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Projet de loi no 51 Présentation de
mémoires
(Quatorze heures quatorze minutes)
Le Président (M. Blank): A l'ordre, mesdames et
messieurs!
M. Rivest: M. le Président, à la suite de ce qui
s'est produit ce matin, alors que la commission devait, comme on le sait,
commencer à siéger à 10 heures, je voudrais simplement
vous demander quelle a été la nature des discussions qui ont eu
lieu, soit avec le président de l'Assemblée nationale ou avec vos
collègues, pour autoriser cet après-midi la reprise des travaux
de cette commission. Comme vous le savez, des employés de
l'Assemblée nationale exercent, à ce qu'on nous dit, un droit de
débrayage, peu importe la légalité ou
l'illégalité, mais je pense que c'est une grève
légale.
M. Guay: C'est un cas...
M. Rivest: Oui, mais pour nous, nous n'avons pas à
décider de cela ici.
M. le Président, je me demande dans quelle situation et quels ont
été les éléments de base de cette décision
qui a été prise, j'imagine, par la présidence de
l'Assemblée nationale ou par des personnes en autorité.
Le Président (M. Blank): Le président de
l'Assemblée nationale a convoqué une réunion des
présidents, des hauts fonctionnaires de l'Assemblée nationale,
pour trouver un moyen d'enregistrer les débats. Quand je suis parti de
l'assemblée, ce matin, il avait été décidé
que nous aurions des petites machines opérées par la commission
elle-même, pour enregistrer sur des bobines. En arrivant cet
après-midi, j'ai vu que le système original, le système
normal, allait fonctionner, mais qu'il serait dirigé par des gens qui
sont des employés de l'Assemblée nationale. Je vois M. Pouliot
ici, à la console. C'est lui qui va diriger le travail ici, dans cette
salle. Je ne sais pas quelles sont les autres personnes dans les autres
bureaux, si ce sont des personnes cadres, je ne le sais pas moi-même.
Personne ne m'a informé, je sais seulement que cela peut fonctionner
maintenant, et je suis prêt à procéder.
M. Guay: M. le Président, si...
M. Rivest: Seulement pour compléter, si vous permettez:
j'imagine que pour la présidence, il y a un principe fondamental qui est
celui du fonctionnement de l'Assemblée nationale. Evidemment, il n'y a
peut-être pas des urgences absolument déterminantes pour les fins
de notre commission aujourd'hui de fonctionner. Néanmoins, il y a des
gens ici qui, à cause de l'imbroglio de ce matin, ont perdu leur
matinée, comme nous-mêmes.
A tous égards, je pense que l'Assemblée nationale doit
pouvoir fonctionner pour faire face à ses responsabilités. Je
pense que c'est un principe très important, dont il faut tenir compte,
dans la situation actuelle. Néanmoins, on nous a dit qu'il y avait eu
une entente au niveau des services essentiels avec le syndicat et
l'autorité de l'Assemblée nationale. Il semblait y avoir un
certain malentendu au sujet de la rédaction, je ne sais trop. De toute
façon, peu importe. Actuellement, est-ce qu'on fonctionne en vertu du
protocole d'entente au titre des services essentiels ou si on y déroge,
en ce moment?
La deuxième question qui me paraît la plus importante, eu
égard à la législation dans le domaine du travail, qui a
été votée au cours des dernières années est
celle-ci: Les gens qui, actuellement, font fonctionner le service
électronique de transmission du journal des Débats, est-ce que ce
sont des employés cadres de l'unité de négociation qui
exercent un droit de grève aujourd'hui, ou si ce sont des gens d'autres
services? C'est extrêmement important, dans la mesure où ces gens
pourraient contrevenir à certaines dispositions législatives
impératives qui ont été votées par
l'Assemblée nationale au titre du respect du droit de grève.
Le Président (M. Blank): Sur le premier...
M. Guay: Sur une question de règlement, si vous le
permettez, je comprends l'intérêt que porte le
député de Jean-Talon à la question. C'est une question qui
intéresse tous les membres de cette assemblée tout naturellement.
Je me demande tout simplement si c'est le bon endroit et le bon moment pour
poser ce genre de question. Je me permets de vous souligner, et c'est le sens
de ma question de règlement, que nous sommes ici pour entendre un groupe
de personnes ou des organismes qui ont des mémoires à nous
présenter au sujet d'un projet de loi sur le livre
présenté par le ministre des Affaires culturelles, et que c'est
le mandat de la commission.
Je comprends le souci, encore une fois, du député de
Jean-Talon, mais je me demande, et je vous pose la question: Est-ce bien le
moment, est-ce bien l'endroit, compte tenu du mandat de la commission, de poser
ce genre de question? S'il veut aller aux renseignements, il a le moyen d'y
aller en se présentant en personne au bureau du président de
l'Assemblée nationale qui pourra sans doute le recevoir et lui donner
les renseignements pertinents.
M. Rivest: M. le Président, sur la question de
règlement soulevée par le député, je pense que ma
directive, justement, concerne le règlement de l'Assemblée
nationale, qu'il y a retranscription du journal des Débats et que c'est
impératif dans le règlement, en vertu des articles 144 et 53. Je
me demande si, effectivement, on va pouvoir satisfaire à ces articles.
Je pense que c'est le minimum.
C'est le sens de mon intervention. C'est le minimum d'exiger que
l'Assemblée nationale ou le gouvernement, peu importe, s'assure,
étant donné la situation que l'on connaît, que la
commission parlementaire, par des mesures administratives qui ont
été prises par les autorités de l'Assemblée
nationale, ne procède pas dans l'illégalité. C'est pour
cela que j'insiste pour savoir si, effectivement, compte tenu que les
employés normaux qui s'occupent de ces choses ne sont pas ici, l'on
s'assure, en recourant ou en ne recourant pas c'est la question que j'ai
posée à des cadres de l'unité de négociation
qui exerce son droit ce matin ou cet après-midi, si on n'a pas pris des
employés d'autres services, parce que, à ce moment, on se trouve
à s'exposer je ne veux pas donner d'opinion juridique devant la
commission mais on se trouve à entrer directement en conflit avec
l'une des dispositions que l'Assemblée nationale a votée au titre
de la loi 45 sur les briseurs de grève.
Simplement, pour la commission, sur le plan de la
légalité, et, deuxièmement, pour les employés qui,
actuellement, exercent ces fonctions, je pense que c'est bien légitime
qu'on puisse obtenir, de la part du président de l'Assemblée
nationale, des précisions, de façon qu'il y ait une
autorité quelque part qui prenne la responsabilité de la
situation dans laquelle on vit.
M. Guay: M. le Président, c'était sur une question
de règlement.
M. Rivest: Je veux simplement dire que je pense que c'est une
question sérieuse au départ.
Mme Lavoie-Roux: Avant de...
Le Président (M. Blank): Une minute, est-ce la même
question de règlement?
M. Le Moignan: Non, M. le Président...
Le Président (M. Blank): Mais laissez-moi trancher la
question de règlement. Sur une question de règlement, je pense
que le débat est pertinent, à ce moment, parce qu'il est question
de savoir si nous siégeons légalement ou illégalement et
c'est peut-être parce qu'il y a des députés ici
présents qui seraient d'avis de siéger ou de ne pas siéger
selon la question, on peut employer les mots: grèves
illégales, légales, "scabs" pour toutes sortes de raisons,
qu'un député voulait ou ne voulait pas siéger ici et c'est
une question de quorum après cela. C'est très pertinent de vider
cette affaire avant qu'on commence.
M. Guay: Puis-je vous demander une directive, M. le
Président?
Le Président (M. Blank): Sûrement.
M. Guay: Si je ne m'abuse, d'après la Loi de la
Législature, on a déjà vécu le cas, à un
moment donné, où des professionnels du gouvernement avaient
cherché à empêcher la Législature de siéger
rien ne doit empêcher la Législature, et, par le fait
même, ses commissions parlementaires, de siéger. Quand vous parlez
de siéger légalement ou illégalement, est-ce que le seul
critère finalement de séance d'une commission ce n'est pas
l'ordre qui lui est donné par la Chambre de siéger en vertu des
règlements?
Le Président (M. Blank): Non, ce n'est pas cela.
Excusez-moi. J'ai fait une remarque, mais je pense que c'est "légalement
ou illégalement", dans l'esprit du député qui siège
ici. Peut-être y a-t-il des députés qui ne veulent pas
siéger ici voyant les circonstances. Je ne sais pas. Durant l'heure du
lunch, j'ai jasé avec plusieurs députés et il y en a qui
ont des réticences. C'est leur conscience. C'est pour cela, je pense,
qu'on donne les faits et c'est au député de décider ce
qu'il veut faire.
M. le député de Gaspé.
M. Le Moignan: Sur une question de directive, je ne veux pas
toucher l'aspect légal ou illégal, mais d'après l'article
144 qu'on vient d'invoquer, est-ce que, comme président, vous nous
donnez l'assurance que les débats qui seront enregistrés cet
après-midi seront vraiment consignés, tel que prévu, au
journal des Débats? Je crois que c'est important, si on veut
fonctionner. Si nous n'avons pas l'assurance que ce sera consigné au
journal des Débats, à ce moment, il se pose un doute, un point
sérieux.
Le Président (M. Blank): C'est une deuxième
question. La question de savoir si on peut siéger avec ou sans le
journal des Débats, c'est débat-table aussi parce qu'il y a un
avis légal disant qu'on peut siéger même sans que ce soit
consigné au journal des Débats. Mais, à ce moment, cette
question ne se soulève pas, parce qu'il y a des techniciens ici, et il
est apparent que ce sera consigné au journal des Débats. Je ne
peux pas vous donner la garantie. Je ne suis pas un ingénieur, je ne
suis pas un expert dans l'électronique, mais comme on dit dans le
langage: "Everything is going".
M. Le Moignan: M. le Président, est-ce que ceux qui ont
organisé le système peuvent nous répondre que ce sera
consigné, oui ou non?
Le Président (M. Blank): D'après l'information
reçue, la réponse est oui.
Pour répondre au député de Jean-Talon, il y a un
protocole d'entente qui a été signé par les fonctionnaires
pour que onze employés soient assignés aux services essentiels et
que le journal des Débats soit considéré comme un service
essentiel. Quant à savoir si les gens en place sont des cadres de
l'unité de négociation qui ont le droit de travailler, sur cela,
je ne vous donnerai pas d'avis légal parce que je n'ai pas
étudié toute la question.
Deuxièmement, je n'ai pas le schéma de l'Assemblée
nationale devant moi pour savoir qui est en charge de qui.
Le président m'informe que, à son avis, ces cadres sont
ceux de l'Assemblée nationale et qu'ils ont le droit de travailler.
Deuxièmement, voilà que les fonctionnaires n'ont pas rempli les
obligations pour lesquelles ils avaient signé. Qu'allons-nous faire?
Allons-nous annuler la séance de la Chambre parce que ces gens n'ont pas
respecté leur contrat, leur protocole? Pour toutes ces raisons, il est
décidé que nous procéderions avec les cadres.
Comme je vous le dis, sur une question strictement légale, je ne
vous donne aucune opinion, ce n'est pas mon devoir de le faire.
M. Rivest: Seulement une question additionnelle, si vous le
permettez. Les gens qui remplissent les fonctions à la place des
employés réguliers du journal des Débats, j'imagine qu'ils
agissent suivant des directives précises qui ont été
données par leur supérieur immédiat?
Le Président (M. Blank): A mon avis, oui.
M. Rivest: Et c'est bien clair pour eux. La raison pour laquelle
je dis cela est très simple. Je le dis devant cette commission. Il y a
des employés, des gens du syndicat, des travailleurs qui, actuellement,
ont une prétention contraire à ce titre. Evidemment, la
commission ne peut pas en décider, sauf que mon seul souci, par ces
remarques préliminaires, est de bien m'assurer que les personnes
à qui on a demandé de travailler aujourd'hui à la place
des employés réguliers... ils sont placées dans une
situation qui risque d'être... Ce n'est certainement pas une situation
très normale, dans la mesure où ces personnes peuvent être
l'objet de contestation ou se trouver au coeur d'une polémique, parce
que le conflit dans le domaine du syndicat des fonctionnaires n'est pas
réglé. Je ne sais pas où en sont exactement les
négociations. Nous vivons une situation, M. le Président, et je
tiens à le dire simplement, quitte à céder la parole
à d'autres de mes collègues, qui n'est certainement pas
agréable, et je pense que ce n'est pas un terme très fort. Nous
sommes fortement déçus, d'autant plus que c'est la
deuxième fois, probablement en moins d'un an, que l'Assemblée
nationale est placée devant cette situation. Mais, encore une fois, dans
la mesure où l'Assemblée nationale et on l'a dit avec
insistance, à la première occasion où ce problème
s'est posé, je crois, le printemps dernier... Je pense que c'est un
principe très fort qu'on doit défendre, et je comprends que c'est
là le sens de votre décision, M. le Président, à
savoir que l'Assemblée nationale doit pouvoir fonctionner, parce que
c'est quand même capital.
Encore une fois, je sais bien qu'aujourd'hui il n'y a pas de drame
particulier au niveau de l'urgence de la législation, mais si on
créait un précédent qui empêche l'Assemblée
nationale de siéger, alors qu'il y a une situation d'urgence, pour des
raisons de conflit de travail, je pense que notre responsabilité, comme
parlementaires, est de nous assurer que les travaux puissent s'effectuer, sous
réserve très nette de savoir exactement ce qui arrivera aux
personnes de la partie syndicale autant qu'à celles qui prennent leur
place. C'est pour cela que je me suis bien assuré qu'il y avait eu des
directives données par les personnes en autorité de
l'Assemblée nationale et qu'elles ont assumé leurs
responsabilités en demandant aux employés de l'Assemblée
nationale, qu'on dit cadres, d'exercer les fonctions régulières
des employés du journal des Débats.
Le Président (M. Blank): Mme le député de
L'Acadie.
Une Voix: ... c'est enregistré.
Mme Lavoie-Roux: J'ajouterai très peu de choses, parce
que, en fait, dans la dernière partie de son intervention le
député de Jean-Talon, je pense, a exprimé le sentiment que
j'éprouve à ce moment-ci d'assister, une seconde fois, à
des difficultés qui empêchent l'Assemblée nationale de
poursuivre ses travaux d'une façon normale. Je pense que toutes les
conditions requises maintenant semblent être remplies, qu'on a
apporté les correctifs nécessaires; alors il n'est pas question
pour nous de ne pas collaborer. Je voudrais quand même exprimer au moins
le souhait que l'Assemblée ou ceux qui sont responsables des travaux de
l'Assemblée nationale prennent les mesures pour que ceci ne se
répète pas. Il y a d'abord le public qui a été ce
matin touché par ce débrayage inattendu. Il y a également
les parlementaires qui viennent ici en pleine période
d'été pour poursuivre les travaux. On peut se demander, je pense,
avec justesse, ce qui se produit dans toute cette question de
négociation avec la Fonction publique, puisqu'on se retrouve, encore une
fois, dans des circonstances qui sont moins dramatiques, parce que, de
l'extérieur, il ne s'agit que de trois commissions parlementaires, mais
qui, au niveau des principes, touchent quand même à la
souveraineté et au pouvoir de l'Assemblée nationale de
siéger d'une façon normale et sans difficulté. Merci, M.
le Président. (14 h 30)
Le Président (M. Blank): Merci. Pour répéter
ce que j'ai dit ce matin, les membres de cette commission sont M. Alfred
(Papineau), M. Brassard (Lac-Saint-Jean) remplacé par M. Ouellette
(Beauce-Nord), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) remplacé par M. Fallu
(Terrebonne), M. Godin (Mercier), M. Goldbloom (D'Arcy McGee) remplacé
par M. Rivest (Jean-Talon), M. Guay (Taschereau), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie),
M. Le Moignan (Gaspé), M. Vaugeois (Trois-Rivières).
Les intervenants sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Bertrand
(Vanier), M. Brochu (Richmond), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante
(Bourassa), M. Laurin (Bourget), M. Morin (Sauvé), M. Samson
(Rouyn-Noranda) et M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) est remplacé par
M. Goldbloom (D'Arcy McGee).
Le rapporteur qui a été nommé ce matin est M. Jean
Alfred, le député de Papineau.
M. Rivest: M. le Président, est-ce
préférable que le rapporteur soit ici?
Le Président (M. Blank): C'est enregistré. Il est
déjà nommé et c'est la même séance.
M. Rivest: Doit-il rapporter toutes les difficultés que
nous avons à cause de l'incapacité du gouvernement de
résoudre le problème?
Le Président (M. Blank): A l'ordre! M. le ministre des
Affaires culturelles.
Remarques préliminaires M. Denis
Vaugeois
M. Vaugeois: Merci, M. le Président. Dans les
circonstances, je vais réduire à l'essentiel un mot
d'introduction dont l'objet sera tout simplement de situer le projet de
loi.
L'intention que nous poursuivons avec ce projet de loi est, bien
sûr, de rendre le livre le plus accessible possible. Pour ce faire, nous
avons identifié deux partenaires principaux, deux alliés
principaux sur le terrain, les bibliothécaires et les libraires, et pour
que le livre se rende chez ces alliés, principalement chez le libraire,
bien sûr, nous avons besoin de distributeurs. Pour que le produit existe,
nous avons besoin d'éditeurs et d'auteurs. L'ensemble de notre projet de
loi, c'est de reconnaître la nécessité de chacune de ces
fonctions et notre conviction est de chercher pour assurer
l'accessibilité du livre, d'assurer à chacun de ces agents la
place qui lui revient.
Le projet de loi retient finalement le consensus que nous avons cru
percevoir tout au long des consultations auxquelles nous avons
procédé ces derniers mois. Je pense que c'est un projet de loi
qui a subi un cheminement long et lent. Il a commencé bien longtemps
avant l'arrivée au pouvoir du présent gouvernement, bien avant
que moi-même je sois aux Affaires culturelles. Nous avons tenu compte
d'un grand nombre de mémoires, d'un grand nombre de consultations, mais,
bien sûr, principalement de celles auxquelles nous avons pu nous livrer
nous-mêmes ces tout derniers mois. Ce consensus que nous avons cru
percevoir nous a servi à placer un certain nombre de balises dont le
rôle est d'amener chacun des intervenants mentionnés tout à
l'heure à jouer son rôle. Nous pensons que chacun est un maillon
essentiel et nous invitons chacun d'ailleurs à reconnaître le
rôle de ses partenaires.
Nous sommes en face d'un certain nombre de professionnels du livre qui
viennent d'un peu partout. Notre intention est de respecter chacun de ces
intervenants, encore que nous croyons légitime de réserver aux
professionnels qui sont d'ici l'aide de l'Etat, ou les subsides de l'Etat, mais
le tout dans le respect le plus total de la liberté d'action de tous
ceux qui veulent venir exercer la profession du livre au Québec,
d'autant plus que ces gens d'un peu partout nous aident à
réaliser notre objectif qui est de rendre le livre, et tous les livres
possibles, accessibles à l'ensemble du territoire.
Bien sûr que ceux qui interviennent dans le domaine du livre
peuvent le faire avec des préoccupations commerciales, des
préoccupations d'affaires. Certains le font avec des
préoccupations culturelles et d'autres avec des préoccupations
à la fois d'affaires et culturelles. Nous reconnaissons le mérite
des unes et des autres, encore que notre préoccupation principale soit
de valoriser la dimension culturelle de l'ensemble du processus. Ce n'est pas
le mandat du ministère d'avoir des préoccupations d'abord
économiques, mais nous ne cachons pas que, dans l'ensemble de notre
projet de loi, nous avons voulu rendre possible l'action des agents pour qu'ils
puissent jouer leur rôle culturel. Dans certains cas, il faut donc leur
donner les moyens de se développer. Notre conviction profonde est donc
que chacun a un rôle important à jouer, et nous avons voulu que
chacun soit amené à le reconnaître par les balises qui se
dégagent du projet de loi.
En pratique, nous savons, tout le monde le sait, qu'un auteur peut
s'éditer lui-même, qu'un éditeur peut vendre au
détail, qu'un distributeur peut également vendre au
détail, qu'un libraire peut chercher à traiter directement avec
un auteur ou un éditeur, qu'un bibliothécaire peut acheter
directement d'un auteur, voire d'un éditeur ou d'un distributeur, mais
ce que nous proposons, c'est que chacun reconnaisse la
complémentarité des fonctions de chacun des agents. Notre
préoccupation est également de rendre le livre accessible partout
et aux meilleures conditions possible, donc aux meilleurs prix possible. Nous
pensons que si chacun fait normalement son travail, nous devons pouvoir y
réaliser des économies appréciables. Nous avons
cherché, par des balises, à forcer la compétition et la
concurrence, non pas d'abord sur les prix, mais beaucoup plus sur les services
et la qualité professionnelle qui est offerte.
J'ai eu l'occasion de lire et de relire les mémoires qui ont
été présentés et, à l'avance, je veux
remercier ceux qui ont pris le temps de rédiger ces mémoires et
ceux qui ont pris le temps de venir nous les présenter. Je tiens
à dire à chacun, et c'est vrai pour chacun des membres de cette
commission, que nous sommes conscients que notre projet de loi est perfectible
et que nous abordons ces travaux avec l'intention de profiter de chacune des
suggestions qui seront faites pour chercher à l'améliorer ici et
là.
Nous sommes conscients également que d'autres solutions auraient
pu être avancées, des solutions radicalement différentes.
Plusieurs choses ont été suggérées par le
passé et le précédent gouvernement en a
étudié certaines longuement. Pour notre part, nous avons
préféré nous inscrire dans le prolongement de la
réglementation qui existe déjà et d'essayer de
l'améliorer à partir d'un consensus qui repose sur un
équilibre reconnais-
sant le travail de chacun des agents. Nous allons donc faire notre
profit des mémoires, de la période d'échanges qui suivra,
des remarques des différents collègues qui sont autour de cette
table. Nous sommes convaincus que, de cette façon, nous pourrons en
arriver à une loi qui facilitera la diffusion et l'accessibilité
du livre au Québec. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: M. le Président, très brièvement,
avant de permettre à nos invités de comparaître pour
présenter leur mémoire, je voudrais simplement prendre acte des
intentions du ministre et reconnaître la valeur des intentions, à
tout le moins, du gouvernement qui veut essayer, comme le ministre l'a dit, de
doter le Québec d'une politique du livre.
Je dirai simplement, au départ, puisque cela fait tellement
longtemps qu'on parle de cette politique du livre, et le ministre a
évoqué le fait que les gouvernements antérieurs avaient
toujours étudié cette question... C'est un domaine
extrêmement complexe, étant donné la multiplicité
des intervenants; il y a les intérêts commerciaux aussi. Il faut
composer avec les intérêts des individus qui sont dans le domaine
et ceux de la collectivité.
Le ministre a indiqué que ce projet de loi s'inscrivait dans la
foulée des dispositions réglementaires existantes. Une seule
chose que vous me permettrez de vous dire, M. le ministre: Comme bien d'autres,
nous doutons, pour l'instant, que cela puisse constituer une politique
sérieuse, qui serait complète et qui répondrait aux
besoins. On a également parlé souvent de la politique de la
lecture. Le ministre ne l'a pas présentée comme ça dans
ses remarques d'introduction, en tout cas c'est certainement une étape
que je n'hésiterais pas à qualifier de significative.
Sur le plan de l'accessibilité, pour parler plus de cet
aspect encore là on a plusieurs doutes, parce qu'on ne croit pas
à ce projet de loi, sans qu'il soit accompagné, surtout au niveau
des bibliothèques publiques et du domaine de l'éducation, de
toute cette formation qui constituerait l'ensemble de la politique du livre et
qui favoriserait réellement l'accessibilité, que cette mesure
à elle seule puisse répondre à ça.
Sur le plan pratique, nous allons nous attacher à écouter
les gens qui vont venir devant la commission en insistant sur deux aspects. Je
sais que la plupart des mémoires y réfèrent; il y a la
question de propriété des entreprises; dans quelles mesures les
exigences posées, autant dans le projet de loi que dans le gouvernement,
sont absolument essentielles pour atteindre les objectifs visés par le
ministre et qui sont sans doute fort louables sur ce plan, soit, ici, au niveau
de la commission parlementaire ou dans les étapes subséquentes du
projet de loi, nous allons nous attacher à tenter d'obtenir du ministre
une dé- monstration de cause à effet, si vous me permettez,
à l'effet que 100% de propriété, de direction est un
critère absolument nécessaire, je pense que c'est un point
fondamental. Plusieurs intervenants je le sais pour avoir lu les
mémoires qui ont été soumis vont soulever cette
question; nous aurons sans doute, au cours des travaux, une discussion qui,
nous l'espérons sera la plus productive possible sur ce plan. Je sais
que le ministre est prêt à une certaine ouverture, en tout cas, on
verra au cours des débats qui vont suivre sur cet aspect; ce sera
probablement un des aspects principaux.
L'autre aspect, que je voudrais signaler dès le départ,
c'est ce que j'appellerais la balance de ce projet de loi. Il y a des objectifs
clairement établis, des critères, enfin des règles et des
normes. Par ailleurs, on constate c'est probablement dû à
la nature du milieu que, à ma connaissance, c'est probablement
l'un des projets de loi où l'exercice du pouvoir réglementaire du
ministre est le plus grand. Je m'interroge sérieusement, parce que le
ministre sur le plan des pouvoirs réglementaires qu'il se donne,
dans ce projet de loi, peut, à toutes fins utiles, que ce soit pour un
libraire, un éditeur, un distributeur, peu importe peut exclure
une personne de l'application générale de la loi. Le pouvoir
réglementaire, on le regardera; j'ai vu les projets de règlements
du ministre, on voit dans quel sens il se dirige, mais il y a deux ou trois
dispositions qui m'apparaissent très inquiétantes. Je sais que
l'intention du ministre et du gouvernement est de se donner le maximum de
souplesse dans l'application de sa loi, compte tenu du milieu particulier qui
fait l'objet de la présente loi, mais tout de même il y a un
caractère assez débridé, si le ministre me permet
l'expression, à la façon dont le projet de loi accorde au
ministre des pouvoirs réglementaires, des pouvoirs de
délégation aussi. Qui va, finalement, administrer ce projet de
loi, en termes pratiques, et qui va exclure, à l'occasion, certains
individus ou certaines personnes physiques ou morales de l'application de la
loi. Là-dessus, ce n'est pas une question absolue, mais nous allons
essayer de travailler dans le sens d'établir un équilibre entre
les objectifs du projet de loi et l'exercice le plus raisonnable possible du
pouvoir réglementaire.
Je sais que, compte tenu du milieu, le ministre n'a probablement pas le
choix de procéder autrement que de la façon dont le projet de loi
est conçu, maison pense qu'il y a ultérieurement on aura
certainement l'occasion d'en discuter avec le ministre une façon
de nous assurer que l'exercice de son pouvoir réglementaire essaierait
d'éviter au maximum les dangers d'arbitraire que comporte toujours ce
pouvoir réglementaire, d'autant plus que cela s'inscrit...
Une Voix: ...
M. Rivest: Justement, c'est que le gouvernement peut changer,
c'est vrai, mais je sais que les gens du monde du livre ont beaucoup de
sympathie pour les bonnes intentions de l'actuel minis-
tre; je pourrais lui nommer cinq, six ou sept autres de ses
collègues du Conseil des ministres qui pourraient soulever de
sérieuses interrogations ou de sérieuses réserves de la
part des gens du milieu. Compte tenu de ça, indépendamment des
personnalités, je pense que notre préoccupation, de ce
côté-ci, à tout le moins je sais que ce sera
probablement la préoccupation des autres collègues de cette
commission aussi sera d'essayer de voir ce problème.
Troisièmement, des situations particulières aussi qui sont
traitées dans les différents mémoires et qui, en regard
même... Bien sûr, ce sont des intérêts souvent
particuliers et il faut en tenir compte, mais ils sont légitimes. Ils
sont exprimés clairement et publiquement... Mais nous allons nous
intéresser pour savoir quel sera l'impact d'un règlement d'une
situation individuelle d'une maison d'édition ou d'un libraire en
particulier, des contraintes qui sont imposées, quel va être
l'impact direct au niveau des consommateurs ou, enfin, du public en
général, autant au niveau provincial qu'au niveau
régional, de la disparition ou de la transformation d'une entreprise
dans le domaine du livre à la suite de l'adoption des dispositions du
projet de loi, si le projet de loi reste dans sa forme actuelle. (14 h 45)
C'est le type de préoccupations sur... continuer de demander au
ministre, je pense, avec tous les gens du milieu, une politique du livre et de
la lecture qui soit générale. D'ailleurs, je sais que le ministre
en est conscient et je sais que le ministre réalise que son projet de
loi ne vide pas le dossier, loin de là.
Deuxièmement, la question de la propriété,
ça nous intéresse drôlement de voir si la solution
proposée par le projet de loi est la bonne, si elle ne crée pas
des injustices qui risquent de se répercuter au niveau de la
qualité des services au public.
Troisièmement, trouver une façon d'améliorer
l'exercice du pouvoir réglementaire, parce que c'est toute la
signification elle-même de la loi, étant donné l'importance
du pouvoir réglementaire, qui peut, à toutes fins utiles, dans
certains cas, être vidée.
C'est le type d'approche que nous allons avoir tout au long des travaux
de... enfin, la première phase, à tout le moins, des travaux de
cette commission et, ensuite, nous aurons, avec le ministre et le gouvernement,
les discussions au niveau parlementaire lors de la deuxième lecture et
de l'étude article par article.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Gaspé.
M. Michel Le Moignan
M. Le Moignan: Je ne voudrais pas faire languir les gens qui ont
hâte de se faire entendre dans cette salle. Je voudrais simplement faire
quelques brèves remarques à la suite des paroles du ministre. Il
avoue qu'après lecture des mémoires, son projet de loi est
perfectible. On le sait très bien quand on voit les remarques
très positives, d'ailleurs, que nous allons rencontrer dans tous ces
mémoires et, quand on sait que si on veut développer l'industrie
du livre au Québec, c'est tellement important, que si on veut
intéresser vraiment le lecteur, c'est un des buts aussi de la loi de
favoriser une diffusion beaucoup plus grande du livre québécois.
On a dit souvent que les gens ne lisent pas assez, mais je pense que si la loi
s'applique avec certaines modifications, si le livre québécois
atteint une distribution beaucoup plus large, beaucoup plus grande, ce projet
de loi... On en parle déjà depuis de nombreuses années, un
projet de loi sur le livre, et on réalise que la situation n'a
guère évolué. Il y a beaucoup de problèmes qui
seront évoqués au cours de ces assises dans les prochaines heures
pour les maisons d'édition québécoises ou
étrangères et c'est tout le problème, en somme, qui se
déroule à partir de l'auteur d'un volume jusqu'au lecteur, en
passant par les bibliothécaires, éditeurs, libraires, etc.
Je ne sais pas si ceux qui ont préparé des mémoires
ont pris connaissance de la réglementation. De toute façon, il y
a des choses qui sont un petit peu inquiétantes dans le projet de loi,
quand on regarde l'article 37, qui parle de réglementation. On ne
définit pas du tout ce qu'on entend par "livre", "édition",
"éditeur", "distribution". C'est vrai qu'on les retrouve dans les
règlements que le ministre nous a fournis. Je ne sais pas s'il les a
fournis à tous les intéressés, mais, à ce
moment-là, ce qui semble un petit peu inquiétant, c'est qu'une
réglementation peut être changée à n'importe quel
moment par le ministre. Tandis que le projet de loi, s'il définissait
très bien ce qu'on entend par "livre", "éditeur", "auteur",
"distributeur", "libraire", etc., à ce moment-là, c'est
l'Assemblée nationale qui a les pouvoirs de modifier un projet de
loi.
Je pense que nous aurons l'occasion, d'ailleurs, en écoutant les
mémoires, de demander, à ceux qui ont travaillé ces
dernières semaines pour nous livrer le fruit de leur cogitation, de nous
donner des précisions et, en même temps aussi, peut-être de
répondre à certaines de nos questions, de nos inquiétudes,
quand on regarde un projet de loi qui, dans l'ensemble, devrait viser la grande
protection de tous ceux qui sont intéressés et qui oeuvrent dans
ce domaine.
M. le Président, je ne veux pas prolonger. Je pense que
l'idée du gouvernement devrait être de rendre justice à
tout le monde. Si le ministre entend bien certaines revendications, cela
apportera peut-être certains amendements à certains articles. Cela
donnera aussi une plus grande clarté non seulement à l'ensemble
du projet de loi comme tel, mais aussi de la réglementation que le
ministre peut changer à son gré à n'importe quel moment.
C'est cela. Je pense qu'il peut laisser certaines inquiétudes.
D'ailleurs, il y a certains articles du projet de loi que nous mentionnerons en
temps et lieu en cours de route. M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Blank): Maintenant, on va commencer
l'audition des mémoires. Vous connaissez la procédure: un
porte-parole de l'organisme présente le mémoire et, après,
les membres de cette commission posent des questions
Mémoires Conseil supérieur du
livre
J'appelle M. Thomas Déri, du Conseil supérieur du livre.
M. Déri, aux fins du journal des Débats, voulez-vous identifier
vos collègues?
M. Déri (Thomas): A ma droite, M. Yves Dubé,
président de l'Association des éditeurs canadiens et
vice-président du Conseil supérieur du livre, et, à ma
droite plus proche, M. André Préfontaine, président de la
Société des éditeurs de manuels scolaires du Québec
et vice-président également du Conseil supérieur du
livre.
Le Président (M. Blank): Merci.
M. Déri: M. le Président, mesdames et messieurs les
membres de la commission parlementaire, je vais essayer de faire un
résumé le plus succinct possible du mémoire que nous vous
présentons, car je ne pense pas qu'il faille, étant donné
le retard qu'on a déjà pris, le lire au complet. Donc, je vais
prendre le mémoire et je vais sauter les passages qui ne sont pas
très importants ou les situations que tout le monde connaît.
Chacun des membres actifs du Conseil supérieur du livre
présentant son point de vue dans un mémoire séparé,
le Conseil supérieur du livre ne fait des remarques et des suggestions
que sur les parties du projet de loi qui ne concernent pas
spécifiquement les éditeurs, les libraires ou les distributeurs.
C'est pourquoi le Conseil supérieur du livre a surtout fait des
commentaires sur les notes explicatives, les dispositions
générales et le Conseil consultatif de la lecture et du livre. Je
passe les innovations qui sont introduites par le projet de loi no 51, car je
crois que chacune des associations y reviendra en détail.
Le Conseil supérieur du livre qui, depuis sa fondation en 1961,
regroupe maintenant une association de libraires, c'est-à-dire
l'Association des libraires du Québec, trois associations
d'éditeurs, c'est-à-dire l'Association des éditeurs
canadiens, l'Association québécoise des presses universitaires et
la Société des éditeurs de manuels scolaires du
Québec, a réclamé auprès des pouvoirs publics des
mesures visant à protéger et aider les artisans du livre
québécois et à favoriser la diffusion du livre de langue
française au Québec. Je passe également les
différentes étapes importantes qui se sont
déroulées dans le secteur du livre au Québec depuis 1960,
mais je tiens à rappeler qu'au cours de ces années le Conseil
supérieur du livre, par ses représentations auprès des
pouvoirs publics, par ses mémoires en réponse aux
différents livres blancs ou verts, n'a jamais cessé de
réclamer des mesures visant à protéger et aider les
artisans du livre québécois et a poursuivi avec acharnement sa
campagne en faveur de la propriété québécoise des
entreprises d'édition et de librairie et contre l'invasion
étrangère du secteur du livre au Québec. Notons à
ce sujet qu'on pourrait d'ailleurs reprendre point par point le mémoire
sur la protection de la librairie et de l'édition
québécoise présenté au ministère des
Affaires culturelles il y a bientôt près de dix ans et constater
que la plupart des problèmes se posent encore de nos jours avec la
même acuité.
Le Conseil supérieur du livre tient donc à
déplorer, une fois de plus, le fait que le gouvernement du Québec
ne soit pas intervenu au moment opportun pour empêcher que des maisons
d'édition et des librairies québécoises n'aient à
faire appel à des intérêts étrangers ni que les
principaux réseaux de distribution ne deviennent des filiales de maisons
étrangères.
En faisant preuve de laxisme, les gouvernements successifs ont permis
aux maisons américaines et françaises de s'implanter et de
s'approprier une part importante de l'édition de la librairie et de la
distribution au Québec. Et d'ailleurs, malheureusement, le projet de loi
no 51 n'apporte aucun correctif à cette situation. Il part simplement
d'une situation de fait.
Ceci dit, il est évident que le Conseil supérieur du livre
ne peut qu'accueillir favorablement l'idée d'une loi sur le
développement des entreprises québécoises dans le domaine
du livre dans la mesure où cette loi entérinera certaines
idées émises par le Conseil supérieur du livre et
où elle aura pour effet d'aider et de soutenir les artisans du livre
québécois et de mettre le livre québécois et le
livre en langue française à la portée de tous les
Québécois tout en développant l'industrie du livre
québécois. Le Conseil supérieur du livre tient donc
à reconnaître le bien-fondé du premier article qui
spécifie que le gouvernement n'apportera son aide qu'à des
entreprises qui sont entièrement québécoises alors
qu'auparavant, il suffisait qu'une maison soit majoritairement
québécoise pour pouvoir bénéficier d'une telle
aide. Le Conseil supérieur du livre est également heureux de
constater que le gouvernement prend enfin les dispositions nécessaires
pour s'obliger à respecter lui-même les mesures qu'il impose aux
organismes publics.
Troisièmement, le Conseil supérieur du livre est
également favorable à l'idée de cette loi parce qu'il
s'agit de la première tentative visant à couvrir les trois types
de commerce dans le domaine du livre, alors qu'auparavant, les libraires
étaient pratiquement les seuls à devoir se conformer à une
réglementation d'après les arrêtés en conseil.
Cependant, le Conseil supérieur du livre se pose de nombreuses questions
et en particulier sur l'article 4 qui serait mis en vigueur à un moment
où les habitudes de facturation changent en France et il se demande
surtout s'il n'est pas totalement utopique d'essayer de trouver dans la
pratique un système de tabelles suffisamment souple et ayant les effets
voulus. De plus, le
Conseil supérieur du livre demande au gouvernement de clarifier
l'article 4 dans la mesure où il sera adopté afin de
préciser qu'il ne s'applique pas aux livres publiés au
Québec et concerne uniquement les livres importés.
Enfin, et je crois que c'est un point également
très important le Conseil supérieur du livre tient
à faire remarquer que le gouvernement ne possédant pas de
données précises et à jour sur l'industrie et le commerce
du livre ni sur les habitudes culturelles des Québécois,
habitudes de lecture en particulier, il sera pratiquement et malheureusement
impossible de déterminer les retombées de cette loi au cours des
années à venir. Il est donc extrêmement urgent que les
organismes concernés se dotent des outils statistiques appropriés
et fassent les études nécessaires pour être en mesure
d'évaluer les effets de cette loi au moins tous les deux ans.
J'en viens maintenant au point principal sur lequel porte le
mémoire du Conseil supérieur du livre et qui concerne le Conseil
consultatif de la lecture et du livre. Dans une étude récente
commandée par le Conseil supérieur du livre, on
préconisait une plus grande autonomie des associations professionnelles
de libraires et d'éditeurs et la mise sur pied d'une
société de défense et de développement du livre et
du périodique québécois qui assureraient les relations
interprofessionnelles et étudieraient et défendraient les
intérêts généraux des artisans du livre et du
périodique québécois en langue française et aussi
la création d'un conseil supérieur du livre et de la lecture qui
serait à l'image du Conseil supérieur de l'éducation. En
effet, si l'on examine le mandat, la composition, la structure, les moyens et
les réalisations du Comité consultatif du livre, on
découvre facilement qu'il y a plusieurs vices de forme dont certains
sont encore amplifiés dans le futur conseil consultatif de la lecture et
du livre. Le Comité consultatif du livre est formé de membres qui
n'étaient pas les porte-parole officiels des associations ou des
secteurs qu'ils représentaient et doivent se limiter à donner
leur avis sur les questions que le ministre veut bien leur soumettre et sur
l'agrément des librairies. Il ne dispose pas d'un secrétariat
permanent ni d'aucun soutien matériel pour faire des études et
des recherches et, lorsque le ministre ne lui demande rien, son rôle est
purement d'ordre administratif, puisqu'il se limite à donner son avis
sur l'agrément des libraires.
Si on applique maintenant à la lettre le mandat du nouveau
Conseil consultatif du livre et de la lecture défini à l'article
7, le conseil peut donner son avis et faire des suggestions de sa propre
initiative, mais cette fois-ci, son champ d'étude est limité aux
seules questions relatives à l'application des lois et des
règlements et ne recouvre plus, comme auparavant, tout problème
relatif à la diffusion du livre dans la province.
De plus, comme auparavant, le ministre doit, avant de décider
d'une demande d'agrément, prendre l'avis du conseil. Remarquons
également que le nombre de membres passe de douze à quinze et que
les quatre observateurs qui exis- taient sont maintenant réduits
à trois, d'après l'article 5. Ils deviennent également, il
nous semble, des membres de plein droit alors qu'auparavant ils étaient
des observateurs. (15 heures)
On demande donc à 12 personnes, qui sont en général
choisies parmi les membres les plus actifs de leur profession, d'accomplir une
tâche qui est normalement dévolue à des fonctionnaires.
Cette façon de procéder nous semble inadmissible, d'autant plus
que ces personnes, pour pouvoir valablement remplir leur rôle, auront
accès à des renseignements confidentiels provenant parfois de
leur concurrents immédiats, ce qui entraîne des conflits
d'intérêt.
Notons aussi que l'agrément s'étendant cette fois-ci aux
éditeurs et aux distributeurs, en plus des libraires, la tâche
sera encore plus fastidieuse. Le Conseil supérieur du livre rejette donc
le mandat énoncé pour le comité consultatif de la lecture
et du livre et propose que l'application de la loi et des règlements
soit régie par les fonctionnaires du ministère des Affaires
culturelles.
On propose ensuite une formule de remplacement sur laquelle je vais
passer. Je reprendrai simplement quelques autres remarques qui touchent
d'autres aspects du projet de loi. Le projet de loi, il nous semble
également, repose sur plusieurs postulats dont la validité ne
pourra peut-être jamais être vérifiée. Faisons donc,
avant de conclure sur le projet de loi sur le développement des
entreprises québécoises dans le domaine du livre, quelques
remarques supplémentaires et soulignons quelques paradoxes.
L'aide gouvernementale sera réservée aux entreprises
entièrement québécoises, mais on ne sait pas exactement de
quelle aide il s'agit. Obligation est faite au gouvernement et aux organismes
publics de s'approvisionner chez les libraires agréés, mais cette
obligation ne s'applique plus aux institutions universitaires, comme
auparavant. Le marché du manuel scolaire est libéré en
tenant pour acquis que les librairies agréées n'en souffriront
pas. En rendant libre le marché du manuel scolaire, on espère, il
nous semble, faire faire des économies aux commissions scolaires. En
imposant des tabelles à ne pas dépasser, on espère
également stabiliser le prix du livre importé. Par le biais de
l'agrément, on devrait, avec tous les renseignements qui sont
demandés, obtenir plus de données sur le marché du livre
au Québec. On espère, encore une fois, c'est un espoir qu'on
avait déjà dans les règlements précédents,
que le nombre de libraires augmentera, surtout dans les régions
éloignées de Montréal.
On espère également que la vente du livre
québécois au détail augmentera. On espère qu'en
rendant le livre plus accessible et moins cher, on encouragera la lecture. On
fait remarquer que le libraire qui vend uniquement au détail au public
n'a pas besoin d'être agréé. On fait remarquer que tous les
distributeurs, agréés ou pas, devront se conformer aux
directives, d'après l'article 4.
Nous voyons donc que l'agrément est facultatif et volontaire,
mais que certaines dispositions
de la loi rejoignent tous les Intéressés, qu'ils le
veuillent ou pas.
De plus, si les règlements sont trop stricts et
sévères, beaucoup de libraires, d'éditeurs ou de
distributeurs ne verront pas la nécessité d'être
agréés si les inconvénients dépassent, à
leurs yeux, les avantages qu'ils peuvent en retirer.
Enfin, quelques remarques sur l'administration et la
réglementation de la loi. L'administration et la réglementation
de la loi, prévues aux sections VI et VII du projet de loi, permettent
au ministre et au gouvernement, si ces articles sont appliqués à
la lettre, de faire pratiquement ce qu'ils veulent. Je crois que cette
intervention va dans le même sens que celle qui a été faite
tout à l'heure où, ne connaissant pas la teneur exacte des
règlements, il nous semble que certains règlements peuvent
même parfois dépasser ce qui est permis par la loi et, ne
connaissant pas le contenu exact et définitif des règlements, je
crois qu'il va être assez difficile à tout le monde de se
prononcer sur la valeur exacte de la loi.
L'article 31, en particulier je passe là-dessus...
L'article 37 est encore plus inquiétant à nos yeux, car il semble
constituer un chèque en blanc. Le gouvernement et le ministre
s'autorisent à édicter tous les règlements voulus,
à déterminer les exceptions et même à changer les
sens habituellement donné et reconnu des mots utilisés dans les
différentes professions. Cette attitude nous paraît donc
très aléatoire, car porter un jugement de valeur sur le projet de
loi en question sans connaître la totalité des règlements
qui l'accompagneront est pratiquement impossible, car ce sont eux, en
définitive, qui permettront de juger de la valeur de la loi.
C'est pourquoi, en conclusion, le Conseil supérieur du livre
demande instamment que les règlements qui accompagnent la loi ne soient
pas trop tatillons et n'outrepassent pas la loi. Il serait déplorable
que le temps passé par les différentes personnes
concernées, agréées ou pas, à remplir des
formulaires et à répondre à des enquêteurs leur
coûte plus cher que l'aide qu'ils peuvent recevoir. Ce serait
sûrement fausser l'esprit de la loi.
Le Président (M. Blank): Merci, M. Déri.
Seulement pour les fins du journal des Débats, je pense que, vu
qu'on a fait un résumé de votre mémoire, avec le
consentement de la commission, on pourrait faire imprimer votre mémoire
au complet dans le journal des Débats. C'est agréé? (Voir
annexe).
M. le ministre.
M. Vaugeois: Merci, M. le Président. Je vous remercie
également, M. Déri. Je pense que nous sommes en présence,
avec ce premier mémoire, d'un des mémoires les plus importants.
Je ne crois pas choquer, qui que ce soit de la profession reconnaît
certainement que le Conseil supérieur du livre est un organisme
particulièrement représentatif et il est intéressant du
fait justement, qu'il a essayé, comme nous avons été
obligés de le faire, d'aller chercher les intérêts, que je
qualifierais de supérieurs, du domaine du livre, sans pouvoir ou sans
devoir s'arrêter aux intérêts de chacun des intervenants.
C'est effectivement le genre de défi qui se posait à nous. C'est
le genre de défi qui se posait au Conseil supérieur du livre. Il
ne sera pas étonnant, donc, que, sur l'essentiel de ce mémoire,
nous soyons d'accord, puisque nous avons procédé à peu
près de la même façon avec les mêmes
préoccupations.
On me permettra peut-être de revenir rapidement sur une dizaine
des points avancés par le mémoire. D'abord, je note et je fais
remarquer que, de façon très claire, le mémoire nous dit
que: "le projet de loi no 51 n'apporte aucun correctif à cette
situation". La situation dont il est fait mention, c'est: "le laxisme des
gouvernements successifs qui ont permis aux maisons américaines et
françaises de s'implanter et de s'approprier une part importante de
l'édition, de la librairie et de la distribution au Québec".
Le mémoire rappelle, à ce moment, que: "le Conseil
supérieur du livre n'a jamais cessé de réclamer des
mesures visant à protéger et à aider les artisans du livre
québécois et a poursuivi avec acharnement sa campagne en faveur
de la propriété québécoise contre l'invasion
étrangère dans le secteur du livre au Québec". Alors, je
tiens à noter cette remarque du mémoire, parce que, à
certains moments, on pourrait, par d'autres mémoires ou d'autres
remarques qui ont été formulées, laisser croire que nous
allons trop loin. Je souligne, avec insistance, que le reproche qu'on nous fait
ici, c'est de ne pas régler vraiment ce problème de la
propriété; donc, de ne pas aller, si je comprends bien, encore
assez loin.
Par ailleurs, le mémoire laisse entendre, par d'autres passages,
qu'il y a quand même, enfin, une attention apportée à ce
problème, et je crois comprendre que l'esprit général du
mémoire, c'est de souscrire au moins à ce début de
préoccupation que nous manifestons face à la question de la
propriété.
Un deuxième point, le CSL, justement sur cette question, à
la page 5 de son mémoire, tient à reconnaître le
bien-fondé du premier article qui spécifie que le gouvernement
n'apportera son aide qu'à des entreprises entièrement
québécoises alors qu'auparavant, il suffisait qu'une maison soit
à majorité québécoise pour bénéficier
d'une telle aide. Il me fait plaisir de souligner ce passage du
mémoire.
Un peu plus loin, le mémoire s'inquiète des effets que
pourront avoir les nouvelles pratiques, en France, quant au prix net. On se
demande si, avec cette nouvelle situation, nous pourrons réaliser
certains de nos objectifs ou les moyens que nous préconisons. Là,
nous sommes à l'article 4. Je vais commencer par le plus facile. On nous
demande si l'article 4 vise le livre québécois, la
réponse, c'est non. S'il n'est pas assez clair, nous verrons, à
sa rédaction, s'il y a lieu de l'améliorer parce que ce que nous
visons, c'est, bien sûr, le livre qui fait l'objet de l'application d'une
tabelle pour établir son prix de vente. Il y a peut-être lieu
de réviser le texte de l'article 4 pour le rendre clair, mais je
réponds déjà à une des questions du
mémoire.
