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Projet de loi no 51 Présentation de
mémoires
(Dix heures vingt minutes)
Le Président (M. Blank): A l'ordre, messieurs!
La commission des affaires culturelles commence ses travaux et recevra
les mémoires sur le projet de loi no 51, Loi sur le développement
des entreprises québécoises dans le domaine du livre.
Les membres de la commission pour aujourd'hui sont: M. Alfred
(Papineau), M. Brassard (Saint-Jean); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes),
remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M. Godin (Mercier), M. Goldbloom
(D'Arcy McGee), M. Guay (Taschereau); Mme Lavoie-Roux (L'Acadie),
remplacée par M. Rivest (Jean-Talon); M. Le Moignan (Gaspé),
remplacé par M. Cordeau (Saint-Hyacinthe); M. Vaugeois
(Trois-Rivières).
Les intervenants sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Bertrand
(Vanier); M. Brochu (Richmond), remplacé par M. Le Moignan
(Gaspé), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laplante (Bourassa), M.
Laurin (Bourget); M. Morin (Sauvé), remplacé par M. Ouellette
(Beauce-Nord); M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Saint-Germain
(Jacques-Cartier).
On me dit que nous avons fait une petite erreur, hier, en nommant un
rapporteur qui est déjà rapporteur d'une autre commission. Avec
le consentement de cette commission, nous pouvons nommer le
député de Terrebonne, M. Fallu, comme rapporteur de cette
commission.
M. Rivest: M. le Président, je crois que le
député de Papineau a déjà été
désigné comme rapporteur.
Le Président (M. Blank): Oui, mais il semble qu'il ait
été rapporteur aussi de la commission de la justice qui
siégeait en même temps.
M. Rivest: Mais maintenant qu'elle ne siège plus, ne
pourrait-on pas le renommer? Je trouve qu'il a très bien fait cela
hier.
M. Fallu: Surtout en son absence.
Le Président (M. Blank): On ne peut pas revenir sur une
décision de la commission. La commission a déjà
décidé, c'est le député de Terrebonne. A l'ordre,
messieurs!
M. Rivest: Je voulais simplement soulever une question de
règlement.
Le Président (M. Blank): Ce matin et cet
après-midi, nous avons neuf mémoires qui seront
présentés dans l'ordre suivant: celui de la Librairie Dussault
Ltée, présenté par M. André Dussault; celui du
Conseil de la culture de la région de Québec,
présenté par M. Philippe Sauvageau; ceux de Sélection du
Reader's Digest "Canada"
Limitée et Périodiques Reader's Digest, par M. Roland
Malo; de la Librairie Laliberté Inc., par M. Lucius Laliberté; de
l'Association des éditeurs canadiens, par M. Yves Dubé; de
l'Association canadienne de diffusion du livre Inc., par M. Claude Choquette;
de l'Association des libraires du Québec, par Mme Louise R. Fortier. Le
mémoire sur les activités au Québec de McGraw-Hill,
Editeurs, son apport à la culture québécoise et à
son économie, sera pour dépôt seulement. Cela veut dire que
ce sera inscrit au journal des Débats, mais que nous n'aurons pas de
présentation; la même chose pour le Syndicat national de
l'édition, pour dépôt seulement, et transcription au
journal des Débats, (voir annexe) Maintenant, M. Dussault.
M. Vaugeois: Est-ce que je pourrais, M. le Président,
déposer deux documents ce matin?
Le Président (M. Blank): Oui.
M. Vaugeois: M. Dussault peut s'approcher. Le premier document
que j'aimerais déposer est une lettre en date du 26 juin, signée
du directeur du service de la commercialisation, M. Sasseville, et qui est
adressée au président de l'ADELF.
M. Rivest: M. le Président, je n'ai pas d'objection de
principe, mais je pense que le règlement ne permet pas de
dépôt de document en commission parlementaire.
Le Président (M. Blank): Oui, c'est vrai, il n'y a pas de
dépôt de document, mais on peut le distribuer pour l'information
des membres.
M. Rivest: Je n'insiste pas, parce que je sais que le ministre
est un très grand spécialiste de la procédure
parlementaire.
M. Vaugeois: Mais je vous ai demandé la permission, M. le
Président.
Le Président (M. Blank): Oui, mais pas pour
déposer. On n'a pas le droit de donner la permission de déposer,
mais on peut le faire imprimer et le passer aux membres.
M. Rivest: Mais étant donné l'intérêt
des documents du ministre, je pense que nous allons le lui permettre.
M. Vaugeois: Je pense qu'effectivement les gens de l'Opposition
sont mieux d'en connaître la teneur maintenant.
M. Rivest: Comment les gens? Les gens de l'Opposition! Vous dites
cela sur un ton péjoratif!
M. Vaugeois: Puis-je en faire la lecture, M. le
Président?
Le Président (M. Blank): Oui, M. le ministre.
M. Rivest: Est-ce la lettre de M. Bisaillon?
Le Président (M. Blank): A l'ordre, messieurs!
Une Voix: C'est intéressant!
M. Rivest: Vous devriez éditer le document de M. Bisaillon
avec votre nouveau règlement.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon, s'il vous plaît! Le ministre des Affaires culturelles.
M. Rivest: Ce sera un best-seller.
Le Président (M. Blank): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Guay: Très bien, M. le Président, je vous
invite, effectivement, à réclamer plus de discipline de la part
du député de Jean-Talon.
Lecture de deux lettres
M. Vaugeois: M. Sasseville écrivait donc à M.
Rhyman, président de l'ADELF, en date du 26 juin 1979: "Tel qu'il a
été convenu lors de notre dernière conversation
téléphonique, et en réponse à votre lettre à
M. Denis Vaugeois, ministre des Affaires culturelles, je vous confirme que,
suite à votre assemblée générale du 4 juillet, nous
serons à votre entière disposition pour entamer une série
de séances de consultation avec votre association pour discuter des
tabelles qui seront pratiquées dans le cadre de la nouvelle
législation sur le livre, ainsi que de tout autre sujet en
découlant". "Veuillez accepter, M. le Président..."
Je me devais, je pense, de donner lecture tout au moins de cette lettre,
puisque mes fonctionnaires, hier, ont été un peu pris à
partie indirectement. C'est leur rendre justice que de faire état de
cette correspondance.
La deuxième lettre est d'une autre nature. Je pense qu'elle
intéressera tout le monde. Il s'agit d'une lettre du président de
l'Union des écrivains québécois.
M. Rivest: M. le Président, à propos de la
première lettre, je comprends que le ministre, à la suite de
l'échange qu'il y avait... Mais tout de même, à la fin de
l'échange, je pense que M. Rhyman avait convenu de l'existence de cette
lettre et que l'imbroglio qui s'était produit au début de
l'échange avec le ministre a été dissipé.
M. Vaugeois: En bonne partie. M. Rivest: Oui.
M. Vaugeois: Donc, c'est une lettre de Louis Caron,
président de l'Union des écrivains. L'Union des écrivains
on l'aura sans doute remarqué n'est pas inscrite parmi les
groupes qui ont présenté des mémoires. La raison en est
toute simple, et nous la comprenons mieux en lisant sa lettre du 24 août.
"M. le ministre, nous n'avons pas donné suite à votre
télégramme du 16 août 1979 nous invitant à
déposer un mémoire à la commission parlementaire relative
au projet de loi no 51 parce que nous sommes essentiellement d'accord avec les
grandes lignes du projet de loi et les règlements s'y rapportant. Nous
n'avons pas jugé opportun d'accaparer le temps des membres de la
commission à ce sujet, mais nous avons tenu, malgré tout,
à vous assurer notre appui. Nous avons été
particulièrement sensibles aux articles 4, paragraphe f), et 13,
paragraphe j), des règlements concernant l'agrément des maisons
d'édition au Québec insistant sur les rapports de vente et
versements de droits aux auteurs."
Je pense que cette lettre, en plus de nous donner un point de vue fort
important, parce que sans les auteurs nous ne serions pas là, apporte
une information utile pour un mémoire à venir aujourd'hui: en
particulier celui de l'Association des éditeurs. Alors, je peux donc
faire photocopier ces lettres et en distribuer des copies aux membres de la
commission.
Le Président (M. Blank): Merci beaucoup. M. Dussault.
M. Dussault (André): M. le Président.
M. Le Moignan: Si vous me le permettez, M. Dussault, je voudrais
simplement m'excuser auprès de nos invités parce que je dois
quitter la réunion vers 11 heures pour assister à une
réunion importante déjà cédulée depuis
quelques mois. Je peux très bien être remplacé par M.
Cordeau, le député de Saint-Hyacinthe.
Le Président (M. Blank): Merci. M. Dussault. Librairie
Dussault Ltée
M. Dussault (André): M. le Président, mesdames et
messieurs, le mémoire dont je vais vous donner lecture est
présenté au nom de mon frère, Roger Dussault, et en mon
nom. Mon frère, Roger Dussault est mon associé, avec la Librairie
Hachette, dans la Librairie Dussault qui elle-même est
propriétaire de 100% des actions de la Librairie Garneau. J'ai à
côté de moi mon fils aîné, Michel, qui, depuis un an
déjà, est dans nos affaires et qui un jour, je l'espère,
pourra prendre la relève avec ses trois frères dont le second est
également actif dans nos entreprises. Mais comme celui-là est au
service du crédit, je n'ai pas osé l'amener aujourd'hui pour ne
pas faire perdre une journée dans la perception des comptes.
M. le Président, en 1965, le ministre des Affaires culturelles de
l'époque, M. Pierre Laporte, convaincu de la nécessité
d'une intervention gouvernementale pour sauver le réseau des vraies
librairies menacées dans leur existence par la concurrence des faux
libraires (barbiers, garagis-
tes, que sais-je encore) qui, à l'occasion d'appels d'offres,
décrochaient une partie non négligeable des commandes de livres
des institutions, demanda à l'avocat Yves Pratte, à
Clément Saint-Germain, du ministère des Affaires culturelles, et
à moi-même, comme représentant de la profession du livre,
de former un comité pour rédiger un projet de
réglementation du commerce du livre. C'est au cours des réunions
de ce comité que fut inventée la formule des librairies
agréées. Je n'imaginais pas alors que cette formule pourrait
devenir un jour la cause de la destruction de toute l'oeuvre que, dans le
domaine de la librairie, mon frère et moi avons accomplie.
Permettez-moi de rappeler très brièvement ce que nous
avons fait dans le domaine du livre durant cette période de 1940
à 1974. D'abord, en 1940, avec un confrère d'université,
j'ai fondé les Editions Variétés qui ont publié
plus de 400 ouvrages pour alimenter les librairies québécoises
alors coupées de la France par la guerre. Nous avons en particulier
publié les premières oeuvres d'écrivains
québécois tels que Pierre Baillargeon, André Giroux,
Andrée Maillet, Ringuet, Jean Simard, pour en nommer quelques-uns, et
nous avons, en vertu d'une loi d'exception en temps de guerre,
réimprimé un nombre important de grands auteurs français,
classiques et modernes. (10 h 30)
Je ne veux en citer que quelques-uns pour montrer la
variété de notre activité: François Mauriac,
André Maurois, Roger Martin du Gard, Marcel Proust, Henry de
Montherlant, etc., et, à côté de ces géants, des
auteurs populaires comme Maurice Leblanc, Gaston Leroux, Max du Veuzit et une
pléiade d'ouvrages pour enfants dans des collections les plus diverses
dont certaines étaient dirigées par Jean Simard et pas Guy
Boulizon dont la réputation n'est pas à faire en ce milieu.
La guerre terminée, c'est vers la distribution du livre et la
librairie que mon frère qui est entré dans l'entreprise en
1951 et moi nous sommes tournés puisque les éditeurs
français recommençaient à expédier leurs livres au
Québec.
Nous avons alors fondé la Librairie Dussault et, pendant 25 ans,
nous avons créé des succursales partout où nous le
pouvions, en particulier dans des villes comme Sherbrooke,
Trois-Rivières et Hull où les librairies étaient
pratiquement absentes, et nous avons, sans aide autre que les capitaux que
notre famille nous confia, développé un réseau de
librairies. Ce réseau s'est donné, dès le début, la
double vocation de s'adresser non seulement au grand public, mais aussi aux
institutions qui avaient beaucoup de mal à trouver au Québec les
services dont elles avaient besoin.
Contrairement à ce que certains peuvent croire, notre travail
durant ces 25 ans ne nous a pas permis de réaliser des
bénéfices importants. Il nous a au mieux rapporté de quoi
vivre. En 1974, nous avons eu une année catastrophique, subissant une
perte considérable de l'ordre de $175 000. Nous nous sommes alors rendu
compte que le poids des services que nous avions créés pour bien
servir les institutions et principalement pour donner aux bibliothèques
l'aide dont elle ont besoin était devenu si lourd qu'il fallait ou bien
battre en retraite, c'est-à-dire fermer un nombre important de nos
librairies et renvoyer du personnel qui nous avait pourtant, par goût et
par idéal, manifesté une fidélité totale, ou bien
chercher un associé qui nous apporterait un chiffre d'affaires
additionnel suffisamment important pour rendre tolérable le poids de nos
frais généraux.
C'est cette deuxième solution que mon frère et moi avons
choisie et, dans les 18 mois qui suivirent, nous avons essayé de
fusionner notre entreprise avec cinq groupes québécois
successifs. Toutes ces tentatives aboutirent à un échec. C'est
pourquoi lorsque, en 1977, la Librairie Hachette qui détenait 50%
du capital de la Librairie Garneau prit contact avec nous, nous expliqua
que la Librairie Garneau éprouvait, elle aussi, des difficultés
de croissance et nous demanda si nous étions intéressés
à fusionner les réseaux Dussault et Garneau, nous avons
accepté spontanément d'entamer des négociations.
Je voudrais ici attirer l'attention de la commission parlementaire sur
le fait que le présent mémoire porte uniquement sur les
dispositions de l'article 15 du projet de lot 51 qui stipule que, pour qu'une
corporation soit agréée comme librairie, toutes les actions de
son capital-actions doivent être la propriété de citoyens
canadiens domiciliés au Québec.
Ceci dit, je voudrais rappeler que j'ai toujours eu pleinement
conscience des problèmes de l'édition et de la librairie
québécoises et que j'ai fait partie du petit groupe de
professionnels qui a fondé successivement l'Association des librairies
du Québec, la Société des éditeurs de manuels
scolaires du Québec et le Conseil supérieur du livre. J'ai,
d'ailleurs, été, à plusieurs reprises, président et
vice-président de deux de ces associations.
J'ai été aussi de ceux qui ont rédigé des
mémoires pour les ministres des Affaires culturelles qui se sont
succédé et, en particulier, pour le ministre François
Cloutier. Ces mémoires ont été à l'origine des
arrêtés en conseil adoptés en 1971 et en 1972 sous le
régime desquels le monde du livre a vécu jusqu'à ce jour
et que la loi 51 s'apprête à écarter
définitivement.
Dans le domaine de la propriété, j'étais donc et
j'ai toujours été favorable au contrôle effectif des
Québécois dans des entreprises d'édition et de librairie
à capital partiellement étranger, mais je n'ai jamais
été favorable à la propriété
québécoise à 100%. J'ai toujours cru et je continue
à croire qu'il est indispensable de laisser le pouvoir
décisionnel aux Québécois dans ces domaines. Par
conséquent, lors de nos négociations avec Hachette, j'ai
plaidé pour que mon frère et moi détenions 51% des actions
de l'affaire fusionnée et non pas 50% comme le veulent les
arrêtés en conseil en vigueur actuellement. D'ailleurs, comme
membre du Comité consultatif du livre qui a présenté en
mai 1977 au ministre O'Neill un mémoire sur une politique du livre et de
la lecture
au Québec, je savais que le comité en avait longuement
débattu et avait recommandé cette proportion de 51%. Lorsque la
Librairie Hachette accepta non seulement de nous laisser, à mon
frère et à moi, posséder 51% des actions, mais aussi de
nous laisser ainsi que nos héritiers ou ayants droit obligatoirement
québécois constituer un groupe qui conserverait toujours ces 51%
d'actions et le droit de nommer le président de la compagnie, je fus
convaincu avoir dans les faits non seulement été fidèle
sans aucune variation à toutes les idées que j'ai
défendues depuis 40 ans, mais aussi avoir remporté une victoire
dont les hommes politiques québécois allaient me
féliciter.
Laissez-moi également, M. le Président, vous rappeler
qu'une association de ce genre avec la plus grande maison française dans
le domaine du livre où ses connaissances techniques représentent
un apport incomparable me paraissait être dans la ligne de la politique
gouvernementale. J'entendais bien, parfois, des rumeurs contradictoires. On
disait que le gouvernement pourrait exiger 60%, 75% ou 80% de
propriété québécoise pour les librairies
agréées. Franchement, M. le Président, je n'y ai pas cru.
Il me paraissait évident, d'une part, que le gouvernement
québécois n'avait aucun intérêt à faire la
guerre aux éditeurs français qui avaient, en ouvrant des
entrepôts au Québec, rapproché leurs stocks des librairies
québécoises et raccourci de la sorte les délais de
fourniture à la clientèle de ces librairies et, d'autre part, que
la réplique française aurait pu être telle qu'elle aurait
grandement embarrassé le gouvernement québécois. Tout cela
me paraissait très convaincant.
Or, M. le Président, mon frère et moi, nous nous trouvons
aujourd'hui en face d'un texte de loi qui, en ce qui concerne notre maison et
l'oeuvre de notre vie, a les conséquences suivantes:
premièrement, nous allons perdre un chiffre d'affaires avec les
institutions qui, en 1978, s'est élevé à $3 200 000, sans
pouvoir réaliser des économies proportionnelles dans nos frais
généraux. Deuxièmement, cette loi va nous obliger à
fermer plusieurs succursales de notre réseau qui ne seront plus
rentables puisque le commerce avec les particuliers ne suffira pas à les
faire vivre. Troisièmement, ces fermetures seront coûteuses
puisqu'elles vont intervenir avant l'expiration de baux et cela
entraînera des indemnités à payer. Quatrièmement, il
va falloir également écouler à rabais des stocks devenus
invendables puisqu'ils étaient destinés aux institutions.
Cinquièmement, il faudra disposer du mobilier des magasins
fermés. Sixièmement, enfin et surtout, il faudra supprimer de
nombreux emplois.
En plus, et c'est là une incroyable ironie, les 100% qu'exige la
loi pour les librairies agréées feront de notre maison la
principale victime et peut-être même la seule. En effet, si vous
consultez la liste des librairies agréées actuellement, vous
voyez qu'il n'y en a, en dehors de nous, que trois qui sont à
propriété étrangère ou partiellement
étrangère et deux d'entre elles appartiennent à des
maisons d'édition. Par conséquent, leur disparition ou leur vente
n'entraînera pas des conséquences graves pour les compagnies qui
en sont propriétaires actuellement puisque ces deux librairies sont
marginales par rapport à l'activité d'édition de ces deux
compagnies.
Je me suis fait dire à plusieurs reprises: Mais, M. Dussault, de
quoi vous plaignez-vous? Vous n'avez qu'à acheter la part de Hachette,
la SODIQ vous prêtera les fonds nécessaires. Vos librairies seront
alors accréditées et vous serez ainsi à la tête
d'une affaire intéressante.
M. le Président, je ne peux pas envisager sérieusement une
telle solution. Ni mon frère, ni moi ne sommes des jeunes gens et j'ai
subi l'an dernier une grave opération. Mes fils, dont les deux derniers
travaillent dans nos entreprises sont encore trop jeunes pour nous donner
immédiatement le soutien indispensable pour mener une affaire de cette
taille. D'autre part, je ne suis pas homme à profiter de circonstances
pour éliminer un associé à qui je n'ai rien à
reprocher. Notre association avec Hachette, qui dure depuis 19 mois
déjà, est un modèle de cette collaboration
franco-québécoise dont on fait état partout, mais que l'on
trouve réussie dans un tout petit nombre d'entreprises.
Enfin, oubliant toute modestie, je me sens obligé de vous dire
que dans la profession du livre au Canada et à l'étranger, j'ai
acquis, au cours des années, une réputation que je ne voudrais
pas ternir pour moi et pour mes collègues en renversant des accords deux
ans à peine après leur signature.
En conclusion, M. le Président, la nationalité
québécoise à 100% pour les librairies, comme je viens de
le démontrer, est injuste envers ma maison et sera nuisible à
l'image de notre profession à l'étranger. Par surcroît,
elle me paraît illogique. Les gouvernements québécois
successifs depuis Daniel Johnson ont cherché à développer
des formules de coopération franco-québécoises et des
millions ont été dépensés pour que notre jeunesse,
nos professeurs, nos artisans, nos professionnels et jusqu'à nos
ouvriers et nos cultivateurs fassent des stages en France pour assimiler un peu
de la technique et de la culture française et surtout pour
développer des rapports avec les Français, rapports
générateurs de développement culturel et
économique. Dans ce contexte, ne doit-on pas dire que la lutte en faveur
de la propriété québécoise à 100% dans ce
domaine est un objectif illogique, elle m'apparaît même comme une
lutte fratricide. Enfin, la propriété à 100%
québécoise ne correspond pas au désir profond du milieu,
car on a, au fond, tenu compte seulement de l'opinion des libraires qui
espèrent profiter du chiffre d'affaires que notre maison va perdre.
Comment voulez-vous que des libraires, inquiets de la précarité
de leur commerce, réunis autour du ministre des Affaires culturelles qui
leur offre le chiffre d'affaires des librairies qui perdront
l'accréditation, ne tombent pas d'accord pour endosser cette mesure?
Notre maison, pour sa part, a recueilli des témoignages de
nombreux bibliothécaires qui se
disent inquiets et déçus de ce qui va se passer et qui
regrettent vivement que nous ne puissions pas, quand la loi sera
appliquée, continuer à les servir.
M. le Président, qu'est-ce qui est le plus important? Offrir sous
le contrôle d'une direction québécoise un choix
incomparable de livres au public et des services professionnels
adéquats, comme nous le faisons, ou exiger que le bail et les salaires
du personnel soient payés uniquement par des Québécois? Le
gouvernement d'ailleurs, M. le Président, aurait pu atteindre ces
objectifs profonds avec lesquels je me trouve d'accord, c'est-à-dire
d'une part le développement d'un réseau de librairies servant
efficacement les institutions et le grand public et d'autre part, la protection
de l'édition québécoise en exigeant, dans les
règlements d'accréditation, la présence accrue et la mise
en valeur des livres québécois, sans pour cela exiger la
propriété québécoise à 100%. (10 h 45)
II aurait suffi, comme le recommandait le comité consultatif du
livre, dans son mémoire de mai 1977, de rendre plus
sévères les normes d'accréditation en particulier d'exiger
que les libraires accrédités fassent un effort tout à fait
spécial en faveur de l'édition québécoise et, avec
51% de propriété québécoise, exiger que la
majorité des administrateurs soient des citoyens canadiens
domiciliés au Québec. C'est pour toutes ces raisons, M. le
Président, que j'ai l'honneur de demander que votre commission
recommande à l'Assemblée nationale la modification de l'article
15 du projet de loi no 51 pour que 51% des actions d'une compagnie entre les
mains de Québécois soient considérés comme
suffisants pour donner droit à l'agrément des librairies,
étant entendu que la majorité des administrateurs, ainsi que le
président, le directeur général, le directeur
général adjoint et le secrétaire-trésorier, comme
dans les arrêtés en conseil précédents, ou d'autres
officiers et dirigeants de la compagnie soient des citoyens canadiens
domiciliés au Québec. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Blank): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Vaugeois: M. le Président, il est assez difficile de
réagir à ce mémoire. Je pourrais toujours tenter de
discuter avec M. Dussault un certain nombre de points qu'il avance, mais c'est
un homme d'expérience qui connaît le commerce du livre
probablement mieux que quiconque ici. Il a certainement pesé chacun de
ses mots, chacune de ses inquiétudes exprimées dans ce
mémoire. Je pourrais toujours dire que sur certaines de ses
inquiétudes, d'après notre appréciation de la situation,
nous avons tendance à différer un peu d'opinion, mais c'est le
genre de discussion qui ne mènerait nulle part. M. Dussault
évoque d'ailleurs à certains moments que certaines
difficultés tiennent à des considérations personnelles. Il
en fait état lui-même dans son mémoire.
Je vais quand même me permettre une chose, M. le Président,
étant donné le caractère particulier de ce mémoire
et l'importance de son porte-parole, l'importance des intérêts qui
sont représentés par ce porte-parole, l'importance du rôle
qu'a toujours joué au Québec la librairie Dussault et qu'elle
continue à jouer. Tout le monde sait que M. Dussault, avec des proches,
a été également très actif dans d'autres
activités du livre dont il n'est pas fait état ici. Je lui
poserai donc quelques questions en même temps que je ferai quelques
commentaires. D'ailleurs, j'aimerais en profiter pour peut-être
déborder un peu le cadre de ce mémoire, si le temps nous le
permet, puisque nous avons devant nous, je pense, un des principaux
responsables de ce qui a tenu lieu de politique du livre au Québec
depuis plus de dix ans.
A cet égard, j'aimerais mentionner qu'en page 3 le mémoire
nous dit que le projet de loi no 51 s'apprête à écarter
définitivement ce qui nous a servi de référence
réglementaire ou légale depuis des années. Nous aurions
pu, je crois, imaginer d'autres scénarios pour protéger le
commerce du livre et la plupart des pays, aujourd'hui, ont des mesures pour
protéger leurs professionnels du livre. Je pense que les gens
connaissent assez ces diverses mesures. Elles sont souvent mentionnées
dans les revues spécialisées. Dernièrement, une revue
française en faisait état de façon assez
élaborée dans deux numéros successifs. C'est
extrêmement intéressant de voir comment les Français
eux-mêmes se comportent, comment les Belges se comportent, comment les
Britanniques se comportent et ainsi de suite. Dans des pays où il n'y a
pas de telles mesures, par exemple vis-à-visde la librairie, on
constatequ'il n'y a pas vraiment de librairies, aussi étonnant que cela
puisse paraître pour ces pays. On mise sur la bibliothèque
publique et un pays comme les Etats-Unis se trouve dans une telle situation
où certains citoyens sont à 300 milles du plus proche libraire.
Il y a aussi des pays qui ont misé sur la vente de masse dans les
grandes surfaces, dans les centres commerciaux et qui, pour le reste, ont
misé sur la vente par correspondance.
Ici, nous participons davantage à une tradition européenne
et nous avons cherché à développer un réseau de
librairies. C'est un réflexe que nous avons eu et probablement que ce
faisant nous avons pensé à ce que nous connaissions de la France
et de la plupart des pays d'Europe. Nous avons valorisé la fonction de
libraire. C'est à l'époque que rappelle M. Dussault qu'on a
imaginé ce qui est une formule originale celle des
librairies agréées. Je pense qu'on ne la retrouve comme telle
dans aucun pays. C'est une formule qui est assez originale et qui nous a
été proposée.
Ce que nous proposons maintenant, c'est de nous inscrire dans le
prolongement de cette réglementation. Plutôt que de s'en tenir
à des librairies agréées sans référence aux
autres professionnels du livre, nous allons un peu plus loin et nous pensons
à l'éditeur et au distributeur, le distributeur ayant beaucoup
profité jusqu'à maintenant de la loi existante. Tout à
l'heure, j'aimerais qu'on y revienne, parce que je suis de ceux qui
croient que la réglementation actuelle, qui crée des
privilèges assez extraordinaires aux distributeurs exclusifs, leur
crée aujourd'hui des obligations. Je pense que, pour que tout se tienne,
il faut qu'ils acceptent de travailler à l'intérieur de certaines
limites. C'est ce à quoi nous les avons conviés d'ailleurs
hier.
Dans notre esprit, le projet de loi no 51 s'inscrit donc dans le
prolongement de ce qui a été mis en place depuis dix ans. On part
des mêmes principes. On aurait pu faire comme en Grande-Bretagne,
où seuls les libraires ont le droit d'offrir en vente des livres de
telle valeur et plus. On ne peut y trouver, dans les tabagies, les kiosques de
gare, les magasins de toutes sortes, que des livres en bas de tel prix; les
livres en haut de tel prix sont réservés aux libraires. Il y a
différentes mesures comme celle-là qui sont utilisées un
peu partout dans le monde. Nous avons retenu celle de la librairie
agréée. A cet égard et à plusieurs autres, nous
croyons rester dans une espèce de continuité.
Egalement, nous nous inquiétons de la propriété. Je
ne tiens pas à rappeler inutilement l'histoire récente, parce que
cela n'est pas nécessaire. Les gens qui sont assis à cette table,
mon collègue d'en face en particulier, ont vécu ces
événements et ceux qui viennent témoigner avec leur
mémoire ou qui viennent assister à la présentation des
mémoires s'en rappellent bien. Le combat des dernières
années au Québec a visé la propriété. L'un
des aspects qui ne donnait pas satisfaction dans la législation et dans
la réglementation en place, c'était cette question de la
propriété. On constatait, avec les années, que le taux de
50% n'était pas raisonnable, n'était pas suffisant. Tout le monde
dans cette salle sait que les professionnels du livre défendaient, en
même temps qu'ils défendaient cette réglementation avec
laquelle nous vivons encore, une proportion de propriété plus
élevée que celle que le gouvernement avait finalement
acceptée. Les hommes politiques du temps avaient étudié
sérieusement la possibilité d'un taux de 80%. Je pense, M.
Dussault, que vous ne renierez pas vous ne l'avez pas fait dans votre
mémoire les luttes que vous avez vous-même menées
à l'époque. Je comprends, par ailleurs, que devant les
résultats, vous avez été réaliste et vous avez
joué de l'intérieur, vous avez travaillé à
l'intérieur des lois et des règlements en vigueur. Si vous voulez
m'interrompra, je vous y autorise, parce que je ne veux pas dire de
faussetés.
M. Dussault (André): Sur un point, M. le ministre, la
norme de 80% qui a été adoptée là, je peux
me tromper; c'est 80% ou 75% pour devenir membre d'une association de
librairies ou pour devenir membre d'une association d'éditeurs, c'est
une norme qui a été suggérée par le ministre de
l'Education lui-même, le ministre de l'Education de l'époque, M.
Cardinal. Les professionnels du livre ont dit: Nous demandons l'aide de l'Etat
pour nous protéger contre l'invasion des éditeurs et des
libraires au Québec. Si le ministre nous demande de porter la norme
à 80% dans nos associations, qui sommes-nous pour en même temps
demander la protection et lui refuser de modifier les règlements de nos
associations? C'est comme cela que toutes les associations dans le domaine du
livre au Québec portent une norme qui veut que, pour être membre
de cette association, il faut appartenir à des Québécois
à 80%. C'est ainsi qu'après la fusion avec Hachette, j'ai
dû démissionner de l'Association des libraires. La Librairie
Garneau qui a 125 ans d'existence sur la rue Buade n'est pas digne de faire
partie de l'Association des libraires et la Librairie Dussault, la plus
importante à Montréal celle des librairies Dussault qui
est la plus importante où il y a 55 000 titres; je ne pense pas que les
Presses de l'Université Laval aient 55 000 titres n'est pas
membre de l'Association des libraires.
Ce que je voudrais rappeler, M. le ministre, c'est que le taux de 80%,
vous allez convenir que c'était un chiffre qui a été
lancé comme cela par M. Cardinal. Ce que les Québécois
veulent, ce que j'ai toujours voulu, ce que je défends aujourd'hui et ce
que j'ai défendu dans mes négociations avec Hachette, c'est le
contrôle de l'entreprise. Et si 51%, c'est suffisant pour contrôler
des entreprises aussi importantes que des banques, des entreprises de richesses
naturelles, etc., pourquoi, dans le domaine du livre, n'est-ce pas
considéré comme suffisamment important pour assurer un
contrôle québécois à une entreprise?
M. Vaugeois: II y aura aujourd'hui d'autres mémoires qui
vont venir de deux catégories de professionnels en particulier,
peut-être davantage. Il y aura la position des libraires et celle des
éditeurs qui nous seront présentées par leurs
porte-parole. Vous aurez compris qu'un projet de loi n'est pas
préparé pour permettre à des fonctionnaires, à un
homme politique ou même à un gouvernement de se faire plaisir.
Nous cherchons à répondre à des représentations qui
nous sont faites et, dans le cas présent, qui nous sont faites depuis
des années. Je pense que tout le monde conviendra que la
réglementation en vigueur a eu de bons effets, mais qu'avec les
années elle a également montré ses faiblesses. C'est
devant les pressions du milieu, devant l'avalanche des mémoires, devant
le grand nombre d'études, devant révolution des faits
également que la profession s'est exprimée pour, cette fois-ci,
revenir à la charge non plus avec des 70% ou des 80%, mais
carrément poser l'hypothèse du 100%.
Vous avez fait un peu tout à l'heure le parallèle entre ce
que nous songeons à faire par cette réglementation et ce que nous
pratiquons depuis des années, aux gouvernements du Québec, (au
pluriel), par nos efforts de coopération avec la France. Je pense qu'il
est important de souligner les mesures que nous préconisons et en ce
faisant, nous nous inscrivons croyons-nous dans le sens des
opinions exprimées par le milieu; mais quand nous le faisons, nous ne
dirigeons pas des coups contre quelque partenaire que ce soit ou quelque
gouvernement étranger que ce soit. Ce que nous faisons au niveau de la
coopération franco-québécoise est important pour nous et
je peux même vous dire que ce projet de loi, dans ses termes et la
réglementation qui lac-
compagne, a été discuté avec nos partenaires
français, avec des porte-parole du gouvernement français.
J'ai eu moi-même des rencontres à plusieurs niveaux et il y
a eu d'autres rencontres et des discussions à d'autres niveaux. Nous
avons expliqué le sens de nos règlements et de notre action et je
peux même vous dire que j'ai recueilli personnellement des
témoignages extrêmement sensibles aux efforts que nous faisons
actuellement. Je pense que nos partenaires français sont conscients des
défis qui se posent au Québec. Ils en sont de plus en plus
conscients et c'est un des mérites de la coopération
franco-québécoise d'avoir amené les uns et les autres
à se mieux connaître. Ils sont absolument respectueux de nos
efforts. Ils sont conscients de l'importance du livre français au
Québec. Ils sont conscients que ce que nous cherchons à
développer, c'est une meilleure diffusion et une plus grande
accessibilité du livre partout au Québec. Ils sont conscients que
nos efforts portent sur le développement d'un meilleur réseau de
librairies, si possible, et sur un accroissement que je pourrai qualifier, je
l'espère, de spectaculaire pour nos bibliothèques. Ils savent
très bien ce que cela peut signifier dans l'ensemble.
Je peux ajouter encore qu'on a trouvé intéressante la
démarche que nous poursuivons dans le prolongement des gestes auxquels
vous avez fortement contribué. Vous savez, mieux que quiconque, les
difficultés qui entourent actuellement la réglementation en
France. Ils ont vécu un certain nombre de péripéties qui
tournent maintenant autour de la mise en application du prix net. C'est une
mesure qui était, je pense, courageuse, originale et audacieuse. Quand
j'ai vu pour la première fois la formule exprimée, je l'ai
trouvée extrêmement intéressante, mais je constate, comme
tout le monde, qu'elle est difficile d'application. Nous suivons avec attention
ce qui va se passer, mais les Français nous ont dit: C'est assez
extraordinaire ce que vous faites. Quand ils ont vu l'ensemble des mesures que
nous préconisons, j'ai eu des commentaires d'étonnement. Ils
étaient étonnés de la clarté avec laquelle nous
intervenions, encore que le gouvernement intervient le moins possible, mais
indique aux agents de ce secteur les domaines propres à chacun, ce que
chacun peut faire dans le respect de l'autre. (11 heures)
De toute façon, je l'ai souvent répété, ce
que nous souhaitons, c'est que les rapports entre nos maisons
québécoises et les maisons étrangères,
françaises, belges, suisses, américaines, ou britanniques ou
autres se fassent sur une base qui respecte la propriété
québécoise du partenaire québécois. Je pense qu'il
y a 1001 façons de faire des associations. Vous en avez fait
d'innombrables avec vos entreprises. Vous en avez fait comme éditeurs,
vous en avez certainement fait comme libraires avec des maisons
étrangères. Il n'est pas nécessaire de pratiquer la
copropriété pour faire des affaires. Il y a d'autres
façons. Hier soir, je proposais aux gens de Flammarion d'étudier
avec nous des façons concrètes de se con- former aux exigences de
la loi, si elle est votée, et je pense qu'aujourd'hui je dois vous
rappeler votre offre de collaboration. J'ai déjà eu l'occasion de
le faire dans nos consultations et lors de nos rencontres privées. Je
vous réitère aujourd'hui publiquement notre disponibilité
pour étudier avec vous différentes solutions qui pourraient tenir
compte du problème que vous nous posez qui est fort juste.
J'aimerais vous demander si les $3 millions de chiffres d'affaires que
vous indiquez à la page 5, si ces chiffres correspondent à la
totalité des ventes que vous faites aux institutions ou si ce n'est
c'est un peu indiscret comme question, mais c'est vous qui avez
donné le chiffre dans votre mémoire uniquement que des
livres vendus aux bibliothèques.
M. Dussault (André): C'est la totalité des ventes
que nous faisons aux institutions.
M. Vaugeois: Peut-on avoir une idée de l'importance du
manuel scolaire dans ces $3 millions?
M. Dussault (André): Le manuel scolaire doit
représenter entre 40% et 50% du total.
M. Vaugeois: Vous serez d'accord pour reconnaître que notre
projet de loi et nos projets de règlements, en libéralisant le
manuel scolaire peuvent avantager une maison comme la vôtre.
M. Dussault (André): M. le ministre, vous me l'avez
déjà dit, mais je ne le crois pas. M. le ministre, j'ai
vécu la période où M. Jean-Paul Leclerc de la Commission
des écoles catholiques de Montréal a lancé une mode qui
s'est répandue à une vitesse folle dans la province de
Québec, la mode des appels d'offres dans le domaine des manuels
scolaires. J'ai vu, et il y a bien des gens dans la salle ici qui l'ont vu
comme moi, que ce sont les éditeurs qui décrochaient les
soumissions parce que les appels d'offres étaient faits non pas
globalement pour la commande de rentrée scolaire d'une commission
scolaire, mais c'était fait... ils appelaient cela des appels d'offres
à la ligne. Vous pouviez être le plus bas soumissionnaire pour la
ligne no 22 qui était un livre d'enseignement des mathématiques
publié par votre maison, et ne pas soumissionner pour le reste des
livres. A cette époque, la situation était devenue telle que des
librairies, pour ne pas congédier du personnel à ce moment,
la plupart des maisons d'édition faisaient 20% de remise aux libraires
sur les manuels scolaires la situation est devenue telle qu'il y a eu
des libraires qui ont fait des soumissions à 19%. Ils obtenaient 20% de
l'éditeur et ils faisaient des soumissions à 19% pour
décrocher des commandes afin de montrer à leur banquier, d'une
part, que leur chiffre d'affaires ne dégringolait pas et, d'autre part,
pour occuper leur personnel.
Quand vous m'avez dit, M. le ministre... Je vous rappelle que c'est ce
que je vous ai répondu quand vous m'en avez parlé, j'aimerais
bien cela croire qu'une maison comme nous, étant donné qu'elle
est située dans plusieurs régions économiques et que le
commerce du manuel scolaire va
maintenant pouvoir être fait libéralement par tout le
monde, j'aimerais bien cela croire que ma maison va en
bénéficier, mais j'ai peur que ce soient les éditeurs qui
en bénéficient, et les garagistes, et les barbiers, comme
c'était à l'époque.
M. Vaugeois: Ecoutez, je peux vous dire qu'après avoir
entendu beaucoup de gens sur cette question, je ne suis pas loin de penser
comme vous à court terme. Effectivement, il faudrait être aveugle
pour ne pas constater que certains professionnels du livre et certains
acheteurs de commissions scolaires s'apprêtent à se parler
directement, à faire l'expérience de transactions directes. J'ai
assez insisté hier là-dessus pour ne pas avoir à y revenir
aujourd'hui. Je comprends donc que vos $3 millions correspondent à un
chiffre d'affaires qui comporte des manuels scolaires et des livres de
bibliothèques. Le livre de bibliothèque, vous le perdez
éventuellement à cause de la question de la
copropriété, et le manuel scolaire, vous le perdez parce que vous
croyez que, si l'obligation n'est pas inscrite dans la loi, les gens
n'utiliseront pas généralement le libraire. J'imagine que
certaines maisons d'édition continueront à le faire, mais
certainement pas toutes, pour le début en tout cas.
M. Dussault, je vais laisser mes collègues vous poser quelques
questions. A la page 5, vous avez des remarques qui tournent autour de la
même question. C'est que vous n'envisagez qu'une seule solution; c'est
celle de la fermeture de certaines librairies. Je me dois de vous rappeler ce
que j'ai dit à Flammarion hier soir. Il existe d'autres solutions. Votre
partenaire ou des porte-parole de votre partenaire français sont dans
cette salle. Je pense qu'ils sont conscients de la situation. Vous dites dans
votre mémoire que vous n'êtes pas homme à écarter un
associé avec lequel vous n'avez qu'à vous féliciter de vos
rapports. Je pense que ce partenaire est ici dans cette salle et qu'il est
à même d'évaluer la situation. Je pense qu'il doit avec
vous évaluer également les solutions qui peuvent s'offrir parce
qu'il s'en trouve.
Ce que nous souhaiterions, c'est que dans ce réseau on distingue
les types de librairies qui existent pour la vente au détail. Vous avez
dans le réseau Dussault-Garneau des librairies qui ne font pas la vente
aux institutions de toute façon. Vous en avez d'autres qui existent
spécialement en fonction de la vente aux institutions. Une des solutions
que vous devez étudier avec votre partenaire, c'est de modifier le
statut de certaines de ces librairies et, comme nous le proposions à
Flammarion hier, d'envisager des rapports d'affaires entre deux maisons de
propriété différente. Ce n'est pas à moi de
régler ce genre de question; on est dans l'entreprise privée.
Mais nous avons évalué, en ce qui nous concerne, ce genre de
solution. Nous n'aurions peut-être pas pu arriver avec ce projet de loi
si la Société de développement des industries culturelles
n'avait pas été là parce que cette société
nous permet de proposer concrètement à des gens des solutions
qui, autrement, auraient peut-être été d'application
extrême- ment difficile. Mais dans la logique de notre proposition sur la
propriété, il fallait prévoir du financement aussi, dans
certains cas.
Si votre réseau Dussault-Garneau n'était pas
intéressé à cette forme d'aménagement, je pense
qu'avant la fermeture il y a la vente. Il se trouve certainement en
région des gens intéressés au commerce du livre et qui
pourraient être intéressés à reprendre sur une autre
base, certains des éléments de votre réseau que vous ne
voulez pas garder compte tenu de la nouvelle conjoncture, dans la mesure
où elle est créée.
Là-dessus, je répète ce que je disais tout à
l'heure, la législation que nous proposons s'inscrit dans les plaidoyers
maintes et maintes fois faits au Québec. A quelque moment, les
gouvernements ont retraité sur cette question. Cette fois-ci, je pense
que nous nous sommes expliqués avec nos partenaires gouvernementaux de
l'extérieur et les positions de la profession se sont faites de plus en
plus explicites. Cela a été le cas du Conseil supérieur du
livre hier et nous savons, par les mémoires que nous avons entre les
mains, que c'est également la préoccupation d'autres
professionnels du livre.
La journée n'est pas terminée. Je veux laisser à
d'autres le soin de s'expliquer à ce sujet et le gouvernement est
là pour légiférer dans l'intérêt du plus
grand nombre.
M. Dussault (André): M. le ministre, me permettez-vous,
avant que l'Opposition m'interroge, de dire un mot. Démanteler un
réseau apparaît comme cela... Vous nous dites: Votre partenaire
devrait être raisonnable, il devrait comprendre. Mais le partenaire, si
raisonnable qu'il soit, va rester associé avec moi dans la moitié
du réseau puisqu'il y aurait une moitié que j'aurais
achetée avec SODIC. Mais la moitié du réseau que je
garderais avec cet associé, savez-vous ce que cela représente
comme travail de reconversion? Savez-vous ce que cela signifie comme pertes
financières? J'ai eu assez confiance en vous, M. le ministre, et en vos
fonctionnaires pour vous montrer les états financiers de la Librairie
Dussault et de la Librairie Garneau les dernières années. Je suis
même remonté à dix ans. Vous avez vu qu'au cours des quatre
dernières années, ce sont des pertes que nous avons faites. Avant
cela, c'étaient des bénéfices qui n'équivalaient
même pas au taux de rendement de l'argent investi dans des entreprises de
toute sécurité ou même investi dans un compte de banque,
certificat d'épargne, etc.
Je ne vois pas comment, en dehors de mon éthique personnelle qui
veut que je ne demande pas trop à mon associé, de toute
façon, comment on peut couper un réseau et espérer que les
deux parties du réseau soient vivables. On ne joue pas avec des masses
de bénéfices de la même manière que les corporations
fusionnent, par exemple la Banque Provinciale avec la Banque Canadienne
Nationale qui va fermer 250 succursales et va se rattraper sur ceci. Non. On
joue dans des petites sommes. Il n'y a pas de grandes librairies, M. le
ministre. Il y a des petites librairies mises bout à bout. Notre
réseau est un réseau de petites librairies mises bout à
bout. Il y a une grande librairie à Québec, celle de la rue Buade
et il y a une grande librairie à Montréal, celle du boulevard
Saint-Laurent. Tout le reste de nos librairies sont de petites librairies. Je
vous ai expliqué qu'une librairie comme celle du centre commercial de
Sherbrooke, qui est superbe, dans le meilleur centre commercial de Sherbrooke a
fait, en 1978, un chiffre d'affaires de $191 000 avec les individus et $194 000
avec les institutions. Si j'achetais une hypothèse que je rejette
les librairies accréditées, je resterais avec des
librairies qui sont déjà boiteuses. Notre seul espoir d'assainir
ce réseau de librairies, cela a été la fusion. Cela a
été en procédant par la fusion à une compression de
frais généraux et nous espérons dans deux ou trois ans que
cela donne des résultats.
C'est pour cette raison, M. le ministre, que la solution que je rejette
pour les raisons que je vous ai dites, je la rejette également pour des
raisons économiques.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Le ministre ne répond pas. Il y a une chose qui
m'embarrasse, au fond et je pense que c'est ce dont on va avoir à
apprécier, en tout cas, quant à nous c'est de convaincre
le gouvernement. Le ministre a suggéré les hypothèses que
vient d'évoquer M. Dussault et il a dit: De toute façon, c'est
dans le domaine de l'entreprise privée et voyez à faire les
choses avec votre associé ou autrement. D'un autre côté,
c'est l'intervention du gouvernement par la hausse proposée de 100% qui
crée le problème.
Il y a une première question que je voudrais vous poser parce que
mon sentiment... je l'ai indiqué un peu, c'est simplement à
l'état de sentiment pour l'instant, on verra à prendre
après, quant à nous, en tout cas, une attitude
définitive... Je sais que d'autres libraires vont venir nous indiquer un
autre point de vue. On verra la nature de l'argumentation. En 1977, quand vous
avez fait l'opération financière dont il s'agit, vous l'avez
faite sur la base de réglementation existante. Vous êtes-vous,
à l'époque, d'une manière ou d'une autre, enquis
auprès des porte-parole du ministre ou du ministère des Affaires
culturelles s'il y avait vraiment vous évoquez dans votre
mémoire des rumeurs une intention gouvernementale de hausser la
part de 50%? Avez-vous tenu compte de ce qu'on vous aurait dit sur les
intentions gouvernementales? Pouviez-vous concevoir à l'époque,
compte tenu des conversations que vous auriez pu avoir avec le ministère
des Affaires culturelles, que cela pourrait aller jusqu'à 100%?
M. Dussault (André): Les conversations que j'ai eues
à cette époque, c'était avant que M. Vaugeois soit
ministre des Affaires culturelles parce que si cela avait été lui
qui avait été ministre des Affaires culturelles, j'aurais
décroché mon téléphone et j'aurais demandé
un rendez-vous. Mais c'était M. O'Neill qui était
très...
M. Rivest: Monsieur comment, vous l'appelez? (11 h 15)
M. Dussault (André): O'Neill, M. O'Neill n'était
pas très porté à prendre contact avec les maisons, mais
j'ai parlé à beaucoup de fonctionnaires, à ce moment, et
les fonctionnaires disaient: Dans les réunions, il est question de
hausser la norme, mais il n'y a rien de décidé, etc. On a
négocié à Montréal avec le représentant de
Hachette; finalement, il a fallu que j'aille à Paris rencontrer la
direction générale. Avant de partir, mon avion décollait
à 19 h 30; avant de partir, à 17 h 30, j'ai eu un appel
téléphonique de M. O'Neill qui m'a dit: M. Dussault, il est bien
entendu que vous allez en France à vos risques. J'ai dit: Une minute, M.
le ministre. Mes projets sont connus depuis des mois. J'ai
démissionné comme membre du comité consultatif. Je vous ai
écrit une lettre pour vous dire que je démissionnais comme membre
du comité consultatif parce que je ne voulais pas me trouver en conflit
d'intérêts parce que j'étais en train de m'associer avec la
Librairie Hachette et qu'il y avait des clauses dans le rapport du
comité consultatif dont je faisais partie à l'époque au
sujet desquelles j'avais voté dans l'opposition. Par exemple, la clause
exigeant que les distributeurs soient à 51% québécois,
c'est une clause avec laquelle je n'étais pas d'accord.
