L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente des affaires culturelles

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente des affaires culturelles

Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le lundi 5 juin 1978 - Vol. 20 N° 107

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 4 - Loi modifiant la Loi sur les biens culturels


Journal des débats

 

Étude du projet de loi no 41

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des affaires culturelles est réunie ce matin en vue d'étudier article par article le projet de loi no 4, intitulé Loi mofidiant. la Loi sur les biens culturels.

Il y a entente, avant d'entreprendre cette étude, pour faire l'audition des représentants suivants: Les représentants de l'île d'Orléans, les six maires; les représentants de la ville de Québec; le Conseil des monuments et sites; la Fédération des sociétés d'histoire et le Conseil régional de la culture de Québec.

J'aimerais savoir s'il y a d'autres groupes qui veulent se faire entendre et qui ne sont pas ici ce matin.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, probablement qu'ils n'ont pas été convoqués. Ont-ils été convoqués de la même façon que les gens sont officiellement convoqués pour les commissions parlementaires?

M. Vaugeois: Voulez-vous reposer la question?

Mme Lavoie-Roux: Le président vient de demander s'il y en a d'autres qui veulent se faire entendre.

M. Vaugeois: Qui auraient pu être présents.

Le Président (M. Jolivet): Qui auraient pu être présents.

Mme Lavoie-Roux: Ordinairement, les gens sont appelés à tour de rôle et quand ils ne sont pas là, ils perdent leur tour.

Le Président (M. Jolivet): On les convoque.

Mme Lavoie-Roux: Mais cela ne s'appliquerait pas dans le cas présent.

M. Vaugeois: Non, mais je pense qu'il n'y a pas d'autres groupes qui ont manifesté leur désir de se faire entendre que ceux qu'on vient de mentionner. Cependant, au cas où il y aurait eu des gens dans la salle qui seraient venus, à la suite des renseignements reçus, je voulais prendre cette précaution.

Le Président (M. Jolivet): Avant de continuer, parce que je pense que nous avons de la difficulté à entendre, nous allons nous approcher le plus possible des micros, s'il vous plaît.

Mme Lavoie-Roux: On ne peut pas travailler avec cela.

Le Président (M. Jolivet): Le bruit doit arrêter. On a demandé de le faire arrêter le plus tôt possible.

M. Richard: J'ai donné des instructions, Mme le député de L'Acadie, pour que le bruit cesse.

Mme Lavoie-Roux: Des soubresauts. Nous avons eu cela pendant quinze jours, la semaine dernière et la semaine précédente.

M. Vaugeois: C'est surtout pour faire accélérer les travaux.

Le Président (M. Jolivet): Les membres de cette commission sont: M. Alfred (Papineau), M. (Brassard (Lac-Saint-Jean), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) remplacé par M. Richard (Montmorency), M. Godin (Mercier), M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M. Guay (Taschereau), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Vaugeois (Trois-Rivières).

J'aimerais que vous me donniez... Oui, M. Le Moignan est remplacé par M. Fontaine (Nicolet-Yamaska).

J'aimerais avoir un rapporteur, s'il vous plaît!

M. Guay: Le député de Papineau fera un excellent rapporteur.

Le Président (M. Jolivet): M. le député Jean Alfred de Papineau accepte-t-il d'être rapporteur de cette commission?

M. Alfred: J'accepte, je n'ai pas le choix, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Nous avons de dix heures jusqu'à treize heures comme session. Voulez-vous partager votre temps ou si vous laissez aux groupes présents le soin de présenter leurs mémoires?

M. Vaugeois: Ce n'est pas nécessairement une présentation de mémoires. Cela peut être oral.

Le Président (M. Jolivet): Donc, il n'y a pas de limite de temps. Le premier groupe à se faire entendre...

Audition de témoins Les maires de l'île d'Orléans

Le Président (M. Jolivet): Donc, il n'y a pas de limite de temps. Le premier groupe à se faire entendre est celui des maires de l'île d'Orléans. Y a-t-il un représentant?

M. Vaugeois: Ils peuvent parler chacun leur tour parce qu'il s'agit de six municipalités et il y a six approches différentes possiblement. C'est à eux d'en décider. M. le préfet est là et il est en

même temps maire. Peut-être pourrait-il être le premier à s'exprimer, mais tous les autres maires pourront, à mon avis, exprimer leur point de vue.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous pouvez vous identifier pour qu'on puisse avoir vos noms?

M. Yvon Deblois, maire de Sainte-Famille

M. Deblois (Yvon): D'accord. Yvon Deblois, maire de Sainte-Famille, île d'Orléans, préfet du comté de Montmorency, no 2.

À la suite de la réunion du conseil de comté, les maires de l'île...

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant, pour les besoins de l'entendement ici, voulez-vous répéter, tranquillement...?

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il faudrait attendre cinq minutes, franchement.

M. Richard: ... Suspension de cinq minutes pour que les instructions aient le temps de se rendre aux ouvriers.

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

(Suspension de la séance à 10 h 18)

(Reprise de la séance à 10 h 22)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous sommes donc prêts à entendre — les bruits s'étant éteints — la représentation qui avait commencé tout à l'heure. Monsieur, voulez-vous recommencer?

M. Deblois: D'accord. Yvon Deblois, maire de Sainte-Famille de l'île d'Orléans.

Je n'ai pas l'intention de me battre sur tout le contenu de la loi no 4. Il y a trois articles en particulier, je pense, qui sont très importants. Celui qui nous semble être important est d'abord l'article 14 qui modifie l'article 38 et qui dit: "Lorsqu'il s'agit de relevés sur un terrain autre qu'une terre publique, le consentement écrit du propriétaire n'est pas requis."

Au départ, je crois qu'on brime le droit des gens qui possèdent des choses chez eux. Je pense que l'article précédent qui prévoyait le consentement du propriétaire était beaucoup plus adéquat que celui-ci. Je pense que les autres principaux articles sont les articles 48 et 49. Depuis le fameux moratoire de trois mois qui avait été donné à l'île d'Orléans et à la suite duquel les gens de Sainte-Famille s'attendaient à un relâchement progressif du ministère des Affaires culturelles à l'île d'Orléans, nous constatons que le projet no 4 n'est pas un relâchement, au contraire, nous croyons que c'est une emprise encore plus forte sur les droits des conseils municipaux et des citoyens de l'île d'Orléans.

Quand on nous dit, par exemple, que les municipalités auront le droit de se doter de règlements de zonage, de construction, etc., c'est vrai que le règlement no 4 nous donne ce pouvoir, mais il reste qu'on dit aussi que toutes les dispositions réglementaires devront être approuvées par le ministre, c'est-à-dire que nous pouvons, pour plusieurs semaines et plusieurs mois, effectuer un travail avec nos concitoyens, préparer des règlements qui nous semblent valables et la loi donne au ministre le pouvoir de changer ces règlements.

D'après moi, cela veut dire qu'on veut peut-être laisser croire aux gens que ce sont les conseils municipaux et les gens des municipalités qui font le règlement de zonage, mais il reste que ce n'est pas nous qui avons le dernier mot. Je pense qu'il serait plus logique que le ministère nous donne d'abord ses directives, nous dise jusqu'où il est prêt à aller. Ensuite, nous travaillerons nos règlements en tenant compte des directives du ministère. On ferait un meilleur travail, parce que les gens sentiraient réellement que ce sont nos décisions qui seront respectées. Dites-vous bien une chose... Je pense que tout le monde peut comprendre que partout où il y a des élus municipaux, provinciaux ou autres, c'est toujours très difficile et inacceptable, parfois, de sentir que des paliers de gouvernements supérieurs viennent s'interposer, viennent faire de l'ingérence dans les dispositions, les projets de telle municipalité.

Je parle pour ma paroisse de Sainte-Famille. Je pense que les gens en ont soupé d'attendre continuellement, parce que cela fait des années que le dossier traîne. Nous avons rencontré le ministre. J'ai bien confiance en M. Vaugeois, là n'est pas la question. Mais il reste qu'on se demande — et je pense que nous avons le droit d'être méfiants — jusqu'où le ministre exercera ses pouvoirs.

Si le projet de loi no 4 est adopté, naturellement, il nous faudra porter un vote de confiance à 100% à l'endroit du ministre. Je pense que les citoyens ne sont pas encore prêts, par manque de connaissance peut-être, je l'avoue, à donner tous leurs pouvoirs à quelqu'un.

Je ne m'étendrai pas plus longtemps que cela. C'est le point principal. Les municipalités devraient avoir le dernier mot et non pas le ministère.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Vaugeois: Très brièvement, je remercie M. Deblois de son bref exposé. Je vais tout de suite, je pense, au moins clarifier une question à sa satisfaction.

Compte tenu des représentations qui nous avaient été faites par écrit ou à l'occasion de rencontres isolées, nous avions jugé opportun de modifier la rédaction de l'article 38, tel qu'introduit ici à l'article 14, parce que la rédaction qui était là suggérait qu'on avait une attitude différente et plus exigeante pour les terres publiques que pour les terres privées. Ce n'était pas le sens de l'article

et nous l'avons rédigé autrement pour bien montrer que nous ne voulions pas avoir deux attitudes différentes.

À l'occasion de la rédaction finale que les experts sont en train de mettre au point, il sera établi que pour les fouilles, il faudra toujours une autorisation. Généralement, les relevés feront également l'objet, en même temps que les fouilles, de la demande d'un permis. Si le gouvernement s'aperçoit que des relevés doivent être faits sur une terre publique, il vérifiera si des règlements existent pour ces terres publiques visées quant à la nécessité d'avoir une autorisation spéciale. Il existe, parfois, chez certains ministères — c'est déjà prévu dans des lois ou des règlements — l'obligation d'avoir une autorisation spéciale.

C'est ce que voulait dire ici l'ancienne rédaction. Mais en le disant ainsi, cela suggérait que ce n'était que pour les terres publiques qu'on prenait des précautions, et que n'importe qui pouvait aller se promener sur les terres des particuliers. C'est modifié, et votre remarque est fort opportune.

Je dois vous avouer que je dirais à peu près la même chose, comme remarque opportune, sur les articles 48 et 49. Si on les lit assez rapidement, et avec un certain nombre de préjugés tout à fait inévitables — nous avons tous notre façon de voir les choses, nous avons tous notre expérience... Dans le cas des gens l'île, il y a eu des interventions répétées de plusieurs années, qui font que le ministère est perçu comme quelqu'un qui empêche de faire ceci, qui impose des délais à tel autre moment, etc., souvent, à part cela, sans plan d'aménagement très précis, sans trop savor ce qu'il veut, parce que ce n'est pas facile de prévoir un plan d'aménagement pour un arrondissement historique de la taille de l'île d'Orléans. Je pense que c'est l'un des plus grands au monde, sinon le plus grand. Donc, c'est un défi de taille et les gouvernements précédents n'ont pas réussi — et le nôtre non plus — à dire: Voilà un plan d'aménagement qui met en valeur le patrimoine, qui protège le sol arable, qui prévoit un développement touristique, etc., qui tient compte des réserves d'eau, des facilités routières, des capacités du pont, patati et patata! Cela n'existe pas. (10 h 30)

Donc, partant d'un bon sentiment, les interventions du ministère ont pu être perçues comme agaçantes. Or, l'article 48 nous indique que le ministère pourrait avoir encore plus de matière à interventions, parce que cela dit clairement — on n'oublie rien — grosso modo, interventions au niveau de la construction, au niveau du lotissement, au niveau du zonage. C'est cela, à mon avis, qui a surtout provoqué les gens. Je pense que ces éléments sont très utiles, parce que cela annonce l'article 49 et c'est là qu'est la clé de l'affaire. L'article 49 n'est pas là pour la frime, il est là pour déboucher sur des ententes, des vraies ententes, des ententes complètes qui prévoient la question de lotissement, la question du zonage, la question de la construction.

Au fond, quand les municipalités sont invitées à soumettre des plans, on leur dit à l'article 48: Le terrain à couvrir, pour ne plus qu'elles aient affaire à revenir aux affaires culturelles, pour qu'elles puissent être vraiment mandatées par les règlements qu'elles nous auront proposés et qui auront été acceptés, pour intervenir dans tout ce qui est susceptible de faire l'objet d'intervention des pouvoirs publics dans un lieu comme l'île d'Orléans.

L'article 48 en prend plus large qu'avant, mais il propose aux municipalités, partant de là, de faire des propositions au ministre. Il y a une chose très importante qu'on ne dit pas, après cela, et cela échappe un peu parce qu'on a à l'esprit l'ancienne Commission des biens culturels. Cela dit bien que le ministre n'agit pas de façon arbitraire, cela dit que le ministre prend avis de la commission. Vous avez là une précaution de plus pour les groupes qui auraient soumis, ou les groupes de pression de la municipalité qui auraient soumis une proposition de règlement d'aller également se faire entendre devant la Commission des biens culturels. Parce qu'il faut revenir à d'autres articles précédents où nous élargissons la composition de la commission, nous l'étoffons, nous lui donnons la possibilité d'avoir des comités. Cela n'est pas dans le texte que vous avez, c'est dans les petits amendements qu'on va préciser au cours des études article par article. Mais je peux vous dire tout de suite qu'à l'article 7f, nous allons proposer un petit amendement qui va bien indiquer que la Commission des biens culturels pourra recevoir et entendre requêtes et suggestions des individus et des groupes sur toute question visée par la présente loi. Le règlement va nous préciser qu'il y aura des heures d'ouverture, à des moments non ouvrables, de telle façon que les groupes de citoyens pourront y aller librement, etc. Cela sera une autre façon, au moment où le projet de règlement va être étudié, pour les groupes, d'aller se faire entendre à la Commission des biens culturels. Le ministre va finalement, à mon avis, être dans une bonne situation pour rendre une bonne décision, c'est-à-dire qu'il va avoir une proposition d'une municipalité, donc des élus d'une collectivité précise, et il y aura, à part cela, des gens qui auront un mandat particulier de veiller sur le patrimoine et qui vont exprimer leur point de vue au ministre. À mon avis, tout cela étant public en plus, on ne peut pas aller beaucoup plus loin.

C'est clair que les gouvernements gouvernent un peu et que cela est un peu achalant, mais on ne peut pas avoir des gouvernements qui ne gouvernent pas du tout. Dans le cas présent, le ministre, évidemment, se gardera la possibilité de dire: Votre projet, il me semble qu'il ne correspond pas à l'esprit de la loi et à l'esprit de l'article 48. Mais ce n'est pas pour cela qu'on l'a écrit, ce n'est pas pour dire non, c'est pour pouvoir dire oui. Dans le cas qui vous concerne, je le dis tout de suite parce que les autres maires vont me poser la question — il vaut mieux le dire tout de suite — à partir de l'adoption de cette loi — jusqu'à nouvel ordre, c'est essentiellement ce que les gens veulent, sauf qu'il fallait peut-être s'expliquer sur l'esprit de cette loi — lorsqu'elle sera approuvée, nous avons déjà pour cinq municipalités sur six, en ce qui concerne l'île d'Orléans, des propositions de plans

de développement; nous les avons déjà, pour la plupart, étudiées, au niveau de nos fonctionnaires. Ce sera la première chose que je ferai; nous allons procéder rapidement avec ces plans.

Je sais — je ne vous le cache pas — qu'il y a des contre-propositions qu'on vous exposera — je pense que vous avez le droit de les connaître — nous ne les imposerons pas. La seule chose que je demanderai, et je le dis tout de suite, c'est que si on ne s'entend pas sur les contre-propositions, je souhaite pouvoir les expliquer dans des assemblées publiques dans chacune de vos municipalités. Mais je vous dis tout de suite que le dernier mot vous appartiendra. Quand j'aurai été jusque là, quand j'aurai donné toute l'information que ma fonction me permet d'avoir, quand j'aurai informé tous les gens, mon intention est de faire confiance, vraiment, aux élus des municipalités de l'île d'Orléans.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. M. Deblois, je voudrais être certaine de bien vous comprendre. D'une part, vous dites: On voudrait avoir des directives du ministère des Affaires culturelles et, d'autre part, au début, vous vous êtes élevé contre ce qui vous apparaît, et à bon droit je pense, sauf qu'il s'agit d'un arrondissement historique, l'ingérence du ministère des Affaires culturelles. Est-ce que je dois comprendre que vous souhaiteriez que les règlements ou, enfin, que la réglementation soit faite par le ministère des Affaires culturelles et qu'ensuite, vous réagissiez à ce que le ministère des Affaires culturelles vous proposerait? Il y a une chose certaine, c'est que je trouve un peu difficile d'admettre, de la part du ministère des Affaires culturelles, qu'on vous offre de faire des règlements et de prendre les choses en main et qu'ensuite, ce soit soumis à la décision du ministère des Affaires culturelles. Parce que, ce qui peut se produire, si on prend le cas de l'île d'Orléans, où il y a six municipalités... Il va se produire une chose ou l'autre. Il peut arriver que les six municipalités ne présentent pas des plans semblables et qu'à ce moment-là, le ministère des Affaires culturelles dise: II faut normaliser pour l'ensemble. Ou il ne le fera pas et il peut alors, je pense, créer des situations d'injustice, dans ce sens qu'une municipalité aura certaines dispositions qui lui permettront des lotissements différents, par exemple, ou un zonage différent, tandis que, pour l'autre, ce sera peut-être moins favorable parce qu'elle a voulu davantage mettre l'accent sur la protection de l'environnement ou du patrimoine. Ma question précise est celle-ci: Est-ce que vous préféreriez, puisque le ministère se garde un droit de regard, un droit d'approbation des règlements finals, que la première initiative vienne du ministère des Affaires culturelles et que vous réagissiez à ce qu'il a à vous proposer comme réglementation?

M. Deblois: Oui, c'est en plein cela. Depuis des années, on ne connaît absolument pas jusqu'où le gouvernement veut aller dans la protection de l'île d'Orléans. Nous voudrions avoir des données de base, par exemple, sur lesquelles on pourrait travailler, parce qu'on a déjà un projet de règlement qui est au ministère des Affaires culturelles, qui a été fait. Il est assez restrictif. Cela n'a pas été facile de le faire accepter par la population, mais, avec plusieurs réunions publiques, on a quand même réussi à faire comprendre aux gens qu'on avait quelque chose de beau qu'on devait le protéger. Mais, aussitôt qu'on en fait part à nos gens et qu'on leur dit: On travaille, d'accord, mais ce n'est pas nous qui avons le dernier mot, les gens ne l'acceptent pas. Je pense qu'au départ, si on avait des lignes de conduite, si on savait, par exemple, jusqu'où le gouvernement est prêt à aller, je pense qu'après cela, on pourrait travailler à élaborer nos règlements qui pourraient peut-être rejoindre les idées du gouvernement.

Parce qu'il reste que, dans plusieurs municipalités, les idées du ministère et les idées des municipalités sont à peu près identiques, à certaines choses près, je crois. Mais il reste qu'aussi longtemps que ce sera le gouvernement qui aura le dernier mot là-dedans, ce sera très difficile de faire accepter une réglementation aux six municipalités. Parce qu'on nous dit: Quand le projet de loi no 4 sera accepté, on répondra à vos questions, on vous montrera ce que le ministère a préparé pour vous. Nous nous disons: Est-ce qu'il sera trop tard? Pourquoi ne pas le faire tout de suite, avant qu'il se produise des choses qu'on ne peut pas changer? C'est sur cet aspect que je pense que le gouvernement, depuis longtemps, aurait dû élaborer ses règles du jeu, nous dire ce qu'il voulait réellement et ensuite, nous aurions pu réagir à cette situation-là.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: J'ai seulement deux remarques, au début de cette réunion. Le ministre nous annonce des amendements à la loi. Il y en a, en fait, deux d'annoncés jusqu'à maintenant. Je me demande s'il ne serait pas normal qu'on puisse avoir les amendements, comme cela se fait dans différentes autres commissions, plutôt que de les annoncer comme cela, une à une, sans trop savoir où on s'en va.

Ma deuxième remarque concerne ce que vous avez dit sur l'article 14. Vous dites que vous voulez qu'il y ait des autorisations ou des recherches qui soient faites avant d'aller sur les terres publiques pour avoir des permis, mais je ne pense pas que vous ayez parlé des propriétés privées. Ce sur quoi le maire Deblois a requis votre attention, c'est le fait que l'article 14 tel que proposé dit que le consentement écrit du propriétaire n'est pas requis. Or, à mon sens, il s'agit d'une négation pure et simple d'un droit de propriété et il serait normal que ce consentement soit plutôt requis pour aller sur les propriétés privées quitte, par la suite, à

aménager certaines exceptions peut-être lorsqu'il faudra absolument qu'on puisse y aller et que le propriétaire ne nous aura pas donné ce consentement.

M. Vaugeois: On pourrait s'expliquer là-dessus. Je m'excuse pour les amendements. Dès que la commission commencera ses travaux de façon normale, soit l'étude article par article, je vous remettrai les quelques modifications que nous avons l'intention de soumettre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Taschereau.

M. Guay: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos du maire Deblois, mais j'avoue que je comprends mal le fondement de son argumentation. Vous semblez désirer, si je comprends bien, que les municipalités aient le dernier mot, c'est d'ailleurs vous qui avez utilisé l'expression — je ne sais pas si je vous interprète correctement — et qu'en dernière analyse, dans un arrondissement historique qui existe en vertu d'une loi nationale, une loi votée par l'Assemblée nationale, les municipalités soient les ultimes interprètes, chacune d'entre elles, de la façon dont cette loi s'appliquera chez elle. Cela me paraît un peu curieux comme approche puisqu'en définitive il y a quand même une responsabilité du gouvernement de voir à l'application d'une loi qui a été votée par l'Assemblée nationale. En dernière analyse, que l'élaboration de la réglementation soit laissée aux municipalités parce qu'elles sont les plus à même de connaître les conditions locales, c'est d'ailleurs ce que propose le projet de loi, mais que le ministre se réserve le droit de vérifier — c'est, en tout cas, la façon dont je comprends l'article 49 — que le ministre se garde le droit de vérifier en dernière analyse si cette réglementation est bien conforme à la Loi sur les biens culturels, je pense que c'est la responsabilité minimale que le gouvernement, quel qu'il soit, doit conserver.

La démarche inverse qu'a semblé suggérer Mme le député de L'Acadie est un peu celle qui a été faite jusqu'à maintenant et tout le monde, en particulier à l'île d'Orléans, s'en est plaint, c'est-à-dire que ce soit le gouvernement qui élabore des choses et que les municipalités réagissent ensuite.

Il est bien connu que le ministère des Affaires culturelles n'a pas le personnel nécessaire pour voir à l'élaboration de toute la réglementation requise, et dont on fait la nomenclature à l'article 48, dans tous les arrondissements historiques existants ou pouvant exister ainsi que les arrondissements culturels du Québec.

Si on attend après la direction générale du patrimoine pour faire un travail qu'elle ne peut faire et qui, je pense, n'est pas de son mandat, on risque précisément d'avoir les délais qu'on a eus jusqu'à maintenant et dont les municipalités de l'île d'Orléans se sont plaintes.

L'exemple qui me vient à l'esprit de façon plus concrète pour illustrer ce que je dis, je prendrais, si vous voulez, non pas l'île d'Orléans, mais tout près de chez vous, quand même, la côte de Beaupré, qui n'est pas un arrondissement historique mais qui devrait l'être à mon avis — mais cela est une autre question — à cause de la concentration d'immeubles à caractère patrimonial qu'on y trouve. Dans la municipalité de Château-Richer pour ne nommer que celle-là, il existe une quantité exceptionnelle de parcs de maisons-mobiles, cet exemple audacieux d'architecture de demain, qui sont érigées immédiatement à côté d'immeubles ou de maisons qui, elles, datent du 17e siècle. Cela fait un mélange à tout le moins assez curieux. On ne peut pas dire que le boulevard Sainte-Anne, qui n'a jamais été reconnu pour être une merveille d'esthétique, se soit amélioré de ce côté-là. (10 h 45)

Si la Côte de Beaupré avait été un arrondissement historique et si ce projet de loi avait déjà été en vigueur, la municipalité de Château-Richer aurait donc élaboré des règlements — de la façon dont je le comprends, en tout cas — mais en définitive, le ministre aurait dû juger de la conformité de ces règlements avec les buts et la lettre de la Loi sur les biens culturels.

On peut penser, à ce moment-là, que l'on se serait épargné la présence, le long du boulevard Sainte-Anne et tout près de la rue Royale, d'un aussi grand nombre ou même de tout le parc des maisons mobiles dont le moins qu'on puisse dire est qu'il ne contribue pas à rehausser le caractère historique de cette partie du territoire québécois.

Mais c'est en définitive à la municipalité d'élaborer ces règlements. Je pense que tout ce que le projet de loi dit, au fond, est que c'est aux municipalités à faire le travail. Le gouvernement se réserve le droit de s'assurer que ces règlements ne vont pas à l'encontre de la Loi sur les biens culturels qui définit déjà un cadre d'interventions ou le cadre — large, j'en conviens puisqu'on ne peut pas tout prévoir dans une loi — dans lequel cette réglementation doit s'effectuer à l'intérieur d'un arrondissement historique. C'est pour cela que je m'explique mal qu'une démarche qui n'a jamais fonctionné, celle de voir le gouvernement préparer et les municipalités réagir, soit de nouveau proposée, si j'ai bien saisi ce que le député de L'Acadie disait, alors qu'à l'inverse ce qui m'apparaît avoir été souhaité, c'est-à-dire que les municipalités fassent leur travail — c'est ce qui est proposé — on ait des réticences tout simplement parce que le gouvernement doit quand même s'assurer qu'une loi qui a été votée par l'Assemblée nationale doit être respectée.

Je ne vois pas très bien en quoi on va à l'encontre du fait que les municipalités aient le dernier mot là-dedans. On s'assure tout simplement que les municipalités respectent les lois, ce qui est normal.

M. Deblois: D'accord. Mais il reste quand même une chose, monsieur. Je ne sais pas si vous connaissez les propositions du ministère. Moi, je ne les connais pas. Vous me dites que vous ne les connaissez pas non plus.

Jusqu'où le ministère est-il allé dans ses

propositions? On ne le sait pas du tout. Cela veut dire que si cela continue de cette façon, nous sommes aussi bien de dire au ministère: Faites un règlement, mais n'allez jamais dire à personne que ce sont les municipalités qui l'ont adopté, par exemple.

Si le ministère entend garder sa position, cela veut dire qu'il pourrait arriver tout de suite aujourd'hui avec un règlement de zonage, tout préparé, et nous dire: Voilà messieurs, vous allez maintenant agir avec ces directives.

Je n'ai pas encore eu connaissance des contre-propositions du ministère. Avec les données que je possède, je me dois d'être méfiant, et je le suis encore.

M. Vaugeois: Est-ce que je pourrais apporter une précision là-dessus, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Allez.

M. Vaugeois: II y a bien des choses qu'on pourrait dire, parce que cela fait près d'un demi-siècle que le gouvernement du Québec s'intéresse à l'île d'Orléans pour son aspect général, culturel et patrimonial. C'est l'époque où Pierre-Georges Roy lui consacrait un magnifique ouvrage qui a été repris récemment. Il y a eu plusieurs interventions. Celle qui a été la plus déterminante est évidemment celle qui découle de la Loi des biens culturels en 1972.

Depuis cette époque, la commission des biens culturels est revenue régulièrement à la charge avec des propositions éventuelles d'aménagement de l'île. J'en ai vues à la commission des biens culturels.

Mais c'est resté général. Ce n'était pas assez avancé pour être traduit en plan de zonage ou en plan de lotissement, ou en approche plus ou moins large de projets de construction. Les gens du ministère eux-mêmes n'ont jamais eu le temps ni les moyens de faire un plan — je le disais au début — parce que c'est quand même quelque chose de tout à fait nouveau et de très exigeant, et cela coïncide, hélas, avec un déplacement de population qui a tendance à quitter les centres urbains bien organisés pour les petites municipalités avoi-sinantes, avec les conséquences fiscales et financières que nous connaissons maintenant.

Il y a un phénomène d'étalement urbain qui est extrêmement coûteux pour tout le monde et ce genre de poussée, qui n'est pas vraiment une poussée démographique, parce que c'est le même monde et il n'y en a pas beaucoup plus qu'avant, mais le monde cherche à se déplacer, cela a empêché également le ministère des Affaires culturelles et le ministère des Affaires municipales d'établir une espèce d'approche en toute quiétude avec les délais nécessaires. Pour pallier cela, le ministère avait proposé au ministère des Affaires municipales de soutenir financièrement les études qui seraient faites par les municipalités même de l'île d'Orléans et ces études, dans cinq municipalités sur six, ont été faites, avec l'aide de firmes spécialisées dont l'une est représentée ce matin ici. J'ai vu tout à l'heure Pierre Bastien, de Pluram.

Ce sont des experts, ce sont des spécialistes qui ont été engagés par les municipalités, choisis par les municipalités, celles-ci recevant une aide raisonnable, je crois, du ministère des Affaires municipales. On en est là. La plupart de ces plans, sinon la totalité de ceux qui ont été exécutés, sont actuellement entre les mains du ministère. Mais avant d'amener... Disons-le franchement, le ministère, étant donné son approche de protection du patrimoine qui s'oriente de plus en plus vers la mise en valeur du patrimoine... Oui, le ministère a dans ses tiroirs des contre-propositions, c'est évident. Là-dessus, je suis conscient qu'on va avoir à s'en parler.

Ce que je voulais dire tout à l'heure, c'est que ce n'est pas le dernier mot qu'on veut avoir, on veut s'entendre. On veut profiter d'une ouverture que la loi nous donne et qui n'existait pas dans l'ancienne loi, c'est là qu'est la différence. Dans l'ancienne loi, même si on s'était entendu sur des plans d'aménagement, des plans de lotissement ou des questions semblables, il fallait double recours, double démarche, double permis, tandis que notre loi, notre nouveau projet de loi, indique bien, à l'article 49, qu'à partir du moment où le ministre notifie que les règlements qu'on lui a soumis paraissent conformes aux exigences de la loi et à l'esprit de celle-ci, à compter de la date prévue dans cette notification, dit l'article 49, "une opération faisant l'objet d'une disposition réglementaire approuvée par le ministre ne peut être entreprise dans la totalité ou la partie de l'arrondissement historique ou naturel, du site historique classé ou de l'aire de protection en cause que selon — cela devient donc la responsabilité de la municipalité de faire observer cela — les normes et conditions qui y sont prévues — dans cette réglementation. — Une telle opération, dans ce cas, ne requiert pas l'autorisation du ministre — c'est fini cela — avec l'entente. Aucun permis ne peut toutefois être émis par une corporation municipale, une corporation de comté ou une communauté urbaine ou régionale si cette opération n'est pas conforme aux dispositions réglementaires approuvées par le ministre et soumises par la municipalité." Je pense qu'on s'entend là-dessus. Ce qui est important ici, c'est la fin du double permis, qui aurait été inévitable, ce qui serait inévitable, si nous n'avions pas cette loi. Je pense qu'on ne s'en sortirait pas plus qu'on s'en sortait avant.

M. Deblois: Est-ce qu'il nous restera de l'espace pour émettre des permis?

M. Vaugeois: Oui.

M. Deblois: D'accord, mais ce que je veux dire, à la suite des propositions du ministère, qui ne veut pas de développement massif, qui ne veut pas de construction trop rapprochée sur le chemin Royal, est-ce qu'il nous restera, même si on a le pouvoir de le faire, encore des espaces où les gens pourront se bâtir et qu'on leur donne le permis?

M. Vaugeois: Y a-t-il dans chacun de vos plans de développement des espaces? C'est là qu'est le gros point. C'est pour cela que je souhaite des assemblées publiques dans chacune de vos municipalités. D'après ce que je sais des dossiers que j'ai vus, des rencontres que j'ai eues avec vous, vous l'avez dit vous même tout à l'heure, M. Deblois, il y a des maires à l'île d'Orléans, qui sont très près de partager à peu près à 100% les préoccupations actuelles du ministre des Affaires culturelles qui, en cela, est fidèle à la position prise par ses prédécesseurs, indépendamment des options politiques. La loi que je défends finalement aujourd'hui, c'est une loi approuvée sous un gouvernement libéral et j'y adhère totalement et sans réserve. Maintenant, il y a moyen, avec les ans, profitant de l'expérience acquise, d'améliorer les choses, c'est ce que nous nous apprêtons à faire et là-dessus, l'Opposition, jusqu'à maintenant, nous a suivis. Elle nous a même accusés d'être un peu timides, sinon d'être trop timides. Sur cette démarche, vous pouvez croire que si je pouvais gouverner — je m'excuse de ces mots, je ne me prends pas pour Louis XIV — si je pouvais agir dans l'abstrait, s'il n'y avait pas de monde directement concerné ou si l'île appartenait au gouvernement, je vous le dis franchement, il n'y aurait pas beaucoup de développement, parce que je pense que ce n'est pas dans l'intérêt des résidents actuels, ce n'est pas dans l'intérêt des gens de la ville de Québec. De toute façon, il va falloir arrêter la prolifération, l'étalement urbain. Il va falloir trouver des moyens d'arrêter cela, il va falloir améliorer la qualité de la vie dans la ville et il va falloir protéger les gens de la campagne pour qu'à un moment donné ils puissent jouir de leurs biens.

Vous connaissez le problème que les urbains posent très souvent à la campagne. Souvent leur installation massive dans les petites municipalités avoisinantes des grandes villes provoque l'aménagement d'un certain nombre de services auxquels les ruraux ne tiennent pas nécessairement ou encore dont ils n'ont pas besoin, compte tenu de leur façon d'être distribués sur le sol. Mais l'arrivée massive de ces urbains bouleverse cette situation. Je pourrais, ce matin, donner des statistiques à faire frémir les résidents de l'île d'Orléans sur ce qui se passe dans les banlieues avoisinantes de Québec, les banlieues avoisinantes de Montréal et les banlieues avoisinantes de Trois-Rivières. J'aime donner l'exemple de certains villages, autour de Trois-Rivières, où, il y a cinq ans, il n'y avait pas de taxe, tandis que l'année dernière c'était à $0.40 des $100 et cette année c'est passé à $1.14 et on sait que l'an prochain ce sera passé à $2.25. Je tiens à rappeler ces choses aux gens de l'île; je tiens aussi à rappeler aux cultivateurs propriétaires de telle exploitation de ferme où là ça sent mauvais — à cause d'un tas de fumier quelque part — que les urbains qui s'installent de chaque côté peuvent se plaindre de l'odeur du fumier...

Il faut s'entendre. La qualité de la vie qui fait que les gens de l'île sont heureux à l'île, apprécient l'île et que les urbains cherchent à s'y installer peut être compromise, vous le savez comme moi, par l'arrivée massive des urbains. Je suis assez confiant vis-à-vis de certains maires de l'île, je sais qu'ils comprennent cela.

Hier, dans une manifestation publique, des gens me disaient: Nous avons le plus bas niveau de taxes au Québec à l'île. Je prétends, et je serais prêt à développer cela publiquement, que c'est vrai grâce à la Loi des biens culturels et que, malgré les emmerdements qu'elle vous a provoqués, elle vous a finalement rendu le grand service de freiner une espèce de contagion urbaine sur l'île et a rendu plus difficile l'installation des urbains sur l'île qu'ailleurs dans la banlieue de Québec. Cela vous a sauvé. Maintenant cela deviendra votre responsabilité de choisir à quel rythme votre île recevra les urbains qui ne sont pas confortables en ville, qui cherchent l'air pur, le beau décor et la qualité de vie que vous avez à l'île.

Il y a aussi des responsabilités gouvernementales qu'on ne peut pas passer sous silence. Ce serait bien gentil de dire: D'accord, on va doubler, on va tripler, on va quadrupler la population, allons-y gaiement, alors qu'on sait très bien qu'à certains endroits de l'île il y a des problèmes d'eau; alors qu'on sait très bien que la capacité de l'avenue Royale actuelle n'est pas illimitée; alors qu'on sait très bien que les accès à l'île ne sont pas prévus pour une population qui pourrait tripler ou quadrupler. À moins que la population de l'île ne nous dise: Laissez-nous ces problèmes, quand viendra le temps d'élargir l'avenue Royale — oublions l'aspect patrimonial et culturel — on paiera pour; quand viendra le temps d'aller chercher l'eau sur la côte de Beaupré, on paiera pour; quand viendra le temps de faire un autre pont ou une jetée pour venir à l'île d'Orléans, on paiera pour; quand viendra le temps d'organiser des services d'égouts pour tous les gens de la ville qui vont venir s'installer chez-nous, on paiera pour. Mais je sais que ce n'est pas là le langage qu'ils tiennent et, à ce moment-là, ils se fient un peu sur le gouvernement pour prendre ces responsabilités qui sont de l'ordre que je viens de mentionner.

Le Président (M. Jolivet): Y a-t-il d'autres intervenants parmi les gens de...

M. Alain Turgeon, maire de Sainte-Pétronille

M. Turgeon (Alain): M. le Président, Mme Lavoie-Roux, messieurs les membres de cette commission, je tiens, au nom du Conseil municipal de Sainte-Pétronille, que je représente, à remercier...

Le Président (M. Jolivet): Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît!

M. Turgeon: Alain Turgeon. ... la commission de nous permettre, de nous donner l'occasion d'exprimer, peut-être, certaines remarques, certaines vexations et aussi de nous prononcer sur le projet de loi no 4.

Évidemment, le 13 mars 1970, l'île d'Orléans a été décrétée arrondissement historique. En 1972, une loi abrogeant l'ancienne loi sur l'île d'Orléans,

la condition des biens et des monuments historiques, etc, était adoptée.

Une orientation d'aménagement technocratique a été élaborée, suite à l'adoption du projet de loi jusqu'en 1976 où, évidemment, on a peut-être réalisé que l'impact du plan d'aménagement et de sauvegarde qui se préparait coûterait très cher au gouvernement. On a peut-être aussi réalisé qu'il s'agissait là de l'expropriation déguisée. (11 heures)

En 1976, une nouvelle orientation est donnée où, suite à des ententes avec le ministère des Affaires municipales, des Affaires culturelles, des sommes sont votées pour l'élaboration et l'adoption de plans d'aménagement. Allégresse chez les conseils municipaux en février 1977. Mais que d'amertume, encore une fois, en août 1977, quand, chacun des plans d'aménagement ayant été proposé, on nous a dit, de la part du ministère des Affaires culturelles: nous vous reviendrons sous peu. Il y a maintenant neuf mois que le "sous peu" est dépassé.

Au niveau de l'île d'Orléans, le problème est peut-être le suivant: on a un individu bicéphale, à deux têtes, composé de six membres, qui, peut-être avec l'approche que donne le ministère des Affaires culturelles, dans l'application de sa loi, met cet individu dans l'eau bouillante, où chacun des six membres réagit de façon différente, à cause de sa composition sociologique. Je pense que le cas de Sainte-Pétronille peut être différent de celui de Sainte-Famille, qui lui-même peut être différent de celui de Saint-François, quoique ces deux derniers peuvent se comparer précisément. Dans le cas de Saint-Laurent et Saint-Pierre, ces deux municipalités étant actuellement peuplées d'agriculteurs et d'urbains réagissent différemment à cause de leur situation économique, effectivement. Les gens de Sainte-Pétronille vivent encore de la région de Québec directement, contrairement à Saint-Pierre ou Saint-Laurent où on commence à avoir un taux d'exploitation agricole beaucoup plus grand et par rapport à Saint-Pierre, Saint-Jean et Sainte-Famille où encore là, la grande majorité, toute proportion gardée avec Saint-Pierre ou Saint-Laurent, vit d'exploitation agricole.

L'autre problème, du fait que les six membres réagissent toujours de façon différente à cette eau bouillante, est le taux de sensibilisation que ces gens ont du sens patrimonial, de l'importance ou de l'existence de l'île d'Orléans quant à sa valeur elle-même, quant à la qualité de la vie et quant à son développement, quant à la croyance ou la confiance que l'on a dans les études qui ont été déposées par des fonctionnaires ou des ingénieurs de différents ministères intéressés à tout ce dossier.

L'autre problématique ou autre cause du problème, toujours de la façon différente de réagir des conseils municipaux, est cette sensibilisation face à l'utilisation des terres arables, de la disposition des eaux usées et de l'approvisionnement en eau. Je pense que c'est ce qui explique probablement les différentes façons et l'absence de consen- sus fondamental au niveau des six conseils municipaux.

Le deuxième problème est sans doute la loi ou le chapitre 19 qui n'a peut-être pas été compris par les gens qui vivent sur l'île d'Orléans. Effectivement, je pense qu'à ce niveau, le ministre ou le ministère des Affaires culturelles comme tel, a une responsabilité. La loi, très théorique, prévoit que le ministre peut rédiger, prévoir des réglementations, réglementations qui auraient peut-être pu permettre aux gens de l'île d'Orléans de connaître les règles du jeu. Je pense que cette réglementation est à peu près inexistante. Il existe, évidemment, un embryon de réglementation, mais peut-être pas celle qui devrait être complétée, et je pense qu'au niveau des amendements on élabore davantage ou on prévoit quand même le mécanisme d'adoption d'une nouvelle réglementation.

L'absence de cette réglementation édictée par le ministre a peut-être fait que l'application de la loi n'a pas permis aux fonctionnaires de rendre des décisions appuyées sur des argumentations ou des raisons fondamentales; dire: Nous refusons l'émission de tel permis à cause de telle chose constitue peut-être une mauvaise application de la loi et aussi une très mauvaise publicité pour les gens qui ont à vivre cette loi.

On a déjà dit, au niveau des permis, qu'on ne les émettait pas parce que ce n'était pas beau. Je pense qu'il faudrait peut-être avoir des raisons plus sérieuses et qu'il faudrait étaler la réglementation qui nous permettrait de dire: On refuse l'émission du permis pour telle raison.

On a peut-être aussi donné, quant à l'application de cette loi et de cette réglementation, trop d'importance à certains détails, détails qui frappent évidemment la population. Il faut quand même admettre que la population comme telle est peut-être mal renseignée ou ne saisit peut-être pas toute l'importance, non plus, de la loi 19 et de ses admendements, actuellement.

Ce qui vexe le citoyen qui doit vivre avec cette loi, c'est la porte ronde qu'on lui refuse. On n'a peut-être pas renseigné les citoyens sur l'importance de la mise en valeur, sur l'importance de l'aménagement du territoire.

En somme, ce sont peut-être les deux grands problèmes qui font qu'actuellement, la loi est si mai appréciée par les gens qui vivent à l'île d'Orléans. Je parle des articles concernant les arrondissements historiques. Je ne parle pas intégralement de toute la Loi sur les biens culturels. C'est peut-être une distinction qu'il faut apporter.

Pour les solutions aux problèmes que j'ai soulevés, il y en a peut-être une première qui nous vient à l'esprit; c'est que si le législateur a décidé que l'île d'Orléans était un arrondissement historique, sans consulter la population, qu'il en assume les conséquences. Malheureusement, cela devrait aller jusqu'à l'abolition des conseils municipaux et à la création d'une commission. Je pense que c'est tout à fait contre la philosophie de l'actuel gouvernement. C'est une solution un peu irréaliste, mais quand même. Elle a déjà été mentionnée.

Quant à la deuxième solution, je pense que

c'est l'application actuelle de la loi et de ses amendements. Je dois vous dire que nous serions favorables au projet de loi, cependant, en établissant les réglementations que le ministre s'accorde le droit de préciser et en permettant aux municipalités d'adopter leurs règlements d'aménagement du territoire dans les plus brefs délais, de quelle façon...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que M. Turgeon pourrait répéter sa deuxième solution, s'il vous plaît? Il y a deux volets et j'ai perdu le premier.

M. Turgeon: Oui. La première, disons que le ministre précise les réglementations qui sont prévues dans différents articles de loi, 48, 49, 50, 51, 52 et 53 et deuxièmement, qu'on permette aux municipalités d'adopter leur plan de zonage dans les plus brefs délais, de la façon suivante: En dégelant les fonds qui ont déjà été accordés par le ministère des Affaires municipales, en collaboration ou en accord avec le ministre des Affaires culturelles.

Deuxièmement, qu'on fasse adopter ces réglementations par la population des municipalités elle-même, mais aussi, qu'on mette peut-être à la disposition des conseils municipaux une campagne publicitaire pour sensibiliser les gens à l'importance de la qualité de la vie, aux dangers d'une sururbanisation. Je pense que cela doit se faire.

Actuellement, les conseils municipaux... Chez nous, nous avons un budget de $100 000. Je vous assure que s'il y avait une campagne de publicité, l'adoption d'un règlement de zonage, avec $100 000, quand le déneigement en coûte $25 000, ce sont des choses qu'il faut quand même apprécier.

Il faut aussi que le ministère, par une campagne d'information orchestrée — je pense qu'il y a quand même des possibilités dans ce sens — se fasse accepter par les citoyens de l'île d'Orléans, comme autre moyen d'appliquer la réglementation et de permettre ou de conclure des ententes, dans les plus brefs délais, avec les conseils municipaux, tel que stipulé à l'article 51f de la loi, pas de la loi comme du projet de loi, où on dit: "Conclure, conformément à la loi, des ententes avec tout gouvernement relativement aux biens culturels et conclure avec les corporations municipales ou toute autre personne des ententes en vue de l'application de la loi."

Je me demande si le ministère des Affaires culturelles ne devrait pas mettre, effectivement, avec entente au niveau du ministère des Affaires municipales, immédiatement, un inspecteur en bâtiments; c'est une application très concrète de la loi qui permettrait peut-être d'éviter encore certains gâchis. Encore là, il y aurait peut-être lieu de faire intervenir une entente, peut-être avec le ministre du Revenu, pour accorder aux gens qui vivent dans des arrondissements historiques une exemption fiscale de sorte que ce soit la responsabilité si le législateur décrète l'île d'Orléans arrondissement historique, que ceux qui sont pris avec des contraintes dans ce sens... Je comprends que des subventions sont actuellement accordées. mais qu'on aille plus loin que ça, qu'on accorde des exemptions fiscales aux gens qui y résident.

Enfin, comme autre solution au problème, c'est d'amener les autres ministères concernés, comme l'Agriculture — et je pense qu'effectivement, un mémoire de l'Union des producteurs agricoles, dont j'ai pris le reportage à Radio-Canada à 18 h 30, faisait état de cette législation sur le zonage agricole qui serait importante et qui, dans plusieurs municipalités de l'île d'Orléans, réglerait le problème à un pourcentage assez intéressant...

Je parlais tout à l'heure de l'inspecteur en bâtiments. Je parlerais aussi peut-être d'avoir à la disposition des conseils municipaux un consultant, un architecte ou un dessinateur qui, lorsqu'au niveau des comités locaux d'aménagement on arrive avec un problème d'esthétique, de construction, d'intégration des bâtiments au décor ou au paysage, tant et aussi longtemps que les normes ne seront pas clairement établies, nous permettrait peut-être de solutionner sans gâcher des choses.

Je pense même qu'après les règlements édictés sur l'affichage, sur les matériaux à utiliser et tous ces points, il serait bon que ce consultant soit aussi à notre disposition. Je pense que dans la pratique, actuellement, au niveau des comités locaux d'aménagement, on aurait apprécié l'existence d'un consultant du ministère des Affaires culturelles dans ce sens.

Alors, ce sont des représentations, M. le Président, que le conseil municipal de Sainte-Pétronille voulait faire, sur le projet de loi et s'arroger l'occasion de faire d'autres remarques, je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Vaugeois: M. le Président, je pense que le maire qui vient de s'exprimer a, par ailleurs, une démarche à l'endroit du ministre qui, compte tenu de la qualité de ses propos, commence à m'inquiéter un peu. Si vous manifestez autant d'intelligence dans l'autre démarche que ce matin, je vais demander un autre ministère.

M. Turgeon: M. le Président, je ne voudrais pas que le ministre devienne paranoïaque.

M. Vaugeois: Si c'est réciproque...

Écoutez, deux minutes pour dire que les propos du maire Turgeon me paraissent plein de bon sens, qu'ils débouchent sur des préoccupations bien concrètes et sur lesquelles nous avons déjà réfléchi et, pour une certaine partie, auxquelles nous sommes prêts à donner des suites. Déjà, le projet de loi que nous avons sous les yeux nous permet non seulement de conclure des ententes qui éliminent les doubles permis et les doubles démarches, mais nous permet aussi d'offrir des services, voire même d'accorder des subventions. C'est à l'article 20, qui réfère à l'article 51, et à d'autres endroits aussi. Il est donc possible, éventuellement, de donner des services techniques qui

pourraient correspondre à des services de consultants, pourquoi pas à des inspecteurs en bâtiment, etc. C'est prévu et nous voulons aller jusque là. (11 h 15)

Vous venez également, M. le maire, de faire allusion à des exemptions, des privilèges fiscaux, qui pourraient venir avec la définition de l'arrondissement historique, par exemple. Personnellement, je vous rejoins là-dessus et j'ai déjà demandé aux fonctionnaires du ministère d'en faire l'étude, de quantifier ce que cela pourrait signifier pour les arrondissements existants, partant de l'hypothèse qu'on pourrait faire une exemption de taxe foncière de l'ordre de 25%, le ministère s'engageant, bien sûr, à rembourser la municipalité pour ce qu'elle perd au niveau de ses résidents. C'est déjà le genre d'étude que j'ai demandé. Ma réflexion est toute simple et c'est probablement la vôtre aussi. Je la vois d'abord comme défenseur du patrimoine. À partir du moment où les gens auraient des avantages financiers en compensation des petites lenteurs et des petits tracas qu'on leur occasionne, ils deviendraient peut-être plus facilement promoteurs des arrondissements et des plans de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine. Il faut quand même les intéresser de façon très concrète. Cela en serait une. Les municipalités n'y perdraient rien et y gagneraient des électeurs plus sensibilisés, ce qui faciliterait aussi la tâche des administrateurs municipaux.

Ce n'est pas tout de remettre le paquet aux administrateurs municipaux. Même s'il y a des plans qui ont été prévus, il faut quand même que la pression qui va s'exercer dans les municipalités soit équilibrée et ne soit pas celle d'abord des spéculateurs fonciers ou des développeurs déments. Vous voyez à peu près ce que je veux dire. Je pense que vous connaissez tout ce monde-là.

Il y a un certain nombre d'allusions dans votre présentation que je pourrais relever. Vous avez ouvert vous-même une porte qui peut faire réfléchir tout le monde. Vous avez fait allusion comme cela, en passant, au coût du déneigement. Vous avez parlé, je pense, de $27 000 sur un budget de $100 000. Vous avez le niveau de taxe le plus élevé à l'île d'Orléans. Oui, à Sainte-Pétronille les taxes sont trois fois plus élevées que dans d'autres municipalités de l'île et elle s'est assez développée avec des urbains. Je pense que seulement cela, c'est déjà la réponse à bien des questions qui se posent dans d'autres municipalités de l'île. On n'a même plus besoin de sortir de l'île à un certain moment pour comprendre certaines choses. On l'a sur l'île. C'est cela qu'on essaie de faire comprendre. Au-delà de l'intérêt patrimonial qui est celui du ministère, finalement il y a des intérêts économiques majeurs qui sont en jeu.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci à M. Turgeon de son intervention. Je voudrais d'abord lui demander... j'aurais pu le demander à M. Deblois également, à l'un ou à l'autre. Vous avez eu, à un moment donné, des subventions pour préparer vos plans d'aménagement, chacune des municipalités de l'île d'Orléans, et de fait j'ai cru comprendre que ceci avait été envoyé au ministère. Est-ce que le ministère a réagi à ces études que les différentes municipalités de l'île d'Orléans avaient faites?

M. Turgeon: Voici, madame. Je pense qu'au niveau de l'élaboration de la réglementation des plans de zonage, il y a une première étape qui est franchie, c'est-à-dire au niveau du zonage comme tel des secteurs résidentiel, commercial et agricole. Le ministère des Affaires culturelles n'a pas encore retourné sa proposition ou ses remarques ou recommandations sur les plans qui ont été déposés. Quant au niveau des subventions, j'aimerais peut-être éclaircir le point suivant. Il y a une tranche de $4000 qui a été versée sur un montant total de $10 000. Nous attendons le ministère quant à ses contre-propositions ou ses recommandations sur les plans qui ont été déposés, et ce qui fait mettre en doute la crédibilité du ministère, ce sont toujours les longueurs et les lenteurs que les conseils municipaux et les citoyens doivent supporter.

Mme Lavoie-Roux: Quant à ces plans de réaménagement, les six municipalités ou cinq municipalités en ont retourné cinq sur six?

M. Vaugeois: II y en a une qui ne s'est pas encore prévalue de l'offre, Saint-François.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous vous êtes aussi, j'imagine, concertés de la même façon que vous vous êtes concertés pour vous opposer à l'adoption de la Loi sur les biens culturels? Je comprends que tous les maires de l'île d'Orléans ont voté contre l'adoption de cette Loi sur les biens culturels. Oui, ou non, ils ont voté.

M. Turgeon: Oui, je pense qu'au niveau de la concertation, quant à l'élaboration des règlements de zonage, il n'y a jamais eu de concertation. Quant au niveau de la résolution, je pense qu'il faut s'en remettre au contenu de la résolution et la prendre dans son ensemble. Il y a un troisième paragraphe qui a son importance, c'est-à-dire que l'adoption du projet de loi soit suspendue jusqu'à ce que les règlements de zonage soient adoptés. Le vote contre le projet de loi avait aussi pour but de provoquer ce pourquoi nous sommes devant vous ce matin.

Mme Lavoie-Roux: Alors, en fait, on a voté contre le projet de loi no 4, mais...

M. Turgeon: Je préciserais cependant que l'attitude que je prends est une attitude personnelle. Je laisse les autres maires entièrement libres d'expliquer les raisons pour lesquelles ils ont voté contre. L'attitude que nous avons eue à Sainte-Pétronille, c'est que nous voulions rencontrer et faire aboutir les dossiers à quelque chose.

Mme Lavoie-Roux: Vous dites qu'au niveau de la préparation des projets d'aménagement des cinq municipalités qui se sont prévalues des subventions qui leur avaient été offertes, il n'y a pas eu de concertation. Est-ce que vous pouvez nous dire — vous ou les autres maires — s'il y a quand même des principes qui sont retenus et qui sont identiques pour toutes les municipalités ou si, au fond, on part d'options ou de choix très différents dans un projet de règlement d'aménagement. Parce que s'il y a quand même une certaine similarité ou certains principes selon lesquels on se rend compte, je pense que cela peut être prometteur; mais si vraiment les cinq — la sixième, on ne la connaît pas — partent de principes très différents et ont retenu des solutions très différentes, le problème prend des proportions beaucoup plus grandes?

M. Turgeon: Cela me fait penser à cette question, à savoir si on est contre la vertu. Je pense que tous les gens sont pour la vertu. Quant à l'interprétation de la vertu et ce en quoi elle consiste, cela peut être interprété de différentes façons. Je pense que tous les maires et les conseils municipaux sont peut-être d'accord pour sauvegarder l'île, mais dans quelles proportions et suivant quels problèmes qui existent dans chacune des municipalités? Il n'y a jamais eu de concertation. Nous sommes tous favorables à la sauvegarde et à un plan d'aménagement. C'est le principe général, mais quand on entre dans son application, je pense qu'il n'y a peut-être pas nécessairement de concertation et d'accord général quant à l'application de ces plans de zonage.

Mme Lavoie-Roux: Alors, est-ce que je suis juste en interprétant que, évidemment, tout le monde veut la protection du patrimoine, veut la conservation de l'île, mais il y a des différences assez fondamentales quant aux façons de réaliser ces objectifs entre les diverses municipalités? Est-ce assez juste comme interprétation?

M. Turgeon: Vous me parlez? J'aimerais que les autres maires aient l'occasion de s'exprimer.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'il y en a d'autres qui voudraient répondre?

Le Président (M. Jolivet): II y a M. Chabot. M. Vaugeois: C'est juste avant...

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas fini, j'ai 20 minutes; vous n'êtes pas habitué d'observer les règlements!

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres maires qui veulent s'exprimer, j'ai cru voir quelqu'un qui...

M. Chabot: Je pense qu'il y a beaucoup de différences entre chaque municipalité. On est peut-être divisé en deux ou trois groupes. Il y a certaines municipalités qui se rejoignent plus facilement, tandis que d'autres sont plus éloignées. Peut-être que les maires peuvent vous donner leur position là-dessus.

Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord, y en a-t-il d'autres qui veulent s'exprimer?

M. Bonsaint: M. le Président, M. le ministre, d'abord...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

M. Roland Bonsaint, maire de Saint-Jean

M. Bonsaint: Roland Bonsaint, maire de Saint-Jean, île d'Orléans.

Une voix: Voulez-vous rapprocher le micro, s'il vous plaît?

M. Bonsaint: Est-ce que vous m'entendez?

M. Vaugeois: On ne veut rien manquer de vos paroles, M. le maire.

Le Président (M. Jolivet): Ça va.

M. Bonsaint: Est-ce que vous m'entendez bien?

Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord.

M. Bonsaint: Tout d'abord, Saint-Jean, île d'Orléans, la paroisse que je représente, est une paroisse un peu différente des autres, parce que le tourisme a un oeil dessus, plus que sur les autres paroisses. Je ne voudrais pas blesser mes confrères, les autres maires. C'est parce que je veux vanter ma paroisse.

Mme Lavoie-Roux: II doit avoir la plus belle paroisse.

