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Version finale

29e législature, 4e session
(15 mars 1973 au 25 septembre 1973)

Le mardi 25 septembre 1973 - Vol. 13 N° 131

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi no 24 — Loi concernant la mise en marché des produits agricoles au Québec


Journal des débats

 

Commission permanente de l'agriculture et de la colonisation

Etude du projet de loi no 24 Loi sur les marchés agricoles

Séance du mardi 25 septembre 1973

(Dix heures quinze minutes)

M. PICARD (président de la commission permanente de l'agriculture et de la colonisation): A l'ordre, messieurs!

Préliminaires

LE PRESIDENT (M. Picard): Excusez-moi de vous déranger dans vos conversations. Ce matin, la commission de l'agriculture et de la colonisation continuera à entendre les mémoires sur le projet de loi no 24, Loi sur les marchés agricoles. J'ai ici les noms de trois organismes qui ont été convoqués pour présenter leur mémoire ici, ce matin. Il s'agit de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, dont le porte-parole sera M. René Barry. Est-ce qu'il est présent?

UNE VOIX: M. Barry n'est pas ici, mais il est représenté par un autre.

LE PRESIDENT (M. Picard): D'accord, merci. L'Association des marchands de bois à pulpe du Québec, dont le porte-parole sera M. L. S. O'Connor. Présent?

M. O'CONNOR: Oui, monsieur.

LE PRESIDENT (M. Picard): L'Association des industries forestières du Québec, dont le porte-parole sera M. Anatole Côté.

M. COTE: Présent.

LE PRESIDENT (M. Picard): Alors, avant de céder la parole au ministre, j'aimerais vous dire que la séance ajournera à douze heures trente. J'inviterai tout à l'heure les porte-parole des différents organismes dans l'ordre que je vous ai mentionné tantôt.

L'honorable ministre.

M. TOUPIN: Comme vous le dites, Mi le Président, je pense que ce matin nous sommes plus intéressés à entendre les personnes qui se sont présentées plutôt que de reprendre, nous, à la commission, article par article, l'étude du projet de loi amendant la Loi de mise en marché. Nous avons au départ fait un tour d'horizon. Chacun des députés et représentants des partis a eu l'occasion de faire valoir son point de vue, mais je pense, M. le Président, que c'est à la suite des mémoires entendus que nous serons encore plus en mesure de faire valoir certains points de vue concernant soit des amendements nouveaux à ce projet de loi ou soit purement et simplement accepter ce qui est proposé comme amendement.

C'étaient seulement les quelques mots, M. le Président, que je voulais dire avant de commencer les travaux de cette commission, ce matin.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Nicolet.

M. VINCENT: M. le Président, juste une ou deux questions au ministre de l'Agriculture. Nous avons, ce matin, trois organismes qui ont été convoqués. D'abord, est-ce que ce sont les seuls organismes qui ont présenté des mémoires? Donc, ce sont les trois seuls mémoires que nous avons.

M. TOUPIN: Présentement, oui. Ce sont les trois seuls. Maintenant d'autres organismes ont fait savoir qu'ils viendraient à une prochaine séance pour faire valoir également leur point de vue.

M.VINCENT: Mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, ce matin, d'établir tout de suite — parce que je crois bien qu'avec ces trois mémoires nous n'avons pas tellement de discussion à faire — une date limite de la présentation des mémoires?

M. TOUPIN: Je ne sais pas. Ce serait peut-être préférable d'abord d'entendre ceux qui sont ici, puis, après cette période ou avant l'ajournement, il y aurait peut-être lieu d'établir si nécessaire une date d'échéance pour entendre les autres parties qui ne se sont pas présentées encore.