Je considérais que les distributeurs nous rendaient service en
rapprochant leur entrepôt. Je l'ai dit dans mon mémoire. De sorte
que M. O'Neill le savait depuis des mois que j'étais en pourparlers avec
la librairie Hachette. C'est le jour de mon départ, mon avion partait
à 19 h 30, un dimanche, j'ai eu un appel téléphonique de
M. O'Neill, qui m'a dit: II est bien entendu que vous y allez à vos
risques et périls. J'ai dit: Est-ce qu'il y a une décision qui
est prise? Est-ce que c'est une façon de me dire qu'il y a une
décision qui est prise? Non, il n'y a pas de décision de prise,
mais moi je ne veux pas un jour que vous me fassiez des reproches. J'ai dit: Je
vous remercie, M. O'Neill. Je suis allé à Paris et j'ai obtenu
les 51% pour mon frère et moi; j'ai obtenu la clause que nos 51% ne
puissent être divisibles, que, si on vend un jour, on pourra vendre
à quelqu'un qui prendra les 51%. C'est quelque chose qui est par
écrit dans notre convention, de sorte que la majorité sera
toujours québécoise. Je n'ai pas considéré que
j'avais été averti des intentions du gouvernement. J'ai
considéré que M. O'Neill voulait tout simplement s'en laver les
mains. Pour répondre à une toute petite partie de votre question,
les 100%, je n'en ai jamais entendu parler avant quelques mois. Au mini-sommet,
on en a entendu parler. Je serais curieux de savoir quand les 100% ont
été mis sur la table la première fois, mais c'est
longtemps après la signature de mon accord avec Hachette.
M. Rivest: Au moment où vous vous l'avez
expliqué également dans votre mémoire
êtes
parti en France conclure l'entente, pour vous, à
l'intérieur de votre entreprise, il y avait une urgence de conclure une
entente quelconque. Vous l'avez exprimé dans votre mémoire en
donnant l'évolution de la situation; vous avez dit avoir transmis au
ministère des Affaires culturelles l'ensemble de l'évolution de
votre entreprise. C'est sur cette base que vous avez conclu la transaction dont
il est question aujourd'hui ici. Evidemment, cela se retourne un peu contre
vous à ce moment-ci. Je signale cet élément pour dire au
ministre un peu ce que j'ai indiqué hier lorsqu'il s'agissait de
Flammarion. On décide, pour des objectifs qui sont probablement
louables, d'assurer une plus grande présence québécoise. A
un moment donné, on prend une décision qui affecte directement
des entreprises qui ont pu exercer une transaction certainement dans la
légalité et en toute bonne foi. Même M. Dussault ajoute
et c'est vraiment une question d'opinion qu'il s'agira
d'apprécier qu'au fond, sur l'objectif d'un contrôle
québécois, quand on a 51%, ce sont les Québécois
qui contrôlent cela. D'autres peuvent prétendre qu'il faut monter
plus haut ou même se rendre à 100%. Ce qui m'agace, je le dirai
très simplement, c'est qu'en regard du fonctionnement, étant
donné que même si c'est un bien culturel extrêmement
important, c'est qu'on intervient avec une réglementation dans le
domaine de l'entreprise privée sans égard aux conséquences
directes qui, dans votre cas, de la façon dont vous nous le dites,
risquent d'être assez sérieuses et qu'il n'est nullement question
de considérations; en tout cas, on fait très peu état des
considérations ou des conséquences pour les individus dans le
domaine. C'est le premier élément de la réflexion que je
voudrais signaler pour l'instant au ministre et à votre attention.
Enfin, je trouve qu'il y a quelque chose qui a peut-être un petit
côté injuste de la façon dont les gens... Entre autres,
votre cas personnel, la situation dans laquelle vous êtes placés,
il y a un aspect injuste étant donné la bonne foi de la
démarche que vous avez suivie. C'est une question
d'appréciation.
M. Vaugeois: Si vous me permettez de dire que ce n'est pas si
simple que cela. J'aime mieux laisser les professionnels du livre que vous
allons entendre aujourd'hui dire certaines choses. Il y a
énormément de choses qu'on pourrait dire. Ce qui s'est
passé ces dernières années, cela n'arrangeait pas la
majorité des gens. Dans le commerce du livre, il y a eu non seulement
des problèmes pour des individus ou des entreprises, mais la profession
en général a souffert d'une situation et encore aujourd'hui,
à mon avis, elle souffre d'une situation. Il ne m'appartient pas de dire
ces choses autour de cette table, mais il convient quand même que je
rappelle que, lorsque le précédent gouvernement, après
avoir envisagé la chose au point d'en rédiger les
arrêtés ministériels et d'en prévenir un
gouvernement extérieur, a retraité jusqu'aux 50%, la profession
et les associations ont poussé des hauts cris. Cela a donné
naissance à des "posters". Cela a été une campagne
invraisembla- ble. Dernièrement, à l'occasion d'une
conférence de presse, des journalistes me demandaient si nous allions
encore cette fois retraiter sur cette question de la propriété.
M. Dussault a été trop actif dans tous ses mouvements pour que
j'insiste là-dessus. Or, ce qui était effectivement le plus
souvent évoqué comme pourcentage, c'était 80%. Nous aurons
l'occasion de nous expliquer là-dessus: Pourquoi finalement
proposons-nous 80%? On peut s'expliquer là-dessus. Tout cela peut se
discuter. Les associations qui vont s'exprimer aujourd'hui vont nous donner
leur point de vue là-dessus. De toute façon, 80% ou 100%,
admettons que les 100% ont pris M. Dussault par surprise. Les 80%
étaient quand même ce qui était réclamé, ce
qui était sur la table au moment où ces transactions se sont
faites. A 51%, on est encore loin de 80%.
M. Rivest: Oui. La remarque du ministre m'amène à
ma deuxième question, au fond, qui est celle qui m'est inspirée,
non pas par votre mémoire, mais par les mémoires qu'on va
examiner par la suite, parce qu'un des aspects poursuivis par le ministre sur
la propriété... C'est normal que, dans le domaine du livre, les
Québécois chez eux aient un contrôle assez sérieux,
significatif du marché. C'est un bien culturel qui est très
important. Vous prétendez qu'avec 51% à l'intérieur de
votre entreprise, vous pouvez le faire. Ma question, vous la trouverez
peut-être brutale, mais c'est celle que posent les mémoires et les
gens, entre autres, les libraires québécois. En termes de
concurrence dans le marché du livre, compte tenu évidemment que
vous allez être un peu partie juge et parti, je veux avoir quand
même votre opinion. Ce que je crois comprendre des sentiments des
libraires, c'est que votre groupe, sur le marché du livre, a joui,
compte tenu du volume de vos opérations et de la qualité de votre
passé propre à la librairie Dussault et de la maison Hachette,
est-ce que vous estimez occuper une position dominante sur le marché,
l'expression évaluée en termes de concurrence?
M. Dussault (André): Actuellement, nous évaluons
que notre chiffre d'affaires en livres dans nos magasins, parce que nous
vendons aussi de la papeterie, mais si nous isolons ce que nous vendons en
livres, représente entre 13% et 14% de la vente totale du livre dans la
province de Québec.
M. Rivest: Y compris la vente aux institutions, etc.
M. Dussault (André): ... un particulier et institution
ensemble.
M. Rivest: Pourriez-vous me dire le nombre de librairies qui
existent?
M. Dussault (André): II doit exister 175 librairies dans
la province. Mais il existe des points de vente où on vend aussi du
livre: des tabagies, des grandes surfaces, etc.
M. Rivest: Parce qu'au fond, le problème, c'est finalement
ça. Je vous le dis très franchement. On en discutera avec ceux
qui viendront par la suite. Plusieurs personnes disent que le groupe
Hachette-Dussault exerce ou occupe une position dominante sur le marché
québécois, ce qui me semble sous-tendre que l'argumentation de
ceux qui réclament les 100% de propriété
québécoise est basée sur cette prémisse.
M. Dussault (André): Moi, je ne peux pas vous
répondre autre chose que: Est-ce que 13%, 14%, pour une entreprise qui a
23 magasins où elle vend du livre, ça s'appelle une position
dominante?
M. Rivest: En tout cas, j'aimerais...
M. Vaugeois: M. le Président, pour aller dans le sens des
préoccupations du député, est-ce que je pourrais citer un
court passage d'une publication toute récente du ministère de
l'Industrie et du Commerce. "Le commerce et la distribution au Québec",
pour le secteur de la librairie, on dit ceci: "En 1978, la part du
marché des librairies à succursales multiples se situerait entre
75% et 80% des ventes des librairies, selon les informations recueillies. Un
autre facteur important à considérer dans l'évolution des
librairies à succursales multiples est l'évolution de la
propriété. En effet, de récentes transactions ont encore
contribué à abandonner le réseau des librairies à
succursales multiples aux capitaux étrangers. De plus, les sièges
sociaux des trois réseaux anglophones se trouvent maintenant à
Toronto."
M. Rivest: M. le ministre, quand ils disent: "ont
contribué", c'est justement ça qui m'intéresse. Quelle est
la réalité? Quand je vous ai parlé hier de chiffres et que
c'est très difficile pour nous d'apprécier... On a des situations
particulières avec lesquelles on peut être quand même assez
sympathiques si on regarde les efforts d'un homme comme M. Dussault, et vous en
avez vous-même fait état. Par contre, il y a les objectifs plus
collectifs, si vous voulez, qui sous-tendent l'ancienne réglementation,
comme le projet de loi qu'on étudie présentement et la
réglementation... Cela aussi, évidemment, c'est hautement
sympathique. Mais, à un moment donné, pour établir la
règle, pour se faire une opinion sur la nécessité des
100%, c'est justement ça qui, en fait, me semble être le
critère. A un moment donné, il faut juger sur des
réalités et il faut avoir des chiffres, des données, des
éléments. La réponse de M. Dussault qui me dit que le
groupe... Moi, on m'avait dit que Hachette, c'était très
important. Plusieurs ont dit ça dans le milieu, dans des conversations
qu'on peut avoir. Là, on me dit que ce sont 13% et 14% du
marché.
Enfin, je ne sais pas. C'est sans doute important, mais j'aimerais
bien... Enfin, on va certainement poursuivre la discussion avec nos autres
invités pour savoir comment ils perçoivent ça et sans
doute qu'ils ont des éclairages à nous apporter, mais, ce qui me
semble capital, c'est de voir la réalité telle qu'elle se pose
parce qu'au niveau des principes, c'est très difficile de trancher,
surtout quand on met, à un moment donné, une ligne, et que cela a
des conséquences pour les individus et que cela a des
conséquences également, comme on l'a souligné hier, au
niveau des bibliothèques publiques. Le ministre... Moi, j'ai
été intéressé certainement par la remarque du
groupe qui a précédé, en fin de soirée hier, les
gens des bibliothèques publiques et des bibliothèques scolaires
parce qu'il y a une question aussi M. Dussault en a fait... Je ne pense
pas qu'il en ait tellement fait allusion dans son mémoire, mais il y a
une question de qualité, il y a une question de volume,
d'échelle, enfin, de qualité de services qui doit entrer aussi en
ligne de compte. Mais, avoir les données précises, c'est pour
ça que c'est très difficile... Je ne sais pas. Peut-être
que d'autres de mes collègues ont le même sentiment que moi, mais
il me semble que c'est ça qui est capital et c'est ça qu'on ne
sait pas. J'espère que ces chiffres existent, parce que j'imagine que le
gouvernement, en prenant les décisions ou les orientations qu'on voit
dans le projet de loi et dans la réglementation, au niveau du
ministère des Affaires culturelles, il y a des données...
J'aimerais bien, en tout cas, que dans les étapes ultérieures de
nos travaux, on puisse les avoir. (11 h 30)
M. Vaugeois: J'aimerais seulement ajouter un petit commentaire
puis laisser la parole au député de l'Union Nationale. Il
faudrait faire attention pour ne pas laisser croire qu'une librairie qui
appartient à un réseau, une librairie à succursales
multiples offre de meilleurs services que les autres.
M. Rivest: Non, non, mais...
M. Vaugeois: Nos meilleures librairies au Québec
et, je ne les nommerai pas pour ne pas leur faire une publicité
excessive, n'appartiennent généralement pas à de
gros réseaux. Egalement, il faut le dire, il y a dans la mémoire
des gens du livre des épisodes qui continuent d'être des plaies
ouvertes; il y a eu, par le jeu de ces entreprises à succursales
multiples, des acquisitions qui ont paru être, pour les populations
locales, de véritables opérations d'impérialisme. Cela,
c'est encore très vivant dans certains coins.
M. Rivest: Là-dessus, si vous le permettez, M. le
ministre, quand je parlais de la qualité des services, je parlais de la
demande précise que les gens des bibliothèques publiques nous ont
faite, de leur inquiétude devant la disparition de ce qu'ils pouvaient
considérer comme intéressant, mais pas exclusif. Bien sûr,
ce n'est pas cela que j'ai voulu dire.
Deuxièmement, quand il arrive des transactions comme
celle-là je ne fais pas de reproche, mais je dis cela comme
ça pourquoi le gouvernement n'intervient-il pas ad hoc?
M. Vaugeois: Effectivement, on a demandé au
gouvernement...
M. Rivest: Ou n'indique-t-il pas une volonté très
ferme? Cela s'est déjà fait. On sait que dans le domaine des
media d'information, par exemple, cela a donné lieu à tout un
battage. Le gouvernement je le sais par expérience suivait
cela de très près. Les volontés gouvernementales
étaient soit signifiées clairement aux gens qui s'engageaient
dans ces avenues et même, à l'occasion, je pense, plus tôt,
dans les années soixante, cela a donné lieu à des
interventions législatives ad hoc.
M. Vaugeois: C'est la raison d'être...
M. Rivest: C'est ce qu'on vise. Quand M. Dussault dit qu'il y a
trois ou quatre entreprises en fait, dans son mémoire, il y a la
sienne qui sont directement visées par cela, en pratique, on fait
une loi générale.
M. Vaugeois: Rappelons-le pour le bénéfice de tout
le monde. S'il y avait eu la SODIC, par exemple, la Société de
développement des industries culturelles, on peut imaginer que Scorpion
n'aurait peut-être pas été racheté de la même
façon. Tout le monde se souvient de la campagne qui a entouré
l'achat de la librairie Garneau, rue Buade, à l'époque, par le
groupe Hachette qui s'est alors servi, comme SODIC, de la SGF. Si la SODIC
avait été là, cela n'aurait peut-être pas
changé grand-chose dans ce cas puisqu'il y avait des acquéreurs
qui avaient de l'argent pour acheter, apparemment, mais c'est une autre offre
qui a été retenue par les propriétaires de Garneau,
à l'époque. Ce qui était vraiment cocasse, c'est qu'on
s'appuyait sur la SGF pour faire cette transaction.
Il y a eu un épisode assez douloureux avec ce qui est
arrivé au CEC à l'époque, lors du décès de
M. Nadeau, qui était un homme extraordinaire dans le domaine du livre.
C'est une espèce d'héritage, nous travaillons à travers
cela. Ce que nous constatons, c'est une évolution qui, après
avoir momentanément favorisé l'apparition d'un certain nombre de
librairies un peu partout, fait que plusieurs de ces librairies
échappent progressivement à la propriété des
Québécois. La pression du milieu s'explique un peu par un
ensemble de circonstances semblables, mais il ne m'appartient pas d'aller plus
loin. Vraiment, j'ai hâte qu'on entende, maintenant, les porte-parole des
autres associations.
Le Président (M. Blank): M. Dussault a quelque chose
à dire.
M. Dussault (André): M. le ministre, je m'excuse, j'ai
compris que vous aviez hâte que je m'en aille. Il y a un mot que je
voudrais ajouter. Quand vous avez évoqué toutes les catastrophes
qui se sont passées et où les gouvernements auraient pu
intervenir s'il avait existé un SODIC, etc., je veux juste vous rappeler
que ce que, dans la profession, nous avons considéré comme la
plus grande catastrophe a été la vente du Centre de psychologie
et de pédagogie à l'Encyclopédie britannique de Toronto,
qui était une filiale de l'Encyclopédie britannique de Chicago. A
ce moment-là je ne sais pas si vous vous le rappelez, M. le
ministre ma maison d'édition avait fait une offre pour acheter le
Centre de psychologie et de pédagogie pour éviter que le centre
ne tombe entre les mains de l'Encyclopédie britannique. Les dirigeants
du CPP n'ont pas voulu attendre, ils nous ont donné trois jours pour
faire notre offre. On a fait notre offre dans les trois jours, ce qui
était un tour de force, mais elle a été refusée et
l'Encyclopédie britannique est devenue propriétaire du CPP. Cela
a été le facteur déterminant dans l'attitude de nos
associations et probablement dans la réaction de M. Cardinal, à
ce moment-là, qui nous a dit: Mettez des normes à 80% et nous on
essayera de faire un combat, au gouvernement, pour vous faire obtenir
l'accréditation à 80%.
Je ne suis pas ici pour défendre Hachette, je me suis
défendu avec Hachette en 1977 à Paris et pendant un an à
Montréal. Ce n'est pas moi qui vais faire le plaidoyer de Hachette. Ils
sont de grands garçons et ils sont capables de le faire. Mais je tiens
à vous rappeler l'épisode du CPP parce que cela a
été une date historique dans le monde du livre de la province de
Québec et personne n'en a parlé devant la commission
parlementaire.
M. Vaugeois: On entre dans une histoire presque privée.
L'épisode du CPP, vous avez raison de le rappeler, mais je pense que
vous pourriez rappeler avec des termes à peu près semblables
l'épisode du CEC.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. le ministre, tantôt vous avez
mentionné, en faisant allusion à un rapport du ministère
de l'Industrie et du Commerce, que 75% à 80% du marché
était détenu par les librairies multiples. Combien y a-t-il de
librairies multiples, à succursales multiples au Québec?
M. Vaugeois: Ecoutez, je ne peux pas donner un chiffre exact,
mais les gros réseaux donnent un total de 68 sur le chiffre d'à
peu près... M. Dussault a parlé de 178 librairies tout à
l'heure, c'est un chiffre assez réaliste, donc, il y a un peu plus du
tiers des librairies qui sont à succursales multiples, qui appartiennent
à des réseaux.
Ce ne sont pas nécessairement toujours, individuellement, les
plus grosses librairies, remarquez, mais...
M. Dussault (André): M. le ministre, vous incluez des
réseaux à propriété anglophone là-dedans qui
vendent des livres français?
M. Vaugeois: Oui.
M. Dussault (André): Quel chiffre mettriez-vous en nombre
sur ces réseaux anglophones installés au Québec?
M. Vaugeois: En terme de chiffre de vente?
M. Dussault (André): Non, en nombre de magasins.
M. Vaugeois: Je vais vous les donner. Dussault et Garneau,
d'après les derniers relevés, avaient 30 succursales.
M. Dussault (André): Cela est inexact, parce que vous
comptez d'abord deux papeteries, deux magasins qui ne vendent que de la
papeterie, donc, ce n'est pas une librairie. Il y a un magasin qui ne fait que
de l'abonnement aux revues et périodiques et il y a une division du
gros. Alors, il faut en enlever tout de suite quatre.
M. Vaugeois: D'accord. Scorpion Flammarion est
évaluée à six, dans le document que j'ai, Coles à
quatre, Smith à sept, Classic à seize et Leméac à
cinq.
Remarquez en passant que Classic qui était à seize a
laissé tomber un certain nombre de librairies du réseau.
M. Cordeau: II y a un autre point de vue aussi dans le projet de
loi qui surprend un peu, c'est la rétroactivité de la loi. Il va
falloir que toutes les librairies deviennent à 100%
propriété de Canadiens demeurant au Québec, mais est-ce
que dans la réglementation ou dans la loi il y a une période qui
sera accordée pour l'adaptation?
M. Vaugeois: Je vous remercie, M. le député, de me
poser la question. Vous me permettez de clarifier deux points. D'abord, nous
n'obligeons personne à devenir à propriété
québécoise dans une proportion ou une autre. Tout ce que nous
faisons, c'est dire à ceux qui veulent profiter soit de subventions,
soit d'un marché captif, le marché des institutions que nous
subventionnons avec les deniers publics, nous disons à ces librairies:
Si vous voulez pouvoir avoir accès à ce marché-là,
il faut être à propriété québécoise
à 100% selon notre proposition. Nous disons également,
étant donné la situation et les ajustements qui sont
nécessaires, nous disons: Vous avez deux ans à partir du moment
où la loi sera adoptée, ce qui veut dire que ça fait en
pratique trois ans, parce que ça fait quand même depuis
décembre que la proposition est sur la table et celle loi-là ne
sera pas votée, je pense, avant décembre de cette année,
ce qui fait donc une première année pour y penser et à
partir de ce moment-là, il y aura encore deux ans de moratoire.
M. Cordeau: Une dernière question, dans votre
mémoire, M. Dussault, à la page 3, lorsque vous nous faites un
peu l'historique de l'évolution de votre commerce, vous mentionnez que
vous avez, avant de négocier avec Hachette, consulté d'autres
groupes, entre autres, cinq groupes québécois successifs, sans
résultat. Est-ce que vous pourriez nous faire connaître
sans indiscrétion les raisons principales de ces
échecs?
M. Dussault (André): L'individualisme
québécois, monsieur. Dans chaque cas il y a eu des
négociations qui n'ont pas abouti, je dirais pour des raisons
sentimentales, individualistes, l'associé craignant d'être un
vice-président qu'on ne considérerait pas beaucoup. Dans chaque
cas notre maison était plus importante que l'associé
envisagé et dans chaque cas l'échec est survenu parce que
l'associé envisagé avait peur d'être quantité
négligeable, ne voyait pas un rôle assez important, assez
reluisant donné à sa personne dans le nouvel ensemble.
Une Voix: C'est pour cela que vous êtes allé vers
Hachette.
M. Dussault (André): Je ne suis pas allé vers
Hachette, c'est Hachette qui est venue vers moi.
Le Président (M. Blank): Merci, M. Dussault, pour votre
mémoire.
M. Dussault (André): Merci.
Le Président (M. Blank): Maintenant, c'est le Conseil de
la culture de la région de Québec, M. Philippe Sauvageau.
M. Cormier (Noël): M. le Président, étant
donné que le président du Conseil de la culture s'est
absenté pour environ une minute il est sorti de la salle
est-ce qu'on pourrait avoir une minute ou deux...
Le Président (M. Blank): Très bien. M. Sauvageau,
vous pouvez procéder.
Conseil de la culture de la région de
Québec
M. Sauvageau (Philippe): M. le Président, avant de
commencer la lecture du mémoire, permettez-moi de vous présenter
un peu le Conseil de la culture. C'est un organisme culturel qui regroupe
l'ensemble des intervenants dans le secteur culturel. Le conseil est
formé de tables sectorielles et d'individus en faisant partie. Dans les
tables sectorielles, il y a une table qui s'occupe particulièrement des
lettres. Cette table regroupe l'ensemble des intervenants dans le secteur du
livre: libraires, écrivains, éditeurs et bibliothécaires.
Le mémoire que le Conseil de la culture vous présente a
été élaboré par cette table et endossé par
le Conseil de la culture de la région de Québec.
Le neuvième ministre des Affaires culturelles du Québec
nous propose une nouvelle loi concernant le développement des
entreprises québécoises dans le domaine du livre, loi
proposée sans la réglementation qui lui donnera sa
véritable dimension.
M. Vaugeois: M. le Président, est-ce que je pourrais leur
demander s'ils ont maintenant les avant-projets de règlements?
M. Sauvageau: Non, nous ne les avons pas reçus,
effectivement.
M. Vaugeois: Vous êtes bien les seuls.
M. Sauvageau: Effectivement, nous les avons vus, mais nous ne les
avons pas reçus.
M. Vaugeois: Vous les avez lus?
M. Sauvageau: Non, nous les avons vus. C'est un libraire qui nous
les a montrés, mais nous n'avons pas reçu les avant-projets.
M. Vaugeois: On est sans cloute si peu habitué à
voir les CRC s'intéresser aux librairies.
M. Sauvageau: C'est parce que vous nous avez oubliés.
Le Président (M. Blank): M. Sauvageau, vous pourriez
peut-être changer de place avec l'autre monsieur, parce que je pense que
l'autre micro est meilleur que celui-là. Vous pourriez aussi nous donner
le nom de votre collègue.
M. Sauvageau: Le collègue qui est avec nous, c'est M.
Noël Cormier, qui est au conseil d'administration du CRC.
Le Conseil de la culture de la région de Québec a pris
connaissance du projet de loi et les commentaires qu'il formule visent à
ce que cette loi ait des effets autres que ceux découlant des
présentes lois. Le Conseil de la culture prétend qu'une loi
portant sur les politiques du livre doit respecter tous les intervenants de ce
secteur. Le Conseil de la culture souhaite que la loi qui est
déposée soit assortie d'une réglementation qui aura pour
conséquence de rendre le livre le plus accessible possible à
l'ensemble des Québécois. Nous aborderons, dans un premier temps,
le développement du réseau professionnel et commercial de
l'industrie du livre et, dans un deuxième temps, le développement
du réseau des bibliothèques publiques.
Commentaire général. Une loi portant sur le livre devrait
chercher à protéger spécialement la librairie dans le
réseau commercial, de même que la bibliothèque dans le
champ de la diffusion. Cette loi devrait être articulée en tenant
compte des véritables malaises dont souffre la librairie et non à
partir d'idées préconçues et de spectres
véhiculés par certains professionnels du commerce du livre. Or,
la présente loi semble reposer sur des prémisses
complètement fausses, tout comme la précédente d'ailleurs,
soit l'importance d'empêcher les institutions subventionnées
d'acheter en Europe. (11 h 45)
Avant 1968, les institutions subventionnées achetaient au
Québec en très grande partie. En effet, le 20 juin 1968, la
Commission des bibliothèques publiques du Québec, après
une enquête minutieuse auprès des 114 bibliothèques
publiques alors existantes et subventionnées, soumet- tait au ministre
des Affaires culturelles un rapport circonstancié qui démontrait
que 89% de tous les achats de livres français effectués par les
bibliothèques publiques étaient faits chez des libraires du
Québec présurnément agréés, et qui plus est,
le total des achats des bibliothèques ne représentait pas le
quart du chiffre de vente des librairies.
D'après les chiffres révélés dans ce
rapport, on ne pouvait logiquement pas tenir les bibliothèques publiques
responsables de l'état d'anémie chronique dans lequel se
trouvaient les entreprises commerciales québécoises du livre. Le
problème était indubitablement ailleurs.
Pourtant, en 1972, une nouvelle réglementation venait obliger,
sous peine de sanctions, les bibliothèques à s'approvisionner
uniquement auprès des libraires agréés, et ceux-ci
auprès de distributeurs exclusifs, le cas échéant,
établis au Québec.
Très rapidement cependant, les libraires se sont aperçus
que ce n'était pas le Klondike, la manne céleste. Des librairies
ont fait faillite et le prix des livres a continué à augmenter,
sans pour autant que celles-ci profitent de cette augmentation. On avait
surévalué, comme on le fait présentement, l'aide qu'une
telle loi devait apporter, et pour cause: les prémisses reposaient sur
une analyse erronée. Encore une fois, on n'avait pas localisé la
véritable cause.
La réglementation de 1972 n'a pas eu pour effet d'entraîner
l'installation de nouvelles librairies en région ni d'affermir la
situation des librairies existantes. Au contraire, le commerce du livre n'a
cessé de se dégrader en dehors des grands centres. Il est vrai
que l'on a vu des grossistes ouvrir des succursales dans quelques coins du
Québec. Toutefois, il ne faut pas confondre cette arrivée des
grossistes avec le véritable essor d'un commerce vraiment
régional ou avec un accroissement réel de la présence du
livre en région. D'ailleurs, plusieurs de ces succursales ont
fermé leurs portes peu de temps après, faute de
marché.
Une autre "solution" désastreuse qui découlait d'une
vision déformée de la réalité a été
la mise en place de distributeurs exclusifs dotés de pouvoirs absolus.
Ceux-ci pouvaient et peuvent encore fixer les prix de catalogue de tous les
volumes diffusés en exclusivité au Québec. Les
éditeurs français ont compris aussitôt les avantages qu'une
telle réglementation leur octroyait. Nous avons assisté à
la course aux distributeurs exclusifs. Les éditeurs, petits et gros, ont
eu leur distributeur exclusif au Québec.
L'établissement d'agences de distribution au Québec n'a
assuré ni le maintien sur place de stocks importants et variés,
ni un service plus rapide au libraire. A combien de reprises les libraires se
sont-ils joints aux bibliothécaires pour dénoncer justement la
qualité du service donné par les maisons de distribution, leur
attitude mercantile, leur responsabilité dans l'augmentation du
coût du livre au détail, leur tendance à limiter leur champ
d'action aux livres de vente rapide, de portée culturelle
inférieure, intensifiant ainsi la disparition du livre d'une
densité culturelle plus
élevée. N'oublions pas que c'est le consommateur
québécois qui, à chaque fois, s'en trouve
pénalisé. Au lieu d'améliorer la situation, le
présent projet de loi renforce les pouvoirs des distributeurs exclusifs,
ce qui est nettement inacceptable.
Comme la très grande majorité des livres que nous lisons
sont étrangers, le problème le plus grave se loge à
l'enseigne de l'importation et, plus spécifiquement, de l'importation du
livre français. La solution aux problèmes actuels de l'industrie
du livre se situe donc ailleurs que dans la seule réglementation des
achats des institutions subventionnées et dans le soutien aux agences de
distribution comme pivot important d'un commerce québécois du
livre.
Le projet de loi veut intervenir sur tous les maillons de la
chaîne. Nous en sommes! Il propose son appui aux entreprises
québécoises à 100%. Nous en sommes toujours! Mais encore
faudrait-il que les dispositions qui seront mises de l'avant n'aient pas pour
conséquence de réduire davantage l'intervention économique
déjà faible des libraires et des bibliothèques, et de
limiter l'éventail des lectures offertes aux Québécois,
tout en maintenant le livre à un prix scandaleusement
élevé.
Nous réaffirmons que la législation devrait chercher
à protéger spécialement le libraire dans le réseau
commercial, de même que la bibliothèque dans le champ de
diffusion. Une politique très poussée d'aide à
l'édition québécoise, par exemple, n'aurait pas d'impact
si elle excluait le libraire. C'est lui qui, professionnellement, assume la
tâche de la présence commerciale du livre sur l'ensemble du
territoire, avec les responsabilités financières que comporte le
service au client, comme la bibliothèque assure l'accès gratuit
du livre pour tous les citoyens. En bref, la bibliothèque protège
le droit à l'information et à l'épanouissement
intellectuel pour tous et la librairie permet au consommateur de
bénéficier directement d'un service d'approvisionnement
correspondant à ses propres besoins.
Actuellement, il est généralement admis que la faiblesse
économique des libraires les empêche de remplir
adéquatement leur rôle professionnel. Quant à la situation
des bibliothèques québécoises, elle est plus pitoyable que
partout ailleurs dans le monde industrialisé.
Le développement du réseau professionnel et commercial de
l'industrie du livre au Québec. Il faut laisser au libraire le droit et
la possibilité de travailler comme il l'entend, avec les
intermédiaires les plus aptes à assurer sa vitalité
économique et la qualité de ses services.
La présence des distributeurs exclusifs a provoqué une
augmentation incontrôlée des prix des livres. La présence
d'agences de distribution au Québec a contribué à rendre
accessible et disponible, sur l'ensemble du territoire, le livre de vente
rapide et facile: recettes de cuisine, traités de sexologie,
d'astrologie... Par contre, elle a entraîné une modification
néfaste des règles du jeu commercial, du moins telles qu'elles
sont appliquées actuellement.
En effet, pour supporter administrativement l'arrivée de cet
intermédiaire supplémentaire, les maisons d'édition ont
majoré leur prix de vente. Comme aucune loi ne réglementait la
détermination des prix par le distributeur, plusieurs d'entre eux en ont
profité pour utiliser une tabelle exagérément
élevée, faisant payer aux libraires la majoration de
l'éditeur en plus de l'énorme marge de bénéfice que
s'appropriait le distributeur lui-même. Par contre, la loi
déterminait le pourcentage de profit brut du libraire. En
conséquence, ce dernier s'est vu placé dans l'obligation
d'augmenter considérablement son prix de détail tout en
soutenant, sur plusieurs catégories de volumes, une baisse importante de
son profit réel. On lui a reproché la montée vertigineuse
des prix alors qu'il n'en était pas le principal responsable, mais
plutôt l'une des victimes.
Somme toute, ces règles du jeu ont occasionné un
affaiblissement du pouvoir d'achat du libraire et, par ricochet, des
institutions subventionnées forcées de subir la hausse des prix.
Les bibliothèques ont dû réduire, par le fait même,
le service public qu'elles offrent à ces mêmes
québécois qui ont supporté eux aussi une augmentation
vertigineuse des prix au comptoir du libraire.
Dans ce contexte, du strict point de vue commercial, plus le
distributeur s'enrichit, plus le libraire s'épuise, plus le consommateur
québécois en subit les conséquences financières et
culturelles.
Les distributeurs exclusifs offrent un service largement
déficient. D'une manière générale les distributeurs
ne maintiennent pas les stocks nécessaires pour répondre aux
demandes. La situation n'est pas trop critique en ce qui a trait aux livres de
vente rapide et facile. Les délais d'approvisionnement ne sont pas trop
longs. Mais lorsqu'il s'agit de vente plus lente, le libraire se voit souvent
dans l'obligation d'utiliser le réseau des fournisseurs et des
commissaires pour remplir ces commandes dans les délais acceptables par
la clientèle.
Ces nouveaux intermédiaires doivent prendre leur profit. Tous ces
écrans, qu'ils soient commissionnaires ou distributeurs, contribuent
à provoquer une augmentation des prix au détail. Leur
intervention pourrait être rendue utile si l'Etat aidait les libraires
à se donner des services communs, s'il encourageait la mise en place
d'un réseau direct et québécois entre les libraires et les
éditeurs étrangers.
Dans ce cadre, le service fourni par le libraire aux institutions
subventionnées et à l'individu-client pourrait être
grandement amélioré. Il ne faut pas se cacher que de nombreux
libraires, pour éviter recherches et frais d'administration, ont
tendance à répondre à leur clientèle que certains
titres sont épuisés alors qu'ils sont plutôt difficiles
à obtenir.
Les lacunes dans le service donné par le distributeur au libraire
entraînent souvent des démêlés entre le libraire et
sa clientèle, sinon la perte de clients. Encore une fois, le commerce de
la librairie souffre des actuelles règles du jeu.
Les distributeurs contribuent à développer un important
réseau parallèle de vente du livre au détriment du
libraire. Les maisons de distribution contribuent actuellement à
développer au Québec un important réseau parallèle
de vente du livre de lecture facile. Depuis un certain temps, on voit
s'agrandir les espaces consacrés à certains types de livres dans
les pharmacies, les supermarchés, les tabagies, etc. Comme ils tiennent
à voir progresser ce nouveau marché, les distributeurs y sont
très présents, par un service sans bavure. Les librairies en
supportent les conséquences, d'une part parce qu'elles doivent soutenir
leur forte concurrence dans le secteur du livre de vente rapide, et, d'autre
part, parce que les distributeurs les contraignent à tirer leur profit
d'abord du livre de portée culturelle plus étendue sur lequel la
marge de bénéfice est souvent réduite.
Cette arrivée de concurrents populaires dans un secteur de vente
où les avantages financiers sont intéressants affaiblit encore la
librairie. Malgré l'intérêt que peut représenter la
présence du livre dans les lieux très fréquentés,
il est clair que ni les tabagies ni les supermarchés ne pourront, par
ailleurs, permettre l'accès à l'éventail de lecture qui
soit minimal pour un peuple qui se respecte culturellement. C'est à
l'Etat qu'il incombe de faire le choix commercial qui s'impose pour encourager,
par ses politiques, l'intervenant professionnel dont le rôle social est
le plus essentiel. Quant à nous, il est évident que, du point de
vue de l'industrie du livre dans toutes ses dimensions comme du plus strict
point de vue commercial, c'est le libraire qui doit être
privilégié.
Une solution à explorer: deux réseaux, l'un commercial,
qui doit traiter avec les distributeurs, l'autre professionnel, le libraire,
qui traite avec qui il veut. L'étude Drouin-Paquin proposait, il y a
quelque temps, une réorientation du secteur de la librairie basée
sur un système double. "Un réseau commercial axé vers la
rentabilité maximale par la vente de livres de grande diffusion à
écoulement rapide; un réseau professionnel,
représenté par les libraires agréés et axé
vers un niveau de service élevé aux acheteurs individuels et aux
institutions subventionnés." L'obligation de passer par les maisons de
distribution pourrait être maintenue pour le premier réseau et
abandonnée pour le second.
Cette levée de l'obligation pour le libraire professionnel et
agréé de passer par les maisons de distribution pour les achats
à l'étranger constitue une des transformations majeures qu'il
faut apporter au projet de loi. Que le libraire professionnel ait la
possibilité de travailler comme il l'entend.
Pour contrecarrer l'actuel contrôle du marché par certaines
maisons d'édition et de distribution, l'Etat devrait favoriser la
création d'une centrale d'approvisionnement à l'étranger
à l'intention des librairies. Cette centrale pourrait être le
pendant de l'Association canadienne pour la diffusion du livre dans le secteur
du transport. Québécois à 100%, l'organisme
créerait un lien direct entre le libraire et l'éditeur
français, entre autres. Ces efforts conjugués pourraient briser
le système actuel de contrôle du marché, réduire
considéra- blement les prix et assurer, entre autres, aux institutions
subventionnées un service de qualité largement supérieur
à celui qui existe.
Quant aux distributeurs, quelle que soit la formule retenue, l'Etat doit
limiter la tabelle qu'ils utilisent pour déterminer les prix. C'est une
condition sine qua non à un retour à des prix raisonnables. Le
gouvernement devrait aussi les obliger à avoir en stock la
majorité des livres de l'éditeur qu'ils distribuent pour pouvoir
maintenir un service convenable.
Soulignons que toutes les entreprises du livre apprécieraient
grandement une intervention de l'Etat qui inciterait fortement les
éditeurs étrangers, et plus particulièrement les
français, à donner à leur clientèle
québécoise les avantages auxquels elle devrait normalement
s'attendre, vu le volume d'affaires. Ces éditeurs ont
présentement tendance à profiter exagérément du
besoin culturel que nous avons d'eux. Et c'est là le fond du
problème.
En somme, la loi telle que présentée ne solutionne ni le
problème du libraire en le laissant à la merci du distributeur
exclusif, en ne touchant pas au circuit parallèle de vente dans les
tabagies et les supermarchés, etc., ni le problème de
l'accessibilité, puisqu'en consacrant la présence du distributeur
exclusif, le prix des volumes contribuera à être
élevé et pour les citoyens et pour les institutions
subventionnées.
Le développement du réseau des bibliothèques
publiques, pierre angulaire de toute politique culturelle. Les
bibliothèques publiques, pierre angulaire de toute politique culturelle.
Un réseau de bibliothèques, surtout publiques, reste un des
moyens essentiels et prioritaires de diffusion du livre. Ce réseau agit
différemment du réseau de librairies: distribution
immédiatement gratuite aux contribuables; et avec des moyens et une
infrastructure autres que commerciaux: les besoins culturels de la
communauté sont les seuls facteurs considérés. Nous nous
permettons ici de souligner un passage du texte du ministre des Affaires
culturelles, lors du congrès de l'ASTED, en octobre 1978: "Pour ma part,
j'endosse pleinement la déclaration suivante que M. Frégault
écrivait, en 1973, en avant-propos du mémoire
d'éléments de programme sur le développement d'un
réseau de bibliothèques publiques: Le ministère des
Affaires culturelles considère comme l'un de ses plus impérieux
devoirs d'assurer le contact à la fois libre, gratuit et régulier
entre l'homme de la rue et les trésors universels de l'esprit contenus
dans les livres. Il est très important qu'il y ait des livres partout.
Non seulement dans la métropole, non seulement dans la capitale, mais
partout. L'accès au livre n'est pas un privilège, c'est un droit,
un droit individuel et collectif. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que le
programme des bibliothèques publiques a un caractère de
priorité et que le réseau des établissements de lecture
publique est le moyen le plus important de la diffusion de la culture."
Ainsi, le ministre des Affaires culturelles, M. Vaugeois, corroborait un
texte de l'UNESCO publié en 1969: "Réflexions préalables
sur les politi-
ques culturelles", réflexions concrétisées en 1972,
lors de l'Année internationale du livre, dans un manifeste qui doit
être au moins indicatif, sinon impératif, pour nous
législateurs. Cet organisme international hautement culturel
précisait alors le rôle et les responsabilités de l'Etat
dans le développement et le financement des bibliothèques
publiques, "principal chaînon d'une politique culturelle parce qu'elles
seules donnent accès gratuitement aux grandes oeuvres de
l'humanité et aux grands courants de la culture."
Après avoir ainsi nettement désigné les
bibliothèques publiques comme devant faire partie prioritairement des
préoccupations de l'Etat dans une politique culturelle cohérente,
efficace et harmonieuse, l'UNESCO semble laisser à la libre entreprise
le soin d'assurer un réseau commercial de librairies.
C'est exactement le contraire que le ministère des Affaires
culturelles a fait jusqu'à maintenant par ses politiques sur le livre.
Et c'est encore et aussi le contraire que le nouveau projet de loi annonce:
sauvons le commerce d'abord, et on essayera de compenser par la suite.
Une politique de l'industrie du livre et donc de la consommation
du livre doit nécessairement s'établir en fonction des
consommateurs, de ceux-là qui ne peuvent que compter sur
l'accessibilité gratuite aux livres, via les bibliothèques
publiques.
Or, les budgets d'achat des bibliothèques publiques n'ont
cessé, grâce à l'ancienne politique du commerce du livre,
de perdre de leurs pouvoirs en grande partie à cause du système
du distributeur exclusif. Même si, admettons-le, leurs budgets globaux
ont augmenté sensiblement, même si un effort gouvernemental
appréciable et louable s'est manifesté dans l'octroi des
subventions, les bibliothèques n'ont pas réussi, dans leur
pouvoir d'achat, à suivre la montée vertigineuse du coût
des volumes. (12 heures)
En outre, si, pour les bibliothèques d'enseignement, le
ministère de l'Education a compensé, à l'époque, la
perte du pouvoir d'achat qu'entraînait la législation, il n'en fut
rien du côté du ministère des Affaires culturelles pour les
bibliothèques sous sa juridiction. Au contraire, les subventions aux
bibliothèques publiques, qui ne sont pas statutaires, comme certains
semblent le croire, ont été diminuées en 1972 et en 1973.
Une telle perte du pouvoir d'achat est due, en grande partie, à la
législation d'alors qui consacrait les distributeurs exclusifs à
qui on concédait tous les droits sans contrôle dans la
détermination des prix de leur marchandise, tolérance et
même protection que le nouveau projet de loi perpétue, en
dépit de toute logique.
Pourtant, la situation actuelle des bibliothèques publiques du
Québec n'est guère reluisante. A cet effet, nous citerons
à nouveau le ministre des Affaires culturelles qui s'adressait aux
bibliothécaires lors du congrès de l'ASTED, en octobre 1978: "Le
développement des bibliothèques publiques chez nous s'effectue
lentement, péniblement, non sans peine et non sans douleur... Les
usagers ontariens disposaient de 2,25 livres par tête, alors que les
Québécois avaient accès à 0,81 livre par
tête. Les locaux affectés à des fins de
bibliothèques publiques, en Ontario, représentaient un total de
377 pieds carrés par 1000 habitants, alors qu'au Québec le
chiffre correspondant s'élevait à 113 pieds carrés par
1000 habitants. L'effort financier des municipalités en Ontario
atteignait $10.15 par tête, alors qu'au Québec il
s'éteignait à $1.90 par tête... Il est donc exact d'en
conclure que nous avons un bon bout de chemin à parcourir avant que nous
réussissions à atteindre le niveau de services offerts par les
bibliothèques publiques ontariennes soit, en gros, 2 000 000 de pieds
carrés à ajouter aux espaces actuels, plus de 8 000 000 de livres
à ajouter à nos collections".
Compte tenu de cette situation des bibliothèques publiques
dénoncées par le ministre des Affaires culturelles
lui-même, comment pouvons-nous nous associer à une politique du
livre qui ne règle en rien le problème de l'approvisionnement du
livre et qui encourage sans conteste une augmentation du prix du livre. Une
telle politique n'aide ni les librairies ni les bibliothèques, et qui
plus est, pénalise le citoyen qui paiera le livre plus cher chez le
libraire et qui aura encore moins de choix dans les bibliothèques.
Pour se développer, les bibliothèques doivent jouir d'un
minimum de liberté dans l'élaboration de leurs politiques
d'achat. La loi devrait garantir aux bibliotèques certains droits: le
droit de bénéficier de soldes ou de ventes à rabais au
Québec et à l'étranger; le droit d'acheter de n'importe
quel libraire agréé au Québec; le droit de
bénéficier d'escomptes de 15% sur les achats massifs, escomptes
sur paiement anticipé, etc.
Le droit de bénéficier des soldes ou ventes à
rabais au Québec et à l'étranger. Comme nous l'avons
vérifié plus haut, les bibliothèques
québécoises ont des budgets fort restreints et ont peu de
volumes. En conséquence, elles devraient pouvoir
bénéficier de soldes ou de ventes à rabais, comme cela
existe dans tous les commerces. L'accès à ces soldes permet aux
bibliothèques, entre autres, d'acheter des volumes d'art ou très
illustrés qui se vendent normalement trop cher pour faire l'objet d'un
achat régulier de la part de la bibliothèque. Elles peuvent ainsi
compléter leurs collections. Or, ces ventes obéissent à
des impératifs particuliers: écoulement rapide des stocks
intéressants, nécessité de choisir les ouvrages valables,
mécanisme de mise en marché particulier, etc. Dans le cas des
volumes français, les soldeurs sont situés et travaillent surtout
à Paris.
Le projet de loi devrait permettre aux institutions
subventionnées de consacrer au moins 20% de leur budget d'achat annuel
à l'achat de volumes en solde ou à rabais, quels que soient les
lieux d'approvisionnement. Comment, dans de telles conditions, statuer qu'un
volume est soldé? Son prix pourrait le déterminer et nous
pourrions dire que le prix de tout livre en solde doit être
inférieur de 40% à son prix de catalogue établi lors de sa
mise en marché.
II ne faudrait surtout pas restreindre ce droit par l'obligation de
passer par le réseau des distributeurs exclusifs. En effet, les
véritables soldes sur les volumes français, par exemple, se
retrouvent à l'extérieur du Québec. Toute disposition qui
ne respecterait pas la nature même de ce marché serait une
façon d'empêcher les bibliothèques d'avoir accès aux
volumes à coût réduit.
La seule disposition acceptable serait de limiter à environ 20%
la part du budget que les bibliothèques publiques pourraient consacrer
à l'achat de livres en solde. En somme, tout règlement visant
à réduire ce droit ne fera que pénaliser
l'utilisateur.
Le droit d'acheter de n'importe quel libraire agréé du
Québec. Devant la faiblesse (qualité et quantité) du
réseau de librairies au Québec, l'Etat oblige, depuis 1972, les
bibliothèques scolaires à s'approvisionner dans leur
région. Le législateur pourrait être tenté d'imposer
la même obligation -toutes les bibliothèques subventionnées
ou dépendant d'organismes subventionnés.
Pourtant, cette procédure n'a pas entraîné une
amélioration de la qualité du service offert par les librairies
situées hors des grands centres. Une telle obligation placerait
plutôt les bibliothèques des régions autres que
Québec et Montréal à la merci des libraires de la
région, même si leurs services ne sont pas adéquats.
Le développement d'un réseau de librairies en
région passe par d'autres mesures. Entre autres, l'accroissement de la
proportion de Québécois desservis par des bibliothèques
augmentera la clientèle des libraires. Ce ne sont pas les maigres
budgets des institutions subventionnées qui feront vivre tous les
libraires du Québec, mais bien une clientèle plus stable et plus
articulée qui aura acquis dans les bibliothèques, le goût
et le besoin de lire.
Le droit d'obtenir des escomptes. La loi actuelle régissant le
commerce du livre stipule que les institutions subventionnées
bénéficient d'un escompte de 15% si le libraire obtient la remise
maximale de 40% dans le cas des volumes soumis à la distribution
exclusive, et l'escompte diminue proportionnellement à ladite remise. Il
est maintenant question d'éliminer ce droit consenti aux institutions
subventionnées dans le but d'aider les libraires à redresser leur
situation financière.