Quant à l'application des mesures auxquelles nous songeons, ces
mesures nous y songeons en liaison avec l'Association des distributeurs qui
sont particulièrement concernés; c'est avec eux que nous allons
chercher les solutions. Nous croyons que la nouvelle pratique française
du prix net cause plus de problèmes en France qu'ici, et nous attendons
qu'on y voit plus clair du côté français. Ils ont un
certain nombre de problèmes à régler, quant à la
publicité, en particulier. C'est assez embêtant, actuellement, on
annonce des livres sans pouvoir indiquer un prix parce que si on indiquait un
prix, on tomberait dans la faiblesse qu'on a voulu corriger, donc on n'annonce
pas de prix. On semble momentanément ne pas avoir de prix de
référence pour utiliser nos fameuses tabelles et dégager
un prix québécois.
Dès qu'on y verra plus clair du côté
français, dès qu'il y aura des choses qui seront mises en place,
je pense que nous pourrons assez aisément trouver les moyens
d'intervention. Nous aurons, à partir du prix net, à avoir des
tabelles qui en tiendront compte, qui tiendront compte qu'elles s'appliquent
dorénavant à un prix net sur lequel il faut ajouter un certain
nombre d'éléments importants. Je pense bien que la tabelle pourra
s'ajuster en regard de cette nouvelle pratique française.
Vis-à-vis des livres d'autres provenances, nous pourrons procéder
autrement. A notre avis, pour l'instant, le problème n'est pas encore
chez nous. Nous avons besoin de savoir comment, du côté
français, on va finalement procéder pour la facturation et ainsi
de suite. On nous raconte d'ailleurs des choses assez amusantes quant aux
problèmes que cela peut soulever outre-Atlantique.
Le mémoire nous demande et nous invite, conjointement avec
d'autres ministères, à nous doter enfin d'outils statistiques
appropriés. Nous souscrivons à cette demande et
déjà je peux vous dire que plusieurs dispositions ont
été prises pour essayer, le plus rapidement possible, de pallier
cette déficience.
On réfère ensuite à une espèce d'analyse du
mandat du Comité consultatif du livre tel qu'il existe actuellement.
Ensuite, on fait allusion au mandat que lui donnerait le nouveau projet de loi,
c'est-à-dire le projet de loi actuel. Je dois dire que dans le
mémoire du CSL, c'est peut-être le passage qui m'a le plus
intéressé. L'approche prise par le mémoire me plaît
beaucoup. Déjà, d'ailleurs, j'ai demandé à nos
conseillers juridiques d'évaluer la possibilité,
concrètement, de réviser certaines parties du projet de loi pour
aller dans le sens de ce qui est préconisé dans le
mémoire. La vérité est que le mémoire exprime nos
intentions. Peut-être que notre façon de rédiger le projet
de loi n'allait pas suffisamment dans le sens de nos intentions et tenait trop
compte de la situation présente. Je tiens à insister sur ce fait:
les préoccupations mentionnées dans le mémoire rejoignent
tout à fait nos préoccupations et je trouve extrêmement
intéressant, d'ailleurs, que le CSL ait formulé ce genre de
proposition.
Effectivement, il est possible que nos services puissent régler
un certain nombre de problèmes administratifs en regard de l'application
de la loi, et nous pouvons peut-être demander à un comité
ou à un conseil supérieur du livre et de la lecture de se livrer
à d'autres exercices plus généraux et plus fondamentaux.
Je conviens que notre retard quant au développement des
bibliothèques et de tout ce secteur du livre serait peut-être
moins grand si nous avions eu plus tôt ce genre de conseils et cet
organisme susceptibles d'aider le ministre dans son action et de soutenir le
travail des services du ministère.
A la page 11, le mémoire nous rappelle un certain nombre
d'objectifs qui avaient été formulés par un de mes
prédécesseurs sous le précédent gouvernement. Je ne
veux pas provoquer de débat avec mes collègues de l'Opposition,
mais je dois dire que ce ne sont pas tout à fait nos objectifs ou, tout
au moins, nous ne pouvons les formuler comme ils étaient formulés
en 1974. (15 h 15)
Je les rappelle, je pense que ce n'est pas inutile: "Développer
la librairie locale et promouvoir la vente du livre québécois par
sa présence obligatoire dans nos librairies". Nous voulons bien
favoriser la présence du livre québécois dans nos
librairies, mais nous cherchons, par ce projet de loi et par les
règlements, à être le moins directif possible. Chaque fois
que nous pouvons faire jouer à chacun son rôle et éviter de
faire intervenir l'Etat de mille et une façons, c'est notre objectif et
notre préoccupation. "Mettre un frein à l'intrusion des
étrangers dans la vente du livre au Québec", c'était
formulé comme cela en 1974. Nous convions tout le monde à rendre
le livre de toute provenance le plus accessible possible au Québec, sauf
que nos premiers alliés et ceux que nous croyons nécessaire
d'aider pour toutes sortes de raisons, ce sont des entreprises à
propriété québécoise. Pour autant, nous ne
souhaitons pas ériger de barrière pour empêcher, tel qu'on
le formulait à l'époque, l'intrusion des étrangers dans la
vente du livre au Québec. Cela ne veut pas dire que les
préoccupations ne demeurent pas en référence à cet
objectif, mais nous ne formulons plus les choses de cette façon, et
pourtant cela nous amène à poser un geste que le
précédent gouvernement, malgré des énoncés
aussi clairs que celui-là, n'a jamais osé poser.
A la page 12, le mémoire résume d'une façon
intéressante un certain nombre de préoccupations que nous avons.
A juste titre, on nous fait remarquer, au premier point, que nous ne
précisons pas de quelle aide il s'agit. C'est vrai et ce sont nos
programmes réguliers, il s'agit ici d'une loi-cadre, une loi-cadre n'a
pas à donner les différents programmes qui ont cours et qui
auront cours. Donc, la remarque est juste, et il faut voir, dans les programmes
du ministère, de quelle aide il peut s'agir. Je reconnais, soit dit en
passant, que dans certains cas il n'y a pas d'aide vraiment importante
d'identifiée, ce sera surtout vrai du côté des
distributeurs, encore que nous avons un certain
nombre de préoccupations qui visent à réduire la
distance ou à abolir la distance, à faire en sorte que les
conditions de travail d'un libraire éloigné soient aussi
comparables que possible à celles d'un libraire plus près des
centres de distribution. Il reste que dans tous les cas, il n'y a pas de
programme d'aide très important.
Il y aurait des choses à dire sur le fait que les institutions
universitaires ont un traitement de faveur, mais d'autres mémoires me
donneront l'occasion d'y revenir et d'expliquer pourquoi nous avons pris cette
position, pour l'instant. On souligne le fait que des libraires
agréés, dans notre esprit, pourraient ne pas souffrir de la perte
du marché du manuel scolaire. Je pense qu'il faut nuancer cela. Nous
sommes conscients que pour certains libraires le marché du manuel
scolaire pourrait être très important. Nous n'avons pas dit que ce
n'était pas un marché important, nous avons plutôt
cherché à proposer aux libraires un marché que nous
considérons plus important, plus intéressant, et surtout plus
près de son travail professionnel. Nous pensons que le libraire se
réalise davantage dans ce marché que nous lui réservons
que dans le marché du manuel scolaire, encore que, dans notre esprit, le
marché du manuel scolaire ne devrait pas être perdu pour les
libraires. Nous avons dit dans notre présentation d'introduction, tout
à l'heure, qu'à notre avis, pour améliorer la situation du
livre au Québec, il fallait que chaque intervenant respecte son voisin
et reconnaisse le rôle que joue son voisin. Je n'en démords pas,
c'est notre conviction profonde. Si les libraires ne sont pas convaincus du
rôle du distributeur, si les distributeurs ne sont pas convaincus du
rôle de l'éditeur, si l'auteur n'est pas convaincu du rôle
que joue son éditeur... et les gens de la profession, ici, ont tous
présent à l'esprit des exemples récents d'auteurs qui ont
renvoyé du revers de la main leur éditeur en ne reconnaissant pas
les services rendus par l'éditeur.
Nous pouvons donner des exemples que nous vivons quotidiennement, au
Québec, de gens qui, dans cette profession, ne reconnaissent pas la
fonction du voisin. Notre proposition, c'est d'amener chacun à
reconnaître la fonction du voisin et d'amener chacun à remplir son
travail le mieux possible. A cet égard, nous n'avons jamais voulu
proposer que le manuel scolaire soit acheté directement chez
l'éditeur ou directement chez l'auteur ou directement chez le
distributeur. Nous continuons de croire que le libraire joue un rôle
important dans le manuel scolaire. Ce n'est pas par le fait que nous le
libéralisons, selon une expression qui est utilisée actuellement,
que nous ne croyons pas utile pour l'acheteur de manuel scolaire de traiter
avec le professionnel de la vente au détail.
J'insiste là-dessus parce que, je l'ai dit aux professionnels
lors des consultations et je le reprends aujourd'hui, il me semble que tout le
monde va se jouer un tour si le fait que cela devienne libre amène les
différents partenaires à sauter des étapes. Je
prévois des difficultés dans les commissions scolaires, qui ont
bien du mal à évaluer le nombre d'étudiants pour chaque
discipline et chaque niveau d'un mois de septembre à l'autre. C'est
difficile de placer des commandes très justes longtemps à
l'avance. Je pense que le libraire joue un rôle d'intermédiaire
fort utile.
Egalement, je pense que les distributeurs pourraient s'illusionner s'ils
pensaient réaliser de meilleurs profits en ignorant les libraires dans
la distribution et la vente du manuel scolaire. Je ne fais pas ici un plaidoyer
pour ce secteur en particulier, mais je veux surtout qu'on ne comprenne pas
que, parce que nous n'obligeons pas à cet égard, nous croyons
préférable qu'on oublie le libraire dans le processus de vente de
manuel scolaire. Par ailleurs, je pense que, pour plusieurs petits libraires,
l'intervention dans le manuel scolaire était difficilement
professionnelle étant donné son caractère particulier; de
la même façon nous croyons que certains libraires
spécialisés dans le manuel scolaire et nous en connaissons
au Québec d'excellents dans ce domaine ont joué
traditionnellement et devraient continuer à le jouer un
rôle important et fort utile. Il y a des économies importantes
à réaliser pour les commissions scolaires à continuer
à traiter avec ces libraires, encore que, à notre avis, ce n'est
pas le genre de secteur où tous les libraires peuvent exceller et
où tous les libraires peuvent trouver un profit.
Effectivement, je pense que la profession était unanime, je l'ai
toujours trouvé dans les mémoires qui m'ont été
soumis, à regretter la mince marge qui était
dégagée pour le manuel scolaire. Cette marge peut
représenter une valeur autre si la quantité s'y trouve.
Autrement, pour un petit libraire, c'est certain que c'est une opération
qui n'est pas très intéressante financièrement.
On nous fait remarquer que le libraire qui ne vend qu'au détail
n'a pas besoin d'être agréé, et on ajoutera d'ailleurs un
peu plus loin que l'agrément est facultatif et volontaire. C'est vrai,
c'est important de le noter, je suis content que le mémoire le note,
l'agrément est facultatif et volontaire, mais je pense que, même
pour le libraire qui voudrait ne faire que de la vente au détail,
l'agrément peut être intéressant parce qu'il peut
décider que le marché qu'on réserve au libraire
agréé ne l'intéresse pas, mais, pour autant, je pense que
plusieurs de nos programmes pourraient l'intéresser. Déjà,
actuellement, nous avons des programmes qui sont à l'essai et qui sont
intéressants pour tous les libraires, qu'ils vendent aux institutions ou
pas. Je pense à tous ces programmes qui visent à réduire
la distance, selon notre expression.
On nous met en garde contre certains articles des sections VI et VII.
Nous sommes d'accord avec les mises en garde ou avec ce qui soutient les mises
en garde. Nous avons cherché, nous-mêmes, dans la rédaction
des avant-projets de règlement, à être très attentif
à ce genre d'excès et nous sommes parfaitement en accord. Le fait
que pour deux articles en particulier le mémoire attire notre attention
sur des points particuliers va nous amener à les revoir pour nous
assurer que, les intentions étant les mêmes, les
préoccupations étant les mêmes, le texte dont nous
hériterons ne nous
fasse pas dire des choses que nous n'avons pas voulu dire.
On conclut que rien dans le projet de loi ne prouve à
l'évidence que les mesures envisagées vont faire ceci et cela.
C'est vrai, encore que je pense que l'expérience de chacun peut
permettre d'entrevoir un certain nombre d'effets, mais, dans ce domaine, nous
ne pouvons prévoir l'avenir. On reconnaîtra que notre
préoccupation, actuellement, c'est d'amener chacun à jouer son
rôle. Nous pensons qu'en amenant chacun à jouer son rôle et
en posant les balises du rôle de chacun, en invitant chacun à
reconnaître le rôle du voisin, l'ensemble du commerce du livre ne
pourrait que mieux se porter.
Comme notre préoccupation est que ce projet de loi soit vu dans
une préoccupation plus globale de politique de la lecture où nous
ferons intervenir les bibliothèques, tant scolaires que publiques
c'est à une autre occasion que je pourrai dévoiler nos projets
à cet égard je pense que nous allons progresser.
Je voudrais relire la conclusion de ce mémoire, parce que nous la
faisons nôtre: "Le CSL, pour conclure, demande instamment que les
règlements qui accompagnent la loi ne soient pas trop tatillons et
n'outrepassent pas la loi. Il serait déplorable que le temps
passé par le libraire, l'éditeur ou le distributeur,
agréés ou pas, à remplir des formulaires et à
répondre à des enquêteurs lui coûte plus cher que
l'aide qu'il peut recevoir." Nous sommes parfaitement d'accord avec cette
conclusion et notre travail, jusqu'à maintenant et dans les semaines
à venir, va se faire avec ce genre de préoccupation.
M. le Président, je remercie les responsables de ce
mémoire, je remercie le Conseil supérieur du livre, qui ont pris
le temps, dans des délais assez courts, de rédiger ce
mémoire. Je tiens à leur dire que les quelques remarques que je
viens de formuler ne couvrent pas toutes les remarques qui nous sont venues
à l'esprit. Nous tiendrons compte d'un certain nombre d'autres
éléments dans le travail de révision que nous allons
faire.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon, avez-vous des remarques, des questions?
M. Rivest: Oui, M. le Président, bien sûr j'endosse
les remarques, l'appréciation du ministre sur le sérieux du
mémoire du Conseil supérieur du livre. Le ministre a
évoqué plusieurs dispositions particulières du
mémoire, soulignant, à l'occasion, des amendements ou des
correctifs qu'il entendait apporter au projet de loi, de façon à
répondre aux propositions ou à chercher, à tout le moins,
à répondre aux propositions du Conseil supérieur du livre.
Il est bien sûr que les gens du conseil peuvent compter sur nous pour le
rappeler au ministre à l'occasion des débats ultérieurs du
projet de loi, dans la mesure où nous pourrons les relire à
l'intérieur du journal des Débats, chose qui reste, à ce
qu'on me dit, assez problématique pour l'instant, mais on verra
sûrement; je pense qu'on en a pris note, parce que le ministre a
commenté, de façon détaillée, sérieuse, le
mémoire du Conseil supérieur du livre.
Je voudrais simplement poser quelques questions de précision;
entre autres, lorsque vous parlez du laxisme des gouvernements successifs
concernant les maisons américaines et étrangères. Vous
affirmez je sais que d'autres viendront probablement me dire le
contraire que ce projet de loi n'apporte aucun correctif à cette
situation. Très brièvement, à titre
d'énumération probablement que la réponse à
ma question se trouve contenue au mémoire que vous avez
déjà préparé sur la protection de la librairie et
de l'édition québécoise pouvez-vous me donner deux
ou trois mesures ou correctifs que vous verriez absolument nécessaires
pour corriger la situation que vous décrivez?
M. Déri: Je vais laisser M. Dubé répondre
à ma place. Non?
Je pense que la question est, de nos jours, pratiquement inutile, parce
que, comme je l'ai dit, le projet de loi part d'une situation de fait. Des
maisons d'édition qui appartiennent en partie ou en totalité
à des intérêts étrangers, il y en a; des librairies
qui appartiennent en partie ou en totalité à des
intérêts étrangers, il y en a et des réseaux de
distribution qui appartiennent en partie ou en totalité à des
intérêts étrangers, il y en a aussi.
Comme on n'a rien fait pour empêcher cet état de fait, ce
n'est pas la loi actuelle qui va y changer quelque chose. On tient pour acquis
que ces personnes, ces maisons sont là et qu'on va travailler avec
elles, puisqu'elles sont établies et qu'elles ont droit de travailler,
au même titre que les autres.
Quelles sont les mesures qu'on aurait pu prendre à
l'époque? Je pense que c'est un débat qu'il n'y a pas lieu de
faire ici. Je pense en particulier au programme FIRA, du gouvernement
fédéral; c'est peut-être quelque chose qu'on aurait pu
considérer il y a 15 ou 20 ans. Cela aurait peut-être, je ne dis
pas empêché, mais permis parfois à des maisons
québécoises de racheter des intérêts
québécois et de ne pas les céder à des
intérêts étrangers. (15 h 30)
M. Rivest: Le sens de ma question, M. Déri, est-ce que
vous regrettez qu'il y ait des maisons américaines ou françaises,
est-ce que, compte tenu des conditions de milieu, vous croyez qu'actuellement,
le gouvernement ou les gouvernements devraient prendre des mesures
concrètes pour réduire ou éliminer cet état de fait
que vous décrivez? C'est le sens de ma question. Est-ce que c'est la
position du Conseil supérieur du livre et si oui, dans quelle voie
pratique, vous avez mentionné FIRA j'en vois une le
gouvernement devrait-il s'orienter? C'est dans ce sens que je vous pose la
question.
M. Dubé (Yves): Un domaine possible qui dépasse la
loi 51, c'est le domaine de l'éducation où depuis trois ans, on
voit disparaître de plus en
plus la possibilité d'occuper le champ du manuel scolaire au
profit de maisons étrangères. Sur le plan de la
littérature générale, la pauvreté des moyens dont
nous disposons cela fera l'effet d'un mémoire plus tard ne
nous permettent pas de concurrencer les moyens que peuvent avoir les
concurrents étrangers.
M. Vaugeois: Si on me permet, M. le Président, un des
moyens que nous avons, c'est l'esprit général, c'est de chercher
à éviter d'interdire, d'empêcher... mais par ailleurs,
chaque fois que c'était possible, nous avons cherché à
donner des moyens à des entreprises d'ici de se développer. Le
seul moyen, jusqu'à maintenant, sur lequel nous misons beaucoup, c'est
évidemment la Société de développement des
industries culturelles qui, normalement, devrait donner des moyens financiers
à nos entreprises, relever un certain nombre de défis.
Je pense que tout le monde reconnaîtra que les avantages des
entreprises d'ici ne sont pas semblables à ceux d'entreprises qui
naissent ailleurs, à partir d'autres marchés et qui arrivent sur
le marché québécois avec un actif, des inventaires et
souvent, la vente ici, c'est la queue d'édition qui nous arrive, ou
encore, ils ont des ressources financières considérables
étant donné la maison mère. Nos entreprises naissant
à partir de ce petit marché qui est le nôtre, sont
désavantagées. Une des mesures que nous avons voulu mettre
à leur disposition, qui n'est pas dirigée contre les autres, mais
qui est dans le sens de favoriser nos entreprises pour leur permettre
éventuellement d'être mieux préparées, mieux
outillées, c'est ce financement par la Société de
développement des industries culturelles qui reprend une ancienne loi,
la Loi du prêt garanti, en allant plus loin.
En passant, dans notre proposition, la propriété
québécoise est évidemment requise pour l'aide des
différents programmes, comme pour l'accessibilité à cette
forme de financement.
Le Président (M. Blank): Je pense que M.
Préfontaine veut dire quelque chose.
M. Préfontaine (André): En tant que
président de l'Association des éditeurs de manuels scolaires,
pour répondre à la question de monsieur, il existe, dans d'autres
provinces du Canada, des mesures qui, sans être restrictives, encouragent
l'édition canadienne du pays et, particulièrement en Ontario, la
liste des manuels agréés qu'on appelle la circulaire 14 ne sera
pas inscrite à la liste des manuels agréés, des livres qui
ne sont pas écrits par des auteurs canadiens, édités au
Canada, à moins, c'est le seul cas, qu'il n'y ait aucun livre disponible
au pays. Pour ça, on va admettre des étrangers. Mais ça
existe au pays dans le moment.
Le Président (M. Blank): M. Dubé?
M. Dubé: Evidemment, c'est le futur qui est l'avenir, on
est bien content, on verra ce que ça donnera, mais le présent,
c'est une espèce de cloisonnement plus ou moins étanche entre les
différents ministères, un cloisonnement qui fait, que par moment,
on se demande si on se bat entre le ministère des Affaires culturelles
et le ministère de l'Education, et finalement, on a à souffrir de
situations de faits, c'est-à-dire que dans le fond, ça devrait
être une relation à trois, entre les professionnels du livre, le
ministère des Affaires culturelles et le ministère de
l'Education.
La plupart des maisons d'édition au Québec n'ont pas les
moyens d'avoir le lobbying de certaines maisons étrangères
auprès du ministère de l'Education. Moralité: beaucoup de
grands projets, qui répondent à des programmes qu'on
connaît après les étrangers plutôt qu'avant, vont
à ces maisons étrangères.
M. Vaugeois: M. le Président, est-ce qu'on me permettrait
de citer un auteur français, édité en France et lu au
Québec par moi, récemment? François Giroux, dans "La
comédie du pouvoir", dit quelque part que "impossible" en
français, c'est assez rare, sauf quand il s'agit de faire collaborer
ensemble des ministères; là, ça lui a paru presque
impossible.
Cela a effectivement été vrai au Québec pendant
longtemps. Je ne ferai pas un plaidoyer, mais la structure actuelle des
ministères d'Etat a permis au moins ceci, c'est d'amener des ministres
sectoriels, mais de secteurs voisins, à s'asseoir autour d'une
même table et à travailler ensemble. Je tiens à souligner
que si nous avons pu, cette fois-ci, progresser de façon notable avec
notre projet de loi, c'est justement grâce à cette table de
travail autour de laquelle se trouvait, entre autres, le ministre de
l'Education. Quand plusieurs dispositions de la loi font
référence aux bibliothèques scolaires, nous avons non
seulement l'assurance du ministre de l'Education, qui souscrit à cette
proposition, mais nous avons déjà l'assurance que les budgets
d'acquisition, que les budgets de bibliothèques scolaires, budgets qui
étaient demeurés stagnants ces dernières années,
qui n'avaient vraiment pas bougé, que ces budgets vont maintenant
prendre une expansion, non seulement normale, mais qui va aller absolument au
delà des espoirs des gens concernés.
Ce plan de développement des bibliothèques municipales et
scolaires, nous entendons le rendre public cet automne. C'est un exemple
où je tiens à souligner la collaboration reçue du ministre
de l'Education et je reconnais, avec M. Dubé, qu'un des grands
défis qui se pose dans un domaine comme le livre, c'est d'avoir la
collaboration de plusieurs autres ministères. C'est également
vrai du ministère de l'Industrie et du Commerce et de quelques autres,
mais dans le cas du ministère de l'Education c'est vrai des
autres aussi la collaboration reçue a été
particulièrement remarquable. Nous fondons beaucoup d'espoirs sur ce que
prépare le ministre de l'Education pour soutenir la politique du livre
et de la lecture.
Le Président (M. Blank): M. Dubé.
M. Dubé: Je suis heureux d'entendre le ministre des
Affaires culturelles parler de budget d'acquisition dans les
bibliothèques, quand on sait que, depuis trop d'années, il y a
des enveloppes uniques qui ne laissent parfois rien au budget d'acquisition des
bibliothèques scolaires; ce qui fait que, en définitive, pendant
des années on n'a parlé de rien du tout, on mélangeait les
livres avec l'habillement sportif ou autre dans une même enveloppe, ce
qu'on appelle l'enveloppe unique au ministère de l'éducation. Si
on nous assure d'un budget d'acquisition certain au niveau des
bibliothèques, c'est déjà quelque chose, mais ce n'est pas
encore en manuels scolaires.
L'acquisition des bibliothèques scolaires, c'est une bien petite
partie d'un budget, par rapport à l'acquisition des manuels scolaires.
Le fait que les libraires se soient plaints, dans le passé, de la
minceur des profits possibles dans le traitement de manuels scolaires, à
leur endroit on ne crée pas une solution, on crée un nouveau
problème, on aurait dû augmenter le pourcentage possible de
profit, plutôt que de dire: Vu que c'est trop mince, on laisse
tomber.
M. Vaugeois: M. le Président, une petite précision,
j'ai mentionné la collaboration reçue du ministre de l'Education;
étant donné le problème soulevé par M. Dubé,
je crois opportun d'ajouter que non seulement les budgets d'acquisition des
bibliothèques scolaires vont augmenter de façon très
importante, mais le ministre des Finances est d'accord pour que, dans la
façon d'organiser les budgets des commissions scolaires, on puisse
distinguer les budgets des bibliothèques, pour un certain temps. C'est
un point qui doit être abordé avec les commissions scolaires,
parce que nous ne voulons pas injecter de l'argent dans ce secteur, pour qu'il
soit détourné; nous avons également des assurances
à cet égard.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Cela m'amuse toujours un peu je pense que les
gens du milieu du livre le savent les ministres parlent volontiers de
budgets, mais ils sont rarement chiffrés. Néanmoins, prenons acte
des bonnes intentions de ce ministre; quand il a parlé du ministre des
Finances, qui est arrivé dans le décor, il a pris la peine de
dire que même lui était sensible à ça.
Une Voix: II le pousse dans le dos!
M. Rivest: Oh, oui, d'après moi! On va donc prendre acte
de ça, c'est un premier point.
Le deuxième point, vous avez parlé une affaire qui
m'intrigue dans l'ensemble de votre mémoire de certaines
dispositions, entre autres, toujours au sujet de votre première
remarque au niveau de ce qu'on doit faire pour essayer d'aider les
librairies, les éditeurs et les distributeurs québécois au
maximum; je pense que, là-dessus, tout le monde est bien d'accord.
On a parlé de la société et le ministre a
parlé de budget. Vous dites le ministre l'a d'ailleurs reconnu
dans ses remarques, que dans ce domaine tous les outils statistiques
appropriés pour savoir exactement quelle est la situation font
défaut. Si on arrive avec un projet de loi qui bouleverse d'une
façon trop considérable l'ensemble des intervenants dans le
domaine, en regard du critère de la propriété
québécoise ou non québécoise, a-t-on en ce moment
peut-être au ministère il me semble qu'on ne les a pas
les instruments statistiques pour savoir qu'un geste qu'on poserait dans
un sens ou dans l'autre pourrait avoir telle répercussion, non pas
tellement au niveau des entreprises qui seraient concernées
laissons cela de côté pour le moment mais au niveau du
service qui serait donné au public? A ce compte-là, avez-vous...
Ou est-ce que ce sont des faits, des états de situation, comme on l'a
signalé tantôt que, effectivement, il y a plusieurs entreprises
québécoises qui disparaissent compte tenu des moyens dont
disposent les entreprises étrangères?
M. Déri: Pour répondre à votre question, ce
qui nous inquiète, c'est justement et je crois que c'est dit
très nettement quelque part à l'intérieur de notre
mémoire c'est qu'on ne connaît pas justement ni les
organismes professionnels ni le ministère ne les connaissent les
habitudes de lecture des Québécois. Je veux dire que socialement,
on ne sait pas qui lit, on ne sait pas qui ne lit pas et on ne sait pas qui lit
quoi quand les gens lisent. L'un des buts évidents du projet de loi est
justement de mettre le livre québécois à la portée
de tous les Québécois pour les inciter à la lecture. Or,
le Conseil supérieur du livre prétend que si on ne sait pas
d'où on part, dans deux ans, on ne sera pas plus avancé parce
qu'on ne saura pas si le projet de loi en question et les règlements qui
vont l'appliquer auront eu les effets voulus d'inciter plus de gens à la
lecture. Cela se complique évidemment du fait que l'incitation à
la lecture n'est pas uniquement un problème qui relève du
ministère des Affaires culturelles, mais qui relève aussi de
l'éducation, et c'est exactement ce que l'on dit. Il faudrait au moins
commencer par une étude sur les habitudes culturelles des
Québécois et en particulier sur les habitudes de lecture pour
savoir d'où on part et pour pouvoir tous les deux ans vérifier
si, effectivement, il y a amélioration ou détérioration
dans ce domaine.
M. Rivest: Compte tenu de votre réponse, vous n'iriez pas
jusqu'à dire que le projet de loi qu'on étudie
présentement est inutile ou enfin, est prématuré parce que
je pense qu'il y a quand même des mesures là-dedans vous
l'avez souligné dans votre mémoire qui sont
nécessaires ou qui s'imposent.
M. Déri: Non, nous n'avons jamais dit qu'il était
inutile. Nous pensons que c'est probablement un début de solution, mais
nous disons et nous mettons en garde parce que dans deux ans,
personne ne pourra vérifier si cet élément de
solution est valable ou n'est pas valable. Nous reconnaissons évidemment
que, depuis 17 ans, le Conseil supérieur du livre au ministère
des Affaires culturelles a eu neuf interlocuteurs différents, une
moyenne d'un ministre à tous les deux ans et nous reconnaissons, bien
sûr, que le ministre actuel qui est en fonction depuis 18 mois...
M. Rivest: Vous annoncez le départ du ministre, vous!
M. Déri: Non, aujourd'hui, c'est un jour anniversaire. Il
est en fonction depuis 18 mois. Nous reconnaissons qu'en 18 mois il a
essayé de couvrir par son projet de loi tous les aspects possibles du
domaine du livre. Ce n'est évidemment pas faisable du premier coup. On
pense que ce sont des éléments de solution, mais nous demandons
qu'en même temps on mette en place les outils pour pouvoir
vérifier qu'effectivement on va dans le bon sens.
M. Rivest: C'est cela. D'accord. Ces outils, on en a parlé
tantôt au niveau des budgets je pense que le ministre en a pris
note au niveau de l'aide également qui sera fournie à ceux
qui seront agréés. On comprend que ce sont des programmes
réguliers du ministère des Affaires culturelles, mais d'autres
programmes aussi, l'intervention du ministre de l'Education... Pour ne pas
allonger si vous me permettez de conclure j'ai pris note, bien
sûr, comme le ministre et les autres membres de la commission de vos
propositions au niveau du conseil consultatif. J'ai noté avec
intérêt la remarque du ministre, à savoir qu'au fond ce que
voulait dire le projet de loi, c'est non pas ce qu'on y lisait, mais ce que
vous étiez pour dire sur le projet de loi en question. Cela revenait un
peu à cela.
M. Déri: Je serais heureux de le lire aussi. (15 h 45)
M. Rivest: Oui, oui. C'est cela. Mais disons que,
là-dessus, on a l'engagement du ministre. Il y a un seul commentaire qui
m'ait un peu étonné; quand vous parlez des fonctionnaires, etc,
pour remplacer les gens quelle est la raison première? Vous trouvez que
c'est plus normal que ce soit les fonctionnaires qui soient les douze
personnes?
M. Déri: Je crois qu'il ne faut pas confondre deux choses.
On trouve normal que ce soit des fonctionnaires qui veillent à
l'application des règlements, une fois qu'ils sont clairs et qu'ils sont
établis. Les douze personnes en question pourraient, bien sûr,
donner leur avis sur l'application des règlements, quand il y a un cas
litigieux, mais nous pensons que ce ne sont pas des représentants du
milieu du livre qui doivent vérifier que les dossiers sont conformes et
que les gens respectent la loi; cela place ces personnes en conflit
d'intérêts; ils ont accès à des renseignements
auxquels ils n'ont pas droit. Ce n'est pas le rôle de ces personnes de
remplacer les fonctionnaires qui doivent effectuer ce travail.
M. Rivest: Oui, je comprends ça, sous réserve de ce
que vous avez dit ça ne relève pas du conseil de
l'intervention et de l'application de la loi, des pouvoirs, par exemple, de
l'article 31 ; je ne sais pas comment le ministre va faire pour corriger cet
élément, qui, à première vue, paraît
excessif, au niveau des pouvoirs d'enquête, de s'immiscer à
l'intérieur des entreprises.
J'ai aussi, pour ma part je termine là-dessus
noté avec beaucoup d'intérêt le souci d'essayer de
restreindre la portée de l'ensemble des pouvoirs réglementaires
et d'obtenir, de la part du ministre, au moins des explications pour savoir
exactement comment lui entend utiliser ces pouvoirs réglementaires, de
façon à ne pas vider l'ensemble de la loi de son contenu, sur la
simple base de la discrétion ministérielle. Je pense que le
ministre a déjà indiqué son intention de travailler dans
ce sens. Je vous remercie.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: M. le Président, je voudrais, à mon
tour, renchérir sur les propos des intervenants
précédents, concernant l'aspect très positif et
très sérieux du mémoire que vous avez
présenté. Il y a d'autres organismes qui vont vous
succéder et qui aborderont également des aspects très
intéressants. Je constate que vous avez cerné des
problèmes majeurs, des choses sur lesquelles votre expérience
vous permet de faire des suggestions très positives au gouvernement.
Avec vous, je me réjouis de cette contribution que vous nous
apportez.
J'aurais simplement quelques brèves questions. A la page 4, quand
vous mentionnez le rôle des gouvernements antérieurs, qui ne sont
pas intervenus assez rapidement pour freiner un peu les maisons
françaises ou américaines, je me demande si l'industrie
québécoise du livre était à point, puisque les
maisons françaises sont entrées; nous ne pouvions peut-être
pas répondre à la clientèle.
Mais je voudrais que vous répondiez à une question: Est-ce
que, sur le marché étranger, en France par exemple, nos maisons
d'édition québécoises jouent un certain rôle, est-ce
que leur diffusion ou les lecteurs qu'elles atteignent sont dignes de
mention?
M. Dubé: La comparaison se fait mal; a priori, on pourrait
dire que c'est un échange d'un cheval contre un lapin, parce qu'ils ont
tellement plus à nous offrir que nous n'avons à leur offrir.
Certains autres mémoires, je le sais, parlent du non-empêchement
des pays étrangers à notre pénétration; c'est vrai,
mais, par contre, c'est une pénétration tellement restreinte par
rapport à ce que nous subissons ici que je ne vois pas la
possibilité d'établir une comparaison qui soit valable.
M. Le Moignan: Justement, vous avez vu les autres
mémoires, comme nous; les gens vont différer d'opinion. Je
respecte la liberté de tous là-dedans.
On sait qu'aujourd'hui, au Québec comme ailleurs, le prix du
livre est excessif. Avec tous les intermédiaires, soit l'éditeur,
le distributeur, le libraire, et le reste, pensez-vous que la nouvelle loi peut
favoriser une plus grande diffusion de la lecture et que, parce que le livre
sera plus facile d'accès, ça coûtera moins cher? Est-ce
qu'il y a des possibilités d'en arriver là?
M. Déri: Je serais très embarrassé de
répondre à cette question, car il y a de nombreuses études
qui prétendent que, quand les gens veulent lire, ils iront acheter un
livre, quel que soit son prix. C'est pourquoi on s'interroge sur les effets de
la loi, à savoir est-ce qu'effectivement la loi et les règlements
en question rendront le livre moins cher, car il y a des contraintes auxquelles
on ne peut pas échapper. Je pense, en particulier, au taux de change
pour les livres importés. Donc, nous ne sommes pas sûrs que le
livre sera moins cher, parce que le prix du livre a augmenté dans tous
les pays depuis quelques années. Nous ne sommes pas sûrs, non
plus, que, si le livre était moins cher, il s'en vendrait plus et, donc,
qu'il s'en lirait plus. Je ne peux malheureusement pas répondre à
cette question.
Le Président (M. Blank): M. Préfontaine.
M. Préfontaine (André): Depuis un certain temps,
tout le monde nous dit que le livre est cher, qu'il est trop cher, etc.
J'aimerais renvoyer la balle un peu, renverser le courant, parce que ce n'est
pas si vrai que ça que le livre est cher. Si on parle du livre de
loisir, vous pouvez souvent payer un roman, un récit, un bon livre, une
quinzaine de dollars et même $16, $17 ou $18, ça se voit.
Mme Lavoie-Roux: Cela commence à être cher.
M. Préfontaine: Je m'explique. Je vous dis que ce n'est
pas cher pour cette raison: la personne achète le livre à $15,
$16 et $17 et passe combien d'heures de loisir sur ce livre? Quatre heures,
cinq heures, six heures. "Les oiseaux se cachent pour mourir", un des plus
grands best-sellers du temps, se vendait, au départ, $20. Mais c'est un
livre qu'il faut plusieurs heures pour lire. Nommez-moi les autres loisirs que
vous pouvez pratiquer pour si peu d'argent. Nommez-les-moi. Je m'excuse, mais
le livre n'est pas cher.
Le Président (M. Blank): M. Dubé.
M. Dubé: Si vous voulez, le problème de la
cherté des livres, ça devient un mythe au Québec. On en
parle continuellement et peut-être très souvent à tort. Il
y a des choses qu'on peut dire, c'est que les livres produits au Québec
coûtent moins cher sur le marché québécois. C'est
vrai pour tout le monde, c'est presque une lapalissade, mais dans une certaine
mesure c'est peut-être bon que les membres de cette commission sachent
que s'ils continuent de trouver le livre cher, ce n'est pas lié à
une idée de profit exagéré de la part de qui que ce soit;
c'est tout simplement en considération bien prosaïque du prix du
papier, du prix du travail humain, des augmentations syndicales obtenues dans
les imprimeries, etc. Dans le fond, nous sommes aussi victimes que le public du
prix des livres.
M. Le Moignan: Une petite remarque; on remarque souvent, dans le
livre québécois, qu'on peut payer un livre de 150 pages $10 ou
$12, d'une certaine qualité, et qu'on peut en payer un autre de 300 ou
400 pages $4 ou $5. Vous avez parlé du coût du papier. On
achète des livres qu'on paie beaucoup moins cher et ils sont très
intéressants; il y en a d'autres qui semblent avoir une bonne diffusion,
un très bon tirage et qu'on paie très cher.
M. Dubé: II y a des éditeurs qui sont là
pour rester et qui connaissent le taux de conversion qu'ils doivent employer
pour pouvoir subsister et il y en a d'autres qui le connaissent moins.
M. Le Moignan: J'aurais une question importante. Vous avez
mentionné l'article 37. Vous n'avez pas lu les règlements qui
accompagnaient le projet de loi? Vous les aviez lus? Très bien. Parce
qu'ici, dans le projet de loi, c'est très vague. D'habitude, dans tous
les projets de loi, on détermine ce qu'on entend au départ par
livre, édition, éditeur, distribution et ici on l'ajoute dans la
réglementation. Je comprends qu'un projet de loi, pour être
modifié, doit revenir à l'Assemblée nationale, tandis
qu'une réglementation c'est bien indiqué ici c'est
le ministre, le gouvernement qui peut déterminer, modifier, changer ces
règlements. Est-ce que cette façon de procéder ne vous
inquiète pas?
M. Déri: Ce que l'on dit dans le mémoire, c'est que
cette façon de procéder nous inquiète effectivement parce
que, pour pouvoir préciser certains règlements, on est
amené à apporter certaines confusions. J'en prends simplement
deux qui reviendront probablement comme exemples dans d'autres mémoires.
Comme on parle de la distribution du livre et qu'on veut exclure le manuel
scolaire de cette catégorie, à un moment donné, un manuel
scolaire n'est plus un livre. A un autre moment, on parle des librairies
agréées et des librairies non agréées. Les
librairies non agréées deviennent des points de vente, alors
qu'on sait c'est un fait reconnu qu'un point de vente est autre
chose qu'une librairie en principe. Cela nous inquiète parce que, pour
pouvoir se mettre dans ce que je peux appeler le carcan des règlements,
on est amené à faire une certaine gymnastique qui change un peu
le sens reconnu des mots qu'on utilise.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Bourassa.
M. Vaugeois: M. le Président... Le Président (M.
Blank): Oui.
M. Vaugeois: ... une petite précision sur ce qu'on vient
de débattre. Je ne voudrais pas prolonger le débat, mais nous
avons des informations un peu contradictoires sur la question du prix du livre.
Statistique Canada a révélé récemment que
l'augmentation du prix du livre l'année dernière avait
été de 4% et que c'était inférieur à
l'augmentation constatée dans tous les autres secteurs de loisirs, que
c'était le secteur où le produit avait subi la moins grosse
augmentation. Nous avons également et je pourrais donner beaucoup
de précisions là-dessus des comparaisons entre le
coût du livre par rapport au coût des autres loisirs sportifs ou
culturels, y compris le temps de télévision, parce qu'on oublie
parfois que l'heure de télévision, on la paie tous sans
nécessairement la regarder. Il y a beaucoup de loisirs comme cela que
nous payons sans en profiter. Dans le cas du livre en général, on
paie pour les livres qu'on achète.
Le Président (M. Blank): Mme le député de
L'Acadie sur le même sujet.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, sur le même sujet,
quand Statistique Canada produit ces chiffres, fait-il une différence
entre le livre français et le livre anglais?
M. Vaugeois: Non. C'est justement...
Mme Lavoie-Roux: Cela fait peut-être baisser la moyenne un
peu.
M. Vaugeois: C'est une moyenne générale.
Actuellement, le plus gros facteur d'augmentation du prix du livre anglais ou
français, c'est le taux de change.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Tout à l'heure, M. Dubé avait l'air
très renseigné sur les budgets des commissions scolaires. Vous
avez l'air d'un spécialiste là-dedans pour avancer à un
moment donné...
Le Président (M. Blank): Voulez-vous approcher votre
micro, s'il vous plaît?
M. Laplante:... que les commissions scolaires se servaient, en
somme, d'une partie de leur budget attribué à l'achat de livres
pour faire d'autre chose. J'aimerais que vous puissiez nous en dire un peu plus
là-dessus parce que les commissions scolaires ne sont pas ici pour se
défendre, en somme. C'est l'autre monsieur. C'est vous qui aviez
abordé tout à l'heure ce sujet assez délicat, je crois,
pour les commissions scolaires.
M. Dubé: Non. J'ai simplement dit que nous étions
heureux de savoir qu'il y avait des budgets précis pour l'acquisition de
livres de bibliothèque parce que, depuis plusieurs années, le CSL
et toutes les associations affiliées demandaient qu'on revienne à
des budgets précis parce qu'on avait affaire à des enveloppes
uniques pour certains domaines dans les écoles et dans les commissions
scolaires. On en a fait la demande à plusieurs ministres de l'Education
et des Affaires culturelles et on nous répondait que c'était la
nouvelle politique du ministère de l'Education de laisser
s'autogérer les écoles en leur donnant une enveloppe unique pour
un certain nombre de responsabilités comme l'achat de livres, l'achat de
matériel sportif, etc. Ce que j'ai voulu laisser entendre, c'est que
très souvent il ne restait pas grand-chose pour l'achat de livres.
Le Président (M. Blank): Est-ce que vous avez fini?
M. Laplante: Non. C'est parce qu'il y a une petite
ambiguïté dans ce que vous dites là. Quand les commissions
scolaires préparent le budget pour le faire accepter par le
ministère, d'accord, il donne l'enveloppe unique. Après, les
surplus qu'il peut y avoir au bout de tout cela, il y a une certaine
disposition disant qu'ils peuvent en faire ce qu'ils veulent, mais lorsque les
commissions scolaires font leur budget et disent qu'il y a tant de milliers de
dollars qui s'en vont aux livres, c'est sujet à acceptation, ce
budget-là. Il n'est pas fait au détriment d'autre chose. Et je
voudrais que Mme le député de L'Acadie qui a une grande
expérience là-dedans, elle aussi... (16 heures)
M. Dubé: On nous a expliqué, M. le
député...
Le Président (M. Blank): M. Dubé.
M. Dubé: On nous a expliqué qu'il y avait tant
d'argent par élève, si vous voulez, pour différentes
activités, que le tout était mis dans une enveloppe et que les
directions d'école s'en servaient finalement comme elles voulaient.
M. Laplante: D'accord. Si je reviens à la politique du
livre, au coût du livre, il arrive actuellement que si on va dans la
classe moyenne de la société, on a de la difficulté
à acheter des livres de $12 et de $15. Il y a beaucoup de
difficulté là-dessus. Je me demande si on ne fait pas avec le
coût du livre québécois la même erreur qu'on a faite
avec la coupe du monde en fin de semaine, en imposant $20. Les athlètes
réellement intéressés à aller voir ces jeux n'ont
pu y aller faute d'argent parce que c'était durant trois jours. Le livre
québécois, c'est annuel. Il y a toujours des nouveaux livres qui
sortent. Si on veut éduquer le jeune à lire, actuellement, il n'y
a pas beaucoup de possibilité s'il travaille dans les
épiceries en fin de semaine ou fait un autre travail pour essayer de
gagner ses études qu'il achète un livre. Je ne sais pas
par quel moyen on pourrait, à un moment donné...
M. Dubé: On a dit qu'on manquait de statistiques dans ce
domaine, mais on sait, d'une façon
sûre et générale, qu'actuellement, au Québec,
le livre le moins cher est le livre québécois. Contrairement
à l'exemple que vous donnez, on peut peut-être statuer d'une
façon arbitraire sur le prix d'entrée dans un stade olympique,
mais on ne peut pas statuer d'une façon arbitraire sur le prix d'un
livre, parce qu'il y a des coûts fixes contre lesquels on ne peut rien.
Il faut quand même pouvoir les couvrir. Il faut quand même pouvoir
payer les auteurs, ne serait-ce que pour faire plaisir au ministre des Affaires
culturelles qui y tient beaucoup, et couvrir aussi un certain nombre de frais
généraux.
Le Président (M. Blank): Merci. Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais demander aux représentants du
Conseil supérieur du livre s'ils ont certaines indications je
sais que vous n'avez peut-être pas de statistiques précises avec
vous sur le type de livre québécois qui est lu, parce que
vous insistez beaucoup, surtout à la fin, sur le fait que cela pourrait
favoriser l'édition du livre québécois et la lecture du
livre québécois. Quel est le type de livre
québécois qui est surtout lu, et dans quel sens verriez-vous un
développement favorable au plan culturel?
M. Dubé: Cela dépend des secteurs de population.
Cela dépend, évidemment, comme tout commerce, de l'offre et de la
demande. Cela dépend, évidemment, des lecteurs. Si on veut
essayer de généraliser, on pourrait vous dire que les oeuvres de
création littéraire, en particulier, les romans d'auteurs connus
ou reconnus assez bien par un secteur assez large de la population, peuvent
connaître une certaine popularité. Deuxièmement, au
Québec, actuellement, il y a aussi une vogue pour les ouvrages traitant
du patrimoine québécois sous différents aspects, en
particulier, reliés à certaines sciences humaines.
Je me borne à la production québécoise quand je
vous réponds comme cela, parce que si vous me demandiez ce que lisent
les Québécois, je vous répondrais que, comme tout le
monde, ils lisent Astérix.
Mme Lavoie-Roux: Non. Je parlais de la production
québécoise, parce que je me suis laissé dire que
c'était surtout du côté de la cuisine, du jardinage ou du
bricolage qu'était le grand tirage pour la lecture du livre
québécois. Est-ce exact?
M. Dubé: II y a toujours eu une vogue. Il y a certaines
maisons d'édition qui existent grâce à cela pour le livre
pratique, c'est évident.
Mme Lavoie-Roux: II y a une question qui me préoccupe.
D'une part...
M. Dubé: Ce n'est pas le livre pour lequel on
s'inquiète le plus actuellement.
Mme Lavoie-Roux: Non. Mais si on veut encourager la production du
livre québécois, il faut quand même savoir quelles mesures
on veut prendre exactement, parce qu'on peut bien encourager la production du
livre québécois, mais, si au bout de la ligne, se lit, ou se lit
en grande majorité, c'est celui que je viens de vous signaler, il y a
peut-être aussi d'autres correctifs qu'uniquement des mesures
d'agrément de librairies qui pourraient permettre, au plan
littéraire ou au plan culturel, un plus grand développement ou un
meilleur développement du livre québécois. Ce n'est pas
que j'en aie contre la cuisine, le bricolage et le jardinage, mais je pense
qu'il ne s'agit pas là vraiment d'oeuvres littéraires. Quand on
parle de développement culturel québécois au plan de
l'édition et de la production, je pense que c'est surtout de ce secteur
qu'on doit s'inquiéter.
M. Dubé: Oui, je suis de votre avis. Le
député de Gaspé s'inquiétait tout à l'heure
du prix des livres. Il existe des secteurs de lecteurs qu'on ne peut à
peu près pas rejoindre, même si ce sont des lecteurs certains,
comme, par exemple, les gens du troisième âge pour qui, avec le
budget que vous leur connaissez, c'est véritablement un produit de luxe
qui dépasse leurs moyens. Alors, les aider à obtenir le livre, ce
serait en même temps aider la production québécoise. C'est
un exemple; il y en a certainement d'autres auxquels je ne pense pas
actuellement.
Mme Lavoie-Roux: II y a une question plus fondamentale. Tout le
monde ici, dans la salle et autour de cette table, s'inquiète de
l'accessibilité à la lecture, peut-être d'un manque de
désir de lecture chez l'ensemble de la population, etc., mais surtout de
l'accessibilité au plus grand nombre possible de livres pour la
population. Ne croyez-vous pas que ce qui s'est produit pour le manuel
scolaire, quand les commissions scolaires ont dû recourir à des
libraires agréés, ne se produira pas également dans le cas
du livre non scolaire pour les bibliothèques? Je m'explique. Dans le
cadre du recours aux libraires agréés pour le manuel scolaire, on
a assisté à un manque complet de concurrence, en ce sens que tout
le monde vendait son manuel scolaire au même prix, si bien qu'alors que
l'achat en grande quantité de manuels scolaires dans le passé
pouvait permettre certaines économies, et un plus grand pouvoir d'achat,
ceci est disparu avec l'agrément des librairies pour le manuel scolaire.
