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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mardi 9 mai 1978 - Vol. 20 N° 69

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Affaires culturelles


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère des Affaires culturelles

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre des Affaires culturelles, nous avons quorum, nous sommes cinq avec moi. La commission des affaires culturelles est prête à étudier les crédits budgétaires du ministère des Affaires culturelles.

Sont membres de cette commission: M. Alfred (Papineau), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M. Godin (Mercier), M. Guay (Taschereau), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Nous allons débuter par la présentation, par M. le ministre, de l'ensemble de son ministère. Nous passerons ensuite à chacun des partis politiques reconnus.

M. Vaugeois: M. le Président, une première question d'horaire. Est-ce que nous terminons à midi ou à 12 h 30?

Le Président (M. Jolivet): Nous terminons à 12 h 30.

Mme Lavoie-Roux: Et on recommence à 14 heures?

M. Vaugeois: Seriez-vous d'accord pour que nous terminions à midi?

Mme Lavoie-Roux: Moi, je serais bien d'accord pour midi, pour ce matin.

M. Le Moignan: Pour vous faire plaisir, M. le ministre...

Mme Lavoie-Roux: Moi, c'est pour nous faire plaisir.

M. Le Moignan: Vos désirs sont des ordres.

M. Vaugeois: Restez comme cela!

Mme Lavoie-Roux: Souvenez-vous de cela!

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Cela va.

M. Le Moignan: Cela va pour ce matin.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

Exposé général du ministre

M. Denis Vaugeois

M. Vaugeois: M. le Président, mes premières remarques concernent le niveau de dépenses du ministère pour le prochain exercice ainsi que la ventilation des dépenses par programme et par supercatégorie.

On note tout d'abord que les crédits de l'exercice 1978/79 sont de $64 224 200, soit une augmentation de 4,8% sur les crédits — non pas les dépenses réelles — de 1977/78 et de 8,6% sur le budget initialement prévu pour cette même année 1977/78.

Compte tenu des impératifs de rationalisation des dépenses publiques auxquels est fatalement soumis le gouvernement, impératifs qui découlent de la conjoncture économique du monde occidental tout entier, il s'agit là d'une légère augmentation qui témoigne tout de même de l'importance que nous accordons, par définition, aux affaires culturelles.

On notera une légère augmentation des crédits accordés aux programmes "Gestion interne et soutien" et "Livres et autres imprimés", y compris, bien sûr, la forte augmentation de l'aide financière aux bibliothèques locales. On remarquera une stabilisation des programmes "Sauvegarde et mise en valeur des biens culturels" et "Arts d'interprétation", ainsi qu'une légère diminution de l'effort consenti au programme "Arts plastiques", lequel avait cependant profité, en 1977/78, d'une augmentation substantielle de 98% par rapport au niveau des crédits de l'exercice précédent.

L'augmentation du programme de gestion interne et soutien résulte essentiellement de l'accroissement du financement des conseils régionaux de la culture, lesquels, comme vous le savez, constituent un instrument privilégié du ministère pour ses objectifs prioritaires de régionalisation et d'animation. On notera, par ailleurs, au niveau des supercatégories, une augmentation substantielle des crédits de transfert, lesquels touchent directement nos clientèles, aux dépens des crédits de capital et de fonctionnement. Cette orientation est conforme aux objectifs que nous poursuivons et qui consistent à privilégier d'abord le développement des initiatives individuelles et collectives en matière de création et d'interprétation ainsi que de sauvegarde, de restauration et surtout de mise en valeur de notre patrimoine.

Néanmoins, il ressort de toutes ces considérations que, tenant compte à la fois de la stabilisation de nos crédits ainsi que de l'importance relative bien arrêtée de nos différents programmes, des déplacements importants des centres de gravité budgétaires étaient exclus pour l'exercice 1978/79. Ils seront certainement possibles pour 1979/80 à la suite, bien entendu, de la parution prochaine du livre blanc sur le développement culturel ainsi que d'une réflexion approfondie que je viens de lancer au sein du ministère sur l'adéquation de nos instruments par rapport aux objectifs que nous poursuivons.

Dans ces circonstances, vous me permettrez d'abord de dire que je fais miens les principes d'action que vous a exposés mon prédécesseur l'an dernier ainsi que les six principaux fils

conducteurs dans le sens desquels seront axés, pour une deuxième année consécutive, les politiques et les programmes du ministère des Affaires culturelles. Il y a, au point de départ, cette conviction qui ne surprendra personne et à laquelle la majorité adhère d'ailleurs de plus en plus, à savoir l'importance de mettre en valeur, sans détour ni ménagement, mais avec le discernement que requiert notre responsabilité vis-à-vis des fonds publics, toutes les actions pertinentes qui concourent à développer et à animer l'identité et la solidarité des Québécois. Dans la difficile "opé-rationnalisation" de cet objectif large et généreux, j'estime devoir retenir les points d'arrimage suivants avec notre réalité polymorphe.

D'abord décentraliser, pour les confier davantage aux citoyens, les pouvoirs décisionnels en matière de développement culturel. Nous comptons, d'ailleurs, accentuer à ce sujet notre collaboration avec les municipalités qui constituent une sorte de gouvernement naturel à l'échelle de I'homme. Ensuite, poursuivre l'oeuvre de consolidation des institutions nationales que tout pays digne de ce nom doit instituer et développer: les archives nationales, la bibliothèque nationale et nos musées nationaux. Nous porterons, ce faisant, une attention particulière à la régionalisation des services d'archives, conscients que nous avons des retards à combler sous ce rapport. Egalement, favoriser le plus possible sur des bases réalistes et saines le développement des équipements et des ressources financières indispensables à l'éclosion et à la mise en valeur de l'expression artistique régionale de façon à contrebalancer, sans pour autant anéantir les standards qui en découlent, l'influence prépondérante des grands centres. E-galement, stimuler, mais avec discernement, compte tenu du souhaitable et des possibles, le désir de l'excellence chez les créateurs et les diffuseurs de la culture, notamment par le recours à des normes conçues intelligemment pour l'octroi de subventions ainsi que par une meilleure définition de nos objectifs d'animation et d'information. Egalement, soutenir les activités, les initiatives qui tendent à éveiller et à mobiliser les Québécois de toute origine autour de leur histoire, de leur folklore et de leur vie collective. Je précise à cet égard l'importance que prendra bientôt, au chapitre de la restauration de nos biens culturels, le développement de sites d'interprétation de notre passé. Egalement, dans cette perspective, il nous faut accroître progressivement le support aux organismes telles les sociétés d'histoire locales et régionales dont la collaboration est essentielle à l'éveil et au développement d'une conscience collective.

Enfin, accorder toute l'importance requise au développement des industries culturelles et des formes d'activités ayant pour but la création et la production de biens et de services. Au-delà de la gestion d'un programme d'aide à l'industrie du spectacle, dont nous pourrions avoir la responsabilité très prochainement, nous songeons plus particulièrement et plus substantiellement à la création d'une société de développement des industries culturelles à laquelle le premier ministre a déjà fait allusion. Nous nous emploierons, au cours de l'exercice 1978/79, à en définir la programmation.

Au total, au-delà de la poursuite de tous ces objectifs qui vous sont déjà largement connus, je voudrais que vous reteniez l'effort que nous avons déployé dès maintenant pour animer les différents milieux, les rendre davantage conscients de leurs besoins, ainsi que des contraintes qui en découlent, les amener à s'impliquer également dans la formulation de leurs impératifs de développement culturel, tout en nous efforçant, tâche essentiellement délicate, de leur faire partager la difficile mais nécessaire hiérarchisation des priorités.

De notre part, forts de l'expérience acquise dans la poursuite d'oeuvres conjointes — je pense, entre autres, au développement important des bibliothèques locales qui se fait en liaison avec les autorités locales — nous nous efforcerons d'être à l'écoute des régions, d'humaniser nos rapports avec les citoyens, nos alliés dans le milieu, et d apprendre à faire accepter nos points de vue lorsqu'ils sont éclairés et pertinents par des plaidoyers qui ne reposent ni sur l'autorité d'un titre ou d'une fonction, ni, non plus, sur la seule connaissance scientifique.

Il nous faudra, en dernier lieu, très rapidement, non pas juxtaposer, mais articuler les interventions et responsabilités des conseils régionaux de la culture, des bureaux régionaux du ministère et des directions générales elles-mêmes, tous organismes essentiels à l'oeuvre primordiale pour le Québec d'aujourd'hui qu'est un développement culturel équilibré et vigoureux. Seulement dix semaines d'exercice de ma fonction actuelle m'auront permis de sentir une pression et des attentes inouïes du milieu, pressions qui doivent agir sur nous à la façon d'un stimulant. Le temps approche — c'est du moins ce que j'espère — où les citoyens exigeront des musées, des salles de spectacle, des bibliothèques publiques et une attention soutenue à la mise en valeur de notre patrimoine, avec au moins autant d'insistance que des autoroutes.

J'aurai l'occasion, lorsque nous aborderons l'étude des crédits élément par élément, de vous indiquer pour chacun des programmes les principales orientations des politiques du ministère pour l'exercice 1978/79.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Remarques de l'Opposition Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Au moment d'aborder l'étude des crédits du ministère des Affaires culturelles, alors que le gouvernement actuel ne peut plus se cacher derrière les soi-disant négligences des gouvernements qui l'ont précédé, nous ne pouvons accorder beaucoup de félicitations au ministère des Affaires culturelles pour ce qu'il a accompli durant l'année qui vient de s'écouler.

Evidemment, les propos que je vais tenir ne sont pas à l'égard du ministre actuellement en poste puisque, comme il l'a signalé lui-même, il n'y est que depuis six semaines. Je veux bien encore, à son égard, avoir beaucoup d'indulgence. Cependant, cette indulgence est beaucoup moins grande lorsque j'examine ce dont le gouvernement nous avait parlé durant l'étude des crédits l'an dernier et ce que nous avons eu durant l'année qui s'est écoulée.

Il y aurait peut-être une question préalable, qui ne peut être une question formelle parce que je sais qu'il n'y a pas de question de privilège ici, mais je voudrais quand même faire cette parenthèse pour dire que nous trouvons un peu frustrant, pour ne pas dire presque indécent, le fait que le livre blanc sur la culture circule. Si bien qu'hier, dans un journal, il y avait quatre ou cinq pages consacrées à des analyses des différents chapitres du livre blanc alors que les principaux intéressés n'en ont même pas pris connaissance. Ce livre blanc, de toute façon, avait été promis pour octobre; nous sommes rendus au mois de mai et si tout se passe bien et si les présondages qu'on fait avec ces fuites de livre s'avèrent assez heureux, peut-être qu'on peut espérer lavoir pour le 15 juin. De toute façon, je pense qu'il convient de faire remarquer qu'un livre qui circule entre différents journaux et la radio sans que nous ayons pris connaissance, c'est pour le moins surprenant, alors que nous sommes quand même les premiers et les principaux intéressés.

J'aimerais, au-delà du budget sur lequel je reviendrai tout à l'heure, reposer certaines questions que j'avais posées l'an dernier et auxquelles on n'a pas accordé de réponse en dépit du fait que le ministre du temps — je regrette qu'il ne soit pas ici, on ne peut que faire l'analyse de l'année qui vient de s'écouler à partir des réalisations du ministre qui a été en poste durant cette année.

Ainsi, par exemple, nous avions posé des questions sur les archives nationales et judiciaires quant à leur revalorisation et on nous promettait, au moment de l'étude des crédits de l'an dernier, une loi-cadre pour regrouper toutes les archives sous I'autorité du minitère des Affaires culturelles. Normalement, cette loi-cadre aurait dû être déposée avant l'ajournement de la dernière session, soit avant l'été dernier. Nous sommes maintenant rendus à l'été suivant et il n'y a encore aucun signe que cette loi-cadre pour la protection et la conservation des archives nationales soit adoptée ou, du moins, on n'en entend pas parler.

Il y avait également un autre problème qui avait retenu notre attention assez longtemps, celui d'une politique de lecture qui serait ébauchée à la suite du dépôt de certains rapports, qui, d'ailleurs, l'ont été, et dans lesquels il y avait des recommandations intéressantes. Encore une fois, cela semble être un certain immobilisme si on met à part cette campagne de publicité à laquelle vous faites allusion dans ce rapport dont j'ai très brièvement pris connaissance étant donné qu'il nous est parvenu il y a à peu près 20 minutes, campagne de publicité faite au moyen de la télévision — messages éclairs pour la population — II sera peut-être intéressant un peu plus tard de savoir quel en a été le coût et quelle évaluation a-t-on pu en faire.

Il semble également, bien que la question ait été soulevée l'an dernier à la fois par le député de Gaspé et moi-même, que nous n'ayons pas fait de pas en avant dans cette collaboration que tous souhaitaient tant du côté ministériel que du côté des oppositions. C'est cette collaboration, dis-je, qui devait s'établir entre le ministère de l'Education et le ministère des Affaires culturelles concernant l'enseignement des arts. Il semble, encore une fois, que ceci, à moins qu'on nous fasse des révélations dans quelques instants, soit passablement demeuré lettre morte.

Il y avait également une loi créant une commission des musées qui devait être déposée avant l'ajournement d'été. Je regrette, j'ai fait une erreur tout à l'heure en parlant de l'ajournement d'été en le reliant aux archives nationales et judiciaires; c'est une erreur et j'aimerais que ce soit corrigé au journal des Débats. Il s'agissait, en fait, d'un projet de loi pour la création d'une commission des musées et il n'a pas été déposé.

J'aimerais également demander ce qu'il est advenu du rapport Frégault sur la création d'un institut d'histoire et de civilisation. Ce rapport Frégault est déjà entre les mains du ministère des Affaires culturelles depuis plusieurs mois, tout près d'un an me dit-on, et il semble encore qu'il ne se soit rien passé.

Je voudrais quand même signaler au passage l'aide financière que le ministère des Affaires culturelles a accordée aux sociétés d'histoire durant l'année qui vient de s'écouler, je pense pour un montant de $100 000. Même si c'est un montant modeste, il reste quand même au moins que cela indique un désir d'accorder aux sociétés d'histoire l'importance qui doit leur revenir et de leur permettre de s'acquitter de leur fonction et de leur rôle un peu mieux au Québec. Je pense d'ailleurs que c'est là une préoccupation de l'actuel ministre des Affaires culturelles.

Il y a un autre problème que nous avions soulevé, à savoir celui de l'emploi artistique au Québec, les problèmes de la situation syndicale des artistes et de l'accès des étrangers aux orchestres symphoniques et aux différents organismes culturels au Québec. Le ministre d'alors nous avait dit que c'était une préoccupation qu'il avait, qu'il n'y avait malheureusement pas de comité de travail sur pied pour étudier ces différents problèmes mais qu'il les considérait une priorité et comme étant des problèmes auxquels il fallait s'attaquer.

Je regrette également que le conseil national de la culture que le ministre d'alors nous avait laissé entrevoir comme une possibilité, même s'il avait été référé pour étude plus approfondie au comité de développement culturel, n'ait pas été créé. Quand je vois dans les notes que nous remet aujourd'hui le ministre actuel des Affaires culturelles son désir de décentralisation, qui paraît comme sa première et probablement plus importante intention soit de "décentraliser pour les confier davantage aux citoyens les pouvoirs décisionnels en matière de développement culturel ", je m'interroge sérieusement, d'abord devant l'absence de

ce conseil national de la culture auquel on préfère, semble-t-il, à moins qu'il ne soit retenu dans le livre blanc, conserver l'autorité totale du ministère des Affaires culturelles sur tout ce qui touche le domaine culturel. Il y a eu également la création ou je dirais la continuation de la création des comités régionaux de la culture qu'on a voulus uniquement consultatifs, alors qu'on aurait fort bien pu leur donner certains pouvoirs décisionnels. Il semble qu'il y aurait eu là un geste concret à poser dans le sens d'une véritable décentralisation, mais on en est resté, une fois de plus, au niveau de la consultation. En réponse à des questions, le ministre aura probablement l'occasion de nous dire plus tard comment il voit le travail qui se fait présentement entre les bureaux régionaux et ces comités régionaux de la culture, à savoir les responsabilités de chacun. Chose certaine, encore une fois on a refusé cette occasion de faire une véritable décentralisation. (10 h 30)

Sans doute, il y a un effort du côté des municipalités, qui est prévu dans la loi 4 par une modification apportée à la Commission des biens culturels, mais, encore une fois — nous aurons l'occasion d'en reparler au moment de l'étude du projet de loi — c'est un effort de décentralisation très mitigé, puisque, finalement, tous les règlements devront être approuvés par le ministre et que, somme toute, c'est le ministère et le ministre qui auront le dernier mot dans ce domaine comme ailleurs.

D'une part — c'est assez intéressant de la part de ce gouvernement — on parle beaucoup de décentralisation. En fait, on pose des gestes qui semblent être des gestes de décentralisation, mais en retenant toujours, au niveau du gouvernement ou des différents ministères, les pouvoirs de décision. Si je signale cette...

M. Vaugeois: Anomalie apparente?

Mme Lavoie-Roux: ... anomalie apparente, c'est que j'ai quand même confiance qu'avec un nouveau ministre les intentions soient réellement concrétisées dans de véritables gestes de décentralisation et non seulement dans des espèces de "flirts" avec ce qu'on pourrait appeler de la décentralisation.

Il y a une foule d'autres questions que je pourrais aborder. Si le ministre est d'accord — il pourra peut-être me répondre plus tard — je ferais une suggestion pour que nous laissions de côté toute la question du patrimoine au moment de l'étude des crédits, compte tenu qu'on pourrait peut-être y revenir, d'une façon plus détaillée, au moment de l'étude de la loi 4. C'est une suggestion. Je ne sais pas si nos règlements nous le permettent. Non, ils ne nous le permettent pas.

M. Vaugeois: Nous y passerons rapidement. M. Guay: II faut adopter le programme.

Mme Lavoie-Roux: Oe toute façon, j'ai appris que, lorsqu'on n'adopte pas les programmes, ils sont adoptés automatiquement. C'est un exercice un peu futile.

M. Guay: Là-dessus, M. le Président, si vous me le permettez, c'est que la Loi modifiant la Loi sur les biens culturels devant être étudiée article par article ne permet pas, dans la mesure où on s'en tient à la pertinence du débat, de poser des questions sur les initiatives du gouvernement ou du ministère en la matière.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce la volonté du ministre ou du député?

M. Vaugeois: De la députation ministérielle.

Mme Lavoie-Roux: De la députation ministérielle. C'est bien. Nous l'examinerons à ce moment-ci.

Je voudrais simplement faire remarquer qu'encore une fois, il semble y avoir des problèmes de relations entre la Commission des biens culturels et la direction générale du patrimoine. Peut-être que la suggestion que nous avions faite de donner plus de pouvoirs à la Commission des biens culturels éviterait ces ambiguïtés qui, parfois, conduisent même à certains désastres, comme on a pu le voir dans le cas de certaines maisons qui ont été détruites ou dont on ne s'est pas occupé à temps parce qu'il semblait y avoir ce retard de la direction générale du patrimoine à agir à l'égard de certaines recommandations de la Commission des biens culturels. Enfin, nous aurons l'occasion d'y revenir.

Pour ce qui est du budget, je pense que, cette année, la députation ministérielle — pour utiliser vos termes, M. le Président — ne fera pas d'objection au fait que nous considérions extrêmement pauvre l'augmentation consentie au ministère. Le ministre l'a admis lui-même en parlant d'une augmentation de 4,8% sur les dépenses réelles. Il explique que c'est quand même un noble effort, compte tenu de la conjoncture économique.

J'aimerais quand même qu'il nous dise, ultérieurement comment ces 4,8% se comparent à l'ensemble de l'augmentation consentie dans les autres ministères. Je ne suis pas sûre qu'on ne se retrouve encore les parents pauvres au ministère des Affaires culturelles. D'ailleurs, le ministre des Finances a été assez clair là-dessus. On peut lire, dans les renseignements supplémentaires qu'il a déposés avec le budget, mise à part la croissance normale des coûts d'administration des organismes culturels qu'il subventionne, que le ministère des Affaires culturelles aura sensiblement la même enveloppe budgétaire que l'an dernier.

Je pense qu'il convient de signaler une diminution globale de l'ordre de 7,18% pour le programme IV consacré à la création, à la recherche, à la conservation et à la diffusion des arts plastiques. Je ne crois pas qu'il y ait eu ce que le ministre semble vouloir qualifier de rattrapage de l'année antérieure. S'il y avait un rattrapage à faire, c'est qu'il y avait des besoins. Qu à ce moment-ci on consente à une diminution de 7% dans ce domaine alors que les problèmes sont

aigus, qu'il y a beaucoup de recherches à faire, je pense que c'est difficilement acceptable.

Au moment du message inaugural, le premier ministre a parlé de la création d'industries ou, enfin, d'une priorité à accorder à la création d'une société de développement des industries culturel-les. Je pense que c'était là une recommandation du livre vert sur l'évolution pour la politique culturelle du ministre des Affaires culturelles de l'ancien gouvernement. Je pense que c'est une initiative qui s'impose. J'aimerais quand même redire ici ce que j'ai dit ailleurs. J'espère que dans le livre blanc où il en sera probablement question, quoique ceci, si on doit prévoir une société, viendra à l'Assemblée nationale sous forme d'un projet particulier, je voudrais quand même rappeler au ministre que j'ose espérer que le gouvernement n'aura pas la tentation de marginaliser les industries culturelles mais qu'elles seront placées sur le même pied que les autres industries et qu'elles s'appuieront vraiment sur la structure industrielle, économique et commerciale de l'Etat. Cela me semble important pour vraiment donner l'essor que l'on veut aux industries culturelles.

Je termine ici mes remarques, M. le Président. Il y en a peut-être une dernière que je voudrais faire. J'ai remarqué que durant l'année budgétaire 1976/77, et là je le dis de mémoire, il y avait eu près de $2 millions de périmés. Cette année, si je m'en reporte aux suppléments qui nous ont été remis par le ministre des Finances, il semblerait, à moins que j'interprète mal les chiffres, qu'il y aurait environ $6 millions de crédits qui auraient été périmés.

Si, d'une part, on peut être tenté d'attribuer cela à une bonne gestion, ce qui est une approche peut-être très indulgente, d'autre part, devant des budgets aussi limités affectés aux affaires culturelles, il est légitime de s'interroger à savoir si cet argent qui n'est pas dépensé, compte tenu des besoins qui existent, est peut-être dû aussi à une gestion pas suffisamment efficace dans le ministère des Affaires culturelles. De toute façon, c'est une question que je pose. Ceci veut dire que, durant les deux dernières années, c'est près de $8 millions affectés aux affaires culturelles qui n'auraient pas été utilisés. Si je me trompe, je serais très heureuse que le ministre nous donne une réponse à cette question. J'arrête ici pour le moment, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole au député de Gaspé, j'aimerais qu'on nomme un rapporteur, ce qu'on a oublié de faire au début de la réunion.

M. Le Moignan: M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le député de Taschereau.

M. Guay: Lourd fardeau.

Mme Lavoie-Roux: Pour le faire tenir tranquille.

M. Guay: Non.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gaspé.

M. Michel Le Moignan

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord féliciter le député de Trois-Rivières, le nouveau ministre des Affaires culturelles. Quand je me reporte à l'an dernier, j'avais commis un lapsus, une soirée, en m'adressant à mon excellent ami Pierre Boucher et, au lieu de dire sous-ministre par intérim, j'avais parlé de M. O'Neill comme ministre par intérim. Je m'aperçois que le temps m'a peut-être donné raison. M. O'Neill était peut-être ministre par intérim.

Mme Lavoie-Roux: Tout le monde était par intérim, apparemment.

M. Le Moignan: Tout le monde est par intérim dans ce gouvernement, c'est ce que vous voulez dire?

Mme Lavoie-Roux: Non, je parlais du ministère.

M. Le Moignan: Je suis bien content, M. le ministre, de vous voir à cette table ce matin et j'aimerais connaître ces illustres personnages qui vous entourent, dont deux ou trois sont tout à fait nouveaux pour moi, ce matin.

M. Vaugeois: Voulez-vous qu'on le fasse tout de suite, M. le Président? Je comptais le faire tout à l'heure.

M. Le Moignan: Pour éviter des lapsus.

M. Vaugeois: M. le Président, je profite de l'invitation du député de Gaspé pour vous présenter M. Noël Vallerand, qui est à ma droite et qui est le nouveau sous-ministre du ministère des Affaires culturelles. Il est en fonction depuis une semaine, une journée et quelques heures. Il a pris son poste lundi dernier. M. Vallerand était auparavant vice-président à la planification à l'Université du Québec. L'essentiel de sa carrière s'est déroulé depuis le Collège Sainte-Marie jusqu'à l'Université du Québec où il a occupé diverses fonctions, notamment à cette époque, du côté de l'histoire et de l'enseignement des arts. Vous connaissez déjà M. Pierre Boucher qui a...

Mme Lavoie-Roux: II me fait plaisir de le revoir en passant.

M. Vaugeois:...su tenir brillamment le ministère pendant un bon bout de temps. M. ClaudeTrudel, qui est également sous-ministre adjoint; je pense que vous le connaissez, que vous le retrouvez. M. Georges Cartier, qui est directeur général aux arts et aux lettres, qui est une personne bien connue également, et Claude Archambault, qui est derrière moi, qui est directeur général de l'administration,

que vous devez reconnaître aussi, puisqu'il était en fonction l'an dernier. Ce qui montre qu'il n'y a pas tellement d'intérim. L'intérim, c'est moi. Je pense que pour le reste, vous avez une permanence de qualité.

M. Le Moignan: Merci, M. le ministre.

Mme Lavoie-Roux: Vous n'êtes pas là par intérim, quand même.

M. Le Moignan: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes là seulement par intérim?

M. Vaugeois: Bien sûr, je suis le temporaire du ministère, je suis un occasionnel.

M. Le Moignan: Vous êtes un occasionnel, comme nous, les députés.

M. Vaugeois: Voilà.

M. Guay: Peut-être pas au même point que le député de Gaspé.

M. le Moignan: Merci, M. le ministre. Je remarque au début de votre magnifique cahier...

M. Le Moignan: Le député de Gaspé est permanent, lui. Il a été élu en permanence.

Je vois, M. le ministre, au début de votre cahier...

M. Guay: ... sous la bannière de l'Union Nationale...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît.

M. Le Moignan: ... une remarque qui je pense, figurait aussi l'an dernier, à savoir que le ministère des Affaires culturelles a pour mission de favoriser I'épanouissement des arts et des lettres au Québec et leur rayonnement à l'extérieur. Je suis parfaitement d accord sur cela. Après avoir lu les journaux de fin de semaine, il y a une citation, et Mme le député de L'Acadie l'a rappelée, de ce livre blanc qui circule et que nous n'avons pas, malheureusement, en main, qui m'a frappé. On dit: "La culture tout entière est en effet un milieu de vie ''. Je me souviens très bien que le ministre au développement culturel, M. Laurin, l'an dernier, avait également mentionné la langue comme un milieu de vie. Je sais qu'il y a une étroite relation entre la culture, la langue, le patrimoine et tout ce qui est québécois. Et si on veut compléter la remarque du ministre de l'an dernier, il nous avait dit que l'une de ses priorités était la décentralisation, pour confier plus de responsabilités aux citoyens et les soustraire aux caprices de politiques partisanes et aussi leur confier des pouvoirs décisionnels en matière culturelle.

Le nouveau ministre est parfaitement d'accord, je crois, sur cela. M. O'Neill nous disait un peu plus loin dans son introduction de l'an dernier, tellement convaincu de cette proposition: "Nous parvien- drons, j'en suis convaincu, à dessiner les lignes de force de la décentralisation culturelle chez nous. Nous le ferons en y associant étroitement les ressources locales et régionales. Lorsque le temps sera venu, nous concrétiserons cette volonté politique dans une législation adaptée aux exigences de la démocratie gouvernante et du développement culturel de notre collectivité. Deuxième priorité, consolider les institutions nationales que tout pays qui respecte son patrimoine culturel doit instituer et développer; les archives nationales, la bibliothèque nationale, les musées nationaux. Je sais qu'il y a beaucoup de travail à accomplir encore dans ce sens". (10 h 45)

M. le ministre, il y a quelques semaines, à Pont-Viau, lors d'un souper, vous avez insisté sur ces points. Si ma mémoire est bonne, vous aviez dit que vous n'étiez pas un pompier. Je pense que c'est ce que vous avez dit. A ce moment-là, vous vouliez associer tous les Québécois. C'était à l'occasion du congrès de la Fédération des sociétés d'histoire locales. J'ai beaucoup apprécié vos remarques parce que le ministre lui-même et les employés du ministère ne peuvent pas être présents partout à la fois sur tout le territoire québécois. L'invitation que vous avez lancée à ce moment-là, par le biais de la Fédération des sociétés d'histoire, devrait être davantage répandue. Il faudrait une publicité beaucoup plus grande. Je sais que nous avons la loi no 4 concernant le patrimoine et les biens culturels; elle contient, entre autres, un projet qui touche les municipalités. On pourra peut-être en discuter plus tard, quand nous arriverons aux points de détail. Il y a des municipalités qui assument peut-être très bien leur rôle, mais il y en a d'autres qui sont tout à fait étrangères à la sauvegarde du patrimoine.

M. O'Neill disait justement, l'an dernier aussi: "Mon ministère sera encore plus vigilant qu'il ne l'a jamais été à l'égard de la conservation et de la mise en valeur des biens culturels, c'est-à-dire des oeuvres d'art, des monuments, des sites qui sont des symboles de notre identité, qui marquent les étapes de notre courte histoire, qui sont les points de repère de notre identité nationale." On sait très bien que partout au Québec, que ce soit des vieux moulins, que ce soit des sites, que ce soit des vieilles maisons, nous avons des témoins du passé, des témoins qu'il nous faut sauvegarder à tout prix quand on connaît le massacre et le vandalisme qui se pratiquent encore. Très souvent, le ministère est averti quand ce moulin, cette maison ou autre chose ont été détruits; c'est cela qui est malheureux. Puisque nous travaillons tous en parfaite harmonie pour permettre au ministère des Affaires culturelles de jouer le rôle véritable qu'il doit remplir au Québec, nous devons être unanimes pour cette sauvegarde du passé.

Malheureusement, quand on visite les autres provinces, de Gaspé à Vancouver, quand on voit les musées en Alberta, au Manitoba, en Colombie-Britannique, on voit les efforts des gouvernements — et cela depuis de nombreuses années — pour sauvegarder le patrimoine, alors qu'ici le premier ministère des Affaires culturelles a été établi en

1961, si ma mémoire est bonne! C'est donc dire que nous avons perdu beaucoup de richesses dans le passé.

Je crois avoir mentionné l'an dernier ce problème; je voudrais aussi attirer l'attention du ministre là-dessus. Il y a encore des camions étrangers — puisqu'on n'aime pas les étrangers dans ce gouvernement — américains ou anglophones de l'Ontario, qui font le tour de la Gaspésie, de l'île d'Orléans, du Lac-Saint-Jean pour acheter nos meubles, nos rouets, nos antiquités. Comme les gens ne sont pas tellement prévenus, pour se débarrasser de ces vieilleries, ils vont sacrifier une large partie du patrimoine. Je ne peux pas blâmer les gens; il y a une éducation à faire. Je crois que le ministre aura un coup de barre à donner, peut-être cet été à l'occasion de la semaine du patrimoine, pour sensibiliser la population du Québec afin que cela cesse, en commençant par les conseils municipaux, les commissions scolaires et j'oserais dire certains curés qui dilapident, qui vendent des objets anciens pour nettoyer leur sacristie. J'en ai été témoin il y a encore à peine un an ou deux, alors que ces mêmes curés savaient très bien que dans notre région nous avions une société historique qui existe depuis quinze ans et qui essaie de sauver tout ce qui peut être récupéré dans les choses du passé.

Il y a une semaine du patrimoine, comme il y a une semaine de la morue, une semaine du poisson ou une semaine du hot dog. Il y a tellement de semaines dans le Québec, à longueur d'année, qu'il faudrait absolument qu'on mette un accent...

M. Guay: La semaine de l'Union Nationale, c'est quand?

M. Le Moignan: La semaine de l'Union Nationale, M. le député de Taschereau, cela s'en vient. Cela va très bien, cela fait des progrès. Les libéraux ont eu leur semaine déjà, c'est pour cela qu'ils nous donnent une chance. Nous aurons notre semaine, la semaine de l'avenir.

M. de Bellefeuille: Ah bon! Un congrès à la chefferie se prépare?

M. Le Moignan: Non, non, non.

Le Président (M. Jolivet): Voulez-vous, s'il vous plaît, revenir au sujet?

M. Le Moignan: II ne faut pas mêler les choses, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Vous non plus.

M. Le Moignan: Mais je suis entraîné par le député de Deux-Montagnes.

M. le Président, pour parler sérieusement, la politique culturelle doit faire du ministère à la fois un agent d'accessibilité aux biens culturels, un agent de développement économique — je ne détaille pas pour le moment — et aussi un agent de projection de l'identité québécoise. Je crois que ces trois mots résument parfaitement le travail que votre ministère doit accomplir de concert avec le ministère de l'Education, le Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports et tous les autres ministères qui sont impliqués dans la sauvegarde de notre identité québécoise. On parle donc de sauvegarde, d'épanouissement et de projection de l'identité propre des Québécois.

J'ai mentionné tout à l'heure que le ministre a insisté, au congrès de la fédération, en demandant aux gens de prendre en main leur responsabilité. Si nous voulons réellement sauvegarder l'ensemble du patrimoine culturel québécois et si nous voulons travailler à tous les niveaux, dans la mesure des moyens de chacun, pour le développement et la promotion des arts et la culture de la collectivité, je crois que c'est le gouvernement du Québec qui a un immense rôle à jouer. Il y a des mesures législatives, il y a aussi des mesures administratives pour assurer aux citoyens cette accessibilité aux biens culturels, de sorte que tous les Québécois, partout sur le territoire du Québec, puissent voir et entendre l'expression de leur culture et que la distribution des biens culturels en soit généralisée.

L'an dernier, nous avions mentionné qu'il n'y a qu'une seule culture qui doit être le reflet de la vie d'ici, de la vie du Québec, de la vie de tous les Québécois, quelle que soit leur langue, quelle que soit leur origine, et, en même temps qui soit la manifestation de l'activité de chacun. Dans les bribes que nous avons recueillies en fin de semaine dans les journaux — malheureusement, nous n'avons pas le texte complet — il y a là certainement un document de travail qui déborde le cadre des activités du ministère actuel des Affaires culturelles. C'est un livre qui analyse dans sa globalité tous les aspects, tout ce qui a trait à la vie culturelle des Québécois, que ce soient les francophones ou les autres.

On parle justement d'habitation, on parle de culture, on parle de sport, on parle de beaucoup de choses. Je pense que ceci fait un tout. Dans le passé, on a eu des rapports; on a eu le rapport Laporte, on a eu le livre de M. L'Allier. Maintenant, on a le rapport commandé par M. Laurin; on a cette diversité des classes sociales, des régions que Mme le député vient de mentionner, des sectes et des âges, le genre de vie, les équipements collectifs; industrie culturelle, patrimoine, création artistique, enseignement et recherches scientifiques. C'est donc dire que, même si votre budget n'est pas tellement augmenté, il y a beaucoup de boulot sur la planche, il y a beaucoup de travail à effectuer.

Quand on regarde les déclarations du ministre Laurin et celles du premier ministre, on se demande s'ils sont sur la même longueur d'onde. Il y a un très long débat, qui se poursuit depuis déjà 18 mois en matière culturelle. Est-ce un projet global? Est-ce qu'il y a une véritable philosophie gouvernementale en matière culturelle? Est-ce que l'intervention de l'Etat doit travailler au détriment de l'intervention privée ou est-ce que les deux doivent travailler en étroite collaboration? On est toujours en état de se poser des points d'interrogation. J'ai vu un type en fin de semaine qui disait: Québec en quête d'un minimum vital culturel. C'est donc dire que nous avons encore beaucoup de travail à accomplir.

Ce sont les Québécois qui font la culture, ce n'est pas le gouvernement. Vous l'avez déclaré à Montréal il y a quelques semaines, M. le ministre, et ce sont les Québécois qui sont invités à participer. Et le jour où nous réussirons à intéresser tous les Québécois à cette question de culture, de patrimoine, de sauvegarde de tous ces témoins du passé, que ce soit des monuments, des livres, des archives et le reste et le reste, je crois que nous allons accomplir un travail immense. J'avais mentionné l'an dernier qu'il fallait dépolitiser la culture et le ministre Laurin m'avait répondu que la culture, de soi, est politique — avec un P majuscule peut-être? — mais je parlais au sens général, afin que le gouvernement ne soit pas le maître d'oeuvre exclusif dans ce domaine de la culture québécoise. Si on veut bâtir une future société québécoise idéale, si on veut assurer le pain et la vie comme on le dit dans le livre blanc, il y a tout de même un minimum vital culturel et matériel qui s'impose. Et on doit maîtriser nos instruments d'identification. La langue, c'est déjà réglé, on a connu ce long débat. Heureusement, ici, en commission parlementaire, nous n'avons pas à souffrir les agonies d'une guillotine, nous travaillons de façon plus positive, mais il reste que le monde du travail, de l'économie, de l'habitat, de l'environnement, du tourisme, des loisirs, des communications, c'est beaucoup de choses qui touchent et qui concernent le ministère des Affaires culturelles.

On a parlé, il y a quelque temps, de régionalisation. Le ministre en avait parlé également l'an dernier. Il y a des conseils régionaux de la culture, il y a des conseils des communications, il y a des conseils régionaux de Radio-Québec...

Mme Lavoie-Roux: II y en aura!

M. Le Moignan: Et il y en aura d'autres qui vont s'ajouter! Mais il y a un travail de concertation qui doit s'effectuer. Quand nous regardons nos sociétés d'histoire régionales et locales, je crois que vous avez en main les meilleurs outils pour vous aider. Les outils indispensables pour permettre au ministre des Affaires culturelles d'élaborer des politiques concernant les différentes régions, des politiques qui vont tenir compte des moeurs, de la mentalité, du genre de vie, du passé de ces régions-là. Il faut commencer un travail dans ce sens. Nous l'avons déjà commencé en Gaspésie — il y a d'autres régions qui le font également — avec une bibliothèque gaspésienne, avec un musée qui est très bien. Il y a d'autres musées aussi dans la province, votre ministère va certainement essayer de propager cela, et vous avez beaucoup de demandes dans ce sens. Si on veut sauvegarder cette identité régionale, c'est par des musées, des bibliothèques, des sociétés d'histoire locales, des media d'information, et de tout ce qu'on veut.

Plus loin nous parlerons peut-être de l'Opéra du Québec, nous allons parler des sites d'interprétation du passé. Je termine ici mon intervention. Avant de commencer à poser des questions précises, des questions de détail, je crois qu'il y aura un tour de table où nous pourrons retoucher des thè- mes généraux avant d'entrer dans des points peut-être plus spécifiques.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui veulent prendre la parole? M. le ministre.

Réponse de M. le ministre

M. Vaugeois: J'aurais peu de choses à ajouter. Peut-être une question assez technique au départ sur la performance du ministère, l'an dernier, sur le plan budgétaire. On m'a fourni les précisions suivantes. Les dépenses effectives de 1977/78, d'après les derniers relevés en date du 4 mai, seraient de l'ordre de $56 769 100. Il faut, je pense, situer ces $56 769 100 en regard des prévisions faites par le Conseil du trésor au début de l'année 1978, qui avait prévu que les dépenses du ministère — et c'est dans la colonne Dépenses probables — seraient de l'ordre de $54 387 000. C'est donc dire que, si on regarde ces deux seuls chiffres, la performance du ministère a été supérieure à l'évaluation faite par le Conseil du trésor au début de l'année. Il reste quand même que par rapport... (11 heures)

Mme Lavoie-Roux: On est à la veille de...

