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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre! La commission
des affaires culturelles commence ses travaux en vue d'étudier les
crédits budgétaires du ministère des Affaires culturelles
pour l'année 1982-1983.
Les membres de cette commission sont: MM. Champagne (Mille-Îles),
Charbonneau (Verchères), Cusano (Viau), Dupré (Saint-Hyacinthe),
Hains (Saint-Henri), Mmes Juneau (Johnson), Lachapelle (Dorion), MM. Proulx
(Saint-Jean), Richard (Montmorency), Rivest (Jean-Talon), Saintonge
(Laprairie).
Les intervenants possibles: MM. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Blouin (Rousseau), de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), Lavigne (Beauharnois), Leduc (Fabre), Sirros (Laurier),
Vallières (Richmond).
Il faudrait qu'on me désigne un rapporteur à cette
commission.
M. Proulx: M. Champagne.
Le Président (M. Jolivet): M. Champagne
(Mille-Îles).
M. Proulx: II fait toujours bien cela, lui.
Le Président (M. Jolivet): Pas d'objection? Donc, le
rapporteur est désigné. Nous commençons donc avec le
ministre. Allez!
M. Richard: Vous me donnez trente secondes, M. le
Président?
Le Président (M. Jolivet): Parfait.
Exposés généraux M.
Clément Richard
M. Richard: Merci. L'an dernier, à pareille date,
j'arrivais à peine au ministère des Affaires culturelles pour en
devenir le titulaire. Ce fut une année bien remplie tant au plan des
apprentissages qu'à celui des réalisations. Aussi, en
présentant à cette commission la demande de crédits du
ministère des Affaires culturelles pour 1982-1983, je crois le moment
opportun de vous rappeler les principales réalisations du
ministère et d'en dresser un bilan succinct.
Je regrouperai les actions principales du ministère autour des
cinq thèmes suivants: 1. le développement des secteurs
d'activités culturelles sous la responsabilité directe du
ministère: les bibliothèques, les musées, la mise en
valeur du patrimoine, la promotion des arts et les institutions nationales; 2.
les amendements aux lois; 3. la création de nouveaux services; 4. les
réalisations au plan des équipements culturels; 5. les actions
interministérielles.
À la suite de ce bilan, j'ajouterai, vous me le permettrez, un
mot sur la tournée que j'ai entreprise il y a quelques mois à
travers tout le Québec, pour aborder ensuite la question des
compressions et des crédits budgétaires puisque les deux vont
désormais de pair.
Développement des secteurs d'activités culturelles: les
bibliothèques municipales. À l'issue de l'année 1982, le
réseau des bibliothèques publiques au Québec est en bonne
voie d'être parachevé. Je n'ai pas à vous apprendre
l'importance de la bibliothèque publique dans la vie culturelle d'une
communauté. Elle est à la fois lieu de recherche, lieu
d'information, lieu d'apprentissage à la lecture et encore lieu de
diffusion des biens culturels. Dans les régions et villes
éloignées des centres urbains, la bibliothèque est souvent
le seul foyer d'animation culturelle. C'est alors autour de la
bibliothèque que se développent d'autres activités
culturelles telles qu'expositions, initiation à la poésie,
rencontres avec des écrivains, initiation à la peinture et
ateliers de théâtre.
Après les efforts des deux dernières années, nous
pouvons maintenant affirmer que 80% des Québécois, tant en milieu
rural qu'urbain, ont accès à un service de bibliothèque
publique dans leur municipalité. C'est dire que les efforts consentis
ces dernières années pour rattraper dans ce domaine les pays
occidentaux et en particulier nos voisins de l'Ontario ont porté
fruits.
Au cours de l'année 1981-1982, dix nouvelles bibliothèques
municipales ont été créées, ce qui a permis de
doter environ 85 000 citoyens d'un service dont ils étaient auparavant
privés. Nous avons également aidé cinq autres
municipalités dont la bibliothèque était de
création toute récente pour qu'elles puissent mettre bien en
place leurs services.
Dans le domaine des investissements, 21 municipalités ont
reçu des subventions pour
construire ou rénover leur bibliothèque. Je m'en voudrais
de ne pas mentionner que dans toutes les nouvelles constructions de
bibliothèques ou dans les rénovations d'anciennes, les personnes
handicapées pourront physiquement avoir accès au service de
bibliothèque et qu'elles y retrouveront les conditions leur permettant
d'utiliser les services en toute autonomie.
Ce programme de construction et de rénovation des
bibliothèques publiques a été conduit, en 1981-1982,
conjointement avec le ministère des Affaires municipales dans le cadre
du programme d'amélioration des équipements communautaires, le
programme PAEC.
Les bibliothèques centrales de prêt. Parallèlement
aux bibliothèques municipales, le ministère a créé
en milieu rural des organismes spécialement conçus pour assurer
un service de bibliothèque là où la concentration de la
population est insuffisante pour justifier l'existence d'un service autonome.
Les bibliothèques centrales de prêt, comme l'indiquait
récemment un journaliste de la Presse, sont efficaces, peu
coûteuses et fonctionnent selon une formule de souplesse inconnue dans
les services publics.
Pour les municipalités de moins de 5000 habitants, la
bibliothèque centrale de prêt est souvent l'unique moyen de
diffusion culturelle. C'est pourquoi celles-ci ont cherché dans le
passé à diversifier leurs services par des prêts de jouets
éducatifs, des reproductions d'oeuvres d'art, des films et des disques.
Elles sont des foyers d'animation culturelle et c'est pourquoi la demande des
municipalités pour s'affilier à une BCP est très
grande.
Dans le but d'établir des priorités de
développement et d'utiliser davantage ce véhicule de diffusion
que représentent les BCP, le ministère a créé en
1981-1982 un comité bipartite bibliothèques-MAC.
Déjà, grâce à ce comité, des propositions
sont avancées de part et d'autre pour permettre à des
municipalités dont la population se situe entre 4000 et 5000 habitants
de pouvoir mettre en place leur propre service de bibliothèque publique;
à l'inverse, des propositions sont aussi à l'étude pour
que des municipalités dont la population excède 5000 habitants,
mais qui ne peuvent financièrement se doter d'une bibliothèque
municipale puissent se prévaloir du service offert par une BCP.
Il est également à souhaiter qu'une meilleure jonction se
fasse entre les bibliothèques publiques et les bibliothèques
scolaires. Du côté de l'éducation, le nouveau régime
pédagogique encourage la population scolaire à fréquenter
la bibliothèque municipale et à utiliser les ressources de cet
équipement public. Voilà une excellente manière de
préparer les citoyens de demain à des habitudes de
fréquentation de lieux culturels qui débordent le cadre scolaire
et à leur donner le goût de la lecture. À l'inverse, des
municipalités ont, dans le passé, exercé des pressions
auprès du ministère pour faire de la bibliothèque scolaire
une bibliothèque publique accessible aux autres citoyens. Le
ministère examine présentement les conditions que
représente un tel décloisonnement qui, il est vrai, permettrait
de faire un usage plus rationnel des ressources publiques. Cette recherche de
mesures palliatives, qui s'inscrit dans une préoccupation
d'accessibilité réelle pour certaines populations à des
moyens de culture, n'empêche aucunement, bien au contraire, le
ministère de poursuivre sa politique de service de bibliothèque
publique municipale dans les municipalités dont la taille est
suffisante. (10 h 15)
Les musées. Le secteur des musées a été
très actif au cours de l'année. On peut mentionner quelques
grandes expositions qui se sont tenues dans les musées d'État,
comme l'exposition rétrospective de Jean-Paul Riopelle, ou "Art et
féminisme" qui vient d'étonner par sa popularité. J'ouvre
une parenthèse pour dire que c'est 90 000 personnes qui sont venues voir
cette exposition au Musée d'art contemporain. En plus de ces grandes
manifestations, le ministère a encouragé les musées
régionaux et les centres d'exposition à offrir des services
éducatifs et à recevoir chez eux des expositions
itinérantes. Ces activités ont eu un grand succès en
région et ont contribué à consolider le réseau des
musées privés.
En raison des compressions budgétaires, le ministère a
dû réduire les budgets d'acquisitions des musées et
interrompre les activités de formation muséologique. Les
ressources spécialisées en muséologie étant rares
et les besoins considérables, cette dernière coupure a
été durement ressentie dans le réseau; la
Société des musées a pu, avec le concours de financement
privé et public, reprendre à son compte une partie des
activités de formation. Les projets des musées nationaux, tels le
Musée de la civilisation et la relocalisation du Musée d'art
contemporain, ont également été affectés par la
conjoncture budgétaire. Quant à ce dernier projet, la
relocalisation du Musée d'art contemporain, des études se
poursuivent pour trouver une solution au cours de la présente
année qui serait satisfaisante quant à la localisation et aux
espaces nécessaires et qui n'exigerait pas de déboursés
importants de la part du gouvernement.
La mise en valeur du patrimoine. Le ministère a poursuivi
intensément, en 1981-1982, sa politique de recherche de partenaires
publics, parapublics et privés en vue de les associer à des
projets concrets de
restauration et surtout d'utilisation de biens patrimoniaux. Qu'on me
permette de souligner ici, à titre d'exemples, le cas du Manoir de
Tonnancour, à Trois-Rivières, qui loge aujourd'hui une galerie
d'art, l'îlot T.J. Moore à la Place Royale qui servira à
des fins d'habitation, la maison Grothé, à Montréal, qui
sera avec l'îlot VII à Québec, nous l'espérons, la
prochaine sur la liste.
La gestion du parc immobilier. Le ministère a ainsi au cours de
l'année étudié plusieurs hypothèses en vue de
confier la propriété ou la gestion de chacun des immeubles qui
lui appartiennent et qui ne sont pas nécessaires à l'exercice de
son mandat à des partenaires municipaux et privés
intéressés à leur utilisation. Cette opération
vise, d'une part, à supprimer les activités coûteuses
d'intendance reliées à la gestion par l'État de ces
immeubles, gestion qui, par surcroît, ne fait pas partie de la mission
principale de l'État. Elle vise, d'autre part, à favoriser la
mise en place de partenaires pour la mise en valeur de ces biens et leur
insertion dans le milieu.
C'est aussi dans ce but que les modifications récentes
apportées à la Loi sur la Société
québécoise de développement des industries culturelles
permettent à la nouvelle société d'intervenir dans le
secteur du patrimoine immobilier. De la sorte, il sera plus facile,
croyons-nous, d'associer l'entreprise privée à des projets de
restauration et de mise en valeur du patrimoine bâti. Cette association
avec l'entreprise privée conduira à une meilleure
intégration fonctionnelle de nos biens culturels dans le milieu et
amènera notre patrimoine immobilier à de nouvelles vocations,
résidentielle, commerciale, touristique ou autre.
Au cours de l'année, des efforts ont été consentis
dans le cadre de l'actuelle Loi sur les biens culturels en vue d'accorder
à nos partenaires locaux et régionaux que sont les
municipalités et les municipalités régionales de
comté des pouvoirs réels en matière d'aménagement
culturel. Les pouvoirs que nous entendons accorder à ces partenaires
concernent la désignation d'immeubles, le contrôle de la
construction, du lotissement et de la démolition, et la capacité
d'accorder une aide financière à leurs administrés en vue
de les inciter à restaurer ou rénover leurs
propriétés.
Le ministère s'est également employé à
mettre en place les mécanismes d'une collaboration étroite avec
le ministère des Affaires municipales de façon à pouvoir
s'acquitter des devoirs qui lui incombent dans la mise en application de la Loi
sur l'aménagement et l'urbanisme. De plus, en relation avec le
Secrétariat à l'aménagement et à la
décentralisation, le ministère s'est appliqué à
faire connaître ses orientations en matière
d'aménagement.
La promotion des arts et des lettres. Au cours de la dernière
année, le ministère a revu entièrement ses programmes
d'aide à la création de façon à permettre à
la fois un soutien très souple et très large à la
créativité, et cela dans toutes les régions du
Québec, ainsi qu'un apport significatif à la production d'oeuvres
nouvelles. Ces modifications se sont concrétisées dans deux
programmes, l'un au niveau national et destiné aux créateurs
reconnus, l'autre au niveau régional et visant à susciter la
créativité et à soutenir les efforts des jeunes
créateurs. De plus, le montant des bourses accordées a
été haussé de façon significative, puisqu'elles
peuvent atteindre maintenant jusqu'à 20 000 $ dans le cas des bourses du
Québec, titre même du programme national, et 15 000 $ pour le
programme de soutien à la création, programme faisant l'objet
d'une gestion régionalisée.
Par ailleurs, au cours de la même année, le Québec a
alloué, pour la première fois, à un créateur, un
studio à New York, lequel vient ainsi s'ajouter à celui qu'il
accorde chaque année à Paris. Le ministère dispose donc
maintenant de ce que nous appelons deux studios du Québec à
l'étranger, chacun d'eux étant situé dans l'une des
grandes métropoles culturelles de notre monde occidental,
véritables pôles d'attraction et centres de développement
de la création internationale.
Toutes les bourses accordées au titre des différents
programmes d'aide à la création ainsi que les studios du
Québec à New York et à Paris sont alloués à
partir de recommandations de jurys externes à la fonction publique. Il
s'agit là, d'ailleurs, d'une pratique qui s'est largement
développée au ministère des Affaires culturelles et qui,
depuis quelques mois, a même fait l'objet d'une politique officielle qui
a été publiée et largement diffusée. Cette
politique décrit les paramètres qui définissent
l'utilisation de jurys ou de comités d'évaluation dans l'octroi
de bourses et même de subventions à des organismes culturels,
ainsi que les règles de fonctionnement qui régissent le travail
des membres de ces jurys. Vous pourrez noter, entre autres, qu'il appartient
désormais aux jurys mêmes de rendre publiques les recommandations
qu'ils présentent au ministre des Affaires culturelles. Cela
dénote de façon éloquente le très grand respect que
nous avons à l'égard de la compétence des
spécialistes qui forment les jurys et démontre clairement notre
volonté d'éviter toute intrusion politique dans de tels
dossiers.
Dans le contexte de la régionalisation qu'a amorcée le
ministère, nous avons procédé à une révision
complète des programmes existants dans le domaine des arts de la
scène. Cette révision a surtout
porté sur la définition et la sélection des
paramètres dans le but de simplifier de plus en plus les formulaires que
doivent remplir les organismes appelés à recevoir une subvention.
Tout en conservant une gestion rigoureuse, nous avons cherché à
alléger la tâche de nos partenaires, c'est-à-dire les
différents agents de développement culturel que sont les
organismes subventionnés, que ce soit dans le secteur du
théâtre, de la musique, de la danse ou de la diffusion.
À l'égard de ces travaux de régionalisation et de
déconcentration, je veux souligner l'apport positif du comité
bipartite réunissant des représentants des conseils
régionaux de la culture et des représentants du ministère.
Ce comité, qui reprendra ses travaux sur la base du rapport de la
tournée de consultation, avait pour but d'étudier un projet de
régionalisation du ministère des Affaires culturelles. Une
proposition a, d'ailleurs, été soumise par les
représentants des conseils régionaux de la culture, laquelle sera
réexaminée à l'issue de la consultation.
Le comité bipartite, qui réunit la majorité des
CRC, a, par ailleurs, fourni l'occasion au ministère et aux conseils de
la culture de s'entendre sur le quantum et la formule de financement des
conseils, de même que sur la réorientation du programme d'aide
à la création dont je viens de faire état.
Les institutions nationales. Comme producteur de services, le
ministère est connu principalement par ses institutions que sont la
Bibliothèque nationale, les Archives nationales, les conservatoires de
musique et d'art dramatique et les musées d'État. Grâce
à ces institutions, le ministère joue un râle de
première importance dans la formation et la conservation de notre
histoire. En 1981-1982, nous avons invité ces institutions à
mettre davantage l'accent sur l'animation culturelle et la diffusion des biens
patrimoniaux dont ils ont la garde.
J'ai déjà parlé de l'action de nos musées
d'État. Je voudrais ici signaler les contributions de la
Bibliothèque nationale, des Archives nationales et du Conservatoire. La
Bibliothèque nationale, en plus d'offrir ses services habituels aux
usagers, comme le prêt, l'orientation des lecteurs, l'accès
à des banques de données, etc., a mis en place, sur une base
permanente, des expositions thématiques destinées à mettre
en valeur la richesse et la diversité de nos collections. Toujours dans
le but de mieux faire connaître la richesse de ses collections, la
Bibliothèque nationale a participé à l'organisation de la
semaine de l'Interculturelle avec la collaboration de l'Union des
écrivains québécois et du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration.
Sous un autre rapport, nous avons complété en cours
d'année l'aménagement de locaux au 125 est de la rue Sherbrooke,
et le ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement
procède actuellement à l'étude d'un important projet de
regroupement des services de la Bibliothèque nationale à
Montréal. Enfin, celle-ci pilote actuellement l'étude d'un
système informatisé permettant de développer de meilleurs
outils de recherche. Ce système pourrait avoir un impact
considérable sur l'ensemble des grandes bibliothèques au
Québec.
À l'instar de la Bibliothèque nationale, les Archives
nationales du Québec ont aussi accueilli d'importantes expositions.
Signalons, par exemple, celle qui a eu lieu au centre régional de
Montréal, l'exposition "Hommage au Québec", qui a attiré
plus de 65 000 visiteurs. Au centre d'archives de la capitale, plusieurs
expositions ont été présentées, telle "Sculptures
contemporaines", parrainée par la compagnie Rothmans, et "Terre et
trame", présentée sous la commandite du groupe Lavalin.
Les Archives nationales se sont en outre dotées d'un
système informatisé dont la mise en place se poursuit. Ce
système facilitera la localisation et l'accès aux fonds
d'archives en créant de meilleurs outils de recherche pour les
chercheurs de toutes les régions du Québec.
Enfin, le Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec
a poursuivi, en 1981-1982, son mandat de formation. En dépit d'une
compression de ses effectifs dans le réseau, le conservatoire a
réussi à maintenir sensiblement le même rythme de
croisière en accueillant 1339 étudiants comparativement à
1351 en 1980-1981. De même, bien que l'année scolaire ne soit pas
terminée, les estimations pour 1981-1982 montrent une croissance des
diplômés, au niveau du bac de 60 à 66 contre une
très légère diminution au niveau de la maîtrise,
soit de 42 à 41. En outre, avec l'entrée en fonction d'un chef du
service de l'enseignement, nous avons amorcé une révision du
régime pédagogique, laquelle sera complétée au
cours des deux prochaines années.
Les amendements aux lois. Les lois des sociétés de la
Place des Arts et du Grand Théâtre. J'aimerais aborder les
modifications que nous avons apportées à quelques lois qui
relèvent de l'administration du ministère. Bien sûr, les
modifications dont nous parlons ont consisté, comme cela se fait
souvent, à assurer une harmonisation avec d'autres lois et à
tenir compte des changements survenus dans la réalité. Ainsi,
nous avons procédé à une modernisation du fonctionnement
de deux sociétés que sont la Place des Arts de Montréal et
le Grand Théâtre de Québec. Nous avons également
révisé les mécanismes de contrôle et
harmonisé entre elles ces deux lois. Nous avons aussi ajusté ces
lois à celles sur la fiscalité municipale et sur
l'administration financière. (10 h 30)
Mais ce ne sont pas là les éléments les plus
marquants. Nous avons remplacé le terme "régie" dans les textes
de loi par celui de "société" pour montrer la modification
profonde de la mission de ces organismes. Devenues plus autonomes, ces
sociétés assument en même temps de nouveaux rôles.
Nous les avons en quelque sorte sorties du rôle passif où elles
étaient confinées par les anciennes lois pour en faire des agents
de développement culturel. Elles peuvent maintenant présenter,
monter et produire des spectacles. Elles sont aussi davantage en mesure
d'assurer un leadership et une coordination dans leurs collectivités
auprès des autres agents culturels en vue d'orienter l'action culturelle
vers des objectifs globaux.
Cela m'amène à parler de la vocation nationale et
internationale de Montréal. Les gestes que nous avons posés
à l'égard de la Place des Arts, la création de la Maison
du cinéma et celle de la Maison de la danse visent à faire de
Montréal une véritable métropole culturelle, au même
titre que Paris ou New York. Nous avons plusieurs éléments pour
rehausser Montréal au titre de capitale internationale de la culture. En
plus des organismes que je viens de mentionner, on peut ajouter l'Orchestre
symphonique de Montréal, les Grands Ballets canadiens, l'Opéra de
Montréal, le Musée des Beaux-Arts, le Musée d'art
contemporain et combien de troupes de théâtre dont la
vitalité et le professionnalisme ne sont plus à démontrer.
Nous possédons maintenant plusieurs pièces maîtresses dans
les domaines du spectacle et des arts visuels pour donner à
Montréal le visage d'une grande métropole culturelle.
Mais le spectacle et les arts visuels ne suffisent pas. Il faut aussi
que Montréal s'affirme comme un haut lieu de production de biens
culturels. Pour cela, il nous fallait donc relancer les industries culturelles.
C'est dans cette perspective d'affermir davantage Montréal et aussi les
autres industries culturelles au Québec que nous avons apporté
des modifications à la Loi de la Société de
développement des industries culturelles devenue depuis la
Société de développement des industries de la culture et
des communications. Nous lui avons injecté plus de 30 000 000 $ en
capital-actions et en garanties de prêts pour qu'elle assume son mandat
d'initiative et qu'elle couvre par ses interventions le champ des
télécommunications et du patrimoine bâti. Sous ce rapport,
la société pourra désormais participer à la
restauration et au recyclage d'édifices.
La nécessité de modifier la loi de la SODICC était,
par ailleurs, d'autant plus urgente que les ressources dont disposait la
société avaient été utilisées en grande
partie à faire du rattrapage et du sauvetage et qu'elle pouvait
difficilement investir dans l'innovation. Rappelons simplement que, lorsque la
SODICC a été créée, les industries culturelles
éprouvaient les mêmes difficultés que les autres PME au
Québec: difficulté de croissance, difficulté de
financement, difficulté d'administration et difficulté
d'élargissement des marchés. Mais ce qui rendait la situation des
entreprises culturelles encore plus précaire, c'est qu'elles ne
pouvaient compter sur aucun programme gouvernemental d'aide à
l'entreprise et qu'elles n'avaient pas les possibilités d'emprunter
auprès des banques pour qui des actifs sous la forme de biens culturels
comme des livres, des disques ou des oeuvres d'art ne représentent pas
des garanties suffisantes. Pourtant, l'apport économique des industries
culturelles, que ce soit en termes de chiffres d'affaires, de nombre d'emplois
créés ou maintenus, ou d'effet multiplicateur sur les autres
secteurs d'activité, n'est plus à démontrer. Dans les
industries culturelles plus âgées autant que dans celles qui
surgissent avec les nouveaux moyens d'information et de communication, la plus
grande partie des dépenses va en salaires. Prenons, par exemple, le cas
de la télévision. L'implantation des équipements
nécessaires à la télédiffusion représente,
en termes de coûts et d'emplois, relativement peu par rapport aux sommes
et au personnel requis pour activer l'équipement. Les investissements
dans la quincaillerie ont des effets temporaires; en revanche, la programmation
entraîne une activité économique constante qui se traduit
par le travail des réalisateurs, des comédiens, des techniciens,
du personnel de soutien.
Il y a maintenant de nouveaux champs à exploiter. Dans les
années à venir, l'informatisation, la télématique
et la médiatique représentent un enjeu culturel et
économique aussi grand que le fut la télévision. Avec les
modifications apportées à la loi de la SODICC, nous pouvons
intervenir pour stimuler les industries culturelles de pointe, de
manière, d'une part, à limiter notre dépendance à
l'égard des produits étrangers et, d'autre part, à
effectuer une percée dans l'exportation de produits et services qui
reposent principalement sur la matière grise. Comme le mentionne la
toute dernière version de la politique économique
québécoise, Bâtir le Québec 2, l'expansion est
très rapide dans le domaine de la micro-électronique et les
possibilités de développement économique qui en
découlent sont très nombreuses. La SODICC, avec son mandat
élargi, pourra ainsi couvrir les services de communication et susciter
la création ou l'expansion d'entreprises spécialisées dans
de tels services.
Création de nouveaux services et organismes culturels. Le
Service
gouvernemental de la propriété intellectuelle. Je voudrais
maintenant porter à votre attention des services dispensés par le
ministère et qui sont, en général, moins connus. En 1981,
un service important a été créé, c'est le Service
gouvernemental de la propriété intellectuelle. C'est à lui
que revient la réalisation de la politique gouvernementale sur la
propriété intellectuelle que l'on trouve exprimée dans la
juste part des créateurs. Les grands objectifs visés par cette
politique sont l'amélioration du statut socio-économique des
créateurs et la réalisation d'un équilibre dynamique entre
le respect des droits des créateurs et le droit du citoyen à la
culture.
Le Service gouvernemental de la propriété intellectuelle a
commandé des études en vue d'harmoniser les pratiques des
ministères et des organismes gouvernementaux et de rendre ces pratiques
conformes à la politique que le gouvernement s'est donnée. Car,
vous le savez, la piraterie des oeuvres ne se pratique pas seulement dans les
écoles, les collèges et les universités. Bien des
pratiques à l'intérieur de l'appareil gouvernemental sont, de
fait, des atteintes aux droits d'auteur.
Le service a aussi travaillé à la sensibilisation de
différents groupes à cette question des droits d'auteur. Une
brochure qui se veut une vulgarisation de la Loi sur le droit d'auteur a
été publiée; elle vise à renseigner les
créateurs sur leurs droits. De plus, le service a préparé
un guide destiné à l'usage des services juridiques du
gouvernement et des gestionnaires pour les questions touchant le domaine de la
propriété intellectuelle et les droits d'auteur, ainsi qu'un
annuaire des organismes ou sociétés pouvant accorder des
autorisations d'utilisation ou de reproduction d'oeuvres
protégées. Cet annuaire vise à faciliter l'obtention des
autorisations requises par la Loi sur le droit d'auteur.
Le service s'est aussi attaqué à des dossiers majeurs.
Mentionnons seulement, en collaboration avec le ministère de
l'Éducation du Québec, celui du paiement des redevances pour la
reproduction dans les maisons d'enseignement. En vue de mettre fin à la
reproduction ou à l'enregistrement dans les institutions d'enseignement
d'oeuvres protégées et en vue d'établir des ententes avec
les détenteurs de droits pour l'utilisation et la reproduction de ces
oeuvres, le Service gouvernemental de la propriété intellectuelle
a constitué une table de travail avec le ministère de
l'Éducation. Par ailleurs, le service a suscité, chez les
titulaires de droits et les écrivains québécois, une
concertation en vue de la négociation avec les institutions
d'enseignement.
Le Centre de conservation du Québec. Je veux encore signaler le
travail important accompli par le Centre de conservation du
Québec, inauguré officiellement en novembre dernier. Il y
a longtemps qu'un tel centre se faisait attendre au Québec puisque nous
ne disposions auparavant d'aucun laboratoire équipé et
spécialisé en restauration. Bien des pièces monumentales
ou des oeuvres des musées d'État et des musées
privés ne pouvaient recevoir les traitements nécessaires. C'est
tout le réseau muséologique qui profitera des services de ce
centre de conservation. Celui-ci a traité en 1981-1982 plus de 600 biens
culturels dans ses laboratoires: des peintures, des sculptures polychromes, des
sculptures en métal, des pièces de textiles et bien d'autres
types d'oeuvres. Parmi les oeuvres les plus importantes qui ont
été restaurées, signalons un tableau de Louis David,
propriété de la Fabrique de Québec, et l'ensemble
monumental Louis Hébert, propriété de la ville de
Québec, que nous pourrons remettre sur son socle bientôt, en tout
cas, je l'espère.
Réalisations au plan des équipements culturels. Je
voudrais maintenant dire quelques mots sur les immobilisations et sur le plan
d'équipements que nous avons relancé en 1981-1982. Vous
connaissez l'importance des équipements dans la vie culturelle des
collectivités: l'accessibilité à la culture passe en bonne
partie par des équipements qui livrent des contenus culturels à
la population. À cet égard, j'ai eu l'occasion de voir, lors de
la tournée de consultation, combien les besoins diffèrent selon
les collectivités. Dans les grandes villes, ce sont principalement des
équipements spécialisés qui font défaut, alors que
dans des collectivités plus petites, les besoins existent pour des
équipements polyvalents pouvant répondre aux exigences des
différents groupes et différentes clientèles.
En 1981-1982, nous avons accordé la priorité au
développement de nos réseaux que nous nous efforçons de
développer et d'améliorer depuis plusieurs années. Il y a
14 600 000 $ qui ont été affectés à des
immobilisations, mais plus de 70% de ces sommes proviennent de
l'extérieur du ministère par une participation à des
programmes gouvernementaux tels que le programme d'amélioration des
équipements communautaires, PAEC, ou le Fonds de développement
régional de l'Office de planification et de développement du
Québec ou encore d'ententes fédérales-provinciales. C'est
ainsi que nous avons pu verser 5 400 000 $ en subventions à 21
municipalités pour la construction ou la rénovation de leurs
bibliothèques.
Dans le secteur muséologique, le plus gros projet en
immobilisations a été celui de la restauration du musée du
Séminaire de Québec où 2 800 000 $ ont été
affectés dans le cadre d'ententes
fédérales-provinciales.
Nous avons également consolidé le réseau des
équipements en arts d'interprétation d'abord en finançant
nous-mêmes les projets de la salle de la Nouvelle Compagnie
théâtrale, le camp musical de Saint-Alexandre et
l'aménagement et l'équipement de l'Atelier continu à
Montréal, ensuite en recourant soit au Fonds de développement
régional pour l'Expo-Théâtre de Ville-Marie ou la salle de
spectacle d'Amos, soit à un financement partagé avec le
gouvernement fédéral pour la Maison de la danse. C'est au total 1
100 000 $ qui ont été dépensés par le gouvernement
du Québec pour des immobilisations dans le secteur des arts
d'interprétation.
Enfin, en regard du patrimoine, les dépenses d'immobilisations
ont été de 5 100 000 $. Une partie de ce montant a servi au parc
immobilier du ministère, mais la plus grosse part, près de 70%, a
servi à la mise en valeur du patrimoine, soit dans le cadre d'ententes
avec des municipalités, soit pour des projets provenant d'individus ou
d'organismes.
En 1982-1983, nos priorités demeurent sensiblement les
mêmes. Nous poursuivons le développement du réseau des
bibliothèques publiques, mais en essayant de rattraper le retard que
nous avons eu l'année dernière en reportant à cette
année des projets, cela en raison des compressions budgétaires.
Nous financerons encore la restauration du musée du Séminaire de
Québec, mais deux autres projets de musées recevront un soutien;
il s'agit du Musée maritime Bernier et du musée de
Pointe-Bleue.
En ce qui concerne les équipements en arts
d'interprétation, les projets de l'année dernière qui ne
sont point arrivés à terme seront encore financés, tout
comme quelques autres projets de salles de spectacle, à Aylmer, par
exemple.
Enfin, dans le secteur du patrimoine, des investissements seront faits
pour la mise en valeur d'édifices du parc immobiier du ministère.
Les principaux projets, en plus de Place Royale, sont la restauration des
moulins à scie de l'île du Moulin et la restauration des moulins
à eau de l'île aux Coudres. Dans le cas de la mise en valeur, le
ministère poursuivra son aide à la restauration en subventionnant
des individus ou des organismes et en concluant des ententes avec des
municipalités.
Au total, c'est environ 19 000 000 $ qui vont être affectés
à des dépenses d'immobilisations en 1982-1983. Le
ministère contribuera directement, à même ses budgets,
à environ 35% de ces dépenses, le reste, et la plus grande
partie, il faut le dire, provenant soit du programme d'amélioration des
équipements communautaires, PAEC, soit de l'Office de planification et
de développement du Québec, soit d'ententes
fédérales-provinciales.
(10 h 45)
Les actions interministérielles. Depuis quelques années
déjà, le ministère s'active à développer une
préoccupation culturelle à l'intérieur du gouvernement.
Vous connaissez certes la politique d'intégration des arts à
l'architecture. Permettez-moi de vous signaler que l'année qui vient de
s'écouler aura encore permis un élargissement considérable
de ce que nous appelons la politique du 1%. Grâce à cette
politique, 1% en moyenne du budget de construction doit être
réservé et alloué à des créateurs pour la
réalisation d'oeuvres s'intégrant à l'architecture
même.
L'application de ce programme s'étend maintenant aux plus gros
des ministères de notre gouvernement tels ceux des Affaires sociales, de
l'Éducation et de la Justice. De plus, le 1% englobe désormais
les commissions scolaires et, dans le cas des constructions ou
rénovations de bibliothèques publiques, l'ensemble des
municipalités du Québec qui consacrent plus de 150 000 $ soit
à la rénovation de leur bibliothèque, soit à la
construction d'une nouvelle bibliothèque. À Montréal
seulement, l'impact est considérable pour les créateurs en arts
visuels puisque les autorités municipales ont construit ou
rénové quatre succursales et décidé, pour la
prochaine année, d'en ajouter trois autres. Les retombées
artistiques et financières sont considérables et continueront
certes de l'être au cours des prochaines années.
Le ministère a, en outre posé d'autres gestes qui vont
vers une plus grande sensibilisation des autres ministères aux fins que
nous poursuivons. Par exemple, grâce à un accord avec le
ministère des Communications, un grand pas a été
réalisé dans l'accessibilité du citoyen à
l'information gouvernementale puisque cette dernière est maintenant
disponible dans les bibliothèques municipales.
