Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente de l'agriculture
Etude des crédits du ministère de
l'Agriculture
Séance du vendredi 10 mai 1974
(Onze heures neuf minutes)
M. SEGUIN (président de la commission permanente de
l'agriculture): A l'ordre, messieurs!
Préliminaires
LE PRESIDENT (M. Séguin): Commission de l'agriculture. Les
membres sont les suivants: MM. Burns (Maisonneuve), Carpentier (Laviolette),
Denis (Berthier), Dionne (Mégantic-Compton), Faucher (Nicolet-Yamaska),
Fraser (Huntingdon), Giasson (Montmagny-L'Islet), Lessard (Saguenay),
Massicotte (Lotbinière), Ostiguy (Verchères), Roy (Beauce-Sud),
Toupin (Champlain), Tremblay (Iberville).
Nous nous réservons le droit, comme par les séances
précédentes, de faire des modifications à cette liste au
cours de la séance de ce matin.
Le rapporteur est toujours M. Dionne, de Mégantic-Compton.
Programme 3.
DES VOIX: Adopté.
Aide à la production agricole (suite)
M. LESSARD: M. le Président, les députés
libéraux, comme on vient de le voir, sont pressés. Ils viennent
d'apparaître à la commission de l'agriculture.
M. ROY: Ils ont décidé de s'occuper de leurs
électeurs en fin de semaine !
M. LESSARD: Oui. Je remarque aussi qu'au moment où on parle d'un
programme qui touche les comtés de Matapédia et Matane, les
députés de Matapédia et de Matane ne sont pas
présents, comme d'habitude d'ailleurs.
M. CARPENTIER: ... des remarques un peu dépassées.
M. LESSARD: Est-ce que vous avez vu le député de
Matapédia depuis quelque temps?
M. le Président, revenons aux choses sérieuses.
C'était simplement une remarque. Est-ce que je peux comprendre, suivant
la réponse que je recevais hier du sous-ministre, concernant ces
programmes d'aide à la production bovine, qu'il va transmettre aux
membres de la commission les documents que nous avons demandés ou qu'il
a l'intention de nous donner des explications ce matin?
M. TOUPIN: Je pourrais, M. le Président, transmettre les
explications appropriées ayant trait à la performance du
programme d'aide aux éleveurs de bovins dans le Bas Saint-Laurent.
Le programme, en fait, au niveau de la pratique provinciale, a
été mis en place en 1971/72. A ce moment-là, nous avions
commencé le programme avec environ 3,000 unités animales sur les
fermes et nous terminons l'année avec 6,109 au total. Si nous regardons
l'ensemble du programme, hier nous n'avions expliqué que la partie qui
était couverte par le programme spécial ODEQ ayant trait aux
projets spéciaux d'accélération de la mesure
régulière du ministère et je m'explique qui
va jusqu'à $1,450, maximum de subvention par agriculteur, tandis qu'avec
le programme ODEQ et les chiffres que je vous citais hier, c'était le
surplus provenant d'une augmentation de subventions pour hivernement allant
jusqu'à $2,150 dans certains cas et, dans le cas des agriculteurs
regroupés en société d'agriculture forestière
mixte, cela va jusqu'à $2,500.
Donc, si nous faisons globalement l'évaluation de la performance,
au moment où on commence le programme, nous avons 3,000 unités
animales; l'an dernier, en 1972/73, nous sommes passés à 4,498
et, l'année terminée, 1973/74, nous amène à
6,109.7. Il y a une certaine quantité non évaluée parce
que les formules sont encore en transit, étant donné que ce sont
des primes à l'hivernement et que nous ne payons qu'une fois que nous
avons fait le décompte sur l'hivernement.
Donc, il y en a au moins 6,109, ce qui indique une augmentation de 100
p.c. des unités animales qui ont doublé à la suite de
l'implantation de ce programme d'aide aux producteurs de bovins dans l'Est du
Québec.
M. le Président, je ne veux critiquer personne ici, mais quand,
à la conférence de presse, le groupe et notamment l'abbé
Banville soutient que nous n'avons pas tenu nos promesses, etc....
M. LESSARD: Vous avez dépensé actuellement $40,000 sur un
montant prévu de $150,000 pour l'an dernier.
M. TOUPIN: Nous avons dépensé $40,000 parce que le
programme ne nous a permis de dépenser que $40,000. Nous étions
disposés à aller jusqu'à $150,000, à condition que
la performance de ceux à qui s'adressait le programme soit à un
point tel qu'on aurait pu verser cette somme de $150,000. Nous avons
versé exactement ce sur quoi nous nous étions entendus concernant
le nouveau programme.
M. ROY: Maintenant, le ministre pourrait-il nous dire pourquoi il n'y a
pas plus de personnes que ça qui ont pu se prévaloir du plan?
Est-ce que les normes n'étaient pas trop rigides?
M. TOUPIN: Non, les normes étaient très
souples, même deux fois et trois fois plus souples que dans le
reste de la province. En Abitibi, par exemple, c'est beaucoup plus rigide que
ça. Dans le reste de la province où on a des subventions
similaires, c'est aussi beaucoup plus rigide que ça. On a ouvert
jusqu'à 1,000 unités pour un groupement forestier. On leur donne
une subvention de $30 par unité pour l'hiverne-ment tant et aussi
longtemps que les gars voudront en acheter des têtes de bétail
pour développer les troupeaux dans ce coin. C'est la seule région
où on est aussi souple que ça.
La performance est bonne. Personnellement, je considère que la
performance est bonne parce que doubler le nombre d'unités dans une
saison, c'est bon, il n'y a pas de doute possible, mais ça ne nous a pas
permis de dépenser le montant de $150,000 qu'on avait prévu
à ce chapitre.
M. LESSARD: M. le Président, nous reviendrons plus tard sur ce
problème.
Le ministre a parlé hier de l'agro-centre de La Sarre. Est-ce que
le ministre a reçu un télégramme provenant de la
municipalité de La Sarre concernant le site de cet agro-centre? En
effet, il semble que le ministère de l'Agriculture ait choisi un site
qui exigerait le déplacement d'une industrie locale. Le conseil
municipal, à une assemblée régulière en date du 2
mai, à 8 heures p.m., à l'endroit habituel, où
étaient présents le maire Raymond Thibeault, MM. les conseillers
Paulin Saint-Pierre, Maurice Dugré, Raynald Houde, Jean-Guy Fontaine et
Roger Trudel, formant quorum sous la présidence du maire, a voté
la résolution suivante: En conséquence, il est proposé,
secondé, résolu à l'unanimité que demande soit
adressée à l'honorable Normand Toupin, ministre de l'Agriculture
et de la Colonisation, invitant ce dernier à se prononcer en faveur du
site suggéré par la ville, soit celui situé à
l'extrême ouest de la ville La Sarre, cedit emplacement étant plus
accessible à l'implantation d'un agro-centre.
