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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le mardi 30 avril 1974 - Vol. 15 N° 22

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de l'Agriculture


Journal des débats

 

Commission permanente de l'agriculture

Etude des crédits du ministère de l'Agriculture

Séance du mardi 30 avril 1974

(Seize heures cinquante-trois)

Préliminaires

M. SEGUIN (président de la commission permanente de l'agriculture): A l'ordre, messieurs! Pour la séance de cet après-midi — je serai très conciliant — je pourrai accepter des modifications au cours de la procédure si ça devient nécessaire de la part de qui que ce soit, mais pour le moment nous allons établir les membres: Morin (Sauvé), Carpentier (Laviolette), Denis (Berthier), Dionne (Mégantic-Compton), Faucher (Nicolet-Yamaska), Fraser (Huntingdon), Giasson (Montmagny-L'Islet), Lessard (Saguenay), Massicotte (Lotbinière), Ostiguy (Verchères), Roy (Beauce-Sud), Toupin (Champlain), Tremblay (Iberville). Pour le moment, ce sont les membres, et le rapporteur que je voudrais suggérer pour la séance est M. Dionne de Compton, si c'est acceptable de la part de la commission.

M. MORIN: Bien, c'est d'accord.

LE PRESIDENT: Sans plus de préambule et sans plus d'avis, nous allons essayer, durant l'étude des crédits du ministère de l'Agriculture, de permettre à chacun de faire les commentaires qu'il voudra, toujours naturellement dans les limites permises. Je pense que la commission sera d'accord pour connaître immédiatement les commentaires que le ministre voudra bien faire. Je passerai ensuite au chef de l'Opposition et afin de ne pas tomber dans des difficultés de procédure, je demanderai à M. Roy s'il a des commentaires à faire par la suite. Finalement, nous procéderons aux crédits.

M. ROY: Nous avons un président très sage, M. le Président.

LE PRESIDENT: On a modifié le règlement; je suivais l'autre règlement auparavant. M. le ministre.

Exposé général

M. TOUPIN: M. le Président, je voudrais, avant d'entreprendre l'étude des crédits, faire quelques commentaires de caractère général sur la situation présente de l'agriculture et tenter de situer les demandes de crédits budgétaires que vous aurez à étudier dans le contexte des projets à envisager pour l'avenir. Bien sûr, je ne pourrai pas, au cours de ce petit exposé, toucher à tous les projets, je vais seulement faire un exposé général. Il ne servirait à rien de tenter de cacher la vérité: les producteurs agricoles du Québec ont de sérieux problèmes, on l'a reconnu depuis longtemps, bien sûr. Ce n'est pas le seul secteur à en avoir et ce n'est pas non plus la seule province à les vivre. C'est une brutale réalité économique que de tous les secteurs d'activité — on peut le prouver, je pense, n'importe quand l'agriculture est la dernière à profiter d'une hausse générale des prix et la première à subir les effets d'une récession.

Si ce n'est pas un phénomène nouveau que de voir l'agriculteur québécois passer d'une crise à l'autre pour ainsi dire, il reste que la poussée inflationniste que nous vivons actuellement sur le plan mondial, bien qu'elle lui ait valu une augmentation sensible de son revenu brut, laisse le producteur agricole du Québec dans une situation défavorable, relativement à celle des travailleurs des autres secteurs du commerce et de l'industrie et aussi à celle des agriculteurs de certaines autres provinces du Canada, et je me réfère aux déclarations qu'a faites récemment Mme Plumptre, quoique ces chiffres devraient peut-être être revisés.

Il est normal dans cette situation de prévoir que les interventions gouvernementales dans le secteur de l'agriculture devront se faire plus nombreuses, plus directes et plus importantes financièrement. C'est ce que je me propose de faire ressortir dans les prévisions budgétaires pour l'exercice financier 1974/75.

Avant toutefois d'aborder cette partie de mon intervention, je voudrais signaler quelques aspects de la politique gouvernementale dans le domaine de l'agriculture, dont les résultats au cours de l'année 1973 sont loin d'avoir été négatifs. On peut dire qu'au cours de l'année qui vient de s'écouler les agriculteurs du Québec ont pris pleinement conscience de leur pouvoir collectif et le syndicalisme agricole, croyons-nous, est définitivement entré dans la phase adulte de son développement, c'est ce que nous cherchions, d'ailleurs. C'est peut-être là un des phénomènes des plus encourageants et des plus prometteurs pour l'avenir de l'agriculture du Québec, parce que ces professionnels pourront ensemble regarder leurs problèmes et faire des suggestions qui soient constructives.

Les négociations avec les autorités fédérales quoi qu'on en dise, toujours délicates au domaine de l'agriculture par suite de partage particulier des pouvoirs constitutionnels, ont été difficiles. Mais le bilan global reste positif. Les ententes conclues ont conduit entre autres à la mise en application au Québec de la Loi du rachat des petites fermes, ce qui n'est pas négligeable, à la réalisation d'un programme conjoint d'assistance au recrutement de la main-d'oeuvre agricole et à la création d'un office national des oeufs en attendant celle d'un office national de la chair de volaille dont la réalisation ne devrait pas tarder. Je ne mention-

ne pas les autres interventions et les autres négociations que nous avons pu entreprendre avec le fédéral et qui sont de caractère moins important.

Les interventions auprès de la Commission canadienne du lait ont conduit à l'élaboration d'une politique laitière nationale plus apte à répondre aux exigences des producteurs québécois de lait industriel. Des pourparlers sont actuellement en cours qui pourraient déboucher sur un nouvel ajustement des prix payés aux producteurs. Effectivement, j'ai rencontré récemment mon collègue M. Whelan et je lui ai fait part clairement que ni les producteurs québécois et ni les responsables du ministère de l'Agriculture du Québec n'étaient satisfaits de l'annonce, pour l'année 1974/75, de la politique laitière, en matière de prix notamment.

Normalement le gouvernement fédéral et la Commission canadienne du lait devraient se rendre aux demandes des producteurs qui d'après nous sont un minimum requis pour que cette production demeure rentable.

La question de l'approvisionnement et des coûts des grains de provende, qui semblait en bonne voie de solution, demeure toujours une source d'inquiétude pour les producteurs agricoles du Québec. Par contre, la pleine réalisation des inconvénients d'une situation de dépendance vis-à-vis des provinces de l'Ouest — et c'est tout à fait normal; elles produisent plus que nous et nous devons nous procurer de ces grains — a servi, par ailleurs, de facteur d'impulsion dans l'élaboration d'une politique québécoise appelée d'auto-approvisionnement en grains d'alimentation et en fourrage dont les premiers résultats positifs se sont déjà fait sentir au cours de la saison dernière, et c'est une première saison.

Prenons seulement certaines statistiques. Tout blé produit au Québec au cours de l'année 1973, 2,177 acres de plus que l'année précédente. L'orge, 7,520 acres de plus que l'année précédente. Le mais fourrager, 21,283 acres de plus que l'année précédente. La luzerne, 60,000 acres de plus que l'année précédente. Le soya et le colza, 2,700 acres de plus que l'année précédente. Cet effort des producteurs dans le domaine de l'auto-approvisionnement représente quant à nous, d'après nos calculs, l'équivalent de près de $10 millions ajoutés à la production agricole au Québec.

On s'est maintenant fixé des objectifs pour les années à venir, jusqu'en 1978. Nous prévoyons pour les blés, en 1978, quelque chose comme 175,000 acres. Pour l'orge, 111,000; pour le mais fourrager, 230,000; pour le mais-grain, 200,000; pour la luzerne, 650,000; pour le soya et le colza, 80,000. Même si ces objectifs étaient atteints, nous n'aurons pas encore, au Québec, atteint l'auto-approvisionnement en matière d'alimentation du bétail en totalité. Cela ne devient pas possible de dépasser beaucoup plus que 65 p.c, tenant compte des sols dont nous disposons et, notamment, de la quantité de sols. Nous avons, au Québec, à peine 10 millions d'acres de terres, actuellement, en tout cas, déclarées comme arables, dont à peine trois ou quatre millions qui sont des sols de première qualité.

Des programmes rationnels d'aide aux agriculteurs mis en application ou modifiés radicalement au cours des quelques dernières années, programmes qui sont à la base même d'une agriculture rentable, même s'ils n'ont pas l'habitude de faire les manchettes, se sont développés à un rythme accéléré. On pense, par exemple, à l'insémination artificielle dont les résultats accusent une augmentation de 14 p.c. par rapport aux chiffres de l'année précédente. C'est extrêmement important; c'est le contrôle total de la génétique au niveau de la production laitière. C'est à compter de ce contrôle qu'on parviendra à faire produire aux unités laitières du Québec non seulement 8,000 ou 8,500 livres de lait par an, mais 10,000, 12,000 ou 13,000. C'est extrêmement important, ces augmentations d'utilisation de ce programme par les producteurs.

Au programme de l'assurance-santé animale, qui épargne aux agriculteurs québécois la perte de plusieurs millions de dollars habituellement causée par les maladies animales, nous avions seulement 80 médecins vétérinaires en 1970.

Nous en avons maintenant 160, au Québec, et il est extrêmement important pour nous qu'il y ait au chapitre de la santé animale des services à la portée des agriculteurs, en quantité et en qualité. Il y a aussi le programme de la vente de la génisse F-l, c'est-à-dire des sujets issus du croisement d'une vache laitière avec un taureau de type de boucherie, ce qui a rapporté aux agriculteurs, cette année, en plus de ce que cela aurait rapporté si on n'avait pas utilisé le programme, près de $1,500,000 et qui a permis aussi de créer une nouvelle source de revenu appréciable pour les producteurs laitiers du Québec. Cela s'applique surtout et avant tout, je pense, aux producteurs laitiers du Québec.

Pendant que nous sommes sur cette question, je voudrais vous apporter quelques statistiques sur la production bovine au Québec. On est bien conscient que le Québec — on le dit de plus en plus et au fond on ne peut pas le nier, — est loin d'être autosuffisant en matière de production de viande bovine. Il l'est beaucoup plus en matière de viande issue des vaches laitières. Mais quand on parle des viandes bovines ce sont surtout les bovins de boucherie. Depuis 1970, par exemple, nous avons augmenté de 10,000 têtes, au Québec, à 51,000 présentement. C'est une augmentation de près de 80 p.c. pour 1970. Je pense qu'à ce chapitre les producteurs québécois ont fait des efforts substantiels pour changer leur production. Chaque fois qu'on crie qu'une ferme laitière se vend, il ne faut pas toujours croire que l'agriculteur s'en va. Très souvent il décide de laisser la production laitière pour s'orienter vers la production bovine. Très souvent aussi nous obser-

vons, surtout dans les régions périphériques ou même près des villes — moins dans la grande région de Montréal— des gens des villes qui achètent des fermes et qui implantent une production bovine. Ces chiffres n'incluent pas ces implantations de production bovine qui viennent naturellement. Ce sont seulement les productions bovines qu'on contrôle notamment dans l'Abitibi, dans les Cantons de l'Est, un peu dans le nord de Montréal, dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean et dans le Bas Saint-Laurent, que nous croyons être les régions à vocation plus ou moins naturelle pour ce type de production.

En hydraulique agricole, par exemple, le ministère de l'Agriculture a procédé à l'aménagement de 880 milles de cours d'eau, comparativement à 812 milles pour l'année 1972. Si on reculait en 1968, 1969, 1970, on accuse encore des augmentations beaucoup plus substantielles. En drainage souterrain, nous avons établi un record de tous les temps. Le nombre de pieds de drain posés a en effet dépassé les 38 millions, soit 15 millions de pieds de plus qu'en 1972 et 27 millions de pieds de plus qu'en 1969. Bien sûr, on ne peut pas se contenter de ces chiffres, mais on est parti à zéro dans le drainage souterrain, ou à peu près. L'Ontario travaille là-dessus depuis près de 20 ans; nous, on a commencé il y a à peine six ou sept ans. Mais là, les agriculteurs font des efforts substantiels. Malheureusement, cette année, les agriculteurs auront à faire face à des augmentations de coût très fortes au chapitre du drainage souterrain. Nous sommes à réviser, là-dessus, notre politique.

Les faibles récoltes céréalières et fourragères, au cours de la saison 1972, pas de 1973, attribuables aux pluies, non seulement au Québec mais sur le plan national, furent une cause évidemment, pas une cause mais la principale cause de l'augmentation, notamment des suppléments protéiques, cela a été, pour les producteurs, une période difficile à traverser. Cette prévision, évidemment, on l'avait analysée auparavant et on savait que cela allait se poser de cette façon.

A la suite des prix exorbitants des intrants et des problèmes que cela entraînait à l'alimentation animale, le volume de la production agricole au Québec a subi une diminution de 3 p.c. par rapport à 1972. Ce n'est quand même pas beaucoup 3 p.c, après avoir traversé une période aussi difficile que celle que l'on vient de traverser, où les coûts de production ont presque doublé. J'ai trouvé que les producteurs agricoles du Québec avaient tenu le coup passablement, alors que la production agricole, par exemple, avait déjà diminué de 6.5 p.c. avant, lorsque le secteur agricole avait traversé une période similaire, entre 1967 et 1971. Vous vous rappelez les interventions gouvernementales avec $20 millions, alors que la production agricole avait diminué de 6 p.c. Cette fois-ci, pour une deuxième crise, c'est seulement 3 p.c.

Une hausse appréciable des prix des produits agricoles a toutefois permis de porter le revenu brut global de l'agriculture québécoise à un niveau sans précédent, soit environ $1 milliard. Je l'ai dit récemment et je le répète encore aujourd'hui et c'est important qu'on le dise. Le Québec avec près de 10 millions d'acres de terre parvient à vendre un milliard de produits agricoles, alors que 1'Alberta, avec ses 25 ou 30 millions d'acres de terre, ne vend pas beaucoup plus que nous.

Alors, en termes d'efficacité, c'est pas mal fantastique de constater ce que les agriculteurs québécois peuvent faire au chapitre de la vente et de la production agricole comparativement à ceux d'une province qu'on dit essentiellement agricole sur le plan économique et qui, elle, ne parvient pas encore à produire beaucoup plus que nous.

Mais le phénomène le plus marquant et le plus significatif pour l'agriculture du Québec s'est peut-être produit à l'intérieur même du ministère de l'Agriculture qui, devant les contraintes imposées par des forces extérieures au Québec et face aux graves problèmes qu'on essaie de susciter, est en constante et rapide évolution, et à la suite également de consultations avec les organismes agricoles intéressés. Les préoccupations habituelles ont subi de radicales modifications et les objectifs d'hier ont été réévalués en fonction des exigences de l'agriculture moderne. Je vous en donnais tantôt certains exemples, dans le domaine des céréales notamment. Aussi, dans bien des cas, ont-ils fait place à de nouvelles priorités plus aptes à apporter des solutions pratiques à des problèmes actuels. Ces préoccupations nouvelles, ces nouveaux objectifs, s'ils ne sont pas tous reflétés dans les prévisions budgétaires pour l'année en cours — je vous dirai bientôt pourquoi — se manifestent de façon évidente dans le programme législatif qui sera soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale au cours de la présente session, ainsi qu'on vous l'avait d'ailleurs annoncé dans le discours inaugural lu par le lieutenant-gouverneur.

Je ne puis évidemment pas présumer des décisions qui seront prises par les membres de l'Assemblée nationale mais je crois qu'il m'est permis de tracer ici, pour les renseignements généraux, les grandes lignes de ce programme législatif dont l'adoption, de façon intégrale, pourra marquer un tournant dans l'histoire de l'agriculture du Québec en mettant, pour la première fois et de façon non équivoque, l'accent sur la relève en agriculture, sur la sauvegarde du territoire agricole et sur le secteur du développement, de la transformation et de la commercialisation des produits au chapitre de l'agro-alimentation.

Des modifications seront proposées à la Loi du crédit agricole, qui augmenteront les crédits de façon significative. Je peux vous le dire tout de suite, je pense, parce que bientôt le projet de loi sera déposé. On va atteindre les $100,000. Chaque agriculteur du Québec pourra atteindre

jusqu'à $100,000 dans les nouveaux amendements que nous proposons et qui seront discutés, bien sûr, à l'Assemblée nationale.

Ces modifications, pourvu qu'elles soient acceptées, auront pour effet de porter à un niveau plus réaliste la participation du gouvernement à des transactions foncières pour fins agricoles et de faciliter ainsi le transfert des exploitations et l'établissement des jeunes agriculteurs.

Il y a une statistique que je me permets de citer en passant. L'an dernier, l'Office du crédit agricole a versé à des agriculteurs québécois, pour de nouveaux établissements, plus de 400 nouvelles subventions par rapport à l'année précédente, ce qui laisse présumer clairement que 400 nouveaux jeunes, entre 20 et 30 ans, se sont installés, l'an dernier, sur des fermes par rapport aux années précédentes. Ce sont des indices importants à la suite d'une année quand même pas facile, en 1972, et d'une année qui s'annonçait, en 1973, pas trop facile non plus, à cause de l'augmentation des coûts.

L'introduction de nouveaux plans, dans le domaine de l'assurance-récolte, achèvera l'échafaudage de ce parapluie protecteur qui assurera désormais aux agriculteurs prévoyants une plus grande sécurité au chapitre de la stabilité des revenus attachés aux récoltes cérêalières et fourragères.

Présentement, l'assurance-récolte est optionnelle. Un projet de loi sera soumis à l'Assemblée nationale où nous discuterons d'autre chose qu'un projet optionnel. Probablement, les agriculteurs seront appelés, s'ils sont d'accord, bien sûr, à contribuer mais cela deviendra un programme beaucoup plus universel, touchant tous les producteurs et pouvant intervenir immédiatement. Nous ne serons pas tenus, à chaque année, de faire des études et de demander des budgets supplémentaires pour ces secteurs.

La protection du consommateur québécois sera assurée de façon plus complète. Quand je vous parle de la protection du consommateur québécois, je ne me réfère pas aux prix, je me réfère à ce qui relève essentiellement du ministère de l'Agriculture. Il y aura une série de mesures visant à améliorer le système d'inspection des denrées alimentaires à tous les stades de la production, de la transformation et de la mise en marché, particulièrement au secteur des viandes et des produits de charcuterie. C'est ce qu'on avait déjà annoncé il y a six ou sept mois. Nous avons mis une partie, je pense, de ces règlements en application, sinon au moins à l'étude et, d'ici tout au plus trois semaines ou un mois, ces règlements seront appliqués.

Un nouveau projet de loi sera soumis à l'étude des membres de l'Assemblée nationale, qui, s'il est adopté, permettra au ministère de l'Agriculture d'intervenir directement et efficacement dans la production, dans la transformation ou la commercialisation de tout produit relié au secteur agro-alimentaire de façon à stimuler le développement et l'expansion de ce secteur et favoriser l'utilisation et la transformation en territoire québécois de nos propres produits agricoles.

On rencontrait hier les membres de la Chambre de commerce de la province de Québec. Nous avons abordé ces différents problèmes et nous nous rendons compte qu'au Québec un des problèmes est que l'industrie de transformation de l'agro-alimentaire ne parvient pas à transformer tous les produits québécois. Nous devons aussi, au Québec, vendre des produits à l'état naturel, ce qui est moins payant que les vendre à l'état transformé. Donc il y a un effort à faire dans le domaine de la structuration d'un meilleur système de transformation des produits agricoles du Québec.

Pour nous convaincre de ce que je viens de vous dire, nous n'avons qu'à songer qu'au Québec seulement, alors qu'au cours des récentes années l'augmentation annuelle de la demande pour l'ensemble des aliments s'est établie à 3.6 p.c., l'augmentation générale est de 14.6 p.c. pour les aliments surgelés et de 26 p.c. pour les mets de commodité. On n'a pas au Québec d'entreprises qui s'occupent de ces secteurs, et nous cherchons actuellement, avec des entreprises intéressées des autres provinces ou des autres pays, ou même avec des initiatives typiquement québécoises — ce sont là nos priorités — à mettre en place de tels types d'entreprises.

Je disais que le Québec est à toutes fins pratiques absent de ce secteur dynamique que constitue la production de denrées comme les surgelés et les mets préparés.

Je vous ai présenté ce midi en première lecture des amendements à la Loi des marchés agricoles du Québec qui permettront d'agir beaucoup plus efficacement dans des domaines d'organisation de marchés qui ne sont pas encore organisés sous forme de plans conjoints, et nous prévoyons dans cette loi des mécanismes permettant au ministère d'agir, bien sûr après consultation avec les producteurs, de façon plus rapide.

Enfin, le ministère de l'Agriculture proposera l'adoption d'un projet de loi visant à sauvegarder le territoire agricole. On en parle pas mal ce temps-ci, depuis les dernières semaines, les derniers mois. C'est un projet de loi qui, bien sûr, méritera d'être discuté, mais qui constitue pour nous une priorité fondamentale parce qu'il vise surtout à protéger le peu de sol arable que nous avons au Québec, si nous voulons maintenir une structure agricole économiquement viable et un secteur de transformation qu'il vaille la peine de développer au cours des années.

Je voudrais vous faire remarquer en passant qu'il n'est pas d'usage d'inclure dans les prévisions budgétaires les montants nécessaires à la mise en application d'une loi qui est encore à l'état de projet. L'adoption de la nouvelle loi en cours ou des autres dont je vous parlais tantôt entraînera assurément de nouveaux budgets.

On a fait beaucoup de bruit lors de la présentation du budget au sujet de l'augmentation apparente des crédits accordés au ministère de l'Agriculture. Je voudrais une fois de plus rétablir les faits, s'il y a lieu de le faire, et calmer les inquiétudes exprimées par les agriculteurs eux-mêmes notamment.

Pour rétablir l'importance relative des crédits accordés au ministère de l'Agriculture pour les exercices 1973/74 et 1974/75, il faut se servir des mêmes données de base, partant du budget qu'on avait au début de l'année en 1973/74, et les appliquer au budget qu'on nous donne en 1974/75.

Alors, les prévisions budgétaires pour l'exercice 1974/75, dont nous aborderons l'étude tantôt, se chiffrent par un montant de $115,578,000. Ce sont les chiffres que nous avons et dont nous discuterons. Les chiffres correspondants pour l'exercice 1973/74 ont été de $101 millions seulement; donc, il y a augmentation effective de $14 millions, à comparaison égale. Alors, nous partons avec un budget l'an prochain, par rapport à celui que nous avons cette année et avec lequel nous allons commencer à travailler, d'au-delà de $14 millions de plus que ce que nous avions l'an dernier. Il y a donc eu une augmentation effective, quand on compare les deux budgets, de 15 p.c.

A ce montant de $101 millions, il faut ajouter un budget supplémentaire que nous avons eu au cours de l'année, qui était, lui, de $14,181,000 que nous n'avons pas tout dépensé. Il est important de le dire, je pense. Nous avons dépensé seulement environ $9 millions, ce qui laisse, au net, $5 millions qui ont été retournés au fonds consolidé de la province, mais que nous retrouvons, par ailleurs, dans le budget 1974/75.

Quand nous prenons le budget 1973/74 et que nous le comparons avec le budget 1974/75 et que nous incluons dans le budget 1974/75 les budgets supplémentaires, nous avons encore $5 millions de plus que ce que l'année financière 1973/74 nous avait octroyé avec le budget supplémentaire. Alors, les dépenses réelles du ministère de l'Agriculture, tout compte fait, pour l'année 1973/74 ont été de $110 millions et non pas de $114 millions ou $115 millions, parce qu'il y a $5 millions qui ont été retournés au fonds consolidé de la province, mais que nous avons repris pour le budget actuel.

C'est important que nous le disions, je pense, parce que ça clarifie la situation et ça nous amène à voir un peu plus clair dans cette question budgétaire.

L'adoption et la mise en application des nouveaux projets de loi qui font partie intégrante de la politique agricole du gouvernement pour l'exercice en cours, s'ils sont adoptés par l'Assemblée nationale, comme je vous le disais tantôt, ajouteront automatiquement des nouveaux crédits au ministère de l'Agriculture, il n'y a pas de doute possible, sauf le projet de loi visant la mise en marché qui, lui, n'entraîne pas de crédits additionnels. Mais les autres lois, si elles sont adoptées, entraîneront automatiquement des crédits additionnels. Il est difficile de prévoir quels sont exactement ces montants. Cela peut varier de $5 millions à $8 millions ou $10 millions; tout dépendra de l'ampleur qu'on pourra donner aux programmes qui découleront de ces lois et tout dépendra aussi du moment où on va adopter ces lois. Si on les adopte à la fin de la session, il est bien sûr qu'il ne reste presque plus de temps pour les appliquer. Si on les adopte au milieu de la session, on aura plus de temps pour les appliquer et les budgets seront, par conséquent, plus substantiels.

A cause du caractère même des problèmes qui ne cessent de surgir dans le secteur agricole et à cause surtout des nombreux impondérables qui sont à la source de ces problèmes et qui commandent des interventions gouvernementales, le ministère de l'Agriculture doit être en mesure d'agir rapidement et de façon directe pour prévenir les désastres économiques qui, dans la plupart des économies modernes, semblent menacer de façon particulière les agriculteurs et les autres producteurs du secteur primaire. Il le fait au moyen de crédits spéciaux ou de crédits additionnels dont je viens de vous parler. Une des preuves que je peux vous donner pour des problèmes autres que ceux attachés aux lois; les producteurs de porc ont rencontré des problèmes; nous n'avons pas hésité à mettre à leur disposition un budget supplémentaire de l'ordre de $4.5 millions.

Donc, M. le Président, dans les grandes lignes, c'est ce que je voulais dire avant d'entreprendre l'étude du budget. Je ne veux pas, bien sûr, défendre des politiques gouvernementales à tout prix, non; je pense qu'il est normal que nous regardions comment se posent les problèmes dans le secteur agricole.

Il est normal que nous regardions les programmes que nous avons appliqués au cours des dernières années et les résultats obtenus, et les difficultés que nous avons à surmonter parfois aussi, dans l'application de nos programmes à cause d'un certain nombre d'impondérables sur lesquels d'ailleurs nous n'avons absolument aucune influence immédiate, sauf les influences à long terme. On se réfère alors notamment à la température. En dépit des systèmes artificiels, qu'on peut présumer avoir aujourd'hui, on ne peut pas toujours prévoir s'il pleuvera ou s'il fera beau.

LE PRESIDENT (M. Séguin): M. le Président, je voudrais vous remercier pour la rapidité avec laquelle vous avez passé à travers un projet immense, semble-t-il. On verra, au cours des délibérations, si vous en avez convaincu quelques-uns. Je voudrais vous demander tout de même, avant, et demander à la commission, si vous pourriez nous présenter les fonctionnaires qui vous accompagnent...

M. TOUPIN: Oui.

LE PRESIDENT (M. Séguin): ... que chacun donne son nom. Je demanderais aussi à la commission, avec le consentement du ministre toujours, que dans chaque cas, la personne en question puisse s'adresser directement à la commission, pour éviter de faire rapport entre le ministre et le fonctionnaire. C'est simplement une procédure pour économiser un peu de temps, si vous voulez accepter ça.

M. MORIN: Et les paroles du fonctionnaire passeront sous le nom du ministre.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Sous le nom du ministre oui, oui. Si le ministre est consentant. Alors pour abréger, si vous voulez faire les présentations.

M. TOUPIN: II y a M. Gaétan Lussier, qui est sous-ministre en titre à l'agriculture, et M. Guimond, qui est responsable de la section comptabilité.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Alors, comptabilité avec M. Guimond, et M. Lussier sous-ministre du ministère.

Maintenant, si l'Opposition est consentante, on pourra procéder de cette façon. Je voudrais bien déclarer au début de cette assemblée, avant d'aller plus loin, que chaque député ou n'importe quel député membre de l'Assemblée nationale a droit de parole à la commission. La question de la liste d'éligibilité, c'est pour un vote seulement, autrement il n'y a pas de restriction; que le député soit membre ou non, il a le droit de s'adresser à la commission. Si la commission consent à cet arrangement, M. le chef de l'Opposition nous entendrons vos commentaires, à moins que quelqu'un d'autre fasse votre intervention.

M. MORIN: M. le Président, je vais laisser la parole, pour l'instant, au député de Saguenay, qui est plus familier que je ne puis l'être avec les questions d'agriculture, mais je me réserve le droit d'intervenir...

LE PRESIDENT (M. Séguin): On se ressemble sous ce rapport. Cela je vous le garantis.

M. MORIN: Je viens d'un comté d'anciens agriculteurs, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Et mes ancêtres aussi.

M. LESSARD: M. le Président, d'abord je suis heureux de constater que le ministre nous revient et qu'il a conservé son ministère, parce que je pense qu'il a énormément de bonnes intentions. J'espère qu'au cours de son interrègne il a pu réfléchir, mais cependant par exemple, je constate que le ministre cette année est beaucoup moins triomphaliste qu'il l'était l'an dernier. L'an dernier, il est vrai, nous avions eu une amélioration dans le domaine agricole, dans le secteur agricole, cette année ce n'est sûrement pas le cas.

Mais par contre, je constate que le ministre a reculé par rapport à certaines déclarations qu'il faisait devant les étudiants de polytechnique alors qu'il avait affirmé que s'il n'obtenait pas les budgets nécessaires, il devrait tout simplement prendre ses responsabilités et il laissait sous-entendre qu'il pourrait aller jusqu'à la démission. De toute façon, le ministre a décidé de rentrer dans le rang.

Il nous expose aujourd'hui un peu ce qu'il croit être les éléments positifs de l'année agricole au Québec. Cependant, M. le Président, je voudrais au cours de ces crédits, rappeler un peu au ministre ses bonnes intentions à l'époque où il commençait son mandat, bonnes intentions qui, dans l'ensemble, sont demeurées lettre morte. J'aurais voulu que le ministre nous parle un peu, même s'il le fait pour les éléments positifs dans la négociation constitutionnelle, de ses défaites dans ce domaine.