M. Bonsaint: Je ne voudrais pas fâcher les autres maires parce que je veux vanter la paroisse de Saint-Jean qui est plus belle que les autres. Mais c'est vrai qu'au niveau du tourisme, la paroisse de Saint-Jean est la plus visée, étant donné que c'est la paroisse qui a la plus belle vue sur le fleuve et le plus beau point de vue de l'île d'Orléans.

C'est la raison pour laquelle j'aurais des choses à proposer. Il n'y a pas beaucoup de construction dans le bas de la paroisse, sauf les maisons des cultivateurs. Je désirerais que les propriétaires cultivateurs, actuellement, gardent leur droit de vendre des terrains, du moins à leurs enfants. Mais pour donner une chance aux touristes de voir le beau point de vue que nous avons de Montmagny à Québec... Entre le village Saint-Jean et les limites de Saint-François, il y a une pointe qui avance, une des plus hautes de l'île d'Orléans, qui pourrait se prêter à une halte routière, un arrêt touristique, qui permettrait aux touristes de quitter la route pour pouvoir admirer les beautés du sud

de l'île d'Orléans et faciliterait la circulation routière. De l'île Reau, de l'île Madame, de Montmagny jusqu'à Beaumont, on en a une vue comme nulle part ailleurs.

C'est la raison pour laquelle je demanderais à M. le ministre si c'était possible d'aménager un arrêt touristique, une halte routière, — ce qui est la même chose — pour que le touriste puisse arrêter, se reposer et admirer les beautés qu'on a chez nous. Dans le moment, étant donné que le touriste ne peut pas arrêter nulle part, que l'île d'Orléans n'a qu'une route de ceinture qui va toujours rester une route à deux voies, parce que ce n'est pas une route qui va en Gaspésie ni sur la Côte-Nord, que c'est un chemin de ceinture de 25 milles qui retourne à Québec, il n'a pas de chance d'arrêter et de visiter les beautés qu'il y a chez nous. Tous les gens qui voyagent, les livreurs, les vendeurs crient aux touristes et veulent passer par-dessus. Je suis un des pires qui crie et essaie de les faire quitter la route. S'il y avait un arrêt touristique, les gens arrêteraient et admireraient les beautés de la nature chez nous. Ils repartiraient très contents et diraient: On va revenir à l'île d'Orléans.

C'est pour cette raison que je demande à M. le ministre s'il serait possible de faire un amendement au règlement qu'on a commencé à faire, dans l'intention de pouvoir construire quelques maisons, à partir du village, en descendant aux limites de Saint-François. Pour le haut du village ainsi que pour la paroisse, on n'a pas besoin de penser à en construire d'autres; c'est déjà construit à pleine capacité.

Pour ce qui est de la culture, du zonage agricole, je suis en faveur. J'ai déjà été cultivateur; je ne le suis plus depuis cinq ou six ans. J'ai vendu ma terre. Mais il y a 24 terres à Saint-Jean de l'île d'Orléans qui sont vendues à des gens de l'extérieur, à des classes de gens qui ont de l'argent, parce que les terres se vendent beaucoup plus cher à l'île d'Orléans. Il y en a qui gardent des chèvres, d'autres des chevaux de course, d'autres des chevaux de selle, d'autres louent les plus beaux morceaux qui sont cultivables, et le reste ne sert à rien. Bientôt, ce ne sera plus cultivable. Le boisé fait son apparition dans de la belle terre en culture. Je trouve cela déplorable, des terres comme à l'île d'Orléans; ce sont les plus belles terres en culture qu'il n'y a pas dans la province, près de la ville de Québec, qui sont abandonnées.

Pour ce qui est du zonage agricole, s'il était possible de faire quelque chose, étant donné que c'est si près de Québec, si près des marchés, pour ne pas que les terres de l'île d'Orléans soient abandonnées, comme cela l'est actuellement. (11 h 30)

Une autre question que je demanderais à M. le ministre, c'est que les terrains acquis il y a huit ou dix ans qui sont achetés, ou que des cultivateurs qui ont vendu leur terre comme moi mais qui ont gardé des terrains... C'est mon cas, j'ai vendu ma terre et j'ai gardé des terrains pour revendre; ils sont subdivisés, ils sont au rôle d'évaluation depuis huit ans. Il y en a de cinq ans, il y en a de deux ans. Il y a des terrains qui ont été payés $10 000, $12 000. J'aimerais que, avant que le règlement soit adopté et soit final, on ait le droit de vendre ces terrains avec le consentement du ministère de l'environnement, que le permis du ministère de l'environnement soit accordé pour qu'ils puissent être vendus selon les normes du ministère. Nous, nous n'accordons aucun permis, chez nous, dans la municipalité sans que le ministère de l'environnement ne donne son permis comme quoi la fosse septique, le champ d'épuration et le puits sont selon les normes du ministère. J'aimerais savoir le plus vite possible, vu qu'on est en retard un peu et que la saison est avancée et qu'il y a beaucoup de gens qui voudraient construire parce que la paroisse de Saint-Jean est en retard comparativement aux autres paroisses qui ont beaucoup construit depuis quelques années. Moi, je ne sais pour quelle raison, j'ai eu peur, j'étais trop à cheval sur les principes avec les règlements qui s'en venaient. On n'a presque pas construit. Il y a des années où il n'y a eu que deux constructions. Cela fait qu'il n'y a pas eu de construction à Saint-Jean depuis cinq ou six ans.

M. Vaugeois: C'est ce qui vous vaut le plus faible niveau de taxe à l'île d'Orléans. Votre prudence est louable et vous y trouvez votre intérêt actuellement.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais poser une question au maire de Sainte-Pétronille car je crois comprendre que votre municipalité est plus urbanisée que les autres. À ce moment-là, quand on examine le problème des autres municipalités, cela apporte peut-être une optique différente. Est-ce que vous pourriez me donner la proportion de terres agricoles à Sainte-Pétronille par rapport... Il n'y en a pas du tout apparemment.

M. Vaugeois: II y en a une.

M. Turgeon: Non, non, il y a quelques terres agricoles. Il y en a cinq. J'ai un territoire d'un mille carré. Effectivement, en plus des cinq terres agricoles, il y a un terrain de golf. Je pense que...

Mme Lavoie-Roux: En admettant que ce serait une chose à envisager, avez-vous encore de la place pour du développement à Sainte-Pétronille?

M. Turgeon: Écoutez, Mme Lavoie-Roux, quand on parle de développement tout dépend dans quelle proportion. Il faudrait peut-être parler des chiffres. Il y a quand même des secteurs qui, actuellement, sont existants. Il en est prévu dans notre règlement d'aménagement, mais il n'y en a pas, quand même, une quantité effarante.

Mme Lavoie-Roux: Le problème, dans ce sens, est assez différent de celui des autres municipalités.

M. Turgeon: D'ailleurs, dans mon exposé je

vous précisais que la composition sociologique de la population chez nous est très différente de celle de Saint-François puisque la majorité des gens qui demeurent chez nous travaillent en ville, ce sont des gens qui viennent de l'extérieur et qui se sont installés à l'île d'Orléans. Sur 798 personnes qui ont droit de vote, 255 sont originaires de l'île comme telle et le solde est de l'extérieur. Or la proportion est quand même assez importante. Cela représente 525, 535 sur...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que le ministère des Affaires culturelles vous a donné une idée sur la grandeur des lots dont vous pourriez disposer?

M. Turgeon: Non, il n'y a pas eu d'étude, effectivement, pour examiner le pourcentage de territoire sur lequel on pourrait avoir une vocation résidentielle, on n'a pas eu de pourcentage en ce sens.

Mme Lavoie-Roux: De même dans les autres municipalités il n'y a rien eu de la part du ministère à cet effet. Dans le fond, ce que dit M. Deblois, et vous me corrigerez, M. Deblois, c'est qu'on travaille un peu à l'aveuglette. Finalement, on a déjà renvoyé un plan de réaménagement. Le ministère n'y a pas réagi et s'il y réagit, comme c'est nous qui avons la décision finale, c'est nous qui serons tenus responsables des règlements qui seront adoptés alors que, dans le fond, vous voudriez que ce soit le ministère qui se mouille davantage, qui prenne davantage ses responsabilités. Est-ce que je vous interprète bien? (11 h 30)

M. Deblois: Mme Lavoie-Roux, comme je l'ai dit tout à l'heure, j'aime bien travailler pour la préservation de l'île d'Orléans, mais j'aimerais aussi savoir pourquoi on travaille et où on s'en va avec cela. Il reste que les propositions sont faites. Je pense qu'on a fait le premier pas et on attend toujours. Comme Alain Turgeon le disait tout à l'heure, nous attendons depuis neuf mois — la grossesse devrait être terminée — que cela aboutisse. Nous n'avons aucune contre-proposition, aucune ligne de conduite. Alors, nous faisons notre travail au meilleur de notre connaissance, mais ce n'est pas certain que nous allions rejoindre les optiques du ministère.

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, puis-je vous poser une question? Il y a quand même eu des montants d'argent qui ont été consacrés, à l'intérieur du ministère, pour penser à un plan de réaménagement de l'île d'Orléans? Est-ce que je me trompe en disant cela?

M. Vaugeois: Comme on l'explique, par le biais du ministère des Affaires municipales...

Mme Lavoie-Roux: Mais à l'intérieur du ministère même, il n'y a pas eu d'études de faites là-dessus?

M. Vaugeois: Oui, il y a eu des études de faites, c'est sûr, mais cela ne débouche sur aucun plan d'aménagement. Cela reste des hypothèses.

Mme Lavoie-Roux: Ces hypothèses ont-elles été examinées, à un moment donné, avec les municipalités concernées?

M. Vaugeois: Non, parce que, au départ, il y a une espèce de hiatus irréconciliable. Généralement, ces plans sont cogités, réfléchis, au niveau de la Commission des biens culturels qui, soit dit en passant, a pris une attitude assez rigoureuse. Vous pouvez le constater dans le rapport qu'elle a fait. Pour elle, à chaque demande de permis, c'est: Non, en l'absence d'un plan qui aurait de l'allure. Évidemment, c'est l'esprit de la commission et je ne la blâme pas. Elle a des réserves majeures sur tout ce qu'on peut appeler développement urbain.

Actuellement, les études du ministère ont plutôt été tournées vers une protection de l'île, alors que les maires de l'île ont subi la même pression que tous les maires des municipalités environnantes, c'est-à-dire l'exode de l'urbain et la spéculation foncière. Depuis deux mois et demi que je suis là, j'ai fait une exception majeure pour toutes les demandes de permis qui m'arrivaient pour des fils qui voulaient s'établir à côté de leur père. Je suis conscient d'une chose. J'ai libéré beaucoup de permis comme cela, mais je ne suis pas dupe. Je sais très bien qu'un spéculateur un peu astucieux peut faire demander le permis par le fils, il fait construire par le fils, et quand c'est fini, c'est à vendre. Il y a toutes sortes de façons de contourner un règlement. Si on devait dire que quand c'est demandé par un fils d'une famille qui est là depuis quatorze générations, c'est dans le sac, ce serait trop simple.

Tout cela pour vous dire que, actuellement, parmi toutes les études faites sur l'île — parce qu'il y en a eu, il y en a qui guident nos fonctionnaires dans les demandes non seulement de permis de construction, mais de réparation. Tout cela n'a pas débouché sur un plan d'aménagement. Il existe deux positions un peu inconciliables, c'était — parce que cela évolue actuellement à l'île — il n'y a pas longtemps encore, essentiellement on nous demandait de faire comme ailleurs dans les banlieues de Québec. Alors que, pour la commission, il s'agissait surtout de protéger la valeur patrimoniale de l'île. C'est donc à peu près irréconciliable.

Actuellement, le ministère s'est fait à I'idée — je ne parle plus de la commission — qu'il pourrait y avoir du développement urbain, mais à partir de plans. C'est de là qu'est venu le financement du ministère des Affaires municipales pour permettre à chaque municipalité de faire des propositions de plans de développement.

Je dois vous dire franchement que, quand c'est arrivé la première fois, des gens ont eu peur parce qu'on tombait à plein dans le développement pour le développement. Au ministère, évidemment, on en voit les conséquences, à la fois pour la valeur patrimoniale de l'île et en même temps pour les résidents de l'île, parce que nous

savons ce qui se passe ailleurs. Je considère que mon rôle, actuellement, est de sensibiliser autant que possible les gens de l'île, et en cela, aider les maires de l'île dans leur travail, parce que je découvre, actuellement, que plusieurs maires de l'île sont aussi sensibles au patrimoine que nous le sommes — c'est normal, ils vivent à l'île... Hier soir, dans une manifestation qui a eu lieu à l'île, les gens me disaient: Les gens de Montréal et d'un peu partout dans la province voudraient se garder un petit espace vert pour leurs fins de semaine, mais cela nous empêcherait de nous développer et de vivre normalement. Cela fait un peu image, mais ce n'est pas exactement celle qu'il faut donner. Nous sommes d'accord pour que les gens de l'île puissent prendre un certain nombre de décisions qui les concernent au premier chef, mais il y a quand même une certaine information qui doit circuler de mieux en mieux. Je crois comprendre, dans les attitudes qui m'ont été exprimées par les maires de l'île, à l'occasion de conservations, surtout hier, que c'est assez partagé, actuellement. Il y a une bonne moitié des maires qui veut un développement minimal et le respect de la qualité de la vie et du bien patrimonial que constitue leur municipalité. L'autre moitié est plus hésitante à enfourcher ce cheval, soit parce que, comme le dit le maire de Saint-Jean, elle a l'impression d'avoir marqué du retard par rapport aux autres, quant au développement. C'est une chose à apprécier ensemble.

Pendant que j'ai la parole, j'en profite pour dire que l'intervention que vient de faire le maire de Saint-Jean me paraît excellente, en ce sens que non seulement il nous demande de pouvoir faire un peu de développement domiciliaire, mais il prévoit une façon de mettre en valeur son village, sa municipalité. C'est ça qu'on veut. Quand on demande des plans et des projets, ce n'est pas simplement pour prévoir le maximum d'habitations; il s'agit surtout de suggérer une façon à mettre en valeur chacune des localités de l'île d'Orléans.

À cet égard, ce qu'a dit le maire Bonsaint tout à l'heure, c'est excellent, à mon avis. Il a suggéré, de façon concrète, un moyen de mettre en valeur sa municipalité. C'est ça qu'on souhaite trouver dans les plans qui nous sont soumis, pas seulement en termes de restrictions, de règlements de zonage ou de choses comme ça, mais des façons de mettre en valeur chacune des municipalités de l'île.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que le ministre me permettrait une autre question? Dans votre esprit ou dans l'esprit du ministère, est-ce que vous prévoyez, par exemple, en fonction des lotissements, des normes semblables dans les six municipalités?

M. Vaugeois: Cela pourra varier. Mme Lavoie-Roux: Cela pourrait varier. M. Vaugeois: Oui.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Vaugeois: C'est évident que ça ne peut pas être la même chose dans Sainte-Pétronille...

Mme Lavoie-Roux: Oui, elle n'a plus de place, elle, mais je pense aux autres municipalités.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Seulement une question, M. le Président...

M. Bonsaint: J'aurais encore une question à poser à M. le ministre, si vous me permettez.

M. Fontaine: Allez-y.

M. Bonsaint: C'est parce que ce soir ont lieu les assemblées régulières dans chacune des paroisses de l'île et il y a beaucoup de demandes de permis, rénovation, peinture, réparation, ainsi de suite et même construction. J'ai un terrain acquis, subdivisé depuis neuf ans, je trouve à le vendre, on doit passer le contrat demain — c'est un conseil que je vous demande — il a 15 000 pieds. Qu'est-ce que vous me conseillez de faire? Est-ce que vous me permettez de le vendre, que le gars se construise, c'est mon voisin, il a un fils, disons qu'il n'est plus cultivateur, mais son fils veut rester près de son père et il n'a pas un terrain. Il voudrait acheter un terrain chez nous pour rester près de son père à l'île. Un deuxième cas: c'est le garçon qui demande un emplacement pour loger le père, quand il sera plus vieux; un autre a vendu ses terrains au bord de la mer, qui ont 40 000 pieds au moins à un gars de la ville qui veut s'en venir rester là. C'est une question délicate un peu que je vous pose, mais...

M. Vaugeois: M. le maire, cela nous conduirait à un dialogue, parce que j'aurais besoin de savoir si ce terrain est situé dans une zone où vous prévoyez du développement ou des possibilités de construction. Voyez-vous, si c'est en dehors d'une zone à construire, selon votre propre plan, la réponse, vous la donnez vous-même, c'est non. Parce que, ce que vous nous proposez, c'est au moins ce avec quoi vous êtes d'accord.

Écoutez, M. le maire, un point très important que je tiens à vous dire à cet égard aussi, c'est que le projet de loi que nous avons entre les mains a un effet rétroactif au moment de son dépôt. Cela vaut sur des questions de lotissement, par exemple, ou de subdivision. Je pense qu'il faut être prudent, il faut être honnête à cet égard. Il y a un effet rétroactif au dépôt de la loi, c'était inévitable, c'était nécessaire, autrement, on aurait vécu une période complètement affolante entre le dépôt et l'adoption de la loi.

Autre chose aussi, c'est que devant des transactions qui auraient été faites voilà quelques années, et qui n'entreraient pas dans les plans qu'on va étudier ensemble et qu'on va accepter

ensemble, je pense vraiment que la seule position que pourrait tenir le gouvernement devant des espèces de droits acquis, ce serait éventuellement de se porter acquéreur d'un espace où il y aurait des droits acquis pour lesquels nous ne pourrions pas, d'un consentement mutuel, faire d'octroi de permis, vous, en notre nom, puisque appliquant le règlement qu'on aurait autorisé.

M. Bonsaint: Cela veut dire que les terrains, comme les miens ou d'autres, à qui est-ce qu'on n'a pas le droit de les vendre?

M. Vaugeois: Je ne voudrais pas répondre de façon générale à votre question, je pense qu'il faudrait l'examiner. Tout à l'heure, quand on aura fini, on pourra en reparler si vous voulez.

M. Bonsaint: C'est parce que c'est dans une zone chez nous où il n'y a aucune vue sur le fleuve. C'est boisé...

M. Vaugeois: Est-ce que c'est dans la zone où vous prévoyez construire?

M. Bonsaint: Oui. Il n'y a aucune visibilité, c'est du bois, on ne voit rien vers le fleuve. On voit le mont Sainte-Anne, mais il est assez haut qu'on peut le voir par-dessus les maisons.

M. Vaugeois: Voyez-vous, le ministère a été très réticent à donner des permis, il ne faudrait quand même pas qu'il commence à les donner à la volée comme ça.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Après avoir entendu trois maires de l'île, il me semble qu'il y a un certain consensus pour dire que chacun a soumis un règlement pour approbation et que, de la part du ministère, il ne semble pas y avoir eu d'étude faite sur ces règlements soumis par les municipalités ou du moins, ils n'ont pas eu de réponse. (11 h 45)

Face à la loi qu'on nous propose, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, premièrement, du point de vue pratique, d'étudier ces règlements qui ont été soumis, parce qu'il me semble que les demandes de chaque municipalité semblent assez réalistes, du moins jusqu'à maintenant? S'il y avait possibilité pour le ministère d'étudier ces règlements et de leur dire qu'ils seront acceptés ou refusés avant l'adoption de la loi, cela réglerait peut-être le problème qu'ils nous ont soulevé face à l'article 49.

M. Vaugeois: Mme le député de L'Acadie envisageait ce matin qu'on puisse faire le tour de l'île d'Orléans.

Mme Lavoie-Roux: C'est une suggestion... M. Vaugeois: Eventuellement, nous pourrions non seulement faire le tour de l'île d'Orléans, mais avec comme...

M. Richard: Vous seriez les bienvenus dans Montmorency.

M. Vaugeois: ... cicérone notre député bien-aimé de Montmorency. Nous poumons également, M. le député, jeter un coup d'oeil sur les cinq propositions que nous avons actuellement. Je pense que cela vous éclairerait aussi. Ce que je retiens jusqu'à maintenant, c'est que les commentaires de l'Opposition ont été sur la timidité du projet de loi no 4.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Montmorency.

M. Richard: Alors, M. le Président...

Mme Lavoie-Roux:... la timidité du ministre.

M. Vaugeois: Ou ministre?

M. Richard: M. le Président, je note avec satisfaction que beaucoup de députés, beaucoup de monde s'intéresse, dans une atmosphère de bon aloi, à la circonscription de Montmorency. Je voudrais poser à chacun des maires et à M. Gosselin, qui représente la municipalité de Saint-François, quatre questions qui peuvent apparaître simplistes, mais qui, je pense, peuvent guider la commission parlementaire dans ses travaux. Je vais m'adresser à M. le maire de Sainte-Pétronille, M. Turgeon, et lui poser la première question à savoir si à Sainte-Pétronille on est d'accord pour continuer la confection d'un plan d'aménagement et adopter des dispositions réglementaires en conséquence?

M. Turgeon (Alain): On est plus que d'accord. Nous supplions.

M. Richard: Très bien. Est-ce que vous êtes d'accord, M. le maire, pour négocier avec le ministère des Affaires culturelles ce plan d'aménagement qui serait préparé par vos soins ou si vous pensez que le ministère des Affaires culturelles n'a pas à intervenir d'aucune manière?

M. Turgeon: Non, le ministère doit intervenir. Négocier est un terme très large, mais nous avons hâte d'avoir les contre-propositions et d'être en mesure d'en discuter.

M. Richard: Est-ce que je dois en déduire, M. le maire, qu'il appartient au ministère des Affaires culturelles de fixer — étant donné l'absence de concertation au niveau de toute l'île — des balises, compte tenu des responsabilités gouvernementales? Je pense aux responsabilités gouvernementales en matière de système routier, de voie d'accès à l'île d'Orléans, de pénurie d'eau, etc. Est-ce que vous admettez que le ministère des Affaires culturelles puisse fixer ce que j'appelle des balises?

M. Turgeon: C'est inévitable. D'ailleurs, le député de Taschereau a fait une intervention qui est tout à fait à point. Si effectivement le gouvernement a une Loi sur les biens culturels à administrer, il est normal que le ministre dise son mot. Je pense que les maires vont tous penser de la même façon, mais ce que nous voulons, ce que nous souhaitons, c'est que ceci se fasse dans les plus brefs délais et qu'on mette à la disposition des conseils municipaux, tant par la réglementation qu'ils veulent adopter que par un inspecteur en bâtiment, un consultant sur l'architecture... Que ces dispositions soient prises dans les plus brefs délais.

M. Richard: Très bien. Est-ce que — et là je connais votre réponse d'avance — vous souhaitez que le double permis soit aboli?

M. Turgeon: Est-ce qu'il est possible... Est-ce que des siamois peuvent vivre?

M. Richard: M. Chabot, comme maire de Saint-Laurent, maintenant, je voudrais formuler les mêmes questions. Êtes-vous d'accord pour compléter votre plan d'aménagement et le négocier avec le ministère des Affaires culturelles?

M. Chabot (Gatien): Je dois dire que je suis d'accord et même je peux dire que je suis allé un peu plus loin. On a recommencé à travailler depuis le mois de mars sur le plan d'aménagement, considérant les changements qu'il y a eu au niveau du Conseil municipal en novembre, comme je m'étais présenté aux élections sous la bannière de la conservation, nécessairement, on a réétudié le plan d'aménagement pour essayer de le mettre le plus respectif possible et d'allier toutes les positions de tous les citoyens dans la municipalité. On s'apprête à le déposer, probablement, avant le 1er juillet.

M. Richard: Merci. Est-ce que vous êtes d'accord pour admettre le principe que le ministère des Affaires culturelles puisse, le cas échéant, fixer des balises et, donc, parfois vous interdire certaines formes de développement, dans le cadre d'un plan d'ensemble de l'île d'Orléans, puisque, si je comprends bien, M. Chabot, ce ne sont pas les mêmes firmes qui travaillent sur vos plans d'aménagement et également, il n'y a pas de concertation, à proprement parler, entre les différentes municipalités. Admettez-vous le principe que le ministère des Affaires culturelles puisse, le cas échéant, fixer des balises?

M. Chabot: J'admets le principe, en autant que le ministère établira ses grandes lignes directrices, peut-être par le biais d'un règlement d'appui à la loi.

M. Richard: Vous souhaitez, je suppose, comme tout le monde, l'abolition du double permis.

M. Chabot: Oui.

M. Richard: Merci, M. Chabot. M. Deblois, je vous pose les mêmes questions: Êtes-vous d'accord pour continuer la confection de votre plan d'aménagement?

M. Deblois: Certainement, le plus vite possible.

M. Richard: Admettez-vous le principe que le ministère des Affaires culturelles puisse fixer des balises?

M. Deblois: Disons que là, vous me demandez de faire un acte de foi. Je pense qu'on n'a peut-être pas le choix; on va se fier à ce que vous nous dites, mais disons que j'ai encore des contraintes.

M. Richard: Vous souhaitez, vous aussi, l'abolition du double permis?

M. Deblois: Certainement.

M. Richard: Merci, M. Deblois. M. Bonsaint, je vais vous formuler les mêmes questions: Êtes-vous d'accord pour compléter votre plan d'aménagement à la condition, bien sûr, que le solde de la subvention qui vous revient vous soit — je connais vos préoccupations financières — remis?

M. Bonsaint: Je suis d'accord et même, j'ai très hâte.

M. Richard: Êtes-vous d'accord pour négocier un tel plan d'aménagement avec le ministère des Affaires culturelles?

M. Bonsaint: Oui.

M. Richard: Admettez-vous que, dans certains cas, le ministère des Affaires culturelles puisse fixer des balises?

M. Bonsaint: J'aimerais avoir un peu plus de renseignements là-dessus. Qu'est-ce que cela comprend, fixer des balises pour des blocs à appartements, je suppose?

M. Richard: Admettons cela.

M. Bonsaint: Ou des rues en dehors de l'avenue Royale?

M. Richard: Oui, ou...

M. Bonsaint: Je ne suis pas d'accord avec cela. Je suis d'accord avec le ministère des Affaires culturelles, pas de rues en dehors de l'avenue Royale, pas de blocs à appartements. La loi en question, on n'est pas entièrement contre. On est d'accord sur beaucoup de points.

M. Richard: Pas d'usines polluantes.

M. Bonsaint: Non, on n'est pas d'accord avec cela, non plus.

M. Richard: J'aurais une question à vous poser, M. Bonsaint. Est-ce que vous admettez que, si on construisait des maisons côte à côte, tout autour de l'avenue Royale, à l'île d'Orléans, cela poserait un sérieux problème de circulation, tant au niveau des voies d'accès, c'est-à-dire du pont de l'île, qu'au niveau même de l'avenue Royale?

M. Bonsaint: Non, je ne suis pas d'accord pour construire des maisons à tous les 100 ou 150 pieds pour la raison que je vous ai déjà dite: Si cela en vient là, les gens qui vont travailler en ville, le matin, vont sortir de leur entrée au bout d'une heure ou d'une heure et demie, il va continuellement passer des voitures.

M. Richard: Très bien, M. Bonsaint, c'est le genre de balises auxquelles je songe.

M. Bonsaint: J'aimerais laisser des cultivateurs, que leurs enfants... par exemple, une fille se marie à un gars de la ville et la femme a toujours tendance à conduire, un peu, et elle ramène son mari résider à l'île.

M. Richard: Vous souhaitez, vous aussi, M. Bonsaint, l'abolition du double permis?

M. Bonsaint: Je ne comprends pas ce que cela veut dire. Voulez-vous m'expliquer qu'est-ce qu'un double permis?

M. Richard: Vous savez que dans l'état actuel des choses, un citoyen qui veut ériger une construction quelconque à l'île d'Orléans doit obtenir un permis de la municipalité et il doit, également, obtenir un permis du ministère des Affaires culturelles. Ce qu'on vous propose, si je comprends bien, c'est d'abolir le double permis, c'est-à-dire le permis du ministère des Affaires culturelles. Seules les municipalités seraient habilitées, dans le cadre d'un règlement d'aménagement, à émettre un permis. Alors vos citoyens n'auraient plus à venir frapper à la porte du ministère des Affaires culturelles pour se voir refuser un permis qui aurait déjà été accepté par les municipalités.

M. Bonsaint: Quand notre règlement sera approuvé, avec le consentement de notre municipalité et le ministère des Affaires culturelles — disons les fonctionnaires — par la suite, j'aimerais qu'on émette les permis nous-mêmes, selon les exigences du règlement qu'on aura préparé.

M. Richard: Merci...

M. Bonsaint: Mais actuellement, pour le moment, ce soir, on va remplir des permis, mais on va en envoyer une copie au ministère des Affaires culturelles. Le règlement n'est pas complet, il faut suivre la loi.

M. Richard: Merci, M. Bonsaint. Maintenant, M. Gosselin, permettez-moi de sauter par-dessus vous l'espace d'un moment et de vous garder pour le dessert. Je voudrais adresser maintenant mes questions à M. Ferland, de Saint-Pierre. M. Ferland, est-ce que vous êtes d'accord pour compléter votre plan d'aménagement à Saint-Pierre?

M. Vaugeois: Prenez un micro, s'il vous plaît. On veut vous enregistrer pour la postérité, M. Ferland.

M. Ferland (André): Oui, on est d'accord pour compléter le plan d'aménagement.

M. Richard: Et vous êtes d'accord, M. Ferland, pour négocier ce plan avec le ministère des Affaires culturelles?

M. Ferland: On est prêt à négocier.

M. Richard: Et vous admettez, comme je le disais tout à l'heure à M. Bonsaint, que, le cas échéant, le ministère des Affaires culturelles puisse imposer certaines restrictions dans le cadre d'un plan d'ensemble de l'île d'Orléans?

M. Ferland: Vous parliez des balises tantôt... M. Richard: Oui.

M. Ferland: ... mais on aimerait être là pour les placer avec vous.

M. Richard: C'est ce que je vous disais précédemment, et je suis d'accord avec cela.

M. Ferland: On ne voudrait pas que vous les placiez tout seul.

M. Richard: On ne les placera pas tout seul, M. Ferland. Mais si on les place avec vous, les balises, vous allez être d'accord?

M. Ferland: Oui, c'est sûr qu'on va en venir à une entente.

M. Richard: Êtes-vous d'accord pour l'abolition du double permis?

M. Ferland: Cela fait longtemps que cela aurait dû être fait.

M. Richard: Alors, je vous remercie, M. Ferland, et je note avec satisfaction et joie que ce qui s'apprêtait à être un gâchis, notamment à Saint-Pierre de l'île d'Orléans, mais vous n'étiez pas là à ce moment-là et vous ne devez pas assumer cette responsabilité... Il y aura peut-être moyen, en tout cas, d'empêcher que les dégâts deviennent irrémédiables.

Maintenant, M. Gosselin, je sais que votre municipalité a refusé de participer au programme des plans d'aménagement. Je voudrais savoir aujourd'hui si la municipalité de Saint-François serait disposée à entreprendre, non pas à continuer parce qu'elle n'a pas encore entrepris, mais à entreprendre l'étude de la confection d'un plan d'aménagement de son territoire, elle qui est favorisée entre toutes parce que c'est encore

absolument intact en ce qui concerne Saint-François, ou à peu près intact. C'est comme c'était au XVIe siècle.

M. Gosselin (Roland): Voici, M. le député. Je viendrais en contradiction avec l'exposé que j'ai préparé ici si je disais oui.

M. le maire Emmanuel Labbé a été contre ça et je pense que ses idées, je suis convaincu que ses idées sont encore les mêmes. Saint-François... Comme on l'a si bien dit tout à l'heure, c'est six municipalités différentes, tout en étant sur la même île, évidemment.

À Saint-François, on est à 95%, si on ne peut pas dire plus, agricole. On est à peu près la seule paroisse où les terres agricoles sont dans le village, tous les chalets sont sur le bord du fleuve. On ne voit pas l'utilité d'un plan d'aménagement, nous, si on parle de zonage, ou d'industries, ou de maisons familiales, ou de ci ou ça.

En tant que construction, nous, on a à peu près deux maisons par année. Cela va prendre 300 ans pour en avoir 600. Alors, on va fêter notre tricentaire l'an prochain. La prochaine fois, ils auront plus de maisons probablement, mais pas beaucoup plus.

Maintenant, on est encore contre ça. C'est la réponse que je peux vous faire des autorités municipales, étant donné qu'on ne semble pas avoir un besoin de ça à Saint-François.

M. Richard: Et si je comprends bien, M. Gosselin, vous ne souhaitez pas avoir aucun règlement empêchant tout développement à Saint-François, île d'Orléans?

M. Gosselin (Roland): II y a une différence qu'il faut faire, parce que les autorités municipales sont contre les gratte-ciel. D'ailleurs, on le prouve dans le moment, alors que la fabrique, si on peut la nommer ainsi, veut vendre des terrains, et M. le maire Labbé ainsi que son conseil travaillent avec acharnement pour empêcher que des gens viennent bâtir là toutes sortes de choses. D'ailleurs, vous, M. le député, vous êtes parfaitement d'accord avec nous à ce sujet sur cet emplacement, qu'on veut conserver à l'île d'Orléans les espaces verts, si on peut les appeler comme ça.

M. Richard: Mais, M. Gosselin, si vous n'avez pas de...

M. Gosselin (Roland): On peut faire quelque chose, mais tout en se tenant dans les strictes limites de ça.

M. Richard: Mais si vous n'avez aucun règlement, M. Gosselin, admettez-vous que vous serez incapable, éventuellement et à brève échéance, de conserver la vocation agricole de Saint-François, Île d'Orléans? Je sais quel intérêt porte votre maire aux cultivateurs de l'endroit. (12 heures)

M. Gosselin (Roland): On voudrait que la municipalité ait le droit et l'autorité de faire son propre règlement en ce qui concerne cette affaire.

M. Richard: Êtes-vous disposé à entreprendre et à faire un règlement?

M. Gosselin (Roland): Oui. On a commencé à le préparer, M. le député.

M. Richard: Êtes-vous disposé à accepter une subvention du ministère des Affaires municipales pour compléter ce règlement que vous êtes sur le point d'amorcer?

M. Gosselin (Roland): Jusqu'à maintenant, on l'a refusée. Je pense que M. le maire est de mon avis. Vous parlez de la subvention de $10 000 qui a déjà été offerte?

M. Richard: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ... la corde au cou.

M. Richard: Si je comprends bien votre raisonnement, M. Gosselin, vous êtes d'avis que le ministère des Affaires culturelles ne peut jamais fixer la moindre balise à l'île d'Orléans.

M. Gosselin (Roland): II peut suggérer aux autorités municipales.

M. Richard: Et supposons, M. Gosselin, que Sainte-Pétronille décide de s'urbaniser au maximum, que Saint-Laurent, Île d'Orléans, décide de s'urbaniser au maximum, que Sainte-Famille décide de s'urbaniser et que le gouvernement soit obligé de construire une autoroute sur l'île d'Orléans et de construire une jetée comme voie d'accès à l'île d'Orléans. Est-ce que vous ne pensez pas que dans un tel cas, il serait irresponsable de la part d'un gouvernement qui mérite de porter ce nom de ne pas intervenir?

M. Gosselin (Roland): Je réponds à votre question dans mon exposé, à savoir que nous prétendons que dans dix ans, si les choses vont comme elles vont dans le moment, on sera une banlieue de Québec. Il faut arrêter cela. Je donne les raisons, de même que ce qu'il faut faire pour cela.

M. Richard: Vous êtes d'accord pour dire qu'il faut empêcher que l'île d'Orléans devienne une banlieue de Québec, que cela devienne un Beau-port?

M. Gosselin (Roland): Nous sommes parfaitement d'accord. Mais je crois que chaque municipalité devrait avoir le droit de réglementer ses propres règlements pour empêcher telle et telle chose.

M. Richard: Et si une municipalité permet — pour utiliser une de vos expressions — la construction d'un gratte-ciel, est-ce que le gouvernement ne devrait pas intervenir?

M. Gosselin (Roland): II devrait intervenir si elle le fait malgré tout. Dans ces choses-là.

M. Richard: Vous admettez que le gouvernement peut fixer des balises dans certains cas, les cas les plus sérieux, les plus graves?

M. Gosselin (Roland): Dans les cas graves, oui; des édifices, par exemple.

M. Richard: Est-ce que vous souhaitez l'abolition du double permis?

M. Gosselin (Roland): Oui, monsieur. Je voulais vous poser la question, mais tout à l'heure, vous avez répondu...

M. Richard: Juste avant que vous puissiez faire votre exposé, M. Gosselin, je me permettrais de poser une question au ministre. Je remercie les maires d'avoir répondu aux questions.

M. Vaugeois: Aimeriez-vous que j'aille m'asseoir là-bas, M. le député?

Mme Lavoie-Roux: Un interrogatoire.

M. Richard: M. le ministre des Affaires culturelles, maintenant, j'ai une question à vous poser. Dans quels délais êtes-vous disposé à entreprendre et à terminer les négociations sur les plans d'aménagement?

M. Vaugeois: Si nous approuvons cette loi un vendredi, j'aimerais qu'on puisse attendre au lundi suivant. Mais si c'est un lundi, je suis prêt à commencer le mardi.

M. Richard: M. le ministre, je voudrais une réponse un peu plus précise.

M. Vaugeois: Le lendemain matin du dépôt de...

M. Richard: Pour entreprendre les négociations, cela me satisfait beaucoup. Mais je voudrais une date d'échéance pour l'adoption de toute cette réglementation et pour la fixation, le cas échéant, parce que tout le monde est d'accord, des balises dont j'ai parlé.

M. Vaugeois: C'est la première fois que je me trouve dans une telle situation et je ne peux pas évaluer les délais qu'il nous faudra. Je pense qu'il va falloir discuter séparément avec chacune des six municipalités. On ne pourra pas en faire deux en même temps. On va les faire l'une après l'autre. Il y aura une étape d'assemblée publique dans chaque cas — je pense qu'on va aller jusque là — pour l'information des citoyens. Cela va prendre quelques semaines. Si on y travaille sans relâche, je prévois que ce sera une période de deux mois et on devrait pouvoir s'entendre avec la majorité des municipalités, y compris avec l'étape de l'assemblée publique.

J'ai un problème à cet égard, et je vous le dis. La Commission des biens culturels, par le projet de loi, est modifiée, est étoffée. Je suis embêté et je ne sais pas si mes juristes pourraient me ren- seigner là-dessus. Nous ne pourrons pas réformer la Commission des biens culturels dans une semaine. Il va nous falloir à peu près deux mois pour réformer la Commission des biens culturels. Est-ce que je pourrai, en attendant la CBC nouveau style, prendre l'avis de la CBC actuelle, pour approuver éventuellement les plans proposés par les maires de l'île.

Dans la mesure où nous pourrons recourir à la CBC, telle qu'elle existe actuellement, je prévois que dans deux mois nous devrions avoir franchi l'étape de l'approbation de la majorité des plans, évidemment, dans la mesure où les plans sont prêts aussi. Je veux bien travailler tout cela à l'intérieur de deux mois, mais là où les plans ne sont pas prêts ou là où les plans sont en cours de révision... Mais le maire Chabot me dit que vers le 1er juillet, il viendra me proposer ses nouveaux plans, alors je prendrai juillet et août et, en août, normalement on devrait bien avoir terminé.

M. Richard: Très bien, M. le ministre, je vous remercie de votre réponse, je pense qu'elle est très satisfaisante.

Je voudrais conclure en vous disant que j'ai constaté, non sans un certain désarroi, depuis que je représente la circonscription de Montmorency, que votre ministère des Affaires culturelles n'a pas la faveur populaire à l'île d'Orléans. Je ne vous en impute pas la responsabilité ni à qui que ce soit, cela date de 1935, alors que la première loi a été adoptée en ce qui concerne l'île d'Orléans — elle s'appelait justement Loi concernant l'île d'Orléans et elle impliquait un conseil du tourisme dont les curés faisaient partie. On voit le changement survenu depuis ce temps. Mais je voudrais exprimer une opinion, M. le ministre, mieux vaut un tu le tiens que deux tu l'auras. Je pense qu'il nous sera impossible de protéger l'île d'Orléans malgré ses citoyens; il faut donc les mettre dans le coup par leur représentant dûment élu et je souhaite ardemment que les plans soient poursuivis et terminés le plus rapidement possible et que les négociations soient amorcées. Je vous rappelle que, de part et d'autre, il faudra sans doute mettre de l'eau dans son vin, mais je pense, encore une fois, que mieux vaut un tu le tiens que deux tu l'auras; tout était en train de nous échapper à l'île d'Orléans. Si on n'agit pas de façon très expéditi-ve, de façon vigilante, il faudra se rendre à l'évidence et permettre l'urbanisation de l'Île d'Orléans. Merci.

M. Vaugeois: M. le Président, j'aimerais, si vous m'en donnez la permission...

Le Président: Allez!

M. Vaugeois: ... remercier vivement le député de Montmorency, d'abord d'avoir quitté sa situation, son statut de président, pour condescendre à siéger à une commission parlementaire. Il l'a fait avec beaucoup de brio — nous avions été bien préparés hier soir — beaucoup de clarté, et je pense que l'échange que vous venez d'avoir, M. le député, avec les représentants de l'île, vont

m'éclairer énormément dans les démarches des prochaines semaines et aussi jettent passablement de lumière sur la signification réelle que prenait la résolution adoptée par le conseil de comté. Je pense que cette position a été éclairée de façon intéressante et rejoint — je crois ne pas faire de mauvaise interprétation — essentiellement ce qu'avait dit le maire de Sainte-Pétronille.

M. le Président, je vous ferai remarquer que M. Gosselin, qui représente la municipalité de Saint-François, a fait allusion, à plusieurs reprises, à des notes qu'il avait préparées, je pense qu'il y aurait lieu de lui donner l'occasion d'exprimer son point de vue.

Le Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole au député de D'Arcy McGee, qui a des questions à poser, il y a M. Turgeon, qui avait un petit mot à ajouter à ce qui venait d'être dit.

M. Turgeon: Est-ce que vous me donnez le droit de parole, M. le Président?

J'ai peut-être trois questions; si je m'en suis fait poser quatre par le député de Montmorency, j'en aurais peut-être trois ou quatre à poser au ministre, mais peut-être après les exposés de mes collègues qui ont encore des choses à dire.

Le Président (M. Jolivet): II y a M. le député de D'Arcy McGee qui veut poser des questions.

M. Goldbloom: M. le Président, tout à l'heure, le député de Montmorency a dit quelque chose qui m'inquiète un peu.

Je suis tout à fait d'accord avec lui sur la nécessité, pour une société comme la nôtre, de fonctionner sur une base démocratique, mais, depuis de nombreuses années, chaque fois que l'une ou l'autre des commissions parlementaires reçoit comme interlocutrice une ou des municipalités, nous avons une tendance instinctive à dire: Nous devons respecter l'autonomie de la municipalité, sauf que, depuis moins longtemps, nous intervenons à divers titres afin de protéger certaines choses justement parce que l'autonomie exercée par certaines municipalités n'a pas réussi à protéger un bien commun, un élément de patrimoine. L'on peut prendre le sol arable comme excellent exemple. Il y a des pressions qui s'exercent, cela est évident, et nous avons essentiellement ici, dans le cas qui nous préoccupe, quatre pressions: deux qui s'exercent d'un côté, dans un sens, et deux qui s'exercent dans l'autre sens.

Nous voulons, d'un côté, protéger le patrimoine et protéger le sol arable. De l'autre côté, il y a une pression qui s'exerce en faveur de l'achalandage touristique, avec les conséquences que le député de Montmorency a soulignées lui-même et la pression de l'urbanisation qui a été mentionnée à plusieurs reprises au cours de notre discussion, sans avoir été précisée; et c'est peut-être une précision que je voudrais faire ressortir. Mais il me semble que, justement, l'expérience nous enseigne que, même s'il est toujours souhaitable, désirable que la démocratie joue pleinement et que les autorités locales et la population locale s'expri- ment et participent à la prise de décision, cette expérience nous enseigne quand même qu'à certaines occasions il faut qu'un gouvernement, un ministre, prenne ses responsabilités pour protéger ce qui appartient à la collectivité.

C'est peut-être une nuance que j'apporte à ce que disait tout à l'heure le député de Montmorency, mais il me semble que la conclusion que j'aimerais tirer de toute cette discussion est effectivement que le ministre devrait prendre ses responsabilités et voir à la protection des choses. La consultation, je suis entièrement d'accord; la négociation même, s'il s'agit de négociation. Mais il y a, dans tout cela, une autre chose qui me préoccupe et m'inquiète, c'est que, si nous n'établissons pas maintenant, une fois pour toutes, dans la mesure que cela est possible — ce n'est pas parfaitement possible, parce que tout gouvernement ultérieur pourra venir modifier la loi adoptée par celui qui occupe la fonction présentement, cela est vrai — mais il me semble que le fruit de ces consulations, de ces négociations, devra être une prise de position de la part du gouvernement, une prise de position telle que d'autres conseils municipaux, à l'avenir, soumis aux mêmes pressions en faveur de l'achalandage touristique, en faveur de l'urbanisation, ne seront pas en mesure de contrecarrer la volonté d'une collectivité qui voit en l'Île d'Orléans un joyau et qui veut la conserver dans cet état de joyau dans toute la mesure du possible.

Pour que ma lanterne soit davantage éclairée, j'aimerais poser une question. Je l'adresse à qui voudra répondre, que ce soit du côté municipal, ou du côté ministériel, ou que ce soit le député. Quand il s'agit d'un développement possible, sur l'Île d'Orléans — je parle de développement domiciliaire, notamment — parlons-nous du genre de développement qui permettrait que les maisons en question soient alimentées par des puits et que leurs eaux usées soient traitées par des fosses septiques, ou parlons-nous nécessairement — et est-ce une question en litige — de réseau d'aqueduc et d'égouts? (12 h 15)

M. Richard: M. le Président, avec votre permission, je peux répondre à cette question. Je pense que l'unanimité est faite au sein des conseils municipaux de l'île d'Orléans sur le fait de ne pas ériger de système d'aqueduc et d'égouts à l'île d'Orléans. Là où il n'y a pas unanimité, M. le député de D'Arcy McGee, c'est que les experts du gouvernement prétendent qu'à brève échéance, il y aura dans certaines municipalités, dans certains coins de l'île d'Orléans, une pénurie d'eau. Là où on n'en manque pas, on dit: Non, il n'y a pas de problème, on saura bien où aller la chercher.

Le jour où il y aura vraiment pénurie d'eau sur toute l'étendue de l'île d'Orléans, à ce moment, il n'y aura qu'une façon, ce sera de construire un aqueduc sous le Saint-Laurent, ou sur le Saint-Laurent pour aller chercher l'eau à Montmorency ou à Beauport.

Mme Lavoie-Roux: Auront-ils, à ce moment,

la population pour assumer les coûts ou si ce sera le gouvernement qui les assumera?

M. Richard: Personne ne serait disposé, je pense, présentement à l'île d'Orléans, à assumer de pareils coûts, compte tenu, encore une fois, du fait que les taxes foncières de l'île d'Orléans sont parmi les plus basses dans tout le Québec.

M. Goldbloom: Effectivement, c'est un élément du problème. C'est-à-dire que la densité constitue un facteur qui facilite le paiement des services l'aqueduc et des égouts, s'il y en a, et d'autres services aussi: la protection policière, la protection contre l'incendie.

M. Richard: Me permettriez-vous une question? M. le député de D'Arcy McGee, n'est-ce pas là un phénomène très trompeur et qui a joué de vilains tours à beaucoup de municipalités au Québec? On a souvent pensé que la densité permettrait, évidemment, de ventiler les coûts, de diminuer les coûts, alors qu'on s'est rendu compte trop tard souvent, en urbanisant, que cela augmentait les coûts.

M. Goldbloom: J'allais arriver à cette même conclusion, sauf que, densité pour densité, il y a un facteur de relativité. Si l'on veut faire payer des services par des gens qui occupent des terrains très larges et qui, sur une distance donnée, doivent être moins nombreux pour payer les services en question, les services coûtent plus cher, mais là où le député de Montmorency a tout à fait raison — et la démonstration a été faite, je pense, par le ministre, vers le début de notre discussion — c'est que le fait de permettre un développement domiciliaire dans l'idée que le nombre accru de contribuables permettra une baisse des taxes est une impression souvent trompeuse.

La conclusion à laquelle je viens et celle que j'ai exprimée vers le début de mes remarques, c'est que j'encouragerai le ministre à poursuivre intensément les consultations, à négocier de la façon la plus loyale possible, mais, à la fin du processus, s'il croit, comme responsable de la protection de notre patrimoine, qu'il doit agir, qu'il agisse et qu'il agisse de façon permanente.

M. Fontaine: M. le Président, j'encouragerais le député de Montmorency à faire part de ses remarques au ministre des Affaires municipales, parce qu'il ne semble pas qu'il soit au courant de cela.

M. Vaugeois: Le ministre des Affaires municipales est bien au courant de cela.

Le Président (M. Jolivet): Une minute, je ne voudrais pas... s'il vous plaît!

M. Guay: Au courant de quoi?

Le Président (M. Jolivet): C'est ce que je veux savoir.

M. Fontaine: On demande aux municipalités d'avoir certaines normes pour obtenir une subvention pour la construction d'un réseau d'aqueduc et d'égouts, alors qu'on nous dit, ici, que si on développe les municipalités en construisant les maisons les plus rapprochées possible, en fait, cela augmente les dépenses des municipalités au lieu de les aider. Je pense que le ministre des Affaires municipales devrait changer ses normes.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Montmorency.

M. Richard: M. le Président, un peu pour répondre à M. le député de D'Arcy McGee, je voudrais simplement souligner que je me suis rendu compte des difficultés que pose la fixation unilatérale par le ministère des Affaires culturelles de certaines normes. Il n'y a pas de semaine où je ne suis pas appelé par un cultivateur qui veut, effectivement, céder une partie de son terrain à son fils pour s'y construire. Évidemment, comme M. le ministre le disait tout à l'heure, les citoyens les plus astucieux peuvent se servir de la permission qu'on accorde à un cultivateur de céder une partie de terrain aux gens de sa famille, pour acquérir et faire de la spéculation foncière.

Toutefois, la preuve n'est pas toujours facile à faire. Ce que je voudrais, c'est qu'il n'y ait pas d'excès. C'est dans ce sens que je voudrais que les premiers intéressés, qui sont les citoyens de l'île, qui sont des habitants de l'île d'Orléans — je veux bien, M. le député de D'Arcy McGee, protéger le domaine patrimonial, mais pas aux dépens des citoyens de l'île d'Orléans, et je ne voudrais pas qu'ils soient les seuls à en payer le coût — soient les premiers consultés, en tant que premiers intéressés.

Si on ne les consulte pas, si on ne leur laisse pas une certaine marge de manoeuvre, on n'arrivera pas à protéger l'île d'Orléans, et surtout, ce que je souhaite, en terminant, M. le député de D'Arcy McGee, c'est de mettre un terme enfin à toutes les tracasseries administratives dont sont victimes les citoyens de l'île d'Orléans.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, un seul mot. Je crois bien qu'il n'y a pas vraiment de désaccord entre celui qui vous parle et le député de Montmorency. Peut-être que le fait d'avoir vécu presque quatre années au ministère des Affaires municipales m'a amené à reconnaître que, parfois, il faut qu'un niveau supérieur de gouvernement prenne ses responsabilités, parce que les préoccupations sont différentes et il y a, effectivement, des pressions très fortes qui s'exercent quand l'urbanisation s'étend et que la spéculation s'enracine. Voilà que c'est extrêmement difficile d'amener les gens qui sont localement intéressés à faire le nécessaire pour protéger le patrimoine; je suis d'accord qu'ils ne devraient pas être seuls à payer la note de cela, c'est absolument injuste, notamment quand c'est la collectivité qui dit: II faut

protéger le patrimoine. Ce problème se pose avec plus d'acuité présentement, en ce qui concerne la protection du sol arable, où un mécanisme de compensation n'a jamais été inventé jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Papineau.

M. Alfred: M. le Président, je partage d'emblée l'argumentation du député de Montmorency, parce qu'une intervention brutale de l'État sans l'accord des gens qui vivent sur l'île d'Orléans serait une intervention gratuite. Il faut que les gens de l'île d'Orléans eux-mêmes veuillent protéger l'île d'Orléans. J'ai vu, dans le passé, des interventions de l'État et ces interventions n'ont jamais été bénéfiques, parce que cela prend au moins une décennie avant d'arriver à guérir certaines plaies qui sont beaucoup plus dommageables qu'une intervention brutale de l'État.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais demander au ministre qui, à cette commission parlementaire, est quand même...

M. Guay: M. le Président, je m'excuse de soulever une question de règlement, mais j'ai l'impression, en plus du bruit à l'extérieur, que la séance de ce matin est en train d'être détournée de ses fins. Il y a des gens qui comparaissent ce matin, et que nous sommes censés entendre et, depuis un bon moment, c'est devenu un débat — fort civilisé et fort intéressant, j'en conviens — entre l'Opposition et le gouvernement, ou le député de Montmorency, et pendant ce temps, il y a des gens qui attendent pour dire ce qu'ils ont à dire, ou même prendre la succession et venir dire à leur tour ce qu'ils ont à dire.

Il me semble que le débat entre l'Opposition et le ministre devrait avoir sa place au début et pendant l'étude du projet de loi article par article.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je peux demander aux gens de poser la question au ministre. Je pense que les deux questions que je m'apprêtais à poser peuvent les intéresser et expliquent peut-être aussi en partie une certaine résistance ou une hésitation de la part des municipalités à accepter certaines interventions du gouvernement. La première est celle-ci: Tout à l'heure, il était signalé par le député de Montmorency...

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, Mme le député, je pensais, premièrement, que vous parliez sur la question de règlement qui était mise sur la table, parce que j'avais, tout à l'heure, accordé le droit de parole au député de D'Arcy McGee en disant qu'on reviendrait aux personnes en avant. Si c'est une question qui s'adresse au ministre, j'aimerais, si les gens sont d'accord, que nous puissions entendre les personnes. Mais il y a un autre phénomène qui s'est produit en cours de route. On pensait que cela se terminait à midi à l'extérieur, et on a recommencé à travailler sur les murs depuis ce temps, et le fait d'aller les arrêter prendra les cinq minutes qui restent. Si vous voulez continuer à siéger dans ce bruit, je n'ai pas d'objection, puisqu'il reste encore cinq minutes de travail, ou, ce que nous pouvons faire, c'est ajourner nos travaux sine die, en attendant l'ordre de la Chambre.

M. Vaugeois: M. le Président, ne pourrait-on pas déborder légèrement pour libérer au moins les maires de l'île d'Orléans? Je pense que cela ne serait pas très long. Il y a M. Gosselin qui aurait quelque chose à dire. M. Ferland voudra peut-être se faire un peu entendre, ou il a peut-être dit l'essentiel de son intervention. Il y a M. Chabot également qui aurait peut-être un commentaire général à faire. Je pense que ce ne serait pas très long et que cela libérerait les maires, mais je m'en remets à votre décision, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas moi qui décide, c'est la commission, donc, je voudrais avoir le consentement à ce niveau.

Une voix: Consentement, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais quand même demander si les maires sont dans l'impossibilité de revenir cet après-midi, parce que nous retournons en Chambre à quatorze heures, cela donne très peu de temps.

Le Président (M. Jolivet): C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: S'ils sont incapables de revenir, je veux bien que ceux qui ne se sont pas exprimés s'expriment, mais je pense que nous allons le faire à la course.

Maintenant, si c'est ce qu'ils préfèrent, nous pouvons leur donner le choix, mais je pense que, rendus à 12 h 45, nous pouvons difficilement dépasser cette heure, compte tenu qu'il y a d'autres obligations auxquelles nous devons faire face.

Le Président (M. Jolivet): Je pense qu'il restait deux ou trois personnes qui voulaient intervenir.

Une voix: On peut s'attendre à des interventions de cinq minutes à peu près chacune.

M. Chabot (Gratien): Pour ma part, je pense que les exposés de mes collègues résument beaucoup la situation et la position que j'entendais prendre. En fait, tout le problème découle peut-être du contexte antérieur et, du fait que nous soyons directement reliés avec la population, c'était simplement pour traiter plus largement du sujet, mais je pense que mes confrères l'ont fait assez bien, et je me rallie à leur position.

Le Président (M. Jolivet): II y avait M. Gosselin, ici, je pense, qui avait une intervention.

M. Gosselin (Roland): Personnellement, je préférerais revenir cet après-midi, parce que ma journée est consacrée à cette commission. J'aimerais mieux faire mon exposé plus tranquillement. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. Ferland.

M. Ferland (André): J'aimerais vous lire ce que nous avons composé avec le conseil. On m'avait demandé de vous faire part de cela, si je peux vous le lire j'aimerais ne pas revenir cet après-midi.

Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez revenir cet après-midi?

M. Ferland: Non, je ne peux pas.

Le Président (M. Jolivet): Dans ce cas, je pense qu'on pourrait vous entendre. Allez.

M. Ferland: M. le Président, M. le ministre, madame, messieurs les députés.

C'est le texte que nous avons composé ensemble et on m'a demandé de vous en faire part.

Dernièrement, nous avons pris connaissance du projet de loi no 4, Loi modifiant la Loi sur les biens culturels. Après étude avec les membres de notre conseil, nous avons constaté que le ministère des Affaires culturelles, ainsi que les gens de la municipalité de Saint-Pierre, désirent atteindre le même but, soit un contrôle strict de notre évolution, mais avec des moyens peut-être un peu différents.