Nous avons également un programme qui s'adresse aux
créateurs en arts visuels et qui est administré conjointement
avec les maisons d'enseignement accréditées par le
ministère de l'Éducation. Ce programme, ressources techniques,
vise à favoriser l'accès des artistes aux équipements des
établissements scolaires et, à l'occasion, à leur
personnel spécialisé. Le ministère des Affaires
culturelles, de son côté, alloue des bourses de production aux
artistes. En 1981-1982, environ 35 projets ont pu être menés avec
la collaboration de 13 établissements d'enseignement répartis
dans la plupart des régions administratives.
Dans le domaine de la formation, nous avons également
cherché des solutions qui vont dans le sens d'une meilleure utilisation
des ressources, des organismes et des équipements existants. On peut
mentionner le cas des séminaires de formation en librairie
pour illustrer cela. Depuis quelques années, nous subventionnons
le cégep Marie-Victorin pour financer les activités d'un
programme de formation et de perfectionnement des libraires.
Du côté de la formation artistique, nous avons encore
beaucoup de chemin à faire. Dans le domaine de la danse et des
métiers d'art, il n'existe pas de système complet et
cohérent de formation. Au cours de l'année qui vient de se
terminer, nous avons formulé un projet d'école des métiers
d'art que nous espérons bien pouvoir réaliser à
brève échéance.
Dans le domaine de la formation en danse, en dépit des efforts
remarquables de Mme Chiriaeff, efforts que nous appuyons d'ailleurs, il existe
de graves faiblesses puisque, comme je l'ai dit il y a un instant, il n'existe
aucun système complet de formation. C'est le secteur artistique le plus
démuni au plan de la formation. Le ministère des Affaires
culturelles cherchera donc, en collaboration avec le ministère de
l'Éducation et dans le cadre d'un sous-comité
interministériel au Comité ministériel permanent du
développement culturel, à assurer un service de formation
professionnelle en danse.
Enfin, nous nous sommes préoccupés du peu d'importance
accordée à la formation artistique aux niveaux primaire et
secondaire et des difficultés que rencontrent les commissions scolaires
dans l'application du rapport Rioux. Ce travail de sensibilisation qui vise
à accorder une plus grande place à la formation artistique au
niveau scolaire et à la présence des arts et des artistes dans
les écoles sera poursuivi cette année.
Il est utile de rappeler que nous avons lancé, à la fin de
cette même année, un tout nouveau projet qui a été
préparé en collaboration avec le Conseil du statut de la femme et
divers ministères. Ce projet, qui s'intitule Pareil, pas pareille et qui
cherche à contrer le sexisme qui s'est glissé jusqu'à nos
jours dans l'éducation de l'enfant, est des plus intéressants car
il allie autour d'un même thème la création d'un conte, la
composition d'une chanson et la fabrication d'un jouet. De plus - c'est un fait
important à souligner - il se relie directement à quelques
industries culturelles qui, lorsque le concours sera terminé, se verront
allouer des moyens de promotion pour les produits culturels qui
émergeront de la réalisation de ce projet pour lequel nous
espérons un très grand succès à tous les plans et
surtout au plan commercial.
Nous parlerons, dans quelques minutes, de la répartition des
crédits du ministère pour l'année 1982-1983. Il est
certain que les imputations que nous ferons s'inscrivent dans un contexte
difficile et que le couloir budgétaire qui reste pour l'innovation est
réduit. Mais, avant d'en parler et parce que cela pourra influencer
certaines discussions budgétaires au cours de 1982-1983 et surtout de
1983-1984, je voudrais vous livrer les enseignements que je retire de la
tournée de consultation que j'ai entreprise dans tout le
Québec.
J'avais deux objectifs très simples et très concrets
lorsque j'ai entrepris cette tournée. Il s'agissait, tout d'abord, de
m'informer, de "marcher le Québec" pour savoir ce qui s'y passe un peu
partout, tous les jours, afin de faire en sorte que ce soit le ministère
qui s'adapte aux réalités nouvelles et non l'inverse. Mon
deuxième objectif était de sensibiliser tous les élus
locaux au fait que la culture, c'est l'affaire de tous et qu'il sera impossible
d'assumer complètement notre responsabilité à
l'égard du développement culturel à moins que chacun n'y
mette du sien. Ces deux objectifs, m'informer et sensibiliser les autres, ont
été atteints au-delà de toute espérance.
J'ai pu constater les attentes des Québécois face au
gouvernement du Québec lorsqu'il s'agit de protéger et de
promouvoir la culture québécoise. Il ne fait aucun doute - cette
tournée m'en a convaincu - qu'il va falloir accroître les moyens
d'information et de diffusion, les équipements physiques et les
ressources humaines mis à la disposition des travailleurs culturels en
région. Comme je le disais à Montréal, il y a quelques
jours déjà: "Je suis maintenant convaincu que cet effort
considérable, fait de déplacements et de centaines d'heures
d'écoute, n'aura pas été vain. Partout sur le territoire,
les créateurs ont réclamé un accès plus direct aux
ressources et aux services déjà existants dans tous nos grands
réseaux. J'ai l'intention de répondre favorablement à
cette demande, de dire oui à ces milliers de créateurs culturels
dont la vitalité et le dynamisme nécessitent de meilleurs apports
de concertation, des centres de décision plus proches d'eux et mieux
adaptés à leurs besoins immédiats."
La tournée de consultation m'a aussi convaincu qu'il fallait une
présence accrue du ministère à Montréal. J'ai
déjà parlé de doter Montréal d'équipements
culturels adéquats. J'ai déjà traité
également du rôle que doit jouer la SODICC dans le
développement des industries de la culture et des communications. Mais
il faudra aller plus loin si on veut que le Québec tout entier et
Montréal, sa métropole culturelle, assument leur plein devenir.
Il faudra la collaboration de tous, des municipalités urbaines, des
municipalités régionales de comté, des commissions
scolaires, des maisons d'enseignement, de l'entreprise privée, des
organismes socio-culturels et, bien entendu, des citoyens eux-mêmes.
J'ai pu constater, au cours des derniers mois, l'importance du
bénévolat pour la survie culturelle. Que l'on pense seulement
à
ce que font les sociétés historiques pour la
défense de notre patrimoine, les membres des conseils d'administration
des bibliothèques centrales de prêt, des musées
privés, ceux qui tiennent la musique, la danse et le
théâtre en région, sans compter les centaines d'autres qui
viennent se joindre à eux au moment des festivals et des autres
activités culturelles.
Partout, on a rappelé la contribution au développement
économique et touristique d'une région que constituent ces
théâtres, festivals et autres activités d'animation
culturelle. On a grand tort, il me semble, de considérer encore le
travailleur culturel comme un marginal alors que ce qui étonne
justement, c'est qu'en pleine période de restriction économique
le travailleur culturel s'active à des projets et refuse d'être
marginalisé. C'est avec peine, bénévolement, en
"quêtant" à droite et à gauche, que ce dernier s'applique
à créer son propre emploi afin d'éviter le risque de plus
en plus élevé de chômage et d'assistance sociale.
Voilà la réalité des travailleurs culturels en
région.
Les travailleurs culturels sont importants par leur nombre et par
l'activité économique qu'ils engendrent. En incluant le secteur
des communications, il y a environ 70 000 travailleurs culturels au
Québec. L'activité économique de ces travailleurs se
traduit par un chiffre d'affaires évalué à près de
3 000 000 000 $. Mentionnons au surplus que la création d'emplois dans
le secteur culturel coûte moins cher que dans tout autre secteur
industriel et commercial. Par exemple, la capacité additionnelle de
financement que nous avons accordée dernièrement à la
SODICC contribuera, d'après les estimations, à la création
de 1700 emplois nouveaux au cours des cinq prochaines années et le
coût moyen d'un emploi, en subventions et en garanties d'emprunt, est
évalué à 16 000 $. Nous devons donc reconnaître que
les travailleurs culturels sont des agents économiques importants et que
la création ou le maintien de leurs emplois coûte bien peu
à l'État.
La tournée m'a aussi convaincu qu'il fallait effectuer un
décloisonnement au gouvernement. Il faudra que nous soyons prêts,
comme gouvernement, à poursuivre le ménage dans nos propres
affaires. Ainsi, nos partenaires de l'Éducation, des Affaires
municipales, de l'Industrie et du Commerce, de même que ceux du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche n'échappent pas aux questions qui
m'ont été posées au cours des derniers mois et devront,
eux aussi, s'impliquer directement dans le développement culturel.
Je voudrais ici, si vous le permettez, revenir à des propos tenus
récemment à Montréal: "Mais tous ces équipements,
tous ces services, toutes ces ressources dont je parle resteront inutiles si
notre première préoccupation n'est pas le créateur
culturel lui-même, l'individu par qui la culture naît et s'exprime
tous les jours. Qu'il soit écrivain, qu'il soit isolé dans son
atelier d'artisan, de peintre, de sculpteur, de graveur, ou qu'il fasse partie
d'une grande compagnie de danse ou de théâtre ou de musique, c'est
avant tout pour lui que le ministère des Affaires culturelles existe et
c'est vers lui que devront porter tous nos efforts à venir. "Ce
créateur, il faut d'abord qu'il puisse jouir d'un statut professionnel
qui fasse de lui un travailleur au plein sens du terme. L'État a une
responsabilité importante à cet égard; il faudra l'assumer
dans les plus brefs délais. "Nos grandes troupes institutionnelles, dans
quelque domaine que ce soit, ne devront pas non plus être
négligées. Elles sont notre fer de lance ici et nos meilleurs
ambassadeurs à l'étranger. Il faudra donc accentuer nos efforts
partout où ce sera possible afin de leur offrir encore davantage les
moyens nécessaires à l'expression de leur art. "Mais, si les
grands ont su, par leur talent et leur travail, se mériter au fil des
ans la confiance et l'estime du public et justifier ainsi toute l'attention
qu'on doit continuer de leur porter, il faudra par ailleurs accroître
considérablement nos efforts à l'endroit de la relève, de
tout ce qui bouillonne partout et qui n'attend plus qu'une chance raisonnable
de se faire connaître et d'accéder au plus haut niveau. "À
cet égard, l'activité extraordinaire, parfois même
envahissante, qui règne dans le monde des arts visuels et des arts
d'interprétation est le plus beau témoin de notre vitalité
culturelle et méritera un support encore plus concret que
maintenant."
Je voudrais maintenant parler des effets des compressions
budgétaires. Les réalisations dont je viens de faire état
se sont faites dans un contexte de restrictions budgétaires. Je l'ai
mentionné à l'occasion antérieurement, cela a amené
le ministère à supprimer des activités ou à les
réduire et à imposer un ralentissement dans le rythme du
développement des organismes qui dépendent de son aide. Je
voudrais en donner quelques exemples.
En 1981-1982, à la suite d'un premier report, le ministère
des Affaires culturelles a abandonné son projet de mise sur pied d'un
programme d'aide aux bibliothèques scolaires pour assurer une partie de
la croissance des coûts du programme d'aide au fonctionnement des
bibliothèques municipales. En outre, les crédits disponibles pour
l'aide à la publication et à la vente de livres n'ont pas permis
au ministère de répondre aux attentes souhaitées par les
clientèles. Le ministère a malgré tout, par la compression
d'autres types de dépenses, pu consacrer un montant de base à
l'exportation.
(11 heures)
En ce qui concerne l'aide aux bibliothèques municipales, le
ministère des Affaires culturelles a dû reporter à
l'exercice 1982-1983 le versement de subventions applicables à
l'année 1981-1982 pour un montant de 1 000 000 $ au titre de l'aide au
fonctionnement. D'autre part, le plan de développement des
bibliothèques centrales de prêt qui prévoyait assurer sur
dix ans l'implantation du service de bibliothèque dans l'ensemble du
territoire a été, à toutes fins utiles, suspendu. Il va
sans dire que les activités d'animation, dans les bibliothèques
municipales et les BCP, sont durement touchées par les compressions.
Les compressions appliquées dans le secteur du patrimoine ont eu
pour conséquence de réduire les activités impliquant la
participation directe du ministère des Affaires culturelles. Si le
ministère a pu compenser, dans certains cas, son incapacité
financière à intervenir grâce à l'implication accrue
de partenaires privés et publics, notamment les municipalités, il
n'en demeure pas moins que la réduction des disponibilités a
atteint un niveau tel qu'on enregistre non seulement des retards dans les
programmes de restauration, mais aussi que l'entretien des biens patrimoniaux
est réduit au strict minimum. À cela s'ajoutent le report ou
l'abandon de certains projets plus particulièrement en matière de
recherche et d'inventaire et l'accumulation des retards dans le versement des
contributions aux particuliers.
À l'égard de sa clientèle des arts de
l'environnement visuel, le ministère des Affaires culturelles a dû
ajuster le niveau de son aide à ses disponibilités. Il a
opté pour la réduction de l'aide aux organismes de regroupement
et le ralentissement des programmes de développement comme le programme
ressources techniques qui vise à rendre accessibles aux créateurs
les équipements spécialisés des réseaux
d'enseignement.
Dans le secteur des musées et des centres d'exposition, aucun
nouvel organisme n'a été agréé et l'aide aux
activités muséologiques a été limitée, le
ministère pouvant à peine maintenir les subventions d'aide au
fonctionnement au niveau annoncé.
Dans le domaine des arts d'interprétation, le ministère
n'a pas été en mesure d'assurer une indexation des subventions
régulières aux organismes majeurs dont certains - c'est notamment
le cas des orchestres symphoniques - avaient à faire face à des
hausses du coût de leur convention collective du même ordre que
celles consenties dans le secteur public. Il en va ainsi de l'aide aux
organismes régionaux, de l'aide aux jeunes organismes, de l'aide aux
initiatives nouvelles et à la relève. Pour la deuxième
année consécutive, Contact-
Québec, qui avait un impact considérable comme mesure
d'information, de formation et de préparation de saisons de spectacles,
n'a pu être repris, non plus que la Semaine du patrimoine, instrument
d'animation important en région.
On peut donc conclure que l'année 1981-1982 a été
une année particulièrement difficile pour le ministère des
Affaires culturelles compte tenu des compressions importantes que le
ministère a dû assumer au cours de cet exercice financier.
À l'exception des programmes d'immobilisations qui ont pu être
maintenus pour les bibliothèques, les musées et les projets de
restauration de certains bâtiments, il ressort globalement que le
ministère des Affaires culturelles a dû reporter certaines
dépenses à l'exercice 1982-1983, réduire des
activités, étaler des projets d'inventaire et de recherche sur un
plus grand nombre d'années et comprimer ses dépenses de
fonctionnement autres que les traitements.
C'est ainsi que le ministère des Affaires culturelles a entrepris
systématiquement de réduire ses coûts de gestion pour ainsi
augmenter de l'intérieur les budgets disponibles à la production
de biens culturels. Je ne suis pas peu fier des résultats que nous
atteignons à cet égard en 1982-1983 et que je tiens à vous
communiquer en terminant cet exposé. Ainsi, en appliquant une
compression additionnelle de 2 100 000 $ à nos dépenses de
fonctionnement, nous avons réussi à ramener les coûts
d'administration à 9,6%, soit 11 352 000 $ alors que, pendant ce temps,
les crédits affectés à la production de biens culturels
faite en régie ou subventionnée atteignent 87,9%. Nous avons
ainsi cherché à minimiser les effets des compressions
budgétaires sur nos partenaires, bien que celles-ci soient très
réelles.
La demande de crédits du ministère, pour l'année
financière 1982-1983, s'élève à 118 700 000 $, soit
une augmentation de 9,2% par rapport à l'année
précédente. Cette augmentation est plus fictive que réelle
puisqu'une partie des engagements de l'année dernière a
été reportée à cette année et que les
crédits prévus pour le programme d'amélioration des
équipements communautaires, PAEC, inscrits auparavant dans les
crédits du ministère des Affaires municipales, figurent
maintenant aux nôtres. En fait, la croissance réelle des
disponibilités budgétaires est de 5,7%.
Malgré ce contexte de restrictions, je demeure confiant dans les
réalisations que le ministère va effectuer cette année.
Nous entendons, d'abord, poser des gestes législatifs importants au
cours des prochains mois. Une nouvelle loi sur les Archives nationales du
Québec sera bientôt déposée à
l'Assemblée nationale Elle s'inscrira dans la foulée de celle sur
l'accès du public à
l'information gouvernementale. On modernisera aussi la Loi sur les
bibliothèques publiques, de même que celle sur les biens
culturels. Par ailleurs, nous avons entrepris l'élaboration d'un plan
d'action qui sera rendu public dès cet automne. Ce plan corrigera
à maints égards notre tir actuel et proposera des gestes
importants pour notre avenir culturel. Dès cette année, nous
appliquerons toutes les mesures de ce plan que nous permettront les
possibilités budgétaires. La réalisation complète
du plan d'action s'élaborera dans le cadre de la revue de programmes
préparatoire à l'année 1983-1984 et de celles des
années subséquentes.
En terminant, je vous propose maintenant d'examiner la demande de
crédits du ministère des Affaires culturelles pour 1982-1983.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Laprairie.
M. Jean-Pierre Saintonge
M. Saintonge: Merci, M. le Président. Je voudrais au tout
départ saluer les fonctionnaires qui accompagnent le ministre et je suis
certain qu'au besoin, au cours de la présente étude, nous
pourrons compter sur leurs lumières.
Au début de mes remarques préliminaires, je voudrais
m'arrêter sur la crise budgétaire qui frappe le gouvernement du
Québec à ce moment-ci et souligner son effet néfaste sur
le domaine des affaires culturelles du fait que le dynamisme culturel du
Québec se trouve heurté de plein fouet. En période de
crise économique, il est particulièrement à craindre que
les affaires culturelles ne soient laissées pour compte et nettement
défavorisées par les gouvernements. Pourtant, certaines
sociétés comme la France, au lieu de céder a la tentation
trop facile de se replier sur ce domaine en ces temps de sacrifices, ont
affirmé une volonté politique peu commune en posant un choix
politique courageux, soit celui d'augmenter le budget dévolu à la
culture. Inspirée par une réalité trop souvent niée
ici même, à savoir que la relance économique passe aussi
par le développement culturel, une décision pareille contient une
bonne dose de lucidité.
Au Québec, faut-il le rappeler, l'État consacre à
la culture la moitié des ressources financières qu'y consentent
la plupart des pays industrialisés. Le Conseil des ministres et le
Conseil du trésor, en dépit des convictions du ministre des
Affaires culturelles et des militants du Parti québécois qui ont
adopté dernièrement en congrès une résolution
d'urgence demandant instantanément au gouvernement du Québec
d'allouer un minumum de 1% du budget au développement culturel, ne
semblent pas partager cette idée, à savoir qu'il soit payant et
rentable d'investir dans le secteur culturel. Depuis 1976-1977, la part des
crédits réservée au ministère des Affaires
culturelles par rapport à l'ensemble du budget de l'État, est
demeurée constante, soit à 0,5%.
Pourtant, il est largement admis que les retombées
économiques d'un investissement dans le secteur culturel sont
très importantes. Le titulaire des Affaires culturelles le rappelait
lui-même fort opportunément en ces termes récemment: "En
incluant le secteur des communications, il y a actuellement 70 000 travailleurs
culturels au Québec dont les activités se traduisent par un
chiffre d'affaires évalué à près de 3 000 000 000
$. Il en coûte moins cher pour créer un emploi dans le secteur
culturel que dans tout autre secteur industriel et commercial, et le premier
rapporte au Québec au-delà de 100 000 000 $ par année en
impôt. Nos exportations à l'étranger, dans les domaines du
livre et du spectacle, contribuent grandement à l'équilibre de la
balance des paiements et, en ce qui concerne les arts d'interprétation,
jusqu'à 90% des subventions gouvernementales reviennent dans les coffres
de l'État sous forme d'impôt sur le revenu ou de taxes
diverses."
Le budget annuel du ministère des Affaires culturelles est de 111
500 000 $. Or, les besoins exprimés par les intervenants à
l'État nourricier sont beaucoup plus considérables. Dès
lors, on peut s'interroger sur l'action qu'a menée et qu'entend mener le
ministre qui qualifie d'erreur le fait que plusieurs considèrent la
culture comme un luxe à sacrifier dans un contexte de compressions
budgétaires. Comment le ministre s'y prendra-t-il pour convaincre ses
collègues du cabinet de hausser l'enveloppe budgétaire du
ministère à 1% du budget global du Québec, norme
internationalement reconnue comme acceptable?
Rien ne sert d'entretenir des illusions à cet égard. Seul,
le ministre des Affaires culturelles ne fait pas le poids auprès de ses
collègues et auprès de l'électorat. La vitalité du
secteur culturel, affectée par "l'effet cumulatif de l'application
répétitive depuis quelques années de compressions
budgétaires et de croissance inférieure au rythme observé
dans les autres secteurs, notamment au chapitre des traitements", en constitue,
d'ailleurs, une preuve fort éloquente. Selon les termes employés
par la Direction de la planification et de la programmation du
ministère, tenu de garantir l'acquis, celui-ci "ne dispose que de peu de
ressources à consacrer au développement de la
créativité, à l'innovation et à la
prévention de la détérioration du patrimoine
québécois".
Devant une situation aussi grave, la
recherche de formules alternatives, par exemple, la création de
fondations, et de nouveaux partenaires afin d'obtenir une diversification des
sources de financement demeure la seule voie réaliste à envisager
dans les circonstances et susceptible d'empêcher que le
développement culturel du Québec ne soit freiné. Il faut
savoir gré au ministre d'avoir fait porter un des objectifs de sa
tournée sur la recherche de nouveaux partenaires à même de
contribuer financièrement au développement culturel.
Hélas, depuis six ans, le MAC ne manque pas seulement d'argent; il
souffre également d'un manque d'imagination évident qui se
traduit par l'absence d'une politique culturelle cohérente, ce qui
reflète notamment le faible poids politique, l'influence
dérisoire dont jouit le responsable de ce dossier au sein de ce
gouvernement qui n'a pas su, à maints égards, se montrer à
la hauteur de sa réputation culturelle.
Regardons un peu la consultation ministérielle. Premier constat,
ce fut une opération de diversion. Depuis novembre 1976, trois ministres
se sont succédé aux Affaires culturelles et chaque fois le
discours et les priorités ont changé. Le seul remède qu'a
trouvé le ministre à ce manque flagrant de continuité,
c'est d'entreprendre une tournée de consultation et de soumettre
à la réflexion publique certaines idées déjà
avancées par les gouvernements antérieurs, notamment par les
libéraux dans le livre vert de Jean-Paul L'Allier. Pourtant, combien de
commissions ont été créées, combien de
consultations ont été menées auprès des agents
culturels depuis la révolution tranquille! Les problèmes sont
identifiés depuis longtemps dans ce secteur et une multitude de
solutions convenables ont été proposées. Leur seul
défaut est peut-être de porter la mauvaise étiquette
politique.
Aussi, n'est-il pas surprenant que l'annonce d'une consultation de la
population sur le développement culturel du Québec ait
été accueillie avec un scepticisme consommé dans plusieurs
milieux, notamment au Conseil régional de la culture de la région
de Québec qui s'exprimait ainsi: "Ce ministère change de ministre
à un rythme ahurissant. Chaque fois, le discours aussi change, les
priorités se réorganisent, la machine se réinvente. Quand
le ministre s'attarde, ce sont les sous-ministres qui valsent, de même
que les organigrammes. On étudie, forme des commissions, concocte livres
verts ou blancs qui sont ou qui ne sont pas rendus publics. Les projets de loi
s'empilent, s'empoussièrent et ne passent que rarement l'examen final de
l'Assemblée nationale. En retardl On expérimente beaucoup, on ne
décide guère."
Malgré cette méfiance tout à fait justifiée,
il faut se réjouir qu'un nombre impressionnant d'agents culturels,
conscients que personne d'autre qu'eux n'a une aussi bonne connaissance des
difficultés auxquelles se heurte leur action et des solutions à
envisager, aient consenti à les dire ou à les redire de telle
sorte que le débat puisse évoluer. Comme en font foi les rapports
de presse - j'en cite quelques-uns ici: L'attitude du fédéral est
dénoncée. Clément Richard s'en prend au
fédéral. Richard fustige Fox à Sept-Îles. Le
fédéral voudrait prendre le contrôle, - les
problèmes auxquels le gouvernement a à faire face dans le domaine
des affaires culturelles, ainsi que les revendications qui fusent de toutes
parts n'expliquent pas, à eux seuls, la raison dominante commandant
cette tournée panquébécoise. En effet, si l'objectif
officiel de cette consultation fut "d'associer la population à une
réflexion sur le développement culturel du Québec et sur
les changements majeurs que le ministère devra amorcer au cours des
prochains mois", il se dégage nettement, toutefois, que le ministre des
Affaires culturelles en a profité pour porter sur la place publique le
conflit entre les gouvernements du Québec et du Canada en matière
de développement culturel. (11 h 15)
Deuxième constat de la consultation ministérielle: ce fut
une croisade contre les visées d'Ottawa. Il ne faut donc pas
hésiter un instant à qualifier la tournée
ministérielle de croisade contre les visées d'Ottawa quelques
mois à peine avant que le ministre fédéral des
Communications, M. Fox, donne suite à certaines recommandations de la
commission Applebaum-Hébert. Si nous reconnaissons la
légitimité des revendications traditionnelles du Québec
à cet égard, nous invitons aussi le ministre à effectuer
un examen de conscience et à s'interroger sur les mérites
comparés du fédéral et du provincial au chapitre de l'aide
aux artistes. Aux yeux de ces derniers, le Conseil des arts demeure souvent
plus accueillant. On n'a qu'à penser aux retards de plusieurs mois que
doivent supporter les organismes culturels avant de se faire annoncer l'octroi
d'une subvention par le ministère et les mois supplémentaires
qu'ils doivent patienter à leurs frais et au profit des banques avant la
réception de leur chèque, contrairement au Conseil des arts
où une lenteur administrative aussi paralysante n'a pas sa place.
Le ministre devrait méditer cette remarque d'un participant aux
audiences publiques qu'il a tenues ici même à Québec. Je
cite encore une fois: "Qu'arrivera-t-il si l'on persiste à galvauder la
culture, les artistes et les artisans? Cette dernière et ces derniers
s'en remettront aux mains de ceux qui les comprennent et qui s'en
préoccupent. L'art et la culture priment sur la politique et cette
dernière doit servir leurs intérêts et ne pas leur demander
l'asservissement." Cela équivaut à dire d'une
certaine manière qu'en attendant le rapatriement complet des
dépenses culturelles fédérales au Québec, avec les
pouvoirs qui les accompagnent, il serait d'intérêt public que le
ministre nous explique sans plus tarder comment il entend défendre les
intérêts du Québec dossier par dossier.
Maintenant, dernière constatation sur la tournée
ministérielle: des changements en perspective. Malgré
l'utilisation légèrement partisane de cette tournée de
consultation par le ministre, il est à souhaiter que les nombreux
mémoires présentés auront permis aux responsables
gouvernementaux de prendre de nouveau le pouls de la situation afin que le
ministère des Affaires culturelles en mal de crédibilité
puisse reformuler ses orientations, réévaluer son mandat et
déterminer ses objectifs en fonction de la situation économique
et culturelle que nous connaissons.
Nous souhaitons, d'ailleurs, vivement qu'au cours de la journée
le ministre consente à prendre quelques instants pour informer les
membres de la commission sur les principaux éléments qui semblent
se dégager finalement de la confrontation des hypothèses de
régionalisation, de partage des responsabilités
déjà à l'étude au ministère avec les
attentes exprimées par les différents groupes entendus au cours
de la tournée qui vient de prendre fin.
Examinons maintenant l'action du ministère en 1981-1982. Ce fut
une performance lamentable. Bien que cette réflexion fondamentale sur le
devenir du ministère soit devenue la priorité actuelle du
ministre et qu'il en sera largement question au cours des prochains mois, il ne
faudrait pas, pour autant, passer sous silence l'inefficacité du
ministre à régler des problèmes dans plusieurs dossiers au
cours de la dernière année bugétaire. Au moins deux
d'entre eux méritent qu'on s'y arrête plus longuement: les
musées, d'abord, et la protection du patrimoine, ensuite.
Les musées. On peut résumer la situation en quelques mots:
croissance zéro et statu quo. L'année 1982-1983, en raison des
compressions budgétaires, s'annonce comme une année de vaches
maigres au sein du réseau muséologique québécois.
Les effets de la crise économique se font notamment sentir dans les
grands musées. Le Musée d'art contemporain risque de voir les
restrictions budgétaires affecter une partie de ses activités,
tandis que le dossier de sa relocalisation au centre-ville piétine
depuis de très nombreux mois. Le Musée du Québec ne verra
pas, non plus, son sort amélioré en dépit du fait que sa
vocation de musée d'art a été confirmée à la
suite du débat sur le musée de l'homme d'ici. Le Musée des
Beaux-Arts de Montréal va se résigner à une diminution de
services, ceux de la diathèque, de même que le secteur de
l'animation où le poste de responsable, vacant, ne sera pas
comblé, semble-t-il. Enfin, le projet d'un musée national de la
civilisation, au coût de 35 000 000 $, a été temporairement
mis en veilleuse par le gouvernement, tandis que celui d'un musée de la
science, promesse de la dernière campagne électorale, semble, de
son côté, paralysé.
Cette trop brève et forcément superficielle description
des conséquences des compressions budgétaires au sein de nos
grands musées se défend bien d'être alarmiste. Elle est
plutôt en deçà de la réalité si on la compare
un instant avec les propos tenus en mars dernier par le directeur du
Musée des Beaux-Arts de Montréal dans le cadre d'un colloque
organisé par la Société des musées
québécois et qui se voulaient un sérieux avertissement,
compte tenu du fait que "la crise économique que nous traversons est en
voie de ramener la situation des musées au Québec à ce
qu'elle était il y a dix ans, c'est-à-dire à néant
ou presque".
La réputation d'incurie profonde qui caractérise de plus
en plus le ministère des Affaires culturelles au chapitre des arts
visuels ne peut être simplement réduite à une question de
gros sous. Elle est également imputable, comme nous le verrons plus
loin, tantôt à une vision dirigiste de l'administration des
institutions artistiques, tantôt à une conception collectiviste de
l'art tout à fait cohérente, en passant, avec son projet
national.
D'abord, la controverse autour du Musée des Beaux-Arts et de sa
vocation (maintien de sa vocation généraliste par rapport
à une vocation axée sur l'art québécois) illustre
bien le type de mésentente qui existe entre l'appareil bureaucratique et
la majorité des administrateurs du musée. De plus, la
dernière initiative gouvernementale à l'endroit du Musée
des Beaux-Arts, soit celle de confier un mandat d'enquête aux Hautes
études commerciales sur la gestion de cette institution, qui a statut de
corporation privée, soulève instantanément
l'indélicate question de la nature des motifs véritables de cet
acharnement, probablement d'ordre idéologique pour ne pas le
mentionner.
Au même moment, le ministère des Affaires culturelles, sur
recommandation de sa direction générale des musées,
s'apprête à mettre sur pied, pour nos deux musées
d'État, le Musée du Québec et le Musée d'art
contemporain, deux comités consultatifs de programmation dont les
membres seraient choisis à l'extérieur de l'institution. En
préconisant une telle formule, le ministère -maints observateurs
de la scène culturelle l'ont noté - donne ainsi prise à
d'éventuelles querelles idéologiques entre diverses tendances
exprimées par des factions mises en présence par un tel
mécanisme.
L'application d'une telle décision ne risque-t-elle pas de semer
dans les musées d'État une pagaille identique à celle qu'a
connue le Musée des Beaux-Arts en 1981? D'autre part: "comment le
ministre des Affaires culturelles peut-il songer à mettre sur pied aussi
hâtivement de tels comités consultatifs au moment même
où une étude menée par les Hautes études
commerciales au Musée des Beaux-Arts de Montréal tente d'analyser
la viabilité de tels comités", demandait récemment avec
pertinence M. Gilles Toupin, chroniqueur spécialisé au journal La
Presse.
Le cas du Musée d'art contemporain illustre fort bien
également quel sommet peut atteindre l'incompétence
bureaucratique. Situé dans un endroit quasi inaccessible, à la
cité du Havre, et mal desservi par les transports en commun, le
Musée d'art contemporain se voit accablé par une pauvreté
chronique doublée d'un manque d'autonomie accordée par le
ministère. Mme Lysiane Gagnon, qui a évoqué la situation
scandaleuse dans laquelle se trouve cette institution unique en son genre au
Québec dans une série d'articles parus dans le quotidien La
Presse, relate des faits particulièrement évocateurs à cet
égard.
Dans un article du 1er avril dernier, Mme Gagnon disait: "Avec un volume
d'activité comparable à celui du Musée d'Amsterdam, qui
compte 175 employés, le Musée d'art contemporain en a 24.
L'édifice, destiné à être une galerie d'art
contemporain pour l'Expo 67, est impropre à la conservation des oeuvres,
objectif premier de tout musée digne de ce nom, et beaucoup trop petit.