Le ministre actuel de l'Agriculture traçait, en 1971, ce qui fut appelé le plan directeur de développement du secteur agricole, en quelque sorte un plan d'action du ministre pour les années à venir. Regardons la situation aujourd'hui. A l'exception de quelques mesures précises, tels l'élargissement du programme d'assurance-récolte ou l'instauration d'un crédit à la production et certaines modifications des plafonds sur les prêts effectués par l'Office du crédit agricole et la Loi des producteurs agricoles, on doit se rendre compte qu'après quatre ans la majorité, et même la très grande majorité des mesures proposées n'ont pas eu de développement réel et n'ont jamais fait l'objet d'un programme en bonne et due forme.

Le ministre nous parle de certains programmes agricoles mais il admet cependant que les producteurs agricoles vivent actuellement une situation fort insécuritaire. Ce qu'on constate actuellement dans le milieu agricole c'est l'insécurité, c'est le pessimisme; un sentiment général de crainte, d'insécurité, de pessimisme, en fait, se traduit dans le milieu agricole. Pourquoi, M. le Président? La réalité est assez noire dans le domaine agricole, que le ministre le veuille ou pas. Justement, il parlait tout à l'heure de la Commission de révision des prix qui nous énonçait un certain nombre de chiffres concernant l'agriculture canadienne et, en particulier, l'agriculture québécoise.

Le revenu net total des agriculteurs au Canada en 1972/73 a augmenté de 80 p.c. au Québec, il a augmenté de seulement 21 p.c. En chiffres absolus, ceci veut dire que la production agricole au Canada a été, selon la Commission de révision des prix, de $3.4 milliards au Québec, $310 millions. Donc, en 1973, le revenu net des agriculteurs québécois représentait moins de 10 p.c. du revenu net des agricul-

teurs canadiens. Il y avait une baisse assez considérable dans ce domaine au cours de l'année 1973. Autre indice qui nous paraît fort important sur la situation de l'agriculture, c'est le revenu net par ferme en 1973. La moyenne canadienne, nous dit la Commission de révision des prix, a été de $14,000; la moyenne au Québec, $8,200. Même si le ministre nous dit que ces chiffres devraient être révisés, je pense que, relativement, les chiffres doivent quand même correspondre à une certaine réalité.

Ce qui veut dire que le revenu net par ferme au Québec est de 58 p.c. de celui du revenu net de l'agriculteur canadien. A ce titre encore l'agriculture québécoise régresse par rapport à l'ensemble du Canada puisqu'en 1972 le revenu net par ferme au Québec équivalait à 65 p.c. du revenu net par ferme au Canada.

En 1973, régression de 7 p.c, c'est-à-dire que la proportion n'était plus que de 58 p.c. M. le Président, quand on regarde l'augmentation des revenus des agriculteurs québécois, il faut aussi tenir compte de l'inflation ou de l'augmentation considérable des intrants dans le secteur agricole et de l'évolution des dépenses d'exploitation. On sait que l'augmentation au Québec des dépenses d'exploitation a été supérieure à l'augmentation au Canada, soit, au Québec, augmentation de 23.7 p.c, en particulier dans les grains de provende, et, au Canada, de 18.6 p.c.

Les conséquences de cela — et le ministre pourra peut-être nous dire que c'est une situation normale — c'est la diminution des fermes. Mais je pense qu'on en arrive à un point de diminution tellement fort qu'il faut commencer à se poser des questions. Il faut quand même conserver un minimum de fermes au Québec.

En 1961, nous avions, semble-t-il, selon les chiffres de l'UPA, 96,000 fermes agricoles. En 1966, 80,000 fermes agricoles; en 1971, 61,000 fermes agricoles. En 1973, encore selon l'Union des producteurs agricoles, il existe 45,000 fermes produisant pour $1,000 et plus par année. Donc, même si on constate, comme je le disais tout à l'heure, une augmentation du revenu brut de l'agriculteur québécois, il faut, même dans le budget — et j'y reviendrai tout à l'heure — tenir compte de l'inflation foudroyante des coûts de production. Au cours de la dernière année, par exemple, on a observé une hausse de 100 p.c. pour le prix du blé, 100 p.c. pour l'orge, 45 p.c. pour l'avoine. On sait — le ministre en est conscient — que les grains de provende représentent 30 p.c. à 35 p.c. des coûts de production des fermes laitières. Les résultats: hausse spectaculaire des encans. Cinquante-deux encans au cours des trois premiers mois de 1974, soit deux fois plus qu'en 1973.

M. TOUPIN: Faites attention là-dessus, parce qu'aujourd'hui nous organisons des encans pour vendre des bovins laitiers. Alors, peu importe les... Vous parlez des encans de fermes.

M. LESSARD: Des encans de vente de fermes.

M. TOUPIN: D'accord.

M. LESSARD: Le revenu net moyen, comme je le disais, M. le Président, doit donc être diminué d'autant, étant donné l'augmentation considérable des intrants.

Quelles sont les causes de cette situation? Je m'excuse auprès du ministre, mais je dois dire que c'est un peu dû à l'inertie du gouvernement et à l'inertie du ministre actuel, quoique je pense que le ministre de l'Agriculture actuel est peut-être beaucoup plus conscient que n'importe quel ex-ministre de l'Agriculture des problèmes que connaît l'agriculture. Cependant, le ministre ne va pas jusqu'au bout de ses décisions. Le ministre ne va pas jusqu'à la limite du programme qu'il a tracé dans le plan directeur. Le ministre chiale, le ministre se plaint comme d'autres ministres du gouvernement Bourassa d'ailleurs, mais le ministre plie l'échine, comme cela a été le cas dernièrement, puisque le ministre nous revient tout encouragé maintenant. Contrairement à ce qu'il a fait au cours des deux dernières journées de session en avril, le ministre maintenant vient défendre son budget et, semble-t-il, trouve son budget fort satisfaisant.

Or, M. le Président, les budgets du ministre de l'Agriculture ont diminué — je parle relativement à l'ensemble du budget du Québec — constamment depuis 1961-1962; de 5.3 p.c. qu'il était en 1961/62, ce budget ne représente maintenant que 1.9 p.c. du budget total du Québec.

Pourtant, nous connaissons cette situation déplorable. Le ministre connaît cette situation déplorable de l'agriculture, d'autant plus que du côté des provinces de l'Ouest, à cause justement de la crise du pétrole qui fait entrer des fonds considérables dans les coffres de l'Etat de l'Alberta, en particulier, on se prépare à une véritable offensive dans le secteur agricole. On a même prévu un montant de $100 millions pour aider les producteurs agricoles. On sait qu'en particulier dans le porc et le bovin des subventions assez considérables de $15 à $17 vont être versées, ce qui a même obligé le ministre à réétudier toute sa politique concernant l'élevage du porc au Québec.

Dans son plan directeur, le ministre demandait des montants assez importants pour faire face à la situation; en particulier, il nous parlait d'un montant de $20 millions. Le ministre n'a pas eu ce montant de $20 millions et il nous revient en disant que nous aurons à étudier des budgets supplémentaires.

Je suis bien d'accord, mais on se demande si le budget actuel, que nous avons à étudier, est le véritable budget du gouvernement du Québec ou si, par exemple, c'est un faux budget. Il faudrait que le ministre nous en informe.

De toute façon, le ministre nous parle aussi

des nouvelles politiques agricoles que le gouvernement mettra en place, en particulier de certaines lois qui nous seront soumises. En effet, nous lisons dans le discours inaugural le paragraphe suivant: "Le gouvernement du Québec se propose de collaborer très étroitement avec le gouvernement fédéral pour combattre cette hausse des coûts des produits alimentaires en développant, entre autres une économie agricole vigoureuse et soucieuse des intérêts des agriculteurs et des consommateurs." Tout cela est très beau, ce sont de bons voeux. Nous attendons les réalisations du ministre.

On ajoute: "Dans le cadre de son plan de développement agricole, le gouvernement proposera, au cours de la présente session, à cette Assemblée l'adoption de modifications majeures aux lois du financement agricole, de l'assu-rance-récolte, de la diversification des productions et de la commercialisation des produits. Un projet de loi vous sera soumis pour favoriser une utilisation rationnelle du territoire agricole du Québec en vue d'en assurer la protection et de mettre fin à certaines pratiques abusives."

Mais, M. le Président, c'est lorsque nous considérons les crédits du ministère que nous doutons de ces bons voeux, que nous doutons du fait que le ministre pourra véritablement appliquer ses nouvelles politiques agricoles. En effet, on constate, comme je le disais tout à l'heure, que les crédits nets absolus sont sinon augmentés, du moins en stagnation alors que l'Union des producteurs agricoles du Québec demandait pour faire face à des problèmes agricoles très urgents, un budget au moins égal à $160 millions et, pour l'année prochaine, un budget de $200 millions.

Comme je le disais, la part du ministère de l'Agriculture dans le budget total du Québec diminue constamment. Au domaine du financement agricole, les avances de la Société du crédit agricole demeurent les mêmes que l'an dernier, soit $4 millions. Cependant, je suis heureux que le ministre nous annonce une modification à la Société du crédit agricole; elle accordera, en particulier, des crédits allant jusqu'à $100,000. En effet, cette loi avait été modifiée en 1972, je pense, portant les crédits de $25,000 à $40,000.

Maintenant, ce sera porté de $40,000 à $100,000, ce qui correspond justement au montant qu'accorde le gouvernement fédéral sur les prêts agricoles.

M. le Président, je pense que ce montant sera beaucoup plus réaliste, quand on pense que l'investissement moyen d'une ferme agricole, actuellement, est autour de $70,000 ou $75,000. Alors, comment voulez-vous que l'agriculteur québécois puisse acheter une ferme avec le crédit qui lui était accordé, soit $40,000?

Je voudrais encore rappeler au ministre certains propos qu'il tenait dans son livre blanc sur l'agriculture, en 1971, concernant justement le crédit agricole, propos qui me paraissent assez importants, puisque je pense que le crédit agricole, c'est la base même du développement agricole du Québec, en particulier, comme le disait tout à l'heure le ministre, pour les jeunes. Or, encore là, le ministre, même s'il a discuté avec le gouvernement fédéral, même s'il a protesté avec le gouvernement fédéral, n'a pas réussi à imposer, en tout cas, son programme fédéral-provincial de crédit agricole.

On constate là comme ailleurs, M. le Président, une duplication de services pour à peu près exactement les mêmes fins, quoique peut-être mon collègue de la Beauce va réagir à cette affirmation. Du moins je pense que c'est là l'opinion du ministre puisqu'à la page 29 de son fameux plan directeur le ministre écrivait ce qui suit: "D'aucuns déplorent, depuis quelques années — nous l'avons nous-mêmes signalé à quelques reprises — la duplication que perpétue au Québec le fonctionnement parallèle de deux systèmes de crédit agricole fort semblables, en ce sens qu'ils poursuivent les mêmes objectifs de base, qu'ils utilisent les mêmes moyens d'action, qu'ils se disputent le même territoire, qu'ils offrent sensiblement les mêmes avantages, en pratique, qu'ils sont financés dans une très large mesure par le même contribuable et qu'ils utilisent, chacun de leur côté, un personnel qualifié et compétent. "Rien — écrivait le ministre — ne saurait justifier plus longuement à nos yeux le chevauchement des efforts, la perte d'efficacité administrative, la confusion, l'incohérence — on penserait que le ministre nous décrit le fédéralisme rentable de M. Bourassa — et l'incoordination que favorise une telle situation, sans compter le coût déjà trop élevé qu'entrafne pour le contribuable une telle duplication".

Sans rejeter pour autant la juridiction du gouvernement fédéral dans ce domaine, puisqu'il s'agit d'une juridiction conjointe, le ministre écrivait encore ce qui suit: "Dans le cadre du programme fédéral-provincial proposé, la province se verrait attribuer la responsabilité de l'adjudication, de la surveillance et de l'administration des prêts, tout en procédant de concert avec le gouvernement fédéral à la détermination des objectifs fondamentaux à poursuivre, à l'établissement des standards nationaux et des cadres généraux des politiques décrites".

Et je pourrais continuer, M. le Président, mais ce que je veux souligner en énonçant, justement, ces affirmations du livre blanc préparé par les fonctionnaires et le ministre actuel de l'Agriculture, c'est que tout ça est maintenant laissé de côté, semble-t-il, oublié par le ministre.

Je ne sache pas que le ministre nous ait annoncé une véritable politique uniforme des crédits agricoles, un véritable plan qui ferait en sorte que ces sommes qui sont investies par le gouvernement fédéral dans le domaine agricole reviennent au Québec et puissent être planifiées

pour les fins agricoles du Québec et pour les intérêts des agriculteurs québécois.

Maintenant, le ministre nous dit que des montants supplémentaires seront donc prévus pour le financement agricole, mais, du moins dans le budget que nous avons à étudier puisque c'est ce budget que nous avons à étudier, on constate que les crédits budgétaires totaux affectés au financement de l'agriculture, en particulier le programme 2, augmentent relativement peu; 12 p.c, passant de $24.5 millions en 1973/74 à $27.6 millions en 1974/75.

L'assurance-récolte, légère augmentation de 9 p.c. au titre des dépenses budgétaires, mais il semble que nous n'ayons aucune nouvelle avance à la Régie de l'assurance-récolte.

En ce qui concerne la commercialisation c'est là, je pense, un secteur fort important, puisque tant et aussi longtemps... Oui?

M. TOUPIN: Me permettriez-vous une question?

M. LESSARD: Oui.

M. TOUPIN: Peut-être que j'aurai l'occasion de répondre aux affirmations que vous faites, mais, lorsque vous prenez les articles budgétaires les uns après les autres, il ne faut pas oublier qu'on a changé cette année la programmation.

M. LESSARD: Oui.

M. TOUPIN: Lorsque vous prenez la commercialisation, par exemple, et que vous dites qu'il y a diminution, il faudrait vous apporter des explications pour vous démontrer qu'il n'y en a pas.

M. LESSARD: Je n'ai pas dit encore qu'il y avait des diminutions, je commence à en discuter.

M. TOUPIN: Alors, ça s'oriente bien, en tout cas.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je voudrais essayer d'expliquer un peu.

M. TOUPIN: Je voudrais qu'on les discute article par article, plutôt que d'en parler...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Justement, c'est ce que nous allons faire. Nous allons faire un exposé en réponse à vos commentaires. On passe les programmes...

M. LESSARD: Généraux.

LE PRESIDENT (M. Séguin): ... et on arrivera tout à l'heure aux différents programmes. Quand on aura répondu à l'avance aux questions, on pourra éliminer de cette façon la nécessité de revenir plus tard à la programmation.

J'écoute avec beaucoup de soin. Mon problème, à ce moment, serait plutôt de veiller à ce qu'on ne s'écarte pas des crédits agricoles pour passer dans d'autres domaines. C'est ce qui m'inquiète et ce que je surveille le plus.

Si le député de Saguenay veut continuer, je pense qu'il achève, d'ailleurs.

M. LESSARD: M. le Président, certains libéraux...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Les crédits sont toujours l'endroit où l'Opposition a le droit et le privilège et doit nécessairement faire ses observations. C'est dans ce contexte qu'on écoute avec beaucoup d'intelligence et de diligence ce que nos amis font.

M. LESSARD: Le domaine de la commercialisation est un secteur fort important. Je sais que le ministre en est conscient, mais tant et aussi longtemps que nous ne réussirons pas à unir justement la production agricole à la mise en marché, je pense que nous aurons continuellement des problèmes dans le développement agricole.

On sait que c'est un secteur qui équivaut à plus de $3 milliards. On ne contrôle à peu près que 30 p.c. de la mise en marché des produits agricoles au Québec. Encore là, quand je vois les bonnes intentions du ministre et que je considère le budget qu'il nous a soumis, je doute que ses bonnes intentions puissent être mises en application.

Le ministre nous parle aussi d'une loi concernant l'utilisation rationnelle du territoire agricole. Encore là, c'est une loi qui s'avère absolument nécessaire, mais je pense qu'avec la nouvelle loi que le ministre va nous soumettre, soit l'augmentation jusqu'à $100,000 des prêts agricoles, il pourra probablement avoir une certaine influence pour une meilleure utilisation du territoire. Cependant, encore là, M. le Président, l'intervention du gouvernement fédéral ne permettra pas d'avoir une véritable politique de planification puisque le rachat des petites fermes appartient au gouvernement fédéral et que, actuellement, les prêts qui sont accordés par le gouvernement fédéral sont supérieurs — en tout cas pour le moment — aux montants qu'accorde le gouvernement du Québec. Encore là le ministre, après une belle lutte de principe, accepte finalement que le fédéral occupe seul et définitivement ce domaine par le biais de son programme de rachat des petites fermes.

M. le Président, je posais cet après-midi une question qui me paraissait fort importante au ministre de l'Agriculture concernant particulièrement les producteurs de lait nature. On constate encore là un cercle vicieux qui existe actuellement dans ce secteur. Le ministre me répondait qu'il appartient à la Régie des marchés agricoles de prendre ses responsabilités concernant l'augmentation demandée par les

producteurs de lait nature. Or, on sait justement par l'expérience du passé que la régie a tendance, dans ces circonstances, à suspendre sa décision afin de connaître la décision du gouvernement fédéral qui, comme on le sait, a accepté d'accorder une subvention de $0.05 la pinte de lait nature, mais pour autant qu'il n'y ait pas augmentation.

J'invite, comme je le faisais d'ailleurs il y a quelque temps, le ministre à prendre ses responsabilités, à profiter de l'élection fédérale qui s'en vient. Je suis assuré, M. le Président, qu'il peut inviter la Régie des marchés agricoles du Québec à permettre l'augmentation du lait nature ou du moins — même si je pense, comme disait le ministre, qu'il y a une certaine autonomie de la Régie des marchés agricoles — qu'il peut lui donner une indication de telle façon que ce serait politiquement fort peu rentable pour le gouvernement Trudeau, au moment où les élections viennent, de suspendre la subvention de $0.05 la pinte. En tout cas, M. le Président, il y a quand même un climat électoral.

Mais le problème qui se pose encore là, c'est qu'on est dans un cercle vicieux: la Régie des marchés agricoles dit qu'elle attend la décision du gouvernement fédéral, le gouvernement fédéral dit qu'il attend la décision de la Régie des marchés agricoles. Il serait temps que le ministre prenne ses responsabilités et suggère au moins à la Régie des marchés agricoles, tout en conservant l'autonomie des régisseurs, de permettre l'augmentation.

M. le Président, il y a quand même un carcan — qu'a dénoncé d'ailleurs le ministre — du gouvernement fédéral, qui nous empêche d'avoir de véritables politiques. D'ailleurs, ce n'est pas moi qui le dit, c'est le plan directeur du développement du secteur agricole.

Le ministre Toupin, le ministre du temps, en tout cas, exposait comme suit les obstacles au développement du secteur agricole: conflit de juridictions, dédoublement des efforts, orientation des politiques d'organismes comme la Commission canadienne du blé. Et le ministre affirmait même: une politique globale dans ce secteur n'est pas possible dans le cadre actuel du partage de juridictions. Le ministre ne nous en parle maintenant pas, ou à peu près pas; le ministre dit qu'il négocie constamment, mais combien de temps est perdu, combien de perte, pour arriver à des solutions.

Les solutions que nous proposons, en tout cas nous, de l'Opposition, c'est d'abord, 1 - que le gouvernement actuel occupe tout le champ de juridiction dans le domaine agricole et obtienne que le fédéral nous remette l'argent dépensé à cette fin, en particulier dans le crédit agricole, afin d'avoir une véritable politique unifiée dans ce domaine. 2 - Agir sous la commercialisation, en protégeant les producteurs québécois contre l'importation abusive de denrées concurrentielles. A ce sujet, je pense qu'il est important que le ministre amende sa loi 64 concernant le syndicalisme agricole, pour la rendre moins rigide, et permette, que par exemple, que certains secteurs de production, en particulier les producteurs de porc, puissent avoir un plan conjoint, plan conjoint qui, comme il le sait, n'a pu être adopté étant donné les exigences considérables qu'on demande aux agriculteurs.

Pour cela aussi, pour avoir une véritable politique de commercialisation, il faudrait intégrer les canaux de distribution appartenant à des intérêts étrangers tels que Steinberg, Dominion, etc., aux coopératives et aux groupements de producteurs agricoles et établir, pendant la saison des récoltes du Québec, des systèmes temporaires de production. 3- Développer le secteur de la transformation. Je sais que le ministre, dans ce domaine, a encore aussi de bonnes intentions comme il en avait en 1970, mais ça s'est fort peu traduit par des réalisations. Et on voit même une certaine mésentente à l'intérieur du gouvernement à ce sujet entre le ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Saint-Pierre, et le ministre de l'Agriculture. Notre principal problème, c'est d'abord les conflits de juridictions.

Il faut donc augmenter certainement les crédits en vue d'investir dans les coopératives agricoles et les associations de producteurs les montants nécessaires à l'établissement d'un réseau d'entrepôts frigorifiques et d'usines de transformation. 4- Augmenter le rendement des fermes, des cultures sans sol et des cultures de serre, en facilitant d'abord les investissements agricoles. Et là le ministre nous parle de modifications au crédit agricole. Tant mieux, mais je pense que le ministre doit aller beaucoup plus loin que ça; le ministre doit être capable d'imposer un véritable programme de crédit agricole, entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, où il pourra avoir l'initiative.

Aussi, M. le Président, justement dans le but d'améliorer le rendement des fermes, le ministre devra établir des politiques, en particulier par GERA, favoriser la restructuration des fermes en unités de regroupement plus rentables. A ce sujet, lors du congrès des agriculteurs, j'avais fait la remarque, dans les notes que j'avais prises, que lorsque trois agriculteurs se groupent, ils ne peuvent obtenir, même du gouvernement fédéral, que la somme de $110,000 de prêt, alors que si chacun d'eux voulait développer sa terre, il pourrait obtenir la somme de $300,000.

Encore là, il y a un blocage. Améliorer les programmes de drainage. Le ministre en parlait tout à l'heure, c'est depuis 1968, je pense, que ce programme-là existe.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député m'excusera ici. Vous avez fait un bel exposé.

M. LESSARD: Je donne les solutions, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Un bel exposé, oui. Je vous ai suivi et cela a été très ordonné. Vous étiez rendu à la Régie des marchés agricoles du Québec; là, vous passez au drainage et je crains qu'on revienne sur des parties de la programmation qu'on aura à discuter tout à l'heure. C'est dans le but de vous aider...

M. LESSARD: C'est dans un sens bien général.

LE PRESIDENT (M. Séguin): ... parce que j'empêcherai, je pense, une répétition.

M. TOUPIN: C'est ce qu'il voulait dire, c'est parce qu'on répète, à ce moment-là.

LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est l'exposé que je suis prêt à accepter. Jusqu'à ce moment-ci, vous avez été dans le programme des régies.

M. LESSARD: Oui, d'accord.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Dans la Régie des marchés, vous êtes allé dans la commercialisation.

M. LESSARD: Question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Non, non, écoutez!

M. LESSARD: Question de règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît. Non, il n'est pas question de règlement.

M. LESSARD: Oui, je soulève une question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Ecoutez, on veut s'entendre.

M. LESSARD: Oui.

LE PRESIDENT (M. Séguin): On veut s'entendre. Je ne voudrais pas plus tard, lorsqu'on arrivera aux programmes définis, vous demander de restreindre vos commentaires puisque cela a déjà été fait. Si vous le faites présentement, c'est qu'on n'y reviendra pas au cours du programme. C'est tout à fait logique, je pense, ce que je suggère.

M. LESSARD: M. le Président, voici, sur le point de règlement.

LE PRESIDENT (M. Séguin): J'ai encore à entendre le député de Beauce sur les exposés des programmes. C'est d'ordre administratif, d'ordre général. Maintenant, là, vous retombez dans des problèmes qui peuvent toucher à la programmation, où on étudiera en détail les dépenses, les montants d'argent investis, etc. Le ministre sera appelé à répondre. Je vous demande tout simplement de vous en tenir à la Régie des marchés, si vous voulez.

M. LESSARD: Oui, M. le Président, d'accord. Vous me permettrez, M. le Président, de donner...

LE PRESIDENT (M. Séguin): L'autre article, c'est la gestion interne.

M. LESSARD: Voici, M. le Président.

M. ROY: Je m'excuse, M. le Président, mais sur le point de règlement j'aurais quelque chose à ajouter.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Allez-y, sur un point de règlement.

M. LESSARD: M. le Président, sur un point de règlement, au niveau de la discussion de l'article 1 nous avons toujours la possibilité de faire une discussion générale sur tous les programmes du ministère, que ce soit les programmes de drainage, que ce soit les programmes d'assurance-récolte. Je n'ai, par exemple, pas le droit de discuter avec le ministre et de lui demander pourquoi tel montant et quel est l'éventail des crédits prévus à ce domaine-là. Il ne s'agit ici que de considérations générales.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Allez-y, allez-y.

M. LESSARD: Vous ne pouvez pas m'empê-cher de parler de politiques générales.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Allez-y, je ne vous arrête plus, allez-y. Je voulais vous prévenir; alors, c'est d'accord.

M. LESSARD: M. le Président...

M. ROY: M. le Président, sur le même point de règlement je voudrais...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui.

M. ROY: ... avoir la certitude qu'il n'y ait pas de précédent de créé parce que j'ai l'intention, en ce qui me concerne, de faire des commentaires généraux sur tous les sujets.

LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est ça.

M. ROY: Quitte à revenir pour poser des questions après.

LE PRESIDENT (M. Seguin): D'ailleurs, c'est ce que nous voulons suivre.

M. ROY: Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Une fois que le député aura terminé, je vais demander...

M. LESSARD: J'achève, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Seguin): ... qu'on suspende nos travaux jusqu'à huit heures et quart. Nous entendrons, à huit heures et quart, M. Roy.

M. LESSARD: M. le Président, je devrais être bon pour terminer à six heures.

LE PRESIDENT (M. Seguin): Non, non. On coupera si nécessaire à six heures, mais je veux dire qu'on va vous entendre. Je vous prévenais de ne pas vous écarter tellement, parce que, tout à l'heure, vous allez être obligé de revenir au moment des différents programmes.

M. LESSARD: Oui. Je n'ai pas l'intention...

LE PRESIDENT (M. Seguin): Le député de Saguenay le sait toujours, il me semble, quand je préside, qu'on est toujours en conflit. Alors, continuons le conflit.

M. LESSARD: Merci, M. le Président. D'ailleurs, je pense que vous avez en partie raison, lorsque vous dites...

LE PRESIDENT (M. Seguin): Donnez-moi complètement raison et puis on va procéder immédiatement.

M. LESSARD: Alors, le ministre nous parlait tout à l'heure, en fait — d'ailleurs le ministre en a même parlé, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Seguin): Oui, allez-y.

M. LESSARD: ... — de 5 millions d'acres de terres. Or, je pense, d'après les chiffres que je possède, que c'est environ, actuellement, enfin sur 5 millions d'acres de terre qui sont véritablement valables, 209,000 acres de terres qui sont drainées. C'est là un problème important quand on constate que 80 p.c. des terres de l'Ontario sont drainées. Encore là, nous constatons que le budget du ministère était particulièrement insuffisant.

M. le Président, je ne parlerai pas des obstacles que pose justement la politique de drainage actuellement au Québec, mais, par exemple, nous en parlerons lors de la discussion à ce secteur.

En ce qui concerne l'aménagement global du territoire, encore là, le ministre nous dit qu'il va tenter d'étudier ce problème, mais l'Union des producteurs agricoles a déjà demandé, lors de son congrès, une société d'aménagement agricole et sylvicole. Je pense que le ministre devrait penser à l'instauration d'une telle société en vue justement d'établir, avec la participation de représentants des producteurs agricoles et des autres agents impliqués, un programme global portant sur les priorités du développement sectoriel, comme d'ailleurs en fait mention le ministre dans son plan directeur; 2) la restructuration ou le recyclage de certains secteurs; 3) un zonage déterminant l'utilisation optimale des terres dans chaque région. Justement, le livre blanc du ministre nous dit: Telle production à tel endroit précis et pour les meilleurs rendements possible.

Deuxième point, M. le Président, le ministre devra établir des politiques pour protéger le patrimoine agricole du Québec en empêchant l'acquisition des terres arables à des fins de spéculation foncière et à toutes fins non agricoles, ce qui amène le gaspillage, comme on le sait, de cette ressource naturelle fort rare. Si on ne fait rien, l'agriculture devra bientôt se satisfaire de sols très marginaux et si cela continue on va utiliser les meilleures terres agricoles de la région de Montréal pour instaurer de l'industrialisation et on va être obligé d'aller faire de l'agriculture sur la Côte-Nord. Ce n'est pas la meilleure solution pour l'agriculture au Québec.

M. ROY: On ne le lui conseille pas.

M. LESSARD: Mais je pense que si le ministre ne fait rien, il va en être rendu à cette impasse.

M. ROY: Et l'île d'Anticosti.

M. LESSARD: Et l'île d'Anticosti. Il faut être conscient justement qu'étant donné la rareté de cette ressource naturelle, étant donné justement la demande de plus en plus imposante de produits agricoles si, en fait, on ne fait rien et si on ne conserve pas nos terres, eh bien on sera obligé d'importer nos productions agricoles. Quand on pense, par exemple, qu'au Québec on produit seulement 50 p.c. de notre consommation agricole...

M. TOUPIN: M. le Président, je pense qu'il faut faire attention. Je ne veux pas intervenir pour rien, remarquez.

M. LESSARD: Mais le ministre pourra me répondre.

M. TOUPIN: Non, ce n'est pas la question. J'admets bien que...

M. LESSARD: Je comprends qu'on ne cultivera pas des bananes et des oranges au Québec.

M. TOUPIN: Laissez-moi terminer. M. LESSARD: Oui.

M. TOUPIN: Je veux bien que l'Opposition critique. Je sais que c'est son rôle, son devoir et

tout ça. Mais ce que je ne veux pas et ce que je n'aime pas, ce n'est pas parce que...