Nous croyons que si cette loi est adoptée telle que présentée, elle enlève à notre municipalité tout pouvoir de contrôle sur le lotissement, le zonage et la construction. Nous prévoyons de plus une réaction très négative et nettement défavorable de la part de la population. Il ne faut pas oublier que la municipalité de Saint-Pierre ainsi que les trois autres municipalités de l'île d'Orléans fêteront l'an prochain leur tricentenaire. Nous comprenons mal que tous les pouvoirs que se donne cette loi ne tiennent pas compte des droits acquis par ces familles tricentenaires, en nous enlevant complètement notre autodétermination.

Comme le soulevait dernièrement le président de la Chambre, et député de Montmorency, Me Clément Richard, certaines pressions ont été faites pour limiter ou arrêter la construction. Nous serions curieux de savoir d'où viennent exactement ces pressions et dans quel sens elles sont faites. Personnellement, depuis mon arrivée au conseil, en novembre 1977, en aucun temps, lors de nos assemblées mensuelles, un contribuable ou un groupe de contribuables n'a manifesté ce désir, soit de faire des recommandations au ministère des Affaires culturelles.

Nous nous permettons de penser, et ce, sans préjudice à personne, que ces pressions ont pu venir de gens habitant à l'extérieur de Saint-Pierre ou de l'île, ayant des intérêts cachés. (12 h 30)

Nous avons cru déceler un manque d'information de la part du ministre des Affaires culturelles. Lorsque celui-ci déclare, aux nouvelles TVA, à 18 h 30, le 10 mai 1978, qu'il n'y avait pas de contrôle de lotissement chez nous, nous tenons à vous souligner, messieurs les membres de cette commission, que les gens de Saint-Pierre ont compris depuis longtemps les problèmes soulevés par le dépôt de cette loi, puisque, le 3 décembre 1973, les règlements 50 pour le lotissement, 51 pour le zonage, et 52 pour la construction ont été déposés et acceptés par notre municipalité; ce qui donne force à notre énoncé, que nous avons compris depuis longtemps l'importance de la conservation du territoire, mais à l'intérieur du règlement discuté, voté et contrôlé par les gens concernés, c'est-à-dire la municipalité de Saint-Pierre.

Nous avons aussi adopté le règlement 60 concernant la construction et l'installation des fosses septiques, et aussi le règlement 80 qui détermine les garanties que doit donner toute personne à la corporation municipale de Saint-Pierre, avant que celle-ci décrète l'exécution de travaux municipaux, pour la réalisation de nouvelles constructions sur des terrains faisant l'objet de la demande. Ce règlement a été adopté le 4 avril 1977.

Nous avons compris depuis longtemps qu'on ne devait pas penser à ouvrir un parc industriel dans notre municipalité et qu'une multinationale ne pourrait jamais s'y installer. Par contre, on ne doit pas être soumis à quelques fantaisistes qui veulent faire de l'île un futur parc de promenade ou d'espaces verts, où quelques gens parvenus pourront y survivre.

Loin de nous l'idée de défendre les intérêts de certains spéculateurs, comme certains s'apprêtent à le dire, mais plutôt de permettre une évolution normale à l'intérieur de règlements stricts, votés et contrôlés par nous.

Le 1er juin 1978, on a mis à jour... l'an passé, le taux de la taxe était de seulement $0.20 le $100. Apparemment, cela ne dépend pas de nous, d'après ce que j'ai su hier soir. Nous voulions démontrer que nous avons compris, depuis longtemps, ce que M. le ministre semble nous faire découvrir.

En terminant, il serait bon de rappeler à nouveau que nous ne pouvons accepter intégralement le contenu de cette loi qui nous enlève tout pouvoir et nous oblige à nous débattre pour des principes fondamentaux, soit la poursuite de notre destinée, principes qui sont pourtant chèrement défendus, en ce moment, par notre gouvernement, par rapport au gouvernement central.

Si ce projet est adopté tel que déposé, je vois mal l'allure de nos prochaines assemblées mensuelles où nous n'aurions plus qu'à discuter de la date et de l'heure de l'enlèvement des vidanges, de l'éclairage et des heures d'ouverture et de fermeture du terrain de jeu. Il ne faut pas oublier que l'île d'Orléans est composée de six municipalités ayant chacune son entité distincte et que les problèmes d'une municipalité à l'autre ne sont pas nécessairement les mêmes.

Soyez assurés que nous nous débattrons au plus fort de nos énergies pour que des amendements majeurs soient adoptés à cette future loi, afin de conserver notre liberté de manoeuvre, ayant l'appui total de la population de Saint-Pierre dans cette initiative.

Tout ce que vous m'avez demandé tantôt, M. Richard, c'était pour les balises... les placer avec vous pour qu'il n'y ait pas d'accident. Je suis obligé de me rendre à leur demande et je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Vaugeois: Est-ce que je pourrais poser une question à M. Ferland? C'est une question méchante, je m'excuse d'avance. Vous allez nous proposer un plan de développement, on va le regarder ensemble. Je vous ai annoncé, tout à l'heure, que je respecterais votre point de vue, mais que je tiendrais à faire valoir le mien, éventuellement, dans une assemblée publique.

L'idée qui me vient à l'esprit, si, éventuellement, on ne s'entendait pas, si je prévoyais des conséquences que vous n'entrevoyez pas aux étapes où vous êtes, est-ce qu'on pourrait lier à l'entente une espèce d'engagement de la municipalité à payer la note des conséquences qui en découleraient, soit au niveau de l'eau, soit au niveau routier, soit au niveau des accès à l'île? Est-ce qu'on pourrait prévoir une telle clause qui ferait que si un éclatement urbain, banlieusard sur l'île, les habitants de l'île, anciens, présents et futurs conviendraient, au départ, d'en assumer les frais?

Je me dis que pour le ministre des Affaires culturelles, vous demandez presque l'impossible. Vous demandez, éventuellement, qu'il renonce à son rôle de protecteur du patrimoine, de responsable de sa mise en valeur et en même temps, qu'il assume, au nom du gouvernement, des frais inévitables qui découleront d'un développement qui pourrait être sans balises.

Seriez-vous prêt à ajouter à notre entente, un engagement de la population de Saint-Pierre et de ses autorités municipales actuelles et à venir, d'assumer les frais des conséquences de l'entente qui serait signée?

M. Ferland: Je pense qu'on pourrait prendre cette chance, mais avec le règlement 80...

M. Vaugeois: Votre réponse tout de suite, M. le maire.

M. Ferland: Je vous dis que les constructeurs ont besoin de s'atteler comme il faut avec tout ce qu'on leur impose. On n'est pas d'accord... le développement qui est commencé depuis 1970, il va arriver... il sera arrêté prochainement; il faut qu'il fasse son champ d'épuration lui-même, sa fosse septique. Je doute de la rentabilité d'un constructeur avec le règlement qu'on a. Il ne peut fonctionner sur une grande échelle parce que, je pense, les terrains peuvent revenir plus cher que dans Sainte-Foy avec tout ce qu'on va lui deman- der. La municipalité n'est pas prête à payer pour un développeur. On n'est pas du tout d'accord avec cela. S'il respecte notre règlement et qu'il fait les services demandées et qu'il fait tout, l'asphalte y compris, on ne peut pas lui refuser. Mais, est-ce que ce sera rentable? Ce sera à lui d'en juger.

Je ne suis pas pour pénaliser les gens de l'avenue Royale pour certains développements. Ceux qui veulent le faire le feront avec leurs deniers. Vous pouvez être certains de cela, tant que je serai là.

M. Vaugeois: Je peux vous dire, là-dessus, que dans plusieurs municipalités, on a déjà des mesures dites d'amélioration locale, des taxes supplémentaires qui essaient de tenir compte de ce que signifie l'ouverture de la rue, l'établissement d'un certain nombre de services, le déneigement l'hiver. Dans tous les cas que je connais, la taxe d'amélioration locale qui s'ajoute à la taxe foncière normale qui est la même pour tous les habitants ne suffit pas, et loin de là, à compenser pour les frais inhérents à ces développements; cela compense pour une partie, cela ne compense jamais pour la totalité.

Là-dessus, je vous dis, M. le maire de Saint-Pierre, qu'hier soir, l'idée m'est venue d'écrire au plus grand nombre de résidents de l'île d'Orléans que je pourrai retracer, et ce ne sera pas simplement une lettre. J'ai l'intention de leur envoyer un document préparé avec soin, qui va essayer de dégager, une fois de plus, l'intérêt patrimonial de l'île, les caractéristiques de la qualité de la vie à l'île, les conséquences, si vous voulez, d'un certain nombre de projets qui ne comporteraient pas des balises suffisantes. J'ai l'intention, également, le plus tôt possible, d'introduire certains éléments dans cette loi, à partir de l'article 33 qui, déjà, prévoit cette loi pour les propriétaires de biens classés, de l'élargir aux habitants des arrondissements historiques, pour qu'on trouve une compensation financière aux lenteurs, aux interventions gouvernementales, soit à notre niveau, soit au niveau des municipalités dans l'avenir.

Donc, je prévois un document qui sera adressé à vos électeurs, à vos citoyens, les informant de notre approche, d'un certain nombre de choses qu'ils savent déjà, j'en conviens, mais de la conséquence possible, aussi, des décisions qui pourraient être prises à partir des ententes que nous allons conclure. C'est un travail d'information qui devrait, messieurs les maires, vous aider dans les positions que vous prenez, parce que je sens, chez la majorité d'entre vous, une préoccupation très réelle de ménager la qualité de vie et l'intérêt de l'île actuel. J'ai noté avec beaucoup de satisfaction, tout à l'heure, devant les questions bien soutenues du député de Montmorency, l'unanimité que vous faisiez sur l'essentiel de ce que véhicule le projet de loi no 4 quand on le comprend, si vous voulez, à partir de l'interprétation qu'en suggérait le député de Montmorency; il en a dégagé des questions précises qui, pour l'essentiel, m'ont semblé faire l'unanimité chez vous.

Tout cela m'amène à prendre mes responsabi-

lités, aussi, vis-à-vis de vos électeurs et les informer le mieux possible pour, éventuellement, vous aider vous-mêmes dans les décisions que vous aurez à prendre, dans les propositions que vous aurez à nous faire. J'espère que le document pourra être très explicite et très complet, et j'essaierai, d'ailleurs, de donner des cas concrets puisque j'ai une marotte, actuellement, c'est celle de la taxe foncière. J'essaierai, là-dessus, de donner des exemples à faire dresser les cheveux sur la tête.

Le Président (M. Jolivet): S'il n'y a pas d'autres intervenants, je clos le débat sine die, en attendant l'ordre de la Chambre en conséquence.

(Suspension de la séance à 12 h 41)

Reprise de la séance à 15 h 30

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente des affaires culturelles est de nouveau réunie pour continuer l'étude du projet de loi no 4, article par article, et pour entendre différents intervenants à cette commission.

Les membres sont: M. Alfred (Papineau), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Godin (Mercier) remplacé par M. Bertrand (Vanier); M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M. Guay (Taschereau), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé) remplacé par M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Comme intervenant, M. Ciaccia (Mont-Royal) sera présent.

Nous allons continuer là où nous étions rendus ce matin. Si je ne me trompe pas, c'était M. Gosselin qui devait intervenir.

M. Vaugeois: Si vous me permettez, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Vaugeois: C'est simplement pour m'excuser auprès des gens de la ville de Québec. Je leur avais dit que je m'arrangerais pour qu'ils passent dès le début de la séance. Je ne savais pas trop à ce moment ce qui arriverait. Je pense que nous sommes mieux de terminer avec les gens de l'île d'Orléans. Je pense que ce sera très bref. Je m'en excuse, j'avais annoncé une chose que je ne tiens pas.

Le Président (M. Jolivet): M. Gosselin.

M. Roland Gosselin, secrétaire municipal de Saint-François

M. Gosselin (Roland): Je suis Roland Gosse- lin, secrétaire municipal de Saint-François, représentant de M. le maire Emmanuel Labbé.

M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs les membres de la commission.

Saint-François est un endroit où tous les gens aiment venir faire une tournée et où ils aiment également demeurer durant la saison estivale. Nous voulons bien honnêtement que ces gens continuent à venir nous visiter et même à demeurer, mais ce que nous voulons avant tout à Saint-François, c'est conserver à nos gens et à nos cultivateurs leurs droits acquis depuis au-delà de trois cents ans. C'est pour cette raison surtout que les autorités municipales de Saint-François travaillent et continueront à travailler avec acharnement pour leur conserver ces droits que nous considérons comme sacrés et que personne, voire un gouvernement supérieur, n'a le droit de leur enlever.

Ce sont les ancêtres qui ont bâti Saint-François. Ce sont leurs descendants qui continuent à le faire et c'est à eux seulement que l'on doit les beautés que nous avons actuellement. Nous croyons fermement qu'ils peuvent conserver nos biens culturels sous, évidemment, la surveillance des autorités municipales.

Nous voulons, bien sûr, conserver nos sols, afin qu'ils continuent à être exploités de façon agricole, et nous voulons aussi, de concert avec les autorités supérieures, assumer la relève de l'agriculteur actuel qui, un jour ou l'autre, devra se retirer. De la façon où vont les choses aujourd'hui, la relève est impossible, parce que les jeunes quittent Saint-François pour aller travailler en dehors où les salaires sont plus attrayants. Personne ne peut les blâmer, car leurs parents ne peuvent leur offrir des salaires aussi élevés. Ce qui explique cette évasion des jeunes vers la ville, c'est que des gens de la ville qui en ont les moyens offrent un prix très élevé pour acquérir une ferme, laquelle deviendra, dans deux ou trois ans, ou plus tard, non cultivable et, comme nous le disons communément, en friche.

L'agriculteur ne peut être blâmé de vendre à haut prix, car pour lui, c'est sa rente de retraite qu'il a ramassée d'arrache-pied en travaillant d'un soleil à l'autre toute sa vie. C'est un point sur lequel le gouvernement devrait se pencher très sérieusement en premier lieu. Sinon nous croyons que dans dix ans nous serons tous des citadins et l'île deviendra une banlieue de Québec, ce qu'il faut éviter à tout prix.

En terminant, nous croyons que le gouvernement s'approprie des droits qui appartiennent exclusivement aux autorités municipales. Continuons de cette façon et il ne sera plus nécessaire d'avoir de conseils municipaux. Nous voulons bien faire confiance au ministre, et nous espérons qu'il nous aidera à conserver ces droits si durement acquis, que les agriculteurs seront aidés et que la relève sera assurée par les jeunes agriculteurs. De cette façon seulement, l'île, en grande partie, demeurera agricole et belle. Cela prouve, je crois que nous voulons conserver à Saint-François sa vocation agricole et toute sa beauté. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Vaugeois: Je remercie M. Gosselin qui se fait le porte-parole de la municipalité de Saint-François.

Pour ma part, je n'ai rien à ajouter. Je pense que ce matin nous avons eu un certain nombre d'informations, en particulier à la suite des interventions du député de Montmorency. Je remercie M. Gosselin. Je pense que les dernières remarques portent, ses arguments sont bons. Ses préoccupations sur l'essentiel sont les nôtres.

M. Gosselin (Roland): Pour conserver une autonomie.

M. Vaugeois: On se bat pour cela, pour le Québec.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. C'est toujours plus facile de faire appliquer cela aux autres qu'à soi-même. C'est l'histoire de tous les gouvernements, à quelque échelon qu'ils soient.

M. Vaugeois: Vous croyez, madame?

Mme Lavoie-Roux: Le problème de l'autonomie, oui. Celui qui est en haut veut toujours en avoir plus, et celui qui est en bas...

M. Vaugeois: II veut en lâcher le moins possible?

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

M. Vaugeois: Attendez notre programme de décentralisation.

Mme Lavoie-Roux: On verra!

M. Guay: On a vu des gouvernements au centre qui acceptaient allègrement d'en lâcher.

Mme Lavoie-Roux: Oui?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais de quoi vous parlez, de toute façon...

M. Guay: Vous n'y étiez pas, je dois en convenir.

Mme Lavoie-Roux: De toute façon, vous n'êtes pas l'invité, c'est M. Gosselin.

M. Guay: Le beau prétexte que voilà!

Mme Lavoie-Roux: M. Gosselin, ce matin vous faisiez allusion au fait que votre conseil municipal avait commencé à préparer un plan de réaménagement de la municipalité de Saint-Fran- çois? Depuis quand ce plan est-il commencé? Quels délais vous donnez-vous pour le compléter?

M. Gosselin (Roland): C'est un plan de contrôle sur la construction plutôt, à Saint-François, premièrement, pour savoir qui se construit, de quelle façon il se construit et, comme le disait le maire de Saint-Pierre, et nous également, qu'il réponde aux normes du ministère de l'environnement au point de vue de fosses septiques, d'égouts et tout ce qui concerne cela.

Maintenant, le projet est en préparation. Je dois le soumettre au conseil demain soir pour faire des corrections, s'il y a lieu. Notre assemblée a lieu demain soir. Je ne sais pas s'il y aura des corrections. Probablement qu'à la prochaine assemblée, celle du mois de juillet, on pourra l'adopter.

Mme Lavoie-Roux: Je comprends que votre projet contiendra des restrictions, vous l'avez mentionné ce matin, quant à la hauteur des bâtiments, en particulier. Maintenant, y aura-t-il des restrictions quant à la division du territoire, au lotissement?

M. Gosselin (Roland): Non, c'est là que nous voulons conserver les droits des gens, qu'ils soient chez eux, s'ils décident de bâtir, le règlement va imposer certaines choses. Nous ne voulons pas avoir de cabanes. Nous voulons avoir quelque chose de propre, évidemment, mais les laisser faire, autant que possible, à leur goût, pour autant que leur goût sera acceptable. Il faudra qu'il présentent leur plan au conseil municipal pour le faire approuver, en premier lieu. De quelle façon, ils doivent bâtir leur maison, il n'y aura rien dans le règlement qui le dira, c'est-à-dire s'ils bâtissent à l'ouest, ou au sud.

Nous croyons que l'île d'Orléans est devenue belle, Saint-François en particulier, pour ne parler que de cette paroisse, parce qu'il y a cent ans, cent cinquante ans, les hommes discutaient le soir, tout simplement, avec leurs femmes; ils disaient: Demain, on va se "granger". Ils employaient ce terme. La grange était placée d'une façon à leur goût. Elle pouvait avoir la facade sur le fleuve, comme elle pouvait l'avoir vis-à-vis de la maison, au nord, au sud, à l'est ou à l'ouest. C'est ce qui fait la différence avec les villes, avec les autres endroits, et, à notre avis, c'est ce que les gens aiment sur l'île d'Orléans, parce qu'ils voient des choses qu'on ne voit pas ailleurs. Ils voient des maisons de travers, autrement dit, et ils aiment cela.

Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, je suis tout à fait d'accord avec vous, M. Gosselin. Je vous entendais dire...

M. Vaugeois: Je le suis peut-être moins là-dessus... Pour les maisons de travers!

M. Gosselin (Roland): De travers, je veux dire...

M. Vaugeois: Nos ancêtres avaient l'art de

placer la maison et de la localiser. Ce n'était pas de travers.

M. Gosselin (Roland): II faut s'entendre, M. le ministre.

Mme Lavoie-Roux: Cela dépend de ce qu'il voulait dire, M. le ministre. J'ai pensé que c'était l'orientation de la grange par rapport à l'orientation de la maison. C'est ce que j'ai compris.

M. Vaugeois: Tout cela était fort bien étudié.

M. Gosselin (Roland): Ils n'avaient pas de plan de localisation établi par des sous-ministres-conseils ou des architectes. Ils plaçaient leur grange sur le terrain, là où cela faisait leur affaire et de la façon que cela faisait leur affaire, pour qu'elle soit accessible facilement.

M. Vaugeois: Absolument. Ce n'était pas des entrepreneurs, non plus, qui décidaient cela, ni des spéculateurs.

M. Gosselin (Roland): C'est très bien bâti, parce que les maisons existent depuis trois cents ans, et elles sont encore debout.

M. Vaugeois: Chacun choisissait sa localisation.

Mme Lavoie-Roux: De toute façon, vous voulez que les gens, particulièrement ceux qui ont vécu à l'île d'Orléans, dans la municipalité de Saint-François, en particulier, puissent conserver le droit de se bâtir là où ils veulent et qu'on respecte les droits de ces personnes qui ont fait l'île d'Orléans, j'en suis. Mais, d'un autre côté, et cela me laisse un peu des doutes. Vous parlez du fait que, dans le fond, les cultivateurs qui sont là parce qu'ils n'ont pas d'enfants ou que leurs enfants se sont orientés ailleurs, ou enfin la tradition de cultiver la terre finit avec une génération; vous dites que leur terre, c'est quand même leur rente de retraite et il faudrait leur permettre de pouvoir en profiter ou de pouvoir retirer cette fameuse rente. Mais est-ce que ceci n'implique pas, d'une certaine façon, qu'un cultivateur, d'après vous, pourrait décider que, pour recueillir cette rente de retraite... Dans votre raisonnement, vous avez raison parce que, dans le fond, ce qui pourrait suppléer à cela, c'est la question d'indemnisation dans une loi de zonage agricole, mais, si on le laissait faire, le cultivateur X dirait: Moi, je n'ai pas d'autre rente de retraite que de vendre ma terre. À ce moment, il la subdivise, je ne sais pas en combien de lots, cela dépend du nombre d'arpents qu'il a. À ce moment, vous allez gâter la municipalité de Saint-François.

M. Gosselin: Ce n'est pas nécessairement ce qu'on a dans l'esprit. Un homme arrive, une personne, quelle que soit la personne, offre $100 000, comme exemple, pour une ferme; le voisin serait probablement intéressé à acheter cette ferme, mais à $40 000, à sa valeur marchande; il n'a pas les moyens d'aller à $100 000. Alors, on ne peut pas pénaliser la personne qui peut vendre $100 000 et on ne peut pas aider la personne qui serait capable de payer $40 000, mais les autres $60 000, on ne peut pas les enlever au cultivateur qui peut les avoir d'une autre personne. Ce qu'on aimerait, nous, c'est que le gouvernement puisse entrer en action et aider le jeune, ou le frère, ou le voisin à acheter cette ferme, pour que la personne qui se fie sur ses $100 000 ou ses $50 000, peu importe, pour vivre le reste de ses jours, puisse prendre une retraite bien méritée. On voudrait que le gouvernement intervienne pour aider, à des intérêts très minimes, même en bas des intérêts du crédit agricole qui sont déjà trop élevés pour certains jeunes, pour partir la ferme. Les millions ne sont pas en partant sur une ferme, les milliers de dollars sont à la fin d'une vie d'un cultivateur. C'est là qu'il arrive, il a travaillé jour et nuit, il a trait ses vaches le matin, le soir, il n'a pas été capable de sortir, mais, à un moment donné, il a 50, 60 ans; il va s'asseoir sur un petit montant d'argent sur lequel il se base, il peut s'en aller au village et vivre; son fils va être intéressé à prendre sa place ou à acheter le voisin, parce qu'il va vouloir s'agrandir, mais il n'a pas non plus les moyens de donner $100 000 au voisin. Alors, le gouvernement devrait intervenir pour aider ce voisin à acheter. C'est tout simplement cela.

On n'est pas intéressé à ce que ce cultivateur subdivise ses terres, lotisse ses terres pour les vendre à des gens pour en faire un petit village — excusez-moi, je ne voudrais pas parler contre le maire de Saint-Pierre, parce que ce n'est pas lui qui est responsable — comme celui qu'il y a en entrant, que je trouve affreux, personnellement. C'est très laid, des maisons en ligne à 25 pieds du chemin ou à 50 pieds, toutes égales comme cela. Cela ne fait pas, ce n'est pas l'île d'Orléans.

Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, si le gouvernement acceptait de prendre certaines responsabilités financières, d'abord vis-à-vis d'une indemnisation au cultivateur et vis-à-vis de... Ce matin, le problème était soulevé par le député de Montmorency qui, éventuellement, même sans grand développement... J'ai cru comprendre qu'il va y avoir un problème d'aqueduc ou d'eau potable à certains endroits sur l'île et que, d'autre part, il assumait aussi des responsabilités pour mettre à la disposition des municipalités — aujourd'hui, on parle de l'île d'Orléans, mais cela pourrait s'appliquer à d'autres municipalités de la province — les personnes-conseils ou les personnes-ressources dont M. Turgeon, je pense, parlait ce matin. Est-ce qu'à ce moment, ce serait plus facile pour vous de collaborer ou d'accepter que le gouvernement intervienne plus directement dans ce projet d'aménagement du territoire?

M. Gosselin: C'est évident que, si on avait quelque chose de concret, de précis, de sûr, on pourrait travailler d'une tout autre façon. C'est évident. Mais là, dans le moment, on n'a rien, sauf qu'on veut protéger le gars, protéger ses avoirs gagnés péniblement durant toute une vie, et on veut aussi que l'autre puisse acheter; on ne veut

pas empêcher que des gens de n'importe quelle profession libérale viennent acheter à l'île d'Orléans. On est heureux de les avoir, mais... (15 h 45)

J'en connais un qui fait une grosse culture cette année. Mais, l'an prochain, ce gars ne cultivera plus. Il va probablement s'acheter, comme il a été dit ce matin, des chevaux d'équitation ou quelque chose du genre. Cette terre deviendra inculte, elle deviendra en friche, incultivable dans quelques années. C'est pour cela, comme M. Bonsaint le disait ce matin, qu'il a donné un certain nombre de terres vendues ou non cultivées dans sa paroisse, dans sa municipalité. La même chose s'en vient à Saint-François, parce qu'il n'y a pas de relève d'abord, personne n'est intéressé, le jeune s'en va travailler à $7 l'heure pour enlever des clous aux planches dans un chantier de construction et, sa journée terminée, il s'en va chez lui. Il n'y a pas de relève.

Alors, l'agriculture s'en va; où? on ne le sait pas. Mais je sais que dans dix ou quinze ans au maximum on sera des urbains, des citadins et on fera comme les autres à l'île d'Orléans.

Mme Lavoie-Roux: Dans tout ce qui vous préoccupe le plus, ce sont les mesures compensatoires ou les indemnisations pour les cultivateurs qui, à ce moment-là, ne peuvent pas disposer de leur terre soit parce qu'ils sont devenus trop vieux ou pour une foule de raisons qu'on a énumérées. Pour vous, cela vous apparaît la plus grande objection à une réglementation plus serrée de votre territoire.

M. Gosselin: C'est une augmentation majeure. Si ce problème était réglé, je pense que la municipalité de Saint-François serait probablement moins difficile, moins dure et elle pourrait réglementer plus facilement.

Seulement, nous, de la municipalité — c'est-à-dire les autorités municipales — travaillons pour conserver ces droits afin que le gars puisse vivre, que personne ne soit pénalisé, qu'il y ait une justice égale pour tout le monde.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. Gosselin.

M. Gosselin: Je vous en prie madame.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui ont des questions à poser à M. Gosselin? S'il n'y en a pas d'autres, est-ce que, parmi les maires qui sont ici, il y a d'autres interventions? Oui, monsieur.

M. Turgeon: M. le Président, j'aimerais d'abord savoir du ministre des Affaires culturelles si la direction du patrimoine, par l'entremise de son consultant Urbanex, a un plan d'aménagement global de l'île d'Orléans? C'est une première question que je pose. De sa réponse, vont découler deux autres questions. C'est-à-dire avons-nous prévu globalement l'aménagement de son territoire?

M. Vaugeois: Le directeur général me confirme ce que j'avais entendu à. la commission des biens culturels. Il y a des dossiers de connaissance, d'information, de relevé de l'île, mais les fonctionnaires n'ont pas demandé à la firme de faire un plan d'aménagement puisqu'ils s'en remettaient aux municipalités pour proposer de tels plans d'aménagement.

M. Turgeon: Disons que la deuxième question est peut-être plus ou moins pertinente, mais je la pose quand même puisque c'est le temps. Lorsque vous parlez de négocier avec les municipalités, doit-on comprendre ou doit-on tenir pour acquis que l'on mettra de côté un aménagement global de l'île? Va-t-on mettre de côté les certaines normes minimales quant à la volumétrie, l'affichage, le lotissement et autres domaines qu'on retrouve quand même dans un règlement de zonage de construction et de lotissement aussi, normes minimales que le ministère aurait peut-être voulu implanter dans toute l'île? Est-ce qu'on va mettre tout cela de côté pour faire accepter ou négocier, par exemple, si une telle municipalité accepterait telle grandeur de terrain par rapport à telle autre qui se contenterait d'une plus grande étendue de terrain?

M. Vaugeois: Je vais vous répondre de la façon suivante. Nous allons, en étudiant vos plans, vos projets de réglementation, faire intervenir tous les spécialistes possibles: les gens de l'environnement pour les problèmes d'eau, les gens qui vont évaluer la circulation routière, les possibilités d'accès à l'île. J'en ai parlé tout à l'heure au ministre des Affaires municipales qui, déjà, a convenu de me prêter une couple de ses meilleurs spécialistes sur le plan de l'aménagement des petites municipalités de l'île pour qu'on aille rapidement. Parce que selon la procédure habituelle, si vous me proposez quelque chose, je le fais étudier par mes services et ensuite je prends le document et je l'envoie au ministère des Affaires municipales, ensuite on l'envoie à l'environnement, après on l'envoie au ministère des Terres et Forêts et je ne sais pas où... C'est très long. Ce que j'essaie d'avoir, ce sont des détachements d'experts pour une courte durée pour fins d'études. Nos contrepropositions vont nous amener à vous signaler des points, parfois en tenant compte de l'aspect patrimonial, qui est la fonction des Affaires culturelles, parfois sans tenir compte de l'aspect patrimonial, ce qui relèverait de la compétence des Affaires municipales, par exemple. Comment voient-ils cela, eux, en soi, indépendamment que cela se trouve dans l'île, etc.

Au fond, nous allons essayer de vous faire profiter de l'expertise générale qui se trouve au gouvernement, indépendamment de l'aspect patrimonial parce que le problème que pose M. Gosselin, par exemple, c'est un problème qu'on trouve partout où il y a des fermes à léguer, etc. Ce n'est pas un problème spécifique à l'île. C'est cependant un problème où la pression se fait davantage forte en périphérie des grandes villes.

M. Turgeon: J'ai peut-être deux autres remarques: Si les propositions ou les demandes, en ce qui a trait à l'inspecteur en bâtiment et au consultant au point de vue architectural, vous paraissent intéressantes, M. le ministre, dans quel délai pourrions-nous escompter avoir les services de ces gens?

M. Vaugeois: Je vais vous poser une question de mon côté: Est-ce que vous avez évalué ce que cela pourrait représenter en termes de besoins par rapport à l'ensemble des six municipalités de l'île? Est-ce que vous pensez à un inspecteur ou à un par municipalité?

M. Turgeon: Non, non. Je pense qu'on doit envisager un inspecteur en bâtiment pour l'île au complet. D'ailleurs, le ministère des Affaires municipales avait déjà fait la proposition il y a deux ans, je pense. Il s'agirait peut-être de relancer le dossier.

M. Vaugeois: C'est ce que je viens d'évoquer également avec mon collègue des Affaires municipales, et il m'a confirmé, encore une fois, qu'il était très réceptif à cela.

M. Turgeon: Effectivement, je pense que lors de la proposition par le ministère des Affaires municipales, le conseil de comté du temps avait refusé parce qu'on demandait aux municipalités d'assumer une partie du coût de l'inspecteur en bâtiment, de son salaire qui était évalué à ce moment à $12 000, peut-être $1000 par municipalité, au prorata de la population, de l'évaluation, etc.

Je pense qu'une des mesures qui seraient importantes et urgentes serait peut-être ce fameux inspecteur en bâtiment autant quant aux normes de construction que de l'installation de fosses septiques, que le respect lui-même des plans proposés aux comités locaux d'aménagement, aussi bien à la direction du patrimoine qu'à la Commission des biens culturels.

M. Vaugeois: C'est vous qui le demandez.

M. Turgeon: II pourrait s'exercer une vigilance encore plus grande, M. le ministre. Enfin, vous avez mentionné vous-même, ce matin, la possibilité d'entrer en communication, par voie de courrier ou de lettre aux citoyens de l'Île d'Orléans; je pense que ce serait là une excellente initiative. Encore là, ceci devrait se faire le plus rapidement afin de démystifier cette loi, ce ministère et ce ministre un peu enquiquineur.

Aussi, je me demandais s'il ne serait pas possible peut-être de faire un résumé des engagements qui ont été pris par les différentes parties ici, lequel résumé serait envoyé par le ministre des Affaires culturelles, à titre d'information, aux citoyens de l'île d'Orléans.

M. Vaugeois: M. le Président, je remercie le maire de Sainte-Pétronille. Est-ce que je pourrais, à mon tour, faire une suggestion? Je pense qu'on est vraiment mûr, au niveau de vos dernières interventions, pour agir. J'aimerais — je pense que ce serait dans les formes — au niveau de votre conseil de comté et par la voie de votre préfet, que vous puissiez nous confirmer votre intérêt à disposer de services du genre d'un inspecteur en bâtiment. Pourquoi ne pas faire allusion aussi aux questions de ressources d'eau, aux questions architecturales, aux questions patrimoniales.

C'est une idée qui circule au ministère, je ne m'en attribue pas le mérite, loin de là, je l'ai trouvée dans les dossiers. Entre autres, en étudiant le dossier de la maison Godbout, à l'entrée de l'île, j'ai retrouvé là un vieux projet de maison du patrimoine, à l'île d'Orléans, qui aurait pu être la base de services fournis aux municipalités et aux résidents de l'île. Ce projet a un peu été écarté à cause du contentieux qui s'est ouvert dans le cas Godbout. Je proposerais qu'on n'attende pas le règlement de cette affaire mais, plutôt, qu'on ressuscite ce vieux projet, si c'est votre désir. J'aimerais que vous me le confirmiez par la voie du préfet de comté à la suite d'une assemblée; nous sommes tout à fait prêts à recevoir ce genre de demande. C'est dans l'esprit de la loi 4, d'ailleurs.

M. Chabot: Je voudrais savoir, M. le ministre, si vous avez l'intention de développer ou de discuter avec les autres ministères impliqués à l'île d'Orléans, le ministère de l'Agriculture, le ministère des Affaires municipales. Avez-vous l'intention d'intégrer ces ministères dans tout le processus?

M. Vaugeois: Oui, j'ai déjà été mandaté, par le Conseil des ministres, comme maître-d'oeuvre d'un groupe interministériel qui comprend le ministère des Affaires municipales, le ministère de l'Agriculture, le ministère de l'environnement et celui du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Il y a déjà un comité interministériel qui existe et dont je suis responsable comme maître-d'oeuvre, étant donné l'aspect patrimonial. Il ne faut pas en déduire que le ministère des Affaires culturelles est plus concerné que les autres. Je pense que tous les ministères que je viens de mentionner sont hautement concernés par l'île d'Orléans. Comme le ministre des Affaires culturelles a un instrument légal qui l'oblige à intervenir, le Conseil des ministres lui a demandé d'assurer la maîtrise d'oeuvre de ce comité qui, d'ailleurs, actuellement, est saisi d'un certain nombre de travaux produits dans les différents ministères, aux Affaires municipales, etc. Le ministre de l'Agriculture vient de me montrer un certain nombre de mesures incitatives de soutien à l'agriculture. Il y a des choses qui vont venir qui ne seront pas spécifiques à l'île d'Orléans. Il y a des études dans la machine. Il y a donc une coordination au niveau de l'île.

M. Chabot: Est-ce que cela veut dire qu'il va incessamment ressortir de ces comités de grandes lignes directrices ou est-ce à long terme?

M. Vaugeois: Oui, je ne ferai pas de chantage, mais c'est évident que les projets de réglementa-

tion que vous allez nous soumettre vont un peu nous conditionner. Si on se rend vraiment compte, à l'étude des plans que vous nous soumettez, que vous êtes aussi motivés que nous autres, vous pouvez compter sur nous pour la mise en valeur de l'île d'Orléans. Si on se rend compte, selon les plans de développement, que vous vous considérez comme des banlieues de Québec, point, et que vous acceptez le sort des villages environnants, là, qu'est-ce que vous voulez, on ne sera plus justifiés de faire des efforts. On ne veut pas imposer notre attitude, mais dans la mesure où vous êtes aussi sensibles que nous — normalement, vous devriez l'être davantage — nous, on est prêt à des interventions significatives.

M. Chabot: Pour ce qui a trait à la municipalité de Saint-Laurent, on peut dire que sa vocation première est l'agriculture. Elle détient quand même au moins 90% du territoire. On sait, de par l'expérience, que l'agriculteur a toujours été un conservateur. Je pense que les deux pourraient s'allier, le ministère de l'Agriculture et le ministère des Affaires culturelles, et s'occuper de la conservation de l'île.

Le Président (M. Jolivet): S'il n'y a pas d'autres intervenants, Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: C'est seulement une question d'information. Je suis déjà allée à l'île d'Orléans à plus d'une reprise. La fois où j'y suis allée le plus longtemps, je n'étais pas très haute, j'y ai passé un été, mais ce que j'essaie de saisir et que je ne suis pas capable d'évaluer aujourd'hui dans le contexte de 1978... Il semble qu'il y ait à l'île d'Orléans une paroisse ou une municipalité qui soit plus urbanisée. C'est le cas de Sainte-Pétronille. Est-ce que je me trompe en disant que dans le cas cinq autres municipalités, on a surtout affaire à des municipalités qui sont plus grandes que Sainte-Pétronille et qui sont beaucoup moins urbanisées, où la protection des terres agricoles constitue encore la majorité du territoire? Est-ce une évaluation juste ou fausse? J'aimerais que vous me corrigiez.

M. Chabot: Oui, c'est une juste évaluation. Dans ma municipalité, je peux dire qu'il y a 68 cultivateurs qui détiennent, justement, 90%...

Mme Lavoie-Roux: C'est le cas de Saint-Laurent.

M. Chabot: Le cas de Saint-Laurent, oui.

Mme Lavoie-Roux: Je sais qu'à Saint-François, il y a beaucoup de terres agricoles aussi.

M. Gosselin: 95% des gens sont agriculteurs. Mme Lavoie-Roux: Et dans Sainte-Famille?

M. Deblois: C'est la même chose. 90% agricole.

Mme Lavoie-Roux: II en manque une.

M. Richard: II manque Saint-Pierre qui est un peu à...

M. Vaugeois: Je pourrais vous donner un tableau là-dessus.

Mme Lavoie-Roux: Oui, j'aimerais.

M. Richard: II vous manque Saint-Pierre, Mme le député de L'Acadie, qui est après Sainte-Pétronille la plus urbanisée des municipalités.

Mme Lavoie-Roux: Sainte-Pétronille serait urbanisée dans quelle proportion? Vous avez dit qu'il y avait seulement quatre ou cinq cultivateurs, ce matin.

M. Turgeon: Effectivement, je pense qu'il n'y a jamais eu d'étude du territoire en pieds carrés utilisé par résidence construite. Je pense qu'il n'y a jamais eu d'étude en ce sens-là. Il y a certains secteurs qui sont fortement construits, entre autres ce qu'on appelle la rue Orléans, la rue des Pins nord et sud et Place-de-Condé, qui sont peut-être les derniers depuis 1970 où la construction a vraiment éclaté. Les autres secteurs, ce qu'on appelle le noyau, le secteur historique ou homogène du village, en somme, très peu de constructions y ont été faites depuis plusieurs années à l'exception de bâtiments qui ont été démolis et reconstruits. (16 heures)

Mme Lavoie-Roux: Je pose maintenant la question un peu à tous les maires: Compte tenu de la différence qui existe au plan d'urbanisation entre Sainte-Pétronille et jusqu'à un certain point Saint-Pierre et les autres municipalités de l'île d'Orléans, croyez-vous qu'une réglementation différente serait normale?

M. Deblois: Moi, je pense que dans chaque municipalité, peut-être que pour les mêmes secteurs, enfin des secteurs de même genre, on devrait quand même avoir des normes identiques. Si c'est une zone résidentielle, que ce soit à Sainte-Pétronille, à Saint-Pierre, à Saint-François ou peu importe, on devrait quand même avoir une uniformité là-dessus pour les secteurs qui correspondent aux mêmes normes.

Mme Lavoie-Roux: Si les mêmes normes n'étaient pas retenues, est-ce que cela créerait des problèmes, par exemple de concurrence entre les municipalités du point de vue de l'établissement des gens et du développement des municipalités?

M. Deblois: C'est sûr que ces choses... À l'île d'Orléans, même s'il y a six paroisses, les gens sont très près l'un de l'autre et c'est certain que si, par exemple, à Sainte-Famille on demande 30 000 pieds, à Saint-Pierre on en demande 15 000, à Saint-François, 20 000, c'est bien sûr que cela va créer des petites frictions.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Vaugeois: Un petit commentaire bref. Cette question du député de L'Acadie me suggère, compte tenu des réponses faites, qu'à chaque fois que nous serons sur le point de nous entendre sur un projet de réglementation, il serait peut-être bon d'avoir le point de vue du préfet qui pourrait attirer notre attention sur les choses qui auraient pu échapper à nos services en termes de comptabilité ou de concurrence qui pourrait s'établir. Peut-être, s'il y a lieu, il serait bon de provoquer une réunion entre les maires avant de compléter une entente. C'est un bon point que vous soulevez là.

Je suis certain que nos services vont avoir ce genre de vigilance, et comme on veut remettre aux municipalités le plus grand nombre de responsabilités possible, aussi bien que ce genre de remarques viennent d'elles plutôt que de nos services.

M. Turgeon: M. le Président, c'est justement ce pourquoi je demandais tout à l'heure si le fait pour le ministère ou le ministre de négocier avec chacune des municipalités pouvait impliquer que l'on accepte des normes différentes sur des points identiques.

M. Vaugeois: Vous touchez un bon point. Mme Lavoie-Roux: ... ce matin.

M. Vaugeois: C'est cela. On va s'arranger pour qu'avant d'arriver à la phase finale on ait une bonne concertation.

M. Turgeon: D'où il peut y avoir des pressions au développement, à ce moment, sur une municipalité beaucoup plus grande où on aurait 15 000 pieds alors qu'ailleurs on en a 30 000.

M. Vaugeois: C'est cela. Et à ce moment, on assistera au phénomène selon lequel des maires qui ont revendiqué l'autonomie pour leur municipalité veulent quand même se mêler des affaires des autres municipalités.

Mme Lavoie-Roux: Cela pose à nouveau, M. le ministre, tout le problème d'une des premières questions, au point qui a été soulevé par le préfet de comté, à savoir que ce serait peut-être plus facile de connaître les grandes directives du ministère, quitte, à ce moment, à ce que nous autres, on développe une réglementation qui s'en approche.

M. Vaugeois: Là-dessus, il n'y a pas de secret, il n'y a pas de recettes magiques. À la limite, on applique à l'île les mêmes préoccupations, les mêmes réflexions, les mêmes travaux d'experts que n'importe où ailleurs. On fait plus attention à cet endroit, parce que la loi nous le permet et que c'est un arrondissement historique. À mon avis, il n'y a pas de raison de faire des choses spéciales à l'île et de ne pas les faire sur la 138, ne pas les faire sur la route 3, etc. L'attention qu'on manifes- te à l'île d'Orléans, à mon avis, cela devrait nous inspirer pour des interventions dans tout le Québec.

Vous le dites souvent, Mme le député de L'Acadie, on gâche le paysage québécois, on détruit notre potentiel agricole, on gaspille énormément en sous-utilisant des services existants, en s'obligeant à en fournir de nouveaux. Il n'y a pas de différences, si ce n'est que historiquement, on a reconnu l'intérêt particulier de l'île, on l'a décrétée arrondissement historique. La loi oblige le gouvernement à un certain nombre d'interventions, mais il n'y a pas de choses vraiment spéciales.

Par exemple, quand on est en face d'un beau bâtiment à l'île, qu'on n'a pas classé bien culturel parce que l'ensemble est classé arrondissement, ce qui nous inspire, c'est ce qu'on fait toujours dans le cas d'une aire de protection autour d'un bien classé. Quand on va étudier leur projet de règlement, on va tenir compte de cela. On va, à un moment donné, s'arrêter au point de vue, à la perspective sur des bâtiments de grande valeur historique et patrimoniale, on va discuter de cela avec eux et on va appliquer, à ce moment, les critères qu'on applique dans toutes les aires de protection. Autrement dit, l'île d'Orléans, c'est une superposition d'aires de protection. Il y en a dans tout le Québec, des aires de protection. Il devrait y en avoir ailleurs cent fois plus.

Mme Lavoie-Roux: Sauf qu'elle l'est en totalité.

M. Vaugeois: Voilà. C'est sa chance. Mme Lavoie-Roux: Ah, oui!

Le Président (M. Jolivet): S'il n'y a pas d'autres interventions, je remercierais les membres qui sont venus devant nous, les maires des six municipalités.

J'inviterais maintenant les représentants de la ville de Québec à se présenter devant nous. La parole est à vous.

M. Vaugeois: M. le Président, auparavant, je fais distribuer aux membres présents de la commission un document synthèse sur l'île d'Orléans, qui fournit de l'information sur la population, sur l'évaluation. Sous le titre de l'évaluation, on a une bonne idée de la répartition, de la fonction de ce qui est évalué, terrains vacants, résidences, fermes et boisés, chalets. Vous avez aussi une bonne idée des taxes municipales et scolaires. Vous y constaterez le très bas niveau de taxes municipales, par ailleurs, un niveau beaucoup plus élevé de la taxe scolaire, parce que l'île est assimilée à une région scolaire qui déborde son domaine.

Ce sont des informations qui nous éclairent passablement et qui nous montrent bien, je pense, la situation privilégiée de l'île, à ce moment-ci.

Le Président (M. Jolivet): Je redonne la parole aux représentants de la ville de Québec en leur demandant de bien s'identifier.

M. Vaugeois: M. le Président, j'aimerais que le commentaire du député du Lac Saint-Jean soit enregistré. Il a déclaré l'île un paradis fiscal. Je pense que c'est la plus belle conclusion qu'on peut avoir à l'évaluation du bilan de l'île, c'est qu'en plus d'être un arrondissement historique et un bien patrimonial, c'est également un paradis fiscal.

M. Bertrand: Est-ce qu'on peut dire de cette déclaration que c'est un bien culturel?

Le Président (M. Jolivet): Allez-y, messieurs.

Ville de Québec

M. Blanchet (Jules): M. le Président, à ma gauche, M. Denis Boutin, avocat, membre du contentieux de la ville de Québec, et à ma droite, tout à l'heure, arrivera très probablement l'urbaniste de la ville de Québec. Quant à moi, je suis Jules Blanchet, avocat et président intérimaire du comité exécutif de la ville de Québec.

Le Président (M. Jolivet): Excusez-moi, quel est le nom de l'urbaniste?

M. Blanchet: M. Jean Rousseau.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Blanchet: M. le Président, M. le ministre, Mme Lavoie-Roux, MM. les députés. Les autorités de la ville de Québec doivent d'abord vous remercier de l'invitation que vous leur avez faite de venir aujourd'hui vous transmettre leurs commentaires et recommandations relativement à ce projet de loi qui aura pour effet de modifier substantiellement la gestion des biens culturels.

Je passe à la page 3. Au cours des années, avant même l'avènement de la Loi des monuments historiques ou de la Loi sur les biens culturels, la ville de Québec s'est préoccupée de préserver cette richesse avec les moyens dont elle disposait tout en poursuivant simultanément ses objectifs propres d'administration municipale.

À cette fin, la ville de Québec s'est adressée, à de nombreuses reprises, par le passé, à la Législature, pour demander et souvent obtenir des pouvoirs particuliers afin de lui permettre de mieux protéger ce patrimoine dont elle se considérait déjà gardienne.

Je souligne que nous avons une commission d'urbanisme qui est assez unique à Québec, puisqu'elle a le pouvoir exclusif et accordé par les tribunaux, de déclarer que telle ou telle maison, ou telle ou telle réparation à telle maison, n'est pas esthétique et c'est elle, en exclusivité, qui décide cela. C'est déjà acquis pour nous.

Aujourd'hui, les autorités de la ville de Québec se réjouissent bien de constater l'intention du gouvernement du Québec et de son ministère des Affaires culturelles d'associer les municipalités à la conservation et à la mise en valeur des monuments, des sites et des arrondissements qui constituent notre patrimoine national. Cette intention de décentralisation en faveur des municipalités ne peut que réjouir la ville de Québec. Cependant, nous constatons à regret que cette intention du ministère des Affaires culturelles et du gouvernement n'est pas clairement et valablement exprimée dans le projet de loi no 4 présentement à l'étude. Pourtant, cette intention apparaissait clairement dans la lettre du ministre des Affaires culturelles adressée à M. le maire de Québec le 23 mai dernier.

À notre avis, l'effet global de l'ensemble des modifications apportées à la Loi sur les biens culturels par le projet de loi no 4 n'est pas de décentraliser ou de confier aux collectivités locales la gestion quotidienne des biens culturels et d'en faire ainsi les premiers défenseurs du patrimoine local, mais bien plutôt d'accroître les pouvoirs d'intervention directe du gouvernement de même que du ministre des Affaires culturelles en matière de contrôle des biens culturels.

Ce n'est que par un moyen détourné que les municipalités seront appelées à jouer un rôle dans l'application des règles de droit en matière de patrimoine et ce rôle ne sera essentiellement qu'un rôle administratif. Il semble que les municipalités ont été appelées à mettre l'épaule à la roue uniquement pour faire disparaître le double système de permis qui existe actuellement et dont la lourdeur administrative n'a certes pas pour effet de réjouir les citoyens propriétaires d'immeubles classés ou situés dans un arrondissement historique ou naturel.

Je vais céder la parole à Me Boutin pour expliquer le paragraphe c qui est l'augmentation du pouvoir de contrôle du ministre des Affaires culturelles sur les biens culturels.

M. Boutin (Denis): Nous allons expliquer les raisons pour lesquelles nous croyons que le projet de loi constitue une augmentation des pouvoirs de contrôle plutôt qu'une décentralisation.

Cette augmentation des pouvoirs de contrôle se trouve énoncée dans le nouvel article 48 de la loi tel que proposé par l'article 19 du projet de loi. L'ancien article 48 de la loi permettait au ministre de contrôler de façon absolue la construction, la réparation, la transformation ou la démolition d'immeubles situés dans un arrondissement historique ou naturel.

Le nouvel article 48, par contre, étend d'abord ce contrôle aux sites historiques ainsi qu'aux aires de protection. De plus, cet article a pour effet d'étendre considérablement le nombre d'opérations qui seront maintenant assujetties au contrôle du ministre. Toutes les opérations se rapportant à la division, à la subdivision, à la redivision ou au morcellement d'un terrain de même qu'à la modification de l'aménagement, à l'implantation, à la destination ou à l'usage d'un immeuble, de même que toutes les opérations de construction, de réparation, de transformation ou de démolition impliquant soit les dimensions, ou l'architecture, ou les matériaux, ou l'apparence extérieure d'un immeuble devront dorénavant obtenir l'autorisation préalable du ministre qui devra prendre l'avis de la Commission des biens culturels du Québec.

Le paragraphe e) de l'article 53 de la loi est

également modifié en conséquence afin de confier au lieutenant-gouverneur en conseil les pouvoirs d'adopter des règlements relativement aux opérations que nous venons d'énumérer. Nous tenons ici à attirer votre attention sur le fait que les pouvoirs ainsi conférés au lieutenant-gouverneur en conseil sont essentiellement des pouvoirs de règlement en matière de lotissement, de construction et de zonage, trois pouvoirs et trois champs d'activités qui sont traditionnellement de compétence municipale.

L'article 50 de la loi de même que le paragraphe d) de l'article 53 de la loi sont également modifiés dans le même sens de façon à permettre au ministre des Affaires culturelles de contrôler l'affichage, la modification ou la démolition d'enseignes et de panneaux-réclame et de façon à confier au lieutenant-gouverneur en conseil le pouvoir de réglementer en cette matière.

Vous conviendrez avec nous que ce ne sont certainement pas ces modifications à la loi qui auront pour effet de décentraliser l'administration du patrimoine et de faire des municipalités des gardiennes des biens culturels. Ces modifications auront plutôt pour effet de permettre au ministre des Affaires culturelles et au lieutenant-gouverneur en conseil de poser des gestes dans des champs plus vastes qui sont déjà de compétence municipale et dans lesquels la ville de Québec ou les autres municipalités peuvent avoir déjà exercé leur autorité.

Nous ne nions certes pas au ministre des Affaires culturelles ni au lieutenant-gouverneur en conseil le droit d'intervenir dans ces champs d'activités de façon à assurer que les objectifs de la Loi sur les biens culturels sont atteints, mais nous croyons que les moyens choisis par le projet de loi no 4, compte tenu de l'objectif de décentralisation énoncé par le ministre ne sont pas adéquats. Nous suggérerons un peu plus loin une façon de procéder qui, à notre avis, permettrait pleinement à la fois aux municipalités et au ministère des Affaires culturelles de jouer leurs rôles respectifs de façon que les objectifs municipaux et les objectifs de la Loi sur les biens culturels soient atteints.

Le moyen prévu par le projet de loi pour associer les municipalités à la gestion du patrimoine est énoncé à l'article 49 de la loi tel que proposé par l'article 19 du projet de loi. Cet article, qui est de droit nouveau, vise essentiellement à établir un moyen de supprimer le système des doubles permis qui existe actuellement et qui pourra continuer à exister si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle.

Dans l'état actuel des choses — on l'a dit ce matin d'ailleurs — le citoyen qui désire réparer sa maison située dans un arrondissement historique ou qui, plus tard, désirera en changer l'usage ou l'occupation ou subdiviser son terrain si l'article 48 est adopté sans modification, devra obtenir à la fois un permis de la municipalité et une autorisation du ministre. Le permis de la ville de Québec est nécessaire parce qu'elle a déjà réglementé en matière de lotissement, de zonage et de construction et que les opérations dans ces trois domaines d'activités sont contrôlées par un mécanisme d'émission de permis. Quant à l'autorisation du ministre, elle est exigée par la loi et elle pourra être soit discrétionnaire, après que le ministre aura pris l'avis de la commission, ou encore basée sur les dispositions d'un règlement visant le lotissement, le zonage et la construction, adopté par le lieutenant-gouverneur en conseil. (16 h 15)

Ce que propose le projet de loi, afin d'éviter ce double mécanisme de permis et d'autorisation, est simplement de demander aux municipalités de soumettre au ministre pour approbation leur règlement visant le lotissement, le zonage et la construction. Si ce règlement, de l'avis du ministre, prévoit les normes et conditions minimales requises pour la réalisation des objectifs de la Loi sur les biens culturels, il pourra approuver ledit règlement.

Nous désirons ici attirer votre attention, d'une part, sur le fait qu'aucun article de la Loi sur les biens culturels ne définit de façon précise les objectifs de la loi, ce qui laisse une très large discrétion au ministre dans l'interprétation de ces mots, et, d'autre part, sur le fait que les objectifs d'une municipalité, en adoptant un règlement de lotissement, de zonage ou de construction, ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux poursuivis par la Loi sur les biens culturels.

Dans l'éventualité où un règlement a été effectivement soumis par la municipalité et approuvé par le ministre, la municipalité aura donc l'entier contrôle de l'émission des permis en matière de lotissement, de zonage et de construction. C'est ce que prévoit le nouvel article 49 de la loi. Il est à remarquer que ce n'est pas nouveau. La municipalité doit déjà agir ainsi pour faire respecter ses propres règlements de lotissement, de zonage et de construction. Le projet de loi a pour seul effet de permettre au ministre de ne plus contrôler les opérations énumérées, si la municipalité a adopté des règlements qui contiennent des normes et conditions minimales requises pour la réalisation des objectifs de la Loi sur les biens culturels. Cette modification proposée semble donc avoir beaucoup plus pour effet de permettre au ministre de se retirer du contrôle de la gestion des biens culturels, dans le cas où les municipalités ont bien assumé leur rôle, que d'inciter les corporations locales à agir ainsi et à devenir les gardiennes du patrimoine.

M. Blanchet: Vous me permettrez, M. le ministre, de continuer en proposant des solutions. La ville de Québec croit qu'une autre solution pourrait être envisagée, en prenant en considération l'objectif de décentralisation énoncé par le ministre afin, d'une part, d'assurer une protection adéquate du patrimoine et, d'autre part, de permettre à la fois au ministère des Affaires culturelles et aux municipalités d'exercer librement leur juridiction dans les champs de compétence qui leur sont propres.

Cette proposition première est basée sur l'expérience de la ville de Québec relativement aux problèmes de préservation et de mise en valeur

des biens culturels, même ceux qui n'ont pas encore attiré l'attention du ministère des Affaires culturelles, de même que sur l'expérience d'étroite collaboration avec le ministère des Affaires culturelles vécue par la ville à l'occasion de l'adoption du règlement de zonage concernant le Vieux-Québec, qui incluait tout le territoire de l'arrondissement historique de Québec.

Nous croyons que, même si les corporations locales ont, de façon générale, le souci d'assurer la conservation et la mise en valeur des biens culturels, il y a lieu de prévoir dans la loi l'obligation pour les municipalités, qui doivent adopter des règlements de lotissement, de zonage et de construction touchant les arrondissements historiques, naturels ou les sites historiques ou les aires de protection, d'insérer dans ces règlements des normes et conditions suffisantes pour la réalisation des objectifs de la loi, pourvu cependant que ces objectifs aient été préalablement clairement définis. Je pense que c'est fondamental.

