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(Dix heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Boucher): La commission des affaires
culturelles est réunie pour entendre le président-directeur
général de la Société québécoise de
développement des industries culturelles relativement au projet de loi
no 54, Loi modifiant la Loi sur la Société
québécoise de développement des industries
culturelles.
Les membres de la commission sont: MM. Champagne (Mille-Îles),
Charbonneau (Verchères), Cusano (Viau), Dupré (Saint-Hyacinthe),
Hains (Saint-Henri), Guay (Taschereau) qui remplace Mme Juneau (Johnson), Mme
Lachapelle (Dorion), MM. Proulx (Saint-Jean), Richard (Montmorency), Rivest
(Jean-Talon), Saintonge (Laprairie).
Les intervenants sont: MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue),
Blouin (Rousseau), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme Dougherty
(Jacques-Cartier), MM. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Lavigne (Beauharnois),
Leduc (Fabre), Bissonnet (Jeanne-Mance) qui remplace M. Sirros (Laurier), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie) qui remplace M. Vallières (Richmond).
Est-ce qu'il y a un rapporteur?
M. Lalonde: Moi, j'aimerais suggérer la
députée de Dorion. Est-ce qu'on peut parler vingt minutes
là-dessus, M. le Président?
Le Président (M. Boucher): Alors, Mme Lachapelle
(Dorion).
Mme Lavoie-Roux: Si vous voulez qu'on fasse un débat, on
va le faire. En tout cas, je sais que même si je suis contre, si vous
prenez le vote, cela ne changera rien, mais je ne suis pas contre Mme
Lachapelle, remarquez bien.
M. Lalonde: Qu'est-ce que cela vaut de donner des "jobbines".
Mme Lavoie-Roux: C'est que, chaque fois qu'il y a une femme
à la commission, c'est elle qui a la petite "jobbine" de faire le
rapport à l'Assemblée nationale. J'aimerais que vous leur
trouviez un autre boulot que cela.
Une voix: C'est fait pour cela.
M. Lalonde: Moi, je suggérerais qu'elle remplace le
ministre.
M. Guay: Je ferai remarquer à la députée de
L'Acadie que la députée de Dorion fait plus que cela, et la
raison est...
M. Lalonde: C'est l'apparence.
M. Guay: ... simple, c'est le seul - pour l'instant - membre de
la commission qui est actuellement de ce côté-ci, hormis le
ministre; même avec quelqu'un de l'Opposition, si vous voulez, moi, je
m'en fous, mais c'est simplement tout autant par défaut, si vous le
voulez, ce n'est pas parce que Mme la députée de Dorion
est...
M. Lalonde: ...
M. Richard: C'est son assiduité ce matin.
Le Président (M. Boucher): À l'ordre!
Est-ce que le président-directeur général de la
Société québécoise de développement des
industries culturelles est dans la salle? Si vous voulez vous approcher et
prendre place. M. le ministre, vous avez des commentaires?
Remarques préliminaires M. Clément
Richard
M. Richard: Oui, M. le Président.
En 1978, l'Assemblée nationale avait créé cette
nouvelle société, qui est la Société
québécoise de développement des industries culturelles,
dont le mandat était à double volet, c'est-à-dire, d'une
part, de servir de banquier pour les industries culturelles qui pouvaient
difficilement emprunter auprès des institutions financières
traditionnelles et, d'autre part, d'avoir un rôle d'initiatrice dans le
développement des industries culturelles au Québec. Depuis 1978,
je pense que la société a fort bien rempli le double mandat qui
lui avait été assigné, sauf qu'il est apparu avec le temps
que le capital-actions dont elle disposait s'avérait insuffisant pour
lui permettre de remplir comme on le souhaitait son rôle d'initiative.
C'est pourquoi, le 16 mars dernier, j'ai déposé à
l'Assemblée nationale un projet de modification à la loi qui
avait créé la Société québécoise de
développement des
industries culturelles. Ces modifications visent essentiellement deux
objectifs: d'une part, accroître la capacité d'intervention de la
Société québécoise de développement des
industries culturelles en augmentant son capital-actions, c'est-à-dire
en le doublant, capital-actions qui passerait maintenant de 10 000 000 $
à 20 000 000 $, et en augmentant aussi sa capacité d'emprunter
pour reprêter, en somme, à ses propres clients. Ce pouvoir
d'emprunt autorisé par le gouvernement serait désormais de 20 000
000 $, ce qui donnerait à la Société
québécoise de développement des industries culturelles une
capacité d'intervention de l'ordre de 40 000 000 $, lui permettant de
mieux jouer son rôle d'initiative.
En même temps - c'est là le second objectif des
modifications - il s'agissait d'élargir le mandat de la
société pour lui permettre de couvrir un champ que jusqu'à
maintenant elle ne couvrait pas, qui est le champ des communications. C'est un
champ extrêmement important à l'époque où on parle
de télévision payante. À l'époque de la
télématique, du Télidon, il est extrêmement
important que la société ait un pouvoir d'intervention dans ce
domaine qui constitue un secteur de pointe pour le développement des
industries culturelles. C'est pourquoi nous avons proposé une
modification d'ailleurs au nom même de la société qui
deviendrait la Société de développement des industries de
la culture et des communications. Nous avons également ajouté un
pendant qui pourrait être éventuellement très utile pour
régler certains problèmes du parc immobilier du ministère
des Affaires culturelles, le patrimoine. Cela pourrait nous permettre aussi
d'intervenir dans le secteur du patrimoine bâti.
À la suite du dépôt en première lecture du
projet de loi, l'Opposition a demandé de pouvoir entendre, entre la
première et la deuxième lecture, le président-directeur
général de la Société de développement des
industries culturelles, ce à quoi le gouvernement a acquiescé et
voilà pourquoi nous nous retrouvons ce matin à la commission
parlementaire en présence du président de la
société et de son vice-président. Voilà ce que
j'avais à dire, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laprairie.
M. Jean-Pierre Saintonge
M. Saintonge: Merci, M. le Président. Je serai
également bref dans mes commentaires du départ. Tout d'abord, je
voudrais simplement souligner que l'Opposition apprécie grandement le
fait que le ministre ou le leader, que le gouvernement a compris le
bien-fondé de notre demande de convoquer la présente commission
parlementaire avant la deuxième lecture. Nous remercions
également M. Morin d'avoir bien répondu à notre invitation
et d'être présent ce matin à la commission
parlementaire.
Pourquoi une telle commission parlementaire nous apparaissait-elle
souhaitable et nécessaire à ce stade-ci de la discussion du
projet de loi 54? Il nous apparaissait primordial, avant de voter les
modifications importantes que le projet de loi 54 apporte, de faire le bilan de
l'utilité réelle et de l'efficacité administrative de la
Société québécoise de développement des
industries culturelles, d'examiner sa gestion au cours de ses trois
premières années d'existence, de scruter le plan de
développement, le style de gestion, les réalisations, en quelque
sorte la performance de cet instrument créé par le pouvoir
politique et mis au service de la culture.
Cette société et, par extension, le gouvernement, est
responsable des fonds publics qui sont mis à la disposition des
industries culturelles et doit rendre compte de la manière que cet
argent est dépensé. On ne dira jamais assez qu'une structure
paragouvernementale comme la Société québécoise de
développement des industries culturelles doive se soumettre
occasionnellement à un contrôle parlementaire plus rigoureux que
la seule obligation qui est faite au ministre des Affaires culturelles de
déposer annuellement un rapport de cette société à
l'Assemblée nationale. Un examen sérieux du bien-fondé
d'une dépense des deniers publics, des objectifs suivis et des projets
qui s'y rattachent devrait toujours précéder l'adoption par les
députés de cette Assemblée d'une loi qui commande une
augmentation appréciable du budget d'une société
d'État ou encore un changement d'orientation ou de vocation majeure.
En effet, le projet de loi, tel que le soulignait le ministre et tel
qu'on le voit dans les notes explicatives qui y sont incorporées, a pour
principaux objets d'augmenter de 10 000 000 $ le fonds social de la
Société québécoise de développement des
industries culturelles et de permettre au gouvernement de garantir les emprunts
de la société.
De cette façon, le fonds social va donc doubler de 10 000 000 $
à 20 000 000 $ et le gouvernement garantira jusqu'à 20 000 000 $
la capacité d'emprunter de la société.
Ce projet de loi élargit également les objets de la
société afin de lui permettre de favoriser la création et
le développement des entreprises oeuvrant dans les domaines des services
de la communication et du patrimoine immobilier.
Nous avons donc élaboré certains points
ou certains thèmes de discussion sur lesquels nous souhaitons
dès à présent être en mesure de pouvoir discuter
avec le président-directeur général de la
Société québécoise de développement des
industries culturelles et également avec le ministre des Affaires
culturelles sur certains éléments. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Merci.
M. Saintonge: En fait, je voudrais aussi souligner au tout
départ que nous avions fait parvenir une liste de certains
éléments et de certains documents que nous souhaiterions
recevoir. Nous en avons reçu certains assez tard hier soir. Je comprends
que, dans le court délai ou le court laps de temps - il faut dire que la
commission a été convoquée jeudi dernier - ça ne
donnait pas tellement de temps non plus à la société pour
préparer la documentation en question. J'oserais espérer que nous
pourrions avoir éventuellement le reste de la documentation que nous
avons demandée.
M. Richard: M. le Président, nous avons fait l'impossible
pour produire tous les documents qui avaient été demandés
dans ce court délai. Je pense qu'il reste certains documents qui
n'avaient par été produits encore, mais le
président-directeur général a en main ces documents, ce
matin, je crois.
Le Président (M. Boucher): M. le leader. (10 h 30)
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, 30 secondes seulement pour
dire que je voudrais remercier le ministre des Affaires culturelles et le
président de l'ex-SODIC d'avoir coopéré avec le
ministère des Communications pour faire en sorte que la nouvelle SODICC
-avec deux "c" - puisse être créée et qu'ainsi elle puisse
donner satisfaction à plusieurs industries de services en communication
qui cherchent des moyens de donner suite à des projets qu'elles ont. Je
crois que le nouveau mandat de la SODICC, sur lequel nous pourrons probablement
discourir au cours de la journée mais sur lequel, déjà, ce
matin, nous pouvons commencer à obtenir des éléments de
réponse en préparation de notre débat en deuxième
lecture, sera certainement de nature à réjouir tous les gens,
comme le député de Jeanne-Mance, qui est mon interlocuteur du
côté de l'Opposition officielle, en ce qui a trait à
l'avenir des industries de services en communication.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. Morin avez-vous des
commentaires préliminaires?
M. Guy Morin
M. Morin (Guy): Je voudrais dire bonjour au président et
aux membres de la commission. Vous m'excuserez du retard apporté
à livrer les documents; je n'ai eu la demande que vendredi. Nous avons
fait parvenir les documents dès hier. Il y a quelques autres documents
que j'ai en ma possession ici. Je me ferai un plaisir de vous les transmettre
en temps venu alors que sur d'autres questions, je crois qu'il y aura des
réponses verbales puisque certaines questions ne justifiaient pas de
documents.
Les propos de MM. Richard et Bertrand sont assez clairs et
évidents. Je me passerai de commentaires additionnels pour ne pas
prendre trop de votre temps. Bien sûr, j'aurai l'occasion de commenter au
fur et à mesure que les questions viendront.
Le Président (M. Boucher): Merci. Est-ce qu'il y a des
questions à adresser à M. Morin?
Rapport des activités
M. Saintonge: Au tout début, si je me rappelle, à
l'article 26 de la présente loi, il est spécifié que "la
société doit, au plus tard le 30 juin de chaque année,
faire au ministre des Affaires culturelles un rapport de ses activités
pour son exercice financier précédent". Le dernier rapport
financier qui a été déposé en Chambre est celui du
31 mars 1980; je ne crois pas qu'il existe de rapports subséquents.
J'aimerais savoir si le ministre peut nous informer de ce qui arrive du rapport
financier. Cela fait presque deux ans que nous n'en avons pas obtenu.
M. Richard: Vous avez raison de poser la question, M. le
député de Laprairie, je l'ai posée à plusieurs
reprises et je crois avoir eu finalement la réponse ce matin. C'est le
vérificateur qui tardait à faire les vérifications et
à produire le rapport. Je laisserai M. Morin répondre à
cela. Apparemment, si j'ai bien compris ce matin, c'est fait maintenant.
M. Morin (Guy): J'ai fait parvenir au ministre des Affaires
culturelles, ainsi qu'au ministre des Finances le rapport annuel
vérifié que nous avons reçu du vérificateur le 15
mars 1982, après maintes pressions. Il faut dire au crédit du
bureau du Vérificateur général, m'a-t-on dit, que souvent
de petites sociétés, par rapport aux plus grosses, passent dans
le calendrier du vérificateur selon certains critères.
De toute façon, nous n'avons reçu ces états
financiers du Vérificateur général que le 15 mars. Je les
ai ici, mais je ne crois pas que le ministre les ait transmis à qui de
droit. Est-ce que je dois les déposer ou pas?
M. Richard: Je n'en ai pas pris connaissance encore. C'est aussi
bien d'attendre, parce que ça doit être déposé
à l'Assemblée nationale, normalement.
M. Lalonde: M. le Président, est-ce que ces rapports
financiers présentent des caractéristiques spéciales,
est-ce qu'il y a des questions extraordinaires de soulevées?
M. Morin (Guy): Est-ce que vous avez terminé?
M. Lalonde: Oui, je m'excuse.
M. Morin (Guy): II n'y a pas de postes spéciaux, de
questions extraordinaires ou de notes spéciales. Je ne me permets qu'un
petit commentaire à cet effet: dans la deuxième année
d'une société de crédit, il est évident que
déjà on commence à voir le résultat d'avoir
consenti du crédit. Bien qu'il y ait des pertes de montrées -
elles justifient une explication, parce que ça viendra
ultérieurement - ce ne sont pas des pertes de l'exercice 1981-1982
effectivement. Mais, compte tenu que le vérificateur a pris onze mois et
demi à la vérification, il a cru bon de passer aux livres des
pertes subies au cours de l'exercice en cours, se terminant dans deux jours.
Or, ces pertes qui sont des provisions pour mauvaises créances
totalisent environ 741 000 $ dont la moitié a déjà
été récupérée. C'est une opération
comptable où on verra une perte de 741 000 $ au cours de l'exercice en
cours à ce poste. La récupération est déjà
de plus de 50% de ce montant et ça s'ajustera avec l'année qui
s'en vient. Je me permets de faire le commentaire parce que c'est un extrait
des opérations et des états financiers de l'exercice se terminant
au 31 mars 1981. Je ne crois pas qu'il y ait autre chose.
M. Lalonde: Est-ce que le ministre peut nous assurer qu'il va
déposer le rapport annuel bientôt, parce qu'on va étudier
les crédits de son ministère dans quelques jours?
M. Richard: Oui, je peux vous donner cette assurance que le
rapport annuel sera déposé dès que j'en aurai pris
connaissance.
M. Lalonde: J'aurais une autre question, si vous me permettez.
Vous nous avez remis un certain nombre de renseignements. Vous avez
soulevé la question des provisions pour mauvaises créances dans
le rapport financier du 31 mars 1981. Vous mentionnez le chiffre de 741 000 $.
Or, nous avons ici, dans le dossier que vous nous avez remis, une information
à savoir qu'au 28 février 1982, la provision serait de 961 000 $.
Est-ce qu'il y a moyen de concilier ces chiffres ou est-ce qu'on parle de deux
réalités différentes?
M. Morin (Guy): Est-ce que vous vous référez au
document où on voit les prêts déboursés et les
prêts remboursés?
M. Lalonde: C'est cela, les prêts déboursés
et, en bas de la page, en fait, moi, j'ai le chiffre 17 sur la mienne, je ne
sais pas si c'est vous qui les avez numérotées, il y a, en
deuxième partie de la page: provisions pour mauvaises créances au
28 février 1982, il y a donc un mois. Vous avez six postes qui
totalisent 961 976 $ et vous avez mentionné 741 000 $, dont une partie
serait déjà récupérée. Alors comment peut-on
s'y comprendre?
M. Morin (Guy): C'est qu'à la fin de l'exercice, au 31
mars 1981, vous aviez un montant de 741 000 $, mais, au 28 février 1982,
ce montant-là est de 961 000 $, c'est-à-dire environ 220 000 $ de
plus en provisions pour mauvaises créances. Il s'agit, bien sûr,
de provisions pour mauvaises créances et vous en avez d'ailleurs le
détail dans le même document au bas de la page. Ces explications,
c'est que, effectivement, onze mois plus tard, le chiffre de 741 000 $ est
maintenant passé à 961 000 $ de provisions pour mauvaises
créances.
M. Lalonde: J'ai de la difficulté à saisir, j'ai
mal compris peut-être votre première explication, M. Morin. Vous
avez dit que le vérificateur a tenu compte -même s'il a
fermé les livres au 31 mars 1981, étant donné qu'il a fait
la vérification dans les derniers mois de l'exercice suivant -de
l'expérience des créances pour les analyser, pour voir leur
valeur, ce qui les situe autour de 741 000 $, et vous avez parlé de 741
000 $, dont une partie aurait déjà été
récupérée. Mais cette partie
récupérée est-elle reflétée dans le chiffre
de 961 000 $?
M. Morin (Guy): Non, elle n'est pas encore
reflétée.
M. Lalonde: Est-ce que...
M. Morin (Guy): Ce sera peut-être une écriture de
fin d'exercice, l'exercice se terminant dans quelques jours. C'est que le
vérificateur n'a pas souhaité - c'est une pratique comptable qui
nous apparaît acceptable - passer les récupérations en
même temps que les provisions pour mauvaises créances. Nous avons
plaidé, bien sûr, que les provisions pouvaient être
passées aussi bien que les récupérations sur ces mauvaises
créances potentielles. Le vérificateur a souhaité ne
passer que les mauvaises créances; les récupérations
seraient passées à la fin d'un exercice au moment des
écritures de fin d'année. Il est fort possible qu'avec la fin du
mois de mars
et la fin de l'exercice, sur les 961 000 $, nous passions les
récupérations déjà faites à même ces
961 000 $.