Mais je pense qu'il serait prématuré ce matin de déterminer une date ultime, une date finale où les organismes auraient ou n'auraient pas le droit de présenter des mémoires. Je ne sais pas ce que les autres membres de la commission en pensent, mais personnellement, je préférerais entendre d'abord les mémoires de ceux qui en ont présentés et après cette séance, il y aurait peut-être lieu, comme en faisait mention le député de Nicolet, de fixer une date finale pour entendre les différents organismes qui veulent bien se faire entendre. Mais je préférerais au départ qu'on entame d'abord les travaux de la commission.

M. VINCENT: Maintenant, M. le Président, vu que nous avons ce matin trois mémoires qui touchent plutôt l'industrie forestière, est-ce que le ministre n'aurait pas une ou des déclarations à faire avant d'entendre les mémoires concernant la politique gouvernementale en ce qui concerne le ministère des Terres et Forêts, comme je l'ai souligné il y a quinze jours, parce que ça peut changer tout l'article de la discussion? Est-ce qu'il est question d'établir une

régie des produits forestiers ou si les produits forestiers seront toujours considérés comme étant des produits agricoles et devant faire appel à la Régie des marchés agricoles? Je pense bien que c'est un point discuté assez fortement dans les mémoires que nous avons devant nous.

M. TOUPIN: Oui, je ne pense pas, M. le Président, qu'il s'agisse pour le moment de déterminer quelque politique du gouvernement que ce soit en matière de forêt. Une chose est évidente en soi, c'est que les forestiers qui sont touchés par la Loi de mise en marché sont par conséquent touchés par les amendements que nous y apportons et c'est la raison probablement qui fait que des organisations qui s'intéressent à ce champ d'action viennent présenter des mémoires ce matin. Je ne crois pas qu'il serait opportun que nous fassions une déclaration sur la politique forestière du gouvernement. Je préférerais entendre d'abord les points de vue de ceux qui veulent se faire entendre et après, nous serons plus en mesure de juger quelle action il faudrait prendre.

M. VINCENT: Juste une dernière question, M. le Président, si ça pouvait hâter la procédure. Comme il est 10 h 20, que nous allons ajourner les travaux à midi et demi et que probablement nous aurons le temps d'étudier les trois mémoires que nous avons devant nous ce matin, est-ce que ce serait possible qu'un des fonctionnaires de la commission puisse communiquer avec ceux qui avaient l'intention de présenter des mémoires?

Je pense que l'UPA avait l'intention de présenter des mémoires, de même que l'Association des meuniers, également l'Association des industriels laitiers ou même la coopérative. Si nous arrivons à midi trente avec aucun travail devant nous, nous allons être obligés d'ajourner et faire rapport à la Chambre quand la Chambre reviendra, parce que nous n'avons pas à discuter article par article.

M. TOUPIN: Ce n'est pas un problème. Premièrement, tous les organismes sont au courant que la commission parlementaire siège pour étudier la Loi sur les marchés agricoles. C'est évident. On peut bien communiquer avec eux pour savoir s'ils sont intéressés ou pas, mais une chose est évidente : on va entendre aujourd'hui ceux qui sont présents. On décidera après si une autre séance où on devra entendre d'autres personnes devra se tenir.

UNE VOIX: Après les élections.

M. TOUPIN : Après les élections, cela va aller tard, par exemple cela va aller en 1974, à la fin de 1974.

UNE VOIX: Ils sont menteurs!

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Lotbinière.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Bourassa nous avait dit qu'on le saurait cette semaine.

M. TOUPIN: Ah bon!

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui, il est venu nous apprendre que ce sera en 1974.

M. TOUPIN: C'est bien.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous pouvez parler aux journalistes de ça.

UNE VOIX: Pas besoin de le leur rappeler; ils savent tout cela.

M. BELAND: Ce matin, je suis très heureux, moi également, que nous puissions entendre les commentaires d'au moins trois organismes. Je pense que ce qui est le plus important est de les entendre le plus tôt possible, après quoi il sera certainement nécessaire que nous regardions plus à fond certains éléments qui seront apportés. Mais pour ce qui concerne d'autres groupements, moi aussi, il y en a qui m'ont dit qu'ils voulaient présenter des mémoires.

