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Version finale

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Le mercredi 24 mai 2023 - Vol. 47 N° 46

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Déclarations de députés

Souligner les réalisations du Centre d'excellence en karaté du Québec et de ses membres

Mme Madwa-Nika Cadet

Souligner l'inauguration d'une classe extérieure à l'école Notre-Dame-du-Canada

M. Mario Asselin

Féliciter l'équipe de Génies en herbe de l'école Père-Marquette, gagnante de la compétition
régionale

M. Gabriel Nadeau-Dubois

Rendre hommage à M. Marcel Brouillard, journaliste, chroniqueur et auteur

Mme Karine Boivin Roy

Souligner le Mois du patrimoine juif canadien

Mme Elisabeth Prass

Souligner le succès de la revue annuelle du Corps de cadets 2972 Mercier

Mme Marie-Belle Gendron

Souligner le succès du Festival de la chanson et de l'humour Le Tremplin de Dégelis

Mme Amélie Dionne

Souligner le travail de l'Association québécoise de défense des droits des personnes
retraitées et préretraitées

Mme Audrey Bogemans

Souligner le 35e anniversaire de l'organisme Moisson Laurentides

M. Mario Laframboise

Souligner la présence de membres de l'équipe de Radio jeunesse en visite à l'Assemblée
nationale

M. Mathieu Lévesque

Féliciter la troupe de danse Conversion, gagnante de l'émission de télévision
Canada's Got Talent

Mme Sonia LeBel

Féliciter les gagnantes du Championnat des débats d'étudiants du centre de services scolaire
de la Rivière-du-Nord

Mme Sylvie D'Amours

Présentation de projets de loi

Projet de loi n° 17 — Loi modifiant diverses dispositions principalement aux fins d'allègement
du fardeau réglementaire et administratif

M. Christopher Skeete

Mise aux voix

Dépôt de documents

Dépôt de rapports de commissions

Consultations particulières sur le projet de loi n° 15 — Loi visant à rendre le système
de santé et de services sociaux plus efficace


Dépôt de pétitions

Mettre en place des mesures visant à encadrer les personnes potentiellement violentes
dont l'état mental est perturbé

Régler les plaintes liées au maintien de l'équité salariale dans le réseau de la santé
et des services sociaux

Mettre en place des mesures visant à encadrer les personnes potentiellement violentes
dont l'état mental est perturbé

Régler les plaintes liées au maintien de l'équité salariale dans le réseau de la santé
et des services sociaux


Questions et réponses orales

Pénurie de main-d'oeuvre dans le réseau de la santé

M. André Fortin

M. Christian Dubé

M. André Fortin

M. Christian Dubé

M. André Fortin

M. Christian Dubé

Accès aux services en santé mentale pour les jeunes

Mme Elisabeth Prass

M. Lionel Carmant

Mme Elisabeth Prass

M. Lionel Carmant

Mme Elisabeth Prass

M. Lionel Carmant

Ratio personnel-résidents dans les maisons des aînés

Mme Linda Caron

Mme Sonia Bélanger

Mme Linda Caron

Mme Sonia Bélanger

Mme Linda Caron

Mme Sonia Bélanger

Postes vacants au ministère de la Cybersécurité et du Numérique

Mme Michelle Setlakwe

M. Éric Caire

Mme Michelle Setlakwe

M. Éric Caire

Mme Michelle Setlakwe

M. Éric Caire

Augmentation de la rémunération des députés

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. François Legault

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. François Legault

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. François Legault

Propos tenus par le député d'Abitibi-Est au conseil municipal de Val-d'Or

Mme Manon Massé

M. Ian Lafrenière

Mme Manon Massé

M. Ian Lafrenière

Mme Manon Massé

M. Ian Lafrenière

Conditions salariales des enseignants

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. François Legault

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. François Legault

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. François Legault

Mesures pour lutter contre les violences sexuelles en milieu scolaire

Mme Ruba Ghazal

M. Bernard Drainville

Mme Ruba Ghazal

M. Bernard Drainville

Mme Ruba Ghazal

M. Bernard Drainville

Conditions de travail des agents de la paix en services correctionnels

Mme Jennifer Maccarone

M. François Bonnardel

Mme Jennifer Maccarone

Mme Sonia LeBel

Mme Jennifer Maccarone

M. François Bonnardel

Projets de loi présentés par les partis d'opposition

M. Monsef Derraji

M. Simon Jolin-Barrette

Motions sans préavis

Demander au gouvernement de réviser le Programme de soutien aux familles

Mise aux voix

Souligner le 50e anniversaire du Conseil du statut de la femme

Mise aux voix

Avis touchant les travaux des commissions

Affaires du jour

Projet de loi n° 24 —  Loi donnant suite aux recommandations du rapport du Comité consultatif
indépendant sur la révision de l'indemnité annuelle des membres de
l'Assemblée nationale

Reprise du débat sur l'adoption du principe

M. Guillaume Cliche-Rivard (suite)

Mme Manon Massé

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Vincent Marissal

M. Sol Zanetti

Mme Alejandra Zaga Mendez

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée demande la divulgation de l'ensemble des documents de
la commission Grenier

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. Jean-François Roberge

M. Monsef Derraji

Mme Ruba Ghazal

M. Pascal Bérubé

Motion d'amendement

M. Joël Arseneau

M. Paul St-Pierre Plamondon (réplique)

Mise aux voix de l'amendement

Vote reporté

Projet de loi n° 24 —  Loi donnant suite aux recommandations du rapport du Comité consultatif
indépendant sur la révision de l'indemnité annuelle des membres de
l'Assemblée nationale

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Mme Alejandra Zaga Mendez (suite)

M. Etienne Grandmont

M. Andrés Fontecilla

Vote reporté

Projet de loi n° 26 —  Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires afin notamment de donner
suite à l'Entente entre la juge en chef de la Cour du Québec et le ministre
de la Justice

Adoption du principe

M. Mathieu Lévesque

M. André Albert Morin

M. Guillaume Cliche-Rivard

M. Paul St-Pierre Plamondon

Mme Michelle Setlakwe

Ajournement

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Bon mercredi. Vous pouvez vous asseoir.

Affaires courantes

Déclarations de députés

Alors, nous débutons nos travaux à la rubrique de déclarations de députés, et je cède la parole à Mme la députée de Mirabel.

Une voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Oui. Alors, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, la parole est à vous.

Souligner les réalisations du Centre d'excellence en
karaté du Québec et de ses membres

Mme Madwa-Nika Cadet

Mme Cadet : Mme la Présidente, aujourd'hui j'ai l'honneur de vous parler des réalisations du Centre d'excellence en karaté du Québec, situé dans ma circonscription de Bourassa-Sauvé.

Fondé en 2018 à Montréal-Nord, il s'agit du seul et unique centre unisport en karaté au Canada et du plus important groupe de sport-études en karaté au Québec.

Sous la direction de M. François Persico et le travail dévoué de sa belle équipe d'entraîneurs, nos jeunes athlètes ont récolté la moitié des médailles gagnées par le Québec durant les Jeux du Canada, en février dernier, dont la seule médaille d'or décrochée par tout le Québec.

Je tiens à féliciter Anton Gurin, récipiendaire de la médaille d'or, Maroua Mokdad, Mohamed Cherif Ilbouche et Abdessalam Kerdoussi. Vous avez fait briller le nom de Montréal-Nord à travers le Canada et tout le Québec et vous êtes une source de fierté et d'inspiration pour tous les jeunes de Montréal-Nord. Bon succès dans tout ce que vous entreprendrez!

Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Maintenant, je suis prête à céder la parole au prochain intervenant. M. le député de Vanier-Les Rivières, la parole est à vous.

Souligner l'inauguration d'une classe extérieure
à l'école Notre-Dame-du-Canada

M. Mario Asselin

M. Asselin : Merci, Mme la Présidente. C'est avec beaucoup d'émotion que je me lève aujourd'hui pour vous parler de l'inauguration d'une classe extérieure à l'école Notre-Dame-du-Canada. Ça aura lieu le 12 juin prochain.

L'idée d'une telle classe est venue au printemps 2022, alors que Mme Catherine Bilodeau, enseignante de première année à cette école, a tragiquement perdu la vie dans un accident de voiture. Afin de lui rendre hommage, le conseil d'établissement a décidé de planter un arbre sur le terrain de l'école, chose qui a été réalisée à l'automne, en présence des élèves de Mme Bilodeau. De fil en aiguille, le projet a pris de l'ampleur, et c'est ainsi que je me rendrai, le 12 juin, inaugurer une plaque commémorative en présence d'autres dignitaires de la ville de Québec et du personnel de l'école.

Je veux souligner la participation des étudiants du CFP Fierbourg qui ont procédé à l'aménagement. Et je voudrais souligner la présence de Mme D'Ascola, qui est la directrice de l'école, et d'une délégation.

Alors, je veux quand même souhaiter bonne chance, beaucoup de succès à cette classe extérieure.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Maintenant, je cède la parole à M. le député de Gouin.

Féliciter l'équipe de Génies en herbe de l'école Père-Marquette,
gagnante de la compétition régionale

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. J'ai l'honneur d'annoncer en cette Chambre que l'équipe de Génies en herbe d'une école publique de ma circonscription s'est rendue en grande finale provinciale la fin de semaine dernière.

Oui, oui, l'équipe de Génies en herbe de secondaire V de l'école Père-Marquette avait auparavant remporté la division Montréal avec une saison parfaite, parfaite de 18 victoires, aucune défaite. C'est remarquable, particulièrement pour une école qui n'avait même pas de programme de Génies en herbe il y a trois ans.

Je veux donc féliciter les herbogénistes Honoré Cassou, qui est membre du top 30 des meilleurs compteurs de la province, Félix Larose, Antoine Vallée, Sacha Beaumont, sans oublier Mathias Paradis-Fournier, qui est en secondaire V et qui a été le meilleur compteur de la saison dans sa division. C'est d'ailleurs le seul étudiant du réseau public d'éducation à être dans le top 15 au Québec.

Messieurs de Gouin, vous faites la fierté de notre circonscription et du réseau public d'éducation. Je vous donne toutes mes félicitations.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Merci, M. le député. Mme la députée de... voyons, d'Anjou—Louis-Riel, la parole est à vous.

Rendre hommage à M. Marcel Brouillard,
journaliste, chroniqueur et auteur

Mme Karine Boivin Roy

Mme Boivin Roy : Merci, Mme la Présidente. Alors, aujourd'hui, je tiens à saluer la riche contribution de Marcel Brouillard, décédé le 12 avril dernier, à l'âge de 92 ans, alors qu'il habitait depuis plusieurs années Le Chez-Nous des artistes dans ma circonscription.

De journaliste à écrivain, d'imprésario à chroniqueur et aussi conférencier, M. Brouillard a fait état d'une feuille de route fort impressionnante. Entre autres, en 1963, il devint directeur des Publications Péladeau, aujourd'hui Québecor Média. Chroniqueur pour Le Journal de Montréal et Le Devoir, au début des années 70, il mit sur pied les Éditions populaires et y publia plusieurs livres. Durant les années 90, il publia une dizaine d'ouvrages touchant le monde du spectacle, en particulier celui de la chanson francophone. On lui doit quelques ouvrages, d'ailleurs, sur Félix Leclerc.

Nommé chevalier de l'ordre de la plénière en 2006, Yves Duteil écrivit sur Marcel Brouillard : «Vos livres constituent une véritable mosaïque de références, on y sent toute une vie de passion consacrée à la [musique].»

Alors, M. Brouillard, merci. Votre présence parmi nous nous a fait honneur dans le comté.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Souligner le Mois du patrimoine juif canadien

Mme Elisabeth Prass

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Le mois de mai est le mois de l'héritage juif au Canada, et, en tant que membre de la communauté juive et députée de la circonscription qui compte la plus forte concentration de résidents juifs au Québec, je suis fière de l'impact positif et profond que des institutions de mon comté comme l'Hôpital général juif, le Centre des arts Segal et le centre communautaire alimentaire Mada ont sur la société québécoise.

Le mois de l'héritage juif nous donne l'occasion de découvrir les contributions positives que la communauté juive et ses institutions ont eu sur la société québécoise, que ce soit dans les domaines de la médecine, du droit, des arts, du milieu académique, de la culture, de l'organisation communautaire, des affaires et de la philanthropie.

Jewish Heritage Month is the opportunity for us to learn, share, and celebrate all the positive impacts that the Jewish community has had within Canada and Québec.

C'est l'occasion de partager notre histoire et notre culture avec tous. Face à la montée d'actes antisémitiques à Montréal, il faut que nous poursuivions le dialogue et le soutien que la communauté juive a toujours ressenti au Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Nous poursuivons avec Mme la députée de Châteauguay.

Souligner le succès de la revue annuelle du Corps de cadets 2972 Mercier

Mme Marie-Belle Gendron

Mme Gendron : Merci, Mme la Présidente. Samedi dernier, j'étais invitée à assister à la cérémonie de revue annuelle du Corps de cadets 2972 Mercier, une cérémonie très protocolaire, haute en émotions pour les jeunes et les parents.

Tout au long de leur parcours, les jeunes ont développé des habiletés qui leur permettent de naviguer le monde fascinant dans lequel nous vivons. Les expériences qu'ils ont vécues leur ont fait découvrir des intérêts et des passions tout en bonifiant leur culture générale.

Félicitations aux cadets pour leurs prix et leurs accomplissements! Je tiens à souligner également le travail colossal et essentiel des parents bénévoles qui rendent le tout possible. Félicitations à tous les jeunes de continuer de s'impliquer dans la vie communautaire de leur ville et de propager les bonnes habitudes de vie et de comportement citoyen. Félicitations à tous les jeunes!

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

Souligner le succès du Festival de la chanson et
de l'humour Le Tremplin de Dégelis

Mme Amélie Dionne

Mme Dionne : Merci, Mme la Présidente. La semaine dernière avait lieu la 23e édition du festival Le Tremplin de Dégelis. Cet événement rassembleur participe à la notoriété du Témiscouata mais de tout le Québec en soulignant le savoir-faire de notre industrie culturelle. C'est une vitrine incontournable pour la relève de la chanson francophone et de l'humour d'ici, et ça se passe chez nous, au Témiscouata.

Je tiens à féliciter les organisateurs et la centaine de bénévoles qui ont travaillé très fort pour présenter cet événement de qualité. Dernièrement, j'ai eu l'honneur de remettre à notre président, Christian Ouellet, et notre charmante et dévouée Chantal St-Laurent, directrice, le prix Bénévolat-Québec, à l'Assemblée nationale, une reconnaissance bien méritée quand on constate toute la mobilisation de nombreux bénévoles qui ont à coeur Le Tremplin et qui reviennent année après année. Mention spéciale également à Mme France Lavoie, fondatrice du festival.

Au nom de tous les Témiscouatains, je vous dis merci et bravo.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Mme la députée d'Iberville, la parole est à vous.

Souligner le travail de l'Association québécoise de défense
des droits des personnes retraitées et préretraitées

Mme Audrey Bogemans

Mme Bogemans : Merci beaucoup, Mme la Présidente.

Le territoire d'Iberville est desservi par trois secteurs de l'AQDR, dont les grands rôles sont la défense, la protection et la promotion des droits des personnes aînées. Ces associations organisent multiples activités, telles que des dîners-causeries, des cafés-rencontres, des conférences et des formations, afin de permettre aux aînés de conserver une vie sociale et un sentiment de pleine capacité sur leur vie et de leur évolution, tout en s'informant sur leurs droits. Comme nous, tous ces secteurs croient à la nécessité que nos aînés aient un revenu décent, un logement convenable, un accès aux services et aux soins de santé quand ils en ont besoin, ainsi que les moyens de transport collectif adaptés à une clientèle plus âgée.

De la part des aînés de notre comté et de nous tous, merci d'être là, pour l'AQDR, secteur Monts et rivières, Forts et jardins, AQDR de Granby, de représenter les gens de chez nous en mettant des outils et des activités à disposition pour la recherche du bien commun, du respect et de la dignité des personnes âgées. Merci.

• (9 h 50) •

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Je cède la parole à M. le député de Blainville.

Souligner le 35e anniversaire de l'organisme Moisson Laurentides

M. Mario Laframboise

M. Laframboise : Merci, Mme la Présidente.

Aujourd'hui, je veux profiter de cette tribune pour souligner le 35e anniversaire d'un organisme qui répond aux besoins grandissants de notre collectivité. Je parle de Moisson Laurentides.

Connu initialement sous le nom de Moisson Basses-Laurentides, c'est en 1987 que cet organisme voit le jour, lorsque quelques organismes communautaires ont voulu se donner un outil permettant d'offrir un dépannage alimentaire aux personnes en difficulté. Ayant obtenu la modification demandée à sa charte pour Moisson Laurentides en 2005, établi à Blainville, il voit son territoire s'étendre du nord au sud, entre Ferme-Neuve et la rivière des Mille Îles, et de l'est à l'ouest, entre Lachenaie et Grenville-sur-la-Rouge, couvrant ainsi 10 municipalités régionales de comté. Membre de Banques alimentaires du Canada et Québec, doté d'installations modernes adaptées aux besoins et réalités depuis 2020, ce sont près de 20 000 personnes qui sont aidées chaque mois, dont le tiers sont des enfants, grâce à 113 organismes approvisionnés par Moisson Laurentides.

En tant que député de Blainville, permettez-moi de remercier le C.A. et la directrice générale, Mme Annie Bélanger, et toute son équipe pour le dévouement exceptionnel envers notre communauté. Merci de faire la différence pour nos familles. Bon 35e anniversaire!

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. M. le député de Chapleau, la parole est à vous.

Souligner la présence de membres de l'équipe de Radio
jeunesse en visite à l'Assemblée nationale

M. Mathieu Lévesque

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Je me lève aujourd'hui au salon bleu afin de souligner la présence de près d'une quarantaine de jeunes dynamiques de Radio jeunesse à l'Assemblée nationale du Québec. Ils sont venus à la rencontre des élus et ils feront des entrevues tout au long de la journée qui seront diffusées sur les ondes du 1670 AM, à Gatineau, en réseau avec 14 radios Web du Québec.

Mme la Présidente, Radio jeunesse, c'est un organisme basé depuis 2005 à La Maison de la culture de Gatineau, en plein coeur de mon comté de Chapleau, en Outaouais. L'organisme offre une plateforme médiatique aux jeunes où ils peuvent s'initier à la radio et s'exprimer librement. L'objectif, c'est de laisser libre cours à la créativité de la jeunesse de l'Outaouais tout en prônant l'importance de la langue française.

Radio jeunesse a pris de l'expansion et compte maintenant 15 stations radio Web dans plusieurs écoles secondaires à travers le Québec. Cette radio par et pour les jeunes permet à des centaines d'étudiants québécois de développer leurs compétences en communication. Chaque mois, ils produisent une émission et réalisent des entrevues avec des personnalités québécoises.

Félicitations pour votre implication! Vous êtes la relève médiatique québécoise et vous pouvez en être très, très fiers. Bravo!

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Maintenant, Mme la députée de Champlain, la parole est à vous.

Féliciter la troupe de danse Conversion, gagnante de
l'émission de télévision Canada's Got Talent

Mme Sonia LeBel

Mme LeBel : Merci, Mme la Présidente. C'est vraiment un bonheur pour moi d'avoir l'occasion de souligner la magnifique performance de la troupe de danse Conversion à l'émission Canada's Got Talent. En effet, ils ont remporté la deuxième saison en éblouissant le public et les juges grâce à un numéro de danse inoubliable lors de la finale du 16 mai dernier.

Conversion, Mme la Présidente, c'est une troupe du studio District 5, qui est situé au Cap-de-la-Madeleine, dans ma circonscription, mais c'est aussi 37 jeunes danseurs qui ont mis tout leur talent, leur coeur et leur énergie dans cette aventure extraordinaire. Ils sont la fierté de la Mauricie. Ils sont la fierté de tout le Québec.

Je ne peux pas passer sous silence, Mme la Présidente, le grand talent de Vincent Desjardins, qui est le propriétaire de l'école, leur professeur, le chorégraphe qui a su nous émouvoir par ses chorégraphies au style évocateur.

Mais l'aventure ne s'arrête pas là pour eux. Les danseurs vont poursuivre leur ascension en participant bientôt à un événement qui est produit par America's Got Talent à Las Vegas.

Cette histoire nous démontre, Mme la Présidente, que poursuivre nos rêves peut nous mener très loin. Encore bravo!

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Pour conclure cette rubrique, je cède la parole à Mme la députée de Mirabel.

Féliciter les gagnantes du Championnat des débats d'étudiants du
centre de services scolaire de la Rivière-du-Nord

Mme Sylvie D'Amours

Mme D'Amours : Merci, Mme la Présidente. C'est avec grand enthousiasme que mes collègues députés de Les Plaines et de Repentigny se joignent à moi afin de féliciter quatre étudiantes récipiendaires des premières places de la 16e édition du championnat des débats d'élèves du centre de services scolaire de la Rivière-du-Nord, le 12 avril dernier, à Mirabel.

Certaines présentes aujourd'hui dans nos tribunes. Saluons Doria, Catalina, Riham et Rym. Elles ont pu nous démontrer tout leur talent de débatteuses et la profondeur de leur esprit et de leurs opinions sur des sujets précis et complexes.

Apprendre à se questionner et à questionner les autres permet d'évoluer des idées et de la réflexion. C'est d'ailleurs ce que nous faisons tous les jours ici, au salon bleu.

Alors, Mme la Présidente, encore une fois, permettez-moi de féliciter toutes les gagnantes de ce concours. Bravo!

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Ceci met fin à la rubrique de déclarations de députés.

Et je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 9 h 55)

(Reprise à 10 h 05)

La Présidente : Bonjour, tout le monde. Distingués invités, messieurs dames les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Nous poursuivons les affaires courantes.

Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi

À la rubrique Présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : ...s'il vous plaît.

Projet de loi n° 17

La Présidente : À l'article a du feuilleton, M. le ministre délégué à l'Économie présente le projet de loi n° 17, Loi modifiant diverses dispositions principalement aux fins d'allègement du fardeau réglementaire et administratif. M. le ministre.

M. Christopher Skeete

M. Skeete : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Permettez-moi, en premier lieu, de souligner la présence dans nos tribunes de François Vincent, vice-président pour le Québec à la FCEI et coprésident du Comité-conseil sur l'allègement réglementaire et administratif du gouvernement du Québec.

Ça me fait plaisir, aujourd'hui, de vous présenter ce projet de loi, qui prévoit diverses dispositions ayant principalement pour but d'alléger le fardeau réglementaire et administratif des entreprises.

Le projet de loi allège différentes dispositions comme les boissons alcooliques, notamment en éliminant le permis de livraison, en permettant aux transports publics d'entreposer et de transporter des boissons alcooliques et en autorisant les titulaires de permis de restaurant à servir ou à vendre, pour emporter ou pour livrer, des boissons alcooliques à base d'alcool ou de spiritueux définies par le règlement. Il définit la fréquence de production de rapports par les titulaires de permis de production artisanale, simplifie les dispositions relatives aux autocollants qu'ils doivent apposer sur... pardon, apposer et leur permet d'utiliser les matières premières d'un autre producteur en cas de force majeure. Il prévoit également des assouplissements se rapportant à la dégustation des boissons alcooliques ou de marquage de leurs contenants.

Par ailleurs, le projet de loi prescrit le paiement d'une majoration déterminée par la Société des alcools du Québec pour la vente des vins produits par les titulaires de permis de la production artisanale aux titulaires de permis d'épicerie. Il limite la quantité de l'alcool et des spiritueux artisanaux fabriqués à partir de grains de céréales, de pommes de terre ou de lactosérum qui peut être vendue annuellement. Il modifie différentes dispositions relatives aux inspections et aux enquêtes et élargit le régime de sanctions administratives pécuniaires prévu par la Loi sur la Société des alcools du Québec.

De plus, le projet de loi abolit l'ensemble des normes spécifiques aux concours publicitaires, y compris celle imposant le paiement de droits à la Régie des alcools, des courses et des jeux pour la tenue de tels concours.

Le projet de loi favorise l'harmonisation des normes applicables au Québec en matière de construction et de sécurité des bâtiments. À cette fin, il modifie la Loi sur le bâtiment notamment pour garantir que seules les normes les plus exigeantes puissent être adoptées par les municipalités en ces matières et pour uniformiser l'application de certaines dispositions portant sur la sécurité du public. Il accorde à la Régie du bâtiment du Québec le pouvoir de déterminer, par règlement, les pouvoirs que peuvent exercer les municipalités pour vérifier l'application des normes prévues au Code de construction et au Code de sécurité sur leur territoire ainsi que les municipalités qui doivent vérifier l'application de telles mesures... pardon, de telles normes dans certains cas.

Le projet de loi modifie certaines exigences relatives au nom des entreprises et met fin à l'obligation visant certains employeurs de produire une déclaration annuelle des activités de formation admissibles.

Le projet de loi modifie la Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier pour accorder au ministre responsable de l'application de cette loi le pouvoir de suspendre le droit conféré par la garantie d'approvisionnement d'un bénéficiaire dont l'usine a cessé ses activités depuis plus de six mois et pour habiliter le bureau de la mise en marché du bois à évaluer la valeur des dépenses des protections et de mise en valeur admissibles. Il modifie également la Loi sur les mines pour permettre la prolongation des baux non exclusifs pour l'exploitation des substances minérales de surface.

Le projet de loi modifie également des lois du domaine municipal, notamment en ce qui trait au budget, au programme triennal d'immobilisations, à la vérification des états financiers et aux contrats ayant pour objet l'amélioration du rendement énergétique d'équipements et d'infrastructures.

Le projet de loi apporte des modifications en matière de publicité des droits, plus particulièrement pour réduire le délai de publication pour rendre certains droits opposables au tiers.

Le projet de loi élimine certaines formalités relatives à différents permis, principalement en retirant l'exigence de renouvellement pour les permis d'agence de placement de personnel, d'agence de recrutement de travailleurs étrangers temporaires et de service de référence de main-d'oeuvre dans l'industrie de construction.

Le projet de loi modifie la Loi sur les contrats des organismes publics relativement à la déclaration d'intégrité.

Enfin, le projet de loi apporte des modifications de concordance et contient des dispositions transitoires.

Merci beaucoup, Mme la Présidente.

Mise aux voix

La Présidente : Je reconnais... Alors, est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. Oui, là, je reconnais le leader de l'opposition officielle.

M. Derraji : Bien sûr, Mme la Présidente, nous souhaitons la tenue de consultations particulières afin d'étudier ce projet de loi. Merci.

Dépôt de documents

La Présidente : Maintenant, à la rubrique Dépôt de documents, M. le ministre des Finances.

• (10 h 10) •

M. Girard (Groulx) : Permettez-moi de déposer le rapport annuel 2022 de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente : Ce document est déposé. M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : Oui, Mme la Présidente. Je dépose la réponse à la question inscrite le 5 avril 2023 par le député de Laurier-Dorion.

La Présidente : Ce document est déposé.

Dépôt de rapports de commissions

À la rubrique Dépôt de rapports de commissions, M. le président de la Commission de la santé et des services sociaux et député de Beauce-Nord.

Consultations particulières sur le projet de loi n° 15

M. Provençal : Mme la Présidente, je dépose le rapport de la Commission de la santé et des services sociaux qui, les 19 et 20 avril ainsi que les 9, 10, 11 et 23 mai, a tenu des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières sur le projet de loi n° 15, Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente : Ce rapport est déposé.

Dépôt de pétitions

À la rubrique Dépôt de pétitions, M. le député de Maskinongé.

Mettre en place des mesures visant à encadrer les personnes
potentiellement violentes dont l'état mental est perturbé

M. Allaire : Merci, Mme la Présidente. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 23 650 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants :

«Considérant le récent drame survenu à Louiseville où une agente de la Sûreté du Québec a perdu la vie dans le cadre d'une arrestation policière d'une personne en état de crise;

«Considérant que le nombre de drames horribles impliquant des personnes dont l'état mental est perturbé — PEMP — est en nette augmentation depuis quelques années, laissant ainsi dans leur sillage la mort d'enfants, de mères, de pères ou de grands-parents, et des familles endeuillées;

«Considérant que le nombre d'appels aux policiers pour qu'ils interviennent pour une PEMP potentiellement violente est également en augmentation depuis 2018, soit plus de 35 % seulement pour la Sûreté du Québec;

«Considérant que les [policiers] et [policières] du Québec doivent être tenus informés avant leur intervention de la présence sur leur territoire d'une PEMP potentiellement violente;

«Considérant qu'il est important et urgent d'intervenir afin de mieux encadrer ces personnes lors de leur remise en liberté, de même que les décisions de la Commission d'examen des troubles mentaux du Québec — CETMQ — afin que la sécurité du public soit davantage prise en compte;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi :

«Nous, signataires, demandons au gouvernement du Québec :

«D'établir un protocole entre les différents ministères concernés, afin que la présence de PEMP potentiellement violentes sur un territoire donné soit connue par les autorités policières et qu'il y ait un meilleur encadrement de ces personnes lors de leur remise en liberté;

«De demander au gouvernement du Canada d'entreprendre une révision législative des critères de décision de la CETMQ afin de mieux assurer la sécurité de la population.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

La Présidente : Cet extrait de pétition est déposé. Mme la députée de Sherbrooke.

Régler les plaintes liées au maintien de l'équité salariale dans
le réseau de la santé et des services sociaux

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 6 500... — voyons! — 5 632 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants :

«Considérant que, près de 26 ans après l'adoption de la Loi sur l'équité salariale, l'écart horaire moyen entre les salaires des femmes et des hommes est encore d'environ 10 %;

«Considérant que, dans le réseau de la santé et des services sociaux, des plaintes pour le règlement du maintien de l'équité salariale ne sont toujours pas réglées, et ce, pour plusieurs titres d'emploi, notamment dans le secteur bureau et de l'administration;

«Considérant que les tâches et responsabilités liées aux titres d'emploi visés par ces plaintes ont grandement évolué au cours des dernières années et que le Conseil du trésor n'a pas tenu compte de ces changements;

«Considérant que cette situation porte atteinte et préjudice à des travailleuses du réseau, et ce, depuis plus de 12 ans;

«Considérant qu'il y a urgence d'agir pour éliminer toute discrimination salariale, particulièrement dans un contexte difficile en ce qui a trait à l'attraction et la rétention du personnel;

«L'intervention réclamée se résume ainsi :

«Nous, signataires, demandons au gouvernement du Québec de régler dès maintenant les plaintes de maintien de l'équité salariale afin de mettre fin à cette injustice et de reconnaître un juste salaire au personnel de bureau et de l'administration du réseau de la santé et des services sociaux.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

La Présidente : Cet extrait de pétition est déposé. J'ai reçu une demande de M. le député de Maskinongé pour la présentation d'une pétition non conforme. Y a-t-il consentement pour la présentation de cette pétition? Consentement. M. le député de Maskinongé.

Mettre en place des mesures visant à encadrer les personnes
potentiellement violentes dont l'état mental est perturbé

M. Allaire : Merci, Mme la Présidente. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 350 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants :

«Considérant le récent drame survenu à Louiseville où une agente de la Sûreté du Québec a perdu la vie dans le cadre d'une arrestation policière d'une personne en état de crise;

«Considérant que le nombre de drames horribles impliquant des personnes dont l'état mental est perturbé — PEMP — est en nette augmentation depuis quelques années, laissant ainsi dans le sillage la mort d'enfants, de mères, de pères [et] de grands-parents, et des familles endeuillées;

«Considérant que le nombre d'appels aux policiers pour qu'ils interviennent pour une PEMP potentiellement violente est également en augmentation depuis 2018, soit plus de 35 % seulement pour la Sûreté du Québec;

«Considérant que les [policiers] et [policières] du Québec doivent être tenus informés avant leur intervention de la présence sur leur territoire d'une PEMP potentiellement violente;

«Considérant qu'il est important et urgent d'intervenir afin de mieux encadrer ces personnes lors de leur remise en liberté, de même que les décisions de la Commission d'examen des troubles mentaux du Québec — CETMQ — afin que la sécurité publique soit davantage prise en compte;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi :

«Nous, signataires, demandons au gouvernement du Québec :

«D'établir un protocole entre les différents ministères concernés, afin que la présence de PEMP potentiellement violentes sur un territoire donné soit connue par les autorités policières et qu'il y ait un meilleur encadrement de ces personnes lors de leur remise en liberté;

«De demander au gouvernement du Canada d'entreprendre une révision législative des critères de décision de la CETMQ afin de mieux assurer la sécurité de la population.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente : Cet extrait de pétition est déposé. Et j'ai reçu une demande de Mme la députée de Sherbrooke pour la présentation d'une pétition non conforme. Y a-t-il consentement pour la présentation de cette pétition?

Des voix : Consentement.

La Présidente : Consentement. Mme la députée de Sherbrooke.

Régler les plaintes liées au maintien de l'équité salariale dans
le
réseau de la santé et des services sociaux

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 2 936 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants :

«Considérant que, près de 26 ans après l'adoption de la Loi sur l'équité salariale, l'écart horaire moyen entre les salaires des femmes et des hommes est encore d'environ 10 %;

«Considérant que, dans le réseau de la santé et des services sociaux, des plaintes pour le règlement du maintien de l'équité salariale ne sont toujours pas réglées, et ce, pour plusieurs titres d'emploi notamment dans le secteur bureau et de l'administration;

«Considérant que les tâches et responsabilités liées aux titres d'emploi visés par ces plaintes ont grandement évolué au cours des dernières années et que le Conseil du trésor n'a pas tenu compte de ces changements;

«Considérant que cette situation porte atteinte et préjudice à des travailleuses du réseau, et ce, depuis plus de 12 ans;

«Considérant qu'il y a urgence d'agir pour éliminer toute discrimination salariale, particulièrement dans un contexte difficile en ce qui a trait à l'attraction et la rétention du personnel;

«L'intervention réclamée se résume ainsi :

«Nous, signataires, demandons au gouvernement du Québec de régler dès maintenant les plaintes de maintien de l'équité salariale afin de mettre fin à cette injustice et de reconnaître un juste salaire au personnel de bureau et de l'administration du réseau de la santé et des services sociaux.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci.

La Présidente : Cet extrait de pétition est déposé.

Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales, et je cède la parole, en question principale, au député de Pontiac.

Pénurie de main-d'oeuvre dans le réseau de la santé

M. André Fortin

M. Fortin : Mme la Présidente, hier, après six jours de consultations, le ministre de la Santé a mis fin aux audiences sur son projet de loi mammouth, sur sa réforme de gouvernance du réseau de la santé, six jours, et ce, même si 55 groupes demandaient de continuer juste une petite affaire le processus de consultation. Mais, ceux qui sont venus, Mme la Présidente, qu'est-ce qu'ils nous ont dit? Que le statu quo ne pouvait pas continuer. Évidemment, il n'y a pas un Québécois qui est pleinement d'accord ou pleinement satisfait du réseau de la santé. Mais groupe après groupe nous a dit qu'il ne voyait pas comment le projet de loi améliore les soins de santé, parce que le plus gros enjeu, en matière de soins de santé, il est ignoré dans le projet de loi, c'est-à-dire la main-d'oeuvre.

Mme la Présidente, on perd, au net, 10 000 employés du réseau de la santé à chaque année. Nos ambulanciers sont en bris de service répétés par manque de main-d'oeuvre. Les travailleurs sociaux sont en manque dans chaque région parce que le gouvernement refuse d'en former davantage.

Quand est-ce qu'on va regarder la réalité en face puis se dire qu'on ne peut pas ignorer le plus gros problème dans le réseau de la santé?

• (10 h 20) •

La Présidente : La réponse du ministre de la Santé.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Bien, Mme la Présidente, je pense qu'il y a plusieurs choses qu'on s'entend, avec les membres de l'opposition, mais c'est sûr qu'on ne s'entend pas sur tout. Et il y a une chose qui est très claire, où on s'entend, c'est qu'il y a un grand manque de main-d'oeuvre. Puis ça, tout le monde le reconnaît.

Mais le projet de loi n° 15, je l'ai dit et je vais le répéter, n'est pas la seule action du gouvernement pour régler le problème de main-d'oeuvre. On a un enjeu majeur avec nos conventions collectives, on doit les simplifier, on doit donner des meilleures conditions, et c'est ce que ma collègue au Trésor fait présentement. Le projet de loi n° 15, pour sa part, travaille sur d'autres aspects, gestion de proximité, pour qu'entre autres nos employés soient dans un meilleur environnement de travail. Alors, il faut faire la différence entre ce qu'on fait avec le projet de loi n° 15 et ce qu'on fait avec nos autres initiatives.

Alors, hier, je pense qu'on a conclu une quarantaine de rencontres, il y a à peu près plus de 100 mémoires qui ont été déposés, ce qui veut dire qu'il y a un momentum important non seulement de tous les partenaires du réseau de santé à vouloir apporter une bonification au projet de loi... Moi, je trouve ça très encourageant, Mme la Présidente...

La Présidente : En terminant.

M. Dubé : ...parce qu'on va être capables d'arriver avec un projet de loi intéressant.

La Présidente : Première complémentaire.

M. André Fortin

M. Fortin : Avez-vous entendu un plan sur la main-d'oeuvre, Mme la Présidente? La réalité, là, c'est que l'Ontario, cette année, a attiré tellement d'infirmières que la moitié viennent de l'étranger. Le ministre, lui, veut en attirer 600. 600, là, ça veut dire à peine une trentaine pour des régions comme l'Outaouais, l'Estrie, la Mauricie. La réalité, c'est que l'Ontario vient recruter nos infirmières, puis le Nouveau-Brunswick aussi, puis nous, on reste les bras croisés pendant ce temps-là. Parti comme c'est là, l'été va être long. Les gens sont mieux de s'amener un panier à pique-nique, à l'urgence, avec déjeuner, dîner, souper, parce qu'ils vont attendre longtemps.

La Présidente : La réponse du ministre.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Bien, écoutez, on peut en rire, là, mais moi, je prends ça très au sérieux, ce qu'on est en train de faire. Je regarde, par exemple, ce qu'on a décidé de faire sur la main-d'oeuvre, juste, par exemple, le projet de loi n° 10, qui nous a permis de mettre un frein, par exemple, à la main-d'oeuvre indépendante, je pense aussi que c'est une action très importante qui a été faite dans les dernières semaines. Je regarde tout le programme de bourses qu'on vient de faire avec nos préposés aux bénéficiaires, juste à titre d'exemple, on vise à aller chercher, cette année seulement, comme on l'avait fait en 2020, plus de 5 000 préposés aux bénéficiaires. Je pense que ce sont des actions très concrètes qui vont nous permettre, pas comme ça...

La Présidente : En terminant.

M. Dubé : ...mais dans les prochains jours, dans les prochaines semaines, de faire une différence.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. André Fortin

M. Fortin : Prenons juste une région, Mme la Présidente, l'Estrie, où c'est enjeu par-dessus enjeu. Dans le prochain mois et demi, là, il y a 5 100 quarts de travail qui vont être à découvert juste pour les infirmières et les préposés, puis ça va être la même chose au mois de juillet puis la même chose au mois d'août. Pendant ce temps-là, il y a des cadres qui quittent le navire les uns après les autres parce que le climat de travail y est invivable. Ce n'est pas compliqué, Mme la Présidente, il y a presque autant de départs au CIUSSS de l'Estrie qu'au ministère de la Cybersécurité.

Comment le ministre de la Santé peut nous dire qu'il n'y a pas d'enjeu au CIUSSS de l'Estrie, que tout va bien?

La Présidente : M. le ministre.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Bien, écoutez, premièrement, je n'ai pas dit que... je n'ai jamais dit qu'il n'y avait pas d'enjeu. Je pense que ce qu'on a, c'est qu'on a des très bons P.D.G. qui sont en train de faire un changement de culture, qui sont, en ce moment, en train de demander aux employés, aux gestionnaires de se rapprocher du terrain pour changer cette culture-là. Et je pense que ce qui est arrivé...

Le même député me reprochait ce qui se passait au centre de la Montérégie... pas de la Montérégie, mais au Centre-du-Québec, Mauricie—Centre-du-Québec. Il y a une grosse amélioration, depuis quelques semaines, dans les communications entre le P.D.G... On va faire la même chose, on va suivre la situation de très proche, de ce qui se passe à Sherbrooke.

Mme la Présidente, on est en train de changer la culture du réseau de la santé.

La Présidente : En terminant.

M. Dubé : Ça ne se fait pas rapidement, mais ça se fait de la bonne façon. Merci beaucoup.

La Présidente : En question principale, je reconnais la députée de D'Arcy-McGee. La parole est à vous.

Accès aux services en santé mentale pour les jeunes

Mme Elisabeth Prass

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. J'ai deux enfants, et mon plus grand souci, c'est que mes enfants soient heureux. Le pire cauchemar de tous les parents, c'est de voir leurs enfants en détresse et ne pas recevoir l'aide dont ils ont besoin rapidement.

Dans les trois dernières années, les parents et proches de plus de 200 jeunes de moins de 25 ans ont été forcés d'affronter une atroce douleur, la perte d'un enfant qui s'est enlevé la vie. C'est une énorme tragédie. La détresse des jeunes est en hausse, et plusieurs de ces récents suicides ont soulevé d'importantes lacunes dans l'accès aux soins en santé mentale. Mme la Présidente, 53 % de ces jeunes qui se sont enlevé la vie étaient connus pour des idées suicidaires ou avaient déjà consulté pour des problèmes de santé. Il est impératif d'agir maintenant pour protéger notre jeunesse et pour fournir plus de soutien et de services en santé mentale au moment où ces jeunes en ont vraiment besoin.

Quel est le plan du ministre des Services sociaux, car, clairement, ce qui est en place ne suffit pas?

La Présidente : M. le ministre responsable des Services sociaux.

M. Lionel Carmant

M. Carmant : Bien, merci, Mme la Présidente. Je remercie la députée de D'Arcy-McGee pour sa question et je joins ma voix à la sienne pour dire qu'un suicide, c'est toujours un suicide de trop.

Maintenant, je suis sûr qu'elle connaît les chiffres, comme la plupart d'entre nous aussi devraient le savoir, que le taux de suicide, actuellement, au Québec, est au plus bas qu'il ait jamais été, incluant au niveau des adolescents.

Donc, est-ce qu'on dit qu'on fait un bon travail? Non, on ne dit pas ça. Nous, ce qu'on fait, on se retrousse les manches puis on continue le travail. Qu'est-ce que c'est, le travail? On fait de la prévention, de la promotion de la santé mentale dans les écoles. Je vous ai promis qu'on allait travailler sur l'améliorer, on est en train de travailler avec les différentes régions pour améliorer le service. On inaugure des services sans rendez-vous pour nos adolescents. On est rendus... J'ai inauguré la 19e Aire ouverte cette semaine à Joliette avec le député. On va continuer à en ouvrir d'autres dans toutes les régions du Québec, parce que c'est ça que les jeunes nous demandent, du service sans rendez-vous : Quand je cogne à la porte, je veux une réponse. Puis c'est ça qu'on est en train de mettre partout au Québec, Mme la Présidente.

Ensuite, il faut améliorer les services de crise. Je l'ai dit, il faut que, si on se présente à l'urgence, on soit bien accueilli. Donc, on va mettre des guichets pour les...

La Présidente : En terminant.

M. Carmant : ...en santé mentale dans toutes les urgences du Québec. On continue, Mme la Présidente.

La Présidente : Première complémentaire.

Mme Elisabeth Prass

Mme Prass : Mme la Présidente, je me lève aujourd'hui pour vous parler de cas réels, pour ces jeunes adolescents aux prises avec des pensées suicidaires qui ont passé six jours dans une urgence psychiatrique avec des adultes en crise, et parfois menottés, faute de place dans le centre de pédopsychiatrie Sacré-Coeur. Le système laisse tomber ces jeunes. Ils sont carrément abandonnés par le système.

Le ministre peut continuer de me parler de ses plans, qui ne marchent clairement pas, mais que va-t-il faire pour répondre aujourd'hui aux familles de ces jeunes qui ont été complètement abandonnées par le système?

La Présidente : M. le ministre.

M. Lionel Carmant

M. Carmant : Je ne suis pas d'accord que le plan ne marche clairement pas, puisque le résultat, c'est que, dans la dernière année, on a abaissé la liste d'attente jeunesse de 15 %, Mme la Présidente, c'est significatif, malgré une augmentation de la demande très importante.

La situation qu'elle déclare, qu'elle nous rapporte, c'est évidemment exceptionnel puis vraiment pas désirable, mais je pense qu'ici il faut dire que les médecins, les équipes traitantes ont décidé de garder ces enfants-là parce qu'ils en avaient besoin, ils les ont gardés pour sauver la vie de ces enfants-là, on ne peut pas se plaindre de ça, Mme la Présidente. Donc, on regarde pour s'assurer que ça ne se reproduise pas, mais laissons les soignants soigner et occupons-nous de nos enfants de façon appropriée.

La Présidente : En terminant.

M. Carmant : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

Mme Elisabeth Prass

Mme Prass : Mme la Présidente, six jours, c'est longtemps pour ne pas trouver une... aller en psychothérapie.

Lors des consultations sur le projet de loi n° 15, plusieurs groupes se sont exprimés pour dénoncer le manque d'attention sur les dossiers en services sociaux tels que la santé mentale. Mme la Présidente, figurez-vous que, tout au long des presque 2 000 articles du projet de loi n° 15, zéro fois on mentionne l'autisme, zéro fois on mentionne la santé mentale. On mentionne le handicap uniquement pour faire référence à des lois. Aujourd'hui, plusieurs groupes oeuvrant en services sociaux dénoncent qu'ils n'ont même pas été invités aux consultations.

Est-ce que le...

La Présidente : M. le ministre.

M. Lionel Carmant

M. Carmant : Merci, Mme la Présidente. Je pense qu'après l'enjeu de 2015, là, puis la loi n° 10, les services sociaux ont été en stress post-traumatique, là, puis ils ont... ils sont inquiets du changement. Mais on leur a dit qu'on pensait aux services sociaux. Premièrement, on met un directeur des services sociaux dans tous les établissements et à Santé Québec. Ça, ça n'existe pas actuellement. On met un conseil pour les services sociaux qui sera sur le même pied que le conseil des médecins, que le conseil des infirmières. Ça, c'est tout un gain, Mme la Présidente. Et on va faire la même chose dans chacun des établissements du Québec.

La Présidente : En terminant.

M. Carmant : Mon collègue, il a pensé aux services sociaux. Je l'en remercie.

Des voix : ...

La Présidente : Pas de commentaire après les réponses. En question principale, je reconnais la députée de La Pinière.

Ratio personnel-résidents dans les maisons des aînés

Mme Linda Caron

Mme Caron : Merci, Mme la Présidente. Alors, le 30 mars dernier, je demandais à la ministre des Aînés si elle pouvait s'engager au nom du gouvernement à ce que les personnes aînées hébergées en CHSLD et en maison des aînés bénéficient du même ratio personnel-patients. Elle avait répondu qu'elle ne voulait pas parler de ratio, et je la comprends, car l'iniquité est flagrante. Ce qu'on constate aujourd'hui, c'est qu'il va y avoir plus de deux fois... jusqu'à deux fois plus d'employés, oui, dans les maisons des aînés que dans les CHSLD. On parle pourtant ici de deux services publics pour la même clientèle.