M. Lalonde: Elles seraient de quel ordre?
M. Morin (Guy): D'environ 350 000 $.
M. Lalonde: Auxquels des six dossiers s'appliqueraient-elles?
M. Morin (Guy): Vous avez la liste dans le bas, monsieur. Vous
avez Civicom, où il y a une récupération importante,
l'ACDL où il y aura une récupération presque totale, et la
compagnie de la Vieille Fonderie où il y aura aussi une
récupération presque totale. Pour les deux autres dossiers:
Argile Vivante et la Maison d'édition et de publication Univers, les
récupérations seront à peu près nulles.
Est-ce que cela répond à votre question, monsieur?
M. Lalonde: Oui, pour l'instant. Merci beaucoup.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laprairie.
Plan de développement
M. Saintonge: Si je prends le plan de développement de la
société, l'article 29 de la loi nous spécifie que "la
société doit faire approuver chaque année par le
gouvernement son plan de développement... Le gouvernement
détermine la forme et la teneur du plan de développement ainsi
que l'époque à laquelle celui-ci doit être
présenté." Le dernier plan de développement dont nous
disposons date du 1er septembre 1980. Je voudrais savoir si ce plan original a
été modifié jusqu'à aujourd'hui et s'il y a eu
certains éléments de raccordement de faits suivant
l'évolution de la situation?
M. Morin (Guy): Nous avons eu une requête du gouvernement
pour déposer un deuxième plan - puisque nous devons en
déposer annuellement - avant le 1er mai 1982. On entend déposer
le deuxième plan de développement pour cette date. Il va de soi
que l'articulation d'une stratégie ou d'un plan de développement
est très évolutive. À l'intérieur même du
plan de développement pour la première année, il y a
déjà des priorités d'établies, certains projets de
réalisés; le deuxième plan reflétera ce qui est
déjà réalisé et ce qui a été
modifié quelque peu, en plus de l'ajout de certains projets. Il ne
s'agira pas d'un nouveau plan et d'une nouvelle stratégie. C'est
strictement un plan évolutif, un plan de développement
évolutif.
M. Saintonge: Est-ce qu'au niveau des directives concernant les
objectifs et l'orientation de la société qui peuvent être
émises par le ministre, vous avez reçu du ministre certaines
directives? Si le ministre veut répondre...
M. Richard: Non, depuis que je suis titulaire du ministère
des Affaires culturelles, je n'ai pas envoyé de directives à la
société au sens de la loi. La seule directive que j'aurais pu
adresser à la société, tel que je conçois la
directive dont fait état la loi, concerne son mandat. Au lieu d'envoyer
une directive, j'ai proposé une modification à la loi. C'est une
modification au projet de loi plutôt qu'en élargissant son mandat
pour couvrir le champ des communications et le patrimoine. On aurait pu, par
exemple, cela été envisagé, le faire par règlement;
on a plutôt proposé de le faire par modification à la loi;
alors, je n'ai jamais eu à envoyer de directive à la
société.
M. Saintonge: Est-ce qu'il y avait un motif particulier?
M. Richard: La meilleure directive que je puisse adresser
à la société, c'est de déposer un projet de loi qui
élargit son mandat.
M. Saintonge: Est-ce que, parmi vos prédécesseurs,
il y a eu certaines directives qui auraient été envoyées?
Si le président-directeur général peut me
répondre...
M. Richard: Pas à ma connaissance, au sens de la loi.
M. Morin (Guy): Est-ce que je peux savoir, M. le
député, ce que vous entendez par directive? Peut-être que
je comprends mal le jargon.
M. Saintonge: Disons que c'est suivant l'article 24 de la loi. Il
est prévu que le ministre peut, dans le cadre des responsabilités
et pouvoirs qui lui sont confiés et des ententes auxquelles il est
partie, émettre des directives portant sur les objectifs et
l'orientation de la société dans l'exécution des fonctions
qui lui sont confiées par la loi. Ce sont des directives de cette
nature. On voudrait savoir si vous en avez reçu à quelque
époque que ce soit depuis le début du fonctionnement de la
SODIC.
M. Morin (Guy): Outre le projet de loi présentement en
discussion, je ne crois pas qu'il y ait eu d'autre directive à
l'époque du ministre précédent aussi bien que
présentement.
M. Lalonde: Dans cette optique-là, M.
le Président, j'aimerais demander au président ou au
ministre - étant donné que ça fait déjà deux
ans, trois ans; on est dans notre troisième année; vous terminez
en fait le troisième exercice demain - quelle est l'utilité de
cet article 24 qui permet au gouvernement... Parce qu'on parle du ministre des
Affaires culturelles, mais il faut que ce soit soumis au gouvernement. Ce sont
effectivement des décrets du Conseil exécutif qui doivent
être d'ailleurs déposés à l'Assemblée
nationale dans les quinze jours de leur approbation. Quelle est
l'utilité de cet article-là après trois ans d'existence?
La mise sur pied d'un organisme, c'est toujours plus difficile. Est-ce que vous
croyez que c'est utile d'avoir cet article puisque, à la première
occasion que nous avons d'examiner la situation, le gouvernement décide
de procéder par loi plutôt que par directive? (10 h 45)
M. Morin (Guy): Je ne saurais répondre dans l'affirmative
puisque, effectivement, le gouvernement, par la voie de son ministre, ne nous a
fait parvenir aucune autre directive qu'une modification à la loi.
M. Lalonde: Vous n'avez jamais senti le besoin d'avoir une
directive sur les orientations de la société ou les
critères?
M. Morin (Guy): Par voie de directive, je n'en ai pas senti le
besoin, mais je m'empresse d'ajouter que nous avons visé autant de
complémentarité que possible avec le ministère des
Affaires culturelles ou d'autres ministères avec qui nous sommes
appelés à communiquer sur une base régulière. Mais
notamment avec le ministère des Affaires culturelles, nous avons
certainement tenu en cours de route deux ou trois rencontres par année
pour évaluer nos différents programmes l'un et l'autre et
essayer, dans la mesure du possible, d'être complémentaires pour
ne pas partir l'un dans une direction et l'autre dans l'autre direction. Mais
les directives comme telles, je n'en ai pas senti le besoin.
M. Lalonde: Ma question peut être hypothétique -
vous n'êtes pas obligé de répondre - mais, compte tenu de
l'expérience acquise depuis deux ou trois ans, dans quelle situation
trouveriez-vous utile d'avoir une directive? Je ne sais pas si vous pouvez
évaluer ce que je veux dire.
M. Morin (Guy): Je pourrais essayer de répondre.
M. Lalonde: Oui.
M. Morin (Guy): II y aurait certainement une précision
à faire au niveau de la rentabilité et de la définition du
terme "rentabilité". Vous savez, rentabilité économique,
rentabilité financière, rentabilité culturelle peuvent
jouer à des niveaux différents selon les époques et selon
la nature des interventions que nous avons à faire. Or, ce n'est pas
facile de trouver dans un gouvernement ce que veut dire l'un et ce que veut
dire l'autre et comment se marient l'un et l'autre. Dans ce sens, des
directives, je ne souhaite peut-être pas en avoir nécessairement,
parce que le degré d'autonomie dont nous avons joui a certainement
contribué à la réalisation du mandat que nous avons
essayé de réaliser le mieux possible. Il n'en demeure pas moins
que cette question de définition de rentabilité à des
époques données et pour des raisons données pourrait
être utile. C'est un exemple de directive.
Il pourrait y avoir également des directives - cela vient
lorsqu'on discute avec les hauts fonctionnaires du ministère et avec le
ministre - par rapport aux points chauds ou aux secteurs auxquels on doit
donner davantage d'importance. Pour des raisons qui nous dépassent, soit
pour des raisons politiques ou d'intérêt national, le gouvernement
pourrait dire à un moment donné: Privilégiez davantage le
secteur de l'audiovisuel par rapport au secteur du livre ou vice versa.
M. Lalonde: À ce moment, vous seriez plus à l'aise
d'avoir une directive qui vous le demande?
M. Morin (Guy): On en tiendrait compte.
M. Lalonde: En ce qui concerne la rentabilité, c'est
nécessairement très dangereux de suivre les suggestions de
l'Opposition, mais si on vous offre une définition de
rentabilité, demandez au ministre de la suivre dans son ministère
ou au gouvernement de la suivre et vous serez très tranquilles.
M. Richard: M. le Président, je vais répondre
à cela. Supposons, pour répondre à une question
hypothétique, que l'accent est trop mis par la société sur
les métiers d'art par rapport aux livres, ce qui n'est pas le cas
présentement, je pense, parce que, comme on le verra tout à
l'heure, il y a un équilibre entre les champs d'activité, je
pense que le sens de l'article 24, c'est cela, c'est une directive qui dit:
Écoutez, ne pourriez-vous pas mettre davantage l'accent sur le livre ou
sur le disque et ne pas oublier certains champs d'activité qui sont
extrêmement importants?
M. Lalonde: Merci, M. le ministre. Jusqu'à maintenant -
cela ouvre la porte à la question suivante - est-ce que vous avez
distribué votre aide suivant la demande
surtout ou suivant un équilibre que vous avez essayé
d'atteindre entre les divers secteurs? Est-ce que vous pourriez nous raconter
comment cela s'est passé jusqu'à maintenant?
M. Morin (Guy): Je suis content que vous m'offriez cette
occasion, parce que c'est l'un des grands dilemmes auxquels nous avons à
faire face. Au début de la société, il va de soi qu'il y
avait une clientèle qui était en attente. Nous avons eu à
répondre à un grand nombre d'entreprises que j'appelle les forces
vives qui sont venues nous voir. Plusieurs d'entre elles étaient en
difficulté financière. Or, le rôle de la
société est d'agir en tant que banquier culturel d'une part. Nous
avons essayé d'y répondre. La majorité des demandes
n'avaient pas été sollicitées, mais elles venaient
à nous, alors qu'en réalité, cette démarche est
parfois artificielle parce que nous y répondons au mieux de notre
connaissance et de nos disponibilités, mais, souvent, cela ne change pas
certaines règles du jeu qui doivent nécessairement être
changées. La première année et demie, nous avons
commencé nos activités effectivement en novembre 1979. Cela fait
à peine un peu plus de deux ans. On sent le besoin de poser des gestes
reliés à un plan de développement; on en sent le besoin,
parce que cela répond à des besoins de poser des gestes. Il faut
dire aussi que c'est une jeune société et nous devons faire nos
premiers pas. Nous n'avions pas toute l'expertise nécessaire au
départ ni même encore aujourd'hui. Je suis prêt à
être critique de la société et je suis heureux qu'il y ait
des critiques de la société, parce qu'il n'y a pas de
modèle semblable ailleurs. On ne pouvait pas s'inspirer du modèle
de la Saskatchewan, du modèle américain ou du modèle
européen, cela n'existe pas, ce genre de modèle. En
réponse directe à votre question, au départ, cela a
surtout été des cas où nous étions le banquier
culturel. Nos cas d'initiative comme telle, l'initiative de la
société, après avoir vérifié avec le milieu
et les différentes instances, n'ont pas été suffisamment
nombreux. L'accent doit être mis, avec le temps, justement sur
l'initiative. C'est donc cela la situation, parce que, entre les années
d'abondance que nous avons connues depuis 25 ans où le gouvernement
pouvait répondre à peu près à toutes les demandes
et la situation économique actuelle, les règles du jeu ont bien
changé. Nous ne pouvons pas répondre à toutes les
demandes, c'est impossible. On doit être sélectif, on doit surtout
viser à réaliser des projets qui changeront les structures pour
permettre aux entreprises de mieux se développer.
M. Lalonde: Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laprairie.
Demandes d'aide financière
M. Saintonge: M. le Président, dans le cas des demandes
financières qui ont pu vous être présentées, suivant
la demande dans le fond qui vous était présentée,
l'équilibre dans les secteurs n'était peut-être pas le
point de départ des demandes ou des interventions de la
société, mais, dans le cas des demandes financières qui
vous ont été présentées, y a-t-il certaines
demandes qui ont été refusées? Quel est le nombre de
demandes qui peuvent être refusées et le motif de refus des
demandes qui peuvent vous être présentées, au niveau de
chacun des secteurs évidemment?
M. Morin (Guy): Si vous me permettez, M. le député,
je pense que j'ai mal répondu, partiellement en tout cas, à la
question posée par celui qui vous a précédé. Les
demandes sont venues à peu près de tous les secteurs
également, mais je m'empresse d'ajouter que, bien sûr, nous avons
répondu négativement à un nombre de demandes. Le
critère de refus ou les critères de refus étaient
composés de deux possibilités. La première, c'est que,
lorsque ce n'était pas recevable, plusieurs cas, au départ, ne
sachant pas exactement le territoire de chasse de la société ou
les secteurs d'activité, nous ont été
présentés, ont été déposés qui
étaient nettement irrecevables. Par exemple, l'imprimeur qui s'associe
au secteur du livre, pour nous, c'était irrecevable, puisque la SDI
pouvait le recevoir. Un grand nombre de cas ont été
refusés parce qu'ils n'étaient pas recevables. Il y a une
deuxième catégorie de cas qui ont été
refusés parce qu'ils ne répondaient pas aux critères
financiers ou aux prérequis financiers de la société. Nous
visons dans chaque cas une rentabilité financière pour
l'entreprise, à court, moyen ou long terme. Mais lorsqu'on ne peut pas
percevoir de rentabilité, nous refusons l'aide sollicitée.
Malheureusement, dans bien des cas, nous courons des risques beaucoup plus
élevés que le banquier traditionnel. On se situe aux deux
pôles, à des pôles extrêmes. D'une part, on est un
banquier de dernier recours. Cela veut dire que, quand la banque n'y va pas ou
n'intervient pas, nous pouvons potentiellement intervenir; on agit comme
banquier de dernier recours. Entre les deux se situe la banque et, à
l'autre pôle, on intervient en matière d'initiative, mais,
là, il s'agit du capital de risque. C'est dans des pôles
extrêmes, mais, effectivement, dans un pôle comme dans l'autre, il
est arrivé que nous en ayons refusé. Le pourcentage de refus
n'est pas si élevé que nous l'aurions cru au départ. Je
dirais que c'est à peu près à un ratio de un pour un, une
demande autorisée
pour une demande refusée.
M. Saintonge: Est-ce que ça s'équilibre au niveau
des secteurs ou si c'est à peu près la même chose que ce
que vous avez mentionné tantôt? Est-ce qu'il y a des secteurs plus
particuliers où des demandes sont présentées et que vous
devez refuser plus souvent?
M. Morin (Guy): Non, je ne crois pas. Il y a un
équilibre.
M. Saintonge: Vous avez parlé de rentabilité
économique, un des critères qui font que la demande pouvait
être refusée, c'est la rentabilité financière de
l'entreprise. Vous avez aussi parlé tantôt de rentabilité
au niveau culturel. À ce niveau-là, de quelle façon
faites-vous le partage entre les deux, l'importance entre les deux, au point de
vue de la rentabilité financière et de la rentabilité
culturelle? Est-ce que, dans certains cas, c'est plus important au niveau
financier ou culturel? De quelle façon jugez-vous ça?
M. Morin (Guy): D'une part, on ne peut pas passer à
côté des critères financiers. Nous sommes des banquiers. On
agit, en tant que banquier, avec plus de latitude et de flexibilité que
le banquier d'une banque à charte ou d'une banque traditionnelle. On ne
peut pas passer à côté. Tel que je le mentionnais tout
à l'heure, ça peut être rentable ou non. C'est une
évaluation d'homme, bien sûr, mais on s'appuie sur à peu
près les mêmes critères que ceux du banquier traditionnel;
encore une fois, peut-être sommes-nous différents de par notre
flexibilité et nos modes de remboursement. Quant au plan culturel, on ne
s'approprie ni le privilège ni le droit de poser des évaluations
en matière culturelle. Nous ne sommes pas des gens de contenu. Je pense
bien que le ministère des Affaires culturelles est habilité de ce
côté-là.
Alors, dans chaque cas, on dépose au ministère des
Affaires culturelles une demande d'avis sectoriel pour évaluer, sur le
plan culturel, quelle est l'importance du dossier, quel est son "back-ground",
quelles sont ses possibilités, etc. Il est arrivé au
départ, surtout dans la première année, que le
ministère n'était pas toujours en position de répondre
à toutes ces demandes d'avis sectoriels. C'est normal, parce que la
clientèle pouvait être différente entre celle de la
société et celle du ministère. Mais le tout s'est
rétabli avec le temps et, maintenant, depuis peut-être un an, on a
des avis sectoriels dans chaque cas pour répondre sur le plan culturel.
Bien sûr, on a une opinion sur le contenant, sur les possibilités
et le potentiel, sur les ressources humaines de l'entreprise. Mais, strictement
en matière culturelle, on ne veut pas s'approprier ce champ
d'activité et on laisse au ministère des Affaires culturelles le
soin de donner des avis sectoriels, tout comme on entend le faire, si la loi
passait dans le domaine des communications, en s'adressant au ministère
des Communications pour des avis sectoriels.
M. Lalonde: Si vous me le permettez, au-delà des demandes
d'avis sectoriels, est-ce que vous communiquez ou avez reçu des
communications du ministère, du cabinet du ministre, concernant
l'à-propos d'accepter ou de refuser telle demande spécifique?
M. Morin (Guy): Je m'en réjouis, M. le
député, en deux ans et demi, et je suis le
président-fondateur, en aucun temps, un ministre n'est intervenu dans un
dossier, excepté une fois, par l'extérieur. Ce n'était pas
une intervention, je pense que c'était strictement une question
d'intérêt de la part de M. Vaugeois dans un dossier, sur le
domaine du livre, où il avait parlé à des journalistes.