M. Vaugeois: On va changer de ministre plus vite qu'on pensait.

Il reste quand même que, par rapport aux crédits, nous avons environ $3 500 000 de crédits à dépenser. Cela s'explique par plusieurs facteurs, entre autres, par les exigences que pose le programme de la restauration. C'est le poste budgétaire qui s'est gonflé le plus rapidement. Vous n'ignorez pas que, l'an dernier, le ministère avait profité d'une augmentation de crédits d'environ 30% par rapport à l'année précédente et que des sommes importantes avaient été affectées à la restauration. Or, la restauration suppose plusieurs exigences préalables au niveau des relevés architecturaux et, également, au niveau de l'histoire du bâtiment. Au moment de la restauration, il faut faire un choix. On en est présentement à vouloir restaurer les bâtiments en tenant compte de leur histoire, c'est-à-dire de leur propre évolution. Au Québec, on a eu tendance, dans les premières expériences de restauration, à retourner au bâtiment original alors qu'aujourd'hui on est conscient qu'on peut tenir compte de l'histoire que les bâtiments ont et que les hommes leur ont donnée.

Egalement, il y a toute une préoccupation de mise en valeur. Compte tenu des ressources limitées de tout gouvernement, on ne peut pas restaurer pour restaurer. Il faut également se préoccuper de la fonction. Il y a un travail d animation dans le milieu qui peut être parfois rapide mais qui peut aussi prendre du temps. Divers facteurs comme ceux-là vous ont justifiés — à mon avis, c'est tout à l'honneur du ministère — de ne pas avoir dépensé pour dépenser. Par ailleurs, le ministère a senti l'urgence d'accélérer le travail d'inventaire — ce qui se fait d'ailleurs — de développer un service d'animation, lequel est en

place et qui travaille magnifiquement. Au total, la performance du ministère, sur le plan budgétaire et à partir des suggestions fournies par le député de L'Acadie, est fort honorable.

Mme le député de L'Acadie a relevé un certain nombre de points que nous aurons l'occasion d'aborder lors de l'étude des crédits, élément par élément. Tout de même, je lui dirai tout de suite que plusieurs des points qu'elle a suggérés, par exemple, la commission des musées, un institut d'histoire et des civilisations ou un conseil de la culture — elle s'en doute bien — trouveront leurs réponses dans le livre blanc.

Mme Lavoie-Roux: Quand aurons-nous le livre blanc, M. le ministre?

M. Vaugeois: Je vais d'abord faire une parenthèse, Madame. Quant à l'institut d'histoire et des civilisations, vous pouvez être assurée de l'intérêt que le ministère lui porte. Le nouveau sous-ministre a été du groupe de travail responsable du rapport que nous avons entre les mains. Egalement, vous n'ignorez pas les étroits rapports qui existaient, à mon niveau, avec le groupe de travail en question. C'est évident que nous sommes extrêmement sensibles aux recommandations de ce groupe de travail. C'est de bon aloi que de situer notre réflexion dans la réflexion d'ensemble du livre blanc.

On nous dit que le livre blanc pourra être rendu public en juin. Je vous ferai un commentaire général là-dessus. Il est possible qu'il vous tombe entre les mains une version...

Mme Lavoie-Roux: Pouvez-vous m en envoyer une, M. le ministre?

M. Vaugeois: Puisque cela est arrivé pour certains journalistes, j'imagine que cela peut arriver à d'autres niveaux. Je me méfierais des documents qui traînent actuellement. Même si vous mettiez la main sur un document qu'on vous présenterait comme la dernière version, vous devriez le prendre comme une version provisoire. Le travail n'est pas terminé. La version qui est sortie en fin de semaine, en particulier, dans Le Devoir, est une version nettement périmée. C'est un document de travail qui circulait au début de l'année. Juste pour me situer par rapport à ce document, je n'étais pas en fonction lorsque cette version a circulé. Vous vous doutez bien que, depuis que je suis au ministère des Affaires culturelles, j'ai eu l'occasion de m'associer au travail de réflexion du gouvernement sur le livre blanc. Sans entrer dans les détails, je pense qu'on perdrait notre temps à discuter à partir de ce qui est sorti, puisqu'il y a un certain nombre de points assez significatifs qui ont évolué, depuis.

Vous avez fait allusion aux pouvoirs de la Commission des biens culturels et à un certain nombre de questions comme celle-là. Je pense qu'on est mieux de reprendre cela au moment de l'étude des éléments du budget. Peut-être un point qui ne reviendra pas à l'occasion des éléments du budget, c'est cette fameuse société de développement des industries culturelles. Le premier ministre, au moment de mon assermentation, avait parlé de cette société. Je pense que tout le monde aura compris qu'il en faisait un peu une commande spéciale à mon endroit. Effectivement, nous sommes sur le point de pouvoir donner publiquement l'état de nos travaux à cet égard.

Je n'ai rien à annoncer ce matin, si ce n'est qu'il est à prévoir que le ministère des Affaires culturelles interviendra très prochainement dans le domaine des industries culturelles avec des moyens nouveaux qui pourront être assimilables à ceux de la SDI, la SDI ayant elle-même reconnu ses difficultés à évaluer les demandes qui viennent des industries culturelles. Je pense qu'il n'est pas possible d'évaluer les possibilités d'un produit culturel tels le livre ou le disque au même titre que la production industrielle normale. Il y a là des exigences particulières pour lesquelles le ministère des Affaires culturelles est peut-être assez bien équipé. C'est le défi que nous avons l'intention de relever. Je pense bien que très prochainement nous pourrons proposer quelque chose d'assez concret.

Le député de Gaspé, selon sa très bonne habitude, a eu des propos très encourageants et d'appui total au ministère des Affaires culturelles, ll a su dégager, comme il l'avait fait l'an dernier, des préoccupations de base qu'il résume par les mots accessibilité, action économique, projection de l'identité nationale. Je ne l'étonnerai pasen lui disant que je souscris totalement, sans réserve, à de telles préoccupations.

Il s'est référé à la notion de culture que véhiculent les bribes de livre blanc qui circulent actuellement, cette version préliminaire et préhistorique du livre blanc qui circule actuellement. Je pense qu'on peut se mettre d'accord là-dessus. C'est évident que, pour le gouvernement actuel, la culture, ce n'est pas des manifestations culturelles secondaires et occasionnelles. C'est évident que cela réfère à quelque chose de beaucoup plus global. C'est à mettre en parallèle avec la vie politique et la vie économique. La vie culturelle trouve une place équivalente dans nos préoccupations à la vie politique et à la vie économique.

D'ailleurs, nous croyons que tout cela se tient. Nous croyons qu'un progrès politique n'est possible qu'avec une vie culturelle soutenue, une vie culturelle comprenant non seulement les manifestations artistiques, mais également la recherche, l'enseignement. La même chose pour la performance économique; la performance économique passe, je pense, par un progrès culturel. Des études existent un peu partout dans le monde sur l'impact, par exemple, des bibliothèques publiques sur le niveau de performance économique d'une région. Il a été démontré que, dans une région ou dans un milieu où le taux de fréquentation des bibliothèques, où le taux de lecture est élevé, la créativité est plus grande, l'imagination des gens est plus grande, la vie générale et le niveau de vie même des gens est plus élevé.

Nous croyons qu'une intervention de type culturel est une excellente façon d'améliorer la vie économique et aussi de donner plus de consistance à la performance politique. Inversement, pour

soutenir l'activité culturelle, il nous faut également un niveau économique raisonnable. Tout cela est interrelié. Un de nos grands problèmes, actuellement—cela, c'est le problèmede tout gouvernement provincial, sauf que le gouvernement actuel le reconnaît et le pose comme un prérequis — c'est que l'activité culturelle ne pourra devenir normale que dans la mesure où l'activité politique sera également normale. Actuellement, c'est bien évident que, comme nous avons un gouvernement provincial, c'est-à-dire un gouvernement subordonné, un gouvernement colonial, au sens strict des mots — je réfère au sens profond, au sens premier du terme provincial qui est, d'ailleurs utilisé, non pas par hasard, mais, je pense, de façon très délibérée par le gouvernement fédéral — un gouvernement provincial a des actions provinciales et au niveau de la culture, cela veut dire une culture tronquée, cela veut dire, si vous voulez, une vie collective incomplète. A cet égard, il y a des étapes que nous ne pourrons franchir au niveau de l'activité culturelle et du ministère des Affaires culturelles que le jour où le statut politique du Québec se sera modifié. Je ne veux pas en faire un débat politique à ce moment-ci. Si vous vou lez débattre cela, je suis tout à fait disposé à le faire, mais je pourrais dire la même chose au niveau descrédits. Vous faites allusion au budget des Affaires culturelles. S'il y a un domaine où le gouvernement fédéral intervient copieusement, c'est bien celui des activités culturelles.

Et si on additionnait les montants, les millions que le fédéral met au Québec dans les activités culturelles, on arriverait à un budget fort respectable. Si ces sommes pouvaient être additionnées aux sommes que les citoyens québécois voient affecter par le gouvernement du Québec au domaine culturel, nous aurions un budget des affaires culturelles comparable à ceux des pays normaux et qui serait même au-dessus, je pense, de la moyenne de 1% qu'on se fixe généralement ailleurs dans le monde. Par ailleurs, nous ne pouvons l'additionner à notre budget, bien entendu, puisque la coordination reste difficile et même, la complémentarité des interventions n'est pas assurée.

Nous avons maints exemples d'interventions qui nous ont valu ici un musée, ici un centre culturel et qui nous sont laissés sur les bras une fois que la construction est terminée. Nous devons intervenir au niveau du fonctionnement. Finalement, il n'y a ni coordination et le plus souvent, hélas, ni même concertation. Tout cela ce sont des choses qui évoluent, qui sont susceptibles d'évoluer encore plus rapidement dans les prochains mois. Donc, je pense que nous pouvons envisager que le jour n'est pas loin où le gouvernement du Québec pourrait assumer une responsabilité réelle et complète dans le domaine culturel.

M. Le Moignan: M. le ministre, est-ce que vous permettez, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Sur le global? Est-ce qu'on pourrait passer aux programmes?

Mme Lavoie-Roux: Une question de règle- ment, M. le Président. Il faudrait peut-être s'entendre sur la façon dont on va procéder. On n'est pas beaucoup de monde. S'il ne s'en ajoute pas beaucoup d'autres, on peut peut-être faire moins de formalités. Mais s'il s'en ajoute d'autres, cela peut devenir un peu plus compliqué. L'an dernier, la façon dont on avait procédé, si ma mémoire est bonne, c'est qu'après les exposés des différents partis, nous avions procédé avec des questions d'ordre général pour ensuite s'attaquer aux programmes en respectant l'ordre des partis. Je ne sais pas de quelle façon on veut procéder.

Le Président (M. Jolivet): C'est de cette façon, d'ailleurs, que je voulais procéder. Compte tenu que l'exposé général est fait, on pourrait poser des questions sur l'ensemble général, poser des questions selon l'ordre des partis de façon à permettre de regarder tout l'ensemble des programmes et revenir ensuite programme par programme. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Si vous aviez une toute petite question à laquelle vous voulez répondre, je n'ai pas d'objection.

M. Le Moignan: J'y reviendrai.

Mme Lavoie-Roux: M. le député de Gaspé...

M. Le Moignan: Vous êtes bien bonne pour moi, vous. Allez-y donc.

Le Président (M. Jolivet): Maintenant, j'aimerais vérifier un point avec vous. Même si on est sur les questions générales, on respecte aussi les 20 minutes de chacun, de façon à pouvoir revenir une deuxième fois si vous en avez besoin, mais pas plus.

Mme Lavoie-Roux: Ecoutez, une minute. On va s'entendre là-dessus.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

Mme Lavoie-Roux: Si chacun des députés du côté ministériel prend 20 minutes et tout à coup ils se retrouvent huit, ce ne sera plus l'examen des crédits par les partis de l'Opposition. Ordinairement, ce qu'on faisait, il y avait un ordre.

M. Vaugeois: L'élément 1?

Le Président (M. Jolivet): Non. Nous sommes sur le général encore, M. le ministre.

Questions diverses

Mme Lavoie-Roux: Sur les questions d'ordre général, je voulais demander au ministre s'il pouvait nous ventiler un peu l'augmentation de ses crédits pour cette année. Il y a une augmentation de $3 819 000. Quels sont ceux qui sont d'ordre salarial, d'ordre administratif, enfin, ceux qui sont dus à l'inflation, etc., est-ce que vous voulez nous ventiler ces crédits?

M. Vaugeois: Je pense que l'exposé que j'ai fait au début vous en donne une assez bonne idée. Il n'y a pas beaucoup à ajouter à cela. Disons que c'est peut-être "Livres et autres imprimés ", qui comprend également le secteur des bibliothèques, qui profite de la meilleure augmentation. Il y en a un petit peu ailleurs également. Vous avez cela dans le cahier vert, à la toute fin. Vous en avez un peu ailleurs également. On a mentionné que peut-être aux Arts plastiques, cela avait eu tendance à diminuer de quelques décimales, mais cela n'a pas tellement de conséquence si on considère la grosse augmentation qu'il y avait eu l'année précédente. De toute façon, vous avez un tableau qui fait cette comparaison. (11 h 15)

Mme Lavoie-Roux: Ici, c'est par programme, l'augmentation, ou enfin la partie qui est affectée à chacun des programmes; mais, des $3 millions, combien sont affectés strictement à l'augmentation des salaires?

M. Vaugeois: Je ne pourrais pas vous donner de chiffre précis là-dessus, mais cela ne me paraît pas être très lourd à porter. J'ai posé, moi aussi, ce genre de question. Je pense qu'il n'y a pas là de gros problème pour nous. Là où nous avons dégagé des sommes d'argent très nettes, c'est $1 200 000 pour les bibliothèques, par exemple. Là vous avez un effort particulier. Après, vous avez une espèce de stabilisation que vous voyez à peu près partout, si vous voulez, dans l'enveloppe budgétaire, qui tient compte de l'inflation, de la hausse des coûts, de l'électricité, du chauffage et des hausses salariales; donc, ce sont des ajustements en conséquence, à peu près partout.

Mme Lavoie-Roux: A toutes fins pratiques, sauf pour ce qui est prévu pour les bibliothèques et certaines sommes, je pense, qui vont...

M. Vaugeois: Vous avez...

Mme Lavoie-Roux: ... à de la relance économique, le reste, les budgets sont gelés.

M. Vaugeois: Ils sont stabilisés.

Mme Lavoie-Roux: On ne se chicanera pas. Maintenant, je vois, dans le personnel affecté aux affaires culturelles, que vous êtes passé de 886 à 893 employés permanents et de 104 à 76 employés à temps partiel. Est-ce que tous ces gens ont été engagés par concours?

M. Vaugeois: Je ne peux pas le dire, parce que je n'étais pas toujours là, mais je pense bien que, d'après ce que je vois depuis que j'y suis, les règles de la fonction publique sont observées. Comme vous le savez, au niveau des cadres supérieurs, le recrutement d'un sous-ministre ne se fait pas par concours, mais autrement. J'ai vu arriver, par exemple, le nouveau directeur général du patrimoine qui était sorti d'un concours, j'ai vu arriver le directeur du bureau régional de Montréal issu d'un concours. Je sais qu'il se tient actuelle- ment un concours pour nommer le directeur des arts d'interprétation. Je pense que c'est la façon normale de recruter qui est suivie aux Affaires culturelles. Je n'ai pas à l'esprit d'exemples où on aurait contourné cette façon de recruter. D'ailleurs, ce n'est pas pour nous autres une contrainte, c'est la meilleure façon d'aller chercher les meilleurs candidats que d'ouvrir un concours, de le publiciser au maximum et d'évaluer le mieux possible les candidats qui se présentent.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ces concours comportent des examens oraux et écrits?

M. Vaugeois: II y a l'étude des dossiers par la fonction publique, comme d'habitude, qui est déjà consciente des exigences minimales, de telle façon qu'il y a des candidats qui ne se rendent pas plus loin que cette étape préliminaire de révision des dossiers par la fonction publique, et les autres sont vus par des jurys formés ad hoc.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il y a des gens qui ont été remerciés à l'intérieur de votre ministère?

M. Vaugeois: Je peux vous dire qu'il y a des gens qui ont été reclassifiés récemment, et nous y arriverons, si vous voulez, au moment de l'étude de la question des conservatoires. Il y a eu là un effort d'affectation d'un certain nombre de personnes qui avaient eu des fonctions administratives et qui voulaient revenir à leurs charges de professeur. Pour le reste, je ne pense pas. C'est très rare, d'ailleurs, qu'il se produit des licenciements. Est-ce qu'il y a eu des licenciements dans l'année?

On pourra vérifier, il y en a peut-être eu un.

Ceux qui auraient pu être congédiés ne l'ont pas été.

On parle de personnel permanent.

Mme Lavoie-Roux: Oui, oui. Je voyais dans l'exposé du ministre qu'il semble vouloir accorder aux différents groupes ethniques une place dans le cadre culturel québécois. Je vais faire comme l'Union Nationale a l'habitude de le faire, c'est peut-être dû aux questions très précises que nous avions posées là-dessus, l'an dernier. L'Union Nationale s'attribue souvent les mérites, alors je les imite en cela.

M. Le Moignan: Nous avons les mérites aussi.

Mme Lavoie-Roux: Ceci, c'est pour badiner. Je suis très heureuse de voir que c'est une préoccupation du ministre.

M. Vaugeois: Et c'est très réel, Mme le député. Nous considérons que le ministère des Affaires culturelles n'est pas là pour une soi-disant majorité issue de Jacques Cartier et de Samuel de Champlain, mais pour tous ceux qui habitent le Québec, quelles que soient leurs origines.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez, tout à l'heure, parlé de décentralisation dans votre exposé. Pour-

riez-vous me dire quels sont les gestes concrets que vous envisagez pour une véritable décentralisation? Il faudrait peut-être s'entendre d'abord sur ce que vous voulez dire par décentralisation et sur la façon dont cela pourrait se concrétiser. La décentralisation qui remonte toujours vers le haut...

M. Vaugeois: Je vous remercie de la question. Je ne m'étendrai pas longuement sur le sujet; encore là, nous aurons l'occasion d'y revenir. Je vais vous donner une vue générale là-dessus. Le ministère avait déjà amorcé une opération de décentralisation par les bureaux régionaux. Dans un premier temps, les responsables des bureaux régionaux, donc des gens qui se trouvaient en région, en venaient naturellement à représenter le ministère dans la région et, très rapidement, à s'identifier à la région et à défendre ses intérêts auprès du ministère.

Parallèlement à cette évolution, nous avons amorcé la formation de conseils régionaux de la culture qui, soit dit en passant, pourraient être une façon différente d'appliquer un certain nombre d'éléments liés à des préoccupations inscrites dans le livre vert en termes de conseil national de la culture, qui supposait des commissions culturelles régionales, etc. Je pense que nos conseils régionaux de la culture peuvent remplir des fonctions qui rejoignent certaines des préoccupations du livre vert, des préoccupations sur lesquelles nous sommes d'accord.

Donc, la création des conseils régionaux de la culture procède non pas d'une approche de décentralisation, mais d'une approche de régionalisation. On voit déjà, par les conseils qui ont été formés, que les groupes ainsi constitués sont susceptibles — c'est ce que nous souhaitons — de devenir des éléments aptes à coordonner et à soutenir le dynamisme régional. Dans la mesure où les conseils régionaux de la culture vont prendre leur vitesse de croisière et leur rythme de travail, nous allons assister — c'est déjà un phénomène que nous observons — à un rôle plus clair des bureaux régionaux qui vont pouvoir vraiment jouer leur rôle de représentants du ministère dans le milieu, donc cette facette de la décentralisation, alors que la représentation du milieu sera davantage assumée par les Conseils régionaux de la culture.

J'espère que dans l'évolution très rapide des Conseils régionaux de la culture ces conseils pourront, dans un premier temps, nous conseiller sur nos programmes, sur nos interventions dans le milieu, mais j'espère aussi que le plus tôt possible l'essentiel de leurs activités — je dis bien l'essentiel, c'est-à-dire l'immense majorité de leurs activités — pourra se dérouler sans référence au ministère, c'est-à-dire à partir du dynamisme et des ressources du milieu. Dans tous les milieux, il y a des gens extraordinaires qui sont aptes à créer, à produire et à intervenir en matière culturelle; il y a un peu partout des infrastructures, des équipements qui existent, qui sont parfois sous-utilisés. Je pense que les conseils régionaux de la culture que nous avons créés pourront contribuer à animer le milieu et à faire en sorte que dans une région on puisse avoir une activité culturelle authentique qui procéderait du dynamisme régional propre à la région et qui pourrait se dérouler abstraction faite du ministère. Cela, je pense que nous pouvons l'espérer, c'est une évolution que nous sentons.

Au total, donc, vous aurez eu deux opérations parallèles complémentaires. D'abord une opération de décentralisation de la part du ministère, qui cherche à être plus présent au milieu, aux régions, aux collectivités régionales et aussi aux individus des régions. Nous pensons qu'à bien des égards, le ministère a une responsabilité de services. Par exemple, au niveau du patrimoine — nous y reviendrons — il ne s'agit pas seulement de classer pour classer et de donner des contraintes aux gens; il faut aussi, de temps en temps, être apte à répondre à leurs questions, à donner suite aussi rapidement que possible à leurs demandes, au moment, par exemple, de travaux de réparation, s'ils sont dans une aire de protection ou s'ils sont propriétaires d'un monument classé. Donc, nous avons des services à rendre en région; c'est la fonction des bureaux régionaux, c'est une opération de décentralisation et de déconcentration.

Par ailleurs, la création des conseils régionaux de la culture devrait permettre d'exprimer le dynamisme régional. Inutile d'ajouter que, provenant moi-même d'une région, c'est un aspect du rôle des Conseils de la culture auquel j'attache beaucoup d'importance.

Mme Lavoie-Roux: Je suis contente de vous avoir entendu utiliser le terme "déconcentrer". En effet, si on regarde l'expérience des bureaux régionaux pour les différents ministères — je pourrais parler avec un peu plus de pertinence du ministère de l'Education où il y a des bureaux régionaux — c'est uniquement de la déconcentration et une constante référence au ministère de I'Education. Finalement, on ne peut pas parler de décentralisation dans le sens où le milieu lui-même prend plus de responsabilité. Je pense qu'il ne faut pas s'illusionner quand on cite cela comme un exemple ou un geste de décentralisation; c'est extrêmement limité.

M. Vaugeois: Pour avoir servi au ministère de I'Education à l'époque de la formation des bureaux régionaux, je ne les citerai jamais en exemple.

Mme Lavoie-Roux: Les vôtres vont être meilleurs.

M. Vaugeois: Ils seront certainement différents, en tout cas. Ecoutez! Je pourrais dire tellement de choses sur cette activité; à l'époque, j'étais fonctionnaire, mais l'éthique...

Mme Lavoie-Roux: Vous me donnez raison.

M. Vaugeois:... de la fonction publique m'interdit de raconter des expériences vécues à l'époque.

Mme Lavoie-Roux: Alors, cela confirme ce que j'avançais. Pour ce qui est des conseils régionaux, je voudrais quand même que vous m'expliquiez pourquoi vous ne leur avez donné aucun pouvoir de décision, par exemple, quant à l'attribution de ressources, etc. Vous dites qu'il y a là des gens formidables, des gens qui sont pleins de qualités et, finalement, c'est au compte-gouttes. Vous espérez qu'avec le temps ils vont évoluer, mais entre-temps vous avez quand même refusé de leur donner des pouvoirs décisionnels.

M. Vaugeois: Ecoutez! Je pense qu'on serait dans l'imbroglio total s'il fallait qu'on double nos structures existantes pour les mêmes fonctions. D'ailleurs, il y a des choses qui peuvent encore se faire et on n'est pas fixé indéfiniment. Ma perception à cet égard, c'est que, si nous donnons aux Conseils régionaux de la culture une fonction, disons, d'intervention sur les demandes qui sont faites au ministère en termes de subventions ou je ne sais trop quoi, il peut se produire un certain nombre de choses. On peut se donner des petits potentats régionaux. On peut aussi se donner une structure qui ferait écran entre le milieu et le ministère.

Je pense que les individus doivent toujours avoir le droit de communiquer directement avec leur gouvernement, leur ministère. Je ne souhaite pas une création de conseils régionaux de la culture qui pourraient être amenés à faire écran entre le ministère et le milieu. C'est une structure qui peut nous permettre, si vous voulez, d'avoir des interlocuteurs précis auprès desquels nous allons chercher de l'information, à qui nous soumettons un certain nombre de programmes sur lesquels nous réfléchissons pour avoir leur avis. Nous pouvons aussi leur demander leur avis sur des programmes en cours; nous l'avons fait récemment avec un programme intéressant d'accessibilité-scène qui rejoint une des préoccupations du député de Gaspé. C'est un programme que le ministère a mis au point, a lancé sur une base assez expérimentale en invitant les conseils régionaux de la culture à voir dans leur milieu les réactions qu'on avait à ce programme.

En amenant les conseils régionaux, par exemple, à disposer d'une enveloppe de subventions à je ne sais trop quoi, on pourrait se retrouver avec une normalisation de certains programmes qui pourraient varier passablement d'une région à l'autre et qui ferait que le ministère s'assécherait. Or, le problème d'un ministère, c'est toujours finalement de garder des contacts très étroits avec le milieu.

Dans mon texte de présentation aujourd'hui, cette préoccupation est affirmée quand je rappelle que nos points de vue, aussi pertinents soient-ils, ne doivent pas être imposés au milieu à partir d'un titre, d'une fonction ou d'une connaissance scientifique, il faut prendre le temps de faire un bon échange, un bon dialogue avec le milieu et vérifier leurs attentes. Pour arriver à cela, il est nécessaire que les fonctionnaires du ministère puissent, par le biais des programmes dont ils sont responsables, garder des contacts directs avec l'ensemble du milieu.

Il y a aussi des ventilations régionales qui sont un peu nouvelles et qui peuvent nous amener à chercher un équilibre entre les régions au niveau des interventions du ministère. Il y a toujours une question d'ajournement aux capacités immédiates des régions, aux infrastructures existantes. Je pourrais ajouter d'autres raisons aussi, mais la formule que le ministère a adoptée me plaît assez. Je pense qu'on pourrait aussi stériliser les conseils régionaux de la culture si on en faisait des fonctionnaires régionaux qui en viendraient à étudier des dossiers, des demandes, etc. J'aime beaucoup mieux qu'ils assument leur mandat de consultation qui est dans le protocole que nous signons avec eux et qu'ensuite, le plus tôt possible, ils s'emploient à animer le milieu à partir des ressources et des équipements du milieu. C'est le défi que nous leur posons, que nous nous posons avec eux.

Mme Lavoie-Roux: Ecoutez! Je veux bien accepter ce que le ministre dit, si c'est sa politique, mais qu'il ne nous parle pas de décentralisation.

M. Vaugeois: J'en parle quand nous parlons des bureaux régionaux du ministère.

Mme Lavoie-Roux: On a fait l'analyse de ce que pouvait être un bureau régional et vous-même avez admis que, à moins que vous puissiez leur donner une orientation différente — je vous souhaite bonne chance — vous nous dites qu'en fin de compte, il faut que ce soit le ministère qui ait le dernier mot. (11 h 30)

Quand vous dites qu'un conseil régional pourrait être un écran entre le ministère et la population, le problème est que la population, globalement, est beaucoup trop loin du ministère. Et c'est évident que chaque citoyen a un droit de recours à quelque ministère que ce soit, c'est son gouvernement, alors là-dessus il n'y a pas besoin de... Mais quand vous dites que vous voulez vous servir des Conseils régionaux de la culture pour les consulter et pour leur donner de l'information, je pense qu'il ne faut pas parler de décentralisation et faire croire que l'on fait de la décentralisation.

M. Vaugeois: Ecoutez, M. le Président, je vais...

Mme Lavoie-Roux: Et vous allez même jusqu'à dire qu'à un moment donné on pourrait créer des différences d'une région à l'autre. Je pense que l'objectif est justement d'avoir des comités régionaux de culture parce que ce sera différent d'une région à l'autre et cela devrait normalement être différent d'une région à l'autre.

M. Vaugeois: Excusez-moi, M. le Président, je pense que je vais être obligé de revenir très brièvement sur ce que j'ai voulu suggérer par mes propos. Il faut vraiment distinguer deux choses: la décentralisation ou la déconcentration passe par les bureaux régionaux, les émanations du ministère, tandis que le phénomène de régionalisation, s'il a des chances de se produire et de s'articuler, ce sera par les conseils régionaux de la culture. Je ne suggère pas que nous décentralisions par le

biais des conseils régionaux, je dis que nous décentralisons par nos bureaux régionaux.

Mme Lavoie-Roux: Vous déconcentrez par vos bureaux régionaux.

M. Vaugeois: Et nous déconcentrons, si vous voulez. Par ailleurs, nous comptons sur les conseils régionaux de la culture pour exprimer les différences régionales. Bien loin de moi le désir de les escamoter, les conseils régionaux de la culture devraient leur permettre de se développer, de se préciser, de s'affiner etc. Et c'est la double approche que nous prenons.

Pour les bureaux régionaux, le défi est de taille. D'autres ministères s'y sont cassé le nez par le passé. J'ai une approche qui procède d'une expérience que j'ai prise aux relations internationales. Nous avons, à l'étranger, actuellement, près d'une vingtaine de bureaux, délégations et délégations générales. Les délégués généraux, dont le chef de mission, représentent vraiment, dans le pays où ils sont affectés, la totalité du gouvernement québécois. Je me dis que nous sommes capables également de réussir un semblable fonctionnement dans une région donnée, que le directeur du bureau régional du ministère puisse représenter la totalité du ministère, et de façon réelle et efficace. Depuis que je suis au ministère, je me suis employé à respecter leur présence dans le milieu. Dans bien des cas de projets de restauration, j'ai demandé d'attendre parce que je tenais à avoir l'avis et du service d'animation et du directeur du bureau régional, pour que lui-même, partant de sa connaissance du milieu, des consultations qu'il peut faire, entre autres auprès des sociétés d'histoire, puisse être partie à l'intervention du ministère dans chacune des régions. Il suffit de se donner le mot, il suffit d'apprendre à travailler avec les bureaux régionaux pour arriver à des résultats concrets, et je crois que nous y arriverons.

Mme Lavoie-Roux: Une autre question d'ordre général que je voulais poser. Je l'avais posée l'an dernier au ministre qui était en poste. Est-ce que le ministère des Affaires culturelles ou enfin le gouvernement — ce serait peut-être plus juste — envisage de rapatrier le cinéma au ministère des Affaires culturelles? Le cinéma est quand même vraiment une activité culturelle. Quelles sont les intentions du gouvernement, davantage que le ministère des Affaires culturelles?

M. Vaugeois: Je pense que les intentions du gouvernement, à cet égard, vont s'exprimer prochainement. Il y a une consultation qui se fait dans le milieu. Le premier ministre a d'ailleurs reçu, la semaine dernière, des représentants du milieu cinématographique et leur a posé lui-même la question que vous venez de me poser. Mais je pense qu'une partie de la réponse appartient aux gens du cinéma qui commencent à s'exprimer là-dessus, c'est-à-dire qui précisent leurs opinions là-dessus. Je serais bien mal placé, à ce moment-ci, pour répondre davantage à votre question sans avoir l'air d'être ou désintéressé du cinéma ou d'être impérialiste. Comme je ne voudrais avoir l'air ni de l'un ni de l'autre, je préfère que le gouvernement continue ses consultations et nous donne des orientations. Mais la façon dont vous avez posé la question me permet de vous dire que je l'aurais posée en vos termes.

Le Président (M. Jolivet): Madame.

Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, ce que vous me dites comme réponse — je comprends votre position et c'est pourquoi je me suis adressée au gouvernement au lieu de m'adresser à vous — c'est que le dossier n'est pas fermé, c'est une question qui est présentement à l'étude.

M. Vaugeois: C'est évident que s'il y a une société de développement des industries culturelles, elle devra intervenir au niveau du cinéma au même titre qu'au niveau du disque ou du livre etc. C'est évident. L'industrie culturelle cinématographique ne devrait pas être à l'écart d'interventions d'une société de développement des industries culturelles.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Tout à l'heure, le ministre a parlé de l'intervention du gouvernement fédéral, au Québec, en matière culturelle. Il a même parlé en termes de colonisation. Je voudrais demander au ministre qu'il explicite un peu davantage de quelle façon les droits du Québec sont brimés par l'action du fédéral. Vous avez mentionné un exemple, les musées qui sont construits par le fédéral et qui sont abandonnés à la province. Je me dis tant mieux si le fédéral vient nous construire un musée. J'aimerais que vous nous donniez une ventilation plus grande; vous avez mentionné, en passant, comment votre action était un peu comprimée par le fédéral dans ce domaine.

M. Vaugeois: M. le Président, le député de Gaspé est un allié extraordinaire. Il me donne l'occasion d'expliquer des choses, mais avec des termes qui ne sont pas les miens. Je n'ai pas parlé de droits brimés ou de brimades.

M. Le Moignan: Cela ressemblait à cela un peu.

M. Vaugeois: Cela peut se ressembler, mais ce n'est pas cela. Ce que j'ai dit et ce que j'aimerais répéter brièvement, c'est que nous sommes un gouvernement provincial. Un gouvernement provincial, si on se fie au mot, c'est un gouvernement qui est subordonné à un autre. Historiquement, la province de Québec est une colonie. Elle l'est restée à bien des égards. Aujourd'hui, je ne voudrais pas entrer dans un gros débat là-dessus, mais c'est une situation historique qui ne m'empêche pas de dormir, que je reconnais volontiers et elle ne me brime pas. C'est une situa-

lion de fat. Il y a des interventions, dans le domaine culturel, qui viennent du gouvernement fédéral. D'autres sont l'émanation d'un gouvernement provincial, donc avec une intervention provinciale, c'est-à-dire une intervention incomplète, une inter-vention tronquée. Dans le domaine culturel, pour qu'une collectivité puisse avoir une vie collective normale, il faut que son gouvernement puisse soutenir cette vie collective de toutes les façons et dans tous les domaines, ce qui n'est pas le cas pour un gouvernement provincial. Remarquez que ce n'est pas grave. On peut continuer comme cela encore longtemps, cela fait un bout de chemin qu'on fait comme cela. Mais il faudra convenir, à ce moment, que nos interventions culturelles seront tronquées, incomplètes et que notre vie collective ne sera pas normale. C'est tout. Ce n'est pas de la persécution. Ce n'est pas de la brimade. C'est une situation de fait et c'est lié au statut de province qu'est la nôtre.

M. Le Moignan: Donnez-moi des exemples où le fédéral...

M. Vaugeois: Ecoutez, on n'en finirait pas. M. Le Moignan: Deux ou trois. Mme Lavoie-Roux: II n'est pas exigeant. M. Le Moignan: Je pourrai déduire après.

M. Vaugeois: Prenez tous les centres culturels qui ont essaimé sur le territoire québécois. J'en visitais un à Shawinigan hier. Il est magnifique sauf qu'aujourd'hui le centre culturel de Shawinigan est obligé de se débrouiller avec les ressources du milieu parce que celui qui leur a "pitché " un centre culturel n'a pas prévu aussi le soutien au fonctionnement. Je pourrais prendre l'exemple du musée de Rivière-du-Loup que nous avons encore comme dossier chaud. Le fédéral, dans un geste bien généreux que je ne regrette pas en soi, a jeté là-bas, dans le cadre de son programme, un musée assez bien organisé et assez intéressant, mais dont la vocation avait été un peu rapidement étudiée et dont surtout des frais de fonctionnement n'ont pas été prévus. Ne m'amenez pas à vous énumérer pendant des heures et des heures toutes ces interventions.

M. Le Moignan: Dans ce cas, on peut se rendre à Bonaventure et à Cap-Chat.

M. Vaugeois: C'est cela. On pourrait se rendre jusque chez vous.

Au niveau des organismes culturels — vous avez des troupes de théâtre, des troupes de ballet, des groupes multiples — les soutiens financiers du fédéral cesseront soudainement. Récemment, les Ballets Jazz se faisaient dire qu'ils ne rentraient plus dans les catégories subventionnées par le Conseil des arts. A ce moment, qu'est-ce qu'on fait nous? Est-ce qu'on compense pour le retrait du Conseil des arts ou si on remet notre intervention en question? Le plus souvent, on est un peu amené à des interventions non planifiées par une arrivée massive d'argent de la part du Conseil des arts ou encore par un retrait soudain du Conseil des arts.

Ceci étant dit — je l'ai déjà dit publiquement et je suis prêt à le répéter ce matin — je n'ai jamais voulu suggérer, par ces propos, que les interventions du Conseil des arts étaient toujours maladroites, malhabiles et malvenues. J'ai dit plutôt le contraire.

Les interventions de Parcs Canada, au Québec, sont souvent très intéressantes, sauf qu'elles ne sont pas coordonnées et elles ne sont pas complémentaires des nôtres. Ils sont venus, avec nous, à Place Royale. On a à peu près 27 maisons sur 80 ou 90 qui sont restaurées. Ils sont partis. Maintenant, ils sont en train de s'amuser au Parc de l'Artillerie. Ils y font quelque chose d'admirable, sauf qu'ils ont commencé, avec nous, à Place Royale et, maintenant, c'est par le biais d'ententes marginales qu'on réussit à enterrer les fils ou qu'on réussit à organiser la batterie royale, etc.

Pour l'essentiel de la restauration, qu'est-ce qu'on va faire maintenant? On va casquer pendant combien d'années? C'est ce genre d'intervention, à mon avis, qui fait qu'on peut au moins regretter une absence de concertation étroite. En fait, malgré notre statut provincial, je pense que le gouvernement fédéral aurait pu s'en remettre au gouvernement local — fût-il provincial — pour assumer la totalité des interventions dans le domaine culturel.

Je ne vois pas ce qui aurait pu rendre les gens d'Ottawa malheureux, s'ils avaient dit qu'il convenait, en ces matières — étant donné les ressources limitées — de s'en remettre à un gouvernement local.

M. Le Moignan: A présent que tous ces crimes ont été commis, est-ce que le gouvernement du Québec peut faire une bonne utilisation de centres que je connais qui sont presque désaffectés parce qu'on n'a pas les moyens de les faire fonctionner? Le provincial peut-il, à ce moment-là, les utiliser à d'autres vocations? Je pense à Bonaventure, je peux penser à Cap-Chat, je peux penser à d'autres centres qui ont été construits avec beaucoup d'argent du fédéral au moment de la Confédération.

M. Vaugeois: Du centenaire de la Confédération.

M. Le Moignan: Du centenaire. Oui, excusez-moi, du centenaire. Est-ce que le provincial se penche là-dessus, ou a-t-il déjà regardé la possibilité de voir ce qu'on peut faire avec ces centres?

M. Vaugeois: Les fonctionnaires se tuent, M. le député, à ce genre de travail.

M. Le Moignan: Ils n'ont pourtant pas l'air malheureux.

M. Vaugeois: Eux, ils sont à un autre niveau!

M. Le Moignan: En parlant de vos fonctionnaires...

Mme Lavoie-Roux: Ils n'ont pas de problèmes, eux.

M. Vaugeois: Ils les ont tous, madame, et ils sont costauds.

M. Le Moignan: ... j'avais posé une question malhabile l'an dernier. J'avais demandé combien de postes étaient détenus par intérim. La liste s'était allongée. Ils étaient tous par intérim. Donc, je ne la pose pas cette année.

