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Commission permanente de l'agriculture
Etude des crédits du ministère de
l'Agriculture
Séance du mardi 30 avril 1974
(Seize heures cinquante-trois)
Préliminaires
M. SEGUIN (président de la commission permanente de
l'agriculture): A l'ordre, messieurs! Pour la séance de cet
après-midi je serai très conciliant je pourrai
accepter des modifications au cours de la procédure si ça devient
nécessaire de la part de qui que ce soit, mais pour le moment nous
allons établir les membres: Morin (Sauvé), Carpentier
(Laviolette), Denis (Berthier), Dionne (Mégantic-Compton), Faucher
(Nicolet-Yamaska), Fraser (Huntingdon), Giasson (Montmagny-L'Islet), Lessard
(Saguenay), Massicotte (Lotbinière), Ostiguy (Verchères), Roy
(Beauce-Sud), Toupin (Champlain), Tremblay (Iberville). Pour le moment, ce sont
les membres, et le rapporteur que je voudrais suggérer pour la
séance est M. Dionne de Compton, si c'est acceptable de la part de la
commission.
M. MORIN: Bien, c'est d'accord.
LE PRESIDENT: Sans plus de préambule et sans plus d'avis, nous
allons essayer, durant l'étude des crédits du ministère de
l'Agriculture, de permettre à chacun de faire les commentaires qu'il
voudra, toujours naturellement dans les limites permises. Je pense que la
commission sera d'accord pour connaître immédiatement les
commentaires que le ministre voudra bien faire. Je passerai ensuite au chef de
l'Opposition et afin de ne pas tomber dans des difficultés de
procédure, je demanderai à M. Roy s'il a des commentaires
à faire par la suite. Finalement, nous procéderons aux
crédits.
M. ROY: Nous avons un président très sage, M. le
Président.
LE PRESIDENT: On a modifié le règlement; je suivais
l'autre règlement auparavant. M. le ministre.
Exposé général
M. TOUPIN: M. le Président, je voudrais, avant d'entreprendre
l'étude des crédits, faire quelques commentaires de
caractère général sur la situation présente de
l'agriculture et tenter de situer les demandes de crédits
budgétaires que vous aurez à étudier dans le contexte des
projets à envisager pour l'avenir. Bien sûr, je ne pourrai pas, au
cours de ce petit exposé, toucher à tous les projets, je vais
seulement faire un exposé général. Il ne servirait
à rien de tenter de cacher la vérité: les producteurs
agricoles du Québec ont de sérieux problèmes, on l'a
reconnu depuis longtemps, bien sûr. Ce n'est pas le seul secteur à
en avoir et ce n'est pas non plus la seule province à les vivre. C'est
une brutale réalité économique que de tous les secteurs
d'activité on peut le prouver, je pense, n'importe quand
l'agriculture est la dernière à profiter d'une hausse
générale des prix et la première à subir les effets
d'une récession.
Si ce n'est pas un phénomène nouveau que de voir
l'agriculteur québécois passer d'une crise à l'autre pour
ainsi dire, il reste que la poussée inflationniste que nous vivons
actuellement sur le plan mondial, bien qu'elle lui ait valu une augmentation
sensible de son revenu brut, laisse le producteur agricole du Québec
dans une situation défavorable, relativement à celle des
travailleurs des autres secteurs du commerce et de l'industrie et aussi
à celle des agriculteurs de certaines autres provinces du Canada, et je
me réfère aux déclarations qu'a faites récemment
Mme Plumptre, quoique ces chiffres devraient peut-être être
revisés.
Il est normal dans cette situation de prévoir que les
interventions gouvernementales dans le secteur de l'agriculture devront se
faire plus nombreuses, plus directes et plus importantes financièrement.
C'est ce que je me propose de faire ressortir dans les prévisions
budgétaires pour l'exercice financier 1974/75.
Avant toutefois d'aborder cette partie de mon intervention, je voudrais
signaler quelques aspects de la politique gouvernementale dans le domaine de
l'agriculture, dont les résultats au cours de l'année 1973 sont
loin d'avoir été négatifs. On peut dire qu'au cours de
l'année qui vient de s'écouler les agriculteurs du Québec
ont pris pleinement conscience de leur pouvoir collectif et le syndicalisme
agricole, croyons-nous, est définitivement entré dans la phase
adulte de son développement, c'est ce que nous cherchions, d'ailleurs.
C'est peut-être là un des phénomènes des plus
encourageants et des plus prometteurs pour l'avenir de l'agriculture du
Québec, parce que ces professionnels pourront ensemble regarder leurs
problèmes et faire des suggestions qui soient constructives.
Les négociations avec les autorités
fédérales quoi qu'on en dise, toujours délicates au
domaine de l'agriculture par suite de partage particulier des pouvoirs
constitutionnels, ont été difficiles. Mais le bilan global reste
positif. Les ententes conclues ont conduit entre autres à la mise en
application au Québec de la Loi du rachat des petites fermes, ce qui
n'est pas négligeable, à la réalisation d'un programme
conjoint d'assistance au recrutement de la main-d'oeuvre agricole et à
la création d'un office national des oeufs en attendant celle d'un
office national de la chair de volaille dont la réalisation ne devrait
pas tarder. Je ne mention-
ne pas les autres interventions et les autres négociations que
nous avons pu entreprendre avec le fédéral et qui sont de
caractère moins important.
Les interventions auprès de la Commission canadienne du lait ont
conduit à l'élaboration d'une politique laitière nationale
plus apte à répondre aux exigences des producteurs
québécois de lait industriel. Des pourparlers sont actuellement
en cours qui pourraient déboucher sur un nouvel ajustement des prix
payés aux producteurs. Effectivement, j'ai rencontré
récemment mon collègue M. Whelan et je lui ai fait part
clairement que ni les producteurs québécois et ni les
responsables du ministère de l'Agriculture du Québec
n'étaient satisfaits de l'annonce, pour l'année 1974/75, de la
politique laitière, en matière de prix notamment.
Normalement le gouvernement fédéral et la Commission
canadienne du lait devraient se rendre aux demandes des producteurs qui
d'après nous sont un minimum requis pour que cette production demeure
rentable.
La question de l'approvisionnement et des coûts des grains de
provende, qui semblait en bonne voie de solution, demeure toujours une source
d'inquiétude pour les producteurs agricoles du Québec. Par
contre, la pleine réalisation des inconvénients d'une situation
de dépendance vis-à-vis des provinces de l'Ouest et c'est
tout à fait normal; elles produisent plus que nous et nous devons nous
procurer de ces grains a servi, par ailleurs, de facteur d'impulsion
dans l'élaboration d'une politique québécoise
appelée d'auto-approvisionnement en grains d'alimentation et en fourrage
dont les premiers résultats positifs se sont déjà fait
sentir au cours de la saison dernière, et c'est une première
saison.
Prenons seulement certaines statistiques. Tout blé produit au
Québec au cours de l'année 1973, 2,177 acres de plus que
l'année précédente. L'orge, 7,520 acres de plus que
l'année précédente. Le mais fourrager, 21,283 acres de
plus que l'année précédente. La luzerne, 60,000 acres de
plus que l'année précédente. Le soya et le colza, 2,700
acres de plus que l'année précédente. Cet effort des
producteurs dans le domaine de l'auto-approvisionnement représente quant
à nous, d'après nos calculs, l'équivalent de près
de $10 millions ajoutés à la production agricole au
Québec.
On s'est maintenant fixé des objectifs pour les années
à venir, jusqu'en 1978. Nous prévoyons pour les blés, en
1978, quelque chose comme 175,000 acres. Pour l'orge, 111,000; pour le mais
fourrager, 230,000; pour le mais-grain, 200,000; pour la luzerne, 650,000; pour
le soya et le colza, 80,000. Même si ces objectifs étaient
atteints, nous n'aurons pas encore, au Québec, atteint
l'auto-approvisionnement en matière d'alimentation du bétail en
totalité. Cela ne devient pas possible de dépasser beaucoup plus
que 65 p.c, tenant compte des sols dont nous disposons et, notamment, de la
quantité de sols. Nous avons, au Québec, à peine 10
millions d'acres de terres, actuellement, en tout cas, déclarées
comme arables, dont à peine trois ou quatre millions qui sont des sols
de première qualité.
Des programmes rationnels d'aide aux agriculteurs mis en application ou
modifiés radicalement au cours des quelques dernières
années, programmes qui sont à la base même d'une
agriculture rentable, même s'ils n'ont pas l'habitude de faire les
manchettes, se sont développés à un rythme
accéléré. On pense, par exemple, à
l'insémination artificielle dont les résultats accusent une
augmentation de 14 p.c. par rapport aux chiffres de l'année
précédente. C'est extrêmement important; c'est le
contrôle total de la génétique au niveau de la production
laitière. C'est à compter de ce contrôle qu'on parviendra
à faire produire aux unités laitières du Québec non
seulement 8,000 ou 8,500 livres de lait par an, mais 10,000, 12,000 ou 13,000.
C'est extrêmement important, ces augmentations d'utilisation de ce
programme par les producteurs.
Au programme de l'assurance-santé animale, qui épargne aux
agriculteurs québécois la perte de plusieurs millions de dollars
habituellement causée par les maladies animales, nous avions seulement
80 médecins vétérinaires en 1970.
Nous en avons maintenant 160, au Québec, et il est
extrêmement important pour nous qu'il y ait au chapitre de la
santé animale des services à la portée des agriculteurs,
en quantité et en qualité. Il y a aussi le programme de la vente
de la génisse F-l, c'est-à-dire des sujets issus du croisement
d'une vache laitière avec un taureau de type de boucherie, ce qui a
rapporté aux agriculteurs, cette année, en plus de ce que cela
aurait rapporté si on n'avait pas utilisé le programme,
près de $1,500,000 et qui a permis aussi de créer une nouvelle
source de revenu appréciable pour les producteurs laitiers du
Québec. Cela s'applique surtout et avant tout, je pense, aux producteurs
laitiers du Québec.
Pendant que nous sommes sur cette question, je voudrais vous apporter
quelques statistiques sur la production bovine au Québec. On est bien
conscient que le Québec on le dit de plus en plus et au fond on
ne peut pas le nier, est loin d'être autosuffisant en
matière de production de viande bovine. Il l'est beaucoup plus en
matière de viande issue des vaches laitières. Mais quand on parle
des viandes bovines ce sont surtout les bovins de boucherie. Depuis 1970, par
exemple, nous avons augmenté de 10,000 têtes, au Québec,
à 51,000 présentement. C'est une augmentation de près de
80 p.c. pour 1970. Je pense qu'à ce chapitre les producteurs
québécois ont fait des efforts substantiels pour changer leur
production. Chaque fois qu'on crie qu'une ferme laitière se vend, il ne
faut pas toujours croire que l'agriculteur s'en va. Très souvent il
décide de laisser la production laitière pour s'orienter vers la
production bovine. Très souvent aussi nous obser-
vons, surtout dans les régions périphériques ou
même près des villes moins dans la grande région de
Montréal des gens des villes qui achètent des fermes et qui
implantent une production bovine. Ces chiffres n'incluent pas ces implantations
de production bovine qui viennent naturellement. Ce sont seulement les
productions bovines qu'on contrôle notamment dans l'Abitibi, dans les
Cantons de l'Est, un peu dans le nord de Montréal, dans le
Saguenay-Lac-Saint-Jean et dans le Bas Saint-Laurent, que nous croyons
être les régions à vocation plus ou moins naturelle pour ce
type de production.
En hydraulique agricole, par exemple, le ministère de
l'Agriculture a procédé à l'aménagement de 880
milles de cours d'eau, comparativement à 812 milles pour l'année
1972. Si on reculait en 1968, 1969, 1970, on accuse encore des augmentations
beaucoup plus substantielles. En drainage souterrain, nous avons établi
un record de tous les temps. Le nombre de pieds de drain posés a en
effet dépassé les 38 millions, soit 15 millions de pieds de plus
qu'en 1972 et 27 millions de pieds de plus qu'en 1969. Bien sûr, on ne
peut pas se contenter de ces chiffres, mais on est parti à zéro
dans le drainage souterrain, ou à peu près. L'Ontario travaille
là-dessus depuis près de 20 ans; nous, on a commencé il y
a à peine six ou sept ans. Mais là, les agriculteurs font des
efforts substantiels. Malheureusement, cette année, les agriculteurs
auront à faire face à des augmentations de coût très
fortes au chapitre du drainage souterrain. Nous sommes à réviser,
là-dessus, notre politique.
Les faibles récoltes céréalières et
fourragères, au cours de la saison 1972, pas de 1973, attribuables aux
pluies, non seulement au Québec mais sur le plan national, furent une
cause évidemment, pas une cause mais la principale cause de
l'augmentation, notamment des suppléments protéiques, cela a
été, pour les producteurs, une période difficile à
traverser. Cette prévision, évidemment, on l'avait
analysée auparavant et on savait que cela allait se poser de cette
façon.
A la suite des prix exorbitants des intrants et des problèmes que
cela entraînait à l'alimentation animale, le volume de la
production agricole au Québec a subi une diminution de 3 p.c. par
rapport à 1972. Ce n'est quand même pas beaucoup 3 p.c,
après avoir traversé une période aussi difficile que celle
que l'on vient de traverser, où les coûts de production ont
presque doublé. J'ai trouvé que les producteurs agricoles du
Québec avaient tenu le coup passablement, alors que la production
agricole, par exemple, avait déjà diminué de 6.5 p.c.
avant, lorsque le secteur agricole avait traversé une période
similaire, entre 1967 et 1971. Vous vous rappelez les interventions
gouvernementales avec $20 millions, alors que la production agricole avait
diminué de 6 p.c. Cette fois-ci, pour une deuxième crise, c'est
seulement 3 p.c.
Une hausse appréciable des prix des produits agricoles a
toutefois permis de porter le revenu brut global de l'agriculture
québécoise à un niveau sans précédent, soit
environ $1 milliard. Je l'ai dit récemment et je le répète
encore aujourd'hui et c'est important qu'on le dise. Le Québec avec
près de 10 millions d'acres de terre parvient à vendre un
milliard de produits agricoles, alors que 1'Alberta, avec ses 25 ou 30 millions
d'acres de terre, ne vend pas beaucoup plus que nous.
Alors, en termes d'efficacité, c'est pas mal fantastique de
constater ce que les agriculteurs québécois peuvent faire au
chapitre de la vente et de la production agricole comparativement à ceux
d'une province qu'on dit essentiellement agricole sur le plan économique
et qui, elle, ne parvient pas encore à produire beaucoup plus que
nous.
Mais le phénomène le plus marquant et le plus significatif
pour l'agriculture du Québec s'est peut-être produit à
l'intérieur même du ministère de l'Agriculture qui, devant
les contraintes imposées par des forces extérieures au
Québec et face aux graves problèmes qu'on essaie de susciter, est
en constante et rapide évolution, et à la suite également
de consultations avec les organismes agricoles intéressés. Les
préoccupations habituelles ont subi de radicales modifications et les
objectifs d'hier ont été réévalués en
fonction des exigences de l'agriculture moderne. Je vous en donnais
tantôt certains exemples, dans le domaine des céréales
notamment. Aussi, dans bien des cas, ont-ils fait place à de nouvelles
priorités plus aptes à apporter des solutions pratiques à
des problèmes actuels. Ces préoccupations nouvelles, ces nouveaux
objectifs, s'ils ne sont pas tous reflétés dans les
prévisions budgétaires pour l'année en cours je
vous dirai bientôt pourquoi se manifestent de façon
évidente dans le programme législatif qui sera soumis à
l'approbation de l'Assemblée nationale au cours de la présente
session, ainsi qu'on vous l'avait d'ailleurs annoncé dans le discours
inaugural lu par le lieutenant-gouverneur.
Je ne puis évidemment pas présumer des décisions
qui seront prises par les membres de l'Assemblée nationale mais je crois
qu'il m'est permis de tracer ici, pour les renseignements
généraux, les grandes lignes de ce programme législatif
dont l'adoption, de façon intégrale, pourra marquer un tournant
dans l'histoire de l'agriculture du Québec en mettant, pour la
première fois et de façon non équivoque, l'accent sur la
relève en agriculture, sur la sauvegarde du territoire agricole et sur
le secteur du développement, de la transformation et de la
commercialisation des produits au chapitre de l'agro-alimentation.
Des modifications seront proposées à la Loi du
crédit agricole, qui augmenteront les crédits de façon
significative. Je peux vous le dire tout de suite, je pense, parce que
bientôt le projet de loi sera déposé. On va atteindre les
$100,000. Chaque agriculteur du Québec pourra atteindre
jusqu'à $100,000 dans les nouveaux amendements que nous proposons
et qui seront discutés, bien sûr, à l'Assemblée
nationale.
Ces modifications, pourvu qu'elles soient acceptées, auront pour
effet de porter à un niveau plus réaliste la participation du
gouvernement à des transactions foncières pour fins agricoles et
de faciliter ainsi le transfert des exploitations et l'établissement des
jeunes agriculteurs.
Il y a une statistique que je me permets de citer en passant. L'an
dernier, l'Office du crédit agricole a versé à des
agriculteurs québécois, pour de nouveaux établissements,
plus de 400 nouvelles subventions par rapport à l'année
précédente, ce qui laisse présumer clairement que 400
nouveaux jeunes, entre 20 et 30 ans, se sont installés, l'an dernier,
sur des fermes par rapport aux années précédentes. Ce sont
des indices importants à la suite d'une année quand même
pas facile, en 1972, et d'une année qui s'annonçait, en 1973, pas
trop facile non plus, à cause de l'augmentation des coûts.
L'introduction de nouveaux plans, dans le domaine de
l'assurance-récolte, achèvera l'échafaudage de ce
parapluie protecteur qui assurera désormais aux agriculteurs
prévoyants une plus grande sécurité au chapitre de la
stabilité des revenus attachés aux récoltes
cérêalières et fourragères.
Présentement, l'assurance-récolte est optionnelle. Un
projet de loi sera soumis à l'Assemblée nationale où nous
discuterons d'autre chose qu'un projet optionnel. Probablement, les
agriculteurs seront appelés, s'ils sont d'accord, bien sûr,
à contribuer mais cela deviendra un programme beaucoup plus universel,
touchant tous les producteurs et pouvant intervenir immédiatement. Nous
ne serons pas tenus, à chaque année, de faire des études
et de demander des budgets supplémentaires pour ces secteurs.
La protection du consommateur québécois sera
assurée de façon plus complète. Quand je vous parle de la
protection du consommateur québécois, je ne me
réfère pas aux prix, je me réfère à ce qui
relève essentiellement du ministère de l'Agriculture. Il y aura
une série de mesures visant à améliorer le système
d'inspection des denrées alimentaires à tous les stades de la
production, de la transformation et de la mise en marché,
particulièrement au secteur des viandes et des produits de charcuterie.
C'est ce qu'on avait déjà annoncé il y a six ou sept mois.
Nous avons mis une partie, je pense, de ces règlements en application,
sinon au moins à l'étude et, d'ici tout au plus trois semaines ou
un mois, ces règlements seront appliqués.
Un nouveau projet de loi sera soumis à l'étude des membres
de l'Assemblée nationale, qui, s'il est adopté, permettra au
ministère de l'Agriculture d'intervenir directement et efficacement dans
la production, dans la transformation ou la commercialisation de tout produit
relié au secteur agro-alimentaire de façon à stimuler le
développement et l'expansion de ce secteur et favoriser l'utilisation et
la transformation en territoire québécois de nos propres produits
agricoles.
On rencontrait hier les membres de la Chambre de commerce de la province
de Québec. Nous avons abordé ces différents
problèmes et nous nous rendons compte qu'au Québec un des
problèmes est que l'industrie de transformation de l'agro-alimentaire ne
parvient pas à transformer tous les produits québécois.
Nous devons aussi, au Québec, vendre des produits à l'état
naturel, ce qui est moins payant que les vendre à l'état
transformé. Donc il y a un effort à faire dans le domaine de la
structuration d'un meilleur système de transformation des produits
agricoles du Québec.
Pour nous convaincre de ce que je viens de vous dire, nous n'avons
qu'à songer qu'au Québec seulement, alors qu'au cours des
récentes années l'augmentation annuelle de la demande pour
l'ensemble des aliments s'est établie à 3.6 p.c., l'augmentation
générale est de 14.6 p.c. pour les aliments surgelés et de
26 p.c. pour les mets de commodité. On n'a pas au Québec
d'entreprises qui s'occupent de ces secteurs, et nous cherchons actuellement,
avec des entreprises intéressées des autres provinces ou des
autres pays, ou même avec des initiatives typiquement
québécoises ce sont là nos priorités
à mettre en place de tels types d'entreprises.
Je disais que le Québec est à toutes fins pratiques absent
de ce secteur dynamique que constitue la production de denrées comme les
surgelés et les mets préparés.
Je vous ai présenté ce midi en première lecture des
amendements à la Loi des marchés agricoles du Québec qui
permettront d'agir beaucoup plus efficacement dans des domaines d'organisation
de marchés qui ne sont pas encore organisés sous forme de plans
conjoints, et nous prévoyons dans cette loi des mécanismes
permettant au ministère d'agir, bien sûr après consultation
avec les producteurs, de façon plus rapide.
Enfin, le ministère de l'Agriculture proposera l'adoption d'un
projet de loi visant à sauvegarder le territoire agricole. On en parle
pas mal ce temps-ci, depuis les dernières semaines, les derniers mois.
C'est un projet de loi qui, bien sûr, méritera d'être
discuté, mais qui constitue pour nous une priorité fondamentale
parce qu'il vise surtout à protéger le peu de sol arable que nous
avons au Québec, si nous voulons maintenir une structure agricole
économiquement viable et un secteur de transformation qu'il vaille la
peine de développer au cours des années.
Je voudrais vous faire remarquer en passant qu'il n'est pas d'usage
d'inclure dans les prévisions budgétaires les montants
nécessaires à la mise en application d'une loi qui est encore
à l'état de projet. L'adoption de la nouvelle loi en cours ou des
autres dont je vous parlais tantôt entraînera assurément de
nouveaux budgets.
On a fait beaucoup de bruit lors de la présentation du budget au
sujet de l'augmentation apparente des crédits accordés au
ministère de l'Agriculture. Je voudrais une fois de plus rétablir
les faits, s'il y a lieu de le faire, et calmer les inquiétudes
exprimées par les agriculteurs eux-mêmes notamment.
Pour rétablir l'importance relative des crédits
accordés au ministère de l'Agriculture pour les exercices 1973/74
et 1974/75, il faut se servir des mêmes données de base, partant
du budget qu'on avait au début de l'année en 1973/74, et les
appliquer au budget qu'on nous donne en 1974/75.
Alors, les prévisions budgétaires pour l'exercice 1974/75,
dont nous aborderons l'étude tantôt, se chiffrent par un montant
de $115,578,000. Ce sont les chiffres que nous avons et dont nous discuterons.
Les chiffres correspondants pour l'exercice 1973/74 ont été de
$101 millions seulement; donc, il y a augmentation effective de $14 millions,
à comparaison égale. Alors, nous partons avec un budget l'an
prochain, par rapport à celui que nous avons cette année et avec
lequel nous allons commencer à travailler, d'au-delà de $14
millions de plus que ce que nous avions l'an dernier. Il y a donc eu une
augmentation effective, quand on compare les deux budgets, de 15 p.c.
A ce montant de $101 millions, il faut ajouter un budget
supplémentaire que nous avons eu au cours de l'année, qui
était, lui, de $14,181,000 que nous n'avons pas tout
dépensé. Il est important de le dire, je pense. Nous avons
dépensé seulement environ $9 millions, ce qui laisse, au net, $5
millions qui ont été retournés au fonds consolidé
de la province, mais que nous retrouvons, par ailleurs, dans le budget
1974/75.
Quand nous prenons le budget 1973/74 et que nous le comparons avec le
budget 1974/75 et que nous incluons dans le budget 1974/75 les budgets
supplémentaires, nous avons encore $5 millions de plus que ce que
l'année financière 1973/74 nous avait octroyé avec le
budget supplémentaire. Alors, les dépenses réelles du
ministère de l'Agriculture, tout compte fait, pour l'année
1973/74 ont été de $110 millions et non pas de $114 millions ou
$115 millions, parce qu'il y a $5 millions qui ont été
retournés au fonds consolidé de la province, mais que nous avons
repris pour le budget actuel.
C'est important que nous le disions, je pense, parce que ça
clarifie la situation et ça nous amène à voir un peu plus
clair dans cette question budgétaire.
L'adoption et la mise en application des nouveaux projets de loi qui
font partie intégrante de la politique agricole du gouvernement pour
l'exercice en cours, s'ils sont adoptés par l'Assemblée
nationale, comme je vous le disais tantôt, ajouteront automatiquement des
nouveaux crédits au ministère de l'Agriculture, il n'y a pas de
doute possible, sauf le projet de loi visant la mise en marché qui, lui,
n'entraîne pas de crédits additionnels. Mais les autres lois, si
elles sont adoptées, entraîneront automatiquement des
crédits additionnels. Il est difficile de prévoir quels sont
exactement ces montants. Cela peut varier de $5 millions à $8 millions
ou $10 millions; tout dépendra de l'ampleur qu'on pourra donner aux
programmes qui découleront de ces lois et tout dépendra aussi du
moment où on va adopter ces lois. Si on les adopte à la fin de la
session, il est bien sûr qu'il ne reste presque plus de temps pour les
appliquer. Si on les adopte au milieu de la session, on aura plus de temps pour
les appliquer et les budgets seront, par conséquent, plus
substantiels.
A cause du caractère même des problèmes qui ne
cessent de surgir dans le secteur agricole et à cause surtout des
nombreux impondérables qui sont à la source de ces
problèmes et qui commandent des interventions gouvernementales, le
ministère de l'Agriculture doit être en mesure d'agir rapidement
et de façon directe pour prévenir les désastres
économiques qui, dans la plupart des économies modernes, semblent
menacer de façon particulière les agriculteurs et les autres
producteurs du secteur primaire. Il le fait au moyen de crédits
spéciaux ou de crédits additionnels dont je viens de vous parler.
Une des preuves que je peux vous donner pour des problèmes autres que
ceux attachés aux lois; les producteurs de porc ont rencontré des
problèmes; nous n'avons pas hésité à mettre
à leur disposition un budget supplémentaire de l'ordre de $4.5
millions.
Donc, M. le Président, dans les grandes lignes, c'est ce que je
voulais dire avant d'entreprendre l'étude du budget. Je ne veux pas,
bien sûr, défendre des politiques gouvernementales à tout
prix, non; je pense qu'il est normal que nous regardions comment se posent les
problèmes dans le secteur agricole.
Il est normal que nous regardions les programmes que nous avons
appliqués au cours des dernières années et les
résultats obtenus, et les difficultés que nous avons à
surmonter parfois aussi, dans l'application de nos programmes à cause
d'un certain nombre d'impondérables sur lesquels d'ailleurs nous n'avons
absolument aucune influence immédiate, sauf les influences à long
terme. On se réfère alors notamment à la
température. En dépit des systèmes artificiels, qu'on peut
présumer avoir aujourd'hui, on ne peut pas toujours prévoir s'il
pleuvera ou s'il fera beau.
LE PRESIDENT (M. Séguin): M. le Président, je voudrais
vous remercier pour la rapidité avec laquelle vous avez passé
à travers un projet immense, semble-t-il. On verra, au cours des
délibérations, si vous en avez convaincu quelques-uns. Je
voudrais vous demander tout de même, avant, et demander à la
commission, si vous pourriez nous présenter les fonctionnaires qui vous
accompagnent...
M. TOUPIN: Oui.
LE PRESIDENT (M. Séguin): ... que chacun donne son nom. Je
demanderais aussi à la commission, avec le consentement du ministre
toujours, que dans chaque cas, la personne en question puisse s'adresser
directement à la commission, pour éviter de faire rapport entre
le ministre et le fonctionnaire. C'est simplement une procédure pour
économiser un peu de temps, si vous voulez accepter ça.
M. MORIN: Et les paroles du fonctionnaire passeront sous le nom du
ministre.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Sous le nom du ministre oui, oui. Si le
ministre est consentant. Alors pour abréger, si vous voulez faire les
présentations.
M. TOUPIN: II y a M. Gaétan Lussier, qui est sous-ministre en
titre à l'agriculture, et M. Guimond, qui est responsable de la section
comptabilité.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Alors, comptabilité avec M.
Guimond, et M. Lussier sous-ministre du ministère.
Maintenant, si l'Opposition est consentante, on pourra procéder
de cette façon. Je voudrais bien déclarer au début de
cette assemblée, avant d'aller plus loin, que chaque
député ou n'importe quel député membre de
l'Assemblée nationale a droit de parole à la commission. La
question de la liste d'éligibilité, c'est pour un vote seulement,
autrement il n'y a pas de restriction; que le député soit membre
ou non, il a le droit de s'adresser à la commission. Si la commission
consent à cet arrangement, M. le chef de l'Opposition nous entendrons
vos commentaires, à moins que quelqu'un d'autre fasse votre
intervention.
M. MORIN: M. le Président, je vais laisser la parole, pour
l'instant, au député de Saguenay, qui est plus familier que je ne
puis l'être avec les questions d'agriculture, mais je me réserve
le droit d'intervenir...
LE PRESIDENT (M. Séguin): On se ressemble sous ce rapport. Cela
je vous le garantis.
M. MORIN: Je viens d'un comté d'anciens agriculteurs, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Et mes ancêtres aussi.
M. LESSARD: M. le Président, d'abord je suis heureux de constater
que le ministre nous revient et qu'il a conservé son ministère,
parce que je pense qu'il a énormément de bonnes intentions.
J'espère qu'au cours de son interrègne il a pu
réfléchir, mais cependant par exemple, je constate que le
ministre cette année est beaucoup moins triomphaliste qu'il
l'était l'an dernier. L'an dernier, il est vrai, nous avions eu une
amélioration dans le domaine agricole, dans le secteur agricole, cette
année ce n'est sûrement pas le cas.
Mais par contre, je constate que le ministre a reculé par rapport
à certaines déclarations qu'il faisait devant les
étudiants de polytechnique alors qu'il avait affirmé que s'il
n'obtenait pas les budgets nécessaires, il devrait tout simplement
prendre ses responsabilités et il laissait sous-entendre qu'il pourrait
aller jusqu'à la démission. De toute façon, le ministre a
décidé de rentrer dans le rang.
Il nous expose aujourd'hui un peu ce qu'il croit être les
éléments positifs de l'année agricole au Québec.
Cependant, M. le Président, je voudrais au cours de ces crédits,
rappeler un peu au ministre ses bonnes intentions à l'époque
où il commençait son mandat, bonnes intentions qui, dans
l'ensemble, sont demeurées lettre morte. J'aurais voulu que le ministre
nous parle un peu, même s'il le fait pour les éléments
positifs dans la négociation constitutionnelle, de ses défaites
dans ce domaine.