Un calcul établi à partir des propres statistiques du
ministère des Affaires culturelles, concernant les budgets d'achat
dépensés par les bibliothèques publiques en 1977,
révèlent que, si l'escompte de 15% n'avait pas été
alors permis, les bibliothèques se seraient trouvées dans
l'alternative suivante: ou bien payer aux libraires quelque $790 000 de plus
pour la même quantité de volumes, ou bien diminuer leurs commandes
de près de 100 000 volumes alors que leurs collections étaient
déjà bien insuffisantes. Et c'était pour l'année
1977; que supposer alors pour les années 1980 et suivantes?
L'Etat, s'il voulait adopter une telle mesure, devrait assurer aux
bibliothèques des sommes supplémentaires adéquates
à titre de compensa- tion pour la perte du pouvoir d'achat. Mais quelles
garanties le ministre des Affaires culturelles va-t-il leur donner que les
subventions qu'elles reçoivent aujourd'hui, calculées selon les
paramètres actuels, ne seront pas triturées de manière
à leur faire absorber tout simplement, sans plus, la valeur des
escomptes disparus? Bien plus, quelles garanties le ministre peut-il
lui-même obtenir de la part du ministre des Finances et du Conseil du
trésor que les sommes nécessaires pour compenser
adéquatement la perte indéfinie des escomptes seront,
d'année en année et d'une façon obligatoire et permanente,
versées en sus des subventions ordinaires non triturées aux
bibliothèques publiques selon leurs chiffres d'achat?
Sans au moins ces deux garanties inscrites dans la loi, il serait
difficile pour les bibliothèques publiques d'accepter cette nouvelle
politique, car elles savent d'expérience que l'impossibilité
d'obtenir les crédits nécessaires aux fins
précitées fait, hélas!, partie des probabilités
administratives du gouvernement; elles en ont déjà eu la preuve
alors que, en 1972 et en 1973, faute de crédits suffisants, leurs
subventions réglementaires ont dû être coupées
respectivement et uniformément de 14% et de 18%.
Alors, si l'escompte de 15% devient impossible à cause du nouveau
règlement proposé et si les subventions de compensation se
révèlent un jour ou l'autre également impossibles à
cause de restrictions budgétaires, les bibliothèques publiques
financées par les municipalités dans une proportion de 70% seront
pénalisées par une telle législation et ce, au
détriment des usagers et de la collectivité, car il s'agit d'une
mesure coercitive imposée aux municipalités qui n'a son pareil
dans aucun autre secteur. Tout au contraire, les municipalités sont
obligées de procéder par soumissions; ce qui leur permet de faire
certaines économies dans les autres secteurs d'intervention.
A notre avis, il existe des modalités plus adéquates qui
avantageraient financièrement le libraire. Une de celles-ci
réside dans la présentation de la commande. Les institutions
subventionnées ont à leur service des spécialistes du
livre qui sont habitués à travailler avec les instruments
bibliographiques les plus complexes. Au lieu de suggérer aux libraires
d'engager des bibliotech-niciens et d'acheter de tels instruments
bibliographiques, les bibliothèques pourraient très bien
effectuer ces recherches qu'elles font de toute façon. Ainsi, si la
demande était transmise sans qu'elle nécessite aucune recherche
de la part du libraire: auteur, titre, collection, maison d'édition,
etc., il y aurait une diminution des frais d'administration au niveau de la
masse salariale. Si, pour réaliser certaines économies, les
institutions subventionnées transmettaient les commandes avec une
identification bibliographique incomplète, en omettant, par exemple,
l'éditeur, nous pouvons imaginer facilement le surcroît de travail
qu'auraient les libraires pour compléter les commandes.
Bien sûr, il faut que le libraire, lien commercial
nécessaire entre l'éditeur et le consommateur, soit
protégé, soutenu, aidé afin d'assurer la solidi-
té et l'amplitude de ce réseau de distribution de la
culture. Mais pourquoi devrait-il toujours l'être au détriment
d'un autre réseau, celui des bibliothèques publiques, qui met
gratuitement la culture à a portée de tous? Pourquoi, une bonne
fois et une fois pour toutes, ne pas chercher la solution ailleurs? Pourquoi,
par exemple, le ministre des Affaires culturelles qui, avec raison, juge
nécessaire et opportun de protéger le chaînon librairies,
ne le fait-il pas directement, comme il le fait pour les autres chaînons:
auteurs, éditeurs, bibliothèques? Il nous semblerait plus logique
et surtout beaucoup plus simple et plus sécurisant aussi pour les
bibliothèques publiques que le ministre verse directement aux
librairies, selon des modalités à définir, les sommes
compensatoires que le ministre des Finances aura consenties.
En conclusion, le Conseil de la culture de la région de
Québec croit que toute loi concernant le commerce du livre doit
respecter tous les intervenants dans ce secteur: libraire,
bibliothécaire, écrivain, etc.; restreindre le pouvoir des
distributeurs exclusifs en permettant aux libraires de s'approvisionner
directement chez l'éditeur ou chez le grossiste; si la distribution
exclusive est conservée pour certaines catégories de volumes,
plafonner la tabelle qu'utilisent les distributeurs exclusifs et obliger
ceux-ci à offrir certains services: stocks suffisants, promptitude
à remplir les commandes, etc.; chercher une rentabilité accrue du
commerce du livre en étudiant sérieusement la mise en place d'une
centrale québécoise d'approvisionnement, en reconnaissant les
rôles respectifs et du libraire et du bibliothécaire afin que
ceux-ci puissent élaborer ensemble des méthodes de travail
susceptibles d'accroître la rentabilité financière du
premier et le rendement du second face à leurs responsabilités
communautaires; ne contribuer d'aucune façon à diminuer le
pouvoir d'achat des bibliothèques publiques; permettre aux institutions
subventionnées d'acheter des volumes soldés sans poser de
conditions qui restreindraient dans les faits l'accès auxdits volumes
soldés; obliger le Conseil consultatif de la lecture et du livre
à tenir des audiences publiques avant l'adoption du projet de
règlement.
Le Conseil de la culture de la région de Québec prie le
ministre des Affaires culturelles de chercher des solutions définitives
à l'état d'anémie des librairies
québécoises, solutions qui devront tenir compte des
véritables causes de cet état. La possibilité de
subventions directes est à explorer.
Le Président (M. Blank): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Vaugeois: Moi aussi, je veux remercier les gens du Conseil de
la culture de la région de Québec de l'intérêt
qu'ils portent à la question des bibliothèques publiques.
J'ai eu l'occasion hier de regretter l'absence quasi dramatique de
plaidoyer en ce sens de la part d'une foule d'organismes qui, d'après
moi, devraient être au premier chef préoccupés du
développement des bibliothèques publiques qui sont non seulement
un lieu d'accessibilité au livre, un lieu de diffusion du livre, mais
souvent un lieu d'animation et d'activités culturelles dans bien des
régions, dans bien des municipalités, dans bien des
localités. C'est souvent le seul endroit vraiment où il se passe
quelque chose, où les activités culturelles peuvent trouver leur
place. C'est un plaidoyer qu'on entend trop rarement et, dans un premier temps,
je veux en remercier, en féliciter les porte-parole du Conseil de la
culture de la région de Québec.
Hier, nous avons eu l'occasion, par l'audition de certains
mémoires et en particulier de celui des bibliothécaires,
d'aborder assez longuement plusieurs questions qui sont traitées
aujourd'hui. Nous les avons encore peut-être abordées davantage
à l'occasion d'un échange que nous avons eu avec les
distributeurs. Je pense pouvoir dire qu'à cet égard je me suis
fait un peu votre précurseur hier en avançant, en prenant sur moi
un certain nombre d'observations que vous formulez. Je ne dis pas que je les ai
formulées comme vous les formulez, je ne dis pas que je les ai toutes
formulées, mais je pense que, sur certains points, je n'étais pas
loin des remarques qui sont contenues dans votre mémoire.
Egalement, nous avons fait fréquemment référence
aux avant-projets de règlements qui sont déposés
maintenant, ce qui est assez rare, je tiens à le souligner. Nous sommes
conscients d'avoir une loi-cadre. C'est un choix que nous avons fait. Nous
sommes conscients de ce que cela peut signifier et c'est une raison pour
laquelle nous avons tenu à déposer nos avant-projets de
règlements. Les procédures pour l'approbation de ces
règlements et pour leur modification ne seront pas soumises à
l'arbitraire de qui que ce soit. Nous allons renforcer le conseil consultatif
à la lumière de certaines remarques qui nous ont
été adressées hier. Nous allons lui donner un rôle
accru et je pense que nous trouverons là un organisme
indépendant, autonome et compétent qui pourra surveiller
l'évolution des règlements. Je pense que nous avons tous
intérêt à utiliser cette formule parce que les
règlements peuvent être modifiés au vu et au su, si on veut
prendre les moyens nécessaires, alors qu'une loi est beaucoup plus
difficile à faire évoluer.
Donc, plusieurs points que vous abordez dans votre mémoire, j'ai
presque envie de dire tous les points que vous abordez dans votre
mémoire ont trouvé hier des commentaires assez importants ou
encore ont trouvé des réponses précises soit à
l'occasion des échanges qu'on a eus, soit encore en faisant des
références aux règlements qui ont été
déposés. Je retiendrai quand même quelques exemples. Je les
prends un peu en vrac. Par exemple, à la page 14, vous plaidez pour le
livre de solde. C'est prévu déjà dans un règlement.
Il y a un écart qui nous sépare. Nous parlons dans le
règlement de 50%. Vous parlez de 40% de rabais. Il y a probablement
aussi une autre petite nuance qu'il faudrait vérifier. Vous parlez
d'achat directement chez le soldeur en Europe, alors que je crois
que nous faisons davantage référence à un livre en
solde ici au Québec. Ce sont des questions que nous pouvons regarder
plus attentivement, mais c'est pour vous dire que la plupart des points que
vous évoquez trouvent leur réponse soit dans les échanges
qu'on a eus hier, soit dans les avant-projets de règlement.
En page 2, et vous le reprenez à la fin, vous avancez un certain
nombre de préoccupations qui sont les nôtres. La loi doit
respecter tous les intervenants de ce secteur. C'est un principe que vous
réaffirmez et que nous faisons nôtre. Vous voulez également
que la réglementation ait pour conséquence de rendre le livre le
plus accessible possible à l'ensemble des Québécois. C'est
effectivement notre préoccupation. Il y a comme cela plusieurs points
que je pourrais reprendre et faire miens. Je pense que ce n'est pas
nécessaire de le faire pour chacun des cas.
Il y a une question que j'aimerais vous poser. Vous soulignez à
deux ou trois reprises les difficultés du commerce de librairie. Vous
dites à un endroit, par exemple, à la page 3, que certaines
succursales ont dû fermer faute de marchés. Vous plaidez,
d'ailleurs, vous-mêmes pour l'existence d'un bon réseau de
librairies. (12 h 15)
J'aimerais que vous puissiez me dire comment nous pouvons compenser la
faiblesse d'un marché individuel quand la population d'une région
donnée est assez faible sans avoir recours à un marché que
nous soutenons, celui des bibliothèques subventionnées ou des
bibliothèques subventionnées municipales ou scolaires. Je retiens
cette question. J'aimerais avoir un peu votre point de vue là-dessus.
Cela vient à la page 3 et cela revient à d'autres endroits. Par
exemple, à la page 5, on insiste beaucoup sur le fait qu'il est
généralement admis que la faiblesse économique des
libraires les empêche de remplir adéquatement leur rôle
professionnel. On tourne autour de la même question et l'explication
fournie par le mémoire, c'est que le marché serait trop faible
dans certains cas pour assurer une situation économique minimale. M.
Dussault aurait pu si nous lui avions donné plus de temps encore
expliquer que, pour certaines de ses succursales, c'est le
problème. Il est généralement admis que si le chiffre
d'affaires d'une librairie est en deçà de tel niveau
peut-être un chiffre d'affaires de $250 000 par année il
est très difficile... Non, ce n'est pas votre chiffre d'affaires. M.
Dussault, je le sais. Mais c'est un chiffre que d'autres nous donnent. Disons
que cela peut être $350 000 pour d'autres... c'est le chiffre que M.
Dussault propose comme étant le seuil minimal pour permettre à un
libraire de se donner les services qui conviennent.
Je ne voudrais pas passer sous silence une de vos préoccupations
majeures. Vous formulez trois points précis. Bénéficier
des soldes, acheter de n'importe quel libraire agréé au
Québec... Je vous signale qu'à cet égard nos
règlements le prévoient dans une certaine mesure. Je ne pense pas
que cela puisse arriver mais, si cela devait arriver, si dans une région
donnée il n'y avait pas de libraire apte à répondre aux
exigences des bibliothèques, c'est prévu dans nos
règlements qu'à ce moment-là les achats puissent se faire
en dehors de la région. Il est même prévu que les frais de
transport ne seront pas à la charge de la bibliothèque. Donc, le
cas a été prévu. Nous ne pensons pas que cela puisse
arriver, mais nous avons prévu que cela pourrait arriver. Pour certains
genres d'institutions vous l'avez noté, je crois, vous le
savez c'est déjà prévu. Par exemple, pour les
bibliothèques de CEGEP, il est prévu qu'on puisse avoir recours
à des librairies spécialisées ou encore à des
librairies là où ils se trouvent et qui peuvent répondre
aux attentes de ce genre de bibliothèque.
Quant à l'escompte de 15% vous plaidez indirectement pour
son maintien je comprends parfaitement vos préoccupations. Nous en
avons longuement parlé hier et je comprends le ton que vous prenez pour
en traiter. Il y aurait beaucoup de choses qu'on pourrait dire
là-dessus. Le pari que nous faisons, c'est de contribuer, par l'ensemble
de notre réglementation, peut-être pas vraiment à baisser
le prix du livre, mais au moins à le stabiliser et à pouvoir le
suivre.
Vous avancez une hypothèse de regroupement des librairies pour
leurs achats, qui remet en question l'existence de la distribution telle
qu'elle se pratique actuellement. Hier, on est venu pas très loin
d'ouvrir cette porte. C'est dans nos discussions avec les distributeurs que
nous allons mieux voir quelle avenue nous devons retenir. On a même
ramené hier l'idée de la centrale, mais ce que vous proposez, je
comprends que ce n'est pas la centrale; c'est le regroupement de libraires
indépendants, comme cela existe dans d'autres professions, qui se
regroupent pour faire leurs achats. C'est une idée extrêmement
intéressante et les libraires pourraient la commenter. Je les invite
à le faire lorsqu'ils viendront tout à l'heure.
Donc, nous pensons que la disparition des 15% peut être
compensée de diverses façons peut-être par une meilleure
attention apportée au jeu des tabelles. Pour les libraires d'ici qui ne
sont pas affectés par la tabelle, je pense que tout le monde conviendra
que, quand un éditeur sait que le marché principal de certains de
ses titres est un marché qui profite de remises, le prix est tout de
suite corrigé en conséquence. Et on a pu voir ce qui s'est
produit en France avec la FNAC. N'importe quel vendeur de n'importe quoi
corrige son prix quand il est obligé de négocier des remises avec
son client. Il y a des pays dans le monde qui sont spécialisés
là-dedans. J'ai pour ma part une expérience du Maroc et je me
souviens fort bien des séances de négociation que nous avions un
peu partout. Comme le vendeur sait à l'avance qu'il aura à
discuter du prix, il a un premier prix de départ et ce n'est pas le prix
qu'il va appliquer. Il serait le premier déçu s'il fallait qu'on
accepte de payer le prix qu'il a annoncé. Finalement, le jeu des remises
fait, à mon avis, que tout est un peu faussé.
Dans le domaine du livre, cela a peut-être été pire
que n'importe où ailleurs. A peu près tout le
monde avait droit à sa remise en librairie. Le prix officiel
était un prix fictif et un prix qui ne s'appliquait finalement
qu'à quelques cas isolés. Je pense que cette pratique est en
train de disparaître. On a réussi, je pense, dans ce commerce de
la librairie, à s'approcher d'un prix régulier payé par
tout le monde. Nous proposons aux institutions de respecter cet
élément que nous proposons.
Pour ne pas faire perdre de pouvoir d'achat aux bibliothèques,
nous avons plusieurs mesures qui s'en viennent. Vous avez raison de nous dire
qu'on aurait peut-être dû commencer par annoncer cela. Nous sommes
maintenant sur le point de le faire. Nous l'aurons fait avant que cette loi ne
soit rendue au terme de son étude. Le processus d'étude d'une loi
est beaucoup plus long que l'élaboration d'un plan de
développement de bibliothèques que nous préparons
actuellement. Nous aurons l'occasion de le rendre public. J'ai dit hier aux
bibliothécaires que moi, le premier, je tiens beaucoup à ce que
non seulement les budgets des bibliothèques s'accroissent de
façon à compenser les 15%, mais s'accroissent au-delà de
ce genre d'exigence.
Vous m'avez cité dans une de mes conférences. J'ai
moi-même rendu publics et répété publiquement
à plusieurs reprises nos retards du côté des
bibliothèques. Vous reconnaîtrez, M. Sauva-geau, que le
gouvernement actuel a, depuis trois ans, montré qu'on ne souhaitait pas
que des coupures qui ont pu affecter les budgets des bibliothèques ces
dernières années se répètent à l'avenir.
D'une part, les budgets des bibliothèques ont doublé, à
toutes fins utiles, depuis trois ans, même plus que doublé. Je le
dis avec plaisir. Cette initiative à laquelle vous avez contribué
plus que tout autre, celle des BCP, a trouvé, au cours des trois
dernières années, un développement qui allait probablement
au-delà des espoirs que vous pouviez formuler vous-même lorsque
vous avez créé la première BCP, la deuxième puis la
troisième.
C'est donc dire que le gouvernement actuel prend très au
sérieux le développement des bibliothèques publiques. Nous
avions à terminer le réseau des BCP. Il s'agissait de
répondre à une première catégorie de besoins. Pour
autant, nous sommes bien loin de nous croiser les bras pour les
bibliothèques publiques en général. C'est l'essentiel
d'une de nos offensives majeures actuellement que d'aller dans ce sens. Nous
n'avons entre les mains, avec le projet de loi actuel, qu'un
élément mineur de l'ensemble des interventions que nous voulons
faire dans le domaine du livre et de la lecture. C'est ce que nous avons
étudié à ce moment.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Brièvement. Je veux souligner évidemment
l'intérêt de votre mémoire, en comprenant très bien
votre souci de faire en sorte qu'en ce qui concerne les bibliothèques
publiques, un véritable démarrage s'amorce. Le ministre a
réitéré une nouvelle fois ses intentions. Nous allons sans
doute devoir attendre. Il y a toute une série de propositions
intéressantes dans votre mémoire à ce titre,
également au sujet des libraires. Il y a une chose, évidemment,
pour les membres de la commission qui ne sont pas familiers avec le quotidien
du monde de la librairie et de l'édition. Vous dites, dans votre
mémoire, que l'établissement des agences de distribution au
Québec n'a pas assuré le maintien sur place de stocks importants
et variés, ni un service plus rapide aux libraires, etc. A combien de
reprises les librairies se sont-elles jointes aux bibliothécaires pour
dénoncer la qualité du service donné par les maisons de
distribution, leur attitude mercantile, leur responsabilité dans
l'augmentation des coûts, etc.?
Si je prends un autre paragraphe d'un mémoire qui nous a
été soumis antérieurement, on dit: "D'une façon
générale, l'implantation des distributeurs au Québec,
depuis une dizaine d'années, a entraîné des avantages pour
le public et pour le libraire. Pour le public, il a amené un choix de
livres plus étendu, une baisse du prix de vente au détail, en
dollars canadiens, du livre importé. Pour le libraire, il a amené
la simplification et l'accélération des approvisionnements. Il a
diminué les risques d'achat, possibilité de retour", etc.
En fait, c'est une contradiction. Evidemment, le deuxième extrait
que je vous cite, cela vient du mémoire des distributeurs. Dans le
mémoire des Bibliothèques publiques, on retrouve votre analyse de
la situation. Vous demandez, à toutes fins utiles, dans votre
mémoire au ministre, de réduire je prends seulement le
dernier élément de votre conclusion "de restreindre le
pouvoir des distributeurs exclusifs." J'aimerais que vous expliquiez un peu.
Est-ce que c'est votre opinion? Par exemple, les distributeurs nous ont dit
qu'il y a dix ou quinze ans, avant que le système de distribution qu'on
connaît en ce moment soit mis sur pied, cela avait amené une
diminution sensible du prix du volume, compte tenu des services. Est-ce que
vous contestez à ce point les services que ces gens prétendent,
à tort ou à raison je ne veux pas que vous en
décidiez vous-même rendre au monde des librairies et de
l'édition?
M. Sauvageau: Je pense que le commentaire que vous avez
formulé et qui vient du mémoire des distributeurs est, en partie,
exact. D'ailleurs, on le retrouve dans notre mémoire.
Pour les volumes de grande diffusion, les volumes à
caractère très populaire, il est évident que les points de
distribution qui ont été mis en place sont pourvus plus
rapidement de ces volumes et, donc, le public a accès plus rapidement
à ce qu'on appelle dans notre mémoire un réseau
parallèle de services au public pour la lecture, c'est-à-dire
pour le livre.
Cependant, quand on parle des institutions subventionnées, je
pense que le problème est totalement différent. Vous avez
parlé tantôt de l'époque où la loi n'était
pas votée, il y a une dizaine d'années. Je peux vous dire
qu'à ce moment-là la vitesse avec laquelle nous avions nos
volumes était beaucoup plus rapide et que
nos commandes étaient beaucoup plus complètes aussi qu'en
ce moment. Ce serait facile pour nous de vous le démontrer et de vous
donner des chiffres à ce sujet, parce qu'à l'époque nous
faisions affaires et achetions directement des libraires qui pouvaient,
eux-mêmes, acheter directement en France.
Depuis l'avènement des distributeurs exclusifs pour les
institutions subventionnées, il est possible d'avoir assez rapidement ce
que nous appelons en général des best-sellers,
c'est-à-dire des volumes à grande diffusion. Mais, encore
là, il ne faut pas qu'on retourne trop rapidement à la librairie
s'il nous manque des exemplaires, parce que, là, le libraire nous fait
ce qu'on appelle un "back order", c'est-à-dire qu'il nous dit qu'un jour
on aura le volume et, dans certains cas, le délai de livraison est
extrêmement long. A mon avis, ce n'est pas nécessairement la faute
du libraire, mais c'est vraiment le problème du distributeur
exclusif.
Il y a plusieurs éditions, même des éditions
très connues comme Presses de la cité, Pion et Flammarion, pour
lesquelles nous avons beaucoup de difficulté à avoir des volumes
que nous commandons en surplus quand il s'agit de best-sellers qu'on a
déjà eus ou encore par demande spéciale. Lorsque nous
faisons des demandes particulières dans une bibliothèque,
c'est tout à fait normal, parce que l'usager ne lit pas que les volumes
à grand tirage nous nous amenons chez le libraire pour avoir, je
ne sais pas, moi, quelque centaines de volumes, il faut être assez
patient en général et les délais de livraison du volume
sont relativement longs, c'est-à-dire qu'ils se situent entre deux et
trois mois.
Disons qu'en général il y a une moyenne de délai de
livraison de deux ou trois mois. Vous allez me dire: Ce n'est pas beaucoup,
mais, paradoxalement, si le libraire avait commandé directement ou si
nous pouvions commander directement, le temps de livraison, surtout avec un
organisme l'ACDL, serait plus rapide dans le moment. Donc, si le distributeur
exclusif a amélioré certaines choses au niveau de la distribution
du volume à grande consommation, par contre, lorsque nous arrivons au
niveau de volumes qui n'entrent pas dans cette catégorie, le temps de
livraison ou le temps pour recevoir ce volume est beaucoup plus long.
Malheureusement, parfois, nous avons tendance à blâmer le
libraire. Mais nous savons pertinemment que, parfois, le libraire même,
pour accélérer la commande, prend la peine de
téléphoner au distributeur exclusif et, ensuite, de confirmer par
écrit la commande. Cela n'accélère pas
nécessairement la réception du volume.
Evidemment, vous savez je parle ici en tant que service public de
bibliothécaire que nous avons certaines exigences en termes de
service à la clientèle, comme n'importe quel autre secteur des
loisirs a des exigences. De toute façon, ça fait partie de la
concurrence. Nous avons à supporter une concurrence au niveau d'autres
media que les gens utilisent pour leurs loisirs. Il faut donc que le service
soit relativement bon. Un tel délai de livraison fait en sorte qu'il y a
des clients qui quittent la bibliothèque et qui ne reviennent pas. C'est
tout à fait normal.
M. Rivest: Sur le plan des bibliothèques, vous passez
assez rapidement sur le problème de la propriété
québécoise. Hier, les gens des bibliothèques publiques
nous ont dit leur inquiétude de voir si, vraiment, les capitaux
français ou américains devaient disparaître au
Québec, au niveau de la fourniture aux institutions et, en particulier,
en regard du problème des bibliothèques publiques, parce qu'ils
obtiennent des services que d'autres ne sont peut-être pas en mesure de
leur fournir. Quel est votre sentiment là-dessus? (12 h 30)
M. Sauvageau: Nous sommes d'accord sur une telle dimension de la
loi et nous avons l'impression...
M. Rivest: Vous êtes d'accord sur quoi? Sur les 100%?
M. Sauvageau: Sur les 100%, oui.
M. Rivest: Parce que les bibliothèques publiques
étaient inquiètes, hier, si la loi était appliquée
à 100%, de voir diminuer, en ce qui les concerne, pour leurs besoins
propres, des services auxquels elles ont accès en ce moment. Est-ce que
vous partagez cette crainte de la part des bibliothèques publiques?
M. Sauvageau: Non, nous ne partageons pas cette crainte.
M. Rivest: Vous croyez que le réseau de libraires à
100% québécois peut fournir des services comparables ou enfin les
mêmes services?
M. Sauvageau: Oui.
M. Rivest: C'est votre sentiment.
M. Sauvageau: Oui.
Le Président (M. Blank): M. le député?
Une Voix: Non.
Le Président (M. Blank): D'accord. Nous suspendons les
travaux de la commission jusqu'à 14 heures. Le prochain mémoire
entendu sera celui de Reader's Digest.
Suspension de la séance à 12 h 31
Reprise de la séance à 14 h 20
Le Président (M. Blank): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous reprenons les travaux de la commission permanente des affaires
culturelles avec les représentants de Reader's Digest "Canada", M. Guy
Pinsonnault. Pourriez-vous me rappeler votre
nom, parce que la feuille sur laquelle étaient écrits les
noms a disparu durant l'heure du repas?
Sélection du Reader's Digest (Canada)
Limitée
M. Malo (Roland): Très bien. Roland Malo, de
Sélection du Reader's Digest.
Le Président (M. Blank): Excusez-moi. Et votre
collègue?
M. Malo: ... et Me Marcia Pinet, de l'étude Tremblay,
Pinsonnault, Morisset, Bois et Mignault.
M. le Président, messieurs les membres de la commission, nous
voulons vous remercier de l'occasion que vous nous avez offerte de nous
présenter devant vous avec un mémoire qui a trois objectifs. Le
premier objectif, c'est de nous faire connaître auprès des
législateurs; le deuxième, c'est d'exprimer des
préoccupations générales causées par des lois
votées récemment par l'Assemblée nationale; le
troisième objectif, c'est d'exprimer des inquiétudes plus
précises au sujet du projet de loi no 51.
La structure sociale du Sélection du Reader's Digest (Canada)
Limitée, et Périodiques Reader's Digest Limitée indique
que ce sont des entreprises canadiennes ayant leur siège social à
Montréal, au 215, avenue Redfern. Sélection du Reader's Digest
Limitée a été constituée en société
en 1943, en pleine guerre mondiale, et a commencé à publier sur
des presses de location. En 1947, une presse fut achetée et
installée à Montréal. Depuis cette époque, la
publication, à Montréal, de Sélection en français
et du Reader's Digest en anglais s'est poursuivie sans interruption.
En 1968, 28,3% (aujourd'hui, 32,5%) des actions
délibératives de la société ont été
mises à la disposition du public canadien par l'intermédiaire de
bourses canadiennes. C'était aller au-delà de ce que demandait
alors le ministère fédéral de l'Industrie et du Commerce
aux sociétés canadiennes dont l'actionnaire majoritaire
était une entreprise étrangère.
En 1976, conformément à certaines dispositions de la Loi
de l'impôt sur le revenu concernant les magazines canadiens, la structure
de la société fut une nouvelle fois remaniée. Ainsi, les
magazines Reader's Digest et Sélection du Reader's Digest sont
désormais produits et publiés par la société
Périodiques Reader's Digest Limitée, dont 75% des actions
délibératives sont détenues par la Fondation du Reader's
Digest du Canada, organisme de charité sans capital-actions qui a pour
vocation, entre autres, d'encourager et de promouvoir le journalisme au Canada
et au Québec.
La publication, chaque mois, du Reader's Digest et de Sélection
du Reader's Digest au Canada est l'aboutissement d'un travail complexe de
rédaction, de recherche et d'impression se déroulant dans les
deux langues.
Les rédactions (50 personnes) du Digest et de Sélection
sont distinctes et autonomes, ce qui ne les empêche pas de collaborer
étroitement et d'avoir des services de reherche et d'art graphique
communs.
La société éditrice des magazines reçoit de
Sélection du Reader's Digest (Canada) Limitée des services
administratifs et professionnels pour la diffusion, la publicité et la
comptabilité.
Sélection du Reader's Digest (Canada) Limitée, les grande6
lignes de la gestion de cette société sont définies et
mises en oeuvre par un conseil d'administration formé de huit membres,
dont quatre sont des résidants du Québec. Sur les douze Canadiens
faisant partie de la haute direction, dix sont Québécois, quatre
sont francophones.
La société publie des livres condensés en anglais,
Sélection du livre en français et un large choix de livres
canadiens dans les deux langues. En outre, elle produit et vend des disques et
des cassettes, toujours dans les deux langues.
En plus des 50 membres du personnel de Périodiques,
Sélection emploie directement 629 personnes, dont 589 à
Montréal. Ainsi, au total, les deux sociétés emploient 639
personnes à Montréal. L'exploitation de Sélection est
confiée à huit grands services. Le premier est l'édition
de livres. 63 personnes travaillent à la mise au point et à la
publication de livres en anglais et en français. Le catalogue contient
actuellement 55 titres, dont 21 en français. Ce service publie aussi,
chaque année, six livres condensés en anglais et cinq en
français.
Le deuxième service s'appelle ventes de publications
éducatives. Dans le domaine éducatif, Sélection du
Reader's Digest (Canada) Ltée produit une gamme de matériel
didactique comprenant les Reading Skill Builders et Savoir lire bien connus, de
même que nombre de manuels scolaires de compréhension facile dans
le domaine des sciences...
Le Président (M. Laplante): Monsieur, je m'excuse de vous
déranger. Surtout, je ne voudrais pas que vous ayez l'impression que je
voudrais brimer vos droits devant cette commission mais, à cause du
retard d'hier, si vous étiez capable d'expliquer tout de suite à
la page 9... On peut vous accorder sur demande la transcription complète
de votre mémoire au journal des Débats. Tout ça pour
essayer d'entendre les groupes qui ont été convoqués
aujourd'hui, parce que la séance de la commission doit être close
à six heures.
M. Malo: Est-ce qu'on pourrait passer au bas de la page 5?
Le Président (M. Laplante): C'est-à-dire que
ça prendrait pas mal de temps. Vous donnez actuellement la description
de votre compagnie, c'est très intéressant, mais...
M. Malo: C'est parce que le mémoire a été
composé et se tient. Maintenant, je pourrais passer à la page
6.
Une Voix:... passer tout le temps à discuter de quelle
page.
M. Malo: Non. Ce que nous apportons au Québec, est-ce que
je peux?
Le Président (M. Laplante): D'accord.
Une Voix: On a lu votre mémoire, il sera inscrit au
journal des Débats. Les problèmes que vous posez commencent
à la page 9; alors, on pensait qu'on pourrait passer
immédiatement à la page 9.
M. Malo: Ah bon!
Une Voix: Si vous tenez à le lire...
M. Malo: II y avait certains commentaires...
Le Président (M. Laplante): Oui, faites-les vos
commentaires, si vous voulez, en résumé.
M. Malo: D'accord, je passe à la page 9. Le
Président (M. Laplante): D'accord.
M. Malo: Vous voulez que je commence à nos
inquiétudes particulières au sujet du projet de loi no 51?
Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît!
M. Malo: Dans une lettre à notre président en date
du 15 février 1979, le ministre des Affaires culturelles
déclarait que l'objectif de la politique du livre était de, et je
cite: "Maintenir nos traditions de liberté dans le secteur de
l'édition, de distribution et du commerce du livre chez nous tout comme
nous nous efforcerons, avec les divers milieux impliqués, d'identifier
les moyens propres à assurer à nos concitoyens un accès
toujours plus grand au livre et à la lecture et à faciliter de
plus en plus la disponibilité de ce mode de diffusion pour nos
écrivains".
Nous sommes totalement d'accord avec cette philosophie. Par ailleurs,
dans les notes explicatives du projet de loi no 51, on peut lire que ce projet
de loi a principalement pour objet: "a) d'imposer au gouvernement et à
diverses catégories d'organismes publics l'obligation d'acheter leurs
livres dans des librairies agréées selon une procédure et
des normes établies par règlement; "b) de réserver aux
éditeurs, distributeurs et librairies agréés ou
admissibles à l'agrément l'aide que le gouvernement, ses
ministères et organismes sont autorisés à accorder dans le
domaine du livre; "c) de rendre applicables aux entreprises de distribution et
de librairie certaines normes et règles quant au mode de calcul des prix
de vente des livres distribués au Québec; "d) de prévoir
la délivrance d'un agrément à des éditeurs, des
distributeurs ou des libraires québécois ainsi que les
obligations auxquelles ces personnes doivent se conformer."
Il est difficile de concilier ces deux points de vue. Le projet propose
la création d'un groupe particulier d'éditeurs, de distributeurs
et de librairies avec certains droits qui seront niés à
d'autres.
Pour l'instant, Sélection du Reader's Digest (Canada) Ltée
et Périodiques Reader's Digest Ltée ne prévoient pas le
besoin de solliciter, en tant qu'éditeurs, l'aide du gouvernement du
Québec. Mais qu'adviendrait-il si et la chose est concevable
des services normalement dispensés par le gouvernement, mais qui
pourraient eux-mêmes bénéficier d'une aide gouvernementale,
devaient être, aux termes de la loi, considérés comme une
aide et, par conséquent, refusés aux éditeurs qui ne
seraient pas conformés aux normes et obligations de la loi? Il pourrait
s'agir, par exemple, de renseignements et de documentation ou encore de
copyrights détenus par le gouvernement du Québec. (16 h 30)
Si l'intention première du législateur est de promouvoir
davantage la lecture d'auteurs québécois et de rendre le livre
plus accessible à la population québécoise, il
conviendrait, au premier chef, d'encourager la plus grande contribution
possible de l'édition québécoise, sans tenir compte de la
propriété du capital-actions. Les restrictions du présent
projet de loi pourraient fort bien avoir pour effet de réduire la
quantité totale des ventes de livres dans la province. A court terme,
les entreprises agréées y trouveraient peut-être leur
compte puisque, même si le volume des ventes diminuait, leur
présente proportion du marché pourrait s'accroître. A long
terme, cependant, c'est l'industrie du livre dans son ensemble qui en
souffrirait.
Dans les deux cas, le lecteur serait éventuellement
lésé par un choix de livres moins étendu et par des
impôts affectés à des prix subventionnés.
L'industrie du livre n'était plus sujette à une véritable
concurrence, les tirages baisseront, les coûts à l'unité
monteront et la hausse des prix sera défrayée par l'acheteur et
le contribuable.
On nous a demandé si nous sommes d'accord avec la loi telle
qu'elle est présentée, compte tenu du fait qu'elle ne portera pas
directement atteinte aux intérêts de notre maison
d'édition. En toute conscience, nous ne pouvons pas donner un tel accord
si, en tant qu'entreprise implantée au Québec et contribuant
à son économie avec l'ampleur décrite plus haut, nos
activités d'édition, de distribution et de vente se voient
interdire à jamais, de par les dispositions de la loi, l'accès
à un marché aussi étendu que celui que représente,
à l'intérieur du Québec, l'achat normal de livres au moyen
de fonds publics.
En outre, il ne faut pas oublier qu'aux termes du projet de loi, les
maisons d'édition dont les actions du capital-actions sont partiellement
ou totalement détenues par des personnes domiciliées hors du
Québec, éprouveront dans leurs ventes plus de difficultés
qu'auparavant et devront renoncer à certains projets souhaitables
qu'elles auraient pu entreprendre en collaboration avec le gouvernement du
Québec et qui auraient été dans l'intérêt des
lecteurs du Québec.
Au cours des deux dernières décennies, Sélection du
Reader's Digest (Canada) Limitée a réinvesti d'importants
bénéfices et consacré beaucoup d'énergie afin de
former au Québec une équipe hautement qualifiée, capable
de produire en français et en anglais des livres qui connaissent au
Canada une diffusion à la fois vaste et appréciée. Cela
s'est fait sans subvention gouvernementale, mais non sans risque. Après
avoir publié des livres canadiens et internationaux de remarquable
qualité, dont la plupart d'ailleurs ont été conçus
et réalisés par des rédacteurs et des artistes graphiques
québécois, notre maison s'est développée au point
où nous pouvons maintenant envisager des publications de
caractère plus régional et destiné à des
collectivités particulières.
Le comité comprendra sans doute qu'il nous est difficile de
considérer avec enthousiasme une loi dont les dispositions pourraient
nous empêcher de procurer à nos concitoyens le fruit de notre
labeur et de notre progrès. Nous prions instamment le comité
d'examiner le projet de loi no 51, à la lumière des
intérêts véritables du lecteur québécois
à qui les subsides doivent, en fin de compte, profiter.
Nous avons déjà fait certaines observations aux hauts
fonctionnaires du ministère des Affaires culturelles, notamment au sujet
de l'article 4 du projet de loi qui se lit comme suit: "Toute personne qui fait
la distribution de livres au Québec doit se conformer aux normes et
barèmes déterminés par règlement du gouvernement
relativement au mode de calcul du prix de vente".
L'ambiguïté que comporte cet article serait sans doute
clarifiée lors de la rédaction de la version définitive.
L'article en question ne devrait certainement pas être adopté tel
quel, car la restriction qu'il établit est d'application trop
générale et ne rend pas, croyons-nous, la pensée du
législateur. De plus, nous croyons que le règlement no 2 devrait
contenir de sérieuses garanties contre l'arbitraire possible de la part
du pouvoir exécutif et des administrateurs publics.
M. le Président, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de
lire la page 13, je crois que ça va faire partie du journal des
Débats. Je saute à la conclusion de la page 14.
Nous terminons en soulignant encore que nous comptons que le
gouvernement a pour objectif de permettre à des entreprises, telles que
les nôtres, de poursuivre des activités qui se sont
avérées et qui, nous l'espérons, continueront de
s'avérer rentables et réussies au Québec. C'est avec cet
objectif positif à l'esprit que nous soumettons les commentaires qui
précèdent.
Le Président (M. Laplante): Merci beaucoup de votre
coopération, monsieur. M. le ministre.
M. Vaugeois: Moi aussi je vous remercie de votre
compréhension, parce que ça va finalement nous donner plus de
temps pour échanger, à partir d'un document que nous avons entre
les mains et auquel on peut se référer.
D'abord, je pense qu'il y a une certaine méprise, que vous avez
dû constater vous-même, depuis le début des discussions
auxquelles vous avez assisté. C'est qu'il n'est pas question de
nécessité, pour les maisons d'édition, de s'inscrire et de
se faire agréer, c'est le principe contraire que nous défendons;
nous défendons la liberté pour n'importe qui d'éditer au
Québec, de vendre des livres au Québec. La seule chose, c'est que
si on veut profiter des subventions de l'Etat, on doit rencontrer un certain
nombre de critères.
Dans la note qui accompagne votre mémoire, on nous dit
qu'à chaque fois qu'on demande une subvention, on pourrait faire une
démonstration. Nous proposons que ce soit fait une fois pour toutes;
nous ne voulons pas, à chaque année, revenir avec la demande
d'agrément, elle est demandée une fois pour toutes et aussi
longtemps qu'il n'y a pas d'éléments majeurs nouveaux, on ne
remet pas ça en question.
Nous voulons également c'est très important et
ça rejoint vos préoccupations que nos programmes d'aide
à l'édition fassent abstraction du choix de l'éditeur.
Nous voulons respecter la liberté de l'éditeur, quand il se fait
agréer et quand il a recours à notre aide. Quand il n'a pas
recours à notre aide, il fait ce qu'il veut; quand il y recourt, il va
également faire ce qu'il veut. C'est la nature même de notre
programme d'aide à l'édition de ne pas intervenir dans son choix
éditorial; c'est le sens de notre évolution.
Nous partageons donc absolument les mêmes préoccupations
à cet égard, mais, quand même, il reste qu'à partir
de nos interventions, vous développez dans votre mémoire ce que
j'appellerais un scénario pessimiste. Vous en venez à dire que
l'industrie du livre n'étant plus sujette à une véritable
concurrence, les tirages baisseront, les coûts à l'unité
monteront, la hausse du prix sera défrayée par l'acheteur.
Evidemment, si c'était ça qui devait arriver on se serait
trompé et on aurait une mauvaise loi, mais nous espérons le
contraire avec notre loi. Là, ce sont des scénarios du futur, on
est dans la "futurologie".
Vous avez votre expérience du domaine du livre, nous avons notre
connaissance du domaine du livre et, à partir de cette connaissance,
à partir des nombreuses représentations qui ont été
faites par le milieu, nous avons mis au point ce projet de loi, qui je
l'ai dit au début des séances pour nous, est un peu la
reconnaissance d'un certain consensus qui existe dans la profession et qui
donne à chacun un rôle précis et invite chacun à
reconnaître la fonction de celui qui le précède et de celui
qui le suit.
Pour vous, le partage de ces compétences qui sont celles de
l'auteur, de l'éditeur, du distributeur, du libraire et,
éventuellement, du bibliothécaire, qui joue un rôle
important dans la diffusion et l'accessibilité du livre, ça ne
vous paraît pas souhaitable qu'on le balise comme nous le balisons.
Je comprends un peu que vous soyez peu sensibles à cette
approche, parce que votre maison s'est toujours spécialisée dans
un autre genre d'édition et de mise en marché. Votre
compétence
et votre expérience vous le dites dans votre
mémoire est un peu d'une autre nature. Cela vous a permis
d'ailleurs des activités extrêmement importantes, un travail
d'édition qui est en général remarquable. Vous faites de
très beaux livres, mais vous avez développé une autre
approche; vous engagez très souvent vos auteurs pour faire vos livres,
vous faites de beaux livres et vous les mettez en marché, le plus
souvent, vous mêmes. On les retrouve maintenant de temps en temps en
librairie, mais dans la mesure où vous gardez cette structure
d'opération, notre loi ne vous concerne pas. Je peux même vous
dire que nous avons prévu le genre d'activité qui est le
vôtre, vous n'êtes pas la seule maison à procéder
ainsi, d'autres maisons importantes le font; ça ne nous concerne pas.
Si, par exemple, un bibliothécaire reçoit une publicité
d'une maison comme la vôtre pour un livre qui n'est vendu que par
courtage ou une formule analogue, nous n'intervenons pas, parce que, pour nous,
ce sont des cas marginaux et ce n'est pas ce que nous visons par notre
intervention.
Bien sûr, si vous développez également une
intervention dans le commerce de vente au détail... Ecoutez! Quand vous
allez déposer vos livres chez un libraire, vous ne vous inquiétez
pas vraiment de détails, si vous voulez, parce que c'est de la vente au
détail que vous faites, donc de détails qui sont personnels,
etc., mais s'il se trouvait, à cet égard, des inquiétudes
chez vous, je vous proposerais de continuer les rencontres que vous avez avec
les fonctionnaires du ministère. Nous ne voulons pas vous embarrasser
à cet égard. Le commerce du livre est libre et nous souhaitons
que tous ceux qui font des livres... de préférence, ceux qui font
des beaux livres et des bons livres... De toute façon, on n'intervient
pas. On ne pose pas de critères de qualité. S'il se trouvait pour
vous, dans cette opération de mise en marché, quelque chose qui
vous gêne, je suis d'accord pour qu'on l'étudié. Mais je
pense que, pour l'essentiel, les activités d'édition sont libres,
votre technique de mise en marché vous concerne et notre projet de loi
ne vous empêche pas d'avoir accès aux achats des institutions
subventionnées. Bien au contraire, nous l'avons déjà
prévu comme étant une activité qui est libre et dans
laquelle nous ne voulons pas intervenir. Il n'y a aucun endroit dans notre
projet de loi ou ses règlements où nous laissons entendre une
intention contraire. Si c'était le cas, dites-le nous: on va corriger
cela.
M. Malo: Je suis d'accord, M. le ministre. Maintenant, j'aimerais
revenir, si vous me le permettez, à une possibilité de
collaboration c'est ce que j'ai voulu dire à la page 10
...
M. Vaugeois: D'accord.
M. Malo: ... avec le gouvernement du Québec pour utiliser
des textes ou des cartes dont le gouvernement du Québec serait
propriétaire et qui auraient été produits par des
éditeurs subventionnés. A ce moment-là, qu'est-ce qui se
passerait? C'est une crainte.
M. Vaugeois: Oui.
M. Malo: Ce n'est pas demain, ce n'est pas
après-demain.
M. Vaugeois: D'accord.
M. Malo: La raison pour laquelle on le mentionne, par exemple,
c'est que c'est une possibilité et, deuxièmement, nous avons
actuellement avec le gouvernement d'Ottawa une telle entente. S'il y avait une
législation semblable à Ottawa, cela nous empêcherait de
publier, en janvier 1981, un volume qui, nous croyons, va contribuer à
la culture canadienne. C'est cela qu'on a en vue avec...
M. Vaugeois: A ce moment-là, ce sont des affaires qu'on
fait et ce n'est pas ce qu'on appelle de l'aide. S'il devait arriver que votre
maison, par hypothèse, puisse recevoir une subvention de l'Etat
je ne sais pas dans quel programme mais disons que quelque chose vous
intéresse, que cette loi peut devenir embarrassante, on a justement des
dispositions qui permettent des cas d'exception, mais on ne peut pas
légiférer pour les cas d'exception, si vous voulez.
M. Malo: Je suis d'accord, mais si vous me...
M. Vaugeois: Mais pour l'hypothèse que vous posez, ce ne
sont pas des programmes d'aide; ce sont des affaires qu'on fait. Le
gouvernement, par cette loi, ne s'interdit pas de faire des affaires avec qui
que ce soit. Cela est bien différent.
M. Malo: Si vous nous assurez de cela.
M. Vaugeois: Bien sûr. Notre démarche, c'est de
faire des affaires avec le plus de monde possible. Toute notre démarche
politique converge vers cela. Ce n'est pas de se replier et de limiter le
nombre de nos interventions extérieures. C'est de les élargir. Je
pense que mon collègue d'en face sera d'accord avec cela.
Une Voix: Avec moi?
M. Malo: Est-ce que je pourrais vous poser une autre question, M.
le ministre?
M. Vaugeois: Oui.
M. Malo: II existe une possibilité que le Reader's Digest
français, le Reader's Digest belge, le Reader's Digest suisse et le
Reader's Digest canadien se regroupent parce qu'ils utilisent tous la
même langue. Il y a des sujets où les vocabulaires sont les
mêmes dans les quatre pays et où le Canada serait le pays du
Reader's Digest choisi pour développer, écrire, illustrer et
imprimer un volume qui serait ensuite exporté dans les trois autres pays
de langue française. Cela est très possible que cela soit
développé chez nous. Est-ce que vous voyez des articles de la loi
ou des règlements qui supposons qu'on ait besoin d'une aide
gouvernementale empêcheraient cette idée?
M. Vaugeois: Non, je ne crois pas... Il faudrait peut-être
avoir une interprétation juridique et cela dépendrait un peu
à quel titre vous demanderiez l'aide de l'Etat. (14 h 45)
II est clair que, si cette aide était demandée au niveau,
par exemple, de l'impression, la loi ne touche pas le secteur de l'impression.
Si c'était en tant qu'éditeur, pour une aide d'un organisme de
l'Etat, il pourrait y avoir, si vous voulez, matière à
interprétation. Mais, comme l'esprit de la loi n'est pas d'interdire ce
genre d'aide, je pense que l'interprétation serait favorable.
Vous me permettrez un commentaire. Si telles sont vos intentions, vous
comprendrez que ce genre de projet nous intéresse doublement, d'abord
à cause de la création d'emplois qui peut en découler.
Remarquez que c'est une opinion personnelle que je donne, du poste que
j'occupe. Je pense que ce serait une bonne décision de votre part,
étant donné la nature actuelle des échanges et des
situations d'affaires dans les pays que vous avez mentionnés.
Je vois, d'ailleurs, qu'au niveau de l'édition courante on
devrait avoir ce genre de pratique plus souvent. Je pense que
momentanément il a avantage à faire cela. De toute façon,
si votre entreprise décidait de le faire et veut travailler avec nous,
nous sommes intéressés sur le plan économique. Sur le plan
culturel, évidemment, ce rapprochement avec d'autres pays ne peut
qu'être intéressant pour nous.