Les oeuvres de notre plus grand peintre, Paul-Émile Borduas, ne peuvent
même pas y être montrées en permanence. Non seulement
faut-il s'y rendre en auto, mais le "parking" n'est pas suffisant pour une
affluence normale. Tous les musées du monde ont un vestiaire
fermé où on laisse sa serviette, ses sacs, son manteau. Pas
celui-ci, faute d'espace et de personnel. "Les conservateurs du musée,
qui sont pourtant censés se consacrer exclusivement à l'aspect
artistique, doivent assumer les tâches de soutien que le budget ne permet
pas d'assurer adéquatement: transporter des boîtes,
épousseter des oeuvres, laver le plancher. Les gardiens, fournis, eux
aussi, par le ministère des Travaux publics, sont, eux aussi, en nombre
insuffisant. Le musée a demandé des suppléants au moins
pour cette exposition-ci, compte tenu de son importance et du fait que les
exhibits exigent une surveillance continue. Mais pas question... "Dimanche
dernier, il ne restait plus de brochures explicatives pour l'exposition du
"Dinner Party", oeuvre complexe dont la compréhension nécessite
plus que la cassette d'accompagnement. Deux semaines après le
début d'une exposition qui doit durer jusqu'au 2 mai, le stock
était épuisé et non renouvelable!... Au musée, on
nous explique que l'on avait demandé 10 000 exemplaires à
l'organisme gouvernemental responsable de l'impression, le tout renouvelable au
fur et à mesure. Mais ce n'était pas dans les normes! Le maximum
permis était de 3000! Le musée a eu beau insister et faire valoir
que l'exposition était susceptible d'attirer beaucoup de visiteurs, ce
fut peine perdue. Récemment, le musée a refait la demande avec,
en main, les chiffres fulgurants de cette affluence record. Encore un
refus."
Qu'ajouter de plus, sinon exiger pour le seul Musée d'art
contemporain du Québec, à la suite des milieux culturels, des
ressources minimales ainsi qu'une indépendance essentielle qui devrait
permettre, entre autres, à la directrice de ce musée d'accorder
une entrevue à un journaliste sans demander la permission à un
fonctionnaire du ministère, tel que cela s'est vu l'automne dernier!
De plus, il est à espérer que la trentaine de millions de
dollars, maintenant bloqués au Conseil du trésor et que le
gouvernement s'apprêtait à consacrer à la construction,
dans la ville de Québec, d'un prétentieux et insensé
musée national de la civilisation, réclamé aucunement par
la population, mais bien par le seul pouvoir politique et technocratique,
servent à la relocalisation du Musée d'art contemporain.
Car, comme l'exprimait si bien encore Mme Gagnon dans un article portant
sur le même sujet "il faudra, un jour, que le gouvernement comprenne que
l'art n'est pas réductible à la politique, que l'art est en soi
antigouvernemental et subversif, et parfois anticommunautaire dans la mesure
où l'artiste échappe à son milieu et parfois le conteste,
que le simple bon sens exige que l'on installe les musées là
où la population est la plus concentrée et, enfin, que l'on
renforce les musées déjà existants à
Montréal avant d'éparpiller des fonds ici et là."
Des gestes concrets et un énoncé général de
politique de développement muséologique cohérent tenant
compte de la relocalisation et de l'avenir du Musée d'art contemporain,
de la vocation particulière du Musée des Beaux-Arts dans le
réseau, de la revitalisation du Musée du Québec en
musée d'art, ainsi que du sort réservé aux projets du
musée national de la civilisation et du musée de la science
doivent être dévoilés au plus tôt.
L'inaction du ministère dans le dossier des musées est
d'autant plus inacceptable que la réflexion théorique sur le
sujet se poursuit maintenant depuis plusieurs années. On n'a qu'à
penser aux documents gouvernementaux suivants: Le Musée du Québec
en devenir, en août 1979, sur le musée de l'homme d'ici,
Musées et muséologies, nouvelles perspectives, en
novembre 1979; Rapport final du groupe de travail sur les musées
scientifiques, en mars 1980; les Audiences publiques sur l'avenir du
Musée du Québec peu avant et, enfin, le document Desgagniers, en
juin 1981, La conservation du patrimoine muséologique.
Il ne manque donc qu'une volonté politique clairement
exprimée afin de favoriser l'émergence de conditions
nécessaires pour un développement plus cohérent et
harmonieux des musées au Québec.
Voyons maintenant la protection du patrimoine. Un mot résume
tout: inefficacité. Les compressions budgétaires
appliquées au programme touchant la sauvegarde et la mise en valeur des
biens culturels ont eu pour conséquence de réduire les
activités impliquant la participation directe du ministère des
Affaires culturelles. Si l'on se fie au bilan des effets des compressions
budgétaires tel que dressé par le ministère et remis aux
membres de cette commission quelques jours avant l'étude des
crédits, même si ce dernier a pu compenser, dans certains cas, son
incapacité financière à intervenir grâce à
l'implication accrue des partenaires privés et publics, notamment les
municipalités, il n'en demeure pas moins que la réduction des
disponibilités a atteint un niveau tel que l'on enregistre non seulement
des retards dans les programmes de restauration, mais aussi que l'entretien des
biens patrimoniaux est réduit au strict minimum. À cela
s'ajoutent le report ou l'abandon de certains projets, plus
particulièrement en matière de recherche et d'inventaire, et
l'accumulation des retards dans le versement des contributions aux
particuliers.
Les contrecoups de la situation financière catastrophique du
gouvernement compromettent donc certains objectifs poursuivis depuis quelques
années par le programme relatif à la sauvegarde et à la
mise en valeur des biens culturels. Cela s'ajoute à
l'inefficacité globale de l'action du ministère des Affaires
culturelles sous le rapport de la protection du patrimoine. Un tel point de vue
ne reflète pas seulement l'opinion du porte-parole libéral en
matière d'affaires culturelles, mais il tient compte également
des critiques formulées de plus en plus fréquemment par des
organismes impliqués à ce niveau ou encore par des
spécialistes de ces questions.
Ainsi, au cours des derniers mois, le Conseil de la culture de l'Est du
Québec a adressé au ministre son opinion relativement à la
Loi sur les biens culturels et aux efforts que le ministère des Affaires
culturelles déploie pour protéger les monuments historiques. Dans
sa lettre au ministre, le Conseil de la culture de l'Est du Québec
rappelle que la loi fait du ministre le gardien en titre des monuments
historiques classés et reconnus d'intérêt national, ainsi
que le responsable de l'application de la Loi sur les biens culturels. Il
insiste particulièrement sur l'inefficacité de la Loi sur les
biens culturels et demande au ministre s'il "laissera pourrir la situation,
comme pourrissent actuellement dans les régions plusieurs témoins
patrimoniaux." (11 h 30)
La Société historique de Québec et la
Société de généalogie de Québec, de leur
côté, dans un mémoire préparé et
présenté conjointement lors de la tournée
ministérielle, estiment qu'au plan d'un bilan général les
réalisations du ministère "n'ont aucune mesure avec l'ampleur des
ressources financières et humaines mises à sa disposition pour
mener à bien son mandat." Sans expliciter davantage, il est utile de
préciser que, selon ces deux sociétés, ce jugement
d'inefficacité s'appuie sur trois points principaux: la politique
d'intervention pour la protection du patrimoine, l'intervention
vis-à-vis des acteurs culturels et la participation des citoyens.
Un autre intervenant culturel concerné par cette question, le
Comité des citoyens du Vieux-Québec, rappelait au ministre, lors
de cette même tournée, la détérioration que continue
de subir ce patrimoine commun à tous les Québécois qu'est
l'arrondissement historique du Vieux-Québec. "On serait en droit de
s'attendre à ce que l'État donne l'exemple" dit le mémoire
de l'organisme. "Il possède des édifices, des terrains,
détermine les subventions, etc., on pourrait espérer qu'il
protège ce qu'il a classé et qu'il assure la conservation de
certains éléments exceptionnels en effectuant de nouveaux
classements, même à l'intérieur de l'arrondissement." Le
mémoire poursuit en soutenant que la situation est tout autre et en
accusant le ministère d'agir dans les faits "comme s'il était
déjà dégagé des responsabilités qui sont les
siennes de par notre système constitutionnel."
Les propos tenus, il y a quelques jours, par M. Marcel Junius,
président de la Commission des biens culturels du Québec, vont
dans le même sens, à savoir que le patrimoine demeure "un sujet
encore très mal connu par l'État". Selon cet expert en la
matière, les difficultés rencontrées dans ce domaine sont
attribuables à trois grands facteurs: l'absence d'une politique
nationale, régionale, globale aussi bien au plan de la pensée
qu'à celui de la doctrine, de la philosophie et des moyens
eux-mêmes; l'absence d'une politique de concertation entre les
planificateurs et les conservateurs; le trop peu d'encouragement procuré
par les dispositions légales en vigueur à l'entreprise
individuelle de sauvegarde du patrimoine familial, local (les incitations
fiscales, l'étalement de l'impôt, les conseils techniques).
Je voudrais insister d'une façon particulière sur le
dernier élément soulevé par M. Junius, compte tenu que les
politiques fiscales des divers niveaux de gouvernement, dont le gouvernement du
Québec, ont des effets très néfastes sur la conservation,
la rénovation et l'entretien de notre patrimoine bâti. Dans un
rapport sur le sujet remis au ministre des Affaires culturelles en 1980, la
Commission des biens culturels illustre bien comment il est plus avantageux
pour le propriétaire d'un terrain avec un immeuble ancien de
démolir celui-ci avant de vendre, ou bien d'ériger du neuf
à sa place. Au lieu de procéder à la réforme du
régime fiscal, les gouvernements ont préféré
instituer des programmes de subvention, souvent pas assez attrayants pour
inciter à la rénovation des résidences, assortis de
mesures de contrôle et excluant les bâtiments institutionnels,
commerciaux ou industriels. De plus, les dépenses de rénovation
ne doivent pas constituer "une amélioration de l'immeuble". Il faut
réussir à les faire passer au titre de dépenses courantes
d'entretien, déductibles dans l'année en cours, sinon cela
deviendra une dépense de nature capitale, imposable.
Le ministre est déjà conscient, j'en suis sûr, de
toute cette problématique, mais je me permettrai malgré tout,
compte tenu de l'indifférence qu'il semble afficher à ce sujet,
de le référer à un excellent article de M. Alain Duhamel,
intitulé La fiscalité ruine le patrimoine, paru dans le magazine
"Les Affaires" du mois d'octobre 1981.
Ce bilan sommaire, mais aussi très significatif de
l'inefficacité de l'action du ministère en ce qui regarde la
protection du patrimoine devrait convaincre le ministre de se rendre au plus
vite à la recommandation formulée cet automne par la Commission
des biens culturels et par le Parti libéral lors de l'étude des
crédits l'an dernier, à savoir d'entreprendre à ce
stade-ci une réflexion approfondie sur l'état et l'avenir du
patrimoine des Québécois. D'ici là, nous exigeons du
ministre de pallier au défaut d'une concertation
interministérielle à l'égard de la mise en valeur des
biens culturels québécois.
Le ministère des Affaires culturelles est également
assailli par une multitude d'autres problèmes. Nous avons choisi de dire
quelques mots sur deux problèmes d'envergure au sujet desquels le
ministère n'a réussi qu'à s'enliser plus
profondément au cours des derniers mois, soit celui concernant les
musées et celui qui regarde la protection du patrimoine. Mais nous
aurions pu tout aussi bien décider de parler abondamment d'une multitude
de problèmes qui assaillent la lourdeur bureaucratique du
ministère et qui laissent nettement à penser que la
réputation du Parti québécois dans le domaine des affaires
culturelles est très certainement surfaite.
Qu'on pense seulement à la disparition de la Centrale d'artisanat
du Québec, victime de la conjoncture économique, mais aussi de
l'inertie du ministère des Affaires culturelles qui lui a refusé
l'aide qu'elle réclamait; à la grève des techniciens de la
scène du Grand Théâtre qui perturbe forcément le
déroulement des activités artistiques de cette fin de saison et
met en danger celles de la saison prochaine maintenant; à la
Comédie nationale qui connaît présentement de
sérieuses difficultés financières qui pourraient
même compromettre son avenir; à la nouvelle loi sur les archives
qui, selon l'expression même qu'on retrouve dans le texte du discours
inaugural, "s'est fait attendre assez longtemps" et qui doit venir assurer
enfin la conservation et la diffusion de nos sources historiques; à
l'instauration tant attendue d'une véritable politique de la lecture
axée non seulement sur la disponibilité, mais aussi sur
l'accessibilité; au scandale permanent d'une administration qui,
d'année en année, annonce des correctifs aux procédures et
dont le ministre responsable prend soin d'atténuer la portée des
préoccupations exprimées en les réduisant à des cas
d'exception, mais qui ne parvient jamais à remettre, dans des
délais raisonnables, les chèques de subvention aux organismes. Et
cette liste pourrait s'allonger encore pendant un long moment.
Ceci nous amène à conclure que le ministre des Affaires
culturelles pourra bien, comme il le projette, nous présenter cet
automne un ambitieux plan d'action qui aura sans doute des répercussions
à la fois sur l'aménagement des programmes de subvention, sur la
définition des plans de travail et sur le partage des tâches et
responsabilités. Toutefois si ce dernier ne fait pas meilleure figure
qu'au cours de l'année qui vient de s'écouler dans
l'administration des divers programmes du ministère, un grand nombre
d'agents culturels, tout comme la population en général, devront
se résigner pour un temps à partager l'épouvantable
sensation éprouvée par un porte-parole du milieu artistique dans
le cadre de la tournée de consultation, à savoir "que nous sommes
gouvernés culturellement par des ankylosés à qui une
lobotomie aurait enlevé tout pouvoir décisionnel". C'était
tiré de M. Jean-Marie Lemieux et le Théâtre du
Bois-de-Coulonge.
Enfin, pour terminer sur une note harmonieuse, nous désirons
exprimer au ministre que l'analyse globale de la performance péquiste en
matière d'affaires culturelles nous amène à endosser
l'opinion qu'il a lui-même émise samedi dernier, lors de la
clôture de sa tournée de consultation culturelle, à savoir
que "le gouvernement du Parti québécois, parce qu'il a trop tenu
pour acquis à sa cause le milieu culturel, parce
qu'il a cru qu'il n'avait pas besoin d'intervenir dans un secteur qui
marche tout seul, est en train de rater un de ses deux objectifs fondamentaux,
celui de la solidification de la spécificité culturelle du
Québec". Merci, M. le Président.
Discussion libre
M. Richard: J'avais voulu, à cause de l'acuité des
problèmes que pose le développement culturel du Québec,
exclure toute coloration partisane de mes propos d'ouverture. Il me semble que
la solution des problèmes que pose le développement culturel du
Québec sollicite toute notre attention féconde. Je regrette que
le critique de l'Opposition en matière culturelle n'en ait pas fait
autant. Je regrette qu'il ait voulu marquer ses propos au coin de la
partisanerie la plus stérile.
Il me semble que cela prend une forte dose de cynisme quand on
appartient à une formation politique qui n'a jamais voulu hausser le
budget du ministère des Affaires culturelles, tout le temps où
elle a assumé le pouvoir, quand on appartient à une formation
politique qui avait logé le Musée d'art contemporain là
où il se trouve présentement, quand on appartient à une
formation politique qui n'est pas celle qui a décidé de verser 3
000 000 $ par année en subventions au Musée des Beaux-Arts de
Montréal, quand on appartient à une formation politique dont un
membre, le 4 février 1982, disait ceci - et je vous réfère
au journal des Débats du jeudi 4 février 1982, à la
commission permanente des engagements financiers - "M. Polak: Est-ce que, dans
le gouvernement ou au Conseil du trésor, on a déjà
considéré de dire, par exemple, que l'on coupera plus encore aux
Affaires culturelles pour avoir de l'argent à transférer dans le
secteur, par exemple, des Affaires sociales? Moi, je dois vous dire une chose:
Je trouve qu'une subvention d'au-delà de 1 000 000 $ à la
Régie du Grand Théâtre de Québec est scandaleuse
dans les temps où on vit." Je pourrais citer, M. le Président,
bien d'autres paragraphes du genre de celui-ci.
Je dis que cela prend une forte dose de cynisme ou d'inconscience pour
avoir tenu les propos que vous avez tenus, M. le député de
Laprairie. Je veux vous signaler aujourd'hui que de crédits à
crédits, c'est-à-dire depuis exactement un an, le critique
officiel en matières culturelles de l'Opposition n'a jamais
daigné poser une seule question au titulaire du ministère des
Affaires culturelles; depuis exactement un an, M. le Président. Cela
témoigne éloquemment de l'intérêt que porte
l'Opposition au développement culturel du Québec.
Merci, M. le Président.
M. Saintonge: M. le ministre, vous me parlez de partisanerie. Je
voudrais simplement vous faire remarquer que, dans le cadre de mon texte, j'ai
pris bien soin -vous avez pu le constater vous-même - de donner de
nombreuses citations soit de journalistes, soit de gens du milieu culturel
eux-mêmes que vous avez pu rencontrer lors de vos consultations. Les
remarques que j'ai faites en majeure partie et les critiques que j'ai
apportées viennent toutes du milieu directement. Ce ne sont pas
nécessairement des critiques partisanes uniquement du point de vue de
l'Opposition. C'est un constat qui se dégage des faits.
M. Richard: Si vous dites que vous n'épousez pas ces
critiques, d'accord, on peut se réconcilier assez facilement.
M. Saintonge: Je n'ai pas dit que je ne les épousais
pas.
Le Président (M. Blank): À l'ordre, M. le
député de Mille-Îles.
M. Saintonge: Maintenant, une autre remarque que je voudrais
faire au ministre. Il a cité le député de Sainte-Anne. Je
dois dire que, de toute façon, le ministre ne partage pas la même
conception que tous ses confrères au niveau de la culture. Il a
même, dans un article récent, déclaré qu'il ne
réussissait pas à imposer, à faire partager, ses vues au
point de vue de la culture, à ses confrères ministres et au
cabinet. Le ministre ne réussit pas à amener ses confrères
du cabinet à donner plus d'importance à la culture, ce qu'il
souhaiterait. Le ministre dit lui-même qu'il a manqué le bateau
d'une certaine façon. Vous avez parlé de négligence
collective.
M. Richard: De tous les gouvernements les uns après les
autres.
M. Saintonge: Maintenant, M. le ministre, il y a un autre point
que je voudrais quand même relever. Si le critique des affaires
culturelles n'a pas posé une seule question comme vous le notez, je vous
ferai remarquer qu'à certaines occasions bien particulières comme
l'étude des crédits supplémentaires, à deux
occasions, j'ai quand même profité de ces moments pour interroger
le ministre sur des sujets particuliers. Quant à la période des
questions, disons que jusqu'à maintenant je reconnais n'avoir pas
posé de question, mais il y a certains éléments qui font
en sorte, à un moment donné, que les questions ne peuvent pas
survenir. Vous êtes sûrement au courant de ce fait, autant que je
puis l'être.
Le Président (M. Blank): Le député de
Mille-Îles.
M. Champagne: Merci, M. le Président. J'ai
été impressionné par la présentation du bilan du
ministre des Affaires culturelles. Je veux souligner l'effort de ce dernier,
spécifiquement sur le 1% qui est consacré aux arts visuels dans
tous travaux publics dans le domaine de l'éducation et dans le domaine
des affaires sociales. Cela a généré, l'an passé,
environ 3 500 000 $ à 4 000 000 $ dans le domaine culturel. C'est bien
sûr que ça ne paraît pas au bilan, ni au budget, mais c'est
quand même un effort de la part du ministère pour mettre en relief
et montrer l'importance de la culture dans notre vie québécoise.
Je voudrais souligner aussi, à la page 138 des crédits 1982-1983,
l'importance du budget des Affaires culturelles. Cette année, il est de
118 000 000 $. Il y a eu une croissance de 160% depuis 1976-1977. Cela veut
dire une moyenne de 14% annuellement. Je pense que c'est là un fait
à souligner. Personnellement, je suis un petit peu d'accord avec le fait
que le pourcentage de 0,5% du budget global pour les Affaires culturelles,
devrait être augmenté. Il y a un effort qui se fait pour
éventuellement atteindre le fameux 1%. Je suis de cet avis-là. Je
souligne qu'en France le budget, actuellement, est de 0,75% aux Affaires
culturelles. Nous sommes à 0,5% et je pense qu'on fait continuellement
un effort dans ce sens. Je veux souligner aussi la croissance des budgets au
point de vue du secteur du livre. Il y a eu une croissance significative de
310% pour le développement du réseau des bibliothèques et
dans le secteur du livre. Il y a eu une augmentation aussi dans d'autres
secteurs d'activités, soit de 158% pour les arts de l'environnement
visuel, plus de 101% pour les arts d'interprétation et plus de 71% pour
la sauvegarde et la mise en valeur des biens culturels. Je pense que c'est un
fait à signaler. (11 h 45)
Tout à l'heure, le député de Laprairie m'a
scandalisé. Lorsqu'on sait que sa formation politique, dans les
années soixante-dix, avait comme slogan la souveraineté
culturelle du Québec et qu'aujourd'hui on est ici autour de la table et
qu'on entend M. le député faire de la partisanerie et
défendre la politique d'Ottawa au sujet des affaires culturelles, cela
m'inquiète et j'en suis scandalisé.
M. Saintonge: Question de règlement.
Le Président (M. Blank): II n'y a pas de questions de
règlement.
M. Saintonge: II y a des questions de règlement. Il n'y a
pas de questions de privilège, mais il y a des questions de
règlement.
Le Président (M. Blank): Qu'est-ce que c'est?
M. Saintonge: Je voudrais simplement qu'on ne mette pas dans ma
bouche des mots que je n'ai pas dits.
Le Président (M. Blank): Mais vous aurez la chance de
répondre immédiatement après. Ce n'est pas limité
ici.
M. Champagne: Je demeure scandalisé par les propos du
député de Laprairie qui revie peut-être la politique
passée de sa formation au sujet de la souveraineté culturelle.
Lorsqu'on sait que la culture est une manière de vivre et une
manière d'être, l'expression de notre pensée et de notre
spécificité, cela m'inquiète de voir le
fédéral venir envahir ce domaine qui a toujours été
de responsabilité provinciale, comme l'éducation. J'ai une
question à poser au ministre: comment prévoyez-vous contrer
jusqu'à un certain point l'ingérence du gouvernement
fédéral dans ce qu'on a de plus cher, à savoir le domaine
culturel des Québécois?
Le Président (M. Blank): M. le ministre.
M. Richard: M. le Président, pour répondre à
la question de mon collègue, je dois dire que ce n'est pas très
facile de régler les problèmes liés à
l'ingérence du gouvernement du Canada dans le champ du
développement culturel du Québec, parce que le problème
est lié au fait que le gouvernement du Canada a occupé des champs
de revenu, des champs d'impôt supplémentaires. Il a donc des
sources de revenu qu'il ne devrait pas avoir, compte tenu de ses
responsabilités constitutionnelles, puisque la constitution n'accorde au
gouvernement du Canada aucune responsabilité spécifique en
matière de développement culturel. Comme le gouvernement du
Canada a trop de revenus, il pratique ce que j'ai appelé une politique
de développement culturel du samedi soir. Les députés
fédéraux, le samedi soir, sortent évidemment dans leur
circonscription électorale et répandent ici et là les
subventions, un peu partout sur le territoire. Vous imaginez bien, M. le
Président, que cela ne permet pas une politique très
cohérente de développement culturel pour le Québec. C'est
ainsi que le ministre fédéral des Communications annonce à
tout bout de champ l'octroi de subventions extrêmement importantes
à des organismes québécois à la condition que le
ministère des Affaires culturelles ou que le gouvernement du
Québec verse des sommes équivalentes à ces subventions. Il
est bien entendu qu'auparavant le gouvernement fédéral s'est
arrangé pour assécher les fonds, c'est-à-dire à vu
à ce
que nous ne soyons pas en mesure de fournir aux organismes culturels qui
en ont besoin -cela, je ne le nie pas - des sommes équivalentes, des
subventions équivalentes. À moyen terme, M. le Président,
si nous n'arrivons pas à récupérer ces sources de revenu,
le gouvernement du Canada pourra s'emparer de tout le développement
culturel du Québec et nous imposer son grand projet, un peu fumeux
d'ailleurs, de création d'une culture artificielle un peu hybride que
serait une culture canadienne. À mon humble avis -j'ai
déjà eu l'occasion de le dire - "there is no such a thing as "une
culture canadienne"; there might be a Canadian culture". Moi je ne connais pas
cela, une culture canadienne.
M. le Président, c'est cela, le problème. Je n'ai jamais
voulu prendre en otage ce que j'appelle les clientèles ou les
partenaires du ministère des Affaires culturelles. Chaque fois que j'ai
eu l'occasion de le faire, je leur ai dit d'aller chercher les montants
disponibles à Ottawa, puisque c'est notre argent, finalement, qu'on va
chercher. Je voudrais que mon collègue, le député de
Laprairie et critique officiel de l'Opposition, soit bien conscient qu'à
moyen terme, si nous ne réagissons pas, c'est tout le
développement culturel qui sera assumé par un gouvernement qui
appartient majoritairement à une culture qui est différente de
celle de la majorité québécoise.
Je voudrais vous rappeler, M. le député de Laprairie,
qu'en Belgique, dans un État unitaire, on a tenu à ce qu'il y ait
deux ministères des Affaires culturelles, un pour les Flamands et
l'autre pour les Wallons. Je voudrais vous rappeler les dangers qui guettent la
culture québécoise et notre propre culture si nous laissons le
gouvernement du Canada assumer tous les pouvoirs, toutes les
responsabilités en matière de développement culturel,
parce qu'il dispose de sources de revenus dont il nous a littéralement
spoliés.
Le Président (M. Blank): Est-ce que le
député de Laprairie veut rectifier quelque chose?
M. Saintonge: Oui. M. le ministre, simplement pour
répondre aux remarques de tantôt, j'ai dit dans mon texte que nous
reconnaissons la légitimité des revendications traditionnelles du
Québec. Le Parti libéral l'a toujours reconnu. Nous avons
demandé au ministre de faire un examen de conscience. J'ai fait une
certaine tournée, pas aussi élaborée que celle du
ministre, et j'ai rencontré des intervenants culturels dans plusieurs
régions. Je parlais tantôt de s'interroger sur les mérites
comparés du fédéral et du provincial au chapitre de l'aide
aux artistes. Le problème, c'est que le ministre doit quand même
agir positivement et rapidement dans certaines situations, ce qui ne se fait
pas actuellement, par exemple, au niveau des subventions ou pour obtenir de
l'aide. Les artistes et les intervenants culturels m'ont souvent
mentionné qu'il est beaucoup plus facile, beaucoup plus rapide d'obtenir
de l'aide d'Ottawa et beaucoup plus facile de bénéficier de
certains programmes qu'au gouvernement du Québec, que c'est
également beaucoup plus rapide comme moyen de se sortir d'une impasse
financière. C'est à ce titre que j'invite le ministre à
faire un examen de conscience et aussi à se rapprocher davantage,
à faire preuve de plus d'efficacité à l'égard des
intervenants culturels du Québec.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: M. le ministre, comme vous l'avez dit dans votre
discours, vous nous arrivez d'une longue tournée de consultation qui
vous a mené, je crois, dans une trentaine de villes
québécoises et avec, paraît-il, beaucoup de coffres de
documentation, plus de 800 mémoires. Si j'ai bonne mémoire, c'est
à peu près cela. Naïvement, on pourrait crier au miracle
devant un tel intérêt pour la culture, c'est vrai, mais n'est-ce
pas plutôt des complaintes de famine que vous avez recueillies au cours
de ce long voyage? Est-ce que ce ne sont pas des réquisitoires,
plutôt que des poèmes et des symphonies, que vous avez entendus
dans vos nombreuses interventions? Il y a dans ces liasses, paraît-il, de
vieilles doléances qui datent de plus de vingt ans. Vous revenez le
coeur chaud, et nous en sommes heureux, peut-être aussi plus
torturé par les demandes que consolé par les
félicitations!
Je n'ai pas fini. Je vous regarde en même temps, parce qu'un bon
professeur regarde toujours ses élèves de temps en temps! Vous
avez avoué en rentrant que votre parti, votre gouvernement...
M. Richard: Le professeur va être obligé d'aller
à l'école tantôt, par exemple, M. le député
de Saint-Henri!
M. Hains: Parfait, je vais écouter! Entre deux
maîtres, on peut toujours s'écouter! Vous avez avoué en
rentrant que votre parti, votre gouvernement avait raté un de ses
objectifs fondamentaux, c'est-à-dire celui de privilégier et de
solidifier la spécificité culturelle des Québécois
que nous, autrefois, chez les libéraux, appelions la souveraineté
culturelle québécoise.
Puis-je, M. le ministre, à la suite d'un article de Robert
Lévesque, relever quelques revendications notoires de ces groupes qui
ont défilé devant vous? Un principe, d'abord: La culture n'est
pas un divertissement, mais un droit auquel chacun doit avoir accès
à l'école. C'est le sculpteur Laurent Tremblay
qui vous a confié que nous ne posséderons jamais notre
culture si l'art est absent de l'école primaire. C'est là que
vous aurez à convaincre votre collègue, le ministre de
l'Éducation, de préparer le public de demain aux choses de l'art,
comme le disait si bien M. Jean-Claude Delorme, un de mes amis,
président de la Régie de la Place des Arts.
Ancien directeur d'école, j'ai assisté moi-même
à la décadence de l'enseignement de la musique et des arts
plastiques, à la disparition des chorales d'enfants et des pièces
de théâtre dans nos écoles. Aujourd'hui, avec les
compressions budgétaires et la suppression des professeurs
spécialisés, ces disciplines atteignent souvent la
catastrophe.
De plus, ces dernières années, le ministère a
souffert de successions chroniques. Une dizaine de ministres des Affaires
culturelles en 20 ans. Comment avoir un suivi une ligne de pensée, une
permanence dans la politique et la réalisation d'objectifs avec cette
pléiade - j'avais écrit de génies, pour vous faire plaisir
- de génies si divers et si diversifiés? Vous aussi, messieurs
les hauts fonctionnaires qui êtes ici ce matin, on vous a
critiqués allègrement durant cette tournée, disant "que
les structures bouffaient tous les budgets et que le gouvernement, selon Nicole
Malenfant, du Conseil de la gravure, devait investir dans l'art et non dans la
bureaucratie". J'espère, messieurs, que vous n'en voudrez pas à
ces travailleurs culturels.
Que dire aussi du statut social de l'artiste? Denis Monière
demande un revenu annuel garanti, que les droits d'auteur soient exempts
d'impôt, qu'on crée une caisse de sécurité, etc.,
car, comme disait Gilles Garant, au nom du Syndicat de la musique, on a trop
souvent prêté à la misère des vertus
inspiratrices.
Sans renier la politique sur le patrimoine québécois, les
intervenants culturels ont délaissé cette politique un peu du
passéisme "pour privilégier le patrimoine de demain dans l'art
contemporain". Il faut investir, disent-ils, dans cet art contemporain pour
sauver notre gent artistique qui, malheureusement, pour une grande multitude
d'entre eux, vivent dans l'indigence tellement, comme le disait Laurent
Laplante, qu'ils sont devenus des chercheurs de subventions. Nombreux sont les
moyens suggérés pour contrer cette pénurie de revenus. On
vous a parlé, je crois, de distribuer la taxe d'amusement en
subventions. On a parlé des revenus de loteries, même de casinos,
etc.
Devant tant et tant de requêtes et de besoins réels, vous
n'avez pu résister aux promesses. Vous voulez apporter des solutions
dans plusieurs domaines et surtout, comme vous les avez nommés, le
théâtre, les arts visuels, la danse et un projet de loi sur le
cinéma. Aujourd'hui, à l'étude des crédits, loin un
peu de l'enthousiasme des rencontres, j'espère que vous vous sentez bien
parmi nous. Dites-nous donc, s'il vous plaît, vos plans, vos objectifs,
vos moyens de les réaliser et vos échéanciers. Pensez-vous
vraiment parvenir, à la fin, à la spécificité
culturelle que vous désirez si ardemment? Voilà.
M. Richard: M. le Président, je voudrais
répondre.
Le Président (M. Blank): D'accord, M. le ministre.
M. Richard: Je voudrais immédiatement sursauter sur la
dernière affirmation. Je ne veux pas parvenir à la
spécificité culturelle du Québec; elle est là
omniprésente, elle existe depuis toujours.
M. Hains: II y a quand même un petit échec
là-dessus.
M. Richard: Vraiment, je suis convaincu que c'est un lapsus.
M. Hains: Non, non.
M. Richard: M. le Président, je voudrais rendre les choses
un peu plus conformes à la réalité. Il est vrai que
beaucoup de participants au cours de ma tournée de consultation ont
exprimé des doléances, voire des griefs, parfois, à
l'égard du ministère des Affaires culturelles, et il est vrai
que, parfois, leurs doléances, leurs griefs et leurs
récriminations étaient fondés. Mais c'est une toute petite
minorité, quand même. Il faut faire attention. Quand je suis parti
en tournée, on m'avait dit: Ce sera une longue séance
d'autoflagellation, parce que c'est le ministère mal aimé. J'ai
pu constater, à ma très grande surprise - cela a
été, je le reconnais d'emblée, une fort agréable
surprise - que tel n'était pas le cas. (12 heures)
Je peux vous dire que, sur 800 mémoires, il n'y en a pas 10% qui
sont véritablement agressifs. Il faut faire attention. Il y en a qui ont
fait l'objet de manchettes et c'étaient les plus agressifs. Prenons la
dernière partie de la tournée. J'ai fait, en trois jours,
Longueuil, Laval, Valleyfield et Saint-Jean. Il n'y a pas eu un mémoire
agressif dans tous ces coins-là, pas un seul. Je n'ai pas fait le bilan
total des mémoires agressifs et des griefs qu'on a exprimés,
mais, parfois, on a expliqué ce qu'on souhaitait, les
réaménagements qu'on souhaitait au sein du ministère des
Affaires culturelles. C'était cela, le sens de cette tournée,
l'un des objectifs fondamentaux de la tournée. Alors, il faut faire
attention pour ne pas donner une image tronquée de ce qu'a
été la réalité au cours de cette
tournée, parce que ce ministère-là n'est pas le
mal-aimé, au contraire. Il y a beaucoup d'intervenants, de participants
qui sont venus dire qu'ils avaient besoin du ministère et que ce
ministère avait fait des choses comme il devait le faire et qu'il devait
parfois se rajuster.
