par cette interdiction. Et là je fais encore une fois un pas en arrière. On peut faire, demain matin, avancer le Québec sur la neutralité des institutions de l'État, qui ne vient pas brimer les droits individuels des individus de tantôt porter la kippa, une croix, mais faire en sorte que la neutralité de l'État se traduise, entre autres, M. le Président — c'est également une position que nous avons étayée — … visant à interdire le prosélytisme. Le prosélytisme fait en sorte qu'une personne, un fonctionnaire, dans l'exercice de ses fonctions, ne peut pas chercher à faire de nouveaux adeptes, ne peut pas parler de sa religion et tenter de convaincre celles et ceux avec lesquels il travaille ou elle travaille et également les personnes qui viennent recevoir le service. Donc, cette interdiction d'essayer de faire de nouveaux adeptes, c'est un élément qui découle directement de cette nécessaire neutralité de l'État, encore une fois neutralité de l'État dans le respect des libertés individuelles.

Si moi, je suis fonctionnaire, est-ce que je peux toujours porter une croix? Qu'elle soit trop grande ou trop petite, peu importe, j'ai le droit de porter une croix. Et ce n'est pas — et c'est ce que vient nous dire la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse — en portant un signe religieux, qui est un élément sur lequel on ne peut pas discriminer tout comme la race, la couleur, le sexe, la grossesse, etc., c'est notre charte québécoise qui nous le dit… Bien, notre même charte québécoise vient nous dire, M. le Président, par la voix, par la voix de cet organisme indépendant… la Commission des droits de la personne vient nous dire que ce n'est pas en portant un signe religieux que, de facto, il y a atteinte à la neutralité de l'État. La neutralité des institutions de l'État ne peut pas, et c'est ce que nous dit la Commission des droits de la personne, être appliquée de manière à dire : Nous allons interdire totalement à tous le port de signes religieux qui sont visibles ou ostentatoires. En ce sens-là, c'est un élément important qui a fondé notre décision, M. le Président, de présenter devant cette Assemblée nationale une motion qui, je vous le dirais bien humblement, ne peut pas ne pas être adoptée par unanimité, selon moi et selon nous, par l'unanimité, autre chose que par l'unanimité des députés présents ici, en cette Chambre.

«Que l'Assemblée nationale — et c'est là le texte de la motion — réitère sa pleine confiance envers l'organisme indépendant du gouvernement qu'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.» C'est le premier élément des deux. Pourquoi nous voulons que l'Assemblée nationale réitère sa pleine confiance envers cet organisme indépendant? C'est parce qu'il y a eu évidemment des commentaires qui ont fait suite à la publication de ce rapport de la commission qui semblaient… et là il faut dissiper tout doute. De la part du gouvernement, il faut clairement dissiper tout doute quant à l'indépendance de la commission, quant à la valeur que ce gouvernement du Parti québécois donne aux décisions ou aux interprétations de la Commission des droits de la personne, qui est l'organisme indépendant et spécialisé, je vous le rappelle, M. le Président, depuis 1976 et qui a su évidemment être gardien des droits et libertés de toutes les Québécoises et Québécois. Il y a là… Suite à la publication de ces commentaires-là, il y a eu évidemment… pour le gouvernement et les représentants de la banquette ministérielle, représentants du Parti québécois, il y a eu des commentaires qui ont été faits publiquement, et nous croyons qu'il ne saurait être tolérable de conserver quelque doute que ce soit quant à la pleine valeur qu'il faut accorder à la Commission des droits de la personne. Autrement dit, le législateur et le gouvernement doivent toujours agir comme le fait, et c'est un partenaire, en ce sens-là, la Commission des droits de la personne, de manière à respecter, à appliquer les droits et libertés de toutes les Québécoises et de tous les Québécois. Premier élément de la motion.

Deuxième élément de la motion, M. le Président : «[Que l'Assemblée nationale] exige que le gouvernementpéquiste s'engage formellement à respecter, dans son projet de loi sur une charte des valeurs québécoises, les droits et libertés de toutes les Québécoises et Québécois tels que garantis par la charte québécoise des droits et libertés adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1975.»

M. le Président, la charte québécoise des droits et libertés est une loi quasi constitutionnelle. Autrement dit, une autre loi de notre Assemblée nationale ne peut pas y contrevenir, ne peut pas aller à l'encontre de cette charte. Ces droits et libertés fondamentaux, M. le Président, est un élément central de ce qu'est le Québec d'aujourd'hui, est un document… dans toute sa modernité, fait en sorte que les rapports sociaux entre individus et également les rapports sociaux des individus versus l'État sont encadrés, sont balisés de manière à ce que, de façon très tangible, M. le Président, il y ait le respect, il n'y ait pas discrimination et il y ait pleine jouissance et exercice pour chacune et chacun de nous de nos droits et libertés. Et, quand on s'attaque à un seul ou à une seule Québécoise et Québécois, M. le Président, en ce sens, on s'attaque à toutes les Québécoises et à tous les Québécois. Et l'aspect numérique de l'argument ne devrait jamais être toléré et tenir la route, M. le Président. Encore une fois, lorsque l'on s'attaque ne serait-ce qu'aux droits et libertés d'une seule personne qui est citoyenne et citoyen à part entière, M. le Président, nous avons tous le devoir de nous lever et de demander que cesse cette discrimination, la violation des droits et libertés, cette atteinte qui est protégée par quoi? Par un document fondateur de notre société, central, notre charte québécoise des droits et libertés adoptée à l'unanimité dès 1975.

Il y a eu, à travers les années, évidemment des applications de cette charte qui font en sorte que, dans le désir d'accommoder des personnes qui, tantôt, peuvent être handicapées, tantôt, veulent évidemment pouvoir prétendre à l'égalité à l'emploi, qu'elles soient une femme, une personne d'origine, ou de race, ou de couleur autre que celle qui est la majorité au Québec, puisse prétendre à autant d'égalité, autant de chance que n'importe qui, il y a eu une jurisprudence qui s'est développée, dans le contexte québécois et canadien, visant à ce qu'il y ait possibilité d'accommoder. Encore une fois, personne, au Québec, ne plaidera et ne voudra que des accommodements dits déraisonnables puissent avoir lieu, d'où — et je reviens au début de mon intervention, M. le Président — notre désir de faire en sorte qu'il y ait des balises quant aux accommodements pour qu'ils soient raisonnables.

Et à cet effet-là, M. le Président, j'ai eu l'occasion de mentionner que, dès 2010, le gouvernement du Parti libéral du Québec l'avait inclus dans un projet de loi, un projet de loi qui, malheureusement, faisait face à l'opposition du Parti québécois à l'époque. Et il y a eu plusieurs heures passées et il y a eu, certains diraient évidemment, du travail extrêmement assidu de la part du gouvernement. Mais les heures ont passé, faisant en sorte que ça n'avançait pas du tout. L'opposition, à l'époque, du Parti québécois ne voulait pas aller de l'avant. Et, en ce sens-là, M. le Président, je pense que c'est important de noter qu'en matière de droits et libertés il y aura toujours une règle fondamentale. Vous vous rappelez, je vous ai parlé tantôt : 1975, adoptée à l'unanimité? La dernière fois que la charte québécoise des droits et libertés a été amendée, a été touchée par le législateur, c'est en 2008, et c'est le gouvernement de l'époque, du Parti libéral du Québec, qui visait justement, avec l'ajout d'un article, une clause interprétative, l'article 50.1, qui faisait en sorte que tous les droits… Cétait l'égalité femmes-hommes. Tous les droits garantis par cette charte le seront de manière équitable et parfaitement égale, tant aux femmes qu'aux hommes. Et ce dernier amendement là de 2008, M. le Président, a été rendu possible, pourquoi? Parce qu'on était conscients, comme gouvernement libéral à l'époque, qu'on ne modifie pas la charte québécoise autrement, si ce n'est pas que par l'unanimité, par un très, très large consensus. Et force est de constater qu'il y a eu cette unanimité en 2008, on a pu procéder. Et savez-vous quoi, M. le Président? En 2008, sous un gouvernement libéral, nous avons fait avancer le Québec.

Il y a eu plusieurs choses qui ont été dites de part et d'autre, et il est important, M. le Président — c'est un aspect fondamental, sinon on n'avancera pas — de ne pas faire d'amalgame. Quel est cet amalgame? De dire : Il y a les gens qui sont pour la charte, il y a les gens qui sont contre la charte. Non, M. le Président, il faut faire en sorte de reconnaître que les tentatives avec le projet de loi n° 94 en 2010 et 2011 ont, à l'époque, avorté. L'opposition du Parti québécois n'en voulait pas. À ce moment-là, nous avons mis de côté cette importante pièce législative. On ne passe pas, M. le Président... On ne passe pas des modifications ou des lois qui viennent un tant soit peu porter atteinte aux droits et libertés fondamentales sous le bâillon, M. le Président. C'est important de le retenir.

• (15 h 20) •

Nous sommes prêts encore une fois, demain matin, quant à la neutralité des institutions de l'État, quant à la nécessité de balises aux accommodements — je viens d'en faire état — quant à l'égalité hommes-femmes, réception et dispensation de services de l'État à visage découvert... M. le Président, il y a là des éléments extrêmement précis, sur lesquels, demain matin, on pourrait faire avancer le Québec. Et, quant à l'interdiction totale du port de signes religieux dits ostentatoires ou visibles, M. le Président, il est important de noter que c'est là qu'il y a écueil.

Le deuxième groupe d'opposition a avancé une proposition. Nous sommes contre toute atteinte aux droits et libertés des Québécoises et des Québécois. Et, M. le Président, il est important de reconnaître ici que nous parlons de liberté fondamentale, la liberté de religion, qui est protégée par notre charte québécoise des droits et libertés à l'article 3, qui se lit comme suit : «Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association.» Fin de la citation.

La liberté de religion, c'est l'article 3 de notre charte québécoise, M. le Président, document fondateur, fondamental. Et on ne peut pas imaginer l'avenir du Québec, que l'on soit fédéraliste ou souverainiste, autrement qu'en reconnaissant qu'il s'agit là d'un élément fondamental et autrement qu'en agissant, comme gouvernement ou comme législateur, de manière à constamment protéger l'application de cette liberté.

La Cour suprême du Canada, en 1985, dans l'arrêt Big M Drug Mart définissait ainsi le concept de liberté de religion, et je cite : «Le concept de la liberté de religion se définit essentiellement comme le droit de croire ce que l'on veut en matière religieuse, le droit de professer ouvertement des croyances religieuses sans crainte d'empêchement ou de représailles et le droit de manifester ses croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte ou par leur enseignement et leur propagation. Toutefois, ce concept signifie [évidemment] beaucoup plus que cela.» Fin de la citation. On voit dans l'arrêt, M. le Président, que la proposition qui est faite par le gouvernement, encore une fois de façon très précise, l'écueil — et, je le répète, c'est important de ne pas faire d'amalgame — est au niveau de l'interdiction totale de port de signes religieux ostentatoires par les agents de l'État. Qui sont-ils, qui sont-elles? À peu près...

Demain matin, si c'était adopté... Et nous serons une opposition responsable et cohérente, nous nous y opposerons. Mais, si d'aventure c'était adopté, ce serait le personnel des ministères et organismes, le personnel de l'État exerçant un pouvoir de sanction, le personnel des centres de la petite enfance, les CPE, celui des garderies privées et subventionnées, le personnel des commissions scolaires, dont celui des écoles primaires et secondaires publiques, le personnel des cégeps et des universités, le personnel du réseau public de santé et services sociaux, le personnel des municipalités, ça, demain matin, M. le Président, c'est 600 000 Québécoises et Québécois qui ne pourraient pas porter de signes religieux qui pourraient être interprétés comme étant ostentatoires.

Juste ici, M. le Président, à l'Assemblée nationale, il y a des attachés politiques, et souvent je vois un attaché politique, par exemple, arborer une croix. Alors, demain matin, ces personnes-là ne pourraient plus arborer cette croix. La neutralité de l'État n'exige pas qu'il y ait une interdiction totale. Et, si, d'aventure, c'était toujours la proposition qu'avance le gouvernement du Parti québécois, force est de constater, et c'est l'objectif de la motion qui est devant vous aujourd'hui, M. le Président, force est de constater qu'à l'analyse de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse il s'agirait d'une violation de la liberté de religion.

Encore une fois, important de reconnaître que la Commission des droits de la personne est une entité qui est constituée d'experts en la matière qui ont vu évoluer, depuis 1976, le droit canadien et le droit québécois, ont agi au coeur des demandes, à titre, évidemment, d'entité-conseil, parce qu'en vertu de la charte québécoise c'est à la Commission des droits de la personne que l'on peut demander conseil, que l'on peut porter plainte. Ce sont là... d'experts en jurisprudence et, évidemment, des experts dans la recherche d'accommodements qui soient dits raisonnables. Il y a là un conseiller pour tout gouvernement, qu'il soit du Parti québécois ou du Parti libéral, un conseiller privilégié.

Et il est important, M. le Président, avant de légiférer, de reconnaître, de reconnaître… Le projet de loi n'est pas encore déposé, le gouvernement vient d'obtenir cette opinion de la Commission des droits de la personne et il ne peut pas le passer sous le boisseau, et c'est l'objectif de la motion aujourd'hui. Encore une fois, M. le Président, on parle de notre charte québécoise des droits et libertés de la personne, la liberté de religion, liberté fondamentale, on en est tous d'accord ici, là. Il est important de reconnaître évidemment que... Je ne vois pas comment un seul député ne pourrait pas voter en faveur de cette motion.

M. le Président, d'autres organismes, après la Commission des droits et avant la Commission des droits de la personne, ont eu l'occasion de soulever des écueils quant à l'application de cette charte ou de cette proposition, à savoirl'interdiction de port de signes religieux ostentatoires par tous les agents de l'État. Il y a eu ce matin, M. le Président… ou hier, pardon. Il y a eu hier dépôt par ma collègue de Richmond d'une pétition qui disait ceci : «…le projet de charte des valeurs [...] réfute les droits protégés par les chartes canadienne et québécoise…» Et les signataires demandaient tout simplement le retrait. 9 645 pétitionnaires, M. le Président.

Il y a eu également, et nous l'avons vu d'entrée de jeu, un texte extrêmement bien écrit — je ne vous parle pas ici de cinq phrases, là, je vous parle d'un texte qui fait cinq pages — un texte recherché, qui a été écrit sous la plume de celles et ceux qui agissent pour un Québec inclusif. Quebecinclusif.org est l'endroit où les gens peuvent aller prendre connaissance de ce texte. Et, en me préparant pour me présenter devant vous, M. le Président, tout à l'heure, j'ai eu l'occasion d'aller revérifier, il y avait 26 771 Québécoises et Québécois qui disaient ce qui suit, notamment, M. le Président :«Rendre invisibles les appartenances culturelles et religieuses est une tentative naïve et illusoire de nier le fait incontournable du pluralisme au sein de nos sociétés ouvertes. Une conception d'autant plus naïve que certains parmi nous portons nos divergences culturelles, ethniques et religieuses sur les traits de nos visages et la couleur de notre peau[...]. Le véritable test de la laïcité est d'accepter à la fois la visibilité des différences et la nécessité d'un consensus au sujet de l'esprit de tolérance et d'impartialité qui doit gouverner nos interactions dans le respect de ces différences.» Fin de la citation. M. le Président, il y a 26 771 Québécoises et Québécois qui, d'une même voix, ont affirmé ça.

M. le Président, la charte québécoise des droits et libertés est un fondement majeur de notre société, de ce qui régit les rapports entre les individus, les citoyennes et les citoyens, et entre l'État et les citoyennes et citoyens. Il y a évidemment une loi, et la Commission des droits de la personne en fait état, M. le Président, il y a le Programme d'accès à l'égalité. Et il s'agit là, effectivement, M. le Président, d'un élément sur lequel la commission insiste et qui serait un des écueils ou un des résultats si, d'aventure, le gouvernement allait de l'avant avec ce projet de loi d'interdiction totale du port de signes religieux.Il y aurait de la discrimination en emploi, soit sur les groupes de femmes, et également sur les minorités,mais également tous celles et ceux qui croient — et elles ont raison de croire qu'elles ont la liberté de religion — en la neutralité de l'État, qui ne veulent pas faire de prosélytisme, mais qui veulent, par exemple, pouvoir continuer à arborer un bijou qui pourrait ressembler à une croix, et ces personnes-là ont le droit, M. le Président, d'avoir accès… ont le droit d'avoir accès, M. le Président, aux emplois qui sont offerts dans le secteur public et parapublic.

• (15 h 30) •

Encore une fois, M. le Président, vous me permettrez de conclure en réitérant… Et je pense que le ministre a tout à fait raison sur l'aspect que le ton est aussi important que le fond, et j'en suis. Et aujourd'hui non seulement de Québec solidaire, de la CAQ, mais également du Parti libéral du Québec… Dès le 5 septembre, M. le Président, nous avons clairement identifié, en ce qui concerne le Parti libéral du Québec, que... la neutralité des institutions de l'État, dispenser, recevoir les services de l'État à visage découvert, non au prosélytisme, vous ne ferez pas de nouveaux adeptes, mais oui au respect de la liberté de religion, qui peut impliquer également le port d'un signe religieux. Cette interdiction-là, M. le Président, nous n'en sommes pas. Mais, sur la neutralité des institutions, sur l'importance de baliser les accommodements, sur l'égalité hommes-femmes, M. le Président, nous avons clairement identifié que, demain matin, nous voulons, comme nous le voulions en 2010, faire avancer le Québec.

Un élément fait écueil, cette interdiction totale du port de signes religieux. Nous avions exprimé dès le 5 septembre notre position claire à l'effet que, non, selon notre perception, c'était contraire à la jurisprudence, selon nos analyses, contraire à la jurisprudence en vertu, notamment, de la charte québécoise, contraire, et violait la liberté de religion. La semaine passée, la Commission des droits de la personne est venue le confirmer, l'experte en la matière est venue le confirmer, et d'autres organismes. Et, en ce sens-là, M. le Président, le fait que des signataires, des Québécoises et Québécois aient pris le temps de signer ce document extrêmement important, Pour un Québec inclusif, en plus des pétitions qui ont été déposées jusqu'à maintenant devant vous, M. le Président, très clairement nous croyons qu'il y a là lieu pour le gouvernement du Parti québécois, qui ne peut pas faire autrement qu'être soucieux du respect de nos libertés fondamentales à nous, à nous tous, Québécoises et Québécois, de faire en sorte, sous cet aspect, non seulement de voter en faveur de la motion — je ne vois pas comment un seul député voterait contre — mais, deuxièmement, faire en sorte de prendre la main tendue, de faire avancer le Québec et de faire en sorte que les droits de tous, chacun et chacune, soient respectés. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de LaFontaine. M. le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, je vous cède la parole.