On peut même imaginer un mécanisme d'avis ou de directives qui permettrait au ministre de demander à une corporation locale d'adopter un règlement visant une opération particulière avant une date déterminée ou encore de modifier les règlements existants afin d'atteindre un objectif précis. Un mécanisme semblable existe déjà dans la Loi de l'évaluation foncière, en vertu duquel le ministre des Affaires municipales peut, par ordonnance, ordonner à une municipalité d'adopter un rôle d'évaluation conforme aux dispositions de la Loi de l'évaluation foncière avant une date déterminée.

Cette obligation pour les municipalités de tenir compte des objectifs de la Loi sur les biens culturels étant imposée par la loi, la municipalité pourrait, en collaboration avec le ministère des Affaires culturelles, comme cela s'est fait dans le cas du zonage du Vieux-Québec, élaborer un règlement qui pourrait satisfaire à la fois la municipalité et le ministère des Affaires culturelles. Nous considérons qu'il est important que ces règlements soient élaborés par les municipalités plutôt que par le lieutenant-gouverneur en conseil, parce que les municipalités doivent exercer ces pouvoirs de réglementation en fonction de préoccupations et d'objectifs qui sont proprement municipaux. Lorsqu'il s'agit de parcelles de territoires dans lesquels sont situés des biens culturels, une préoccupation ou un objectif additionnel doit s'imposer à la municipalité. Cependant, ce dernier objectif ne doit pas faire oublier les objectifs premiers de la municipalité. Le règlement de lotissement, de zonage et de construction qui en résultera sera essentiellement un compromis qui permettra de réaliser les deux objectifs sans handicaper ou tronquer aucun des deux.

Encore une fois, l'expérience du zonage dans le Vieux-Québec nous a démontré qu'il était possible d'en arriver à un tel compromis satisfaisant pour les deux parties. Si ces règlements étaient faits par le ministre des Affaires culturelles, celui-ci, n'ayant pas comme devoir d'atteindre les objectifs municipaux, la ville de Québec craint que ces derniers soient oubliés dans la rédaction des règlements de lotissement, de zonage et de construction qui viseraient à atteindre les objectifs de la Loi sur les biens culturels et ce, même si, par leur nature, les règlements de lotissement, de zonage et de construction sont traditionnellement et essentiellement des outils confiés aux municipalités afin d'atteindre leurs objectifs propres.

Notre proposition est donc essentiellement de laisser oeuvrer les municipalités dans un champ de compétence qui leur est propre, en leur donnant comme obligation, dans l'exercice de leur juridiction, de réglementer de façon que les objectifs de la Loi sur les biens culturels soient atteints. Si on parle ainsi de décentralisation, il ne faudrait cependant pas oublier, d'une part, de confier aux municipalités les pouvoirs nécessaires pour que soient atteints les objectifs de la loi et, d'autre part, de leur donner les moyens financiers nécessaires pour assumer cette fonction de gardiennes du patrimoine. Aussi il y aurait lieu, à notre avis, de s'assurer que toutes les municipalités possèdent les pouvoirs de réglementation qui sont prévus à l'article 53 de la loi, tel que modifié par le projet de loi, et de donner aux municipalités qui ne les possèdent pas tous les pouvoirs qui leur manquent.

Il y aurait également lieu de prévoir le versement de sommes d'argent aux municipalités qui assument ainsi ce rôle de gardiennes du patrimoine en collaboration avec le ministère des Affaires culturelles de façon à tenir compte des dépenses supplémentaires entraînées par ce nouveau rôle que l'on désire faire jouer aux municipalités.

Dans ce même ordre d'idées, il y aurait lieu de confier aux municipalités les pouvoirs accordés au ministre par le projet de loi, d'imposer de fortes amendes et de s'adresser à la Cour supérieure afin de faire corriger des situations de fait qui se seraient établies sans qu'une autorisation soit demandée ou en contravention d'une autorisation donnée. S'il est considéré que de tels recours ou sanctions sont nécessaires pour assurer le respect de la loi et des règlements, ces mêmes sanctions et recours devraient pouvoir être exercés par la municipalité pour faire respecter ses règlements puisque ceux-ci auraient pour objet de faire respecter les objectifs de la même loi.

Contrôle du ministère à l'intérieur de la solution proposée. Comme nous l'avons mentionné précédemment, nous ne nions pas au ministre ou au lieutenant-gouverneur en conseil le droit d'intervenir pour que les objectifs de la loi soient atteints. Nous proposons que le pouvoir d'intervention puisse s'exercer à trois niveaux, ou, si vous voulez, de trois façons. Un premier niveau incitatif, un deuxième coercitif et un troisième correctif.

Pour ce qui est du pouvoir incitatif, nous en avons déjà parlé, il s'agirait de confier au ministre le pouvoir de demander à une corporation locale d'adopter un règlement concernant une ou plusieurs opérations qu'il désire voir réglementer avant une date déterminée ou encore de donner des directives à une corporation locale pour qu'elle modifie un règlement déjà existant afin d'atteindre tel ou tel objectif particulier de la loi.

Si la municipalité n'agit pas conformément aux demandes et directives du ministre, le contrôle d'ordre coercitif pourrait être exercé. Dans une telle éventualité, le lieutenant-gouverneur en conseil pourrait utiliser son pouvoir de réglementation et adopter, au lieu et place de la municipalité, un règlement qui rendrait inopérante toute disposition inconciliable d'un règlement subséquent de la municipalité en cette matière. En agissant de cette façon, l'intégralité de la juridiction de la municipalité serait respectée puisque, dans cette éventualité, c'est la municipalité elle-même qui aurait décidé de ne pas réglementer. Le champ de juridiction de la municipalité ayant été laissé inoccupé, le lieutenant-gouverneur en conseil pourrait exercer à son tour sa juridiction.

Dans l'éventualité où la municipalité aurait effectivement exercé ses pouvoirs de réglementation, mais d'une façon qui ne permettrait pas d'atteindre les objectifs de la loi, il y aurait lieu à ce moment d'exercer le contrôle correctif. Il s'agirait, à ce moment, pour le lieutenant-gouverneur en conseil, de désavouer, en totalité ou en partie, le règlement ainsi adopté par la municipalité et par la suite soit de demander à la municipalité d'adopter un nouveau règlement, soit de le faire à sa place.

Vous avez sans doute remarqué que nous avons parlé de désaveu du règlement adopté par la municipalité et non pas d'un mécanisme d'approbation des règlements par le ministre ou le lieutenant-gouverneur en conseil. Nous considérons cette nuance comme très importante. Le procédé, en effet, est très différent. La ville de Québec considère que la présomption de droit qui veut que tout règlement adopté par une municipalité soit considéré comme bon et valable tant qu'il n'a pas été déclaré nul par un tribunal s'applique également à cette matière. Nous ne voyons pas pourquoi les municipalités ne pourraient pas bénéficier d'une présomption selon laquelle elles se sont acquittées du devoir qui leur est imposé par la loi et que le règlement contient, effectivement, les normes suffisantes afin d'assurer la réalisation des objectifs de la loi. Pourquoi devrait-on, à l'inverse, présumer que la municipalité n'a pas respecté ses obligations et assujettir l'entrée en vigueur du règlement municipal à l'approbation par le ministre ou par le lieutenant-gouverneur en conseil?

Nous considérons que ces règlements de lotissement de zonage et de construction doivent, comme tous les autres règlements municipaux, entrer en vigueur dès leur adoption par le conseil municipal, celui de Québec, sous réserve toutefois du pouvoir du lieutenant-gouverneur en conseil de les désavouer s'ils ne respectent pas les objectifs de la loi: le pouvoir de contrôler les décisions de la municipalité.

La Loi sur les biens culturels, tant dans sa forme actuelle que suivant les modifications proposées, donne au ministre des Affaires culturelles des pouvoirs considérables qui peuvent mettre en échec la volonté d'un conseil municipal exprimée dans ses règlements de lotissement, de zonage et de construction. À titre d'exemple: par le mécanisme d'autorisation prévu pour un très grand nombre d'opérations, le ministre peut, dans la poursuite des objectifs de la loi sur les biens culturels, rendre inopérant le règlement adopté par la municipalité.

Ainsi, un acte posé par les élus municipaux à l'avantage de tous les citoyens d'une ville et qui a été posé dans la poursuite d'objectifs purement municipaux serait mis de côté par le ministre qui exercerait sa discrétion dans la poursuite du seul objectif qui lui est imposé par sa loi.

La ville de Québec croit que toute forme de contrôle d'un règlement adopté par les élus d'une municipalité dans la poursuite de leurs objectifs municipaux ne devrait pas se faire de façon discrétionnaire par le ministre seul dans la poursuite d'objectifs qui lui sont propres, mais bien plutôt par le lieutenant-gouverneur en conseil.

En effet, au sein du Conseil des ministres se retrouvent, en plus du ministre des Affaires culturelles, le ministre des Affaires municipales, le ministre responsable de la qualité de l'environnement, le ministre des Transports, bref, les représentants de tous les secteurs d'activités qui touchent les municipalités. L'ensemble de ces intervenants, compte tenu de leurs préoccupations respectives, pourront mieux juger du bien-fondé ou non des règlements municipaux en tenant compte de tous les objectifs que doivent poursuivre les municipalités dans leur administration, et non pas en tenant compte uniquement d'un objectif particulier qui serait, dans le cas qui nous intéresse, la protection du patrimoine.

La ville de Québec croit qu'une telle façon de procéder serait plus compatible avec le fait que la protection du patrimoine doit s'insérer dans la vie des citoyens de la ville de Québec au milieu d'autres préoccupations quotidiennes et non pas être considérée comme une chose statique, indépendante de la vie de tous les jours.

La ville de Québec croit qu'une décision prise par les élus municipaux ne devrait pas être mise de côté par une décision discrétionnaire du ministre qui prendra l'avis de ses fonctionnaires et de la Commission des biens culturels du Québec. Une telle décision ne devrait pouvoir être mise de côté que par une décision du Conseil des ministres qui, lui, est composé d'élus ayant des préoccupations plus diverses et plus proches des préoccupations municipales que le ministre des Affaires culturelles seul. (16 h 30)

En plus des remarques qui précèdent, et qui portaient sur les modifications que la ville de Québec juge les plus substantielles dans le projet de loi, nous désirons vous apporter quelques brefs commentaires sur certaines autres modifications apportées à la loi. Nous regrettons que la modification de l'article 3 de la loi proposée par l'article 1 du projet de loi puisse avoir pour effet que la ville de Québec n'accueille plus un jour ou l'autre, sur son territoire, le siège social de la Commission des biens culturels du Québec. Tant parce qu'elle est la capitale de la province et parce qu'elle renferme dans ses limites une très grande concen-

tration de biens culturels, nous croyons que la ville de Québec devrait continuer d'accueillir le siège social de la commission. Nest-ce pas M. le ministre?

Nous constatons également avec regret que la modification de l'article 4 de la loi proposée par l'article 2 du projet de loi a pour effet de faire disparaître la publication annuelle refondue de la liste des immeubles reconnus ou classés. En l'absence de cette publication générale, les municipalités devront se constituer leur propre liste à partir des avis qui leur sont transmis — évidemment vous enverriez des avis — augmentant ainsi les risques d'erreurs. La ville de Québec se réjouit cependant de la possibilité qui lui est maintenant donnée par le nouveau texte proposé de l'article 25 de la loi de faire des représentations auprès de la Commision des biens culturels pour s'opposer ou pour appuyer un classement.

La ville de Québec s'étonne également du pouvoir conféré au lieutenant-gouverneur en conseil par le nouveau paragraphe f) de l'article 53 de la loi. Le paragraphe f) permet au lieutenant-gouverneur en conseil de déterminer par règlement les opérations visées au paragraphe e) qui ne requièrent pas d'approbation du ministre. Les opérations visées au paragraphe e) sont celles énumérées à l'article 49 de la loi comme nécessitant l'approbation du ministre. Le lieutenant-gouverneur en conseil peut donc, par règlement, soustraire de l'approbation du ministre, qui doit normalement prendre l'avis de la commission, certaines opérations dont la loi, à son article 48, exige l'approbation. Ce mécanisme, à notre avis, permet, par règlement, de tronquer un mécanisme de contrôle prévu par la loi.

La ville de Québec aimerait également que soit précisé le texte du paragraphe g) de l'article 51 de la loi qui permet au ministre de conclure des ententes avec les corporations locales en vue de l'application de la loi de façon que les fonds nécessaires puissent être versés aux municipalités qui agiraient ainsi comme gardiennes du patrimoine afin de compenser pour les déboursés encourus à cause de cette responsabilité additionnelle. Dans l'éventualité où la solution proposée par la ville de Québec ne serait pas retenue, nous désirons prier cette commission de conserver aux municipalités la faculté de ne pas soumettre au ministre pour approbation le règlement de lotissement, de zonage et de construction de façon à leur laisser la liberté d'exercer leur pleine juridiction dans la poursuite de leurs objectifs municipaux. De plus, nous désirons rappeler que dans l'éventualité où le lieutenant-gouverneur en conseil devrait exercer les nouveaux pouvoirs qui lui sont accordés par la loi, il devra le faire avec une extrême prudence de façon à ne pas amputer les municipalités des outils de contrôle qu'elles possèdent afin d'assurer le bien de leurs citoyens.

Nous désirons finalement vous remercier, M. le Président, M. le ministre, madame, messieurs les membres de la commission, de l'attention que vous avez bien voulu nous prêter et les autorités de la ville de Québec vous assurent qu'elles conti- nueront à considérer parmi leurs principales priorités la conservation et la mise en valeur du patrimoine dont elles sont les gardiennes.

La ville de Québec désire enfin assurer à nouveau le gouvernement du Québec et le ministre des Affaires culturelles de sa plus étroite collaboration dans la poursuite des objectifs de la Loi sur les biens culturels. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Vaugeois: M. le Président, je remercie les porte-parole de la ville de Québec de ce mémoire fort bien rédigé et fort bien présenté. Je commencerai par la fin. Je vous avoue qu'il y a pas mal de matière la-dedans et comme j'en prends connaissance au moment de cette lecture, je ne pourrai pas aller aussi loin que je le voudrais dans mes commentaires, mais je vais commencer par la fin parce que c'est plus facile, en tout cas, pour au moins une question. Le fait d'avoir ouvert la porte à un déménagement du siège social ne présume pas qu'il sera déménagé. La possibilité existe, je l'avoue, et je me suis inquiété comme vous de cette question.

Quant à la publication annuelle refondue de la liste des immeubles reconnus ou classés, nous reviendrons là-dessus au moment de l'étude article par article, mais je veux vous rassurer tout de suite en vous disant que nous avons commencé cette année la publication d'un répertoire des biens classés et reconnus. Nous avons l'intention d'en faire une publication annuelle, dans la mesure du possible, ce qui veut dire qu'on vous donnerait encore beaucoup plus que l'outil traditionnel, mais on vous donnerait un outil qui serait vulgarisé et qui comprendrait des photos et beaucoup plus d'explications.

Par ailleurs, nous maintiendrions la publication officielle, mais au fond, on miserait sur un nouvel instrument qui serait beaucoup plus accessible et beaucoup plus facile à utiliser. Je pense que vous connaissez le cahier no 10 des Cahiers du patrimoine; alors, c'est un peu sur ce modèle. Ce numéro est en train de s'épuiser très rapidement, nous pensons à une refonte qui irait jusqu'au 1er janvier 1978 et qui comprendrait même d'ailleurs, non seulement les biens classés, mais également les biens qui appartiennent à l'État, aux pouvoirs publics, et qui n'ont pas été classés, parce qu'on a considéré que, comme ils appartenaient à l'État, il n'était pas nécessaire d'entreprendre une procédure de classement. On les ajouterait même au répertoire, pour donner une bonne vue générale.

Je me réserve la possibilité d'intervenir tout à l'heure sur les paragraphes f) et e) que vous avez indiqués quant à l'article 53. Je vous avoue qu'à la lecture, je ne comprends pas très bien ce que ça veut dire. Tout à l'heure, pendant que l'Opposition parlera, j'essaierai de me faire une idée là-dessus et d'y revenir.

Vous faites allusion aussi à la possibilité de fonds nécessaires qui pourraient être versés aux municipalités qui agiraient comme gardiens du

patrimoine. C'est effectivement une ouverture que donne le projet de loi et dont j'ai bien l'intention de me prévaloir, pour assurer la mise en valeur du patrimoine, et d'intervenir auprès des municipalités, avec des fonds ad hoc. Je pense que vous étiez là ce matin; j'ai même évoqué une étude que j'avais demandée sur l'ancien article 33 — qui, je pense, reste toujours l'article 33 — sur les possibilités de faire profiter les propriétaires résidents non seulement de biens classés mais d'arrondissements historisques, d'avantages fiscaux au niveau de la taxe foncière municipale qui seraient compensés directement à la municipalité qui pourrait d'ailleurs recevoir une bonification à ce moment-là.

Le point principal de votre mémoire, si je le comprends bien, finalement, porte sur l'élargissement de la loi qui introduit les questions de lotissement surtout et peut-être un peu de zonage. À cet égard, vous avez vraiment raison, parce que je pense que dans le projet de loi no 4, on n'a pas oublié grand-chose; tous les mots y sont, toutes les façons possibles de voir la question sont introduites là-dedans.

Je suis d'accord avec vous qu'a priori nous avons là une responsabilité des autorités municipales. Vous reconnaissez vous-même dans votre mémoire qu'il y a des objectifs qui sont propres à la Loi des biens culturels et que c'est là la responsabilité du ministre. Le fait d'avoir introduit dans l'article 48 un rappel aussi clair est beaucoup plus complet que dans la Loi des biens culturels de ce qu'il faut surveiller, de ce qu'il faut avoir à l'esprit, de ce qu'il faut réglementer pour bien protéger et bien mettre en valeur. Ce n'est pas, d'abord, pour l'usage du ministre; c'est vraiment pour donner du contenu à l'article 49. C'est du moins ainsi que je le vois.

Dans l'invitation qui est faite aux corporations municipales de comté et autres de nous faire des propositions de réglementation, nous souhaitons que ces propositions englobent, ce que sont les trois secteurs clefs à notre avis, pour que tout ça soit bon; les secteurs clefs étant le lotissement, le zonage et la construction. Là, évidemment, la ville de Québec est dans une situation peut-être un peu spéciale, c'est une grande municipalité. Vous avez un arrondissement historique de qualité particulière, vous vous en êtes occupé avec beaucoup de soin au cours des dernières années, vous avez développé une expertise de ce côté, vous avez des règlements qui touchent à peu près tous ces points. Ce n'est pas le cas — vous l'avez vu ce matin, par exemple — de toutes les municipalités qui sont concernées par des arrondissements historiques, ou des aires de protection, ou des biens classés.

La loi, évidemment, a une portée générale et n'est pas faite à l'intention de la ville de Québec en particulier. En ce qui vous concerne, je pense qu'on serait peut-être très près de l'étape de l'étude de propositions de réglementation.

Vous souhaiteriez qu'on en fasse une espèce d'obligation aux municipalités. J'aimerais mieux, à ce moment-là, que vous parliez au ministre des

Finances d'abord, parce que ce que vous me proposez supposerait, à peu près, dix fois nos effectifs actuels; parce qu'il nous faudrait fournir une assistance technique extrêmement poussée à un grand nombre de municipalités, ce qui, à mon avis, n'est pas possible. Je m'étonne d'ailleurs, du ton que vous prenez, parce que vous nous proposez d'exiger des choses, alors que le ton que nous prenons est incitatif. Nous suggérons aux municipalités de nous présenter au rythme ou elles le peuvent, avec l'aide que nous pourrons leur fournir, un certain nombre de propositions de réglementation. Notre intention n'est pas tout simplement d'éviter des doubles permis, mais c'est de motiver les municipalités à réfléchir sur les trois points majeurs sur l'intervention qu'elles devraient avoir pour assurer une protection convenable, adéquate de leurs arrondissements historiques ou de leurs aires de protection ou de leurs sites historiques.

Je pense que les énoncés très clairs très explicites, complets — au point que cela en fait sursauter certains — de l'article 48 sont là justement pour suggérer aux municipalités de réfléchir à cet ensemble de questions. Notre intention — c'est ce pourquoi nous proposons la loi 4 — est donc une concertation avec les municipalités pour arriver à ce genre d'ententes, non pas seulement, encore une fois, pour éliminer le double permis, mais essentiellement pour que la municipalité prenne bien conscience de ses responsabilités à cet égard. Comme nous sommes prêts à lui déléguer un certain nombre d'objectifs qui s'ajoutent aux objectifs habituels de responsabilités d'un conseil municipal et, que là, nous déléguons éventuellement des obligations qui sont les nôtres, vous comprendrez qu'on s'assure qu'il y ait une rencontre, qu'il y ait un équilibre — d'ailleurs, ces mots se retrouvent dans votre mémoire — entre les objectifs de la Loi des biens culturels et les objectifs poursuivis par un conseil municipal, compte tenu du mandat qu'il reçoit de sa population.

Je pense que la démarche, qui est inscrite dans le projet de loi, correspond à l'essentiel de vos préoccupations. Si je retenais votre proposition première, j'aurais l'impression de jouer un peu au caporal et de demander des choses que je ne suis pas capable de soutenir par les services que nous avons actuellement, par les experts dont nous pouvons disposer. Vous avez certaines questions qui relèvent du lieutenant-gouverneur en conseil plutôt que du ministre des Affaires culturelles. Comme un ministre passe rapidement dans un ministère, je ne le prends pas comme une référence personnelle. Je vous dirai en passant que, comme référence personnelle, vous avez actuellement un ministre des Affaires culturelles qui est finalement peut-être plus préoccupé, encore à ce moment-ci, de questions municipales que de questions culturelles. Je suis député d'une ville, j'ai siégé pendant de nombreuses années au sein d'une commission d'urbanisme et j'ai gardé depuis toujours finalement, depuis l'âge de raison, de grandes préoccupations urbaines. Si vous étiez

là, ce matin, vous avez suivi mes interventions, vous êtes peut-être, même, un peu étonnés de voir que plusieurs de mes interventions portaient beaucoup plus sur la question municipale que sur la question patrimoniale. Ce n'est pas une garantie pour l'avenir, ma carrière aux Affaires municipales étant éphémère...

Une voix: ... aux Affaires culturelles...

M. Vaugeois: ... aux Affaires culturelles étant éphémère, j'ai peut-être annoncé quelque chose...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous deviendrez maire de Trois-Rivières?

M. Bertrand: Pas de journaliste dans la salle, s'il vous plaît!

M. Blanchet: Vous aviez affaire à des gens éminemment...

M. Vaugeois: Cela étant dit, permettez-moi une dernière remarque. Il existe, déjà, dans notre structure gouvernementale... vous voulez partir tout de suite?

M. Blanchet: Écoutez, j'ai donné mon titre tout à l'heure, je suis président intérimaire du comité exécutif et, comme le maire est à Edmonton et que j'ai un conseil municipal à 5 h, je devrais quitter. Je demande à M. le Président de pouvoir quitter, je laisserai l'urbaniste de la ville discuter avec vous, de même que M. Boutin qui s'entendent très bien... D'ailleurs si j'ai des bonnes idées, c'est peut-être grâce à eux.

M. Vaugeois: Est-ce que je pourrais, pendant que vous faites vos valises, vous dire encore une chose, quand même, qui est importante, compte tenu de la démarche que vous faites? Vous souhaiteriez à certains moments qu'on déplace vers le lieutenant-gouverneur en conseil des interventions du ministre des Affaires culturelles et vous avez raison de le souligner, compte tenu du fait qu'il y a des implications municipales, des implications d'environnement, etc. Je vous rassurerai à cet égard; chaque fois qu'une décision d'un ministre implique d'autres ministères, nous avons des structures interministérielles maintenant, grâce au ministère d'État en particulier et chaque fois que c'est nécessaire, nous créons une structure interministérielle ad hoc. Or, j'ai bien l'intention de ne pas approuver de projets de réglementation — cela va de soi, à mon avis — sans un comité formel auquel participeront les ministères concernés

M. Blanchet: C'est très bien, M. le ministre, alors écrivez-le. Merci.

M. Vaugeois: Merci, monsieur.

Le Président (Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier la ville de Québec d'avoir quand même, dans des délais très courts, présenté un mémoire qui est intéressant à plusieurs égards. Je pense qu'il y a peut-être lieu de regretter que nous n'ayons pas prévu, pour l'étude de ce projet de loi, d'entendre plus de mémoires. Je pense que c'est presque accidentellement et à cause de votre vigilance — là-dessus, je dois vous féliciter — que nous pouvons aujourd'hui vous entendre. Cela aurait peut-être été une occasion assez intéressante de sensibiliser une plus grande partie de la population à ce problème de la protection des biens culturels. Je ne sais pas si, dans le passé, il y a eu des commissions parlementaires sur le sujet, pas à ma connaissance en tous les cas...

M. Bertrand: Cela ne fait pas tellement longtemps qu'on est ici nous-mêmes, madame.

M. Guay: C'est à vous qu'il faudrait le demander.

M. Bertrand: On pourrait demander au député de Mont-Royal...

M. Guay: Peut-être que le député de D'Arcy McGee pourrait nous renseigner: Est-ce que la loi 2, à l'époque, avait fait l'objet d'une commission parlementaire? C'est une question comme cela, c'est parce que le député de...

Mme Lavoie-Roux: La question que je posais, M. le ministre, c'est si, dans le passé...

M. Guay: La Loi sur les biens culturels.

Mme Lavoie-Roux: ... il y a eu une commission parlementaire...

M. Guay: En 1972.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une menace, cela.

M. Vaugeois: ... les problèmes.

Mme Lavoie-Roux: Ceux-là ne sont pas trop difficiles à régler, M. le ministre.

M. Guay: Ces fauteuils vont devenir patrimoniaux bientôt.

M. Fontaine: On sait que vous allez perdre votre siège.

Mme Lavoie-Roux: La remarque que je faisais, M. le ministre, ou la question que je posais, c'était pour savoir s'il y avait déjà eu une commission parlementaire pour étudier... D'abord, la première fois que le projet de loi sur les biens culturels avait été adopté, je regrette qu'aujourd'hui on n'en ait pas prévu une parce qu'on voit que, même sans invitation formelle, un groupe comme la ville de Québec — je pense au conseil

des Chutes qui va venir par la suite — cela aurait été une occasion, je pense, de sensibiliser les municipalités qui vont voir arriver le ministère des Affaires culturelles sans peut-être en avoir beaucoup entendu parler. Mais, enfin, tout ceci est maintenat du passé.

M. Vaugeois: Est-ce que je pourrais quand même dire là-dessus que, d'abord, ce n'est pas par hasard que ces gens sont ici. Il y a eu envoi de plusieurs documents et, dès le dépôt en Chambre, dans la journée, j'avais prévu la chose, nous avons adressé des lettres à tous les maires qui pouvaient être concernés, et tout cela fait suite. Écoutez, je pense que...

Mme Lavoie-Roux: Vous ne les avez pas invités à venir à la commission parlementaire?

M. Vaugeois: Non, je les ai invités à nous faire part de leurs observations sur le mémoire. Soit dit en passant, tout cela n'est pas improvisé; la loi 4 est fondée sur une expérience de plusieurs années sur des relations avec des municipalités. Ce n'est pas de l'improvisation, c'est fondé sur l'expérience qu'a donnée l'application de la Loi sur les biens culturels.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que le ministre est susceptible. Je ne l'ai pas accusé d'improvisation. J'ai simplement regretté qu'on n'ait peut-être pas...

M. Vaugeois: Je m'excuse d'être susceptible.

Mme Lavoie-Roux: ... d'une façon plus formelle, invité les municipalités; la ville de Québec, évidemment, est très sensible à ce problème, mais il n'aurait peut-être pas été mauvais que la ville de Montréal vienne. Souvent, à moins qu'une commission soit annoncée d'une façon formelle, les gens se disent: On ne présentera pas de mémoire. C'était le sens de ma remarque, M. le Président.

Pour revenir, finalement, à ce qui est peut-être le problème principal que vous soulevez, à savoir si le ministre ne retient pas trop de pouvoirs dans l'élaboration des règlements, selon vous, peut-être que davantage de pouvoirs devraient être laissés aux municipalités puisque chaque règlement devra être approuvé par le ministre. Est-ce que je vous interprète bien en pensant que, selon vous, le ministère des Affaires culturelles devrait peut-être édicter certaines normes de base, minimales, dans le domaine du lotissement, du zonage et de la construction et, après cela, qu'on laisse aux municipalités le soin d'édicter la réglementation finale et de voir à son application. Finalement, est-ce le sens de la partie principale de votre mémoire?

M. Boutin: Ce à quoi nous nous référons, le rôle du ministre des Affaires municipales en face des municipalités, du moins dans les propositions que nous vous soumettons, c'est que le ministre pourrait nous donner des objectifs à atteindre.

Notre raisonnement est basé sur la prémisse suivante: au cours des années, la ville de Québec, on le croit du moins, s'est préoccupée de préserver les biens qui étaient situés dans ses murs. La ville de Québec n'a pas attendu pour réglementer en matière de lotissement, de zonage et de construction et protéger le patrimoine dont elle était gardienne.

Ceci étant dit, comme nous nous sommes déjà acquittés de notre devoir, tout ce que nous souhaitons, c'est de continuer de nous acquitter de notre devoir; cependant, si le ministre a des objectifs à nous imposer, ou des guides à nous dicter, qu'il nous le dise, et nous allons nous empresser, à l'intérieur de notre juridiction, en tenant compte des objectifs proprement municipaux qui sont nôtres, d'édicter des règlements dans ces trois matières.

On a fait un parallèle avec le zonage du Vieux-Québec de l'été dernier, où s'est passé, effectivement, ce mécanisme que l'on propose. Le ministre est intervenu pour nous demander d'intervenir de façon particulière sur la multiplication des débits d'alcool dans le Vieux-Québec, à la suite de discussions avec le ministère, avec les citoyens, on s'est penché sur le zonage, on a révisé notre zonage et on a sorti un règlement de zonage qui, je pense bien, satisfait tout le monde. Cependant, c'est la municipalité qui l'a rédigé, tenant compte de ses objectifs proprement municipaux, et, comme je l'ai dit tantôt, également en tenant compte de l'objectif de la protection du patrimoine. Cependant, de la rencontre de ces objectifs, il ne peut résulter qu'un compromis qui satisfasse à la fois l'un et l'autre.

Nous disons que, compte tenu du fait que nous avons une municipalité qui a ses objectifs municipaux et qui a également comme objectif de protéger le patrimoine qui est à l'intérieur de notre territoire, nous l'avons fait sans que cette obligation ne nous soit faite par la loi. Si on nous le donne par la loi, nous allons continuer à le faire. Compte tenu du fait que nous avons ces deux objectifs à rencontrer, nous croyons que les municipalités sont mieux placées pour réglementer en matière de construction, de zonage et de lotissement pour créer ce compromis, qui doit être à l'avantage de tous les citoyens de la municipalité et à l'avantage de tous les citoyens de la province, compte tenu du patrimoine, que le ministre, qui a un objectif qui lui est donné par la loi, celui de la protection du patrimoine.

Je suis bien conscient que le ministre peut personnellement avoir des préoccupations d'ordre municipal et de la qualité de l'environnement, mais, comme le disait M. Blanchet tantôt, ce n'est pas une garantie pour l'avenir. Nous aimerions bien que ce soit écrit dans la loi. On verrait ce contrôle passer par le Conseil des ministres, plutôt que par le ministre des Affaires culturelles.

Mme Lavoie-Roux: En admettant, par exemple, que le ministère établisse des objectifs généraux, il faut quand même se rappeler que la ville de Québec a une tradition, qu'elle est reconnue

comme possédant, au plan du patrimoine, des richesses peut-être plus que toute autre ville du Québec, si on en fait la somme. Vous vous êtes sensibilisés, au cours des années, et je dirais même des générations, à cette richesse. À votre avis, est-ce que ce serait le cas des municipalités moins grandes ou qui ont une moins longue tradition que la ville de Québec n'a dans ce domaine?

M. Boutin: Ce n'est peut-être pas le cas. Je ne nie pas que certaines municipalités sont moins bien organisées au point de vue des services d'urbanisme ou commencent simplement à s'articuler des règlements, ce qui semble être le cas pour l'île d'Orléans, ce matin. C'est pour cette raison que nous avons, dans notre proposition, donné au mécanisme des moyens de contrôle sur ces municipalités, où il pourra se substituer aux municipalités, si celles-ci ne font pas leur devoir. Mais on ne désirerait pas que le geste, que l'initiation ou que le règlement premier soit l'oeuvre du ministre des Affaires culturelles, mais bien celle de la municipalité. Si la municipalité ne veut pas intervenir dans son champ de compétence et veut laisser le ministre des Affaires culturelles réglementer ces trois champs d'activités, qui sont le lotissement, le zonage et la construction, qui, à notre avis, sont les trois outils indispensables pour que les municipalités puissent gérer le bien de leurs contribuables, si une municipalité se retire de ce champ, si elle prend la décision de ne pas réglementer dans ce domaine, le ministre, qui a le devoir, de par la loi, de protéger le patrimoine, interviendra dans ces trois domaines d'activités.

Cependant, comme ce sont trois domaines d'activité purement municipaux et les outils de base avec lesquels on doit travailler, on doit agir avec une très grande prudence lorsqu'on agit aux lieu et place des municipalités. On devrait, comme principe, laisser les municipalités agir là-dedans.

Mme Lavoie-Roux: Quels sont, selon vous, les moyens qui devraient être mis à la disposition des municipalités pour s'acquitter des nouvelles responsabilités qui leur seront données, même si vous éprouvez un certain désaccord quant à la façon dont le ministère veut exercer son jugement ou sa critique, à l'égard des règlements des municipalités? Qu'est-ce qui semble être le minimum? Évidemment, cela peut varier d'une municipalité à l'autre. Mais quel est le minimum pour qu'une municipalité puisse être sensibilisée à cette dimension du patrimoine et ensuite établir une réglementation dans un domaine qui, dans bien des cas, peut lui être très peu familier, sinon presque totalement inconnu?

M. Boutin: Je veux juste faire un commentaire, avant de laisser M. Rousseau répondre là-dessus. Quand vous dites un domaine qui lui est très peu familier, je vais apporter un petit commentaire.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Boutin: Lotissement, zonage et construc- tion sont des domaines proprement municipaux. C'est un objectif supplémentaire avec lequel...

Mme Lavoie-Roux: Mais par rapport à la préservation du patrimoine.

M. Boutin: II y a seulement l'objectif supplémentaire avec lequel elles ne sont peut-être pas familières et elles ont besoin d'aide. Je laisserai M. Rousseau répondre à cela.

M. Rousseau (Jean): Je pense qu'en premier lieu, on doit attendre, effectivement, et la loi doit en faire état, les objectifs du gouvernement du Québec en matière de sauvegarde, de préservation, de mise en valeur. Je pense que c'est une prérogative du gouvernement du Québec. Dans d'autres matières, le gouvernement agit de cette façon, en matière d'évaluation, on en fait état dans notre mémoire, comme en matière d'environnement. Il y a des normes minimales qui sont fixées, il y a des plans d'action qui sont développés. Mais cela n'a pas pour effet, nécessairement, de court-circuiter les municipalités là où elles ont déjà des pouvoirs traditionnels établis.

En deuxième lieu, on en fait également mention dans le mémoire, il s'agit certainement, dans la mesure où on redonne aux municipalités l'administration du permis, par exemple, et des autres matières sous considération, je pense qu'on peut attendre un appui financier minimum. Dans une optique de décentralisation, on croit que cette approche est très saine. Il est évident que, même dans le cas de Québec, il y a plusieurs dizaines de permis qui sont étudiés par semaine. Il y a des expertises additionnelles qu'on devra conduire. Nous sommes prêts à faire cela, mais dans la mesure, encore une fois, où on pourra compter sur un support statutaire et certainement où on pourra compter également sur la collaboration qui nous est déjà acquise des effectifs du gouvernement.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais simplement, à mon tour, remercier et féliciter les représentants de la ville de Québec pour la présentation de leur mémoire. Je pense que cela leur prend quand même un certain courage pour venir dire au gouvernement du Parti québécois qu'il est centralisateur, qu'il s'ingère dans les champs de compétence municipale. Je pense que les municipalités sont quand même jalouses de leurs pouvoirs et elles ont le droit de donner leur opinion à ce sujet.

Je pense que les critiques que ces gens formulent rejoignent, entre autres, certaines critiques qui ont été faites ce matin par les maires de l'île d'Orléans, sauf peut-être une municipalité, lorsque les maires nous disaient: Laissez-nous

adopter des réglementations et on va s'occuper de notre affaire.

Je pense que c'est un peu ce que nous dit la ville de Québec aujourd'hui, ce qu'elle dit au gouvernement. Ces représentants sont prêts à adopter des règlements et se demandent pourquoi ce serait le ministre qui leur dirait quel règlement adopter, et de quelle façon procéder. Tout ce qu'ils veulent, c'est avoir des objectifs à atteindre et ils sont prêts à les atteindre.

Peut-être qu'il y a une différence avec la ville de Québec, parce que celle-ci a quand même un patrimoine et est bien organisée, de ce côté-là, depuis plusieurs années. Mais ce que je voudrais savoir du ministre, c'est s'il n'y aurait pas lieu de songer à faire certaines exceptions dans la loi pour des villes organisées comme la ville de Québec; ces villes pourraient adopter leur propre réglementation sans avoir une autorisation préalable du ministre, en vertu des articles 48 ou 49. (17 heures)

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Vaugeois: C'est ça qu'on va faire. C'est ça que va permettre la loi. Les municipalités qui sont prêtes à nous proposer des dispositions réglementaires vont le faire dans les semaines qui viennent et on va signer des ententes. J'ai le pouvoir de signer des ententes et compte tenu des remarques qu'on a faites, j'ai également le pouvoir de suivre avec de l'aide financière. C'est exactement ce que nous allons faire. C'est clair qu'il va s'établir dans les faits des différences. Il y a des municipalités qui ne sont pas prêtes encore, à mon avis, à venir. Il y en a d'autres qui le sont particulièrement et, à cet égard, je pense que la ville de Québec devrait être l'une des premières, compte tenu de son expérience et du travail qu'elle a déjà fait. C'est une ville qui est bien dotée de services d'urbanisme, en particulier.

M. Fontaine: Mais je ne pense pas, à moins que je ne me trompe, que ce soit l'objectif de la ville de Québec. Ce qu'elle veut, elle, c'est...

M. Vaugeois: C'est elle...

M. Fontaine: ... avoir des objectifs à atteindre...

M. Vaugeois: Oui.

M. Fontaine: ... et adopter ses propres règlements sans être chapeautée par le ministère des Affaires culturelles. C'est dans ce sens-là que...

M. Vaugeois: Que voulez-vous? La Loi des biens culturels existe et elle oblige déjà le ministre à un certain nombre de choses. Je suis assez d'accord avec la remarque qui est faite. L'idéal, ce serait qu'on ait, dans le passé... J'aimerais hériter de ça, moi, d'une belle définition des objectifs de la Loi des biens culturels. C'est un fait que la loi, là-dessus, n'est pas très volubile. Je me suis fait raconter d'ailleurs que c'est l'honorable Jean

Lesage, à l'époque, qui avait résumé tout ça dans l'article 30 qui dit, grosso modo, qu'il faut conserver les biens classés en bon état. Finalement, c'est peut-être l'article 30 qui résume la préoccupation de base.

Vous aurez noté, si vous avez suivi mes interventions des dernières semaines, que j'essaie, chaque fois que l'occasion m'en est donnée, d'associer l'idée de protection, qui est dans l'article 30, à celle de la mise en valeur. Là-dessus, je crois que nous allons maintenant entrer dans une phase où les façons d'intervenir dans la protection et la mise en valeur du patrimoine vont se préciser. Ce sont des préoccupations assez nouvelles au Québec. On a vu naître, d'ailleurs, au Québec, comme au Canada, ces toutes dernières années, beaucoup d'organismes nouveaux et même beaucoup d'experts nouveaux pour travailler en ces matières. C'est quelque chose d'assez nouveau sur le continent nord-américain. Il y a une tradition en Europe, dans certains pays, que nous n'avons pas. Je suis convaincu, moi, que la rencontre de cette réflexion de plusieurs experts à plusieurs paliers devrait nous amener à mieux cerner les objectifs que nous poursuivons. Puisque j'ai devant moi deux experts, je vais leur faire une petite réflexion sur l'arrondissement historique de Québec.

On ne peut pas dissocier, je crois, le problème ou les problèmes auxquels nous avons à faire face dans la protection de cet arrondissement historique de ceux auxquels la ville a à faire face dans son ensemble. C'est le phénomène de nos vieilles villes. Le premier problème qu'on a dans l'arrondissement historique, c'est celui que pose la vie, la vitalité du centre-ville. Ça déborde même l'approche patrimoniale. On a à faire face — ce n'est pas facile — à une animation et à un soutien d'une activité normale pour un centre-ville. Si on joint ça à des objectifs patrimoniaux, on se rend compte de la complexité de la question. Mais à la limite... Si les urbanistes et ceux qui les conseillent, ceux avec qui ils travaillent, avaient réussi, ces dernières années, à maintenir un bon niveau de vie, d'animation, de densité des centre-ville, on n'aurait même pas besoin de parler de ces choses. C'est parce qu'il y a eu ce phénomène de l'étalement urbain, du développement anarchique en banlieue que, finalement, le problème d'un arrondissement historique, qui coïncide souvent avec un centre-ville normal, se pose. Avant même de poser le problème, de rejeter la balle aux spécialistes du patrimoine, je pense qu'il y a fondamentalement un problème d'urbanisme.

Là-dessus, le directeur du service d'urbanisme ne devrait pas être loin de penser un peu comme moi.

M. Rousseau: Oui, je suis d'accord, M. le ministre. Si vous me permettez de vous sensibiliser à notre inquiétude, cependant, qui demeure. En 1972, je crois, la Loi des biens culturels a été amendée pour qu'on y ajoute des modalités concernant le contrôle de l'affectation du sol. En 1978, on propose carrément de doter le ministre

de pouvoirs en matière de zonage, lotissement, etc. Est-ce qu'on ne peut pas croire que, tout à l'heure, le ministre jugera bon — ou le gouvernement — de se donner des pouvoirs, également, des juridictions en matière de circulation, transport, espaces verts, etc? Parce que ce sont également des éléments qui sont intimement reliés au zonage et à l'affectation du sol, etc.

Le problème fondamental qu'on pose, cet après-midi, consiste à savoir si vraiment c'est la façon de faire que d'enlever aux municipalités, en quelque sorte, leurs pouvoirs pour créer un pouvoir éminent au ministre, alors qu'on pourrait, de différentes façons, comme c'est déjà possible par nombre de lois provinciales, inciter les municipalités à une action. Ce qui a manqué — je reviens là-dessus, ce n'est pas une marotte — ce sont certainement des objectifs. J'ai tendu l'oreille, ce matin, à différentes remarques des maires, et celles-ci mettaient en évidence, également, cette incertitude dans laquelle on se trouve. Je ne veux pas, non plus, jeter de pierre à personne; c'est très difficile de s'arrêter définitivement sur le plan d'opération, mais je pense que les efforts doivent aller beaucoup plus dans ce sens que dans la création de pouvoirs et de superpouvoirs, quand les outils, réellement, ne sont pas là, ou quand il n'y a pas un consensus de base sur ce qu'on veut entendre.

On a fait, dans les arrondissements, à ma connaissance, beaucoup de gestion à la pièce et je pense que tout le monde veut sortir de cela. C'est pourquoi on réclame des objectifs. C'est fondamental et je pense que quand la population sera informée de ces objectifs, quand tout le monde y souscrira, les aspects mécaniques sur lesquels on discute passeront au second rang, et on aura une assurance qu'on va vers quelque chose.

Encore une fois — je ne veux pas revenir là-dessus — à chaque génération de fonctionnaires aux Affaires culturelles — peut-être que cela a été plus mouvant qu'à la ville de Québec — on s'est fait une nouvelle définition du plan de sauvegarde. Aujourd'hui, je serais bien curieux de savoir s'il y en a une qui existe, effectivement. On est associé à nombre de comités pour nous dire: Voilà, on commence le plan de sauvegarde, il y aura du financement pour le plan de sauvegarde; c'était comme cela en 1975, en 1976, en 1977, en 1978. Maintenant, qu'est-ce qu'on se fait comme idée du plan de sauvegarde? Tous les gouvernements ont eu ce problème, mais je pense qu'il faut énoncer des choses claires pour sortir, justement, de l'arbitraire et de la menace, toujours, d'intervention quand on dérogera. On dérogera à quoi, en réalité, puisque ce n'est pas énoncé, ce qu'on veut atteindre. De façon très générale, je pense qu'il y a un consensus; tout le monde s'entend, tout le monde veut préserver le patrimoine. Quand on traduit cela dans des plans d'action, il faut que ce soit plus précis. C'est là, seulement, en second lieu, que pourraient ressortir les outils. Il me semble qu'on met un peu la charrue devant les boeufs en évitant d'attaquer le problème de fond et de s'entendre, encore une fois, sur ces objectifs fondamentaux que la loi doit peut-être ne pas énoncer, mais permettre, quand même, d'articuler.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Vaugeois: Au sujet de ces commentaires. Je trouve les propos que tient le directeur du service d'urbanisme extrêmement intéressnts. Cela pourrait, d'ailleurs, nous amener dans des considérations nombreuses. Si, à un moment donné, le législateur juge bon de revenir à la charge ou de préciser la portée d'une toi existante, c'est probablement — je reviens là-dessus — à la suite d'une observation et d'une expérience.

On ne peut pas lancer la balle à quelqu'un en particulier. La faute n'est pas facile à départager, mais il y a eu, depuis à peu près quinze ans, au Québec et dans la plupart des villes nord-américaines, une espèce d'inconscience ou de distraction quant aux effets de certains gestes posés, parfois même par les gouvernements. Je ne veux pas rentrer dans des litanies que j'ai développées, un peu, au moment de la défense de mes crédits, mais c'est clair qu'on a laissé s'installer, en périphérie des villes, des services essentiels comme les écoles, par exemple, sans trop se rendre compte de ce que cela pourrait avoir comme effet; on a laissé se détériorer la ville.

Vous qui êtes urbaniste, vous devez lire toute cette littérature quasi mondiale, maintenant, sur, quasiment, la mort lente de certaines de nos villes; vous avez peut-être lu cet excellent roman de Didier Decoin, John l'Enfer qui raconte le drame de New York. Nous, on est à une autre échelle, mais on observe un phénomène, ici, de fuite de la ville.

Je pense qu'on est obligé, tous ensemble, d'intervenir et de s'imposer un certain nombre d'interventions précises. Les réflexions du législateur sont peut-être susceptibles, effectivement, de faire prendre conscience aux administrateurs municipaux d'un certain nombre de responsabilités qui sont les leurs, face à la vie de la ville. Je pense que tout le monde ici va admettre que nos villes sont malades et que l'urbain réagit tout simplement en réglant son problème individuellement, en s'en allant un peu plus loin pour éviter la pollution, pour éviter le bruit, pour éviter la dégradation de son milieu de vie. En même temps, il dégrade un autre milieu de vie et on a ainsi assisté à une espèce de massacre de nos valeurs patrimoniales les plus authentiques. C'est le devoir des gouvernements, à tous les niveaux, d'intervenir.

C'est peut-être agaçant, j'en conviens, qu'un gouvernement rappelle à des autorités municipales qu'il y a lieu de faire attention à telle chose, à telle chose, à telle chose. L'objectif de la loi que nous discutons à ce moment-ci n'est pas, pour le gouvernement, d'assumer ses responsabilités; c'est de les rappeler et d'inciter les autorités municipales à se doter de règlements pour intervenir en ces matières. J'admets avec vous qu'on n'a pas oublié grand-chose cette fois-ci. Mais c'est

l'expérience des dernières années qui nous montre qu'il n'est pas suffisant de parler de protection du patrimoine; effectivement, il faut préciser la nature d'un certain nombre de secteurs de vigilance. Vous le dites fort éloquemment, ça passe d'une intervention au niveau du lotissement, au niveau du zonage, au niveau de la construction et sans doute qu'il y aura d'autres secteurs qu'il conviendra d'étudier avec soin.

Les responsabilités des autorités municipales évoluent rapidement à ce moment-ci. L'intention du gouvernement n'est pas de les assumer à leur place, mais peut-être de les bien pointer, de les bien identifier pour que les municipalités soient finalement placées en face de leurs responsabilités à cet égard. Je prétends qu'on a démoli en dix ans un certain nombre de nos villes. Je me dis que ce n'est peut-être pas mauvais de se donner encore dix ans pour essayer de les réanimer et de les soigner.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais poser une question au ministre, s'il me le permet. Les objectifs que les représentants de la ville de Québec souhaitent, est-ce que demain, on peut espérer les retrouver dans le livre blanc sur la culture?

M. Guay: Mardi, madame, mardi. Mme Lavoie-Roux: C'est demain. M. Vaugeois: C'est demain.

Mme Lavoie-Roux: C'est demain, mardi. Ils seront dedans?

M. Vaugeois: Ils ne seront pas dedans comme les gens nous l'expriment. Cela devrait être un complément au chapitre sur le patrimoine, mais effectivement, il y a des idées générales qu'on va trouver dans le chapitre sur le patrimoine. Mais le point de vue qu'ils expriment est très intéressant...

Mme Lavoie-Roux: Oui, je...

M. Vaugeois: ... et j'en retiens, si vous voulez, une espèce de commande urgente pour nous, celle peut-être de faire un effort exceptionnel pour cerner les objectifs que nous poursuivons et que nous avons tous vaguement à l'esprit. Je ne doute pas d'ailleurs que les organismes qui vont suivre et qui sont eux-même nettement identifiés à la défense, à la protection, à la mise en valeur du patrimoine, pourront nous apporter des points de vue éclairants là-dessus dont nous ferons notre profit.

On en est là, et c'est une réflexion commune.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Taschereau.

M. Guay: J'avoue ne pas avoir trouvé très convaincant le plaidoyer de la ville de Québec, même si je reconnais qu'il est bien fait. Pas très convaincant, parce que je pense qu'il y a méprise quant au but de la loi et, en particulier, quant aux articles 48 et 49. Si on prend le mémoire de la ville, page par page, on s'aperçoit que la plupart des pouvoirs que le mémoire énonce comme étant des pouvoirs qui sont conférés au ministre par la nouvelle loi ou par le projet de loi sont des pouvoirs qui, de toute façon, existent déjà, que le gouvernement possède déjà, puisque de toute façon le gouvernement, par la Loi sur les biens culturels, a le pouvoir et le devoir de s'assurer de la sauvegarde et de la mise en valeur des arrondissements historiques et des biens culturels.

Ce que vise le projet de loi qui est devant nous à l'heure actuelle, c'est beaucoup plus de faire en sorte qu'on associe les municipalités, étant donné les responsabilités qui devraient être les leurs également, dans ce domaine.

On nous a dit, vous me permettrez de ne pas partager tout à fait votre opinion, que la ville de Québec s'était, jusqu'à maintenant, si bien acquittée de sa tâche dans ce domaine, qu'elle ne voyait vraiment pas de raison pour que le gouvernement intervienne de façon autoritaire, ce qui n'est pas le cas, à mon avis, lorsqu'on lit le projet de loi comme il faut. Mais je dirai, à ce sujet, que la façon dont la ville de Québec s'est acquittée de la sauvegarde, de la protection, de la mise en valeur de son patrimoine, serait déjà une bonne raison, si la Loi sur les biens culturels n'existait pas, pour la créer. Parce qu'en définitive, qu'est-ce que la ville de Québec a tant sauvé? (17 h 15)

En dehors de l'arrondissement historique du Vieux-Québec, juste à côté de l'arrondissement historique du Vieux-Québec, la ville de Québec avait la possibilité, dans une partie de son territoire qui n'était pas protégée par la Loi sur les biens culturels, où elle avait donc toute latitude de manifester son souci de préserver son patrimoine, un patrimoine passé de tous les Québécois. À se promener sur la colline parlementaire aujourd'hui, on voit le résultat. Bien sûr, les gouvernements antérieurs aussi ont eu leur large part des responsabilités. Aujourd'hui, maintenant que tout ce qui a été fait est devenu fort impopulaire, il est de bon ton de faire passer la responsabilité aux anciens gouvernements qui n'existent plus.

Il ne faut pas remonter bien loin dans le temps pour savoir que la ville de Québec était entièrement d'accord avec cette façon de voir les choses. Cette célèbre phrase de celui qui est maintenant ministre des Postes à Ottawa: "le béton est le patrimoine de demain" en dit long sur l'approche que pouvait avoir la ville de Québec en la matière, si bien qu'en dehors de l'arrondissement historique du Vieux-Québec, on ne peut pas dire que la ville de Québec ait manifesté un souci particulièrement éloquent de sauvegarde du patrimoine. À l'intérieur même de l'arrondissement historique du Vieux-Québec, là où elle a quand même un pouvoir de réglementation, il a fallu, dans le cas de la prolifération anarchique des bars, des restaurants, des auberges, dans tous les sens, dans toutes les directions, que ce soit le gouvernement

actuel qui décide, à un moment donné, d'intervenir pour que la ville emboîte le pas. Fort heureusement, elle l'a fait et elle l'a fait de façon fort convenable, puisqu'elle est même allée au-delà du premier projet, et qu'on a gelé pour deux ans, ou à peu près deux ans, l'expansion des commerces dans le Vieux-Québec. Enfin, la ville de Québec aurait pu le faire il y a cinq ans, et cela n'a pas été fait, au contraire. Si bien que la performance des autorités municipales de la ville de Québec — et je ne veux pas refaire, une fois de plus, l'histoire de ce triste passé — sous l'ancienne administration municipale n'a vraiment pas de quoi rassurer qui que ce soit lorsque la municipalité réclame quasiment un pouvoir absolu de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine.

Quoi qu'il en soit, là où je ne partage pas, de façon plus spécifique, l'opinion des autorités municipales de la ville de Québec sur le projet de loi actuel, c'est lorsque l'on fait état des solutions proposées. Le projet de loi tel que je l'ai lu, en tout cas, aux articles 48 et 49 en particulier, me semble viser non pas à faire, comme on dit, des autorités municipales une espèce de pouvoir administratif et purement administratif pour administrer, au fond, les politiques du gouvernement sans que la ville n'y soit partie. Bien au contraire, j'ai l'impression que lorsqu'on parle de la simple élimination du double permis, on escamote assez rapidement ce que cela implique, parce que le double permis, finalement, impliquait aussi deux séries de réglementations, parfois complémentaires, mais parfois pas nécessairement. Il y avait les réglementations municipales qui pouvaient exister. Il y avait les réglementations qui pouvaient exister en vertu de la Loi sur les biens culturels, et là, on disait aux gens: Maintenant, pour tel aspect des choses, vous vous adressez à la municipalité, et pour tel autre aspect, vous vous adressez au gouvernement. C'était beaucoup plus que la simple démarche administrative d'aller chercher deux permis consécutifs. C'est aussi l'existence de deux séries de réglementations qui crée auprès du citoyen, non seulement un fardeau dans le sens d'aller chercher deux permis, mais aussi une confusion singulière qu'entretient cette situation de double ou de complémentarité de juridiction.

Si la ville de Québec affirme, contrairement à ce que je crois avoir constaté, qu'elle est dans une excellente situation pour protéger elle-même son patrimoine, rien ne l'empêche de se prévaloir des dispositions de l'article 49, d'élaborer ces règlements de zonage en fonction de ce qu'on appelle les objectifs de conservation du patrimoine et aussi les objectifs municipaux. À ce sujet, je poserais tout de suite une question: Qu'est-ce qu'un objectif municipal dans cette optique, dans le cas d'un arrondissement historique? Quels sont dans l'arrondissement historique du Vieux-Québec, pour prendre le cas qui est le plus connu, les objectifs purement municipaux?

M. Rousseau: Cela pourrait être en matière commerciale, en matière de fourniture de certains équipements, de certains services qui ne seraient peut-être pas compatibles avec l'utilisation que le ministère voudrait faire de certains immeubles, la restauration, etc. Je pense qu'on pourrait, pour illustrer la situation, penser à la Place Royale où, à mon avis, il y a des objectifs absolument introvertis au départ qui sont poursuivis. Je ne vais pas faire le procès de la Place Royale, mais je pense qu'il y a une concertation essentielle à beaucoup d'égards et on pourrait étendre cela à beaucoup d'autres choses, comme en matière de circulation, j'ai mentionné le secteur de détente, les espaces verts, etc., en matière d'habitation.

M. Guay: Oui, ils sont tous à l'intérieur d'un arrondissement historique dans la mesure où la protection des biens culturels n'a pas pour but uniquement de protéger des monuments anciens, mais d'assurer que ces monuments aient une vie. Il existe une vie à l'intérieur de ce cadre-là, ce qui implique, dans la mesure du possible, des espaces verts, ce qui implique un certain contrôle de la circulation, ce qui implique un tas de choses. Je ne vois pas très bien en quoi il peut exister des objectifs purement municipaux au point que leur vérification — parce que c'est bien ce dont il s'agit dans mon esprit, en tout cas, le projet de loi vise à vérifier ou à faire vérifier par le gouvernement si les règlements municipaux sont conformes au but poursuivi et à la Loi sur les biens culturels. Dans ce contexte-là, je vois mal ce qu'il y a de si purement municipal que cela choque à ce point-là les autorités municipales que de permettre, d'autoriser une telle vérification.