Maintenant, il y a un autre mythe, M. le Président, que je tiens
à dégonfler, c'est probablement de tous les ministères du
gouvernement du Québec, de l'État québécois, celui
qui a l'administration la plus légère. J'ai tenu à le
préciser dans mes propos tout à l'heure, M. le
député de Saint-Henri. 9,6% sont liés au fonctionnement du
ministère. On souhaiterait faire encore davantage si c'était
possible, mais c'est faux de dire qu'il y a des superstructures au
ministère des Affaires culturelles. C'est faux de dire que le budget des
Affaires culturelles est gobé par son budget de fonctionnement. Non
seulement c'est faux, mais c'est tout à fait contraire à la
réalité. Une des raisons qui m'ont amené partout dans le
Québec, cela a précisément été pour
dégonfler ce mythe et je savais que cela était faux. Mais c'est
important de ne pas répéter cela inutilement parce que c'est
complètement faux. On propage une fausseté quand on dit que c'est
le budget de fonctionnement qui gobe le budget du ministère des Affaires
culturelles.
Maintenant, un dernier mot, M. le Président, pour mon
collègue et ami, M. le député de Laprairie. Je voudrais
simplement lui rappeler une chose et il aurait dû avoir, je pense, la
décence de reconnaître cela. Tout le retard que nous avions
à rattraper dans beaucoup de domaines a été
rattrapé, en grande partie, au cours des dernières années.
Je pense au retard dans le domaine des bibliothèques dont vous
êtes sans doute conscient. Je pense au retard dans le domaine des
musées. L'avènement du Musée des Beaux-Arts tel qu'il est,
c'est quand même une réalisation de l'actuel gouvernement. Dans le
domaine des arts visuels, je pense à la politique du 1% qui donne des
résultats assez extraordinaires. Ces progrès ont
été réalisés souvent à même des
budgets qui n'émargent pas au budget du ministère des Affaires
culturelles. Cela aussi doit être dit parce qu'il ne faut pas tronquer la
vérité.
Maintenant, je vous rappelle, M. le Président, qu'il n'y a pas
seulement M. Polak, dont j'évoquais les propos tout à l'heure,
mais il y a aussi le député de Brome-Missisquoi qui a tenu des
propos qui ressemblaient étrangement à ceux de M. Polak, en
demandant qu'on coupe le budget du ministère des Affaires culturelles.
M. le Président, je voudrais référer mon collègue
et ami, le député de Laprairie, au magazine Perspectives qui
était annexé au journal Le
Soleil du samedi 1er mai 1982. Il verra, dans cette longue interview
qu'a donnée le chef de l'Opposition, qu'il dit lui-même qu'il
n'est pas intéressé par le cinéma, ni par le
théâtre. Mais, M. le Président, compte tenu de l'attitude
de l'Opposition en matière culturelle, je trouve que nous avons
réalisé des projets extrêmement importants dans des
conditions on ne peut plus difficiles. Mais je me réjouis, ce matin, de
voir que, désormais, j'aurai comme allié, pour augmenter le
budget du ministère des Affaires culturelles -et j'espère qu'il
sera un allié indéfectible -le député de Laprairie.
Je l'en remercie, M. le Président, et je compterai sur lui
désormais.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Saint-Jean.
M. Proulx: M. le ministre, il y a à peu près six
institutions qui forment une nation, un État. La première, c'est
le Parlement, l'Exécutif; ensuite, les institutions de la justice, les
musées, les conservatoires, les archives et la Bibliothèque
nationale. Il m'apparaît que, depuis au moins 20 ans, on a
consacré des centaines et des centaines de millions et pour le Parlement
et pour l'Exécutif, mais que pour certaines institutions de fond qui
forment le coeur, la structure même d'une nation, cela a
été un peu faible. Il m'apparaît que les Archives
nationales et la Bibliothèque nationale n'ont pas eu depuis 1960 toute
l'attention qu'elles méritaient. Tout passe, les Parlements passent, les
gouvernements passent. Nous allons passer, M. le ministre, nous sommes ici en
transit, excepté les Archives et la Bibliothèque nationale.
J'ai déjà passé, je suis revenu, mais enfin je vais
repasser. J'étais ici en 1966 avec le député de
Saint-Louis. Pensez-vous, M. le ministre, que vous puissiez accorder davantage
de crédits pour permettre à ces deux institutions fondamentales,
que sont les Archives nationales et la Bibliothèque nationale, de se
développer plus adéquatement? Vous avez là d'excellents
fonctionnaires. Je les ai rencontrés, j'ai discuté avec eux
pendant longtemps. J'ai visité ces institutions et il y a vraiment des
problèmes d'espace et de fonctionnement. Pensez-vous que d'ici quelque
temps votre ministère et notre gouvernement pourront accorder ce qu'il
faut pour que ces institutions puissent fonctionner adéquatement?
M. Richard: Je l'espère bien, M. le Président, et
avec l'appui du député de Laprairie, maintenant doublé de
celui du député de Saint-Jean, je pense bien qu'on pourra
réussir à brève échéance à
régler les problèmes criants qui se posent pour les Archives
nationales, de même que pour la
Bibliothèque nationale.
Quand je vois que, malgré les problèmes urgents qui se
posent pour le développement culturel du Québec, il y a un
gouvernement, de l'autre côté de l'Outaouais, qui est en train de
dépenser 40 000 000 $ l'unité pour 150 F-18, des gadgets à
lancer des bombes! Il va en construire pour plusieurs milliards et, pendant ce
temps, on est incapable de répondre aux besoins des Archives nationales,
à ceux de la Bibliothèque nationale, de nos créateurs en
art visuel, aux besoins en matière de bibliothèques publiques
municipales, aux besoins pour des salles de spectacle un peu partout sur le
territoire québécois. Durant ce temps-là, il y a un
gouvernement qui occupe des champs de revenus qu'il ne devrait jamais occuper,
qui ne sait pas comment dépenser son argent et qui le dépense
à construire des F-18 à 40 000 000 $ l'unité. Et il va en
construire 150, évidemment en Ontario, au profit des Américains.
En même temps, il est en train de construire une ambassade à
Washington avec un architecte dont j'oublie le nom...
M. Saintonge: Vous vous éloignez.
M. Richard: On ne s'éloigne pas, c'est le même
argent, M. le député de Laprairie. Au contraire, c'est le vrai
débat qu'on devrait faire ce matin, à savoir à quoi doit
servir tout l'argent des Québécois et des
Québécoises. On est en train de construire une ambassade au
coût de 30 000 000 $. Avec 30 000 000 $, M. le député de
Laprairie, je fais un Québec qui serait culturellement paradisiaque.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Je voudrais souligner au ministre qui semble lire
fidèlement le journal des Débats en ce qui concerne certains
commentaires faits par les députés de l'Opposition. Je lui
demanderais de lire attentivement le discours prononcé par son
collègue, le ministre de l'Éducation, sur les coupures à
l'éducation des adultes parce qu'il s'est fait un grand plaisir de dire
que ces coupures portaient sur des cours d'expression socio-culturelle. Il
trouvait ça bien drôle et je ne sais pas si le ministre trouve
ça aussi drôle que le ministre de l'Éducation.
M. Richard: II est rare que le ministre de l'Éducation
trouve les choses drôles. Je trouve assez extraordinaire qu'on me
rapporte cela et je vais essayer de revoir les images.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Deux ou trois petites mises au point, M. le ministre.
Tout d'abord, j'ai crié, moi aussi, au miracle en partant devant
l'intérêt des 800 mémoires que vous avez reçus. J'ai
crié au miracle, moi aussi, parce que ce ne sont pas que des plaintes
que vous avez reçues.
Deuxièmement, je n'ai pas insisté du tout sur
l'agressivité. Je n'ai pas dit cela, c'est vous qui l'avez dit. J'ai
plutôt parlé de leurs besoins d'aide, de l'aide qu'ils avaient
demandée et non pas de leur agressivité.
M. Richard: M. le député de Saint-Henri, je dois
vous dire tout de suite que vos propos me réjouissent.
M. Hains: Troisièmement, quand j'ai attaqué la
bureaucratie...
M. Richard: Ils sont pas mal moins partisans que ceux du
député de Laprairie qui m'a franchement déçu, ce
matin.
M. Hains: ... c'était un peu pour m'amuser, car tous ces
messieurs en face de nous sont très sympathiques. J'ai quand même
cité une parole de Mlle Malenfant.
Une voix: Sympathiques et compétents.
M. Hains: C'est cela. Je l'ajoute avec plaisir, c'est vrai. Il
n'est pas du tout de mon intention de parler contre ces gens. C'étaient
simplement des petites mises au point que je voulais faire.
Le Président (M. Blank): Est-ce qu'on peut maintenant
commencer l'étude des crédits? Programme 1, Livres et autres
imprimés.
Livres et autres imprimés
M. Richard: M. le Président, je voudrais dire que je suis
heureux, ce matin - vous qui êtes très intéressé au
développement culturel du Québec - qu'on ait choisi
précisément le député de Saint-Louis, qui est
probablement le député de la circonscription la plus culturelle
du Québec, comme président de cette commission. Je suis
très heureux de cela, M. le Président.
Le Président (M. Blank): Merci. C'est parfois très
difficile pour moi de ne pas m'engager dans le débat surtout quand on
parle de mon comté, mais je vais essayer. Programme 1?
M. Richard: C'est le comté du Musée des Beaux-Arts,
M. le Président.
Le Président (M. Blank): Oui, et le comté du
Musée d'art contemporain et celui de la Place des Arts.
M. Richard: Je ne savais pas qu'il était dans un
comté, celui-là.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président (M. Blank): Livres et autres imprimés.
Est-ce qu'on va discuter les programmes "at large" ou si on prend les
programmes un à un?
M. Saintonge: "At large".
M. Champagne: M. le Président, considérant qu'on a
plusieurs programmes à étudier, à savoir, 1. Livres et
autres imprimés, 2. Sauvegarde et mise en valeur des biens culturels, 3.
Gestion, 4. Arts de l'environnement, 5. Arts d'interprétation, 6.
Cinéma, comme il y a six programmes et qu'au programme 1, Livres et
autres imprimés, le total constitue 44% du budget, est-ce qu'on ne
pourrait pas redistribuer le temps proportionnellement à l'importance
des programmes?
Le Président (M. Blank): C'est à la commission de
décider.
M. Champagne: Voici pourquoi. Parfois, on s'attarde au premier
programme et quand arrive le dernier, qui est le cinéma, entre autres,
il peut tomber. Il y a aussi les arts d'interprétation. Il faudrait
peut-être distribuer le temps pour voir à peu près tous les
programmes. C'est ma préoccupation pour le moment.
Le Président (M. Blank): II reste encore 4 h 45.
M. Champagne: 4 heures?
Le Président (M. Blank): 4 h 45.
M. Champagne: Est-ce qu'on pourrait s'entendre avec l'Opposition
pour voir tous les programmes, dans un premier temps, et tenir compte de
l'importance des sommes?
M. Saintonge: Oui, d'accord. Je n'ai pas d'objection. L'an
passé, on n'a pas procédé de cette façon, mais on a
suivi un certain ordre de priorités. On n'y était pas allé
nécessairement programme par programme, on était passé du
programme 1 au programme 5 ou au programme 6. S'il y a des sujets plus
particuliers qui vous intéressent ou qui intéressent mes
confrères, je pense que le ministre ne refusera pas de passer au
cinéma, pour peut-être revenir au programme 2, ensuite.
M. Richard: Pas du tout.
Le Président (M. Blank): D'accord, on reste au programme
1.
M. Richard: M. le Président, puis-je suggérer
à tous mes collègues d'utiliser le cahier des crédits
1982-1983 qui leur permettrait de suivre toute l'évolution en même
temps. Ce cahier a été préparé à leur
intention et je tiens à en féliciter les fonctionnaires parce que
c'est vraiment très bien fait.
M. Saintonge: On n'en a pas eu. On en a eu juste un ou deux. Vous
en avez envoyé 25? La question que je me pose, c'est où ils sont
allés. Je les ai cherchés à notre bureau de recherche; je
me demande où cela a été déposé.
Le Président (M. Blank): On suspend pour quelques
minutes.
(Suspension de la séance à 12 h 15)
(Reprise de la séance à 12 h 19)
Le Président (M. Blank): On recommence la commission des
affaires culturelles. Programme 1.
M. Saintonge: Je cite le texte suivant de la
Fédération québécoise du loisir littéraire.
On dit: "Le gouvernement du Québec ne doit plus se contenter d'une
politique du livre qui se borne à bâtir des bibliothèques
et à subventionner éditeurs et auteurs. Le Québec a
davantage besoin d'une politique plus globale de l'écrit et de la
lecture qui permettrait à plus de citoyens de s'éveiller au
loisir littéraire et de perdre leur triste championnat des non-lisants."
À cet égard, je pourrais dire qu'une enquête a
révélé que 53% des adultes au Canada ne lisent pas. La
commission Jean nous révélait, d'autre part, qu'il existait plus
de 200 000 analphabètes au Québec. Ma citation de tantôt,
c'était la ligne de force d'un document politique préparé
par la Fédération québécoise du loisir
littéraire et présenté récemment au ministre
d'État au Développement culturel et scientifique.
À partir de cette constatation que nous retrouvons dans le
document qui est intitulé "Pour une politique vivante de l'écrit
et de la lecture", ma question au ministre est la suivante: Avez-vous pris
connaissance de ce document et qu'avez-vous l'intention de faire pour donner
suite à la recommandation de la Fédération
québécoise du loisir littéraire qui suggère de
mettre sur pied un groupe d'étude qui donnerait la parole aux
intervenants plus près du peuple que les éditeurs, les libraires
et les bibliothécaires qui sont jusqu'ici les seuls à être
consultés? Dans le fond, c'est l'établissement d'une politique de
la lecture globale et voir de quelle façon on pourrait essayer de
l'établir.
M. Richard: M. le Président, en ce qui a trait à la
politique du livre, nous avons procédé en deux étapes. La
première étape consistait à rattraper, comme je l'ai
évoqué tout à l'heure, le retard immense que nous
accusions dans le domaine des bibliothèques. Le réseau des
bibliothèques publiques sera vraisemblablement parachevé à
très brève échéance. C'est 80% maintenant du
territoire québécois qui sont couverts. Il nous reste à
élaborer et à énoncer une véritable politique de la
lecture. J'ai pris connaissance du document dont vous faites état et que
j'ai trouvé remarquablement intéressant. Je pense qu'il nous
faudra donc élaborer et appliquer à brève
échéance une politique de la lecture. À cette fin, nous
avons mis sur pied un groupe de travail chargé de nous proposer une
politique de la lecture en concertation avec tous les intervenants
intéressés; c'est en voie de se faire. Tous ceux qui sont
intéressés à l'élaboration d'une politique de la
culture seront évidemment consultés.
M. Saintonge: Concernant cette politique, est-ce que le ministre
a l'intention de fixer un délai? Pour ce qui concerne le réseau
de bibliothèques dont on a parlé précédemment, je
suis d'accord avec vous que c'est une belle réalisation du
ministère au cours des dernières années. Cette politique
de la lecture pourrait être mise en application dans combien de
temps?
M. Richard: Vous avez raison de souligner que c'est une belle
réalisation. Cela a été la grande réalisation du
ministère des Affaires culturelles dans les trois ou quatre
dernières années. Je suis d'autant plus à l'aise de le
souligner que je n'en ai pas le mérite.
M. Saintonge: Ce que je peux comprendre, c'est que la politique
de la lecture qui pourrait se développer, c'est une politique... On
parle de créer un comité de consultation, est-ce qu'il y a un
échéancier de prévu? Avez-vous une priorité
d'établie à ce niveau?
M. Richard: Non, M. le Président, pour la bonne raison
qu'à partir de l'analyse des mémoires qui nous ont
été soumis et des représentations qui nous ont
été faites nous avons l'intention de tracer un programme
d'action. Comme on souhaite que ce programme d'action soit cohérent, il
faut tenir compte de l'ensemble des priorités du ministère des
Affaires culturelles. Une politique de la lecture s'inscrira normalement dans
le cadre de ce programme d'action.
M. Hains: Dans un même ordre d'idées, M. le
ministre, dans cette concertation que vous voulez faire, est-ce que vous avez
pensé aux jeunes? Je vais vous demander un acte de foi là-dessus;
vous êtes certainement persuadé comme nous que c'est à
l'école que tout doit commencer.
M. Richard: Oui.
M. Hains: Est-ce qu'il y a une concertation qui va
s'établir entre vous et le ministre de l'Éducation à ce
sujet?
M. Richard: Oui, M. le député de Saint-Henri.
J'avais l'intention de le rappeler dans mon allocution d'ouverture tout
à l'heure. Ce dont on m'a le plus parlé durant la tournée,
cela a été du cloisonnement déplorable qui existe souvent
entre le ministère des Affaires culturelles et d'autres
ministères, en particulier le ministère de l'Éducation. Il
va falloir mettre tout en oeuvre pour décloisonner les
ministères. Cela a été fait en partie, mais pas assez pour
répondre aux besoins du développement culturel du
Québec.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Viau.
M. Cusano: M. le ministre, je sais que tout le monde se
préoccupe de la question du goût de la lecture. Les experts nous
disent que, dans la plupart des cas, ce goût de la lecture s'acquiert
même avant qu'un enfant ait atteint l'âge scolaire. Les
psychologues nous disent que le milieu qui influence le plus l'enfant de moins
de cinq ans, c'est la maison, son foyer. Pour revenir à la question du
goût de la lecture, l'enfant de quatre ans et demi ou de cinq ans qui se
trouve dans un foyer où les parents ont une aptitude pour la lecture -
on sait fort bien que les enfants, à cet âge, tentent d'imiter les
parents automatiquement développe un goût pour la lecture.
Malheureusement, même s'il y a des parents qui réalisent
cela, il me semble qu'on manque de programmes pour ces parents qui sont
intéressés. Je vais donner quelques exemples. Je ne veux pas
entrer dans l'apprentissage scolaire ou préscolaire, mais on sait que
pour un parent qui prend le temps de lire une histoire à un enfant, il y
a des méthodes pour le faire, dans le sens de personnaliser l'histoire
en substituant aux noms des personnages des noms que l'enfant connaît
dans son entourage, ainsi de suite. Avez-vous réfléchi sur ce
sujet? Avez-vous l'intention de mettre en place un programme? On parle
maintenant de l'enfant avant qu'il entre à l'école. Les
écoles le font dans certains cas, mais j'aimerais savoir si, dans cette
période préscolaire, vous pensez que c'est votre domaine.
M. Richard: Je suis totalement d'accord avec les propos que vient
de tenir le député de Viau. Toute politique de la culture
doit
d'abord chercher à rejoindre l'enfant. Au fond, c'est vrai de
toute politique de développement culturel. On ne saurait concevoir une
politique cohérente de développement culturel sans songer d'abord
à l'enfant. C'est pourquoi il sera si important de décloisonner
les ministères.
M. Cusano: Avez-vous fait une étude à votre
ministère? Comment allez-vous vous y prendre?
M. Richard: C'est ce que j'ai expliqué tout à
l'heure. Il y a un groupe de travail bien conscient de cette
réalité, par exemple, qu'on n'a pas encore
développé beaucoup au Québec le goût de la lecture
quoique même cette phrase appelle des nuances. Vous savez que, toutes
proportions gardées, le premier tirage d'un volume au Québec est
plus important qu'en France. Il ne semble pas qu'on lise davantage en France
qu'au Québec. Cela contribue à démolir certains mythes. On
en est tout à fait conscient. C'est pour ça que je rappelais tout
à l'heure qu'il y a un groupe de travail, présentement, qui est
en train de mettre au point une politique de la lecture qu'on voudrait
appliquer le plus rapidement possible, mais qui s'inscrira dans le cadre du
programme d'action que j'ai l'intention de rendre public, en tout ou en partie,
à l'automne.
M. Saintonge: M. le ministre, dans la question de l'aide à
la publication et à la vente de livres, je veux m'attarder un peu sur la
question des éditeurs québécois, la lutte difficile des
éditeurs québécois. Tout en étant d'accord avec
ceux qui disent que l'édition du livre pratique se porte assez bien - le
livre pratique, c'est le livre de lecture courante - si on considère que
les éditeurs canadiens contrôlent ensemble 55% de ce
marché, la concurrence, notamment la concurrence française, se
fait de plus en plus importante. Le ministre peut-il nous dire comment il a
l'intention de s'y prendre pour faire face à la situation et quel
mécanisme il pourrait mettre de l'avant pour aider les éditeurs
québécois, justement, à contrebalancer ce marché
français et peut-être même à s'implanter dans le
marché français, s'il y a une politique prévue dans ce
sens-là? (12 h 30)
M. Richard: II y a eu une politique du livre
élaborée par mon prédécesseur, qui est
présentement appliquée et qui semble donner d'assez bons
résultats. Je n'ai pas à vous parler de l'immense succès
que connaissent présentement tous les salons du livre au Québec,
salons du livre qui s'inscrivent dans le cadre de la politique du livre du
ministère des Affaires culturelles. Alors, il faudra étudier les
résultats de cette politique du livre pour voir comment on devrait
corriger le tir. Mais le tir a déjà été
corrigé assez récemment par la loi sur le livre et les
règlements adoptés dans le cadre de cette loi. Jusqu'à
maintenant, en tout cas, avec le Conseil consultatif du livre, on peut dire que
cela a déjà donné des résultats assez
intéressants. Il faudra corriger un peu et on s'apprête à
le faire. Par exemple, il faudra bien reconnaître que, pour les
poètes, pour la poésie, l'exiguïté du marché
est vraiment terrible, parce que ce n'est pas un encouragement à publier
de la poésie quand
Il n'y a qu'un marché de 5 000 000 et qu'au sein de ce
marché il y a très peu de clientèles directement
intéressées par la poésie. Alors, il faut
reconnaître ces faits et avoir des politiques qui en tiennent compte.
Le Président (M. Blank): Sur cette question, on va
ajourner nos travaux. Il est 12 h 30 et la Chambre siège à 14
heures.
La commission des affaires culturelles ajourne ses travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise de la séance à 15 h 39)
Le Président (M. Blank): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente des affaires culturelles reprend l'étude
des crédits du ministère des Affaires culturelles pour
l'année 1982-1983.
Les membres de la commission sont: M. Champagne (Mille-Îles), M.
Charbonneau (Verchères), M. Cusano (Viau), M. Dupré
(Saint-Hyacinthe), M. Hains (Saint-Henri), Mme Juneau (Johnson), Mme Lachapelle
(Dorion), M. Proulx (Saint-Jean), M. Richard (Montmorency), M. Rivest
(Jean-Talon), M. Saintonge (Laprairie).
Les intervenants sont: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M.
Blouin
(Rousseau), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme Dougherty
(Jacques-Cartier), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lavigne (Beauharnois),
M. Leduc (Fabre), M. Sirros (Laurier), M. Vallières (Richmond).
Le rapporteur, qui a été nommé ce matin, est M.
Champagne (Mille-Îles). Tout le monde est d'accord? M. le
député de Laprairie?
M. Saintonge: D'accord.
Le Président (M. Blank): Nous sommes encore au programme
1.
M. Saintonge: M. le ministre, on a parlé ce matin des
droits d'auteur, en termes de redevances aux auteurs. Quel mécanisme le
ministre entend-il mettre sur pied pour donner suite à ce qu'il disait
ce matin au niveau de la répartition, au chapitre des
droits d'auteur, des montants qui peuvent leur revenir pour leurs
oeuvres?
M. Richard: M. le Président, je pense que la question
formulée par le député de Laprairie est non seulement
intéressante, mais elle est très importante. Vous savez que nous
avons mis sur pied, comme je l'évoquais ce matin, un Service de la
propriété intellectuelle au ministère et que ce service
est appelé à rendre des services presque quotidiennement aux
auteurs pour le respect, a tous égards - c'est le cas de le dire - de
leurs droits. Cela a assez bien fonctionné jusqu'à maintenant,
sauf que nous exerçons des pressions auprès du gouvernement du
Canada pour qu'il se hâte de modifier la loi puisque, vous le savez mieux
que quiconque, M. le député de Laprairie, c'est là un
domaine qui relève de la juridiction du gouvernement du Canada. On me
dit que le ministère des Communications s'apprête à
modifier la Loi sur les droits d'auteur et nous espérons qu'il le fera
à brève échéance puisque cela est extrêmement
important pour les auteurs.
D'autre part, nous faisons l'impossible au ministère des Affaires
culturelles pour amener tous les organismes gouvernementaux et
paragouvernementaux à cesser le "piratage", comme cela s'est toujours
fait dans le passé. Nous espérons aboutir à des
résultats concrets très bientôt; il y a déjà
des résultats, d'ailleurs.
Voilà, M. le Président, ce que j'avais à dire en la
matière. Oh! J'oubliais de dire que récemment, grâce,
encore une fois, au Service de la propriété intellectuelle, nous
avons publié et rendu publique une brochure pour vulgariser tous les
problèmes reliés aux droits d'auteur et pour permettre aux
auteurs, aux créateurs de mieux faire valoir leurs droits.
M. Saintonge: M. le ministre, concernant le développement
du réseau des bibliothèques publiques, vous disiez, ce matin,
qu'on était à compléter la première phase. On
disait qu'il y a peut-être 20% du réseau qu'il reste à
mettre en place, si je me souviens bien.
M. Richard: À peu près 20%. C'est exact. (15 h
45)
M. Saintonge: Ces 20%, c'est la continuation de la
première phase, si on peut l'appeler ainsi. Ce que je voudrais
souligner, c'est qu'il y a des municipalités actuellement qui ont
demandé d'être intégrées au réseau des
bibliothèques municipales. Que je sache, la ville de Granby est dans ce
cas, ainsi que certaines autres municipalités. Est-ce que ces
municipalités peuvent entrevoir la possibilité d'une
réponse à court terme? Est-ce que cette phase est une
continuation, ou si c'est un projet qui sera réparti sur un certain
nombre d'années ou si ce sera au cours de la présente
année?
M. Richard: II n'y a pas, à proprement parler, de phases
dans la réalisation de ce projet. C'est un tout, l'objectif étant
d'essayer de couvrir l'ensemble du territoire québécois d'un
réseau de bibliothèques publiques, que ce soit des
bibliothèques municipales ou des bibliothèques centrales de
prêt. Mais, au moment où on se parle, il y a environ 80%, comme
vous venez de l'évoquer, du territoire québécois qui sont
couverts par un tel réseau.
Sauf que ce programme, qui était très incitatif et
très attractif pour les municipalités, a connu un succès
inespéré avec le résultat que, maintenant - il faut le
reconnaître - il y a une liste d'attente qu'on essaie d'épuiser le
plus rapidement possible dans la mesure de nos moyens, de nos
disponibilités budgétaires.
Mais il y a un autre problème, c'est que le programme des
bibliothèques municipales s'appliquait aux municipalités de 5000
habitants et plus et le programme des bibliothèques centrales de
prêt s'appliquait aux municipalités de 5000 habitants et moins.
Or, il arrive que maintenant il y a des municipalités de 5000 habitants
et moins qui voudraient profiter des avantages du programme des
bibliothèques municipales et il y a des municipalités de 5000
habitants et plus qui voudraient profiter des avantages du programme des
bibliothèques centrales de prêt. Un comité bipartite, comme
je l'ai rappelé tout à l'heure, est en train d'étudier la
question à savoir si on pourrait assouplir les deux programmes pour
permettre de satisfaire aux besoins du plus grand nombre de
municipalités.
M. Saintonge: Quand vous parlez d'une liste d'attente, je
comprends qu'actuellement il n'y a pas de répartition dans le temps sur
la période de l'attente. Autrement dit, si des municipalités ont
fait des demandes et attendent de bénéficier de ce programme,
est-ce qu'elles n'ont pas reçu un avis leur disant que ce ne sera pas
avant tant de temps ou que votre programme ne sera pas implanté avant un
certain nombre de mois?
M. Richard: Non, on est en mesure de leur dire à peu
près dans combien de temps leur projet pourra se concrétiser.
M. Saintonge: J'ai parlé tantôt, à titre
d'exemple, de la ville de Granby; est-ce que vous pouvez me dire, dans un tel
cas, quel sera le délai?
M. Richard: Un an et demi.
M. Saintonge: D'accord. Ils fonctionnent
en ce moment dans les locaux des municipalités, même du
conseil.
M. Richard: Oui. Je vous fais remarquer, M. le Président,
que ce programme a été extraordinairement intéressant,
à ce point que maintenant - il faut bien reconnaître que c'est un
peu nouveau il y a des municipalités qui frappent à notre porte
pour accélérer le développement culturel dans leur
localité et ça, c'est plutôt intéressant pour un
titulaire du ministère des Affaires culturelles. Vous imaginez, une
liste d'attente, ça témoigne...
M. Saintonge: De l'intérêt certain des gens.
M. Richard: ... de l'intérêt... M. Saintonge: Et du
besoin aussi.
M. Richard: ... et des besoins. Cela a eu un très
très grand succès partout. Parfois, il nous a fallu presque faire
un peu de "forcing" auprès des municipalités, mais maintenant ce
n'est plus le cas parce que, dans certaines municipalités, il y a plus
de la moitié de la population abonnée à la
bibliothèque. Cela est encore plus important qu'une aréna dans
une localité.
M. Saintonge: Je peux parler parce que je sais que dans mon
comté, en tout cas, à Brossard, il y a une bibliothèque
municipale qui a bénéficié d'une subvention et qui
fonctionne très bien.
Pour rester dans le domaine des bibliothèques, la question
pourrait s'adresser aux BCP de façon globale, mais le ministre a
sûrement reçu un mémorandum déposé
auprès de lui par la BCP de l'Outaouais qui est la deuxième en
ancienneté au Québec. Dans le mémorandum, on dit qu'elle
dame le pion depuis 1964, qu'elle est intimement liée à la
création, à l'établissement et, sans trop
prétendre, à l'essor de plusieurs BCP. Cette bibliothèque
centrale de prêt est importante pour le milieu, évidemment.
Le problème est le suivant à la Bibliothèque
centrale de prêt de l'Outaouais. Comment annoncer une dégradation
dans la quantité et la qualité des services, surtout s'ils sont
d'actualité, s'ils sont utilisés? "En effet, la BCPO ne fait pas
face uniquement à un statu quo, mais elle régresse dans certains
secteurs de son activité." Je cite toujours le rapport, le
mémorandum. "Ainsi, la BCPO doit mettre fin au service du bibliobus, en
1981-1982, parce que le service coûte trop cher; cependant, les
municipalités l'acceptent, elles investiront plus. Aussi, la BCPO va
diminuer constamment son budget d'acquisition de livres. Les collections
vieillissent et il faut remplacer annuellement 5% de la collection qui compte
100 000 volumes. Le prix des volumes, de la reliure et du traitement monte en
flèche. Au lieu d'augmenter les collections vers l'objectif
québécois de deux volumes per capita, la BCPO diminue sa
collection." On ne peut pas remplacer les volumes qui deviennent trop vieux.
"Aussi, la BCPO diminue automatiquement les budgets de renouvellement des
autres collections: les disques, les jouets. La clientèle avait appris
à travailler avec ces biens. Voilà qu'aujourd'hui, dans cette
BCPO qui n'atteint pas encore toute sa clientèle potentielle, donc
encore en pleine voie de développement, cette BCPO qui cherche à
"marier" son temps, cette BCPO dont la mission vient tout juste d'être
acceptée par le ministère, cette BCPO commence à gruger
dans la qualité et remet ainsi en cause l'existence de services
complémentaires au livre."
Le principal problème que je voudrais que le ministre commente,
c'est lorsqu'on dit, dans le mémorandum: "Nous craignons, M. le
ministre, de devoir céder sur la qualité de nos services pour
satisfaire aux besoins financiers des autres. Nous craignons que la situation
actuelle de la BCPO représente le sort des autres BCP à moyen
terme." Est-ce que le ministre peut nous faire certains commentaires
là-dessus, nous donner certaines garanties quant au maintien des acquis
que les bibliothèques centrales de prêt ont pu avoir au cours des
ans, afin qu'on maintienne au minimum ces acquis pour offrir le même
service à la population?
M. Richard: II est vrai que nous avons dû freiner
l'élan pris par les BCP depuis quelques années; ça a
été absolument extraordinaire, le travail accompli par les BCP,
travail absolument essentiel et extrêmement utile depuis quelques
années. Les BCP ont joué un rôle d'animation qui s'est
avéré extrêmement intéressant et fort profitable
pour la vie culturelle des Québécois et des
Québécoises. Malheureusement, nous avons dû freiner cet
élan, et nous le regrettons, à cause des disponibilités
budgétaires.
Je voudrais vous rappeler que la politique du livre et autres
imprimés prend, à elle seule, 33 000 000 $ dont 26 500 000 $
uniquement pour le développement d'un réseau de
bibliothèques, ce qui est une part considérable du budget du
ministère des Affaires culturelles. Je voudrais rappeler au
député de Laprairie que beaucoup de mémoires, dans les 800
que nous avons recueillis, nous reprochent, à tort ou à raison -
je crois que c'est plutôt à tort -d'accorder trop d'importance
à la politique du livre.