M. Bernard Drainville

M. Drainville : Merci, M. le Président. Alors, je salue les collègues présents en cette Chambre par ce beau mercredi après-midi. M. le Président, l'opposition officielle a présenté aujourd'hui une motion à deux volets, hein, un volet sur la Commission des droits de la personne et un autre volet sur notre projet de charte des valeurs québécoises. Alors, ils y vont d'abord avec une affirmation qui fait consensus, pour ensuite faire une affirmation qui, elle, évidemment, est beaucoup plus litigieuse, qui porte beaucoup plus sujet à débat. C'est un vieux truc, M. le Président.

Alors, allons-y donc avec la première partie, donc, de cette motion qui est proposée par le Parti libéral. Alors, je lis donc ce premier volet de la motion : «Que l'Assemblée nationale réitère sa pleine confiance [en] l'organisme indépendant du gouvernement qu'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.» Alors, évidemment, M. le Président, le gouvernement est pleinement d'accord avec cette affirmation. La Commission des droits de la personne, elle joue un rôle extrêmement important pour la démocratie québécoise. Elle est la gardienne, elle est la protectrice de nos droits individuels, c'est sa mission, et la commission remplit cette mission avec diligence et détermination. Nous pouvons compter… les Québécois peuvent compter sur la Commission des droits de la personne pour défendre les droits individuels, et notre gouvernement, bien entendu, lui réitère sa pleine confiance, une confiance qui n'a jamais été mise en doute ou remise en question.

Alors, si la motion de l'opposition officielle se terminait là, M. le Président, on comprendrait que les libéraux veulent strictement saluer le travail de la Commission des droits de la personne, cette confiance que nous, les parlementaires, devons, évidemment, réitérer envers cette institution qui est si importante pour le Québec. Malheureusement, M. le Président, ça ne s'arrête pas là. Les libéraux, l'opposition officielle prend un détour pour essayer un peu maladroitement, mais essayer quand même de nous prêter, par une voie indirecte, des intentions. Alors, ils ajoutent dans leur motion : «[Que l'Assemblée nationale] exige que le gouvernement péquiste s'engage formellement à respecter, dans son projet de loi sur [les] valeurs québécoises, les droits et libertés de toutes les Québécoises et Québécois tels que garantis par la charte québécoise des droits et libertés adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1975.»

M. le Président, ça laisse entendre que notre intention pourrait être contraire à celle qui est affirmée. Donc, dans cette deuxième partie de la motion, ça laisse entendre que notre projet de loi sur la mise en œuvre de la charte des valeurs québécoises pourrait contrevenir de quelque façon que ce soit aux droits et libertés qui sont garantis par la charte. Évidemment, M. le Président, c'est tout le contraire. C'est tout le contraire, nous soutenons et nous soutiendrons, M. le Président, que la charte des valeurs québécoises, dans sa traduction juridique qui sera éventuellement déposée en cette Chambre, protégera les droits et libertés des Québécois et que cette protection sera au moins égale à celle qui existe déjà. Peut-être même pourrons-nous larguer — l-a-r-g-u-e-r — peut-être même pourrons-nous soutenir, à ce moment-là, M. le Président, que la protection des droits individuels sera encore plus grande par ce projet, donc, que nous déposerons. En tout cas, moi, je serai prêt, M. le Président, à soutenir cette thèse-là lorsque nous le ferons. Je serai prêt à soutenir que le projet de loi que nous déposerons sur la charte des valeurs non seulement garantira la protection des droits individuels, mais, à maints égards, la renforcera, notamment la liberté de conscience et la liberté de religion.

Mais revenons au libellé, M. le Président, le libellé de la motion libérale. D'abord, il n'est pas question de projet de loi pour le moment, il n'y a pas de projet de loi qui a été déposé. Donc, c'est peut-être un petit peu prématuré que d'essayer — comment dire? — de deviner ou de laisser entendre des choses sur un projet de loi qui n'est toujours pas déposé.

Par ailleurs, M. le Président, il ne faudrait pas essayer de faire jouer à la Commission des droits un rôle qui n'est pas le sien, il ne faudrait pas essayer d'utiliser la Commission des droits de la personne à des fins politiques, et j'ai un petit peu la crainte que c'est ce qu'on essaie de lui faire faire. On essaie de lui faire jouer un petit peu ce rôle-là à travers la motion qui est présentée par l'opposition officielle, comme s'ils appelaient, dans le fond, les commentaires de la commission sur le projet de charte, sur les orientations gouvernementales en matière de charte des valeurs pour soutenir leur position politique. C'est comme si les libéraux, dans le fond, essayaient d'utiliser, de récupérer les commentaires qui ont été émis la semaine dernière par la Commission des droits en renfort à leur position sur la question, donc, des valeurs québécoises et sur le dossier, donc, de la charte des valeurs québécoises.

Je les mets en garde là-dessus, M. le Président — je le fais respectueusement — parce que je pense que c'est risqué, c'est un jeu un petit peu risqué et c'est un jeu avec lequel ils pourraient se brûler les doigts. Je donne pour exemple le projet de loi n° 94 qui avait été déposé par le Parti libéral, M. le Président. Je rappelle que, lorsque le projet de loi n° 94 des libéraux a été déposé, il y avait notamment une disposition dans le projet de loi n° 94 qui prévoyait l'obligation de faire affaire avec l'État à visage découvert. C'est d'ailleurs une disposition que... ou, enfin, une orientation que nous avons reprise dans le projet de charte des valeurs ou dans les orientations que j'ai déposées en rapport à la charte des valeurs québécoises. Or, sur la question du visage à découvert, M. le Président, je tiens à rappeler à nos amis d'en face que la Commission des droits de la personne avait exprimé, et je cite, «un malaise», elle avait exprimé un malaise sur cette obligation, donc, de faire affaire avec l'État à visage découvert. En d'autres mots, de prêter main-forte… ou, enfin, d'appeler à l'aide la Commission des droits de la personne pour soutenir sa position dans l'opposition, ça ne doit pas — comment dire? — nous faire oublier que, dans d'autres circonstances, lorsque le Parti libéral était au gouvernement, la Commission des droits n'était pas nécessairement toujours en appui aux orientations qui étaient mises de l'avant par feu le gouvernement libéral, hein, je le rappelle, donc un malaise sur la question du visage à découvert.

Il ne faut pas oublier non plus, M. le Président, que la Commission des droits de la personne avait été très, très, très critique de l'infâme loi n° 78 votée sous les libéraux, extrêmement critique. Votée sous bâillon, on avait passé la nuit à siéger, comme le rappelle l'estimé collègue ministre de la Sécurité publique. Hein, à ce moment-là, ils n'avaient pas eu beaucoup d'égard pour l'avis de la Commission des droits de la personne quand c'est venu le temps de faire voter 78.

• (15 h 40) •

Puis j'aimerais aussi, M. le Président, dans un autre dossier, j'aimerais citer également la députée de Notre-Dame-de-Grâce, qui était ministre de la Justice du gouvernement précédent et qui, dans un autre dossier, avait pris la parole. C'est la motion qui avait été mise aux voix en février 2011, motion portant sur le kirpan. Enfin, la motion, de façon générale... Je ne cite pas le libellé, là, exactement, là, je n'ai pas le verbatim très précis, là, mais ça concernait la décision qui avait été prise par la direction de la sécurité de l'Assemblée nationale d'interdire le port du kirpan lors des consultations sur le projet de loi n° 94.

Alors, je me permets de citer la députée de Notre-Dame-de-Grâce, qui était donc ministre de la Justice à ce moment-là et qui disait ceci : «Il faut écouter le gros bon sens des gens. Quand ils nous demandent de poser des gestes, il faut les écouter. Et c'est ça, la question de la cohésion. Quand on parle de cohésion de la société, d'être à l'écoute, en tant qu'élus on a cette responsabilité. Et c'est sûr qu'on a la règle de droit, et moi, je suis la première à être sensible à la règle de droit et aux chartes des droits et libertés et évidemment tout ça. Je suis très sensible à ce que le Barreau me dit […] et la Commission des droits de la personne — c'est la ministre de la Justice libérale qui parle — mais je suis très sensible à ce que les gens nous disent. Et on a une responsabilité, en tant qu'élus, d'être à l'écoute de ces gens-là, parce que, sinon, si on ne pose pas de geste, c'est là qu'on risque de perdre l'adhésion de la population.»

Alors, sur la question également du port du kirpan à l'intérieur des murs de cette Assemblée, M. le Président, la ministre d'alors, ministre de la Justice libérale d'alors, actuelle députée de Notre-Dame-de-Grâce, avait dit : Écoutez, on entend la Commission des droits, mais, vous savez, bon, il faut écouter les gens également. Tout ça pour vous dire, M. le Président, que, sur cette motion-là du kirpan, sur la loi n° 78, sur la loi n° 94, les libéraux ont décidé — très respectueusement, je n'en doute pas — de — comment dire? — écouter, mais de ne pas nécessairement accepter les recommandations qui étaient faites alors par la Commission des droits de la personne. Alors, de venir nous dire maintenant : Vous devriez, là, vous ne pouvez absolument pas... Comment dire? Vous devez vous plier sans même vous y objecter, vous devriez écouter, respecter… Se conformer aux commentaires de la Commission des droits de la personne, je trouve ça un petit peu fort, le café, M. le Président. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne respecte pas la commission. Encore une fois, M. le Président, je tiens à le réitérer, nous avons un immense respect pour cette institution, qui est fondamentale dans notre vie démocratique. Il faut juste se garder — comment dire? — de prendre au pied de la lettre — comment dire? — les intentions vertueuses des gens d'en face. Il faut faire un petit peu la part des choses et se rappeler quand même certains gestes qui ont été posés par le passé et qui sont peut-être un petit peu en porte-à-faux par rapport à leur discours d'aujourd'hui. Disons-le comme ça.

Nous, M. le Président, on n'a pas un discours différent... En tout cas, là-dessus, on n'a pas de discours différent entre l'opposition et le pouvoir. Nous, au Parti québécois, on tient… on a toujours tenu, en fait, le même discours, on a toujours dit : Il faut protéger les droits individuels des Québécois, mais il faut également affirmer les valeurs collectives, les valeurs communes qui font que nous sommes une société. En d'autres mots, la protection des droits individuels est extrêmement fondamentale, essentielle, non négociable. Et c'est par la Charte des droits et libertés, notamment, qu'on parvient à protéger nos droits individuels, mais il ne faut jamais perdre de vue la dimension collective également, le fait qu'à un moment donné, au-delà de nos différences individuelles, il faut trouver nos valeurs communes, il faut identifier ce qui nous rassemble, ce qui nous réunit, ce qui fait que nous sommes une communauté, ce qui fait que nous sommes une société, ce qui fait que nous sommes une nation, M. le Président. Et ça, ce ciment qui nous unit, qui fait qu'on est un peuple, ça va au-delà de nos différences individuelles, notamment religieuses.

Et, oui, M. le Président, le caractère de plus en plus multiethnique de la société québécoise est une immense richesse. La diversité en notre sein est une force, mais ça ne doit pas nous faire perdre de vue que cette diversité doit reposer sur une fondation commune. Il faut, à un moment donné, M. le Président, se retrouver tous autour de la table de la cuisine et être capables de se dire : Au-delà de nos particularités individuelles, nous sommes tous membres de la même famille. Peu importe d'où nous venons, peu importe notre origine, peu importe la couleur de notre peau, peu importe la langue que nous parlons, peu importe où nous sommes nés, peu importe notre religion, nous sommes tous des Québécois. Et c'est ça qu'on est en train de définir, M. le Président, à travers la charte des valeurs, on est en train de décider d'un certain nombre de choses, d'un certain nombre de règles, d'un certain nombre de valeurs qui vont définir le Québec dans lequel nous voulons vivre maintenant et pour l'avenir. C'est ça qu'on est en train de décider, M. le Président.

Et ça ressemble beaucoup au débat qu'on a connu sur la loi 101. C'est franchement assez fascinant, M. le Président, d'aller revoir les manchettes, d'aller revoir les commentaires qui avaient été faits au moment de l'adoption de la loi 101 ou dans les mois qui ont précédé l'adoption de la loi 101. Parce que la loi 101, M. le Président, c'était justement ça, c'était un équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs, c'était une pièce maîtresse de législation qui a marqué notre histoire et qui marque encore notre histoire. Et c'était justement ce pari que faisaient René Lévesque, et Camille Laurin, et le gouvernement du Parti québécois d'alors, il fallait justement en arriver à un équilibrage sensible, nuancé, raisonnable entre les droits individuels et les droits collectifs.

Et je vous rappelle, M. le Président, qu'en 1977 les libéraux étaient contre la loi 101. Je cite Gérard D. Levesque, chef de l'opposition officielle, 28 avril 1977 : La charte est «un danger d'autoritarisme» animé par un arrière-goût d'«esprit de vengeance» davantage que la volonté de servir le français. Gérard D. Levesque.

Toujours Gérard D. Levesque, Le Soleil, 20 juillet 1977 : «Inutile, excessif, hypocrite et séparatiste, tels sont les qualificatifs qu'a utilisés hier soir à l'Assemblée nationale le chef de l'opposition officielle […] député de Bonaventure, […] Gérard D. Levesque à l'égard du projet de loi 101 ou charte linguistique.»

Le Droit, 27 août 1977 : «Pour le chef de l'opposition officielle, […] Gérard D. Levesque, qui prononçait aussi un discours de troisième lecture sur le projet de loi 101 — citation : "L'étroitesse d'esprit et la mesquinerie de ce projet de loi sont aux antipodes de ce que veut l'immense majorité des Québécois." Selon le chef de l'opposition, il incombe maintenant aux Québécois la responsabilité de conserver à cette société son caractère de cordialité et d'ouverture pour lequel elle est reconnue.» Ah! Intéressant, M. le Président, dans le contexte actuel.

Nouvelliste, 29 juillet 1983, six ans après l'adoption, citation du Nouvelliste : «Le seul candidat avoué dans la course au leadership du Parti libéral du Québec, M. Daniel Johnson, critique à son tour sévèrement la Charte de la langue française, fondée, affirme-t-il, sur une conception politique qui — je cite — "monte les gens les uns contre les autres dans des termes brutaux — citation. La loi 101 est la loi la plus mesquine que j'ai jamais vue, a-t-il affirmé au cours d'une entrevue accordée à LaPresse canadienne. Elle a creusé un fossé — dis-je bien — très profond chez les Québécois."» Fin de citation.

Une voix :

M. Drainville : Mais oui, c'est ça, c'est le nouveau conseiller de Philippe Couillard, ça, M. le Président. Ce serait intéressant de savoir s'il a changé d'avis sur la loi 101. Chose certaine, les libéraux, eux, ont changé d'avis sur la loi 101, ils pensent aujourd'hui que c'est une bonne loi, que c'est une belle loi, que c'était nécessaire, que ça prenait ça. Et pourtant, mon Dieu! vous avez entendu ça, il n'y avait pas de qualificatif assez fort pour la dénoncer.

Et nous, on pense, M. le Président, que la même chose va se produire avec la charte des valeurs québécoises. On pense qu'à terme, lorsqu'on l'aura adoptée, lorsqu'on l'aura mise en œuvre, dans quelques années d'ici, on pense qu'elle sera appuyée très largement par la classe politique, dans quelques années. Les libéraux vont être contre, là, mais, comme pour la loi 101, à un moment donné ils vont allumer, puis ils vont finir par se rallier, puis ils vont finir par dire que c'est ça que ça prenait. Puis ça prenait le Parti québécois, évidemment, pour avoir, encore une fois, le courage d'arriver avec ce cadre qui est nécessaire, ce cadre qui prévoit donc des règles communes en matière d'accommodements, qui prévoit de faire de l'égalité hommes-femmes une valeur non négociable quand vient le temps d'envisager un accommodement et qui met en place le cadre de neutralité religieuse, M. le Président.

Le cadre de neutralité religieuse, d'ailleurs, c'est fort intéressant d'entendre à nouveau la position du Parti libéral qui nous a été réitérée par le député de LaFontaine, neutralité religieuse qui est appuyée par le Parti libéral en autant qu'elle soit invisible. La neutralité religieuse, pour le Parti libéral, là, dans l'esprit du Parti libéral, ça doit être une neutralité qui ne s'applique qu'aux institutions, pas aux personnes. Alors, c'est une neutralité évanescente, là, qui flotte au-dessus de nous dans un état intangible, abstrait, mais…

• (15 h 50) •

Une voix :

M. Drainville : …vaporeux. Merci, M. le député de Berthier. Mais, pour ce qui est des représentants de l'État, ah! eux, par contre, ça ne doit pas paraître, il ne faut surtout pas que la neutralité religieuse s'incarne à travers les représentants de l'État. C'est ça, la position du Parti libéral, M. le Président, ce qui les amène, d'ailleurs, à s'opposer à toute forme d'encadrement des signes religieux pour les représentants de l'État.

Ça, ça veut dire, M. le Président, qu'ils sont en dessous de Bouchard-Taylor. Aucun encadrement en matière de signes religieux, M. le Président, ça, ça pourrait vouloir dire… bien, pas ça pourrait, ça veut dire qu'ils accepteraient, par exemple, qu'un policier ou un juge porte un signe religieux. Ils sont d'accord avec ça, nos amis du Parti libéral. Pensez-vous sincèrement, M. le Président, que c'est une bonne idée qu'un policier ou qu'un juge porte un signe religieux, envoie un message religieux à ses concitoyens avec le travail qu'il a, avec les responsabilités qui lui incombent, avec le pouvoir de sanction qui est le sien? Est-ce qu'on pense vraiment que c'est une bonne idée, M. le Président, qu'un agent de l'État avec pouvoirs contraignants puisse porter un signe religieux et qu'on puisse donc, un jour, remettre en question la crédibilité de sa décision ou de son action parce qu'elle pourrait avoir été motivée par des convictions religieuses qui sont les siennes? Je ne pense pas, M. le Président. Je pense que c'est une très mauvaise idée.

Alors, il me reste très peu de temps, M. le Président. J'ai plein d'autres choses à dire, mais je vais me limiter et me diriger lentement, mais sûrement vers la conclusion. On pense, nous, M. le Président, que la charte des valeurs que nous avons déposée et le projet de loi qui va la traduire dans les prochaines semaines, qui va la traduire dans une loi, dans un projet de loi, est un projet nécessaire, juste et raisonnable dans une société démocratique comme la nôtre, dans une société libre et démocratique comme la nôtre, M. le Président. Et c'est cette cause que nous allons continuer à porter parce qu'on le pense, justement, que, comme pour la loi 101 il y a 40 ans, comme pour la Charte de la langue française il y a 40 ans, ce projet que nous portons et que nous allons continuer à porter repose sur un équilibre nuancé, équitable entre le respect des droits individuels et l'affirmation de nos valeurs collectives, de nos valeurs communes.