M. le Président, il semble que le centre du ministère de
l'Agriculture exigerait le déplacement d'une entreprise locale. La
municipalité a prévu la possibilité d'un autre terrain qui
serait situé en dehors des limites de la ville, plus à l'ouest,
et qui n'exigerait pas le déplacement d'une industrie locale. Cette
industrie a déjà fait part au conseil municipal qu'elle ne
rouvrirait pas ses portes ailleurs si on lui enlève le terrain.
M. le Président, j'ai le télégramme, ces sources
sont exactes, en tout cas en ce qui concerne la résolution qui a
été adoptée par le conseil municipal.
M. TOUPIN: Je ne savais pas que le député de Saguenay
avait reçu le télégramme du maire de la ville. Si je
l'avais su, je lui aurais apporté celui que je lui ai envoyé hier
soir en réponse à ce télégramme. Le
télégramme que j'ai fait parvenir au maire de la ville...
M. LESSARD: ... on constate qu'elle est efficace...
M. TOUPIN: Dans le télégramme que je lui ai fait parvenir
en réponse à celui que m'avait envoyé le maire de la
municipalité de La Sarre, je lui ai dit que les agriculteurs du coin, de
l'Abitibi-Ouest notamment, avaient depuis un an travaillé à un
programme d'agro-centre, notamment l'implantation d'un centre d'abattage. Il y
a deux ou trois ans, on soutenait qu'un abattoir dans l'Abitibi n'était
pas possible; on disait : Vous faites avec ça des questions
électorales. On n'en a pas parlé du tout durant la
dernière campagne électorale.
M. ROY: Cela me surprend.
M. TOUPIN: On est logique avec nous, on leur a dit que ce n'était
pas rentable.
M. ROY: Non, non, je dis que je suis surpris.
M. TOUPIN: Et voici que maintenant, avec le nombre d'unités que
nous avons sur le territoire, nous avons cru bon implanter à LaSarre un
centre d'abattage, qui fait partie du centre en général, qui fait
partie des services.
Il va y avoir aussi, me dit le sous-ministre, une meunerie, un service
d'encan public pour la vente des animaux, puis un service d'utilité
professionnelle. Donc, c'est un centre qui va être complet en soi et
c'est un des premiers, je pense, au Québec, où le
ministère de l'Agriculture est directement impliqué pour ce qui
est de l'implantation.
M. ROY: Ce centre sera érigé à La Sarre
même?
M. TOUPIN: On va dire maintenant où. On a connu des
problèmes. C'est que lorsque les agriculteurs de La Sarre ont
pensé à un programme comme celui-là, ou tout au moins ceux
de l'Abitibi-Ouest, ils ont tout de suite visé les bâtisses du
ministère de l'Agriculture à La Sarre.
Il y a un garage et quelques autres petites bâtisses, mais c'est
surtout le garage qui est important. Ils ont pensé à ce grand
garage pour installer leur centre, ce sur quoi en principe on était
d'accord au départ. Il y a deux ans, je pense, le ministère de
l'Agriculture s'est départi de toute la machinerie qu'il avait pour
faire des travaux sur les fermes, ou à peu près. Il n'est
resté que quelques machines pour les chemins, cela étant
passé au ministère de la Voirie.
Ce garage est donc devenu presque libre. Or, une société
dont parlait le député de Saguenay, qui s'appelle les Entreprises
Baril Ltée, quelque chose comme ça, cherchait un entrepôt.
On lui a loué le garage pour un an, lui disant bien qu'après un
an on considérerait l'usage qu'on en ferait dans la perspective du
développement de l'agriculture dans le Nord-Ouest
québécois et notamment dans l'Abitibi-Ouest. Donc, le contrat a
été signé pour un an et, depuis six mois,
déjà, nous avons informé M. Baril qu'à compter de
telle date il devra changer d'endroit, parce
que nous allons utiliser ces bâtisses pour d'autres fins.
M. Baril soutient que si on lui enlève ce contrat d'entreposage,
il devra déménager son entreprise, son commerce dans une autre
ville du Nord-Ouest québécois, notamment Rouyn-Noranda.
M. LESSARD: Quel genre de commerce?
M. TOUPIN: ... de pièces, je pense, de matériaux de
construction en gros. Il se servait de cette bâtisse comme entrepôt
et nous avons signé un contrat avec lui. Nous avons examiné, avec
les agriculteurs et avec le maire de La Sarre, les différents endroits
où on pourrait, quant à nous, tenter de bâtir cet
agro-centre.
Nous nous sommes rendu compte que si nous changions d'endroit, nous
devrions sortir un peu à l'extérieur de la ville. Nous n'avions
pas de terrain véritablement valable aux différents endroits
où les agriculteurs voulaient bâtir ce centre et nous nous sommes
entendus avec la coopérative qui s'est formée ce centre
sera administré par une coopérative pour que les
bâtisses du ministère dans le coin servent à cet
agro-centre.
J'ai donc répondu au maire que la décision était
prise, que les bâtiments du ministère seront à la
disposition de l'agro-centre; j'ai répondu également au
président de la coopérative de ne pas s'inquiéter, que les
bâtiments du ministère serviront à l'implantation de
l'agro-centre. Le problème du commerce dont on parle, je ne sais pas
comment M. Baril peut le régler, son problème. Bien sûr je
n'ai pas, quant à moi, la responsabilité de voir comment on peut,
dans une ville en particulier, donner des services aux entreprises qui sont
là, mais les bâtiments qui appartenaient au ministère,
quant à nous, doivent servir pour des fins agricoles.
Nous croyons que, pour le mieux-être des agriculteurs, ces
bâtiments doivent être réservés aux agriculteurs.
M. LESSARD: Alors, je dois me contenter de la réponse du ministre
puisque la décision est prise. Toujours à l'élément
1, je constate qu'il y a une diminution assez considérable des montants.
Est-ce que je pourrais savoir si, malgré cette diminution de $248,100
à $187,900, tous les programmes spéciaux et régionaux
prévus par le ministère de l'Agriculture vont pouvoir être
concrétisés? Est-ce que je pourrais savoir si le ministre est
satisfait de cette somme de $187,900, s'il est heureux de la diminution de
$60,200 que nous constatons?
M. ROY: Avant que le ministre ne réponde à la question,
j'aimerais ajouter une question, pour qu'il puisse y répondre en
même temps: Dans quels secteurs y a-t-il eu diminution? A quelle
catégorie?
M. TOUPIN: Oui, il est possible qu'il y ait eu certains changements dans
les programmes parce que, cette année, on a pris des sommes d'argent
dans tel programme pour les ajouter à tel autre programme. Le
sous-ministre, en termes techniques, comptables, va vous expliquer comment cela
se passe.