Le ministre actuel de l'Agriculture traçait, en 1971, ce qui fut
appelé le plan directeur de développement du secteur agricole, en
quelque sorte un plan d'action du ministre pour les années à
venir. Regardons la situation aujourd'hui. A l'exception de quelques mesures
précises, tels l'élargissement du programme
d'assurance-récolte ou l'instauration d'un crédit à la
production et certaines modifications des plafonds sur les prêts
effectués par l'Office du crédit agricole et la Loi des
producteurs agricoles, on doit se rendre compte qu'après quatre ans la
majorité, et même la très grande majorité des
mesures proposées n'ont pas eu de développement réel et
n'ont jamais fait l'objet d'un programme en bonne et due forme.
Le ministre nous parle de certains programmes agricoles mais il admet
cependant que les producteurs agricoles vivent actuellement une situation fort
insécuritaire. Ce qu'on constate actuellement dans le milieu agricole
c'est l'insécurité, c'est le pessimisme; un sentiment
général de crainte, d'insécurité, de pessimisme, en
fait, se traduit dans le milieu agricole. Pourquoi, M. le Président? La
réalité est assez noire dans le domaine agricole, que le ministre
le veuille ou pas. Justement, il parlait tout à l'heure de la Commission
de révision des prix qui nous énonçait un certain nombre
de chiffres concernant l'agriculture canadienne et, en particulier,
l'agriculture québécoise.
Le revenu net total des agriculteurs au Canada en 1972/73 a
augmenté de 80 p.c. au Québec, il a augmenté de seulement
21 p.c. En chiffres absolus, ceci veut dire que la production agricole au
Canada a été, selon la Commission de révision des prix, de
$3.4 milliards au Québec, $310 millions. Donc, en 1973, le revenu net
des agriculteurs québécois représentait moins de 10 p.c.
du revenu net des agricul-
teurs canadiens. Il y avait une baisse assez considérable dans ce
domaine au cours de l'année 1973. Autre indice qui nous paraît
fort important sur la situation de l'agriculture, c'est le revenu net par ferme
en 1973. La moyenne canadienne, nous dit la Commission de révision des
prix, a été de $14,000; la moyenne au Québec, $8,200.
Même si le ministre nous dit que ces chiffres devraient être
révisés, je pense que, relativement, les chiffres doivent quand
même correspondre à une certaine réalité.
Ce qui veut dire que le revenu net par ferme au Québec est de 58
p.c. de celui du revenu net de l'agriculteur canadien. A ce titre encore
l'agriculture québécoise régresse par rapport à
l'ensemble du Canada puisqu'en 1972 le revenu net par ferme au Québec
équivalait à 65 p.c. du revenu net par ferme au Canada.
En 1973, régression de 7 p.c, c'est-à-dire que la
proportion n'était plus que de 58 p.c. M. le Président, quand on
regarde l'augmentation des revenus des agriculteurs québécois, il
faut aussi tenir compte de l'inflation ou de l'augmentation considérable
des intrants dans le secteur agricole et de l'évolution des
dépenses d'exploitation. On sait que l'augmentation au Québec des
dépenses d'exploitation a été supérieure à
l'augmentation au Canada, soit, au Québec, augmentation de 23.7 p.c, en
particulier dans les grains de provende, et, au Canada, de 18.6 p.c.
Les conséquences de cela et le ministre pourra
peut-être nous dire que c'est une situation normale c'est la
diminution des fermes. Mais je pense qu'on en arrive à un point de
diminution tellement fort qu'il faut commencer à se poser des questions.
Il faut quand même conserver un minimum de fermes au Québec.
En 1961, nous avions, semble-t-il, selon les chiffres de l'UPA, 96,000
fermes agricoles. En 1966, 80,000 fermes agricoles; en 1971, 61,000 fermes
agricoles. En 1973, encore selon l'Union des producteurs agricoles, il existe
45,000 fermes produisant pour $1,000 et plus par année. Donc, même
si on constate, comme je le disais tout à l'heure, une augmentation du
revenu brut de l'agriculteur québécois, il faut, même dans
le budget et j'y reviendrai tout à l'heure tenir compte de
l'inflation foudroyante des coûts de production. Au cours de la
dernière année, par exemple, on a observé une hausse de
100 p.c. pour le prix du blé, 100 p.c. pour l'orge, 45 p.c. pour
l'avoine. On sait le ministre en est conscient que les grains de
provende représentent 30 p.c. à 35 p.c. des coûts de
production des fermes laitières. Les résultats: hausse
spectaculaire des encans. Cinquante-deux encans au cours des trois premiers
mois de 1974, soit deux fois plus qu'en 1973.
M. TOUPIN: Faites attention là-dessus, parce qu'aujourd'hui nous
organisons des encans pour vendre des bovins laitiers. Alors, peu importe
les... Vous parlez des encans de fermes.
M. LESSARD: Des encans de vente de fermes.
M. TOUPIN: D'accord.
M. LESSARD: Le revenu net moyen, comme je le disais, M. le
Président, doit donc être diminué d'autant, étant
donné l'augmentation considérable des intrants.
Quelles sont les causes de cette situation? Je m'excuse auprès du
ministre, mais je dois dire que c'est un peu dû à l'inertie du
gouvernement et à l'inertie du ministre actuel, quoique je pense que le
ministre de l'Agriculture actuel est peut-être beaucoup plus conscient
que n'importe quel ex-ministre de l'Agriculture des problèmes que
connaît l'agriculture. Cependant, le ministre ne va pas jusqu'au bout de
ses décisions. Le ministre ne va pas jusqu'à la limite du
programme qu'il a tracé dans le plan directeur. Le ministre chiale, le
ministre se plaint comme d'autres ministres du gouvernement Bourassa
d'ailleurs, mais le ministre plie l'échine, comme cela a
été le cas dernièrement, puisque le ministre nous revient
tout encouragé maintenant. Contrairement à ce qu'il a fait au
cours des deux dernières journées de session en avril, le
ministre maintenant vient défendre son budget et, semble-t-il, trouve
son budget fort satisfaisant.
Or, M. le Président, les budgets du ministre de l'Agriculture ont
diminué je parle relativement à l'ensemble du budget du
Québec constamment depuis 1961-1962; de 5.3 p.c. qu'il
était en 1961/62, ce budget ne représente maintenant que 1.9 p.c.
du budget total du Québec.
Pourtant, nous connaissons cette situation déplorable. Le
ministre connaît cette situation déplorable de l'agriculture,
d'autant plus que du côté des provinces de l'Ouest, à cause
justement de la crise du pétrole qui fait entrer des fonds
considérables dans les coffres de l'Etat de l'Alberta, en particulier,
on se prépare à une véritable offensive dans le secteur
agricole. On a même prévu un montant de $100 millions pour aider
les producteurs agricoles. On sait qu'en particulier dans le porc et le bovin
des subventions assez considérables de $15 à $17 vont être
versées, ce qui a même obligé le ministre à
réétudier toute sa politique concernant l'élevage du porc
au Québec.
Dans son plan directeur, le ministre demandait des montants assez
importants pour faire face à la situation; en particulier, il nous
parlait d'un montant de $20 millions. Le ministre n'a pas eu ce montant de $20
millions et il nous revient en disant que nous aurons à étudier
des budgets supplémentaires.
Je suis bien d'accord, mais on se demande si le budget actuel, que nous
avons à étudier, est le véritable budget du gouvernement
du Québec ou si, par exemple, c'est un faux budget. Il faudrait que le
ministre nous en informe.
De toute façon, le ministre nous parle aussi
des nouvelles politiques agricoles que le gouvernement mettra en place,
en particulier de certaines lois qui nous seront soumises. En effet, nous
lisons dans le discours inaugural le paragraphe suivant: "Le gouvernement du
Québec se propose de collaborer très étroitement avec le
gouvernement fédéral pour combattre cette hausse des coûts
des produits alimentaires en développant, entre autres une
économie agricole vigoureuse et soucieuse des intérêts des
agriculteurs et des consommateurs." Tout cela est très beau, ce sont de
bons voeux. Nous attendons les réalisations du ministre.
On ajoute: "Dans le cadre de son plan de développement agricole,
le gouvernement proposera, au cours de la présente session, à
cette Assemblée l'adoption de modifications majeures aux lois du
financement agricole, de l'assu-rance-récolte, de la diversification des
productions et de la commercialisation des produits. Un projet de loi vous sera
soumis pour favoriser une utilisation rationnelle du territoire agricole du
Québec en vue d'en assurer la protection et de mettre fin à
certaines pratiques abusives."
Mais, M. le Président, c'est lorsque nous considérons les
crédits du ministère que nous doutons de ces bons voeux, que nous
doutons du fait que le ministre pourra véritablement appliquer ses
nouvelles politiques agricoles. En effet, on constate, comme je le disais tout
à l'heure, que les crédits nets absolus sont sinon
augmentés, du moins en stagnation alors que l'Union des producteurs
agricoles du Québec demandait pour faire face à des
problèmes agricoles très urgents, un budget au moins égal
à $160 millions et, pour l'année prochaine, un budget de $200
millions.
Comme je le disais, la part du ministère de l'Agriculture dans le
budget total du Québec diminue constamment. Au domaine du financement
agricole, les avances de la Société du crédit agricole
demeurent les mêmes que l'an dernier, soit $4 millions. Cependant, je
suis heureux que le ministre nous annonce une modification à la
Société du crédit agricole; elle accordera, en
particulier, des crédits allant jusqu'à $100,000. En effet, cette
loi avait été modifiée en 1972, je pense, portant les
crédits de $25,000 à $40,000.
Maintenant, ce sera porté de $40,000 à $100,000, ce qui
correspond justement au montant qu'accorde le gouvernement
fédéral sur les prêts agricoles.
M. le Président, je pense que ce montant sera beaucoup plus
réaliste, quand on pense que l'investissement moyen d'une ferme
agricole, actuellement, est autour de $70,000 ou $75,000. Alors, comment
voulez-vous que l'agriculteur québécois puisse acheter une ferme
avec le crédit qui lui était accordé, soit $40,000?
Je voudrais encore rappeler au ministre certains propos qu'il tenait
dans son livre blanc sur l'agriculture, en 1971, concernant justement le
crédit agricole, propos qui me paraissent assez importants, puisque je
pense que le crédit agricole, c'est la base même du
développement agricole du Québec, en particulier, comme le disait
tout à l'heure le ministre, pour les jeunes. Or, encore là, le
ministre, même s'il a discuté avec le gouvernement
fédéral, même s'il a protesté avec le gouvernement
fédéral, n'a pas réussi à imposer, en tout cas, son
programme fédéral-provincial de crédit agricole.
On constate là comme ailleurs, M. le Président, une
duplication de services pour à peu près exactement les
mêmes fins, quoique peut-être mon collègue de la Beauce va
réagir à cette affirmation. Du moins je pense que c'est là
l'opinion du ministre puisqu'à la page 29 de son fameux plan directeur
le ministre écrivait ce qui suit: "D'aucuns déplorent, depuis
quelques années nous l'avons nous-mêmes signalé
à quelques reprises la duplication que perpétue au
Québec le fonctionnement parallèle de deux systèmes de
crédit agricole fort semblables, en ce sens qu'ils poursuivent les
mêmes objectifs de base, qu'ils utilisent les mêmes moyens
d'action, qu'ils se disputent le même territoire, qu'ils offrent
sensiblement les mêmes avantages, en pratique, qu'ils sont
financés dans une très large mesure par le même
contribuable et qu'ils utilisent, chacun de leur côté, un
personnel qualifié et compétent. "Rien écrivait le
ministre ne saurait justifier plus longuement à nos yeux le
chevauchement des efforts, la perte d'efficacité administrative, la
confusion, l'incohérence on penserait que le ministre nous
décrit le fédéralisme rentable de M. Bourassa et
l'incoordination que favorise une telle situation, sans compter le coût
déjà trop élevé qu'entrafne pour le contribuable
une telle duplication".
Sans rejeter pour autant la juridiction du gouvernement
fédéral dans ce domaine, puisqu'il s'agit d'une juridiction
conjointe, le ministre écrivait encore ce qui suit: "Dans le cadre du
programme fédéral-provincial proposé, la province se
verrait attribuer la responsabilité de l'adjudication, de la
surveillance et de l'administration des prêts, tout en procédant
de concert avec le gouvernement fédéral à la
détermination des objectifs fondamentaux à poursuivre, à
l'établissement des standards nationaux et des cadres
généraux des politiques décrites".
Et je pourrais continuer, M. le Président, mais ce que je veux
souligner en énonçant, justement, ces affirmations du livre blanc
préparé par les fonctionnaires et le ministre actuel de
l'Agriculture, c'est que tout ça est maintenant laissé de
côté, semble-t-il, oublié par le ministre.
Je ne sache pas que le ministre nous ait annoncé une
véritable politique uniforme des crédits agricoles, un
véritable plan qui ferait en sorte que ces sommes qui sont investies par
le gouvernement fédéral dans le domaine agricole reviennent au
Québec et puissent être planifiées
pour les fins agricoles du Québec et pour les
intérêts des agriculteurs québécois.
Maintenant, le ministre nous dit que des montants supplémentaires
seront donc prévus pour le financement agricole, mais, du moins dans le
budget que nous avons à étudier puisque c'est ce budget que nous
avons à étudier, on constate que les crédits
budgétaires totaux affectés au financement de l'agriculture, en
particulier le programme 2, augmentent relativement peu; 12 p.c, passant de
$24.5 millions en 1973/74 à $27.6 millions en 1974/75.
L'assurance-récolte, légère augmentation de 9 p.c.
au titre des dépenses budgétaires, mais il semble que nous
n'ayons aucune nouvelle avance à la Régie de
l'assurance-récolte.
En ce qui concerne la commercialisation c'est là, je pense, un
secteur fort important, puisque tant et aussi longtemps... Oui?
M. TOUPIN: Me permettriez-vous une question?
M. LESSARD: Oui.
M. TOUPIN: Peut-être que j'aurai l'occasion de répondre aux
affirmations que vous faites, mais, lorsque vous prenez les articles
budgétaires les uns après les autres, il ne faut pas oublier
qu'on a changé cette année la programmation.
M. LESSARD: Oui.
M. TOUPIN: Lorsque vous prenez la commercialisation, par exemple, et que
vous dites qu'il y a diminution, il faudrait vous apporter des explications
pour vous démontrer qu'il n'y en a pas.
M. LESSARD: Je n'ai pas dit encore qu'il y avait des diminutions, je
commence à en discuter.
M. TOUPIN: Alors, ça s'oriente bien, en tout cas.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je voudrais essayer d'expliquer un
peu.
M. TOUPIN: Je voudrais qu'on les discute article par article,
plutôt que d'en parler...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Justement, c'est ce que nous allons
faire. Nous allons faire un exposé en réponse à vos
commentaires. On passe les programmes...
M. LESSARD: Généraux.
LE PRESIDENT (M. Séguin): ... et on arrivera tout à
l'heure aux différents programmes. Quand on aura répondu à
l'avance aux questions, on pourra éliminer de cette façon la
nécessité de revenir plus tard à la programmation.
J'écoute avec beaucoup de soin. Mon problème, à ce
moment, serait plutôt de veiller à ce qu'on ne s'écarte pas
des crédits agricoles pour passer dans d'autres domaines. C'est ce qui
m'inquiète et ce que je surveille le plus.
Si le député de Saguenay veut continuer, je pense qu'il
achève, d'ailleurs.
M. LESSARD: M. le Président, certains libéraux...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Les crédits sont toujours
l'endroit où l'Opposition a le droit et le privilège et doit
nécessairement faire ses observations. C'est dans ce contexte qu'on
écoute avec beaucoup d'intelligence et de diligence ce que nos amis
font.
M. LESSARD: Le domaine de la commercialisation est un secteur fort
important. Je sais que le ministre en est conscient, mais tant et aussi
longtemps que nous ne réussirons pas à unir justement la
production agricole à la mise en marché, je pense que nous aurons
continuellement des problèmes dans le développement agricole.
On sait que c'est un secteur qui équivaut à plus de $3
milliards. On ne contrôle à peu près que 30 p.c. de la mise
en marché des produits agricoles au Québec. Encore là,
quand je vois les bonnes intentions du ministre et que je considère le
budget qu'il nous a soumis, je doute que ses bonnes intentions puissent
être mises en application.
Le ministre nous parle aussi d'une loi concernant l'utilisation
rationnelle du territoire agricole. Encore là, c'est une loi qui
s'avère absolument nécessaire, mais je pense qu'avec la nouvelle
loi que le ministre va nous soumettre, soit l'augmentation jusqu'à
$100,000 des prêts agricoles, il pourra probablement avoir une certaine
influence pour une meilleure utilisation du territoire. Cependant, encore
là, M. le Président, l'intervention du gouvernement
fédéral ne permettra pas d'avoir une véritable politique
de planification puisque le rachat des petites fermes appartient au
gouvernement fédéral et que, actuellement, les prêts qui
sont accordés par le gouvernement fédéral sont
supérieurs en tout cas pour le moment aux montants
qu'accorde le gouvernement du Québec. Encore là le ministre,
après une belle lutte de principe, accepte finalement que le
fédéral occupe seul et définitivement ce domaine par le
biais de son programme de rachat des petites fermes.
M. le Président, je posais cet après-midi une question qui
me paraissait fort importante au ministre de l'Agriculture concernant
particulièrement les producteurs de lait nature. On constate encore
là un cercle vicieux qui existe actuellement dans ce secteur. Le
ministre me répondait qu'il appartient à la Régie des
marchés agricoles de prendre ses responsabilités concernant
l'augmentation demandée par les
producteurs de lait nature. Or, on sait justement par
l'expérience du passé que la régie a tendance, dans ces
circonstances, à suspendre sa décision afin de connaître la
décision du gouvernement fédéral qui, comme on le sait, a
accepté d'accorder une subvention de $0.05 la pinte de lait nature, mais
pour autant qu'il n'y ait pas augmentation.
J'invite, comme je le faisais d'ailleurs il y a quelque temps, le
ministre à prendre ses responsabilités, à profiter de
l'élection fédérale qui s'en vient. Je suis assuré,
M. le Président, qu'il peut inviter la Régie des marchés
agricoles du Québec à permettre l'augmentation du lait nature ou
du moins même si je pense, comme disait le ministre, qu'il y a une
certaine autonomie de la Régie des marchés agricoles qu'il
peut lui donner une indication de telle façon que ce serait
politiquement fort peu rentable pour le gouvernement Trudeau, au moment
où les élections viennent, de suspendre la subvention de $0.05 la
pinte. En tout cas, M. le Président, il y a quand même un climat
électoral.
Mais le problème qui se pose encore là, c'est qu'on est
dans un cercle vicieux: la Régie des marchés agricoles dit
qu'elle attend la décision du gouvernement fédéral, le
gouvernement fédéral dit qu'il attend la décision de la
Régie des marchés agricoles. Il serait temps que le ministre
prenne ses responsabilités et suggère au moins à la
Régie des marchés agricoles, tout en conservant l'autonomie des
régisseurs, de permettre l'augmentation.
M. le Président, il y a quand même un carcan qu'a
dénoncé d'ailleurs le ministre du gouvernement
fédéral, qui nous empêche d'avoir de véritables
politiques. D'ailleurs, ce n'est pas moi qui le dit, c'est le plan directeur du
développement du secteur agricole.
Le ministre Toupin, le ministre du temps, en tout cas, exposait comme
suit les obstacles au développement du secteur agricole: conflit de
juridictions, dédoublement des efforts, orientation des politiques
d'organismes comme la Commission canadienne du blé. Et le ministre
affirmait même: une politique globale dans ce secteur n'est pas possible
dans le cadre actuel du partage de juridictions. Le ministre ne nous en parle
maintenant pas, ou à peu près pas; le ministre dit qu'il
négocie constamment, mais combien de temps est perdu, combien de perte,
pour arriver à des solutions.
Les solutions que nous proposons, en tout cas nous, de l'Opposition,
c'est d'abord, 1 - que le gouvernement actuel occupe tout le champ de
juridiction dans le domaine agricole et obtienne que le fédéral
nous remette l'argent dépensé à cette fin, en particulier
dans le crédit agricole, afin d'avoir une véritable politique
unifiée dans ce domaine. 2 - Agir sous la commercialisation, en
protégeant les producteurs québécois contre l'importation
abusive de denrées concurrentielles. A ce sujet, je pense qu'il est
important que le ministre amende sa loi 64 concernant le syndicalisme agricole,
pour la rendre moins rigide, et permette, que par exemple, que certains
secteurs de production, en particulier les producteurs de porc, puissent avoir
un plan conjoint, plan conjoint qui, comme il le sait, n'a pu être
adopté étant donné les exigences considérables
qu'on demande aux agriculteurs.
Pour cela aussi, pour avoir une véritable politique de
commercialisation, il faudrait intégrer les canaux de distribution
appartenant à des intérêts étrangers tels que
Steinberg, Dominion, etc., aux coopératives et aux groupements de
producteurs agricoles et établir, pendant la saison des récoltes
du Québec, des systèmes temporaires de production. 3-
Développer le secteur de la transformation. Je sais que le ministre,
dans ce domaine, a encore aussi de bonnes intentions comme il en avait en 1970,
mais ça s'est fort peu traduit par des réalisations. Et on voit
même une certaine mésentente à l'intérieur du
gouvernement à ce sujet entre le ministre de l'Industrie et du Commerce,
M. Saint-Pierre, et le ministre de l'Agriculture. Notre principal
problème, c'est d'abord les conflits de juridictions.
Il faut donc augmenter certainement les crédits en vue d'investir
dans les coopératives agricoles et les associations de producteurs les
montants nécessaires à l'établissement d'un réseau
d'entrepôts frigorifiques et d'usines de transformation. 4- Augmenter le
rendement des fermes, des cultures sans sol et des cultures de serre, en
facilitant d'abord les investissements agricoles. Et là le ministre nous
parle de modifications au crédit agricole. Tant mieux, mais je pense que
le ministre doit aller beaucoup plus loin que ça; le ministre doit
être capable d'imposer un véritable programme de crédit
agricole, entre le gouvernement fédéral et le gouvernement
provincial, où il pourra avoir l'initiative.
Aussi, M. le Président, justement dans le but d'améliorer
le rendement des fermes, le ministre devra établir des politiques, en
particulier par GERA, favoriser la restructuration des fermes en unités
de regroupement plus rentables. A ce sujet, lors du congrès des
agriculteurs, j'avais fait la remarque, dans les notes que j'avais prises, que
lorsque trois agriculteurs se groupent, ils ne peuvent obtenir, même du
gouvernement fédéral, que la somme de $110,000 de prêt,
alors que si chacun d'eux voulait développer sa terre, il pourrait
obtenir la somme de $300,000.
Encore là, il y a un blocage. Améliorer les programmes de
drainage. Le ministre en parlait tout à l'heure, c'est depuis 1968, je
pense, que ce programme-là existe.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député m'excusera ici.
Vous avez fait un bel exposé.
M. LESSARD: Je donne les solutions, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Un bel exposé, oui. Je vous ai
suivi et cela a été très ordonné. Vous étiez
rendu à la Régie des marchés agricoles du Québec;
là, vous passez au drainage et je crains qu'on revienne sur des parties
de la programmation qu'on aura à discuter tout à l'heure. C'est
dans le but de vous aider...
M. LESSARD: C'est dans un sens bien général.
LE PRESIDENT (M. Séguin): ... parce que j'empêcherai, je
pense, une répétition.
M. TOUPIN: C'est ce qu'il voulait dire, c'est parce qu'on
répète, à ce moment-là.
LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est l'exposé que je suis
prêt à accepter. Jusqu'à ce moment-ci, vous avez
été dans le programme des régies.
M. LESSARD: Oui, d'accord.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Dans la Régie des
marchés, vous êtes allé dans la commercialisation.
M. LESSARD: Question de règlement, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Non, non, écoutez!
M. LESSARD: Question de règlement, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît. Non,
il n'est pas question de règlement.
M. LESSARD: Oui, je soulève une question de règlement.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Ecoutez, on veut s'entendre.
M. LESSARD: Oui.
LE PRESIDENT (M. Séguin): On veut s'entendre. Je ne voudrais pas
plus tard, lorsqu'on arrivera aux programmes définis, vous demander de
restreindre vos commentaires puisque cela a déjà
été fait. Si vous le faites présentement, c'est qu'on n'y
reviendra pas au cours du programme. C'est tout à fait logique, je
pense, ce que je suggère.
M. LESSARD: M. le Président, voici, sur le point de
règlement.
LE PRESIDENT (M. Séguin): J'ai encore à entendre le
député de Beauce sur les exposés des programmes. C'est
d'ordre administratif, d'ordre général. Maintenant, là,
vous retombez dans des problèmes qui peuvent toucher à la
programmation, où on étudiera en détail les
dépenses, les montants d'argent investis, etc. Le ministre sera
appelé à répondre. Je vous demande tout simplement de vous
en tenir à la Régie des marchés, si vous voulez.
M. LESSARD: Oui, M. le Président, d'accord. Vous me permettrez,
M. le Président, de donner...
LE PRESIDENT (M. Séguin): L'autre article, c'est la gestion
interne.
M. LESSARD: Voici, M. le Président.
M. ROY: Je m'excuse, M. le Président, mais sur le point de
règlement j'aurais quelque chose à ajouter.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Allez-y, sur un point de
règlement.
M. LESSARD: M. le Président, sur un point de règlement, au
niveau de la discussion de l'article 1 nous avons toujours la
possibilité de faire une discussion générale sur tous les
programmes du ministère, que ce soit les programmes de drainage, que ce
soit les programmes d'assurance-récolte. Je n'ai, par exemple, pas le
droit de discuter avec le ministre et de lui demander pourquoi tel montant et
quel est l'éventail des crédits prévus à ce
domaine-là. Il ne s'agit ici que de considérations
générales.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Allez-y, allez-y.
M. LESSARD: Vous ne pouvez pas m'empê-cher de parler de politiques
générales.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Allez-y, je ne vous arrête plus,
allez-y. Je voulais vous prévenir; alors, c'est d'accord.
M. LESSARD: M. le Président...
M. ROY: M. le Président, sur le même point de
règlement je voudrais...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui.
M. ROY: ... avoir la certitude qu'il n'y ait pas de
précédent de créé parce que j'ai l'intention, en ce
qui me concerne, de faire des commentaires généraux sur tous les
sujets.
LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est ça.
M. ROY: Quitte à revenir pour poser des questions
après.
LE PRESIDENT (M. Seguin): D'ailleurs, c'est ce que nous voulons
suivre.
M. ROY: Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Une fois que le député
aura terminé, je vais demander...
M. LESSARD: J'achève, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Seguin): ... qu'on suspende nos travaux jusqu'à
huit heures et quart. Nous entendrons, à huit heures et quart, M.
Roy.
M. LESSARD: M. le Président, je devrais être bon pour
terminer à six heures.
LE PRESIDENT (M. Seguin): Non, non. On coupera si nécessaire
à six heures, mais je veux dire qu'on va vous entendre. Je vous
prévenais de ne pas vous écarter tellement, parce que, tout
à l'heure, vous allez être obligé de revenir au moment des
différents programmes.
M. LESSARD: Oui. Je n'ai pas l'intention...
LE PRESIDENT (M. Seguin): Le député de Saguenay le sait
toujours, il me semble, quand je préside, qu'on est toujours en conflit.
Alors, continuons le conflit.
M. LESSARD: Merci, M. le Président. D'ailleurs, je pense que vous
avez en partie raison, lorsque vous dites...
LE PRESIDENT (M. Seguin): Donnez-moi complètement raison et puis
on va procéder immédiatement.
M. LESSARD: Alors, le ministre nous parlait tout à l'heure, en
fait d'ailleurs le ministre en a même parlé, M. le
Président...
LE PRESIDENT (M. Seguin): Oui, allez-y.
M. LESSARD: ... de 5 millions d'acres de terres. Or, je pense,
d'après les chiffres que je possède, que c'est environ,
actuellement, enfin sur 5 millions d'acres de terre qui sont
véritablement valables, 209,000 acres de terres qui sont
drainées. C'est là un problème important quand on constate
que 80 p.c. des terres de l'Ontario sont drainées. Encore là,
nous constatons que le budget du ministère était
particulièrement insuffisant.
M. le Président, je ne parlerai pas des obstacles que pose
justement la politique de drainage actuellement au Québec, mais, par
exemple, nous en parlerons lors de la discussion à ce secteur.
En ce qui concerne l'aménagement global du territoire, encore
là, le ministre nous dit qu'il va tenter d'étudier ce
problème, mais l'Union des producteurs agricoles a déjà
demandé, lors de son congrès, une société
d'aménagement agricole et sylvicole. Je pense que le ministre devrait
penser à l'instauration d'une telle société en vue
justement d'établir, avec la participation de représentants des
producteurs agricoles et des autres agents impliqués, un programme
global portant sur les priorités du développement sectoriel,
comme d'ailleurs en fait mention le ministre dans son plan directeur; 2) la
restructuration ou le recyclage de certains secteurs; 3) un zonage
déterminant l'utilisation optimale des terres dans chaque région.
Justement, le livre blanc du ministre nous dit: Telle production à tel
endroit précis et pour les meilleurs rendements possible.
Deuxième point, M. le Président, le ministre devra
établir des politiques pour protéger le patrimoine agricole du
Québec en empêchant l'acquisition des terres arables à des
fins de spéculation foncière et à toutes fins non
agricoles, ce qui amène le gaspillage, comme on le sait, de cette
ressource naturelle fort rare. Si on ne fait rien, l'agriculture devra
bientôt se satisfaire de sols très marginaux et si cela continue
on va utiliser les meilleures terres agricoles de la région de
Montréal pour instaurer de l'industrialisation et on va être
obligé d'aller faire de l'agriculture sur la Côte-Nord. Ce n'est
pas la meilleure solution pour l'agriculture au Québec.
M. ROY: On ne le lui conseille pas.
M. LESSARD: Mais je pense que si le ministre ne fait rien, il va en
être rendu à cette impasse.
M. ROY: Et l'île d'Anticosti.
M. LESSARD: Et l'île d'Anticosti. Il faut être conscient
justement qu'étant donné la rareté de cette ressource
naturelle, étant donné justement la demande de plus en plus
imposante de produits agricoles si, en fait, on ne fait rien et si on ne
conserve pas nos terres, eh bien on sera obligé d'importer nos
productions agricoles. Quand on pense, par exemple, qu'au Québec on
produit seulement 50 p.c. de notre consommation agricole...
M. TOUPIN: M. le Président, je pense qu'il faut faire attention.
Je ne veux pas intervenir pour rien, remarquez.
M. LESSARD: Mais le ministre pourra me répondre.
M. TOUPIN: Non, ce n'est pas la question. J'admets bien que...
M. LESSARD: Je comprends qu'on ne cultivera pas des bananes et des
oranges au Québec.
M. TOUPIN: Laissez-moi terminer. M. LESSARD: Oui.
M. TOUPIN: Je veux bien que l'Opposition critique. Je sais que c'est son
rôle, son devoir et
tout ça. Mais ce que je ne veux pas et ce que je n'aime pas, ce
n'est pas parce que...
M. LESSARD: Parce que je me suis fait interviewer.
M. TOUPIN: Non. C'est parce que vous avancez des chiffres qui sont
faux.