M. LESSARD: Parce que je me suis fait interviewer.

M. TOUPIN: Non. C'est parce que vous avancez des chiffres qui sont faux.

M. LESSARD: Bien, vous le direz.

M. TOUPIN: C'est 63 p.c. et 65 p.c. Bien oui, je ne suis pas ici pour donner des cours.

M. LESSARD: 63 p.c. et 65 p.c. actuellement?

M. TOUPIN: Si vous préférez faire un discours...

M. MORIN: Bien oui, mais vous répondrez tout à l'heure.

M. LESSARD: Vous répondrez. Mais, M. le Président...

M. TOUPIN: II y a bien des choses qui ne tiennent pas.

M. LESSARD: Bien, le ministre me répondra et j'en serai très heureux.

M. TOUPIN: Dans l'ordre des statistiques, notamment... On a assez de statistiques à notre disposition pour être capable de donner les bonnes tout au moins.

M. LESSARD: Vous viendrez, vous nous les donnerez.

M. TOUPIN: Parce qu'à ce moment-là, vous ne faites pas preuve de bonne foi et on n'est pas porté à vous croire.

M. LESSARD: Enfin, M. le Président, quand même, dans certaines productions, le Québec se suffit très peu.

M. TOUPIN: A 140 p.c. pour le lait.

M. ROY: M. le Président, on n'est pas à un contre-interrogatoire.

M. LESSARD: C'est ça.

M. ROY: II faudrait revenir aux commentaires généraux. Le ministre a hâte de répondre aux questions. Il va en avoir, des questions, il n'a aucunement besoin de s'inquiéter.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je dirai au ministre qu'il y aura d'autres statistiques...

M. LESSARD: On voit, M. le Président, que le ministre a défendu avec très peu d'enthou- siasme son budget comparativement à l'an dernier. On voit que le ministre...

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LESSARD: ... n'est pas vraiment convaincu.

M. MASSICOTTE: C'est de l'interprétation.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! Continuez donc sans commentaires.

M. LESSARD: M. le Président, justement dans cette optique, on espère que le ministre nous apportera une loi, enfin, pour récupérer les bons sols agricoles actuellement destinés à l'expansion urbaine et industrielle et mobiliser et valoriser ces terres abandonnées, à caractère agricole.

Même, M. le Président — le ministre me répondra lorsque j'aurai à soulever des questions — je pense que le ministre serait incapable de nous donner, actuellement, des statistiques concernant les terres agricoles qu'on a abandonnées, les terres agricoles qui font l'objet de spéculation, etc. Le ministre de l'Agriculture devrait au moins les avoir. J'ai hâte de voir si le ministre va être capable de répondre à cela.

M. le Président, je pense que la situation n'est pas rose, contrairement à ce que tente de nous laisser croire le ministre. Il y a des problèmes urgents. Ce n'est pas par des programmes limités à des secteurs précis que nous allons régler le problème agricole du Québec. Le ministre devra prendre ses responsabilités, le ministre devra conserver les bonnes intentions qu'il avait en 1970. Les producteurs agricoles du Québec, qui avaient confiance au ministre de l'Agriculture, commencent maintenant, quand ils le voient rentrer dans les rangs, soumis, plier l'échine, à douter des réalisations du ministre.

Le ministre est vraiment conscient, je pense, de la nécessité d'avoir des politiques agricoles de l'époque moderne mais il faudrait que le ministre conserve cette volonté qu'il nous avait affirmée, lors des élections de 1970.

Dans ce domaine, le ministre resssemble beaucoup à d'autres ministres du gouvernement Bourassa qui sont arrivés avec de bonnes intentions et qui ont plié l'échine devant l'incapacité, à cause du carcan du gouvernement fédéral, d'appliquer ces bonnes politiques. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci, M. le Président.

M. ROY: Puis-je demander la suspension du débat, M. le Président, étant donné qu'il ne manque que trois minutes?

LE PRESIDENT (M. Séguin): On va suspen-

dre mais je vous assure qu'à huit heures quinze...

M. ROY: Que ce sera mon tour, à huit heures quinze.

M. LESSARD: J'aurais dû préciser au ministre que c'est selon le rapport d'enquête, en 1965.

LE PRESIDENT (M. Séguin): La commission suspend ses travaux jusqu'à huit heures quinze.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

Reprise de la séance à 20 h 28

M. SEGUIN (président de la commission permanente de l'agriculture): A l'ordre, messieurs!

Le ministre veut faire une précision ou une mise au point, je ne sais pas au juste. A la suite de ses commentaires, je n'accepte pas de débat et je passerai immédiatement aux observations du député de Beauce...

M. ROY: Sud.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Sud. M. le ministre.

M. TOUPIN: M. le Président, je ne voudrais pas prendre plus de temps qu'il ne faut, mais je voudrais, si vous me le permettez, apporter quelques précisions sur ce qui a été avancé par le député de Saguenay, et c'est important, je pense, qu'on le fasse immédiatement parce que quand on se sert de statistiques...

M. ROY: C'est une réplique au député de Saguenay, je ne vois pas...

M. TOUPIN: C'est une précision.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît. Il y a des précisions que le ministre veut apporter. Il faut reconnaître que dans une commission de ce genre, où il s'agit des crédits des ministères, le ministre a probablement le droit de répliquer ou de faire des commentaires sur une observation que peut faire un député.

Je pense qu'en toute justice il faudrait procéder de cette façon. Je ne vous enlève pas de votre temps, M. le député, vous aurez tout le loisir de faire vos commentaires à la suite de ces observations. Donc, M. le ministre, si vous le voulez, vous avez la parole.

M. TOUPIN: Ce sont quelques précisions que je veux apporter parce qu'on s'est servi de statistiques, et le député de Saguenay s'est basé sur un document que nous avions fait circuler en 1971 comme étant le programme général de l'agriculture ou le plan de développement de l'agriculture au Québec. J'ai pris plusieurs notes pendant qu'il parlait et je veux apporter des précisions, pas partout mais au moins à certains endroits. La première que je veux apporter est la suivante: lorsque le député de Saguenay parle de 50 p.c. d'autosuffisance au Québec, il se réfère à des statistiques de 1965. En 1965, je comprends qu'on était à 50 p.c, mais en 1973 on est au-delà de 60 p.c; donc nous avons augmenté notre autosuffisance, au Québec, au-delà de 10 p.c. à 12 p.c. sur une période de pas tout à fait dix ans. Ce qui veut dire que le rythme de croissance est au-delà de 1 p.c. par année et c'est tout à l'avantage des agriculteurs québécois et de l'agriculture québécoise.

Une autre précision que je voudrais apporter c'est lorsque le député de Saguenay fait appel

aux déclarations qu'on a faites dans le livre blanc sur le plan du développement de l'agriculture concernant les relations fédérales-provinciales. On avait bien dit aussi que ces objectifs poursuivis ne pourraient pas se réaliser dans une seule année. On avait au moins trois priorités là-dedans que je voudrais rapidement commenter. La première des priorités c'était la commercialisation; on était, à ce moment-là, dans une situation presque intenable sur le plan de la commercialisation des produits. Rappelez-vous la guerre des oeufs et du poulet, et là il fallait absolument trouver des ententes sur le plan fédéral, mais des ententes qui respecteraient en même temps les priorités législatives ou plutôt les priorités, comme on dit, constitutionnelles qu'avaient les provinces.

Il ne s'agissait pas pour nous de céder quelque pouvoir que ce soit. Nous avons trouvé une solution dans le cadre de la loi C-176 qui se discutait au gouvernement fédéral depuis longtemps. Nous sommes parvenus à trouver là-dedans le compromis qui était désiré et désirable d'ailleurs pour l'ensemble des provinces, de telle sorte que nous sommes parvenus, au moins, à régler le problème de la commercialisation de deux produits, celui de la dinde, je pense, où une entente a été signée et celui des oeufs. Il reste maintenant le poulet et certaines autres productions.

Nous avons fait, à ce chapitre, des gains véritablement importants non seulement pour le Québec, mais pour l'ensemble de l'agriculture canadienne et pour l'ensemble peut-être de l'agriculture nord-américaine un peu, parce que, même si le Québec y est pour peu, avec le Canada, ça fait plus grand et on parvient, à ce moment-là, à négocier de meilleures ententes avec les pays qui sont les principaux exportateurs de leurs produits sur nos marchés.

La question des grains, on en a parlé très souvent; c'est une question de producteurs de grain dans l'Ouest. Nous avons là réalisé des gains importants; par exemple, présentement, les producteurs de l'Ouest, qui utilisent les grains pour les mêmes fins que nous, paient à peu près le même prix que nous, à quelques exceptions près.

M. LESSARD: Moins le transport.

M. TOUPIN: Bien, on a le subside au transport. Evidemment, il y a peut-être encore un cent, ou deux, ou trois du minot ou du boisseau, mais le prix de base est unifié partout à travers le pays; c'est un gain véritablement appréciable. Cela fait au moins dix ans que des gars travaillent là-dessus pour essayer de trouver une solution. On a fait des propositions, nous, qui ont été acceptées. On n'a peut-être pas pris le mécanisme qu'on avait suggéré; on a pris un autre mécanisme pour arriver à cette fin, mais, au moins, on a atteint l'objectif que nous avions fixé pour l'ensemble du pays.

Prenons les revenus maintenant. Il y a une précision à apporter qui est extrêmement importante, parce qu'on peut très facilement induire beaucoup de gens en erreur si on prend seulement les statistiques de la commission Plumptre. Je disais tantôt qu'il y a certaines précisions à apporter là-dessus et je n'ai pas voulu les apporter encore sur le plan public. Je pense que le député de Beauce-Sud devrait comprendre que ce sont seulement des précisions que je veux apporter sur ce qu'a dit le député de Saguenay. Je ne veux pas argumenter sur ce qu'il a dit.

M. ROY: Mais c'est une réplique.

M. TOUPIN: Ce sont des précisions que j'apporte sur des affirmations faites.

M. ROY: Mais vous aurez le droit d'y revenir après.

M. TOUPIN: Oui, mais le programme que nous...

M. ROY: Nous pourrons vous poser des questions là-dessus.

M. TOUPIN: Oui, oui, si le président me le permet, oui.

M. ROY: J'aurais des questions à poser sur la réplique que vous faites...

M. TOUPIN: C'est ça.

M. ROY: ... au député de Saguenay.

M. TOUPIN: C'est ça, oui.

M. ROY: Bon, alors, pourquoi ne pas attendre que le ministre fasse sa réplique après...

M. TOUPIN: Vous pourrez peut-être...

M. ROY: ... selon l'habitude que nous avons...

M. TOUPIN: Oui, j'en ferai une aussi sur ce que vous direz.

M. ROY: ... à l'Assemblée nationale?

M. LESSARD: M. le Président, sur un point de règlement.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Non. Bien, allez-y.

M. LESSARD: M. le Président, sur un point de règlement.

LE PRESIDENT (M. Séguin): De règlement, si vous voulez.

M. LESSARD: Oui. Voici, c'est que si le ministre me répond au discours que j'ai fait ou

aux déclarations préliminaires que j'ai faites, il devra aussi répondre au député de Beauce-Sud.

LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est ça.

M. LESSARD: Bon. Il me semble, M. le Président, que ce qui est plus logique et ce qui est normalement accepté à l'intérieur des procédures parlementaires, c'est que le ministre entende les critiques concernant l'administration générale du ministère.

Par la suite, le ministre pourrait répondre à la fois au député de Saguenay, à la fois au député de Beauce-Sud et à la fois, s'il y a lieu, au chef parlementaire de l'Opposition et peut-être aussi à quelques députés libéraux qui peut-être voudraient parler contrairement à l'habitude.

M. FRASER: Si vous parlez, il n'y a pas moyen.

M. LESSARD: Il me semble que justement, toujours, sur le point de règlement, sur les mêmes choses dont j'ai parlé, le député de Beauce-Sud a certaines remarques à faire, et le ministre devra reprendre, à un moment donné, la discussion et répondre aussi au député de Beauce-Sud. Ce que je proposerais, c'est que le ministre prenne en note toutes les critiques qu'il a eues, à la fois du député de Saguenay, à la fois du député de Beauce, à la fois du chef parlementaire et qu'il réponde par la suite, globalement, à ces critiques.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Normalement, dans une commission parlementaire, surtout lorsqu'il s'agit d'un projet de loi, je pense qu'il serait tout à fait normal d'accepter votre proposition. C'est la procédure normale d'entendre les critiques et puis le ministre peut répondre ou ne pas répondre. Dans le cas des crédits, je pense qu'il faut faire cette distinction. Si, par exemple, un député, qu'il soit de l'Opposition ou qu'il soit du côté ministériel, fait un commentaire, cite un chiffre ou...

M. LESSARD: Article 96.

LE PRESIDENT (M. Séguin): ... quelque chose du genre... Je ne m'obstine pas là-dessus, sortez le nouveau règlement si vous le voulez, je demande plutôt ici qu'on essaie d'établir une procédure, parce que je sais que pour l'Opposition il s'agit d'obtenir non seulement le plus d'informations possible sur les dépenses que ferait le gouvernement, mais aussi de permettre au gouvernement de défendre sa position, quitte aussi à entendre les propositions ou les critiques que l'Opposition voudrait faire.

Dans ce contexte, je pense que le ministre est tout à fait dans l'ordre de répondre s'il le veut, tout d'abord à des commentaires qui sont faits par l'Opposition officielle, en l'occurrence faire des commentaires pour répondre aux commentaires du député de Saguenay. A la suite de ces commentaires, sans réplique immédiate à ce moment-ci — naturellement, les répliques vous les ferez à l'article voulu — sans quoi cela s'éterniserait, je voudrais que le député de Beauce puisse faire son énoncé de principe pour son parti ou pour le groupe qu'il représente.

M. LESSARD: Donc, je vais avoir le droit de répliquer au ministre.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Rendu à l'article du programme ou à l'article.

On appelle cela un programme; c'est changé, alors il faut que je m'habitue un peu à la nouvelle nomenclature. Rendu à l'article en question, au cours du budget, vous pourrez faire vos observations. Le ministre aura non seulement le droit mais le devoir de répondre à ce moment-là. Tout ce que je voudrais avoir à ce moment-ci, ce sont les observations des différents partis, et de l'Opposition et du gouvernement. Si le ministre a demandé au président de faire quelques commentaires en réplique à ce qu'a dit le député de Saguenay, puisque ce sont ses crédits je pense que c'est tout à fait dans l'ordre de l'entendre.

Prenez bonne note de ce qu'il a dit; vous aurez le droit, dans le temps qui suivra, de le contredire. Maintenant, M. le ministre, je vous demande de continuer vos commentaires.

M. ROY: M. le Président, je m'excuse, justement sur le point de règlement qui a été soulevé.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui, mais il s'agit plutôt de procédure que de règlement.

M. ROY: Oui, il s'agit de procédure et je ne veux pas faire de la procédurite, ça me déplait. Je tiens quand même à dire une chose. Le ministre est en train de répondre aux arguments du député de Saguenay. Lorsque je lui ai donné la permission, tout à l'heure, le ministre voulait faire quelques rectifications et quelques mises au point. Je pensais que c'était sur les propos qu'il avait lui-même tenus ou pour apporter plus de précisions. Là, il est en train de répondre au député de Saguenay. C'est la cinquième année, le cinquième budget que nous étudions en commission parlementaire et il y a une tradition qui a été établie. La tradition, je pense qu'elle fait quand même partie de notre jurisprudence.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je la connais un peu, la tradition, puisque ça fait huit ou neuf ans que je suis ici.

M. ROY: D'accord. Le ministre faisait un tour d'horizon général, les représentants des partis d'Opposition faisaient un tour d'horizon général et le ministre faisait une mise au point ou les rectifications qui s'imposaient; par la

suite, on passait à la période de questions. C'est la façon dont nous avons procédé dans le passé et j'estime qu'il est normal et logique que l'on procède encore ainsi cette année.

Je demanderais une chose; si le ministre est pour parler une demi-heure et s'il est pour reprendre tout le discours du député de Saguenay, c'est le ministre qui va être le pire parce qu'on va prolonger les débats de la commission parlementaire de l'agriculture.

LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est la décision du ministre qui défend ses crédits. Je crois qu'en toute sincérité nous devons entendre ce que le ministre a à dire. Si, par hasard, en faisant ses commentaires le ministre dit quelque chose qui serait contraire à ce que pense le député de Beauce-Sud, celui-ci pourrait, très à son aise, répliquer. Nous essayons de faire une étude exhaustive au début de la programmation du ministère de l'Agriculture; ensuite, nous procéderons article par article, comme d'habitude, et vous aurez l'occasion de faire vos commentaires. Je pense que c'est une procédure normale.

Maintenant, tout dépend, je vous l'assure, en ce qui concerne l'étude des crédits, des différents ministres et de la façon dont ces ministres, qui sont les défenseurs de leurs crédits, ont l'intention de procéder.

Je ne crois pas qu'il y ait nuisance à la bonne procédure ici.

M. ROY: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Séguin): II ne s'agit pas d'un point de règlement.

M. ROY: M. le Président, je regrette, je suis obligé de faire cette mise au point à l'effet — je pense que c'est important qu'on le fasse — que ce n'est pas le ministre qui préside les travaux de la commission parlementaire, mais le président de la commission parlementaire.

LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est ça.

M. ROY: Alors le ministre n'a pas de directives à donner au président en ce sens. Tout à l'heure, j'ai donné mon consentement à ce que le ministre fasse certaines mises au point, mais le ministre est en train de répliquer aux propos de l'honorable député de Saguenay et il risque de se répéter en partie pour répliquer aux propos que je pourrai tenir. Parce qu'il va y avoir certains points que je vais souligner à l'attention du ministre qui vont demander peut-être les mêmes commentaires de la part du ministre. Alors, j'estime que la déclaration du ministre est complètement superflue. On devrait permettre aux représentants des partis de l'Opposition de faire leurs commentaires, comme c'était l'habitude dans le passé, et à partir de ce moment, le ministre pourra, après, comme il a toujours été l'habitude de le faire, et ce n'est certainement pas moi qui vais l'empêcher, faire tous les commentaires qu'il voudra. Mais à la suite des commentaires qu'il fera, compte tenu des questions que nous soulevons, il est plus facile pour nous, et plus facile pour le ministre aussi d'engager le dialogue et de procéder à l'étude de certaines questions d'intérêt public qui nécessitent des réponses pour l'information du public. M. le Président, je regrette, mais c'est la première fois que j'assiste à une commission parlementaire où on procède de cette façon.

LE PRESIDENT (M. Séguin): M. le député, vos commentaires sont sans doute enregistrés. Et nous avons retenu vos observations et vos commentaires là-dessus. Je demande au ministre de bien vouloir continuer, s'il le veut, ses commentaires au sujet de ce qu'il avait déjà commencé.

M. ROY: Je maintiens toujours mon objection.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous êtes déjà enregistré, M. le député.

M. ROY: Je maintiens toujours mon objection.

M. TOUPIN: M. le Président, rapidement, le député de Beauce-Sud aura l'occasion lui aussi de s'exprimer, et j'aurai l'occasion de répondre à ses questions, et j'aurai l'occasion aussi de faire le point sur certaines affirmations qu'il fera. Mais j'espère que celles qu'il fera seront justes, et si elles sont justes, il ne sera pas question pour nous de rectifier les choses qui sont justes et correctes.

On parlait des prix à l'agriculture. Je dis que c'est important d'apporter une précision pour une raison très simple, c'est qu'on risque d'induire la population en erreur. Lorsqu'on parle de revenus agricoles, au Canada, il faut tenir compte de beaucoup plus d'un facteur que le facteur des revenus. Il faut tenir compte de l'acrage par ferme, au Québec, par rapport aux provinces de l'Ouest et par rapport à l'Ontario. Il faut tenir compte des tendances de production dans les différentes provinces du pays. On sait fort bien que dans le cas des provendes, lorsque les prix sont élevés, le marché international est peut-être bon, etc., donc les prix ont été très forts. Les pommes de terre, au Nouveau-Brunswick, ce fut exactement la même chose, alors que les produits laitiers et les produits de la viande ont été les produits qui ont eu, au fond, le moins l'avantage du marché. Je ne parle pas des viandes bovines, je parle surtout des viandes du Québec, des viandes qui proviennent des vaches laitières.

M. LESSARD: Cela ne règle pas le problème des agriculteurs.

M. TOUPIN: Cela ne règle pas le problème

des agriculteurs. Mais, toutes proportions gardées, comparaison faite des types de productions, de l'acrage par producteur, des investissements par ferme, vous allez trouver des proportions plus acceptables.

M. LESSARD: Mais l'avantage est toujours...

M. ROY: M. le Président, je proteste. Il y a quand même des limites! Si on veut procéder de cette façon à la commission parlementaire de l'agriculture, je regrette, mais je vais... Premièrement, je n'accepte pas cette façon de procéder. Je vous l'ai dit tantôt et je le répète. Je me sens actuellement brimé dans mes droits. Je vous le dis. Quand nous avons suspendu avant le souper, j'ai demandé clairement si c'était à mon tour de faire mes commentaires. Il est rendu neuf heures moins vingt minutes et le ministre est parti dans une longue diatribe pour répondre à l'honorable député de Saguenay.

Alors, je n'accepte pas cette procédure encore une fois.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci, M. le député.

M. ROY: Je sais que le gouvernement a 102 députés. Il peut se permettre d'écraser l'Opposition. Il est arrogant, on le sait. Vous pouvez continuer, vous pouvez le faire. Seulement, je tiens à vous dire qu'en ce qui me concerne je ne laisserai pas cela là.

M. LESSARD: M. le Président, sur le point de règlement. Nous savons, en vertu des règlements de l'Assemblée nationale, que nous avons 45 jours pour discuter de l'ensemble du budget du gouvernement du Québec. Nous avons dix heures par ministère. Or, si le ministre — parce que je pense justement que l'Opposition a le droit d'utiliser ces dix heures — décide de répondre à chacune de nos argumentations comme ça, je regrette, mais l'Opposition ne pourra pas véritablement critiquer son budget. Or, c'est là notre rôle, de voir en quoi son budget est bon ou n'est pas bon, etc.

Alors, je pense que justement le ministre est en train de faire du "filibuster". Le ministre est en train d'utiliser...

M. ROY: C'est exactement ça.

M. LESSARD: ... le temps qui, normalement, devrait être utilisé par l'Opposition.

Ce que je demande au ministre, c'est simplement ce que tous les autres ministres ont fait depuis cinq ans, en tout cas depuis que je suis à l'Assemblée nationale. C'est d'écouter les remarques des députés de l'Opposition, de prendre des notes et, ensuite, de répondre. Parce que je suis assuré que le député de Beauce-Sud, même s'il n'a pas exactement les mêmes remarques que moi, a des remarques à faire sur les mêmes choses dont j'ai parlé.

M. ROY: C'est ça.

M. LESSARD: Ce qui veut dire que cela va faire deux répliques du ministre, alors qu'il serait tout à fait normal que le ministre prenne, comme il l'a fait et j'en suis très heureux, des notes sur ce que j'ai pu dire, des notes sur ce que le député de Beauce-Sud pourra dire, des notes peut-être sur ce que les députés libéraux, qui acceptent de parler un peu sur les problèmes agricoles, pourront dire. Ensuite, il répondra à toutes ces notes.

Je pense que, si l'on fonctionne de cette façon, les crédits du ministère vont durer passablement plus de dix heures. Mais on sait que le gouvernement peut, après dix heures, dire: Bien, les crédits sont terminés, mes amis. On reviendra lors du rapport sur l'ensemble des crédits.

On pourrait probablement gagner du temps, M. le Président, si le ministre acceptait la proposition du député de Beauce-Sud, c'est-à-dire d'écouter les critiques de l'Opposition, de prendre des notes et de répondre à l'ensemble de ces critiques, parce que je pense que le député de Beauce-Sud touchera des problèmes dont j'ai parlé au cours de cet après-midi.

LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est ça. Je pense que la parole est au ministre de l'Agriculture.

M. LESSARD: Cela ne règle pas le problème, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Seguin): Vous avez quand même enregistré votre opposition. Nous le reconnaissons.

M. ROY: Je devrai noter, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Pour la troisième fois.

M. ROY: ... que le gouvernement lui-même profite de la chance unique qu'a l'Opposition d'interroger le gouvernement pour tâcher de se répéter et de prendre le temps de parole qui nous est alloué pour étudier les crédits, de façon à placoter lui-même.

M. le Président, au début de la commission — on pourrait se référer au journal des Débats — lorsque nous avons commencé, cet après-midi, vous avez proposé une façon de procéder que nous avons acceptée. Cette façon de procéder n'est pas respectée ce soir, et c'est vous-même qui l'avez soumis aux membres de la commission. Je regrette de vous le signaler, M. le Président.

Je comprends qu'en tant que président vous pouvez redonner la parole au ministre mais nous allons continuer de tenir, parce que c'est une chose qui est arrangée encore pour brimer les droits de l'Opposition. On ne peut pas avoir la commission parlementaire des comptes pu-

blics, c'est impossible. La commission des engagements financiers ne siège même plus. Alors, on a le ministre devant nous et c'est le ministre qui parle.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Avec votre bonne compréhension, M. le député, tel que vous venez de le suggérer ou de nous le dire, je redonne la parole au ministre pour qu'il puisse terminer d'ici quelques instants, afin de permettre au député de Beauce de dire tout ce qu'il a à dire.

M. TOUPIN: Je pense...

M. LESSARD: M. le Président, encore sur le point de règlement.

M. ROY: On va invoquer le règlement...

M. LESSARD: M. le Président, encore sur le point de règlement.

UNE VOIX: Si vous étiez en affaires, vous feriez faillite!

M. LESSARD: Je cite l'article 3 du règlement: "La procédure de l'Assemblée nationale du Québec est réglée: par des lois, par le règlement, par des règlements adoptés pour la durée d'une seule session, par des ordres spéciaux — je viens au paragraphe 5, M. le Président — par des précédents établis par suite de l'interprétation des lois et du règlement".

M. le Président, je pense que nous sommes en train d'enfreindre les précédents. C'est une exception que je constate ce soir, et je voudrais, M. le Président, que vous appliquiez cette habitude qu'on a toujours eue, depuis cinq ans. Je pense qu'à chaque fois que nous avons eu l'occasion de discuter des crédits la procédure a toujours été — et vous-même — celle-ci: Remarques du ministre, remarques des responsables des ministères du côté de l'Opposition.

D'ailleurs, M. le Président, vous l'avez vous-même fait remarquer dès le début de ces travaux, dès le début de cette commission parlementaire.

Vous avez très bien précisé, M. le Président, que vous alliez d'abord entendre les remarques du ministre de l'Agriculture, ce qui est normal, à tout seigneur tout honneur, et nous le reconnaissons. Mais vous avez vous-même dit aussi que par la suite vous entendriez les remarques des membres de l'Opposition et — c'est vous-même qui avez précisé, M. le Président, cette façon de procéder — les remarques du député de Beauce-Sud qui, en vertu d'une entente entre le gouvernement et l'Opposition, était reconnu pour prendre la parole sur les crédits. Vous-même, M. le Président, vous l'avez reconnu dès le début de ces travaux.

Par la suite, vous avez reconnu aussi que d'autres députés pouvaient faire des remarques générales. Vous n'avez pas reconnu que ça allait être le député de Saguenay comme représentant de l'Opposition, puis le ministre et qu'ensuite on reviendrait au député de Beauce-Sud, non. Vous avez vous-même, en vertu de la procédure parlementaire, en vertu des précédents établis, reconnu que c'était d'abord le député de Saguenay comme membre de l'Opposition de Sa Majesté, ensuite le député de Beauce-Sud et ensuite...

M. FRASER: ... un peu...

M. LESSARD: ... que même le député de Sauvé pouvait faire des remarques, comme le député de Rouville, le député de Yamaska ou d'autres députés qui voudraient parler à cette commission parlementaire — et j'espère qu'il y aura des députés libéraux qui vont parler — pourraient faire ces mêmes remarques.

Cependant, si à chaque fois que l'un ou l'autre des députés parle autour de cette table le ministre doit répondre, je regrette, nous allons perdre énormément de temps et ce sera la faute du gouvernement.

M. MASSICOTTE: C'est ce que nous faisons présentement.

M. LESSARD: Si votre ministre voulait comprendre et si le président voulait appliquer tout simplement l'article 3, ce qui est normalement fait depuis cinq ans, je pense qu'on n'aurait pas perdu une demi-heure comme c'est le cas actuellement.

M. MORIN: Le ministre en a-t-il encore pour longtemps?

M. TOUPIN: Encore pour une ou deux minutes, M. le Président, je suis celui qui a le moins parlé. J'ai pris la moitié du temps qu'a pris le député de Saguenay pour faire mon intervention.

M. LESSARD: C'est parce que vous n'aviez rien à dire.

LE PRESIDENT ( M. Séguin): Messieurs, si vous voulez...

M. TOUPIN: J'ai pris la moitié du temps parce que j'ai toujours aimé laisser à l'Opposition de Sa Majesté l'occasion de dire ce qu'elle a à dire.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Sans vous interrompre, pour maintenir l'ordre et afin de respecter le droit de l'Opposition de faire ses commentaires et pour qu'elle ait tout le temps voulu, je constate que depuis quinze ou dix-huit minutes déjà, nous discutons de procé-durite ou de procédure. Je voudrais la coopération de la commission pour permettre aux partis de l'Opposition ou aux interlocuteurs de l'Opposition d'avoir tout le temps voulu.

Si on a mentionné tout à l'heure qu'il y avait dix heures de débat, ne les diminuez pas par vos propres débats, messieurs, s'il vous plaît. Revenons et entendons pour une ou deux minutes le ministre qui va terminer ses commentaires. J'ai aussi dit, pour faire un rappel — et c'est important puisque moi aussi j'ai droit au journal des Débats comme un député peut y avoir droit — en établissant la procédure au début, qu'il fallait reconnaître durant l'étude des crédits que le ministre avait préséance puisqu'il défendait ses crédits. Alors, c'est bel et bien noté au journal des Débats et chacun à son tour il faudra reconnaître que le ministre a le droit d'intervenir sur une question, sur un commentaire fait par un député.

C'est ce qu'il fait présentement. Je trouve que tout est complètement dans l'ordre selon ce qu'on a fait cet après-midi. La parole est au ministre de l'Agriculture.