Je vous donne un exemple. À la maison des aînés de Rivière-du-Loup, l'infirmière de nuit s'occupe de 60 personnes. Dans la même région, au CHSLD de Rimouski, c'est 112. Et, vous savez quoi, Mme la Présidente, le ratio sécuritaire, c'est 96. On met en danger la vie d'aînés qui sont fragiles.

Que va faire la ministre pour régler la situation?

• (10 h 30) •

La Présidente : Je vous rappelle d'abord de fermer vos sonneries d'appareils. La réponse de la ministre déléguée à la Santé et responsable des Aînés.

Mme Sonia Bélanger

Mme Bélanger : Oui, Mme la Présidente. Merci pour la question de ma collègue députée de La Pinière. J'ai lu comme vous tous les articles dans les journaux, dernièrement, concernant les ratios et la différence entre les ratios dans les maisons des aînés et les CHSLD, au Québec, et je profite de l'occasion pour répéter que nous sommes en transformation de notre réseau d'hébergement, au Québec, que ce soit avec l'arrivée des maisons des aînés, mais aussi en lien avec les CHSLD. Et d'ailleurs Philippe Voyer, qui est un professeur-chercheur à l'Université Laval, ici, à Québec, qui a passé plusieurs années de sa vie à travailler sur les ratios en maison des aînés et en CHSLD, mentionne, lui aussi, que les ratios, en fait, c'est un minimum requis et que, surtout, ce qui est important, c'est que l'organisation du travail soit ajustée en fonction des besoins des résidents. Donc, de comparer des ratios sans regarder...

La Présidente : En terminant.

Mme Bélanger : ...comment l'organisation du travail se fait, comment les infrastructures sont...

La Présidente : Première complémentaire.

Mme Linda Caron

Mme Caron : Mme la Présidente, la direction du CIUSSS de l'Estrie confirme qu'elle applique des ratios distincts aux CHSLD et aux maisons des aînés. Le président du Conseil de la protection des malades, lui, s'insurge contre le système à deux vitesses que le gouvernement est en train de créer, et la Communauté de pratique sur les soins à l'aîné en centre d'hébergement, qui est affiliée à l'Université Laval, dénonce cette iniquité.

Alors, je répète la question : Comment la ministre va-t-elle corriger la situation?

La Présidente : Mme la ministre.

Mme Sonia Bélanger

Mme Bélanger : Mme la Présidente, écoutez, je pense que j'ai eu l'occasion de le mentionner, là, on est vraiment en très grande transformation dans notre réseau d'hébergement, au Québec. Et ce n'est pas seulement les maisons des aînés. Vous savez, j'ai annoncé, il y a environ une dizaine de jours, que 19 CHSLD publics, au Québec, vont être reconstruits en maisons des aînés. Donc, les gens en veulent, des maisons des aînés, y compris la grande majorité des députés. On est en train de transformer l'organisation du travail. Puis j'en profite pour mentionner que, dans nos CHSLD publics, énormément de travail a été fait pour améliorer la qualité des soins et services. La grande majorité des résidents et des proches...

La Présidente : En terminant.

Mme Bélanger : ...sont satisfaits des services, et on va poursuivre, Mme la Présidente, dans ce sens.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

Mme Linda Caron

Mme Caron : Mme la Présidente, je viens de citer des experts du réseau de la santé. Ils demandent une chose : l'équité. L'équité au niveau des soins, au niveau des services, au niveau des ratios personnel-patients.

Est-ce que la ministre va écouter les experts, même en transformation, mettre fin au système à deux vitesses que le gouvernement est en train de créer et garantir des ratios sécuritaires dans les CHSLD autant que dans les maisons des aînés?

La Présidente : Mme la ministre.

Mme Sonia Bélanger

Mme Bélanger : La question de la sécurité des soins est fondamentale, et je rejoins tout à fait ma collègue dans ce sens-là. Dans les CHSLD, il y a eu énormément de travail de fait. Souvenons-nous que nous avons ajusté les ratios de préposés aux bénéficiaires, au cours des trois dernières années. Nous avons mis des gestionnaires dans l'ensemble des CHSLD. Nous avons aussi rehaussé le nombre d'infirmières auxiliaires et d'infirmières.

Cependant, c'est évident qu'avec la lourdeur de la clientèle il faut continuer d'ajuster, et c'est le rôle des gestionnaires et des équipes, dans chacun des CHSLD au Québec, de répondre aux besoins en fonction des réalités des personnes.

La Présidente : En terminant.

Mme Bélanger : Et ce n'est pas seulement des ratios chiffrés. Le ratio, pour moi, c'est un minimum, et on...

La Présidente : En question principale, je reconnais la députée de Mont-Royal-Outremont.

Postes vacants au ministère de la Cybersécurité et du Numérique

Mme Michelle Setlakwe

Mme Setlakwe : Mme la Présidente, après le chaos à la SAAQ et tous les autres défis que connaît le virage numérique, le ministère de la Cybersécurité continue de perdre des employés clés. Nous apprenons qu'un poste de plus s'ajoute aux dizaines vacants à ce ministère, et non le moindre, le directeur général de la sécurité de l'information gouvernementale. Il a quitté. Ce poste est névralgique, Mme la Présidente, surtout suite aux révélations récentes de consultation illégale de dossiers médicaux.

Les Québécois ont très hâte que leur gouvernement entre au XXIe siècle dans l'offre informatique, mais ils sont aussi inquiets, avec raison, que des informations les concernant demeurent confidentielles. Ils sont aussi inquiets que le ministère à qui le premier ministre a confié la tâche de coordonner la toile numérique du gouvernement n'est plus à la hauteur.

Le ministre de la Cybersécurité peut-il rassurer cette Chambre que les Québécois n'ont pas à s'inquiéter de tous les postes vacants à son ministère, et plus spécifiquement qu'il traitera prioritairement celui du D.G. à la sécurité de l'information gouvernementale?

La Présidente : M. le ministre de la Cybersécurité.

M. Éric Caire

M. Caire : Oui. Bien, d'entrée de jeu, je vais rassurer ma collègue, parce que ce poste-là est déjà comblé. Il fallait comprendre que la personne en question était un prêt de service, et c'était un spécialiste de la sécurité physique, qui est une expertise extrêmement ponctuelle, et on est arrivés au terme du prêt de service, et cette personne-là est retournée dans son ministère d'origine.

Mais il faut comprendre, Mme la Présidente, que le ministère de la Cybersécurité et du Numérique, c'est 1 903 ressources régulières et occasionnelles. Dans la dernière année, c'est 475 ressources de plus. Donc, quand on fait le solde de ceux qui sont partis à la retraite, ceux qui ont accepté des postes ailleurs ou ceux qui ont démissionné, c'est un solde de 134 ressources de plus. Donc, quand on dit, là, qu'il y a une hémorragie, je ne sais pas où on prend ça.

Mais ce qui est d'autant plus intéressant, Mme la Présidente, c'est que, quand on regarde par rapport au privé, nous avons recruté 204 ressources directement du privé, et 72 de nos ressources sont parties pour le privé. Ça veut dire que c'est un solde migratoire positif de 132 ressources. Alors, je pense que le ministère est attractif.

Sur l'expertise, Mme la Présidente, c'est 1 201 ressources qui travaillent en ressources informationnelles. Je pense que, oui, on peut rassurer les Québécois...

La Présidente : En terminant.

M. Caire : ...nous avons l'expertise pour réaliser nos mandats.

Des voix : ...

La Présidente : Pas de commentaire. Première complémentaire.

Mme Michelle Setlakwe

Mme Setlakwe : Parlons-en, d'experts. On attend toujours le rapport du comité d'experts créé il y a un an. En Ontario, un rapport équivalent a déjà été publié. Ce comité est constitué de membres reconnus dans l'industrie et du milieu académique, doit fournir un apport considérable aux réflexions que mènent les professionnels du ministère.

Mme la Présidente, doit-on comprendre que le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, dans son rôle autodécrété de conseiller transversal, peine à se faire lui-même conseiller?

La Présidente : M. le ministre.

M. Éric Caire

M. Caire : Bien, un, le mandat de conseiller, il est dans la loi pour laquelle le Parti libéral a voté. Donc, il n'y a pas d'autodécrété là-dedans.

Deuxièmement, le comité d'experts, on l'a mis en place pour nous aider dans les travaux qu'on a à faire. Le comité d'experts nous aide dans l'élaboration de la stratégie de transformation numérique et de cybersécurité que nous allons déposer prochainement. Le comité d'experts nous aide dans l'élaboration d'une politique nationale de cybersécurité parce qu'il faut comprendre que le ministère a maintenant un mandat de cybersécurité sur le territoire québécois. Ça amène une réflexion, les experts nous aident là-dessus. Et le comité d'experts nous aide aussi dans une éventuelle politique au niveau de l'utilisation et de l'intégration éthique de l'intelligence artificielle.

Donc, les experts sont à contribution, Mme la Présidente, ...

La Présidente : En terminant.

M. Caire : ...et il y aura différents rapports qui découleront de cette aide-là qu'ils vont nous donner.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

Mme Michelle Setlakwe

Mme Setlakwe : ...la sécurité de l'information des Québécois et des Québécoises, ce n'est pas banal. Sans pilote, sans équipage, sans orientation claire et bien définie dans des zones de turbulence, on a l'impression de naviguer autour d'un vide, dans ce ministère de la Cybersécurité et du Numérique.

Face à SAGIR, à SAAQclic et le nuage gouvernemental, sommes-nous devant le triangle des Bermudes du gouvernement?

La Présidente : M. le ministre.

M. Éric Caire

M. Caire : Aïe! elle me parle de SAGIR, Mme la Présidente. Alors, on va faire l'historique de SAGIR. SAGIR : projet qui a été lancé par le gouvernement libéral en 2004 pour remplacer les systèmes d'administration du gouvernement du Québec. En 2018, sur les sept modules SAGIR, il y en avait deux qui avaient été livrés. 14 ans, deux modules. Il me semble que vous ne devriez pas parler de SAGIR.

Ceci étant dit, Mme la Présidente, le ministère de la Cybersécurité, au niveau de la sécurité de l'information, est en action. On a déployé le Réseau gouvernemental de cyberdéfense, on a créé le Centre gouvernemental de cyberdéfense. On travaille maintenant en collaboration, en partage plutôt qu'en silo. Et je pense que les systèmes d'information des Québécois n'ont jamais été aussi bien protégés que maintenant.

La Présidente : Je vous rappelle qu'on s'adresse à la présidence. Question principale, le chef du deuxième groupe d'opposition.

Augmentation de la rémunération des députés

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Hier, le premier ministre a défendu sa hausse de 30 000 $ du salaire des députés en nous disant, et je cite, qu'un jeune père de famille a le droit d'aller gagner le plus d'argent possible pour donner le plus possible à ses enfants. Puis vous savez quoi, Mme la Présidente? Il y a du vrai dans ce que dit le premier ministre. Il y a des centaines de milliers de mères et de pères de famille au Québec qui veulent donner le mieux à leurs enfants. Je pense aux profs qui préparent leurs cours des fois jusqu'à minuit la veille, aux infirmières qui font du temps supplémentaire puis qui ne sont même pas capables de dire à leurs enfants s'ils vont arriver à l'heure le soir à la maison. Je pense au monde qui ont deux jobs, au monde qui travaillent de nuit, au monde qui sortent tard de l'usine. Tout ce monde-là veut aussi, veut aussi donner le mieux à leurs enfants.

Toutes les familles font face à la hausse des taux d'intérêt, à la hausse des loyers, à l'explosion de leur facture d'épicerie, mais les familles du Québec n'ont pas le privilège de se voter à elles-mêmes une augmentation de 30 000 $ par année. Nous l'avons ici, à l'Assemblée nationale, et ce n'est pas normal.

Le premier ministre est à court d'arguments. Il réalise, comme tout le monde, que son projet de loi pour augmenter le salaire des députés de 30 000 $ par année, il est complètement déconnecté du quotidien des Québécois et des Québécoises.

Est-ce qu'il peut faire la chose honorable et reculer?

• (10 h 40) •

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui, Mme la Présidente, le chef du deuxième groupe d'opposition nous parle, entre autres, des enseignants, des enseignantes. Ceux qui étaient ici lors du dernier mandat vont se rappeler du débat qu'on a eu souvent ici, à l'Assemblée nationale, parce que notre gouvernement voulait augmenter le salaire des enseignants de 15 % à 18 %, contrairement aux autres employés, où on offrait une offre de 7 % à 8 %. Et je me rappelle, à plusieurs reprises, d'avoir interpelé Québec solidaire, qui défendait les syndicats, qui voulait la même hausse pour tout le monde. Donc, Québec solidaire n'était pas d'accord qu'on donne une augmentation plus grande aux enseignantes, de 15 % à 18 %. Donc, vous allez comprendre, c'est un peu spécial de voir le chef de Québec solidaire se lever, aujourd'hui, puis dire : Bien, on voudrait donner des augmentations plus grandes aux enseignantes. À l'époque, il défendait les syndicats qui voulaient la même augmentation pour tout le monde.

Maintenant, Mme la Présidente, je reviens sur le salaire des députés. Le Bureau de l'Assemblée nationale a nommé un expert indépendant avec Lise Thériault, ex-députée du Parti libéral, Martin Ouellet, ex-député du Parti québécois. Ils ont fait des recommandations pour valoriser la profession de député, puis les recommandations ont été directement appliquées dans un projet de loi.

La Présidente : Première complémentaire.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Ça fait plusieurs fois que j'entends le premier ministre dire qu'il faut valoriser la profession de député et qu'augmenter le salaire des membres de l'Assemblée nationale, ça va aussi être une manière de recruter mieux en vue des prochaines élections.

Si c'est ça, la motivation qui l'habite, si sincèrement ce qu'il veut, c'est des meilleurs salaires pour les députés pour recruter pour la prochaine législature, accepte-t-il la proposition de Québec solidaire de repousser la hausse à la prochaine législature?

La Présidente : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Mme la Présidente, je le répète, on suit la recommandation du rapport. Le rapport qui a été déposé, avec un expert en ressources humaines, avec une représentante du Parti libéral, un représentant du Parti québécois, dit que les augmentations doivent être appliquées dès maintenant.

Donc, Mme la Présidente, je comprends, là, que le député de Québec solidaire a une position qui est différente. Il a refusé de participer au comité indépendant. Sa députée de Mercier a été très claire avec notre whip : Nous, on aime mieux ne pas participer à ça...

La Présidente : En terminant.

M. Legault : ...pour pouvoir chialer après.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

Des voix : ...

La Présidente : Silence, s'il vous plaît!

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Le premier ministre a complètement évité ma question, qui est pourtant simple. Il nous dit qu'il veut bonifier les salaires de 30 000 $ par année pour les députés et il nous dit que sa motivation, c'est recruter du meilleur monde la prochaine fois. Bon, je ne trouve pas ça gentil pour ses 89 collègues, mais, sérieusement, là, si c'est ça, sa motivation, c'est son projet de loi, il le dépose, il a le pouvoir de le modifier. Accepte-t-il la proposition de Québec solidaire de repousser la hausse après 2026?

La Présidente : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui. Mme la Présidente, on applique le rapport tel qu'il a été déposé.

Maintenant, le chef de Québec solidaire nous dit qu'il veut étirer l'étude du projet de loi. Moi, je me rappelle très bien, au Parti libéral, il y avait deux experts pour étirer les projets de loi : Henri-François Gautrin et Pierre Paradis. Donc, imaginez-vous que le nouveau chef de Québec solidaire, qui prétend faire de la nouvelle politique, se retrouve dans le même groupe qu'Henri-François Gautrin et Pierre Paradis. Que c'est triste!

La Présidente : En question principale...

Des voix : ...

La Présidente : Je suis debout. Il n'y a qu'une personne qui a le droit de parole.

Des voix : ...

La Présidente : Je vous écoute, M. le chef du deuxième groupe d'opposition, je vous entends très bien. M. le premier ministre également. Il n'y a qu'une personne qui a le droit de parole ici maintenant, c'est la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, en question principale. On l'écoute.

Propos tenus par le député d'Abitibi-Est au conseil municipal de Val-d'Or

Mme Manon Massé

Mme Massé : Merci, Mme la Présidente. Ça fait plusieurs fois que les mots du député d'Abitibi-Est dépassent sa pensée quand il parle de nos frères et soeurs autochtones. Ça fait plusieurs fois que le gouvernement doit essayer de réparer les pots cassés par le député d'Abitibi-Est. Cette fois, c'est la fois de trop. Dire à des femmes qui ont pris tout leur courage pour dénoncer des situations d'abus physiques, d'agressions sexuelles qu'elles ont menti, ça nous fait reculer de 20 ans.

Le premier ministre est toujours fier de dire qu'au Québec l'égalité entre les hommes et les femmes, c'est fondamental, et que les femmes qui ont été abusées doivent dénoncer. Il a raison. Comment est-ce qu'il peut laisser le député d'Abitibi-Est avoir une telle attitude?

Puis est-ce qu'il y a quelqu'un, dans ce gouvernement-là, ministre de la Condition féminine, des Relations avec les Premières Nations, ministre de la Justice, le premier ministre, qui va prendre ses responsabilités puis dire que les propos du député sont inacceptables?

La Présidente : M. le ministre des Relations... responsable, pardon, des Relations avec les Premières Nations et les Inuit.

M. Ian Lafrenière

M. Lafrenière : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mon collègue s'est excusé. Il a avoué qu'il s'était exprimé sous le coup de l'émotion. Et vous savez quoi, Mme la Présidente? Je suis entièrement d'accord. J'étais présent, à Val-d'Or, j'ai vu la réalité, et effectivement il faut travailler. On le fait avec mon collègue ministre de la Sécurité publique. Ses mots ont dépassé sa pensée. Je suis en total désaccord avec ce qu'il a dit. Pourquoi? Parce qu'on on agit, Mme la Présidente. On a agi pour la commission Viens, on a agi aussi suite aux recommandations d'enquête en 2015. On est dans l'action, Mme la Présidente. Ça n'arrêtera pas, on va continuer.

La Présidente : Première complémentaire.

Mme Manon Massé

Mme Massé : On me dit : Il s'est excusé. Alors, il s'est excusé des propos qui ont touché la sensibilité des gens. Il s'est excusé de peut-être avoir été mal compris. Ce que les femmes qui ont eu le courage de dénoncer ont besoin d'entendre, c'est qu'il leur fait confiance qu'elles ont nommé la réalité qu'elles ont vécue. Ça a donné naissance à la commission Viens. Elles ont été courageuses.

Qu'en dit la ministre de la Condition féminine?

La Présidente : M. le ministre.

M. Ian Lafrenière

M. Lafrenière : Mme la Présidente, ce que j'ai dit tout à l'heure, en 2015, je connais bien la situation, j'étais au SPVM, j'étais déployé à Val-d'Or. Pourquoi? Pour soutenir les différents groupes autochtones, pour soutenir aussi les victimes. Et, Mme la Présidente, ce qui a changé à Val-d'Or, depuis ce temps-là, c'est la façon de faire de la police même. On a un groupe de police mixte présentement, à Val-d'Or, avec des policiers autochtones, allochtones, des travailleurs sociaux. Il y a eu des changements, des changements qui sont profonds. Pour la commission Viens, Mme la Présidente, 86 recommandations, 86 recommandations en application ou en voie de l'être.

Alors, ce qu'on vous dit présentement, Mme la Présidente, c'est que, dans notre gouvernement, notre façon de voir les choses, c'est d'agir, d'agir sur le terrain. La semaine passée, j'ai parlé aux différents partenaires qu'on a sur le terrain pour leur confirmer...

La Présidente : En terminant.

M. Lafrenière : ...notre volonté de continuer d'agir, puis on va le faire, Mme la Présidente.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

Mme Manon Massé

Mme Massé : Mme la Présidente, moi, ce que j'entends, c'est que ces propos du député d'Abitibi-Est étaient inacceptables. C'est ce que j'entends. L'enjeu, c'est que la fragilité de la chaloupe qu'on est en train de construire en matière de rebâtir la confiance avec les femmes abusées, en matière de nos relations avec les Premières Nations, bien, le député, il a tiré dans la chaloupe avec un bazooka. Et là on se retrouve dans une situation où il y a plein de gens qui demandent sa démission. Je n'entends pas la ministre de la Condition féminine...

La Présidente : M. le ministre.

M. Ian Lafrenière

M. Lafrenière : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Puis, oui, on travaille en équipe, la collègue a raison, le ministre de Sécurité publique, le ministre responsable des Services sociaux aussi, on travaille en équipe. Pourquoi, Mme la Présidente? Parce que la situation de Val-d'Or, elle est complexe.

Et c'est un faux débat, de penser que c'est une opposition entre autochtones et allochtones, à Val-d'Or. On a un problème de criminalité. On a un problème aussi d'itinérance.

Pour ce qui est des femmes, Mme la Présidente, j'ai contacté moi-même Femmes autochtones, j'ai contacté moi-même les partenaires pour leur assurer notre intention de continuer à travailler ensemble, oui, de rebâtir cette confiance-là, de mettre en application les recommandations de Viens.

Nous, on agit, Mme la Présidente, puis on n'arrêtera pas.

La Présidente : En question principale, je reconnais maintenant le chef du troisième groupe d'opposition.

Conditions salariales des enseignants

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : Merci, Mme la Présidente. Ma question, aujourd'hui, va être très simple et très courte. Le premier ministre aime se comparer à l'Ontario. Il veut un rattrapage avec l'Ontario dans tous les domaines.

Est-ce qu'il considère que les enseignants québécois méritent de gagner moins que les enseignants ontariens, oui ou non?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui, Mme la Présidente, quand on compare les salaires des enseignants puis des professionnels au Québec avec ceux de l'Ontario, il y a un écart d'à peu près 10 % pour tous les professionnels. Donc, on a fait un rattrapage de 15 % à 18 %. Cet écart est maintenu. Donc, je pense qu'il faut quand même tenir compte du fait qu'il y a un écart de coût de la vie puis qu'il y a effectivement un rapport, là, qui est raisonnable, dans le dossier des enseignants.

Par contre, on est en train de voir comment on peut alléger leurs tâches, entre autres en ajoutant des aides dans les classes. Donc, je pense que ce que demandent les enseignants, aussi, c'est d'alléger la tâche.

• (10 h 50) •

La Présidente : Première complémentaire.

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : Mme la Présidente, je rappelle au premier ministre que c'est lui qui a augmenté le salaire des médecins spécialistes. Quand il l'a fait, il a choisi de faire le rattrapage en fonction de quoi? En fonction du salaire des médecins spécialistes de l'Ontario.

Donc, à nouveau, est-ce qu'il considère que les enseignants québécois méritent de gagner moins que les enseignants ontariens? Oui ou non?

La Présidente : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui, Mme la Présidente, ce qu'on a fait avec les médecins spécialistes, c'est de garder cet écart d'environ 10 % entre le Québec et l'Ontario. Donc, c'est vrai pour les enseignants. C'est vrai pour les médecins spécialistes. C'est vrai pour à peu près toutes les professions. Donc, je demande au chef du Parti québécois de se renseigner un petit peu.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : Bien, parlant de renseignements, Mme la Présidente, je vais citer ce que disait la députée de Hull lorsqu'elle était présidente du Syndicat de l'enseignement de l'Outaouais : «Au Québec, il faudrait, à tout le moins, se rapprocher de la moyenne canadienne, qui est autour de 84 000 $. On est loin de cette moyenne-là.»

À nouveau, est-ce que le premier ministre considère que c'est normal que les enseignants québécois gagnent moins que les enseignants ontariens? Juste oui ou non.

La Présidente : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui, il y a un écart de 9 %. Maintenant, j'ai été très surpris, aujourd'hui, d'entendre le député de Matane, du Parti québécois, dire qu'on devrait comparer le salaire des députés de la nation québécoise avec ceux de l'Ontario. On peut comparer des économies, mais de dire... Puis il ne veut pas se comparer avec le fédéral. Depuis quand le PQ dit que, dans le fond, c'est plus important le poste de député à Ottawa que celui à Québec? Je ne reconnais plus le Parti québécois.

Des voix : ...

La Présidente : Pas de commentaire. En...

Des voix : ...

La Présidente : Je suis debout. À l'ordre! Attendez que je vous reconnaisse avant que vous preniez la parole. Alors, je reconnais M. le député de Matane-Matapédia, pour une question de règlement, j'imagine. Lequel évoquez-vous?

M. Bérubé : ...question de privilège. Je mets au défi le premier ministre de fournir la déclaration.

La Présidente : Bon, alors, ce n'est pas une vraie question de règlement. Maintenant, on poursuit. En question principale, je reconnais la députée de Mercier. La parole est à vous, juste à vous. On l'écoute.

Mesures pour lutter contre les violences sexuelles en milieu scolaire

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Ce matin, Radio-Canada nous apprend qu'un enseignant de Lanaudière a été arrêté pour crimes à caractère sexuel. La semaine passée, Le Devoir a sorti une enquête sur l'école Louise-Trichet, à Montréal. Plusieurs jeunes filles ont été agressées par un prof, qui a continué de sévir dans d'autres écoles. Au mois de mars, deux profs du collège Stanislas ont été arrêtés pour des crimes plus dégueulasses les uns que les autres. La semaine passée, j'étais avec des parents en pleurs parce que leur fille de sept ans, qui a aujourd'hui 10 ans, a été agressée à plusieurs reprises par un autre élève dans une école de l'Estrie, et leurs plaintes n'ont jamais été entendues par la direction ni le personnel de l'école.

Moi, Mme la Présidente, je suis tannée. Je suis tannée d'entendre ces histoires d'horreur. Les étudiantes des cégeps et des universités sont mieux protégées que nos élèves des écoles primaires et secondaires. Ça n'a pas d'allure. Ça prend une loi-cadre.

Quand est-ce que le ministre de l'Éducation va sortir de son entêtement, de son isolement, et travailler avec nous pour protéger les élèves du Québec?

La Présidente : La réponse du ministre de l'Éducation.

M. Bernard Drainville

M. Drainville : Mme la Présidente, on est tous tannés puis, si vous me permettez, Mme la Présidente, on est tous écoeurés de toutes ces histoires qui se multiplient. Et ce que j'ai dit à de multiples reprises, Mme la Présidente, c'est que, s'il faut ajouter des mesures de protection pour nos élèves, on va en ajouter. Je ne suis pas fermé à ça. Je ne suis pas bucké là-dessus. Tout ce que j'ai dit, Mme la Présidente, depuis le début de ce dialogue que j'ai avec la députée de Mercier, c'est qu'il y a plusieurs mesures qui sont en place.

J'ai procédé, la semaine passée, à la nomination des 17 protecteurs régionaux, ils auront un mandat spécifiquement dédié à la protection des élèves qui sont victimes de violences sexuelles. Il y aura aussi... En vertu d'une loi à laquelle la députée de Sherbrooke a collaboré, il y aura des séances de formation auprès du personnel enseignant, auprès des directions d'établissement, sur la question des violences sexuelles. Parce que ça, c'est un des arguments de la députée de Mercier, de dire : La loi-cadre, c'est de la prévention. Il y aura de la prévention à même les mesures qu'on a déjà adoptées.

La Présidente : En terminant.

M. Drainville : Alors, s'il faut en ajouter, on en ajoutera, Mme la Présidente.

La Présidente : Première complémentaire.

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : Le protecteur national de l'élève ne pourra pas empêcher que de nouvelles agressions sexuelles se produisent. Le protecteur national de l'élève, on est d'accord avec ça, mais, lui, ce qu'il fait, c'est qu'il agit quand le mal est fait, quand il est trop tard. La loi-cadre, ce qu'elle permet, ce n'est pas juste de la formation, c'est beaucoup plus que ça, c'est d'agir en amont, de rendre l'école sécuritaire pour que les élèves se sentent en sécurité d'en parler avec un adulte de confiance puis que cet adulte-là sache quoi faire quand il reçoit ça, que ce ne soit pas ignoré comme dans tous les cas dans les médias.

Qu'est-ce qu'il répond, le ministre de l'Éducation, aux parents?

La Présidente : M. le ministre.

M. Bernard Drainville

M. Drainville : Mme la Présidente, je réponds aux parents comme je réponds aux enseignants, comme je réponds aux membres de cette Chambre, qui sont tous touchés, évidemment, par ces histoires d'horreur qui se multiplient. Je leur réponds que nous avons mis en place un cadre, et on va voir comment ça fonctionne, à partir de septembre prochain, avec les protecteurs régionaux de l'élève, qui auront un mandat spécifiquement en matière de violence sexuelle. Il y aura des formations qui seront liées à ça, etc. Je l'ai déjà fait, Mme la Présidente.

La députée de Sherbrooke, qui a participé à l'adoption de ces mesures, a dit : La réforme du protecteur de l'élève, c'est des gains considérables. Il y aura un mécanisme accéléré pour traiter des enjeux...

La Présidente : En terminant.

M. Drainville : ...de violence sexuelle. Laissons à cette nouvelle institution le temps de se faire valoir, Mme la Présidente.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : J'entends le ministre, mais ce que je veux qu'il entende, ce n'est pas juste ce que moi, de Québec solidaire, je suis en train de lui dire, c'est ce que les jeunes, les parents lui disent. Il y a même, ce matin, un article dans Le Devoir qui appuie la... Le Devoir lui-même appuie la proposition de Québec solidaire.

Il y a quatre ans, dans la foulée du mouvement #moiaussi, le gouvernement et les partis d'opposition ont travaillé conjointement contre les agressions sexuelles. Est-ce que le ministre va faire, lui aussi, preuve de leadership et travailler de manière transpartisane contre les agressions sexuelles dans les écoles?

Quand est-ce qu'il va nous rencontrer? Il s'est engagé à le faire. Je lui ai envoyé deux courriels...

La Présidente : M. le ministre.

M. Bernard Drainville

M. Drainville : Oui. Mme la Présidente, si la députée de Mercier souhaite me parler, là, elle peut le faire après la période des questions. Il n'y en a pas, d'enjeu là-dessus, là, O.K.? Et, qu'on le travaille d'une manière transpartisane, je suis tout à fait d'accord.

Maintenant, quitte à me répéter, Mme la Présidente, moi, je suis très sensible à ce qui se passe. Ma première mission, si on peut dire, comme ministre de l'Éducation, c'est de veiller sur la sécurité de nos élèves pour s'assurer que, quand ils vont à l'école, ils soient biens, qu'ils aient le goût d'y aller, qu'ils aient le goût d'apprendre et qu'ils se sentent en sécurité. Il y a un certain nombre de mesures qui ont été mises en place, on va voir comment ça fonctionne. Et, s'il faut en ajouter d'autres. Mme la Présidente...

La Présidente : En terminant.

M. Drainville : ...on en ajoutera d'autres. Et on le fera de manière transpartisane. Aucun problème.

La Présidente : En question principale, je reconnais la députée de Westmount—Saint-Louis. La parole est à vous.

Conditions de travail des agents de la paix en services correctionnels

Mme Jennifer Maccarone

Mme Maccarone : Mme la Présidente : «Personne n'agit et on laisse agir la violence. On a perdu le contrôle de nos établissements.» Ça, ce sont les propos du président du syndicat des agents de services correctionnels. Tellement perdu le contrôle que le nombre de jours d'absence pour maladie ou accident de travail, chez les agents de services correctionnels, a littéralement explosé depuis l'an dernier : plus de 4 000 jours d'absence de plus que l'an dernier pour un accident de travail, près de 14 000 jours de maladie de plus que l'an passé. Ça ne va pas bien. On a perdu le contrôle. Des agents sont blessés, en arrêt de travail. Les menaces envers les agents sont omniprésentes, la violence augmente de façon alarmante.

Mme la Présidente, les agents correctionnels ont besoin d'aide. Ils veulent des gestes concrets.

Qu'est-ce qu'il attend pour agir, le ministre de la Sécurité publique?

La Présidente : La réponse du ministre de la Sécurité publique.

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : Mme la Présidente, qu'est-ce qu'on attend pour agir? Dans les six derniers mois, j'ai visité une demi-douzaine d'établissements de détention partout sur le territoire québécois. Je suis allé mesurer jusqu'à quel point, oui ou non, il pourrait y avoir... il pouvait y avoir des problèmes en termes de relations de travail, ou autres, ou de sécurité. Il y a des disparités entre les centres de détention. Il y en a des plus neufs, il y en a des plus vétustes.

Mais, au-delà de tout ça, pour moi, ce qui était important, c'est d'assurer la sécurité des établissements. Et, lors du dernier budget, le ministre des Finances nous a accordé une somme considérable, considérable, pour avoir des systèmes de protection, augmenter la technologie, empêcher les livraisons par drone dans les différents centres de détention au Québec.

Donc, je prends au sérieux la sécurité. Je prends au sérieux aussi les relations de travail entre l'employeur et les employés, nécessairement. Et je peux assurer la députée, dans ce cas-ci, qu'on travaille à améliorer le processus jour après jour. Les établissements doivent être plus sécuritaires dans le futur. Et c'est ce qu'on va faire dans les prochaines semaines, prochains mois.

La Présidente : Première complémentaire.

Mme Jennifer Maccarone

Mme Maccarone : Avec beaucoup de respect, Mme la Présidente, agir, ce n'est pas visiter; agir, c'est de mettre en place les correctifs. On est en manque de personnel. Selon les syndicats, il y a 50 % de manque de personnel à travers nos systèmes correctionnels. C'est grave. C'est pour ça que nous avons une augmentation de violence.

Je ne sais pas s'il a écouté ma question principale. On a perdu le contrôle : 4 000 jours d'absence de plus que l'an dernier, 14 000 jours de plus de maladie en comparaison après l'année dernière. Ça, c'est les chiffres qui sortent du ministère. Qu'est-ce qu'il va faire pour mettre en place les correctifs...

• (11 heures) •

La Présidente : M. le ministre... ou Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Sonia LeBel

Mme LeBel : Oui. Mme la Présidente, ça me fait plaisir d'annoncer, d'ailleurs c'est déjà fait depuis quelque temps, qu'avec les services correctionnels, les agents de services correctionnels, on a réussi à conclure une entente et, justement, on a pris en compte la réalité qui est mentionnée là, l'attraction et la rétention du personnel. On leur a même accordé une prime d'attraction et de rétention, à l'intérieur, parce qu'on a tenu compte de leur réalité particulière. C'est ce qu'on fait, on fait des négociations différenciées, donc on tient compte de la réalité de chaque groupe.

Également, on a tenu compte de la modification de la réalité à l'intérieur des centres de services correctionnels, et on a réévalué les tâches, ce qu'on appelle un reclassement, et on leur a accordé un rangement additionnel, ce qui donne un impact financier substantiel.

Donc, quand on parle de ce qu'on a fait, on l'a fait à travers les conventions collectives, c'est une des clés, et on a agi, avec le syndicat.

La Présidente : Deuxième complémentaire.

Mme Jennifer Maccarone

Mme Maccarone : Les commentaires du président du syndicat, c'est de la semaine passée. Ça fait que bravo pour tout ce qui a été fait, mais ça reste que, la réalité sur le terrain, il n'y a pas de correctif, il y a toujours une pénurie de personnel. Les gens sont épuisés, les jours de maladie sont en place. Puis ça reste que les gens qui travaillent présentement dans le système correctionnel ne sont même pas formés. On parle de gens qui viennent à temps partiel pour venir porter de l'aide, mais ça reste qu'il n'y a pas assez de gens qui sont formés.

Est-ce qu'on attend à avoir un autre drame, un autre décès puis plus de violence pour mettre des correctifs en place aujourd'hui?

La Présidente : M. le ministre de la Sécurité publique.

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : Il faut faire attention aux propos que la députée dit. Des drames, on n'en veut pas. Ma collègue responsable du Conseil du trésor l'a mentionné, c'est avec le syndicat eux-mêmes qu'ils ont négocié et qu'ils ont signé.

Est-ce qu'il y a des problèmes de rétention? Est-ce qu'il y a des problèmes de main-d'oeuvre? Dans tous les secteurs d'activité, oui. Oui. C'est le défi autant avec les agents correctionnels que les constables spéciaux dans les palais de justice. On a un énorme défi. On doit mieux former et augmenter, donc, ces cohortes dans les prochaines semaines, prochains mois, pour être capables d'augmenter, encore une fois, les effectifs en termes d'agents correctionnels dans les centres de détention partout sur le territoire du Québec.

La Présidente : En question principale, je reconnais le député de Nelligan.

Projets de loi présentés par les partis d'opposition

M. Monsef Derraji

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, la session tire à sa fin, le leader du gouvernement a le plein contrôle de l'agenda des projets de loi. Nous avons déposé plusieurs projets de loi qui parlent aux Québécoises et aux Québécois, je peux en nommer au moins trois : premier projet de loi, l'obsolescence programmée, le don d'organes, les nominations aux deux tiers. Mais, jusqu'à maintenant, Mme la Présidente, on n'a aucune idée si le leader du gouvernement a l'intention d'appeler un de nos projets de loi déposés lors de cette session.

Ma question est très simple : Dans le cadre de cette planification, au-delà qu'on nous menace de bâillonner un ou deux projets de loi, est-ce qu'on peut avoir l'intention très claire, sur l'agenda de ce qu'il nous reste, est-ce qu'il compte appeler un de nos projets de loi, Mme la Présidente?

La Présidente : Et attention aux propos. Vous parlez de menaces, attention. M. le leader du gouvernement.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, Mme la Présidente, ça me fait plaisir de pouvoir intervenir sur des questions de procédure durant la période des questions.

Alors, écoutez, Mme la Présidente, dans un premier temps, je pense que c'est important de rectifier les choses. Il n'a jamais été question de bâillon pour quoi que ce soit, hein? Alors, je pense que c'est important que le leader de l'opposition officielle ne dise pas des choses qui ne sont pas avérées et qui n'existent pas.

Alors, moi, je compte sur la bonne collaboration de tous les collègues ici, en cette Chambre. Puis je pense que ça va relativement bien. Bon, il y a peut-être un petit enjeu avec Québec solidaire, présentement, avec le leader de l'opposition... du deuxième groupe d'opposition, mais je suis convaincu que nous allons réussir à réaliser les travaux parlementaires ensemble.

Mme la Présidente, vous me connaissez, moi, je ne fais que travailler dans la collaboration avec mes collègues des oppositions. On trouve des voies de passage. La démonstration, Mme la Présidente, c'est que, depuis votre arrivée, je trouve que le climat, à l'Assemblée nationale, est relativement très bon, et je tiens à vous féliciter pour la conduite de nos travaux, Mme la Présidente.

Des voix : ...

La Présidente : Je suis debout. J'aurais le goût de commenter, je ne le ferai pas. Alors, cela met fin à la période de questions et de réponses orales.

Motions sans préavis

Comme il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique Motions sans préavis. Et, pour ce faire, je cède la place à notre première vice-présidente. Merci et bonne fin de journée à vous toutes et tous.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc, nous poursuivons à la rubrique des motions sans préavis. En fonction de nos règles et de l'ordre de présentation des motions sans préavis, je reconnais maintenant un membre du groupe formant l'opposition officielle. Mme la députée de D'Arcy-McGee, la parole est à vous.

Demander au gouvernement de réviser le
Programme de soutien aux familles

Mme Prass : Merci, Mme la Présidente. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, le député des Îles-de-la-Madeleine et la députée de Vaudreuil :

«Que l'Assemblée nationale prenne acte que le programme de subventions pour le soutien aux familles a été créé en 1995 afin de notamment soutenir financièrement les familles qui vivent avec un enfant ayant un handicap physique, une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l'autisme;

«Qu'elle constate que l'un des principaux objectifs de ce programme vise à prévenir l'épuisement des parents en leur subventionnant du répit et qu'il contribue également à maintenir les enfants dans leur milieu de vie;

«Qu'elle prenne acte que les montants octroyés aux familles par le biais de ce programme n'ont pas été indexés depuis 1995;

«Qu'elle rappelle que le taux d'inflation et les prix à la consommation ont considérablement augmenté au Canada depuis 1995 et que de plus en plus de familles peinent à boucler leurs fins de mois;

«Qu'enfin, elle demande au gouvernement caquiste de présenter d'ici l'automne une révision du programme qui inclura notamment une augmentation des montants octroyés aux familles pour du répit.» Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, Mme la Présidente, il y a consentement, sans débat.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Cette motion est-elle... Oups!

M. Derraji : ...vote nominal, s'il vous plaît.

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, il y a une demande d'appel par vote nominal. Donc, nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion présentée par Mme la députée de D'Arcy-McGee.

Que les députés qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint : M. Derraji (Nelligan), Mme Setlakwe (Mont-Royal—Outremont), M. Fortin (Pontiac), Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis), M. Beauchemin (Marguerite-Bourgeoys), Mme Dufour (Mille-Îles), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), Mme Garceau (Robert-Baldwin), Mme McGraw (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Prass (D'Arcy-McGee), Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey), Mme Caron (La Pinière), M. Morin (Acadie), Mme Cadet (Bourassa-Sauvé), M. Ciccone (Marquette).

M. Jolin-Barrette (Borduas), M. Laframboise (Blainville), Mme Fréchette (Sanguinet), M. Dufour (Abitibi-Est), M. Girard (Groulx), M. Bonnardel (Granby), Mme LeBel (Champlain), M. Roberge (Chambly), M. Boulet (Trois-Rivières), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Proulx (Berthier), M. Charette (Deux-Montagnes), Mme Rouleau (Pointe-aux-Trembles), M. Fitzgibbon (Terrebonne), Mme Lecours (Les Plaines), Mme Biron (Chutes-de-la-Chaudière), Mme Roy (Verchères), M. Julien (Charlesbourg), M. Drainville (Lévis), M. Carmant (Taillon), M. Caire (La Peltrie), M. Lefebvre (Arthabaska), Mme Bélanger (Prévost), M. Lamontagne (Johnson), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Émond (Richelieu), Mme Blanchette Vézina (Rimouski), M. Lacombe (Papineau), Mme Champagne Jourdain (Duplessis), Mme Laforest (Chicoutimi), M. Lévesque (Chapleau), Mme Charest (Brome-Missisquoi), Mme Duranceau (Bertrand), Mme Déry (Repentigny), M. Lafrenière (Vachon), M. Skeete (Sainte-Rose), M. Simard (Montmorency), M. Allaire (Maskinongé), Mme Grondin (Argenteuil), M. Provençal (Beauce-Nord), Mme Lachance (Bellechasse), M. Chassin (Saint-Jérôme), M. Jacques (Mégantic), Mme Boutin (Jean-Talon), M. Bélanger (Orford), Mme Jeannotte (Labelle), M. Bachand (Richmond), M. Caron (Portneuf), M. Sainte-Croix (Gaspé), Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice), M. Asselin (Vanier-Les Rivières), Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel), M. Bussière (Gatineau), M. Lamothe (Ungava), M. Poulin (Beauce-Sud), M. Lemay (Masson), Mme Abou-Khalil (Fabre), M. Bernard (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Dorismond (Marie-Victorin), M. Montigny (René-Lévesque), Mme Bourassa (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), Mme Mallette (Huntingdon), Mme Dionne (Rivière-du-Loup—Témiscouata), Mme Bogemans (Iberville), M. Girard (Lac-Saint-Jean), M. Lemieux (Saint-Jean), Mme Tremblay (Hull), Mme Schmaltz (Vimont), Mme Guillemette (Roberval), Mme Poulet (Laporte), M. St-Louis (Joliette), Mme Gendron (Châteauguay), M. Rivest (Côte-du-Sud).

M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques), M. Marissal (Rosemont), M. Fontecilla (Laurier-Dorion), M. Zanetti (Jean-Lesage), Mme Ghazal (Mercier), Mme Labrie (Sherbrooke), M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Bouazzi (Maurice-Richard), Mme Zaga Mendez (Verdun), M. Grandmont (Taschereau).

M. St-Pierre Plamondon (Camille-Laurin), M. Bérubé (Matane-Matapédia), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).

Mme Nichols (Vaudreuil).

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever. Y a-t-il des abstentions? M. le secrétaire général, pour le résultat du vote.

Le Secrétaire : Pour :  103

                      Contre :              0

                      Abstentions :     0

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc, cette motion est adoptée. M. le leader de l'opposition officielle, je pense que vous aviez une demande.

M. Derraji : Oui, merci, Mme la Présidente. Nous souhaitons qu'une copie de cette motion soit transmise à Autisme Montréal, Société québécoise de la déficience intellectuelle, Fédération québécoise de l'autisme, association des parents d'enfants handicapés du Québec. Merci, Mme la Présidente.

• (11 h 10) •

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Ce sera fait. Merci, M. le leader. Maintenant, je suis prête à reconnaître un membre du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Maurice-Richard.

M. Bouazzi : Merci, Mme la Présidente. Je demande le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante conjointement avec le chef du troisième groupe d'opposition, le député de Jacques-Cartier et la députée de Vaudreuil :

«Que l'Assemblée nationale procède à l'étude du plan stratégique d'Hydro-Québec 2022‑2026 à la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles;

«Que dans le cadre de cette étude soit entendu en audition le futur président-directeur général dès son entrée en poste.»

Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Il n'y a pas de consentement.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Comme il n'y a pas de consentement, nous allons poursuivre. Je souhaite reconnaître un membre du troisième groupe d'opposition. M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Mme la Présidente, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter, conjointement avec la députée de Saint-Laurent, la députée de Mercier et la députée de Vaudreuil, la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale affirme que les enseignantes et enseignants du Québec méritent une rémunération égale aux enseignantes et enseignants ontariens.»

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Il n'y a pas de consentement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le leader. Comme il n'y a pas de consentement, nous allons poursuivre. Je suis prête à reconnaître un membre du groupe formant le gouvernement. Bon, excusez-moi. Mme la ministre responsable de la Condition féminine, la parole est à vous.

Souligner le 50e anniversaire du Conseil du statut de la femme

Mme Biron : Mme la Présidente, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec la députée de Robert-Baldwin, la députée de Mercier, le chef du troisième groupe d'opposition et la députée de Vaudreuil :

«Que l'Assemblée nationale souligne le 50e anniversaire du Conseil du statut de la femme;

«Qu'elle reconnaisse que le conseil a développé une expertise unique sur les enjeux d'égalité entre les femmes et les hommes; et

«Qu'elle salue la décision du gouvernement du Québec d'inscrire sa création au Répertoire du patrimoine culturel comme événement historique.»

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la ministre. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, il y a consentement, sans débat, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci. Cette motion est-elle adoptée? Monsieur...