Et je vais conclure, M. le Président, en précisant, en déclarant au nom de notre formation politique, au nom du gouvernement, que, malgré ce que je perçois être des — comment dire? — motivations un tout petit peu partisanes de la part de l'opposition officielle en présentant cette motion-là, malgré ça, M. le Président, on va voter pour. On va voter pour parce que, sur le fond des choses, au-delà des calculs politiques qui peuvent sous-tendre cette motion-là, il ne faut jamais perdre de vue le sens, le fond, M. le Président, jamais perdre de vue le fond. Et le fond de cette motion-là, c'est de réitérer le rôle essentiel que joue la commission des droits et libertés de la personne au Québec et le fait que tout gouvernement, quel qu'il soit, doit protéger, doit respecter les droits et libertés des Québécoises et des Québécois. Ça va donc nous faire plaisir, M. le Président, dans le contexte des commentaires que je viens de faire, ça va donc nous faire plaisir de voter pour la motion du député de LaFontaine. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le ministre, pour cette intervention. Nous avons réparti le temps des indépendants. Donc, à la deuxième… deuxième groupe d'opposition, il reste, Mme la députée de Montarville, 15 min 16 s. Il restera à l'opposition officielle 13 min 18 s. Donc, je vous cède la parole, Mme la députée de Montarville.

Une voix :

Le Vice-Président (M. Cousineau) : On le calcule.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Eh bien, dans le débat qui entoure la charte des valeurs québécoises — débat fort intéressant, au demeurant — je me questionne ici sur les intentions réelles du gouvernement. En effet, le Parti québécois s'est engagé dans sa plateforme électorale, à l'été dernier, là, à l'été 2012, à élaborer une charte québécoise de la laïcité. Or, le gouvernement a volontairement changé le vocabulaire de ses intentions et remplacé le terme «laïcité» par «valeurs québécoises». Cette différence peut paraître sémantique mais reflète surtout la volonté du gouvernement de miser sur l'identité québécoise par électoralisme.

De plus, le gouvernement a attendu 12 mois après son élection avant de déposer le début d'un projet de charte, on n'a toujours pas de loi. Alors, je me pose la question : Pourquoi? Pourquoi tant de temps? Hier, le ministre des Institutions démocratiques a continué son effeuillage de la charte en affirmant qu'un projet de loi serait enfin déposé cet automne sans toutefois dire quand. Alors, est-ce que ce sera dans deux semaines, à la veille d'élections éventuelles, ou bien le 21 décembre, à la veille de Noël? Le gouvernement ne semble pas pressé de déposer un projet de loi et fait volontairement perdurer le débat. Si le gouvernement avait réellement voulu qu'une charte de la laïcité soit adoptée, il aurait déposé un projet de loi bien avant cet automne, d'autant plus que nous sommes prêts à collaborer avec le gouvernement pour adopter une charte de la laïcité.

Nous ne partageons toutefois pas certaines mesures radicales proposées par le gouvernement. Mon chef a d'ailleurs proposé hier ici même la tenue d'une rencontre au sommet entre les chefs des partis politiques pour discuter de ce projet de charte, qui est extrêmement sensible, il faut le dire, et qui nécessite une très grande prudence, notamment de la part des législateurs. La première ministre s'est opposée à cette idée en prétextant que le processus législatif devait suivre son cours. Alors, c'est un argument qui ne tient pas la route, car il est tout à fait possible d'organiser des rencontres politiques avant le dépôt d'un projet de loi, un projet de loi aussi fondamental, plutôt que d'attendre le début de l'étude détaillée.

Dans les faits, le gouvernement va déposer une charte plus stricte qu'au départ. C'est ce qu'on semble comprendre. Le gouvernement prévoyait au départ des exemptions de l'application de cette charte dans certains milieux comme les villes, les hôpitaux, les cégeps et les universités. Aujourd'hui, il opterait… on met ça au conditionnel, on ne le sait toujours pas, là, mais davantage pour des clauses de transition. Je pense que c'est un pas dans la mauvaise direction. J'aimerais, ici, rappeler que nous sommes contre l'application de la charte dans les hôpitaux et les garderies, les cégeps, les universités et les municipalités.

D'ailleurs, le ministre a également dévoilé les résultats d'un sondage qui démontrent que plusieurs Québécois aimeraient que des amendements soient apportés au projet de charte, notamment pour interdire le port de signes religieux uniquement aux personnes en position d'autorité, personnes en autorité, ce qui correspond aux recommandations, ici, des commissaires Bouchard et Taylor, mais aussi de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau. Alors, il y a beaucoup de gens qui réclament ça.

Bref, le gouvernement a eu tout le temps nécessaire pour déposer une charte de la laïcité, mais il a tardé — on constate, là — à le faire pour des raisons purement électorales. Dans ce débat, les intérêts supérieurs de la nation devraient primer sur les intérêts partisans. La Coalition avenir Québec a déposé ce matin en Chambre, ici même, un projet de loi sur la laïcité beaucoup plus équilibré et nuancé, et nous souhaitons que le gouvernement réfléchisse bien à notre proposition. Nous voulons, tout comme le gouvernement, confirmer la neutralité de l'État québécois et le caractère privé de la pratique religieuse, tout en respectant les éléments du patrimoine culturel et religieux de notre société.

• (16 heures) •

Notre position se résume en quatre grands principes. Je vous les énumère : d'abord, le caractère inaliénable du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes, l'affirmation du principe de la neutralité de l'État, le respect et la promotion de la culture matérielle du Québec, incluant, incluant ses éléments de patrimoine historique et religieux. Le Québec demeure une terre d'accueil ouverte, où il fait bon vivre ensemble et s'épanouir dans la participation au progrès de notre société par la reconnaissance des différences et le respect mutuel que nous portons.

Sur le libellé de la motion qui est déposée aujourd'hui, il importe de rappeler le rôle de la Commission des droits de la personne auprès du gouvernement. Ce rôle, il est de faire des recommandations au gouvernement du Québec sur la conformité des lois à la Charte des droits et libertés et sur toute matière relative aux droits et libertés de la personne et à la protection de la jeunesse. La commission a donc comme rôle principal un rôle de recommandation. Elle formule des commentaires et des avis auprès du gouvernement pour mieux l'éclairer dans le choix de ses politiques et de ses modifications législatives. Alors, il faut bien sûr, bien sûr, en tenir compte, car l'expertise et la compétence de la commission ne font aucun doute pour nous. Mais, vous savez, un gouvernement n'est pas toujours tenu d'être en accord sur tous les points avec un avis de la Commission des droits de la personne sur un enjeu politique ou encore social.

Dans le cadre de la présente motion, naturellement, le petit problème fondamental, c'est que, si nous voulons une charte de la laïcité, il faudra modifier la charte, alors il va falloir y toucher. Mais, cela dit, naturellement, nous devons les respecter, ces chartes, mais on a aussi le droit, en tant que politiciens, en tant que législateurs, de les ouvrir et de les modifier. C'est même notre devoir de le faire, de faire des lois, de modifier des lois. Mais ce qui est très important, c'est que nous devons faire ces modifications, toucher à ces chartes qui sont si importantes pour nous... si importantes pour nous, pardon, de façon responsable et équilibrée. Et c'est ce que nous souhaitons, c'est ce que nous voulons. Pour cette raison, nous appuyons, bien entendu, cette motion.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Très bien. Alors, merci, Mme la députée de Montarville. Il va rester environ six, sept minutes à votre formation politique. Nous allons maintenant du côté de Mme la députée de Bourassa-Sauvé, en vous rappelant qu'il reste à votre formation politique 13 min 18 s pour l'instant.

Mme Rita de Santis

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, je prends la parole aujourd'hui en appui à la motion qui a été déposée par le député de LaFontaine pour demander que le gouvernement péquiste, lorsqu'il déposera son projet de loi devant porter sur une charte des valeurs québécoises, que le gouvernement s'engage formellement à respecter les droits et les libertés de toutes les Québécoises et tous les Québécois, droits et libertés garantis par la charte québécoise des droits et libertés adoptée à l'unanimité, rappelons-le, par l'Assemblée nationale en 1975.

Cette question interpelle tous les députés de cette Chambre, peu importe leur allégeance politique, comme elle interpelle tous les Québécois, peu importe leur allégeance politique. La Charte des droits et libertés est le fondement même de notre société. Elle est le socle sur lequel reposent notre système législatif et notre système judiciaire. La Charte des droits et libertés n'est pas une simple loi, une loi comme les autres. Elle est, en quelque sorte, la loi suprême du Québec, la loi qui prime sur toutes les autres lois, car elle a une valeur quasi constitutionnelle, comme nous l'ont rappelé, à nombre de reprises, nos tribunaux. La Charte des droits et libertés a été adoptée à l'unanimité il y a presque 40 ans pour enchâsser des droits et des libertés fondamentales comme la liberté d'expression, la liberté de conscience, la liberté de religion et l'égalité des sexes.

Les péquistes proposent que nous la modifiions, en 2013, dans la division et la partisanerie. La préservation et la mise en valeur des droits et de leur exercice doivent guider nos actions comme parlementaires. Elles doivent être la pierre angulaire des mesures que nous adoptons en cette Chambre, qu'il s'agisse de lois, de programmes, de budgets, de motions. La Charte des droits et libertés est le phare qui doit nous guider lorsque nous naviguons sur des mers agitées.

Malheureusement, lorsqu'on examine ce que le gouvernement péquiste entend faire dans le dossier de ce qu'il a décidé d'appeler une charte des valeurs québécoises, on constate qu'il entend faire fi des commentaires et des recommandations de la commission des droits et libertés de la personne et des droits de la jeunesse. Le ministre parle de droits et de valeurs sans comprendre vraiment la différence entre les deux. Non seulement il faut s'inquiéter, il faut aussi rappeler à ce gouvernement les propos que tenaient nombre de ses ténors justement sur l'importance de mettre la Charte des droits et libertés au coeur de nos actions et sur l'importance de respecter les avis de la Commission des droits, un organisme indépendant du gouvernement qui remplit son mandat au seul bénéfice des citoyens et dans l'intérêt public.

Il faut aussi noter que le président actuel de la commission, un juriste renommé, vient d'être nommé par l'Assemblée nationale sur la proposition de la première ministre.

Laissez-moi, M. le Président, rappeler au ministre des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne les mots très durs qu'il a eus il n'y a même pas un an et demi, lorsqu'il était de ce... lorsque lui, il était de ce côté de la Chambre, lorsqu'il était à l'opposition. Le 18 mai 2012, quand il est intervenu sur le projet de loi n° 78, le projet de loi dont le but était de permettre aux étudiants de recevoir l'enseignement dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu'ils fréquentent, le ministre avait dit que le projet de loi n'était rien d'autre qu'une provocation, une provocation, vu la disproportion entre le mal auquel on voulait supposément s'attaquer et les moyens, le remède utilisé pour le traiter. Eh bien, à quoi assiste-t-on avec cette supposée charte des valeurs québécoises, sinon à de la provocation, à une disproportion entre le fameux mal auquel on veut s'attaquer et les moyens proposés pour le traiter, pour reprendre les propres mots du ministre? Quelles sont les études scientifiques que le ministre a en main pour justifier qu'un mal existe?Quels sont les problèmes avec les membres de la GRC qui portent des turbans? Il ne nous présente aucun cas où le port de signes religieux par le personnel de l'État aurait compromis la neutralité religieuse de l'État.Même la commission souligne n'avoir reçu aucune information à cet effet. Si le mal auquel le ministre et son gouvernement veulent s'attaquer est celui d'assurer un État laïc et neutre, s'il veut assurer l'égalité entre hommes et femmes, eh bien, M. le Président, il fait fausse route.

Quand on relit les propos que le ministre a tenus en mai 2012, on se dit qu'il décrit précisément la situation devant laquelle on se trouve aujourd'hui. Il ne s'agit de rien de moins que d'une attaque en règle contre les libertés civiles, d'un coup de force contre les droits démocratiques, comme il disait à l'époque.

Et ce qu'il y a de plus ironique, M. le Président, c'est que le ministre et son gouvernement font aujourd'hui, avec ce projet de charte qui viendrait supposément incarner nos valeurs québécoises, exactement ce qu'ils ont accuséle gouvernement libéral précédent de faire. Le projet du gouvernement péquiste ne vise pas à incarner nos valeurs, il ne vise pas à assurer l'égalité hommes-femmes, il ne vise pas à assurer la laïcité et la neutralité de l'État. En reprenant les mots du ministre en 2012, ce projet participe d'une stratégie à «rebrander» le Parti québécois comme le parti garant des valeurs québécoises, comme ce que le ministre nous accusait de faire il y a presque un an et demi.

En fait, on a l'impression que le ministre était un devin qui décrivait ce qui allait se produire aujourd'hui avec ce projet, avec son projet de charte des valeurs québécoises, c'est-à-dire d'abord et avant tout un exercice de marketing politique, une tentative par le gouvernement péquiste pour faire oublier son inertie, son manque de vision, sonimprovisation, sa performance économique désastreuse, les pertes d'emploi qui sont l'apanage depuis un an, depuis qu'il est au pouvoir. En bref, ce n'est qu'une stratégie, M. le Président, pour tenter de relancer le Parti québécois dans l'opinion publique afin de pouvoir déclencher plus tôt que tard…

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Oui, M. le député de Berthier?

M. Villeneuve : Je m'excuse d'interrompre la députée, mais j'entends ses propos, et il y a beaucoup d'intentions qui nous sont portées, M. le Président. Alors, simplement… Voilà.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Il n'y a rien qui viole le règlement pour l'instant, M. le député de Berthier, je suis vigilant. Mais vous allez avoir toute l'occasion d'intervenir, il vous reste amplement de temps. Alors, veuillez poursuivre, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

• (16 h 10) •

Mme de Santis : Si le gouvernement avait vraiment à cœur l'égalité femmes-hommes, il aurait agi sur tous les fronts. Demandons aux femmes… L'égalité réelle ne peut être atteinte que lorsque toutes les formes de discrimination seront adressées à travers toutes les sphères de la société. Pour ceux qui, comme Mme Djemila Benhabib, dressent un portrait plutôt alarmiste de la menace de l'intégrisme, croyez-vous vraiment qu'interdire le voile dans la fonction publique va éliminer la menace d'intégrisme et sera plus prometteur de l'égalité femmes-hommes? Vous croyez vraiment qu'en refusant l'accès aux postes de fonctionnaire à des femmes voilées nous allons mieux les intégrer dans la société québécoise? Je cite la commission en disant, je cite : «"Il n'est pas raisonnable de présumer de la partialité d'un employé de l'État du simple fait qu'il porte un signe religieux"[...]. Le fait de lier le port de signes religieux "ostentatoires" à la définition du prosélytisme [...] sans tenir compte du comportement de la personne fausse de manière importante l'approche développée en matière de protection de la liberté de religion...» Fin de la citation.

Le ministre a souvent répété que le port de signes ou de vêtements religieux ne fait pas partie de la liberté de religion telle que reconnue par la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui, d'après lui, se limite au droit d'avoir une religion, de la transmettre et d'en pratiquer les rites, mais je voudrais bien lui citer l'article 18 de la déclaration universelle : «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et [aussi] l'accomplissement des rites.»

Les Québécois méritent mieux qu'un ministre qui balaie du revers de la main un avis de la Commission des droits de la personne qui lui laisse savoir sans ambages que son projet de charte des valeurs québécoises ne tient pas la route, qu'il porte atteinte aux droits de la Charte des droits et libertés, qu'il confond valeurs et droits, ce même ministre qui avait accusé le précédent gouvernement libéral de tous les maux, ce même ministre qui disait sur sa page Facebook, le 19 juillet de l'année dernière, que le Parti libéral n'avait plus d'honneur parce qu'il était passé outre l'avis de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse sur le projet de loi n° 78. N'est-ce pas exactement ce qu'il est en train de faire avec son propre projet de charte des valeurs québécoises, le même ministre qui disait sur sa page Facebook que porter atteinte aux libertés fondamentales garanties par la charte québécoise devrait être déclaré inapplicable et qu'il ne faut pas obliger les Québécois à passer outre à leur sentiment de solidarité et à leurs convictions? N'est-ce pas exactement ce que le ministre cherche à nous imposer avec sa supposée charte de valeurs?

Et le ministre ne peut pas se cacher derrière sa compilation des commentaires qu'il dit avoir reçus par Internet et par téléphone, qui montrerait que la très vaste majorité est en accord avec son projet, sauf pour des modifications mineures comme le retrait du crucifix à l'Assemblée et le durcissement de la possibilité de retrait de la charte des valeurs pour, exemple, les municipalités. Comme le ministre l'a si bien reconnu, cet exercice n'a aucune valeur scientifique. Qui nous dit que des associations ou des regroupements n'ont pas tenté et réussi à noyer le site? Et pourquoi ne pas publier les commentaires? Pourquoi ne pas publier les avis juridiques de son ministère? Le même ministre est responsable de l'accès à l'information. Il se dit un avocat convaincu du gouvernement ouvert. Comme l'a souligné Josée Legault hier, je cite : «Nous vivons [...] dans une culture mondiale de communication où les commentaires sont légions sur les sites des médias, écrits, électroniques et sociaux. Et le gouvernement refuse de dévoiler les siens pour des présumées raisons de "confidentialité"?»

Soyons sérieux. Ne tombons pas dans le piège, ne nous laissons pas berner. Ne laissons pas stigmatiser un groupe de notre société. Canalisons nos énergies pour nous assurer d'un véritable débat politique et démocratique fait dans le respect, dans le respect de nos droits qui sont garantis par la Charte des droits et libertés de la personne, dans le respect de nos valeurs, dans le respect de la liberté de conscience et de religion, dans le respect de l'égalité hommes-femmes, dans le respect de la neutralité de l'État, dans le respect de nos institutions et surtout dans le respect des uns et des autres. C'est ça que les Québécois méritent. Le gouvernement péquiste doit s'engager formellement et sans retenue à respecter, dans son projet de loi sur une éventuelle charte des valeurs québécoises, les droits et libertés de toutes les Québécoises et de tous les Québécois garantis par la charte québécoise des droits et libertés de la personne adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1975. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, Mme la députée de Bourassa-Sauvé. M. le ministre de la Sécurité publique, il reste 22 min 53 s à votre formation politique. Je vous cède la parole.