M. TOUPIN: Alors, M. le Président, rapidement je vais limiter mes points à deux ou trois plutôt qu'à six ou sept comme j'avais prévu. Ecoutez, je suis bien prêt à prendre tout le temps qu'il me faudrait si le député de Beauce-Sud veut avoir la patience d'écouter, surtout si le député de Beauce-Sud veut apprendre des choses, ce serait intéressant.

M. ROY: Ah! oui.

M. TOUPIN: Mais jusqu'à maintenant, ces commentaires ont servi à peu de choses sauf à perdre du temps. Un autre aspect sur lequel j'aimerais apporter une précision est le suivant: Quand le député de Saguenay dit que, dans le plan directeur, on avait prévu $20 millions, c'est vrai, mais on a dépensé $30 millions de plus depuis ce temps-là. Donc, on a pris $10 millions de plus dans l'ensemble de nos prévisions jusqu'à maintenant. Et le plan n'est pas encore appliqué; les projets de loi dont vous avez parlé et qui sont inscrits dans le discours inaugural ont été évoqués dans le plan directeur qui se continue, c'est un plan de dix ans que nous avons préparé à ce moment-là et, d'ailleurs, qu'on prépare de nouveau d'année en année, par étape par après.

Une autre précision que j'aimerais apporter c'est celui qui concerne la commercialisation des produits. Je ne sais pas, encore une fois, d'où viennent les 30 p.c. de produits commercialisés au Québec. J'aimerais le savoir; j'ai accès à plusieurs statistiques au ministère et c'est la première fois qu'on entend celle-là: 30 p.c. de produits commercialisés. Je vais prendre un seul produit...

M. LESSARD: 30 p.c. contrôlés par des Québécois. La commercialisation, 30 p.c. des produits commercialisés.

M. TOUPIN: Ce n'est pas possible.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. TOUPIN: Ce n'est pas possible. M. LESSARD: Pas de la production.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. TOUPIN: Ce n'est pas possible qu'il n'y ait que 30 p.c. des produits consommés au Québec qui soient contrôlés par des Québécois, nous sommes autosuffisants à 60 p.c. de notre alimentation. Donc, il faut au moins, quant aux produits de transformation, à quelque échelon que ce soit, primaire, intermédiaire ou secondaire, tertiaire, il faut qu'on ait plus que 30 p.c. là-dedans.

M. LESSARD: Si vous permettez, à l'article 96 des règlements...

M. TOUPIN: Non, non, je suis prêt...

M. LESSARD: Le règlement, c'est que je parle de 30 p.c...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Sur un point de règlement, le député de Saguenay.

M. LESSARD: ...des produits commercialisés qui sont sous contrôle d'entreprises francophones.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Ce n'est pas un point de règlement.

M. LESSARD: Non, ce n'est pas...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Ce n'est pas un point de règlement.

M. ROY: M. le Président, pour revenir sur cette question, pour discuter...

LE PRESIDENT (M. Séguin): La parole est au ministre.

M. ROY: ...de cette question quand ce sera le temps...

LE PRESIDENT (M. Séguin): La parole est au ministre.

M. LESSARD: C'est un discours, d'ailleurs, du ministre de l'Industrie et du Commerce, M. le Président, c'est là où j'ai pris les...

LE PRESIDENT (M. Séguin): J'aimerais savoir si...

M. TOUPIN: Si vous situez la...

M. LESSARD: Vous me demandez, M. le Président, de préciser; alors, je précise.

M. ROY: M. le Président, voyez combien j'avais raison tout à l'heure.

M. TOUPIN: Le députe de Beauce-Sud a toujours raison.

M. ROY: Je ne veux pas brimer les droits du député de Saguenay, il a le droit de poser ses questions...

M. TOUPIN: M. le Président...

M. ROY: ... ce sont les propos du ministre qui ne sont pas à la bonne place, M. le Président; il aurait dû attendre que nous ayons fait nos commentaires, nous aurions pu poser...

M. TOUPIN: Le député de Beauce-Sud, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. TOUPIN: ... souffre de frustration et ce n'est pas d'hier qu'on le ressent dans le public et partout ailleurs.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. TOUPIN: II se sent brimé partout. M. ROY: Vous êtes donc bien peureux... LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre!

M. ROY: ... vous avez donc bien peur à un moment donné qu'on vous fasse certaines observations.

M. TOUPIN: Laissez-nous expliquer la situation...

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre! M. TOUPIN: ... vous comprendrez après. M. ROY: Bon, bien expliquez-les! M. TOUPIN: Bon, alors laissez-nous faire.

M. ROY: II y a des procédures d'établies ici en commission parlementaire, il y a une procédure qu'on a acceptée cet après-midi.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre!

M. ROY: M. le Président, si on avait respecté cette entente à la commission parlementaire, je ne serais même pas intervenu une seule fois.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je suis la procédure, je suis les ententes et tout cela. Je demande au ministre de continuer ses explications. Alors, je demande au député de prendre note des observations faites par le ministre et vous aurez toutes les occasions, je vous l'assure, de revenir sur ces points.

M. TOUPIN: II reste un seul point, M. le Président, si vous permettez.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Allez-y!

M. TOUPIN: Les 30 p.c, on devrait préciser si ça s'applique exactement aux produits alimentaires du Québec, à la transformation des produits alimentaires dans une catégorie de transformation. Je vais apporter un seul exemple: Le Québec produit 40 p.c. des produits laitiers et il transforme 90 p.c. de ces produits laitiers sur le territoire. Alors c'est un article qui est extrêmement important.

Prenez le poulet, c'est exactement la même chose, et prenez les viandes, c'est en partie la même chose. Maintenant, ça dépend où on prend la statistique.

M. LESSARD: Est-ce que le ministre pourrait me permettre...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Non s'il vous plaît, à l'ordre!

M. LESSARD: Est-ce que le ministre a vu le ministre?

M. TOUPIN: Là, vous citez M. Saint-Pierre.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Non, non, à l'ordre !

M. LESSARD: Oui, je cite M. Saint-Pierre.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre s'il vous plaît...

M. LESSARD: M. Saint-Pierre, c'est un ministre du gouvernement.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre!

M. TOUPIN: Je tiens pour acquis que la citation de M. Saint-Pierre est valable, mais je vais...

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, M. le ministre, à l'ordre, M. le député. A l'ordre, messieurs !

M. LESSARD: Au symposium agro-alimentaire.

Château Champlain, 1er novembre 1972.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Continuez vos commentaires.

M. le ministre, continuez vos commentaires. Au programme 6, vous reviendrez avec vos questions, le ministre répondra. S'il vous plaît. Programme 5, si vous voulez.

M. TOUPIN: Le dernier point, M. le Président, est celui de la transformation.

M. LESSARD: II fait des affirmations fausses.

M. TOUPIN: J'aimerais apporter une précision. M. le Président, je ne fais pas d'affirmations, j'ai demandé au député où il avait pris sa statistique de 30 p.c.

M. LESSARD: Je vous le dirai.

M. TOUPIN: ... sur l'ensemble. Il me donne une réponse qui pour le moment me satisfait. On verra après comment ça peut se poser dans un autre contexte.

M. MORIN: Le ministre était au courant, sûrement.

M. TOUPIN: C'est bien embêtant une statistique comme celle-là; ça dépend à quelle section de l'agro-alimentaire elle s'applique.

LE PRESIDENT (M. Séguin): S'il vous plaît, voulez-vous que...

M. LESSARD: Peut-être parce que le ministre de l'Industrie et du Commerce a écrit son discours trop vite puis il ne vous a pas consulté.

M. TOUPIN: Si vous parlez de la distribution.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je demande au ministre de l'Agriculture de continuer ses observations puisque j'ai hâte d'entendre le député de Beauce-Sud.

M. TOUPIN: Le dernier point que je voulais soulever est celui de la transformation. Lorsque le député de Saguenay affirme que très peu se fait dans la transformation des produits agricoles au Québec, je voudrais seulement rappeler un certain nombre de réalisations qui d'ailleurs ont été rendues publiques et qui méritent, bien sûr, d'être répétées à plusieurs reprises, surtout dans le secteur agricole. Vous n'avez qu'à regarder ce que le Québec a fait, et notamment le ministère de l'Agriculture pour la question laitière avec la création de Québec-Lait. Vous n'avez qu'à regarder tout ce qu'on a fait.

M. LESSARD: Quelles sont les choses que vous avez faites?

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, voulez-vous...

M. TOUPIN: Attendez, vous verrez après comment le reste se pose. Vous n'avez qu'à regarder les entrepôts à double parois, tout à fait nouveaux, qu'on a créés dans la région de Montréal, vous n'avez qu'à regarder les refroi-disseurs à l'eau glacée pour les produits maraîchers à Montréal, qui n'existaient pas et qui existent maintenant, et vous n'avez qu'à regar- der les vacuums "coolers" qui n'existaient pas non plus et qui existent maintenant. Là, je mentionne seulement ce qui me vient à l'esprit rapidement. C'est à part des autres secteurs sur lesquels on a travaillé dans le domaine des viandes, dans le domaine du poulet, dans le domaine des céréales. Non, on fait très peu de céréales au Québec. Ce sont seulement quelques précisions que je voulais apporter sur ce qui fut fait au ministère concernant ces secteurs-là, non pas parce que je veux défendre à ce point les politiques gouvernementales, mais parce que je veux que le public soit bien renseigné sur la réalité agricole au Québec.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je remercie le ministre. Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, le ministre, même s'il a cru nécessaire de se reprendre après le souper pour faire certaines mises au point, parce que j'ai l'impression qu'il n'est pas très sûr de ce qu'il a avancé lui-même cet après-midi, n'a même pas réussi à me convaincre que ça va bien dans le monde agricole dans la province de Québec même après toutes ces interventions qu'il vient de faire. M. le Président, nous aurions été en droit cette année de nous attendre, compte tenu du fait que le gouvernement ne peut certainement pas reprocher à l'Opposition de l'empêcher de travailler et de lui nuire dans l'exercice de ses pouvoirs et de ses prérogatives, parce que nous avons quand même un gouvernement composé de 102 députés cette année à l'Assemblée nationale...

UNE VOIX: 100, je pense.

M. ROY: ... 102 députés ministériels — bon, si vous voulez attendre que j'aie fini — 102 députés ministériels, 102 députés de la majorité qui trouvent bien amusante, qui trouvent très drôle l'étude des crédits du ministère de l'Agriculture et qui semblent se soucier très peu des problèmes que rencontrent la classe agricole dans leur comté. Alors, suite à la présentation du budget, on a été en mesure de constater... Est-ce que le député de Lotbinière veut se taire, M. le Président, est-ce que j'ai la parole?

Quand il va parler tout à l'heure, je vous promets, M. le Président, que je vais me taire.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!

M. ROY: On n'a pas l'occasion de l'entendre souvent et ça va certainement être un événement historique à l'Assemblée nationale.

M. MASSICOTTE: Je ne parle pas à travers mon chapeau.

M. ROY: Je disais donc que sur tous ces problèmes et suite également au dépôt du budget global par le gouvernement à l'Assem-

blée nationale, on a essayé, autant comme autant, par toutes sortes de déclarations, de faire croire qu'il y avait une augmentation substantielle dans le budget de l'Agriculture cette année dans la province, alors que, dans le livre même imprimé par le gouvernement, il apparaît nettement qu'il y a une diminution de $77,500 dans le budget de l'Agriculture.

Si on ajoute à cela les augmentations de salaire qui devront être versées, en vertu de la convention collective, aux employés de la Fonction publique; si on ajoute à cela les augmentations de coûts que le gouvernement devra rencontrer dans les différents secteurs, les augmentations de coûts que le gouvernement devra rencontrer dans ses frais généraux d'administration, on peut dire que c'est une diminution de plusieurs millions de dollars du budget de l'Agriculture de la province de Québec par rapport au budget de l'année dernière. Le ministre, en nous présentant son exposé, nous a fait voir, avant le souper, qu'il était au courant des problèmes agricoles, qu'il était au courant qu'il y avait des difficultés dans le monde agricole, contrairement à son attitude dans le passé.

On a nettement l'impression que cette année nous avons un ministre au courant, mais un ministre qui n'est pas au pouvoir, contrairement à certains autres membres du cabinet qui sont au pouvoir, mais qui ne semblent pas au courant, eux.

M. TOUPIN: C'est l'Opposition qui est comme cela.

M. ROY: Le ministre a dit également être heureux de voir le pouvoir collectif que semblait vouloir se donner la classe agricole. Disons que si les cultivateurs ont senti le besoin de s'organiser, de se structurer pour faire valoir leur pouvoir collectif, je suis quand même inquiet d'entendre le ministre se réjouir de ce pouvoir. Je me demande si le ministre souhaite que demain matin les agriculteurs descendent dans la rue et manifestent par suite du manque de précision, du manque de décision ou du manque de politiques adéquates pour répondre aux problèmes du monde agricole au Québec.

Le ministre a également parlé du syndicalisme agricole qui a fait des pas en avant l'an dernier; je suis entièrement d'accord et nous sommes heureux que les agriculteurs puissent mieux s'organiser sur le plan syndical. Il ne faudrait pas prétendre, au ministère de l'Agriculture — je le dis très clairement au ministre — que le syndicalisme agricole est le but à atteindre. C'est un moyen dont les agriculteurs disposent pour pouvoir régler leurs problèmes; ce n'est pas le but que le ministère de l'Agriculture doit poursuivre. Lorsqu'on parle également de revenus de $1 milliard, qu'enfin cette année le monde agricole a réussi à atteindre $1 milliard, on ne peut pas faire autrement qu'admettre que ce milliard de dollars a été réalisé compte tenu de l'inflation, compte tenu de l'augmentation des coûts et des frais des cultivateurs et compte tenu de la rareté des produits dans certains secteurs, dans le domaine de l'alimentation.

Ce n'est un secret pour personne — le ministre est très bien placé pour le savoir, parce qu'il a été à l'UCC suffisamment longtemps — que, depuis 1960, dans le secteur rural au Québec, tout ne va pas dans le meilleur des mondes. Même si le ministre a voulu nous donner une petite macédoine, tout à l'heure, de statistiques à l'effet que dans certains secteurs il y a amélioration, on ne peut pas faire autrement qu'admettre que dans l'ensemble il y a détérioration dans le monde agricole dans la province de Québec. C'est tout le secteur rural, tout le secteur de l'économie rurale qui, actuellement, en souffre. Il est à se demander réellement si le ministre veut sauver l'agriculture, c'est-à-dire sauver la production agricole ou sauver le monde agricole. Je pense qu'il y a une discinc-tion très importante et très nette à faire, parce que de la production agricole, les entreprises multinationales peuvent en faire; on peut aller chercher des capitaux en France, en Belgique, on peut aller en chercher dans la social-démocratie de Suède, on peut aller chercher un peu partout des capitaux étrangers pour venir développer l'agriculture dans la province de Québec et organiser une production agricole, mais je pense que ce qui est important, c'est de sauver le monde agricole.

Il y a des citoyens, il y a des gens qui demeurent dans tous les milieux éloignés du Québec, dans les milieux ruraux du Québec et qui, depuis 1960, ont été constamment ignorés, bafoués, et l'économie rurale n'a cessé de décroître depuis ces années. Il n'y a aucune indication dans les intentions du gouvernement, cette année, que ce soit des indications à moyen terme ou à long terme ou même à court terme, qu'il y aura amélioration dans l'avenir. Le gouvernement n'est pas conscient du rôle que doit et que peut jouer le ministère de l'Agriculture au sein de l'économie de la province de Québec.

Si on veut sauver l'agriculture, sauver la production agricole, je pourrais peut-être être d'accord sur certaines déclarations ou certaines décisions du ministre. Mais, si on veut sauver le monde agricole, si on veut sauver le secteur rural, si on veut sauver l'économie rurale, il va falloir que le ministère de l'Agriculture change d'optique, parce que ce n'est pas en sabotant systématiquement tout ce qui s'est fait dans le passé, dans le monde rural, pour tâcher de permettre le développement de l'économie de cet important secteur, qu'on va réussir au Québec à progresser dans les autres domaines. Je comprends que, dans l'optique de nos savants planificateurs et de nos savants technocrates, il n'y a plus de place pour l'agriculture traditionnelle dans la province de Québec. On cherche à venir avec des formules qui ont

peut-être été éprouvées avec un certain succès dans certains domaines, par certaines personnes. Le ministre sait très bien que cela ne peut pas s'appliquer, encore moins s'imposer, à toute la classe agricole de la province.

Il y a aussi tout le programme législatif dont le gouvernement nous a parlé. On veut assurer la relève dans le monde agricole et on parle de protéger le territoire. Je pense que le ministre est en retard pas mal. J'ai hâte, en ce qui me concerne, de voir la législation que le gouvernement a l'intention de nous proposer dans ce domaine. Dans le domaine de l'établissement agricole, dans le domaine de l'établissement rural, le ministre sait très bien, pour avoir travaillé longtemps, comme moi d'ailleurs, dans cet important secteur, qu'actuellement il est extrêmement difficile pour les jeunes, voire même impossible, de s'établir dans le milieu rural, de s'établir dans l'agriculture.

Je comprends que le ministre peut froncer les sourcils, M. le Président.

M. TOUPIN: Bien, je ne comprends pas.

M. ROY: Je vais apporter des faits, M. le Président. Le ministre a hâte d'avoir des preuves, je vais lui en fournir.

Je comprends qu'au ministère de l'Agriculture, comme à l'Office du crédit agricole, et un peu partout, il y a des normes qui sont établies. Je pense que la plus grosse erreur du ministère, je dis bien erreur, c'est qu'on cherche à appliquer ces mêmes normes partout dans tout le territoire du Québec, alors que les problèmes sont différents d'une région à l'autre, alors que la vocation agricole, compte tenu des différentes spécialités, change dans chacune des régions du Québec. Le ministre le sait très bien. Nous avons dans le Québec un grand territoire et nous avons des régions complètement différentes les unes des autres. Si on cherche des formules et des normes, puis qu'on tente de les appliquer dans tout le territoire du Québec de la même façon, on risque fort de courir à l'échec. Les normes peuvent être acceptables, voire même recommandables dans la région de Saint-Hyacinthe et ces mêmes normes ne peuvent pas s'appliquer dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Elles peuvent être complètement dépassées ou désuètes dans la région de la rive sud du Saint-Laurent ou encore complètement illogiques, complètement ridicules quand on arrive dans certains secteurs agricoles du Bas-Saint-Laurent.

M. le Président, quant à assurer la relève dans l'agriculture, j'ai eu dans le passé à travailler à plusieurs dossiers, parce que je fais du bureau dans mon comté, on vient me rencontrer fréquemment. Je peux faire du bureau non seulement pour mon comté mais pour les comtés avoisinants; je ne sais pas si les autres députés n'ont pas le temps d'en faire. De toute façon, j'ai reçu énormément de visites et j'ai plusieurs preuves à l'appui à l'effet qu'à l'Office du crédit agricole il y a des délais — je le souligne à l'attention du ministre — qui sont complètement nuisibles, complètement négatifs. Ils empêchent des jeunes de s'établir dans le monde agricole.

Je vais donner un exemple au ministre. Je vais citer un cas de Sainte-Clothilde dans le comté de Beauce-Sud. Je vais nommer la personne; on me demande des preuves un moment donné, je vais en donner des preuves. Il s'agit d'un monsieur Grondin, Henri-Georges Grondin qui a vendu la ferme à son fils Robert, une belle ferme. Il a vendu sa ferme en mars 1973; j'aimerais bien que le ministre écoute à ce moment-ci.

M. TOUPIN: N'ayez pas peur, on comprend tout ce qui se passe.

M. ROY: II a été accepté par l'office, le 28 septembre 1973. La personne a dû se placer ailleurs, a dû s'acheter une autre propriété, parce que son fils l'a occupée. Et aujourd'hui, nous sommes le 30 avril 1974, et il n'a pas reçu encore un seul cent. Je le souligne à l'attention du ministre. J'aurais d'autres dossiers à lui mentionner, mais je lui souligne celui-là en particulier. Il y a eu d'autres cas d'établissement agricole dans lesquels on se dépêche d'accepter le transfert du vieux prêt agricole, parce que le gouvernement a peur de rester avec des fermes sur les bras. Et une fois que les jeunes ont acheté ces fermes, une fois qu'ils sont établis, ils sont bloqués systématiquement pour bénéficier des subventions parce qu'après leur avoir fait acheter des fermes, on leur dit qu'ils sont sur des fermes non rentables.

Je pense que ce sont des points qui méritent d'être soulignés et qui sont extrêmement importants. Il ne faudrait pas leurrer la population. Il ne faudrait pas que la nouvelle législation que nous apporte le ministre à l'Assemblée nationale soit une législation qui ne tienne pas compte de ces faits, qui ne tienne pas compte de cette réalité.

M. TOUPIN: Est-ce que vous me permettez une question pour avoir une précision? Les chiffres que vous avez donnés, c'est pour quelle période?

M. ROY: La personne a vendu sa ferme en mars 1973...

M. TOUPIN: En 1973.

M. ROY: ...à son fils. Il a été accepté officiellement par l'Office du crédit agricole le 28 septembre 1973. Aujourd'hui, le 30 avril 1974, il n'a encore rien reçu. Ce n'est pas le seul cas que j'ai dans mon dossier. J'en ai apporté un pour le porter à l'attention du ministre. Si le ministre en veut d'autres, je pourrais lui en signaler d'autres.

Mais, parmi les autres que je voulais porter à

l'attention du ministre, ce sont ceux à qui l'on fait acheter des fermes. A ce moment-là, on permet à l'Office du crédit agricole de transférer les hypothèques, de transférer les titres pour qu'une personne puisse continuer à faire les versements, parce que ceux qui étaient les détenteurs, les propriétaires des fermes sont rendus à un certain âge; il arrive des décès, il arrive toutes sortes de choses. Une fois que la personne a acheté ces fermes, elle ne peut pas bénéficier des subventions de fonctionnement. Elle n'est pas éligible aux subventions d'établissement parce qu'on dit que ce sont des fermes non rentables.

Alors, il y a tout le secteur de l'établissement agricole et je pense que cela mérite, dans les observations générales, que nous en parlions.

Le ministre a également parlé de protéger le territoire agricole du Québec. On a beaucoup parlé de la région de Montréal. J'aimerais apporter certaines statistiques à l'attention du ministre afin de lui démontrer combien le problème est urgent. Je ne sache pas, avec le budget que le gouvernement a à l'heure actuelle, avec les politiques qui prévalent au ministère de l'Agriculture, que nous allons pouvoir corriger cette situation avant qu'elle soit encore beaucoup plus grave.

Or, dans la province de Québec, en 1966, il y avait 12,886,000 acres qui servaient à l'agriculture; en 1971, il y a trois ans — je sais que cela a augmenté — c'était réduit à 10,801,000 acres. Alors, il y avait une réduction de 2 millions d'acres. On parle, à un moment donné, de la lotisation des fermes qui se fait dans la région de Montréal. Je tiens à dire à l'honorable ministre que dans toutes les régions du Québec, dans des régions à vocation agricole, on procède au reboisement de certaines fermes arables, qui ont été cultivées depuis 50 ou 75 ans, voir même 100 ans; nous avons des abandons de fermes dans des territoires et dans des terrains qui sont extrêmement propices à l'agriculture.

A l'exemple du ministre, je vais lui citer certains comtés. Je vais prendre le comté de Beauce qui avait et qui a encore le plus grand nombre de fermes du Québec. Le comté de Beauce avait 3,092 fermes inscrites au Québec, en 1966. Ce nombre de fermes était réduit de 791 en 1971, c'est-à-dire en une période de cinq ans. Il n'a cessé de décroître depuis.

Le nombre d'acres agricoles, qui ont été abandonnées dans le seul comté de Beauce, est de l'ordre de 85,000 acres. Ce sont des chiffres qui méritent certainement qu'on y attache une importance particulière, surtout si l'on tient compte que, dans une région comme le sud du Québec, il y a des revenus d'appoint dans l'agriculture, comme la forêt. Je n'ai pas entendu le ministre nous parler des agencements qui pourraient être faits de façon que la forêt puisse constituer un élément ou un revenu d'appoint pour permettre à la classe agricole, dans certaines régions du Québec, de compenser adéquatement et avantageusement pour le manque à gagner qu'il pourrait y avoir, soit dans les productions céréalières, dans la bettrave à sucre ou dans le tabac ou encore dans les cultures maraîchères.

Ce n'est pas seulement dans le comté de Beauce; dans le comté de Bellechasse, c'est la même chose. Il y a eu une diminution de 32,000 acres de terres. Dans le comté de Compton, vous avez eu une diminution encore de quelque 30,000 acres de terres. Je prends, par exemple, le comté d'Yamaska; vous avez eu encore une diminution de 16,000 acres. Dans le comté de votre collègue et de notre collègue, il y a eu encore une diminution assez appréciable et c'est une région qui est encore beaucoup plus à vocation agricole que la région de la Beauce.

Alors, j'ai eu l'occasion, l'année dernière, au cours d'une courte période de vacances, de parcourir les régions rurales du Québec pour essayer d'aller voir sur place si c'était seulement dans la région du sud du Saint-Laurent ou dans le Bas-Saint-Laurent que les agriculteurs du Québec pouvaient avoir des problèmes. J'ai eu le regret et la stupéfaction de constater que dans toutes nos belles régions agricoles de la province de Québec, ce sont les mêmes problèmes qui prévalent. Donc, lorsque nous avons à intervenir à l'Assemblée nationale sur ces points, je pense que l'on peut parler non seulement au nom de notre comté, mais au niveau des problèmes généraux de la province.

On a signalé tout à l'heure qu'il y avait eu 400 nouveaux établissements, dans la province de Québec, de personnes qui ont bénéficié des subventions d'établissement au cours de l'année, 400 de plus.

M. TOUPIN: 400 de plus que l'an dernier. M. ROY: Cela fait combien en tout? M. TOUPIN: 1,200, à peu près.

M. ROY: 1,200 en tout. 1,200 établissements. Mais ce que j'aurais aimé savoir, c'est combien de fermes ont été abandonnées, combien il y a eu de ventes à l'encan l'an dernier. Il aurait également été important de pouvoir faire un parallèle entre le nombre de fermes qui ont été abandonnées complètement et le nombre de fermes qui ont été vendues à l'encan, parce que dans le nombre de ces nouveaux établissements, il y a tout simplement des transferts de propriété qui se sont faits.

M. TOUPIN: Est-ce que vous me posez la question?

M. ROY: Disons que vous pouvez prendre note de cela, tout à l'heure vous pourrez y revenir. Je vais faire des observations générales et je ne veux pas violer le règlement et la procédure parlementaire, M. le Président.

M. TOUPIN : Vous ne chialerez pas si je veux vous répliquer, là.

M. ROY: Non, non. D'ailleurs, le ministre pourra répliquer à ce moment-là et nous pourrons revenir, poser des questions. Je pense que le président n'aura aucune objection. Ce n'est pas moi qui m'y opposerai, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Séguin): J'allais vous rappeler à l'ordre, M. le député, précisément pour ne pas violer la procédure.

M. ROY: Bon, parfait. Alors le ministre a parlé également des entreprises de mise en marché, qu'il n'y avait pas tellement d'entreprises de mise en marché dans la province de Québec, qu'il y avait un grand manque de ce côté.

Je pense que le gouvernement peut faire un bon mea culpa à ce sujet. Je vais vous donner un peu plus de détails, M. le Président. C'est qu'on a tout fait, dans la province de Québec, pour faire disparaître une quantité d'entreprises qui étaient vouées à la transformation des produits agricoles, des produits laitiers, entre autres, et un certain nombre de ces entreprises, avec un encouragement gouvernemental, auraient pu changer, en quelque sorte, ou orienter ou diversifier leur fabrication pour organiser la mise en marché et s'orienter vers des initiatives nouvelles.

Au lieu de permettre à des usines laitières tout simplement de se spécialiser, par exemple, pour organiser de nouveaux produits laitiers sur le marché, de nouvelles façons de mise en marché ou d'ajouter quelque chose de nouveau pour tâcher d'être en mesure de concurrencer avantageusement les produits qui peuvent nous venir d'ailleurs, on a subventionné ces entreprises pour tâcher de favoriser la fusion des usines, la fusion des entreprises et, de ce fait, on a éliminé la concurrence et on a livré l'agriculteur du Québec à la merci de ce que je pourrais appeler aujourd'hui des cartels, des monopoles, parce que l'agriculteur n'a pas le choix.

Il fut un temps, M. le Président, où l'agriculteur du Québec, dans toutes les régions rurales, pouvait choisir, en quelque sorte, la personne qui s'occuperait de la transformation de ses produits. Aujourd'hui, c'est pratiquement complètement disparu. On a formé de gros monopoles, de vastes cartels sous prétexte de corriger certains problèmes et d'accroître, en quelque sorte, par des usines plus grandes, les usines laitières, les beurreries...

M. TOUPIN: Quels cartels?

M. ROY: Je parle des cartels laitiers.

M. TOUPIN: Lesquels?

M. ROY: Les cartels laitiers. Vous savez ce dont je veux parler, les usines laitières. Quand je dis que l'agriculteur...

M. TOUPIN: Vous parlez de la coopérative de Granby.

M. ROY: Je ne parle pas de la coopérative de Granby plus qu'une autre.

M. TOUPIN: C'est 90 p.c. du lait au Québec.

M. ROY: Je ne parle pas plus de la coopérative de Granby qu'une autre. Je dis qu'à partir du moment où l'agriculteur n'a plus la liberté de choisir l'endroit ou l'industriel laitier qui peut transformer ses produits, à ce moment-là il y a cartel. Je ne dis pas que cela peut être un mauvais cartel mais je dis qu'il y a cartel quand même, parce que cela devient un monopole.

A partir du moment où il y a des monopoles, il y a moins de concurrence, et il y a moins de concurrence au niveau des services aux agriculteurs. Le ministre sait très bien, pour avoir eu de nombreuses lettres de ses députés ministériels, pour avoir fait de nombreuses démarches, pour avoir eu de nombreuses rencontres au ministère et, je pense, à l'occasion des rencontres et des conférences qu'il a eu à prononcer dans la province de Québec, il a eu certainement l'occasion de rencontrer des gens qui lui ont soumis certains problèmes.