M. LESSARD: Bien, vous le direz.
M. TOUPIN: C'est 63 p.c. et 65 p.c. Bien oui, je ne suis pas ici pour
donner des cours.
M. LESSARD: 63 p.c. et 65 p.c. actuellement?
M. TOUPIN: Si vous préférez faire un discours...
M. MORIN: Bien oui, mais vous répondrez tout à
l'heure.
M. LESSARD: Vous répondrez. Mais, M. le Président...
M. TOUPIN: II y a bien des choses qui ne tiennent pas.
M. LESSARD: Bien, le ministre me répondra et j'en serai
très heureux.
M. TOUPIN: Dans l'ordre des statistiques, notamment... On a assez de
statistiques à notre disposition pour être capable de donner les
bonnes tout au moins.
M. LESSARD: Vous viendrez, vous nous les donnerez.
M. TOUPIN: Parce qu'à ce moment-là, vous ne faites pas
preuve de bonne foi et on n'est pas porté à vous croire.
M. LESSARD: Enfin, M. le Président, quand même, dans
certaines productions, le Québec se suffit très peu.
M. TOUPIN: A 140 p.c. pour le lait.
M. ROY: M. le Président, on n'est pas à un
contre-interrogatoire.
M. LESSARD: C'est ça.
M. ROY: II faudrait revenir aux commentaires généraux. Le
ministre a hâte de répondre aux questions. Il va en avoir, des
questions, il n'a aucunement besoin de s'inquiéter.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je dirai au ministre qu'il y aura
d'autres statistiques...
M. LESSARD: On voit, M. le Président, que le ministre a
défendu avec très peu d'enthou- siasme son budget comparativement
à l'an dernier. On voit que le ministre...
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. LESSARD: ... n'est pas vraiment convaincu.
M. MASSICOTTE: C'est de l'interprétation.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre! Continuez donc sans commentaires.
M. LESSARD: M. le Président, justement dans cette optique, on
espère que le ministre nous apportera une loi, enfin, pour
récupérer les bons sols agricoles actuellement destinés
à l'expansion urbaine et industrielle et mobiliser et valoriser ces
terres abandonnées, à caractère agricole.
Même, M. le Président le ministre me répondra
lorsque j'aurai à soulever des questions je pense que le ministre
serait incapable de nous donner, actuellement, des statistiques concernant les
terres agricoles qu'on a abandonnées, les terres agricoles qui font
l'objet de spéculation, etc. Le ministre de l'Agriculture devrait au
moins les avoir. J'ai hâte de voir si le ministre va être capable
de répondre à cela.
M. le Président, je pense que la situation n'est pas rose,
contrairement à ce que tente de nous laisser croire le ministre. Il y a
des problèmes urgents. Ce n'est pas par des programmes limités
à des secteurs précis que nous allons régler le
problème agricole du Québec. Le ministre devra prendre ses
responsabilités, le ministre devra conserver les bonnes intentions qu'il
avait en 1970. Les producteurs agricoles du Québec, qui avaient
confiance au ministre de l'Agriculture, commencent maintenant, quand ils le
voient rentrer dans les rangs, soumis, plier l'échine, à douter
des réalisations du ministre.
Le ministre est vraiment conscient, je pense, de la
nécessité d'avoir des politiques agricoles de l'époque
moderne mais il faudrait que le ministre conserve cette volonté qu'il
nous avait affirmée, lors des élections de 1970.
Dans ce domaine, le ministre resssemble beaucoup à d'autres
ministres du gouvernement Bourassa qui sont arrivés avec de bonnes
intentions et qui ont plié l'échine devant l'incapacité,
à cause du carcan du gouvernement fédéral, d'appliquer ces
bonnes politiques. Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci, M. le Président.
M. ROY: Puis-je demander la suspension du débat, M. le
Président, étant donné qu'il ne manque que trois
minutes?
LE PRESIDENT (M. Séguin): On va suspen-
dre mais je vous assure qu'à huit heures quinze...
M. ROY: Que ce sera mon tour, à huit heures quinze.
M. LESSARD: J'aurais dû préciser au ministre que c'est
selon le rapport d'enquête, en 1965.
LE PRESIDENT (M. Séguin): La commission suspend ses travaux
jusqu'à huit heures quinze.
(Suspension de la séance à 18 h 2)
Reprise de la séance à 20 h 28
M. SEGUIN (président de la commission permanente de
l'agriculture): A l'ordre, messieurs!
Le ministre veut faire une précision ou une mise au point, je ne
sais pas au juste. A la suite de ses commentaires, je n'accepte pas de
débat et je passerai immédiatement aux observations du
député de Beauce...
M. ROY: Sud.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Sud. M. le ministre.
M. TOUPIN: M. le Président, je ne voudrais pas prendre plus de
temps qu'il ne faut, mais je voudrais, si vous me le permettez, apporter
quelques précisions sur ce qui a été avancé par le
député de Saguenay, et c'est important, je pense, qu'on le fasse
immédiatement parce que quand on se sert de statistiques...
M. ROY: C'est une réplique au député de Saguenay,
je ne vois pas...
M. TOUPIN: C'est une précision.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît. Il y
a des précisions que le ministre veut apporter. Il faut
reconnaître que dans une commission de ce genre, où il s'agit des
crédits des ministères, le ministre a probablement le droit de
répliquer ou de faire des commentaires sur une observation que peut
faire un député.
Je pense qu'en toute justice il faudrait procéder de cette
façon. Je ne vous enlève pas de votre temps, M. le
député, vous aurez tout le loisir de faire vos commentaires
à la suite de ces observations. Donc, M. le ministre, si vous le voulez,
vous avez la parole.
M. TOUPIN: Ce sont quelques précisions que je veux apporter parce
qu'on s'est servi de statistiques, et le député de Saguenay s'est
basé sur un document que nous avions fait circuler en 1971 comme
étant le programme général de l'agriculture ou le plan de
développement de l'agriculture au Québec. J'ai pris plusieurs
notes pendant qu'il parlait et je veux apporter des précisions, pas
partout mais au moins à certains endroits. La première que je
veux apporter est la suivante: lorsque le député de Saguenay
parle de 50 p.c. d'autosuffisance au Québec, il se réfère
à des statistiques de 1965. En 1965, je comprends qu'on était
à 50 p.c, mais en 1973 on est au-delà de 60 p.c; donc nous avons
augmenté notre autosuffisance, au Québec, au-delà de 10
p.c. à 12 p.c. sur une période de pas tout à fait dix ans.
Ce qui veut dire que le rythme de croissance est au-delà de 1 p.c. par
année et c'est tout à l'avantage des agriculteurs
québécois et de l'agriculture québécoise.
Une autre précision que je voudrais apporter c'est lorsque le
député de Saguenay fait appel
aux déclarations qu'on a faites dans le livre blanc sur le plan
du développement de l'agriculture concernant les relations
fédérales-provinciales. On avait bien dit aussi que ces objectifs
poursuivis ne pourraient pas se réaliser dans une seule année. On
avait au moins trois priorités là-dedans que je voudrais
rapidement commenter. La première des priorités c'était la
commercialisation; on était, à ce moment-là, dans une
situation presque intenable sur le plan de la commercialisation des produits.
Rappelez-vous la guerre des oeufs et du poulet, et là il fallait
absolument trouver des ententes sur le plan fédéral, mais des
ententes qui respecteraient en même temps les priorités
législatives ou plutôt les priorités, comme on dit,
constitutionnelles qu'avaient les provinces.
Il ne s'agissait pas pour nous de céder quelque pouvoir que ce
soit. Nous avons trouvé une solution dans le cadre de la loi C-176 qui
se discutait au gouvernement fédéral depuis longtemps. Nous
sommes parvenus à trouver là-dedans le compromis qui était
désiré et désirable d'ailleurs pour l'ensemble des
provinces, de telle sorte que nous sommes parvenus, au moins, à
régler le problème de la commercialisation de deux produits,
celui de la dinde, je pense, où une entente a été
signée et celui des oeufs. Il reste maintenant le poulet et certaines
autres productions.
Nous avons fait, à ce chapitre, des gains véritablement
importants non seulement pour le Québec, mais pour l'ensemble de
l'agriculture canadienne et pour l'ensemble peut-être de l'agriculture
nord-américaine un peu, parce que, même si le Québec y est
pour peu, avec le Canada, ça fait plus grand et on parvient, à ce
moment-là, à négocier de meilleures ententes avec les pays
qui sont les principaux exportateurs de leurs produits sur nos
marchés.
La question des grains, on en a parlé très souvent; c'est
une question de producteurs de grain dans l'Ouest. Nous avons là
réalisé des gains importants; par exemple, présentement,
les producteurs de l'Ouest, qui utilisent les grains pour les mêmes fins
que nous, paient à peu près le même prix que nous, à
quelques exceptions près.
M. LESSARD: Moins le transport.
M. TOUPIN: Bien, on a le subside au transport. Evidemment, il y a
peut-être encore un cent, ou deux, ou trois du minot ou du boisseau, mais
le prix de base est unifié partout à travers le pays; c'est un
gain véritablement appréciable. Cela fait au moins dix ans que
des gars travaillent là-dessus pour essayer de trouver une solution. On
a fait des propositions, nous, qui ont été acceptées. On
n'a peut-être pas pris le mécanisme qu'on avait
suggéré; on a pris un autre mécanisme pour arriver
à cette fin, mais, au moins, on a atteint l'objectif que nous avions
fixé pour l'ensemble du pays.
Prenons les revenus maintenant. Il y a une précision à
apporter qui est extrêmement importante, parce qu'on peut très
facilement induire beaucoup de gens en erreur si on prend seulement les
statistiques de la commission Plumptre. Je disais tantôt qu'il y a
certaines précisions à apporter là-dessus et je n'ai pas
voulu les apporter encore sur le plan public. Je pense que le
député de Beauce-Sud devrait comprendre que ce sont seulement des
précisions que je veux apporter sur ce qu'a dit le député
de Saguenay. Je ne veux pas argumenter sur ce qu'il a dit.
M. ROY: Mais c'est une réplique.
M. TOUPIN: Ce sont des précisions que j'apporte sur des
affirmations faites.
M. ROY: Mais vous aurez le droit d'y revenir après.
M. TOUPIN: Oui, mais le programme que nous...
M. ROY: Nous pourrons vous poser des questions là-dessus.
M. TOUPIN: Oui, oui, si le président me le permet, oui.
M. ROY: J'aurais des questions à poser sur la réplique que
vous faites...
M. TOUPIN: C'est ça.
M. ROY: ... au député de Saguenay.
M. TOUPIN: C'est ça, oui.
M. ROY: Bon, alors, pourquoi ne pas attendre que le ministre fasse sa
réplique après...
M. TOUPIN: Vous pourrez peut-être...
M. ROY: ... selon l'habitude que nous avons...
M. TOUPIN: Oui, j'en ferai une aussi sur ce que vous direz.
M. ROY: ... à l'Assemblée nationale?
M. LESSARD: M. le Président, sur un point de
règlement.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Non. Bien, allez-y.
M. LESSARD: M. le Président, sur un point de
règlement.
LE PRESIDENT (M. Séguin): De règlement, si vous
voulez.
M. LESSARD: Oui. Voici, c'est que si le ministre me répond au
discours que j'ai fait ou
aux déclarations préliminaires que j'ai faites, il devra
aussi répondre au député de Beauce-Sud.
LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est ça.
M. LESSARD: Bon. Il me semble, M. le Président, que ce qui est
plus logique et ce qui est normalement accepté à
l'intérieur des procédures parlementaires, c'est que le ministre
entende les critiques concernant l'administration générale du
ministère.
Par la suite, le ministre pourrait répondre à la fois au
député de Saguenay, à la fois au député de
Beauce-Sud et à la fois, s'il y a lieu, au chef parlementaire de
l'Opposition et peut-être aussi à quelques députés
libéraux qui peut-être voudraient parler contrairement à
l'habitude.
M. FRASER: Si vous parlez, il n'y a pas moyen.
M. LESSARD: Il me semble que justement, toujours, sur le point de
règlement, sur les mêmes choses dont j'ai parlé, le
député de Beauce-Sud a certaines remarques à faire, et le
ministre devra reprendre, à un moment donné, la discussion et
répondre aussi au député de Beauce-Sud. Ce que je
proposerais, c'est que le ministre prenne en note toutes les critiques qu'il a
eues, à la fois du député de Saguenay, à la fois du
député de Beauce, à la fois du chef parlementaire et qu'il
réponde par la suite, globalement, à ces critiques.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Normalement, dans une commission
parlementaire, surtout lorsqu'il s'agit d'un projet de loi, je pense qu'il
serait tout à fait normal d'accepter votre proposition. C'est la
procédure normale d'entendre les critiques et puis le ministre peut
répondre ou ne pas répondre. Dans le cas des crédits, je
pense qu'il faut faire cette distinction. Si, par exemple, un
député, qu'il soit de l'Opposition ou qu'il soit du
côté ministériel, fait un commentaire, cite un chiffre
ou...
M. LESSARD: Article 96.
LE PRESIDENT (M. Séguin): ... quelque chose du genre... Je ne
m'obstine pas là-dessus, sortez le nouveau règlement si vous le
voulez, je demande plutôt ici qu'on essaie d'établir une
procédure, parce que je sais que pour l'Opposition il s'agit d'obtenir
non seulement le plus d'informations possible sur les dépenses que
ferait le gouvernement, mais aussi de permettre au gouvernement de
défendre sa position, quitte aussi à entendre les propositions ou
les critiques que l'Opposition voudrait faire.
Dans ce contexte, je pense que le ministre est tout à fait dans
l'ordre de répondre s'il le veut, tout d'abord à des commentaires
qui sont faits par l'Opposition officielle, en l'occurrence faire des
commentaires pour répondre aux commentaires du député de
Saguenay. A la suite de ces commentaires, sans réplique immédiate
à ce moment-ci naturellement, les répliques vous les ferez
à l'article voulu sans quoi cela s'éterniserait, je
voudrais que le député de Beauce puisse faire son
énoncé de principe pour son parti ou pour le groupe qu'il
représente.
M. LESSARD: Donc, je vais avoir le droit de répliquer au
ministre.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Rendu à l'article du programme
ou à l'article.
On appelle cela un programme; c'est changé, alors il faut que je
m'habitue un peu à la nouvelle nomenclature. Rendu à l'article en
question, au cours du budget, vous pourrez faire vos observations. Le ministre
aura non seulement le droit mais le devoir de répondre à ce
moment-là. Tout ce que je voudrais avoir à ce moment-ci, ce sont
les observations des différents partis, et de l'Opposition et du
gouvernement. Si le ministre a demandé au président de faire
quelques commentaires en réplique à ce qu'a dit le
député de Saguenay, puisque ce sont ses crédits je pense
que c'est tout à fait dans l'ordre de l'entendre.
Prenez bonne note de ce qu'il a dit; vous aurez le droit, dans le temps
qui suivra, de le contredire. Maintenant, M. le ministre, je vous demande de
continuer vos commentaires.
M. ROY: M. le Président, je m'excuse, justement sur le point de
règlement qui a été soulevé.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui, mais il s'agit plutôt de
procédure que de règlement.
M. ROY: Oui, il s'agit de procédure et je ne veux pas faire de la
procédurite, ça me déplait. Je tiens quand même
à dire une chose. Le ministre est en train de répondre aux
arguments du député de Saguenay. Lorsque je lui ai donné
la permission, tout à l'heure, le ministre voulait faire quelques
rectifications et quelques mises au point. Je pensais que c'était sur
les propos qu'il avait lui-même tenus ou pour apporter plus de
précisions. Là, il est en train de répondre au
député de Saguenay. C'est la cinquième année, le
cinquième budget que nous étudions en commission parlementaire et
il y a une tradition qui a été établie. La tradition, je
pense qu'elle fait quand même partie de notre jurisprudence.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je la connais un peu, la tradition,
puisque ça fait huit ou neuf ans que je suis ici.
M. ROY: D'accord. Le ministre faisait un tour d'horizon
général, les représentants des partis d'Opposition
faisaient un tour d'horizon général et le ministre faisait une
mise au point ou les rectifications qui s'imposaient; par la
suite, on passait à la période de questions. C'est la
façon dont nous avons procédé dans le passé et
j'estime qu'il est normal et logique que l'on procède encore ainsi cette
année.
Je demanderais une chose; si le ministre est pour parler une demi-heure
et s'il est pour reprendre tout le discours du député de
Saguenay, c'est le ministre qui va être le pire parce qu'on va prolonger
les débats de la commission parlementaire de l'agriculture.
LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est la décision du ministre
qui défend ses crédits. Je crois qu'en toute
sincérité nous devons entendre ce que le ministre a à
dire. Si, par hasard, en faisant ses commentaires le ministre dit quelque chose
qui serait contraire à ce que pense le député de
Beauce-Sud, celui-ci pourrait, très à son aise, répliquer.
Nous essayons de faire une étude exhaustive au début de la
programmation du ministère de l'Agriculture; ensuite, nous
procéderons article par article, comme d'habitude, et vous aurez
l'occasion de faire vos commentaires. Je pense que c'est une procédure
normale.
Maintenant, tout dépend, je vous l'assure, en ce qui concerne
l'étude des crédits, des différents ministres et de la
façon dont ces ministres, qui sont les défenseurs de leurs
crédits, ont l'intention de procéder.
Je ne crois pas qu'il y ait nuisance à la bonne procédure
ici.
M. ROY: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Séguin): II ne s'agit pas d'un point de
règlement.
M. ROY: M. le Président, je regrette, je suis obligé de
faire cette mise au point à l'effet je pense que c'est important
qu'on le fasse que ce n'est pas le ministre qui préside les
travaux de la commission parlementaire, mais le président de la
commission parlementaire.
LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est ça.
M. ROY: Alors le ministre n'a pas de directives à donner au
président en ce sens. Tout à l'heure, j'ai donné mon
consentement à ce que le ministre fasse certaines mises au point, mais
le ministre est en train de répliquer aux propos de l'honorable
député de Saguenay et il risque de se répéter en
partie pour répliquer aux propos que je pourrai tenir. Parce qu'il va y
avoir certains points que je vais souligner à l'attention du ministre
qui vont demander peut-être les mêmes commentaires de la part du
ministre. Alors, j'estime que la déclaration du ministre est
complètement superflue. On devrait permettre aux représentants
des partis de l'Opposition de faire leurs commentaires, comme c'était
l'habitude dans le passé, et à partir de ce moment, le ministre
pourra, après, comme il a toujours été l'habitude de le
faire, et ce n'est certainement pas moi qui vais l'empêcher, faire tous
les commentaires qu'il voudra. Mais à la suite des commentaires qu'il
fera, compte tenu des questions que nous soulevons, il est plus facile pour
nous, et plus facile pour le ministre aussi d'engager le dialogue et de
procéder à l'étude de certaines questions
d'intérêt public qui nécessitent des réponses pour
l'information du public. M. le Président, je regrette, mais c'est la
première fois que j'assiste à une commission parlementaire
où on procède de cette façon.
LE PRESIDENT (M. Séguin): M. le député, vos
commentaires sont sans doute enregistrés. Et nous avons retenu vos
observations et vos commentaires là-dessus. Je demande au ministre de
bien vouloir continuer, s'il le veut, ses commentaires au sujet de ce qu'il
avait déjà commencé.
M. ROY: Je maintiens toujours mon objection.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous êtes déjà
enregistré, M. le député.
M. ROY: Je maintiens toujours mon objection.
M. TOUPIN: M. le Président, rapidement, le député
de Beauce-Sud aura l'occasion lui aussi de s'exprimer, et j'aurai l'occasion de
répondre à ses questions, et j'aurai l'occasion aussi de faire le
point sur certaines affirmations qu'il fera. Mais j'espère que celles
qu'il fera seront justes, et si elles sont justes, il ne sera pas question pour
nous de rectifier les choses qui sont justes et correctes.
On parlait des prix à l'agriculture. Je dis que c'est important
d'apporter une précision pour une raison très simple, c'est qu'on
risque d'induire la population en erreur. Lorsqu'on parle de revenus agricoles,
au Canada, il faut tenir compte de beaucoup plus d'un facteur que le facteur
des revenus. Il faut tenir compte de l'acrage par ferme, au Québec, par
rapport aux provinces de l'Ouest et par rapport à l'Ontario. Il faut
tenir compte des tendances de production dans les différentes provinces
du pays. On sait fort bien que dans le cas des provendes, lorsque les prix sont
élevés, le marché international est peut-être bon,
etc., donc les prix ont été très forts. Les pommes de
terre, au Nouveau-Brunswick, ce fut exactement la même chose, alors que
les produits laitiers et les produits de la viande ont été les
produits qui ont eu, au fond, le moins l'avantage du marché. Je ne parle
pas des viandes bovines, je parle surtout des viandes du Québec, des
viandes qui proviennent des vaches laitières.
M. LESSARD: Cela ne règle pas le problème des
agriculteurs.
M. TOUPIN: Cela ne règle pas le problème
des agriculteurs. Mais, toutes proportions gardées, comparaison
faite des types de productions, de l'acrage par producteur, des investissements
par ferme, vous allez trouver des proportions plus acceptables.
M. LESSARD: Mais l'avantage est toujours...
M. ROY: M. le Président, je proteste. Il y a quand même des
limites! Si on veut procéder de cette façon à la
commission parlementaire de l'agriculture, je regrette, mais je vais...
Premièrement, je n'accepte pas cette façon de procéder. Je
vous l'ai dit tantôt et je le répète. Je me sens
actuellement brimé dans mes droits. Je vous le dis. Quand nous avons
suspendu avant le souper, j'ai demandé clairement si c'était
à mon tour de faire mes commentaires. Il est rendu neuf heures moins
vingt minutes et le ministre est parti dans une longue diatribe pour
répondre à l'honorable député de Saguenay.
Alors, je n'accepte pas cette procédure encore une fois.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci, M. le député.
M. ROY: Je sais que le gouvernement a 102 députés. Il peut
se permettre d'écraser l'Opposition. Il est arrogant, on le sait. Vous
pouvez continuer, vous pouvez le faire. Seulement, je tiens à vous dire
qu'en ce qui me concerne je ne laisserai pas cela là.
M. LESSARD: M. le Président, sur le point de règlement.
Nous savons, en vertu des règlements de l'Assemblée nationale,
que nous avons 45 jours pour discuter de l'ensemble du budget du gouvernement
du Québec. Nous avons dix heures par ministère. Or, si le
ministre parce que je pense justement que l'Opposition a le droit
d'utiliser ces dix heures décide de répondre à
chacune de nos argumentations comme ça, je regrette, mais l'Opposition
ne pourra pas véritablement critiquer son budget. Or, c'est là
notre rôle, de voir en quoi son budget est bon ou n'est pas bon, etc.
Alors, je pense que justement le ministre est en train de faire du
"filibuster". Le ministre est en train d'utiliser...
M. ROY: C'est exactement ça.
M. LESSARD: ... le temps qui, normalement, devrait être
utilisé par l'Opposition.
Ce que je demande au ministre, c'est simplement ce que tous les autres
ministres ont fait depuis cinq ans, en tout cas depuis que je suis à
l'Assemblée nationale. C'est d'écouter les remarques des
députés de l'Opposition, de prendre des notes et, ensuite, de
répondre. Parce que je suis assuré que le député de
Beauce-Sud, même s'il n'a pas exactement les mêmes remarques que
moi, a des remarques à faire sur les mêmes choses dont j'ai
parlé.
M. ROY: C'est ça.
M. LESSARD: Ce qui veut dire que cela va faire deux répliques du
ministre, alors qu'il serait tout à fait normal que le ministre prenne,
comme il l'a fait et j'en suis très heureux, des notes sur ce que j'ai
pu dire, des notes sur ce que le député de Beauce-Sud pourra
dire, des notes peut-être sur ce que les députés
libéraux, qui acceptent de parler un peu sur les problèmes
agricoles, pourront dire. Ensuite, il répondra à toutes ces
notes.
Je pense que, si l'on fonctionne de cette façon, les
crédits du ministère vont durer passablement plus de dix heures.
Mais on sait que le gouvernement peut, après dix heures, dire: Bien, les
crédits sont terminés, mes amis. On reviendra lors du rapport sur
l'ensemble des crédits.
On pourrait probablement gagner du temps, M. le Président, si le
ministre acceptait la proposition du député de Beauce-Sud,
c'est-à-dire d'écouter les critiques de l'Opposition, de prendre
des notes et de répondre à l'ensemble de ces critiques, parce que
je pense que le député de Beauce-Sud touchera des
problèmes dont j'ai parlé au cours de cet après-midi.
LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est ça. Je pense que la parole
est au ministre de l'Agriculture.
M. LESSARD: Cela ne règle pas le problème, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Seguin): Vous avez quand même enregistré
votre opposition. Nous le reconnaissons.
M. ROY: Je devrai noter, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Pour la troisième fois.
M. ROY: ... que le gouvernement lui-même profite de la chance
unique qu'a l'Opposition d'interroger le gouvernement pour tâcher de se
répéter et de prendre le temps de parole qui nous est
alloué pour étudier les crédits, de façon à
placoter lui-même.
M. le Président, au début de la commission on
pourrait se référer au journal des Débats lorsque
nous avons commencé, cet après-midi, vous avez proposé une
façon de procéder que nous avons acceptée. Cette
façon de procéder n'est pas respectée ce soir, et c'est
vous-même qui l'avez soumis aux membres de la commission. Je regrette de
vous le signaler, M. le Président.
Je comprends qu'en tant que président vous pouvez redonner la
parole au ministre mais nous allons continuer de tenir, parce que c'est une
chose qui est arrangée encore pour brimer les droits de l'Opposition. On
ne peut pas avoir la commission parlementaire des comptes pu-
blics, c'est impossible. La commission des engagements financiers ne
siège même plus. Alors, on a le ministre devant nous et c'est le
ministre qui parle.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Avec votre bonne compréhension,
M. le député, tel que vous venez de le suggérer ou de nous
le dire, je redonne la parole au ministre pour qu'il puisse terminer d'ici
quelques instants, afin de permettre au député de Beauce de dire
tout ce qu'il a à dire.
M. TOUPIN: Je pense...
M. LESSARD: M. le Président, encore sur le point de
règlement.
M. ROY: On va invoquer le règlement...
M. LESSARD: M. le Président, encore sur le point de
règlement.
UNE VOIX: Si vous étiez en affaires, vous feriez faillite!
M. LESSARD: Je cite l'article 3 du règlement: "La
procédure de l'Assemblée nationale du Québec est
réglée: par des lois, par le règlement, par des
règlements adoptés pour la durée d'une seule session, par
des ordres spéciaux je viens au paragraphe 5, M. le
Président par des précédents établis par
suite de l'interprétation des lois et du règlement".
M. le Président, je pense que nous sommes en train d'enfreindre
les précédents. C'est une exception que je constate ce soir, et
je voudrais, M. le Président, que vous appliquiez cette habitude qu'on a
toujours eue, depuis cinq ans. Je pense qu'à chaque fois que nous avons
eu l'occasion de discuter des crédits la procédure a toujours
été et vous-même celle-ci: Remarques du
ministre, remarques des responsables des ministères du côté
de l'Opposition.
D'ailleurs, M. le Président, vous l'avez vous-même fait
remarquer dès le début de ces travaux, dès le début
de cette commission parlementaire.
Vous avez très bien précisé, M. le
Président, que vous alliez d'abord entendre les remarques du ministre de
l'Agriculture, ce qui est normal, à tout seigneur tout honneur, et nous
le reconnaissons. Mais vous avez vous-même dit aussi que par la suite
vous entendriez les remarques des membres de l'Opposition et c'est
vous-même qui avez précisé, M. le Président, cette
façon de procéder les remarques du député de
Beauce-Sud qui, en vertu d'une entente entre le gouvernement et l'Opposition,
était reconnu pour prendre la parole sur les crédits.
Vous-même, M. le Président, vous l'avez reconnu dès le
début de ces travaux.
Par la suite, vous avez reconnu aussi que d'autres députés
pouvaient faire des remarques générales. Vous n'avez pas reconnu
que ça allait être le député de Saguenay comme
représentant de l'Opposition, puis le ministre et qu'ensuite on
reviendrait au député de Beauce-Sud, non. Vous avez
vous-même, en vertu de la procédure parlementaire, en vertu des
précédents établis, reconnu que c'était d'abord le
député de Saguenay comme membre de l'Opposition de Sa
Majesté, ensuite le député de Beauce-Sud et ensuite...
M. FRASER: ... un peu...
M. LESSARD: ... que même le député de Sauvé
pouvait faire des remarques, comme le député de Rouville, le
député de Yamaska ou d'autres députés qui
voudraient parler à cette commission parlementaire et
j'espère qu'il y aura des députés libéraux qui vont
parler pourraient faire ces mêmes remarques.
Cependant, si à chaque fois que l'un ou l'autre des
députés parle autour de cette table le ministre doit
répondre, je regrette, nous allons perdre énormément de
temps et ce sera la faute du gouvernement.
M. MASSICOTTE: C'est ce que nous faisons présentement.
M. LESSARD: Si votre ministre voulait comprendre et si le
président voulait appliquer tout simplement l'article 3, ce qui est
normalement fait depuis cinq ans, je pense qu'on n'aurait pas perdu une
demi-heure comme c'est le cas actuellement.
M. MORIN: Le ministre en a-t-il encore pour longtemps?
M. TOUPIN: Encore pour une ou deux minutes, M. le Président, je
suis celui qui a le moins parlé. J'ai pris la moitié du temps
qu'a pris le député de Saguenay pour faire mon intervention.
M. LESSARD: C'est parce que vous n'aviez rien à dire.
LE PRESIDENT ( M. Séguin): Messieurs, si vous voulez...
M. TOUPIN: J'ai pris la moitié du temps parce que j'ai toujours
aimé laisser à l'Opposition de Sa Majesté l'occasion de
dire ce qu'elle a à dire.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Sans vous interrompre, pour maintenir
l'ordre et afin de respecter le droit de l'Opposition de faire ses commentaires
et pour qu'elle ait tout le temps voulu, je constate que depuis quinze ou
dix-huit minutes déjà, nous discutons de procé-durite ou
de procédure. Je voudrais la coopération de la commission pour
permettre aux partis de l'Opposition ou aux interlocuteurs de l'Opposition
d'avoir tout le temps voulu.
Si on a mentionné tout à l'heure qu'il y avait dix heures
de débat, ne les diminuez pas par vos propres débats, messieurs,
s'il vous plaît. Revenons et entendons pour une ou deux minutes le
ministre qui va terminer ses commentaires. J'ai aussi dit, pour faire un rappel
et c'est important puisque moi aussi j'ai droit au journal des
Débats comme un député peut y avoir droit en
établissant la procédure au début, qu'il fallait
reconnaître durant l'étude des crédits que le ministre
avait préséance puisqu'il défendait ses crédits.
Alors, c'est bel et bien noté au journal des Débats et chacun
à son tour il faudra reconnaître que le ministre a le droit
d'intervenir sur une question, sur un commentaire fait par un
député.