M. Leduc : Un vote par appel nominal, s'il vous plaît, Mme la Présidente.

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Nous avons une demande de vote par appel nominal. Donc, que les députés qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint : M. Laframboise (Blainville), Mme Fréchette (Sanguinet), M. Dufour (Abitibi-Est), M. Girard (Groulx), M. Bonnardel (Granby), Mme LeBel (Champlain), M. Roberge (Chambly), M. Boulet (Trois-Rivières), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Proulx (Berthier), M. Charette (Deux-Montagnes), Mme Rouleau (Pointe-aux-Trembles), Mme Biron (Chutes-de-la-Chaudière), Mme Roy (Verchères), M. Julien (Charlesbourg), M. Carmant (Taillon), M. Caire (La Peltrie), M. Lefebvre (Arthabaska), Mme Bélanger (Prévost), M. Lamontagne (Johnson), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), M. Émond (Richelieu), Mme Blanchette Vézina (Rimouski), M. Lacombe (Papineau), Mme Champagne Jourdain (Duplessis), Mme Laforest (Chicoutimi), M. Lévesque (Chapleau), Mme Charest (Brome-Missisquoi), Mme Duranceau (Bertrand), M. Lafrenière (Vachon), M. Skeete (Sainte-Rose), M. Simard (Montmorency), M. Allaire (Maskinongé), Mme Grondin (Argenteuil), M. Provençal (Beauce-Nord), Mme Lachance (Bellechasse), M. Jacques (Mégantic), Mme Boutin (Jean-Talon), Mme Jeannotte (Labelle), M. Bachand (Richmond), M. Caron (Portneuf), M. Sainte-Croix (Gaspé), Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice), M. Asselin (Vanier-Les Rivières), Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel), M. Bussière (Gatineau), M. Lamothe (Ungava), M. Poulin (Beauce-Sud), M. Lemay (Masson), Mme Abou-Khalil (Fabre), M. Bernard (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), Mme Dorismond (Marie-Victorin), M. Montigny (René-Lévesque), Mme Bourassa (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), Mme Mallette (Huntingdon), Mme Dionne (Rivière-du-Loup—Témiscouata), Mme Bogemans (Iberville), M. Girard (Lac-Saint-Jean), M. Lemieux (Saint-Jean), Mme Tremblay (Hull), Mme Schmaltz (Vimont), Mme Guillemette (Roberval), Mme Poulet (Laporte), M. St-Louis (Joliette), Mme Gendron (Châteauguay), M. Rivest (Côte-du-Sud).

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se... Oups! Ah! vous n'aviez pas terminé? Excusez-moi.

Le Secrétaire adjoint : M. Derraji (Nelligan), Mme Setlakwe (Mont-Royal—Outremont), M. Fortin (Pontiac), Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis), M. Beauchemin (Marguerite-Bourgeoys), Mme Dufour (Mille-Îles), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), Mme Garceau (Robert-Baldwin), Mme McGraw (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Prass (D'Arcy-McGee), Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey), Mme Caron (La Pinière), M. Morin (Acadie), Mme Cadet (Bourassa-Sauvé), M. Ciccone (Marquette).

M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques), M. Marissal (Rosemont), M. Fontecilla (Laurier-Dorion), M. Zanetti (Jean-Lesage), Mme Ghazal (Mercier), Mme Labrie (Sherbrooke), M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne), M. Bouazzi (Maurice-Richard), Mme Zaga Mendez (Verdun), M. Grandmont (Taschereau).

Mme Nichols (Vaudreuil).

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever. Y a-t-il des abstentions? M. le secrétaire général, pour le résultat du vote.

Le Secrétaire : Pour :  93

                      Contre :            0

                      Abstentions :   0

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc, cette motion est adoptée.

Avis touchant les travaux des commissions

Donc, nous allons poursuivre. À la rubrique Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, j'avise cette Assemblée que la Commission de l'économie et du travail poursuivra les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 25, la Loi visant à lutter contre l'hébergement touristique illégal, aujourd'hui, après les avis touchant les travaux des commissions jusqu'à 12 h 50 et de 15 heures à 16 h 35, à la salle Marie-Claire-Kirkland;

La Commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 14, la Loi modifiant diverses dispositions relatives à la sécurité publique et édictant la Loi visant à aider à retrouver des personnes disparues, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

La Commission de l'aménagement du territoire poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 16, la Loi modifiant la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et d'autres dispositions, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine;

La Commission des finances publiques entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 7, la Loi concernant la mise en oeuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 22 mars 2022 et modifiant d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 h 30, à la salle du Conseil législatif;

La Commission des relations avec les citoyens poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 11, la Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, de 15 heures à 18 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine;

La Commission de l'aménagement du territoire entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants, et ce, dans l'ordre ci-après indiqué : d'abord, le projet de loi d'intérêt privé n° 200, la Loi concernant l'annulation d'une servitude grevant certains lots situés en la Ville de Carignan, puis le projet de loi d'intérêt privé n° 201, Loi concernant la Municipalité de Morin-Heights, et par la suite le projet de loi d'intérêt privé n° 202, Loi concernant la Ville de Saint-Jérôme, le mercredi 31 mai 2023, de 19 h 30 à 22 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le leader.

Pour ma part, je vous avise que la Commission des relations avec les citoyens se réunira en séance de travail le jeudi 25 mai 2023, à 8 heures, pour une durée de 30 minutes, à la salle Louis-Joseph-Papineau, afin de statuer sur la possibilité que la commission se saisisse de la pétition concernant la nomination d'un ou d'une ministre responsable de la Lutte contre l'homophobie et la transphobie.

Maintenant, nous allons à la rubrique Renseignements des travaux de l'Assemblée.

Affaires du jour

La période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. Et, pour ce faire, M. le leader du gouvernement, pouvez-vous nous indiquer la suite des travaux?

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Je vous demanderais de bien vouloir appeler l'article 4 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 24

Reprise du débat sur l'adoption du principe

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : À l'article 4 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 23 mai 2023, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 24, Loi donnant suite aux recommandations du rapport du Comité consultatif indépendant sur la révision de l'indemnité annuelle des membres de l'Assemblée nationale.

Y a-t-il des interventions? M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.

M. Guillaume Cliche-Rivard (suite)

M. Cliche-Rivard : Merci, Mme la Présidente. J'avais commencé mon intervention, hier. Je ne sais pas exactement combien de temps il me reste. Je vais m'avancer quand même.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Vous aviez utilisé 5 min 27 s de votre temps de parole, et votre temps de parole est de 20 minutes.

• (11 h 20) •

M. Cliche-Rivard : Excellente nouvelle. Merci beaucoup.

Alors, c'est un thème récurrent à l'Assemblée, ici, depuis plusieurs années, on parle de salaire des députés. Ça fait, en fait, des années. Hier, mon co-porte-parole et collègue de Gouin nous a quand même fait une présentation assez détaillée, assez instructive sur plusieurs... en fait, les étapes, là, qui ont mené à la situation dans laquelle on en est aujourd'hui, où, à chaque fois, on a bien compris qu'on s'était dit, en tant que parlementaires, qu'on ne se retrouverait plus, idéalement, dans la même situation où on serait à se voter nous-mêmes une hausse salariale.

Malheureusement, on est encore ici à se poser cette même question qui nous met, à notre avis, dans une situation de conflit d'intérêts où on est, nous-mêmes, à se voter, à s'octroyer une hausse salariale, alors que, pourtant, la solution était simple, la solution demeure simple, la solution aurait dû être mettre mise de l'avant, celle de mettre en place un comité indépendant et exécutoire qui ferait en sorte qu'on n'aurait pas, éventuellement, dans deux, trois, quatre, cinq, 10 ans d'aujourd'hui, à recommencer le même mécanisme, à se remettre dans une situation malaisante, particulière et difficile. Et on pourrait enfin ne pas avoir à se prononcer nous-mêmes sur nos propres conditions, notre propre salaire, ce que personne ne peut ou personne ne fait, là, du moins certainement pas par voie législative, à part les parlementaires dans ce genre de scénario, en fait.

Alors, malheureusement, alors que c'était demandé, alors que c'était mis en place, alors que c'était proposé, le gouvernement n'en a pas fait une modification législative comme il aurait pu le faire dans le p.l. n° 24. Alors, c'est évident, on en a parlé, l'augmentation de l'indemnité de 30 %, on s'y oppose. On s'y oppose sur le principe, sur comment ça se fait, sur comment ça se passe et sur le fait de s'autovoter, évidemment, une hausse salariale qui, à notre humble avis, nous place, donc, dans une situation de conflit d'intérêts. Les députés ne devraient pas se voter à eux-mêmes une augmentation salariale. De notre humble avis, il en va de la confiance de la population envers les institutions, confiance qui est centrale à notre démocratie, à notre procédure parlementaire, à notre confiance envers l'administration du système. Et ça, c'est à la croisée des chemins ou au centre de la confiance, c'est... Le déclin de cette confiance-là, malheureusement, on en entend parler ici et partout à travers le monde. On voit le cynisme qui augmente. On a un rôle à jouer, et il faut le combattre et il faut que la population soit à même d'avoir confiance en leurs parlementaires. Et on ne croit pas que s'auto-octroyer une hausse, dans la façon dont c'est présenté actuellement, va permettre de lutter contre ce cynisme.

Évidemment, d'où vient cette proposition d'augmentation? Elle vient d'un comité de révision. Le problème, c'est que le mandat du comité était beaucoup trop restreint. Avoir le mandat d'analyser une partie, qu'une partie du salaire des députés, et donc de hausser à la pièce ce salaire sans revoir la rémunération globale, c'est insuffisant, ça ne sert à rien, ça ne fonctionne pas, ça nous ramène toujours à débattre de la même problématique, de la même histoire, de la même enveloppe quelques années plus tard.

Ce que nous, on dit, ce qu'on a dit, c'est qu'il faut revoir l'ensemble des conditions. Il ne faut pas limiter le mandat, il ne faut pas circonscrire l'objectif à une seule question, ça doit être une question ou un débat holistique qui doit se faire dans l'ensemble des conditions, dans l'ensemble des privilèges, dans l'ensemble des enveloppes, et non pas seulement limité à une seule et simple question précise qui est celle de l'indemnité de base.

Alors, on revient sur ça. Il faut revoir l'ensemble des conditions de travail. Et on est fiers, je suis fier aussi, de la position politique qu'on maintient, celle qui est cohérente depuis le début, depuis l'époque d'Amir Khadir, depuis les débuts de Québec solidaire. Cette position, elle est claire, elle est ferme, elle est historique, et il faut confier la révision de l'ensemble des conditions à un comité vraiment indépendant et exécutoire, tel que le recommandait le rapport L'Heureux-Dubé dès 2013. Et exécutoire, ça veut dire qu'on ne peut pas ou qu'on ne doit pas s'y prononcer : Voici telle quelle l'exécution de la décision du comité. Et c'est de cette façon-là qu'on pourra, nous, se sortir de toute question d'apparences et de conflits d'intérêts.

Je le répète, les avocats ne doivent pas voter sur leur propre salaire. Il faut tout faire pour éviter cette proposition, pour éviter d'envoyer ce message qu'on peut s'auto-octroyer des hausses salariales. J'espère que le message sera entendu, par respect pour les citoyens qui, eux, n'ont certainement pas le luxe de se voter, de se décider de s'octroyer des hausses salariales.

Il faut reprendre l'exercice du début en faisant la seule chose qui soit cohérente, qui soit la bonne. C'est pour ça que je dis qu'il faut revoir toute rémunération des conditions de travail des députés en plus des indemnités de base, donc inclure les allocations, les autres indemnités, l'ensemble de l'enveloppe. Il faut faire un ménage là-dedans. Il faut que les primes soient revues, il faut que les rôles attribués aux charges soient revus, les rôles attribués aux fonctions, les vice-présidences de commission, la commission, etc. Il faut faire le ménage là-dedans. Il faut que tout soit revu et révisé et que cette augmentation de 30 % de l'indemnité de base, finalement, ne puisse pas passer dans les procédures ou dans le processus qu'il est, actuel.

Et je rappelais, hier, et c'est un élément important, que seulement 10 des 125 députés de l'Assemblée nationale touchent véritablement cette indemnité de base. C'est donc dire que 115 autres reçoivent beaucoup plus que ce montant. Et, je le disais hier, ce fameux club des 10, nous en sommes les principaux, là, dans mon groupe parlementaire, sept des 10 en font partie. Et nous jugeons, bien que nous soyons ceux qui recevons le moins dans cette Chambre, que la procédure actuelle ne nous permet pas, ne permet pas à mon groupe parlementaire d'aller de l'avant avec le mécanisme, avec la façon dont ça s'est passé.

On était tous et toutes en connaissance de cause des conditions offertes au poste de député, on le savait. Certains d'entre nous ont fait plusieurs campagnes. Moi, j'en ai fait deux dans la dernière année. J'ai mis tous les efforts, j'ai mis toutes les volontés. Et on était plusieurs, hein, sur la ligne de mêlée à vouloir obtenir ce siège, malgré... ou bien heureux face aux conditions qui étaient mises de l'avant, qu'on connaissait. Et d'aucuns ont laissé présager qu'une augmentation substantielle, telle que celle qui est mise de l'avant, leur permettrait enfin de pouvoir jouer ce rôle-là de député, que, sans cette augmentation-là, ils ne seraient pas allés tenter leur chance pour être élus. Au contraire, tout le monde qui était ici, tout le monde qui était là, tout le monde qui ont fait la course et l'élection étaient en connaissance de cause des moyens, en connaissance de cause de ce qui était offert et se sont tous et toutes... nommément aussi des candidats des partis adverses, se sont tous lancés dans l'aventure, bien heureux, heureuses de le faire dans les conditions telles qu'elles étaient avant la présentation de ce projet de loi. Et quand j'ai pris cette décision, et quand j'ai prêté serment, et quand nous avons prêté serment, nous savions exactement les conditions dans lesquelles on s'engageait.

• (11 h 30) •

Et c'est pour éviter ce conflit d'intérêts que mon groupe parlementaire a soumis l'amendement à la proposition, la procédure, à l'effet que cette hausse-là soit pour la prochaine législature, la 44e, pour qu'on soit à même de dire... si c'est vrai qu'on cherche à attirer des nouveaux talents, alors qu'on soit à même de dire que, oui, c'est pour l'élection prochaine, c'est pour le prochain mandat. Et donc, à ce moment-là, si certains, certaines n'avaient pas voulu, à l'époque... ça me surprendrait, là, mais, s'il existait des gens qui attendaient cette hausse-là absolue de 30 000 $ pour se lancer dans la course, bien, les voici rassurés, ils pourront alors se présenter, et la porte leur sera ouverte, en 2026, si telle est leur décision. Mais s'autovoter, aujourd'hui, une hausse rétroactive, en mars, pour notre propre législature ne me semble pas la voie à suivre. Il me semble qu'on devrait plutôt faire bien autrement et envoyer cette proposition-là dans la réelle recherche de talents, dans la réelle volonté de, finalement, démarcher, c'est ce qu'on a soumis, pour attirer des nouveaux talents, pour être certains, certaines que les moyens qui sont soumis, les raisons qui sont soulevées... donc, que cette hausse cherche, finalement, à attirer d'autres talents, qui... à mon humble avis, envoient un message à l'effet que peut-être, je ne sais pas, nous — je parlerai pour moi — ne sommes pas les talents recherchés, là, ça m'envoie un message un petit peu difficile et certainement encore plus dans le contexte où il y avait des candidats, candidates des autres partis, même de la partie gouvernementale, qui tentaient, à ce salaire-là... et qui était le candidat tout désigné, le choix de leur parti. Alors, à mon humble avis, ces gens-là étaient déjà extrêmement talentueux, et de leur dire que le 30 000 $ supplémentaire permettra d'aller chercher des gens davantage talentueux me semble un terrain périlleux. Il me semble qu'on envoie le message — et moi, je le prends, là, et je parle seulement en mon nom personnel — que, s'il y avait eu 30 000 $ de plus, probablement qu'il y aurait eu des gens plus talentueux que moi à l'élection. C'est une possibilité, mais je reçois cet argument-là un petit peu difficilement, quoique, finalement, les citoyens et citoyennes ont fait leur choix à l'élection.

Alors, évidemment, est-ce que le salaire doit être augmenté, pas augmenté? C'est une question qui mérite d'être débattue. Mais le problème, c'est de s'auto-octroyer... c'est le processus, c'est que les députés vont se lever... on va se lever et on va devoir dire oui, dire non sur une propre augmentation salariale. C'est ça, le problème, c'est le processus, c'est comment ça fonctionne.

Et, si enfin, au moins, on mettait de l'avant une procédure, un mécanisme, un comité indépendant exécutoire, bien, ce comité aurait eu pour mandat aussi d'évaluer l'ensemble de la rémunération, parce qu'il y a des choses qui fonctionnent différemment dans notre règlement, dans nos procédures, qui ne sont pas exactement les mêmes que celles dans d'autres législatures. On a procédé, et les médias l'ont fait aussi, à la comparaison entre les salaires, voire les indemnités dans différentes législatures — évidemment, on n'est pas les seuls à se poser ces questions-là, on voit comment ça fonctionne — et l'allocation de dépenses au Québec, ce que l'Assemblée nationale fait, elle est la seule Assemblée législative provinciale où une allocation de dépenses est versée aux parlementaires. Ça, c'est les médias qui nous le rapportent. Et donc il faut tenir compte de ça directement dans l'évaluation et ne pas limiter seulement la question, bien sûr, à l'indemnité ou aux autres éléments.

Et donc, évidemment, le travail de député, c'est un travail qui est très difficile, qui est ardu, c'est un travail dans lequel on met de longues heures. J'entendais, je lisais des collègues me dire qu'ils ont de la difficulté à voir leur famille, pas autant qu'ils le veulent. On est effectivement séparés de nos proches plusieurs jours par semaine. Mais on se lance en politique, et ça, je le vois dans tous mes collègues, pour le bien public, et ça, je le vois ici, je le vois en face, je le vois à ma droite, je le vois à ma gauche, et, bien évidemment, tout le monde a à coeur l'intérêt du public. Alors, c'est pour cette raison-là qu'il faut plutôt mettre en place rapidement un comité exécutoire qui va s'assurer de nos conditions.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Maintenant, je suis prête à entendre un autre intervenant. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, la parole est à vous.

Mme Manon Massé

Mme Massé : Merci, Mme la députée... Mme la Présidente, pardon. J'étais en train de penser à ce qu'il venait de me dire. Merci, Mme la Présidente. Je suis... je ne sais pas, j'avais envie de dire : Je suis contente d'intervenir sur le projet de loi n° 24, mais, dans les faits, je ne suis pas contente, parce que j'aimerais qu'il n'existe pas. Mais, la démocratie étant ce qu'elle est, puisque le gouvernement a décidé de le déposer, puisque le gouvernement a même décidé de l'appeler, assez rapidement, d'ailleurs, je ne vois pas où elle est, l'urgence, mais bref, puisqu'il a décidé de tout faire ça rapidement, bien sûr que je veux, aujourd'hui, intervenir sur un certain nombre d'éléments, que je veux m'assurer que, bien sûr, les députés qui sont présentement en Chambre mais aussi les gens qui nous écoutent voient et comprennent l'odieux de la situation actuelle.

Mon collègue vient de faire la démonstration que ça n'a pas de maudit bon sens que, dans la vie, les gens votent leur propre salaire. Ça n'a pas de bon sens. Pourquoi? Bien, parce qu'en connaissez-vous d'autres qui peuvent aussi aisément décider d'augmenter de 30 % leur salaire de base, alors que nous sommes dans une période où le Québec crie, les besoins de l'État crient à l'urgence d'investir, et surtout nos concitoyens se retrouvent dans des situations totalement intolérables?

D'ailleurs, je me suis dit... ça m'a fait penser à Marie-Antoinette. Vous allez peut-être dire : Voyons! Où c'est qu'elle s'en va, la députée? Vous savez que Marie-Antoinette a déjà dit au peuple français, qui n'avait plus de pain pour se nourrir : «Qu'ils mangent de la brioche», hein, c'est une phrase célèbre, je dirais. Bien, cette réponse de la reine de la France, en fait, montrait toute la distance qui existait entre le peuple et la noblesse.

Moi, je trouve, Mme la Présidente, qu'on se retrouve exactement dans cette situation-là. Comment se peut-il qu'un gouvernement, appuyé par une opposition — en tout cas, c'est ce qu'on croit entendre entre les branches, actuellement — considère acceptable, recevable que les parlementaires se votent rapidement... se votent une augmentation de salaire de 30 %, applicable dès maintenant, alors que nos concitoyens ont énormément de difficultés, actuellement, à arriver à joindre les deux bouts? Nos concitoyens et concitoyennes n'arrivent pas, malgré le fait que, dans la famille, les deux parents travaillent, malgré le fait qu'on a considéré, du côté du gouvernement, qu'augmenter le salaire minimum seulement de 1 $ en pleine crise du coût de la vie, ça, c'était... c'était ça qui était acceptable. Alors, comment peuvent-ils trouver, d'un côté, de maintenir les plus pauvres dans la pauvreté et de ne pas hésiter à s'augmenter de 30 % de salaire comme députés? Moi, je ne comprends pas ça, ça me dépasse.

Ça fait neuf ans que je suis au Parlement, Mme la Présidente, ça fait neuf ans que c'est exactement la même situation qui se répète. À l'époque, il n'y avait que Françoise David et Amir Khadir qui étaient là pour entendre le rapport L'Heureux, le rapport qui venait dire aux parlementaires : Oui, il faut réviser la situation des revenus des parlementaires, mais on ne peut pas et on ne doit pas, surtout, faire ça à la pièce.

Qu'est-ce qu'a fait le gouvernement de la CAQ, en complicité avec l'opposition du Parti libéral? Ça a été de dire : On va mettre sur pied un comité qui va être indépendant, avec une ex-députée libérale, un ex-député péquiste et quelqu'un des Ressources humaines, on va mettre sur pied un comité, on va lui donner un mandat très restreint, puis après ça on va prendre les recommandations. J'entendais d'ailleurs le premier ministre, encore ce matin, répondre à mon co-porte-parole, le député de Gouin, et de dire : J'applique les recommandations du comité.

Pouvez-vous m'expliquer comment ça se fait que, depuis le rapport L'Heureux-Dubé, où la démonstration est faite de façon limpide que les députés, avec, bien sûr, leur salaire de base mais en plus une allocation de dépenses de 38 000 $ qui est rajoutée, et en plus un système de retraite, ô, ma foi, combien bon système de retraite, en plus une assurance collective payée à 100 %, ensuite toutes sortes d'indemnités additionnelles, pouvez-vous m'expliquer pourquoi...

• (11 h 40) •

En 2014, on a fait le débat ici, à l'Assemblée nationale. Les gens en place ont rejeté le rapport Dubé. Ils ont voulu augmenter les salaires. En 2000... je ne me souviens même plus des années, c'est arrivé deux, trois autres fois... deux fois, minimalement, depuis ce temps-là, et Québec solidaire a toujours eu la même cohérence, Mme la Présidente. Pourquoi? Bien, ce n'est pas parce qu'on réfute le fait que peut-être que les députés ne gagnent pas assez, peut-être qu'ils gagnent trop — en tout cas, quand on additionne un certain nombre d'indemnités, des fois, on pourrait se le dire — mais c'est parce qu'il faut revoir ça de façon globale. Tout employeur au Québec le sait très bien, que tu ne peux pas prendre la rémunération d'un employé seulement par le bout salarial. Tout le monde sait bien que tes conditions de travail, tes indemnités, comme je viens de vous parler, font partie de ce revenu.

D'ailleurs, ça a été tout un chiard qui s'est passé ici quand le Canada a décidé d'imposer la portion des indemnités au Québec, la portion canadienne de l'allocation... des indemnités au niveau du Québec. Pourquoi ça a créé ça? Bien, parce qu'en plus, à ce moment-là, en plus de ça, les allocations... les indemnités n'étaient pas imposables. Ça fait que ça, c'était une autre affaire qui venait se rajouter sur le tas. Alors, pourquoi pas, pourquoi ne pas profiter du moment pour réellement faire ce ménage-là?

À la dernière législature... bien, en fait, au début de celle-ci... non, de l'autre avant, donc, au début 2018, on s'était entendus, toutes les formations politiques, pour mettre sur pied un comité complètement extérieur, un comité qui aurait le mandat de revoir l'ensemble de la rémunération, incluant les assurances collectives, le régime de retraite, les allocations données tantôt parce que tu restes un peu plus loin, tantôt parce que ci, parce que ça, parce que tu présides une commission, parce que tu assistes à ça, parce que tu as été nommé adjoint à ceci, à cela. On reprend tout ça, on rebrasse tout ça. Et là ce comité indépendant, accompagné, bien sûr, par des gens compétents, pas juste parce qu'ils ont été d'ex-députés, mais parce que c'est leur... bien, en fait, on avait même... on s'était même entendus sur la composition, Mme la Présidente, on s'était entendus sur la composition, sur le mandat, sur le... On était rendus à s'entendre sur est-ce que ce comité-là est exutoire ou non... exécutoire, pas exutoire, c'est une forme... en tout cas, exécutoire, et finalement, bien, la CAQ a décidé de tirer la plug sur cette idée qu'enfin on enlevait aux députés les deux mains dans le plat de bonbons. Mais on disait qu'on était prêts à revoir l'ensemble de la rémunération parce que la question est vraiment légitime. D'ailleurs, depuis L'Heureux-Dubé, 2013, on se pose cette question-là.

Malheureusement, le projet de loi n° 24, qui est présentement sur la table, est une très mauvaise réponse à cette question légitime. Et c'est d'ailleurs pourquoi Québec solidaire, on va voter contre. Et, j'espère, chaque minute qu'on prend... ce n'est pas parce que je n'ai rien d'autre à faire, c'est parce que je veux toucher le coeur des gens, parce qu'ils le savent comme moi, ils reçoivent aussi des gens dans leur comté, ils croisent aussi des gens dans leur comté, ils entendent ce que les gens ont à dire de cette augmentation de salaire là.

Moi, j'ai lancé un appel sur mes réseaux sociaux, j'ai lancé un appel, en disant : Écoutez, le projet de loi n° 24, là, il est en train de... il est à l'étude, et, voilà, j'ai envie de vous lire quelques-uns des messages que j'ai reçus, que je trouve assez percutants. Alors, citation : «C'est insultant.» Un autre : «Ils font de la politique pour plus de pouvoir et d'argent ou pour contribuer à la société?» Un autre : «Absurde. 30 000 $? Il s'agit de mon salaire annuel.»

Mme la Présidente, je suis allée faire un petit... je suis allée vérifier, là, rapidement, vous savez que, 30 000 $, là, il y a près de 3 millions de Québécois et Québécoises, 3 millions de Québécois et de Québécoises qui gagnent 30 000 $ et moins par année? Et ici, nous... Pas parce qu'ils ont décidé qu'eux autres, ils aimaient ça avoir un salaire minimum à 15,25 $, là, pas parce qu'ils ont décidé, eux autres, que leur salaire à 17 $ de l'heure, c'était correct, mais parce que c'est ça que le marché leur donne. C'est ça, en matière de salaire minimum, que le gouvernement a voté, a décrété. Puis nous, on n'a aucune honte à se voter une augmentation de salaire de 30 000 $. Je comprends pourquoi les gens disent que c'est insultant, d'autant plus que mon collègue... et je vais le redire pour que les gens l'entendent bien, ici, dans cette Chambre, là, il n'y a que 10 députés qui n'ont pas déjà un salaire plus élevé que le salaire de base. Où sont ces députés? Bien, ils sont à Québec solidaire, Parti québécois, probablement, je ne sais pas, je ne les ai pas comptés.

Une voix : ...

Mme Massé : Oui, oui, peut-être un ou deux de l'autre côté. Bien, bref, vous comprenez, on veut augmenter quelque chose qui est déjà plus élevé pour la très, très, très vaste majorité des députés, à cause des indemnités, à cause de ci, de ça, puis là, bien, on se trouve légitimes de faire ça? Non, Mme la Présidente.

Je continue à lire, alors, des messages que j'ai reçus sur Instagram : «Cela contribue au sentiment d'impuissance des citoyens et citoyennes face à leur situation. Je suis une jeune enseignante et je trouve ça vraiment triste. Avec notre salaire normal à nous, c'est dur d'arriver.» Et là il y a un autre citoyen, citoyenne — je ne le sais pas — qui écrit : «C'est clairement un conflit d'intérêts et une preuve de déconnexion avec la population.»

Alors, je vais prendre quelques minutes pour vous parler de ça, cet effet de déconnexion. C'est sûr que j'ai regardé l'évolution du salaire minimum. Juste depuis que je suis élue députée, seulement, j'étais, à l'époque, à 10,20 $, on est maintenant à 15,25 $, 15,30 $. Aïe! ce n'est pas une énorme augmentation. Je vous rappellerai qu'entre-temps le coût de la vie a explosé. Les gens n'arrivent plus à payer leur loyer. Les personnes... Deux personnes travaillent et sont obligées d'aller dans des banques alimentaires.

Moi, là, cette déconnexion dont parle cette personne-là qui m'a écrit, là, bien, je la sens. Je la sens, je la vois. Je vois des députés qui sont mal avec cette proposition d'augmenter de 30 % notre salaire sans considérer l'ensemble des revenus qui nous sont donnés par l'Assemblée nationale parce que... seulement par le fait que nous, on peut décider de notre salaire. Puis en plus, dans le projet de loi, ce n'est pas juste : On peut décider de notre salaire pour la prochaine législature, qui serait un minimum, minimum, minimum de décence, bien non, maintenant. Aïe! là, ça, ça n'a pas de bon sens. Excusez, ça n'a vraiment pas de bon sens.

Je continue à lire : «En tant que travailleur de la santé, je trouve ça carrément insultant. C'est scandaleux. C'est un comportement de patrons qui n'ont de comptes à rendre à personne et non de représentants du peuple.» Une autre citation : «Si le bateau ne serait pas en train de couler, si les services aux citoyens seraient comblés, si les citoyens n'avaient pas deux, trois boulots pour tenter de joindre les deux bouts, si la famille moyenne avait la chance de pouvoir faire autre chose que survivre, si nos aînés ne seraient pas en train de mourir de faim, si les infirmières et les enseignantes avaient des salaires à la hauteur de leurs soins, je dirais peut-être.»

• (11 h 50) •

Vous comprenez l'indignation? Et, vraiment, je dis à nos concitoyens : Appelez-les, vos députés, appelez-les, vos députés, dites-leur comment vous trouvez ça, de voir que les députés vont se voter, dans les prochaines heures, une augmentation de salaire de 30 % alors qu'on est déjà au-dessus de 100 000 $, alors qu'il y a près de 3 millions de Québécois qui gagnent 30 000 $ dans une année avant impôt. Dites-leur comment vous trouvez ça, dites... expliquez-leur comment ça fait perdre la confiance de la population envers ses élus. Et la confiance de la population envers les élus, c'est la base, en démocratie, Mme la Présidente.

Et là ils ne peuvent pas dire qu'on ne leur a pas dit, on leur a dit en 2014, on l'a redit en 2017, on l'a redit en 2018. On n'arrête pas de le redire. Québec solidaire va continuer à dire et à redire que ce n'est pas la façon de faire, que ça prend un comité qui a les coudées franches, un comité qui est même exécutoire, c'est-à-dire qu'un coup qu'ils ont fait le ménage dans l'ensemble des rémunérations qui sont dédiées aux députés, un coup que ce ménage-là est fait, incluant le fonds de pension, l'assurance collective, les indemnités, les allocations, le grand ménage est fait là-dedans, un coup que ça, c'est fait, ce comité-là a la... on serait prêts à lui donner le plein pouvoir de tracer la ligne et de dire comment ça vaut, un député, comment ça vaut, le travail d'un député, parce que c'est une sacrée job, Mme la Présidente. C'est une sacrée job, c'est du sept jours-semaine, c'est du sans-arrêt, j'en conviens.

Ce que je ne conviens pas, ce que je ne veux pas et ce qui ne me rentre pas dans la tête, c'est que nous, ici, à l'Assemblée nationale... Même si Québec solidaire vote contre, vous savez bien ce que ça va donner, là : immense majorité écrasante, parce que le mode de scrutin n'a pas été changé, promesse brisée de ce gouvernement-là. Si le mode de scrutin avait été changé, la représentation ne serait pas comme ça. Mais, ceci étant dit, on a 12 députés, à Québec solidaire, on est fiers, et c'est clair que, sur ce projet de loi là, on va voter contre.

In extremis, in extremis, un minimum minimal — je ne sais pas si ça peut être plus minimum que ça, Mme la Présidente — on va déposer des amendements, dans ce projet de loi là, pour que minimalement il ne s'applique pas durant la législature ici. Nous, on va voter contre le projet de loi, peu importe, parce qu'on pense qu'il ne devrait pas exister, point barre. Ce projet de loi là, s'il avait voulu exister, ça aurait été pour mettre sur pied un comité indépendant exécutoire qui a le mandat de faire le ménage dans l'ensemble de la rémunération. Je vous jure que, si ça avait été ça, là, eh qu'on aurait été vites à l'adopter, mais ce n'est pas ça. Alors donc, j'espère que, minimalement, minimalement, minimalement, l'amendement qu'on va déposer pour que ça ne s'applique pas ici et maintenant, dans cette législature-ci, mais dans la prochaine. Ça, c'est vraiment le strict minimum, là.

Alors, j'espère qu'il y aura un soubresaut de conscience de la part des députés et des partis qui pensent, actuellement, appuyer ce projet de loi là et que vous penserez à vos concitoyens, auprès du 3 millions qui ne gagnent même pas 30 000 $ par année, auprès des gens qui n'arrivent pas à payer leur loyer, et j'espère que vous conviendrez que, minimalement, il va falloir adopter la clause... pardon, l'amendement qui sera présenté par Québec solidaire, qui fait que ça va être applicable juste l'année prochaine. Mais soyez assurés que moi et ma formation, on va voter contre.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Maintenant, je suis prête à entendre un autre intervenant. M. le chef du deuxième groupe d'opposition, la parole est à vous.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, je suis intervenu deux fois en période de questions sur le sujet de la hausse de salaire des députés, je suis intervenu hier longuement, également, et j'ai pris la peine de retracer l'historique de ce débat-là au sein du Parlement québécois, puis permettez-moi d'entrée de jeu de synthétiser le propos que j'ai eus hier.

On entend souvent le premier ministre dire : Ah! ça fait 20 ans qu'on débat de cet enjeu-là, ça fait 20 ans que ça traîne. En fait, c'est inexact. La réalité est pas mal pire que ça. Ça fait près de 50 ans, 49 ans pour être exact, que cet enjeu-là est débattu au Parlement du Québec. Le premier comité qui a traité de la question de la rémunération des députés, c'est le comité Bonenfant, en 1974. Depuis ce temps-là, il y en a eu toute une série, dans les années 80, dans les années 2000, le comité Godin, notamment, en 2000, bien sûr, le célèbre comité L'Heureux-Dubé, en 2013. Et je ne referai pas l'historique détaillé que j'ai fait hier, mais ce qui se détache de cette chronologie-là, le fil conducteur des 40 dernières années, à l'Assemblée nationale du Québec, sur ce débat-là, c'est la volonté réitérée à de nombreuses reprises par plusieurs experts qui ont été mandatés par les parlementaires de traiter de la question de la rémunération des élus... la recommandation qui revient à peu près systématiquement, c'est celle de mettre sur pied un processus qui met fin à la situation extrêmement inconfortable dans laquelle les députés de l'Assemblée nationale se trouvent, la décision... la situation, pardon, de voter leur propre rémunération, de statuer eux-mêmes sur leur propre salaire.

Les députés se retrouvent dans une situation d'être juge et partie, de légiférer, en vertu de leur statut de législateurs, sur un projet de loi dont le seul objet est d'augmenter leur salaire, de leur mettre de l'argent dans les poches. C'est une situation qui est extrêmement inconfortable. C'est une situation de conflit d'intérêts sur toute la ligne ou, en tout cas, minimalement, d'énorme apparence de conflit d'intérêts. Et ça, tout le monde le sait. Et je suis convaincu que, face à moi, au sein de la partie gouvernementale, tout le monde va convenir que cette manière-là de procéder, fondamentalement, elle est problématique, que ça ne devrait pas fonctionner comme ça. Et ça fait des décennies, ce n'est pas une exagération, que des comités indépendants, que des experts nous disent d'arrêter de fonctionner comme ça et de mettre sur pied un processus qui est indépendant.

Une des premières recommandations qui a été faite dans les années... il y a quelques décennies maintenant, c'était d'accrocher automatiquement le salaire des députés à une certaine catégorie de cadres supérieurs au sein de l'État québécois et que le salaire des députés suive tout simplement les augmentations de salaire que reçoit cette catégorie de cadres là. Ça, c'est un des moyens qui a été proposé, historiquement, pour mettre fin à la situation insupportable de conflit d'intérêts dans lequel se retrouvent les députés.

Un autre moyen qui a été proposé pour atteindre le même objectif, il a été proposé dans les années 80, il a été proposé dans les années 2000, il a été proposé, la dernière fois, en 2013 par le comité L'Heureux-Dubé, en... oui, voilà, en 2013, par le comité L'Heureux-Dubé, c'est cette fameuse, donc, recommandation de mettre sur pied un comité qui serait indépendant mais surtout exécutoire, comme ça existe dans certaines provinces canadiennes, comme ça existe dans plusieurs pays dans le monde, notamment dans des régimes parlementaires qui nous ressemblent, je pense à la Nouvelle-Zélande, par exemple, des comités exécutoires qui sont chargés périodiquement d'examiner l'ensemble des conditions de travail et de dire : En vertu de x, y, z comparables, en vertu de ce que font des parlementaires qui ont un travail similaire, en vertu des salaires dans la société concernée, on recommande tel salaire, tels avantages sociaux, et donc tel régime de retraite, tel régime d'assurance, et on fait l'équilibre général de tout ça, et on l'applique automatiquement, et les députés ne peuvent pas se mettre les mains dans le plat de bonbons, modifier le contenu du rapport ou même le refuser. C'est ce qu'on appelle un comité, donc, exécutoire. C'est ce que recommandait la juge L'Heureux-Dubé en 2013. C'est ce qu'on aurait dû faire. C'est ce qu'on répète depuis 10 ans, à Québec solidaire. Malheureusement, la Coalition avenir Québec, comme les libéraux avant eux, pareil, pareil, pareil comme les libéraux avant eux, refuse d'aller de l'avant, refuse de mettre fin à cette situation insupportable de conflit d'intérêts.

• (12 heures) •

Pourtant, on les entend dire : Oui, mais là ça fait 13 ans... ça fait 20 ans que ça dure, c'est un sujet miné, c'est un sujet tabou. Pourquoi c'est un sujet tabou en politique québécoise? Pourquoi c'est un sujet malaisant? Bien, à cause de ce fonctionnement-là. C'est la raison pour laquelle c'est malaisant. Alors, si les députés de la CAQ veulent se soulager de ce malaise-là, que je comprends et que je partage, s'ils veulent se soulager de ce malaise-là, la solution, ce n'est pas de se voter, à la va-vite, d'ici les vacances d'été, une hausse de 30 000 $, c'est de mettre fin au processus lui-même, de confier ce mandat-là à quelqu'un d'autre que nous-mêmes pour que ces gens-là jugent, comme le disait ma collègue de Sainte-Marie—Saint-Jacques, de la valeur d'un député, entre guillemets, et que les conditions soient tout simplement appliquées par règlement, sans faire le détour ici par l'Assemblée nationale du Québec, puis nous demander, comme législateurs, de faire... d'être juges et parties de notre propre rémunération. C'est tellement simple. C'est tellement simple et ça rendrait service non seulement aux 125 parlementaires en ce moment, mais ça rendrait service aux prochaines générations de parlementaires qui n'auraient plus à statuer encore une fois sur cette question-là. Parce que ça va revenir, Mme la Présidente. Ça va revenir, peut-être pas dans trois ans, peut-être pas dans 10 ans, mais ça va revenir. Si on ne règle pas la mécanique problématique qu'on a en ce moment, ça va revenir.

Comment on se soulage pour de bon de cette situation de conflit d'intérêts, c'est un comité indépendant et exécutoire. Et, sans blague, je ne m'explique pas l'opposition du caucus caquiste à cette proposition-là. C'est simple, ça relève du gros bon sens et ça nous soulagerait de cette situation de conflit d'intérêts qui est insoutenable.

Et je n'ai pas besoin d'aller fouiller dans les boîtes courriel d'aucun député de la CAQ, Mme la Présidente, pour savoir qu'ils reçoivent, en ce moment, des messages à ce sujet-là. Nous, en tout cas, on est inondés. La permanence de notre parti politique est inondée, on est inondés. Tous les médias qui font des vox pop, toutes les manières qu'on a de mesurer l'opinion de la population sur cette question-là, les gens, ça les indigne, les gens, ça les dérange. Puis ils ont raison, parce qu'eux autres, ils aimeraient ça, comme travailleurs, comme travailleuses, avoir le pouvoir de s'augmenter de 30 000 $, ils aimeraient ça avoir ce privilège-là, mais ils ne l'ont pas. Ils ne l'ont pas.

Je vois un membre du gouvernement dire : Ce n'est pas un privilège. Ce n'est pas un privilège de pouvoir...

Une voix : ...

M. Nadeau-Dubois : Ah! vous ne recevez pas de messages? Ah! bien, on va faire le... Peut-être qu'on peut demander aux journalistes de faire le tour de votre caucus, M. le député, pour savoir si vous êtes le seul à ne pas recevoir de messages. Moi, mon petit doigt me dit qu'il y a certains députés qui doivent en recevoir. Puis peut-être que, si la culture de votre formation politique permettait aux députés de s'exprimer librement, peut-être qu'on aurait des réponses révélatrices à cet égard-là, à savoir si les députés de la CAQ reçoivent des messages de leurs commettants. Moi, je suis convaincu qu'il y en a plusieurs qui en reçoivent, parce que c'est, à sa face même, profondément dérangeant, profondément dérangeant.

Moi, j'ai hâte de voir les visages des députés de la CAQ quand ils vont se lever les uns après les autres pour adopter un projet de loi qui va augmenter leur propre salaire. Il n'y aura pas d'applaudissements cette fois-là. Il n'y aura pas de triomphe parce que c'est une situation qui est inconfortable. Je le comprends, je le partage. Ça ne devrait pas se passer comme ça. Ça ne devrait pas se passer comme ça, tout le monde le sait, puis tout le monde le sait depuis des années.

Et, ces images-là, là, qui vont circuler, des 90 députés de la CAQ qui vont se lever les uns après les autres pour se donner à eux-mêmes une augmentation de 30 000 $, quel va être l'impact de ces images-là sur la perception que les Québécois, que les Québécoises ont des hommes et des femmes qui les représentent? C'est ça, la question à laquelle doivent réfléchir, je pense, mes collègues de l'Assemblée nationale.

Il existe déjà une perception erronée, erronée que la classe politique, que les dirigeants politiques, c'est des gens qui s'en vont en politique pour servir leurs intérêts, pour se donner des privilèges. C'est une perception erronée. Ce n'est pas pour ça que les gens vont en politique, peu importe le parti dans lequel ils s'engagent. Les gens vont en politique pour défendre leur conception du bien commun, leur conception d'un avenir juste pour la société québécoise. Des fois, il y a différentes visions qui cohabitent au sein de la société. C'est pour ça qu'il y a plusieurs partis politiques qui débattent, qui s'affrontent. Les gens tranchent.

Les députés ne vont pas, toutes tendances confondues, tous partis confondus, les députés ne vont pas en politique pour servir leurs intérêts personnels ou pour se mettre de l'argent dans les poches. Ce n'est pas vrai. Mais cette perception-là, qu'on le veuille ou non, elle existe.

Et, quand les députés de l'Assemblée nationale vont donner le triste spectacle, le triste spectacle de se lever en Chambre pour s'octroyer une augmentation de salaire, ça va malheureusement alimenter cette perception-là. C'est inévitable, parce que ça crée l'impression qu'il y a deux classes de citoyens et citoyennes : ceux qui, comme législateurs, peuvent voter sur leur propre rémunération et le reste de la société québécoise, les travailleurs, les travailleuses, qui ne peuvent pas faire ça, eux autres.

On est, en ce moment, dans une négociation avec le secteur public québécois. Le gouvernement leur offre 9 % sur cinq ans. Ces femmes-là — elles sont majoritaires dans leur corps d'emploi — ces femmes-là et ces hommes-là peuvent-elles, peuvent-ils décider que, non, finalement, ce ne sera pas 9 %, ça va être 30 % pour nous aussi, parce qu'on est aussi importants que les députés? Ils ne peuvent pas faire ça, ils ne sont pas législateurs, ils n'ont pas ce privilège de pouvoir s'octroyer à eux-mêmes des augmentations. Comment pensez-vous qu'ils se sentent? Comment pensez-vous qu'ils se sentent?

J'entendais, dans les dernières heures, le whip en chef du gouvernement expliquer en long et en large les impacts de la vie de député sur la conciliation travail-famille. Il parlait de ses relations d'amitié, là, de sa relation avec sa mère. C'est un témoignage non seulement qui est crédible, mais qui est largement partagé. Se lancer en politique, c'est faire d'énormes sacrifices. Je suis bien placé, comme jeune père de famille, pour le savoir. On fait d'énormes sacrifices dans le temps qu'on passe avec les gens qui nous aiment, les gens qu'on aime, on fait d'énormes sacrifices. Bon, certains font des sacrifices aussi financiers et certains quittent une carrière plus lucrative pour venir en politique. Je préciserais que d'autres font le choix inverse, hein? Il y a des gens qui viennent du milieu communautaire, par exemple, qui entrent en politique puis dont les conditions s'améliorent. Il y a plusieurs parcours, il y a plusieurs trajectoires. Ce n'est pas un concours de personnes. Mais personne ici ne nie le caractère difficile puis le caractère surtout difficile des sacrifices que font les élus. Personne ne nie ça.

Et moi, je ne veux pas tourner en dérision les témoignages qui ont été livrés dans les dernières heures, notamment par le whip en chef du gouvernement. C'est vrai que, des fois, ça pince, être en politique. Des fois, c'est difficile. Mais ce que j'essaie de dire ici, c'est que les députés ne sont pas les seuls, dans la société québécoise, à faire des sacrifices familiaux pour leur travail.

Les infirmières qui font du temps supplémentaire obligatoire, mon collègue de Rosemont les rencontre, c'est quoi, la première chose qu'ils nous racontent? Que le principal sacrifice d'être infirmière dans le public, en santé, c'est quoi, c'est le sacrifice familial, le sacrifice familial de rentrer à ton chiffre le matin et de ne pas savoir à quelle heure tu vas sortir. Parce que, si tu as un TSO, tu ne pourras peut-être pas aller chercher la petite à la garderie. Ce n'est pas un sacrifice familial, ça? C'en est un. Les profs, les enseignantes, les enseignants du Québec qui travaillent jusqu'à 11 heures, minuit le soir pour préparer le cours de la veille, ce n'est pas un sacrifice familial, ça? Les travailleurs, travailleuses dans les usines, qui sont sur les chiffres de nuit, qui dorment le jour, ne voient pas leurs enfants, sauf la fin de semaine, puis, encore là, ils sont tout fatigués parce qu'ils sont tout mêlés, parce qu'ils ont travaillé la nuit toute la semaine, ce n'est pas des sacrifices familiaux, ça aussi? Bien sûr.