Je tiens à souligner cela ne m'a pas échappé
le plaisir que nous avons eu récemment à voir l'un de vos
numéros faire état de la situation et du développement de
nos archives. Nous sommes conscients, à ce moment, de l'excellente
publicité que vous nous faites et je tiens à vous rendre le
témoignage du sérieux de votre travail. Nous avons
été particulièrement étonnés du soin avec
lequel vous traitiez le sujet. Le directeur des archives m'a raconté
récemment que, pour chaque ligne de votre texte, une
référence précise était établie et qu'au
moment de la mise au propre de ce texte une vérification finale a
été faite sur la nouvelle qui était dans vos
publications.
Je pense que personne ne doute du sérieux de vos publications et
la plupart des gens qui sont ici ont certainement eu l'occasion
d'apprécier la qualité de vos publications. Alors, quand vous
nous développez un scénario de l'impossible, cela nous rend un
peu malheureux, parce que nous sommes de nature optimiste.
M. Malo: Je vous remercie de ces commentaires. C'est pour cela
qu'au début du mémoire je voulais porter à l'attention du
législateur les différents services qui produisent des articles
et des documents dont vous venez de faire mention. C'était pour
atteindre cet objectif.
Le Président (M. Blank): Le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Juste un bref commentaire. Il y a cet
élément. Au fond, je pense que l'ambiguïté ou, enfin,
les questions que vous avez soulevées avec le ministre tiennent
d'autres intervenants l'ont dit auparavant à ce que le
gouvernement entend véritablement par aide. Le ministre ne
définit le mot "aide" nulle part dans ces règlements. Par contre,
aide est-ce que cela veut dire toute espèce d'intervention
gouvernementale? Le ministre a dit: Sur une base de collaboration ou sur une
base contractuelle ou autrement, de fourniture de services.
Il semble que aide, au sens de l'article 1, n'est pas comprise dans ce
genre de définition. Aide semble plutôt vouloir dire subvention ou
quelque chose qui serait donné au sens de l'article 1, je ne sais pas
trop, ou des programmes usuels du ministère. Alors, je pense qu'on va
essayer, en tout cas, de notre côté, de collaborer, à la
suite des interventions qui ont été faites à la
commission, pour préciser davantage ce que le ministre entend
véritablement par aide. Je pense que cela conclut la discussion.
Deuxièmement, le ministre a fait état, bien sûr, en
lisant la page 10, que cela doit être une approche pessimiste ou, enfin,
il a parlé d'un scénario pessimiste. Au fond, ce n'est pas
tellement cette partie. C'est immédiatement après. C'est la page
11 qui vous a inquiétés cette fois-là. Ce n'est pas
pessimiste. Je pense que c'est très réaliste comme
inquiétude. Au fond, vous vous interrogez. Vous dites: Pour l'instant,
cela ne nous embarrasse pas trop, mais il reste que les institutions
subventionnées pourraient éventuellement constituer un apport
à une entreprise comme la nôtre et qu'on pourrait peut-être
avoir intérêt à obtenir l'agrégation et, à ce
moment, remplir toutes les conditions, bien sûr, et vous en seriez
empêchés à cause de la structure de votre entreprise.
Je souligne cela au ministre, parce qu'il faut bien se rendre compte que
le marché des institutions subventionnées apporte de l'eau au
moulin pour les entreprises, qu'elles soient québécoises ou 50%
québécoises pour l'instant, tel que c'est dans la loi actuelle,
mais que les entreprises sérieuses doivent, comme vous, penser à
l'avenir. Comme vous le dites à la page 11, "en toute conscience, nous
ne pouvons pas donner un tel accord si, en tant qu'entreprise implantée
au Québec et contribuant à son économie, nos
activités d'édition, de distribution et de vente se voient
interdire à jamais l'accès à un marché plus
étendu."
J'ai l'impression que c'est à cela que vous vous
référez. C'est qu'à un moment donné, dans le volume
de vos opérations, cela pourrait être intéressant, pour des
raisons commerciales, si vous voulez, ou des raisons de développement de
votre entreprise, d'avoir accès au marché des institutions
subventionnées. C'est à cela que vous vous référez.
Je pense que dans la portée générale de votre
mémoire, c'est surtout à cela finalement que vous vous attachez
en disant que pour l'instant, cela ne vous cause pas trop de problèmes,
avec les précisions que le ministre vous a apportées. En
même temps, cela déborde votre propre entreprise parce qu'il faut
quand même se demander, en tant
que législateurs, quelle va être la portée et
l'effet exact de cette mesure sur l'amplitude des activités des maisons
qui ne pourront pas, à cause de leurs structures administratives, avoir
accès au marché des institutions. C'est le sens de votre...
Accès direct.
C'est vrai, le ministre nous a donné un peu l'orientation. Il
n'intervient pas, en principe. Le marché du livre demeure libre, etc.,
c'est vrai que le projet de loi est conçu de cette façon. Mais en
enlevant aux entreprises autres que celles qui seraient à 100%
québécoises l'accès au marché des institutions,
dans une certaine mesure, il ne s'agit pas d'être pessimiste, il s'agit
de constater qu'on introduit un effet de ralentissement dans le
développement des entreprises et des services, etc., et de la
concurrence même, et qu'au total cela peut être le lecteur qui peut
en faire les frais, sous réserve, bien sûr, des intentions et des
objets spécifiques que le ministre poursuit.
M. Vaugeois: Des intentions et du texte, parce que le
règlement no 4, à l'article 24, énumère ce genre
d'exception. Deuxièmement, je veux quand même vous dire une chose,
c'est que votre appel tout à l'heure à des formes d'aide pour
certains projets vont nous amener à être plus clairs dans la
rédaction de notre loi. Ce à quoi nous voulons nous
référer, c'est l'aide prévue par nos programmes relatifs
à cette loi. Ce n'est pas l'aide possible de la SDI à une
entreprise d'édition qui est, en même temps, une entreprise
d'impression, voyez-vous. On va être prudent dans la rédaction
finale de notre texte.
M. Rivest: Sur l'aide? M. Vaugeois: Oui.
M. Rivest: Je n'en étais plus là. J'étais
rendu au paragraphe 11, le dernier élément, non, la page 11 du
mémoire. C'est parce que monsieur prétendait
qu'évidemment, dans la mesure où le marché institutionnel
lui était interdit, pour l'instant, non, ne lui était pas
accessible, compte tenu de la structure administrative du "Readers' Digest",
lui disait: Pour l'instant, cela ne nous cause pas d'embarras parce que nous,
on ne fonctionne pas dans ce domaine. Par contre, il ajoute, enfin il emploie
l'expression "interdit", de par les dispositions de la loi, l'accès
à un marché aussi étendu que celui que présente
l'intérieur du Québec. A ce moment, pour des
développements futurs de son entreprise, il n'aura pas accès au
volume d'affaires qu'il pourrait faire et le volume est important quand on
développe une entreprise.
M. Vaugeois: II va y avoir un volume accru si notre affaire
marche parce qu'il va y avoir plus de points de vente. Des
éditeurs...
M. Rivest: C'est votre impression.
M. Vaugeois: Ecoutez, si les éditeurs ont plus de
libraires et plus de bibliothèques qui achètent les livres, c'est
cela notre projet, qu'il y ait plus de libraires et plus de
bibliothèques, de plus gros budgets d'acquisition.
M. Rivest: Là le ministre donne une théorie
optimiste. On peut avoir le point de vue du pessimiste?
M. Malo: Nous venons, tout récemment, il n'y a pas plus de
deux ans, de mettre nos volumes en vente au détail, et
théoriquement je crois devoir être d'accord. Plus il y a de postes
de vente, plus il devrait y avoir de ventes. Est-ce que je pourrais poser une
question au ministre?
M. Vaugeois: Oui.
M. Malo: C'est au sujet de l'article 24c du règlement 4
qui se lit: "Les livres annoncés en souscription, si ces livres sont
offerts aussi aux particuliers." Qu'est-ce que vous entendez par les livres
annoncés en souscription? Qu'est-ce que cela veut dire?
M. Vaugeois: Je pense qu'on pourrait entendre une série,
par exemple. Bon, vous achetez le premier, le deuxième, le
troisième et vous n'êtes pas obligé d'acheter jusqu'au
dernier. Il y a des études de faites, d'ailleurs, là-dessus. Les
gens décrochent souvent après le deuxième ou le
troisième. Ou, encore, il y a des livres importants qui doivent
paraître et l'éditeur a besoin d'avoir une certaine assurance sur
ses possibilités de vente et il souhaite des rentrées d'argent.
Alors, il peut faire une vente par souscription; c'est-à-dire qu'il
offre le livre six mois avant sa parution, et voici la seule condition qu'on
met pour être certain que ce n'est pas une façon
détournée de vendre aux institutions sans passer par le libraire.
Ce qu'on a trouvé comme formule, c'est que, si le livre est offert et
aux bibliothèques et aux individus, ce n'est pas pour contourner la loi;
c'est parce qu'effectivement un éditeur de bonne foi veut, pour un livre
important, faire une prévente et faire un peu de rentrée d'argent
aussi.
D'ailleurs, on me fait remarquer qu'on pourrait peut-être
être plus précis. On pourrait parler de vente annonçant la
souscription ou les séries. Les séries pourraient rentrer
là-dedans aussi, ce qui n'empêche pas parce que là
on ne joue pas au plus fin une fois la série parue qu'elle soit
mise en vente en librairie et qu'elle ait été vendue aux
institutions par le biais de la souscription de la série. Ce n'est pas
cela qu'on cherche. On ne cherche pas la puce.
Le Président (M. Blank): M. Malo, on vous remercie de
votre mémoire ainsi que de vos remarques. Maintenant, on passe à
Librairie Laliberté Inc., représentée par Lucius
Laliberté.
Librairie Laliberté Inc.
M. Laliberté (Lucius): M. le Président, M. le
ministre, mesdames et messieurs, en tout premier
lieu, je voudrais vous présenter la relève de la Librairie
Laliberté, mon fils, Christian. Je voudrais vous dire aussi que nous
sommes dans l'ensemble d'accord sur le projet, sauf quelques restrictions que
j'ai présentées dans le mémoire. Aussi, pour votre
information, notre librairie existe depuis 1945. Elle a été
incorporée en 1956. Notre option est toujours demeurée
d'être des libraires professionnels, faire du travail professionnel au
niveau du livre. Alors, face aux conflits et aux aliénations, face aux
abus de pouvoir, la Loi de l'agrément des libraires a
échoué dans ce qui constituait peut-être ses principales
raisons d'être, c'est-à-dire renforcer notre réseau de
librairies authentiquement québécoises et une meilleure
présence du livre de langue française dans tous les coins de la
province.
D'échec en échec, ce n'est pas la prospérité
que l'on a connue mais, au contraire, des primes à l'oisivité.
Incontestablement, nous avons été les témoins impuissants
de la dégradation de ce milieu, puisqu'un grand nombre de libraires ont
dû fermer leurs portes ou vendre leurs librairies à des
étrangers.
De plus, la qualité des livres présents en étalage
et à la disposition des consommateurs a nettement diminué. Est-ce
souhaitable pour l'évolution de notre culture et de notre
économie? Pour rétablir l'équilibre, il faudrait que le
projet de loi 51 soit le moins contraignant possible à l'égard de
la librairie québécoise et plus vigilant à l'égard
des envahisseurs.
Contrairement aux autres produits de consommation, le livre, de par le
titre qu'il porte, a une personnalité qui lui est propre. La
compétition commerciale ne joue donc pas au même titre que sur
l'ensemble des produits manufacturés. Il est toujours sujet aux bonnes
ou mauvaises politiques commerciales de distribution que son fabricant a
décidé d'appliquer pour une raison quelconque.
Le libraire ne pouvant s'offrir deux titres identiques
réalisés par des éditeurs différents demeure donc
à la merci de ces derniers ou de ses distributeurs. Selon l'humeur de
ceux-ci, dépend donc la qualité de services qu'il donne à
sa clientèle et, de plus, le libraire se voit dans
l'impossibilité de rentabiliser son entreprise puisque sa marge de
profit est d'avance fixée par la plupart de ses compétiteurs, qui
sont en même temps ses fournisseurs. (15 heures)
C'est pourquoi je suggère que l'on prévoie dans le
présent projet de loi, un mécanisme de consultation par les
membres du conseil consultatif de la lecture et du livre, auprès des
personnes dont ils sont porte-parole, soit les éditeurs, distributeurs
et libraires, pour la rédaction de certains règlements concernant
ces derniers et qui, en définitive, devront bonifier la loi lorsqu'elle
sera adoptée.
Je suggère aussi qu'à la section II, article 5, soit
ajouté comme membre, sans droit de vote, un fonctionnaire
désigné du ministère de l'Industrie et du Commerce, afin
qu'éventuellement les administrateurs de l'industrie du livre puissent
bénéficier de conseils, de gestion et d'administration pour leurs
entreprises. Il est logique de penser que les dossiers constitués par ce
représentant pourront aussi servir à mieux exporter notre
production nationale.
Au risque de me répéter, je redis que, face aux conflits,
aux aliénations et aux abus de pouvoir à la section 7, article
37, rien n'est prévu pour que le membre, représentant un secteur
de l'industrie ou du commerce du livre soit dans l'obligation de consulter ses
confrères afin de transmettre au ministre des obligations venant de la
majorité de ceux qui oeuvrent dans ces différents secteurs de
commerce.
Je ne vois pas d'article qui pourrait mettre fin à la concurrence
malsaine et qui certainement contribuera à étouffer nos
librairies québécoises dans leur action sur la clientèle
de détail. Je m'explique. Il y a présentement des
dépositaires libraires qui réalisent des profits en tant
qu'éditeurs ou distributeurs. Il n'y a aucun mal à cela. Mais
lorsque ces profits, ainsi que le prix coûtant ou de revient, leur
permettent d'annoncer à la clientèle de détail les prix
que le libraire du Québec n'étant pas éditeur, ni
distributeur ne peut se permettre d'accorder, il y a là une
faille qui permettra toujours aux envahisseurs d'accaparer nos meilleures
librairies de détail.
Je ne vois pas aussi dans ce projet de loi un article prévoyant
des dispositions spéciales pour la librairie professionnelle qui a en
étalage des livres qui sont nécessaires à la culture et au
développement d'une collectivité, mais d'un débit moins
rapide. Ce genre de livre doit être considéré comme un bien
spirituel et non comme une marchandise pure.
En vendant ce genre de livre, le libraire a une tâche culturelle.
Pour aucune raison, il ne doit se sentir brimé dans son activité
qui est sa fonction essentielle de distributeur intermédiaire des livres
de l'auteur par le biais de l'éditeur, vers le lecteur.
Tant et aussi longtemps qu'il y aura d'autres écrans nuisant aux
échanges du libraire avec l'éditeur sur les livres reproduisant
les pensées et les découvertes de l'art, de la philosophie et de
la science, notre vie culturelle en subira les conséquences.
Pour ce genre de livre de rotation plus lente, deux
intermédiaires, entre les producteurs et les consommateurs, ont pour
effet, sauf de rares exceptions, de provoquer des prix exorbitants et des
lenteurs d'approvisionnement. Si une centrale de services du livre existait
à l'intention de la librairie québécoise, mais sans
stockage, ceci aurait comme effet de rendre plus simple le ravitaillement des
libraires, une fourniture plus rapide et à des coûts
d'exploitation moindres qui, nécessairement, se répercuteraient
par une baisse sur les prix de détail actuels.
En conclusion, je constate que, comme libraire professionnel, si ce
projet de loi no 51 n'est pas amendé ou modifié pour apporter
certaines garanties d'une volonté profonde de sauver la librairie
québécoise, nous assisterons de nouveau au
phénomène d'asphyxie, tout en vendant plus de livres.
Le Président (M. Blank): M. le ministre.
M. Vaugeois: Je vous remercie, M. Laliberté, d'avoir pris
le temps de nous présenter ce mémoire. Disons, en ce qui regarde
une de ses principales préoccupations qui tourne autour du rôle du
comité consultatif et de la façon de faire la consultation, que
nous prenons bonne note de ces observations. Déjà, nous avons
annoncé hier que nous allons essayer d'améliorer le mandat du
conseil consultatif et la représentation des professionnels dans ce
conseil.
J'avais deux ou trois questions à vous poser. A la page 3, vous
nous dites qu'il y a des cas où des gens peuvent se permettre d'annoncer
à la clientèle de détail, des prix que le libraire ne peut
se permettre de pratiquer. Sans nécessairement donner de noms,
j'aimerais que vous m'expliquiez un peu ce qui arrive dans ces
cas-là.
Deuxièmement, j'aimerais que vous nous expliquiez
également ce que vous entendez par une centrale de services du
livre.
M. Laliberté: II y a des exceptions, mais l'ensemble des
distributeurs ou éditeurs sont aussi libraires. Surtout dans le domaine
du livre scientifique et technique et de plus grande portée culturelle,
le libraire a des remises qui sont minimes et anormales, présentement,
sur l'ensemble de toute cette production. Les distributeurs qui ont ces fonds
peuvent se permettre de concurrencer un libraire qui n'est pas éditeur
en accordant une remise à la clientèle de détail, que
celui-ci ne peut pas se permettre. Pour être plus précis, à
supposer qu'un libraire a 15%, 20% ou 25% sur un livre scientifique et
technique et qu'en tant que distributeur étant dans une situation
privilégiée à cause des revenus qu'il se fait dans
certains domaines ou encore parce qu'il a des fonds en distribution, il accorde
jusqu'à 20% de remise, c'est-à-dire sous la forme d'une ristourne
quelconque, le libraire québécois est en position faible et ne
peut absolument pas concurrencer à ce moment-là le libraire
distributeur. Est-ce que cela répond à...
M. Vaugeois: Est-ce que cela arrive souvent, ce que vous dites
là?
M. Laliberté: Cela se pratique d'une façon courante
actuellement.
M. Vaugeois: On en reparlera avec les libraires tout à
l'heure.
M. Laliberté: Deuxièmement, la centrale de
services. Ce que je trouve malheureux, c'est qu'on a toujours lancé une
espèce d'épouvantail pour apeurer je ne sais qui ou quoi, en
disant qu'une centrale de stockage serait un désastre. Je suis tout
à fait d'accord qu'une centrale de stockage serait un désastre,
mais une centrale de services serait d'une très grande utilité
pour les libraires et, aussi, je pense que la population et le consommateur en
profiteraient grandement. Lorsque je parle de centrale de services, cela peut
bien être une centrale, par exemple, en ce qui a trait aux livres de
production québécoise, qui pourrait publier des catalogues par
discipline de la production québécoise, ce que les
éditeurs québécois ne peuvent pas se permettre
actuellement à cause de l'ampleur de leurs fonds dans l'ensemble. Une
centrale de services pourrait donc le faire. Il y aurait donc
possibilité pour le libraire d'agrandir automatiquement ce marché
du livre québécois à l'intérieur même de la
province et aussi même à l'extérieur.
Il y a aussi des problèmes de recherche bibliographique. Si cette
centrale de services existait, il pourrait y avoir une assistance, si vous
voulez, aux recherches bibliographiques, qui aiderait les petits libraires
à donner davantage un service et qui répondrait
éventuellement aux besoins des bibliothèques universitaires. Je
sais fort bien qu'en ce qui nous concerne, la maison est assez importante pour
pouvoir servir les universités. Nous les servons. Nous servons des
universités extérieures au Québec. Nous servons même
des demandes de différents pays. Il y a deux jours, on recevait, par
exemple, une commande d'Autriche. C'était un ouvrage qui est
publié par l'Association d'amiante du Québec, quelque chose comme
cela, qui a des bureaux sur le boulevard Saint-Cyrille. Cette maison, qui avait
besoin de cela en Autriche, a eu recours à un libraire professionnel. On
a pu se dépanner et trouver l'ouvrage, mais si une centrale de services
existait, le petit libraire de n'importe quel milieu pourrait avoir recours
à cette centrale de services pour trouver les livres et répondre
aux demandes extérieures et même intérieures
j'entends dans la province des plus grandes bibliothèques. Cette
centrale de services, cela se pratique déjà, par l'ACDL dans les
questions du transport extérieur et intérieur. Il y a aussi toute
cette possibilité d'utiliser les télex pour distribuer les
commandes auprès des éditeurs à travers le monde entier et
en particulier en France, en Belgique ou en Suisse. Chaque libraire ne peut pas
se permettre un service comme cela, mais cette centrale de services pourrait
permettre aux libraires de commander partout dans le monde entier. Il y a des
services de commissionnaires, par exemple, pour le livre
québécois.
Actuellement, partout dans le monde, on ne sait pas ce qui se produit et
on ne sait pas comment s'approvisionner pour ce qui est de certains livres
spécialisés et produits ici au Québec. On ne fait voir
nulle part dans le monde ce que nous sommes et ce que nous pouvons faire en
réalité. Cette centrale de services pourrait très bien
agir comme commissionnaire et s'identifier à travers le monde comme
pouvant approvisionner en livres bien particuliers qui sont fabriqués
ici au Québec. Il y a une foule de choses, de toute manière, que
je pourrais vous énumérer, mais voilà! C'est cela, ma
centrale de services et non pas de stockage, parce que cela deviendrait trop
lourd et trop onéreux.
M. Rivest: M. le Président, je veux évidemment
remercier M. Laliberté et seulement lui demander une précision. A
la page 2 de votre mémoire et je pense que c'est une suggestion
qui est intéressante au sujet de l'aide technique,
administrative ou même financière ou de gestion, vous
demandez qu'un fonctionnaire du ministère de l'Industrie et du Commerce
puisse se joindre à cela. J'imagine que les entreprises, dans le domaine
du livre, ont autant besoin de cette aide, mais ne croyez-vous pas que cette
aide est de toute manière disponible par les voies ordinaires du
ministère de l'Industrie et du Commerce? Voulez-vous dire par là,
en faisant cette suggestion précise, que si vous vous adressez au
service des moyens techniques je ne sais trop comment cela s'appelle au
ministère de l'Industrie et du Commerce parce que vous êtes
des entreprises dans le domaine du livre, à titre de libraires ou
autrement, ces services ne vous sont pas fournis ou que cela n'existe pas dans
les programmes?
M. Laliberte: C'est-à-dire que ce n'est pas tout à
fait comme cela. C'est beaucoup plus subtil. Le livre est un domaine bien
particulier qui est très difficile et lorsqu'on traite de nos
problèmes avec quelqu'un qui est extérieur à la
profession, qui n'est pas professionnel du livre ou qui ne connaît pas le
milieu...
M. Rivest: Ah oui! je comprends.
M. Laliberté: ... il se trouve perdu. Automatiquement,
s'il n'y a personne du ministère de l'Industrie et du Commerce, on
n'aura jamais personne qui pourra donner cette aide qui existe, en
réalité, mais pour d'autres domaines.
M. Rivest: C'est cela.
M. Laliberté: C'est pourquoi...
M. Rivest: Etant donne cela, vous exigez une disposition
spéciale.
M. Laliberté: Voilà! C'est cela.
M. Rivest: Je pense que c'est intéressant comme... Oui.
Ensuite, vous avez à la fin mais je pense que M. Tisseyre a
déjà attiré notre attention là-dessus
l'aspect qualitatif du livre, qui n'est pas simplement un objet
matériel, mais qui exprime... Vous avez probablement entendu les propos
de M. Tisseyre sur la proportion de titres québécois, d'oeuvres
littéraires de première valeur que les libraires devraient
peut-être garder dans les librairies.
M. Laliberté: Non. Malheureusement, je n'étais pas
ici.
M. Rivest: Oui, mais cela rejoint, je pense, essentiellement,
l'une de vos préoccupations en bas de la page 3, je crois.
M. Laliberté: Exactement. C'est cela. Le problème,
actuellement, c'est que le libraire professionnel, qui est le genre de notre
maison... J'ai été obligé de fermer deux succursales parce
qu'on ne pouvait pas vivre. On était étouffé. On vend
davan- tage de livres scientifiques et techniques et de livres culturels et on
vend très peu, en réalité, de livres de vente rapide
comparativement aux points de vente. On est étouffé parce que,
pour ce livre-là, il n'y a pas de rentabilité ou pratiquement pas
et il y aussi des lenteurs à cause du système établi.
Autrefois, on approvisionnait beaucoup plus rapidement une librairie comme la
nôtre. On remplissait nos commandes beaucoup plus rapidement que ce qui
se produit présentement.
M. Rivest: D'accord. Merci.
M. Cordeau: A la page 1 de votre mémoire, vous mentionnez
que la qualité des livres présents en étalage à la
disposition des consommateurs a nettement diminué et, plus loin, vous
mentionnez que pour rétablir l'équilibre, il faudrait que le
projet de loi 51 soit le moins contraignant possible à l'égard de
la librairie québécoise et plus vigilant à l'égard
des envahisseurs. Voudriez-vous, s'il vous plaît, expliciter votre
pensée concernant l'envahissement auquel vous faites allusion?
M. Laliberté: Quant à la question du livre
disponible actuellement dans les librairies, le livre de qualité est de
moins en moins disponible... C'est parce qu'il n'y a pas de rentabilité.
Automatiquement, le libraire n'est pas porté à mettre en rayon
les ouvrages sur lesquels on ne lui permet pas de vivre et de continuer son
activité. Deuxièmement, l'ancienne loi était en
réalité une épée de Damoclès sur la
tête des libraires. Ce que je voudrais, c'est que cela ne se
perpétue pas dans ce sens; que la loi ne soit pas seulement et
uniquement cette épée de Damoclès sur la tête des
libraires, mais bien pour l'ensemble de tous ceux qui peuvent avoir à
oeuvrer dans le domaine du livre.
M. Cordeau: Vous avez mentionné tantôt que la
qualité des livres diminuait. Avez-vous une explication? Avez-vous fait
une constatation à ce sujet? (15 h 15)
M. Laliberté: Absolument. Dans notre librairie en
particulier puisque je parle en mon nom personnel et au nom de la
librairie on ne retrouve assurément pas le choix que nous avions.
Remarquez que nous avons encore une cinquantaine de milliers de titres
différents, mais on ne trouve pas la qualité des livres et les
livres qu'on pouvait vendre une fois par année; à un tel point
qu'il y a quelques mois, un professeur de l'Université Laval s'est
présenté un samedi, c'était mon fils qui était
là, le professeur s'est mis à l'engueuler, il disait: Votre
librairie s'en vient comme toutes les autres librairies, c'est-à-dire,
que vous n'avez pas d'ouvrages valables ou vous les mettez de côté
de plus en plus. Pourquoi cela? J'ai répondu à Christian: Tu lui
diras que s'il veut en faire les frais de financement, je suis tout à
fait d'accord pour maintenir le même choix et même davantage, un
choix plus grand, mais il faut que quelqu'un en subisse les
conséquences. Moi, je n'en ai plus les moyens. De fait, notre librairie,
dans les années
soixante-douze, a fait près d'un million de chiffre d'affaires.
Elle est tombée il y a deux ans à environ à $400 000.
Actuellement, nous augmentons et je crois que nous pourrons toucher
éventuellement les trois quarts du million. C'est donc dire qu'il y a
des problèmes.
M. Cordeau: Quels sont les problèmes majeurs auxquels vous
avez à faire face?
M. Laliberté: C'est le manque de rentabilité
dû au fait que les prix et les remises des ouvrages que nous vendons sont
souvent fixés par nos compétiteurs et que nos marges ne sont pas
suffisantes pour pouvoir vivre. Il n'y a pas de commerce actuellement, qui
puisse vivre avec des masses de profits comme le disait le rapport de
l'industrie et du commerce, le rapport Prost, avec une moyenne de marge de
profit brut de 20%. Il n'y a aucun commerce de détail qui vit ou qui
donne des services semblables au commerce du livre. C'est impensable.
M. Cordeau: Merci, M. Laliberté.
Le Président (M. Blank): Merci beaucoup, M.
Laliberté.
M. Vaugeois: M. le Président, est-ce que je peux vous
demander de donner l'occasion au président de l'Assemblée
nationale de nous faire part d'un petit message?
M. Rivest: Cela prend le consentement.
Le Président (M. Blank): Que je suis prêt à
donner, d'ailleurs.
M. Vaugeois: Nous sommes heureux de vous accueillir.
Visite des institutions culturelles de Toronto
Le Président (M. Richard): Je vous remercie, M. le
Président, de me céder pour quelques minutes votre place. Je
voudrais tout simplement indiquer aux membres de la commission des affaires
culturelles les démarches qui ont été faites auprès
de l'Assemblée législative de l'Ontario à la suite du voeu
unanimement exprimé par vous en tant que membres de la commission des
affaires culturelles de faire un bref, très bref séjour à
Toronto aux fins de visiter les principales institutions à
caractère culturel de la capitale de l'Ontario. Je dois vous dire
qu'à la suite du voeu que vous avez exprimé, je suis entré
en communication avec le président de l'Assemblée
législative de Toronto qui s'est dit absolument ravi du voyage que nous
projetions d'effectuer chez lui. Ils ont mis à notre disposition toute
une équipe de fonctionnaires dévoués pour faire en sorte
que le voyage de la commission des affaires culturelles du Québec soit
le plus fructueux possible. Je voudrais vous signaler que cela m'apparaît
un précédent heureux où une politique pourra
peut-être être élaborée par une commission de
l'Assemblée nationale. Il y a si longtemps que le pouvoir
législatif a été rodé au profit du pouvoir
exécutif que cela me fait plaisir de signaler que, pour une fois, le
pouvoir législatif l'emportera sur le pouvoir exécutif.
Je voudrais vous donner un aperçu du programme qui est
projeté. Ce serait d'ailleurs les 6 et 7 septembre prochain avec
départ le 5 en soirée pour être en forme le 6 au matin
parce que les jours sont très chargés. Le jeudi 6, à 9
heures, visite du Royal Ontario Museum, rencontre avec le directeur le Dr James
Cruise. A 11 h 30, déjeuner à la Art Gallery of Ontario et visite
et rencontre avec le directeur, M. William Withrow. A 14 heures, visite de la
Metro Reference Library et rencontre avec la directrice intérimaire, Mme
Marjory Allen, suivie d'une visite de la succursale de Yorkville. A 19 h 30,
nous serons reçus par le président de l'Assemblée
législative de l'Ontario, M. John Stokes qui est un ami personnel.
Vendredi, le 7, à 9 heures, visite de l'Ontario Science Centre. Il
paraît que cette visite vaut le coût du déplacement.
Rencontre avec son directeur, M. Wilson. A midi, c'est un déjeuner
offert par le délégué du gouvernement du Québec, M.
Lebrun. A 14 h 30, visite du McMichael Museum et rencontre avec le directeur,
M. Robert McMichael. A 17 h 30, c'est le retour à Québec.
J'ai songé à commettre le précédent suivant:
c'est qu'il m'apparaît utile que la commission rédige un rapport
de ce qu'elle aura vu et entendu à Toronto. J'ai pris les dispositions
nécessaires pour qu'un rapport puisse être rédigé.
Bien sûr, il s'agira d'un rapport essentiellement factuel. Je me suis
inspiré, en cela, des rapports qui sont rédigés dans
d'autres Parlements, à travers le monde, à la suite de
délégations de commissions parlementaires. Le rapport dont je me
suis particulièrement inspiré pour vous proposer cela, c'est le
rapport de la délégation de la Commission sénatoriale
française des affaires économiques et du Plan qui avait fait un
voyage aux fins d'étudier, non seulement le système
économique, mais la situation économique pancanadienne et qui a
fait un rapport qui, à mon humble avis, est extrêmement bien fait.
Il m'a paru utile qu'un rapporteur soit désigné aux fins de
diriger la rédaction de ce rapport.
J'ai demandé à M. Harry Blank de présider la
commission et M. Harry Blank a accepté de présider cette
commission parlementaire. Ce ne sera pas un déplacement formel de la
commission parlementaire; ce qui sera formel, ce sera la rédaction d'un
rapport. En ce sens, il m'est apparu important de désigner un
président qui soit parfaitement bilingue, c'est pourquoi je me suis
adressé à M. Blank qui a accepté avec plaisir d'être
le président de la commission, au moment où elle se
déplacera à Toronto.
Nous avons aussi prévu, pour les fins de la rédaction du
rapport, deux unités mobiles d'enregistrement. On pourra donc
enregistrer ce qui sera dit durant nos visites des institutions de Toronto.
Pour les fins de la rédaction du rapport, je pense que ça
facilitera les choses.
Ce que je me permets de vous suggérer, c'est qu'une motion soit
adoptée en bonne et due forme pour accepter le déplacement
à Toronto, à là suite d'une suggestion qui avait
été faite, si ma mémoire est fidèle, en juin
dernier, par le ministre des Affaires culturelles, suggestion qui avait
été reprise par Mme le député de L'Acadie, au nom
de l'Opposition officielle et, je pense, par M. le député de
Gaspé aussi.
Je vous suggère donc d'adopter une motion pour qu'on soit
sûr que la légalité du déplacement, même si ce
n'est peut-être pas absolument nécessaire. J'aimerais vous
entendre sur la rédaction éventuelle d'un rapport, donc la
désignation d'un rapporteur.
J'imagine qu'un tel rapport pourrait être déposé
à l'Assemblée nationale, au moment où il sera prêt,
mais que le rapporteur devra veiller à la vérification des
faits.
Je vous suggère donc de désigner, après l'adoption
d'une motion autorisant le déplacement de la commission des affaires
culturelles, de désigner un rapporteur.
M. Lalonde: M. le Président, si vous me le permettez,
j'aimerais suggérer le député de Mercier comme
étant le rapporteur, lorsque la motion sera adoptée. J'ai
déjà obtenu, par des signes, son accord.
Une Voix: Non équivoque. M. Lalonde: Non
équivoque.
M. Rivest: Des signes qui appelaient votre intervention.
M. Lalonde: C'était de ma propre initiative, je dois
l'avouer.
Le Président (M. Richard): Les membres de la commission
qui ont accepté de venir à Toronto et qui peuvent le faire, parce
qu'il y en a d'autres qui voudraient bien y venir, mais qui sont membres
d'autres commissions qui siègent en même temps, seraient, bien
sûr, le président de la commission, M. le député de
Saint-Louis, le ministre des Affaires culturelles, M. Vaugeois, l'adjoint
parlementaire du ministre des Affaires culturelles, le député de
Mercier, Gérald Godin.
Une Voix: M. Godet?
Le Président (M. Richard): Godin, d-i-n. Cela va? Mme le
député de L'Acadie, M. le député de Gaspé,
M. le député de Papineau, M. le député de
Jonquière...
Une Voix: Non, Lac-Saint-Jean.
Le Président (M. Richard): Lac-Saint-Jean, je m'excuse; M.
le député de Lac-Saint-Jean et non pas le député du
Lac-Saint-Jean.
Une Voix: Correction.
Le Président (M. Richard): Corrigé.
Une Voix: Correction.
Le Président (M. Richard): Et M. le député
de Marguerite-Bourgeoys, avec un trait d'union. Il n'y a pas de correction ici;
c'est parfait.
Une Voix: Un "y" à la place d'un "i". C'est important, "y"
à Bourgeoys.
Une Voix: A Marguerite?
M. Lalonde: Non, à Bourgeoys.
Le Président (M. Richard): Le "y" est mis à
Marguerite, tout à fait au début.
M. Vaugeois: M. le Président...
Le Président (M. Richard): M. le ministre.
M. Vaugeois: ... est-ce qu'on pourrait, de façon plus ou
moins formelle, proposer aux membres de cette commission une résolution
qui pourrait dire ceci: Que les membres de cette commission invitent la
présidence à prendre les dispositions nécessaires pour
rendre possible la mission projetée?
M. Rivest: M. le Président, est-ce que cette motion est
recevable?
Le Président (M. Richard): J'avais envie de vous signaler,
M. le député de Jean-Talon, qu'elle est un peu rétroactive
parce que les dispositions ont été prises depuis longtemps.
M. Rivest: Alors, comme je ne suis pas du voyage, je vais appuyer
la proposition du ministre. On a le droit de parler 20 minutes sur la
recevabilité.
Le Président (M. Richard): Est-ce que cette motion sera
adoptée? M. le ministre, pourriez-vous relire votre motion?
M. Vaugeois: Que les membres de cette commission invitent la
présidence à prendre les dispositions nécessaires pour
rendre possible la mission projetée.
Le Président (M. Richard): Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Lalonde: Adopté.
Des Voix: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Richard): Adopté.
M. Vaugeois: Egalement, que nous acceptions la suggestion faite
par le député de Margue-
rite-Bourgeoys pour que l'adjoint parlementaire du ministre des Affaires
culturelles et député de Mercier agisse comme rapporteur pour
l'occasion.
Le Président (M. Richard): Est-ce que la motion sera
adoptée? Est-ce que vous acceptez cette mission spéciale, M. le
député de Mercier?
M. Godin: Avec plaisir.
Le Président (M. Richard): Avec plaisir.
M. Le Moignan: En vers, en alexandrins.
Le Président (M. Richard): Puis-je vous demander de ne pas
le faire sacrer ici? C'est tout de même la commission des affaires
culturelles. Motion adoptée. Trêve de plaisanteries, vous serez
avisés des heures de départ et de tout le reste. Le départ
se ferait, comme je l'ai dit tout à l'heure, le 5 septembre à 18
heures.
M. Vaugeois: M. le Président, si vous me le permettez,
nous proposerons peut-être aux membres qui le pourront une petite
rencontre soit avant le départ ou soit à l'arrivée pour
qu'on puise quand même s'informer un peu du contenu du programme qui nous
est proposé. Le président a signalé l'intérêt
que nous prendrions certainement au Science Centre. Je pense que c'est hors de
doute; ce sera assez extraordinaire comme visite. (15 h 30)
Mais les autres endroits mentionnés au programme sont pleins de
surprises aussi, mais, pour qu'on profite bien de chacune des visites, je pense
que cela vaudrait la peine qu'on s'y prépare, qu'on s'entretienne entre
nous de ce que nous allons voir, par exemple, à la bibliothèque
métropolitaine, qui sera probablement l'endroit qui va nous
suggérer davantage d'actions à entreprendre.
Egalement, ce serait intéressant d'avoir un peu d'informations
générales sur la situation de l'Ontario, par rapport au
Québec, particulièrement sur le plan des bibliothèques et
des musées, puisque c'est surtout ce que nous allons voir. Comme nous
allons circuler dans Toronto, je souhaiterais que nous soyons également
informés des programmes de restauration et de rénovation urbaines
que pratiquent actuellement les autorités de Toronto. Il y a là
des choses extrêmement intéressantes à observer.
Alors, si c'était possible, ce serait juste avant le
départ ou, encore, le mercredi soir à l'arrivée
là-bas.
Le Président (M. Richard): Je voudrais vous entendre
là-dessus, justement pour savoir à quel moment vous
préféreriez que cette rencontre soit organisée.
M. Lalonde: M. le Président, quant au moment, il est
possible qu'à l'arrivée, étant donné que nous
serons tous ensemble, on pourra tenir cette assemblée. Mais est-ce que
cela pourrait être précédé par l'envoi aux membres
de toute la docu- mentation disponible pour que chaque membre soit
d'égal à égal avec les autres?
M. Rivest: D'égal à égal? Pour parler
d'indépendance, a dit M. Bisaillon ce matin. N'ayez pas peur des mots,
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
Le Président (M. Richard): Puis-je me permettre de vous
rappeler à l'ordre et de vous parler de l'indépendance de
l'Assemblée? Je vous suggère que cette rencontre ait lieu
immédiatement après notre arrivée à Toronto
à l'hôtel, parce que nous aurons, à ce moment, à
tout le moins, quelqu'un qui est censé être un expert en la
matière, qui sera le délégué du Québec, M.
Lebrun. Je vous suggère donc qu'on organise la rencontre et qu'on trouve
une salle à l'hôtel à Toronto.
Il me fait plaisir de vous signaler que, d'après nos estimations,
le déplacement, sauf l'avion gouvernemental qui est peut-être un
peu problématique, de toute la commission ne coûtera pas plus de
$2000.
M. Lalonde: C'est du fédéralisme rentable!
Le Président (M. Richard): En tout cas, c'est certainement
une association qui vaut la peine, n'est-ce pas? Je vous remercie,
messieurs.
Une Voix: Vous reviendrez pour le prochain voyage.
Le Président (M. Blank): Le prochain groupement, c'est
l'Association des éditeurs canadiens, M. Dubé.
Association des éditeurs canadiens
M. Dubé (Yves): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs. A ma droite, M. Robert Davis, président de
l'Etincelle et membre du bureau de l'AEC, et, à ma gauche, M.
Réal d'Anjou, président des Editions du pélican et
vice-président de l'AEC.
L'AEC regroupe près de 50 maisons d'édition,
considérées en grande majorité comme des petites et des
moyennes entreprises.
A l'époque actuelle, on prend de plus en plus conscience des
problèmes des petites et des moyennes entreprises et des
difficultés inhérentes à leur survie. Si on ajoute
à cela les particularités bien spécifiques du domaine de
l'édition ...
Le Président (M. Blank): Excusez-moi, on dit qu'on
n'entend pas en arrière. Est-ce qu'il manque un bouton? Cela va?
M. Dubé: ... nécessité de compétence
versus le manque habituel des moyens qu'il faudrait réunir pour recruter
les personnes-ressources nécessaires à démontrer la
compétence en question on resserre davantage la
réalité quotidienne à laquelle est confronté chacun
des responsables de ces mêmes entreprises.
Après plus de 25 ans d'existence, l'AEC constate avec une
inquiétude croissante l'impossibilité dans laquelle elle a
toujours été d'édicter un code d'éthique
professionnelle, alors que chacun de ses membres reste en droit de se proclamer
tel. Il est facile de s'imaginer tout ce que cela comporte de déchirant
ou d'aliénant pour le milieu de l'édition dans son ensemble.
D'autre part, on s'arroge de partout le droit de juger ces entreprises,
tantôt en les considérant comme des industries, tantôt en
leur conférant une vocation culturelle, le plus souvent en mêlant
les deux à loisir pour pouvoir mieux gloser sur les éditeurs et
leur action sans réelle connaissance de la situation.
Précisons que dans ce mémoire nous essaierons de
représenter l'ensemble des membres de l'AEC, qu'ils se sentent ou
chargés d'industries ou liés à la nécessaire
expression culturelle de notre peuple, malgré les difficultés
évidentes rencontrées au moment d'assurer un tel rôle. Pour
faciliter la compréhension des choses, nous éviterons d'opposer
les uns et les autres, croyant finalement à l'existence d'un assez grand
nombre de problèmes communs, de terrains d'entente mutuels,
d'intérêts généraux reconnus au moins par le plus
grand nombre.
La plupart des maisons d'édition ont commencé par un acte
de foi, quelquefois collectif c'est-à-dire par une prise de
conscience de deux individus ou plus en même temps le plus souvent
individuel.
Dans un pays où tellement d'intérêts
étrangers se sont conjugués pour empêcher l'éclosion
ou plus tard la floraison de véritables maisons d'édition locales
d'autres diraient autochtones il n'a pas été facile
d'émerger un peu glorieusement sur la place publique. Il a longtemps
fallu se contenter de quelques entreprises artisanales travaillant à
compte d'auteur ou aux frais de mécènes, d'activités
paisibles qui ne devaient pas nuire aux grandes réussites de
l'implantation des magnats de l'édition internationale. La situation
était telle que lorsqu'on accorda, dans les années quarante, le
prix Fémina à une québécoise, le premier mouvement
en fut un de surprise et d'étonnement, la joie délirante venant
par après. C'est alors, qu'après des siècles de
création littéraire québécoise, on se posa la
grande question de l'existence de notre littérature nationale. Nous
n'avons pas l'intention de nous attarder sur les aléas reliés
à cette question ni sur les jeux de coulisses entrepris pour nous
dissuader en nous disant que nous n'étions pas de taille et même
que nous ne le serions jamais. Pourtant la litérature
québécoise était née depuis belle lurette et
piaffait d'impatience pour pouvoir se produire au grand jour. Après les
Valiquette, les Parizeau, les Hurtubise, les Char-bonneau, le temps des
Lespérance, des Hébert et des Martin était arrivé.
La révolution tranquille ne se ferait pas sans cette affirmation
nécessaire de notre identité.
Revenons à cet acte de foi indispensable et pour certains quelque
peu démentiel qui nous a valu d'être ici aujourd'hui.
Pour sortir du cercle trop fermé d'une élite en mal de se
replier trop souvent sur elle-même, au mépris de l'ensemble des
autres membres de notre collectivité, Georges-Emile Lapalme se fit
l'initiateur de notre premier ministère des Affaires culturelles,
voulant par là sauvegarder les valeurs sûres du passé,
faire progresser l'art sous tous ses aspects et en diffuser les
résultats dans l'avenir à une audience la plus large possible.
L'aide traditionnelle des régimes gouvernementaux passé, qui
consistait à acheter quelques centaines de livres parus pour les
entasser dans les caves de l'Hôtel du gouvernement, devait être
remplacée par une discussion entre toutes les parties en cause pour
assurer la poursuite heureuse des buts fixés à la création
du ministère.
Depuis lors, les éditeurs constatent qu'ils ont reçu des
promesses à profusion mais que leur situation actuelle reste plus
précaire que jamais. Malgré la volonté de base
d'élargir la clientèle des éditeurs
québécois autant chez les fonctionnaires que chez les
éditeurs eux-mêmes, les plus grandes difficultés persistent
quand on songe à la survie de nos entreprises.
Même si, aux problèmes de notre marché trop
étriqué, certains éditeurs ont cru trouver une
réponse en tentant l'aventure de l'exportation, ils l'ont fait, la
plupart du temps, ou avec des livres utilitaires à rôle culturel
limité ou inexistant ou avec des livres d'auteurs internationaux en en
disputant à d'autres communautés francophones les droits de
traduction en langue française. Personne ne peut se leurrer sur la
valeur culturelle d'une telle riposte québécoise, sans toutefois
chercher à minimiser l'apport financier, le caractère sainement
agressif et même inventif de ces éditeurs qui se présentent
eux-mêmes sous l'appellation "nouvelle vague". D'ailleurs, ces derniers
ne sont pas sans se plaindre des difficultés de toutes sortes qu'on leur
fait lors de leurs tentatives d'implantation en milieu étranger.
Il ne serait pas déraisonnable de dire qu'à l'heure
actuelle les problèmes des éditeurs québécois dans
leur ensemble restent inchangés en regard des oeuvres
québécoises à publier et à diffuser. Toutefois,
force nous est de reconnaître le rôle primordial et de premier plan
joué par le Conseil des arts du Canada, tentant d'endiguer les
désastres et se persuadant de sa mission de sauver l'expression
littéraire d'une des deux collectivités linguistiques du pays.
"Le Conseil des arts nous a permis de survivre", devait un jour déclarer
Gaston Miron, notre poète national. "L'aide du Conseil des arts est un
exemple à suivre", affirmait Denis Vaugeois, alors directeur-fondateur
du Boréal Express. Mais il faut bien le dire, le rôle joué
par les uns n'avait pas pour but d'exempter les autres de faire leur part. A
cet effet, notons, au profit des membres de cette commission parlementaire, que
les éditeurs ontariens, par exemple, ont considérablement
été plus aidés que les éditeurs
québécois, et cela au moment où leurs problèmes
étaient relativement moins épuisants que les nôtres.
Enumérons sans plus tarder les plus cruciaux de ces
problèmes. Premièrement, investissements
à long terme et très coûteux, sans compensation sur
le plan des profits.
Deuxièmement, inventaire exigeant des espaces toujours de plus en
plus grands dont la location pose de multiples problèmes de coût,
d'assurances, etc.
Troisièmement, exigence de compétences qui supposent des
salaires que, la plupart du temps, les entrepreneurs ne peuvent pas se
permettre.
Quatrièmement, nécessité d'une publicité
adéquate, toujours plus dispendieuse que les moyens mis à la
portée des éditeurs.
Cinquièmement, intérêts banquaires la plupart
des éditeurs n'ayant pas de liquidité de plus en plus
élevés et astreignants.
Sixièmement, impôts à payer sur des profits fictifs
qui consistent plus souvent en des inventaires dont le sort restera toujours
aléatoire.
Septièmement, difficultés de diffusion
généralisées, la plupart des éditeurs se voyant
obligés d'être traités en parents pauvres par des
distributeurs étrangers trop puissants.
Huitièmement, impossibilité très souvent
d'entreprendre des améliorations qui feraient progresser l'entreprise,
la bloquant dans une stagnation toujours dangereuse.
Neuvièmement, déconsidération du milieu ou
méconnaissance très souvent due à la
médiocrité quand ce n'est pas à la nullité de la
critique.
Dixièmement, augmentation constante des coûts de
production, montée en flèche des prix du papier, syndicalisation
dans tous les secteurs d'imprimerie, d'où augmentation des prix de
vente, engendrant un mécontentement populaire d'un public pour qui le
livre devient un produit de luxe dont on apprend facilement à se
passer.
Onzièmement, difficulté pour la plupart des
éditeurs d'exporter sur des marchés étrangers vers des
clientèles d'appoint.