M. Vaugeois: Posez-la donc, M. le député!

M. Le Moignan: Ils étaient tous par intérim. Cette année, est-ce que c'est...

M. Vaugeois: Cette année, il y a le ministre qui est par intérim.

M. Le Moignan: Le ministre seulement.

M. Vaugeois: A peu près.

M. Le Moignan: A peu près, oui.

M. Vaugeois: Effectivement, à peu près, je pense qu'il n'y a pas d'autres fonctionnaires dans des postes de direction actuellement qui sont par intérim. Il peut bien y en avoir un ou deux ici et là mais, vraiment, il n'y en a pas beaucoup.

M. Le Moignan: Cette année, j'aurais dû commencer par la base, cela aurait été simple.

M. Vaugeois: Non seulement ils ne sont plus par intérim, mais ils sont de très bonne qualité.

M. Le Moignan: II n'y a pas de doute, quand on les regarde. M. le ministre, je vous ai posé une question à l'Assemblée nationale au sujet de l'Opéra du Québec. Je m'aperçois que le Montreal Star du 5 mai se réfère à l'arrivée de M. Vallerand. Depuis l'arrivée de M. Vallerand, on dit que c'est un "knowledgeable music lover with a particular interest in opera". A ce moment-là, êtes-vous plus informé, à la suite de l'arrivée de M. Vallerand? Pouvez-vous me donner d'autres explications?

M. Vaugeois: Je peux vous dire, M. le député, que déjà ce genre de dossier a été fort bien défendu par les hauts fonctionnaires du ministère. Il y avait et il y a encore, dans le ministère, outre M. Vallerand, d'ardents défenseurs du secteur de l'art lyrique en particulier. C'est certain que le choix qui a été fait de M. Vallerand, connaissant également son goût et son expérience dans ce domaine, a été fait de façon consciente et délibérée.

Mme Lavoie-Roux: C'est presque une réponse.

M. Vaugeois: Presque.

M. Le Moignan: Cela reviendra plus loin, peut- être, quand on verra le détail, programme par programme. J'ai terminé pour le moment.

Le Président (M. Jolivet): D'autres questions de la part d'autres députés? Mme le député de L'Acadie, un deuxième tour?

Mme Lavoie-Roux: Avec mon grand copain, je fais cela depuis longtemps.

Le Président (M. Jolivet): II vous surprend?

Mme Lavoie-Roux: Du point de vue des relations provinciales-fédérales, je suis d'accord. J'ai bien lu les propos du ministre au moment où il a été nommé. Je m'en suis réjouie dans ce sens que j'ai cru voir chez lui au moins une ouverture pour essayer de s'asseoir à une table et peut-être de faire cette concertation qu'il souhaite et qui, je pense, est souhaitable. Est-ce que, déjà, vous avez eu l'occasion de discuter de certains dossiers avec le fédéral? Je pense qu'il y a deux attitudes. Sans vouloir médire de celui qui vous a précédé, j'avais I'impression que le dialogue était pour le moins difficile, sinon impossible. Enfin, je ne veux pas blâmer une partie plutôt que l'autre, mais on ne semblait pas très ouvert, de toute façon. (11 h 45)

Je pense que, là-dessus, vous auriez le support des Oppositions pour vous appuyer dans ce qui me semble raisonnable et souhaitable dans une concertation pour la meilleure utilisation possible des ressources et surtout pour en assurer la continuité. En effet, c'est bien beau de mettre des équipements sur place, mais faut-il encore savoir ce qu'on va faire avec et de quelle façon on va s'en servir. Avez-vous eu des pourparlers? La même chose, par exemple, s'appliquerait, mais on y reviendra, dans le domaine du patrimoine avec, par exemple, Héritage Canada qui aussi fait un boulot, mais on va s'en tenir au gouvernement.

M. Vaugeois: Dès mon assermentation et mon arrivée au ministère, un des premiers appels téléphoniques que j'ai faits, était à l'endroit du secrétaire d'Etat d'Ottawa, M. John Roberts. Je l'ai rencontré dans les jours qui ont suivi à Montréal, mais à l'occasion d'une réception. Donc, nous n'avons pas pu vraiment échanger à fond, mais cela a été une bonne prise de contact. Je connaissais déjà M. Roberts par ses déclarations publiques. Je l'avais vu dans une longue entrevue à la télévision. J'avais trouvé, d'ailleurs, ses propos extrêmement intéressants. J'avais hâte, effectivement, de pouvoir parler plus longuement et librement, de façon informelle, avec lui, de leurs interventions au Québec dans le domaine culturel.

Malheureusement, les circonstances étant ce qu'elles sont actuellement, les ministres fédéraux ne sont pas tellement disponibles pour discuter de façon informelle et générale. Donc, je suis obligé d'attendre, à cet égard, que la situation politique se normalise à Ottawa. Par ailleurs, je n'ai quand même pas voulu perdre mon temps à cet égard et je vous ferai l'aveu — et je n'irai pas chercher mes

exemples très loin — que vendredi, j'ai passé mon après-midi et une partie de la soirée au parc de l'Artillerie où j'ai été fort bien reçu par le directeur régional de Parcs Canada qui, soit dit en passant, a dans les creux de vagues de l'année, trois fois plus de fonctionnaires pour s'occuper du patrimoine au Québec que les effectifs totaux du ministère. Dans la période de l'été, de 450, son effectif passera à 1500. C'est quand même phénoménal.

J'ai donc visité le parc de l'Artillerie de fond en comble avec les spécialistes de Parcs Canada et, à la fin de la journée, ils m'ont montré les maquettes de leur projet au site des Vieilles Forges, qui se trouve dans mon comté. Je pense que cela n'avait pas de relation directe avec ce fait. Au niveau des fonctionnaires, je sens très nettement un désir de concertation et je sais, par ailleurs, que les fonctionnaires des Affaires culturelles ont déjà beaucoup de relations avec ceux de Parcs Canada en particulier. Le problème tient au fait que les moyens en cause sont disproportionnés. C'est vraiment quasi indécent de voir, si vous voulez, la faiblesse de nos moyens par rapport à ceux que le fédéral réussit à mettre dans ce domaine. Je pense qu'on est dans l'excès, l'abus, étant donné nos responsabilités en ce domaine. Mais pendant que Parcs Canada, en toute quiétude, peut s'intéresser au site des Vieilles Forges, par exemple, et faire là éventuellement quelque chose d'extrêmement intéressant, il peut aussi développer le parc de l'Artillerie en site d'interprétation, comme il est en train de le faire. C'est un peu le sens que je veux donner au mot "pompier ". Je n'ai rien contre les pompiers, mais nous, du Québec, nous en sommes un peu réduits à quitter nos chantiers à tout bout de champ pour répondre à la sonnerie que constitue le cri d'alarme d'une société quelque part. Nous avons des effectifs tellement réduits que chaque fois qu'on nous entraîne à visiter une maison qui sera peut-être démolie ou qu'on nous invite à une intervention de dernière minute, nous sommes distraits de tâches majeures, nous sommes distraits d'un travail d'inventaire qui est préalable. Au total, je pense que, et le gouvernement fédéral dans ses préoccupations du patrimoine et le gouvernement du Québec sont desservis par la situation actuelle. Les effectifs ne devraient pas être d'abord à Parcs Canada, ils devraient d'abord être aux Affaires culturelles, pour que l'inventaire s'accélère et se complète pour que notre travail, qui sera en relations étroites avec la Loi des biens culturels qui est due à une administration libérale, puisse se faire.

Là, on est, je pense, dans une espèce d'impasse si on ne nous laisse pas un peu de corde du côté d'Ottawa. Par ailleurs, compte tenu de ce que paient les contribuables québécois, ce serait malsain, à mon avis, que le gouvernement du Québec double la mise fédérale. On serait, à mon avis, dans l'excès. Il faut équilibrer les dépenses publiques. Les dépenses publiques, qu'elles viennent d'Ottawa ou de Québec, procèdent des mêmes contribuables. L'intervention fédérale est telle que, pour que l'intervention dans le domaine culturel reste normale, nous ne pouvons, hélas! faire davantage.

Mme Lavoie-Roux: Comme vous dites, vous attendez que le fédéral se soit branché, à savoir s'il y aura élection ou pas. Est-ce un dossier qui peut être ouvert avec le fédéral? Il reste que je suis d'accord avec vous et que la pression sur la direction générale du patrimoine va être de plus en plus considérable. Au fur et à mesure que vous éduquez, au fur et à mesure que vous présentez des lois, je pense qu'avec les semaines du patrimoine etc. qui se succèdent depuis quelques années, les reportages dans les journaux, un peu tout le monde va vouloir faire classer sa maison — je caricature peut-être un peu — dans ce sens que vous allez subir des pressions de plus en plus fortes. Quand on voit, par exemple, que dans le domaine du patrimoine, à ma connaissance, il n'y a pas eu d'augmentation du budget pour cette année, cela va devenir un problème pour vous. C'est dans ce sens que je me demande s'il y a une possibilité d'ouverture de dossier avec le fédéral là-dessus. Il est trop tôt pour que vous me répondiez, évidemment, c'est ce que je crois comprendre.

M. Vaugeois: Ecoutez, on n'a pas eu vraiment d'ouverture, ces derniers temps. Au contraire, l'intervention fédérale se fait de plus en plus lourde, pesante. Elle est souvent aussi de qualité, mais c'est comme si on cherchait à se faire plaisir dans un petit coin qu'on clôture, et là on fait des choses merveilleuses. Je le dis bien, on fait des choses merveilleuses, mais qui ne sont peut-être pas une priorité pour le Québec et qui ne procèdent pas de cet éveil de l'intérêt de la population pour le patrimoine. Je fais une parenthèse là-dessus pour dire qu'on dit parfois un peu de mal des municipalités, et pour la loi 4, justement, on s'inquiète que nous songions à remettre aux municipalités un certain nombre de responsabilités. Ce matin, on m'a alerté, par exemple, sur des biens qui allaient être vendus à l'encan, etc. et c'est la municipalité qui est intervenue pour indiquer qu'on s'apprêtait à faire une vente à l'encan de biens que les gens de la municipalité considèrent comme une richesse patrimoniale importante. Tous les conseils municipaux ne sont pas toujours au moyen âge à cet égard. Plusieurs sont maintenant non seulement aptes à intervenir, mais nous bousculent pour que nous intervenions à partir des lois existantes.

Mme Lavoie-Roux: Ces reproches ne vous sont pas venus de l'Opposition officielle; si on vous en a fait un, c'était pour savoir quels sont les moyens que vous mettrez à la disposition des municipalités pour qu'elles puissent...

M. Vaugeois: Voilà, c'est l'autre question, effectivement.

Mme Lavoie-Roux: ... s'acquitter de leur tâche.

M. Vaugeois: Nous y reviendrons pour la loi 4.

Mme Lavoie-Roux: Bon.

M. Vaugeois: M. le Président, pouvons-nous terminer le tour général? On avait convenu de terminer à midi.

Mme Lavoie-Roux: J'avais une dernière question à vous poser.

M. Vaugeois: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Je vous l'ai posée tout à l'heure dans mes notes préliminaires. Quelles sont les relations que vous avez établies entre le ministère de l'Education et celui des Affaires culturelles du point de vue de l'enseignement des arts?

M. Vaugeois: Bon, écoutez...

Mme Lavoie-Roux: Ne me dites pas qu'on attend le résultat du livre vert, parce qu'il pourrait y avoir le livre blanc, etc.

M. Vaugeois: II y aura effectivement des livres verts sur la recherche, etc., mais concrètement, le CMPDC, le lieu de coordination des ministères à vocation culturelle, nous a permis un certain nombre d'évaluations et d'études conjointes. De façon plus concrète, depuis l'arrivée de mon sous-ministre — et vous verrez qu'on n'a pas perdu de temps — il y a eu communications entre le sous-ministre de l'Education et celui des Affaires culturelles pour convenir de faire fonctionner un groupe de travail restreint — je pense qu'il y a sept personnes — pour se pencher de façon précise sur l'enseignement des arts. Cela ne veut pas dire qu'on commence maintenant, mais cela veut dire que cela prend une forme encore plus précise. M. Val-lerand et M. Martin se sont écrit ces jours derniers à ce sujet.

Mme Lavoie-Roux: Quand vous dites que cela ne veut pas dire qu'on commence maintenant, mais que cela prend une forme plus précise, vous voulez dire que ce n'est pas commencé et que cela ne commencera pas...

M. Vaugeois: Non, je veux dire qu'on a d'abord abordé la question au niveau du conseil des ministres à vocation culturelle et maintenant vous avez un comité au plus haut niveau des fonctionnaires qui se met au travail.

Mme Lavoie-Roux: Et, du côté de la lecture, il y a certainement des préoccupations qui doivent joindre les deux ministères.

M. Vaugeois: Oui, certainement.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela aussi est en marche?

M. Vaugeois: Si vous voulez on y reviendra au moment des bibliothèques et de la question du livre, aux éléments 1 et 2 du premier paragraphe?

Mme Lavoie-Roux: Maintenant, en relation avec les autres ministères — c'est une question que j'avais posée l'an dernier — au ministère des Transports, on avait constaté un certain progrès. Il y avait aussi le ministère des Affaires municipales. Quelle est la coordination qui se fait? Il peut y avoir beaucoup de réunions mais, d'une façon concrète, cela débouche où?

M. Vaugeois: J'aurai des choses à dire là-dessus à l'occasion des différents éléments du budget. Je vous dirai, à titre indicatif, que nous avons un groupe de travail spécial sur l'île d'Orléans, que nous en avons un autre sur l'archipel Mingan, par exemple, où le ministère des Affaires culturelles travaille étroitement avec le ministère d'Etat à l'aménagement, avec le ministère des Affaires municipales, avec le ministère de l'Agriculture, avec le ministère de la protection de l'environnement. Actuellement, on a des groupes de travail très précis qui ont établi leurs responsabilités au niveau des ministères intervenants. J'aurai des choses à vous dire là-dessus au moment de l'étude de nos crédits.

Mme Lavoie-Roux: II est midi, on peut suspendre.

Le Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'entente, nous ajournons nos travaux sine die. Quand nous reprendrons, nous serons à l'étude du programme 1.

(Suspension de la séance à 11 h 55)

Reprise de la séance à 15 h 58

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, s il vous plaît!

La commission des affaires culturelles se réunit pour étudier les crédits budgétaires du ministère des Affaires culturelles.

A cette assemblée sont présents: M. Alfred (Papineau), M. Brassad (Lac-Saint-Jean), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Goldbloom (D Arcy McGee), M. Godin (Mercier), M. Guay (Taschereau), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Vaugeois (Trois-Rivières). Le rapporteur est M. Guay (Taschereau).

Au moment de l'arrêt, à midi, nous en étions à I'étude du programme no 1.

Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne sais si je puis dire que c'est une question de règlement — vous l'interpréterez comme vous voudrez lorsque je vous aurai posé la question — mais si nous décidons de passer au programme 1, il reste qu'il y a des questions d'ordre général qui n'ont pas été posées. C'est un souhait que j'exprime, j'espère qu on sera assez large. Je vais essayer de les entrer le plus possible dans chacun des program-

mes. Il y a des fois où ce sera un peu difficile à modifier, mais j'ose espérer qu'on pourra compter sur votre indulgence pour permettre ces questions au moment des programmes, parce qu'on perd peut-être moins de temps finalement quand on intervient au moment des programmes que dans une discussion générale qui dure trop longtemps au départ.

Le Président (M. Jolivet): Je pense que c'est la coutume d ailleurs de faire un débat assez large, de façon à accélérer le processus d'adoption. Si cela permet cette possibilité, je n'ai aucune difficulté à l'accepter.

Le programme 1, M. le ministre.

Aide à la publication et à la vente des livres

M. Vaugeois: L'élément 1 du programme 1 porte le titre: Aide à la publication et à la vente de livres. Parmi les activités que recouvre cet élément 1, vous avez une assistance à la création littéraire, à l'édition de livres et de périodiques, à la promotion et à la diffusion, l'objectif général étant de concevoir, développer et appliquer une politique du livre, pour l'instant, celle qui existe, qui a été mise en place au début des années 1970. Donc, nos interventions, nos moyens prennent forme tant par une aide à l'édition de livres et de périodiques que par un effort au niveau de la promotion.

Récemment, nous avons fait l'expérience d'un programme de promotion de la lecture. Il y a une évaluation qui se fait actuellement; il est déjà prévisible que cet effort de promotion de la lecture aura des suites cette année, mais avec des modalités qui pourront être un peu différentes et qui prendront sans doute appui sur les libraires et bibliothécaires. Nous pensons, de plus en plus, qu'il est plus normal de faire une politique d'incitation à la lecture en impliquant les professionnels du livre que constituent ceux qui sont en contact direct avec les lecteurs. Il s'agit donc des bibliothécaires et des libraires.

A cet égard, j'ai déjà eu l'occasion de m'adres-ser, la semaine dernière, à l'Association des bibliothécaires du Québec et c'est essentiellement le message que je leur ai livré en les invitant à nous faire des suggestions concrètes pour que les 900 membres que compte leur association se fassent les alliés du gouvernement dans une politique de promotion de la lecture. Je pense que, du côté des libraires, il y a déjà eu un travail très important d'amorcé qui s'est, encore une fois, illustré par le programme du mois d'avril. Les libraires n'attendent que de nouvelles occasions pour contribuer à cette politique du gouvernement.

Il y a beaucoup de choses à dire au titre de l'aide à la publication et à la vente de livres. Vous comprendrez qu'en cours de discussion, si discussion il y a — ce n'est pas nécessaire — mais mon collègue de Mercier qui vient, comme moi, du milieu du livre et de l'édition, et qui a eu une expérience assez complète à la fois comme auteur et comme éditeur...

Mme Lavoie-Roux: Nous sommes flattés de l'avoir avec nous.

M. Vaugeois: Vous avez, devant vous, les deux plus grands ex-éditeurs du Québec. On va se recycler et, éventuellement, on y retournera. Le député de Mercier aura très certainement, avec moi, l'occasion d'échanger sur cet élément 1 du programme 1 qui véhicule des sommes d'argent assez importantes et qui retient l'attention des services du ministère.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais demander au ministre ce qu'il compte faire avec le rapport qui a été produit par le Comité consultatif du livre qui a été déposé à l'Assemblée nationale, je pense, en juin dernier et qui contenait des recommandations intéressantes justement pour arriver à établir une politique du livre qui tienne compte des besoins, d'abord, de motivation, d'incitation à la lecture, de la question de la diffusion du livre, et de toute la commercialisation. Enfin, il y avait une foule de recommandations que je ne vous lirai pas — je suis sûre que vous avez lu le rapport que j'ai ici en résumé — concernant l'aide à la création, l'édition, la distribution, les librairies, les bibliothèques, etc.

M. Vaugeois: A quoi faites-vous allusion, là?

Mme Lavoie-Roux: Au rapport qui a été déposé par le Comité consultatif du livre à l'Assemblée nationale. Qu'est-ce que vous... enfin, il semble — et là, ce n'est pas un reproche au gouvernement actuel — que tous les gouvernements qui se sont succédé sont très généreux quant aux études qu'ils commandent et sont peut-être moins généreux quant à la mise en application de certaines des recommandations qui en émanent. Evidemment, on ne retient pas toujours toutes les recommandations, ou on peut les modifier, quelle que soit la formule que l'on retienne.

Ce que vous nous dites, M. le ministre, c'est que vous avez dit aux bibliothécaires de collaborer; tout cela est très beau et très louable. Vous accordez des fonds pour la création et l'édition mais est-ce que, finalement, on fait, à un moment donné, le point sur où on en est? Les problèmes semblent toujours être chroniques. J'aimerais connaître vos idées précises, à part du fait que vous nous avez ventilé cette page des éléments 1 et 2 du programme 1. Dans les faits concrets, comment ceci va-t-il améliorer une situation qui existe depuis très longtemps?

M. Vaugeois: Remarquez qu'il y a des choses qu'on ne peut pas changer. On ne peut pas changer la réalité, on ne peut pas changer le réservoir maximal de l'Etat québécois. Tous les gens s'accordent à dire que, compte tenu du marché qu'il y a ici, cela sera toujours difficile d'y faire de l'édition et de vivre du commerce du livre

ou d'essayer de vivre de sa plume. Encore qu'il n'est pas dit qu'un certain nombre, avec un minimum d'aide, ne pourrait pas s'en tirer assez bien. Au cours des dernières années on a vu se développer, au Québec, des professionnels du livre, comme on n'en avait jamais eues.

L'édition a fait, d'ailleurs, des bonds et les éditeurs se sont fait plus nombreux et plus professionnels. Les librairies, également, ont eu un moment de développement qui semble s'être arrêté depuis quelque temps et même, je pense, qu'on recule actuellement. Le Comité consultatif du livre, comme vous le savez, a comme mandat de conseiller le ministre sur l'agrément des librairies. Il arrive que le comité se penche sur l'ensemble des questions du livre, de sa propre initiative ou à la demande du ministre et traditionnellement — une tradition de courte durée — depuis deux ou trois ministres, l'habitude a été prise de demander au Comité consultatif d'y aller de commentaires plus généraux.

Je vous rappellerai, soit dit en passant, que j'ai été président de ce comité pendant un certain nombre de mois. J'ai donc travaillé à ce genre de rédaction. Il y a eu une nouvelle étude faite, il y a quelques années, appelée Drouin et Paquin...

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est ce qu'on...

M. Vaugeois: ... qui a amené beaucoup d'information et qui a provoqué le Comité consultatif à faire des commentaires. Cela ne m'apparaîtrait pas très utile d'entrer dans une longue discussion là-dessus — encore que moi, cela me passionnerait et je m'excuse de faire référence à cela, mais que voulez-vous, c'est comme cela — parce que vous allez trouver dans le livre blanc un chapitre très précis, avec une articulation assez significative du type d'intervention que nous nous apprêtons à proposer, à recommander, à préconiser dans le domaine du livre. Sans vous en donner une primeur, je vous dirai qu'il y aura un virage assez important de pris et que nous allons nous écarter un peu de ce qui fonde le mémoire du Comité consultatif du livre, parce que ce mémoire-là fait référence à la politique actuelle du livre. On l'a vraiment expérimentée dans toutes ses facettes et un des objets, c'était de développer le réseau de librairies. On se rend compte, après un certain nombre d'années, que le réseau cesse de se développer et même qu'il y a un peu de recul. On se rend compte également que la petite librairie devient fort vulnérable et nous avons vu naître des grands dans le domaine de la librairie. Nous voyons naître au Québec et se développer des réseaux. Cette importance que prennent les réseaux, d'autant plus qu'ils sont souvent de propriété étrangère, en partie, nous a amené à nous poser des questions sur la propriété, sur l'importance que prenaient les réseaux et sur le recul du vrai libraire que nous souhaitions voir se développer avec la politique du livre, telle qu'elle avait été énoncée.

Si on voulait référer au niveau de l'édition, les éditeurs ont fait l'objet de programmes d'aide assez importants ou, d'ailleurs, le Conseil des arts et le ministère des Affaires culturelles, à un moment donné, se disputent les faveurs d'une intervention monétaire. Nous nous sommes demandé si on en n'était pas à subventionner, finalement, les livres qui avaient le moins de chance de se vendre et les livres qui étaient les moins attendus du public. Partant de là, nous aurons des recommandations assez innovatrices de ce côté. Egalement, nous allons reconnaître le besoin de spécialiser le libraire et revaloriser le libraire non-réseau.

Essentiellement, notre effort va porter sur une intervention gouvernementale au niveau de la demande.

Une Voix: Je m'excuse, mais si vous voulez faire une conférence...

M. Vaugeois: Donc, nous aimerions pouvoir intervenir au niveau de la demande. Nous pensons que la meilleure façon, finalement, d'aider I'auteur, d aider l'éditeur et d'aider le libraire, c'est de faire en sorte que les gens lisent plus et aient davantage besoin d'ouvrages qui devront être aussi accessibles que possible.

Nous allons donc avoir des interventions gouvernementales qui auront comme préoccupation de jouer au niveau de la demande. Nous rejoignons là, d'ailleurs, une préoccupation du livre vert de M. L'Allier qui voulait développer et miser surtout sur une politique de la lecture. Sauf, que nous allons un peu plus loin, nous pensons qu on ne peut pas sensibiliser dans le vague les gens à la lecture. Il faut les inciter et pour les inciter, nous croyons à l'intervention du professionnel du livre qui a des chances d'être en contact avec le lecteur. Vous trouvez là un peu les préoccupations qui vont justifier notre approche dans le livre blanc.

Je dirais encore une chose; nous regrettons beaucoup — et ce n'est pas dans le livre blanc, mais je prépare une intervention publique là-dessus que je voudrais bien orchestrée — et nous sommes conscients, actuellement, que les media, en général, ne soutiennent pas suffisamment la promotion du livre. Si nous pouvions réussir à faire en sorte que la radio et la télévision, en particulier, portent plus d'intérêt, plus d'attention à la production littéraire, on pense que le pas le plus important serait franchi.

Si on fait un parallèle entre le commerce du disque et le commerce du livre, le succès qu'obtient le disque tient beaucoup du fait que le disque est davantage présent dans les media électroniques; c'est un phénomène qui ne joue pas en faveur du livre. Or, quand on fait la promotion du livre, au niveau de l'écrit, on est un peu dans un cercle vicieux, parce que les gens qui ne lisent pas, ne lisent pas de toute façon, et même si on leur dit de lire dans des écrits, on ne les rejoint pas. Tandis que le phénomène au niveau du disque est assez révélateur. Les gens n'ont pas besoin de lire pour être incités à acheter un disque, ils l'entendent à la radio, ils voient la vedette à la télévision. Si nous pouvions réussir, au niveau du livre, à rendre le livre présent dans

les media électroniques, on pense qu'on aurait atteint un objectif important qui pourrait jouer en faveur du développement du commerce.

Autrement dit, plutôt que d'avoir des mesures d'intervention pour soutenir l'auteur, soutenir l'éditeur, soutenir le libraire, si on était capable d'animer le commerce du livre en jouant sur la demande, le lecteur décidant lui-même de ce qu'il a envie de lire et également de l'endroit où il a envie d'acheter ses livres... On pense que c'est un domaine où la liberté doit être totale, mais on pense aussi que la lecture est importante en termes de loisir et en termes de formation et qu'il est de devoir d'état de faire en sorte qu'elle se développe.

Notre intervention ne cessera pas au niveau de l'auteur, de l'éditeur et du libraire, mais elle se situera, de façon peut-être plus neuve, au niveau de la demande, par des interventions en particulier dans les media.

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si le ministre est conscient et dans quelle mesure il a eu des échanges avec le ministre de l'Education, le ministre des Finances ou d'autres ministres, sur le fait, par exemple, qu'au moment où vous faites une intervention auprès des bibliothécaires, dont je ne veux pas mettre la sincérité en doute... J'ai vu le communiqué qui est sorti et dans lequel vous leur demandiez d'être des promoteurs de la lecture, ou un message comme celui-là. Les bibliothécaires se retrouvent quand même en assez grand nombre dans les bibliothèques scolaires et les normes non indexées du ministère de l'Education font que, d'une part, parmi les premiers professionnels qu'on met à l'écart, ce sont les bibliothécaires parce que, vous le savez, cela fait trois ans que les normes n'ont pas été indexées au ministère de l'Education, parce que cela tombe dans l'enveloppe de l'équipement général ou des parapédagogiques.

L'autre chose, c'est qu'avec la politique de l'accréditation des libraires... Je voyais justement ce communiqué qu'on a reçu il y a quelques jours: Modification du règlement d'aide au libraire agréé", qui vient de modifier le tableau des tarifs auxquels doivent se conformer les libraires, compte tenu de l'inflation, j'imagine, et de la dépréciation de la monnaie. Le Service de commercialisation du livre du ministère des Affaires culturelles a fait parvenir aux établissements concernés le tableau des prix que doivent désormais payer les établissements subventionnés. J'imagine qu'on fait référence aux commissions scolaires, aux universités, etc. qui achètent des libraires accrédités. Pour eux, le prix des livres monte, leurs subventions ne sont pas indexées, ce qui fait que, à un moment donné, on va se retrouver... Je ne voudrais pas dresser une image absolument sombre, mais les commissions scolaires achètent de moins en moins de livres parce que les coûts montent de plus en plus. Vous admettez qu'elles doivent recevoir davantage, là-dessus, je suis d'accord avec vous, mais par contre, devant la non-indexation des ressources des principaux organismes... (16 h 15)

Au fond, ce sont ces grands organismes qui finalement subventionnent le plus les librairies parce que leurs achats sont beaucoup plus considérables et d'une façon indirecte on subventionne les autres livres. C'est pour cela que je me dis, on peut parler longtemps sur l'incitation des gens à la lecture, mais si vous laissez vos bibliothèques scolaires se démoder jusqu'à un certain point et que, tout à coup, cela devient hors de prix pour les écoles, j'ai l'impression qu'on tourne en rond. C'est un problème que je soumets à votre attention parce que votre modification des normes pour les libraires subventionnés part d'une réalité que j'admets fort bien, mais qui, par contre, peut avoir un effet tout à fait opposé, dans le sens que ceux qu'on veut éduquer, c'est quand même ceux qui commencent à lire; et vous avez le même phénomène concernant les bibliothécaires dans les écoles.

Je me dis: Est-ce que ceci devrait faire l'objet d'une attention particulière de la part du ministère de l'Education ou en collaboration avec le groupe? Le problème est là.

M. Vaugeois: Vous avez parfaitement raison de souligner cet aspect de la question. J'aimerais distinguer les bibliothèques scolaires, les acheteurs de manuels scolaires et les bibliothèques publiques.

Pour ce qui est des bibliothèques publiques, elles relèvent du ministère des Affaires culturelles, et les subventions s'accroissent de façon très significative depuis deux ans.

Dans le cas des livres scolaires, on ne réussit pas à avoir de statistiques très précises. Cela fait plusieurs fois que je demande au ministère de l'Education, depuis que je suis là, de me fournir des statistiques sur les sommes d'argent consacrées à l'achat de manuels scolaires. Je ne réussis pas à en avoir, cela me semble être dans un espèce de poste divers, avec la photocopie, et je ne sais trop quoi.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. L'audio-visuel et tout le pataclan.

M. Vaugeois: C'est cela. Je pense qu'on touche un point très important parce que les gens du secteur scolaire prétendent, à tort ou à raison, on ne peut pas le savoir, qu'ils font les frais de la politique du livre.

Mme Lavoie-Roux: Ils le font, je peux vous l'assurer.

M. Vaugeois: Nous y reviendrons, si vous voulez. On n'est pas capable de quantifier cela. Ils nous disent qu'on les oblige à donner quelque chose comme 15% aux libraires sur le manuel scolaire et que, s'ils pouvaient aller en soumission, comme c'était le cas autrefois, ils feraient des économies.

La pression des libraires c'est de nous dire que le 15% n'est pas une marge suffisante et qu'il faudrait absolument l'augmenter.

A côté de cela, vous avez les achats des

bibliothèques d'enseignement et des bibliothèques scolaires. Si je tente un parallèle, je ne sais pas dans quelle mesure leurs budgets s'accroissent, ne s'accroissent pas ou sont indexés... Je sais une chose, ce que je peux voir dans mon milieu, c'est que les bibliothèques d'institutions d'enseignement me semblent être mieux pourvues que les bibliothèques publiques. Les locaux, en général, sont plus spacieux, le personnel est plus complet...

Mme Lavoie-Roux: Absolument.

M. Vaugeois: Les budgets d'acquisition me semblent être plus importants. Vous me direz sans doute qu'ils ont aussi des exigences de service qui sont de taille, puisqu'il faut tantôt servir une université, tantôt servir un CEGEP, tantôt servir une polyvalente. Il reste quand même que, si je fais une comparaison entre la situation dans laquelle se trouvent les bibliothèques publiques qui sont au service de tout le monde, sans exclure les gens qui sont étudiants inscrits au CEGEP ou à l'université, il me semble que nous avons encore un bon bout de chemin à faire pour rattraper un minimum de ce côté.

Que les bibliothèques scolaires, par la règle des achats, contribuent au soutien de notre politique du livre, c'est indéniable. Est-ce que notre politique du livre les oblige à des déboursés beaucoup plus considérables au niveau des bibliothèques? Je pense qu'il faut l'admettre. Je suis prêt à admettre que notre politique du livre fait que le pouvoir d'achat des bibliothèques publiques et des bibliothèques scolaires s'en trouve affecté.

Je ne dirais pas la même chose pour le livre scolaire. Je prétends que...

Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, il y a un autre problème, c'est qu'à ce moment-là, tout va aller du côté du livre scolaire parce que c'est plus important de donner des livres aux enfants pour qu'ils apprennent leur grammaire que pour lire.

Cela peut sembler plus important dans l'immédiat — on peut se tromper, remarquez bien, dans ce cas-ci — mais ce à quoi je faisais allusion c'était aux bibliothèques scolaires et aux bibliothèques publiques.

M. Vaugeois: Je vous donne raison à ce niveau quoique les services que rendent les libraires compensent probablement, ou presque, pour les frais qu'auraient à faire les bibliothèques si elles commandaient, comme elles l'ont souvent fait traditionnellement, directement chez l'éditeur, ou directement en Europe.

Il faut quand même comprendre qu'avant de placer une commande chez un certain nombre d'éditeurs, il faut d'abord repérer l'éditeur, savoir comment il fonctionne, s'il a un distributeur ou s'il vend lui-même, et il y a un va-et-vient de commandes. Souvent les gens cherchent à commander en Europe. Cela suppose finalement qu'il faut connaître cela; c'est très exigeant et cela demande du personnel.

Quand les livres arrivent, il faut vérifier la caisse, il faut vérifier en regard de la commande, cela coûte de l'argent. Actuellement, puisque le bibliothécaire peut compter sur un libraire, il prend le paquet de commandes qui peuvent concerner 28 éditeurs différents, 28 fournisseurs différents et c'est le libraire qui repère le fournisseur, qui traite avec le fournisseur, et ainsi de suite, de telle façon que la bibliothèque ne traite qu'avec un intermédiaire qui est le libraire. Je pense que la marge que garde le libraire, dans ce cas, est pleinement justifiée en regard des services qu'il rend à la bibliothèque, mais on pourrait discuter longtemps là-dessus. Là où je suis encore plus sûr, c'est au niveau du manuel scolaire, à ce point, d'ailleurs, que je serais prêt à ce qu'on évalue cela; je suis de ceux qui prétendent que la marge de 15% ne correspond pas aux frais réels encourus par le libraire dans son intervention sur le manuel scolaire.

Je suis convaincu que si les commissions scolaires s'organisaient pour faire les achats directement chez les fournisseurs, éditeurs ou autres, cela coûterait rapidement beaucoup plus cher aux institutions d'enseignement et j'essaie de m'imagi-ner, d'ailleurs, comment cela fonctionnerait. Elles ont de la difficulté à nous dire actuellement quelles seront leurs clientèles scolaires en septembre. Les CEGEP ne savent pas très bien le dire, les polyvalentes ont de la difficulté à le dire. Comment pensez-vous qu'ils pourraient dire le nombre exact de livres dont ils auront besoin quand ils ne savent même pas très bien le nombre de professeurs qu'ils auront?

Mme Lavoie-Roux: Je regrette, ces prévisions sont faites au mois de mars, avril.

M. Vaugeois: Sauf que quand ce sont des livres, madame, le libraire reprend actuellement les livres. Est-ce que le diffuseur aurait la même gentillesse de prendre des retours ou de compléter des commandes?

Mme Lavoie-Roux: Dans tous les cas, M. le ministre, M. le Président, j'aimerais suggérer au ministre qu'il s'enquière auprès de ceux qui ont dû appliquer cette politique. Je ne suis pas contre, je pense que c'est une façon de soutenir le libraire, mais ce qu'il faut voir c'est qu'en même temps qu'on veut aider quelqu'un, il ne faut pas travailler au détriment de l'autre et c'est ce qui s'est produit, surtout quand, je vous le répète, au point d'où je suis partie, c'est la non-indexation des normes là-dessus.

Je pense que dans une plus petite commission scolaire ou dans une bibliothèque municipale d'une ville de — je ne sais pas — 7000, 8000, ou 15 000 habitants, vous avez tout-à-fait raison, c'est probablement le libraire qui, finalement, encourt les frais de manipulation et de commandes, etc. Mais lorsque vous arrivez dans des organismes scolaires beaucoup plus considérables, je pense que ce n'est pas la même chose. De toute façon, cette organisation existait mais j'en suis sur le fait que, finalement, il faudrait peut-être une coordina-

tion pour que, justement, les objectifs qu'on veut atteindre soient vraiment atteints. Une autre question.

M. Vaugeois: Vous ne parlez pas des écoles élémentaires; ce qui me préoccupe beaucoup dans cette question, c'est la présence de bibliothèques dans les écoles élémentaires. Je pense que les habitudes de lecture se prennent vraiment à l'élémentaire et nos bibliothèques pour jeunes se font rares. Quand les municipalités équipent leur bibliothèque, souvent il y a une section pour les jeunes, mais cela va rarement plus loin que cela. Traditionnellement, il y avait des écoles élémentaires qui étaient bien équipées pour fournir les services de bibliothèque aux jeunes. De plus en plus, il me semble que les bibliothèques d'écoles élémentaires, qui restent ouvertes l'été ou qui sont accessibles en dehors des heures de cours, se font rares et c'est un autre aspect de la question qui, pour moi, est très important, parce que l'on y investit beaucoup d'argent. Il y a des locaux et il y a des livres et il y a des bons livres et c'est souvent à proximité de la résidence d'un certain nombre de jeunes et je suis très préoccupé par la façon de rendre ces bibliothèques accessibles.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'on revient, on refait — et je ne vous en fais pas reproche — les mêmes discussions qu'on a faites l'an dernier. C'est tout le problème. Quand j'entends le ministre délégué au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports dire que les équipements ne servent pas, tout le monde s'entend là-dessus. Tous les citoyens s'entendent là-dessus, mais il reste ce problème: D'où vont venir les ressources, par exemple, pour tenir votre petite bibliothèque ouverte — je suis tout à fait d'accord qu'elle devrait rester ouverte — alors qu'il n'y a plus de personnel dans l'école durant l'été? Il faut quand même que quelqu'un assume ces frais. C'est évidemment un manque de coordination et de ressources qui fait que, par exemple, dans la région de Montréal, le problème est moins aigu, du moins pour les équipements sportifs où il y a des ententes signées, où la ville assume les responsabilités après quatre heures, ou après six heures, peu importe, mais ces mêmes ententes ne sont pas faites partout.

A un moment donné, on dessinait les plans des écoles pour que la bibliothèque soit facile d'accès sans que la population soit obligée d'envahir toute l'école en dehors des heures de cours. Il y a des écoles où c'est fait, où la ville l'accepte, l'école Evangéline, par exemple, a une bibliothèque, en fait, une bibliothèque de quartier. Je pourrais vous en nommer d'autres, mais là encore c'est une question de coordination et la ville de Montréal, qui voit cela comme une de ses responsabilités a peut-être, plus les moyens que d'autres municipalités de le faire. Ce n'est pas dans le manque de conviction des gens que réside le problème, c'est vraiment dans le manque de ressources des municipalités.

M. Vaugeois: Si vous me le permettez. Ce n'est pas à vous que je le fais remarquer, c'est de façon générale. Les milieux concernés posent le problème de leur contribution indirecte à la politique du livre, mais si on voulait regarder les immobilisations faites dans ces équipements et dans les acquisitions faites à longueur d'année, alors que, pendant plusieurs mois, cela cesse de servir, à mon avis, c'est aussi grave que de contribuer indirectement à la politique du livre. Je trouve qu'on ne met pas le doigt sur le vrai gaspillage, si gaspillage il y avait quelque part, c'est celui d'avoir des bibliothèques qui ne servent pas pendant plusieurs mois.