M. Saintonge: Je comprends que c'est
une question de priorités que le ministère a
établies, d'une part; deuxièmement, j'ai constaté le
pourcentage quand même assez énorme accordé, soit 26 000
000 $.
M. Richard: Cela ne comprend pas, M. le député de
Laprairie, les sommes importantes injectées aussi par les
municipalités, et c'est cela, le tour de force de ce programme.
M. Saintonge: D'accord. Ma question précise porte sur
l'établissement d'un tel programme souhaitable, je pense, et
souhaité par les gens. Les preuves sont faites aujourd'hui. On devrait
pouvoir assurer, dans le cas des BCP, par exemple, le maintien de la
qualité des services; ils ne devraient pas aller en régressant
surtout pour les gens chez qui on a créé un certain besoin du
livre. Ma question porte là-dessus. Est-ce que le ministre est sensible
à cela? On devrait tenter, du mieux possible, de conserver les acquis de
chacune des BCP.
M. Richard: Tout à fait, M. le Président, et c'est
là une autre des raisons pour lesquelles il faudra à tout prix
que je finisse par obtenir une fraction plus importante du budget de
l'État national et que nous finissions collectivement par obtenir que le
gouvernement du Canada quitte certaines sources de revenus.
M. Saintonge: Maintenant, M. le ministre, concernant la BCPO, il
y a un problème particulier au niveau du mémoire auquel j'avais
été sensibilisé lors d'une visite dans l'Outaouais. Dans
le mémorandum, on mentionne que la BCPO poursuit une opération de
centrale de traitement pour les livres de cinq BCP, en plus de la
bibliothèque municipale de la ville de Québec et cela, à
un coût très compétitif pour chacun. En fait, c'est un
système de traitement de fiches avec un personnel
spécialisé qui sert à chacune de ces bibliothèques,
à d'autres BCP également et à la bibliothèque de
Québec.
Quant à la question qui était soulevée à
l'époque, je cite ici les paroles mêmes de M. Deschênes, le
président: "Nous vous en parlons aujourd'hui, M. le ministre, afin de
bien clarifier la spécificité et l'importance que revêtent
pour nous les services techniques spécialisés de la BCPO. Le
dossier de la centralisation du catalogage des livres au Québec est un
dossier chaud au ministère. Nous nous préoccupons de faire valoir
les performances et la légitimité de notre centrale. Nous la
considérons comme notre industrie culturelle dans l'Outaouais."
Dans le fond, il semble bien que ce service accordé par la BCPO
est un service profitable à l'extérieur, mais aussi qui assure
peut-être une certaine rentabilité à l'opération
comme telle par la BCP. Est-ce que le ministre peut nous dire les intentions du
ministère? On dit que la centralisation du catalogage est un dossier
chaud; est-ce qu'on peut quand même protéger d'une certaine
façon ou assurer la BCPO de pouvoir continuer ce genre
d'opération dans lequel elle s'est impliquée lorsque le besoin
s'en faisait sentir?
M. Richard: Écoutez, le problème qui se pose pour
la Bibliothèque centrale de prêt de l'Outaouais se pose
également pour d'autres bibliothèques centrales de prêt. Ce
n'est pas un cas unique, sauf que j'ai eu l'occasion de dire à quelques
reprises qu'il nous fallait, au ministère des Affaires culturelles - et
je pense que nous l'avons fait jusqu'à maintenant, depuis quelques mois
accorder une attention tout à fait particulière à la
région de l'Outaouais. C'est ce que nous avons fait, je le
répète, depuis quelques mois avec certaines subventions à
caractère spécial pour essayer de régler les
problèmes les plus urgents qui se posent au développement
culturel dans cette région.
M. Saintonge: Je sais pertinemment, M. le ministre, qu'il y a eu
une forte contestation quand même des agents culturels du milieu,
à un moment donné, pour demander la présence du
ministère, l'intervention du ministère dans l'Outaouais. Quant
à la question du catalogage des livres au Québec, on dit que
c'est un dossier chaud. Est-ce qu'il y a une politique que le ministère
veut implanter à ce niveau ou certains autres traitements que le
ministère a l'intention de mettre en application éventuellement?
Cela semble inquiéter grandement, en tout cas, la BCPO qui ne veut pas
perdre ce service. Est-ce que le ministre, ou le ministère, a en vue une
opération éventuelle?
M. Richard: Le problème qui se pose, c'est qu'il y a deux
BCP qui rendent exactement le même service. Il y a maintenant, comme je
le rappelais ce matin, un comité MAC-BCP qui voit à discuter de
ce problème pour essayer de rationaliser les politiques en la
matière, pour qu'il n'y ait pas dédoublement des services
inutilement. Comme me le rappelle M. le sous-ministre, on donne même un
troisième service qui est déjà assumé par
l'Éducation.
M. Saintonge: Est-ce que le ministre pourrait m'informer si un
des problèmes soulevés par la BCPO concernant le dossier du
partage des actifs avec la nouvelle BCP des Laurentides, puisqu'il y a eu un
réaménagement, est réglé? (16 heures)
M. Richard: Cela s'est réglé immédiatement
après mon passage dans
l'Outaouais, M. le député de Laprairie.
M. Saintonge: Qui était attendu depuis longtemps.
M. Richard: C'était attendu. C'est une des choses qui sont
réglées.
M. Saintonge: M. le ministre, maintenant, j'ai...
M. Richard: Attendez qu'on vous parle du reste.
M. Saintonge: ... un problème ici à vous soumettre.
Il y a eu un contrat, dans les contrats de moins de 25 000 $, qui a
été accordé, dans la liste que nous avons - nous avons
relevé cela, non pas d'une façon systématique, mais dans
un cas particulier - à M. Gaston Miron, pour 4500 $. L'objet du contrat
était de "proposer au ministère des mesures d'aide visant
à développer et à stimuler au Québec une
relève au niveau de l'écriture littéraire par la mise en
place de structures appropriées au sein des maisons d'édition."
C'était un contrat de 4500 $. Ma question est simple. Au fond, il me
semble qu'il doit y avoir des fonctionnaires compétents à
l'intérieur même du ministère qui auraient pu faire ce
travail. Est-ce possible?
M. Richard: Je sais que M. Miron est l'un de nos grands
poètes, sinon notre grand poète actuellement. Je pense qu'il
était particulièrement et spécialement compétent
-je le suppose - pour effectuer ce travail qui a été une commande
passée sous mon prédécesseur, je crois. N'oubliez pas que
ce grand poète qu'est Gaston Miron est également un
éditeur. Il possède une expertise à certains égards
à nulle autre pareille.
M. Saintonge: M. le ministre, je n'attaque pas la
compétence de M. Miron ou sa reconnaissance comme poète, mais au
niveau de l'expertise, ma question portait sur un fait précis. Je
comprends que M. Miron peut avoir l'expertise pour faire le travail. Je n'en
doute pas, mais au ministère même, parmi les fonctionnaires du
ministère, n'y avait-il pas la même expertise, de sorte qu'avec le
peu de budget que le ministère...
M. Richard: Oui. Je vous ai expliqué ce matin que nous
avions la structure la plus légère de tous les ministères
du gouvernement québécois et, parce que cette structure est
très légère, il peut survenir qu'elle soit parfois
débordée. C'est souhaitable. Non seulement c'est souhaitable,
mais c'est tout à fait normal et j'espère qu'il en sera souvent
ainsi. Quand cette structure sera complètement débordée,
il sera également normal et souhaitable que nous fassions appel à
ceux qui disposent de l'expertise pour nous rendre des services que,
momentanément, la fonction publique ne se trouve pas en mesure de
rendre.
M. Saintonge: Mais le ministre peut-il confirmer, par exemple,
que l'expertise qui était souhaitable pour le genre de mandat qu'on a
confié à M. Miron ne se trouvait pas au sein du ministère
même?
M. Richard: Non, j'ai dit qu'à l'époque je
l'ignorais, parce que, encore une fois, ce n'est pas une commande qui a
été passée sous mon mandat. Cela a été
passé sous le mandat de mon prédécesseur. Je ne veux pas
vous induire en erreur de quelque façon, mais je vous
répète que Gaston Miron est l'une des compétences en la
matière et que, si on a voulu faire appel à une compétence
en la matière, il était normal qu'on fasse appel à Gaston
Miron qui est, de surcroît, M. le député de Laprairie, l'un
de nos grands poètes. Encore une fois, si, en faisant appel à nos
écrivains de la sorte, on peut compenser un peu pour
l'exiguïté du marché, tant mieux, M. le député
de Laprairie. Compte tenu de vos propos ce matin, je suis certain que vous
appuierez de pareilles politiques.
M. Saintonge: J'ai mentionné, M. le ministre, - je veux
être bien clair - que je ne voulais pas en faire un cas de patronage ou
quoi que ce soit. Je pense que j'ai été formel
là-dessus.
M. Richard: Oui, je sais.
M. Saintonge: C'est simplement que je souhaite - c'est un exemple
que je donnais -que si l'expertise se trouve au sein du ministère,
compte tenu du peu de disponibilités budgétaires aux Affaires
culturelles, on se serve des fonctionnaires compétents du
ministère pour faire le travail et qu'on affecte les montants d'argent
en question à des réalisations propres au domaine de la
culture.
M. Richard: Je souhaiterais parfois, M. le député
de Laprairie, disposer de fonds qui me permettent de faire appel à tous
nos grands poètes de la même façon.
M. Saintonge: M. le ministre, êtes-vous d'accord pour qu'on
adopte tous les programmes à la fin des questions?
M. Richard: D'accord.
M. Saintonge: Je reviendrais au programme 1,
élément 3, M. le ministre, au niveau de la révision de la
loi de la Bibliothèque nationale du Québec. Le rapport annuel
1979-1980 du ministère des Affaires
culturelles nous apprend qu'un groupe de travail de la
Bibliothèque nationale du Québec s'est penché sur la
révision de la loi de cette institution. Est-ce que le ministre peut
nous dire à quand une nouvelle loi adaptée aux exigences des
fonctions que la BNQ doit assumer dans le contexte actuel?
M. Richard: M. le Président, une des composantes du
programme d'action que j'ai l'intention de rendre public à l'automne
sera, justement, le rafraîchissement de toutes les lois qui
relèvent du ministère des Affaires culturelles, sauf,
évidemment, celles qui ont déjà été
rafraîchies durant la présente session et celles qui n'auront pas
besoin de l'être. Je pense, en particulier, à la loi sur les
archives qui est prête, mais qui ne peut être déposée
avant que la loi sur le droit du public à l'information gouvernementale
soit adoptée, puisqu'il y a de la concordance à faire entre les
deux, il faut faire concorder les deux lois. Je pense à la Loi sur les
biens culturels, que je souhaiterais bien pouvoir rafraîchir. C'est plus
problématique, toutefois. Puis, il y aura une loi extrêmement
importante que je pourrai, je l'espère, déposer à
l'automne portant sur le cinéma.
M. Saintonge: Qui a été annoncée depuis un
bon bout de temps.
M. Richard: C'est le rapport de la commission d'étude qui
est annoncé. Je me suis déjà engagé à
présenter le plus rapidement possible, c'est-à-dire sans
délai après la remise du rapport de la commission d'étude,
le projet de loi sur le cinéma.
M. Champagne: M. le Président, avant de passer à
l'autre programme, je veux simplement rappeler l'effort que le ministère
a fait dans son programme d'activités au niveau du livre et des autres
imprimés. La croissance est très significative. Elle a
été de 310%. L'accent a été mis sur le
réseau des bibliothèques. Je peux espérer de toute
façon, avant de passer à d'autres programmes, que cela va aller
dans le même sens.
Le Président (M. Blank): Cela va.
M. Champagne: M. le Président, nous sommes ici pour poser
des questions. Quelles seraient les orientations de 1982-1983
considérant le budget des bibliothèques? Est-ce qu'il y aurait un
accent spécifique soit à l'exportation ou à autre chose,
dans le sens des bibliothèques?
M. Richard: Déjà, des programmes ont
été mis en place récemment visant à accroître
l'exportation du livre québécois. Cela m'apparaît
extrêmement important parce que, dans le domaine, on a un déficit
considérable, c'est-à-dire qu'on consomme beaucoup plus de livres
étrangers qu'on n'exporte de livres québécois à
l'étranger. Il y a eu une amélioration considérable au
cours des dernières années, mais on espère poursuivre le
travail amorcé par un effort accru visant à exporter le livre
québécois à l'étranger, bien sûr, d'abord
dans les pays de la francophonie.
Sauvegarde et mise en valeur des biens
culturels
Le Président (M. Blank): Programme 2, Sauvegarde et mise
en valeur des biens culturels.
M. Saintonge: Je voulais juste faire la remarque que je suis
d'accord avec le développement d'un réseau de
bibliothèques. Le programme a augmenté; en fait, on parle d'une
variation de 65,4%.
M. Richard: Oui, il faut corriger, c'est à cause du PAEC
qui n'était pas inscrit au budget l'an dernier.
M. Saintonge: D'accord. C'était une précision pour
le député de Mille-Îles.
M. Champagne: Oui, mais, quand même...
M. Saintonge: Non, non, je suis d'accord avec vous que le montant
est là.
M. Richard: C'est un accroissement considérable.
M. Saintonge: Au niveau de la sauvegarde et de la mise en valeur
des biens culturels, programme 2, élément 1, Conservation et
utilisation des archives, selon le bilan d'activités de l'année
1981-1982, les Archives nationales ont dû procéder à un
diagnostic organisationnel qui les a amenées à réorganiser
leurs orientations. Est-ce que le ministre peut nous dire quels étaient
les signes qui ont entraîné les Archives nationales à
restructurer leurs effectifs, à planifier et à organiser leurs
activités? Également, quels sont les coûts que cela a pu
provoquer?
M. Richard: D'abord, pour répondre à votre
première question, essentiellement, c'est parce que, maintenant, on a
créé des bureaux en région, à la demande des
régions qui ont applaudi à cet effort de régionalisation
du MAC. Vous devriez voir avec quelle passion, dans les régions, on
parle de la conservation des archives régionales. Cela visait
essentiellement à rapprocher les archives de ceux et celles qui en ont
besoin, des utilisateurs et des usagers.
M. Saintonge: Quant aux coûts, M. le ministre?
M. Richard: Je ne sais pas s'il y a eu des coûts parce que
c'est un redéploiement d'une section du ministère plus qu'un
accroissement des coûts. Le budget a augmenté de 8,8%. Vous voyez
bien que c'est une augmentation normale. D'ailleurs, quand vous voyez le budget
total du ministère, vous pouvez comprendre qu'on ne peut pas parler de
coûts.
M. Saintonge: J'imagine que, si vous avez ouvert des bureaux en
région, il y a du personnel qui y est rattaché, il y a des
coûts de location, etc.
M. Richard: Au total, ça donne 8,8% d'augmentation. Vous
l'avez à la page 10.
M. Saintonge: Est-ce que le ministre peut nous donner un point de
repère quant au fonctionnement d'un bureau des archives en
région? À combien peut être estimé le fonctionnement
d'un tel bureau?
M. Richard: II y a deux personnes, un professionnel avec un ou
une employée de bureau. Les bureaux avaient déjà
été créés l'an dernier; cette année, on a
procédé à tous les changements administratifs et à
la mise en place.
M. le Président, en excluant les traitements, pour
répondre de façon très précise à la question
du député de Laprairie, dans la région 02,
Bas-Saint-Laurent et Gaspésie, eh 1982-1983, 15 100 $; au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, 11 800 $; Mauricie-Bois-Francs, 16 000 $; Estrie, 10
400 $; Outaouais, 10 300 $; Abitibi-Témiscamingue, 11 000 $; centre de
la Côte-Nord, 12 300 $. Je ne saurais être davantage précis.
Il faudrait ajouter le traitement de deux personnes, comme on le rappelait tout
à l'heure. (16 h 15)
M. Saintonge: En parallèle, dans les mêmes
crédits du ministère pour l'année 1982-1983, on mentionne
la fin de certaines activités, d'autre part, touchant surtout
l'information archivistique. C'est donc dire qu'il n'y aura ni exposition,
j'imagine, ni publication à l'avenir. Alors, on a décidé
d'ouvrir des bureaux, mais, d'autre part, concernant l'information
archivistique, on délaisse le programme. Le ministre peut-il nous dire
de quelle façon le ministère donnera, à l'avenir, des
informations à la population québécoise dans le domaine
des archives?
M. Richard: M. le Président, ce que nous avons voulu faire
en ce qui a trait aux archives, c'est deux choses. D'abord, compte tenu des
compressions budgétaires, ne pas affecter les usagers, donc garder le
nombre le plus grand possible d'heures d'ouverture. C'est la première
priorité. La deuxième priorité, c'est le traitement
informatisé des données plutôt que les expositions parce
qu'à moyen terme cela s'avérait plus avantageux.
Si on n'a pas voulu accorder la priorité aux expositions pour
répondre avec plus de rigueur et de précision, M. le
député de Laprairie, c'est qu'il y a beaucoup d'autres organismes
qui organisent des expositions que nous présentons aux Archives
nationales. Alors, on n'organise plus nous-mêmes les expositions à
cause - je le reconnais - des compressions budgétaires, mais on
présente des expositions organisées par d'autres. En d'autres
termes, on utilise les ressources qu'on trouve ailleurs.
M. Saintonge: M. le ministre, concernant le projet de loi sur les
archives, vous avez mentionné tantôt, attendre, évidemment,
après l'adoption du projet de loi no 65. L'automne dernier, vous aviez
mentionné que le projet viendrait à l'automne. Je comprends le
pourquoi du retard maintenant.
M. Richard: II est prêt, j'ai déjà eu
l'occasion de le dire publiquement. Ce projet de loi est dans mon bureau et il
est tout prêt.
M. Saintonge: Votre intention est-elle de déposer ce
projet de loi seulement à l'automne ou si vous avez l'intention de le
déposer avant la fin de la présente session, advenant le cas
où le projet de loi no 65 serait adopté?
M. Richard: Je me pose la même question que vous. Je ne le
sais pas.
M. Saintonge: Vous ne le savez pas du tout. Est-ce que le
ministre a l'intention...
M. Richard: Cela me tenterait parfois de le déposer au
moins en attendant. D'autre part, je me dis: Peut-être vaut-il mieux le
déposer à l'automne puisque la loi concernant le droit du public
à l'information gouvernementale suit son cours. Je ne crois pas que ce
projet de loi soit adopté en troisième lecture. Cela m'embarrasse
un peu. Je peux vous dire que le projet de loi sur les archives est prêt
et je peux vous dire que c'est sa vingtième version.
M. Saintonge: Puisque le ministre a la vingtième version,
dans ce cas, j'imagine qu'il y a eu...
M. Richard: II paraît que je compte mal quand je parle
uniquement de la vingtième version.
M. Saintonge: En plus ou en moins?
M. Richard: Vous savez bien que je suis toujours modeste. C'est
en moins que je compte mal.
M. Saintonge: Oui, c'est cela que j'allais dire. Je vais laisser
la question en suspens. J'imagine que, si c'est la vingtième version,
plus ou moins, le ministre a dû faire certaines consultations. Est-ce
l'intention du ministre de convoquer une commission parlementaire à ce
sujet?
M. Richard: Vous savez, on me reproche même de trop
consulter. Alors, vous imaginez bien que la consultation, cela me
connaît, M. le député de Laprairie.
M. Saintonge: Pour un projet de loi comme celui-là, en fin
de compte, j'imagine que le ministre n'aura pas d'objection à la tenue
d'une commission parlementaire après la première lecture.
M. Richard: Non. Après une première ou une
deuxième lecture, mais enfin, il y aura une commission parlementaire. On
ne fera pas les trois lectures durant la même séance. Je peux
donner cette garantie-là.
M. Saintonge: Je pense que le ministre peut quand même se
rappeler que, jusqu'à maintenant, sur les projets de loi qui ont
été déposés par le ministre au cours de la
dernière année, il a toujours bénéficié de
la collaboration de l'Opposition.
M. Richard: C'est parce que je consulte beaucoup et mes projets
de loi font l'unanimité, M. le député de Laprairie.
M. Saintonge: Concernant le développement des archives, M.
le ministre, un plan quinquennal avait été commencé en
1977. Vous vous souvenez que, l'an dernier, lors de l'étude des
crédits, ce fameux plan avait même été
devancé. Vous aviez mentionné qu'il arriverait à terme en
1982. Est-ce qu'un rapport de ce plan a été fait ou est-ce qu'une
synthèse de ce plan quinquennal sera déposée?
M. Richard: Le plan comprenait essentiellement deux choses: 1. la
mise en place des bureaux régionaux, et c'est déjà
réalisé; 2. un projet de loi sur les archives qui est prêt
sur mon bureau.
M. Saintonge: M. le ministre, j'ai une question pratique. Dans
son bulletin d'octobre 1981, l'Institut d'histoire de l'Amérique
française recommandait aux Archives nationales du Québec
qu'idéalement le public devrait avoir accès aux archives pendant
60 heures, six jours par semaine, y compris durant la soirée. Il y a une
question de disponibilité, une question de coût d'ouvrir pendant
une telle période. Actuellement, les heures d'ouverture sont de 8 h 30
à 16 h 30 du lundi au vendredi, si bien que, pour une grande partie de
la population, l'accès devient impossible. Est-ce l'intention du
ministère des Affaires culturelles de changer sa politique afin de
favoriser à un plus grand nombre de Québécois
l'accès aux informations archivistiques? Ce ne serait pas
nécessairement par l'augmentation des heures d'ouverture, si le
coût est trop élevé, vu les budgets, mais en
réajustant ces heures d'ouverture, par exemple en ouvrant le soir au
lieu du matin et les fins de semaine.
M. Richard: J'ai eu beaucoup de difficulté a faire en
sorte que les heures d'ouverture ne soient pas réduites. Cela est
acquis, mais je n'ai pas encore réussi à faire en sorte que les
heures d'ouverture soient augmentées comme elles devraient l'être,
à mon avis, dans certains cas. D'autre part, le
réaménagement de l'horaire pose des problèmes
extrêmement difficiles à résoudre, problèmes dont
est bien conscient, j'en suis sûr, le député de Laprairie,
mais on ne peut pas être contre la vertu, pas nous en tout cas.
M. Saintonge: On n'a pas l'air angélique.
M. Richard: On me signale que là où il n'y a que
deux employés dans les centres régionaux, c'est un peu
compliqué de faire des réaménagements d'horaires parce que
les deux se complètent l'un l'autre. Cela voudrait dire qu'il faudrait
fermer à certaines heures et il y a des utilisateurs très
habitués, alors...
M. Saintonge: Ma question portait sur le fait précis que,
quand même, on souhaitait, à la suite des représentations
de l'Institut d'histoire de l'Amérique française, que les heures
d'ouverture soient plus longues ou, à tout le moins, qu'on puisse
permettre l'ouverture en soirée ou même en fin de semaine. Je
comprends qu'il peut y avoir certains problèmes à ce
moment-là, mais est-ce qu'il y a des possibilités de
réaménagement d'horaire?
M. Richard: Je sais que le député de Laprairie
n'aime pas toujours les comités de consultation, mais imaginez
qu'à Québec et à Montréal on a créé
des comités d'usagers pour discuter des heures d'ouverture. Ce n'est pas
formidable, ça? Vous allez applaudir à cette politique, M. le
député de Laprairie, même si c'est un comité de
consultation. On consulte donc les usagers des archives quant aux heures
d'ouverture. C'est à peu près ce qu'on peut faire de
mieux dans les circonstances et je félicite ceux qui ont eu cette
heureuse initiative.
Le Président (M. Champagne): Y a-t-il d'autres questions
sur la conservation et l'utilisation des archives?
M. Saintonge: Nous allons passer à l'élément
2.
Le Président (M. Champagne): Élément 2,
Conservation des sites et des biens historiques et archéologiques.
M. Saintonge: C'est en plein cela. Ce matin, M. le ministre, j'ai
fait certaines remarques disant que le ministère aurait reçu
certaines critiques quant à son action au niveau de la conservation des
sites et des biens historiques. Entre autres, le Conseil de la culture de l'Est
du Québec a déclaré que le ministère des Affaires
culturelles du Québec ne joue pas bien son rôle; il a
mentionné le fait que, pour protéger et sauvegarder le
patrimoine, il existe une loi, celle sur les biens culturels, mais que celle-ci
est souvent inopérante et inefficace. Les fonctionnaires ne savent
même pas comment l'appliquer. Le conseil souhaitait que le ministre
s'implique davantage et ne laisse pas pourrir cette situation. D'ailleurs,
c'est un article qu'on peut retrouver dans le Soleil du 7 décembre
1981.
Ma question est simple: Qu'est-ce que le ministre entend faire dans ce
dossier? Je crois qu'une entente serait intervenue quant à une partie
des problèmes; est-ce exact?
M. Richard: Où?
M. Saintonge: Dans l'Est du Québec.
M. Richard: Je vais vous exposer le problème de
façon un peu plus globale. Si on veut protéger le patrimoine
bâti au Québec, il faut sensibiliser le plus grand nombre possible
de citoyens, en particulier, d'élus, de corps électifs, de corps
intermédiaires, à l'importance qu'on doit accorder à la
sauvegarde de ce patrimoine. C'est ce que nous avons essayé de faire
depuis un certain temps. La tournée de consultation que j'ai entreprise
s'inscrivait aussi un peu dans le cadre de cet objectif de sensibilisation. En
ce qui a trait plus spécifiquement au patrimoine de l'Est du
Québec, il y a eu des rencontres avec les principaux
intéressés au ministère des Affaires culturelles à
Québec et tout le monde est reparti satisfait.
M. Saintonge: Le ministre me parle de sensibilisation du milieu.
En décembre dernier, la sensibilisation n'était pas faite du
ministère ou du ministre vers le milieu; elle l'était
plutôt du milieu vers le ministre. On exigeait l'intervention du
ministre.
M. Richard: Oui, mais la difficulté est qu'on laissait
tout le temps le ministère des Affaires culturelles seul pour
régler les problèmes qui se posaient pour la protection du
patrimoine sur l'ensemble du territoire québécois. Or, pour la
sauvegarde et la protection du patrimoine bâti, il me paraît
évident que le ministère des Affaires culturelles ne peut pas
agir seul. Il a besoin de partenaires, qu'il s'agisse des municipalités
régionales de comté, des municipalités, des conseils
régionaux de la culture, des citoyens et des citoyennes, très
souvent, et de l'entreprise privée.
Ce qu'on a voulu dire, depuis un an, c'était que nous
étions disposés à sauvegarder le patrimoine bâti du
Québec, qui est sans doute le plus riche en Amérique du Nord,
mais que nous ne disposions pas des moyens pour le faire seuls, que nous avions
besoin de la collaboration de toutes les parties intéressées. (16
h 30)
M. Saintonge: Je ne veux pas citer au complet l'article en
question, je m'en tiens simplement au fait que, dans le premier paragraphe de
l'article, on dit: "La Loi sur les biens culturels est inopérante,
inefficace et les fonctionnaires sont incapables de la faire respecter quand
ils ne la transgressent pas eux-mêmes." Je suis d'accord avec le
ministre, les gens ont une part de responsabilités, mais il reste qu'au
niveau de la loi la responsabilité première incombe au ministre
ou au ministère, aux officiers du ministère en question; c'est le
ministère qui est le gardien, en fait, de ces biens. C'est dans ce sens
que je pense que la critique du Conseil de la culture de l'Est du Québec
pouvait être fondée parce qu'on disait nécessaire
l'intervention du ministère d'une façon efficace, d'une part, et
deuxièmement, parce que vous me dites que les gens sont partis
entièrement satisfaits. Je pense qu'à ce moment il y avait
quatorze biens sur lesquels on demandait au ministre, au ministère,
d'intervenir. Sur les quatorze biens ou quatorze sites en question,
d'après mes informations, il y en aurait sept sur lesquels on serait
arrivé à une entente. Ou, est-ce qu'il y en a plus que les sept,
maintenant, sur lesquels le ministère est arrivé à une
entente avec le Conseil de la culture de l'Est du Québec? Ou, reste-t-il
toujours une partie des biens en question pour lesquels l'entente n'a pas
été conclue?
M. Richard: Écoutez, cet article...
M. Saintonge: Je m'excuse, il y avait 18 monuments.
M. Richard: Cet article était de bonne guerre mais, vous
vous imaginez bien, aussi un peu caricatural. C'est normal quand on veut saisir
le plus grand nombre possible d'un
problème. Maintenant, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on peut
bien nous parler de dizaines et de dizaines d'édifices à
protéger, mais quand les coûts sont astronomiques, il est
évident que le ministère des Affaires culturelles ne peut pas
être le seul intervenant. Et, quand on nous parle de restaurer des
édifices au coût de 350 000 $, vous vous imaginez bien que le
ministère des Affaires culturelles ne peut pas faire de la restauration
ainsi, sur l'ensemble du territoire québécois, à des
centaines d'exemplaires. Il y a des choix que, malheureusement, nous sommes
obligés de faire. Je vous rappelle, par exemple, que la restauration de
ce joyau de notre patrimoine qui s'appelle - M. le député de
Laprairie, j'espère que vous aurez l'occasion de visiter cette maison -
la maison Lamontagne à Rimouski-Est a coûté 800 000 $. Je
comprends qu'on ne pouvait pas abandonner cela parce que c'est un modèle
à peu près unique. On ne pouvait pas abandonner ce joyau de notre
patrimoine. Mais cela a coûté 800 000 $, M. le
député de Laprairie. Vous vous imaginez bien que plusieurs de vos
collègues m'attaqueraient sévèrement s'il fallait que je
dépense plusieurs fois par année des sommes aussi importantes
pour restaurer notre patrimoine bâti.
Je pourrais vous donner la réponse dans chaque cas, si vous le
souhaitez. On pourrait se parler longuement du magasin Gendron de Caplan que je
suis allé voir à 2 heures du matin, M. le député de
Laprairie, qui est superbe, qui est magnifique. D'ailleurs, je vous invite
aussi à aller voir ce magasin qui est un modèle du genre. Je dois
vous dire que la majorité de la population de Caplan a demandé
qu'on démolisse le magasin Gendron de Caplan.
M. Saintonge: Cette maison a été
classée?
M. Richard: Oui, elle a été classée. C'est
moi qui l'ai classée, M. le député de Laprairie. Je vais
vous expliquer! Je vis dans une région et je représente une
circonscription électorale où il y a la plus forte concentration
de patrimoine bâti de tout le Québec. J'ai appris à
l'expérience qu'il ne servait à rien au ministère des
Affaires culturelles de créer une espèce de gendarmerie ou de
police visant à protéger le patrimoine bâti. La meilleure
façon de protéger le patrimoine bâti, c'est de s'assurer la
collaboration des citoyens et des citoyennes du Québec. Il y a quelques
années, le ministère des Affaires culturelles avait peine
à intervenir à l'île d'Orléans tellement il
était devenu impopulaire parce qu'il avait voulu littéralement
"policer" la sauvegarde du patrimoine. Maintenant, on a fait appel à la
collaboration des citoyens et des citoyennes de l'île d'Orléans
et, mon
Dieu, ces citoyens et ces citoyennes veulent aller plus loin que nous.
C'est ça, faire de la sensibilisation et amener les citoyens à
conserver, à protéger leur patrimoine et, par voie de
conséquence, leur milieu de vie. Tout le patrimoine de Paspébiac
a été pris en charge, justement, par le milieu. Cela a
été une autre expérience semblable à celle qu'on a
vécue et qu'on vit à l'île d'Orléans. Quand on a la
collaboration des citoyens et des citoyennes, c'est assez extraordinaire et
c'est facile. On donne priorité au patrimoine bâti, à la
restauration et à la sauvegarde du patrimoine quand les gens des milieux
sont intéressés à le protéger et à le
restaurer...
M. Saintonge: Je pense, M. le ministre, de toute façon,
que je suis entièrement d'accord avec vous.
M. Richard: ... et surtout à l'utiliser. Cela est mon
dada. Merci, M. Grégoire.
M. Saintonge: De ce côté-là, j'ai bien
l'impression, de toute façon, que la politique du Parti libéral
en cette matière rejoint ce que vous dites. C'est évident qu'on
est en faveur d'une telle façon d'agir.
M. Richard: Vous devriez toujours être d'accord avec moi,
M. le député de Laprairie.
M. Saintonge: Sauf, peut-être, un cas. Vous m'avez
parlé, dans votre comté, en fait, à l'île
d'Orléans, d'un cas qu'on a pu relever dans le neuvième rapport
annuel, 1980-1981, de la Commission des biens culturels, soit la construction
d'un centre d'accueil pour personnes âgées à Saint-Pierre,
à l'île d'Orléans. Peut-être que le ministre pourrait
m'expliquer...
M. Richard: Je connais ce dossier, M. le Président.
M. Saintonge: Je n'en doute pas, mais vous pourriez
peut-être m'expliquer, en fait, comment il se fait que, malgré sa
recommandation antérieure, le comité apprend que la grange et les
bâtiments accessoires ont été démolis. C'est dans le
rapport textuel, à la page 31 du neuvième rapport annuel de la
Commission des biens culturels. En examinant cette demande de permis, le
comité apprend que, malgré sa recommandation antérieure,
la grange et les bâtiments accessoires ont été
démolis. Bien que le comité ait déjà émis
son opinion sur le bien-fondé de la construction d'un centre d'accueil
pour personnes âgées à l'île d'Orléans, il ne
s'interroge pas moins sur la manière de l'implanter qu'il juge fort
brutale. Il y avait en ces lieux matière à intervenir plus
discrètement en alliant l'architecture traditionnelle à une
architecture contemporaine. Les concepteurs ont, au contraire,
démontré leur manque total de sensibilité dans
l'appréciation du site, de ses composantes et de l'impact visuel du
nouvel ensemble. Le comité ne peut approuver l'architecture soumise
puisqu'elle renie la trame, la texture et les valeurs de ce paysage
bâti.