M. TOUPIN: Vous n'avez rien contre l'idée que ce soient les producteurs qui contrôlent leur propre transformation? Vous n'avez rien contre cela?

M. ROY: Ce ne sont pas les agriculteurs, présentement. Qu'on ne vienne pas me faire croire que ce sont les agriculteurs et les petits producteurs laitiers qui contrôlent leur propre transformation. Je pense que c'est charrier passablement. On peut peut-être parler de coopératives, dans certains secteurs, dans certains milieux, mais quand le cultivateur réside à 200 milles de la coopérative, je me demande quelle sorte de pouvoirs il a d'influencer les décisions administratives.

J'ai oeuvré suffisamment longtemps dans le mouvement coopératif pour savoir que si le mouvement coopératif est trop éloigné des coopérateurs, cela devient des coopératives qui peuvent très bien répondre à certains principes coopératifs mais...

M. TOUPIN: Je n'ai rien...

M. ROY: ... qui n'ont pas la même participation de la part des coopérateurs.

M. TOUPIN: Je n'ai rien...

M. ROY: C'est un peu comme un coopéra-teur, par exemple, qui, résidant dans la région du Bas Saint-Laurent, fait affaires avec une coopérative de Montréal. Je comprends, M. le Président, qu'il n'ira pas à toutes les assemblées générales annuelles, qu'il ne dépensera pas de l'argent pour ces choses. Plus les entreprises sont grosses, plus c'est difficile et plus on éloigne la participation des gens.

M. TOUPIN: Je n'ai rien contre le fait...

M. ROY: M. le Président, c'est le point...

M. TOUPIN: ... que vous le disiez. Mais j'allais vous dire que ce n'est pas à moi que vous devriez le dire, c'est aux producteurs. C'est eux qui ont organisé cela comme ça.

M. ROY: Je dis au ministre qu'il a tout fait pour centraliser partout, dans tous les domaines. Il y est même allé de généreuses subventions. Le ministre y est même allé de généreuses subventions.

M. TOUPIN: Bien oui. Avec les coopératives, on y va ouvertement et nous en sommes bien contents.

M. ROY: C'est ce que j'allais dire au ministre. Non seulement à des coopératives mais à des entreprises aussi, partout. On a créé des monopoles au niveau de la transformation des produits agricoles et on est en train d'en créer d'autres.

M. le Président, il y a aussi un autre point. Il y a la ferme à vocation générale. Je me demande si au ministère de l'Agriculture on croit encore à la ferme à vocation générale. Je n'ai pas l'impression qu'on y croit tellement. Pourtant cette ferme à vocation générale a toujours eu sa place dans le passé dans la province de Québec et a toujours réussi à garantir une certaine stabilité à celui qui a pratiqué ce genre d'agriculture, compte tenu du fait qu'il a pu aller chercher des compensations ailleurs. Par exemple, lorsqu'il y avait des problèmes dans l'industrie laitière, il pouvait aller se chercher des revenus d'appoint dans son boisé de ferme; il y avait les érablières dans toute la région des Cantons de l'Est, la région des Bois-Francs, la région de la Beauce et même dans certaines régions du Québec, où les agriculteurs ont pu aller chercher des revenus d'appoint, revenus qui sont de plus en plus difficiles à obtenir et qui sont de moins en moins considérés par le ministère de l'Agriculture.

J'aimerais, à ce moment-ci, que le ministère de l'Agriculture et le ministre de l'Agriculture, particulièrement, tiennent compte de ces facteurs parce qu'à l'Office du crédit agricole il y a quand même quelque chose qui ne va pas. Un cultivateur qui achète une ferme à vocation générale, qui a un boisé de ferme où il y a une érablière, on tient compte des revenus de l'érablière, des revenus du boisé de ferme pour être en mesure d'établir la rentabilité de la ferme de façon à pouvoir vérifier si l'agriculteur sera capable de satisfaire à ses obligations. Mais ce qui est malheureux c'est qu'on n'a jamais tenu compte de la valeur du boisé comme tel, la valeur de l'érablière comme telle. Pourtant le cultivateur les achète et il faudrait en tenu-compte pour lui donner un plus gros prêt agricole. A ce moment-là, l'agriculteur est obligé de se financer par des prêts à moyen terme, des prêts de dix ans alors que ce sont des financements qui auraient dû aller beaucoup plus loin. Si le ministre veut venir sur cette question lorsqu'il s'agira d'assurer la relève dans l'agriculture et de permettre des modifications à la Loi du crédit agricole, je pense qu'il ferait un grand pas en avant et rendrait immensément service à la classe agricole, à la classe rurale surtout, à ceux qui pratiquent encore l'agriculture à vocation générale, qui constitue une tradition au Québec. Pour encore une grande partie de la population rurale du Québec, elle constitue un mode de vie auquel elle tient mais à condition que ce mode de vie lui permette de vivre dans des conditions normales.

J'ai été quand même déçu, c'est un autre point que je vais souligner au ministre, de ne pas avoir entendu quoi que ce soit concernant l'enseignement professionnel agricole. On n'en a pas parlé du tout. Nous avons des écoles polyvalentes dans tous les milieux ruraux du Québec on ne sait pas s'il y a eu entente, s'il y a eu rencontre entre le ministère de l'Agriculture et le ministère de l'Education à cette fin; on ne sait pas si des cours et des options agricoles seront organisés à l'intérieur des écoles polyvalentes. On se demande un peu partout si l'école d'agriculture de Sainte-Croix continuera à fonctionner ou si cette école d'agriculture...

M. BOUTIN (Johnson): ... m'en occuper de cela.

M. ROY: M. le Président, voulez-vous inviter l'honorable député à se taire, s'il vous plaît? Je comprends qu'ils sont impatients, ils ne parlent pas souvent et ils ne peuvent pas parler...

M. BOUTIN (Johnson): Nous allons pouvoir parler tout à l'heure.

M. ROY: Ce n'est pas nous qui allons les empêcher de parler. Ils pourront prendre des notes, nous leur donnerons tout le temps d'intervenir, si mes interventions les inspirent.

M. BOUTIN (Johnson): C'est parce que nous savons ce que vous allez dire.

M. ROY: M. le Président, on a l'impression, malheureusement, que le ministère de l'Agriculture, pour un grand nombre d'agriculteurs du Québec, jusqu'à présent, a constitué un obstacle plutôt qu'un service. J'aimerais bien, en ce qui me concerne...

UNE VOIX: Est-ce que vous parlez du ministère?

M. ROY: Oui, le ministère comme tel a constitué un obstacle, à cause des règlements, à cause de toutes sortes de choses, de toutes sortes de conditions, de conditionnements. On a fait en sorte à un moment donné que les agriculteurs n'aient pas d'autre choix, pas d'autre option que de se débarasser et de sortir de la

classe agricole à cause de tous les règlements. Par exemple, si le gouvernement et le ministère n'avaient pas procédé de la façon dont ils ont procédé dans la question des fusions des usines laitières, je ne serais pas obligé de dire au ministre que dans les quatre comtés qui entourent la région de la Chaudière, cette année, nous allons avoir environ 1,500 agriculteurs qui vont abandonner l'agriculture. N'ayant plus de concurrence au niveau des usines laitières, ils ont tout simplement décidé de ne plus recevoir le lait en bidons alors qu'il y a trois ans ces mêmes industriels laitiers avaient des propagandistes sur la route pour inciter l'agriculteur à aller dans leurs usines plutôt que dans d'autres usines.

A ce moment-là, le ministère de l'Agriculture s'est joué un tour et a joué un tour terrible à la classe agricole dans la province de Québec.

Nous avons un certain nombre d'agriculteurs dans la province — environ 7,000 à 8,000 — qui actuellement sont rendus à 57, 58, 59 ans et qui ont refusé, qui n'acceptent pas l'offre — le ministre a dit que c'était une offre généreuse, moi je dis que c'est une offre d'endettement, pour les endetter davantage — de bénéficier d'une certaine subvention pour se munir d'un système de "bulk tank" afin de livrer leur lait en vrac: $800 de subvention à condition qu'ils empruntent $3,000. Bon, c'est ça.

Alors, vous vous êtes assuré de faire dépenser suffisamment d'argent au cultivateur...

M. TOUPIN: II n'est pas obligé d'emprunter.

M. ROY: ... pour tâcher que les taxes et les impôts que vous allez collecter paient la subvention.

M. TOUPIN: II n'est pas obligé d'emprunter.

M. ROY: C'est fort, c'est aussi fort que ça. Alors, M. le Président, c'est ce que je disais. Le ministère de l'Agriculture a constitué en quelque sorte un obstacle au développement naturel de l'agriculture au Québec.

M. TOUPIN: Est-ce que le député de Beauce me permettrait seulement un petit commentaire là-dessus?

M. ROY: J'achève, vous pourrez revenir et vous ferez un commentaire là-dessus. Parce que je sais que vous allez en avoir des commentaires et j'ai hâte de les avoir sur ce point.

M. le Président, dans le domaine agricole dans la province de Québec, il ne sert à rien de se raconter des histoires. Je sais que les députés ministériels qui écoutent ont les mêmes préoccupations que nous, dans nos comtés. Ce que nous voulons, c'est un ministère de l'Agriculture efficace; nous désirons avoir des lois agricoles qui répondent aux besoins de la classe agricole, qui permettront à la classe agricole de vivre et d'avoir sa part du marché, qui lui permettront de prendre sa place et qui permettront au monde rural et à l'économie rurale de se développer davantage. Je pense que tout le monde est d'accord là-dessus. Mais à partir de ce moment-là, M. le Président...

M. BOUTIN (Johnson): Vous avez dit ça au début et vous ne savez pas...

M. ROY: ... je pense qu'il devient important, et je regrette que ce ne soit pas cela...

M. BOUTIN (Johnson): Vous avez dit ça au début...

M. ROY: Je regrette que ce ne soit pas cela. Mais, M. le Président, je pense que si le ministère de l'Agriculture veut jouer pleinement son rôle, il va falloir que le gouvernement dans son entier accorde à la classe agricole et au ministère de l'Agriculture une place de choix de façon que le ministre n'ait pas à déclarer ce qu'il a déclaré, qu'il ne soit pas obligé de se battre au conseil des ministres à chaque fois qu'il arrive avec un programme nouveau. Si le gouvernement comme tel, et le conseil des ministres, et tout le gouvernement dans son ensemble ne sont pas convaincus de la nécessité d'accorder à l'agriculture et à la classe agricole la place qui lui revient et de lui faire jouer son rôle de façon à développer toute l'économie rurale du Québec, je pense que le ministère de l'Agriculture à lui seul aura beau avoir de petites législations, des règlements, des petits programmes, on ne réglera pas le problème. Il va falloir que ce soit le gouvernement dans son ensemble qui adopte une politique d'ensemble, de façon qu'il y ait une étroite collaboration entre les autres ministères qui peuvent être concernés.

Je déplore, M. le Président, le peu d'entente et le peu de collaboration qu'il y a entre le ministre — je le déplore avec le ministre — et le ministre de l'Industrie et du Commerce, le peu d'entente et de collaboration qu'il y a entre le ministère de l'Agriculture de la province de Québec et le ministère de l'Industrie et du Commerce. Si on parle de commercialisation des produits agricoles, si on parle d'industrie agricole, il va falloir quand même une meilleure collaboration de ces deux ministères, de façon que les politiques du ministère de l'Industrie et du Commerce puissent servir au développement de certains secteurs, surtout le secteur industriel agricole, surtout si on veut parler d'usines de transformation ou si on veut parler d'organisation de la mise en marché.

C'est une première priorité que ça devienne non pas une priorité du ministère de l'Agriculture mais que ça devienne une priorité gouvernementale. Je pense que tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas réussi à convaincre le gouvernement que ce doit être une priorité gouvernementale, le ministère de l'Agriculture, je pense que vous passez à côté des solutions, qu'on va demeurer avec les problèmes et que la classe

agricole va continuer à abandonner l'agriculture.

Deuxième point: il est important qu'on accorde un meilleur budget à l'agriculture. M. le Président, je n'ai pas à revenir sur ce que je disais tout à l'heure, mais par rapport à l'année dernière, si on tient compte de l'inflation, le budget de l'agriculture de cette année constitue une diminution de plusieurs millions de dollars.

Un deuxième point qui est extrêmement important, c'est qu'il y a des bureaux d'agronomes, dans toutes les régions de la province de Québec. J'aimerais bien savoir de l'honorable ministre si on a demandé aux bureaux régionaux, aux bureaux des agronomes dans les différentes régions du Québec de faire un rapport, aussi complet que possible, du développement de l'agriculture dans leurs régions respectives afin qu'on puisse faire une étude d'ensemble par la suite, compte tenu des particularités régionales, de façon que, au ministère de l'Agriculture, on décentralise l'application des politiques gouvernementales et qu'on tienne compte davantage des besoins régionaux à l'avenir. Cela, M. le Président, je pense que c'est une question prioritaire pour le gouvernement. Le gouvernement devra, s'il est réellement désireux d'apporter quelque chose à l'économie rurale, de développer l'agriculture, procéder par une décentralisation de l'application des politiques agricoles.

Un autre point, M. le Président: il va falloir que le gouvernement cesse de se promener — et là je vais parler au sens figuré — en avion, en satellite ou en hélicoptère au-dessus des régions rurales du Québec et qu'il regarde la réalité du monde agricole au Québec.

Il est quand même assez curieux et assez étonnant de constater que le monde rural, les agriculteurs, les gens du milieu connaissent leurs problèmes et savent, eux, quelles sont les solutions dont ils ont besoin, l'aide dont ils ont besoin dans leur milieu.

Alors, qu'on tienne donc compte des demandes des régions, qu'on tienne donc compte des recommandations qui sont faites, au lieu d'arriver à un moment donné et de leur imposer des solutions toutes faites ou encore des politiques qui sont préparées dans une autre région que la leur et qu'on tente de leur imposer à tout prix.

Un autre point, M. le Président, c'est qu'il va falloir qu'on pense à établir des prix minimums pour les produits agricoles. On parle d'un salaire minimum pour l'ouvrier du Québec; il y a une Loi du salaire minimum. Cela ne va pas assez loin. Il va falloir qu'on en parle beaucoup plus à l'avenir, des prix minimums garantis dans le monde agricole. C'est commencé parce que justement on a créé une rareté dans certains secteurs; il y a eu tellement de hausses dans les produits agricoles à l'heure actuelle que ce sont tous les consommateurs québécois qui sont obligés de payer. Mais malheureusement cet argent ne va pas dans les poches des agriculteurs; il en va beaucoup plus chez ceux qui ont transformé les produits, chez ceux qui les ont entreposés et voire même aux entreprises qui s'occupent de faire de l'importation dans la province de Québec.

Alors, si on dit prix minimum, M. le Président, il va falloir également qu'on songe à établir des banques de produits agricoles dans la province de Québec, de façon à entreposer les surplus durant les périodes d'abondance, de façon que ces surplus ne tombent pas sur le marché et causent, autrement dit, une baisse ou une chute vertigineuse des prix qui constitue un problème fondamental, car l'agriculteur, durant le temps qu'il fait la mise en marché de ses produits, est toujours aux prises avec la loi de l'offre et de la demande, la sacro-sainte loi de l'offre et de la demande. Comme les produits se mettent sur le marché durant une période donnée de l'année et que la demande se répartit sur douze mois, l'agriculteur a toujours été pénalisé par rapport à cette loi de l'offre et de la demande.

Ces surplus pourront être utilisés, ils pourront être mis en marché comme régulateurs durant les périodes où il y en a moins, durant les périodes de disette. Je vois mon collègue, le député de Lotbinière, qui trouve que ma suggestion est bonne. Alors, je suis heureux de constater que les députés du gouvernement, M. le Président, commencent à penser comme nous.

Je vous invite à continuer la lutte et la bataille au sein de votre caucus pour tâcher de convaincre le ministre de façon que ça devienne une réalité.

M. le Président, en ce qui a trait aux grains de provende, on sait que tous les producteurs sans sol du Québec ont toujours été à la merci de la politique canadienne des grains de provende. Je déplore que le gouvernement du Québec ne se soit pas doté, encore aujourd'hui, d'un office des grains de provende pour pouvoir négocier avec le fédéral, pour pouvoir négocier avec la Commission canadienne du blé, pour et au nom de la province de Québec, pour et au nom des agriculteurs du Québec. Il faudrait se donner un mécanisme, se donner une structure légale. Je pense que, si nous avions cet organisme dans la province de Québec, le gouvernement aurait, quand même, un mécanisme aurait quant même un pouvoir de négociation. A ce moment-là, on éviterait qu'actuellement les agriculteurs du Québec ne soient à la merci des "brokers", comme c'est le cas présentement.

M. le Président, l'autre point sur lequel je veux attirer votre attention, et c'est l'avant-dernier...

M. BOUTIN (Johnson): C'est le septième.

M. ROY: ... M. le Président, c'est le 7e, c'est qu'on parle énormément de vouloir augmenter le prêt agricole. On a dit que la ferme moyenne, à l'heure actuelle, vaut en quelque sorte $70,000. Ce n'est que malheureusement trop

vrai. Il ne faut pas oublier, M. le Président, que les agriculteurs du Québec, avec ces politiques d'investissement massif, qu'on les oblige à accepter pour avoir des unités rentables, sont devenus des esclaves, sont devenus des gens qui peuvent demeurer dans l'agriculture seulement quelques années, parce qu'un être humain, ce n'est pas un tracteur diesel.

Je pense qu'on ne l'a pas compris suffisamment. Il est désastreux de voir à l'heure actuelle qu'on oblige les agriculteurs du Québec à travailler comme jamais leurs ancêtres ne l'ont fait dans le passé, même avec les instruments qu'ils avaient dans le temps. Avec la conséquence que, dans la majorités des régions de la province de Québec, l'agriculteur, rendu à 55 ans, n'est plus capable de tenir le coup.

M. le Président, j'aurais plusieurs dossiers à souligner à l'attention du ministre. Si le gouvernement et le ministère de l'Agriculture veulent faire une enquête de ce côté, ils auraient la collaboration des bureaux de l'aide sociale. Ils auraient certainement la collaboration et ils pourraient avoir beaucoup d'indications de la part des agronomes. Ils pourraient ramasser suffisamment de données pour se rendre compte que, présentement, c'est devenu pour la plupart un véritable suicide personnel et que c'est en train de devenir un genre de suicide collectif.

M. le Président, on s'est occupé de faire du regroupement des fermes, il y a quelques années, dans les différents comtés du Québec, au niveau des caisses d'établissement.

Il y a des gens qui ont très bien réussi pendant les premières années, mais ils n'ont pas été capables de tenir plus que cinq ou six ans; pour des raisons de santé, ils ont été obligés d'abandonner, de discontinuer, et pour récupérer leurs capitaux ils ont été obligés de faire des ventes à l'encan.

M. le Président, c'est un problème social, c'est un problème humain. C'est bien beau de parler d'augmenter les crédits agricoles pour dire à l'agriculteur: Endettez-vous davantage et surendettez-vous; à ce moment-là, vous serez prospère. Je pense que c'est un bon moyen de faire faillite que de s'endetter continuellement sans savoir si, à la base, ils pourront avoir des prix garantis, des prix minimums, s'ils pourront vivre dans des conditions normales.

Le dernier point, je l'ai souligné un peu tout à l'heure mais je reviens là-dessus. Il est absolument indispensable qu'il y ait une étroite collaboration entre les autres ministères, qu'il y ait une collaboration interministérielle, pour faire en sorte que les politiques de l'agriculture au Québec s'insèrent dans le cadre d'un grand programme de développement de toute l'économie rurale de la province de Québec. Lorsque l'agriculture ne va pas dans le milieu rural, c'est tout le milieu rural qui ne va pas. Lorsque le milieu rural ne va pas, le milieu urbain a des fichus problèmes. Demandons-nous si, présente- ment, dans la province de Québec, ce n'est pas une cause profonde des grands malaises économiques et sociaux que nous connaissons.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci, M. le député. Maintenant, nous pouvons procéder de deux façons, de deux choses l'une, autrement dit. Le ministre peut répondre, s'il le veut, au député de Beauce-Sud, sur ces commentaires, ou attendre, s'il y a des questions ou des commentaires de la part d'autres membres de la commission, et répondre après. Préférez-vous répondre aux arguments ou attendre la programmation?

M. TOUPIN: Je préférerais répondre tout de suite à certaines affirmations...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Allez-y. M. TOUPIN: ... qui dépassent largement...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui.

M. TOUPIN: Le premier commentaire que je voudrais faire sur les propos tenus par le député de Beauce-Sud — à ce moment-là, je ne pense pas que ce soit le déprécier que de dire de telle chose — c'est que j'ai l'impression que le député de Beauce-Sud pense encore à l'agriculture des années trente et des années quarante, des grands bouts. Il y a certains aspects, des questions qu'il soulève, qui sont peut-être à l'ordre du jour des années modernes, j'en conviens, certains points, notamment celui de l'intégration de l'économie agricole, d'une économie rurale. Il s'agit de se poser la question bien honnêtement. Est-ce que le secteur agricole va toujours être le seul à supporter la structure économique rurale? Au fond, c'est cela. Si on laisse porter la structure économique rurale, l'infrastructure des paroisses rurales seulement sur le dos des agriculteurs, il est sûr que les charges vont devenir très lourdes à porter. On n'a qu'à penser à l'entretien des chemins, on n'a qu'à penser aux réseaux d'égout et d'aqueduc, etc. C'est évident que les charges vont être très lourdes pour les agriculteurs, on est conscients de cela et c'est pour cela, d'ailleurs, que le gouvernement, l'an dernier, a décidé de rembourser 40 p.c. de l'impôt foncier non seulement scolaire mais aussi municipal parce que cela s'avérait nécessaire. C'est pour cela qu'on a fixé des maximums aussi de $150 l'acre pour ne pas qu'on surcharge, dans le temps, les agriculteurs.

Il y a aussi un maximum sur le taux. Je pense que le taux ne doit pas dépasser 1 p.c. du total de l'évaluation, si ma mémoire est bonne. C'est pour cela qu'on est intervenu dans ce domaine-là. Mais je pense qu'il y a là un problème positif. Encore là, on peut régler ce problème. Je n'ai pas besoin de vous dire que le ministère des Affaires municipales, le ministère de l'Environnement, le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, le ministère des

Terres et Forêts ont aussi, là-dedans, des responsabilités bien évidentes et peut-être même plus grandes que la nôtre parce que nous devons, je le dis en toute sincérité, voir d'abord et avant tout à ce que le secteur agricole comme tel se développe. . Voici un autre point, et là-dessus j'aimerais que le député de Beauce apporte certaines précisions. Lorsqu'on parle des revenus agricoles, on soutient qu'il s'est vendu pour $1 milliard de produits agricoles au Québec. C'est évident.

M. ROY: Ce sont vos chiffres.

M. TOUPIN: Oui, je ne les conteste pas. Je ne conteste pas ce que vous avez affirmé là-dessus. C'est vrai, on a vendu pour un peu plus de $1 milliard de produits agricoles cette année par rapport à l'année passée où le montant était d'environ $800 millions. Il y a eu augmentation des prix; c'est sûr que l'inflation, l'augmentation des prix a contribué à ce que les agriculteurs vendent plus cher leurs produits; pas nécessairement plus de produits mais plus cher leurs produits, ce qui a fait augmenter la masse monétaire, je suis d'accord sur cela.

Ce que le député de Beauce-Sud ne dit pas, c'est qu'en dépit de l'inflation, les revenus nets des agriculteurs cette année dépassent les $300 millions, alors que l'année dernière ils étaient en bas des $300 millions. Donc, les agriculteurs québécois ont réalisé un revenu net d'environ $50 millions de plus que l'année précédente.

M. ROY: Pourriez-vous nous donner les chiffres exacts là-dessus?

M. TOUPIN: Je n'ai pas les données exactes.

M. ROY: Oui, mais c'est quand même important.

M. TOUPIN: Je pourrais peut-être les avoir. Je soutiens ce que j'affirme et je ne me trompe pas. Il peut y avoir, bien sûr, dans l'ordre des chiffres quelques millions, mais les revenus nets agricoles cette année sont plus élevés que ceux de l'an dernier. Cela est évident.

M. ROY: C'est normal.

M. TOUPIN: Oui, il faut que ce soit normal aussi. Donc l'agriculteur, au fond, ne se finance pas rien que par l'inflation, il se finance aussi par son effort de productivité. Il se finance aussi et il augmente ses revenus par une marge plus grande qui existe entre les coûts de production et le prix de vente de ses produits. Vous-même, vous étiez d'accord tantôt qu'on cherche une procédure de fixation de prix minimum. Lorsque vous parlez de prix minimum, j'espère que vous soutenez la théorie qui veut qu'un prix minimum doit correspondre au moins au coût de production. Si c'est là votre thèse, cela correspond exactement à ce qui se fait actuellement dans au moins sept ou huit productions au Québec. Il y en a un certain nombre d'autres où on n'y est pas parvenu encore, on le reconnaît, mais il y a un problème de producteurs aussi là-dedans. Si vous connaissez un peu le secteur des maraîchers, par exemple, ce n'est pas facile de pénétrer dans ce secteur et d'organiser des structures de commercialisation. Or, il y a d'autres secteurs par ailleurs où on est parvenu à le faire. C'est une précision, je pense, qui méritait d'être apportée. Le député de Beauce-Sud soutient la thèse, que le secteur agricole n'est pas nécessairement le secteur de production agricole. Il semble soutenir...

M. ROY: Ce n'est pas cela que j'ai dit.

M. TOUPIN: ... que tous ceux qui vivent en milieu rural sont des agriculteurs, mais que les producteurs agricoles c'est une autre catégorie. Pour nous, c'est la théorie contraire. On dit: II y a des producteurs agricoles. Ces producteurs agricoles doivent, d'après nous, être capables d'avoir un niveau de vie qui soit décent, des revenus qui soient raisonnables. Là on parle des producteurs agricoles. Pour arriver à cela, on peut prendre un tas de moyens. Il faut bien tenir compte de la grandeur des entreprises, de l'efficacité des entreprises, de l'investissement des entreprises. On pourrait faire comme on a fait dans le passé et soutenir une thèse qui a prévalu longtemps au Québec, qui n'a peut-être pas donné, dans le temps, les résultats attendus. On pourrait le faire cela, on pourrait retourner aux petites subventions qu'on donnait auparavant, à tout le monde, à tous les agriculteurs bona fide du Québec, $50 et plus de ventes de produits agricoles. On pourrait retourner à cela, mais je pense que le député de Beauce-Sud va être d'accord avec moi. Quand les producteurs de lait nature soutiennent $11 pour le prix du lait, quand les producteurs de lait industriel soutiennent $10 pour le prix du lait, et cela vaut pour une ferme de 250,000 à 300,000 livres de lait, quel prix faudrait-il mettre au bout des 100 livres de lait pour une ferme de six vaches? Quel prix faudrait-il y mettre? Il faudrait le dire ça aussi lorsqu'on dit qu'il faut sauvegarder tous ceux qui sont sur les fermes. Nous, on croit qu'il y a un équilibre là-dedans. On doit chercher l'équilibre.

Des producteurs comme ceux dont vous relatiez le problème, les petits producteurs laitiers, on est conscient que ce n'est pas facile pour eux. On leur offre, nous, des choix. On leur dit: On vous donne une subvention qui est quand même passablement généreuse. Si on paye le "bulk tank", tout le monde va le rentrer dans les étables, c'est-à-dire dans les chambres à lait. Mais le gars qui a huit ou dix vaches laitières, pourquoi amener ce gars à investir $6,000 ou $7,000 sur un réservoir de lait en vrac? On est beaucoup mieux de lui dire:

Ecoute, sers-toi de la loi de l'amélioration des fermes et va te chercher un troupeau laitier et un quota. Et, après, on pourra discuter sérieusement de l'implantation d'un système de réfrigération. Tous ceux qui connaissent l'agriculture un peu, je pense, doivent, jusqu'à un certain point, soutenir cette théorie. On peut la laisser tomber, comme je vous disais tantôt, on peut retourner à l'ancienne théorie, ce contre quoi je m'opposerais personnellement. Parce que je ne crois pas à l'ancienne théorie; elle a tenté de lancer l'agriculture et elle n'a pas pu le faire. Donc, il me semble que la preuve en est faite. Analysez le phénomène de la colonisation du Bas-Saint-Laurent, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de l'Abitibi et regardez les millions, les millions et les millions de dollars qu'on y a mis là-dedans; qu'est-ce qu'il y a comme production agricole dans ces régions?

M. ROY: Est-ce que ce sont des agriculteurs qui ont eu ces millions?

M. TOUPIN: Je ne le sais pas qui, mais on n'a pas triché en tout cas.

M. ROY: Ah!

M. TOUPIN: On a ouvert des fermes, on a payé des gars pour ouvrir les fermes.

M. LESSARD: Puis pendant ce temps, les meilleures terres on les perdait...

M. TOUPIN: En plus. Alors il y avait des contradictions dans les politiques, dans le passé. Nous, on a dit: On va essayer de faire un redressement là-dedans puis on va essayer de voir comment ça se produit. Là-dessus, les théories sont discutables, mais celle que vous prônez, je l'accepte à moitié. L'autre moitié, je ne l'accepte pas plus qu'il ne faut, la régionalisation des usines, des entreprises laitières. Je trouve malheureux que le député de Beauce-Sud n'ait pas compris vraiment notre position là-dessus.

M. ROY: Je l'ai trop comprise.

M. TOUPIN: Bon. Ecoutez ce sont les producteurs eux-mêmes...

M. ROY: Je l'ai trop comprise votre position.

M. TOUPIN: Ce sont les producteurs eux-mêmes, dans une structure coopérative...

M. ROY: Pas toujours.

M. TOUPIN: ... qui leur appartient...

M. ROY: Pas toujours.

M. TOUPIN: ... qui ont demandé qu'on fasse la fusion. Je vais aller plus loin que ça après. Là je parle seulement des agriculteurs. C'est comme ça que cela s'est produit au départ.