Maintenant, on l'enlève dans le cas du manuel scolaire. Je pense que
c'est peut-être bon, parce que, dans le fond, c'est vraiment un service
à l'éducation. On pourra peut-être mettre davantage de
ressources sur les livres de bibliothèque au lieu de payer une hausse du
coût des manuels scolaires. Il y avait eu une évaluation de faite,
à savoir qu'on encourait une dépense de 25% de plus pour le
manuel scolaire. C'est une évaluation qui avait été faite
de façon sérieuse. J'en avais d'ailleurs dit un mot au ministre
des Affaires culturelles au moment de l'étude des crédits
et au ministère de l'Education. Est-ce qu'on ne s'expose pas, de
la même façon, vis-à-vis du livre littéraire,
à une augmentation des coûts qui, finalement, va se
répercuter
sur les bibliothèques, et également, sur
l'accessibilité générale de la population à un
livre qui soit d'un coût le plus abordable possible, parce qu'au fin
fond, je pense qu'à la dernière limite, ce que tout le monde
veut, c'est qu'on encourage la population à lire, qu'on lui rende la
lecture accessible et qu'on lui donne le plus grand éventail possible
d'oeuvres. Ne croyez-vous pas qu'on va se retrouver, par cette mesure
d'agrément des libraires pour le livre littéraire ou culturel,
dans la même situation qu'on s'est trouvé pendant X années
situation qui devrait disparaître avec la présente loi
dans le cas du manuel scolaire?
M. Dubé: Je n'ai pas la compétence pour vous dire
si cela coûterait tellement moins cher aux commissions scolaires
d'acheter directement leurs livres des éditeurs que de les acheter des
librairies agréées. Si vous visitez une librairie
agréée organisée, que vous voyez le personnel qu'il faut
pour remplir les commandes de la commission scolaire et que vous transposez
cela en personnel dans les commissions scolaires pour faire leurs propres
achats, on saura dans deux ou trois ans à qui cela coûte le plus
cher finalement. Il n'est pas prouvé, quoi qu'on en pense dans certains
ministères, que ça coûtera moins cher aux commissions
scolaires; il est même possible et probable que ça leur
coûte plus cher. Donc, cette prémisse est déjà
très discutable.
A savoir ce qui arrivera pour les bibliothèques et pour les
bibliothécaires, je crois qu'ils auront le choix d'acheter les livres
qu'ils voudront et, finalement, il n'y a rien qui les oblige à acheter
les livres les plus chers qu'ils trouveront sur le marché. Il y a aussi
une certaine demande de leurs lecteurs de se procurer certains livres,
après ça, il y a quand même actuellement au Québec,
au nombre des centaines de livres qui se publient chaque année, un
éventail assez vaste pour permettre un approvisionnement assez
considérable, si vraiment on leur donne des budgets convenables.
Mme Lavoie-Roux: Sur la question des livres scolaires, je
pourrais vous référer à certaines études que les
commissions scolaires ont faites et qui prouvaient, hors de tout doute, de leur
côté, qu'il y avait eu une augmentation du coût des livres.
Vous ne croyez pas que, du côté des bibliothèques, on ait
à subir les mêmes répercussions. Même si, au point de
départ, on s'entend tous pour favoriser l'édition du
Québec, les libraires du Québec, il demeure que la vie des
librairies au Québec est extrêmement importante au point de vue
culturel. Là-dessus, je pense qu'on ne se chicane pas. Il reste que pour
tous l'objectif c'est vraiment de rendre le plus facilement possible
l'accessibilité à la lecture à un plus grand
éventail de lecteurs.
Vous ne pouvez pas non plus m'affirmer, dans l'autre sens, qu'il n'y
aura pas, pour les bibliothèques, une hausse du coût des
livres?
M. Dubé: Je ne peux pas l'affirmer, comme vous le dites,
mais je crois que ça ne leur coûtera pas plus cher de passer par
les libraires agréés que d'acheter directement. Là-dessus,
je pense que M. Déri va ajouter quelque chose.
M. Déri: Ce que j'ajouterai simplement, c'est que le prix
des livres a augmenté, mais ce qu'on ne peut pas quantifier, c'est que
le changement de circuit ou de commercialisation du livre est un facteur
déterminant de l'augmentation du prix d'acquisition par les
bibliothèques ou les commissions scolaires.
Quand on dit, par exemple je mets un chiffre théorique
10% de plus aux commissions scolaires, pour l'achat de manuels
scolaires, est-ce que c'est parce que le livre a augmenté de 10% ou si
c'est parce qu'on a exigé le circuit d'acquisition du livre en question?
Cela n'a pas été prouvé que passer par le libraire ou
passer directement de l'éditeur aux commissions scolaires va changer le
prix d'achat des livres. C'est, je crois, le malentendu qui existe. C'est ce
qu'on ne saura pas non plus dans deux ans, si on ne sait pas ce que ça
coûte actuellement.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question, parce que le temps
passe. Evidemment, dans cette politique, comme d'ailleurs dans le cas de la
politique des manuels scolaires, de l'agrément des librairies pour
l'acquisition des manuels scolaires, on a voulu, d'une façon indirecte,
subventionner les libraires, pour leur permettre de s'étendre
c'était au moins l'esprit dans l'ensemble de la province d'une
façon plus importante et également pour leur permettre de mieux
vivre.
Est-ce que, selon votre expérience, il y aurait d'autres moyens
de subventionner les libraires que par le truchement d'une politique telle que
celle qui est mise de l'avant dans la loi 51? Vous avez dû
réfléchir à ce problème depuis fort longtemps,
j'imagine.
M. Déri: M. le Président, ce n'et pas parce que je
ne voudrais pas répondre ou que je n'ai pas la réponse, mais je
préférerais laisser aux libraires le soin de répondre. Je
crois que c'est contenu dans leur mémoire et je crois que ce n'est pas
au Conseil supérieur du livre de se prononcer sur cette question.
Le Président (M. Blank): Merci, M. Déri, pour la
présentation de votre mémoire; merci, M. Dubé et M.
Préfontaine.
Nous passerons maintenant à la Société des
éditeurs des manuels scolaires du Québec
représentée par le président, M. André
Préfontaine. (16 h 15)
M. Préfontaine, voulez-vous nous présenter vos
collègues?
Société des éditeurs de manuels
scolaires du Québec
M. Préfontaine: Je vous présente
immédiatement, à ma droite, M. Pierre Tisseyre,
vice-président de la Société des éditeurs de
manuels sco-
laires et M. Hervé Foulon qui est trésorier de la
Société des éditeurs de manuels scolaires.
Je vais passer directement au mémoire. Vous avez sûrement
remarqué, parce que vous l'avez entre les mains, qu'il est très
court. Etant donné que dans le projet de loi qui existe, il n'y a pas
beaucoup de références aux manuels scolaires, nous nous sommes
limités à quelques points dont la définition du manuel
scolaire qui, pour nous, est primordiale et si cette définition reste
là, cela va nous causer des problèmes.
Je vais passer le mémoire rapidement avec vous, parce qu'il est
très court. Comme on le dit au premier paragraphe, le 9 août
dernier, les membres de la Société des éditeurs de manuels
scolaires du Québec se sont réunis en assemblée
générale spéciale qu'on a convoquée afin
d'étudier le projet de loi. Nous avons été, naturellement,
obligés de faire cela assez rapidement et nous avons aussi eu un peu de
difficulté à rejoindre certains de nos membres à cause de
la période des vacances, mais nous avons quand même réuni
la très grande majorité de nos membres pour discuter du projet de
loi.
En ce qui regarde le projet de loi lui-même, les points qu'on
soulève sont vraiment soulevés à cause de certaines
inquiétudes dans la loi. Par exemple, je prends le premier point qu'on a
cité à la section VI, à l'article 32, on dit qu'on
voudrait remplacer, de quelque façon que ce soit, par "sans raison
légitime". L'idée derrière cela je pense que c'est
cela qui est important c'est que ce n'est pas particulièrement
apprécié remarquez que je parle au nom de la
Société des éditeurs de manuels scolaires, mais mes
collègues de l'industrie l'ont relevé eux aussi lorsqu'il
y a des gens qui viennent fouiller dans les livres des maisons, si vous voulez,
comme il y en a qui ont déjà dit: On a suffisamment de la
justice, on n'a pas besoin des affaires culturelles. En fait, on connaît
les raisons, on connaît les buts du ministre et on est d'accord avec ces
buts; c'est sur la façon dont on va s'y prendre qu'on dit: Voici, on
n'est pas particulièrement d'accord avec cela, on voudrait qu'il y ait
vraiment des raisons valables pour que les gens puissent se présenter
à nos bureaux et scruter nos livres. L'objectif est d'éviter un
éventuel harcèlement de la part d'un fonctionnaire qui aurait eu
des différends avec un éditeur, parce que cela s'est vu. Je ne
l'ai pas vécu moi-même, mais cela s'est vu dans le cas des
librairies agréées où il y a eu, à certains
moments, appelons cela du harcèlement c'est un grand mot, mais
avec un "h" minuscule, si vous voulez.
M. Rivest: J'ai l'impression que c'est un article usuel et que ce
n'est pas propre au projet de loi no 51. J'ai l'impression qu'on retrouve cette
forme dans d'autres lois; si bien que je comprends votre préoccupation,
et je pense que le ministre y est sensible aussi, mais il n'y a pas d'intention
particulière en mettant "de quelque façon que ce soit" au monde
de l'édition ou au monde du livre.
M. Préfontaine: Ce n'est pas qu'on croit qu'il y ait des
intentions particulières, c'est que même si cela se fait ailleurs,
on dit qu'il n'est pas obligatoire que cela se fasse chez nous. C'est notre
position.
Sur la section VIII, à l'article 41, ajouter le mot "volontaire"
à la suite du mot "infraction", ceci afin d'éviter des erreurs
incontrôlables étant donné la définition d'un manuel
scolaire donnée à lavant-projet de règlement no 3,
à l'endroit où on définit le manuel scolaire. Je vais vous
dire pourquoi. On a étudié la définition du manuel
scolaire et notre interprétation nous dit que cela va devenir quasi
impossible de vraiment respecter la loi telle qu'elle se présente pour
les maisons d'édition de manuels scolaires. Notre personnel au niveau
des départements, des bureaux qui reçoit les commandes,
que la commande vienne d'une librairie agréée, il n'y a pas de
problème, mais si cela vient des écoles ou des commissions
scolaires ne pourra pas vraiment discerner ce qu'est un manuel scolaire,
étant donné la définition qui existe.
M. Rivest: Je ne veux pas vous contredire ou vous embarrasser, je
comprends, encore une fois, votre intention, mais en droit statutaire, si vous
mettez "volontaire", vous introduisez ce qu'on appelle en droit criminel la
mens rea, c'est-à-dire l'intention de commettre un acte criminel ou une
infraction criminelle. En droit statutaire, la mens rea n'existe pas, je
pense.
M. Préfontaine: A ce moment-là, il faut changer
soit les règlements ou la définition du manuel scolaire. En fait,
c'est ce qu'on voulait faire ressortir. Remarquez bien qu'il y a des gens
qui...
M. Rivest: Faites confiance au ministre, c'est un bon
garçon.
M. Préfontaine: Oui, mais, comme on le dit, on a eu
tellement de ministres; tout à coup on ne pourrait pas faire confiance
au prochain ministre.
M. Rivest: Le prochain va être de notre côté,
et cela va être encore meilleur.
M. Préfontaine: Nous voulons tout simplement faire
remarquer à la commission qu'il y a un problème qui existe
là et que, malheureusement, on ne veut pas être placé dans
une situation où on va violer la loi. Si cela reste tel quel, on est
sûr d'une chose, on va violer la loi, volontairement ou pas. Aussi bien
le dire aujourd'hui que d'attendre qu'elle soit votée et dire... Donc,
on voulait le faire.
M. Rivest: C'est la même chose que de passer sur un feu
rouge; il ne faut pas avoir l'intention pour encourir l'infraction. C'est
exactement la même chose. Que vous ayez l'intention ou pas, vous
êtes coupable.
M. Préfontaine: On est coupable. Oui, mais cela va loin,
il y a des amendes là-dedans. C'est une loi avec des dents, aussi.
La définition d'un manuel scolaire présentée ici
place les éditeurs de manuels scolaires dans une situation qui causera
obligatoirement des violations; c'est ce qu'on a dit. On dit qu'un manuel
scolaire doit être approuvé pour être
considéré comme tel. Un manuel doit être nécessaire
à chaque élève pour, encore une fois, être
considéré comme tel. Il y a souvent des manuels scolaires qui ne
sont pas utilisés par tous les élèves; on va n'en garder
que quelques copies dans la classe, par exemple, et on va considérer
cela comme un livre de référence, même si, dans le fond,
c'est un manuel scolaire. Tel que c'est spécifié dans la
définition du manuel scolaire, ce n'est vraiment pas clair, et c'est
à ce niveau qu'on dit qu'on va avoir des problèmes pour
répondre aux commandes.
Qu'arrive-t-il dans le cas des dictionnaires pédagogiques? On a
exclu les dictionnaires de cela, mais il existe des dictionnaires qui sont
spécialement préparés pour les écoles, qui ne sont
à peu près pas vendus dans le grand public; c'est vraiment les
écoles qui font les acquisitions de ces dictionnaires. C'est exclu, ce
n'est pas considéré comme un manuel scolaire. Les ouvrages
d'accompagnement, les cahiers d'exercice ne sont pas considérés
comme des manuels scolaires dans l'avant-projet no 3. Qui décidera de
tout cela, qui sera en mesure de faire la différence? Ce n'est pas clair
et c'est compliqué pour nous. On a tenté de démontrer cela
avec ces exemples.
Il faudra, comme le désire le ministre de l'Education, que les
écoles puissent réellement s'approvisionner directement chez
l'éditeur. Je crois que c'est le voeu du ministre de l'Education.
Remarquez bien que je parle uniquement en termes d'éditeur de manuels
scolaires, il y a peut-être d'autres secteurs de notre industrie qui ne
sont pas d'accord avec cela, mais, en termes d'éditeur de manuels
scolaires, l'approvisionnement directement chez l'éditeur par la
commission scolaire ou l'école est souhaité. C'est ce qui se
passe dans toutes les provinces du Canada, c'est ce qui se passe aux
Etats-Unis; il y a uniquement au Québec où c'est
différent. Les gens qui nous prédisent toutes sortes de malheurs
si on arrivait à cela, on a beaucoup de difficultés, en termes
d'éditeurs de manuels scolaires, à les croire pour la simple
raison qu'on le fait dans les autres provinces et ailleurs, et on n'a pas ces
difficultés contre lesquelles on nous met en garde.
Nous avons tenté et on n'avait pas beaucoup de temps
de proposer une définition du manuel scolaire à la place
de celle qui est là, et il y a toutes sortes de suggestions qui peuvent
tenir. Etant donné qu'on était limité dans le temps, on a
dit: II en existe une et c'est la seule qui existe, je dis bien officiellement,
dans le moment, au Québec, c'est celle qu'on retrouve dans la liste des
manuels agréés du ministère de l'Education, la
dernière liste qui a été publiée en janvier 1977.
On attend toujours la nouvelle qui nous est annoncée depuis très
longtemps et qui n'arrive pas. Il y a une définition là, on parle
du manuel scolaire et des livres qui sont utilisés dans les
écoles. Pour l'instant, étant donné qu'on n'a pas d'autres
suggestions malgré qu'il y en a plusieurs qui pourraient
être faites on dit: Référons-nous à un
document du ministère de l'Education qui existe, il y en a une
définition du manuel scolaire, on accepterait celle-là, qui ne
nous placerait pas dans une situation qu'on n'aime pas.
Il y a d'autres façons. C'est quoi, un manuel scolaire? Cela peut
être beaucoup de choses. C'est très difficile à
définir.
La SEMSQ considère donc la présente définition
comme inacceptable et demande à être consultée afin d'en
établir une nouvelle. Si cette définition n'est pas
remaniée, les éditeurs de manuels seront souvent en violation non
volontaire de la loi.
Pour ce qui est des règlements relatifs à la distribution
et à l'acquisition, la SEMSQ préfère laisser les personnes
directement concernées présenter leurs commentaires sur les
avant-projets. D'autres points nécessiteront possiblement des
modifications au niveau des règlements; ceci pourra se faire une fois
que la mise en application de la loi nous aura démontré les
difficultés de parcours non décelées au moment de la
rédaction du projet de loi. Evidemment, les règlements, cela peut
se changer si on s'aperçoit que certains règlements ne
fonctionnent pas bien.
Au niveau des manuels scolaires, je résume rapidement, il s'agit
de redéfinir correctement un manuel scolaire et qu'on se mette d'accord
sur la définition d'un manuel scolaire.
Le Président (M. Blank): M. le ministre.
M. Vaugeois: M. le Président, il faudra prendre bonne note
de ces commentaires. Le travail de définition du manuel scolaire se fait
actuellement avec le ministère de l'Education. On part, grosso modo, de
la première définition qui est suggérée, celle qui
dit qu'il s'agit du manuel proprement dit, c'est-à-dire celui qui est
mis entre les mains des élèves à longueur d'année.
On travaille à partir de cette définition. Cela va donner une
liste finalement. La liste dira ce qui est manuel scolaire ou ce qui n'est pas
manuel scolaire.
J'attache beaucoup d'importance à ce qui vient d'être dit,
mais cela me préoccupe un petit peu. Implicitement vous êtes en
train de nous dire, sans nous le dire, que vous entendez fournir vos manuels
scolaires directement aux institutions parce que vous considérez que
cela sera votre problème. Normalement, je le dis franchement comme je le
pense, j'aurais souhaité, je continue de souhaiter je pense que
vous y reviendrez d'ailleurs que ce problème devrait se poser
pour les acheteurs de commissions scolaires et les libraires
agréés ou pas. C'est à leur niveau que le problème
devrait se poser. Il pourrait arriver, effectivement qu'un acheteur de
commissions scolaires se dise: Est-ce que ce livre, j'ai le droit de l'acheter
chez un libraire non agréé, parce qu'il y aurait un
problème de définition? Le problème
de définition, vous le posez à votre niveau. Donc, vous
êtes en train de nous dire que vous entendez vous-mêmes avoir le
problème, c'est-à-dire le vendeur au détail de vos manuels
scolaires. Je continue de penser qu'il serait souhaitable que le libraire garde
sa fonction. Je ne dis pas tous les libraires. Je pense que les libraires qui
peuvent se spécialiser dans le manuel scolaire vont vous faire faire des
économies et vont en faire faire aux commissions scolaires. Je suis
profondément convaincu de cela, donc je le répète encore
une fois. La loi ne vous obligera pas à procéder ainsi. Nous
allons vous donner comme outil de référence mieux qu'une
définition qui laissera toujours place à une
interprétation. Nous allons travailler avec le ministère de
l'Education pour dégager une liste de manuels scolaires.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon a quelque chose à dire.
M. Rivest: Oui. Sur la définition, évidemment, il y
a chaque définition... La question ne s'adresserait peut-être pas
à vous. Au fond, je pense que la question que pose votre mémoire,
c'est pourquoi, au niveau du ministère des Affaires culturelles, on
s'est écarté de la définition de janvier 1977? Est-ce que
cette définition annonce à l'avance la nouvelle définition
que le ministère de l'Education est censé rendre publique,
d'après ce que le ministre vient de nous dire?
M. Vaugeois: Je pense bien que tout le monde est assez conscient
que cela peut nous mener très loin, ce débat. Je vois M.
Tisseyre, qui est à la droite de M. Préfontaine. M. Tisseyre a
dans son catalogue d'éditeur un nombre considérable d'ouvrages
qui sont utilisés quotidiennement par plusieurs étudiants en
même temps et qui pourtant sont les oeuvres de Hubert Aquin ou de
quelques-uns de ces auteurs littéraires. Pour le libraire qui est
déjà inquiet d'assister à la libéralisation du
manuel scolaire, si le manuel scolaire devient à peu près tout ce
qui est utilisé, on vient d'ouvrir une porte qu'on ne voulait pas
ouvrir. Encore une fois, j'invite tout le monde à être
extrêmement prudent dans la façon de s'engager dans cette avenue.
Je sais que les éditeurs de manuels scolaires se disent:
Dorénavant, nous n'aurons pas besoin de distributeurs, nous n'aurons pas
besoin de libraires. Ils pourront l'essayer. Je sais que les acheteurs de
commissions scolaires réaliseraient un vieux rêve,
c'est-à-dire de ne plus avoir à faire avec le libraire, de leur
donner leur 15%.
Je prétends que chacun dans sa profession joue un rôle
utile. Comme il est spécialisé dans son rôle, quand il le
joue, il coûte moins cher à l'ensemble du processus que celui qui
s'improvise dans le rôle de l'autre. Je pense que celui qui s'improvise
dans le rôle de l'autre coûte plus cher. Quand je commence à
peinturer dans ma maison, je coûte encore plus cher de l'heure que le
peintre qui est dans ma maison. Le même raisonnement vaut dans le domaine
du livre. Il y a des illusions là-dessus. L'auteur qui s'ima- gine
sauver les frais d'éditeurs en éditant lui-même se
crée toutes sortes de problèmes. Il me semble que vous êtes
des professionnels et que vous êtes capables d'apprécier cela.
Momentanément, nous sommes conscients que nous ouvrons une porte et
qu'elle comporte des tentations. Mais comme M. Déri nous y invitait tout
à l'heure, donnez-vous des outils d'évaluation le plus tôt
possible pour qu'on ne vive pas sur des illusions et qu'on ne se retrouve pas,
parce qu'on a sauté des étapes, avec des ouvrages qui
coûtent plus cher finalement.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Gaspé. (16 h 30)
M. Le Moignan: Je n'ai rien de spécial à ajouter
parce que cela tournait autour de la même question. Je pense que c'est
assez clarifié.
Le Président (M. Blank): Je vais remercier ce groupe. Il y
a une réponse? On va arrêter pour quinze minutes.
M. Préfontaine: Oui, une courte réponse. Tel que
l'a mentionné M. le ministre, nous sommes des professionnels du livre.
En ce qui regarde les éditeurs de manuels scolaires, ne nous le cachons
pas, c'est une industrie comme une autre industrie. Nous sommes placés
dans une situation depuis la loi qui n'est pas nouvelle maintenant, de 1972,
où les commissions scolaires ont commencé à
s'approvisionner par le biais des librairies agréées. Nous sommes
dans une situation où nous ne connaissons pas nos clients. C'est un
grave problème pour nous. C'est sûr qu'avec les achats par les
écoles et les commissions scolaires, les paiements peuvent être
longs, mais cela ne sera pas plus long qu'avec les libraires, excepté
qu'ils sont garantis. Les maisons de manuels scolaires ont été
obligées de se doter depuis 1972 d'un département de
crédit quand même assez onéreux. Quand je traite
directement avec les commissions scolaires ou les écoles, je sais que
cela peut être long, mais je sais quand même qu'un jour je vais
être payé.
M. Vaugeois: S'ils ne vous retournent pas vos livres plutôt
que le paiement.
M. Préfontaine: Les libraires nous les retournent aussi,
je m'excuse.
Le Président (M. Blank): Merci. M. Tisseyre.
M. Tisseyre (Pierre): M. le Président, je voudrais
apporter une petite précision. Je suis dans les associations
professionnelles depuis beaucoup plus longtemps que mon collègue parce
que, malheureusement, j'ai pas mal plus d'années que lui, mais jamais au
Québec la vente du manuel scolaire ne s'est faite directement par les
éditeurs. Cela a toujours été une tentation pour les
éditeurs de manuels scolaires pour les raisons que M. Préfontaine
vient de donner, c'est-à-dire que, si on
vend directement, on connaît ses clients. C'est une tentation
nord-américaine. Cela existe aux Etats-Unis, cela existe au Canada
anglais. Cela n'existe pas dans beaucoup d'autres pays du monde. Par
conséquent, nous pourrions normalement continuer à vendre en
passant par les libraires. Le problème de la loi avec la
définition qui existe, c'est que nous allons avoir besoin de deux
systèmes de distribution si nous décidons de vendre directement
certains manuels. Nos employés qui reçoivent les commandes vont
recevoir, par exemple, une liste de quinze livres sur lesquels il va y en avoir
dix qu'on peut vendre directement et cinq qui devraient être vendus par
les libraires. A moins que nous ayons derrière la jeune employée
qui prend les commandes quelqu'un qui connaît à fond la situation,
à moins que nous ayons cela, nous ferons des erreurs, c'est
évident.
Le Président (M. Blank): Merci, M. Préfontaine. Je
remercie le groupe. Maintenant, on va suspendre pour quinze minutes, parce que
le ruban, c'est seulement pour deux heures et demie et on ne veut pas que
les...
M. Rivest: Est-ce qu'il y a une grève, M. le
Président?
Le Président (M. Blank): Oui, il y a une petite
grève.
M. Rivest: Le gouvernement n'a pas réglé cela.
Le Président (M. Blank): Cela prend quinze minutes pour
changer le ruban.
M. Rivest: Qu'est-ce que le gouvernement attend pour
régler les grèves?
Le Président (M. Blank): On va suspendre la séance
jusqu'à 16 h 55. Le prochain groupe, c'est l'Association
québécoise des presses universitaires.
Suspension de la séance à 16 h 33
Reprise de la séance à 17 heures
Le Président (M. Blank): A l'ordre, s'il vous
plaît!
On recommence la séance de la commission des Affaires
culturelles. Le mémoire qui sera présenté, maintenant, est
celui de l'Association québécoise des presses universitaires,
dont le président est M. Claude Frémont.
Association québécoise des presses
universitaires
M. Frémont (Claude): M. le Président, madame, MM.
de la commission, d'abord je voudrais vous prier d'excuser mes deux
collègues qui ont été ici une bonne partie de la
journée, mais qui, pour des questions très urgentes, ont dû
s'absenter. Je serai donc seul pour présenter notre mémoire.
L'Association québécoise des presses universitaires, qui
regroupe les presses universitaires du Québec, soit les presses de
l'Université Laval, les presses de l'Université de
Montréal, les presses de l'Université du Québec et les
presses McGill-Queen's, tout comme, sans doute, la plupart de ceux qui
s'intéressent à la question du livre et plus
particulièrement du livre québécois, se réjouit de
ce que le gouvernement du Québec se propose de faire adopter une loi sur
le développement des entreprises québécoises dans le
domaine du livre.
Le projet de loi du ministre des Affaires culturelles nous semble
présenter un certain nombre d'éléments très
positifs, notamment en ce qui concerne les mesures visant à encourager
et à aider les entreprises québécoises dans le domaine du
livre, à encourager d'autres entreprises à devenir
québécoises, à prévenir les abus dans les prix de
certains distributeurs exclusifs, etc.
Nous nous réjouissons aussi du projet de créer un
comité consultatif de la lecture et du livre qui pourra, sans doute,
avoir une influence considérable et susciter de nombreuses initiatives
pouvant contribuer au développement de la culture, de l'éducation
et de la science, grâce à la promotion de la lecture et du
livre.
Nous sommes particulièrement heureux que cette loi soit la
manifestation d'une prise de conscience de la part du gouvernement à
l'égard de cette question du livre, qui a non seulement une grande
importance du point de vue économique, triais une beaucoup plus grande
importance encore du point de vue culturel.
Toutefois, certains éléments de ce projet de loi semblent
présenter quelques problèmes ou même quelques dangers pour
un développement harmonieux de l'industrie du livre et de certains
secteurs en particulier. Nous désirons donc attirer l'attention de cette
commission parlementaire qui a précisément pour mission
l'étude et, si possible, l'amélioration du projet de loi.
Tout d'abord, nous désirons souligner quelques omissions
très importantes. Le projet de loi tel que rédigé ne donne
aucune définition de ce qu'on entend par "livres" et par suite, semble
indirectement considérer les livres comme de simples objets
matériels. D'ailleurs, les définitions apportées dans les
avant-projets de règlements ne tiennent compte que du nombre de pages
dans leur définition du livre.
Un tel projet de loi relevant du ministère des Affaires
culturelles devrait, nous semble-t-il, présenter le livre comme un
élément essentiel de transmission d'information, de culture et de
science. Par suite, les mesures visées par la loi, autant sous l'aspect
des exigences imposées que de l'aide apportée par l'Etat,
devraient être fonction de cette contribution à la culture. Il
faudrait que la loi, et non les règlements, définisse ce qu'est
le livre et établisse les distinctions entre diverses catégo-
ries d'ouvrages. Ainsi, les livres n'auraient pas tous la même
importance, comme il en est, d'ailleurs, dans la réalité. Un
livre sur l'astrologie, une oeuvre littéraire, un manuel sur les soins
infirmiers ou un ouvrage savant sur l'archéologie ne sont pas des objets
comparables et ne devraient pas être considérés de
façon identique par la loi.
Un autre point très important, au moins dans
l'énoncé, si ce n'est pas dans l'esprit de la loi, est l'oubli
total du lecteur et de la lecture. On peut élaborer tous les moyens
possibles pour aider et encourager la production et la diffusion des livres.
Cela ne contribuera en rien à la culture, à la science, à
l'éducation ou même simplement au divertissement et à la
détente s'il n'y a pas aussi des efforts très importants en vue
d'encourager à lire, de développer le goût et de
créer l'habitude de la lecture.
Sans penser que toute la population puisse se mettre à lire avec
intérêt, il serait cependant possible que le nombre de lecteurs
double et même triple sans que le pourcentage, malheureusement beaucoup
trop bas, de lecteurs n'atteigne une valeur irréaliste.
Si le marché du livre pouvait simplement doubler, ce serait un
succès non seulement pour les auteurs, les éditeurs, les
distributeurs, les libraires, mais aussi et de façon non moins
importante du point de vue éducatif et culturel.
S'il devenait possible de doubler les tirages et les ventes, la plupart
des problèmes auxquels ont à faire face nos professionnels du
livre se dissiperaient rapidement. Pour arriver à cette fin, il faudrait
que la loi prévoie des mesures précises et concrètes pour
favoriser "l'apprentissage de la lecture "qui, comme le dit Robert Escarpit,
grand sociologue de la lecture, "se fait dès la maternelle. La partie
est jouée pour l'enfant selon la qualité de son environnement
culturel. Les jeunes ouvriers ne lisent pas, uniquement parce qu'on ne leur a
jamais appris à lire".
Il nous paraît de plus important que l'Etat ait comme
priorité le développement du goût de la lecture,
principalement au niveau des écoles, mais aussi auprès du grand
public, entre autres, par exemple, par la radio et la télévision
pour faire comprendre l'importance et l'intérêt véritable
que comporte la lecture.
La Documentation française, organisme officiel de l'Etat
français, "regrette qu'en vérité, personne n'ait jamais
incité les Français à lire, et les pouvoirs publics moins
que quiconque." Le même reproche est malheureusement trop vrai chez
nous.
Nous aimerions maintenant faire un certain nombre de remarques sur
quelques articles du projet de loi. A l'article 1, il est mentionné que
l'aide que peut accorder le gouvernement ne peut être accordée
qu'à des personnes titulaires d'un agrément. Or, sauf dans le cas
des libraires agréés, chez qui devraient être
effectués les achats de livres faits par un certain nombre d'organismes
publics, on ne voit aucun engagement pour l'Etat d'aider les entreprises
québécoises dans le domaine du livre, ni comment il se propose de
le faire.
Il est incontestable que pour un grand nombre d'éditeurs dont les
éditeurs universitaires, qui, soit dit en passant, ne reçoivent
pratiquement pas d'aide de la part du ministère des Affaires
culturelles, il serait peu encourageant de demander l'agrément,
l'agrégation, étant donné toutes les exigences, les
obligations et les dépenses directes et indirectes imposées, sans
savoir au moins quels pourraient en être les avantages.
D'ailleurs, l'exclusivité d'une aide accordée à des
personnes titulaires d'un agrément, bien qu'excellente, en principe,
peut créer des situations où un ministère, d'accord avec
la profession, pourrait souhaiter accorder une aide et que la loi le lui
interdise.
Ainsi, par exemple, il pourrait se produire que l'industrie du livre et
le ministère des Affaires culturelles ou le ministère de
l'Industrie et du commerce désire subventionner une maison aux
Etats-Unis ou en France pour entreprendre une diffusion efficace du livre
québécois et il ne serait pas possible de le faire. Il ne serait
pas possible non plus de subventionner certaines éditions,
peut-être très valables, mais publiées par des groupes ne
pouvant être agréés comme le Comité des fêtes
de Saint-Jean-Chrysostome ou la Société d'histoire de Missisquoi
qui ont reçu l'an dernier des subventions du ministère des
Affaires culturelles à titre d'aide à la publication.
L'article 4 du projet de loi concerne la distribution de livres au
Québec. Il nous paraît indispensable de bien spécifier que
cet article ne s'applique qu'aux distributeurs de livres étrangers,
importés au Québec par des distributeurs exclusifs ou non.
L'avant-projet de règlement no 2 est fort inquiétant à ce
sujet, puisqu'il y était mention de "toute personne, y compris un
éditeur qui fait la distribution de livres au Québec."
Il est vrai que dans l'avant-projet de règlement, on semble
vouloir ne pas considérer un éditeur faisant la distribution de
son fonds comme un distributeur, mais ceci ne serait qu'un règlement
pouvant facilement être modifié.
Tel que rédigé, cela voudrait dire que l'Etat pourrait
contrôler arbitrairement le prix que pourrait charger un éditeur
québécois pour la vente de ses propres ouvrages. Or,
l'expérience montre que les circonstances, les coûts et les
risques sont très différents d'un livre à l'autre et qu'il
n'est pas possible d'imaginer un contrôle sur le prix de vente à
moins que l'on souhaite la disparition de l'édition privée pour
en faire un monopole d'Etat. Cet article nous paraît donc d'autant plus
dangereux qu'il s'appliquerait non seulement aux distributeurs
agréés, mais à tout distributeur, donc aussi, même
à ceux qui ne pourraient pas bénéficier d'une aide de
l'Etat.
Nous souhaitons donc et jugeons comme essentiel que ce droit de
réglementation le soit sur les livres importés seulement. Le
début de cet article pourrait se lire: "Toute personne qui fait, au
Québec, la distribution de livres importés doit, etc."
L'article 5 traite de la création d'un conseil consultatif de la
lecture et du livre. Nous avons déjà souligné combien
cette initiative nous paraît
louable. Cependant, étant donné que le projet de loi ne
fait à peu près que permettre au gouvernement d'établir
des règlements concernant les éditeurs, distributeurs et
libraires, il faut absolument que le Conseil de la lecture et du livre soit un
organisme indépendant de l'Etat, formé de représentants
choisis par les diverses associations professionnelles directement
concernées par le livre: auteurs, bibliothécaires,
éditeurs, distributeurs, libraires, etc.
Pour que ce conseil soit vraiment utile, il est essentiel qu'il soit
formé de personnes connaissant à fond la question très
complexe du livre et que les membres puissent s'exprimer en toute
liberté au nom de ceux qui seront directement concernés par les
règlements émis.
Etant donné que le conseil ne sera que consultatif, le ministre
responsable de l'application de la loi pourra toujours faire approuver les
règlements qu'il jugera à propos, mais alors, il pourra le faire
en connaissance de cause et avec l'assentiment du milieu, lorsque le conseil
aura été d'accord.
Cette question de la création d'un conseil fort,
indépendant et représentatif du milieu nous paraît
être un des points les plus importants de ce projet de loi, puisque ce
sont les règlements, facilement modifiables au gré du ministre
responsable, qui fe-font que la loi sera un succès ou un échec
pour le développement de la lecture et les entreprises
québécoises dans le domaine du livre.
Les seules autres remarques à ce sujet sont que le
président devrait être choisi par les membres eux-mêmes du
futur conseil, qu'il s'agisse d'une élection pour un terme ou d'un
remplacement en cas d'absence ou d'invalidité, et que les premiers
membres devraient être nommés pour une période d'un, deux
ou trois ans, afin que le renouvellement des membres soit d'un tiers chaque
année.
L'article 14 du projet de loi confie d'abord au gouvernement le soin de
déterminer les normes et les conditions auxquelles devront se conformer
les personnes désirant être agréées. Il nous semble,
au contraire, que la loi devrait dire clairement quelles sont les exigences
pour être agréé, puisque c'est un élément
fondamental de la loi sans lequel aucune aide de l'Etat n'est possible.
On sait fort bien que les règlements peuvent être
facilement modifiés au point qu'il soit possible, au moins
théoriquement, de faire des règlements allant contre le texte et
l'esprit même de la loi.
Nous sommes loin d'être contre l'article 7 de l'avant-projet de
règlement no 1, mais donnons-le à titre d'exemple d'un cas
où les règlements ont préséance sur la loi. Il est
écrit que "Malgré l'article 15 de la loi, une association
professionnelle reconnue qui fait de l'édition au Québec peut
être agréée si au moins 80% de ses membres sont des
personnes admissibles à l'agrément, etc.." Voilà donc un
cas où les règlements ont priorité sur la loi. D'ailleurs,
l'article 14 de cette même loi dit bien, en effet, que pour être
agréé, il faut satisfaire non pas à la loi, mais aux
règlements. (17 h 15)
Quant à l'article 15 du projet de loi, nous sommes tout à
fait d'accord avec le principe que toute aide de l'Etat québécois
devrait favoriser les éditeurs, distributeurs et libraires
québécois. Cependant, nous nous demandons pourquoi il est
nécessaire que la propriété soit à 100%
québécoise. Cela va-t-il améliorer la qualité des
services offerts dans le domaine du livre? Cela va-t-il encourager la lecture
ou le développement de la culture? Si cette exigence est pour que les
Québécois contrôlent mieux cette entreprise culturelle
qu'est le livre, il nous semble que la propriété à 100%
soit une condition exagérée puisque à notre connaissance
de telles exigences ne sont imposées à aucun autre secteur
industriel.
D'ailleurs, comme dans tous les cas extrêmes, cela peut
présenter des difficultés. Ainsi, on pourrait imaginer qu'un
professeur étranger, grand expert dans le domaine de l'édition
savante, soit invité à faire un stage dans une de nos
universités. Il serait alors impossible pour des presses universitaires
d'inviter cet expert à faire partie de son bureau de direction sans
perdre son agrégation.
Par ailleurs, il nous semble aussi tout à fait inadmissible et
inconcevable que les presses d'une des universités du Québec ne
puissent être agréées en raison d'une collaboration avec
une autre université canadienne.
D'ailleurs, pour la même raison, si l'article 15 de la loi
était adopté tel que rédigé, nous serions dans
cette situation incroyable que l'Association québécoise des
presses universitaires ne pourrait pas être agréée et, par
la suite, ne pourrait pas recevoir, sous quelque forme que ce soit, une aide de
l'Etat. Cette situation se produirait malgré une propriété
et un contrôle québécois absolus.
Nous ne parlerons pas ici des avants-projets de règlement puisque
cette commission étudie le projet de loi lui-même, mais nous
sommes fort inquiets de la liberté totale laissée à la
réglementation qui semble déjà avoir un grand nombre
d'exigences qui n'ont rien à voir avec le livre, élément
de culture, d'information, d'éducation et de science. On peut
déjà entrevoir le jour où pour bénéficier de
l'aide de l'Etat, il soit nécessaire de fournir non seulement des
états financiers, mais même des états financiers
consolidés. Ces états financiers consolidés pourraient ne
rien avoir de commun avec l'édition, la distribution ou la vente de
livres, et pourtant on semble vouloir les exiger. Enfin, mentionnons
qu'à la limite, les membres de nos bureaux de direction et les
vice-recteurs responsables auraient, toujours d'après les avant-projets
de règlement, à déclarer: "la nature et la valeur de leurs
biens ou titre de créance".
Il nous semble que la loi, qui cède au ministre la
responsabilité de faire des règlements, devrait être
beaucoup plus spécifique quant à la nature et aux limites
imposées à ces règlements.
C'est à l'article 37 du projet de loi que l'on retrouve cet
abandon presque total des responsabilités du législateur en
faveur du pouvoir exécutif.
Ainsi, par règlement, il deviendrait possible "de
déterminer ce qui doit être déterminé par
règlement...".
Une Voix: ...
M. Fremont: C'est la citation exacte. C'est un extrait.
Sans vouloir mettre en doute la bonne foi du ministre qui
présente ce projet de loi, nous croyons qu'il y a ici une très
importante question de principe puisque alors, ce ne serait plus la loi qui
déterminerait ce sur quoi doivent porter les règlements et leurs
limites, mais, au contraire, les règlements qui détermineraient
ce que doit contenir la loi.
Il ne s'agit pas ici d'une erreur d'interprétation puisque au
paragraphe 5 du même article il est spécifiquement dit qu'il
serait possible, par règlement, et je cite: "de dispenser, en
totalité ou en partie, une catégorie de personnes, une
entreprise, une activité ou un service de l'application de la
présente loi et des règlements". C'est donc dire que la loi
elle-même énoncerait que tous les citoyens et les personnes
morales ne sont pas égaux devant cette loi, le gouvernement pouvant
dispenser qui il désire de son application.
Pour toutes ces raisons, nous croyons qu'il est essentiel d'apporter
à ce projet de loi, un certain nombre de changements, relativement peu
nombreux, mais tout à fait fondamentaux. Il faudrait que la loi tienne
compte de la nature du livre en tant qu'élément de science et de
culture, tienne compte aussi du lecteur puisque, en définitive, c'est
lui qu'il faut atteindre. Il faudrait aussi qu'elle crée un Conseil de
la lecture qui soit indépendant et représentatif de tous les
secteurs concernés par le livre; il faudrait aussi réduire
certaines exigences poussées à l'extrême concernant
l'agrégation; enfin, il faudrait définir les possibilités
d'aide de la part de l'Etat et aussi délimiter les pouvoirs régis
par réglementation.
Merci.
Le Président (M. Blank): M. le ministre.
M. Vaugeois: M. le Président, je pense que le
présent mémoire a davantage inquiété un de mes
conseillers juridiques, parce que plusieurs de vos remarques le torturaient.
C'est pour cela, d'ailleurs, qu'on lui a fait faire une commission.
Si vous me permettez, je vais me servir d'un exemple dans votre
mémoire pour illustrer un peu ce que j'ai à l'esprit. A la page
6, on lit: "Tel que rédigé, cela voudrait dire que l'Etat
pourrait contrôler arbitrairement le prix que pourrait charger un
éditeur québécois pour la vente de ses propres ouvrages.
L'expérience montre que les circonstances, les coûts et les
risques sont très différents d'un livre à l'autre et qu'il
n'est pas possible d'imaginer un contrôle sur les prix de vente, à
moins que l'on ne souhaite la disparition de l'édition privée
pour en faire un monopole d'Etat. Cet article nous paraît d'autant plus
dangereux qu'il s'appliquerait non seulement aux distributeurs
agréés, mais à tous les distributeurs, donc aussi
même à ceux qui ne pourraient pas bénéficier d'une
aide de l'Etat." Là, vous en venez au problème qui vous
préoccupe: "Nous souhaitons donc et jugeons comme essentiel que ce droit
de réglementation le soit sur les livres importés seulement", ce
avec quoi nous sommes d'accord, nous l'avons dit précédemment
aujourd'hui. Evidemment, votre mémoire était rédigé
et partait d'une ambiguïté, je crois, de la rédaction de
l'article 4.
J'aime que le cas soit demeuré parce qu'il illustre, à mon
avis, ce que je qualifierais d'une méfiance assez surprenante. Je ne
résiste pas à la relecture. Le fait que nous voulions
éventuellement empêcher un éditeur de tenir compte des
circonstances, des coûts et des risques, des difficultés d'un
ouvrage, donc, l'obligation dans laquelle se trouve l'éditeur
d'appliquer un multiple différent que pour un livre de grande vente, le
fait qu'on puisse éventuellement songer seulement à
l'empêcher d'avoir un multiple raisonnable pourrait faire que cet
éditeur se trouverait empêché de fonctionner, donc nous le
ferions mourir et nous établirions ainsi un monopole d'Etat.
Pour moi, cela répond à peu près à tout. Au
fond, il s'agit de savoir si on fait un projet de loi pour faire
disparaître les éditeurs privés, les distributeurs
privés, les librairies privées. Si notre intention finale n'est
pas d'établir, d'installer l'Editeur officiel du Québec dans ses
fonctions d'éditeur, de distributeur et de libraire, puisque l'Editeur
officiel du Québec se mêle même d'avoir des librairies... Je
peux vous dire que là n'est pas notre intention, au contraire. Toute
notre approche converge vers un objectif: étant donné la nature
du produit, nous croyons qu'il n'appartient pas à l'Etat de
l'assurer.
Voilà pourquoi nous légiférons, pour permettre
à l'entreprise, éditeurs, distributeurs, libraires, de trouver
des conditions favorables à une activité saine et normale, pour
lui permettre tantôt d'éditer des livres de cuisine, tantôt
des livres littéraires, tantôt des livres de grande vente,
tantôt des livres de vente restreinte. Nous avons d'ailleurs un programme
d'aide aux éditeurs que nous modifions actuellement, qui va tendre vers
une espèce d'appréciation universelle non subjective de la part
de nos services des manuscrits qui sont édités. A la limite, nous
ne voulons plus savoir ce qu'édite l'éditeur, nous allons essayer
de développer nos programmes sur l'activité
générale de l'éditeur, lui laissant le soin
d'éditer ce qu'il entend éditer.
Evidemment, avec une telle méfiance que vous exprimez ici d'une
façon absolument nette, je comprends qu'à chaque fois que la
loi-cadre ne précise pas dans le détail ce qui, d'après la
loi, doit être précisé dans les règlements, vous
vous en inquiétez. Si vous prêtez aux législateurs, au
départ, de telles intentions, cette loi est extrêmement
troublante, mais, si vous reconnaissez avec moi les intentions du projet de
loi, je pense que vous devrez reconnaître également que nous
sommes en face d'une loi-cadre, d'une loi-cadre qui ne cherche pas à
être en même temps un traité dans lequel se trouvait
expliqué ce qu'est un livre, etc., et c'est le choix que nous faisons.
Nous choisissons une loi qui donne des balises, des paramètres et il y a
beaucoup de choses qui sont définies
au niveau même de l'activité de l'éditeur, du
distributeur ou du libraire. Ces choses sont assez communément entendues
dans la profession.
Je vais me servir de la dernière page où vous avez eu la
bonne idée de résumer vos principales recommandations. Avec le
point 1, vous souhaiteriez qu'on définisse davantage le livre. Il y a
des éléments qui sont dans la loi, d'autres qui viennent dans le
projet de règlement pour les raisons que je viens de donner.
La loi devrait prévoir des mesures en vue d'encourager et de
développer des habitudes de lecture? Ce n'est pas dans la loi ou avec la
loi que nous pouvons faire ce travail. La loi ne règle pas toute la
question. La loi doit se comprendre dans un ensemble de mesures auxquelles nous
travaillons. Certaines ont été rendues publiques, d'autres le
seront prochainement. Je compte en particulier rendre public en septembre, un
plan de développement des bibliothèques publiques et mon
collègue de l'éducation a un projet semblable pour les
bibliothèques en milieu scolaire. C'est à ce niveau, avec les
actions menées à ce niveau, que nous pensons pouvoir vraiment
soutenir le développement de la lecture et j'aime dire, entre
parenthèses, que nous avons, au cours des dernières
années, réalisé, au Québec, comme ailleurs dans le
monde, de grands progrès. Je pense qu'ici au Québec, où
nous avons des statistiques sur la fréquentation des
bibliothèques publiques, le taux de fréquentation est à la
hausse et au-delà de tout ce qu'on peut espérer au départ.
Je ne veux pas m'étendre là-dessus, mais je peux vous dire, en
tout cas, qu'actuellement, c'est notre préoccupation majeure. Ici, nous
sommes en face d'un instrument, un instrument qui ne peut pas développer
l'ensemble de la politique, mais qui cherche à se préciser comme
moyen.
Au point 3: "définir la responsabilité
générale de l'Etat vis-à-vis de l'encouragement à
apporter." Voilà une chose qui, d'après notre façon de
rédiger la loi, se trouve dans les règlements. On s'est entendu
sur l'article 4, nous partageons la même inquiétude. Nous sommes
d'accord. Sur le point 5 également... encore que j'aime mieux la
façon dont le Conseil supérieur du livre nous l'a
présenté au début de l'après-midi. C'est plus
près de notre façon de voir les choses, mais sur l'essentiel,
nous nous rejoignons sur le rôle que vous voulez faire jouer au conseil
consultatif, ce que le Conseil supérieur du livre nous a dit, ce que
nous avons à l'esprit. C'est peut-être là, au fond, le
chien de garde dont vous rêvez, ce conseil indépendant, fort,
composé de gens qui font autorité et qui pourraient surveiller un
gouvernement qui se mêlerait d'avoir des règlements qui iraient
à rencontre de la loi, parce que la loi, quand même, est
très explicite. Il y a des choses que les règlements ne peuvent
pas faire et d'autres qui sont possibles. C'est dit dans la loi. Vous avez,
vous-même, utilisé le 37.5 qui permet, justement de
préciser, avec l'article 7 et l'article 15, ce que nous voulons
faire.
A l'article 37, cinquièmement, on parle d'une dispense possible.
Cette dispense vient avec le premier projet de règlement que nous avons.
D'ail- leurs, je peux le dire publiquement, c'est une rédaction que nous
avons reprise à votre suggestion, à l'occasion des
consultations.