M. Richard: Vous voulez que je vous parle de mon centre
d'accueil? M. le Président, c'est le coeur morose et la larme à
l'oeil qu'on a laissé démolir une grange qui avait une certaine
qualité architecturale, mais qui n'était pas dans le meilleur
état. Il eut été trop coûteux de la
déménager et cette grange occupait l'espace qui est maintenant
occupé par le centre d'accueil. Ce terrain était manifestement -
et de l'aveu unanime - le meilleur terrain disponible à l'île
d'Orléans pour y localiser un centre d'accueil. Je vous inviterai, M. le
Président, à l'ouverture de ce centre d'accueil qui,
manifestement - et je n'ai pas à vous en convaincre - sera le plus beau
du Québec. Ce n'était pas possible. On vient par ailleurs de
sauver... En tout cas, sur un autre terrain pas très loin, on a
réussi à faire l'opération.
M. Saintonge: Quand même, il semblait que d'après la
recommandation...
M. Richard: Dans ce cas-là, nous avions le choix entre ce
terrain idéal qui était vraiment un terrain idéal, je
pense, -vous aurez l'occasion de le voir - et qui ralliait - il faut le faire,
M. le Président -l'ensemble de la population de l'île
d'Orléans. Je vous mets au défi d'essayer de réaliser un
projet important à l'île d'Orléans dans un village et
d'avoir l'appui des cinq autres villages. Dans ce cas-là, c'est
l'unanimité à l'île d'Orléans pour le choix de ce
site qui était un site absolument admirable, à proximité
du pont de l'île d'Orléans, donc, qui rendait plus "secures" les
éventuels résidents de ce centre d'accueil, à cause de la
proximité des services hospitaliers.
M. Saintonge: J'imagine qu'il va y avoir beaucoup de gens
à l'ouverture du centre d'accueil, à ce moment-là.
M. Richard: II y aura foule, M. le Président, pour
l'ouverture de ce centre d'accueil.
M. Saintonge: M. le ministre, si on reste dans le même
domaine, quand même, je vous ai parlé du cas de l'Est du
Québec. Il reste que le comité des citoyens du
Vieux-Québec reproche au ministère des Affaires culturelles de se
dégager de ses responsabilités en ne protégeant pas ce
qu'il a classé. De quelle façon le ministre a-t-il l'intention
d'agir là-dedans? J'ai noté ce matin que, lors de votre
tournée, quand vous étiez à Québec, la
Société historique de Québec et la Société
de généalogie de Québec avaient présenté un
mémoire dans lequel on critiquait l'agir du ministre d'une certaine
façon.
M. Richard: On parlait pour le passé, M. le
Président.
M. Saintonge: Le passé récent.
M. Richard: On parlait pour le passé.
M. Saintonge: Est-ce que le ministre a l'intention de donner
suite aux représentations, aux récriminations qui lui ont
été adressées par ces personnes afin, si vous voulez,
qu'une politique d'intervention pour la protection du patrimoine soit mise en
marche rapidement, soit suivie? Est-ce que vous reconnaissez, du moins, que
certaines représentations qui ont été faites pouvaient
être fondées antérieurement?
M. Richard: Oui, dans une certaine mesure, mais il faut faire
attention. Vous savez, la ville de Québec, à cet égard, a
été - je ne veux pas le crier trop fort - tout à fait
privilégiée, parce que c'est le seul endroit dans tout le
territoire québécois où on a payé une
municipalité pour s'intéresser à l'animation de son
patrimoine bâti. Vous savez les efforts qui ont été
consentis pour la protection, la sauvegarde, la mise en valeur et l'animation
de Place Royale, en particulier.
Une des difficultés réside dans le fait que le
ministère a parfois, sous la pression de groupes populaires,
classé des biens immobiliers comme monuments historiques, sans trop
savoir l'utilisation qu'on ferait de ces monuments une fois classés,
sans trop savoir aussi si on aurait les moyens de restaurer ces immeubles.
J'aurai l'occasion bientôt, si on a un peu de veine, de faire état
de politiques nous permettant d'utiliser davantage le patrimoine
restauré à des fins utilitaires.
M. Saintonge: Un instant, M. le ministre.
M. Richard: Juste pour apporter une précision
supplémentaire. C'est il y a deux ans que nous avons signé un
protocole d'entente avec la ville de Québec en vertu duquel le
ministère des Affaires culturelles versait à la ville de
Québec une somme de 100 000 $ pour la mise en valeur du patrimoine du
Vieux-Québec.
M. Saintonge: Est-ce que c'est une entente...
M. Richard: C'était juste pour le départ, vous vous
rendez compte, pour l'engagement d'une équipe permanente pour la mise en
valeur de ce patrimoine. C'est unique au Québec.
M. Saintonge: Est-ce que cette équipe est toujours en
place et payée par la ville de Québec maintenant?
M. Richard: Oui.
M. Saintonge: II n'y a pas d'autres cas dans la province qui ont
subi...
M. Richard: Non. C'est normal, là où on fait le
plus de travail, on sensibilise la population. Celle-ci devient, et c'est
heureux, plus exigeante.
M. Saintonge: Et participante également. Un autre cas, M.
le ministre, concernant la démolition d'une quinzaine de maisons
centenaires sur la rue Saint-Hubert à Montréal. Le
ministère des Affaires culturelles aurait été
consulté par la ville avant que ne se produise cette démolition.
Pourtant, le service d'urbanisme de la ville de Montréal, suivant les
renseignements que j'ai, avait recommandé au gouvernement municipal de
réclamer auprès du ministère leur classement. Le ministre
peut-il nous dire les raisons qui ont fait que la démolition a quand
même eu lieu et qu'on n'a pas classé ces maisons?
M. Richard: Non, écoutez, il faut faire attention. On ne
peut pas tout classer, ce serait trop facile. Le classement, à ce
moment...
M. Saintonge: Seulement une explication. Il semble que, dans ce
cas précis, sur la rue Saint-Hubert à Montréal, le service
d'urbanisme de la ville avait recommandé à l'administration
municipale de le demander. J'imagine qu'il peut y avoir eu une décision
du ministère. (16 h 45)
M. Richard: C'était trop détérioré.
Quand c'est trop détérioré et qu'on classe des quartiers
entiers, quand le ministre des Affaires culturelles classe un bien immobilier,
il prend l'engagement de payer une quote-part, c'est-à-dire 40% ou 60%
de la restauration. Alors, il faut qu'il fasse cela sérieusement. Il ne
peut pas classer tout le Québec.
M. Saintonge: Le ministère est intervenu...
M. Richard: Ces maisons n'avaient pas, je vous le rappelle, un
caractère unique; il y en avait beaucoup. L'un des critères qui
président au classement d'un bien immobilier est
précisément le caractère unique comme témoin d'un
passé, d'une histoire.
M. Saintonge: Je voulais savoir pourquoi la démolition a
eu lieu quand même. La recommandation du ministère était
donc de ne pas classer ces biens pour les raisons que vous avez
énoncées.
M. Richard: Oui, parce qu'il appartenait, quant à nous,
à la municipalité ou à la ville de Montréal, si
elle ne voulait pas qu'on démolisse toutes ces maisons de la rue
Saint-Hubert, de le faire. Elle peut facilement le faire par des
règlements de zonage, de même, par exemple, que des groupes
privés à but non lucratif. Je pense à Melton Park qui est
intervenu pour sauver un quartier entier de Montréal. Cela a
été extraordinaire, l'oeuvre qui a été accomplie,
en particulier, par le groupe de Mme Phyllis Lambert.
Je suppose que le président et député de
Saint-Louis est d'accord avec le travail qui a été fait par ce
groupe.
Le Président (M. Blank): Phyllis est une ancienne
amie.
M. Richard: Autrement, il n'aurait plus d'électeurs.
M. Saintonge: M. le ministre, dans le même domaine...
M. Richard: On a déploré cela et je déplore
que dans certaines villes du Québec on puisse permettre la
démolition de quartiers entiers, parfois. Ce n'est pas la
responsabilité du ministère des Affaires culturelles de classer
des quartiers entiers, à moins d'en faire des arrondissements
historiques, mais on ne peut pas multiplier les arrondissements historiques. Il
n'y a pas des Beauport et des îles d'Orléans partout.
Le Président (M. Blank): Nous allons suspendre nos travaux
pour quinze minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 48)
(Reprise de la séance à 17 h 11)
Le Président (M. Blank): C'est la reprise des travaux de
la commission des affaires culturelles. M. le député de
Laprairie. Bienvenue à l'ancien ministre. Il vient prendre ses
responsabilités pour ce qui s'est passé avant.
M. Vaugeois: M. le Président, il y a un de mes anciens
conseillers qui me dit que je serais mieux d'aller m'asseoir en face, que c'est
plutôt de ce côté qu'ils auraient besoin de renfort.
Êtes-vous de cet avis?
Le Président (M. Blank): À ce moment-ci, je ne peux
pas être partisan, mais c'est égal, deux à un.
M. Saintonge: M. le ministre, ma prochaine question portera
toujours sur le programme 2, élément 2, sur l'archipel de Mingan;
c'est un arrondissement naturel depuis août 1978.
M. Richard: Êtes-vous allé voir cela, M. le
député de Laprairie?
M. Saintonge: Non, mais je me promets bien d'aller y faire un
tour.
M. Richard: Je vous invite à aller y faire un tour, c'est
un endroit absolument extraordinaire, un arrondissement naturel comme il n'en
existe pas à travers le Québec.
M. Caron: ... Ah! Ah!
M. Saintonge: Arrondissement naturel depuis août 1978.
M. Richard: Bienvenue aux Affaires culturelles, M. le
député de Verdun.
M. Polak: Je savais que vous m'attendiez.
M. Richard: Bravo!
Le Président (M. Blank): Bienvenue au député
de Sainte-Anne.
M. Saintonge: M. le ministre, l'archipel de Mingan est un
arrondissement naturel depuis août 1978 et cette solution ne devait
être qu'un palliatif pour protéger ces îles en attendant que
l'on retrouve leur véritable vocation. Il semble que, dans ce dossier,
le gouvernement fédéral a déjà quelque chose
à offrir alors qu'au provincial on est toujours à l'étape
des études. Avant même que les offres du gouvernement
fédéral parviennent au bureau du ministre des Affaires
culturelles, celui-ci déclarait: "Ce serait odieux de prendre les
habitants de Havre-Saint-Pierre en otage dans cette affaire et de les priver
des importantes retombées économiques du projet du gouvernement
fédéral. Ce serait encore plus odieux de laisser le gouvernement
fédéral s'emparer de nos richesses avec les gros budgets." Le
ministre peut-il nous dire, vu qu'il a l'intention de refuser à Ottawa
d'intervenir avec ses gros sous là-dedans, s'il a un palliatif à
offrir à la population de Havre-Saint-Pierre et de Longue-Pointe aussi
avantageux que ce que le fédéral pourrait proposer? Ou, du moins,
quelles sont les intentions du ministère vis-à-vis de la vocation
réelle des îles de Mingan?
M. Richard: M. le Président, en ce qui a trait aux
îles de Mingan, j'ai eu l'occasion de m'y rendre et de rencontrer la
population. Nous avons eu l'occasion de mettre en place des organismes, de
concertation avec la population de Mingan, visant à développer le
plus possible et dans toutes les directions ce site absolument extraordinaire
que constituent les îles de Mingan. On m'a rapporté - mes
relations avec mon homologue fédéral étant ce qu'elles
sont, je n'en ai pas la certitude, parce que cela ne m'a jamais
été confirmé - que le gouvernement du Canada avait
l'intention - on n'avait pas à me le rapporter, parce qu'il a toujours
ces intentions de toute manière - de s'accaparer de ce site pour assumer
la responsabilité du développement de Mingan. J'ignore si c'est
exact. Cela ne m'a jamais été confirmé, de quelque
manière que ce soit. Je voudrais faire remarquer au député
de Laprairie qu'il s'agit d'abord et avant tout d'un arrondissement naturel,
mais c'est un arrondissement naturel qui a un caractère unique.
Après que les citoyens, les premiers intéressés,
c'est-à-dire les citoyens et citoyennes de Mingan, auront
été consultés sur le devenir de ce site, il nous faudra
trouver les sommes dont nous aurons besoin pour en assurer le
développement. (17 h 15)
M. Saintonge: Est-ce que le ministre peut nous confirmer si,
jusqu'à maintenant, il y a eu des études, toujours pour des
contrats de moins de 25 000 $? Au programme 2, élément 2, il est
mentionné que M. André Dumont a reçu 22 000 $ pour la
planification et la gestion de l'arrondissement naturel de l'archipel de Mingan
et du centre d'interprétation de Havre-Saint-Pierre.
J'imagine qu'un rapport a dû être déposé quant
à ce sujet.
M. Richard: II y a une grande étude, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure, dont le rapport ne nous a pas encore
été remis pour la bonne raison que cette étude est sur le
point d'être terminée, mais elle ne l'est pas encore. Les sommes
investies, assez importantes, quand même, jusqu'à maintenant, par
le MAC dans ce projet ont jusqu'ici servi à la consultation et à
faire les études nécessaires pour ne pas commettre d'erreur. Il
m'apparaît important de ne pas commettre d'erreur dans
l'élaboration des politiques visant à assurer le
développement du site de Mingan.
M. Saintonge: M. le ministre, vous dites que l'étude n'est
pas terminée. S'agit-il du même André Dumont qui est
attaché politique dans votre cabinet, qui est en train de faire cette
étude?
M. Richard: Oui, les services d'André Dumont, que j'ai
d'ailleurs connu à ce
moment-là, ont été retenus par le ministère
comme géomorphologue. L'étude d'André Dumont est
terminée, mais c'est une toute petite fraction de la grande étude
du projet de Mingan. André Dumont est un géomorphologue de
très grande qualité qui m'a tellement impressionné quand
je suis allé à Mingan qu'ensuite j'ai voulu retenir ses services.
Il a accepté spontanément.
M. Saintonge: Le ministre est impressionnable.
M. Richard: C'est parce que vous n'avez pas eu l'occasion de
frayer avec
André Dumont. Qui ne serait pas impressionné par un
géomorphologue?
M. Saintonge: Oui, sûrement. Il reste que la population
souhaite être consultée avant qu'on décide de la vocation
éventuelle de Mingan. Vous m'avez parlé de relations difficiles
avec votre confrère du fédéral, mais la population
souhaite également que ce dossier ne dégénère pas
en querelle entre Ottawa et Québec non plus. C'est dans ce sens que ce
matin je voulais vous souligner qu'au niveau des relations
fédérales-provinciales - c'est le même commentaire que vous
faisait mon collègue de Jean-Talon l'an dernier - il peut y avoir
intérêt pour le Québec, dans certains cas, à
négocier avec le fédéral pour tenter d'en arriver à
des ententes satisfaisantes et qui seront bénéfiques pour la
population du Québec. J'ose espérer que la situation des
îles Mingan pourra se régler à l'amiable et qu'elles
pourront profiter de l'investissement du fédéral à ce
niveau dans la mesure du possible. Est-ce que vous êtes de cet avis?
M. Richard: M. le Président, j'ai eu l'occasion, durant
quatre ans, quand j'étais à la présidence de
l'Assemblée nationale, d'entretenir des relations très
harmonieuses avec mon homologue, le président de la Chambre des
communes. Je voudrais rappeler, M. le député de Laprairie, ce que
vous savez mieux que quiconque, que ces relations ont toujours
été marquées au coin de la sérénité
et de la gentilhommerie pour une raison très simple, le président
de la Chambre des communes de l'époque, mon ami, James Jerome, se
mêlait de ses affaires et j'essayais de me mêler des miennes.
Le problème maintenant est plus difficile, parce que j'ai un
homologue, cette fois, qui cherche impunément à s'occuper de ce
qui ne devrait pas, normalement, le concerner. Vous imaginez bien, M. le
Président, vous qui faites partie d'une formation politique qui
prône la souveraineté culturelle, que, dans de pareilles
conditions, l'entente n'est pas toujours facile. Je compte donc sur votre
collaboration pour faire entendre raison à mon homologue
fédéral parce que vous avez sans doute de meilleures relations
avec lui que moi.
M. Saintonge: Est-ce que vous parlez au président ou si
vous me parlez?
M. Richard: Aux deux.
M. Saintonge: Est-ce que vous avez, quand même, eu des
communications quelconques avec votre confrère du fédéral
jusqu'à ce jour?
M. Richard: Si jamais vous en avez, pourriez-vous lui transmettre
mes hommages et lui dire que j'aimerais lui parler? Oui, c'est vrai, j'en ai
eu, et savez-vous où? À Cotonou, en Afrique. J'ai pris un petit
déjeuner intime avec mon homologue fédéral.
M. Saintonge: Vous affirmez quand même que vous n'avez eu
aucune correspondance quant au dossier de l'archipel de Mingan.
M. Richard: Non, pas à ma connaissance.
M. Saintonge: Pourriez-vous nous indiquer, M. le ministre,
à qui appartiennent les îles actuellement? Est-ce qu'elles
appartiennent au gouvernement du Québec?
M. Richard: Écoutez, je ne veux pas vous induire en
erreur, mais si ma mémoire est fidèle, une partie de ces
îles appartient - je vous le donne en mille - à Dome Petroleum
dont on annonce la faillite aujourd'hui. Mon géomorphologue me dit que
82% du territoire appartiennent, justement, à Dome Petroleum. Alors, on
va pouvoir les racheter pas trop cher.
M. Saintonge: Mon Dieu, Seigneur! C'est bien gentil. La
Commission des biens culturels, dans son rapport de 1975-1976, faisait
état de la Siebens Oil and Gas Limited. Je ne sais pas si c'est une
filiale de Dome Petroleum. Cela a peut-être été vendu
depuis ce temps.
Est-ce que le ministre a pu s'enquérir à savoir s'il n'y
avait pas eu de détérioration à cause des forages qu'on
fait dans ces îles? Est-ce que vous avez pu vérifier s'il n'y
avait pas eu certaines détériorations à cause de
forages?
M. Richard: Je ne suis pas au courant de cela, sauf que je suis
au courant qu'il y a eu des forages. Il paraît qu'on a construit un
chemin sur la grande île. J'ignore dans quelle mesure cela a pu
détériorer les lieux.
M. Vaugeois: Pendant que l'Opposition cherche...
Le Président (M. Blank): M. le député de
Trois-Rivières.
M. Vaugeois: Je pense que les membres de cette commission et
vous-même serez d'accord pour que je revienne un peu en arrière
étant donné que l'ordre des travaux n'est pas très
régulier et que je ne suis pas membre régulier de la commission.
J'aimerais revenir sur la question des archives et poser une question au
ministre sur ce point.
M. Richard: D'accord.
M. Vaugeois: À l'occasion d'interventions à
l'Assemblée nationale, plusieurs législateurs se sont apparement
inquiétés du projet de loi sur les archives en regard du projet
de loi que nous avons actuellement entre les mains, celui de l'accès
à l'information gouvernementale. Tout à l'heure, vous avez
indiqué que vous souhaitiez déposer le plus tôt possible ce
projet de loi, mais que vous ne pouviez pas prendre l'engagement de le faire
avant l'ajournement de juin. J'aimerais vous signaler, puisque vous
étiez en tournée et que vous n'avez pas pu suivre tous nos
travaux ici, que plusieurs députés de la majorité
souhaiteraient pouvoir comparer le projet de loi sur l'accès à
l'information gouvernementale avec le projet de loi sur les archives. Il nous
semble que, là où cesse le rôle du projet de loi qu'on a
sous les yeux, c'est-à-dire de nous donner accès à
l'information, commence le projet de loi sur les archives, parce qu'il faut
assurer la conservation et s'assurer des conditions de conservation, du
respect du document et des délais, des prescriptions éventuelles.
Un projet de loi sur les archives peut nous donner cette information.
J'aimerais, M. le Président, que le ministre, quitte à se
répéter - je m'en excuse - nous dise ce qu'il est possible
d'attendre.
J'ajouterai encore ceci. L'avantage pour nous serait non seulement de
pouvoir comparer les deux projets de loi, mais également la
période d'été permettrait au milieu de s'exprimer de
façon qu'on pourrait arriver à l'automne beaucoup plus
prêts.
M. Richard: M. le Président, je voudrais rappeler à
mon collègue et ami, le député de Trois-Rivières,
que j'ai dit tout à l'heure que je réfléchissais à
la question, à savoir s'il ne vaudrait pas mieux déposer
maintenant le projet de loi sur les archives et que j'étais très
tenté par cette option.
Je pense que vous avez reconnu qu'il fallait le déposer un peu
dans la foulée du dépôt du projet de loi sur le droit du
public à l'information gouvernementale. Mais, maintenant que ce projet
de loi est déposé et maintenant qu'on sait qu'il y a concordance
inévitable entre les deux projets, peut-être qu'il conviendrait de
déposer immédiatement la vingtième ou la vingt et
unième version du projet de loi sur les archives. Je vais
là-dessus consulter le Conseil des ministres et, avec votre appui et
votre correspondance, M. le député de Trois-Rivières, je
serai sûr de réussir.
M. Vaugeois: M. le Président, si vous voulez, je peux vous
donner accès à une certaine information que je détiens. Il
y a déjà eu de la part de ce gouvernement le désir
d'apporter devant l'Assemblée nationale les deux projets de loi à
peu près en même temps. Même si ce n'est pas une
décision ferme, il reste que c'est ce qu'on avait souhaité
à l'époque. Si vous le souhaitez vous-même, je pense que
plusieurs législateurs seront très heureux de pouvoir examiner
ces deux textes parallèlement.
M. Richard: Ce qui était important, je pense,
c'était que je ne devance pas mon collègue, le ministre des
Communications.
M. Saintonge: M. le ministre, je voudrais discuter du cas de la
forêt Saraguay. En novembre 1979, la Commission des biens culturels
recommandait que la forêt Saraguay soit classée comme
arrondissement naturel par le ministère des Affaires culturelles. La
recommandation de la commission était celle-ci: les limites de
l'arrondissement, telles que l'avis du ministre les avaient décrites...
C'était dans le Devoir du 2 novembre 1979. L'annexe A de l'avis explique
clairement que c'est la forêt de Saraguay dans sa totalité que
l'on doit protéger comme arrondissement naturel.
Il semble maintenant que Montréal ait modifié son
règlement de zonage, ou, du moins, ait autorisé la construction
d'une centaine de résidences dans Saraguay. En décembre dernier,
lors de l'adoption du projet de loi no 33, il y avait eu une modification par
l'article 192-b de la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal
où il y avait une possibilité d'entente qui pouvait être
faite entre le ministère pour un plan d'aménagement.
Ma question bien précise au ministre est celle-ci: Est-ce que le
ministre peut nous donner la garantie que l'arrondissement naturel de Saraguay
sera protégé dans son entité globale, totale, tel que la
Commission des biens culturels le recommandait? La protection devait
s'appliquer à tout l'arrondissement naturel et non pas en dégager
la partie est aux fins, justement, de construction de résidences comme
Montréal le souhaitait. La Commission des biens culturels mentionnait
que le parc de Saraguay est un arrondissement naturel en lui-même complet
et qu'il était essentiel que cet arrondissement ne soit pas
coupé, y compris dans sa partie est sur laquelle
Montréal avait des visées pour établir des
résidences domiciliaires. (17 h 30)
M. Richard: M. le Président, je voudrais rappeler à
M. le député de Laprairie que j'ai moi-même classé
la forêt de Saraguay comme arrondissement naturel dans sa
totalité. Je voudrais également rappeler que classer un site
comme la forêt de Saraguay ne signifie pas pour autant qu'on doive
interdire tout développement ou tout aménagement de cette
forêt. Pour l'aménagement de Saraguay, nous sommes convenus avec
les autorités municipales de Montréal de signer un accord
d'aménagement. Nous sommes en train de poursuivre les pourparlers pour
parvenir à une entente visant à aménager le mieux possible
cette forêt que nous avons classée comme arrondissement naturel
dans sa totalité.
M. Saintonge: Est-ce que M. le ministre peut me dire si la
Commission des biens culturels, dans sa recommandation, justement, n'insistait
pas sur la protection complète de la forêt de Saraguay en
empêchant toute construction domiciliaire y compris dans la partie est
sur laquelle la ville de Montréal a des visées? Non seulement
elle a des visées, mais je pense que la ville de Montréal a
même modifié son règlement de zonage à cette fin
précise.
M. Richard: D'abord, je pense avoir respecté l'avis de la
commission en classant la totalité de la forêt de Saraguay. S'il y
a des projets d'aménagement, nous retournerons devant la Commission des
biens culturels pour obtenir de nouveau son avis sur tout projet
d'aménagement qui interviendrait à la suite d'un accord avec les
autorités de la ville de Montréal.
M. Saintonge: Sauf que, d'après l'article 192...
M. Richard: Mais je rappelle encore une fois, M. le
Président...
M. Saintonge: Je m'excuse, M. le ministre, mais l'article 192b,
si je me souviens bien, disait qu'une entente pouvait intervenir entre la
communauté et le ministre des Affaires culturelles. Cette entente
contient un plan d'aménagement de la totalité ou de la partie du
parc qui est située dans l'arrondissement naturel et peut prévoir
qu'une autorisation requise par l'article 48 de la Loi sur les biens culturels
ou la conformité à une disposition réglementaire
mentionnée à l'article 49 de cette loi ne sont pas
nécessaires lorsque la communauté procède à une
opération visée à l'un de ces articles. Ce serait un des
cas qui pourraient être touchés, justement, par la construction
des résidences dans le secteur est du parc de Saraguay.
Je comprends, d'autre part, que le plan d'aménagement contenu
dans l'entente doit être respecté. Je suis d'accord. Il peut y
avoir eu une entente avec la CUM qui peut être constatée, mais,
actuellement, ce qui inquiète grandement le milieu et ceux qui
s'occupent de la protection de la forêt de Saraguay qui est, quand
même, un boisé exceptionnel au même titre que l'île de
Mingan, peut être un lieu exceptionnel... Je ne comparerai pas les deux
sites comme tels, mais pour la région de la ville de Montréal, la
Commission des biens culturels a quand même mentionné que
c'était un site d'une qualité exceptionnelle et qu'on rencontre
très peu dans un milieu urbain et même, à toutes fins
utiles, qu'on ne rencontre jamais dans un tel milieu urbain.
Il est prévu dans la loi qu'avant la conclusion de l'entente, la
communauté doit consulter la population sur le projet d'entente et
transmettre au ministre des Affaires culturelles un document faisant
état des résultats de cette consultation. J'avais demandé
des explications supplémentaires l'an dernier au ministre des Affaires
municipales. J'en avais glissé quelques mots en Chambre au ministre des
Affaires culturelles de l'époque et il ne semblait pas exister de
problèmes mais ce n'est pas spécifié, le genre de
consultation qu'on fera auprès de la population sur le fameux projet
d'entente qui peut intervenir entre la ville de Montréal et le ministre.
Est-ce que le ministre peut quand même m'assurer qu'avant toute
conclusion d'un projet d'entente qui pourrait amener une construction
éventuelle dans l'arrondissement naturel de Saraguay les intervenants
affectés à la conservation du milieu pourront être entendus
et valablement exposer leurs points de vue?
M. Richard: M. le Président, je voudrais simplement
prendre l'engagement à l'endroit de M. le député de
Laprairie de ne rien faire en catimini dans cette forêt de Saraguay qui
est un site exceptionnel - c'est pour cela, d'ailleurs, que nous avons
classé comme arrondissement naturel cette forêt -et de respecter
l'esprit et la lettre de la loi et des règlements en demandant l'avis de
la Commission des biens culturels sur tout projet d'aménagement de cette
forêt. C'est la commission qui a le pouvoir de consulter les citoyens et
les citoyennes intéressés à la sauvegarde de la
forêt de Saraguay.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: M. le Président, puisqu'on est...
Le Président (M. Blank): Vous êtes loin de
Saraguay!
M. Doyon: M. le Président, avec votre permission,
j'aimerais poser une question au ministre pour connaître quel est le
statut actuellement des ruines de la vieille église de Sainte-Foy qui a
passé au feu il y a quelques années. Est-ce qu'il y a une
protection qui est déjà en vigueur concernant ces ruines? Si on
peut appeler cela des ruines, mais je pense que c'en est. Sinon, est-ce que le
ministre a des intentions, est-ce que le gouvernement a des intentions en ce
qui concerne ce site? Si vous voulez bien nous les faire connaître, de
façon que la population en soit informée, je sais qu'il y a des
interrogations là-dessus.
M. Richard: Nous avons travaillé en ce qui a trait
à cette église, enfin à l'église qui existait, en
collaboration étroite avec la municipalité de Sainte-Foy pour y
faire des recherches archéologiques. Une somme extrêmement
importante a été versée en subventions à la ville
de Sainte-Foy pour ces recherches archéologiques. Évidemment, il
ne peut pas y avoir de monument classé parce que l'édifice
n'existe plus.
M. Doyon: Avec votre permission, est-ce que ces recherches ont eu
lieu effectivement ou si elles sont en cours? Quel est le montant qui a
été consacré à cela? Qui fait les travaux? Depuis
quand? Quand seront-ils terminés?
M. Richard: Vous me permettrez une erreur de quelques dizaines de
dollars, le cas échéant. L'entente avec la municipalité de
Sainte-Foy a été une entente pour des fouilles
archéologiques sur trois ans, à raison d'une vingtaine de
milliers de dollars par année, ce qui veut dire 60 000 $ investis dans
ces fouilles archéologiques. Le site lui-même est un site
classé.
M. Doyon: Pour continuer la question -en fait, il y a deux autres
éléments que j'avais soulevés - par qui ces fouilles
sont-elles faites?
M. Richard: Elles sont gérées, si ma mémoire
est fidèle, par la municipalité, mais faites par des
archéologues.
M. Doyon: Oui, bien sûr. Est-ce que le ministère des
Affaires culturelles a un mot à dire dans les travaux qui se font
là?
M. Richard: Les deux premières années, les
subventions ont été versées pour permettre la signature de
contrats avec l'Université Laval. Cette année, c'est la ville de
Sainte-Foy qui a engagé un ou des archéologues.
M. Doyon: Quels sont les moyens de contrôle du
ministère des Affaires culturelles de l'utilisation qui est faite de ces
fonds? Est-ce qu'il y a des moyens de contrôle ou si c'est laissé
complètement à la discrétion de la ville, l'utilisation
des 20 000 $?
M. Richard: Évidemment, il y a des rapports de fouilles
qui font état des recherches qui ont été faites.
M. Doyon: Est-ce qu'il y a un mécanisme prévu?
M. Richard: Ce sont les contrôles réguliers du
ministère dans les ententes qu'il conclut avec des partenaires. Mais
vous imaginez bien que, quand il s'agit d'une municipalité de
l'importance de Sainte-Foy, quand on connaît les mécanismes de
fonctionnement de Sainte-Foy avec ses infrastructures, on est moins inquiet que
dans d'autres cas.
M. Doyon: Je comprends et je partage totalement l'avis du
ministre en ce qui concerne la confiance qu'il a en la ville de Sainte-Foy, je
suis sûr que les édiles municipaux de Sainte-Foy seraient heureux
de l'entendre et l'apprécieraient comme je l'apprécie
moi-même. Cependant, nous sommes ici pour discuter de l'utilisation des
fonds publics qui proviennent du gouvernement du Québec. En tant que
député de Louis-Hébert, ma préoccupation est de
voir comment le gouvernement du Québec, en particulier le
ministère des Affaires culturelles, en l'occurrence, accorde les fonds
qui sont probablement justifiés. Comment se fait le contrôle de
l'utilisation de ces fonds? Si on me dit que ça se fait de façon
régulière, je vous soumets que ce n'est pas satisfaisant.
M. Richard: M. le Président, il y a toujours, au
ministère des Affaires culturelles, des chargés de projet qui
voient à la mise en oeuvre des ententes conclues avec nos partenaires.
Donc, il y a un chargé de projet dans ce dossier qui concerne la
municipalité de Sainte-Foy, de même qu'il y a, à la fin, un
rapport des fouilles qui nous est remis. Donc, il y a une double façon
de contrôler l'application de l'entente intervenue entre la ville de
Sainte-Foy et le MAC.
M. Doyon: M. le Président, je demanderais au ministre de
bien vouloir déposer cette entente qui, j'imagine, existe, a
été signée; c'est le cas. J'aimerais qu'elle soit
déposée ici, à cette commission.
M. Richard: M. le Président, je sais que vous vous
apprêtez à répondre à M. le député de
Louis-Hébert qu'on ne fait pas de dépôt en commission
parlementaire, que ça n'existe pas, mais je peux lui dire que je lui
donnerai une copie de l'entente intervenue
avec la ville de Sainte-Foy.
M. Doyon: Merci beaucoup. Je m'attendais à une
réponse d'une aussi grande générosité, M. le
Président. Cette entente se poursuit cette année pour la
troisième année. Est-il de l'intention du ministre de la
reconduire de quelque façon ou si elle se termine cette
année?
M. Richard: Maintenant qu'il y a eu trois ans de fouilles
archéologiques, trois ans d'application de l'entente, nous en sommes
maintenant au dossier d'utilisation et nous travaillons avec la
Société historique de Sainte-Foy.
M. Doyon: Une dernière question, M. le Président.
Étant donné que, quand on fouille, c'est pour trouver quelque
chose, est-ce que vous avez trouvé quelque chose? Si oui, quoi?