Deuxièmement, je trouve aussi étonnant qu'en certains milieux on s'offusque du prix des livres ou du pourcentage que les professionnels du livre vont chercher sur leurs livres — ce qui me paraît très modeste — sans qu'on se préoccupe au même titre des coûts de la photocopie, par exemple. Tout le monde sait qu'il y a des ouvrages actuellement qui coûtent moins cher d'achat que de coûts de photocopie, mais les budgets d'acquisition sont vite épuisés pour les achats et les budgets de photocopie ont l'air de se perdre dans les budgets généraux. J'insiste beaucoup, actuellement, pour qu'on me dise ce qui passe en pho-tocophie et ce qui passe en achat de livres. J'ai hâte de voir ce genre de chiffres. Je fais un pari. J'ai assez vécu dans ce milieu pour croire que, dans bien des cas, on met plus d'argent, finalement, dans la photocopie que dans l'achat des livres. A ce moment, on empêche les professionnels du livre et les auteurs de vivre décemment. Je pense qu'il y a une bonne partie de nos problèmes qui commence là. Je ne me fais pas d'illusion. Il ne sera pas facile d'intervenir au niveau de cet abus.

Il reste que nos budgets sont ainsi faits, qu'on encourage la photocopie. C'est la même chose pour les gens de l'audio-visuel. S'ils ont à créer du matériel, il faut qu'ils travaillent. S'ils photographient des livres d'art, par exemple, on dirait qu'ils ont trouvé le travail à faire, et ils font une série de diapositives à partir de deux ou trois bouquins qu'ils ont photographiés. Ils donnent cela aux professeurs, alors qu'ils existent, il me semble, pour créer du matériel et non pas pour copier des livres, fussent-ils de couleur.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, sans vous enlever votre droit de parole, vous pourrez revenir tout à l'heure. Les 20 minutes sont écoulées afin de permettre à d'autres d'intervenir.

M. Vaugeois: Peut-on suspendre une séance comme cela deux minutes? J'ai un appel des plus urgents.

Le Président (M. Jolivet): Si on est tous d'accord.

Mme Lavoie-Roux: Oui. M. Le Moignan: Oui.

Le Président (M. Jolivet): La séance est suspendue pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 28)

Reprise de la séance à 16 h 33

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Puisque le ministre est de nouveau confirmé dans son mandat...

Mme Lavoie-Roux: On va continuer. M. Le Moignan: Vous êtes soulagé.

M. Vaugeois: C'est toujours par intérim, j'insiste là-dessus, je refuse toute permanence.

M. le Moignan: M. le ministre, vous avez fait allusion au livre blanc à différentes reprises. En somme, pour tout ce qu'on regarde ici, il y a des solutions dans le livre blanc, je crois. Déjà on dirait que vous avez peur d'anticiper. Quand on regarde votre budget...

M. Vaugeois: Puis-je vous dire, M. le député, que j'ai peur de cacher ma grande satisfaction devant les propositions que contient le livre blanc?

M. Le Moignan: Alors, ne soyez pas trop discret et levez certains coins du voile. Je pense que cela va nous aider.

Vous avez un budget d'environ $13 millions pour livres et imprimés, dont $2 millions pour l'aide à la publication et à la vente du livre. Maintenant, vous avez parlé de la publicité pour les disques. On sait que les disques se vendent beaucoup et que la publicité rapporte évidemment. Avez-vous pensé à inventer un système électronique, soit radio ou télévision, pour amener les gens à lire, pour leur proposer des ouvrages, de façon générale? Pace qu'on sait que le prix du livre, au Québec, est assez exorbitant et de plus en plus le moindre petit livre coûte cher. Alors, est-ce que quelque chose est prévu à votre ministère pour amener les gens à lire, comme les compagnies de disques le font?

M. Vaugeois: Oui, nous prévoyons... Il y a déjà beaucoup de choses qui se font et là-dessus... On pourra revenir à la question précise que vous venez de poser, mais je vais peut-être vous étonner en vous donnant une constatation que je fais actuellement — que vous avez peut-être déjà faite, je n'en sais rien — on insiste beaucoup sur le fait qu'à peu près la moitié des Québécois ne lit pas, et qu'à peu près la moitié n'aurait jamais lu un livre.

Par ailleurs, nos bibliothécaires des bibliothèques publiques observent un accroissement des lecteurs, depuis deux ans, en particulier, qui est remarquable. La bibliothèque municipale de Trois-Rivières, actuellement, compte à peu près 25 000 abonnés sur une population de 52 000 ou 53 000 habitants. La circulation des livres, cette année, pourrait être de l'ordre de 200 000 volumes...

Je pense que l'on se retrouve devant un phénomène...

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Vaugeois: Je suis confirmé mais je ne suis pas sûr de survivre.

M. Goldbloom: Heureusement que ce n'est pas lenvironnement que nous examinons.

M. Vaugeois: Je vais combattre avec mon cigare.

Mme Lavoie-Roux: C'est nous qui allons nous plaindre.

M. Vaugeois: II y a donc le phénomène... M. Alfred: Si cela continue de même, nous...

M. Vaugeois: ... de l'élargissement du réseau des bibliothèques. Cela va très bien... Je dois reconnaître que le ministère, ces dernières années, a marqué des points de ce côté. Dans les bibliothèques, le personnel, en général, est dynamique, très dévoué, les bibliothécaires sont des gens convaincus et la réponse de la population est étonnante. On n'insiste pas assez là-dessus.

Le problème, c'est de sortir d'une espèce de cercle d'initiés. C'est pour cela qu'il faut inventer des moyens qui vont au-delà de l'écrit. Je compte beaucoup sur les deux types de professionnels que sont le libraire et le bibliothécaire parce que le premier livre, souvent, est suggéré par une incitation directe. J'aurais envie de vous dire, par exemple, aujourd'hui — mais vous, vous lisez beaucoup — Avez-vous lu "Les grandes marées" de Jacques Poulin? Je l'ai terminé dimanche.

Disons que vous ne lisez jamais. Je vous parle d un roman en particulier; je me fais convaincant. Je vous connais assez pour savoir que c'est le genre de roman, bien que vous n'ayez pas l'habitude de la lecture, qui vous donnerait le goût d'en lire un autre. Mais pour l'autre, vous allez revenir me voir et vous allez me demander: Avez-vous un autre livre à me suggérer, du même ordre que le premier? C'est ce qui se passe tous les jours dans les bibliothèques et les librairies. Cela va tellement loin, d'ailleurs, que lorsqu'on entre dans une bibliothèque publique, si on ne trouve pas le bibliothécaire qui nous conseille généralement les livres qu'on aime, bien, on hésite, on flâne et finalement, on sort parfois sans livre.

A mon avis, le rôle du bibliothécaire et du libraire est fondamental; c'est ce que moi, en tout cas, je reconnais. Ces gens ne peuvent pas, par des gestes individuels, aller chercher constamment de nouveaux lecteurs. Donc, il faut aller les

chercher — je le répète — par l'utilisation, le recours à la radio, en particulier, et à la télévision. Sans entrer dans les détails, j'envisage une grande offensive — je ne sais pas si c'est illusoire — qui amènerait nos media électroniques, en particulier, à faire un bulletin de nouvelles, entre les nouvelles générales et les nouvelles sportives, qui toucherait la vie artistique. Je trouve cela scandaleux qu'au moment, par exemple, de la remise du prix du gouverneur général, la seule nouvelle qui a été retenue au bulletin de nouvelles de Radio-Canada, fut pour souligner qu'un des récipiendaires avait refusé le prix. Les autres — et vous vous étonnerez peut-être de m'entendre parler ainsi — qui avaient accepté un prix prestigieux n'ont pas été mentionnés. C'est quand même le bout du monde. Pour faire la Manchette à Radio-Canada, quand tu reçois un prix important comme celui-là, il faut le refuser. Je dis que c'est rendu au bout.

Alors, qu'on tourne en rond au niveau des professionnels du livre et de ceux qui lisent déjà, je veux bien; qu'on améliore la performance à l'intérieur du cercle des initiés et des mordus, c'est ce qu'on fait actuellement, mais il faut briser ce cercle. On ne le brisera pas si les media électroniques n'entrent pas dans le jeu. Entre autres choses, je ne vois pas pourquoi on n'aurait pas, avant les nouvelles sportives, des nouvelles artistiques et littéraires qui pourraient être brèves mais qui pourraient rendre compte, non seulement de ceux qui ont posé des gestes un peu étonnants ou qui ont un auteur...

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Vaugeois: Voilà! Je pense que j'ai dit...

M. Le Moignan: M. le ministre, je pourrais peut-être vous signaler une bonne initiative du poste CHAU-TV de Carleton qui donne, au moins une fois par semaine: Le livre en quelques mots. A cette occasion, ce sont les libraires ou les éditeurs qui envoient au poste... On passe certainement de dix à quinze romans ou nouvelles, ou livres d'histoires. Cela a un très bon effet parce que, personnellement, je me suis procuré des livres après cette brève analyse qu'on en faisait.

M. Vaugeois: C'est cela.

M. Le Moignan: Vous avez aussi...

M. Vaugeois: Ecoutez, cela pourrait aller aussi loin qu'un dialogue à la radio, de la même façon qu'on écoute un extrait de disque; pourquoi, de temps en temps, ne pourrait-on pas écouter un extrait de roman qui nous donnerait l'envie de le lire? Je pense qu'il va falloir aller de ce côté.

D'ailleurs, on fait des expériences, actuellement, d'enregistrement de livres pour les aveugles et les semi-voyants, ou pour les handicapés qui sont paralysés, ainsi de suite. C'est une expérience qui se développe; la plupart de nos bibliothèques publiques, actuellement, sont en train de se donner des services — quand elles ne les avaient pas déjà — d'enregistrement pour cette catégorie de clients.

Mais cela pourrait aller plus loin et, encore, être accessible par la radio. Je pense que tout le monde est prêt à cela. Ce que je trouve un peu irritant, c'est que ces gens-là, souvent, reprocheront aux libraires d'avoir l'esprit mercantile, reprocheront aux bibliothécaires de faire ceci ou de faire cela. Je pense que les gens de nos media devraient regarder un peu leurs responsabilités lorsqu'ils lancent la pierre du côté des professionnels du livre, alors qu'eux-mêmes, à mon avis, sont l'élément-clé.

J'ai un exemple à l'esprit: II y a un livre de Léméac "Au-delà des massacres" qui est resté sur toutes les tablettes des libraires pendant six mois, à un tel point que les libraires songeaient à le retourner. Un bon soir, Wilfrid Lemoine, à Radio-Canada, a fait une entrevue avec l'auteur qui est un type remarquable. Le lendemain, Léméac a été inondé d'appels; les rayons des libraires se sont vidés. C'est comme cela. Le phénomène de la lecture passe maintenant par l'incitation que peuvent suggérer la radio et la télévision.

Puisqu'on n'a pas de programme qui va de ce côté-là, il faut faire plus qu'on a fait cette année. Cette année, on a pratiqué une opération de sensibilisation. C'est bien, mais cela n'aura probablement pas fait lire un livre de plus. Maintenant, il faut se lancer dans une campagne d'incitation; c'est ce qu'on s'apprête à faire.

M. Le Moignan: Parce qu'actuellement vous avez un réseau de bibliothèques municipales...

M. Vaugeois: Qui se développe bien.

M. Le Moignan:... qui de développe parce que ce réseau représente peut-être seulement une centaine de bibliothèques dans la province, ou plus?

M. Vaugeois: Quatre-vingt-quatorze, me dit-on.

M. Le Moignan: Maintenant, est-ce que vous...

M. Vaugeois: Cela dépend, si on comptait les BCP. Les BCP, eux, ont une pénétration fantastique.

M. Le Moignan: Est-ce que vous songez à utiliser davantage, comme on l'a mentionné tout à l'heure, une bibliothèque de CEGEP? Je prends un milieu comme Gaspé où ils ont fait des efforts pour essayer d'en arriver à une bibliothèque municipale qui, je crois, n'existe pas. C'est un exemple.

M. Grenier: Egalement à Lac Mégantic, on va avoir de l'appui maintenant; cela va aller mieux pour une bibliothèque municipale à Lac Mégantic.

M. Vaugeois: Vous pensez que le régionalisme du sous-ministre va aller jusque là?

M. Grenier: Cela devrait. Il devrait commencer par là.

Mme Lavoie-Roux: ... sous-ministre...

M. Vaugeois: Tout passe par Trois-Rivières. C'est officiel.

M. Le Moignan: Est-ce qu'il y a des obstacles à l'ouverture de bibliothèques ou d'annexes dans un collège, un CEGEP? Est-ce que cela existe à certains endroits?

M. Vaugeois: Mme le député de L'Acadie a souligné qu'au niveau des équipements sportifs le même problème s'était posé, et je pense qu'un peu partout dans tout le Québec les choses évoluent rapidement. A cet égard, la fermeté du ministre aura contribué, je crois, à accélérer certains protocoles d'utilisation des équipements sportifs des commissions scolaires, des polyvalentes ou des CEGEP, etc. Il faudra peut-être arriver avec la même attitude du côté culturel, mais il faudra aussi arriver avec des sous.

Je pense que les commissions scolaires, maintenant, et les administrations de CEGEP sont bien conscientes qu'il faut ouvrir et rendre accessibles leurs équipements culturels au même titre que les équipements sportifs. D'ailleurs, j'ai déjà sur mon bureau un certain nombre de demandes; un CEGEP de l'Outaouais, par exemple, nous dit: On va être obligé de fermer notre salle, en dehors de l'usage des Cégépiens, parce qu'on n'a plus les budgets pour garder cette salle ouverte à la population.

Le problème se pose. Il faut savoir y faire face et nous avons un certain nombre de mesures, actuellement, qui vont nous permettre d'y faire face. Déjà, le ministère a lancé, au début de l'année, un programme d'accessibilité qui intervient avec un financement équilibrant le déficit d'une programmation qui aurait été soumise à l'attention du ministère et qui a été acceptée.

Il y a déjà un certain nombre de moyens qui sont mis en oeuvre. Il va falloir aller plus loin et probablement arriver avec de l'argent qui va justifier les administrateurs scolaires de rendre leurs équipements culturels accessibles.

M. Le Moignan: Si les municipalités, je pense, avaient plus d'argent, elles pourraient contribuer, à ce moment-là, au réseau... à l'accroissement du nombre de volumes dans les CEGEP en particulier.

Au sujet de vos bibliothèques publiques, quelle proportion du peuple Québécois peut être desservie par cela? Est-ce que vous avez des statistiques sur vos bibliothèques... le réseau de bibliothèques publiques? Quelle proportion de personnes cela touche-t-il?

M. Vaugeois: Je prends une note là-dessus. Voulez-vous que je vous remette un document? J'ai un très bon document là-dessus.

M. Le Moignan: Oui, d'accord.

M. Vaugeois: Toutes les questions que je me suis posées ont trouvé leurs réponses dans les heures qui ont suivi, comme quoi les services du ministère sont très compétents. Je vais vous remettre cela. Vous ne pouvez pas avoir à l'esprit beaucoup plus de questions que j'en ai eu moi-même, avec l'appréhension que créait chez moi la défense des crédits. Alors je vous offre cela, volontiers. Vous en aurez plus que pour votre argent.

M. Le Moignan: On pourra reposer toutes ces questions. (16 h 45)

M. Vaugeois: Est-ce que mon collègue de Mercier aurait des commentaires à faire?

M. Godin: Mon tour est inscrit.

M. Le Moignan: Maintenant, dans le développement d'un réseau, de quelle façon entendez-vous procéder pour activer?

M. Vaugeois: Voulez-vous aussi que je vous donne un autre document?

M. Le Moignan: Est-ce que c'est la réponse...

M. Vaugeois: Je pourrais vous donner un autre document qui est très intéressant mais très complexe. Ce sont les protocoles... ce sont les protocoles qui sont suggérés aux municipalités pour développer des bibliothèques publiques. C'est très compliqué parce que cela tient compte de l'évaluation foncière, de la population et, en gros, pour le résumer, c'est dans la mesure où la municipalité fait un effort que le ministère s'oblige à faire un effort qui sera généralement de l'ordre de 30%, encore que dans certains cas, quand l'évaluation foncière est bonne, que la population est assez élevée, la proportion peut baisser; dans le cas de Trois-Rivières par exemple, je pense que c'est 25%. C'est la plus faible que nous ayons, parce que la situation de la ville la justifie à notre avis de faire un effort plus considérable.

Mais ce programme du ministère a beaucoup de succès actuellement et je peux même vous faire un aveu; si tout le monde répondait à la proposition qui est faite au milieu, aux autorités municipales, d'investir dans des bibliothèques publiques, nous manquerions de crédits. Nous avons évalué à environ $1 million la somme qui nous manquerait si toutes les municipalités marchaient dans notre proposition, suivaient notre proposition. Il est possible d'ailleurs qu'on ait un problème, mais on sera alors justifié, je pense, d'aller chercher des crédits supplémentaires. Déjà le Conseil des ministres a reconnu l'importance de ce développement, a reconnu l'intérêt des normes que nous avons établies et il nous a donné une ouverture de crédits importante à cet élément. Nous l'avons souligné ce matin. C'était de l'ordre

de $1 200 000 et je souhaite que nous manquions d'argent, bien sûr. C'est pour dire que le réseau des bibliothèques publiques s'étend raisonnablement et l'approche prise par le ministère provoque de bonnes réactions dans le milieu.

Sans compter, encore une fois, les BCP qui continuent de pousser leurs ramifications dans le milieu. Autrement dit, il y a une réponse de la population et les administrateurs municipaux se rendent compte que les gens veulent aussi ce genre de service. C'est là que cela commence. Mais le gouvernement peut toujours mettre un petit peu d'argent dans l'affaire, si les administrateurs municipaux ne sentent pas qu'ils peuvent marquer des points en donnant des services de cette nature, ils ne feront rien.

Mais les gens en demandent et les administrations municipales, de plus en plus, sont ouvertes à donner ce genre de service.

M. Le Moignan: Je vois que dans l'aide à la publication, vous avez au-delà de $2 millions. Est-ce que c'est pour encourager les écrivains, les éditeurs, les libraires, de quelle façon cela peut-il se répartir?

M. Vaugeois: Vous appelez cela comment?

M. Le Moignan: "L'aide à la publication et à la vente du livre", le premier élément.

M. Vaugeois: Je vais vous le ventiler, si vous voulez; d'abord il y a les frais généraux d'administration de la politique du livre, entre autres, le Comité consultatif du livre, etc. Vous avez après cela une assistance financière à la création. Vous avez de l'aide aux créateurs, après cela vous avez de l'aide à l'édition et vous avez de l'aide à l'édition de périodiques et puis vous avez également un budget de promotion et de diffusion. Si cela vous intéresse, la plupart de ces programmes sont normalisés. Je pourrais vous donner les critères qui jouent lorsqu'on donne une subvention à l'édition ou des choses comme cela. Je pourrais vous donner les critères, ils existent. Voulez-vous ce genre de documents?

M. Le Moignan: Non.

M. Vaugeois: C'est intéressant, vous savez.

M. Le Moignan: Tout ce que vous avez comme document, en cours de route vous pourrez nous les donner.

Mme Lavoie-Roux: ... donner.

M. Vaugeois: Est-ce qu'on peut prévoir de réunir les trois ou quatre jeux de normes qui s'appliquent à l'aide à la publication? Vous verrez l'effort fait par le ministère pour normaliser ces subventions, éviter l'arbitraire et le discrétionnaire qui est toujours le danger dans ce genre de jugement qui est porté sur des manuscrits ou sur des propositions d'auteurs. L'approche prise, c'est vraiment celle de la liberté.

M. Le Moignan: Alors c'est dans ce budget que viendrait, par exemple, l'aide que vous offrez aux sociétés d'histoire.

M. Vaugeois: Non! Pour ça on a des petites surprises pour vous dans le patrimoine et ailleurs.

M. Le Moignan: Dans le patrimoine. Une bibliothèque nationale, la plupart des livres québécois...

M. Vaugeois: Si vous me le permettez, c'est un autre élément, c'est l'élément 3.

M. Le Moignan: L'élément 3, d'accord.

M. Vaugeois: On peut le régler tout de suite, si vous le voulez.

M. Le Moignan: Non, je reviendrai. J'ai terminé pour le moment.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mercier.

M. Godin: Merci, M. le Président. D'abord, je me retrouve ici avec un collègue de l'Association des éditeurs. On a été expulsés en même temps tous les deux de cette association. Il y a un aspect du domaine du livre dont le ministre n'a pas encore parlé. Il paraît qu'il va noter cela dans le livre blanc, mais je vais évoluer un peu autour du problème du livre dans son ensemble, M. le ministre, si vous me le permettez.

Pour parler, en particulier, d'un problème qui me tient très à coeur... Je dirais qu'il y a un étage du livre qui est l'étage culturel et qui est la librairie dans laquelle se rendent les lecteurs qui ont l'habitude d'acheter des livres et de lire régulièrement et il y a 150 librairies accréditées au Québec. Mais il y a un autre aspect du domaine du livre qui est très révélateur de l'ampleur du marché du livre, de l'imprimerie et du magazine au Québec, c'est le kiosque, le point de vente, le terminus d'autobus et même les pharmacies; c'est là que la principale activité concernant le livre se situe, c'est là qu'est le marché le plus important, par rapport à l'autre; je pense que c'est de l'ordre de un à cinq. Cet aspect de la réalité culturelle québécoise montre que les Québécois, contrairement à ce qu'on pense... Parce que malheureusement on ne se limite généralement qu'à la partie librairie culturelle, si vous voulez, et non pas à la librairie dite populaire: kiosques, points de vente, le marchand de jour-

naux du coin, le magasin de variétés sont également des libraires, à certains égards, ils vendent des livres de poche français ou américains, un peu de livres québécois, malheureusement moins de québécois qu'autre chose. Si vous additionnez les deux activités, vous vous rendrez compte que, per capita, les Québécois lisent autant, sinon plus que les Français, par exemple, en montant consacré.

J'espère que le ministère va — je n'avais pas averti le ministre de mes remarques au préalable — être sensibilisé à cet aspect de la question. Je pense que ces kiosques à journaux et magasins de livres sont vraiment ceux qui ont le contact le plus direct avec la masse des citoyens et des lecteurs. Une intervention au moyen des media électroniques pour rejoindre le lecteur et établir le pont entre le lecteur et le livre n'est pas à dédaigner, mais je pense qu'il y a déjà tout un réseau qui existe, toute une gamme d'habitudes de citoyen qui va acheter ses cigarettes et, en même temps, prend un livre dans le même magasin. Je souhaite que le ministère soit sensibilisé à cet aspect. Je me demande si la solution ne serait pas que le livre québécois passe par ces librairies et occupe une place de choix dans ces librairies de façon que le livre québécois soit le premier vers lequel le citoyen tend la main après avoir acheté son paquet de cigarettes. Je pense qu'il y a un débouché relativement énorme pour un livre québécois populaire, dans sa facture aussi bien que par son prix, dans ce secteur.

Maintenant, j'aimerais citer ici un proverbe chinois qui dit: "L'éditeur est un homme qui fait circuler quelques idées et qui meurt ruiné. " Je pense qu'il est de commune et historique notoriété que l'éditeur, effectivement, n'est pas là pour faire de l'argent. Il y a des oeuvres qui ne sont appréciées que 50 ans après; même Stendhal le disait dans son journal: "Je serai lu en 1932", c'était 80 ans après sa mort ou à peu près, et, effectivement, c'est ce qui s'est passé, il est devenu un classique longtemps après sa mort.

Je sais que ce n'est pas facile et il est possible que le livre blanc, sur le plan culturel, modifie un peu la plomberie ou, si l'on veut, le mécanisme de la lecture au Québec, par des interventions ponctuelles dans ce secteur. Mais je dis que ce n'est pas facile, dans la mesure où les programmes... Quand un nouveau gouvernement arrive au pouvoir, les programmes sont là, la machine marche, le personnel la fait marcher et c'est souvent le minimum de l'activité requise qui se produit; on continue certaines foulées, en fait, même avec ces programmes que je vois ici, une certaine foulée qui ne fait que se poursuivre, qui est essentielle, remarquez bien. Mais j'aimerais que le livre blanc, pour l'avenir, nous fasse faire un bond en avant et nous ouvre des horizons vers les petits vendeurs de livres. Je peux vous dire que, à Trois-Rivières, la librairie qui, pour moi, est la plus importante s'appelait le Royaume des oiseaux, c'était un vendeur de poissons et d'oiseaux, un "aquarium" qui vendait également des livres. Cette librairie était fréquentée par des gens qui n'étaient pas des intellectuels, qui achetaient beaucoup de livres, qui étaient peut-être les principaux acheteurs de livres à Trois-Rivières. Elle ne serait pas classée...

Mme Lavoie-Roux: C'est une mafia.

M. Godin: Elle ne serait peut-être classée, M. le Président, en vertu des normes actuelles, comme une librairie agréée, cette librairie. Cela me fait poser la question au gouvernement dont je fais partie, sur l'adaptation de ces normes à la réalité culturelle de la masse québécoise qui est cultivée, malgré que cela ne réponde pas au critère de la culture de Madame de Pompadour ou autres beaux esprits, mais la consommation de livre dans l'autobus ou dans le métro de Montréal est considérable, on le voit. Dans chaque rame de métro que je prends, il y a des gens qui lisent des livres de poche — malheureusement, comme je disais au début — français.

Il y a des expériences qui ont été faites dans certains pays, par l'Etat, et je me demande si cette expérience ne devrait pas être tentée à cet égard. Un livre de poche à prix extrêmement bas — on pourrait prendre quatre ou cinq titres dans une année, les imprimer à 50 milles exemplaires, cela pourrait être fait par la Bibliothèque nationale ou l'éditeur officiel du Québec, cela pourrait être des classiques, pas nécessairement des oeuvres québécoises, mais j'aimerais qu'il y en ait quelques-unes dedans... A titre d'expérience pilote, que l'Etat s'occupe de vérifier s'il y aurait un marché pour un livre de poche québécois, à prix populaire et à facture populaire. Je souhaite que le futur livre blanc aborde ces questions.

Le marché est là, d'après moi. Ce qui me frappe, c'est que, si vous allez chez Giguère ici, à Québec, qui est un libraire, vendeur de cigarettes et de tabac aussi, mais qui est un libraire, tout à côté d'une librairie qui s'appelle Garneau, il y a probablement plus de gens non liseurs qui vont chez Giguère, mais ils achètent autant de livres per capita, j'ai l'impression, ou autant d'imprimés en tout cas. Si vous entrez chez Giguère, vous allez voir du livre de poche de la collection "J'ai lu", "Folio" et des magazines américains, etc., et une part extrêmement..., la peau de chagrin en fait, qu'on pourrait ainsi qualifier de territoire réservé aux productions québécoises dans les kiosques à journaux.

Je pense que le gouvernement du Québec devrait — je pense qu'il va d'ailleurs le faire bientôt, d'après mes renseignements — prendre en considération cet aspect de la diffusion. C'est par là que cela serait le plus facile et le moins coûteux pour faire en sorte que le public lecteur et l'édition québécoise, le livre québécois, se rejoignent largement.

D'autre part, je vois, dans le premier paragraphe du programme 1.1 que les prêts garantis aux éditeurs n'ont été consentis qu'à quatre éditeurs et un libraire. Et la raison — je l'ai d'ailleurs exprimée dans des documents au gouvernement — une des raisons était que, contrairement, à ce qui se passe en Ontario où une telle politique existe, l'Ontario paie l'intérêt — c'est une mesure,

par conséquent, d'aide directe — sur les prêts consentis aux libraires et éditeurs. J'ai demandé plusieurs fois au gouvernement que nous copions l'Ontario puisque nous avons des velléités de souveraineté culturelle, dont votre ancien chef était friand. La souveraineté culturelle devrait s'incarner, pour nous, dans des mesures très précises, puisque nous prétendons en avoir, ce que l'Ontarien ne prétend même pas; mais n'ayant pas les devises, elle a la politique et les crédits qu'elle affecte à cela. C'est un exemple à suivre. Je pense que, pour quelque temps on devrait "s'onta-rienniser" — je ne sais pas si cela se dit — et aller dans la même direction, parce qu'au fond — je vais me faire critique du gouvernement, temporairement, contrairement à mes habitudes — ce que la SDI fait dans le domaine du livre et des libraires, c'est le rôle d'une banque, au fond. Ils appliquent, malheureusement, à peu près les mêmes critères que les banques. Je puis vous dire, en tant qu'éditeur, que devoir $50 000 à cinq libraires, c'est-à-dire à cinq imprimeurs — $10 000 à chacun — me semblait à moi, en tant qu'homme d'affaires, moins dangereux que de devoir $50 000 à la SDI — ne devoir qu'une dette, à ce moment-là il peut m'étrangler plus facilement. Je trouvais, par conséquent, que cette mesure-là, même si elle partait d'un bon sentiment et d'un bon naturel n'allait pas suffisamment loin dans une sensibilité aux problèmes réels des libraires, des éditeurs et imprimeurs aussi, parce que, au fond, les plus grands artisans de la politique du livre au Québec, ce sont les imprimeurs, pas le gouvernement. La masse de crédit que supportent les imprimeurs au Québec, pour les éditeurs, c'est fantastique. C'est plus, peut-être que tout le budget du ministère des Affaires culturelles, du moins en ce qui concerne les bibliothèques et le livre. (17 heures)

Donc, il y a un problème extrêmement important. Pas plus tard qu'il y a deux jours, un imprimeur me disait qu'il était menacé de faillite, parce qu'il n'y a plus de marché, il n'y a plus rien. Il est temps, par conséquent, qu'il se passe quelque chose de concret dans ce domaine. Après avoir parlé de souveraineté culturelle — nous avons pris le même flambeau, remarquez bien — il faut qu'on fasse des choses concrètes dans ces secteurs. J'ai confiance que le ministre, vu son passé et sa connaissance du secteur et des problèmes du secteur — c'est un secteur où il y a beaucoup plus de problèmes qu'autre chose — développe des politiques à venir qui iront dans la bonne direction.

A l'élément 3 du programme 1, je vois que le ministère aide la publication de douze périodiques. Ces douze périodiques, s'ils ne disposent pas, dans les kiosques à journaux, d'une place privilégiée, à mon avis, c'est en partie de l'argent jeté à l'eau. Le rapport De Grandpré, qui est un chef-d'oeuvre du genre, montrait fort bien que cet espace culturel, au Québec, est occupé par des publications étrangères et que la place du Québec est absolument nulle, ou à peu près, avec l'exception d'une nouvelle génération de publications qui s'appellent Nous, Le Mois, etc., enfin, publications peut-être bonnes dans leur secteur. Mais s'il y avait un moyen — peut-être en consultation avec les vendeurs de journaux eux-mêmes, les kiosques, avec la profession, autrement dit — je me demande si on ne pourrait pas arriver à tailler, pour les publications québécoises, une place aussi bien pour le magazine, revue, que pour le livre, une place qui permettrait vraiment de vérifier si les Québécois en veulent ou n'en veulent pas. Un exemple que j'ai déjà donné lors d'un colloque auquel je participais avec le prédécesseur de M. Vaugeois, M. L'Allier: Si vous ne vendez que des tomates de Californie chez un marchand de légumes québécois, vous pourrez dire, après dix ans que les Québécois ne mangent pas de tomates québécoises. Evidemment, il n'y en a pas là où les gens vont acheter les tomates. Dans le domaine du livre et de la revue, c'est le même problème. J'en étais à souhaiter, dès ce moment-là, qu'on s'occupe... j'estime, effectivement, que les bibliothèques et les librairies a-gréées sont les piliers, si l'on veut, de la culture et du livre. Mais il faut s'en occuper; c'est ce qui se fait, et cela se développe, et c'est tant mieux. Les bibliobus, par exemple, et la fréquentation de la bibliothèque municipale de Montréal — que je fréquente régulièrement — montrent qu'effectivement ce sont les temples de la culture, très populaires et très fréquentés.

Mais il serait temps qu'on se rapproche des petites chapelles de la culture, qui seraient les kiosques à journaux, qu'on sorte des gros édifices de style gréco-romain, à Montréal, que vous connaissez. Les petites chapelles, là où il y a peut-être — comme je le disais au début — le plus d'activité, vraiment en quantité. Je pense que le ministère devrait se pencher là-dessus. Egalement sur le problème qui est relié à cela, le problème de la diffusion. Je sais que le ministère sera bientôt saisi d'une demande de subvention pour étudier la possibilité d'une coopérative de petits éditeurs de revues et de livres, surtout de revues, pour organiser une agence coopérative de distribution de magazines qui puisse consentir des meilleurs marges de profit... Les choses qui sont essentielles aussi, comme l'Agence de distribution populaire, mais qui sont très coûteuses parce qu'elles fonctionnent par ordinateur, elles fonctionnent par camion. Donc, d'après moi, l'artisanat doit être encouragé également dans ce secteur.

J'espère qu'on donnera un coup de main à ces gens qui veulent explorer les possibilités d'établir une mini-agence de distribution, sur le modèle coopératif, de façon à leur assurer un meilleur contrôle. Car, la distribution, c'est comme un piano. Il y a de grandes agences qui jouent du piano mécanique. Elles n'ont pas la sensibilité. Elles mettent deux exemplaires de la même revue dans 500 points de vente, alors que dans un, elles en vendraient 40 et que dans l'autre elles n'en vendraient aucun; elles en mettent deux partout, de sorte qu'il en manque dans 20% des points et il en reste dans les autres 40%.

II va falloir faire, au fond, un retour à l'imagination et revenir à un encouragement à des entreprises artisanales, au départ, en tout cas, quitte à ce qu'elles deviennent plus importantes après cela, mais il va falloir qu'on n'hésite pas, à mon avis, à faire des expériences pilotes dans ce secteur pour vraiment vérifier s'il y a place dans cette jungle — car cela en est une — des kiosques à journaux où c'est là que cela se passe, pour une percée des produits québécois et des entreprises québécoises.

J'ai terminé, M. le ministre.

M. Vaugeois: M. le Président, me permettriez-vous de commenter très rapidement ce que vient de dire mon collègue de Mercier?

Le Président (M. Jolivet): Vous en avez tout le loisir, M. le ministre.

Mme Lavoie-Roux: II est généreux, vous avez tout le loisir de traverser du côté de l'Opposition.

Le Président (M. Jolivet): Dans la défense de ses crédits, le ministre a tout le temps voulu, selon le règlement.

M. Vaugeois: Je pense qu'il ne sera pas nécessaire de changer de côté de table. Vous pouvez vous sentir tout à fait confortable de ce côté-ci, parce que j'allais souscrire entièrement à ce que vous venez de dire, M. le député, avec quelques petites précisions.

Une de mes préoccupations des premières semaines a été de demander au service concerné une réflexion sur les normes d'agrément. Assez bizarrement, après avoir agréé beaucoup de librairies, on entrait dans une phase de "désagréement", si je puis m'exprimer ainsi, parce qu'il y a des librairies qui ne pouvaient plus supporter les exigences de la loi ou des règlements pour toutes sortes de raisons techniques: il n'y avait pas tel catalogue exigé par le règlement, il n'y avait pas telle quantité d'ouvrages neufs de telle sorte, etc. J'essaie actuellement de laisser délibérément traîner un certain nombre de dossiers, parce que je trouvais cela vraiment invraisemblable qu'on amorce une opération de "désagrément", parce que nos normes sont peut-être un peu rigides ou pas suffisamment adaptées à la réalité de toutes les sortes de librairie dont nous avons besoin.

J'ai déjà entendu le plaidoyer du député de Mercier pour les postes de vente qu'il a mentionmés et qu'il connaît bien pour avoir profité des services d'un distributeur dont l'essentiel du travail se faisait, justement, dans les quelque mille postes de vente que le Québec peut compter. Il a fait allusion également au genre de livre qui entre dans ces postes de vente. Nous étudions actuellement un projet de collection de livres de poche qui pourrait réunir plusieurs éditeurs. Actuellement, plusieurs éditeurs québécois ont eu des expériences plus ou moins réussies du côté du livre de poche. Je ne les nommerai pas aujourd'hui. Un le fait avec relativement de succès, parce qu'il joue toujours sur des titres sûrs qui, généralement, ont fait l'objet d'inscription sur des listes d'ouvrages agréés par le ministère de l'Education. C'est à peu près le seul qui s'en tire honorablement. A mon avis, une collection de livres de poche devrait être beaucoup plus large que de retenir les titres d'ouvrages qui sont sur des listes de manuels ou d'ouvrages approuvés par le ministère de l'Education.

Nous devrons arriver avec des propositions assez alléchantes pour que tous les éditeurs acceptent de mettre dans ce fonds commun de livres de poche québécois leurs meilleurs titres, un peu comme cela se pratique maintenant en Europe, parce que le problème du prix des livres est au moins atlantique. C'est un problème que tous les pays du monde atlantique ont actuellement. Je dirai sur cela que le livre n'est pas plus cher que le reste, mais comme c'est un produit plus de luxe que la nourriture terrestre, c'est peut-être ce qu'or met de côté quand on est un peu serré.

Pour compenser, les éditeurs européens ont développé beaucoup de collections de livres de poche. Ici, malheureusement, nos éditeurs n'ont souvent pas la taille qui leur permettrait, individuellement et séparément, de faire ce travail. Nous voulons leur proposer une collection commune, peut-être par une approche coopérative, qui permettrait une large diffusion dans les postes de vente aussi simples que le kiosque à journaux ou la tabagie et qui permettrait également un effort d'exportation. Si on pouvait travailler à un fonds de livres de poche québécois de cent titres, par exemple, on pourrait faire des progrès intéressants, en Europe en particulier.

Pour l'instant, d'avoir douze titres à un endroit, trois titres à l'autre, 22 titres à l'autre, il n'y a pas moyen de travailler, et nos efforts sur l'exportation ont toujours été assez modestes, à l'exception d'une maison, les Editions de l'homme, qui, parce qu'elle a un fonds populaire et de grande vente, a réussi des opérations intéressantes en Europe. Nous avons donc ce genre de préoccupation.

Le député a également souligné, et j'aime insister là-dessus, la contribution que les imprimeurs ont apportée. On ne le dira jamais assez, ceux qui ont fait le plus pour l'édition au Québec, finalement, ce sont les imprimeurs. Et sans le dire vraiment! En supportant simplement des comptes importants, ils ont permis à des éditeurs de vivre. Tous les éditeurs que je connais doivent toujours beaucoup d'argent, mais ils ont tout simplement la pratique suivante: Lorsqu'un imprimeur commence à se faire tirer l'oreille pour imprimer un nouveau titre, ils vont voir un autre imprimeur.

C'est la loyauté que les éditeurs sont forcés de manifester à l'endroit des imprimeurs. Je pense que cela est anormal et, effectivement, la SDI a mis bien du mal à s'ajuster au domaine du livre avec la Loi du prêt garanti. J'étais de ceux, d'ailleurs, qui n'ont jamais accepté la pratique du taux d'intérêt bancaire. J'ai toujours prétendu que c'est un taux d'intérêt qui était prohibitif; je me suis toujours tenu loin de cela et j'ai recommandé à mes collègues d'éviter systématiquement com-

me la peste ce genre d'opération. C'est la meilleure façon de mettre les éditeurs sur la paille. Les imprimeurs, eux, ont supporté les éditeurs sans intérêt. Je n'ai jamais vu un imprimeur exiger de l'intérêt sur... sauf peut-être dans certains cas d'abus incidents, mais c'était vraiment l'exception.