Au point six, à l'article 14, vous dites: "définir les
principes sur lesquels sont basées des exigences de
l'agrégation." Alors, cela se trouve dans les règlements. A
l'article 15, c'est ce que je viens de dire concernant l'article 37, et il ne
faut pas manquer de porter attention à l'article 37.5.
Mais ceci étant dit, vous vous faites le porte-parole d'un groupe
d'éditeurs fort important. Vous avez étudié la loi sous un
angle passablement juridique. Je pense que cette façon
d'apprécier la loi est opportune, malgré ce que j'ai dit au
début, compte tenu du fait que nous légiférons pour
nous l'espérons des années à venir et que nous
devons prendre un certain nombre de précautions pour qu'au niveau des
règlements, on n'aille pas à rencontre des intentions d'une loi.
Nous tiendrons tout à fait compte des remarques que vous avez faites
pour qu'il n'y ait pas de possibilité, par le biais des
règlements, d'aller à l'encontre de l'esprit des intentions du
projet de loi. Mais il y a une décision, au départ, qui a
été prise, c'est que la loi est davantage une loi-cadre et un
certain nombre de choses se trouvent précisées dans les
règlements. (17 h 30)
Pour revenir au cas particulier que vous aviez à l'esprit, une
maison d'édition universitaire qui se trouve à être
associée avec une maison universitaire qui est en dehors du
Québec, je pense que, justement, l'article 37.5 nous permet
éventuellement de régulariser cette situation. Nous avions
à l'esprit nous pouvons le dire davantage le cas de
l'ASTED, mais cela peut tout aussi bien s'appliquer au cas des presses de
l'Université McGill avec Queen's, par exemple. Ou, encore, au cas des
Presses de l'Université Laval qui aurait dans son conseil
d'administration quelqu'un de l'extérieur.
C'est évident que nous ne voulons pas empêcher ce genre de
situation. Vous vous êtes inquiétés à savoir si je
ne sais plus quel article ferait obligation aux membres d'un conseil
d'administration qui seraient des professeurs d'université d'avoir
à déclarer tous leurs avoirs. Notre intention n'est pas de
connaître la valeur des chalets des professeurs d'université qui
siègent à des conseils d'administration. On fera attention pour
ne pas pousser l'indiscrétion jusque-là.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Une remarque préliminaire sur les accords avec
les universités canadiennes...
Une Voix: C'est une association.
M. Rivest: Oui, mais j'espère qu'il ne se trouvera pas un
ministre pour penser qu'on pourrait peut-être négocier des accords
de réciprocité dans ce domaine-là également...
Une Voix: ... dans notre programme...
M. Rivest: ... pour tout compliquer et ne rien régler,
comme vous l'avez fait.
M. Guay: ... M. le Président, personne ne proposait qu'on
cède le contrôle des universités au gouvernement
fédéral.
M. Rivest: Pardon? Est-ce qu'il a le droit de parole, M. le
Président?
Le Président (M. Blank): Ah oui. Ce n'est pas lui qui est
président, c'est moi.
M. Rivest: Alors, monsieur... Une Voix: Richesses
naturelles. Une Voix: ... culturelles.
M. Rivest: Je veux vous remercier de votre mémoire qui
donne un certain rythme. Le ministre dit assez souvent que c'est une loi-cadre
et qu'elle doit durer longtemps. Effectivement, telle que
rédigée, elle risque de durer fort longtemps, parce qu'on arrive
très difficilement à percevoir dans la rédaction du projet
de loi... D'abord, une chose que vous avez soulignée dans votre
mémoire et qui est tout à fait première, on
s'intéresse à la politique du livre ou, enfin, au livre mais on
ne détermine pas dans la loi ce qu'est un livre. C'est quand même
une définition première, et vous l'avez souligné. Je
comprends les difficultés de rédaction d'une telle loi, dans la
mesure où on a vu cela avec les manuels scolaires tantôt
on pourrait retenir un certain nombre de définitions de base;
certainement, l'élément du livre devrait être
là.
On parle des exigences qui seront définies par règlement.
Ce n'est pas nécessaire, et je pense que c'est le sens de votre
mémoire, que les exigences soient définies par règlement.
Il y a des exigences premières qui pourraient de façon
très pratique et très normale être inscrites dans la loi. A
ce moment, je pense que le milieu pourrait, de façon beaucoup plus
informée, comprendre la nature exacte des objectifs que poursuit le
gouvernement.
Deuxièmement on a fait la remarque au début, il y a
d'autres mémoires, également, qui le soulignent le projet
de loi 51 peut être un élément d'une politique de la
lecture ou du livre, enfin, dans une certaine mesure. A cela, le ministre vous
a dit qu'il était bien conscient que cette loi ne pouvait pas constituer
à elle seule, une politique de lecture. Il nous parle d'un ensemble de
mesures à venir. Nous ne mettrons pas en doute les bonnes intentions du
ministre. Il reste qu'il est extrêmement important je pense que
votre mémoire le souligne de parler du contenu, pas simplement
matériel, du livre, etc., des répercussions au niveau du
consommateur. Il faudrait, pour apprécier la loi, pour porter un
jugement à son mérite, qu'on puisse situer cette mesure
législative particulière dans l'ensemble d'une politique. Je n'en
fais pas un reproche direct au ministre; finalement, cela ne s'est jamais fait.
Il pourrait facilement retourner cela, mais, au moins, on devrait viser tous
les autres éléments pour une fois qu'on a une mesure qui,
sans doute, a de bonnes intentions pour apprécier l'ensemble.
C'est un peu le malaise. Chacun qui défile essaie de voir, parce que
cette mesure ne répond aux besoins spécifiques des
différents intervenants. Chacun sait qu'il y a d'autres
éléments où ils vont pouvoir se raccrocher.
Si vous permettez une première question, lorsque vous
évoquez l'article 1, je ne suis pas sûr que vous ayiez
complètement raison que l'aide ne peut être accordée
qu'à des personnes titulaires d'un agrément
délivré, mais cela dépend de ce qu'on entend par aide,
ici, parce qu'il n'est pas nécessairement vrai que d'autres mesures
d'assistance, par le biais du ministère des Affaires culturelles, ne
pourraient pas être accordées à des gens qui ne sont pas
agréés.
Ici, dans la loi, le ministre pourrait peut-être préciser
cela, je trouve inconcevable vous avez probablement raison, si on lit le
texte de l'article 2 que le ministère des Affaires culturelles se
désintéresse complètement d'une entreprise qui ne serait
pas agréée. Est-ce que c'est le sens, au fond, de vos remarques
sur l'article 1?
M. Frémont: "L'aide que peut accorder, suivant la loi, le
gouvernement, un de ses ministères, organismes ou mandataires, à
une personne faisant commerce dans le domaine de l'édition, de la
distribution ou de la librairie ne peut être accordée qu'à
des personnes titulaires d'un agrément délivré en vertu de
la présente loi ou qui y sont admissibles."
M. Rivest: C'est cela. C'est ce qui a été votre
préoccupation. D'ailleurs, vous la développez en donnant quelques
exemples précis. Est-ce que cela voudrait dire, vous faites bien de le
souligner, que le ministère des Affaires culturelles, comme tel
parce que le mot "aide" n'est défini nulle part, on ne semble pas savoir
de quoi il s'agit au juste se désintéresserait au niveau
de ses programmes d'une entreprise qui ne serait pas agréée?
Est-ce que c'est le sens que poursuit le ministre? Je ne sais pas. Je pose la
question au ministre. Il devrait nous répondre.
M. Vaugeois: C'est effectivement une bonne question, comme on
dit. Je vais encore m'en sortir, en fait, en ayant recours à l'article
37,5; parce que ce que nous essayons de faire avec la loi, c'est de parler de
livres. Quand nous parlons de livres ou d'éditeurs, notre
préoccupation est de développer des professionnels de
l'édition, de soutenir des professionnels de l'édition. Nous ne
sommes pas vraiment favorables c'est mon opinion à ce que
des associations s'improvisent éditeurs. Chaque fois que nous avons ce
genre de
demandes au ministère, nous faisons tout notre possible pour
diriger ces gens vers des éditeurs.
Il se publie au Québec un nombre assez considérable de
livres à différents niveaux. Ce sont des initiatives heureuses,
qui sont libres. Mais à partir du moment où on s'adresse à
nous, nous pensons qu'elles ont beaucoup à tirer de l'intervention d'un
professionnel. D'abord, elles seront généralement mieux
éditées. Si vous êtes éditeur, M. Frémont
vous conviendrez qu'un éditeur apporte à la préparation
d'un livre une compétence qu'un bon auteur ou une bonne association ne
peut apporter en étant à sa première
expérience.
Deuxièmement, un éditeur place le livre dans un catalogue
et le met en distribution et en diffusion. Quant à l'édition
québécoise, un des grands drames pour sa diffusion, c'est que
nous n'avons pas d'outils pour trouver tous les ouvrages publiés au
Québec. Nous n'avons pas le catalogue complet.
Au moins, quand on peut aller chercher tous les catalogues de tous les
éditeurs, c'est un moindre mal, mais quand on est en face d'une
édition assez importante qui n'est pas le fait d'éditeurs, c'est
une édition, à mon avis, qui comporte des lacunes et qui devient
introuvable. Il y a des associations au Québec qui ont
édité des livres intéressants et c'est un casse-tête
pour tout le monde, que de les trouver tant pour la bibliothèque qui
veut les acheter, que pour le libraire qui veut les commander.
Alors, nous n'encourageons pas ce genre d'activités et nous
faisons tout notre possible pour amener ces gens à se tourner vers un
éditeur professionnel. Ceci étant dit, nous ne voulons pas nous
interdire de soutenir une association d'histoire qui veut publier une
monographie et qui veut la publier pour ses membres, etc. A ce moment, ces gens
relèvent d'un autre programme que celui de l'aide à
l'édition. Il va de soi que nos règlements devront prévoir
ces cas d'exception où ce ne seront pas les programmes d'aide à
l'édition qui vont jouer, mais un programme, par exemple, d'animation
à la Direction générale du patrimoine ou un programme du
ministère des Affaires intergouvernementales pour aider une entreprise
à l'extérieur du Québec qui, à un moment
donné, a une opération qui nous intéresse et qui,
indirectement, est du domaine du livre.
Mais ce sont des cas d'exception. Nous sommes d'accord avec vous. Nous
ne voulons pas nous interdire de les soutenir, mais nous ne faisons pas une
politique pour ces gens.
M. Rivest: Si vous me permettez, M. le Président, sur le
plan du Conseil consultatif de la lecture et du livre, on a eu tantôt
l'échange entre le Conseil supérieur du livre et le ministre. Par
ailleurs, il y a une réflexion qui me vient à la lecture de votre
mémoire. Remarquez que c'est tout un problème pour le
gouvernement je sais que vous en êtes bien conscient que
les conseils consultatifs. Il y en a de multiples. Enfin, pourquoi y en
aurait-il pas pour le livre? Il pourrait certainement y en avoir.
Tantôt, par ailleurs, on disait: Oui, ce pourrait être des
fonctionnaires, etc. Ce sont eux qui sont chargés de l'application de la
loi. C'est assez inutile je m'excuse auprès des membres de la
Fonction publique du ministère des Affaires culturelles c'est
inutile de créer un conseil composé de fonctionnaires pour
appliquer la loi, parce que, par définition, dans la loi du
ministère des Affaires culturelles, les fonctionnaires sont là
pour appliquer la loi.
Donc, il faudrait peut-être c'est pour cela que je prends
votre idée, quitte à ce qu'on l'élargisse à la
lecture de façon un peu plus large faire en sorte que ce soient
des gens du milieu, un peu à la lumière du conseil. Votre
idée d'indépendance de cet organisme, d'indépendance
vis-à-vis du ministère des Affaires culturelles, à tout le
moins, je pense que c'est un aspect qui serait beaucoup plus intéressant
à explorer et sur la base de la structure que vous avez
suggérée dans votre mémoire.
On peut certainement travailler avec les exigences dans la loi,
même à la lumière du projet de règlement, en
regardant le projet de règlement du ministre. Je pense qu'on pourrait
convenir, lors du débat à l'Assemblée nationale, que
certaines exigences, pour obtenir l'agrégation, pourraient être
incluses dans la loi on pourra regarder et d'autres, par
règlement. Il y aura moyen, sans doute, de répondre en partie, ou
enfin, de tenter de répondre en partie à votre affaire et
finalement...
M. Vaugeois: M. le Président, est-ce que vous me
permettriez une petite réflexion là-dessus? Je pense que c'est un
choix que nous avons à faire ensemble. Il y a des points que nous
discutons aujourd'hui. A partir du moment où ils sont dans la loi
disons qu'on convient de les mettre dans la loi et où on n'est
pas tout à fait certain de leur caractère permanent, de leur
caractère souhaitable à long terme, en les mettant dans la loi,
ensemble, on se paralyse un peu. Il est beaucoup plus difficile de revenir sur
quelque chose qui se trouve dans la loi que sur quelque chose qui se trouve
dans un règlement.
Il s'agit de savoir si on veut avoir des outils qu'on pourra faire
évoluer ou des outils avec lesquels on va être un peu
paralysé. Il ne faut pas se raconter d'histoires. On ne peut pas revenir
à chaque session avec un même projet de loi. C'est cela la
contrainte. On est dans un ensemble parlementaire qui fait qu'on n'est pas les
seuls inscrits dans le processus législatif et on ne peut pas
espérer revenir devant l'Assemblée nationale avec un petit projet
de loi qu'on essaie d'améliorer à chaque année. Tandis que
les règlements peuvent évoluer à partir d'un certain
nombre de garanties que nous devons nous donner, mais qui sont beaucoup plus
souples dans leur application.
Alors, on a à choisir, au fond, entre une loi-cadre ou une loi
carcan.
M. Rivest: J'aurais une question pour terminer, juste mes
réactions là-dessus... je ne veux pas
engager le débat de deuxième lecture. Quand on parle
d'exigences et de précisions dans la loi, ce ne sont pas des questions
de détail et le ministre peut très bien, dans le secret du
Conseil des ministres, modifier cela. Mais l'avantage de l'Assemblée
nationale je pense qu'on est là pour cela, si on a un rôle
à jouer c'est de placer ces questions sur la place publique. Cela
m'apparaît drôlement important qu'on ne mette pas de
côté ce n'était peut-être pas l'intention du
ministre qu'on reconnaît comme étant un très grand
parlementaire aussi allègrement l'Assemblée nationale,
parce que je trouve qu'il y a des choses importantes et j'ai compris que
c'était le sens de votre mémoire.
Sur le dernier aspect, avant de vous poser une question, je veux, bien
sûr, endosser vos remarques. En fait, cela découle des
dernières phrases entendues à la commission au sujet du pouvoir
réglementaire. Il y a vraiment des choses tout à fait
surprenantes. J'en signale une simplement au ministre. On dit: "Le ministre
peut refuser l'article 18 de délivrer un agrément
à une personne admissible qui c), de l'avis du ministre, exerce ses
activités sous le contrôle effectif...". De l'avis du ministre.
Après cela, de l'avis du ministre, il peut, en vertu de 22, annuler ou
suspendre. Mais là, il ne peut pas faire cela
discrétionnairement. Il peut décider de refuser de
délivrer le permis, mais une fois qu'une personne l'a, il n'y a plus de
discrétion autant à l'article 22. Vous avez échappé
cela, M. le ministre. Par contre, à l'article 15, quand on
déclare admissible une personne, il y a l'avis du ministre.
Je signale simplement je pense que c'est la préoccupation
de beaucoup de gens qui sont ici que les ministres peuvent être
bien gentils et travailler le mieux possible. Il reste que, surtout, le
ministre peut déléguer à un fonctionnaire, quelque part
dans la loi, l'ensemble de ses pouvoirs. (17 h 45)
Quand on lit "le ministre", c'est la Fonction publique et quand
même, ce sont des entreprises qui ne fonctionnent pas au jour le jour, et
qui, constamment, avec un tel projet de loi, qu'il soit éditeur, etc.,
n'importe quoi, sont, avec le projet de loi, tel qu'il est
rédigé, au sujet de l'agrément, à la merci
constante du ministre, du ministère ou de quelqu'un au ministère
qui aurait la responsabilité de l'application de la loi. Je pense que
c'est une donnée de base de ce projet de loi et j'ai l'impression que
les remarques qu'on nous transmet cet après-midi évoquent cette
possibilité. Constamment, sur la base de la discrétion du
ministre, les entreprises qui fonctionnent, qui ont des intérêts
financiers, qui investissent, qui prévoient le développement de
leurs entreprises comme c'est normal sont placées par la
loi sous l'épée de Damoclès du ministre ou de l'un de ses
fonctionnaires.
L'autre point sur lequel je veux revenir, parce que c'est une question
de fond, est que vous avez évoqué la question de la
propriété. On a eu d'autres remarques à ce sujet depuis le
départ. Je sais que dans d'autres mémoires, il en est question.
J'aimerais que vous donniez des détails sur ce que vous dites. Je pense
que c'est à la page 8, dans le bas. "Nous disons en outre pourquoi il
est nécessaire que la propriété soit à 100%".
Compte tenu de votre expérience, est-ce qu'il vous paraît
nécessaire de hausser le pourcentage de propriété, qui
était à 50%, à 100%? Je crois comprendre que non. Et
est-ce que vous verriez des inconvénients pratiques, compte tenu de
votre expérience, si on devait accepter cela tel quel, se rendre
jusqu'à 100% de propriété québécoise?
M. Frémont: M. le Président, j'ai certainement une
opinion et je pense que mes collègues des autres presses universitaires
en ont. En tant que presses universitaires, le cas de la
propriété à 100% ou à 50% ne nous préoccupe
pas tel quel, puisque effectivement, les universités du Québec
sont québécoises. Je pense qu'il n'y a pas de problème sur
cela.
A titre personnel, ayant une certaine expérience dans
l'édition, je pense qu'il y a une très grosse différence
entre la propriété à 50% et la propriété
à 100%, ou même la propriété à 80%.
A 50%, des groupes, soit locaux, soit étrangers, peuvent
facilement contrôler des entreprises. A 80% ou dans les alentours de 75%,
80% ou 85%, là il peut y avoir une collaboration et je crois que c'est
très difficile d'avoir un contrôle réel.
Par contre, si on va à 100%, il n'y a pas plus de contrôle,
semble-t-il, mais on s'expose à avoir des ennuis, à ne pas
pouvoir, dans certains cas, je vous donnerai quelques exemples... M. le
ministre signale qu'il y a une échappatoire dans la loi qui permet aux
ministres de les dispenser. D'accord, mais cela devient des cas d'exception
plutôt que d'être le cas normal.
M. Rivest: Pour enchaîner avec ce que vous dites, souvent,
comme on nous l'a signalé et qu'on va probablement nous le dire, quand
il s'agit de participation étrangère, ce sont des entreprises qui
ont des moyens considérables. N'avez-vous pas l'impression que le
ministre qui se servirait des exceptions pour autoriser une firme en
particulier, serait drôlement placé dans le milieu, étant
donné que les entreprises québécoises à 100% sont
très probablement avec raison ; je ne veux pas leur donner tort
ici sensibles à cette présence des capitaux
étrangers? Le ministre qui peut prétendre utiliser ces pouvoirs
discrétionnaires dans la loi va être drôlement
embêté pour intervenir dans un cas, parce qu'il va créer
des réactions très fortes dans le milieu, n'est-ce pas?
M. Frémont: II est exposé à certains...
M. Rivest: Egalement, comme question en complément... ce
sont probablement les grévistes qui se rappellent à notre
souvenir... d'après votre expérience, est-ce que je ne
veux pas vous embarrasser; enfin, vous répondrez si vous voulez
vous croyez que pour protéger les entreprises québécoises
on doive aller jusqu'à 100%, dans la mesure où c'est
nécessaire de les protéger, etc.?
M. Frémont: J'ai eu l'impression que si ce n'est pas 100%
évidemment à la condition que ce soit une proportion
élevée, cependant; je veux être bien clair ou disons
95%, à toutes fins utiles, cela ne fait pas de différence du
point de vue de la protection. Mais du point de vue de l'exclusion ou
d'être obligé de trouver un détour pour permettre d'avoir
une aide ou des choses comme cela, là les choses se compliquent.
M. Rivest: Au fond, vous semblez m'indiquer que ce serait
préférable qu'il y ait une marge parce que ces gens-là, au
niveau du simple lecteur, leur présence au Québec n'est pas que
négative. On souligne les inconvénients que cela crée aux
entreprises québécoises, mais le lecteur peut
bénéficier de la présence de ces entreprises. Tout est une
question de degré.
M. Frémont: Le lecteur et les entreprises
elles-mêmes, jusqu'à un certain point. La condition c'est qu'en
définitive nous sommes à peu près tous d'accord sur
cette question l'aide aille aux entreprises contrôlées par
le Québec. C'est normal.
M. Rivest: Québécoises.
M. Frémont: C'est dans le moyen. Est-ce que pour que ce
soit contrôlé par les Québécois il faut
nécessairement que ce soit à 100% ou est-ce que 90% ou 80% ne
peuvent pas être aussi contrôlés et apporter un apport
d'autres sources, soit financières? Cela ne peut quand même pas
être très important, mais l'apport intellectuel, l'apport
d'expériences pourraient être avantageux à toutes les
étapes, pour les maisons d'édition, de distribution, etc., et
pour le lecteur.
M. Rivest: Très bien, merci.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: M. le Président, je voudrais aborder
quelques points. Je sais très bien que le but du projet de loi n'est pas
d'encourager la lecture, mais par ricochet, peut-être que le projet de
loi pourra certainement aider dans la mesure où il sera bien
appliqué, dans la mesure où les éditeurs, libraires,
auteurs, tous les ouvriers, tous ceux qui sont concernés
là-dedans auront leur mot à dire. Le ministre a mentionné
face à vos remarques, à votre mémoire que j'ai bien
aimé, en passant cette méfiance. La méfiance, dans
votre cas, et en ce qui concerne d'autres groupes, cela devient une vertu
à ce moment-ci, placés face au gouvernement et aux balises du
ministre, parce que le ministre insiste beaucoup sur ses balises. Il y a
plusieurs mémoires qui le mentionnent et je l'ai d'ailleurs
mentionné dans une première intervention cet après-midi,
la différence entre la loi et les règlements. Dans le
passé, on reprochait au ministre de présenter un projet de loi
sans règlements. Cette fois-ci, il y a la loi, il y a les
règlements, mais l'importance accordée aux règlements
dépasse, dans bien des cas, l'importance accordée au projet de
loi lui-même. Le ministre nous dit qu'il ne veut pas revenir tous les ans
avec son projet de loi. Mais il aura à revenir parce que de toute
façon un projet de loi n'est pas éternel. Et modifier ou ajouter
un ou deux articles, ce n'est pas cela qui occupe tout le temps de la
session.
Je crois que tous les groupes ont intérêt à ce que
le ministre précise dans sa loi et non pas exclusivement dans ses
règlements... On a mentionné entre autres la définition du
livre. Plusieurs mémoires le mentionnent, je crois que c'est très
important parce que c'est facile de changer des règlements. Même
si le ministre se rabat souvent sur l'article 37.5 et en fait un argument
très fort, il ne doit pas oublier aussi que le gouvernement peut, par
règlement, sur la recommandation du ministre, déterminer ce qui
doit être déterminé par règlement.
Une Voix: Voilà.
M. Le Moignan: Oui, mais le ministre peut changer, d'autres
ministres peuvent changer; alors, on peut changer très souvent. On peut
même annuler dans certains cas la valeur de certains articles de loi.
C'est là le danger.
M. Vaugeois: Je vous remercie de le signaler, parce que 37.1 est
aussi important que 37.5.
M. Le Moignan: Mais vous n'en parlez pas beaucoup.
M. Vaugeois: On ne peut pas faire des règlements sur
n'importe quoi.
M. Rivest: Ce n'est pas vous qui allez décider.
M. Le Moignan: Vous n'en parlez pas beaucoup de 37.1 non
plus.
M. Vaugeois: J'ai demandé à cet égard si on
ne pouvait pas remplacer les mots "le ministre" par "le chef de l'Opposition".
Remarquez que je trouve que ce serait une bonne sécurité.
M. Le Moignan: Le ministre peut jouer, il a de grands pouvoirs.
Je sais que le ministre actuel ne le fera pas. Personne ne va songer-Une
Voix: Cela viendra. Le chef de l'Opposition...
Une Voix: Les ministres, les gouvernements, cela change, je suis
d'accord avec vous.
M. Le Moignan: Je pense que c'est bon, M. le ministre. Vous avez
parlé de l'article 4 qui n'est pas tout à fait exact. Il peut y
avoir d'autres articles en cours de route qu'il faudrait modifier, enlever
certains points des règlements et les introduire dans le projet de loi
tels quels. Je pense que cela va éviter beaucoup de confusion. Le
ministre a
mentionné certaines choses, je comprends, des monographies ou des
sociétés d'histoire. Je suis d'accord sur vos remarques mais,
étant donné les questions posées par le
député de Jean-Talon, je n'ai pas de question
particulière. Je veux vous remercier de cet intérêt que
vous manifestez dans le domaine surtout des presses universitaires.
Le Président (M. Blank): Merci, M. le député
de Jean-Talon. Merci, M. Frémont.
Est-ce que l'éditeur Pierre Tisseyre est ici?
Editions Pierre Tisseyre
M. Tisseyre (Pierre): M. le Président, si je me permets de
me présenter aujourd'hui devant votre commission, c'est parce qu'au
cours de ces 30 dernières années j'ai publié près
de 400 romans, nouvelles, essais littéraires et pièces de
théâtre d'auteurs québécois dont une trentaine
d'ouvrages que l'on pourrait dire classiques, puisqu'ils figurent aux
programmes de nos étudiants, au niveau secondaire et au CEGEP.
J'ai ainsi l'honneur d'être l'éditeur de plusieurs de nos
meilleurs écrivains dont je ne citerai que trois pour ne pas risquer
d'en oublier dans une énumération plus complète: Hubert
Aquin, André Langevin et Claire Martin.
M. le Président, la grande oubliée du projet de loi que
nous étudions aujourd'hui, c'est l'édition littéraire, car
il n'est fait nulle part la distinction qui me paraît pourtant
indispensable de faire entre l'édition littéraire ou culturelle
et les autres formes d'édition que, pour simplifier, on pourrait appeler
utilitaires.
L'édition culturelle peut, je crois, très bien le
définir, en précisant tout d'abord en quoi elle diffère
des autres formes d'édition. Elle ne s'adresse pas au grand public. Elle
n'a aucune utilité pratique. Elle n'obéit pas aux
impératifs industriels auxquels sont soumises les autres sortes
d'éditions, telles que études de marchés et fabrication du
produit à un prix donné, en fonction de la concurrence.
Un éditeur d'ouvrages littéraires ne décide pas de
les publier parce qu'il croit qu'ils se vendront bien. Il l'espère,
évidemment. Mais même cette espérance ne peut pas, ne doit
pas être le facteur qui détermine sa décision. Le seul
critère à considérer, c'est la qualité de l'oeuvre
elle-même ou de l'auteur qu'il peut être nécessaire
d'encourager en publiant son manuscrit, même s'il a de graves
défauts.
La fonction unique de l'édition culturelle est d'enrichir le
patrimoine littéraire ou scientifique du pays et c'est à ce titre
qu'elle doit être aidée au Québec, puisque
l'exiguïté de notre marché lui interdit d'être
rentable commercialement.
Il suffirait d'apporter une petite modification aux textes qui sont
devant vous pour saisir l'occasion véritablement unique qui s'offre
aujourd'hui au gouvernement de régler l'un des problèmes
essentiels de l'édition littéraire québécoise. Je
veux parler de sa distribution en librairie.
Vous pourriez interroger tous nos auteurs d'ouvrages littéraires.
Tous, sans exception, vous diront que leurs ouvrages sont mal
distribués, car on ne les trouve que dans quelques librairies,
même s'ils ont été publiés tout récemment.
Cet état de choses, non seulement prive les auteurs de la
possibilité de toucher leur public, mais il crée, entre
libraires, éditeurs et auteurs, un malaise dont les conséquences
sont graves.
Lorsqu'un auteur ou l'ami d'un auteur réclame à un
libraire québécois un titre récemment paru qu'il ne trouve
pas dans son magasin, le libraire ne dit jamais la vérité.
C'est-à-dire: L'éditeur nous l'a envoyé mais, comme je ne
croyais pas qu'il se vendrait, je l'ai rapidement retourné. Ou bien il
dit, au contraire: Je l'avais encore hier; je l'ai vendu, ce qui donne
l'impression, hélas fausse, à l'auteur que son livre se vend
bien, ce qui le fera douter de la véracité du rapport des droits
d'auteur que son éditeur lui fera. Ou bien: Je l'ai commandé
plusieurs fois, mais l'éditeur ne me l'envoie pas, ce qui donne à
l'auteur le sentiment que son éditeur ne fait pas son travail.
M. le Président, je voudrais ici, pour éviter tout
malentendu, déclarer clairement que je ne blâme pas les libraires,
qui, nous le savons tous, ont beaucoup de mal à vivre et qui ne font
même pas 10% de leur chiffre d'affaires avec des ouvrages
littéraires québécois. Comment pouvait-on espérer
qu'ils consacrent à des ouvrages dont la vente ne peut les faire vivre
le même effort de présentation ou de promotion que celui qu'ils
font en faveur des livres québécois utilitaires ou des livres
étrangers, dont la vente représente 90% de leur chiffre
d'affaires?
Le patriotisme ou l'idéalisme auxquels il leur faudrait faire
appel ont le grand tort de ne pas être consommables. Autrement dit, ce
n'est pas avec cela qu'ils se nourriront, s'habilleront ou se logeront.
L'inertie ou l'indifférence de presque tous nos libraires
vis-à-vis des ouvrages culturels québécois sont donc
compréhensibles.
Or, je le répète, le gouvernement a aujourd'hui le moyen,
avec la loi 51 et les règlements qui vont l'accompagner, de
régler ce problème fondamental sans que les libraires puissent se
sentir indûment contraints, puisqu'au fond de leur coeur ils souhaitent
tous pouvoir rendre aux ouvrages littéraires québécois les
services dont ils ont besoin. (18 heures)
Ce moyen consiste à introduire dans les normes d'agrément
des librairies, l'obligation de rendre aux ouvrages littéraires
québécois des services essentiels. Tout ce qu'on trouve en faveur
de l'édition québécoise en général dans les
projets de règlements des librairies agréées, c'est
l'obligation d'avoir un certain nombre de titres, 1000 ou 600, d'auteurs
québécois, suivant l'importance des villes où ces
librairies sont situées.
Je vous surprendrai peut-être en vous disant que cette obligation
peut être remplie uniquement avec des ouvrages utilitaires qui se vendent
plus facilement et plus rapidement que les ouvrages littéraires. Ce sera
donc une grande tentation pour les libraires agréés d'avoir en
magasin beaucoup de titres utilitaires et peu de titres littéraires.
C'est pourquoi je demande à votre commission de bien vouloir
recommander que les normes d'agrément prévoient au moins 250
titres d'ouvrages littéraires, c'est-à-dire de romans, nouvelles,
poèmes, pièces de théâtre et essais, afin que chaque
Québécois entrant dans une librairie a-gréée puisse
y trouver les ouvrages importants de nos meilleurs auteurs, ouvrages dont la
qualité est telle, d'ailleurs, qu'un Québécois peut
ressentir un sentiment de fierté légitime lorsqu'il les trouve
sur les rayons d'une librairie.
Rien que cela aurait un effet notable sur la présence des
ouvrages littéraires québécois en librairie. Mais il faut
aller plus loin. Il faut dire aux libraires, avec l'agrément, nous vous
donnons aujourd'hui le moyen de vivre, puisque nous vous réservons la
clientèle des institutions.
En échange, nous vous demandons d'accorder à la
littérature québécoise, aux ouvrages culturels
québécois une place dans votre librairie, qui, nous le savons,
est disproportionnée avec le chiffre d'affaires que vous pouvez en
espérer, mais qui est indispensable à l'épanouissement de
cette littérature, à l'harmonie des relations entre
écrivains, éditeurs et libraires et à la défense
d'un idéal que, comme nous, vous souhaitez servir.
C'est pourquoi vous allez trouver dans les conditions d'agrément
des obligations spécifiques. Quelles seraient, M. le Président,
ces obligations spécifiques? Premièrement, que les libraires
agréés consacrent une partie de leurs vitrines aux
nouveautés littéraires québécoises.
Deuxièmement, que les libraires agréés ne retournent pas,
avant au moins trois mois, les envois d'office qui leur sont faits.
Troisièmement, que les libraires agréés, s'ils vendent cet
office, veillent au réassortiment du livre concerné pour qu'il ne
disparaisse pas moins de trois mois après sa publication.
Ce ne sont pas là des demandes déraisonnables, d'autant
plus que les libraires eux-mêmes sont souvent les premiers à
regretter de ne pas rendre aux ouvrages littéraires
québécois les services qui leur sont pourtant indispensables.
Enfin, M. le Président, je voudrais souligner que si la loi 51 ne
prend pas ce minimum de mesures en faveur de l'édition
littéraire, cette carence sera évidemment
interprétée comme un manque d'intérêt du
gouvernement envers l'édition culturelle québécoise. Elle
aura donc un effet négatif grave, car elle pourrait donner bonne
conscience à ceux qui se sentent aujourd'hui un peu coupables de ne pas
faire plus pour nos écrivains et nos éditeurs, serviteurs
dévoués et mal payés de la littérature
québécoise.
Le Président (M. Blank): Merci.
M. Vaugeois: M. le Président, est-ce que nous prenons
maintenant le temps de commenter ce mémoire?
Le Président (M. Blank): D'accord, avec le consentement de
dépasser l'heure, six heures.
M. Vaugeois: M. le Président, je pense que je
n'étonnerai personne en disant toute l'impression extrêmement
favorable que crée chez moi ce mémoire, mémoire que je
qualifierais de très noble, d'extrêmement sympatique dans le ton,
dans l'approche et dans le problème posé.
Je me permettrais un petit commentaire et je le ferai suivre d'une
proposition. On constate souvent que le libraire retourne assez rapidement des
nouveautés et on le regrette parfois. J'ai envie de souligner que
plusieurs sont un peu responsables de la vie d'un livre. L'auteur a son
rôle à jouer, en soutenant son oeuvre. L'éditeur a
évidemment un rôle à jouer et ce qui arrive chez nous,
c'est que l'éditeur a généralement peu de moyens et la
publicité qu'il peut faire est assez limitée et assez
restreinte.
Nous avons des programmes actuellement qui essaient de soutenir cet
effort de publicité que nous croyons important de la part des
éditeurs.
Mais il existe aussi cette publicité gratuite que les media
peuvent nous donner par l'attention qu'ils portent à notre
littérature. Puisque vous avez abordé cette question, je ne veux
pas laisser passer cette occasion pour dire que c'est une responsabilité
qui est celle, bien sûr, du libraire mais il devrait la partager
avec le bibliothécaire qui peut être un agent extrêmement
important dans la connaissance de la littérature
québécoise et qui est aussi celle de nos media qui peuvent
consacrer de plus en plus de place à la production de nos auteurs.
Je sais que des études se font actuellement dans certains media,
surtout la presse écrite, qui les amènent à constater que
les pages littéraires et artistiques, qu'on croyait
réservées à une petite clientèle, ont une audience
beaucoup plus grande qu'ils ne le croyaient. Je profite de cette occasion pour
dire qu'au ministère on complète actuellement une étude,
une enquête sur les habitudes culturelles des Québécois. Un
de nos objectifs c'est de démontrer à ces responsables, dans les
différents media, que la production culturelle intéresse beaucoup
plus de gens qu'on ne le croit. On a des statistiques qui nous étonnent
nous-mêmes actuellement, qui sortent de ces enquêtes. Il y a un
quotidien qui vient d'en terminer une qui a constaté, à son grand
étonnement, que ses pages littéraires et artistiques
intéressaient plus de gens que ses pages sportives. On vient d'avoir une
enquête à Québec, ici, faite auprès d'un
échantillonnage de 1208 personnes, qui a amené les
répondants à dire que 48% d'entre eux avaient, au cours de
l'année, assisté à au moins une manifestation sportive. Le
même nombre, 48%, disaient avoir été au moins une fois dans
l'année au musée. Je pense que c'est 38% qui disaient être
allés au moins une fois à une pièce de
théâtre, et ainsi de suite.
On constate actuellement que ce qui était connu aux Etats-Unis
depuis fort longtemps se produit également chez nous, mais on est
resté un peu à l'écart de ce mouvement-là. Je crois
donc que plusieurs agents peuvent soutenir la production
québécoise. Mais vous en dégagez un dans votre
mémoire qui est à la portée de la loi que
nous proposons et des règlements qui l'accompagneront. Je pense
que tout le monde se doute bien que ce serait également notre intention
d'aller dans le sens que vous proposez. A certains moments, nous avons
laissé entendre que nous aimerions agir de la sorte et le recommander,
mais c'est le genre de propositions qui ont également
inquiété certains milieux qui nous ont indiqué qu'avec de
telles exigences, de telles propositions, nous devenions tatillons, nous
devenions dirigistes, etc. C'est une proposition que j'ai presque envie de
formuler. Si, au cours de ces séances de travail, il se dégageait
un consensus, je ne dis pas pour que la loi devienne tatillonne et dirigiste,
mais pour un cas comme celui-là, si les gens de l'Opposition nous
disaient que c'est le genre d'intervention qu'ils souhaitent, si les
différentes personnes qui vont se succéder ici nous disaient que
ce genre d'intervention de notre part c'est ce qu'elles souhaitent, ce serait
également notre désir le plus grand d'avoir des mesures
susceptibles de soutenir l'édition québécoise,
l'édition littéraire québécoise. Notre
démarche générale, avec notre projet de loi et ses
règlements, c'est de faire confiance aux agents, mais s'il faut les
aider, à un moment donné, dans ce cas-là, nous sommes tout
à fait disposés à le faire, mais nous ne voulons pas le
faire de notre propre initiative, parce que ce n'est pas le sens
général de notre démarche. Notre démarche repose
sur l'autonomie et le sens des responsabilités des agents qui sont
concernés par le commerce du livre au Québec.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. le ministre, qui est très prudent,
maintenant, fait porter sur le dos de l'Opposition le pointillisme des lois. Le
ministre devient habile. Il est temps qu'il change, 18 mois c'est trop,
quelqu'un avait bien raison tantôt. Alors, je voudrais simplement dire,
quant à moi, que je trouve extrêmement valable la proposition qui
nous est faite, non pas celle du ministre, mais celle que M. Tisseyre vient de
présenter devant la commission. Sans doute il s'agit là
probablement d'une des premières façons, étant
donné qu'il y a tellement de préoccupations de divers ordres pour
essayer d'appuyer de toutes nos forces l'expression de la culture
québécoise et qu'en partant, justement, de la création
littéraire, qui exprime peut-être davantage que des manuels
utilitaires, qui exprime certainement au niveau le plus élevé les
valeurs culturelles québécoises, il faut certainement se
préoccuper de ce problème et du caractère sobre et
précis du mémoire qui nous est présenté par M.
Tisseyre. Il m'incite, en tout cas, à appuyer certainement l'accueil que
le ministre lui a accordé.
Quant à l'aspect technique de l'inclusion des modalités,
je pense que pour l'instant, disons qu'il faudrait peut-être voir le
point de vue des libraires, voir si vraiment cela leur causerait des embarras.
Vous allez jusque dans les vitrines. C'est peut-être un peu loin au
niveau de la réglementation, mais tout de même, je pense
qu'effectivement, ce n'est pas tellement une question de détail. Je
pense que le ministre l'a présenté comme cela. Votre plaidoyer
est beaucoup plus dans le sens de nuancer un peu l'approche qu'on a, face aux
livres, et de ne pas considérer tous les livres sur le même
pied.
Sur cet aspect, je pense que c'est très intéressant et
sans doute je ne dis pas qu'il n'y a pas d'autres catégories de
livres qui sont également d'intérêt la production
littéraire, au sens où vous l'avez définie, doit retenir,
en tout cas de façon certainement prioritaire, notre attention.
Alors, je puis vous dire, quant à moi, et je pense bien que mes
collègues vont être d'accord, que toute proposition d'ordre
législatif ou autre ou réglementaire que le ministre nous
proposera sera jugée à son mérite.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: M. le Président, même si mon
intervention n'est pas tellement longue, j'éprouve beaucoup de plaisir
à la faire après la lecture du mémoire que M. Tisseyre
vient de nous donner. Evidemment, autour de cette table il le constate
lui-même il récolte beaucoup d'appuis, beaucoup de
sympathie, et ce domaine de la culture ne peut laisser indifférent aucun
des membres de cette commission. Comme le député de Jean-Talon
vient de le mentionner, il y a peut-être certaines nuances à
apporter à votre mémoire.
D'ailleurs, nous aurons l'occasion aussi d'écouter les autres
intervenants, mais je pense que ce que vous nous avez soumis a un but
très noble, très louable, pour employer les mêmes termes.
Je suis bien content et je vous félicite de votre excellent travail.
Le Président (M. Blank): Le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux d'abord
féliciter M. Tisseyre d'avoir sensibilisé la commission aux
problèmes de la publicité ou l'encouragement qu'il faut donner
aux oeuvres littéraires et culturelles québécoises.
C'était un peu le sens de ma question à un groupe,
antérieurement, alors que je leur demandais quelle était la
proportion des livres que vous appelez utilitaires versus les livres
littéraires.
Evidemment, ce que vous suggérez, ce sont des moyens
peut-être de renverser un peu la vapeur, pas que je sois contre la
cuisine, le jardinage et le bricolage, mais je pense que c'est là un
mode d'expression. Il y en a peut-être d'autres qui, au plan culturel,
sont au moins aussi importants.
J'aurais trois questions courtes à vous poser. La première
est: Est-ce que vous pourriez me dire quelle est la part que les marchés
étrangers font aux oeuvres littéraires québécoises,
selon l'expérience que vous avez?
M. Tisseyre: Elle est extrêmement faible. Nous avons
essayé, depuis une trentaine d'années, d'arriver sur le
marché français. Il y a eu
plusieurs tentatives. La dernière a été une
opération qui s'est appelée Livres du Canada et qui a
coûté fort cher au gouvernement fédéral, sans
succès.
Nous avons essayé également de faire des coéditions
avec des éditeurs français. Alors, de ce
côté-là, il y a un progrès. J'ai vendu des droits
puisque cela s'appelle vendre des droits français à
des éditeurs de France sur une douzaine de mes ouvrages et je n'ai pas
eu la chance qu'un seul soit un succès en France. J'ai même
racheté les oeuvres rendues chez l'éditeur français.
Mais récemment, Yves Dubé, qui était là tout
à l'heure, a fait des accords avec Grasset pour les livres d'Antonine
Maillet et je pense que cela a été un grand succès en
France, puisque l'année dernière, elle a falli gagner le prix
Goncourt. Il y a un progrès sous la forme de coéditions et de
cessions de droits. Mais sous la forme d'exportations, nous sommes encore
à l'enfance.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est peut-être intéressant
quand on considère toute l'autre partie de la loi, la question de
propriété, de voir quelle espèce de collaboration
véritable on peut établir avec d'autres marchés de langue
française.
M. Tisseyre: Mais je ne dirais pas que c'est un manque de
collaboration. Vous savez, les Belges nous ont dit qu'ils avaient mis 50 ans
et ils sont pourtant beaucoup plus près de la France
à réussir à vendre leurs livres en France comme ouvrages
belges. Ils étaient, au début, aussi obligés de passer, de
faire des cessions aux éditeurs français. Ils ont eu
l'intelligence d'occuper des créneaux, comme on appelle cela,
c'est-à-dire d'éditer des livres qui n'intéressaient pas
les Français à l'époque. Ce sont eux qui ont
commencé, par exemple, avec les bandes dessinées, avec Tintin,
qui est Belge. Après cela, les Français sont venus.
Alors, si les Belges ont mis 50 ans, peut-être que cela nous
prendra du temps à nous aussi.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez plus de chances avec le
marché belge?
M. Tisseyre: Oui, c'est plus facile d'entrer en Belgique. Cela ne
fait pas de sommes importantes, mais c'est plus facile.
Mme Lavoie-Roux: Ma deuxième question: Quelle est votre
expérience avec les bibliothèques publiques? (18 h 15)
M. Tisseyre: Je pense que les bibliothécaires font ce
qu'ils peuvent avec les moyens dont ils disposent, si vous voulez. Dans un pays
comme le Danemark, quand un éditeur publie un roman, il suffit qu'il le
vende aux bibliothèques publiques pour que son tirage soit
assuré. Nous, nous en avons combien? 90, 92 au Québec. Le jour
où nous en aurons 500 ou 600, cela jouera un rôle important dans
l'édition littéraire. Mais pour le moment, c'est
négligeable, parce qu'ils ne sont pas assez nombreux.
Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question: Quand vous parlez
d'une possibilité de 250 titres des libraires une suggestion que
vous faites de 250 titres, c'est une question d'ordre pratique quand on
examine les librairies à l'extérieur des grands centres, est-ce
que ceci est un nombre considérable pour certaines librairies qui sont
plus petites, enfin, compte tenu du pourcentage ou du nombre de livres ou de
titres qu'ils tiennent en librairie. Est-ce que c'est un chiffre
raisonnable?
M. Tisseyre: Mon chiffre de 250 est proportionnel aux 600 et 1000
qui sont prévus dans les règlements. Mais en
réalité, 250 titres, c'est le fond, ce sont les ouvrages qui,
aujourd'hui, sont étudiés dans les CEGEP et au secondaire et ce
sont les nouveautés. Je vous dresse une liste en 20 minutes de 250
titres d'ouvrages de qualité, d'ouvrages culturels qui devraient
être dans toutes les librairies.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. Tisseyre.
Le Président (M. Blank): Merci, M. Tisseyre. On va
suspendre jusqu'à 20 heures.
Suspension de la séance à 18 h 18
Reprise de la séance à 20 h 20
Le Président (M. Blank): Reprise de la séance de la
commission des affaires culturelles. Maintenant, c'est l'Association des
distributeurs exclusifs de livres de langue française. M. Ralph
Rhyman.
Association des distributeurs exclusifs de livres de
langue française
M. Rhyman (Ralph): Je fais de l'effet. M. le Président, M.
le ministre, mesdames et messieurs les parlementaires, puis-je vous
présenter à mon extrême droite, M. Rolland Rochette, et
plus près de moi, M. Raymond Carignan? Nous avons été
mandatés par l'ADELF pour vous présenter ce mémoire.
Déclaration de principe. Dans la chaîne qui relie
l'éditeur au lecteur québécois, le distributeur du
Québec constitue un maillon indispensable. En effet, le distributeur
tient en inventaire et à la disposition immédiate des libraires
les stocks requis et fait l'entreposage et la gestion des stocks, la
comptabilité et l'organisation du transport, etc. Il informe les
libraires sur les titres distribués, le prix, la disponibilité,
les raisons de non-fourniture. Il fait la promotion des livres
distribués auprès des libraires par l'entremise de
représentants, de circulaires, d'annonces dans les journaux
professionnels auprès des bibliothécaires, des professeurs et du
grand public; "mailing" et publicité. Dans le cas d'importations de
livres européens, le distributeur s'occupe de l'organisation du
transport international, aérien ou maritime, du dédoua-
nement des stocks et du cataloguage, de l'établissement d'un
circuit d'information continu avec l'éditeur par
téléphone, télex ou rencontres, et c'est lui qui
négocie les conditions d'achat et de transport et prend en charge les
engagements financiers et les risques du change.
C'est donc grâce au distributeur dans le cas du livre
importé que le libraire du Québec peut avoir à
portée de la main la majorité des fonds d'édition
européens qui constituent la partie la plus importante de son chiffre
d'affaires. Le distributeur du Québec rapproche le principal gagne-pain
du libraire du Québec d'une distance de 5000 kilomètres et permet
au lecteur québécois de lire les dernières parutions avec
seulement trois semaines de retard sur les lecteurs parisiens, bruxellois ou
genevois. Le distributeur joue ainsi un double rôle: Aux yeux du
libraire, il remplace l'éditeur, et aux yeux de l'éditeur, il
remplace le libraire. Acceptant cette dualité, le distributeur,
lorsqu'il fait fonction d'éditeur, doit tenir un inventaire suffisant
pour répondre à la demande, assurer la promotion et la
publicité auprès des libraires et du public en
général, fournir un service d'office des nouveautés et
exécuter les commandes rapidement. Lorsqu'il fait fonction de libraire,
il doit montrer à l'éditeur par ses ventes un
intérêt soutenu pour les livres que celui-ci publie. Cette
ambivalence comporte évidemment des contraintes et des servitudes. Pour
l'information au libraire, la promotion et la publicité, le distributeur
est entièrement à la merci de l'éditeur qu'il
représente et il doit traduire l'information qu'il reçoit pour
l'adapter à sa clientèle. Pour son inventaire, le distributeur
est tributaire de la rapidité d'exécution des commandes par
l'éditeur et il doit respecter les termes du contrat qui le lie à
son fournisseur et en particulier le délai de paiement convenu. De
l'autre côté, il doit parfois accepter les retours et il est
tributaire du délai de paiement du libraire.
D'une façon générale, l'implantation des
distributeurs au Québec depuis une dizaine d'années a
entraîné des avantages pour le public et pour le libraire. Pour le
public, il a amené un choix de livres plus étendu et une baisse
du prix de vente au détail en dollars canadiens du livre importé.
Pour les libraires, il a amené la simplification et
l'accélération des approvisionnements et il a diminué les
risques d'achat, possibilités de retour, aucun risque de change.