M. Richard: On a trouvé quelque chose
d'intéressant, on a pu dégager les structures de trois
églises superposées. Le résultat de ces recherches et de
ces fouilles apparaîtra dans un rapport qui nous sera remis, on
l'espère, incessamnent.
Le Président (M. Blank): M. le député de
Laprairie.
M. Richard: M. le Président, on m'informe qu'il reste 80
cadavres à sortir, des ossements, de ce sous-sol de l'église de
Sainte-Foy.
M. Saintonge: Toujours au programme 2, ma prochaine question
porte sur la mise en valeur du parc de Miguasha. Dans son rapport, la
Commission des biens culturels mentionnait...
M. Richard: Je vous invite à aller voir Miguasha, M. le
député de Laprairie, c'est extraordinaire.
M. Saintonge: Je n'ai pas l'avantage de faire des tournées
comme le ministre, avec les mêmes budgets.
M. Richard: De faire des tournées?
Le Président (M. Blank): La commission a
déjà été itinérante.
M. Saintonge: Oui, on pourrait...
M. Richard: C'est vrai, elle avait été
itinérante, à ma demande. J'avais un bon sens
prémonitoire, M. le Président, vous vous souviendrez. J'avais
demandé, comme président de l'Assemblée nationale, que
cette commission des affaires culturelles devienne itinérante; c'est
ainsi que nous nous sommes déplacés à Toronto pour aller
visiter les principales institutions à caractère culturel de
Toronto. Mon ami et collègue, le président de la commission, en
garde un bon souvenir, d'ailleurs.
M. Saintonge: Le député de Jean-Talon
également.
M. Richard: Le député de Jean-Talon et Mme la
députée de L'Acadie.
Le Président (M. Blank): Et Mme Blank.
M. Richard: Même l'épouse du président, tout
le monde s'en souvient, nous accompagnait. (17 h 45)
M. Saintonge: S'il y avait une commission itinérante pour
aller visiter Miguasha et l'archipel de Mingan, je serais bien prêt
à y participer. Dans son rapport, la Commission des biens culturels
mentionnait, l'an dernier, relativement à la mise en valeur du parc de
Miguasha: "Aucun autre pays ne permettrait ce que permet toujours le
Québec, soit une exploitation éhontée de ce site
classique" qui, semble-t-il, a une valeur pédagogique et une valeur
touristique. Je cite ici le rapport de la commission: "La commission est
profondément convaincue que les falaises de Miguasha appartiennent au
patrimoine de l'humanité et il importe tant pour les
générations actuelles que futures que le Québec affirme sa
responsabilité internationale à l'égard de leur protection
et de leur mise en valeur." À ce moment-là, la commission
formulait de toute urgence cinq recommandations. Le ministre peut-il nous dire
où on est rendu dans la mise en place de ces recommandations?
M. Richard: M. le Président, j'ai eu l'occasion de visiter
le site de Miguasha récemment. C'est un site assez extraordinaire. Il ne
fait aucun doute qu'il va nous falloir mieux utiliser, mieux exploiter ce site.
La question qu'on doit se poser est de savoir si c'est vraiment du ressort du
ministère des Affaires culturelles, parce que là, on est en
territoire, à toutes fins utiles, presque inhabité. Il ne s'agit
pas de protéger l'environnement humain, puisqu'il y a peu de personnes
qui habitent ce territoire. Les avis sont partagés - je le reconnais -
à savoir si cela devrait être du ressort du ministère des
Affaires culturelles et, donc, s'il appartiendrait au ministre des Affaires
culturelles de classer ce site, ou si on devrait demander au ministère
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche de s'en occuper. Ma
réflexion, M. le Président, porte là-dessus
présentement. Je n'ai pas encore tranché entre les avis
divergents qui me sont parvenus. Je vous signale... Ah non! Je ne vous le
signale pas. Merci.
Des voix: Ah! Ah!
M. Saintonge: De toute façon, je ferais quand même
remarquer au ministre que ce matin, sa période de réflexion,
quand on disait que certains...
M. Richard: Si je souris, M. le Président - pour permettre
de faire partager mon sourire à M. le député de Laprairie
-c'est que le directeur général du patrimoine au ministère
des Affaires culturelles, M. Ouimet, est contre le classement, mais la
commission est pour. Je dois trancher entre les deux et, comme je le dis
parfois, je suis réduit au triste choix ou de trahir ma flamme ou de
vivre en infâme; des deux côtés, mon mal est infini.
Le Président (M. Blank): Sur cette citation, je suspends
les travaux de cette commission jusqu'à 18 h 05. On reprendra ensuite
nos travaux à la salle 91-A.
M. Saintonge: D'accord. M. Richard: Merci, M. le
Président. (Suspension de la séance à 17 h 48)
(Reprise de la séance à 18 h 11)
Le Président (M. Blank): La commission des affaires
culturelles reprend ses travaux. M. le député de Laprairie.
M. Saintonge: M. le ministre, au sujet du parc de Miguasha, je
n'ai toujours rien su. Le ministre, semble-t-il, est long à se
décider. Le rapport date de 1980-1981. Le ministre a mentionné
tantôt que le projet était à l'étude. C'est un peu
la remarque que je faisais ce matin vis-à-vis des intervenants culturels
où on reprochait au ministre son inaction, d'une certaine façon,
c'est-à-dire le manque d'intervention ponctuelle au moment où les
autorisations sont sollicitées, entre autres, dans le cas de Miguasha,
d'autant plus que le ministre a parlé de la possibilité de
négocier une entente avec le ministère du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche. La recommandation de la Commission des biens culturels
était, justement, de négocier de toute urgence une formule par
laquelle seront assurés la surveillance et le contrôle strict des
biens culturels contenus dans ce site. Ce serait une entente
négociée, bien sûr, avec le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche.
Est-ce que le ministre peut s'engager à donner une réponse
dans un délai spécifique au sujet du site de Miguasha?
M. Richard: M. le Président, je voudrais simplement
rappeler au député de Laprairie que je viens d'y aller, que je
n'accuse pas encore un très long retard dans la prise d'une
décision puisque j'arrive de Miguasha. Cela ne devrait pas être
trop long avant que je prenne une décision définitive, mais je
voulais voir moi-même les lieux plutôt que de me fier uniquement
à des avis qui, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, sont
contradictoires. Chaque fois que j'ai des avis contradictoires, je tiens
à voir moi-même les lieux.
M. Saintonge: Merci, M. le ministre. Ma question suivante porte
sur la Loi sur les biens culturels. On sait que la Commission des biens
culturels mentionnait l'an dernier qu'après dix ans d'application de la
loi l'heure était venue de faire le point en vue de préciser
l'action future de tous les agents engagés dans la conservation et
l'utilisation des biens culturels. L'an dernier, lors de l'étude des
crédits, le député de Jean-Talon avait demandé au
ministre de faire une révision de toute cette question; il avait
même proposé la convocation d'une commission parlementaire pour
faire le point, un processus de réflexion avant d'apporter les
modifications nécessaires à la loi.
Est-ce que le ministre est toujours dans la même veine de
pensée, c'est-à-dire la convocation éventuelle de la
commission parlementaire pour examiner les dix ans d'application de la loi et
voir les possibilités de modification. Il serait intéressant,
après ce délai de mise en vigueur, d'application de la loi, de
voir les réactions des gens concernés par la Loi sur les biens
culturels et d'avoir le pouls de ces gens avant d'apporter les modifications
souhaitées à la loi. Est-ce que le ministre est toujours dans la
même veine d'idée, comme je l'ai mentionné tantôt, de
convoquer la commission parlementaire à cette fin? (18 h 15)
M. Richard: M. le Président, auparavant, je voudrais
examiner attentivement les représentations et les mémoires qui
m'ont été soumis au cours de la tournée en ce qui a trait
à la Loi sur les biens culturels. J'ai déjà eu l'occasion
de dire que je souhaitais que cette loi soit modifiée et qu'un projet de
loi en ce sens devrait être déposé à l'automne ou,
enfin, au cours de la prochaine session. Si c'est le cas, inutile de vous dire
qu'une commission parlementaire entendra les parties
intéressées.
Mais les deux objectifs visés par des amendements
éventuels à la Loi sur les biens culturels concerneraient, bien
sûr, d'abord, la décentralisation de toute la
responsabilité en matière de protection du patrimoine et,
deuxièmement, il faudrait poursuivre un objectif d'harmonisation avec la
Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, s'assurer qu'il
y ait concordance entre la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme,
les mécanismes qui sont maintenant mis en place les uns après les
autres et la Loi sur les biens culturels.
Le Président (M. Blank): Programme 3, Gestion interne et
soutien.
Gestion interne et soutien
M. Saintonge: J'imagine qu'à ce programme on peut parler
un peu de la tournée du ministre. À la suite de la tournée
ministérielle, est-ce qu'il y aura un document synthèse qui sera
fait de cette tournée, un rapport qui sera présenté?
Est-ce que le ministre a l'intention de rendre public un rapport de sa
tournée avec les diverses recommandations, les mémoires qu'il a
reçus, de faire une espèce de synthèse?
M. Richard: On va confectionner un rapport synthèse de
l'ensemble des mémoires qui nous ont été soumis.
M. Saintonge: Est-ce que ce rapport sera public? Est-ce qu'on
pourra obtenir copie de ce rapport? M. le ministre, j'imagine aussi que, lors
de votre tournée, vous avez sûrement eu des représentations
concernant la fameuse question des conseils régionaux de la culture. Il
y a le comité bipartite qui est actuellement à l'oeuvre. Un
rapport a été joint aux documents d'appoint par ce comité
bipartite. Ma question est la suivante: Est-ce que le ministre a pu
déterminer le rôle qu'il entend confier aux conseils
régionaux de la culture à l'avenir, d'une part?
Également, concernant le comité bipartite, où on
faisait porter, effectivement, la réflexion sur le rôle des
conseils régionaux de la culture, il y avait trois comités, je
pense, trois régions qui n'étaient pas représentées
à la table de concertation. De ce côté-là, est-ce
qu'il y a une évolution qui est en train de se faire? Est-ce que les
trois comités, qui sont, si je ne m'abuse, ceux de l'Estrie, du
Saguenay-Lac-Saint-Jean et de l'Outaouais, vont réintégrer la
table de concertation ou s'il y aura une espèce de modalité selon
laquelle les conseils régionaux de la culture seront regroupés
non pas en comités volontaires, mais en des comités d'appoint
où chacun pourra s'exprimer?
M. Richard: Je ne sache pas, M. le Président, que les
trois conseils régionaux de la culture qui ne s'étaient pas
encore joints à la table de concertation des conseils régionaux
de la culture aient effectivement rejoint cette table de concertation. Si c'est
le cas, c'est hors ma connaissance. Je sais que certains membres de chacun de
ces conseils régionaux de la culture m'ont exprimé leur intention
de rejoindre la table de concertation, mais il s'agissait là de
l'opinion de certains membres seulement. J'ai eu l'occasion d'expliquer
à ces conseils régionaux de la culture les difficultés que
nous cause le fait qu'ils ne participent pas à la même table de
concertation que les autres conseils régionaux de la culture.
M. Saintonge: Mon premier élément de question
était sur le râle des conseils régionaux de la culture.
M. Richard: Je pense que la question du député de
Laprairie est très pertinente, M. le Président. La tournée
que j'ai effectuée dans tout le Québec m'aura permis de constater
que les conseils régionaux de la culture ont joué un rôle
assez différent d'une région à l'autre et
l'évaluation qu'on peut faire du travail accompli par les conseils
régionaux de la culture est également très
différente d'une région à l'autre.
J'ai envie de répondre au député de Laprairie que
j'ai trouvé que, dans certaines régions, les conseils
régionaux de la culture avaient accompli une besogne non seulement
extraordinaire, mais qui apparaît presque nécessaire, presque
essentielle. Dans d'autres régions, malheureusement, je ne pourrais pas
en dire autant. De là la difficulté d'énoncer une
politique cohérente à partir de l'existence des conseils
régionaux de la culture. C'est là-dessus
précisément que portera notre réflexion jusqu'au moment de
rendre public un programme d'action.
J'aurai sans doute l'occasion de rencontrer les représentants des
conseils régionaux de la culture à plusieurs reprises d'ici ce
temps-là, mais je signale que dans certaines régions ces conseils
régionaux ont joué un rôle absolument essentiel, un
rôle loué par tous et, dans d'autres régions, cela a
été un rôle honni par une grande majorité des
intervenants.
M. Saintonge: Au sujet du rôle du conseil, le
problème de la régionalisation, le ministre avait quand
même annoncé l'an dernier le dépôt éventuel,
en cours d'année, d'un projet de loi sur le rôle des conseils de
la culture et de la régionalisation. Cela a été
annoncé lors de l'étude des crédits de l'an dernier. Il
n'y a pas eu de dépôt de projet de loi dans ce sens-là.
Est-ce que le ministre a l'intention éventuellement de déposer un
projet de loi dans ce sens-là et jusqu'à quel point la
régionalisation des programmes sera-t-elle étendue au niveau des
conseils régionaux de la culture?
M. Richard: C'est là-dessus que porte notre
réflexion. Je voudrais rappeler au député de Laprairie
qu'au moment de la création des conseils régionaux de la
culture
on leur avait confié une mission de concertation et d'animation.
Cette mission, comme je l'ai évoqué tout à l'heure, a
été bien assumée par certains conseils régionaux de
la culture, moins bien assumée par d'autres. C'est essentiellement le
rôle qu'on pourra confier aux conseils régionaux de la culture,
comme partenaires du ministère des Affaires culturelles, qui fera
l'objet de notre réflexion dans les prochains mois.
M. Saintonge: Le ministre ne peut pas nous faire part d'un indice
quand même. Au départ, si je me souviens bien, lors de la
création des conseils régionaux en 1977 - du temps de
l'ex-ministre O'Neill - il y avait un rôle de concertation et de
consultation, mais, aussi, on disait carrément que l'orientation de ces
conseils régionaux était éventuellement vers un rôle
décisionnel de plus en plus et on voulait accentuer la
régionalisation avec les conseils régionaux de la culture et
aussi la décentralisation des programmes. Cela s'est fait dans certains
programmes jusqu'à maintenant.
M. Richard: Cela a été un rôle de
consultation, sauf que nous avons, presque dans tous les cas, respecté
l'avis exprimé par les conseils régionaux de la culture, à
quelques exceptions près. Cela est vrai, mais encore une fois, M. le
Président, compte tenu de la situation globale qui prévaut sur
l'ensemble du territoire québécois en ce qui a trait au
rôle des conseils régionaux de la culture, je répète
que c'est précisément là-dessus que portera notre
réflexion dans les prochains mois. Je reconnais d'emblée, si
c'est cela que M. le député de Laprairie veut me faire dire, que
cela présente de très sérieuses difficultés parce
que le bilan des conseils régionaux de la culture - j'ai eu souventefois
l'occasion de le dire - est inégal de l'un à l'autre.
M. Saintonge: Je suis d'accord avec le ministre sur ce point.
J'ai aussi fait une petite tournée, de moins grande envergure, et j'ai
pu le constater moi-même. Il est évident que dans tout cela il y a
le rôle des bureaux régionaux, toute la question de la
décentralisation ou de la régionalisation. Je comprends que le
ministre nous fera part de sa réflexion avec le document qui suivra sa
consultation.
M. Richard: C'est cela.
M. Saintonge: Au niveau de la création d'une commission
des arts et des lettres, le ministre semblait favorable à une telle
commission, si je me souviens bien, l'an dernier. Il semble qu'il ait
changé d'idée ou d'avis en chemin. Certains intervenants qu'il a
rencontrés au cours de sa tournée lui ont probablement fait
valoir des arguments qui ont pu le faire changer d'idée. Quels sont les
arguments qui ont convaincu le ministre de n'être plus favorable à
une commission des arts et des lettres?
M. Richard: Mon ami, le député de
Laprairie, me fait dire des choses que je n'ai jamais dites. Je n'ai
jamais dit que j'étais contre.
M. Saintonge: Moins favorable, disons.
M. Richard: Ah! J'aime beaucoup la nuance. Il est vrai que j'ai
dit que j'étais moins sûr de la valeur de ce projet qui me tenait
à coeur il y a un an; c'est vrai. Je suis moins sûr tout
simplement parce que, contrairement à ce que je pensais, cela ne semble
pas correspondre à un besoin des organismes culturels, pas plus
qu'à un besoin des créateurs. On s'en est rendu compte au cours
de la tournée. Il y a très peu d'intervenants, de participants
qui nous ont demandé la création de cette commission des arts et
des lettres. Il y en a eu, mais très peu.
Au contraire, on nous a souvent demandé de ne pas
dédoubler les structures. On craint qu'on aboutisse à un
dédoublement des structures. J'ai pu percevoir aussi que beaucoup
d'intervenants souhaitaient traiter directement avec un homme politique qui est
un élu qu'on peut changer quand il ne fait pas l'affaire.
M. Saintonge: Dans le cadre du programme d'aide financière
à la production théâtrale, pour l'année 1982-1983,
le ministère a mis récemment sur pied un programme d'aide
financière qui a été soumis aux différents
intervenants. Comment concilier certaines dispositions, comme le recours aux
bureaux régionaux et la possibilité de recours à des
comités de spécialistes, qu'on retrouve là-dedans, avec
l'objectif de décentralisation et un plus grand respect des milieux
culturels et de leurs structures démocratiques?
En d'autres mots, il semble bien que ce programme ait causé un
certain problème. Le ministre a sûrement reçu des lettres
de protestation de certains groupes de théâtre et de certains
conseils de la culture. Alors que le ministre est en pleine consultation, on
modifie, semble-t-il, un peu les règles du jeu en parlant de
possibilités de recours à des comités de
spécialistes au niveau de l'obtention de subventions possibles dans ce
programme d'aide financière.
M. Richard: Essentiellement, les mêmes règles sont
en vigueur que celles qui prévalaient l'an dernier. À
Montréal, c'est un comité de spécialistes; ailleurs, ce
sont les conseils régionaux de la culture et les bureaux
régionaux.
M. Saintonge: Les mêmes règles que l'an passé
s'appliquent avec votre nouveau programme? (18 h 30)
M. Richard: C'est ça. Cela a été fait avec
l'accord du comité bipartite MAC-CRC.
M. Saintonge: D'accord.
M. Richard: Je rappelle à M. le député de
Laprairie que j'ai dit dans mon allocution d'ouverture, ce matin, que nous
avions voulu simplifier les formulaires. C'est ça qui avait
été interprété par deux intervenants comme ayant
modifié les règles. Cela visait essentiellement à
simplifier les formulaires et, donc, à répondre à une
demande qui nous a été souvent formulée.
M. Saintonge: Nous allons passer au programme 4.
Le Président (M. Blank): Programme 4, Arts de
l'environnement visuel.
Arts de l'environnement visuel
M. Saintonge: Élément 1, service de la promotion
des arts plastiques. Une brève question sur la question de Plein Art
1982. Les touristes qui envahiront la région de Québec durant la
saison estivale auront, eux aussi, leur salon des métiers d'art, on
l'espère, tout comme en 1981. On se souvient que, l'an dernier, la
Corporation des artisans de Québec avait regroupé dans le cadre
de Plein Art 1981 quelque 80 artisans pratiquant une trentaine de techniques
différentes. Les milieux culturels sont les plus consultés et les
moins écoutés par les bureaucrates. La poésie
détonne dans l'administration publique. Par exemple, il apparaît
contradictoire que des artisans de Québec se rabattent sur un miracle
fédéral pour réaliser Plein Art 1982. Il est vrai que le
ministre Richard a commis l'impair de suggérer aux
fédéraux de rapatrier ces artisans. Citation de Jacques Dumais
dans le Soleil, le 18 mai 1982. L'an dernier, Plein Art 1981 aurait
bénéficié d'aide du gouvernement provincial pour
réaliser son exposition.
M. Richard: Je regrette, mais M. le député de
Laprairie, vous vous êtes beaucoup trompé. Cela, c'est un dossier
que je connais un peu, M. le député de Laprairie.
M. Saintonge: Je m'excuse, M. le ministre. C'était une
erreur de ma part. Je croyais que... Il semble qu'on a contacté le
ministère ou le ministre pour s'assurer que Plein Art 1982 puisse
prendre forme et puisse bénéficier de certaines subventions. Le
ministre aurait fait parvenir des lettres d'intention, semble-t-il.
M. Richard: Non. Je voudrais expliquer à M. le
député de Laprairie en quoi consiste le dossier Plein Art. C'est
la Corporation des artisans de Québec qui, l'an dernier, a pu utiliser
durant l'été les terrains appartenant au gouvernement
fédéral pour exposer et vendre les produits d'artisanat des
membres de cette corporation. Le ministère des Affaires culturelles et
moi-même avons toujours appuyé cette initiative de la Corporation
des métiers d'art de Québec. Non seulement nous l'avons toujours
appuyée, mais j'ai moi-même adressé une lettre d'appui
à la Corporation des métiers d'art de Québec. J'ai
même écrit à M. le maire de Québec pour lui demander
d'autoriser la Corporation des métiers d'art de Québec, encore
cette année, à pouvoir organiser son exposition sur les terrains
du gouvernement fédéral en plein coeur du
Vieux-Québec.
Je ne comprends pas les propos de M. Dumais qui dit qu'il trouve
étrange que la corporation doive compter sur un miracle
fédéral en insinuant que le ministère des Affaires
culturelles devrait produire ce miracle. Si la Corporation des artisans de
Québec a besoin d'un terrain disponible qui appartient au
ministère des Affaires culturelles, ça nous fera plaisir, si
c'est possible, de le mettre à la disposition de la Corporation des
artisans de Québec. Je n'ai jamais compris les propos de M. Dumais qui,
évidemment, s'il vous a induit en erreur, a dû en induire
d'autres, mais je ne comprends pas.
M. Saintonge: II me semble que la question de Plein Art 1982,
d'après le ministre, c'est la question de trouver un terrain où
les artisans pourront bénéficier de...
M. Richard: Si j'ai bien compris, ça leur prend
l'autorisation des autorités de la ville de Québec,
doublée d'une autorisation du gouvernement du Canada pour l'utilisation
du terrain. J'ai moi-même écrit à M. le maire de
Québec pour lui dire que, comme titulaire du ministère des
Affaires culturelles, j'appuyais Plein Art sans la moindre restriction.
Certains marchands de Québec s'opposent à l'initiative de la
Corporation des artisans de Québec. J'ai pris position ouvertement et
officiellement en appuyant Plein Art.
M. Saintonge: Le ministère ne possède pas de
terrain disponible actuellement?
M. Richard: II n'y a jamais eu la moindre demande formulée
en ce sens pas la corporation. Quand j'ai vu, comme vous, l'article dans le
journal Le Soleil, j'ai essayé de savoir spontanément s'il y
avait des terrains disponibles que le MAC aurait pu mettre à la
disposition de la corporation,
mais la demande ne nous a jamais été formulée, et
pour cause. Je pense que le terrain que la corporation veut utiliser est
probablement, sinon certainement, le meilleur pour les fins auxquelles on
voudrait l'utiliser.
M. Saintonge: Ma question suivante portera sur le projet d'une
école nationale des métiers d'art. Vous en parlez depuis quelques
années et voici maintenant que, dans une lettre du 20 octobre 1981, le
ministre assurait les artisans de Québec de sa volonté de mener
à bien le projet de l'école nationale des métiers d'art
conjointement avec le ministère de l'Éducation du Québec.
Le ministre peut-il nous dire ce qu'il advient maintenant, huit mois plus tard,
du projet de l'école nationale des métiers d'art?
Également, de quel ministère pourrait relever une telle
école, du ministère des Affaires culturelles ou du
ministère de l'Éducation?
M. Richard: J'ai une recommandation qui est déjà
rendue depuis un certain temps auprès de mon collègue, le
ministre de l'Éducation. Nous nous sommes déjà entendus
pour que le contenant de cette éventuelle école relève,
comme il se doit, du ministère de l'Éducation et le contenu, du
ministère des Affaires culturelles. Mais, M. le Président, je
voudrais rappeler au député de Laprairie qu'au cours de cette
nécessaire tournée de consultation certains regroupements
d'artisans ont exprimé le voeu qu'on retarde un peu la décision
de créer cette école parce que, disent-ils, la situation du
chômage étant ce qu'elle est, il ne conviendrait pas qu'on forme
trop rapidement de nouveaux artisans qui viendraient s'ajouter aux
chômeurs qui pullulent déjà, selon eux. Alors, cela reste
à voir et je pense que cela fera, là aussi, partie de la
réflexion globale en ce qui a trait au programme d'action, mais nous
sommes presque prêts.
M. Saintonge: M. le ministre, la Corporation des artisans de
Québec travaille à deux projets connexes, soit installer une
salle de montre où les marchands pourront, à loisir, examiner la
production des artisans et faire leur choix sur les articles susceptibles
d'intéresser leur clientèle et aussi rédiger un catalogue
dédié à la promotion de l'artisanat
québécois, ce qui pourrait faciliter l'accès aux
marchés non seulement au Québec, mais partout au Canada et aux
États-Unis. Le ministre peut-il nous dire ce qu'il a fait ou entend
faire pour amener les artisans à réaliser leur objectif qui est
d'en arriver à avoir une véritable politique des métiers
d'art en ce qui a trait à la mise en marché de leur
production?
M. Richard: M. le Président, la Corporation des artisans
de Québec, comme d'autres corporations et d'autres regroupements
d'artisans d'ailleurs, a été largement aidée par le
ministère des Affaires culturelles au cours des dernières
années. La Corporation des artisans de Québec, plus que les
autres, M. le Président, a pu bénéficier des largesses du
ministère des Affaires culturelles, compte tenu de ses moyens et de ses
disponibilités budgétaires. C'est ainsi qu'au cours de
l'année 1981-1982 je crois que c'est près de 100 000 $ qui ont
été versés à la Corporation des artisans de
Québec.
Le problème s'est posé quand cette corporation a
exigé des subventions additionnelles pour la confection d'un catalogue.
Comme nous n'avions pas les moyens de subventionner davantage la Corporation
des artisans de Québec, nous avons dû, malheureusement, à
regret, lui opposer un refus, d'autant plus que c'est de loin celle qui avait
bénéficié le plus des subventions du ministère des
Affaires culturelles. C'est à ce moment-là que, comme il le fait
souvent, le gouvernement du Canada a voulu faire de la
récupération et est intervenu, comme il l'a fait dans les salons
du livre, pour verser une subvention pour la confection du catalogue. Suivant
la politique que j'ai énoncée tout à l'heure, M. le
Président, il n'était et il n'est toujours pas question pour moi
et pour le ministère des Affaires culturelles de tenir en otages nos
partenaires dans le développement culturel du Québec. C'est ainsi
que dans l'immédiat je me suis réjoui de voir qu'une subvention
était à la portée de la corporation dont j'ai
déjà eu l'occasion de vanter les mérites, mais je rappelle
encore une fois au député de Laprairie que ce n'est pas ainsi
qu'au bout de la course nous atteindrons des objectifs de souveraineté
culturelle. (18 h 45)
Je vous rappelle également, M. le Président, que nous
avons publié le répertoire des créateurs et des
créatrices en arts visuels qui correspondait justement aux besoins de la
Corporation des artisans de Québec. Pour combler le déficit avec
lequel la corporation était aux prises, nous avons consenti à lui
verser une subvention spéciale de quelque 40 000 $.
M. Saintonge: Maintenant, M. le ministre, je voudrais passer
à la question des musées. Ma première question concerne la
relocalisation et l'agrandissement du Musée d'art contemporain. Est-ce
que le ministre, qui a reçu depuis plusieurs années des
études sur le sujet, a fait un choix sur l'endroit de la relocalisation
du Musée d'art contemporain?
M. Richard: Non, pas vraiment, M. le Président. Le choix
que j'ai fait, c'est de faire de la relocalisation du Musée d'art
contemporain de Montréal une priorité du ministère
des Affaires culturelles, mais je n'ai pas, à proprement parler, choisi
d'endroit et, si je l'avais fait, je m'interdirais de le dire publiquement.
M. Saintonge: Le problème, M. le ministre, c'est que je
pense que votre prochaine priorité devrait être la relocalisation
éventuelle de ce musée.
M. Richard: Oui, sauf que je n'ai pas pris l'engagement de
construire un nouveau musée d'art contemporain à Montréal.
Ce que j'affirme, c'est que c'est devenu une priorité du
ministère de déménager le Musée d'art contemporain
et, comme nous n'avons pas les moyens dans la présente conjoncture
économique de construire un nouvel édifice, on essaiera de
trouver un immeuble qui nous permettrait de loger le Musée d'art
contemporain en signant un bail avec un éventuel propriétaire.
Mais encore faut-il le trouver et la limite de mon engagement, c'est ça.
C'est de trouver un immeuble qui conviendrait aux besoins du Musée d'art
contemporain, dans un site convenable.
M. Saintonge: Est-ce que le ministre peut nous dire si
actuellement il y a des sites qui sont étudiés par le
ministère ou par les Travaux publics?
M. Richard: Oui, je peux lui dire qu'il y en a même
plusieurs.
M. Saintonge: II y en a même plusieurs. Bon!
M. Richard: II y en a une douzaine.
M. Saintonge: J'imagine qu'avec les études qu'il y a eu
antérieurement il y a sûrement eu des suites à ces
études ou des points d'appui sur lesquels le ministère pourrait
se rabattre afin de trouver des sites potentiels.
M. Richard: Si M. le député de Laprairie en a, je
l'invite à me soumettre ses choix.
M. Saintonge: Le ministre peut-il nous dire combien
d'études ont été faites à ces fins? Je sais, par
exemple, qu'en 1980 M. Jean-Claude La Haye a reçu le mandat d'effectuer
une étude sur le sujet. À l'époque, le ministère
était sous la gouverne de M. Vaugeois. Il y a eu plusieurs
études. Le ministre peut-il nous donner le coût de ces
études jusqu'à présent sur la relocalisation? Combien
d'études y a-t-il eu d'effectuées, combien d'études le
ministère a-t-il demandées et quels sont les coûts de ces
études?
M. Richard: Je ne le sais pas. Quant à moi, je n'ai pas
demandé d'études en dehors des études internes, en
régie, comme on le dit dans le jargon. Je n'ai jamais donné
instruction de mandater une firme privée pour faire les études
dont nous avons besoin.
M. Saintonge: C'étaient des études à
l'intérieur du ministère.
M. Richard: Celles que j'ai demandées... Cela a
été fait avec le ministère des Travaux publics parce que
je vous rappelle que ce sont les Travaux publics qui ont la décision
finale en la matière.
M. Saintonge: C'étaient des études faites à
l'intérieur même des organismes gouvernementaux?
M. Richard: Depuis que je suis titulaire du ministère des
Affaires culturelles, autant que je sache, oui.
M. Saintonge: Le ministre peut-il s'informer pour savoir si,
avant cela, les études en question étaient toujours faites
à l'intérieur du ministère ou en collaboration avec
certains ministères?
M. Richard: Toutes les études, sauf une étude
portant sur un projet de cité culturelle, ont été faites
par le ministère, de façon interne, ou par le ministère
des Travaux publics.
M. Saintonge: Est-il possible que les études qui ont
été effectuées sur le problème de la relocalisation
du Musée d'art contemporain soient rendues publiques?
M. Richard: Je vais prendre connaissance de ces études et
vous fournir une réponse à brève échéance.
Je pense que c'est le ministère des Travaux publics qui avait la
responsabilité ultime de ces études.
M. Saintonge: Est-ce que le ministre peut nous informer, à
moins que ce ne soit dans le secret des dieux, des sites qui peuvent être
envisagés actuellement pour la relocalisation?
M. Richard: II y en a auxquels on songe plus que d'autres, mais
vous comprendrez que vous dire cela, cela pourrait justement remettre en cause
la réalisation de certains projets. Si je vous dis trop ouvertement, M.
le député de Laprairie, que je veux acheter votre maison, il est
possible que vous en haussiez le coût.
M. Saintonge: Vous êtes dans l'attente d'une situation de
rechange pour le Musée d'art contemporain. Ce matin, je citais un
article de Mme Gagnon, de la Presse, où,
justement...
M. Richard: Vous ne la citez pas toujours au complet, Mme
Gagnon.
M. Saintonge: J'ai cité une très grande partie de
son article, M. le ministre. Finalement, Mme Gagnon faisait allusion au fait
que même les conservateurs du musée doivent assumer des
tâches de soutien que le budget ne permet pas d'assumer
adéquatement, ils doivent transporter des boîtes,
épousseter des oeuvres, laver le plancher. Aussi, le musée a
demandé certains suppléments pour une exposition qui devait se
tenir et cela ne s'est pas matérialisé. On se plaint d'un manque
d'espace, d'un manque de vestiaire, etc. Y a-t-il des possibilités, en
attendant la décision mûrement réfléchie du
ministère, d'améliorer les conditions de fonctionnement du
Musée d'art contemporain? J'attends la réponse.
M. Richard: Quelle est votre question?
M. Saintonge: Je demandais au ministre, dans l'attente que le
ministre arrive à une décision mûrement
réfléchie sur le sort du Musée d'art contemporain, sur son
déménagement à un autre endroit, s'il y a des
possibilités, à la suite des critiques qu'on pouvait faire
relativement au manque de services et de facilités qu'on trouve au
Musée d'art contemporain, d'améliorer la situation.