Pourquoi les agriculteurs ont-ils demandé cela? Ils avaient des raisons de le faire. Aucun agriculteur, où qu'il soit situé — là-dessus, le député de Beauce-Sud a peut-être raison — n'est intéressé à ce que son lait s'en aille à 20, 30 ou 40 milles de sa ferme. Il n'est pas intéressé à ça. Chaque agriculteur veut bien que l'entreprise soit proche de chez lui. Mais quand vous regardez, par exemple, le phénomène de la commercialisation des produits laitiers, allez-vous demander à une petite coopérative, qui reçoit 1 million de livres de lait, de faire du fromage, de faire de la crème glacée, de faire du lait en poudre, de faire du beurre et de faire du yoplait?

M. ROY: Ce n'est pas de cela que j'ai parlé. M. TOUPIN: Non. Mais...

M. ROY: Le ministre ne veut pas comprendre.

M. TOUPIN: ... le phénomène de regroupement des entreprises, c'est ça qui permet actuellement à la Coopérative de Granby et à ses filliales dans toutes les régions du Québec de garder le marché international, de garder le marché national du fromage et du lait en poudre. C'est cela qui lui permet de le faire. Et c'est le problème de l'Ontario actuellement, dont la production laitière diminue à un rythme plus accéléré que le nôtre, alors que nous, sauf l'an dernier, on a des augmentations et on prévoit une augmentation cette année. On espère l'avoir si les prix du gouvernement fédéral peuvent s'ajuster conformément à la demande des producteurs. J'espère qu'il y aura augmentation de production.

Augmenter la production laitière sur la ferme, c'est intéressant, mais il faut qu'il y ait une entreprise qui la reçoive, cette production, et qui soit capable de la commercialiser sur le plan international. Sur le plan national, on produit 140 p.c. de nos besoins en produits laitiers. Il faut bien les vendre. Il faut le vendre, le fromage. Il faut le vendre, le lait en poudre. La Coopérative de Granby via Fédéré a des gens qui, maintenant, sillonnent les pays étrangers et vendent les produits du Québec et du Canada. Il me paraît évident qu'on ne pouvait pas faire autrement qu'aller à l'encontre du désir des producteurs dans cette perspective. Je pense qu'avoir refusé cette idée des producteurs, cela aurait été, pour notre part, être, ce que vous disiez tantôt, rétrogrades et bloquer le développement de l'agriculture. Il y a des contraintes. On les reconnaît. Les principales contraintes que l'on retrouve en agriculture actuellement, c'est la question des quotas. Je comprends le producteur qui est pris pour payer une pénalité. Il ne faut quand même pas

oublier aussi, quand vous regardez le problème du blé dans les provinces de l'Ouest, que le gouvernement fédéral, en 1967/68, a voulu développer à coups de centaines de millions de dollars. Cela s'est fait. Qu'est-ce qu'il a dû faire, par ailleurs, en 1968? Réinvestir autant de millions de dollars pour empêcher les producteurs de produire parce que le marché international était sursaturé.

Alors, il y a un équilibre à garder là-dedans aussi. Peut-être que, dans le passé, on était trop larges du point de vue de la production. Maintenant, on n'est peut-être pas tout à fait assez larges. L'équilibre, on le trouve. Cette année, on a convaincu la Commission canadienne du lait de faire disparaître ses deux types de quotas — un seul quota, pour nous, cela suffisait — un quota de production et un quota de subsides. Cette année, seulement à cause de ça, les producteurs du Québec peuvent augmenter leur production de 5 p.c. en général, sans pénalité. Regardez ce que cela veut dire dans la poche du gars au bout de l'année. Cela est une mesure importante et cela se situe dans le cadre des relations fédérales-provinciales. On ne peut plus envisager le développement de la commercialisation des produits agricoles sur le plan d'une province. On a même de la difficulté à l'envisager sur le plan national. Regardez les problèmes que M. Whelan rencontre lorsqu'il parle d'empêcher les Américains d'entrer du boeuf sur le marché canadien. Regardez le problème que cela lui pose pour toutes les autres denrées canadiennes qui vont sur le marché américain, notamment les produits laitiers. On serait la première province du pays probablement à être la plus fortement pénalisée si on ne parvient pas à s'entendre sur quelque chose qui soit valable avec les Etats-Unis et avec les autres pays qui achètent de nos produits et où nous sommes des exportateurs.

Comment voulez-vous maintenant que je puisse envisager le règlement des problèmes dans le cadre d'une province?

M. MORIN: Vous pourriez conclure des ententes directement avec les étrangers.

M. TOUPIN: Oui, c'est ce que l'on fait.

M. MORIN: Si vous avez l'intelligence de le faire.

M. TOUPIN: Oui, c'est ce que l'on fait.

M. LESSARD: Cela n'empêcherait pas de négocier directement avec les États-Unis.

M. TOUPIN: Oui, c'est ce que le Québec fait actuellement pour une partie de ses produits. Mais le seul pouvoir que le Québec n'a pas là-dedans, il est très simple, c'est qu'il n'a le pouvoir d'empêcher ni les entrées, ni les sorties de produits. C'est le seul pouvoir qu'il n'a pas.

M. LESSARD: C'est ce que le ministre confirmait. Il a de l'importance.

M. TOUPIN: Mais il a tous les autres pouvoirs. C'est important, mais je vous apporte l'exemple qu'une communauté économique et nationale de quelque 20 millions d'habitants a de la difficulté à trouver une entente qui soit acceptable sur une production. Comment une communauté de cinq millions d'habitants va-t-elle s'en sortir dans un contexte de 180 millions de consommateurs? C'est cela qu'on soutient. Ce n'est rien d'autre que ça.

M. MORIN : Avec des ententes.

M. TOUPIN: II y a des ententes possibles, remarquez. Mais je soutiens quand même que...

M. LESSARD: Le Danemark.

M. TOUPIN: ... cela crée déjà des problèmes.

M. LESSARD: Le Danemark.

M. TOUPIN: Qu'est-ce que vous pensez de l'entente qu'il y a entre les quatre pays...

M. LESSARD: Oui.

M. TOUPIN: ... qui constituent les pays nordiques?

M. LESSARD: D'accord mais...

M. TOUPIN: C'est un grand capital de consommation de denrées alimentaires et d'autant plus que ces pays ont des économies agricoles développées.

M. LESSARD: Là, vous faites de la social-démagogie !

M. TOUPIN: Non, non, non. Je ne pense pas.

M. ROY: C'est de la démagogie. C'est de la démagogie. Il y a quand même des points que j'aimerais soulever...

M. TOUPIN: C'est purement et simplement...

M. ROY: ... avant que le ministre n'aille plus loin.

M. TOUPIN: ... une réalité économique.

M. ROY: Oui, mais avant que le ministre aille plus loin...

M. TOUPIN: On ne peut pas se sortir de cette réalité, pour le moment tout au moins.

M. ROY: Je veux revenir sur un point. Le ministre a parlé de retour aux années trente, tantôt. Je n'ai parlé de cela à aucun moment et le ministre sait très bien que je n'ai pas voulu faire allusion à l'agriculture des années trente. Ce n'est pas cela du tout.

Lorsque le ministre a dit que je voulais qu'on demande que l'agriculteur supporte à lui seul l'économie rurale, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que l'agriculture, dans l'économie rurale, a toujours eu une place extrêmement importante et actuellement...

M. TOUPIN: Là, vous ne m'avez pas compris parce que je vous ai donné raison.

M. ROY: Je voudrais préciser.

M. TOUPIN: Je vous ai donné raison sur ce point.

M. ROY: Bon. Ce que j'ai voulu dire tout à l'heure, c'est que moins les agriculteurs sont nombreux, et compte tenu du fait qu'il y a seulement quelques agriculteurs dans certaines régions rurales, à ce moment-là...

M. TOUPIN: D'accord.

M. ROY: ... ils sont un petit nombre, un nombre de plus en plus petit à supporter trop de poids.

M. TOUPIN: Je suis d'accord avec vous.

M. ROY: C'est à ce moment-là qu'il va falloir décentraliser au niveau des politiques.

On a parlé, tout à l'heure, du fait qu'un agriculteur, par exemple, a $10 les 100 livres de lait et qu'un autre a $11 les 100 livres; vous avez parlé des agriculteurs qui avaient cinq vaches, qui avaient six vaches. Vous êtes parti d'une exagération et vous êtes allé à l'autre. Si on avait donné le même prix pour le lait aux petits agriculteurs qui avaient huit, dix, douze, quinze vaches laitières... Au moment où les politiques de quota de lait ont été établies, je comprends que c'est le gouvernement fédéral qui a agi, et le gouvernement provincial, à ce que je sache, n'a pas fait tellement preuve de leadership à ce moment-là. Je sais que ce n'est pas le ministre actuel qui était là, mais le gouvernement de la province de Québec n'a pas tellement fait preuve de leadership.

Si on avait permis, à ce moment-là...

M. TOUPIN: Cela a été largement corrigé depuis.

M. ROY: Disons que des corrections ont été faites. Il y a eu des corrections de faites. Je note qu'il y a eu des corrections de faites. Mais il y en a encore beaucoup à faire, parce qu 'il y a des agriculteurs qui ont été forcés de faire un pas trop grand et ils n'ont pas été capables de tenir le coup. On a créé des problèmes énormes dans les milieux ruraux.

A ce moment-là si on avait garanti des prix et accordé aux petits agriculteurs le même prix pour le lait que celui qu'on accordait aux gros agriculteurs, les petits agriculteurs auraient pu devenir moyens et auraient pu procéder selon un plan rationnel de développement, pendant quatre ou cinq ans, pour atteindre un niveau de ferme rentable.

Les types, on leur a fait faire des pas doubles et la plupart — un bon pourcentage — n'ont pas été capables de tenir le coup.

Ce sont les points que je porte à l'attention du ministre. J'ai hâte qu'on tienne compte de l'intention, de la capacité, de la volonté et du désir de l'agriculteur lui-même qui connaît son milieu et qui n'est pas toujours prêt.

Prenons un jeune, aujourd'hui, qui veut s'établir sur une ferme. On parle de $65,000, $70,000.

M. TOUPIN: Je vais y revenir.

M. ROY: Prenons un jeune qui sort, à un moment donné, M. le Président...

M. TOUPIN: Je ne voudrais pas, M. le Président, que le député de Beauce fasse une autre intervention.

M. ROY: On y allait sur des questions...

LE PRESIDENT (M. Séguin): J'attendais...

M. LESSARD: M. le Président, une question de règlement.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît.

M. LESSARD: Est-ce qu'on me permettrait la remarque...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Juste un instant, s'il vous plaît.

M. LESSARD: Non, mais le ministre...

M. BOUTIN (Johnson): Sur une question de règlement, M. le Président. Je pense que la question du collègue de Beauce-Sud est si longue que c'est quasiment une intervention. Alors je demanderais au ministre de continuer à répondre.

LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est ça. C'est très bien.

M. LESSARD: M. le Président, une question de règlement. Comme on est à la discussion générale, je pense que même après la réponse du ministre, on a le droit de revenir.

LE PRESIDENT (M. Séguin): II va terminer. Mais il y a d'autres membres de la commission, aussi, qui ont le droit...

M. LESSARD: Oui, d'accord.

M. MORIN: Est-ce que je pourrais revenir

sur un point particulier de l'intervention du ministre? Il s'agit du marché et des accords internationaux. Peut-être qu'on pourrait essayer de gratter cela un petit peu. Est-ce que vous aviez terminé?

LE PRESIDENT (M. Séguin): A moins que vous vouliez attendre au programme.

M. MORIN: Puisqu'il en parle.

M. TOUPIN: On est dans les généralités.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Si vous voulez en parler, ce sera éclairci au moment du programme.

M. MORIN: C'est tout à fait dans les généralités.

M. TOUPIN: Je ne vois pas d'inconvénient à le regarder tout de suite parce que je ne reviendrai probablement pas tellement là-dessus.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît. Je n'ai pas voulu interrompre le député de Beauce. Vous étiez parti. Peut-être lui ai-je coupé la parole?

M. ROY: Non, non, j'ai fini.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous aviez fini. Le chef de l'Opposition.

M. MORIN: Le ministre semblait — à moins que je ne l'aie mal interprété — il y a un instant, dire qu'heureusement le Québec pouvait disposer du marché canadien parce qu'autrement il ne pourrait pas s'en sortir tout seul.

Pourtant, dans le monde moderne, il existe bien des exemples qui prouvent exactement le contraire, que même des petits pays — on prenait l'exemple du Danemark mais il y en aurait bien d'autres en Europe — tout en étant souverains, ont tiré leur épingle du jeu. La France serait un autre pays où il y a des excédents agricoles considérables. Le fait d'entrer dans des accords a été pour eux la solution qui leur a permis de disposer de ces excédents.

Je ne dis pas que cela se fait sans problème. C'est évident qu'en France, à l'heure actuelle, il y a probablement trop d'agriculteurs et le gouvernement est aux prises avec de très graves problèmes dans ce domaine.

Mais est-ce que c'est ça que le ministre voulait nous dire, que le Québec ne pourrait pas s'en tirer tout seul, qu'heureusement il y avait le Canada? Moi, j'aurais plutôt été porté à croire que l'appartenance au Canada était plutôt un fardeau pour lui, un fardeau pour les agriculteurs québécois.

M. LESSARD: Si le ministre le permet, avant qu'il réponde, je continuerais dans le sens du député de Sauvé. Quand le ministre nous parle, à un moment donné, de la production laitière, le ministre prend l'exemple le plus facile; il faudrait quand même penser que c'est la seule production qu'on exporte véritablement à l'étranger, la seule... Je veux dire aux Etats-Unis.

M. TOUPIN: Non.

M. LESSARD: Nous avons 140 p.c. de notre production. Il faudrait penser, M. le Président, qu'on subit beaucoup plus les conséquences du "dumping" des pays étrangers qu'on profite du commerce de l'exportation de nos produits.

Je pense que le ministre, comme je le disais, faisait de la social-démagogie. Je pense que c'est bien plus, actuellement, un handicap, que ce soit dans beaucoup de produits ou que ce soit... Même actuellement, par exemple, nous avons réussi à avoir une commercialisation nationale concernant la volaille. En ce qui concerne le porc, on va subir les conséquences prochainement des politiques de l'Alberta. En ce qui concerne le boeuf, la décision du gouvernement fédéral aura des conséquences énormes, a déjà eu des conséquences, contrairement à ce que le ministre responsable de l'Agriculture, pendant l'interrègne du ministre actuel, nous a dit, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas d'augmentation du prix du boeuf étant donné qu'on importait aussi de l'Australie. Justement, l'une des conséquences de l'embargo que le gouvernement canadien a fait sur l'importation du boeuf a été l'augmentation du prix du boeuf au Québec. Le ministre prend un exemple qui est assez facile et je voudrais qu'il parle un peu sur d'autres produits dont le Québec subit le "dumping" à la fois des provinces canadiennes et des Etats-Unis.

M. TOUPIN: On a toujours soutenu que c'était difficile de séparer le politique de l'économique, mais moi je veux le séparer, pour ce qui concerne le secteur agricole, pour une raison très simple, c'est que le Québec actuel peut signer des ententes avec toutes les provinces du pays et il peut, dans ce cadre-là, exploiter le marché canadien, sans qu'il soit tenu de négocier d'autres ententes que des formes de partage des marchés et même pas d'échanges de produits, le partage des marchés. Cela facilite les relations commerciales dans le domaine agricole. Je ne soutiens pas que quelque Etat que ce soit n'est pas capable de négocier des ententes peut-être même similaires avec les autres pays. Et la preuve en est faite, d'ailleurs, partout dans le monde, il n'y a pas de doute possible là-dessus, mais quand je prends l'exemple du Canada, ses relations commerciales sont facilitées parce que les barrières tarifaires n'existent pas.

Prenons le Marché commun européen. Le député de Sauvé et chef de l'Opposition a eu sans doute l'occasion de regarder comment se

comporte le Marché commun, et la plus belle expérience jusqu'à maintenant du Marché commun, c'est celle des produits agricoles. Quel est le principal problème?

M. MORIN: C'est à cela que je pensais.

M. TOUPIN: On a fait tomber toutes les barrières tarifaires en Europe en ce qui concerne les produits agricoles. Quel est, au fond, le principal problème auquel les communautés individuelles, dans la communauté commune, ont à faire face?

M. MORIN: Les divergences de prix.

M. TOUPIN: Les divergences de prix, d'une part, et surtout la monnaie, surtout le problème monétaire. C'est le gros problème de fond actuellement. Il y a aussi tout le problème de l'orientation de l'agriculture, mais peu importe la structure sociale, politique, économique dans laquelle on se trouvera, on aura toujours à régler le problème qu'on soulève souvent: les agriculteurs qui partent, trop nombreux parfois. La France vit le même problème que nous, l'Ontario le même problème que nous, les Etats-Unis le même problème que nous là-dessus.

M. MORIN: Je comprends cela et le ministre est très éloquent, mais je ne veux pas le forcer à admettre que le fédéralisme canadien est une chose terrible, je ne m'attends pas à ce que le ministre dise une chose pareille. Mais je trouve cela étrange. Je ne voudrais pas qu'il se sente obligé de faire l'éloge non plus d'un système qui, sur le plan de l'agriculture, ne favorise certainement pas le Québec. Qu'il laisse cela de côté.

M. TOUPIN: J'ai simplement voulu répondre au chef de l'Opposition, à la question qu'il m'a posée, dans le cadre des ententes.

M. MORIN: Oui, je pensais au document sur les relations fédérales-provinciales qui a été préparé par un de ses collègues, par le ministre des Affaires intergouvernementales, et en particulier sous l'égide de M. Arthur Tremblay qui, justement, se trouvait en Europe avec le premier ministre pour négocier, dans le cadre du Marché commun.

Et l'un des bilans les plus négatifs du fédéralisme canadien, c'était l'agriculture, c'était dans le domaine de l'agriculture. Encore une fois, je ne veux pas exiger...

M. TOUPIN: Non, non, d'accord.

M. MORIN: ... du ministre qu'il me fasse une déclaration antifédérale, ce n'est pas ça du tout.

M. TOUPIN: Non.

M. MORIN: Mais qu'il nous dispense de l'éloge du système fédéral en matière d'agriculture.

M. TOUPIN: Evidemment, comme je vous le disais tantôt, on peut envisager ce problème, on soutient que le problème politique est relié au problème économique; je mets de côté le problème politique mais je l'envisage dans une perspective économique.

M. MORIN: Oui.

M. TOUPIN: Et je sais fort bien que dans un pays comme le nôtre, si on prend le Canada entier, le problème des provendes est extrêmement sérieux. J'ai déjà déclaré qu'on aurait pu déjà acheter des grains à l'extérieur...

UNE VOIX: A moins cher.

M. TOUPIN: ...qu'on aurait payé meilleur marché...

M. MORIN: Voilà!

M. TOUPIN: ... que les acheter de la Commission canadienne du blé. Cela, c'est vrai.

M. ROY: ... de l'extérieur, ça venait du Canada.

M. TOUPIN: Dans certains cas, même qui venaient du Canada.

M. MORIN: Dans certains cas après avoir fait le périple, on aurait pu...

M. TOUPIN: ...et les amener.

M. LESSARD: ...la Suède ou obtenir des...

M. TOUPIN: C'est dans cette seule perspective que, ce soir, dans le cadre des crédits, je suis prêt à regarder comment on peut commercialiser des produits agricoles au Québec. Si on veut l'envisager dans une perspective plus large, on pourra peut-être trouver une autre tribune pour le faire. Mais, sur celle-ci, je pense qu'on doit considérer, dans le cadre de la commercialisation, qu'il est plus facile ou qu'il devient à tout le moins plus facile pour nous de nous entendre rapidement avec une autre province, sur l'échange d'un produit, que de voir le Canada s'entendre avec un autre pays sur l'échange d'un autre produit, en termes pratiques de commerce, commercialement parlant. Ceci n'exclut aucune autre possibilité extérieure, la preuve est faite dans les autres pays, c'est évident. On en peut pas soutenir des thèses dont les décennies et les centenaires ont fait la preuve, c'est bien évident. C'en est quand même une qui vaut la peine d'être soulevée en tant qu'aspect pratique de la commercialisation des produits.

Donc, si on prend un des derniers points qu'a soulevés le député de Beauce-Sud...

M. FRASER: Je me souviens, quand le prix du lait industriel était à $3, le gouvernement fédéral a donné une subside de $1.85 les 100 livres.

M. LESSARD: Pensez-vous que c'était un cadeau qu'il nous faisait?

M. FEASER: C'est un cadeau qu'il nous faisait.

M. LESSARD: Ah! c'est un cadeau?

M. FRASER: II a empêché je ne sais combien de cultivateurs de faire faillite dans la province de Québec et c'est le Québec qui en a profité, ce n'est pas l'Ouest ni l'Alberta.

M. LESSARD: Mais, en échange, combien donnait-il aux producteurs de l'Ouest, par exemple?

M. FRASER: Combien de millions a-t-il donné en subsides? Avez-vous une idée, M. le ministre, combien de millions le gouvernement fédéral a dépensés dans le Québec?

M. LESSARD: M. le Président...

M. FRASER: ...ce sont des milliards.

M. LESSARD: Des milliards?

M. FRASER: Des milliards, oui monsieur, et cela a sauvé les producteurs de lait industriel dans la province de Québec. Autrement, tout le monde aurait fait faillite.

M. LESSARD: M. le Président, est-ce que le député est aussi conscient qu'en même temps que le gouvernement fédéral accordait des subsides aux producteurs de lait, pendant ce temps, il accordait des subsides bien plus considérables aux producteurs de l'Ouest sur d'autres productions? Est-ce que le député est conscient, par exemple, des chiffres que je donnais cet après-midi dans le sens que l'agriculture de l'Ouest a été subventionnée à gros prix par le gouvernement fédéral? Le député pense que ce sont des cadeaux que le gouvernement fédéral nous faisait.

M. FRASER: J'avais des...

M. LESSARD: Est-ce que le député est conscient...

M. FRASER: ...dans l'Ouest...

M. LESSARD: M. le Président...

M. FRASER: ... du blé...

M. LESSARD: M. le Président...

M. FRASER: ... et on a parlé du boeuf de l'Ouest qui est venu sur le marché et puis il y en aura moins de boeuf de l'Ouest l'année prochaine parce que les gars ont produit pour rien cet hiver. Et vous allez voir une diminution effrayante de production dans l'Ouest parce que les gars ne travaillent pas pour rien là-bas, pas plus qu'ici.

M. LESSARD: Non mais ils travaillent...

M. FRASER: ...du milieu ici parce qu'ils travaillent pour rien.

M. LESSARD: Comme le ministre le faisait remarquer cet après-midi, c'est que nos cultivateurs ont travaillé passablement pour rien. Nos cultivateurs ont eu énormément de courage pour se battre, pour continuer à survivre malgré des politiques du ministère de l'Agriculture qui allaient à l'encontre du véritable développement agricole. Nos cultivateurs ont eu passablement de courage, M. le Président, pour se battre même contre un gouvernement fédéral dont les politiques allaient à l'encontre des producteurs de l'Est.

Lorsque le député parle d'un secteur agricole en particulier, concernant le lait, il semble penser que c'est un cadeau. D'ailleurs, il me l'a affirmé tout à l'heure, suite à une question que je lui posais. C'est un cadeau que le gouvernement fédéral nous donnait.

Justement, puisque le député vient probablement de faire sa déclaration d'impôt...

M. FRASER: Ils sont venus en aide à l'agriculteur de l'Est.

M. LESSARD: ... est-ce qu'il est conscient qu'il paie aussi des taxes au gouvernement fédéral? Est-ce que le député est aussi conscient que, suite aux politiques du gouvernement fédéral, comme le faisait remarquer tout à l'heure le député de Sauvé, l'un des dossiers les plus négatifs du fédéralisme prétendument rentable dans la région 9, c'est justement l'agriculture?

M. FRASER: On n'est pas ici pour discuter de rentabilité du fédéralisme.

M. LESSARD: Si c'était aussi payant d'être dans ce fédéralisme, est-ce que le député est conscient que justement le revenu moyen par ferme du cultivateur canadien a été, en 1973, de $14,000, par rapport à la moyenne du Québec qui a été de $8,200? Est-ce que le député est conscient, M. le Président...

M. FRASER: Et il a demandé de l'aide. Attendez une minute.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LESSARD: Est-ce que le député est conscient que l'année 1973 a vu encore, suite

aux politiques du gouvernement fédéral, une diminution de la situation des producteurs de l'Est par rapport aux producteurs de l'Ouest?

M. FRASER: Le blé est monté à $5 le minot, c'est le prix mondial, qu'est-ce que vous voulez! Je ne parlais pas du fédéral, ni du provincial.

M. LESSARD: Justement, est-ce que le député est conscient que, pendant justement que le gouvernement fédéral accordait des subventions aux producteurs de lait, subventions qui étaient tout simplement normales, en même temps, nous subissions une discrimination vis-à-vis justement des intrants, vis-à-vis des grains de provende, qu'on vient de régler temporairement? Est-ce que le député est conscient de ça? Voici, M. le Président, ce que nous avons toujours dit...

M. FRASER: Est-ce que le député de Saguenay est conscient que les cultivateurs du Québec ont eu le même prix pour leur blé d'Inde qu'ils ont vendu cet hiver à $130 la tonne quand, l'an dernier, ils ont vendu la même chose $50 la tonne? Est-ce que vous êtes au courant de ça?

M. LESSARD: Si on veut discuter de ce fédéralisme rentable dans le secteur agricole, M. le Président, nous sommes prêts à en discuter. Nous sommes prêts à prendre dix heures sur ce problème-là...

M. FRASER: On ne discute pas ça.

M. LESSARD: ... pour informer les députés libéraux qui n'ont pas conscience justement de la façon dont on se fait exploiter au Québec.

M. FRASER: Vous blâmez le fédéral pour des choses qui ont été bonnes pour la province de Québec.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre! Je demanderais qu'on revienne à l'ordre puisqu'on semble s'écarter un peu du problème qui avait été posé au ministre. Est-ce que le ministre a terminé ses commentaires?

M. LESSARD: Le ministre est conscient de ça, d'ailleurs.

M. TOUPIN: Juste un point ou deux, en ce qui concerne la question...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je réfère plutôt aux commentaires qu'a faits le chef de l'Opposition tout à l'heure en vous posant certaines questions.

M. TOUPIN: C'est ça. En ce qui concerne la question que m'a posée le chef de l'Opposition, je pense que je lui ai donné une réponse, à condition qu'on la situe dans la perspective que j'ai bien voulu lui donner. Je disais que je voulais terminer par un dernier point qu'a soulevé le député de Beauce-Sud, celui de la régionalisation des politiques agricoles. Il voulait que les producteurs et les agronomes des régions participent davantage. Depuis trois ou quatre ans, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de gouvernements avant nous qui aient amené les régionaux à travailler autant avec lui. Le plan directeur que vous avez dans les mains a été préparé à compter précisément des propos qu'ont tenus les agronomes régionaux, après contact avec les agronomes locaux qui, eux, ont des contacts assez permanents avec les agriculteurs.

Cela a été élaboré aussi à la suite d'une étude assez profonde qu'on a faite de tous les mémoires de l'UCC du temps, de l'UPA maintenant. Alors, il y a véritablement une politique de consultation générale qui se fait. Pour terminer, parce qu'on parle beaucoup de prix en agriculture, puisqu'on parle beaucoup de revenus agricoles, le Québec a une caractéristique agricole qui n'est pas celle des autres provinces. Cela, il faudra l'accepter toujours, on ne pourra pas s'en sortir. Le Québec agricole, d'abord, est limité dans ses productions par rapport à certaines autres provinces du pays et notamment l'Ontario. Deuxièmement, les producteurs du Québec en termes d'acres, par agriculteur, en culture ne se comparent pas du tout à l'Alberta, à la Saskatchewan, puis au Manitoba.

M. LESSARD: Parce que c'est de l'élevage.

M. TOUPIN: Ce n'est pas rien que ça. Vous avez, ici au Québec, une moyenne d'environ 150 acres par agriculteur. Cela ne fait pas longtemps qu'on l'a atteinte. Il y a quatre ou cinq ans, on était à peine à 100 acres.

M. LESSARD: D'accord.

M. TOUPIN: On a 150 acres. Vous allez dans les provinces de l'Ouest, vous êtes dans les 400 ou 500 acres de terres. Ramenez votre problème de revenu par acre de terres en culture; c'est là que vous allez découvrir l'efficacité des agriculteurs québécois dans le domaine. Evidemment, il s'agit de savoir comment là-bas on investit, comment là-bas ça coûte pour administrer une grande ferme comme celle-là. Je ne sais pas comment le gouvernement fédéral fait tous ses calculs là-dessus. Il est évident que les revenus moyens de l'année dernière des agriculteurs de l'Ouest étaient plus élevés que ceux des agriculteurs de l'Est.

Partez des provinces de l'Ouest, en mettant de côté la Colombie-Britannique, qui est encore plus à l'ouest et qui a des revenus moins élevés que le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta; enlevez le problème des grains et raisonnez autour des propos qu'a tenus tantôt le député

de Huntingdon et vous allez arriver à des conclusions similaires à celles de l'Est. Les "Westerns" ne veulent plus produire de boeuf, pourquoi? Parce qu'il n'y a plus d'argent là-dedans. Ce n'est pas pour rien que le gouvernement fédéral a décidé de donner un subside.

M. FRASER: II y a deux ans, ils avaient du blé par-dessus la tête et ils ne pouvaient pas le vendre.

M. TOUPIN: Ils ne pouvaient pas le vendre, alors ils faisaient des viandes avec. Maintenant qu'on a réglé le problème des grains au pays, on a trouvé l'égalité entre l'ensemble des utilisateurs, là arrive le problème des producteurs de viande de l'Ouest. Il faut tenir compte de toutes ces réalités-là.