Oui, voici. L'élément 1, auquel vous faites
référence, constitue actuellement, pour l'exercice financier
1974/75, strictement du personnel ou des effectifs qui sont affectés
à ce service des projets spéciaux. La différence provient
du fait que, l'an dernier, à cet élément de programme,
nous avions inscrit, provenant d'imputations et d'argent qui provenaient de
l'OPDQ, une somme de $100,000 qui a été réaffectée
dans d'autres services réguliers, et je m'explique. Une partie des
programmes de l'ODEQ, par exemple, était imputée à ce
service-là; nous les avons réintroduit là où,
régulièrement, ils sont affectés. Par exemple, le service
des productions animales a eu sa part, la partie de recherche qui provenait de
l'ODEQ a été réaffectée au budget de la
recherche.
Donc, sur le plan pratique, il n'y a pas de diminution effective,
puisque ce service, comme nous l'expliquions hier, a plus
particulièrement comme fonction et objectif d'avoir un personnel de
support, nous permettant d'étudier la teneur et les orientations de
certains projets spéciaux, plus particulièrement dans le cadre
d'ententes fédérales-provinciales, reliées soit aux
programmes ARDA ou FODER.
M. LESSARD: Alors, est-ce qu'on peut conclure que le ministre est
satisfait de la somme de $187,900...
M. TOUPIN: Oui.
M. LESSARD: ... pour les projets spéciaux et régionaux?
Est-ce qu'on peut conclure qu'avec ce montant le ministre est capable de
concrétiser tous les projets qui lui sont soumis par des régions
ou par des agriculteurs, que ce soit des projets régionaux ou des
projets spéciaux?
Est-ce qu'on peut simplement conclure que le ministre est heureux de ce
montant de $187,900?
M. TOUPIN: Evidemment, il ne s'agit pas ici de montants qui vont
être affectés à la réalisation de projets
spéciaux.
M. LESSARD: A l'étude.
M. TOUPIN: Oui, surtout à l'étude. C'est du personnel. A
ce chapitre, je ne crois pas qu'on ait de problèmes, d'autant plus que,
dans le domaine du personnel, ce n'est pas un problème majeur, la
question budgétaire. Evidemment, on a tant d'effectifs acceptés
et on a un budget qui va avec les effectifs.
Il arrive très souvent d'ailleurs, surtout à ce service,
qu'il va se servir de l'ensemble des
fonctionnaires des autres services, parce qu'il s'agit surtout d'un
service de recherche et de coordination des différentes activités
et des différents projets spéciaux surtout qu'on retrouve dans
certaines régions. Je ne crois pas qu'ici il y ait de problème
majeur. D'autant plus qu'il y a une tradition qui veut qu'au gouvernement, si,
à un moment donné, du personnel manque pour étudier des
budgets, on peut toujours faire appel, pour une période X, à des
contractuels ou à des personnes engagées à temps partiel,
pour les faire travailler sur des dossiers spéciaux.
M. LESSARD: Donc, le ministre est satisfait?
M. TOUPIN: Qui est satisfait à 100 p.c. de son budget? Trouvez un
ministre qui l'est. Sur cet élément, je ne crois pas qu'on
rencontre des problèmes majeurs.
M. LESSARD: II n'y a pas de problèmes majeurs.
M. ROY: II y en a qui n'ont rien et qui sont satisfaits. D'autres sont
millionnaires et ne le sont pas. C'est une question d'évaluation.
M. TOUPIN: Cela dépend.
M. ROY: C'est une question d'appréciation.
M. LESSARD: C'est important qu'on connaisse le degré de
satisfaction du ministre.
M. TOUPIN: Oui.
M. ROY: On veut savoir si le ministre est exigeant ou s'il se satisfait
de peu.
M. LESSARD: Parce que, s'il est satisfait jusqu'ici, il était
satisfait...
M. TOUPIN: Cela dépend de la notion qu'on a d'un million. Il y en
a qui sont satisfaits de $1 million, parce qu'ils sont assis dessus, puis il y
en a d'autres qu'avec $187,000, vont faire beaucoup de choses.
M. LESSARD: Justement, c'est qu'il semble que, jusqu'ici, le ministre
est satisfait de tous ses programmes, alors...
M. TOUPIN: Oh!
M. LESSARD: Cela vient, cela vient.
M. ROY: C'est une question d'interprétation.
M. LESSARD: Cela vient.
M. TOUPIN: J'ai répondu à toutes vos questions
jusqu'à maintenant.
M. LESSARD: Si cela continue comme ça, on va lui demander,
à la fin, ce qu'il a à se plaindre.
M. TOUPIN: Qui vous a dit cela? M. ROY: On y arrive, là.
M. TOUPIN: Je n'ai pas dit que j'avais à me plaindre, j'ai dit
que, si je n'étais pas capable de faire mon travail, je chercherais
ailleurs, c'est tout à fait normal.
M. LESSARD: M. le Président, quant à moi, puisque le
ministre est satisfait, je suis prêt à accepter la somme de
$187,900.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Par le fait même, nous ne
passerions pas...
M. ROY: Le député de Beauce-Sud est également
d'accord.
M. LESSARD: Pour autant que le ministre est satisfait.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Alors, je comprends. Elément 1,
y compris la ventilation $187,900, adopté.
M. ROY: Maintenant, le réaménagement foncier, M. le
Président, élément 2,...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Elément 2. M. LESSARD: On a
consulté le caucus!
M. ROY: Oui. On fait un front commun circonstantiel.
M. MASSICOTTE: Circonstantiel.
M. ROY: Circonstantiel. Alors, dans le réaménagement
foncier, je posais une question au ministre hier soir. Je lui ai même
donné un préavis après la soirée. Dans bien des
régions du Québec il y a encore des personnes qui exploitent un
lot de colonisation, un territoire qui est sous bail de location et qui se
trouve à apporter une espèce de complément à la
ferme. D'autres, à cause du regroupement de fermes, ne pouvaient pas
vendre le lot de colonisation parce que c'est un lot qui est sous billet de
location; ils ont dû le garder. Ce sont des gens qui, parfois, sont
rendus à un certain âge et qui paient des taxes sur ces lots
depuis 20, 25 ou 30 ans. Il y a même une certaine quantité de
personnes qui y ont demeuré pendant de très nombreuses
années.
J'aimerais savoir du ministre quelles sont les intentions du
ministère de l'Agriculture à ce sujet, concernant, en premier
lieu je précise ma question les personnes qui demeurent
encore sur ces lots de colonisation; je pense que c'est une catégorie un
peu particulière. Il y a également la catégorie de ceux
qui sont dans
l'agriculture mais cette question se règle automatiquement, au
fur et à mesure. Je ne voudrais pas intervenir là-dessus pour
prolonger la discussion inutilement. J'aimerais surtout que l'on parle des
personnes qui, actuellement, ont abandonné l'agriculture et qui sont
intéressées à faire de la sylviculture et à
participer au regroupement forestier qui se fait dans les régions et qui
ne peuvent pas signer les accords parce que justement elles ont un billet de
location.
M. TOUPIN: Evidemment, on va séparer les problèmes.
Prenons d'abord le problème des lots de colonisation. Je ne sais pas
combien il en reste dans la province de Québec, de lots de colonisation.