Puis, comprenez-moi bien, Mme la Présidente, je ne suis pas ici pour faire une compétition, qui fait le plus de sacrifices, c'est-tu l'infirmière ou le député. Ce n'est pas une compétition. Mais c'est quoi, la différence? La différence, c'est que l'infirmière, le prof, l'ouvrier, la préposée aux bénéficiaires, ils ne peuvent pas, eux et elles, se donner des augmentations de salaire pour compenser les sacrifices. Ces gens-là, en ce moment, ils vont à l'épicerie, ils voient la facture, ils sautent parce qu'ils voient l'inflation leur rentrer dedans. Ils reçoivent des hausses de loyer, ils reçoivent des hausses de taux d'intérêt, s'ils sont jeunes propriétaires. Est-ce que ces gens-là peuvent dire : Aïe! Je fais des sacrifices familiaux, la vie coûte plus cher, mon salaire, il ne monte pas depuis 20 ans, je vais me voter une loi? Non, ils ne peuvent pas faire ça. Elle est là, l'injustice fondamentale derrière le projet de loi de la CAQ, et c'est la motivation fondamentale pour laquelle Québec solidaire s'oppose à cette mesure-là.

Et, moi, je vous le dis, si les députés caquistes pensent qu'ils peuvent voter ça rapido presto, d'ici l'été, repartir dans leurs terres, dans leurs circonscriptions et ne plus jamais en entendre parler, ils se trompent. Des gestes comme ceux-là, là, ça laisse des traces, Mme la Présidente. Puis l'obstination du premier ministre à foncer tête baissée avec sa décision d'augmenter les salaires des députés, ça va laisser des traces. Les gens vont s'en rappeler. Et ce premier ministre qui, depuis son retour en politique, nous dit qu'il est en politique comme homme pragmatique pour faire ce que les Québécois veulent, ce n'est pas ça qu'il est en train de faire. Il n'est pas en train de faire ce que les Québécois veulent. Les Québécois ne demandent pas une augmentation de salaire pour les députés.

• (12 h 10) •

J'entendais le premier ministre, l'autre fois, il me répondait, il me disait : La réforme du mode de scrutin, il n'y a personne qui se bat dans les autobus pour ça. Elle est où, la dernière bagarre dans l'autobus pour une augmentation de salaire des députés? On la cherche encore. Le premier ministre a fait toute sa campagne en disant : Moi, je vais faire ce que les Québécois veulent. Là, ce n'est plus ça qu'il fait, il fait ce que ses députés veulent. Ce n'est pas la même chose. Ce n'est pas la même chose, et ça, ça va laisser des traces sur la perception que les Québécois et les Québécoises ont de ce premier ministre et des députés qui vont le suivre, docilement, dans une décision qui va laisser des traces. On devrait, comme classe politique, tous partis confondus, se garder à tout prix de poser des gestes qui, directement ou indirectement, vont alimenter le cynisme de la population envers nous. On devrait être très vigilants de poser ces gestes-là. Et là c'est ça que les 90 députés de la CAQ vont faire. En tout cas, c'est ça qu'ils s'enlignent pour faire.

Mme la Présidente, en terminant, je veux glisser quelques mots sur la proposition qu'on a faite ce matin. Notre opposition à la hausse, elle est claire, elle est résolue, mais on a quand même tendu la main aux autres formations politiques pour essayer de diminuer, d'apaiser la perception de conflit d'intérêts qui est au coeur du projet de loi déposé par le leader du gouvernement. Cette proposition-là, c'est de reporter après les prochaines élections la hausse recommandée par le comité Ouellet-Thériault.

Le premier ministre nous dit qu'il faut augmenter les salaires des députés pour recruter des gens différents, des gens aux parcours divers, des gens... des meilleures candidatures, la prochaine fois. Si c'est ça, sa motivation, si c'est ça, sa motivation, il devrait accepter notre main tendue, qui est en fait un strict minimum : reporter la hausse après les prochaines élections. Et ça, ça permettrait aux députés de la CAQ de voter pour le projet de loi de leur gouvernement en soulageant leur conscience puis surtout en apaisant la perception de conflit d'intérêts. Parce qu'ils pourraient dire : Ce n'est pas moi qui vais la prendre, la hausse, c'est soit moi, soit une autre personne, soit mon successeur qui va gagner l'élection dans mon comté. Si la volonté du gouvernement, c'est d'améliorer les conditions pour la prochaine génération de législateurs, qu'ils le fassent, on leur tend la main. J'ai entendu le Parti québécois ouvrir la porte. J'ai entendu le Parti libéral ouvrir la porte. La balle est dans le camp des députés de la CAQ.

Le premier ministre nous disait qu'il y avait des débats au caucus. Moi, je vous invite à l'avoir, ce débat-là. Pourquoi ne pas la repousser en 2026, la hausse? Pourquoi ne pas la repousser en 2026? Ça viendrait apaiser la perception de conflit d'intérêts. Je pense que bien des Québécois, bien des Québécoises trouveraient ça moins pire comme décision. Bien sûr, comprenez-moi bien, on ne réglerait pas le problème de fond, hein, ni de près ni de loin, mais au moins, on éviterait de poser un geste dommageable pour la confiance des Québécois et des Québécoises envers leur classe politique.

Cette proposition-là a été faite ce matin par mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, qui est notre leader parlementaire. C'est une proposition de bonne foi. Mme la Présidente. Si on avait voulu juste faire des problèmes, on n'aurait pas fait cette proposition-là. Elle est faite de bonne foi. L'amendement sera déposé lors de l'étude détaillée, et la balle est dans le camp des députés de la Coalition avenir Québec, qui ont l'occasion de dire : En effet, on est peut-être allés trop vite, on est peut-être allés trop fort, reportons ça après la prochaine élection.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Maintenant, je suis prête à reconnaître M. le député de Rosemont.

M. Vincent Marissal

M. Marissal : Merci, Mme la Présidente. Chers collègues, j'ai le plaisir de vous annoncer que je vais vous accompagner tranquillement vers le dîner, vers la pause.

Il y a une personne, dans cette pièce, qui est arrivée à l'Assemblée nationale avant le premier ministre. Eh oui, ça se peut. C'est moi, puis je n'étais pas député, j'étais journaliste. Ça fait longtemps, c'est en 1993. Je venais d'arriver en poste ici, à la Tribune de presse, pour Le Soleil. Le premier ministre est arrivé quelques années plus tard, je m'en souviens, c'est moi qui ai fait la première grande entrevue avec le premier ministre. Je ne dis pas ça pour vous faire le C.V., puis ma biographie, puis pour parler de moi tant que ça, c'est juste pour vous dire que ça fait quand même un petit moment que je traîne mes savates ici. Faites le calcul, 30 ans.

• (12 h 20) •

Alors, comme mon chef parlementaire l'a dit tantôt, ce n'est pas exactement d'hier dont on parle du salaire des députés ou qu'on n'en parle pas, plutôt, parce qu'on ne veut pas en parler, parce que c'est tabou. Je ne sais pas pourquoi, parce que, dans le fond, ça devrait être quelque chose de très simple, de normé. Ça fait longtemps qu'on aurait dû régler cette affaire-là. À la limite, je ne ferais pas tant porter le blâme sur la CAQ, ça fait quatre ans qu'ils sont là. On pensait qu'ils s'étaient engagés à le faire, mais ils ne l'ont pas fait. Puis là ils vont profiter de leur immense majorité pour essayer de passer ça comme ça, à quelques jours de l'ajournement d'été.

À un moment donné, l'ancien député de Papineau — j'ai le droit de le nommer, il n'est plus député — Norm MacMillan, qui était responsable de ça... Norm MacMillan, oui. L'actuel député de Papineau me corrige. C'est bel et bien Norm, l'unique Norm MacMillan. D'ailleurs, je ne pourrais pas me tromper, il n'y en a qu'un. Il était whip puis il y avait un débat, au début des années 2000, avec le Parti libéral, sous Jean Charest. Ça brassait. Ça brassait comme à chaque fois qu'on parle du salaire des députés puis on essaie de mettre ça sous le boisseau rapidement, là, puis on... mais ça brassait pareil parce que tout ce qui traîne se salit, puis tout ce qu'on ne règle pas, bien, ça traîne puis on se prend les pieds dedans pendant des années. Puis, à un moment donné, ce bon Norm MacMillan, il nous dit, dans un scrum avec les journalistes : Il n'y a jamais de bon moment pour parler du salaire des députés. Bien, je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas tant le moment, c'est la manière. Comme disait ce bon vieux Jacques Brel, on fait ce qu'on peut, oui, mais il y a la manière. Il y a la manière de le faire. Puis on en avait une, manière de le faire, ici, qui aurait été correcte, qui aurait été respectueuse et de l'institution qu'on représente tous et toutes fièrement et de la population, surtout, que l'on représente ici fièrement et dignement. Mais, en ce moment, franchement, Mme la Présidente, la manière choisie, c'est de loin la pire. C'est de loin la pire. On a le pire des trois mondes, ici, là.

Puis, en toute transparence, là, vous le savez, vous le savez parce que c'est sorti dans les médias, puis je n'ai vraiment pas honte de ça, vous allez comprendre... pas fier de ça, je dois dire, puis vous allez comprendre pourquoi. C'est sorti dans les médias, il y a 10 élus ici, dans la place, qui ont le salaire minimum. Bon, on s'entend, ce n'est pas le salaire minimum de la population, là, ce n'est pas ça que je dis, mais des salaires, là, sans aucune forme d'émoluments supérieurs et additionnels. J'en fais partie, j'en fais partie. Je ne dis pas ça pour me plaindre. Encore là, je choisis d'être ici. J'aurais pu faire autre chose, je me suis fait élire. J'ai tellement aimé ça que j'en ai remis puis je me suis fait élire une deuxième fois. Je suis une victime totalement consentante, je ne suis pas en train de dire que je suis mal payé. Mais je peux vous dire, par contre, que j'aurais aimé ça qu'on fasse un vrai débat sur le salaire des députés. Ça me pince un peu, moi, de savoir qu'il y a toutes sortes de collègues qui ont toutes sortes d'émoluments additionnels, de primes de ci, de ça. Je ne sais pas, j'ai l'impression que ce n'est pas nécessairement basé sur une grille totalement objective. Et on aurait pu faire ce débat-là aussi.

Alors, encore là, je ne suis pas là, ici, pour me plaindre de mon salaire, mais, je vais vous dire, si j'étais une auto, là, je serais le modèle de base. Je suis un modèle de base : des pneus quatre saisons cheaps, des sièges en tissu puis peut-être pas de radio, certainement pas de clim. En tout cas, je ne sais pas pourquoi c'est comme ça, ça fonctionne comme ça.

Puis je vais vous raconter une autre anecdote concernant le Parti libéral. Je les aime beaucoup, les anecdotes concernant le Parti libéral. Sous Jean Charest toujours, à l'époque, sur 125 députés, savez-vous, Mme la Présidente, il y en avait combien qui n'avaient aucune rétribution supplémentaire à son salaire? Combien de députés n'avaient aucun émolument supplémentaire? Un. Un sur 125. C'était qui? Je pense que vous étiez là. C'était Pierre Paradis. Pourquoi? Parce qu'il était en rupture de ban avec son chef puis avec son parti. Puis, pour le punir, on ne lui avait pas donné... on ne lui avait rien donné. C'était un char de base comme moi. On ne lui avait rien donné. Mais moi, je pense que je ne suis pas en chicane avec personne, là, puis c'est comme ça, c'est comme ça, là, on ne m'a pas puni. En tout cas, du moins, pas que je sache. Mais Pierre Paradis avait été puni par absence de rétribution supplémentaire. C'est quand même extraordinaire. Ça fait que venez pas me dire que c'est totalement objectif. Il y a bien de l'arbitraire là-dedans. Puis il y a des collègues, puis tant mieux pour eux, qui sont allés chercher quelques émoluments additionnels. Puis c'est comme ça. Puis, ce débat-là, on ne l'a pas fait.

Alors, je vous le dis : La manière choisie, là, pas le moment. Je ne suis pas d'accord avec Norm MacMillan. Il y a des moments pour en parler, puis il faut en parler, mais c'est la manière d'en parler.

Qui se vote 30 % d'augmentation en deux coups de cuillère à pot, avec un projet de loi de deux articles, puis il faudrait faire ça un, deux, trois, en plus, là? Qui fait ça? Bien, je vais vous le dire qui fait ça. Il y a des dirigeants d'entreprise qui se font ça. Le président d'Air Canada, il s'est fait ça, lui. Il s'est voté, là, tout seul, avec sa gang puis son conseil d'administration, une sacrée belle augmentation de salaire. Il y a même du monde de la Caisse de dépôt qui se font ça. Pas de comptes à rendre à personne, on se vote des augmentations de salaire. Mais, savez-vous quoi, ici, des gens de bonne volonté critiquent ça puis dénoncent, parce qu'on ne devrait pas faire ça, parce que c'est s'attribuer des privilèges que le commun des mortels n'a pas. Puis, pour reprendre l'expression utilisée par le ministre de l'Éducation, là, mais à son sens propre, ça écoeure, écoeure dans le sens de ça lève le coeur, au sens propre du terme. Alors, quand des grands dirigeants d'entreprise le font, bien, on se lève ici puis on pose des questions ou on va devant les médias puis on dit : Bien, c'est écoeurant, puis effectivement on ne devrait pas fonctionner comme ça.

Vous savez, on offre 9 % de salaire de plus aux employés de l'État. Ça a pris des années, des années, ici, pour faire un débat, pour admettre que 15 $ de l'heure, ce n'est pas le salaire minimum, c'est le minimum du salaire minimum. Puis encore, on nous disait : Vous allez détruire l'économie du Québec, si vous augmentez le salaire minimum à 15 $ de l'heure. Vous vous en souvenez de ça? Là, maintenant, on se rend compte que ce n'est même plus assez. Ces gens-là, là, qui gagnent 15 $ de l'heure, là, ils ne font même pas 30 000 $ par année, ce qu'on s'apprête à s'auto-octroyer sur un projet de loi de deux articles.

Ça fait que moi, je demande à mes collègues : Regardez autour de vous. Je ne suis pas ici pour faire... pour «shamer» personne, comme diraient mes ados, là, ou je ne suis pas ici pour culpabiliser personne. Avant de me le faire reprocher, je ne suis pas ici pour culpabiliser personne. Mais moi, j'ai un malaise. Je me dis : La prochaine fois que vous allez chercher votre grilled-cheese ou votre muffin, regardez l'employée de la cafétéria dans les yeux, qui ont été obligés de sortir ici, en face de l'Assemblée nationale, parce que leur convention collective est échue depuis je ne sais pas combien de temps, puis qui gagnent des salaires de misère à nous faire nos sandwichs, allez la voir puis dites-lui : Bonjour, madame, je viens de gagner 30 000 $ de plus, aujourd'hui, en adoptant un projet de loi de deux articles avec mon immense majorité parlementaire.

Les constables spéciaux, vous les voyez, là, les constables spéciaux, ils se promènent avec des gros macarons, vous ne pouvez pas les manquer, c'est en rouge, là, leur convention collective est échue depuis 2020. Et c'est même pire que ça, ils ne l'ont pas renouvelée, en 2020. Ça veut dire qu'ils roulent sur une convention collective de 2016. Ça fait sept ans, les constables spéciaux, qu'on appelle parfois les gardes du corps... Bien, s'il est vrai que les politiciens, les élus, en particulier les ministres, ont des vies de fous, et c'est vrai, bien, les gens qui les protègent et qui les véhiculent ont aussi des vies de fous. Puis, à ces gens-là, on n'est même pas capables de faire l'honneur de renouveler leur convention collective. Puis croyez-moi, quand ce sera fait, ils n'auront pas 30 000 $ de plus. Ils n'auront pas 30 000 $ de plus. C'est deux poids, deux mesures, ici.

C'est vrai que les élus ont des vies de fous. Ça, je vous l'ai dit. Mais je pourrais vous parler des 30 000 personnes, salariées de l'État, dont l'immense majorité sont des femmes, 30 000, dont l'immense majorité sont des femmes, dans toutes les sphères d'activité du gouvernement, qui attendent le règlement d'équité salariale depuis 2010, depuis 2010. Ça fait 13 ans que ces femmes attendent une rétroaction. Nous aussi, on va en avoir une, rétroaction, là, ça a l'air, quand on va avoir adopté ce projet de loi là. Non seulement on va faire 30 000 $ de plus, mais on va avoir une rétroaction depuis le mois d'octobre.

Une voix : ...

M. Marissal : C'est une bonne chose, si ça a sauté. Ces gens-là dont je parle, les 30 000, attendent un règlement d'équité salariale qui leur est dû. Ça leur est dû, en vertu de la loi qui a été votée ici, depuis 13 ans.

Je pourrais vous parler aussi des conditions de travail dans le réseau de la santé. C'est mon dada, ces temps-ci, je passe beaucoup, beaucoup de temps dans le réseau de la santé. Je ne suis pas malade, rassurez-vous, je passe beaucoup de temps dans le réseau de la santé pour parler aux gens. Les préposés aux bénéficiaires qui sont sanctionnés parce qu'ils ont volé une toast au beurre d'arachide, les infirmières qui sont obligées de sortir sur le trottoir du boulevard de l'Assomption, à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, parce qu'elles n'en peuvent plus puis leurs conditions de travail sont pitoyables, à ces gens-là, je le répète, on offre maximum 9 %.

Je veux plutôt vous parler d'un secteur que je connais, c'est-à-dire le secteur du journalisme. Il y a plusieurs ex-journalistes ici, là. J'ai fait le décompte, après les élections d'octobre dernier, on est 10 ou 12, 10 ou 12. À la blague, je disais qu'on pourrait presque former une aile de la FPJQ parlementaire, tellement on est nombreux. Il y a des journalistes qui, dans leur carrière précédente, gagnaient pas mal plus d'argent qu'ils en gagnent ici. C'est mon cas. C'est mon cas, mais, encore là, j'ai fait le choix d'être ici. J'aurais pu faire autre chose, je suis ici, je vis parfaitement bien avec mes choix. Je pense au ministre de l'Éducation qui avait un sacré gros micro à Montréal, qui a décidé de l'abandonner pour revenir en politique. C'est un choix qu'il a fait aussi. J'espère qu'il est aussi heureux que moi de son siège, mais c'est un choix qu'il a fait. Et, connaissant un peu les tarifs horaires des gros micros à Montréal, en particulier dans la radio privée, je pense bien que le ministre de l'Éducation a fait un sacrifice salarial costaud, costaud, mais il le savait. Ça ne l'a pas empêché de venir en politique.

Alors, moi, l'argument que c'est pour attirer plus de talent, des candidats de meilleure qualité, de un, je trouve ça insultant pour les gens qui sont ici. Puis, en tout respect pour mes collègues de la CAQ, je trouve ça, en particulier, insultant pour les gens de la CAQ, parce qu'ils sont choisis personnellement par le premier ministre. Alors, est-ce que le premier ministre est en train de nous dire que, dans le bassin, quand il choisit ses candidats et ses candidates, il aimerait ça avoir une qualité supérieure?

Moi, je n'aimerais pas ça me faire dire ça, d'autant que, même si je ne suis pas souvent d'accord avec certains de ses ministres, le ministre de l'Économie, le ministre des Finances, le ministre de la Santé sont tous des gens qui ont fichument bien réussi dans la vie. Et, je répète, je suis rarement en accord complètement avec tout ce qu'ils disent et avec leurs orientations politiques, mais, aux yeux du premier ministre, et il l'a dit et redit, ce sont, à ses yeux et aux miens aussi, en quelque sorte, même si on ne s'entend pas politiquement, ce sont des candidats de qualité. Ce sont des candidats de qualité, bien oui. Le député de Beauce-Sud, avec qui je travaille régulièrement, c'est un candidat de qualité puis c'est un excellent président de commission parlementaire en plus, une carrière, notamment, dans l'enseignement.

Puis je pourrais tous les nommer ou à peu près tous et toutes, là, sauf les nouveaux visages que je n'ai pas eu le temps encore de bien connaître. Mais moi, l'argument de : On va augmenter le salaire, ça va attirer du meilleur monde, de un, je n'y crois pas parce qu'on a déjà attiré du monde. Si c'était juste la question d'argent, là, si c'était juste la question d'argent, là, ça se saurait. Puis des gens qui sont bien rémunérés ailleurs, qui ont fait des choix... Je parlais du ministre de l'Éducation. C'est un choix patent. Il venait de renouveler son contrat, le ministre de l'Éducation, il aurait pu rester à la radio. Probablement que c'était pas mal plus relax, sa job à la radio, qu'elle ne l'est ici. Il est venu ici. Puis, en plus, il ne peut pas dire : Je ne le savais pas. C'est son deuxième tour en politique. Ça fait qu'il le savait. En plus, il savait très bien dans quoi il se lançait. Ça fait que cet argument-là, moi, je n'y crois pas.

On a parlé aussi beaucoup de la vie difficile des députés pour justifier un salaire élevé, plus élevé. Bon, de un, il y a des députés ici qui, avec leur rémunération additionnelle, ne sont pas si mal payés que ça. On va se le dire, même le député de base n'est pas si mal payé que ça. En partant, là, quand on considère l'ensemble, là, la moyenne des ours au Québec, on n'est pas trop à plaindre, quand même. Mais faisons l'argument que c'est vrai qu'on a des jobs très prenantes, qu'à la fin il n'y a pas tant de garantie puis de sécurité d'emploi quand tu es député parce que tu rentres par une vague puis tu sors par une vague. C'est souvent comme ça. Mettons, là, faisons tout cet argument-là, là, bien, je reviens au point de départ. Il y a la manière de discuter d'une augmentation de salaire, et, de ça, nous parlons ici, oui, depuis 49 ans, comme l'a dit mon chef parlementaire tantôt, et moi, j'étais ici. De visu, j'ai couvert ces débats-là il y a une trentaine d'années.

• (12 h 30) •

Mais, comme le disait le député de Gouin tout à l'heure, vous savez, il y a pas mal de monde qui ont des vies de fou, qui ont des jobs de fou, qui ont des vies familiales sacrifiées à cause du travail. Le camionneur, là, qui fait des parcours, là, entre le Tennessee, le nord de l'Ontario puis Montréal, là, qui est tout le temps sur la route, là, qui mange mal, qui a mal dans le dos, qui n'a plus de hanches, qui a probablement la surdité sur l'oreille gauche parce que c'est plus proche du moteur, ce n'est pas une belle vie non plus tellement, là. Ce n'est pas tellement non plus la vie de rêve, là, puis il n'a pas les privilèges qu'un ou une députée peut avoir. Ce camionneur ne peut probablement pas s'auto-octroyer 30 000 $ de plus en un claquement de doigts. Moi, je ne crois pas ça. C'est juste ici qu'on est capables de faire ça, parce qu'on a les moyens parlementaires de le faire. Moi, j'invite mes collègues à regarder ça de face, là. Ce n'est pas un débat partisan, là, à part qu'à Québec solidaire, vous l'aurez compris, là, on n'est pas d'accord avec ça puis on va voter contre le projet de loi, après, évidemment, avoir essayé de l'amender. Mais ce n'est pas un débat purement partisan sur une position politique, c'est une position morale, c'est une position éthique. Le mot «éthique» ici, il est important. Et, pour citer le livre de René Villemure, L'éthique pour tous, c'est pour tout le monde, l'éthique, pas juste les gens qui se font pogner. Des fois, l'éthique, c'est pour avant de poser un geste. Et, en fait, c'est souvent avant de poser un geste qu'on doit se poser des questions d'ordre éthique.

Puis, quand j'entends, par exemple, le premier ministre justifier le projet de loi en disant : C'est une décision courageuse, c'est le courage... je ne dirai pas le contraire de ce qu'est le courage parce que ce ne serait pas parlementaire, mais je ne suis pas d'accord avec sa définition de courage. Je ne suis pas d'accord pantoute, Mme la Présidente, avec sa décision de courage. Parce que, quand je regarde la première définition qui me vient ici, là, quand je fais une petite recherche sur les moteurs de recherche, ici, sur Le Robert, par exemple, «courage», nom masculin, la première chose qu'on me dit ici : «force morale». Force morale. Je ne pense pas que nous soyons, ici, dans une question de force morale. Je pense même qu'il y a un côté assez immoral à ce qu'on s'apprête à faire ici en se votant nous-mêmes, sans qu'il y ait de réels débats, sans qu'il y ait un regard extérieur, une augmentation de salaire aussi prononcée, aussi prononcée. Et, je le répète, il y a la manière.

Malheureusement, le gouvernement a décidé de foncer. Moi, quand j'étais chroniqueur politique, je disais souvent : Pour comprendre l'agenda d'un gouvernement, l'outil le plus utile, c'est le calendrier. Pas tant la calculatrice, c'est plus le calendrier. Vous le savez, Mme la Présidente, là, demain on siège, après ça il reste deux semaines, il reste deux semaines d'intensive. Les gens qui ont déjà siégé ici, puis c'est la plupart des gens que je vois ici, dans cette salle, savent c'est quoi, les deux dernières semaines. C'est un tourbillon. Ça va vite, vite, vite. Puis tout le monde a pas mal hâte aussi de retourner dans ses terres, retourner dans sa circonscription, retourner auprès de sa famille. Ça va très rapidement. Parfois, on a des projets de loi adoptés en toute vitesse.

Alors, je pense que le gouvernement... vous pouvez m'accuser de prêter des intentions, mais c'est l'évidence même, là, le gouvernement a fait le calcul que ça va passer rapidement, que les lilas vont faner, que l'été va passer puis qu'au temps des pommes plus personne ne parlera de ça. Je ne suis pas tant sûr que ça. Je ne suis pas tant sûr que ça, parce que c'est le genre d'affaire éthique et morale qui dérange le monde. On a, au cours des dernières décennies, ici, assaini pas mal nos moeurs en matière de finances, notamment en abolissant l'allocation... la prime de transition ou l'allocation de transition quand un député démissionne lui-même ou elle-même de son poste. Ça a été bien reçu, ça a été bien perçu. On a aussi assaini nos moeurs en matière de financement des partis politiques. L'argent puis la politique, ce sera toujours explosif, ce pourquoi il faut le faire correctement, ce pourquoi, et je termine là-dessus, je le répète, il y a la manière. Le moment était mal choisi, je pense qu'on aurait dû le faire autrement, mais c'est surtout la manière qui est mal choisie.

Alors, j'invite mes collègues, là, il reste quelques heures ici, là, avant de commettre l'inévitable... je demande à mes collègues de regarder avec ouverture les amendements que nous allons déposer sur le projet de loi n° 24. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Maintenant, je suis prête à entendre un autre intervenant, et ce sera le député... M. le député de Jean-Lesage.

M. Sol Zanetti

M. Zanetti : Oui. Merci, Mme la Présidente. Avant de commencer mon intervention, je voudrais faire... poser une question. Je vois le temps filer, mais, si vous pouvez le suspendre, en vertu de l'article 213...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, je suspends les travaux quelques instants.

M. Zanetti : ...c'est juste pour... En vertu de l'article 213...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Ah? Ah oui! En vertu de l'article... Ah oui!

M. Zanetti : ...je voudrais poser une question au collègue qui vient d'intervenir.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Oui. Allez-y.

M. Zanetti : Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Allez-y. S'il accepte... Il a le choix d'accepter de répondre ou non. Alors, allez-y, M. le député.

M. Zanetti : Oui. Alors, je voudrais poser une question au député de Rosemont, qui vient de terminer son intervention. On sait que le député de Rosemont a une expérience de journaliste, ici, avant d'avoir été député à l'Assemblée, élu dûment, et il en a parlé. Et, moi, ce que je voudrais savoir, par rapport à l'intervention qu'il a faite, c'est, à sa connaissance et à son souvenir, la dernière fois qu'il a été question, à l'Assemblée nationale, d'augmenter le salaire des députés, quelle était la position de l'actuel premier ministre du Québec.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : ...

M. Lévesque (Chapleau) : ...je ne suis pas certain qu'un membre d'une formation politique puisse poser à un autre membre de la même formation politique une question sur l'article 213, mais j'aimerais que vous m'éclairiez sur cette question et qu'on puisse continuer nos travaux.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Oui. L'article 213 de notre règlement prévoit qu'il est possible de poser... qu'un député pose une question à un autre élu, tous partis confondus. Par contre, la réponse... la question doit être brève et la réponse doit être brève. Donc, M. le député, vous n'avez pas... vous n'êtes pas obligé d'y répondre, mais, si vous y répondez, très bref.

M. Marissal : Je ne pourrais pas manquer une si belle occasion, c'est quand même la première fois qu'on me pose une question ici, au salon bleu. C'est un peu particulier comme exercice.

Bien, la position de pas mal tous les partis politiques, pour répondre à mon collègue de Jean-Lesage, qui n'étaient pas au pouvoir, c'était de revoir la rémunération d'une façon indépendante. Ça a d'ailleurs été dit. Et, pour parler d'un autre membre du gouvernement, le ministre de l'Éducation, dont j'ai parlé tout à l'heure, a laissé aussi quelques traces notables et notoires de sa position sur la décision autoproclamée du gouvernement de se voter une augmentation de salaire. Ce n'est pas tout à fait nouveau, effectivement, qu'on essaie d'y aller avec parcimonie et scrupule sur une telle...

Je ne suis pas habitué de répondre aux questions, excusez-moi. Moi, je suis habitué de poser des questions, ça fait que... C'est bon. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député de Rosemont. Vous avez très bien fait ça.

Alors, vous pouvez poursuivre, M. le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Alors, beaucoup de choses se sont dites jusqu'ici sur la question de la hausse de la rémunération des députés de l'Assemblée nationale. Et moi, j'ai effectivement beaucoup de choses à dire par rapport à ça. Cela dit, ceux que nous n'avons pas entendus suffisamment pour l'instant, je pense, c'est les gens qui nous ont élus, la population en général. Et je me rappelle que... Est-ce que c'était il y a deux semaines? Oui, je pense, c'était il y a deux semaines. Le chef parlementaire du deuxième groupe d'opposition, député de Gouin, avait lancé le défi aux députés du gouvernement d'aller demander, lorsqu'ils iraient faire leur épicerie, au caissier ou à la caissière de dire qu'est-ce qu'ils pensaient de cette augmentation-là, et je ne sais pas s'ils l'ont fait. Cela dit, au cas où il y en a qui ne l'auraient pas fait, je me suis dit : Bien, moi, je vais consulter les gens, à partir de mes médias sociaux, pour leur dire : Écrivez-moi et dites-moi ce que vous pensez de ça. Et je leur ai dit, quand même : Il faut que ce soient des propos parlementaires, mais tout ce qui est parlementaire, je vais le lire, parce que je pense que c'est important que les députés du gouvernement entendent directement ce que les gens en pensent. Alors, j'ai beaucoup, beaucoup de commentaires, donc je ne vais pas nécessairement nommer tout le monde, mais je vais y aller en rafale pour que vous compreniez quel est le début et la fin des commentaires.

Alors, un premier commentaire : «Je suis d'accord s'ils laissent les syndicats de l'enseignement se voter leur prochaine augmentation aussi. On pourrait se donner 30 000 $ également et ainsi avoir un impact sur la pénurie d'enseignants.»

Autre commentaire : «C'est honteux. Pendant qu'ils se votent 30 %, plein de gens perdent leurs loyers, plein de femmes doivent abandonner leur carrière et rester à la maison parce qu'il n'y a pas de place en garderie ou que le prix des places est exorbitant.»

Autre commentaire : «Ma conjointe est travailleuse sociale au communautaire, et 30 000 $, c'est son salaire annuel. On voit où sont les priorités pour certains députés.»

Autre commentaire : «En dépit de l'étendue de mon vocabulaire, aucun propos jugé parlementaire ne peut qualifier mon sentiment.»

Autre commentaire : «Je suis préposé aux bénéficiaires, et, alors que nous sommes en pleine négociation de conventions collectives du secteur public, il est plutôt insultant de voir la partie patronale s'attribuer des telles hausses et ensuite venir nous dire à la table de négociation que les demandes syndicales sont déraisonnables.»

• (12 h 40) •

Autre commentaire : «On augmente de 30 % le salaire des députés supposément pour attirer de bonnes candidatures, alors que ça se bouscule aux portes pour occuper un siège à l'Assemblée nationale. Pour chaque siège occupé au salon bleu, il y a au moins quatre candidatures qui ont été rejetées, et la plupart étaient qualifiées. Est-ce qu'on a déjà vu autant de compétition pour occuper des postes d'enseignant ou d'infirmière? Bien sûr que non. Et pourtant on leur offre 9 % d'augmentation sur cinq ans. Le gouvernement devrait chercher à combler les postes vacants dans les écoles et les hôpitaux plutôt qu'à attirer de la compétition pour des postes déjà occupés au Parlement.»

Autre commentaire : «Il y en a qui ne gagnent même pas 30 000 $ par année. C'est gênant.»

Prochain commentaire : «La nation québécoise a choisi les députés parce qu'elle veut des logements abordables, un système de santé efficace, un système d'éducation exemplaire, et j'en passe. Les députés n'ont pas été choisis pour décider de leur propre salaire mais bien pour régler les problèmes que nous possédons en tant que société. C'est ça, le principal travail d'un député, améliorer la vie des citoyens. Les élus n'ont pas besoin d'une augmentation de salaire pour faire ce travail, alors pourquoi ne vous concentrez-vous pas sur les choses plus urgentes et qui concernent pour vrai la population du Québec, la même qui vous a accordé sa confiance et qui attend toujours de voir un vent de changement bénéfique de la part du gouvernement?»

Autre commentaire : «La déconnexion de la CAQ et de ses députés du reste de la population est flagrante quand le secteur public, qui a travaillé d'arrache-pied, durant la pandémie, à garder le fort, se fait mettre des bâtons dans les roues à négocier un salaire respectable et représentatif de leur labeur, 9 % sur cinq ans, tandis que le salaire d'un député est déjà nettement adéquat à subvenir aux besoins d'un individu.» Et là j'ajouterais même, je dirais, d'une famille.

Autre commentaire : «Alors que le secteur public se tue aux tables de négociation pour obtenir une augmentation de salaire qui ne suit jamais l'augmentation du coût de la vie, cela témoigne d'un mépris grandissant pour un secteur d'emploi majoritairement féminin. Comment accepter de rester passive devant les députés qui se votent une aussi grasse augmentation de salaire alors que les enseignantes, infirmières, éducatrices et autres doivent déployer des efforts gigantesques pour être simplement entendus? C'est enrageant et insultant.»

Autre commentaire : «Je vote pour la même augmentation en tant qu'infirmière auxiliaire ayant travaillé pendant des innombrables éclosions de COVID et du risque que j'ai pris et fait subir à mes proches.»

Autre commentaire : «La politique ne devrait pas être une affaire de gros sous, mais de conviction et d'être au service de ses citoyens. Au Québec, les rémunérations des députés restent plus raisonnables que dans d'autres pays, et c'est important que ça reste de même. Un député se doit de représenter les intérêts de la population, et ces sommes auraient bien plus intérêt d'être investies ailleurs que de surpayer des agents de la démocratie.»

Un autre commentaire : «À chaque mardi, les enseignantes et professionnels de l'école secondaire où je travaille portent leur chandail noir où c'est écrit Profs en négo afin de faire pression sur le gouvernement. Ça dure depuis des mois, réponse décevante après réponse décevante. On dit que le gouvernement est déconnecté de la population et en voilà un exemple particulièrement clair. Eux peuvent se voter eux-mêmes leurs augmentations qui leur conviennent sans négo, sans contreparties qui leur disent que c'est exagéré.»

Autre commentaire : «101 000 $ et les nombreuses primes supplémentaires, c'est déjà un salaire confortable. Les députés sont là pour servir le public québécois et non pour vivre dans le luxe.»

Un autre commentaire : «Absolument injustifié.» Avec un émoji de colère.

Autre commentaire : «Je crois que le salaire des députés ne devrait jamais augmenter davantage que la moyenne de ceux de la fonction publique. Si attirer les talents de l'Assemblée nationale est important, ça l'est tout autant, sinon plus dans nos écoles, nos hôpitaux, tous nos services publics. Aussi, peut-être devrait-on cesser de penser l'Assemblée nationale avec les biais aristocratiques et qu'il vaut mieux y attirer des banquiers et des avocats plutôt que des gens de tous les milieux pour lesquels un salaire dans les six chiffres est carrément hors de portée. Les heures travaillées par les députés sont intenses, et je ne suis pas contre une rémunération appropriée, mais l'argent ne devrait pas être le principal facteur décisionnel pour s'impliquer pour ses concitoyens.»

Autre commentaire : «C'est indécent, irrespectueux, irresponsable. Les candidats de qualité qu'on soi-disant dit vouloir attirer ne seront pas nécessairement plus représentatifs de la population et ne feront pas nécessairement un meilleur travail. Nous sommes dans une démocratie qu'on se plaît à croire représentative. Dans les faits, la CAQ laisse entendre qu'elle ne veut pas avoir que des candidats et députés avec des profils de chef d'entreprise tout en refusant de revoir le mode de scrutin. Le Québec n'est pas une business à gérer, c'est une nation, un peuple, une société et, oui, un pays qui a des enjeux sociaux et environnementaux beaucoup plus larges que ceux qui sont dans la vision des chefs d'entreprise. On a besoin de diversité de profils pour avoir une gouvernance allumée, qui voit en dehors du cadre.»

Prochain commentaire : «Ma question : Est-ce que tous les députés de la CAQ sont vraiment d'accord avec le fait de voter pour leur propre salaire ou est-ce encore simplement le reflet de la ligne de parti? Si c'est le cas, je lance un message aux députés qui ne sont pas tout à fait à l'aise de voter pour leur propre salaire mais qui sont coincés dans ce manège, je leur dis d'écouter leurs instincts et leurs convictions et de demander à un comité indépendant et exécutoire de faire le constat des choses.»

Prochain commentaire : «Je pense que ce serait bien qu'on investisse un peu plus dans les écoles pour soutenir les enseignantes, qui doivent gérer des enfants avec des troubles du comportement sévères et des besoins plus prenants. Moi, je prendrais bien une deuxième personne en maternelle pour m'aider à calmer ceux qui courent avec des ciseaux, ceux qui veulent retourner chez eux et ceux qui sortent de la classe sans attendre, ceux qui hurlent et lancent des chaises parce qu'on leur a dit qu'ils ne pouvaient pas continuer à lancer des jouets, ceux qui donnent des coups et qui mordent quand on s'approche trop, ceux qui pleurent parce qu'ils sont épuisés de ne pas savoir si leur enseignante en congé de maladie reviendra un jour.»

Prochain commentaire : «D'abord, il y a conflit d'intérêts. Personne ne doit se voter lui-même une augmentation de salaire, et ça s'applique aussi au gouvernement, qui représente les citoyens, je le rappelle. Ensuite, considérant l'augmentation par rapport au coût de la vie, qu'ont les députés tous les ans, l'augmentation supplémentaire de 30 000 $ n'est pas nécessaire. Est-ce que les députés sont en bas de l'échelle salariale? Non. Cette augmentation de salaire des députés ne montre pas l'exemple et contribue à la création de classes riche et pauvre, ce qu'on veut éviter dans une société en santé, économiquement parlant.»

Prochain commentaire : «En plus d'être inapproprié, c'est le pire momentum pour le faire, alors que les gouvernements refusent de négocier de façon décente les conventions collectives des travailleuses et des travailleurs de la santé et d'autres services publics.»

Prochain commentaire : «L'autre jour, GND a invité ses abonnés Instagram à poser la question à un caissier à l'épicerie. Je ne sais pas si c'était une blague, mais moi, je l'ai fait pour vrai. La réponse a été : On devrait utiliser l'argent ailleurs.»

Prochain commentaire : «Je propose que l'augmentation des députés soit la moyenne des augmentations accordées aux travailleurs de la fonction publique.»

Prochain commentaire : «J'ai eu des discussions là-dessus avec mon entourage et je trouve que c'est dommage que l'argument voulant qu'il faille attirer des talents — entre guillemets — soit invoqué pour justifier la hausse. Il n'y a pas de pénurie de députés, et c'est déjà tellement un milieu de personnes favorisées. Cet argument sous-entend que les talents existent mais qu'ils sont probablement trop occupés par des fonctions plus lucratives et donc qu'il faudrait augmenter les salaires pour les convaincre de mettre leurs compétences au profit de la politique active. Cela est faux. Il y a plein — et je dis "pleiiin" parce il y a beaucoup de i dans le "plein" — de personnes talentueuses qui gagnent moins de 100 000 $ par an et qui ne sont pas pour autant attirées par le métier de député. Pourquoi? Quelles sont les mesures qui permettraient l'inclusion de ces personnes-là? Voilà la question qu'il faut se poser afin de recruter — entre guillemets — des talents. Celle du salaire est dérisoire et exclusive, puisqu'elle priorise les classes homogènes déjà riches. Est-ce qu'on veut vraiment attirer plus de personnes riches à l'Assemblée nationale pour représenter le peuple?»

Prochain commentaire : «Je trouve ça indécent. Je suis handicapé, je ne peux plus travailler et je ne mange pas toujours à ma faim. Le stress d'être sous le seuil de la pauvreté joue sur ma santé. Puisque j'ai une maladie dégénérative, ce stress aggravera ma maladie, et à long terme je coûterai plus cher au système de santé. Pourtant, je fais du bénévolat quand je peux. Il n'y a pas qu'une façon d'être utile à la société. Cette augmentation, et la CAQ, fait que je me sens comme un déchet de la société.» Ça, c'est grave.

Prochain commentaire : «C'est une augmentation plus élevée que n'importe quel salaire annuel que j'ai fait dans ma vie, dans toute ma vie. Je n'ai pas l'impression que la majorité des députés travaillent autant que j'ai pu travailler dans ma vie à me briser le dos en levant des charges et à faire parfois jusqu'à 16 heures de job sans arrêt. C'est offensant et méprisant de leur part.»

Prochain commentaire : «En tant que jeune femme de 16 ans, je suis très affectée par la crise climatique et je peux vous dire que, si on mettait en priorité nos ressources financières comme ça au profit de la transition écologique, la crise climatique, on la réglerait bien vite. Si tout ce qui manque pour attirer plus de talents — entre guillemets — en politique, c'est 30 000 $ par année, je pense que la CAQ a complètement perdu de vue la raison pour laquelle elle fait de la politique. La politique, on fait ça pour améliorer les conditions de vie des citoyens, pas pour l'argent.»

• (12 h 50) •

Prochain commentaire : «Je suis professeur. Non, ce n'est pas pour vous parler des négociations en cours que je vous parle de mon travail. L'autre jour en classe, un élève me demandait pourquoi je tenais autant à ce qu'il fasse un travail de qualité, puisque j'allais être payé de toute façon. Je lui ai répondu que mon salaire met du pain sur la table mais que c'est mon désir d'éveiller sa curiosité et de le voir s'épanouir qui fait que je me lève chaque matin. S'il ne se force pas dans son projet, il apprendra peu et ne développera pas son plein potentiel, et moi, à la longue, je ne me mettrai à venir au travail que pour le salaire. Mmes et MM. les députés, pourquoi êtes-vous ici, au salon bleu? Pour vous acheter une plus grande maison, envoyer vos enfants au privé, vous payer des voyages ou changer le monde?»

Prochain commentaire : «30 000 $, c'est le salaire que beaucoup de gens font dans une année complète. Ça ne fait aucun sens qu'avec l'inflation actuelle ces élus se permettent une telle augmentation alors qu'une bonne partie de la population a du mal à joindre les deux bouts. Ces 30 000 $ qui semblent disponibles pour une poignée de gens devraient être envoyés aux plus démunis, pas mis dans les poches de ceux qui sont déjà beaucoup plus à l'aise financièrement que la majorité.»

Prochain commentaire : «J'ai souvent négocié des conventions collectives dans ma vie. Souvent, lorsque nous abordons le sujet des salaires, les employeurs parlent de rémunération globale en mentionnant qu'il faut regarder au-delà des salaires — entre parenthèses, retraite, nombre de vacances, assurances collectives, etc. — et c'est un de mes gros problèmes avec la situation actuelle. Le mandat donné au comité a été de seulement regarder les salaires, sans prendre en compte d'autres aspects monétaires, comme celui du très généreux régime de retraite des élus. Bref, le fait qu'un parti très patronal ne veut pas s'ouvrir à la révision de la rémunération globale, c'est fort surprenant et enrageant. Je ne suis jamais arrivé à la table de négociation face à un employeur en me disant : Bon, bien, les membres viennent de se voter une augmentation de x % de salaire, donc vous allez appliquer ces augmentations.»

Prochain commentaire : «Mon travail, et celui de mes collègues travaillant dans un organisme communautaire en santé mentale, est d'accompagner les personnes qui vivent de nombreuses difficultés et qui tentent comme ils le peuvent de s'en sortir. Dans les jours difficiles, mon travail, c'est aussi de me faire crier dessus, de me faire dire des insultes, d'envoyer des personnes à l'hôpital, car elles représentent un danger pour eux-mêmes ou pour autrui, c'est même parfois de risquer de me faire piquer par une aiguille contaminée lorsque je nettoie une chambre après le départ nébuleux d'une personne en crise. Et savez-vous que mon travail, c'est aussi environ 40 000 $ par année, sans fonds de pension? Je ne me plains pas ici. C'est un choix de vie en société, c'est sûr, mais je suis sans mots quand je vois des personnes au gouvernement se voter une augmentation faisant pratiquement un an de salaire de notre côté alors qu'on vient de réviser notre convention collective et que notre augmentation, c'est, heureusement, environ 2 000 $ pour l'année. Je peux croire que votre travail est dur et demandant, mais j'aimerais vous voir devant des personnes complètement démunies pour vrai.»

Prochain commentaire et dernier commentaire : «Une belle augmentation qui équivaut à mon salaire annuel comme nouvelle éducatrice spécialisée dans les écoles.» Et là il y a un émoji de petit visage à l'envers.

Ce que je viens de dire là, là, ce n'est pas juste ce que pensent les députés de Québec solidaire, ce n'est pas juste ce que vous disent les élus ici, c'est ce que le monde dehors pense de ce qui est en train de se passer ici. Et ça, ça devrait vous préoccuper au plus haut point, tous les collègues, parce que c'est ça, la réalité, là, et, les gens, je pense que, cette affaire-là, ils vont s'en souvenir. C'est sûr que, quand on regarde ça de loin, on se dit : Bon, faire ça en début de mandat, quelqu'un, quelque part, au gouvernement, doit se dire que les gens oublieront dans trois ans. Ça me rend un peu triste de penser que les gens calculent comme ça, mais... et j'espère que ce n'est pas le cas, sauf que, clairement, moi, je pense que les gens vont s'en souvenir.