Maintenant, je me pose la question d'une façon très sérieuse, ce matin. Comment se fait-il que ces gens n'ont pas encore apporté leurs mémoires? Est-ce qu'on les a contactés de quelque façon? La suggestion du député de Nicolet de les contacter cet avant-midi si possible rencontre mes idées, cet après-midi ou dans les jours qui vont suivre tout au moins, au plus tôt, afin qu'eux également puissent venir présenter un mémoire quelconque, comme c'était prévu. S'ils ont changé d'idée à la dernière minute, c'est tout autre chose. C'est leur affaire, mais il reste un fait: II faudra entendre les différents commentaires, je pense, de tous et chacun de ceux qui sont intéressés dans ce domaine qu'est la forêt au Québec, étant donné que celle-ci occupe une place très importante dans l'économie générale du Québec, pour ne pas dire strictement l'économie agricole. A ce moment-là avec la lumière qui nous sera certainement apportée par tous et chacun des organismes qui ont des mémoires à présenter, à discuter, nous pourrons envisager certainement des améliorations sensibles.

M. TOUPIN: Je voudrais simplement faire une mise au point. Il n'est pas dans les coutumes et dans les habitudes du gouvernement de forcer des gens à venir présenter des mémoires à une commission parlementaire. A venir jusqu'à maintenant, tous les organismes intéressés sont sans doute au courant des dates et du fait qu'une commission parlementaire siège. Je ne verrais pas pourquoi j'appellerais, par exemple, l'UPA, le Conseil de l'industrie

laitière, le Conseil des pâtes et papiers pour leur dire: Ecoutez, venez présenter un mémoire ou bien l'affaire ne fonctionnera pas. Cela leur appartient de venir faire valoir leur point de vue.

M. PERREAULT: Ils sont heureux de la loi.

M. BELAND: Je n'ai pas dit obliger qui que ce soit, mais cependant, étant donné...

M. TOUPIN: Même pas...

M. BELAND: ... qu'il y en a qui ont émis le voeu de présenter des mémoires, j'ai dit également que je me posais de sérieuses questions à savoir pourquoi ces mémoires n'étaient pas encore déposés malgré que lors de la dernière séance, M. le Président avait dit qu'il y avait cinq mémoires de déposés et nous n'en avons encore que trois.

M. TOUPIN: Non. Je pense qu'il avait parlé de trois mémoires.

M. DEMERS: On va commencer par trois.

M. TOUPIN: On n'avait pas parlé de cinq, on avait parlé de trois mémoires reçus à ce moment-là.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): On va commencer et on verra plus tard.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non. C'est tout. J'attends...

LE PRESIDENT (M. Picard): Vous êtes prêt?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... les gens qui doivent présenter des mémoires.

LE PRESIDENT (M. Picard): J'invite maintenant M. René Barry, porte-parole de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec de nous faire un court résumé du mémoire. Je dois lui dire, en passant, que tous les députés ont en main une copie de ce mémoire.

Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec

M. CARETTE: M. le Président, M. Barry est absent ce matin. A sa place, pour le représenter, le président de l'Association des manufacturiers de bois de sciage, M. Roger Robitaille. Il y a également M. Benoit Lagacé qui est administrateur de l'association et moi-même, Jacques Carette qui est secrétaire de ladite association.

M. Robitaille vous fera la présentation du mémoire.

M. ROBITAILLE: M. le Président, si vous le permettez, étant donné que notre mémoire est assez bref, je vais procéder à sa lecture intégrale.

M. le Président, MM. les membres de la commission permanente de l'agriculture et de la colonisation, l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec désire soumettre aux membres de la commission permanente de l'agriculture et de la colonisation le point de vue et les recommandations de l'industrie du sciage du Québec concernant le projet de loi 24, Loi sur les marchés agricoles.