M. Richard: Je vais répondre tout de suite. M. le
député de Laprairie, cette fois, utilise un cas tout à
fait exceptionnel pour faire une généralisation globale qui est
outrancière. Il est vrai que, dans le cas de "Dinner Party", il y a des
employés du ministère des Affaires culturelles, du Musée
d'art contemporain qui ont eu pour ainsi dire à mettre la table, mais
une fois n'est pas coutume. Mon Dieu, qu'on se souvienne davantage du
succès extraordinaire de cette exposition. Je l'ai dit ce matin, 90 000
personnes, c'est une première au Musée d'art contemporain et il y
a tout lieu de se réjouir de ce qui a été fait dans le
cadre de cette exposition par les autorités du Musée d'art
contemporain.
M. Saintonge: Je m'en réjouis tout autant que vous, M. le
ministre. Ma question ne portait pas là-dessus. Je ne veux pas en faire
nécessairement un cas d'espèce. Ce n'est pas récent qu'au
Musée d'art contemporain on se plaigne de difficultés
d'accès, par exemple, au niveau du transport en commun. Je pense
même qu'on a été obligé d'établir un service
spécial d'autobus, à un moment donné, pour essayer
d'amener une certaine clientèle. Dans le cas de cette exposition, je
pense que c'était phénoménal.
C'était renversant. J'ai vu pour la première fois, je
pense, la télévision faire des reportages sur une exposition.
M. Richard: Êtes-vous allé à
l'exposition?
M. Saintonge: Non, malheureusement je ne suis pas allé la
voir.
M. Richard: Vous auriez dû y aller, elle était
extraordinaire, M. le député de Laprairie.
M. Saintonge: Vous y êtes allé vous, j'imagine.
M. Richard: Oui, bien sûr. Cela a été
extraordinaire. J'y suis allé, si ma mémoire est fidèle,
un vendredi matin et on faisait déjà la queue à 10 heures
pour voir l'exposition de "Dinner Party".
M. Saintonge: Avez-vous fait la queue le vendredi matin? Je peux
vous dire que j'ai voulu y aller un samedi, mais j'ai fait demi-tour parce
qu'il y avait trop de gens. Je peux vous dire cela.
M. Richard: Voilà, le succès!
M. Saintonge: Je ne savais pas. Je faisais la queue, moi. Ma
question était simple. C'était à cette fin. Il y a la
question du Musée national de la civilisation, pour lequel les
crédits sont gelés. Est-ce qu'il n'y aurait pas
possibilité, dans le cadre d'une politique muséologique, se
rendant compte qu'on a un musée d'art contemporain qui est dans une
situation difficile, de faire un transfert de fonds pour assurer la
viabilité et la mise en place d'une façon autonome, facilement
accessible et rentable d'un musée, d'assurer le succès d'un
musée avant d'en mettre deux ou trois en exploitation?
M. Richard: M. le Président, je voudrais savoir si M. le
député de Laprairie est en train de nous dire qu'il est contre la
construction d'un nouveau musée à Québec.
M. Saintonge: Je n'ai pas dit cela, M. le ministre.
M. Richard: Alors, je voudrais à la fois protéger
le Musée d'art contemporain à Montréal - je suis un peu
plus ambitieux - et ne pas sacrifier pour autant la construction
éventuelle d'un musée digne de la capitale nationale. Je vous
rappelle que le projet du nouveau musée de Québec a gagné
un grand prix d'architecture et je vais inviter mon collègue, le
député de Laprairie, à venir voir les maquettes
extraordinaires. Pas vrai?
M. Saintonge: Oui. Je les ai vues déjà.
M. Richard: C'est magnifique et ça répondrait
à un besoin dans le Vieux-Québec, vous en convenez, M. le
député de Laprairie. Est-ce que vous êtes d'accord avec
ça, M. le député de Laprairie, pour boucher un trou
béant dans le Vieux-Québec en bas, que ce musée que vous
avez vu, dont vous reconnaissez que c'est une splendeur - vous le reconnaissez
- il ne faudrait pas le sacrifier trop allègrement?
M. Saintonge: M. le ministre, vous me retournez une question. La
décision à prendre, c'est que je me rends compte qu'on se plaint
justement dans les milieux culturels qu'on n'a pas de véritable
politique muséologique au Québec, d'une part.
Deuxièmement, je ne dis pas qu'à Québec on n'a pas besoin
de ce musée, que ce n'est pas essentiel ou quoi que ce soit. Ma question
était bien précise. Avant d'étendre les champs
d'activité de plus en plus n'est-il pas préférable au
moins de consolider ceux qu'on a actuellement en place et de les rendre
viables? (19 heures)
M. Richard: Vous êtes d'accord pour consolider? Moi aussi,
je suis d'accord avec vous là-dessus. Il faut d'abord consolider ce que
nous avons. C'est exactement la décision qui a été prise
quand nous avons décidé de retarder la construction d'un nouveau
musée à Québec. C'était précisément
pour les fins que vous avez mentionnées, c'est-à-dire des fins de
consolidation. Je vous rappelle que c'est l'actuel gouvernement qui a pris la
décision de permettre au Musée des Beaux-Arts de Montréal
de revivre, pour ainsi dire, puisque le Musée des Beaux-Arts de
Montréal est l'organisme privé qui reçoit du
ministère des Affaires culturelles la plus importante subvention.
M. Saintonge: Le ministre peut-il nous dire s'il se fixe un
délai maximal avant que la décision du Musée d'art
contemporain puisse être prise? Autrement dit, si vous en faites une
priorité, dans quel délai?
M. Richard: J'ai dit, M. le Président, que c'était
l'une de mes priorités. J'ai exprimé le voeu à mes
collaborateurs et à mes collaboratrices au sein du ministère des
Affaires culturelles qu'on puisse réaliser ce projet le plus rapidement
possible, mais il y a des contraintes auxquelles je ne peux échapper.
J'avais envisagé, M. le Président, le Mont-Saint-Louis, mais
manifestement, c'est un édifice qui n'est pas adéquat. C'est
encore dans votre comté, M. le député de Saint-Louis.
Le Président (M. Blank): II y en a un autre, juste en face
de la Place des Arts, l'ancienne école technique de Montréal.
M. Richard: Oui, cela aussi, mais il y a les coûts
inhérents à la restauration de cet immeuble.
Le Président (M. Blank): Mais c'est une bonne place, juste
en face de la Place des Arts.
M. Saintonge: Au niveau du Musée des Beaux-Arts, le
ministre peut-il nous dire, à la suite du mandat qui a été
confié à l'École des hautes études commerciales de
faire une enquête sur la gestion et la programmation du musée,
entre autres, si cette étude est sur le point d'aboutir ou si le rapport
a été soumis? Quand le ministre attend-il le rapport de cette
étude?
M. Richard: J'apporterais une nuance. Il ne s'agit pas d'une
enquête à proprement parler, mais plutôt d'une étude
que nous avons, d'un commun accord, commandée à l'École
des hautes études commerciales. Il semblerait que cette étude
nous sera remise incessamment. Elle s'est très bien
déroulée et on m'a dit récemment que l'étude nous
serait remise dans le courant du mois de juin.
M. Saintonge: Le ministre a-t-il l'intention, compte tenu de la
très grande publicité entourant le problème du
Musée des Beaux-Arts, de rendre publique cette étude?
M. Richard: Oui, je pense bien que l'étude sera rendue
publique. D'ailleurs, je ne pourrais même pas ne pas la rendre publique
puisque le Musée des Beaux-Arts lui-même en recevra une copie. Ils
sont 27 au sein du conseil d'administration du Musée des Beaux-Arts et
généralement, M. le Président, leurs documents circulent
bien.
M. Saintonge: Dans le cas de l'exposition Largillière du
Musée des Beaux-Arts - pour continuer sur le même sujet - il
semble, d'après les informations que nous avons obtenues avec les
documents des crédits, que le rapport sur les coûts de cette
exposition n'a pas encore été remis. Qu'est-ce qui justifie un
tel retard? L'exposition est quand même terminée depuis un bon
bout de temps. Est-ce normal que ce rapport retarde autant?
M. Richard: M. le Président, je regrette, mais je refuse
de répondre à cette question pour une raison très simple.
Le Musée des Beaux-Arts de Montréal est une institution
privée, donc, autonome, absolument libre de ses faits et gestes. J'ai
déjà eu l'occasion de dire qu'il n'appartenait pas au
ministère des Affaires culturelles, ni au ministre de s'immiscer dans la
gestion interne du Musée des Beaux-Arts et surtout de faire la
programmation des institutions
privées subventionnées par le ministère des
Affaires culturelles. On parle de programmation quand on parle de l'exposition
Largillière. C'est la responsabilité du Musée des
Beaux-Arts. J'espère que jamais personne ne suggérera que le
titulaire du ministère des Affaires culturelles fixe lui-même la
programmation des organismes subventionnés par le ministère des
Affaires culturelles. Qu'il s'agisse du Musée des Beaux-Arts de
Montréal, de l'Orchestre symphonique de Québec ou de
Montréal, des Grands Ballets canadiens, de l'Opéra de
Montréal ou de n'importe quel autre organisme, qu'il s'agisse des
théâtres institutionnels, j'espère qu'on n'aura jamais
à fixer la programmation des institutions subventionnées par le
ministère des Affaires culturelles. J'espère bien que ce n'est
pas cela que vous avez voulu suggérer, M. le député de
Laprairie.
M. Saintonge: Non, sûrement pas, M. le ministre. Ma
question ne portait pas là-dessus. Elle ne portait pas sur
l'interprétation que vous donnez à ma question. Si vous vous en
souvenez, de toute façon, lors de l'étude des projets de loi de
la Place des Arts et du Grand Théâtre de Québec, j'avais
fait allusion justement au fait qu'il était important que ces organismes
gardent leur autonomie, dans le même sens que vous actuellement.
M. Richard: Je vous remercie de votre appui.
M. Saintonge: Le seul problème, c'est que, concernant
l'exposition Largillière, parce qu'il y a eu un déficit assez
considérable, on a demandé une enquête sur le sujet. Je
demandais simplement au ministre si le ministère recevrait copie du
rapport de l'exposition Largillière et du rapport des coûts de
cette exposition.
M. Richard: En ce qui a trait au rapport dont fait état M.
le député de Laprairie, je lui rappelle que l'année
financière du Musée des Beaux-Arts de Montréal vient
à peine de se terminer, que le rapport est, me dit-on, sous presse, et
que, conformément à la loi, il sera déposé à
l'Assemblée nationale dès qu'on me l'aura remis.
M. Saintonge: D'accord.
M. Richard: Est-ce que vous étiez allé voir
l'exposition Largillière, M. le député de Laprairie?
M. Champagne: Est-ce que la commission est finie?
M. Saintonge: II y a aussi le musée des sciences, qui est
quand même une promesse électorale récente du
présent gouvernement; vous l'aviez promis dans la région de
Montréal. Je n'ai pas dit que c'était le ministre, mais dans la
région de Montréal.
M. Richard: J'espère que vous allez me dire qui a promis
cela. Je suis tellement favorable à la construction d'un musée
des sciences et des technologies. Vous allez me refiler le tuyau. Je voudrais
bien savoir quel collègue a fait cette promesse.
M. Saintonge: Au ministère, il n'y a rien en marche
actuellement sur la question du musée des sciences?
M. Richard: Oui, il y a des choses en marche. J'ai eu souvent
l'occasion de dire que je regrettais amèrement qu'on ait pu permettre la
construction d'un stade olympique au coût de près de 1 000 000 000
$ et qu'on soit toujours privé d'un musée des sciences et des
technologies. Non pas qu'on puisse s'opposer à la construction d'un
stade olympique. Cela m'apparaît même important pour une ville
comme Montréal, mais avions-nous vraiment besoin de dépenser
autant d'argent quand on pense aux besoins qu'on avait pour assurer l'avenir de
Montréal comme métropole culturelle? Je dois vous dire que j'ai
souvent exprimé le voeu que tous les efforts soient faits pour qu'on
puisse le plus rapidement possible avoir pour Montréal un grand
musée des sciences et des technologies. Je me suis souvent servi de
l'Ontario Science Center, qu'on a vu ensemble, M. le Président. M. le
député de Laprairie, je vous invite à aller voir le
Musée des sciences de Toronto.
M. le Président, vous vous souviendrez comme ce musée est
extraordinaire, comme il a une valeur pédagogique importante pour les
enfants. Je voudrais rappeler a M. le député de Laprairie que,
l'an dernier, c'est 1 500 000 visiteurs qu'on a eus au Musée des
sciences de Toronto. Sur ce 1 500 000 visiteurs, près de 59%
n'étaient pas ontariens. On comprend dès lors l'impact
économique d'une pareille institution. J'espère compter sur
l'appui de mon collègue, le député de Laprairie, pour
convaincre mes collègues du gouvernement de dégager les sommes
nécessaires, dès que cela sera possible, pour la construction
d'un musée des sciences et des technologies.
M. Saintonge: Je pourrai retrouver la promesse électorale.
Il me semble bien que vos confrères l'ont promis à
Montréal. Vous n'aurez pas de misère à avoir l'appui de
vos collègues là-dessus, j'imagine.
M. Richard: J'espère bien, parce que je voudrais rappeler
- le problème est compliqué, je l'ai évoqué ce
matin - étant donné les responsabilités
constitutionnelles
qui incombent aux provinces, que les provinces ne peuvent plus
dégager d'argent pour assurer leur développement culturel. Vous
avez vu ce qui vient de se passer en Ontario, ce qui vient de se passer en
Nouvelle-Écosse, ce qui vient de se passer au Nouveau-Brunswick. Dans
toutes les provinces, on est aux abois, parce qu'il n'y a plus d'argent dans
les coffres des provinces. Durant ce temps, le gouvernement
fédéral gaspille de façon inconsidérée
l'argent des contribuables québécois. C'est cela le
problème, il faudrait récupérer ces sources de revenu. Et
une fois récupérées, je m'engage à construire le
plus rapidement possible un musée des sciences et des technologies.
M. Saintonge: En supposant que vous convaincrez vos
collègues aussi de poursuivre un tel but.
M. Richard: II n'y aura pas de problème de ce
côté...
M. Saintonge: Je ferai remarquer au ministre...
M. Richard: ... mais vous allez avoir plus de problème
avec vos collègues.
M. Saintonge: ... qu'il y a des dépenses
inconsidérées à plusieurs égards. Il y en a
peut-être au fédéral, je ne l'ai jamais contesté. Je
pense que tout le monde est capable de porter son propre jugement de valeur.
Mais actuellement on est au Parlement du Québec. Si on parle de
dépenses inconsidérées, on aurait pu prendre 3 000 000 $
ou 5 000 000 $ qui sont allés à la fête nationale, par
exemple, qui ont été des dépenses
inconsidérées et qui auraient pu servir davantage à des
fins culturelles, pour favoriser l'éclosion d'un climat culturel au
Québec et favoriser aussi les créateurs.
M. Richard: Oui, mais il faut faire attention, M. le
Président. Êtes-vous en train de me dire que vous êtes
contre les célébrations de la fête nationale?
M. Saintonge: J'ai dit que j'étais contre le gaspillage
qui peut être fait là.
M. Richard: Moi aussi, je suis contre le gaspillage. Il faut
faire attention, parce que les sommes qui sont investies dans les
célébrations de la fête nationale rejoignent très
souvent, et le plus souvent, oserais-je dire, les artistes du
Québec.
M. Saintonge: Dans certaines occasions, oui.
M. Richard: Je vous remercie, M. le député de
Laprairie.
M. Saintonge: Mais ce n'est pas toujours le cas.
Avant de passer au programme 5, je voudrais revenir sur la question de
l'impasse à la Fédération des sociétés
d'histoire. Il semble que la société d'histoire a reçu une
subvention de 15 000 $ pour l'an dernier, subvention qu'elle vient de recevoir.
Maintenant, le ministère retirerait son appui financier pour la
prochaine année. Le ministre peut-il nous dire si, effectivement, la
décision du ministre est irrévocable ou si le ministre peut
envisager de donner encore son appui financier à la
Fédération des sociétés d'histoire?
Ce matin, il reconnaissait le rôle important que les
sociétés d'histoire pouvaient jouer dans les diverses
régions. Cela me semble un peu contradictoire que, dans un tel cas, on
retire l'appui financier qu'on a accordé jusqu'à maintenant,
surtout que les sociétés d'histoire pourraient être
appelées à jouer un rôle important dans le cadre de la mise
en place des plans d'aménagement dans les municipalités
régionales de comté.
M. Richard: M. le Président, j'ai eu l'occasion de
rencontrer plusieurs membres de la Fédération des
sociétés d'histoire. J'ai eu l'occasion aussi de leur dire
combien nous étions admiratifs parfois, au ministère des Affaires
culturelles, devant le travail accompli par ces sociétés
d'histoire. Je voudrais tout simplement dire à M. le
député de Laprairie qu'il est vrai que le sous-ministre en titre
au ministère des Affaires culturelles a écrit une lettre à
la Fédération des sociétés d'histoire pour lui dire
que le ministère ne garantissait pas, pour l'année prochaine, la
même subvention. (19 h 15)
M. Saintonge: Pour 1982-1983.
M. Richard: II n'a pas dit qu'il coupait toute subvention, mais
il s'agit d'une subvention pour des infrastructures. Suivant les
recommandations que vous-même êtes le premier à formuler, de
rejoindre le plus directement possible nos partenaires, il n'est pas interdit
de penser qu'on pourrait subventionner la fédération pour des
projets spécifiques.
Mais, on est toujours un peu hésitant -je pense que vous allez
être d'accord là-dessus - à subventionner des organismes
pour leur budget de fonctionnement parce qu'on ne voudrait pas dédoubler
les structures bureaucratiques. Ce qu'on leur a demandé, c'est
finalement de nous soumettre des projets, de nous faire la démonstration
que ce ne serait pas dédoubler des structures bureaucratiques, puisqu'on
nous demande d'alléger les structures partout et de rejoindre les
premiers intéressés avec les subventions du ministère des
Affaires
culturelles. Essentiellement, cela poursuit les objectifs que vous
recherchez, vous aussi.
M. Saintonge: II reste que la subvention de fonctionnement a
été accordée jusqu'à cette année aux
sociétés d'histoire.
M. Richard: Oui, mais compte tenu des difficultés
financières actuelles, on hésite à subventionner des
regroupements comme celui-là. Cela ne vise pas uniquement cette
fédération. Tous les organismes regroupés ainsi qui
bénéficient de subventions de fonctionnement du ministère
passeront peut-être par le même couloir. On ne le sait pas, on est
en train d'analyser cela.
M. Saintonge: Au programme 5, M. le ministre, je n'ai qu'une
question, considérant le temps qui nous reste.
Le Président (M. Blank): Programme 5, Arts
d'interprétation.
Arts d'interprétation
M. Saintonge: J'aurais peut-être une ou deux questions.
L'Opéra de Québec est actuellement en grandes
difficultés financières, a de la difficulté à
trouver des sources de financement, à tel point que la vie de
l'opéra à Québec semble en danger, d'après les
renseignements qu'on a eus dans les journaux. Et, à une rencontre avec
le directeur de l'Opéra de Québec, on mentionnait les
difficultés de financement de l'Opéra de Québec. Face
à cette impasse, qu'est-ce que le ministère entend faire pour la
survie de l'opéra à Québec? Est-ce une priorité du
ministère d'assurer la survie de l'opéra à Québec
ou s'il entrevoit d'autres possibilités?
M. Richard: Voilà! Je suis content que le
député de Laprairie me parle de la survie de l'Opéra de
Québec, puisque son collègue remettait en cause, lui, l'existence
de l'Opéra de Montréal. Je voudrais dire que,
généralement, l'Opéra de Québec a pu
bénéficier de subventions lui permettant de présenter un
opéra annuellement à Québec. Cette année, cela n'a
pas été possible en raison de la grève qui perturbe les
activités du Grand Théâtre de Québec. C'était
la Traviata qu'on devait présenter. Tout le monde a
déploré ce fait, parce qu'il y a des chanteurs, des chanteuses,
des artistes de l'opéra à Québec qui méritent un
meilleur sort que celui qui leur est fait présentement. Encore
là, j'espère obtenir l'appui de mon collègue, non pour
tuer l'opéra, mais pour que l'opéra vive.
M. Saintonge: À cause de la grève du Grand
Théâtre, le ministre a-t-il pu faire une intervention quelconque
dans ce dossier, pour tenter de favoriser un règlement?
M. Richard: Non, M. le Président. Je n'ai pas fait
d'intervention pour favoriser un règlement, au contraire...
M. Saintonge: Ou offrir, à tout le moins, sa
médiation dans le dossier.
M. Richard: ... parce qu'il ne m'appartient pas de faire ce genre
d'intervention. Mais j'ai fait une intervention qui nuit au règlement,
et je le reconnais.
M. Saintonge: Laquelle?
M. Richard: Je sais que je viens d'étonner le
député de Laprairie. Nous avons été
consultés, à savoir si nous laisserions le Trident, l'Orchestre
symphonique de Québec et les principaux clients du Grand
Théâtre utiliser d'autres locaux que ceux du Grand
Théâtre. Nous avons acquiescé à cela
allégrement, de sorte que nous nuisons, en quelque sorte, au
règlement, puisque le syndicat lui-même a franchi ses propres
lignes de piquetage pour venir chercher les décors pour permettre au
Trident de se produire dans une autre salle. J'étais parfaitement
conscient qu'en agissant ainsi nous annihilions, pour ainsi dire, notre rapport
de force. Mais j'aimais mieux que le Trident et l'Orchestre symphonique sauvent
leur saison plutôt que de sauver le Grand Théâtre. C'est le
choix que j'ai fait.
M. Saintonge: Le ministre a-t-il pensé intervenir
auprès de son collègue, le ministre du Travail, pour tenter
de...
M. Richard: Cela a été fait, mais il y a eu de
longues séances de conciliation. Je suis intervenu pour demander le
meilleur conciliateur à mon collègue, le ministre du Travail.
Cela a été fait, mais malheureusement cela n'a pas encore
donné de résultat.
M. Saintonge: Le ministre est-il au courant des positions
actuelles des parties?
M. Richard: Je suis au courant des positions actuelles des
parties.
M. Saintonge: Est-ce une position inflexible d'un
côté comme de l'autre ou si on peut prévoir un
règlement pour permettre que la saison d'automne soit programmée
et préparée?
M. Richard: Le conciliateur est d'avis que, pour le moment, les
positions sont inconciliables.
M. Saintonge: Le dossier reste entre les
mains du ministre du Travail. M. Richard: Voilà:
M. Saîntonge: Tout en s'assurant de votre soutien
vis-à-vis de lui.
M. Richard: Oui, mais j'ai déjà dit que c'est le
prix qu'il faut parfois payer pour vivre en démocratie. Je ne le trouve
pas très élevé.
M. Saintonge: Maintenant - on s'est éloigné un peu
de l'opéra actuel - advenant le retour normal des activités au
Grand Théâtre de Québec, quelles sont les intentions du
ministre regardant les subventions possibles à l'Opéra de
Québec pour assurer sa survie?
M. Richard: L'Opéra de Québec dispose
déjà des sommes nécessaires pour sa saison du mois de
novembre. Je voudrais bien qu'on puisse faire davantage. J'ai eu l'occasion,
à quelques reprises, de dire que j'aimerais appliquer à
l'Opéra de Québec, comme à d'autres organismes du
même genre d'ailleurs, une politique que j'appellerais, entre guillemets,
"the matching grant", c'est-à-dire que si des organismes comme
l'Opéra de Québec réussissent à obtenir l'appui de
groupes privés, il deviendrait extrêmement intéressant,
pour le ministère des Affaires culturelles, d'apporter sa contribution,
qui pourrait se faire un peu au prorata de l'appui qui serait apporté
par l'entreprise privée ou des groupes de citoyens à ces
organismes.
M. Saintonge: Ma question suivante, dans le programme 5, concerne
la danse. Lors d'un gala bénéfice de la compagnie de danse
Nouvelle Aire, au mois d'octobre dernier, le ministre affirmait...
M. Richard: Je voudrais adresser à mon collègue, le
député de Laprairie, une invitation spéciale pour la
première de II Trovatore, le 1er juin, à la Place des Arts,
à Montréal. Vous serez sans excuse, M. le député de
Laprairie.
M. Saintonge: Comme on me le souffle à l'oreille, un
samedi soir, on risquerait de rencontrer des fédéraux.
M. Richard: À la Place des Arts, cela ne
m'étonnerait pas, M. le Président.
M. Saintonge: II y en a sûrement qui y vont. Lors d'un gala
au profit de la compagnie de danse Nouvelle Aire au mois d'octobre dernier, le
ministre affirmait que la danse sera le seul secteur de son ministère
qui ne sera pas touché par les coupures budgétaires
prévues par le gouvernement. Par ailleurs, ce matin, dans son discours,
il soulignait la grande faiblesse du secteur de la danse au ministère
des Affaires culturelles, allant même jusqu'à dire: "II s'agit
aujourd'hui du système artistique le plus démuni en
matière de formation."
Je voudrais demander au ministre quels efforts il a faits pour essayer
tout au moins de changer la situation et ainsi remplir sa promesse.
M. Richard: L'augmentation du budget pour le secteur de la danse
a été de 12%, par rapport à une augmentation moyenne de
4,8% pour les arts d'interprétation. La situation faite aux danseuses et
aux danseurs est presque indécente, et c'est pourquoi il nous faut faire
un effort accru pour ces artistes. La situation qui prévaut pour les
danseuses et les danseurs est absolument, à mon avis, inacceptable.
M. Saintonge: Le ministre peut-il nous dire s'il fait allusion,
à ce moment-ci, à la création d'une école de
danse?
M. Richard: Je l'ai évoqué, ce matin. Il n'y a pas
de système complet de formation pour les danseuses et les danseurs et il
est souhaitable qu'on ait un système complet de formation. C'est
important de faire remarquer à M. le député de Laprairie
qu'il y a une école supérieure de danse, mais que son statut
n'est pas encore officialisé.
M. Saintonge: Mais est-ce que, dans un avenir prochain, le
ministère a l'intention d'arriver à établir un statut
officiel?
M. Richard: J'ai actuellement des pourparlers avec les
autorités compétentes.
M. Saintonge: On peut envisager que dans votre politique, c'est
une priorité éventuelle du ministère, tout au moins, de
pousser dans le sens d'améliorer les conditions?
M. Richard: Oui. Il y aura certainement une politique de la danse
pour l'automne. La danse qui est très en vogue, comme vous le savez,
présentement au Québec.
Cinéma
M. Saintonge: Au programme 6, M. le ministre, le cinéma.
Dans son édition du 17 mai, le journal Le Devoir nous rapporte que le
ministre, au sujet du projet de loi sur le cinéma promis pour l'automne,
a déclaré aux intervenants son intention de ne pas aller en
commission parlementaire. On mentionnait dans l'article en question que le
milieu du cinéma était presque prêt à donner un
chèque en blanc au ministre, étant donné que
depuis tellement longtemps on attend la fameuse loi sur le
cinéma, qu'elle est promise depuis tellement longtemps qu'on pourrait
faire certaines concessions. Le ministre peut-il expliciter davantage sa prise
de position et nous dire s'il ne serait pas plus judicieux d'entendre les
représentants non seulement des artistes, des réalisateurs, des
écrivains, des distributeurs, des exploitants, mais aussi du grand
public avant de procéder avec la loi? (19 h 30)
Évidemment, on n'a pas la conclusion de ceux qui ont pu
être entendus à la commission, mais il pourrait être
souhaitable que certaines personnes qui n'ont pu se faire entendre à la
commission ou qui auraient dû être consultées et qui ne
l'ont pas été, peut-être parce qu'elles ne se sont pas
présentées, soient quand même entendues lors du
dépôt du projet de loi.
M. Richard: M. le Président, je voulais, dans cette
discussion un peu à bâtons rompus avec les intervenants du domaine
du cinéma, leur souligner la hâte que j'avais de déposer le
projet de loi sur le cinéma à l'Assemblée nationale et de
le voir adopter par l'Assemblée. Il va sans dire qu'il faudra, de toute
manière, une commission parlementaire après la deuxième
lecture, mais je voulais connaître leurs sentiments en ce qui a trait
à une commission parlementaire après la première lecture,
c'est-à-dire que je voulais savoir s'ils sentaient de nouveau le besoin
d'être reconsultés.
Il est évident qu'aucune décision, à ce stade-ci,
ne saurait être prise. Il est bien évident que cela va
dépendre du projet de loi lui-même et d'un ensemble de facteurs
qui nous interdisent, pour le moment, de prendre une décision
définitive en ce qui a trait à l'éventualité d'une
commission parlementaire après la première lecture. D'ailleurs,
c'était partagé; la plupart ont exprimé le désir
d'être entendus, s'il fallait que le projet de loi soit contesté.
Le projet de loi sera forcément contesté.
M. Saintonge: Toujours dans le domaine du cinéma, on
pourrait parler d'une mesure de promotion du cinéma. Le ministre
envisagerait-il la possibilité d'imiter le geste posé par la
Suède, en retournant dans la bourse des cinéastes la taxe
d'amusement, ceci dans le but de favoriser la production du cinéma
québécois?
M. Richard: Inutile de vous dire que je vais attendre le rapport
de la commission d'étude sur le cinéma avant de me prononcer
là-dessus. Je veux tout simplement vous rappeler que, si on le faisait
pour le cinéma, il faudrait le faire aussi pour le théâtre.
Il faudrait peut-être le faire pour la danse aussi.
M. Saintonge: Disons que c'est quand même une mesure de
promotion.
M. Richard: Oui, bien sûr. J'attends les recommandations de
la commission d'étude sur le cinéma. On me dit que les travaux se
déroulent fort bien. Je voudrais vous faire remarquer qu'il y avait des
abris fiscaux pour le cinéma prévus par les lois
fédérales et que le dernier budget les a fait
disparaître.
M. Saintonge: II y a des privilèges qui s'en vont et on
subit d'autres taxes aussi. Je pense que c'est la vie quotidienne.
Dernière question concernant les films d'exploration. Face au
succès remporté par les films d'exploration dans leur diffusion
spécialement auprès de la jeunesse québécoise, le
ministre peut-il nous dire s'il existe dans son ministère une politique
de promotion pour ce type de cinéma et d'aide technique et
financière pour les réalisateurs et les producteurs
québécois intéressés à faire des films
d'exploration?
M. Richard: Oui, je voudrais rappeler à mon
collègue, le député de Laprairie, que c'est là le
rôle de l'Institut québécois du cinéma. Mais je suis
d'accord avec M. le député de Laprairie pour reconnaître
que les films d'exploration jouissent d'une grande popularité par les
temps qui courent. Je suis à même de l'expérimenter avec
mes propres enfants. Je ne voudrais pas que le ministère se substitue
à l'Institut québécois du cinéma.
M. Saintonge: Le ministre pourrait-il m'informer s'il serait plus
facile pour un étranger - je pense ici, entre autres, a Cousteau - de
venir réaliser un film d'exploration au Québec, alors que nos
propres concitoyens québécois se voient refuser les mêmes
services d'aide technique et financière et n'ont pas à leur
disposition des personnes-ressources? Par exemple, suivant les renseignements
que j'ai, M. Henri Jamet avait été prêté par le
gouvernement du Québec auprès d'un groupe français
intéressé à faire un film sur le Labrador. La question,
c'est qu'il semble plus facile pour des cinéastes étrangers ou
des gens venant de l'extérieur du Québec d'avoir des services
techniques et des personnes-ressources disponibles.
M. Richard: Le film de Cousteau, en l'occurrence, est
financé conjointement par les Français et l'ONF.
M. Saintonge: II me semble qu'on a pu faire
bénéficier l'équipe de personnes-ressources qui ont
été prêtées par le gouvernement du
Québec.
M. Richard: C'est possible, parce qu'on
a voulu apporter notre contribution à la réalisation de ce
film. C'était une contribution que nous apportions surtout au niveau de
la reconnaissance du territoire et des terrains.
M. Saintonge: Mais est-ce que des modalités d'aide
semblable pourraient être offertes également à des
producteurs québécois? J'imagine que oui.
M. Richard: Oui, bien sûr. M. Saintonge: Bon.
M. Richard: Sur des projets ad hoc, on le sait.
M. Saintonge: Pour ma part, je suis prêt, M. le
Président, à adopter les crédits. Je n'ai pas d'autres
questions...
M. Champagne: Je ne poserai pas de question, mais je ferai
seulement remarquer au ministre qu'il a invité le député
de Laprairie à beaucoup d'expositions, à beaucoup de voyages.
J'espère que je serai du groupe aussi.
Le Président (M. Blank): Merci au ministre et aux
députés membres de la commission. Je remercie les fonctionnaires
qui y ont assisté. Je déclare adoptés les programmes 1
à 6 inclusivement.
Les crédits du ministre des Affaires culturelles sont
adoptés et la commission ajourne ses travaux sine die.
M. Saintonge: En terminant, M. le Président, qu'il me soit
permis de remercier les fonctionnaires de leur présence et des
lumières qu'ils ont pu nous apporter dans l'étude de ces
crédits.
M. Richard: Vous vous imaginez bien, M. le Président, que
je tiens, moi aussi, à remercier les fonctionnaires du ministère,
qui ont été des collaborateurs et des collaboratrices
précieux et précieuses dans la préparation des
crédits. Je voudrais leur rendre hommage pour les documents qu'ils ont
préparés.
À vous, M. le Président, merci sincère pour votre
patience. Je compte bien, comme je me rends souvent à côté
de chez vous, au Musée des Beaux-Arts de Montréal, recevoir une
invitation à déjeuner, un de ces jours.
Le Président (M. Blank): Guarantee; Bagels, cream cheese
and rocks.
M. Richard: Merci, M. le Président.
(Fin de la séance à 19 h 38)