Douzièmement, disproportion de nos moyens pour concurrencer avec
nos produits ceux des étrangers, le public étant amené
très souvent à exiger des qualités supérieures d'un
livre québécois que d'un autre livre francophone largement plus
favorisé pour toutes sortes de raisons plus ou moins occultes ou
diplomatiques.
Treizièmement, difficulté très souvent de percevoir
nos comptes recevables dans des délais raisonnables, et cela, en
particulier, de la part des commissions scolaires et du gouvernement en
général et de certaines librairies organisées en
réseau puissant et que nous devons continuer de fournir quand
même, faute de quoi une bonne partie de la production
québécoise qui dispose déjà de si peu d'espace
disparaîtrait des étalages de plusieurs de ces librairies au
profit de qui l'on sait. (15 h 45)
Malgré toutes ces difficultés, il s'est trouvé des
Québécois pour aller au-delà de l'acte de foi initial,
faire progresser des entreprises dépassant maintenant une cinquantaine,
réinvestir toutes les sommes gagnées sans jamais toucher de
dividendes et rendre un service irremplaçable que personne d'autre
n'aurait pu rendre à leur place.
L'AEC tient ici à remercier le ministère des Affaires
culturelles d'avoir enfin accédé à sa deman- de concernant
la propriété québécoise pour toute
accréditation, voire pour toute obtention d'une aide, sous quelque forme
que ce soit, de la part du gouvernement.
Sans réparer les avatars causés par les pratiques
gouvernementales du passé, cette loi permet enfin d'espérer un
juste retour à la normale d'une situation largement injuste, voire
même injustifiée et injustifiable.
Toutefois, toujours au chapitre de la propriété, l'AEC
s'inquiète du manque de moyens réels pour contrôler
l'observance d'une mesure si longtemps attendue. Les juristes disent
quelquefois que la loi est faite pour être contournée. Nous
devinons que celle-là l'a déjà été avant
d'être promulguée et le sera davantage quand la fatalité en
frappera définitivement les plus grands.
L'impossible contrôle des actions ou des avoirs réels, la
pratique des prête-noms, les détournements prévus et
imprévus de tout ordre, les subtilités dans
l'interprétation des règlements futurs sont autant
d'inquiétudes qui risquent de rester sans réponse. A cet effet,
nous constatons que jamais dans le passé autant d'étrangers
travaillant dans le domaine du livre ne se sont prémunis du
privilège de devenir Canadiens et de créer, après, avec
des actifs "personnels", des entreprises 100% québécoises. Ces
nouvelles vocations nationales ne nous surprennent pas trop quand nous savons
que les pays d'origine de la plupart de ces derniers leur gardent en
réserve une citoyenneté première, valeur sûre "et
qui ne se perd jamais ". Il y a quand même quelque chose
d'étonnant dans le fait que, d'employé et représentant, on
devienne, après obtention de citoyenneté nouvelle, patron,
éditeur, voire diffuseur exclusif en relation toujours avec les
anciennes firmes représentées. Seul l'avenir nous dira la
fermeté, la durée, le sérieux et l'honnêteté
de pareils changements d'appartenance nationale.
L'AEC insiste auprès du ministère pour que tout ce qu'il
est possible de mettre en oeuvre pour connaître les véritables et
définitifs propriétaires des maisons accréditées
dans le domaine du livre (librairie, édition, diffusion) le soit, et
cela, quelles que soient les pressions exercées par quelque groupe que
ce soit, y compris les pressions exercées par des gouvernements
étrangers, eussent-ils des départements d'Affaires
étrangères particulièrement bien munis d'arguments de
n'importe quel acabit.
De plus, l'AEC exhorte le gouvernement québécois à
collaborer avec les législateurs fédéraux pour pouvoir
contrôler tout achat, tout échange, toute transaction faite dans
le domaine du livre par des étrangers et les empêcher chaque fois
que les intérêts des professionnels québécois
pourraient en souffrir. Une proportion trop largement majoritaire du commerce
du livre au Québec on nous a cité le chiffre de 85%
appartient aux étrangers. Le ministère des Affaires culturelles
devrait mettre tout en oeuvre pour qu'au contraire une part toujours de plus en
plus large de ce commerce puisse appartenir à des
Québécois, compte tenu qu'il s'agit là d'un
véhicule culturel indispensable à l'épanouissement de tous
ces Québécois.
Le statu quo ou la progression des étrangers dans ce domaine
représente un danger réel, à portée incalculable,
pour tous les Québécois fiers de leur patrimoine culturel.
Les objectifs des étrangers par exemple je cite un
distributeur étranger qui présente dans tous les postes de vente
du Québec le même livre, le même jour peuvent
représenter des dangers incalculables allant jusqu'à la perte de
la possibilité de publier les oeuvres québécoises
essentielles d'où, encore une fois, la nécessité d'une
mainmise québécoise plus puissante sur son commerce du livre.
L'AEC, nonobstant les remarques qui suivront plus loin, appuie le
ministère des Affaires culturelles dans sa décision de
créer un régime d'éditeurs agréés.
Toutefois, à cet effet, l'AEC souhaite que les règlements
afférents fassent l'objet d'un consensus entre les professionnels de
l'édition, via leurs associations, et les représentants du
ministre.
L'AEC ne croit pas devoir ici s'attarder sur les autres avantages
dévolus aux autres groupes qui s'occupent du livre, mais souligne
toutefois que l'ensemble de la loi 51, si les règlements ne constituent
pas une entrave, pourra permettre une plus grande unité au sein des
professions du livre, une unification largement souhaitée dans plusieurs
des secteurs compris.
L'AEC s'élève violemment contre l'article 37, ainsi que
contre toutes les affirmations accordant un pouvoir discrétionnaire au
ministre. L'AEC s'insurge contre toute mesure qui pourrait sembler totalitaire,
arbitraire, dangereuse, imprévisible et, de toute façon, nuisible
à la profession. D'autre part, reprenant l'inquiétude d'autres
associations à propos de l'article 31, si, fatalement, on devait exiger
de garder cet article, l'AEC demanderait au ministre d'indiquer que les
personnes responsables devraient être soumises à une
assermentation et à une mise au secret.
Compte tenu des problèmes mentionnés plus haut, l'AEC
s'inquiète encore une fois de constater que le gouvernement, en
accordant le privilège à ses membres de pouvoir devenir
éditeurs agréés, leur imposera toutes sortes de
réglementations qui risquent d'être trop lourdes à porter,
sans pourtant leur promettre des avantages susceptibles de leur permettre de
voir s'améliorer leur sort professionnel de toutes les façons
souhaitables. En d'autres mots, l'AEC s'inquiète que ses membres aient
à contracter de nouvelles obligations avant même d'être
assurés d'améliorations sensibles dans leur sort
d'éditeurs, tant au point de vue des satisfactions professionnelles
qu'au point de vue des assurances d'un minimum de sécurité qui
est toujours menacée.
Tel qu'entendu dans l'article 38, un règlement adopté en
vertu de la présente loi entrera en vigueur après l'adoption de
la loi 51. L'AEC demande instamment que ce règlement ne soit
imposé aux éditeurs qu'après consultation et entente avec
les associations professionnelles. L'AEC demande instamment, aussi, que rien ne
soit introduit dans le règlement servant un autre groupe professionnel
aux dépens des éditeurs eux-mêmes, si l'on veut conserver
à la loi la caractéristique de préserver les
privilèges de ces derniers.
L'AEC demande, en définitive, que le fait de solliciter
l'agrément ne puisse pas devenir odieux, et cela d'aucune façon,
pour tous les professionnels que la loi pourra qualifier d'éditeurs
agréés, à défaut de quoi, les éditeurs
s'abstenant, la loi ne pourrait atteindre un de ses buts principaux et les
professionnels de l'édition risqueraient de se voir acculés
à une impasse définitive.
L'AEC, dans son mémoire, s'est bornée la plupart du temps
aux articles qui visaient plus directement les maisons d'édition en
général. C'est pourquoi l'AEC a tenu à parler longuement
de propriété québécoise et des dangers de la loi
par rapport à la situation des éditeurs. Toutefois, avant de
terminer, il serait bon d'indiquer que l'AEC appuie la recommandation du
Conseil supérieur du livre sur la création d'un Conseil
supérieur du livre et de la lecture, selon le mode d'opération du
Conseil supérieur de l'éducation. L'AEC demande qu'il soit
clairement énoncé par le ministère des Affaires
culturelles qu'aucune tabelle de conversion à partir des coûts de
production ne sera jamais imposée aux éditeurs
québécois.
L'AEC appuie tous les éditeurs de manuels scolaires qui voudront
défendre des privilèges que la présente loi risque de leur
faire perdre. L'AEC souhaite que les règlements accompagnant la loi
puissent favoriser une meilleure compréhension entre les éditeurs
et les libraires, entre les éditeurs et les différents
professionnels du livre en général. A cet effet, l'AEC souhaite
pouvoir travailler plus étroitement avec les fonctionnaires du
ministère des Affaires culturelles et les libraires afin d'accorder une
place de plus en plus prépondérante à la production
québécoise dans toutes les librairies de la province.
Nous considérons que les librairies à 100%
propriété québécoise seront aussi habilitées
à rendre tous les services qu'on peut attendre d'une librairie.
Plusieurs d'entre elles sont déjà en mesure d'offrir de faire
face à n'importe quelle demande de n'importe quel client, et on aurait
tort de sous-estimer leur possibilité d'être à la hauteur
de la situation.
Ces considérations n'ont pas pour but d'empêcher de
commencer avec les étrangers, qui nous sont indispensables dans une
certaine mesure, mais d'assainir une situation qui, faute d'une solution
énergique de la part du gouvernement, risquerait de s'envenimer toujours
davantage.
L'Association des éditeurs canadiens, pour terminer, offre une
fois de plus sa plus entière collaboration au ministère des
Affaires culturelles pour l'amélioration toujours croissante de la vie
culturelle au Québec et, d'une façon particulière, par
l'amélioration de la condition faite à l'oeuvre littéraire
une des expressions les plus vivantes de cette vie culturelle
depuis sa création jusqu'à sa diffusion dans tous les recoins de
notre immense province.
Le Président (M. Blank): Merci, M. Dubé. M. le
ministre.
M. Vaugeois: M. le Président, je remercie l'Association
des éditeurs canadiens de la présentation de cet important
mémoire. Je la remercie également de l'appui qu'elle nous
apporte, de l'encouragement et de la collaboration apportés à ce
jour. Je lui dis tout de suite que la consultation qui a été
poursuivie jusqu'à ce jour n'est pas terminée, bien sûr.
Lorsque dans votre mémoire vous appelez un supplément de
consultation pour la mise au point de certaines parties de la loi ou des
règlements, cela va de soi, c'est ce que nous entendons faire et c'est
ce que nous allons continuer à faire.
Vous avez ou la malice ou la gentillesse de me citer, à la page 6
de votre mémoire. Je reconnais avoir sans doute dit quelque chose comme
ça, en tout cas je l'ai souvent pensé et je l'ai sans doute dit
publiquement.
M. Rivest: Est-ce qu'il s'agissait du Conseil des arts du
Canada?
M. Vaugeois: ... du Canada. M. Rivest: Du Canada?
M. Vaugeois: Du Canada. Organisme avec lequel nous entendons
avoir une association. Nous pensons...
M. Rivest: Non, non, je m'excuse, c'est comment.
M. Vaugeois: De toute façon, pour nous c'est un excellent
voisin.
Une Voix: Un voisin...
Une Voix: II est bien content d'avoir l'aide
fédérale...
M. Rivest: Bien oui, regardez donc ça.
M. Le Moignan: II n'était pas éditeur? Ce n'est pas
le même?
M. Vaugeois: Cette façon de faire du Conseil des arts nous
inspire actuellement dans la révision du programme d'aide à
l'édition. Une des grandes qualités du programme du Conseil des
arts c'est de ne pas intervenir dans le choix éditorial. D'avoir ce
qu'on appelle dans le jargon une subvention globale. C'est, je pense, de la
part du Conseil des arts, une attitude qui a toujours été
exemplaire, en ce sens qu'elle nécessite peu d'effectifs pour appliquer
le programme et qu'elle respecte la démarche fondamentale de
l'éditeur. Non seulement je l'ai pensé et sans doute
déjà dit, mais, depuis que je suis au ministère, le
travail de révision que nous faisons, avec votre collaboration, va dans
ce sens-là. Nous cherchons à mettre au point un programme qui
nous permettrait d'intervenir dans l'aide à l'édition sans avoir
à nous prononcer sur votre choix éditorial, sur vos
décisions éditoriales, sur votre façon d'accueillir les
manuscrits et de les traiter. Encore que nous sommes avec vous
préoccupés du professionnalisme qu'exige votre profession, votre
métier d'éditeur, qui est un des plus importants qui soit, parce
que vous finissez le produit, vous rendez service à l'auteur et vous
nous livrez, si vous travaillez bien, un produit de qualité qui facilite
le travail de tous les autres. Quand le produit est de qualité, je pense
qu'il a plus de chance d'avoir une bonne existence et de remplir les fins pour
lesquelles il existe.
Pour pouvoir être correctement équipé et faire votre
travail, vous identifiez vous-mêmes un certain nombre de problèmes
qui vous confrontent. Plusieurs de ces problèmes sont de nature
financière et je pense qu'une des principales mesures susceptibles
d'améliorer la situation est la création toute récente de
la Société de développement des industries culturelles.
Nous misons beaucoup sur ce geste posé par l'actuel gouvernement et vous
avez sans doute noté au cours de nos discussions, depuis hier, la
présence du président de la nouvelle société, M.
Guy Morin, qui, à ce moment-ci, est avec un autre groupe, mais qui doit
nous retrouver et, également, la présence du
vice-président de la société, M. Gaston Harvey. (16
heures)
C'est dire l'intérêt que MM. Morin et Harvey,
président et vice-président, qui sont les deux premiers
permanents du conseil d'administration et de la société, portent
à la question du livre. Ils sont tout à fait conscients du
rôle qu'ils ont à jouer pour la meilleure santé de ce
secteur vital et pour le développement culturel du Québec.
Vous avez des propos énergiques, très clairs. Je pense que
l'Opposition en particulier en aura fait son profit sur la
propriété québécoise. Vous soulignez
vous-mêmes les difficultés d'application du 100% et mon
collègue de Jean-Talon me permettra de faire un très bref
commentaire, parce que nous aurons l'occasion d'en débattre au moment de
l'étude du projet de loi, mais il est certain qu'on peut jongler avec
100% et 80%. Une des grandes difficultés du 80% réside dans le
contrôle. C'est certainement plus difficile d'apprécier 80% que
100%, étant déjà compris qu'il est difficile de bien
vérifier la propriété. Le mémoire de l'association,
à cet égard, est assez explicite. Ce n'est pas facile. Plusieurs
points très concrets sont posés dans ce mémoire. Selon une
expression que j'ai retenue, et qui venait d'un avocat célèbre,
il n'est pas toujours facile de percer le voile corporatif.
Or, vous vous inquiétez de cette capacité d'aller chercher
le vrai propriétaire, de l'identifier. Vous avez parfaitement raison et
c'est là qu'est l'ambiguïté de votre mémoire, sur ce
point. C'est qu'en même temps que vous vous en inquiétez, en
même temps vous êtes un peu sceptiques sur notre capacité de
vérifier la propriété, vous vous inquiétez, dans le
même souffle, de l'article 37. Evidemment, c'est notre dilemme à
nous et finalement, à tous nous autres, puisqu'il est difficile de
vérifier la propriété, est-ce qu'il faut se donner les
moyens d'essayer de la vérifier? C'est notre dilemme et je conviens que
l'article 37 n'est pas
réjouissant en lui-même, il s'agit de savoir si nous en
avons besoin pour remédier à une situation que les tenants...
C'est l'article 31, l'article en question.
M. Rivest: II ne s'est pas inquiété de l'article
31, c'est ce que j'aurais aimé vérifier.
M. Vaugeois: Je mêle un peu les articles, ils vont changer
de numéro de toute façon d'ici l'adoption de la loi.
Effectivement, c'est l'article 31.
M. Rivest: Vous vous référiez à la
nécessité, pour le ministre, d'avoir des pouvoirs d'enquête
assez poussés.
M. Vaugeois: Voilà.
M. Rivest: Je pense qu'il ne l'a quand même pas
soulevé, mais enfin dans votre argumentation, d'accord.
M. Vaugeois: Le dernier point que je voulais soulever, je l'ai
dit au début, c'est la question de la consultation. Vous nous demandez
que certaines choses ne soient pas faites avant une dernière
consultation, ce qui est acquis.
J'aimerais donner l'occasion au député de Mercier qui nous
a beaucoup assisté dans la préparation de ce projet de loi, ou
après le député de Jean-Talon, d'accord.
M. Rivest: Moi aussi, j'ai trouvé votre mémoire
autant dans le ton et je suis sûr que c'est un mémoire vigoureux.
Le ministre l'a qualifié d'énergique et certainement vigoureux.
Je comprends très bien que la vigueur que vous y avez mise correspond
à des situations vécues, aux situations auxquelles vous vous
êtes référé sans nommer de cas, mais que c'est un
problème qui n'est pas inventé de toutes pièces. C'est un
problème réel pour les éditeurs québécois ou
canadiens. J'en suis parfaitement conscient. C'est dans ce sens là que,
dès lors des gens qui ont comparu devant la commission, qui
représentaient une partie d'intérêts étrangers
je me suis efforcé d'essayer de savoir la nature de leur
présence ici pour qu'ils aient cette argumentation, compte tenu de la
connaissance que nous avions de votre mémoire et de la situation que
vivent les éditeurs et également les libraires
québécois sur le marché québécois. Compte
tenu de la nécessité de chercher d'une façon
légitime, sans doute à cause ce serait là la
première question des caractéristiques
particulières du marché québécois, qui n'est pas
tellement limité. Est-ce que, à votre connaissance, les
dispositions concernant la propriété de la même nature que
celles que pose le projet de loi, existent ailleurs au Canada, au niveau
provincial si vous voulez, ou à l'étranger, ou si c'est une
nécessité qui vous apparaît justifiée en raison de
la nature même des problèmes culturels québécois qui
nous sont propres?
M. Dubé: Je dois dire que, lorsque nous demandons le
respect de la loi quant à la propriété
québécoise, il s'agit bien, tel que c'est défini dans la
loi, pour qu'une maison puisse recevoir de l'aide ou être
accréditée... ça ne suppose pas le droit de commercer.
N'importe qui peut commercer, on est complètement d'accord d'ailleurs
avec les étrangers qui sont ici ou ailleurs. Mais, dans certains pays,
ils vont beaucoup plus loin, parce qu'ils ne peuvent même pas commercer;
il y a des pays, par exemple en Afrique du Nord, où on ne peut faire
affaire qu'avec une seule société, une société
d'Etat. Ce n'est pas ce qu'on demande.
M. Rivest: Oui, dans le cadre du marché
institutionnel.
M. Dubé: C'est dans le cadre d'une aide et d'une
accréditation.
M. Rivest: Existe-t-il ailleurs une disposition telle que vous
l'avez très bien circonscrite?
M. Godin: Excusez-moi, M. le Président. Effectivement, aux
Etats-Unis, il n'y a pas un livre qui puisse se vendre pourtant ce n'est
pas un petit pays d'une langue minoritaire sur le continent qui ne porte
pas la marque d'un éditeur américain. C'est pour ça qu'on
voit, chez Classic Book Shop par exemple, des livres de Penguin Books faits en
Angleterre et c'est marqué dessus "not for sale in the United States",
il faut qu'ils portent le nom d'un éditeur américain.
Il y a une loi américaine très sévère qui
dit qu'il faut qu'il y ait une licence, le numéro de la licence d'un
imprimeur et d'un éditeur américain pour être vendu aux
Etats-Unis, sauf les livres techniques ou scientifiques.
M. Rivest: Si vous le permettez, je poserai une question au
député. Comment le terme "éditeur américain" est-il
défini? Est-ce 100% de propriété? Oui? Est-ce que
ça correspond...
M. Godin: Oui.
M. Rivest: Vous avez également indiqué, à la
page 9 de votre rapport, que le commerce du livre était
contrôlé par des étrangers. On nous a cité, dans
votre rapport, le chiffre de 85%. J'ai déjà demandé au
ministre qu'il nous donne un ensemble statistique plus complet, parce qu'on
n'en a pas, c'est le premier chiffre que je vois arriver ici. Est-ce que c'est
une source facilement vérifiable et est-ce que c'est basé
vraiment sur des études statistiques élaborées ou est-ce
simplement un ordre de grandeur que vous avez voulu indiquer?
M. Dubé: C'est un ordre de grandeur que j'ai voulu
indiquer, tout comme, hier, m'a précédé M. Tisseyre qui a
dit ceci: "Je ne blâme pas les librairies qui ne feront même pas
10% de leur chiffre d'affaires avec des ouvrages québécois".
Evidemment, ces 10% s'appliquaient, dans son esprit, à des
ouvrages littéraires et les 85% englobent le manuel scolaire, etc. Il
peut y avoir un décalage de quelques pourcents, mais c'est un chiffre
qui, tout compte fait, après consultation
avec un certain nombre de personnes du milieu, serait assez
conservateur.
M. Rivest: Vous avez entendu, hier, les représentations
qui nous ont été faites par les porte-parole des
bibliothèques publiques. Vous avez insisté, à la fin de la
lecture de votre mémoire, sur la capacité, pour les
éditeurs et même pour les libraires québécois, de
fournir des services équivalents à ceux qui sont offerts par les
maisons françaises, américaines ou enfin
étrangères, qui ont une participation dans des entreprises
québécoises.
Sans vouloir ouvrir une polémique, je vous demande de commenter
l'affirmation des représentants je ne veux pas non plus
déformer leurs propos, ils me corrigeront, si j'interprète mal
qui ont semblé, en tout cas qui m'ont donné l'impression
de dire qu'ils tenaient à ce que les maisons où il y a un
investissement étranger puissent continuer de fournir leurs services et
que, même, ils y voyaient un intérêt en termes de
qualité de services, sans doute non pas en voulant... J'imagine que
c'est une qualité qui peut être complémentaire avec la
qualité que les entreprises québécoises peuvent
elles-mêmes fournir mais, néanmoins, il y avait une utilité
pratique là. Vous l'avez entendue. Je pense que c'est le sens un peu de
l'intervention de nos invités précédents.
M. Dubé: J'ai entendu cette intervention comme j'ai
entendu celle de M. Sauvageau, ce matin, qui contredisait l'intervention
d'hier. Y a-t-il une différence entre les bibliothèques publiques
à ce niveau-là et les bibliothèques scolaires? Je me pose
la question, parce que, devant le même problème, on apporte deux
réponses diamétralement opposées en milieu professionnel.
Vous avez posé vous-même, M. le député de
Jean-Talon, cette question à M. Sauvageau, ce matin.
M. Rivest: Ah oui! à dessein d'ailleurs.
M. Dubé: II vous a répondu par la négative.
Si vous voulez, dans une certaine mesure, je peux vous dire qu'en pratique il
peut très bien se faire qu'un bibliothécaire ait des habitudes
d'achat chez un libraire, comme n'importe qui. Ce n'est pas facile de changer
ses habitudes d'achat, il peut y avoir certaines craintes etc. qui sont tout
à fait normales, tout à fait compréhensibles, mais cela ne
qualifie pas le milieu pour autant. Si vous voulez, le nouveau marchand de
votre quartier qui va remplacer celui où vous achetez votre pain depuis
dix ans peut être aussi bon que le précédent. Pour ce qui
concerne les librairies, on en connaît à travers la province
d'excellentes le ministre en faisait mention ce matin qui rendent
tous les services qu'on peut attendre d'elles sans nécessairement
appartenir à des réseaux étrangers.
M. Rivest: Là-dessus, c'est votre point de vue. Vous vous
référez à celui de M. Sauvageau. On a celui aussi des
porte-parole des bibliothèques.
Pour nous, qui ne sommes pas familiers avec toute la pratique
quotidienne de cela, je vous avoue que ma réaction, c'est un peu
difficile d'orienter mon choix, de me faire une idée dans un sens ou
dans l'autre. Néanmoins, c'est sûr que les témoignages
sont, de part et d'autre, sans doute faits de bonne foi.
M. Dubé: Je crois qu'on peut ajouter ceci: Ce qui pourrait
rendre la fourniture ou le service plus difficile de la part de libraires
agréés après la loi, ce serait la non-fourniture par les
fournisseurs, parce qu'il y aurait un boycottage ou n'importe quoi, ce que je
n'imagine pas dans un contexte sain d'émulation et de commerce. A ce
moment-là, il ne devrait y avoir aucune difficulté.
M. Rivest: Là-dessus, est-ce que je trahirais votre
pensée en disant que votre affirmation sur la capacité tient
compte évidemment d'une certaine période de transition? Ce ne
serait pas au lendemain de la loi, il faudrait qu'il y ait tout un
réaménagement au niveau des entreprises québécoises
à 100% qui fourniront. L'objectif que vous visez et que tout le monde
recherche, je pense, pourrait être atteint sur une certaine
période d'années qui serait raisonnable.
M. Dubé: Oui, sauf qu'il ne faut pas minimiser, comme je
le dis aussi, l'existence, si vous voulez, de ces librairies. On ne crée
pas de nouvelles librairies. Il y a déjà un réseau
sérieux, intéressant et on essaie de l'améliorer avec tous
les efforts possibles.
M. Rivest: D'accord. Une dernière question, si vous me
permettez. A la page 9, vous exhortez le gouvernement québécois
à collaborer avec les autorités fédérales pour
pouvoir contrôler tout achat, tout échange, toute transaction. A
quel type de collaboration et à quel domaine précis faites-vous
allusion?
M. Pagé: Je pense que cela s'est déjà fait.
Il existe cette société qui s'appelle FIRA, je pense, qui permet
en définitive des échanges entre vos paliers de gouvernement et
qui permet de vérifier les transactions et d'en connaître les
propriétaires. Nous demandons actuellement que, plutôt que de
revenir dans cinq ans ou dans dix ans pour constater qu'il y a eu tel, tel ou
tel désastre, parce qu'on a encore cédé tel, tel ou tel
bout de terrain, on prenne le taureau par les cornes et qu'on dise: Cela
suffit, cette espèce d'hémorragie de notre commerce du livre vers
les étrangers.
M. Rivest: FIRA, c'est l'organisme, enfin l'agence
fédérale qui procède par tamisage, n'est-ce pas?
M. Dubé: Oui.
M. Rivest: C'est cela. Est-ce que les critères au niveau
de la propriété de FIRA ou les pratiques de FIRA vous paraissent
compatibles avec des exi-
gences particulières que la loi québécoise
imposera, c'est-à-dire les 100% de propriété? (16 h
15)
M. Dubé: Je ne veux pas qu'on se serve de FIRA, si vous
voulez, uniquement. Je veux qu'on se serve de tous les moyens possibles pour
arriver à nos fins.
M. Rivest: Quels sont les autres moyens? Est-ce qu'il y en a? Je
n'essaie pas de... J'essaie de voir.
M. Dubé: Du gouvernement fédéral, non, je ne
le sais pas, parce que justement, jusqu'à maintenant, on a toujours
été acculé à ce qu'on a convenu d'appeler des
désastres. Les interprétations qu'on donne au changement de nom
de certaines maisons changent selon les individus. Pour les uns, on a
sauvé telle firme de la catastrophe en lui permettant de continuer. Pour
les autres, c'est un rachat à 20% de la valeur aux livres ou des
histoires pareilles. Finalement, cela dépend des problèmes
à mesure qu'ils se poseront. Dans la mesure où c'est possible, on
demande au gouvernement d'empêcher, si vous voulez, des achats par des
étrangers, surtout de voir, chaque fois que c'est possible, à en
faire profiter plutôt les instances québécoises.
M. Vaugeois: Vous permettez, M. le Président...
Le Président (M. Blank): Oui.
M. Vaugeois: ... un complément d'information. Cette
invitation que fait le mémoire à la collaboration, je pense,
arrive à point mais il faut dire que cette collaboration existe
déjà. Et il me plaît de mentionner que sur cette question
de la propriété dans le domaine culturel en particulier, le
gouvernement fédéral et ses institutions démontrent
finalement plus de nervosité et de vigilance que nous-mêmes. FIRA,
l'an dernier c'est un cas que je peux rendre public maintenant
nous avait alertés sur le cas d'une transaction qui se préparait
pour les éditions Julienne. Une maison américaine avait fait une
offre importante et, pour des raisons que la plupart des gens de la profession
connaissent, les propriétaires des éditions Julienne
étaient prêts à y donner suite. Nous sommes intervenus
à la suite de la communication de FIRA pour aider momentanément
les éditions Julienne et cela s'est terminé par une transaction
avec des intérêts québécois. Cette collaboration
existe et il est bon de noter qu'en termes de propriété,
finalement, on est beaucoup plus exigeant à Ottawa que nous-mêmes
parce qu'il ne s'agit pas d'entreprises pouvant recevoir de l'aide de l'Etat,
il s'agit d'entreprises agissant dans le domaine de l'édition et dans le
domaine culturel. C'est vrai pour d'autres domaines, mais c'est
particulièrement vrai pour le domaine culturel. Ils vont beaucoup plus
loin que nous finalement. Actuellement, cette collaboration existe. Elle ne
peut que s'intensifier, je pense bien.
Puisque j'ai la parole et que M. Guy Morin est arrivé maintenant,
j'ai signalé tout à l'heure l'intérêt que portait la
SDIC à ces questions. M. Morin est derrière moi. Suivant de
très près l'évolution de ce projet de loi, étant
donné le rôle qu'on demande à sa société
éventuellement de jouer, à sa droite, il y a Georges Cartier et,
à la droite de Georges Cartier, qui est directeur général
des arts et des lettres, il y a M. Gaston Harvey qui est vice-président
à la SDIC.
M. Rivest: Une dernière information. Peut-être que
le ministre ou monsieur pourra la fournir. J'ai posé la question
à M. Dussault ce matin sur les circonstances qui l'avaient amené
à un moment... Je comprends que la précision du ministre est
importante, parce que c'est général. Nous, on discute simplement
des entreprises qui ont accès au marché institutionnel. C'est
très important à ne pas oublier. Est-ce que l'agence
fédérale ne procède pas ad hoc, c'est-à-dire
lorsque des cas lui sont signalés? Au cours de la discussion qu'on a eue
avec M. Dussault, les questions que je lui posais visaient à savoir si
cela serait inconcevable qu'on puisse prévoir une intervention
législative dans le domaine du livre en regard du problème de la
présence des étrangers par une loi à partir de
critères, bien sûr, mais qui ne seraient pas absolus au titre de
la propriété à 100% et où il n'y aurait pas un
automatisme. Est-ce que vous croyez que cela pourrait être praticable?
Excusez l'anglicisme, mais c'est cela. Est-ce que cela pourrait se faire que
l'on procède ad hoc à partir d'une loi qui établirait des
critères généraux et qui aurotiserait le ministère
des Affaires culturelles à dire, face à une transaction, par
exemple, pour prendre un cas particulier, comme celle de Hachette et de
Dussault: Non, ce type de transaction n'est pas autorisé, compte tenu
des impératifs culturels du Québec et compte tenu des
intérêts de nos propres éditeurs ou de nos propres
libraires québécois. Est-ce que c'est inconcevable de concevoir
un type d'action ponctuel, si vous voulez, dans le sens que je viens
d'indiquer?
M. Dubé: Cela n'est pas inconcevable, d'une part, et,
d'autre part, cela se pratique à Ottawa couramment.
M. Rivest: Croyez-vous que cela serait efficace, compte tenu des
impératifs que vous soulignez et qui sont tout à fait
légitimes dans votre mémoire?
M. Dubé: Toute mesure qui pourrait repatrier une partie du
commerce du livre vers des Québécois serait efficace.
M. Rivest: J'allais vous dire... M. Vaugeois: Allez-y.
M. Rivest: Je vais le dire. Est-ce qu'une telle mesure, en regard
de l'ensemble des services qui sont offerts au public, une mesure ad hoc ou
ponctuelle si vous voulez du type de l'intervention
fédérale vous paraîtrait avoir moins d'inconvénients
qu'une mesure générale de 100% sur la propriété,
non pas en regard des éditeurs ou des libraires, mais en regard du
public, des services offerts au public, en regard des besoins dont les gens des
bibliothèques publiques nous ont fait état hier?
M. Dubé: Je pense que c'est un peu difficile de vous
répondre.
M. Rivest: Je vais le demander au ministre.
M. Dubé: Je me demande si, précisément, la
difficulté de trouver des partenaires dont parlait M. Dussault ce matin,
en disant que cela reposait sur le caractère un peu personnel des
individus en question, ne repose pas aussi sur une espèce de
défaitisme relié globalement à la situation. Je veux dire
que si on sait de toute façon, si les investisseurs
québécois éventuels savent de toute façon que leur
partie a joué toute petite dans l'ensemble, ce sera toujours difficile
d'en convaincre d'investir que s'ils savent qu'à un moment donné,
il y aura pour reprendre l'expression vulgaire une plus grande
part du gâteau.
M. Rivest: Oui, d'accord. Si vous me le permettez, je vais poser
une question au ministre. Je comprends que votre projet de loi no 51 s'inscrit
comme dirait le ministre de l'Education dans la foulée de
la réglementation existante, c'est-à-dire un certain pourcentage
sur la propriété. Est-ce que vous avez envisagé, au
ministère, la possibilité d'une intervention pour atteindre ou
pour aider et protéger nos éditeurs et les libraires
québécois, une intervention qui ne soit pas simplement au titre
d'une norme de 100% de propriété, mais qui procéderait
plutôt selon la formule fédérale, c'est-à-dire des
tamisages avec des critères, et d'une intervention ad hoc que le
ministre pourrait faire? Par exemple: supposons qu'on se retrouve en 1977
où le ministre aurait eu des pouvoirs pour dire: Voici, non, M.
Dussault, vous ne pouvez pas faire tel type de transaction, est-ce que cela a
été envisagé? Est-ce qu'on a examiné les
inconvénients et les avantages de cette formule avant de choisir de
continuer à s'inscrire dans le prolongement de la réglementation
qui fixait à 50% pour aboutir à 100%? Est-ce qu'on a des
arguments de part et d'autre pour dire: Non, cela n'est pas pratique dans le
domaine du livre ou oui, il y a tel avantage? Enfin, vous comprenez un peu ce
que je veux dire.
M. Vaugeois: Oui, cela fait plusieurs fois qu'on regarde cela
sous tous les angles. Il y a d'abord des questions qui ne sont peut-être
pas nécessairement de la compétence du gouvernement du
Québec, si on voulait faire référence au tamisage, et le
fédéral a un organisme pour le faire et il le fait. Il travaille
avec nous. Donc, on n'a pas senti le besoin de doubler l'organisme
fédéral, d'autant plus que je ne suis pas certain que nous
pourrions le faire si nous voulions le faire.
Deuxièmement, nous n'avons pas le même genre de
réflexe défensif vis-à-vis de la présence
étrangère. Par exemple, pour nous, les intérêts
français sont des intérêts alliés en Amérique
du Nord pour des raisons évidentes. Le fait de travailler avec les
Français, les Belges et les Suisses à rendre le livre de langue
française plus présent au Québec, cela rejoint nos
objectifs. Donc, les Français ou les Européens de langue
française sont des alliés pour nous autres dans ce domaine et
nous consommons nous sommes d'accord pour consommer une grande
quantité de livres en provenance de ces pays. Là où nous
intervenons, c'est que nous faisons comme tous les autres gouvernements du
monde, nous réservons notre aide ou nous entendons réserver notre
aide à des entreprises qui sont de propriété
québécoise, mais nous invitons ces entreprises à
travailler le plus étroitement possible avec les partenaires qui offrent
un produit qui nous intéresse. C'est dans ce sens qu'hier, par exemple,
je disais clairement à Flammarion qu'il pourrait éventuellement y
avoir une maison québécoise, une propriété
québécoise, mais vraiment propriété
québécoise sans fausse façade, qui pourrait travailler
étroitement avec cette maison française, comme plusieurs
éditeurs le font. M. Dubé parle ici au nom de l'association, mais
sa maison d'édition travaille étroitement avec des maisons
françaises. C'est dans le respect des uns et des autres, d'égal
à égal.
Par ailleurs, vis-à-vis des Américains ou du livre de
langue anglaise d'où qu'il vienne, nous n'avons pas le réflexe du
Canada anglais parce que, au Canada anglais, le livre de langue anglaise qui
vient de l'extérieur est souvent une espèce de menace au
caractère national du Canada anglais. Pour eux, les livres
étrangers qui viennent dans leur langue leur posent un problème,
ce qui n'est pas le cas pour nous.
Les livres de langue française qui viennent chez nous sont
bienvenus et le capital qui va avec ces livres est également bienvenu
à l'intérieur des limites qu'on est en train d'expliquer. Mais
pour le Canada anglais, le réflexe n'est pas le même. Pour eux, il
y a une forme de tamisage qui va plus loin, parce que le capital
étranger de même langue, si je peux dire, leur pose des
problèmes. Ils sont donc beaucoup plus vigilants que nous sur ce
plan-là alors que nous, nous n'avons pas de réflexes de
défense vis-à-vis des livres de langue anglaise, en tout cas pas
sur la même base, parce que c'est une langue étrangère pour
nous. Encore que trop de livres de langue anglaise posent un autre
problème, mais c'est autre chose.
M. Rivest: D'accord, pour l'instant. J'ai une dernière
question, si vous me le permettez. Je comprends que les éditeurs et les
libraires j'ai compris cela très clairement depuis deux jours
ne font pas de profits exorbitants, mais par les voies de la
fiscalité provinciale, est-ce que vous avez déjà
suggéré des possibilités qui pourraient aider les
éditeurs, les libraires?
M. Dubé: Sur le plan provincial, pas encore. Il y a un
comité sur le plan national qui en fait la
demande au trésor fédéral, mais sur le plan
provincial cela n'a pas encore été fait.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Je voudrais poser quelques petites questions
à M. Dubé. Quand vous parlez de l'Association des éditeurs
canadiens, je comprends que c'est plutôt québécois, c'est
plutôt francophone.
M. Dubé: Oui, c'est francophone, mais le nom existe comme
cela depuis 25 ans et on ne l'a pas changé.
M. Le Moignan: C'est très beau comme nom, mais il n'y a
pas d'éditeurs francophones, du Nouveau-Brunswick ou d'Ottawa, qui
seraient membres.
M. Dubé: Dans notre association, il y en a, mais
très peu. Il y a un éditeur du Nouveau-Brunswick, un
éditeur à Ottawa et il y a une candidature de l'Ouest
canadien.
M. Le Moignan: C'est important de le préciser. Vous
regroupez une cinquantaine de maisons. C'est dire qu'il en reste combien qui ne
seraient pas membres de votre association?
M. Dubé: C'est très difficile de vous
répondre. C'est gênant d'ailleurs pour moi, pare que je devrais
avoir une réponse toute faite à cette question, mais le
problème repose sur un fait nouveau. Depuis un an ou deux, il y a
plusieurs nouvelles maisons d'édition qui publient un peu partout, mais
qu'on n'arrive pas facilement à connaître et à recruter. De
maisons importantes de Montréal qui ne sont pas dans notre association,
il y en a très peu, mais à travers la province cela peut
commencer par se chiffrer plus qu'on ne le pense, mais je ne peux pas vous
donner de chiffre exact parce qu'à chaque mois on entend parler de
nouvelles maisons qui ont publié trois, quatre, cinq livres dans les six
derniers mois, qui seraient susceptibles, donc, d'être membres de notre
association et qu'on essaiera de recruter dans les années à
venir.
M. Le Moignan: En fermes de pourcentage avez-vous une faible
idée de ce que cela peut représenter pour votre groupe, votre
association?
M. Dubé: Sûrement au moins 75% des
éditeurs.
M. Le Moignan: Vous avez au moins 75% actuellement. Je vois que
dans votre mémoire vous défendez le livre québécois
comme d'autres l'ont fait également. On a vu les problèmes qu'il
y a entre les distributeurs ou certaines maisons d'investissements
étrangers et que vous aimeriez que le Québec soit
favorisé. Je pense que personne n'a d'objection à cela, mais vous
mentionnez c'est une question que j'ai posée hier la
difficulté pour la plupart des éditeurs d'exporter sur les
marchés étrangers. D'après votre expérience, vous
avez essayé d'en vendre en France, en Belgique ou en Suisse, ce qui ne
semble pas être un succès, d'après votre page 7, article
11, et vous parlez ensuite de la disproportion de vos moyens pour concurrencer,
parce que le public exige une qualité supérieure chez les
Québécois. Est-ce que, parce que nous avons des éditions
européennes je donne un exemple qui sont attrayantes, qui
sont peut-être dispendieuses, qu'on est porté à les
acheter, vous voulez dire qu'on n'est pas capable de produire des
éditions d'une telle qualité?
(16 h 30)
M. Dubé: Le problème ne m'apparaît pas du
tout au niveau de la qualité, mais au niveau des moyens de diffusion des
produits en question. On pourrait vous citer des chiffres. Un tirage, si vous
voulez, dans une maison d'édition québécoise, un tirage
moyen, se situe autour de 3000 exemplaires et a à faire face à
des produits français qui sont tirés pour 50 millions de
personnes, des fois à 10 000, 15 000, 30 000 exemplaires, dont nous
avons des queues de tirage, des fois plus imposantes que nos propres tirages.
Cela leur donne des marges de possibilités au niveau de la diffusion que
nous n'avons pas.
Evidemment, à ce moment, on peut faire à peu près
n'importe quoi, y compris créer, presque un best-seller avec un navet,
à force de dire aux gens que c'est bon et à force de l'annoncer
comme un bon produit. Cela s'est déjà vu.
M. Le Moignan: Si on fait exception pour les poèmes de
certains poètes, par exemple. On n'en regardera pas et je n'en
mentionnerai pas. C'est-à-dire que vous avez un tirage pour un roman ou
une oeuvre populaire qui peut atteindre 3000, 4000 ou 5000 peut-être au
départ. Je comprends qu'en France on peut éditer à 100 000
ou à 200 000. Je comprends que c'est un handicap sérieux pour
vous.
Mais j'ai acheté il y a quelque temps, dans une épicerie
que ce soit Dominion ou Continental, je ne me souviens pas trop
une histoire du Canada en quinze volumes. Je ne me souviens pas qui l'a
éditée. Le nom "Vaugeois" n'y est pas, parce qu'il y a
Lacoursière et Bouchard. J'imagine qu'ils étaient collaborateurs
du ministre quand il a fait son histoire du Canada. Maintenant, j'ai
payé $0.77 le livre pour une collection très bien
présentée. Il y a peut-être de la publicité, les
chaînes d'alimentation ont payé une partie des frais. Je ne sais
pas si vous êtes au courant de cette édition? Je ne sais pas qui
l'a éditée. Mais cela veut dire $10 pour quinze volumes. Je crois
que c'est une excellente présentation.
Alors, peut-être que le ministre aurait un petit mot à nous
dire; de quelle façon réussit-on à vendre, à $0.77,
une collection qui a une valeur historique tout de même?
M. Dubé: Ce sont les éditions...
M. Le Moignan: Non.
M. Dubé: C'est une maison d'édition qui appartient
à M. Tisseyre et qui s'appelle Forma. Il pourrait sûrement vous
expliquer mieux que moi comment il s'est pris, par exemple, pour
l'éditer.
M. Le Moignan: Je l'ai achetée, parce que je connaissais
les auteurs et je me suis dit: C'est bien présenté. Je l'ai
achetée pour en faire cadeau à une petite nièce qui est au
secondaire, parce que je possède d'autres livres d'histoire. Mais j'ai
trouvé que pour un tel prix... Cela se vend certainement beaucoup.
M. Dubé: Oui.
M. Le Moignan: Est-ce que ce truc peut être
développé par les maisons d'édition, surtout en ce qui
concerne les jeunes, sans que ce soit réellement un manuel scolaire
comme tel?
M. Dubé: Les expériences de livres de ce
type-là ne sont pas très nombreuses et réussissent
quelquefois, mais pas toujours, et il y a l'objection de ce que vous avez
appelé vous-même les chaînes. C'est-à-dire qu'il faut
pénétrer dans une chaîne.
Il faut d'abord déterminer un produit qui va avec la ou les
chaînes en question et s'entendre avec ces chaînes pour une mise en
marché qui correspond à ce qu'elles sont capables d'en faire. Si
c'était une opération facile, je pense bien qu'elle serait
réussie plus souvent qu'elle ne l'a été jusqu'à
maintenant.
C'est une opération qu'on considère assez difficile.
Evidemment, vous avez cité, peut-être, un des meilleurs exemples
d'une réussite, mais, avant de pouvoir arriver à un produit qu'on
veut présenter de cette façon, avoir les partenaires et tout le
reste, je vous dis que ce n'est pas une tâche à laquelle peut
s'atteler n'importe quel éditeur, surtout étant donné la
grosseur des entreprises que représentent les maisons d'édition
au québec.
M. Le Moignan: Je vous remercie, parce que ce n'est pas ce que je
cherchais dans l'épicerie. C'est autre chose, mais je suis tombé
dessus par hasard. J'en ai profité de toute façon.
J'aurais une petite question à vous poser au sujet de la loi 31.
On n'en parle pas tellement. Excusez, l'article 31. Cette inquisition, cette
perquisition, ces visites d'inspecteurs. Je ne vous demande pas une
réponse précise, mais le ministre est là qui
écoute. Je me demande, dans tout cela, quel va être le coût
de ces enquêteurs. Est-ce que cela va coûter plus cher que l'aide
que le gouvernement va apporter aux éditions? Est-ce qu'il y aura une
armée sur la route ou seulement un ou deux employés?
M. Rivest: Cela va coûter cher aux libraires.
M. Le Moignan: Si les librairies sont obligées de payer
les enquêteurs, si c'est enlevé sur ce qu'on doit vous fournir
pour vous aider, en somme, vous ne serez pas dans une meilleure situation.
M. Dubé: Je pense que c'est au ministre à
répondre.
M. Le Moignan: Ne soyez pas gêné. Vous allez
avoir...
M. Dubé: J'ai dit ce que je pensais de l'article 31,
c'est-à-dire que si on doit l'accepter, si fatalement, c'est un article
de routine ou un article qui nous sera imposé d'une façon ou de
l'autre, j'ai demandé que les enquêteurs en question soient
assermentés et mis au secret parce que le milieu du livre est un petit
milieu et qu'il y a déjà trop de bavards qui circulent sans qu'il
ne soit nécessaire de les multiplier. A ce moment-là, ce qui
m'inquiète beaucoup plus, c'est le caractère confidentiel des
renseignements qui seront pris par les enquêteurs en question. Quant
à savoir le nombre que cela prendrait sur la route, etc., ce n'est pas
de ma compétence.
M. Vaugeois: M. le Président...
M. Le Moignan: Ne venez pas faire de la routine.
M. Vaugeois: ... je prévois que plusieurs années
pourraient s'écouler sans que l'article 31 ne soit utilisé. Je
pense qu'il faut le dire et il faut le prendre au sérieux. Ce qui est
sérieux dans tout cela, c'est le problème posé par les
auteurs du mémoire que nous avons devant nous qui, à juste titre,
nous mettent en garde contre les difficultés qu'ils appellent, eux,
l'impossible contrôle des actions et des avoir réels, la pratique
des "prête-noms", etc. A juste titre, les porte-parole de l'association
des éditeurs nous exhortent à prévoir que les
enquêteurs soient sous serment ainsi que le caractère confidentiel
de l'information que lesenquêteurs pourraient trouver. Ils ne s'insurgent
pas contre la mesure nécessaire, peut-être dans un cas
d'enquête, mais ce qu'ils demandent, c'est que le résultat de
l'enquête soit tenu secret ce en quoi ils ont bien raison. L'article 31
pour nous je l'ai dit tout à l'heure en me trompant quand
même sur l'identification de l'article, mais je tiens à le dire
c'est de mauvaise grâce que nous le mettons là, mais si
nous ne le mettons pas, on nous reprochera de formuler toute une approche en ne
se donnant pas les moyens de vérifier dans des cas extrêmes, des
cas d'exception.
M. Le Moignan: J'aurais une dernière question au sujet de
la propriété québécoise, que ce soit 60%, 80% ou
100%. Si on en vient à l'idée de 100%, est-ce que cela va aider,
favoriser la distribution, la vente de livres québécois?
Pensez-vous qu'il y aurait un immense avantage si on exige qu'on devienne
propriétaire chez nous à 100%?
M. Dubé: Cela va aider les investisseurs
québécois à s'y intéresser davantage et cela va
certai-
nement apporter plusieurs stimulants dans le commerce du livre. C'est
pour cette raison ce n'est pas une cachette pour personne que
nous n'appuyons pas cette mesure. Nous la demandons depuis des
années.
M. Le Moignan: Merci.
M. Vaugeois: Puis-je, M. le Président, lire l'article 35
du projet de loi? "Un renseignement obtenu par le ministre dans l'application
et l'exécution de la présente loi et des règlements est
confidentiel et ne peut être communiqué ou accessible à une
personne qui n'y a pas légalement droit si ce n'est avec l'autorisation
de la personne concernée ou dans tout autre cas prévu par
règlement du gouvernement." Donc, le caractère confidentiel des
renseignements obtenus est déjà prévu dans notre projet de
loi.