L'Association des manufacturiers de bois de sciage est un groupement formé exclusivement de propriétaires de scieries et d'usines de rabotage. Notre organisation groupe des usines oeuvrant sur les bois feuillus, les bois résineux ou les deux à la fois.

Elle comprend aussi bien des complexes industriels où se produisent près de 250 millions de p.m.p. que de modestes établissements ayant un volume de production inférieur à 500,000 p.m.p. En nombre, notre association ne groupe que 160 propriétaires d'usines, soit seulement 26 p.c. des acheteurs-transformateurs probables. Durant l'année 1972, nos membres ont mis sur le marché plus de 80 p.c. des sciages fabriqués au Québec.

Dans son mémoire présenté à la commission parlementaire des richesses naturelles et des terres et forêts, page 18, tableau IV, l'association indique qu'au Québec, en 1970, sur 613 usines dénombrées, il en existait 427 ayant une production de moins de 2.5 millions de p.m.p., soit une moyenne de 1/2 million par usine, 80 ayant une production de 2.5 à 5 millions de p.m.p., soit 3 millions de p.m.p. par usine en moyenne, et le reste, soit 105 usines produisant au total 1,392 millions de p.m.p.

Comme bon nombre des scieries commerciales ont, depuis quelques années, avec l'aide du ministère des Terres et Forêts, résolu partiellement leurs problèmes d'approvisionnement en obtenant une certaine quantité de bois provenant des forêts publiques, il en découle naturellement que ce sont les scieries de services et les scieries mixtes, mi-commerciales et mi-services, qui sont, dans l'immédiat, les plus touchées par la loi concernant la mise en marché du bois comme produit agricole. Or, il arrive, comme nous venons de le mentionner, que ces dernières constituent la majorité, en nombre, des scieries du Québec. Ces usines, par leur dispersion géographique et leur localisation spatiale, ont un apport économique et spatial de beaucoup supérieur à leur valeur d'expéditions. Qu'il nous suffise, pour appuyer nos dires, de mentionner la procédure du sciage à forfait, de l'emploi des agriculteurs et de leurs dépendants, ainsi que des sommes distribuées pour l'achat local des grumes.

Nous n'avons pas à discuter ici des raisons,

apparentes ou réelles, qui font qu'un grand nombre des petits manufacturiers n'adhèrent pas à l'association. Mais le résultat en est qu'ils sont désorganisés et ne sont pas structurés pour défendre leurs intérêts. Néanmoins, nous considérons que nous avons certaines obligations morales vis-à-vis d'eux et nous croyons qu'il est de notre devoir d'agir comme leur porte-parole lorsque se présentent des lois semblables à celle d'aujourd'hui.

En 1971-1972, d'après la compilation des formules "K" du ministère des Terres et Forêts, les terrains privés, grands et petits, ont produit environ 220 millions de p.m.p. de bois en grumes destiné au sciage. Ce chiffre est très près de la production estimée des petites scieries, soit 213 millions de p.m.p. Nous n'avons point la prétention d'affirmer que toutes les grumes ont été expédiées chez les petits manufacturiers, mais il y a de fortes présomptions, car ces derniers n'ont que peu ou pas d'autres sources d'approvisionnement. Quoi qu'il en soit, nos représentations ne sont pas restrictives et sont de portée générale, quelle que soit l'usine qui achète des billes en vue de la transformation en sciage.

Gardant ces chiffres en mémoire, nous allons vous exposer les points principaux de notre intervention, ainsi que certaines remarques générales.