Puis je voudrais revenir aussi sur quelque chose qu'a dit mon collègue le député de Rosemont par rapport à un argument avancé par le premier ministre pour défendre cette hausse de salaire là de 30 %... de 30 000 $. Il disait : Ça prend du courage pour faire ça. Bien, le courage, ce n'est pas exactement ça. Dans un acte courageux... Ce n'est pas... Un acte courageux, ce n'est pas juste de prendre un risque, c'est aussi de le faire en faisant abstraction de son intérêt propre et de son intérêt personnel. Sinon, c'est juste prendre un risque. Bien sûr, le premier ministre prend un risque en faisant cette augmentation du salaire des députés. Pourquoi? Parce qu'il risque que les gens soient en maudit pendant longtemps, et je pense que c'est ça qui va arriver. Mais il ne peut pas dire : Je le fais pour les autres, parce que, tout le monde ici, là, c'est nous qui sommes les seuls concernés. Alors, il n'y a pas une dimension d'altruisme, essentielle à la notion de courage dans cet acte-là. Ce n'est pas un geste de courage politique, c'est un geste risqué, sans plus.

Et c'est un geste qui est risqué pour l'image, je pense, du premier ministre et du gouvernement, mais c'est un geste qui est risqué, je pense, pour l'ensemble des gens qui s'impliquent en politique au Québec et qui se font élire à l'Assemblée nationale. Parce qu'assez rapidement, vous en aurez eu déjà l'expérience, on est pas mal tous mis dans le même panier. Donc, cette affaire-là, qui se fait d'une manière qui, pour nous, à Québec solidaire, n'est pas correcte, bien, je pense qu'à un moment donné il y a du monde qui vont penser qu'on est... qu'on a contribué à ça d'une façon ou une autre. Et moi, je vous avoue que ça me fâche profondément. C'est pour ça que je voulais vous faire entendre la voix de mes concitoyens aujourd'hui.

Et je voulais revenir aussi sur un autre fait, la question de la pénurie de députés. Et c'est fou comment les commentaires qui ont été envoyés... qui m'ont été envoyés reprennent plein d'arguments que je trouve extrêmement pertinents, dont la question de la pénurie de députés. La personne était très conservatrice dans son estimation en disant que, par exemple, il y avait, tu sais, quatre personnes, cinq personnes qui se présentaient dans chaque élection, mais, dans certains comtés, là, il y a 10 candidatures, en fait. Donc, à l'échelle du Québec, pour 125 postes, mettons, il y a cinq à 10 fois plus de personnes qui se présentent. C'est beaucoup d'appelés, peu d'élus. C'est rare que... Si on avait le luxe d'avoir cette attractivité-là dans d'autres domaines, en pleine pénurie de main-d'oeuvre, on réglerait bien des problèmes.

Ça m'apparaît clair que le salaire des députés, il ne devrait pas être choisi par les députés, c'est quelque chose qui devrait être... relever d'un comité indépendant.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, M. le député. Alors, nous allons passer au prochain intervenant. Ce sera Mme la députée de Verdun.

Mme Alejandra Zaga Mendez

Mme Zaga Mendez : Merci, Mme la Présidente. J'ai combien de temps qu'il me reste d'ici la fin?

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : ...jusqu'à midi, donc deux minutes.

Mme Zaga Mendez : Deux minutes. Bien, je vais juste... je vais commencer par saluer, en fait, l'exposé que vient de faire mon collègue de Jean-Lesage et aussi saluer tous les collègues qui sont ici avec nous, en Chambre, et qui suivent cette discussion que nous menons parce que c'est un projet de loi qui est important.

Puis une des choses que j'ai aimées de l'intervention de mon collègue de Jean-Lesage, c'est qu'il a invité aux gens de son comté de s'exprimer. Je pense que, comme élus, c'est notre devoir de porter la parole des gens qu'on représente ici, à l'Assemblée nationale. Peut-être, certains députés le font, mais j'aimerais que ce soit de plus en plus une pratique qui est généralisée. J'aimerais inviter l'ensemble de mes collègues de toutes les formations politiques à faire ce même exercice que j'ai fait ce matin, d'écrire un petit message sur vos réseaux sociaux, votre Facebook personnel, avec une question très, très simple : Qu'est-ce que ça fait aux gens de savoir que les députés ici, à l'Assemblée nationale, avons le pouvoir de nous voter à nous-mêmes une hausse de 30 000 $? J'invite vraiment, sincèrement tout le monde d'interpeler les gens qui vous suivent, les gens qui vous ont même élus, collaboré avec vous dans les différentes campagnes, puis connaître ce débat, de qu'est-ce que ça représente.

Je veux saluer, d'abord et avant tout, l'initiative de mon collègue de Jean-Lesage qui m'a inspirée à faire ça ce matin. Je vois que le temps file. Je n'aurai pas le temps de lire l'ensemble tout de suite, mais je crois que c'est un exercice important, comme élu, de rentrer en contact avec ces personnes-là, du monde qu'on croise dans la rue. Le leader... pardon, le chef parlementaire de notre groupe, donc, le député de Gouin l'a fait aussi, de faire cet appel-là, de rentrer en contact puis avoir cette discussion-là, puis on va se rendre compte, sortir un peu des murs ici puis réaliser ce que les gens vivent, qu'est-ce que les gens sentent par rapport...

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Mme la députée, comme vous le savez, étant donné l'heure, je dois suspendre les travaux, donc, jusqu'à 14 h 15... donc jusqu'à 15 heures, pardon. Donc est-ce que vous désirez poursuivre lorsque nous allons reprendre les travaux? Oui. Alors, vous serez la première à passer.

Alors, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 01)

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Bon après-midi, chers collègues. Je vous invite à vous asseoir.

Affaires inscrites par les députés de l'opposition

Motion proposant que l'Assemblée demande la divulgation de
l'ensemble des documents de la commission Grenier

Alors, nous en sommes aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. Et, à l'article 38 du feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, M. le chef du troisième groupe d'opposition présente la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale affirme que le plein respect des lois adoptées démocratiquement par le Parlement du Québec, plus particulièrement de la Loi électorale du Québec et de la Loi sur la consultation populaire, est une condition essentielle au maintien de la santé démocratique de la nation québécoise et du respect de sa volonté exprimée démocratiquement;

«Qu'elle rappelle que les conclusions du rapport du commissaire Bernard Grenier, publié en mai 2007, indiquent qu'une somme de 539 460 $ a été engagée illégalement par Option Canada et le Conseil pour l'unité canadienne pendant la période référendaire de 1995;

«Qu'elle rappelle que la commission Grenier n'avait pas obtenu le mandat de se pencher sur d'autres dépenses frauduleuses potentielles, notamment l'organisation du "love-in" et le placement publicitaire financé par Patrimoine Canada;

«Qu'elle affirme que près de 30 années se sont écoulées depuis la campagne référendaire de 1995 et que le droit à la liberté d'expression, le droit à la liberté de la presse, le droit à l'information et le principe de la publicité des débats commandent la divulgation publique des documents colligés dans le cadre des travaux du commissaire Grenier, et ce au bénéfice du droit des générations futures à connaître l'histoire du Québec;

«Par conséquent, qu'elle ordonne au gouvernement du Québec de présenter dans les plus brefs délais un projet de loi pour permettre la déclassification de l'ensemble des documents de la commission Grenier et d'entreprendre toutes les procédures législatives nécessaires à cette fin.»

Je vous informe que la répartition du temps de parole pour le débat restreint sur la motion inscrite par M. le chef du troisième groupe d'opposition s'effectuera comme suit : 10 minutes sont réservées à l'auteur de la motion pour sa réplique, 49 min 15 s sont allouées au groupe parlementaire formant le gouvernement, 26 min 30 s sont allouées au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, 16 min 45 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition, 16 minutes sont allouées au troisième groupe d'opposition, 1 min 30 s sont allouées à la députée indépendante.

Dans le cadre de ce débat, le temps non utilisé par la députée indépendante ou par l'un des groupes parlementaires sera redistribué entre les groupes parlementaires selon les proportions établies précédemment. Mis à part ces consignes, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps. Enfin, je rappelle à la députée indépendante que, si elle souhaite intervenir au cours du débat, elle a 10 minutes à partir de maintenant pour en aviser la présidence.

Je cède maintenant la parole à M. le chef du troisième groupe d'opposition.

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : Merci, M. le Président. La motion d'aujourd'hui porte sur des principes très fondamentaux du fonctionnement de notre démocratie et de notre système de justice, à savoir obtenir la vérité et fonder notre quête de justice et d'équité dans notre société sur la base de faits vérifiés, de faits disponibles à tous dans une démocratie qui se veut normale ou, en tout cas, qui tend vers la normalité.

La commission Grenier, rappelons-le, s'est penchée sur une infime partie des allégations de manoeuvres frauduleuses dans le cadre de l'organisation de la tenue du référendum de 1995, l'un des moments de démocratie les plus importants de notre histoire. La commission Grenier devait se pencher uniquement sur les activités d'Option Canada. Or, il y a d'autres événements dans le cadre de ce référendum de 1995 qui soulèvent de graves questions, notamment le «love-in», qui ne faisait pas partie de ce mandat-là, notamment le fait que des gens avaient des billets d'avion, notamment des militaires de partout au Canada, pour venir voter, le fait qu'au total des dizaines de milliers de personnes qui n'auraient pas dû avoir le droit de vote ont exercé leur droit de vote, du placement publicitaire financé par le gouvernement du Canada et un certain Chuck Guité, un nom qui deviendra célèbre plus tard dans le scandale des commandites, bref, plusieurs questions pour lesquelles on n'a pas de réponses ou des réponses très insatisfaisantes.

En ce qui concerne Option Canada, on sait qu'il y a 90 témoignages et 4 500 documents qui ont été colligés dans le cadre de cette commission. Or, elle fait, en date d'aujourd'hui, l'objet d'une ordonnance de non-divulgation et de non... de confidentialité pour l'éternité. Et donc, le sens de notre exercice aujourd'hui, c'est de rendre, avec la collaboration du gouvernement et de tous les partis, cette information disponible en ne sachant pas exactement ce qu'on va trouver, mais en le faisant pour le principe fondamental que des moments comme ceux-là ou des allégations sérieuses de dépassement, de manipulation des dépenses électorales, bien, c'est de l'information fondamentale qui se doit d'être publique. Puis on est d'accord sur le fonctionnement sain de notre démocratie, sur la recherche de vérité, dans notre démocratie québécoise, et ça s'inscrit dans une histoire du Canada, du Québec dans le Canada, qu'il faut rappeler.

La Constitution de 1867 a été suivie par l'une des élections les plus frauduleuses de l'histoire du Canada pour s'assurer que le Québec n'ait pas le choix que d'accepter une constitution qu'il n'avait pas choisie, à laquelle il n'avait pas consenti. La conscription de 2000... de 1917 et 1918 a fait l'objet de manipulations, dans la Loi électorale, pour que les familles des soldats puissent voter, mais seulement les familles des soldats qui sont en faveur de la guerre. Et tout ça a mené, avec d'autres manoeuvres et techniques de découragement, a mené à une émeute, en 1918, qui a fait quatre morts et des dizaines de blessés.

Même chose pour la conscription de 1939, qui a fait l'objet d'autres manipulations, au point où le maire de Montréal, Camillien Houde, a encouragé les citoyens à refuser la conscription, puis là il a dû finir en prison. Le coup de la Brink's, dans les années 70, où on a simulé, à partir du gouvernement du Canada, et avec la collaboration du journal The Gazette, on a simulé que les capitaux fuyaient vers Toronto, ça aussi, c'était une manipulation puis une manoeuvre frauduleuse de notre démocratie. Le référendum de 1980, où on jurait qu'il y aurait du changement, ça aussi, c'était de manipuler l'électorat. La «nuit des longs couteaux», à laquelle, malheureusement, René Lévesque a été contraint de participer : un manque d'honnêteté, une manipulation à nouveau. Le référendum de 1995...

Je viens de nommer des exemples, mais j'ai aussi fait le lien avec le scandale des commandites. Ça se peut qu'en soulevant chacun de ces documents-là, en scrutant chacun de ces documents-là on comprendra la logique qui a amené le gouvernement du Canada à l'un des scandales les plus invraisemblables de l'histoire du Canada, le scandale des commandites, où littéralement des firmes proches du Parti libéral du Canada faisaient la promotion du Canada par tous les moyens pour décourager, éteindre l'indépendantisme, tout en s'en mettant plein les poches à même nos taxes et nos impôts. C'est ça aussi, l'histoire du Canada. C'est ça aussi, l'histoire du Québec dans le Canada.

Donc, dans cette perspective-là, nous, on pense qu'on devrait minimalement, indépendamment de nos différents points de vue sur la question de l'avenir du Québec, on devrait minimalement tous se mettre d'accord sur la lutte à la corruption, la lutte à la fraude, la recherche de vérité, la recherche de justice, et, dans ce cas précis, si 90 témoins et 4 500 documents ont été déposés pour nous aider à comprendre une infime partie des fraudes alléguées par le... du côté du camp du Non, lors du référendum de 1995, on devrait minimalement, par souci de confiance envers nos institutions, confiance envers la justice, se mettre d'accord pour demander au Directeur général des élections de rendre tous ces documents-là disponibles pour que la population et les journalistes puissent poser un jugement, faire leur travail librement, comme toute société démocratique devrait encourager comme fonctionnement.

Je comprends qu'on présente une version modifiée de la motion, de manière à la simplifier et à ce qu'elle soit le plus consensuelle possible. Donc, sur ce, je laisse la parole à mes collègues pour qu'ils puissent...

Des voix : ...

M. St-Pierre Plamondon : On va aller en alternance? Donc, moi, c'est mes remarques préliminaires. Puis on pourra présenter la version simplifiée de cette motion dans l'optique, M. le Président, qu'elle soit la plus consensuelle possible et qu'elle permette, donc, à tous les partis de s'entendre sur ses principes fondamentaux. Merci, M. le Président.

• (15 h 10) •

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le chef du troisième groupe d'opposition. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. Alors, je reconnais M. le ministre responsable de l'Accès à l'information, pour votre temps de parole.

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : Merci bien, M. le Président. D'abord, souligner le travail de collaboration de la deuxième... la troisième opposition, je m'excuse, qui a apporté un sujet qui est d'intérêt, et souligner aussi la manière de faire. Ils ont déposé une motion avec un libellé. On a travaillé, depuis hier, à peut-être l'amender pour trouver quelque chose qui serait consensuel. Le chef de la formation politique l'a mentionné, puis je pense qu'ils vont, tout à l'heure, y aller d'un amendement. S'ils ne l'avaient pas fait, nous l'aurions fait. Mais on va les laisser le faire eux-mêmes, puisque ce n'est pas nécessaire, là, de s'opposer.

Je veux faire un simple rappel historique sur ce qui se passe quand on parle des documents du rapport Grenier. Il faut savoir que, pour en arriver à se poser les questions qu'on se pose aujourd'hui, il y a eu un travail qui a été fait par Normand Lester et Robert... Robin Philpot, qui ont publié le livre Les secrets d'Option Canada, en 2006. À la suite de la parution de cet ouvrage-là, bien, le Directeur général des élections a confié à l'honorable Bernard Grenier le mandat de faire enquête sur les activités d'Option Canada et sur les événements qui se sont déroulés dans les mois qui ont précédé le référendum québécois en 1995. M. Grenier, l'honorable M. Grenier, agissait à titre de commissaire-enquêteur. Il était investi de pouvoirs et de l'immunité d'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête.

L'enquête confiée au commissaire-enquêteur Grenier était une enquête administrative qui a été menée, à l'époque, à huis clos, avec les règles de preuve et de procédure qui avaient cours à ce moment-là dans ce contexte-là. Ce qui est important de voir, ce qu'on a su suite à ça, c'est qu'un montant total de 539 460 $ aurait été dépensé illégalement par Option Canada, c'est-à-dire sans qu'il soit déclaré. Le camp du Non aurait toutefois pu acquitter légalement une partie de ce montant-là, près de 375 000 $, puisque le plafond des dépenses n'avait pas été atteint. Mais il y a d'autres éléments d'information qui, jusqu'à aujourd'hui, n'ont pas été dévoilés, puis je pense que c'est, en partie, l'intention qu'on a aujourd'hui, ensemble, de faire la lumière sur un maximum d'informations.

Dans son rapport, le commissaire-enquêteur Grenier mentionne que l'ordonnance de non-divulgation, non-communication et non-diffusion de la preuve émise le 18 septembre 2006 doit être maintenue. En mai 2007, il réitère cette ordonnance de non-publication, non-communication et non-diffusion sans limites de temps. Mais, depuis le référendum de 1995, 28 années se sont écoulées, 16 années nous séparent du dépôt du rapport Grenier, et l'écoulement du temps fait en sorte qu'on peut s'interroger, ensemble, sur la pertinence que soit maintenue l'ordonnance émise par le commissaire Grenier. Pour cette raison, il semble que l'intérêt public et la transparence seraient bien mieux servis si les documents de la commission Grenier étaient rendus publics.

Pour notre gouvernement, la transparence est une valeur fondamentale. C'est la base, évidemment, de toute démocratie. La tenue d'élections libres et équitables, la participation des citoyens, l'État de droit, l'indépendance de la justice, c'est des piliers sur lesquels on doit pouvoir s'appuyer pour préserver la confiance des Québécois dans leurs institutions. La transparence permet aux citoyens de s'informer, de se forger une opinion libre, de faciliter leur participation et de faire des choix politiques éclairés. Elle permet aussi aux journalistes de pouvoir jouer leur rôle, de poser des questions, d'effectuer des recherches, permet aussi à chacun des députés de cette Assemblée, peu importe leur formation politique ou s'ils sont indépendants, d'avoir accès aux informations, de se forger des opinions, de poser des questions, de faire des propositions à cette Assemblée pour servir au mieux les Québécois.

Donc, notre gouvernement est favorable à ce que les documents de la commission Grenier soient rendus publics. J'attendrai de voir la proposition d'amendement des collègues et je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant M. le député de Nelligan.

M. Monsef Derraji

M. Derraji : Merci, M. le Président. Écoutez, j'entends qu'il y a un amendement. Moi, je ne l'ai pas encore vu. Donc, je pense que, nos collègues du PQ, vous avez plus parlé avec la CAQ? Moi, je n'ai rien reçu. Donc, je m'excuse si jamais... Parce que j'ai un amendement que je vais proposer. Probablement qu'on va s'aligner sur la même chose. Merci, M. le Président. Combien j'ai de temps?

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Vous disposez de 26 min 30 s.

M. Derraji : O.K. Merci, M. le Président. Alors, écoutez, aujourd'hui, le Parti québécois fait le choix, aujourd'hui, de parler du référendum de 1995, une période déchirante dans l'histoire du Québec. Mais j'ai croisé mon collègue le député de Matane et je lui ai dit merci, merci de ramener ce sujet, parce qu'il m'a donné l'occasion de... je n'étais pas bon en histoire, je tiens à l'avouer, j'étais bon ailleurs, mais il m'a permis d'aller relire un peu, de faire mes devoirs, parce qu'il n'y a pas juste un camp, hein? On le sait, le Québec était divisé, le camp du Oui, le camp du Non, mais, aujourd'hui, nos collègues du Parti québécois veulent revenir un peu en arrière pour, avec raison, je ne dis pas le contraire, qu'on parle... qu'on puisse parler de ce qui s'est passé pendant le référendum de 1995.

Avant de revenir sur le référendum, écoutez, probablement... Je viens de l'Ouest-de-l'Île, mais je parcours aussi le Québec, mais la plupart des Québécois me parlent de d'autres enjeux. Je ne veux pas minimiser l'enjeu que j'ai devant moi aujourd'hui, mais j'aurais aimé, en tant que député de Nelligan, parler des enjeux qui nous préoccupent, que ce soit... Et j'ai entendu le chef du Parti québécois parler de l'immigration, et nous avons partagé pas mal de points. Demain, il y a un plan qui va gérer les flux migratoires au Québec pour les trois prochaines années. C'est anormal que, pour des cours de francisation, dans la Capitale-Nationale, il faut attendre huit semaines. On peut parler de la pénurie de main-d'oeuvre un peu partout, le réseau de la santé qui craque de partout, le réseau de l'éducation, tellement d'enjeux, mais ce n'est pas grave. C'est un excellent exercice. C'est le choix de nos collègues du Parti québécois, et on va parler de ce qui s'est passé et de la motion que nous avons devant nous.

Avant de commencer, je vais juste rappeler un enjeu important, un enjeu de faits. Tout d'abord, nous avons un enjeu avec la motion parce que... Je vais juste revenir sur un des passages : «Qu'elle rappelle que la commission Grenier n'avait pas obtenu le mandat de se pencher sur d'autres dépenses frauduleuses potentielles, notamment l'organisation du "love-in" et le placement publicitaire financé par Patrimoine Canada.» Encore une fois, je vous le dis, mes chers collègues, je n'ai pas vu l'amendement. Probablement, c'est ça que vous allez enlever.

Or, ce n'est pas tout à fait le cas. Si on se réfère à l'acte de nomination signé par le Directeur général des élections à l'époque, on peut y lire : «Je, soussigné, Marcel Blanchet, Directeur général des élections du Québec et président de la Commission de la représentation électorale, dûment nommé pour remplir ces fonctions le 3 mai 2000, conformément à l'article 483 de la Loi électorale, désigne par la présente l'honorable Bernard Grenier, juge retraité de la Cour du Québec, à titre d'enquêteur pour effectuer une enquête sur l'ensemble des faits contenus et décrits dans le livre Les Secrets d'Option Canada et dans l'ensemble des documents qui m'ont été remis par ses auteurs, ainsi que sur tout autre information ou document dont il pourra prendre connaissance dans l'exercice de ce mandat.»

Une simple lecture du livre Les Secrets d'Option Canada me permet de constater que les allégations au sujet du rassemblement du 27 octobre 1995 ainsi que celles concernant le paiement de publicité par Patrimoine Canada sont mentionnées. Elles tombent donc directement sous le mandat du rapport Grenier, contrairement à ce qu'il y a, affirmé, dans la motion du Parti québécois. D'ailleurs, non seulement cela tombait sous le mandat, mais le juge Grenier a lui-même émis des constats à cet effet dans son rapport : «La preuve présentée devant moi n'a pas permis de déterminer la source du financement du rassemblement du 27 octobre au centre-ville de Montréal. Je ne suis pas en mesure de conclure que les subventions versées au CUC ou à Option Canada ont servi à défrayer en tout ou en partie les coûts de ce ralliement.»

Le paragraphe de la motion du collègue est donc factuellement inexact. Je lui proposerai donc un amendement pour corriger cette inexactitude en rappelant textuellement le mandat accordé à l'honorable juge Grenier. Je pense que, si on veut se référer aux faits, on ne peut pas, aujourd'hui, dénaturer le mandat qui a été accordé à l'honorable juge Grenier. Sur ce point, vous allez avoir notre appui, mais il faut qu'on soit conforme à la réalité, au mandat qui a été donné il y a longtemps au juge Grenier.

• (15 h 20) •

Maintenant, l'autre point qui, selon moi, est aussi très important, c'est la question de la transparence. Nous pensons que, près de 30 ans après les faits et plus de 15 ans après la publication du rapport, la transparence réclame ses droits dans la mesure où cela puisse se faire dans le cadre d'un processus réfléchi, car nous ne connaissons pas l'ensemble de la preuve amassée, et il faut que celle-ci soit déclassifiée de façon responsable. Je ne suis pas juriste. Je ne suis pas avocat. Mais je pense que la plupart des collègues, en tant que législateurs à l'intérieur de cette Assemblée, vous savez très bien, la déclassification doit être faite d'une façon responsable. À titre d'exemple, il ne faudrait pas rendre publics des éléments de preuve qui trahiraient l'identité d'un indicateur, surtout si celui-ci est toujours vivant ou pourrait souffrir des conséquences de son identification.

Je vous ai parlé, au début, M. le Président, de l'importance d'aller au bout de la transparence. Et, sur ce point, nos collègues du Parti québécois nous invitent à ouvrir un débat, mais on ne peut pas l'ouvrir à moitié. Si on décide, on prend une position de réouvrir le débat, bien, prenons le temps de réouvrir le tout. Et on ne peut pas uniquement se borner à dresser un seul côté du tableau. Les dépenses du camp du Oui, les dépenses du gouvernement du Québec envers la souveraineté, dans les mois menant au référendum, doivent aussi faire l'objet d'une observation soutenue. Or, comme celles-ci n'ont pas fait l'objet d'une pareille enquête, et avec la distance, il sera difficile de refaire l'histoire, refaire le passé éternellement. Les gens vieillissent. Je vous ai dit que... à mon collègue de Matane, que j'apprécie beaucoup, il m'a donné un bon cours d'histoire, d'aller chercher une bonne partie de l'information, c'est très difficile de faire la genèse de tout ce qui s'est passé.

Donc, le fait demeure que le Parti québécois cherche à réécrire l'histoire. Les Québécois ont voté contre la souveraineté à deux reprises. Ça, c'est un fait, M. le Président. Les Québécois ont voté contre la souveraineté deux fois. À part le premier ministre, un ancien péquiste transformé aujourd'hui en nationaliste... il peut dire autre chose, mais je lui laisse le fait de décrire un troisième référendum à sa manière, mais les faits sont là, les faits sont là.

Je tiens toutefois à rappeler à la mémoire de nos collègues du Parti québécois que le camp du Oui a lui aussi été entremêlé à des pratiques pour le moins douteuses dans la marche vers le référendum de 1995. Pensons aux sommes publiques utilisées pour les études sur la souveraineté. Alors, M. le Président, je comprends la démarche du Parti québécois par rapport au référendum. Je l'ai dit, je l'ai mentionné, c'est légitime, mais on ne peut pas choisir une seule partie de la transparence. Aujourd'hui, si on veut être transparents, soyez transparents à 360, pas un bout ou un petit bout.

Pensons aux propos plus que troublants du ministre péquiste Richard Le Hir — j'ai bien prononcé son nom de famille? — qui disait d'ailleurs, le 18 mai 2005, que «quelques mois avant la tenue du référendum, les députés du Parti québécois sont convoqués à un caucus spécial[...]. Il faut trouver le moyen de bloquer le vote des tenants du Non. La discussion s'engage, et c'est à qui proposera le plus de trucs pour neutraliser le vote du camp adverse.

«À un moment donné, un député propose que les syndicats, très expérimentés en la matière, soient sollicités pour fournir des scrutateurs de choc — M. le Président, à un moment donné, c'est un député qui a demandé et a proposé que les syndicats, très expérimentés en la matière, soient sollicités pour fournir des scrutateurs de choc — pour endiguer la mer de non qu'on anticipe dans [l'Ouest-de-l'Île].» Je suis député de l'Ouest-de-l'Île, M. le Président, de Nelligan. «Plusieurs renchérissent. Monique Simard et Guy Chevrette se portent volontaires pour approcher les syndicats, à la requête du caucus.»

Donc, M. le Président, on fait pas mal de réunions de caucus. J'imagine mal comment, dans un caucus, on peut tout faire pour bloquer un camp, envoyer des syndicalistes parler avec des syndicats, que des députés se proposent comme des volontaires pour neutraliser le vote du camp adverse. Ça, c'est une partie de l'histoire, c'est une partie de l'histoire qu'on ne peut pas négliger.

Alors, M. le Président, encore une fois, je n'ai pas vu encore l'amendement, donc, vraiment, je m'excuse, parce que j'ai toute une partie où je voulais vous proposer que... ce que j'ai expliqué, surtout par rapport au paragraphe trois, mais on va le faire d'une manière collégiale, aux collègues. Ce que ce que je vous propose, c'est qu'elle rappelle... mais je reviens sur l'aspect du mandat :

«Qu'elle rappelle que la commission Grenier avait pour mandat d'effectuer une enquête sur l'ensemble des faits contenus et décrits dans le livre Les Secrets d'Option Canada et dans l'ensemble des documents qui avaient été remis par les auteurs de ce livre au Directeur général des élections ainsi que sur tout autre information ou document dont il pouvait prendre connaissance dans l'exercice de son mandat.»

Ce que je viens de dire, c'est fidèle au mandat donné à l'honorable Grenier, donc c'est très clair. Donc, j'enlèverais plus : «Qu'elle rappelle que la commission Grenier n'avait pas obtenu le mandat...» Parce que ce n'est pas vrai, ce n'est pas... c'est inexact de dire que la commission Grenier n'avait pas obtenu le mandat, si c'est écrit dans le mandat, le mandat public. Donc, je vous le soumets, et après vous allez en discuter.

Il y a un autre point, il y a un autre point, et c'est un point qui est très important dans une société de droit, c'est quand on parle de la déclassification. Dans la déclassification... Nous avons fait nos devoirs par rapport à la déclassification. Ce que je propose à nos collègues, c'est que, dans l'avant-dernier paragraphe : «Qu'elle affirme que près de 30 années se sont écoulées depuis la campagne référendaire de 1995 et que le droit à la liberté d'expression, le droit à la liberté de [...] presse, le droit à l'information et le principe de la publicité des débats commandent la divulgation publique des documents colligés dans le cadre des travaux du commissaire Grenier», là il faut ajouter «dans le respect des privilèges reconnus en droit,», c'est très important, «et ce au bénéfice du droit des générations futures à connaître l'histoire du Québec.

«Par conséquent — toujours dans le même amendement — qu'elle ordonne au gouvernement du Québec de présenter dans les plus brefs délais un projet de loi pour mettre [en] pied un processus de déclassification — et ça, je pense que, d'un point de vue législateur, surtout nous... je ne pense pas qu'on peut faire abstraction à cela et à cet effet — de l'ensemble des documents de la commission Grenier et d'entreprendre toutes les procédures législatives nécessaires à cette fin.»

Donc, en résumé, M. le Président, je comprends l'importance de la transparence pour nos collègues du Parti québécois. J'ai eu l'occasion de parler des urgences que moi-même, j'entends dans mon comté et à travers nos rencontres à travers les régions du Québec. J'ai parlé de la transparence et que, ce bout au niveau de la transparence, on ne peut pas choisir juste un bout, mais j'appuie la demande, j'appuie la demande du Parti québécois.

Et j'ai expliqué que le troisième paragraphe semblait factuellement faux, et c'est pour cette raison que nous proposons de mettre le mandat original du juge Grenier directement dans la motion. Et, je pense, si on met le mandat donné au juge Grenier dans la motion, ça reprend les faits de l'époque que nous sommes en train d'analyser aujourd'hui en respectant ce qui a été déjà fait.

De plus, mon amendement vise à donner la volonté de transparence contenue dans la motion tout en s'assurant que cela se fasse dans le cadre d'un processus ordonné et prudent. Je le réitère encore une fois, la demande est légitime, un processus transparent... la demande de ce processus est légitime, mais il ne faut pas oublier qu'en tant que législateurs nous avons un droit et une responsabilité, surtout si on veut passer par un projet de loi.

Donc, en terminant, j'ose espérer que le chef du troisième groupe d'opposition saisira la bonne foi de notre proposition d'amendement et qu'il acceptera de les intégrer à leur motion. Et, encore une fois, je n'ai pas vu l'amendement, probablement vous avez tout enlevé, et je vais l'analyser. Malheureusement, je ne peux pas revenir, M. le Président. Donc, j'ose espérer que l'amendement que nous avons envoyé ou bien ce que nos collègues nous ont envoyé répond, en quelque sorte, à ce que je viens d'énumérer par rapport à la déclassification, le respect de la transparence et le respect des individus et de leurs droits. Sur ce, M. le Président, merci beaucoup.

• (15 h 30) •

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci, M. le député de Nelligan. Votre amendement est déposé, évidemment, sous réserve de son acceptation par l'auteur. Je reconnais maintenant Mme la députée de Mercier.

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, moi aussi, bien, j'ai le nouveau... la nouvelle motion. Donc, c'est beaucoup plus simple, là, c'est-à-dire qu'on a enlevé tous les paragraphes, donc : «Que l'Assemblée nationale demande au Directeur général des élections du Québec de divulguer et rendre publics tous les témoignages et documents de la commission Grenier dans les plus brefs délais.» Alors que, dans la motion d'origine, ce qu'on disait, c'était que ce soit le gouvernement, là... qu'elle ordonne au gouvernement du Québec de le faire.

Moi, je regarde ça, à première vue, et je me dis : Est-ce que c'est peut-être plus... En tout cas, peu importe, là, on analysera, mais l'important, ce qui est important, c'est que, les documents, les témoignages, tout ça soit divulgué. C'est ça qui est le plus important. Et ça va être l'objet et le sens de mon intervention. Et j'entends aussi que le ministre, donc, de la Langue française... et d'autres choses, excusez-moi, je ne me rappelle pas de tous les titres, mais, en tout cas, le ministre de la CAQ est ouvert à adopter cette motion.

Donc, savoir ce qui s'y cache, comme je le disais, dans les archives de la commission Grenier, qui a enquêté sur le financement du camp du Non lors du référendum de 1995, pour Québec solidaire, ça va de soi, il faut le faire. Déclassifier tous les documents qui font encore aujourd'hui, 30 ans plus tard, l'objet d'une ordonnance de non-publication, il faut le faire. Il faut faire toute la lumière sur les agissements des fédéralistes, disons-le, capitalistes qui n'en avaient que pour le statu quo en 1995. Qui a pu faire ces magouilles dont on a beaucoup entendu parler dans certaines publications, dans certains livres? Nul autre que des personnes malveillantes et antidémocratiques, pleines d'argent, comme on dit en bon français, les «big boss» qui ne voulaient pas que ça change au Québec.

Il ne faut pas se leurrer, M. le Président, jamais le capital suivra le mouvement souverainiste. Jamais. Ça, il faut se le rentrer dans la tête. C'est avec le peuple et pour le peuple qu'on va réussir l'indépendance, comme ça se fait partout à travers le monde. La transparence, c'est bon, c'est très important. Puis j'ai entendu aussi mon collègue du Parti libéral dire que la transparence, c'est une bonne chose. C'est bon pour la démocratie, c'est aussi bon pour le bien commun. Ce qui s'est passé en 1995, il faut s'en souvenir.

Je me souviens de 1995. Je n'avais pas encore le droit de vote, il me restait encore à peu près un mois et demi pour pouvoir avoir le droit de vote, mais je suivais de très près les débats, à l'époque. J'étais au cégep de Bois-de-Boulogne. Je suivais les conférences, les discussions dans les corridors, dans les... à la cafétéria. Je me souviens de cette effervescence. Et, sur un plan plus personnel, c'était un moment charnière pour moi, où mon identité québécoise était en pleine construction au fil des rencontres, des amitiés, de ma vie ici, au Québec. Ça faisait sept ans que j'étais au Québec, en 1995.

Et on a tendance, aujourd'hui, avec le passage du temps, à oublier la belle mobilisation qu'il y a eu lieu à l'époque. Je me souviens, entre autres, de Françoise David qui a rallié tout le mouvement des femmes dans le camp du Non. C'était un mouvement...

Une voix : ...

Mme Ghazal : Dans le camp du Oui! Pour que les gens qui notent entendent : dans le camp du Oui. Donc, c'était un moment important. C'était un moment aussi rassembleur. Il y avait aussi le mouvement syndical. Les trois centrales syndicales appuyaient le Oui. Partenaires pour la souveraineté a été lancé en 1995 sous la forme d'une coalition de 15 organisations, dont la CSN, la FTQ, la CSQ, le Mouvement national des Québécois, Les Intellectuels pour la souveraineté et la Société Saint-Jean-Baptiste. Je me souviens aussi, et ça, j'ai des images, là, quand je regardais la télévision, de ces moments-là, de l'entente entre le Parti québécois, entre le Bloc québécois, l'Action démocratique du Québec. C'était vraiment beau à voir, toute cette partisanerie, avant que le mot devienne à la mode et que le citoyen... les citoyens nous en parlent beaucoup, qu'il faut qu'il y ait une transpartisanerie. Puis ça a été fait, à l'époque, pour une cause noble, pour le destin du Québec, pour notre avenir national.

Aujourd'hui, malheureusement, quand on regarde la scène politique, on est ailleurs, malheureusement, vraiment ailleurs. Quand j'entends, par exemple, les attaques gratuites du chef du Bloc québécois à mon endroit, qui m'utilise pour attaquer Québec solidaire, je trouve son attitude indigne d'un chef de parti politique. C'est vraiment choquant, M. le Président, de la part de quelqu'un qui dit qu'il veut rassembler tous les indépendantistes du Québec. Comment est-ce qu'on peut rassembler quand on s'attaque à des personnes, comme moi, qui veulent que le mouvement indépendantiste grandisse et s'élargisse partout, dans la population, dans toutes les régions, dans toutes les sphères, chez toutes les personnes, peu importent leurs origines et d'où elles viennent?

Rassembler en menant une charge contre une enfant de la loi 101 qui aime le Québec, qui est devenue adulte au Québec, qui a beaucoup reçu du Québec...

Moi, je reconnais ce que j'ai reçu du Québec. Je n'aurais pas eu la même vie, je n'aurais pas eu les mêmes droits comme femme si j'avais vécu dans le pays où je suis née, le Liban, dans le pays dont mes parents sont originaires, la Palestine, ou dans le pays où j'ai vécu toute mon enfance jusqu'à l'âge de 10 ans, aux Émirats arabes unis. Je n'aurais pas eu la même chose. Et, à cause de ce que j'ai reçu au Québec, du Québec, bien, moi, j'ai envie de redonner au Québec, et ça, j'en suis fière. Et je le dis haut et fort à toutes les occasions qui me sont données, M. le Président, mon combat pour l'indépendance au sein de ma formation politique, au sein de Québec solidaire, depuis sa fondation, en 2006, je le fais pour plusieurs raisons, mais, entre autres, pour que des enfants d'immigrants qui viennent aujourd'hui, ce que j'appelle les petites Ruba, aujourd'hui, ou les petites Alejandra, ou les petits Andrés d'aujourd'hui, en 2023, qui viennent ici, au Québec, qui se sentent partie prenante de ce projet, qui sentent, quand ils en entendent parler, que ça peut aussi leur parler puis ça peut être quelque chose de bon pour eux et elles, pour leur famille. Je le fais parce que j'ai la conviction profonde que l'indépendance permettra l'unité nationale qui nous manque tellement aujourd'hui, en ces temps de division, en ces temps de polarisation où il y a des camps campés, où le dialogue est difficile, une polarisation qui se fait souvent, qui se fait souvent, et ça, il faut le répéter, sur le dos des immigrants. Et ça, ça nuit aux immigrants. Ça leur nuit, mais pas seulement eux, ça nuit aussi à tout le Québec, à sa réputation, ce genre de discours, et ça nuit aussi au mouvement indépendantiste et à l'indépendance.

J'ai rappelé, en répondant à un tweet ce matin, à M. Blanchet que ce n'est pas à Ottawa que l'indépendance du Québec va se faire, ni avec le NPD ni avec le Bloc québécois. Je pourrais m'étendre longuement sur les contradictions des prises de position de M. Blanchet dans le passé, longtemps. Mais je ne suis pas du genre à excommunier les gens du mouvement indépendantiste puis à décider qui croit ou qui ne croit pas.

Vous savez, M. le Président, là, je vous parle du chef du Bloc québécois, mais j'ai envie de vous parler du parti du Bloc québécois. Moi, je me souviens du Bloc québécois sous Gilles Duceppe. C'était un parti progressiste et ouvert sur le monde, ouvert aux immigrants. C'était mon parti. J'ai très longtemps voté pour le Bloc québécois. Si je me rappelle bien, le grand Jacques Parizeau disait même, au milieu des années 2000, et là je le paraphrase, que le Bloc était le fer de lance du mouvement indépendantiste. Mais ça, c'était avant. Il y a de bons députés au Bloc québécois, que je connais personnellement et que je respecte, que je rencontre dans plein de moments, dans des événements des indépendantistes. Mais il faut vraiment... pour le Bloc québécois, et de façon générale, il faut arrêter de pointer du doigt les immigrants et y revenir, à l'ouverture d'autrefois. Puis, quand je dis ça, à un moment... dans un moment d'émotion, j'ai parlé dans une entrevue, j'avais en tête... j'avais en tête la publicité du Bloc québécois par rapport... qui comparait le chemin Roxham puis les gens qui viennent à un tout inclus. Et ça, c'est blessant. C'est comme ça, M. le Président, qu'on va faire l'indépendance? Ce n'est pas en votant pour le NPD ou le Bloc qu'on va avancer. Voter au fédéral, pour moi, de toute façon, c'est une perte de temps, c'est un vote perdu.

• (15 h 40) •

Le temps est venu, aujourd'hui, pour nous, de nous tourner vers le futur. Dans les années 1960, l'anticolonialisme était un moteur de l'idée d'indépendance du Québec. Aujourd'hui, c'est l'écologie. Si on veut que l'indépendance renaisse dans le coeur des jeunes de façon plus large, bien, ça commence par connaître l'histoire récente du Québec en ouvrant les archives de la commission Grenier. C'est pour ça que Québec solidaire, nous allons voter pour cette motion. C'est important de connaître le passé pour avancer, mais ça commence aussi et surtout en ayant un discours d'ouverture et de générosité envers les immigrants qui choisissent le Québec. Et ça, je le dis tout le temps, ça peut être étonnant, mais moi, j'y crois profondément, les immigrants et leurs enfants sont le futur de la nation québécoise, qu'on le veuille ou non. Le mouvement indépendantiste a la responsabilité de jeter dans les bras du fédéral les jeunes, de façon générale, qui ont délaissé le mouvement indépendantiste et les immigrants à cause de discours de peur.

Tous les grands moments indépendantistes ont été progressistes et ouverts, et ça, il ne faut pas l'oublier et il faut s'en inspirer. Il faut regarder, par exemple, le combat qui se fait ailleurs pour l'indépendance : en Catalogne. Moi, j'ai été en Catalogne, j'ai visité quelques prisonniers, il y a quelques années, avec Sylvain Gaudreault, ancien député de Jonquière. Je me rappelle, c'était un moment très, très marquant. Et j'ai rencontré des gens dont les parents n'étaient pas nés en... ce n'étaient pas des Espagnols ou, en tout cas, n'étaient pas nés en Espagne ou en Catalogne. Ils venaient d'ailleurs, c'étaient des immigrants. C'est un mouvement qui ratisse extrêmement large, un mouvement qui naît du peuple et qui est universel, qui amène aussi des valeurs universelles. Et c'est le genre de mouvement, moi, qui m'inspire grandement et que j'ai envie de porter ici, au Québec, puis que Québec solidaire soit la voix de ce mouvement-là.

M. le Président, j'espère vraiment que, oui, nous allons faire la lumière sur le passé, et c'est important d'en parler, puis c'était une bonne chose. Puis je remercie les députés du Parti québécois de nous avoir permis d'en parler. C'est important qu'on se remémore notre passé plus lointain et notre passé plus récent puis qu'on fasse toute la lumière sur ce qui s'est passé dans le passé. Mais, si, par exemple, finalement, le Directeur général des élections ouvre les boîtes et les documents puis qu'on les lit, ça va être important, pour notre connaissance, pour une question de transparence, pour la démocratie, mais je ne suis pas certaine que ce sera suffisant pour élargir le mouvement indépendantiste.

Ce qui va être important, c'est d'avoir ce discours rassembleur. Puis on peut n'être pas d'accord. On peut faire des débats. Nous sommes ici, dans cette enceinte, pour avoir ce genre de débat. Et c'est ça, aller en politique, et c'est ça aussi, débattre dans la société, partout. Et c'est une bonne chose. Ça ne veut pas dire se diviser, de ne pas être d'accord. Ne pas être d'accord, même, des fois, ça peut être sain, et on peut en débattre de façon ouverte. Mais c'est important de le faire sur des bases qui ne divisent pas de façon malsaine.

Puis moi, je le vois, je le sens, quand je parle de l'indépendance, il y a des jeunes indépendantistes qui me... des gens, par exemple... pas indépendantistes, pardon, mais des jeunes issus de l'immigration qui me voient aller, qui connaissent mon histoire puis qui me disent que ça les inspire, qu'eux aussi ils pourraient peut-être, un jour, devenir député ou s'impliquer dans la société québécoise pour faire entendre leur voix. Et ils m'interpellent, mais ils me disent : Quand on parle de l'indépendance, on n'aime pas la façon dont on parle, aussi. Et les gens, les gens qui parlent souvent de l'indépendance font toutes sortes d'amalgames par rapport aux jeunes issus de l'immigration. Puis, des fois, ça peut être sournois. Des fois, c'est des attaques frontales. D'autres fois, c'est un peu plus sournois puis ça les blesse. Puis ça, il faut le dire. Puis moi, je porte leur voix ici puis je ne veux pas qu'on dise... je ne veux pas qu'on dise que ces jeunes-là se trompent. C'est ce qu'ils ressentent.

Une publicité qui compare le chemin Roxham à un tout-inclus, c'est blessant puis ce n'est pas le Québec d'aujourd'hui, ce n'est le pas le Québec de René Lévesque, ce n'est pas le Québec de Gérald Godin, dont je suis héritière. Oui, dans les années 70, moi, j'aurais été pour le Parti québécois. J'aurais été péquiste dans les années 70, mais pas aujourd'hui, en 2023. En 2023, je suis à Québec solidaire, un parti indépendantiste depuis sa création. Et j'ai été là lors du congrès où on a voté pour l'indépendance dans notre programme. Et je refuse qu'on dise que ce n'est pas vrai, parce que je porte ça, et tous les députés de Québec solidaire et tout le mouvement de Québec solidaire le portent, ce projet-là. Mais nous, nous en parlons différemment. Nous en parlons de façon rassembleuse. Et je suis fière d'en parler de cette façon-là. Puis je veux que cette voix-là et cette façon de porter l'indépendance, celle qui avait déjà été portée dans le passé, soit encore plus entendue et revienne aujourd'hui, en 2023. Et c'est important, je le répète et je le redis, pas juste pour les immigrants, parce que ça les blesse, pas uniquement pour eux et elles, c'est important pour le mouvement indépendantiste, c'est important pour le Québec. Parce que nous n'allons pas demander aux femmes de faire plus d'enfants pour la nation, on n'est plus rendus là. On va accueillir des immigrants de plus en plus, et il faut qu'on les accueille et il faut que notre discours soit, si je peux dire, compétitif par rapport à ce que le fédéral dit dans l'image et dans la perception des jeunes issus de l'immigration, des immigrants qui viennent ici et des jeunes de façon générale.

Donc, voilà, ça, c'est pour l'avenir, c'est ce que je parlais. Mais je comprends que la motion, c'était pour nous parler de ce qui s'est passé en 1995. C'est très important de faire la lumière là-dessus, et évidemment Québec solidaire va voter pour cette motion. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, Mme la députée de Mercier. Je cède maintenant la parole à M. le député de Matane-Matapédia.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Merci, M. le Président. J'ai écouté avec attention ma collègue de Mercier, et je ne suis pas d'accord avec elle sur ce qu'elle dit. J'ai l'impression, en tout respect, que son discours s'adresse davantage aux membres de sa formation politique qu'aux membres de cette auguste Assemblée.

Ceci étant dit, je vais déposer un amendement et je vais disposer de l'amendement du Parti libéral. Je pourrais commencer par cet ordre inverse. Donc, nous ne retenons pas l'amendement du Parti libéral et nous allons déposer un amendement qui, comme l'a indiqué ma collègue de Mercier, va simplifier de façon considérable la proposition initiale. J'en fais lecture maintenant, si vous le permettez, M. le Président.