C'est tout. Jamais ni le ministre qui fut là au départ de la
société, M. Vaugeois, ni M. Richard ne sont intervenus dans un
dossier. D'ailleurs, M. le député, je l'accepterais très
mal.
M. Lalonde: C'est justement, je voulais vous donner l'occasion de
le dire.
M. Richard: Maintenant, M. le Président, avec votre
permission, j'oserais, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, non
pas nuancer, mais apporter un complément d'information aux propos.
M. Lalonde: ...
M. Richard: Oui. Dans certains cas, la loi nous oblige à
le faire, quand ça outrepasse le mandat de la société.
Donc, dans au moins un cas, j'ai dû intervenir pour présenter le
dossier au Conseil des ministres. C'est le seul dossier, à ma
connaissance, avec un autre, où j'ai émis un refus. Mais, quand
ça outrepasse le mandat de la société, ça doit
être approuvé par le Conseil des ministres. Dans un cas, je n'ai
pas voulu le soumettre au Conseil des ministres et, dans l'autre cas, je l'ai
soumis au Conseil des ministres.
M. Lalonde: Mais quand vous rendez-vous compte que ça
outrepasse les pouvoirs du...
M. Richard: 250 000 $, M. le député. (11
heures)
M. Lalonde: C'est pour les montants. À ce
moment-là, au-delà de 250 000 $, vous acheminez ça
directement au bureau du ministre.
M. Morin (Guy): Premièrement, on le fait autoriser par
notre bureau de conseil. Deuxièmement, c'est le ministre qui envoie
ça au Conseil du trésor et ça suit le cheminement normal
jusqu'au Conseil des ministres.
M. Lalonde: Est-ce que vous avez plusieurs cas au delà de
250 000 $? J'en vois, Civicom par exemple.
M. Morin (Guy): II y en a de plus en plus.
M. Lalonde: II y en a de plus en plus.
M. Morin (Guy): Au départ de la société, la
moyenne des demandes était d'environ 5000 $. Est-ce que c'est
l'inflation ou le dynamisme de nos entreprises? Je m'en réjouirais.
Mais, l'an dernier, la moyenne des demandes était à peu
près de 102 000 $ et je dirais que, présentement, ça
augmente sans cesse.
M. Lalonde: Votre compte le plus important, quel est-il?
M. Morin (Guy): C'est le groupe Kébec Disc, où nous
avons 1 000 000 $ et également le groupe Kébec Spec, où
nous avons 980 000 $.
M. Saintonge: M. Morin, suivant un certain document que vous nous
avez remis concernant la répartition des demandes d'aide
financière autorisées par la société, selon les
trois types de cas qu'on peut identifier comme étant en
difficulté financière, deuxième cas, développement,
et troisième cas, l'initiative, on remarque que votre action a surtout
porté dans le domaine des difficultés financières. Elle a
surtout agi en tant que banquier culturel, comme vous le mentionniez. Peut-on
prévoir que la société a l'intention d'axer
peut-être davantage son rôle vers les projets d'initiative ou de
développement?
M. Morin (Guy): M. le député, c'est vraiment notre
intention. Je mentionnais tout à l'heure d'aller du côté de
l'initiative mais on ne peut pas laisser en plan tous les intervenants qui sont
dans le milieu à ce moment-ci. Nous pourrions penser à avoir deux
sociétés: une qui agirait comme banquier et l'autre qui agirait
dans l'initiative ou comme syndicat d'initiative, appelez-le comme vous voulez,
mais je ne crois pas que nous puissions arrêter notre action par rapport
aux entreprises existantes qui connaissent certaines difficultés. Cela
serait une erreur stratégique et il y a trop de forces vives, encore une
fois. Notre intention ferme est d'aller le plus rapidement possible vers
l'initiative, vers des cas de véritable développement.
M. Saintonge: Au niveau du plan de développement, n'y
aurait-il pas lieu au lieu d'avoir deux sociétés, d'en avoir une
seule mais qu'une partie des sommes disponibles puisse être
affectée directement plutôt vers des projets d'initiative.
M. Morin (Guy): C'est une question d'affectation comptable et
l'esprit du projet de loi qui est présentement à l'étude
en arrive à cela justement. Le Conseil du trésor recommande que
le capital qui sera ajouté serve premièrement à des
initiatives, à répondre à nos besoins en
développement tandis que le pouvoir d'emprunt serait utilisé
davantage pour répondre aux besoins des entreprises en place et qui,
à un moment donné, connaissent des difficultés
financières ou ont des problèmes de croissance. Mais, de
là à scinder la société, il n'en est pas question
à ce moment-ci. D'autre part, avoir deux systèmes comptables
serait anormal parce que souvent ça chevauche. Vous pouvez consacrer de
l'argent à des initiatives et, d'autre part, il y a une partie de ces
fonds qui servira à régler un problème de fonds de
roulement. Est-ce que c'est un cas d'initiative ou un cas de dépannage
financier? Cela peut être l'un et ça peut être l'autre
également; alors, on ne peut pas tenir deux systèmes comptables,
ça ne serait pas pratique.
M. Saintonge: Ma question n'était pas dans le sens de
tenir deux systèmes comptables, c'était plutôt d'orienter
peut-être d'une certaine façon l'utilisation des fonds disponibles
et d'en réserver plutôt aux chapitres du développement et
de l'initiative, par rapport au dépannage afin de peut-être faire
état d'une certaine créativité dans le milieu.
M. Morin (Guy): Je rejoins votre propos, M. le
député. Non seulement c'est ce qu'on souhetarait faire, mais
c'est ce qu'on entend faire avec le prochain plan de développement. Le
premier plan de développement n'était pas, faut-il l'avouer,
très articulé. C'était le premier plan et il ne pouvait
pas être chiffré de façon précise; le
deuxième le sera davantage et le troisième aussi et, au fur et
à mesure que le plan sera chiffré, ça nous permettra non
pas de bloquer des crédits mais de mesurer quelles sommes vont à
l'initiative et quelles sommes vont au soutien bancaire.
M, Saintonge: Vous parliez du plan de développement; si on
revient à cela, au niveau du plan de développement, si vous aviez
à faire le bilan ou à évaluer si les objectifs que vous
vous étiez fixés par le plan de développement au niveau de
chacun
des secteurs ont été atteints, quelle serait votre
conclusion là-dessus?
M. Morin (Guy): C'est peut-être une boutade que je vais
faire, M. le député, mais je ne les atteindrai jamais.
M. Saintonge: Sans dire que vous avez atteint
complètement, je le comprends, cela peut être utopique, à
un moment donné, les objectifs que vous vous étiez fixés
au départ pour votre premier plan de développement, si vous aviez
à nous faire le partage à ce sujet, la satisfaction que vous avez
d'avoir réalisé en partie vos objectifs serait de quelle nature?
Est-ce que vous pouvez dire, par exemple: On a atteint nos objectifs dans tel
secteur jusqu'à tel point? Ce serait quoi votre évaluation ou
votre bilan des réalisations?
M. Morin (Guy): Pour bien y répondre je vais être
obligé de prendre quelques minutes. Premièrement, il faut
mentionner qu'il y a une absence de statistiques absolument aberrante, pour ne
pas dire totale, au Québec, en matière d'industries culturelles.
Je défie qui que ce soit de me donner des statistiques précises
sur les industries culturelles au Québec; c'est un premier
problème. Alors, comment voulez-vous quantifier des objectifs? Ni
Statistique Canada d'ailleurs. Prenez l'industrie du disque par exemple. Au
cours des dix dernières années, à un certain moment, il y
a eu progression et par la suite il y a eu régression du volume de
disques québécois, dans le marché québécois,
dans son propre marché intérieur. Je pourrais prétendre
que le disque québécois dans son marché intérieur,
la vente du disque québécois au Québec représente
12% des ventes totales. Je suis persuadé qu'un confrère pourrait
dire que c'est 14%, un autre, 13%, et personne ne pourrait contredire l'autre.
On n'a que des indications partielles et nous ne sommes pas en mesure d'avoir
des statistiques précises. C'est le premier élément en
réponse à ceci.
Deuxièmement, on voudrait quantifier... Si l'industrie du disque,
pour ne prendre qu'un exemple, la vente de disques québécois sur
le territoire québécois était de 12% l'an dernier, on
souhaiterait voir une amélioration d'un point par année pendant
les cinq prochaines années. Un point par année pendant les cinq
prochaines années, en termes de dollars, ça serait plusieurs
millions de dollars, pour ne pas dire quelques dizaines de millions de dollars
de ventes additionnelles. On peut difficilement quantifier les objectifs d'un
plan de développement à cause de cette absence de statistiques;
on n'est pas alimenté en statistiques. On ne peut pas avoir ces
objectifs.
D'autre part, comment peut-on mesurer notre plan de
développement? Bien, on peut le mesurer par, premièrement, une
bonne définition de la problématique de chaque secteur, et,
deuxièmement, en trouvant des éléments de solution
à chaque élément de la problématique et en
réalisant des projets reliés à cette problématique,
à ces éléments de solution.
Jusqu'ici, notre méthodologie a été la suivante:
quand il s'agit d'un élément du plan de développement, il
s'agit toujours d'un projet qui aura une influence ou une incidence sur le
secteur dans sa totalité. C'est un point majeur lorsqu'on parle du plan
de développement. Dès que c'est un point majeur, conscients de
nos responsabilités, on pense qu'il est nécessaire, dans la
plupart des cas, de faire une étude en profondeur avant de passer
à la réalisation d'un projet. Je voudrais l'illustrer par un
exemple. Dans le secteur du livre, il est évident, aussi bien au niveau
de l'édition qu'au niveau de la distribution, à un degré
moindre et certainement au niveau de la librairie, que la rentabilité
est devenue pénible, pour ne pas dire très difficile à
réaliser. En conséquence, au niveau de la librairie, il nous
apparaît nécessaire d'envisager la possibilité d'offrir un
service de traitement des données pour les librairies
québécoises, parce qu'il y a un problème d'inventaire. Les
éditeurs, année après année, augmentent leur nombre
de parutions, et le canal ou la passoire normale et logique c'est le libraire
chez qui les livres se ramassent et finalement les inventaires gonflent au
niveau de la librairie. La gestion de ces stocks devient pénible et
parfois plus ou moins efficace, sans tenir compte de la dimension
financière du support de ces mêmes stocks. Si vous passez d'un
inventaire de 100 000 $ à 150 000 $ parce que c'est gonflé par le
flot de livres qui vous est envoyé ou diffusé par votre
distributeur ou votre maison d'édition, le libraire a un problème
de gestion des stocks.
En conséquence, il nous apparaîtrait logique d'avoir un
système de traitement des données, lequel permettrait d'avoir un
inventaire beaucoup moins important, tout en gardant un ou quelques livres de
chaque titre devant faire partie du choix de livres qu'offre le libraire. On a
un projet de traitement des données. Les études
préliminaires sont déjà terminées; cela a pris
quand même cinq ou six mois pour faire des études de traitement
des données au niveau d'une industrie, mais c'est majeur. C'est un
projet, dans sa totalité, de 10 000 000 $ pour informatiser la librairie
au Québec. Or, notre méthodologie, comme je l'ai mentionné
il y a quelques instants, c'est de faire des études avec des
informaticiens, des gens de logiciel, des gens de librairie, des gens du
ministère des Affaires culturelles et notre société. Dans
chaque projet de
développement, c'est notre façon de procéder.
Maintenant, on a cinq ou six études en marche au niveau du plan de
développement et on a également quelques projets en voie de
réalisation.
Le Président (M. Boucher): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je vois, dans les
documents que vous avez remis, celui qui est numéroté 10 sur les
prêts.
M. Lalonde: Ce sont nos numéros.
Mme Lavoie-Roux: Ce sont nos numéros à nous?
M. Lalonde: ... c'est dix sur dix.
Mme Lavoie-Roux: Je vois, comme le signalait mon collègue
de Laprairie, qu'un montant important est allé à des prêts
pour essayer de résoudre des difficultés financières; dans
le deuxième cas, il s'agissait de prêts pour le
développement.
Dans le cas des prêts que vous avez effectués pour
difficultés financières, pour essayer d'apporter un appui pour
résoudre des difficultés financières, pouvez-vous nous
dire dans quelle mesure ceci a permis à ces industries de surnager et de
repartir d'un bon point ou quel est le pourcentage qui, finalement, a dû
fermer ses portes? Pour donner un exemple concret, je vois qu'à la
Centrale d'artisanat, vous avez prêté 135 000 $. Je ne voudrais
pas m'éloigner sur ce cas particulier, j'y reviendrai après.
Mais, sur la question générale, est-ce que cela s'avère
fructueux comme méthode d'intervention par la société?
M. Morin (Guy): Dans le cas d'intervention de dernier recours, il
est encore prématuré d'établir de façon
définitive si on a vraiment été utile. On peut tout au
moins dire une chose, c'est que le pourcentage d'échecs m'apparaît
infiniment faible. Vous avez d'ailleurs la liste qui a été
soumise où nous avions au 28 février 1982 cinq cas inscrits pour
fins de mauvaises créances. Sur 70 cas ou quelque chose comme cela, ou
pour un l'ordre de grandeur de 70 cas, cela m'apparaît relativement
faible quand même. Le pourcentage d'échecs aurait pu être
élevé. Vous savez, depuis mon enfance, on a toujours entendu dire
que, dans le domaine culturel, ce n'était pas rentable; c'est ce que
nous disions. Or, la rentabilité financière des entreprises
culturelles, à toutes fins utiles est aussi bonne que la
rentabilité financière d'autres secteurs d'activité, et
cela le démontre déjà.
C'est une évaluation globale, mais une évaluation un peu
plus raffinée permet de dire que, dans bien des cas de
difficultés financières, et c'est du dernier recours, nous
maintenons certaines entreprises en vie artificiellement. On a vu, dans cinq ou
six cas, que nous avons été appelés à intervenir
une deuxième et parfois une troisième fois. C'est la règle
du jeu des petites entreprises très souvent. Donc, cela nous
apparaît nécessaire et cela a été utile jusqu'ici
d'intervenir dans le cas des difficulés financières. Mais cela a
été davantage utile, je pense, dans les cas, vous le voyez
à votre liste, de développement. Lorsqu'on parle de
développement, c'est une nouvelle entreprise ou de nouveaux produits ou
un projet d'expansion, et cela nous est apparu davantage utile. Mais on n'a pas
d'instrument de mesure capable de nous dire si véritablement notre
action, dans le cas de difficultés financières, a
été, de façon absolue, valable ou pas.
Mme Lavoie-Roux: Dans le sens du nombre de ces
entreprises-là, par exemple, qui seraient maintenant fermées,
vous pouvez quand même mesurer certaines choses.
M. Morin (Guy): Je crois qu'il y aurait au moins la moitié
de celles où nous sommes intervenus à cause de difficultés
financières, qui seraient fermées, au moins la moitié.
Mme Lavoie-Roux: Au moins la moitié.
M. Richard: Si Mme la députée de L'Acadie me le
permet. M. Morin, peut-être auriez-vous intérêt à
parler d'un cas qui est public de toute manière; c'est allé
même jusqu'au Conseil des ministres. Kébec Disc, c'est
intéressant comme cas de développement.
M. Morin (Guy): Ce n'est pas un cas de dernier recours, c'est un
cas d'initiative et, si vous...
M. Richard: C'est cela, par rapport à...
Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela que je faisais la comparaison
entre les deux. (11 h 15)
M. Morin (Guy): Vous pouvez parler de la Centrale d'artisanat
dans un cas de dernier recours ou de Kébec Disc dans un cas
d'initiative, pour bien illustrer le cas. Est-ce que ce serait utile de
commenter ces deux cas l'un d'initiative et l'autre de dernier recours?
Mme Lavoie-Roux: Je voulais savoir, dans le cas de la Centrale
d'artisanat, ce qui vous a incités à prêter alors que,
depuis un bon moment, la centrale avait des difficultés
financières? Je ne sais pas à quel moment vous avez
prêté à la Centrale d'artisanat, en
1979, 1980 ou 1981, l'année n'est pas indiquée - du moins
je ne le vois pas -qu'est-ce qui vous a incités à le faire dans
ce cas?
M. Morin (Guy): II y a, premièrement, une motivation
profonde d'aider une entreprise existant depuis 25 ou 30 ans, d'une part;
d'autre part, la Centrale d'artisanat avait son siège social, rue
Saint-Denis à Montréal, plus un emplacement à Place
Desjardins et un troisième emplacement au Centre commercial Laurier,
à Québec. Elle a dû relocaliser ce commerce à la
demande du centre. Or, la relocalisation nécessitait des frais
d'amélioration locative de l'ordre de 75 000 $ ou 80 000 $. C'est
à ce moment que nous sommes intervenus pour permettre la relocalisation,
à défaut de quoi on n'avait pas la liquidité
nécessaire pour procéder à la relocalisation. D'autre
part, au moment où nous sommes intervenus, la centrale, sans avoir un
niveau de rentabilité, n'était pas très loin d'un niveau
de rentabilité opérationnelle, il y a maintenant environ un an,
mais la situation s'est dégradée depuis un an à un point
tel que c'était irrécupérable. Les ventes ont chuté
de façon terrible et la rentabilité était
complètement inexistante; les ventes ont chuté d'au-delà
de 35% dans les six derniers mois de l'exercice 1981. À ce moment, la
centrale est venue nous voir pour une deuxième et plus importante
intervention. On a cherché avec elle toutes les formules pour sauver la
centrale. Lorsqu'on ne voit plus de possibilité - cela revient à
ce que je disais au début de la matinée - lorsqu'on ne peut pas
percevoir une rentabilité financière, on n'intervient plus.
À partir de ce moment, nous ne sommes donc plus intervenus.
Mme Lavoie-Roux: Vos premiers 135 000 $ avaient été
prêtés il y a au-delà d'un an?
M. Morin (Guy): Oui, environ un an. C'est 100 000 $ en fait.
Mme Lavoie-Roux: Dans le cas des prêts que vous avez faits
pour du développement, est-ce que toutes ces entreprises sont encore en
affaires?