Il y a, à partir de ce que vient de dire le député de Mercier, une réflexion qui me vient à l'esprit. Une des grandes lacunes de la loi du livre, de la politique du livre, dont nous héritons, vient de la liberté et dans son mauvais sens, de la liberté abusive qui a été laissée aux distributeurs. Vous savez sans doute que notre politique actuelle du livre établit que le libraire vend avec une remise officielle à l'institution subventionnée, et que le prix du livre importé est fixé sur la tabelle pratiquée par le distributeur. Or, les distributeurs, à mon avis, n'ont pas généralement abusé, sauf qu'ils sont allés chercher la marge nécessaire pour faire une promotion très poussée, ce qui leur a donné la marge nécessaire par exemple, pour annoncer largement dans nos journaux, faire même des — je m'excuse de nouveau — des "spots" publicitaires à la télévision, ce que peu de nos éditeurs ne peuvent faire parce qu'ils ne contrôlent pas une marge suffisante.

Je pense que nous touchons une lacune grave de notre politique du livre, et c'est un aspect qui nous préoccupe, non pas de réglementer en terme de tabelle unique et obligatoire, mais d'intervenir pour donner au moins des chances égales à l'éditeur québécois afin qu'il puisse également trouver quelque part une marge de profit qui lui permettrait de concurrencer l'avantage qui est ainsi donné aux éditeurs français. Nous avons, d'ailleurs, mis au point au ministère un programme d'aide à la promotion qui essaie de permettre à l'éditeur québécois d'y aller à arme un peu moins inégale par rapport à son collègue français. C'est un programme qui en est un peu à ses balbutiements, mais je pense qu'il est essentiel, parce qu'il faut vraiment donner à l'éditeur québécois les moyens d'annoncer ses livres et de faire parler de ses livres.

Vous savez comment cela se présente, les grosses maisons françaises — je n'ai rien contre — mais à cause de la marge qu'on leur laisse, en toute liberté, établir au niveau de la distribution, peuvent se payer des représentants qui parcourent le Québec, qui font les librairies, qui font les postes de vente à la semaine longue, à l'année longue. Ils ont plusieurs représentants, souvent de très haut niveau, de grande qualité qui lorsqu'un auteur étranger est présent au Québec, vont prendre contact avec les media, la télévision, la radio, les media d'information en général, pour leur dire: L'auteur un tel est au Québec, voulez-vous faire une entrevue, etc.

Quelquefois, on se scandalise de voir beaucoup d'auteurs étrangers invités à nos postes de radio et de télévision et prendre une place importante dans nos journaux. La faute n'est pas vraiment aux journalistes à ce moment. En fait, les maisons d'édition québécoises n'ont pas ce genre de moyens et jouent à armes inégales, et la personne qui s'occupe de telle émission de télévision s'est fait proposer un auteur par la maison française et nous, nous n'avons pas les moyens, ici, comme éditeurs québécois, d'arriver avec le même personnel, si vous voulez. Il y a donc une intervention de notre part qui est nécessaire, et cela me fait plaisir de vous indiquer que, dans les efforts que fait le ministère actuellement, il y a un petit programme qui pourrait compenser.

Je dois dire aussi que le Conseil des arts du Canada, qui a fait des efforts remarquables dans le domaine de l'édition au cours des dernières années, avait également reconnu ce problème, il a toujours, je crois, un programme qui l'amène à rembourser une partie des frais engagés par les éditeurs dans la publicité. Il faut jouer à ce niveau. Autrement, en parcourant le Devoir, le samedi, vous voyez 90% des espaces occupés par la promotion de livres étrangers. Nous n'avons rien contre ces livres, une bonne partie des livres que je lis sont de la production étrangère, mais nos éditeurs doivent avoir la possibilité d'arriver avec un espace publicitaire équivalent. (17 h 15)

Mme Lavoie-Roux: Puisque vous faites référence à la question des maisons d'édition étrangères, j'aurais une question précise à vous poser. Est-ce que votre ministère s'est intéressé, peut-être pas directement, mais au moins indirectement à la transaction entre Hachette et la librairie Dussault? A ce moment-là, il y avait eu des rumeurs à l'effet que, finalement, c'était Hachette qui, une fois de plus, prenait le contrôle d'une autre librairie, une maison d'édition québécoise.

Je pense qu'il serait peut-être de l'intérêt de tous de savoir exactement ce qui s'est passé. J'imagine que le ministère a dû s'intéresser à cette transaction qui s'est faite il doit y avoir six à huit mois.

M. Vaugeois: Cela s'est donc fait avant que je n'arrive au ministère. Je l'ai suivie, un peu comme tout le monde. Vous connaissez la situation maintenant. Vous faites face à un réseau de librairies très important qui réunit deux types de librairies: des librairies de grandes surfaces, de centre d'achats, qui viennent surtout du réseau Garneau, et des librairies surtout tournées vers le marché scolaire, qui viennent du réseau Dussault et actuellement, nous sommes entrés dans les détails...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que la majorité est restée...?

M. Vaugeois: La majorité est restée entre les mains de...

Mme Lavoie-Roux: Des Québécois?

M. Vaugeois:... de la librairie Dussault, j'allais dire de André Dussault, mais en fait, il y a des associés dans la librairie Dussault. La librairie Dussault est majoritaire, selon les exigences de la loi actuelle. Donc, on s'est conformé à nos exigences actuelles, et si le gouvernement veut revenir sur la

propriété, ce que les gouvernements précédents n'ont jamais osé faire — je le dis sans malice, vous connaissez très bien le dossier, je crois... Si nous en arrivons à des mesures de cette nature, il devra y avoir, je pense, une période d'adaptation qui ménagera les intérêts privés qui sont engagés là-dedans, lesquels sont importants.

J'ajouterai à cela que l'existence d'un réseau de la force du réseau Garneau-Dussault n'a pas que des effets regrettables. Un des problèmes auxquels nous faisons face c'est la faible présence du livre francophone dans les grandes surfaces et dans les centres d'achat.

Il est bien connu que dans la région de Montréal, en particulier, il est difficile pour le petit entrepreneur québécois de rencontrer les exigences, les conditions qui sont posées par les locateurs des surfaces dans les centres d'achat, à ce point que les espaces, de plus en plus, étaient occupés par des maisons que je ne nommerai pas, mais que vous connaissez; elles sont partout maintenant, elles ont vingt à trente librairies différentes.

Or, Garneau-Dussault était le seul à pouvoir accepter les conditions de bail de la Place Desjardins, cela va aussi loin que cela. Pour nous, c'est important qu'un réseau semblable existe pour la promotion du livre de langue française et puisse, de temps en temps, contrer une offensive, parce que l'autre véhicule surtout des livres anglais, ces autres réseaux, dont trois en particulier, sont très présents dans la région montréalaise.

Vous connaissez aussi des mésaventures. La SDI a été, à mon avis, coupable dans les retards mis à intervenir dans le cas du réseau Daignault Plus Scorpion; vous avez eu une maison plus ou moins étrangère qui a récupéré cinq ou six bons postes de vente. Là le problème c'est que le livre français est présent, mais le livre québécois est moins présent.

Notre objectif est, qu'en même temps que nous faisons en sorte de soutenir la force d'un tel réseau, nous puissions revenir effectivement, à l'esprit de la politique du livre, laquelle, à son origine, souhaitait de vrais libraires individuels à vocation culturelle sur le territoire. Un des défauts de la politique du livre a été, finalement, d'amener des gens à développer des réseaux, et le réseau, à mon avis, n'a pas la fonction, en régions, qu'aura la librairie individuelle. Nos ajustements politiques vont en tenir compte. Nous allons revenir à des éléments de politique qui vont favoriser la présence de la librairie bien personnalisée.

On n'invente rien, vous savez. En France, c'est comme cela, il n'y a pas vraiment de réseaux de librairies, les librairies sont très identifiées au milieu, très personnalisées et cela va avec le type de commerce en question.

L'autre chose, c'est ce dont a parlé éloquem-ment le député de Mercier, c'est-à-dire être conscient de l'importance que représente... Il faut aller chercher de nouveaux lecteurs pour un certain type de livres...

M. Lavoie-Roux: Une organisation entre les...

M. Vaugeois: Oui. Le kiosque et le point de vente rapide.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, j'aimerais poser au ministre une question, qui découle un peu de la discussion des toutes dernières minutes et je ne veux pas en faire un drame, mais le ministre a peut-être pris connaissance de l'intention d'un auteur bien connu au Canada, M. Pierre Burton, de provoquer un incident au Québec.

Selon l'interprétation que donne M. Burton à la loi 101, il serait défendu à une librairie, au Québec, d'annoncer, en anglais, un livre écrit en langue anglaise. Egalement, a-t-il dit: "Si je veux venir au Québec signer des autographes, si je suis invité à le faire, il serait défendu à la librairie d'annoncer, en anglais, ma venue". J'aimerais savoir du ministre si c'est la façon dont son ministère interprète la loi en question? Dans les rapports du ministère avec les librairies, est-ce que le gouvernement a effectivement l'intention d'appliquer la loi de cette façon et jusqu'à ce point?

M. Vaugeois: Cela m'étonnerait que le problème se pose à notre niveau; je ne vois pas comment il pourrait nous parvenir parce que le genre de librairie en question, généralement, ne traite pas avec nous, mais encore que je serais assez embarrassé...

M. Godin: Je me suis informé, j'ai une lettre de mes ex-collègues de l'Association des éditeurs canadiens de Toronto. La loi dit que la publicité doit être en français, la loi dit ce que la librairie doit faire, mais la loi ne dit pas: La publicité ne doit pas être en anglais ou en toute autre langue. Par conséquent, une librairie comme Classic, par exemple, sur Sainte-Catherine, doit avoir de la publicité en français dans sa librairie, mais il n'y a aucune interdiction à ce qu'il y ait de la publicité en anglais.

M. Goldbloom: M. le Président, je reconnais que...

M. Godin: C'est l'interprétation, du moins, que certaines personnes consultées verbalement, m'ont donnée. Maintenant, cela peut effectivement créer des problèmes si jamais il y avait une plainte portée contre le fait qu'il y aurait tant d'affiches anglaises par rapport aux affiches françaises. Effectivement, peut-être que des éclaircissements seraient utiles du côté de l'Office de la langue française; on pourrait lui demander quelle serait son attitude face à une telle situation.

Mme Lavoie-Roux: Cela va soulever une polémique — M. Burton mis à part — sur la question de toute la publicité.

M. Godin: Là et ailleurs. Je connais d'autres cas où...

M. Vaugeois: Cela peut aller très loin. Je pense à Rodai qui vend du livre hébreu sur Van Horne. Je ne le vois pas, à certains moments, pour vendre certains livres, être tenu à...

M. Goldbloom: Justement, M. le Président. Je remercie, par votre intermédiaire, le député de Mercier de l'éclaircissement qu'il a donné, tout en reconnaissant, comme lui, que ce n'est pas absolument un avis juridique qu'il vient de nous donner mais...

M. Godin: Je peux vous dire, entre parenthèses, en réponse à cette lettre, que j'aurai plus de renseignements à fournir à mes ex-collègues et je vous donnerai copie de la lettre que je leur enverrai, si vous voulez.

M. Goldbloom: Je remercie le député parce que, comme vous le savez, M. le Président, il y a beaucoup de Québécois des deux langues, et de toutes les origines, qui cherchent à vivre ensemble et à éviter les polémiques inutiles. C'était surtout dans ce sens que j'ai soulevé la question.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est un soutien à la culture, qu'elle soit de langue anglaise ou de langue française. Tant et aussi longtemps que l'on reconnaît qu'il y a des citoyens de langue anglaise, je pense qu'ils ont droit, eux aussi... Quoiqu'ils aient peut-être un peu moins de rattrapage à faire, mais en tout cas.

M. Goldbloom: Comme vient de le dire le ministre, il y a d'autres groupements aussi qui peuvent être identifiés. Cet après-midi, en Chambre, nous avons parlé de la communauté italienne qui dépasse maintenant 300 000 âmes et qu'il y ait une annonce en italien, d'un livre écrit en italien, cela...

M. Vaugeois: Et non disponible en français.

M. Goldbloom: C'est cela. Cela ne devrait pas scandaliser qui que ce soit, à mon sens.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres questions sur l'élément 1?

M. Le Moignan: Oui. Le ministre a mentionné le Conseil des arts du Canada en termes très élo-gieux. Est-ce que le Conseil des arts du Canada serait disposé à faire des cadeaux au gouvernement du Québec pour nous aider dans ce domaine des bibliothèques?

M. Vaugeois: Des bibliothèques? Je ne crois pas. Il n'intervient pas. Le Conseil des arts du Canada intervient dans l'aide à l'édition.

M. Le Moignan: Indirectement.

M. Vaugeois: Remarquez que cela pose d'autres sortes de problèmes. Je veux bien être élogieux et gentil pour le Conseil des arts du Canada mais il reste que, là aussi, la coordination est difficile. A certains moments, on se retrouve avec toutes sortes de problèmes. Nous y reviendrons tout à l'heure avec les grandes éditions, ou c'est peut-être le temps d'en parler. Le Conseil des arts a subventionné certains projets, des grands travaux d'édition et, tout d'un coup, pour des raisons x, il se sort du portrait et laisse en plan des équipes. Ce fut le cas pour le Dictionnaire des oeuvres du Québec; nous avons été obligés de venir à leur rescousse. Ils avaient eu les moyens de démarrer et tout à coup ils n'avaient plus les moyens de continuer. Il y a toutes sortes de problèmes qui se posent.

Au total, je reconnais que l'activité du Conseil des arts, depuis six ou sept ans, dans le domaine de l'édition au Québec, a été bénéfique. Je tiens même à ajouter qu'elle s'est faite sans jugement porté sur les orientations politiques des maisons d'édition.

M. Le Moignan: J'aurais une autre question, M. le ministre.

Si je compare les chiffres de l'Ontario par rapport à ceux du Québec, on a beaucoup de rattrapage à faire pour essayer de les rejoindre.

M. Vaugeois: Je suis content que vous posiez la question, M. le député. Je connaissais la réponse. On pose généralement les questions dont on connaît les réponses. Au cas où la discussion viendrait sur cela, je voulais être prêt à faire la comparaison. Ce n'est pas plus reluisant que cela. Mais, ces derniers temps, le ministère a amorcé un rattrapage remarquable du côté des bibliothèques publiques.

Le Président (M. Jolivet): On vous le promet, on passe à l'élément 2.

Toujours sur l'élément 1, cependant, Mme le député de L'Acadie a une question.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais demander ceci au ministre: En novembre 1977, le ministère des Affaires culturelles a signé des contrats pour la réalisation d'un magazine d'actualités culturelles avec M. Jean-Eudes Landry et M. Michel Pelletier. Est-ce que ce magazine a été publié? Il semble que non.

M. Vaugeois: Je vais vous répondre à cela. Je vais en profiter d'abord pour répondre à des questions qui ont été posées ce matin et sur lesquelles je n'ai pas été très explicite. On me confirme qu'il n'y a pas eu de fonctionnaires permanents congédiés au ministère en 1977/78.

Mme Lavoie-Roux: J'ai eu les chiffres depuis ce temps, et il y en a trois.

M. Vaugeois: Pour ne rien vous cacher, il y en a au moins deux qui ont été suspendus.

Mme Lavoie-Roux: Oui, peut-être.

M. Vaugeois: A moins que vous n'insistiez, j'aimerais mieux ne pas donner les noms publiquement.

Mme Lavoie-Roux: Non.

M. Vaugeois: Mais il y a un cas qui s'est réglé, ou qui se règle actuellement hors cour; l'autre qui fait l'objet d'une démarche devant un tribunal, je ne sais pas lequel. Quant aux postes par intérim — cela préoccupait le député de Gaspé — dans l'effectif interne du ministère, il semble bien — on a beau chercher — qu'il n'y a pas de poste qui soit entre les mains d'un intérimaire. Il y a une couple de postes vacants pour lesquels il y a des concours très avancés; les jurys ont eu lieu. Dans les conservatoires, il y a un certain nombre de responsabilités assumées de façon intérimaire, c'est le seul endroit. D'ailleurs, c'est là qu'on a un peu de problèmes d'ajustement de personnel actuellement.

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. le ministre, ce n'est pas pour vous contredire, ce ne sera pas une grosse contradiction...

M. Vaugeois: Vous en avez trois.

Mme Lavoie-Roux: ... ceci est dans une réponse qui avait été donnée au député de Rouyn-Noranda qui avait fait inscrire une question au feuilleton de l'Assemblée nationale, et les chiffres que j'ai démontrent qu'il y avait eu trois personnes congédiées au ministère des Affaires culturelles. Les autres chiffres ont moins d'intérêt, mais il y avait eu trois personnes congédiées et non pas suspendues.

M. Vaugeois: Au cours de 1977/78.

Mme Lavoie-Roux: Du 25 novembre 1976 au 31 mars 1977.

M. Vaugeois: Au 25 novembre 1976, on change d'année; c'est la raison pour laquelle cela ne coïncide peut-être pas. Voulez-vous qu'on creuse cela, madame?

Mme Lavoie-Roux: J'espère que vous les congédiez pour de bonnes raisons. C'est ma seule inquiétude. Le reste...

M. Vaugeois: Vous savez, c'est plus difficile de congédier un fonctionnaire que d'en engager un.

Mme Lavoie-Roux: D'une certaine façon oui.

M. Vaugeois: De plusieurs façons.

Mme Lavoie-Roux: Mais parfois les motifs invoqués... je n'ai pas de raison de croire que les motifs n'étaient pas bons. Je vous pose la question parce que je pense qu'il faut toujours se soucier que justice soit faite à chacun. C'est dans ce sens.

M. Vaugeois: On n'insiste pas là-dessus?

Mme Lavoie-Roux: Non, si vous dormez en paix avec votre conscience, tant mieux!

M. Vaugeois: Depuis que je suis là, je n'ai pas eu d'exemple et je n'ai pas encore eu envie de congédier personne.

Mme Lavoie-Roux: C'est rassurant pour ceux qui sont encore là. (17 h 30)

M. Vaugeois: Par ailleurs, sur la question que vous aviez posée pour la revue, c'est un projet de revue qui s'appelle "Espace", sur lequel on a attiré mon attention à mon arrivée au ministère, et vous le comprendrez, sur tout ce qui m'a été proposé j'ai eu le réflexe de poser des questions et parfois de faire des consultations. Or, sur le magazine Espace, mes consultations m'ont amené, entre autres, à entrer en contact avec des représentants des conseils régionaux de la culture qui ont manifesté d'importantes réserves sur ce projet. Ils ont allégué qu'ils souhaitaient peut-être animer eux-mêmes leur propre publication et on invoquait la possibilité que ce soit une publication interrégionale. De toute façon, ces consultations ont ajouté aux hésitations des services concernés à l'intérieur même du ministère où il y avait deux tendances face à ce projet de magazine culturel.

Vous savez sans doute que le ministère a déjà fait une expérience d'un magazine culturel, de bonne qualité d'ailleurs Culture vivante a existé pendant plusieurs années; il état de très bonne qualité, mais avait été critiqué dans le milieu. Des gens disaient: Qu'ils nous donnent l'argent pour faire ce genre de magazine et on va le faire, cela ne doit pas venir du gouvernement. Le projet Espace était différent mais l'unanimité n'était pas faite à l'intérieur du ministère et encore moins dans le milieu. Pour l'instant, nous en sommes à une réflexion sur ce projet.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il y a eu des contrats accordés aux deux personnes que j'ai nommées? Alors comment allez-vous vous en tirer s'il y a eu des contrats d'accordés?

M. Vaugeois: On me dit que les deux personnes ont été engagées pour travailler sur le projet, non pas sur la réalisation, Elles peuvent toujours travailler sur le projet, cela ne veut pas dire qu'on accepte tous les projets qui nous sont soumis.

Mme Lavoie-Roux: De quel montant s'agissait-il?

M. Vaugeois: Je ne le sais pas. Voyez-vous, de toute façon, on va y revenir dans le programmes.

Mme Lavoie-Roux: Si vous me répondez, je n'y reviendrai pas au programme 3.

M. Vaugeois: D'accord. Donnez-nous du temps, quand j'aurai la réponse, je vous la donnerai. Mais là-dessus, vous savez, je vous parlais de Parc Canada, vendredi, qui m'a montré cinq projets de mise en valeur du site des Vieilles Forges et c'est le cinquième actuellement qui est retenu. Ce ne serait pas étonnant que le ministère fasse préparer, un, deux, trois projets de magazine culturel avant d'en choisir un et de s'engager dans un projet. On me dit d'ailleurs que ces gens ont été engagés comme contractuels, donc ce n'est pas une firme de l'extérieur à laquelle on aurait donné un contrat auquel on ne donnerait pas la suite. Ce sont des gens qui ont été engagés, qui sont payés pour travailler sur le projet. Le pire qui peut leur arriver c'est qu'on ne donne pas suite à leur proposition et ils ne perdront rien, si ce n'est le regret de ne pas voir leur proposition réalisée.

Ce qui est toujours ennuyeux, mais moins coûteux que de faire un truc qui ne rallierait pas les intéressés.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question qui est une question d'usage...

M. Vaugeois: Vous en avez plusieurs dernières.

Mme Lavoie-Roux: ... pour un membre de l'Opposition officielle.

M. Godin: Antépénultième.

Mme Lavoie-Roux: Je ne suis pas une lectrice assidue des journaux du Parti québécois, mais...

M. Godin: II ne faut pas dire cela. On vous a vu plusieurs fois dire cela.

Mme Lavoie-Roux: ... il y a ici une annonce qui provient du ministère des Affaires culturelles. Direction générale des arts et lettres: Livrez-vous à la lecture. C'est tout à fait bien et on annonce tel ou tel livre, "Un pays à bâtir", L'avion à la conquête de la Côte-Nord", "Le développement du langage", "Elément de métrologie ", Venez bouquiner à la librairie Laliberté, Sainte-Foy. Est-ce que cela vous apparaît normal que le ministère des Affaires culturelles fasse de la promotion? Je ne les connais pas, à la librairie Laliberté, ce sont peut-être des gens...

M. Vaugeois: Moi je les connais.

Mme Lavoie-Roux: ... mais ceci a sans doute été payé par le ministre des Affaires culturelles pour faire la promotion d'une librairie en particulier.

M. Vaugeois: Je suis content que vous soyez allée jusqu'au bout de la question, parce que vous venez de me donner la clé de la réponse. Ce ne sont pas les services du ministère qui ont pris ces décisions et qui ont fait les choix. C'est un programme spécial de notre programme de promotion de la lecture d'il y a deux mois, à peu près, programme par lequel on remettait de l'argent aux associations professionnelles, à l'Union des écrivains pour faire tourner les écrivains au Québec, à l'Association des éditeurs pour faire des achats et des dons, etc. Il y avait également dans le programme une proposition faite aux libraires de faire de la publicité qui serait remboursée en partie par le ministère.

On n'a pas dit au libraires: Annoncez dans tel genre de journal ou dans tel genre de poste de radio; les libraires avaient le choix des media où ils voulaient annoncer et je pense qu'on n'a pas porté de jugement sur les media choisis par les libraires et nous les avons remboursés. Ce n'étaient pas des grosses sommes, mais est-ce à peu près ce qui est arrivé pour l'administration du programme au niveau du libraire? C'est le libraire qui faisait le choix, et on lui suggérait de faire cela justement dans des journaux régionaux, étant entendu que nous faisions l'effort au niveau...

Mme Lavoie-Roux: Vous appelez cela un journal régional!

M. Vaugeois: Oui, parce que ce doit être local à Québec? De Louis-Hébert. C'est même local, dans ce cas-là, madame.

M. Le Moignan: Vous l'avez envoyé au Temps aussi?

M. Vaugeois: Pardon?

M. Le Moignan: Vous ne l'avez pas envoyé au Temps? Le Temps, de l'Union Nationale? Vous n'avez pas reçu... On accepterait des annonces comme celles-là.

M. Vaugeois: Ce serait aux libraires à décider d'annoncer dans le Temps.

Cela vous donne une idée, d'ailleurs, sur l'attitude générale du ministère. Beaucoup de programmes... D'ailleurs... Nos budgets de transfert — pour revenir à des questions posées ce matin — sont maintenus; ce sont les budgets de fonctionnement et de capital qui ont eu certains resserrements. Le budget de transfert reste important et, le plus souvent, ils font confiance aux intéressés.

Mme Lavoie-Roux: Je trouve quand même un peu surprenant que...

M. Vaugeois: Auriez-vous voulu qu'on dise au libraire...

Mme Lavoie-Roux: ... ce soit fait dans des journaux partisans et politiques. La même chose serait arrivée dans un journal libéral — cela me semble être un journal d'association de comté, si je ne m'abuse.

M. Vaugeois: C'est possible. Une Voix: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Bon. Je ne suis pas sûre qu'au point de vue éthique, cela m'apparaisse tout à fait correct. Qu'on le fasse dans tous les journaux régionaux mais qui ne sont pas à caractère partisan politique, cela me semblerait préférable. Cela pourrait peut-être être une des conditions ou, enfin, des exigences que vous ayez. Parce que, dans le fond, vous subventionnez à même le ministère les journaux de politique partisane.

M. Vaugeois: Mais, est-ce que vous allez jusqu'à nous demander, dans un programme comme celui-là, d'exclure une publicité dans tout journal qui serait partisan?

Mme Lavoie-Roux: Quand c'est un journal d'association de comté...

M. Vaugeois: Ecoutez, dites-le et j'en prendrai note.

Mme Lavoie-Roux: Au point de vue de l'éthique, cela me semble — demandez à vos gens de réfléchir à cela — un peu de mauvais goût, disons.

M. Vaugeois: J'en prends bonne note et je vous dis, encore une fois, que je connais bien ce programme; je l'ai vu mettre en application.

Mme Lavoie-Roux: Votre initiative est bonne mais je ne suis pas sûre...

M. Vaugeois: Nous avons laissé la liberté au libraire d'annoncer où il voulait et nous avons convenu avec lui qu'on rembourserait une partie des frais qu'il encourrait dans la publicité, dans le cadre de notre politique de la lecture. D'ailleurs, la réponse n'a pas été plus forte que cela.

Ce que j'aimerais savoir, c'est: Est-ce que ce libraire a l'habitude d'annoncer lui-même, de toute façon, à ses frais, dans ce genre de journal? Je pense qu'il serait intéressant de le savoir.

Mme Lavoie-Roux: Je ne suis pas contre le fait que vous subventionniez des librairies dans le sens que vous venez d'en parler mais je pense que cela ne doit pas, indirectement, servir à soutenir les journaux qui sont vraiment d'un parti politique.

M. Alfred: M. le Président, je pense que le libraire en paie la moitié.

Mme Lavoie-Roux: Oui mais, peu importe, cela m'est égal.

M. Alfred: II paie la moitié. Est-ce qu'on peut lui demander de publier cela ailleurs?

Mme Lavoie-Roux: II doit y en avoir un autre journal, dans Louis-Hébert, un journal régional? Je ne le connais pas mais...

Une Voix: Le Rond-Point.

Mme Lavoie-Roux: ... le Rond-Point, ou le Carrefour.

M. Alfred: Et si cela me plaît, à moi, de publier dans ce journal?

Mme Lavoie-Roux: II aurait pu annoncer dans le Carrefour.

M. Vaugeois: On m'apporte une précision qui n'est pas négligeable. Nous avions une subvention globale à l'Association des libraires; c'est l'Association des libraires qui a géré le programme avec ses membres ou avec les libraires intéressés à participer au programme. Il aurait donc fallu, nous-mêmes, dire à l'Association des libraires: Dans la publicité que vous ferez, demandez à vos membres d'éviter autant que possible, ou d'éviter totalement de faire de la publicité dans des journaux qui auraient une allure partisane.

C'est le genre de chose qu'on peut faire, d'ailleurs. Je prends bonne note de votre réaction à cet égard mais je tiens à bien indiquer que les fonctionnaires, là-dessus, ne sont vraiment pas responsables; ils ont fait, comme d'habitude, confiance à l'association professionnelle concernée.

M. Goldbloom: M. le Président, on pourra demander au ministre de consulter ses six collègues qui étaient là pendant le dernier mandat gouvernemental, pour leur demander surtout ce qu'ils auraient dit pendant que les rôles étaient intervertis.

M. Vaugeois: Je vais faire cette consultation, M. le député.

Le Président (M. Jolivet): L'élément 1 du programme 1 est-il adopté?

Mme Lavoie-Roux: Oui. M. Le Moignan: Adopté.

Le Président (M. Jolivet): Elément 2.

Développement d'un réseau de bibliothèques publiques

M. Vaugeois: Je pense qu'on a largement, déjà, abordé la question de l'élément 2. Je le résume: L'objectif général est de doter toutes les régions et toutes les municipalités urbaines du Québec d'un service public et gratuit de lecture. Ce programme passe par une intervention au niveau des bibliothèques municipales; nous avons, dans nos crédits, cette année, des sommes importantes, avec une augmentation de 122%, pour la création de nouvelles bibliothèques et nous pensons, par ce biais, aider environ seize municipalités actuellement dépourvues de bibliothèque à en créer une au cours de 1978/79, ce qui touchera environ 250 000 habitants.

Nous avons également, dans cet élément de programme, une aide financière aux bibliothèques existantes qui sera de l'ordre de $4 542 000. C'est un programme qui existe déjà depuis quatre années et qui comporte, comme je l'expliquais tout à l'heure, des mesures incitatives à l'égard des municipalités qui, pour se prévaloir de l'aide financière du MAC, doivent également faire leur large part puisqu'elles sont invitées à assumer à peu près 70% des coûts.

Egalement, nous avons des sommes d'argent qui sont susceptibles de favoriser des activités d'animation dans les bibliothèques et d'acquisition d'ouvrages. Le programme comprend en outre un effort dans le sens des BCP, et il est prévu la création d'une huitième BCP et un soutien à deux BCP qui sont en train de naître et de se développer: une dans L'Estrie et l'autre dans la région de Québec qui ont été créés au cours de 1977-78.

Aussi, il y a une aide au fonctionnement des cinq BCP qui existent déjà.

Nous essaierons d'améliorer leurs critères de fonctionnement et de subvention, que je vous résume: Leur assurer un développement régulier et rationnel tout en tenant compte des capacités budgétaires du principal pourvoyeur de fonds, le ministère des Affaires culturelles; leur garantir un équilibre entre leurs revenus et leurs dépenses; résoudre le problème des déficits accumulés, pour celles qui en ont; assurer la diffusion du livre québécois par les BCP qui devront, désormais, acheter un minimum de 300 titres québécois par année; favoriser la mise en commun de certaines de leurs ressources et, du fait même, concerter leurs actions entre elles et avec le ministère; aussi, un effort particulier sera fait pour que le nombre de municipalités rurales affiliées au BCP augmente sensiblement d'année en année.

En conclusion, on peut constater que les deux sous-éléments de l'élément 2 de ce programme comprennent des mesures aux objectifs convergents: Stimuler la création et l'édition à prix raisonnable, d'une part, et rendre accessibles ces produits culturels dans des services publics et gratuits de bibliothèque, d'autre part.

Je pense que nous avons largement abordé, déjà, la question des bibliothèques dans notre première discussion. Je vous ai remis un document qui, pour moi en tout cas, m'avait donné beaucoup de satisfaction, qui montre l'effort fait, qui montre aussi que nous sommes loin d'avoir atteint un niveau qui pourrait nous amener à l'autosatisfaction totale mais le travail amorcé est important.

Je profite de l'occasion pour rendre un hommage tout particulier au travail qui se fait au ministère. C'est un service bien oganisé, entre les mains de gens responsables, qui est extrêmement dynamique et qui a su mettre au point des programmes qui provoquent de bonnes réponses du milieu. Le rattrapage à faire est important; l'effort fourni est de taille et en proportion du défi.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Deux questions. Parfois, j'en trouve une troisième après mais, pour le moment, deux dont la première, qui ne- vous concerne peut-être pas directement mais que je voudrais quand même soumettre à votre attention, est celle de la Bibliothèque de la Législature, ici, à l'Assemblée nationale. Apparemment, compte tenu du fait qu'on doive en utiliser une partie pour ranger les équipements de la télédiffusion des débats, etc., on songe à la diviser et à en déménager une partie, par exemple, au complexe G. Je me demande, à divers points de vue, s'il ne serait pas sage que cette bibliothèque soit conservée d'une façon intégrale et non pas dispersée comme on se propose de le faire à ce moment-ci.

M. Vaugeois: Je vous dirai là-dessus, d'abord c'est évidemment une bibliothèque...

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas de votre ressort.

M. Vaugeois: ...qui ne me concerne pas comme ministre mais, comme parlementaire, oui et, comme utilisateur, oui, parce que je fréquente cette excellente bibliothèque depuis des années et je profite de ses services. Votre point de vue est intéressant, je pense, et, à titre de parlementaire, je vais m'intéresser à cette question. Mais, comme ministre, je ne suis absolument pas concerné. Mais, mon collègue de Taschereau a peut-être quelque chose...

M. Guay: Je me demandais simplement où — pas où parce que cela ne me regarde pas, mais...

M. Vaugeois: C'est dans votre comté?

M. Guay: Cela va l'être aux prochaines élections, enfin, si le projet de refonte de la carte se matérialise. Je n'ai jamais entendu parler, pour ma part, que les équipements de télévision allaient forcer un déplacement de la bibliothèque. Si on vide une partie du troisième étage...

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. (17 h 45)

M. Guay: Ah! bon, c'est ce que vous avez dit. Je croyais que c'était la partie publique, si l'on veut, de la bibliothèque. Ce dont il a été question — je ne sais pas où c'en est rendu parce que ces choses-là évoluent au fil des années — c'est que la bibliothèque au complet soit déménagée dans l'édifice D ou l'édifice E. C'était dans l'hypothèse où le Parlementaire lui-même, qui se...

Mme Lavoie-Roux: Cela fait partie du patrimoine; on ne va pas tout déménager.

M. Guay: Non, dans les édifices parlementaires. C'est dans l'hypothèse où le Parlementaire lui-même devrait déménager dans les locaux occupés par la bibliothèque, et qu'une nouvelle Assemblée nationale serait aménagée dans la cour intérieure de l'édifice A. C'est une hypothèse qui est dans

l'air et qui circule depuis bon nombre d'années, tant sous l'ancien gouvernement que sous l'actuel, étant donné que l'assemblée actuelle, toute belle qu'elle puisse être, est quand même fort petite et au fur et à mesure qu'il y aura un accroissement des députés, il n'y aura pas de place pour les mettre.

Il en a été question, je ne sais pas où c'en est rendu. Dans cette hypothèse, les restaurants seraient déménagés dans les locaux de la bibliothèque et la bibliothèque serait déménagée dans l'édifice D ou l'édifice E.

Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, je ne suis pas tellement d'accord avec le député de Taschereau et j'aimerais avoir une réaction du ministre; il n'est pas obligé de prendre des décisions et ce n'est peut-être pas lui qui aura à les prendre, mais je me demande si la bibliothèque de la législature ne constitue pas, jusqu'à un certain point, un bien culturel.. De penser qu'on peut la déménager, comme cela, dans l'édifice D, G, H ou I, ce n'est pas prendre les choses à la légère?

La bibliothèque de la législature a quand même une histoire et je vous pose la question, je serais un peu moins à l'aise que vous pour dire: On la transportera pour s'accommoder le mieux possible. Il y a bien des choses...

M. Guay: C'est pour que les députés soient à l'aise.

Mme Lavoie-Roux: Si je vous l'apporte à titre de bien culturel, il faudra que vous vous en occupiez.

M. Vaugeois: On pourrait toujours étudier la possibilité de classer, classer la Bibliothèque de la Législature! Je prends bonne note de votre question. Vous allez trouver en moi une personne très préoccupée par ce que vous venez de souligner.

Mme Lavoie-Roux: La deuxième chose, c'est un problème de l'an dernier, et à ce moment-là, il y avait un sous-ministre qui avait répondu au nom du ministre. J'avais apporté le problème de la bibliothèque de la Commission des écoles catholiques de Montréal, et on avait fait une suggestion pour que soit créé là, le noyau d'une bibliothèque pédagogique — en France, ils en ont une dont j'ai oublié le nom — et on discutait, à ce moment-là, la question du Musée des sciences naturelles. J'ai dit: Je vous avertis, avant que celui-là arrive et qu'on le perde — parce que le Musée s'en allait dans la rivière, quoique vous l'ayez récupéré depuis ce temps...

M. Vaugeois: Hier soir.

Mme Lavoie-Roux: Sérieusement ou à la blague?

M. Vaugeois: Sérieusement, nous avons reçu, hier soir, un mémoire intéressant de l'Association des biologistes du Québec qui, comme il se doit, préconise un Musée d'histoire naturelle.

Mme Lavoie-Roux: J'en suis fort aise. Sérieusement, à ce moment-là, on avait dit: Non, cela n'arrivera pas à cette bibliothèque. Je voyais justement un compte rendu d'une réunion de la Commission des écoles catholiques de Montréal qui finance la bibliothèque; c'en est presque risible: on est allé chercher $10 000 dans tel fonds périmé, $1500 à un autre endroit et on fait cela à la pièce, de mois en mois et de semaine en semaine, pratiquement. Je voudrais savoir si on avait de bonnes intentions, si le ministre qui vous a précédé avait de bonnes intentions, si le problème vous intéresse, et quelle suite le ministère compte y donner.

M. Vaugeois: C'est un problème, je pense, qui... On m'a alerté sur cette question. Ce n'était pas nécessaire, je dois vous dire qu'il y a environ vingt ans, le bibliothécaire responsable de cette bibliothèque était un de mes bons amis, un type de Trois-Rivières, comme toujours... Ce n'est pas par hasard, d ailleurs, qu'il y a autant de gens de Trois-Rivières qui sont dans le domaine du livre, c'est que nous avons eu, à Trois-Rivières, de bons libraires qui vendaient des poissons et des oiseaux, nous avons eu aussi de très bons bibliothécaires qui ont su — je suis sérieux — qui ont su développer dans le milieu trifluvien un goût particulier pour la lecture, l'édition, le travail de bibliothèque. Ce n'est pas par hasard, par exemple, qu'un Trifluvien est conservateur à la bibliothèque municipale de Montréal et qu'un autre Trifluvien joue le même rôle à la bibliothèque de Québec, ainsi de suite.

C'est là qu'on touche l'importance d'avoir, dans le milieu de bonnes bibliothèques, de bons bibliothécaires et de bons libraires. Ceci étant dit...

Mme Lavoie-Roux: II y a eu de bons bibliothécaires à la CECM aussi.

M. Vaugeois: Nous avons donc eu, également, un responsable de la bibliothèque de la CECM qui venait de chez nous, Luc-André Biron. J'avais donc été alerté dès cette époque.

Mme Lavoie-Roux: Je vois que c'est une image parfaite. Il était peut-être bon, remarquez bien.

M. Vaugeois: Je pensais, évidemment, à quelqu'un de Trois-Rivières. Je n'ai pas besoin d'insister, vous devinez qu'il y a des gens qui continuent, dans le ministère, de bien connaître cette bibliothèque et de s'en faire les défenseurs.

C'est un problème qui, au départ, ne nous touche pas, c'est-à-dire qui ne nous concerne pas immédiatement. Eventuellement, nous pourrions en venir à la rescousse par des propositions. Nous avons déjà fait des propositions, mais qui impliqueraient que le fonds qui a été réuni au cours des ans serait brisé. Et c est cela, c'est contre cette solution que les gens de la CECM s'opposent et je les comprends.

Mme Lavoie-Roux: A l'extérieur de la CECM.

M. Vaugeois: Oui, vous avez raison, également, et on entre dans un problème de taille qui ne peut pas se régler, à mon avis, en dehors du ministère de l'Education, parce que la nature même de la bibliothèque et la vocation qu'on voudrait lui garder obligent à traiter avec le ministère de l'Education, et je ne sais pas s'il y a un groupe de travail, là-dessus actuellement, qui traite avec l'Education.