C'est ce qu'il fait présentement. Je trouve que tout est
complètement dans l'ordre selon ce qu'on a fait cet après-midi.
La parole est au ministre de l'Agriculture.
M. TOUPIN: Alors, M. le Président, rapidement je vais limiter mes
points à deux ou trois plutôt qu'à six ou sept comme
j'avais prévu. Ecoutez, je suis bien prêt à prendre tout le
temps qu'il me faudrait si le député de Beauce-Sud veut avoir la
patience d'écouter, surtout si le député de Beauce-Sud
veut apprendre des choses, ce serait intéressant.
M. ROY: Ah! oui.
M. TOUPIN: Mais jusqu'à maintenant, ces commentaires ont servi
à peu de choses sauf à perdre du temps. Un autre aspect sur
lequel j'aimerais apporter une précision est le suivant: Quand le
député de Saguenay dit que, dans le plan directeur, on avait
prévu $20 millions, c'est vrai, mais on a dépensé $30
millions de plus depuis ce temps-là. Donc, on a pris $10 millions de
plus dans l'ensemble de nos prévisions jusqu'à maintenant. Et le
plan n'est pas encore appliqué; les projets de loi dont vous avez
parlé et qui sont inscrits dans le discours inaugural ont
été évoqués dans le plan directeur qui se continue,
c'est un plan de dix ans que nous avons préparé à ce
moment-là et, d'ailleurs, qu'on prépare de nouveau d'année
en année, par étape par après.
Une autre précision que j'aimerais apporter c'est celui qui
concerne la commercialisation des produits. Je ne sais pas, encore une fois,
d'où viennent les 30 p.c. de produits commercialisés au
Québec. J'aimerais le savoir; j'ai accès à plusieurs
statistiques au ministère et c'est la première fois qu'on entend
celle-là: 30 p.c. de produits commercialisés. Je vais prendre un
seul produit...
M. LESSARD: 30 p.c. contrôlés par des
Québécois. La commercialisation, 30 p.c. des produits
commercialisés.
M. TOUPIN: Ce n'est pas possible.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. TOUPIN: Ce n'est pas possible. M. LESSARD: Pas de la production.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. TOUPIN: Ce n'est pas possible qu'il n'y ait que 30 p.c. des produits
consommés au Québec qui soient contrôlés par des
Québécois, nous sommes autosuffisants à 60 p.c. de notre
alimentation. Donc, il faut au moins, quant aux produits de transformation,
à quelque échelon que ce soit, primaire, intermédiaire ou
secondaire, tertiaire, il faut qu'on ait plus que 30 p.c. là-dedans.
M. LESSARD: Si vous permettez, à l'article 96 des
règlements...
M. TOUPIN: Non, non, je suis prêt...
M. LESSARD: Le règlement, c'est que je parle de 30 p.c...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Sur un point de règlement, le
député de Saguenay.
M. LESSARD: ...des produits commercialisés qui sont sous
contrôle d'entreprises francophones.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Ce n'est pas un point de
règlement.
M. LESSARD: Non, ce n'est pas...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Ce n'est pas un point de
règlement.
M. ROY: M. le Président, pour revenir sur cette question, pour
discuter...
LE PRESIDENT (M. Séguin): La parole est au ministre.
M. ROY: ...de cette question quand ce sera le temps...
LE PRESIDENT (M. Séguin): La parole est au ministre.
M. LESSARD: C'est un discours, d'ailleurs, du ministre de l'Industrie et
du Commerce, M. le Président, c'est là où j'ai pris
les...
LE PRESIDENT (M. Séguin): J'aimerais savoir si...
M. TOUPIN: Si vous situez la...
M. LESSARD: Vous me demandez, M. le Président, de
préciser; alors, je précise.
M. ROY: M. le Président, voyez combien j'avais raison tout
à l'heure.
M. TOUPIN: Le députe de Beauce-Sud a toujours raison.
M. ROY: Je ne veux pas brimer les droits du député de
Saguenay, il a le droit de poser ses questions...
M. TOUPIN: M. le Président...
M. ROY: ... ce sont les propos du ministre qui ne sont pas à la
bonne place, M. le Président; il aurait dû attendre que nous ayons
fait nos commentaires, nous aurions pu poser...
M. TOUPIN: Le député de Beauce-Sud, M. le
Président...
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. TOUPIN: ... souffre de frustration et ce n'est pas d'hier qu'on le
ressent dans le public et partout ailleurs.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. TOUPIN: II se sent brimé partout. M. ROY: Vous êtes donc
bien peureux... LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre!
M. ROY: ... vous avez donc bien peur à un moment donné
qu'on vous fasse certaines observations.
M. TOUPIN: Laissez-nous expliquer la situation...
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre! M. TOUPIN: ... vous
comprendrez après. M. ROY: Bon, bien expliquez-les! M. TOUPIN: Bon,
alors laissez-nous faire.
M. ROY: II y a des procédures d'établies ici en commission
parlementaire, il y a une procédure qu'on a acceptée cet
après-midi.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre!
M. ROY: M. le Président, si on avait respecté cette
entente à la commission parlementaire, je ne serais même pas
intervenu une seule fois.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je suis la procédure, je suis
les ententes et tout cela. Je demande au ministre de continuer ses
explications. Alors, je demande au député de prendre note des
observations faites par le ministre et vous aurez toutes les occasions, je vous
l'assure, de revenir sur ces points.
M. TOUPIN: II reste un seul point, M. le Président, si vous
permettez.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Allez-y!
M. TOUPIN: Les 30 p.c, on devrait préciser si ça
s'applique exactement aux produits alimentaires du Québec, à la
transformation des produits alimentaires dans une catégorie de
transformation. Je vais apporter un seul exemple: Le Québec produit 40
p.c. des produits laitiers et il transforme 90 p.c. de ces produits laitiers
sur le territoire. Alors c'est un article qui est extrêmement
important.
Prenez le poulet, c'est exactement la même chose, et prenez les
viandes, c'est en partie la même chose. Maintenant, ça
dépend où on prend la statistique.
M. LESSARD: Est-ce que le ministre pourrait me permettre...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Non s'il vous plaît, à
l'ordre!
M. LESSARD: Est-ce que le ministre a vu le ministre?
M. TOUPIN: Là, vous citez M. Saint-Pierre.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Non, non, à l'ordre !
M. LESSARD: Oui, je cite M. Saint-Pierre.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre s'il vous plaît...
M. LESSARD: M. Saint-Pierre, c'est un ministre du gouvernement.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre!
M. TOUPIN: Je tiens pour acquis que la citation de M. Saint-Pierre est
valable, mais je vais...
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, M. le ministre, à
l'ordre, M. le député. A l'ordre, messieurs !
M. LESSARD: Au symposium agro-alimentaire.
Château Champlain, 1er novembre 1972.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Continuez vos commentaires.
M. le ministre, continuez vos commentaires. Au programme 6, vous
reviendrez avec vos questions, le ministre répondra. S'il vous
plaît. Programme 5, si vous voulez.
M. TOUPIN: Le dernier point, M. le Président, est celui de la
transformation.
M. LESSARD: II fait des affirmations fausses.
M. TOUPIN: J'aimerais apporter une précision. M. le
Président, je ne fais pas d'affirmations, j'ai demandé au
député où il avait pris sa statistique de 30 p.c.
M. LESSARD: Je vous le dirai.
M. TOUPIN: ... sur l'ensemble. Il me donne une réponse qui pour
le moment me satisfait. On verra après comment ça peut se poser
dans un autre contexte.
M. MORIN: Le ministre était au courant, sûrement.
M. TOUPIN: C'est bien embêtant une statistique comme
celle-là; ça dépend à quelle section de
l'agro-alimentaire elle s'applique.
LE PRESIDENT (M. Séguin): S'il vous plaît, voulez-vous
que...
M. LESSARD: Peut-être parce que le ministre de l'Industrie et du
Commerce a écrit son discours trop vite puis il ne vous a pas
consulté.
M. TOUPIN: Si vous parlez de la distribution.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je demande au ministre de l'Agriculture
de continuer ses observations puisque j'ai hâte d'entendre le
député de Beauce-Sud.
M. TOUPIN: Le dernier point que je voulais soulever est celui de la
transformation. Lorsque le député de Saguenay affirme que
très peu se fait dans la transformation des produits agricoles au
Québec, je voudrais seulement rappeler un certain nombre de
réalisations qui d'ailleurs ont été rendues publiques et
qui méritent, bien sûr, d'être répétées
à plusieurs reprises, surtout dans le secteur agricole. Vous n'avez
qu'à regarder ce que le Québec a fait, et notamment le
ministère de l'Agriculture pour la question laitière avec la
création de Québec-Lait. Vous n'avez qu'à regarder tout ce
qu'on a fait.
M. LESSARD: Quelles sont les choses que vous avez faites?
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
ministre, voulez-vous...
M. TOUPIN: Attendez, vous verrez après comment le reste se pose.
Vous n'avez qu'à regarder les entrepôts à double parois,
tout à fait nouveaux, qu'on a créés dans la région
de Montréal, vous n'avez qu'à regarder les refroi-disseurs
à l'eau glacée pour les produits maraîchers à
Montréal, qui n'existaient pas et qui existent maintenant, et vous
n'avez qu'à regar- der les vacuums "coolers" qui n'existaient pas non
plus et qui existent maintenant. Là, je mentionne seulement ce qui me
vient à l'esprit rapidement. C'est à part des autres secteurs sur
lesquels on a travaillé dans le domaine des viandes, dans le domaine du
poulet, dans le domaine des céréales. Non, on fait très
peu de céréales au Québec. Ce sont seulement quelques
précisions que je voulais apporter sur ce qui fut fait au
ministère concernant ces secteurs-là, non pas parce que je veux
défendre à ce point les politiques gouvernementales, mais parce
que je veux que le public soit bien renseigné sur la
réalité agricole au Québec.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je remercie le ministre. Le
député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, le ministre, même s'il a cru
nécessaire de se reprendre après le souper pour faire certaines
mises au point, parce que j'ai l'impression qu'il n'est pas très
sûr de ce qu'il a avancé lui-même cet après-midi, n'a
même pas réussi à me convaincre que ça va bien dans
le monde agricole dans la province de Québec même après
toutes ces interventions qu'il vient de faire. M. le Président, nous
aurions été en droit cette année de nous attendre, compte
tenu du fait que le gouvernement ne peut certainement pas reprocher à
l'Opposition de l'empêcher de travailler et de lui nuire dans l'exercice
de ses pouvoirs et de ses prérogatives, parce que nous avons quand
même un gouvernement composé de 102 députés cette
année à l'Assemblée nationale...
UNE VOIX: 100, je pense.
M. ROY: ... 102 députés ministériels bon, si
vous voulez attendre que j'aie fini 102 députés
ministériels, 102 députés de la majorité qui
trouvent bien amusante, qui trouvent très drôle l'étude des
crédits du ministère de l'Agriculture et qui semblent se soucier
très peu des problèmes que rencontrent la classe agricole dans
leur comté. Alors, suite à la présentation du budget, on a
été en mesure de constater... Est-ce que le député
de Lotbinière veut se taire, M. le Président, est-ce que j'ai la
parole?
Quand il va parler tout à l'heure, je vous promets, M. le
Président, que je vais me taire.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, messieurs, s'il vous
plaît!
M. ROY: On n'a pas l'occasion de l'entendre souvent et ça va
certainement être un événement historique à
l'Assemblée nationale.
M. MASSICOTTE: Je ne parle pas à travers mon chapeau.
M. ROY: Je disais donc que sur tous ces problèmes et suite
également au dépôt du budget global par le gouvernement
à l'Assem-
blée nationale, on a essayé, autant comme autant, par
toutes sortes de déclarations, de faire croire qu'il y avait une
augmentation substantielle dans le budget de l'Agriculture cette année
dans la province, alors que, dans le livre même imprimé par le
gouvernement, il apparaît nettement qu'il y a une diminution de $77,500
dans le budget de l'Agriculture.
Si on ajoute à cela les augmentations de salaire qui devront
être versées, en vertu de la convention collective, aux
employés de la Fonction publique; si on ajoute à cela les
augmentations de coûts que le gouvernement devra rencontrer dans les
différents secteurs, les augmentations de coûts que le
gouvernement devra rencontrer dans ses frais généraux
d'administration, on peut dire que c'est une diminution de plusieurs millions
de dollars du budget de l'Agriculture de la province de Québec par
rapport au budget de l'année dernière. Le ministre, en nous
présentant son exposé, nous a fait voir, avant le souper, qu'il
était au courant des problèmes agricoles, qu'il était au
courant qu'il y avait des difficultés dans le monde agricole,
contrairement à son attitude dans le passé.
On a nettement l'impression que cette année nous avons un
ministre au courant, mais un ministre qui n'est pas au pouvoir, contrairement
à certains autres membres du cabinet qui sont au pouvoir, mais qui ne
semblent pas au courant, eux.
M. TOUPIN: C'est l'Opposition qui est comme cela.
M. ROY: Le ministre a dit également être heureux de voir le
pouvoir collectif que semblait vouloir se donner la classe agricole. Disons que
si les cultivateurs ont senti le besoin de s'organiser, de se structurer pour
faire valoir leur pouvoir collectif, je suis quand même inquiet
d'entendre le ministre se réjouir de ce pouvoir. Je me demande si le
ministre souhaite que demain matin les agriculteurs descendent dans la rue et
manifestent par suite du manque de précision, du manque de
décision ou du manque de politiques adéquates pour
répondre aux problèmes du monde agricole au Québec.
Le ministre a également parlé du syndicalisme agricole qui
a fait des pas en avant l'an dernier; je suis entièrement d'accord et
nous sommes heureux que les agriculteurs puissent mieux s'organiser sur le plan
syndical. Il ne faudrait pas prétendre, au ministère de
l'Agriculture je le dis très clairement au ministre que le
syndicalisme agricole est le but à atteindre. C'est un moyen dont les
agriculteurs disposent pour pouvoir régler leurs problèmes; ce
n'est pas le but que le ministère de l'Agriculture doit poursuivre.
Lorsqu'on parle également de revenus de $1 milliard, qu'enfin cette
année le monde agricole a réussi à atteindre $1 milliard,
on ne peut pas faire autrement qu'admettre que ce milliard de dollars a
été réalisé compte tenu de l'inflation, compte tenu
de l'augmentation des coûts et des frais des cultivateurs et compte tenu
de la rareté des produits dans certains secteurs, dans le domaine de
l'alimentation.
Ce n'est un secret pour personne le ministre est très bien
placé pour le savoir, parce qu'il a été à l'UCC
suffisamment longtemps que, depuis 1960, dans le secteur rural au
Québec, tout ne va pas dans le meilleur des mondes. Même si le
ministre a voulu nous donner une petite macédoine, tout à
l'heure, de statistiques à l'effet que dans certains secteurs il y a
amélioration, on ne peut pas faire autrement qu'admettre que dans
l'ensemble il y a détérioration dans le monde agricole dans la
province de Québec. C'est tout le secteur rural, tout le secteur de
l'économie rurale qui, actuellement, en souffre. Il est à se
demander réellement si le ministre veut sauver l'agriculture,
c'est-à-dire sauver la production agricole ou sauver le monde agricole.
Je pense qu'il y a une discinc-tion très importante et très nette
à faire, parce que de la production agricole, les entreprises
multinationales peuvent en faire; on peut aller chercher des capitaux en
France, en Belgique, on peut aller en chercher dans la social-démocratie
de Suède, on peut aller chercher un peu partout des capitaux
étrangers pour venir développer l'agriculture dans la province de
Québec et organiser une production agricole, mais je pense que ce qui
est important, c'est de sauver le monde agricole.
Il y a des citoyens, il y a des gens qui demeurent dans tous les milieux
éloignés du Québec, dans les milieux ruraux du
Québec et qui, depuis 1960, ont été constamment
ignorés, bafoués, et l'économie rurale n'a cessé de
décroître depuis ces années. Il n'y a aucune indication
dans les intentions du gouvernement, cette année, que ce soit des
indications à moyen terme ou à long terme ou même à
court terme, qu'il y aura amélioration dans l'avenir. Le gouvernement
n'est pas conscient du rôle que doit et que peut jouer le
ministère de l'Agriculture au sein de l'économie de la province
de Québec.
Si on veut sauver l'agriculture, sauver la production agricole, je
pourrais peut-être être d'accord sur certaines déclarations
ou certaines décisions du ministre. Mais, si on veut sauver le monde
agricole, si on veut sauver le secteur rural, si on veut sauver
l'économie rurale, il va falloir que le ministère de
l'Agriculture change d'optique, parce que ce n'est pas en sabotant
systématiquement tout ce qui s'est fait dans le passé, dans le
monde rural, pour tâcher de permettre le développement de
l'économie de cet important secteur, qu'on va réussir au
Québec à progresser dans les autres domaines. Je comprends que,
dans l'optique de nos savants planificateurs et de nos savants technocrates, il
n'y a plus de place pour l'agriculture traditionnelle dans la province de
Québec. On cherche à venir avec des formules qui ont
peut-être été éprouvées avec un
certain succès dans certains domaines, par certaines personnes. Le
ministre sait très bien que cela ne peut pas s'appliquer, encore moins
s'imposer, à toute la classe agricole de la province.
Il y a aussi tout le programme législatif dont le gouvernement
nous a parlé. On veut assurer la relève dans le monde agricole et
on parle de protéger le territoire. Je pense que le ministre est en
retard pas mal. J'ai hâte, en ce qui me concerne, de voir la
législation que le gouvernement a l'intention de nous proposer dans ce
domaine. Dans le domaine de l'établissement agricole, dans le domaine de
l'établissement rural, le ministre sait très bien, pour avoir
travaillé longtemps, comme moi d'ailleurs, dans cet important secteur,
qu'actuellement il est extrêmement difficile pour les jeunes, voire
même impossible, de s'établir dans le milieu rural, de
s'établir dans l'agriculture.
Je comprends que le ministre peut froncer les sourcils, M. le
Président.
M. TOUPIN: Bien, je ne comprends pas.
M. ROY: Je vais apporter des faits, M. le Président. Le ministre
a hâte d'avoir des preuves, je vais lui en fournir.
Je comprends qu'au ministère de l'Agriculture, comme à
l'Office du crédit agricole, et un peu partout, il y a des normes qui
sont établies. Je pense que la plus grosse erreur du ministère,
je dis bien erreur, c'est qu'on cherche à appliquer ces mêmes
normes partout dans tout le territoire du Québec, alors que les
problèmes sont différents d'une région à l'autre,
alors que la vocation agricole, compte tenu des différentes
spécialités, change dans chacune des régions du
Québec. Le ministre le sait très bien. Nous avons dans le
Québec un grand territoire et nous avons des régions
complètement différentes les unes des autres. Si on cherche des
formules et des normes, puis qu'on tente de les appliquer dans tout le
territoire du Québec de la même façon, on risque fort de
courir à l'échec. Les normes peuvent être acceptables,
voire même recommandables dans la région de Saint-Hyacinthe et ces
mêmes normes ne peuvent pas s'appliquer dans la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Elles peuvent être complètement
dépassées ou désuètes dans la région de la
rive sud du Saint-Laurent ou encore complètement illogiques,
complètement ridicules quand on arrive dans certains secteurs agricoles
du Bas-Saint-Laurent.
M. le Président, quant à assurer la relève dans
l'agriculture, j'ai eu dans le passé à travailler à
plusieurs dossiers, parce que je fais du bureau dans mon comté, on vient
me rencontrer fréquemment. Je peux faire du bureau non seulement pour
mon comté mais pour les comtés avoisinants; je ne sais pas si les
autres députés n'ont pas le temps d'en faire. De toute
façon, j'ai reçu énormément de visites et j'ai
plusieurs preuves à l'appui à l'effet qu'à l'Office du
crédit agricole il y a des délais je le souligne à
l'attention du ministre qui sont complètement nuisibles,
complètement négatifs. Ils empêchent des jeunes de
s'établir dans le monde agricole.
Je vais donner un exemple au ministre. Je vais citer un cas de
Sainte-Clothilde dans le comté de Beauce-Sud. Je vais nommer la
personne; on me demande des preuves un moment donné, je vais en donner
des preuves. Il s'agit d'un monsieur Grondin, Henri-Georges Grondin qui a vendu
la ferme à son fils Robert, une belle ferme. Il a vendu sa ferme en mars
1973; j'aimerais bien que le ministre écoute à ce moment-ci.
M. TOUPIN: N'ayez pas peur, on comprend tout ce qui se passe.
M. ROY: II a été accepté par l'office, le 28
septembre 1973. La personne a dû se placer ailleurs, a dû s'acheter
une autre propriété, parce que son fils l'a occupée. Et
aujourd'hui, nous sommes le 30 avril 1974, et il n'a pas reçu encore un
seul cent. Je le souligne à l'attention du ministre. J'aurais d'autres
dossiers à lui mentionner, mais je lui souligne celui-là en
particulier. Il y a eu d'autres cas d'établissement agricole dans
lesquels on se dépêche d'accepter le transfert du vieux prêt
agricole, parce que le gouvernement a peur de rester avec des fermes sur les
bras. Et une fois que les jeunes ont acheté ces fermes, une fois qu'ils
sont établis, ils sont bloqués systématiquement pour
bénéficier des subventions parce qu'après leur avoir fait
acheter des fermes, on leur dit qu'ils sont sur des fermes non rentables.
Je pense que ce sont des points qui méritent d'être
soulignés et qui sont extrêmement importants. Il ne faudrait pas
leurrer la population. Il ne faudrait pas que la nouvelle législation
que nous apporte le ministre à l'Assemblée nationale soit une
législation qui ne tienne pas compte de ces faits, qui ne tienne pas
compte de cette réalité.
M. TOUPIN: Est-ce que vous me permettez une question pour avoir une
précision? Les chiffres que vous avez donnés, c'est pour quelle
période?
M. ROY: La personne a vendu sa ferme en mars 1973...
M. TOUPIN: En 1973.
M. ROY: ...à son fils. Il a été accepté
officiellement par l'Office du crédit agricole le 28 septembre 1973.
Aujourd'hui, le 30 avril 1974, il n'a encore rien reçu. Ce n'est pas le
seul cas que j'ai dans mon dossier. J'en ai apporté un pour le porter
à l'attention du ministre. Si le ministre en veut d'autres, je pourrais
lui en signaler d'autres.
Mais, parmi les autres que je voulais porter à
l'attention du ministre, ce sont ceux à qui l'on fait acheter des
fermes. A ce moment-là, on permet à l'Office du crédit
agricole de transférer les hypothèques, de transférer les
titres pour qu'une personne puisse continuer à faire les versements,
parce que ceux qui étaient les détenteurs, les
propriétaires des fermes sont rendus à un certain âge; il
arrive des décès, il arrive toutes sortes de choses. Une fois que
la personne a acheté ces fermes, elle ne peut pas
bénéficier des subventions de fonctionnement. Elle n'est pas
éligible aux subventions d'établissement parce qu'on dit que ce
sont des fermes non rentables.
Alors, il y a tout le secteur de l'établissement agricole et je
pense que cela mérite, dans les observations générales,
que nous en parlions.
Le ministre a également parlé de protéger le
territoire agricole du Québec. On a beaucoup parlé de la
région de Montréal. J'aimerais apporter certaines statistiques
à l'attention du ministre afin de lui démontrer combien le
problème est urgent. Je ne sache pas, avec le budget que le gouvernement
a à l'heure actuelle, avec les politiques qui prévalent au
ministère de l'Agriculture, que nous allons pouvoir corriger cette
situation avant qu'elle soit encore beaucoup plus grave.
Or, dans la province de Québec, en 1966, il y avait 12,886,000
acres qui servaient à l'agriculture; en 1971, il y a trois ans je
sais que cela a augmenté c'était réduit à
10,801,000 acres. Alors, il y avait une réduction de 2 millions d'acres.
On parle, à un moment donné, de la lotisation des fermes qui se
fait dans la région de Montréal. Je tiens à dire à
l'honorable ministre que dans toutes les régions du Québec, dans
des régions à vocation agricole, on procède au reboisement
de certaines fermes arables, qui ont été cultivées depuis
50 ou 75 ans, voir même 100 ans; nous avons des abandons de fermes dans
des territoires et dans des terrains qui sont extrêmement propices
à l'agriculture.
A l'exemple du ministre, je vais lui citer certains comtés. Je
vais prendre le comté de Beauce qui avait et qui a encore le plus grand
nombre de fermes du Québec. Le comté de Beauce avait 3,092 fermes
inscrites au Québec, en 1966. Ce nombre de fermes était
réduit de 791 en 1971, c'est-à-dire en une période de cinq
ans. Il n'a cessé de décroître depuis.
Le nombre d'acres agricoles, qui ont été
abandonnées dans le seul comté de Beauce, est de l'ordre de
85,000 acres. Ce sont des chiffres qui méritent certainement qu'on y
attache une importance particulière, surtout si l'on tient compte que,
dans une région comme le sud du Québec, il y a des revenus
d'appoint dans l'agriculture, comme la forêt. Je n'ai pas entendu le
ministre nous parler des agencements qui pourraient être faits de
façon que la forêt puisse constituer un élément ou
un revenu d'appoint pour permettre à la classe agricole, dans certaines
régions du Québec, de compenser adéquatement et
avantageusement pour le manque à gagner qu'il pourrait y avoir, soit
dans les productions céréalières, dans la bettrave
à sucre ou dans le tabac ou encore dans les cultures
maraîchères.
Ce n'est pas seulement dans le comté de Beauce; dans le
comté de Bellechasse, c'est la même chose. Il y a eu une
diminution de 32,000 acres de terres. Dans le comté de Compton, vous
avez eu une diminution encore de quelque 30,000 acres de terres. Je prends, par
exemple, le comté d'Yamaska; vous avez eu encore une diminution de
16,000 acres. Dans le comté de votre collègue et de notre
collègue, il y a eu encore une diminution assez appréciable et
c'est une région qui est encore beaucoup plus à vocation agricole
que la région de la Beauce.
Alors, j'ai eu l'occasion, l'année dernière, au cours
d'une courte période de vacances, de parcourir les régions
rurales du Québec pour essayer d'aller voir sur place si c'était
seulement dans la région du sud du Saint-Laurent ou dans le
Bas-Saint-Laurent que les agriculteurs du Québec pouvaient avoir des
problèmes. J'ai eu le regret et la stupéfaction de constater que
dans toutes nos belles régions agricoles de la province de
Québec, ce sont les mêmes problèmes qui prévalent.
Donc, lorsque nous avons à intervenir à l'Assemblée
nationale sur ces points, je pense que l'on peut parler non seulement au nom de
notre comté, mais au niveau des problèmes généraux
de la province.
On a signalé tout à l'heure qu'il y avait eu 400 nouveaux
établissements, dans la province de Québec, de personnes qui ont
bénéficié des subventions d'établissement au cours
de l'année, 400 de plus.
M. TOUPIN: 400 de plus que l'an dernier. M. ROY: Cela fait combien en
tout? M. TOUPIN: 1,200, à peu près.
M. ROY: 1,200 en tout. 1,200 établissements. Mais ce que j'aurais
aimé savoir, c'est combien de fermes ont été
abandonnées, combien il y a eu de ventes à l'encan l'an dernier.
Il aurait également été important de pouvoir faire un
parallèle entre le nombre de fermes qui ont été
abandonnées complètement et le nombre de fermes qui ont
été vendues à l'encan, parce que dans le nombre de ces
nouveaux établissements, il y a tout simplement des transferts de
propriété qui se sont faits.
M. TOUPIN: Est-ce que vous me posez la question?
M. ROY: Disons que vous pouvez prendre note de cela, tout à
l'heure vous pourrez y revenir. Je vais faire des observations
générales et je ne veux pas violer le règlement et la
procédure parlementaire, M. le Président.
M. TOUPIN : Vous ne chialerez pas si je veux vous répliquer,
là.
M. ROY: Non, non. D'ailleurs, le ministre pourra répliquer
à ce moment-là et nous pourrons revenir, poser des questions. Je
pense que le président n'aura aucune objection. Ce n'est pas moi qui m'y
opposerai, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): J'allais vous rappeler à
l'ordre, M. le député, précisément pour ne pas
violer la procédure.
M. ROY: Bon, parfait. Alors le ministre a parlé également
des entreprises de mise en marché, qu'il n'y avait pas tellement
d'entreprises de mise en marché dans la province de Québec, qu'il
y avait un grand manque de ce côté.
Je pense que le gouvernement peut faire un bon mea culpa à ce
sujet. Je vais vous donner un peu plus de détails, M. le
Président. C'est qu'on a tout fait, dans la province de Québec,
pour faire disparaître une quantité d'entreprises qui
étaient vouées à la transformation des produits agricoles,
des produits laitiers, entre autres, et un certain nombre de ces entreprises,
avec un encouragement gouvernemental, auraient pu changer, en quelque sorte, ou
orienter ou diversifier leur fabrication pour organiser la mise en
marché et s'orienter vers des initiatives nouvelles.
Au lieu de permettre à des usines laitières tout
simplement de se spécialiser, par exemple, pour organiser de nouveaux
produits laitiers sur le marché, de nouvelles façons de mise en
marché ou d'ajouter quelque chose de nouveau pour tâcher
d'être en mesure de concurrencer avantageusement les produits qui peuvent
nous venir d'ailleurs, on a subventionné ces entreprises pour
tâcher de favoriser la fusion des usines, la fusion des entreprises et,
de ce fait, on a éliminé la concurrence et on a livré
l'agriculteur du Québec à la merci de ce que je pourrais appeler
aujourd'hui des cartels, des monopoles, parce que l'agriculteur n'a pas le
choix.
Il fut un temps, M. le Président, où l'agriculteur du
Québec, dans toutes les régions rurales, pouvait choisir, en
quelque sorte, la personne qui s'occuperait de la transformation de ses
produits. Aujourd'hui, c'est pratiquement complètement disparu. On a
formé de gros monopoles, de vastes cartels sous prétexte de
corriger certains problèmes et d'accroître, en quelque sorte, par
des usines plus grandes, les usines laitières, les beurreries...
M. TOUPIN: Quels cartels?
M. ROY: Je parle des cartels laitiers.
M. TOUPIN: Lesquels?
M. ROY: Les cartels laitiers. Vous savez ce dont je veux parler, les
usines laitières. Quand je dis que l'agriculteur...
M. TOUPIN: Vous parlez de la coopérative de Granby.
M. ROY: Je ne parle pas de la coopérative de Granby plus qu'une
autre.
M. TOUPIN: C'est 90 p.c. du lait au Québec.
M. ROY: Je ne parle pas plus de la coopérative de Granby qu'une
autre. Je dis qu'à partir du moment où l'agriculteur n'a plus la
liberté de choisir l'endroit ou l'industriel laitier qui peut
transformer ses produits, à ce moment-là il y a cartel. Je ne dis
pas que cela peut être un mauvais cartel mais je dis qu'il y a cartel
quand même, parce que cela devient un monopole.