M. Morin (Guy): II faudrait que je regarde la liste. Vous avez le
cas du développement de l'ACDL, elle n'est plus là. Si
c'était à refaire, je financerais encore une deuxième
ACDL. Je n'hésiterais même pas. Il y a eu un accident de parcours,
c'est tout. Si une entreprise est vouée à un échec
à cause de considérations organisationnelles ou techniques, cela
ne veut pas dire que le concept est mauvais. Or, le concept de l'ACDL
était formé de 26 libraires qui y mettaient de l'argent
personnellement dans le but de se regouper et de se doter de services. Cette
formule ou ce concept nous apparaissait souhaitable et valable.
Malheureusement, ils n'ont pas réussi à se rentabiliser.
C'est un échec pour eux et un échec pour nous à la fois.
C'est malheureux, mais cela ne veut pas dire pour autant que le concept de se
regrouper, pour des individus ou des entreprises, pour se doter de services,
soit mauvais. C'était un cas de développement.
Civicom était un cas de développement aussi. Civicom
était - je dis bien était parce que c'est au passé - une
jeune entreprise qui avait deux fonctions: louer de l'équipement pour
fins de cinématographie et de l'équipement pour fins de
production de télévision, d'une part; deuxièmement, elle
faisait de la production vidéo et de la production audio, deux types de
production. Ces gens avaient le vent dans les voiles et justifiaient notre
présence dans le dossier. Deux choses se sont produites: le loyer de
l'argent au cours des deux derniers exercices a été tel que,
n'ayant pas une très grosse capitalisation, l'entreprise a
été étouffée par le loyer de l'argent. Lorsqu'on
loue de l'équipement, cela veut dire que nous en disposons, il y avait
pour environ 2 500 000 $ ou 3 000 000 $ d'équipement dans cette
entreprise. D'autre part, elle a été victime du temps. C'est une
entreprise qui, si elle était vivante quand la télévision
payante arrivera et quand la production augmentera pour les fins de
vidéodisques et de vidéocassettes, répondrait de
façon éloquente à ces besoins-là. Elle
précédait ce marché d'environ deux ans; c'est malheureux
quand même qu'elle n'ait pu passer à travers ces deux ans, mais
c'était un excellent cas de développement.
Mme Lavoie-Roux: Mais pour les autres, vous n'avez pas de
données à savoir si ces gens-là sont encore en
affaires?
M. Morin (Guy): Les autres sont en affaires.
Mme Lavoie-Roux: Les autres sont tous en affaires.
M. Morin (Guy): Je crois que oui. M. Lalonde: ... Argile
vivante.
M. Morin (Guy): Ce n'est pas vraiment... Est-ce que c'est un cas
de développement, Argile vivante?
Argile, oui, Argile vivante également. Alors, vous avez trois
cas, les autres sont... Ceux qui ont connu des échecs, vous les avez
dans la liste pour provisions de mauvaises créances, les autres
étant encore en place.
Mme Lavoie-Roux: Évidemment, l'objectif de la
Société de développement des industries culturelles est
d'apporter un appui à l'industrie culturelle. Est-ce que, par contre,
comme il y a des montants assez importants qui sont prêtés, vous
avez pu analyser si ceci avait un impact quelconque, par exemple, sur la
création d'emplois? Dans quelle mesure?
M. Morin (Guy): C'est le secteur le plus difficile qui existe
pour évaluer le nombre d'emplois parce que la plupart des emplois, la
partie importante des emplois créés, ce sont des emplois
dérivés. Vous allez dans l'industrie du spectacle, vous financez
un producteur de spectacles; il a deux secrétaires, un bureau, etc.,
mais lorsque la production est faite, il peut avoir 60 ou 50 artistes qui
travaillent pour lui pendant une période de trois mois ou de quatre
mois, on n'est donc pas en mesure d'évaluer pour chaque production le
nombre d'emplois créés.
C'est également vrai dans l'industrie du disque, c'est vrai dans
l'industrie du livre; alors, on a de la difficulté à
évaluer le nombre d'emplois. Il y a quand même un nombre d'emplois
d'évalués au départ en fonction... Le ministère des
Affaires culturelles a procédé à une évaluation des
emplois directs et au nombre d'emplois indirects créés, mais je
dois admettre que c'est quand même très difficile d'évaluer
le nombre d'emplois créés de façon permanente. Ce qu'il
faut ajouter, madame, c'est qu'il n'y a pas de secteurs d'activité que
je sache où le dollar investi permet de créer autant d'emplois
parce que la matière première dans le domaine culturel, c'est
l'homme et la femme, c'est la personne humaine. Alors que, dans d'autres
industries - si je peux me permettre de faire une comparaison avec le
nucléaire ou avec les hautes technologies -des sommes importantes sont
investies pour créer quelques emplois à peine, le ratio dans le
secteur culturel, n'est pas de un à un, un dollar qui s'en va en
totalité pour la création d'emplois, mais le plus fort
pourcentage s'en va à la création d'emplois, d'autant plus - et
je ne devrais pas le dire publiquement - que, dans le secteur des industries
culturelles, n'allez pas croire que ce sont tous des Yvon Deschamps et des Jean
Lapointe et des auteurs qui font des revenus extraordinaires. Le revenu
provenant de l'emploi dans le secteur culturel est relativement faible,
malheureusement.
Mme Lavoie-Roux: Juste une dernière question pour le
moment. Dans les cas de prêts à des théâtres ou enfin
des spectacles, vous avez des gros montants comme à la Comédie
nationale, 887 000 $. Dans quelle mesure cet argent-là peut-il
être récupéré, parce qu'on sait que c'est presque
chronique les difficultés financières des compagnies
théâtrales, des compagnies de théâtre? Dans le fond
est-ce que vous ne venez pas ici d'une certaine façon dépanner
des subventions qu'elles auraient autrement par le truchement du
ministère des Affaires culturelles?
M. Richard: Oui, il faut faire une distinction, Mme la
députée de L'Acadie, entre les compagnies théâtrales
et les propriétaires de salles; il y a une distinction très
importante à faire. Il y a des compagnies théâtrales qui se
portent fort bien financièrement; d'autres, en tout cas, sont en plus
sérieuse difficulté pour toutes sortes de raisons, mais il y a
des compagnies théâtrales qui se portent bien, sauf que les
propriétaires de salles, cela est autre chose et c'est plus
compliqué. Je dirais...
Mme Lavoie-Roux: Est-ce le cas de la Comédie
nationale?
M. Richard: Elle est en très sérieuse
difficulté.
Mme Lavoie-Roux: Alors, ce sont des prêts plus
périlleux, je dirais que, par exemple, lorsque vous prêtez,
comment s'appelle-t-il celui à qui vous aviez prêté,
Beaudin qui a... c'est la céramique...
M. Morin (Guy): Gaétan Beaudin.
Mme Lavoie-Roux: Pardon?
M. Morin (Guy): Gaétan Beaudin.
Mme Lavoie-Roux: Oui, qu'est-ce que c'est le nom de sa...
M. Morin (Guy): Il était avec Sial.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est cela. Là il y a
peut-être moins de risque. Cela a pris des proportions industrielles, ou
du moins je le pense, tandis que, quand vous prêtez à un groupe de
théâtre, comme à la Comédie nationale, quelles sont
les chances? Je comprends que le ministère des Affaires culturelles peut
accorder des subventions pas nécessairement à fonds perdus, mais
pour un soutien direct au théâtre, tandis qu'ici c'est de l'argent
qui doit être un soutien au développement, à quelque chose
de viable. Ce n'est pas une subvention d'appui, si je peux dire.
M. Richard: Ce sont des projets d'immobilisation.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est cela.
M. Morin (Guy): Madame, je vais répondre par un exemple.
Il y a un théâtre à Baie-Saint-Paul, qui est la Vieille
Fonderie,
que nous avons présentement dans les mauvaises créances,
40 000 $. Nous avons financé un théâtre. Dans les cas de
théâtre aussi bien que dans d'autres cas, nos critères de
base, nos prérequis sont les mêmes. Nous visons une
rentabilité financière. Si l'entreprise justifie une subvention,
elle s'adresse au ministère des Affaires culturelles. Nous ne sommes pas
habilités de par la loi à subventionner. On regarde le dossier en
fonction d'une rentabilité financière. Nous prenons les garanties
qui s'imposent. Dans le cas de la Vieille Fonderie, par exemple, on a pris une
hypothèque de premier rang. L'entreprise n'a pas pu faire ses frais et
l'entreprise a fermé. On va se porter acquéreur de la
bâtisse au cours des prochaines semaines. Nous allons la revendre ou la
louer. Nous avons pris une première hypothèque sur la
bâtisse effectivement. Dans les cas de théâtre et
d'immeuble, ce sont les cas qui me préoccupent le moins, parce qu'on
prend, dans la presque totalité des cas, des créances de premier
rang et des créances hypothécaires.
Mme Lavoie-Roux: Pas dans le cas de la Comédie
nationale.
M. Morin (Guy): Absolument. On a une créance
hypothécaire de deuxième rang.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laprairie.
M. Saintonge: Vous avez commencé à parler
tantôt, sur la question du ministre, de Kébec Disc, un projet de
développement. J'aimerais vous entendre parler un peu de votre
façon de procéder dans ce dossier.
M. Morin (Guy): Kébec Disc est une entreprise que la
plupart connaissent et qui a malheureusement perdu son président
fondateur il y a quelques semaines dans un accident d'avion. L'entreprise
s'appelait à ses débuts Kébec Disc et ne faisait que de la
production de disques depuis déjà un bon nombre d'années.
L'entreprise est venue nous voir il y a deux ans pour permettre une
consolidation de ses opérations de production, pour la soutenir, pour
augmenter le nombre de disques d'artistes québécois à
être produits, ce qui fut fait effectivement. Je crois que ce sont deux
prêts qui ont été faits au niveau de la production. Par la
suite, l'entreprise a convenu de se lancer dans un projet de maison de
distribution, principalement de disques québécois. Or, il y a un
peu plus d'un an, elle a lancé une deuxième maison de
distribution de disques qui a, à ce jour, un succès assez
étonnant, qui a fait ses frais financiers dès la première
année et qui n'a pas connu de perte d'ailleurs au niveau de la
distribution de disques québécois, parce qu'on n'est jamais mieux
servi que par soi-même. Troisièmement, la même entreprise a
continué son intégration en se dotant d'un réseau de
détail. Elle s'est portée acquéreur de 19 petits
disquaires dans l'Est du Québec, ce qui a permis non pas de
compléter la boucle, mais de continuer cette intégration
verticale.
C'est la démarche qu'a suivie le groupe Talbot depuis deux ans et
ce en collaboration avec nous. Cela nous paraît un projet d'initiative
fort intéressant et qui est un modèle québécois en
soi. Je me permets d'ajouter tout de suite que ce n'est pas le seul
modèle qui devrait être développé dans cette
même industrie; qu'il y ait un modèle qui corresponde à un
plan de développement ou à une stratégie de la
société, j'en conviens, mais cela n'exclut pas d'autres
modèles dans la même industrie. Cela n'exclut pas, d'autre part,
d'autres groupes ou entreprises qui suivront le même chemin. Il est
arrivé que Kébec Disc était en position de le faire. Les
résultats sont déjà assez probants. Effectivement,
l'entreprise qui, il y a deux ans, faisait moins de 2 000 000 $ comme chiffre
d'affaires, aura un revenu individuel, si on prend les trois entreprises,
production, distribution et détail, qui, avec l'exercice qui se termine
en juillet, atteindra un chiffre d'affaires de près de 9 000 000 $.
C'est en moins de deux ans. Cela me paraît intéressant ocmme
démarche. (11 h 30)
M. Saintonge: Vous avez parlé de Kébec Disc, de
Diskade et de la Maison intégrée. Est-ce que ce sont les trois
projets? Vous avez fait allusion à la disparition de M. Talbot. Je
remarque qu'au plan de développement, dans un cas, c'est 400 000 $ pour
Kébec Disc; 250 000 $, pour Diskade comme initiative, 1 000 000 $ pour
la Maison intégrée. Certaines inquiétudes se sont
manifestées à la suite de la disparition de M. Talbot. Je ne sais
pas si vous en avez eu des échos. Pensez-vous que cela peut affecter ces
compagnies actuellement?
M. Morin (Guy): Justement, votre question me permet de commenter
la situation. La société travaille en général avec
les petites entreprises, mais elle essaie d'être aussi rigoureuse que
possible dans son approche. Or, dans ce cas, je me rappelle très bien
que cela a coûté 7000 $ de frais d'avocat à M. Talbot pour
nous assurer que les livres des minutes étaient en parfaite condition,
étaient à jour, pour nous assurer que des assurances couvraient
une partie des risques, pour nous assurer que toutes les transactions
étaient faites selon les formes. On a été assez rigoureux,
assez sévères dans notre approche. Or, il arrive un
malheureux
accident et on perd un de nos meilleurs artisans dans l'industrie du
disque québécois. Mais sachez, premièrement, qu'il y a une
assurance de 400 000 $ ou de 395 000 $ payable à la
société et qui va diminuer le prêt d'autant, aussitôt
que les assurances seront payées, que tous les livres sont à
jour, qu'il y a des assurances de "partnership" et que l'entreprise n'est
aucunement en difficulté. Naturellement, on ne perd pas un artisan, on
ne perd pas une valeur aussi solide que M. Talbot sans que cela cause un
certain préjudice à l'entreprise, mais, grâce à une
bonne collaboration de l'entreprise Talbot avec la société et
vice versa, et grâce à une certaine rigueur, peut-être que
notre attitude a rendu finalement service. Nous n'avons donc pas eu
d'inquiétude.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais poser un certain
nombre de questions sur les chiffres. Quel a été le
développement de votre effectif depuis le dernier rapport financier du
31 mars 1980? Cela fait deux ans; on arrive demain au 31 mars 1982.
M. Morin (Guy): Voulez-vous dire l'effectif humain?
M. Lalonde: Humain.
M. Morin (Guy): Humain. Je suis presque gêné de le
dire, M. le député, il y a treize personnes à la
société présentement. C'est très peu.
M. Lalonde: Malheureusement, on doit s'en rapporter à des
chiffres qui sont vieux de deux ans. J'ai un peu de difficulté à
concilier vos chiffres de prêts à 851 000 $. À votre bilan
du 31 mars 1980, vous aviez 442 000 $ de dépôts à terme et
en caisse. Cela n'était pas encore prêté. Je retrouve des
chiffres différents dans vos documents. J'y reviendrai tout à
l'heure.
Pour l'effectif, c'est donc treize personnes. Prévoyez-vous la
nécessité d'augmenter votre effectif en fonction de
l'augmentation du capital?
M. Morin (Guy): Quelque peu, mais une croissance absolument
normale. On prévoit, pour l'exercice 1982-1983, d'ajouter trois
personnes, effectivement. Notre entrée dans le domaine des
communications va nécessiter tout au moins que nous ayons un analyste
compétent dans le domaine des communications et des nouvelles
technologies. Il y a également l'entrée, je pense - cela
m'apparaît opportun à ce moment-ci - d'un spécialiste de
l'exportation ainsi qu'une ou deux personnes de soutien, mais c'est tout.
M. Lalonde: Pour revenir aux prêts ou placements que vous
avez faits, vous avez trois catégories: les difficultés
financières, le développement et l'initiative. En fait, vous nous
avez donné les chiffres, je pense, de février. J'ai vu une date
il y a quelques minutes là-dessus. Le document Société
québécoise etc. Les prêts. Répartition des demandes
d'aide financière autorisées par la SODIC selon les trois types
de cas suivants: Ces chiffres sont à quelle date?
M. Morin (Guy): C'est au 28 février, je crois.
M. Lalonde: Alors, c'est très récent. M. Morin
(Guy): Oui, c'est récent.
M. Lalonde: Vous aviez, à ce moment-là, presque 9
000 000 $ d'engagés. En passant, j'imagine que c'est à cause du
fait que votre capital est presque tout engagé que vous avez
demandé au gouvernement de l'augmenter? Non?
M. Morin (Guy): Non.
M. Lalonde: Ce n'est pas vous qui avez demandé d'augmenter
votre capital?
M. Morin (Guy): Bien oui, c'est nous. Si vous me le permettez, M.
le député, c'est nous qui avons demandé d'augmenter le
capital. Mais, à la première partie de votre question: Est-ce que
tout le capital est engagé, bien sûr qu'on conserve toujours un
pourcentage de liquidité.
M. Lalonde: Je voyais 8 700 000 $ à peu près 9 000
000 $, bon. Est-ce que les garanties sont incluses, sont comprises
là-dedans?
M. Morin (Guy): Non.
M. Lalonde: Non. Maintenant, je vois que, pour la
catégorie difficultés financières, il y a quelques jours,
vous aviez près de 4 000 000 $...
M. Morin (Guy): C'est ça.
M. Lalonde: ... 3 975 098 $. Pour la catégorie
développement: 3 300 000 $; initiative: 1 300 000 $. Je vois, d'autre
part, que, pour les provisions pour mauvaises créances que vous nous
avez révélées, il y a cinq cas précis et un montant
de 220 000 $ qui est assez général du 1er avril 1981 au 28
février 1982. On retrouve les cas de mauvaises créances dans la
catégorie développement surtout, sauf peut-être un que j'ai
de la difficulté à trouver, c'est la compagnie Vieille Fonderie,
qui est peut-être sous la rubrique Théâtre
Baie-Saint-Paul.
M. Morin (Guy): C'est Théâtre Baie-Saint-Paul. Cela
a changé de nom.
M. Lalonde: Cela va. C'était aussi dans la
catégorie développement. Il n'y a qu'un cas, si je l'ai bien
retrouvé, c'est celui de la Maison d'éditions et de publications
Univers Inc., qui est peut-être sous la rubrique Univers, 125 000 $, dans
la catégorie difficultés financières, qui se retrouve aux
mauvaises créances. Est-ce que vous pouvez expliquer de quelle
façon vous établissez le caractère mauvais d'une
créance? En vertu de quels critères, premièrement, et
est-ce que les critères diffèrent suivant que c'est un cas de
développement ou de difficultés financières?