On a parlé de quelque 20,000 lots; 16,000 lots, bon.
M. ROY: 16,000.
M. TOUPIN: 16,000 ou à peu près.
M. ROY: Qui sont encore sous billets de location.
M. TOUPIN : Qui sont encore sous billets de location. Alors, dans ces
16,000, vous retrouvez des lots qui sont presque en entier boisés,
d'autres qui ont été défrichés en partie et
d'autres qui l'ont été selon ou à peu près les
normes exigées dans le temps par les lois de colonisation.
M. ROY: D'accord.
M. TOUPIN: Je pense que je n'apprends rien au député quand
je dis que, présentement, nous sommes obligés d'étirer pas
mal les règlements pour répondre aux demandes qui nous sont
faites, tant de la part des députés de l'Opposition que de la
part des députés du gouvernement. Je pense qu'il est normal que
nous donnions, très souvent, à un locataire au fond, c'est
ça les droits... C'est 17,551 lots qu'il reste.
M. ROY: Est-ce qu'on peut avoir une copie de ce document?
M. TOUPIN: Ceux-là, on leur concède. On en concède
je ne sais pas combien par année, 500, 600 ou 700, des fois 1,000. Il y
a des lots qui se vendent, qui s'accrochent à une terre en culture,
comme vous le disiez tantôt. Là-dessus, on n'hésite pas. On
dit oui et on le donne tout de suite. C'est un premier problème.
Evidemment, il y a, parmi ces locataires, parmi ceux qui
détiennent des billets de location, des gens qui demeurent sur leur lot,
d'autres sont partis, d'autres ont vendu leur lot à des gars, tout en
n'ayant pas le droit de le vendre, d'ailleurs, mais c'est vendu et c'est
payé, etc.
M. ROY: Autrement dit, ils ont vendu les droits.
M. TOUPIN: Oui, et les notaires ne veulent pas signer de contrat
je les comprends parce qu'ils ne peuvent pas. La loi les empêche
de le faire. Donc, il y a là-dedans un problème de justice et
d'équité, d'une part, et d'autre part, un problème
juridique.
Donc, il faut tenter de régler ce problème j'en ai
parlé très souvent sur le plan juridique. Je vous ai dit
qu'on présenterait une Loi d'aménagement du territoire. A
l'intérieur de cette loi, une section spéciale sera
consacrée aux lots de colonisation et, en commission parlementaire, on
pourra décider, en gros, des différents critères. On va
vous proposer des critères et on pourra ensemble déterminer les
critères pour régulariser la situation dans l'ensemble.
Il reste maintenant les autres, ceux qui sont en partie boisés et
surtout ceux qui se situent dans des territoires où le ministère
des Terres et Forêts a décidé de reforestrer. Ce qu'on fait
dans ces cas pas dans tous les cas mais dans la plupart c'est
qu'on transfère le lot au ministère des Terres et Forêts
qui, lui, ou le vend pour une somme symbolique, ou le garde et embauche le gars
qui est sur le lot pour le faire travailler dans les programmes de
reforestration.
Mais lorsqu'un lot part du ministère de l'Agriculture pour aller
au ministère des Terres et Forêts, cela ne crée, dans la
plupart des cas, aucun problème. Cela en crée plus chez nous,
à cause des billets de location, sur les terres boisées,
défrichées et où le bois, d'ailleurs, a été
coupé il y a une dizaine d'années, où les repousses sont
encore trop courtes pour que cela vaille la peine de les réexploiter
immédiatement.
Le problème se pose là et nous allons le régler
dans le cadre de la Loi d'aménagement du territoire agricole.
M. ROY: Vous allez le régler, d'accord. Je suis bien d'accord
qu'on prenne les dispositions pour le régler. Mais ce qui
m'intéresse, c'est de savoir comment on va le régler.
Je voudrais rappeler au ministre je vais reculer de 20 à
25 ans en arrière, peut-être 30 ans qu'on a accordé
des lots de colonisation, et le ministre connaît suffisamment la province
pour savoir que mes propos sont exacts, après que des coupes à
blanc furent faites...
M. TOUPIN: C'est ça.
M. ROY: ... par des compagnies qui ont obtenu des contrats du
ministère des Terres et Forêts. Autrement dit, on a donné
à des personnes, en vertu de billets de location, des lots qui n'avaient
pratiquement aucune valeur, qui étaient uniquement bons pour faire le
défrichage, sans même avoir analysé les sols,
sans même avoir fait les analyses pour savoir si le lot pouvait
avoir réellement une vocation agricole.
Il y a des gens qui, pendant dix ans, quinze ans, vingt ans, ont
végété. Moi, ce genre de lots, je leur ai donné une
dénomination spéciale. Ce n'étaient non seulement des lots
de colonisation mais c'étaient des lots de canonisation. Ces gens,
après avoir fait du travail sur leur lot...
M. TOUPIN: C'est le mouvement de colonisation qui a été
fait parfois par ceux qui administraient le Canon.
M. ROY: Parce qu'il fallait réellement avoir de pieuses
idées et de pieuses intentions pour y demeurer et essayer d'y vivre.
C'était de la misère noire. Ces gens, aujourd'hui, sont rendus
à un certain âge et ils ont fait énormément
d'efforts pour faire reprendre de la valeur au lot en y faisant un peu de
sylviculture pour tâcher qu'il ait une certaine valeur après un
certain nombre d'années.
Effectivement, on sait que même s'il vient d'avoir une coupe
à blanc, après 30 ans, un lot commence à avoir une
certaine valeur.
Il y a des gens, aujourd'hui, qui sont rendus à 55, 56 ans et qui
auraient ces lots comme revenu d'appoint, pour faire face à leurs
obligations et faire vivre leur famille. Ils doivent exercer un métier
ailleurs, mais ils sont intéressés à garder leur lot,
faire de la sylviculture et faire une coupe de bois rationnelle.
J'aimerais bien que le ministre nous dise si étant
donné la vocation plutôt forestière qu'agricole de ce genre
de lots on a l'intention au ministère de se pencher sur ce
problème de façon à étudier les possibilités
ou les mesures qu'on pourrait prendre pour accorder aux personnes qui paient
des taxes depuis 25, 30 ou 35 ans sur ces lots leurs lettres patentes.
M. TOUPIN: C'est le problème de fond, comme on dit au
ministère et partout ailleurs. C'est de "patenter" ces lots qui est le
problème. Il y a une loi qui existe qui contient des normes, et à
l'intérieur de ces...
UNE VOIX: Mais...
M.. TOUPIN: Oui, oui, vous avez fait l'historique, je peux le faire
aussi. Or, ces normes n'ont pas été respectées par tous
ceux qui ont pris des lots sous billet de location. On était bien
inconscient au départ, dans le mouvement de colonisation. Dans ce
temps-là, on a donné des lots un peu à la va comme je te
pousse. Tu en veux un, je vais t'en donner un. Il y a des normes, respecte-les.