M. Stéphane Bergeron

M. Bergeron : Merci, M. le Président. Alors qu'elle était chef de l'opposition officielle, l'actuelle première ministre avait déposé un projet de loi sur la citoyenneté. Pendant la dernière campagne électorale, elle avait pris l'engagement d'affirmer les valeurs québécoises. Elle a réitéré son intention d'aller de l'avant sur cette voie lors de la présentation du Conseil des ministres et lors de son discours inaugural. Il ne s'agit donc pas, comme le prétendent certains, d'une astuce électoraliste soudainement sortie d'un chapeau, à la veille d'un hypothétique appel aux urnes, mais le fruit d'une longue réflexion, notamment suscitée par quelques rares mais spectaculaires demandes d'accommodements religieux qui, en l'absence de balises claires, ont souvent donné lieu à des compromis déraisonnables et provoqué un fort ressentiment au sein de la population.

Le gouvernement a donc donné suite aux engagements de la première ministre en dévoilant les grandes orientations de la charte des valeurs québécoises qu'il entend faire adopter. Il est plus que temps, en effet, de mettre un terme à cette déplorable indécision qui ouvrait la porte à l'arbitraire et à des pratiques hétéroclites minant le désir du vivre-ensemble. Et qui dit vivre-ensemble, M. le Président, pense immédiatement à une combinaison de référents, de pratiques, de valeurs qui nous lient les unes aux autres, les uns aux autres, dans une même société. D'aucuns appelleraient cela nos us et coutumes, tandis que d'autres feraient plutôt référence à ce qui fait en sorte que des gens de tous les horizons trouvent notre société particulièrement attrayante et choisissent de venir partager et enrichir notre aventure commune en cette terre d'Amérique.

Nous avons retenu, M. le Président, le concept de valeurs québécoises pour traduire cet ensemble d'éléments aux contours parfois imprécis qui nous distingue comme peuple. La députée de Notre-Dame-de-Grâce, alors qu'elle était ministre de la Justice, comme le rappelait mon collègue, parlait, elle, de cohésion sociale. Il est vrai, M. le Président, que certaines de ces valeurs sont universelles, alors que d'autres sont partagées par nombre de sociétés à travers la planète. Mais c'est, outre un certain nombre de traits culturels et historiques, un amalgame particulier de valeurs qui nous distingue des autres peuples et sociétés. Nous ne prétendons être ni meilleurs ni pires que n'importe quel autre peuple. Nous sommes simplement différents, semblables, voire identiques à certains égards, mais fondamentalement différents sous d'autres angles. Et c'est cet ensemble de valeurs communes qui constitue une richesse inestimable, que nous voulons préserver, mettre en évidence et codifier dans cette charte des valeurs québécoises.

Parlant de charte, M. le Président, la charte québécoise des droits et libertés de la personne serait amendée de telle sorte de définir les grands principes permettant de baliser les demandes d'accommodement afin d'éviter certains des dérapages auxquels nous avons assisté ces dernières années. Le principe touchant l'égalité entre les hommes et les femmes ainsi que la séparation des religions et de l'État, la neutralité religieuse de l'État et le caractère laïque de ces institutions, en tenant compte de notre patrimoine historique commun, seraient également réaffirmés dans la charte québécoise des droits et libertés. Mais, au-delà de ces grands principes devant baliser les accommodements religieux dans la société québécoise, une politique de mise en œuvre de la neutralité religieuse de l'État et de l'encadrement des accommodements religieux pour les ministères et organismes du gouvernement serait mise de l'avant et s'incarnerait notamment dans des directives claires, auxquelles tous les employés de la fonction publique devraient se conformer.

Ainsi, les employés de l'État devraient dorénavant s'imposer un devoir de réserve et de neutralité religieuse dans l'exercice de leurs fonctions. Le port de signes religieux ostentatoires pour le personnel de l'État durant les heures de travail serait donc prohibé. Par contre, une petite croix, pour répondre au député de LaFontaine, une étoile de David ou une main de fatma ne poseraient absolument aucun problème. Un employé de l'État, dans l'exercice de ses fonctions, ne pourrait pas, par exemple, porter un chandail arborant l'inscription «J'aime Jésus». Cela dit, un citoyen pourra, en tout temps, dans l'espace public, porter un tel chandail, y compris lorsqu'il sollicitera des services de l'État. Par contre, il serait dorénavant interdit à quiconque de recevoir des services de l'État si ce n'est à visage découvert.

• (16 h 20) •

Depuis toujours, le Québec s'est employé à aménager un judicieux équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs. Notre gouvernement s'inscrit donc dans cette tradition séculaire, avec des propositions que nous estimons raisonnables, avec des règles plus claires balisant le vouloir vivre ensemble. Pour nous, il était clair qu'un tel processus ne pouvait aller de l'avant sans la participation active de la population, et celle-ci a été au rendez-vous, puisque des dizaines de milliers de citoyennes et de citoyens ont pris part à la consultation et nous ont transmis leurs nombreux et pertinents commentaires.

Ce que je craignais le plus, M. le Président, au départ, c'est qu'on veuille empêcher le débat sur cette question fondamentale. Je comprends qu'il puisse être angoissant pour certaines personnes de constater que le peuple québécois entreprend une introspection en profondeur pour tenter de cerner son identité et de prendre un certain nombre de décisions quant à son devenir collectif. Fort heureusement, malgré les efforts répétés de ces éteignoirs, le débat aura eu lieu et se sera somme toute déroulé de façon relativement sereine et constructive. Qui plus est, M. le Président, le débat n'est pas terminé. Aussi le gouvernement tiendra-t-il compte des points de vue exprimés jusqu'à présent pour présenter prochainement un texte législatif qu'il entend faire adopter.

Une citoyenne de ma circonscription me disait, récemment : Quand je reçois des gens à la maison et que je leur dis de faire comme chez eux, je m'attends quand même à ce qu'ils fassent un peu comme chez nous. Par exemple, puisque nous ne mettons jamais les pieds sur les meubles à la maison, je n'accepterais pas que quiconque puisse le faire chez nous. Fin de la citation. Par respect pour les gens qui les accueillent et dans le but d'entretenir cet esprit d'ouverture et de bonne entente ayant conduit leurs hôtes à leur ouvrir leur porte, les invités se garderont probablement de mettre les pieds sur les meubles de la maison dans laquelle ils ont pris place, M. le Président. Au fond, n'est-ce pas simplement de cela dont il est question présentement?

M. le Président, lorsque je reprends le texte de la motion qui nous est présentée par le député de LaFontaine et que je vois qu'il est question que «l'Assemblée nationale réitère sa pleine confiance envers l'organisme indépendant du gouvernement qu'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse», je me dis que nous aurions pu présenter exactement la même motion il n'y a pas si longtemps, M. le Président, que ce soit sur le projet de loi n° 78 ou sur le projet de loi n° 94, puisqu'à ce moment-là la commission s'était très clairement exprimée contre ces deux pièces législatives, ce qui n'a pas semblé émouvoir outre mesure le gouvernement libéral de l'époque. Alors, de les voir aujourd'hui se draper dans le voile de la vertu, hein, M. le Président, se draper dans le voile de la vertu en invoquant un avis de la Commission des droits de la personne, je dois dire que c'est pour le moins ironique aujourd'hui.

Bien sûr, M. le Président, nous tiendrons compte de l'avis de la Commission des droits de la personne, avis qui peut cependant apparaître, à ce stade-ci, un peu prématuré dans la mesure où aucun texte de loi n'a encore été déposé. Il faut aussi préciser que cet avis ne fait pas foi de tout. D'autres avis tout aussi pertinents doivent être pris en compte, et je pense tout particulièrement, M. le Président, à l'avis du Conseil du statut de la femme, qui avait, je dirais… qui avançait une position claire, précise et très pertinente, très pertinente sur cette question.

Il faut par ailleurs noter, M. le Président, que l'avis de la commission s'appuie sur le libellé actuel de notre Charte des droits et libertés. Au fond, ce qu'il faut conclure, M. le Président, c'est qu'il y a des visions différentes qui s'affrontent, mais, du choc des idées dans une société démocratique, M. le Président, jaillit la lumière.

Alors, je veux revenir, si vous me le permettez, M., le Président, sur le fait que les libéraux ne semblaient pas s'émouvoir outre mesure il n'y a pas si longtemps encore de l'opposition, je dirais, vive de la Commission des droits de la personne sur un certain nombre de leurs pièces législatives. Alors, par exemple, la commission s'était opposée vertement à la loi n° 78, à l'inique loi n° 78, qui, clairement dans ce cas-là, suspendait des droits et libertés individuelles des citoyennes et citoyens, puis ça n'avait pas l'air d'émouvoir personne de l'autre coté de la Chambre, M. le Président, d'abord, de suspendre des droits et libertés et, ensuite, de voir l'avis pourfendre ce projet de loi.

La commission disait que l'article 13 est contraire à la charte «parce qu'il porte atteinte aux libertés d'expression, de réunion pacifique et d'association. Formulé en termes larges et imprécis, il interdit des gestes et des activités protégés par les garanties relatives aux libertés fondamentales.

«L'article 14 [...] porte atteinte à la liberté de réunion pacifique et, de ce fait, aux libertés d'expression et d'association en interdisant tout rassemblement à l'intérieur d'un édifice où sont dispensés des services d'enseignement, sur le terrain ou dans un rayon de 50 mètres des limites externes de celui-ci.

«Les articles 12 et 14 [...] portent atteinte à liberté de conscience — la liberté de conscience, M. le Président — des personnes visées en les obligeant à passer outre à leur sentiment de solidarité et à leur conviction.

«L'article 15 [...] porte atteinte à la liberté d'association en imposant aux associations visées un principe distinct de responsabilité, comprenant une obligation de moyen eu égard à un contrôle qu'elles n'ont pas, ni en fait ni en droit, sur leurs membres.

«Les articles 16 et 17 [...] portent atteinte aux libertés d'expression et de réunion pacifique en instaurant un régime de déclaration préalable pour toute manifestation de 50 personnes ou plus.

«Les articles 18 à 31 [...] portent atteinte aux libertés d'expression, de réunion pacifique et d'association en raison notamment de la sévérité des sanctions et du doute qu'ils soulèvent quant à ce qui est permis ou non.»

M. le Président, où était la députée de Bourassa-Sauvé à ce moment-là, elle qui invoque le respect des droits de la personne? Elle qui invoque le respect de l'avis de la Commission des droits de la personne, où était-elle à l'époque où le gouvernement violait impunément les droits de la personne, les droits et libertés de la personne au Québec, où le gouvernement libéral passait outre à un avis formel de la Commission des droits de la personne? Elle était où, la députée de Bourassa-Sauvé, à ce moment-là? La question se pose, M. le Président. Or, de les entendre, aujourd'hui, comme je le disais, se voiler dans la vertu du droit et de l'avis de la Commission des droits de la personne, c'est pour le moins ironique.

Même chose, M. le Président : la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse s'opposait vivement aux articles du projet de loi n° 94 — écoutez bien, M. le Président — qui obligeaient le fait de recevoir des services publics à visage découvert. Il y a quelques instants, notre collègue nous disait : On va marginaliser encore davantage des femmes d'une foi différente, mais ça ne semblait pas l'émouvoir, l'année dernière non plus, quand le gouvernement libéral proposait exactement la même chose dans le projet de loi n° 94 et que l'avis se prononçait contre cette disposition du projet de loi n° 94. Alors, M. le Président, je dois dire que je trouve pour le moins particulier ces prises de position aujourd'hui, là, très vertueuses, de la part des libéraux, qui semblaient, il n'y a pas si longtemps, passer outre tous ces avis de la Commission des droits de la personne et qui semblaient peu se préoccuper de la Charte des droits et libertés à ce moment-là.

M. le Président, on avait le même genre de discours alarmiste, de la part des libéraux, lorsque fut adoptée la loi 101. Ce n'est pas mêlant, M. le Président : si René Lévesque et Camille Laurin avaient écouté les arguments du Parti libéral, jamais la loi 101 n'aurait été adoptée. Or, même Stéphane Dion… Il faut le faire, M. le Président : même Stéphane Dion a affirmé que la Charte de la langue française était une grande loi canadienne.

Alors, aujourd'hui, on reconnaît les vertus de la loi 101, de la Charte de la langue française, du côté fédéraliste, du côté libéral, tant fédéral que québécois, mais, à l'époque, on pourfendait cette loi. J'en veux pour preuve, M. le Président, un certain nombre d'articles, notamment un paru dans Le Devoir : Les libéraux appréhendent les effets économiques d'un «nationalisme étriqué», M. le Président. Dans le Montréal-Matin, Pierre Desmarais en rajoutait en disant que «la Charte de la langue augmentera le chômage», et je le cite : «Dans cinq ans, a prédit M. Desmarais[…], il n'y aura plus d'école anglaise au Québec.» C'était ce qu'on affirmait en 1977. «La Charte de la langue fera fuir les Québécois», disait, dans LeDroit, le député du comté de Gatineau, M. Michel Gratton. Imaginez-vous, M. le Président, on affirmait même que la Ligue nationale pourrait déménager du Québec si la loi 101 était adoptée. Le projet de loi… «le Parti libéral — dis-je — dénonce l'esprit de vengeance de la charte», M. le Président. «Le chef libéral condamne le séparatisme du projet de loi 101.» «Une loi "séparatiste" qui fera du Québec un ghetto», disait Gérard D. Lévesque. M. lePrésident, ce n'est pas peu dire. Daniel Johnson, le nouveau conseiller du chef fantôme du Parti libéral du Québec, disait : «La Charte de la langue française, la loi la plus mesquine — la plus mesquine — que j'ai jamais vue.» Alors, M. le Président, maintenant, notre ami Stéphane Dion déclare qu'il s'agit d'une grande loi canadienne, et tout le monde reconnaît des vertus à la loi 101.

Alors, mon collègue de Marie-Victorin, le ministre responsable des Institutions démocratiques, nous disait, il y a quelques instants : Les libéraux, à un moment donné, ils vont se réveiller puis ils vont finir par comprendre, comme ils l'ont fait pour la loi 101, que la charte des valeurs québécoise sera une grande loi pour le Québec et pour la population québécoise, M. le Président. Mais le décalage risque d'être grand, M. le Président, puisque c'est le débat qui anime la société québécoise sur tout le territoire depuis des semaines, et ça leur aura pris, M. le Président, plusieurs semaines avant qu'ils daignent poser une première question en cette Chambre et, aujourd'hui, nous présenter une motion.

M. le Président, cette charte n'a rien de bien exceptionnel. Plusieurs États comme la France, la Belgique, la Suisse, l'Allemagne ont fait le choix de la neutralité religieuse de l'État. Et même certains États dont la population est à majorité musulmane ont fait ce choix : je pense à la Tunisie ou la Turquie. Alors, M. le Président, le Québec ne sera pas au banc des accusés de la communauté internationale advenant le cas où il adopte cette loi, bien au contraire.

• (16 h 30) •

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Merci, M. le ministre de la Sécurité publique. Alors, oui, je... M. le député de Chauveau, en vous rappelant que, pour votre formation politique, il reste 8 min 43 s. Merci.

M. Gérard Deltell

M. Deltell : Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, oui, je vais prendre la parole, au nom de ma formation politique, sur ce débat, suivant ma collègue de Montarville, qui porte avec brio notre position et la position de notre parti depuis déjà plusieurs mois et qui, sur toutes les tribunes, propose cette solution de compromis honorable, cette sortie de secours non pas pour le gouvernement, mais pour tout le Québec.

Parce que, M. le Président, il faut le reconnaître, ce qu'on vit au Québec depuis deux mois, c'est malheureux et c'est triste, et, je le dis comme je le pense, M. le Président, je n'aime pas le Québec que je vois actuellement. Ça me fait de la peine, ça me fait mal au coeur. Quand j'entends des propos qui sont sur le bord de la xénophobie, qui sont sur le bord du racisme, je n'aime pas ça; et je l'entends chez moi, je l'entends dans mon comté, je l'entends partout au Québec, et ça me crève le coeur quand j'entends ça.

On se souvient tous, il y a un mois et demi à peu près, on a appris par les nouvelles un triste événement alors qu'un jeune garçon de 13 ans qui était accompagné de sa mère qui portait le voile s'est fait insulter par deux femmes qui, doit-on comprendre, étaient d'origine canadienne-française, et le petit garçon s'est fait cracher au visage. Ce n'est pas le Québec que j'aime, ça, M. le Président, puis ce n'est pas le Québec auquel je crois.

Et on entend régulièrement des propos qui font une distinction entre les Québécois. Je pense, M. le Président, que notre devoir à tous, comme élus, c'est de rassembler les Québécois et de ne surtout pas les diviser. Nous reconnaissons qu'en effet le débat sur les accommodements raisonnables doit être fait et doit être réglé. Nous estimons que notre proposition, qui repose sur le compromis, qui repose sur le consensus de Bouchard-Taylor, doit être prise en considération par le gouvernement pour qu'enfin on puisse s'entendre. Tous les observateurs politiques, M. le Président, ont remarqué la main tendue par notre chef. Tout d'abord, dès la reprise des travaux parlementaires, notre première question portait là-dessus. On ouvrait la porte ou la discussion avec le gouvernement pour qu'on puisse s'entendre sur une situation de… sur un projet de compromis. Immédiatement, le gouvernement a fermé la porte. Hier, M. le Président, et encore aujourd'hui, notre chef a tendu la main au gouvernement pour qu'on sorte le Québec de cette crise, et malheureusement, encore une fois, tant hier que ce matin, la première ministre a claqué la porte en disant : Non, c'est notre façon de faire; même si depuis deux mois on attend encore le dépôt de cette charte dite des valeurs québécoises.

Permettez-moi de faire une parenthèse, M. le Président. Je trouve ça malheureux que le gouvernement ait encore une fois accolé l'adjectif «québécois» à un de ses projets, parce que, si on n'est pas d'accord avec des idées qui sont contenues dans cette charte-là, qui va être, un de ces quatre, déposée, je présume, est-ce qu'on est moins québécois que les autres? Est-ce qu'on n'est pas assez québécois parce qu'on n'est pas d'accord avec ce qui est à l'intérieur? Ce qualificatif-là appartient à tous les Québécois, et surtout pas à un projet identifié au gouvernement actuel. Le Québec mérite beaucoup mieux.

            Si on avait parlé de charte des valeurs, on aurait pu s'entendre, on aurait pu discuter. Mais parler de charte des valeurs québécoises... de charte de la laïcité plutôt, c'eût été parfait, parce qu'on parlait justement de la laïcité. Mais de parler de charte des valeurs québécoises, ça veut-u dire qu'ailleurs ils n'ont pas les mêmes valeurs que nous autres, que nous, on est plus fins que les autres? Parlons plutôt de charte de valeurs universelles à ce moment-là, M. le Président. Alors, je trouve ça dommage — et je vais fermer la parenthèse là-dessus — que le gouvernement ait voulu envoyer un pot de peinture immédiatement dans ce débat-là en disant : Vous n'êtes pas d'accord avec nous autres? Vous n'êtes pas vraiment des Québécois. Et je trouve ça dommage. Ça, c'est «divisif».