Les recommandations générales. Avant de soumettre nos recommandations proprement dites, permettez-nous quelques remarques préliminaires sur ce qui nous parait être une contradiction évidente chez le législateur. Alors que le ministère de l'Agriculture présente à l'Assemblée nationale un projet de réforme de la Loi sur les marchés agricoles, en y désignant le bois comme un produit agricole, le ministère des Terres et Forêts, de son côté, travaille à la restructuration de son propre ministère, à le doter d'une série de lois refondues ou nouvelles qui explicitent sa juridiction en portant une attention toute particulière sur le bois provenant des terrains privés. Il ne s'agit pas ici d'une affirmation gratuite de notre part. Nous appuyons nos dires sur les prises de position du ministère des Terres et Forêts lors, entre autres, des auditions publiques de la commission parlementaire des richesses naturelles et des terres et forêts, des nombreuses déclarations publiques faites par la suite et, finalement, au cours des discussions relatives au présent budget du ministère.

En effet, le ministre des Terres et Forêts n'a-t-il pas déclaré (journal des Débats, no 62, page B-2199) "que de nouvelles responsabilités seraient confiées aux offices de producteurs." De plus, "le ministère des Terres et Forêts est présentement en train de modifier toute l'organisation de la forêt privée en suscitant la création de fermes forestières, de groupements forestiers et de sociétés sylvicoles", toujours selon le journal des Débats, à la page B-2202.

Toutes ces politiques tendent à régionaliser les structures actuelles, à donner aux producteurs groupés une capacité de production plus grande, d'où des pouvoirs de négociation individuels accrus. Enfin, il y a l'octroi par le gouvernement ou sa participation à même les forêts publiques aux activités de la forêt privée, tous éléments non prévus et difficilement trans-posables dans une loi sur les marchés agricoles destinée à venir en aide, à l'origine, à des petits propriétaires fermiers.

Sommes-nous en présence de la préparation d'une loi dont l'application serait, par la suite, confiée à deux titulaires? Nous n'osons pas le croire. Dans ce cas, vers quel type de conflit de juridiction nous dirigeons-nous? C'est là une question que nous posons à ceux qui peuvent en posséder la réponse. Nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer sur l'à-propos d'une loi sur les marchés agricoles s'appliquant à certains biens de consommation, tels les denrées alimentaires. Cependant, nous désirons aujourd'hui répéter notre objection à ce que le bois soit considéré comme un produit agricole et assujetti à la loi présentement sous étude.

Nous ne prétendons pas que la mise en marché du bois comme matière première ne comporte des problèmes et nous ne nions pas au législateur le droit et le devoir de légiférer, afin d'assurer une certaine harmonie dans la mise en marché de ce produit. Mais nous insistons pour que l'autorité du ministère des Terres et Forêts soit la seule reconnue en la matière.

Quels arguments peut-on invoquer pour subordonner la mise en marché du bois à une loi sur les marchés agricoles? Est-ce le fait qu'il y a du bois sur une partie des terrains privés de certains agriculteurs? Nous affirmons que l'argument est faible et doit être rejeté. H ne reste à nos yeux qu'une raison: la tradition. Dans le passé, le bois a été couvert par la Loi des marchés agricoles et depuis, on semble croire nécessaire de perpétuer ce que nous qualifions d'une erreur.

La forêt et les produits qu'on en retire sont difficilement assimilables à un produit agricole traditionnel à courte période de rotation et à renouvellement rapide. Il nous semble que les caractéristiques intrinsèques seules de la forêt justifient un renvoi de ce produit de la Loi des marchés agricoles, au seul organisme public organisé et apte à y travailler adéquatement: le ministère des Terres et Forêts. D'autant plus que si ce dernier veut vraiment planifier et organiser la location aux usines des approvisionnements en matière première, il devra posséder des pouvoirs incitatifs et coercitifs d'une nature inconciliable avec la présente loi.

De plus, nous trouvons surprenant qu'une Loi du syndicalisme agricole (Loi des producteurs agricoles, sanctionnée le 30 mai 1972) n'ait pas réussi à écarter d'une loi sur la commercialisation des produits, les préoccupations syndicales que l'on voit apparaître à travers les différents articles du présent projet

de loi. Même plus, il nous semble déceler certains anachronismes entre les deux lois. D'après la Loi des producteurs agricoles, une personne qui exploite la forêt, sauf quand elle exploite la partie boisée de sa ferme, n'est pas considérée comme un producteur au sens de la loi. Par contre, cette personne l'est en ce qui regarde la Loi des marchés agricoles. Il y a là un danger évident de voir des contributions payées au nom de la mise en marché, servir au nom du syndicalisme agricole auquel ces mêmes gens ne peuvent participer. Ce n'est là qu'un exemple de dédoublement préjudiciable à l'exploitant forestier.