M. Cartier va vous fournir quelques explications additionnelles.

Je me permets seulement de vous informer que c'est à la suite de toute l'action qui a été entreprise pour "sauver cette bibliothèque". Quand je suis entré au gouvernement du Québec, j'ai eu des rencontres avec mes collègues, certains de mes collègues de l'Education, parce que, comme le dit le ministre, c'est fondamentalement un problème d'abord et avant tout de l'Education. Par la suite, c'est sûr que le ministère qui s'est impliqué, je dirais, devrait probablement continuer à s'en préoccuper, mais pour la partie québécoise de cette collection, c'est-à-dire la partie la plus riche, je crois qu'il appartiendrait à la bibliothèque nationale du Québec peut-être d'absorber cette partie. Mais tout cela de concert avec le ministère de l'Education. Pour l'instant, il y a eu des rencontres, comme je vous le dis, entre fonctionnaires, l'Education et le ministère des Affaires culturelles, mais je ne sais plus, au moment où je vous parle, où en est le dossier à l'Education.

Mme Lavoie-Roux: Si je le resignale cette année, c'est à vous autres de prendre les décisions, mais c'est simplement un peu resonner la cloche d'alarme, parce que, comme dans d'autres domaines — on aura l'occasion de parler de l'orfèvrerie peut-être plus tard — il ne faudrait pas que ceci soit dilapidé, parce que tout le monde en était conscient mais finalement personne n'a pris le dossier et ne l'a rendu à bout. C'est vraiment la seule raison de mon intervention, à ce moment-ci.

M. Vaugeois: J'en prends bonne note, madame.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gaspé, pas de questions?

M. Vaugeois: II y a également le cas de la BN, mais je pense qu'on vient de toucher indirectement le cas de la BN, qui est l'élément 3; est-ce qu'on pourrait du même souffle...

Le Président (M. Jolivet): Oui, allez, madame le député de L'Acadie.

M. Vaugeois: Cela nous permettrait de terminer à six heures avec le programme 1, ce qui serait une performance exceptionnelle grâce à la collaboration des représentants de l'Opposition.

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas beaucoup de petits journaux à sortir, vous allez voir. Il avait été question l'an dernier de la relocalisation de la bibliothèque nationale. Est-ce qu'il y a des développements de ce côté?

M. Vaugeois: Les développements ont trait aux glissements de terrain. C'est un problème sur lequel nous travaillons, que nous étudions, c'est-à-dire avec le ministère des Travaux publics. Il y a eu des espoirs, à un moment donné, un édifice rue Saint-Denis qui paraissait libre, l'Institut des sourds-muets, et je me suis rendu compte qu'il y avait déjà quelqu'un qui l'avait convoité, qui allait s'y installer. On l'avait visité. Il reste l'hypothèse du Mont-Saint-Louis, mais vous connaissez probablement les problèmes de terrain, les coûts assez inquiétants qu'il faudrait rencontrer juste pour stabiliser le mur; on en est donc à la recherche d'une solution. Il y a un problème de localisation de la bibliothèque nationale, de son expansion actuellement, Son fonctionnement même est un peu gêné par son installation actuelle.

Je pense que le ministère, là-dessus — il faut dire les choses — a fait la preuve qu'il pouvait trouver des solutions à ce genre de problème; la solution trouvée pour les archives nationales à Québec le montre bien. Les travaux qui se font actuellement au Musée du Québec montrent que de bonnes solutions peuvent être trouvées. Je pense que le troisième défi que nous avons à ren- contrer, c'est celui de la bibliothèque nationale. D'ailleurs, cela nous oblige cette année à avoir des crédits modestes pour la BN puisque, même si on le voulait, il n'y a pas d'expansion possible, dans le contexte actuel.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que...

M. Vaugeois: C'est quand même une bibliothèque qui nous fait honneur, grâce à son personnel de qualité, grâce à une présence de plus en plus grande dans le milieu par une animation culturelle intéressante, mais son développement est handicapé par ses installations matérielles. Nous en sommes bien conscients.

Mme Lavoie-Roux: II y avait eu une suggestion faite, à savoir que le mât du stade olympique soit utilisé, à la fois pour le Musée d'art contemporain et...

M. Vaugeois: J'ai vu cela dans les Débats de l'an dernier, oui.

Mme Lavoie-Roux: ... s'il se construit, cela ne vous sourit pas.

M. Vaugeois: S'il se construit! Je vais vous avouer que la localisation actuelle de la bibliothèque nationale me plaît beaucoup. Il y a une possibilité d'entraînement culturel sur un milieu qui a repris de la vie. Nous sommes sur les lieux de la vieille université, une nouvelle s'y installe, elle est au centre-ville; c'est en plein ce que j'aime d'une université, elle va avoir une fonction réelle dans le milieu.

Ce serait un peu désolant qu'on soit obligé de s'éloigner de ce milieu avec la bibliothèque na-

tionale. S'il y avait moyen de se loger dans ce coin-là... J'ai même demandé qu'on étudie très sérieusement les possibilités d'agrandissement à partir du noyau actuel; tout cela est actuellement à l'étude.

Mme Lavoie-Roux: Ce ne serait pas très sympathique.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que le député de Gaspé aurait une question à poser?

M. Le Moignan: Cette bibliothèque nationale, M. le ministre, répond aux besoins actuels, mais en prévision des années et du nombre de volumes, de revues et de périodiques, tout est centralisé à la bibliothèque nationale, tout ce qui est publié au Québec...

M. Vaugeois: C'est cela. Il y a le dépôt légal qui l'amène à acquérir... C'est-à-dire la loi lui permet d'acquérir, par le jeu du dépôt légal, tout ce qui se publie au Québec. Il y a aussi le bulletin qui est la conséquence du dépôt légal.

Il y a une performance qu'on essaie d'améliorer. Il y a un problème de catalogue dans nos bibliothèques. Ce qui coûte très cher dans nos bibliothèques, c'est le catalogue et on essaie d'étudier des possibilités de solution au niveau de la bibliothèque nationale, laquelle pourrait, d'ailleurs, faire le catalogue pour l'éditeur. L'éditeur pourrait inscrire dans la page du copyright la fiche de catalogue. Cela se fait déjà au Canada anglais, à Toronto les éditeurs le font presque tous, même s'ils n'ont pas les experts, dans leur maison d'édition, pour faire la fiche. La BN pourrait donner ces services aux éditeurs; on l'étudie actuellement.

Quant aux acquisitions, elles sont un peu restreintes. J'attache beaucoup d'importance à cela. Il n'est pas dit qu'on ne fera pas, en cours d'année, un petit virement de crédits pour permettre à la bibliothèque nationale de garder sa qualité au niveau de ses fonds.

Si le budget actuel limitait les possibilités d'acquisition des choses essentielles par la BN, nous sommes prêts à intervenir.

M. Le Moignan: Toute publication québécoise est déposée gratuitement? Vous n'avez pas à les...

M. Vaugeois: II y a une exception pour les livres d'art où la BN peut payer une partie.

M. Le Moignan: Pour les autres, non.

M. Vaugeois: Cela vaut seulement pour l'édition québécoise. Vous, de l'Opposition officielle, qui êtes toujours intéressés à ce qui se passe à la grandeur du Canada, la BN a aussi une responsabilité vis-à-vis de l'édition canadienne dans son ensemble. Le dépôt légal ne joue pas pour l'édition québécoise.

Donc, c'est un problème d'acquisition pour l'édition canadienne en général. Bien sûr, les ouvrages, les grands ouvrages qui sont publiés dans le monde entier ne peuvent pas ne pas être dans une bibliothèque nationale.

M. Le Moignan: Si cela a été publié au Canada français, à la grandeur du Canada, vous êtes intéressé...

M. Vaugeois: Bien sûr. Pourquoi pas de l'Amérique française?

M. Le Moignan: Nous sommes toujours en Amérique française, dans le Canada français.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mercier.

M. Godin: Est-ce que le ministre a visité l'édifice Grothé qui est au coin de Saint-Laurent et Ontario, je pense? Il a été classé d'ailleurs.

M. Vaugeois: Remarquez que c'est moins le ministère que celui des Travaux publics qui a ce mandat. Il travaille avec nous... On confirme que cela a été une hypothèse de localisation.

M. Godin: Un des problèmes, c'est que si, effectivement, la localisation de l'ancienne Saint-Sulpice, pleine de charmes et qui est dans un quartier où il y a beaucoup d'activités plus ou moins culturelles — culturelles et paraculturelles — il reste que la dissémination des services en trois lieux au moins, sinon plus, pose de méchants problèmes pour n'importe qui voulant faire des recherches, soit un député qui veut fouiller dans les textes de M. Ryan ou autre document semblable, on ne sait jamais où s'adresser. Il y en a un bout à Longueuil, il y en a un bout qui est dans l'ancienne...

M. Vaugeois: bibliothèque juive de la rue de l'Esplanade.

M. Godin: Oui.

M. Goldbloom: Qui n'est plus là d'ailleurs.

M. Vaugeois: Mais nous, on est encore là. Mais votre bibliothèque...

M. Godin: Elle est d'ailleurs, je pense, M. Goldbloom, la principale bibliothèque juive du continent, encore maintenant.

M. Vaugeois: Non, la principale est à Cincinnati.

M. Godin: Elle a été longtemps la principale. Mme Lavoie-Roux: Au Canada. M. Godin: S'il y avait moyen de...

M. Goldbloom: En matière de bibliothèque, je n'ai pas l'expérience du ministre.

M. Godin: Mon autre question, est-ce qu'on me dit que c'est une hypothèse qui a été envisagée, l'édifice Grothé? Oui, bon. Ma dernière question était sur l'animation culturelle. Pour avoir fréquenté beaucoup ces lieux, j'ai vu défiler un certain nombre de personnes qui ont changé d'affectation ou de poste dans ce secteur.

Je me suis posé la question, comme observateur: Est-ce qu'il y avait des problèmes — je ne sais pas de quel ordre il peut y en avoir — qui expliquaient cette espèce de marque de continuité dans le personnel qui s'occupait d'animation culturelle? Il y avait une espèce de renouvellement forcé du personnel qui fait que les contacts ne sont plus les mêmes et que les troupes ou les groupes qui veulent exposer là, ou avoir des activités là, ont à recommencer perpétuellement.

D'autre part, il y a eu également la loge qui était derrière l'auditorium, dont une partie a été sacrifiée, ce qui peut affecter la salle elle-même. Comme vous n'êtes pas sans le savoir, M. le ministre, il n'y a pas beaucoup de salles pour les jeunes troupes, dans le centre de Montréal comme, d'ailleurs, dans plusieurs grandes villes au Québec. La salle de la BN est devenue, avec les années, une salle que les gens fréquentent très facilement et le pli est pris. Il ne faudrait pas, au moment où le pli est pris, mettre le frein.

J'aimerais savoir quelle est la politique du ministère à cet égard.

M. Vaugeois: Vous soulevez là une question que j'ai déjà abordée avec le conservateur, M. Jean Rémi Brault. J'ai bien connu, avec lui, les difficultés actuelles de la BN à cause de l'exiguïté des locaux mais il a convenu également, avec nous, que l'activité d'animation culturelle qui s'est développée à la BN devait demeurer malgré tout. Il reste que cela ne se fait pas dans un climat idéal, dans des conditions idéales. M. Brault m'a fait part, là-dessus, de ses difficultés. Je pense que cela pourrait peut-être expliquer une certaine rotation de personnel; c'est que, à un moment donné, c'est un peu démoralisant de travailler dans de telles conditions.

M. Godin: Donc, l'aspect d'animation culturelle de la BN est là pour rester.

M. Vaugeois: Oui, oui. Cela, nous en avons convenu avec M. Brault. Encore que, on vient de m'informer qu'un groupe de travail interne essaie d'évaluer les difficultés qui se présentent. Je peux même ajouter, d'ailleurs, qu'au niveau du budget, certains services du ministère sont intervenus ad hoc pour permettre des activités comme l'hommage à Hubert Aquin, par exemple, qui n'était guère possible avec le budget régulier de la BN. A ce moment-là, on vient à la rescousse parce qu'on y tient beaucoup. On tient beaucoup à ce rôle, à cette fonction qu'a développée la BN.

Le Président (M. Jolivet): Deux petites questions rapides, d'abord, Mme le député de L'Acadie et, ensuite, M. le député de Deux-Montagnes.

Mme Lavoie-Roux: C'est simplement pour demander au ministre s'il accepterait de déposer les normes d'attribution des subventions aux bibliothèques municipales, même si le dossier est complexe?

M. Vaugeois: Oui, oui.

Mme Lavoie-Roux: Ce serait intéressant qu'on ait ce document.

M. Vaugeois: Absolument, c'est très intéressant comme document.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Je voudrais tout simplement, en quelques mots, vu l'heure, abonder dans le même sens que mon collègue de Mercier et exprimer l'avis que le programme d'animation culturelle à la bibliothèque nationale devrait non seulement être maintenu mais devrait être développé considérablement. J'estime que le ministère devrait voir dans quelle mesure ce programme d'animation de la bibliothèque nationale pourrait avoir des prolongements dans les bibliothèques publiques à travers le Québec, de sorte que la bibliothèque nationale soit l'inspiratrice de programmes d'animation culturelle qui auraient lieu dans de nombreux autres centres culturels. On peut imaginer, par exemple, une exposition qui serait montée à la bibliothèque nationale et qui deviendrait, ensuite, itinérante. On peut imaginer des échanges, on peut imaginer d'autres bibliothèques publiques du Québec préparant des événements culturels qui seraient également itinérants et qui passeraient notamment à la bibliothèque nationale, de sorte que les échanges se feraient dans tous les sens.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Taschereau.

M. Guay: C'est simplement, M. le Président, on parle beaucoup du rôle de la bibliothèque nationale et de son emplacement dans la métropole, et j'en suis. Est-ce qu'on a déjà songé ou est-ce qu'il y aurait moyen de songer à ce que le service de la bibliothèque nationale soit également disponible ailleurs, dans les dix régions du Québec, en ce sens que si on fait un dépôt légal, quitte à ce que ça ne soit pas gratuit mais qu'il faille se porter acquérir, mais qu'on crée presque autant d'exemplaires de la bibliothèque nationale qu'il y a de régions, de façon que la contribution de la bibliothèque nationale au dynamisme culturel d'une région et à la consolidation du patrimoine culturel d'une région ne se fasse pas uniquement dans la métropole et qu'on évite ce syndrome parisien auquel on assiste de plus en plus au Québec. Il y a, dans les régions, de plus en plus d'universités, de CEGEP, il y a des institutions, il y a une vie régionale qui se manifeste de façon de plus en plus marquée mais l'absence de services comme

la bibliothèque nationale, et autres d'ailleurs, m'apparaît singulièrement compromettre l'essor culturel de chacune des régions. Est-ce qu'on a songé à quelque chose de ce côté-là, et si oui, quand?

M. Vaugeois: Je ne pense pas que de telles hypothèses existent actuellement, mais les propos que vient de tenir le député de Taschereau seront soumis à l'attention des services concernés. Cela me fait plaisir de voir que le député de la capitale ou d'une partie de la capitale a des préoccupations régionales.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'on peut considérer comme adoptés l'élément 2 et l'élément 3 du programme 1? Donc le programme 1 adopté au complet?

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Jolivet): Suspension des travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Séance ajournée à 18 h 6)

Reprise de la séance à 20 h 14

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, s'il vous plaît!

Avec le programme 2, M. le ministre.

Les membres de la commission sont les mêmes que lorsque nous nous sommes quittés, à la réunion précédente, avant le souper. Je ne les nommerai pas, ce sont les mêmes.

Conservation et utilisation des archives

M. Vaugeois: Pour le programme 2, élément 1, nous parlerons de la conservation et de l'utilisation des archives. Cet élément vise la conservation des archives de la Nouvelle-France et celles du Québec qui sont restées sous la garde du gouvernement du Québec, l'acquisition et l'inventaire des archives privées importantes pour notre histoire, en vue de mettre ces archives à la disposition du public.

Le budget de fonctionnement, qui exclut la masse salariale, est de l'ordre de $460 400. Les hypothèses de travail actuel: Accélérer l'inventaire des archives privées au Québec. Il s'agit de voir à posséder la connaissance la plus complète possible de tous les fonds d'archives, de façon à rendre la recherche historique plus accessible et à préserver ces fonds de la destruction, de leur vente à l'extérieur du Québec, ou de leur déperdition. Egalement, un programme de régionalisation des archives nationales est maintenu en vue de fournir une documentation locale aux chercheurs locaux, avec le concours de ministères tel celui des Travaux publics, en particulier. Deux nouveaux centres, l'un à Rimouski, l'autre à Sherbrooke, seront ouverts très prochainement. De plus, des travaux d'aménagement du grand séminaire s'effectuent à bon train et on prévoit pouvoir y déménager à l'été 1979.

Enfin, la diffusion des connaissances en archi-vistique: avec I'aide de trois personnes, les archives nationales publieront un bulletin mensuel d'information intitulé: Archives en tête, dès 1978, afin de préparer des bibliographies thématiques pour diffuser des informations sur les documents d'archives inventoriés.

Voilà en bref les activités ou les objectifs poursuivis par les archives du Québec. Vous me permettrez d'ajouter tout simplement qu'à ce moment-ci les archives à Québec vivent de l'espoir d'un déménagement prochain. Je pense que nous avons une solution extrêmement intéressante. Cela convient à tous égards. Pour ne rien vous cacher, la situation est moins rose à Montréal; elle est liée à l'avenir de la bibliothèque nationale. Le problème se pose également en termes de locaux.

Dans les régions en général le départ est bien pris. On se rend compte que la régionalisation des archives du Québec correspondait à un besoin exceptionnel et le problème de nos sections régionales est de suffire à la pression du milieu. Dans bien des endroits, on confie aux archives nationales présentes en région les fonds qu'autrement on aurait hésité à confier aux archives nationales.

Je prends un exemple dans mon comté, la municipalité qui est une des plus vieilles au Québec, comme vous le savez, a confié ses vieux fonds d'archives aux Archives nationales du Québec. On peut faire l'hypothèse qu'elle aurait hésité à les envoyer à Québec, mais là, ils sont présents à Trois-Rivières, donc présents pour les chercheurs. Cela pose au ministère et à la division des archives en particulier, un problème fantastique pour répondre à la demande. Nous n'avions pas prévu une telle demande.

Donc, dès que l'étape du déménagement sera faite ici à Québec, il faudra être à même de faire également un effort au titre du fonctionnement. Vous aurez noté aussi que les archives maintiennent un programme d'acquisition qui se veut un centre de documentation et pas seulement un centre de conservation. Ils sont donc là en fonction de la recherche. Je pense que ce rôle des archives est de mieux en mieux joué. Il complète d'ailleurs très bien les autres activités du ministère au niveau patrimonial. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Je pourrais ajouter une petite chose. Si on fait un parallèle avec les archives publiques du Canada, il reste que là aussi nous tirons passablement de l'arrière, mais nous sommes en train, au moins à Québec, de nous rattraper un peu. Il reste que les inventaires que le fédéral a pu faire au Québec sont heureusement les seuls que nous ayons vraiment parce que les Archives du Québec, jusqu'à maintenant, n'ont pas encore pu se lancer là-dedans.

Le député de L'Acadie a souligné ce matin la question d'une loi des archives. Je ne l'étonnerai pas en lui disant ce soir que c'est une des premières questions que j'ai posées au ministère: Est-ce que nous avons un projet de loi des archives? Où

est-ce que cela en est rendu? J'ai eu, dans les jours qui ont suivi, une brique remarquable. Il existe effectivement un projet de loi des archives qui a été fait avec beaucoup de rigueur, en s'inspirant des normes de l'UNESCO.

Vous devinerez que ce ne sera pas à cette session-ci que nous allons le présenter. Je me donnerai comme objectif de soumettre ce projet de loi à l'Assemblée nationale à l'automne, quitte à ce que nous prenions un bon bout de temps pour l'étudier parce qu'il va très loin. Le rôle prévu des archives nous amènera à intervenir dans à peu près toute la documentation publique, et nous avons bien des niveaux publics, de même que dans les fonds privés. Je pense que c'est une question délicate qui va au-delà des partis politiques. Je souhaite que nous puissions commencer à étudier collectivement cette question cette année. Il existe donc un projet.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse si je pose de nouveau au ministre des questions auxquelles il a déjà répondu. Vous avez sans doute parlé des inventaires des archives. Où en êtes-vous rendu exactement dans cet inventaire? Autant les archives scolaires, judiciaires, de tous ordres.

M. Vaugeois: Effectivement, je l'ai suggéré un petit peu dans ma première intervention. C'est assez variable. Là où il y a des sections régionales, en général, les ententes avec le ministère de la Justice ont bien fonctionné. Le ministère de la Justice a confié carrément à nos sections régionales ses fonds d'archives. Les municipalités ont imité le geste.

Nous avons à Québec, actuellement, un archiviste à temps partiel, pour les fonds d'archives d'entreprises. Soit dit en passant, il est bien reçu, il fait le tour des entreprises susceptibles d'avoir des archives importantes. Dans un premier temps, c'est l'inventaire, si vous voulez. L'inventaire se poursuit à ce niveau parce que c'était peut-être là que l'inventaire fait par les archives publique du Canada avait le plus de lacunes.

Comme on est à court de moyens, on fait ce que le fédéral n'avait pas fait encore. Etant donné aussi ce qui est à la mode, au niveau de la recherche actuellement, c'est peut-être davantage l'histoire économique et sociale, je pense que nos archives avaient du retard à rattraper de ce côté-là.

Mme Lavoie-Roux: La seule autre question — et je pense que vous y aviez répondu lorsque vous avez dit qu'en ce qui avait trait à la ville de Québec, le problème de la relocalisation des archives était réglé, mais que, à Montréal...

M. Vaugeois: Le problème reste entier. Ce sont les mêmes hypothèses que pour la bibliothèque nationale puisque nous cherchons une solution qui conviendrait aux deux. D'ailleurs, cela régle- rait, vous vous en doutez bien, un certain nombre d'autres questions. Vous avez dû, comme tout le monde, voir dans les journaux, qu'il y avait, de temps en temps, des protocoles qui se discutaient entre la Bibliothèque nationale et les Archives nationales. Les deux étant distinctes actuellement, cherchent à avoir un service de restauration des documents. Si elles étaient voisines, elles pourraient avoir un service commun.

Il y a eu également des questions qui ont été soulevées au niveau des acquisitions, par exemple, les manuscrits des écrivains. La Bibliothèque nationale a revendiqué ces fonds, les archives les ont revendiqués aussi. Nous, on pense qu'à bien des égards, la Bibliothèque nationale et les Archives nationales pourraient faire bon ménage et que cela nous permettrait une économie de services. On cherche donc une solution qui conviendrait aux deux.

Mme Lavoie-Roux: Du point de vue budgétaire, est-ce que le fait que l'augmentation pour la conservation et l'utilisation des archives soit uniquement de 2%, est-ce que ceci veut dire une diminution des ressources?

M. Vaugeois: Je vais vous dire cela tout de suite. La réponse est oui.

Mme Lavoie-Roux: Et cela va toucher quels aspects?

M. Vaugeois: Cela ralentit les travaux d'inventaire, en particulier. Mais disons que cela ralentit aussi le processus de régionalisation des archives.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Mais ne trouvez-vous pas qu'il y a un inconvénient à ralentir la régionalisation — je la souhaite bien — mais surtout l'inventaire, parce que les choses vont disparaître?

M. Vaugeois: Absolument.

Mme Lavoie-Roux: Sur quels critères, sur quels facteurs vous êtes-vous basés pour décider que c'était là que vous opériez, enfin, une coupure?

M. Vaugeois: Ce n'est pas moi qui ai fait la coupure. Vous savez comment fonctionnent les budgets. Dans les prochaines semaines, je dois étudier, avec le nouveau sous-ministre, les possibilités de s'ajuster, par un virement à l'intérieur du même programme. Il est possible que le programme de conservation au niveau du patrimoine, ou de restauration, n'aille pas à la vitesse prévue. A ce moment-là, il y aura peut-être virement, ou budget supplémentaire aussi. Je vous avoue, étant donné ma formation personnelle, que c'est l'une des inquiétudes que j'ai eues en prenant connaissance du budget. Je vous l'avoue bien franchement, il y a effectivement une diminution significative aux archives, si on exclut les salaires, au titre du fonctionnement.

Mme Lavoie-Roux: Mais le 2% ne couvre pas l'augmentation des salaires et des frais inhérents à l'entreprise. Cela veut dire que...

M. Vaugeois: Remarquez que nous ne sommes pas passifs. Par exemple, lorsque je suis arrivé au ministère, le trésor avait refusé, je ne sais trop pourquoi, des engagements d'étudiants pour l'été prochain. C'est une des questions que j'ai reprises avec la Direction générale de l'administration. On a même offert de payer les salaires de ces étudiants. On a finalement été autorisés à 40 hommes/année, ce qui va nous permettre d'engager maintenant 160 étudiants pour la période d'été. Entre autres tâches auxquelles vont être affectés ces étudiants, il y aura des tâches d'inventaire, bien encadrées par nos archivistes.

Cela aura l'avantage aussi de permettre du recrutement en région et de donner du travail à des étudiants en région, dans leur domaine. C'est évident que les emplois d'été pour les étudiants de sciences humaines, ne sont pas innombrables. Je pense que de cette façon, on réglait, en partie, un de nos problèmes, et on rendait service aux éudiants.

C'est une mesure de court terme que nous avons prise cet été. On va s'ajuster. On va voir comment. Il est certain qu'il y a deux contraintes qui ont justifié cette espèce de baisse dans les budgets de fonctionnement, c'est que les archives à Québec sont dans l'attente d'un déménagement, les archives de Montréal aussi, finalement. Donc, il y a un ralentissement d'activités.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que... Ce fait existe peut-être ou s'il n'existe pas, est-ce que ce serait une possibilité, au moins auprès des organismes publics, que ce soient des municipalités, des commissions scolaires, qu'il y ait une espèce de moratoire, pour qu'on conserve les archives jusqu'à ce que vous ayez eu le temps... Est-ce que c'est une possibilité?

M. Vaugeois: C'est acquis pour celles qui sont inventoriées.

Mme Lavoie-Roux: Pour celles qui sont à inventorier.

M. Vaugeois: Qui sont inventoriées.

Mme Lavoie-Roux: Non, pas celles qui sont inventoriées, pour celles que vous connaissez, c'est moins grave que pour celles que vous ne connaissez pas.

M. Vaugeois: Je ne pourrais pas vous dire s'il y a eu effectivement correspondance. Ecoutez, je pense que depuis plusieurs années — j'ai été témoin de ça — les archives du Québec ont visité à peu près tout ce qu'il y a comme municipalités, tout ce qu'il y a comme institutions. Le milieu est alerté maintenant. On va hésiter davantage à détruire des vieux documents qu'on va hésiter à démolir une maison pour faire un stationnement...

Mme Lavoie-Roux: Tout le monde tient à ses vieux papiers.

M. Vaugeois: Le papier inspire encore plus de respect que le bâtiment. Le problème que nous rencontrons, effectivement, c'est que dès qu'on se pointe dans une région, les gens ne demandent pas mieux que de nous confier leurs fonds d'archives.

Mme Lavoie-Roux: Je dis ça parce que je pense, par exemple, à des régions où la petite foire peut disparaître finalement, par exemple dans les Cantons-de-l'Est, les archives municipales — ce n'est pas une question de Loi 101, c'est une question de changement — où on passe d'une municipalité à majorité anglaise à une majorité française ou à totalité française. Alors, cela constitue quand même une partie intéressante de l'histoire de toute cette région du Québec. Peut-être que la même chose peut survenir dans d'autres régions, la Gaspésie. Je vous dis que j'en ai eu connaissance, parce que j'ai essayé, dans le cas d'une maison particulière, de relever justement, chez le notaire, tous les propriétaires de la maison, pour faire l'histoire de la maison, obtenir les titres, et finalement, à un moment donné, il m'a dit: Là, ça fait trois fois qu'elle se vend, ou quatre fois qu'elle se vend, le reste ne nous intéresse plus. C'étaient quand même des loyalistes qui étaient arrivés là. C'est pour ça que je me dis...

M. Vaugeois: Effectivement, on est moins avancé dans la région de l'Estrie qu'ailleurs au Québec, compte tenu des sections qu'on a pu ouvrir. Par ailleurs, dans le cas de l'Estrie, comme dans certaines autres régions du Québec, on peut profiter du travail fait par les Sociétés d'histoire là-bas; je pense à Mgr O'Brady, par exemple, qui a été un animateur important dans la région de Sherbrooke et, grâce à ces initiatives, il y a eu une sensibilisation auprès des autorités locales.

Pour nous autres, il y a un certain caractère d'urgence à toucher cette région, au plan institutionnel...

Mme Lavoie-Roux: Au plan historique, c'est peut-être une région qui a beaucoup évolué, qui a beaucoup changé...

M. Vaugeois: Une histoire très spéciale.

Mme Lavoie-Roux:... une histoire très spéciale. Si jamais vous avez un Québec souverain, vous serez peut-être content de montrer ça.

M. Guay: Pas seulement nous, vous aussi, vous allez l'avoir.

M. Vaugeois: Je vous signale en passant que vous n'avez pas besoin d'aller dans les Cantons-de-l'Est pour avoir des archives en anglais.

Mme Lavoie-Roux: Non, je sais, toute la région de la Gaspésie, la péninsule...

M. Vaugeois: Cela s'explique par les naufrages pour eux.

Mme Lavoie-Roux: Non, ils ont eu des... Ecossais et tout ce monde-là...

M. Le Moignan: Vous parlez de... des écoles...

M. Vaugeois: Des îles Jersey et Guernesey.

Mme Lavoie-Roux: II y a même des régions en arrière...

M. Le Moignan: Surtout l'île de Jersey.

Mme Lavoie-Roux: II y a quand même des régions près de Québec, un village qui s'appelle Armagh, entre autres.

M. Vaugeois: Trois-Rivières a été dans ce cas-là, Trois-Rivières a eu des registres tenus en anglais pendant plusieurs années alors que tout le monde parlait français, ou presque.

Le Président (M. Jolivet): Le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Oui, M. le Président. Si on fait une revue rapide des centres d'archives, vous aviez Montréal, Québec, Trois-Rivières, ensuite on a ajouté Chicoutimi et Hull et, cette année, on parle de Rimouski et Sherbrooke.

M. Vaugeois: Voilà.

M. Le Moignan: C'est donc dire qu'à ce moment-là, la province va être passablement reliée par de grands centres. L'an dernier, en commission parlementaire, le ministre avait fait allusion justement à cet inventaire national fait par le gouvernement du Canada, avec l'ambition d'en arriver un jour, je crois que c'est votre intention aussi, à avoir un inventaire national des archives du Québec. (20 h 30)

Maintenant, il s'est fait un certain travail à l'Université du Québec à Rimouski, financé, je crois, par un groupe ou par le gouvernement du Canada, je ne sais trop, peut-être par une fondation spéciale. La société historique est venue en Gaspésie et on a essayé... on faisait le travail et on laissait les archives sur place... mais avoir un genre de "cardex" ou de centre où, si je suis intéressé à telle et telle paroisse, on peut me dire un jour qu'à Trois-Rivières, par exemple, un missionnaire, à l'époque, avait vécu 20 ans ou 30 ans sur la Côte de Gaspé, qu'il a rapporté un journal personnel ou quelque chose... On retrouve les mêmes choses à Chicoutimi. A ce moment-là, je pense que votre centre d'archives nationales, avec toutes les coordonnées qui pourraient être offertes, où on pourrait s'adresser, soit à Québec, soit à Montréal ou ailleurs, faciliterait beaucoup l'accès aux chercheurs.

L'an dernier, on a mentionné qu'il y avait $100 000 placés à la disposition des sociétés d'histoire locale pour les aider dans cette recherche archivistique. Je ne sais pas si l'argent a été dépensé ou si les sociétés d'histoire étaient plus ou moins averties de ce geste.

M. Vaugeois: Vous étiez à la conférence que j'ai faite à Laval, il y a quelques jours. Quand j'ai proposé aux sociétés d'histoire des plans conjoints, des programmes conjoints, de s'associer au ministère pour un certain nombre de travaux, je référais encore à cette enveloppe. On m'informe que l'an dernier, effectivement, on a dépensé une somme de $125 000. Cette année, je n'ai pas voulu annoncer de montant parce que c'est vraiment... parce qu'à certains moments, le montant qu'on identifierait ne serait pas nécessairement valable, parce qu'une société d'histoire, d'après moi, pourrait éventuellement devenir l'équivalent contractuel dont nous pouvons avoir besoin pour un relevé historique de tel monument qu'on va restaurer. Alors, cela peut être un contrat qu'on donne à un individu, cela pourrait être des contrats qu'on donnerait de plus en plus à des sociétés d'histoire. A ce moment-là, le montant de $100 000 pourrait être largement dépassé, à partir d'un autre poste du budget. On pourrait aller chercher de l'argent un peu partout si la recherche historique se situe dans le cadre d'autres programmes du ministère. Donc, il n'y a pas de limite pratiquement à cela.

Le problème, vous le savez comme moi, c'est que les sociétés d'histoire n'ont pas toutes la même organisation, le même effectif, les mêmes capacités. Et si tantôt on peut travailler avec la société historique de Lotbinière qui est très dynamique, on peut être obligé d'attendre une relève pour travailler avec telle société historique de tel autre endroit, parce que momentanément les gens qui en sont responsables ne sont pas aptes ou n'ont pas le temps d'engager des travaux...

Je vais vous dire une autre chose — vous ne m'interrogez pas là-dessus — mais j'ai été très occupé par ce que m'a dit le président de la Fédération des sociétés d'histoire ce soir-là. Le ministère a une règle qui veut que nous ne subventionnons pas les secrétariats. Je pense que c'est une bonne règle. C'est toujours dangereux de fournir simplement des budgets de secrétariat à gauche et à droite. On est mieux d'intervenir, de subventionner aux titres de fonctionnement ou d'activités, mais j'aurais envie, éventuellement, de faire une exception pour la fédération. C'est une des choses que nous allons regarder si le budget nous permet de faire un spécial pour la fédération.

M. Le Moignan: Oui, parce que dans le moment, je crois que le rôle de la fédération... La fédération ne remplit pas son rôle parce qu'elle manque d'argent. Elle pourrait devenir très efficace. Il y a peut-être une soixantaine de sociétés d'histoire dans la province, à peu près?

M. Vaugeois: Qui sont regroupées à la fédération.

M. Le Moignan: Elles ne sont pas toutes actives, mais si la fédération avait le moyen de les aider, je crois qu'à ce moment-là on aurait de très bons coopérants culturels aves des sociétés locales d'histoire qui pourraient travailler de concert avec les municipalités.

M. Vaugeois: C'est cela.

M. Le Moignan: C'est pour alerter tout ce monde-là. Cela fait quinze ans qu'on essaie chez nous dans notre milieu. Pourtant on a utilisé la presse, la TV, la radio et on n'a pas réussi. Il se perd, il se détruit beaucoup de choses, non seulement des papiers, mais même des sites, des maisons ou des choses anciennes. Je pense qu'il y a un immmense travail pour relancer... un travail de publicité, comme on le mentionnait aujourd'hui pour les livres.

M. Vaugeois: De l'animation. M. Le Moignan: De l'animation.

M. Vaugeois: Vous me faites plaisir quand vous faites une référence aux municipalités parce qu'éventuellement, avec notre projet de loi no 4, le renvoi aux municipalités ou la remise aux municipalités d'un certain nombre de responsabilités devrait s'accompagner moins de règlements très précis que d'interventions, au niveau des municipalités, de représentants de nos sociétés d'histoire. Je pense que ce serait encore cela la meilleure garantie de la qualité des interventions et de l'exercice des responsabilités par les autorités municipales.

M. Le Moignan: J'avais scandalisé les membres de cette commission, l'an dernier, surtout Mme le député de L'Acadie...

M. Vaugeois: Ah bon! Comment?

M. Le Moignan: ... quand j'ai dit que j'étais allé dans une municipalité, il y a environ sept ou huit ans où il y avait un camion de vidanges à la porte d'une grande salle. On avait étalé les livres, les documents. J'ai dit: Qu'est-ce que vous faites là? Etes-vous en train de faire de la classification? Ils ont dit: Non, regarde le camion qui est à la porte. Madame avait dit que cela ne se faisait pas à Montréal, mais je l'ai vu dans ma région. C'est un officier du ministère ou une dame, dans le temps... Je ne vous dis pas quel ministère, je ne m'en souviens pas.

Mme Lavoie-Roux: Une dame en passant...

M. Le Moignan: Les Affaires municipales, on m'a dit que c'était une dame. On leur avait dit: Tous les documents qui dépassent trente ans, il faut les détruire. Imaginez-vous les livres des minutes, par exemple, qui remontaient à 1840 ou 1850. Ils avaient détruit le premier, j'ai sauvé le deuxième...

Mme Lavoie-Roux: Toute spéciale...

M. Le Moignan: ... parce que la municipalité à ce moment-là c'était un vrai gouvernement. Elle avait beaucoup plus de pouvoirs qu'aujourd'hui. Le provincial tranquillement est allé gruger comme le fédéral l'a fait vis-à-vis du provincial. Le provincial s'est revengé en enlevant les pouvoirs des municipalités.

M. Vaugeois: C'est conforme à l'histoire, puisqu'en créant la province de Québec, on avait créé une municipalité un peu plus grande que les autres.

M. Le Moignan: Vous avez déjà écrit cela, oui. C'est vrai, je crois qu'il y a un immense travail à faire pour alerter l'opinion publique, un travail d'animation. Si on ne commence pas par là... je pense qu'on en perd encore et il faut essayer de récupérer. Il y a beaucoup d'archives de compagnies. Je ne sais pas si vous avez la même politique que le fédéral. Il a toujours quelqu'un sur la route qui essaie de dépister, soit en Europe, soit aux Etats-Unis, soit au Canada, des fonds d'archives.

M. Vaugeois: On a quelqu'un sur la route au Québec actuellement à mi-temps, parce qu'il donne le reste de son temps aux archives à l'intérieur. En Europe, nous avons eu à plusieurs reprises des représentants. J'en ai connu quelques-uns. Je pense qu'actuellement il n'y en a pas, mais nous avons, par ailleurs, des ententes avec le gouvernement français au titre de relations entre les Archives nationales de France et les Archives nationales du Québec. Nous sommes en rapport avec le directeur Jean Favier. On a des stages d'archivisti-que là-bas. Je pense que le milieu français est maintenant beaucoup plus sensible à l'intérêt que peuvent représenter pour nous les archives de la période coloniale française.

Là-dessus, on a plus de collaboration du gouvernement français qu'on en avait autrefois. J'ai l'impression, d'après ce que j'ai vu, qu'il y a plus de présence quasi permanente, mais les missions sont fréquentes au niveau des deux archives nationales.

M. Le Moignan: Ici, aux Archives nationales du Canada, probablement...

M. Vaugeois: Oui, il y a le père Beaudry, entre autres, qui fut en permanence à Paris pendant des années. C'est maintenant Mme L'Italien qui occupe le poste au Centre culturel canadien.

M. Le Moignan: A Paris, oui.

M.Vaugeois: Nous avons eu Eric Labignette un bout de temps. Il y a madame Deschènes qui a écrit: Marchands et Habitants de Montréal et qui a été longtemps, quatre ans à Paris, je crois, pour les archives du Québec, mais, à ce moment-ci, on ne m'a pas signalé la présence à Paris d'un

archiviste des archives du Québec, mais je sais qu'il y a des ententes importantes avec les Archives nationales de France. Je sais que Jean Favier qui est le directeur des Archives nationales de France, qui est d'ailleurs un grand ami du Québec, suit de très près les travaux qui se font dans ses archives et qui sont susceptibles de nous intéresser.