M. Morin (Guy): Oui, il y a une politique financière de la
société. J'en ai même apporté une copie ici. Ce
n'est pas l'endroit pour la déposer, mais ça nous fait plaisir de
vous la transmettre. Il y a une politique financière que nous essayons
de suivre, bien sûr, qui n'est pas toujours facile à suivre, mais
qui est la suivante: c'est que moins il y a de rentabilité
financière, plus nous sommes non pas exigeants, mais plus nous prenons
les garanties qui existent, parce qu'elles se font rares lorsqu'il s'agit d'un
cas de dernier recours. Donc, nous prenons ce que nous pouvons prendre au
niveau des garanties. Nous étalons les remboursements, à ce
moment-là, de façon non pas à nuire à l'entreprise,
mais à lui être utile. Il s'agit d'un cas de dernier recours.
Très souvent, dans ces cas de dernier recours, il faut donner la chance
à l'entreprise de souffler dans les premiers mois suivant le prêt
ou même dans le premier semestre ou la première année
suivant le prêt. D'autre part, à l'autre bout de la gamme,
lorsqu'il s'agit d'un cas d'initiative, d'un cas qui apportera quelque chose
à l'ensemble de ce secteur-là, que ce soit le livre ou les
métiers d'art, etc., ce qu'on appelle, nous, le degré de
générosité augmente, dans le sens que nous prenons moins
de garanties parce qu'il s'agit d'un cas ayant plus d'incidence sur l'ensemble
du secteur et, très souvent, qui comporte en soi de meilleures garanties
financières. Alors, on peut se permettre d'être moins exigeants
dans ces cas-là.
M. Lalonde: Est-ce que vous considérez ça un peu
comme un capital de risque?
M. Morin (Guy): C'est du capital de risque.
M. Lalonde: Bon, pour revenir aux cas de difficultés
financières, prenons le premier chapitre, les prêts. Vous avez
Décormag, 130 000 $ et Librairie Dussault, 800 000 $; c'est un de vos
plus importants dossiers. Encore 125 000 $ à Décormag. Comment
établissez-vous quand un tel dossier commence à devenir une
mauvaise créance? Si vous calculez le caractère de la
créance ou la qualité de la créance en fonction des
échéances et que l'échéance, parce qu'il s'agit
d'un cas de dépannage, est portée au départ, d'ailleurs,
assez loin, comment pouvez-vous évaluer, dans votre bilan... Au fond, ce
qu'on veut dire quand on parle de mauvaise créance, c'est pour bien
évaluer dans votre bilan la créance en particulier, donner une
valeur juste à la créance. Il y a toutes sortes de
critères que les compagnies financières ont
développés au cours des années à savoir le
défaut de payer les intérêts à
l'échéance, sur une période de 30 jours, 60 jours, 80
jours, etc., et il y a des tables. Je ne sais pas si c'est ça que vous
employez mais, lorsque la première échéance, dans un cas
de dépannage, est à six mois ou à un an, vous saurez
seulement dans un an si vous ne serez pas remboursé ou si vous serez
remboursé seulement en partie. À ce moment-là, est-ce que
vous ne serez pas dans une situation où il sera trop tard pour
intervenir? Aussi longtemps qu'elle n'est pas en défaut, vous ne pouvez
pas intervenir envers l'entreprise elle-même.
M. Morin (Guy): On ne peut pas la mettre en défaut si elle
ne l'est pas effectivement. Mais, chez nous, ce que nous exigeons de chaque
demandeur lorsque nous effectuons un prêt ou une garantie de prêt,
c'est de déposer mensuellement des états financiers, non
vérifiés bien sûr, vérifiés une fois par
année, et nos analystes scrutent mensuellement les états
financiers de chaque entreprise.
C'est peut-être là la différence par rapport
à une subvention. Une fois la subvention accordée, j'imagine que
le suivi de l'entreprise ne s'effectue pas avec la même rigueur alors
que, lorsque vous accordez un prêt, notre action commence à ce
moment-là; chaque mois, les différents dossiers, à partir
de leurs états financiers, sont regardés. Dès qu'il y a
une faiblesse par rapport aux prévisions ou dès que la
liquidité a diminué, dès ce moment-là, on peut
déceler si l'entreprise connaîtra des difficultés et irait
jusqu'à un problème qui constituerait un défaut.
Naturellement, lorsqu'arrive le défaut, on le signifie. Tel que vous le
dites, bien sûr, dans certains cas, lorsqu'on demande le premier
versement en capital dans six mois ou dans un an, il est très rare que
le défaut pourrait être signifié avant cette
date-là. On demande toujours les intérêts mensuels à
partir du départ; les intérêts sont payables dès le
départ pour tout le monde.
M. Lalonde: S'il y a défaut pour le paiement
d'intérêts, comment évaluez-vous la créance à
ce moment-là? Est-ce qu'il y a
une sonnette d'alarme qui...
M. Morin (Guy): Un défaut est un défaut. Ce n'est
pas une sonnette d'alarme, c'est plus que ça; effectivement, on annonce
immédiatement le défaut à l'entreprise.
M. Lalonde: Je ne sais pas si vous avez terminé. En
fonction de ce que vous venez de nous décrire, le suivi mensuel des
états financiers, le paiement ou le non-paiement des
intérêts qui doit être fait mensuellement, pouvez-vous nous
donner une évaluation de vos actifs que vous portez à 3 975 098 $
dans la rubrique des difficultés financières? Est-ce que vous
croyez que ça vaut 3 975 098 $ aujourd'hui?
M. Morin (Guy): Cela dépend où on se situe. Si
c'est en valeur de liquidation, je dirais non, parce qu'en liquidation une
entreprise a rarement sa valeur à ses actifs.
M. Lalonde: Je m'excuse, je pense que je me suis mal
exprimé. Je pense que tout le monde comprend que je ne demande pas la
valeur de liquidation de votre bilan. Je ne pense pas que ce soit dans cette
perspective-là qu'on est ici pour étudier ce que vous faites. Je
vous demande comment vous évaluez; est-ce que c'est la véritable
valeur comptable qu'on doit inscrire à votre bilan du 28 février
1982 pour les dossiers de difficultés financières, 3 975 098 $?
Je ne vois qu'un dossier là-dedans, qu'un compte -le compte Univers - de
125 000 $ qui soit dans les mauvaises créances. Je n'en vois aucun
autre. Je ne vois aucun iota d'aucun autre dossier qui est enlevé du
montant de votre placement. Par exemple, la Librairie Dussault, c'est 799 998
$. Vous n'avez pas enlevé un seul cent; alors, quand ça m'est
présenté officiellement ici, je dois présumer que c'est
une bonne créance, qu'il n'y a aucun danger, qu'il n'y a aucun
défaut, que tout va bien.
M. Morin (Guy): La provision est prise sur un ensemble
d'opérations, elle n'est pas uniquement prise sur des cas
spécifiques. Au début de l'année, lorsqu'on fait des
prévisions, on prend un pourcentage des activités et, comme vous
voyez, de 741 000 $, on l'a majoré à 961 000 $, au 28
février, c'est de l'ordre de 220 000 $. (11 h 45)
M. Lalonde: 220 000 $ pour provisions
générales?
M. Morin (Guy): Ce montant de 220 000 $ pourrait s'appliquer
à des personnes qui ont des difficultés financières, ou
à des cas de difficultés financières, qu'on peut retrouver
à l'intérieur du chapitre où on retrouve les entreprises
en difficultés financières, les cas de développement ou
même les cas d'initiative. Outre cette provision pour mauvaises
créances, je pense que les chiffres qui sont là sont assez
réels.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laprairie.
M. Saintonge: Si on en reste à la question des
difficultés financières, si on prend un cas particulier, je
voudrais parler du cas de Aurore Univers, on sait que, l'automne dernier, il y
a eu des critiques. La SODIC a été critiquée ouvertement,
je pense, par les milieux et non pas par n'importe qui, par l'Association des
éditeurs canadiens et par l'Union des écrivains
québécois, qui ont traité la société
d'incompétente, d'inefficace, de nuisible. On soulignait entre autres
qu'"elle nous nuit en s'intégrant dans nos affaires et en prenant en
tutelle les entreprises qu'elle doit aider". C'est l'illustration d'un cas de
difficulté. Considérez-vous que le prêt que vous avez
accordé dans ce cas, si c'était à refaire, vous le
referiez. Votre décision, la maintiendriez-vous aujourd'hui? Quelles
seraient les réponses aux critiques que vous avez eues à ce
moment?
M. Morin (Guy): Effectivement, c'est un cas malheureux qui s'est
soldé par un échec, mais c'était au début de la
société. C'est un cas que nous avions hérité de la
SDI. La demande avait été déposée à la SDI.
À l'époque, il y avait la loi 46, je crois, qui permettait de
garantir des prêts. Lorsque la SODIC est née, cette loi a
été transférée à toutes fins utiles dans la
loi de la SODIC; ce dossier venait donc de la SDI. Les demandes de prêts
à cette époque étaient beaucoup plus considérables
que les montants impliqués. Malgré tout, nous avions
demandé à l'entreprise de voir à radier une partie de "ses
payables" parce que la situation financière était
définitivement mauvaise, au moment où nous l'avons
regardée.
La recommandation positive de la SDI de prêter a été
contestée à notre conseil d'administration, qui a refusé
la décision de la SDI initialement. On a émis de nouveaux
critères. Malgré ces nouveaux critères, qui étaient
beaucoup plus sévères que ceux de la SDI, cela s'est soldé
par un échec. Est-ce qu'on recommencerait l'exercice, s'il y avaitlieu? Avec l'expérience de deux ans et demi, je dis d'une
façon non équivoque que c'est un dossier qu'on ne devrait pas
prendre; un dossier de même nature, on ne devrait pas le prendre, cela
dépassait le dernier recours.
M. Lalonde: Un enterrement! Des frais funéraires!
M. Saintonge: Ce qui m'intéresse grandement, de quelle
façon répondez-vous...
M. Morin (Guy): À la critique?
M. Saintonge: ... aux critiques justement où on accusait
la SODIC de s'ingérer dans les affaires entre autres de Aurore
Univers?
M. Morin (Guy): Je n'ai presque aucune réponse, M. le
député, si ce n'est que ce serait commencer de petite
polémique. Je vais apporter seulement un élément, si vous
me le permettez. Lors de cette conférence de presse, il était
question de deux dossiers: Aurore Univers et l'ACDL. Or, ni dans un cas ni dans
l'autre, le président de l'ACDL et le propriétaire de Aurore
Univers n'étaient présents à la conférence de
presse. Et qui plus est, le président de l'ACDL avait été
consulté et avait refusé de participer à cette
conférence de presse. Je ne voudrais pas commenter davantage ce cas. Les
gens qui font de la critique en ont le droit. C'est très sain qu'il y
ait de la critique à un moment donné. Je ne veux pas refuter
leurs arguments. Il y a sans doute une part de vérité dans cela,
mais je n'ai pas d'autres commentaires sur ce sujet, à moins que vous y
teniez.
M. Saintonge: Non, c'est parce que je m'interrogeais en fin de
compte...
M. Morin (Guy): Si vous y tenez, je vais vous en parler pendant
une demi-heure et on va s'en parler sérieusement.
M. Saintonge: La seule chose, M. Morin, c'est qu'on disait quand
même que vous vous ingériez, que c'était une sorte de mise
en tutuelle, je ne sais pas s'il y a une explication plausible.
M. Morin (Guy): Mais la preuve que la mise en tutelle
n'était pas suffisante, c'est que cela s'est soldé par un
échec.
M. Lalonde: J'aimerais simplement poser une question
générale. Dans tous ces dossiers, actuellement, je sais que vous
avez vos problèmes quotidiens. Je présume que vous faites votre
boulot, votre équipe aussi. Est-ce qu'il y aurait des cas de dossiers
que vous pensez devoir traiter ici? Si, par exemple, dans quelques jours ou
quelques semaines, il devait arriver des développements qui
intéressent la population, étant donné qu'il s'agit de
fonds publics, est-ce qu'il y a des cas où vous pourriez regretter de ne
pas nous en avoir avisés? C'est une espèce de confession
générale.
M. Morin (Guy): Votre question est délicate, M. le
député. Il y a toujours des dossiers chauds, il y en a
quelques-uns à la société comme il doit y en avoir
à la BFD ou à la Banque Royale. Effectivement, il y a
quelques dossiers chauds chez nous présentement. Vous savez, dans un
dossier chaud, il faut faire attention, il y a un ensemble de facteurs et un
ensemble d'intervenants et les équilibres m'apparaissent
nécessaires si on veut essayer de mener à bon port certains
projets ou certains prêts que nous avons faits ou certaines garanties de
prêt que nous avons consenties. Naturellement, on n'a pas toujours le
contrôle entier sur les entreprises, parce qu'elles doivent se
débrouiller, voir à leur développement et voir à
leur rentabilité, mais le sens que je donne à votre question, qui
est très délicate, M. le député, c'est que je
pourrais bien commenter quelques cas, mais j'aurais peur d'énerver les
gens.
M. Lalonde: Je constate que, comme banquier, vous ne pouvez pas
faire affaires sur la place publique. Je reconnais que discuter ici autour de
la table de un, deux ou trois dossiers particuliers peut nuire plutôt que
d'aider. Je respecte fondamentalement cette attitude, mais il reste que vous
administrez des fonds publics et c'est notre devoir de surveiller
l'administration que vous en faites, comme le gouvernement doit, lui aussi,
s'autosurveiller. Le but de ma question est dans la perspective qu'il y aurait
des cas qu'on devrait connaître, mais cela exclut nécessairement
ceux que vous pourriez croire devoir protéger par une certaine
confidentialité, jusqu'à ce que les choses se règlent. La
frontière est assez grise entre les deux, je me fie à votre
jugement. Ce n'est pas la question qui est délicate, c'est la
réponse.
M. Morin (Guy): II y a un dossier que tout le monde
connaît, je peux me permettre un commentaire aussi bref que possible pour
ne pas nuire à l'évolution du dossier. Nous sommes intervenus
dans le cas des librairies Dussault & Garneau, il y a un an et demi. C'est
un dossier chaud, parce que les ventes d'une entreprise de détail ont
été mauvaises sur la fin du dernier exercice du calendrier,
c'est-à-dire les mois d'octobre, novembre et décembre. Je
mentionnais à un journaliste de Radio-Canada, il y a trois semaines - et
je rapporte à peu près les mêmes propos, on m'interrogeait
sur Dussault & Garneau - que les ventes au détail avaient
chuté de 25% à 30% durant cette période-là. Or,
dans la librairie, c'est comme dans la plupart des commerces de détail,
le dernier trimestre de l'année est le plus important, parce qu'on
frappe à la fois la rentrée scolaire et la période des
fêtes. Cela représente un fort pourcentage des ventes annuelles.
Alors, il y a eu un manque à gagner, s'appuyant sur une pénurie
de ventes, de l'ordre de 1 400 000 $ durant ces quatre mois. Cela a
été assez général, mais cela
fait davantage mal à une entreprise qui a un problème de
liquidité qu'à une entreprise qui n'a pas ce problème.
Deuxièmement, la même entreprise a été
obligée d'endosser des stocks au cours de l'année, comme toute
autre entreprise dans le même domaine, à un loyer moyen de 21,7%.
Cela ne se peut pas; à 21,7%, tout le monde est enclin à prendre
des certificats de dépôt, parce que 21,7%, pour endosser des
stocks, c'est phénoménal. Alors, il y a une crise dans tout
commerce au détail, dans tout le tertiaire, ceux qui manquent de
liquidité sont davantage affectés. Nous sommes à chercher
des solutions. Quand je dis que nous sommes à chercher des solutions,
bien sûr, les gens à l'intérieur de l'entreprise cherchent
aussi des solutions. Et l'on collabore avec eux dans le but de trouver des
solutions dans ce dossier. Ce n'est pas facile, mais cela revêt pour nous
beaucoup d'importance à cause de la nature du dossier et non seulement
à cause des montants. Il y a des réseaux de librairies dans une
vingtaine de centres commerciaux au Québec, mais il n'y en a pas
beaucoup qui appartiennent à des Québécois, je pense que
c'est le seul. Alors, on a des ajustements majeurs à faire à
court terme dans ce dossier.
Si vous me pemettez, monsieur le député assis à ma
gauche, de parler du dossier, vous n'avez pas d'objection?
M. Blais: Pas du tout.
M. Morin (Guy): On a un problème assez sérieux dans
le cas de la Comédie nationale. Quand on dit qu'on a un problème
assez sérieux à la Comédie nationale, nous n'avons pas de
problème à la société. La Comédie nationale
a un problème, la société n'en a pas. On a une
créance de deuxième rang là-dedans qui, à mes yeux,
est sécurisée à 100%. On est drôlement
impliqué et on cherche de part et d'autre à trouver des solutions
pour qu'il y ait continuité dans une entreprise semblable et que le
milieu puisse bénéficier d'une salle polyvalente, comme c'est si
important dans Montréal. Je parle sur le plan culturel. Sur le plan
financier, la Comédie nationale n'est pas un problème pour la
société. Sur le plan culturel, il y a un drôle de
problème s'il y a arrêt des opérations. Les artisans de
cette salle - je dois leur rendre crédit non pas parce que M. Blais est
présentement ici - lorsqu'ils ont construit cette salle, lui avaient
donné une vocation et le ministère des Affaires culturelles
était d'accord avec cette vocation. Cela répondait à un
besoin spécifique à Montréal: une salle polyvalente, pas
seulement à des fins de théâtre institutionnel, qui servait
aux variétés, aux spectacles de tous genres. Il y avait un
besoin. Les coûts des travaux ont été non pas exorbitants,
mais ont dépasssé nettement les prévisions; les
coûts des travaux ont augmenté partout au cours des
dernières années. C'est la principale raison du problème
de la Comédie nationale. L'entreprise se retrouve véritablement
en difficulté financière à cause des coûts de ces
travaux.