L'analyse sévère de ce projet de loi ne nous a pas permis d'obtenir l'assurance que les produits de la forêt seront dirigés vers leur meilleur usage. A aucun endroit n'est affirmé le principe fondamental que les bois destinés au déroulage, au sciage et à la pâte y seront dirigés et ce pour le plus grand bien de l'industrie forestière québécoise. Au contraire, il est aisé de se rendre compte de l'effet revendicateur de cette loi et des organismes qu'elle y crée.

En conséquence, nous vous soumettons ici, un aspect de la question qui, selon nous, peut constituer le seul compromis dans le contexte actuel. La Loi sur les marchés agricoles telle qu'on la veut, est une loi générale qui s'applique à des cas particuliers. Une telle loi générale peut sembler excellente dans son ensemble, mais c'est un peu comme une moyenne arithmétique, elle s'applique à tous les cas, mais elle n'est juste et vrai pour aucun.

Le gouvernement a trouvé une formule pour des cas semblables, et l'expérience vécue semble heureuse: c'est la formule des lois-cadres et des règlements qui en découlent. Nous suggérons donc que la Loi des marchés agricoles devienne une loi-cadre et soit constituée comme telle. Après son adoption, des règlements spécifiques se rapportant à chacune des catégories d'individus ou de produits assujettis seront soumis à l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, règlements où seront indiqués les produits ou individus couverts et les articles de la loi-cadre qui s'appliqueront à ces produits ou individus.

Une telle procédure, par réglementation, permettrait une phase intérimaire entre le moment présent et celui où le ministère des Terres et Forêts serait prêt à assumer ses responsabilités. Ainsi, il n'y aurait aucun vide et les plans conjoints actuels seraient protégés en attendant la transmission des juridictions.

Après avoir pris une telle position et proposé ce genre de procédure, nous vous soumettons maintenant des suggestions particulières concernant des articles précis du projet de loi 24. Nous savons qu'un tel comportement de notre part peut sembler contradictoire, mais nous devons confesser que nous souffrons de défaitisme après l'expérience vécue de 1963. En effet, le premier ministre du temps, dans des déclarations solennelles, n'avait-il pas déclaré que notre industrie ne serait pas plus affectée dans l'avenir par la Loi des marchés agricoles qu'elle ne l'avait été dans le passé? Les faits nous ont prouvé le contraire et nous avons été amenés à vivre toutes sortes de situations pas toutes heureuses.

Malgré la logique des recommandations que nous avons présentées dans la première partie de notre mémoire, nous craignons la possibilité que notre point de vue ne soit pas considéré à son mérite. Etant donné que nous sommes pris dans l'engrenage, nous voulons réduire les dégâts au minimum.

Recommandations particulières. Nous vous présentons quelques points particuliers, au sujet de la teneur des articles du projet de loi 24.

Section I, article 1: En premier lieu, nous recommandons l'inclusion de la définition du mot "consommateur". En effet, ce mot apparaît dans divers articles, entre autres aux articles 2, 22 et 31, et il semble, dans son contexte ici présenté, être plus spécifique pour certaines matières que le mot "acheteur". La Loi de la protection du consommateur serait certainement une bonne source d'inspiration pour établir une telle définition.