M. Rousseau: Effectivement, je pense qu'il n'y a pas nécessairement une tradition de dialogue à l'égard de certaines opérations, mais quelles sont les intentions du ministère au-delà de la Place Royale, dans l'optique d'un plan de sauvegarde, etc., je pense qu'on peut avoir cette inquiétude-là. La situation est complexe, on le voit, elle est dénoncée à certains moments au niveau des initiatives du gouvernement fédéral. La ville de Québec doit vivre avec ces situations complexes et s'assurer que son territoire évolue dans le plus grand intérêt de la collectivité du Vieux-Québec, des premiers utilisateurs. Par exemple, sur le plan touristique, on peut bien imaginer un scénario où la fonction touristique prendrait une ampleur telle que cela soit au détriment de la population locale. Je pense que ce sont des soucis que la ville peut avoir et que vous reconnaîtrez.

M. Guay: Ce sont également des soucis, à ce moment-là, qu'aurait...

M. Rousseau: Également oui, mais je ne vois pas pourquoi la ville ne les mettrait pas en évidence et ne s'en soucierait pas au premier chef.

M. Guay: Mais j'espère bien que la ville s'en soucie.

M. Rousseau: Voilà.

M. Guay: S'il y a quelque chose, jusqu'à maintenant, c'est qu'on lui a reproché de ne pas s'en soucier.

M. Rousseau: Oui, je pense que personne n'est sans péché. On peut faire longtemps l'analyse des erreurs de tout le monde.

M. Guay: Je suis bien d'accord avec vous, mais ce que je cherche c'est en quoi il y a une si forte contradiction entre les deux. À mon avis, je n'en vois pas. J'ai beau en chercher. Peut-être qu'il y en a, mais les exemples que vous donnez, avec lesquels je suis parfaitement d'accord, ne m'apparaissent pas indiquer qu'il y a contradiction entre les objectifs municipaux, ou que vous qualifiez de municipaux à l'intérieur de l'arrondissement historique, et les objectifs généraux de protection et de mise en valeur du patrimoine.

M. Boutin: Si vous me permettez là-dessus, nous ne nions pas qu'à l'intérieur des objectifs de gestion de patrimoine ou de protection du patrimoine le ministre ou le ministère ne doit pas considérer les questions de circulation, espaces verts, habitation, services aux habitants. Ce n'est pas cela que nous nions. Ce que nous constatons uniquement, c'est que le ministre se donne le pouvoir d'intervenir dans ce champ de compétence, un champ de compétence qui est déjà de juridiction municipale, alors il y a double juridiction là-dedans, la question est de savoir qui sera le premier gestionnaire ou le premier administrateur de ce territoire. Est-ce que ce sera la municipalité surveillée par le ministre des Affaires culturelles pour s'assurer que les objectifs de sa loi sont remplis ou est-ce que ce sera le ministre des Affaires culturelles qui prendra la place de la municipalité et la municipalité va se retirer? C'est cela qu'il s'agit de déterminer.

M. Guay: Je pense que...

M. Boutin: Si vous me permettez, la crainte de la ville de Québec, ou ce que la ville de Québec souhaite, c'est qu'elle continue à administrer son territoire tout en étant surveillée par le ministre.

M. Guay: Ce que je ne comprends pas c'est qu'en lisant les articles 48 et 49 vous n'ayez pas vu que c'est précisément là le but de cette loi.

M. Boutin: Je vais revenir là-dessus — c'était mon intention tantôt — je pense que tout le monde s'entend sur les objectifs que doit poursuivre la loi, que doivent poursuivre les municipalités quant à la gestion du patrimoine, quant à la protection et à la mise en valeur des biens qui sont dans notre territoire. Cependant, on croit que ce n'est pas le but atteint par le projet de loi 4. Dans un premier temps, au projet de loi 4, on dit, à son article 48: Le ministre acquiert des pouvoirs en matière de — je ne répéterai pas l'énumération — lotissement, construction, zonage, il étend ses pouvoirs. Il y en a une partie qu'il avait déjà...

M. Guay: C'est discutable cela.

M. Boutin: Vous ne nierez pas que le ministre n'avait pas le pouvoir en matière de zonage auparavant.

M. Guay: Je m'excuse, mais là on peut faire un long débat juridique. Il y a un article de la Loi sur les biens culturels, la loi 2, qui, interprété littéralement en tout cas, pouvait lui donner ce pouvoir.

M. Boutin: Je m'interroge sur la raison pour laquelle le législateur s'est donné la peine de modifier la loi si tout était là.

M. Guay: Parce qu'il pouvait y avoir ambiguïté.

M. Boutin: De toute façon! Le ministre se donne des pouvoirs pour pouvoir gérer ou intervenir à l'intérieur des arrondissements historiques ou naturels des sites, etc.

Dans un deuxième temps, on prévoit un mécanisme de la loi pour faire disparaître une double administration, l'administration des permis municipaux et l'administration des permis au sens de la Loi sur les biens culturels. C'est tout ce qu'on dit. On ne demande pas aux municipalités d'intervenir en matière de protection du patrimoine. C'est tout ce qu'on dit. Je me donne des pouvoirs d'intervenir et je dis aux municipalités: Si vous voulez bien, lorsque vous aurez adopté un règlement qui satisfera les objectifs de ma loi, je vous remettrai l'administration de mes permis.

Ce que la ville de Québec propose, c'est que les municipalités continuent d'oeuvrer en matière de lotissement, de construction et de zonage, ce dont on discutait tantôt. À travers un champ de compétences municipales de gestion de territoire, qu'elles demeurent le gestionnaire premier de leur territoire avec des pouvoirs du ministre d'intervenir pour faire en sorte que les objectifs de la loi soient bien respectés. Cela ne semble pas être le but atteint par le projet de loi 4.

M. Guay: Au contraire, cela me semble tout à fait le but, c'est assez curieux. Vous dites que la loi n'oblige pas les municipalités à faire des règlements. C'est exact. Je ne sais pas si vous faites le parallèle, mais lorsque vous évoquez, à la page 16 de votre mémoire, l'hypothèse d'un mécanisme comme celui de la Loi sur l'évaluation foncière selon laquelle le ministre des Affaires municipales peut, par ordonnance, ordonner à une municipalité d'adopter un rôle d'évaluation conforme aux dispositions, etc., il m'apparaît implicite, dans les articles 48 et 49, que sinon une telle obligation, qu'une telle incitation soit faite aux municipalités. Ce n'est pas nécessaire de leur dire de façon générale de faire des règlements pour couvrir l'ensemble de ces activités, mais il est bien certain que les municipalités qui tiennent à leur autonomie et qui tiennent à assumer leurs responsabilités, comme la ville de Québec en

manifeste le désir dans le domaine de la conservation du patrimoine, plutôt que de s'en remettre au gouvernement, vont préférer, j'imagine, faire des règlements nécessaires. C'est aussi de permettre aux municipalités, non seulement de les inciter, mais de leur permettre de faire ces règlements. Non seulement ce n'est pas restreindre l'autonomie des municipalités, c'est même l'accroître dans la mesure où, jusqu'à maintenant, il pouvait y avoir ambiguïté et des domaines pouvaient être réservés exclusivement au gouvernement et d'autres exclusivement aux municipalités avec les résultats qu'on avait que ce système chinois de double permis, de double juridiction et de confusion pour ce qui est des citoyens qui, au bout du compte, habitent dans l'arrondissement historique en question.

On ne peut pas non plus, du jour au lendemain, dire à des municipalités qui ne sont pas équipées pour le faire: Vous avez un an pour adopter toute la série de réglementations visant à protéger votre arrondissement historique.

Par contre, pour ce qui est des municipalités qui peuvent le faire — la loi est souple en cela, elle est donc, je pense, plus sage — il y a une incitation très forte qui est faite et qui devrait normalement, je pense, dans le cas de la ville de Québec, entre autres, inciter la ville de Québec à compléter sa série de réglementations, ce qui permet, par contre, au gouvernement de cesser de jouer aux pompiers.

Sur le but, je pense qu'on s'entend. Vous dites que ce devrait être les municipalités qui fassent cela et que ce soit le ministre qui surveille cela. Je suis parfaitement d'accord avec cela et c'est de cette façon que je lis les articles 48 et 49. Mais, sur les modalités que vous proposez, j'ai l'impression qu'on arrive exactement à l'inverse. Ce que j'ai l'impression que vous proposez au fond, quand vous dites que le ministre ordonne aux municipalités dans un délai de X temps de faire un règlement sur telle chose et qu'ensuite, dans un délai de trois mois ou six mois, il ordonne de faire un règlement sur telle chose, cela implique que c'est d'abord le ministère qui doit faire en quelque sorte l'inventaire de la situation réglementaire de toutes les municipalités qui sont dans les arrondissements historiques ou dans lesquelles il y a un arrondissement historique; donc l'inventaire réglementaire de ce qui existe comme règlement dans cet arrondissement historique, le garder constamment à jour et voir à ce que partout sur l'ensemble du territoire, à son incitation, il y ait des correctifs apportés. (17 h 30)

C'est sûr que, de toute façon, l'inventaire doit être plus ou moins existant à la direction générale du patrimoine. Mais n'est-il pas plus simple, plutôt que d'attendre que cela vienne d'en haut et qu'on dise: Faites cela et vous avez six mois pour le faire, n'est-il pas plus simple d'inciter, comme le fait l'article 49, les municipalités à le faire et à en faire vérifier la nature, la conformité par le ministre, permettant ainsi au ministre de jouer son rôle — que vous lui reconnaissez — de vérifier et permettant aussi aux municipalités de jouer pleinement leur rôle qui est précisément d'adopter les règlements nécessaires.

Sinon, j'ai l'impression qu'on va continuer à jouer au pompier comme on a joué jusqu'à maintenant. On va se promener à travers le Québec à éteindre les feux avec un personnel insuffisant, qui n'est pas sur place, qui n'a pas comme fonction première de faire cela, qui, de par la nouvelle loi, le ferait de façon suppléante mais en espérant que, le plus rapidement possible, les municipalités assumeront cette tâche, comme le projet de loi les y incite. De cette façon, plutôt que de jouer au pompier comme le ministère l'a fait jusqu'à maintenant, le ministère pourra vraiment jouer pleinement son rôle c'est-à-dire voir à ce que la Loi sur les biens culturels soit respectée, et les municipalités assumeraient le leur qui est aussi de faire leur part dans la sauvegarde de la mise en valeur du patrimoine.

Je comprends mal la démarche que vous voulez que l'on fasse, ce triptyque incitatif, coerci-tif, correctif...

M. Rousseau: Le ministère va être obligé de continuer à jouer au pompier pendant un bout de temps parce qu'il n'a pas plus les outils... Cela a été dit ce matin, encore. Vous semblez présumer qu'il va y avoir un rythme effarant de mises en action; ce n'est possible ni par le ministère, ni par les municipalités. Ce qu'on conteste, ce sont les pouvoirs extraordinaires qui sont donnés au ministre des Affaires culturelles quand il y a déjà un pouvoir de désaveu général qui existe au niveau des réglementations municipales. Pourquoi donner au ministre ces pouvoirs, c'est ce que nous disons.

M. Guay: Pourquoi voulez-vous qu'on attende après le coup? En d'autres mots, ce qu'on vise à faire, il me semble, par ce projet de loi, c'est de la prévention.

M. Rousseau: II y a beaucoup de choses qui manquent, notamment, le gouvernement a choisi de ne jamais réglementer. Depuis 1972, il avait les pouvoirs de réglementer et il ne l'a jamais fait. Ce n'est pas parce qu'il peut, à nouveau, réglementer qu'il va pouvoir faire davantage. Il avait ces pouvoirs de réglementer.

M. Guay: Vous parlez de réglementer quoi?

M. Vaugeois: Là-dessus, M. le Président, j'aimerais apporter une précision. Ce que j'ai aimé, entre autres, dans les éléments qu'on apporte dans le projet de loi — parce que, comme vous le savez, j'en ai hérité; l'essentiel de ce projet de loi avait été préparé par mon prédécesseur, je l'ai fait mien rapidement et j'y ai travaillé passablement — donc il y a plusieurs points qui me plaisent particulièrement. Entre autres, quant aux aires de protection, on était un peu face au pouvoir discrétionnaire du ministre et tel que nous le présentons maintenant, normalement, on pourrait

reprocher au ministre de ne pas avoir précisé, par règlement, sa façon d'aborder une aire de protection parce que sans s'en faire une obligation totale, il reste qu'on introduit cette préoccupation et si on ne le fait pas, on pourra nous le reprocher.

Pour les gens qui sont dans une aire de protection ou dans un arrondissement historique, mais principalement dans une aire de protection, ils sauront davantage à quoi s'en tenir, et l'intervention du ministre sera beaucoup moins discrétionnaire, beaucoup moins arbitraire. Il y a un certain nombre d'éléments comme cela dans le projet de loi, à mon avis, qui obligent le ministère à être plus précis, à avoir plus de points de référence, etc.

Le Président (M. Jolivet): Excusez-moi, M. le député, les 20 minutes qui vous étaient accordées sont dépassées déjà de deux minutes. C'est au député de Mont-Royal à prendre la parole.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais féliciter les représentants de la ville de Québec de leur mémoire. Je crois que le mémoire apporte des recommandations au niveau pratique et au niveau de la juridiction des administrations municipales. Je ne partage pas la critique du député de Taschereau quant à l'administration de la ville de Québec. C'est trop facile de dire que vous n'avez pas pris vos responsabilités. Si j'ai bien compris le député de Taschereau, je pense qu'il a été un peu trop dur dans la critique de votre administration. J'ai l'impression qu'il ne juge pas la forêt par les arbres. S'il regardait d'autres villes au Québec, au Canada, il verrait la différence dans l'atmosphère, dans le genre de décisions municipales qui ont été prises à Québec et qui ont été prises dans d'autres villes. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de décisions qui peuvent être critiquées, il n'y a personne parfait mais, je pense que la critique du député de Taschereau est allée un peu trop loin. Il ne prend pas en considération vraiment ce qui s'est passé dans les autres villes où il y a eu beaucoup de dégât et beaucoup moins de préservation, beaucoup moins de souci de l'environnement de la ville, de l'architecture, du patrimoine de la ville.

M. Guay: Ce n'est pas parce que les autres sont pires qu'il faut s'en féliciter.

M. Ciaccia: Je crois que ce que la ville de Québec... Si on comparait la ville de Québec avec les autres villes, on verrait bien qu'elle a pris ses responsabilités beaucoup plus que d'autres villes du Canada...

M. Guay: ... mince consolation...

M. Ciaccia: Le point que vous touchez — je voudrais vous poser en premier lieu, quelques questions, après cela je voudrais faire quelques commentaires sur votre mémoire — sur l'administration locale, je crois que c'est extrêmement important. Je sais qu'on étudie le projet de loi 4, mais cela semble faire partie d'une philosophie du gouvernement...

M. Alfred: Voilà, voilà, il a commencé!

M. Bertrand: Je pensais bien qu'on y arriverait!

M. Alfred: ... des fascistes, des communistes, des hitlériens...

M. Ciaccia: On ne peut pas critiquer le gouvernement ici; cela ne se peut pas, parce qu'il détient toute la vérité. On n'a pas le droit de donner nos opinions. Mais, vous l'avez dans ce projet de loi-ci...

Mme Lavoie-Roux: Vous pourriez, au moins, laisser les autres s'exprimer.

M. Ciaccia: ... il vous donne l'illusion de décentraliser, mais il ne décentralise pas; il prend le pouvoir.

Mme Lavoie-Roux: ... c'est vous qui le dites!

M. Alfred: ...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le député!

M. Ciaccia: ... pour éviter la question de deux permis, parce que cela n'était pas bon d'avoir deux permis auparavant. C'est vrai; c'était pas bon. Il y avait une incertitude. Alors on a dit: on va enlever les deux permis, on va vous enlever totalement le droit de donner des permis.

M. Guay: Au contraire, au contraire.

M. Ciaccia: ... non, regardez l'article 48, je ne sais pas si vous savez lire...

M. Guay: 49, mais il compte... allez au-delà de 48

M. Ciaccia: ... on prend toute la discrétion on prend tous les pouvoirs et on vous enlève les pouvoirs, c'est vrai. On peut vous en redonner si le ministre décide par la suite de vous en donner. Ce n'est pas ce qu'une administration locale doit avoir. Une administration locale, une municipalité doit avoir certains pouvoirs que vous soulignez et il doit y avoir une certaine protection s'il y a un abus de ces pouvoirs; il doit y avoir une certaine marge d'activités par le ministre des Affaires culturelles afin de protéger le patrimoine, mais sans vous enlever à vous l'administration, la juridiction municipale. C'est ce que ce projet de loi fait ici, je pense que c'est cela que vous soulignez. Ce n'est pas que vous ne voulez pas prendre vos responsabilités. Peut-être que dans le passé, il y a eu certaines erreurs dans certaines administrations. Maintenant, je ne sais pas si ce projet de loi est visé pour corriger une certaine situation sur l'île d'Orléans — je ne suis pas assez au courant de tous les faits — et peut-être que vous généralisez cela et que vous appliquez une situation locale à l'ensemble de toute la province. En ce faisant, vous enlevez certains pouvoirs qui sont assez importants au

niveau local, au niveau de la municipalité, et vous vous les accaparez.

Je crois que le mémoire et les commentaires...

M. Vaugeois: Je ne peux dire cela. Cela ne donne rien.

M. Ciaccia: ... de nos invités, ont soulevé le problème que le ministre des Affaires municipales a déjà un certain pouvoir de réglementation, comme la commission des Affaires municipales, par exemple; ils ont déjà un certain pouvoir d'approbation pour les règlements.

C'est ce genre d'approbation, ce genre de réglementation qui peut-être... Vous auriez dû vous inspirer de cette approche; prendre les suggestions que la ville de Québec vous fait. Par exemple, aujourd'hui, lorsque quelqu'un achète une propriété dans la zone de 500 pieds du site historique, quelle protection a-t-il, cet acquéreur? Comment le sait-il qu'il est dans la zone du 500 pieds? Est-ce que la zone du 500 pieds...

M. Vaugeois: ... et même, M. le député...

M. Ciaccia:... est inscrite au bureau d'enregistrement; je vous le demande comme information?

M. Vaugeois: M. le député, nous allons plus loin encore parce que la loi nous oblige dorénavant à signifier au greffier, au secrétaire trésorier des municipalités tout ce genre de transactions ou de gestes. Quand nous classons ou émettons des avis d'intention de classement, nous nous obligeons par la loi à en informer les conseils municipaux. On va très loin.

M. Ciaccia: Est-ce que vous dites d'après cette loi que pour toutes les propriétés dans l'aire de 500 pieds du site historique il y a dépôt d'actes au bureau d'enregistrement informant l'acquéreur qu'il se trouve dans... Parce que dans le passé... et je pense que le projet de loi détériore la situation, parce qu'il semble y avoir des incertitudes. Quand il y a des incertitudes dans cette zone...

M. Vaugeois: M. le député, sur tout ce que vous dites depuis...

M. Ciaccia: ... non...

M. Vaugeois: ... tout à l'heure, je pourrais dire: Non, ce n'est pas cela. Non, ce n'est pas cela. C'est exactement le contraire. Renversez tout ce que vous dites, et vous aurez la vérité.

M. Ciaccia: Non.

M. Guay: Vous avez de bons recherchistes.

M. Ciaccia: Je vais vous donner des exemples. Vous avez un pouvoir absolu, à l'article 48, ce qui veut dire que la ville ne peut pas faire ses règlements.

M. Vaugeois: Lisez l'article 49. M. Guay: II ne l'a pas encore lu.

M. Ciaccia: À l'article 48 aussi, et à l'article 49, les deux, vous avez un pouvoir absolu, qui est assez discrétionnaire.

M. Vaugeois: Le but de la Loi des biens culturels c'est de protéger les biens culturels. On essaie de ne rien oublier.

M. Ciaccia: Je comprends. L'objectif de nos commentaires c'est de ne pas aller à l'encontre de cette protection. C'est la façon dont vous le faites, M. le ministre.

M. Vaugeois: Profitons de la présence des gens de la ville de Québec.

Mme Lavoie-Roux: Votre rôle de président, je pensais que c'était à l'autre bout de la table. Au moins, tâchez de rester neutre!

M. Ciaccia: Je vais vous donner un exemple.

M. Vaugeois: Bien, M. le député, nous allons en discuter.

M. Ciaccia: Je vais vous donner un exemple démontrant pourquoi il y a une incertitude dans les articles 48 et 49. S'il y a des incertitudes à ces endroits, cela va promouvoir de plus une dégradation de ces districts. Je me mets au plan pratique. Si j'acquiers une propriété aux environs d'un site historique, à cinq ou six cents pieds et que je ne peux pas me fier à la municipalité, à un règlement tel que la municipalité vient de suggérer, un règlement sujet à l'approbation du ministre, avec les articles 48 et 49 il m'est totalement interdit de faire une subdivision, un changement, une amélioration, une réparation.

M. Vaugeois: On n'a rien oublié.

M. Ciaccia: Vous n'avez rien oublié, c'est exact, et vous avez augmenté l'incertitude qui existe dans ces endroits.

M. Vaugeois: Au contraire, vous lirez les articles 51 et 53...

M. Ciaccia: Je suis soumis à la discrétion du ministère.

M. Vaugeois: ... qui suggèrent fortement de faire des règlements.

M. Ciaccia: Exactement, c'est lui qui suggère de faire des règlements. Mais ce que la ville de Québec suggère — et peut-être est-ce difficile de vous le faire comprendre, parce que vous semblez totalement convaincus de votre approche — c'est que ce n'est pas votre ministère qui va compren-

dre, qui va pouvoir accepter et donner effet aux besoins particuliers de toutes les municipalités au Québec.

M. Vaugeois: Le premier paragraphe.

M. Ciaccia: Non, l'article 49 vous donne seulement le pouvoir.

M. Vaugeois: Non, il ne donne pas le pouvoir, il les invite à se donner des dispositions réglementaires.

M. Ciaccia: Cela vous donne un pouvoir. C'est encore sujet à l'approbation du ministre, qui prend encore l'avis de la commission.

M. Vaugeois: Bien sûr, parce que c'est le ministre qui est responsable de la loi.

M. Guay: C'est bien normal.

M. Vaugeois: Que voulez-vous faire?

M. Ciaccia: C'est ce que nous critiquons. Vous enlevez le pouvoir à la municipalité.

M. Vaugeois: Je ne l'enlève pas, je l'ai, et je propose de le déléguer.

M. Ciaccia: Vous enlevez le pouvoir à la municipalité.

M. Guay: Par la loi 2 sur les biens culturels, adoptée par l'ancien gouvernement, on a déjà le pouvoir.

Mme Lavoie-Roux: On vous accueille avec plaisir, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Vaugeois: On propose de le déléguer, et on décentralise.

M. Guay: C'est le gouvernement Bourassa qui t'a adoptée.

Mme Lavoie-Roux: De cela, il faudrait s'en reparler. On fait semblant de décentraliser.

Le Président (M. Jolivet): Je voudrais que, selon le règlement... Mme le député, seulement une minute — je comprends que chacun voudrait intervenir dans un débat comme celui-là.

M. Vaugeois: II faut profiter de la présence de ces gens, et il y en a d'autres qui attendent. Nous aurons tout le temps pour discuter de cela.

Le Président (M. Jolivet): C'est pour cela que je demande de respecter... M. le ministre.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais laissez parler le député, vous l'interrompez continuellement.

M. Vaugeois: Non, il faut qu'il dise le contraire de ce qu'il dit. Que voulez-vous que je vous dise?

Mme Lavoie-Roux: Vous rétablirez les faits quand nous étudierons le projet de loi article par article.

M. Ciaccia: Cela ne fait pas votre affaire, mais je vais le dire quand même, même si cela ne fait pas votre affaire, voyons!

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Vaugeois: Je n'aime pas cela. Vous allez passer à l'histoire pour quelqu'un qui n'a pas lu la loi.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Ciaccia: J'ai lu la loi. J'ai écouté la lecture du mémoire de la ville de Québec.

M. Guay: II ne connaît pas son dossier. Lisez-le.

M. Alfred: Avez-vous lu le projet de loi?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Papineau.

Mme Lavoie-Roux: Vous voyez, ce sont eux qui créent la discorde, ramenez-les à l'ordre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Papineau.

M. Guay: II est rouge de colère, le député de Papineau.

M. Alfred: C'est vrai.

Le Président (M. Jolivet): Je vourais que, selon le règlement, on permette au député de s'exprimer. Si vous avez autre chose à dire, votre droit de parole existe toujours, vous avez le droit de le prendre ensuite.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. C'est bien fait. Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Nous y sommes habitués; je dois vous dire que chaque fois que nous soulevons des points qui ne font pas l'affaire du gouvernement, il y a des interruptions complètes.

M. Bertrand: Surtout quand vous êtes là.

M. Ciaccia: Totalement, si cela ne fait pas leur affaire, ils essaient d'interrompre parce qu'ils ne veulent pas qu'on appuie les soumissions qui nous sont présentées ici.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, à l'ordre!

M. Alfred: Laissez parler Mme Lavoie-Roux.

Une voix: M. le Président, dites au député de parler sur le projet de loi.

M. Ciaccia: Si on les critique, si on fait ce que le député de Taschereau a fait, soit essayer de descendre les invités, on n'aura pas d'interruption.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, je vous ai donné le droit de parole, mais, s'il vous plaît, utilisez-le aux fins pour lesquelles je vous l'ai donné, de façon à éviter que, de chaque côté de la table, on s'interrompe.

Mme Lavoie-Roux: Mais il parle de la loi 4, M. le Président.

M. Ciaccia: Je parle de la loi 4, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Allez. Mais sachez que vous avez avantage à poser des questions aux gens d'en face. Nous aurons la chance de continuer ce débat entre nous plus tard. (17 h 45)

M. Ciaccia: Merci, M le Président. Vous avez entendu le ministre qui vous a dit qu'il vous donne les pouvoirs, qu'il vous décentralise. Je sais que dans votre mémoire vous avez démontré que ce n'est pas une décentralisation parce que c'est le ministre qui prend tous ces pouvoirs dans les articles 48 et 49. Est-ce que, brièvement, vous pourriez encore répéter, pour le bénéfice du ministre, la différence que vous suggérez et qui serait le contrôle de l'ouvrage par la municipalité et les pouvoirs que le gouvernement a dans les articles 48 et 49? Brièvement, pourriez-vous faire cette distinction?

M. Vaugeois: Et dites toute la vérité!

M. Boutin: Je ne peux que répéter brièvement et peut-être plus clairement ce qu'il y a dans notre mémoire. Tout ce qu'on veut dire au sujet du projet de loi, c'est que nos objectifs sont les suivants: On est d'accord avec les objectifs de décentralisation et on est prêt à assumer nos responsabilités, et de un...

M. Ciaccia: Excusez si je vous interromps. Est-ce que le projet de loi vous décentralise et vous donne les pouvoirs ou est-ce que le projet de loi retient tous les pouvoirs pour le ministre?

M. Boutin: J'y arrive.

Un, on est prêt à assumer nos responsabilités. La proposition que nous avons faite, c'est d'insérer dans la loi, premièrement, une obligation pour les municipalités de tenir compte de la protection du patrimoine dans la rédaction de leurs règlements de construction, de lotissement et de zonage. Obligation qui n'est pas dans la loi; on incite les municipalités, mais cette obligation, pour les municipalités, n'est pas là pour tenir compte de la protection du patrimoine dans la rédaction de leurs règlements. Cependant, nous considérons que l'objectif du ministre de décentraliser cette protection du patrimoine vers les municipalités est souhaitable, louable et on l'endosse. Nous considérons que les pouvoirs accordés au ministre ne sont pas ceux qui étaient dans la loi 2, à l'origine; nous croyons qu'il s'agit d'une augmentation de pouvoirs donnés au ministre et nous croyons que l'objectif de décentralisation énoncé par le ministre n'a pas été atteint par le projt de loi...

M. Ciaccia: Est-ce que le ministre écoute?

M. Vaugeois: J'écoute et je comprends; vous, comprenez-vous ce qu'il dit?

M. Ciaccia: Je comprends, absolument! M. Vaugeois: Très bien, cela va être fini.

M. Boutin: Nous croyons que l'objectif de décentralisation visé par le ministre n'est pas atteint par le projet de loi, parce que, d'abord, les municipalités n'ont pas l'obligation de tenir compte de la loi dans la rédaction de leurs règlements.

M. Vaugeois: Est-ce que je peux vous interrompre pour demander si le député voudrait qu'on oblige les municipalités...

M. Ciaccia: À tenir compte des...

M. Vaugeois: Voudriez-vous qu'on soit capo-raliste, dirigiste, est-ce cela que vous voulez?

M. Ciaccia: Vous l'êtes caporaliste avec les articles 48 et 49.

M. Vaugeois: Non. Excusez, Me Boutin.

M. Boutin: Tout ce qu'il y a, dans le projet de loi, à l'article 49, c'est la faculté, pour une municipalité qui veut assurer le bien-être de ses citoyens et supprimer le mécanisme des doubles permis qui est achalant pour tout le monde, de faire approuver son règlement par le ministre. À partir de ce moment il y aura un seul mécanisme d'approbation et la municipalité va diriger le tout.

Ce que I'on dit, c'est qu'on ne devrait pas fonctionner de cette façon. C'est que la municipalité devrait être souveraine dans son champ de juridiction: zonage, construction, lotissement. Que la municipalité, compte tenu d'un objectif qui lui serait donné par la loi, objectif qui pourrait être précisé, point par point, par le ministre. La municipalité de Québec est intervenue sur la prolifération des débits d'alcool; la municipalité de Saint-François de l'île d'Orléans est intervenue sur la question de lotissement. Sous le titre: "From time to time , de temps à autre, qui pourrait être précisé par le ministre, laissons les municipalités agir dans leur champ de compétence et donnons au ministre le pouvoir de les surveiller. Si elles n'exercent pas leurs pouvoirs de façon à atteindre les

objectifs de la loi, qu'il intervienne. Mais on ne pense pas que les articles 48 et 49 lui permettent de faire cela. Simple exemple, si Saint-François de l'île d'Orléans ou la ville de Québec ou quelque autre municipalité, ayant exercé ses pouvoirs de lotissement, construction et zonage, ne soumet pas au ministre, pour approbation, son règlement, on demeure avec le mécanisme des doubles permis, le ministre qui devra intervenir en matière de protection du patrimoine et adopter ses propres règlements. On n'a rien changé sur la loi antérieure. Si, par l'article 49, on donne l'obligation aux municipalités d'adopter un règlement à la satisfaction du ministre — on a parlé dans les journaux des dernières semaines, de tutelle — on approche peut-être de cela.

Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, vous prétendez décentraliser et vous ne décentralisez pas vraiment. C'est ce qu'il dit.

M. Ciaccia: C'est ce que j'ai dit.

M. Boutin: Si on vous oblige...

Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, je vous l'ai dit', en discours de deuxième lecture, M. le ministre.

M. Boutin: J'admets que c'est compliqué.

M. Ciaccia: Je vous ai dit la même chose.

Mme Lavoie-Roux: Non, non, non, non.

Le Président (M. Jolivet): Ne recommencez pas...

Mme Lavoie-Roux: II ne faut quand même pas essayer de faire de l'ironie.

Le Président (M. Jolivet): Madame...

Mme Lavoie-Roux: Quand on oblige que tous les règlements soient soumis et que...

Le Président (M. Jolivet): Mme le député...

Mme Lavoie-Roux: ... finalement, ils le seront selon le bon vouloir du ministre...

Le Président (M. Jolivet): Mme le député...

Mme Lavoie-Roux: ... cela ne s'appelle pas de la véritable décentralisation, je m'excuse.

M. Alfred: Madame, nous avons bien compris l'argumentation du monsieur.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, s'il vous plaît!

M. Alfred: C'est logique.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal, c'est encore à vous, la parole, pour quelques instants.

Mme Lavoie-Roux: Votre logique, là...

M. Ciaccia: Je réitère...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Alfred: On a compris.

M. Ciaccia: Je réitère ce que j'ai dit tantôt, après les explications de nos invités: C'est encore un contrôle total du ministère. C'est un moyen d'enlever certains pouvoirs aux municipalités qu'elles devraient avoir et qu'elles devraient exercer.

M. Guay: Elles ne les ont pas à l'heure actuelle.

M. Ciaccia: Donnez-leur, faites donc une bonne loi. Ne faites pas une loi qui va empirer la situation.

M. Alfred: II y a la loi 22.

M. Ciaccia: II y avait certaines failles dans la loi actuelle. Est-ce que c'est ce que vous vouliez que je vous dise? Je vous le dis. D'accord?

Mme Lavoie-Roux: II y avait lieu qu'elle soit révisée.

M. Ciaccia: Bonifiez-la, ne la faites pas pire qu'elle ne l'est.

M. Guay: M. le Président...

M. Ciaccia: C'est ce que vous faites maintenant, vous la faites pire qu'elle ne l'est.

M. Guay: M. le Président...

M. Ciaccia: C'est ce que ces gens viennent vous dire.

M. Guay: J'ai bien compris.

M. Ciaccia: Ils viennent nous dire: Laissez-nous nos responsabilités; nous connaissons les besoins locaux, nous connaissons la réglementation. Nous sommes prêts à nous faire imposer des devoirs, des responsabilités dans le domaine du patrimoine mais nous ne voulons pas, par le biais des articles 48, 49 et 53 — vous m'avez cité un autre article — que tous ces pouvoirs soient complètement entre les mains du ministre, totalement discrétionnaires. Vous laissez les municipalités encore à la merci du ministre et vous leur enlevez cette juridiction. C'est simple comme cela.

M. Guay: M. le Président, est-ce que le député...

M. Ciaccia: C'est ce que nos invités viennent nous dire.

M. Guay: ... me permet une question? Est-ce qu'il admet que certaines municipalités — ne prenons pas la ville de Québec qui est une grosse municipalité, prenons la municipalité de Saint-François de l'île d'Orléans ou d'autres, dans des arrondissements historiques — n'ont pas nécessairement tous les instruments juridiques, l'expérience et l'expertise nécessaires pour adopter tout le train réglementaire qui pourrait être requis pour assumer seules, à l'exclusion du gouvernement, la sauvegarde et la mise en valeur d'un arrondissement historique ou d'une partie d'un arrondissement historique?

M. Ciaccia: Si vous jugez que dans certains endroits il y a des difficultés, ne procédez pas de cette façon, en enlevant des droits à toutes les municipalités parce que vous voyez un problème à certains endroits.

M. Guay: Cela ne répond pas à ma question.

M. Ciaccia: L'autre réponse que je serais tenté de vous donner: je suis toujours méfiant de ceux qui veulent me dicter comment je dois vivre et c'est ce que vous semblez faire. Vous dites: II y a certaines municipalités qui ne savent pas quoi faire et ne savent pas comment elles doivent agir. On va leur imposer d'une certaine façon...

M. Guay: Ce n'est pas cela, ce n'est pas cela.

M. Ciaccia: Bien oui, c'est cela la question du député de Taschereau.

M. Vaugeois: L'article 48 prévoit... M. Guay: Ce n'est pas du tout...

M. Ciaccia: Vous n'avez pas aimé l'administration de la ville de Québec.

M. Vaugeois: À part cela, M. le député... M. Ciaccia: Vous n'aimez pas...

M. Vaugeois: ... regardez comme il faut la loi. On parle des arrondissements historiques, des arrondissements naturels, des sites historiques classés et des aires de protection. On ne parle pas des municipalités.

M. Ciaccia: Ce sont elles qui sont affectées par cela.

M. Vaugeois: On s'occupe de nos affaires. M. Ciaccia: Ce sont elles qui sont affectées.

M. Vaugeois: On s'occupe des arrondissements historiques, des arrondissements naturels, des sites historiques classés, des aires de protection. C'est une obligation que l'Assemblée nationale m'a donnée, Jupiter! C'est la Loi sur les biens culturels. On se donne les moyens d'exécuter correctement un mandat que l'Assemblée nationale a déjà donné. D'accord? On l'améliore.

M. Ciaccia: Si vous...

M. Vaugeois: Sauf qu'on ne veut pas tout garder.

M. Ciaccia: Vous ne vous souciez pas des juridictions municipales.

M. Vaugeois: On ne veut pas tout garder et on ne se pense pas capable, non plus, d'obliger, à ce moment-ci, toutes les municipalités à se doter d'un règlement. Cette suggestion, je la ferais mienne; mais nous n'avons pas les moyens pour établir cette politique à ce moment-ci. Il y a une minorité de municipalités qui seraient prêtes à présenter leur règlement. Comment voulez-vous obliger tout le monde à faire une chose que tout le monde n'est pas capable de faire à brève échéance. Que voulez-vous!

M. Ciaccia: Excusez-moi, si je comprends bien leur suggestion, les municipalités qui ne peuvent pas le faire...

M. Vaugeois: Si vous voulez, je peux bien faire un amendement à la loi et obliger la ville de Québec à présenter ses projets.

M. Ciaccia: Non, non, les...

M. Vaugeois: Je peux le faire, si vous voulez.

M. Ciaccia: Si je comprends...

M. Vaugeois: On peut l'y obliger, si c'est ce que vous voulez.

M. Ciaccia: Si je comprends bien...

M. Vaugeois: Elle n'a pas besoin d'y être obligée, elle est prête à le faire.

M. Ciaccia: Si je comprends bien leur suggestion, s'il y a des municipalités qui ne veulent pas prendre leurs responsabilités, d'après leurs recommandations, vous pourriez agir. Mais, vous laisseriez, au début, la responsabilité, la juridiction dans ces matières à la municipalité. Ce sont des matières qui tombent proprement sous la juridiction municipale.

M. Vaugeois: Expliquez-moi comment vous allez protéger...

M. Ciaccia: De plus en plus, vous accaparez, vous centralisez au Québec.

M. Vaugeois: En tout cas.

M. Ciaccia: Ce n'est pas seulement dans cette loi; regardez la loi 44, on va en discuter tantôt. Dans toutes les autres lois...

M. Bertrand: À l'ordre! M. Guay: Hors d'ordre. M. Alfred: Parlez donc du projet de loi 4.

M. Ciaccia: Vous donnez l'illusion de la consultation populaire mais c'est vous qui allez prendre les décisions.

M. Vaugeois: M. le Président...

M. Ciaccia: C'est vous qui allez tout faire.

M. Vaugeois: ... est-ce que...

M. Ciaccia: On vous fait des suggestions pour éviter cela — si vous êtes sincères — et on se fait hurler des insultes.

M. Vaugeois: M. le député, est-ce que vous allez rester pour les autres mémoires? Cela pourrait peut-être vous éclairer.

M. Ciaccia: Oui, je vais rester, si cela vous fait plaisir.

Le Président (M. Jolivet): Votre droit de parole étant maintenant écoulé. M. le député de Vanier a demandé le droit de parole.

Mme Lavoie-Roux: II n'a pas eu ses 20 minutes, parce qu'il s'est fait interrompre pendant au moins dix minutes, M. le Président.

Le Président: Je m'excuse, mais si vous regardez, j'ai donné...

Mme Lavoie-Roux: Je n'exagère pas, au moins dix minutes, n'est-ce pas?

M. Guay: Mme le député de L'Acadie, il a commencé à 17 h20.

Mme Lavoie-Roux: Non, je regrette, il a commencé à 17 h 40.

Le Président (M. Jolivet): Non, à 17 h 30.

M. Ciaccia: Ce n'est pas grave!

Le Président (M. Jolivet): N'allez pas à l'extrême, c'est à 17 h 30.

Mme Lavoie-Roux: Mais moi, je n'ai pas épuisé mon temps, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): C'est vrai, vous avez raison.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais poser une question pour essayer d'éclairer cette affaire.

Le Président (M. Jolivet): Excusez, mais est-ce que le député accepte, de la part de M. le député de Vanier, une question?

M. Bertrand: Je voudrais demander au député de Mont-Royal — on va entrer bientôt à l'étude article par article de ce projet de loi — s'il est prêt à reprendre, à son compte, la suggestion de la ville de Québec, la formuler sous forme d'amendement et soutenir le point de vue selon lequel il faut effectivement obliger les villes à procéder à l'adoption de certains règlements et, par la suite, les soumettre au ministère des Affaires culturelles?

M. Ciaccia: On verra dans l'étude du projet de loi. Je trouve la recommandation très bonne pour la ville de Québec.

M. Bertrand: Vous seriez prêt à être plus coercitif, en partant, que ne l'est le projet de loi actuel?

M. Ciaccia: Je crois que, s'il faut faire un choix entre enlever des pouvoirs, en étant... Premièrement, ce n'est pas coercitif, c'est une obligation qu'elles prennent. Il y a trois étapes dans leurs recommandations...

M. Bertrand: Obligations qu'on leur ferait.

M. Ciaccia: Non, attendez, dans leurs recommandations, si vous lisez bien, c'est un premier niveau incitatif, un deuxième coercitif et un troisième correctif. Alors, cela ne commence pas avec la coercition, cela commence avec une incitation mais ce sont leurs recommandations: incitation, coercition...

M. Guay: M. le Président, en vertu de l'article 100.

Le Président (M. Jolivet): J'avais l'intention de donner, avant la question posée, la parole à Mme le député de L'Acadie; il lui restait encore sept minutes.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, à un moment donné, on a interrompu M. Boutin, qui, sur certains principes de base, était d'accord avec le projet de loi. Je ne voudrais pas qu'il revienne là-dessus, mais il a dit: Nous pensons qu'il n'y a pas de décentralisation pour telle ou telle raison, il n'y a pas une véritable décentralisation pour telle ou telle raison. Est-ce que vous pourriez nous indiquer ces raisons? Il y a des principes sur lesquels vous êtes d'accord, vous les avez énoncés. Qu'est-ce qui, à votre point de vue, ne représente pas une véritable décentralisation, mais que vous interprétez comme plus de pouvoirs remis entre les mains du ministre.

M. Boutin: Je ne reviens pas sur la nouvelle formulation de l'article 48 qui, à mon avis, avec un vocabulaire beaucoup plus étendu, augmente les pouvoirs du ministre. Pour ce qui est de l'aspect selon lequel, à notre avis, il n'y a pas de décentralisation dans le projet de loi, c'est que l'intention du ministre, c'est de faire des municipalités les gardiennes du patrimoine, d'en faire les

gestionnaires quotidiens des biens culturels situés dans leur territoire respectif. Or, si on prend le projet de loi dans sa forme actuelle et s'il est adopté dans sa forme actuelle, il n'y a aucune espèce de changement apporté à l'esprit de la Loi sur les biens culturels.

Actuellement, à la ville de Québec, si on se préoccupe de la protection du patrimoine, c'est volontairement. On considère qu'à cause des immeubles et de l'arrondissement historique qui sont situés dans notre territoire et à cause du bien-être de nos citoyens, on doit protéger ce qu'on a. Actuellement, la Loi sur les biens culturels donne cette obligation au ministre. Si le ministre a l'intention ou le désir de décentraliser vers les municipalités ce souci de réglementer pour protéger le patrimoine il me semble logique que cela devrait apparaître dans le projet de loi que les municipalités, lorsqu'elles touchent des domaines qui sont susceptibles d'atteindre la gestion des biens culturels, soit le zonage, le lotissement et la construction, tiennent compte des objectifs énoncés dans la loi. À ce moment on aurait probablement une décentralisation, c'est-à-dire un objectif nouveau donné à des organismes régionaux ou à des collectivités locales. Ce qui n'existe pas dans le projet de loi no 4, tel qu'il existe présentement. En ce sens, il y a peut-être une incitation dans la loi, bien qu'on ne trouve pas le mot inciter" nulle part, mais dans ce sens, je ne pense pas qu'il y ait effectivement décentralisation dans le projet de loi no 4. (18 heures)

Mme Lavoie-Roux: D'accord, je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): S'il n'y a pas d'autres intervenants, s'il n'y a pas d'autres questions, je vous remercie d'être venus.

M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Est-ce que la ville de Québec sera de retour ce soir à vingt heures ou si on considère que c'est terminé?

Le Président (M. Jolivet): S'il n'y a pas d'autres questions, je considère que c'est terminé. Il n'y a pas d'autres intervenants?

M. Vaugeois: Je voudrais remercier M. Blanchet, qui était là précédemment, l'avocat qui s'est exprimé, et le directeur du service de l'urbanisme qui est présent. Je voudrais les assurer, de toute façon, d'une étroite collaboration, quelle que soit l'issue qui intervienne après l'étude de ce projet de loi. La ville de Québec a la responsabilité d'une partie extrêmement importante de notre héritage patrimonial. À cet égard, c'est certainement un des premiers alliés du ministère dans la poursuite générale des objectifs que nous donne la Loi sur les biens culturels. J'espère que cette loi pourra être adoptée de telle façon que nous pourrons intervenir d'une façon peut-être plus intéressante pour les municipalités que par le passé.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir pour les terminer ensuite à 24 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

(Reprise de la séance à 20 h 11)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, madame et messieurs!

M. Vaugeoi: Nous sommes cinq. Nous sommes corrects.

Le Président (M. Jolivet): La commission des affaires culturelles est de nouveau réunie pour entendre des personnes qui viennent faire des recommandations au ministre et à l'Assemblée nationale sur le projet de loi no 4 qu'on étudie article par article.

Ce soir, le premier groupe à se faire entendre est le Conseil des monuments et sites. Je demande à la personne responsable du groupe de s'identifier et d'identifier les deux autres personnes qui sont avec elle.

Conseil des monuments et sites

M. Robitaille (André): André Robitaille, président du Conseil des monuments et sites, architecte-urbaniste. André Sirois, vice-président du conseil, avocat, et Serge Viau, architecte, trésorier du conseil qui a été responsable du comité qui a étudié le projet de loi no 4.

M. Vaugeois: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Vaugeois: Me permettriez-vous une mise au point en débutant? Je ne sais pas ce qu'on fait dans ces cas-là, mais je suis membre du Conseil des monuments et sites depuis la fondation de l'organisme. Est-ce que je dois me retirer?

Mme Lavoie-Roux: Retirez-vous, oui. M. Bertrand: II y a conflit d'intérêts. Mme Lavoie-Roux: II y a conflit d'intérêts. M. Bertrand: Restez avec nous, M. le ministre. M. Fontaine: Allez siéger...

Mme Lavoie-Roux: C'est là qu'on va pouvoir juger de votre objectivité.

M. Vaugeois: Je vous autorise à parler en mon nom et je parlerai moi-même en mon nom.

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. Robitaille.

M. Robitaille: M. le Président, Madame, M. le ministre, Messieurs les membres de la commission. Le présent mémoire contient les commentaires et les recommandations du Conseil concernant le projet de loi no 4 amendant la Loi sur les biens culturels. Le conseil s'est réjoui de la pertinence des amendements proposés. Ils améliorent considérablement la loi actuelle en la rendant plus efficace tout en permettant une décentralisation susceptible de soulever l'intérêt des administrations locales. Cependant, nous voulons apporter quelques suggestions et recommandations de manière à clarifier certains articles et certaines procédures. Par ailleurs, nos commentaires les plus importants, ceux que nous considérons comme recommandations formelles, visent à assurer davantage la participation du citoyen à la protection de son patrimoine. C'est ainsi que nous recommandons de rendre publiques certaines des activités de la Commission des biens culturels et d'élargir le droit de poursuite contre les contrevenants à tout citoyen ou tout groupe qui désire le faire. Nous voulons, de plus, souligner l'importance de l'intervention de l'État dans la protection du patrimoine qui doit continuer de veiller à ce que les objectifs généraux soient préservés et que les critères de conservation soient maintenus et conservent un certain degré d'efficacité et d'uniformité.

Nous croyons que la formule de participation municipale telle que proposée dans le projet est de nature à assurer une telle garantie en même temps qu'elle favorise la prise de conscience locale et préserve son autonomie. Nous insistons aussi sur la pertinence de certaines mesures du projet de loi qui visent à assurer un caractère plus global à la protection du patrimoine en dirigeant de façon plus coordonnée la subdivision des terrains et l'utilisation du sol dans les arrondissements, les sites naturels, les sites historiques et les aires de protection et en donnant la possibilité de réglementer tous les aspects de l'aménagement de ces zones.

De manière à faciliter la lecture en conjonction avec le projet de loi, nous faisons l'analyse article par article et nous n'avons, évidemment, retenu que les articles sur lesquels portaient nos commentaires. Plusieurs de ces commentaires étaient déjà contenus dans le mémoire sur le livre vert que nous avons soumis et dont nous annexons copie — vous l'avez d'ailleurs. Le cas échéant, il nous a semblé bon de les reprendre ici, c'est-à-dire que certaines recommandations que nous faisions alors ont été reprises dans le présent mémoire.

À l'article no 1 du projet de loi no 4, au paragraphe 7c qui concerne la Commission des biens culturels, il y aura lieu de mieux définir ce qu'est un intérêt personnel. Nous souhaiterions que cet article s'applique même si cet intérêt personnel peut survenir indirectement par l'intermédiaire du conjoint ou des proches parents. Peut-être serait-il possible d'appliquer à ces membres certaines des règles administratives régissant les membres du gouvernement et les hauts fonc- tionnaires. D'autre part, toute décision rendue par la commission lorsqu'un intérêt personnel aura été en jeu devra être annulée.

Article 7e: Le souci d'efficacité constitue l'intention de base de cet article et nous reconnaissons le bien-fondé de cette intention. La formation de comités. Ceci est assez important. Cependant, le second paragraphe soulève ce qui pourrait se révéler un problème de cohésion au sein des membres de la commission. Ainsi, après avoir conféré un certain nombre de pouvoirs et de fonctions — articles 31, 32, 35, 48 et 51 — à la Commission des biens culturels, le projet de loi les lui retire pour les confier à un comité de trois personnes agissant en son nom. Qu'arrive-t-il si des décisions de ce comité ne sont pas des décisions majoritaires de la commission? Cela ne risque-t-il pas de désintéresser les autres membres de la commission? D'autant plus qu'il s'agit de fonctions importantes de la commission. Nous souhaiterions que ce transfert de fonctions se fasse par une décision volontaire de la commission, de manière à préserver son intégrité. C'est la raison pour laquelle nous suggérons que le texte de la première phrase de ce paragraphe se lise comme suit: "Les fonctions attribuées à la commission par les articles 31, 32, 35, 48 et 51 peuvent être exercées, en son nom, par un comité constitué de trois personnes désignées par la commission. Ainsi, serait maintenu un certain lien de dépendance entre le comité et la commission elle-même. De même, elle pourrait avoir la liberté de varier la composition de ce comité en fonction de la nature des problèmes à traiter ou même selon les fonctions à remplir.

En somme, il s'agit de rendre concordant ce paragraphe de l'article 7e avec le paragraphe B de l'article 7i. De même, il nous semblerait indiqué que tout membre de la commission qui le désire puisse participer aux travaux de ce comité.

Nous regrettons vivement que ce projet de loi ne prévoie aucune ouverture quant à la possibilité pour le public en général de faire des représentations publiques, tant auprès de la commission que du ministre. Bien que, par essence, la commission soit un organisme consultatif auprès du ministre, il y aura lieu, à notre avis, de rendre plus transparentes les activités de la commission. Elle devrait autant que possible, tenir des audiences publiques avec ordre du jour publié à l'avance. Elle devrait aussi avoir la possibilité de publier ses décisions et résolutions autrement que dans son seul rapport annuel qui souvent est déposé à l'Assemblée nationale longtemps après qu'une question traitée a perdu de son acuité. Peut-être pourrions-nous nous inspirer des règles qui régissent le comité consultatif sur l'environnement. Nous croyons que, ce faisant, on assainirait le débat au sujet de la commission, on impliquerait davantage celle-ci et on lui permettrait de mieux saisir les problèmes par l'exercice de la pression publique. Tout groupement de plus de cinq personnes devrait pouvoir demander une audience publique et demander qu'on inscrive à l'ordre du jour de ces audiences tout sujet qui les concerne.

Article 7k: Rapport annuel. Dans la même veine, souhaiterions-nous de plus que les décisions, résolutions ou recommandations de la commission soient nécessairement consignées au rapport annuel. On évitera ainsi le danger que le rapport annuel ne contienne que des énoncés généraux sur la protection du patrimoine.

Article 2 du projet de loi en remplacement de l'article 14, publication trimestrielle des classements. Nous ne pouvons saisir les raisons qui ont milité en faveur de la publication annuelle plutôt que trimestrielle de la liste des biens culturels reconnus et classés. Nous restons convaincus que cette publication procéderait d'un souci d'information du public et qu'une telle information doit être la plus rapprochée possible dans le temps. En conséquence, nous demandons de maintenir l'obligation actuelle de publication trimestrielle. En cela, nous nous approchons de la demande de la ville de Québec.

Article 12 en remplacement de l'article 31: La formulation de cet aticle nous paraît ambiguë. L'expression "à l'exclusion d'un site historique " semble indiquer qu'un tel site est exclu des obligations de la loi. Pour une plus grande clarté, il faudrait éliminer cette expression du paragraphe et y ajouter, à la fin de celui-ci, la phrase suivante: Toutefois, un site historique classé n'est pas régi par cet article mais par la section IV de la loi". D'autre part, il est absolument nécessaire de mettre en place un mécanisme pour empêcher et contrôler ce qu'il est convenu d'appeler la démolition par négligence, ou la démolition en vitesse, en fin de semaine. Sans qu'il ne s'agisse d'une opération formelle et ponctuelle de démolition, beaucoup de propriétaires, surtout après un incendie, laissent aux intempéries et aux vandales la tâche de démolition. Après un certain temps, la détérioration devient telle que la seule solution possible reste la démolition. Cette stratégie est très courante; il n'existe aucun recours.

L'article 53e permet au lieutenant-gouverneur de réglementer ou prohiber la démolition des biens historiques. Mais il faudrait que cette notion de démolition par négligence soit spécifiquement reconnue, de manière que soit permise toute action visant à la protection des biens qui sont déclassés, délaissés par leur propriétaire, volontairement ou involontairement.

Article 14 en remplacement de l'article 35: Pourquoi la propriété publique n'est-elle pas mise sur le même pied que toute propriété privée? Pourquoi faut-il demander le consentement écrit du propriétaire de ces terres publiques lorsqu'on veut faire des relevés archéologiques? Il nous semble que ce qui est vrai et logique dans un cas l'est aussi dans l'autre.

Article 19. Cet article remplace l'article 48, concernant en général la division de terrains. Les amendements proposés sont excellents mais, ici aussi, notre commentaire sur la démolition par négligence s'applique. En remplacement de l'article 49: Nous apprécions grandement cette possibilité de confier aux administrations municipales ou régionales la tâche de l'administration de la loi, si elles le désirent. Cependant, nos commentaires porteront sur deux points spécifiques: la formulation du texte et les moyens de contrôle. Le premier paragraphe de l'article 49 modifié est rédigé de façon ambiguë, trop synthétique pour qu'il ne soulève pas des problèmes graves d'interprétation. Il faudrait d'abord dire que ces administrations, si elles le désirent, "doivent" soumettre leur règlement à l'approbation du ministre plutôt que peuvent ". D'autre part, la possibilité de soumettre, après leur entrée en vigueur, soulève des difficultés inhérentes aux procédures actuelles d'amendement telles que prévues dans la Loi des cités et villes et le Code municipal. Il serait beaucoup plus aisé de demander qu'elles le soumettent avant leur entrée en vigueur; à ce moment, elles ne seraient pas obligées d'amender leur règlement s'il advient que le ministre demande des modifications ou des ajouts. Cela éviterait aussi des situations conflictuelles.

Cette remarque est d'autant plus pertinente que toute opération de zonage, lotissement ou construction effectuée depuis le 22 mars, qui pourrait être couverte par la présente loi et qui n'a pas été autorisée par le ministre, est rendue caduque par le dépôt du projet de loi. Par ailleurs, toute municipalité qui aura déjà adopté un tel règlement, avant l'entrée en vigueur de la loi, le 22 mars 1978, pourrait avoir le droit de soumettre ce règlement à l'approbation du ministre. Enfin, la loi devrait obliger la municipalité qui n'a pas de règlement approuvé par le ministre à indiquer, de façon très visible et très claire, sur le permis émis par elle, que le propriétaire doit aussi demander un permis du ministère dans les cas de biens culturels classés, d'arrondissements historiques ou naturels, de sites historiques classés ou d'aires de protection.

M. Viau (Serge): Par ailleurs, il est absolument indispensable que ces modifications à la loi contiennent des droits de recours.

Premièrement, un droit de recours du ministre auprès d'une municipalité qui ne respecterait pas tel règlement approuvé par le ministre. Bien que les deux derniers paragraphes impliquent le devoir d'une corporation municipale, d'une corporation de comté ou d'une communauté urbaine ou régionale de respecter tel règlement, il n'y est prévu aucune procédure de sanction. Nous favoriserions la possibilité pour le ministre de retirer à toute telle administration, dans le cas d'un manquement — et cela se voit parfois — les pouvoirs délégués que la loi leur a confiés.

Deuxièmement, un droit pour quiconque de contester — pour quiconque, nous disons bien — auprès du ministre une décision rendue ou un permis émis. À ce moment, le ministre agirait comme un tribunal d'appel.

Troisièmement, un droit pour quiconque toujours de s'adresser à la Cour supérieure pour faire respecter les dispositions de la Loi des biens culturels. Le projet de loi ne donne ce droit qu'au ministre. Il nous semble que, de plus en plus, les meilleurs gardiens de notre patrimoine sont les

citoyens eux-mêmes. Il devrait donc être possible pour tous ceux qui veulent que le patrimoine soit protégé, même pour ceux qui n'ont pas d'intérêts personnels à la cause, de réclamer que des actions soient entreprises contre les contrevenants. Cette possibilité est déjà en vigueur dans plusieurs États américains. Même ici, le ministre Léger songe à une telle éventualité pour la Loi sur l'environnement.