Étant donné qu'on a une dimension culturelle, au
même titre que le ministère des Affaires culturelles, on ne veut
pas laisser tomber la salle puisqu'elle répond à un besoin. C'est
là notre dimension culturelle et non pas la dimension
financière.
M. Lalonde: J'aurais deux sous-questions. Vous avez dit que le
coût des travaux a augmenté; quel a été le taux
d'augmentation du coût sur les prévisions?
M. Morin (Guy): C'est compliqué, parce que c'est une salle
qui, initialement, était un bureau de poste. Il y a eu un achat
d'immeuble et sa restauration. Dans un projet de restauration, de recyclage de
matériaux et d'amélioration locative, etc., cela ne se
présente pas aussi facilement que si on construit un édifice. Les
travaux ont dépassé certainement de 200 000 $ ou 300 000 $ les
prévisions initiales. Cela ne m'apparaît pas anormal par rapport
à d'autres entreprises qui ont eu à faire face à des
coûts de construction à cette même époque.
M. Lalonde: Deuxième sous-question. Croyez-vous, comme
président de la société, que votre garantie est bonne,
suffisante, dans l'hypothèse la moins favorable, que personne ne
souhaite ici, pour que la société puisse récupérer
son prêt entièrement?
M. Morin (Guy): M. le député, ma réponse
sera technique. On va récupérer 100% ou zéro. Nous sommes
au deuxième rang là-dedans avec la Caisse populaire Desjardins,
située à Place Desjardins.
M. Lalonde: De combien est la première
hypothèque?
M. Morin (Guy): 575 000 $.
M. Lalonde: Vous avez 595 000 $ à aller voir - comme on
dit dans le milieu -s'il y a un défaut et si vous ne voulez pas perdre
votre garantie.
M. Morin (Guy): On aura peut-être un problème
technique dans le sens qu'en étant au deuxième rang, nous serions
appelés à racheter la première hypothèque. Selon la
machine gouvernementale, il faut aller jusqu'au Conseil des ministres, parce
qu'elle dépasse 250 000 $. Cela prend au moins un mois pour aller au
Conseil des ministres.
(12 heures)
M. Lalonde: On va vous souhaiter bonne chance avec le Conseil des
ministres. Dernière question là-dessus. Au mois de
février, il y a donc, quelques jours, vous aviez environ 4 000 000 $
dans des dossiers de difficultés financières sur environ 8 700
000 $ d'engagés. C'est près de 50%. Est-ce que vous avez
l'intention de continuer dans cette orientation? Est-ce que, compte tenu des
objectifs que vous décriviez dans un document que je cherche... Bon, il
est ici, voilà. C'est un document qui est au 31 mars 1980 et il semble
que ce soit votre rapport annuel: "Objectifs de la société tels
que définis par sa loi constitutive." Je lis: "La société
a pour objet principal de favoriser la création et le
développement des entreprises culturelles." Les chiffres que l'on voit
font état plutôt de la partie dépannage que de la vocation
développement ou initiative. Est-ce que vous avez l'intention de
poursuivre dans cette voie ou qu'est-ce que vous pouvez faire pour
équilibrer davantage et peut-être atteindre... J'enchaîne un
peu sur la question du député de Laprairie tout à l'heure.
Vous avez eu cette réponse inattaquable, à savoir que vous
n'atteindrez jamais votre objectif. Je le comprends, on le poursuit toujours
comme un idéal. Qu'est-ce que vous avez l'intention de faire pour
imprimer des changements à cette tendance que l'on voit après
deux ans et quelques mois de fonctionnement?
M. Morin (Guy): C'est d'accélérer la
réalisation de notre plan de développement et d'ouvrir la porte
davantage aux initiatives majeures. Notre entrée, si le projet de loi
est voté en troisième lecture, dans le domaine des nouvelles
technologies, dans le domaine des entreprises de services en communications,
va, entre autres, permettre d'accélérer les choses de ce
côté-là. Les quautums dans ce domaine-là vont
certainement être plus élevés que dans les autres secteurs
d'activité; par exemple, en touchant la télévision payante
ou des projets de vidéotextes ou de bureautique, des choses semblables,
il est pensable que les projets seront importants en soi en termes de dollars
et d'impact économique. Alors, notre entrée dans ces
secteurs-là va ajouter à notre plan de développement et
cela devrait permettre de créer un nouveau rapport entre l'argent mis
dans des cas de difficultés financières et dans le cas de
développement.
Présentement, c'est environ 50%-50%. On pourrait penser que, sur
une base quinquennale, par exemple, 75% iront vers l'initiative et 25% vers des
cas de dépannage, mais cela va se faire graduellement, parce qu'on ne
peut pas laisser tomber les autres cas.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Terrebonne, avec la permission des membres de la commission, étant
donné qu'il n'est pas inscrit.
M. Lalonde: Ah oui, sûrement. On est toujours heureux de
l'entendre...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Terrebonne.
M. Lalonde: ... sans partager nécessairement ses
opinions.
M. Blais: Je vous remercie beaucoup, M. le député
de Marguerite-Bourgeoys. J'aurais une question à poser. Vu que
maintenant la SODICC va faire un ajout qui est la communication, n'y aurait-il
pas danger, dans l'évolution des prêts et des entreprises à
subventionner ou à aider, que la majeure partie de l'argent aille aux
communications, mais que le secteur directement "culturel", en souffre? En
effet, du côté communications, vu l'évolution des
vidéocassettes, etc., vu que ce qui est cinématographique et que
tout ce qui est visionnel est plus rentable que le domaine dit "strictement
culturel", n'y aurait-il pas un danger que les entreprises strictement
culturelles souffrent d'une nouvelle orientation possible de la SODICC dans ses
investissements et ses prêts?
M. Morin (Guy): II y a effectivement un danger, M. le
député. Il s'agit de maintenir un équilibre aussi solide
que possible des montants utilisés dans un secteur par rapport à
l'autre secteur. Mais tel que je viens de le mentionner, il est certain que les
nouvelles technologies et les services en communications vont drainer une bonne
partie des montants. Moi, mon postulat est le suivant: c'est que, dans le
secteur culturel, on a la démonstration à faire que c'est
rentable économiquement. Si on est capable de démontrer avec le
temps une rentabilité économique du secteur culturel, on aura
fait au Québec un pas extraordinaire parce que le secteur culturel est
capital ici de par le fait français, de par notre culture, etc. Si on
est capable de relever ce défi en démontrant une
rentabilité économique du secteur culturel, moi, je fais
confiance au gouvernement que, si on manque de fonds, nous reviendrons alors au
gouvernement, qui se fera un plaisir de trouver des moyens pour ajouter aux
capitaux nécessaires. Pour ce faire, il faudra qu'on fasse la
démonstration de notre rentabilité en tant que
société et de la rentabilité des entreprises avec
lesquelles on fera affaires. Jusqu'ici, je n'ai pas à m'inscrire en faux
contre l'action du gouvernement, ni du ministre de tutelle, parce
qu'effectivement je n'ai pas eu de blocage sur le plan financier
puisqu'à ce jour nous avons eu les fonds
nécessaires. Si on vient devant le législateur pour avoir
des fonds additionnels, c'est parce qu'on voit des besoins additionnels et
qu'on veut accélérer la machine. On peut accélérer
la machine mais, si on fait mal, on ne reviendra pas vers le gouvernement pour
des fonds additionnels. Si on revenait en ayant mal fait, nous n'en aurions
pas. Si on démontre une rentabilité économique, je ne vois
pas pourquoi le gouvernement ne mettrait pas des cents additionnels dans une
société d'État qui défend à la fois le
secteur culturel et le secteur des industries culturelles dans son
ensemble.
M. Blais: Est-ce que je peux faire une suggestion, s'il vous
plaît? Je ne vous blâmerai pas, en tant que
président-directeur général de SODICC, de mettre beaucoup
plus d'argent dans le secteur des communications directes, parce que vous
voulez prouver que votre société est rentable, viable, etc.
Cependant, la crainte que la très grosse majorité aille vers les
entreprises de communications et que le secteur culturel en souffre, cela reste
en plan pour moi dans votre réponse.
M. Morin (Guy): Je ne peux pas vous donner une réponse. Je
n'ai pas véritablement la réponse à votre question, M. le
député. Je dis qu'on devrait essayer de maintenir un
équilibre. Si vous me permettez, juste une petite nuance. J'identifie
les nouvelles technologies dans le secteur des entreprises de services en
communications comme étant aussi des entreprises faisant partie des
industries culturelles. Je ne les vois pas hors des industries culturelles. On
n'entre pas dans un autre univers quand même. Lorsque vous allez
véhiculer par satellite des éléments culturels, vous allez
recevoir par satellite des éléments à caractère
culturel. Je pense que c'est un contenu qui s'identifie justement à une
culture. Je ne dissocie pas, mais j'associe au contraire les entreprises de
services en communications comme étant des entreprises faisant partie
des industries culturelles, mais qui ne sont pas les industries
traditionnelles.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
M. Richard: M. le Président, je voudrais apporter un
complément de réponse au député de Terrebonne. Une
des raisons pour lesquelles j'ai demandé au Conseil des ministres un
accroissement de la capacité d'intervention de la société,
qui passe de 10 000 000 $ à 40 000 000 $, c'est
précisément parce qu'en même temps je demandais que la
société soit appelée à couvrir le champ des
communications. D'autre part, ce qui m'apparaissait important, c'est que nous
soyons présents au niveau du software. Au niveau du hardware, en
matière de communications, il est presque déjà trop tard.
Au niveau du software, nous avons toutes les ressources disponibles pour
être présents; en plus, non seulement nous avons les ressources,
mais nous avons une compétence assez remarquable. Donc, il faut
être présents. Cela veut dire l'aide directe à des
créateurs pour être présents au niveau du software. C'est
essentiellement culturel. S'il s'agit de monter une émission ou une
série d'émissions pour la télévision payante et
qu'on aide une entreprise qui le fait, on aide directement les
créateurs, on aide directement des comédiens, par exemple. Cela
reste essentiellement culturel. Cela vise à assurer notre
présence au niveau du software, à tout le moins.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Changement de nom
M. Lalonde: M. le Président, pour enchaîner avec les
deux dernières réponses -je m'excuse auprès du
député de Laprairie, parce que je sais qu'il a d'autres questions
-si, comme le président de la société le dit -c'est
confirmé par les propos du ministre -c'est plutôt le
caractère culturel des entreprises de communications qui va faire
l'objet de l'attention et de l'aide de la société, pourquoi
avons-nous changé le nom? Pourquoi ajouter au nom de la
société le mot "communications" si c'est en fait le contenu
culturel qu'on veut aider. Deuxièmement, combien va coûter ce
changement de nom?
M. Morin (Guy): Pour la première partie de la question,
cela va coûter 1100 $.
M. Lalonde: 1100 $. Vous n'avez pas de papeterie, tout cela,
etc., et des sigles un peu partout?
M. Morin (Guy): Cela va coûter 1100 $ M. Lalonde:
Vous l'avez évalué?
M. Richard: M. le Président, la question du
député de Marguerite-Bourgeoys est fort pertinente, parce que
j'avais commencé par opposer une fin de non-recevoir à la demande
de changement de nom sous prétexte qu'il y aurait des coûts
extrêmement importants. J'ai fait communiquer avec le
président-directeur général de la SODIC. Il m'a dit qu'il
n'y avait pas de coûts importants, 1100 $. Vous avez raison, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, peut-être que ce ne serait
pas absolument nécessaire, mais cela permet quand même aux
entreprises de
communications de savoir que, maintenant, la Société
québécoise de développement des industries culturelles
peut leur rendre service, parce qu'autrefois - et encore aujourd'hui, tant que
la loi ne sera pas modifiée - la société ne couvrait pas
ce champ, elle n'était pas mandatée pour couvrir le champ des
communications. Cela permet de faire connaître, en quelque sorte, le fait
que nous nous apprêtons à élargir le mandat de la
société.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laprairie.
Intérêts dans des entreprises
culturelles
M. Saintonge: Dans le dernier rapport du vérificateur, il
y avait certains commentaires concernant l'article 15 de la loi où il
est stipulé, entre autres, que tout membre du conseil d'administration
doit, sous peine de déchéance de sa charge, "communiquer au
ministre des Affaires culturelles et au conseil d'administration une liste des
intérêts que lui ou son conjoint détient dans toute
entreprise culturelle, avec un relevé des opérations ayant
modifié cette liste au cours de l'année." Le vérificateur
disait: "Notre vérification nous a permis de constater que certains
membres du conseil d'administration ne se sont pas conformés à
cet article." Évidemment, dans le commentaire de la
société, on reconnaît que deux administrateurs n'avaient
pas fait parvenir encore la liste de leurs intérêts dans des
entreprises culturelles, bien qu'ils aient été requis de le faire
par courrier recommandé. Est-ce qu'aujourd'hui ces gens se sont
conformés à cela?
M. Morin (Guy): Ils s'y sont conformés.
M. Saintonge: Je ne suis pas sans ignorer que, dans les documents
que vous nous avez fait parvenir hier, c'était indiqué
effectivement que les gens s'y étaient conformés en date du 22
mars 1982. C'est même après le dépôt du futur projet
de loi 54. Qu'est-ce qui explique ce délai, d'une part? La
deuxième partie de ma question, c'est ceci. Dans les réponses que
nous avons eues, on indique que tous les administrateurs se sont
conformés, mais l'obligation de l'article 15 s'applique également
au conjoint d'un administrateur. Pouvez-vous nous dire si les conjoints des
administrateurs ont fait la déclaration ou si les administrateurs ont
fait la déclaration relativement aux intérêts de leur
conjoint?
M. Morin (Guy): Premièrement...
M. Richard: Je m'excuse, M. le Président, l'article 15, M.
le député de
Laprairie, ne dit pas cela; ce qu'il dit, c'est que c'est le membre du
conseil d'administration qui doit déclarer que lui ou son
conjoint...
M. Lalonde: C'est cela.
M. Saintonge: C'est ce que j'ai mentionné.
M. Richard: Mais l'obligation ne s'applique pas, comme vous
l'avez formulé, au conjoint.
M. Saintonge: Non, mais j'ai corrigé en chemin. J'ai dit
que j'avais dit "au conjoint," mais j'ai spécifié que
c'était la déclaration de l'administrateur sur les
intérêts de son conjoint.
M. Richard: D'accord, je m'excuse.
M. Saintonge: Je comprends qu'il n'y a pas d'obligation pour le
conjoint de déclarer, il n'est pas partie à la corporation.
M. Morin (Guy): En réponse à la première
partie de la question, l'an passé, effectivement, deux administrateurs
n'avaient pas remis leur déclaration d'intérêts à la
suite de deux lettres recommandées leur demandant de déposer leur
déclaration d'intérêts. Il ne faudrait quand même pas
remercier des gens qui travaillent presque bénévolement, les
remercier de leurs bons services parce qu'ils ont déposé leur
déclaration d'intérêts en retard. Cela s'est corrigé
l'année suivante, effectivement. Mais, il faut revenir à la
charge chaque année, une, deux, trois et quatre fois, pour obtenir les
déclarations d'intérêts. Ce sont toujours les mêmes,
sans méchanceté pour ces gens-là, qui sont en retard pour
faire des déclarations d'intérêts et ce sont toujours ceux
qui n'en ont pas d'intérêts, justement. Mais, de toute
façon, on a... Tout le monde a fait sa déclaration et,
effectivement, nous les avons en main et nous les avons données au
ministre.
M. Saintonge: Leurs intérêts personnels ainsi que
ceux de leur conjoint.
M. Morin (Guy): Oui.
(12 h 15)
M. Saintonge: Maintenant, dans les documents que nous vous avons
requis de fournir, la liste d'intérêts que les membres du conseil
d'administration ou leur conjoint détiennent, on aimerait que vous
puissiez déposer copie de cette liste-là. Vous engagez-vous
à nous fournir cette liste-là?
M. Morin (Guy): Je pose la question naïvement, M. le
député, est-ce que... La confidentialité des
intérêts des
administrateurs, je voudrais essayer de la maintenir presque à
tout prix. Si c'est normal, logique et souhaitable que ce soit
déposé, je vais le faire, mais je voudrais éviter
de...
M. Lalonde: Je pense, M. le Président, qu'on comprend,
moi, personnellement, je comprends votre hésitation. D'ailleurs, selon
la loi - et je pense bien que le député de Laprairie l'a reconnu
- l'obligation est faite aux membres de communiquer les listes au conseil
d'administration et au ministre des Affaires culturelles. En ce qui nous
concerne, notre devoir de surveillance, on le fera porter plutôt sur le
ministre que sur le président de la société. On peut poser
la question au député de Laprairie ou au ministre,
maintenant.
M. Richard: M. le Président, je n'ai pas d'objection
à déposer ça puisque je les ai eues ce matin, elles m'ont
été remises. Je voudrais simplement faire état de la
réserve qu'il y a, à l'article 15, qui dit: "Les renseignements
fournis en vertu du présent article sont confidentiels et il est
interdit de les communiquer ou de permettre qu'ils soient communiqués
à une personne qui n'y a pas légalement droit." Alors, j'estime
que "légalement droit," ça doit s'appliquer aux parlementaires,
au premier chef, j'en suis bien conscient, sauf que je voudrais tout simplement
que vous soyez conscient de l'impact que cela peut avoir, dans l'avenir, sur la
nomination des gens. Il va devenir difficile de nommer des administrateurs au
conseil d'administration parce qu'il faut une certaine confidentialité.
Je n'ai pas d'objection, si vous insistez, je n'ai pas la moindre objection
à vous faire prendre connaissance de cela.
M. Lalonde: L'idée n'est pas d'insister pour insister, ce
n'est pas une question de curiosité, simplement, de la part de
l'Opposition, je pense qu'on a...