A partir du moment où il y a des monopoles, il y a moins de
concurrence, et il y a moins de concurrence au niveau des services aux
agriculteurs. Le ministre sait très bien, pour avoir eu de nombreuses
lettres de ses députés ministériels, pour avoir fait de
nombreuses démarches, pour avoir eu de nombreuses rencontres au
ministère et, je pense, à l'occasion des rencontres et des
conférences qu'il a eu à prononcer dans la province de
Québec, il a eu certainement l'occasion de rencontrer des gens qui lui
ont soumis certains problèmes.
M. TOUPIN: Vous n'avez rien contre l'idée que ce soient les
producteurs qui contrôlent leur propre transformation? Vous n'avez rien
contre cela?
M. ROY: Ce ne sont pas les agriculteurs, présentement. Qu'on ne
vienne pas me faire croire que ce sont les agriculteurs et les petits
producteurs laitiers qui contrôlent leur propre transformation. Je pense
que c'est charrier passablement. On peut peut-être parler de
coopératives, dans certains secteurs, dans certains milieux, mais quand
le cultivateur réside à 200 milles de la coopérative, je
me demande quelle sorte de pouvoirs il a d'influencer les décisions
administratives.
J'ai oeuvré suffisamment longtemps dans le mouvement
coopératif pour savoir que si le mouvement coopératif est trop
éloigné des coopérateurs, cela devient des
coopératives qui peuvent très bien répondre à
certains principes coopératifs mais...
M. TOUPIN: Je n'ai rien...
M. ROY: ... qui n'ont pas la même participation de la part des
coopérateurs.
M. TOUPIN: Je n'ai rien...
M. ROY: C'est un peu comme un coopéra-teur, par exemple, qui,
résidant dans la région du Bas Saint-Laurent, fait affaires avec
une coopérative de Montréal. Je comprends, M. le
Président, qu'il n'ira pas à toutes les assemblées
générales annuelles, qu'il ne dépensera pas de l'argent
pour ces choses. Plus les entreprises sont grosses, plus c'est difficile et
plus on éloigne la participation des gens.
M. TOUPIN: Je n'ai rien contre le fait...
M. ROY: M. le Président, c'est le point...
M. TOUPIN: ... que vous le disiez. Mais j'allais vous dire que ce n'est
pas à moi que vous devriez le dire, c'est aux producteurs. C'est eux qui
ont organisé cela comme ça.
M. ROY: Je dis au ministre qu'il a tout fait pour centraliser partout,
dans tous les domaines. Il y est même allé de
généreuses subventions. Le ministre y est même allé
de généreuses subventions.
M. TOUPIN: Bien oui. Avec les coopératives, on y va ouvertement
et nous en sommes bien contents.
M. ROY: C'est ce que j'allais dire au ministre. Non seulement à
des coopératives mais à des entreprises aussi, partout. On a
créé des monopoles au niveau de la transformation des produits
agricoles et on est en train d'en créer d'autres.
M. le Président, il y a aussi un autre point. Il y a la ferme
à vocation générale. Je me demande si au ministère
de l'Agriculture on croit encore à la ferme à vocation
générale. Je n'ai pas l'impression qu'on y croit tellement.
Pourtant cette ferme à vocation générale a toujours eu sa
place dans le passé dans la province de Québec et a toujours
réussi à garantir une certaine stabilité à celui
qui a pratiqué ce genre d'agriculture, compte tenu du fait qu'il a pu
aller chercher des compensations ailleurs. Par exemple, lorsqu'il y avait des
problèmes dans l'industrie laitière, il pouvait aller se chercher
des revenus d'appoint dans son boisé de ferme; il y avait les
érablières dans toute la région des Cantons de l'Est, la
région des Bois-Francs, la région de la Beauce et même dans
certaines régions du Québec, où les agriculteurs ont pu
aller chercher des revenus d'appoint, revenus qui sont de plus en plus
difficiles à obtenir et qui sont de moins en moins
considérés par le ministère de l'Agriculture.
J'aimerais, à ce moment-ci, que le ministère de
l'Agriculture et le ministre de l'Agriculture, particulièrement,
tiennent compte de ces facteurs parce qu'à l'Office du crédit
agricole il y a quand même quelque chose qui ne va pas. Un cultivateur
qui achète une ferme à vocation générale, qui a un
boisé de ferme où il y a une érablière, on tient
compte des revenus de l'érablière, des revenus du boisé de
ferme pour être en mesure d'établir la rentabilité de la
ferme de façon à pouvoir vérifier si l'agriculteur sera
capable de satisfaire à ses obligations. Mais ce qui est malheureux
c'est qu'on n'a jamais tenu compte de la valeur du boisé comme tel, la
valeur de l'érablière comme telle. Pourtant le cultivateur les
achète et il faudrait en tenu-compte pour lui donner un plus gros
prêt agricole. A ce moment-là, l'agriculteur est obligé de
se financer par des prêts à moyen terme, des prêts de dix
ans alors que ce sont des financements qui auraient dû aller beaucoup
plus loin. Si le ministre veut venir sur cette question lorsqu'il s'agira
d'assurer la relève dans l'agriculture et de permettre des modifications
à la Loi du crédit agricole, je pense qu'il ferait un grand pas
en avant et rendrait immensément service à la classe agricole,
à la classe rurale surtout, à ceux qui pratiquent encore
l'agriculture à vocation générale, qui constitue une
tradition au Québec. Pour encore une grande partie de la population
rurale du Québec, elle constitue un mode de vie auquel elle tient mais
à condition que ce mode de vie lui permette de vivre dans des conditions
normales.
J'ai été quand même déçu, c'est un
autre point que je vais souligner au ministre, de ne pas avoir entendu quoi que
ce soit concernant l'enseignement professionnel agricole. On n'en a pas
parlé du tout. Nous avons des écoles polyvalentes dans tous les
milieux ruraux du Québec on ne sait pas s'il y a eu entente, s'il y a eu
rencontre entre le ministère de l'Agriculture et le ministère de
l'Education à cette fin; on ne sait pas si des cours et des options
agricoles seront organisés à l'intérieur des écoles
polyvalentes. On se demande un peu partout si l'école d'agriculture de
Sainte-Croix continuera à fonctionner ou si cette école
d'agriculture...
M. BOUTIN (Johnson): ... m'en occuper de cela.
M. ROY: M. le Président, voulez-vous inviter l'honorable
député à se taire, s'il vous plaît? Je comprends
qu'ils sont impatients, ils ne parlent pas souvent et ils ne peuvent pas
parler...
M. BOUTIN (Johnson): Nous allons pouvoir parler tout à
l'heure.
M. ROY: Ce n'est pas nous qui allons les empêcher de parler. Ils
pourront prendre des notes, nous leur donnerons tout le temps d'intervenir, si
mes interventions les inspirent.
M. BOUTIN (Johnson): C'est parce que nous savons ce que vous allez
dire.
M. ROY: M. le Président, on a l'impression, malheureusement, que
le ministère de l'Agriculture, pour un grand nombre d'agriculteurs du
Québec, jusqu'à présent, a constitué un obstacle
plutôt qu'un service. J'aimerais bien, en ce qui me concerne...
UNE VOIX: Est-ce que vous parlez du ministère?
M. ROY: Oui, le ministère comme tel a constitué un
obstacle, à cause des règlements, à cause de toutes sortes
de choses, de toutes sortes de conditions, de conditionnements. On a fait en
sorte à un moment donné que les agriculteurs n'aient pas d'autre
choix, pas d'autre option que de se débarasser et de sortir de la
classe agricole à cause de tous les règlements. Par
exemple, si le gouvernement et le ministère n'avaient pas
procédé de la façon dont ils ont procédé
dans la question des fusions des usines laitières, je ne serais pas
obligé de dire au ministre que dans les quatre comtés qui
entourent la région de la Chaudière, cette année, nous
allons avoir environ 1,500 agriculteurs qui vont abandonner l'agriculture.
N'ayant plus de concurrence au niveau des usines laitières, ils ont tout
simplement décidé de ne plus recevoir le lait en bidons alors
qu'il y a trois ans ces mêmes industriels laitiers avaient des
propagandistes sur la route pour inciter l'agriculteur à aller dans
leurs usines plutôt que dans d'autres usines.
A ce moment-là, le ministère de l'Agriculture s'est
joué un tour et a joué un tour terrible à la classe
agricole dans la province de Québec.
Nous avons un certain nombre d'agriculteurs dans la province
environ 7,000 à 8,000 qui actuellement sont rendus à 57,
58, 59 ans et qui ont refusé, qui n'acceptent pas l'offre le
ministre a dit que c'était une offre généreuse, moi je dis
que c'est une offre d'endettement, pour les endetter davantage de
bénéficier d'une certaine subvention pour se munir d'un
système de "bulk tank" afin de livrer leur lait en vrac: $800 de
subvention à condition qu'ils empruntent $3,000. Bon, c'est
ça.
Alors, vous vous êtes assuré de faire dépenser
suffisamment d'argent au cultivateur...
M. TOUPIN: II n'est pas obligé d'emprunter.
M. ROY: ... pour tâcher que les taxes et les impôts que vous
allez collecter paient la subvention.
M. TOUPIN: II n'est pas obligé d'emprunter.
M. ROY: C'est fort, c'est aussi fort que ça. Alors, M. le
Président, c'est ce que je disais. Le ministère de l'Agriculture
a constitué en quelque sorte un obstacle au développement naturel
de l'agriculture au Québec.
M. TOUPIN: Est-ce que le député de Beauce me permettrait
seulement un petit commentaire là-dessus?
M. ROY: J'achève, vous pourrez revenir et vous ferez un
commentaire là-dessus. Parce que je sais que vous allez en avoir des
commentaires et j'ai hâte de les avoir sur ce point.
M. le Président, dans le domaine agricole dans la province de
Québec, il ne sert à rien de se raconter des histoires. Je sais
que les députés ministériels qui écoutent ont les
mêmes préoccupations que nous, dans nos comtés. Ce que nous
voulons, c'est un ministère de l'Agriculture efficace; nous
désirons avoir des lois agricoles qui répondent aux besoins de la
classe agricole, qui permettront à la classe agricole de vivre et
d'avoir sa part du marché, qui lui permettront de prendre sa place et
qui permettront au monde rural et à l'économie rurale de se
développer davantage. Je pense que tout le monde est d'accord
là-dessus. Mais à partir de ce moment-là, M. le
Président...
M. BOUTIN (Johnson): Vous avez dit ça au début et vous ne
savez pas...
M. ROY: ... je pense qu'il devient important, et je regrette que ce ne
soit pas cela...
M. BOUTIN (Johnson): Vous avez dit ça au début...
M. ROY: Je regrette que ce ne soit pas cela. Mais, M. le
Président, je pense que si le ministère de l'Agriculture veut
jouer pleinement son rôle, il va falloir que le gouvernement dans son
entier accorde à la classe agricole et au ministère de
l'Agriculture une place de choix de façon que le ministre n'ait pas
à déclarer ce qu'il a déclaré, qu'il ne soit pas
obligé de se battre au conseil des ministres à chaque fois qu'il
arrive avec un programme nouveau. Si le gouvernement comme tel, et le conseil
des ministres, et tout le gouvernement dans son ensemble ne sont pas convaincus
de la nécessité d'accorder à l'agriculture et à la
classe agricole la place qui lui revient et de lui faire jouer son rôle
de façon à développer toute l'économie rurale du
Québec, je pense que le ministère de l'Agriculture à lui
seul aura beau avoir de petites législations, des règlements, des
petits programmes, on ne réglera pas le problème. Il va falloir
que ce soit le gouvernement dans son ensemble qui adopte une politique
d'ensemble, de façon qu'il y ait une étroite collaboration entre
les autres ministères qui peuvent être concernés.
Je déplore, M. le Président, le peu d'entente et le peu de
collaboration qu'il y a entre le ministre je le déplore avec le
ministre et le ministre de l'Industrie et du Commerce, le peu d'entente
et de collaboration qu'il y a entre le ministère de l'Agriculture de la
province de Québec et le ministère de l'Industrie et du Commerce.
Si on parle de commercialisation des produits agricoles, si on parle
d'industrie agricole, il va falloir quand même une meilleure
collaboration de ces deux ministères, de façon que les politiques
du ministère de l'Industrie et du Commerce puissent servir au
développement de certains secteurs, surtout le secteur industriel
agricole, surtout si on veut parler d'usines de transformation ou si on veut
parler d'organisation de la mise en marché.
C'est une première priorité que ça devienne non pas
une priorité du ministère de l'Agriculture mais que ça
devienne une priorité gouvernementale. Je pense que tant et aussi
longtemps qu'on n'aura pas réussi à convaincre le gouvernement
que ce doit être une priorité gouvernementale, le ministère
de l'Agriculture, je pense que vous passez à côté des
solutions, qu'on va demeurer avec les problèmes et que la classe
agricole va continuer à abandonner l'agriculture.
Deuxième point: il est important qu'on accorde un meilleur budget
à l'agriculture. M. le Président, je n'ai pas à revenir
sur ce que je disais tout à l'heure, mais par rapport à
l'année dernière, si on tient compte de l'inflation, le budget de
l'agriculture de cette année constitue une diminution de plusieurs
millions de dollars.
Un deuxième point qui est extrêmement important, c'est
qu'il y a des bureaux d'agronomes, dans toutes les régions de la
province de Québec. J'aimerais bien savoir de l'honorable ministre si on
a demandé aux bureaux régionaux, aux bureaux des agronomes dans
les différentes régions du Québec de faire un rapport,
aussi complet que possible, du développement de l'agriculture dans leurs
régions respectives afin qu'on puisse faire une étude d'ensemble
par la suite, compte tenu des particularités régionales, de
façon que, au ministère de l'Agriculture, on décentralise
l'application des politiques gouvernementales et qu'on tienne compte davantage
des besoins régionaux à l'avenir. Cela, M. le Président,
je pense que c'est une question prioritaire pour le gouvernement. Le
gouvernement devra, s'il est réellement désireux d'apporter
quelque chose à l'économie rurale, de développer
l'agriculture, procéder par une décentralisation de l'application
des politiques agricoles.
Un autre point, M. le Président: il va falloir que le
gouvernement cesse de se promener et là je vais parler au sens
figuré en avion, en satellite ou en hélicoptère
au-dessus des régions rurales du Québec et qu'il regarde la
réalité du monde agricole au Québec.
Il est quand même assez curieux et assez étonnant de
constater que le monde rural, les agriculteurs, les gens du milieu connaissent
leurs problèmes et savent, eux, quelles sont les solutions dont ils ont
besoin, l'aide dont ils ont besoin dans leur milieu.
Alors, qu'on tienne donc compte des demandes des régions, qu'on
tienne donc compte des recommandations qui sont faites, au lieu d'arriver
à un moment donné et de leur imposer des solutions toutes faites
ou encore des politiques qui sont préparées dans une autre
région que la leur et qu'on tente de leur imposer à tout
prix.
Un autre point, M. le Président, c'est qu'il va falloir qu'on
pense à établir des prix minimums pour les produits agricoles. On
parle d'un salaire minimum pour l'ouvrier du Québec; il y a une Loi du
salaire minimum. Cela ne va pas assez loin. Il va falloir qu'on en parle
beaucoup plus à l'avenir, des prix minimums garantis dans le monde
agricole. C'est commencé parce que justement on a créé une
rareté dans certains secteurs; il y a eu tellement de hausses dans les
produits agricoles à l'heure actuelle que ce sont tous les consommateurs
québécois qui sont obligés de payer. Mais malheureusement
cet argent ne va pas dans les poches des agriculteurs; il en va beaucoup plus
chez ceux qui ont transformé les produits, chez ceux qui les ont
entreposés et voire même aux entreprises qui s'occupent de faire
de l'importation dans la province de Québec.
Alors, si on dit prix minimum, M. le Président, il va falloir
également qu'on songe à établir des banques de produits
agricoles dans la province de Québec, de façon à
entreposer les surplus durant les périodes d'abondance, de façon
que ces surplus ne tombent pas sur le marché et causent, autrement dit,
une baisse ou une chute vertigineuse des prix qui constitue un problème
fondamental, car l'agriculteur, durant le temps qu'il fait la mise en
marché de ses produits, est toujours aux prises avec la loi de l'offre
et de la demande, la sacro-sainte loi de l'offre et de la demande. Comme les
produits se mettent sur le marché durant une période
donnée de l'année et que la demande se répartit sur douze
mois, l'agriculteur a toujours été pénalisé par
rapport à cette loi de l'offre et de la demande.
Ces surplus pourront être utilisés, ils pourront être
mis en marché comme régulateurs durant les périodes
où il y en a moins, durant les périodes de disette. Je vois mon
collègue, le député de Lotbinière, qui trouve que
ma suggestion est bonne. Alors, je suis heureux de constater que les
députés du gouvernement, M. le Président, commencent
à penser comme nous.
Je vous invite à continuer la lutte et la bataille au sein de
votre caucus pour tâcher de convaincre le ministre de façon que
ça devienne une réalité.
M. le Président, en ce qui a trait aux grains de provende, on
sait que tous les producteurs sans sol du Québec ont toujours
été à la merci de la politique canadienne des grains de
provende. Je déplore que le gouvernement du Québec ne se soit pas
doté, encore aujourd'hui, d'un office des grains de provende pour
pouvoir négocier avec le fédéral, pour pouvoir
négocier avec la Commission canadienne du blé, pour et au nom de
la province de Québec, pour et au nom des agriculteurs du Québec.
Il faudrait se donner un mécanisme, se donner une structure
légale. Je pense que, si nous avions cet organisme dans la province de
Québec, le gouvernement aurait, quand même, un mécanisme
aurait quant même un pouvoir de négociation. A ce
moment-là, on éviterait qu'actuellement les agriculteurs du
Québec ne soient à la merci des "brokers", comme c'est le cas
présentement.
M. le Président, l'autre point sur lequel je veux attirer votre
attention, et c'est l'avant-dernier...
M. BOUTIN (Johnson): C'est le septième.
M. ROY: ... M. le Président, c'est le 7e, c'est qu'on parle
énormément de vouloir augmenter le prêt agricole. On a dit
que la ferme moyenne, à l'heure actuelle, vaut en quelque sorte $70,000.
Ce n'est que malheureusement trop
vrai. Il ne faut pas oublier, M. le Président, que les
agriculteurs du Québec, avec ces politiques d'investissement massif,
qu'on les oblige à accepter pour avoir des unités rentables, sont
devenus des esclaves, sont devenus des gens qui peuvent demeurer dans
l'agriculture seulement quelques années, parce qu'un être humain,
ce n'est pas un tracteur diesel.
Je pense qu'on ne l'a pas compris suffisamment. Il est désastreux
de voir à l'heure actuelle qu'on oblige les agriculteurs du
Québec à travailler comme jamais leurs ancêtres ne l'ont
fait dans le passé, même avec les instruments qu'ils avaient dans
le temps. Avec la conséquence que, dans la majorités des
régions de la province de Québec, l'agriculteur, rendu à
55 ans, n'est plus capable de tenir le coup.
M. le Président, j'aurais plusieurs dossiers à souligner
à l'attention du ministre. Si le gouvernement et le ministère de
l'Agriculture veulent faire une enquête de ce côté, ils
auraient la collaboration des bureaux de l'aide sociale. Ils auraient
certainement la collaboration et ils pourraient avoir beaucoup d'indications de
la part des agronomes. Ils pourraient ramasser suffisamment de données
pour se rendre compte que, présentement, c'est devenu pour la plupart un
véritable suicide personnel et que c'est en train de devenir un genre de
suicide collectif.
M. le Président, on s'est occupé de faire du regroupement
des fermes, il y a quelques années, dans les différents
comtés du Québec, au niveau des caisses
d'établissement.
Il y a des gens qui ont très bien réussi pendant les
premières années, mais ils n'ont pas été capables
de tenir plus que cinq ou six ans; pour des raisons de santé, ils ont
été obligés d'abandonner, de discontinuer, et pour
récupérer leurs capitaux ils ont été obligés
de faire des ventes à l'encan.
M. le Président, c'est un problème social, c'est un
problème humain. C'est bien beau de parler d'augmenter les
crédits agricoles pour dire à l'agriculteur: Endettez-vous
davantage et surendettez-vous; à ce moment-là, vous serez
prospère. Je pense que c'est un bon moyen de faire faillite que de
s'endetter continuellement sans savoir si, à la base, ils pourront avoir
des prix garantis, des prix minimums, s'ils pourront vivre dans des conditions
normales.
Le dernier point, je l'ai souligné un peu tout à l'heure
mais je reviens là-dessus. Il est absolument indispensable qu'il y ait
une étroite collaboration entre les autres ministères, qu'il y
ait une collaboration interministérielle, pour faire en sorte que les
politiques de l'agriculture au Québec s'insèrent dans le cadre
d'un grand programme de développement de toute l'économie rurale
de la province de Québec. Lorsque l'agriculture ne va pas dans le milieu
rural, c'est tout le milieu rural qui ne va pas. Lorsque le milieu rural ne va
pas, le milieu urbain a des fichus problèmes. Demandons-nous si,
présente- ment, dans la province de Québec, ce n'est pas une
cause profonde des grands malaises économiques et sociaux que nous
connaissons.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci, M. le député.
Maintenant, nous pouvons procéder de deux façons, de deux choses
l'une, autrement dit. Le ministre peut répondre, s'il le veut, au
député de Beauce-Sud, sur ces commentaires, ou attendre, s'il y a
des questions ou des commentaires de la part d'autres membres de la commission,
et répondre après. Préférez-vous répondre
aux arguments ou attendre la programmation?
M. TOUPIN: Je préférerais répondre tout de suite
à certaines affirmations...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Allez-y. M. TOUPIN: ... qui
dépassent largement...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui.
M. TOUPIN: Le premier commentaire que je voudrais faire sur les propos
tenus par le député de Beauce-Sud à ce
moment-là, je ne pense pas que ce soit le déprécier que de
dire de telle chose c'est que j'ai l'impression que le
député de Beauce-Sud pense encore à l'agriculture des
années trente et des années quarante, des grands bouts. Il y a
certains aspects, des questions qu'il soulève, qui sont peut-être
à l'ordre du jour des années modernes, j'en conviens, certains
points, notamment celui de l'intégration de l'économie agricole,
d'une économie rurale. Il s'agit de se poser la question bien
honnêtement. Est-ce que le secteur agricole va toujours être le
seul à supporter la structure économique rurale? Au fond, c'est
cela. Si on laisse porter la structure économique rurale,
l'infrastructure des paroisses rurales seulement sur le dos des agriculteurs,
il est sûr que les charges vont devenir très lourdes à
porter. On n'a qu'à penser à l'entretien des chemins, on n'a
qu'à penser aux réseaux d'égout et d'aqueduc, etc. C'est
évident que les charges vont être très lourdes pour les
agriculteurs, on est conscients de cela et c'est pour cela, d'ailleurs, que le
gouvernement, l'an dernier, a décidé de rembourser 40 p.c. de
l'impôt foncier non seulement scolaire mais aussi municipal parce que
cela s'avérait nécessaire. C'est pour cela qu'on a fixé
des maximums aussi de $150 l'acre pour ne pas qu'on surcharge, dans le temps,
les agriculteurs.
Il y a aussi un maximum sur le taux. Je pense que le taux ne doit pas
dépasser 1 p.c. du total de l'évaluation, si ma mémoire
est bonne. C'est pour cela qu'on est intervenu dans ce domaine-là. Mais
je pense qu'il y a là un problème positif. Encore là, on
peut régler ce problème. Je n'ai pas besoin de vous dire que le
ministère des Affaires municipales, le ministère de
l'Environnement, le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche, le ministère des
Terres et Forêts ont aussi, là-dedans, des
responsabilités bien évidentes et peut-être même plus
grandes que la nôtre parce que nous devons, je le dis en toute
sincérité, voir d'abord et avant tout à ce que le secteur
agricole comme tel se développe. . Voici un autre point, et
là-dessus j'aimerais que le député de Beauce apporte
certaines précisions. Lorsqu'on parle des revenus agricoles, on soutient
qu'il s'est vendu pour $1 milliard de produits agricoles au Québec.
C'est évident.
M. ROY: Ce sont vos chiffres.
M. TOUPIN: Oui, je ne les conteste pas. Je ne conteste pas ce que vous
avez affirmé là-dessus. C'est vrai, on a vendu pour un peu plus
de $1 milliard de produits agricoles cette année par rapport à
l'année passée où le montant était d'environ $800
millions. Il y a eu augmentation des prix; c'est sûr que l'inflation,
l'augmentation des prix a contribué à ce que les agriculteurs
vendent plus cher leurs produits; pas nécessairement plus de produits
mais plus cher leurs produits, ce qui a fait augmenter la masse
monétaire, je suis d'accord sur cela.
Ce que le député de Beauce-Sud ne dit pas, c'est qu'en
dépit de l'inflation, les revenus nets des agriculteurs cette
année dépassent les $300 millions, alors que l'année
dernière ils étaient en bas des $300 millions. Donc, les
agriculteurs québécois ont réalisé un revenu net
d'environ $50 millions de plus que l'année précédente.
M. ROY: Pourriez-vous nous donner les chiffres exacts
là-dessus?
M. TOUPIN: Je n'ai pas les données exactes.
M. ROY: Oui, mais c'est quand même important.
M. TOUPIN: Je pourrais peut-être les avoir. Je soutiens ce que
j'affirme et je ne me trompe pas. Il peut y avoir, bien sûr, dans l'ordre
des chiffres quelques millions, mais les revenus nets agricoles cette
année sont plus élevés que ceux de l'an dernier. Cela est
évident.
M. ROY: C'est normal.
M. TOUPIN: Oui, il faut que ce soit normal aussi. Donc l'agriculteur, au
fond, ne se finance pas rien que par l'inflation, il se finance aussi par son
effort de productivité. Il se finance aussi et il augmente ses revenus
par une marge plus grande qui existe entre les coûts de production et le
prix de vente de ses produits. Vous-même, vous étiez d'accord
tantôt qu'on cherche une procédure de fixation de prix minimum.
Lorsque vous parlez de prix minimum, j'espère que vous soutenez la
théorie qui veut qu'un prix minimum doit correspondre au moins au
coût de production. Si c'est là votre thèse, cela
correspond exactement à ce qui se fait actuellement dans au moins sept
ou huit productions au Québec. Il y en a un certain nombre d'autres
où on n'y est pas parvenu encore, on le reconnaît, mais il y a un
problème de producteurs aussi là-dedans. Si vous connaissez un
peu le secteur des maraîchers, par exemple, ce n'est pas facile de
pénétrer dans ce secteur et d'organiser des structures de
commercialisation. Or, il y a d'autres secteurs par ailleurs où on est
parvenu à le faire. C'est une précision, je pense, qui
méritait d'être apportée. Le député de
Beauce-Sud soutient la thèse, que le secteur agricole n'est pas
nécessairement le secteur de production agricole. Il semble
soutenir...
M. ROY: Ce n'est pas cela que j'ai dit.
M. TOUPIN: ... que tous ceux qui vivent en milieu rural sont des
agriculteurs, mais que les producteurs agricoles c'est une autre
catégorie. Pour nous, c'est la théorie contraire. On dit: II y a
des producteurs agricoles. Ces producteurs agricoles doivent, d'après
nous, être capables d'avoir un niveau de vie qui soit décent, des
revenus qui soient raisonnables. Là on parle des producteurs agricoles.
Pour arriver à cela, on peut prendre un tas de moyens. Il faut bien
tenir compte de la grandeur des entreprises, de l'efficacité des
entreprises, de l'investissement des entreprises. On pourrait faire comme on a
fait dans le passé et soutenir une thèse qui a prévalu
longtemps au Québec, qui n'a peut-être pas donné, dans le
temps, les résultats attendus. On pourrait le faire cela, on pourrait
retourner aux petites subventions qu'on donnait auparavant, à tout le
monde, à tous les agriculteurs bona fide du Québec, $50 et plus
de ventes de produits agricoles. On pourrait retourner à cela, mais je
pense que le député de Beauce-Sud va être d'accord avec
moi. Quand les producteurs de lait nature soutiennent $11 pour le prix du lait,
quand les producteurs de lait industriel soutiennent $10 pour le prix du lait,
et cela vaut pour une ferme de 250,000 à 300,000 livres de lait, quel
prix faudrait-il mettre au bout des 100 livres de lait pour une ferme de six
vaches? Quel prix faudrait-il y mettre? Il faudrait le dire ça aussi
lorsqu'on dit qu'il faut sauvegarder tous ceux qui sont sur les fermes. Nous,
on croit qu'il y a un équilibre là-dedans. On doit chercher
l'équilibre.
Des producteurs comme ceux dont vous relatiez le problème, les
petits producteurs laitiers, on est conscient que ce n'est pas facile pour eux.
On leur offre, nous, des choix. On leur dit: On vous donne une subvention qui
est quand même passablement généreuse. Si on paye le "bulk
tank", tout le monde va le rentrer dans les étables, c'est-à-dire
dans les chambres à lait. Mais le gars qui a huit ou dix vaches
laitières, pourquoi amener ce gars à investir $6,000 ou $7,000
sur un réservoir de lait en vrac? On est beaucoup mieux de lui dire:
Ecoute, sers-toi de la loi de l'amélioration des fermes et va te
chercher un troupeau laitier et un quota. Et, après, on pourra discuter
sérieusement de l'implantation d'un système de
réfrigération. Tous ceux qui connaissent l'agriculture un peu, je
pense, doivent, jusqu'à un certain point, soutenir cette théorie.
On peut la laisser tomber, comme je vous disais tantôt, on peut retourner
à l'ancienne théorie, ce contre quoi je m'opposerais
personnellement. Parce que je ne crois pas à l'ancienne théorie;
elle a tenté de lancer l'agriculture et elle n'a pas pu le faire. Donc,
il me semble que la preuve en est faite. Analysez le phénomène de
la colonisation du Bas-Saint-Laurent, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de l'Abitibi
et regardez les millions, les millions et les millions de dollars qu'on y a mis
là-dedans; qu'est-ce qu'il y a comme production agricole dans ces
régions?
M. ROY: Est-ce que ce sont des agriculteurs qui ont eu ces millions?
M. TOUPIN: Je ne le sais pas qui, mais on n'a pas triché en tout
cas.
M. ROY: Ah!
M. TOUPIN: On a ouvert des fermes, on a payé des gars pour ouvrir
les fermes.
M. LESSARD: Puis pendant ce temps, les meilleures terres on les
perdait...
M. TOUPIN: En plus. Alors il y avait des contradictions dans les
politiques, dans le passé. Nous, on a dit: On va essayer de faire un
redressement là-dedans puis on va essayer de voir comment ça se
produit. Là-dessus, les théories sont discutables, mais celle que
vous prônez, je l'accepte à moitié. L'autre moitié,
je ne l'accepte pas plus qu'il ne faut, la régionalisation des usines,
des entreprises laitières. Je trouve malheureux que le
député de Beauce-Sud n'ait pas compris vraiment notre position
là-dessus.
M. ROY: Je l'ai trop comprise.
M. TOUPIN: Bon. Ecoutez ce sont les producteurs eux-mêmes...
M. ROY: Je l'ai trop comprise votre position.
M. TOUPIN: Ce sont les producteurs eux-mêmes, dans une structure
coopérative...