Motion d'amendement

Alors, proposition d'amendement à la motion présentée par le chef du troisième groupe d'opposition :

Que la motion du chef du troisième groupe d'opposition soit modifiée en :

1° supprimant le premier alinéa;

2° supprimant le deuxième alinéa;

3° supprimant le troisième alinéa;

4° supprimant le quatrième alinéa;

5° en remplaçant le cinquième alinéa par le suivant :

«Que l'Assemblée nationale demande au Directeur général des élections du Québec de divulguer et rendre publics tous les témoignages et documents de la commission Grenier dans les plus brefs délais.»

Voilà. Alors, je dépose... Ça fait longtemps que je n'ai pas fait ça, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, votre amendement est déposé, M. le député.

M. Bérubé : Oui. Et je ferais mon intervention.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, je vous invite à poursuivre votre intervention.

M. Bérubé : M. le Président, en 1995, le premier ministre Parizeau a posé la question qui fait d'un peuple un pays. Il a fait en sorte que le peuple du Québec, démocratiquement, puisse s'exprimer à travers un référendum, avec un taux de participation record, avec un camp du Non, un camp du Oui, et on a eu un résultat très serré, très serré à l'échelle du Québec, mais, depuis ce temps, il y a beaucoup de suspicion sur le déséquilibre des forces.

Les forces du Non avaient énormément de moyens par des OSBL, par le gouvernement du Canada. On se souvient du «love-in» où on a demandé à des gens de partout au Québec de venir nous dire, et ce n'était pas prématuré, qu'ils nous aimaient, à la Place du Canada, à Montréal. Imaginez l'impact à quelques jours du vote. Il y a eu Option Canada, il y a eu des interventions de tout genre qui ont fait en sorte de laisser un doute sur l'issue du référendum.

Se peut-il que le résultat aurait été autre si toutes les règles avaient été suivies? C'est possible, M. le Président, et, lorsqu'on étudie cette histoire, qui a été étudiée de toutes sortes de façons à travers des documentaires, à travers des enquêtes, à travers des analyses, et rendons hommage à Robin Philpot et à Normand Lester, on s'aperçoit que beaucoup de choses méritent d'être connues.

Que des documents soient gardés secrets pour la vie, c'est quelque chose. 40 000 documents, 90 témoignages, notamment d'élus toujours actifs, notamment d'élus toujours en vie aujourd'hui, qui pourraient nous amener un éclairage, ça mérite d'être connu. La raison pour laquelle le juge Grenier a dit qu'il n'allait pas... qu'il ne souhaitait pas rendre ça public? Pour préserver la réputation de certains acteurs du camp du Non. Alors, je suggère que, pour une question aussi importante que l'avenir d'un peuple, ça mérite d'être connu.

Je veux remercier le gouvernement du Québec d'acquiescer à notre demande et d'avoir collaboré avec nous pour que la lumière soit faite une fois pour toutes. Nous avons des raisons sérieuses de croire que ce qui se trouve dans ces documents mérite d'être connu et pourrait changer le cours de l'histoire, des témoignages qui ont été faits par des acteurs importants et des pistes pour la suite. Évidemment, ça ne changera pas l'exercice, mais ça nous donne des leçons pour la suite. Plusieurs personnes ont peut-être vécu depuis 1995 avec une certaine impunité politique quant aux gestes qui ont été posés en 1995.

• (15 h 50) •

Tout à l'heure, mon collègue de Nelligan parlait de ce qu'il appelait des «scrutateurs de choc». C'est l'expression qu'il a utilisée. Je veux quand même lui suggérer que les taux de participation les plus élevés ont tous été obtenus dans l'ouest de Montréal, beaucoup plus élevés qu'ailleurs. Alors, s'il y a eu du zèle, ce n'est pas dans Matane-Matapédia, ce n'est pas aux Îles-de-la-Madeleine. Le premier comté à être annoncé en avance pour le Oui en 1995, c'est dans Nelligan, dans D'Arcy-McGee, dans Robert-Baldwin, dans les comtés de l'ouest de Montréal. Alors, tant mieux pour la participation démocratique, il faut le valoriser. Mais je ne crois pas que des circonscriptions qui ont voté massivement Non ont vécu des obstacles quant à leur participation et je déposerai les chiffres pour le bénéfice du Parti libéral du Québec.

Ceci étant dit, cette question interpelle l'ensemble des parlementaires. Il y a dans cette salle, dans cette Assemblée, plusieurs parlementaires qui ont pris part à la campagne. C'est mon cas, j'avais 19 ans, à travers le camp du Oui, mais je sais que les membres du camp du Oui n'étaient pas seulement dans ma formation politique. J'en vois de l'autre côté de la Chambre. Il s'en retrouve à la CAQ. Il s'en retrouve à Québec solidaire. Et même votre chef parlementaire, M. le Président, le chef parlementaire libéral, a voté Oui en 1995. Je donne cette information aux aspirants à la chefferie libérale. Je me permets de faire un peu d'humour, mais sachez-le. Je suis sûr que ça va intéresser le leader parlementaire.

J'ai entendu ma collègue de Mercier, bon, évidemment, répliquer à un chef d'un autre Parlement. Je n'en ferai pas de cas. Je ne crois pas que c'est l'objectif de la motion. Mais, d'obtenir les documents, je trouve ça important, et ça s'est fait quand même assez rapidement, parce que ce qu'on fait n'est pas banal. C'est un peu un ordre de l'Assemblée, là. Je ne sais pas si on peut le qualifier de cette façon-là. C'est exécutoire. Et, encore une fois, les juristes du gouvernement du Québec nous ont assuré de leur concours pour qu'on procède rapidement, et c'est bénéfique. On ne sait pas ce qu'on va y trouver. Nous, on soupçonne qu'on y trouvera des éléments fort importants sur la conduite de notre démocratie.

Alors, ce que je veux vous dire, M. le Président, c'est qu'on fait oeuvre utile. Et, quand on nous dit, par exemple : On pourrait parler de d'autres choses, je veux simplement indiquer à cette Assemblée que, par voie parlementaire, on a réglé le serment du roi en un petit peu plus de temps que je prends présentement pour parler. 12 minutes, c'était réglé. En deux heures, on va disposer des archives du référendum de 1995. Ce n'est pas trop de temps pour ce que ça représente, et on va quand même continuer, demain, de s'occuper de santé, d'éducation et de tout ce qui régit notre vie.

Alors, je veux vous dire que je pense que nous faisons oeuvre utile, pas seulement nous, nous faisons oeuvre utile collectivement en demandant, au nom des acteurs du référendum de 1995, de la population du Québec et de ceux qui viendront, que toute la lumière soit faite sur cet exercice important qui fait l'envie de bien des nations dans le monde, d'avoir une consultation à 94 %, si mon souvenir est bon, qui s'est faite de façon pacifique et démocratique. Et ça, c'est un bon indicateur de ce que sont les Québécois et Québécoises, des gens qui savent débattre respectueusement et dans la paix.

Alors, je vous remercie, M. le Président. Et mon amendement est maintenant déposé, et j'espère que ça va clarifier la base sur laquelle se font nos débats. Et, un peu plus tard, vous ne perdez rien pour attendre, parce que le député des Îles-de-la-Madeleine va aussi s'exprimer à l'Assemblée. Merci.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Matane-Matapédia. Évidemment, votre amendement est sous réserve d'acceptation de l'auteur lui-même. Alors, je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. M. le ministre, vous avez intervenu déjà.

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Malheureusement, non. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. Je reconnais le député qui est debout et je reconnais M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Et je crois que vous avez droit à environ deux minutes, c'est ce qui est prévu, monsieur le... environ.

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : Oui, en fait, on nous avait dit qu'on avait 16 minutes au total. C'est parti?

Alors, merci, M. le Président. Alors, je vais continuer dans la même foulée que mon collègue de Matane-Matapédia puis revenir à l'année 1995 où, évidemment, moi, je faisais partie de ceux qui aspiraient à ce que le vote soit majoritairement pour que le Québec devienne un pays. Et évidemment, comme on l'a mentionné, les chiffres étaient positifs à partir des Îles-de-la-Madeleine, et on imaginait une grande vague qui allait déferler sur l'ensemble du Québec. Les résultats, chez nous, étaient de l'ordre de 58 %. Donc, tous les espoirs étaient permis.

Bien sûr, au fur et à mesure que la soirée s'est déroulée, bien, on a vu que certaines circonscriptions n'allaient pas voter dans le même sens. Ça s'est passé aux alentours de la Capitale-Nationale. Et on pensait qu'effectivement à ce moment-là les aspirations du Québec de devenir une nation indépendante s'étaient frappées à un vote démocratique et à une majorité de voix de l'ordre de quelques dizaines de milliers de voix. Nos rêves étaient brisés, nos... peut-être nos aspirations également. Mais, avec le recul, et avec les années qui ont passé, et les révélations qui ont été faites, ce qu'on a peut-être découvert, c'est qu'on avait non seulement perdu le référendum, mais qu'on risquait d'avoir perdu également nos illusions sur la démocratie québécoise, sur le processus de vote, le processus électoral et sur les règles démocratiques qui nous régissent, sur la justice également, d'autant plus qu'on l'a mentionné tout à l'heure, il y avait des dépenses qui n'avaient pas été comptabilisées, il y avait des actions qui avaient été posées qui nous semblaient être de l'ordre de la manoeuvre électorale frauduleuse, qu'une enquête a été faite et que les résultats, essentiellement, les témoignages et les documents n'ont jamais été rendus publics.

Alors, aujourd'hui, je pense qu'on fait effectivement oeuvre utile. Si on veut savoir où l'on va, on dit qu'il faut savoir d'où l'on vient. Sur le plan démocratique, il est absolument incontournable que l'on puisse avoir accès à toute l'histoire, à ce qui s'est véritablement passé, particulièrement, là, pour ce qui est d'Option Canada, quelles ont été les manoeuvres qui ont été menées. Et, pour comprendre véritablement ce qui s'est passé, je pense que c'est absolument essentiel. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Tout à l'heure, M. le ministre voulait intervenir.

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Sur consentement, tout est possible ici, à l'Assemblée. Alors, j'aurais besoin... S'il le souhaite toujours et si l'ensemble des parlementaires sont d'accord, il pourrait intervenir. Il y a... Oui?

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Sur le temps du gouvernement, évidemment.

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : D'expérience, si je comprends, je lis bien la situation, il n'y aura pas d'autre intervenant du côté du gouvernement, ni du côté de l'opposition officielle ni de la deuxième opposition. Si c'est le cas, je vous suggère que le chef de la troisième opposition fait dès maintenant ses remarques de fermeture de 10 minutes. Si l'Assemblée y consent, c'est comme ça qu'on procéderait. C'est bon?

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Donc, ce que je comprends, c'est qu'il n'y a pas de consentement pour permettre une autre intervention, et on passerait directement à l'intervention de M. le chef du troisième groupe d'opposition.

M. Bérubé : C'est moins une affaire de consentement que, si personne d'autre ne se lève, nous prenons pour acquis qu'il n'y aura pas d'autre intervention, et, à ce moment-ci, notre chef peut faire ses déclarations, sa déclaration de fermeture de 10 minutes dès maintenant, à moins d'avis contraire. C'est bon? Parfait.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : C'est parfait. Effectivement, M. le chef du troisième groupe d'opposition, je vous cède la parole pour votre droit de réplique de 10 minutes. Et je vais vous demander officiellement, M. le chef : Est-ce que vous acceptez la motion? J'ai compris que vous rejetez la motion qui a été déposée par le collègue de Nelligan et que vous acceptez l'amendement proposé par le député de Matane-Matapédia?

M. Paul St-Pierre Plamondon (réplique)

M. St-Pierre Plamondon : Donc, c'est exactement ça. Donc, on ne prendra pas l'amendement en provenance de l'opposition officielle. Mon collègue a déposé un amendement. On constate que, suite à cet amendement-là, il n'y a pas de commentaire supplémentaire, parce qu'évidemment c'est un amendement qui nous ramène à l'essentiel. Donc, c'est la situation.

Donc, mon allocution de conclusion de ce processus, c'est simplement, premièrement, de remercier tous ceux qui participent à une réussite transpartisane. Et souhaitons-nous que ce soit une manière de travailler qui nous amène vers toujours plus de justice, plus de soif de vérité quant à notre histoire mais quant, également, à notre avenir.

Je répondrai brièvement à certains des arguments qui ont été soulevés pour expliquer pourquoi on pense que le format qui est choisi est le bon. Rappelons que la commission Gomery et la commission Charbonneau sont des commissions qui étaient télévisées, donc non seulement elles étaient publiques, mais elles étaient télévisées, parce que le principe fondamental de la justice, c'est la publicité des débats, c'est-à-dire que tout doit se faire au su et vu de tout le monde, parce que le but, c'est de maintenir la confiance en nos institutions. Donc, de ce point de vue là, la commission, telle qu'elle a été conçue pour Option Canada et la commission Grenier, elle est très particulière. Un huis clos ne permet pas de maintenir cette confiance-là, d'être dans la transparence. Donc, on pense que tout doit être transparent, tout doit être divulgué. C'est le sens du vote. On donne un mandat pour tous les documents, tous les témoignages parce que, de toute façon, les principes fondamentaux de la justice auraient commandé que, pour une question aussi fondamentale, ce soit au su et vu de toute la population pour qu'elle puisse se faire une opinion.

• (16 heures) •

Je suis obligé d'intervenir par rapport à l'intervention de ma collègue de la deuxième... ou du deuxième groupe d'opposition dans la mesure où je trouve anormal et déplorable qu'on se serve d'un débat qui me semble rassembleur et sur des principes fondamentaux pour attaquer un autre parti politique qui est dans un autre Parlement, qui n'est pas ici pour se défendre. Je me limiterai simplement à dire qu'on peut difficilement se dire rassembleur ou souhaiter le rassemblement et tenir un discours aussi hargneux que celui-là. Et je référerai à une lettre de ma collègue Méganne Perry Mélançon, intitulée Intolérance solidaire, qui décrit bien ce qu'on vient d'entendre, à savoir des appels au rassemblement et, simultanément, les discours les plus divisifs qu'on pourrait imaginer, c'est-à-dire stigmatiser son adversaire pour tenter de faire un gain politique dans le cadre peut-être d'une course à la direction de son parti. Je ne pense pas que c'était le bon forum.

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Je vais vous demander, s'il vous plaît...

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : S'il vous plaît! S'il vous plaît! Oui, effectivement, je vais juste demander, M. le chef du troisième groupe d'opposition, s'il vous plaît, de ne pas prêter d'intentions aux collègues. Le débat se passe bien. Je vais vous demander votre collaboration, s'il vous plaît.

M. St-Pierre Plamondon : Donc, je ne prendrai pas fait et cause pour un chef de parti qui n'est pas en cette Assemblée, mais je pense que... Revenons à l'essentiel, là. Malgré ces étapes qu'on a dû suivre, on aura quand même réussi à s'entendre sur l'essentiel. Ce n'est pas toujours le cas, à l'Assemblée nationale. Donc, je termine tout simplement en célébrant cette réussite.

J'invite tous les partis, même ceux qui ont peu de sympathies envers l'option de l'indépendance du Québec, à s'intéresser à ces documents, à s'intéresser à ces témoignages, parce que des fois, le temps, le recul nous donne une lecture plus juste des événements qui ont façonné notre histoire, à la lumière de d'autres moments historiques qui me semblent marqués par le même genre de manoeuvres, celles que je mentionnais plus tôt. Donc, prenons le temps, peu importent nos allégeances politiques, de s'intéresser à ça, et on verra où la vérité et la quête de justice nous mèneront. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le chef du troisième groupe d'opposition. Et le débat est maintenant terminé.

Conformément au règlement, je dois d'abord mettre aux voix la motion d'amendement présentée par M. le député de Matane-Matapédia, avant de procéder au vote sur la motion principale. Je vais vous en faire la lecture, de ces deux motions.

La motion principale de M. le chef du troisième groupe d'opposition se lit comme suit :

«Que l'Assemblée nationale affirme que le plein respect des lois adoptées démocratiquement par le Parlement du Québec, plus particulièrement de la Loi électorale du Québec et de la Loi sur la consultation populaire, est une condition essentielle au maintien de la santé démocratique de la nation québécoise et du respect de sa volonté exprimée démocratiquement;

«Qu'elle rappelle que les conclusions du rapport du commissaire Bernard Grenier, publié en mai 2007, indiquent qu'une somme de 539 460 $ a été engagée illégalement par Option Canada et le Conseil pour l'unité canadienne pendant la période référendaire de 1995;

«Qu'elle rappelle que la commission Grenier n'avait pas obtenu le mandat de se pencher sur d'autres dépenses frauduleuses potentielles, notamment l'organisation du "love-in" et le placement publicitaire financé par Patrimoine Canada;

«Qu'elle affirme que près de 30 années se sont écoulées depuis la campagne référendaire de 1995 et que le droit à la liberté d'expression, le droit à la liberté de la presse, le droit à l'information et le principe de la publicité des débats commandent la divulgation publique des documents colligés dans le cadre des travaux du commissaire Grenier, et ce au bénéfice du droit des générations futures à connaître l'histoire du Québec;

«Par conséquent, qu'elle ordonne au gouvernement du Québec de présenter dans les plus brefs délais un projet de loi pour permettre la déclassification de l'ensemble des documents de la commission Grenier et d'entreprendre toutes les procédures législatives nécessaires à cette fin.»

La motion d'amendement de M. le député de Matane-Matapédia se lit comme suit :

Que la motion du chef du troisième groupe d'opposition soit modifiée en :

1° supprimant le premier alinéa;

2° supprimant le deuxième alinéa;

3° supprimant le troisième alinéa;

4° supprimant le quatrième alinéa; et

5° en remplaçant le cinquième alinéa par le suivant :

«Que l'Assemblée nationale demande au Directeur général des élections du Québec de divulguer et rendre publics tous les témoignages et documents de la commission Grenier dans les plus brefs délais.»

Donc, je mets d'abord... Oui, M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Au risque de n'être pas au bon moment, j'aimerais qu'on puisse procéder par un vote par appel nominal.

Mise aux voix de l'amendement

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Vous êtes un peu hâtif. Permettez-moi de mettre aux voix... Permettez-moi tout d'abord de demander : Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Adopté.

Alors, je mets maintenant aux voix l'amendement de... Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix : Adopté.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Adopté. Donc, je considère que l'amendement est adopté, mais vous demandiez...

M. Bérubé : Oui. Alors, M. le Président, j'aimerais qu'on puisse procéder dès maintenant à un vote par appel nominal et qu'on appelle les députés.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, le vote est demandé.

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Donc, effectivement, vous aviez besoin de l'appui d'autres députés. M. le leader du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. À ce moment-là, je vous demande de reporter le vote, s'il vous plaît, à la prochaine période des affaires courantes.

Vote reporté

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, le vote sera reporté lors d'une prochaine séance régulière.

Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, pour la suite de nos travaux.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je vous demande d'appeler l'article 4 du feuilleton, s'il vous plaît. Merci.

Projet de loi n° 24

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Lévesque) : À l'article 4 du feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné plus tôt aujourd'hui sur l'adoption du principe du projet de loi n° 24, Loi donnant suite aux recommandations du rapport du Comité consultatif indépendant sur la révision de l'indemnité annuelle des membres de l'Assemblée nationale.

Y a-t-il des interventions? Je reconnais Mme la députée de Verdun.

Mme Alejandra Zaga Mendez (suite)

Mme Zaga Mendez : Bonjour, M. le Président. Merci. J'aimerais continuer le débat qu'on avait commencé tout à l'heure en Chambre. Comme vous le savez, on discute sur le projet de loi n° 24 comme sur cette idée : Comment fixer le salaire des députés à l'Assemblée nationale? Et, avant de se quitter, j'ai salué l'initiative de notre collègue de Jean-Lesage d'interpeler les citoyens et citoyennes de sa circonscription et de discuter avec les gens sur le terrain de qu'est-ce que ça symbolise, comment c'est interprété, le fait que les députés se votent à eux-mêmes une telle hausse de salaire. Je nous rappelle qu'on parle d'une hausse de 30 000 $ par année.

C'est une question qui revient sans cesse depuis très longtemps. Et hier mon collègue le député de Gouin, notre chef parlementaire, il nous a fait un rappel historique de ce débat-là depuis une quarantaine, trentaine d'années en Chambre. Puis, vous savez, moi, je suis députée depuis très peu, bientôt huit, neuf mois que je siège à l'Assemblée nationale, et, si j'ai entendu parler de ce dossier, si, ce dossier-là, on a suivi, comme groupe parlementaire, depuis longtemps, bien, c'est grâce au travail de l'ancien député de Mercier, c'est grâce au travail d'Amir Khadir.

Je veux rassurer les collègues qui sont présents, je ne vais pas lire la lettre d'Amir Khadir. Je salue le fait que plusieurs de mes collègues ont pris le temps de le faire. Amir Khadir qui a lui-même pris le temps de réfléchir à cette question puis nous partager diverses réflexions importantes, lui, comme ancien parlementaire. Puis je veux quand même souligner le travail qu'il a fait comme ancien parlementaire, il n'a pas été seulement le premier député de notre formation politique, Amir Khadir est une inspiration pour plusieurs personnes au Québec. Il a été une inspiration pour moi-même avant de me lancer puis militer au sein de ce parti.

• (16 h 10) •

Puis ce que je retiens de son travail, de ce que je retiens de sa façon de faire la politique, bien sûr, c'est son franc-parler, de dire les choses comme il pense, de dire les choses comme il le sentait puis continuer à le sentir, mais l'inspiration aussi, c'est... Bon, Amir a pris plus d'une fois la parole dans cette Chambre pour ébranler certains... le pouvoir établi. Si on se souvient, ceux et celles qui ont déjà eu la chance de siéger avec lui, il portait même des cravates spéciales pour certaines occasions spéciales dans lesquelles il fallait mettre... discuter des enjeux de corruption et de collusion. Amir Khadir était un grand défenseur de l'éthique. Puis c'est ce principe-là qui a poussé son engagement politique et nous a inspirés, je parle en mon nom personnel, mais je suis certaine que c'est le cas de plusieurs de mes collègues députés, d'avoir la question... l'éthique et la cohérence au coeur de notre travail politique.

Puis, Amir Khadir, une des choses qui m'a aussi marquée, parce que moi, je l'ai connu très jeune, vous comprenez que j'étais... Je peux partager mon âge, c'est écrit dans ma biographie, j'ai 35 ans. Donc, quand j'ai commencé à militer avec Amir Khadir, j'étais assez jeune. Puis de voir un politicien faire ce travail-là de terrain, de lien, ça m'a fait découvrir la politique autrement. Puis c'est avec cet esprit-là que je pense que tous mes collègues, on fait ce débat, on amène cette question-là en Chambre. Parce que faire de la politique autrement, c'est écouter ce que nos citoyens et citoyennes sont en train de nous dire quand on évoque le fait que des députés, des parlementaires vont voter... vont avoir le pouvoir de voter une hausse de 30 000 $ en Chambre. Il y a 10 ans, il nous disait que la rémunération... Je parle d'Amir Khadir toujours. Donc, il y a 10 ans, le collègue de... l'ex-député de Mercier nous disait que la rémunération des députés ne doit pas être revue à la pièce et n'importe comment, il faut confier ce travail-là, la révision de l'ensemble des conditions, à un comité qui est vraiment indépendant et exécutoire, tel que l'a recommandé le rapport L'Heureux-Dubé, qui date de 2013.

Et là j'aimerais prendre un moment pour revenir... Parce que je parlais du lien qu'on a avec nos citoyens et les gens qui nous suivent. J'avais invité, plus tôt, les collègues à écrire sur leurs réseaux sociaux. Puis, si vous me permettez de lire certains commentaires puis certaines questions que j'ai reçus de la part des citoyens depuis ce matin... Puis je pense que leurs voix méritent d'être entendues parce qu'ils ont plusieurs, plusieurs questions par rapport à la procédure elle-même mais ainsi que le contenu.

Certaines personnes me disent... Je vais les lire tels quels, les commentaires que j'ai reçus, j'en ai choisi quelques-uns : «Qu'elle soit justifiée ou non — cette hausse — qu'elle soit légitime ou non, ce n'est pas l'augmentation qui pose problème, mais plutôt le processus : un comité de l'Assemblée nationale et son adoption par les députés elles [et] eux-mêmes.» Puis la dame en question m'envoie un petit bonhomme triste de la situation. Comme vous voyez, il y a des personnes qui nous écrivent, qui ont sûrement écrit dans différents bureaux de circonscription pour remettre en question le processus qu'on est en train d'avoir en ce moment.

Une autre personne : «Tout le monde a le droit à une augmentation de temps en temps, mais souvent il s'agit de pinottes, genre de 0,35 $ de l'heure de plus pour la prochaine année.» Ce que la personne trouve choquant est le fait qu'il y a «des projets urgents, voire essentiels, [qui] tardent et piétinent dans un dédale labyrinthique de procédures à grands coups de commissions d'études par ici et [...] par là. La petite augmentation — entre guillemets — semble s'être votée rapidement comparé à de nombreux projets nécessaires qui étirent dans le temps.»

Puis je prends le temps aussi... Tantôt, mon collègue Sol rapportait des commentaires très semblables, parce que ce qu'on est en train de faire... Pardon?

Une voix : ...

Mme Zaga Mendez : Pardon, oui, désolée. Mon collègue de Jean-Lesage rapportait des commentaires semblables. C'est qu'il faut faire attention à ne pas alimenter ce cynisme. Il faut faire attention de ne pas alimenter l'effet que des citoyennes et citoyens nous disent : Êtes-vous en train de mettre vos priorités à la bonne place? Puis c'est ça que j'entends.

Un autre commentaire que j'ai reçu : «Il faut préciser que ces salaires sont actuellement indexés, ce que je lis rarement. Il ne s'agit donc pas d'un rattrapage après des années de salaires non indexés, mais carrément d'un enrichissement majeur. En outre, la hausse de 30 000 $ est seulement le salaire de base. Par exemple, la hausse salariale du premier ministre serait en fait supérieure à 60 000 $», je crois bien, la personne nous l'indique.

Ça fait qu'il faut comprendre aussi que c'est l'ensemble des conditions de travail, c'est l'ensemble des conditions qu'il faut revoir. C'est ce que la personne nous dit puis c'est aussi qu'est-ce que nous disait le rapport de L'Heureux-Dubé, qui datait de 2013, il ne faut pas regarder seulement cette hausse. Cette hausse-là, elle vient montrer qu'encore une fois les députés se votent des privilèges.

Malgré l'opposition de Québec solidaire et le travail qu'on a fait année après année sur ce sujet, nous avons maintenu, comme je disais, une position qui est cohérente depuis le début. Ce qu'on voit, c'est qu'on a d'autres partis politiques, que ce soit la Coalition avenir Québec ou le Parti libéral du Québec, qui votent et qui ont le goût qu'on procède... qui ont voté, en fait, de procéder à la mise sur pied d'un comité avec un mandat qui était extrêmement restreint, de sentir que les dés étaient déjà pipés d'avance. Et il y a un comité... On n'a pas mis sur pied un comité complètement indépendant avec un mandat exécutoire.

Donc, il faut comprendre aussi, bon, le Bureau de l'Assemblée nationale a donné un mandat à deux ex-députés pour qu'ils fassent des propositions, puis je veux dire que ces deux anciens députés sont respectés. Je ne veux pas parler contre le travail de ces députés, que ce soit Mme Lise Thériault, qui est une ancienne vice-première ministre du Québec, qui a quitté son poste de députée lors de la dernière élection, une femme d'expérience, une femme qui a travaillé dans cette enceinte pour le bien-être des gens de sa circonscription... Tout le monde ici dit, puis je le vois, là, j'ai eu la... les gens nous parlent de comment elle a été une bonne présidente de commission. Alors, on ne veut pas aller à l'encontre de la réputation des députés qui ont fait partie de ce comité. Et j'ajoute aussi l'ancien député Martin Ouellet, ancien leader du Parti québécois en Chambre, un autre député dont on a entendu des bons mots, un homme droit et... Mais malheureusement on est en désaccord avec le rapport qui est présenté. Pas sur tout. Surtout, en fait, c'est de voir que cela aboutit avec le projet de loi n° 24, parce qu'on est en train de discuter parce qu'on va le voter. C'est là où c'est le grand enjeu sur lequel on s'entend tous et toutes dans mon... politique, c'est que ce n'est pas aux députés de se voter leur propre salaire, parce qu'on est en train... Puis je le disais hier, la confiance de la population est primordiale en démocratie, c'est la base de notre système démocratique. Puis notre système démocratique, on le sait, il n'est pas parfait, on le sait, qu'il n'est pas parfait. Nous n'avons pas une démocratie peut-être aussi développée, avec tous les outils, qu'on souhaiterait.

Je veux quand même prendre un moment de dire qu'on aurait souhaité une réforme du mode de scrutin pour donner plus de voix aux régions, plus de voix aux différentes populations du Québec puis peut-être, un jour, avoir ici plus de représentants, plus de députés qui portent la voix des gens un peu partout au Québec. La réforme du mode de scrutin nous aurait permis cela, sortir d'une démocratie qui restreint puis donner plus de voix surtout aux régions et aux citoyens.

Il faut qu'on arrête d'aggraver le déclin de cette confiance, et, en votant un tel projet de loi, on va continuer à créer cet abîme entre nous, les représentants de nos différentes circonscriptions et les gens communs, les gens qui sont partout au Québec. Je le disais hier, à quel point j'étais fière de venir d'un milieu très populaire. Hier, aussi, mon collègue de Taschereau nous partageait qu'il a travaillé dans le milieu communautaire, des milieux auxquels, par des moments de ma vie puis de ma famille, j'ai dû y aller, par différents types de besoins d'accompagnement. Donc, pour nous, garder ces liens avec les personnes qu'on représente... puis surtout les personnes qui sont en bas de l'échelle et qui ne peuvent pas un jour se lever et aller à leur Costco, appeler une assemblée de travailleurs puis se voter eux-mêmes une hausse des salaires.

On entendait le premier ministre nous dire que c'est important que les pères de famille puis les mères de famille fassent tout pour augmenter... pour avoir plus d'argent pour leurs familles. Bien, j'aimerais qu'on pense à ces personnes-là qui sont au salaire minimum. Si on veut tout faire pour que ces mères et pères puissent avoir des meilleures conditions en termes de salaire, bien, je me demande pourquoi on a tardé aussi longtemps à avoir un salaire minimum autour de 15 $, puis qui devrait être autour de 18 $ pour être capable d'avoir un salaire qui est viable puis combler des besoins économiques qui sont urgents pour ces familles.

• (16 h 20) •

Donc, je disais, il faut combattre le cynisme. Puis c'est ça que je demande à mes collègues députés, de ne pas voter... de ne pas nous voter nous-mêmes et nous octroyer une hausse de 30 000 $. Il y a des gens pour qui ce montant-là, c'est le salaire annuel. Puis on ne va pas se fatiguer de le répéter parce que c'est des gens qu'on côtoie dans nos circonscriptions, c'est du monde qui cogne à notre porte.

J'ai une pensée pour les personnes retraitées aussi. Hier, on n'a pas parlé assez des personnes... On parlait, avec le collègue de Taschereau, des personnes âgées qui habitaient dans des logements et que, malheureusement, notre loi ne leur permet pas de se défendre complètement face aux évictions. Mais ces personnes-là qui ont travaillé toute leur vie pour construire le Québec, ils ne peuvent pas se retourner puis se voter une hausse de leurs régimes de retraite, s'augmenter leurs chèques qu'ils reçoivent à chaque mois. Pendant que l'inflation continue, pendant qu'il y a une hausse de loyer, le chèque demeure le même. Puis je veux qu'on ait une pensée pour ces personnes-là quand on discute d'un projet de loi dans lequel on va se donner à nous-mêmes plus de privilèges.

Quand je parlais un peu de ce qu'Amir Khadir nous a légué comme organisation politique, ce sens de l'éthique... puis ce projet de loi là nous met en grave conflit d'intérêts. Puis les conflits d'intérêts... Vous le savez, le principe, M. le Président, c'est qu'on ne peut pas être juge et partie. On ne peut pas être ceux qui bénéficient à la fois que ceux qui décident. Puis là je fais appel peut-être à certains collègues qui viennent d'un milieu des affaires.

Une des choses que moi, j'ai vue dans le milieu, par exemple, de la gestion environnementale puis la gouvernance environnementale, même dans les grandes ONG : quand on suggère que, pour augmenter, par exemple, les conditions de travail ou les hausses de salaire, bien, ce ne sont pas les directeurs généraux tout seuls qui vont se voter une hausse. Même les P.D.G. des grandes compagnies. Je pense que tout le monde serait scandalisé si ces P.D.G. là se lèveraient un matin puis ils signeraient eux-mêmes des chèques, des hausses de... des hausses, pardon, de loyer, des salaires. C'est des C.A. Il y a plein de façons, dans la gouvernance, que ce soit entrepreneuriale, des OBNL, dans laquelle on a cette... on divise cette décision-là. La décision est prise par des comités qui sont indépendants puis qui ne sont pas juge et partie.

Ça fait que j'appelle à mes collègues qui ont un historique ou qui ont travaillé en entreprise de se poser cette question-là, s'ils permettraient la même chose dans les entreprises, de laisser ces grands directeurs là se voter à eux-mêmes leur salaire sans avoir eu un C.A. qui le fait avant, qui le fait de façon indépendante. Je veux juste... Combien de temps il me reste? Deux minutes.

Donc, je nous répète, ce n'est pas juste acceptable qu'on fasse ces gestes-là. C'est ça, le fond de l'histoire, puis c'est ça qu'on va continuer à répéter dans ces débats-là, parce que les gens nous en parlent, parce que ça va diminuer la confiance. Le processus actuel ne possède pas l'indépendance requise, et la perception d'un conflit d'intérêt, vous savez, est aussi grave que le conflit d'intérêts lui-même. Puis, encore une fois, je me base sur des propos qu'Amir Khadir nous disait, puis c'est les propos qu'il aurait utilisés dans une lettre ouverte récente que certains de mes collègues ont pu partager ici, en Chambre. Et, dans le dossier que nous discutons en ce moment, vous savez, la perception des conflits d'intérêts, bien, elle est absolue. Il faut confier la tâche de revoir notre rémunération à un comité totalement indépendant des élus et des partis. C'est ça que proposait le rapport L'Heureux-Dubé, depuis 2013, auquel je faisais référence tout à l'heure. Il faut faire l'examen équitable de l'ensemble des conditions de travail, donc on inclut également nos fonds de pension de retraite. Il faut que ces comités-là aient aussi le pouvoir d'exécuter les décisions qui vont être prises suite à une évaluation de l'ensemble des conditions de travail pour qu'on n'ait pas ici à refaire le débat, pour qu'on n'ait pas ici à se voter des privilèges. On le sait, que le travail de député est exigeant. On le sait, que les heures sont longues, mais aussi on sait que c'est un travail qui est gratifiant, mais il faut savoir qu'on ne doit pas se mettre en conflit d'intérêts si on veut servir la population qu'on représente et si on veut continuer à gagner et travailler à construire la confiance de nos concitoyens et des concitoyennes.

Donc, dans le concret...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : ...

Mme Zaga Mendez : En terminant, je veux remercier le travail d'Amir Khadir...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : C'est déjà tout, Mme la députée de Verdun. Et je suis prêt à reconnaître, maintenant, M. le député de Taschereau. Vous avez droit à 20 minutes.

M. Etienne Grandmont

M. Grandmont : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je commencerai avec une affirmation : J'ai trois enfants, j'ai deux parents, des beaux-parents et, évidemment, depuis mon élection, le 3 octobre dernier, bien, je les vois moins. Je les vois moins qu'avant parce que le boulot, le job de député est très prenant. Je le sais, que ça occupe beaucoup. Je sais que ça nous oblige à faire des grosses semaines de travail, je sais qu'on travaille la fin de semaine, on travaille le soir. Je sais, quand je vais à l'épicerie... puis c'est probablement la même chose pour les collègues ici aussi, quand on va à l'épicerie, quand on va au cinéma, quand on va au terrain de jeu avec les enfants, quand on va à l'épicerie ou... pas à l'épicerie mais au centre d'achats, bien, les gens nous reconnaissent. Puis on travaille officiellement six jours par semaine, ou à peu près, mais on est députés sept jours par semaine, quasiment du 24/7, M. le Président. Donc, on est toujours un peu en mode éveil : je travaille. Même en vacances, cet été, je suis persuadé que, pour la première fois de ma vie, je vais être beaucoup plus reconnu qu'avant, si je voyage un peu partout au Québec. Cela dit, même si cette situation-là est nouvelle pour moi, même si je vois moins mes amis, je vois moins ma famille, ce n'est pas une augmentation de salaire qui va me permettre de compenser pour ce manque-là.

Je fais cette courte histoire là parce que j'ai entendu des drôles d'arguments de la part de certains membres du gouvernement, à l'effet qu'une compensation financière importante leur permettrait de compenser le fait qu'ils ne voient pas leurs mamans, voient moins leurs amis. Moi, j'ai trouvé, dans ces arguments-là, quelque chose de particulièrement drôle, mais surtout ça montrait un peu la limite de l'argumentaire derrière la proposition qui est au coeur du projet de loi n° 24, qui vise à réviser l'indemnité annuelle des membres de l'Assemblée nationale. C'est pour ça que je m'étonne toujours, encore une fois, de cette propension à vouloir régler cette question-là, adopter rapidement le projet de loi n° 24, sans procéder à des auditions, sans procéder au cheminement normal d'un projet de loi aussi important, qui, comme l'a dit ma collègue de Verdun tantôt, risque de miner, malheureusement, la confiance des électeurs et des électrices du Québec envers l'institution que nous représentons.

Je pense que mon chef parlementaire, hier, l'a bien souligné, il n'y a personne ici, en Chambre, qui est ici pour des raisons personnelles, personne, ici, n'est ici pour s'enrichir, pour se donner des privilèges, pour se donner... pour s'octroyer certains droits que d'autres n'ont pas. On est là pour des bonnes raisons. On n'a pas la même vision du développement du Québec peut-être, mais on est tous ici pour le bien commun et on veut tous améliorer le Québec, avec des outils différents, avec des visions différentes, comme je l'ai dit tantôt.

Mais il y a des gens, dans la population, qui pensent que certaines personnes ici, au Parlement, travaillent pour leur intérêt personnel. Et je pense, encore une fois comme le disait mon chef parlementaire hier, que de procéder rapidement à une augmentation de salaire... bien, à l'adoption du projet de loi n° 24, qui va nous octroyer une augmentation de salaire très importante, et que nous-mêmes, en nous... en nous la votant, dans le fond... dans le fond, ça nous met en situation de conflit d'intérêts, et on va venir renforcer ce sentiment qui est présent dans une partie de la population, qui est présent et qui alimente un cynisme important chez une partie de la population. Et on ne voudrait pas, chez Québec solidaire... c'est ce qu'on veut éviter à travers le travail qu'on fait actuellement, on veut éviter que ce cynisme augmente au Québec. Nous, on voudrait plutôt que, le Parlement, comme institution, bien, les gens en aient confiance, aient confiance dans ce système-là. On voudrait améliorer, finalement, le lien entre l'institution parlementaire que nous représentons... Nous sommes les 125 visages de cette institution-là et nous espérons que la population reconnaisse en nous des représentants qui soient dignes de confiance, de l'institution.

Maintenant, est-ce qu'il y a des choses qui doivent être faites pour... qui doivent être faites pour fixer les conditions de rémunération? Bien, oui, il y a des choses qui peuvent être faites. Puis c'est normal qu'un salaire augmente année après année, c'est normal que... Il y a l'inflation, il y a l'augmentation des prix à la consommation, tout ça fait qu'à un moment donné il faut être capable de reconnaître que le salaire peut augmenter à travers le temps. Mais combien ça vaut, ça, un salaire de député, et comment le fixer? Bien, cette question-là est en suspend depuis très, très longtemps.

• (16 h 30) •

Et je me permettrais de revenir rapidement sur plusieurs décennies de réflexion sur cet enjeu-là, qui ont, malheureusement, toujours été écartées. Et malheureusement on a toujours fait ce choix-là et on est en train de refaire la même erreur aujourd'hui, en 2023. Rappelons-nous que, dès 1974, le comité Bonenfant constatait en particulier que le travail parlementaire était devenu une occupation à temps plein — parce qu'avant, les députés, c'était du temps partiel, on comprend que les choses ont bien changé — et que le député devait dorénavant recevoir une rémunération suffisante parce qu'il ne pouvait pas, dorénavant, compter sur une occupation extraparlementaire qui lui permettait d'assurer des revenus suffisants pour être capable de vivre puis de faire vivre sa famille. En 1982, le mode d'indexation d'indemnité de base est modifié. Il s'appuyait désormais sur l'évolution de l'indice des prix à la consommation du Canada. Une allocation de transition était mise en place. Plus important encore, la loi instituait un nouveau régime de retraite qui réduisait de façon substantielle la valeur des prestations de retraite acquises après le 1er janvier 1983 ainsi que l'indexation des rentes. C'est technique, là. Tout ça pour dire qu'on avait trouvé un mécanisme pour qu'on ait moins à se voter soi-même des augmentations en instituant un principe d'indexation automatique des salaires.

Je suis persuadé, M. le Président, qu'à force de nous entendre le répéter vous allez connaître l'historique des commissions et des comités qui se sont penchés sur cette question-là. Je vous sais très attentif. Donc, je vais continuer.

En 1987, le comité Lavoie s'est penché sur la question. Le Bureau de l'Assemblée nationale mandate, en 1987, un nouveau comité d'étude extraparlementaire pour faire une évaluation de l'indemnité de base du député, de l'allocation annuelle non imposable, des indemnités pour fonctions additionnelles et du régime de pension des membres de l'Assemblée nationale. En définitive, un peu comme le comité Bonenfant qui, lui, avait travaillé en 1974, là, donc 13 ans plus tôt, le comité Lavoie recommande de porter progressivement l'indemnité de base à la moyenne entre l'échelon le plus bas et le plus haut des échelles de traitement des classes d'emploi des cadres supérieurs du gouvernement. Le fait de lier l'indemnité du député aux échelles salariales des cadres supérieurs permet, selon le comité, d'éviter que les membres de l'Assemblée nationale débattent de leurs propres conditions de travail. Le législateur n'a pas donné suite... n'a donné suite, en fait, que très partiellement au rapport du comité Lavoie. Donc, on a manqué une occasion là de s'assurer que les députés se placent en situation de conflit d'intérêts.

En 2000, un autre comité, M. le Président, le comité Godin, qui a recommandé de ne plus lier l'indemnité de base du député à la moyenne de l'échelle de traitement de classe 4 des cadres supérieurs. La recommandation sur l'indemnité de base est mise en application par loi en 2000, et puis les députés récupèrent ainsi le terrain perdu depuis 1997 en raison d'une réduction de 6 % imposée par une loi. Ils prennent même une mince avance sur la classe moyenne, la classe 4. Tout ça pour dire que le rapport se termine par un plaidoyer en faveur d'un examen périodique des conditions de travail par un comité indépendant. Moi, ça allume une petite cloche, un comité indépendant. Mais, pour des raisons conjoncturelles ou à cause du malaise que les législateurs ont toujours éprouvé à fixer eux-mêmes leur rémunération, les propositions de ces comités n'ont été que partiellement appliquées.

Ce qui nous amène, en juin 2013, ça ne fait pas très longtemps, ça fait 10 ans, au comité L'Heureux-Dubé. Le comité consultatif indépendant mandaté en juin 2013 par le Bureau de l'Assemblée nationale du Québec a étudié l'ensemble des conditions de travail, incluant le régime de retraite des députés québécois. Au terme de ces travaux, le comité formule quelque 30 recommandations, M. le Président. Le comité avait deux objectifs fondamentaux : d'une part, de proposer des conditions de travail qui correspondent à l'importance de la fonction de député et à son rôle essentiel dans le maintien d'une saine démocratie tout en tenant compte de l'impact sur les finances publiques, et, d'autre part, d'énoncer ses conditions de travail de façon aussi transparente que possible.

Le comité a, entre autres, pris connaissance des rapports et recommandations des comités précédents qui se sont penchés sur cette même question. Il eût pourtant été souhaitable que les autorités politiques y aient donné suite, évitant que les exercices périodiques de rattrapage sur le plan de la rémunération... Les rapports de ces comités antérieurs ont rappelé le travail important et unique du député, travail exigeant et complet, qui a connu une mutation profonde au cours du dernier demi-siècle. Tout ça pour dire que le rapport du comité L'Heureux-Dubé a été mis de côté aussi par le législateur, alors qu'il aurait permis de faire une opération de rattrapage du salaire, de l'indemnité de base des députés, sans coût, sans aucun coût pour le Trésor public.

Donc, on en a parlé beaucoup de ça, de l'augmentation du salaire des députés. À chaque fois, la question se pose. C'est périodique, aux 10, 15 ans, la question revient. Et malheureusement les parlementaires décident de se lancer à bras raccourcis dans le conflit d'intérêts plutôt que de régler la question qui est, à notre avis, fondamentale. Je ne siège pas depuis longtemps, mais je trouve que les paroles de notre ancien collègue Amir Khadir, député de Mercier de 2008 à 2018... je trouvais que ses paroles étaient très sages. Il connaissait le sens de la justice. Je me suis dit qu'il devait bien y avoir quelque chose de malsain dans tout ça quand je l'ai entendu. Et je n'ai pas été déçu, moi, quand j'ai creusé le dossier. La confiance de la population est primordiale en démocratie, M. le Président. C'est la base même de notre système démocratique. Aussi important soit-il, il faut arrêter le déficit potentiel de confiance que peut avoir la population envers notre système.

Donc, ce qu'on a demandé, puis ce qu'on demande encore, puis on va continuer à le faire aussi longtemps que ce sera possible, on demande à nos collègues députés de ne pas voter pour eux-mêmes une hausse de salaire de 30 000 $, dans ce cas-ci, évidemment, une hausse de salaire qui sera bonifiée pour toutes les personnes qui bénéficient de fonctions ou qui occupent des fonctions particulières. Parce qu'on sait bien comment ça fonctionne, le système, actuellement, c'est un système qui fait en sorte que très, très peu de députés, en fait, ont le salaire de base. Il faut se rappeler aussi que ces 30 000 $ là, c'est bien plus que, même, ce que gagnent actuellement des gens au Québec. Et ça, moi, je trouve ça préoccupant. On est en train de s'octroyer... et je ne vois pas qu'est-ce qui justifie une hausse aussi importante ou qu'est-ce qui permet de croire que nous méritons une hausse de salaire d'au moins 30 000 $, alors que des gens dans la société, aujourd'hui, à Québec, dans un Québec aussi riche, aussi fier de ses racines sociales-démocrates, acceptent que des gens vivent avec moins de 30 000 $ par année. Je vous l'avais souligné, la dernière fois qu'on s'est parlé, M. le Président, 30 000 $, quand on divise ça par 52 semaines puis par 35 heures par semaine, bien, ça fait un salaire horaire d'environ 16,50 $, ce qui est 1,25 $ en haut du salaire minimum au Québec.

Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, c'est clairement le processus, en fait, qui est problématique, le processus par lequel cette décision-là nous amène au projet de loi n° 24, une loi qui va donner suite aux recommandations du rapport du Comité consultatif indépendant sur la révision de l'indemnité annuelle des membres de l'Assemblée nationale. Le bureau, le BAN, là, comme on l'appelle, avait donné un mandat à deux ex-députés pour qu'ils fassent des propositions, deux députés qui sont très respectés, évidemment. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec Lise Thériault, une dame très sympathique, avec beaucoup de verve, beaucoup d'énergie mais avec une très, très grande appréciation du rôle de député, et Martin Ouellet, qui est un ancien leader du Parti québécois en Chambre, un autre député, que je connais un peu moins, mais dont j'entends beaucoup parler positivement, un homme qui était très, très droit. Mais on leur a donné un mandat tellement, tellement, tellement circonscrit, on leur a dit : Vous allez étudier l'indemnité des députés, vous allez nous faire des recommandations.

Donc, il n'était pas question de revoir l'ensemble de la rémunération des députés, seulement le très, très précis. Et puis, en plus, bien, c'était un mandat qui n'était pas exécutoire, donc ça nous ramenait ici, en Chambre, à devoir voter sur le projet de loi...

(Interruption)

Le Vice-Président (M. Lévesque) : ...

M. Grandmont : Merci beaucoup, M. le Président. Moi aussi, j'entendais, ça m'agaçait un petit peu. Merci. Donc, ce qui est contraire à l'esprit de ce que recommandait le comité L'Heureux-Dubé, parce qu'on n'arrive pas à se sortir de ce perpétuel conflit d'intérêts.

M. le Président, vous savez, j'ai travaillé dans des organismes communautaires, puis pendant la pandémie, puis, après ça, avec le début de l'inflation qui a commencé à monter. J'ai moi aussi dû être... puis la pénurie de main-d'oeuvre aussi, j'ai été confronté aux besoins de... aux demandes de mes employés d'augmenter leur salaire, puis il n'a pas été très compliqué, difficile, de convaincre le conseil d'administration d'augmenter les conditions. Mais j'ai dit à mes employés : Regardons ça de manière globale, on ne va pas regarder seulement le taux horaire. Est-ce qu'il y a d'autres choses, dans votre rémunération, qui mériteraient d'être changées? Oui, il y a le taux horaire qui est important, mais est-ce qu'on peut parler des assurances collectives, est-ce qu'on peut les bonifier pour vous? Est-ce qu'on peut regarder pour des formes de REER, en fait, une contribution REER, un régime de retraite qui pourrait vous convenir? Bon, c'est le communautaire, ce n'est pas des grosses affaires, mais quand même, tu sais, on essaie d'aménager ça pour que... On regarde ça de manière générale, pas à la pièce, non, mais vraiment de manière générale. On a même regardé les conditions dans lesquelles les gens travaillaient, la flexibilité, le télétravail qui commençait à arriver aussi. Est-ce que vous voulez travailler un petit peu chez vous? Vous voulez travailler au bureau? Quelle flexibilité on peut vous donner sur les congés, les congés parentaux, etc.?

Donc, il y avait... on regardait l'ensemble du portrait pour être capables d'avoir une réponse qui satisfaisait à tout le monde, d'une part, mais aussi pour être sûrs que, quand on avance ce dossier-là de la rémunération, bien, on touche à tous les éléments en même temps.

• (16 h 40) •

Le problème avec ce qui est sur la table actuellement, c'est qu'on ne touche que l'indemnité. La prochaine fois, ça va être le régime de retraite. La fois d'après, ça va être une autre affaire. Ça fait qu'on fait les choses sans jamais regarder l'ensemble du portrait, ce qui nous fait faire des «moves», des mouvements, des choses, des avancées, mais qui peuvent être en complète, des fois, contradiction, mais, en tout cas, ce n'est pas coordonné avec le reste. Donc, il y a un enjeu important.

Mais au-delà de tout ça, ce qui est le plus important, c'est le conflit d'intérêts. Moi, ce qui me fait le plus mal dans tout le processus, c'est le fait que nous sommes en conflit d'intérêts. Ce n'est juste pas acceptable que des employés, des élus, les députés se votent eux-mêmes leur augmentation de salaire. On l'a dit souvent, mais je suis persuadé que, si on prenait l'ensemble des personnes qui travaillent au salaire minimum actuellement au Québec puis on leur demandait, là : 1er mai l'année prochaine, là, à combien vous voulez qu'il soit, le salaire minimum?, je suis pas mal sûr qu'ils pousseraient sur le crayon pour que ça augmente, hein?

Vous le savez, actuellement, le salaire minimum ne permet pas aux gens de se sortir de ce qu'on appelle le seuil de la pauvreté. Ils sont en dessous du seuil de la pauvreté. Moi, là, comme législateur, là, ça m'importe beaucoup. J'espère qu'au gouvernement, c'est la même réflexion aussi parce que...

Puis on en a posé, des questions, là-dessus, précisément. Je pense que c'était en décembre qu'on avait posé des questions. Mon porte-parole, notre porte-parole... notre co-porte-parole, notre chef parlementaire avait posé des questions au premier ministre là-dessus, puis le premier ministre avait répondu que 18 $ de l'heure, ce n'était probablement pas assez pour se sortir de la pauvreté. On avait compris qu'il avait eu une espèce de révélation qu'il fallait peut-être aider des gens. Malheureusement, à la hausse de loyer que... pas la hausse des loyers, mais la hausse de salaire minimum que nous avons eu par la suite, le 1er mai, cette hausse-là n'a pas été à la hauteur de ce que le premier ministre semblait avoir compris.

Le revenu de base, le salaire minimum au Québec, devrait nous permettre de sortir de la pauvreté. Mais moi, je suis pas mal sûr que, si on offrait aux gens qui sont actuellement au salaire minimum d'augmenter leur salaire de 30 %, ce qui le mènerait à autour de 20 $ de l'heure, on aurait des gens qui seraient très heureux. Ils pourraient commencer à moins couper sur la nourriture, ils pourraient commencer à moins couper sur les médicaments, ils pourraient commencer à peut-être sortir au cinéma de temps en temps. C'est ce genre de choses là qu'on peut se permettre de faire, quand on arrive à trouver le temps, M. le Président, évidemment, mais ce genre de choses là qui font que c'est agréable de vivre aussi au Québec.

Je vous ai bien vu. Je vous remercie. Je sais, je l'ai déjà dit que le travail des députés est exigeant. Je sais que les heures sont longues, je sais que personne ne devient député pour faire de l'argent. On se lance en politique par conviction, pour servir le public. Alors, dans le concret, là, au salaire des députés, il faut ajouter une allocation de dépenses qui est de 38 000 $, un régime de retraite qui est doré, une assurance collective qui est payée à 100 % par l'employeur. Il n'y a personne d'autre au Québec à des conditions aussi intéressantes que ça aussi. Aussi difficile soit la tâche, aussi exigeantes soient les fonctions, on a déjà des conditions de travail qui sont hors de l'ordinaire, qui sont exceptionnelles au Québec.

Et, encore une fois, je ne veux pas dire qu'il ne faut pas revoir le salaire des députés à l'occasion. C'est normal que ça augmente. Il y a une inflation, il faut absolument que ça suive un peu certains mécanismes. On peut même le revoir à l'occasion aussi. Mais ce qui est inacceptable, c'est qu'on le fasse nous-mêmes, c'est que nous soyons — encore une fois je le répète, mais c'est tellement important — en conflit d'intérêts, que nous soyons à même de déterminer quel sera le salaire. Puis, en plus, c'est que, dans le cadre d'un projet de loi, il n'y a rien qui dit qu'il n'y a pas un amendement qui ne viendra pas d'un groupe parlementaire ou d'un autre pour revoir le montant à la hausse. Le rapport dit 30 000 $ pour l'indemnité de base, mais il n'y a rien qui dit, actuellement, qu'un projet de loi ne pourrait pas être amendé pour que ce soit 40 000 $, 45 000 $, 50 000 $. Je veux dire, on ne connaît pas la limite, puis le mécanisme fait en sorte qu'il pourrait y avoir une modification à ce montant-là. À la limite, ça pourrait être à la baisse aussi. Peut-être que le gouvernement va décider, finalement, que c'est quelque chose comme 1 000 $ d'augmentation de l'indemnité de base. J'en doute, mais je reviens toujours sur le processus. Il est vicié, il va falloir le revoir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Taschereau. Et je reconnais maintenant M. le député de Laurier-Dorion.

M. Andrés Fontecilla

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Donc, nous sommes ici réunis pour continuer le débat sur la rémunération des députés élus à l'Assemblée nationale. On connaît le contexte, ça a été maintes fois affirmé. Donc, c'est un comité qui a recommandé l'augmentation substantielle de l'indemnité de base, le salaire des députés, là, de 30 %, ce qui grosso modo correspond à une augmentation de 30 000 $, ce qui est substantiel. Donc, c'est un débat important, là, mais, on va établir, très polémique non seulement parmi les députés présents ici, à l'Assemblée nationale, mais aussi polémique au sein de la société québécoise, qui voit d'un très mauvais oeil, là, cette augmentation décidée par les députés.

À la base, on va établir tout de suite un principe qui me semble fondamental, les députés élus à l'Assemblée nationale, les hommes et les femmes qui ont décidé de se consacrer à cette activité-là, qui est tout à fait particulière, j'en conviens, là, ont le droit à améliorer leurs conditions salariales, ont le droit d'améliorer l'ensemble de leurs conditions de travail, qui ne se résument pas seulement à la rémunération. Ça inclut beaucoup d'autres choses.

On le sait, le métier de député est tout à fait particulier. Ça impose des sacrifices à l'ensemble des députés, qu'ils soient au gouvernement ou à l'opposition, et il est éminemment, on l'a amplement entendu, éminemment difficile et complexe d'établir la valeur de cette tâche-là. Mais, au fond, la question qui se pose, et qui se pose aujourd'hui devant nous, à tous les députés, et qui est adressée à la conscience de chaque homme, de chaque femme qui a été élue à l'Assemblée nationale, c'est : Est-ce que c'est les députés eux-mêmes qui doivent décider de leurs conditions salariales, qui doivent et qui peuvent eux-mêmes et elles-mêmes décider s'ils doivent... s'ils méritent ou pas une augmentation salariale, et, surtout, quelle est l'ampleur de cette augmentation salariale?

Ça a été amplement dit par mes collègues de ma formation politique, Québec solidaire, qui sont intervenus au cours de ce processus-là, il y a ici non seulement apparence de conflit d'intérêts — et vous le savez très bien, M. le Président, qu'une apparence de conflit d'intérêts est un conflit d'intérêts — mais il n'y a pas d'apparence de conflit d'intérêts ici, il y a conflit d'intérêts, parce que nous décidons nous-mêmes de nos conditions salariales, là, donc, et cela... et ce conflit d'intérêts est parfaitement compris, est parfaitement constaté par l'ensemble de la population du Québec, qui n'a pas ce pouvoir-là.

En ce moment, il y a 125 individus qui ont le privilège de décider ce que... sur la rémunération qu'ils vont recevoir et sur les montants de cette rémunération-là. Il n'y a personne, personne au Québec, là, qui a ce privilège-là. Nous sommes les seuls à pouvoir en jouir, et je pense que nous utilisons ce privilège-là de façon indue, de façon qui est très peu respectueuse de l'ensemble de la population du Québec, là. Même les plus grands patrons des entreprises n'ont pas ce pouvoir-là, parce qu'ils doivent passer... malheureusement pour eux, là, ou heureusement, pourrait-on dire, bon, il y a certains excès, ils doivent quand même dépendre de la décision d'un conseil d'administration, par exemple.

Nous avons entendu amplement le premier ministre du Québec nous dire que Québec solidaire n'avait pas participé au processus, que nous avions refusé de participer au comité indépendant qui a recommandé cette hausse très, très substantielle, là, de 30 000 $ de notre rémunération. Mais il faut savoir... il faut réaffirmer, de notre part, que Québec solidaire, les députés de Québec solidaire ont décidé de ne pas y participer, à ce comité-là, justement parce que nous avons considéré que ce comité n'avait pas l'indépendance nécessaire requise pour effectuer ce genre d'exercice. Nous l'avons toujours affirmé, et je suis ici, encore une fois, avec mes collègues pour réaffirmer notre position historique autour de ce sujet-là. Ce n'est pas aux députés de décider de notre rémunération. Ça revient à une instance indépendante, des députés complètement indépendants. Oui, on peut avoir l'avis des députés sur cette rémunération-là, mais l'instance doit être complètement éloignée de... ne doit avoir aucun lien avec le travail des députés, et dont les décisions doivent être exécutoires, c'est-à-dire, que la décision nous plaise ou ne nous plaise pas, les députés devront obtempérer à la décision de ce comité qui est complètement indépendant. Mais le processus mis en place par le Bureau de l'Assemblée nationale, à nos yeux, manque de cette indépendance requise pour se décider de cette augmentation salariale.

• (16 h 50) •

Évidemment, on va se comparer avec nos semblables, et, d'après les différents chiffres qui ont été expliqués, notre rémunération, si elle passe, elle est augmentée de 30 000 $, va nous ramener à être parmi les députés les mieux payés à travers toutes les législations provinciales du reste du Canada, de toutes les autres provinces. Évidemment, on va me dire : Il y a le salaire de député du gouvernement fédéral. Effectivement, ils gagnent plus que nous, mais on va se comparer avec nos semblables, avec nos équivalents qui sont les autres députés de différentes assemblées législatives des autres provinces canadiennes.

D'autre part, et cela nous semble fortement problématique des conclusions du comité qui a été mis en place par le Bureau de l'Assemblée nationale, ce comité a travaillé exclusivement sur une partie de nos conditions de travail, soit l'indemnité de base, laissant de côté tous les autres aspects de nos conditions de travail, là, qui sont quand même très importantes et, à certains égards, très généreuses. D'une part, on a, oui, l'indemnité de base, mais on a aussi d'autres types d'allocations, que ce soit pour le logement, pour les transports ou des allocations discrétionnaires assez substantielles, d'autour de 20 000 $, qui nous est octroyée.

Et tout cela sans parler de notre régime de pension qui est aussi l'éléphant dans la pièce. On a, nous, les députés à l'Assemblée nationale du Québec, là, on a un régime de pension incomparable. Il est meilleur que tous les autres régimes de pension qui existent au Québec, là. Et nous allons en retirer de très importants bénéfices, là, lorsque nous allons être rendus à l'âge de la retraite, mais cet aspect-là, l'aspect Cadillac de notre régime de pension, n'a pas du tout été considéré par le comité mis en place par le Bureau de l'Assemblée nationale.

Donc, s'il s'agit de considérer l'augmentation de salaire, oui, parfait, je suis tout à fait... parce que nous travaillons dur, parce que nous faisons, en tant que personnes, en tant que travailleurs et travailleuses, nous faisons aussi face à l'inflation, nous... Oui, nous pouvons, et je suis catégorique, nous sommes en droit d'étudier une amélioration de nos conditions de travail, mais, si nous le faisons, considérons l'ensemble, M. le Président, pas seulement une partie. Si nous, on veut voir, là... là, on veut voir comment améliorer notre sort, mais regardons l'ensemble, et on va se rendre compte que, oui, nous sommes extrêmement privilégiés et que, peut-être, l'augmentation octroyée est exagérée par rapport à l'ensemble des éléments qui constituent nos conditions de travail. On ne peut donc pas agir à la pièce, là. Il est nécessaire de considérer l'ensemble des conditions de travail, y compris le régime de retraite.

Et il faut aussi établir un comparatif avec le processus de négociation avec le secteur public ou avec le syndicat en général. Nous avons... Il y a une nécessité d'un mécanisme permanent de détermination des conditions de la rémunération des députés. Et, vous le savez, M. le Président, une négociation de convention collective englobe le tout. Pourquoi les députés de l'Assemblée nationale doivent avoir un régime de négociation? Nous négocions avec nous-mêmes, là, différents... pour définir nos conditions salariales et, pire que cela, un régime dans lequel nous sommes juges et parties. Et, encore une fois, cela n'existe nulle part. Il y a 125 individus seulement au Québec qui peuvent s'octroyer ce droit-là.

Donc, nous avons besoin d'un processus véritablement indépendant et dont les décisions sont exécutoires. Vous le savez, nous vivons dans un contexte aujourd'hui, là, où nous assistons à un appauvrissement généralisé de la société québécoise, à cause de l'inflation, à cause de l'augmentation du coût de la vie et, par exemple, à cause, du... pour un secteur de la société, là, les locataires, du renchérissement des loyers.

On nous dit souvent qu'il faut attirer les meilleurs, donc il faut offrir un salaire compétitif. Soit, mais on dirait que, pour la majorité gouvernementale, il n'y a que deux sortes de gens qu'on doit attirer : tout d'abord, les spécialistes, bardés de diplômes, et les gens d'affaires qui font beaucoup d'argent dans le privé, là. Donc, on doit compétitionner avec leurs conditions de travail. Selon moi, c'est très bien, d'attirer les meilleurs, mais quels meilleurs on veut attirer, là? Les meilleurs, ce n'est pas seulement les gens qui sont... qui croulent sous les diplômes ou qui gagnent beaucoup d'argent dans le secteur privé. Il y a beaucoup de meilleurs dans la société québécoise, et j'aimerais aussi qu'on ait l'ambition d'avoir des gens ici qui ne viennent pas des secteurs traditionnels, là. J'aimerais qu'on ait l'ambition aussi d'avoir les personnes les plus brillantes, mais qui sont un ouvrier, qui sont un mécanicien, une menuisière, quelqu'un qui travaille avec ses mains, là.

J'ai ici, là, j'ai ici une étude produite par des chercheurs qui nous montre la composition de l'Assemblée nationale, effectuée à partir de la législature en 2012, là, et on va se rendre compte que la très grande majorité des députés, en 2012, et ça n'a pas dû avoir changé beaucoup, là, proviennent du secteur de la gestion, de l'administration, et de la politique, et du droit, là. À eux seuls, ça fait à peu près 70 %. Les personnes qui viennent de domaines qui sont le travail manuel, les cols bleus, là, sont seulement pour 6,4 % des députés qui composaient l'Assemblée nationale en 2012. Et ça ne m'étonnerait pas qu'en... si on faisait une étude approfondie de la composition socioéconomique, de la composition sociale de cette Assemblée aujourd'hui, en 2023, on va arriver aux mêmes résultats, là. On attire très peu des gens qui viennent vraiment des classes populaires.

On a entendu la déclaration du premier ministre, là, que c'est important, la motivation des députés, c'est la recherche de plus d'argent pour nos enfants. J'espère sincèrement que le premier ministre se trompe sur ce point, là. J'espère que la très grande majorité des députés ici ne viennent pas pour gagner un gros salaire, viennent ici pour servir le public, pour faire avancer la cause du Québec, pour faire en sorte que la collectivité québécoise, là, avance de façon solidaire, pour que les gens qui sont pauvres deviennent moins pauvres, et les gens qui sont riches soient plus solidaires avec le collectif, là.

Il y a la proposition de notre... Si, véritablement, on voulait attirer les meilleurs, là, si c'est ça, l'objectif, là, bien, utilisons la proposition de mon collègue député d'Hochelaga-Maisonneuve, là, et que la hausse entre en vigueur seulement à partir de la prochaine élection, là. Comme ça, on va véritablement atteindre cet objectif-là, mais nous n'allons... pas en se faisant bénéficier nous-mêmes, là. Parce que l'argument d'attirer les meilleurs, là, ça a l'air de... M. le Président, avec toutes les considérations requises, là, c'est un argument qui, pour moi, là, est un subterfuge. En fait, on veut améliorer maintenant nos conditions de salaire puisque nous avons le pouvoir de le faire.

Il faudrait se poser la question aussi, en tant que députés, sur l'opinion de la population par rapport à cette augmentation salariale. La population exprime fortement son désaccord avec la volonté du gouvernement, là, de s'octroyer, octroyer à tous les députés une augmentation de salaire. Écoutez, j'ai lancé une question, aujourd'hui, là, sur ma page Facebook, là, avec la question : Que pensez-vous de l'augmentation salariale proposée de 30 000 $ pour les députés? Question très simple, hein? Quelques-unes des réponses : Pendant que nous, on crève de faim et on se demande comment payer nos factures, eh bien, eux — nous, là — qui se font déjà payer... qui font déjà un salaire à six chiffres, veulent s'octroyer une aussi énorme augmentation. Sérieusement, c'est déplorable pour un gouvernement censé travailler pour le peuple, et non pas pour sa fortune personnelle.

Une autre : Aucun sens, mépris pour la population. Une autre : 30 000 $ aiderait ma mère à payer ses soins et son épicerie. Une autre : Une honte! Une autre : un mot : indécent. Une autre : Très déprimant. Tellement de gens sont dans le besoin et sous-payés et pourraient en profiter à la place. Et une autre : La CAQ voit le communautaire comme une vocation, mais la politique comme un gagne-pain. Une autre : Ont-ils essayé de ne pas s'acheter des Starbucks ou des iPhone pour économiser? Une autre : 9 % sur cinq ans pour les professionnels de la santé, c'est ce que je pense, là. Et je pourrais continuer ainsi ad vitam aeternam. Vous le savez, M. le Président, là, cette hausse-là ne passe pas au sein de la population.

• (17 heures) •

Maintenant, on nous propose un projet de loi, le p.l. n° 24, là, qui va étudier de façon accélérée cette augmentation injuste, là, et le gouvernement utilise sa majorité pour aller de plus en plus rapidement, là, et on est prêts, même, à sauter une étape cruciale de notre processus législatif, les audiences, qu'elles soient particulières ou générales. Et on pourrait faire des audiences générales pour inviter tous ceux et celles qui veulent s'exprimer sur le sujet, là, on aurait des belles surprises, là.

C'est quand même curieux que le gouvernement ait décidé de ne pas procéder à des consultations particulières, parce que, j'en suis certain, il y a énormément de gens, ici, qui seraient très intéressés de s'exprimer sur cette augmentation-là. On pourrait inviter, par exemple, les syndicats représentant les enseignants et enseignantes du Québec, on pourrait inviter, par exemple, les porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, on pourrait aussi inviter des experts en éthique, par exemple, exprimer les points de vue sur le projet de loi n° 24 pour connaître leur opinion, mais on dirait qu'on a préféré... le gouvernement a préféré de sauter cette étape-là pour s'éviter un moment désagréable, j'en conviens, j'en conviens, parce que je suis convaincu, si on avait fait des consultations, si on était allés écouter des experts, si on était prêts à écouter des gens, des gens qui viennent nous exprimer leur point de vue, là, le gouvernement aurait été mal pris parce que 100 % des opinions auraient été en désaccord avec cette...

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Je vais demander... Je m'excuse, M. le député de Laurier-Dorion, je vais demander aux collègues...

Des voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : S'il vous plaît! Il y a un député qui a la parole, je vais vous demander votre collaboration. Ça fait plusieurs fois que je le fais informellement, je vais le demander plus formellement. Tous les collègues, s'il vous plaît, du respect pour celui qui parle. Merci. M. le député.

M. Fontecilla : Donc — merci, M. le Président — c'est très, très déplorable que le gouvernement non seulement utilise sa majorité, non seulement utilise son privilège, son privilège de député pour décider d'une augmentation salariale aussi massive, aussi substantielle, mais qu'en plus il décide d'ignorer une étape fondamentale de notre processus démocratique, là, pour ne pas entendre... pour s'éviter les désagréments d'entendre l'opinion des gens qui seraient en fort désaccord avec cette mesure-là.

Donc, M. le Président, ma formation politique, encore une fois, là, nous sommes prêts à étudier la possibilité d'améliorer nos conditions de travail, là, mais nous en avons... nous sommes fortement en désaccord avec la façon dont ça a été fait et surtout avec les montants, les montants qui est sur la table, en termes d'augmentation, qui offensent... qui offensent toutes les femmes et les hommes honnêtes de notre société, qui travaillent très dur et dont aucun n'a droit à une augmentation de 30 %, là. C'est à ça que nos députés de Québec solidaire s'opposent. Et je crois que nous sommes en phase avec une bonne partie de la société. Et, oui, il y a des personnes et beaucoup de gens dans la société qui sont d'accord avec la possibilité d'étudier un rehaussement des conditions salariales des députés, mais pas de la façon dont ça a été fait, là.

Encore une fois, nous sommes 125 personnes, nous avons un privilège énorme, et nous faisons un usage abusif de ce privilège en nous accordant une augmentation aussi faramineuse, de 30 %, l'équivalent de 30 000 $, ce n'est pas la bonne façon, et nous faisons en sorte d'entamer la confiance de la population dans la fonction de député. C'est justement ce dont nous voulons éviter. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Laurier-Dorion. Y a-t-il d'autres interventions? Il n'y en a pas.

Alors, le principe du projet de loi n° 24, Loi donnant suite aux recommandations du rapport du Comité consultatif indépendant sur la révision de l'indemnité annuelle des membres de l'Assemblée nationale, est-il adopté? M. le leader du deuxième groupe d'opposition.

M. Leduc : Un vote par appel nominal, s'il vous plaît, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui. À ce stade-ci, je vous demanderais de bien vouloir reporter le vote à la période des affaires courantes prochaine.

Vote reporté

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, le vote sera reporté à une prochaine séance.

Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, pour la suite de nos travaux.

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, M. le Président, je vous demanderais de bien vouloir appeler l'article 6 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 26

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Lévesque) : À l'article 6 du feuilleton, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 26, Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires afin notamment de donner suite à l'Entente entre la juge en chef de la Cour du Québec et le ministre de la Justice.

Comme intervention, je reconnais M. le député de Chapleau.

M. Mathieu Lévesque

M. Lévesque (Chapleau) : Oui, merci beaucoup, M. le Président. C'est vraiment un privilège et un plaisir pour moi de retrouver mes premiers amours. Comme vous le savez, j'ai eu le bonheur d'être l'adjoint parlementaire du ministre de la Justice lors de la dernière législature, et c'est effectivement des projets de loi qui me tiennent à coeur, au niveau de ces sujets, et particulièrement, cet après-midi, le projet de loi n° 26, qui vient modifier la Loi sur les tribunaux judiciaires afin notamment de donner suite à l'entente, là, qui a eu lieu entre la juge en chef de la Cour du Québec et le ministre de la Justice. Donc, pour moi, c'est un plaisir, là, de pouvoir le faire au nom de mon collègue le ministre de la Justice.

Puis, comme vous le savez, là, une entente avait été conclue le 21 avril dernier, M. le Président, entre le ministre de la Justice et la juge en chef de la Cour du Québec, qui faisait suite, en fait, à la réorganisation, là, du travail des juges qui siègent en matière criminelle et pénale. Et, évidemment, comme prévu à l'entente, on vient ajouter, au gouvernement, 14 postes de juge à la Cour du Québec, donc c'est vraiment 14 nouveaux postes de juge à la Cour du Québec qui vont être affectés à la chambre criminelle et pénale. Et donc, en contrepartie, la magistrature accepte de revoir son horaire de travail à la hausse pour rattraper, évidemment, les retards qui ont été cumulés et améliorer les délais. Elle s'engage également à atteindre de nouvelles cibles d'efficacité. On le sait, pour notre gouvernement, et ce, dans l'ensemble des sphères de la société québécoise, l'efficacité, c'est d'une importance capitale pour nous, au gouvernement. C'était aussi important pour le gouvernement du Québec de donner suite rapidement aux engagements, et c'est ce qu'on fait avec le dépôt du projet de loi n° 26, que nous étudions actuellement.

La bonification des effectifs, ajoutée aux autres mesures prévues à l'entente, va contribuer significativement à réduire les délais judiciaires et ainsi à offrir à la population des services de justice qui sont plus efficaces. C'est une bonne nouvelle pour les citoyens et pour les personnes victimes, M. le Président. On le sait, pour nous, évidemment, là, les personnes victimes, on en prend soin, on veut vraiment les accompagner à travers le système de la justice. Il y a eu plusieurs, plusieurs initiatives de notre gouvernement, plusieurs projets de loi qui ont été mis de l'avant par le ministre de la Justice justement pour bien les accompagner et s'assurer que ça puisse bien fonctionner, et ça, c'est un autre jalon de ce que nous faisons ici, au gouvernement, particulièrement en justice.

Rappelons à quel point le parcours d'une personne victime peut être difficile, on le sait, et à quel point, pour une personne qui n'est pas initiée au système de justice, ça peut être un peu effrayant, et donc d'où l'accompagnement nécessaire qui est offert à toutes les étapes, et ce, très souvent. Et donc c'est important que le système de justice fonctionne adéquatement et permette de tourner la page rapidement aux personnes victimes afin qu'elles reprennent le cours de leur vie. C'est d'ailleurs leur intérêt qui motive chacune de nos décisions.

Par ailleurs, le projet de loi va permettre aussi une révision de l'encadrement des prévisions budgétaires du Conseil de la magistrature. En effet, il est proposé de modifier, M. le Président, la Loi sur les tribunaux judiciaires de manière à prévoir que les sommes requises pour financer les activités du conseil soient prises sur des crédits votés annuellement par l'Assemblée nationale, comme pour les ministères et organismes, et donc en règle générale, ainsi que pour le Conseil canadien de la magistrature au niveau fédéral. Donc, comme l'a fait remarquer notre collègue députée de Vaudreuil, on se souviendra, à l'occasion de l'étude des crédits 2022‑2023, le Conseil de la magistrature a encouru un dépassement d'environ 30 % de son budget annuel, donc, en effet, les dépenses réelles seraient de 4,2 millions, alors que les prévisions de dépenses étaient plutôt de 3,2 millions. Donc, vous en conviendrez, que c'est assez inconcevable que de telles dépenses prises à même des fonds consolidés ne soient pas assujetties à aucune reddition de comptes. Et donc rappelons que, selon la loi, la mission principale du conseil, et je cite, c'est veiller au bon comportement des juges sur le plan déontologique et de développer, évidemment, leurs connaissances. Et donc les changements proposés par le projet de loi n° 26 s'accordent donc avec les principes de bonne gouvernance, favoriseront aussi la confiance du public dans le système de justice, notamment par une plus grande transparence dans le financement des activités du conseil. Merci beaucoup, M. le Président.

• (17 h 10) •

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Chapleau. Prochain intervenant, je reconnais M. le député de l'Acadie.

M. André Albert Morin

M. Morin : Merci. Merci, M. le Président. Alors, je suis très heureux de prendre la parole dans cette Chambre cet après-midi à l'étape du principe du projet de loi n° 26, loi qui se lit : Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires afin notamment de donner suite à l'Entente entre la juge en chef de la Cour du Québec et le ministre de la Justice. Et je me suis dit, en préparation de mon travail de parlementaire dans l'opposition officielle, que c'était intéressant d'aller voir l'entente entre la juge en chef et le ministre de la Justice.

Et donc cette entente, d'ailleurs, qui a été rendue publique, là, il n'y a aucun, aucun secret, là : «L'entente exprime le compromis auquel la juge en chef de la Cour du Québec et le ministre de la Justice en sont arrivés. Ce compromis est le fruit des efforts faits par les deux parties pour en venir à une solution à l'amiable à la suite de la réorganisation du travail des juges de la Cour du Québec, [notamment] chambre criminelle et pénale. Il comporte des concessions qui n'auraient pas été faites, n'eût été la volonté des parties d'en arriver à un compromis au bénéfice des justiciables et du système de justice criminelle et pénale. Ces concessions n'ont donc de valeur que dans le cadre de ce compromis et de sa mise en application.»

Et, dans le cadre de l'entente, il est écrit clairement qu'il y aura, donc, 14 postes de juge ajoutés aux effectifs actuels de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, et donc qu'il y aura ces nominations de juges additionnels, et ce, conformément à la procédure au Règlement sur la procédure de sélection des candidats.

Pour sa part, la juge en chef va ajouter à la charge annuelle des juges de la chambre criminelle et pénale établie suivant un ratio des jours siégés qui vont s'ajouter : 17 jours de plus pour l'année judiciaire 2023‑2024, 17 jours pour 2024‑2025, six jours pour la période du 1er septembre au 31 décembre. Et donc plusieurs intervenants vont se partager la responsabilité du bon fonctionnement du système de justice criminelle et pénale. Évidemment, nous voulons tous ça. L'accès à la justice, c'est fondamental dans notre société.

Et donc on fixe même des cibles qui devront être atteintes. On va se baser sur des statistiques, des indicateurs pour assurer, évidemment, la fiabilité des données, ce qui est tout à fait parfait, c'est une saine gouvernance, et les parties s'engagent à suivre de façon trimestrielle les données recueillies de façon à évaluer l'impact des mesures.

Et la Cour du Québec, de son côté, s'engage à amplifier les mesures en place, considérer, dans le respect du principe de l'indépendance judiciaire... ce qui est un élément, principe fondamental dans une société saine et démocratique. Et le ministre, lui, il s'engage à mobiliser les intervenants du système de justice à la mise en place de ces mesures.

Donc, on parle des 14 juges, on parle des juges... des journées où les juges vont siéger davantage et de certaines statistiques. Et évidemment le ministre s'engage à entreprendre des démarches appropriées pour mettre fin formellement à la procédure de renvoi qu'il avait... qui a été initiée devant la Cour d'appel. Et les parties conviennent de diffuser, lorsque l'entente sera mise en forme, le communiqué commun qui était annexé en annexe. Et les deux parties ont signé le 21 avril 2023.

Je dois vous dire, M. le Président, que, depuis que je suis avocat, ça fait 38 ans, c'est un phénomène que je n'avais jamais vu. Mais là, formellement, après une conciliation, après des efforts, le ministre de la Justice a signé cette entente-là, et on s'attend à ce que le ministre de la Justice dépose un projet de loi pour augmenter de 14 juges le nombre de juges à la Cour du Québec et donc modifier la Loi sur les tribunaux judiciaires, et moi, je me dis : C'est parfait, parce que ça va être un projet de loi, là, M. le Président... il va y avoir un ou deux articles là-dedans, là, 14 juges, la mise en vigueur, ça va prendre 15 minutes, ça va être fini, on va avoir un accès à la justice. Et je rouvre le projet de loi, et, oh! surprise, il y a effectivement l'augmentation du nombre de juges à l'article 1, mais il y a les articles 2 et 3, et, notamment à l'article 3, on veut modifier la loi pour que dorénavant les crédits du Conseil de la magistrature et de la magistrature soient votés annuellement par l'Assemblée nationale et non pas à même le fonds consolidé du revenu.

Si j'ai pris la peine de vous lire l'entente, c'est que je pense que la population doit le savoir. Cette entente-là, M. le Président, elle a été signée le 21 avril, l'encre est à peine sèche sur le document que déjà le ministre de la Justice nous dépose un projet de loi qui n'a rien à voir avec l'entente, rien, et, sincèrement, je suis plus qu'étonné. On est dans cette Chambre, je vais avoir un langage respectueux, mais ce que je souhaitais vraiment, c'est qu'on ait un accès à la justice et qu'on fasse avancer le dossier, mais là ce n'est pas ça qui arrive.

Donc, on va débattre du principe. Puis je vous dirai sincèrement que, pour l'article 1, il n'y a vraiment, mais vraiment pas de problème, mais, pour les deux autres articles, là, c'est un peu plus compliqué, puis permettez-moi de prendre quelques minutes pour vous expliquer pourquoi, à mon avis, c'est un peu plus compliqué. Dans son projet de loi, c'est comme si le ministre faisait fi de l'entente. C'est comme si le ministre, à nouveau, ouvrait les hostilités avec la magistrature, et ça, c'est très particulier. Et, en préparant mon allocution de cet après-midi, je me suis dit : Ça fait combien d'années que le Conseil de la magistrature, au Québec, fonctionne? Ça fait 45 ans, en fait. Puis je me suis amusé à regarder les noms des ministres de la Justice depuis 45 ans, puis en fait, pour l'histoire, le ministre de la Justice qui a mis en place cette structure avec le Conseil de la magistrature, c'est M. Marc-André Bédard, du Parti québécois, ministre de la Justice, qui a été ministre de 1976 à 1984. Et, si vous regardez la liste de tous les ministres de la Justice, incluant la députée de Champlain avant le député de Borduas, ça vous fait 18 ministres, 18 ministres qui ont été capables de s'entendre avec la magistrature, 18 ministres qui ont été capables de collaborer, qui n'ont pas eu besoin d'une entente signée. Ce n'est quand même pas banal dans l'histoire du Québec. Et là le dernier, le député de Borduas, c'est une entente, puis, voilà, quelques semaines après, on se ramasse dans la situation où on est maintenant avec ce projet de loi.

Vous comprendrez qu'on ne peut pas être contre l'accès à la justice. Il y a des délais qui sont trop longs devant nos tribunaux. On le voit, là, dans les journaux, à la télévision, tous les jours, des gens, là, qui vont à la cour, il y a des reports. Donc, ces juges-là, il les faut, c'est la raison pour laquelle, je vais vous dire, au niveau du principe, du principe seulement, je ne peux pas être contre. Mais je ne peux pas, aujourd'hui, en cette Chambre, simplement me lever et dire : Ah oui, on est pour, et puis il n'y a rien d'autre, et puis on s'en va. Non, je pense qu'il faut prendre le temps pour être capables d'expliquer pourquoi il faut qu'il y ait un accès à la justice, pourquoi il faut accélérer les procédures, mais pourquoi, dans ce projet de loi là, il y a plus qu'un gros bémol, et ça, il faut le dire.

Et, comprenez-moi bien, quand on nous dit... et j'écoutais mon confrère parler d'imputabilité et de reddition de comptes. Évidemment, personne n'est contre la reddition de comptes, personne n'est contre l'imputabilité, ça, c'est certain, sauf que, encore là, il y a la manière pour le faire. Puis, dans notre société, il y a quand même des principes qu'il faut respecter, et l'indépendance de la magistrature, c'en est un. Et je rappelle que l'indépendance de la magistrature, si c'est important dans une société démocratique, ce n'est pas pour les juges, c'est pour le citoyen et la citoyenne qui vont s'adresser aux tribunaux. Eux, elles, lui veulent avoir la garantie que la magistrature qui va entendre la cause va être totalement impartiale et va faire preuve, évidemment, de compétences pour être capable de rendre une décision. C'est ça qui est important, et, pour ça, la magistrature doit avoir les ressources dont elle doit avoir besoin pour être capable de faire bien son travail.

• (17 h 20) •

Et là, et là, quand on regarde le projet de loi et quand on regarde les articles 2 et 3, bien, on ne peut pas faire autrement que se poser une question. Et évidemment vous pourrez me dire, M. le Président, si je suis tout seul à me poser la question, c'est peut-être moi, là, qui n'est pas à la bonne place, mais, quand vous regardez ce qui a été publié, communiqué dans les jours qui ont suivi, bien, force est de constater qu'il semblerait que M. le ministre fait encore l'unanimité contre lui. Le Conseil de la magistrature, qui diffuse un communiqué de presse, 10 mai 2023, quand même pas longtemps, et on rappelle que «bien que [le] Conseil de la magistrature [...] se réjouisse de la concrétisation de l'entente intervenue, par l'ajout de 14 postes de juges — ça, c'est l'article n° 1 — [et qu'il faut s'en réjouir] le projet de loi n° 26 contient des dispositions qui n'ont jamais fait l'objet de discussions lors du processus de facilitation». Et ça, je tiens à le souligner parce que, justement, quand deux parties font des efforts pour en arriver à une entente après de longues périodes de facilitation et de conciliation, que, finalement, là, oui, il va y avoir une augmentation du nombre de jours, oui, il va y avoir une augmentation du nombre de juges, puis qu'on s'en va avec ça, là, puis qu'on se ramasse, quelques semaines après, avec un projet de loi qui ne correspond pas à l'entente, bien, effectivement, je pense qu'il faut le souligner, ce projet de loi là ne traduit pas l'entente qui est intervenue entre le ministre de la Justice et la juge en chef.

«...l'honorable Lucie Rondeau demande au ministre de la Justice[...] — M. le député de Borduas — d'accorder toute la réflexion nécessaire entourant les dispositions qui posent une limite importante à la capacité financière du Conseil de la magistrature d'assumer les fonctions essentielles de sa mission, soit celles de s'assurer du respect de la déontologie judiciaire, de l'efficacité des tribunaux ainsi que de défendre l'un des piliers fondamentaux de notre société démocratique — comme je vous le mentionnais — [...]l'indépendance de la magistrature.» Donc, ça mérite d'être souligné. Et ça, ça vient du Conseil de la magistrature.

Il y a l'association et la conférence des juges du Québec...

(Interruption)

M. Morin : ... — merci beaucoup — qui a également acheminé une lettre au ministre lui disant qu'ils étaient particulièrement inquiets.

Le Barreau a publié un communiqué sensiblement au même effet : «[Le Barreau salue] l'entente avec la Cour du Québec concernant l'ajout de 14 nouveaux postes de juges, [cependant] le Barreau constate que le projet de loi propose de modifier les sources du financement du Conseil de la magistrature en assujettissant son budget aux "crédits votés annuellement à cette fin par l'Assemblée nationale", alors que ses dépenses sont actuellement prises à même le fonds consolidé du revenu, conformément à la Loi sur les tribunaux judiciaires.» Comme je vous le mentionnais précédemment, M. le Président, le Barreau ajoute et il «se dit favorable à [une] reddition de comptes et à une plus grande transparence afin d'ainsi contribuer à préserver la confiance des citoyens dans les institutions». Et, comme je vous le mentionnais, on ne peut pas être contre ça, effectivement.

Cependant, la bâtonnière ajoute, et je cite : «Nous croyons toutefois que la modification proposée, sans autre engagement [de la part] du ministre[...], comporte des risques d'atteinte à l'indépendance du Conseil de la magistrature.» Et là c'est un ordre professionnel indépendant, qui existe depuis plus d'un siècle, qui dit au ministre : Attention, attention, il y a peut-être là une atteinte que vous portez à un organe de l'État qui doit être totalement indépendant pour le bien des justiciables.

«Le Barreau rappelle que le Conseil de la magistrature est un organisme qui contribue à maintenir l'indépendance du pouvoir judiciaire — c'est aussi un devoir pour le ministre — et qu'à cet égard la Loi sur les tribunaux judiciaires lui confie une mission fondamentale dans le système judiciaire. Plutôt que d'adopter ces dispositions dans un projet de loi, le Barreau du Québec propose la conclusion d'une entente prévoyant des règles claires quant à l'octroi des crédits budgétaires, garantissant ainsi l'indépendance du Conseil de la magistrature et, ultimement, l'indépendance judiciaire.» La bâtonnière ajoute : «Nous estimons enfin important de mener une consultation publique à ce sujet afin de démontrer l'importance accordée aux valeurs d'indépendance du pouvoir judiciaire au sein de notre système démocratique québécois.» Donc, deux réactions par deux organismes hyperimportants, vous avez le Conseil de la magistrature et vous avez le Barreau.

Dans une lettre envoyée à M. le ministre de la Justice, dont j'ai obtenu copie parce que j'étais en CC — d'ailleurs, mes collègues des autres groupes d'opposition l'étaient également — en date du 19 mai, la bâtonnière rappelait au ministre l'importance de l'indépendance de la magistrature, et, encore une fois, je cite : «Nous comprenons que l'intention du projet de loi vise à ce que les sommes octroyées annuellement au conseil [...] s'inscrivent dans un processus budgétaire gouvernemental transparent...» Il n'y a pas de problème avec ça. Le Barreau du Québec est favorable à un exercice de reddition de comptes. Mais cependant, cependant, il faut toujours faire attention pour ne pas franchir la ligne et aller empiéter sur l'indépendance du Conseil de la magistrature et des magistrats.

Et d'ailleurs la Cour d'appel du Québec, le plus haut tribunal du Québec, le rappelait dans Conseil de la magistrature contre Commission d'accès à l'information, et je cite : «Ainsi, le budget, au lieu d'être attribué par le Conseil du trésor, est pris à même le fonds consolidé. Comme le signale Me Louis Borgeat dans son rapport d'expert, cette disposition est importante, puisque les sommes d'argent nécessaires au fonctionnement du conseil n'ont pas à être votées chaque année par l'Assemblée nationale, mais sont autorisées par elle une fois pour toutes mettant ce dernier à l'abri de l'obligation annuelle de prouver ses besoins financiers.»

Il n'est donc pas surprenant que le Conseil de la magistrature bénéficie d'un statut particulier lui permettant de garantir son indépendance, notamment en raison de ses fonctions en déontologie judiciaire, pour lesquelles le principe de l'indépendance de la magistrature peut être en jeu. Donc, il faut faire excessivement attention avant de poser des gestes, dans le cadre d'un projet de loi, pour faire en sorte qu'on pourrait empiéter sur un principe aussi important que l'indépendance du Conseil de la magistrature. Et cette indépendance judiciaire, elle a été gagnée au fil des ans justement pour s'assurer, comme je le soulignais, qu'un citoyen ou une citoyenne va être capable de s'adresser à un tribunal en toute confiance. Et l'indépendance de la magistrature, c'est un principe qui est universellement reconnu.

D'ailleurs, permettez-moi de citer une allocution qui a été prononcée il y a quelques années par la très honorable Beverley McLachlin, qui était, à l'époque, juge en chef de la Cour suprême et juge en chef du Canada, sur l'indépendance de la magistrature. Évidemment, elle fait l'historique, et c'est un principe qui a été gagné, je vous dirais, notamment en Angleterre, au fil des siècles, mais c'est fondamental pour un État démocratique. Elle écrivait : «L'indépendance de la magistrature, ce principe en vertu duquel toutes les parties et tous les accusés, [quelles] que soient leurs opinions politiques ou leur statut social, devraient être traités équitablement par un tribunal indépendant, à l'abri de toute influence illicite extérieure, n'a pas été facile à imposer.» Et il a donc fallu, au fil des siècles, des penseurs comme Locke ou Montesquieu, qui ont été capables de rédiger, de convaincre et d'expliquer l'importance pour le judiciaire d'être à l'abri de l'exécutif et du Parlement. La Charte canadienne des droits et libertés, dans la Loi constitutionnelle de 1982, confirme le caractère inviolable du principe de l'indépendance de la magistrature, c'est à l'alinéa 11d.

• (17 h 30) •

Et la juge en chef de l'époque écrivait : «Cela nous amène à la troisième et dernière raison pour laquelle nous sommes privilégiés de bénéficier de l'indépendance de la magistrature», et, pour cela, il faut «la vigilance des milieux juridiques et des juges».

«Comme son histoire le démontre, l'indépendance de la magistrature n'a pas été obtenue par suite d'une décision[...]. Elle a été acquise grâce à la vigilance et au courage des avocats — des avocates — et des juges au fil des siècles. Et c'est grâce à ce même courage et à cette même vigilance qu'elle est préservée.»