M. Dubé: Oui, mais, M. le ministre, vous continuez en
disant: "Toutefois, une communication pour fins d'étude, de recherche,
de statistique peut être autorisée par le ministre à
condition que l'anonymat de la personne concernée soit respecté."
Moi, je me demande comment.
M. Vaugeois: C'est ce que fait Statistique Canada, par exemple,
quand il rend publique de l'information. Cela, c'est comme les copies d'examen
qui sont envoyées à des correcteurs avec des numéros
plutôt que le nom de l'individu. On peut très certainement rendre
de l'information accessible sans identifier la provenance ou le nom du
propriétaire.
M. Dubé: Théoriquement, mais...
M. Vaugeois: Mais voyez-vous, là, on rejoint...
M. Dubé:... pratiquement les cas concernés autant
pour les librairies que pourdes maisonsd'édition sont assez faciles
à identifier à partir de certains chiffres. Alors, à
partir de certains chiffres, on connaîtra tous les autres qu'on ne veut
pas livrer.
M. Vaugeois: Non, non. Je suis d'accord avec votre remarque. Il
faudrait donc également prendre les précautions pour que
l'information soit livrée dans une forme, avec une précompilation
qui empêcherait qu'on identifie la provenance de l'information, mais nous
rejoignons avec cette préoccupation une des recommandations du Conseil
supérieur du livre. Je pense que vous en êtes. Vous en êtes
tant du conseil que de la recommandation nous priant, nous invitant à se
donner les moyens, les outils pour mieux connaître le secteur qui nous
préoccupe.
Il faut quand même pouvoir favoriser la statistique,
éventuellement, l'étude, l'enquête, la recherche dans ce
domaine, mais en protégeant les entreprises du caractère
confidentiel des informations que nous obtenons.
M. Dubé: Oui, mais le Conseil du livre insiste aussi sur
le fait qu'il ne faut pas que cela multiplie tous les travaux à
accomplir pour préparer les statistiques en question.
M. Vaugeois: Bien sûr. Est-ce qu'à cet égard
vous avez noté que nous allons tenter de recourir à des
organismes de statistique, que nous allons avoir recours au Bureau de la
statistique ici à Québec et également à Statistique
Canada? Nous ne voulons pas ajouter nos propres enquêtes, nos propres
questionnaires à ceux qui existent déjà.
M. Rivest: Sous réserve que ce n'est pas uniquement pour
fins de statistique, ces visites. Le ministre a lu l'article 31 au complet,
mais il a insisté sur l'aspect statistique et je pense que l'objet
premier de ces visites est l'examen des livres, des comptes, des rapports,
etc.; ce n'est pas pour fins de statistique, c'est pour fins de contrôle
de l'application de la loi.
M. Vaugeois: Mais il ne s'élève pas contre. M.
Rivest: Non. Je n'aime pas trop cela.
M. Vaugeois: II demande de garder confidentiel...
M. Dubé: Je ne m'élève pas contre. Le
Président (M. Brassard): A l'ordrel M. Vaugeois: II
s'élève pour.
M. Rivest: Pas encore. C'est parce qu'ils ne sont pas encore
arrivés. Attendez de les voir arriver.
Le Président (M. Brassard): M. le député de
Mercier.
M. Godin: Je voudrais préciser un détail. Tout
à l'heure, en réponse à une question qui ne s'adressait
pas à moi, mais à laquelle j'ai répondu, au sujet des
contrôles qui existent dans d'autres pays, entre autres chez nos voisins
américains, il n'y a pas de contrôle autre que dans le genre de
FIRA sur la propriété des maisons d'édition, mais il y a
sur chaque livre vendu aux Etats-Unis ce qu'ils appellent le "manufacturing
class", c'est-à-dire le livre imprimé aux Etats-Unis par un
imprimeur américain, de façon qu'aucun emploi ne soit perdu.
M. Rivest: Cela se fait au Québec. Il y a certains
éditeurs...
M. Godin: Est-ce que je peux terminer?
Le Président (M. Brassard): Voulez-vous rapprocher votre
micro?
M. Godin: Oui. De façon qu'aucun emploi ne soit perdu, si
un citoyen américain veut lire un livre qui ait des retombées
dans l'emploi chez les imprimeurs américains. C'est le modèle
américain. Maintenant, chez nous...
M. Rivest: Alors, ce n'est pas 100% de propriété,
comme vous avez semblé me l'indiquer.
M. Godin: Non. C'est 100% de la fabrication des livres.
M. Rivest: Vous permettez? Vous savez que cela existe au
Québec des livres dont le contenu vient de l'étranger,
l'investissement, etc., et qui sont effectivement fabriqués au
Québec, exactement dans le sens que vous l'indiquez.
M. Godin: Oui, mais on n'a aucun règlement, aucune loi qui
oblige.
M. Rivest: Non, d'une façon générale. C'est
complètement un autre problème, de toute manière, que
celui que traite le projet de loi 151.
M. Godin: Maintenant, une autre chose que je voudrais dire, il y
a deux exceptions à cette clause, le Mexique et le Canada, qui sont, au
fond, des concurrents très faibles à l'édition
américaine. Le Québec est un concurrent inexistant, en fait,
à l'édition américaine. Par ailleurs, il n'est
peut-être pas inutile de rappeler que les éditeurs canadiens
anglais, aidés en cela d'ailleurs par les éditeurs
québécois, ont cru bon eux-mêmes de former une association
qui s'appelle "Canadian Publishers Association" qui regroupe uniquement les
éditeurs à propriété canadienne à 80%. Il y
a eu une longue lutte au sein de l'association des éditeurs contre les
éditeurs américains déguisés en Canadiens
regroupés dans une chose qui s'appelait la "Canadian Book
Publishers".
M. Rivest: On nous a dit ce matin qu'il y avait eu une
démarche analogue au Québec.
M. Godin: Donc, le problème des petites nations ou petites
cultures face aux cultures plus importantes, c'est un problème qui n'est
pas unique au Québec, qui se pose partout. Je suis sûr que si on
citait le cas de la Suède ou de la Finlande, des pays Scandinaves, c'est
exactement le même problème que nous. Donc, ce n'est pas nouveau
comme solution à ce problème. Je me réjouis de voir que
nos amis de l'Association des éditeurs canadiens partagent nos
préoccupations qui, au fond, répondent à un besoin de
sauvegarde de leurs propres intérêts, parce que s'il n'y a pas
eux, quelque part dans le cheminement de la création littéraire
jusqu'au libraire, tôt ou tard, c'est la création
littéraire proprement dite qui va être pénalisée,
qui va disparaître de la carte éventuellement, remplacée
dans les librairies par des livres uniquement fabriqués ailleurs.
Déjà, le problème existe, d'ailleurs, dans le domaine. On
parle des 175 librairies, mais c'est une part infime du marché du livre
par rapport aux 10 000 points de vente qui, eux, ne font l'objet,
malheureusement, d'aucune statistique ou enfin d'aucune réflexion
même de la part du gouvernement jusqu'à maintenant. Je souhaite
que tôt ou tard on se penche sur ce problème qui est fondamental.
(16 h 45)
Un autre problème, c'est celui qui fait que les livres sont un
peu considérés comme des légumes frais et qu'après
un certain nombre de semaines, automatiquement, ils retournent à
l'éditeur, ils retournent à la congélation, de sorte qu'on
ne trouve pas dans les librairies du Québec, sauf exception
peut-être le cas de M. Laliberté et certaines autres exceptions
précieuses et rares d'ailleurs de livre plus vieux qu'un an ou un
an et demi. C'est retourné dans les entrepôts. Le lecteur a de la
peine à trouver un livre de Félix Leclerc écrit il y a dix
ans.
M. Dubé: C'est la raison pour laquelle je n'ai pas
mentionné, contrairement à d'autres mémoires, de chiffres,
de nombres de titres à conserver, parce que, finalement, si on veut
être un peu logique, les chiffres qu'on a cités jusqu'à
maintenant, m'apparaissent beaucoup trop conservateurs. Compte tenu du fait
qu'il se publie tant de centaines de nouveautés, qu'on veut les garder
au moins trois mois certains disent six mois qu'il y a en plus de
cela des livres qui sont des classiques et qu'il y en a d'autres qu'on ne
voudrait pas voir vieillir aussi vite qu'ils vieillissent, cela finit par faire
pas mal de livres qu'on voudrait voir en librairie, qu'on ne voit pas
effectivement, mais qu'on voudrait voir en librairie. Si on me demandait un
chiffre magique, cela ne se situerait certainement pas autour des 250 ou 300 ou
400, comme on l'a dit plus tôt, mais cela se situerait autour de quelques
milliers de titres. Evidemment, on va m'objecter que je rêve en couleur,
mais à partir du moment où il y aura plus d'espace dans les
librairies, où il y aura des raisons valables pour les libraires d'avoir
ces espaces et qu'il y aura de l'aide en conséquence pour avoir ces
espaces, ce ne sera plus du rêve en couleur, mais de la
réalité.
M. Godin: Je voudrais dire aussi à l'intention de nos amis
les libraires Pardon? M. Davis? Ce ne sera pas long, M. Robert
qu'il y a une réflexion au gouvernement qui vient de certaines remarques
faites par des libraires sur les heures d'ouverture des librairies. Le
gouvernement dépense des millions par année pour empêcher
les gens de boire et de fumer, mais favorise la vente de tabac et de vin sept
jours par semaine, et peut-être vingt-quatre heures sur vingt-quatre, en
fin de compte. En même temps, on dépense des millions pour inciter
les gens à lire, mais on applique aux librairies les mêmes heures
de fermeture qu'aux marchands de meubles ou de vêtements. Donc, s'il y
avait la même libéralisation des heures d'ouverture pour les
librairies qu'il y a pour les "tabagies", ceux qui vendent des livres ailleurs
que chez le libraire... il y a un libraire, ici à Montréal, je
pense, qui va en procès périodiquement, aussi souvent que
nécessaire, pour pouvoir ouvrir sa librairie le dimanche. Et il me dit
que c'est sa meilleure journée. J'aimerais avoir l'opinion de M.
Laliberté là-dessus, même si, d'un signe de la main...
M. Laliberté: Je suis tout à fait d'accord. Je me
suis battu pour cela, pour qu'on puisse nous donner toute liberté pour
faire cela, lorsque la loi a été adoptée.
M. Dubé: D'autant plus que beaucoup de public lecteur est
constitué d'étudiants et que les heures en question, les heures
ouvrables de nos commerces, ce sont les heures où, normalement, ils
devraient être dans des écoles, dans des collèges ou dans
les universités. Il ne reste pas grand-temps pour bouquiner, pour avoir
envie d'aller dans les librairies.
M. Godin: Je me rappelle qu'effectivement, quand j'étais
étudiant, les bibliothèques publiques étaient
fermées les fins de semaine. C'est assez récent que le dimanche
on peut aller consulter les livres à la bibliothèque. M. Davis a
peut-être quelque chose à dire.
M. Davis (Robert): J'abonde dans votre sens, mais je voulais
seulement rappeler un autre problème au niveau de la librairie et du
stockage de titres québécois. Etant donné que les
libraires sont plus souvent sous-capitalisés et doivent se financer,
doivent avoir leur "cash-flow", leur trésorerie à même les
ventes, plus les fournisseurs de livres sont grands, plus ils peuvent accorder
de marge de crédit aux librairies. Et plus les libraires, en
conséquence, achètent chez eux, parce que cela leur donne plus de
marge, plus de temps pour payer, et il y a un effet de télescopage qui
fait qu'il y a plus de pression sur le libraire que sur les fournisseurs qui
sont les plus grands, les étrangers, pour ne pas les nommer. Cela
complique encore plus le problème. En fait, si on parle de questions
alentour de cette table, c'est que beaucoup de questions tournent autour du
problème de financement, de capital et du fait qu'au Québec il y
a un net manque de capital dans cette industrie.
C'est ça qu'on veut protéger. C'est ça que vous
pensez protéger par ce projet de loi. Vous pensez nous aider à
concurrencer des capitaux plus grands, plus centralisés, beaucoup plus
forts, qui n'ont pas besoin d'être protégés, parce qu'ils
sont plus forts.
M. Godin: Je pense que M. Morin était tout oreilles, tout
ouïe et tout yeux... parce que c'est un problème effectivement
fondamental. Mais nous, ce qu'on souhaite, c'est que le livre
québécois ait au moins une chance égale au livre qui vient
d'ailleurs, au moins une chance égale. Ce n'est pas le cas actuellement.
La solution idéale n'est pas dans ce projet de loi encore, mais nous
pensons que c'est une étape vers cet objectif, qui est de permettre aux
artisans culturels, aux militants culturels clés que sont les
éditeurs et les libraires dans le réseau de la culture
québécoise...
M. Davis: On est plus que des artisans, je pense; des
professionnels, des gens qui veulent faire des...
M. Godin: Oui, mais pour moi artisan, c'est plus beau que
professionnel. Parce qu'il y a une part de création dans l'artisanat
qu'on ne trouve pas nécessairement dans les professions. Donc, ce n'est
pas du tout un terme péjoratif, au contraire. A l'époque
où j'étais éditeur, je me qualifiais moi-même
d'artisan, sans remords.
En gros, M. le Président, c'étaient les remarques que
j'avais à faire à mes ex-collègues éditeurs, en
souhaitant que de leurs réflexions et des nôtres, naisse un
paysage culturel un peu plus... enfin, qui amène de nouvelles oeuvres
à l'existence. Sans transformer le Québec en serre chaude, avec
des règlements abusivement protectionnistes, nous voulons
qu'effectivement les fleurs, les plantes et même le chiendent
québécois, dans le domaine de la littérature, parce que le
chiendent d'aujourd'hui est souvent le classique de demain M. Lalonde,
qui n'est pas ici, pourrait en témoigner...
M. Rivest: Pourquoi?
M. Godin: Parce qu'il lit beaucoup les poètes
québécois. Le chiendent. Donc...
Une Voix: A l'exception de?
M. Godin: ... nous souhaitons que les éditeurs aient le
plus de moyens possible et qu'ils puissent appliquer le principe qu'appliquent
les éditeurs américains: "Publish or perish", et comme il n'y a
pas de recette, comme personne ne sait d'avance quel livre va marcher ou ne pas
marcher, il faut que tout soit publié, si possible. La maison
Leméac, d'ailleurs, depuis quelques années, est un bon exemple
d'efforts soutenus, dans le domaine du théâtre en particulier, je
suis sûr que c'est une des vocations les plus rentables. Le domaine du
théâtre, chez vous, les pièces de théâtre
québécoises sont sûrement une partie importante des
collections de livres québécois à être
utilisés. En tout cas dans les CEGEP cela a permis une explosion du
théâtre québécois sans précédent,
à venir jusqu'à maintenant.
Donc, nous sommes très conscients peut-être pas
encore assez, remarquez bien, c'est pour ça qu'on a cette commission
qu'il faut que le gouvernement dégage le chemin pour que les
oeuvres puissent passer. Ce n'est pas à nous de les faire. Ce n'est pas
à nous de les diffuser. Ce n'est pas à nous de les publier, mais
c'est à nous de faire en sorte que les chemins soient
dégagés pour que ça puisse circuler librement. Nous allons
nous en occuper autant que possible, dans la mesure où nous le permet ce
Parlement.
Merci.
Le Président (M. Brassard): Messieurs, je vous
remercie.
J'inviterais maintenant le représentant de l'Association
canadienne de diffusion du livre...
Une Voix: M. le Président, d'un commun accord, l'ALQ et
l'ACDL vous demandent respectueusement d'en revenir à l'ordre
établi...
Une Voix: On appelle les libraires d'abord, les associations de
libraires.
Association des libraires du Québec
Le Président (M. Brassard): J'inviterais d'abord
l'Association des libraires du Québec. Mme Fortier?
Mme Fortier (Louise): Oui.
Le Président (M. Brassard): Je vous demanderais d'abord
d'identifier ceux qui vous accompagnent.
Mme Fortier: Oui, à ma droite, M. Raymond Beaudoin, membre
du bureau de l'Association des libraires du Québec et, à ma
gauche, M. Thomas Déri, notre consultant.
M. le Président, M. le ministre, messieurs, avant d'entrer dans
le vif du sujet, nous tenons à remercier publiquement les pouvoirs
publics québécois et nos collègues éditeurs qui ont
eu à coeur, depuis plusieurs années, d'assurer la survie d'un
réseau de librairies québécois.
Les promoteurs de ce projet de loi nous ont assurés qu'ils
avaient à coeur des préoccupations similaires, puisqu'ils veulent
consolider le réseau des librairies québécois en prenant
des mesures pour fortifier le système des librairies
agréées.
Concernant les déclarations de principe, depuis 1966, si on
examine la liste des nombreux arrêtés ministériels
traduisant la politique du livre du gouvernement québécois, on
s'aperçoit que le premier en date, no 487, concerne
l'accréditation des libraires. Huit ans après, en 1974, le
ministre des Affaires culturelles reprenait les grandes lignes de cette
politique et plaçait encore au premier rang le développement de
la librairie locale. De nos jours, l'objectif du programme intitulé
"Livre et autres imprimés" du ministère des Affaires culturelles
s'énonce ainsi: "promouvoir le développement du livre en
favorisant la production littéraire, en stimulant la diffusion et la
promotion et en assurant la conservation et la consultation des écrits
québécois."
Dans ce très bref tableau, nous avons en germe toutes les
incompréhensions et tous les malentendus qui se sont produits depuis
bientôt vingt ans entre les libraires et les pouvoirs publics. Ces
derniers veulent un réseau de librairies québécoises pour
mettre à la portée de tous les Québécois des
écrits québécois. Les libraires du Québec, eux,
veulent exercer le métier de libraire, c'est-à-dire qu'ils
veulent être responsables de la vente de tous les livres sans exception
au consommateur final, qu'il s'agisse du particulier, de collectivité
publique ou de collectivité privée.
Il est évident que les libraires québécois
favorisent culturellement et sentimentalement, lorsque c'est commercialement
rentable, les écrits québécois mais, de par leur
profession, ils vendent du livre en langue française, quelle que soit
son origine.
Une librairie se définit habituellement comme étant toute
entreprise personnelle ou société commerciale ayant pour
activité unique ou principale la vente des livres au public. Pour des
raisons his- toriques qui seraient trop longues à détailler ici,
la majorité des libraires du Québec vend également des
livres aux collectivités. De plus, dans certains cas, d'autres
activités peuvent représenter une part très importante du
chiffre d'affaires de la librairie en question comme la papeterie, la vente de
fourniture de bureau, etc. Au Québec, le terme de librairie devrait donc
s'appliquer à toute entreprise personnelle ou société
commerciale ayant pour activité unique ou importante la vente des livres
au public et aux collectivités.
Ceci étant posé, le libraire québécois, pour
s'approvisionner doit s'adresser à trois catégories de
fournisseurs: les éditeurs du Québec, les distributeurs du
Québec et les éditeurs étrangers. Or, comme la
majorité des ventes du libraire provient en général du
livre importé, on peut dire sans crainte de se tromper que la
première catégorie de fournisseurs se trouve être les
distributeurs du Québec qui importent le livre européen en langue
française. L'éditeur du Québec ne vient qu'en second,
créant ainsi un malaise évident dans les relations entre les
libraires et les éditeurs du Québec, malaise qui se
répercute auprès des pouvoirs publics qui, aidant les
éditeurs, aident directement l'écrit québécois mais
qui, en aidant les libraires, aident indirectement le livre importé en
langue française qui concurrence l'écrit
québécois.
Notons de plus que la majorité des libraires
québécois ne vendent pas uniquement des livres mais, par habitude
ou par nécessité, vendent aussi des disques, de la papeterie, des
fournitures de bureau ou encore agissent comme distributeur ou éditeur.
La vente des livres ne représente donc pas toujours la totalité
du chiffre d'affaires; elle en représente même parfois moins de la
moitié et, dans le chiffre d'affaires représenté par le
livre, l'écrit québécois représente en
général la partie minoritaire.
Compte tenu de cette situation et des objectifs du MAC, il faut
remplacer la question habituelle: Que faut-il faire pour développer la
librairie québécoise? par deux questions: Que faut-il faire pour
développer la librairie québécoise? et que faut-il faire
pour mettre l'écrit québécois à la portée de
tous les Québécois? On l'a dit et répété, le
libraire joue à la fois un rôle culturel et économique et
on ne peut toucher l'un sans affecter l'autre.
Je pense que je vais passer quelques articles, et j'en viens à la
page 5 où on parle des changements des normes d'agrément. (17
heures)
Les trois principaux changements dans les normes d'agrément
résident dans le pourcentage de propriété
québécoise, l'accent mis sur la vente au détail et la
valeur de l'inventaire en livres québécois.
Sur le premier point, l'ALQ trouve normal que l'aide gouvernemental soit
réservée uniquement aux librairies qui sont à
propriété entièrement québécoise (aucun pays
n'aide ou ne subventionne les entreprises étrangères dans le
domaine culturel).
L'ALQ comprend et admet également le souci du MAC de vouloir
mettre le livre à la portée de tous les Québécois
en insistant sur la vente au pu-
blic, une librairie étant en principe, comme nous l'avons dit, un
commerce de détail qui s'adresse d'abord au public.
L'ALQ, par contre, s'inquiète de la nouvelle terminologie
adoptée puisqu'on parle de "livres d'auteurs québécois" et
non plus de "livres d'auteurs canadiens" et demande respectueusement au
ministère des Affaires culturelles de préciser cette notion afin
qu'elle n'entraîne pas des malentendus.
L'ALQ s'inquiète également du fait que la demande
d'agrément et le maintien de l'agrément seront assujettis d'un
grand nombre de tracasseries administratives.
A l'article 2, le gouvernement semble réparer une injustice
flagrante de la loi précédente puisqu'il était le seul, en
vertu de la Loi de l'administration financière, à ne pas
respecter les normes qu'il imposait aux organismes publics. Il s'agit donc,
dans ce cas, d'une mesure de rattrapage qui corrigera une situation qui a fait
perdre un nombre très important de commandes aux libraires
agréés depuis des années.
Par contre, l'ALQ s'interroge sur la teneur du second paragraphe de
l'article 2 et peut difficilement admettre que les conditions d'acquisition des
livres par le gouvernement ou les organismes publics soient
déterminées unilatéralement par le gouvernement sans tenir
compte des contraintes auxquelles sont soumis les libraires
agréés.
L'ALQ refuse également d'admettre que la clientèle des
institutions universitaires québécoises soit enlevée aux
librairies agréées. Encore là, il s'agit d'une
décision unilatérale qui rend encore plus précaire la
situation de certaines librairies agréées.
L'article 4. Au moment où en France les libraires passent d'un
régime de prix conseillé à un régime de
liberté totale (depuis le 1er juillet, l'éditeur établit
un prix de cession auquel il vend son livre au détaillant et le libraire
fixe sa marge pour arriver au prix de vente), l'ALQ verrait très mal la
mise en vigueur d'un système où le gouvernement
québécois déterminerait par règlement le mode de
calcul du prix de vente, fixant ainsi implicitement la marge du libraire.
On ne comprend pas, non plus, si le prix de vente dont on parle est le
prix de cession de l'éditeur, le prix de cession du distributeur ou
encore le prix de vente au public. Qu'il s'agisse de l'un ou de l'autre, l'ALQ
ne peut accepter le principe sans connaître la nature exacte des normes
et des barèmes, ni l'objet de leur application.
Section VI. De façon générale, le projet de loi no
51 contient des dispositions beaucoup trop permissives pour le ministère
des Affaires culturelles et lui confère des pouvoirs qui nous paraissent
un peu trop étendues. L'ALQ s'oppose à l'esprit même qui a
présidé à la rédaction des articles de la section
VI puisqu'ils donnent un droit de regard sans limites sur les affaires
transigées par les libraires agréés et même,
à la rigueur, par n'importe quel libraire. Les contrôles que l'on
veut imposer paraissent excessifs et l'ALQ n'admet ni le principe des visites
des enquêteurs sans préavis, ni l'obligation qui est faite aux
libraires agréés de présenter leurs livres de comptes,
leurs rapports financiers et leurs registres.
La section VII. Le contenu de cette section est simple, il permet au
gouvernement de faire ce que bon lui semble. D'ailleurs, cette attitude verse
dans le ridicule puisque le gouvernement s'arroge même le droit de
changer le sens reconnu des mots. C'est ainsi qu'on a la surprise d'apprendre
qu'un manuel scolaire n'est plus un livre au sens de la loi.
Autre incongruité, une librairie qui n'est pas
agréée devient, par le bon vouloir des rédacteurs de la
loi, un point de vente alors que cette expression est
généralement consacrée à des établissements
qui ne sont pas des librairies.
Profitons, d'ailleurs, de cette occasion pour signaler qu'il serait
temps que le gouvernement intervienne et que l'appellation de librairie soit
réservée à des établissements où l'on vend
des livres, puisqu'il existe encore des papeteries qui ne vendent aucun livre
et qui portent le nom de librairie.
La libéralisation du marché du manuel scolaire.
Cédant à certaines instances, le MAC retire l'exclusivité
du marché du manuel scolaire aux libraires agréés et
n'hésite pas à rendre la situation de ces libraires encore plus
précaire qu'elle ne l'était.
Dans sa déclaration de principe du début, l'ALQ soulignait
qu'elle estime que les libraires doivent être chargés de la vente
de tous les livres sans exception. Or, la libéralisation de la vente de
manuels scolaires permettra aux commissions scolaires d'acheter les manuels
où elles veulent, directement de l'éditeur, du distributeur, du
libraire agréé ou non, ce qui va à l'encontre des
principes acceptés jusqu'à présent.
Nous dira-t-on pourquoi un principe accepté il y a quelques
années n'est plus valable? Chaque segment du marché du livre
constitue un apport à la vie de la librairie et si l'on veut
véritablement que le réseau des librairies agréées
soit viable, on ne peut leur enlever un partie importante de leur
marché, car, dans ce domaine, il n'y a pas de compensation possible.
Les institutions universitaires. Une autre saignée dans la
clientèle des librairies agréées est constituée par
les institutions universitaires qui deviennent, on l'a vu, les seuls organismes
publics à ne plus être tenus d'acheter leurs livres dans les
librairies agréées. Cette décision, comme la
précédente, est extrêmement grave, car le marché du
manuel scolaire et de l'université constituait et constitue encore pour
certaines librairies une partie essentielle de leur clientèle.
La régionalisation. Sous-jacente à la loi, on retrouve la
volonté du gouvernement de multiplier les librairies
agréées dans les régions qui en sont dépourvues et
le principe de la répartition des achats entre trois librairies
agréées de la même région demeure en faisant appel,
cette fois-ci, à la qualité des services, ce qui laisse la porte
ouverte à des jugements de valeur arbitraire.
L'ALQ reconnaît la nécessité de mettre le livre
à la portée de tous les Québécois, mais ce
n'est
pas en enlevant aux librairies agréées une partie de leur
clientèle qu'on encouragera la multiplication des librairies dans des
régions économiques où le bassin de population n'est pas
suffisant pour faire vivre plusieurs librairies de la seule vente au
public.
Les fournisseurs du libraire. Nous avons vu qu'il y avait trois
catégories de fournisseurs: le distributeur du Québec,
l'éditeur du Québec et l'éditeur étranger. Dans le
cas des deux premiers, le libraire achète le livre avec une remise qu'on
lui accorde sur le prix suggéré et cette remise est en
général de 40%, pour la littérature
générale, et de 20%, pour le manuel scolaire et le livre
scientifique et technique. Lorsqu'il achète de l'éditeur
étranger, le libraire reçoit une remise sur le prix
suggéré en monnaie étrangère et il applique une
tabelle sur le prix de vente suggéré. La marge brute, dans le
meilleur des cas, est donc au maximum de 40.
Compte tenu des frais généraux et des nombreuses
démarches à effectuer dans de nombreux cas pour obtenir un titre
en particulier, on comprend immédiatement les difficultés
qu'éprouvent certains libraires à survivre. C'est pourquoi la
volonté d'imposer aux libraires agréés de passer
obligatoirement par les distributeurs exclusifs pour les fonds qu'ils
détiennent n'est acceptable que dans la mesure où ces
distributeurs rendent effectivement les services auxquels le libraire est en
droit de s'attendre (prix de cession normal et rapidité
d'exécution des commandes). Autrement, le libraire serait
justifié, pour des raisons d'ordre purement commercial, de
s'approvisionner ailleurs s'il le peut.
Conclusion. Tout en reconnaissant le bien-fondé de certaines
mesures, l'ALQ ne peut admettre que des marchés qui étaient
captifs redeviennent libres, rendant la situation du libraire
agréé plus précaire.
L'ALQ s'inquiète aussi du pouvoir de réglementation sans
limite que s'arroge le gouvernement dans le domaine du livre et du moment
choisi pour imposer des mesures de fixation de prix, alors qu'en France, on
vient de changer de système et qu'on ne peut encore en mesurer les
retombées au Québec.
L'ALQ, enfin, offre sa collaboration pour essayer de trouver des
éléments de solution au problème que pose
l'accessibilité du livre québécois et demande au
gouvernement de respecter le principe de la vente de tous les livres sans
exception par l'intermédiaire des libraires.
Le Président (M. Blank): Merci, madame. M. le
ministre.
M. Vaugeois: II y aurait beaucoup de choses à dire, M. le
Président, mais je pense qu'avec le temps, on s'endurcit.
Je vais d'abord vous poser une question. Hier, M. Tisseyre nous faisait
une proposition: il souhaitait qu'on invite les libraires du Québec
à avoir un minimum de livres québécois. Nos projets de
règlements à cet égard prévoient un minimum tel-
lement "minimum" qu'il peut être atteint comme le disait fort
justement M. Tisseyre par quelques livres pratiques, quelques livres de
recettes. Quand on pense aux livres québécois, on ne pense pas
à soutenir la vente du livre de recettes ou du livre qui nous enseigne
comment jouer au tennis ou au golf, comment faire notre jardinage ou comment
cultiver nos plantes, encore que ce type de livre mérite le terme de
"livre" nous préoccupe, parce qu'il est souvent un facteur de
santé pour des éditeurs qui font également de
l'édition littéraire; mais ce n'est évidemment pas
à ces livres que nous pensons. Nous ne faisons pas de distinction. Dans
tout cet ensemble qui est devant vous, un projet de loi et des projets de
règlements, nous faisons allusion à un seul endroit, au livre
québécois.
Or, votre façon d'introduire la question laisse croire que tout
ça est un vaste complot pour obliger le libraire à garder des
livres québécois, alors que le peu qu'on exigeait de lui,
c'était n'importe quel genre de livres québécois, y
compris ceux qui se vendent à $0.77 l'unité.
M. Tisseyre, hier, nous a fait une proposition. J'ai dit que
j'étais prêt à l'endosser et à la proposer, selon
les réactions que j'obtiendrais. L'Opposition a semblé accueillir
avec beaucoup de sympathie la proposition de M. Tisseyre et j'avais
l'impression que c'était un peu un consensus et un sentiment
général.
Avec votre mémoire, je comprends que c'est le genre
d'intervention que vous considérez comme intolérable et que vous
repoussez. Est-ce que j'interprète mal? Est-ce que vous pensez que nous
devrions aller plus loin que ce que nous mettons dans nos projets de
règlements et préciser qu'il faudrait un minimum de 250 titres
littéraires et non pas de 600 ou de 1000 titres d'ouvrages
québécois, genre recettes et livres pratiques?
Je vous pose la question parce que, à la première
lecture... et à la deuxième lecture, j'ai comme l'impression que
vous nous reprochez de faire un projet de loi pour finalement aider les
éditeurs québécois à vendre leurs livres.
Mme Fortier: M. le ministre, je regrette que notre mémoire
vous ait donné cette impression, parce que ce n'est vraiment pas le cas.
Nous avons préparé notre mémoire assez rapidement,
évidemment comme tous ceux qui sont ici présents; à cause
de la période des vacances, nous avons eu un peu de difficulté
à rejoindre nos membres et il peut manquer des points importants dans
notre mémoire.
J'ai essayé de lire le mémoire, comme il était
rédigé, sans rien ajouter, pensant que justement après,
par des questions, nous pourrions rectifier certaines erreurs, certains
manquements dans notre mémoire.
Nous sommes absolument d'accord avec M. Tisseyre pour que vos exigences
en librairie soient d'au moins 250 livres québécois et
même, ça pourrait être encore plus.
M. Vaugeois: De titres littéraires?
Mme Fortier: De titres littéraires.
M. Vaugeois: Est-ce que je peux vous demander une suprême
faveur? Cela fait plusieurs fois qu'on se parle de toutes ces choses et vous
comprendrez que je ne retrouve pas dans votre mémoire les consensus que
nous avions obtenus dans nos échanges.
M. Rivest: M. le Président, le ministre s'apprête
à exiger un écrit, franchement.
M. Vaugeois: Pas du tout, je n'exige rien, sauf que je
souhaiterais que l'Association des libraires, lors d'une prochaine
réunion, précise le nombre de titres littéraires qu'on
considérerait comme normal. Vous venez de dire vous-même que vous
trouvez conservateur le chiffre de 250 avancé par M. Tisseyre.
Pourriez-vous en discuter et nous dire votre point de vue à cet
égard. Nous sommes prêts à agir et nous sommes très
heureux de votre réaction; je suis profondément réjoui
d'avoir mal lu votre mémoire, de l'avoir mal compris et je ne demande
qu'à être corrigé sur cette impression. (17 h 15)
Mme Fortier: Oui, nous vous ferons sans doute parvenir un
rapport. Nous discuterons de la chose à la prochaine assemblée de
l'ALQ, mais j'aimerais vous préciser une chose. Pour certaines
librairies, 250 titres littéraires québécois, c'est
suffisant. Pour certaines autres librairies, cela pourrait être encore
plus. Evidemment, il faudra que le règlement, ou son application, si
c'est adopté, soit laissé au jugement et à la
discrétion des fonctionnaires qui décideront de
l'accréditation ou non.
M. Vaugeois: A la page 6... je suis très sensible à
cette remarque de votre part dans laquelle vous dites que vous vous
inquiétez du fait que la demande d'agrément et le maintien de
l'agrément seront assujettis à un grand nombre de tracasseries
administratives. Vous souhaitez que le temps passé à remplir des
questionnaires, à fournir des pièces justificatives et à
répondre aux enquêteurs ne coûte pas plus cher que l'aide
gouvernementale. Madame, vous pouvez prendre ma parole, nous éviterons
cela, c'est le genred'instructionsque j'ai données et que j'ai
réitérées. Je vous demande donc de me dire en quoi les
nouvelles propositions comportent plus de tracasseries, parce qu'alors je
devrai me tourner vers mes collaborateurs et leur faire constater que mes
instructions n'ont pas été respectées et que ma vigilance
n'a pas été à la hauteur de la situation. J'ai
regardé les nouvelles exigences de l'agrément pour les libraires.
Elles m'ont paru mais vous savez comment je suis, peut-être que je
n'ai pas été suffisamment attentif plus
légères, moins tatillonnes. Surtout, c'est que, jusqu'à
maintenant, l'agrément est une demande qu'on renouvelle chaque
année. Chaque année, le libraire a à
réitérer sa demande d'agrément alors que notre proposition
est de la formuler une fois pour toutes. A moins que des changements majeurs
interviennent dans la propriété ou un changement majeur de cette
nature, la demande d'agrément est bonne pour la vie, alors
qu'actuellement elle est annuelle. La demande permanente me paraissait moins
exigeante que la demande annuelle, qui est celle en cours actuellement. Est-ce
que je me trompe, madame? En quoi notre nouvelle façon de poser des
exigences est-elle plus tatillonne?
Mme Fortier: Est-ce que... Veux-tu répondre? M.
Vaugeois: Ne vous chicanez pas.
M. Beaudoin (Raymond): Je trouve que, dans votre projet, il y a
beaucoup de choses qui sont beaucoup plus "tatillonnantes" que ce qui existait
avant, qui sont beaucoup plus complexes, en particulier quand vous
vérifiez les avoirs des gens qui possèdent réellement la
librairie, les actions souscrites versées et payées, les avoirs
de ces gens-là. Même si vous nous agréez une fois, vous
exigez chaque année, un peu comme les gens qui veulent avoir nos marges
de crédit, nos rapports financiers complets, détaillés et,
autant que possible, certifiés et vérifiés et d'autres
choses dont je ne me souviens pas, ce que nous n'avons jamais fait. Je ne me
souviens pas de tous les points, mais, à mon sens, il y a plus de
tracasseries dans ce que vous demandez, du moins dans le projet qui nous a
été montré, que dans ce qui existait avant. Avant,
c'était très simple. On indiquait combien on avait effectivement
de livres en rayons qui étaient d'auteurs canadiens, combien on avait de
livres en rayons, moins les manuels scolaires, notre chiffre de vente. En fait,
c'était loin d'être complexe comme cela.
M. Vaugeois: Est-ce que vous êtes d'accord sur la notion de
propriété?
M. Beaudoin: Entièrement d'accord.
M. Vaugeois: Comment voulez-vous qu'on la vérifie?
M. Beaudoin: Vous avez l'article 31 qui vous permet assez
facilement de bien vérifier.
M. Vaugeois: Vous préférez qu'on utilise de
façon régulière l'article 31 plutôt que de poser un
minimum de questions. Si vous voulez qu'on ait le régiment entrevu par
le député de Gaspé, cela nous répugne. On
préfère vous demander l'information. Pour nous, l'article 31,
c'est la mesure extrême, exceptionnelle que nous croyons ne jamais
utiliser.
M. Beaudoin: Je trouve que vos demandes je n'ai pas
l'énumération ici sont certainement plus complexes que ce
qu'on avait avant avec les quatre ou sept pages qu'on avait à remplir
pour une demande d'agrément. Le fait que vous mentionniez qu'on le fait
une fois pour toutes, d'accord, c'est un avantage pour nous, mais chaque
année, sans que vous en fassiez la deman-
de, on doit vous informer de ceci, de cela, à peu près les
mêmes choses qu'on a fournies pour l'agrément; c'est à peu
près répété mot à mot, plus ou moins.
Cela revient à l'équivalent de redemander
l'agrément à chaque année. En tout cas, c'est ce que j'ai
compris. Si j'ai mal compris, je regrette. On nous dit, d'un côté,
qu'on nous enlève la demande d'agrément, mais, quatre ou cinq
lignes plus loin, on nous dit: Pour être agréé, vous devez
chaque année faire ta ta ta. C'est la même "moses d'affaire.
M. Vaugeois: On m'indique ici qu'effectivement vous avez un
rapport à fournir. J'aimerais qu'on le reprenne dans ses propres termes.
On va probablement me donner le texte exact. Si vous avez déjà un
rapport de fait à une instance gouvernementale qui comporte les
renseignements qu'on vous demande, par exemple, une photocopie de votre rapport
aux Institutions financières, si vous êtes une corporation, nous
suffit. Je pense que le rapport qu'on soumet aux Institutions
financières est assez anodin et nous ne voulons pas vous forcer à
reprendre, encore une fois, les réponses à un questionnaire.
Quels articles? Apparemment, les articles 16 et 17. "Tout document, rapport ou
renseignement exigé en vertu des articles je ne sais pas quoi
peut être remplacé par tout autre document officiel
certifié conforme qui comporte au moins les informations requises par le
présent règlement." On peut supposer que le rapport que vous
faites en vertu de la loi des Institutions financières puisse remplacer
ce que nous exigeons.
M. Beaudoin: C'est excellent.
M. Vaugeois: Evidemment, il y a le coût d'une
photocopie.
M. Beaudoin: Pas de problème.
M. Vaugeois: Mais cela me cause un problème parce que,
dernièrement, nous avions un programme que nous vous proposions pour
contribuer aux frais de transport. J'ai été très
étonné de voir que les libraires avaient accepté notre
propo-' sition, parce que notre proposition comportait la
nécessité mensuelle de donner la copie des factures
acquittées au titre du transport. Les libraires qui avaient eu la
proposition avaient accepté cette exigence et c'est moi qui ai
demandé à mes fonctionnaires de faire sauter cette exigence. J'ai
dit: Qu'ils nous donnent une approximation basée sur les chiffres de
l'année précédente et contentons-nous de cela. Dans la
pratique, j'étais très étonné de voir qu'on
acceptait cela parce que, à mes yeux, ce qu'on exigeait de vous allait
vous coûter plus cher que la contribution financière qu'on allait
vous apporter. Les libraires à qui la proposition a été
faite l'ont acceptée. C'est la même chose pour les lignes
téléphoniques. J'ai considéré, pour ma part, qu'il
y avait moyen de simplifier. Tout cela pour vous dire que le genre de
réflexion que vous faites maintenant correspond, chez moi, à des
grandes préoccupations. Chaque fois que nous pouvons réduire nos
exigences, sans perdre pour autant de vue les objectifs que nous poursuivons,
nous le ferons. Par ailleurs, c'est évident qu'on ne peut être
préoccupé de la propriété sans poser des questions
sur la propriété et il s'agit de prendre les moyens les moins
odieux pour la vérifier.
Tout cela pour vous dire que je ne veux pas jouer au chat et à la
souris avec vous aujourd'hui et prendre votre mémoire paragraphe par
paragraphe, mais chaque fois que vous soulevez un point qui peut donner lieu
à une amélioration des procédures, vous rejoignez notre
volonté. C'est certain que, dans le travail que nous faisons et le
va-et-vient avec les différentes associations qui sont
concernées, il peut nous échapper, à certains moments, des
exigences qui ne sont pas absolument nécessaires, qui sont
posées, et qu'on pourrait faire disparaître.
Vous revenez sur l'article 2 du projet de loi. Je me
réfère à la page 7. Vous dites que vous pouvez
difficilement admettre que les conditions d'acquisition des livres par le
gouvernement ou les organismes publics soient déterminées
unilatéralement par le gouvernement. Pouvez-vous m'expliquer...
M. Rivest: Est-ce que le ministre me le permet...
M. Vaugeois: Oui.
M. Rivest: ... simplement pour conclure, pour ne pas avoir
à y revenir? Je n'ai pas vérifié les modalités dans
l'ancien règlement pour devenir agréé. Je comprends qu'il
y a un rapport annuel qui a été fourni et qui ne me paraît
pas, à tout le moins, à la lecture, abusif. Je pense que cela se
remplit assez simplement; ce sont des choses très factuelles. Je pense
que ce qui avait probablement inspiré le mémoire au sujet des
tracasseries administratives, c'est la première demande. J'en
énumère quelques-unes: avoir son siège social, mais
démontrer et certifier que les personnes qui contrôlent... Il y a
l'élément de preuve que vous devez fournir; quel
élément devez-vous fournir? Avoir vendu aux particuliers au cours
de l'exercice financier où on demande son attestation pour $100 000 de
livres, etc. Je ne les lis pas tous parce qu'ils sont un peu complexes, mais y
a-t-il des éléments qui ont été ajoutés pour
être admissible à l'agrément par rapport à ce qui
existait auparavant? C'est cela probablement qui a incité les libraires
à dire: Ecoutez! S'il faut prouver tout cela et établir tout
cela...
M. Beaudoin: Oui, mais nous n'avons jamais démontré
notre chiffre d'affaires, quel qu'il soit, pour être
accrédités. Nous n'avons jamais fourni l'état financier
pour être accrédités.
M. Rivest: C'est cela.
M. Beaudoin: II y a certainement des éléments qui
ont été ajoutés.
M. Rivest: C'est cela.
M. Beaudoin: Voyons donc! Cela fait dix ans qu'on remplit des
demandes.
M. Rivest: C'est cela. J'ai le texte ici. Je pense que vous avez
parfaitement raison. J'ai le texte de l'ancien qui était très
simple, cette déclaration à l'article 3.0 qui se lisait dans un
paragraphe et là, on se retrouve jusqu'au paragraphe k). Il y a des
démonstrations. Vraiment, je me place dans votre situation. Que vont-ils
exiger effectivement? Il y a tellement de détails. Je pense que c'est
sur cette base, en tout cas, certainement pour obtenir l'agrégation.
Le Président (M. Blank): Mme Fortier.
Mme Fortier: Je voudrais, avant que le ministre passe à
l'article 2, lui répondre.
M. Vaugeois: Non, non. Je vais rester sur ce point-là.
Mme Fortier: Oui, mais puis-je dire ce que je veux dire? Si le
ministre nous assure que c'est son intention de simplifier vraiment les
exigences et les procédures, cela nous satisfait.
M. Vaugeois: Je pense que je suis plus exigeant que vous
là-dessus, parce que cela réduit mes effectifs dans la même
proportion et les gens peuvent faire autre chose. On ne tient pas à
avoir un surcroît de personnel pour contrôler la paperasse en
question. C'est officiel. Même si nous n'avons pas les problèmes
financiers que vous pouvez avoir à mettre du monde sur ces formules, on
y est quand même extrêmement sensible. Justement, c'est une des
raisons d'être des $100 000 ou des 33 1/3%. Cela nous paraît
être une façon beaucoup plus simple de vérifier le service
au public que d'entrer dans les librairies, compter les livres, vérifier
les vitrines et ainsi de suite. C'est pour cette raison que j'attache beaucoup
d'importance à votre point de vue sur la proposition de M. Tisseyre,
parce que nous sommes tout à fait prêts à nous retirer de
ce genre de préoccupation pour être le moins tatillon possible.
Cela devra venir de vous, cette proposition. Cela ne vient pas de nous. Nous
allons nous contenter de vérifier que vous tenez des livres. Cela peut
paraître ridicule de le dire, mais M. Tisseyre y a fait allusion et M.
Dussault également.
Il arrive que des gens, traditionnellement, ont pu profiter du
marché du livre sans être libraires. Vous savez comme moi qu'on
peut tenir des articles de bureau, de la papeterie, des vêtements et,
à l'occasion, essayer de vendre des livres à l'institution. Cela
s'est pratiqué partout au Québec. Nous voulons l'éviter et
je pense que vous serez les premiers à le souhaiter. Comment
démontrer qu'on vend des livres? On oblige les gens à en tenir
et on va les compter ou encore, ils nous font la preuve que leur
chiffre d'affaires comporte et là, c'est le moindre des deux
$100 000 de ventes au détail ou le tiers de leur chiffre
d'affaires. On va même penser au petit libraire dont le chiffre de ventes
totales peut être de $90 000. Tout ce que nous lui demandons, c'est
d'avoir vendu pour $30 000 de livres. Il peut donc vendre pour $60 000 de
papeterie, de timbres de collection, peu importe. L'exigence est aussi simple,
aussi minimale que possible. Mais si nous n'avions pas cette exigence, vous
savez comme moi que nous assisterions le lendemain matin à la
création de fausses librairies qui viendraient vous enlever tous les
bénéfices de la loi, c'est-à-dire ce marché
réservé. Il y a des gens qui pourraient tout simplement avoir une
adresse, et attendre les commandes et vendre n'importe quoi. Cela s'est fait.
On n'invente rien et ce ne sont pas des...
Mme Fortier: Cela existe encore, même.
M. Vaugeois: Cela existe encore. Demandez-nous de vous
protéger contre ce genre d'intervenants. Nous sommes disposés
à le faire avec le minimum d'intervention quand même. Il y a une
chose que je veux dire en passant, parce que cela m'est venu à l'esprit
tout à l'heure...
M. Rivest: M. le ministre... M. Vaugeois: Oui, oui.
Allez-y.
M. Rivest:... il n'y a pas seulement le premier article sur les
conditions. Quand on regarde les détails après cela, c'est vrai
pour la demande d'agrégation, mais à l'article 5, par exemple, la
personne visée à l'article 3 j'espère que j'ai le
règlement des libraires on dit, par exemple, d'autres
éléments. Il n'y a pas seulement le rapport annuel. Article 5 d):
"Fournir au ministre tout document ou renseignement dûment exigé
lors de l'application du présent article ou du règlement no 4
concernant l'acquisition etc." Je ne veux pas dire que cela ne devrait pas
être là. Il y a sans doute une raison, mais il y a d'autres
éléments dans l'ensemble de la réglementation. C'est pour
cela que vous aviez parfaitement raison d'indiquer que le poids total de
chacune des mesures est sans doute justifié. Le ministre peut sans doute
le justifier, mais le poids de l'ensemble des exigences qu'on va demander aux
libraires est certainement beaucoup plus lourd qu'il était. J'ai
regardé l'ancien règlement brièvement, sans avoir lu les
dispositions. Il était très court. Je pense que c'était
une déclaration. D'ailleurs, le titre c'était simplement
déclaratoire. Je suis convaincu que si on regardait l'ensemble...
M. Vaugeois: Oui, mais le questionnaire n'était pas le
même. Les exigences étaient différentes.
M. Rivest: Oui. J'en conviens.
M. Vaugeois: Tu pouvais toujours te contenter de donner ton nom,
ton adresse et ainsi de suite, mais les exigences, pour être
agréé, étaient différentes du questionnaire
à remplir, tandis que là, les exigences sont dans le rapport
qu'on demande.
M. Rivest: Je pense que vous pourriez facilement, avec les
libraires...