La fonction occupée par le distributeur au Québec est donc
essentielle puisque dans tous les pays où les libraires commandent
directement à l'étranger, les prix de ces livres sont en
général plus élevés. En effet, s'il n'y avait pas
de distributeur, tous les libraires du Québec et certains organismes
seraient obligés de commander leurs livres directement. Cette
façon de procéder coûterait plus cher en temps et en argent
aux libraires et aux organismes concernés. Pour preuve, il suffit de
voir les difficultés rencontrées pour se procurer les livres des
fonds d'édition étrangers qui ne sont pas
représentés au Québec. Conscients de leur
responsabilité et de la place qu'ils occupent, les distributeurs se sont
groupés récemment en asso- ciation et ont fondé
l'Association des distributeurs exclusifs des livres en langue
française, l'ADELF Tout distributeur, pour être reconnu comme tel
par l'association, doit être responsable de l'animation de la vente, de
la politique commerciale et des outils de distribution d'un ou plusieurs fonds
qui lui sont confiés en vertu d'accords exclusifs par un ou plusieurs
éditeurs. En outre, l'ADELF sera la première association
professionnelle dans le domaine du livre au Québec à se doter
d'un code d'éthique.
Mandat de l'ADELF. Devant la gravité des mesures proposées
par le projet de loi no 51, l'ADELF a reçu de ses membres le mandat de
présenter un mémoire à la commission parlementaire
chargée d'étudier la loi sur le développement des
entreprises québécoises dans le domaine du livre, et le
présent mémoire a été accepté à
l'unanimité au cours de l'assemblée générale tenue
le 14 août 1979.
Les innovations introduites par le projet de loi no 51. Enumérons
les principales innovations introduites par ce projet de loi dans le domaine de
la distribution: création d'une catégorie d'entreprises de
distribution agréées; obligation faite à tous les
distributeurs de livres au Québec de se conformer au mode de calcul du
prix de vente réglementaire; droit de visite et accès aux
registres et pièces comptables de tous les distributeurs de livres au
Québec.
Le distributeur agréé. La première innovation est
la création d'une catégorie d'entreprises de distribution
agréées. Le moins que l'on puisse dire pour commencer, c'est que
l'ADELF n'en voit pas l'utilité et que le projet de loi est très
confus à ce sujet. La nécessité invoquée pour ce
faire, c'est que seules ces entreprises pourront bénéficier de
l'aide que le gouvernement est autorisé à accorder article
1. Il n'est pas indiqué évidemment de quelle forme d'aide il
s'agit et nul ne sait quelle importance elle peut avoir. Mais plus grave
encore, on ne comprend pas de qui il s'agit. En effet, il existe autant de
formes de distribution que d'entreprises de distribution. Les distributeurs se
distinguent par leur activité principale: distribution, édition
ou librairie, l'origine des livres qu'ils distribuent: Québec, France,
Belgique, Suisse, ou la nature de ces mêmes livres: littérature
générale, livres d'enfant, manuels scolaires. Il existe comme on
le voit un très grand nombre de combinaisons possibles.
Pour simplifier, prenons d'abord deux entreprises de distribution
québécoises qui font seulement de la distribution et qui
répondent à toutes les conditions d'agrément. La
première distribue uniquement du livre québécois, la
seconde, uniquement du livre d'importation. Les deux seront également
agréées, mais le gouvernement aidera-t-il de la même
façon le distributeur de livres québécois et le
distributeur de livres étrangers, et le distributeur
québécois qui distribue à la fois du livre
québécois et du livre étranger? Nous avons seulement
examiné le cas le plus simple de deux entreprises qui font uniquement de
la distribution. Mais il y a aussi tous les autres cas qui chacun
d'entre eux amènent une foule de questions dont on ne trouve pas
la réponse dans le projet de loi. L'éditeur
québécois qui se distribue lui-même de-vra-t-il être
agréé séparément comme éditeur et comme
distributeur? L'éditeur agréé peut-il confier sa
distribution à un distributeur non agréé? L'éditeur
non agréé peut-il confier sa distribution à un
distributeur agréé et être ainsi aidé indirectement?
Une entreprise comme l'ACDL continue-ra-t-elle à être aidée
pour faire de la distribution et concurrencer les distributeurs établis?
Les éditeurs et les libraires qui font de la distribution comme
activité d'appoint seront-ils considérés au même
titre que les entreprises dont c'est la seule activité? Le projet de loi
ne répond à aucune de ces questions et il y en a une kyrielle
d'autres que l'on peut poser et qui resteraient sans réponse. (20 h
30)
L'ADELF ne comprenant ni la nécessité, ni l'utilité
de créer une catégorie d'entreprises de distribution
agréées s'oppose à cette mesure qu'elle juge inutile et
discriminatoire.
L'article 4. La seconde innovation introduite par le projet de loi,
c'est l'article 4 qui déclare catégoriquement que toute personne
qui fait de la distribution de livres au Québec doit se conformer aux
normes et barèmes déterminés par règlement du
gouvernement relativement au mode de calcul du prix de vente. Cet article est
tellement brutal que la première question que se pose l'ADELF est la
suivante: Cet article n'est-il pas ultra vires du pouvoir législatif de
la province? On sait que la réglementation d'un commerce à
l'intérieur de la province relève de la compétence
législative de la province en vertu de l'article 92 de la constitution.
Mais dans le cas qui nous occupe, il s'agit d'un problème plus complexe
puisque l'acte qui est posé et qu'on veut réglementer fait partie
d'une série de transactions qui ont en partie pour objet le commerce
international. Il semble donc que la Législature provinciale peut fixer
le prix de vente de livres vendus dans la province lorsque la vente est faite
entre des personnes qui sont dans la province, mais peut-elle le faire dans une
transaction où l'une des parties est à l'étranger? Les
avocats devront certainement se pencher sur cette question car elle est
primordiale.
La deuxième réflexion, une fois de plus, c'est que
l'article 4 porte à la confusion la plus totale. Il est limpide que
toutes les personnes, qui font de la distribution agréée ou non,
sont touchées, mais quel règlement aussi clair soit-il pourra
s'appliquer aux commissionnaires en chambre qui font la distribution postale et
qui court-circuitent les circuits d'exclusivité. Encore une fois, de
quels livres s'agit-il? Des livres publiés au Québec, des livres
représentés par les distributeurs au Québec, ou des livres
qui échappent à des contrats de distribution exclusive, ou de
tous les livres sans exception qui sont vendus au Québec. Il est
difficile de se prononcer quand on ne connaît même pas de
façon précise l'objet de la loi. L'ADELF suppose donc qu'il
s'agit au moins des livres importés et soumis à un contrat de
distribution exclusive.
Dans ce cas, nous sommes ramenés au problème
précédent sur la constitutionnalité d'une loi provinciale
régissant des transactions commerciales internationales. Même si
cela était faisable, il s'agirait d'une ingérence de l'Etat dans
le secteur privé et d'une entrave à la liberté de
commerce. On veut imposer des tabelles à ne pas dépasser et les
appliquer à tout le monde en prenant pour acquis que cette mesure
provoquera une réaction de cause à effet, baisse du prix de livre
importé, donc, achat plus nombreux par les consommateurs, synonyme, au
ministère des Affaires culturelles, de lecteurs plus nombreux au
Québec. Ce qui reste à prouver.
L'ADELF s'oppose résolument à cette mesure et conteste la
validité du raisonnement en question. Disons immédiatement que le
gouvernement n'aurait pu choisir plus mauvais moment pour essayer d'imposer
cette mesure. En effet, depuis le mois de juillet, le système de
facturation des livres a changé en France où l'on semble
s'orienter vers une facturation à partir du prix net sans que tous les
éditeurs soient partisans de cette mesure. Il est probable que la
confusion entre l'ancien système et le nouveau va se perpétuer
pendant quelque temps et les distributeurs du Québec ne peuvent rajuster
leur système de détermination du prix de vente
instantanément. De plus, nous mettons qui que ce soit au défi de
trouver un système applicable à tous en essayant de normaliser
à la fois la remise de base qui ne dépend pas du distributeur,
mais qui est négociée ou imposée par l'éditeur, la
remise accordée par le distributeur et sa marge. Nous avons vu que la
taille des entreprises de distribution varie de l'une à l'autre. Les
frais généraux ne sont donc pas comparables. Chaque distributeur
peut avoir une marge bénéficiaire différente des autres
selon son entente avec son fournisseur et les services qu'il rend.
Il y a un problème sur lequel le pouvoir public devrait se
pencher s'il veut véritablement aider les distributeurs car il compromet
leur existence. C'est le problème de la monnaie. Depuis deux ans, le
dollar canadien a perdu 25% de sa valeur par rapport au ftanc français,
32% par rapport au franc belge et 58% par rapport au franc suisse. Les
distributeurs achètent donc de leurs fournisseurs à un prix
d'achat en francs qui n'est plus le même en équivalent canadien
qu'au moment du règlement de la facture. Cette tendance, loin de
diminuer, va en s'accentuant causant des pertes importantes et
irréparables aux distributeurs.
C'est dans ce phénomène et dans le fait que le prix des
livres a normalement augmenté depuis quelques années en Europe,
comme au Québec, qu'il faut voir les principales raisons de
l'augmentation du prix de vente au détail des livres importés et
non pas dans les prétendues marges excessives des distributeurs. Les
prix des livres ont augmenté et on ne peut imposer au seul distributeur
de réduire sa marge, une réduction de cette marge conduisant
à une diminution des services qu'il rend ou à sa disparition pure
et simple.
L'article 31. L'ADELF s'inquiète de la teneur de cet article et
s'interroge sur le pouvoir inquisiteur que s'arroge le ministère des
Affaires culturelles dans un domaine où il semble empiéter
sur
la juridiction du ministère du Revenu. De plus, l'ADELF n'admet
pas le principe des visites à l'improviste et elle s'oppose au droit de
regard que le ministère des Affaires culturelles veut se donner dans ce
domaine. Dans le même ordre d'idée, l'ADELF s'oppose aux
mécanismes proposés pour obtenir l'agrément et qui permet
à des individus siégeant au Conseil de la lecture et du livre
d'avoir accès à des renseignements de nature confidentielle sur
leurs concurrents, comme les états financiers, par exemple.
Parmi les autres remarques, le principe de la distribution exclusive
repose sur le respect par tous les intéressés des accords
passés entre l'éditeur et son distributeur. Or, un certain nombre
de libraires s'approvisionnent parfois directement auprès des
commissionnaires ou en Europe, court-circuitant les distributeurs
attitrés. Remarquons aussi qu'un organisme comme l'ACDL fait
officiellement de la distribution tout en étant subventionné par
le gouvernement alors que, par son système de dépannage, il
contrevient aux ententes de distribution exclusive dont le respect est pourtant
la condition sine qua non d'un réseau de distribution viable et efficace
au Québec. Relevons un autre facteur qui ne facilite pas la situation
des distributeurs, c'est le fait que le délai des paiements des
libraires dépasse généralement le délai convenu
alors que le loyer de l'argent augmente lui aussi. Notons enfin que, dans le
projet de loi, les institutions universitaires ne sont plus tenues de
s'approvisionner chez les libraires agréés. Dans le cas de livres
étrangers de fonds d'éditions distribués au Québec,
les institutions universitaires en question devraient au moins être
tenues d'acheter leurs livres au Québec selon le principe de l'achat sur
place.
Comme dernière remarque, reprenons à notre compte un
passage du mémoire sur une politique du livre et de la lecture au
Québec du CCL qui indiquait que les fonds européens qui n'ont
été confiés à aucun distributeur exclusif
représentent désormais une faible partie des importations en
termes de chiffres d'affaires. Mais cette importation est étalée
sur un très grand nombre d'éditeurs de taille
généralement petite quant à l'étendue de leurs
fonds ou quant à l'intensité de leurs ventes. La distance qui
sépare l'éditeur du libraire gêne évidemment la
présence sur les rayons de ces derniers d'un large éventail de
nouveautés et de titres du fond en rendant ardu et onéreux pour
les deux parties le jeu d'une faculté de retour. Le libraire dont la
trésorerie est incapable de supporter un approvisionnement à long
terme doit multiplier les commandes outre-Atlantique. On ne saurait donc mieux
présenter les avantages d'avoir un distributeur sur place.
En guise de conclusion, nous avons vu les services rendus par le
distributeur. Ajoutons que par ses représentants, ses catalogues, la
publicité et la promotion qu'il fait, il contribue lui aussi à
l'incitation à la lecture, facilite la tenue des salons du livre, et
répétons que, dans les pays où il n'y a pas de
distributeurs, le prix du livre importé est en général
plus élevé. Nous sommes obligés de dire que l'ADELF est
profondément déçue par le contenu et les intentions du
projet de loi. Les distributeurs du Québec traversent une période
très difficile en raison des nombreuses contraintes nouvelles qui se
présentent à eux. Le problème le plus grave, nous l'avons
vu, qui se pose depuis quelques années et dont l'importance n'est pas
près de diminuer est la fluctuation des taux de change des monnaies,
phénomène pour lequel il faudra trouver un mécanisme de
compensation à long terme. Le second problème plus récent
est le passage du prix suggéré à la liberté totale
du prix de vente par le libraire en France. Ce phénomène, lui,
empêche la mise en place de nouveaux systèmes de
détermination du prix de vente au Québec avant que la situation
ne soit stabilisée et que tous les intéressés puissent en
mesurer les conséquences.
Or, le projet de loi sur le développement des entreprises
québécoises dans le domaine du livre, au lieu d'apporter des
éléments de solutions à ces problèmes,
présente des mesures inutiles, contraignantes ou d'application
impossible et qui ne reposent pas sur des données concrètes. Tout
en rejetant les postulats contenus dans ce projet de loi, l'ADELF offre donc sa
collaboration pour trouver des éléments de solution aux
problèmes nombreux et complexes qui se posent aux distributeurs
exclusifs de livres en langue française du Québec.
Le Président (M. Blank): Merci. M. le ministre.
M. Vaugeois: M. le Président, avant de faire quelques
commentaires, j'aimerais poser quelques questions immédiatement à
M. Rhyman. Tous les membres qui sont mentionnés à la page 11 ont
lu ce mémoire et l'ont approuvé dans les termes que vous venez de
présenter ce soir?
M. Rhyman: Oui, précisément.
M. Vaugeois: Pouvez-vous me dire ce qui s'est passé depuis
le mois de février, depuis la dernière rencontre que nous avons
eue ensemble?
M. Rhyman: La rencontre du 20 février 1979? M.
Vaugeois: Oui, à Montréal.
M. Rhyman: Nous avons écrit une lettre au ministère
demandant de nous préciser ce que nous devions faire à partir de
là. C'est-à-dire que nous avions eu des discussions sur un
certain nombre de sujets, un certain nombre de points, et nous avons mis en
marche certaines choses, notamment la formation d'un comité sur le code
d'éthique, et aussi nous avions parlé de trouver des
mécanismes. Effectivement, je me souviens parfaitement de la
conversation que nous avions eue à ce moment-là, mais nous
voulions avoir un mandat précis du ministère des Affaires
culturelles et c'est pour cela que nous avions écrit à un moment
pour demander qu'on nous réponde sur ce sujet. Nous n'avons pas eu de
réponse sauf un téléphone. Or,
les membres de l'association voulaient absolument avoir quelque chose de
précis du ministère des Affaires culturelles afin d'aller plus
avant dans le projet. A partir du moment où nous avons eu ce
téléphone, nous avons donc formé un comité pour
travailler sur des mécanismes d'implantation au niveau, non pas de la
fixation des prix, mais pour trouver des mécanismes au niveau des prix.
Ce comité s'est réuni et c'est à la suite de cette
réunion qu'on a décidé de s'opposer à l'article 4
de ce projet de loi.
M. Vaugeois: J'aurais envie de vous citer votre propre
mémoire à la page 9, au bas de la page, où vous dites:
"Profondément déçus..." par le contenu des intentions du
projet de loi...
M. Rhyman: Est-ce que je réponds à cela?
M. Vaugeois: C'est mon commentaire. Je l'applique à votre
mémoire en ce qui me concerne: "Profondément
déçu..." Comme je me méfie toujours des
réactionstrop rapides, je veux bien prendre encore un peu de temps avant
de réagir vraiment à votre mémoire. Je peux vous dire
qu'à ce moment-ci, pour la première fois, on vient de me
convaincre de prendre très au sérieux une proposition qui
traîne depuis au moins dix ans, celle d'une centrale du livre. Je n'ai
pas terminé.
M. Rhyman: M. le ministre...
M. Vaugeois: Je n'ai pas terminé. J'ai toujours, pour des
raisons que j'ai souvent expliquées, que j'ai réexpliquées
en vous rencontrant, défendu le rôle des distributeurs. Les lois
existantes au Québec ont donné aux distributeurs des avantages
qui, je crois, sont uniques au monde. Je ne connais pas sur cette
planète de circonstances qui permettent à des éditeurs
à partir d'un contrat d'exclusivité d'avoir les privilèges
et les avantages que vous avez au Québec, privilèges et avantages
qui vous ont permis, en très peu de temps, de vous constituer des
entreprises solides qui donnent effectivement des services qui, dans certains
cas, sont appréciables et appréciés, mais ce sont des
privilèges exceptionnels qui vous donnent un pouvoir absolument
illimité. (20 h 45)
A partir du moment où vous êtes distributeurs soi-disant
exclusifs, vous fixez le prix de vente du livre au Québec en appliquant
un taux de change sur lequel on ne vous questionne pas, alors que le franc peut
se négocier à $0.23, certains d'entre vous ont appliqué
des tabelles de $0.40, de $0.45 de $0.50 et davantage. Vous le savez.
Devant l'imminence possible d'une législation dans le domaine, je
sais que la plupart d'entre vous avez pris l'habitude de pratiquer des tabelles
plus près d'une certaine réalité. Il n'en reste pas moins
que la situation actuelle vous permet de fixer une tabelle qui vous
dégage des sommes vous permettant de rencontrer vos frais, un programme
de publicité qu'aucun éditeur québécois ne peut
s'offrir et une marge de profits que vous établissez en toute
quiétude. Aucun professionnel du livre ici au Québec ne peut
s'établir une marge de profits en toute quiétude.
L'éditeur peut toujours se calculer 10%, mais il n'est jamais certain de
vendre ses livres. Le libraire peut toujours espérer un pourcentage qui
généralement varie entre 33% et 40%, mais il n'est jamais certain
non plus de vendre ses livres au prix de détail. La plupart d'entre vous
fonctionnez sur des bases de consignation et vous payez vos livres à
l'éditeur quand vous les avez vous-mêmes vendus. Je conviens que
les conditions peuvent varier d'un éditeur et d'un distributeur à
l'autre, encore que dans vos négociations avec les éditeurs
européens nous n'avons toujours connu que le prix net alors que la
plupart d'entre vous étiez dans la possibilité de négocier
et j'espère que vous l'avez utilisée. Etant donné
l'importance des affaires que vous faisiez ici, vous étiez à
même de négocier des "surremises". On fait le 13-12 en Europe,
j'imagine que vous aviez au moins le 13-12 ici. Malgré toutes ces
circonstances j'ai été un des grands défenseurs du
système de distribution que vous représentez pour les avantages
que vous énumérez au début, encore que votre
mémoire me fait un aveu qui me déroute assez, parce que vous me
dites vous-mêmes que les distributions exclusives que vous avez entre les
mains actuellement couvrent la majeure partie du marché du livre qui
nous intéresse, mais pas la totalité, et que vous laissez de
côté, après des années, une multitude de petits
éditeurs dont les livres nous intéressent et qui sont difficiles
à obtenir au Québec. Si je comprends bien, eux ont
été oubliés parce que moins intéressants et moins
rentables.
Devant une telle situation et je répète ce que j'ai
dit au début: je réserve, si vous voulez, une réaction
plus définitive mais si effectivement c'est votre façon de
voir les choses, je me pose la même question que celle que vient de me
poser le député de L'Acadie: Ailleurs au Canada, est-ce qu'il y a
des distributeurs du même genre? Et pour Mme le député de
L'Acadie, il semblait que nous étions ici dans une situation unique.
La plupart des distributeurs sont nés à partir de maisons
d'édition françaises, la plupart ont d'ailleurs envoyé ici
au Québec leurs agents, dans quelques cas des Québécois
ont servi d'agent, dans quelques cas ces institutions ont bien voulu tendre la
main à des éditeurs québécois et les aider à
être davantage présents sur l'ensemble du territoire
québécois. Vous nous avez offert vos infrastructures, vos
camions, vos services en général. Vous avez utilisé vos
budgets de publicité pour annoncer les livres de vos fonds
européens, je ne me souviens pas d'avoir vu des distributeurs faire la
publicité de nos livres québécois dans nos propres
journaux. Vous aviez la marge qui vous convenait puisque la tabelle vous
permettait de vous couvrir à l'infini.
J'ai l'air de charger un peu, certainement que dans les propos que je
tiens il y a un certain nombre de nuances qui ne sont pas faites, mais
étant donné le ton et la façon dont vous traitez
vous-mêmes la question avec votre mémoire, je pense que je
n'ai pas à me retenir davantage et à vous dire à peu
près comment je vois les choses.
Quand je fais allusion à une centrale du livre, ce n'est pas du
chantage. C'est une proposition extrêmement sérieuse,
extrêmement valable qui a le désavantage, à mon avis, de
faire intervenir une structure gouvernementale ou paragouvernemen-tale. Je suis
de ceux qui croient que chaque fois que c'est possible, l'entreprise
privée peut offrir à meilleurs coûts de bons services, mais
ce n'est pas toujours le cas. Un gouvernement peut avoir des
responsabilités et, dans certains cas, étant donné la
nature du service, des responsabilités qui l'amènent à
intervenir et à offrir lui-même les services.
Les livres qui nous viennent d'Europe sont très importants pour
nous. Jusqu'à maintenant, vous nous les avez offerts de façon
convenable. Pour ma part, je croyais et je pense que je crois toujours que ces
services peuvent correspondre à nos besoins, mais si vous voulez nous
les offrir sans qu'il y ait aucune contrainte, aucune règle, aucune
norme, aucune préoccupation gouvernementale, si vous voulez que les
libraires n'aient aucun mot à dire devant votre façon de calculer
le prix québécois, si vous voulez que les bibliothécaires,
à qui nous demandons ici de payer le prix de détail
régulier au même titre que n'importe quel citoyen... Si vous nous
demandez tout cela, en l'absence de toute norme, de toute balise, je pense que
je fuirais mes responsabilités en disant: Pour les éditeurs, il y
a un certain nombre de normes. Pour les libraires, il y a un certain nombre de
normes. Pour les bibliothécaires, il y a un certain nombre de normes.
Mais les distributeurs, c'est tellement extraordinaire le service qu'ils nous
rendent que c'est "free for all".
Parmi tous ceux qui touchent aux livres, vous êtes les seuls,
encore une fois, à pouvoir vraiment jouer avec le maximum de
sécurité et la façon, d'ailleurs, dont vous vous
êtes développés au Québec depuis cinq ans montre
bien que vous avez des moyens qu'aucun éditeur n'a et qu'aucun libraire
n'a. C'est ainsi, et dans cette structure du livre, vous êtes des
intermédiaires que j'ai toujours jugés utiles, mais si les
conditions que vous nous posez sont celles de votre mémoire, je
m'interroge très sérieusement sur l'opportunité de
maintenir cette structure. Ce n'est pas moi qui ai proposé d'avoir des
distributeurs agréés. Ce sont les distributeurs qui m'ont dit:
Nous voulons être traités comme tous les autres. Si vous
prévoyez l'agrément pour les libraires, si vous prévoyez
l'agrément pour des éditeurs, nous voulons en être. Nous
voulons qu'il y ait des normes d'agrément pour les distributeurs. J'ai
répliqué: Nous n'avons rien à vous offrir comme aide
à court terme si ce n'est peut-être du financement de la SODIC.
Vos porte-parole de l'époque m'ont dit que, malgré tout, on
souhaitait un agrément qui reste volontaire. Les contraintes auxquelles
vous faites allusion dans votre mémoire sont bien factices puisque vous
allez à l'agrément si vous le voulez bien. On ne vous y oblige
pas. Pour opérer chez nous, une fois que vous êtes rendus chez
nous, on vous demande de respecter un certain nombre de normes et nous
n'intervenons pas en matière internationale. Notre gouvernement est
compétent pour intervenir dans le commerce intérieur qui se
produit et qui se pratique à l'intérieur du Québec. C'est
le genre de compétence que nous avons. Je conviens avec vous que nous en
avons fort peu. Je conviens avec vous que nous en souhaitons davantage, mais
celle-là, nous l'avons et nous entendons l'assumer.
M. Rhyman: M. le ministre, avec tout le respect que je dois
à cette honorable assemblée, je voudrais apporter certaines
précisions à quelques-uns des points. Je pense qu'il y a quelque
part où nous ne nous sommes pas compris. C'est certain. L'article qui
nous a touché le plus, l'article 4, n'est pas suffisamment explicite et
on a compris, nous, d'une certaine manière, que c'était vraiment
une ingérence dans le domaine privé. Or, il n'est pas du
tout...
M. Vaugeois: En diriez-vous autant de la pratique actuelle qui
fait qu'un distributeur exclusif applique grâce à nos
règlements et nos lois une tablette à sa discrétion,
laquelle...
M. Rhyman: Je vais en venir...
M. Vaugeois: ... fixe le prix de façon définitive?
Et vous savez...
M. Rhyman: M. le ministre...
M. Vaugeois:... fixe le prix de façon définitive.
Vous savez, vous me permettrez d'ajouter ceci pour l'article 4: Je vous l'ai
dit moi-même, je l'ai répété à vos
collègues que nous entendions je pense que maintenant il faut que
je parle à l'imparfait établir ces normes et
barèmes à partir de vos recommandations. C'est ce que je vous ai
dit, c'est ce que mes fonctionnaires vous ont dit.
Ce qui s'est produit en Europe ces derniers temps, quant au prix net,
nous convenons que cela crée une conjoncture spéciale. Nous
sommes assez réalistes pour être prêts à nous ajuster
à cette conjoncture nouvelle, mais ce n'est pas nous qui sommes à
l'origine du prix net et, lorsque nous avons commencé ces travaux et
lorsque nous avons eu une rencontre avec vous, il n'en était pas
question.
M. Rhyman: Est-ce que je peux...
Le Président (M. Blank): M. le ministre, j'espère
qu'on va laisser M. Rhyman répondre à vos remarques et par la
suite donner un droit de réplique.
M. Rhyman: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blank): On ne veut pas avoir un
débat contradictoire cet après-midi. On n'est pas allé
à la messe encore.
M. Rhyman: Tout d'abord, il y a une chose qu'il faut quand
même éclaircir. Il y a plusieurs types de distributeurs. Or, quand
on parle des distributeurs qui se sont monté des organisations
collossales en l'espace de cinq ans, d'abord, il ne s'agit pas de cinq ans.
Pour plus de précision les distributeurs sont venus sur le marché
à partir de 1968. Je dois dire que depuis cette époque, il y a eu
beaucoup plus de librairies, il y a eu un éventail beaucoup plus
considérable d'ouvrages qui ont été mis à la
disposition des Québécois, qu'au niveau de la culture on a senti
vraiment qu'il y avait du côté des distributeurs, non pas une
action uniquement commerciale qui se faisait, mais aussi un besoin de faire
ressortir la culture. Quand je dis qu'il y a plusieurs types de distributeurs,
il y en a au moins trois; un qui est le petit distributeur qui n'a même
pas de représentant, qui a à peine un petit "stockage", un petit
inventaire. Il y a le distributeur moyen qui, lui, n'a souvent qu'un
dépôt ou qu'un magasin et qui n'a pas de service de promotion, de
publicité, de représentation. Il y a l'autre distributeur qui,
lui, a tous les services.
Or, on ne pourrait pas demander à l'un et à l'autre
d'avoir les mêmes marges bénéficiaires. Ce n'est pas
possible. En plus, quand on parle des marges excessives, on parlait tout
à l'heure de 23, la tabelle. Nous savons tous qu'actuellement, le 23
cela remonte déjà au moins trois ans parce qu'actuellement nous
sommes beaucoup plus près de 28 que de 23 et qu'il y a un facteur
primordial entre les distributeurs et parce que, même si nous faisons
partie de la même association, il y a le problème de la
concurrence qui joue. Nous ne pouvons pas vendre des livres plus chers que
normalement ils devraient se vendre. Un livre quand même a un prix et au
tout début, quand les distributeurs sont arrivés, la majoration
sur le prix d'origine était de l'ordre de 70% à 75% sur le prix
d'origine. Or, actuellement, nous pouvons certifier qu'elle est aux environs de
35% à 40% sur le prix d'origine. Il y a eu une pression qui a
été faite, des pressions qui ont été faites par les
distributeurs pour que les prix soient ramenés en fin de compte, et
c'est pour cela que l'on vous dit qu'actuellement, pour se procurer les
ouvrages qui ne sont pas distribués exclusivement, cela coûte plus
cher. Quand M. le ministre nous dit: Pourquoi est-ce que les petits
éditeurs ne sont pas distribués? Parce qu'ils sont moins
intéressants? Non. Il faut se dire aussi que les distributeurs sont
là depuis seulement dix à douze ans et qu'il y a un certain
nombre de distributeurs, et si nous voulons continuer à donner des
services adéquats, on ne peut pas non plus se surcharger.
Il est évident que s'il y a d'autres distributeurs ou s'il y a
des possibilités d'ajouter certains petits distributeurs pour donner
encore un meilleur service, on le fera. Je pense qu'actuellement environ 25
membres ont accepté ce mémoire et il y en a plusieurs autres qui
actuellement sont prêts à se joindre à nous. En fin de
compte, ce que je veux faire ressortir, c'est que notre association est jeune
et il est clair qu'on veut arriver à policer notre domaine. On veut
réellement le faire et sincèrement.
(21 heures)
Dans ce domaine, quand M. le ministre dit que la majorité des
stocks est en consignation, je regrette. C'est peut-être vrai pour un
certain type de distributeurs, parce que je suis conscient qu'il y a des
distributeurs qui ont des consignations, donc qui n'ont pas à payer
leurs stocks tant qu'ils n'ont pas fait les ventes. Mais dans le cas qui occupe
beaucoup de distributeurs québécois, ce n'est pas le cas. Ils
sont obligés de financer eux-mêmes leurs stocks. On sait quel est
le prix du financement actuellement. Il est de l'ordre de 13 1/2% à
14%.
Je vais passer une partie des éléments à M.
Carignan.
Le Président (M. Blank): M. Carignan.
M. Carignan (Raymond): M. le ministre, si vous me le permettez.
Vous avez l'air d'un homme déçu du mémoire des
distributeurs et je dois vous dire que je suis déçu de votre
attitude ce soir.
D'abord, il est absolument faux de dire que le franc, on le paie $0.23,
Le franc français est à $0.2770. Avant de dire ce soir que les
distributeurs dans le passé, il y a eu des abus abusent de
la marge qu'ils pratiquent, j'aimerais avoir des chiffres établis avec
des noms. Je ne crois pas qu'à l'heure actuelle au Québec ce soit
le cas. Je me rappelle qu'en 1967 j'étais propriétaire d'une
librairie. Alors que le franc valait $0.16, nous vendions le livre
français à $0.32 et les distributeurs aujourd'hui, alors que le
franc est à $0.28 près, vendent les livres entre $0.34 et $0.36.
M. le ministre a l'air de nous accuser d'être une organisation de
commerçants rentable. Est-ce un défaut au Québec d'avoir
une organisation rentable? Il est vrai que nous faisons une marge de profits
beaucoup plus intéressante que les éditeurs, mais c'est parce que
nous avons un débit beaucoup plus important que les éditeurs.
Nous avons toujours reconnu qu'il fallait que les éditeurs
québécois soient aidés. Nous, les distributeurs, n'avons
jamais demandé d'aide. Nous avons l'impression que le gouvernement veut
en donner beaucoup plus que le client en demande. Pour le moment, c'est tout ce
que j'ai à dire.
M. Rhyman: Je voudrais quand même signaler qu'à New
York le prix des livres français est de 20% plus élevé
qu'à Montréal, les livres français vendus à
l'extérieur de la France, et qu'à San Francisco, le prix est de
30% supérieur à celui de Montréal, enfin, du
Québec. Ceci n'exclut absolument pas je pense qu'il est important
que je le précise malgré tout ce que le ministre peut en penser
ce désir vraiment sincère de la part de l'ADELF de
s'asseoir et de trouver des mécanismes pour arriver à
déterminer quelque chose qui soit valable et qui soit raisonnable. Nous
sommes absolument conscients des problèmes qui se posent actuellement
non seulement au niveau de
la distribution, mais à tous les niveaux. Il ne faudrait pas
faire porter la charge uniquement sur les distributeurs parce que le
distributeur, à l'heure actuelle, dépend lui aussi de
l'éditeur. Actuellement, dans le pays d'origine qui est la France, la
Belgique ou la Suisse, les livres deviennent de plus en plus chers. Nous savons
que, depuis 1974, donc en l'espace de cinq ans, le coût d'un ouvrage a
doublé. Or, il ne peut se faire autrement que le prix des ouvrages
augmente, mais ce n'est pas dans le seul distributeur que réside le mal.
N'oublions pas qu'il y a l'éditeur qui fixe un prix de départ. Il
y a la dévaluation du dollar et les fluctuations des monnaies
actuellement. Je sais pertinemment que, du côté de certains
distributeurs québécois, il y en a un qui a perdu $125 000
l'année dernière; il y en a un autre qui a perdu $185 000. Alors,
si c'est là un commerce qui est vraiment si rutilant que cela...
Le Président (M. Blank): Est-ce que vous avez d'autres
commentaires? M. le ministre.
M. Vaugeois: M. le Président, vos représentants
posent dans leur mémoire un certain nombre de questions auxquelles
j'aimerais répondre, de toute façon. Je peux au moins leur dire
quelles étaient nos intentions. En page 4, on nous demande: Le
gouvernement aidera-t-il de la même façon le distributeur de
livres québécois et le distributeur de livres étrangers,
le distributeur québécois qui distribue à la fois du livre
québécois et du livre étranger? Notre réponse
c'était oui aux deux questions. L'éditeur québécois
qui se distribue lui-même devra-t-il être agréé
séparément comme éditeur et comme distributeur? Cela
dépend; si l'éditeur ne distribue que son propre fonds, une seule
procédure est requise et vous trouvez cela au règlement no 2,
à l'article 3; par ailleurs, s'il distribue quelqu'un d'autre, alors il
a une double casquette, il est à la fois éditeur et distributeur.
L'éditeur agréé peut-il confier sa distribution à
un distributeur non agréé? Pourquoi pas! L'éditeur non
agréé peut-il confier sa distribution à un distributeur
agréé et être ainsi aidé indirectement? Absolument
parce que notre objectif est la distribution, la diffusion,
l'accessibilité du livre et non pas des entraves à la diffusion
et à l'accessibilité du livre.
Voilà pourquoi je me suis toujours fait le défenseur du
groupe professionnel que vous défendez. Soit dit en passant, je suis
porté à vous croire parce que c'est le point de vue que j'ai
défendu. Mais si vos pratiques, avec les années, se sont
assainies au point d'avoir atteint un niveau normal, ce que je suis prêt
à reconnaître, je ne vois pas ce qui vous inquiète dans
notre proposition de réglementer à partir de vos positions, de
votre expérience et de vos propositions. Une entreprise comme l'ACDL
continuera-t-elle à être aidée pour faire de la
distribution et concurrencer les distributeurs établis? Je conviens avec
vous que le rôle de l'ACDL a été ambigu mais vous
conviendrez avec moi que plusieurs d'entre vous ont utilisé les services
de l'ACDL et les utilisent encore. Il y a un genre de service que l'ACDL rend
et rend à tout le monde; mais, à certains moments, l'ACDL s'est
fait je crois un peu un intermédiaire, genre
commissionnaire, et ses membres étant pour la plupart des libraires ont
eu l'idée toute naturelle d'acheter en firme, une certaine
quantité de livres en Europe pour profiter de conditions
spéciales. Mais moi je crois, comme vous sans doute, que dans la mesure
où vos tabelles sont raisonnables, il n'y a aucun avantage pour un
libraire de vous passer par-dessus la tête et aucune possibilité
concrète pour l'ACDL de vous court-circuiter.
Les éditeurs et les libraires qui font de la distribution comme
activité d'appoint seront-ils considérés au même
titre que les entreprises dont c'est la seule activité? Bien sûr
parce qu'au fond quelqu'un peut avoir investi, parmi vous, dans
l'activité de distribution mais peut être en même temps un
magnat du pétrole, on ne lui demande pas ce qu'il fait par ailleurs ou
s'il a une fortune personnelle, ce qui nous intéresse, c'est son
activité de distributeur.
Il y a un passage à la page 9 que je veux relever parce que je
trouve cela tellement suave. "Notons enfin que dans le projet de loi les
institutions universitaires ne sont plus tenues de s'approvisionner chez les
libraires agréés." Donc, je vous vois prendre la défense
des libraires agréés puisque ce sont eux, finalement, qui sont
vos principaux alliés. Une fois que vous avez convenu de conditions avec
les éditeurs, vous travaillez avec les libraires et la santé des
libraires vous importe un peu. Sans libraires, vous ne faites pas de
très bonnes affaires. A partir du moment où vous me dites:
"Notons enfin que dans le projet de loi les institutions universitaires ne sont
plus tenues de s'approvisionner chez les libraires agréés," je
m'attends à ce que vous défendiez les libraires. Vous poursuivez:
"Dans le cas de livres étrangers de fonds d'édition
distribués au Québec, les institutions universitaires en question
devraient au moins être tenues d'acheter leurs livres au Québec
selon le principe de l'achat sur place." Je vous laisse, M. Rhyman, M.
Carignan, apprécier vous-mêmes ce genre de recommandation. Est-ce
que je dois la relire?
M. Rochette (Rolland): M. le ministre, à part du
mémoire que vous avez là, vous avez des déclarations
faites par les distributeurs, lors de notre rencontre.
M. Vaugeois: Oui, monsieur.
M. Rochette: Que vous a-t-on dit? Laissez le manuel scolaire aux
libraires. Nous avons appuyé les libraires dans toutes leurs demandes.
Le mémoire vient ajouter des choses à ce qu'on a
déjà dit. On ne pensait pas que ce qu'on avait dit au mois de
février était complètement oublié.
Le Président (M. Blank): Nous allons donner une chance au
député de Jean-Talon de se faire entendre.
M. Rhyman: Nous pouvons aussi ajouter une toute petite chose,
c'est qu'au niveau du manuel scolaire nous avons toujours défendu le
libraire et nous continuerons à le faire, mais il y a une chose aussi
qui nous avait été promise, enfin, dont nous avions
discuté avec M. le ministre, c'était que le maillon de la
chaîne, que la boucle soit bouclée, c'est-à-dire que les
distributeurs exclusifs, eux aussi, soient protégés d'une
certaine façon, ce qui n'est absolument pas évident dans
l'article de la loi.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, j'ai de la matière,
mais un des aspects qui me frappent au tout départ, c'est qu'il y a eu
une consultation qui semble effectivement ne pas avoir eu lieu, au moins sur le
plan de ses suites, dans la mesure où monsieur a parlé d'une
lettre qu'il avait envoyée au ministère des Affaires culturelles
et qu'il n'avait pas reçu de réponse. Le ministre, de son
côté, a semblé, dans son intervention, être surpris
de la teneur du mémoire. Enfin, de la façon dont on
interprète, il semble bien que les informations que le ministre avait
sur la position de votre groupe ne lui paraissaient pas correspondre à
la teneur du mémoire que vous présentez aujourd'hui. Le ministre
a semblé surpris et même choqué. Sur cet aspect, M. le
ministre, je pense qu'il y a quand même un point, vous avez fait grand
état, au début de votre intervention, pour prendre votre
lancée du ton du mémoire. Je pense qu'on ne peut pas reprocher,
lorsqu'on fait une consultation véritable, que des gens viennent devant
une commission parlementaire et qu'ils osent s'objecter ou exprimer leur point
de vue sur les politiques gouvernementales là-dessus. Je pense que le
ministre devrait plutôt regarder au mérite les mémoires,
tels qu'ils sont présentés, au lieu de s'offusquer un peu. Il
avait un petit air de prima donna que je ne connaissais pas au ministre...
Enfin, je le dis sans malice pour le ministre, mais tout de même,
étant donné la nature de la discussion, il a semblé
choqué. Enfin, M. le ministre, on fait de la consultation ou on n'en
fait pas.
Néanmoins dans la mesure où ça peut
détendre l'atmosphère... vous voyez l'Opposition, ce n'est pas
complètement inutile, contrairement à ce que pense... Au moins
ça il y a une question. Evidemment, on est un peu
embarassé, en termes de chiffres, il y a eu des échanges, de part
et d'autre, on a convenu de certains chiffres qui ont été fournis
par nos invités et le ministre a convenu que peut-être ils avaient
raison. Là-dessus, étant donné que le mémoire
exprime des généralités et qu'il y aurait peut-être
avantage, pour nous en tout cas j'en fais la demande en ce qui nous
concerne qu'on ait davantage de témoignages chiffrés sur
l'effet réel, dans le milieu, de la présence des distributeurs.
Quant à moi, je suis bien prêt à prendre, et sans doute au
niveau du ministère des Affaires culturelles aussi, on pourra convenir
d'un chiffre, sauf que là, ça s'est haussé.
La seule question que je voudrais poser... Je m'attacherai surtout...
Remarquez qu'il y a des choses qu'on retrouve dans d'autres mémoires, au
titre de l'article 31, c'est d'accord, je pense qu'on en a parlé
suffisamment cet après-midi, chose qui semble assez nette de votre
côté. (21 h 15)
Au sujet de l'article 4, votre objection est assez globale. Par contre,
votre argumentation suppose, lorsque vous analysez les différentes
possibilités, que des membres ou enfin des distributeurs seront
agréés, c'est-à-dire vont chercher à être
agréés. Ma question serait de vous demander sans doute, puisque
vous dites: S'il y en a qui ne sont pas agréés, d'autres...
surtout au paragraphe: "Les distributeurs se distinguent par la nature de leur
activité principale..." il y a donc des membres dans votre association
qui vont trouver intérêt à se prévaloir des
dispositions de l'article 4, n'est-ce pas, dans la mesure où vous
supposez, dès le départ, qu'il va y avoir différentes
catégories de distributeurs? Sur cette base-là, quel
intérêt précis, compte tenu de l'échange que vous
avez eu avec le ministre, certains de vos membres pourraient trouver à
se prévaloir de l'article 4, bien sûr sous réserve? Je
comprends votre inquiétude de fond, c'est que les normes et les
barèmes sont déterminés par le gouvernement et il peut
exister une certaine incertitude de ce côté-là, mais,
d'après vous, certains de vos membres, qu'est-ce qui les pousserait
à se prévaloir de l'article 4?
M. Rhyman: D'une part, quand vous parlez des normes et
barèmes qui seront établis par le gouvernement, j'ose
espérer qu'effectivement, selon toutes les discussions que nous avions
eues précédemment, on les fera ensemble, qu'on arrivera à
trouver des mécanismes, que nous proposerons des mécanismes et
que nous aurons un échange. Nous l'avons toujours voulu et nous le
voulons toujours cela. Ce n'est pas une raison, parce que nous disons certaines
choses et qu'on n'est pas d'accord avec certains points, que, forcément,
on n'est pas d'accord avec tout l'ensemble.
Il y a des intérêts. Il y a certaines personnes ou certains
distributeurs qui risquent de trouver évidemment un certain
intérêt à être agréés. Il est clair que
ce seront des distributeurs à 100% québécois, mais,
actuellement, il n'y a absolument rien qui incite un distributeur quel qu'il
soit à demander son agrément. On ne sait absolument pas ce qui
peut être offert en échange et ce qu'il peut y avoir. Est-ce que
c'est un programme d'incitation à la lecture? Est-ce que c'est quelque
chose sur les transports ou une réduction des coûts de transport?
Enfin, on ne sait absolument rien de cela. Dans cette ignorance, on
préfère, pour le moment, dire qu'on ne veut pas
d'agrément. C'est globalement, tous les distributeurs sont tombés
d'accord là-dessus.
M. Rivest: Tous les distributeurs sont tombés d'accord
là-dessus?
M. Rhyman: Exactement, à l'exception de ceux qui n'y ont
pas droit.
M. Vaugeois: Puis-je profiter de ce silence pour vous demander
une petite précision? Un de mes fonctionnaires ici me dit qu'à la
suite de la conversation téléphonique que vous avez
indiquée vous-même, une lettre de sa part a suivi et qu'à
l'occasion de cette conversation téléphonique, vous aviez fait
référence à une réunion que vous deviez tenir le 4
juillet à la suite de laquelle réunion vous deviez nous adresser
des recommandations ou des propositions?
M. Rhyman: C'est-à-dire que... Je dois
répondre?
M. Vaugeois: Oui.
M. Rhyman: C'est-à-dire que la réunion du 4 juillet
était une réunion mensuelle qui était prévue et
dans laquelle nous avions décidé de parler de la constitution
d'un comité pour trouver des mécanismes. Ceci ayant
été accepté, il a fallu par la suite recruter les gens qui
allaient faire partie de ce comité. On est tombé en pleine saison
de vacances, c'est-à-dire le mois de juillet et le mois d'août. Ce
sont les vacances et tout le monde fiche le camp. Il était donc
extrêmement difficile de faire une réunion. Finalement, on a fait
la réunion vers le 12 de... au retour des vacances. Il y en avait
même trois qui était absents de ce comité. On a dû
les remplacer. Le moment était vraiment assez mal choisi. Nous avons eu
une réponse. Je ne veux pas dire par là... Il n'y a pas eu de
suite, si vous voulez, à la réunion du 20 février, il n'y
a vraiment pas eu de suite, un genre de bris complet. Nous nous attendions au
moins à une lettre reprenant les conversations et nous disant:
Voilà ce que nous attendons de vous. Nous en avons discuté au
téléphone, mais qu'est-ce que vous voulez? Il y a quand
même un consensus qui s'est fait et on voulait absolument avoir un papier
en provenance du ministère des Affaires culturelles.
M. Carignan: II y a quand même une chose, M. le ministre,
qu'il faut ajouter. Vous êtes certainement au courant que, bien avant la
formation de l'ADELF... et les gens de votre ministère, M. Boivin, et M.
Trudel qui était sous-ministre dans le temps, se rappellent fort bien
que les distributeurs, dont je faisais partie, et trois ou quatre autres,
à Québec, on s'est opposé à cette fixation de prix.
Je sais que vous avez dans vos dossiers, ceux de votre
prédécesseur du moins, le fait que je me suis personnellement
opposé aux recommandations du livre de L'Allier, qui étaient
fortes. Parce que, pour moi, la liberté de commerce, c'est comme la
liberté d'expression.
M. Vaugeois: M. le Président, je suis d'accord avec ce que
vient de dire M. Carignan, pour moi aussi c'est synonyme.
Si je comprends bien, finalement, après avoir écrit tout
ça, vous concluez dans un paragraphe sur lequel j'aurais dû
surtout m'arrêter, celui où, malgré tout, vous maintenez
une offre de collaboration. Vous nous dites à la fin: "Tout en rejetant
les postulats contenus dans ce projet de loi, l'ADELF offre sa collaboration
pour trouver des éléments de solution ".
Supposons que les pratiques qui ont maintenant cours dans votre
profession soient des pratiques raisonnables. J'ai dit tout à l'heure,
et je le répète, que je suis, pour ma part, porté à
le croire. A partir du moment où nous ne voulons pas imposer de
tabelles, mais que nous vous demandons-Vous dites vous-mêmes que vous
allez être la première association professionnelle à avoir
un code d'éthique. J'imagine que le code d'éthique va dire
quelque chose qui ressemble à...
M. Rhyman: Dans le domaine du livre.
M. Vaugeois: Oui. Le code d'éthique va dire quelque chose
comme: éviter les pratiques abusives à un niveau ou à un
autre, et va faire mentir pour l'avenir ce que le rapport Paquin nous disait
pour le passé. Je tiens ça pour acquis.
Donc, à partir du moment où nous n'entendons pas imposer
de tabelles, mais que nous entendons officialiser celles que vous nous
proposerez, à partir de votre connaissance de votre métier,
à partir de votre code d'éthique, je vous pose cette
première question: Peut-on, à partir de maintenant, s'asseoir et
y travailler? Puisque je suis assez conscient de ce qui peut se passer dans les
prochains jours, parce que tout le monde n'est pas ici ce soir, mais tout ce
que nous disons est public et je ne suis pas le seul, dans ce gouvernement,
à travailler à ce projet de loi... j'ai parmi ceux qui y
travaillent avec moi des gens qui sont d'ardents partisans d'une formule
longtemps préconisée et jamais abandonnée et qui est
présente dans le livre blanc sur le développement culturel, celle
d'une centrale du livre. Donc, première question: Peut-on retenir votre
dernier paragraphe et est-ce qu'on peut convenir qu'à partir du moment
où nous travaillons ensemble à fixer ces tabelles, étant
donné qu'il n'y a pas d'abus, nous devrions pouvoir nous entendre
à la satisfaction générale? C'est ma première
question. Ma deuxième question est: Pourriez-vous m'aider ce soir et me
rappeler un certain nombre d'objections que nous pouvons avoir contre une
centrale du livre au Québec?
M. Rhyman: Vous rappeler un certain nombre d'objections?
Voulez-vous reformuler la question, s'il vous plaît?
M. Vaugeois: La première question est: Votre offre de
collaboration tient-elle toujours suivant les paramètres qui se
dégagent de notre échange?