M. ROY: Pas toujours.
M. TOUPIN: ... qui leur appartient...
M. ROY: Pas toujours.
M. TOUPIN: ... qui ont demandé qu'on fasse la fusion. Je vais
aller plus loin que ça après. Là je parle seulement des
agriculteurs. C'est comme ça que cela s'est produit au
départ.
Pourquoi les agriculteurs ont-ils demandé cela? Ils avaient des
raisons de le faire. Aucun agriculteur, où qu'il soit situé
là-dessus, le député de Beauce-Sud a
peut-être raison n'est intéressé à ce que son
lait s'en aille à 20, 30 ou 40 milles de sa ferme. Il n'est pas
intéressé à ça. Chaque agriculteur veut bien que
l'entreprise soit proche de chez lui. Mais quand vous regardez, par exemple, le
phénomène de la commercialisation des produits laitiers,
allez-vous demander à une petite coopérative, qui reçoit 1
million de livres de lait, de faire du fromage, de faire de la crème
glacée, de faire du lait en poudre, de faire du beurre et de faire du
yoplait?
M. ROY: Ce n'est pas de cela que j'ai parlé. M. TOUPIN: Non.
Mais...
M. ROY: Le ministre ne veut pas comprendre.
M. TOUPIN: ... le phénomène de regroupement des
entreprises, c'est ça qui permet actuellement à la
Coopérative de Granby et à ses filliales dans toutes les
régions du Québec de garder le marché international, de
garder le marché national du fromage et du lait en poudre. C'est cela
qui lui permet de le faire. Et c'est le problème de l'Ontario
actuellement, dont la production laitière diminue à un rythme
plus accéléré que le nôtre, alors que nous, sauf
l'an dernier, on a des augmentations et on prévoit une augmentation
cette année. On espère l'avoir si les prix du gouvernement
fédéral peuvent s'ajuster conformément à la demande
des producteurs. J'espère qu'il y aura augmentation de production.
Augmenter la production laitière sur la ferme, c'est
intéressant, mais il faut qu'il y ait une entreprise qui la
reçoive, cette production, et qui soit capable de la commercialiser sur
le plan international. Sur le plan national, on produit 140 p.c. de nos besoins
en produits laitiers. Il faut bien les vendre. Il faut le vendre, le fromage.
Il faut le vendre, le lait en poudre. La Coopérative de Granby via
Fédéré a des gens qui, maintenant, sillonnent les pays
étrangers et vendent les produits du Québec et du Canada. Il me
paraît évident qu'on ne pouvait pas faire autrement qu'aller
à l'encontre du désir des producteurs dans cette perspective. Je
pense qu'avoir refusé cette idée des producteurs, cela aurait
été, pour notre part, être, ce que vous disiez
tantôt, rétrogrades et bloquer le développement de
l'agriculture. Il y a des contraintes. On les reconnaît. Les principales
contraintes que l'on retrouve en agriculture actuellement, c'est la question
des quotas. Je comprends le producteur qui est pris pour payer une
pénalité. Il ne faut quand même pas
oublier aussi, quand vous regardez le problème du blé dans
les provinces de l'Ouest, que le gouvernement fédéral, en
1967/68, a voulu développer à coups de centaines de millions de
dollars. Cela s'est fait. Qu'est-ce qu'il a dû faire, par ailleurs, en
1968? Réinvestir autant de millions de dollars pour empêcher les
producteurs de produire parce que le marché international était
sursaturé.
Alors, il y a un équilibre à garder là-dedans
aussi. Peut-être que, dans le passé, on était trop larges
du point de vue de la production. Maintenant, on n'est peut-être pas tout
à fait assez larges. L'équilibre, on le trouve. Cette
année, on a convaincu la Commission canadienne du lait de faire
disparaître ses deux types de quotas un seul quota, pour nous,
cela suffisait un quota de production et un quota de subsides. Cette
année, seulement à cause de ça, les producteurs du
Québec peuvent augmenter leur production de 5 p.c. en
général, sans pénalité. Regardez ce que cela veut
dire dans la poche du gars au bout de l'année. Cela est une mesure
importante et cela se situe dans le cadre des relations
fédérales-provinciales. On ne peut plus envisager le
développement de la commercialisation des produits agricoles sur le plan
d'une province. On a même de la difficulté à l'envisager
sur le plan national. Regardez les problèmes que M. Whelan rencontre
lorsqu'il parle d'empêcher les Américains d'entrer du boeuf sur le
marché canadien. Regardez le problème que cela lui pose pour
toutes les autres denrées canadiennes qui vont sur le marché
américain, notamment les produits laitiers. On serait la première
province du pays probablement à être la plus fortement
pénalisée si on ne parvient pas à s'entendre sur quelque
chose qui soit valable avec les Etats-Unis et avec les autres pays qui
achètent de nos produits et où nous sommes des exportateurs.
Comment voulez-vous maintenant que je puisse envisager le
règlement des problèmes dans le cadre d'une province?
M. MORIN: Vous pourriez conclure des ententes directement avec les
étrangers.
M. TOUPIN: Oui, c'est ce que l'on fait.
M. MORIN: Si vous avez l'intelligence de le faire.
M. TOUPIN: Oui, c'est ce que l'on fait.
M. LESSARD: Cela n'empêcherait pas de négocier directement
avec les États-Unis.
M. TOUPIN: Oui, c'est ce que le Québec fait actuellement pour une
partie de ses produits. Mais le seul pouvoir que le Québec n'a pas
là-dedans, il est très simple, c'est qu'il n'a le pouvoir
d'empêcher ni les entrées, ni les sorties de produits. C'est le
seul pouvoir qu'il n'a pas.
M. LESSARD: C'est ce que le ministre confirmait. Il a de
l'importance.
M. TOUPIN: Mais il a tous les autres pouvoirs. C'est important, mais je
vous apporte l'exemple qu'une communauté économique et nationale
de quelque 20 millions d'habitants a de la difficulté à trouver
une entente qui soit acceptable sur une production. Comment une
communauté de cinq millions d'habitants va-t-elle s'en sortir dans un
contexte de 180 millions de consommateurs? C'est cela qu'on soutient. Ce n'est
rien d'autre que ça.
M. MORIN : Avec des ententes.
M. TOUPIN: II y a des ententes possibles, remarquez. Mais je soutiens
quand même que...
M. LESSARD: Le Danemark.
M. TOUPIN: ... cela crée déjà des
problèmes.
M. LESSARD: Le Danemark.
M. TOUPIN: Qu'est-ce que vous pensez de l'entente qu'il y a entre les
quatre pays...
M. LESSARD: Oui.
M. TOUPIN: ... qui constituent les pays nordiques?
M. LESSARD: D'accord mais...
M. TOUPIN: C'est un grand capital de consommation de denrées
alimentaires et d'autant plus que ces pays ont des économies agricoles
développées.
M. LESSARD: Là, vous faites de la social-démagogie !
M. TOUPIN: Non, non, non. Je ne pense pas.
M. ROY: C'est de la démagogie. C'est de la démagogie. Il y
a quand même des points que j'aimerais soulever...
M. TOUPIN: C'est purement et simplement...
M. ROY: ... avant que le ministre n'aille plus loin.
M. TOUPIN: ... une réalité économique.
M. ROY: Oui, mais avant que le ministre aille plus loin...
M. TOUPIN: On ne peut pas se sortir de cette réalité, pour
le moment tout au moins.
M. ROY: Je veux revenir sur un point. Le ministre a parlé de
retour aux années trente, tantôt. Je n'ai parlé de cela
à aucun moment et le ministre sait très bien que je n'ai pas
voulu faire allusion à l'agriculture des années trente. Ce n'est
pas cela du tout.
Lorsque le ministre a dit que je voulais qu'on demande que l'agriculteur
supporte à lui seul l'économie rurale, ce n'est pas ce que j'ai
dit. J'ai dit que l'agriculture, dans l'économie rurale, a toujours eu
une place extrêmement importante et actuellement...
M. TOUPIN: Là, vous ne m'avez pas compris parce que je vous ai
donné raison.
M. ROY: Je voudrais préciser.
M. TOUPIN: Je vous ai donné raison sur ce point.
M. ROY: Bon. Ce que j'ai voulu dire tout à l'heure, c'est que
moins les agriculteurs sont nombreux, et compte tenu du fait qu'il y a
seulement quelques agriculteurs dans certaines régions rurales, à
ce moment-là...
M. TOUPIN: D'accord.
M. ROY: ... ils sont un petit nombre, un nombre de plus en plus petit
à supporter trop de poids.
M. TOUPIN: Je suis d'accord avec vous.
M. ROY: C'est à ce moment-là qu'il va falloir
décentraliser au niveau des politiques.
On a parlé, tout à l'heure, du fait qu'un agriculteur, par
exemple, a $10 les 100 livres de lait et qu'un autre a $11 les 100 livres; vous
avez parlé des agriculteurs qui avaient cinq vaches, qui avaient six
vaches. Vous êtes parti d'une exagération et vous êtes
allé à l'autre. Si on avait donné le même prix pour
le lait aux petits agriculteurs qui avaient huit, dix, douze, quinze vaches
laitières... Au moment où les politiques de quota de lait ont
été établies, je comprends que c'est le gouvernement
fédéral qui a agi, et le gouvernement provincial, à ce que
je sache, n'a pas fait tellement preuve de leadership à ce
moment-là. Je sais que ce n'est pas le ministre actuel qui était
là, mais le gouvernement de la province de Québec n'a pas
tellement fait preuve de leadership.
Si on avait permis, à ce moment-là...
M. TOUPIN: Cela a été largement corrigé depuis.
M. ROY: Disons que des corrections ont été faites. Il y a
eu des corrections de faites. Je note qu'il y a eu des corrections de faites.
Mais il y en a encore beaucoup à faire, parce qu 'il y a des
agriculteurs qui ont été forcés de faire un pas trop grand
et ils n'ont pas été capables de tenir le coup. On a
créé des problèmes énormes dans les milieux
ruraux.
A ce moment-là si on avait garanti des prix et accordé aux
petits agriculteurs le même prix pour le lait que celui qu'on accordait
aux gros agriculteurs, les petits agriculteurs auraient pu devenir moyens et
auraient pu procéder selon un plan rationnel de développement,
pendant quatre ou cinq ans, pour atteindre un niveau de ferme rentable.
Les types, on leur a fait faire des pas doubles et la plupart un
bon pourcentage n'ont pas été capables de tenir le
coup.
Ce sont les points que je porte à l'attention du ministre. J'ai
hâte qu'on tienne compte de l'intention, de la capacité, de la
volonté et du désir de l'agriculteur lui-même qui
connaît son milieu et qui n'est pas toujours prêt.
Prenons un jeune, aujourd'hui, qui veut s'établir sur une ferme.
On parle de $65,000, $70,000.
M. TOUPIN: Je vais y revenir.
M. ROY: Prenons un jeune qui sort, à un moment donné, M.
le Président...
M. TOUPIN: Je ne voudrais pas, M. le Président, que le
député de Beauce fasse une autre intervention.
M. ROY: On y allait sur des questions...
LE PRESIDENT (M. Séguin): J'attendais...
M. LESSARD: M. le Président, une question de
règlement.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît.
M. LESSARD: Est-ce qu'on me permettrait la remarque...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Juste un instant, s'il vous
plaît.
M. LESSARD: Non, mais le ministre...
M. BOUTIN (Johnson): Sur une question de règlement, M. le
Président. Je pense que la question du collègue de Beauce-Sud est
si longue que c'est quasiment une intervention. Alors je demanderais au
ministre de continuer à répondre.
LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est ça. C'est très
bien.
M. LESSARD: M. le Président, une question de règlement.
Comme on est à la discussion générale, je pense que
même après la réponse du ministre, on a le droit de
revenir.
LE PRESIDENT (M. Séguin): II va terminer. Mais il y a d'autres
membres de la commission, aussi, qui ont le droit...
M. LESSARD: Oui, d'accord.
M. MORIN: Est-ce que je pourrais revenir
sur un point particulier de l'intervention du ministre? Il s'agit du
marché et des accords internationaux. Peut-être qu'on pourrait
essayer de gratter cela un petit peu. Est-ce que vous aviez terminé?
LE PRESIDENT (M. Séguin): A moins que vous vouliez attendre au
programme.
M. MORIN: Puisqu'il en parle.
M. TOUPIN: On est dans les généralités.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Si vous voulez en parler, ce sera
éclairci au moment du programme.
M. MORIN: C'est tout à fait dans les
généralités.
M. TOUPIN: Je ne vois pas d'inconvénient à le regarder
tout de suite parce que je ne reviendrai probablement pas tellement
là-dessus.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît. Je
n'ai pas voulu interrompre le député de Beauce. Vous étiez
parti. Peut-être lui ai-je coupé la parole?
M. ROY: Non, non, j'ai fini.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous aviez fini. Le chef de
l'Opposition.
M. MORIN: Le ministre semblait à moins que je ne l'aie mal
interprété il y a un instant, dire qu'heureusement le
Québec pouvait disposer du marché canadien parce qu'autrement il
ne pourrait pas s'en sortir tout seul.
Pourtant, dans le monde moderne, il existe bien des exemples qui
prouvent exactement le contraire, que même des petits pays on
prenait l'exemple du Danemark mais il y en aurait bien d'autres en Europe
tout en étant souverains, ont tiré leur épingle du
jeu. La France serait un autre pays où il y a des excédents
agricoles considérables. Le fait d'entrer dans des accords a
été pour eux la solution qui leur a permis de disposer de ces
excédents.
Je ne dis pas que cela se fait sans problème. C'est
évident qu'en France, à l'heure actuelle, il y a probablement
trop d'agriculteurs et le gouvernement est aux prises avec de très
graves problèmes dans ce domaine.
Mais est-ce que c'est ça que le ministre voulait nous dire, que
le Québec ne pourrait pas s'en tirer tout seul, qu'heureusement il y
avait le Canada? Moi, j'aurais plutôt été porté
à croire que l'appartenance au Canada était plutôt un
fardeau pour lui, un fardeau pour les agriculteurs québécois.
M. LESSARD: Si le ministre le permet, avant qu'il réponde, je
continuerais dans le sens du député de Sauvé. Quand le
ministre nous parle, à un moment donné, de la production
laitière, le ministre prend l'exemple le plus facile; il faudrait quand
même penser que c'est la seule production qu'on exporte
véritablement à l'étranger, la seule... Je veux dire aux
Etats-Unis.
M. TOUPIN: Non.
M. LESSARD: Nous avons 140 p.c. de notre production. Il faudrait penser,
M. le Président, qu'on subit beaucoup plus les conséquences du
"dumping" des pays étrangers qu'on profite du commerce de l'exportation
de nos produits.
Je pense que le ministre, comme je le disais, faisait de la
social-démagogie. Je pense que c'est bien plus, actuellement, un
handicap, que ce soit dans beaucoup de produits ou que ce soit... Même
actuellement, par exemple, nous avons réussi à avoir une
commercialisation nationale concernant la volaille. En ce qui concerne le porc,
on va subir les conséquences prochainement des politiques de l'Alberta.
En ce qui concerne le boeuf, la décision du gouvernement
fédéral aura des conséquences énormes, a
déjà eu des conséquences, contrairement à ce que le
ministre responsable de l'Agriculture, pendant l'interrègne du ministre
actuel, nous a dit, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas d'augmentation du
prix du boeuf étant donné qu'on importait aussi de l'Australie.
Justement, l'une des conséquences de l'embargo que le gouvernement
canadien a fait sur l'importation du boeuf a été l'augmentation
du prix du boeuf au Québec. Le ministre prend un exemple qui est assez
facile et je voudrais qu'il parle un peu sur d'autres produits dont le
Québec subit le "dumping" à la fois des provinces canadiennes et
des Etats-Unis.
M. TOUPIN: On a toujours soutenu que c'était difficile de
séparer le politique de l'économique, mais moi je veux le
séparer, pour ce qui concerne le secteur agricole, pour une raison
très simple, c'est que le Québec actuel peut signer des ententes
avec toutes les provinces du pays et il peut, dans ce cadre-là,
exploiter le marché canadien, sans qu'il soit tenu de négocier
d'autres ententes que des formes de partage des marchés et même
pas d'échanges de produits, le partage des marchés. Cela facilite
les relations commerciales dans le domaine agricole. Je ne soutiens pas que
quelque Etat que ce soit n'est pas capable de négocier des ententes
peut-être même similaires avec les autres pays. Et la preuve en est
faite, d'ailleurs, partout dans le monde, il n'y a pas de doute possible
là-dessus, mais quand je prends l'exemple du Canada, ses relations
commerciales sont facilitées parce que les barrières tarifaires
n'existent pas.
Prenons le Marché commun européen. Le député
de Sauvé et chef de l'Opposition a eu sans doute l'occasion de regarder
comment se
comporte le Marché commun, et la plus belle expérience
jusqu'à maintenant du Marché commun, c'est celle des produits
agricoles. Quel est le principal problème?
M. MORIN: C'est à cela que je pensais.
M. TOUPIN: On a fait tomber toutes les barrières tarifaires en
Europe en ce qui concerne les produits agricoles. Quel est, au fond, le
principal problème auquel les communautés individuelles, dans la
communauté commune, ont à faire face?
M. MORIN: Les divergences de prix.
M. TOUPIN: Les divergences de prix, d'une part, et surtout la monnaie,
surtout le problème monétaire. C'est le gros problème de
fond actuellement. Il y a aussi tout le problème de l'orientation de
l'agriculture, mais peu importe la structure sociale, politique,
économique dans laquelle on se trouvera, on aura toujours à
régler le problème qu'on soulève souvent: les agriculteurs
qui partent, trop nombreux parfois. La France vit le même problème
que nous, l'Ontario le même problème que nous, les Etats-Unis le
même problème que nous là-dessus.
M. MORIN: Je comprends cela et le ministre est très
éloquent, mais je ne veux pas le forcer à admettre que le
fédéralisme canadien est une chose terrible, je ne m'attends pas
à ce que le ministre dise une chose pareille. Mais je trouve cela
étrange. Je ne voudrais pas qu'il se sente obligé de faire
l'éloge non plus d'un système qui, sur le plan de l'agriculture,
ne favorise certainement pas le Québec. Qu'il laisse cela de
côté.
M. TOUPIN: J'ai simplement voulu répondre au chef de
l'Opposition, à la question qu'il m'a posée, dans le cadre des
ententes.
M. MORIN: Oui, je pensais au document sur les relations
fédérales-provinciales qui a été
préparé par un de ses collègues, par le ministre des
Affaires intergouvernementales, et en particulier sous l'égide de M.
Arthur Tremblay qui, justement, se trouvait en Europe avec le premier ministre
pour négocier, dans le cadre du Marché commun.
Et l'un des bilans les plus négatifs du fédéralisme
canadien, c'était l'agriculture, c'était dans le domaine de
l'agriculture. Encore une fois, je ne veux pas exiger...
M. TOUPIN: Non, non, d'accord.
M. MORIN: ... du ministre qu'il me fasse une déclaration
antifédérale, ce n'est pas ça du tout.
M. TOUPIN: Non.
M. MORIN: Mais qu'il nous dispense de l'éloge du système
fédéral en matière d'agriculture.
M. TOUPIN: Evidemment, comme je vous le disais tantôt, on peut
envisager ce problème, on soutient que le problème politique est
relié au problème économique; je mets de côté
le problème politique mais je l'envisage dans une perspective
économique.
M. MORIN: Oui.
M. TOUPIN: Et je sais fort bien que dans un pays comme le nôtre,
si on prend le Canada entier, le problème des provendes est
extrêmement sérieux. J'ai déjà déclaré
qu'on aurait pu déjà acheter des grains à
l'extérieur...
UNE VOIX: A moins cher.
M. TOUPIN: ...qu'on aurait payé meilleur marché...
M. MORIN: Voilà!
M. TOUPIN: ... que les acheter de la Commission canadienne du
blé. Cela, c'est vrai.
M. ROY: ... de l'extérieur, ça venait du Canada.
M. TOUPIN: Dans certains cas, même qui venaient du Canada.
M. MORIN: Dans certains cas après avoir fait le périple,
on aurait pu...
M. TOUPIN: ...et les amener.
M. LESSARD: ...la Suède ou obtenir des...
M. TOUPIN: C'est dans cette seule perspective que, ce soir, dans le
cadre des crédits, je suis prêt à regarder comment on peut
commercialiser des produits agricoles au Québec. Si on veut l'envisager
dans une perspective plus large, on pourra peut-être trouver une autre
tribune pour le faire. Mais, sur celle-ci, je pense qu'on doit
considérer, dans le cadre de la commercialisation, qu'il est plus facile
ou qu'il devient à tout le moins plus facile pour nous de nous entendre
rapidement avec une autre province, sur l'échange d'un produit, que de
voir le Canada s'entendre avec un autre pays sur l'échange d'un autre
produit, en termes pratiques de commerce, commercialement parlant. Ceci
n'exclut aucune autre possibilité extérieure, la preuve est faite
dans les autres pays, c'est évident. On en peut pas soutenir des
thèses dont les décennies et les centenaires ont fait la preuve,
c'est bien évident. C'en est quand même une qui vaut la peine
d'être soulevée en tant qu'aspect pratique de la commercialisation
des produits.
Donc, si on prend un des derniers points qu'a soulevés le
député de Beauce-Sud...
M. FRASER: Je me souviens, quand le prix du lait industriel était
à $3, le gouvernement fédéral a donné une subside
de $1.85 les 100 livres.
M. LESSARD: Pensez-vous que c'était un cadeau qu'il nous
faisait?
M. FEASER: C'est un cadeau qu'il nous faisait.
M. LESSARD: Ah! c'est un cadeau?
M. FRASER: II a empêché je ne sais combien de cultivateurs
de faire faillite dans la province de Québec et c'est le Québec
qui en a profité, ce n'est pas l'Ouest ni l'Alberta.
M. LESSARD: Mais, en échange, combien donnait-il aux producteurs
de l'Ouest, par exemple?
M. FRASER: Combien de millions a-t-il donné en subsides?
Avez-vous une idée, M. le ministre, combien de millions le gouvernement
fédéral a dépensés dans le Québec?
M. LESSARD: M. le Président...
M. FRASER: ...ce sont des milliards.
M. LESSARD: Des milliards?
M. FRASER: Des milliards, oui monsieur, et cela a sauvé les
producteurs de lait industriel dans la province de Québec. Autrement,
tout le monde aurait fait faillite.
M. LESSARD: M. le Président, est-ce que le député
est aussi conscient qu'en même temps que le gouvernement
fédéral accordait des subsides aux producteurs de lait, pendant
ce temps, il accordait des subsides bien plus considérables aux
producteurs de l'Ouest sur d'autres productions? Est-ce que le
député est conscient, par exemple, des chiffres que je donnais
cet après-midi dans le sens que l'agriculture de l'Ouest a
été subventionnée à gros prix par le gouvernement
fédéral? Le député pense que ce sont des cadeaux
que le gouvernement fédéral nous faisait.
M. FRASER: J'avais des...
M. LESSARD: Est-ce que le député est conscient...
M. FRASER: ...dans l'Ouest...
M. LESSARD: M. le Président...
M. FRASER: ... du blé...
M. LESSARD: M. le Président...
M. FRASER: ... et on a parlé du boeuf de l'Ouest qui est venu sur
le marché et puis il y en aura moins de boeuf de l'Ouest l'année
prochaine parce que les gars ont produit pour rien cet hiver. Et vous allez
voir une diminution effrayante de production dans l'Ouest parce que les gars ne
travaillent pas pour rien là-bas, pas plus qu'ici.
M. LESSARD: Non mais ils travaillent...
M. FRASER: ...du milieu ici parce qu'ils travaillent pour rien.
M. LESSARD: Comme le ministre le faisait remarquer cet
après-midi, c'est que nos cultivateurs ont travaillé passablement
pour rien. Nos cultivateurs ont eu énormément de courage pour se
battre, pour continuer à survivre malgré des politiques du
ministère de l'Agriculture qui allaient à l'encontre du
véritable développement agricole. Nos cultivateurs ont eu
passablement de courage, M. le Président, pour se battre même
contre un gouvernement fédéral dont les politiques allaient
à l'encontre des producteurs de l'Est.
Lorsque le député parle d'un secteur agricole en
particulier, concernant le lait, il semble penser que c'est un cadeau.
D'ailleurs, il me l'a affirmé tout à l'heure, suite à une
question que je lui posais. C'est un cadeau que le gouvernement
fédéral nous donnait.
Justement, puisque le député vient probablement de faire
sa déclaration d'impôt...
M. FRASER: Ils sont venus en aide à l'agriculteur de l'Est.
M. LESSARD: ... est-ce qu'il est conscient qu'il paie aussi des taxes au
gouvernement fédéral? Est-ce que le député est
aussi conscient que, suite aux politiques du gouvernement
fédéral, comme le faisait remarquer tout à l'heure le
député de Sauvé, l'un des dossiers les plus
négatifs du fédéralisme prétendument rentable dans
la région 9, c'est justement l'agriculture?
M. FRASER: On n'est pas ici pour discuter de rentabilité du
fédéralisme.
M. LESSARD: Si c'était aussi payant d'être dans ce
fédéralisme, est-ce que le député est conscient que
justement le revenu moyen par ferme du cultivateur canadien a
été, en 1973, de $14,000, par rapport à la moyenne du
Québec qui a été de $8,200? Est-ce que le
député est conscient, M. le Président...
M. FRASER: Et il a demandé de l'aide. Attendez une minute.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. LESSARD: Est-ce que le député est conscient que
l'année 1973 a vu encore, suite
aux politiques du gouvernement fédéral, une diminution de
la situation des producteurs de l'Est par rapport aux producteurs de
l'Ouest?
M. FRASER: Le blé est monté à $5 le minot, c'est le
prix mondial, qu'est-ce que vous voulez! Je ne parlais pas du
fédéral, ni du provincial.
M. LESSARD: Justement, est-ce que le député est conscient
que, pendant justement que le gouvernement fédéral accordait des
subventions aux producteurs de lait, subventions qui étaient tout
simplement normales, en même temps, nous subissions une discrimination
vis-à-vis justement des intrants, vis-à-vis des grains de
provende, qu'on vient de régler temporairement? Est-ce que le
député est conscient de ça? Voici, M. le Président,
ce que nous avons toujours dit...
M. FRASER: Est-ce que le député de Saguenay est conscient
que les cultivateurs du Québec ont eu le même prix pour leur
blé d'Inde qu'ils ont vendu cet hiver à $130 la tonne quand, l'an
dernier, ils ont vendu la même chose $50 la tonne? Est-ce que vous
êtes au courant de ça?
M. LESSARD: Si on veut discuter de ce fédéralisme rentable
dans le secteur agricole, M. le Président, nous sommes prêts
à en discuter. Nous sommes prêts à prendre dix heures sur
ce problème-là...
M. FRASER: On ne discute pas ça.
M. LESSARD: ... pour informer les députés libéraux
qui n'ont pas conscience justement de la façon dont on se fait exploiter
au Québec.
M. FRASER: Vous blâmez le fédéral pour des choses
qui ont été bonnes pour la province de Québec.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre! Je demanderais qu'on
revienne à l'ordre puisqu'on semble s'écarter un peu du
problème qui avait été posé au ministre. Est-ce que
le ministre a terminé ses commentaires?
M. LESSARD: Le ministre est conscient de ça, d'ailleurs.
M. TOUPIN: Juste un point ou deux, en ce qui concerne la question...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je réfère plutôt
aux commentaires qu'a faits le chef de l'Opposition tout à l'heure en
vous posant certaines questions.
M. TOUPIN: C'est ça. En ce qui concerne la question que m'a
posée le chef de l'Opposition, je pense que je lui ai donné une
réponse, à condition qu'on la situe dans la perspective que j'ai
bien voulu lui donner. Je disais que je voulais terminer par un dernier point
qu'a soulevé le député de Beauce-Sud, celui de la
régionalisation des politiques agricoles. Il voulait que les producteurs
et les agronomes des régions participent davantage. Depuis trois ou
quatre ans, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de gouvernements avant nous
qui aient amené les régionaux à travailler autant avec
lui. Le plan directeur que vous avez dans les mains a été
préparé à compter précisément des propos
qu'ont tenus les agronomes régionaux, après contact avec les
agronomes locaux qui, eux, ont des contacts assez permanents avec les
agriculteurs.
Cela a été élaboré aussi à la suite
d'une étude assez profonde qu'on a faite de tous les mémoires de
l'UCC du temps, de l'UPA maintenant. Alors, il y a véritablement une
politique de consultation générale qui se fait. Pour terminer,
parce qu'on parle beaucoup de prix en agriculture, puisqu'on parle beaucoup de
revenus agricoles, le Québec a une caractéristique agricole qui
n'est pas celle des autres provinces. Cela, il faudra l'accepter toujours, on
ne pourra pas s'en sortir. Le Québec agricole, d'abord, est
limité dans ses productions par rapport à certaines autres
provinces du pays et notamment l'Ontario. Deuxièmement, les producteurs
du Québec en termes d'acres, par agriculteur, en culture ne se comparent
pas du tout à l'Alberta, à la Saskatchewan, puis au Manitoba.
M. LESSARD: Parce que c'est de l'élevage.
M. TOUPIN: Ce n'est pas rien que ça. Vous avez, ici au
Québec, une moyenne d'environ 150 acres par agriculteur. Cela ne fait
pas longtemps qu'on l'a atteinte. Il y a quatre ou cinq ans, on était
à peine à 100 acres.
M. LESSARD: D'accord.
M. TOUPIN: On a 150 acres. Vous allez dans les provinces de l'Ouest,
vous êtes dans les 400 ou 500 acres de terres. Ramenez votre
problème de revenu par acre de terres en culture; c'est là que
vous allez découvrir l'efficacité des agriculteurs
québécois dans le domaine. Evidemment, il s'agit de savoir
comment là-bas on investit, comment là-bas ça coûte
pour administrer une grande ferme comme celle-là. Je ne sais pas comment
le gouvernement fédéral fait tous ses calculs là-dessus.
Il est évident que les revenus moyens de l'année dernière
des agriculteurs de l'Ouest étaient plus élevés que ceux
des agriculteurs de l'Est.
Partez des provinces de l'Ouest, en mettant de côté la
Colombie-Britannique, qui est encore plus à l'ouest et qui a des revenus
moins élevés que le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta;
enlevez le problème des grains et raisonnez autour des propos qu'a tenus
tantôt le député
de Huntingdon et vous allez arriver à des conclusions similaires
à celles de l'Est. Les "Westerns" ne veulent plus produire de boeuf,
pourquoi? Parce qu'il n'y a plus d'argent là-dedans. Ce n'est pas pour
rien que le gouvernement fédéral a décidé de donner
un subside.
M. FRASER: II y a deux ans, ils avaient du blé par-dessus la
tête et ils ne pouvaient pas le vendre.
M. TOUPIN: Ils ne pouvaient pas le vendre, alors ils faisaient des
viandes avec. Maintenant qu'on a réglé le problème des
grains au pays, on a trouvé l'égalité entre l'ensemble des
utilisateurs, là arrive le problème des producteurs de viande de
l'Ouest. Il faut tenir compte de toutes ces
réalités-là.