M. Richard: Je pourrais vous les montrer confidentiellement et,
si vous voulez intervenir dans un cas ou l'autre, vous jugerez.
M. Lalonde: M. le Président, en ce qui me concerne, un
député de l'Opposition ne peut pas accepter de surveiller
confidentiellement le gouvernement et les organismes qui en dépendent.
Je pense que ce n'est pas une question de curiosité de notre part, on
essaie de faire notre devoir de surveillance le mieux possible. Je comprends
les réserves que le ministre peut nourrir en s'appuyant, d'ailleurs, sur
le troisième alinéa de l'article 15.
M. Richard: En somme, c'est que le législateur a voulu
être très prudent en la matière pour protéger un peu
la confidentialité de ces renseignements.
M. Lalonde: II y a un certain illogisme dans ce
système-là, si les députés qui sont mandatés
par la population pour surveiller l'administration n'ont pas accès
à ce que, d'autre part, la loi prescrit aux gens de faire. Je
suggérerais au ministre de surveiller, avec ses conseillers juridiques,
si les députés de l'Opposition sont des personnes qui y ont
légalement droit, premièrement. Si oui, ils feront comme les
ministres, les ministres sont obligés de publier ça dans les
journaux.
M. Richard: Je reconnais volontiers que je ne sais pas ce que
ça veut dire "ceux qui y ont légalement droit". Je comprends que
le ministre y a légalement droit, ça m'apparaît
évident, mais les autres, je ne le sais vraiment pas.
M. Lalonde: Si vous vérifiez ça, M. le ministre, ou
qu'on se revoit bientôt aux crédits, vous me donnerez la
réponse.
M. Richard: Oui, je n'ai pas la moindre objection.
M. Saintonge: M. Morin, j'aurais une autre question suivant
l'article 14. Ce n'est pas une question de s'attaquer à un cas
particulier ou pas, mais c'est une constatation de fait. Le vérificateur
mentionnait toujours dans son rapport: "II est prévu à l'article
14 que tout membre du conseil d'administration n'exerçant pas ses
fonctions à plein temps et ayant un intérêt dans une
entreprise doit, sous peine de déchéance de sa charge, s'abstenir
de participer à toute délibération portant sur
l'entreprise dans laquelle il a un intérêt." Le
vérificateur concluait en disant: "Afin d'éviter la
possibilité de conflit d'intérêts personnels des membres
avec les intérêts de la société, il y aurait lieu,
à notre avis, que la société édicte une politique
concernant le sujet." Ce qui est intéressant, ce sont les commentaires
de la société ultérieurement à ces remarques du
vérificateur. Je cite: "En rapport avec la remarque concernant
l'application de l'article 14 de la loi, la société a maintes
fois constaté les difficultés d'application de cet article." Ce
que je voudrais savoir, c'est ce que vous entendez par "a maintes fois
constaté les difficultés d'application de cet article". Quelle
était la nature de ces difficultés, dans un premier temps?
M. Morin (Guy): C'est par souci de prudence en fonction de cet
article de la loi que, lorsque nous délibérons au conseil
d'administration de la société, on se méfie
que des interventions soient faites par des personnes qui pourraient
être en conflit d'intérêts. La loi prévoyait, et les
règlements le prévoient également, que les membres du
conseil d'administration émanent du milieu, justement, avec lequel nous
transigeons sur une base quotidienne. Alors, il faut toujours faire attention
dans ce sens-là à ce que les personnes qui pourraient être
en conflit d'intérêts n'assistent pas ou ne participent pas aux
délibérations au moment où un dossier est discuté,
lorsqu'elles pourraient être en conflit d'intérêts. Cela
arrive presque à chaque séance du conseil d'administration qu'un
administrateur doit quitter la séance pour ne pas être en conflit
d'intérêts pour ne pas porter de jugement ou s'exprimer sur des
dossiers de cette nature. Effectivement, il y a des difficultés.
D'autre part, faut-il dire que ces mêmes personnes étaient
absolument nécessaires et sont encore nécessaires à la
bonne marche de la société, à son orientation et à
ses modes de fonctionnement parce qu'elles ont de leur propre secteur une
expertise que nous ne pouvons avoir? On ne peut pas avoir cette polyvalence et
cette science dans chaque secteur. Lorsque le législateur a
implanté cette société, il a prévu à sa loi
qu'il puisse y avoir des gens du milieu qui fassent partie du conseil. J'ajoute
qu'il y a déjà eu d'autres nominations au conseil, qui ont eu
lieu il y a quatre ou cinq mois à peine. Graduellement, on crée
un nouvel équilibre. Le ministre crée un nouvel équilibre
dans le conseil, qui n'est pas entièrement composé de gens du
milieu. À titre d'exemple, lors des dernières nominations, on a
pris deux personnes: un spécialiste de l'exportation et un
spécialiste à la fois de la fiscalité et de la finance.
Ces deux personnes n'étaient pas des spécialistes des secteurs
comme tels. Il y a alors un nouvel équilibre qui se crée et ces
personnes ne seront en conflit d'intérêts en aucun temps. C'est
absolument nécessaire, d'autre part, d'avoir des personnes du milieu
aussi pour créer cet équilibre à l'intérieur du
conseil et nous apporter une certaine expertise que nous n'aurions pas
autrement. Cela nous sert et en même temps ça nous crée des
problèmes.
M. Saintonge: En tout cas, vous avez mentionné maintes
fois qu'on s'était écarté de l'application de l'article;
l'un des points qui est sûr, c'est le problème de Décormag.
Je comprends que Décormag a bénéficié de deux
prêts de 125 000 $ alors qu'un des membres du conseil d'administration
est président-directeur général de Décormag. Il y a
question d'intérêt public, il y a conflit potentiel
d'intérêts. Je pense que c'est un exemple concret d'un
difficulté d'application de l'article que vous pouvez mentionner. Ce qui
est difficile à concilier à ce niveau, ce sont vos conclusions
aux remarques du rapport du vérificateur de la société
dans ses commentaires, qu'il terminait en disant: "Un projet d'amendement
à la loi sur la société doit être
déposé à la Législature et demandera une refonte
complète des dispositions de cet article 14. Dorénavant, toute
aide financière serait interdite à un administrateur de la
société, à un de ses employés ou à tout
membre de l'Assemblée nationale ainsi qu'à toute personne ou
entreprise liée à l'une de ces personnes".
M. Morin (Guy): C'est exact. Cela a été
refusé.
M. Saintonge: C'est ça. C'est une recommandation.
M. Morin (Guy): Peut-être que mon commentaire, M. le
député, je vous l'ai mal expliqué. Effectivement, dans le
premier projet que nous avions rédigé pour cette modification
à la loi, nous en étions arrivés à un jeu de
réserves et de restrictions tel que c'était inacceptable. Le
comité de législation a refusé notre projet et il s'en est
tenu au texte qui est présentement celui contenu dans la loi, il a
maintenu le même texte de loi. Ce n'est pas notre manque de
volonté ni de bonne foi, puisque notre projet initial mettait ces
paramètres.
M. Saintonge: Donc, de votre côté, on pourrait
conclure que la nécessité d'une modification de la loi
était importante. Vous ne niez pas, disons, les commentaires, vous
êtes en accord avec les commentaires que vous avez énoncés
antérieurement. Du côté du ministère, on devrait
peut-être adresser la question...
M. Morin (Guy): Non, ce n'est pas du ministère...
M. Saintonge: ... au ministre.
M. Morin (Guy): Au comité de législation.
M. Saintonge: Au comité de législation. Est-ce que
le ministre peut donner des explications à cet effet-là?
M. Richard: M. le Président, quand le projet de loi
créant la SODIC a été adopté, on a beaucoup
discuté de la composition du conseil d'administration, et il
était entendu de façon assez explicite par les trois formations
politiques à l'époque - Mme la députée de L'Acadie,
par exemple, était intervenue là-dessus, le Dr Goldbloom aussi,
le ministre de l'époque, le député de
Trois-Rivières et le député de Gaspé, qui
était le chef de l'Union Nationale, je pense, à ce
moment-là - qu'il fallait absolument que ce
soient des gens du milieu qui siègent au conseil
d'administration. Mme la députée de L'Acadie, par exemple, avait
même proposé un amendement pour que chaque industrie soit
représentée au sein du conseil d'administration. Je pense qu'on
s'était dès lors rendu compte qu'il y avait un risque de placer
des personnes en situation de conflit d'intérêts. C'est pourquoi
on avait rédigé l'article 14 et surtout le deuxième
paragraphe de l'article 14 qui dit: Révélation
d'intérêt. On dit ceci: "Tout autre membre du conseil
d'administration ayant un intérêt dans une entreprise doit, sous
peine de déchéance de sa charge, le révéler par
écrit au président et s'abstenir de participer à toute
délibération et à toute décision portant sur
l'entreprise dans laquelle il a un intérêt." C'est donc qu'on
avait prévu, parce qu'on ferait appel à des gens du milieu, que,
forcément, un jour viendrait où il y aurait des situations
conflictuelles. Le législateur, à bon droit, je pense, avait dit:
Pour échapper à la difficulté, on va prévoir le
deuxième paragraphe de l'article 14. C'est ce qui a été
suivi jusqu'à maintenant. Évidemment, le danger d'une
modification, on y a songé, ce serait intéressant, c'est que tous
les gens disent, quand on va leur offrir de siéger au conseil
d'administration: Si, tout à coup, un jour, j'ai besoin de la
société ou si je veux faire des affaires avec la
société, je ne pourrai pas le faire. Donc, on aurait de la
difficulté à recruter des gens du milieu, ne serait-ce que des
gens qui n'ont pas l'intention, au moment où on veut les recruter, de
faire partie du conseil d'administration, mais qui ne voudraient pas se couper
indéfiniment de ce recours possible. C'est pourquoi on pense que
l'article 14 est préférable. Je reste très ouvert à
la discussion sur le sujet.
M. Lalonde: M. le Président, je comprends les
difficultés d'application d'un tel texte. On veut atteindre deux
objectifs: celui de puiser dans l'expérience, le "know-how" du milieu
et, l'autre, d'éviter des situations de conflit d'intérêts.
C'est acceptable, en pratique, pourvu que cela reste exceptionnel. Ce n'est pas
nouveau, ces dispositions de déclarations d'intérêts, et
surtout l'abstention de participer à la décision lorsqu'on fait
partie d'un groupe décisionnel, un conseil d'administration de n'importe
quelle société, c'est la règle.
Le président vient de nous dire que, presque à chaque
assemblée, quelqu'un est obligé de sortir. Si cela devient une
habitude de devoir s'abstenir, le danger est que, même si on n'est pas
là, on sait qu'au prochain conseil d'administration ce sera notre voisin
de gauche ou celui de droite qui devra s'abstenir. Ce qu'il y a, ce n'est pas
un climat, et là je commence à comprendre davantage les remarques
du président en réponse aux observations du vérificateur,
cela doit créer un climat un peu difficile, un peu lourd. (12 h 30)
M. Morin (Guy): On a eu le choix.
M. Richard: Je poserais avec votre permission une question qui
nous éclairerait, M. le député, j'arrive difficilement
à comprendre la réponse du président, parce que je peux
vous révéler immédiatement, en attendant la défense
des crédits pour voir à qui s'applique le mot
"légalement", que l'immense majorité des membres du conseil
d'administration n'a aucun intérêt dans les entreprises
culturelles. Cela, je peux vous le dire tout de suite, l'immense
majorité, et je pèse bien mes mots quand je dis que c'est
l'immense majorité.
M. Morin (Guy): La réponse à cela, M. le ministre,
c'est que, lorsque je dis que des administrateurs sortent de
l'assemblée, ce n'est pas toujours à la demande du
président de l'assemblée, c'est que les gens sont suffisamment
délicats, sont suffisamment professionnels que, dès qu'ils voient
la moindre... pas le moindre conflit d'intérêts, moins que cela,
dès qu'ils peuvent apporter un point de vue qui pourrait être
biaisé parce qu'ils sont au courant de choses sur le plan confidentiel
ou autre, les gens d'eux-mêmes vont le faire. En même temps, je
réponds à M. le député que le choix est toujours le
même et, semble-t-il, on voit cela dans bien des sociétés
d'État où on n'a aucun administrateur du milieu ou bien
où, si on a des administrateurs du milieu, il faut vivre avec les
règles du jeu. Entre deux maux, on choisit le moindre. Je
préfère avoir des administrateurs du milieu qui, à
l'occasion, sortent des assemblées que de ne pas avoir d'administrateurs
du milieu, parce qu'on se priverait dans une société
d'État de talents et d'expériences qui nous sont absolument
nécessaires, mais c'est un problème.
M. Lalonde: Mais l'argument du ministre plaide à
l'encontre du maintien de la situation actuelle. Si l'immense majorité
des membres du conseil d'administration... ils sont combien? Huit, neuf?
M. Morin (Guy): Neuf.
M. Lalonde: Neuf, on peut présumer que l'immense
majorité, c'est au moins cinq, c'est peut-être six ou sept,
à ce moment-là, cela prouve que l'on peut constituer un conseil
d'administration...
M. Richard: Attention, il ne faudrait pas mal interpréter,
M. le Président, ce sont des gens très impliqués dans le
développement des industries culturelles, mais
qui n'y ont pas d'intérêt financier; cela est
différent.
M. Lalonde: On pourrait donc constituer un conseil
d'administration de gens qui n'ont pas d'intérêt, et on pourrait
donc rejoindre le désir du président dans sa proposition que
si... je ne sais pas, je ne veux pas traduire injustement vos propos en
réaction au Vérificateur général, mais il me semble
que peut-être on pourrait relire ces propos de la société
et je les cite: Dorénavant, toute aide financière serait
interdite à un administrateur de la société, etc.,
lié à l'une de ces personnes... Est-ce qu'on pourrait aller
chercher les gens du milieu qui n'ont pas d'intérêt financier dans
l'industrie culturelle?
M. Morin (Guy): Ce n'est pas le sens, M. le
député.
M. Richard: Les deux...
M. Lalonde: Ce n'est pas ce que vous dites. Ce que vous dites,
c'est d'interdire toute aide à quelqu'un qui est relié d'une
certaine façon à un membre du conseil d'administration, qui a des
intérêts ou non. Mais, si on apportait une qualification à
cela, c'est qu'on pourrait nommer au conseil d'administration des gens, pourvu
qu'ils déclarent n'avoir aucun intérêt financier dans les
industries culturelles. Ce serait déjà le cas de l'immense
majorité des membres du conseil d'administration actuel.
M. Saintonge: Peut-être que l'autre solution, c'est que
même quelqu'un a un intérêt et a besoin de profiter d'une
aide, à un moment donné, sous forme de prêt, comme c'est
arrivé dans un cas pour 250 000 $, il devrait démissionner de sa
fonction de membre du conseil d'administration pour se conformer à
l'exigence que la loi pourrait imposer.
M. Lalonde: Enfin, le problème reste entier.
M. Saintonge: C'est un problème réel qui a
été soulevé par la société elle-même.
Oui.
M. Morin (Guy): M. le député, M. Harvey, qui est le
vice-président, me donne des exemples. Très souvent,
l'administrateur n'aura pas d'intérêt dans l'entreprise
demanderesse à la société, mais l'administrateur est un
homme d'affaires qui peut consentir du crédit à cette entreprise
ou qui a une relation d'affaires avec cette entreprise. C'est à ce
moment que très souvent l'administrateur va sortir de
l'assemblée, mais il n'est pas tenu de le faire.
M. Richard: Cela explique...
M. Morin (Guy): Je vais prendre l'exemple de M. Chagnon, qui est
président de Vidéotron. On va entrer dans le domaine des
communications électroniques. M. André Chagnon, président
de Vidéotron, fait affaires avec un grand nombre de producteurs. Est-ce
que, chaque fois qu'un producteur va faire une demande, il sera tenu de sortir?
Il n'est pas tenu de le faire. C'est très délicat. Ma
réponse à cela, c'est que vous êtes presque obligé
de faire confiance au président et au vice-président des
sociétés d'État. C'est une question de jugement, je pense
bien, et de discernement, mais ce n'est pas facile à régler,
parce qu'aller dans un pôle ou l'autre, c'est-à-dire des
administrateurs qui ne font pas partie du milieu, ce serait néfaste, et
aller dans l'autre pôle serait aussi néfaste.
M. Lalonde: Quelqu'un a dit: Qui veut faire l'ange fait la
bête souvent. Il faut éviter justement l'angélisme dans ce
coin. Quand on nous demande, de la part d'un ministre, de leur faire confiance,
on hésite beaucoup. On serait plus prêt à donner cette
confiance au président d'une société d'État.
M. Richard: M. le Président, je voudrais d'abord expliquer
que, dans le domaine culturel, il est vrai qu'il y a beaucoup de
possibilités de conflit d'intérêts, mais en même
temps, je dirais que le danger est moins grand, parce que c'est tellement
fermé comme milieu que les intérêts sont presque toujours
de notoriété publique. En ce sens, cela me paraît beaucoup
moins dangereux parce que c'est à peu près chaque fois de
notoriété publique. On connaît cela. Quand même, le
milieu des industries culturelles est relativement fermé. D'autre part,
pour vous apporter un élément de réponse aux
problèmes que vous avez soulevés, j'ai eu moi-même à
proposer deux membres du conseil d'administration. J'ai essayé
d'éviter les conflits d'intérêts. Dans un cas, j'ai
proposé M. Jacques Girard; il n'y a pas de conflit
d'intérêts possible. Il est à l'Office
québécois du commerce extérieur. C'est pour permettre
l'exportation du produit culturel québécois. Dans l'autre cas,
vous voyez quelqu'un qui est directement impliqué, mais qui n'a pas
d'intérêts financiers dans les entreprises culturelles, c'est M.
Jules Bellegarde, qui est vice-président à l'administration
financière à Télé-Capitale.