Le ministère n'a jamais été là-dessus d'une
rigidité absolue. On vivait des problèmes sociaux assez
sérieux et on a tenté de régler une partie de ces
problèmes avec l'agriculture du temps. On a dit au gars: Plutôt
que de t'en aller au chômage à Montréal ou à
Québec il serait peut-être préférable que tu
t'installes sur un lot, défriches-en une partie et essaie de t'en sortir
du mieux que tu peux. Au fond, c'est ce qui est arrivé. Les gars
aujourd'hui sont pris avec des lots...
M. ROY: Ils ne sont pas pris.
M. TOUPIN: ... je vais terminer. ... sur lesquels ils ont un billet de
location, mais ce qui est encore pire, c'est que ce sont les lots sur lesquels
ils se sont installés pour vivre. Aujourd'hui, ils ne peuvent plus,
à cause des conditions faites dans le temps, devenir
propriétaires du lot sur lequel ils ont vécu une très
grande partie de leur vie. Il est bien évident que sur le plan social,
sur le plan humain, il y a un problème, il n'y a pas d'erreur possible.
Il faut le corriger. Il faut le corriger, par exemple, dans une perspective
d'équité. Je ne pense pas que le gouvernement puisse, comme
ça, du bout de la main, donner des lots à tout le monde pour le
plaisir de la chose. Il faut établir de nouvelles normes, et ce sont ces
normes que nous voulons discuter avec vous. Les proposer, avec les
députés du gouvernement, d'abord, au départ, et
après les discuter avec l'Opposition, comme ça se fait
régulièrement. Ensemble nous essaierons de déterminer
quels sont les critères les plus justes et les plus équitables
qu'on peut établir pour régulariser cette situation. Nous sommes
d'accord à 100 p.c.
M. CARPENTIER: Sur le même sujet, M. le Président,
qu'advient-il d'un gars qui a acheté par contrat notarié un lot
depuis 1949, qui paie ses taxes depuis ce temps-là, qui se croit chez
lui, parce qu'il a le contrat dans ses poches, et à qui un bon matin le
ministère des Terres et Forêts fait une réclamation parce
qu'il a bûché quelques billots là-dessus?
M. TOUPIN: Là, vous touchez à la réserve des trois
chaînes.
M. CARPENTIER: Ce n'est pas la réserve des trois chaînes,
pardon; c'est un lot qui a été en partie défriché
et en partie conservé pour exploitation forestière.
M. TOUPIN: Ce n'est pas un peu la même chose?
M. CARPENTIER: II n'est pas question des trois chaînes
là-dessus, absolument pas. C'est un lot; il y a une partie
défrichée et une partie en bois. Le gars l'a acheté, il a
le contrat notarié dans ses poches. Là, le ministère des
Terres et Forêts arrive, lui fait une réclamation et on lui dit
qu'il n'est pas chez lui, en 1974.
M. TOUPIN: De deux choses l'une: s'il y a un achat effectif et si le
notaire a reconnu et sanctionné l'achat dans un contrat notarié,
il est propriétaire.
M. CARPENTIER: Je comprends, mais com-
ment se fait-il qu'un des ministères arrive et qu'on lui fait une
réclamation? On lui dit qu'il a commis une infraction.
M. TOUPIN: Oui, deuxièmement, moi je ne sais...
M. CARPENTIER: En plus de ça, il demeure là, il vit
là avec sa famille. Il a toujours vécu, depuis 1949, à cet
endroit-là et, en 1974, on vient lui dire qu'il n'est plus chez lui et
on lui dit qu'il a commis une infraction.
M. TOUPIN: II faudrait poser la question au ministère des Terres
et Forêts, c'est évident. Je sais qu'il y a des règlements
au ministère des Terres et Forêts qui disent qu'à compter
de telle année, telle année, pour ceux qui ont eu des lots, le
ministère pourrait, s'il le désirait, imposer des droits de
coupe. Ce n'est pas impossible; c'est la Loi du ministère des Terres et
Forêts.
M. CARPENTIER: D'accord, dans un cas comme celui-là,
considérant le fait que le lot a été octroyé par
contrat notarié...
M. TOUPIN: II est propriétaire.
M. CARPENTIER: ...que le type est de bonne foi il l'a
payé, les montants sont perçus; c'est reconnu par contrat et on
lui dit qu'il n'est plus chez lui de quelle façon les
ministères vont-ils analyser cette situation pour l'en sortir?
M. TOUPIN: Je ne sais pas, moi; si un notaire a accepté de signer
un contrat, il y a eu une transaction. A un moment donné, deux
bonshommes se rencontrent; l'un a une terre à vendre et l'autre
l'achète. Il s'agit d'un lot boisé. Ils vont trouver le notaire
qui dit: Oui, tu as le droit de l'acheter. Le propriétaire, c'est lui et
le nouveau propriétaire, ce sera toi. On signe un contrat en bonne et
due forme, tu deviens propriétaire. Si le notaire l'a sanctionné,
légalement ça vaut quelque chose. Mais je ne sais pas, moi,
antérieurement comment tout cela s'est déroulé. Je ne sais
pas, par exemple, si le lot avait déjà été bien
désigné, si on avait déterminé exactement qui
était le propriétaire avec ses titres, etc. Je ne sais pas ce qui
s'est passé. C'est bien possible qu'après cinq ans on se
réveille et qu'on dise: II y a eu des transactions de faites, mais, tout
compte fait, ce lot-là appartient au ministère des Terres et
Forêts. Ce n'est pas impossible.
M. CARPENTIER: Qu'est-ce qu'il va advenir du propriétaire qui a
payé en bonne et due forme les montants pour le partir? Est-ce qu'il va
être remboursé?
M. TOUPIN: Je pense que la meilleure façon pour lui de
régler son problème, c'est de rencontrer le ministère des
Terres et Forêts et d'en discuter avec lui. Je ne pense pas qu'il ait
d'autre alternative que ça.
M. ROY: II y a deux problèmes...
M. CARPENTIER: Précisément, c'est ce à quoi j'en
viens. Il y a précisément deux problèmes là-dedans.
Le ministère de l'Agriculture est touché par cela et je dirais
même plus que ça, il y a un problème juridique. Enfin, si
le gars est de bonne foi... Depuis 1949, ce n'est pas d'hier, ça fait
exactement 24 ans...
M. TOUPIN: Le notaire qui a signé le contrat aurait dû
s'assurer...
M. CARPENTIER: Le notaire est décédé, le vendeur
décédé, tout le monde est mort depuis ce temps-là;
le gars reste avec le problème. Qui va le régler?
M. TOUPIN: Ce sont toujours les vivants, d'ailleurs, qui ont les
problèmes, ce ne sont jamais les morts.
M. FRASER: Si quelqu'un vient te vendre le pont Mercier et que ce n'est
pas à lui, tu n'es pas pour dire que tu as payé pour le pont
Mercier.