Je peux me permettre de lire un paragraphe d'un article du Devoir qui dit: "C'est pourquoi M. Léger a annoncé que son ministère a proposé un projet de réforme qui étendrait ce droit de poursuite à tous les citoyens. Un tel droit de poursuite, même de la part d'un citoyen qui ne peut pas mettre en preuve des dommages qu'il aurait lui-même subis, serait nouveau au Canada, a reconnu M. Léger, mais il existe déjà dans plusieurs États américains."

La protection du patrimoine n'est-elle pas elle-même un secteur de la protection de l'environnement et ne devrait-elle pas avoir les mêmes prérogatives? Cette demande avait déjà été faite dans notre précédent mémoire sur le livre vert, et nous regrettons qu'il n'en ait pas été tenu compte, d'autant plus qu'un autre ministère, pour des situations analogues, s'apprête à proposer une telle procédure.

Article 20 du projet de loi no 4 en remplacement des articles 51 d) et e): Nous apprécions grandement le fait que les contributions et les subventions s'appliquent aussi aux bâtiments compris dans les aires de protection, puisqu'ils subissent les mêmes contraintes. Ce n'est que juste équilibre.

Article 21 du projet de loi no 4 en remplacement de l'article 53 e): Nous voulons noter notre appréciation concernant le contenu de cet article. Cependant, il y aurait lieu de vérifier la constitutionnalité du pouvoir de prohiber, tel que donné par le projet de loi. Ne s'agit-il pas là, en fait, d'un pouvoir d'expropriation sans indemnisation? La jurisprudence est extrêmement sévère à ce sujet, et nous nous demandons jusqu'où un tel pouvoir de prohiber peut aller.

Article 23 du projet de loi no 4: Nous demandons que le droit de recours devant la Cour supérieure — c'est pour être conséquents avec ce que nous avons déjà dit dans les paragraphes précédents — soit étendu à tout citoyen et à tout groupe. Dans ce sens, nous demandons avec insistance que cet article soit modifié pour inscrire que le recours peut être exercé sur requête du ministre, ou de toute personne physique ou morale. De plus, un pouvoir d'injonction — et nous en faisons une demande extrêmement importante — devrait être ajouté à cet article. Ainsi, la Cour supérieure pourrait émettre une injonction pour ordonner la cessation ou suspendre tous travaux faits présumément en contravention de la loi et des règlements; ceci, dans le but d'éviter l'irréparable. On a parlé tantôt de démolition rapide ou des choses comme cela.

Article 25 du projet de loi no 4: II faudrait prévoir, si le recours d'un individu est permis, que le contrevenant devra être en plus condamné aux frais. Cette spécification aura pour effet d'éviter que, par simple vengeance contre tel individu, les grandes corporations ou autres personnes fortu-nuées n'entraînent, par divers appels successifs ou des moyens visant à étirer les débats, des frais exorbitants que le requérant ne pourrait pas supporter, forçant ainsi l'abandon de la cause. (20 h 30)

Enfin, l'article 26 du projet de loi, élément 62, nous souhaiterions, concernant le délai d'amortissement des enseignes, que ce délai soit ramené à cinq ans. La période d'amortissement de ces enseignes est de plus en plus courte, aujourd'hui, car elles deviennent désuètes plus rapidement. On pourrait ainsi obtenir une action d'embellissement un peu plus rapide.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Vaugeois: Je remercie les représentants du Conseil des monuments et sites. Ils ont, je pense, fait un travail extrêmement sérieux; ils ont lu la loi avec beaucoup de soin; ils ont su formuler des recommandations extrêmement pertinentes. Je peux vous dire, de façon générale que la plupart des recommandations que vous formulez ont déjà inspiré certains amendements, ou ont rejoint certains amendements que nous avions déjà nous-mêmes apportés à notre projet de loi, ou encore provoquent une étude qui est nécessaire avant que nous introduisions vos recommandations dans un éventuel projet de loi.

Par exemple, sur le recours pour chaque individu, le ministre Léger a, effectivement, semble-t-il, fait une déclaration publique à ce sujet mais, pour notre part, nous préférons, pour l'instant, évaluer la portée d'une telle recommandation. A priori, nous la trouvons saine, nous la trouvons pertinente, mais nous voulons être certains des implications que cela peut comporter. Des études très précises se poursuivent à cet égard.

Il y a donc trois catégories de réactions: la première, c'est que cela rejoint des amendements que nous apportions; la deuxième, c'est que cela a provoqué des amendements auxquels nous n'avions pas pensé; et la troisième, cela a provoqué des études rigoureuses d'éléments nouveaux ou d'éléments qui avaient déjà été considérés, mais qui n'avaient pas été retenus. Il reste peut-être un certain nombre de points sur lesquels il y a une petite divergence, mais ils sont assez rares.

Étant donné les remarques du député de Nicolet-Yamaska, aujourd'hui, je ne voudrais pas commencer à énoncer, comme cela, les quelques amendements que je vais vous soumettre tout à l'heure. Si la question vous intéresse au point de souffrir un peu une participation à nos débats, vous verrez, dès la fin des discussions que nous avons avec les représentants de groupes, que le premier geste que je vais faire sera de déposer un certain nombre d'amendements. Vous verrez qu'ils rejoignent plusieurs de vos points de vue.

Je vais quand même vous en donner un avant-goût et vous souligner que — et c'est dans un article concernant la Commission des biens cultu-

rels — nous prévoyons, par la loi, la formation d'un comité pour intervenir sur plusieurs choses; les articles 31, 32, 35, 48 à 51. Je pense que c'est une des remarques très importantes que vous avez formulées. On a étudié ce point de vue et on s'est rendu compte qu'effectivement il y avait peut-être inconvénient à diriger autant de matières vers ce comité qui n'est pas une émanation voulue, décidée librement par la commission, mais imposée par la loi. Compte tenu de ce point de vue, nous avons modifié le mandat de ce comité qui est prévu dans la loi, pour ne lui laisser, comme matières d'intervention, que des choses coutumières et quotidiennes qui sont susceptibles de gruger le temps de la commission et l'empêcher de faire les choses les plus essentielles qui lui conviennent.

Vous insistez aussi sur les représentations publiques. Je l'ai souligné ce matin, cela a rejoint — je vous le dis, non pas pour vous enlever du mérite; mais que les bons esprits se rencontrent, cela n'est pas un défaut — un amendement qu'on ajoutait déjà à l'article 7f, parce que, en plus de cela, cela se fait souvent ou habituellement dans les comités consultatifs ou les commissions à être crées.

Un certain nombre de choses que vous suggérez vont se retrouver dans les règlements qui suivront le projet de loi. Vous regrettez que nous renoncions à la publication trimestrielle pour se porter plutôt vers la publication annuelle. Moi non plus je ne pourrais pas vous expliquer très savamment les difficultés administratives que cela pose; on me les a expliquées et je les ai acceptées. Je pense plus important, finalement, d'y compenser par un certain nombre de dispositions. Par exemple, nous allons avoir de l'information beaucoup plus systématique sur tous nos avis d'intention, nos avis de reconnaissance, nos avis de classement de façon très large. Nous pourrions, d'ailleurs, mettre systématiquement sur nos listes d'envoi le Conseil des monuments et sites. Autrement dit, plutôt que de publier cela dans la Gazette officielle, ce qui risque d'échapper à l'attention, quand même, finalement, de beaucoup de monde, on l'enverrait systématiquement au greffier, au secrétaire-trésorier des corporations. On le fait circuler beaucoup plus largement et en compensation, si vous voulez, de ce délai annuel. Nous nous obligeons à une publication annuelle très substantielle et très accessible, un peu sur le modèle du cahier no. 10 des Cahiers du patrimoine de cette année, mais améliorée encore. C'est-à-dire, en intégrant, en étant plus à jour qu'on ne l'a été cette fois-ci, cela va être facile, parce qu'on n'aura pas besoin de recommencer toute la compilation et, également, on pourra y inclure les biens de l'État qui seraient susceptibles d'être classés, s'ils n'étaient pas biens de l'État.

Un point important que vous soulevez et qui est à l'étude, c'est une notion assez nouvelle et qui est assez difficile à cerner dans un projet de loi: c'est la démolition par négligence. Je pense que déjà, le projet de loi — tel que rédigé — nous permettrait éventuellement d'intervenir ou le per- mettrait à des municipalités, mais cela n'est pas clairement exprimé et vous avez raison de le souligner. C'est une préoccupation normale que vous manifestez, mais on préfère se donner un peu de temps avant de l'introduire dans le projet de loi pour essayer d'évaluer, sous tous ses angles, la signification que cela pourrait prendre. Sur l'article 14 qui réfère à l'article 35, nous vous donnerons satisfaction. Il y a le "avant" ou le "après"; c'est intéressant ce que vous dites. Le point de vue qu'on a eu jusqu'à maintenant, c'est qu'on ne sait pas très bien dans quelle mesure il n'y a pas un certain nombre de règlements qui existent déjà dans certaines municipalités et qui pourraient nous convenir assez bien. Ainsi, si cela a été préparé avant et cela nous convient, pourquoi les obliger à retourner devant leur conseil pour en discuter à nouveau etc.; c'est peut-être le cas — je ne sais pas, je ne suis pas un expert là-dedans — du règlement que la ville de Québec a passé concernant les débits de boisson. Ce règlement existe, il existait avant la loi, on pourrait peut-être le considérer. Je pense que là, on est dans les subtilités et ce qui est important pour moi, avant ou après, de toute façon, il y aura étude conjointe du projet de réglementation et échange de points de vue. On se mettra d'accord. Alors, que ce projet de règlement ait été mis au point après la Loi 4, ou avant, cela ne m'importe peu. Peut-être, qu'il y a des choses qui m'échappent — il doit y en avoir beaucoup — mais en tout cas. sur ce point-là, je voudrais ménager, en fait, la possibilité de considérer des réglementations qui auraient déjà été mises au point et qui seraient valables.

Par exemple, vous dites à la page 4: "Cette remarque est d'autant plus pertinente que toute opération de zonage, de lotissement ou construction effectuée depuis le 22 mars qui pourrait être couverte par la présente loi et qui n'a pas été autorisée par le ministre est rendue caduque par le dépôt du projet de loi". Cela me paraît un peu ambigu. Il y a effectivement dans un certain nombre d'articles du projet de loi des effets rétroactifs, mais il me semble qu'on ne rend pas caduc, nécessairement, tout ce que vous mentionnez. Mais, cela mérite peut-être d'être évalué et reconnu.

Sur l'article 20 qui réfère à 51d et 51e, on a des éléments nouveaux qui vont probablement vous faire plaisir, en termes de liens hypothécaires en particulier. Sur la question du pouvoir de prohiber, on m'avait déjà prévenu de la remarque que vous alliez formuler. On me dit que pour que ce pouvoir soit réel, il faut qu'il soit inscrit dans la loi. Ce que nous faisons. S'il n'était inscrit spécifiquement dans la loi et que nous voulions y recourir, là, il pourrait être contestable et on me réfère à l'article 407 du Code civil. Mais là, vous me perdez. Au point suivant, quant au pouvoir d'injonction, il semble qu'il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans la loi, que ce pouvoir, nous l'avons de toute façon.

Le point suivant serait valable si nous pouvions retenir, dès maintenant, le recours possible

pour un individu; comme nous ne pouvons le retenir maintenant — non pas que nous ne soyons pas d'accord avec votre recommandation, mais nous avons l'obligation de l'évaluer — ce sera pour une prochaine étape. Alors, voilà, si vous voulez, quelques remarques générales sur votre mémoire et si, encore une fois, vous êtes des nôtres dans une heure, peut-être — le temps de discuter correctement avec vous et d'entendre la Fédération des sociétés d'histoire — j'aurai l'occasion de déposer un certain nombre d'amendements qui, je crois — et je ne blague pas, ce n'est pas pour écourter la discussion — vont rejoindre plusieurs des points de vue que vous avez avancés dans votre mémoire ce qui prouve, en tout cas — puisque nous, on a consacré pas mal de temps sur ce projet et qu'on l'a étudié avec soin — que vous avez fait un travail semblable de votre côté, ce dont je vous félicite.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie. À moins, que vous ne vouliez ajouter quelque chose?

M. Robitaille: Oui, avant de continuer, je voudrais ajouter quelque chose. Il y a deux articles principaux que nous trouvons primordiaux, c'est d'abord la délégation de pouvoir aux municipalités et, deuxièmement, la participation publique à la conservation des biens culturels. Cet après-midi nous avons entendu les deux extrêmes: les grandes et les petites municipalités. Cela biaise un peu le problème, parce que beaucoup de municipalités ont des arrondissements historiques et ne sont pas dans ces positions extrêmes. Seulement, nous approuvons — d'une manière générale — la législation qui est présentée ici, c'est-à-dire, transférer aux municipalités des pouvoirs, même ceux qui sont ajoutés actuellement, comme ceux concernant la subdivision des terrains. Nous aprou-vons le fait que le ministre ait ces pouvoirs et puisse les transmettre aux municipalités. Ce n'est, peut-être, pas une décentralisation, mais c'est un effort pour ramener au niveau des municipalités — c'est-à-dire, plus proche de l'individu — les problèmes qui se posent et qui sont réels à ce niveau.

Évidemment, en transférant aux municipalités de tels pouvoirs, on a des avantages tels qu'une connaissance plus exacte des problèmes de conservation et de mise en valeur, mais aussi les inconvénients de régimes municipaux qui changent parfois rapidement et les inconvénients également des influences indues qui sont plus faciles à un niveau plus près de la municipalité.

C'est pour cela que nous insistons sur le fait que si le gouvernement, si le ministère délègue à des municipalités ces pouvoirs, qu'il en garde le contrôle et la surveillance. Ceci peut se faire de différentes manières qui ne sont pas prévues dans le projet de loi actuel. Il pourrait l'être; peut-être cela peut-il être fait par règlement. Nous aurions aimé que cela soit fait dans la loi elle-même. Par exemple, obliger les municipalités à avoir des commissions du patrimoine, avoir un représentant permanent du ministère dans les municipalités, comme cela se fait dans les professions libérales. Ce sont des moyens, il y en a d'autres, pour arriver à ce que le pouvoir délégué à une municipalité soit respecté, parce qu'il peut arriver qu'un changement d'administration amène rapidement un abandon total des politiques déjà acceptées par le ministère. Et si le ministère n'a pas un contrôle complet sur les pouvoirs qu'il a laissés, cela peut amener des catastrophes. L'autre point c'est la démocratisation de la Commission des biens culturels...

M. Vaugeois: Est-ce que je peux vous interrompre? Là-dessus le projet de loi ne vous donne pas d'inquiétude, par exemple.

M. Robitaille: II nous donne une inquiétude dans le sens qu'on a, un peu, l'impression que le ministère pourrait abandonner aux municipalités ses pouvoirs et s'en débarrasser, si on veut, sans tenir le bout de la corde continuellement. (20 h 45)

M. Vaugeois: M. le Président, M. le Président — puisqu'il y a deux présidents — à ce sujet si on regarde bien la loi, je pense qu'on sera d'accord pour reconnaître que, si une municipalité faisait défaut d'appliquer ces règlements, elle contreviendrait à la loi et, à ce moment, les sanctions prévues dans la loi s'appliqueraient également pour la municipalité. On ne peut pas aller plus loin que cela.

M. Robitaille: Mais la ville de Québec a proposé, cet après-midi, un système compliqué du lieutenant-gouverneur en conseil et...

M. Vaugeois: Oui, mais c'est parce qu'elle ne faisait pas confiance au ministre des Affaires culturelles, ce en quoi elle a bien raison, vous savez!

M. Bertrand: C'est son successeur qui l'inquiète.

M. Vaugeois: C'est qu'on ne sait pas qui va me succéder.

M. Sirois (André): Si vous le permettez, M. le Président, j'aurais aimé dire quelques mots à ce sujet.

C'est qu'on se réjouit beaucoup de ce qui se trouve dans ce projet de loi en ce moment. Cependant, cela ne nous apparaît pas suffisant; l'idée de décentralisation — ou qu'on l'appelle comme on le voudra — est une très bonne chose en soi. Par ailleurs, cela peut ne pas être suffisant pour garantir la préservation de biens culturels. L'idée de faire un transfert de responsabilités administratives, d'un palier de gouvernement à un autre, peut être très bonne. Par ailleurs, il faut voir qu'en ce moment, plusieurs administrations locales n'ont pas les moyens et les effectifs permettant de le faire; deuxièmement, elles n'ont pas toujours la volonté politique de le faire — on en voit des exemples tous les jours — et, troisièmement, l'adoption d'un règlement, au niveau local, n'est

pas, à elle seule, une garantie de son application. C'est pourquoi il nous semble très important d'encadrer cette action de deux façons: avoir, d'un côté, le ministère des Affaires culturelles qui garde la responsabilité de l'État dans la préservation des biens culturels. Je crois qu'il faut être très clair à ce sujet; à notre avis, il ne s'agit pas de morceler ou de faire, de façon parcellaire, la préservation du patrimoine collectif d'une part. D'autre part, nous nous demandons si l'intervention de citoyens et de groupes — parce qu'on n'a qu'à référer à ce qu'on vit depuis plusieurs années, les gens qui ont lutté pour le patrimoine du Québec, dans une grande majorité des cas, ne font pas partie des administrations locales, ils sont de groupements de préservation historique et des individus qui ont fait une grande partie de la préservation historique, souvent à leurs frais. C'est pourquoi nous avons demandé que ces gens, qui sont dans les faits, les gardiens du patrimoine, aient le pouvoir d'intervenir au niveau de l'application de la loi. Nous ne sommes pas les seuls à avoir demandé cela, j'aimerais mentionner, simplement à titre d'information, qu'il y a quelques jours, à l'assemblée annuelle de la Société historique, quelqu'un ayant vu l'idée dans notre mémoire a fait une proposition, pour nous appuyer, qui a été adoptée à l'unanimité. Le Conseil de la culture de la région de Québec a aussi repris la même idée. Il est grand temps qu'on donne ce pouvoir aux gens qui, depuis longtemps, luttent pour la préservation du patrimoine et qui doivent limiter, restreindre leur lutte à des voeux pieux ou à des récriminations.

Le simple fait d'avoir ce pouvoir dans la loi — on a des exemples de ce qui se fait à Seattle — peut servir à dissuader beaucoup de vandalisme, beaucoup de projets qui tiennent du vandalisme; c'est pourquoi il est très important, à notre avis, de mettre ce pouvoir dans la loi et de permettre une telle action éventuellement.

L'idée, encore une fois, ce n'est pas d'organiser des chasses dans les rues, c'est simplement de dissuader et le pouvoir de dissuasion, dans ce cas, peut être très grand.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

M. Vaugeois: Si vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Vaugeois: Comme c'est dans le mémoire, j'avais préparé une réponse à cela. Une fois qu'une entente est arrêtée avec une municipalité, corporation municipale ou autre et qu'on a approuvé un certain nombre de projets de réglementation, cette municipalité ne peut se dégager de ses responsabilités, vu l'article 19 du projet de loi, qui stipule en amendement à l'article 49: "Aucun permis ne peut toutefois être émis par une corporation municipale si cette opération n'est pas conforme aux dispositions réglementaires approu- vées par le ministre. Il est du devoir d'une corporation municipale... — et là je saute quelques mots — de faire l'application sur son territoire des dispositions réglementaires approuvées par le ministre ".

La corporation n'a donc pas d'alternative et elle doit appliquer cette disposition réglementaire. Certes, il n'existe pas, dans le projet de loi, de pénalité directe contre ladite corporation, mais il est entendu que l'omission de la municipalité peut faire encourir contre elle l'émission d'un bref de mandamus par le ministre. Donc intervention du ministre si les conditions de l'approbation ministérielle ne sont pas respectées, avec éventuellement, désapprobation, comme il y a eu approbation, et application, après la désapprobation, du pouvoir discrétionnaire qui est prévu à l'article 48, ou adoption de règlements tel que prévu au deuxième paragraphe de l'article 48 et l'application de l'article 57 où le ministre conserve le pouvoir de faire prononcer la nullité de tout acte juridique fait en contravention de l'article 49.

Évidemment, on pourrait en mettre encore plus, mais vraiment le fait de déléguer à des municipalités un certain nombre de responsabilités implique un minimum de confiance et je suis obligé d'admettre, à mon corps défendant, que la loi ne fait pas totalement confiance aux municipalités puisqu'elle prévoit toutes sortes de mécanismes d'intervention, de rapatriement du règlement, pénalités, sanctions, amendes, etc. Même, cela me gêne de le dire, parce que ma démarche est essentiellement fondée sur une confiance dans les corporations municipales, mais les rédacteurs du projet de loi ont prévu, également, que cette confiance pourrait ne pas être méritée.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais remercier et féliciter le Conseil des monuments et sites du Québec pour son mémoire. Je rejoins les commentaires du ministre à l'effet que vous avez soigneusement étudié le projet de loi.

Je dois vous dire également que certaines de vos recommandations rejoignent — apparemment, on va peut-être finir par se rencontrer — celles du côté ministériel et celles de l'Opposition, après nos divergences de cet après-midi... parce qu'il y a certains amendements que nous devons proposer et cela va peut-être rendre les choses plus rapides; on va peut-être finalement se rencontrer. Par exemple, entre autres, votre désir que les opérations de la commission soient plus transparentes et que les gens puissent plus facilement y avoir recours, que des avis publics soient donnés pour que vraiment ce ne soit pas une chose... Le grand public est un peu ignorant de ce que fait présentement la Commission des biens culturels. Dans ce sens, je pense qu'il y a lieu d'informer dans le sens où vous le dites.

Vous faites aussi certaines remarques qui sont peut-être des remarques de clarification, comme

par exemple l'article 12. Je ne sais pas ce que le ministre en fera — c'est peut-être un détail — mais ne pas exclure les sites historiques, mais plutôt dire qu'ils relèvent d'une autre partie de la loi, je trouve que cela est intéressant pace que je l'avais interprété comme vous l'avez fait. Je pense que, pour le commun des mortels, c'est ce qui risque d'arriver.

Également, je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'il faut prendre toutes les mesures possibles pour éviter le vandalisme, pour permettre que les organismes ou les groupes de citoyens qui, jusqu'à maintenant, sont intéressés à la préservation du patrimoine, aient facilement accès à la commission pour faire des représentations, etc. Par contre, je sens peut-être moins le souci aussi de préserver les droits du citoyen individuel qui lui, à tort ou à raison, peut se sentir lésé dans toute cette opération du patrimoine. Dans toute la loi on retrouve, à l'article 45, dans la Loi des biens culturels, un seul article qui traite de ceci. En tout cas à ma connaissance, à moins que le ministre puisse m'en signaler d'autres.

M. Vaugeois: Signaler quoi?

Mme Lavoie-Roux: Les droits de recours de l'individu qui... Il n'y en a pas.

M. Vaugeois: II y en a presque!

Mme Lavoie-Roux: On dit à l'article 43: "Toute personne peut obtenir du ministre une indemnité pour les dommages qu'elle a subis en raison de l'application des articles 41 et 42". Je retrouve cela là, mais je pense que tous ici, j'ai l'impression, partagent un principe de base qui est celui que toute cette action de concertation pour la préservation du patrimoine et sa mise en valeur doit reposer sur ce que le ministre a appelé, dans son discours de deuxième lecture, la connivence de tout le monde. Cette connivence doit autant toucher ceux qui s'intéressent à la préservation que ceux qui sont touchés par cette préservation et qui, eux aussi, peuvent fort bien s'intéresser à cette préservation mais à qui on doit accorder les meilleures possibilités de recours et de protection comme individus. Il m'apparaît que vous avez peut-être moins retenu cet aspect; je pense que cela fait partie de cette grande concertation de tout le monde et de cette collaboration qu'on veut s'assurer de tout le monde.

C'est pour cela que cela m'étonne peut-être, le voyant dans cette perspective — si j'interprète bien votre suggestion de l'article 35 remplacé par l'article 13. Personnellement, je trouvais que le fait de ne pas requérir le consentement écrit des individus quand on procédait à des fouilles sur leur terrain... Vous semblez vouloir aller même plus loin et dire qu'on ne devrait même pas le requérir pour la propriété publique. Il se peut que je vous interprète mal mais je serais allée dans le sens opposé, c'est-à-dire la même mesure pour les deux mais dans le sens d'obtenir le consentement de chacun, des deux personnes ou des deux organismes concernés, dans un tel cas.

Évidemment, on pourrait faire un autre long débat. Je suis quand même contente de l'admission, à son corps défendant, du ministre qui vient d'avouer — enfin, avouer, il ne faut quand même pas amplifier les termes — ce qui est demeuré un point d'interrogation pour nous. C'est vrai qu'il y a, dans le projet de loi, un désir de décentraliser, de donner plus de pouvoirs localement, dans le sens d'intéresser plus de monde localement; cela, je pense que c'est un bon principe. Mais cette délégation de pouvoirs qu'on fait est tempérée par tellement de contraintes, par exemple, la contrainte de soumettre les règlements et tous les autres points, que, finalement, cela dilue le désir de décentralisation du ministre, dans les faits. Mais peut-être que, comme mesure transitoire...

M. Alfred: ...

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): J'ai compris.

Mme Lavoie-Roux: Bon, je ne pense pas, enfin, ce n'est pas à moi de juger ce que je dis mais si vous avez une intervention valable à faire, vous aurez le droit de la faire après. C'est difficile de discuter sérieusement quand il y en a toujours un qui jappe ou qui miaule. Je m'excuse de l'interruption, M. le Président.

Peut-être que, dans une période transitoire, c'est un tremplin d'essai et voir quels seront les résultats, quitte, ultérieurement... Moi, mon désir serait qu'on puisse amender la loi et la rendre encore plus libérale. Les gens prendront leurs responsabilités de mieux en mieux, dans ce domaine. Mises à part les difficultés techniques que cela peut présenter et sur lesquelles on reviendra au moment de la discussion article par article, je pense qu'il faut peut-être — ce que je considère dans une période transitoire — accepter qu'il y ait cette sorte de demi-mesure entre ce qui pourrait être une plus grande décentralisation et une centralisation encore plus grande de la part du ministre qui, quand même — il doit bien le reconnaître — se conserve quelques petits pouvoirs.

M. Vaugeois: Est-ce que je pourrais poser une question à ce moment-ci à Mme le député?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Vaugeois: J'ai lu les journaux aujourd'hui et j'ai été très frappé par un référendum qui se tient en Californie actuellement. Je n'ai pas assez de renseignements pour être certain du fond du problème mais je connais l'État de la Californie comme un État qui est un des plus beaux exemples aux États-Unis de richesse et d'étalement. La richesse a été telle qu'il n'y a pas de ville avec une bonne densité. Vous avez des villes d'une étendue invraisemblable, avec des charges invraisemblables aussi. Il vient un moment où il n'y a plus moyen de faire face aux charges que cela implique.

Je pense que les gouvernements se sont fiés, si vous voulez, à l'espace, à la richesse, au faible

coût du carburant, etc., et ont négligé de développer des villes bien ordonnées, de telle façon qu'un bon jour, ils se retrouvent en face de leurs contribuables qui se considèrent comme pris à la gorge et qui contestent la perception faite par l'État, au point que si le référendum passe en Californie, on se demande ce qui va arriver parce que 57% des revenus de l'État de la Californie vont être perdus, suite à ce référendum. Je pense que les gouvernements doivent assumer un certain nombre de responsabilités, qui momentanément ont l'air de limiter les droits individuels, qui tendent à protéger les droits et les libertés d'une collectivité. (21 heures)

Là-dessus, on peut quand même tirer un certain nombre de leçons de l'ordre qui a régné en Europe sur ce plan et par des mesures qui sont plus rigoureuses que les nôtres. Ce qui, ici, peut sembler s'éloigner d'une forme de libéralisme, en Hollande, par exemple, deviendrait de l'anarchie. Dans des pays moins grands, avec des gens dont les revenus ont été momentanément moins élevés que les nôtres, on en a fait bénéficier de ces difficultés par des interventions gouvernementales plus appropriées.

Ici, il ne faudrait pas se conter d'histoires. L'espace n'est pas infini et notre richesse n'est pas infinie. Je pense que les gouvernements ont la responsabilité d'intervenir pour régler des développements harmonieux, équilibrés, de l'occupation du territoire.

Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord avec le ministre, mais je pense qu'à ce moment-ci, il étend peut-être le débat à tout le problème de réaménagement de territoire et moins à la question des biens culturels. Là-dessus, je suis pleinement d'accord et je pourrai peut-être même lui envoyer une résolution que j'ai déjà fait passer, qui a été envoyée au gouvernement du Québec à plusieurs ministères et qui n'a jamais eu de suite, et qui, justement, visait, compte tenu des ressources limitées, par exemple, du terrain urbain, de tout ce qu'il y avait comme terrain disponible dans les mains du secteur public ou parapublic à Montréal — j'avais parlé de Montréal et non pas de l'île, quoique cela aurait pu s'étendre à l'île de Montréal — à prévoir des moyens de le conserver au secteur public, quitte à modifier des vocations en cours de route. Ceci n'a pas encore été repris; je vous enverrai cela, M. le ministre.

Sur ce point, je partage votre opinion, quant à cette espèce...

M. Ciaccia: Me permettriez-vous une brève interruption?

M. Vaugeois: Restez-en là, autant que possible, par exemple.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je ne voudrais pas que ce soit un moyen détourné pour prendre la parole avant...

M. Ciaccia: Non, c'était seulement sur les propos que vous avez soulevés, je voulais seulement vous demander ceci: Vous avez soulevé un point assez important, et vous avez donné comme exemple la Californie et l'étendue des terrains et du développement. Vous preniez cela comme exemple pour justifier un peu l'intervention de l'État et sa responsabilité.

M. Vaugeois: La responsabilité des gouvernements.

M. Ciaccia: La seule question que je voulais vous poser, pour qu'on puisse tirer une conclusion sur vos remarques à l'effet que c'est seulement parce qu'il n'y a pas eu un développement contrôlé par l'État. Ne pensez-vous pas que, dans le cas de la Californie, la raison de ce référendum et des revenus attachés aux taxes foncières est que, premièrement, il y a beaucoup de demandes faites par les individus pour des services quant aux municipalités et quant à l'État, l'équivalent de la province? Deuxièmement, parce que dans les revenus fonciers, non seulement la municipalité, mais l'État aussi y participe. Ce n'est pas seulement parce qu'il y a eu des développements étendus, non contrôlés, mais c'est parce qu'il y a une limite au nombre d'organismes gouvernementaux qui peuvent piger à même ces taxes et il y a aussi une limite sur les genres de services, parce que le standard de vie des individus en Californie et le nombre de services qu'ils obtiennent de l'État sont considérables.

Mme Lavoie-Roux: C'étaient des commentaires généraux que je voulais faire au conseil. Je ne sais pas s'ils ont des réactions.

Le Président (M. Jolivet): C'est M. Sirois, je pense, qui a réagi.

M. Sirois: J'aurais peut-être une remarque à faire, madame, sur ce que vous venez de dire, au sujet du fait que les gens vont prendre de mieux en mieux leurs responsabilités. C'est un fait, j'espère bien. Cependant, on doit garder à l'esprit que la loi des biens culturels, qui est une loi de préservation et de mise en valeur, est faite pour mettre en valeur les biens culturels, mais aussi pour les préserver et pour les préserver non pas contre vous et moi qui n'allons pas ravager un quartier ou ravager des biens culturels, mais contre des promoteurs, contre des gens qui vont menacer et qui seront, espérons-le, de plus en plus minoritaires mais qui risquent toujours de menacer notre patrimoine collectif.

Je crois qu'il faut mettre dans la loi, évidemment, les sauvegardes, les protections qu'il faut pour préserver ce patrimoine et on doit garder cela à l'esprit. Ce n'est pas simplement en se disant que tout le monde devrait être beau et bon qu'on va faire une loi vraiment efficace et correspondante à ces buts. Il faut aussi tenir compte du fait que, malheureusement, il y a des gens et il y aura sans doute toujours des gens qui ne partageront pas ces objectifs, qui auront d'autres priorités

que ce bien collectif qu'on tente de défendre en ce moment.

Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord avec vous mais vous avez montré ce souci par certains recours supplémentaires que vous voulez donner, soit au gouvernement, soit aux organismes qui s'occupent de préservation, aux groupes de citoyens, etc. Il y a aussi la contrepartie; si vous voulez mettre tous les citoyens dans le coup, les gens se sentiront, au plan individuel, ceux qui sont touchés parce que leur maison est classée, reconnue, ou qu'elle se retrouve dans un arrondissement historique ou autre... Que ceux-là aussi puissent, tout autant, se faire entendre tant de la commission que d'autres types de recours qui pourraient être prévus d'une façon plus détaillée que ce ne l'est présentement dans la Loi sur les biens culturels. Peut-être que par le truchement des règlements, le gouvernement le fera.

Par exemple — et je pense que le ministre lui-même l'avait signalé à un moment donné, peut-être au moment de l'étude des crédits du ministère des Affaires culturelles — je ne sais pas jusqu'à quel point on n'est pas encore à l'époque où on signalait aux gens que leur maison était classée, par une lettre du huissier, par une lettre absolument autoritaire, si je ne m'abuse. Cela indispose les gens pour différentes raisons et cela ne contribue pas, justement, à motiver et à éduquer des gens dans ce sens positif.

Sur l'autre point — je suis d'accord avec votre point de vue — il y a cette contrepartie dont il faut aussi tenir compte.

M. Vaugeois: Là-dessus, madame, nous allons être tous les deux très heureux tout à l'heure parce que j'ai gagné mon point.

Mme Lavoie-Roux: D'accord; d'après moi, on va pouvoir adopter le projet à minuit, M. le ministre.

M. Vaugeois: ... contre la tradition, l'habitude et un point de vue juridique qui m'a été présenté, qui m'a été représenté, qui a été défendu et qui a dû, finalement, retraiter.

Une voix: ...

M. Vaugeois: Vous verrez cela tout à l'heure, M. le député.

M. Bertrand: Ce que la politique peut faire quand elle a de la volonté.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, je voudrais en commençant féliciter les représentants qui nous ont présenté ce mémoire. Comme le ministre l'a dit tout à l'heure, je pense que vous avez fait un excellent travail de recherche et les recommandations que vous faites sur plusieurs articles vont sûrement être retenues par la commission. Vous avez touché plusieurs bons points. Il y en a un sur lequel je voudrais insister en tout premier lieu, c'est celui où vous demandez que le recours soit étendu aux citoyens, c'est-à-dire que tout citoyen puisse exercer un recours pour faire appliquer la loi. J'aimerais que vous développiez un peu plus cet élément et que vous donniez les raisons pour lesquelles vous voudriez voir adopter cette situation. Il me semble, à première vue, que cela pourrait permettre un nombre assez considérable de poursuites, peut-être même des tracasseries et des acharnements contre des citoyens, d'un citoyen à un autre. Je pense qu'il y aurait lieu, avant d'adopter une telle mesure, de se pencher plus longuement sur ce problème. Est-ce que vous avez des réactions?

M. Sirois: Est-ce que vous voulez que je réponde à cela immédiatement?

M. Fontaine: Oui, s'il vous plaît.

M. Sirois: Je comprends vos préoccupations. Je voudrais simplement vous dire que ce droit existe en Angleterre depuis 300 ans déjà. Il existe aux États-Unis, dans la plupart des États américains, depuis fort longtemps, dans bien des cas. Ici, cela n'existe pas; cela n'existe pas, en grande partie, parce qu'un juge a pensé comme vous en 1920, en 1922 peut-être, et il a répondu que si on permettait ce recours, les cours seraient inondées...

M. Fontaine: Peut-il y avoir une question de privilège ici, M. le Président?

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je vous ferai remarquer qu'on travaille quand même ici à la conservation du...

M. Bertrand: Du patrimoine.

Mme Lavoie-Roux: ... Du patrimoine et il y en a qui méritent d'être conservés.

M. Vaugeois: Oui.

Le Président (M. Jolivet): Revenons au vif du sujet.

M. Sirois: Donc, ce juge en question...

Mme Lavoie-Roux: II y en a qui ont renié leur patrimoine évidemment, comme le député de Vanier.

M. Fontaine: Cela a été repensé depuis plusieurs années, bien après 1920.

M. Sirois: Donc, ce juge, en 1920, a craint que les cours soient inondées de poursuites. Or, on peut voir en Angleterre que ce n'est pas ce qui se produit, aux États-Unis non plus. Il y a un avocat qui s'occupe de questions de patrimoine, à Otta-

wa, qui s'appelle Marc Denhez, qui travaille pour Héritage Canada et qui a préparé un volumineux dossier là-dessus pour montrer que c'était, non seulement souhaitable, mais essentiel si on veut faire vraiment de la préservation de patrimoine.

L'une des raisons pour lesquelles cela nous semble important, c'est que la connivence dont M. Vaugeois a parlé peut se faire dans deux sens, cela peut se faire dans un bon sens et dans un mauvais sens. Il peut arriver — et nous l'avons vécu déjà — que cette connivence se fasse entre le ministère des Affaires culturelles et certaines administrations municipales, pour ne pas agir. Qu'est-ce qui se passe, à ce moment, au niveau de préservation de patrimoine? Rien, si vous n'avez pas une tierce partie, si vous n'avez pas un groupement, si vous n'avez pas un individu qui, devant certains abus flagrants, a le pouvoir d'agir. Pour ce qui est des querelles personnelles que vous craignez, il y a un recours qu'on utilise en "common law" qui s'appelle abus de droit, c'est-à-dire que si on poursuit sans raison, on peut être poursuivi, en retour, pour abus de droit. Cela se fait, il y a une cause encore récente, exactement de ce type d'ailleurs, en Ontario. C'est peu utilisé ici, mais enfin c'est le recours qui existe.

Je veux revenir à ce que j'ai dit plus tôt. Il faut bien voir que ce n'est pas le bâton que l'on va utiliser tous les jours, qu'on ne doit pas avoir à utiliser ce bâton; c'est simplement un moyen de dissuasion, cela existe ailleurs. Je reviens encore à Seattle, parce qu'à Seattle, on a un moyen comme celui-là. Quand j'étais là-bas, on venait d'adopter un tel moyen, au niveau municipal, et j'ai fait part aux gens que je voyais et qui étaient responsables de cela des craintes qu'on avait ici, au niveau municipal, et qu'on pouvait avoir les craintes que vous exprimez. J'ai demandé: Enfin, qu'est-ce qui se passe? Est-ce que la population prend bien cela? Est-ce qu'il n'y a pas des gens qui craignent ou qui s'offusquent? On m'a répondu tout simplement: On ne le sait pas, parce que, depuis que c'est dans la loi, on n'a pas eu besoin d'utiliser ce pouvoir; personne n'a eu à s'en servir étant donné que le moyen de dissuasion était assez fort qu'on s'en est tenu au respect de la loi, de façon générale; en tout cas, il n'y a pas eu d'abus assez flagrant pour qu'on soit obligé d'intervenir. Je pense que c'est ainsi qu'il faut voir ce moyen, vous l'utilisez dans un cas exceptionnel. Les pouvoirs que l'on met dans les lois ne sont pas tous utilisés tous les jours, bien entendu; heureusement, autrement on jetterait tout le monde en prison, c'est certain.

M. Fontaine: Je suis d'accord, mais on fait actuellement l'expérience avec la loi de l'environnement. C'est vous-même qui y avez fait allusion. Je pense qu'on voit actuellement qu'il y a beaucoup de plaintes qui sont portées. On peut prendre l'exemple des agriculteurs contre les gens de la ville qui vont s'installer à la campagne — je pense même que le ministre y a fait allusion aujourd'hui — et qui vont formuler une plainte au ministère de l'environnement parce que le cultiva- teur voisin a un tas de fumier à l'extérieur. Si on se réfère à cet exemple, à venir jusqu'à ce jour, je ne trouve pas que c'est une expérience tellement concluante au Québec.

M. Sirois: Bien sûr, tout cela s'ajoute à de l'éducation populaire, à de l'information qui se fait au niveau de la loi, enfin, encore une fois, il ne s'agit pas de demander d'inclure ce pouvoir afin de permettre des vendettas personnelles ou de permettre à des gens de faire la police dans leur quartier ou dans leur village. C'est tout simplement qu'il est nécessaire que ces pouvoirs soient dans la loi le cas échéant et cela doit être mis maintenant, si on est prêt à amender la loi.

Je vous réfère encore une fois au dossier préparé par Marc Denhez, si ces sujets vous intéressent, parce qu'il a fait une recherche très volumineuse, très concluante et très convaincante à ce sujet. (21 h 15)

M. Fontaine: D'accord, j'essaierai d'y jeter un coup d'oeil. Je voudrais revenir sur la question de la propriété privée et de la propriété publique. Mme le député de L'Acadie y est revenue tout à l'heure mais nous n'avons pas eu de réponse. Je ne sais pas si son interprétation était juste mais il me semble, également, que vous suggérez, tant pour la propriété publique que pour la propriété privée, qu'on n'ait pas besoin d'obtenir de permission pour faire des fouilles, des relevés archéologiques. Est-ce que vous recommandez?

M. Sirois: Voudrais-tu répondre, s'il te plaît?

M. Viau: C'est exactement ce qu'on dit. Le projet de loi prévoit que pour effectuer des relevés sur la propriété privée, on n'a pas besoin de demander l'autorisation du propriétaire — pour des relevés, pas des fouilles — alors qu'on a besoin de la demander dans le cas d'une propriété publique. On se posait tout simplement la question: Pourquoi ce qui est valable pour la propriété privée ne le serait pas pour la propriété publique? C'est une propriété publique. C'est l'ambiguïté qui subsistait.

M. Vaugeois: M. le Président, on va revenir là-dessus, je ne veux pas dévoiler mon amendement.

Mme Lavoie-Roux: ... ce matin.

M. Vaugeois: J'ai une nouvelle rédaction qui va clarifier ce point.

M. Viau: D'accord.

M. Fontaine: Un dernier point que je voudrais souligner, c'est peut-être à connotation personnelle pour mon comté. Vous parlez de détérioration par suite d'intempéries. Je voudrais souligner au ministre que si la recommandation qu'on nous fait était adoptée, on pourrait peut-être poursuivre le ministre des Affaires...

M. Vaugeois: De la Justice.

M. Fontaine: Non, non. Le ministre des Affaires culturelles, le ministre de la Justice et le ministre des Travaux publics concernant le Petit séminaire de Nicolet qui est en train de se détériorer.

M. Vaugeois: Le ministre de la Justice.

M. Fontaine: Les trois sont impliqués dans le dossier, je pense.

M. Vaugeois: Le ministre des Affaires culturelles n'est pas concerné.

M. Fontaine: Vous n'êtes pas concerné et vous êtes allé à Nicolet la semaine passée pour faire des déclarations là-dessus?

M. Vaugeois: Je m'intéresse un peu à tout le patrimoine mais...

Mme Lavoie-Roux: II n'a fait que regarder.

M. Sirois: Donc, pas de poursuites. Le ministre pourrait intervenir.

M. Viau: Si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. Viau.

M. Viau: ... je voudrais qu'on revienne à cette notion de démolition par négligence, on est passé vite tout à l'heure. Je pense qu'il s'agit d'un véritable fléau, si on regarde le Vieux Québec ou même certaines parties du Vieux Montréal. On n'a pas de moyens efficaces pour se préserver de ce fléau. Il y a énormément d'édifices qui tombent en ruine par suite du délaissement de la part de leur propriétaire et on ne sait pas comment intervenir pour obliger le propriétaire à barricader ou à protéger son toit, ou à reconstruire un toit temporaire de manière que l'hiver ou le gel ne détruisent pas la structure intérieure ou les murs de maçonnerie, en attendant que les problèmes de succession, d'assurance ou de quoi que ce soit se règlent. Cela peut être très long, bien sûr. Il faut admettre ce délai mais il faut aussi se donner les moyens, dès un incendie — c'est surtout le cas des incendies qui est assez grave — pour obliger le propriétaire à barricader et à protéger sa structure. On aurait ainsi pu éviter de nombreuses démolition de bâtiments qui sont extrêmement valables pour le patrimoine.

Ce qu'on voulait dire, c'est que dans le projet de loi, on devrait éclaircir un peu la notion de démolition par négligence et, peut-être, ouvrir la porte à une réglementation un peu plus spécifique qui obligerait les propriétaires à protéger leurs bâtiments incendiés ou leurs ruines.

M. Fontaine: M. le Président, si je peux ajouter quelque chose, je pense qu'on a du chemin à faire avant de demander à des propriétaires privés de protéger leurs propriétés classées. Quand on voit un cas comme celui du Petit séminaire de

Nicolet où il y a eu un feu il y a quatre ans et il n'y a pas de toit encore sur cet immeuble et c'est un immeuble qui appartient au gouvernement, je pense qu'on est loin d'arriver aux solutions proposées ici.

Le Président (M. Jolivet): Le député de Vanier.

M. Bertrand: M. Viau parlait justement de ces maisons incendiées dans le Vieux Québec. Je veux simplement faire remarquer qu'on a commencé à bouger un peu de ce côté, effectivement, par l'octroi d'une subvention de l'ordre de $1 million pris à même les fonds de la Société Auto-Parc, si ma mémoire est bonne, pour permettre justement de pallier cette négligence qui a occasionné un certain nombre de problèmes dans le Vieux Québec particulièrement. J'aurais tout simplement une question à vous poser pour libérer mon esprit inquiet des propos tenus par le député de Mont-Royal.

M. Vaugeois: Ne recommence pas la chicane.

M. Ciaccia: ... demandait une question, je n'ai pas entendu.

M. Bertrand: Remarquez le ton sur lequel je le fais, c'est dénué de toute partisanerie...

Mme Lavoie-Roux: On veut avoir la suite, allez-y!

M. Bertrand: Vous verrez cela à la fin, Madame.

M. Ciaccia: J'ai des difficultés à croire cela, mais...

M. Bertrand: ... non, tout simplement parce que j'ai eu une discussion fort intéressante après le témoignage que nous ont apporté les représentants de la ville de Québec, cet après-midi. On discutait de cette notion de décentralisation. Vous allez me dire que je tombe un peu dans un débat théorique, mais puisque ces notions sont dans l'air, aussi bien en parler, et dans le cas présent avec cette loi sur les biens culturels. La ville de Québec indiquait dans son mémoire, à toutes fins pratiques, que ce que le gouvernement atteignait comme but ultime, c'était davantage de centralisation. On enlevait certains pouvoirs aux municipalités, on les obligeait jusqu'à un certain point à se soumettre à des réglementations qui étaient décidées par le ministre des Affaires culturelles, etc. Et vous, dans votre mémoire, vous avez un ton tout à fait contraire à cela. Je lis deux phrases en particulier; en introduction, vous dites: "Nous croyons que la formule de participation municipale telle que proposée dans le projet est de nature à assurer une telle garantie, celle de l'efficacité, de l'uniformité etc.. en même temps qu'elle favorise la prise de conscience locale et préserve son autonomie ". Plus loin, parlant de l'article 49, enfin,

l'article 19 du nouveau projet de loi, mais référant à l'article 49 de l'autre projet, vous dites: "Nous apprécions grandement cette possibilité de confier aux administrations municipales ou régionales la tâche de l'administration de la loi si elles le désirent". Même vous nous demandez, jusqu'à un certain point, s'il ne serait pas possible d'aller beaucoup plus loin dans — je ne dirai pas, enfin, disons-le comme cela, mais en comprenant ce que cela veut dire dans le jargon qui nous caractérise — le contrôle du ministère sur les projets de réglementation des municipalités. Je voudrais comprendre, savoir pourquoi vous avez interprété le projet de loi no 4 comme étant respectueux de la juridiction municipale, comme n'empêchant pas les municipalités de préparer leur projet de réglementation comme elles le conçoivent et au fond, l'intervention du ministère comme n'étant pas une intervention qui a pour but de brimer l'exercice des responsabilités municipales, mais uniquement de permettre au gouvernement, par la voie de son ministère des Affaires culturelles de s'assurer que la Loi sur les biens culturels, elle, est respectée. Est-ce que vous pourriez un peu expliquer la façon dont vous avez perçu l'intervention du ministère là-dedans et le respect de la juridiction municipale?

M. Robitaille: Quand j'ai écouté l'intervention de la ville de Québec à ce sujet, je n'ai réellement pas compris ce qu'elle voulait dire. Que les maires de l'île d'Orléans viennent dire la même chose, on peut voir les raisons, mais que la ville de Québec amène un argument semblable, cela ne tient pas debout. En réalité, les pouvoirs... Mettons de côté les nouveaux pouvoirs que le ministre se donne, pouvoirs de contrôle sur le lotissement, mais le reste, cela existe déjà, ce sont les pouvoirs du ministre et le ministre, dans la pratique, délaisse ces pouvoirs et les passe à la municipalité, évidemment en gardant le contrôle final s'il y a abandon du pouvoir, mais quand même, c'est une délégation totale de pouvoirs aux municipalités. Personnellement, je le vis à la ville de Sillery où je m'occupe de la commission d'urbanisme. Notre plan de zonage est en voie d'être réalisé et la collaboration des employés du patrimoine est excellente et cela a aidé énormément la ville. On se prépare à prendre ces pouvoirs et à suggérer une réglementation au ministère et c'est la ville qui va l'administrer. C'est une chose qui enfin devient normale. Il me semble qu'on ne peut pas faire mieux que cette chose-là, que le ministère, s'il voit que les municipalités sont capables de prendre leurs responsabilités, leur transmette les pouvoirs et qu'elles les exercent. Je ne vois pas comment la ville de Québec peut comprendre qu'on lui ôte des pouvoirs.

Évidemment, ces pouvoirs de lotissement, d'abord, il ne reste pas beaucoup de terrains libres dans la ville de Québec et deuxièmement, cela ne concerne pas tellement en dehors de l'arrondissement historique, sauf pour les zones de protection mais, dans le Vieux Québec, cela n'existe pas. Alors, je ne vois pas ce que la ville de Québec perd finalement avec ce projet de loi.

M. Viau: Moi, je pense que ce qui est important de voir là-dedans, bien sûr, il y a une espèce d'accaparement de pouvoirs quand on parle du lotissement ou du pouvoir de prohiber un certain nombre d'usages ou le lotissement comme tel, mais il faut aussi le voir dans une perspective globale d'aménagement. Les expériences qui ont été vécues jusqu'à ce jour sont un petit peu boiteuses parce que, effectivement, quand on fait un plan de sauvegarde d'un territoire historique, de sauvegarde du patrimoine, ce n'est pas simplement un plan de préservation des façades historiques, c'est aussi un plan d'aménagement qui renferme tous les aspects de l'aménagement.

Il est nécessaire, quand on prépare ce plan, que les pouvoirs qui sont conséquents à tous les aspects de l'aménagement existent. Je pense que, ce faisant, le ministère, à la fois se donne les pouvoirs de réglementer globalement tous les aspects de l'aménagement d'un territoire historique et, en même temps, cède ces pouvoirs ou les pouvoirs d'administration de ces règlements à la municipalité. C'est une façon de procéder que j'estime très logique et aussi très intéressante pour les municipalités.

Il faut dire aussi que, d'une part, il y a des objectifs nationaux qu'il faut préserver dans la protection du patrimoine que les administrations locales n'ont pas toujours à vue et qu'il est du devoir du ministère de préserver et, d'autre part, que certaines municipalités — ce ne sont pas toutes les villes de Québec — n'ont pas toujours tous les moyens financiers et les moyens en ressources humaines nécessaires pour s'occuper, de façon parfaitement autonome, de ce problème.

Donc, je pense que ce que nous voulons dire ici, c'est que c'est une espèce de compréhension globale du problème et une façon de préparer un plan d'aménagement ou un plan de préservation historique que je trouve extrêmement intéressante.

M. Bertrand: Une dernière question, M. le Président, excusez-moi. Cet après-midi, lors de la présentation du mémoire de la ville de Québec — sentez-vous bien à l'aise, je ne fais pas mon intervention pour demander de juger le mémoire de la ville de Québec mais surtout pour m'éclairer quant à ses concepts — celle-ci a fait valoir que non seulement la loi no 4 mais aussi la loi initiée par l'ancien gouvernement en 1972, la loi no 2, si ma mémoire est bonne, ne définissait pas de façon très explicite les objectifs qui devaient être poursuivis par une loi sur les biens culturels. Le ministre faisait même référence à l'article 30 qui était on ne peut plus vague sur la question. Est-ce que la Commission des sites et monuments historiques, là-dessus, a quelque chose à reprocher à la loi en termes de définition des objectifs qui devraient être ceux auxquels se sentiraient liées les administrations municipales dans la préparation de leur projet de réglementation? Est-ce que vous avez le sentiment que la loi est muette à ce sujet ou si vous avez le sentiment qu'à l'heure actuelle les expertises qui existent dans le domaine du patrimoine sont suffisamment larges, suffi-

samment étendues pour que les administrations municipales sachent à quoi elles doivent se référer quand vient le temps de décider, par exemple pour des sites historiques, des arrondissements historiques et autres, du genre de réglementation à établir? Ou bien si vous avez le sentiment que le pouvoir d'intervention du ministère est un pouvoir qui serait exercé de façon un peu discrétionnaire en l'absence de définitions précises d'objectifs?

M. Robitaille: Je crois que les objectifs que le ministère pourrait émettre actuellement sont une chose réellement difficile, bien que le Québec soit quand même, de toutes les provinces du Canada ou même de l'Amérique du Nord, la province qui a eu une loi du patrimoine importante dès 1925. Notre expérience n'est pas très considérable dans le domaine de la mise en valeur et de la protection du patrimoine, si on veut comparer à l'Angleterre ou à la France qui ont une longue tradition, où les objectifs de préservation sont établis et surtout, où il y a un brassage des idées contemporaines qui se fait continuellement. Nous, on est un peu loin malheureusement de ces mouvements d'idées, et nos objectifs, nous sommes obligés de les remettre à jour très rapidement nous-mêmes, comme les gens du ministère aussi, conjointement. (21 h 30)

Ce n'est pas une chose facile à éclaircir à savoir pourquoi on doit conserver telle bâtisse, quels critères on doit adopter. On n'a pas de critère. Certains pays ont des critères de classement, nous, on ne les a pas encore. Cela se comprend; on n'a pas réussi à se définir totalement encore dans le domaine de la préservation et surtout de la mise en valeur. C'est pour cela qu'on n'a pas insisté sur cet aspect, dire aux municipalités: Vous allez faire telle ou telle chose, préserver telle bâtisse plutôt que telle autre. C'est qu'en fait, il serait prématuré d'essayer d'établir des politiques globales de préservation actuellement.

M. Sirois: L'énoncé politique dont vous parlez n'a peut-être pas sa place dans une loi non plus. C'est quelque chose qui est souhaitable, mais cela ne devrait pas nous handicaper ou nous empêcher de faire quoi que ce soit pour préserver le patrimoine, tant que l'énoncé de politique idéale n'a pas été trouvé.

Vous avez parlé de la ville de Québec; je pense qu'on doit voir aussi que la ville de Québec, comme d'autres municipalités sans doute, se découvre subitement, ou presque subitement, une volonté politique très forte de préserver le patrimoine, si j'en juge par le mémoire qui a été lu cet après-midi. Je pense qu'il faut regarder également ce qui a été fait véritablement et ce qui a été défait véritablement depuis de nombreuses années à Québec, pour bien juger du mémoire qui vous a été lu cet après-midi. Il y a sans doute d'autres municipalités qui, aussi, pourraient venir dire qu'elles ont une volonté politique très forte, aujourd'hui, de défendre ce patrimoine. Est-ce que ce sera la même chose demain? C'est une autre chose. C'est pourquoi il est essentiel que le gouvernement du Québec ait une volonté nationale, exprime une volonté politique nationale de défendre un patrimoine national, pour rejoindre ce que Serge Viau disait tout à l'heure.

M. Vaugeois: Oui, je peux répondre à cela.

Le Président (M. Jolivet): C'est que le député de Mont-Royal m'avait demandé la parole.

M. Vaugeois: Ce ne sera pas long. Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Vaugeois: Le nouveau projet de loi incite ou suggère en tout cas à l'article 53 — c'est-à-dire 21 pour 53 — que nous établissions un certain nombre de règlements, entre autres pour les aires de protection. Cela va être l'occasion, pour la première fois, d'essayer de formuler, d'articuler nos critères. On a vécu, ces dernières années, des expériences concrètes à l'intérieur des aires de protection, alors qu'on a eu à accorder des permis, à en refuser ou à intervenir pour faire modifier certains plans. On a dégagé, entre autres, des préoccupations de perspectives visuelles. On est conscient qu'une maison qui est derrière un gratte-ciel et qui est séparée du bien classé par le gratte-ciel ne doit pas faire l'objet de la même sorte d'intervention qu'une maison qui serait dans une perspective visuelle importante, etc. Alors, on a dégagé, à l'expérience, un certain nombre de critères. On sent un peu mieux les préoccupations, on n'est pas loin d'articuler les objectifs, et je pense que dans l'effort que nous nous imposons, par la loi, de réglementer et de se donner des critères pour le ministère et aussi pour le gouvernement cela sera peut-être la première tentative concrète, pour nous, d'annoncer ou de décrire des objectifs.

Je reviens à une question que le député de L'Acadie m'a posée, sur un ton un peu sarcasti-que, — je l'ai interprétée comme cela, peut-être n'était-ce pas le cas...

Mme Lavoie-Roux: Je vous le dirai.