A cause de cet état de choses, est-ce que le Québec doit dire: Non, l'agriculture n'est plus viable, l'agriculture n'est plus rentable. La mutation va continuer. Nous sommes conscients, nous, qu'il va encore partir 5,000 ou 6,000 agriculteurs; de ce temps-ci, il en part au rythme d'environ 1,500 à 1,800 par année.

M. LESSARD: 7,000 l'an dernier.

M. TOUPIN: Oui, mais vous n'avez pas compté ceux qui sont entrés dedans. Cette année, il en part trois et il en entre douze; alors, vous avez une moyenne nette, au bout, dont vous devez tenir compte. Il y a des réalités.

M. LESSARD: Est-ce que ces gens-là ont des crédits agricoles?

M. TOUPIN: Ce sont des gens qui se financent par l'agriculture, en général, mais l'avantage qu'il y a, par exemple, c'est que les 1,200 qui reviennent dans une année par rapport aux 3,000 qui sont partis, les 1,200 reviennent avec 175, 180 et 200 acres de terre en moyenne, avec un quota laitier de 400,000 livres, etc. Là, on va retrouver une rentabilité beaucoup plus grande. Les fermes, au Québec, qui vendent pour plus de $20,000 ou $25,000 de produits agricoles, leur revenu se compare avec des fermes similaires en Ontario et des fermes similaires dans les provinces de l'Ouest. Cela se compare mais pas en général, à cause de notre structure agricole qui date de plusieurs années et dont on a parlé tantôt. C'est la mutation qu'on traverse; elle peut durer encore je ne sais pas combien d'années, elle peut durer encore quatre ou cinq ans. On espère, nous, que tout va se stabiliser dans ce domaine vers les années soicante-quinze ou soixante-seize.

Il est normal qu'il en parte 1,000 ou 1,200 par année parce qu'il en rentre 1,000 ou 1,200 et c'est normal que la structure se maintienne. Le jour où il va en rentrer plus qu'il va en sortir, on va assister au morcellement des terres, on va retourner à la petite ferme de 100 acres, à la petite ferme de 80 acres; on va encore être aux prises avec le même problème, exactement le même, à moins qu'on mette des prix très élevés aux produits agricoles.

M. MORIN: A moins que vous ayez une politique pour éviter le fractionnement aussi.

M. TOUPIN : Si vous évitez le fractionnement, vous allez avoir moins d'agriculteurs. Le nombre d'acres de terre, il faut bien se le partager.

M. LESSARD: Ce n'est pas une question de quantité.

M. TOUPIN : C'est comme cela que se situe le problème des prix lorsque vous le discutez. Vous me disiez tantôt que je charriais un peu sur la social-démocratie; je suis porté à vous dire...

M. LESSARD: Non, social-démagogie.

M. TOUPIN: ... que vous charriez pas mal, vous autres, lorsque vous parlez du prix, des revenus, quand vous les comparez. Voyez-vous? J'aime autant, dans mon cas, essayer de voir les réalités économiques auxquelles les agriculteurs ont à faire face actuellement et trouver les meilleures politiques qui vont les amener à se réajuster et à se mettre au pas avec l'ensemble. Faire du lait à $6 les cents livres c'est rêver en couleur; il faut en faire maintenant à $10 au minimum, tout au moins dans le lait naturel; dans le lait industriel c'est peut-être un peu moins vrai. Vous arrivez à la même chose avec le porc et le poulet; faites exactement les mêmes calculs et vous allez arriver au même résultat.

LE PRESIDENT (M. Séguin): J'aimerais bien, M. le ministre et messieurs, passer au programme 1, sous-article 1. Auparavant, je pense qu'il serait dans l'ordre de demander s'il y a d'autres membres de la commission qui veulent faire des commentaires d'ordre général sur ce qui a été dit cet après-midi et ce soir. Le député de Lotbinière.

M. MASSICOTTE: M. le Président, je n'ai pas l'habitude d'être long et ça ne le sera pas non plus. Il y a simplement une chose que je regrette, c'est qu'il y ait un flot de mots qui ne disent pas grand-chose sur la situation réelle agricole. En fait, il y a beaucoup de commentaires qui ont été faits sans qu'on apporte de chiffres ou de statistiques précises.

M. MORIN: Vous n'êtes pas gentil pour le ministre.

M. MASSICOTTE: Je n'ai nommé personne. J'appuie, par ailleurs, le ministre de l'Agriculture parce que depuis 20 ans que je suis agronome je vous dis qu'autour de la province on n'a pas

besoin d'être dans la Beauce ou d'être à Montréal pour savoir qu'il existe des agriculteurs et que la situation agricole aura toujours des problèmes, quelle qu'elle soit, mais le ministère de l'Agriculture est là pour les régler. Lorsqu'on vit dans un comté agricole on est à même de voir l'évolution qu'a subie l'agriculture depuis dix ans. Vous viendrez faire un tour dans le comté de Lotbinière et vous verrez qu'il y a eu des cultivateurs qui ont laissé. Mais là je me demanderais si c'étaient réellement des cultivateurs, des agriculteurs ou si c'étaient des gens qui étaient là par la force des choses.

Tandis qu'aujourd'hui le véritable agriculteur, qui est un professionnel agricole, a modernisé son entreprise, a évolué avec la demande et avec le temps. Je pense qu'avec le ministère de l'Agriculture, par les différents programmes qui ont été mis de l'avant — ils ne sont pas parfaits et je pense qu'ils ne seront jamais parfaits sur cette terre — avec ce qui a été fait depuis dix à douze ans, on a réellement remarqué que l'agriculture, dans bien des cas, a été viable.

Mais si on retourne à la petite ferme de huit à dix vaches — on en a encore de ça — c'est normal que ces individus auront beaucoup plus de difficulté à survivre que s'ils ont augmenté leur troupeau mettons de 40 à 50 vaches.

Maintenant, du côté des grains de provende, c'est un peu comme la température. A chaque année, c'est peut-être une particularité du monde agricole, à chaque année on critique la température. On a toujours peur d'avoir des résultats qui ne répondront pas à la demande. Lorsqu'on arrive à la fin de l'année, on constate que, bon an mal an, tout a été raisonnablement bien. Les profits, on n'en parle pas, parce que les gens veulent rarement parler de profits. Cela ne veut pas dire qu'ils ne vivent pas. La preuve, faites le tour, puis moi je vous invite à venir faire le tour du comté de Lotbinière...

M. LESSARD: Les compagnies étrolières, on n'en parle pas beaucoup.

M. MASSICOTTE: ... qui était un comté agricole, je peux dire, voilà une dizaine d'année, qui avait besoin d'évolution, et où, maintenant, vous avez l'industrie laitière, vous avez l'industrie porcine, vous avez l'industrie avicole, vous avez les jardins marafchers dans nos coins. Les gens travaillent...

M. MORIN: Avez-vous vu les statistiques de votre comté?

M. MASSICOTTE: Les statistiques de mon comté, je vis dans ce comté. Moi, les statistiques! Je pense qu'on peut jouer avec des statistiques comme on veut.

M. LESSARD: ... les meilleures statistiques...

M. ROY: Est-ce que le député veut dire que les statistiques ne sont pas bonnes?

M. MASSICOTTE: Non, je dis: On peut jouer avec les statistiques, selon l'individu qui les interprète.

M. ROY: On ne joue pas, on ne fait pas d'interprétation, on fait juste les donner.

M. MASSICOTTE: Ecoutez, là, la question de vos statistiques, j'aime mieux me fier à celles du ministre de l'Agriculture.

M. ROY: Ce ne sont pas les nôtres.

M. MASSICOTTE: Moi, je dis: Ne "charrions" pas, ne comparons pas quoi que ce soit, mais voyons que l'agriculture a évolué, que les terres sont mieux utilisées, que la production a augmenté, que l'efficacité a augmenté. Je pense qu'il faut être réellement positif. Le monde agricole a des problèmes, mais les agriculteurs sont quand même heureux. Pour votre information, j'en rencontre assez souvent, parce que j'ai un comté agricole, et nos agriculteurs — on n'est pas au Saguenay, M. le député de Saguenay.

M. LESSARD: Non, non, mais d'après vos statistiques...

M. MASSICOTTE: Nos agriculteurs...

M. LESSARD: D'après les statistiques du ministre.

M. MASSICOTTE: ... auront des problèmes, et ils seront encore heureux. On doit envisager le programme actuel avec optimisme. Moi, je vais appuyer le ministre de l'Agriculture tant que ça ira comme ça, et avec les nouveaux programmes qui vont venir.

M. LESSARD: Je comprends, ça ne peut faire autrement.

M. MASSICOTTE: M. le Président, il y a une chose que j'aimerais spécifier. Je trouve que c'est formidable. On dit toujours qu'un gouvernement qui fait quelque chose se fait critiquer. Il doit en faire beaucoup parce que l'Opposition critique à plein.

LE PRESIDENT (M. Séguin): II y a une chose que je voudrais faire remarquer à la commission, ici, c'est une représentation qui n'est pas présente, surtout dans le monde agricole. C'est la Providence, très souvent, qui...

M. LESSARD: Pas les grains de provende.

LE PRESIDENT (M. Séguin): ... pour les grains, puis les récoltes puis tout ce que vous voulez. Alors cette personne n'est pas présente, donc on ne l'entendra pas. Est-ce qu'il y a d'autres députés?

M. LESSARD: Vous voulez parler des grains de providence?

LE PRESIDENT (M. Séguin): Les grains de providence.

Est-ce qu'il y a d'autres députés qui ont des commentaires d'ordre général à faire?

M. MORIN: J'allais dire, M. le Président, ce n'est pas parce que vous ne le voyez pas qu'il n'est pas là.

LE PRESIDENT (M. Séguin): J'ai la foi. Disons que j'ai la foi oui, mais il ne s'exprime pas.

M. FRASER: Je vais dire un mot pour remercier le ministre pour le programme des grands cours d'eau. C'était bien nécessaire dans mon comté. Ils sont en train d'être faits...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je demanderai au député d'attendre le programme...

M. FRASER: Merci bien pour ces affaires, parce que les cultivateurs, la première chose dont ils ont besoin, c'est l'égouttement. La seule chose que je regrette, dans le budget de l'agriculture, c'est qu'il n'y ait pas plus d'argent pour faire plus de cours d'eau et pour faire plus de travaux d'amélioration de ferme, des travaux de "bulldozer". C'est ça l'aide principale aux cultivateurs.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je pourrai vous donner toute l'autorisation, au programme 3, de vous exprimer avec tellement d'éloquence et de connaissance des choses, mais si vous vous exprimez tout de suite, on sera obligé de vous priver peut-être de répéter ces commentaires à ce moment.

Sous-article 1, programme 1, page 5.3.

M. ROY: M. le Président, j'aurais juste une question à poser à l'honorable ministre avant. Parce que je pense que ça pourrait quand même être important que nous ayons ces chiffres pour l'étude des crédits, une question d'orientation générale. On a parlé beaucoup, durant tous les commentaires tantôt, de surplus de production, d'autosuffisance et autres, est-ce que le ministre pourrait nous dire, s'il a des chiffres, des statistiques, avec le plus de précision possible, combien de livres de beurre le Québec a importées au cours de la dernière année, importation canadienne, importation québécoise, et si le gouvernement a des prévisions pour ce qui aura trait à nos importations pour l'année qui vient?

M. TOUPIN: Je ne pense pas que le gouvernement fédéral fasse des statistiques de consommation à compter d'importation des produits, notamment des produits alimentaires. On peut soutenir que le Canada importe 65 millions de livres de beurre. La consommation par habitant, au Québec, est plus élevée que dans certaines autres provinces du pays. Alors, à compter de la consommation par habitant, on peut, à peu près dans ces proportions, voir combien les Québécois ont consommé de beurre venant de l'Australie ou d'autres pays du monde.

Mais ce n'est pas un problème fondamental qu'il y ait du beurre des autres pays qui se vende sur notre marché.

M. ROY: Non. Je n'ai pas demandé d'analyser si c'est fondamental ou non.

M. TOUPIN: Ah bien! je vous ai donné...

M. ROY: C'est uniquement au niveau des chiffres, 65 millions. Mais vous n'avez pas de données...

M. TOUPIN: Provinciales, non.

M. ROY: ...les plus précises possible, au niveau de la province de Québec?

M. TOUPIN: Non.

M. ROY: II n'y a aucun mécanisme qui nous permette, présentement, de savoir quoi faire là-dedans?

M. TOUPIN: Bien, il faudrait le faire dans l'ordre des proportions. On sait combien il sort de beurre du Québec.

M. ROY: Oui, mais si on fait la moyenne.

M. TOUPIN: On sait combien on en produit, on sait combien on en consomme par tête d'habitant. Alors, il faudrait faire les proportions. Mais cela devient un calcul complexe. Je ne sais pas comment le gouvernement fédéral... Le gouvernement fédéral dit: II est entré au Canada 65 millions de livres de beurre. Qui les a consommées? Ce sont les Québécois? Ce sont les Ontariens? Ce sont les "Westerners"? Qui? On n'a pas de statistique sur la part de l'importation canadienne par province dans le domaine du beurre.

M. ROY: Est-ce que le ministère de l'Agriculture a l'intention de faire certaines recherches là-dessus? Il est quand même important, lorsqu'il s'agit d'élaborer des politiques en ce qui a trait à la production laitière, d'être au courant quand on parle d'autosuffisance au Québec.

M. TOUPIN: Oui.

M. ROY: Mais est-ce qu'il y a autosuffisance réelle ou si elle...

M. TOUPIN: Pour le beurre? M. ROY: ...est artificielle?

M. TOUPIN: Oui, oui. Pour le beurre, il n'y a pas de problème.

M. ROY: Ou dans d'autres domaines. M. TOUPIN: Pour tous les produits...

M. ROY: Si on importe cette année, disons un chiffre abstrait, un chiffre que je vais prendre au hasard, une vingtaine de millions de livres de beurre, que l'an prochain on importe 30 millions de livres de beurre, il y a quand même une tendance des indications qui nous dit réellement qu'il y a des décisions, des correctifs à apporter dans ce sens-là.

M. TOUPIN: Oui.

M. ROY: C'est dans le sens de mon intervention parce que je pense qu'il est quand même important que l'on sache ces choses de façon à voir si réellement le ministère de l'Agriculture doit mettre l'accent, par exemple, sur l'accélération du développement de l'industrie laitière dans la province de Québec...

M. TOUPIN: Oui, ces choix... , M. ROY: ...compte tenu de ces choses-là.

M. TOUPIN: ...sont faits déjà. Ils sont faits par le ministère et par les. industries. Ces choix sont faits. Le Québec a choisi, depuis un bout de temps, à cause des marchés internationaux, le fromage et le lait en poudre. Ce sont surtout ces deux produits qu'il a choisis. Pourquoi? Parce que les demandes internationales sont beaucoup plus fortes, les prix sont plus élevés et permettent aux entreprises de payer plus cher les producteurs. Le produit le moins payant, au fond, pour un producteur, c'est le beurre. Ce n'est pas payant faire du beurre. Pour être capable de payer, à compter de 100 livres de lait, le même prix, si on fait du fromage par rapport à du beurre, je pense qu'il faudrait vendre le beurre $1 et plus la livre. C'est là qu'est notre problème.

M. ROY: Cela veut dire qu'au point de vue de la production du beurre, le ministre de l'Agriculture comme tel, au Québec, a fait des choix plutôt du côté du lait en poudre.

M. TOUPIN: C'est-à-dire que lorsque je rencontre les entreprises, que je discute avec elles et les producteurs laitiers, ensemble on s'entend et on dit: On produit beaucoup plus que notre consommation. Donc, il faut chercher les marchés internationaux. Qu'est-ce qui est fort sur le marché international? Qu'est-ce qui est payant sur le marché international? Qu'est-ce qui vaut la peine, pour nous, d'être fait dans le domaine laitier?

M. MORIN: C'est vrai que ce n'est pas le beurre.

M. TOUPIN: C'est vrai.

M. MORIN: Ce n'est pas le beurre. C'est le lait en poudre.

M. TOUPIN: Le lait en poudre, le fromage, les sous-produits du fromage, etc. C'est cela qui est payant actuellement.

M. ROY: Oui, mais cela n'a pas toujours été ainsi. Il y a quelques années, le beurre était plus payant.

M. TOUPIN: C'est vrai. Mais, maintenant, c'est moins payant. Vous savez qu'inverser une situation comme ça, c'est très facile. Au Québec, on n'a pas besoin de créer d'usines. La centralisation des usines qu'on a faite permet cette polyvalence de transformation. La Coopérative de Granby peut, du jour au lendemain, prendre 100 millions de livres de lait, les diriger vers le beurre et cela va fonctionner. Une semaine après, elle peut diriger ça vers la production de la poudre et du fromage et cela va fonctionner, parce que les usines sont équipées pour la polyvalence.

C'est pour cela d'ailleurs qu'on a cherché une certaine centralisation.

Recherche et enseignement agricoles

LE PRESIDENT (M. Séguin): Alors, messieurs, nous devons passer, je pense, dans l'ordre des choses, puisque la page 5-1 et la page 5-2, Ventilation des crédits, nous avons discuté, au point de vue général, là-dessus, à l'étude secteur par secteur, ce qui commence à la page 5-3 du ministère de l'Agriculture, programme 1, Recherche et enseignement agricole.

M. LESSARD: C'est-à-dire, M. le Président, le programme 1. Mais la ventilation est à la page 5-2.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Page 5-2, ventilation, mais je prévois que tout cela reviendra...

M. LESSARD: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Séguin): ...au fur et à mesure que nous approuverons chaque programme...

M. LESSARD: C'est ça.

LE PRESIDENT (M. Séguin): ...ou que nous désapprouverons chaque programme.

M. LESSARD: C'est qu'à la page 5-2, ce sont des super-catégories...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui, oui.

M. LESSARD: ...alors qu'à la page 5-3, c'est la ventilation générale.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A la page 5-2, c'est la ventilation de 5-1.

M. LESSARD: Non, non, de la page 5-3.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Bon, c'est juste en face.

M. LESSARD: C'est ça, M. le Président.

LE PRESIDENT (M, Séguin): M. le ministre, avez-vous une suggestion, ici, pour la procédure?

M. LESSARD: M. le Président, justement sur la procédure, simplement pour tenter d'éliminer les problèmes sur des sujets que nous ne pouvons pas classer à l'intérieur d'un programme précis, nous avons tenté de poser des questions concernant les petites fermes, concernant la politique des grains de provende à la page 5-1, parce qu'on ne pouvait pas — à moins que le ministre ne m'indique un programme où je puisse le faire — les situer.

Normalement, on discute de l'administration générale à la page 5-1. Nous avons pensé, tout simplement, à soulever des questions qu'on ne pouvait pas placer dans ces différents programmes, à la page 5-1, ce qui, une fois que nous les aurons discutées, nous permettra de continuer.

M. TOUPIN:. C'est quoi, le programme 5-1?

M. LESSARD: En fait, c'est le programme 1, recherche et enseignement. On a constaté, justement, en fait que ces questions touchent à la recherche.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Cela va. M. TOUPIN: D'accord.

M. LESSARD: M. le Président, est-ce que je peux passer à des questions...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Pour bien nous entendre, nous sommes à la page 5-2, supercatégorie 1, fonctionnement, catégorie 1, traitements.

M. LESSARD: M. le Président, ce que je veux dire...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous voulez parler en général? . .

M. LESSARD: Oui. Avant de s'engager, justement, dans la ventilation des crédits de 5-1, il existe des questions générales que nous n'avons pas pu classer au niveau des autres programmes. Il peut arriver que le ministre me réponde : Voici, vous auriez dû classer cela à "administration".

M. TOUPIN: Quels sont ces sujets?

M. MORIN: Les petites fermes, par exemple. C'est le premier sujet qui viendrait sur le tapis. Il peut venir aussi bien ici qu'ailleurs, d'autant que cela comporte un élément de recherche.

M. LESSARD: C'est ça.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Moi, je n'ai pas...

M. MORIN: Cela dépend du ministre. S'il me dit que cela peut venir dans un autre programme, dans une autre catégorie.

LE PRESIDENT (M. Séguin): De quelle façon voulez-vous adopter vos crédits?

M. TOUPIN: On discuterait mieux si on le situait dans le cadre de l'Office du crédit agricole parce que c'est l'Office du crédit agricole qui administre en très grande partie ce programme.

M. LESSARD: Le programme 2. M. TOUPIN: Oui.

M. LESSARD: Ainsi que la politique des grains de provende. Parce que je ne veux pas être obligé de le demander au ministre à chaque fois.

M. TOUPIN: Non. Les grains de provende, on pourrait en discuter tout de suite parce que c'est un programme très général. On pourrait situer cela dans la commercialisation, mais la commercialisation.

LE PRESIDENT (M. Séguin): La commercialisation, c'est au programme 5.

M. TOUPIN: ... c'est 5; à l'un ou à l'autre des programmes. Je suis d'accord avec le député de Saguenay qu'il n'est pas facile de situer ce programme.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui, et on a changé un peu l'ordre de la présentation. •

M. TOUPIN: Oui, on a changé l'ordre.

LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est pour cela que j'interroge la commission, à savoir de quelle façon vous voulez procéder.

M. LESSARD: Au niveau de l'enseignement et de la recherche, est-ce que le ministre pourrait nous dire ce qu'il est advenu ou quel résultat on a eu avec la Société mixte d'aménagement sylvicole et agricole de l'Est du Québec? Est-ce qu'il y a des résultats? C'est un comité conjoint formé de l'Union des producteurs agricoles et du ministère de l'Agriculture. Qu'est-il arrivé du rapport, par exemple, du comité qui a été constitué de représentants du

ministère de l'Agriculture et de l'Union des producteurs agricoles concernant les GERA? Est-ce que le ministre pourrait nous donner quelques précisions au sujet de la Société de gestion agricole. Est-ce qu'un rapport a été présenté?

D'ailleurs, lors du dernier congrès de l'UPA, on demandait, dans une résolution, que le ministre dépose ce rapport. Est-ce que ce rapport est prêt et est-ce que le ministre pourrait nous dire ce qu'il contient?

M. TOUPIN: Là, vous soulevez deux problèmes bien précis avec la question de la gestion. Dans le Québec, il y en a deux types: les syndicats de gestion et les cercles de gestion. Il y a le Syndicat de gestion, qui est administré par les producteurs agricoles, il y a les cercles de gestion, qui sont administrés plus ou moins conjointement par le ministère et par les producteurs et on cherche une intégration.

M. LESSARD: II n'y a pas conflit entre les deux?

M. TOUPIN: Non, pas nécessairement. Il y a discussion, par ailleurs, mais il n'y a pas conflit là-dessus. Les producteurs et le ministère sont passablement d'accord sur l'orientation à donner aux programmes de gestions. Pour celui-là, c'est un problème particulier. Regardons le premier, celui de la Société mixte sylvicole ou autre, qui est située dans le Bas-Saint-Laurent. Ses travaux s'exercent dans le cadre du programme ARDA et dans le cadre de l'ODEQ, si ma mémoire est bonne, dans les grandes lignes.

Il y a un certain nombre de questions techniques là-dessus, qui comportent un certain nombre de statistiques. Je vais laisser le sous-ministre donner en gros les principaux programmes qui ont été réalisés dans cette perspective, dans ce cadre.

A votre première question, M. le Président, le ministère de l'Agriculture, comme vous l'avez mentionné, a collaboré à des études spécifiques avec la faculté d'agriculture et des sciences de l'alimentation et la faculté de foresterie, en ce qui regarde certaines possibilités d'aménagements intégrés du secteur agricole et forestier de l'arrière-pays. Nous avons même annoncé certains programmes, plus particulièrement au niveau d'une intensification particulière de la production bovine avec ces sociétés d'aménagement mixtes dans le Bas-Saint-Laurent, de même qu'un programme possible d'élevage de génisses laitières, ainsi que la possibilité d'encouragement pour développer certaines productions végétales, exemple le colza, où ça pourrait être possible, afin de répondre aux désirs de cette population qui choisissait d'exploiter à fond les ressources de cet arrière-pays. Nous avons, dans la mesure du possible, apporté notre participation. Je ne sais pas si vous auriez des questions plus spécifiques que celle-là mais nous y avons assurément collaboré.

M. LESSARD: Vous y avez collaboré, d'accord. Est-ce que cela a donné des résultats précis dans cette région?

M. TOUPIN: Je pense à l'expérience de cette société, vous vous référez sans doute au projet JAL.

M. LESSARD: Oui.

M. TOUPIN: Ce sont trois paroisses dont j'oublie le nom malheureusement. Il n'a qu'un démarrage très court. En fait, il n'a même pas une année d'existence, à ma connaissance. Alors, dès le départ, à ce moment-là, le ministre a annoncé des programmes particuliers que j'ai mentionnés tout à l'heure.

M. LESSARD: Lesquels?

M. TOUPIN: Intensification de la production bovine, en tenant compte des regroupements de ces agriculteurs qui avaient choisi de mettre en commun leur fonds de terre et de l'exploiter sous cette forme.

M. LESSARD: Est-ce qu'il y a un prix de soutien, quand vous parlez d'intensification de la production bovine?

M. TOUPIN: Non, ce n'est pas relié au prix de soutien mais à une aide particulière supérieure à l'aide normale apportée par les programmes FODER dans le cadre de l'ODEQ pour créer des troupeaux, pour permettre à ces individus de se créer des troupeaux de base davantage considérables; donc ce sont des subventions à l'hiverne-ment. Nous encourageons l'individu ou le groupement à garder des troupeaux, à les hiverner donc à les alimenter. Nous avons de ce côté-là apporté une aide qui était supérieure à celle qu'on donnait, d'une façon générale, aux agriculteurs du Bas-Saint-Laurent, qui celle-là pouvait aller pour un individu jusqu'à un maximum de $2,150 par année de subvention pour aide à l'hivernement des bovins de boucherie.

M. LESSARD: Est-ce que la subvention à ce projet est reliée au nombre de bovins, par exemple? Est-ce qu'on n'exige pas au moins 40 têtes?

M. TOUPIN: Ce n'est pas 40, je pense que, d'une façon générale, nous exigeons 20 têtes. Dans le cas particulier, nous avons fait une exception, encore une fois, pour leur aider à démarrer. Je crois — je cite cela de mémoire parce que je n'ai pas le programme détaillé devant moi — que nous avons accepté, à ce moment-là, que nous puissions recourir à dix têtes pour ces individus-là. Mais, il faut bien reconnaftre qu'il faut quand même respecter, à l'intérieur de programmes même d'incitation particulière, certaines données économiques. Même si on veut mettre en valeur d'une façon

particulière ce territoire de l'arrière-pays, il faut respecter certaines normes économiques et assurer que l'individu ou les groupements qui s'engageront dans une production comme celle-là puissent avoir non seulement un minimum de viabilité mais un minimum de rentabilité. C'est toujours relié, à ce moment-là, à un nombre minimal d'unités animales pour effectivement réussir. Il y a eu certains problèmes d'ajustement mais nous avons cru, après avoir rencontré les groupements sur place, que le problème avait été résolu. Nous avons annoncé, dans les jours qui ont suivi, le programme et nous n'avons pas eu, à notre connaissance, d'autres commentaires néfastes quant à l'intérêt que ces groupements avaient manifesté pour ces programmes particuliers.

Au fond, je suis allé personnellement les rencontrer, à Mont-Joli, je pense, si ma mémoire est fidèle. Nous nous étions rendus là précisément pour voir comment se posait le problème dans le cadre de ces sociétés mixtes. C'est là que nous avons convenu d'augmenter notre subvention et d'être moins exigeants à titre expérimental.

Ce sont quand même des sociétés intégrées où, au Québec, l'expérience est assez limitée. Je pense que c'est la première expérience. On a voulu le faire d'abord et avant tout à titre expérimental et si toutefois il s'avérait utile de prolonger ces expériences dans d'autres régions, même dans la même région et dans d'autres secteurs, on n'y verrait pas d'inconvénient. Mais on n'a pas, à ce jour, de résultats concluants de cette expérience.

M. LESSARD: Comme, justement, j'ai eu, comme responsable de l'Opposition aux engagements financiers, à accepter lors de la dernière discussion des engagements financiers un montant concernant le projet JAL et que — les trois paroisses — justement le sous-ministre nous parle de ce projet qui nous semblait assez inconnu, est-ce que des critères, des normes très précises ont été élaborées au ministère et est-ce qu'il est possible d'obtenir justement ces informations? Je regrette, M. le Président — et je pense que le député de Beauce-Sud a été à peu près dans la même situation — lorsque nous avons eu à accepter des engagements financiers concernant ce programme, nous avons dû demander au ministre responsable à ce moment-là, M. Parent, des informations, et la seule chose qu'il nous a donnée sont les trois noms de paroisses qui correspondent au projet JAL. Il me semble que, justement, ce serait peut-être possible d'obtenir — et c'est l'objet de l'étude des crédits — des informations concernant ce projet et d'obtenir les normes et les critères de subventions pour ce projet.

M. ROY: M. le Président, sur le point soulevé par l'honorable député de Saguenay, si ma mémoire est fidèle, on devait nous remettre lors d'une réunion suivante une copie des documents.

M. LESSARD: C'est ça.

M. ROY: Comme la réunion suivante n'a pas eu lieu, c'est ce qui fait que nous n'avons pas obtenu les renseignements ni les documents que nous avions demandés.

M. TOUPIN: Demain, on vous apportera cela.

M. ROY: Vous les apporterez demain? Cela va, d'accord.

M. TOUPIN: La seule chose que je voudrais dire sur cette question, c'est que nous étions d'accord sur l'expérience de l'élevage du bovin dans le cadre du programme général. Vous connaissez le programme: ce sont des agriculteurs marginaux qui ont mis ensemble leurs fermes et qui font du reboisement, de l'exploitation de la forêt sur une base plus rationnelle, et parmi ces sols...