M. Le Moignan: Les Archives nationales du Canada ont-elles en main beaucoup d'archives que le Québec ne possède pas ou est-ce que le Québec peut se les procurer sur microfilms ou sur reproduction?

M. Vaugeois: Ah oui! Quant aux fonds conservés aux Archives publiques du Canada, la plupart des fonds importants ont été microfilmés. Les microfilms sont disponibles à Québec.

M. Le Moignan: Je pense, aux fonds...

M. Vaugeois: Vous savez, cela bouge tout le temps. Si le fédéral s'est enrichi de nouvelles collections récemment, je ne sais pas. Là-dessus, c'est un réflexe de spécialiste, ce n'est pas une question politique. Les spécialistes font ce genre d'échange. Les gens d'Ottawa sont intéressés à avoir des copies de ce qui est conservé ici et les gens d'ici sont intéressés à ce qu'il existe des copies, parce qu'un conservateur, par définition, a toujours peur de perdre ce dont il a la responsabilité.

Ici au Canada, si vous me permettez, nous n'avons pas tout à fait le même réflexe qu'en Europe. En Europe, les conservateurs résistent toujours au microfilmage de leurs fonds, parce qu'ils ont l'impression que si leurs fonds sont microfilmés, ils ont des chances d'être disponibles pour la consultation ailleurs et leur achalandage va diminuer. Pour eux, leurs crédits sont souvent en fonction de la popularité et de l'achalandage de leur institution, alors qu'en Amérique, on microfilme volontiers et on multiplie les microfilms partout où c'est possible.

Mme Lavoie-Roux: On est moins possessifs.

M. Le Moignan: J'ai acheté, il y a quelques années, à Toronto, une collection très précieuse sur les procès qui se tenaient dans le temps, au début des années 1800, à New Carlisle, à Percé ou à Douglastown. Certains volumes ont été abimés par l'eau. Je crois que vous avez ici des procédés de traitement. On pourrait vous apporter ces volumes...

Mme Lavoie-Roux: ... je pensais que vous vouliez les léguer, moi...

M. de Bellefeuille: Que vous en fassiez don aux Archives nationales.

Mme Lavoie-Roux: Bien oui, et ils seront mis en sûreté.

M. Le Moignan: Les Archives nationales, à ce moment-là, pourraient nous donner une photocopie, parce que certaines pages sont illisibles. Il y a un procédé pour les rendre lisibles.

M. Vaugeois: Oui, on a à Montréal une spécialiste qui est extraordinaire en restauration, et je pense qu'il n'y a pas grand-chose qui échappe... On a eu des exemples d'inondations ici, dans les caves du gouvernement; elle a fait un travail admirable. Elle avait mis les documents au réfrigérateur, d'ailleurs, pendant un bout de temps. On a de nouveaux procédés de restauration. Remarquez que, pour les exemples que vous donnez, dans la mesure où les documents que vous nous confiez sont accessibles aux chercheurs, vous pouvez les garder.

M. Le Moignan: Parce que les nôtres, c'est malheureux que ça se détériore.

M. Vaugeois: II n'y a pas de tentative de tout centraliser.

M. Le Moignan: Non, mais ça se détériore. S'il y avait un procédé ici pour les restaurer...

M. Vaugeois: Oui.

M. Le Moignan: ... si la société y est consentante, moi, je ferais un échange...

M. Vaugeois: Ce ne serait pas pour demain, par exemple, parce qu'on a...

M. Le Moignan: Non.

M. Vaugeois: ... un petit service de rien, mais il est très compétent.

M. Le Moignan: Alors, avec le temps, vous pouvez y penser...

M. Vaugeois: Oui.

M. Le Moignan: ... ce sera un enrichissement pour la province, pour les archives, il n'y a pas de doute. Cela remonte déjà à presque deux cents ans. Si on a une copie chez nous...

M. Vaugeois: Surtout si ce sont des procès de la Gaspésie, ça nous intéresse.

M. Le Moignan: II y a des procès qui sont très cocasses. Il y en a de toutes les sortes. C'est très bon. Il suffit de lire ça.

Oui, j'avais seulement une petite question. Comment rendre accessibles, avec le temps, toutes ces archives aux chercheurs, par exemple? Est-ce que ça va devenir facile? Actuellement, c'est compliqué, parce que la classification n'est pas terminée dans beaucoup de vos archives.

M. Vaugeois: Non, la...

M. Le Moignan: Ce qu'il y a ici, à Québec, tout ça, c'est classifié?

M. Vaugeois: Dans Is archives régionales aussi, mais les heures d'ouverture sont malheureusement, pour l'instant, celles de la journée normale, mais l'objectif est partout d'avoir des archives accessibles 24 heures par jour, 365 jours par année. Aux Archives du Québec, ici, je ne sais pas si les horaires ont changé récemment, on avait un horaire qui permettait la consultation jusqu'à 11 heures le soir. Les archivistes ont cette habitude, de chercher à aménager les lieux, de telle façon que le chercheur puisse y travailler sans interruption.

Actuellement, les inventaires sont toujours à perfectionner, les fichiers sont toujours à développer, mais il reste que le personnel compense souvent pour le caractère incomplet des inventaires, des répertoires ou des index.

M. Le Moignan: Les registres de l'état civil, ce n'est pas de votre juridiction?

M. Vaugeois: C'est-à-dire qu'il y en a plusieurs qui nous sont confiés maintenant par le ministère de la Justice.

M. Le Moignan: Mais cette loi qui dit qu'on ne peut pas consulter, postérieurement à 1875...

M. Vaugeois: Oui.

M. Le Moignan: ... est-ce que ça relève d'un autre ministère?

M. Vaugeois: Oui, ça relève du ministère de la Justice, mais nous sommes à étudier cela avec le ministère de la Justice. Déjà, le ministre de la Justice m'a accordé, avant qu'on arrive à des conclusions, que tout chercheur dit sérieux sera autorisé à aller les consulter, mais avec une permission spéciale. En attendant qu'on arrive à des règlements plus formels, actuellement, les registres d'état civil ne sont pas inaccessibles aux chercheurs. Il n'y a pas de solution définitive de trouvée, mais il y a des accommodements possibles. J'ai une lettre récente du ministre de la Justice là-dessus.

M. Le Moignan: Actuellement, on est obligé de verser $2 pour chaque extrait. C'est très compliqué pour ceux qui font de la recherche, surtout en généalogie.

Dans le projet de loi, si je l'ai bien compris, on ne mentionne pas les registres qui sont tenus dans les paroisses. On mentionne simplement ceux tenus aux bureaux des protonotaires, aux palais de justice. A ce moment-là, est-ce que n'importe qui peut aller dans une paroisse et...

M. Vaugeois: Si le curé le veut bien. En général, c'est ce qui se produit.

M. Le Moignan: Oui, si le curé le veut, mais pourquoi est-ce qu'on l'a interdit? Est-ce parce qu'on veut garder une certaine confidentialité. De l'autre côté, on laisserait libre l'accès des presbytères?

M. Vaugeois: Les curés, M. le député, en général, jugent du sérieux des chercheurs qui se présentent. Il y a toujours une petite résistance à vaincre quand tu entres dans un presbytère pour consulter les registres. Il faut que tu mettes le curé en confiance sur le sérieux de ta recherche. C'est après ça qu'on a accès aux documents.

Mme Lavoie-Roux: C'est comme ça que ça se passe, M. le député de Gaspé?

M. Le Moignan: Oui, ça se passait comme ça, mais moi, je sais qu'il y a un point là-dedans, et c'est vrai. Quelqu'un a voulu faire de la recherche une journée, et je me suis douté; j'ai cherché à sa place et je ne lui ai pas donné la réponse, parce qu'il aurait certainement trouvé ce qu'il cherchait. Je ne voulais pas qu'il soit mis au courant. C'est pour ça peut-être qu'il y a une certaine sagesse à aller au moins à 50 ans ou...

M. Vaugeois: Là, on est rendu plus exigeant que le Vatican. Le Vatican, je pense, c'est 90 ans. Nous autres, c'est 100 ans. On n'a quand même pas plus de choses à cacher que l'Eglise. (20 h 45)

M. Le Moignan: Cela va être 111 ans avant longtemps parce que c'est en 1875 et vous ajoutez des années. Cela va être aussi vieux que la Confédération. J'ai terminé, M. le ministre.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que l'élément 1 est adopté?

M. Le Moignan: Adopté.

Le Président (M. Jolivet): Adopté. Elément 2.

Conservation des sites et des biens historiques et archéologiques

M. Vaugeois: Je vous propose d'aborder un peu de front, le 2 et le 3; en tout cas, on verra bien. Donc, l'élément 2 s'intitule: conservation des sites et des biens historiques et archéologiques. Cet élément vise la conservation, l'animation, la mise en valeur, l'exploitation des objets, oeuvres d'art, meubles, immeubles et ensembles présentant un intérêt historique, archéologique, esthétique ou pittoresque pour le Québec. Un budget de $12 019 800 est affecté, est prévu. La poursuite d'une façon accélérée du macro-inventaire en vue de proposer un cadre opérationnel à toutes les actions en matière de biens patrimoniaux est considérée comme très importante. Nous utilisons l'avion, entre autres, pour procéder à ce macro-inventaire. Nous pourrons vous donner plus d'explications si vous le souhaitez.

En deuxième lieu, un thème de notre intervention est l'implication, la collaboration, la con-

sultation de la population qui devient préalable à tout projet de restauration de monuments historiques classés ou non. Par le biais des conseils régionaux de la culture et du service d'animation du ministère, des concepts d'utilisation sont fournis aux responsables des projets. Il y a aussi une implication du ministère auprès des municipalités et de la Société d'habitation du Québec en vue de préparer, conjointement, des programmes de restauration à l'intérieur des arrondissements historiques. Comme moyens, nous pouvons, éventuellement, subventionner les municipalités pour défrayer le coût des travaux jugés utiles pour préserver l'unité architecturale des arrondissements. Egalement, nous prévoyons la signature d'ententes avec les municipalités et parfois la Société d'habitation du Québec pour établir une stratégie d'intervention en vue de solutionner les problèmes de circulation, de logement et de rentabilité sociale à l'intérieur des arrondissements. Il y a même des cas où nous traitons avec la SAQ, la Société des alcools, qui est susceptible de s'intéresser à la mise en valeur de monuments, de vieilles maisons et, à ce moment-là, le bail qu'est prête à signer la SAQ permet au propriétaire, autant que possible un pouvoir public, de faire les travaux importants de restauration.

Enfin, il y a aussi la poursuite de travaux de sauvetage de sites archéologiques dans les régions sujettes à des travaux majeurs — mon texte me dit ici: de génie, mais j'hésite à le prononcer — par exemple à la baie James ou dans certains autres endroits qui sont susceptibles d'être modifiés par la main de l'homme ou encore dans les environs des villes, étant donné le développement des villes. Voilà, en gros, si vous voulez. Cela nous a amenés à certaines interventions à l'île d'Orléans, à l'île Bonaventure, dans l'archipel des îles Mingan en particulier. Il y a aussi sur la Basse-Côte-Nord, entre Sept-lles et Havre-Saint-Pierre, où nous faisons des efforts de sauvetage et, évidemment, encore une fois, à la baie James.

Enfin, il y a des déplacements fréquents au Nouveau-Québec en vue de s'assurer la collaboration des conseils de village, en vue d'effectuer des études de reconnaissance du potentiel des sites amérindiens devant faire l'objet de fouilles. Ce qui nous a mis également en contact, bien sûr, avec les Inuit.

Je termine cette introduction générale à cet élément 2 en disant que j'ai eu le plaisir de rencontrer les membres de la Coopérative du Nouveau-Québec et de discuter avec des représentants de villages inuit. Nous avons convenu qu'une de mes marottes pourrait peut-être être appliquée dans un premier temps avec eux, c'est-à-dire de procéder à un retour de biens culturels vers les régions d'où elles proviennent. Cela est une idée générale. Je souhaite que, de plus en plus, on cherche à retourner vers les régions les biens, les objets les artefacts. Et nous espérons commencer éventuellement avec les Inuit. Ce qui serait quand même assez fantastique. Ils me disaient au moment de cette rencontre: C'est rendu que, quand nous parlons à nos fils de notre façon de nous déplacer, il y a quelques années, de notre façon de pêcher, il y a quelques années, il faut quasiment les amener à Montréal pour leur montrer les objets dont nous leur parlons. Il n'en reste plus chez nous, et la première demande qu'ils m'ont formulée, c'est de pouvoir éventuellement ravoir chez eux certains de ces objets. Inutile de vous dire que je me suis engagé séance tenante à donner suite à cette demande et nous avons, d'ailleurs, pour très prochainement, un projet d'exposition. Nous irons en terre inuit, nous irons dans le Nord, nous, gens du Sud, pour, dans un premier temps, faire une exposition et éventuellement leur laisser chez eux plusieurs de ces objets qui ont été amenés dans le sud pour fins d'études.

Mme Lavoie-Roux: Supposément! M. Vaugeois: Supposément.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Ma première question concerne la Semaine du patrimoine. Je comprends qu'il y a une partie des crédits qui relèvent du Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports, mais il reste que vous avez participé, je pense...

M. Guay: Là-dessus, si je peux me permettre seulement une remarque...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Guay: ... je n'ai pas d'objection personnellement, mais si cela concerne le programme de la Semaine du patrimoine, je pense que cela relève du programme suivant: Gestion interne et soutien. Je ne veux pas faire de chichi.

M. Vaugeois: Ah! Si on peut avancer l'étude des crédits de cette façon.

M. Guay: Je pense qu'on ne peut pour autant passer outre.

Mme Lavoie-Roux: Si vous voulez...

M. Vaugeois: Allez-y donc pour la Semaine du patrimoine. Cela sera fait.

Semaine du patrimoine

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Le gouvernement du Québec a accordé une enveloppe globale de $2 400 000, dont une part importante servira au financement des manifestations de la Semaine du patrimoine et de la Fête nationale. C'est dans un communiqué — il n'y a pas de date sur le communiqué; il doit y en avoir une certain — 20 avril 1978

Dans un autre communiqué du 27 avril 1978 on dit: "Les organismes participants pourront également se prévaloir du programme d'aide financier

du gouvernement du Québec. Un budget de $1 750 000 sera consacré à cette fin".

Je voudrais savoir si le $1 750 000 s'ajoute aux $2 400 000.

M. Vaugeois: Le $1 750 000, si je comprends bien — je n'ai pas les documents sous les yeux — c'est une partie des $2 400 000...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Vaugeois: ... confiée à tel organisme, à tel endroit, l'autre partie du budget servant soit à du fonctionnement, soit à de la publicité. Il reste, à un certain moment, $1 750 000 pour les activités proprement dites. Je pense que c'est ainsi qu'il faut comprendre les deux communiqués que vous avez entre les mains.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Ceci ne comprend pas les Fêtes du 370ième anniversaire de Québec.

M. Vaugeois: Non.

Mme Lavoie-Roux: Et c'est un montant de combien?

M. Vaugeois: Cela ne relève pas de moi, mais je peux vous dire...

Mme Lavoie-Roux: $800 000 à peu près, si ma mémoire est bonne.

M. Vaugeois: Je pense que c'est $800 000 au total, mais je le dis sous toute réserve. C'est une corporation spéciale qui a été formée...

Mme Lavoie-Roux: Une municipalité... les Affaires municipales...

M. Vaugeois: ... avec la ville de Québec et des gens du gouvernement. Nous avons un sous-ministre adjoint qui fait partie de cette corporation, Pierre Boucher...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Vaugeois: ... mais le ministère comme tel n'est pas concerné. C'est une corporation spécifique qui a été formée pour l'organisation des fêtes du retour aux sources.

Mme Lavoie-Roux: Les $2 400 000 couvrent-ils toute la Fête nationale et la Semaine du patrimoine? Y a-t-il d'autres sommes qui ont été affectées à...?

M. Vaugeois: Pour cela? Oui. Il est question d'une somme de $100 000 à $150 000 de la part du ministère des Affaires culturelles qui s'ajouterait aux $2 400 000.

Je vais vous résumer cela rapidement. Comme les $2 400 000 avaient, dans un premier temps, été annoncés pour l'organisation de la Fête nationale et que, dans un deuxième temps, il y a eu arrimage des dates de la Fête nationale et de la Semaine du patrimoine, la Fête nationale devenant le premier jour de la Semaine du patrimoine, tout le monde a trouvé logique que les organismes qui allaient se rendre responsables de l'affectation de l'enveloppe de $2 400 000... donc, tout le monde a trouvé raisonnable que ces sommes servent, éventuellement, non seulement à financer la Fête nationale, mais également les activités de la Semaine du patrimoine, d'autant plus que le ministère n'avait pas de budget spécifique pour les activités de la Semaine du patrimoine. Compte tenu que les $2 400 000 avaient d'abord été identifiés pour la Fête nationale seulement, notre ministère a convenu d'arrondir la somme et d'ajouter un peu pour faire sa part, pour ne pas avoir l'air de devenir des pique-assiettes et de gruger à partir de l'enveloppe qui avait été initialement prévue pour la Fête nationale.

Concrètement, actuellement, il y a $2 400 000 qui ont été ventilés. Chaque région sait à peu près de combien d'argent elle dispose et nous venons arrondir ce montant.

Mme Lavoie-Roux: Ce qui veut dire que pour les fêtes, que cela soit la Semaine du patrimoine, ou la Fête nationale, ou le 370ième anniversaire de la ville de Québec, on va se rendre à un montant de près de $3 500 000.

M. Vaugeois: Alors, attention, il y a quand même...

Mme Lavoie-Roux: ... qui ne relèvent pas tous du même budget mais il reste quand même que ce sont tous des événements qui vous intéressent.

M. Vaugeois: Oui, mais je vais faire des petites distinctions. D'abord, pour la Fête nationale et la Semaine du patrimoine, il n'y a que les $2 400 000 qui sont autorisés pour l'instant, l'autre montant, c'est une hypothèse. L'arrondissement de ces enveloppes d'un montant entre $100 000 et $150 000, c'est une hypothèse. Nous n'avons pas encore les autorisations.

Mme Lavoie-Roux: C'est quand même prévu. J'ai un article ici: Cette somme ne serait pas comprise dans le budget de $2 400 000.

M. Vaugeois: C'est cela, mais on n'a pas encore l'accord du Conseil du trésor. Par ailleurs, j'ai parlé de $800 000 c'est peut-être $500 000, remarquez, pour le 3 juillet, et peu importe. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'une bonne partie de ces montants sert à une publicité à caractère touristique. Il s'agit de profiter de cet événement qui s'inscrit dans le Festival d'été, qui est le premier jour du Festival d'été qui va suivre.

Mme Lavoie-Roux: Qui va suivre? Il y a combien d'argent qui a été accordé au Festival d'été?

M. Vaugeois: Je suis incapable de vous le dire.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela vient du Haut-Commissariat également, une partie j'imagine, n'est-ce pas?

M. Vaugeois: Je ne le sais pas du tout.

Mme Lavoie-Roux: Le monsieur en arrière a l'air d'avoir une idée.

M. Vaugeois: On me dit que l'an dernier, cela venait du Haut-Commissariat, et ce ne sont pas des sommes très élevées, rendu là, parce que la ville de Québec est responsable du Festival d'été, elle met sa part, mais l'idée, c'est que c'est une activité touristique en un sens où les sites... On a trouvé, par le biais de la fête du 3 juillet, une occasion de suggérer aux franco-américains et aux franco-canadiens de venir nous visiter. C'est une activité, c'est un budget à caractère touristique dans une large mesure, mais n'étant pas responsable de cela, je ne peux pas vous en dire davantage. Vous avez l'air de suggérer que tout cela mis ensemble, cela fait beaucoup. C'est une activité, ce sont des investissements qu'on essaie de faire.

Une Voix: II y a assez de touristes aux Etats-Unis.

M. Vaugeois: C'est cela, il y a de l'argent pour le 3 juillet; je vous présente, soit dit en passant, Gaston Harvey, qui est mon nouveau directeur de cabinet et puisque nous en sommes aux présentations, Jean-Pierre Montesinos, qui est le directeur général du patrimoine, qui est nouvellement nommé; c'est une des premières nominations que j'ai eu le plaisir de faire, c'est un concours qui était en marche, remarquez. il y avait déjà un budget de publicité aux Etats-Unis pour inciter les Américains à venir nous visiter et il faut quand même leur donner des motifs pour venir nous visiter. On a pris celui du retour aux sources. Nous ne sommes pas les seuls à faire cela, il y a plusieurs compagnies d'aviation d'ailleurs qui ont commencé aux Etats-Unis une publicité qui dit à peu près ceci: Les Etats-Unis ont été peuplés par des gens d'un peu partout; vous, vous venez de la Hollande, alors on vous propose de retourner en Hollande, le pays d'où viennent vos ancêtres, etc. On joue un peu dans ce jeu, c'est un peu le thème de Roots, qui est très populaire aux Etats-Unis actuellement; Roots, pour un certain nombre d'Américains, c'est le Québec. Nous, on a pensé opportun de leur suggérer aussi d'aller peut-être en Hollande pour certains, peut-être en Allemagne pour d'autres, mais pourquoi pas aussi au Québec pour un certain nombre?

Mme Lavoie-Roux: C'est une question...

M. Vaugeois: Ce n'est donc pas de l'argent nouveau.

Mme Lavoie-Roux: C'est une question que je poserai au feuilleton, de toute façon. Je pense qu'ils pourront me répondre plus en détail à savoir d'où viennent...

M. Vaugeois: En tout cas, ils vont vous répondre beaucoup mieux.

Mme Lavoie-Roux: Non, ce n'était pas dans ce sens que je le disais. D'où viennent tous les fonds qui sont affectés à ces fêtes? Je pense que c'est légitime qu'on se pose la question, parce que quand on regarde comment, dans d'autres domaines — on parlait tout à l'heure de l'inventaire des archives, cela vous inquiétait — qu'on touche à $3 500 000 facilement et peut-être davantage, il reste que c'est quand même une période de trois semaines.

Maintenant, du point de vue... C'est une question, ce n'est pas tellement l'argent en soi, c'est-à-dire c'est $2 400 000, mais est-ce que $2 400 000 plus possiblement $200 000, $300 000 venant des Affaires culturelles, est-ce que vous trouvez que c'est une formule de financement — quand cela atteint cet ordre de grandeur — qui va finalement, à long terme, atteindre les objectifs que l'on veut dans le sens que finalement, tout le monde s'attend à avoir une petite subvention, à droite et à gauche? Je ne sais pas dans quelle mesure on ne tarit pas les initiatives spontanées et volontaires des gens. Qu'il y ait certains frais qui soient encourus, d'accord, mais quand on entre dans cet ordre de grandeur, je me dis qu'il faut être prudent, parce que finalement il reste qu'une partie de la créativité, une partie du sentiment national et tout cela, il faut quand même que cela soit spontané, qu'on ne soit pas toujours à percevoir les quelques sous qu'une organisation ou que le gouvernement peut nous donner. Dans ce sens, cela me fait penser un peu aux projets PIL, ces histoires-là; ce ne sont pas les mêmes objectifs qu'on poursuit mais, finalement, les gens ne font plus rien s'ils n'ont pas la possibilité d'une subvention au bout de la ligne. Je ne suis pas sûre que ce soit une formule rentable, pas dans le sens économique mais dans le sens de la motivation des citoyens, que de l'utiliser sur une échelle qui me semble devenir de plus en plus considérable. (21 heures)

M. Vaugeois: C'est un point de vue intéressant que vous soulevez là. Je peux vous dire qu'au niveau de la Semaine du patrimoine, nous en sommes à notre troisième expérience. La première année, il n'y avait pas de budget pour les activités; il y a eu quand même beaucoup d'activités qui se sont organisées spontanément, bénévolement. La deuxième année, cela a été la même chose, encore que, dans certains cas, les gens de la Corporation de la fête nationale sont venus à la rescousse de certains projets pour un montant de $75 000 ou $80 000.

L'approche du ministère, cette année, c'était de ne pas avoir d'argent pour les activités. Pour être complet — je l'ai oublié tout à l'heure — nous avons, au niveau du ministère, un budget d'envi-

ron $200 000 pour la Semaine du patrimoine. Là, je ne parle pas de financement d'activités...

Mme Lavoie-Roux: C'est pour la publicité.

M. Vaugeois: ... c'est pour le thème, la publicité, etc. Nous avons à peu près $150 000 en contrats de publicité qui a été donné à Intercommunications, après toutes les règles nouvelles de procédure pour aller chercher ce genre de contrat, et il y a à peu près $50 000 de prévus pour des contractuels ou des gens qui travaillent, si vous voulez, à l'organisation de la Semaine du patrimoine, dans son ensemble.

C'est un peu l'exemple de ce qui se faisait autour de nous qui nous a amené, nous aussi, à prévoir des petites sommes pour soutenir des activités qui allaient être proposées dans le cadre de la Semaine du patrimoine. Finalement, quand on regarde la ventilation de l'enveloppe et qu'on voit cela par régions, c'est quand même assez intéressant parce que, traditionnellement, il y avait beaucoup d'argent qui allait à Montréal et, finalement, il y a quelques artistes...

Mme Lavoie-Roux: II y en a trop qui est allé à Montréal, aussi.

M. Vaugeois: ... qui s'en tiraient avec de gros cachets. Oui; alors, là, il y a un effort de décentralisation de ce côté. Si vous regardez les enveloppes régionales, cela ne donne pas de gros montants. Cela donne des montants de $50 000 ou $60 000 pour une multiplicité d'activités qui sont proposées.

Chaque activité, finalement, reçoit des sommes assez minimes. Je peux vous dire qu'au niveau de la Semaine du patrimoine, il y a une semaine, quand on m'a fait rapport, il y avait à peu près 300 activités qui nous étaient proposées et on a débordé cela largement. Plusieurs activités nous sont tout simplement signalées; elles s'organisent spontanément et bénévolement. Quelques-unes nécessitent, si vous voulez, un petit coup de pouce financier mais c'est un petit coup de pouce financier.

Je suis d'accord avec vous que cette intervention monétaire ne devrait pas enlever à ces activités de la fête nationale et de la Semaine du patrimoine, dans la mesure où cela se fait dans un quartier, dans les villages et en régions, leur caractère spontané et bénévole. Je suis d'accord avec vous là-dessus.

Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, je pense que si vous regardez les remarques qui étaient faites dans le bilan de la Semaine du patrimoine, on souhaitait qu'on n'ait pas à être mobilisé de façon indue pour subventionner des organismes locaux.

M. Vaugeois: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Disant que: "Cela mobilisait, de façon indue, une grande partie de leurs énergies et ce, pour des résultats peu concluants en regard de l'ensemble du dossier et de la nature des activités ainsi subventionnées, qui sont loin d'être les plus représentatives de l'ensemble des activités inscrites au programme."

Cela est tiré du bilan de la Semaine du patrimoine, 1977.

M. Vaugeois: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: C'est une recommandation qui vient des gens qui en étaient responsables et je ne suis pas sûre — cela, c'était pour la Semaine du patrimoine — dans quelle mesure cela ne s'adresse pas aussi aux fêtes nationales, même si cela ne relève pas directement de vous. Cette année, vous combinez les deux, de toute façon. L'autre...

M. Vaugeois: Nous combinons les deux mais il y a deux ministres différents qui en sont responsables, comme vous le savez.

Mme Lavoie-Roux: Oui, vous faites partie d'un même cabinet.

M. Vaugeois: Nous faisons partie du même cabinet.

Mme Lavoie-Roux: Oui. L'autre remarque que je voulais faire, je trouve regrettable que, finalement, la Semaine du patrimoine arrive avec la fin des classes; en la faisant coïncider avec la fête nationale, vous enlevez toute la préparation scolaire, là où il reste encore de la motivation aux enseignants, à ce moment-là de l'année, ou même aux étudiants. Il reste que, quand même, c'est une activité à la fois pédagogique et parapédagogique qui peut utilement occuper les loisirs de la dernière semaine d'école et qui, au plan de l'éducation, est irremplaçable. Cela ne coûte rien et il faudra peut-être — je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi — réfléchir à cela une autre année.

M. Vaugeois: Oui, je suis d'accord avec vous, Madame.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gaspé.

Mme Lavoie-Roux: C'est déjà fini?

Le Président (M. Jolivet): Ah! excusez. Je pensais que vous aviez terminé.

Mme Lavoie-Roux: Non, allez. J'y reviendrai.

Le Président (M. Jolivet): II vous reste encore quatre minutes. M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: II me reste cinq minutes?

Une Voix: II ne vous reste que cinq minutes, quant à nous.

M. Le Moignan: C'est parce qu'on avait conclu un marché, tous les deux.

Le Président (M. Jolivet): Vous avez conclu un marché?

M. de Bellefeuille: J'accepte volontiers, oui.

Le Président (M. Jolivet): Le député de Deux-Montagnes, dans ce cas. Marché conclu.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président, et je remercie M. le député de Gaspé de me céder son tour de parole; il ne cède pas son droit de parole, c'est seulement le tour.

Je voulais revenir à l'élément 2 du programme 2 pour faire quelques remarques de portée générale et, en quelque sorte, exprimer une inquiétude. Avant d'exprimer cette inquiétude en termes généraux et théoriques, je vais chercher à l'illustrer par un fait. Ce fait, c'est une coupure de journal que vous pouvez regarder, qui montre une vieille maison québécoise en pierres et en flammes. Une maison québécoise en pierres qui brûle, qui est livrée au feu destructeur.

C'est tiré d'un hebdomadaire d'un comté voisin du mien; l'hebdomadaire s'appelle L'Argenteuil. C'est le numéro qui porte la date du 26 avril 1978. Cela fait à peu près deux semaines. Je vais vous lire la légende qui porte un titre: "Un incendie prémédité". "Un groupe d'étudiants de l'école Saint-Maxime de Ville de Laval était en visite à Lachute afin de s'exercer au métier de pompier dont ils viennent de terminer deux années d'études. Ces deux années ont porté sur la théorie des incendies et, la semaine dernière, dix-neuf étudiants étaient à Lachute pour appliquer cette théorie. Ils ont reçu une formation pendant quatre jours à Lachute, alors qu'ils incendiaient une maison située rue Bétanie, près du centre commercial. Le responsable de ce groupe d'étudiants était M. Pierre Damico et des pompiers de Laval s'étaient rendus sur les lieux pour livrer quelques conseils aux futurs pompiers. La dernière pratique des étudiants se rapprochait dangereusement de la réalité, alors qu'après avoir incendié la maison et fermé toutes les issues, les étudiants ont dû combattre seuls les flammes sous l'oeil vigilant de leur instructeur". "Cette maison, de style québécois, avait appartenu longtemps à la famille Donat Filion. (Photo, Thérèse Parisien)".

Dans ce texte, que je trouve absolument remarquable — pour moi, c'est une pièce d'anthologie — je relève en particulier deux choses: c'est que cette maison, que l'on punit, que l'on châtie, que l'on détruit délibérément, de quel crime est-elle accusée dans ce texte? Tout ce que je peux voir, c'est qu'elle était située tout près du centre commercial. Cela me trouble beaucoup parce que s il y a une maison québécoise ancienne qui est située près d'un centre commercial, j'ai nettement l'impression qu'elle était là avant; ce n'est pas la maison qui a tort d'être là, c'est le centre commercial qui a tort d'être à côté de cette maison qui la dépare peut-être et qui lui porte l'affront définitif si, à cause de ce voisinage, on décide que la maison doit disparaître.

Je signale, en second lieu, que l'auteur de cette remarquable légende conclut par une phrase qui est tout un poème: "Cette maison, de style québécois, avait appartenu longtemps à la famille Donat Filion".

Non seulement on indique que cette maison est ancienne, qu'elle est de style québécois, on indique qu'on en connaît l'histoire et le fait d'en connaître l'histoire, que la maison ait appartenu longtemps à la famille Donat Filion, est mentionné là pour son intérêt documentaire, comme si personne ne se rendait compte qu'une maison, ainsi identifiée à une famille de l'endroit, c'est un bien patrimonial.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas un signe de protestation, votre photo...

M. de Bellefeuille: Cela resterait à voir.

Mme Lavoie-Roux: Je l'interprète comme cela.

M. de Bellefeuille: Cela resterait à voir, madame. Moi, en tout cas, pour passer à des considérations de portée plus générale, comme vous le savez tous, je pense, comme vous le savez, M. le Président, puisque c'est à vous que je dois m'a-dresser, j'ai passé un peu plus d'un an comme adjoint parlementaire aux Affaires culturelles et une question sur laquelle je suis souvent revenu dans des conversations avec le ministre et avec les fonctionnaires et les membres du cabinet du ministre, c'était la question des moyens mis en oeuvre pour assurer la préservation de notre patrimoine bâti, en particulier. On m'a fait, généralement, des réponses qui indiquaient, d'une part, l'insuffisance des moyens mis à la disposition de la direction générale du patrimoine.

On m'informait, d'autre part, des projets du ministère quant à la régionalisation et à la décentralisation. On me disait qu'on allait de plus en plus se fier aux municipalités, mais durant nos délibérations de ces jours-ci, nous avons reconnu qu'il ne serait pas exact de prétendre que dans tous les cas l'attitude des municipalités soit telle que nous puissions dès maintenant nous fier à elles. On m'a répondu: II appartient aux gens d'assurer la défense de leur patrimoine et de signaler au ministère les bâtiments qui sont en danger. Là je viens de vous signaler un bâtiment qui est hors de danger.

Mme Lavoie-Roux: Qui n'est plus en danger.

M. de Bellefeuille: Son affaire est réglée. Il est dommage que personne n'ait signalé cela plus tôt au ministère, mais tout ceci pour dire qu'après un peu plus d'un an passé comme adjoint parlementaire aux Affaires culturelles, j'en suis resté avec un doute profond. J'en suis resté avec la conviction qu'effectivement, les moyens mis en oeuvre pour assurer la sauvegarde de notre patrimoine bâti sont insuffisants et que rien dans ce qui m'a été répondu quand j'ai exprimé cette inquiétude ne nous donne des garanties suffisantes. Je de-

mande au ministre par quels moyens nous pourrions mieux garantir la conservation de notre patrimoine bâti? Je pense que c'est une espèce de question d'urgence. Je pense que ce cas que je viens de vous citer n'est pas rare. Je pense que dans toutes les régions du Québec, et on n'a qu'à lire par exemple les écrits de M. Alain Duhamel ou d'autres journalistes pour se rendre compte qu'il y a continuellement, fréquemment des cas où des éléments du patrimoine bâti disparaissent.

Je me demande s'il n'y a pas une espèce de passivité devant cette urgence. S'il y a une espèce de passivité devant cette urgence, je voudrais que le ministre m'assure que le ministère va secouer cette passivité. Bien sûr, je reconnais qu'il n'est pas seul au tableau. Je reconnais qu'il ne lui appartient pas à lui seul de secouer cette passivité. Mais c'est quand même à lui, il me semble, d'accrocher le grelot. C'est quand même lui qui porte l'ultime responsabilité. Il me paraît insuffisant de dire qu'il appartient à tous les citoyens de s en préoccuper. Il m'apparaît insuffisant de dire qu'on va se fier aux municipalités. Je sais qu'on veut se fier aussi aux sociétés d'histoire. Je sais que dans certains cas, les sociétés d'histoire peuvent jouer un rôle.

Mais ayant participé aux travaux d'une société d'histoire et aux travaux de la Fédération des sociétés d'histoire, je suis d'avis que dans la majorité des cas, les sociétés d'histoire ne sont pas munies des moyens voulus, ne sont même pas prêtes, disposées psychologiquement à aborder de front ce problème. Par ailleurs, j'ai l'impression qu'au plan administratif — et là je m'aventure sur une glace mince, parce que je ne voudrais pas que mes propos paraissent constituer une critique injustifiée — la Direction générale du patrimoine devrait être plus mobile qu'elle ne l'est. Je ne dis pas qu elle ne l'est pas. Je sais qu'il y a dans cette direction générale une assez remarquable mobilité à certains moments, mais une fois qu'on a signalé le danger, il me semble qu'il faudrait en venir à une situation où il y aurait une plus grande mobilité de la part de la direction générale et de la part du ministère, qui soit plus spontanée, qui consiste à exercer une action plus poussée sur le terrain afin de susciter les collaborations voulues pour parcourir les étapes nécessaires. Cela exige des inventaires, cela exige qu'on remplisse des fiches, qu'on fasse des demandes au ministre pour qu'il puisse, selon les dispositions de la loi, émettre des avis d'intention et prendre d'autres mesures. Mais cela exige un programme, une mobilité, une conscience du danger et la volonté d'augmenter les moyens; cela ne me paraît pas assuré. C'est la série de questions que je voulais poser au ministre. (21 h 15)

M. Vaugeois: M. le Président, un seul mot pour souscrire à l'essentiel de ce que le député de Deux-Montagnes vient de dire. Il m'avait d'ailleurs montré le document dont il a fait état ce soir. Pour nous, le problème reste entier, encore que le travail que nous faisons de macro-inventaire devrait nous permettre de cesser d'être toujours comme un pompier qui répond à la sonnerie et de connaître un peu le patrimoine bâti. Actuellement, le rythme du macro-inventaire, le rythme espéré du macro-inventaire est de vingt comtés municipaux par année; c'est un rythme qui est difficile à tenir, mais nous comptions donc, à l'intérieur de cinq ans, faire le tour du Québec de cette façon, photographier et inventorier à peu près tout ce qui est intéressant au Québec.

Mais même si nous avions un inventaire complet et à point, ce que nous nous efforçons de nous donner comme instrument, il restera toujours que le problème de la conservation du patrimoine bâti se posera. En gros, vous pouvez toujours dire à un propriétaire qu'il ne peut pas le démolir, qu'il ne peut pas le sacrifier, on ne peut pas arriver uniquement avec des contraintes ou des restrictions. Il faut aussi arriver avec des programmes de mise en valeur, ce qui nécessite des budgets.

Compte tenu du fait que le gouvernement du Québec vient de s'ouvrir à ces questions, je pense qu'en peu de temps nous avons fait du bon travail — je parle pour les dernières années sans faire référence à un gouvernement en particulier. On sent que ce travail a animé le milieu et que les besoins se font de plus en plus criants. Il y a dix ans, peu de personnes auraient protesté; aujour-d hui, Dieu merci, on sait protester. Notre préoccupation d'associer les municipalités à ce travail de protection et de mise en valeur du patrimoine procède justement des lacunes de notre inventaire. Et même si on avait un inventaire, il faudrait, encore là, pouvoir être vigilant. Ce n'est pas possible d'être vigilant à partir d'un petit noyau de fonctionnaires à Québec.

Nous avons fait un effort de décentralisation sur Montréal pour la direction générale du patrimoine. Actuellement, nous avons une excellente équipe qui est très active, très disponible, qui répond rapidement et qui fait un travail d'animation et de sensibilisation. Je crois que, malgré les réserves qu on exprime dans certains milieux, les municipalités, sous l'action des citoyens, peuvent devenir des alliés extrêmement précieux dans la mise en valeur du patrimoine et dans sa protection. Actuellement, nous préparons un nouveau programme qui inciterait les municipalités à se porter acquéreur de tout monument d'intérêt patrimonial. Nous sommes à la veille de proposer au Conseil du trésor une intervention conjointe Affaires culturelles et municipalités — nous en avons discuté justement encore ce soir — qui amènerait le ministère à souscrire pour environ 60%, invitant la municipalité à souscrire pour la différence.