M. Rhyman: A cette question, oui. Il est clair que nous allons
nous-mêmes, à l'intérieur de l'association... Il ne faut
pas oublier, M. le ministre, vous le savez autant que nous, qu'avant le rapport
Paquin il n'existait pas d'association de distributeurs. Nous nous sommes
donné un association et
il semblerait puisque vous employez le conditionnel à
plusieurs reprises qu'il se dégage chez nous une
solidarité, malgré des intérêts contraires à
certains moments. Nous avons choisi d'oeuvrer de cette manière et je
crois que, avec le code d'éthique, nous arriverons sûrement
à déterminer un certain nombre de choses auxquelles on
tra-vallera ensemble et on collaborera. Nous sommes, je crois, prêts
à cela.
M. Carignan: Si vous me permettez une question au ministre, on
dit bien qu'on va travailler avec vous, M. le ministre, pour des tabelles
suggérées.
M. Vaugeois: Oui, et avec l'agrément facultatif. Je peux
même vous faire une petite confidence.
Il m'est arrivé sur mon bureau ces jours derniers une proposition
concrète de soutien aux libraires par le biais d'une intervention sur
les tarifs postaux, les livraisons de paquets et sur les lignes
téléphoniques, les lignes "outwats". J'ai moi-même
demandé à mes fonctionnaires d'offrir ce service aux
distributeurs quels qu'ils soient, parce que j'ai dit: Ce que nous voulons, ce
sont leur livres. Si les distributeurs peuvent avoir une aide financière
pour communiquer et permettre aux libraires dans les régions
éloignées de communiquer avec eux sans frais, c'est ce que nous
souhaitons. Ils ont deux ans pour se conformer à un certain nombre
d'exigences. Si après ces deux ans c'est le moratoire
proposé ils ne rencontrent pas nos exigences, nous continuerons
d'aider les libraires agrées, nous les aiderons à avoir des
moyens de communications pour s'adresser à n'importe quel distributeur
agréé ou pas. Nos objectifs ne sont pas de régimenter et
d'empêcher, c'est tout au contraire d'aider la profession.
Vous me permettrez d'ajouter ceci: C'est que, ce soir, nous discutons le
commerce du livre. A cet égard, ceux qui vont vous suivre auront bien
raison de dire dans leur mémoire que par ce projet de loi nous abordons
surtout la question du commerce du livre, mais pour vous comme pour moi
je pense que je peux dire pour vous comme pour moi au-delà
de cette dimension d'affaires qui est légitime, où le profit est
légitime, où le rendement est légitime, j'en conviens, il
y a une préoccupation, en tout cas en ce qui nous concerne, une
préoccupation culturelle qui domine. Pour moi, ce qui est important dans
tout cela, c'est la politique de la lecture, c'est la politique
d'accessibilité du livre par le développement des
bibliothèques publiques. J'ai d'ailleurs voulu faire, du
développement des bibliothèques publiques, un lien, un moyen
additionnel pour aider à la santé du commerce du livre parce que
je sais une chose, c'est que si ces gens qui sont engagés dans
l'activité d'édition, de distribution et de librairie ne sont pas
en bonne santé financière ou dans un minimum de santé
financière, ils ne pourront produire les livres de nos auteurs, ils ne
pourront distribuer et vendre les livres de nos auteurs. Je veux bien qu'on ait
accès à la production étrangère autant que
possible, mais je veux aussi que nos auteurs puissent être
édités et qu'on puisse les trouver en librairie.
J'ai essayé de rattacher les deux. Ce soir, je conviens avec les
bibliothécaires qui vont vous suivre qu'on parlera surtout de commerce,
mais pour moi, c'est la dimension secondaire, c'est l'autre qui domine, encore
que l'autre ne peut se développer que si nos entrepreneurs dans le
domaine du livre ont un minimum pour fonctionner. Pour avoir un minimum, il
faut que chacun fasse son métier.
Ma deuxième question je suis sérieux quand je la
pose c'est: Quels sont les objections qu'on peut maintenir...
M. Rhyman: Avant de passer à cette question, M. le
ministre, permettez-moi... Vous faites allusion à l'accessibilité
au livre, à la disponibilité. Est-ce que, dans vos programmes,
vous prévoyez un programme vraiment d'incitation à la lecture par
les media tels que Radio-Québec, Radio-Canada où il n'existe
actuellement pratiquement rien qui se fait à ce niveau? Aussi au niveau
des distributeurs, quand vous parlez des livres québécois, il
faut quand même ne jamais oublier que, parmi les distributeurs, il y a
une majorité de distributeurs québécois dans l'Association
des distributeurs. Il ne faut pas oublier que beaucoup de ces distributeurs
distribuent des livres québécois et s'efforcent de distribuer du
livre québécois.
M. Vaugeois: Vous avez posé une question auparavant. La
réponse, c'est: Oui, oui, oui, vous n'avez pas idée à quel
point.
M. Rivest: Quand est-ce qu'on va l'avoir l'idée?
M. Vaugeois: II y a des étapes et cela en est une.
M. Rivest: C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: C'est une bien petite étape.
M. Vaugeois: C'est une bien petite étape, mais pour les
gens qui sont là et qui y gagnent leur vie, les moyens de
développer le livre au Québec, je pense que c'est une
étape importante.
M. Rhyman: Au niveau de leur centrale, vous voulez une
réponse?
M. Vaugeois: Je veux des arguments.
M. Rhyman: Des arguments! Je ne sais pas trop quoi vous dire. La
seule chose que je pourrais vous dire, c'est que nous restons persuadés
qu'une centrale d'achats contribuerait largement à la hausse du prix du
livre et à une accessibilité beaucoup moins grande que celle qui
préside actuellement, qui existe actuellement.
A l'heure actuelle, savez-vous que nous mettons 1000 nouveaux titres
d'ouvrages sur le marché mensuellement, 12 000 nouveaux titres an-
nuellement? Une centrale, personnellement je crois que si c'était
une si bonne idée que cela, j'ai l'impression qu'il y a longtemps
qu'elle aurait été acceptée, qu'il y a longtemps que
quelqu'un l'aurait implantée. Il faut croire qu'elle ne doit pas
être si bonne, parce que quelque chose qui traîne, cela finit par
pourrir et cela finit par sentir. (21 h 30)
M. Carignan: Si vous me le permettez, M. le ministre. Cela fait
longtemps que j'entends parler de ce mythe-là, de cette idée, de
cette illusion de la centrale. Il y a même des gens du ministère
des Affaires culturelles qui sont allés en Hollande et en Suède
et qui disent qu'il faut que cela soit fait sur place. Chez nous, j'ai un
mémoire qui est signé par M. Lamonde qui était au
ministère des Affaires culturelles dans le temps. Il existe deux sortes
de centrales. Je ne sais pas dans lequel des deux pays... Il y a la centrale
gouvernementale qui, elle, ne peut définitivement pas distribuer du
livre autre que du livre c'est ce que je pense et ce n'est pas possible
qu'on subventionne le livre étranger... Il y a les centrales dites
privées qui appartiennent à l'entreprise privée et qui
fournissent tous les livres. Croyez-moi, il est évident, comme
entreprises privées, qu'elles vivent avec les mêmes marges
bénéficiaires que n'importe quelle autre entreprise privée
qui vit à l'heure actuelle. Je pense que si le gouvernement du
Québec comme c'était le cas déjà
voulait faire une centrale du livre, il ne peut pas le faire avec autre chose
que des livres québécois. Est-ce que vous avez envie de
défrayer des millions de dollars pour aider davantage les
Français à venir encore diffuser davantage leurs livres ici? Je
ne pense pas.
M. Vaugeois: Moi, cela ne me gêne pas. Si vous me posez la
question, cela ne me gêne pas.
M. Carignan: Mais je ne pense pas que vous allez faire plaisir
aux bibliothécaires si vous leur apprenez demain que vous créez
une centrale du livre uniquement pour le livre québécois.
M. Vaugeois: II n'est pas question de cela. La centrale du livre,
ce n'est pas pour le livre québécois, c'est pour le livre
importé.
M. Carignan: Vous venez de donner la réponse.
M. Vaugeois: Oui.
M. Rhyman: Dans les chiffres que nous vous apporterons un peu
plus tard, nous vous ferons sûrement part de la quantité d'emplois
que la distribution génère.
M. Vaugeois: Là-dessus, voulez-vous...
M. Rhyman: Non, nous vous amènerons tous les chiffres.
Cela fait partie des chiffres.
M. Vaugeois: Je vais vous donner mon sentiment personnel. C'est
que la centrale du livre pourrait battre tous les records en termes d'emplois.
Si vous me le permettez...
M. Rhyman: J'espère que cela n'est pas porté aux
livres.
M. Vaugeois: Laissez-moi au moins cet argument.
M. Rhyman: D'accord.
M. Vaugeois: Le deuxième argument étant qu'à
partir du moment où je peux dire parce qu'il y a encore des gens
qui défendent ce projet et il n'est pas relégué aux
oubliettes, il est encore en bonne santé laissez-moi la
possibilité de leur dire qu'à partir du moment où, avec la
profession, nous réglementons tabelle et remise, cette solution vaut
mieux qu'un organisme énorme qui, comme vous je crois nous
coûterait beaucoup plus cher que la pratique actuelle. C'est ma
conviction.
M. Rhyman: Mais il y a un petit point. Vous avez dit tabelle et
remise?
M. Vaugeois: Oui.
M. Rhyman: C'est assez délicat. Je ne voudrais quand
même pas reprendre un débat. La question des taux de conversion ou
la question de mécanismes, je suis absolument d'accord là-dessus.
Nous sommes absolument d'accord là-dessus. Mais la question des remises
est extrêmement délicate.
M. Vaugeois: Bien sûr.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon, encore des questions.
M. Rivest: Non, sauf que je ne sais pas si on arrivera... Je
pense que vous devez certainement vous rencontrer. La seule chose, c'est que
dans la mesure du possible, si vous pouviez nous faire parvenir les documents
ou les chiffres de façon qu'on puisse peut-être se faire une
idée précise de la discussion ou enfin des éléments
d'information, de discussion ou d'échange que vous avez eus avec le
ministre pour autant, évidemment je comprends que vous devez
faire affaires avec le ministère, mais dans la mesure que ces
documents ou ces informations sont publiques, je vous avoue que de notre
côté on est très intéressés à
connaître un peu plus en détail et d'une façon plus
précise ce que votre mémoire, au fond, exprime parce que vos
préoccupations, on les sent très bien dans votre mémoire,
indépendamment du ton ou de ce que cela a donné. On voit un peu,
au fond, que c'est un peu l'insécurité dans laquelle vous vous
trouvez face à un manque de précision et surtout d'une
volonté de vous assurer que les normes et les barèmes dont on
parle pourront être..., enfin, que vous vous serez entendus au niveau du
ministère des Affaires culturelles. Le ministre, pen-
dant un certain temps, a parlé à l'imparfait, mais il est
revenu à l'indicatif et même au futur. Je pense que les contacts
pourront être mieux qu'ils semblaient devoir l'être il y a dix ou
quinze minutes.
M. Vaugeois: M. le Président, est-ce qu'on peut
suggérer que l'échange de documents qui pourrait intervenir
autant dans nos tractations ou nos discussions avec eux ce que vous
venez de souhaiter que ces documents puissent être
déposés au fur et à mesure aux membres de cette
commission? Je pense que chacun des membres de cette commission devrait pouvoir
suivre l'évolution de cette affaire.
M. Rivest: D'accord.
M. Rhyman: Remarquez qu'en dernier lieu je ne sais pas si
c'est le mot de la fin malgré le ton employé par M. le
ministre, je n'ai jamais douté de ses bonnes intentions.
M. Rivest: Un instant! Moi, j'avoue que j'ai douté.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Gaspé, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Rivest: Je diffère d'opinion avec vous, moi j'ai
douté.
Mme Lavoie-Roux: II ne manque que le calumet de paix.
M. Le Moignan: Je suis content de réaliser, comme tout le
monde, que le ministre est revenu à son sourire, M. Rhyman
également, et que les portes ne sont pas fermées entre le
ministre et l'Association des distributeurs exclusifs. Je pense que le dialogue
qui est déjà entamé depuis l'hiver dernier va continuer.
Même si le ministre a réagi un peu vigoureusement à vos
propos, vous défendez une cause qui vous semble juste.
J'aurais une question à vous poser. Vous êtes une
association de distributeurs exclusifs qui regroupe actuellement 25 maisons. Il
en reste à peu près combien au Québec qui ne sont pas
membres?
M. Rhyman: II n'en reste pas beaucoup. M. Le Moignan: A
peu près? M. Rhyman: Sept ou huit.
M. Le Moignan: Est-ce qu'il y a des maisons importantes
là-dedans, des maisons plus connues de par leurs chiffres
d'affaires?
M. Rhyman: Non, disons que le groupe qui est
représenté ici représente, je dirais, de 90% à 95%
du chiffre d'affaires total.
M. Le Moignan: Ce que vous avez ici. M. Rhyman: Oui.
M. Carignan: Est-ce qu'on peut ajouter, pour l'information du
député, que dans les sept ou huit qui manquent, il y en a qui ne
peuvent pas être membres parce qu'on a des règlements qui disent,
par exemple, que si la maison Hachette, qui a des intérêts dans
plusieurs maisons, est représentée et qu'il y a une autre maison
où Hachette a des intérêts, cette maison ne peut pas
être membre. Elle ne peut avoir plus d'un droit de vote.
M. Rhyman: Elle n'a pas le droit d'être membre.
M. Carignan: II y a de ces maisons qui ne peuvent pas être
membres à cause de cela.
M. Le Moignan: Je vois que les maisons Dussault et Garneau sont
déjà incluses dans d'autres...
M. Rhyman: C'est-à-dire qu'elles sont déjà
représentées par un membre qui, actuellement, représente,
si vous voulez, l'ensemble...
M. Carignan: Si une maison a des intérêts dans
plusieurs maisons de distribution, les autres maisons ne peuvent pas être
membres. Un des partenaires est membre, les autres ne peuvent pas
l'être.
M. Rhyman: Ce serait ou Dussault, ou CEC, ou Garneau, mais pas
toutes en même temps.
M. Le Moignan: Je n'ai pas d'autres questions à poser.
Le Président (M. Blank): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: II y a juste un point sur lequel je voudrais
revenir, ce sont les réticences que vous exprimez au sujet de l'article
31. En fait, la question que je voudrais poser, c'est peut-être davantage
au ministre qu'à l'organisme qui est devant nous, parce que c'est une
inquiétude qui a été exprimée par d'autres et qu'on
retrouve dans d'autres mémoires que nous devons entendre. J'aimerais
demander au ministre s'il a l'intention, au moins M. le ministre...
peut-être qu'il écoute des deux oreilles...
M. Rivest: Mme le député a employé un ton
qui devrait vous plaire, alors vous devriez l'écouter.
M. Le Moignan: II était absent.
Mme Lavoie-Roux: Ce que je disais, M. le Président, c'est
que les remarques faites par l'organisme qui est devant nous au sujet de
l'article 31 l'ont été par d'autres et sont également
contenues dans d'autres mémoires que nous allons entendre ce soir ou
demain. Je comprends l'inquiétude des organismes, compte tenu du fait
qu'en plus de tous les détails qui sont contenus à l'article 31
pourront s'ajouter d'autres éléments
qui viendront dans la réglementation, ce qui veut dire
qu'à ce moment-là le ministère se donne des pouvoirs de
surveillance même si je n'aime pas utiliser le mot inquisition, je
vais le mettre entre guillemets qui pourrait même aller
jusqu'à une certaine forme d'inquisition ou de censure.
Est-ce l'intention du ministre de réviser au moins cet article et
de lui apporter certaines modifications compte tenu, comme je le disais tout
à l'heure, d'implications qu'on ne connaît même pas et qui
seront contenues dans la réglementation? Je pense que cela
inquiète beaucoup de personnes et je peux dire que cela inquiète
l'Opposition officielle.
M. Vaugeois: M. le Président, au sujet de ce fameux
article 31, disons que ma première réaction est assez proche de
celle de certains mémoires. Je me suis étonné de la teneur
d'un tel article. Je n'ai pas l'expérience du député de
Jean-Talon, par exemple...
M. Rivest: Pourquoi?
M. Vaugeois:... qui, tout à l'heure, nous a
expliqué que le caractère usuel d'un tel article, que certaines
lois...
M. Rivest: Non. M. le Président.
Mme Lavoie-Roux: Ne me dites pas qu'il y a dissidence dans
la...
M. Rivest: Ce n'est pas cela.
M. Vaugeois: On ira voir le texte du journal des Débats
pour apprécier ce que vous avez dit.
M. Rivest: Ce n'est pas de l'article 31 que je m'étais
inquiété. C'est de l'article 32, M. le ministre.
M. Vaugeois: Ah!
M. Rivest: C'est drôlement différent. L'article 31
parle de vos pouvoirs d'enquête.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Vaugeois: D'accord. C'était l'article 32. De toute
façon, je m'en suis inquiété et on m'a fait valoir le
caractère usuel d'une telle disposition pour ce genre de loi. J'ai quand
même demandé qu'on le révise le plus possible. Je ne me
souviens plus dans quel mémoire on nous indique qu'un tel recours ne
devrait prévaloir qu'une fois, pour démontrer un peu la mauvaise
foi de celui qui devrait nous fournir l'information. C'est certain que c'est le
cas ultime, si vous voulez. C'est quand l'information ne semble pas avoir
été fournie correctement. Mais de toute façon, sur cet
article-là, ma proposition serait la suivante: je pourrais adresser
à ceux qui ont présenté des mémoires et qui ont
attiré notre attention sur l'article 31 des références
à d'autres lois où un article semblable existe; ils
constateraient d'ailleurs que notre rédaction est beaucoup plus douce
que celle qu'on trouve habituellement. Si, de toute façon, ces
explications ne sont pas convaincantes, je suis tout à fait
disposé à engager une discussion sur cet article parce que je
suis également très sensible à ce genre de
représentation. Je ne suis pas un homme de loi et ce genre de
rédaction me surprend aussi. Mais je me fie, en ces matières, aux
experts qui m'entourent et je conviens ce soir d'expliquer l'origine d'une
telle rédaction, le pourquoi et les comparaisons qu'on peut trouver dans
d'autres lois.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je suis heureuse de
l'ouverture d'esprit du ministre et j'imagine qu'au moment de l'étude du
projet de loi article par article, on pourra apporter des amendements ou
peut-être que le ministre aura déjà des amendements
à faire.
M. Rivest: Voulez-vous poser une question sur les
distributeurs?
Mme Lavoie-Roux: J'y reviens. Dans un cas, il peut s'agir de
maisons de commerce privées et jusqu'où peut-on aller comme
ingérence là-dedans. Même dans le cas des institutions
publiques, si on se réfère à d'autres institutions
publiques, ce n'est qu'après qu'il y a eu évidence de
négligence ou de mauvaise utilisation de fonds qui leur sont
accordés, qu'une enquête se produit. Il pourrait arriver qu'on
aille et qu'on fasse enquête à presque n'importe quel moment. Il y
a certainement des dispositions qui pourraient être un peu plus
précises.
Il y a une petite question que je voudrais poser. Vous avez dit tout
à l'heure que c'est seulement depuis 1968 enfin, c'est ce que
j'ai cru comprendre qu'il existe des distributeurs. Je vois quelqu'un
qui hoche la tête d'une façon négative; je me trompe
probablement. Si vous vouliez m'éclairer là-dessus.
M. Carignan: Voici ce que j'ai dit. J'ai parlé de 1968 et
je parlais de ma propre librairie. A ce moment-là, les distributeurs
étaient très minimes.
Mme Lavoie-Roux: Non, mais on a parlé de cinq ans et de
dix ans, depuis que les distributeurs...
M. Rhyman: Je m'excuse. Je pensais que vous étiez encore
avec M. le ministre.
Mme Lavoie-Roux: Non.
M. Rhyman: Je n'ai pas compris le sens de la question.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que le système de
distributeurs...
M. Rhyman: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Depuis combien de temps existe-t-il?
M. Rhyman: Depuis douze ans environ. Mme Lavoie-Roux:
Comment procédait-on... M. Rhyman: Dix à douze ans.
Mme Lavoie-Roux: C'est ce que j'avais cru comprendre. Comment
procédait-on auparavant...
M. Rhyman: Auparavant.
Mme Lavoie-Roux: ... pour l'importation des livres?
M. Rhyman: Les libraires commandaient leurs livres directement
avec tous les délais que cela peut comporter et, évidemment, avec
tous les problèmes que cela pouvait comporter à ce
moment-là. Ils commandaient chez chaque éditeur les ouvrages dont
ils avaient besoin. Cela avait créé si je peux
m'étendre un petit peu sur le sujet un climat parce que durant
ces années, il y a dix ans, il y avait un problème
considérable au niveau des règlements. C'est-à-dire que
les éditeurs, à un moment donné, ne voulaient plus servir
un certain nombre de libraires qui ne payaient pas, qui avaient des
difficultés à régler leurs comptes. Il y a eu un climat de
méfiance qui en est ressorti jusqu'à l'arrivée des
distributeurs et, même au début de la distribution il y avait
encore ce climat de méfiance vis-à-vis des distributeurs. (21 h
45)
Par la suite, cela s'est estompé, parce que les distributeurs ont
mené cette affaire de distribution comme une affaire en prenant
lés risques et en prenant les avantages aussi, peut-être, dans
certains cas.
M. Carignan: Mais il faut quand même dire, M. le
Président, que les distributeurs existent depuis plus longtemps que
cela, parce que moi je suis distributeur depuis quinze ans et j'étais
autrefois à l'emploi et j'avais comme employé M. Vaugeois dans
une autre maison de distribution qui s'appelle Les Editions
françaises.
Mme Lavoie-Roux: II s'est vengé ce soir.
M. Vaugeois: Au contraire, avec lui j'ai appris à faire
des affaires.
M. Carignan: Ce qu'on peut dire, madame, c'est que si les
distributeurs sont venus beaucoup plus ici au Québec, directement ou par
l'entremise de Québécois, c'est qu'à ce moment, on se
plaignait beaucoup au Québec d'avoir les best-sellers français
deux à trois mois après Paris. Avec l'arrivée sur place
des distributeurs, tels qu'on les voit, on a les best-sellers après deux
ou trois semaines.
Mme Lavoie-Roux: Maintenant, pouvez-vous me dire j'avais
posé la question au ministre si ce système de distribution
existe ailleurs au Canada?
M. Rhyman: Oui, c'est justement ce à quoi je voulais
répondre et je voulais vous dire que j'avais oublié de vous
répondre à cette question. C'est que, effectivement, ils existent
dans tout le Canada et aux Etats-Unis.
M. Carignan: Et en Europe.
M. Rhyman: On n'est pas les seuls, contrairement à ce
qu'on peut penser, à détenir un droit. Il y a, au Canada et de
l'autre côté de la barrière, quand même passablement
de... Entendons-nous, je veux dire du côté des Etats-Unis...
Mme Lavoie-Roux: J'allais vous demander de quelle barrière
vous parliez.
M. Vaugeois: Ne vous trompez pas d'interlocuteur, les
barrières c'est avec nous.
M. Rhyman: Non, je parle des Etats-Unis aussi bien que du
côté du reste du Canada, il y a des distributeurs exclusifs.
Mme Lavoie-Roux: Maintenant, entre le Canada et l'Angleterre,
est-ce qu'il y a également des distributeurs exclusifs?
M. Rhyman: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Egalement.
M. Rhyman: II y a des distributeurs qui représentent les
intérêts d'éditeurs anglais, britanniques...
Mme Lavoie-Roux: Et exclusifs.
M. Rhyman: ... dont les maisons, telles que Longman's pour ne pas
citer de noms, General Publishing; enfin, il y en a plusieurs autres.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'elles sont dans votre association?
M. Rhyman: Ah non! Mme Lavoie-Roux: Non.
M. Rhyman: Nous sommes une association de langue
française.
Mme Lavoie-Roux: De langue française, excusez-moi. Je vous
remercie.
Le Président (M. Blank): Je vous remercie M. Rhyman. C'est
un échange très "vif".
M. Rhyman: Un échange pour le moins vivant.
Le Président (M. Blank): Oui, vivant.
Je vous remercie beaucoup. Madame Colette Rivet qui représente
trois associations: l'Association des bibliothécaires du Québec,
l'Association
pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation et
la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec.
Association des bibliothécaires du
Québec, etc.
Mme Rivet (Colette): Bonsoir, M. le Président, mesdames,
messieurs, permettez-moi de vous présenter à ma droie, Mme Carmen
Cateliier-Desmarais qui est bibliothécaire en chef de la
bibliothèque centrale de la ville de Montréal; à sa
droite, Mlle Claire Côté qui est directrice de la
bibliothèque publique de la ville de Pointe-Claire; à ma gauche,
M. Arthur Boudrias, directeur général de l'Association pour
l'avancement des sciences et des techniques de la documentation;
immédatement à sa gauche, Mme Monique Lavoie qui est directrice
des services de la bibliothèque du Collège Dawson et Mme
Marie-Louise Simon-Reiher qui est vice-présidente de l'Association des
bibliothécaires du Québec.
L'Association des bibliothécaires du Québec, l'Association
pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation et la
Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec,
organismes représentant les milieux bibliothéco-nomiques
québécois pourraient aisément rappeler les interventions
qu'elles ont faites auprès du gouvernement du Québec sous forme
de lettres ou de mémoires touchant ce qu'il est convenu d'appeler la
"politique du livre".
Ce rappel nous obligerait toutefois à remonter assez loin dans le
temps. Nous ne jugeons pas opportun de résumer près de dix ans
d'histoire puisque nous avons, en décembre 1978, à l'occasion de
la Conférence socio-économique sur les industries culturelles,
présenté un mémoire qui véhicule de façon
détaillée notre ligne de pensée sur la question.
Pour le bénéfice de cette commission, nous avons joint
à ce présent mémoire en annexe le mémoire
déjà présenté à la conférence
socio-économique. Nous nous permettons cependant de citer quel-ques
paragraphes de ce mémoire.
L'actuelle politique n'a pas réussi à atteindre ses
objectifs, mais au contraire a restreint l'accessibilité et la
consommation du livre pour toute la population québécoise. En
faisant supporter par les bibliothèques la subvention des librairies, la
politique du livre non seulement n'a pas résolu les problèmes de
la librairie au Québec, mais de plus a pénalisé le lecteur
québécois en diminuant le pouvoir d'achat des
bibliothèques. En effet, une portion de l'augmentation exorbitante du
coût du livre, la distribution et l'inflation étant aussi
responsable de cette augmentation, est imputable à la politique du
livre. D'autre part, les bibliothèques n'ont pas reçu les
augmentations budgétaires qu'on leur avait promises par les
années passées pour compenser cette augmentation exorbitante, ce
qui a produit et je cite l'étude Drouin-Paquin chez les
libraires un fléchissement du volume d'affaires relativement au chiffre
d'affaires qui, lui, a augmenté.
En février 1979, au moment où se préparait un
avant-projet de loi sur la politique du livre, le ministre des Affaires
culturelles convoquait une rencontre avec des représentants de nos trois
organismes dans les cadres d'une série de consultations. Au cours de
cette rencontre, nous avons fait part de nos réticences au ministre
devant une loi sur le commerce du livre. Nous avons accepté, vu qu'il
fallait en arriver à un modus vivendi, de collaborer à la
rédaction d'un projet de règlement. D'autre part, M. Vaugeois
s'était engagé, au cours de cette même rencontre, à
tenir compte de nos recommandations, puisque les bibliothécaires
figurent parmi les principaux intéressés dans le dossier,
à prendre les mesures nécessaires afin que les
bibliothèques ne souffrent pas financièrement d'une loi sur le
commerce du livre et enfin à ne pas procéder au
dépôt d'une loi sans tenir compte de l'approbation des autres
ministères concernés, plus particulièrement le
ministère de l'Education et le ministère des Affaires
sociales.
Il est bon de souligner que les opinions exprimées au cours de
cette rencontre représentaient le point de vue des
bibliothécaires quant à une politique du livre et que ces
opinions n'étaient nullement orientées contre d'autres groupes de
personnes également touchées par une telle politique.
C'est dans cet esprit que nous soumettons à la commission
parlementaire nos réactions à la lecture de ce projet de loi et
de ses avant-projets de règlements."
Commentaires généraux. Avant d'analyser le texte
même du projet de loi, nous présentons des commentaires
généraux sur l'ensemble des documents.
La création d'un réseau de librairies. Ce projet de loi
devait s'inscrire dans une optique de création et de
développement d'un réseau de librairies québécoises
capables de servir adéquatement et le public, et les
bibliothèques dont les besoins spécifiques exigent des normes
précises quant aux services, délais et coûts et ce, dans le
cadre d'une politique de développement culturel sous-tendue par une
politique de la lecture.
Or, tel qu'il appert dans les notes explicatives en introduction
à ce projet de loi, cet objectif a été dilué et ce
projet de loi apparaît n'avoir pour but en définitive que de
régir le commerce du livre sans resituer la problématique dans un
contexte de développement culturel.
Il n'est pas de la vocation de toutes librairies
québécoises, comme d'ailleurs l'a déjà
souligné le rapport Drouin-Paquin, ni d'ailleurs dans leurs
possibilités d'agir comme fournisseurs de clients aux exigences
nombreuses et complexes que sont les bibliothèques. En diminuant les
exigences de qualité d'agrément des librairies, que ce soit au
niveau des services ou de l'équipement bibliographique, ce projet de loi
rejoint la majorité des librairies québécoises, mais ne
permettra pas aux bibliothèques de s'appuyer sur un réseau
valable de librairies pour remplir pleinement leur rôle. Dans cette
perspective, le maintien de la régionalisation risque d'être
inopérant.
D'autre part, ce projet de loi peut mettre en péril l'existence
de certaines librairies spécialisées
qui répondent à des besoins précis mais pour
lesquelles il serait difficile de se conformer aux normes; l'édiction
des normes concernant ces librairies devra se concrétiser dans les plus
brefs délais et tenir compte des difficultés d'approvisionnement
de certaines catégories d'ouvrages.
Nous aurions de beaucoup préféré un projet de loi
se rapprochant davantage des recommandations de l'étude Drouin-Paquin,
à savoir, et je cite, "accorder aux librairies qui ont
démontré leur capacité à fournir de façon
professionnelle le public consommateur le privilège d'approvisionner en
livres les institutions subventionnées et ce, en tenant compte d'une
réorientation du secteur de la librairie telle que définie dans
cette étude: un réseau commercial axé vers la
rentabilité maximale par la vente du livre de grande diffusion à
écoulement rapide, un réseau professionnel
représenté par les librairies agréées et
axées vers un niveau de service élevé aux acheteurs
individuels et aux institutions subventionnées.
Une politique de la lecture: Une politique du commerce du livre doit
être soutenue par une politique de la lecture. Nous nous attendions
à ce que le ministre élabore une politique de la lecture avant de
légiférer sur le commerce du livre. En effet, une politique de la
lecture exposerait la volonté du gouvernement de mettre de l'avant les
programmes et les moyens qu'il entend préconiser pour développer
le goût des Québécois à la lecture. Une telle
politique permettrait d'élaborer tout un ensemble de structures
favorisant l'accessibilité du public aux livres, de la création
à la diffusion. Les bibliothèques sont un outil
privilégié pour alimenter la vie culturelle des citoyens et
assurent un support premier à toute action pédagogique et
scientifique. En entravant le pouvoir d'acquisition de documents des
bibliothèques, ses possibilités d'action et de diffusion sont
d'autant diminuées.
Ce projet de loi ne concerne qu'un volet de cette politique de la
lecture, soit le commerce du livre. C'est pourquoi nous nous étonnons de
l'appellation donnée à un conseil consultatif de la lecture et du
livre dont le mandat, tel qu'il apparaît à l'article 7, ne vise en
fait que les questions relatives à l'application de la loi 51 et des
règlements s'y rapportant. Or, cette loi ne porte que sur des aspects
commerciaux du marché du livre et aucunement sur une politique de la
lecture.
La distribution. Le livre a droit à un statut
privilégié qui tienne compte, à la fois, de son aspect
commercial et de son impact culturel. Commercialement fragile, il est cependant
un puissant agent culturel. Cette situation amène une action
gouvernementale. Dans ses grandes lignes, une politique de commerce du livre
devrait assurer à tous les Québécois un accès
à la documentation à un prix honnête, tout en mettant un
frein à toute exploitation abusive. Ce contrôle des prix devrait
s'exercer au moment de l'entrée sur le territoire
québécois de la documentation. Le projet de loi no 51 tel que
présenté et l'avant-projet des règlements ne permettent
pas un contrôle adéquat de la distribution, quant à la
disponibilité des stocks, tel que nous l'avions demandé. A notre
avis, cette loi ne contrôle pas adéquatement la distribution et
légifère au niveau des librairies soumises à un
réseau de distribution qui, lui, échappe à cette loi.
Compensation à la perte du pouvoir d'achat. Lors de la rencontre
de février avec M. le ministre, certaines exigences minimales lui
avaient été présentées, exigences dont le ministre
s'était engagé à tenir compte: la distribution et la
compensation de la perte de 15% de remise accordée aux
bibliothèques.
Les garanties de compensation de la perte du pouvoir d'achat
entraînée par la supression de la remise de 15%, n'apparaissent
nulle part dans ce projet de loi, ni dans ses règlements et c'est
pourtant là un point fondamental sur lequel le ministre s'était
engagé envers notre profession. La présentation en Chambre de ce
projet de loi était conditionnelle à des ententes à
intervenir avec les ministères concernés; à ce jour,
aucune entente de garantie de compensation n'a été portée
à notre connaissance.
Nous avons déjà démontré la perte de pouvoir
d'achat occasionné par une politique du livre; le projet de loi actuel
n'améliorera en rien cette situation. N'insistons pas sur le rapport
direct pouvoir d'achat et accessibilité à la lecture.
Les tabelles. Enfin, toute la question du coût du livre repose sur
des tabelles qui ne nous sont pas présentées et qui devront tenir
compte des répercussions imprévisibles de la
libéralisation du coût du livre en France. Il est fortement
aléatoire d'établir un système de facturation à
partir d'éléments inconnus.
Tels sont les points fondamentaux que nous nous attendons voir
améliorer dans ce projet de loi.
Le projet de loi no 51 comme tel. Enfin, l'étude du projet de loi
et de ses règlements, article par article, nous amène à
formuler les remarques particulières suivantes:
Article 5: Comme nous le soulignions dans la première partie de
notre mémoire, nous nous opposons à l'appellation "Conseil
consultatif de la lecture et du livre"; il convient, dans la philosophie de
cette loi, d'enlever le mot "lecture" pour garder "conseil consultatif du
livre" ou, ce qui réfléterait mieux la réalité,
"conseil consultatif du commerce du livre".
Les bibliothèques, comme clients captifs, devraient d'office
être représentées à ce conseil pour faire entendre
le point de vue des bibliothèques. Cette représentation devrait
être proportionnelle à la clientèle qu'elles
représentent et les représentants devraient être
nommés par les associations professionnelles.
Article 12: Le rapport annuel du conseil devra être rendu public
et le gouvernement devra s'engager à le diffuser à tous les
organismes soumis à la loi.
Avant-projet de règlements. Règlement no 2: Ce
règlement ne résout pas le projet de la distribution au
Québec. Aucune norme n'est fournie quant au nombre de titres,
d'éditions récentes que les distributeurs doivent maintenir en
disponibilité pour répondre rapidement aux commandes. (22
heures)
D'autre part, ce règlement ne s'applique qu'au mode de calcul des
prix et ne contrôle en rien la distribution elle-même et un
distributeur non agréé, sauf pour le calcul des prix, n'est
soumis à aucune norme.
Règlement no 3. La définition du livre devrait être
celle acceptée par l'UNESCO. Il existe effectivement une
définition du livre reconnue de façon internationale, et nous ne
voyons pas pourquoi le gouvernement en créerait une nouvelle.
Les méthodes instrumentales et les partitions musicales devraient
être exclues de cette loi: il s'agit là d'une catégorie de
documents difficiles à fournir et qui ne sont guère rentables
pour les librairies.
Nous nous étonnons de l'exclusion du manuel scolaire de la loi,
puisque la loi de 1971 avait d'abord été édictée
pour assurer la vente du manuel scolaire par les librairies.
Le gouvernement statue sur la propriété
québécoise, mais rien ne garantit le renforcement des normes
d'agrément: les librairies agréées devraient offrir un
service aux bibliothèques distinct et structuré de façon
adéquate quant à la facturation, les renseignements, la recherche
bibliographique. L'existence d'un tel service aux bibliothèques est plus
importante que les normes relatives au volume de vente faite au public, au
nombre de titres en étalage qui n'apportent rien aux
bibliothèques. Ainsi, l'article 3 tout entier ne garantit pas une
amélioration des services aux bibliothèques.
L'article 11 risque d'être préjudiciable aux
bibliothèques. En effet, les bibliothèques ne règlent pas
directement les factures, mais passent par les services comptables de leurs
établissements.
Nous insistons pour que les librairies qui fournissent des ouvrages
français possèdent l'équipement bibliographique
français; celles qui fournissent des ouvrages anglais,
l'équipement bibliographique anglais, et que les librairies qui
désirent offrir les services de livres français et anglais
possèdent des collections et françaises et anglaises.
L'équipement bibliographique prévu en annexe du
règlement est élémentaire et recoupe la documentation qui
existe déjà dans les services d'acquisition de la plupart des
bibliothèques. Les librairies devraient aussi posséder
l'équipement bibliographique composé de catalogues commerciaux
récents et organisés de façon accessible qui pourraient
davantage répondre aux besoins des bibliothèques. Puisque le
gouvernement légifère sur le commerce du livre, qu'il assure de
la publication annuelle d'un cataloque annuel de livres disponibles au
Québec.
Règlement no 4. Lorsque les bibliothèques
s'approvisionneront à l'extérieur de leur région, dans les
cas prévus par les règlements, qui devra assurer les frais de
transport? Si c'était la librairie, quelles sont les garanties d'obtenir
une suite aux commandes, vu les frais accrus?
Dans le cas d'une centrale d'acquisition qui dessert plusieurs
bibliothèques, particulièrement les BCP, situées dans
plusieurs régions adminis- tratives, l'obligation d'acheter dans chacune
des régions desservies va à rencontre des principes
d'économie de temps, d'énergie et d'argent qui sont à la
base de la création de ce genre de réseau.
La question de l'acquisition des livres anglais devrait être
réexaminée en tenant compte de la conjoncture particulière
du marché du livre nord-américain qui n'est pas soumis à
un réseau de distribution comme l'est le livre français. La
politique du livre telle que conçue ici favorise nettement les
librairies qui fourniront des ouvrages anglais. Nous nous opposons fermement
à l'article 11 du règlement qui veut que chaque année, les
bibliothèques fassent un rapport sur leur budget d'acquisition et sur la
répartition de ces budgets entre les divers fournisseurs. Cette exigence
est lourde et onéreuse et elle exige un personnel accru. En plus, les
librairies font déjà un rapport en ce sens (règlement no
3, section 4, article 16h).
Dans la section sur les conditions, normes et barèmes relatifs au
prix d'acquisition, on se réfère à des tabelles, mais
elles sont promises pour l'avenir. Il est difficile de discuter de cette
question sans les tabelles. Il est cependant certain que le pouvoir d'achat des
bibliothèques sera encore réduit. De quelle façon les
bibliothèques seront-elles compensées pour cette perte de leur
pouvoir d'achat? De l'augmentation moins rapide des collections qui en
résultera, à très court terme, les bibliothèques
pourront encore moins répondre aux besoins de leurs
clientèles.
Nous ne comprenons pas pourquoi une vente doit être d'au moins 50%
avant que les bibliothèques puissent en bénéficier. Qui va
se charger de vérifier la véracité de l'escompte de 50%?
Le gouvernement?
L'article 20 stipule que la bibliothèque peut exiger que la
librairie mentionne dans sa facturation certains éléments, tels
le prix net, la tabelle utilisée, etc. Comme nous le demandions, quand
il fut question des normes d'agrément des librairies, ceci devrait faire
partie de ces normes d'agrément sans que les bibliothèques aient
l'odieux de l'exiger.
Nous requérons que le ministère distribue à tous
les organismes soumis à la politique du livre, et ce, gratuitement, tous
les documents relatifs à cette loi et à ces règlements,
entre autres, la liste des librairies agréées, les tabelles, la
loi et les règlements.
Enfin, nous insistons pour que les catégories d'ouvrages suivants
soient ajoutés aux exemptions: tout ouvrage n'apparaissant pas dans les
répertoires courants; les rapports de recherche et les livres
publiés par des organismes privés ou des sociétés
savantes et dont l'acquisition doit se faire directement auprès de
l'éditeur, par exemple, les ouvrages de Ford, de National Technical
Information Service, de CADRE, du Barreau du Québec, etc., et tout
ouvrage publié en continuité, par exemple, le Dictionnaire
biographique canadien.
Considérant nos attentes vis-à-vis d'une politique
gouvernementale de la lecture, considérant que le commerce du livre
n'est qu'un élément
d'une politique de la lecture, considérant que la conjoncture
actuelle eu égard à la libéralisation du prix du livre en
France aura des effets imprévisibles, considérant les lacunes et
omissions de ce projet de loi, considérant l'intérêt que
porte le ministère des Affaires culturelles à nos
recommandations, nous recommandons au gouvernement de reconsidérer ce
projet de loi et ses règlements à la lumière de nos
remarques et de l'inscrire dans une perspective globale, celle d'une politique
de la lecture.
Le Président (M. Blank): Merci, madame. M. le
ministre.
M. Vaugeois: Merci, M. le Président. Effectivement, il y a
beaucoup de matière dans votre mémoire qui prend peu de pages; en
effet, vous avez fait la démonstration de l'esprit d'économie qui
vous caractérise.
Mme Rivet: Nos associations ne sont pas très riches, vous
savez.
M. Vaugeois: Je pense bien que vous ne vous attendez pas qu'on
discute dans le détail tous les points que vous avancez. Je vais essayer
de retenir les plus importants. Si j'en oublie d'importants sur lesquels vous
voudriez qu'on échange ce soir, vous m'y inviterez. D'abord, la
dernière fois qu'on s'est rencontré, effectivement, j'ai pris
avec vous un certain nombre d'engagements. Vous me les rappelez ce soir fort
à propos. Je ne retraite pas. Au contraire, je vous
réitère ce soir mon désir, ma volonté d'y donner
suite et d'aller au-delà. Ma volonté n'est pas de répondre
à ce que je vous ai annoncé, mais d'aller beaucoup plus loin,
sauf que...
Mme Rivet: Très concrètement?
M. Vaugeois: Oui. Sauf que les procédures que nous avons
à suivre font que, par exemple, ce soir nous avons une réunion de
cette commission parlementaire pour recevoir des mémoires. Il n'y a pas
de telles procédures pour rendre publiques les intentions
budgétaires d'un gouvernement. En termes de calendrier, je peux vous
dire que, lorsque ce projet de loi sera rendu devant la Chambre pour la
deuxième lecture et l'étape de la troisième lecture, tout
aura été fait et tout sera en place pour pouvoir rendre publique
notre politique de la lecture, et surtout notre plan de développement
des bibliothèques publiques.
Concrètement, j'ai été invité par l'Union
des municipalités, qui a son congrès à la fin de
septembre, et j'entends, à cette occasion, rendre public le plan de
développement des bibliothèques publiques et en discuter avec les
municipalités. Vous n'ignorez pas qu'à partir du 1er janvier
1980, si la réforme de la fiscalité municipale est mise en place
comme prévu, les municipalités vont avoir une marge
budgétaire nouvelle et, théoriquement, il y aura transfert de
$250 millions vers les municipalités. Nous avons déjà
obtenu de la part du ministre des Affaires municipales et du ministre des
Finances que quelques programmes incitatifs demeurent et, parmi ceux-là,
il y a le programme de soutien au fonctionnement des bibliothèques
publiques. C'est déjà acquis. C'est dans les prochaines semaines
que va être débattu le projet de loi pour la réforme de la
fiscalité municipale. C'est à l'intérieur de ce
débat qu'on va retrouver ces dispositions, et ainsi de suite. Avec le
ministre de l'Education, nous avons déjà déposé
auprès du ministre des Finances un plan d'accroissement des budgets des
bibliothèques en milieu scolaire. Les remarques que vous me faites, soit
dit en passant, sur l'article 11 du projet de règlement no 4, ont
été demandées par le ministre de l'Education.
Ce serait peut-être intéressant qu'on ait un échange
là-dessus ce soir, parce que vous me faites valoir vos
préoccupations eu égard à l'article 11, mais, d'un autre
côté, cela m'apparaissait être une garantie que les budgets
affectés aux acquisitions des bibliothèques servent effectivement
aux acquisitions des bibliothèques. On a dit toutes sortes de choses
à cet égard. Le ministre de l'Education avait obtenu du ministre
des Finances qu'on ait des mécanismes spéciaux pour s'assurer que
l'argent versé aux commissions scolaires pour les acquisitions de livres
serve effectivement aux acquisitions de livres. Voilà pourquoi on
demandait des rapports spécifiques à cet effet.
Je ne dis pas que tout a été dit sur cette question. Il
s'agit de trouver les modalités les plus souples, les moins tatillonnes
possibles pour s'assurer que ces montants vont effectivement servir à
l'acquisition de livres et ne serviront pas à régler un
problème plus urgent à court terme de je ne sais pas quoi,
d'autant plus vous devez le savoir qu'avec la réforme de
la fiscalité municipale, la source de financement principale des
commissions scolaires, qui était l'impôt foncier, va en
totalité aux municipalités. Il ne restera à la commission
scolaire que la possibilité d'aller chercher des inadmissibles au niveau
de cette taxe foncière. Elle va être, à ce moment,
publique. Les commissaires auront à l'expliquer. Cela veut donc dire que
leur marge, pour utiliser les inadmissibles au niveau de la taxe
foncière, va être réduite au minimum. Leur tentation
peut-être pourrait être d'aller chercher de l'argent dans les
sommes globales versées par le ministère de l'Education, mais
pour des fins qui ne leur paraissent pas prioritaires. C'est dans ce contexte
qu'il faut situer, si vous voulez, ce genre de préoccupation, parce que
notre proposition actuellement je n'ai aucune raison de croire que nous
ne réussirons pas c'est un accroissement que je qualifie de
spectaculaire, l'accroissement des budgets des bibliothèques.
Mme Rivet: L'accroissement est un minimum vital actuellement. On
ne parle pas d'accroissement, on parle de compenser la perte de 15% qui est
très réelle.
M. Vaugeois: Oui, absolument, mais je vous dis que c'est plus que
cela que nous projetons, parce que pour nous, cette compensation
n'amé-
More rien. Nous voulons améliorer la situation des
bibliothèques. Si nous ne faisons que compenser de 15%, bien sûr
que je pourrais vous dire: J'ai rempli mon engagement. Je ne serais absolument
pas satisfait de cela, parce que depuis des années, en milieu scolaire,
les budgets d'acquisition des bibliothèques n'ont pas vraiment
augmenté. Nous voulons les augmenter.
Dans le milieu municipal, pour les bibliothèques municipales et
les BCP, nous les avons augmentés depuis trois ans. Les budgets des
bibliothèques ont à peu près triplé depuis trois
ans, mais pour nous, ce n'est pas encore satisfaisant, parce qu'il se trouve
encore au Québec 52 municipalités de plus de 5000 habitants qui
n'ont pas de bibliothèques publique. Parmi celles qui en ont, plusieurs
ne sont pas au niveau minimal qui nous paraîtrait raisonnable. Ce n'est
pas à vous, bibliothécaires, que je dois donner les écarts
qui nous distinguent de l'Ontario. Si on compare l'Ontario et le Québec,
en corrigeant les écarts de population, ils ont sept millions de pieds
carrés de bibliothèques publiques, alors que nous n'en n'avons
que deux millions sept cent mille. Je pourrais donner comme cela le nombre de
livres par tête d'habitant qu'ils ont, etc., le nombre de
bibliothécaires qu'ils ont par tête d'habitant. On a une
différence de 600 bibliothécaires professionnels à combler
pour atteindre le niveau de l'Ontario. Nous avons cela comme point de
comparaison, comme point de référence.
Nous entendons accélérer, si vous voulez, nos
interventions en ce domaine. Cela ne vous dispense pas, bien sûr,
d'exiger de nous qu'on rencontre le minimum de nos engagements, mais ce que je
vous dis ce soir, c'est que ce que nous préparons va bien au-delà
de ce minimum que vous exigez, avec lequel je suis d'accord, mais en vous
disant que ce à quoi nous vous convions, pour parler de la politique du
livre et de la lecture, et non pas commerce du livre, c'est de nous soutenir
dans ce travail, parce que vous êtes les organismes les plus puissants
qu'il se trouve dans le milieu pour travailler au niveau des instances locales
qui vont devenir des interlocuteurs beaucoup plus importants.
De notre côté, nous resterons présents. Nous
entendons augmenter notre participation aux frais de fonctionnement. Nous
entendons proposer aux municipalités une participation et un soutien aux
frais de fonctionnement. A titre d'exemples, nous proposerons probablement aux
municipalités qui ont déjà des bibliothèques ou qui
pourraient songer à s'en donner une, une espèce de document de
base sur ce qu'est une bibliothèque, à quoi cela sert, quels sont
les avantages, quels sont les résultats obtenus ailleurs, quelle est la
réponse de la population ailleurs. On a des statistiques très
révélatrices à cet égard. En même temps, on
peut leur dire: Si vous aviez envie éventuellement d'agrandir votre
bibliothèque, nous pourrions vous payer les services du professionnel.
Si vous vouliez avoir en banque des plans de bibliothèques, nous pouvons
vous payer les services des professionnels requis. Nous envisageons toute une
série de mesures de cette nature.
Mme Rivet: Au niveau des bibliothèques publiques?