A cause de cet état de choses, est-ce que le Québec doit
dire: Non, l'agriculture n'est plus viable, l'agriculture n'est plus rentable.
La mutation va continuer. Nous sommes conscients, nous, qu'il va encore partir
5,000 ou 6,000 agriculteurs; de ce temps-ci, il en part au rythme d'environ
1,500 à 1,800 par année.
M. LESSARD: 7,000 l'an dernier.
M. TOUPIN: Oui, mais vous n'avez pas compté ceux qui sont
entrés dedans. Cette année, il en part trois et il en entre
douze; alors, vous avez une moyenne nette, au bout, dont vous devez tenir
compte. Il y a des réalités.
M. LESSARD: Est-ce que ces gens-là ont des crédits
agricoles?
M. TOUPIN: Ce sont des gens qui se financent par l'agriculture, en
général, mais l'avantage qu'il y a, par exemple, c'est que les
1,200 qui reviennent dans une année par rapport aux 3,000 qui sont
partis, les 1,200 reviennent avec 175, 180 et 200 acres de terre en moyenne,
avec un quota laitier de 400,000 livres, etc. Là, on va retrouver une
rentabilité beaucoup plus grande. Les fermes, au Québec, qui
vendent pour plus de $20,000 ou $25,000 de produits agricoles, leur revenu se
compare avec des fermes similaires en Ontario et des fermes similaires dans les
provinces de l'Ouest. Cela se compare mais pas en général,
à cause de notre structure agricole qui date de plusieurs années
et dont on a parlé tantôt. C'est la mutation qu'on traverse; elle
peut durer encore je ne sais pas combien d'années, elle peut durer
encore quatre ou cinq ans. On espère, nous, que tout va se stabiliser
dans ce domaine vers les années soicante-quinze ou soixante-seize.
Il est normal qu'il en parte 1,000 ou 1,200 par année parce qu'il
en rentre 1,000 ou 1,200 et c'est normal que la structure se maintienne. Le
jour où il va en rentrer plus qu'il va en sortir, on va assister au
morcellement des terres, on va retourner à la petite ferme de 100 acres,
à la petite ferme de 80 acres; on va encore être aux prises avec
le même problème, exactement le même, à moins qu'on
mette des prix très élevés aux produits agricoles.
M. MORIN: A moins que vous ayez une politique pour éviter le
fractionnement aussi.
M. TOUPIN : Si vous évitez le fractionnement, vous allez avoir
moins d'agriculteurs. Le nombre d'acres de terre, il faut bien se le
partager.
M. LESSARD: Ce n'est pas une question de quantité.
M. TOUPIN : C'est comme cela que se situe le problème des prix
lorsque vous le discutez. Vous me disiez tantôt que je charriais un peu
sur la social-démocratie; je suis porté à vous dire...
M. LESSARD: Non, social-démagogie.
M. TOUPIN: ... que vous charriez pas mal, vous autres, lorsque vous
parlez du prix, des revenus, quand vous les comparez. Voyez-vous? J'aime
autant, dans mon cas, essayer de voir les réalités
économiques auxquelles les agriculteurs ont à faire face
actuellement et trouver les meilleures politiques qui vont les amener à
se réajuster et à se mettre au pas avec l'ensemble. Faire du lait
à $6 les cents livres c'est rêver en couleur; il faut en faire
maintenant à $10 au minimum, tout au moins dans le lait naturel; dans le
lait industriel c'est peut-être un peu moins vrai. Vous arrivez à
la même chose avec le porc et le poulet; faites exactement les
mêmes calculs et vous allez arriver au même résultat.
LE PRESIDENT (M. Séguin): J'aimerais bien, M. le ministre et
messieurs, passer au programme 1, sous-article 1. Auparavant, je pense qu'il
serait dans l'ordre de demander s'il y a d'autres membres de la commission qui
veulent faire des commentaires d'ordre général sur ce qui a
été dit cet après-midi et ce soir. Le député
de Lotbinière.
M. MASSICOTTE: M. le Président, je n'ai pas l'habitude
d'être long et ça ne le sera pas non plus. Il y a simplement une
chose que je regrette, c'est qu'il y ait un flot de mots qui ne disent pas
grand-chose sur la situation réelle agricole. En fait, il y a beaucoup
de commentaires qui ont été faits sans qu'on apporte de chiffres
ou de statistiques précises.
M. MORIN: Vous n'êtes pas gentil pour le ministre.
M. MASSICOTTE: Je n'ai nommé personne. J'appuie, par ailleurs, le
ministre de l'Agriculture parce que depuis 20 ans que je suis agronome je vous
dis qu'autour de la province on n'a pas
besoin d'être dans la Beauce ou d'être à
Montréal pour savoir qu'il existe des agriculteurs et que la situation
agricole aura toujours des problèmes, quelle qu'elle soit, mais le
ministère de l'Agriculture est là pour les régler.
Lorsqu'on vit dans un comté agricole on est à même de voir
l'évolution qu'a subie l'agriculture depuis dix ans. Vous viendrez faire
un tour dans le comté de Lotbinière et vous verrez qu'il y a eu
des cultivateurs qui ont laissé. Mais là je me demanderais si
c'étaient réellement des cultivateurs, des agriculteurs ou si
c'étaient des gens qui étaient là par la force des
choses.
Tandis qu'aujourd'hui le véritable agriculteur, qui est un
professionnel agricole, a modernisé son entreprise, a
évolué avec la demande et avec le temps. Je pense qu'avec le
ministère de l'Agriculture, par les différents programmes qui ont
été mis de l'avant ils ne sont pas parfaits et je pense
qu'ils ne seront jamais parfaits sur cette terre avec ce qui a
été fait depuis dix à douze ans, on a réellement
remarqué que l'agriculture, dans bien des cas, a été
viable.
Mais si on retourne à la petite ferme de huit à dix vaches
on en a encore de ça c'est normal que ces individus auront
beaucoup plus de difficulté à survivre que s'ils ont
augmenté leur troupeau mettons de 40 à 50 vaches.
Maintenant, du côté des grains de provende, c'est un peu
comme la température. A chaque année, c'est peut-être une
particularité du monde agricole, à chaque année on
critique la température. On a toujours peur d'avoir des résultats
qui ne répondront pas à la demande. Lorsqu'on arrive à la
fin de l'année, on constate que, bon an mal an, tout a été
raisonnablement bien. Les profits, on n'en parle pas, parce que les gens
veulent rarement parler de profits. Cela ne veut pas dire qu'ils ne vivent pas.
La preuve, faites le tour, puis moi je vous invite à venir faire le tour
du comté de Lotbinière...
M. LESSARD: Les compagnies étrolières, on n'en parle pas
beaucoup.
M. MASSICOTTE: ... qui était un comté agricole, je peux
dire, voilà une dizaine d'année, qui avait besoin
d'évolution, et où, maintenant, vous avez l'industrie
laitière, vous avez l'industrie porcine, vous avez l'industrie avicole,
vous avez les jardins marafchers dans nos coins. Les gens travaillent...
M. MORIN: Avez-vous vu les statistiques de votre comté?
M. MASSICOTTE: Les statistiques de mon comté, je vis dans ce
comté. Moi, les statistiques! Je pense qu'on peut jouer avec des
statistiques comme on veut.
M. LESSARD: ... les meilleures statistiques...
M. ROY: Est-ce que le député veut dire que les
statistiques ne sont pas bonnes?
M. MASSICOTTE: Non, je dis: On peut jouer avec les statistiques, selon
l'individu qui les interprète.
M. ROY: On ne joue pas, on ne fait pas d'interprétation, on fait
juste les donner.
M. MASSICOTTE: Ecoutez, là, la question de vos statistiques,
j'aime mieux me fier à celles du ministre de l'Agriculture.
M. ROY: Ce ne sont pas les nôtres.
M. MASSICOTTE: Moi, je dis: Ne "charrions" pas, ne comparons pas quoi
que ce soit, mais voyons que l'agriculture a évolué, que les
terres sont mieux utilisées, que la production a augmenté, que
l'efficacité a augmenté. Je pense qu'il faut être
réellement positif. Le monde agricole a des problèmes, mais les
agriculteurs sont quand même heureux. Pour votre information, j'en
rencontre assez souvent, parce que j'ai un comté agricole, et nos
agriculteurs on n'est pas au Saguenay, M. le député de
Saguenay.
M. LESSARD: Non, non, mais d'après vos statistiques...
M. MASSICOTTE: Nos agriculteurs...
M. LESSARD: D'après les statistiques du ministre.
M. MASSICOTTE: ... auront des problèmes, et ils seront encore
heureux. On doit envisager le programme actuel avec optimisme. Moi, je vais
appuyer le ministre de l'Agriculture tant que ça ira comme ça, et
avec les nouveaux programmes qui vont venir.
M. LESSARD: Je comprends, ça ne peut faire autrement.
M. MASSICOTTE: M. le Président, il y a une chose que j'aimerais
spécifier. Je trouve que c'est formidable. On dit toujours qu'un
gouvernement qui fait quelque chose se fait critiquer. Il doit en faire
beaucoup parce que l'Opposition critique à plein.
LE PRESIDENT (M. Séguin): II y a une chose que je voudrais faire
remarquer à la commission, ici, c'est une représentation qui
n'est pas présente, surtout dans le monde agricole. C'est la Providence,
très souvent, qui...
M. LESSARD: Pas les grains de provende.
LE PRESIDENT (M. Séguin): ... pour les grains, puis les
récoltes puis tout ce que vous voulez. Alors cette personne n'est pas
présente, donc on ne l'entendra pas. Est-ce qu'il y a d'autres
députés?
M. LESSARD: Vous voulez parler des grains de providence?
LE PRESIDENT (M. Séguin): Les grains de providence.
Est-ce qu'il y a d'autres députés qui ont des commentaires
d'ordre général à faire?
M. MORIN: J'allais dire, M. le Président, ce n'est pas parce que
vous ne le voyez pas qu'il n'est pas là.
LE PRESIDENT (M. Séguin): J'ai la foi. Disons que j'ai la foi
oui, mais il ne s'exprime pas.
M. FRASER: Je vais dire un mot pour remercier le ministre pour le
programme des grands cours d'eau. C'était bien nécessaire dans
mon comté. Ils sont en train d'être faits...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je demanderai au député
d'attendre le programme...
M. FRASER: Merci bien pour ces affaires, parce que les cultivateurs, la
première chose dont ils ont besoin, c'est l'égouttement. La seule
chose que je regrette, dans le budget de l'agriculture, c'est qu'il n'y ait pas
plus d'argent pour faire plus de cours d'eau et pour faire plus de travaux
d'amélioration de ferme, des travaux de "bulldozer". C'est ça
l'aide principale aux cultivateurs.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je pourrai vous donner toute
l'autorisation, au programme 3, de vous exprimer avec tellement
d'éloquence et de connaissance des choses, mais si vous vous exprimez
tout de suite, on sera obligé de vous priver peut-être de
répéter ces commentaires à ce moment.
Sous-article 1, programme 1, page 5.3.
M. ROY: M. le Président, j'aurais juste une question à
poser à l'honorable ministre avant. Parce que je pense que ça
pourrait quand même être important que nous ayons ces chiffres pour
l'étude des crédits, une question d'orientation
générale. On a parlé beaucoup, durant tous les
commentaires tantôt, de surplus de production, d'autosuffisance et
autres, est-ce que le ministre pourrait nous dire, s'il a des chiffres, des
statistiques, avec le plus de précision possible, combien de livres de
beurre le Québec a importées au cours de la dernière
année, importation canadienne, importation québécoise, et
si le gouvernement a des prévisions pour ce qui aura trait à nos
importations pour l'année qui vient?
M. TOUPIN: Je ne pense pas que le gouvernement fédéral
fasse des statistiques de consommation à compter d'importation des
produits, notamment des produits alimentaires. On peut soutenir que le Canada
importe 65 millions de livres de beurre. La consommation par habitant, au
Québec, est plus élevée que dans certaines autres
provinces du pays. Alors, à compter de la consommation par habitant, on
peut, à peu près dans ces proportions, voir combien les
Québécois ont consommé de beurre venant de l'Australie ou
d'autres pays du monde.
Mais ce n'est pas un problème fondamental qu'il y ait du beurre
des autres pays qui se vende sur notre marché.
M. ROY: Non. Je n'ai pas demandé d'analyser si c'est fondamental
ou non.
M. TOUPIN: Ah bien! je vous ai donné...
M. ROY: C'est uniquement au niveau des chiffres, 65 millions. Mais vous
n'avez pas de données...
M. TOUPIN: Provinciales, non.
M. ROY: ...les plus précises possible, au niveau de la province
de Québec?
M. TOUPIN: Non.
M. ROY: II n'y a aucun mécanisme qui nous permette,
présentement, de savoir quoi faire là-dedans?
M. TOUPIN: Bien, il faudrait le faire dans l'ordre des proportions. On
sait combien il sort de beurre du Québec.
M. ROY: Oui, mais si on fait la moyenne.
M. TOUPIN: On sait combien on en produit, on sait combien on en consomme
par tête d'habitant. Alors, il faudrait faire les proportions. Mais cela
devient un calcul complexe. Je ne sais pas comment le gouvernement
fédéral... Le gouvernement fédéral dit: II est
entré au Canada 65 millions de livres de beurre. Qui les a
consommées? Ce sont les Québécois? Ce sont les Ontariens?
Ce sont les "Westerners"? Qui? On n'a pas de statistique sur la part de
l'importation canadienne par province dans le domaine du beurre.
M. ROY: Est-ce que le ministère de l'Agriculture a l'intention de
faire certaines recherches là-dessus? Il est quand même important,
lorsqu'il s'agit d'élaborer des politiques en ce qui a trait à la
production laitière, d'être au courant quand on parle
d'autosuffisance au Québec.
M. TOUPIN: Oui.
M. ROY: Mais est-ce qu'il y a autosuffisance réelle ou si
elle...
M. TOUPIN: Pour le beurre? M. ROY: ...est artificielle?
M. TOUPIN: Oui, oui. Pour le beurre, il n'y a pas de
problème.
M. ROY: Ou dans d'autres domaines. M. TOUPIN: Pour tous les
produits...
M. ROY: Si on importe cette année, disons un chiffre abstrait, un
chiffre que je vais prendre au hasard, une vingtaine de millions de livres de
beurre, que l'an prochain on importe 30 millions de livres de beurre, il y a
quand même une tendance des indications qui nous dit réellement
qu'il y a des décisions, des correctifs à apporter dans ce
sens-là.
M. TOUPIN: Oui.
M. ROY: C'est dans le sens de mon intervention parce que je pense qu'il
est quand même important que l'on sache ces choses de façon
à voir si réellement le ministère de l'Agriculture doit
mettre l'accent, par exemple, sur l'accélération du
développement de l'industrie laitière dans la province de
Québec...
M. TOUPIN: Oui, ces choix... , M. ROY: ...compte tenu de ces
choses-là.
M. TOUPIN: ...sont faits déjà. Ils sont faits par le
ministère et par les. industries. Ces choix sont faits. Le Québec
a choisi, depuis un bout de temps, à cause des marchés
internationaux, le fromage et le lait en poudre. Ce sont surtout ces deux
produits qu'il a choisis. Pourquoi? Parce que les demandes internationales sont
beaucoup plus fortes, les prix sont plus élevés et permettent aux
entreprises de payer plus cher les producteurs. Le produit le moins payant, au
fond, pour un producteur, c'est le beurre. Ce n'est pas payant faire du beurre.
Pour être capable de payer, à compter de 100 livres de lait, le
même prix, si on fait du fromage par rapport à du beurre, je pense
qu'il faudrait vendre le beurre $1 et plus la livre. C'est là qu'est
notre problème.
M. ROY: Cela veut dire qu'au point de vue de la production du beurre, le
ministre de l'Agriculture comme tel, au Québec, a fait des choix
plutôt du côté du lait en poudre.
M. TOUPIN: C'est-à-dire que lorsque je rencontre les entreprises,
que je discute avec elles et les producteurs laitiers, ensemble on s'entend et
on dit: On produit beaucoup plus que notre consommation. Donc, il faut chercher
les marchés internationaux. Qu'est-ce qui est fort sur le marché
international? Qu'est-ce qui est payant sur le marché international?
Qu'est-ce qui vaut la peine, pour nous, d'être fait dans le domaine
laitier?
M. MORIN: C'est vrai que ce n'est pas le beurre.
M. TOUPIN: C'est vrai.
M. MORIN: Ce n'est pas le beurre. C'est le lait en poudre.
M. TOUPIN: Le lait en poudre, le fromage, les sous-produits du fromage,
etc. C'est cela qui est payant actuellement.
M. ROY: Oui, mais cela n'a pas toujours été ainsi. Il y a
quelques années, le beurre était plus payant.
M. TOUPIN: C'est vrai. Mais, maintenant, c'est moins payant. Vous savez
qu'inverser une situation comme ça, c'est très facile. Au
Québec, on n'a pas besoin de créer d'usines. La centralisation
des usines qu'on a faite permet cette polyvalence de transformation. La
Coopérative de Granby peut, du jour au lendemain, prendre 100 millions
de livres de lait, les diriger vers le beurre et cela va fonctionner. Une
semaine après, elle peut diriger ça vers la production de la
poudre et du fromage et cela va fonctionner, parce que les usines sont
équipées pour la polyvalence.
C'est pour cela d'ailleurs qu'on a cherché une certaine
centralisation.
Recherche et enseignement agricoles
LE PRESIDENT (M. Séguin): Alors, messieurs, nous devons passer,
je pense, dans l'ordre des choses, puisque la page 5-1 et la page 5-2,
Ventilation des crédits, nous avons discuté, au point de vue
général, là-dessus, à l'étude secteur par
secteur, ce qui commence à la page 5-3 du ministère de
l'Agriculture, programme 1, Recherche et enseignement agricole.
M. LESSARD: C'est-à-dire, M. le Président, le programme 1.
Mais la ventilation est à la page 5-2.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Page 5-2, ventilation, mais je
prévois que tout cela reviendra...
M. LESSARD: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Séguin): ...au fur et à mesure que nous
approuverons chaque programme...
M. LESSARD: C'est ça.
LE PRESIDENT (M. Séguin): ...ou que nous désapprouverons
chaque programme.
M. LESSARD: C'est qu'à la page 5-2, ce sont des
super-catégories...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui, oui.
M. LESSARD: ...alors qu'à la page 5-3, c'est la ventilation
générale.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A la page 5-2, c'est la ventilation de
5-1.
M. LESSARD: Non, non, de la page 5-3.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Bon, c'est juste en face.
M. LESSARD: C'est ça, M. le Président.
LE PRESIDENT (M, Séguin): M. le ministre, avez-vous une
suggestion, ici, pour la procédure?
M. LESSARD: M. le Président, justement sur la procédure,
simplement pour tenter d'éliminer les problèmes sur des sujets
que nous ne pouvons pas classer à l'intérieur d'un programme
précis, nous avons tenté de poser des questions concernant les
petites fermes, concernant la politique des grains de provende à la page
5-1, parce qu'on ne pouvait pas à moins que le ministre ne
m'indique un programme où je puisse le faire les situer.
Normalement, on discute de l'administration générale
à la page 5-1. Nous avons pensé, tout simplement, à
soulever des questions qu'on ne pouvait pas placer dans ces différents
programmes, à la page 5-1, ce qui, une fois que nous les aurons
discutées, nous permettra de continuer.
M. TOUPIN:. C'est quoi, le programme 5-1?
M. LESSARD: En fait, c'est le programme 1, recherche et enseignement. On
a constaté, justement, en fait que ces questions touchent à la
recherche.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Cela va. M. TOUPIN: D'accord.
M. LESSARD: M. le Président, est-ce que je peux passer à
des questions...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Pour bien nous entendre, nous sommes
à la page 5-2, supercatégorie 1, fonctionnement, catégorie
1, traitements.
M. LESSARD: M. le Président, ce que je veux dire...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous voulez parler en
général? . .
M. LESSARD: Oui. Avant de s'engager, justement, dans la ventilation des
crédits de 5-1, il existe des questions générales que nous
n'avons pas pu classer au niveau des autres programmes. Il peut arriver que le
ministre me réponde : Voici, vous auriez dû classer cela à
"administration".
M. TOUPIN: Quels sont ces sujets?
M. MORIN: Les petites fermes, par exemple. C'est le premier sujet qui
viendrait sur le tapis. Il peut venir aussi bien ici qu'ailleurs, d'autant que
cela comporte un élément de recherche.
M. LESSARD: C'est ça.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Moi, je n'ai pas...
M. MORIN: Cela dépend du ministre. S'il me dit que cela peut
venir dans un autre programme, dans une autre catégorie.
LE PRESIDENT (M. Séguin): De quelle façon voulez-vous
adopter vos crédits?
M. TOUPIN: On discuterait mieux si on le situait dans le cadre de
l'Office du crédit agricole parce que c'est l'Office du crédit
agricole qui administre en très grande partie ce programme.
M. LESSARD: Le programme 2. M. TOUPIN: Oui.
M. LESSARD: Ainsi que la politique des grains de provende. Parce que je
ne veux pas être obligé de le demander au ministre à chaque
fois.
M. TOUPIN: Non. Les grains de provende, on pourrait en discuter tout de
suite parce que c'est un programme très général. On
pourrait situer cela dans la commercialisation, mais la commercialisation.
LE PRESIDENT (M. Séguin): La commercialisation, c'est au
programme 5.
M. TOUPIN: ... c'est 5; à l'un ou à l'autre des
programmes. Je suis d'accord avec le député de Saguenay qu'il
n'est pas facile de situer ce programme.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui, et on a changé un peu
l'ordre de la présentation.
M. TOUPIN: Oui, on a changé l'ordre.
LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est pour cela que j'interroge la
commission, à savoir de quelle façon vous voulez
procéder.
M. LESSARD: Au niveau de l'enseignement et de la recherche, est-ce que
le ministre pourrait nous dire ce qu'il est advenu ou quel résultat on a
eu avec la Société mixte d'aménagement sylvicole et
agricole de l'Est du Québec? Est-ce qu'il y a des résultats?
C'est un comité conjoint formé de l'Union des producteurs
agricoles et du ministère de l'Agriculture. Qu'est-il arrivé du
rapport, par exemple, du comité qui a été constitué
de représentants du
ministère de l'Agriculture et de l'Union des producteurs
agricoles concernant les GERA? Est-ce que le ministre pourrait nous donner
quelques précisions au sujet de la Société de gestion
agricole. Est-ce qu'un rapport a été présenté?
D'ailleurs, lors du dernier congrès de l'UPA, on demandait, dans
une résolution, que le ministre dépose ce rapport. Est-ce que ce
rapport est prêt et est-ce que le ministre pourrait nous dire ce qu'il
contient?
M. TOUPIN: Là, vous soulevez deux problèmes bien
précis avec la question de la gestion. Dans le Québec, il y en a
deux types: les syndicats de gestion et les cercles de gestion. Il y a le
Syndicat de gestion, qui est administré par les producteurs agricoles,
il y a les cercles de gestion, qui sont administrés plus ou moins
conjointement par le ministère et par les producteurs et on cherche une
intégration.
M. LESSARD: II n'y a pas conflit entre les deux?
M. TOUPIN: Non, pas nécessairement. Il y a discussion, par
ailleurs, mais il n'y a pas conflit là-dessus. Les producteurs et le
ministère sont passablement d'accord sur l'orientation à donner
aux programmes de gestions. Pour celui-là, c'est un problème
particulier. Regardons le premier, celui de la Société mixte
sylvicole ou autre, qui est située dans le Bas-Saint-Laurent. Ses
travaux s'exercent dans le cadre du programme ARDA et dans le cadre de l'ODEQ,
si ma mémoire est bonne, dans les grandes lignes.
Il y a un certain nombre de questions techniques là-dessus, qui
comportent un certain nombre de statistiques. Je vais laisser le sous-ministre
donner en gros les principaux programmes qui ont été
réalisés dans cette perspective, dans ce cadre.
A votre première question, M. le Président, le
ministère de l'Agriculture, comme vous l'avez mentionné, a
collaboré à des études spécifiques avec la
faculté d'agriculture et des sciences de l'alimentation et la
faculté de foresterie, en ce qui regarde certaines possibilités
d'aménagements intégrés du secteur agricole et forestier
de l'arrière-pays. Nous avons même annoncé certains
programmes, plus particulièrement au niveau d'une intensification
particulière de la production bovine avec ces sociétés
d'aménagement mixtes dans le Bas-Saint-Laurent, de même qu'un
programme possible d'élevage de génisses laitières, ainsi
que la possibilité d'encouragement pour développer certaines
productions végétales, exemple le colza, où ça
pourrait être possible, afin de répondre aux désirs de
cette population qui choisissait d'exploiter à fond les ressources de
cet arrière-pays. Nous avons, dans la mesure du possible, apporté
notre participation. Je ne sais pas si vous auriez des questions plus
spécifiques que celle-là mais nous y avons assurément
collaboré.
M. LESSARD: Vous y avez collaboré, d'accord. Est-ce que cela a
donné des résultats précis dans cette région?
M. TOUPIN: Je pense à l'expérience de cette
société, vous vous référez sans doute au projet
JAL.
M. LESSARD: Oui.
M. TOUPIN: Ce sont trois paroisses dont j'oublie le nom malheureusement.
Il n'a qu'un démarrage très court. En fait, il n'a même pas
une année d'existence, à ma connaissance. Alors, dès le
départ, à ce moment-là, le ministre a annoncé des
programmes particuliers que j'ai mentionnés tout à l'heure.
M. LESSARD: Lesquels?
M. TOUPIN: Intensification de la production bovine, en tenant compte des
regroupements de ces agriculteurs qui avaient choisi de mettre en commun leur
fonds de terre et de l'exploiter sous cette forme.
M. LESSARD: Est-ce qu'il y a un prix de soutien, quand vous parlez
d'intensification de la production bovine?
M. TOUPIN: Non, ce n'est pas relié au prix de soutien mais
à une aide particulière supérieure à l'aide normale
apportée par les programmes FODER dans le cadre de l'ODEQ pour
créer des troupeaux, pour permettre à ces individus de se
créer des troupeaux de base davantage considérables; donc ce sont
des subventions à l'hiverne-ment. Nous encourageons l'individu ou le
groupement à garder des troupeaux, à les hiverner donc à
les alimenter. Nous avons de ce côté-là apporté une
aide qui était supérieure à celle qu'on donnait, d'une
façon générale, aux agriculteurs du Bas-Saint-Laurent, qui
celle-là pouvait aller pour un individu jusqu'à un maximum de
$2,150 par année de subvention pour aide à l'hivernement des
bovins de boucherie.
M. LESSARD: Est-ce que la subvention à ce projet est
reliée au nombre de bovins, par exemple? Est-ce qu'on n'exige pas au
moins 40 têtes?
M. TOUPIN: Ce n'est pas 40, je pense que, d'une façon
générale, nous exigeons 20 têtes. Dans le cas particulier,
nous avons fait une exception, encore une fois, pour leur aider à
démarrer. Je crois je cite cela de mémoire parce que je
n'ai pas le programme détaillé devant moi que nous avons
accepté, à ce moment-là, que nous puissions recourir
à dix têtes pour ces individus-là. Mais, il faut bien
reconnaftre qu'il faut quand même respecter, à l'intérieur
de programmes même d'incitation particulière, certaines
données économiques. Même si on veut mettre en valeur d'une
façon
particulière ce territoire de l'arrière-pays, il faut
respecter certaines normes économiques et assurer que l'individu ou les
groupements qui s'engageront dans une production comme celle-là puissent
avoir non seulement un minimum de viabilité mais un minimum de
rentabilité. C'est toujours relié, à ce moment-là,
à un nombre minimal d'unités animales pour effectivement
réussir. Il y a eu certains problèmes d'ajustement mais nous
avons cru, après avoir rencontré les groupements sur place, que
le problème avait été résolu. Nous avons
annoncé, dans les jours qui ont suivi, le programme et nous n'avons pas
eu, à notre connaissance, d'autres commentaires néfastes quant
à l'intérêt que ces groupements avaient manifesté
pour ces programmes particuliers.
Au fond, je suis allé personnellement les rencontrer, à
Mont-Joli, je pense, si ma mémoire est fidèle. Nous nous
étions rendus là précisément pour voir comment se
posait le problème dans le cadre de ces sociétés mixtes.
C'est là que nous avons convenu d'augmenter notre subvention et
d'être moins exigeants à titre expérimental.
Ce sont quand même des sociétés
intégrées où, au Québec, l'expérience est
assez limitée. Je pense que c'est la première expérience.
On a voulu le faire d'abord et avant tout à titre expérimental et
si toutefois il s'avérait utile de prolonger ces expériences dans
d'autres régions, même dans la même région et dans
d'autres secteurs, on n'y verrait pas d'inconvénient. Mais on n'a pas,
à ce jour, de résultats concluants de cette
expérience.
M. LESSARD: Comme, justement, j'ai eu, comme responsable de l'Opposition
aux engagements financiers, à accepter lors de la dernière
discussion des engagements financiers un montant concernant le projet JAL et
que les trois paroisses justement le sous-ministre nous parle de
ce projet qui nous semblait assez inconnu, est-ce que des critères, des
normes très précises ont été
élaborées au ministère et est-ce qu'il est possible
d'obtenir justement ces informations? Je regrette, M. le Président
et je pense que le député de Beauce-Sud a
été à peu près dans la même situation
lorsque nous avons eu à accepter des engagements financiers concernant
ce programme, nous avons dû demander au ministre responsable à ce
moment-là, M. Parent, des informations, et la seule chose qu'il nous a
donnée sont les trois noms de paroisses qui correspondent au projet JAL.
Il me semble que, justement, ce serait peut-être possible d'obtenir
et c'est l'objet de l'étude des crédits des
informations concernant ce projet et d'obtenir les normes et les
critères de subventions pour ce projet.
M. ROY: M. le Président, sur le point soulevé par
l'honorable député de Saguenay, si ma mémoire est
fidèle, on devait nous remettre lors d'une réunion suivante une
copie des documents.
M. LESSARD: C'est ça.
M. ROY: Comme la réunion suivante n'a pas eu lieu, c'est ce qui
fait que nous n'avons pas obtenu les renseignements ni les documents que nous
avions demandés.
M. TOUPIN: Demain, on vous apportera cela.
M. ROY: Vous les apporterez demain? Cela va, d'accord.
M. TOUPIN: La seule chose que je voudrais dire sur cette question, c'est
que nous étions d'accord sur l'expérience de l'élevage du
bovin dans le cadre du programme général. Vous connaissez le
programme: ce sont des agriculteurs marginaux qui ont mis ensemble leurs fermes
et qui font du reboisement, de l'exploitation de la forêt sur une base
plus rationnelle, et parmi ces sols...
M. LESSARD: C'est une des régions que vous avez reconnues
d'ailleurs...