M. ROY: Dans les autres...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît. Sans
vouloir vous interrompre, il y a un point de notre règlement qui dit
qu'un député ne doit pas en interrompre un autre lorsqu'il a la
parole. Cela devient très difficile, à moins d'appliquer cela
assez rigidement, pour la console, pour le journal des Débats, de
pouvoir distinguer qui a la parole et qui ne l'a pas, qui s'adresse à la
commission et qui ne s'y adresse pas. Alors, dans le moment, la parole est au
député de Laviolette. Est-ce que vous avez terminé?
M. CARPENTIER: D'accord, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Non, non.
M. CARPENTIER: Considérant que c'est un problème assez
particulier, je pense qu'il y aura possibilité d'en discuter avec les
ministres concernés pour trouver une solution possible.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Alors, sur ce problème, est-ce
que le ministre a d'autres observations ou commentaires? La parole est au
député de Beauce-Sud.
M. ROY: C'est un peu pour faire suite à la question posée
par l'honorable député de Laviolette. Il y a deux
problèmes qui sont complètement distincts.
II y a des personnes qui ont acheté les droits des lots de
colonisation, et les lettres patentes n'ont jamais été
émises. Lorsqu'elles coupent du bois sur les lots de colonisation pour
des fins commerciales, elles sont tenues de payer les droits de coupe au
gouvernement.
L'autre problème, j'ai cru comprendre que c'est une personne qui
a acheté un lot dont les lettres patentes avaient été
émises et qui aujourd'hui reçoit des avis du ministère des
Terres et Forêts l'obligeant à payer un droit de coupe, parce
qu'elle a coupé du bois. A ce moment-là, je pense qu'on revient
à la loi de la réserve des trois chaînes. On en a
discuté un peu hier soir. Je suis très heureux que le
député de Laviolette suive de près cette question. Je me
propose bien, M. le Président, de la soulever dès mardi matin,
lors de l'étude des crédits du ministère des Terres et
Forêts.
Il y a toute une question juridique là-dedans, j'ai posé
des questions au ministre en Chambre ce matin. Cela fait trois fois que je
l'interpelle à ce sujet en Chambre et à chaque fois il ne m'a pas
répondu. Mais je pense que mardi, à la commission parlementaire,
ça va être l'endroit.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Saguenay.
M. LESSARD: Je veux faire une remarque avant d'entreprendre
l'étude de l'élément Réaménagement foncier,
qu'on devra aborder assez vite, puisqu'il est midi moins quart et que le leader
parlementaire nous a annoncé que mardi matin ce sera la commission des
terres et forêts. Donc, en vertu de l'article 128, je pense, à ce
moment-là les crédits du ministère auront
été acceptés. Je voudrais faire la remarque suivante au
ministre concernant l'élément no 2, réaménagement
foncier.
Le ministre est certainement très conscient des problèmes
actuels de spéculation foncière concernant les terres agricoles.
Il est certainement conscient du problème d'aménagement de ces
terres. On peut donner deux exemples précis, d'abord le cas de
Sainte-Scholastique, où on a utilisé bien souvent les meilleures
terres agricoles pour en faire un aéroport. Il y a aussi certains
conflits qui existent entre le ministère de la Voirie et le
ministère de l'Agriculture, en particulier par exemple lorsqu'il s'agit,
pour le ministère de la Voirie, de faire certains travaux qui coupent
bien souvent d'excellentes terres, particulièrement par exemple pour
l'autoroute Montréal-Hull. Le tracé proposé par le
ministre de la Voirie a coupé l'étroite bande de bonnes terres
situées entre la rivière Outaouais et les Laurentides.
M. le Président, dans ces deux exemples, il y a un
problème fondamental, c'est d'ailleurs pourquoi le ministre nous dit
qu'il devrait présenter prochainement une loi-cadre. J'aurais
aimé lui poser des questions sur cette loi-cadre, mais on va attendre
qu'elle soit d'abord déposée.
Ces problèmes sont urgents, surtout que nous n'avons au
Québec qu'environ cinq millions d'acres de terre vraiment arables,
vraiment cultivables. Ces terres, si on ne fait rien, vont disparaître.
Il faut aussi que le ministre se donne les instruments nécessaires pour
faire face à une situation qui commence à être très
grave.
Or, l'un des instruments qui me paraît absolument
nécessaire, c'est l'instrument financier. Le ministre en a besoin
certainement, malgré le fait et nous en parlerons qu'il
ait accepté que tout le contrôle de l'achat des petites fermes
soit sous l'autorité du gouvernement fédéral avec
certaines modalités.
Je constate qu'il y a une diminution du budget, cette année, de
25 p.c, une diminution de $469,800 par rapport à 1973/74. Pourtant, tous
les agriculteurs du Québec soulèvent le problème du danger
de voir graduellement la terre arable du Québec disparaître. Lors
du congrès de l'UPA, l'Union des producteurs agricoles, cela a
été à peu près encore un des thèmes
majeurs.
Je pense que nous rejoignons là un des éléments
où le ministre n'est pas satisfait, un des éléments
où le ministre n'a pas les outils nécessaires. Malgré le
fait, justement, qu'il devra présenter une loi, il devra avoir les
instruments économiques nécessaires pour appliquer cette loi.
J'aimerais lui demander, considérant qu'il y a une diminution,
considérant la situation et considérant qu'il y a une diminution
de 25 p.c. par rapport à 1973/74, j'aimerais lui demander si, encore
là, comme il nous l'a dit pour les programmes précédents,
le ministre de l'Agriculture du Québec, qui doit avoir comme
première préoccupation la défense des agriculteurs du
Québec et des terres arables du Québec...
M. FRASER: Règlement!
M. LESSARD: M. le Président, en vertu de quel article? Est-ce que
le ministre est satisfait des montants qu'on lui a accordés? Est-ce que
le ministre sera capable de concrétiser ses programmes? Est-ce que le
ministre pourra empêcher cette disparition des terres arables du
Québec pour l'agriculture au profit de la spéculation
foncière de développement économique qui ne correspond pas
du tout aux besoins agricoles? Encore une fois, est-ce que le ministre est
heureux, est-ce qu'il est content, est-ce qu'il va pouvoir concrétiser
ses projets?
M. TOUPIN: M. le Président, le député de Saguenay
veut absolument savoir si je suis content ou pas, si je suis satisfait ou pas.
Je l'ai dit, je vais le répéter et je vais lui dire où je
ne suis pas content; ce n'est pas encore là. On n'est pas rendu. Je vais
vous dire où je ne suis pas content. Prenez la page, on va clarifier
cette situation tout de suite.