M. Vaugeois: Oui.
Mme Rivet: Alors que notre situation est désastreuse au
niveau des bibliothèques scolaires.
M. Vaugeois: Oui, mais là-dessus, je vous ai dit qu'au
niveau des bibliothèques scolaires, le ministre de l'Education a
déjà déposé un plan d'accroissement des budgets
d'acquisition. L'article 11 qui est prévu au règlement no 4 a
été demandé par lui et par le comité
ministériel au développement culturel pour qu'on s'assure que les
montants qui pourraient être versés aux commissions scolaires
servent effectivement à l'acquisition de livres, étant
donné j'insiste là-dessus la tentation dans
laquelle pourraient se trouver les commissions scolaires, étant
donné la réforme de la fiscalité, d'utiliser ces montants
pour d'autres fins, parce qu'il y aura un contexte nouveau de
créé et personne ne sera familier avec ce contexte. (22 h 15)
Je le répète: les inadmissibles devront être
expliqués à la population et feront l'objet d'une taxe
spéciale dont les élus locaux se rendront responsables devant la
population. Cela veut donc dire qu'on va créer une pression très
forte sur ces administrateurs locaux et régionaux pour,
éventuellement, faire des transferts auxquels ils sont normalement
autorisés, mais que nous ne permettrons pas, si nous réussissons
à augmenter les budgets d'acquisition des bibliothèques.
Maintenant, vous insistez beaucoup sur la politique de la lecture.
Une Voix: Nous permettez-vous de... M. Vaugeois: Oui.
M. Boudrias (Arthur): ... répondre à cet article
11, M. le ministre. Si les bibliothèques scolaires doivent remettre au
ministère de l'Education des statistiques précises sur
l'utilisation des fonds, je pense que le service des bibliothèques
scolaires au ministère de l'Education pourrait fournir de tels
renseignements au ministre de l'Education sans qu'il y ait un règlement
obligeant toutes les catégories de bibliothèques à fournir
de telles statistiques qui deviennent onéreuses. Vous connaissez et vous
avez vous-même mentionné la pénurie de
bibliothécaires dans les bibliothèques. Je pense qu'il ne s'agit
pas de surcharger les tâches pour remettre des statistiques qui ne sont
pas significatives au niveau des bibliothèques elles-mêmes.
M. Vaugeois: D'accord. Je pense qu'il faut se comprendre
là-dessus. Je ne veux pas relire l'article 11, mais l'intention de
l'article 11 n'est pas de demander aux bibliothécaires de faire des
rapports de plus. D'ailleurs, vous dites, vous autres mêmes, dans votre
mémoire, que ce sont les services comptables qui acquittent vos
factu-
res et c'est cela d'ailleurs qui vous fait craindre... L'article 11
risque d'être préjudiciable. En effet, les bibliothèques ne
règlent pas directement les factures, mais passent par les services
comptables de leur établissement. Or, c'est justement l'argument qu'on
m'a fait valoir. On m'a dit, au Conseil du trésor, au ministère
des Finances et chez les experts du ministère de l'Education que cela
est facile, que ce n'est pas compliqué, que c'est administratif, que
c'est mécanisé et que c'est leur problème, m'ont-ils dit.
Ils m'ont dit: Ce n'est pas un problème des affaires culturelles, ce
n'est pas le problème des bibliothécaires; c'est le
problème des services administratifs des commissions scolaires, quand
elles font leurs états financiers, de dégager le sujet
"acquisition de livres" pour qu'on puisse comparer ce qui a servi aux
acquisitions de livres en regard des budgets d'acquisition qui auront
été octroyés. Je suis d'accord avec vous pour qu'on
regarde cela plus attentivement. Je vous donne les explications qu'on m'a
données. C'est pour s'assurer cela rejoint vos
préoccupations que les sommes affectées au
développement des bibliothèques en milieu scolaire serviront
effectivement à ces fins-là.
Si vous me le permettez, vous insistez, à juste titre, sur
l'importance qu'il y a de situer ce projet de loi dans une politique plus
globale. Je crois que nous serions d'accord pour que... Vous faites une
suggestion dans le cas du comité consultatif du livre et,
malicieusement, vous proposez qu'il devienne le comité consultatif du
commerce du livre.
Mme Rivet: Appelons les choses par leur nom.
M. Vaugeois: Je pense que vous pourriez avoir raison, mais si on
se référait à certaines allusions faites dans les
mémoires antérieurs et, particulièrement, à la
recommandation du Conseil supérieur du livre, vous serez sans doute
d'accord pour qu'un conseil supérieur qui serait composé
différemment avec un mandat plus large que celui que nous avions
prévu c'est-à-dire non seulement l'application de la loi
qui est une loi qui porte davantage sur le commerce qui porterait sur la
lecture et le livre, où vous seriez correctement
représentés, pourrait également répondre au genre
de préoccupations que sont les vôtres.
Mme Rivet: Ce n'est pas nous qui serions correctement
représentés. C'est la population qu'on représente.
M. Vaugeois: Bien sûr. Je retiens un autre point: celui de
la politique de la lecture. Bien sûr, au cours des derniers mois, nous
avons fait un certain travail à cet égard. Nous n'avons pas
attendu que la loi soit déposée, etc. Nous avons mis au point
avec les éditeurs nous en reparlerons demain des
programmes de soutien à la promotion et à la publicité.
Nous avons multiplié, dans la mesure de nos budgets de cette
année, des initiatives surtout à l'occasion de l'année de
l'Enfant, un certain nombre d'expériences que nous avons essayé
de favoriser en termes d'animation et de promotion de la lecture. Nous avons
essayé d'exploiter au maximum la formule des salons du livre. Nous avons
actuellement des actions qui sont menées auprès des grands
média, en particulier avec l'Union des écrivains. C'est
difficile, je ne le cache pas. C'est difficile de convaincre les grands media
d'information d'attacher plus d'importance aux livres, mais nous sommes
convaincus que lorsque les media, particulièrement la
télévision, s'intéressent à la lecture et aux
livres, on fait rapidement des pas de géant. L'Union des
écrivains a accepté de relever ce défi avec nous. Nous
espérons arriver à des résultats appréciables.
Nous avons actuellement une grande enquête qui est en cours
j'y ai fait allusion tout à l'heure qui devrait nous mener
à connaître mieux les habitudes culturelles des
Québécois et, en particulier, leurs habitudes de lecture. Nous
sommes convaincus que nous trouverons là des arguments pour amener les
media à faire une plus grande place à la lecture. Je pense qu'on
sous-évalue l'importance de la lecture chez les Québécois.
On répète très souvent que les gens ne lisent pas, qu'ils
lisent peu, qu'ils ne lisent pas assez, etc. Or, là où il y a des
bibliothèques vous pouvez en témoigner et des
bibliothèques raisonnablement organisées, le succès est
très grand, la fréquentation est très grande. Nous avons
besoin davantage de données à cet égard pour convaincre
les media concernés de faire une plus large place à ce qui
intéresse les gens.
Mme Rivet: Le développement du goût des
Québécois à la lecture ne tient pas juste...
Effectivement, c'est quelque chose de très important. Je pense que les
bibliothèques publiques, entre autres, ont particulièrement un
rôle privilégié à jouer dans la diffusion du
goût à la lecture; elles ont un rôle d'animation. Ce sont
toujours ces questions qui nous sont présentées comme des projets
futurs. Cela fait longtemps qu'on vous parle d'une politique de la lecture.
Cela fait bien longtemps. Il me semble que le fait de donner des budgets
d'acquisition ne suffit pas. Encore faut-il donner les structures, le personnel
qualifié pour être capable de mettre sur pied ces programmes
d'animation. Il faut qu'ils soient structurés et qu'il y ait un plan
pour qu'on sache où on s'en va. On a une politique qui est très
morcelée actuellement, qui ne touche qu'un aspect vraiment très
minime de tout un ensemble bien plus important.
M. Vaugeois: Ecoutez! J'aurais aimé de
mémoire, je n'ose pas m'avancer vous dire qu'on est allé
au-delà des discours depuis trois ans. Au cours des trois
dernières années, ou à peu près, les budgets des
bibliothèques publiques au Québec ont crû plus que jamais
auparavant. La plus grosse augmentation de budget au ministère des
Affaires culturelles a été portée vers le
développement des bibliothèques publiques. Ces gestes ont
été concrets. Il s'est ouvert plus de BCP depuis trois ans qu'il
ne s'en était ouvert de 1962 à
1976. Je suis de ceux qui croient que cette formule des BCP n'est pas
parfaite. Elle peut être améliorée et c'est certain qu'on
peut consolider le réseau des BCP. Mais c'est une façon de rendre
le livre présent dans les milieux municipaux de moins de 5000 habitants,
et nous avons fait porter nos efforts de ce côté. Nous avons
ouvert, en trois ans, plus de BCP qu'il ne s'en était ouvert de 1963
à 1976. Je pourrais énumérer comme cela, mais je ne veux
pas avoir l'air si vous voulez de faire... Ce que nous avons
fait, ce n'est rien à côté de ce que nous voulons faire. Un
gouvernement agit, quel qu'il soit un gouvernement municipal ou un
gouvernement provincial comme le nôtre un gouvernement agit en
harmonie avec les attentes d'une population. Il faut, en même temps,
convaincre les gens que c'est bon pour eux. Les élus municipaux,
à partir du moment où ils sont convaincus que leurs
électeurs s'intéressent aux livres et à la
bibliothèque, sont d'accord pour créer des bibliothèques.
Mais il faut faire tout ce travail d'animation. Je l'ai souvent dit, et je ne
fais aucun reproche à vos organismes, une de mes plus grandes
déceptions depuis un an et demi que je suis au ministère des
Affaires culturelles, c'est d'avoir eu fort peu de pression pour agir dans le
domaine des bibliothèques. Il existe un peu partout au Québec des
organismes que nous soutenons pour qu'ils nous donnent des plans de
développement culturel pour leur région, etc. Je n'ai jamais
reçu une demande, une note, un télégramme, une lettre...
Je n'ai jamais eu, à l'occasion d'une rencontre, une seule allusion
à la pauvreté des équipements de nos bibliothèques.
Jamais de la part de ces organismes-là, seulement de la part des gens
qui sont dans le commerce du livre ou des gens qui exercent une profession
comme la vôtre, à l'occasion, ai-je eu un certain nombre de
remarques. Pourtant, ceux qui sont dans le commerce du livre M. Tisseyre
l'a exprimé tout à l'heure savent fort bien que, si nous
pouvions développer nos bibliothèques à un niveau normal,
comparable à celui de nos voisins, nous aurions déjà
réglé indirectement une bonne partie de leurs problèmes.
Je me dis, au fond, que je pourrais tourner tous mes efforts vers le
développement des bibliothèques publiques et indirectement
j'aurais des chances d'avoir réglé un petit peu d'autres
problèmes. L'essentiel de mes efforts porte effectivement sur le
développement des bibliothèques scolaires et publiques.
Il arrive que les procédures qui sont les nôtres m'obligent
à investir également du temps dans la rédaction d'un
projet de loi qui cherche à mettre des balises, rien de plus. Je n'ai
aucune prétention avec ce projet de loi. Il s'agit tout simplement
d'amener les différents agents à se respecter et à
travailler ensemble.
Si vous me permettez un commentaire, je crois beaucoup à votre
profession et je n'ai jamais perdu une occasion publique de lui rendre hommage
parce que pour moi, elle a apporté beaucoup. Je pense que dans la
dynamique des agents que nous avons entendus aujourd'hui et que nous entendrons
demain, vous avez un rôle spécial à jouer. Effectivement,
vous pourriez jouer à part des autres parce que votre point de
référence est un peu différent. Vous n'êtes pas
vraiment concernés par le commerce du livre. Votre défi est
ailleurs. Je pense que justement parce que vous n'êtes pas directement
concernés par ce commerce encore qu'il vous alimente en livres
et que votre gagne-pain ne dépend pas de la santé de ce
commerce. Vous dépendez des taxes et des contribuables. Vous avez
également une compétence, une connaissance particulière et
je pense, un rôle à jouer dans cette dynamique d'ensemble. Dans
votre mémoire, vous faites allusion aux déficiences de certains
libraires. Vous avez tout à fait raison à cet égard. Nous
pourrions donc dire: Qui s'arrange les libraires? Qui s'arrange les autres? On
va choisir chacun notre interlocuteur et on va régler notre
problème. Je préfère maintenir la dynamique d'ensemble.
Chacun de ces interlocuteurs dans le domaine du livre a quelque chose à
dire au voisin.
J'aurais d'ailleurs une espèce de souhait à formuler
à mon bout de la lorgnette. Il y a un Conseil supérieur du livre
qui réunit tant bien que mal vous me permettrez cette allusion,
M. le Président des éditeurs et des libraires,
peut-être des distributeurs. Je ne sais trop. A certains moments, on a
tendu la main aux auteurs. Je souhaiterais que, de temps en temps, le Conseil
supérieur du livre devienne le lieu de rencontre de tous ceux qui sont
concernés par le livre tant dans sa dimension commerciale que dans sa
dimension culturelle. Pourquoi, de temps en temps, tous les professionnels du
livre qu'ils en vivent par la vente ou qu'ils en vivent par un salaire
payé par un organisme public pourquoi ces gens-là, de
temps en temps, ne feraient-ils pas le point? Tout ce qu'on essaie de mettre
ensemble ce soir avec notre projet de loi vient finalement de vous. A mon avis,
moins le gouvernement intervient en cette matière, mieux c'est.
Mme Rivet: ... il va sans dire que pour servir les clients que
nous sommes, il faut disposer d'une qualité de services, d'un
équipement bibliographique coûteux, d'un personnel qui,
actuellement, demande des salaires fort élevés. Il faut disposer
aussi d'une marge de crédit assez importante. Nous craignons et
nous vous l'avons déjà souligné, qu'actuellement, en
dehors des réseaux que nous utilisons et que nous ne pourrons pas
utiliser qu'il n'y ait pas de librairies capables de rencontrer nos besoins.
Nous aimerions à ce sujet savoir si le moratoire s'applique autant aux
institutions subventionnées qu'aux librairies à être
agréées.
M. Rivest: Madame, avez-vous terminé avec le ministre?
Mme Rivet: Oui. Pour le moment.
M. Rivest: Le ministre a regretté chose qui m'a
quelque peu frappé qu'il n'y ait peut-être pas eu
suffisamment de pressions ou de deman-
des qui lui étaient venues pour appuyer le développement
des bibliothèques publiques ou des bibliothèques scolaires. Je
dois vous dire en l'excusant ce soir il me l'a demandé
qu'à plusieurs reprises, à tout le moins, si le ministre n'a pas
reçu de lettre, je l'inviterais très modestement à relire
les suppliques du député de L'Acadie, lors de l'étude des
crédits du ministère de l'Education et même du
ministère des Affaires culturelles depuis trois ans. Notre
collègue, le député de L'Acadie s'est faite, je pense, au
niveau de l'Assemblée nationale sans doute celle qui a eu le plus
à coeur en tout cas certainement les problèmes et
la nécessité de soutenir les bibliothèques publiques et
les bibliothèques scolaires. Notre collègue de L'Acadie a au
moins l'avantage de pouvoir prendre ses distances face à un certain
passé parce qu'au fond il ne faut quand même pas en faire
un reproche particulier au ministre c'est un problème qui dure
depuis fort longtemps. Dans ce sens, notre collègue de L'Acadie qui
n'était pas, je pense, à l'Assemblée nationale a pu
s'intéresser à ce problème et je pense qu'elle l'a
fait.
M. Laplante:... lorsque le CECM a battu votre ancien gouvernement
pour conserver une bibliothèque... Est-ce que vous voulez
renouveler?
M. Rivest: Entre autres, je pense que le député de
L'Acadie...
M. Laplante: Votre ancien gouvernement l'a laissé enfermer
dans des boîtes pour les boules à mites.
M. Rivest: Oui, oui. C'est une obsession chez le
député de Bourassa, l'ancien gouvernement. Cessez donc de
l'imiter! (22 h 30)
C'est la conclusion à laquelle j'arrive. Vous êtes bien
engagé. Tout en me permettant, je pense, auprès de nos
invités, d'excuser le député de L'Acadie qui a dû
partir parce qu'elle a un rendez-vous à Montréal, je tenais quand
même à rétablir ce fait parce que je pense que c'est venu
et pas simplement pour l'actuel ministre des Affaires culturelles, mais aussi
au niveau du ministre de l'Education et même, je pense, qu'elle a
poussé auprès du ministre des Finances à une ou deux
occasions de façon à apporter parce qu'il semble bien que...
Evidemment, le ministre a évoqué d'autres promesses qui semblent
sérieuses. Je ne mets pas en doute sa bonne volonté, sauf qu'on
arrive devant un projet où on a les gens des bibliothèques. Il
faut bien admettre et je pense que le ministre en convient que
c'est un peu vague, finalement, les intentions... Oui?
M. Boudrias: A vos commentaires, j'ajouterai peut-être que
les bibliothèques ont quand même déposé un bon
nombre de mémoires sur la politique du livre depuis dix ans, le
mémoire du CSL, le mémoire du ministre L'Allier à
l'époque, Drouin et Paquin, celui du ministre Laurin, celui des
conférences socio-économiques sur les industries culturelles et,
toujours, on a insisté, je pense, sur le développement des
bibliothèques publiques. Je suis d'accord maintenant. Je pense que c'est
devenu une priorité du gouvernement. On l'apprécie.
A la conférence socio-économique de décembre, il y
a quand même un point important, je pense, qui a été
soulevé du moins sur lequel on s'inquiétait: c'était
l'élimination des bibliothèques scolaires. De plus en plus, des
bibliothécaires sont renvoyés carrément des
bibliothèques scolaires pour être remplacés, soit par des
techniciens, soit par des professeurs parce que maintenant, on n'a plus
d'enfants. C'est un problème très sérieux. Je pense que
c'est dans la ligne quand même de ce mémoire. Il ne faudrait quand
même pas négliger la compétence du bibliothécaire
qui a été formé pour répondre à un certain
nombre de normes. Pour son renvoi, on dit que le service de
bibliothèques va bien. Comme cela va bien, on va s'arranger pour que
cela aille mal en le renvoyant. Je pense qu'avec le ministère de
l'Education, le ministre des Affaires culturelles doit être très
attentif sur ce point. Dans les négociations qui s'en viennent, il
faudrait en tenir compte.
M. Vaugeois: Mais tout cela nous amène encore
indirectement à l'article 11. On ne prendra jamais trop de
précautions. Je ne le regrette pas comme vous, mais autant que vous; je
trouve extrêmement pénible que, finalement, quand on fait une
rationalisation des effectifs et qu'il y a une diminution d'étudiants et
qu'on déplace un certain nombre de personnes, ceux qui écopent
principalement à ce moment-ci, ce sont les bibliothécaires. Cela
ne me rassure pas du tout et pas plus que vous. Voilà pourquoi le
ministre de l'Education, avec les gens du Conseil du trésor et les gens
du ministère des Finances, dit: Donnons-nous des moyens particuliers de
contrôler les sommes que nous nous apprêtons à verser. Vous
vous rendez compte? Si les gens ne sont même pas capables de sauver leur
job, quelle assurance me donnent-ils qu'ils vont sauver leur budget?
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Sur le plan de la réforme de la
fiscalité municipale, je pense que ce que le ministre a dit est exact.
Par contre, on pourrait ce n'est pas le moment ici d'en débattre
mais la marge financière qui sera additionnelle, qui sera
disponible aux municipalités est loin d'être aussi
considérable que semblaient l'impliquer les propos du ministre. Il nous
a promis cela comme étant une terre promise, mais il faudra y voir.
Néanmoins, je conviens avec le ministre pour qu'il n'intervienne pas une
nouvelle fois dans mes remarques, qu'effectivement il peut y avoir certainement
des possibilités de ce côté-là pour les
bibliothèques. Evidemment, on est d'accord avec... On l'a
regretté déjà depuis le début de la journée.
Finalement, le projet de loi s'intéresse
beaucoup plus à cette dimension commerciale dans un sens
absolument pas péjoratif et la difficulté de l'apprécier,
surtout en regard des problèmes des bibliothèques publiques et
des bibliothèques scolaires qui, comme l'a signalé le ministre,
apportent peut-être finalement davantage le point de vue du public, on ne
peut la situer dans l'ensemble du contexte d'une politique de
développement culturel, avec comme élément, une politique
de lecture à laquelle vous vous êtes référés.
C'est très difficile d'apprécier la valeur objective des
dispositions qui nous sont présentées à l'intérieur
du projet de loi. On est toujours un peu face aux promesses.
Le ministre a indiqué tantôt qu'il fallait que les
gouvernements municipaux ou provinciaux, évidemment, suivent un peu
l'état de l'opinion et que la demande du public sur le plan de la
croissance des services au niveau des bibliothèques publiques et
scolaires, même, ne lui paraissait pas très forte, et
qu'évidemment les gouvernements retardent à agir. Mais c'est un
peu un cercle vicieux, finalement, qui est un peu l'histoire des
bibliothèques publiques au Québec.
M. Boudrias: Mais il ne faudrait pas s'enfarger là-dedans.
Il n'y a pas de demandes des conseils de comté; je pense, pour la
création de bibliothèques publiques. Je pense que c'est tout
à fait différent que dire qu'au Québec il n'y a pas de
demande de création de bibliothèques publiques. On est
d'accord?
M. Rivest: Oui.
M. Vaugeois: Pas beaucoup!
M. Rivest: Ce que je veux dire, c'est que finalement, c'est un
cercle vicieux, parce que même si le ministre avait raison, en disant que
cette demande n'est pas très forte, je pense que les moyens financiers
que les bibliothèques veulent avoir, c'est précisément
pour faire de l'animation dans le milieu, de façon à
développer cette demande. Ils peuvent faire un travail
considérable et le fait que les gouvernements sont un peu
réticents, ne sont pas sensibilisés ou ne l'ont pas
été dans le passé, vient sans doute de l'explication qu'a
fournie le ministre.
Mais si on donne plus de moyens aux bibliothèques publiques,
entre autres, elles pourront, à ce titre-là, sur le plan de
l'animation, dans le milieu, créer cette demande et essayer de montrer
aux gens comment cela peut être intéressant, un peu comme le
ministre l'a signalé.
On pourrait parler longuement sur l'aspect de la politique, mais ici on
est un peu à court, dans la mesure où on est face à des
attentes ou à des promesses qui doivent venir, d'après ce que le
ministre nous a indiqué.
En ce qui concerne la distribution, j'aurais une question à
poser, parce que votre mémoire situait... Je ne sais pas si c'est un
plan machiavélique du ministre de vous faire suivre nos amis, les
distributeurs!
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon, je pense que madame veut ajouter quelque chose sur le dernier
sujet.
Mme Côté (Claire): Le fait qu'il n'y ait pas de
demandes au niveau des conseils régionaux de la culture, ce n'est pas
une indication qu'il n'y a pas une demande de bibliothèques publiques,
parce qu'elles sont une responsabilité municipale. Donc, la demande
vient de là et non des conseils régionaux qui n'ont
peut-être pas grand-chose à voir avec ce développement.
J'aimerais ajouter dans le même ordre d'idées que les
bibliothèques municipales, quand le ministre parle d'augmentation des
subventions, c'est très beau et c'est vrai ce qu'il dit. Mais il ne faut
pas oublier que le financement des bibliothèques publiques est à
peu près, je pense, 75% à 80% fait au niveau municipal.
Or, quand on parle d'augmentation de subventions ou de compensations, on
parle d'augmentation de 20% d'un budget, on parle de compensation sur 20% d'un
budget. La politique du livre fait qu'on engage, on doit respecter pour tout le
budget des acquisitions, on doit appliquer la politique du livre sur ces
budgets en entier, quand la part qui vient du ministère est
peut-être de 20%, si on l'applique à tout le budget.
M. Laplante: Vous parlez beaucoup de programmes et de moyens de
lecture. Vous avez parlé de la responsabilité des
municipalités pour les bibliothèques. Mais j'aimerais avoir, par
exemple, votre idée, ce que vous pensez du dédoublement de
l'argent actuellement. Si on prend une école polyvalente qui est
déjà pourvue d'une belle bibliothèque et, qu'avec l'aide
de la municipalité il est ajouté peut-être 15 000, 20 000
ou 25 000 livres dans cette bibliothèque pour en faire une
bibliothèque publique, quelle serait votre position à ce
moment?
Mme Côté: J'aime beaucoup votre question. Cela me
fait plaisir d'y répondre. Il arrive que, quand on parle de
bibliothèques publiques et de bibliothèques scolaires, on a deux
bibliothèques, on a deux publics différents et on a des
collections différentes. On a des services qui sont différents.
On a des locaux qui doivent être différents parce qu'ils servent
à différentes fins.
Autrement dit, au niveau scolaire, vous avez des classes qui sont
là continuellement sur place qui visitent en groupe et qui occupent
énormément de place, tandis que le public, lorsque c'est
échelonné le long d'une journée, ils viennent comme cela,
individuellement. Ils n'ont pas les mêmes exigences que le milieu
scolaire.
Ce qui arrive dans ce cas, c'est que pour desservir adéquatement
les deux publics qui sont représentés, il faudrait faire la
même chose que si on avait deux bibliothèques
séparées. Il faut multiplier les locaux et les collections, parce
qu'ils ne sont pas les mêmes. Il faut multiplier le personnel avec des
spécialisations, parce que quand on fait l'animation de la lecture au
niveau
scolaire et de l'animation au niveau des bibliothèques publiques,
ce n'est pas la même chose, je regrette, parce qu'au niveau scolaire
c'est axé sur un programme, tandis qu'au niveau des bibliothèques
publiques c'est axé sur les besoins généraux du public et
non sur un programme défini très clairement. Pourrais-je
continuer sur cela?
Il y a eu des essais qui ont été faits partout. Les plus
récents ont été faits en Hollande, je pense. Il y en a eu,
récemment à Terre-Neuve et en Colombie-Britannique et ce sont des
échecs pour les raisons que je vous dis. Je peux vous dire quelque chose
de vécu chez nous, il y a une école secondaire à
côté de chez nous avec 2000 étudiants. Or, les
étudiants ont des périodes libres où ils veulent des
visites de classe et tout. Ils envahissent la bibliothèque. Les adultes,
par contre, veulent entrer dans une bibliothèque, dans un milieu
tranquille où il y a un personnel qu'ils peuvent consulter et où
les locaux sont à leur goût et non pas être envahis par des
enfants, le bruit et toutes exigences concentrées que représente
une classe de CEGEP, de secondaire ou de primaire.
M. Laplante: Je ne sais pas à quelle école vous
faites allusion. Je ne sais pas si vous demeurez dans le même quartier?
Vous demeurez à Montréal?
Mme Côté: Pointe-Claire.
M. Laplante: II y en a une à Montréal-Nord, si je
comprends bien. Il y a l'école Henri-Bourassa qui fonctionne très
bien. Il y a des heures pour les adultes et leurs heures ne correspondent pas
avec les heures des étudiants.
C'est pour cela que je vous disais tout à l'heure que ce serait
une belle discussion, s'il n'était pas 22 h 40. Je vois passer le temps,
on pourra la reprendre demain matin.
J'ai plutôt l'impression, quant à la solution, qu'il y a un
manque de dialogue qui se fait entre deux paliers qui couvrent également
dans la loi, une municipalité.
Mme Côté: Je pense qu'où je rejoins votre
pensée, c'est qu'il y aurait peut-être lieu d'avoir encore plus de
collaboration qu'il y en a présentement. Mais je ne pense pas qu'il
s'agit d'intégrer les deux et de mettre les deux ensemble.
Pour ce qui est de Montréal-Nord, c'est tout à fait
récent. Je pense que cela fait un mois ou deux que c'est en marche,
cette chose-là.
M. Vaugeois: Quatre ou cinq mois, au moins.
Mme Côté: Alors, je n'ai pas de données pour
savoir le résultat de cela. Ce que je sais, c'est que où cela a
été essayé, normalement, le commentaire
général, c'est que le grand public ne s'y rend pas, parce que
cela ne rencontre pas leurs besoins.
M. Vaugeois: Si vous êtes ici demain, on dînera
ensemble.
M. Rivest: Une question précise que j'ai annoncée,
parlez-moi un peu de nos amis, les distributeurs, en vous
référant spécifiquement à ce que vous semblez
suggérer, que le projet de loi ne les réglemente pas assez ou ne
les normalise pas assez. Faites attention, ils sont juste derrière
vous.
Mme Côté: Oui, je le sais. La déception qu'on
a, face aux recommandations du projet de loi concernant la distribution du
livre, c'est qu'on avait parlé, lors de rencontres en février,
d'établir des normes au niveau de la représentation des stocks
que les distributeurs devraient, à notre avis, avoir en
disponibilité dans leurs étalages et si un distributeur est
censé représenter un éditeur, selon nous, il devrait avoir
le catalogue de cet éditeur à peu près à 80%.
Toutefois, le projet de loi ne répond pas à ces normes.
On n'a pas satisfait, non plus, les attentes qu'on avait, face à
l'information et à la qualité de l'information que devrait
fournir le distributeur. Par la voie de ce projet de loi, on commande nos
livres chez les libraires agréés. Ces libraires
agréés font affaires avec les distributeurs et la réponse
que nous avons, c'est celle que le distributeur est censé avoir
donnée au libraire et la qualité de l'information, souvent, n'est
pas très adéquate. A ce niveau, on n'a pas eu les réponses
qu'on attendait non plus.
Au niveau des éditions, il semble que lorsqu'on commande dans les
bibliothèques du livre scientifique, on s'attend certainement à
recevoir l'édition la plus récente et ce qu'on nous sert souvent,
ce sont les éditions antérieures qui datent parfois de deux ou
trois ans. (22 h 45)
A ce niveau, il n'y a pas eu de norme non plus. Il nous a semblé
qu'au niveau des prix, le problème se situait d'abord au niveau de la
distribution. On n'a pas trouvé dans le projet de loi un
élément qui réglait, selon nous, cet aspect du commerce du
livre. C'est dans ce sens qu'on était...
M. Rivest: Simplement une question. Au fond, ce que vous
demandez, c'est que vous cherchez à dire aux distributeurs, ou enfin,
aux gens qui s'intéressent au domaine, de voir à ce que les
distributeurs améliorent la nature des services qu'ils fournissent.
Maintenant, est-ce que vous croyez nécessairement, compte tenu...
J'imagine que vous avez déjà formulé ces demandes
auprès des distributeurs. Est-ce qu'il vous paraît souhaitable,
compte tenu de votre connaissance, des relations que vous avez eues avec les
distributeurs, est-ce qu'il vous semble nécessaire et essentiel que
cette amélioration soit imposée par le biais de normes qui
viennent à l'intérieur d'une réglementation
gouvernementale?
Mme Rivet: Quand on en a discuté au niveau des rencontres
de février, c'était pour nous un point essentiel, c'était
une de nos demandes fondamentales parce que la qualité du service des
bibliothèques dépend de la qualité de l'approvisionnement
qu'on a. Cette qualité d'approvision-
nement est fonction beaucoup de la qualité du réseau de
distribution. A notre avis, tant qu'on ne statue pas sur la qualité de
ce réseau, le reste, finalement... D'après nous, c'est un
élément essentiel.
M. Rivest: Vous voulez ajouter? Madame, voulez-vous ajouter
quelque chose?
Mme Rivet: Non, j'aimerais conseiller. M. Rivest: Ah bon!
Allez-y!
Mme Rivet: II y a certaines questions que nous avons
posées au ministre et pour lesquelles nous n'avons pas eu de
réponse.
Le Président (M. Blank): Un instant, s'il vous
plaît, madame, avant d'aborder de nouveaux sujets... Est-ce que le
député de Gaspé a des questions?
Mme Rivet: A la page 5 de notre mémoire, en ce qui
concerne le règlement no 4, nous posons une question précise en
ce qui concerne les frais de transport. Le règlement no 4 prévoit
que si une bibliothèque ne peut s'approvisionner à cause du
permis et de la qualité de service du libraire de sa région, elle
pourra s'adresser à une librairie dans une autre région, ce qui
entraînera nécessairement des frais de transport. Qui compensera
les frais de transport?
M. Vaugeois: On me dit que c'est le libraire.
Mme Rivet: Pourquoi le libraire serait-il intéressé
à payer des frais de transport?
M. Vaugeois: Cela fait partie de son métier, il en paie
toujours. Cela ne coûte pas plus cher d'envoyer un paquet à
Montréal ou à Chicoutimi, quand on envoie cela par la poste, en
tout cas.
Le Président (M. Blank): Est-ce qu'il y a autre chose?
Mme Rivet: J'aurais une dernière remarque à
faire.
Le Président (M. Blank): M. Rivest?
M. Rivest: J'aurais simplement une question, vous l'avez
référée... C'est en haut de la page 5. Le gouvernement
statue sur la propriété québécoise, mais rien ne
garantit le renforcement des normes d'agrément. Quelle est votre
perspective des propositions gouvernementales au sujet de la
propriété à 100%, en ce qui concerne vos activités
propres?
Mme Rivet: Ce qui nous intéresse, c'est d'avoir un service
de librairie de qualité qui réponde à nos besoins. Il nous
faut donc des libraires qui soient compétents, avec les
répertoires bibliographiques nécessaires, une organisation
structurée, un personnel adéquat.
M. Rivest: Vous craignez que...
Mme Rivet: Actuellement, il y a des réseaux de librairies
qui nous fournissent le service, qui ont un service distinct pour les
institutions et pour la clientèle ordinaire. Effectivement, ces
réseaux actuellement ne remplissent pas les normes de
propriété québécoise à 100%. J'ai
expliqué tout à l'heure quelles étaient nos craintes
à ce sujet.
M. Rivest: Très concrètement, si je comprends le
sens de votre réponse, c'est que sur le terrain, le fait que ce
règlement n'existe pas, enfin il existe à 50%, aux Etats-Unis ou
même dans les pays français, en particulier, cela
améliore...
Actuellement, vous considérez que, s'il disparaissait, le milieu
comme tel n'est pas en mesure de servir, même s'il le voulait, même
si, peut-être éventuellement, il réussissait à le
faire, on le verra, mais que vous perdriez quelque chose en termes de
bibliothèques publiques si vraiment le règlement était
adopté, en ce moment, avec 100% à propriété
québécoise.
Mme Catellier-Desmarais (Carmen): II y a une chose que je
voudrais ajouter là-dessus. Nous, ce que nous demandons, dans notre
mémoire, au niveau de l'organisation d'un service de bibliothèque
à l'intérieur des librairies, c'est une demande qui est aussi
prioritaire, c'est que ça devrait faire partie, à notre avis, des
normes d'agrément des libraires et que l'on vérifie la
qualité des services qu'on offre aux bibliothèques avant
d'agréer les libraires, et non pas de se fonder simplement sur
l'étalage, les stocks et...
M. Rivest: Ou sur un critère mathématique de
propriété.
Mme Catellier-Desmarais: Oui.
Le Président (M. Blank): Avez-vous d'autres commentaires,
Madame?
Mme Rivet: Oui. Le dernier commentaire que j'avais à faire
concernait les exemptions que j'aimerais voir ajoutées, parce qu'il est
un genre de documentation que se procurent les bibliothèques
gouvernementales, les bibliothèques des milieux des affaires sociales et
de santé et des bibliothèques de collèges qu'il est
à peu près impossible de trouver par le biais de la librairie
courante. C'est pourquoi j'insiste beaucoup pour que les trois exemptions
ajoutées soient rajoutées aux exemptions déjà
présentées dans les avant-projets de règlements.
M. Vaugeois: M. le Président, j'avais déjà
posé la question aux gens de mes services qui m'ont assuré que
les discussions ont été fructueuses, je pense, depuis le
début, parce que vous aviez une longue liste et je pense que le travail
a été bon. Et il va se continuer, pour que tous ces points soient
réglés à la satisfaction de tout le monde.
J'attire votre attention, à la suite d'une question
antérieure, sur l'article 17 du règlement no 4...
M. Rivest: Mais, excusez-moi, M. le ministre,
réglés comment?
M. Vaugeois: C'est-à-dire qu'en général,
nous sommes...
M. Rivest: La longue liste... Quand ils auront abandonné
leur liste, non?
M. Vaugeois: Non, Nous nous sommes rendus à la plupart de
leurs exigences...
M. Rivest: Ah bon!
M. Vaugeois:... et quand ça n'a pas été le
cas, on s'est parlé, on s'est expliqué et, par exemple, pour les
institutions universitaires, elles ont été soustraites, les CEGEP
peuvent commander là où ils le veulent. Mais l'article 17 du
règlement no 4 dit bien: aucun frais de livraison, de transport ou de
manutention ne peut être facturé à l'institution qui est
située dans la même région que la librairie
agréée où est effectuée l'acquisition de livres, ni
à l'institution qui est contrainte d'effectuer ses acquisitions de
livres hors de la région où elle est située, parce qu'il
s'avère, après vérification, qu'un service de
qualité adéquat n'est pas offert aux institutions de ces
régions.
Je partage vos préoccupations. Elles témoignent de vos
préoccupations professionnelles. Je me doute bien que, demain, nous
entendrons les libraires et qu'ils chercheront à vous rassurer sur les
services qu'ils peuvent vous rendre, mais je conviens que la situation actuelle
a peut-être fait que certains libraires ne pouvaient relever le
défi des exigences que vous posez, étant donné la
concurrence à laquelle ils doivent faire face. Ils auront à
s'ajuster pour répondre à vos exigences et la pire menace qui
pèse sur eux, c'est qu'ils seront en concurrence, dans leur
région, et, à la limite, en dehors de leur région, parce
que le projet de loi fait une ouverture là-dessus en disant: Vous pouvez
commander vos livres chez le libraire qui vous donne le meilleur service et
s'il ne s'en trouvait pas dans votre région, vous pouvez sortir de votre
région.
Nous laisserons parler les libraires demain. Ils nous diront comment ils
voient ça. Mais, d'un autre côté, il faut bien comprendre
qu'une entreprise ne peut pas s'équiper de services quand son chiffre
d'affaires ne lui permet pas de s'équiper de services. C'est un peu la
problématique de tout le projet de loi. C'est une gageure que nous
prenons ensemble et, là-dessus, comme bibliothécaires
professionnels, vous avez très certainement, vis-à-vis des
libraires, un rôle à jouer et réciproquement. J'ai
déjà vu, d'ailleurs, la façon dont les uns et les autres
traitent ensemble. Je pense qu'ils ont à s'apprendre des choses et
à s'aider mutuellement. C'est une profession où différents
intervenants ont à travailler ensemble. Là, on touche un
élément de plus. Notre proposition, c'est de l'essayer.
M. Boudrias: J'aurais un dernier commentaire. Vous soulignez, M.
le ministre, que les bibliothèques universitaires avaient finalement
été exclues de la loi.
Je voudrais faire prendre conscience de la similitude de la
documentation qui existe dans certaines bibliothèques gouvernementales
très spécialisées qu'on pense au ministère
des Richesses naturelles ou à d'autres et qui, au niveau de
choix, est à peu près le même que celui d'un
deuxième ou d'un troisième cycle universitaire. Je sais que vous
voulez inclure là-dedans toutes les bibliothèques
gouvernementales maintenant. Toutefois, il faudrait peut-être agir avec
prudence.
M. Vaugeois: Je pense qu'on pourra prendre tout à l'heure
un café ou un cognac ensemble et je vous dirai pourquoi j'ai
"retraité" en ce qui concerne les bibliothèques universitaires.
Ce n'est pas tout à fait pour le genre de problème que vous
posez. Mais, de toute façon...
M. Rivest: Est-ce que vous m'invitez?
M. Vaugeois:... vous pouvez venir, M. Rivest... je vais perdre ce
que je voulais dire je dois rencontrer les bibliothécaires du
gouvernement et traiter de cette question avec eux, on verra.
Sans tout vous dire, le fond de ma pensée, c'est que nous ne
rendons service à personne quand c'est trop compliqué. Le
bibliothécaire attend son livre et le libraire dépense beaucoup
plus en énergie que le profit qu'il peut en tirer. D'un autre
côté, le libraire cherche à donner un bon service et il est
tout à fait conscient qu'à chaque fois qu'il fait une
opération, il ne fait pas nécessairement des profits, mais il a,
je pense, le sentiment d'avoir un défi à relever et il est
conscient que ce n'est pas payant à tout coup.
Dans le cas du livre très spécialisé, le
problème est à la fois pour le libraire et le
bibliothécaire et il n'est dans l'intérêt ni de l'un, ni de
l'autre, de forcer un rapport qui est trop compliqué.
Le Président (M. Blank): Madame...
Mme Côté: J'aurais une dernière question
à poser à M. le ministre, s'il vous plaît. Au niveau du
livre anglais on en parle dans notre mémoire
évidemment, je suis dans un milieu qui est assez anglais, on peut
imaginer pourquoi je m'intéresse à la question, mais il faut
aussi penser que les bibliothèques de CEGEP, les bibliothèques
universitaires mais là, les bibliothèques universitaires
sont exclues qui s'approvisionnent grandement en livres anglais, parce
que quand on parle de techniques, évidemment, le livre français
n'est pas toujours ajusté à notre technologie
nord-américaine et peut-être, parfois, le livre anglais est plus
pertinent à nos besoins. Or, les universités et les
collèges utilisent beaucoup le livre anglais. Je
pense qu'à un moment donné il a été question
de 60% des acquisitions des CEGEP et des universités, mais je m'en
remets aux représentatifs de cette question.
J'aimerais savoir pourquoi, vu que le marché
nord-américain n'est pas vraiment organisé du tout de la
même façon, on continue à s'entêter de traiter le
livre anglais de la même façon que le livre français. Ce
qui arrive, finalement, c'est qu'on favorise les distributeurs de livres
anglais et qu'on leur donne, d'après les tabelles qu'on applique,
vraiment beaucoup plus qu'ils obtiennent partout ailleurs au Canada, en
Amérique du Nord. Je ne vois pas pourquoi je mets de l'argent dans la
poche de ces gens tout simplement parce que leur marché est
organisé différemment. J'aimerais avoir des commentaires à
ce sujet.
M. Vaugeois: Je ne vous donnerai pas de réponse
satisfaisante ce soir, parce que vous posez le problème sous un angle
bien précis qui a son importance, mais vous comprendrez facilement que,
pour nous, il prend une autre dimension. Nos préoccupations vont
au-delà de ce que vous venez d'identifier comme problème. Vous me
permettrez, ce soir, de vous dire que je ne suis pas en mesure d'aller plus
loin. J'ai énoncé pas mal de choses sur lesquelles nous
travaillons, et la préoccupation que vous venez d'avancer déborde
largement ce que nous faisons à court terme. Cela nous préoccupe
beaucoup, dans l'ensemble.
Soit dit en passant, la semaine prochaine nous serons à Toronto,
avec cette commission parlementaire, et nous aurons des échanges
également à ce niveau. Les pratiques commerciales que nous sommes
en train d'essayer d'améliorer ici intéressent les Ontariens, de
la même façon que leur développement de
bibliothèques nous intéresse.
Je n'ai pas de réponse à cela. Il y a une situation qui
est délicate et, soit dit en passant, je vais répéter ce
que je dis souvent, et je vais vous le dire à vous, au Québec,
nos meilleures bibliothèques sont en milieux anglophones.
Le Président (M. Blank): Merci, mesdames et messieurs.
Maintenant, est-ce que c'est le désir de la commission de passer au
dernier mémoire, la maison Flammarion? M. Sivry.
Editions Flammarion Ltée
M. Sivry (Jean-Michel): Oui. M. le Président, mesdames et
messieurs membres de la commission, je vous remercie de prendre encore le temps
de m'écouter. J'essaierai d'être aussi bref que possible et
d'abréger vos souffrances, encore que je pense que je représente
un peu une entreprise qui a l'air de monter à l'échafaud. En
effet, je crois que c'est, devant cette commission, une des rares entreprises
qui aura l'occasion d'exprimer les vues des intérêts
étrangers qui oeuvrent actuellement dans le livre
québécois. (23 heures)
La forme de cette intervention sera aussi personnelle et j'espère
que l'intérêt particulier que je développe pourra
être pris en considération, encore que je comprends les remarques
de M. le ministre il y a un instant, que l'étendue de la loi est plus
importante que cela.
Je veux donc simplement amener un témoignage de ce qu'en tant
qu'investisseur français, la librairie Flammarion a pu faire ici dans le
domaine de la culture. Constituée en corporation en vertu de la loi
québécoise depuis 1950, Flammarion oeuvre depuis trente ans au
Québec et pendant cette période, elle a toujours
bénéficié de l'apport financier et technique du groupe
familial français du même nom qui a plus de cent ans
d'expérience dans le secteur de l'édition et de la librairie.
Au cours de ces années, Flammarion n'a cessé d'investir
argent et efforts afin de favoriser le développement du livre au
Québec. L'exposé qui suit nous permettra de souligner ce qu'il y
a dans la ligne de conduite de Flammarion en tant qu'investisseur privé,
pour tenter d'établir que cette attitude a été favorable
au développement culturel et au développement de la francophonie.
Nous indiquerons aussi les conséquences prévisibles de l'adoption
du projet de loi no 51 sur notre entreprise et nous soulignerons certaines
difficultés en allant peut-être assez rapidement, puisque ces
questions ont déjà été soulevées au cours de
la journée.
Les immobilisations de Flammarion ont décuplé entre 1973
et 1979, passant de $70 000 à $870 000 et pendant cette période,
le nombre d'emplois créés a été de 55, alors que
les effectifs se chiffraient à près de 4 millions en 1979,
comparativement à 330 000 six ans plus tôt. Pendant cette
période, aucun dividende n'a été distribué aux
actionnaires. Lors de sa création, cette entreprise était
propriété française, mais les Français étant
conscients de la nécessité de faire participer des
Québécois à l'industrie du livre, ont sollicité et
favorisé la participation administrative et financière de
Québécois. Ils ont même cherché à remettre
à des Québécois le contrôle de Flammarion en offrant
de leur vendre, à des conditions avantageuses, la majorité de son
capital.
Les bénéfices ont été faibles dans notre
entreprise au cours des trente dernières années et nous avons
souvent eu des pertes réalisées pendant cette période; les
investisseurs québécois se sont donc montrés peu
intéressés à y investir des fonds. Toutefois, après
plusieurs années et quelques transactions infructueuses, nous avons
réussi à obtenir la participation québécoise
recherchée, ce qui fait qu'actuellement, cette participation est de 51%
du capital social, tandis que la direction de Flammarion est entièrement
assurée par les Québécois. Comme les informations
financières que nous avons citées plus haut l'indiquent,
Flammarion a investi des sommes d'argent très importantes au
Québec afin d'y accroître ses inventaires et ses actifs, mais ses
fonds ont également permis d'améliorer la présentation et
la diffusion des livres et de développer le secteur de l'édition,
du moins nous le pensons.
Dans le domaine des ventes aux institutions subventionnées, qui
est le domaine principal que nous souhaitons toucher ici, Flammarion n'a pas
craint d'investir en personnel, en recherche et en équipement pour
atteindre un seuil de service acceptable. Les intervenants qui m'ont
précédé ont pu insister sans citer de nom, je ne
sais pas s'ils nous visaient, sur la nécessité technique
de s'équiper pour servir ces collectivités.
L'innovation et l'expérience que nous avons
développées sont des atouts précieux dans un domaine
très difficile à exploiter. Les libraires qui se sont
intéressés à ce secteur sont unanimes, les livres sont
fréquemment commandés à l'unité et souvent
très difficiles à trouver; les bibliothèques sont
pressées, cela paraît légitime; les enseignants du niveau
élémentaire exigent de voir et d'analyser les livres qu'ils font
commander, il faut donc les tenir à leur disposition; les marges
bénéficiaires sont faibles, cela a été
relevé par tout le monde et les barèmes de prix trop rigides,
surtout quand le dollar fluctue comme il l'a fait l'année
dernière.
Enfin, les institutions sont lentes à régler leurs
comptes. Là aussi, je pense que c'est l'unanimité des libraires.
Confrontées à ces difficultés, de nombreuses librairies
régionales qui auraient dû être favorisées par la
première loi de l'agrément n'ont pu faire face aux obligations de
service et ont été contraintes d'abandonner ce secteur.
Parallèlement, les collectivités qui voulurent respecter la
réglementation se tournèrent vers les grandes librairies, les
seules bien équipées en personnel qualifié et en
financement pouvant répondre à leurs demandes.
En regard de cette situation et pour répondre à Ces
impératifs, Flammarion a décidé d'ouvrir à Paris un
bureau de correspondance pour faciliter la liaison avec certains
éditeurs éloignés, puis nous nous sommes
équipés d'un télex pour rejoindre rapidement les
marchés extérieurs et nous avons acquis un ordinateur et fait
développer une programmation spécifique qui intègre les
procédures définies par la loi, notamment les règlements
assez compliqués auxquels nous devons nous soumettre.
Après avoir également mis sur pied un système de
livraison privé, Flammarion a ouvert il y a un an, la première
librairie québécoise spécialisée dans le livre pour
la jeunesse. Cette librairie propose aux éducateurs un outil de
référence unique, pensons-nous, puisque chacun des 20 000
ouvrages est présenté avec l'appréciation correspondante
de la Centrale des bibliothèques du Québec, quand celle-ci est
disponible, ainsi qu'avec les codes et fiches de classement nécessaires
au cataloguage.
Il a été remarqué par de nombreux professionnels
des bibliothèques que cette initiative remarquable permet d'avoir
accès à l'ensemble du fond québécois pour la
jeunesse disponible sur le marché.
Dans le domaine de la vente au détail, Flammarion s'est acquis,
au fil des années, une réputation de librairie de fond,
c'est-à-dire qu'elle a toujours offert un grand choix de livres en
sélec- tionnant des oeuvres importantes, sans hésiter à
maintenir un inventaire de livres difficiles à trouver, souvent à
faible rotation, et qui alourdit donc le risque financier de l'entreprise.