Alors, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Un instant. Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Traversy : M. le Président, depuis le début de la discussion de cette motion du mercredi, on a gardé un ton serein puis on n'a pas imputé des motifs indignes à personne en cette Chambre. Je demanderais au député de Chauveau, qui est leader du deuxième groupe d'opposition, de faire attention aux propos qu'il porte au gouvernement, surtout sur un sujet aussi délicat.

Le Vice-Président (M. Cousineau) : D'accord. Alors, M. le député de Chauveau, faites attention. Vous pouvez poursuivre.

M. Deltell : Merci, M. le Président. C'est en effet indigne, ce qui se passe actuellement au Québec.

Je tiens quand même à rappeler que la proposition que nous, nous recommandons, qui est celle qui repose sur le consensus de Bouchard-Taylor, doit être soutenue par le gouvernement. Ce n'est peut-être pas ce qu'il souhaite, mais c'est un premier pas en avant qui doit être étudié. Pourquoi? Parce que Bouchard-Taylor, ce sont des gens sérieux. C'est des gens qui ont travaillé pendant presque deux ans puis qui ont entendu des milliers de Québécois, parfois dans des situations un peu burlesques, on le reconnaît tous, mais quand même la population a pu s'exprimer, à tort ou à raison. On entendait des opinions divergentes, mais ça va de soi. C'est ça, un débat politique. Le travail sérieux, rigoureux, à la limite intellectuel, a déjà été fait par des gens de qualité, soit M. Bouchard et M. Taylor. Ils en sont venus à quoi? Ils en sont venus à la conclusion que les personnes en autorité, comme par exemple les juges, les gardiens de prison, et tout ça, ne devaient pas porter de signes ostentatoires, de signes distinctifs religieux. Bien, ça nous apparaît un consensus, ça nous apparaît une solution qui est une porte de sortie intéressante pour l'ensemble des Québécois. Alors, on invite le gouvernement à épouser notre position. Ça ne va pas aussi loin qu'il propose, absolument raison, mais c'est un premier pas.

Et, s'ils sont... Il faudrait que je fasse attention, là, mais, s'ils sont sincères dans leur démarche de vouloir justement faire avancer le Québec, bien, ça ne serait peut-être pas un très grand pas qu'eux souhaitent faire, à leur vision à eux, mais ça serait à tout le moins un pas en avant et qui pourrait, à ce moment-là, advenant une élection immédiate... d'ici quelques semaines, d'ici quelques mois, dire : Bien, regardez, comme on est de bonne foi, on prend le consensus de la coalition, mais, si vous voulez vraiment aller plus loin, votez pour nous autres à la prochaine élection. Ça, je vous le dis, là, je vous offre une avenue politique de sortie qui serait honorable pour vous.

Je souhaite, M. le Président, que le gouvernement écoute notre proposition puis il se dise : Bien, regardez, ce n'est pas tout à fait ce qu'on souhaitait, mais, à tout le moins, comme on est de bonne foi, on veut avancer là-dedans, donc on fait ce pas-là. Mais non, M. le Président, à deux reprises, la première ministre, hier et ce matin, bang! claque la porte à la main tendue par notre chef. Et c'est dommage.

Je tiens à dire, aussi, M. le Président, que, la consultation telle qu'elle a été faite, il faut quand même donner une mesure à ça. Et je suis tout à fait d'accord à ce qu'on ouvre les sites Internet, à ce qu'on ouvre les courriels puis qu'on accueille tous les commentaires de l'un et de l'autre, c'est tout à fait correct.Mais on peut difficilement faire une analyse scientifique de ça, parce qu'il y a bien des gens qui avaient une opinion bien connue, bien tranchée, mais qui n'ont pas pris soin d'appeler ou d'écrire. Alors, quand on dit... J'entendais hier le ministre dire : 67 % des gens pensent telle chose, 22 % des gens pensent telle chose, il y a tant... Un instant, là. Il n'y a strictement rien de scientifique là-dedans, là. C'est des données qui sont... par des gens qui ont pris la peine de faire ça.

Et qui sont ces gens, M. le Président? Encore ce matin, j'entendais mon ami, ancien collègue, ministreresponsable de ce projet de loi dire à la radio : J'invite les gens de Québec à appeler les députés de la CAQ pour leur dire ce qu'ils pensent. Ce n'est pas la première fois qu'il dit ça, ce n'est pas la première fois qu'il dit ça. Bien, moi, je suis à l'écoute de mes citoyens. Moi, encore samedi, j'avais six activités en ligne dans mon comté, j'ai rencontré des centaines de personnes. Je suis à l'écoute de mes citoyens. Je n'ai pas reçu beaucoup d'appels. En fait, dans mon bureau de comté, je n'ai reçu aucun appel. Des courriels, oui, j'en ai reçu, mais des courriels de citoyens, je n'en ai peut-être même pas reçu sept, huit; et j'ai répondu personnellement à ces gens-là. J'ai reçu aussi des courriels qui étaient envoyés à tous les 125 députés. C'est correct, c'est beau, mais ce n'est pas un citoyen qui prend la peine de m'écrire personnellement son point de vue.

Et, M. le Président, je tiens à rappeler l'incident qui est survenu avec la députée de Montarville — j'en ai fait état d'ailleurs, hier, dans une entrevue très suivie, si je me fie à tous les échos qu'on a pu avoir aujourd'hui — où la députée de Montarville a reçu un appel, dans son bureau de comté, d'une citoyenne qui n'était pas contente puis qui disait : Vous devriez être d'accord avec le gouvernement du Parti québécois. Et voilà que, grâce à la technologie moderne, la députée de Montarville demande : Vous êtes d'où, madame? Ah! je n'ai pas d'affaire à m'identifier. C'est correct. Mais, M. le Président, avec le téléphone, l'afficheur, c'était marqué quoi? Assemblée nationale. Ah! Regarde donc ça, toi! L'Assemblée nationale, c'est dans le comté de Taschereau, ce n'est pas dans le comté de Montarville. Alors, est-ce qu'on peut présumer que c'est quelqu'un qui fait partie du Parti québécois qui aurait appelé? Je ne le sais pas, M. le Président, mais ce que je sais, c'est que ce n'était pas une citoyenne du comté de Montarville.

En terminant, M. le Président, à nouveau, si on veut sortir le Québec de cette crise qui, malheureusement, fait plus de victimes qu'on ne l'aurait craint, acceptez le compromis que nous proposons, qui repose sur Bouchard-Taylor, et enfin on va pouvoir passer rapidement à d'autres choses et aux vraies préoccupations des Québécois. Merci, M. le Président.

• (16 h 40) •

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, M. le député de Chauveau. Alors, je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion, en vous rappelant qu'il reste 1 min 7 s à votre formation politique. Vous pourrez faire, donc, une conclusion pour votre formation politique.

M. Gerry Sklavounos

M. Sklavounos : Alors, M. le Président, merci. Alors, sur cette motion-là, je vais simplement réitérer le fait que nous avons été la formation qui a proposé cette motion-là.Qui demande quoi? Qui demande qu'on réitère notre pleine confiance à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, une institution importante, une institution-phare pour la population, pour le respect des droits, et que...

Au centre, si on regarde ce débat-là, qu'est-ce qui est important? Le compromis, le compromis. Le point essentiel dans tout ce débat, c'est le respect des droits et libertés des Québécoises et des Québécois. Et je suis très fier parce que, là, j'ai cru comprendre qu'il allait y en avoir, des formations qui allaient voter contre cette motion. En tout cas, c'est ce qui circulait. Moi, je suis très fier de faire partie de la formation qui a proposé cette motion-là, qu'au centre de ce débat on met les citoyens, on met les droits et libertés. Si on veut parler d'un document fondamental, fondateur, c'est bien la charte québécoise des droits et libertés, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1975. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Merci, M. le député de Laurier-Dorion. S'il vous plaît! Je passe maintenant la parole au député de Berthier,en vous rappelant que, pour votre formation politique, M. le député, il vous reste 8 min 11 s. À vous la parole.

M. André Villeneuve

M. Villeneuve : Merci, M. le Président, et bonjour. Bonjour à toutes et à tous. Très heureux d'être avec vous cet après-midi. Je vais tenter de ne pas prêter d'intention à qui que ce soit, M. le Président, mais évidemment vous me permettrez de dénoncer des intentions qui par moments nous sont prêtées par certains parlementaires.

400 ans d'histoire, M. le Président, 400 ans d'histoire, une des plus vieilles démocraties au monde, sinon la plus vieille démocratie au monde, le Québec fait figure, M. le Président, de leader en termes de droits, et de droits de toutes sortes, évidemment de droits démocratiques puis, bien sûr, de droits en général.

J'ai été assez surpris, je vous dirais, lorsque j'ai pris connaissance de la motion déposée par le député de LaFontaine. Surpris.Et le ministre des Institutions démocratiques, le député de Marie-Victorin, l'a soulevé tantôt, je vais quand même le soulever, tout de même, à mon tour, M. le Président, c'est que la motion déposée est en deuxvolets. Premier volet, on nous demande de réitérer la pleine confiance envers l'organisme indépendant du gouvernement qu'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. M. le Président, moi, je ne réitère pas seulement ma confiance envers la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, je réitère ma pleine confiance en toutes les institutions du Québec, M. le Président. D'ailleurs, lorsqu'on regarde les différentes actions qui ont été posées par l'ancien gouvernement libéral, dont j'ai fait état ici, en cette Chambre, où est-ce qu'il y avait eu plusieurs attaques contre les institutions qui sont les nôtres, on aurait très bien pu élargir le premier paragraphe et ajouter l'ensemble des institutions qui sont les nôtres, M. le Président.

D'ailleurs, je vais vous lire un petit texte. L'ONU, M. le Président, rien d'autre, rien d'autre, l'ONU, l'Organisation des Nations unies, «s'apprête à condamner la loi 78, adoptée par l'Assemblée nationale du Québec le 18 mai dernier.

«Navanethem Pillay, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, ne ménage pas ses mots pour exprimer son mécontentement face à la loi adoptée le mois dernier, par bâillon, sous le gouvernement du premier ministre Charest.

«Dans une copie du discours qu'elle prononcera […] — donc — Mme Pillay se dit "alarmée par les mesures prises pour limiter la liberté d'association et de réunion [au] Québec, au Canada, dans un contexte de grève [étudiante].

«[...]Le Canada est mis à pied d'égalité avec des pays tels que la Russie, l'Hongrie et l'Ukraine dans leur irrespect des libertés d'expression et d'assemblée.»

«Ce n'est pas la première fois que le Canada se trouve dans la mire de l'ONU concernant la loi 78. Dans un communiqué transmis le 30 mai, Maina Kiai, rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques, affirmait que de telles lois "restreignent le droit à la liberté d'associations pacifiques, un droit reconnu et ratifié par le Canada". Le lendemain, la ministre des Relations internationales du Québec, Monique Gagnon-Tremblay, semblait vouloir relativiser la situation. "Au lieu de regarder le Québec, l'ONU pourrait peut-être regarder les crises majeures qui se passent actuellement [dans le monde]."» Comme si le Québec ne faisait pas partie du monde. M. le Président, c'est quand même assez révélateur.

La Commission des droits de la personne condamne la loi n° 78 et la Commission des droits de la personne émet aussi un avis concernant la loi n° 94. Et, quand je lisais la motion, au premier paragraphe, que l'opposition, la première opposition nous demande de réitérer, M. le Président, notre confiance en nos institutions, il n'y a pas d'autre terme qu'«ironique». C'est très ironique d'entendre cela de la part de l'opposition, la première opposition nous demander de réitérer une pleine confiance… Nous avons et nous donnons toujours notre pleine confiance à nos institutions, M. le Président.

Par ailleurs, et, encore là, mon collègue de Marie-Victorin l'a signifié… Et là je ne prêterai pas d'intention aux collègues de l'Assemblée nationale, mais je vais quand même… on a cru déceler, effectivement, qu'on voulait nous prêter des intentions en disant que finalement l'Assemblée nationale exige que le gouvernement péquiste s'engage formellement à respecter… Comme si on n'allait pas le faire, M. le Président, comme si on n'allait pas respecter, finalement, les droits inscrits dans la charte des valeurs québécoises, droits et libertés pour tous les Québécois.

Et je vous dirais que je suis tout à fait d'accord avec, encore une fois, le ministre des Institutions démocratiques, à savoir que la charte des valeurs québécoises va renforcer les droits individuels. C'est tout à fait clair, pour ma part, qu'il y aura là un renforcement des droits individuels.

M. le Président, l'idée, finalement, derrière cela, c'est de créer un espace public au Québec, un espace public où l'État sera neutre, et, ce faisant, on... Et c'est toujours une question d'équilibre, vous serez d'accord avec moi, c'est toujours une question d'équilibre. Il y a un équilibre à faire entre les droits individuels et il y a un équilibre à faire avec les droits collectifs. Et, en créant cet espace où les gens pourront se reconnaître et tous les Québécois pourront se reconnaître, M. le Président, on vient, d'une certaine façon, renforcer les droits individuels des gens, parce que tout le monde va s'y reconnaître.

M. le Président, je vous lis… Tantôt, je vous disais qu'on avait 400 ans d'histoire extraordinaire au Québec. Je vais vous lire un extrait d'un document,La laïcité : un principe rassembleur — donc — Une charte de la laïcité serait une avancée historique pour le Québec. Et, vous allez voir, quand je parle de 400 ans d'histoire, on y fait référence de belle façon. «L'idée de la séparation de l'État et des Églises figurait déjà dans la Déclaration d'indépendance de 1838 proclamée par les Patriotes. Le principe a par la suite été défendu par l'Institut canadien avec les Papineau, Dessaulles, Doutre et Buies. Plus tard, le premier ministre Adélard Godbout et son ministre Télésphore-Damien Bouchard tiendront tête à l'Église catholique en accordant le droit de vote aux femmes et en adoptant une loi sur l'instruction publique obligatoire. En 1975, le Québec adopte la Charte des droits et libertés de la personne qui reconnaît la liberté de conscience et l'égalité des religions, deux notions essentiellement laïques. Plus récemment, la déconfessionnalisation des structures scolaires a été complétée grâce à la renonciation des catholiques et des protestants à leurs droits constitutionnels.

«La laïcité fait donc partie du paysage historique, voire du patrimoine historique québécois, et ces acquis caractérisent le Québec moderne. Il importe maintenant de compléter la dernière phase de ces avancées démocratiques.

«La neutralité de l'État s'exprime par la neutralité de l'image donnée par ses représentants et ses agents, qui doit être réelle et apparente.»

Alors, M. le Président, je pense que, s'il y a quelque chose qu'il faut reconnaître, c'est le courage, le courage qu'a eu le gouvernement de lancer, finalement, ces propositions-là pour en débattre. Et ceux qui nous disent que dérapage il y a présentement, ou crise il y a, je leur dis tout simplement : Le Québec a 400 ans d'histoire. Le Québec est mature, très mature pour avoir de tels débats. Et je pense que la situation, présentement… J'écoutais le député de Chauveau, tantôt, qui qualifiait la situation de crise, M. le Président. Je ne pense pas qu'il y ait présentement une crise au Québec par rapport à cette proposition-là que le gouvernement a déposée.

Alors, M. le Président, je réitère personnellement, je réitère personnellement mon très grand respect pour l'ensemble des institutions du Québec, M. le gouvernement. Je pense que nous sommes, en quelque part, à travers le monde, un endroit qui est, je vous dirais, là, très prisé et intéressant, parce que nous sommes une terre d'accueil, nous le sommes depuis toujours, et les gens viennent ici justement pour pouvoir être dans un État qui reconnaît… Oui, M. le Président. Alors, merci, M. le Président. Mon temps est terminé, c'est ce que je comprends. Merci.

• (16 h 50) •

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, M. le député de Berthier. Alors, je cède maintenant la parole au député de LaFontaine. M. le député, pour votre réplique de 10 minutes.

M. Marc Tanguay (réplique)

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Sur le 10 minutes, M. le Président, qu'il me reste sur la motion, j'aimerais utiliser les cinq premières minutes sur un argument extrêmement hasardeux qu'a utilisé non seulement le ministre responsable des Institutions démocratiques, mais également le ministre de la Sécurité publique en comparant, M. le Président, l'adoption de la Charte de la langue française et l'attitude qu'avait eue l'opposition libérale à l'époque à l'attitude qu'a aujourd'hui l'opposition responsable, officielle, libérale face au projet de loi… que dis-je projet de loi, face au document de consultation qui a été livré.

Rappelons-nous brièvement, et j'aurais besoin de plus de temps pour faire la démonstration, mais que la Charte de la langue française a suivi un processus où d'abord il y avait eu un livre blanc. Il y a eu, rappelons-le, la loi 1. Il y a eu, troisième étape, la loi 101. Et, quatrième étape, M. le Président, il y a eu un nécessaire rééquilibrage par nos tribunaux de cette loi 101, qui devait évidemment respecter les droits et libertés de chacun.

Aujourd'hui, notre opposition peut s'inscrire et se comparer à l'opposition responsable que nous avions dans le contexte du livre blanc, de la loi 1 et de la loi 101. J'en veux pour exemple, M. le Président, même des discussions internes. L'histoire, le temps, évidemment, faisait son œuvre;nous avons aujourd'hui accès à des documents qui, à l'époque, étaient confidentiels. Je fais une prédiction : Peut-être que, dans 25 ans d'ici, des gens iront revoir ce qui se dit présentement, aujourd'hui, et auront accès aux notes des conseils des ministres, du gouvernement du Parti québécois, tel qu'on en a maintenant accès, aujourd'hui, du conseil du Parti québécois, Conseil des ministres, à l'époque, de René Lévesque, Camille Laurin.Et, M. le Président, c'est extrêmement intéressant de voir le tiraillement interne qu'avait provoqué le libre blanc, clause Québec versus clause Canada. Lévesque n'en voulait pas, Lévesque disait : Vous allez trop loin. Il y a eu un tordage de bras à l'interne, et, en bout de piste, c'est la clause Canada, l'article 23 de la Charte canadienne, qui est venue faire ce rééquilibrage-là.

Prenons un deuxième exemple, M. le Président, l'exemple des lois du Québec qui avaient été déclaréesunilatéralement, dans le livre blanc, dans le projet de loi 1 puis dans le projet de loi n 101... On s'était opposés puis on s'opposerait encore aujourd'hui, parce que ça a été corrigé par les tribunaux par la suite. M. le Président, l'on prévoyait qu'uniquement le français non seulement dans les lois du Québec, mais dans les cours de justice, et zéro autre chose… langue que le français, allait prévaloir, et ça allait, et c'est ce que l'on disait, à l'encontre direct de l'article 133 de notre Constitution canadienne.