Article 1 d), mise en marché: Le mot "transformation" devrait être enlevé de la définition de l'expression "mise en marché". En effet, la transformation d'un produit relève de la fonction production et fait appel à des moyens techniques et financiers hors de la portée présente des producteurs. D'ailleurs, il nous semble que le gouvernement ne désire pas aller aussi loin pour les plans conjoints. Le mercredi 16 mai 1973, journal des Débats, no 48, page B-1657, le ministre de l'Agriculture lui-même disait: "Pour les plans conjoints, jusqu'à maintenant, la théorie veut que nous nous limitions au secteur primaire, que nous cherchions d'abord et avant tout à ajuster l'offre à la demande, à agir sur la qualité du produit, à établir des mécanismes de négociation avec les autres provinces... C'est surtout, je pense, la philosophie qui nous anime actuellement au niveau des plans conjoints".

Il nous semble que cette philosophie a été respectée en grande partie, sauf lorsque l'on considère l'apparition de cette section de transformation.

D'ailleurs, nous relierons l'effet de cette fonction avec la définition donnée de l'expression "produit agricole".

Article 1 h) - Produit agricole. Une extension très forte est donnée au produit agricole qui peut être à l'état brut ou transformé partiellement ou entièrement par le producteur ou pour lui. Cette définition, qui est basée sur des opérations des secteurs secondaires, le processus de la transformation, suscite divers problèmes au niveau de l'industrie du sciage.

Dans notre introduction, nous avons soulevé le fait qu'il existe quelque 427 petites scieries. La majorité de ces dernières effectue des opérations dites de service, soit le sciage à

forfait. Il existe même certaines unités mobiles qui se rendent chez les petits producteurs afin de transformer le bois sur place. C'est donc dire que tous les bois ainsi manufacturés pour le producteur deviennent un produit agricole au sens de cette loi. Il faut vous dire que l'opération du sciage à forfait est consacrée depuis de nombreuses années tant pour du bois coupé sur les terrains publics en vertu de permis octroyés par le ministère des Terres et Forêts ou le ministère de l'Agriculture que pour le bois des producteurs eux-mêmes provenant de la partie boisée de leurs fermes.

Le paiement de ce travail des scieries se fait soit par paiement monétaire, soit par déboursés en nature. L'interaction des articles l d) et l h) nous permet de croire que les offices de producteurs pourront intervenir dans ce processus de transformation soit par l'établissement de normes de sciage, de coûts fixés et négociés, enfin des contraintes telles, au nivau de ce type d'opération, que ces unités de service préféreront fermer leurs portes et de là causer de fort grands embarras aux producteurs.

Une autre pratique très courante est appelée à subir des changements radicaux. Plusieurs producteurs font scier leur bois eux-mêmes, en gardent une partie, vendent l'autre, laissant les résidus au manufacturier qui en fait soit des copeaux, soit du bois de chauffage. C'est alors que les offices se verront dans l'obligation de négocier des prix de vente de bois scié, des conditions de vente des copeaux, du bois de chauffage et des autres produits, s'il y en a, de ces transactions. Un contrôle sévère et très dispendieux devra alors être effectué afin de faire le partage des contributions pour éviter la double taxation et le paiement de frais non exigibles.

Enfin, un autre problème majeur qui surviendra à cause de la portée des articles 1 d) et 1 h) se fera sentir au niveau des industriels du sciage. La majorité d'entre eux possède des lots boisés dont ils coupent le bois pour le transformer dans leurs propres usines. D'après les définitions soumises, les produits résultant de l'ensemble de ces opérations sont des produits qui devront être mis en marché par l'intermédiaire des offices de producteurs de matière première. Encore là, il faudra que les offices aillent négocier en Amérique du Nord des conventions de vente de bois scié, de copeaux, de bran de scie, de planures et d'autres produits.

Ces derniers propos ne sont pas exagérés. Nous vous prions de prendre quelques instants pour analyser la portée du projet de loi soumis vis-à-vis de la structure de l'industrie du sciage et vous serez en mesure de constater les situations équivoques que l'on va créer en croyant assainir la mise en marché du bois.