Ce choix d'une politique commerciale audacieuse a permis de mettre
à la disposition de la population québécoise un nombre
sans cesse croissant d'ouvrages littéraires de grande
qualité.
En 1977, Flammarion s'est portée acquéreur des librairies
du Scorpion, celles-ci connaissaient alors de sérieuses
difficultés financières ayant pour effet de les mener à la
faillite. A un moment où, ni le gouvernement du Québec,
approché par l'ancien propriétaire, qui avait à sa
disposition une loi qui lui permettait d'intervenir, celle des prêts
garantis, ni les actionnaires, ni les créanciers principaux de ces
librairies étaient prêts à investir les fonds
nécessaires à la remise sur pied de l'entreprise. Flammarion a
proposé de l'acquérir à un prix satisfaisant pour les
créanciers. Elle a évité ainsi la faillite d'une
entreprise québécoise importante et les conséquences que
celle-ci aurait entraîné sur le personnel, les créanciers
et, d'une manière générale, sur la diffusion des livres au
Québec. Seule cette intervention a permis d'assurer la survie de ces
librairies.
Je passe assez rapidement sur le domaine de l'édition, où
nous sommes intervenus également, mais où l'intervention a
été faite par la maison d'édition et non pas par la
librairie.
Depuis près de dix ans, Flammarion, tout en consolidant son
propre nom, a participé au développement de la lecture en
général, en consacrant des sommes importantes à des
campagnes publicitaires qui ont permis au grand public de se familiariser avec
le livre et d'accéder plus facilement aux librairies. Ainsi, pour la
première fois, un éditeur francophone faisait réaliser des
films publicitaires pour la télévision. De telles campagnes
étaient encouragées, l'an passé et encore il y a quelques
instants à cette table, par le ministre des Affaires culturelles, qui
souhaitait que chaque éditeur ou libraire du Québec participe
ainsi à l'effort collectif de développement de la lecture.
Ces quelques exemples de la participation d'étrangers à la
promotion et au développement du livre écrit en français
et à la création littéraire au Québec devraient
vous inciter à ne pas mettre une nouvelle fois en question leur
participation aux bénéfices. L'absence d'une telle participation
diminuerait de manière importante les ressources financières
appliquées au développement du livre, ceci ayant pour
conséquence une diminution de l'offre et la nécessité,
pour l'Etat québécois, d'assister monétairement les
éditeurs et les distributeurs.
Je veux insister rapidement aussi, outre le développement du
livre proprement dit, sur quelques actions de type culturel que nous avons eu
à coeur d'entreprendre. Pour faciliter cette intégration
culturelle, Flammarion a depuis quatre ans pris l'initiative d'organiser,
conjointement avec la Place des Arts de Montréal, et de financer
entièrement une suite annuelle d'expositions d'oeuvres
québécoises ouvertes au grand public. La somme
de $80 000 a déjà été versée au titre
de cette commandite.
Tout en favorisant la promotion de ces oeuvres et de leurs auteurs, ce
projet a permis à notre entreprise de rencontrer les artistes
québécois et de discuter avec eux la possibilité de mettre
de l'avant des projets communs. Cette année, la Place des Arts nous a
demandé une nouvelle fois notre participation et nous y avons
souscrit.
Enfin, c'est dans la poursuite de ce désir d'intégration
que Flammarion a installé récemment ses bureaux dans un immeuble
classé monument historique. Ainsi, notre entreprise répond donc
encore aux préoccupations exprimées par le ministre des Affaires
culturelles et participe directement à la protection et à la
conservation du patrimoine culturel québécois dans un
arrondissement historique que les autorités tentent de
réanimer.
Cette description de l'évolution et de l'attitude adoptée
par Flammarion n'a pas pour objet la promotion de cette entreprise. Nous visons
plutôt à démontrer que certains investisseurs
étrangers dans le domaine du livre ont contribué à
l'évolution qui est constatée dans ce secteur
d'activités.
L'image habituellement propagée par la presse et par certains
professionnels du livre n'a jamais rendu justice à cette attitude loyale
dont nous ne craignons pas de nous prévaloir aujourd'hui. Nous pensons
aussi que ces investisseurs ont le désir de faire participer la
population québécoise au développement et à la
progression de cette industrie.
Considérant cet état de fait, il est étonnant que
le législateur exprime l'intention de restreindre une partie importante
du marché à des libraires qui sont exclusivement
québécois. Faut-il en déduire que celui-ci
considère que cette coopération avec des professionnels du livre
ou des financiers étrangers et l'effort d'intégration dont ils
ont fait preuve sont préjudiciables à l'industrie du livre au
Québec? Est-il possible de relever les signes d'une quelconque
exploitation étrangère dans ces activités commerciales et
culturelles?
Le projet de loi 51 crée un système d'agrément. En
vertu de l'article 15 de ce projet, une personne morale est admissible à
l'agrément si toutes les actions de son capital sont la
propriété de citoyens canadiens, domiciliés au
Québec, et si tous ses administrateurs et dirigeants sont citoyens
canadiens, domiciliés au Québec. En outre, le ministre doit
être d'avis que cette corporation n'est pas l'objet d'un contrôle
direct ou indirect de la part de personnes non admissibles à
l'agrément.
En ce qui concerne notre entreprise, cette disposition
législative équivaut à une expropriation et lui cause des
dommages considérables. En effet, à moins que la
société française qui détient présentement
une partie importante du capital-actions de Flammarion ne réussisse
à aliéner les actions et ce, en faveur de citoyens canadiens
résidant au Québec, il sera impossible de qualifier l'une ou
l'autre de nos librairies comme librairie agréée.
D'une part, étant donné le faible taux de
rentabilité de notre entreprise depuis sa création, et en
particulier au cours des dernières années, il nous paraît
impossible que des actions détenues par une société
française puissent être vendues à un prix raisonnable. Dans
ce cas, une vente forcée, dans ces conditions, entraînerait une
perte importante pour les investisseurs français, mais aussi une
dépréciation substantielle de la valeur des actions qui sont
détenues par des Québécois.
D'autre part, notre entreprise a, comme nous l'avons indiqué
précédemment, engagé d'importantes dépenses pour
tenter de rentabiliser la vente de livres aux collectivités, dont, entre
autres, l'achat d'un équipement informatique. Priver nos librairies de
la possibilité de vendre aux institutions subventionnées nous
causerait par conséquent un tort financier majeur et injustifié,
mais doit aussi être perçu comme une incitation aux libraires du
Québec à ne pas tenter d'améliorer leur gestion. En effet,
tout effort d'amélioration paraît voué à
l'échec puisque les règles économiques qui nous
régissent sont sans cesse modifiées.
Que l'on considère qu'une participation québécoise
est essentielle au sain développement de l'industrie du livre au
Québec, Flammarion en est consciente et elle l'a démontré
à plusieurs reprises. En revanche, que l'on exige que cette
participation soit de 100%, cela nous paraît exagéré et
inexplicable. Nous ne croyons pas qu'il puisse y avoir un rapport direct entre
l'éviction des investisseurs étrangers du marché du livre
et la protection de la culture québécoise.
Si l'objet de cette loi vise la protection du livre
québécois, nous estimons que les moyens proposés pour
atteindre cette fin sont inadéquats et injustifiés. Il semblerait
plus efficace d'imposer seulement aux librairies d'offrir au public un minimum
de livres québécois ou de subventionner davantage le livre
québécois pour en faire diminuer le prix. Si, au contraire,
l'objet de cette loi est d'exproprier arbitrairement une entreprise qui a tant
contribué au développement de la lecture au Québec, nous
pensons que le gouvernement devrait prévoir des compensations, comme il
est normal de le faire face à une expropriation.
Je voudrais très rapidement pour conclure parler du moratoire. Le
ministère des Affaires culturelles rassurait les investisseurs
étrangers dans un communiqué de presse en précisant qu'un
moratoire de deux ans serait décrété quant à
l'application des dispositions législatives. Toutefois, ce moratoire
n'existe plus dans le projet de loi lui-même et nous avons
constaté aussi qu'un avant-projet de règlement, le numéro
3, je crois, concernant les librairies, reprenait cette intention, mais c'est
un avant-projet. Nous considérons que, dans le cas d'une entreprise
importante, un délai de deux ans n'est pas suffisant pour modifier
à la fois la structure de capital et l'administration de l'entreprise.
(23 h 15)
Dans ces circonstances, pour éviter une injustice grave, il
faudrait permettre à Flammarion
d'amortir le coût des équipements et des investissements
que nous venons de faire, de manière à en récupérer
au moins une partie. En conséquence, à défaut de retirer
ces dispositions complètement du projet de loi no 51, nous
suggérons que la durée du moratoire soit portée de deux
ans à cinq ans en ce qui concerne les dispositions qui exigent le
retrait complet des investisseurs étrangers.
Je vous remercie de votre attention, et j'espère que ces quelques
commentaires pourront être pris en considération.
Le Président (M. Blank): M. le ministre.
M. Vaugeois: M. le Président, je pense que personne ne
sera étonné si je souligne la qualité de ce
mémoire, le caractère pondéré avec lequel on pose
des problèmes très concrets pour une entreprise. Je pense que
fort habilement et fort justement, les auteurs de ce mémoire rappellent
le cheminement de Flammarion au Québec. Comme ministre des Affaires
culturelles, je ne veux pas passer sous silence la contribution de Flammarion
à des expositions d'oeuvres québécoises à la Place
des Arts, à cet effort d'animation auquel ils se sont inscrits,
également vous le soulignez fort à propos je n'avais pas
eu le temps de lire votre mémoire qui nous est arrivé cet
après-midi et au moment où vous parliez de vos expositions
à la Place des Arts, je commentais le cas de la Minerve à mes
collaborateurs. Donc, c'est un geste qui ne m'avait absolument pas
échappé. Je sais l'excellent travail de libraire que vous faites.
Je suis tout à fait à l'aise pour le dire publiquement ce soir et
le souligner.
Vous avez compris qu'il peut arriver que parfois, les enfants du voisin
se comportent mieux que nos propres enfants, sauf qu'on a une
responsabilité vis-à-vis de nos propres enfants. C'est
celle-là que nous espérons pouvoir assumer, nous espérons
pouvoir favoriser le développement d'entreprises d'ici, mais sans causer
de préjudice autant que possible à celles qui depuis des
années, comme la vôtre, ont rendu un rôle extrêmement
important au Québec, et qui peuvent continuer à jouer un
rôle majeur au Québec.
Nous avons d'ailleurs à l'esprit un certain nombre de projets
pour lesquels vous pourriez être nos alliés. Contrairement
à une impression qui s'est répandue à certains moments,
les mesures que nous proposons ne visent pas à éloigner les
entreprises étrangères et surtout pas les entreprises
françaises et les investisseurs français. Nous pensons qu'il y a
des marchés qui nous ont échappé le "nous" est
collectif pour des francophones et que nous devons reconquérir
ensemble. Il y a une dame tout à l'heure qui soulignait l'importance du
livre anglais au Québec et dans nos institutions d'enseignement. C'est
un problème pour nous. C'est un problème que nous pensons devoir
relever avec des partenaires de même culture, de même langue. Nous
avons à faire face, à cet égard, à des
problèmes qui sont communs. Il ne s'agit pas non plus d'exclure le livre
de langue anglaise ou de langue étrangère, mais nous devons nous
assurer que nos jeunes peuvent étudier d'abord dans leur langue. Ce sont
des considérations qui ont été souvent
répétées, et je n'insiste pas. Il y a donc des offensives
à mener ensemble, il y a des programmes gouvernementaux qui devraient
éventuellement il y aura des exceptions à cet égard
faire d'une maison comme la vôtre un partenaire pour certaines
opérations. Par exemple, la loi ne touche pas aux manuels scolaires.
Quand nous avons exclu le manuel scolaire de nos propositions, c'est en pensant
à des maisons comme la vôtre et en pensant, entre autres, à
des maisons comme Gallimard et particulièrement Hachette, que nous avons
jugé qu'un compromis était nécessaire. C'est de
façon très délibérée, très
calculée que nous avons détaché le manuel scolaire. C'est
pour que nos partenaires français puissent continuer à pouvoir
faire des affaires importantes, utiles et profitables aux
Québécois. Il s'agissait donc d'essayer d'équilibrer les
choses parce qu'il reste qu'à long terme, notre responsabilité
est de développer des entreprises à partir de nos investisseurs,
à partir de nos cadres, à partir de notre personnel, et en
complémentarité avec les autres. Nous avons donc
réfléchi sur un certain nombre de mesures, outre le moratoire,
qui devraient permettre des ajustements.
Si vous me permettez, M. Sivry, je vous inviterais ce soir à nous
rencontrer pour évaluer ces ajustements. Plusieurs s'offrent à
nous. Je peux ce soir vour assurer que le ton de votre mémoire appelle
chez nous beaucoup de respect. Le travail que vous avez fait au Québec
et que vous devez continuer à faire au Québec nous suggère
d'étudier avec vous un certain nombre de modalités.
Je vous dirai quand même qu'à certains moments, votre
mémoire, à mon avis, exagère peut-être un petit peu.
Je prendrai comme exemple la page 11 où vous dites: "Priver nos
librairies de la possibilité de vendre aux institutions
subventionnées nous causerait, par conséquent, un tort financier
majeur et injustifié, mais doit aussi être perçu comme une
incitation aux libraires du Québec à ne pas tenter
d'améliorer leur gestion".
J'espère que vous ne croyez pas que c'est, si vous voulez, ce
genre d'exemples que nous voulons donner, bien au contraire. En effet, tout
effort d'amélioration paraît voué à l'échec
puisque les règles économiques qui nous régissent sont
sans cesse modifiées.
Je ne pense pas qu'on puisse dire que nous avons abusé en ces
matières. On faisait allusion tout à l'heure aux mémoires
qui sont venus dans ce ministère, des mémoires à n'en plus
finir et, les uns après les autres, les gens qui sont passés
à ce ministère ont appelé de nouveaux mémoires. Je
ne sais pas, d'ailleurs, combien de pièces ça peut prendre, mais
je sais qu'il n'y a pas eu beaucoup de sujets, au Québec, qui ont
provoqué autant de mémoires, autant d'études, et.
finalement, c'est une façon de fuir le problème. En arrivant dans
ce ministère, on commandait une étude, on appelait
de nouveaux mémoires pour s'assurer de faire le tour... Je me
souviens d'un sous-ministre qui avait même inscrit... Il avait pris du
papier d'imprimerie sur un immense rouleau et il ajoutait les recommandations
les unes après les autres. Il n'avait pas encore fini de remplir son
rouleau qu'il n'était plus sous-ministre aux Affaires culturelles.
Ecoutez, à ce moment-ci, on est allé chercher ce qui nous
paraissait être un consensus. On a décidé de s'orienter
vers l'action. On a essayé de le faire en tenant compte de la
réalité. Des choses ont pu nous échapper. Des solutions
restent à trouver dans des cas concrets comme celui que vous nous
proposez. Je vous invite à rencontrer nos fonctionnaires. Je vous le
dis, à titre d'indication, parce que le problème se pose pour un
autre réseau de librairies et nous sommes également très
attentifs aux problèmes que ça pose, nous cherchons à
évaluer l'impact de ce marché institutionnel, parce qu'il faut
faire attention. On est quand même un peu au courant. Il ne suffit pas de
nous identifier un marché institutionnel pour qu'on pense que c'est tout
le marché qu'on vous enlève, parce que, pour certaines librairies
qui sont concernées, le marché institutionnel, c'est d'abord le
manuel scolaire. Dans d'autres cas, ce sera d'abord le livre de
bibliothèque.
Il y a aussi le fait que des gens, qui étaient déjà
là, ont accaparé ce marché et, finalement, ont
empêché les entreprises québécoises d'y avoir
accès et ont monopolisé le marché institutionnel. Ce sont
toutes des choses dont on veut faire l'ajustement.
Parmi les mesures qui sont possibles à nos yeux, il y a une
espèce de division qui pourrait être faite à
l'intérieur de certains réseaux à propriété
mixte. Je ne pense pas que l'existence de tout un réseau devrait
être mise en question, parce qu'il y a des économies
d'échelle à réaliser et on souhaiterait bien que ces
réseaux, comme le vôtre, puissent continuer d'être
extrêmement présents et agressifs dans la vente au détail,
à Montréal en particulier. Vous êtes nos alliés pour
contenir une certaine offensive qui est de bonne guerre jusqu'à un
certain point, mais il ne faut quand même pas que ça nous
déborde et faire en sorte que, dans certains centres commerciaux de
Montréal, par exemple, il n'y ait plus moyen d'acheter de livres
français, comme ça s'est produit à certains endroits de
très grande circulation. Les aéroports, par exemple, ne nous
gâtent pas de ce côté.
Vous êtes, à cet égard, des alliés, et nous
nous disons qu'un réseau, qui a un peu de force, est susceptible de nous
aider à maintenir le livre francophone présent dans ces lieux. Le
livre francophone étant, en ce qui nous concerne au Québec,
autant d'origine française, belge, suisse que québécoise.
On a dit aujourd'hui que le livre québécois avait peu de
succès en Europe, mais vos librairies vendent bien le livre
québécois au Québec. Cela, nous le savons.
Donc, nous pensons qu'une formule qui peut être
étudiée, c'est, dans le réseau, le détachement d'un
noyau possible ou d'une librairie possible. Puisque toutes vos librairies sont
concentrées dans Montréal, il pourrait arriver, en fait, qu'une
librairie de votre réseau se détache, devienne à
propriété québécoise et serve le marché des
bibliothèques, de façon excellente, et nous pensons que cette
librairie pourrait garder des liens d'affaires avec un Flammarion-France. C'est
d'ailleurs ce que je prévois pour des librairies
québécoises. Nous ne proposons pas aux libraires
québécois de s'isoler, de faire des affaires seules, de ne plus
traiter avec les autres. Nous pensons que nos libraires
québécois, comme nos distributeurs et nos éditeurs,
doivent chercher l'association. M. Tisseyre a donné des exemples
concrets où l'association, la coédition, donnent des
résultats préférables à une tentative de
pénétration de l'éditeur québécois en
France. On peut prévoir aussi des mécanismes d'association, ce
qui est bien différent de la copropriété.
Si vous me permettez, je termine là-dessus. Vous savez, le genre
de solution que nous vous invitons à étudier avec nos
fonctionnaires je suis, d'ailleurs, moi-même, à votre
disposition pour l'étudier il ne s'agit pas de jouer à
l'hypocrisie. Il ne s'agit pas d'avoir des façades
québécoises et de tricher par en arrière. Ce n'est pas ce
que vous nous proposez. Vous nous posez très franchement votre
problème.
Je pense que, engagé comme cela, un échange et des
discussions pourraient nous amener à des solutions qui satisferaient aux
exigences de notre projet de loi et qui vous permettraient de continuer un
développement intéressant.
M. Rivest: ... pour commenter les remarques du ministre. Dans la
dernière partie de son intervention, il invoque le fait qu'une librairie
particulière pourrait se détacher pour obtenir l'agrément
et entretenir des relations d'affaires avec Flammarion-France. Je pense que
c'est possible, bien sûr, et je suis content que le ministre ait
apporté cette précision, sauf que peut-être que des gens
ont le même problème que notre invité et craignent
l'interprétation qui sera donnée au paragraphe c) de l'article
15, lorsque, de l'avis du ministre, il n'est pas l'objet d'un contrôle.
Je comprends que ce n'est peut-être pas au niveau des termes, mais, pour
que cela puisse se faire, il faudrait que le ministre soit beaucoup plus
explicite sur ce qu'il entend exactement par le paragraphe 15c, parce
qu'à ce moment-là une librairie qui serait détachée
d'une maison comme Flammarion, avant d'entretenir des relations d'affaires
avec, admettons, la maison Flammarion-France, devra être très
prudente parce qu'elle va être assujettie à une espèce de
menace. Quelle est la nature des transactions qui seront permises et
jusqu'à quel point cela pourra-t-il être interprété,
de l'avis du ministre, comme étant un contrôle? Je pense que le
ministre comprend l'intervention.
Si monsieur veut commenter les remarques du ministre d'une façon
générale, j'aurai quelques remarques à faire, par la
suite, brièvement.
M. Sivry: Je tiens d'abord à remercier en même temps
M. le ministre et M. le député de Jean-Talon de se faire si bien
nos avocats. Je dis
cela sans aucune ironie. Je remercie M. le ministre de son invitation
qui me laisse quasiment sans voix et j'apprécie son jugement de notre
entreprise.
Vous avez dit que vous n'aviez nullement l'intention de nous
éloigner, je le conçois au travers de vos déclarations;
toutefois, vous avez l'intention de restreindre nos activités. Je ne
sais pas si vous vous rendez bien compte que l'économie d'une entreprise
est fondée sur un équilibre de ses activités et que la loi
précédente nous confortait, en somme, dans notre ambition de
développer certains domaines d'activités dans lesquels, comme je
l'ai dit, nous avons investi beaucoup. On pourra revenir sur la page 11, parce
que, pour moi, elle est relativement importante et la gestion est assez
importante, elle est même fondamentale quand on parle de ces services aux
collectivités.
Il est évident que nous avons engagé des investissements
importants au regard d'une première loi et un changement des
règles du jeu, en quelque sorte, quatre ans plus tard, peut troubler
considérablement, quelle que soit l'importance de Flammarion, nos
activités. Bien entendu, je prends acte de ces possibilités de
solutions. J'ai l'intention de suivre cela de très près, et je
vous remercie encore une fois.
En ce qui concerne la liberté sur le manuel scolaire, c'est
quelque chose qui ne nous a pas échappé, mais je pense que la loi
va probablement être interprétée par les
collectivités plutôt comme une liberté de s'approvisionner
chez l'éditeur. On a vu que ce sera certainement l'interprétation
qui sera donnée. Je ne vois pas trop quels seront nos atouts pour
maintenir un service acceptable à ce niveau, d'autant qu'on le sait, les
marges sont particulièrement faibles et particulièrement
limitées dans ce secteur.
Je pense que, pour l'instant, c'est à peu près tout.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, je veux simplement,
brièvement, prendre à mon compte les remarques du ministre sur la
tenue du mémoire et peut-être indiquer quelques points sur
lesquels j'aurais quelques petites questions, sans trop allonger les
débats. Bien sûr, en partie, sur le plan de la qualité des
services, les gens des bibliothèques publiques ont signalé
combien ça pouvait être important de maintenir des institutions
comme la vôtre, sans référer spécifiquement à
la vôtre, sur le plan de l'accessibilité à des services de
qualité. Cet aspect, je pense que vous l'avez très bien
indiqué. (23 h 30)
A la page 7, c'est une remarque qui me vient à l'esprit à
la suite un peu de la journée. Au bas de la page 7, "ces quelques
exemples de la participation d'étrangers à la promotion et au
développement du livre écrit en français et à la
création littéraire au Québec devraient vous inciter
à ne pas mettre une nouvelle fois en question leur participation aux
bénéfices". Ce qui est probablement légitime... "L'absence
d'une telle participation diminuerait de manière importante les
ressources financières appliquées au développement du
livre". Je pense que ça peut être un fait, au moins pour une
certaine période, mais, éventuellement, dans la progression
normale de nos travaux, j'aimerais bien que le ministre nous fournisse des
données quand même plus précises sur l'impact réel
de sa disposition du 100%. A ce moment-là, je parle de compensation pour
l'ensemble du milieu du livre québécois, mais compensation pour
la collectivité. Parce que si on diminue sans faire
disparaître d'une façon significative les activités
de certaines entreprises qui existent, elles rendent des services en ce moment
à la population et sur le plan de la collectivité, il faudra bien
s'assurer que par les mesures de soutien aux entreprises qui seraient
québécoises à 100%, qu'on puisse leur permettre de combler
le vide, si telle devait être la décision ultime que
l'Assemblée nationale prendrait et je voudrais avoir, à ce
titre-là, des données concrètes, parce qu'on parle de tout
ça.
Deuxièmement, je voudrais également et cela
s'adresse aussi au ministre qu'on ait des données
précises. Le ministre s'est référé tantôt,
dans ses propos, à des études de conditions réelles du
marché. Quelles sont les entreprises québécoises? Quel est
leur volume d'affaires par rapport à cette concurrence? On a beaucoup
parlé de ça aujourd'hui, mais autant je suis convaincu que des
éditeurs ou enfin des libraires québécois qui sont
favorables, a priori certainement, à ce que ce soit le 100%, vont
probablement venir nous dire ça demain, mais, je voudrais bien que nous,
parlementaires, puissions avoir des chiffres réels. Est-ce que la
concurrence des étrangers ou la présence des étrangers est
excessive en regard du développement des entreprises proprement
québécoises? Si oui, j'imagine que c'est difficile d'avoir des
chiffres, mais, au moins, qu'on ait une idée... Tout le monde va
affirmer, comme monsieur nous dit: Nous, on ne nuit pas trop, et probablement
que le libraire québécois va dire: Ah oui! ils nuisent beaucoup
à l'expression d'une présence québécoise. Il est
bien sûr que normalement, dans ce milieu du livre, les
Québécois doivent avoir la première place. Ce sont eux qui
sont d'ici et c'est une ambition légitime.
Tout ça finalement, pour porter un jugement. Je ne sais pas si au
ministère c'est à ce genre de données auxquelles se
référait le ministre dans ses commentaires, à la suite de
la présentation de votre mémoire, mais j'aimerais bien savoir, en
chiffres ou en termes d'ordre de grandeur, un peu de quoi on parle. Sans
ça, on va aller d'une opinion à l'autre, mais sans pouvoir la
vérifier et l'apprécier.
J'ai également quelques autre points. Un point technique
je ne suis pas spécialiste de l'administration, mais à la
page 11, au haut de la page, ... "dans ce cas une vente forcée dans ces
conditions entraînerait une perte importante pour les investisseurs
français, mais, aussi, une dépré-
ciation substantielle de la valeur des actions, qui, depuis cinq ans,
sont détenues par des Québécois".
Sur votre expression, cela équivaut à une expropriation.
Je ne le prends pas au sens strict ou même brutal, mais je
m'intéresse à cet aspect-là parce que je conçois
volontiers que vous puissiez subir une perte au cas de vente, compte tenu de la
situation précise que vous apportez de votre entreprise.
Là-dessus, sur le plan de l'équité, dans les
procédures voulant qu'on doive finalement adopter les dispositions du
projet de loi, je pense que cette affirmation est vraie. Enfin, je ne suis pas
un spécialiste en finance ou en administration corporative, mais, tout
de même, ça me semble...
Est-ce que vous avez une idée ou est-ce que vous pourriez
expliciter cet élément-là?
M. Sivry: Certainement. La clientèle acquise par notre
entreprise, par son nom et son expérience, encore une fois, est
importante et a une valeur en tant qu'achalandage en quelque sorte. Et si cet
achalandage disparaît des possibilités ultérieures de
développement, ça affecte la valeur de l'entreprise.
M. le ministre a souri au terme d'expropriation, je comprends un peu son
intention. Nos activités dépassent largement le cadre des simples
collectivités, donc, cette expropriation sera évidemment
limitée à cette activité-là et donc, pourrait
être considérée comme mineure. Elle ne l'est pas pour
nous.
Cette expropriation serait réelle, elle affecterait une partie de
notre entreprise, à moins que nous puissions avoir la
possibilité, comme il semble que cela soit éventuellement
possible, de négocier cet achalandage, c'est-à-dire tout
simplement peut-être d'en faire profiter.
M. Rivest: Ce que je veux souligner par cela, ce que le projet de
loi et la réglementation viennent faire, c'est que ce n'est pas
nécessairement juste et je pense que ça pourrait constituer une
injustice pour un groupe comme le vôtre de dire: c'est facile, vous
n'avez qu'à vendre à des intérêts
québécois. Je pense qu'il pourrait y avoir une perte et dans le
processus, si on arrive à ça, le gouvernement doit tenir compte
de cette dimension. Encore là, je ne dis pas que c'est un
procédé odieux, mais tout de même, il peut y avoir des
pertes financières qui risquent d'être occasionnées dans le
processus par des gens qui étaient de bonne foi et qui ont
opéré simplement sur la mécanique.
Le ministre a parlé, j'avais aussi pris une note sur le
deuxième paragraphe de l'article 11, vous l'avez vous-même
souligné, à moins que vous ayez des commentaires additionnels
à ajouter...
M. Sivry: Pas vraiment.
M. Rivest: Vous avez raison de souligner... on va le demander au
ministre, parce qu'on veut que la preuve soit faite, il y a déjà
des commentaires qui nous sont parvenus, qui ne sont pas aussi directs, c'est
que la culture québécoise est favorisée beaucoup par la
qualité des services dans le do-maine du livre, l'accessibilité,
tout ça, et que, une dis-parition dans des secteurs importants, par le
biais de l'agrément, mais pas nécessairement, quand vous dites:
"L'éviction des investisseurs étrangers du marché du livre
n'a pas de rapport direct avec l'amélioration de la culture
québécoise"... On doit demander, c'est un peu notre rôle
je m'excuse de terminer là-dessus à la
lumière de votre mémoire, c'est le genre de questions qu'on va
essayer de poser au ministre et peut-être que d'autres interlocuteurs
demain viendront nous établir ça, parlant d'autres points de vue
que le vôtre, mais c'est le type de préoccupation qu'on voudrait
avoir.
A la page 12, vous donnez d'autres moyens qui pourraient permettre au
ministre d'aider les libraires, les gens qui sont dans le secteur du
livre...
M. Sivry: Certains ont d'ailleurs...
M. Rivest: Oui, ce serait dans la politique...
M. Sivry: Certains ont d'ailleurs déjà
été suggérés par M. Tisseyre avant moi cet
après-midi. Nous les reprenons à notre compte et,
agréés ou pas, bien entendu, ces critères minimaux seront
appliqués dans nos propres librairies.
M. Rivest: Je termine là-dessus, je fais simplement une
réflexion pour le ministre, évidemment, il s'agit de culture
québécoise de livres. Mais il y a d'autres domaines culturels que
le livre.
Le gouvernement a déjà des pratiques au niveau d'une
politique d'achats pour favoriser les entreprises québécoises.
J'ai ici une citation que je livre au ministre pour sa nuit. Je ne veux pas
dire que c'est la même chose, parce qu'il y a une différence de
nature entre le problème dont on traite... C'est quand même que le
gouvernement du Québec s'est doté d'une politique d'achats pour
favoriser les entreprises québécoises, ce n'est pas relié
à la culture. Je ne sais pas si c'est exact, je le donne sous
réserve. M. Gilles Lesage, journaliste au Soleil qui est assez
rigoureux, cite le ministre d'Etat au développement économique:
"ce qui est fabriqué ici nous intéresse, dit M. Landry, et non
pas le nom de celui qui le fabrique ou sa nationalité, ou son origine
ethnique. Tous les citoyens économiques québécois sont au
même niveau, sans égard à la propriété."
Je ne veux pas tirer d'argument, j'ai pris toutes les précautions
de style qui, dans mon esprit, n'étaient pas des précautions de
style, mais je voudrais bien que le ministre s'assure de la cohérence.
Je termine là-dessus. On l'a souligné, je pense que le ministre
est ouvert à ça, parce qu'il me semble pour l'instant, quitte
à ce qu'on réserve, après avoir entendu d'autres
interlocuteurs, que ce problème, dans le projet de loi du ministre et
dans les règlements, est peut-être trop lié aux
critères de propriété. Il y aura peut-être
d'autres critères à développer pour atteindre les
mêmes objectifs d'aide.
Je ne veux pas tirer un argument absolument décisif des
commentaires de son collègue, le ministre d'Etat aux affaires
économiques, qui traitait d'ailleurs d'autre chose que la culture. Je ne
suis pas en mesure de l'établir, parce qu'il est question du livre, mais
après ça, si on appliquait la même philosophie dans
d'autres secteurs culturels, je ne sais pas dans quelle mesure le ministre
serait prêt à se lancer dans une approche comme celle que propose
le projet de loi no 51.
Ce sont les réflexions que m'a inspirées votre
mémoire et encore une fois j'ai bien apprécié la
façon dont votre mémoire a été
présenté. Vous n'avez pas parlé des autres
éléments, la discrétion ministérielle, etc., parce
que d'autres intervenants en ont parlé, mais c'est au même
effet.
M. Sivry: Oui, absolument, toutefois, si M. le Président
l'autorisait, je souhaiterais que le mémoire soit, dans son entier,
versé au journal des Débats.
Le Président (M. Blank): Oui, ce sera fait.
M. Vaugeois: M. le Président, je pourrais toujours relever
la dernière réflexion de M. le député de
Jean-Talon, mais je suis assez d'accord avec ça, évidemment. Je
pense que nous pourrions souhaiter d'ailleurs, on aurait pu le souhaiter, mais
là on déplacerait un peu la discussion, on a raté
plusieurs occasions, dans le domaine du livre, de faire travailler des
Québécois.
A ce moment-ci, il y a des opérations à faire. Etant
donné le niveau des taux de change, il y a des opérations
auxquelles on songe, mais qu'on ne réalise pas. Il y a certainement des
opérations de réédition qui pourraient devenir lucratives
et, si ces livres réédités au Québec pouvaient
être imprimés dans des imprimeries, au Québec,
propriétés étrangères mais faisant travailler des
Québécois, je ne verrais pas de problème non plus.
Le Président (M. Blank): Merci. La commission permanente
des affaires culturelles ajourne ses travaux à demain matin, dix
heures.
Fin de la séance à 23 h 42
ANNEXE I
Mémoire sur le projet de loi no 51
Loi sur le développement des entreprises
québécoises dans le domaine du livre
Présenté par le Conseil supérieur
du livre à la Commission parlementaire
Août 1979
I Mandat du Conseil supérieur du livre
Chacun des membres actifs du CSL présentant son point de vue dans
un mémoire séparé, le CSL ne fera des remarques et des
suggestions que sur les parties du projet de loi qui ne concernent pas les
éditeurs, les libraires ou les distributeurs en particulier. C'est
pourquoi le CSL fera surtout des commentaires sur les notes explicatives, les
dispositions générales et le Conseil consultatif de la lecture et
du livre.
Il Innovations introduites par le projet de loi no
51
Enumérons les principales innovations introduites par ce projet
de loi: Nouvelles normes d'agrément pour les librairies;
Création d'une catégorie de maisons d'édition
agréées; Création d'une catégorie
d'entreprises de distribution agréées; Obligation faite au
gouvernement de respecter lui aussi les règles qu'il impose aux
organismes publics; Obligation faite à tous les distributeurs de
livres au Québec de se conformer au mode de calcul du prix de vente
réglementaire; Création d'un Conseil consultatif de la
lecture et du livre; Droit de visite et accès aux registres et
pièces comptables dans tout établissement et lieu d'affaires
soumis à la loi; Imposition d'amendes aux contrevenants;
Les institutions universitaires échappent à la loi; La
vente du manuel scolaire n'est plus exclusivement réservée aux
librairies agréées.
III Le Conseil supérieur du livre
Depuis sa fondation en 1961, le CSL qui regroupe l'ALQ, l'AEC.l'AQPU et
la SEMSQ a réclamé, auprès des pouvoirs publics, des
mesures visant à protéger et aider les artisans du livre
québécois et à favoriser la diffusion du livre en langue
française au Québec.
Rappelons brièvement les étapes importantes dans le
domaine du livre au Québec depuis la création du MAC. 1960:
Création du ministère des Affaires culturelles 1963: Commission
d'enquête sur le commerce du livre (Bouchard) 1964: Loi de
l'assurance-édition 1965: Loi de l'accréditation des
libraires
Création du Comité consultatif du livre 1969: Début
de l'Affaire Hachette et livre blanc du CSL 1971: Annonce d'une nouvelle
politique du livre 1972: Arrêté en Conseil concernant l'aide
à l'édition et à la diffusion du livre 1973: Loi de
l'agrément des libraires 1975: Loi et règlement concernant la
garantie de certains prêts aux éditeurs et libraires 1976: Livre
vert: "Pour l'évolution de la politique culturelle"
Etude sur le commerce du livre au Québec 1977: Mémoire du
Comité consultatif du livre sur une politique du livre et de la lecture
au Québec 1978: Livre blanc: "La politique québécoise du
développement culturel" et Conférence sur les industries
culturelles 1979: Création de la Société
québécoise de développement des industries culturelles et
Projet de
Loi sur le développement des entreprises
québécoises dans le domaine du livre
Au cours de ces années le CSL par ses représentations
auprès des pouvoirs publics (9 Ministres des Affaires culturelles en 17
ans, MEQ, MIC, Affaires intergouvernementales, ministère des
Communications), par ses mémoires en réponse aux
différents livres blancs ou verts (dont la verdeur changeait selon les
auteurs) n'a jamais cessé de réclamer des mesures visant à
protéger et aider les artisans du livre québécois et a
poursuivi avec acharnement sa campagne en faveur de la propriété
québécoise des entreprises d'édition et de librairie et
contre l'invasion étrangère dans le secteur du livre au
Québec.
On pourrait d'ailleurs reprendre point par point le "Mémoire sur
la protection de la librairie et de l'édition québécoise"
présenté au MAC il y a dix ans et constater que la plupart des
problèmes se posent encore de nos jours avec la même
acuité.
Le CSL tient donc à déplorer, une fois de plus, que le
Gouvernement du Québec ne soit pas intervenu au moment opportun pour que
des maisons d'édition et des librairies québécoises ne
fassent appel à des intérêts étrangers, ni que les
principaux réseaux de distribution ne soient des filiales de maisons
étrangères. En faisant preuve de laxisme les gouvernements
successifs ont permis aux maisons américaines et françaises de
s'implanter et de s'approprier une part importante de l'édition, de la
librairie et de la distribution au Québec. Et d'ailleurs, le projet de
loi no 51 n'apporte aucun correctif à cette situation.
IV Les dispositions générales
Ceci étant dit, il est donc évident que le CSL ne peut
qu'accueillir favorablement l'idée d'une "loi sur le
développement des entreprises québécoises dans le domaine
du livre" dans la mesure où cette loi entérinera certaines des
idées émises par le CSL et où elle aura pour effet d'aider
et de soutenir les artisans du livre québécois et de mettre le
livre québécois et le livre en langue française à
la portée de tous les Québécois tout en développant
l'industrie du livre québécois.
Le CSL tient donc à reconnaître le bien fondé du
premier article qui spécifie que le Gouvernement n'apportera son aide
qu'à des entreprises qui sont entièrement
québécoises alors qu'auparavant il suffisait qu'une maison soit
à majorité québécoise pour pouvoir
bénéficier d'une telle aide.
Le CSL est heureux de constater, à l'article 2, que le
Gouvernement prend enfin les dispositions nécessaires pour s'obliger
à respecter lui-même les mesures qu'il impose aux organismes
publics.
Si le CSL est également favorable à l'idée de cette
loi, c'est parce qu'il s'agit de la première tentative visant à
couvrir les trois types de commerce dans le domaine du livre (édition,
distribution, librairie), alors que les libraires étaient pratiquement
les seuls à devoir se conformer à une réglementation
jusqu'à présent.
Le CSL cependant s'interroge sur l'article 4 qui serait mis en vigueur
à un moment où les habitudes de facturation changent en France et
il se demande surtout s'il n'est pas totalement utopique d'essayer de trouver
dans la pratique un système de tabelles suffisamment souple et ayant les
effets voulus.
De plus, le CSL demande au Gouvernement de clarifier l'article 4, dans
la mesure où II est adopté, afin de préciser qu'il ne
s'applique pas aux livres publiés au Québec et concerne
uniquement les livres importés.
Enfin, le CSL tient à faire remarquer que le Gouvernement ne
possédant pas des données précises et à jour sur
l'industrie et le commerce du livre ni sur les habitudes culturelles des
Québécois (habitudes de lecture en particulier), il sera
pratiquement impossible de déterminer les retombées de cette loi
au cours des années à venir. Il est donc extrêmement urgent
que le MAC, le MEQ, le MIC et le ministère des Communications se dotent
des outils statistiques appropriés et fassent les études
nécessaires pour être en mesure d'évaluer les effets de
cette loi tous les deux ans.
V Le Conseil consultatif de la lecture et du
livre
Dans une étude récente commandée par le CSL,
reçue favorablement par le bureau et qui sera soumise à
l'assemblée générale en septembre, on préconisait
une plus grande autonomie des associations professionnelles de libraires et
d'éditeurs, la mise sur pied d'une Société de
défense et de développement du livre et du périodique
québécois qui assurerait les relations interprofessionnelles et
étudierait et défendrait les intérêts
généraux des artisans du livre et du périodique
québécois et en langue française et enfin la
création d'un Conseil Supérieur du livre et de la lecture
à l'image du Conseil Supérieur de l'éducation.
Si l'on examine le mandat, la composition, la structure, les moyens et
les réalisations du Comité consultatif du livre on
découvre facilement qu'il y a plusieurs vices de forme dont certains
sont encore amplifiés dans le futur Conseil consultatif de la lecture et
du livre.
Le CCL, formé de membres qui n'étaient pas les
porte-parole officiels des associations ou des secteurs qu'ils
représentaient, devait se limiter à donner son avis sur les
questions que le Ministre voulait bien lui soumettre et sur l'agrément
des librairies. Il ne disposait pas d'un secrétariat permanent ni
d'aucun soutien matériel pour faire des études et des recherches
et lorsque le Ministre ne lui demandait rien son rôle était
purement d'ordre administratif puisqu'il se limitait à donner son avis
sur l'agrément des librairies.
Si l'on applique à la lettre le mandat du nouveau CCLL
défini à l'article 7, le Conseil peut cette fois-ci donner son
avis et faire des suggestions de sa propre initiative mais son champ
d'étude est limité à toute question relative à
l'application de la loi et des règlements et ne recouvre plus tout
problème relatif à la diffusion du livre dans la province. De
plus, à l'article 17, il est déclaré que "Le Ministre
doit, avant de décider d'une demande d'agrément, prendre l'avis
du conseil".
Un bon point cependant en faveur du futur conseil c'est qu'il semble,
d'après l'article 8, qu'on veuille enfin le doter d'un
secrétariat permanent avec le personnel adéquat.
Le nombre de membres passe de 12 à 15 et les 4 observateurs qui
existaient, réduits à 3, semblent devenir, d'après
l'article 5, des membres de plein droit sauf le représentant du MIC qui
disparait complètement à un moment donné où on
insiste tant sur les industries culturelles!
On demande donc à 12 personnes qui sont en général
choisies parmi les membres les plus actifs de leur profession d'accomplir une
tâche qui est normalement dévolue à des fonctionnaires.
Cette façon de procéder est proprement inadmissible d'autant plus
que ces personnes pour pouvoir valablement remplir leur rôle auront
accès à des renseignements confidentiels provenant parfois de
leurs concurrents immédiats, ce qui entraîne des conflits
d'intérêt. Notons aussi que l'agrément s'étendant
aux éditeurs et aux distributeurs en plus des librairies, la tâche
sera encore plus fastidieuse.
Le CSL rejette donc le mandat énoncé pour le CCLL et
propose que l'application de la loi et des règlements soit régie
par les fonctionnaires du MAC appartenant au Service du livre.
VI Le Conseil supérieur du livre et de la
lecture
Dans l'étude commandée par le CSL, par contre, on demande
la création d'un Conseil supérieur du livre et de la lecture
à l'image du Conseil supérieur de l'éducation et qui
défendrait les intérêts du livre et de la lecture en
général.
C'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui devrait nommer les membres
acceptables aux yeux des associations ou des organisations les plus
représentatives, après consultation avec celles-ci. Le
sous-ministre des Affaires culturelles serait d'office membre adjoint du CSLL
mais n'aurait pas droit de vote. Il transmet au Conseil, à des
Comités et Commissions les renseignements disponibles que ceux-ci
requièrent pour exécuter leur mandat.
Le CSLL doit donner son avis au ministre des Affaires culturelles sur
les règlements que celui-ci entend faire adopter, et qu'il est tenu de
soumettre auparavant au Conseil. Ces règlements concernant le livre, le
périodique, la documentation et la lecture. Le CSLL doit donner son avis
au Ministre sur toute question que celui-ci juge à propos de lui
soumettre. Le CSLL doit transmettre au Ministre, qui le communique à
l'Assemblée nationale, un rapport annuel sur les activités du
Conseil ainsi que sur l'état et les besoins du livre, du
périodique, de la documentation et de la lecture au Québec.
D'autre part, le CSLL peut solliciter des opinions, recevoir et entendre
les requêtes et suggestions du public, il peut soumettre au Ministre des
recommandations sur toute question à l'intérieur de son mandat et
il peut effectuer les études et recherches nécessaires.
Il s'agirait donc d'un véritable Conseil supérieur capable
de conseiller le gouvernement en matière de politiques du livre et de la
lecture.
VII Remarques et paradoxes
Au cours d'une allocution prononcée en 1974, le ministre des
Affaires culturelles de l'époque rappelait les grandes lignes de la
politique du livre du gouvernement: 1) Développer la librairie locale et
promouvoir la vente du livre québécois par sa présence
obligatoire dans nos librairies. 2) Mettre un frein à l'intrusion des
étrangers dans la vente du livre au Québec. 3) Ramener le prix du
livre à un niveau juste et raisonnable.
Il nous semble, même s'il y a eu peu de réalisations
concrètes, que la politique du gouvernement n'a pas variée depuis
lors mais nous nous demandons si les mesures préconisées dans le
projet de loi sont des outils efficaces pour atteindre les objectifs
précités.
Le projet de loi repose sur plusieurs postulats dont la validité
ne pourra peut-être jamais être vérifiée.
Faisons donc, avant de conclure sur le projet de loi sur le
développement des entreprises québécoises dans le domaine
du livre, quelques remarques supplémentaires et soulignons quelques
paradoxes. L'aide gouvernementale ne sera fournie qu'aux entreprises
entièrement québécoises mais on ne sait pas de quelle aide
il s'agit; Obligation est faite au gouvernement et aux organismes
publics de s'approvisionner chez les libraires agréés mais cette
obligation ne s'applique plus aux institutions universitaires; Le
marché du manuel scolaire est libéré en prenant pour
acquis que les librairies agréées n'en souffriront pas; En
rendant libre le marché du manuel scolaire on espère faire faire
des économies aux commissions scolaires; En imposant des tabelles
à ne pas dépasser on espère stabiliser le prix du livre
importé; Par le biais de l'agrément on devrait obtenir
plus de données sur le marché du livre au Québec;
On espère que le nombre de librairies augmente, surtout dans les
régions éloignées de Montréal; La vente du
livre québécois au détail devrait augmenter; En
rendant le livre plus accessible et moins cher on encourage la lecture;
Le libraire qui ne vend qu'au détail au public n'a pas besoin
d'être agréé; Tous les distributeurs,
agréés ou pas, devront se conformer aux directives.
Nous voyons donc que l'agrément est facultatif et volontaire mais
que certaines dispositions de la loi rejoignent tous les
intéressés qu'ils le veuillent ou pas!
De plus, si les règlements sont trop stricts et
sévères, beaucoup de libraires, d'éditeurs ou de
distributeurs ne verront pas la nécessité d'être
agréés si les inconvénients dépassent à
leurs yeux les avantages qu'ils peuvent en retirer.
VIII L'administration et la réglementation de
la loi
L'administration et la réglementation de la loi, prévues
aux sections VI et VII du projet de loi, permettent au ministre et au
gouvernement, si ces articles sont appliqués à la lettre, de
faire pratiquement ce qu'ils veulent.
L'article 31, en particulier, est une forme d'incitation à la
lecture qui n'était pas prévue puisqu'elle autorise des personnes
désignées par le ministre à pénétrer, sans
préavis, dans tout établissement soumis à la loi ou aux
règlements et à examiner les livres... de comptes, les rapports
et les registres. C'est une façon de procéder qui nous
paraît assez cavalière.
Nous voulons croire que les personnes soumises à la loi voudront
répondre aux demandes de renseignements formulées de la
façon normale et habituelle dans ce cas sans qu'il soit
nécessaire d'en arriver là.
L'article 37 est encore plus inquiétant à nos yeux car il
constitue un chèque en blanc. Le gouvernement et le ministre (qui prend
l'avis du conseil... mais sans obligation de sa part) s'autorisent à
édicter tous les règlements voulus, à déterminer
les exceptions et même à changer le sens habituellement
donné aux mots.
Cette attitude nous paraît très aléatoire car porter
un jugement de valeur sur le projet de loi en question sans connaître la
totalité des règlements qui l'accompagneront est pratiquement
impossible car ce sont eux en définitive qui permettront de juger de la
valeur de la loi.
IX Conclusion
Reprenons donc en guise de conclusion une Lapalissade du dernier livre
blanc: "On aurait tort de se cacher les énormes difficultés que
comporte la mise en application de politiques culturelles ancrées dans
la réalité".
Lorsqu'on examine l'esprit et la lettre du projet de loi no 51 on ne
peut s'empêcher de penser à un essai de replâtrage d'une
situation qu'on a laissé dégénérer depuis trop
longtemps. Rien, malheureusement, dans ce projet de loi ne prouve à
l'évidence que les mesures envisagées développeront les
entreprises québécoises dans le domaine du livre, que le livre
québécois sera mieux distribué, se vendra plus et que les
Québécois liront plus.
C'est pourquoi le CSL, pour conclure, demande instamment que les
règlements qui accompagnent la loi ne soient pas trop tatillons et
n'outrepassent pas la loi. Il serait déplorable que le temps
passé par le libraire, l'éditeur ou le distributeur
agréés ou pas à remplir des formulaires et à
répondre à des enquêteurs lui coûte plus cher que
l'aide qu'il peut recevoir. Ce serait sûrement fausser l'esprit de la
loi.