M. Vaugeois: C'est là qu'est la différence.
M. Rivest:... au niveau du ministère, convenir
d'alléger ce qui paraît un peu inutile pour répondre
à... (17 h 30)
M. Vaugeois: Oui, cela vous pouvez y compter et même nous
ne mettrons rien qui n'est pas destiné à vous protéger
pour vous faire bénéficier de la loi. Comment expliquez-vous les
conditions d'acquisition déterminées unilatéralement par
le gouvernement? Cela nous a échappé dans la loi.
Mme Fortier: On ne comprend pas très bien dans le projet
de loi, l'article 2, le deuxième paragraphe, qui se lit ainsi: Cette
acquisition doit être faite conformément à la
procédure, aux conditions, normes et barèmes
déterminés par règlement du gouvernement. Les libraires
agréés sont tenus de se conformer à ce règlement.
Si je comprends bien, c'est que mon client, le gouvernement, va fixer
lui-même le prix ou les conditions, les remises et les conditions de
paiement.
M. Vaugeois: Si vous voulez vraiment une réponse à
cela, je vais faire venir un fonctionnaire à la table.
Mme Fortier: C'est une explication qu'on vous demande.
M. Vaugeois: Ailleurs, pour la première fois et vous
l'avez toujours demandé, nous allons obliger le gouvernement à
respecter les mêmes conditions que tous les autres. C'est la
première fois que c'est fait. Pourquoi est-ce que dans le
deuxième paragraphe, à l'article 2, on contredirait d'une
façon subtile et hypocrite les intentions écrites clairement
ailleurs dans nos textes?
Mme Fortier: Je vous ai demandé l'explication, M. le
ministre, parce que là justement, cela nous semblait un peu...
M. Vaugeois: Un peu, beaucoup. Mme Fortier: Un peu,
beaucoup. M. Vaugeois: D'accord. M. Rivest: Cela veut dire
quoi?
M. Vaugeois: Cela veut dire que le règlement, le
gouvernement, dorénavant, paie le prix régulier des livres,
etc.
M. Rivest: Non, mais les normes et les conditions parce qu'au
fond, c'est cela votre question. Cela vise quoi, d'abord, si cela ne vise pas
ce que madame craint, qu'est-ce que cela vise?
Mme Fortier : Les normes et barèmes
déterminés par règlement du gouvernement. Si on prend les
règlements du gouvernement et notre client, c'est le gouvernement.
M. Rivest: C'est cela. Soyez prudents, parce que vous savez que
le règlement attribue toutes vos paroles au ministre.
M. Vaugeois: Tout d'abord, dans votre document vous dites qu'il y
a un risque d'arbitrage, que la politique est appliquée de façon
unilatérale au gouvernement. A l'article 2, nous avons l'assise
légale qui va asseoir toute la politique d'achat et tout ce qui est
inscrit dans le règlement no 4, qui reprend la politique actuelle, celle
de l'arrêté en conseil 364-72 d'où, ce premier paragraphe.
Le gouvernement est lié par cette politique. Au deuxième
paragraphe, nous avons une formule de style parce qu'en faisant le
règlement no 4 de la loi, je dois avoir l'assise légale,
d'où l'important de prévoir... La procédure, c'est celle
des achats chez les libraires agréés, avec la
régionalisation et la répartition des achats. Comme le pouvoir
réglementaire, et M. Rivest en conviendra, est limitatif lorsqu'on ne
prévoit pas tous les termes nécessaires, si j'inscris simplement
la procédure, cela ne comprend pas d'autres articles qui sont:
conditions, normes et barèmes. Normes et barèmes peuvent couvrir
dans le règlement no 4 ce qu'on entend par la facturation, les frais de
transport et tous les frais de cette nature et les renseignements que peut
exiger une édition subventionnée. Normes et barèmes, ces
deux termes vont couvrir ce qui existe actuel lement et qui se retrouvent dans
les annexes, je crois, a), b) ou c) de l'arrêté en conseil 354.
C'est la tabelle. Ce sont, selon ce qui adviendra et selon les consultations,
ce sont les remises, marges pour services rendus et tabelles qu'on retrouve
déjà dans les annexes de l'arrêté en conseil 354,
à savoir, qu'il peut y avoir des cas où l'institution
subventionnée va acheter ses volumes dans une librairie
agréée. Il y a des cas où le Iibraire devra avoir recours
à une tabelle dans sa facturation. Cela ne va pas au-delà de ce
qui existe déjà et qu'on trouve dans le règlement no 4,
mais cela lui donne une assise légale; la politique est incontestable
sur certains aspects jusqu'à ce jour.
M. Déri (Thomas): Si vous permettez une question. Est-ce
que cela veut dire que la loi et les règlements qui sont contenus dans
la loi 51 auront préséance sur les articles de la Loi de
l'administration financière, c'est-à-dire, que c'est la loi 51
qui indiquera la procédure d'achat et que ce ne sont pas les
procédures d'achat régulières d'une commision scolaire,
par exemple, qui ont préséance.
M. Vaugeois: C'est dérogatoire à certaines lois, et
c'est pour cela qu'à l'article 2 on vise nommément le
gouvernement. Le deuxième alinéa de l'article 2 et l'article 49
de la loi rendent cette politique prioritaire par rapport aux politiques qu'on
retrouve dans d'autres lois. Ici, je pense à la politique de soumissions
publiques dans la Loi des cités et villes et le Code municipal, en ce
qui concerne des achats faits par des bibliothèques municipales.
M. Déri: C'était le sens de la question que
posaient les libraires.
M. Vaugeois: Est-ce que je peux passer à la page 11? A la
page 11 vous plaidez pour que le terme de librairie soit réservé
aux librairies, à ce que nous entendons par une librairie. Nous avons
déjà pris des dispositions pour sensibiliser le ministère
des institutions financières, le service des compagnies, à cette
question, sauf qu'il va falloir des années pour que cela fasse effet.
Nous ne pouvons enlever les raisons sociales qui ont déjà
été reconnues, mais normalement il ne devrait plus se donner de
raison sociale avec le terme librairie pour des commerces qui n'ont pas d'abord
comme activité, au moins importante, celle de la librairie, au sens
où nous l'entendons. Je suis heureux de retrouver dans votre
mémoire, à la page 11 en particulier, cette espèce de
prise de position de principe que vous énoncez à l'effet de
reconnaître à chacun des intervenants dans le domaine du livre un
rôle propre. Je pense que c'est toute la dynamique de notre projet de
loi, chacun joue son rôle et trouve son profit au niveau du rôle
qu'il est appelé à jouer.
Vous avez un commentaire que j'attendais, bien sûr, sur le manuel
scolaire. Vous en avez un également sur le livre universitaire. Sur le
livre universitaire, je peux vous dire que nous avons formulé la
proposition qui est dans nos textes à la suite des
représentations des bibliothécaires, bien sûr, mais
également après consultation avec plusieurs libraires qui
travaillent avec les universités. Ces libraires nous ont dit que cela ne
leur paraissait pas nécessairement un service à leur rendre que
de forcer la relation bibliothèque universitaire et librairie de
façon générale. Cela ne veut pas dire que pour une bonne
partie des achats la bibliothèque universitaire ne peut pas utiliser les
services du libraire, mais dans certains cas cela devient plus lourd à
porter pour la librairie qu'avantageux. On m'a fait valoir des choses,
d'ailleurs, qui m'ont absolument fait sursauter, mais le coût
d'acquisition du livre universitaire dans certaines institutions peut
dépasser $100 l'unité. Si une institution universitaire peut, par
l'ensemble de son personnel et de ses services et ses exigences universitaires,
s'offrir une telle facture, c'est certain que le libraire ne peut pas se
conformer au même type d'exigence, il n'en a pas les moyens. Si on
considère ce type d'acquisition qui est extrêmement coûteux
à un niveau, c'est certain que c'est plus compliqué à
l'autre niveau aussi.
Je tenais tout simplement à vous dire que, sur ce plan, ce que
nous prévoyons c'est que la relation entre bibliothécaire
universitaire et libraire soit maintenue, mais selon les cas. Je pense que les
bibliothécaires universitaires peuvent en juger, ils auront avantage
pour eux et pour le libraire à traiter directement avec un
fournisseur s'ils réussissent à le trouver. Là, on est
dans un domaine bien particulier. Je serais heureux d'entendre vos
commentaires, mais je peux vous dire que j'ai fait moi-même la
consultation auprès de librairies qui fournissent habituellement
à l'univer- sité et qui sont des librairies, par exemple, du
secteur privé. Je n'ai pas fait cette enquête dans les librairies
en milieu universitaire. Je serais intéressé à avoir le
point de vue de M. Beaudoin à cet égard. Je peux dire qu'à
l'Université de Montréal je vais donner l'exemple
la librairie universitaire de l'Université de Montréal en vient
même à négliger le marché de sa bibliothèque
pour se tourner vers un marché de détail qui est beaucoup plus
voisin du marché de détail que doit servir le libraire du coin
que le marché de sa propre bibliothèque. Je suis allé
moi-même constater dans les vitrines de cette librairie universitaire une
présentation d'ouvrages qui n'avaient vraiment rien à voir avec
la vie universitaire et rien à voir avec les commandes de la
bibliothèque universitaire. Ils m'ont fait savoir qu'ils
n'étaient pas vraiment intéressés à fournir leur
bibliothèque, que cela leur coûtait finalement très cher,
et des librairies qui servent habituellement le milieu universitaire m'ont tenu
le même langage.
Je suis tout à fait disposé à entendre vos
commentaires là-dessus, mais je tenais à vous dire que la
décision temporaire que nous avons prise, nous l'avons prise à la
suite des témoignages des bibliothécaires et des libraires, pas
tous, mais ceux qui nous semblaient plus immédiatement
concernés.
Sur les manuels scolaires, ma question serait la suivante: Est-ce que
l'espèce de troc qui semble proposé de 15% pour une autre tranche
de 15% vous paraît une mauvaise affaire ou une bonne affaire?
C'est-à-dire les 15% du manuel scolaire et les 15% de remise que vous
étiez traditionnellement obligés d'accorder à la
bibliothèque institutionnelle qui vous commandait des livres, est-ce que
c'est une mauvaise affaire pour vous autres?
Une Voix: D'abord, je vais laisser M. Beaudoin répondre
à votre première question et je reviendrai.
M. Beaudoin: Je pense qu'au sujet des bibliothèques
universitaires, il y a tout de même certaines librairies universitaires
et d'autres qui se sont structurées et qui sont vraiment capables de les
fournir. Ce que je déplore, c'est que lorsqu'une bibliothèque
universitaire vous avez mentionné l'exemple de la
bibliothèque de l'Université de Montréal qui effectivement
n'achète pas de la Librairie de l'Université de Montréal
qui achète occasionnellement chez nous, chez Caron, achète
dans une proportion de 85% le livre directement en Europe de commissionnaires
à des prix qui font qu'elle pénalise les librairies
québécoises, parce que lorsque la majorité des
commissionnaires facturent la bibliothèque de l'Université de
Montréal, on lui accorde souvent 15% ou 20% de remise ou 10% sur le
prix... selon le cas, de transport à leur frais.
Mais lorsque le libraire québécois fait le même jeu,
il facture depuis deux ans, presque au même prix que le libraire
français, en ce sens que la bibliothèque n'est pas
privilégiée, mais le libraire québécois qui a voulu
s'intéresser à ce commerce est pénalisé de 15%,
20%, ou 25%.
L'année passée, la bibliothèque de
l'Université Laval a acheté de la Librairie de
l'Université Laval pour $387 728.00 ce qui représente 600 001
factures. Je les ai traitées, je sais ce qu'il y a là-dedans. Je
me suis aperçu que ces achats me pénalisaient de $37 000 à
$38 000 de revenus que je n'ai pas eus. Par contre, j'ai été
obligé de payer des factures pour faire marcher toute la machine. Cela
coûte $6 ou $7 la facture pour tout le truc.
En plus, j'ai eu $490 000. C'est $800 000 chez nous, c'est quelque $760
000 l'année passée à Montréal. Tout le
réseau nous coûte $2 000 400 ou $2 005 000, si on prend tous les
constituants de l'Université du Québec, plus Sherbrooke pour les
livres de bibliothèques.
Je trouve que c'est ouvrir une porte très large que permettre aux
bibliothèques "at large" d'acheter où elles veulent. Je ne suis
pas contre le fait que pour certains livres spécialisés, elles
soient autorisées à acheter directement. Mais ouvrir la porte
toute grande et leur permettre d'acheter... On sait chez qui elles
achètent, on connaît les commissionnaires, on sait comment ils
travaillent et on sait comment ils se paient.
Donc, c'est pénaliser certaines librairies. Ce ne sont pas toutes
les librairies qui sont intéressées à faire ce genre de
commerce. J'en fais pour $1 million par année. C'est intéressant,
ce n'est pas mauvais.
M. Vaugeois: On va clore là-dessus. On a
évoqué la possibilité de réunions du Conseil
supérieur du livre, du vôtre et non pas du conseil prévu
dans la loi. On a souhaité qu'une fois de temps en temps ce Conseil
réunisse tous les gens concernés par le livre, non seulement les
libraires et éditeurs, mais pourquoi pas les distributeurs, les auteurs
et pourquoi pas, enfin, les bibliothécaires? J'aimerais bien que les
relations entre ces différents professionnels se règlent au
niveau de la profession plutôt qu'au niveau du gouvernement.
Je vous renvoie la balle, mais je me dis que des suggestions doivent
venir de consensus réalisés dans le milieu professionnel, parce
que je pense que tout le monde est assez convaincu que tout cela va marcher si
chacun fait son travail à l'intérieur de son champ de travail.
travail.
M. Déri: M. le ministre, dans une étude
récemment remise au Conseil supérieur du livre, il est
préconisé qu'une nouvelle société soit
formée réunissant tous les intervenants du livre, à partir
des écrivains, y compris même des représentants des arts
graphiques et que c'est à ce niveau, autour de cette table que soient
discutés les problèmes interprofessionnels. C'est à
l'étude actuellement au Conseil supérieur du livre. (17 h 45)
M. Vaugeois: Merveilleux. On prend la dernière question en
ce qui me concerne?
Mme Fortier: Oui, la question du troc. Je n'aime pas beaucoup ce
mot, parce que si on perd les 15%, on les rattrape ailleurs. On n'a rien de
plus en réalité. Mais ce qu'on défend à
l'Association des libraires, c'est le principe que le livre doit être
vendu par les libraires; tous les livres, sans exception, doivent passer par la
librairie. Ensuite, si l'échange nous semble avantageux, nous ne le
savons pas encore. C'est à l'application que nous le saurons, que nous
nous rendrons compte ce qui se passe.
M. Vaugeois: Je peux vous inviter à surveiller les plans
de développement des bibliothèques publiques, notamment la
progression des budgets d'acquisition des bibliothèques scolaires, pour
vous faire une meilleure idée à cet égard.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Je vais répondre à cette question, dans
la mesure où le ministre a quand même couvert à peu
près tous les chapitres, les réponses et l'échange ont
été assez précis, et surtout que je me suis moi-même
introduit dans les questions du ministre. Je veux simplement vous remercier et
dire que, quant à nous, nous allons certainement tenir compte, dans les
positions qu'on adoptera, de l'ensemble de cela.
La seule chose que je retiens, ce sont les informations précises
à votre dernière remarque: Est-ce que c'est plus ou moins
avantageux? C'est difficile à dire. Quand même, ce qui
m'étonne, même au niveau de la discussion qu'on a eue au sujet des
bibliothèques universitaires, ce qui m'inquiète un peu, c'est
qu'on fait des choix en ce moment qui ne sont pas nécessairement
mauvais, mais sur une base qui m'apparaît fragile en termes
d'études sur la portée réelle des changements que l'on
fait et également sur les causes ou enfin sur les raisons pour
lesquelles on apporte cela.
On semble y aller un peu c'est peut-être un petit reproche
au ministre à tâtons, dans l'ensemble de la loi, en disant:
On met cela là, cela là. Mais on n'a pas de données
précises. Je sais que tous les intervenants ont dû préparer
leurs mémoires dans de trop courts délais peut-être pour
chiffrer davantage leur argumentation ou pour mener chez leurs gens des
consultations.
Alors, le ministre a évoqué une nouvelle fois les
éléments de politique qu'il rendrait publics. Encore là,
il faut apprécier cette loi avec ce qui va venir et on n'a pas ce qui va
venir. Je ne sais pas si le ministre va, en tout cas, à l'automne... je
pense que c'est peut-être la meilleure conclusion, compte tenu des points
que vous avez soulevés, auxquels le ministre s'est
référé spécifiquement dans ses questions. Je
demanderais au ministre de ne pas être trop d'accord pour que la loi
puisse être adoptée à cette session, à l'automne,
parce qu'il faut fonctionner, mais pas trop tôt, de façon que les
délais qui nous sont donnés ne permettent pas seulement à
l'Opposition d'aller faire son tour de piste, comme elle doit le faire pour
préparer ses interventions, mais surtout au milieu du livre, d'avoir le
temps de bien mesurer l'ensemble des informations dont on ne dipose pas encore
actuel-
lement, d'avoir la chance de bien mesurer, de manière que
lorsqu'on arrivera, parce que c'est finalement là que se jouera ce
projet de loi, au moment de l'étude article par article, lorsque nous
reviendrons ici, il n'y aura probablement pas d'audition, mais tout de
même, que les gens du milieu puissent suivre article par article. A ce
moment, notre rôle sera d'exiger ou enfin, d'essayer d'obtenir le maximum
d'informations du ministre sur des données précises: quand on
fait un changement, pourquoi on le fait et quelles conséquences
prévisibles ce changement aura. C'est mon sentiment non seulement sur
votre mémoire, mais sur l'ensemble des deux jours qu'on a passés
là-dedans. C'est difficile. Je ne sais pas si le ministre est conscient
de cette dimension-là. Je l'ai sentie un peu dans tous les
mémoires et particulièrement celui des libraires. Je pense
exprimer cela en fin de journée rapidement pour ne pas allonger la
discussion inutilement.
M. Vaugeois: Je dirai deux petites choses rapides. D'abord, des
études, il y en a eu tellement, des enquêtes également.
Vraiment, je pense que personne ne va nous demander de recommencer Drouin et
Paquin, le rapport Bouchard, etc.
M. Rivest: Non, mais justifier...
M. Vaugeois: Comme on est dans le domaine d'un commerce qui
demeure libre ce n'est pas parce qu'on a des paramètres un peu
nouveaux qu'il y a une entrave à la liberté des gens qui sont
concernés la concurrence va jouer. On ne peut pas assurer qui que
ce soit que le dynamisme de chaque entreprise va être comparable de telle
façon que les profits à réaliser vont être
également répartis entre chaque entreprise. Il y a des
entreprises qui vont se défendre mieux que d'autres, qui vont faire un
profit plus grand que d'autres. Tout ce que nous faisons, c'est essayer
je reprends mon terme d'hier de baliser l'ensemble et de souhaiter
à chacun bonne chance. On sait que parce qu'on reconnaît la
liberté du commerce et parce qu'on reconnaît la concurrence qui va
se maintenir dans ce milieu, on ne met pas les gens à salaire. On ne
nationalise pas le commerce du livre. Chacun reste libre. Les profits des uns
seront plus considérables que ceux des autres. C'est le principe que
nous mettons de l'avant. Nous ne voulons pas faire davantage. Mais je pense que
nous avons une connaissance de part et d'autre. Au ministère, en tout
cas, nous en avons une qui ploie maintenant sous les études. Davantage
d'études, je pense que ce serait la fin des services...
M. Rivest: Non, M. le ministre. Je n'ai pas demandé...
M. Vaugeois: ... l'asphyxie par l'avalanche.
M. Rivest: ... davantage d'études, mais quand vous me
parlez de 15% contre 15%, pourquoi proposez-vous cela?
M. Vaugeois: II n'y a pas de problème. C'est connu. On n'a
pas besoin de s'en dire davantage. Cela a été tellement
discuté. Je dois dire et Mme Fortier ne me contredira pas
là-dessus que dans les consultations que nous avons eues, la
proposition a été acceptée. Il était de bonne
guerre pour l'association de revenir à la charge aujourd'hui, mais dans
nos discussions, cette question a été acceptée parce que
les calculs ont déjà été faits...
M. Rivest: Je ne sais pas.
M. Vaugeois: ... sur la base de ce qui existe actuellement.
M. Rivest: S'ils reviennent à la charge aujourd'hui, ce
n'est pas seulement pour le plaisir de faire un paragraphe pour être de
bonne guerre. Je pense qu'elle a quand même des préoccupations que
le ministre, en tout cas, semble...
M. Vaugeois: Bien sûr.
M. Rivest: On va débattre tout cela. On s'engueulera
quand...
M. Vaugeois: C'est cela.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: J'aurais une question à vous poser. Vous
allez sûrement dire que je prêche pour mon clocher. Quand vous
parlez de régionalisation, vous dites que, sous-jacente à la loi,
vous retrouvez cette volonté du gouvernement de multiplier les
librairies agréées. Je suis sûr que dans le
Bas-Saint-Laurent, le nombre des libraires doit être assez
clairsemé. Si vous entrez dans la Gaspésie proprement dite, je ne
sais pas si vous avez beaucoup de libraires sur votre liste. A ce
moment-là, vous dites: Ce n'est pas en enlevant aux librairies
agréées une partie de leur clientèle que vous allez
encourager des régions comme dans mon comté où je ne sais
pas combien existent de libraires.
Mme Fortier: M. le député de Gaspé, pendant
l'été, j'ai fait une tournée des librairies de la
province. Evidemment, en partant par le Bas-du-Fleuve, je me suis
arrêtée à Matane parce que les dernières librairies
agréées sont à Matane. En Gaspésie, dans la
Matapédia, il n'y a pas de librairies agréées.
M. Le Moignan: Oui, je sais qu'il n'y en a pas. Mme Fortier:
Non. Nous le regrettons.
M. Rivest: C'est pour cette raison que le député va
dans les centres d'achat et dans les épiceries.
Mme Fortier: Mais je comprends mal qu'il n'y en ait pas.
M. Le Moignan: Voyez-vous, cela justifie ma première
question. On est chanceux de trouver parfois des livres dans une
épicerie ou dans une "tabagie" ou ailleurs, mais souvent, ce sont des
livres de dernière minute, "up-to-date".
Mme Fortier: Voilà. Mais je pense qu'on devrait
étudier le problème de la Gaspésie parce que je ne
comprends pas qu'il n'y en ait pas là. Il y en a en Abitibi. Il y en a
dans le Lac-Saint-Jean, qui sont des régions encore plus
éloignées que la Gaspésie. Ces libraires pratiquent un
genre de librairie extraordinaire. Ils ont un très bon stock de livres
étrangers et québécois et ils rendent un service
éminemment social à la société. Si les librairies
d'Abitibi peuvent vivre avec l'aide des collectivités
évidemment, ce n'est pas avec l'aide de la clientèle au comptoir
il y a certainement une possibilité qu'en Gaspésie des
libraires puissent rendre le même service à la population.
M. Le Moignan: II y a eu des tentatives déjà de
deux ou trois libraires dans la ville même de Gaspé où
existent un CEGEP et une polyvalente et ils ont dû fermer leur porte par
la force des choses. Ils n'avaient pas la clientèle nécessaire.
Il ne faut pas oublier non plus que beaucoup de nos institutions et beaucoup
d'individus commandaient leurs livres directement par la poste aussi, par
habitude, par tradition. Ils ne se déplaçaient pas pour aller
à Gaspé, mais vous allez nous encourager...
Mme Fortier: Oui.
M. Le Moignan: ... pour essayer d'avoir l'implantation de
librairies. On pourrait en parler au ministre aussi.
Mme Fortier: Oui. Je ne pourrais vraiment pas voir pourquoi la
Gaspésie demeurerait sans librairie, puisque dans les autres
régions, cela se fait.
M. Vaugeois: Remarquez qu'on pourrait poser le problème au
niveau des bibliothèques aussi. J'ai rencontré le maire de
Gaspé récemment et on a discuté de l'opportunité
d'ouvrir une bibliothèque à Gaspé. La même situation
est constatée au niveau des bibliothèques. Il faut dire par
ailleurs que la BCP de la Gaspésie fonctionne bien. Elle a des projets
d'expansion. La réponse des petites municipalités est bonne, mais
c'est au niveau des municipalités de 5000 habitants et plus qu'il y a
une déficience du côté de la librairie et de la
bibliothèque. On voit d'ailleurs que les deux se tiennent
peut-être plus qu'on ne le croit.
M. Le Moignan: Vous avez pris connaissance de mes lettres
envoyées à votre ministère concernant notre projet
d'utiliser la bibliothèque du CEGEP?
M. Vaugeois: Oui, j'ai discuté avec le maire, d'ailleurs,
de cette proposition. J'en ai même discuté hier soir avec certains
bibliothécaires. Il faudrait en reparler, si vous voulez.
M. Le Moignan: Le ministre de l'Education est tout à fait
pour aussi.
M. Vaugeois: Oui, mais ce sont des solutions d'exception pour
nous.
Le Président (M. Blank): Pas de patronage local ici.
M. Rivest: Oui, qu'est-ce que ce troc auquel on assiste?
Une Voix: Ah!
M. Vaugeois: L'Union Nationale est...
M. Rivest: Oui.
Le Président (M. Blank): Merci, madame. Merci,
monsieur.
M. Le Moignan: Je trouvais que c'était quelque chose de
bien.
Association canadienne de diffusion du livre
Inc.
Le Président (M. Blank): Maintenant, on va essayer
d'entendre le dernier groupe, l'Association canadienne de diffusion du livre
Inc. M. Claude Choquette.
Est-ce que je tiens pour acquis que la commission consent à ce
qu'on siège après 18 heures?
M. Choquette.
M. Choquette (Claude): M. le Président, permettez-moi de
vous présenter mes collègues. A ma droite, M. Jacques Martin,
libraire de Joliette et président du conseil d'administration de l'ACDL;
à ma gauche immédiate, M. Lucius Laliberté, libraire de
Sainte-Foy et membre du bureau de direction de l'ACDL; à mon
extrême gauche, M. Marc Saint-Jean, conseiller auprès du conseil
d'administration et auprès du président-directeur
général; et votre humble serviteur, Claude Choquette,
président-directeur général.
Le projet de loi no 51 portant sur le développement des
entreprises québécoises dans le domaine du livre était
attendu depuis longtemps. En effet, depuis la fondation même du
ministère des Affaires culturelles en 1961, il y a 18 ans, les
différents gouvernements et les nombreux ministres des Affaires
culturelles se sont penchés tour à tour sur les problèmes
de la culture. Aussi a-t-on vu paraître toutes sortes de rapports, de
mémoires, d'études, de documents de travail, de livres blancs et
verts pour essayer de définir les fins et les moyens d'une politique
culturelle pour le Québec. Plusieurs lois ont été
sanctionnées dans le but de préciser le rôle du
gouvernement dans la promotion et la diffusion de la culture. Plusieurs de ces
lois abordaient les problèmes du livre, puisque la lecture a toujours
été considérée comme l'un des principaux moyens de
culture.
Pour passer de l'écrivain au lecteur, le livre doit suivre un
long cheminement où interviennent les éditeurs, les diffuseurs,
les exportateurs et les importateurs, les libraires. Comme les
écrivains, tous ces intermédiaires ont souvent voulu
protéger leur profession et leurs droits en fondant des associations et
des organismes. Le ministère des Affaires culturelles, par la bouche de
ses nombreux titulaires, a souvent proclamé que plutôt que
d'ériger le dirigisme en principe, il voulait coordonner l'action des
organismes qui travaillent à l'essor de la culture,
particulièrement par la conception et la diffusion du livre.
Mais de nombreux problèmes subsistent toujours et nombreux sont
ceux qui attendent du présent gouvernement une politique du livre. Le
livre, c'est une industrie qui, pour se développer, doit respecter les
règles du jeu, industrielles et économiques, mais le livre c'est
aussi un merveilleux moyen de culture. D'où la nécessité
d'une politique de lecture au Québec.
Comment concilier les exigences de ces deux aspects du livre? Par une
intervention gouvernementale qui respecte les droits de ceux qui sont
reliés au commerce du livre et qui, en même temps, permet de
rendre accessible le livre au plus grand nombre possible de
Québécois pour leur épanouissement culturel.
Le législateur est conscient de ces problèmes et il doit,
pour le bien commun, établir des lois. Pour le faire
démocratiquement, il veut consulter et entendre tous les organismes
reliés de près ou de loin au domaine du livre pour lequel il veut
proclamer une loi. (18 heures)
L'Association canadienne de diffusion du livre, comme son nom l'indique,
est particulièrement intéressée par toute politique
pouvant aider à la diffusion du livre. Tout en regroupant de nombreux
libraires du Québec pour leur offrir toute une gamme de services, l'ACDL
a toujours participé avec empressement et souvent à la demande
des gouvernements à des campagnes de lecture et à la
réalisation de projets pouvant développer la culture au
Québec. Aujourd'hui, notre association veut apporter sa modeste
collaboration en manifestant son intérêt pour le projet de loi no
51 et en présentant quelques réflexions découlant d'une
étude de ce projet de loi et des règlements qui
l'accompagnent.
Le projet de loi 51 est destiné à remplacer la Loi de
l'agrément des libraires et il doit modifier la Loi du ministère
des Affaires culturelles en vue de préciser les responsabilité du
ministre à l'égard d'une politique de développement de
l'industrie du livre. Le texte du projet de loi est surtout orienté vers
des points précis: l'agrément des personnes
intéressées par le commerce du livre, la fixation des prix de
vente aux collectivités, les mesures coercitives devant être
prises pour protéger l'industrie et la diffusion du livre.
Nous croyons que ce projet de loi aurait dû contenir les grandes
lignes d'une véritable politique de la lecture. En dépit des
nombreuses interventions du gouvernement et des tentatives pour
réglementer le commerce du livre, l'objectif principal reste toujours
à atteindre, soit établir un réseau de librairies
répondant à des normes de qualité afin d'assurer au public
un accès facile au livre. Pour maintenir et développer des
conservatoires de musique, pour assurer la survie d'une société
d'opéra, il faut absolument développer le goût de la
musique dans la population. Il en est de même de la culture par le livre.
Tout doit être fait pour qu'un réseau de librairies offrant de
véritables services professionnels et une grande variété
de stocks de livres puisse participer à cette diffusion de la
culture.
L'obligation pour le gouvernement et ses organismes d'acheter leurs
livres chez les libraires agréés devrait être
considérée avant tout comme une incitation à
améliorer la situation du libraire pour qu'il devienne vraiment un
intermédiaire important dans tout ce mouvement qui existe au
Québec pour le maintien et le développement de la culture. Cette
obligation doit être considérée comme un moyen et non comme
le but, l'objectif premier de la loi.
L'agrément des éditeurs, des distributeurs et des
libraires occupe une place prépondérante dans le projet de loi.
En établissant cet agrément, le gouvernement semble avoir deux
buts. D'abord, il veut se protéger lui-même en imposant au
gouvernement et à diverses catégories d'organismes publics
l'obligation d'acheter leurs livres dans des librairies agréées
selon une procédure et des normes établies par règlement.
On sait que certains organismes gouvernementaux et certaines
collectivités veulent acheter leurs livres directement des
éditeurs, soit au Québec, soit à l'extérieur du
Québec en prétextant que le livre coûterait moins cher
qu'en passant par le réseau des libraires québécois.
Nous sommes heureux de constater que le projet de loi fait confiance aux
libraires et nous sommes assurés que les organismes gouvernementaux et
les collectivités obtiendront des prix avantageux et raisonnables, ainsi
qu'un ensemble de bons services de la part des libraires. Il faut augmenter le
volume de vente des livres pour permettre aux libraires de se
développer. Encore là, il s'agit, comme but ultime, d'aider le
libraire à fournir aux consommateurs de livres un service de
première qualité.
Nous sommes étonnés que les universités du
Québec ne figurent pas dans la liste des organismes qui doivent acheter
leurs livres directement chez les libraires agréés. Nous croyons
que nos libraires pourraient certainement approvisionner cette clientèle
spécialisée.
L'autre but de la loi est bien de protéger aussi les personnes,
les organismes faisant commerce dans le domaine du livre et répondant
à des normes précises d'agrément. L'article 1
précise ce que veut décréter le gouvernement: "L'aide que
peut accorder, suivant la loi, le gouvernement, un de ses ministères,
organismes ou mandataires à une personne faisant commerce dans le
domaine de l'édition, de la distribution ou de la librairie ne peut
être accordée qu'à des personnes titulaires
d'un agrément délivré en vertu de la
présente loi ou qui y sont admissibles."
Le projet de loi détermine clairement les conditions
d'admissibilité à l'agrément et je cite: "Toute personne
qui exerce au Québec, pour son compte, des activités
d'éditeur, de distributeur ou de libraire conformément aux normes
et conditions déterminées par règlement du
gouvernement".
Enfin, le gouvernement indique précisément les entreprises
qu'il veut aider: les entreprises authentiquement québécoises.
Les Québécois possèdent en effet, dans le domaine du
livre, assez d'expertise et d'expérience pour établir leurs
propres maisons, investir leurs capitaux et développer tout ce commerce
avec grand intérêt, d'autant plus que le domaine du livre est
tellement lié à la conservation de notre héritage
français et au développement de notre culture
québécoise.
Le législateur a prévu des dispositions précises
pour protéger la profession du libraire agréé en
déterminant les poursuites possibles contre ceux qui pourraient
enfreindre la loi. Cet article révèle bien la ferme
volonté du gouvernement concernant l'observation de la présente
loi.
En lisant le projet de loi, on peut se demander quelles sont les
personnes ou les organismes concernés par cette loi. S'agit-il de toutes
les entreprises de distribution et de librairie, ou seulement d'un
réseau qui ne comptera que des entreprises agréées?
L'article 4 laisse perplexe, et je cite: "Toute personne qui fait la
distribution de livres au Québec doit se conformer aux normes et
barèmes déterminés par règlement du gouvernement
relativement au mode de calcul du prix de vente".
Qu'en est-il des libraires non agréés, des marchands de
journaux, des points de vente divers, des grandes surfaces, des
coopératives étudiantes, des librairies anglophones et autres qui
vendent du livre français, des librairies universitaires? Le
législateur a-t-il l'intention de réglementer tout le commerce du
livre au Québec ou seulement le réseau des entreprises
agréées?
Il nous semble que la loi devrait se limiter à fixer les normes
et barèmes seulement pour l'achat des livres chez les libraires
agréés par les collectivités. Quant au prix de vente
public, le gouvernement veut-il imposer des normes et barèmes pour tout
le commerce du livre? Il faut, en même temps, protéger les
intérêts des libraires et aussi rendre le livre plus accessible au
public. Est-ce que le législateur croit pouvoir atteindre ce double
objectif en fixant, par des normes et barèmes, le prix de tous les
livres vendus au Québec?
Souvent, le projet de loi mentionne le mot "aide" que le gouvernement,
ses ministères, organismes ou mandataires peuvent apporter à des
personnes faisant commerce dans le domaine de l'édition, de la
distribution ou de la librairie. De quelle aide s'agit-il exactement? Quelles
sont les intentions du ministère des Affaires culturelles pour
développer, aider, favoriser la diffusion de la culture par le livre au
Québec? Là encore, nous aimerions avoir des
précisions.
Cette aide, dans l'esprit de la loi, n'est peut-être, pour les
libraires, que le privilège de pouvoir vendre au gouvernement, aux
ministères, aux collectivités. Il faudrait, dans ce cas, que les
marges brutes consenties aux libraires soient acceptables et que les conditions
imposées par l'agrément ne soient pas trop onéreuses.
En relisant toute la section 4 de l'avant-projet de règlement no
4, on peut déjà soupçonner toutes les complications de
calculs des prix d'achat et de vente. Au moment précis où, en
France, on tente de simplifier toute cette question des prix, les dispositions
de la nouvelle loi ne semblent pas vouloir simplifier les choses.
L'établissement du prix des volumes provenant de l'étranger est
complexe avec le jeu des tabelles et la variation de la valeur de notre
monnaie. Aussi, souhaitons-nous que le ministère des Affaires
culturelles établisse sa politique des prix pour les entreprises
agréées en étroite collaboration avec les associations
reliées au commerce du livre.
L'article 5g de l'avant-projet no 3 nous semble aussi demander plus de
précisions. Le texte indique que le libraire agréé
s'engage à et je cite "s'approvisionner chez un
distributeur québécois ou canadien qui lui offre les services
requis, à la condition que ce distributeur respecte le mode de calcul du
prix de vente prévu par l'article 16 du règlement no 2 concernant
l'agrément des entreprises de distribution au Québec..."
Le libraire agréé doit donc absolument s'approvisionner
chez un distributeur québécois ou canadien. Comment peut-il se
procurer des volumes qui n'ont pas de distributeur au Québec ou au
Canada, ou dont le distributeur local n'est ni Québécois, ni
Canadien? Que fait-il si le distributeur a des stocks très incomplets,
impose des délais trop longs ou ne donne pas tous les services
requis?
Pour ce qui est de la vente au détail au grand public, le
libraire non agréé et les autres points de vente non soumis
à cette obligation pourront certainement offrir un plus grand choix de
volumes, et peut-être à de meilleures conditions. N'y a-t-il pas
là une sorte de discrimination envers le libraire agréé?
Les services requis par les libraires sont mentionnés dans cet article
de la loi. L'ACDL qui est une association de services connaît bien tout
le cheminement, pourrait-on dire matériel, du livre, en partant de
l'éditeur pour se rendre au libraire. Surtout pour les livres
importés, les opérations sont nombreuses: commandes à
faire, groupage par avion ou par voie maritime pour diminuer les coûts,
les formalités de douane, éclatement des conteneurs et livraison
au Québec.
De plus, il y a aussi les formalités de paiement des comptes
à l'étranger qui présentent des dépenses de temps
et des difficultés de toutes sortes. Nous songeons sérieusement
à la création d'un organisme chargé des achats et des
paiements collectifs pour diminuer les coûts des livres. L'ACDL, en plus
de regrouper toutes sortes de services aux libraires, possède
déjà un service d'information et de recherche pour les livres que
ceux-ci ne peuvent pas ou peuvent difficilement trouver au Québec. Si
l'on en juge par les deman-
des qui nous sont adressées, ce service répond à un
grand besoin des librairies.
Puisque nous abordons le point de l'information, nous voulons signaler
la grande pauvreté de l'équipement bibliographique pour la
production littéraire québécoise, comme vous pouvez le
constater en annexe de l'article 3, paragraphe k) de l'avant-projet de
règlement no 3 concernant l'agrément des libraires. Ne serait-il
pas temps de mettre sur ordinateur tous les titres disponibles de la production
littéraire québécoise pour fournir aux libraires et
à toute la profession du livre une source de références
qui s'avère de plus en plus indispensable? C'est une entreprise
coûteuse au départ, mais elle pourrait rendre de très
nombreux services aux libraires en leur permettant de répondre le plus
vite possible aux demandes de leurs clients. Depuis longtemps, l'ACDL
désire ajouter ce service à l'usage de ses membres.
Enfin, il y a un dernier point que nous voulons signaler. Pour la
formation du Conseil consultatif de la lecture et du livre, nous
suggérons qu'un appel soit fait à tous les groupes qui oeuvrent
dans le domaine du livre. Nous espérons ici que ce conseil
étudiera en profondeur toute la question de la lecture pour permettre au
législateur de formuler une véritable politique de la lecture au
Québec. C'est certainement cette politique qui sera la plus utile, et
pour développer la profession du libraire, et pour favoriser le
développement des industries culturelles dans lesquelles le livre occupe
une place de choix.
En conclusion, nous sommes heureux d'avoir pu vous exposer ces quelques
commentaires sur le projet de loi no 51. Ce projet veut établir les
responsabilités du ministre à l'égard d'une politique de
développement de l'industrie du livre. Nous savons que le ministre
actuel des Affaires culturelles connaît bien tous les problèmes
reliés à cette industrie. C'est vrai que les activités de
son ministère sont multiples, mais nous sommes assurés que depuis
longtemps, il veut trouver les meilleures solutions à tous les
problèmes reliés au livre, cet indispensable instrument de
culture. L'Association canadienne de diffusion du livre est prête
à lui apporter sa plus entière collaboration.
M. le Président, avec votre permission, nous aimerions ajouter
quelques brefs renseignements et remarques additionnels à notre
mémoire tel que soumis. A quelques reprises, hier, lors de la
présentation de mémoires, le nom de l'ACDL a été
mentionné. Permettez-moi donc, M. le Président, d'apporter des
précisions aux différents points qui ont été
soulevés. (18 h 15)
On a mentionné que l'ACDL était un organisme
subventionné. A ce que je sache, le fait de recevoir des subventions
pour des projets bien précis, même pour des projets à but
lucratif et rentable, ne constitue pas, en soi, un défaut. A ce
compte-là on se poserait de sérieuses questions sur les
subventions accordées aux maisons d'édition et à certaines
maisons de distribution.
Au cours de la dernière année, l'ACDL a reçu une
subvention du ministère des Affaires culturel- les pour administrer un
service de recherches bibliographiques, service intensément
désiré et par les libraires et par le ministère des
Affaires culturelles.
Et si l'on parle de subventions, je serais porté à dire
qu'au cours de la dernière année, c'est plutôt l'ACDL qui a
subventionné la distribution du livre québécois en
participant financièrement à l'exportation du livre
québécois de concert avec le ministère de l'Industrie et
du Commerce.
On a de plus discuté du rôle de l'ACDL dans le
marché de la distribution. Je ferai remarquer à cette honorable
commission que l'ACDL est dans le marché de la distribution depuis plus
de 18 ans, c'est-à-dire bien avant que la distribution soit une
opération payante au Québec.
L'ACDL comble un vide dans la distribution en administrant
principalement des "stocks" de livres religieux, mais même si tel
n'était pas le cas, on ne pourrait reprocher à l'ACDL d'exercer
le commerce de la distribution au même titre que l'on ne peut reprocher
à un distributeur de concurrencer un autre distributeur.
Il est faux également de prétendre que l'ACDL a
érigé en système le court-circuitage. Le service
d'importation de l'ACDL se limite presque exclusivement au groupage de
transports et, d'ailleurs, ce service de groupage de transports est
utilisé et par les libraires et par des distributeurs, mais l'ACDL n'est
pas maître des commandes placées directement en Europe par ses
membres.
Nous avons mis sur pied depuis environ un an, un service de
dépannage au profit des membres libraires pour leur faciliter
l'approvisionnement de livres qu'ils peuvent difficilement se procurer. Quand
le libraire est appelé à transiger avec plus de 500
éditeurs et j'en oublie il est difficile de
connaître toujours parfaitement qui distribue qui.
L'ALQ publie à l'occasion un bulletin qui tente d'identifier les
distributeurs, eu égard aux maisons d'édition, mais les
changements fréquents qui se produisent dans le marché de la
distribution font que le bulletin n'est déjà plus à jour
lors de sa parution. De plus, il faut comprendre que le libraire, face à
une commande de client, doit prendre tous les moyens possibles pour obtenir le
livre demandé et même il doit parfois commander en Europe des
livres qui sont en distribution exclusive au Québec, soit parce que le
distributeur ne tient pas en stock un fond qui date d'un certain nombre
d'années, soit parce que le distributeur, face à une rupture de
stock, utilise le transport maritime, ce qui apporte des délais de
livraison de six à dix semaines, alors que le libraire doit utiliser le
fret aérien plus coûteux mais plus rapide afin de répondre
à la demande de sa clientèle.
Ce dépannage, car c'est bien du dépannage et non du
court-circuitage, dans bien des cas est plus dispendieux pour le libraire que
l'approvisionnement chez le distributeur. Le libraire a le choix entre ne pas
répondre adéquatement à la demande de sa clientèle
et risquer de la perdre, et s'approvisionner directement de l'éditeur
mais à un coût beaucoup plus élevé.
M. le Président, je vous remercie de m'avoir accordé
l'opportunité de préciser ces points.
Le Président (M. Blank): Merci. M. le ministre.
M. Vaugeois: II y a tellement de choses qui ont été
dites depuis deux jours, que vous, de votre côté, vous avez senti
le besoin d'apporter des précisions supplémentaires. Cela va
probablement me dispenser de relever certains points de votre mémoire
qui a déjà reçu sa part de commentaires en d'autres
circonstances, mais je ne résiste pas à la tentation quand
même de relever une de vos préoccupations qui est
énoncée à la page 4. Alors que vous auriez souhaité
que le projet de loi contienne les grandes lignes d'une véritable
politique de la lecture, je vous avoue que j'aurais aimé que le projet
de loi soit fort différent, que ce soit une belle pièce de
littérature écrite plutôt par Gérald Godin que par
nos conseillers juridiques et que ça se lise bien, que ce soit
agréable, que ça dise nos intentions, etc., etc.
Sauf que ce n'est pas ça, un projet de loi. On ne peut introduire
dans un projet de loi, vraiment, ce qu'on peut appeler les
éléments d'une politique de la lecture, puisque ça donne
lieu à des actions concrètes, ponctuelles, impliquant des budgets
qui varient toujours, qui sont réajustés constamment. Ce n'est
pas ce genre de préoccupations qui trouvent facilement leur place dans
un projet de loi.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de politique de lecture qui s'en
vient.
M. Rivest: ...
M. Vaugeois: Je suis là pour ça. Vous me payez un
salaire, involontairement peut-être, pour faire ça.
M. Rivest: ... au dernier mémoire, je voulais quand
même vous le faire dire une autre fois.
M. Vaugeois: C'est ma raison d'être, actuellement.
Il y a d'autres paragraphes que j'ai envie de relever, mais avec une
autre préoccupation. Mon collègue d'en face m'a vu souligner,
à la page 7, au milieu de la page, une affirmation qui est la
vôtre, "les Québécois possèdent, dans le domaine du
livre, assez d'expertise et d'expérience pour établir leur propre
maison, etc." Cela m'a fait plaisir de le trouver dans votre
mémoire.
Vous posez, en haut de la page 8, une question. Je vais essayer d'en
relever quelques-unes comme ça et vous donner des réponses quand
je le peux. "On peut se demander quelles sont les personnes ou les organismes
concernés par cette loi, s'agit-il de toutes les entreprises de
distribution et de librairies?" Disons qu'en général la
réponse est qu'effectivement on pourrait probablement poursuivre l'ACDL,
si vous contreveniez à certains aspects de la loi comme distributeurs,
si vous vendiez délibérément des livres à une
institution, à une bibliothèque subventionnée. Ce serait
une façon d'enfreindre la loi, même si vous n'êtes pas
distributeur agréé. C'est le sens du paragraphe suivant, "toute
personne qui fait la distribution de livres au Québec doit se conformer
aux normes et barèmes déterminés", donc respecter les
tabelles que sa propre association, avec nous, va établir.
Eventuellement, respecter aussi la structure qu'on essaie de proposer.
M. Rivest: Je trouve que c'est la bonne réponse, est-ce
que ça s'appliquerait...
M. Vaugeois: Merci, M. le député de Jean-Talon.
M. Rivest: ... je me suis demandé moi aussi, à la
lecture du mémoire, si ça s'appliquerait également aux
j'imagine que oui éditeurs et aux libraires, sur quelle
base juridique, je ne l'ai pas vu dans la loi, qui feraient une transaction
avec une institution ou un ministère du gouvernement. Directement, mais
pourquoi, pour les distributeurs, fait-on une disposition particulière
et ne retrouve-t-on pas une disposition analogue qui est une disposition pour
des gens qui ne seraient pas agréés et qui entrerait dans le
domaine réservé, au sens de la loi, à ceux qui sont
agréés? Cela s'applique non seulement aux distributeurs, mais
aussi aux éditeurs et aux libraires qui pourraient faire la même
chose. Mais eux, ils n'ont pas de régime de sanction.
M. Vaugeois: J'aurai une réponse plus complète dans
deux minutes, parce que je veux faire trouver un article de la loi qui
prévoit qu'on puisse éventuellement poursuivre, par exemple, un
fonctionnaire qui ne respecterait pas la façon de procéder aux
achats pour les bibliothèques du gouvernement. Mais le distributeur est
plus expressément visé, parce que c'est lui qui,
éventuellement, fixe la tabelle, qui est un peu au coeur de tout le
mouvement. Il est plus susceptible d'avoir des faiblesses. Egalement, il peut
avoir davantage de tentations, de s'adresser directement à
l'institution.
Mais quand on en vient à vérifier qui peut se rendre
coupable d'infraction, on a l'article 41 qui dit: "Toute personne
trouvée coupable d'infraction à la présente loi ou
à un règlement est passible..." etc.. etc. Je vous ferai
remarquer d'ailleurs que personne ne s'est inquiété de cet
article, parce que tout le monde aura compris que la loi est la même pour
tout le monde. Même ceux qui ne sont pas agréés sont tenus
de respecter cette loi. S'ils ne sont pas agréés, c'est parce
qu'ils ne sont pas intéressés au marché visé par
l'agrément. Donc, ils doivent se tenir à l'écart de ce
marché.
Il y a d'autres questions, au bas de la page 8, "quant au prix de vente
public, le gouvernement veut-il imposer des normes et barèmes pour tout
commerce du livre?" Disons que ce n'est pas si clair que ça. Pour ma
part, je souhaite que ça continue comme maintenant, au Québec. Ce
qui rend le commerce du livre, malgré tout, quasi nor-
mal, c'est qu'on a généralement respecté le prix de
détail suggéré par l'éditeur
québécois, en l'occurrence, ou encore, on a
généralement respecté le prix qui découlait de
l'application d'une tabelle.