Et, à ce chapitre-là, M. le Président, il est important… Je vais d'abord y aller d'une première citation, Martine Tremblay, le titre : Derrière les portes closes — René Lévesque et l'exercice du pouvoir(1976-1985), 2006, Québec-Amérique. Elle inscrivait, à la page 188 : «Au bunker …» Et je la cite, page 188, notez ça, là, vous irez dire ça à notre ministre, là : «Au bunker, le chef de cabinet de l'époque, Louis Bernard, n'a pas non plus ménagé les efforts pour convaincre son patron. "René Lévesque — et là on cite Louis Bernard — pensait que l'équilibrage général de la loi n'était pas stable..."» Fin de la citation.

Je continue par rapport à cette imposition, puis le Dr Laurin, il tenait mordicus à ça, mais tout le monde à l'interne lui disait : Tu ne peux pas faire ça. Ils l'ont fait pareil, M. le Président, le livre blanc, la loi 1, la loi 101, puis ça a pris les tribunaux pour leur dire.Et aujourd'hui l'opposition responsable libérale de l'époque, nous la referions dans ce même contexte-là, comme nous en avons une devant eux, M. le Président, une opposition responsable. Et, si d'aventure ils s'amusent à aller jouer dans les droits et libertés, nous allons toujours être contre, et nous ne nous fierons malheureusement pas sur ces législateurs mais sur les tribunaux pour dire : Aïe! Wo! Écoutez la commission des droits, des libertés de la personne. Vous violez la liberté de religion. Et, en ce sens-là, M. le Président, nous aurons fait, comme à l'époque, une opposition responsable.

Je continue mon exemple, M. le Président, parce que, des citations, il y en a des beaucoup plus frappantes que ça. Donc, unilingue français pour toutes les cours de justice. Imaginez ça, M. le Président. Ça n'avait ni queue ni tête, et on le disait à l'interne. Deuxième source, deuxième source, Pierre Godin — prenez ça en note, là, vous irez lire ça, là, Pierre Godin — le titre : René Lévesque, l'espoir et le chagrin, tome III, pas le I, le II, tome III, 2001, Boréal. Allez à la page 177, M. le Président. Je le cite : «S'il n'en tenait qu'au ministre d'État Laurin, l'anglais serait banni de l'Assemblée nationale et des cours de justice. Tant pis pour l'article 133 de la Constitution canadienne qui impose le bilinguisme au Québec. Pour René Lévesque, c'est une provocation pure et simple, la politique du pire. […]Durant larédaction du livre blanc, Camille Laurin s'est entêté, malgré les avis des juristes du Conseil exécutif qui le mettaient en gardecontre le caractère inconstitutionnel de la mesure. Des années plus tard, il expliquera…» Et c'est là qu'il est important, M. le Président : «…des années plus tard, il expliquera qu'il pratiquait l'aveuglement volontaire à des fins politicopédagogiques.» Fin de la citation. Page 177, M. le Président.

Je poursuis la citation, toujours du même ouvrage de Godin, pages 184 et 185 : «[René Lévesque] a beau prévenir Camille Laurin que la Cour suprême cassera sa loi s'il touche à l'article 133 de la Constitution, le ministre [s'y] oppose...»

Pages 286, 287, on arrive à la conclusion de cet épisode : «…le gouvernement québécois s'est entêté à rayer l'anglais des tribunaux et du Parlement, faisant fi de l'article 133 de la Constitution canadienne qui impose les deux langues à Québec et à Ottawa. Le juge Deschênes ne pouvait que conclure à la "nullité totale" du chapitre consacré à la langue de la législation et de la justice. […]La politique du pire adoptée par le Dr Laurin, pour faire œuvre pédagogique et faire avancer l'idéologie du PQ, assurait-il, trouve ici son Waterloo.»

Voilà, M. le Président. Et il y aurait… On devrait faire un débat là-dessus, la comparaison de l'opposition responsable libérale dans le contexte, à l'époque, d'un livre blanc, d'une loi 1. Qu'est-ce qu'il y avait dans le livre blanc par rapport à la loi 1? Il y avait une évolution. De la loi 1 par rapport à la loi 101? Il y avait, là aussi, à cette troisième étape là, une évolution. De la loi 101 au rééquilibrage par rapport à quoi? Par rapport aux droits et libertés fondamentales de toutes les Québécoises et Québécois, M. le Président. Qu'est-ce qu'on vient de lire ici, dans des volumes intitulés Les portes closes et René Lévesque, l'espoir et le chagrin? On vient de lire ici, encore une fois : Durant la rédaction du livre blanc, Camille Laurin s'est entêté — est-ce qu'on a un deuxième Camille Laurin qui s'entête ici, M. le Président? Je pose la question — malgré les avis des juristes du Conseil exécutif qui le mettaient en garde contre le caractère inconstitutionnel de la mesure.Est-ce que nous avons un ministre qui s'entête malgré les avis juridiques? Où est le ministre de la Justice du Québec? Il n'y a personne. Il n'y a pas de service au numéro composé. On n'a pas accès, M. le Président, aux opinions juridiques. Et le ministre n'a pas nié qu'il en avait. Le ministre n'a pas divulgué aux Québécoises et Québécois leur contenu. Et le ministre aura à répondre devant non seulement les Québécoises et les Québécois, mais devant l'histoire, M. le Président, parce qu'elle finit toujours par sortir, l'histoire.

Donc, ce ministre est-il en train de jouer à la roulette russe pour un objectif électoraliste, sur les droits des Québécoises et des Québécois? Et ce ministre de la Justice, Procureur général du Québec, a-t-il un silence coupable dans ce contexte-là, M. le Président? L'opposition libérale de la loi 101, de la loi 1, du livre blanc était tout à fait responsable. Et c'est la même opposition libérale que nous avons devant ce gouvernement, M. le Président, qui, force est de constater, fait peu de cas de l'évolution nécessaire de la proposition, à la lumière non seulement des pétitions, mais de Québec inclusif — j'en ai cité un extrait — et de la Commission des droits de la personne. Est-ce qu'il y a, là aussi, l'occasion, M. le Président, pour nous de concevoir… Et je conclus la citation : «Des années plus tard, il expliquera qu'il pratiquait l'aveuglement volontaire à des fins politicopédagogiques.» Fin de la citation.

M. le Président, cette motion, j'en suis ravi, le gouvernement a finalement décidé, mais avec plusieurs réserves, hein, a finalement décidé de voter pour. Il ne pouvait pas voter contre. Il va voter pour, et nous prenons pour acquis que tous les députés, unanimement, de cette Assemblée nationale vont voter pour. Nous serons toujours cette opposition responsable, M. le Président, et nous ferons toujours en sorte de s'assurer que, dans tout acte de ce gouvernement, que ce soit un acte du gouvernement ou législatif, par les législateurs, on respecte les droits et libertés, encore une fois, de tous les Québécoises et Québécois.

Neutralité de l'État, nous en sommes, on règle ça demain matin. Balises, accommodements raisonnables, on règle ça demain matin. Visage découvert pour la réception et dispenser les services de l'État, on règle ça demain matin. Non au prosélytisme, on ne profitera pas de sa fonction au sein de l'État pour faire de nouveaux adeptes d'une religion; c'est ça, la neutralité. Mais le port, l'interdiction de port de signes religieux ostentatoires, pour qui, M. le Président? Pour600 000 Québécoises et Québécois, une atteinte directe. Où sont les opinions juridiques? On en a une là. Elle ne fait pas l'affaire du gouvernement. M. le Président, nous serons cette opposition responsable, comme nous l'avons toujours été historiquement, et nous invitons le gouvernement à se resaisir, à déposer un projet de loi qui fait consensus et qui aura évidemment l'assentiment de cette Assemblée nationale. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Alors, merci, M. le député de LaFontaine. Alors, je vais maintenant mettre aux voix la motion de M. le député de LaFontaine, qui se lit comme suit :

«Que l'Assemblée nationale réitère sa pleine confiance envers l'organisme indépendant du gouvernement qu'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse;

«Qu'elle exige que le gouvernement péquiste s'engage formellement à respecter, dans son projet de loi sur une charte des valeurs québécoises, les droits et libertés de toutes les Québécoises et Québécois tels que garantis par la charte québécoise des droits et libertés adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1975.»

Cette motion, est-elle adoptée?

Mme Thériault : M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Oui.

Mme Thériault : Je vais vous demander un vote par appel nominal, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Bien sûr, Mme la députée d'Anjou. Oui?

Une voix :

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Ah bon! D'accord. Je pensais que vous aviez… D'accord.

Alors, qu'on appelle les députés. Qu'on appelle les députés.

• (17 heures    17 h 8) •

Le Vice-Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Prenez place.

Mise aux voix

Alors, nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion de M. le député de LaFontaine, qui se lit comme suit :

«Que l'Assemblée nationale réitère sa pleine confiance envers l'organisme indépendant du gouvernement qu'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse;

«Qu'elle exige que le gouvernement péquiste s'engage formellement à respecter, dans son projet de loi sur une charte des valeurs québécoises, les droits et libertés de toutes les Québécoises et Québécois tels que garantis par la charte québécoise des droits et libertés adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1975.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

• (17 h 10) •

Le Secrétaire adjoint : M. Fournier (Saint-Laurent), M. Moreau (Châteauguay), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Arcand (Mont-Royal), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Sklavounos (Laurier-Dorion), Mme Charbonneau (Mille-Îles), Mme St-Amand (Trois-Rivières), M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Ouimet (Fabre), M. Tanguay (LaFontaine), Mme St-Pierre (Acadie), M. Ouellette (Chomedey), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Gaudreault (Hull), Mme Charlebois (Soulanges), Mme Blais (Saint-Henri—Sainte-Anne), Mme Vallée (Gatineau), M. Bolduc (Jean-Talon), Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel), M. Lessard (Lotbinière-Frontenac), Mme Ménard (Laporte), M. Carrière (Chapleau), M. Billette (Huntingdon), M. Morin (Côte-du-Sud), M. Diamond (Maskinongé), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Reid (Orford), M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Gautrin (Verdun), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vien (Bellechasse), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Iracà (Papineau), Mme de Santis (Bourassa-Sauvé), M. Bolduc (Mégantic), M. Rousselle (Vimont).

Mme Marois (Charlevoix-Côte-de-Beaupré), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Maltais (Taschereau), M. Duchesne (Borduas), Mme Malavoy (Taillon), M. Marceau (Rousseau), Mme Zakaïb (Richelieu), M. Hébert (Saint-François), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Turcotte (Saint-Jean), Mme Richard (Duplessis), M. Ferland (Ungava), M. Drainville (Marie-Victorin), Mme De Courcy (Crémazie), M. Bergeron (Verchères), M. Leclair (Beauharnois), Mme Champagne (Champlain), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gaudreault (Jonquière), M. Kotto (Bourget), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. St-Arnaud (Chambly), M. Dufour (René-Lévesque), M. Lisée (Rosemont), M. Blanchet (Johnson), Mme Hivon (Joliette), M. Breton (Sainte-Marie—Saint-Jacques), Mme Beaudoin (Mirabel), M. McKay (Repentigny), M. Bureau-Blouin (Laval-des-Rapides), M. Bérubé (Matane-Matapédia), M. Pagé (Labelle), M. Traversy (Terrebonne), Mme Larouche (Abitibi-Est), Mme Bouillé (Iberville), M. Pelletier (Rimouski), Mme Gadoury-Hamelin (Masson), M. Villeneuve (Berthier), M. Pelletier (Saint-Hyacinthe), M. Chapadeau (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Richard(Îles-de-la-Madeleine), M. Cardin (Sherbrooke), Mme Proulx (Sainte-Rose), M. Therrien (Sanguinet), M. Roy (Bonaventure), M. Claveau (Dubuc), M. Goyer (Deux-Montagnes), M. Richer (Argenteuil), M. Trudel (Saint-Maurice).

M. Legault (L'Assomption), M. Deltell (Chauveau), M. Bonnardel (Granby), Mme Roy (Montarville), M. Dubé (Lévis), M. Caire (La Peltrie), Mme St-Laurent (Montmorency), M. Le Bouyonnec (La Prairie), Mme Roy (Arthabaska), Mme Daneault (Groulx), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Trudel (Charlesbourg), M. Spénard (Beauce-Nord).

M. Ratthé (Blainville).

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever. Y a-t-il des abstentions? Mme la secrétaire générale.

La Secrétaire : Pour : 105

                      Contre :              0

                      Abstentions :     0

Le Vice-Président (M. Cousineau) : La motion est adoptée.

Des voix :

Le Vice-Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît! Oui, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Moreau : M. le Président, est-ce que nous pourrions nous assurer qu'une copie de cette motion soit transmise à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Bien sûr. Alors, c'est enregistré.

Alors, nous revenons aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Traversy : M. le Président, je demanderais quelques minutes de suspension.

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Oui. Si vous permettez, on va suspendre quelques secondes, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 13)

(Reprise à 17 h 15)

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Alors, nous reprenons nos travaux. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Traversy : Merci, M. le Président. Pour la poursuite de nos travaux jusqu'à 18 heures aujourd'hui, j'aimerais que vous puissiez appeler l'article 11 de notre feuilleton.

Projet de loi n° 52

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Bien sûr. À l'article 11 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat…

Des voix :

Le Vice-Président (M. Cousineau) : S'il vous plaît! Merci. L'Assemblée reprend le débat ajourné plus tôt aujourd'hui sur l'adoption du principe du projet de loi n° 52, Loi concernant les soins de fin de vie. Y a-t-il des interventions? Mme la députée de Hull, à vous la parole.

Mme Maryse Gaudreault

Mme Gaudreault : Merci beaucoup, M. le Président. Je vous avoue que c'est avec beaucoup d'humilité que je me présente devant vous aujourd'hui et c'est surtout habitée du devoir accompli. Aujourd'hui, nous allons parler du principe du projet de loi n° 52. La ministre de la Santé et des Services sociaux a parlé d'un heureux hasard hier, et là je vais vous faire la genèse de toute l'histoire de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité, qui a mené à ce que nous parlions, aujourd'hui encore, de ce projet de loi n° 52 sur les soins de fin de vie.

Vous savez, M. le Président, moi, je suis députée de Hull, mais, il y a 15 ans, dans mes passe-temps, j'étais bénévole à la maison de soins palliatifs, la Maison Mathieu Froment‑Savoie. Pour moi, c'était une façon de donner au suivant. À ce moment-là, j'étais une jeune mère de famille — je me considère encore jeune — et, pour moi, c'était un exutoire d'aller, à toutes les deux semaines, visiter des personnes qui étaient en fin de vie. C'est un passe-temps comme un autre, mais ça vous donne une idée du sentiment du devoir accompli, mais surtout de l'engagement que je voulais offrir à l'Assemblée nationale.

Quand notre collègue députée de Joliette et, aujourd'hui, ministre de la Santé et des Services sociaux s'adressait à nous… Je me souviens encore, c'était un président qui vous a précédé, M. le Président, et qui avait demandé à la députée de lire sa motion qui allait mener à la création de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Et, à cette époque-là, M. le Président, je n'étais pas dans le secret des dieux parce que je ne savais pas que c'était dans les cartons. Et c'est avec beaucoup d'enthousiasme que j'ai souhaité faire partie de cette commission, et j'avais apostrophé la députée de Joliette en sortant, ici, du salon bleu. Je ne lui avais jamais adressé la parole parce que, bon, de la façon que nos travaux se déroulent, ce n'est pas toujours facile de se rencontrer puis discuter d'enjeux que nous partageons et des priorités que nous souhaitons mettre de l'avant, mais j'avais dit à la députée de Joliette de l'époque et, aujourd'hui, ministre de la Santé et des Services sociaux que j'allais être sa complice. Et cet engagement s'est avéré être vrai pendant toutes les années qu'on a parcouru le Québec puis qu'on s'est rencontrés, mais, encore aujourd'hui, encore aujourd'hui, je considère que je suis une amie et complice de la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Écoutez, on n'a pas fait ça toutes seules, elle et moi, il y avait neuf personnes qui avons cosigné, neuf membres de l'Assemblée nationale qui avons cosigné ce rapport qui allait être... On a commenté avec des propos très élogieux le travail de la commission, et ce, depuis les 18 derniers mois, au moment où on en a fait le dépôt. Alors, je veux prendre le temps… Je sais que la ministre l'a fait, mais je veux prendre le temps de remercier encore une fois tous nos compagnons d'armes qui étaient avec nous au cours de ces deux dernières années, qui ont fait qu'aujourd'hui le Parlement se penche sur un enjeu qui est très important, qui est... qui sont les soins en fin de vie. Alors, je veux, encore une fois, saluer le concours de la députée de Champlain, le député de Mercier, la députée de Mille-Îles, qui est devenue une très grande amie à cause de cette commission, le député d'Orford, qui nous a amené sa grande sagesse, Benoit Charette, qui est un ex-député de l'ADQ — il était avec nous tout au long de ce parcours — Germain Chevarie aussi, l'ex-député des Îles-de-la-Madeleine, qui nous a apporté aussi beaucoup d'éclairage, puisqu'il avait été directeur d'un CSSS aux Îles, alors il avait cette expertise un peu plus du domaine médical. Il y a Monique Richard aussi, l'ex-députée de Marguerite-D'Youville, qui était de tous... qui était très impliquée, très engagée.

M. le Président, j'aimerais ça que les discussions soient moins fortes.

Le Vice-Président (M. Cousineau) : D'accord. S'il vous plaît, faire attention, baisser le ton. On écoute la députée, article 32. Merci. Allez-y, Mme la députée.

• (17 h 20) •

Mme Gaudreault : Merci. Parce que je trouve que c'est un sujet important, qui touche tous les citoyens de tous les âges. Il y a aussi le député de Jacques-Cartier, qui a été notre président au cours de la première moitié des travaux de cette commission. Il a été une inspiration pour chacun d'entre nous. Parce que, je vous le dis, nous sommes des députés ici, à l'Assemblée nationale, se lancer dans une aventure telle que celle-là, c'était avec beaucoup de fébrilité qu'on le faisait. Mais on avait une telle confiance en notre président de l'époque qu'on a pu mener à bien l'ensemble de nos travaux dans l'harmonie et, surtout, exempts de toute partisanerie. Ça, je vais le répéter souvent au cours de ma présentation parce que, partout où nous nous sommes déplacés, les gens nous disaient que de nous voir ensemble et tous tournés vers le même objectif, ça les réconciliait avec la chose politique. C'est un grand mot, là, «réconcilier». Ça veut dire que ce qu'ils voient à la période de questions, ce n'est pas toujours édifiant. Mais, lorsqu'on prend la peine de, tout le monde, travailler avec le même objectif et, surtout, en plaçant le citoyen au cœur de nos travaux, ça ne peut qu'être porteur de succès, de réussite et, surtout, d'assentiment de la part de la population.