M. LESSARD: C'est une des régions que vous avez reconnues d'ailleurs...

M. TOUPIN: C'est ça.

M. LESSARD: ... parmi le zonage agricole, comme étant...

M. TOUPIN: Comme étant possible.

M. LESSARD: ... possiblement une région d'élevage.

M. TOUPIN: A deux fins. M. LESSARD: C'est ça.

M. TOUPIN: Région mixte: forestière et agricole, et pour la partie agricole, évidemment, on disait: Qu'est-ce qu'on va en faire? C'est là qu'on nous a proposé un programme; on l'a étudié avec eux et on leur a fait le programme d'élevage. Ce sur quoi on n'était pas plus d'accord qu'il fallait — quoique à la fin on a donné notre consentement à titre expérimental — c'était le fait de faire diriger ce projet, dans le cadre d'une participation de l'université Laval, par la faculté d'agriculture et le comité là-bas. Nous croyons qu'on avait l'équipement requis au ministère pour faire fonctionner cette équipe dans la perspective dans laquelle on voulait la faire fonctionner mais, au bout du compte, je pense que le comité et l'université jouent un rôle à titre expérimental et on verra ce que ça donne.

M. LESSARD: Maintenant, est-ce qu'en même temps que le ministère proposait une politique concernant l'élevage des bovins, il a pensé établir une politique de soutien des prix? Justement, suite à des discussions que j'ai eues avec des agriculteurs, le problème qu'ils rencontrent, c'est qu'on se lance dans une nouvelle

politique, suite au programme du ministère; on tente cela, on essaie ceci et tout à coup, le prix du boeuf — qui tend actuellement vers la hausse — connaît une certaine instabilité, il n'y a aucune sécurité pour ces nouveaux éleveurs.

M. TOUPIN: Tout ce que je peux vous dire là-dessus c'est que d'abord, en toute honnêteté, on n'a pas de politique de prix, premièrement. Deuxièmement, on a par ailleurs des expériences qui sont concluantes. En Abitibi, ça fait cinq ans que le programme existe; nous, lorsque nous sommes arrivés en 1970, nous avons amendé le programme, nous avons été plus généreux dans les subventions, des troupeaux se sont constitués et les producteurs ne sont pas encore venus nous voir pour nous dire que la politique des prix était pour eux un handicap. Déjà plusieurs fermes se sont spécialisées dans l'élevage du bovin. Cela démontre en tout cas un minimum de rentabilité parce que si ce n'était pas rentable, les gars n'y resteraient pas. En Abitibi, cela peut se faire parce qu'il y a du sol.

Oui et à 300 acres, ça se voit souvent, le gars peut, avec 100 têtes de bétail, s'organiser avec ses pâturages, et économiser beaucoup sur l'alimentation. Alors, à compter de cette expérience-là, on a cru que ç'allait être aussi valable dans ce coin-là avec le climat, puis à peu près les mêmes sols.

M. LESSARD: Est-ce que le ministère a fait des recherches sur le nombre de têtes minimums pour obtenir une certaine rentabilité avant de lancer ce programme?

M. TOUPIN: Oui, c'est indiscutable. Ce sont des choses qu'on a faites.

M. LESSARD: C'est fonction de la gestion aussi, je veux dire, en fait, en moyenne. Il reste quand même que...

M. TOUPIN: On pourrait peut-être y revenir quand on arrivera à ces programmes de commercialisation et de production pour les bovins et les parcs d'engraissement, mais actuellement, dans ces régions-là, ça se pose autrement.

M. LESSARD: Non, là, en fait, sur les écoles d'agriculture, le ministre rappelle là-dessus...

M. ROY: On est encore à l'élément 1? M. TOUPIN: Oui, oui, toujours 1.

M. ROY: Est-ce qu'il y a d'autres domaines où, cette année, le ministère de l'Agriculture a l'intention d'apporter d'autres programmes, genre programme JAL, pas nécessairement que ça porte le nom, ou d'autres domaines où le ministère de l'Agriculture a l'intention d'implanter des programmes de mise en valeur dans certains secteurs?

M. TOUPIN: Peut-être qu'on en trouvera quelques-uns; on vous propose d'ailleurs des programmes de création de parcs d'engraissement qui ne sont pas des programmes du tout de cette nature-là mais qui sont quand même des programmes régionaux. Alors, vous parliez tantôt de la régionalisation de l'agriculture, de la participation des régions, je vous disais qu'on a déjà commencé dans l'Abitibi.

M. ROY : Je parle de politique régionale.

M. TOUPIN: Oui, oui c'est là, je vais arriver dessus. Vous avez une politique particulière pour l'Abitibi pour l'élevage du bovin. Vous en avez une autre particulière pour le Saguenay-Lac Saint-Jean, pour l'élevage du bovin également et pour l'industrie laitière. Vous en avez une autre dans le Bas Saint-Laurent qui tient compte des conditions régionales, des agriculteurs, des investissements faits sur les fermes, etc. Donc, on commence à régionaliser les productions dans le cadre du zonage.

M. ROY: En tenant compte des particularités régionales.

M. TOUPIN: Des particuliarités régionales.

M. ROY: C'est une chose sur laquelle nous sommes entièrement d'accord.

M. TOUPIN: Et je dois vous dire, je le dis au député de Beauce-Sud, en passant, sa région est probablement une des régions, actuellement, où le zonage n'est pas avancé autant qu'on aurait voulu.

M. ROY: Non, ça ne se sent pas du tout.

M. TOUPIN: Et là, les cartographes, les gens chargés de préparer le zonage vont nous proposer, d'ici peu de temps, une carte québécoise maintenant pour le zonage. On a commencé avec trois ou quatre régions, on va avoir une carte québécoise. C'est un départ. Il faut faire attention là-dessus, c'est un départ. Là on aura des éléments vraiment régionaux pour des régions comme la vôtre. Là on pourra donner des orientations plus particulières sur, peut-être, l'élevage du bovin dans cette région, parce qu'il y a des sols quand même qui ne sont pas chers, on peut acheter des sols à $100 et à $50. Cela devient payant de faire du bovin sur des sols qui ne coûtent pas cher. Mais quand vous payez vos sols de $200 à $300 ça devient moins payant.

M. ROY: Allez faire du bovin dans la région de Montréal, là où la terre est propice à la culture maraîchère, j'imagine que ce serait...

M. TOUPIN: Dans certaines régions il faudrait en faire, parce que vous avez là le mais et vous avez là les protéines qui sont à la portée. Là, c'est au niveau de la finition, ce n'est pas au

niveau de l'élevage. Ce n'est pas au niveau de la première partie, ce sera au niveau de la finition, ce qu'on pourra appeler des parcs d'engraissement. Alors donnez ça à la région périphérique, et finissons dans la région de Montréal. Quoiqu'on pense maintenant beaucoup qu'on peut aussi finir dans la région périphérique avec un mois ou deux de plus.

M. LESSARD: Mais concernant... M. TOUPIN: Oui c'est ça, c'est exact.

M. LESSARD: Concernant les GERA, je sais que c'est une société de gestion, que c'est assez simple, mais je cherche justement le sigle, le nom au complet, allez-y donc.

M. TOUPIN: Qu'est-ce que ça veut dire les GERA?

M.LESSARD: Les syndicats de gestions, chaque lettre a un terme bien précis.

M. TOUPIN: M. le Président, lorsque vous parlez de GERA vous parlez de groupes d'étude en rentabilité agricole.

M. LESSARD: Bon. Alors, c'est un organisme qui a été constitué de l'UPA et du ministère de l'Agriculture.

M. TOUPIN: Non, pas comme cela. Quand vous parlez de gestion agricole, il faut savoir distinguer. Vous avez tout d'abord des principes de base, la nécessité pour l'agriculteur de mieux connaître les charges fixes et variables; donc, de commencer un peu...

M. LESSARD: C'est un organisme-conseil.

M. TOUPIN: ... à maintenir ses comptabilités, de même que recevoir des conseils ayant trait soit à la production de ses champs ou à la production animale. Toute cette partie est la responsabilité du ministère de l'Agriculture qui, par ses douze régions agricoles et ses agronomes locaux, donne gratuitement les services aux agriculteurs qui veulent procéder par étapes. Le programme qui est en place depuis maintenant trois ou quatre ans fait qu'au départ vous avez ce qu'on appelle des cercles d'étude en rentabilité agricole qui sont les principes élémentaires de la tenue de livres, de la possibilité d'organisation de compartimentation des charges fixes et variables pour passer, une fois cette expérience première, dans une seconde étape que sont les groupes d'étude en rentabilité agricole. Nous apportons à l'agriculteur non seulement des avis sur l'administration de sa ferme mais aussi des plans de ferme, des programmes de culture, des programmes d'élevage, des programmes d'alimentation; en fait, l'ensemble de la gamme des différentes sphères se jouant au niveau de la ferme.

Le point que vous soulevez, je pense, a trait au syndicat de gestion que nous avons étudié il y a maintenant trois ans, parce qu'il y avait déjà un projet pilote qui était le syndicat de gestion Iberville-Missisquoi et que nous avons récemment ouvert à des agriculteurs en collaboration avec l'UPA, mais à des agriculteurs vraiment spécialisés, c'est-à-dire qui ont acquis par eux-mêmes la possibilité d'une administration rationnelle, qui ont les connaissances voulues, qui ont la capacité d'utiliser le crayon adéquatement pour aller un peu plus loin dans l'étude plus poussée de leurs facteurs d'administration: C'est là que se sont introduits les syndicats de gestion et que nous avons, suivant certains critères, offert la possibilité à des groupements d'agriculteurs, avec l'UPA et le ministère de l'Agriculture, de s'organiser eux-mêmes, de pouvoir, dans certains cas, s'engager un conseiller en gestion qui s'occuperait spécifiquement d'eux. A partir de certains critères, il y a maintenant cette possibilité. Mais il faut bien savoir distinguer que ces syndicats de gestion deviennent des groupements d'agriculteurs vraiment spécialisés, c'est-à-dire qui ont acquis par eux-mêmes véritablement une capacité d'absorption des facteurs de gestion, de connaissances technologiques et techniques suffisamment avancées pour qu'ils aient envie et qu'ils soient capables de pousser par eux-mêmes, en fait, beaucoup plus loin les facteurs de production et les saisir beaucoup plus du doigt.

Il existe seulement un syndicat de gestion dans la province de Québec qui appartient aux producteurs. Le problème que vous me posiez tantôt...

M. LESSARD: Oui, le conflit.

M. TOUPIN: ... à savoir s'il y a conflit entre les deux. Le problème se posait de la façon suivante: II s'agit d'accélérer le premier groupe pour qu'il puisse tomber dans le deuxième et dans le troisième et trouver les agriculteurs eux-mêmes avec une participation financière et engager leur propre gestionnaire.

M. LESSARD: Mais le GERA est d'abord un organisme du ministère de l'Agriculture...

M. TOUPIN: Oui.

M. LESSARD: ... un organisme où se rassemblent des spécialistes du ministère de l'Agriculture pour conseiller...

M. TOUPIN: Avec les groupements d'agriculteurs.

M. LESSARD: A ce moment-là, ils conseillent les groupements d'agriculteurs; ces agriculteurs devenant plus spécialisés et étant capables d'utiliser beaucoup plus le crayon peuvent, cette fois, partir à leur compte et former le syndicat...

M. TOUPIN: C'est cela, de gestion. M. LESSARD: ... de gestion.

M. TOUPIN: Ce sur quoi on est entièrement d'accord.

M. ROY: Tout de même, les groupes n'ont aucun pouvoir décisionnel. Cela se limite uniquement au niveau des conseils.

M. TOUPIN: Administration et conseil de production, de mise en marché autant en production végétale qu'animale.

M. ROY: Mais ce sont les agriculteurs qui prennent les décisions finales?

M. TOUPIN: Exact. Ils s'élisent un conseil d'administration pour les activités de groupe. Ces agriculteurs, par exemple, vont choisir durant l'hiver de se réunir deux ou trois fois par mois sur des sujets bien précis où nous intervenons avec des spécialistes qui viennent s'entretenir avec eux. A ce moment, la programmation de ce groupement de GERA est en fonction du désir des agriculteurs qui en sont membres.

M. ROY: C'est un service gouvernemental que vous offrez en quelque sorte?

M. TOUPIN: Exact.

Les syndicats de gestion, nous contribuons, nous, pour les faire démarrer et, une fois qu'ils ont démarré, les agriculteurs les entretiennent par des subventions de support. C'est là, évidemment, une grande partie de l'avenir gestionnaire de l'agriculture au Québec, parce que ces comptabilités bien gérées vont nous donner à nous des indications nettes sur ce qui est moins ou plus rentable dans le domaine de l'agriculture, sur l'utilisation du sol, sur la rentabilité d'une acre par rapport à une autre, etc.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Verchères.

M. OSTIGUY: Dans le domaine de la recherche, on parle de plus en plus de soya ou de tourteaux de soya au Québec.

M. TOUPIN: Oui.

M. OSTIGUY: On sait qu'actuellement il y a environ 3,000 acres de soya qui sont cultivées pour une production d'à peu près 90,000 tonnes. Je pense que les besoins au Québec sont d'environ 250,000 tonnes par année. Est-ce qu'actuellement le ministère fait de la recherche pour intéresser les agriculteurs à semer de la fève soya, tenant compte qu'on parle de plus en plus d'une huilerie qui devra s'installer sur la rive sud du Saint-Laurent dans un avenir rapproché et aussi tenant compte de l'augmentation de la variante des prix du tourteau pour l'alimentation du bétail?

M. TOUPIN: M. le Président, pour répondre à votre question, le ministère de l'Agriculture, depuis de nombreuses années, plus particulièrement à ses stations de recherche de Saint-Hyacinthe et de La Pocatière, en ce qui concerne les plantes oléagineuses, a poursuivi des recherches et il va les intensifier. Il va les intensifier de quelle façon? Non seulement en continuant ses recherches, notamment aux stations de Saint-Hyacinthe, Sainte-Martine et La Pocatière, mais nous avons créé un réseau d'agriculteurs qui collaborent avec nous dans diverses régions du Québec propices à la production de plantes oléagineuses où nous faisons certaines expériences dites de démonstration et où nous amenons des agriculteurs régulièrement intéressés à ces productions. De même aussi, afin de favoriser l'implantation plus rapide de la production de ces plantes oléagineuses et plus particulièrement la fève soya au Québec, nous avons lancé l'an dernier un concours provincial de fève soya. Il y a des incitatifs financiers au bout, avec un trophée que l'agriculteur peut conserver bien chaleureusement dans son foyer, s'il le désire. Simplement pour dire, en répondant à votre question, que le ministère de l'Agriculture, depuis de nombreuses années, s'intéresse à la recherche sur la fève soya et qu'il a intensifié, depuis l'annonce de l'implantation d'une huilerie au Québec, son désir de poursuivre plus avant les recherches nécessaires au développement de cette diversification de l'agriculture.

M. OSTIGUY: Et toujours dans cet élément de recherche, quel nombre d'acres prévoyez-vous faire ensemencer en 1974/75, par exemple?

M. TOUPIN: Les informations que nous avons à ce jour, M. le Président, nous indiquent qu'en ce qui regarde la fève soya et le colza, cette année, nous devrions, comme année de démarrage véritablement, parce qu'il s'en faisait par les années passées pour l'utilisation à la ferme, ce qui est aussi un aspect important à considérer dans le contexte du coût des tourteaux de soya, en faire ensemencer à peu près 10,000 acres, ce qui serait une augmentation quintuplée ou à peu près de la production de soya par rapport à l'an passé.

M. OSTIGUY: Est-ce que vos prévisions iraient jusqu'à 100,000 acres?

M. TOUPIN: Oui, mais avec un délai. Je pense que c'est l'objectif recherché certainement par le ministère de l'Agriculture, mais toujours en essayant de respecter la loi des étapes.

Donc, cela pourrait nous mener, dans le temps, entre cinq et sept ans avant que nous ayons véritablement atteint cet objectif de 100,000 acres.

M. OSTIGUY: Dans cette rentabilité ou dans

cette politique de recherche, est-ce que vous avez fait des études de rentabilité comparativement à d'autres...

M. TOUPIN: Ah oui!

M. OSTIGUY: ... semences industrielles?

M. TOUPIN: Absolument. Il est impérieux, lorsque nous parlons de diversification de l'agriculture et de recherches fondamentales de nouvelles productions végétales au Québec, qu'elles soient assorties d'une étude de rentabilité parce qu'il ne faut pas lancer aveuglément les agriculteurs dans une aventure qui pourrait s'avérer malheureuse pour eux.

On doit dire que ces études sont faites et que la production de fève soya, par exemple, au niveau du revenu net à l'acre, se compare, dans le contexte actuel; bien sûr, elle dépend énormément des fluctuations du marché, et le marché décisionnel, lorsque l'on parle de soya, c'est le marché de Chicago. Donc, elle dépend énormément des éternuements des producteurs de soya américains. Mais en fonction de cela, comme il y a une loi, qu'on dit de substitution, qui fait que le mais-grain, la fève soya, les grains de provende s'ajustent l'un par rapport à l'autre, cela demeure, parmi un objectif de complémentarité sur une ferme, une production très intéressante, tout autant que pourrait l'être la betterave sucrière, le mais-grain. Mais comparativement, la fève soya est un atout possible de diversification au niveau de la ferme.

M. OSTIGUY: Est-ce que l'on pourrait songer à augmenter même le rendement qui est d'environ 30 minots à l'acre?

M. TOUPIN: Je pense que c'est assez difficile. Nous avons, sur le plan génétique, justement, des collaborateurs qui font des essais de croisement de variétés. Pour plusieurs raisons, je n'irai pas dans les détails, il s'agit de remonter la grappe sur la tige parce qu'on a des problèmes au niveau de la récolte; il y a des grappes qui sont coupées en bas et qui ne sont pas embarquées. Donc, les généticiens, chez nous, sont en train de faire grimper les grappes sur la tige, entre autres; ils sont en train aussi de modifier le pourcentage de teneur en huile parce que c'est important et aussi, bien sûr, de viser à chercher des variétés dont la productivité augmentera.

Mais je pense que même à 30 minots à l'acre, on peut se compter très heureux parce que c'est en fait la moyenne que nous avons obtenue jusqu'à maintenant avec la fève soya au Québec. Elle se compare avantageusement aux moyennes obtenues dans les Etats américains, que ce soit en Pennsylvanie, au Minnesota ou dans certains autres Etats américains, dans l'Iowa, l'Ohio qui est très fort en production de fèves de soya, où les rendements sont autour de 25 à 28 minots, de même que ce rendement se compare avantageusement avec le rendement moyen des producteurs de soya de l'Ontario.

M. OSTIGUY: Une dernière question peut-être un peu prématurée. Est-ce que la Régie de l'assurance-récolte prévoit couvrir cette culture, en 1974?

M. TOUPIN: II serait peut-être préférable...

M. OSTIGUY: D'attendre la Régie de l'assurance-récolte. D'accord, j'y reviendrai.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Sauvé.

M. MORIN: M. le Président, je voudrais poser une double question au sujet des recherches sur les cultures abritées et chauffées et mentionner, en passant, cette expérience extrêmement intéressante qui a lieu à Manseau depuis quelque temps, pour laquelle le ministre a exprimé de l'intérêt, si je ne m'abuse, malgré que, semble-t-il, il ait également exprimé son scepticisme à l'endroit du bénévolat communautaire.

Est-ce que le ministre pourrait nous dire quelles sont les recherches qui sont en cours dans ce domaine, qui est extrêmement prometteur pour le Québec? Deuxièmement, quelle est son attitude au sujet de Manseau et de cette expérience un peu particulière que cela constitue?

M. TOUPIN: On va diviser votre question en deux, si vous le permettez. Le sous-ministre va vous donner la partie recherche, parce que c'est plus technique, et je parlerai après du programme de Manseau et vous donnerai l'opinion du ministère.

M. MORIN: D'accord.

M. TOUPIN: Le ministère de l'Agriculture, à travers le Conseil de recherche agricole et des services agricoles, ce que nous appelons, en termes de sigles, le CRESAG, a alloué, à la faculté d'agriculture et de l'alimentation de l'université Laval, un montant, depuis quelques années, très substantiel pour une recherche sur la production légumière et floricole en serre.

M. MORIN: $200,000. C'est ça? M. TOUPIN: Oui, c'est ça. M. MORIN: $200,000.

M. TOUPIN: Effectivement, cette recherche a été très concluante. Elle a été tellement concluante que maintenant, à travers, justement, les guides de production que nous libérons à l'endroit des agriculteurs du Québec, par l'entremise du Conseil des productions végétales du Québec, qui est un organisme consultatif du

ministère regroupant tout ce qui est intéressé, nous publions maintenant, sur l'aspect recherche et même vulgarisation, un petit guide à l'intention des producteurs intéressés, soit de tomate, de concombre en serre, permettant de vulgariser une production qui, bien sûr, doit prendre absolument de l'extension au Québec.

M. MORIN: $200,000.

M.LESSARD: Oui, d'accord. Vous avez accordé une subvention de recherche de $200,000, ce qui vous permet de vulgariser, auprès des gens qui sont intéressés à cette culture. Mais concernant Manseau comme tel...

M. MORIN: Le ministre va nous répondre là-dessus.

M. LESSARD: D'accord.

M. TOUPIN: Ce n'est pas seulement pour de la vulgarisation, il y a aussi la recherche.

M. LESSARD: D'accord mais qui permet, par la suite, de vulgariser.

M. MORIN: Ils ont construit des serres avec ça, les serres de polyéthilène.

M. TOUPIN: Nous avons étudié toutes les formes de serres.

Dans certains cas, ça semble concluant et, dans certains autres cas, peut-être qu'il faudra pousser plus loin les études. Je n'ai malheureusement pas eu l'occasion d'y aller mais à Joliette ou près de Joliette une grande entreprise de production en serre s'est installée. Je ne sais pas comment cela a coûté d'investissements mais c'est au-delà de $100,000. J'ai hâte de voir comment cela va se concrétiser, cette initiative.

Revenons à Manseau, pour une question plus précise.

M. MORIN: Est-ce que vous y êtes allé, M. le ministre?

M. TOUPIN: Non, je ne suis pas allé à Manseau.

M. MORIN: Vous aviez dit que vous iriez.

M. TOUPIN: Oui mais malheureusement je n'ai pas eu le temps d'y aller, quoique ça m'aurait beauboup intéressé. Ce que je suis personnellement porté à mettre en doute dans de telles initiatives, ce n'est pas la bonne foi des gens. Ce n'est pas non plus...

M. MORIN: Ce serait le comble.

M. TOUPIN: Oui, ce serait le comble. Ce n'est pas non plus le désir d'un groupe de vouloir se donner un moyen de se réaliser plus pleinement sur le plan économique et sur le plan social et par conséquent de se sentir plus intégré dans une société, ce sur quoi je suis d'accord. Je suis d'accord, par conséquent, que ce ne sont pas seulement des serres à tomates qui peuvent donner ces occasions-là. Plusieurs autres initiatives peuvent donner les mêmes choses aux mêmes individus et on choisit cette voie d'une serre à tomates.

Pour que nous puissions réaliser, dans un type d'activités comme celui-là, un succès qui soit le moindrement valable, il faut le situer dans un contexte de programmes bien particulier. Il ne faut pas penser, par exemple, à développer la production des tomates en serre au Québec sur une base techniquement et économiquement rentable dans la perspective de groupes comme ceux-là. Quand je parle de programmes particuliers, c'est qu'il faudrait qu'on ait, au ministère de l'Agriculture ou dans un autre ministère, un programme d'aide bien particulier et bien précis pour un groupe comme celui-là. Pourquoi?

M. LESSARD: Un genre de SDI.

M. TOUPIN: Non, on pourra vous apporter des exemples là-dessus. On a fait des expériences dans la Beauce, avec le ministère des Affaires sociales, qui ont donné des résultats assez intéressants. Prenons un autre exemple, celui dont on a parlé au début, d'est-à-dire celui de l'intégration là-bas des groupes forestiers, etc. qui sont des initiatives bien particulières, pour une région donnée, qui correspondent aux vocations naturelles des régions et où on retrouve, en plus, des personnes qui sont habituées à faire de la forêt et des personnes qui sont habituées de faire de l'agriculture.

M. MORIN: Justement à Esprit-Saint, il y a un endroit où ils veulent combiner la forêt et la culture de tomates sous serres. J'ai rencontré ces gens-là.

M. TOUPIN: Cela pourrait être une initiative que ces gens-là pourraient prendre.

Mais quand nous parlons de programmes spéciaux, il faut tenir pour acquis, au départ, que ces gens n'ont pas de capitaux, premièrement.

M. MORIN: Oui, sauf qu'ils arrivent à réaliser pour $100,000 des travaux qui, normalement, prendraient des investissements de $500,000, à cause du travail communautaire, du bénévolat, des gens qui viennent les aider.

M. MASSICOTTE: Parlez-vous de Manseau?

M. MORIN: Oui, je pense à Manseau.

M. TOUPIN: Cet hiver, les serres ont-elles tenu le coup sous la neige?

M. MORIN: II y en a deux qui se sont écroulées.

M. TOUPIN: C'est déjà pas mal. Vous redoublez les $100,000 l'année suivante. Faites cela sur une base de quatre ans et vous allez atteindre plus que $200,000.

M. MORIN: Oui, mais c'était du travail bénévole.

M. TOUPIN: Oui, oui, voilà. Alors, quand vous prenez des coûts comme ça, il faut analyser tout cela, la résistance et ce que ça veut dire dans le temps.

M. LESSARD: Peut-être que s'ils avaient eu l'aide du ministère, on ne serait pas arrivé à cela.

M. TOUPIN: Bon, là, vous touchez au problème que je veux soulever. Quand je vous parle de programmes spéciaux et particuliers, il s'agit de groupes, tout compte fait, dé marginaux dans l'agriculture et d'assistés sociaux. On ne retrouve aucun spécialiste, aucune personne dans le groupe qui est habitué à faire de la tomate et notamment de la tomate sous serre.

M. MORIN: Oui, sauf qu'ils ont eu l'aide des gens de Laval, au moins d'un professeur de Laval comme conseiller.

M. TOUPIN: Alors, on va pousser plus loin. Regardant cette initiative, avec le potentiel qu'ils ont, peu d'économies, peu d'argent, peu de parts sociales, parce que peu de personnes peuvent en mettre beaucoup et pas de technique au départ, qu'est-ce qu'il fallait faire? Il fallait, au départ, donner à ces gens l'accès à la technique. Le ministère de l'Agriculture a financé un projet à.l'université Laval, on vous l'a dit tantôt. On a pris un spécialiste et on l'a mis à leur disposition. Il a pu aller là tant qu'il a voulu, au moment où il voulait y aller même, et le ministère ne s'est jamais opposé à cela, au contraire.

Une fois la technique rendue là, il s'agissait de savoir, avec la technique et avec les moyens économiques qu'ils avaient, si c'était possible de réaliser l'expérience. Dans le cadre d'un comité d'intégration des assistés sociaux au marché du travail, dirigé par le ministère du Travail, une subvention de je ne sais combien de milliers de dollars a été donnée, qui était assez minime en soi.

M. MORIN: $13,000.

M. TOUPIN: $12,000 ou $13,000, ce qui était assez minime en soi, leur ont été versés sous forme de prêts dont les conditions de remboursement allaient être déterminées un peu plus tard, sachant fort bien, au fond, que c'était une sorte de subvention presque directe qu'on versait. Cette expérience, jusqu'à maintenant, n'a pas prouvé encore, en tout cas, qu'il était possible d'en arriver à un succès. C'est vrai que ça fait seulement une saison. Pour moi, il s'agissait de décider ceci: Si je mets une politique de l'avant au ministère de l'Agriculture concernant la production en serre, il faut que ma politique soit uniforme.

Il faut que je sois vis-à-vis des uns ce que je suis vis-à-vis des autres. Qu'il s'agisse d'Arthur, d'Antoine, de Charles ou de Philippe qui décident d'aller dans une serre, il faut que ma politique s'applique autant à lui qu'à l'autre.

M. MORIN: Ce serait les mêmes conditions partout.

M. TOUPIN: Les mêmes conditions partout, et lorsque j'arrive dans un groupe comme ça, ça devient pour moi un problème particulier.

M. MORIN: Est-ce que vous ne pouvez pas le traiter comme étant expérimental, justement?

M. TOUPIN: Alors voilà la question. Nous le cherchons, dans le cadre du ministère du Travail et avec les millions dont nous disposons, à intégrer les assistés sociaux au marché du travail, ou les marginaux, à identifier des programmes précis et à y aller à titre expérimental pour voir au bout du compte ce que ça va donner. Et si toutefois, une expérience comme celle-là s'avérait valable, je n'aurais absolument aucun inconvénient à pousser plus loin; Et moi ce qui m'a inquiété, pas inquiété mais ce qui m'a surpris le plus dans ça, c'est que je n'ai pas vu de coopératives bien installées, bien constituées, qui ont prouvé leur efficacité et qui se sont intéressées au projet.

M. LESSARD: M. le Président, je pense bien que cette expérience-là demande d'autres questions, alors nous pourrons continuer demain, il est 11 h 15.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Si le député de Huntingdon veut être bref, parce que je voudrais attirer l'attention...

M. FRASER: II y en a autour de Laprairie et à Saint-Isidore, dans le comté de Huntingdon, des producteurs de lait. Ils ne sont pas assurés, ils ne sont pas protégés.

LE PRESIDENT (M. Séguin): M. le député, le ministre n'a pas terminé sa réponse.

M. LESSARD: Onze heures et quart. M. FRASER: Je m'excuse.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Nous constatons qu'il est 11 heures, même si vous regardez vos montres vous allez constater qu'il est dépassé onze heures.

Je propose que nous ajournions à demain.

M. FRASER: Demain, je vais poser la question à propos des...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je vous donne la parole demain, ne vous en faites pas là-dessus. Gardez-là, on continuera à parler de Manseau en revenant.

Les ordres de la Chambre étaient dix heures, mais considérant le début de la session, les députés en revenant ici à Québec après leurs vacances ont certainement des travaux, des choses à faire dans leur bureau, alors à dix heures et demie. On pourra peut-être non pas expédier les choses mais peut-être progresser avec un peu d'accélération. Demain dix heures et trente.

(Fin de la séance à 23 h 7)

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