Cela m'apparaît être un marché beaucoup plus sain que
le marché du disque, par exemple, où là, la pratique des
prix est absolument sauvage et fait que les petits ne s'en sortent pas; un
petit disquaire ne peut à peu près pas résister à
l'assaut, et nos compositeurs, nos interprètes ont de la
difficulté à être sur disques. A moins de devenir une
vedette et de trouver quelqu'un d'intéressé à les
produire, c'est assez difficile pour eux de démarrer. Je le vois au
ministère, les producteurs québécois de disques ont
beaucoup de difficulté à arriver, c'est un marché
absolument incontrôlable.
Tandis que, dans le domaine du livre, il faut admettre que c'est assez
facile d'être édité au Québec. La concurrence
cherche à se faire non pas sur les prix, mais sur la qualité des
services et je trouve ça extrêmement heureux. Quelque part, dans
votre mémoire, vous faites allusion à une certaine liberté
que la France cherche à se donner au niveau des pratiques commerciales.
Je pense que le gouvernement français a été amené
à intervenir avec le prix net, parce qu'il y avait même des
politiques de mise en marché qui misaient sur le "discount". Quand le
commerce de détail s'organise sur cette base, c'est une
conviction personnelle tout devient de travers, parce que la grosse
entreprise qui pratique la politique de "discount" va chercher une partie de
ses 20% accordés au client sur le type qui lui fournit ses livres.
Finalement, celui qui lui fournit les livres est obligé de corriger son
prix pour être capable de donner une "surremise" et c'est l'autre,
à côté, qui ne peut pas négocier de "surremise", qui
se trouve à vendre le produit plus cher. Finalement, celui qui profite
des 20% paie à peu près le prix qu'il aurait payé
autrement, et celui qui ne va pas acheter chez celui qui accorde les 20% de
remise paie plus cher. Je conçois que ces politiques de "discount", ces
politiques de mise en marché basée sur le "discount",
créent un marché absolument sauvage qui permet aux gros de faire
des meilleures affaires, mais qui éclipse les petits. Il suffit de voir,
au Québec, la situation faite aux libraires. Malgré toutes les
difficultés que M. Laliberté a rappelées tout à
l'heure, la situation est quand même beaucoup plus saine que celle faite
aux disquaires qui, eux, ne peuvent vraiment pas résister à
l'assaut des gros, sauf de rares exceptions et sauf des regroupements qui sont
absolument essentiels pour eux.
Cela m'amènerait d'ailleurs à vous poser une question.
Quelqu'un de l'extérieur pourrait se demander comment il se fait que les
libraires n'ont jamais réussi à organiser une structure d'achat.
Vous avez fait allusion aux services que vous offrez, je sais que vous avez eu
des expériences d'achats regroupés, mais comment se fait-il que,
par le passé, les libraires n'en soient jamais venus à avoir des
structures groupées d'achats, comme on trouve dans la plupart des
commerces. Les épi- ciers indépendants se sont regroupés,
à peu près tous les indépendants de partout se sont
regroupés, les disquaires indépendants cherchent à se
regrouper. D'après moi, c'est leur seule chance d'ailleurs de passer
à travers. Comment se fait-il que les libraires indépendants
n'aient pas eu tendance à se regrouper? Ils le font par votre
association, ils échangent des services par votre association mais ce
n'est pas aller aussi loin que l'achat groupé, qui pourrait être
une réponse d'aiIleurs aux distributeurs qu'on a remis en question
à certains moments. Ce n'est pas parce que nous respectons la fonction
de distributeur que tout le monde se doit de la respecter. On aurait pu
s'attendre à ce que les libraires nous disent ou que l'ACDL nous dise:
Nous, nous préconisons un regroupement des libraires qui feront leurs
achats et qui, regroupés par le biais de l'ACDL, seront capables d'aller
chercher les livres aux meilleures conditions et les amener ici pour les mettre
en stock à la disposition des détaillants. Comment se fait-il que
vous n'ameniez pas ce genre de proposition?
M. Choquette: M. le ministre, il me fait plaisir d'inviter notre
président du conseil, M. Martin, à aborder le sujet du groupement
d'achats.
M. Martin (Jacques): A quelques occasions, dans le passé,
il y a eu des groupements d'achats pour des titres, mais ça s'est
limité à certains titres et dans des cas très
limités.
Le commerce du livre est quand même très différent
des autres genres de commerces. Dans le regroupement d'achats, il n'y a pas
d'avantage évident, dans la situation actuelle, je dis dans la
situation actuelle, je reviendrai peut-être plus tard pour une situation
future à grouper des achats, parce qu'il n'y a à peu
près pas de remise supplémentaire pour des achats
considérables. (18 h 30)
Vous n'avez pas la même situation que dans d'autres commerces. Je
fais partie personnellement d'un groupement d'achats en papeterie; mais, dans
la papeterie, on peut négocier parce qu'on peut changer de fournisseur.
Dans le livre, on ne peut pas changer d'éditeur. Tel titre est
édité chez tel éditeur et est distribué par tel
distributeur et on ne peut pas l'acheter ailleurs. Cela nous met dans une
position de marchandage très difficile.
Les distributeurs, les éditeurs, bien entendu, sont dans ce
marché-là et suivent les normes du marché. Il existe, en
France, un groupement de libraires assez puissant qui ont regroupé des
services et le groupement d'achats a été pour eux une toute
dernière préoccupation. Cela fait, je crois, 17 ans que le
groupement existe et ils n'ont pas encore touché au groupement d'achats
parce que cela ne leur apportait aucune amélioration dans leur
condition. Le seul point de groupement d'achats qui peut être
intéressant, c'est le groupement d'achats pour les petits
éditeurs, en fait un service de dépannage embryonnaire qu'on a
commencé il y a un an, mais qui pourrait être
amélioré.
Il y a peut-être 500 à 600 éditeurs chez qui chacun
des libraires commande une ou deux fois
par année, mais si on regroupe les commandes de cinquante et
soixante libraires, on peut peut-être, à un moment-donné,
arriver à des commandes plus importantes chez ces petits
éditeurs-là. Les libraires français ont le même
problème que nous autres. Ils n'ont pas encore jugé bon de
toucher au groupement d'achats.
Dans l'avenir, il est possible qu'il soit différent, surtout avec
l'apparition du prix de cession, en France. Le prix de cession, en France, est
en fait un prix de base sous lequel l'éditeur peut aller et sous lequel
il peut aller selon l'importance de son interlocuteur, de son client. On voit
actuellement que des maisons d'édition offrent des prix de cession nets
pour certaines catégories de libraires, moins 10%, moins 20%, moins 31%
même sur un prix de cession, mais dépendant de l'importance du
libraire. Là, on va peut-être voir apparaître
l'intérêt pour des libraires de se regrouper pour arriver à
des commandes globales, mais on fait affaires au Québec à une
situation un peu particulière de par l'existence des distributeurs
exclusifs qui mettent à notre disposition les stocks des maisons
d'édition françaises. Les maisons d'édition
françaises, par l'entremise de leur distributeur exclusif, vont-elles
appliquer des politiques commerciales semblables à celles qu'elles
semblent vouloir pratiquer en France? Peut-être, on ne le sait pas. Mais
il reste évident qu'il est important que les libraires se regroupent,
mais pour des services.
Le service des transports, c'est déjà connu par l'ACDL. Il
y a un avantage direct à se regrouper pour le transport, aussi bien pour
le transport d'importation de l'étranger que pour le transport à
l'intérieur du Québec. Il y a également d'autres services
qui peuvent être développés et il est dans l'intention de
l'ACDL, à travers un réorganisation juridique de l'ACDL, en
accordant peut-être à l'ACDL une situation financière
structurée, mieux structurée, d'offrir d'autres services comme,
par exemple, les services d'intérêts financiers, de groupement de
paiements; des services d'informatique, de mettre au service des libraires des
programmes conjoints de traitement de données pour l'analyse de leurs
ventes, l'analyse de leurs coûts; des services de marketing aussi qui
pourraient aller jusqu'à des programmes conjoints de publicité;
également des services de recherche bibliographique, d'inscription
à même un ordinateur, d'inscriptions bibliographiques pour
l'édition québécoise, pour l'édition
française, étrangère, et des services de relation avec les
éditeurs; transiger avec des éditeurs, avec des distributeurs en
groupe pour régler des problèmes de portée
commerciale.
Il y a énormément de travail à faire
là-dessus et on peut assurer M. le ministre que les efforts qui seront
fournis pour permettre aux libraires de rentabiliser leurs commerces, nous
sommes très heureux des efforts que le ministère a faits et nous
pouvons lui assurer que de notre côté nous ferons des efforts pour
rentabiliser aussi nos commerces de librairies.
M. Vaugeois: D'accord. Je vous remercie, j'ai trouvé cela
pour ma part, en tout cas, très éclairant. J'ai eu une
explication quant à votre information sur la France.
M. Rivest: M. le ministre, si vous le permettez. De la
façon dont vous avez posé la question, j'ai vu presque une
incitation à créer une centrale quelconque des achats.
M. Vaugeois: Non, mais puisque le problème...
M. Rivest: Vous aviez l'air pas mal enthousiaste.
M. Vaugeois: Puisque le problème a été
soulevé hier, vous me faites penser que je pourrais poser une question
à la suite de tout cela. Je pourrais... Je vais la poser.
M. Rivest: II est tard, M. le ministre.
M. Vaugeois: Oui, mais c'est important parce qu'il y a une
situation nouvelle créée en France actuellement et c'est
tellement important pour nous le livre français. Au début, quand
le prix net a été annoncé, je comprenais que le prix net
allait être un prix uniforme et obligatoire pour tout le monde. Je
trouvais cela intelligent. Je me disais: c'est plein de bon sens. Tout le monde
paie le livre le même prix et si la FNAC veut faire des prouesses dans sa
mise en marché, tant mieux, si elle veut faire des économies
d'échelles, tant mieux, mais quand elle donnera un escompte de 20%, elle
le prendra sur sa marge. Le petit libraire à côté, il fera
ce qu'il voudra sauf que, finalement, ce n'est pas cela. Vous venez de me le
confirmer à la suite des enquêtes que vous avez pu faire. C'est
qu'on peut s'attendre à ce que le prix net puisse varier, puisse faire
l'objet de "surremise", de quantité, de service, Dieu sait quoi,
d'amitié, de voisinage. On peut donc s'attendre à ce que nos
distributeurs qui ont été négligents par le passé
et qui, semble-t-il, payaient allègrement le prix qu'on leur demandait
en se disant qu'ils avaient toujours la tabelle pour se rattraper, ce dont je
doute, d'ailleurs...
M. Rivest: Et se rattraper.
M. Vaugeois: Non. Qu'ils n'aient pas négocié les
conditions qu'ils ne nous ont jamais avouées. Je me dis qu'actuellement,
s'ils ne le font pas, là cela va être haro sur le baudet.
M. Rivest: C'est de la projection, n'est-ce pas, M. le
ministre?
M. Vaugeois: Oui. Je suis certain que vous allez le faire. Je
suis certain que vous et d'autres, devant le prix net, vous allez vous dire: Un
instant, le service, on le donne. La publicité, on la fait. Les
quantités sont là. C'est 12,5% du total des exportations
françaises qui viennent ici. C'est quand
même quelque chose. C'est un marché énorme que nous
représentons pour le livre français, je pense que c'est de
l'ordre de $98 millions actuellement qui vont à l'exportation. De toute
façon, c'est important, et le distributeur ici là est vraiment en
situation pour aller chercher ses "surremises". Un regroupement de libraires
qui ne se justifiait peut-être pas antérieurement pourrait se
justifier maintenant parce que la "surremise" va donc être
consacrée et les libraires en France, on peut s'attendre à ce
qu'au-delà des services qu'ils se sont donnés, que vous venez de
nous expliquer, songent peut-être à se négocier des achats
de quantités pour profiter de "surremises". Là la question vient
après tout ce long commentaire. Si on proposait à l'ACDL
d'étudier la possibilité en tant que regroupement de
libraires d'ajouter un volet, celui de l'achat regroupé pour
profiter de la "surremise", est-ce que l'ACDL accepterait d'étudier une
telle proposition?
M. Martin: M. le ministre, on ne voudrait pas, sûrement
pas, nous tenter de court-circuiter. C'est pour cela que je mentionnais qu'il y
a un point d'interrogation dans tout ce marché, c'est l'impact que va
avoir cette politique du prix net en France ici au Québec. Est-ce que
les éditeurs français vont appliquer une politique commerciale
semblable ici au Québec?
On nous dit que les éditeurs français vont avoir des
catalogues de vente pour l'exportation avec un prix indiqué. Il ne
faudrait pas qu'on soit en position de comparer le prix qu'on serait
obligé de payer ici par une distribution exclusive au prix qu'on
pourrait aller chercher par une méthode de "surremise" directe en
France. Actuellement, on compare un prix français avec une remise sur un
prix français et un prix canadien avec une remise sur le prix canadien,
mais on n'a aucun pouvoir et, avant le 1er juillet, il n'y avait aucune
possibilité ou à peu près pas d'avoir de "surremise" sur
les prix français. C'étaient quelques pourcentages. Mais si on va
dans certaines catégories, comme on en a vu chez un éditeur,
à 31%, 31.5% de moins du prix de cession, si cela ne se reflète
pas dans les livres distribués ici, on va se mettre à comparer
des prix joliment différents.
Une Voix: ...
M. Martin: Je pense que ce n'est pas nécessaire de le
dire. On pourrait vous donner la photocopie, c'est une politique commerciale.
On pourrait donner la photocopie de la politique commerciale de la maison, mais
il y a cinq ou six catégories de livres et toutes sortes de
catégories de remises. On ne se retrouve à peu près pas
dans ce genre là. Le nom m'échappe, mais cela pourrait vous
être communiqué.
M. Vaugeois: Je vais vous laisser repenser à tout cela.
Autrement dit, le volume que vous transportez sur l'Atlantique, j'entends le
poids, qui est actuellement assez considérable sans doute, vous dites
que c'est un des services que vous offrez... On peut se demander, si on est
distributeur surtout, quels livres vous pouvez bien transporter. Au fond, cela
devrait être des livres pour lesquels, normalement, il n'y a pas de
distributeur ici, encore que vous fermiez les yeux là-dessus, vous ne
demandez pas ce qu'il y a dans les colis. Je ne vous chicane pas
là-dessus. Oui, allez-y.
M. Martin: Juste un point, M. le ministre. On transporte pour
beaucoup de distributeurs. Alors, il y a beaucoup de livres qu'on transporte
qui font le poids ou le volume, mais qui sont des livres importés par
les distributeurs.
M. Vaugeois: D'accord. Alors, la différence c'est que,
même si on ne vous suggérait pas de vous transformer en centrale,
s'il y avait des abus évidents dans la façon de répercuter
les "surremises" sur le prix ici, on pourrait s'attendre que, dans ce que vous
transportez sur l'Atlantique, il y ait de plus en plus d'ouvrages, de commandes
destinés à des regroupements de libraires ou à des
libraires individuels. Autrement dit, quand on voit les distributeurs exclusifs
se faire contourner par des libraires, c'est que, généralement,
d'après vous, je vous pose la question, le libraire considère que
c'est avantageux pour lui, soit parce qu'il n'a pas les livres autrement, soit
parce qu'il a de meilleures conditions de remises.
M. Choquette: M. le ministre, il y a deux genres d'importations.
Il y a les petites quantités ou les commandes à l'unité.
Si le libraire les commande par notre entremise, par le service de
dépannage, 80% sont des livres qui ne sont pas disponibles au
Québec. Ce sont des commandes spéciales de bibliothèques.
Là-dedans se glissent des livres qui peuvent, théoriquement,
être disponibles au Québec. Si le libraire fait appel au service
de l'ACDL pour placer sa commande en Europe pour des titres comme cela, nous
passons par des commissionnaires. Il y a deux ou trois intermédiaires.
Le livre revient par avion, ce qui veut dire que le livre revient au libraire
à un coût supérieur à ce qu'il aurait
été s'il l'avait acheté localement. Donc, s'il a pris la
peine de le faire venir par ce circuit, c'était pour remplir une
commande, c'était pour remplir un rôle. C'est une chose.
L'autre genre, c'est la commande qui est placée directement par
les distributeurs ou les libraires. Il y a des distributeurs qui sont aussi
libraires, qui placent aussi des commandes en Europe directement et qui
demandent tout simplement que ce soit livré par le groupage ACDL. Tous
ces livres, nous les groupons soit par avion, soit par bateau. Nous avons un
service confidentiel de dédouanement, et tout cela. Nous avons des
personnes à l'ACDL qui sont tout à fait au courant de ce qui est
transporté, comme n'importe quel courtier en douane est au courant de ce
que vous dédouanez, si vous importez de Chine ou d'ailleurs. (18 h
45)
Nous pouvons c'est d'ailleurs un service tout à fait
confidentiel, qui est même ultraconfidentiel à l'intérieur
de la maison voir facilement quels fonds sont court-circuités et
quels autres ne le sont à peu près jamais. Ce sont toujours les
mêmes qui sont court-circuités. Que le libraire vienne d'une
extrémité ou de l'autre de la province ou de Montréal, ce
sont les mêmes fonds qui sont court-circuités. Je pense que c'est
symptomatique d'une situation. Il y a des fonds qui ne sont jamais
court-circuités, ce qui veut dire j'en conclus, même si je
suis tout nouveau dans l'ACDL qu'il y a des fonds qui sont très
bien servis au Québec, et à des prix raisonnables. Il n'y a aucun
avantage pour les libraires de court-circuiter.
M. Vaugeois: Merci, M. Choquette. Vous venez de nous apporter
là un point de vue extrêmement intéressant. J'aurais encore
trois petites questions ou trois petites réponses. A la page 10, vous
posez une question: Comment peut-il se procurer des volumes qui n'ont pas de
distributeur au Québec et au Canada, ou dont le distributeur local n'est
ni Québécois, ni Canadien? C'est à cet égard le
statu quo. On m'a référé dans le règlement, ou en
tout cas, il y a quelque part un règlement qui prévoit la chose.
C'est comme avant. Quand il n'y en a pas... Cela a changé de "bag"... En
tout cas, c'est comme avant. Cela répond à votre question. C'est
écrit dans un des projets de règlement.
Le deuxième point, vous insistez au bas de la page 11 sur ce
service d'information et de recherche pour lequel vous avez reçu...
Oui?
M. Choquette: M. le ministre, je m'excuse. Si vous revenez
à la question précédente, cela peut permettre aux
libraires de s'approvisionner ailleurs et directement s'il n'y a pas de
distributeur local. Quand il y a un distributeur canadien ou local, le libraire
qui n'est pas soumis à cette obligation, peut tout à fait
court-circuiter, et vous n'avez aucune mainmise dessus.
M. Vaugeois: D'accord.
M. Choquette: A ce moment, ce libraire qui présentement
n'existe pas peut-être ou existe très peu... ces points de vente
ou d'autres, cela peut se développer et faire une concurrence
très forte aux libraires agréés. Ce qui veut dire que le
court-circuitage serait permis pour un certain groupe et ne serait pas permis
pour ceux qui sont agréés.
M. Vaugeois: Oui. C'est pour cela qu'il faut que tout le monde se
discipline. Autrement, il y a des abus. Vous avez dit vous-même
précédemment que les abus, vous les constatez quand d'autres
abusent. Alors, il faut éliminer les abus autant que possible un peut
partout. C'est l'article 13a du règlement no 4 qui rappelle le statu
quo, dans le cas de commandes qui ne peuvent pas être fournies, ni
remplies par des distributeurs agréés ou pas, agréables ou
pas.
A la page 11, l'ACDL offre des services d'information et de recherche.
Cela a fait l'objet d'une petite subvention spécifique du
ministère. J'aimerais profiter de la circonstance pour vous demander si
vous avez des statistiques sur les demandes ou si, à ce moment, vous
dites qu'il y en a beaucoup, que c'est un service populaire. Est-ce que vous
pouvez être plus spécifique?
M. Choquette: J'ai confié à M. Marc Saint-Jean la
mise en marche de ce service. Je demanderais, s'il vous plaît, de...
M. Saint-Jean (Marc): Actuellement, j'ai une commande de 2000
volumes en Europe en attente. Cela date d'à peu près deux mois.
Je pourrais dire qu'on aurait à peu près 1000 demandes par mois.
Il ne faut pas oublier aussi, même si le ministre a des
règlements, surtout pour la profession, que nous sommes obligés
de traiter les commandes d'une façon absolument surprenante pour autant.
Je comprends très bien que le petit libraire qui a besoin de livres
parce qu'il y a une université dans sa ville qui lui demande souvent des
livres, s'il fait venir un livre pour une commande venant d'Abidjan ou de
Turquie ou de la Roumanie ou de l'Université de Lyon, il y a le titre
qui est à peu près, l'auteur qu'il faut corriger souvent, et la
maison d'édition, c'est assez rare qu'elle soit exacte. Il faut
commencer par cela, et ensuite, il faut s'adresser si l'on peut directement ou
en passant par un commissionnaire, ce qui demande beaucoup de travail. Je peux
dire qu'on pourrait avoir à peu près 1000 demandes par mois qui
nous viennent d'à peu près tous nos membres et qui nous viennent
même d'autres personnes que nos membres. Quand vous parlez des demandes
des universités, nous avons beaucoup de demandes de libraires, et on
s'aperçoit bien que ce sont des livres qui sont demandés par les
universités, que ces universités ne peuvent pas trouver au
Québec. C'est pour cela qu'elles s'adressent à nous pour les
trouver.
M. Vaugeois: D'accord. Je vous remercie de ces précisions.
Je prends votre conclusion pour conclure. Ce projet veut rétablir les
responsabilités du ministre à l'égard d'une politique de
développement de l'industrie culturelle.
Le ministre, à mon avis, devrait devenir beaucoup plus un chien
de garde pour s'assurer que ce qui a été convenu entre les
différents professionnels concernés est appliqué, mais,
dans mon esprit, ce projet de loi renvoie à la profession l'ordre qui
devrait régner, la responsabilité même de l'ordre qui
devrait régner.
Il y aura un comité ou un conseil supérieur du livre et de
la lecture mis en place. Je pense que ce conseil aura un rôle à
jouer. Pour ma part, ce que je souhaite, c'est que les responsabilités
du ministre en la matière se réduisent à presque rien,
sinon à rien; ce serait la démonstration que la profession s'est
disciplinée et que chacun fait le travail qu'il choisit de faire.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Une question... J'ai un problème plus
compliqué que celui du ministre. Evidemment, on va poser plusieurs
questions et la plupart des dimensions reviennent. Mais le ministre pose les
questions avant moi et, comme il connaît très bien le domaine, il
en pose beaucoup et il me vole mes questions.
Moi, j'en aurais seulement une pour obtenir une précision. Enfin,
si vous pouviez étayer davantage ce que vous dites à la page 9.
Heureusement, le ministre est passé par-dessus. Vous dites: "II
faudrait, dans ce cas, que les marges brutes consenties aux libraires
c'est une crainte, au fond, que vous exprimez soient acceptables et que
les conditions imposées par l'agrément ne soient pas trop
onéreuses."
Qu'est-ce que vous visez je comprends ce que ça recherche
mais qu'est-ce que vous craignez, finalement, par une telle
affirmation?
M. Martin: En fait, dans le projet de loi, il y a des affaires
qu'on a sues depuis qu'on est ici, mais on ne savait pas ce que le gouvernement
voulait dire quand il disait: On va fixer des normes, on va fixer des
barèmes, etc. D'après nous, l'intention du gouvernement de fixer
certaines normes, certains barèmes, c'est parce qu'il est le client, de
par le règlement no 4. Il veut bien que le prix qu'il va payer soit
acceptable. On dit que, dans ce cas, il faudrait que les marges brutes
consenties aux libraires soient acceptables. On se demande, ou on se demandait,
quand le gouvernement, dans l'article 4 du projet de loi, dit qu'il y a des
normes qui vont être appliquées, les normes, c'est le prix de
vente, la remise aux libraires, etc., si la remise sera acceptable. On ne le
sait pas. On le souhaite, tout simplement.
Quand on parle de la section 4 de l'avant-projet de règlement 4,
c'est la question de la facturation. On remarque quand même une
amélioration par rapport à l'ancienne loi. Dans l'ancienne loi,
on disait que le libraire devrait facturer de telle façon, tandis que,
dans I avant-projet, on dit que l'institution peut exiger... Si vous lisez ces
points, vous verrez que ça demande de l'information. Il y a
énormément d'information qu'il faut donner sur la facturation et,
comme on vend des livres qui sont aussi en tablettes, on ne vend pas seulement
des commandes spécifiques, on reçoit des livres qui sont aussi en
tablettes, il faut, pour chacun des livres, inscrire toutes les informations
qu'on nous demande là, pour que, quand arrive la livraison à
l'institution, on soit en mesure d'inscrire sur la facture toutes les
informations. Cela nous demande... Cela nous apparaît très
onéreux, par exemple, d'indiquer le prix de catalogue étranger du
livre, la collection, la marge ajoutée au prix net, ensuite, le prix
net, le prix de cession et ces choses-là.
Je ne sais pas si, dans le mémoire de l'association des
libraires, cela a été mentionné, mais je pense qu'il
serait très avantageux, aussi bien pour le ministère que pour les
libraires, que des rencontres aient lieu entre les libraires et le service du
ministère pour établir quelles sont les informations qui doivent
être inscrites sur les livres et sur la facturation. C'est ce qu'on veut
dire par onéreux.
M. Choquette: M. le Président, il semblerait que ces
choses-là aient été écrites par quelqu'un qui est
tout à fait au courant des derniers développements de
l'informatique et du "tele-ordering" dans le domaine du livre, tel qu'on a
commencé à le pratiquer en Angleterre et dans d'autres pays.
En fait, tous ces renseignements qui sont extrêmement
onéreux et difficiles à mettre sur les factures, avec les
nouveaux systèmes d'ordinateurs un simple coup de crayon à
lecture optique vous écrit tout cela et vous fait votre inventaire
perpétuel et tout le reste.
Cela me ramène à la question du groupement d'achats ou des
achats groupés. Dans un autre angle, les groupements d'achats ont
toujours créé une certaine crainte chez les éditeurs. Le
groupement des achats, à la demande, ou le "tele-ordering" qui a
été mis en pratique, si vous voulez, avec des
inconvénients entre les libraires britanniques et les éditeurs
britanniques et qui s'en vient aux Etats-Unis et dans certains pays, pour les
éditeurs québécois en particulier, et pour toute la
littérature française, mais avec des systèmes
d'ordinateurs, peut accélérer le mouvement des livres
à des coûts extrêmement réduits.
Les libraires, à travers la province, vous avez
déjà fait un premier pas dans ce sens en subventionnant les
appels téléphoniques. Il y a encore possibilité... je
passe mes samedis, ou à peu près, dans les librairies un peu
partout pour voir les demandes des clients, les réponses que les
libraires sont obligés de donner et les points d'interrogation qu'ils se
posent.
Avec tout cela, je pense que dans l'avenir, et dans un avenir
très immédiat, il faudra que les libraires
s'équipent, et c'est très onéreux au Québec, mais
cela pourra réduire les coûts et faciliter les approvisionnements.
Ce sera à l'avantage des éditeurs, à ce moment-là,
qu'il y ait une centrale d'approvisionnement ou un "clearing house" pour les
commandes des libraires.
M. Vaugeois: Je ne sais pas si certains d'entre vous avez lu le
journal Le Devoir il y a quinze jours ou trois semaines. Il y avait dans le
cahier littéraire du Devoir un billet qui rappelait les façons
extrêmement pittoresques que certains clients ont de demander leur livre.
Si ce papier du Devoir vous a échappé, je vous le signale, c'est
absolument savoureux. On demande un livre.
Le Président (M. Blank): ... Merci, M. le ministre.
Une Voix: Quel auteur?
M. Vaugeois: Vert.
Le Président (M. Blank): Je pense qu'avec ce
mémoire nous terminons la séance. J'ai déjà
reçu le dépôt du mémoire sur les activités de
McGraw-Hill et de celui du Syndicat national de l'édition. Je remercie
M. Choquette ainsi que ses collègues.
La commission ajourne ses travaux sine die.
Fin de la séance à 18 h 58
ANNEXE I
Mémoire sur les activités au
Québec de McGraw-Hill,
éditeurs son apport à la culture
québécoise et à son économie
A -Le statut actuel de McGraw-Hill
éditeurs
1-
Notre position dans l'industrie de
l'édition au Québec
McGraw-Hill Editeurs est présent au Québec depuis 1965,
année de la publication de ses deux premiers ouvrages en langue
française.
Son personnel est composé entièrement de
québécois francophones et son rôle est de publier des
manuels scolaires et autre matériel didactique en langue
française pour les besoins spécifiques des institutions
d'enseignement au Québec.
Nous sommes devenus, depuis 1965, un des plus importants éditeurs
au Québec, surtout grâce à notre spécialisation dans
les secteurs de l'enseignement professionnel et post-secondaire.
Avant notre arrivée sur la scène québécoise
en 1965, il existait peu d'ouvrages spécialisés, en langue
française, correspondant spécifiquement aux besoins du
marché.
Nous avons lancé à ce moment un programme d'édition
qui demeure toujours en vigueur. Ce programme vise à offrir aux
étudiants en enseignement professionnel et à ceux du
post-secondaire, les ouvrages en langue française les plus à jour
et de la plus haute qualité. En fait, nous avons publié au moins
un livre en français pour chaque spécialité majeure en
enseignement professionnel. Au cours des années, nous avons
révisé ces ouvrages régulièrement et sommes en
train de publier de nouvelles éditions, conformes au Système
international d'unités, de tous les titres actifs de notre fonds.
De plus, depuis quelques années nous avons
développé activement notre fonds d'édition au niveau
post-secondaire en publiant des ouvrages d'auteurs québécois et
des traductions adaptées. Ce fonds d'édition est maintenant riche
en ouvrages traitant de management et de sciences.
La totalité de nos traductions adaptées sont
réalisées au Québec et toute notre production est faite au
Québec. De plus, nous demandons toujours du papier fabriqué au
Québec que nous utilisons dans tous les cas où le papier requis
est disponible.
2-
Nos ventes par secteur
d'enseignement
A) Environ 17% de notre chiffre d'affaires provient de la vente de
livres de langue anglaise aux institutions post-secondaires.
B) Ventes d'ouvrages de langue française. Le secteur
élémentaire représente 8% des ventes, principalement les
sciences de la nature (Elementary Science Study) et le testing developmental,
Frostig "Images et modèles". Frostig, Maslow "Jeux et mouvements" et
P.H. Ruel et G. Collard "Epreuve de performance fonctionnelle en lecture".
Seulement 4% de ces ventes proviennent du secteur secondaire
général et sont concentrées en sciences: (Magnin
"Ecologie", Miron "Etudie ton milieu") et en anglais langue seconde: (N.C.T.E.
"English For Today").
Cependant 58% de nos ventes se situent dans le secteur de l'enseignement
professionnel au niveau secondaire et couvrent toutes les
spécialités. En enseignement technique: Crouse "Mécanique
automobile", Grob "L'électronique", Jensen "Dessin industriel", Groneman
"La menuiserie", Pender "Le soudage", etc. En enseignement commercial: Soeur
Marie-Ernestine "La collection de sténographie Gregg", Jean et
Thérèse Laperle "La collection de dactylographie moderne",
Françoise Genest "Le travail de bureau", A. Clas et P. Horguelin "Le
français langue des affaires", Audy & Myrand "Exploration
commerciale", Bérubé "L'informatique", Laflamme-Renaud "La
technique comptable", etc. Sans aucun doute, nous sommes les plus importants
éditeurs d'ouvrages d'enseignement professionnel au Québec.
Finalement 30% de nos ventes de produits de langue française proviennent
du niveau postsecondaire, tout spécialement en management: Pierre Laurin
"Le management", Meigs & Sylvain "La comptabilité", N. Khoury
"L'administration", Darmon "Le marketing" etc. et en sciences: "La collection
Schaum", Vander "La physiologie humaine", Hurlock "La psychologie du
développement", Morgan "Introduction à la psychologie", etc.
C) Ventes d'ouvrages de langue anglaise. Environ 50% viennent du secteur
élémentaire et secondaire anglophone du Québec et 50% des
cours de niveau plus avancé des cégeps et universités de
langue française.
Les ventes d'ouvrages en langue anglaise de ce dernier groupe
diminueront en fonction des publications en langue française qui, nous
le souhaitons, seront de plus en plus nombreuses. Il nous faut cependant, dans
chaque cas, faire une étude de rentabilité et s'assurer que
l'ouvrage en langue française ne sera pas offert à un prix
prohibitif.
3- Notre programme d'édition
a) Depuis 1965, nous avons publié près de 300 titres en
langue française dont plus de 100 écrits par des auteurs
québécois. Les autres sont des traductions d'ouvrages
américains et canadiens qui ont été adaptés au
contexte québécois. b) La grande majorité de ces ouvrages
se situent dans le secteur de l'enseignement professionnel et ceci est
reflété par les ventes: plus de la moitié des ventes
totales proviennent de ce secteur. c) Droits d'auteur En 1977, nous
avons payé $92 828 à des auteurs québécois. En
1978, ce montant était de $126 875, une augmentation de 36.7%. d)
Production En 1977, nous avons payé $528 919 à des
fournisseurs québécois de typographie, imprimerie, reliure, etc.
En 1978, le montant était de $719 337, une augmentation de $190 418 ou
36%.
4-
Notre personnel
(i) Notre personnel en 1979 est composé de 17 employés,
tous francophones québécois: éditeurs, réviseurs,
spécialistes en arts graphiques et spécialistes en marketing.
(ii) Nous avons payé des salaires de $280 897 en 1978, sur un
budget opérationnel de $504 097.
(iii) De plus, nous créons de nombreux autres emplois à
l'extérieur de notre Société: en traduction en
conception de design artistique en composition et arts graphiques
en imprimerie et en reliure.
Il est généralement convenu que, dans l'industrie de
l'imprimerie par exemple, à chaque investissement de $60 000 correspond
la création d'un emploi.
B -La propriété de McGraw-Hill
éditeurs
1. Nous sommes une succursale de McGraw-Hill Ryerson Limited dont le
siège social est à Scarborough, en Ontario. Nous sommes la
division de langue française de cette dernière. 2. McGraw-Hill
Ryerson Limited est une filiale de McGraw-Hill International Book Company et
est cotée en Bourse de Toronto, où 30% de ses actions sont
détenues par des canadiens. McGraw-Hill International Book Company est
membre de la grande famille de sociétés, oeuvrant dans les divers
secteurs de l'information, filiales à leur tour de McGraw-Hill Inc., qui
a son siège à New York, N.Y. 3. Il y a de nombreux avantages
à appartenir à la famille de McGraw-Hill:
(a) Accès au financement.
(b) Accès au fonds d'édition pour la traduction et
l'adaptation.
(c) Accès à la recherche et au développement.
(d) Accès à l'expertise et à l'aide technique.
(e) Mais surtout, l'accès aux marchés francophones
à l'extérieur du Québec, ouvrant des possibilités
d'exportation pour nos auteurs québécois et pour les ouvrages
produits au Québec.
(f) Tout ceci élargit les horizons d'emploi de notre
personnel.
C - Les problèmes auxquels nous devons
faire face
Plusieurs de ces problèmes touchent la plupart des
éditeurs au Québec et ont été soulevés
à la Conférence socio-économique sur les industries
culturelles; donc, nous nous contenterons de les énumérer: 1 - Le
marché restreint et son taux élevé de décroissance.
2- Certaines difficultés dans les communications avec le
ministère de l'Education et le temps parfois requis pour recevoir
l'agrément d'un ouvrage. 3- Le manque d'organismes publics de recherche
dans le domaine du matériel didactique et l'accès qu'ont les
éditeurs à ces ressources. 4- Les nouvelles technologies servant
à copier et à emmagasiner l'information. 5- L'escalade des
coûts de fabrication. 6- La politique du Livre qui date de 1972 et fait
du Québec un des rares marchés majeurs au monde où
l'éditeur ne sait pas où et à qui ses ouvrages sont
vendus, à cause de l'intermédiaire du libraire
agréé. Il est donc très difficile d'appliquer les
techniques contemporaines du marketing. 7- Le syndrome des exemplaires gratuits
où chaque enseignant au Québec croit que l'éditeur devrait
lui fournir un exemplaire de chaque ouvrage qui touche de près ou de
loin sa discipline. Ce fait doit être considéré en fixant
le prix de vente du livre, le rendant encore plus élevé.
8- Le bas niveau d'investissement, per capita, aux niveaux
élémentaire et secondaire, dans le manuel scolaire. En ce moment,
dans les meilleures circonstances, 20 exemplaires d'un livre sont
utilisés par 4 ou 5 groupes de 30 élèves chacun.
D - Un énoncé de nos
politiques
1. Nos plans d'édition sont depuis 1977 et pour l'avenir, du
moins à moyen terme, de concentrer nos efforts et notre investissement
sur la production d'ouvrages en langue française pour les niveaux
collégial et universitaire. Concurremment, nous continuerons à
reviser et à publier des ouvrages qui viendront s'ajouter à ceux
déjà publiés en grand nombre dans le secteur de
l'enseignement professionnel. 2. En même temps, puisque les livres
spécialisés et universitaires sont les plus facilement
exportables, nous maintiendrons nos efforts d'exportation des ouvrages de
production québécoise dans toute la francophonie par le biais des
filiales de McGraw-Hill International Book Compagny à travers le monde.
McGraw-Hill Editeurs est devenu le centre de l'édition française
de cette famille internationale et les ventes en exportation ont
augmenté sensiblement depuis quelques années. 3. Il y a un
certain climat nécessaire à la mise en oeuvre de ces plans: nous
ne demandons aucune forme de subvention ni d'aide financière. Cependant,
nous devons avoir l'assurance du gouvernement du Québec que les livres
et autre matériel didactique ne seront choisis et achetés qu'en
fonction de leur valeur pédagogique et économique.
E - Recommandations 1. Une amélioration des communications
entre les divers ministères du gouvernement et les éditeurs comme
nous, qui ne pouvons être membres à part entière
d'associations qui ont des règles de propriété
québécoise qui nous excluent, ou comme d'autres éditeurs
qui choisissent de ne pas devenir membres d'associations pour d'autres
raisons.
Le souci de traitement équitable et de bon management
suggère que tous ceux de qui l'on attend une contribution à la
culture et à l'éducation soient tenus informés:
A) des développements pédagogiques et des délais
d'implantation qui allouent une période raisonnable de recherches et de
développement.
B) des contenus spécifiques des programmes, ce qui
améliore les chances que le matériel publié soit conforme
aux besoins.
C) du processus d'évaluation et d'approbation des manuels et
autre matériel didactique; du délai qui peut raisonnablement
précéder une décision concernant l'agrément. Si un
ouvrage est rejeté que l'on reçoive une copie d'au moins une
évaluation pour pouvoir déterminer où se trouve notre
erreur et avoir l'opportunité d'améliorer notre produit. 2. Si
une "industrie" gouvernementale telle la Direction générale des
moyens de l'Enseignement accomplit un travail de recherche en éducation,
pourquoi ne pas partager les idées développées avec les
éditeurs commerciaux qui pourraient alors vraisemblablement
améliorer leur produit? 3. Nous recommandons un plan d'achat de livres
similaire au "Book Purchase Plan" de l'Ontario. Sous ce plan, un exemplaire de
chaque livre agréé apparaissant à la Circulaire 14 est
offert gratuitement à chaque école. Ceci diminue le nombre
d'exemplaires gratuits à distribuer et éventuellement
réduit les coûts, ce qui se reflète inévitablement
dans le prix du produit.
F - Conclusion
Nous, de McGraw-Hill Editeurs, croyons fermement que nous contribuons
autant que tous les autres québécois oeuvrant dans le secteur
culturel au bien-être économique et à la culture du
Québec.
En fait, à cause des politiques éclairées de
McGraw-Hill fondées sur une longue expérience en édition
éducative d'avant-garde, nous avons pu apporter une contribution plus
grande que nous aurions pu le faire dans d'autres circonstances.
Le fait que nous ayons publié les oeuvres de plus de 100 auteurs
québécois et produit près de 300 ouvrages de langue
française, tous entièrement au Québec, est sûrement
une preuve tangible de notre engagement à la cause de l'édition
québécoise.
Nous croyons avoir de fort liens de communauté
d'intérêts avec les éditeurs de manuels scolaires du
Québec, sans considération de leur propriété. De
par notre expérience, nous pouvons affirmer avec assurance que la
nationalité des actionnaires d'une maison d'édition n'a aucun
effet sur le contenu du livre qu'elle publie. L'accueil réservé
au contenu par les clients est le plus juste des arbitres et nos clients sont
tous québécois.
Nous sommes reconnaissants des avantages que nous avons en tant que
membre d'une grande société internationale et de la
liberté d'action dont nous jouissons en tant qu'éditeurs
québécois.
Nous, de McGraw-Hill Editeurs, sommes optimistes concernant les
possibilités qui s'offrent au Québec, qui nous permettront de
continuer d'augmenter notre investissement sur le territoire du
Québec. De cette façon, nous pourrons continuer à
faire bénéficier l'économie tout en apportant une
contribution culturelle en offrant des ouvrages en langue française dans
nos champs de spécialisation qui sont l'enseignement professionnel et
post-secondaire.
Et à cause de cette orientation, nous sommes également
optimistes face à la montée d'intérêt international
observée l'an passé pour nos ouvrages réalisés au
Québec. Nous croyons que c'est là où réside
l'avenir le plus prometteur.
ANNEXE II
Mémoire du Syndicat national de
l'édition
Le projet de loi n° 51 sur le développement des entreprises
québécoises dans le domaine du livre et les premiers projets de
règlement qui en détaillent les modalités d'application
ont été étudiés de manière approfondie par
les organismes dirigeants du Syndicat National de l'Edition.
Les dispositions de ces projets nous suggèrent un certain nombre
de réflexions que nous tenons à porter à votre
connaissance, tant elles nous paraissent importantes pour le commerce du livre
en général, comme pour le développement de la
collaboration franco-québécoise.
I)
II n'y a pas d'exemple, en dehors des pays à régime
socialiste, que la fourniture des livres étrangers aux
établissements publics soit réservée aux seules
entreprises dont les nationaux sont propriétaires.
S'agit-il de la France? le livre anglais est vendu à Paris par la
librairie W.H. Smith, le livre américain par la librairie Brentano, le
livre allemand par la librairie Flinker, etc.. Il en est de même dans
tous les pays occidentaux.
Quant aux éditeurs proprement dits, des éditions
canadiennes installées en France ne se sont vu objecter aucune condition
de francisation et de nombreuses firmes américaines, espagnoles ou
allemandes sont propriétaires de firmes éditoriales ou de
réseaux de distribution dans ce pays comme dans d'autres.
Il n'a jamais été considéré comme favorable,
en effet, pour l'édition et pour la librairie, de s'abriter
derrière une protection corporatiste: jamais celle-ci n'a
été facteur de création. Or c'est bien la création
littéraire que le gouvernement québécois cherche à
encourager puisque le manuel scolaire est hors de cause. N'y a-t-il pas quelque
paradoxe, dans une société libérale, d'affirmer son
respect pour la liberté d'expression et contre toutes les censures, tout
en réservant l'accès d'un marché important à une
catégorie privilégiée de distributeurs?
Ce projet de loi créé un précédent
redoutable dans le monde entier, puisqu'il introduit des restrictions dont
certains gouvernements n'ont pas osé prendre l'initiative jusqu'ici. Le
précédent du Québec risquera d'être utilisé
en particulier dans les pays en voie de développement et l'on assistera
alors à une réelle régression du commerce international du
livre et en particulier du commerce du livre francophone, régression
dont l'édition québécoise serait une des premières
victimes.
Qu'il y ait un agrément technique, fondé sur des
critères de service, que le contrôle de l'emploi des fonds publics
soit strict, nous ne trouvons rien à y redire, au contraire. Plus la
qualité des prestations s'accroît, plus le livre a de chances de
voir son audience s'élargir. Mais, au nom de la défense du
Patrimoine National, restreindre la concurrence, facteur de progrès et
d'émulation, c'est probablement inciter des non professionnels à
créer des entreprises plus ou moins qualifiées pour
bénéficier de la manne publique, c'est risquer de conduire les
milieux du livre à un engourdissement mâtiné
d'autosatisfaction.
Il y a une autre conséquence que les professionnels ne paraissent
pas avoir envisagée: c'est que, par le biais d'un agrément
fondé sur des critères de nationalité et non uniquement
technique, la voie est ouverte vers le monopole d'une centrale d'achat,
aboutissement logique de tous les arguments sous-jacents dans le texte du
projet de loi.
Il existe d'autres dangers professionnels dans le projet de loi n°
51. Non seulement les actionnaires, mais les dirigeants doivent être
canadiens. C'est se priver de la compétence des cadres techniques
étrangers à des niveaux essentiels, car la notion de "dirigeant"
est singulièrement floue et peut prêter à tout l'arbitraire
possible (voir l'article 15).
Il)
Certes, il est possible à un distributeur de ne pas être
agréé et de continuer à vendre des livres importés
à des libraires agréés. Mais on touche là à
un autre des aspects inquiétants du projet: c'est qu'il enserre
l'activité des professionnels dans un réseau d'obligations qui
risque de les priver de toute liberté d'action commerciale
réelle, en fixant de manière rigide, les prix de vente, normes et
barèmes (art. 4 du projet de loi, article 15 et 16 de l'avant-projet de
règlement n° 2 on ignore d'ailleurs encore quels seront ces
normes et barèmes). Le risque de telles fixations par voie
d'autorité est que les
"mauvais professionnels" rejettent, en cas d'échec, la
responsabilité sur la réglementation, c'est-à-dire sur le
gouvernement, cependant que les professionnels avisés
bénéficient de rentes de situation.
Cette tendance à la bureaucratisation, pour ne pas dire à
l'étatisation de nos métiers est perceptible dans de nombreux
aspects de la réforme envisagée (complexité de la
procédure d'agrément, de la procédure d'acquisition de
livres par les organismes publics). Or, les métiers culturels supportent
mal ou plutôt trop bien ces tendances.
En vérité on ne peut, sans grands risques se substituer
aux professionnels, notamment dans le domaine de la fixation des prix. Toute
erreur risque de porter un coup très grave à la circulation de la
culture française.
Ill)
En ce qui concerne la coopération
franco-québécoise, l'adoption du projet de loi n° 51 ne
pourrait être ressentie par les milieux français du livre que
comme une sérieuse atteinte à ce principe.
Il est bien évident, tout d'abord, que ce projet, même s'il
touche aussi des firmes nord-américaines, vise d'abord des entreprises
françaises qui ont eu, par le passé, maints déboires dans
leurs investissements et qui verraient, du jour au lendemain, la valeur de
ceux-ci réduite à zéro, puisqu'ils seraient contraints
à la vente forcée de leurs parts. Le gouvernement du
Québec semble ne pas prendre en considération cet aspect
important du problème. Ce gouvernement joue d'ailleurs sur le velours
car il sait pertinemment que le gouvernement français ne prendra pas de
mesures de rétorsion contre les firmes québécoises
installées en France. De plus, s'il bloque les investissements
étrangers, ce qui contredit le souhait plusieurs fois exprimé, de
voir les petites et moyennes entreprises s'installer au Québec, le
gouvernement de la province ne prive pas ses nationaux du
bénéfice de l'exploitation des ouvrages français.
On peut se demander ce que deviendrait le marché du livre au
Québec sans la participation des auteurs, éditeurs et diffuseurs
français ou francophones et à quel rythme il s'étiolerait,
malgré subventions et protections. Or, on ne voit pas pourquoi les
producteurs français se verraient interdits de séjour et de
commerce, après avoir pris le risque de la publication non seulement
d'auteurs du monde entier en langue française, mais en particulier
d'auteurs québécois qui, sans eux, ne seraient peut-être
pas arrivés à la même notoriété.
Ce genre de mesures unilatérales empoisonne une
atmosphère, freine toute velléité de collaboration,
écarte les investisseurs éventuels et installe la méfiance
dans les rapports des professionnels avec un pouvoir très influent dans
le domaine culturel.
Une très intense collaboration s'était établie
depuis de nombreuses années entre les entreprises, les associations
professionnelles, les gouvernements, dans les domaines de la production, de la
formation, de ladistribution; on ne voit plus très bien où se
situera le point d'application de cette collaboration et au nom de quoi les
producteurs français prendraient des risques sans contrepartie
assurée au Québec.
Il n'appartient pas à notre Syndicat d'entrer plus avant dans
l'analyse de ce problème qui est affaire de politique culturelle, donc
gouvernementale, mais si l'on peut déjà regretter que le Canada
n'ait jamais signé l'accord de Florence, on peut se demander, au vu des
mesures proposées, quel sera le sens d'une collaboration
française aux différentes actions québécoises de
promotion ou de diffusion.