Vous savez, M. le Président, le débat sur l'euthanasie a cours au Québec depuis plus de 30 ans, on parle d'euthanasie depuis plus de 30 ans, et ce sont souvent des cas qui ont été médiatisés qui nous ramènent à réfléchir sur le sujet. Je suis certaine que tout le monde ici, en cette Chambre, et les gens qui nous regardent se souviennent du fameux cas de Sue Rodriguez. Elle a frappé l'imaginaire des Canadiens et des Canadiennes. Encore aujourd'hui, les gens se rappellent de tout ce débat qui avait occupé pendant plusieurs mois la scène médiatique. Et on l'avait un peu oublié, ce débat-là, et c'est en décembre 2009, au moment du dépôt de la motion de notre collègue, que tout a ressurgi dans les médias et dans la société québécoise. Dans les écoles, dans les familles, dans les résidences pour personnes âgées, dans les universités, on parlait du dossier de cette commission, qui était cher à cette Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité.

Il faut se rappeler que ce n'est pas un projet de loi du Parti québécois. Ils sont au gouvernement en ce moment, mais c'était un rapport qui avait été endossé par les 125 députés de l'Assemblée nationale. Alors, ce n'est pas peu dire, là, c'est vraiment une œuvre collective que l'on exprime aujourd'hui par l'entremise d'un projet de loi, le projet de loi n° 52.

Il faut se rappeler aussi que ce n'est pas une invention de l'esprit de notre collègue députée de Joliette. Il y avait eu un rapport, un comité d'éthique du Collège des médecins qui avait déposé un rapport et qui demandait à la société, au législateur et à la communauté médicale de se questionner sur l‘enjeu de l'euthanasie. Parce que, vous savez, l'avancée de la médecine, l'avancée de la pharmacologie, on nous a dit qu'on pouvait transformer un mourant en malade chronique. Alors, ça, ça veut dire que des morts naturelles, il y en a de moins en moins parce qu'il y a de l'interventionnisme de la part du corps médical. Puis ces gens-là sont entraînés pour sauver des vies, pour allonger la vie, mais c'est parfois au détriment de la qualité de vie. Alors, il y a eu un sondage aussi d'opinion qui a été distribué au sein de la Fédération des médecins spécialistes du Québec et de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, 75 % des répondants étaient en accord avec une certaine forme d'euthanasie dans des circonstances exceptionnelles. Alors, ce n'est pas une invention de l'esprit, c'est la communauté médicale, c'est la population aussi qui est venue nous parler dans le cadre des travaux de cette commission. Il faut se rappeler aussi que les sondages d'opinion des Québécois, depuis les dernières trois décennies, présentaient toujours une approbation de l'euthanasie à la hauteur de 70 %. Et, dans le corps médical et dans la population, les trois quarts sont probablement, encore aujourd'hui, en faveur.

La journée du début de nos travaux — puis ça, ça va vous démontrer qu'on ne sait pas ce qui nous attend dans la vie — je me souviendrai encore comme si c'était hier, nous étions dans une salle d'un hôtel de Montréal, c'était l'ouverture de nos travaux, et on a tous reçu sur notre appareil BlackBerry l'annonce du décès de notre collègue Claude Béchard. Claude avait 42 ans puis il est décédé des suites du cancer, et c'était trop tôt pour qu'un de nos collègues nous quitte. Et, je vais vous dire, j'ai encore des frissons. On commençait nos travaux sur cette question-là de mourir dans la dignité, la fin de vie, on parlait de mort, on parlait des soins, on parlait de l'acharnement thérapeutique, et ça, ça nous a ramenés à la dure réalité, chacun d'entre nous, avec laquelle on doit conjuguer. On va tous mourir un jour, nos concitoyens vont tous mourir un jour, puis on ne sait pas quelle est la mort qui nous attend. Alors, ça, ça donnait le ton. On a rencontré 273 groupes et citoyens, on a entendu des gens de tous les horizons. Et, avant d'avoir ces consultations, j'ai oublié de vous dire qu'on a eu la chance d'avoir des présentations de la part de 32 experts. Des avocats, des éthiciens, des médecins, des sociologues, des universitaires, des chercheurs sont venus, un peu, nous préparer à ce qu'on allait vivre au cours des deux années qui allaient suivre.

Et c'est sûr qu'on était investis d'une grande responsabilité pour mener à bien les travaux de cette commission, on a voulu entendre tout le monde. On a voulu permettre à toutes les personnes qui avaient soumis un mémoire de venir nous présenter leur point de vue, qu'ils soient pour, qu'ils soient contre. Et aussi on avait instauré ce fameux micro qui pouvait permettre aux personnes de la salle de venir, à froid, comme ça, venir partager comment ils se sentaient, leurs opinions sur les témoignages qu'ils avaient entendus, et, pour nous, ça a été très riche de commentaires.

On a reçu plusieurs commentaires, mais aussi on a instauré quelque chose d'unique, on a mis un questionnaire en ligne sur le site de l'Assemblée nationale. Il y a 6 600 personnes qui ont pris le temps d'aller répondre au questionnaire.Puis ce n'était pas juste : Êtes-vous d'accord? ou un commentaire, c'étaient des questions très précises qui demandaient une réflexion puis une introspection à chaque question pour voir, mon Dieu! qu'est-ce que j'en pense. Et on a reçu 16 000 commentaires au total, en plus du questionnaire, et on a eu des recherchistes qui nous ont épaulés, des gens aussi engagés que nous, dans l'analyse de tous les commentaires qu'on a reçus.

On a retourné chaque pierre, on a lu chaque commentaire et on les a pris en compte dans la rédaction de notre rapport. Je suis certaine que toutes les personnes qui sont venues nous voir ou qui nous ont envoyé un commentaire se retrouvent à quelque part dans notre rapport. Parce que ce n'est pas le rapport des membres de la commission spéciale, ce sont les commentaires, le vécu et l'opinion de nos concitoyens et concitoyennes. C'est la population du Québec qui a parlé à travers nous, et moi, je veux les remercier d'avoir été si généreux, d'avoir eu autant de maturité, de sagesse et de respect dans le partage de leurs opinions. Et on avait orchestré nos travaux… C'était une personne pour ou un groupe pour qui présentait, et il était tout de suite succédé par quelqu'un qui était contre. Alors, tout le long de cette année, ce que ça a permis aussi, c'est de faire grandir et faire évoluer les opinions de tous. Vivre une telle expérience, ça ne peut pas laisser indifférent. Je suis certaine… Je suis d'accord avec la députée de Champlain, elle l'a dit ce matin : Nous ne sommes plus les mêmes et nous avons une relation privilégiée entre nous, ce qui fait que notre travail de parlementaires est enrichi à chaque fois que l'on se croise ici, dans les corridors du parlement.

Pour vous prouver à quel point on a entendu les citoyens, je vais vous donner quelques résultats de la consultation en ligne. Il y a eu, comme je vous disais, 6 600 répondants, 30 % de ces gens-là avaient moins de 30 ans. Alors, c'est faux de penser que c'est un débat qui touche seulement les personnes aînées qui commencent à penser à la fin de leur vie. Non, c'étaient des jeunes. Des milliers de jeunes ont voulu s'inscrire dans le débat. Il y avait 50 % de ces gens-là qui étaient âgés entre 40 et 59 ans. On ne pense pas à mourir à cet âge-là, mais on est souvent aux prises avec les problèmes de santé de nos parents et on a peut-être, des fois, même des décisions à prendre par rapport à la vie de nos parents, la maladie de nos parents. Et ça, ça a vraiment touché l'ensemble de notre population, et ils se sont exprimés, et on les a entendus. Il y avait aussi les régions qui étaient les plus représentées. C'était Montréal, la Montérégie et la région de Québec. Ces gens-là représentaient plus de 50 % de l'ensemble des répondants. 60 % estimaient qu'ils étaient d'accord avec la législation sur l'euthanasie et 80 % croyaient que le législateur devait tenir compte du point de vue de la population, de là l'importance de consulter, de multiplier ce type de consultation. Ça va peut-être donner des idées à notre collègue des Institutions démocratiques. Il faut sortir du Parlement, il faut aller à la rencontre de nos concitoyens.

• (17 h 30) •

Pendant cette commission aussi, on a été inspirés par des gens qui sont venus partager leur vécu. Il y a M. Thériault. Moi, je me souviens très bien de M. Thériault, qui est venu nous raconter la fin de la vie de sa femme qui souffrait de la maladie la sclérose latérale amyotrophique. Il est venu nous raconter tout ça en détail. Il y a Mme Gladu aussi qui est venue nous voir. Il y a Laurence Brunelle-Côté, une jeune femme de Québec, qui est venue nous demander de lui offrir une porte de sortie. Cette dame-là était atteinte de l'ataxie de Friedreich. Il y a M. Leblond, notre collègue de Jacques-Cartier en a parlé, qui est une figure de proue ici, dans la région de Québec, puis c'est un militant de la première heure pour justement offrir une option supplémentaire à des personnes qui se retrouvent dans des situations de fin de vie difficiles. Il y avait aussi M. Rouleau, la famille de M. Rouleau qui sont venus raconter le désespoir de cet homme-là devant aucune option, lui aussi. Il avait posé des gestes vraiment... Il avait été animé par le désespoir de vouloir en finir.

Il y avait Mme Susan Raphals — moi, je l'ai beaucoup aimée — 90 ans, une vieille dame anglophone qui est venue nous parler, vraiment... vraiment du gros bon sens : Quand on a 90 ans, comment on devrait envisager la fin de notre vie? Pourquoi faire toutes des grandes histoires? Parce que, dans le fond, on prend des décisions dans notre vie, toute notre vie. On se marie, on ne se marie pas, on a des enfants, on n'en a pas, on reste à la maison, on travaille, puis là, à la fin de notre vie, on n'a plus un mot à dire? Pour elle, c'était vraiment une grande vérité, de dire qu'on devrait s'exprimer, qu'on devrait permettre l'autonomie de chacun. Parce qu'il n'est pas question de forcer personne. Ici, c'est une question de liberté individuelle, un choix très personnel qui souvent est fait après une réflexion qui s'est étendue sur des années, parce qu'on y pense, à la fin de notre vie.

On est aussi allés en mission à l'étranger parce que, pendant nos consultations, on nous a beaucoup parlé des dérives qu'il y avait en Europe. Finalement, on a décidé de paqueter nos... de faire nos valises puis d'aller voir sur place. Alors, quatre membres de la commission, on est allés en France, en Belgique, aux Pays-Bas. Et on avait même été invités aussi à prononcer... à présenter les travaux de notre commission dans une conférence internationale francophone sur les soins palliatifs. Ils avaient été très impressionnés de la façon qu'on s'y était pris pour aller à la rencontre de nos concitoyens. Parce qu'en Europe c'est surtout des groupes d'intérêts qui avaient influencé le Parlement; ici, ce sont les citoyens qui nous ont influencés. Là, je vois que le temps file, c'est incroyable, j'aurais pu vous parler pendant des heures.

Tout ça pour vous dire que ce que je peux vous demander ici, aux membres de cette Assemblée, c'est de consulter vos concitoyens. Allez lire aussi le rapport. Il est peut-être vieux déjà de 18 mois, mais vous devriez aller le lire parce qu'il est riche puis il vous raconte aussi l'aventure qu'on a vécue tous ensemble, pas juste les membres de l'Assemblée nationale mais les citoyens aussi. Il y a des amitiés qui se sont créées au cours de cette commission-là, il y a des gens qui nous suivaient de ville en ville et qui étaient devenus... Pour eux, c'était une façon vraiment de se coller sur la chose politique, puis ils aimaient ça, ils aimaient ce qu'ils voyaient et ils étaient très heureux de pouvoir contribuer.

Comme je vous le disais tout à l'heure, Mme Raphals est venue partager un mot, je vais finir avec ce mot-là. Mais pas besoin de vous dire que je vais voter en faveur du principe du projet de loi n° 52 parce qu'il est un calque parfait des 24 recommandations unanimes du rapport qu'on a présenté ici.

Je voudrais aussi apporter un point. En Europe, en France, ils ne sont pas allés jusqu'à la législation parce qu'ils ont politisé le débat. Ici, on ne l'a pas fait. Le premier ministre n'était même pas au courant du contenu de notre rapport le jour de son dépôt. Et moi, à titre de présidente, puis je suis certaine que c'est la même chose pour le député de Jacques-Cartier, on n'a jamais eu aucune influence politique, on a vraiment pu mener le message de nos concitoyens jusqu'au bout, et c'est ce qui a fait la richesse de notre rapport.

Alors, en terminant, comme je vous dis, moi, je vais voter en faveur. Puis j'incite les membres de cette Assemblée d'aller vers vos concitoyens, de les entendre. Vous allez être surpris de voir quelle est leur position.

Et, en terminant, je vous porte le message de Mme Raphals, 90 ans : «Lorsque vous arrivez à une croisée des chemins, lequel choisissez-vous? Vous pouvez vous tromper, vous pouvez faire le bon choix. Vous le faites, on le fait presque tous les jours de notre vie. Lorsque nous devons choisir entre deux choses et, si on choisit l'une, nous n'obtenons pas l'autre. Il s'agit de l'essence même de la vie, je crois. Et je pense que c'est pourquoi il est tellement important que la personne prenne sa propre décision à cette croisée des chemins.» Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, Mme la députée de Hull. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Oui, Mme la députée de Laporte, à vous la parole, madame.

Mme Ménard : …Acadie.

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Ah, l'Acadie, je m'excuse. Mme la députée de l'Acadie, à vous la parole.

Mme Christine St-Pierre

Mme St-Pierre : Merci, M. le Président. M. le Président, cette intervention en cette Chambre est sans aucun doute la plus importante que j'ai eue à faire depuis que j'y suis entrée en 2007. On parle d'un sujet sensible, très sensible, on parle d'un sujet émotif, on parle de la vie. Lors de mon élection comme députée d'Acadie, je me suis fait un devoir d'être à l'écoute de mes concitoyens et de mes concitoyennes. Le rôle de député est de guider, mais il est aussi d'écouter.

Ce projet de loi n° 52 concernant les soins de fin de vie fait appel à beaucoup de sentiments. Il fait appel à notre conscience, il fait appel à nos valeurs, il fait appel aussi à notre expérience lors de départs d'êtres chers, il fait appel à nos croyances. Bref, ce n'est pas une mince affaire.

J'ai donc beaucoup lu sur la question, je me suis documentée, j'ai fait des rencontres, j'ai aussi mené une consultation auprès de mes électeurs de la circonscription d'Acadie. Je trouvais cette démarche essentielle. Cette consultation s'est faite de plusieurs manières : rencontres publiques, bon, j'ai reçu des courriels, elle s'est faite aussi par courrier et également des téléphones. Je veux remercier tous ceux et celles qui ont pris la peine de me confier leurs réflexions. Je vous ai écoutés et je partage vos craintes.

Notre chef, Philippe Couillard, fait ici preuve d'une grande ouverture d'esprit en permettant à ses députés de voter librement sur cette question fondamentale. Il fait également preuve d'un grand humanisme, l'humanisme de celui qui, par son travail, a vu de près ce dont nous parlons aujourd'hui et qui sait que ce n'est pas simple. Nous lui en sommes extrêmement reconnaissants, car c'est une preuve de grande confiance envers ses députés.

Je veux aussi dire que ce sujet doit être traité dans le plus grand respect de l'opinion des uns et des autres. Je reconnais tout le travail qui a été accompli par mes collègues de la commission, mais malgré tout, M. le Président, je voterai contre le projet de loi n° 52. Je voterai contre parce que je crains les dérives. Je voterai contre parce que ce projet de loi, à mes yeux, n'utilise pas le bon vocabulaire.

Il faut se le dire, M. le Président, cette loi parle bel et bien d'euthanasie. Voici l'extrait d'une entrevue accordée au Soleil par le Dr Michel L'Heureux, de La Maison Michel Sarrazin : «Les mots sont forts, j'en conviens, mais l'euthanasie est une blessure mortelle que l'on inflige aux valeurs et à la philosophie des soins palliatifs qui ont été développés au cours des 50 dernières années. Ça va court-circuiter le développement des soins palliatifs.»

Un médecin avec qui j'ai eu une longue conversation, un médecin qui oeuvre en soins palliatifs, m'a confié que jamais dans toute sa carrière — et on parle de plus de 25 ans de carrière — jamais un patient ne lui avait demandé de faire cela, soit d'en finir.

M. le Président, nous voulons que nos proches souffrent le moins possible. Nous voulons que… Nous ne voulons pas, nous-mêmes, souffrir. Mais, lorsque la fin de vie arrive, ne doit-on pas justement mettre tous nos efforts à assurer des soins palliatifs? Ne devrions-nous pas nous assurer que ces soins soient offerts partout sur le territoire québécois? C'est ce que dit la première partie du projet de loi. Le problème, c'est la deuxième partie, M. le Président.

Je l'ai dit et je le répète, je crains les dérives. Je crains qu'une personne en fin de vie en vienne à la conclusion non pas qu'elle désire mourir, mais qu'elle doit mourir, qu'elle doit mourir, car elle croit être un fardeau pour sa famille. Ce n'est pas facile, M. le Président, mais la vie m'a appris à suivre mon intuition et, dans ce cas-ci, mon intuition me dit : Attention, danger!

Ce projet de loi n'est pas mûr, ce projet de loi est trop abstrait, ce projet de loi n'appelle pas les choses par leur nom. C'est un énorme drapeau jaune que je soulève ici. Je respecte mes collègues qui ne sont pas de mon avis et je sais que mes collègues vont me respecter même si je ne suis pas de leur avis. Merci, M. le Président.

• (17 h 40) •

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Merci, Mme la députée de l'Acadie. Alors, je cède maintenant la parole à la députée de Mille-Îles. Mme la députée, la parole est à vous pour les 20 prochaines minutes.

Mme Francine Charbonneau

Mme Charbonneau : Merci, M. le Président. J'étais assise et je vous écoutais, puis je me disais : Comment faire différent? Depuis hier, vous entendez plusieurs intervenants, des pour et des contre, mais toujours sur le même sujet. Alors, je vous annonce, M. le Président, que je suis officiellement une de ces filles qui appartient à la secte de mourir dans la dignité. On le dit comme ça parce que, la députée de Champlain l'a dit ce matin, mes collègues qui ont participé à ce comité l'ont aussi dit, on s'est reconnus dans ce débat qui est unique au Québec : parler de la mort.