M. Vaugeois: Oui. Vous avez référé au livre blanc en disant: Est-ce qu'on va trouver cela dans le livre blanc?

Mme Lavoie-Roux: Elle était semi-sérieuse, semi-sarcastique.

M. Bertrand: Equilibrée comme toujours!

M. Vaugeois: J'y ai repensé en soupant et, effectivement, je ne peux que vous inviter à lire attentivement le livre blanc comme un document assez neutre, un document des Québécois pour les Québécois.

En le repassant dans mon esprit, je me rends compte que, dans la première partie du livre blanc — parce que j'y ai référé pour répondre au chapitre sur le patrimoine — si on veut bien relire

la première partie du livre blanc, en particulier les trois premiers chapitres, on va y trouver une espèce de réflexion générale et généreuse sur la société québécoise. Je pense que c'est là qu'on va trouver ce qui fonde notre préoccupation commune de protéger et de mettre en valeur l'héritage québécois.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Moi aussi, je voudrais féliciter nos invités pour le mémoire qu'ils nous ont présenté.

Je voudrais vous poser une question, concernant la déclaration, par exemple, du gouvernement concernant la désignation d'un site historique. Premièrement, je veux vous dire que, de ce côté-ci de la table, nous sommes autant concernés par la protection et la préservation du patrimoine, même si nous différons d'opinion sur les modalités. Quant à la désignation, je ne discute pas du tout le droit, et même, je devrais dire que le gouvernement a plus que le droit de le faire, il a la responsabilité de le faire. Cependant, de la façon que la loi est rédigée présentement, si, par exemple, un site est désigné comme site historique, cela veut dire que l'aire de protection est de 500 pieds autour de ce site. La question que je me pose, pour rejoindre la protection des droits individuels, est celle-ci: Croyez-vous que le projet de loi devrait prévoir une certaine protection, une certaine compensation, ou certains droits pour ceux qui seront affectés par cette aire de protection?

Premièrement, pensez-vous que c'est nécessaire de garder l'aire de protection à 500 pieds? Je peux vous donner des exemples comme le boulevard Dorchester ou la rue Sherbrooke où vous avez un grand boulevard et, vraiment, un côté de la rue n'a rien à voir avec l'autre; c'est un endroit totalement à part du site historique, mais les 500 pieds vont affecter le Northern Electric Building, face à la propriété des Soeurs Grises. Ce n'est pas vraiment cela la protection du patrimoine, mais vous affectez les droits du propriétaire de l'autre côté de la rue, qui, vraiment, n'a rien à voir.

Je voudrais avoir votre réaction, premièrement, sur la question des 500 pieds, à savoir si c'est nécessaire, ou bien si chaque site devrait être jugé par lui-même.

Deuxièmement, s'il y a d'autres propriétaires qui sont affectés, le projet de loi ne devrait-il pas prévoir quelques mesures ou quelques droits pour eux? Je le répète, et je veux que cela soit clairement compris — sans affecter le droit du gouvernement de désigner un site; il doit avoir tous les droits que ce projet de loi lui donne de le déclarer site historique — que faites-vous des droits des autres propriétairs?

M. Robitaille: Voulez-vous, nous allons répondre, d'abord comme architectes, et ensuite comme légistes, parce qu'il y a deux aspects à cette question? D'abord, on pense que la zone de protection est essentielle à la mise en valeur d'un bâtiment ancien et de valeur. La question des 500 pieds, c'est un chiffre qui a été mis là il y a quelques années, et qui devrait être détaillé à présent, parce que, d'un côté, le champ de visibilité d'un édifice peut être de 500 pieds, de l'autre côté, il peut être de 20 pieds, et en arrière de 800 pieds. En fait, c'est une étude de la visibilité sur un édifice qui est importante et ces 500 pieds sont le symbole d'une protection qui devrait être plus nuancée. Si on n'a pas cette zone de protection, l'édifice peut être complètement saboté, détruit par un environnement immédiat qui coupe la vue, ou même pire, qui le détruit physiquement ou par ambiance.

M. Ciaccia: Tout en acceptant le principe d'une aire de protection, croyez-vous qu'elle devrait être fixée à 500 pieds ou si la loi devrait prévoir que chaque site soit déterminé selon ses propres mérites?

M. Robitaille: C'est cela, oui. Chaque édifice devrait avoir son aire de protection propre, différente de celle du voisin, parce qu'il n'y a pas deux environnements qui soient semblables pour deux édifices donnés.

M. Viau: Nous avions déjà fait cette recommandation, d'ailleurs, dans le précédent mémoire sur le livre vert.

Mme Lavoie-Roux: Malheureusement, le ministère des Affaires culturelles n'a jamais voulu nous remettre vos mémoires.

M. Viau: Nous nous ferons un plaisir de vous en faire parvenir une copie.

M. Robitaille: On pourra vous en faire parvenir.

Mme Lavoie-Roux: Merci, on l'apprécierait beaucoup.

M. Viau: Pour répondre à l'autre question concernant la compensation, je pense que le projet de loi prévoit cette chose. Je ne veux pas commenter le projet de loi comme tel mais nous avons nous-mêmes fait cette observation, à la page 7 de notre mémoire, où à l'article 51, d) et e) il est prévu dans le projet de loi de: "accorder des subventions dans le but de conserver et de mettre en valeur des biens culturels ou des biens situés dans un arrondissement historique ou naturel, dans un site historique classé ou une aire de protection." Ce qui veut dire, à ce moment-là, que les bâtiments qui se retrouvent — qui ne sont pas nécessairement historiques eux-mêmes — dans une aire de protection auraient les mêmes privilèges que les bâtiments classés. C'est à cet article que nous disions que ce n'était que juste équilibre.

M. Ciaccia: Cet article donne seulement le droit au gouvernement de contribuer, il ne crée

pas un droit pour celui qui est touché de demander cette contribution. Ne trouvez-vous pas que... Faisant partie du conseil des sites historiques et des monuments nationaux, je comprends votre préoccupation qui est la préservation. C'est votre priorité. Vous n'avez pas la même priorité que la ville de Québec qui a peut-être d'autres intérêts en plus de la préservation des sites. Quand on parle des droits individuels, les droits de l'un cessent quand les droits de l'autre commencent. Ne trouvez-vous pas que ce projet de loi ignore totalement les droits individuels des gens concernés?

Le fait de dire, à l'article 51, que la commission peut contribuer à l'entretien, etc. ne donne pas de droit, à celui qui est concerné. Même plus que cela, cet après-midi, j'ai posé une question quant à l'enregistrement du site historique et l'enregistrement des propriétés dans l'aire de 500 pieds. Tout le monde s'est empressé de dire que c'est inscrit au bureau d'enregistrement. Ce ne l'est pas. Si un site est déclaré historique, l'aire de 500 pieds, quelquefois le propriétaire n'en est pas avisé et celui qui acquiert une propriété sise dans les 500 pieds n'est pas informé non plus, au bureau d'enregistrement, que c'est une servitude. Le ministre pourra répondre mais je voudrais avoir les commentaires de nos invités sur les droits de ces individus qui sont touchés. Ils ne contestent pas le droit de faire déclarer un site historique mais quels sont leurs droits?

M. Sirois: Je pense que vous soulevez un problème intéressant. Il y a probablement — enfin, le ministre pourra compléter si mes informations sont insuffisantes — moyen d'articuler davantage cet aspect. Le problème est double, c'est-à-dire que c'est certain que les gens qui se trouvent dans une aire de protection ne devraient pas être lésés de certains droits parce qu'ils sont dans une aire de protection d'un bien culturel, d'une part. D'autre part, il est certain aussi qu'il ne faudrait pas créer une mentalité telle que chaque personne qui se trouve dans une aire de protection, subitement, vienne décrocher le gros lot — si vous me permettez l'expression — et tout de suite passe à la caisse pour réclamer de l'argent.

Il y a des mécanismes qui se développent ailleurs, aux États-Unis et un peu au Canada anglais, qu'on a intérêt à examiner ici, je pense bien. Je ne pourrais pas vous apporter une réponse plus précise ce soir parce que, comme André l'a mentionné, on est à des étapes préliminaires au niveau de la préservation. On a encore beaucoup de choses à apprendre; il faut aller ailleurs chercher des expériences intéressantes. Je pourrais vous donner quelques références comme cela, à vue de nez, sur le type de solutions qui a été envisagé aux États-Unis mais je ne pense pas qu'on puisse... en tout cas, je me sentirais incapable de trancher cela ou de vous donner une réponse claire et nette, ce soir.

Encore une fois, je pense que c'est important d'insister là-dessus, tout en respectant, tout en faisant bien attention de respecter les droits des individus, droits auxquels Mme Lavoie-Roux fai- sait allusion. Il est essentiel aussi d'éviter de créer une mentalité où on attacherait strictement une valeur matérielle à du patrimoine et que dès qu'on aurait une vieille pierre dans sa cour, on passerait à la caisse aux Affaires culturelles. (21 h 45)

M. Ciaccia: Non, ce n'est ni mon intention d'aller à cette extrémité et de dire que si quelqu'un est affecté, il va frapper, comme vous le dites si bien, le "jackpot", ni d'aller à l'autre extrême où il n'y a aucun recours. Je crois qu'il devrait y avoir un juste milieu. Pour répondre au problème que le député de Vanier a soulevé, je vais vous donner un exemple concret où, si les propositions de la ville de Québec étaient adoptées dans le contexte de réglementations sujettes à un désaveu par le lieutenant-gouverneur en conseil, peut-être que l'exemple que je vais vous donner n'aurait pas causé autant de problèmes. Il y a quelques années, sur la rue Sherbrooke, il y avait un édifice du Collège de Montréal qui avait été déclaré site historique; de l'autre côté de la rue, c'était une série de maisons d'appartements, il y en avait plus hautes que d'autres, mais elles étaient toutes affectées. Le propriétaire de l'une de ces maisons d'appartements qui, à l'origine, voulait démolir pour construire en hauteur, n'a pas pu le faire. Ensuite, il voulait seulement rénover et faire d'autres améliorations...

M. Sirois: Vous parlez du Haddon Hall?

M. Ciaccia: À côté du Haddon Hall, le Somerset Apartments, je pense. En tout cas, dans ce cas précis, je pense que les objectifs municipaux dont la ville de Québec parlait étaient de ne pas laisser cet édifice dans un état de semi-démolition à l'intérieur, pendant plusieurs années. La ville n'en retirait pas de bénéfices; ce n'était pas une attraction pour ceux qui pasaient là ou qui vivaient dans le voisinage. Si la ville avait eu le droit de procéder, par ses réglementations, sujettes à un désaveu, connaissant les besoins de ce quartier, elle aurait pu émettre un permis pour faire certaines rénovations afin de permettre d'utiliser la propriété à d'autres fins, tout en respectant le caractère de l'endroit. Ce que je crains du projet de loi, c'est qu'on va donner ce pouvoir au ministère et, ce n'est pas une critique de ce ministère, mais, en général, quand vous centralisez ces décisions, les gens, au bureau central, ne connaissent pas vraiment autant les besoins locaux. Alors, tout en protégeant le site historique, un des édifices du Collège de Montréal, on aurait bien pu donner le pouvoir d'émettre un permis et les décisions, sujettes à un désaveu du lieutenant-gouverneur, à la ville et cela aurait peut-être évité beaucoup de problèmes pour la ville et pour le propriétaire de cet édifice. Peut-être cet exemple pourrait-il illustrer ce que la ville de Québec veut dire par ses recommandations et les difficultés qui peuvent survenir en donnant tous les pouvoirs discrétionnaires, toutes les décisions, l'application et même la rédaction des décisions sur ces règlements, cas par cas, au ministère. Est-ce que je pourrais avoir vos...

M. Sirois: II ne m'appartient peut-être pas de défendre le projet de loi à la place du ministre, mais je vous dirai tout simplement que, à la lecture du projet de loi no 4, je crois que le problème que vous soulevez est résolu par ce qu'on trouve dans le projet de loi, tel qu'il est en ce moment. Je vous dis cela tout simplement, j'imagine que...

Mme Lavoie-Roux: II ne l'est pas pour l'aire de protection.

M. Bertrand: Sauf pour l'aire de protection, M. le député de Mont-Royal. J'ajouterai qu'il me semble avoir entendu le ministre dire, cet après-midi, que lorsque son ministère — dont ce sera la responsabilité — devra accepter les projets de réglementation qui seront présentés par les municipalités, il aura à coeur — si ma mémoire est bonne — de demander que ce pouvoir soit détaché de certains ministères qui ont un mot à dire sur l'acceptation de tels projets, parce que, justement comme vous le soulignez, il ne faut pas avoir une loi des biens culturels qui soit "bébête" et qui dise uniquement: 500 pieds, et, après cela, tu ne peux rien faire, tu ne peux pas aménager le territoire ou de dire: Voilà un site historique à préserver; parce qu'il y a un site historique à préserver, on va donc laisser tomber, laisser de côté toutes sortes de services qui doivent être offerts à la population. On ne tiendra pas compte des besoins en termes d'environnement, on ne tiendra pas compte du transport en commun, etc.; mais si les gens — dont cela sera la responsabilité — qui doivent accepter ces projets de réglementation sont des gens qui proviennent de différents ministères qui sont concernés par un tel type d'aménagement, je pense que, là, vous venez d'enlever à la loi le caractère un petit peu "bébête" qu'elle pourrait avoir, si c'était uniquement l'aspect culturel qui ressortait au moment où l'on doit accepter un projet de réglementation. Mais vous ne pouvez pas nier que le ministère des Affaires culturelles, dont c'est la responsabilité de voir que cette loi soit respectée, doit bien à un moment donné amener la municipalité, d'une façon ou d'une autre, à tenir compte des impératifs de la loi.

M. Ciaccia: Non, je ne nie pas cela, mais c'est l'inégalité...

Mme Lavoie-Roux: C'est bien beau, M. le député de Vanier, mais l'aire de protection est restée telle quelle dans la loi. Ce sont les inquiétudes du député de Mont-Royal...

M. Bertrand: Je le disais au député de Mont-Royal, indépendamment de ce problème de l'aire de protection, je serais bien prêt à discuter avec vous. Vous parliez en deuxième lieu de toute la question des incidences...

M. Ciaccia: Bien oui, c'était relié principalement à l'aire de protection.

M. Vaugeois: On va revenir là-dessus tout à l'heure. Ils en viennent aux articles.

M. Ciaccia: II n'y a aucune amélioration quant à l'aire de protection. Vous avez toute la discrétion...

M. Vaugeois: Je vous promets beaucoup de points qui vont vous...

Mme Lavoie-Roux: ... d'assouplissement...

M. Vaugeois: Non, M. le député vous allez voir, vous allez être ravis.

M. Ciaccia: Dans ces endroits, est-ce qu'il y a un autre problème qui peut survenir?

Mme Lavoie-Roux: ... nous en sommes ravis.

M. Ciaccia: Quand il y a un site historique — un lieu déclaré site historique — et que l'aire de 500 pieds autour est vraiment gelée, les gens ne savent pas les droits qu'ils ont. C'est assujetti à la discrétion du ministre. Est-ce que cela n'amoindrit pas cet environnement autour de ce site?

Il me semble que s'il y a une réglementation et que les gens savent ce qu'ils peuvent faire, qu'ils connaissent leurs droits, qu'ils savent jusqu'à quel point ils peuvent entreprendre des améliorations, de la rénovation ou l'utilisation de leur propriété, il y aurait de l'activité dans ces endroits. Autrement, est-ce que cela ne risque pas de détériorer les environs de ces sites historiques? Il y a des districts qui ont subi des détériorations. Les gens partent, ils ne font pas d'amélioration. Vous ne pensez pas que si le projet de loi était plus définitif, quant aux droits qu'il accorderait au propriétaire dans ces environnements, cela pourrait aider à maintenir ces endroits?

M. Viau: Je pense que le projet de loi prévoit la possibilité de traiter, si vous voulez, les gens qui résident dans les aires de protection, de la même façon que ceux qui sont propriétaires de bâtiments historiques. Bien sûr, j'ai hâte, avec vous, de voir la réglementation qui va être conséquente au projet de loi pour, peut-être, discuter de ce problème. Effectivement, c'est un problème de réglementation: comment les subventions seraient accordées, comment les aires de protection seraient décidées, comment elles seraient réglementées, etc. Cela fait partie de la réglementation qui devrait venir subséquemment au projet de loi. Mais, le projet de loi dans notre esprit, en tout cas, tel que nous l'avons compris, ramenait un juste équilibre, en ce sens qu'il accordait les mêmes privilèges aux bâtiments contenus dans les aires de protection qu'aux bâtiments historiques eux-mêmes.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de...

M. Vaugeois:... je peux me permettre de vous dire que vous avez fort bien compris, et, en fait,

avec les amendements qu'on apporte, qui sont de l'esprit du projet de loi, la section IV s'élargit et comprend, dorénavant, les arrondissements historiques, les arrondissements naturels — soit dit en passant, il n'y a pas de sites naturels — les sites historiques classés et aires de protection. Si vous allez à l'article 53e, on retrouve le point suivant: "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, sur la recommandation du ministre qui prend l'avis de la Commission, faire des règlements pour..." et là, vous avez le genre de règlement qu'on peut faire, et c'est clairement dit "les aires de protection". C'est clairement dit à l'article 53e.

Le Président (M. Jolivet): ... rapidement.

M. Ciaccia: Juste une autre brève question. Quand vous avez parlé des compensations aux individus, que penseriez-vous d'une inclusion dans le projet de loi pour la protection de l'aire de 500 pieds, qui prévoirait que ceux qui sont affectés aient droit à une compensation ou aient droit, s'ils ne peuvent pas utiliser, faire de leur propriété ce qu'ils auraient pu faire avant que le site en question soit déclaré historique?... Autrement dit, j'ai une propriété sise dans les 500 pieds; avant que le site soit déclaré historique, j'avais le droit de faire certaines améliorations, certaines rénovations; vous m'avez enlevé certains droits en déclarant le site historique. Il ne faut pas que je frappe le gros lot, comme vous dites, mais il ne faut pas que j'aie moins de droits qu'avant. Vous avez référé à certaines formules, est-ce que c'est une des formules qui peuvent être prévues?

M. Viau: Je vois, par exemple, le projet de protection des biens culturels exactement comme n'importe quelle autre forme de zonage municipal. Vous devriez avoir exactement la même préoccupation quand une municipalité décide de zoner son territoire et de limiter les usages à certaines zones; elle fait exactement ce que vous reprochez, c'est-à-dire qu'elle diminue ou elle élargit un certain nombre de droits individuels. Si on décide qu'une propriété est zonée résidentielle...

M. Ciaccia: II n'y a pas de "spot zoning" et elle respecte les droits acquis.

M. Viau: Non, je veux dire que même dans un découpage municipal, un zonage normal, la Loi des cités et villes ou le Code municipal accorde aux municipalités... Celles-ci ont exactement ce pouvoir de réglementer les droits privés, d'une certaine façon; en zonant une propriété "habitation" plutôt que "commerce", elles limitent l'usage de certains droits privés et, en réglementant les types de clôtures, la grandeur de la maison, etc., elles le font de la même façon.

M. Ciaccia: Elles limitent mais elles n'enlèvent pas.

M. Vaugeois: M. le Président, vous allez me permettre d'ajouter une chose. Je suis sensible au point de vue du député. On réfléchit là-dessus et je pense qu'on va en venir à un certain nombre de mesures de compensation. Mais déjà, l'expérience nous démontre que les interventions du ministère ou des municipalités qui s'associent à nous pour ces aires de protection en particulier ne font pas qu'embêter les propriétaires, elles leur rendent aussi des services. Ce n'est pas la place ici, mais je pourrais vous faire témoigner des propriétaires d'immeubles dans des aires de protection qui se félicitent des avis qu'ils ont reçus des experts du ministère. Les experts du ministère les ont empêchés de faire des erreurs, purement et simplement, dans la restauration et la réparation de leurs maisons.

Les exigences qu'on a ne sont pas sur une base d'emmerdements généralisés; c'est dans l'esprit de ménager la qualité du milieu. Le fait de se trouver dans une aire de protection offre un certain nombre de garanties. Je suis dans une aire de protection à Trois-Rivières et j'aurais aimé que cette aire de protection soit établie il y a quinze ans parce que mon deuxième voisin a restauré sa maison de façon complètement idiote. S'il y avait eu...

M. Ciaccia: ... Son goût à lui ou son goût à vous?

Mme Lavoie-Roux: Votre voisin de droite ou votre voisin de gauche?

M. Vaugeois: II est mort. Il est décédé. M. Ciaccia: Vous allez imposer vos goûts!

M. Vaugeois: Mais j'aurais bien aimé que l'aire de protection soit délimitée...

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Vaugeois: Écoutez, je vous invite à la maison, vous viendrez voir cela, c'est regrettable. Cela gâche tout l'environnement du manoir de Niverville et cela gâche l'allure de la rue Bonaventure qui est une très belle rue. Ce propriétaire, croyant bien faire, a mis une brique qui n'est pas belle, a mis du fer forgé qui n'est pas beau, etc., alors que si je voulais faire la même erreur, je ne pourrais pas.

M. Ciaccia: Est-ce que le goût de la brique sera mentionné dans le livre blanc?

M. Vaugeois: M. le député, je vous fais assez confiance...

M. Ciaccia: Les opinions, les couleurs et tout cela?

M. Vaugeois: Non. Je vous fais assez confiance pour que vous puissiez apprécier ces choses, vous aussi, et vous êtes le bienvenu à Trois-Rivières.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Papineau.

M. Ciaccia: Non mais, vous me dites de quelle couleur doit être la brique sur ma maison... (22 heures)

M. Sirois: J'aurais un début de réponse pour monsieur, si vous le permettez?

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Sirois.

M. Sirois: J'ai un début de réponse, je dis bien. Il faut faire la différence, tout de suite, dans le cas de l'aire de protection — et c'est la même chose pour le zonage — entre un projet qui est déjà précisé, qui est déjà déterminé et pour lequel le propriétaire a déjà fait des démarches et un projet qui serait strictement aléatoire. Il pourrait très bien arriver qu'on décrète une aire de protection et que, du jour au lendemain, un propriétaire d'une maison de deux étages vienne vous apprendre qu'il avait projeté, depuis déjà très longtemps, de construire un 20 étages qui lui aurait rapporté beaucoup d'argent. À ce moment, on s'expose à cela effectivement. Alors, je pense bien que le barème auquel on doit référer, c'est le même barème que dans le cas de zonage, c'est-à-dire que si la demande de permis a été faite ou si le propriétaire peut établir qu'il avait effectivement un projet d'engagé concrètement, peut-être pourrait-il avoir droit à une certaine forme de dédommagement. C'est peut-être à envisager.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Papineau.

M. Alfred: Je ne serai pas long. Je vous remercie du mémoire que vous nous avez présenté. Je vous assure que je me sens maintenant prêt à étudier, article par article, le projet de loi, parce que j'y vois plus clair et que vous m'éclairez davantage.

Dans le mémoire que vous nous avez présenté vous avez, bien sûr, fait état des trois objectifs: objectifs nationaux, objectifs municipaux, dont on a parlé tout à l'heure avec la ville de Québec, et on a fait mention également de l'objectif individuel.

Bien sûr, nous devons tenir compte de tout cela. Quand le projet de loi a été présenté, on a vu par exemple que certains ont découvert tout de suite une nouvelle vocation. On avait vu la même chose, lors d'un autre projet de loi, que les courtiers d'assurance s'étaient découvert une vocation d'informateurs, ce qu'on n'avait pas vu avant, mais passons... De même qu'on en voit d'autres qui se découvrent tout de suite protecteurs du patrimoine; c'est encore vrai aussi. Mais si, par exemple, on se rend compte — le passé est là — que l'objectif national entre en conflit avec les objectifs municipaux et les intérêts individuels, nous pensons — si on doit être juste envers l'objectif municipal et envers l'intérêt individuel — qu'il n'en est pas moins vrai que celui qui a la responsabilité première et totale, c'est l'État, l'objectif national. Si l'État n'intervient pas et laisse faire le gâchis, on viendra par la suite dire: Vous n'avez rien fait. D'où, avec beaucoup de souplesse, nous pensons — et là je vous rejoins — que, tout en préservant les intérêts individuels, nous devons prendre en main l'objectif national. Bien sûr, pour des raisons, peut-être inavouées, on peut s'éterniser sur des objectifs municipaux, sur des intérêts individuels, mais, au fond, quand on lit le projet de loi à tête reposée, on se rend compte qu'effectivement l'argumentation qui s'est passée là. c'est ce que nous voulons faire.

Cependant, j'admets que l'intervention de l'Opposition, surtout celle de Mme le député de L'Acadie, nous permet de faire le point et d'être plus équilibrés dans notre affaire. Dans ce sens, je pense que l'intervention de Mme le député de L'Acadie était à point. Merci.

Le Président (M. Jolivet): S'il n'y a pas d'autre intervenant, j'aimerais... Mme le député de L'Acadie, je m'excuse, il vous reste encore deux minutes.

Mme Lavoie-Roux: C'est une seule question à M. Viau. Tout à l'heure, quand vous discutiez de la protection du patrimoine que pour contrer les actes de vandalisme, vous disiez, il faudrait inciter les gens à barricader leur maison s'ils ne l'occupent pas ou ne peuvent pas la restaurer immédiatement, etc., qu'on ait des recours contre ces personnes, je vous ferai remarquer qu'en théorie, c'est peut-être plus facile qu'en pratique. Parce que si vous voyez justement des maisons qui ont été barricadées, soit parce que le propriétaire ne peut pas en disposer, n'a pas les moyens de la restaurer, ne peut pas la vendre ou pour une foule de raisons, ce n'est pas nécessairement le propriétaire qui est l'agent du vandalisme. Bien souvent il y a de véritables vandales qui viennent.

Je suis allée, il n'y a pas longtemps, dans la forêt de Saraguay, où il y a ce qu'on appelle le château Ogilvie, qui a été barricadé par les propriétaires. Les barricades sont arrachées, tout ce qu'il y avait dedans a été volé. Je pense que même si on veut prendre toutes les mesures, tous les recours contre les personnes, il y en a qui prennent des mesures de protection, surtout pour des maisons barricadées dans des forêts, c'est peut-être particulièrement vulnérable. Je pense qu'il ne faudrait pas nécessairement accuser les gens qui sont propriétaires de ces maisons de ne pas avoir rempli leurs responsabilités. Je pense qu'il y a aussi toute l'éducation populaire, ne serait-ce que le respect du bien d'autrui, et, à plus forte raison, quand il s'agit de sites ou de résidences ou de propriétés qui ont un intérêt particulier au plan historique.

C'était seulement parce que je trouvais que vous alliez peut-être un peu loin en...

M. Viau: II ne s'agissait pas de généraliser à l'ensemble des bâtiments qui étaient en détérioration ou quoi que ce soit. C'était simplement pour signaler le fait que cela se produit dans plusieurs cas, et on en a eu connaissance très souvent. Par contre, je suis d'accord avec vous que des mécanismes comme ceux-là ne peuvent pas être indépendants d'autres mécanismes d'incitation à la

restauration, de subventions, etc. Tout cela doit constituer un tout, si on veut protéger le patrimoine. Il doit y avoir des mécanismes de contrôle, de protection, de surveillance, etc., et des mécanismes de pénalité, bien sûr, mais aussi des mécanismes d'incitation. Je pense que les trois genres de mécanismes doivent se retrouver complémentaires dans un ensemble d'une loi de conservation.

M. Vaugeois: M. le Président, vous me permettez de remercier chaleureusement les représentants du Conseil des monuments et sites. Je les invite à rester avec nous, si le coeur leur en dit, pour prendre connaissance, dans peu de temps, je crois — il nous reste un groupe à entendre — des amendements que nous apportons au projet de loi, dont un certain nombre répondent à leurs préoccupations.

M. Sirois: J'aurais peut-être un dernier commentaire, si vous le permettez, parce que nous allons nous trouver maintenant avec une Loi sur les biens culturels amendée. La suggestion que nous ferions et qui ne se rapporte pas immédiatement à la loi elle-même, c'est que, une fois adoptée, ce serait sans doute une bonne idée d'en faire une bonne vulgarisation, autant auprès d'organismes qui s'occupent de préservation historique qu'auprès des fonctionnaires du ministère.

J'ai déjà demandé il y a plusieurs années qu'on vulgarise clairement la loi auprès des fonctionnaires du ministère, pour éviter des interprétations fantaisistes et souvent contradictoires qui sont données dans certains cas ou qui étaient données à ce moment. Je crois que ce voeu demeure encore permanent, encore valable.

Je peux vous dire aussi, en terminant, que je peux changer de chapeau au Comité des citoyens du Vieux Québec, qu'on a pris connaissance de cela, et qu'on appuie le Conseil des monuments et sites. Nous n'avons pas fait de mémoire, nous nous sommes dit que cela allait dans le bon sens.

Le Président (M. Jolivet): Avez-vous autre chose à ajouter?

Mme Lavoie-Roux: Non, je veux les remercier de leur contribution, tout simplement.

Le Président (M. Jolivet): Merci, est-ce que la Fédération des sociétés d'histoire veut bien se présenter en avant?

Fédération des sociétés d'histoire

M. Dagneau (G.-H.): M. le Président, madame, messieurs.

Permettez-moi de vous présenter Marc Beau-doin. C'est le trésorier de la fédération. C'est la première fois que la fédération a deux officiers dans la même ville, une ville qui ne soit pas Montréal.

Mme Lavoie-Roux: Cela commence bien! M. Dagneau: Mon nom est Dagneau. Je suis président de cette fédération. J'aurais probablement plus de succès si j'entonnais Ô Carillon, ou un hymne comme cela, que de vous lire 20 pages bien tassées. Si vous permettez, je résume à larges traits, bénéficiant de l'approbation muette mais visible de plusieurs et je vous dis que si notre fédération a peut-être adopté un ton un peu pleurnichard, c'est que nous avons nos difficultés de croissance, comme, d'ailleurs, la direction générale du patrimoine.

Je suis entré au ministère des Affaires culturelles en 1963, à Montréal. À ce moment, il y avait M. Gouin, il y avait Fernand Boisseau. Cela faisait deux personnes à Montréal, et à Québec, il y avait Sylvio Dumas et une autre personne, cela faisait deux. Jean-Pierre me disait tantôt: II y a $14 millions au budget, sans compter les salaires, plus 200 personnes. Nous avons des difficultés, nous aussi, et c'est pour vous les dire... c'est pour cela que nous avons écrit ce qu'il y a là, sans aucune acrimonie, mais dans un esprit de constatation et pour dire: Si vous voulez, nous allons nous parler un peu plus et nous nous chicanerons un peu moins et nous irons peut-être plus loin.

Comme deuxième point, c'est la coordination. La coordination se place à deux niveaux. C'est sans prétention, mais je prétends quand même que la coordination devrait être plus grande entre les Affaires culturelles et le Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports; cela nous éviterait certaines difficultés comme, par exemple, de devoir nous présenter devant deux séries d'organismes. Si vous saisissez bien ce qu'est une fédération comme la nôtre, c'est une fédération qui regroupe de petites sociétés d'histoire, des sociétés locales. Ce sont des gens qui sont amateurs; l'histoire les intéresse et le signe de l'histoire aussi, qui est le patrimoine, sauf qu'il n'y a pas de patrimoine sans histoire et une histoire qui n'a pas de patrimoine, cela peut être joliment abstrait. Donc, nous occupant des deux, et l'histoire ayant été considérée par le Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports comme un loisir, nous bénéficions de la douce situation d'avoir à nous occuper des deux organismes. Alors, si les deux s'entendent, cela nous facilitera la tâche.

Maintenant, il y a une autre coordination au niveau des mouvements qui s'intéressent aux deux aspects de ce binôme que je qualifie d'indissociable, l'histoire et le patrimoine. Il y a en archéologie, en archivistique, en généalogie, en histoire, en muséologie, au patrimoine, des organismes qui s'occupent de tout cela. Nous ne nous connaissons pas et nous avons tous, à notre niveau, à notre façon, des besoins, et il nous semble que ce serait un effet de la magnificence présente et future du ministère des Affaires culturelles que de convoquer tout ce monde dans une rencontre, à partir de délégués, et non pas une grande rencontre générale. J'aurais un peu trop peur d'une grande rencontre qui pourrait facilement prendre l'aspect — pardonnez-moi l'expression — d'un "free for all". Mais si on a un ordre du jour bien bâti et si on convoque des mouvements

délégués, des personnes dûment mandatées, on peut avancer plus vite. Une des choses qu'on pourrait atteindre, ce serait ce que nous demandons en premier, et, en ce moment, j'arrive au projet de loi no 4. Nous demandons que cette rencontre permette de désigner des candidats, parmi lesquels le ministre des Affaires culturelles choisirait un sujet qu'il recommanderait au gouvernement pour le nommer membre de la Commission des biens culturels.

C'est une des choses que nous demandons et nous la demandons pour la raison suivante: Nous sommes ici, très heureux, très fiers, très contents, j'ai travaillé comme un nègre pour préparer ce mémoire et cela me faisait plaisir. Mais j'arrive ici comme un simple pékin; je n'ai pas d'outil, je n'ai pas d'équipement. Je suis un simple contribuable. Or, vous voulez mon opinion, j'en suis très flatté. Mais, pour vous la donner, il faudrait que je sois un peu mieux équipé. C'est là-dessus que je dis: Si je fais partie d'un groupe, de mouvements qui sont représentés, à ce moment-là, peut-être qu'au lieu d'être comme le lecteur du journal qui bénéficie des communiqués et qui peut lire les rapports, j'aurais peut-être un peu plus de renseignements, je serais mieux situé.

Une autre chose que nous demandons et cela se rapporte à une résolution qui a été adoptée à l'unanimité — on y a fait allusion tout à l'heure, à la Société historique de Québec — c'est que la loi prévoie qu'individus ou groupes pourraient prendre action en vertu de la Loi sur les biens culturels et que le ministère disposât — j'emploie le subjonctif imparfait une fois par année — d'un fonds permettant de défrayer le coût des frais judiciaires inhérents à toute poursuite.

Une autre chose que nous demandons — il faut que je me réfère à mon texte, la fatigue se fait sentir — à notre congrès auquel nous avons eu l'honneur d'avoir le ministre comme conférencier, il a, avec son dynamisme habituel, offert la parole aux congressistes. Alors, il y en a un qui s'en est prévalu pour faire une suggestion relative justement à cette question des aires de protection. (21 h 15)

Le ministre a paru intéressé sur le moment. Ce monsieur, qui s'appelle Marc Bouchard, qui est architecte, a écrit et, à ce moment, je pense que c'est une chose que nous aurions intérêt à étudier davantage, précisément pour adoucir, assouplir, interpréter l'application de cette question des aires de protection. En ce moment, si je ne m'abuse, je ne suis pas avocat, mais quand même j'ai quelques petites lueurs de ce côté et, par rapport à ce problème qu'on évoquait tout à l'heure au sujet du droit de propriété et de l'affectation qu'il subit par rapport aux aires de protection, je ne crois pas que la Loi sur les biens culturels ait à donner des droits à un individu. Je crois qu'il les a déjà en vertu du Code civil; le droit de propriété fait partie de notre système de lois. Je pense que l'ancienne Loi sur les biens culturels ne mentionnait rien, en sorte que, lorsqu'il y avait une réclamation, en vertu du droit de propriété, la Loi sur les biens culturels ne donnait pas ouverture au ministre pour faire droit à ces réclamations. Je crois que la nouvelle loi, avec son amendement, permet au ministre de faire droit aux réclamations qui viendraient de quelqu'un qui se prétend lésé dans l'exercice de son droit de propriété, et, à ce moment, après l'étude du cas, que ce soit accepté ou rejeté, il y a une ouverture dans la loi. Si je ne me trompe, c'est un jugement qui s'est rendu jusqu'en Cour d'appel. Il y a eu des notes là-dessus qui disaient: Le droit de propriété est quelque chose qui est dans le Code civil, vous ne pouvez pas y toucher. C'est mon interprétation, elle vaut ce qu'elle vaut, si je me suis mis le cou sur le bûcher, laissez tomber la hache.

Autre point, on parle beaucoup de patrimoine et on parle surtout du patrimoine bâti, et c'est une priorité. À mon avis cela provoque un certain déséquilibre, en ce sens que l'histoire devient un outil du patrimoine. Remarquez qu'il n'y a probablement pas moyen de faire autrement et qu'il faut probablement être heureux qu'il en soit ainsi, parce qu'il y a une question de rattrapage à faire. Seulement, je crois que l'histoire doit quand même avoir une sorte de situation quelconque, que ce soit aux Archives nationales ou que ce soit sous forme d'institut qu'on créerait enfin, ou une réponse qu'on trouvera peut-être après-demain dans le livre blanc de M. Laurin, je ne le sais pas. À mon avis, à l'heure actuelle, s'il y a quelqu'un qui s'occupe d'histoire, il est, par la force des choses — et remarquez que je ne critique pas, je crois que c'est nécessaire — porté à penser de même. En ce moment, à la DGP, on utilise l'histoire, et à bon escient, pour appuyer toute cette question du patrimoine bâti. Mais j'ai des gens dans des municipalités qui disent: Que voulez-vous, Dagneau, on habite dans un coin où il n'y a pas de patrimoine bâti, mais l'histoire nous intéresse quand même. Ces gens veulent trouver quand même une sorte d'écho, une sorte de réponse à leurs préoccupations au ministère des Affaires culturelles. C'est le point de vue que j'évoque.

Autre point de vue que j'évoque aussi: la carte d'identité. C'est une question qui est déjà évoquée avec la direction des Archives nationales. C'est une question qui nous intéresse. Les gens de la généalogie sont particulièrement intéressés à cela, parce que vous savez comment se présente le problème? Pour faire de la généalogie, si vous voulez partir d'il y a cent ans jusqu'au début, il n'y a pas de problème, vous allez aux archives et cela va, à condition d'être identifié et de respecter leurs exigences. Mais si vous voulez consulter les actes de l'état civil des cent dernières années — toute famille a quand même une existence, cent ans avant l'existence du sujet actuel — il faut aller au greffe de la Cour supérieure. Or, à l'heure actuelle, il y a un ukase du ministère de la Justice qui dit: Pas de consultation. Pourquoi pas de consultation? Il y a eu des déprédations, il faut bien l'admettre. Comment faire pour éviter les déprédations? On a procédé, comme on le fait souvent en droit, on a éliminé les risques. Alors il n'y a plus personne, c'est radical. Il s'agit maintenant d'assouplir; la carte d'identité est l'un de ces moyens et cela nous intéresse.

Régionalisation? Oui. Vous savez qu'il y a des

conseils régionaux des loisirs, mais nous n'avons pas de contact avec eux. Nous avons un contact avec la Fédération québécoise des loisirs scientifiques, mais encore faudrait-il que le Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports consente à s'apercevoir que cette fédération a quand même besoin d'un budget. Je ne vais pas plus loin dans ce domaine, mais là il y a quelque chose qui ne marche pas, c'est évident. En tout cas, la Fédération des sociétés d'histoire appartient à la Fédération québécoise des loisirs scientifiques; il y a une assemblée générale samedi, nous y allons et nous verrons ce que cela va donner.

Moyens de communication. Nous faisons des suggestions là-dessus. J'en profite pour dire qu'il y a la très sérieuse Revue de l'Histoire de l'Amérique française à laquelle les historiens chevronnés comme M. le ministre pourraient collaborer et à laquelle nous, pauvres "pékins ", nous n'avons accès que comme simples lecteurs.

Il y a aussi le bulletin du Conseil des monuments et sites du Québec que je tiens à reconnaître comme un bulletin très bien fait. J'en félicite le conseil et je suppose que, puisqu'il fait bien, personne d'autre n'ira essayer de faire double emploi.

Nous croyons à la fédération qu'il y aura place pour un bulletin à périodicité assez élevée, destiné à rejoindre la base et à mettre en contact des gens entre eux d'abord, entre eux et leur mouvement, ensuite.

Si vous me permettez, j'arrêterais là, après avoir, si le président me le permet, offert à mon trésorier la possibilité d'exprimer un point de vue s'il trouve que j'en ai oublié, ce qui est très possible, ayant résumé à très larges traits un travail assez compliqué. Merci beaucoup de votre attention.

Le Président (M. Jolivet): M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): Je penserais avoir plutôt une période de questions, je pense que...

Le Président (M. Jolivet): Cela va. M. le ministre.

M. Vaugeois: Je vous remercie, M. Dagneau. J'ai pris connaissance de votre mémoire. Vous l'avez fort bien résumé, de façon d'ailleurs éloquente et vivante, ce qui est dans votre habitude.

Moi aussi, je vais m'en tenir à quelques remarques générales. Une référence au départ à l'évolution et à la croissance rapide de la direction générale du patrimoine. C'est réel, mais cette croissance nous paraît encore trop timide et trop lente, compte tenu des défis que nous rencontrons. Je voudrais seulement prendre comme point de référence l'importance de l'effectif et des budgets de Parc-Canada, au Québec, qui sont de l'ordre d'à peu près le triple de notre propre effectif, alors qu'il affecte ces troupes considérables à quelques projets bien circonscrits, tandis que le gouvernement du Québec garde la responsabilité de veiller à l'ensemble du patrimoine québécois. Nos moyens sont totalement disproportionnés en termes d'effectif et de budget.

Vous avez fait référence à l'invitation qu'on vous avait faite de commenter notre projet de loi. Vous avez souligné le défi que cela comportait pour vous, étant donné votre structure, d'arriver avec un point de vue vraiment représentatif des sociétés-membres de la fédération. C'est un point de vue auquel nous sommes extrêmement sensibles. Il me fait plaisir de vous confirmer que nous étudions actuellement la possibilité de faire peut-être deux ou trois exceptions à notre programme de subventions, lequel exclut, en principe, les subventions de fonctionnement. Je pense que, là-dessus, tout le monde sera assez d'accord, mais nous croyons, par ailleurs, que, dans le cas d'organismes à caractère fédératif comme le vôtre, l'existence d'un secrétariat va de soi et est indispensable.

Déjà, la direction du patrimoine...

M. Dagneau: Je vous dis merci tout de suite.

M. Vaugeois: Vous n'avez pas à nous remercier, parce que c'est nous qui aurons à nous féliciter, je pense, des conséquences de ce geste.

Vous avez fait également référence à un point de vue exprimé par M. Bouchard, lors d'une réunion à la ville de Laval. Ce point de vue nous a été transmis par lettre. Nous l'avons retenu, en revoyant notre projet de loi. Tout à l'heure, quand nous le reprendrons article par article, j'aurai l'occasion d'expliquer peut-être une utilisation que nous faisons de cette suggestion.

Vous avez débordé un peu la portée du projet de loi, en faisant allusion aux difficultés de consultation des registres d'état civil. Je vous signale, pour votre information, que j'ai une correspondance avec le ministre de la Justice à cet égard et qu'on peut prévoir des assouplissements, mais un maintien de contrôle quand même avec des possibilités. Vous évoquez que l'un de ces moyens puisse être la carte d'identité. Déjà, le ministère de la Justice est prêt à considérer toute demande sérieuse et à donner les autorisations nécessaires, moyennant encore un certain nombre de restrictions quant aux documents qu'on peut consulter, mais avec des prescriptions tout à fait raisonnables.

Un dernier commentaire. Vous ne l'avez pas évoqué comme tel, mais nous le trouvons dans votre mémoire, vous avez fait allusion, par exemple, au véhicule que constitue la Revue d'Histoire de l'Amérique française. Je suis d'accord avec vous, le comité de rédaction de cette revue est très exigeant et demande des textes qui, à toutes fins pratiques, ne peuvent venir que de chercheurs universitaires, alors que nous savons fort bien que, dans nos sociétés d'histoire et chez de multiples amateurs d'histoire, se poursuivent des recherches fort intéressantes qui ne sont pas diffusées, faute de véhicule de diffusion. C'est également une des préoccupations de la direction générale du patrimoine.

Nous avions au ministère un projet de revue, qui s'appelait "Espace", projet sur lequel nous avons été interrogés, d'ailleurs, au moment de la défense des crédits. Je peux vous dire que nous

envisageons la possibilité, advenant le cas où la revue Espace ne devrait pas voir le jour, selon sa forme prévue, d'affecter ces crédits possiblement à un Québec-Histoire qui viendrait jumeler le Québec-Science, qui est une revue bien faite et dont le siège social se situe actuellement à l'Université du Québec. C'est une hypothèse à laquelle nous travaillons. Nous avons tous regretté, je pense, le décès, la disparition de Québec-Histoire, qui était due à l'initiative d'un homme héroïque de Montmagny. Il est regrettable que cette revue soit demeurée silencieuse. C'était un véhicule plus souple et de vulgarisation plus large que la Revue d'histoire de l'Amérique française. À défaut de retenir cette hypothèse, nous sommes conscients du problème. Nous sommes préoccupés d'assurer une bonne diffusion à tout travail de recherche, fût-il imputable à d'honnêtes amateurs.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je veux également remercier la Fédération des sociétés d'histoire du Québec pour son mémoire. Je pense que je vois votre démarche comme en étant une d'appui au projet de loi 4 sur la modification de la Loi sur les biens culturels, et l'autre, comme une occasion de venir interpréter au ministre et aux membres de l'Assemblée nationale certaines des difficultés de fonctionnement que vous cause le manque de ressources mises à votre disposition. En tout cas, c'est comme cela que j'interprète votre mémoire. J'aimerais vous poser quelques questions. Combien y a-t-il de sociétés d'histoire au Québec? Est-ce que vous pourriez me dire le nombre?

M. Dagneau: En 1977, en hiver, avec la collaboration ae la DGP, on a fait un questionnaire qui a été envoyé un peu partout. On a récolté des indices et des preuves de l'existence d'un peu plus de 90 sociétés qu'on pouvait assimiler à des sociétés d'histoire.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'elles sont toutes membres de la fédération?

M. Dagneau: Non, madame. À ce moment, nous en avions à peu près 45. Nous avons progressé. Nous sommes à peu près entre 55 et 60.

Mme Lavoie-Roux: Qui font partie de la fédération. Maintenant, vous avez fait état de difficultés financières ou de subventions non suffisantes. Qu'est-ce que vous recevez comme subventions et d'où proviennent-elles?

M. Dagneau: Deux réponses. D'abord, nous avons eu une subvention de la DGP, de l'ordre de $7500. Comme je le dis dans le mémoire, c'est la première fois, depuis qu'elle existe, que la fédération a un budget qui dépasse $2000, grâce à cette subvention. Nous avons aussi eu, à cause d'une sorte de mauvais coup du sort, une démission inopinée du secrétaire qui a fait que, ou bien nous contremandions notre congrès, ou bien nous prenions des mesures d'urgence pour le tenir quand même. C'était vraiment un cas. Aux Archives nationales, on nous a dépannés. C'était vraiment du dépannage. Nous étions coincés. Ce sont les deux subventions que nous avons eues. Avant cela, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu de subventions, mais on ne peut pas dire non plus qu'il y en ait eu beaucoup. Nous vivions à même nos cotisations, ce qui représentait à peu près $1000, et, en plus, l'intérêt d'un capital de $10 000 versé par la Fondation MacDonald Stewart.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que je me trompe, M. le ministre, mais il me semble que durant l'année... Vous n'avez pas accordé des subventions de $30 000 aux différentes sociétés d'histoire?

M. Dagneau: C'est un des problèmes de coordination dont j'ai parlé. C'est qu'il y a un budget pour les sociétés individuelles, mais ce n'est pas la fédération qui l'administre. Ce sont les directions qui...

Mme Lavoie-Roux: II me semble que c'était un montant de $30 000 qui a été versé aux sociétés d'histoire. On en a parlé au moment de l'étude des crédits. (22 h 30)

M. Vaugeois: Je ne sais pas si on peut parler de subventions. Je pense que c'est une question assez ambiguë. Il faut définir les termes. Effectivement, si on voulait relever tout ce que nous avons donné à des sociétés d'histoire, le directeur général du patrimoine m'informe que, pour l'an dernier, ça irait chercher $345 000. Mais ça comprend très souvent des commandes, il y a des contrats. J'en ai un à l'esprit pour la Société historique de Lotbinière, par exemple, mais on ne lui donne pas un budget de fonctionnement. On lui demande, avec cet argent, de faire des travaux. Nous aurons peut-être une subvention assez importante pour la Société historique de Deschambault, par exemple, et nous avons annoncé, ces jours derniers, une extension d'un programme d'intervention avec les sociétés d'histoire qui prend l'allure de ce que nous appelons des programmes conjoints par lesquels nous nous engageons à fournir un peu d'argent et de ressources, et ladite société s'engage à nous fournir tel travail, mais ce programme de subventions exclut des subventions de fonctionnement proprement dites pour le soutien d'un secrétariat, par exemple. Mais ce sont des choses sur lesquelles nous réfléchissons, de façon à assouplir peut-être cette norme et à permettre à une fédération de profiter d'un soutien financier.

D'ailleurs, j'aimerais demander à M. Dagneau si les $7000 que vous avez eus, vous les avez eus pour une fin précise?

M. Daigneau: On avait fait un certain nombre de programmes...

M. Vaugeois: D'activités.

M. Dagneau: ... d'activités. M. Vaugeois: Voilà!

M. Dagneau: C'était dans le budget de l'animation. C'est pour ça qu'il n'était pas question de subventionner un secrétariat ou de payer des frais de voyage, parce que c'est tout un problème de réunir nos membres. Si on continue comme ça, il faudrait que tous nos membres soient de Montréal.

M. Vaugeois: Dans le programme que je viens d'annoncer, j'avais parlé, quand je vous avais rencontré à Laval, non officiellement, de quelque chose comme $100 000. Compte tenu de l'intérêt que peut susciter ce programme, on a fait un effort pour... Je pense qu'on a une possibilité budgétaire de l'ordre de $160 000, mais c'est très spécifique et ça ne comprend pas la subvention pour fins de fonctionnement ou de déplacement. C'est dans la direction de l'animation, ça, de la direction générale du patrimoine.

Mme Lavoie-Roux: Je voyais que vous faisiez allusion au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports, qui donne des subventions pour des fins récréatives, des activités sportives ou culturelles. Est-ce que c'est dans ce sens-là que vous n'en avez jamais eu de subvention?

M. Dagneau: On ne peut pas dire qu'on a des subventions directes de la Fédération québécoise du loisir scientifique. Seulement, la fédération imprime notre bulletin trimestriel, Le Patrimoine, à un coût, évidemment, qui est au prix de revient, et il n'y a pas de profit dans ça, c'est clair.

Deuxièmement, elle vient d'obtenir une subvention pour quatre ou cinq projets pilotes pour publier un petit bulletin, mais, une fois-là, dans ces cinq régions, ça se montait à $5000. On ne va pas très loin pour couvrir un territoire de l'envergure de celui du Québec, dans cinq régions, mais on ne pouvait pas y dire non, non plus.

Mme Lavoie-Roux: En page 12 de votre mémoire, vous faites une suggestion pour que les services des sociétés historiques soient utilisés comme des mandataires du ministère des Affaires culturelles dans le respect des aires de protection des monuments classés. Le rôle de ces mandataires serait d'agir auprès des populations locales, d'assouplir les relations, d'expliquer les exigences de la loi et d'amortir le caractère parfois rigoureux de l'application de cette loi.

Est-ce que c'est une recommandation que vous réitérez au ministre, aujourd'hui?

M. Dagneau: Oui, c'est exactement celle de M. Marc Bouchard...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Dagneau: ... dans la lettre dont M. le ministre a parlé. Alors, je l'ai résumée plutôt rapidement, de mémoire. S'il y a des termes qui ne sont pas exactement les mêmes que ceux de la lettre de M. Bouchard, ne vous en prenez qu'à moi et non pas à la lettre.

Mme Lavoie-Roux: Vous faites également allusion, dans le paragraphe suivant, en parlant des municipalités, au fait que vous pourriez agir auprès des municipalités, compte tenu du manque d'expérience des municipalités; que vous vouliez que les sociétés d'histoire, dans le fond, puissent agir comme animateurs auprès des municipalités. Est-ce que je comprends bien?

M. Dagneau: Animateurs, voici: C'est sûr que, dans les milieux ruraux, il y a des sociétés d'histoire qui ont beaucoup plus d'influence que cela ne paraît. Il y a là un actif à utiliser. Dans les grandes villes, nous pouvons certainement agir, aussi; ici, à Québec, j'ai l'exemple de la Société historique de Québec, que je connais bien, qui a obtenu quelque chose. Il faut le demander pendant trois ou quatre ans, au minimun, mais, avec un peu de patience, on finit par s'entendre.

J'ai été complètement effaré d'entendre dire qu'on reprochait à la loi de ne pas avoir d'objectifs et exprimer la crainte qu'on reproche à des municipalités de l'enfreindre. On disait: Enfreindre quoi, puisqu'il n'y a pas d'objectifs qui ont été exprimés dans la loi? À ce moment-là, je suis complètement renversé qu'une municipalité ne puisse pas montrer le dynamisme voulu pour que le patrimoine fasse partie des objectifs qu'elle se fixe elle-même. Je rejoins ce qui a été exprimé, tout à l'heure, par le Conseil des monuments et sites, cela me paraît une chose invraisemblable.

Quel que soit le contenu juridique ou constitutionnel de la nation qui vit dans un contexte, elle a quand même, de toute façon, une histoire et un patrimoine et cela ne peut pas ne pas engendrer des objectifs. Quand on dit que, la loi ne les exprimant pas, on ne sait pas quand il y aura dérogation ou pas, à ce moment-là, je ne comprends plus rien.

Mme Lavoie-Roux: Ce rôle d'animateur ou de personne-ressource pour les municipalités que les sociétés d'histoire ont probablement déjà joué, mais que vous voudriez voir s'amplifier, j'aimerais vous demander si vous l'exercez aussi auprès des écoles ou des commissions scolaires de vos régions, parce que, vous savez, tout cela commence à l'école.

M. Dagneau: Très pertinente question. Nous avons été parmi ceux qui ont réclamé le retour de l'enseignement obligatoire de l'histoire dans les écoles. Nous sommes, en ce moment, en contact avec l'Association des professeurs d'histoire locale, et nous avons des contacts avec la direction des sciences humaines, pour autant que je sache. Nous croyons qu'un programme d'histoire locale ou régionale utiliserait certainement avec profit des textes que nos chercheurs ont mis au point par rapport à l'histoire locale ou régionale.

Là-dessus, l'éducation nous dit: Oui, mais il faut inventorier et évaluer. On veut bien, mais cela a été demandé en janvier dernier et on a eu un accusé de réception, on a eu une réponse. On sait qu'il se fait quelque chose, mais on ne sait pas quoi. Alors, on espère qu'on le saura bientôt. Il faut avoir de la patience.

Par rapport aux commissions scolaires, vous touchez un autre point. Je ne peux pas dire que nous avons... à brûle-pourpoint comme cela, il ne me vient rien à la mémoire, rien de concret, de précis. À moins que mon ami Marc en ait.

M. Beaudoin: En ce qui concerne certaines commissions scolaires de la région de Québec, entre autres, et quelques-unes de la région de Montréal, il y a une étroire collaboration avec l'Association des professeurs d'histoire locale. Je sais, entre autres, qu'à Montréal, malheureusement, la CECM n'a jamais voulu embarquer dans le projet, et, de ce côté-là, la CECM qui, souvent, jouait un rôle moteur dans l'éducation, ne le joue pas du tout. C'est malheureux.

Du côté des professeurs d'histoire locale, il y a un travail très dynamique qui se fait et qui permet à l'étudiant, dès les premières années du primaire, de se servir, à la fois de l'histoire locale, par le biais de documents d'archives et de tout cela; donc, faire vraiment comprendre à l'enfant que le patrimoine, ce n'est pas seulement des buildings, mais que ce sont ausi de vieux documents, de vieilles photos, que c'est aussi de la généalogie, c'est aussi apprendre à connaître le milieu dans lequel il vit et à l'apprécier.

Mme Lavoie-Roux: Je trouve intéressante votre remarque sur le fait que la CECM ne se montre pas très ouverte. Il reste que, quand même, ce genre de contact s'établit avec des professeurs d'histoire, j'imagine, ou les coordinateurs de l'enseignement de l'histoire dans les commissions scolaires. Je trouve étrange que vous n'ayez pu établir cette collaboration, parce que cela ne s'établit pas avec les administrateurs, à moins qu'il y ait...

M. Beaudoin: Évidemment, en tant que Fédération des sociétés d'histoire, on n'a pas eu à faire les contacts. C'est l'Association des professeurs d'histoire locale qui a fait les démarches auprès des différentes commissions scolaires. Je ne sais pas trop par quel biais ils ont procédé, mais le résultat est qu'à Montréal, malheureusement, la CECM n'a pas cru bon d'embarquer dans le projet.

Mme Lavoie-Roux: Mais dans les autres commissions scolaires, cela fonctionne?

M. Beaudoin: Dans plusieurs autres commissions scolaires cela fonctionne. Je ne sais pas si c'est une question de volume. Malheureusement, je n'ai pas de chiffres à l'appui, mais il semblerait que, dans les commissions scolaires moins urbanisées, ce soit plus facile.

Mme Lavoie-Roux: À la page 12, vous faites allusion au numéro 4, dans une énumération, vous faites des mises en garde. La première, c'est une mise en garde entre le patrimoine immobilier et le patrimoine mobilier. Et vous ajoutez: Autant la chose semble normale en ce qui concerne l'immobilier, autant on se méfierait de voir les villes s'occuper du mobilier, d'abord parce qu'elles n'ont pas d'expérience et ensuite parce qu'elles ne semblent pas adéquatement équipées du côté de l'histoire. Je prends cela tel que c'est écrit. De votre côté, vous demandez à qui il revient de s'occuper du patrimoine mobilier. Je demanderais peut-être au ministre comment il réagit à cette réflexion-là. Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples?