Si le bâtiment reste entre les mains d'un particulier, on est dans une espèce d'impasse. On ne peut pas obliger le particulier à faire des frais, on ne peut pas I empêcher de jouir de sa propriété. Il faut donc avoir quelque chose à proposer. On pense que les municipalités peuvent généralement se montrer intéressées à ces bâtiments et ensemble on peut trouver des vocations. De plus en plus, nous avons des idées sur les fonctions possibles de ces bâtiments; je veux parler des maisons

d'artisanat, des maisons des vins etc. On pensait traditionnellement aux musées, mais il y a encore des maisons où des gens peuvent habiter. C'est ce que nous faisons à la Place Royale, par exemple, actuellement. C'est devenu du logement à bon prix à la Place Royale. Si on pouvait compléter dans un délai raisonnable nos travaux de restauration, on aurait contribué, par le biais de la restauration, à loger probablement au total plus d'une centaine de familles.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, vous reprenez votre tour.

M. Le Moignan: Oui, je reprends mon tour. Ce ne sera pas tellement long. Dans le livre blanc, le chapitre 13ième que je n'ai pas lu est consacré au patrimoine et la Presse de ce matin attire notre attention sur le fait que le patrimoine doit être une affaire provinciale. Je crois rejoindre la question que je vous ai posée ce matin, au sujet du Conseil des arts du Canada. Je n'avais pas lu cet article à ce moment, mais si on revendique des pouvoirs beaucoup plus grands, si on parle de ces agacements face aux interventions fédérales, on dit qu'à cause des taxes que l'on paie, des sites des musées nationaux, etc., le fédéral devrait verser un peu plus d'argent au Québec.

C'était cela ma préoccupation ce matin, je la retrouve ici et je me pose certaines questions face à l'avenir, face à l'indépendance du Québec que vous prônez. Supposons que cela se réalise un jour, il y a beaucoup de choses au Musée national, au musée d'Ottawa, qui sont des trésors, des biens québécois. Pensez-vous qu'un jour le fédéral vous céderait ces choses qui font partie de notre patrimoine?

M. Vaugeois: II y a beaucoup de distinction qu'on pourrait faire. D'abord il y a des objets importants dans notre histoire qui sont au Royal Ontario Museum par exemple à Toronto. Je cherche le nom de ce musée dans la région de Toronto qui a la plus belle collection de Clarence Gagnon. Au moins, ces musées sont bien organisés et ils mettent en valeur ces biens culturels. C'est déjà quelque chose.

Quant à l'intervention du gouvernement fédéral, vous savez sans doute que, actuellement, quand le gouvernement fédéral intervient sur un site québécois, les objets restent au Québec. Le gouvernement fédéral s'est corrigé lui-même d'ailleurs dans ses interventions au Québec. Par exemple, à la gare maritime Champlain, ici, vous avez une salle très importante où on étudie les artefacts et on laisse maintenant les objets au Québec. Encore qu'il arrivera que des objets iront à Ottawa pour fins d'étude plus spécialisée, mais ils reviendront au Québec. Au site des Vieilles Forges où les fouilles ont été importantes, les objets qui ont été trouvés y seront conservés. C'est maintenant la politique adoptée par Parcs Canada en particulier.

M. Le Moignan: Oui, ils ont fait la même chose pour le Marquis de Malauze dans la région de

Restigouche, un des derniers bateaux français qui a été coulé vers 1759 ou 1760.

Maintenat, dans le même chapitre de protection, quand on parle de recherche archéologique, la recherche sous-marine, juridiction provinciale ou fédérale, est-ce que, si on fait des recherches, des trouvailles, cela demeure encore au Québec, même si les travaux sont faits par le fédéral?

M. Vaugeois: Je ne peux pas vous répondre. Je sais que notre ministère a été à peu près absent d'ailleurs de cet aspect de fouilles archéologiques. Je pense qu'on vient d'engager un contractuel pour être présent dans le secteur de la fouille sous-marine ou sub-marine. Je ne sais pas ce qu'on a conclu sur la question de la propriété des biens trouvés.

Le problème est de taille parce qu'il y a des Américains récemment qui ont trouvé des choses de très grande valeur sur nos côtes. Là, il y a la loi canadienne d'exportation des biens culturels qui intervient et, je pense que le gouvernement fédéral a empêché, dans ce cas, ces Américains de faire un coup d'argent fantastique. Mais je ne saurais répondre à la question telle que vous la formulez. Je ne sais pas si...

Là, ma prudence tient peut-être de mon passage aux Affaires intergouvernementales. Je me demande ce qui arriverait si on faisait une trouvaille dans le golfe du Saint-Laurent, par exemple. Il y a des spécialistes derrière l'équipe libérale, je vois Jean-Claude Rivest qui considère que le problème ne se pose pas. Peut-être qu'il se pose pour le pétrole et qu'il ne se pose pas pour les biens culturels, mais la loi 2, la Loi sur les biens culturels prévoit déjà que nous pouvons classer ces sites au même titre que les biens mobiliers ou...

M. Le Moignan: Parce que le problème va se poser de plus en plus.

M. Vaugeois: J'hésite surtout, parce que généralement, ces sites sont dans des territoires où les propriétés sont discutées. C'est assez nouveau pour moi comme question.

M. Le Moignan: Je sais que cela commence, il y a beaucoup de jeunes qui s'intéressent à la plongée sous-marine, qui font la découverte de sites intéressants, d'objets anciens ou de bateaux. Avec le temps, peut-être le problème se posera-t-il pour le Québec. De quelle façon allons-nous y voir?

M. Vaugeois: C'est un beau problème. On m'informe que dans le cas de la rivière Richelieu — là, on est vraiment chez nous — on accorde des permis pour des fouilles ou des recherches dans la rivière au même titre que les sites archéologiques terrestres. Le problème, à mon avis, se pose différemment quand on est dans le golfe et quand les équipes sont fédérales. A notre connaissance, on ne nous demande pas encore de permis.

M. Le Moignan: Même pour la recherche archéologique des sites découverts, des sites anciens qui nous rappellent les Amérindiens...

M. Vaugeois: Oui.

M. Le Moignan: ... quand c'est découvert par accident sur un terrain privé ou encore, comme le cas s'est produit, en traçant une route, qu est-ce qui survient?

M. Vaugeois: Nous intervenons. Nous avons d'ailleurs un excellent service d'archéologie qui intervient, qui détache des groupes d'experts. On peut dire que ce service fonctionne bien. En plus, ce service a maintenant la responsabilité d'émettre des permis et de contrôler les fouilles qui se font un peu partout au Québec.

Je vous signale d'ailleurs que l'équipe du service archéologique vient de contribuer à un numéro des cahiers d'Archéologie, publiés en France, qui a été consacré aux travaux faits ici. On a une excellente équipe et c'est l'une des premières, d'ailleurs, qui s'est constituée autour de la direction générale du patrimoine à partir, en particulier, des travaux de la Place Royale et ceux des forges du Saint-Maurice. C'est un peu l'embryon de la direction générale du patrimoine que vous trouvez là. Quand on va à la Place Royale, à Québec, on se rend compte que le seul effort d'interprétation est de type archéologique; là où nous marquons du retard, c'est dans l'interprétation historique.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Taschereau.

M. Guay: Pour donner suite aux préoccupations du député de Deux-Montagnes, que je partage entièrement, j'aimerais m'entretenir, par votre intermédiaire, M. le Président, avec le ministre au sujet d'un arrondissement historique bien particulier, celui que je représente à l'Assemblée nationale, qui est situé à deux pas de cet édifice et qui connaît des problèmes depuis toujours, sans doute, mais le fait qu'il soit un arrondissement historique ne semble pas contribuer à résoudre ces problèmes. Je suis d'ailleurs heureux de voir qu'un de mes électeurs est justement là, M. Rivest; j'espère qu'il trouvera que son député défend bien ses intérêts et qu'aux prochaines élections il aura la bonne idée de voter pour le bon parti, cette fois-ci.

Toujours est-il qu'au moment où nous avons pris le pouvoir, il se posait, comme cela se pose depuis que le quartier existe sous forme d'arrondissement, le problème du plan de sauvegarde et de mise en valeur de l'arrondissement, document longtemps attendu mais jamais détaillé à ma connaissance. Le prédécesseur du ministre, le député de Chauveau, a donc pris l'initiative, à m'a demande, de mettre sur pied un projet de règlement, dans un premier temps, parce que c'était la fonction qui posait le plus de problèmes dans l'immédiat, concernant l'hébergement, la restaura- tion et le divertissement dans l'arrondissement historique du Vieux Québec parce que le Vieux Québec est en train de devenir un endroit privilégié pour les touristes mais fort peu privilégié pour les résidents qui y demeurent encore.

Ce projet de règlement ayant été mis sur pied, la ville de Québec a emboîté le pas avec le résultat que. de concert avec le ministère des Affaires culturelles, avec l'autorisation du ministre, c'est la ville de Québec qui a donc, en définitive, décidé d'en assumer la responsabilité et de décréter un gel de deux ans sur toute expansion commerciale quelle qu'elle soit dans l'arrondissement historique du Vieux Québec. Ceci est fort bien, mais cela ne constitue qu'une étape de ce que pourrait être un plan de sauvegarde et de mise en valeur de l'arrondissement puisqu'une fois qu'on a réglé, au moins de façon provisoire, la question de l'expansion commerciale, il reste la fonction administrative dans le Vieux Québec, la fonction résidentielle, qui pose un sérieux problème, la circulation automobile et ainsi de suite. Je me demandais si, du côté du ministère, on avait commencé à mettre en branle des équipes de travail pour en arriver le plus rapidement possible et, autant que possible, en parallèle et non pas de façon simultanée ou de façon consécutive plutôt, à des projets de règlement dont l'ensemble pourrait, à la rigueur, constituer une première ébauche de ce que pourrait être effectivement un plan de sauvegarde et de mise en valeur de l'arrondissement. (21 h 30)

M. Vaugeois: Rapidement, là-dessus, on m'informe que, effectivement, on a une équipe spéciale pour l'arrondissement historique du Vieux Québec. Le ministère, pour l'instant, travaille moins à la mise au point de plans qu'à la définition d objectifs avec les autorités municipales, la deuxième étape étant de définir avec les autorités municipales des moyens et des outils auxquels on peut recourir pour réaliser les objectifs.

Si le député me permettait un commentaire un peu personnel sur le défi qui se pose autant au ministère qu'aux citoyens du Vieux-Québec et de Québec en général, je pense que le gros défi du Vieux-Québec est de récupérer une population normale. Je crois que la population du Vieux-Québec est tombée à quelque chose comme 4000 habitants alors que son seuil minimal devrait probablement être de 7500. A partir du moment où un corps est malade, où un arrondissement historique est malade, un signe de maladie c'est le départ des gens. On peut toujours intervenir avec toutes sortes de médicaments; le malade est malade et la maladie n'est pas enrayée facilement par la médecine seulement. Si on pouvait réussir à ramener la population du Vieux-Québec à un niveau minimal normal, je pense que le Vieux-Québec pourrait se défendre lui-même. Il y a beaucoup de problèmes qui se posent en termes de détérioration de bâtiments, d'incendies plus ou moins provoqués, avec des objectifs assez mesquins, qui pourraient se trouver résolus. A partir du moment où des gens habitent une maison, l'entretiennent, les problèmes se posent différemment.

Ce qui se pose comme problème pour l'arrondissement historique du Vieux-Québec est en gros le problème qu'on rencontre dans le Vieux Montréal, le Vieux Trois-Rivières ou l'arrondissement de Lachine, celui d'y garder une population qui assurera la santé du quartier historique. Dans nos approches actuellement, nous évitons justement de plus en plus de déloger les gens pour fins de restauration ou je ne sais trop quoi, comme on l'a fait à Place Royale dans le temps. On essaie de ménager d'abord la population parce qu'on pense que c'est la meilleure garantie, la meilleure façon d'empêcher la maladie de s'y mettre et la dégradation du milieu de suivre.

Je me dis donc que l'objectif premier pour le Vieux-Québec serait, par tous les moyens possibles, d'y ramener une population normale.

M. Guay: Merci, M. le Président. Je pense bien que tout le monde est d'accord, et pour citer une phrase célèbre du prédécesseur de l'actuel député de Trois-Rivières, celui qui fut premier ministre du Québec pendant si longtemps, qui disait que la meilleure assurance contre la maladie c'est la santé, il est certain que s'il y avait une population de 8000 habitants...

M. Vaugeois: Comme quoi les députés de Trois-Rivières se suivent et se ressemblent!

M. Guay: Oui, mais enfin! Bonne chance. Mme Lavoie-Roux: Vous l'avez réhabilité. Une Voix: II n'est pas convaincu. Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas vous?

M. Guay: Pour ramener la population dans le centre-ville et dans l'arrondissement historique, comment va-t-on s'y prendre? Elle ne va pas revenir toute seule s'il n'y a pas de mesures incitatives, soit à caractère fiscal pour faire en sorte que les loyers reviennent à des niveaux normaux, s'il n'y a pas des services qui naissent au lieu de disparaître, alors qu'on a encore vu que le seul cordonnier du Vieux-Québec est disparu. On sait qu'il y a un tas de services dans le Vieux-Québec qui n'existent pas ou alors qui existent à un prix tel que personne n'a envie d'y habiter. La circulation automobile est telle qu'on n'a pas envie d'avoir des enfants dans le Vieux-Québec, ou d'y élever des enfants. Il n'y a plus d'écoles publiques dans le Vieux-Québec et j'ai écrit à ce sujet-là à la CECQ pour leur signaler qu'il y a un quartier où il n y a pas une école à l'heure actuelle.

Enfin, c'est bien beau de parler d'objectifs, mais je m'inquiète singulièrement de cette démarche de la direction générale du patrimoine parce qu'il m'a semblé, qu'avec le règlement sur les commerces dans le Vieux-Québec, on avait marqué là un pas concret, qui devait, me semble-t-il, être suivi d'autres pas concrets, dans d'autres domaines de l'activité de l'arrondissement historique. A partir du moment où on dit: Tout compte fait, on a fait cela, mais là, on va parler d'objectifs avec la ville de Québec. Vous savez qu'avec la Ville de Québec, on peut parler d'objectifs très longtemps, parce que cela fait longtemps que l'arrondissement historique est dans son territoire et cela fait longtemps que l'administration de Québec ne se préoccupe pas outre mesure de cet arrondissement historique.

Bien sûr, si c'était un simple quartier de la ville de Québec, on pourrait dire que c'est de la faute de l'administration municipale. C'est vrai jusqu'à un certain point, mais le fait que le gouvernement ou l'Etat, à un moment donné, a décrété que ce territoire était un arrondissement historique, implique que lui aussi, il a ses responsabilités dans l'avenir de l'arrondissement. Il faut, à un moment donné, trouver des mesures qui m'apparaissent être autres que des discussions fort longues sur des objectifs qui me semblent aller de soi. Le ministre a énoncé en trois ou cinq minutes ce qu'étaient ces objectifs. Je ne vois pas pourquoi il faut prendre des mois pour discuter avec la ville de Québec de choses qui peuvent s'énoncer clairement et, somme toute, assez simplement parce que c'est l'évidence même. Au-delà de cela, que peut faire la direction du patrimoine pour faire en sorte qu'on sorte de ce cercle vicieux qui est la poule et l'oeuf? On dit qu'il n'y a pas assez de population, donc il y a des problèmes. Il faudrait qu'il y ait de la population pour qu'il n'y ait pas de problèmes.

M. Vaugeois: Je vais continuer dans la lignée des députés de Trois-Rivières. Et faire un plaidoyer pour la santé. Il faut reconnaître une chose. Le problème du Vieux-Québec se pose, par accident, au niveau d'un arrondissement historique. Mais c'est d'abord un problème classique de centre-ville. Ce ne serait pas un arrondissement historique que le problème serait le même. Le drame que signale le député de Taschereau s'ajoute au fait de la valeur patrimoniale de ce centre-ville qui se trouve être un arrondissement historique. Arrondissement ou pas, le problème est là et c'est un problème de centre-ville. C'est un problème d'étalement urbain avec tout le scénario et toute la litanie que tout le monde connaît.

Autrement dit, les solutions ne peuvent pas être, comme le député le pose, au ministère des Affaires culturelles. Les interventions du ministère des Affaires culturelles, c'est de limiter les dégâts, de retarder des échéances. Si on ne trouve pas une façon — je m'excuse d'avoir l'air aussi simple — de ramener du monde dans nos centres-villes, quels qu'ils soient, arrondissements historiques ou autres, si on ne trouve pas des façons de stopper l'étalement urbain, de stopper la spéculation en banlieue de nos villes, d'offrir aux gens du logement intéressant en ville alors que les promoteurs n'en n'offrent que dans les banlieues, il n'y a rien à faire. Les problèmes se posent en termes qui concernent tout autant la Société d'habitation du Québec, qui concernent, au premier chef, le ministère des Affaires municipales et à certain moment, qui concernent le ministère de l'Agricul-

ture qui a à intervenir au niveau des terres arables, le ministère de l'Education à un autre titre... etc. C'est de plus en plus rapproche que nous allons prendre vis-à-vis de l'île d'Orléans. Nous aurons l'occasion d'en reparler. Pour l'arrondissement historique de Québec, j'aurais donc envie qu'on pose le problème en termes de centre-ville. Qu'est-ce qu'on fait pour empêcher les centre-ville de mourir? S'il se trouve en plus être un arrondissement historique, c'est une dimension de plus, mais ce n'est pas la première dimension. C'est une dimension qui s'ajoute à d'autres. Ce à quoi on assiste actuellement, c'est la mort de nos villes. Les villes sont malades. Elles sont blessées.

J'étais étonné de constater, il y a une couple d'années, le nombre d'ouvrages qui se publiaient sur les villes, un peu partout dans le monde et la popularité de ces ouvrages. Mes travaux depuis un an et demi, comme député d'une vieille ville, me font assister à la mort lente d'une vieille ville, arrondissement ou pas. Shawinigan, c'est une ville assez neuve. Elle n'a pas d'arrondissement historique. C'est une ville qui perd sa population comme Trois-Rivières perd sa population, comme le coeur de la ville de Québec perd sa population et comme Montréal perd sa population. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas su résister à l'attraction de la banlieue. On n'a pas su contrer l'intervention strictement mercantile d'un grand nombre de spéculateurs fonciers et immobiliers. On a choisi la voie de la facilité. Comme la voiture faisait partie de notre monde et qu'elle permettait le déplacement rapide à faible coût, on a tout oublié. Sur l'ensemble de ces questions, transport en commun, etc., le programme du Parti québécois est plein de préoccupations extrêmement saines. Le genre d'intervention que je suis en train de faire suggère essentiellement que nous devons poser les problèmes de façon beaucoup plus globale que celui du patrimoine ou de la protection du patrimoine. A la limite, si nous ne faisons pas d'interventions à d'autres titres, qu'on le veuille ou non, si les gens s'en vont, cela deviendra du Disney Land. Il n'y a pas d'autres façons, à mon avis, que d'avoir une approche de densifica-tion urbaine. Il faut absolument avoir une approche de densification urbaine pour que l'école trouve sa raison d'être et pour que les services habituels des gens se justifient toujours. Autrement, l'Etat n'est plus justifié de maintenir des écoles s'il n'y a plus de monde.

M. Guay: M. le Président, je voudrais simplement, si vous me le permettez, dire que l'argumentation que développe le ministre est irréprochable. Je pense bien que, pour ma part, j'y souscris. Je suis certain que tous les députés de ce côté-ci de la table y souscrivent également. Je veux simplement attirer l'attention du ministre sur le fait suivant: II est exact que le centre-ville de Québec, comme le centre-ville d'autres municipalités, connaît une certaine décadence. C'est vrai dans Saint-Roch, c'est vrai dans Saint-Jean-Baptiste, c'est vrai dans le Vieux Québec et c'est vrai, à un degré légèrement moindre, dans Saint-Sauveur.

Il y a à cela de multiples causes, notamment les actions des gouvernements depuis dix ans qui ont à peu près tout fait pour faire en sorte que le centre-ville de Québec soit massacré. La colline parlementaire et l'autoroute Dufferin sont de nobles monuments à la bêtise humaine ou à la bêtise des gouvernements, quand ils s'y mettent, ce qui inclut la bêtise de l'administration municipale.

Il y a des projets maintenant qui, lentement mais sûrement — on cherche à ranimer les centre-ville — sont dans l'air. C'est difficile, bien sûr, d'arriver à les concrétiser, dans bien des cas. Il y a des plans de rénovation de quartiers qui existent dans Saint-Sauveur, il y en a qui s'en viennent, le plus rapidement possible, je l'espère, dans Saint-Jean-Baptiste. Il y a une orientation différente qui va être donnée au développement de la colline parlementaire. Il n'en demeure pas moins que pour ce qui est du Vieux Québec, il existe la possibilité de restauration dans le Vieux Québec. Elle existe déjà. On n'a pas besoin d'avoir un programme de la SHQ pour cela. Elle existe du fait que le ministère des Affaires culturelles a une responsabilité, par la Loi des biens culturels, sur l'arrondissement. C est sous cet angle qu'il m'apparaît important — en ce qui a trait à l'arrondissement historique du Vieux Québec — que l'on poursuive non pas l'étude d'objectifs, parce que je pense qu'il y a une unanimité spontanée sur les objectifs, mais sur les mesures concrètes que le ministère peut prendre ou qu'il peut prendre de concert avec la ville ou qu'il peut suggérer à la ville de prendre. Comment va-t-on faire pour ramener l'habitation dans l'arrondissement historique, quitte à ce que le ministère des Affaires municipales se préoccupe des trois autres quartiers environnants, ou quitte à ce qu'il soit également mis dans le coup dans le cas de l'arrondissement historique, je n'ai aucune espèce d'objection? Bien sûr, plus il y en a, plus cela risque de compliquer les règlements. Quand on sait que plusieurs ministères interviennent à la fois, généralement, cela ralentit le règlement. Quand même, en ce qui a trait à la fonction d'habitation dans le Quartier latin ou dans le Vieux Québec, en ce qui a trait à la fonction administrative, en ce qui a trait à la circulation automobile, il y a autant d'actions que la direction générale du patrimoine peut prendre ou, en tout cas, autant de directions quelle peut indiquer et que la ville de Québec peut ensuite décider de prendre. Au moins il se fait quelque chose, il se fait une pression sur la ville de Québec pour qu'elle agisse. On a vu tout récemment comment cette pression a pu être utile puisque, en ce qui a trait au commerce, il y a eu au moins un gel de deux ans.

Je souhaiterais que cette démarche soit poursuivie plutôt que l'on se retranche derrière ce que Ion a toujours fait pour ce qui est du Vieux Québec, c'est-à-dire essayer de définir des objectifs. Les objectifs, cela ne règle rien, si on passe son temps à essayer de les définir. D'autant plus qu'ils (n'apparaissent, comme je l'ai dit, spontanément évidents, ces objectifs. Il s'agit de trouver les moyens. Le ministère n'a pas tous les moyens mais il a certains moyens d'agir sur l'arrondisse-

ment historique du Vieux Québec. J'aimerais beaucoup avoir l'assurance du ministre qu'avec la ville de Québec on va se pencher le plus rapidement possible sur les autres éléments que je soulignais: circulation, fonction administrative, fonction résidentielle, impôts fonciers qui jouent énormément dans un arrondissement comme celui-là. Evidemment, chaque fois qu'on restaure une maison, selon les normes de l'art, telles que définies par le patrimoine, cela coûte les yeux de la tête, cela augmente la valeur de l'immeuble, cela augmente l'impôt foncier payable sur l'immeuble. Conséquemment, cela augmente les loyers. Résultat, cela fait fuir les gens.

C'est une espèce de cercle vicieux qu'il va falloir casser, à un moment donné, de concert avec la ville de Québec. C'est certain qu'il va falloir qu'elle assume sa part du fardeau. Quand on a un arrondissement historique, il faut en assumer les coûts. C'est ce qu'on a fait en Europe, dans bien des cas. C'est ce qu'il faut faire ici. Il faut cesser de s'imaginer qu'un arrondissement historique comme le Vieux Québec, c'est un quartier au même titre que Les Saules, Charlesbourg ou ville Mont-Royal. Ce n'est pas du tout la même chose. Il va falloir qu'il y ait un effort collectif qui soit fait tant par le gouvernement que par la ville de Québec. Je m'excuse pour ville Mont-Royal, je ne voulais surtout pas faire référence au député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: C'est historique aussi, ville Mont-Royal. Je vais vous demander d'intervenir.

Mme Lavoie-Roux: Ne l'attaquez pas!

Il a assez hâte de nous transformer en monuments historiques. (21 h 45)

M. Guay: Je ne voulais surtout pas qu'il se sente impliqué par l'aspect monument historique de la question. Je signale ces choses parce que je pense que le ministère a quand même son rôle à jouer, qui n'est pas exclusif, mais je souhaiterais quand même qu'on accélère les choses et qu'on ait l'impression que, effectivement, non seulement on s'en va dans la bonne direction, mais qu'on y va, que les étapes se franchissent.

M. Vaugeois: C'est cela. Je rejoins parfaitement les propos que tient le député de Taschereau. Il faut faire revivre nos villes. Il faut s'occuper des centre-ville. C'est un problème quasi occidental. Pour nous, il se pose de façon bien concrète à Québec. Nous en sommes conscients. Ce qu'il me plaît de souligner, pour montrer que ce problème est senti vraiment au ministère, c'est que ce n'est pas par hasard que le nouveau directeur général du patrimoine a une formation d'urbaniste. Je pense que le problème de l'arrondissement historique se pose en termes d'urbanisme, en termes de vie municipale, en termes d'aménagement. Un de nos objectifs est très concrètement d'avoir plus de logements qui seront susceptibles d'amener plus de gens et de valoriser la fonction résidentielle qui, à mon avis, est la première fonction. C'est un lieu commun que de le dire, mais je le répète. C'est la première fonction, c'est celle qu'il faut vraiment défendre.

Maintenant, dans les moyens que le ministère songe à proposer dans les prochains mois, il y en a de bien concrets qui tiennent aux questions amenées par le député de Taschereau, en termes de fiscalité municipale. Nous aimerions pouvoir convenir avec les villes de tenir compte de la restauration, des investissements faits dans la restauration des vieilles maisons pour du logement, au moment de l'évaluation foncière.

Nous songeons également — je suis amené à le dire ce soir peut-être prématurément — à avoir des mesures fiscales qui inciteraient les gens à investir dans la restauration de maisons anciennes. Ce ne serait pas une innovation, c'est un genre de pratiques qui se trouvent dans plusieurs pays. En Europe, en particulier, les grandes familles ont souvent trouvé des moyens d'évasion fiscale par l'investissement dans des grandes demeures anciennes. Nous pourrions penser à toutes sortes de moyens comme ceux-là pour amener les gens à investir dans la restauration de maisons à vocation de logement. Malheureusement, jusqu'à présent, nos efforts de restauration ont très souvent porté sur des fonctions communautaires, à l'exception, peut-être, de la Place Royale, où nous avons tenu compte de la fonction résidentielle. Mais c'est clair que, dans le Vieux Québec, tout moyen qui pourrait inciter les gens à offrir du logement est considéré comme un moyen prioritaire, puisque notre diagnostic se situe à ce niveau.

M. Guay: Je remercie le ministre de ses propos. J'aimerais lui poser deux ou trois autres questions qui ne portent pas spécifiquement sur...

Le Président (M. Jolivet): M. le député, il vous reste deux minutes.

M. Guay: Alors, rapidement. Je constate et je pense que c'est un souci du ministre, également, pour avoir eu l'occasion de lire la copie d'une lettre qu'il avait rédigée jadis, alors qu'il n'était pas ministre.

Les routes à caractère historique, je pense au chemin du Roy, je pense à la route qui fait le pendant, sur la rive sud, l'ancienne route 3, et je pense à l'avenue Royale qui part de la banlieue de Québec pour se rendre jusqu'au Cap Tourmente. Ces routes comportent des maisons historiques — certaines sont d'ailleurs classés — mais elles sont en train d'être littéralement massacrées par ce qu'on y construit. Je passais encore dimanche dernier sur le boulevard Sainte-Anne et je remarquais une très belle enseigne annonçant fièrement qu'entre le boulevard Sainte-Anne et la rue Royale, à Château-Richer, on allait maintenant avoir un très beau parc de maisons mobiles, ce qui va sans doute rehausser le caractère historique de l'endroit!

M. Vaugeois: Et régler le problème du Vieux Québec. C'est cela, l'étalement urbain, mon vieux, c'est cela!

M. Guay: Je me demandais si, du côté du ministère, on songeait à prendre des mesures pour faire soit des arrondissements historiques linéaires ou quoi, mais faire en sorte que le massacre de ces routes historiques au Québec cesse.

Mme Lavoie-Roux: Historiques ou pas, il devrait y faire attention. Elles sont toutes massacrées.

M. Guay: Je suis d'accord avec vous, Mme le député de L Acadie, qu'on devrait faire attention à toutes les routes, mais je dis que celles qui ont une valeur patrimoniale toute particulière devraient être surveillées en priorité.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, c'est un massacre dans la province.

M. Guay: Vous avez parfaitement raison. Je me demandais si on a des moyens de faire quelque chose. Est-ce qu'on compte, effectivement, prendre ces moyens? Je pense, en particulier, au cas très concret qui m'a frappé encore une fois dimanche dernier, la rue Royale. Bientôt, cette rue sera un véritable massacre, et j'aimerais bien qu'on puisse la conserver avant que cela ne devienne le cas.

M. Vaugeois: Oui, le député touche à une corde sensible; absolument, j'ai déjà envoyé d'ailleurs au ministre des Finances un certain nombre de recommandations sur la question des maisons mobiles. C'est une question qu'on va reprendre, il ne s'agit pas d'être contre les maisons mobiles, mais il s'agit d'inciter les municipalités à les regrouper, d'ailleurs c'est dans l'intérêt des résidents eux-mêmes. Le massacre que le ministère des Transports a fait le long de nos vieilles routes est d'une gravité invraisemblable. J'interviens actuellement pour ménager le chemin du Roy, à la hauteur de Baie-Jolie, où le ministère des Transports a actuellement des plans de quatre voies, alors que la route 40 existe, à double voies, à quatre voies, alors que le chemin Sainte-Marguerite est là. On veut faire du vieux chemin du Roy, c'est-à-dire la 138, une route à quatre voies, pour une population locale. C'est de l'inconséquence totale. Quand on intervient, partout, on bouscule les gens parce que les gens veulent des autoroutes. C'est un réflexe. Pour rentrer chez eux le soir, rentrer par une autoroute, cela donne l'impression d'alle'r plus vite.

On a beaucoup de chemin à faire, mais si les partis d'opposition, là-dessus — ce n'est pas un jeu de mots que je faisais — souscrivent à nos préoccupations, il me semble qu'on devrait arrêter de faire de la démagogie là-dessus et se donner le mot pour faire de l'éducation populaire. Le ministère a les moyens juridiques actuellement de classer. Je ne nommerai pas les endroits pour ne pas faire peur aux gens qui ont des projets de développement domiciliaire; on a identifié un certain nombre de rangs où sont regroupées, par exemple, de très belles maisons. On a, pas très loin de Québec, ici, une section de la côte qui est assez remarquable, qui est facile à identifier et qui pourrait constituer possiblement un arrondissement historique ou un site historique, plus facile d'ailleurs à mettre en valeur que l'île d'Orléans qui est très étendue.

Le ministère est conscient de cela; le problème, c'est peut-être qu'il ne suffit pas de classer, mais il faut avoir les moyens de suivre une fois le classement fait. Tout cela est une question de degré et j'ai signalé ce matin que pour un gouvernement provincial les moyens étaient de nature provinciale.

M. Guay: Mais au moins — si je peux me permettre, M. le Président — quand on classe, on peut intervenir ensuite si, par exemple, il y a un parc de maisons mobiles qui s'érige dans un endroit où il n'a pas d'affaire. On peut au moins l'enlever de là si l'endroit est protégé. S'il ne l'est pas évidemment, c'est difficile à faire.

M. Vaugeois: Si on avait suivi ma recommandation on n'aurait pas ces problèmes.

Mme Lavoie-Roux: Quelle était votre recommandation?

M. Vaugeois: Elle est assez simple; nous avons enlevé la taxe de vente sur les maisons mobiles. J'ai proposé que pour être exempté de la taxe de vente, on ait l'obligation de présenter un certificat de localisation. C'est sur présentation d'un certificat de localisation que les gens auraient été exemptés et les municipalités auraient été chargées d'émettre les certificats de localisation et le ministère des Affaires municipales aurait vérifié le projet de localisation avant d'autoriser la ville à émettre des permis. C'était simple comme bonjour et à mon avis, on aurait eu des maisons mobiles à des endroits prévus à cette fin, les gens auraient profité de leur détaxe de la même façon. Mais ce sont des propositions trop simples, très souvent, pour être retenues, mais je n'abandonne pas.

Mme Lavoie-Roux: On ne vous a pas écouté?

M. Vaugeois: On ne m'a pas écouté, madame et ce n'est pas le seul cas.

M. Guay: On était trop près de l'ancien gouvernement à ce moment-là.

M. Ciaccia: Dites-nous le et on va poser des questions en Chambre.

Mme Lavoie-Roux: Cela commence à faire longtemps.

M. Ciaccia: Passez-nous cela et on posera les questions en Chambre au ministre des Finances.

Mme Lavoie-Roux: Voulez-vous qu'on lui pose des questions?

M. Vaugeois: ... Parlez-lui de la taxe de vente.

M. Ciaccia: Si vous ne pouvez pas le faire, nous autres, on peut le faire.

M. Vaugeois: ... c'est le sujet qu'il préfère.

Le Président (M. Jolivet): J'ai eu l'accord pour continuer jusqu'à dix heures en terminant avec vous, de telle sorte que demain matin, nous reprendrons avec le député de L'Acadie, avec les questions qui lui reste à poser.

Mme Lavoie-Roux: J'en ai pour une demi-heure.

M. Guay: Juste une suggestion au ministre; j'ai lu avec intérêt le dernier cahier du patrimoine, sur les immeubles classés au Québec. J'en ai trouvé beaucoup plus que je ne le soupçonnais et je trouve cela fort heureux à maints égards. J'ai trouvé que la concentration, par moment, était curieuse, il y a des endroits où on fait plus de zèle, des endroits où on a fait moins de zèle, mais enfin peu importe.

M. Vaugeois: Si vous me le permettez, M. le député, cela dépend des massacres des Anglais pendant la guerre de Sept ans. Ils en ont brûlé d'avantage dans certains coins que dans d'autres.

Mme Lavoie-Roux: ... je n'ai pas entendu.

M. Guay: Mon propos, M. le Président, a pour but de suggérer au ministre, de concert avec le ministère des Transports — qui a tant fait justement, pour massacrer le paysage québécois — peut-être pour faire amende honorable d'une certaine façon et faire un peu plus pour indiquer ces monuments. Il m'est arrivé très souvent de passer devant des monuments historiques, j'ai appris dans le livre que c'étaient des monuments historiques, mais ce n'est pas indiqué. Il y en a quelques-uns ici et là, où on voit "monument historique " quelque par par là. De façon générale, il me semble que cela pourrait contribuer à cette éducation populaire que nous souhaitons tous, qu'on multiplie l'identification de ces monuments historiques et qu'on explique davantage, une fois sur place, en quoi ce document est historique, pourquoi il est historique, ce qu'il a de particulier.

Il y a cet aspect des choses, mais aussi l'aspect animation. Il y a des édifices qui appartiennent au ministère des Affaires culturelles qui sont des monuments historiques ou qui sont dans des arrondissements historiques et qui sont vides. On cherche en vain la vocation et il me semble qu'on devrait peut-être faire un effort d'imagination du côté de l'animation de ces monuments. Après les avoir restaurés, souvent à grands frais, c'est dommage de les voir ensuite barricadés.

M. Vaugeois: M. le Président, je dirai, pour ne pas charger indéfiniment contre le ministère des Transports...

M. Ciaccia: C'est un message pour le député de Taschereau.

M. Vaugeois: ..., que nous avons, actuellement, avec le ministère des Transports, des arrangements qui prévoient une signalisation dans le sens que vient d'indiquer le député de Taschereau.

Cet été, sur les grands axes routiers, il y aura une signalisation appropriée. Ensuite, il faut s'occuper des voies secondaires. Cela me plairait, également, de souligner la collaboration reçue du ministère du Tourisme qui, dans ses brochures régionales, attache depuis d'ailleurs fort longtemps beaucoup d'attention aux sites à visiter et qui met bien en relief notre richesse patrimoniale.

Je terminerai sur une préoccupation qu'on retrouve actuellement dans le propos que j'ai tenus au début et dans certains textes qui sortent de la Direction générale du patrimoine. Depuis deux mois, l'essentiel de mes interventions au patrimoine a été de donner deux grandes directions, que j'ai appelées "les deux mamelles du patrimoine": l'animation et l'interprétation.

M. Ciaccia: ... vous, le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: C'est une image tout à fait maternelle.

M. Vaugeois: C'est un classique, en langue française, M. le député.

Mme Lavoie-Roux: Cela va être productif.

M. Vaugeois: II y a donc, à la direction générale du patrimoine, deux grandes préoccupations que nous convenons de retenir: celle de l'animation et celle de l'interprétation. Là-dessus, on a beaucoup de travail à faire parce qu'il n'y a à peu près pas d'interprétation historique qui s'est faite sur nos sites et dans nos arrondissements. Nous arrivions à cette étape.

Ce qu'a souligné le député de Taschereau est très juste, aussi. Il y a un effort d'animation; nous avons un service tout nouveau à la direction générale du patrimoine qui se développe actuellement et qui fait un très beau travail à cet égard.

Je vous invite, si vous voulez avoir un cas concret de résultat, à l'Ile-au-Moulin, à Terrebonne, qui, je pense, va être une réalisation intéressante de la Direction générale du patrimoine. Vous allez vous rendre compte des efforts, du travail des architectes de la restauration et, également, de l'équipe d'animation.

Il nous reste à franchir une autre étape: celle de l'interprétation. Les gens doivent savoir où ils sont. C'était ce que je voulais suggérer dans mon discours, en deuxième lecture lorsque je disais: "II ne suffit pas de contempler, il faut comprendre!" pour que les gens comprennent, il faut leur expliquer. Il faut interpréter le lieu où ils sont.

Mme Lavoie-Roux: Je vais vous poser une dernière question.

Dans ces endroits historiques où vous voulez que le tourisme s'ouvre, est-ce que vous allez avoir des explications en français et en anglais? Si vous allez en Chine, vous les avez en chinois et en anglais.

M. de Bellefeuille: Vous vous trompez de question...

Le Président (M. Jolivet): Pas de débat, s'il vous plaît.

M. Ciaccia: En Italie, vous avez anglais et français.

Mme Lavoie-Roux: Non, c'est sérieusement que je le pose...

M. Guay: Le député de Mont-Royal est dans l'erreur. En Italie, vous avez l'italien, l'anglais et le français.

Mme Lavoie-Roux: ... on a quand même un grand nombre de touristes américains, si vous voulez vraiment... à part d'avoir un nom et une date...

M. Vaugeois: Je pense, Madame, que je peux vous donner l'assurance qu'il y aura des indications en français... et en d'autres langues.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît...

M. Ciaccia: Pas les musées...

Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas de doute.

Le Président (M. Jolivet): Pas de débat.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas un débat, c'est une...

Le Président (M. Jolivet): C'est parce qu'il y en a d'autres qui, pendant que vous discutiez avec le ministre, commençaient un débat.

M. Vaugeois: II n'y a pas de discipline de votre côté.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas nous qui avons pris le temps, ce soir.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous répondez, ou...

M. Vaugeois: J'ai répondu.

Le Président (M. Jolivet): Comme on a répondu, avant d'aller trop loin, il est 22 heures...

Mme Lavoie-Roux: Lui, a répondu.

Le Président (M. Jolivet): Nous ajournons à demain matin, 10 heures, en la même salle.

(Fin de la séance à 22 heures)

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