M. TOUPIN: C'est ça.
M. LESSARD: ... parmi le zonage agricole, comme étant...
M. TOUPIN: Comme étant possible.
M. LESSARD: ... possiblement une région d'élevage.
M. TOUPIN: A deux fins. M. LESSARD: C'est ça.
M. TOUPIN: Région mixte: forestière et agricole, et pour
la partie agricole, évidemment, on disait: Qu'est-ce qu'on va en faire?
C'est là qu'on nous a proposé un programme; on l'a
étudié avec eux et on leur a fait le programme d'élevage.
Ce sur quoi on n'était pas plus d'accord qu'il fallait quoique
à la fin on a donné notre consentement à titre
expérimental c'était le fait de faire diriger ce projet,
dans le cadre d'une participation de l'université Laval, par la
faculté d'agriculture et le comité là-bas. Nous croyons
qu'on avait l'équipement requis au ministère pour faire
fonctionner cette équipe dans la perspective dans laquelle on voulait la
faire fonctionner mais, au bout du compte, je pense que le comité et
l'université jouent un rôle à titre expérimental et
on verra ce que ça donne.
M. LESSARD: Maintenant, est-ce qu'en même temps que le
ministère proposait une politique concernant l'élevage des
bovins, il a pensé établir une politique de soutien des prix?
Justement, suite à des discussions que j'ai eues avec des agriculteurs,
le problème qu'ils rencontrent, c'est qu'on se lance dans une
nouvelle
politique, suite au programme du ministère; on tente cela, on
essaie ceci et tout à coup, le prix du boeuf qui tend
actuellement vers la hausse connaît une certaine
instabilité, il n'y a aucune sécurité pour ces nouveaux
éleveurs.
M. TOUPIN: Tout ce que je peux vous dire là-dessus c'est que
d'abord, en toute honnêteté, on n'a pas de politique de prix,
premièrement. Deuxièmement, on a par ailleurs des
expériences qui sont concluantes. En Abitibi, ça fait cinq ans
que le programme existe; nous, lorsque nous sommes arrivés en 1970, nous
avons amendé le programme, nous avons été plus
généreux dans les subventions, des troupeaux se sont
constitués et les producteurs ne sont pas encore venus nous voir pour
nous dire que la politique des prix était pour eux un handicap.
Déjà plusieurs fermes se sont spécialisées dans
l'élevage du bovin. Cela démontre en tout cas un minimum de
rentabilité parce que si ce n'était pas rentable, les gars n'y
resteraient pas. En Abitibi, cela peut se faire parce qu'il y a du sol.
Oui et à 300 acres, ça se voit souvent, le gars peut, avec
100 têtes de bétail, s'organiser avec ses pâturages, et
économiser beaucoup sur l'alimentation. Alors, à compter de cette
expérience-là, on a cru que ç'allait être aussi
valable dans ce coin-là avec le climat, puis à peu près
les mêmes sols.
M. LESSARD: Est-ce que le ministère a fait des recherches sur le
nombre de têtes minimums pour obtenir une certaine rentabilité
avant de lancer ce programme?
M. TOUPIN: Oui, c'est indiscutable. Ce sont des choses qu'on a
faites.
M. LESSARD: C'est fonction de la gestion aussi, je veux dire, en fait,
en moyenne. Il reste quand même que...
M. TOUPIN: On pourrait peut-être y revenir quand on arrivera
à ces programmes de commercialisation et de production pour les bovins
et les parcs d'engraissement, mais actuellement, dans ces
régions-là, ça se pose autrement.
M. LESSARD: Non, là, en fait, sur les écoles
d'agriculture, le ministre rappelle là-dessus...
M. ROY: On est encore à l'élément 1? M. TOUPIN:
Oui, oui, toujours 1.
M. ROY: Est-ce qu'il y a d'autres domaines où, cette
année, le ministère de l'Agriculture a l'intention d'apporter
d'autres programmes, genre programme JAL, pas nécessairement que
ça porte le nom, ou d'autres domaines où le ministère de
l'Agriculture a l'intention d'implanter des programmes de mise en valeur dans
certains secteurs?
M. TOUPIN: Peut-être qu'on en trouvera quelques-uns; on vous
propose d'ailleurs des programmes de création de parcs d'engraissement
qui ne sont pas des programmes du tout de cette nature-là mais qui sont
quand même des programmes régionaux. Alors, vous parliez
tantôt de la régionalisation de l'agriculture, de la participation
des régions, je vous disais qu'on a déjà commencé
dans l'Abitibi.
M. ROY : Je parle de politique régionale.
M. TOUPIN: Oui, oui c'est là, je vais arriver dessus. Vous avez
une politique particulière pour l'Abitibi pour l'élevage du
bovin. Vous en avez une autre particulière pour le Saguenay-Lac
Saint-Jean, pour l'élevage du bovin également et pour l'industrie
laitière. Vous en avez une autre dans le Bas Saint-Laurent qui tient
compte des conditions régionales, des agriculteurs, des investissements
faits sur les fermes, etc. Donc, on commence à régionaliser les
productions dans le cadre du zonage.
M. ROY: En tenant compte des particularités
régionales.
M. TOUPIN: Des particuliarités régionales.
M. ROY: C'est une chose sur laquelle nous sommes entièrement
d'accord.
M. TOUPIN: Et je dois vous dire, je le dis au député de
Beauce-Sud, en passant, sa région est probablement une des
régions, actuellement, où le zonage n'est pas avancé
autant qu'on aurait voulu.
M. ROY: Non, ça ne se sent pas du tout.
M. TOUPIN: Et là, les cartographes, les gens chargés de
préparer le zonage vont nous proposer, d'ici peu de temps, une carte
québécoise maintenant pour le zonage. On a commencé avec
trois ou quatre régions, on va avoir une carte québécoise.
C'est un départ. Il faut faire attention là-dessus, c'est un
départ. Là on aura des éléments vraiment
régionaux pour des régions comme la vôtre. Là on
pourra donner des orientations plus particulières sur, peut-être,
l'élevage du bovin dans cette région, parce qu'il y a des sols
quand même qui ne sont pas chers, on peut acheter des sols à $100
et à $50. Cela devient payant de faire du bovin sur des sols qui ne
coûtent pas cher. Mais quand vous payez vos sols de $200 à $300
ça devient moins payant.
M. ROY: Allez faire du bovin dans la région de Montréal,
là où la terre est propice à la culture
maraîchère, j'imagine que ce serait...
M. TOUPIN: Dans certaines régions il faudrait en faire, parce que
vous avez là le mais et vous avez là les protéines qui
sont à la portée. Là, c'est au niveau de la finition, ce
n'est pas au
niveau de l'élevage. Ce n'est pas au niveau de la première
partie, ce sera au niveau de la finition, ce qu'on pourra appeler des parcs
d'engraissement. Alors donnez ça à la région
périphérique, et finissons dans la région de
Montréal. Quoiqu'on pense maintenant beaucoup qu'on peut aussi finir
dans la région périphérique avec un mois ou deux de
plus.
M. LESSARD: Mais concernant... M. TOUPIN: Oui c'est ça, c'est
exact.
M. LESSARD: Concernant les GERA, je sais que c'est une
société de gestion, que c'est assez simple, mais je cherche
justement le sigle, le nom au complet, allez-y donc.
M. TOUPIN: Qu'est-ce que ça veut dire les GERA?
M.LESSARD: Les syndicats de gestions, chaque lettre a un terme bien
précis.
M. TOUPIN: M. le Président, lorsque vous parlez de GERA vous
parlez de groupes d'étude en rentabilité agricole.
M. LESSARD: Bon. Alors, c'est un organisme qui a été
constitué de l'UPA et du ministère de l'Agriculture.
M. TOUPIN: Non, pas comme cela. Quand vous parlez de gestion agricole,
il faut savoir distinguer. Vous avez tout d'abord des principes de base, la
nécessité pour l'agriculteur de mieux connaître les charges
fixes et variables; donc, de commencer un peu...
M. LESSARD: C'est un organisme-conseil.
M. TOUPIN: ... à maintenir ses comptabilités, de
même que recevoir des conseils ayant trait soit à la production de
ses champs ou à la production animale. Toute cette partie est la
responsabilité du ministère de l'Agriculture qui, par ses douze
régions agricoles et ses agronomes locaux, donne gratuitement les
services aux agriculteurs qui veulent procéder par étapes. Le
programme qui est en place depuis maintenant trois ou quatre ans fait qu'au
départ vous avez ce qu'on appelle des cercles d'étude en
rentabilité agricole qui sont les principes élémentaires
de la tenue de livres, de la possibilité d'organisation de
compartimentation des charges fixes et variables pour passer, une fois cette
expérience première, dans une seconde étape que sont les
groupes d'étude en rentabilité agricole. Nous apportons à
l'agriculteur non seulement des avis sur l'administration de sa ferme mais
aussi des plans de ferme, des programmes de culture, des programmes
d'élevage, des programmes d'alimentation; en fait, l'ensemble de la
gamme des différentes sphères se jouant au niveau de la
ferme.
Le point que vous soulevez, je pense, a trait au syndicat de gestion que
nous avons étudié il y a maintenant trois ans, parce qu'il y
avait déjà un projet pilote qui était le syndicat de
gestion Iberville-Missisquoi et que nous avons récemment ouvert à
des agriculteurs en collaboration avec l'UPA, mais à des agriculteurs
vraiment spécialisés, c'est-à-dire qui ont acquis par
eux-mêmes la possibilité d'une administration rationnelle, qui ont
les connaissances voulues, qui ont la capacité d'utiliser le crayon
adéquatement pour aller un peu plus loin dans l'étude plus
poussée de leurs facteurs d'administration: C'est là que se sont
introduits les syndicats de gestion et que nous avons, suivant certains
critères, offert la possibilité à des groupements
d'agriculteurs, avec l'UPA et le ministère de l'Agriculture, de
s'organiser eux-mêmes, de pouvoir, dans certains cas, s'engager un
conseiller en gestion qui s'occuperait spécifiquement d'eux. A partir de
certains critères, il y a maintenant cette possibilité. Mais il
faut bien savoir distinguer que ces syndicats de gestion deviennent des
groupements d'agriculteurs vraiment spécialisés,
c'est-à-dire qui ont acquis par eux-mêmes véritablement une
capacité d'absorption des facteurs de gestion, de connaissances
technologiques et techniques suffisamment avancées pour qu'ils aient
envie et qu'ils soient capables de pousser par eux-mêmes, en fait,
beaucoup plus loin les facteurs de production et les saisir beaucoup plus du
doigt.
Il existe seulement un syndicat de gestion dans la province de
Québec qui appartient aux producteurs. Le problème que vous me
posiez tantôt...
M. LESSARD: Oui, le conflit.
M. TOUPIN: ... à savoir s'il y a conflit entre les deux. Le
problème se posait de la façon suivante: II s'agit
d'accélérer le premier groupe pour qu'il puisse tomber dans le
deuxième et dans le troisième et trouver les agriculteurs
eux-mêmes avec une participation financière et engager leur propre
gestionnaire.
M. LESSARD: Mais le GERA est d'abord un organisme du ministère de
l'Agriculture...
M. TOUPIN: Oui.
M. LESSARD: ... un organisme où se rassemblent des
spécialistes du ministère de l'Agriculture pour conseiller...
M. TOUPIN: Avec les groupements d'agriculteurs.
M. LESSARD: A ce moment-là, ils conseillent les groupements
d'agriculteurs; ces agriculteurs devenant plus spécialisés et
étant capables d'utiliser beaucoup plus le crayon peuvent, cette fois,
partir à leur compte et former le syndicat...
M. TOUPIN: C'est cela, de gestion. M. LESSARD: ... de gestion.
M. TOUPIN: Ce sur quoi on est entièrement d'accord.
M. ROY: Tout de même, les groupes n'ont aucun pouvoir
décisionnel. Cela se limite uniquement au niveau des conseils.
M. TOUPIN: Administration et conseil de production, de mise en
marché autant en production végétale qu'animale.
M. ROY: Mais ce sont les agriculteurs qui prennent les décisions
finales?
M. TOUPIN: Exact. Ils s'élisent un conseil d'administration pour
les activités de groupe. Ces agriculteurs, par exemple, vont choisir
durant l'hiver de se réunir deux ou trois fois par mois sur des sujets
bien précis où nous intervenons avec des spécialistes qui
viennent s'entretenir avec eux. A ce moment, la programmation de ce groupement
de GERA est en fonction du désir des agriculteurs qui en sont
membres.
M. ROY: C'est un service gouvernemental que vous offrez en quelque
sorte?
M. TOUPIN: Exact.
Les syndicats de gestion, nous contribuons, nous, pour les faire
démarrer et, une fois qu'ils ont démarré, les agriculteurs
les entretiennent par des subventions de support. C'est là,
évidemment, une grande partie de l'avenir gestionnaire de l'agriculture
au Québec, parce que ces comptabilités bien gérées
vont nous donner à nous des indications nettes sur ce qui est moins ou
plus rentable dans le domaine de l'agriculture, sur l'utilisation du sol, sur
la rentabilité d'une acre par rapport à une autre, etc.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Verchères.
M. OSTIGUY: Dans le domaine de la recherche, on parle de plus en plus de
soya ou de tourteaux de soya au Québec.
M. TOUPIN: Oui.
M. OSTIGUY: On sait qu'actuellement il y a environ 3,000 acres de soya
qui sont cultivées pour une production d'à peu près 90,000
tonnes. Je pense que les besoins au Québec sont d'environ 250,000 tonnes
par année. Est-ce qu'actuellement le ministère fait de la
recherche pour intéresser les agriculteurs à semer de la
fève soya, tenant compte qu'on parle de plus en plus d'une huilerie qui
devra s'installer sur la rive sud du Saint-Laurent dans un avenir
rapproché et aussi tenant compte de l'augmentation de la variante des
prix du tourteau pour l'alimentation du bétail?
M. TOUPIN: M. le Président, pour répondre à votre
question, le ministère de l'Agriculture, depuis de nombreuses
années, plus particulièrement à ses stations de recherche
de Saint-Hyacinthe et de La Pocatière, en ce qui concerne les plantes
oléagineuses, a poursuivi des recherches et il va les intensifier. Il va
les intensifier de quelle façon? Non seulement en continuant ses
recherches, notamment aux stations de Saint-Hyacinthe, Sainte-Martine et La
Pocatière, mais nous avons créé un réseau
d'agriculteurs qui collaborent avec nous dans diverses régions du
Québec propices à la production de plantes oléagineuses
où nous faisons certaines expériences dites de
démonstration et où nous amenons des agriculteurs
régulièrement intéressés à ces productions.
De même aussi, afin de favoriser l'implantation plus rapide de la
production de ces plantes oléagineuses et plus particulièrement
la fève soya au Québec, nous avons lancé l'an dernier un
concours provincial de fève soya. Il y a des incitatifs financiers au
bout, avec un trophée que l'agriculteur peut conserver bien
chaleureusement dans son foyer, s'il le désire. Simplement pour dire, en
répondant à votre question, que le ministère de
l'Agriculture, depuis de nombreuses années, s'intéresse à
la recherche sur la fève soya et qu'il a intensifié, depuis
l'annonce de l'implantation d'une huilerie au Québec, son désir
de poursuivre plus avant les recherches nécessaires au
développement de cette diversification de l'agriculture.
M. OSTIGUY: Et toujours dans cet élément de recherche,
quel nombre d'acres prévoyez-vous faire ensemencer en 1974/75, par
exemple?
M. TOUPIN: Les informations que nous avons à ce jour, M. le
Président, nous indiquent qu'en ce qui regarde la fève soya et le
colza, cette année, nous devrions, comme année de
démarrage véritablement, parce qu'il s'en faisait par les
années passées pour l'utilisation à la ferme, ce qui est
aussi un aspect important à considérer dans le contexte du
coût des tourteaux de soya, en faire ensemencer à peu près
10,000 acres, ce qui serait une augmentation quintuplée ou à peu
près de la production de soya par rapport à l'an
passé.
M. OSTIGUY: Est-ce que vos prévisions iraient jusqu'à
100,000 acres?
M. TOUPIN: Oui, mais avec un délai. Je pense que c'est l'objectif
recherché certainement par le ministère de l'Agriculture, mais
toujours en essayant de respecter la loi des étapes.
Donc, cela pourrait nous mener, dans le temps, entre cinq et sept ans
avant que nous ayons véritablement atteint cet objectif de 100,000
acres.
M. OSTIGUY: Dans cette rentabilité ou dans
cette politique de recherche, est-ce que vous avez fait des
études de rentabilité comparativement à d'autres...
M. TOUPIN: Ah oui!
M. OSTIGUY: ... semences industrielles?
M. TOUPIN: Absolument. Il est impérieux, lorsque nous parlons de
diversification de l'agriculture et de recherches fondamentales de nouvelles
productions végétales au Québec, qu'elles soient assorties
d'une étude de rentabilité parce qu'il ne faut pas lancer
aveuglément les agriculteurs dans une aventure qui pourrait
s'avérer malheureuse pour eux.
On doit dire que ces études sont faites et que la production de
fève soya, par exemple, au niveau du revenu net à l'acre, se
compare, dans le contexte actuel; bien sûr, elle dépend
énormément des fluctuations du marché, et le marché
décisionnel, lorsque l'on parle de soya, c'est le marché de
Chicago. Donc, elle dépend énormément des
éternuements des producteurs de soya américains. Mais en fonction
de cela, comme il y a une loi, qu'on dit de substitution, qui fait que le
mais-grain, la fève soya, les grains de provende s'ajustent l'un par
rapport à l'autre, cela demeure, parmi un objectif de
complémentarité sur une ferme, une production très
intéressante, tout autant que pourrait l'être la betterave
sucrière, le mais-grain. Mais comparativement, la fève soya est
un atout possible de diversification au niveau de la ferme.
M. OSTIGUY: Est-ce que l'on pourrait songer à augmenter
même le rendement qui est d'environ 30 minots à l'acre?
M. TOUPIN: Je pense que c'est assez difficile. Nous avons, sur le plan
génétique, justement, des collaborateurs qui font des essais de
croisement de variétés. Pour plusieurs raisons, je n'irai pas
dans les détails, il s'agit de remonter la grappe sur la tige parce
qu'on a des problèmes au niveau de la récolte; il y a des grappes
qui sont coupées en bas et qui ne sont pas embarquées. Donc, les
généticiens, chez nous, sont en train de faire grimper les
grappes sur la tige, entre autres; ils sont en train aussi de modifier le
pourcentage de teneur en huile parce que c'est important et aussi, bien
sûr, de viser à chercher des variétés dont la
productivité augmentera.
Mais je pense que même à 30 minots à l'acre, on peut
se compter très heureux parce que c'est en fait la moyenne que nous
avons obtenue jusqu'à maintenant avec la fève soya au
Québec. Elle se compare avantageusement aux moyennes obtenues dans les
Etats américains, que ce soit en Pennsylvanie, au Minnesota ou dans
certains autres Etats américains, dans l'Iowa, l'Ohio qui est
très fort en production de fèves de soya, où les
rendements sont autour de 25 à 28 minots, de même que ce rendement
se compare avantageusement avec le rendement moyen des producteurs de soya de
l'Ontario.
M. OSTIGUY: Une dernière question peut-être un peu
prématurée. Est-ce que la Régie de
l'assurance-récolte prévoit couvrir cette culture, en 1974?
M. TOUPIN: II serait peut-être préférable...
M. OSTIGUY: D'attendre la Régie de l'assurance-récolte.
D'accord, j'y reviendrai.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Sauvé.
M. MORIN: M. le Président, je voudrais poser une double question
au sujet des recherches sur les cultures abritées et chauffées et
mentionner, en passant, cette expérience extrêmement
intéressante qui a lieu à Manseau depuis quelque temps, pour
laquelle le ministre a exprimé de l'intérêt, si je ne
m'abuse, malgré que, semble-t-il, il ait également exprimé
son scepticisme à l'endroit du bénévolat
communautaire.
Est-ce que le ministre pourrait nous dire quelles sont les recherches
qui sont en cours dans ce domaine, qui est extrêmement prometteur pour le
Québec? Deuxièmement, quelle est son attitude au sujet de Manseau
et de cette expérience un peu particulière que cela
constitue?
M. TOUPIN: On va diviser votre question en deux, si vous le permettez.
Le sous-ministre va vous donner la partie recherche, parce que c'est plus
technique, et je parlerai après du programme de Manseau et vous donnerai
l'opinion du ministère.
M. MORIN: D'accord.
M. TOUPIN: Le ministère de l'Agriculture, à travers le
Conseil de recherche agricole et des services agricoles, ce que nous appelons,
en termes de sigles, le CRESAG, a alloué, à la faculté
d'agriculture et de l'alimentation de l'université Laval, un montant,
depuis quelques années, très substantiel pour une recherche sur
la production légumière et floricole en serre.
M. MORIN: $200,000. C'est ça? M. TOUPIN: Oui, c'est ça. M.
MORIN: $200,000.
M. TOUPIN: Effectivement, cette recherche a été
très concluante. Elle a été tellement concluante que
maintenant, à travers, justement, les guides de production que nous
libérons à l'endroit des agriculteurs du Québec, par
l'entremise du Conseil des productions végétales du
Québec, qui est un organisme consultatif du
ministère regroupant tout ce qui est intéressé,
nous publions maintenant, sur l'aspect recherche et même vulgarisation,
un petit guide à l'intention des producteurs intéressés,
soit de tomate, de concombre en serre, permettant de vulgariser une production
qui, bien sûr, doit prendre absolument de l'extension au
Québec.
M. MORIN: $200,000.
M.LESSARD: Oui, d'accord. Vous avez accordé une subvention de
recherche de $200,000, ce qui vous permet de vulgariser, auprès des gens
qui sont intéressés à cette culture. Mais concernant
Manseau comme tel...
M. MORIN: Le ministre va nous répondre là-dessus.
M. LESSARD: D'accord.
M. TOUPIN: Ce n'est pas seulement pour de la vulgarisation, il y a aussi
la recherche.
M. LESSARD: D'accord mais qui permet, par la suite, de vulgariser.
M. MORIN: Ils ont construit des serres avec ça, les serres de
polyéthilène.
M. TOUPIN: Nous avons étudié toutes les formes de
serres.
Dans certains cas, ça semble concluant et, dans certains autres
cas, peut-être qu'il faudra pousser plus loin les études. Je n'ai
malheureusement pas eu l'occasion d'y aller mais à Joliette ou
près de Joliette une grande entreprise de production en serre s'est
installée. Je ne sais pas comment cela a coûté
d'investissements mais c'est au-delà de $100,000. J'ai hâte de
voir comment cela va se concrétiser, cette initiative.
Revenons à Manseau, pour une question plus précise.
M. MORIN: Est-ce que vous y êtes allé, M. le ministre?
M. TOUPIN: Non, je ne suis pas allé à Manseau.
M. MORIN: Vous aviez dit que vous iriez.
M. TOUPIN: Oui mais malheureusement je n'ai pas eu le temps d'y aller,
quoique ça m'aurait beauboup intéressé. Ce que je suis
personnellement porté à mettre en doute dans de telles
initiatives, ce n'est pas la bonne foi des gens. Ce n'est pas non plus...
M. MORIN: Ce serait le comble.
M. TOUPIN: Oui, ce serait le comble. Ce n'est pas non plus le
désir d'un groupe de vouloir se donner un moyen de se réaliser
plus pleinement sur le plan économique et sur le plan social et par
conséquent de se sentir plus intégré dans une
société, ce sur quoi je suis d'accord. Je suis d'accord, par
conséquent, que ce ne sont pas seulement des serres à tomates qui
peuvent donner ces occasions-là. Plusieurs autres initiatives peuvent
donner les mêmes choses aux mêmes individus et on choisit cette
voie d'une serre à tomates.
Pour que nous puissions réaliser, dans un type d'activités
comme celui-là, un succès qui soit le moindrement valable, il
faut le situer dans un contexte de programmes bien particulier. Il ne faut pas
penser, par exemple, à développer la production des tomates en
serre au Québec sur une base techniquement et économiquement
rentable dans la perspective de groupes comme ceux-là. Quand je parle de
programmes particuliers, c'est qu'il faudrait qu'on ait, au ministère de
l'Agriculture ou dans un autre ministère, un programme d'aide bien
particulier et bien précis pour un groupe comme celui-là.
Pourquoi?
M. LESSARD: Un genre de SDI.
M. TOUPIN: Non, on pourra vous apporter des exemples là-dessus.
On a fait des expériences dans la Beauce, avec le ministère des
Affaires sociales, qui ont donné des résultats assez
intéressants. Prenons un autre exemple, celui dont on a parlé au
début, d'est-à-dire celui de l'intégration là-bas
des groupes forestiers, etc. qui sont des initiatives bien
particulières, pour une région donnée, qui correspondent
aux vocations naturelles des régions et où on retrouve, en plus,
des personnes qui sont habituées à faire de la forêt et des
personnes qui sont habituées de faire de l'agriculture.
M. MORIN: Justement à Esprit-Saint, il y a un endroit où
ils veulent combiner la forêt et la culture de tomates sous serres. J'ai
rencontré ces gens-là.
M. TOUPIN: Cela pourrait être une initiative que ces
gens-là pourraient prendre.
Mais quand nous parlons de programmes spéciaux, il faut tenir
pour acquis, au départ, que ces gens n'ont pas de capitaux,
premièrement.
M. MORIN: Oui, sauf qu'ils arrivent à réaliser pour
$100,000 des travaux qui, normalement, prendraient des investissements de
$500,000, à cause du travail communautaire, du bénévolat,
des gens qui viennent les aider.
M. MASSICOTTE: Parlez-vous de Manseau?
M. MORIN: Oui, je pense à Manseau.
M. TOUPIN: Cet hiver, les serres ont-elles tenu le coup sous la
neige?
M. MORIN: II y en a deux qui se sont écroulées.
M. TOUPIN: C'est déjà pas mal. Vous redoublez les $100,000
l'année suivante. Faites cela sur une base de quatre ans et vous allez
atteindre plus que $200,000.
M. MORIN: Oui, mais c'était du travail
bénévole.
M. TOUPIN: Oui, oui, voilà. Alors, quand vous prenez des
coûts comme ça, il faut analyser tout cela, la résistance
et ce que ça veut dire dans le temps.
M. LESSARD: Peut-être que s'ils avaient eu l'aide du
ministère, on ne serait pas arrivé à cela.
M. TOUPIN: Bon, là, vous touchez au problème que je veux
soulever. Quand je vous parle de programmes spéciaux et particuliers, il
s'agit de groupes, tout compte fait, dé marginaux dans l'agriculture et
d'assistés sociaux. On ne retrouve aucun spécialiste, aucune
personne dans le groupe qui est habitué à faire de la tomate et
notamment de la tomate sous serre.
M. MORIN: Oui, sauf qu'ils ont eu l'aide des gens de Laval, au moins
d'un professeur de Laval comme conseiller.
M. TOUPIN: Alors, on va pousser plus loin. Regardant cette initiative,
avec le potentiel qu'ils ont, peu d'économies, peu d'argent, peu de
parts sociales, parce que peu de personnes peuvent en mettre beaucoup et pas de
technique au départ, qu'est-ce qu'il fallait faire? Il fallait, au
départ, donner à ces gens l'accès à la technique.
Le ministère de l'Agriculture a financé un projet
à.l'université Laval, on vous l'a dit tantôt. On a pris un
spécialiste et on l'a mis à leur disposition. Il a pu aller
là tant qu'il a voulu, au moment où il voulait y aller
même, et le ministère ne s'est jamais opposé à cela,
au contraire.
Une fois la technique rendue là, il s'agissait de savoir, avec la
technique et avec les moyens économiques qu'ils avaient, si
c'était possible de réaliser l'expérience. Dans le cadre
d'un comité d'intégration des assistés sociaux au
marché du travail, dirigé par le ministère du Travail, une
subvention de je ne sais combien de milliers de dollars a été
donnée, qui était assez minime en soi.
M. MORIN: $13,000.
M. TOUPIN: $12,000 ou $13,000, ce qui était assez minime en soi,
leur ont été versés sous forme de prêts dont les
conditions de remboursement allaient être déterminées un
peu plus tard, sachant fort bien, au fond, que c'était une sorte de
subvention presque directe qu'on versait. Cette expérience,
jusqu'à maintenant, n'a pas prouvé encore, en tout cas, qu'il
était possible d'en arriver à un succès. C'est vrai que
ça fait seulement une saison. Pour moi, il s'agissait de décider
ceci: Si je mets une politique de l'avant au ministère de l'Agriculture
concernant la production en serre, il faut que ma politique soit uniforme.
Il faut que je sois vis-à-vis des uns ce que je suis
vis-à-vis des autres. Qu'il s'agisse d'Arthur, d'Antoine, de Charles ou
de Philippe qui décident d'aller dans une serre, il faut que ma
politique s'applique autant à lui qu'à l'autre.
M. MORIN: Ce serait les mêmes conditions partout.
M. TOUPIN: Les mêmes conditions partout, et lorsque j'arrive dans
un groupe comme ça, ça devient pour moi un problème
particulier.
M. MORIN: Est-ce que vous ne pouvez pas le traiter comme étant
expérimental, justement?
M. TOUPIN: Alors voilà la question. Nous le cherchons, dans le
cadre du ministère du Travail et avec les millions dont nous disposons,
à intégrer les assistés sociaux au marché du
travail, ou les marginaux, à identifier des programmes précis et
à y aller à titre expérimental pour voir au bout du compte
ce que ça va donner. Et si toutefois, une expérience comme
celle-là s'avérait valable, je n'aurais absolument aucun
inconvénient à pousser plus loin; Et moi ce qui m'a
inquiété, pas inquiété mais ce qui m'a surpris le
plus dans ça, c'est que je n'ai pas vu de coopératives bien
installées, bien constituées, qui ont prouvé leur
efficacité et qui se sont intéressées au projet.
M. LESSARD: M. le Président, je pense bien que cette
expérience-là demande d'autres questions, alors nous pourrons
continuer demain, il est 11 h 15.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Si le député de
Huntingdon veut être bref, parce que je voudrais attirer
l'attention...
M. FRASER: II y en a autour de Laprairie et à Saint-Isidore, dans
le comté de Huntingdon, des producteurs de lait. Ils ne sont pas
assurés, ils ne sont pas protégés.
LE PRESIDENT (M. Séguin): M. le député, le ministre
n'a pas terminé sa réponse.
M. LESSARD: Onze heures et quart. M. FRASER: Je m'excuse.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Nous constatons qu'il est 11 heures,
même si vous regardez vos montres vous allez constater qu'il est
dépassé onze heures.
Je propose que nous ajournions à demain.
M. FRASER: Demain, je vais poser la question à propos des...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je vous donne la parole demain, ne vous
en faites pas là-dessus. Gardez-là, on continuera à parler
de Manseau en revenant.
Les ordres de la Chambre étaient dix heures, mais
considérant le début de la session, les députés en
revenant ici à Québec après leurs vacances ont
certainement des travaux, des choses à faire dans leur bureau, alors
à dix heures et demie. On pourra peut-être non pas expédier
les choses mais peut-être progresser avec un peu
d'accélération. Demain dix heures et trente.
(Fin de la séance à 23 h 7)