M. LESSARD: Aux programmes 3 et 4.
M. TOUPIN: Prenez l'autre élément du programme,
l'élément 5 du programme 3 et l'élément 6 du
programme 3; vous allez trouver là les principaux griefs tout compte
fait, qui pourraient être faits à l'endroit du budget du
ministère. Même s'il y a eu des petites augmentations dans ces
éléments, pour l'amélioration foncière,
l'assainissement des sols et la conservation des eaux, il me parait que ce
n'est pas suffisant. Si la température est bonne, ces budgets ne seront
pas suffisants; et la vulgarisation à la gestion de fermes, cela aussi,
ça ne me parait pas suffisant, si toutefois la température est
excellente. Ce sont les deux éléments clés sur
lesquels...
M. LESSARD: Pourriez-vous répéter, M. le minsitre?
M. TOUPIN: ... il y aurait avantage que... Oui, l'élément
5, amélioration foncière, assainissement des sols et conservation
des eaux. C'est surtout l'élément 5 qui peut faire l'objet d'un
budget supplémentaire, et l'élément 6. Il est possible que
pour l'élément 6, si la performance est bonne et si tout va bien,
il nous manque quelques centaines de milliers de dollars. C'est là
où, au fond, il peut exister des problèmes au ministère de
l'Agriculture. On verra, au milieu de l'année, ce que cela pourra
donner.
Revenons à l'élément 2 et on va l'expliquer: le
réaménagement foncier.
Il faut que le député de Saguenay fasse une
différence entre le réaménagement foncier et la protection
du territoire agricole. Réaménager un territoire, cela ne veut
pas nécessairement dire le protéger. On peut faire du
réaménagement à l'intérieur d'une zone
protégée, mais on peut en faire aussi à l'extérieur
d'une zone protégée.
Ce programme, c'est quoi? C'est très simple. C'est qu'il y a
trois programmes spéciaux qui sont appliqués au Québec,
concernant le réaménagement foncier: l'Abitibi, le
Saguenay-Lac-Saint-Jean puis le Bas-Saint-Laurent, l'Est du Québec. Le
réaménagement foncier c'est très simple; on s'engage,
nous, à acheter la terre, on s'engage à lui donner des
désuétudes et on s'engage à lui donner un montant pour le
réimplanter ailleurs.
Vous savez ce qui s'est produit dans le Bas-Saint-Laurent, depuis
quelques années, moins en Abitibi et moins dans le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais surtout dans le Bas-Saint-Laurent. C'est que les
gars de l'arrière pays ont décidé de ne pas s'en aller.
Ils ont décidé de rester là. Ils ont dit: Nous autres,
donnez-nous $1,000, $2,000, $5,000, cela ne nous intéresse pas, on veut
rester dans nos paroisses, on veut rester dans nos municipalités
d'où les opérations Dignité, d'où le projet JAL qui
est venu, et d'où le deuxième projet dont on a discuté ce
matin. Plutôt que de prendre cet argent pour le
réaménagement foncier, pour acheter des sols et les revendre, les
regrouper et puis après donner de l'argent au gars pour qu'il s'en
aille, qu'il quitte son rang, ou s'en aille dans une ville, qu'il quitte son
village, on a pris ces montants d'argent et on les a mis dans les deux projets
dont on parlait tantôt, pour développer le bovin de boucherie,
pour développer certaines autres activités; l'élevage ovin
et l'élevage bovin, pour ces deux régions.
Au fond, on a respecté, quant à nous, du ministère
de l'Agriculture, la décision que la population avait prise
là-bas, de ne pas changer de place, ce avec quoi, personnellement
j'étais d'accord. Parce qu'on ne transplante pas des gens comme on
transplante des carottes, ou des affaires comme ça. Les gens sont
enracinés dans un milieu, ils aiment vivre dans un milieu, on a
respecté ça, nous. On a diminué le budget ici puis on l'a
mis ailleurs. J'espère bien pouvoir tout le dépenser cette
année. Je ne suis même pas certain de pouvoir tout le
dépenser. Si les gens ne veulent pas partir, je ne les forcerai pas
à partir.
M. LESSARD: Maintenant, M. le Président, est-ce que le ministre
pourrait nous dire quel élément de son programme va lui permettre
justement de faire l'application de sa loi-cadre concernant le zonage agricole?
Là j'aurais bien des questions à lui poser, mais il reste sept
minutes.
M. TOUPIN : Oui, on pourrait s'en poser beaucoup. C'est une loi qui va
venir. Je ne peux pas discuter actuellement du contenu d'une loi qui n'est pas
déposée à l'Assemblée nationale. Je pense que vous
allez être d'accord avec moi là-dessus. Je soutiens ceci, c'est
que l'Assemblée nationale a toujours été logique avec
elle-même.
M. LESSARD: Ce n'est pas sûr.
M. TOUPIN: Quand je parle de l'Assemblée nationale, je parle de
tous les députés. Je ne parle pas seulement des
députés ministériels.
M. ROY: J'aimerais poser une question, M. le Président.
M. TOUPIN: Je veux dire qu'elle a toujours été logique,
pour une raison très simple. Quand le gouvernement présente un
projet de loi et que ce projet de loi entraîne des
déboursés d'argent, il prévoit, dans son projet de loi,
des déboursés requis pour l'application de la loi.
Il les prévoit. Si le gouvernement ne le fait pas, il n'est pas
conséquent avec lui-même, il n'est pas logique avec
lui-même. L'Opposition aurait toutes les raisons du monde de dire au
gouvernement: Vous n'êtes pas sérieux en agissant ainsi. Alors, si
une loi est présentée dans ce domaine, il est évident
qu'il y aura des budgets au bout. Il n'y a pas d'erreur possible. Pourquoi
est-ce qu'on ne l'a pas budgétisé? Il arrive parfois, par exemple
les lois du crédit agricole que l'on va amender, qu'on a prévu
ça
dans le budget. Mais ces amendements ont été
décidés avant que le budget soit discuté alors que la loi
de l'aménagement du territoire agricole a été
décidée après que les budgets ont été
discutés, et par le conseil des ministres et par le Conseil du
trésor.
C'est pour cela que, si l'on s'oriente vers une loi de
l'aménagement du territoire agricole du Québec, il faudra mettre
après les budgets requis pour la faire fonctionner.
M. LESSARD: Je pense bien que l'on ne fera rien encore cette
année pour empêcher la spéculation foncière.
M. TOUPIN: Attendez. Si c'est cette année, demain,
après-demain, je ne le sais pas.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Beauce-Sud.
M. ROY: Sur ce problème de la spéculation foncière,
il ne faudrait pas nous engager dans un débat qui ne va nous mener nulle
part et nous faire rêver en couleur.
M. TOUPIN: Je ne suis pas certain que le député de Beauce
soit d'accord avec nous sur le plan des principes.
M. ROY: Pourquoi? Je ne voudrais pas que le ministre de l'Agriculture me
prête des intentions...
M. TOUPIN: Non, je ne lui en prête pas. Je dis qu'il est
attaché beaucoup à la propriété privée,
etc.
M. ROY: Voici.
M. TOUPIN: Remarquez bien que je ne veux pas m'embarquer dans le
débat.