Donc, le mot, ici, qu'il faut retenir, c'est «vigilance». Alors, avant de poser des gestes, des gestes, dans ce cas-ci, dans un projet de loi, qui pourraient porter atteinte à ce principe, M. le Président, il faut être particulièrement vigilants. Et, ça, c'est fondamental.

Le juge en chef Dickson de la Cour suprême expliquait, et je cite : «Cette tradition du droit que nous partageons est une pratique bien vivante, dont l'évolution est assurée par des avocats et des juges épris de liberté individuelle, à la recherche de la justice pour tous dans le respect de la loi. Les principes juridiques dont nous avons hérité ne constituent pas les vestiges d'une tradition disparue, mais un aspect essentiel d'une tâche actuelle. Ce n'est que lorsque la loi est interprétée par des juges indépendants et éclairés, déterminés et très réceptifs aux valeurs de la société, que la primauté du droit, et par conséquent les droits et libertés des citoyens, sont en sécurité.»

Et donc dans un État, dans une nation comme le Québec, où nous chérissons la primauté du droit, dans un pays comme le Canada, dont nous faisons partie et dont nous chérissons la primauté du droit, bien, évidemment, c'est pour protéger les droits et les libertés des citoyens que l'indépendance de la magistrature et du Conseil de la magistrature est si importante et si fondamentale.

Et là la juge McLachlin écrivait : «Nous nous félicitons de l'indépendance de notre magistrature. Pourtant, nous serions imprudents de croire qu'elle est acquise.» Quel n'a pas été mon étonnement en lisant la disposition du projet de loi, et je pense qu'il est dans mon devoir, M. le Président, de le souligner aujourd'hui en cette Chambre. Je ne vous dis pas que cette disposition-là, systématiquement, porte atteinte, mais il y a un risque, d'où l'importance de la vigilance quand, comme parlementaires, on a à poser des gestes ou à adopter des lois.

La juge McLachlin écrivait : «Sans juges indépendants, il ne peut y avoir protection des droits ni primauté du droit. Et sans protection des droits et de la primauté du droit, il ne peut y avoir de démocratie.» Dans une démocratie, il faut veiller à ce que l'indépendance de la magistrature soit conservée, et donc c'est à nous, membres du Barreau, parlementaires, à nous assurer qu'on ne portera pas entrave à ce principe. Et je tenais, même à cette étape, à rappeler ces principes et à rappeler l'importance de ce qu'est l'indépendance du Conseil de la magistrature. Et, comme je vous le souligne, je ne suis pas le seul à soulever des inquiétudes. Immédiatement ou peu de temps après le dépôt du projet de loi, le Conseil de la magistrature prend position, ainsi que le Barreau, et, dans la jurisprudence et dans la doctrine en ce qui a trait au droit public et au droit constitutionnel, c'est un élément fondamental. Donc, prudence.

C'est d'autant plus surprenant, M. le Président, qu'il y a à peine un mois et demi, deux mois, cette Chambre a étudié le projet de loi n° 8, qui apportait des modifications au Code de procédure civile. La loi a été adoptée, et je vous rappelle pourquoi il était important de l'adopter. C'est parce qu'il y avait une décision de la Cour suprême qui rappelait quelle devait être la compétence, au sein du Code de procédure civile, de la Cour du Québec. Donc, le ministre devait agir. Mais, dans son projet de loi, le ministre a ajouté des dispositions qui ont été adoptées et qui visaient le Conseil de la magistrature. Et il y en a deux. Première disposition demande — c'est maintenant la loi — à ce que le ou la Vérificatrice générale puisse étudier les comptes du conseil. Deuxième élément, c'est que le conseil est maintenant soumis à la loi sur l'accès à l'information.

Donc, quand on parle d'éléments qui amènent une reddition de comptes, vous avez là deux exemples qui viennent d'être adoptés par le Parlement et qui vont, évidemment, avoir effet à peine quelques semaines après. C'est comme si ce n'était pas assez. C'est comme si le ministre ignorait ce que le Parlement vient d'adopter et c'est comme s'il voulait aller encore à une étape plus loin. Bien, laissons faire la Vérificatrice générale, laissons-lui faire son travail, puis, en termes de vérifications, on doit reconnaître que son bureau a une expertise qui est fort reconnue, et, si jamais il y a des soucis, bien, elle devrait être en mesure d'en faire rapport. Ça va être la même chose en vertu de la loi sur l'accès à l'information, n'importe qui pourra demander accès à des documents. Évidemment, ça ne vise pas la déontologie judiciaire, mais, quand on parle d'administration, en général, les gens pourront avoir accès à ces documents-là.

Donc, quand on parle, après, de transparence et qu'on vient d'adopter une loi qui vise exactement ça, bien, permettez-moi d'être étonné de constater que, dans le projet de loi, maintenant, on veut que les crédits soient votés annuellement par l'Assemblée nationale et on ne les caractérise pas. Donc, ce qu'on comprend, dans le projet de loi tel qu'il est, c'est que ce serait l'ensemble des crédits. Donc, prudence, vigilance. Et je reviens à ce que je disais tout à l'heure, parce qu'on est à l'étape du principe, quand on regarde l'article premier, bien, c'est sûr que lui ne pose pas de problème, il est conforme à l'entente, mais, quand on regarde les deux autres, on ne peut faire autrement que de se poser plusieurs, plusieurs questions.

Donc, si le Parlement ne parle pas pour ne rien dire, si le législateur ne parle pas pour ne rien dire et qu'on vient d'adopter le projet de loi n° 8, bien, laissons aux organismes de l'État, indépendants, faire leur travail et voyons s'il est si fondamental d'aller plus loin avec un exercice de reddition de comptes et de crédits, tel que spécifié. Et, encore là, je me répète, mais je fais miens les commentaires de la bâtonnière, on n'est pas contre la reddition de comptes, du tout, au contraire, c'est sûr, mais, encore là, il y a la manière puis, dans notre société, il y a des principes qu'il faut respecter. L'exécutif a un travail à faire, le législatif a un travail à faire, le judiciaire également, et, dans notre démocratie, ce sont les trois piliers de la nation. Et, dans un État où la primauté du droit existe, il est plus que fondamental de laisser les tribunaux faire leur travail d'une façon indépendante. Et ça, parfois, parfois, ça peut dire, effectivement, gérer des litiges entre les citoyens et l'État et invalider des lois de l'État, parce que, justement, dans le cadre de la primauté du droit, on fonctionne sous l'égide de la loi, et personne, personne, dans notre société, n'est au-dessus des lois, y compris, et je le dis, y compris le ministre de la Justice.

• (17 h 40) •

Donc, le leader de l'opposition officielle, le député de Nelligan, l'a souligné en cette Chambre, il est donc hyperimportant de prendre du temps et donc de consulter avant de se lancer dans l'adoption rapide d'un tel projet de loi. Ça m'apparaît totalement essentiel. Et récemment je relisais... Parce qu'à un moment donné le ministre de la Justice voulait fonctionner rapidement avec son projet de loi, et là il faut vraiment faire attention, compte tenu des principes avec lesquels on va devoir travailler. Je relisais des journaux, et, permettez-moi de le rappeler en cette Chambre, le ministre de la Justice, alors qu'il était à l'Immigration, disait dans La Presse, en 2019 : «J'ai voulu aller rapidement relativement à la réforme du PEQ. J'aurais dû prendre davantage mon temps.» Bien, je pense que, là, c'est une parole du ministre dont il devrait s'inspirer en conduisant ce projet de loi à travers les différentes étapes parlementaires.

Et, quand je vous dis qu'il est important de consulter et d'analyser en profondeur pour être sûrs qu'on ne commettra pas d'erreur et que le Parlement n'ira pas s'immiscer dans l'indépendance de la magistrature, permettez-moi de citer le ministre qui, en 2018, écrivait, dans un ouvrage, J'ai confiance : «Un bon leader sait recourir à l'expertise d'autrui», et je le cite, notamment «pour accepter de s'ouvrir aux avis extérieurs». Bien, ça tombe bien, ce sont les paroles du ministre. Alors, moi, je l'invite à suivre ce qu'il écrivait, et donc à faire très attention et à consulter. «Il reconnaît ne pas avoir le plein contrôle sur tout. Et ne pas avoir la science infuse.» Voilà, donc, et ce sont ses écrits. Donc, quand on est en train de modifier des composantes aussi essentielles, aussi importantes de l'État, il faut y aller avec prudence et sagesse.

Et, au fond, en rappelant aujourd'hui les fondements de ce qu'est l'indépendance de la magistrature et l'indépendance dont doit bénéficier le Conseil de la magistrature, bien, je tenais à le souligner parce qu'il ne faut pas commettre d'erreur. Il faut s'assurer que les citoyens ne perdront pas confiance envers leurs institutions, et c'est la raison pour laquelle il faut s'assurer... Et c'est un équilibre qui est difficile à avoir, je le conçois, mais il faut quand même faire l'exercice avec beaucoup de doigté, de professionnalisme, de rigueur, parce qu'imaginez si, avec ces dispositions-là, on entrave l'indépendance du conseil et qu'on fait en sorte qu'il peut y avoir un questionnement sur son indépendance, imaginez l'impact sur la confiance que les citoyens et les citoyennes vont avoir envers leur système de justice, parce que, dans bien des cas, M. le Président, le citoyen ou la citoyenne fait face à l'État, et l'État, c'est effectivement puissant. Donc, le citoyen, la citoyenne doit avoir une cause qui va fonctionner rapidement, avec célérité, mais elle doit avoir l'assurance que l'arbitre impartial qui entend la cause entre l'État et la personne, et le citoyen, la citoyenne, va être totalement indépendant et impartial.

Alors, imaginez, imaginez, parce que ce n'est pas trop clair jusqu'où le ministre veut se rendre avec son article 3, mais imaginez, hypothèse, tous les crédits sont votés par l'Assemblée nationale, il y a un dépassement de coûts, c'est une hypothèse, et on se rend compte dans l'étude des crédits que c'est parce que le conseil est allé contester des lois du ministre, trouvant, par exemple, que les tribunaux devaient se pencher sur la question parce que ce n'était pas conforme à nos chartes. Alors, qu'est-ce qu'on va faire? Le ministre va vouloir réduire le budget du Conseil de la magistrature? Ça n'a pas de sens, ça ne peut pas fonctionner comme ça, et, ça, je tiens à le souligner. Et je peux vous garantir qu'on va y veiller avec attention, parce qu'à sa face même il y a tellement d'inconnues dans cet article 3 qu'on ne peut pas dire : On y va sans aucune, aucune question, sans aucune analyse, sans aucune étude. Ça ne peut pas fonctionner comme ça.

Donc, je conclus en vous disant, M. le Président, pour le principe, oui, parce qu'on ne peut pas être contre l'ajout de juges. Puis, en plus, cet ajout, l'article 1, est totalement conforme à l'entente que le ministre a signée avec la juge en chef. Donc, pour cette raison-là, je ne peux pas être contre. Mais, quant au reste des dispositions du projet de loi, on a demandé des consultations. Il va falloir absolument que des experts nous assurent et nous rassurent qu'on n'ira pas franchir la ligne et qu'on ne portera pas atteinte à l'indépendance du Conseil de la magistrature.

Puis, déjà, déjà, dans les acteurs qui en ont parlé ou dans les spécialistes qui ont écrit sur la question, je pense au Barreau, je pense au conseil, je pense à des experts en droit constitutionnel, à date, personne n'a dit : Wow! c'est la plus belle trouvaille de la semaine, go! on y va. Ce n'est pas ça qui est dit. Ce qu'on lit, c'est : Oh! attention, voyons voir, c'est dangereux, il faut évaluer, il faut prendre le temps, il faut étudier, il faut écouter. C'est ça, le message qu'on reçoit.

Et je me répète, mais qu'on ne vienne pas me dire après, si je défends cette position-là, que c'est parce que, pour moi, la reddition de comptes, ce n'est pas important. Ce n'est pas ça que je dis. C'est deux choses qui sont complètement différentes. Reddition de comptes, évidemment, c'est des fonds publics, il faut faire attention, c'est l'argent du public, il faut faire attention. Et d'ailleurs, d'ailleurs, le Barreau ne dit pas : Non, non, ce n'est pas important. Ce n'est pas ça qu'on dit du tout, du tout, du tout. Mais, avant de se lancer là-dedans, il faut absolument prendre le temps, il faut absolument être capables de faire une évaluation et bien comprendre ce dans quoi on s'en va. Et c'est la raison pour laquelle on a demandé d'avoir des consultations, pour être capables de mieux comprendre quelle est l'intention du législateur, notamment, avec l'article 3 du projet de loi.

Donc, en conclusion, pour le principe, oui, mais prudence, vigilance, et il faut absolument que des experts se penchent sur la question pour s'assurer qu'on n'est pas en train de porter entrave à un pilier essentiel de la nation. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie. Prochain intervenant, je reconnais M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.

M. Guillaume Cliche-Rivard

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, chers collègues. Merci, cher collègue confrère de l'Acadie, pour cette belle entrée en matière. On est essentiellement, sur ce sujet, sur la même longueur d'onde. Donc, ce n'est pas tous les jours qu'on dit ça entre groupes parlementaires, mais là, il faut vraiment le reconnaître, parce que l'enjeu central qui est soulevé, là, aujourd'hui, est assez déterminant, est assez fondamental dans notre démocratie, dans la séparation des pouvoirs. Et il y a véritablement des enjeux qui méritent, oui, prudence, qui méritent de consulter, qui méritent qu'on soit davantage en mode écoute et, bien sûr, qu'on réagisse à ce qui est porté devant nous, à ce qui nous est présenté comme information.

Alors, vous le savez, les gens qui nous écoutent, on est sur le p.l. n° 26, la loi sur la modification... la loi qui modifie, en fait, la Loi sur les tribunaux judiciaires afin notamment de donner suite à l'Entente entre la juge en chef de la Cour du Québec et le ministre de la Justice. Et, dans le titre, la clé, c'est le mot «notamment». Je pense que tout se joue sur le fameux mot «notamment» parce qu'évidemment ça ne fait pas que donner suite à l'entente.

• (17 h 50) •

Revenons-y, à cette entente-là. Quand il y a entente, c'est qu'il y a mésentente. Donc, dans les années... voire plusieurs mois, mais quand même, ça commençait à faire des années, il y a véritablement un conflit public avoué entre des intervenants du système de la justice, de la magistrature et le ministère de la Justice, conflit qui a mené à plusieurs pourvois, quelquefois des renvois devant la cour d'appel, d'autres fois des pourvois en contrôle judiciaire, des contestations sur la compétence, des questions clés, des questions centrales de compétence de la justice, d'exercice de la justice, de limites en vertu des chartes, des questions fondamentales et centrales dans lesquelles les acteurs judiciaires, souvent la Cour supérieure, d'autres fois la Cour du Québec, d'autres fois avec parties intervenantes, Conseil de la magistrature et autres, ont pris action pour, dans la très grande majorité des cas, obtenir gain de cause, dans ces pourvois et contestations, sur des modifications.

Et nous en étions venus, au plus récent chapitre de cette mésentente, sur le nombre de jours siégés versus le nombre de jours à rédiger, délibérer, rendre jugement à la Cour du Québec pour qu'enfin, somme toute, on obtienne une entente. On a appris, dans les crédits, que cette entente-là avait quand même coûté des sous à la population, qu'on avait eu besoin recourir à un médiateur entre le ministère de la Justice et le Conseil de la magistrature. En fait, à la Cour du Québec, ce n'est pas rien. Et là on est arrivés, enfin, à une entente.

Et là moi, j'ai pratiqué une dizaine d'années dans le domaine. J'ai des collègues, j'ai des contacts, associations d'avocats, juges et autres. J'ai entendu, et on m'a dit : Tout le monde a poussé un grand souffle de soulagement, enfin, il y a entente, enfin, on enterre la hache de guerre, on passe à autre chose, on signe l'entente, il y a bonne entente. Les débats se cessent... cessent, en fait. Même que le renvoi devant la cour d'appel, de par l'entente, prenait fin. On arrivait au bout de cette... on va l'appeler, saga, quand même, de ce débat, de ces mésententes.

Bon, l'entente n'est pas parfaite, bien sûr. Et j'abonde dans le même sens que mon collègue de l'Acadie, l'accès à la justice, 14 nouveaux juges, ce sont d'excellentes nouvelles. Et, évidemment, sur ce point-là, on est très heureux. Cela dit, les demandes étaient de 41. Donc, on est quand même loin de ce qui était demandé préalablement. Je comprends la volonté d'indicateurs de performance, d'objectifs mesurables. Je comprends tout à fait que l'entente contient aussi des cibles de performance que la cour va devoir rencontrer. Mais, à mon humble avis, il n'aurait pas été impossible de faire les deux, d'accorder à la cour le nombre de juges demandés et d'accorder des indicateurs de performance, de s'entendre sur des indicateurs de performance. Une quarantaine de juges de plus, ça n'aurait pas été de trop, là, dans le système qu'on connaît, dans les problématiques qu'on connaît, actuelles, dans les unes, qu'on voit jour après jour, où une salle de palais n'a pas pu être ouverte parce que le greffier spécial n'est pas... le greffier n'est pas là, le constable n'est pas là, il n'y a pas de salle pour ouvrir, le juge ne peut pas ouvrir. Il y a des délais. Donc, on fixe des procès deux ans plus tard. On est menacés, avec Jordan, dans le respect des règles et des principes de justice fondamentale, d'arrêts de procédure.

Et donc, à mon humble avis, et on soumettra cette proposition, pourquoi a-t-il fallu s'arrêter à 14? D'où vient ce chiffre? D'où vient cette entente? On aura des questions quant à qu'est-ce qui a finalement permis la décision sur 14. Pourquoi 14 juges? Pourquoi pas 20? Pourquoi pas 30? Pourquoi pas 40, comme il était demandé? Revenons aux demandes qu'avait faites le Barreau de doubler le budget de la justice. Il n'aurait certainement pas été trop que d'ajouter le nombre de juges qui avait été demandé.

Et je dis ça de la même façon... parce que j'entends ou on nous dit qu'il y aurait eu 15 juges, 20 juges, 50 juges de plus, les délais auraient été les mêmes si on ne faisait pas l'argument ou l'exercice de fixer des indicateurs de performance, des objectifs de performance. Très bien, allons-y. Entendons-nous, comme ce fut le cas, mais ajoutons, d'autant plus, les ressources que le système judiciaire a besoin pour aller de l'avant. Ceci dit, entente il y avait, du moins en apparence. Les acteurs du système juridique étaient soulagés. On passait dans une nouvelle ère. Par contre, nous attendions, tout le monde attendait la présentation du projet de loi parce qu'il fallait modifier le nombre de juges par loi. Donc, il n'y avait pas d'autre façon, et c'était bien compris. On savait que cette loi-là était pour être officialisée, présentée. Ce projet de loi là, on s'attendait à ce qu'il ne contienne qu'un article, probablement, l'article qui modifie le nombre de juges, et qu'on soit capables d'adopter ça rapidement, sans débat, sans conflit et sans heurt.

Quelle ne fut pas ma surprise, moi aussi, en voyant qu'il y avait des articles, 2 et 3, qui, dans sa lecture, ont soulevé beaucoup et continuent de soulever et vont continuer de soulever beaucoup de questionnements, beaucoup de questionnements, des articles qui touchent directement au financement du Conseil de la magistrature. Et, pour être très clair, là, ça, c'est l'organisme qui encadre le travail des juges, qui encadre la formation des juges, qui encadre la déontologie judiciaire. Donc, ce sont les patrons des juges, si vous me permettez, d'une certaine façon, qui s'assurent du bon... du bien suivi, qui s'assurent que l'organisme ou l'organe judiciaire magistral, de la magistrature, fonctionne convenablement, organisme qui a pris part, dans la dernière année, dans les dernières années, à plusieurs recours judiciaires, en tant qu'intervenant ou autre, pour s'assurer notamment de l'indépendance judiciaire. C'est là où les juges se réunissent, quelconque leur attribution de cour, sont-ils Cour du Québec, Cour supérieure, Cour d'appel, c'est là où ils se retrouvent.

Et donc on a vu que, directement, leur financement, qui était, au préalable, à même le fonds consolidé, allait être plutôt transféré sur crédits votés par le ministère de la Justice. Bon, fonds consolidé, qui était une proposition, qui était probablement... je n'étais pas là lors de l'adoption, dans les années 70, si je ne m'abuse, mais l'idée était de ne justement pas assujettir au ministère de la Justice la capacité de restreindre, de limiter, de questionner directement ou de sanctionner ledit budget pour que cet organisme-là soit indépendant dans sa capacité de fonctionner, dans sa capacité de prendre les actions qu'il juge nécessaires. Et donc là, dans ce changement de position complet, il y a, effectivement, comme on l'a vu par plusieurs intervenants, le Barreau, le conseil, mais plusieurs autres professeurs aussi, menace à l'indépendance judiciaire, parce que, si on coupe le budget, bien, on coupe les capacités de fonctionnement, on coupe les capacités d'ester en justice, de prendre part à des recours judiciaires, et tout d'un coup, des décisions qui, aujourd'hui, étaient favorables au conseil ou qui ont été favorables au conseil dans les dernières années, bien, n'auraient peut-être probablement pas eu... n'auraient pas existé parce que n'auraient pas pu être contestées, parce que l'action n'aurait pas pu être entreprise. Donc, véritablement, pour ce qui vient devant nous, pour ce qui s'en vient, on est à même de se poser la question : Comment le Conseil de la magistrature sera à même d'assurer sa capacité à continuer les mêmes contestations?

Et je reviens sur ce que mon confrère a dit. Le premier article, même... parce que le ministre voulait aller très, très vite, nous avions même lancé la proposition de faire une motion de scission, de scinder le projet de loi, d'adopter l'article 1 tout de suite, d'en faire la loi n° 26, de permettre au ministre d'ouvrir tout de suite les concours et qu'on entre rapidement dans la nomination de ces juges-là. Ce serait déjà chose faite au moment où on se parle, à mon humble avis, bien que je ne décide pas seul de la procédure parlementaire, mais de ce que j'entends, ces juges-là seraient... les concours seraient déjà ouverts. Le ministre, par contre, de ma compréhension, veut procéder, voulait procéder dans une seule pièce législative. Il n'était aucunement question de scinder.

• (18 heures) •

Alors, en ce qui a trait à cet argument-là, de dire que les consultations ou les... le travail d'amendement ou le travail législatif qu'on fait aurait, de quelconque façon, un impact sur le moment, à savoir quand ces concours-là seront ouverts, là, ceci appartient au ministre. Parce que, nous, on aura été prêts, je parle pour moi, à adopter très rapidement le nombre de juges et on aurait pu débattre, entendre sur la question du financement dans un projet de loi différent, mais, voilà, telle ne fut pas la décision.

Alors, bien sûr, on nous soulève, et je suis tout à fait d'accord, l'importance de reconnaître la transparence budgétaire pour préserver la confiance des citoyens dans les institutions. Tout à fait, tout à fait. Ceci n'est aucunement débattu en instance. Cela dit, c'est l'ensemble des crédits de la magistrature, et non pas seulement les crédits de fonctionnement, et non pas les crédits de formation, mais bien tous les crédits qui seraient assujettis à la procédure modifiée par le ministre. Et ça, c'est de nature à aller beaucoup plus loin, et j'en reviendrai, surtout dans le contexte où, en mars dernier, un projet de loi est venu... une loi est venue accorder beaucoup plus de pouvoirs à la Vérificatrice générale, en fait, est venue demander à la vérificatrice de le faire, ce travail-là, d'être capable de le faire annuellement, ce travail-là de vérification des comptes, et de rendre compte, et de vérifier les budgets du Conseil de la magistrature.

Alors, si, et je dis bien «si», parce que la preuve n'en a jamais été faite, s'il y a quelconque irrégularité de ce côté, comme dans les autres organismes assujettis à la Vérificatrice générale, elle nous en fera rapport. On prendra connaissance de cause, on pourra vérifier. C'est un tout nouveau mécanisme, qui n'a pas eu encore le temps d'être mis en exercice. C'était la bonne solution, c'était la solution débattue, c'était la solution mise de l'avant il y a quelques semaines. Ce fut adopté. Cette proposition-là ou ce nouveau mécanisme n'a pas encore eu le temps d'être adopté, d'être mis en place que vient être modifée la procédure, la jugeant, donc, insuffisante, la vérification de la vérificatrice.

Alors, le message que nous, on envoie là-dedans, c'est vérification, transparence, tout à fait, mais dans les limites de l'indépendance judiciaire, et certainement pas dans une vision ou dans une possibilité où le conseil serait limité dans ses capacités de prendre les actions qu'il juge nécessaires. Bien sûr, conformément à toute la saine administration des fonds publics, là, il y a problème.

Mais surtout, et aussi, une des choses dont on n'avait pas besoin en ce moment, c'est de repartir cette guerre, de repartir ce conflit. Il y avait eu entente, on passait à d'autres choses. On a tant de choses à faire pour améliorer le système de justice. Les journaux nous font état à chaque jour, on commente, en tant que porte-parole de la justice, à chaque jour, des dossiers qui méritent notre attention. Et tous les efforts devraient être uniquement mis à accéder ou à permettre un meilleur accès à la justice. Et de repartir un débat... Parce que ça n'a pas été long que, le lendemain, le Conseil de la magistrature, ou le surlendemain, faisait un communiqué, prenait parole, entrevues sur les grandes inquiétudes qu'ils avaient face au p.l. n° 26. Le Barreau, d'abord un communiqué, puis une lettre transmise aux partis, aux ministres, aux partis de l'opposition, à la presse, soulevait d'énormes questionnements, d'énormes problématiques, alors que le Conseil de la magistrature joue un rôle crucial dans le maintien de l'indépendance et du pouvoir judiciaire, ça, c'est certain.

Et donc ça n'avait jamais été discuté dans l'entente, il n'avait jamais été question, avec la juge en chef, de modifier le mécanisme de financement. Les partis quelconques, personnes de l'opinion publique, à mon humble avis, des experts, je n'ai pas entendu personne qui m'avait dit avoir été préalablement informé de cette motivation-là. Nous nous sommes retrouvés surpris, surpris, parce que l'enjeu de l'indépendance institutionnelle d'une institution comme le Conseil et la magistrature est fondamental dans notre démocratie. Sa première fonction est d'assurer la déontologie des juges.

Mais, comme le souligne... Et là je fais un peu de jurisprudence, moi aussi. L'affaire Lafond, on a un éminent juriste qui est cité dans la doctrine, qui dit : «Les notions d'indépendance et de déontologie judiciaires ne sont pas contradictoires, mais interdépendantes. Dans son article Indépendance et déontologie judiciaires, le professeur [...] Glenn fait état de cette complémentarité : "Les notions d'indépendance et de déontologie [...] sont interdépendantes. Sans déontologie, l'interdépendance ne se justifie pas, sans indépendance, la déontologie [d']aujourd'hui ne suffit pas [non plus], les deux sont donc essentielles et se renforcent mutuellement. [...]La magistrature qui s'autodiscipline renforce sa propre indépendance."» Et c'est donc important que ça le reste ainsi.

Et là il ne faudrait pas voir une possibilité où on assujettirait à la capacité de financement et d'action du Conseil de la magistrature à sa bonne entente ou à son harmonie avec le ministère de la Justice. Il ne faudrait pas voir là de scénario où, une année donnée, suivant des actions qui auraient déplu au ministre l'année dernière, qu'un budget serait coupé pour l'année suivante parce que trop de recours judiciaires, parce qu'on veut indirectement être capable de sanctionner les recours qui ont été pris, qui finalement ont donné... n'ont pas donné gain de cause au ministre.

Alors, ça fait partie des problématiques puis des possibilités. Puis je ne suis pas en train de prêter cette intention-là au ministre, je ne la connais pas, l'intention, mais on pourrait prévoir un scénario où quelqu'un voudrait couper, de manière importante, le financement du conseil, l'empêcher, donc, d'aller au fond de ce qu'il juge comme étant sa mission, et, donc, se retrouverait incapable de mettre en action des recours judiciaires, qui, au final, ont aussi comme volonté d'assurer un meilleur accès à la justice dans plusieurs, voire nombreux... voire tous les recours qui ont été pris et qui ont été mis de l'avant avaient certainement cette volonté-là ou ce besoin-là d'assurer un meilleur accès à la justice. Et donc, là où il y a risque, c'est qu'en crédits on vienne juger de la pertinence ou de la justesse de recours précédents en jugeant de manière non indépendante qu'ils n'auraient pas dû être pris, et donc qu'on sanctionne le budget pour l'année à venir pour permettre que ce soit impossible.

Cela dit, quand le Conseil de la magistrature prend action, il le prend en réaction à des modifications législatives ou à des réformes. Le conseil ne sait pas, je ne sais pas. Je pense que nous, collègues de l'opposition, ne savons pas qu'est-ce qui arrive comme modifications législatives dans l'année suivante, dans l'année qui suivra d'après.

Donc, nous, en crédits budgétaires, nous poserons... nous pourrions poser des questions sans trop savoir l'intention du ministre quant à ses désirs de modifications législatives qui viendront. Et donc sur quelle base pourrons-nous justifier, oui ou non, un budget de fonctionnement sans préalablement savoir, bien, où le bât pourrait blesser dans la prochaine année ou dans les prochains mois et comment le conseil sera, donc, à même d'assurer son indépendance pour aller de l'avant avec les contestations? Et c'est, donc, en imaginant un scénario hypothétique où un gouvernement majoritaire sanctionnerait financièrement le conseil pour une décision qui lui a déplu qu'il y aurait là véritablement défaut, manquement à l'indépendance judiciaire.

Au palier fédéral, le ministère de la Justice a conclu une entente avec le Conseil canadien de la magistrature pour garantir son financement indépendant. Donc, oui, le budget passe à même les crédits. Cela dit, il y a un mot clé dans cette histoire, il y a entente. Le processus a été signé par une entente de commun accord entre le conseil et le ministre dans lequel, et ça, c'est la deuxième partie la plus importante, son indépendance, sa capacité à prendre des recours, sa capacité à contester fut garantie, fut promise. Alors, oui, il y a là énormément de différences, parce que de telles garanties ne se retrouvent pas dans le p.l n° 26. Un scénario similaire où, de un, il n'y aurait pas litige, alors que, là, on a bien vu qu'entre le Conseil de la magistrature et le ministre le litige est reparti, et, dans un deuxième temps, là où l'indépendance serait assurée par une entente signée publique, où tous les moyens que le conseil jugera nécessaires pour mettre en vigueur ses fonctions, son mandat, son rôle seraient assurés, ne seraient pas débattus ni limités par les crédits de justice, ceci me semblerait une avenue beaucoup plus prudente, judicieuse, nécessaire.

• (18 h 10) •

Cela dit, revenons sur le fait que la nécessité de modifier le recours ou le mécanisme actuel n'a jamais été faite... La preuve qui doit... ou qu'il faut modifier ça aujourd'hui, alors qu'on vient d'adopter une procédure de Vérificatrice générale, alors que la démonstration de problèmes d'abus, de questions, outre soulever des chiffres de dépassement de coûts, n'a pas été faite. Bien, pour moi, c'est un problème.

Et revenons sur les dépassements de coûts, dépassements de coûts qui étaient liés à un nombre considérable de recours judiciaires entrepris en contestation ou en intervention de contestation contre des réformes ou des modifications législatives du même ministre. Alors, ce n'est pas un dépassement de coûts qui sort de nulle part, en disant : Ils se sont acheté ça, ils ont dépensé ici. Ça, il n'y a rien de la preuve, Il n'y a rien qui nous a été fourni qui permettrait de dire ça. Le Conseil de la magistrature a soumis une lettre détaillée dans le contexte des crédits où on a pu voir où il y avait eu dépassements de coûts, et c'était essentiellement lié aux litiges, aux contestations judiciaires des réformes, qui, rappelons-les, ont donné presque systématiquement gain de cause au conseil ou aux autres acteurs judiciaires qui contestaient ces réformes-là.

Alors, le conseil est réactionnaire à des modifications législatives, à des réformes. Ce n'est pas lui qui, un matin, se lève et commence un recours judiciaire sur une loi qui existait, qui aurait existé, ah! tout d'un coup, on dépoussière quelque chose de 1975, on conteste. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. On réagit. Et donc, quand on parle de dépassements de coûts, si ces dépassements de coûts là sont justifiés de par un foisonnant nombre de recours intentés cette année-là, bien, à mon humble avis, c'est justifié. Si, dans un autre scénario, on verrait que les fonds étaient utilisés à d'autres choses, et il n'y a aucune preuve de ça, il n'y a même pas le commencement d'une preuve de ça, eh bien, alors, la vérificatrice fera son travail.

Rappelons-nous quand même que, préalablement, en votant les crédits, on ne peut pas juger du bien-fondé des dépenses qui viendront dans l'année qui va suivre. Ce n'est pas un recours qui devine l'avenir. Ce n'est pas un recours qui nous dit : Ah! cette année, on va couper de 500 000 parce qu'on devine ou on entrevoit qu'il y aura des abus dans l'année qui suit. Au contraire, l'exercice d'évaluation, d'enquête se fait après, par la VG, qui nous dit : Moi, j'ai vérifié, et il y a eu... j'ai fait enquête, par exemple, il y a eu x, y manquements, ou : Il n'y en a pas eu. Mais, si c'est ça, le fondement, et s'il y a des enjeux de transparence, et s'il y a des enjeux d'utilisation des fonds, qu'on vote ou non préalablement des crédits pour l'année qui suit ne va avoir aucun impact, voire un impact absolument limité sur les problèmes, s'il y en a, liés à la saine administration des fonds publics. Alors, laissons la VG faire son travail, regardons les rapports et déterminons s'il y a besoin d'aller plus loin. Après tout, c'est un mécanisme qui n'a même pas eu le temps de démontrer qu'il fonctionne.

Et, quand même, ce n'est pas à tous les jours que le Conseil de la magistrature sort publiquement pour attaquer en amont une pièce législative. Ce n'est aussi pas à tous les jours que le Barreau du Québec fait parvenir aux ministres et aux députés de l'opposition une lettre soulevant de graves inquiétudes.

Depuis qu'on a eu ce projet de loi, moi, j'ai parlé à une quinzaine de professeurs d'université en droit, de facultés de droit, qui ont tous et toutes été unanimes qu'il y avait là un danger, et des professeurs de partout au Québec, qui ont clairement dit : Il y a là problème, attention, drapeau rouge, n'allons pas là. Et ça, je vais entendre un peu plus tard notre collègue de Camille-Laurin qui nous dira sa position sur la question, mais, si les oppositions, en plus, voient les choses sensiblement de la même façon, en plus du Barreau, en plus du Conseil de la magistrature, en plus de certains intervenants publics, force est de constater qu'il y a un problème. Je veux dire, s'il y a unanimité contre des dispositions d'un projet de loi, que personne ne se raccorde à la position ministérielle, bien, je pense qu'il y a le début... bien, disons, plus que le début, la preuve est faite d'une problématique, là.

Alors, évidemment, à mon avis, on doit consulter. Il faut rapidement que les experts, que les parties concernées, le Barreau, peut-être même le conseil, viennent parler aux parlementaires, que des experts constitutionnalistes, que des experts, entre la séparation des pouvoirs... parce que ce sont des enjeux clés, viennent nous parler et qu'on puisse vraiment nous assurer que le mécanisme qui est mis de l'avant, c'est le meilleur. Et là, honnêtement, j'en doute, et j'en doute grandement.

Donc, on est dans ce contexte-là où j'espère... parce que rien ne nous a été promis, mais j'espère qu'il y aura des consultations particulières pour quelque chose d'aussi central et déterminant qu'une question comme ça, central à l'indépendance judiciaire, et j'espère... et je suis quasi certain qu'une grande, voire une très grande majorité de ceux-ci viendront soulever les mêmes drapeaux rouges qui viennent d'être soulevés ici aujourd'hui, en cette Chambre, et j'espère que la position ministérielle sera modifiée pour qu'on puisse, plutôt que de repartir un débat... Parce que l'adoption du projet de loi ici, s'il est adopté tel quel, ne sera pas la fin de l'histoire. Il est évident, il est annoncé qu'il y aura contestation judiciaire du p.l. tel qu'adopté s'il est adopté dans sa forme actuelle. Tous les intervenants le laissent présager. Voulons-nous vraiment repartir dans une guerre ouverte telle que nous l'avons vécue avec la magistrature... telle que le ministre l'a vécue avec la magistrature depuis les deux dernières années, ou voulons-nous vraiment signer, sceller l'entente, enterrer la hache de guerre et se concentrer, tous et toutes, continuellement et exclusivement à l'intérêt de la justice, à l'accès à la justice, de laisser ces enjeux-là, ces tensions-là, de laisser la VG faire son rôle de vérificatrice pour que nous, on puisse continuellement travailler au meilleur accès de la justice et qu'il puisse enfin y avoir harmonie dans le système judiciaire? Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne. Et je reconnais maintenant M. le chef du troisième groupe d'opposition.

M. Paul St-Pierre Plamondon

M. St-Pierre Plamondon : Merci, M. le Président. Je comprends qu'on suspend les travaux à 18 h 30, donc vous me permettrez, en l'espace de 10 minutes, de faire une intervention qui sera le reflet pas mal de ce qu'on a entendu de chaque intervenant des partis d'opposition ce soir. C'est important, en mon nom, à titre de chef du Parti québécois et de porte-parole en matière de justice, de faire des observations qui semblent être... pour toute personne qui a à coeur le bon fonctionnement de nos institutions, semblent aller dans le même sens, alors que ce sont des formations politiques très distinctes.

Essentiellement, là, pour faire court, on a ici une loi qui s'appelle... qui porte le nom de donner suite à l'Entente entre la juge en chef de la Cour du Québec et le ministre de la Justice. Tant mieux si on a une entente, je le célèbre. Ce n'est pas l'objet de l'intervention, mais bien l'ajout, à l'article 3, d'un élément qui ne fait pas partie de l'entente. Donc, c'est très particulier que le titre ne reflète pas cette réalité. Et on revoit donc, à cet article 3, le mode de financement du Conseil de la magistrature.

• (18 h 20) •

Et rappelons la mission du Conseil de la magistrature, qui parle au nom des juges. Il occupe des fonctions essentielles, comme la déontologie des juges, des suggestions, des interventions pour améliorer le système de justice et d'autres fonctions plus administratives. Mais, au sein de toutes ces fonctions-là, il y a notamment la possibilité, pour le Conseil de la magistrature de faire des recours en justice lorsque la question de l'indépendance judiciaire, par exemple, est en cause. Donc, évidemment que, lorsque l'État veut contrôler et intervenir dans le financement de cette entité-là, bien, il se pose de sérieuses questions par rapport à l'indépendance judiciaire, et je suis entièrement d'accord. C'est qu'une fois que la question est très sérieuse, moi je pense qu'un gouvernement peut choisir de voter une loi en sachant qu'il y aura une contestation judiciaire. Je n'ai pas... Je ne pense pas que c'est la crainte de la contestation judiciaire, mais bien qu'à sa face même il y a vraiment plusieurs lumineux rouges qui devraient s'allumer en ce moment. Surtout qu'on ne parle pas de gros montants, là. Ce n'est pas comme si... je reprends l'argument de mes collègues, là, ce n'est pas comme s'il y a des allégations de détournement de fonds. Il y a des possibilités intéressantes pour permettre une reddition de comptes.

Je pense que le Conseil de la magistrature serait sûrement prêt à explorer des manières pour qu'on puisse s'assurer que l'argent est dépensé correctement. Mais d'intervenir à travers le pouvoir d'octroyer ou non des fonds, d'intervenir dans les décisions du Conseil de la magistrature, les probabilités que ça pose problème, en matière d'indépendance judiciaire, me semblent élevées. Ça me semble très mystérieux qu'on veuille mettre ça dans le même projet de loi que celui qui permet une solution puis l'ajout de juges.

Donc, minimalement, ce qu'on demande, à ce stade-ci, c'est de s'assurer qu'il y ait des consultations, là, simplement par respect pour le fonctionnement de nos institutions, pour la préservation et le bon fonctionnement du pouvoir judiciaire, convenons, à la lumière des interventions qu'on vient d'entendre, qu'il y a vraiment matière à se pencher sur ces questions-là et éviter des erreurs qui seraient regrettables.

Je n'ai pas la prétention de savoir exactement où se trouve la solution, mais, parce que les enjeux ressortent de manière très, très limpide pour tout le monde, en matière d'indépendance judiciaire, vu l'importance de la justice dans une société, faisons les choses correctement, tout simplement, allons chercher de l'expertise d'intervenants indépendants, et on pourra ensuite trancher sur comment trouver la bonne solution. Mais agir de manière précipitée, à la lumière de ce qu'on vient d'entendre, me semblerait très déraisonnable, donc prenons le temps de bien faire les choses, s'il vous plaît, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le chef du troisième groupe d'opposition. Y a-t-il d'autres interventions? Oui, Mme la députée de Mont-Royal—Outremont.

Mme Michelle Setlakwe

Mme Setlakwe : Merci, M. le Président. Je réitère, d'entrée de jeu, qu'à l'opposition officielle nous sommes pour le principe du projet de loi n° 26. L'ajout de juges et l'augmentation du temps de cour est souhaitable, et nous ne voulons pas freiner ces mesures, qui ont, finalement, été convenues entre le ministre de la Justice et la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, le 21 avril 2023. On ne veut pas être un frein à l'augmentation du nombre de juges. Cet aspect du projet de loi est tout à fait conforme à l'entente convenue.

Si le projet de loi n° 26 ne s'en tenait qu'à cette disposition, nous n'aurions aucun problème à l'adopter tel quel, sans consultation, discussion ou débat additionnels. Toutefois, le projet de loi n° 26 contient une disposition additionnelle qui vient imposer un important changement au financement du Conseil de la magistrature. Quelle surprise! À l'instar de la juge en chef Rondeau, nous déplorons la décision du gouvernement d'encadrer le financement du Conseil de la magistrature dans le projet de loi n° 26.

Le gouvernement ratisse beaucoup trop large, à notre sens, c'est-à-dire beaucoup plus large que l'entente conclue entre le ministre de la Justice et la juge en chef pour régler le long conflit qui perdurait quant à l'horaire des juges. En plus d'ajouter 14 postes de juges à la Chambre criminelle et pénale — le nombre de juges passerait de 319 à 333 — le projet de loi vise à revoir le mode de financement du Conseil de la magistrature ainsi que l'encadrement de ses prévisions budgétaires. À la suite de l'adoption de ce projet de loi tel quel, le conseil ne serait plus financé à même le fonds consolidé du revenu, mais plutôt par les crédits votés annuellement à cette fin par l'Assemblée nationale, en vertu de l'article 3 du projet de loi n° 26.

Cette disposition, M. le Président, jette un ombrage sur l'indépendance de la magistrature. Il s'agit d'un changement majeur, puisque le financement du Conseil de la magistrature pourrait ainsi être limité par les élus. Selon la juge en chef Rondeau, qui est également présidente du Conseil de la magistrature, il s'agit d'une attaque contre l'indépendance judiciaire, l'efficacité des tribunaux et l'accès à la justice. Elle ajoute que cette disposition n'a jamais fait l'objet de discussions lors du processus de facilitation. «Cette nouvelle disposition nous apparaît très inquiétante en ce qu'elle pose potentiellement une limite importante à la capacité financière du Conseil de la magistrature d'assumer les fonctions essentielles de sa mission. Il est primordial que le conseil puisse assumer sa mission en toute indépendance du pouvoir exécutif et législatif.»

Le Barreau du Québec craint aussi pour l'indépendance de la justice : «Le projet de loi n° 26 touche ainsi à un principe fondamental de l'État de droit et, en ce sens, nous estimons essentiel de pouvoir l'analyser adéquatement et en comprendre l'impact. Nous demandons d'entendre des témoins en commission parlementaire. Il nous apparaît plus que raisonnable de procéder ainsi, et cette demande n'entraînerait pas un délai indu. Tout cela pourrait se faire en une demi-journée. Nous entendons la préoccupation légitime du ministre de la Justice quant au dépassement du budget du Conseil de la magistrature. Bien entendu, un important dépassement du budget soulève des enjeux, notamment au niveau de la reddition de comptes. Ces objectifs de contrôle des dépenses sont louables, mais assurons-nous que le moyen mis de l'avant dans le projet de loi n° 26 soit la meilleure façon de réconcilier tout ça, ce dont nous doutons fortement.»

Des dispositions introduisant des mesures de reddition de comptes pour le Conseil de la magistrature sont, d'ailleurs, récemment entrées en vigueur, soit en mars dernier. Le ministre a-t-il changé d'idée? Rappelons que les dépenses à la hausse semblent avoir été de nature exceptionnelle. Cette année, le Conseil de la magistrature a dépassé de 1 million de dollars son budget annuel en raison de sa participation à des contestations judiciaires, dont celle portant sur le bilinguisme des juges et la réforme de la loi 101, soit le projet de loi n° 96. Le conseil ne peut pas, par ailleurs, présumer ni du volume ni de la complexité des dossiers en déontologie sur une base annuelle.

Ce que nous devons percevoir derrière l'ajout des articles 2 et 3 du projet de loi n° 26 a très bien été vulgarisé dans un article de La Presse sous la plume de M. Vincent Brousseau-Pouliot, et je me permets d'en citer des passages : «Il faut être aveugle pour ne pas voir l'intention derrière le projet de loi n° 26. Le ministre Jolin-Barrette estime que le conseil ne devrait pas, à même les fonds publics, contester une partie de la réforme de la loi 101. Ce litige a coûté 1,1 million de dollars au conseil l'an dernier.» Je poursuis dans la citation : «Personne n'est dupe : si le projet de loi est adopté, les députés de la CAQ, majoritaires à l'Assemblée nationale, pourront empêcher le conseil d'avoir les ressources financières pour contester une loi relative à la magistrature — exemple, une partie de la réforme de la loi 101. On éliminerait ainsi un contre-pouvoir.» Fin de la citation. Je rappelle que je cite un passage de La Presse du 15 mai 2023, intitulé Le ministreJolin-Barrette peut-il laisser la magistrature...

• (18 h 30) •

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Merci beaucoup, M. le leader adjoint du gouvernement. Effectivement, je rappelle, moi aussi, je l'ai entendu... Même avec citation...

Mme Setlakwe : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Mais ce n'est pas grave, Mme la députée.

Mme Setlakwe : ...

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Je suis encore debout. Je vais devoir vous demander, Mme la députée de Mont-Royal—Outremont, est-ce que... compte tenu de l'heure, là, on vient de dépasser le temps, est-ce que vous avez l'intention de poursuivre votre intervention à la reprise de ce débat?

Mme Setlakwe : Oui, M. le Président, j'aimerais bien compléter mon intervention.

Le Vice-Président (M. Lévesque) : Alors, parfait. Ce sera fait à la reprise des travaux.

Ajournement

Et, compte tenu de l'heure, les travaux sont ajournés à demain, jeudi 25 mai 2023, à 9 h 40.

(Fin de la séance à 18 h 31)