M. Dagneau: Pour Montréal et Québec, il y a des départements d'archives. Tout ce qui est mobilier se ramasse le plus souvent dans les archives, sinon dans les archives, du moins dans les musées. Cela va. Sans doute à Trois-Rivières et peut-être Sherbrooke, peut-être Chicoutimi, peut-être Rimouski, mais il y a une immensité de petites villes où tout ce qui s'appelle documents, tout ce qui s'appelle collection, tout ce qui s'appelle souvenirs, s'il faut laisser cela entre les mains des municipalités, il y aura certainement, à mon avis, une lacune, premièrement dans les connaissances, deuxièmement dans l'évaluation, troisièmement dans le choix des solutions. Voilà le problème que j'ai évoqué en laissant soigneusement aux autorités le soin de formuler des suggestions. À mon avis, c'est un aspect d'une question qui se pose en ce moment. C'est tout ce que j'ai voulu dire.

M. Beaudoin: Est-ce que je peux ajouter quelque chose?

M. Vaugeois: Je peux vous dire que j'aurai un mémoire au Conseil des ministres à ce sujet, dans un proche avenir.

Mme Lavoie-Roux: Alors, c'est une question qui semble pertinente.

M. Vaugeois: Cela devrait donner des résultats que vous pourrez apprécier à l'automne.

Le Président (M. Jolivet): M. Beaudoin, vous voulez intervenir sur la réponse?

M. Beaudoin: Je voulais ajouter quelque chose en tant qu'archiviste. Il existe malheureusement dans les municipalités, comme à beaucoup d'autres endroits, malgré la loi des municipalités qui les oblige à conserver leurs archives, un fort taux de manque d'intérêt face aux archives et face à la conservation du patrimoine de ce côté-là. Je pense que c'est assez symptomatique. Si les municipalités ont de la difficulté à conserver adéquatement les documents d'archives qui les concernent, qu'est-ce que cela va être avec le patrimoine immobilier?

Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question est: Dans cette même page, la page 12, vous faites allusion au fait que le public ou certaines personnes dans le public, les gens que la question des biens culturels intéresse, le fait que le ministère implique ou les modifications à la loi impliqueraient les municipalités, ceci est interprété comme étant possiblement une diminution que la Direction générale du patrimoine peut avoir avec le public. Sur quoi est fondée cette assertion, parce que c'est la première fois que je l'entends.

M. Dagneau: C'est fondé, madame, j'en ai donné l'exemple tout à l'heure, j'ai été complètement effaré d'entendre ce que j'ai entendu cet après-midi. Québec est la ville où il y a le plus de patrimoine, et on se demande quel est l'objectif. Je trouve qu'il ne faut absolument pas, à ce moment-là, qu'il y ait d'éloignement de la part du DGP par rapport à des municipalités.

Mme Lavoie-Roux: Vous aviez quand même écrit cela avant d'entendre la ville de Québec.

M. Dagneau: J'avais une certaine expérience.

M. Vaugeois: Disons que, dans les témoignages qu'on a reçus, il se manifeste une inquiétude assez générale vis-à-vis des municipalités. On considère qu'en général les municipalités ont mal assumé ce rôle de protection du patrimoine. Peut-être que, par le passé, ce fut vrai. Nous pensons qu'il y a un éveil suffisant et que cela nous justifie d'introduire — je le dis lentement pour être bien compris — les dispositions de l'article 49 qui sont fondées essentiellement sur la confiance que nous portons à des corporations municipales. (22 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie de votre mémoire.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais vous remercier, messieurs, de votre mémoire, qui nous apporte un éclairage nouveau. J'ai remarqué sur la question des consultations et documents civils, et ça m'a surpris, que vous me disiez qu'on vous pose des difficultés pour la consultation de ces documents, parce qu'il m'apparaît que ce sont des documents publics, et je ne vois pas pourquoi on pourrait vous empêcher, en vertu de quel principe on pourrait vous empêcher de les consulter.

M. Vaugeois: C'est une prescription de cent ans, actuellement.

M. Beaudoin: Prescription de cent ans sur tous les registres de l'état civil.

M. Fontaine: Oui? Ah bon! J'ai compris que le ministre avait l'intention de proposer des modifications à cet état de choses.

M. Vaugeois: C'est-à-dire que je trouve qu'on est plus exigeant que le Vatican, le Vatican parle de 90 ans. On a moins de choses à cacher, à mon avis.

Alors, le ministre de la Justice nous a déjà assurés que toute demande sérieuse était considérée. Encore faut-il faire la preuve qu'on est véritablement un chercheur et non pas un fureteur en mal de sensations ou de scandales.

M. Fontaine: Vous êtes revenu un peu à la question des poursuites individuelles et vous êtes même allé un peu plus loin en formulant l'idée de la création d'un fonds pour les frais judiciaires. À la suite des discussions que vous avez entendues tout à l'heure, est-ce que vous pourriez nous donner votre opinion sur ce sujet?

M. Dagneau: D'abord, l'idée n'est pas de moi, je l'ai tout simplement empruntée, tant au Conseil des monuments et sites du Québec qu'à la Société historique du Québec, où il en a été question. À ce moment-là, j'avais dit au jeune avocat qui exposait ce point de vue: En fait, à quelle sorte de fonds faut-il faire allusion pour qu'on sache si le gouvernement donne suite ou non à l'idée, si, par hasard, il décide de le faire? À ce moment-là, je dois avouer que je n'avais pas eu plus de renseignements, sauf que j'ai l'impression qu'il s'agit d'un fonds qui est assez semblable à celui — en tout cas s'il n'est pas semblable, il serait moindre, je ne crois pas qu'il puisse être plus considérable — qui, dit-on, est disponible en vertu de la Loi de la protection des consommateurs, pour protéger le consommateur qui a à se plaindre et qui veut prendre action en vertu de la Loi de la protection des consommateurs.

M. Fontaine: Le ministre a sûrement entendu ce que monsieur vient de dire au sujet du fonds qui pourrait être constitué en vue d'exercer des poursuites judiciaires, si la loi no 4 permettait de telles poursuites par des particuliers. Est-ce que le ministre a été sensible à ce témoignage?

M. Vaugeois: Comme je l'ai dit à un autre moment aujourd'hui, c'est le genre de chose qu'on évalue, mais vous-même, vous aviez des réticences tout à l'heure, et ces réticences entrent en ligne de compte dans notre étude générale des conséquence que pourrait avoir une telle ouverture. Pour l'instant, le ministre a des pouvoirs d'intervention assez grands, si sa réglementation ou celle des corporations municipales ou de corporations de comté n'est pas respectée, le citoyen peut toujours demander au ministre de le faire et le prier de le faire. Mais il ne peut pas effectivement le faire lui-même.

M. Fontaine: Je ne vous dis pas que je serais contre, mais, à première vue, j'aimerais vous faire part de mes appréhensions quant à l'utilisation de fonds publics pour défendre des intérêts privés. En tout cas, on pourrait discuter longtemps sur le sujet, mais j'aimerais que le ministre prenne toutes ces considérations en délibéré.

II y a une remarque que je voudrais vous faire. À la page 17 de votre mémoire, je pense que vous avez, au paragraphe c), quelque chose d'intéressant. Vous parlez de récompense, et on retouche ici fa sensibilisation qu'on veut faire vis-à-vis des municipalités. On nous dit: "Le succès des municipalités dans la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine ne devrait-il pas faire l'objet d'une distinction quelconque, voire même une récompense?" Je pense que cette recommandation serait peut-être un moyen d'inculquer aux municipalités cette idée de la protection du patrimoine. On la prend pour ce qu'elle vaut, mais je pense que cette remarque serait intéressante à mettre en application.

Il y a également l'article d), où vous parlez des banques de données. Je ne pense pas que cela existe actuellement, mais...

M. Dagneau: Là-dessus, si vous le permettez, M. le Président, je ferais une distinction. La banque de données, à mon avis, ce n'est pas une banque pour fournir un scénario de "pageant" ou, comme disent nos amis les Anglais, des "reenactments". Ce serait plutôt une banque pour fournir des idées. Ici, au Québec — c'est une opinion toute personnelle, mais je suis assez heureux de cela — on donne à nos festivals, à nos carnavals, une allure de réjouissance populaire assez ouverte. Mais encore faut-il que ce soit axé sur certaines légendes, sur certains faits historiques. Cela est important.

Autrement, lorsqu'on revient aux "reenactments", j'en ai vu un, pour ma part, où il y a eu énormément de dépenses faites en temps, en talent et en argent, et un petit détail infinitésimal peut rendre votre affaire à peu près ridicule, à cause d'un événement climatique que vous n'avez pas prévu.

Lorsque, au contraire, vous visez à la réjouissance populaire, le climat fait partie de la réjouissance. Froid ou chaud, c'est moins risqué, â mon avis.

M. Fontaine: Ce que vous proposez, en fait, c'est que votre organisme puisse posséder cette banque de données et la mettre au service de la population.

M. Dagneau: C'est entendu que nous pourrions y collaborer, mais il y a déjà une fédération québécoise du loisir littéraire qui fait une recherche, en ce moment, sur les légendes. Voici un aspect qui pourrait servir d'inspiration à des festivals, à des réjouissances populaires, dans certaines régions, parce que, à tel endroit, c'est telle légende, et à tel autre, c'est telle autre légende. On veut en faire une cueillette et rien n'empêche une région de changer sa légende avec celle d'une autre.

M. Fontaine: Mais cela pourrait être également un fait historique qu'on pourrait...

M. Dagneau: Cela peut être aussi un fait historique, c'est sûr.

M. Fontaine: Cette banque n'existe pas actuellement chez vous?

M. Dagneau: Pas à ma connaissance.

M. Fontaine: Cela regrouperait un peu l'idée de votre financement que vous avez évoquée tout à l'heure?

M. Dagneau: Oui, si on en a les moyens, on pourra peut-être travailler là-dessus; c'est sûr.

M. Fontaine: II y a deux autres aspects également que vous avez mentionnés aux pages 18 et 19, concernant les guides, les itinéraires et le tourisme culturel. En deuxième lecture, bien que je ne sois pas un spécialiste dans le domaine, je me rappelle avoir fait allusion à ce genre de choses. Je pense que vous touchez de bons points au point de vue touristique. Ce serait très intéressant d'avoir des itinéraires historiques. Il y en a déjà qui existent, mais on pourrait peut-être les multiplier.

M. Dagneau: II y en a déjà et c'est à développer. La vallée du Richelieu a fait pas mal déjà et c'est à développer. L'Institut de tourisme et d'hôtellerie fait une cueillette de recettes gastronomiques pour une régionalisation et il semble que ce soit très bien.

M. Beaudoin: D'ailleurs, il ne faudrait pas voir seulement des itinéraires historiques, mais aussi des itinéraires à la fois géographiques, morphologiques, même par systèmes de transport, qu'on utilise: le train, l'autoroute, ou simplement la route secondaire. Souvent, c'est intéressant, pas tellement pour le chauffeur, mais pour le passager, de pouvoir identifier ce qu'il voit. Ce serait aussi intéressant d'avoir des itinéraires dans ce sens-là.

M. Fontaine: Ce serait également intéressant que les sites soient identifiés.

M. Beaudoin: Évidemment. Souvent, il y a malheureusement des monuments historiques... Je me suis amusé, pas plus tard que dimanche dernier, à faire l'itinéraire jusqu'à Saint-Jean-Port-Joli et il y a malheureusement des monuments classés qu'on n'a pas réussi à retrouver. C'est malheureux, il n'y a pas à dire, c'est juste à côté.

M. Fontaine: Si on peut donner l'exemple de la visite que j'ai faite en Ontario, on ne manque pas une occasion de nous indiquer un site à visiter à tel endroit. Je pense que nous, au Québec, aurions intérêt à mettre un peu plus en valeur nos sites historiques.

M. Bertrand: Marquer nos sites. M. Fontaine: Oui.

M. Beaudoin: D'ailleurs, dans le cahier no 10 du patrimoine que M. le ministre soulignait à deux ou trois reprises avec fierté — je le reconnais,

d'ailleurs — il y aura peut-être là plus de détails précis indiquant exactement où cela se trouve.

M. Fontaine: Merci beaucoup, messieurs.

Le Président (M. Jolivet): S'il n'y a pas d'autres questions, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Est-ce que vous voyez un rôle spécifique, pour votre société ou pour votre fédération de sociétés, dans la préservation ou l'identification du patrimoine?

M. Dagneau: Premièrement, plutôt du côté de l'histoire et, secondairement, du côté du patrimoine. La raison est bien simple. C'est que, historiquement, nos sociétés qu'on a déjà qualifiées de vraiment historiques se sont occupées d'abord de cela, de l'histoire. Avec le temps, le patrimoine est devenu une chose non seulement reconnue mais je dirais même en vogue, ce qui n'est pas sans péril mais, enfin, il faut en profiter. Nos amis du Conseil des monuments et sites historiques s'occupent du patrimoine. Ils sont, pour la plupart, des spécialistes, des ingénieurs, des architectes, des avocats, et des choses comme cela. Alors, c'est une question de collaboration pour nous plutôt que d'aller essayer de faire double emploi avec eux, ce qui, à mon avis, n'arriverait pas. Nous perdrions notre temps.

M. Ciaccia: Dans le patrimoine local, dans vos sociétés locales, est-ce un rôle de mettre en valeur le patrimoine?

M. Dagneau: Une fois l'identification faite, il y a des projets, en ce moment, où une société pourrait exploiter une maison, par exemple, y avoir son local et, à l'aide des revenus de l'exploitation, pouvoir vivre au moins en partie. Il y a des projets qui sont déjà en marche, en ce moment. Il pourrait certainement y en avoir plus. Le rôle de la fédération, c'est d'être une agence de service à la disposition des sociétés locales pour les aider à trouver des points, comme cela, à en faire l'identification. Le patrimoine, cela couvre bien des choses. La maison d'un premier ministre fait partie du patrimoine; seulement il y a des premiers ministres depuis assez longtemps et, sur le plan historique — qu'est-ce que vous voulez? Le public n'attache pas la même importance — il faut quand même la garder parce que cela deviendra plus intéressant que ce ne l'est présentement.

M. Beaudoin: C'est sûr que les sociétés locales sont souvent impliquées dans des dossiers de défense de patrimoine immobilier. On peut penser facilement, dans la région de Montréal, à la Société de Boucherville, à la Société de Longueuil ou d'autres, même celles de Montréal ou de l'île Jésus qui ont aidé souvent à mettre en valeur certaines maisons qui risquaient tout simplement de passer sous le pic du démolisseur ou tout simplement d'être gâchées irrémédiablement. Je pense que cela fait partie, en fait, du rôle local d'une société. C'est un peu pour cela qu'on propose, dans notre mémoire, que les sociétés locales puissent participer un peu à l'animation dans la région pour expliquer ce qu'est le patrimoine et ce que cela apporte aux gens, dans la région, d'avoir un monument historique ou un site historique.

Il y a aussi l'aspect que les sociétés locales ont plus de chances d'avoir de l'influence auprès du conseil municipal parce que l'historien local fait souvent partie de la société. À l'occasion d'un centenaire, d'un bicentenaire ou d'un tricentenaire, c'est très intéressant pour la municipalité de faire appel à ces personnes.

M. Ciaccia: Croyez-vous que c'est un rôle que le ministre devrait confier à vos sociétés, à votre fédération, la mise en valeur du patrimoine local? Est-ce que le ministre ou le ministère utilise vos services?

M. Beaudoin: En fait, c'est un rôle qu'on trouverait logique. D'ailleurs, lorsqu'on a appuyé, dans notre mémoire, la proposition du Conseil des monuments et sites ainsi que de la Société historique de Québec, à savoir que les individus puissent agir, je pense que c'était un peu pour permettre cela, pouvoir entreprendre des démarches judiciaires pour empêcher qu'un propriétaire fasse un mauvais parti au patrimoine collectif. Je pense que c'est un peu le rôle des sociétés d'histoire locale d'avoir ce rôle de chien de garde. (23 heures)

M. Ciaccia: Mais dans le moment est-ce que...

M. Beaudoin: Dans le moment, plusieurs le font d'une façon plus ou moins...

M. Ciaccia: Mais pas d'une façon...

M. Beaudoin: ... selon leurs possibilités, leur retraite, etc.

M. Ciaccia: Est-ce que votre fédération inclut des sociétés autres que celles de langue française?

M. Beaudoin: Oui, nous en avons plusieurs dans les Cantons de l'est. Nous publions souvent même un article anglais dans notre revue.

M. Ciaccia: À titre d'information, est-ce que d'autres minorités qui font partie du Québec aussi...

M. Beaudoin: Non. C'est nouveau et c'est une chose qui m'intéresse.

M. Ciaccia: Dans l'avenir. Premièrement, c'est assez récent, la contribution de quelques-unes de ces minorités.

M. Beaudoin: Oui.

Le Président (M. Jolivet): Cela va?

M. Ciaccia: Cela va.

Le Président (M. Jolivet): II n'y a pas d'autres questions.

M. Dagneau: On pourrait commencer par la minorité irlandaise.

Le Président (M. Jolivet): Je remercie la Fédération des sociétés d'histoire d'être venue devant la commission. On vous libère. Il y avait un autre organisme qui devait se présenter et qui a fait parvenir un document qui vous a été distribué tout à l'heure et c'est le Conseil régional de la culture de Québec. Les gens ne se présenteront pas devant la commission, mais je pense qu'il serait de bon aloi de suggérer que ce document soit mis en annexe au journal des Débats. (voir annexe)

Une voix: Très bien.

Étude du projet de loi

Le Président (M. Jolivet): Nous en arrivons à l'étude article par article du projet de loi no 4.

M. Vaugeois: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Vaugeois:... je m'excuse, mais les gens de la fédération sont partis pendant que j'étais en conciliabule avec le député de L'Acadie qui me prépare une surprise à ce que je vois. Je ne voulais quand même pas laisser passer cette présentation sans les remerciements non seulement habituels, mais combien sincères et je tenais à féliciter le groupe qui vient de se faire entendre et je pense que j'ai au moins un collègue, le député de Papineau, qui peut comprendre l'effort que vous avez fourni puisque vous avez dit que vous aviez travaillé...

Une voix: Comme un nègre!

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais adjoindre mes remerciements à ceux du ministre. Je pense que votre mémoire était intéressant, en tout cas, pour moi en particulier, de devenir un peu plus familière avec votre fonctionnement, cela m'intéressait beaucoup.

Le Président (M. Jolivet): Maintenant, M. le ministre, vous aviez annoncé que vous aviez des amendements. M. le ministre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui, Mme le député.

Mme Lavoie-Roux: J'aurais une suggestion à faire au ministre. Je voudrais quand même faire cela pour qu'on ne perde pas de temps. M. le ministre a annoncé, il a même, pas prié, mais suggéré aux personnes qui ont présenté des mémoires de rester une heure de plus et qu'il leur ferait connaître certains amendements. Ce que je proposerais au ministre, c'est que s'il voulait déposer ces amendements, au lieu d'en discuter ce soir, cela nous donnerait le temps d'en prendre connais- sance. Il est 23 heures, la Chambre est ajournée. Nous pourrions ajourner après le dépôt des amendements du ministre. Maintenant, je sais qu'il est inquiet parce que je lui ai dit que j'avais des motions préliminaires et j'ai déjà vu le député de Vanier sursauter et dire: C'est le "filibuster" qui s'en vient. Je veux rassurer le ministre d'abord qu'il n'est pas question de "filibuster" à cette commission.

M. Bertrand: Pour d'autres commissions? Mme Lavoie-Roux: Pardon?

M. Ciaccia: Pour d'autres projets de loi à venir, oui, c'est possible.

M. Brassard: Municipal?

M. Ciaccia: Oui, c'est possible parce que les projets de loi ne sont pas...

Mme Lavoie-Roux: Je vais vous dire: Je suis seulement responsable de celui-ci et du projet de loi 9, et je peux vous annoncer qu'il n'y aura pas de "filibuster".

M. Brassard: M. le député de Mont-Royal est là uniquement pour...

M. Ciaccia: ... faciliter les travaux de la commission.

M. Bertrand: C'est le travail du député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je peux assurer M. le ministre que les motions préliminaires que je présenterai demain matin sont des motions tout à fait inoffensives auxquelles il va certainement donner son adhésion et même s'il les refusait, je n'en discuterai pas 20 minutes et mon collègue de Mont-Royal 20 minutes pour que cela fasse 40 minutes. J'aimerais bien qu'en retour...

M. Brassard: Vous parlez au nom de votre collègue de Mont-Royal, j'espère.

M. Ciaccia: Nous sommes solidaires.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais bien qu'en retour de cette bonne collaboration, une fois ses amendements déposés — parce qu'il ne faut pas qu'il oublie que je pourrais proposer une motion d'ajournement qui serait débattable et qui nous rendrait jusqu'à minuit... J'ai appris cela depuis que je suis à l'Assemblée nationale.

M. Ciaccia: On pourrait faire un amendement.

Une voix: On collaborerait avec vous.

M. Ciaccia: Je pourrais faire des amendements.

Mme Lavoie-Roux: Tout cela serait une perte de temps, alors, pour ne pas retarder les choses,

au lieu de passer par cette stratégie, je voudrais proposer au ministre qu'il dépose ses amendements, puisque cela peut intéresser les personnes qui ont présenté des mémoires. Il n'y a pas de piège là-dedans, M. le Président.

M. Vaugeois: Un piège, il faudrait qu'il soit bien gros pour que je tombe dedans.

Mme Lavoie-Roux: Je ne vous ferais pas cela.

M. Vaugeois: Je vais vous faire une proposition, moi aussi, par l'intermédiaire du président.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Vaugeois: Si elles sont prêtes, vos motions préliminaires, pourquoi ne pourrait-on pas en prendre connaissance maintenant? Vous m'intriguez d'abord, j'ai une curiosité quasi féminine et puisque j'ai cru comprendre que cela allait m'inviter à poser des gestes, j'aime autant les poser le plus rapidement possible.

Mme Lavoie-Roux: Je vais vous montrer ma bonne foi, M. le Président, par votre intermédiaire.

M. Bertrand: J'ai apporté des violons, M. le Président, cela commence à sentir la sérénade.

M. Vaugeois: On a un Stradivarius qui est classé.

Mme Lavoie-Roux: Je suis prête à déposer mes motions préliminaires à la condition que nous n'en discutions pas ce soir, parce que si tel était le cas, je prendrais le temps qu'il faut sur la première, jusqu'à minuit.

M. Vaugeois: Qu'arrivera-t-il si on les accepte toutes dans l'ordre, s'il n'y a pas de discussion?

Mme Lavoie-Roux: II n'y aura pas de discussion, ce sera très simple.

M. Vaugeois: Essayez donc, pour voir.

Mme Lavoie-Roux: Mais demain matin, je me réserve le droit... Mais il faudrait que je demande au président, je ne veux pas perdre le droit de discuter de mes motions demain matin.

M. Vaugeois: On peut vous jouer le tour de les accepter, vos motions.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, vous savez, je ne suis pas très familière avec ce genre de...

Le Président (M. Jolivet): Si vous présentez des motions préliminaires et que les motions sont acceptées, peut-être que cela vous empêchera de faire des discours de 20 minutes, comme vous le disiez tout à l'heure.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

Le Président (M. Jolivet): À ce moment, cela vous donnera la possibilité...

Mme Lavoie-Roux: Ce que je ferais...

M. Fontaine: Je pense que si on dépose une motion, il faut savoir si la première est acceptée, et si elle n'est pas acceptée, il faut la discuter.

On ne peut pas déposer une série de motions ensemble.

Mme Lavoie-Roux: Les amendements sont pour tout le projet de loi.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, une par une.

M. Bertrand: On peut attendre article par article parce qu'on appelle d'abord l'article 1.

Mme Lavoie-Roux: Quant à moi c'était pour... M. Bertrand: Nous aussi. M. Vaugeois: On va se montrer bons joueurs. M. Bertrand: Mettons nos affaires sur la table.

M. Vaugeois: Essayez votre première motion, puis on va voir.

M. Alfred: Cartes sur table.

Mme Lavoie-Roux: Je ne suis pas sûre si je ne préfère pas, à ce moment, compte tenu de toutes ces restrictions, discuter d'une motion d'ajournement.

M. Bertrand: Mais non, ne vous laissez pas restreindre par le président.

M. Vaugeois: Vous ne risquez rien à présenter la première, si elle est acceptée, allez à la deuxième, si elle est acceptée, vous irez à la troisième, si elle est acceptée vous irez à la quatrième et je m'excuserai de ne pas vous avoir donné l'occasion de parler longuement.

M. Ciaccia: M. le Président, sur le même sujet, si vous me permettez, une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): Question de règlement.

M. Ciaccia: Le but de l'intervention, je crois, du député de L'Acadie, c'est d'essayer de faciliter les travaux...

Mme Lavoie-Roux: C'est vrai. M. Ciaccia: ... les discussions. M. Bertrand: Moi, je n'en doutais pas.

M. Ciaccia: Je voudrais appuyer les propos du député de L'Acadie.

M. Vaugeois: Et les miens.

M. Ciaccia: Les vôtres, je ne sais pas exactement. Je vais commencer par appuyer ceux de mon collègue. Si on pouvait avoir ce soir les amendements... Premièrement si vous voulez déposer...

M. Vaugeois: Oui, vous allez les avoir.

M. Ciaccia: Cela permettrait aux gens à qui vous avez demandé de rester... Si on pouvait ajourner à ce moment pour avoir l'occasion d'examiner les amendements. Je pourrais vous assurer de notre entière collaboration, dès demain, après, et je pourrais vous assurer qu'on ne ferait pas... Quant à moi, ce n'est pas une question de faire des motions dilatoires et de prendre le temps de la commission, nous sommes aussi intéressés que vous à terminer les travaux aussi vite que possible, compte tenu de l'étude des articles de ce projet de loi.

M. Vaugeois: M. le Président, je suis tout à fait d'accord pour déposer les amendements. Je vais vous déposer les amendements au complet; je vais prendre deux ou trois minutes pour vous les présenter, parce que, souvent, il y a plusieurs amendements pour la même correction, si vous voulez...

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Vaugeois: Cela va vous aider peut-être à les situer. Si vous voulez faire vos motions préliminaires ou en faire une ou deux, j'en devine un peu la nature et je pense que nous pourrions peut-être déjà donner des suites. Déjà, vous m'avez annoncé votre quatrième et je suis tout à fait disposé à y donner suite, si c'est celle que je pense, sauf qu'il faut organiser les choses.

Mme Lavoie-Roux: Allez-y, M. le ministre, et après on suivra.

M. Vaugeois: Moi, je vous fais confiance à ce point.

M. Ciaccia: On va être ici jusqu'à minuit.

Mme Lavoie-Roux: Je ne vois pas pourquoi vous vous méfieriez de toute façon.

Je ne suis pas sûre qu'on soit tout à fait selon les règlements, mais on va s'accommoder de cela.

Le Président (M. Jolivet): Pourvu qu'au bout de la course...

Mme Lavoie-Roux: N'oubliez pas qu'on n'a pas fait notre motion d'ajournement, c'est là qu'est le premier geste de conciliation, M. le député...

Le Président (M. Jolivet): Pourvu qu'au bout de la course on s'entende sur l'ensemble.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Ciaccia: Le but de l'exercice n'était pas de faire adopter toutes nos motions avant minuit. Le but de l'exercice, c'est de partir maintenant. S'il faut commencer à parler des motions, je retire ma coopération et je vais prendre le temps voulu sur chaque motion.

Mme Lavoie-Roux: Faites bien attention. M. Ciaccia: Je veux aller me coucher.

M. Bertrand: Tout le monde a bien compris que le ministre voulait seulement prendre trois minutes pour présenter ses amendements.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Bertrand: II a été assez gentil pour les déposer, il faudrait lui donner au moins trois minutes pour en parler.

M. Vaugeois: Vous me permettez, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Oui, allez-y.

Amendements présentés par le ministre

M. Vaugeois: Tout le monde a le document?

Je m'aperçois que dans la dernière présentation... Cela a été refait très précipitamment cet après-midi, parce que dans une première version, il y avait un certain nombre d'explications et d'options. Il faut comprendre, à la page 1 pour article 1, et ensuite article 5 de l'article 1, si vous voulez. Alors, vous êtes à la première page et je vous distribue celui-là. L'article 5 de l'article 1 — si vous me permettez de m'exprimer ainsi — au troisième alinéa dit: "Le renouvellement du mandat des autres membres de la commission ne peut avoir lieu qu'une seule fois, sauf si l'un deux est nommé président ou vice-président." Vous voyez déjà le ton de certains amendements. Régulièrement, nous précisons des choses parce que la question peut se poser. Nous voulons un projet de loi qui parle par lui-même et qui ne soit pas hermétique et réservé à la seule compréhension des spécialistes.

À l'article 7...

Une voix: De l'article 1.

M. Vaugeois: Oui. À l'article 7 de l'article 1, le mandat du président et du vice-président est une fonction à temps plein. C'est une rédaction différente pour dire à peu près la même chose.

L'amendement à 7-1 est très important. Vous noterez que les fonctions qui sont attribuées au comité qui est prévu dans la loi, un comité de trois personnes dont deux sont des membres réguliers de la commission, vont concerner dorénavant non pas les articles 31, 32, 35, 48, 49, 50, 51, mais les articles 31, 32, 35, 48 et le premier alinéa de l'article 50. Le deuxième alinéa de l'article 50 redevient la responsabilité de la Commission des

biens culturels de même que les articles 49 et 51. Donc, on a diminué les responsabilités de ce comité un peu dans l'esprit de plusieurs remarques qui nous ont été faites dans des mémoires.

M. Fontaine: Deux de ces personnes sont choisies parmi les président et vice-présidents.

M. Vaugeois: Oui.

M. Fontaine: Cela veut dire qu'automatiquement le président et "le" vice-président font partie de...

M. Vaugeois: II y a deux vice-présidents. M. Fontaine: D'accord.

M. Vaugeois: L'article 7f est également intéressant parce que nous ajoutons au texte qui était déjà là la phrase suivante: "La commission peut recevoir et entendre les requêtes et suggestions des individus et des groupes sur toute question visée par la présente loi." Ce qui ouvre la porte à des audiences publiques et ce qui va nous permettre, dans nos règlements, de prévoir même des heures de réunion en dehors des heures ouvrables. Je pense que, par cette seule phrase, on donne satisfaction à plusieurs remarques qui nous ont été faites.

L'article 7i: c'est plutôt une question de rédaction nouvelle. J'avais tiqué un peu sur le dernier paragraphe qui disait: "... ceux prévus au paragraphe a) du premier alinéa entrent en vigueur lors de cette approbation et ceux prévus au paragraphe b) du premier alinéa entrent en vigueur à la date de leur publication." Les juristes ont l'habitude d'utiliser les termes "alinéa" et "paragraphe" dans le sens contraire de la langue française. C'est mon point de vue. J'ai voulu éviter cette ambiguïté. Cela a donné lieu à une nouvelle rédaction et, en même temps, vous remarquerez qu'au lieu de pourvoir à l'organisation interne de sa régie interne, la commission peut, par règlement, pourvoir à sa régie interne comme telle. (23 h 15)

L'article 3 du projet de loi, et cela est très important, cela va revenir un peu partout... Le mot "signifié", d'après les interprétations légales — c'est le Code de procédure civile? — d'après le Code de procédure civile, quand on utilise le terme "signifié", cela veut dire par huissier. C'est ce que j'évoquais aujourd'hui. On a regardé cela sous tous ses angles et nous remplaçons partout dans la loi le mot "signifié" par le mot "adressé" et le mot "signification" par le mot "transmission", ce qui va nous permettre de signifier — je m'excuse, dans mon vocabulaire à moi — soit par courrier recommandé, soit idéalement, et nous le ferons chaque fois que ce sera possible, par la démarche d'un fonctionnaire de la direction du patrimoine ou d'un bureau régional qui va aller porter l'avis d'intention ou l'avis de classement et qui va en profiter pour expliquer au propriétaire de quoi il s'agit. De toute façon, on invite les gens qui reçoivent cet avis à communiquer avec quel- qu'un au ministère et, finalement, puisqu'ils communiquent toujours, aussi bien faire la démarche nous-mêmes, aller porter cet avis et fournir des explications aux gens. Je pense qu'on leur doit cela. S'ils ont le droit de savoir exactement ce que signifient ces documents, il me semble que c'est plus sympathique que d'avoir... je n'ai rien contre les huissiers, mais...

M. Ciaccia: Que vous disiez la correction à ces...

Mme Lavoie-Roux: Ne pose pas de question...

M. Vaugeois: On me signale que vous allez voir à un endroit que le mot signifié demeure. Si le ministre utilise son droit de préemption, à ce moment-là, "ma" décision de me prévaloir de ce droit sera signifiée. C'est le seul cas où le mot va demeurer.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Vaugeois: Oui, la décision du ministre de se prévaloir du droit de préemption. Ce n'était pas bien ce que j'ai dit?

M. Fontaine: Vous avez dit "ma décision ". C'est possible que vous ne soyez pas toujours là.

M. Vaugeois: C'est cela. Je le sais bien et je fais attention à cela d'habitude.

Mme Lavoie-Roux: II a de grands espoirs.

M. Vaugeois: Bien non, voyons donc! L'article 6...

Mme Lavoie-Roux: Je vous ai insulté, M. le ministre?

M. Vaugeois: Vous ne m'insultez pas, vous me faites plaisir. Je suis un gars qui vit essentiellement d'espoir et d'optimisme d'ailleurs. Je crois, par exemple, à l'indépendance du Québec.

Mme Lavoie-Roux: On devrait peut-être faire un débat jusqu'à minuit.

M. Bertrand: Jusqu'à minuit là-dessus. Une voix: Consentement.

M. Vaugeois: L'article 6 qui modifie l'ancien article 21 de la vraie loi, c'est-à-dire la Loi sur les biens culturels, c'est une remarque qui va revenir régulièrement aussi... Nous ajoutons à la fin du texte qui est là, "et dans le cas d'un immeuble en transmettre copie au greffier ou secrétaire-trésorier de la municipalité où il est situé." C'était presque toujours ajouté. On ne l'avait pas ajouté, parce que là c'était la personne qui devenait propriétaire. On n'avait pas pensé à l'inviter, elle, à avertir le greffier ou le secrétaire-trésorier. Nous l'avons ajouté pour être certains de n'avoir oublié personne.

L'article 9...

Mme Lavoie-Roux: C'est la même chose.

M. Vaugeois: C'est la même chose, les mots "signifié", "transmission"... L'article 10, la même chose.

Mme Lavoie-Roux: L'article 11...

M. Vaugeois: C'est la même chose.

Mme Lavoie-Roux: Cela va bien, article 12.

M. Vaugeois: L'article 12, oui, je me trompe tout le temps.

M. Fontaine: Article 31.

M. Vaugeois: L'article 12 pour 31, c'est cela. Voyez-vous, c'est l'autre genre de correction à laquelle je référais au début, où on cherche à clarifier. Avec un lecture de profane comme celle que je suis capable de faire, je lisais: "Nonobstant toute autorisation conférée par une loi de la Législature aucun bien classé, à l'exclusion d'un site historique "... On a l'air de dire que pour les sites historiques, il n'y a pas de problème, alors que l'idée de la loi c'est que les sites historiques fassent l'objet d'une section spéciale.

Alors, nous l'avons écrit. C'est le genre de correction que j'ai demandé moi-même, parce que, n'étant pas spécialiste, j'aime bien défendre des projets de loi que je suis capable de comprendre à la première lecture.

M. Bertrand: Comme cela, on pourra se passer d'avocats comme députés.

M. Vaugeois: Oui, c'est notre objectif. M. Fontaine: C'est une grave erreur.

Mme Lavoie-Roux: On pourra se passer de quoi? Ah oui.

M. Vaugeois: Écoutez, moi, je suis obligé, je suis tiraillé parce que j'ai...

M. Bertrand: Excusez, je voudrais m'excuser auprès du député de Nicolet-Yamaska...

Mme Lavoie-Roux: Le député de Mont-Royal.

M. Bertrand: Je ne voulais pas user d'un langage antiparlementaire.

M. Vaugeois: Et moi, je vais être obligé de m'excuser vis-à-vis des légistes qui ont préparé ce projet de loi, parce qu'il est exceptionnel.

Une voix: II n'y a pas de consentement à donner.

M. Fontaine: Cela ne vaut même pas la peine de répondre à cela!

M. Vaugeois: L'article 14 qui corrige l'article 38, cela reprend cette histoire de fouilles et de relevés qui embêtait bien du monde et qui, moi aussi, m'avait attrapé à la première lecture. On y lit: "Lorsqu'il s'agit de relevés sur un terrain autre qu'une terre publique, que le consentement écrit du propriétaire n'est pas requis." On avait l'air d'avoir deux poids, deux mesures. Quand c'était pour les terres publiques, on avait des exigences et on n'en avait plus pour les résidences privées. Là, on l'a rédigé autrement, et je pense que cela devient clair.

L'article 20. Pour 51d. Vous allez trouver cela très bon! C'est vrai que c'est bon. Je vais le lire pour que cela soit compréhensible.

Mme Lavoie-Roux: Pour que ce soit encore meilleur.

M. Vaugeois: Vous allez le trouver encore meilleur. Le ministre peut, après avoir pris l'avis de la commission, contribuer à l'entretien, à la restauration, à la transformation — le député de Mont-Royal va être fier de cela — ou au transport d'un bien culturel classé ou d'un bien situé dans un arrondissement historique ou naturel, dans un site historique ou archéologique classé ou dans une aire de protection, ainsi qu'à la reconstitution d'un édifice sur un immeuble classé — immeuble référant, à ce moment-là, au terrain — et là on a ajouté — et détenir sur les biens faisant l'objet d'une contribution toute charge, droit réel ou hypothécaire qu'il juge approprié. Ce qui va permettre au ministre d'être un peu plus généreux ou un peu plus à l'aise pour contribuer financièrement, puisqu'il va pouvoir assortir sa contribution financière de ce qu'on appelle vulgairement un lien hypothécaire, de telle façon que si le propriétaire veut aliéner son bien après avoir profité d'une contribution du ministre...

Des voix: Ah! Ah!

M. Vaugeois: On s'expliquera là-dessus demain, je pensais que vous seriez fiers de cela!

M. Ciaccia: Non, je ne suis pas fier de cela. Je vous expliquerai demain pourquoi je ne suis pas fier de cela. Cela l'empêche d'hypothéquer pour d'autres raisons, vous venez juste d'ajouter aux dommages que le propriétaire a subis.

M. Vaugeois: Vous voulez qu'on contribue...

Mme Lavoie-Roux: Non, non! Demain, demain!

M. Ciaccia: Demain.

M. Vaugeois: Vous voulez qu'on contribue... Je trouve cela extraordinaire, parce que je pensais lui faire plaisir. Aujourd'hui, il a parlé longuement sur la limitation du droit de propriété. On est conscient de cela. On dit qu'on va pouvoir compenser pour les exigences qu'on pose, sauf que cela ne peut pas être l'occasion, pour un proprié-

taire, de profiter des derniers publics pour ajouter une plus-value qui lui permettrait de spéculer le lendemain sur un immeuble auquel on aurait contribué au niveau de la restauration. C'est simplement une protection!

M. Ciaccia: On n'ira pas sur le fond, on va s'en reparler demain.

M. Vaugeois: Je suis certain qu'avec quelques explications le député de Mont-Royal va me féliciter! En tout cas, vous aurez la nuit pour vous préparer.

L'article 21. Il y a 53f, ce sont de petites fautes — il ne faut pas dire cela — mais on améliore le français avec "d'un site historique" ou "d'une aire de protection" et dans le paragraphe suivant, pour 53 toujours, on corrige l'ancien texte avec les mots "préparé" et "adopté". Il y avait eu une curieuse rédaction.

M. Bertrand: Cette loi est un bien culturel!

M. Vaugeois: C'est génial!

L'article 23 du projet de loi est modifié par l'addition dans la sixième ligne du premier alinéa, après les chiffres 31, 48 ou 50, des mots suivants: "Ou par une corporation municipale ou corporation de comté, ou une communauté urbaine ou régionale, en vertu de l'article 49 ou 50.

M. Fontaine: C'est bien, c'est bien.

M. Vaugeois: C'est important. C'est en référence à l'article 49, qui prendra charge des ententes avec les municipalités.

C'est une précision au niveau de la rédaction pour bien montrer que les pouvoirs du ministre s'appliquent aussi pour le respect de la réglementation des corporations.

L'article 27 du projet de loi, qui vous était soumis, a été soustrait...

M. Alfred: Annulé.

Mme Lavoie-Roux: ... amendement.

M. Vaugeois: II a été retiré parce que nous considérons que les membres de la commission qui seront à temps plein ne seront pas nécessairement des fonctionnaires, qu'il n'y aura pas lieu de les obliger à contribuer à un régime de retraite.

Mme Lavoie-Roux: Un amendement annulé. Il y en a toujours, mais je ne vois pas...

Une voix: II a été retiré.

M. Bertrand: ... motions préliminaires.

M. Alfred: Des motions préliminaires, il n'y en a plus.

Mme Lavoie-Roux: Ah oui, il y en a toujours. Là, je vais marchander. On ne va pas plus loin que 23 h 30, sans cela on va s'être fait jouer.

Motions de l'Opposition

M. le Président, la première motion, si vous me permettez de la lire, je ne vous ferez même pas de préambule. Je pourrais prendre dix-neuf minutes pour le préambule et une minute pour la motion. "Que cette commission invite le ministre des Affaires culturelles à distribuer, avant le début — c'est fort approprié — de l'étude article par article du projet de loi no 4, aux membres et intervenants de cette commission, le projet de loi ou document de travail concernant les modifications à la Loi sur les biens culturels remis au ministre des Affaires culturelles par la Commission des biens culturels."

M. Vaugeois: Voulez-vous répéter?

Mme Lavoie-Roux: Je vais aller vous chercher cela ici. Bien oui, distribuez-la, on travaille toujours bien nous autres.

M. Vaugeois: Relisez-le moi.

Mme Lavoie-Roux: "Que cette commission invite le ministre des Affaires culturelles à distribuer, avant le début de l'étude article par article du projet de loi no 4, aux membres et intervenants de cette commission, le projet de loi ou document de travail concernant les modifications à la Loi sur les biens culturels remis au ministre des Affaires culturelles par la Commission des biens culturels".

M. Vaugeois: Écoutez, madame, est-ce qu'on peut faire cela pour demain matin? J'espère, d'ailleurs, que vous vous en servirez et surtout le député de Mont-Royal.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes d'accord?

M. Vaugeois: Je comprends. Vous en ferez votre profit, j'espère.

M. Alfred: Adopté.

M. Vaugeois: J'espère surtout que le député de Mont-Royal le lira attentivement.

M. Ciaccia: Si vous me laissez partir, je serai en meilleure mesure de pouvoir lire demain matin.

M. Alfred: Adopté. Adopté.

Le Président (M. Jolivet): Pour les besoins du journal des Débats, je reçois la motion et je la considère comme adoptée.

M. Vaugeois: Très bien.

Mme Lavoie-Roux: Bon. M. le Président, je voudrais faire motion que cette commission invite le ministre des Affaires culturelles à distribuer — je vous ai dit que c'étaient des motions inoffensives — avant le début de l'étude article par article du projet de loi no 4, aux membres et intervenants de cette commission, le rapport du comité ministé-

riel spécial chargé de préciser concrètement les interventions souhaitables des divers ministères à l'égard de l'île d'Orléans et de formuler des propositions en matière d'aménagement du territoire pour les municipalités concernées.

M. Vaugeois: Je vais la relire aussi. "Que cette commission invite le ministre des Affaires culturelles à distribuer, avant le début de l'étude article par article du projet de loi no 4, aux membres et intervenants de cette commission, le rapport du comité ministériel spécial chargé de préciser concrètement les interventions souhaitables des divers ministères à l'égard de l'île d'Orléans et de formuler des propositions en matière d'aménagement...

Une voix: Le rapport...

M. Vaugeois: Le rapport chargé: 1) de préciser et 2) de formuler des propositions. Là, je vais vous dire ce qui en est.

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant, pour les besoins du journal des Débats, je vous arrête. La motion est reçue. Maintenant...

Une voix: Débattons-la.

M. Vaugeois: Non, on ne la débattra pas. Il faut quand même savoir de quoi on parle. Il y a eu un mandat de donné au ministre des Affaires culturelles de présider un comité spécial et ce comité n'a pas encore eu de réunion formelle, il avait deux mois pour préparer des documents sectoriels. Il n'y a pas à ce moment-ci de rapport d'un comité spécial. Il y a un comité de formé. Ce que je pourrais vous donner, c'est le mandat du comité spécial. Cela tient en quelques lignes, mais il n'y a pas encore de rapport, le comité ne s'étant pas encore réuni on est à la cueillette des rapports des ministères sectoriels.

Mme Lavoie-Roux: Le ministre peut-il nous dire quand ce comité a été formé?

M. Vaugeois: Oui, cela fait à peu près deux mois.

Mme Lavoie-Roux: Alors il ne s'est pas réuni. C'était seulement une lettre d'apaisement aux gens de l'île d'Orléans.

M. Vaugeois: Bien non. Que voulez-vous dire par une lettre d'apaisement?

Mme Lavoie-Roux: C'est une lettre que j'ai ici, signée par M. Tardif.

M. Fontaine: M. le Président, est-ce qu'on débat la motion présentement?

Le Président (M. Jolivet): Oui.

Mme Lavoie-Roux: On avait dit qu'on n'entrait pas dans le débat ce soir.

M. Bertrand: Alors, laissons-la en suspens.

Mme Lavoie-Roux: Si vous ne l'acceptez pas telle quelle on va la laisser en suspens.

M. Vaugeois: Non, mais moi je vous dis... Écoutez, je ne peux pas...

M. Ciaccia: C'est un esprit de coopération. Nous, on aurait pu, M. le Président...

M. Brassard: D'une part, vous prenez connaissance des amendements et d'autre part vous prenez connaissance des motions.

Le Président (M. Jolivet): Seulement un instant, s'il vous plaît!

M. Brassard: Bien, c'est cela l'entente.

Une voix: Cela va bien là.

Le Président (M. Jolivet): Cela allait bien là.

Mme Lavoie-Roux: Non, non, on a dit que dès que cela bloquerait on ne continuerait pas les motions.

M. Brassard: On prenait connaissance des amendements et on prenait connaissance des motions.

Mme Lavoie-Roux: Non, non.

Une voix: Non, non. Ce n'était pas cela, l'entente.

Mme Lavoie-Roux: Non, on ne peut pas le faire du point de vue de la procédure.

M. Brassard: On prend connaissance des motions.

Le Président (M. Jolivet): Le problème qu'on a au niveau des amendements, c'est que le ministre peut déposer des amendements, donner les explications générales dans le projet de loi et au niveau des motions, il faut les débattre une par une.

Mme Lavoie-Roux: II faut les débattre.

Le Président (M. Jolivet): J'ai cru comprendre que tant et aussi longtemps qu'il n'y avait pas de difficulté on continuait.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela! (23 h 30)

Le Président (M. Jolivet): Et je ne pense pas...

Mme Lavoie-Roux: C'est vraiment l'interprétation que j'avais comprise.

M. Bertrand: Pourquoi n'avez-vous pas présenté les deux autres avant?

Mme Lavoie-Roux: Je les ai prises comme...

M. Ciaccia: C'est dans cet esprit là que lorsque les amendements ont été déposés il y a en quelques-uns auxquels vraiment on pourrait s'opposer...

M. Vaugeois: Si je comprends bien, au fond, ce que vous me demandez, vous ne le voulez pas.

M. Ciaccia: II y en a quelques-uns dont on pourrait s'opposer à la recevabilité.

M. Vaugeois: Si vous me demandez cela, juste avant de commencer l'étude article par article, moi, je vais refuser parce que je veux commencer l'étude article par article. Écoutez, mes poches ne sont pas bourrées de documents, moi.

Une voix: La motion est déposée.

M. Ciaccia: Oui, mais on a des demandes...

M. Vaugeois: Je ne peux pas, si vous me demandez cela au moment de commencer l'étude du projet de loi article par article, vous sortir le document de ma poche.

M. Fontaine: Ils peuvent la retirer. Mme Lavoie-Roux: Non, M. le ministre... M. Fontaine: Ils peuvent la retirer.

M. Vaugeois: Les voulez-vous les rapports que vous demandez ou si ne vous les voulez pas?

Demandez-les si vous les voulez. Je vais vous donner tout ce que j'ai.

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre... M. Grégoire: On n'a rien à cacher. M. Alfred: Rien à cacher.

M. Vaugeois: Si vous voulez même travailler au ministère, venez demain matin. J'ai du travail en masse, on manque de monde.

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, ne vous emportez point.

M. Vaugeois: Je n'ai pas promis un salaire, j'ai promis de l'ouvrage.

Mme Lavoie-Roux: Non, ce qui arrive, c'est que quand la motion est acceptée, on accepte un certain délai pour la remise de documents. Alors, ne vous inquiétez pas.

M. Vaugeois: Ce n'est pas cela que ça dit. Cela dit "avant".

M. Bertrand: C'est une formule de style.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je propose l'ajournement à demain matin.

M. Bertrand: Très bien. M. Alfred: Adopté. (Fin de la séance à 23 h 32)

ANNEXE Mémoire du Conseil régional de la culture de Québec

Québec, le 10 mai 1978

Monsieur Denis Vaugeois, Ministre des Affaires culturelles, 955, chemin Ste-Foy, Québec, Que.

Monsieur le ministre,

Le Conseil régional de la culture de Québec a étudié avec intérêt le projet de loi 4 amendant la Loi des biens culturels.

Le CRCQ a jugé bon de se prononcer sur quelques volets de ce projet de loi, notamment sur la participation des paliers locaux de décision à l'application des règlements, sur la Commission des biens culturels et sur quelques autres points plus particuliers.

Participation des paliers locaux

Le projet de loi 4 procède d'un désir d'impliquer davantage les citoyens dans la préservation du patrimoine et de ne plus laisser cette responsabilité à la discrétion du ministre seul. Il s'agit là d'un souci que nous partageons tous et nous ne pouvons donc que nous réjouir de l'esprit de ce projet de loi.

Il est en effet de la plus grande importance que la préservation du patrimoine québécois se fasse en impliquant le plus possible de citoyens et de groupes.

Nous nous réjouissons comme beaucoup d'autres de l'intérêt sans précédent qui se manifeste autour du patrimoine québécois et nous appuyons votre intention "de poser et de raffiner les bases législatives et réglementaires requises sur lesquelles pourront s'appuyer les efforts des citoyens et des groupes de citoyens"

Cependant, à notre avis, cela ne doit pas et ne peut pas se faire par un simple transfert de responsabilités administratives d'un palier de gouvernement à un autre.

D'abord, parce que les administrations locales n'ont pas toujours les moyens et les effectifs pour assurer la préservation du patrimoine; ou encore, parce que, trop souvent malheureusement, elles n'ont pas la volonté politique de le faire; enfin, parce que l'adoption d'un règlement au niveau local n'est pas, à elle seule, une garantie de son application.

La décentralisation visée par le projet de loi 4 ne doit pas faire oublier la responsabilité première du gouvernement québécois en matière de préservation du patrimoine. Il ne faudrait pas qu'elle corresponde à un désistement du gouvernement central du Québec face à des pouvoirs locaux qui, parfois et dans certains cas trop souvent, ont fait preuve d'une négligence déplorable envers notre patrimoine collectif.

Il n'est pas inutile de rappeler que l'intérêt qui se manifeste pour la préservation du patrimoine n'est pas venu, sauf exception, des pouvoirs locaux mais bien plutôt du travail d'individus et de groupes qui ont tenté de pallier à un certain désintéressement de leurs administrateurs.

S'il y avait décentralisation, tel que suggéré dans le projet de loi 4, il faudrait à notre avis: — donner aux citoyens et aux groupes le pouvoir d'intervenir pour faire appliquer la loi et les règlements locaux reconnus par le ministre; — assurer au ministre des Affaires culturelles un rôle de tribunal d'appel de décisions qui pourraient être prises par ses fonctionnaires ou par des fonctionnaires des pouvoirs locaux; — s'assurer que les amendements nécessaires soient apportés au Code municipal, à la Loi des cités et villes et aux diverses chartes municipales afin que l'adoption et l'application des règlements locaux reconnus par le ministre se fassent vraiment publiquement (par exemple, que les conseils de ville et les commissions d'urbanisme publient ordres du jour et procès-verbaux, et siègent publiquement à des heures non-ouvrables, ce qui n'est pas le cas à Québec). — et veiller à ce que toute concertation utile soit faite au niveau des différents ministères impliqués, notamment le ministère des Affaires municipales et le ministère des Affaires culturelles.

De quelques points particuliers

On devrait incorporer à l'article 31 comme à l'article 48 le concept de "démolition par négligence' . Une grande partie de la dilapidation de notre patrimoine immobilier se fait davantage par "démolition, par négligence ou abandon " que par destruction systématique et illégale. Or, il était

toujours difficile d'intervenir dans ces cas car la loi actuelle ne le permettait pas. Il serait donc important d'incorporer à la Loi ce concept reconnu depuis longtemps par des cours américaines. Nous suggérons de plus que l'article 49 soit reformulé de façon plus ferme.

On devrait notamment: — exiger que, dorénavant, les municipalités soumettent le règlement qu'elles désirent voir reconnu par le ministre, avant son adoption et non pas après. Ceci, afin d'éviter de nombreux conflits tant entre le MAC et les municipalités qu'entre les administrés et les municipalités ou le MAC; — prévoir que, lorsqu'un règlement lui est soumis pour approbation, le ministre doit faire connaître sa décision dans un délai précis (30 jours, par exemple); — prévoir pour les municipalités qui n'ont pas de règlement reconnu par le ministre mais qui ont un arrondissement historique, un site historique classé et une aire de protection, l'obligation d'indiquer clairement sur les permis qu'elles émettent la nécessité d'obtenir un permis du MAC; — prévoir des recours et le droit pour quiconque de contester auprès du ministre une décision rendue.

Enfin, il serait sans doute opportun de rappeler en complément de l'article 57 le droit à l'injonction pour faire cesser des travaux et de prévoir que tout individu ou tout groupe peut s'adresser à la Cour supérieure pour obtenir une telle injonction.

Il faudrait aussi prévoir à cet article que tout individu ou tout groupe peut s'adresser à la Cour supérieure, et non seulement le ministre.

Rappelons que ce droit existe déjà ailleurs, qu'il est question de l'incorporer à la Loi sur l'environnement et que le même esprit d'implication des citoyens et de préservation véritable devrait prévaloir dans ces deux lois.

La commission des biens culturels

On semble avoir décidé de conserver la Commission des biens culturels et de lui donner les moyens de fonctionner plus efficacement. Si l'on écarte de prime abord l'idée d'une Régie du patrimoine, cette solution peut être heureuse. Cependant, il est important que la Commission tienne des audiences publiques dans tous les cas où ses décisions peuvent affecter des groupes ou des catégories d'individus ou lorsque, à son avis, l'intérêt public l'exige. De plus, les audiences publiques devraient constituer la règle et non l'exception.

La Commission devrait permettre à tous les citoyens d'assister à ses audiences et, s'ils le désirent, de faire connaître leurs points de vue par les moyens et les procédures les plus simples. Dans tous les cas où ses décisions sont susceptibles d'affecter les droits des tiers, elle devrait être tenue de les aviser préalablement et de les inviter à assister à l'audition et, éventuellement, à intervenir. Lorsqu'elle tient ses audiences publiques, la Régie devrait autant que possible siéger dans les régions où se posent les problèmes à régler et permettre, par avis publics, à tous les citoyens de la région d'y assister et, le cas échéant, de s'y faire entendre.

L'ensemble des procédures d'audiences devrait se faire à des heures non-ouvrables, à tout le moins lorsqu'il s'agit d'une requête contestée. Il est injuste de demander à des citoyens qui veulent s'impliquer dans la préservation du patrimoine de perdre des journées de travail pour le faire et il n'est certainement pas excessif de demander à quelques fonctionnaires de l'État de siéger le soir comme cela se fait ailleurs.

Toute l'information de base devrait être facilement accessible. L'objet des requêtes devrait être préalablement publié, comme c'est le cas à la Commission de contrôle des permis d'alcool. Il ne devrait pas y avoir de dossiers confidentiels, puisqu'il s'agit là de la préservation du patrimoine de tous les Québécois.

On devrait aussi permettre à tout citoyen ou tout groupe de demander à la Commission d'inscrire à l'ordre du jour d'une de ses réunions tout problème concernant le patrimoine et d'être entendu à ce sujet.

La Commission devrait être tenue de publier ses avis motivés, dans tous les cas où il y a eu audience publique et, dans le cas des autres avis, en indiquer la liste et la nature, pour consultation au secrétariat de la Commission.

En permettant ainsi une participation réelle des citoyens, l'esprit de cette nouvelle loi serait mieux respectée. Voilà, Monsieur le ministre, les quelques réflexions que nous a inspirées ce projet de loi et que nous tenions à vous communiquer.

Nous vous prions d'agréer l'expression de nos sentiments distingués.

Conseil régional de la culture de Québec

Bernard Dagenais Président

Document(s) associé(s) à la séance