M. ROY: Je me permets d'expliciter un peu ma pensée de ce
côté. Je suis inquiet comme tout le monde de voir qu'on transforme
nos plus belles régions agricoles du Québec pour faire toutes
sortes de choses. On a eu un bel exemple avec l'aéroport de
Sainte-Scholastique et on a un très bel exemple aussi avec la
concentration du développement dans la région
métropolitaine de Montréal.
Une chose est certaine. Je ne ferai pas de reproche au ministère
de l'Agriculture, le gouvernement a un ensemble de politiques de
développement global de l'économie de la province. Alors, tant et
aussi longtemps que l'on va concentrer le développement
économique de la province uniquement dans la région
métropolitaine, on va avoir des problèmes. Ce n'est pas avec une
loi agricole que l'on va régler les problèmes, une loi concernant
l'aménagement du territoire et le zonage de la classe agricole. On ne
demandera tout de même pas aux ouvriers de Montréal d'aller se
construire à
Sainte-Agathe dans les Laurentides ou encore d'aller demeurer sur le
mont Saint-Hilaire, pour ne pas occuper les territoires agricoles. C'est la
raison pour laquelle je dis que, présentement, au Québec, nous
avons d'autres territoires. Nous avons des millions d'acres qui ont
été défrichées, qu'on est en train de reboiser sans
raison et sans qu'il y ait eu d'analyse sérieuses de faite. Il y en a,
d'accord, qui peuvent être reboisées parce que le
déboisement a constitué une erreur. Cela a été,
à un moment donné, en vertu des politiques "sauve qui peut" de la
crise économique alors que chacun était préoccupé
par sa propre subsistance.
On n'a pas besoin d'aller ailleurs; on n'a pas besoin d'aller sur les
autres planètes. En France, on n'a quand même pas
développé la ville de Paris dans les Pyrénées ni la
ville de Marseille dans les Alpes.
UNE VOIX: A l'ordre, à l'ordre!
M. ROY: M. le Président, je parle d'un projet de loi pour lequel
on a des principes et sur lequel le ministre a parlé tout à
l'heure.
C'est pourquoi j'ai des réserves, présentement, sur le
fait qu'en vertu d'une loi à venir, on va régler le
problème du réaménagement foncier. Le problème du
réaménagement foncier, je ne sache pas qu'il va venir par la
petite loi dont le ministre nous parle et nous reparle, comme si cela devait
être la planche de salut concernant les territoires agricoles de la
province.
M. TOUPIN: M. le Président, je ne fais pas appel au
règlement, non, absolument pas. Je veux simplement demander au
député de Beau-ce d'apporter certaines précisions. Si je
suis entré dans ce secteur, c'est que vous m'y avez obligé. Quand
je dis vous, ce sont les deux députés de l'Opposition qui m'y ont
obligé. Lorsqu'on a abordé le problème du
réaménagement foncier, vous l'avez assimilé, le
député de Saguenay l'a assimilé à la protection du
territoire agricole, alors que ce sont deux problèmes différents.
J'ai voulu seulement faire la distinction. Je n'ai pas voulu m'embarquer dans
une discussion sur une loi à venir.
Je ne sais pas ce que le gouvernement peut réserver à une
loi comme celle-là et je ne crois pas qu'un tel projet de loi puisse
tout chambarder. Je n'ai jamais rêvé en couleur sur ces
problèmes, sur ces questions.
M. LESSARD: M. le Président, il est midi moins trois. Comme la
commission, en vertu de l'Assemblée nationale, doit s'ajourner à
midi, je veux faire les remarques suivantes. Nous voterons contre les montants
prévus à cet élément, non pas que nous soyons
contre l'aide à la production agricole et contre ces projets, mais tel
que l'affirme lui-même le ministre, ces montants ne donnent aucunement
satisfaction à la demande de l'Union des producteurs agrico-
les, que ce soit aux éléments 5 ou 6 ou que ce soit
à l'élément 3, Mise en valeur des productions animales, en
particulier concernant le porc et le boeuf.
M. le Président, si nous pouvions, nous, utiliser l'article 64
des règlements, nous recommanderions une augmentation des budgets, mais
ne pouvant utiliser cet article 64, puisqu'il appartient au gouvernement de
proposer des motions qui augmentent les budgets, nous nous voyons dans
l'obligation de voter contre les montants minimes qu'on accorde à cet
élément qui, comme le disait le ministre de l'Agriculture, est un
des éléments les plus importants dans le développement
agricole du Québec.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Verchères avait demandé la parole.
M. OSTIGUY: M. le Président, il est midi. Je demande
l'ajournement de la commission.
M. LESSARD: II est midi moins une. M. ROY: II est midi moins une
minute.
M. OSTIGUY: II est midi. Je demande l'ajournement de la commission sine
die.
M. LESSARD: II est midi moins une, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît. Le
député de Verchères propose l'ajournement de la
commission.
M. LESSARD: Je suis contre l'ajournement, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): La motion n'est pas débattable,
sauf qu'en l'occurrence un député représentant de chaque
parti reconnu a le droit à dix minutes.
M. ROY: M. le Président, je suis contre l'ajournement du
débat parce qu'il nous restait justement quelques minutes durant
lesquelles je pouvais faire valoir mon point de vue également sur les
éléments de ce programme no 3. Il est évident que nous ne
sommes pas d'accord non plus et c'est la raison pour laquelle je m'oppose
à la motion d'ajournement du député de Verchères,
l'ancien député de Rouville. En effet, nous estimons que le point
de vue qui a été émis par le député de
Saguenay est important, je le partage, d'ailleurs, vu que les montants qui sont
votés actuellement ne rencontrent pas les vues de l'Union des
producteurs agricoles du Québec et les vues de tous ceux qui sont
concernés par ces programmes.
M. le Président, afin de ne pas dépasser midi, je
maintiens ma position là-dessus. Nous aussi nous voterons contre ce
programme no 3 et nos inscrirons au feuilleton de la Chambre des motions selon
les articles prévus dans notre règlement.
M. LESSARD: Nous espérons que ça va continuer encore la
semaine prochaine, M. le Président, afin que nous puissions discuter de
ces problèmes fort urgents et fort importants.
M. ROY: II y a également d'autres programmes où nous
sommes contre les budgets, parce que nous les trouvons insuffisants.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. VEILLEUX: Parce que nous avons des questions à poser sur le
drainage.
M. LESSARD: Votre leader parlementaire a décidé
d'appliquer l'article 128 du règlement.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre! Une fois la motion
d'ajournement devant la commission, nous devons nous en tenir strictement
à la lettre de la loi ici qui nous dit qu'un représentant de
chaque parti a le droit à dix minutes.
M. LESSARD: II est midi, M. le Président. M. ROY: II faut un
ordre de la Chambre.
M. LESSARD: Un ordre de la Chambre.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous avez l'ordre de la Chambre en
plus, mais je vous interprète le règlement tel que je le vois
écrit.
La commission de l'agriculture, après 19 h 40 de
délibérations, ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 2)