M. Saintonge: II reste que le problème est entier d'une
certaine façon. Si on regarde l'article 14, il reste qu'il y a le
président et le vice-président qui sont à temps plein. On
dit formellement "ne peut, sous peine de déchéance de sa charge,
avoir un intérêt direct ou indirect..." à tel point que si
un intérêt lui échoit, par succession,
par donation, il doit renoncer ou se départir de son
intérêt avec la plus grande diligence possible. La remarque que la
société faisait... La question que je me pose, c'est la suivante:
À la suite des commentaires, des difficultés réelles
d'application qu'il y avait au niveau du conseil d'administration
vis-à-vis des personnes qui pouvaient détenir un
intérêt éventuel, il m'apparaissait que, suivant la
recommandation, qui était possible au niveau d'amendements à la
loi, éventuellement, tout administrateur qui aurait un
intérêt et voudrait bénéficier d'un prêt d'une
quelconque façon avec la société devrait
démissionner.
M. Richard: M. le Président, j'attire l'attention du
député de Laprairie sur le fait que ce n'est pas si facile que
cela dans ce domaine. Par exemple, à la Place des Arts et au Grand
Théâtre, on aime bien que ce soient des gens qui ont une certaine
expertise dans le milieu, qui s'y connaissent un peu, s'intéressent au
développement des arts. Pour l'opéra, c'est évident que
les gens du milieu vont demander avec insistance de siéger au conseil
d'administration. On est toujours très près, dans ce domaine - je
le reconnais volontiers - du conflit d'intérêts, mais c'est moins
périlleux qu'ailleurs, parce que c'est de notoriété
publique. Il y a l'obligation de dénoncer son intérêt.
Quelqu'un qui ne dénoncerait pas son intérêt dans le
milieu, ce serait su tellement rapidement que vous imaginez qu'il y a moins de
danger dans ce secteur qu'ailleurs. Autrement, il faut faire bien attention, il
faudrait exclure par exemple, tous les chanteurs du conseil d'administration de
l'opéra. Au conseil d'administration de l'Orchestre symphonique de
Montréal, c'est la même chose; au conseil d'administration du
Musée des Beaux-Arts, c'est la même chose. Il faudrait, à
la rigueur, oui, si on pousse le raisonnement plus loin, exclure les hommes
d'affaires du conseil d'administration de la Société de
développement industriel, la SDI. C'est le choix qu'il faut faire.
Est-ce qu'on aime mieux avoir des gens du milieu qui apportent leur expertise,
avec les risques que cela comporte, parce que je reconnais volontiers que
ça comporte certains risques, qui sont minimisés par le fait que
c'est toujours de notoriété publique?
M. Saintonge: Je voudrais juste conclure sans faire un
débat interminable. Il y a une question de risque, il y a la question
aussi de se conformer à une espèce de souhait ou de désir
exprimé par un conseil d'administration sur ce point de vue-là.
C'est dans ce sens que ma question s'est située.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jeanne-Mance.
Communications et patrimoine immobilier
M. Bissonnet: M. le Président, depuis la fondation de la
société, par la loi actuelle, il y avait des possibilités
de faire une demande au gouvernement pour que la société puisse
agir dans tout autre domaine en vertu de l'article 4 de la loi actuelle.
Aujourd'hui, dans un nouveau projet de loi, on ajoute que la
société aura compétence dans les services de
communications, notamment la télévision» la radio, la
câblodistribution, les journaux et, également, dans le domaine du
patrimoine immobilier, et, à l'intérieur du nouveau projet de
loi, on indique toujours qu'il pourrait y avoir d'autres domaines où la
société pourrait, à la suite d'un règlement du
gouvernement, avoir des champs d'action. Est-ce que votre conseil
d'administration, depuis sa formation, a étudié la
possibilité, bien avant ce projet de loi, d'entrer dans le champ des
communications et du patrimoine immobilier?
M. Morin (Guy): La réponse...
M. Bissonnet: Oui, j'ai quelques questions très
brèves à vous poser.
M. Morin (Guy): M. le député, dès le
départ de la société, nous nous sommes interrogés
sur les secteurs complémentaires aux secteurs déjà
dévolus à la société. Nous les avons
étudiés avec le plus de profondeur et en y mettant le plus de
temps possible. Il est évident que notre plus grande
préoccupation, parmi les secteurs que nous n'avions pas, était
vis-à-vis des entreprises des services en communication, ou le software,
parce que c'est une course effrénée de ce
côté-là. Au cours des deux ou trois prochaines
années, va se jouer cette carte de l'entrée dans les
différents pays de ces nouvelles technologies. Il n'y a pas que le
divertissement; on le prend sur le plan éducationnel, sur le plan
formation, les contenus de Vidéotex, les contenus de Télidon, les
contenus de toutes les sources seront à la fois diffusés à
l'échelle mondiale et dans les différentes langues. Si nous, au
Québec, on ne se dépêche pas, on verra le train passer
rapidement de ce côté-là. On est déjà en
retard. Le hardware, il n'en est plus question alors que le logiciel, le
software, au moins, on a encore des chances de faire des pistes de ce
côté-là. Depuis le début de la
société, bien sûr, nous avions souhaité entrer dans
le domaine des entreprises des services en communication. Quant au patrimoine,
nous l'avions identifié lors d'un genre de colloque ou de
séminaire que nous avions tenu avec les administrateurs. On l'avait
identifié davantage au tourisme culturel qui, en soi, pourrait ou ne
pourrait pas être, selon la définition et le mandat qu'on lui
donne, une
industrie culturelle, effectivement. On avait ajouté même
un autre secteur qui n'est pas dans le projet de loi. Juste à titre
d'information, nous pensions que la publicité comme telle, la
publicité dite commerciale, nous apparaissait importante aussi. Mais on
ne l'a pas retenue à ce moment-ci. Vous savez, lorsque vous avez la
possibilité de 16 minutes par heure de diffusion, de commerciaux
à la télévision, à la radio am ou à la radio
fm et que ces mêmes commerciaux influent sur les attitudes des gens, si
ce n'est pas une industrie culturelle, je me demande ce que c'est,
effectivement. Donc, en réponse à votre question, oui, nous
avions envisagé ça dès le départ, ainsi que la
publicité, que nous n'avons pas retenue. (12 h 45)
M. Bissonnet: Le député de Marguerite-Bourgeoys a
mentionné tantôt, le sujet du caractère culturel des
entreprises en communications qui seraient préférées par
ce projet de loi. À titre d'exemple, de quelle façon allez-vous
faire certaines dichotomies? Ce n'est pas facile à faire, c'est
très difficile à faire. Quand on parle des journaux... Quand on
parle de la télévision, évidemment, on peut parler de la
télévision communautaire et de la télévision
commerciale qui ont des aspects à caractère culturel. Dans la
stratégie que vous allez utiliser, à la suite de ce changement du
projet de loi, de quelle façon allez-vous planifier la stratégie
pour informer les organismes en communication, bien en déterminer les
lignes de conduite que la société envisage à
l'intérieur de ce projet de loi pour que les partenaires dans les
communications puissent très bien savoir qu'ils sont dans leur champ de
caractère culturel prévu par le projet de loi, parce que le
projet de loi n'est pas spécifique là-dessus? Quelle est la
stratégie que vous allez utiliser dans tout cet aspect de la fonction de
la communication a l'intérieur du projet de loi 54?
M. Morin (Guy): M. le député, d'une part, lorsque
le projet de loi sera adopté -en souhaitant qu'il soit adopté
rapidement -on entrera certainement en communication avec les gens des
industries pour les informer de notre mandat dans ces secteurs-là. On
prendra tous les moyens pour communiquer directement avec l'industrie. Mais, si
on se fie aux expériences passées, le message passe très
rapidement. Dans les autres secteurs d'activité, cela s'est su
très rapidement et on n'a pas eu à dépenser beaucoup
d'argent en relations publiques pour faire savoir que nous étions dans
ces domaines-là.
Je me permets d'enchaîner tout de suite sur la deuxième
partie de votre question. Quel credo allons-nous utiliser? C'est là le
grand défi, parce qu'avec un potentiel de 40 000 000 $, 20 000 000 $ en
capital, 20 000 000 $ en pouvoir d'emprunt, les secteurs que nous avons, plus
les deux secteurs que nous ajoutons, il est évident que, dans les
secteurs que nous ajoutons, nous ne pourrons pas tout faire. Nous n'avons pas
les ressources financières que vous voterez peut-être
bientôt pour jouer le rôle partout, dans toutes les
activités de tous les types d'entreprises à l'intérieur
des entreprises de services en communications. Il y a aura des choix à
faire, mais cela ne sera qu'heureux d'avoir des choix à faire.
M. Harvey et moi, il y a un an, nous avons rencontré le
vice-président à la qualification de Warner Brothers et on lui
posait la question: Vous qui êtes dans les nouvelles technologies, vous
qui êtes dans les services de communications de toutes sortes à la
Warner aux États-Unis, si vous étiez au Québec, que
feriez-vous? La réponse a été aussi bête que
celle-ci: Faites ce que vous voulez, mais ne faites pas la même chose que
nous parce que vous partez perdants. Effectivement, c'est vrai. Comment
voulez-vous que nous entrions en concurrence avec les plus grandes
multinationales sur tous les plans?
Alors, on aura des choix à faire à l'intérieur de
tout ceci. D'ailleurs, je ne pense pas que toutes les formules soient
gagnantes. Il est peu probable que le vidéodisque, la
vidéocassette, la télévision payante, la fibre optique, le
télidon et les autres applications de Vidéotex, c'est impossible
que toutes les formules soient gagnantes. Il y aura des gagnants ou des
perdants à des degrés différents et on aura certainement
besoin d'une bonne boule de cristal pour faire des choix à travers tout
ceci. Mais essayer de tout faire serait une erreur stratégique de notre
part parce que nous n'avons pas les ressources financières ni toutes les
compétences pour faire face à tout en même temps, et
très rapidement.
On procédera par étapes. On a déjà une
étape de franchie de ce côté-là. On a réuni
des gens de hardware, il y a trois mois; on en a réuni à peu
près 30 autour d'une table qui avait été
préparée plusieurs semaines auparavant pour voir quelles
étaient les possibilités de ce côté-là.
À la suite de ça, on entend rencontrer bientôt les gens de
logiciel, les gens de software pour justement savoir comment la
société devrait se comporter et ce qu'elle devrait
privilégier.
Il est prématuré de vous dire ce que nous allons faire de
ce côté-là, mais il est certain qu'on aura à faire
des choix à l'intérieur des entreprises de services en
communications et je pense bien que ça devrait déjà se
refléter quelque peu dans le prochain plan de développement.
M. Bissonnet: Juste une question additionnelle. Sur le plan de
développement,
tantôt le député de Terrebonne nous disait qu'il
avait certaines appréhensions dans tout le domaine de la culture, vu
que, dans le nouveau projet de loi, il y aura évidemment le patrimoine
immobilier également. On sait que les télécommunications,
d'ici les trente prochaines années, créeront le plus d'emplois
dans toute province ou dans tout pays; tout se dirige vers les communications.
Est-ce que, dans un plan de développement, considérant un montant
additionnel en prêts garantis qui vous serait accordé par ce
projet, de 10 000 000 $ à 20 000 000 $, votre conseil d'administration a
quand même prévu certaines enveloppes dans chaque champ
d'activité?
M. Morin (Guy): Non.
M. Bissonnet: Pas encore.
M. Richard: M. le Président, juste un correction, c'est de
0 à 20 000 000 $.
M. Lalonde: D'accord, de 0 à 20.
M. Richard: Je veux ajouter une information en réponse
à la question de M. le député de Terrebonne, tout à
l'heure et peut-être à la vôtre, M. le député
de Jeanne-Mance. Le secteur des communications représente, grosso modo,
1 000 000 000 $ de notre produit intérieur brut, de même, le
secteur des industries culturelles proprement dites représente aussi
grosso modo 1 000 000 000 $. Cela veut dire des dizaines de milliers
d'emplois.
M. Bissonnet: C'est 50/50.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'ai seulement une dernière question en ce qui
me concerne. Je vous remercie d'être venus et d'avoir répondu
à notre invitation. Comme cette invitation était faite dans la
perspective de l'étude du projet de loi, j'aimerais vous demander si
vous avez en fait d'autres recommandations, vous en avez fait une en ce qui
concerne l'article 14, cela a été refusé. Est-ce qu'il y a
d'autres demandes, d'autres suggestions que vous souhaiteriez voir dans le
projet de loi, par voie d'amendements? On sera invité à
l'étudier en deuxième lecture bientôt. C'est d'ailleurs la
raison pour laquelle on voulait vous voir, vous parler; c'était, en
plus, afin de connaître votre expérience et votre action depuis
deux ans. Nous voulions aussi avoir un éclairage sur ce projet de loi en
particulier. Est-ce qu'il y aurait d'autres amendements, d'autres propositions
que vous souhaiteriez voir dans ce projet de loi?
M. Morin (Guy): II y en a une effectivement. Nous avions
réfléchi et proposé finalement de faire de la prise en
charge d'intérêts, uniquement. Mais cela s'associe à la
subvention et c'était l'entrée de notre société
dans le champ de la subvention, ce qui était contraire à l'esprit
du législateur lorsque la loi a été adoptée.
D'autre part, notre motivation à cet égard était surtout
par rapport à l'exportation. Lorsqu'on parle de prise en charge
d'intérêts, ça veut dire que certaines entreprises,
à partir de programmes ou à partir de leur propre
développement, si on les aidait en matière d'exportation,
pourraient doubler, tripler, quadrupler, ou quintupler leur volume
d'exportation et cela très rapidement. Au lieu de prêter de
l'argent, nous aurions pris en charge une partie de l'intérêt
basée sur les succès de l'exportation, sur les chiffres
d'affaires de l'exportation. La société, au lieu de prêter
1 000 000 $ ou 2 000 000 $ à une entreprise, n'aurait fait que la prise
en charge de l'intérêt sur l'exportation au lieu de geler 1 000
000 $ ou 2 000 000 $ dans l'entreprise. Finalement, c'est ce qu'on va
être obligé de faire; pour arriver aux mêmes fins, on va
être obligé de geler 1 000 000 $. Je prends l'exemple de 1 000 000
$ parce que ce sont des chiffres importants lorsqu'on parle d'exportation.
Alors que s'il y avait eu la prise en charge d'intérêts
uniquement, on n'aurait pas eu à faire le gel de crédits, ou le
gel d'argent en faisant un prêt; on n'aurait fait que le prise en charge
d'intérêts. Maintenant, c'est parce que c'était entrer dans
le domaine de la subvention que le projet n'a pas été retenu;
effectivement. Mais ça se fait ou ça se faisait dans d'autres
sociétés d'État, et je pense qu'il s'agit d'applications
qui ont été très pratico-pratiques dans ce sens. Lorsqu'un
projet tel que celui-ci est présenté, il faut en arriver à
un certain nombre de compromis et le projet qui est déposé et qui
a passé la première lecture, finalement, me satisfait ainsi que
les administrateurs de la société; s'il est voté, nous
n'en serons pas malheureux. Il aurait également été
souhaitable qu'au lieu d'avoir 10 000 000 $ en capital et 20 000 000 $ de
pouvoir d'emprunt ajoutés aux 10 000 000 $ déjà existants,
nous ayons eu 40 000 000 $ en capital. Parce que vous savez que c'est une
société d'État qui doit vivre et être rentable
à partir de son capital-actions. Toutes les dépenses de
fonctionnement, les pertes sur crédit, enfin toutes les dépenses
sont imputées directement à la société. Elle n'est
pas remboursée annuellement par le gouvernement de ses dépenses
de fonctionnement.
Alors, il va de soi que le capital que nous avons est aussi important
pour être capable de rentabiliser la société. Dans le
contexte économique actuel, on se réjouit déjà que
ce soit comme cela et c'est déjà
un tour de force que le gouvernement puisse considérer une telle
initiative. Ce sont mes seuls commentaires.
M. Lalonde: Merci beaucoup.
Le Président (M. Boucher): Comme il ne reste que cinq
minutes avant l'ajournement, si le ministre et le député de
Laprairie veulent conclure.
Conclusion
M. Saintonge: D'accord. En conclusion, je veux simplement
remercier M. Morin et M. Harvey d'être venus ce matin et d'avoir fourni
certains documents dans une période très brève.
Peut-être que la seule autre remarque, en parlant au ministre, ce serait
que nous souhaitons de la même façon, si c'est possible dans ce
domaine-là, nous attendons d'autres documents qui pourront
sûrement nous être utiles, éventuellement, même pour
l'étude des crédits. On peut aussi tenter d'obtenir du ministre
un certain engagement, c'est qu'il pourra nous transmettre de la même
façon ses documents pour l'étude des crédits, dans un
délai plus rapide que la veille de la séance des crédits.
Je vous remercie beaucoup.
M. Morin (Guy): Je vous remercie.
M. Richard: M. le Président, un mot pour remercier
à mon tour M. Morin de s'être prêté de bonne
grâce aux questions que nous avions à formuler. Je pense que nous
venons de nous livrer à un exercice démocratique
extrêmement valable. Je pense que tous les membres de la commission
parlementaire se sont rendu compte de l'importance de la Société
de développement des industries culturelles et qu'il faut absolument
permettre son développement, parce qu'en permettant le
développement de cette société, ce sont des milliers
d'emplois qu'on aide à maintenir au Québec et des milliers
d'autres qu'on va aider à créer grâce à cet
instrument privilégié. Je me félicite qu'on soit en
mesure, à très brève échéance, par
l'intermédiaire de l'Assemblée nationale, de quadrupler la
capacité d'intervention de cette société. Je remercie
l'Opposition de la bonne foi qu'elle a manifestée dans l'exercice
démocratique de ce matin. Merci à vous, M. le Président,
pour le talent que vous avez mis à présider cette
séance.
M. Lalonde: Merci à tous les députés
ministériels qui sont intervenus en grand nombre.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je remercie M. Morin. La commission des affaires culturelles
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 59)