Vous savez, quand on était plus jeunes, nos parents, quand ils nous apprenaient la bienséance, ils disaient : Il y a des choses qu'on ne parle pas à la table, on ne parle pas de politique, étrangement on en parle souvent, mais on ne parle pas de politique, on ne parle pas de religion, étrangement c'est un débat qu'on fait régulièrement depuis quelques jours, puis on ne parle pas de sexualité. Il reste quelques sujets. Il reste quelques sujets qui peuvent être questionnés. La mort en est un, mais on n'en parle pas souvent. On n'en parle pas souvent parce que ça nous confronte à nos propres limites, et c'est ce qui fait en sorte que, quand on s'ouvre à l'autre et on parle de la mort, tout à coup, il s'ouvre cet espace où tout est possible.

En cette Chambre, il manque des gens, il manque deux personnes qui ont participé de façon très proche à notre commission et de qui je m'ennuie profondément. Si je ne me trompe pas, et vous me ferez signe de la tête, je peux les nommer par leurs noms puisqu'ils ne sont plus députés. Alors, je fais un aveu : Monique, tu me manques beaucoup. Monique Richard avait travaillé avec nous de façon extraordinaire et Germain Chevarie, que je suis sûre qu'il nous écoute en ce moment parce qu'il a suivi le débat du début jusqu'à la fin, me manque aussi énormément, puisque c'est un débat auquel ils auraient aimé se lever en Chambre et donner leur opinion sur cette consultation qui a été faite.

C'était une consultation tout à fait particulière, M. le Président, elle allait toucher les valeurs des gens. Est-ce qu'au niveau de cette Chambre on a choisi de le faire en ouvrant une ligne téléphonique et en faisant un petit site Internet? Eh bien, non. On a fait le site Internet, ça a été une consultation, à notre grande surprise à nous, qui a été très répondue sur Internet. Mais on est aussi allés à la rencontre des gens.

Et je crois sincèrement, puisque, dans un autre dossier, on touche beaucoup au principe de la consultation, qu'il est important, quand on parle de valeurs et quand on parle de volonté d'entendre les gens sur leurs valeurs et ce qu'ils en pensent… Parce qu'on peut avoir des valeurs qui se rejoignent, vous et moi, mais qui peuvent être, à quelque part, pas pareilles. Ça ne m'empêche pas d'apprécier les vôtres et vous d'entendre les miennes. Mais, ceci dit, il faut qu'on se parle. Pour se parler, il ne faut pas juste que je vous laisse un message dans une boîte téléphonique ou que je réponde à des questions, il faut qu'on se parle. Et c'est le rendez-vous qu'on avait donné à la population et qu'on a fait pendant plusieurs mois.

Est-ce qu'on s'est contentés de les rencontrer ici? Eh bien, non, on s'est promenés. On s'est promenés et, dans ces rencontres-là, on a vu plus de gens qu'on ne croyait en voir. Nos salles étrangement étaient quelquefois bondées et, d'autres fois, étaient étrangement vides, et ça nous faisait presque peur, parce qu'on se disait : C'est drôle, il y a peu de gens, et tranquillement la salle se remplissait, et finalement on se retrouvait dans une salle où les gens avaient beaucoup d'opinions. On a rencontré des experts, vous le savez, on vous l'a expliqué, on a fait la panoplie de ça.

Et finalement, le jour de mes 50 ans, j'étais tellement contente, un cadeau de fête inespéré : un rapport. Eh oui, M. le Président, le 22 mars, c'est ma fête, et j'ai eu 50 ans le 22 mars 2012, et on a déposé le rapport. Ça m'a fait très plaisir, j'étais heureuse de voir qu'on pouvait poser ce geste aussi concret le jour de mon anniversaire.

Je cherche la page dont je voulais vous lire parce que je trouve que c'est une introduction extraordinaire à cette volonté qu'on a mise dans un rapport. Vous me permettrez, M. le Président, je vais vous la lire : «S'éteindre paisiblement entouré de ses proches ou tout simplement mourir dans son sommeil, voilà ce que la majorité des gens souhaitent pour la fin de leur vie. Malheureusement, mourir peut parfois être synonyme d'une lente agonie ou d'une longue déchéance.»

J'arrête là. Vous aurez droit d'aller le lire tant que vous voulez dans un autre tantôt. Mais c'était pour faire la démonstration sur : Sur quoi on commençait quand on parlait aux gens? On ne commençait pas en se disant : Êtes-vous pour ou contre? Non, non, les gens commençaient tout le temps avec une histoire. Et je suis sûr que je pourrais m'asseoir avec chacun d'entre vous, et vous auriez une histoire, une histoire quelquefois d'une mort paisible, d'une mort surprise : On l'a appelée un matin, elle ne répondait pas, elle était morte.

Mais il y a aussi d'autres histoires, des histoires personnelles et des histoires atroces. On les a toutes entendues. Et, à différents moments, chacun de nous, dans cette commission, a été touché. On a résisté, là, on n'a pas tous pleuré en même temps pour les mêmes raisons, mais on a résisté chacun notre tour. Mais il y a eu des histoires qui sont venues nous chercher dans notre vécu à nous. Et on a entendu des choses extraordinaires, des histoires d'amour, des histoires de peine, des histoires d'infirmières, de docteurs, de gens qui voulaient aller chercher de l'aide, des gens qui en ont eu, des gens qui en ont eu moins, des histoires de régions qui vous feraient frissonner, mais des histoires de maisons de palliatifs qui vous feraient sentir qu'il y a des gens ici, au Québec, qui sont des anges qui travaillent à tous les jours pour rien, des bénévoles extraordinaires, dans nos maisons de soins palliatifs, qui posent des gestes extraordinaires.

La plupart de mes collègues qui sont venus vous parler, qui ont fait partie de cette commission ont été touchés par quelqu'un. Moi, je vais vous en citer une, une petite femme, une petite femme mais une très grande femme. Et je vois sourire la députée de Joliette parce qu'elle sait c'est qui. Et je suis sûre que ma collègue de Hull le sait aussi parce que je l'ai citée à chaque fois que j'ai eu la chance. Cette femme m'a marquée. Elle m'a marquée par sa fouge. Elle a été journaliste à New York. Elle s'est impliquée, elle a écrit des articles, elle a été une battante. Et elle est venue nous rencontrer en chaise roulante de façon électrique pour nous donner son opinion sur cette consultation qu'on faisait.

Cette femme — et vous pouvez faire la recherche, encore une fois, M. le Président, sur Google — s'appelle Mme Gladu, Nicole Gladu. Elle est citée dans le rapport aussi, à la page 66, et je vous lis ce qu'elle nous a dit — une petite phrase, pas grand-chose : «Un matin, en me réveillant, le désespoir était disparu. J'ai choisi de mourir à mon heure plutôt que d'être […] institutionnalisée —bon, je vais le sortir — à grands frais, et de faire alors un dernier pied de nez au destin en faisant don de mon cœur, qui fait l'envie des cardiologues. […]Confrontée à ma décision, qui m'a fait retrouver une sérénité dont j'avais grandement besoin, je savoure plus intensément que jamais chaque plaisir.»

Eh bien, comment elle l'a trouvée, sa sérénité? C'est triste, comment qu'elle l'a trouvée, mais en même temps c'était sa solution. Elle s'est acheté un billet, un billet aller seulement, et elle a acheté un billet à une amie, aller-retour. Où allait-elle? Elle allait en Suisse, dans une maison qui permet de choisir sa fin de vie. Il y a des conditions. Elle adhérait aux conditions. Pourquoi avait-elle besoin d'y aller avec une amie? Bien, savez-vous quoi, ça prend quelqu'un pour ramener la chaise roulante. C'était froid comme ça dans sa discussion. Elle était comme ça. Elle avait dit… ou elle a dit : J'ai choisi ma robe et j'ai choisi l'amie qui va ramener la chaise roulante vide. Et elle avait choisi de faire le pas jusqu'à Dignitas. Pourquoi? Parce qu'à tous les jours cette femme-là combattait entre sa perception de la dignité et celle des autres.

Pouvait-elle arrêter un médicament pour choisir sa mort? Non. Son seul choix, si elle voulait choisir sa façon de mourir plutôt que d'attendre que ses poumons se remplissent d'eau pendant sommeil et qu'elle meure noyée dans son lit, parce que c'était ça qui l'attendait, c'était d'arrêter de manger et de boire. C'est peut-être plus facile, quand on est un malade et qu'on est sous sédation palliative, d'arrêter de manger et de boire puisque ce n'est pas un choix qu'on fait, c'est le choix du médecin. Mais, quand on est une femme battante, décider d'arrêter de s'alimenter et de boire, c'est un choix un petit peu plus difficile.

• (17 h 50) •

Donc, elle a fait un choix qui lui appartenait. Elle a passé son passeport, elle a fait tout ce qu'il fallait et elle a choisi de passer de l'autre côté et de mourir ailleurs. Elle a fait un plaidoyer extraordinaire pour le Québec, M. le Président. Vous auriez été fier de l'entendre. D'ailleurs, pour vous faire sourire, je vous dirais que probablement qu'elle était péquiste. Elle aimait son Québec. Elle aurait aimé faire autrement que d'y revenir peut-être dans une urne pour être enterrée ici. Elle aurait probablement aimé qu'on puisse l'accompagner dans un principe de fin de vie.

Je serai… Après avoir fait cette consultation et avoir participé, je ne pourrai plus jamais utiliser le mot «euthanasie» quand quelqu'un va me parler de fin de vie, plus jamais. Pour avoir vécu une expérience avec ma mère pendant huit ans, pour avoir entendu les gens me parler des pistes de solution… Parce qu'ils n'en ont pas. Parce qu'on peut se faire peur, là, c'est facile, mais ce projet de loi, il est écrit pour les gens qui ne peuvent pas faire de choix. Vous savez, si j'ai un rein qui ne fonctionne pas, ou mes reins ne fonctionnent pas, puis j'ai de la dialyse, je l'arrête, je m'en… Ma décision. J'ai le cancer, je ne prends pas les traitements de chimio, je décide que j'arrête. Je décide, j'arrête, je m'en... Ma décision. J'ai la postpolio comme Mme Gladu, je ne peux rien arrêter, sauf : il faut que j'attende que la déchéance de mon corps… et que mes poumons se remplissent d'eau, à un moment qu'ils choisissent parce que c'est le corps qui choisit, je n'ai pas de contrôle, et là je meurs.

Je n'avais jamais entendu ça. Je n'avais jamais entendu quelqu'un me dire : Il n'y a rien que je peux faire. Et, aussi cru puis aussi triste que c'est, elle pouvait même nous dire : Je ne peux rien faire, je ne peux pas me donner des pilules moi-même parce que, savez-vous quoi, c'est quelqu'un qui me nourrit. Je ne peux pas demander à une tierce personne de poser le geste. Je ne peux pas, c'est contre la loi. Cette personne-là va avoir des conséquences. Je ne peux pas prendre un fusil et poser un geste. Je ne peux pas tendre une corde et poser un geste. Je peux juste arrêter de manger, m'alimenter et boire. Je peux juste faire ça. C'était ma seule solution pour arriver…

Et je vous le dis, je ne suis pas sûre que cette battante-là, même si elle avait pris la décision puis qu'elle l'avait mise en application, elle se serait rendue jusqu'au bout parce qu'elle était battante. Je vous le dis, elle nous a plus parlé de l'inquiétude de qui va s'occuper de son chat que tout le reste de sa démarche. Elle avait tout planifié, là, tout. Quand elle nous a parlé de la chaise roulante, je n'étais plus capable. Je me suis dit : Ça ne se peut pas, ça ne se peut pas que tu invites quelqu'un à te suivre pour juste ramener le stock, là. Mais c'est exactement ce qu'elle nous a expliqué.

Ce n'est pas dit dans des mots très scientifiques, mais c'est comme ça que moi, je l'ai vécu. C'est comme ça que je suis allée de région en région avec mes collègues de part et d'autre de cette Chambre. Et je pense que, quand on touche à un principe de valeur, quand on veut aller changer une valeur dans une société… Et, vous le voyez, M. le Président, là, ici, dans cette Chambre, il y a des gens qui se lèvent, et on a tous une histoire différente. Et il y a des gens qui ont dit : Moi, je suis contre ça. Puis il y a des gens qui ont dit : Moi, je suis pour ça. Et c'est correct. Le Québec est ainsi fait. Alors, quand je décide de toucher à une valeur, il faut que j'aille à la rencontre des gens puis il faut que je les entende.

Mon seul regret, c'est qu'on n'a pas entendu beaucoup de communautés. On a entendu des gens de différentes régions, mais j'aurais aimé entendre les Premières Nations, j'aurais aimé entendre les gens de certaines communautés nous parler de la mort. Parce que, parler de la mort, c'est quelque chose de difficile, mais, dans le cocon qu'on s'était fait, partout où est-ce qu'on allait, là, ça devenait facile. Et, fous comme on l'était, M. le Président, là, on ne prenait pas un break, à l'heure du dîner, pour parler d'autre chose, là. Eh non! On se racontait les histoires qu'on avait entendues le week-end dans nos activités puis les choses comme ça. La fin de semaine, on s'écrivait, des fois, pour se dire : Aïe! je suis allé à telle activité. Vous ne savez pas ce que j'ai entendu? M., Mme Unetelle ou... On était imprégnés de cette histoire et de cette volonté d'entendre et de changer les choses.

J'étais, en 2008, dans un premier mandat et j'ai découvert cette vie politique. Ici, en cette Chambre, en ce moment, puisque c'est le don du premier mandat, il y a des gens qui sont à leur premier mandat, et des fois on se pose certaines questions en se disant : Non, mais qu'est-ce que j'ai pensé? Qu'est-ce que j'ai pensé, puisque je suis assis, puis j'écoute, puis j'écoute, puis j'écoute? Et, quand j'ai fait cette consultation, je me suis assise et j'ai écouté, écouté, écouté, et j'ai compris. J'ai compris que, par la volonté d'une personne, le monde change. Par la volonté du dépôt d'un document par l'opposition, par la députée de Joliette, il y a un document qui a été déposé, il y a un gouvernement au pouvoir qui a dit : Oui, savez-vous quoi, commission spéciale, go, on y va! Et, tout à coup, il y a eu une rencontre entre la population et des politiciens, qui était facile.

Au début, les gens étaient un peu inquiets. Ils rentraient dans la salle et, je vous le dis, M. le Président, d'un côté, il y avait les gens du PQ, de l'autre côté, il y avait les libéraux. On aurait pu se mélanger, mais instinctivement on n'est pas comme ça, alors on a gardé nos places respectives. Et les gens nous regardaient en se disant : Mon Dieu! tu sais, y vont-u... On était tellement complices qu'ils en étaient inquiets. On avait chacun un peu notre spécialité, nos questions. Ceux qui nous avaient suivis auparavant savaient que la députée de Joliette était pour prendre un angle plus légal. La députée de Mille-Îles, elle, elle avait un angle plus social. Le député des Îles-de-la-Madeleine, et de Hull, était plus médical. On avait tous nos angles un peu particuliers, mais on finissait tous par compléter la question de l'autre. Et, de ce fait, tout à coup, à la fin de la journée, quand les gens venaient nous dire merci et bonjour ou avaient passé au micro... On avait même des groupies, je ne vous dis pas, et c'était vraiment drôle parce qu'il y a des gens qui nous ont suivis d'une place à l'autre. Les gens venaient nous voir puis ils nous disaient : C'est beau de vous voir. C'est beau de vous voir, parce qu'on voit chez vous cette complicité qu'on aimerait voir ailleurs.

Puis je vous le dis parce qu'en ce moment je suis tout aussi déchirée dans une autre consultation. À Laval, il y a des gens de toutes les communautés, et on va à leur rencontre, et j'aurais aimé voir une forme de consultation qui ressemble à celle que j'avais faite avec mes collègues pour aller à la rencontre des gens. Ce n'est pas ce qui est arrivé. C'est des choix qui ont été faits, je vais les respecter. Mais j'aurais aimé voir une consultation comme celle-là parce qu'on va jusque dans la valeur des gens, les valeurs dans leur maison, dans leur façon de vivre, et ça serait… ça aurait été intéressant d'aller jusque-là. Ce n'est pas le choix qu'on a fait. Ça va, j'en suis, je le prends, je mets ça dans mon petit bagage puis je me dis : Je vais me consoler autrement.

Dans chaque région, on nous a aussi parlé des maisons de soins palliatifs. Et on a gardé une attention tout à fait particulière sur ces maisons qui, dans le quotidien, M. le Président, posent des gestes très importants. D'ailleurs, vous en avez une pas loin de votre région. À Laval, il y en a une qui a ouvert en 2010, presque en même temps que la consultation — c'était assez anecdotique pour moi : 12 lits, 12 lits qui desservent la population de Laval, mais aussi Laurentides, Lanaudière, ça dépend des places disponibles. 12 lits, ça veut dire quoi? Bien, ça veut dire 24 infirmières, cinq médecins. Ça veut dire plus de 150 bénévoles, plus de 150 bénévoles, M. le Président qui, dans le quotidien, viennent faire face à la musique de gens qui sont rentrés dans la maison de soins palliatifs, à qui on donne un confort et à qui on mène tranquillement, parce que c'est ça qui arrive, à la sortie.

On disait, un peu pour dédramatiser les choses, qu'ils ne rentraient pas par la même porte qu'ils étaient rentrés. Souvent, ils rentraient en chaise roulante ou debout, puis ils sortent par la petite chapelle, à la fin de la maison — puisqu'ellessont presque toutes faites de la même façon — où, là, il y a une petite cérémonie avec leur famille. Les soins palliatifs sont-ils parfaits, M. le Président? Non. Il y a des gestes concrets à poser, il y a un regard à poser. Et il y a eu une loi qui a été adoptée sur les soins palliatifs, qu'il faut regarder, je crois, à nouveau.

Vous me faites signe d'une minute, M. le Président. Je réalise comment j'ai pris un certain confort quand j'ai un sujet que j'adore quand je me lève dans cette Chambre.

Alors, je vais terminer en vous disant : Devine qu'est-ce que je vais faire? Non. Je vais terminer en vous disant que je vais voter pour parce que je pense qu'il est grand temps qu'on étudie une loi comme celle-ci, qui, d'après moi, fera avancer d'un pas de plus le Québec vers une situation où chaque citoyen aura des droits. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cousineau) : Merci. Merci, Mme la députée de Mille-Îles.

Ajournement

Alors, compte tenu de l'heure, les travaux de l'Assemblée sont ajournés au jeudi 24 octobre 2013, à 9 h 45.

Bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 heures)