Soyez assurés, messieurs, que nous travaillons au respect intégral de la loi, car nous ne pourrons permettre que des manufacturiers du sciage soient désavantagés par rapport à d'au- tres du même secteur dans une région voisine ou une même région. Nous refusons de reconnaître la compétence des gens de l'extérieur dans la mise en marché des produits des scieries.

Il se peut que la définition telle que proposée ait des buts spécifiques, que nous ignorons, pour des produits spéciaux. En conséquence, nous recommandons que soit inscrite dans la loi une exclusion claire du processus de la transformation du bois.

Section-IV, article 22. Cet article donne les critères sur lesquels la régie doit se baser pour recevoir, modifier ou rejeter la demande de formation d'un plan conjoint. Il nous semble que le législateur oublie la consultation d'un chaînon fondamental dans le processus de la mise en marché, soit l'évaluation en fonction de la capacité des acheteurs. Il nous semble indispensable, et nous le recommandons, que soient ajoutés les mots "des acheteurs" et ainsi, au dernier paragraphe, nous pourrons lire: "...ainsi que des intérêts légitimes des producteurs, des acheteurs et des consommateurs".

Section V, article 36. Nous recommandons que cet article se lise ainsi: "L'office des producteurs doit tenir, de la manière prescrite par la régie, un registre ou fichier public, tenu constamment à jour, dans lequel sont inscrits les nom, prénom, adresse, date de l'inscription originale et de cessation de statut de chaque producteur soumis au plan conjoint."

Section VI, article 39. Il nous semble que cet article devrait débuter ainsi: "L'office doit tenir une assemblée générale..." Nous croyons qu'il est plus significatif de tenir une assemblée que simplement la convoquer. Ce léger changement nous semblerait ainsi mieux répondre à l'esprit de cet article.

Section VI, article 49. Nous recommandons que cet article se lise ainsi: "Le quorum à toute assemblée générale régulière ou spéciale est de 50 p.c. des membres inscrits au registre ou fichier tenu par l'office en conformité avec l'article 36, à la date de l'envoi de l'avis de la convocation. Les décisions de l'assemblée générale sont prises à la majorité des votes sauf dans les cas où la présente loi y pourvoit autrement."

Section VIII, article 56. Nous sommes heureux de la possibilité encore offerte aux acheteurs d'obtenir des accréditations pour fins de négociation et d'entente avec les producteurs. Cependant, l'article 56 du présent projet nous semble beaucoup plus restrictif que l'article 27 de l'ancienne loi de 1964, chapitre 120. En effet, l'article 27 spécifiait que lorsqu'une association d'acheteurs obtenait son accréditation cette dernière les représentait alors tous, d'où un caractère extensif identique à celui accordé lors de la création d'un plan conjoint. Cette extension est disparue du présent article 56 et ne peut amener que des désavantages sérieux pour tout groupement d'acheteurs.

De plus, nous recommandons que le législateur révise et complète cet article afin d'y

insérer des dispositions concernant les droits des associations d'acheteurs. Nous croyons qu'il serait juste et équitable, et ce dans l'intérêt d'une mise en marché ordonnée, que les associations accréditées aient les droits de contracter, d'obliger, de recours, de prélèvement de contributions, etc. Bref, accorder aux associations d'acheteurs des droits équivalents à ceux accordés aux offices de producteurs.

Section IX, article 62. Nous croyons qu'il serait juste et équitable que les décisions arbitrales devraient être motivées et nous recommandons qu'une telle disposition soit ajoutée au présent article.

Section IX, article 64. Nous voyons dans cet article l'opportunité pour des offices d'arriver aux mêmes fins et effets qu'une fusion, et ce en évitant la tenue d'assemblées générales respectives.

Section X, article 65 b). Nous recommandons d'ajouter à la fin de cet article, la phrase suivante: "... particulières, à moins que de tels classement, identification, conditions, classes, catégories et dénominations particulières ne soient déjà existants et mis en application sous la direction générale de l'Association canadienne de normalisation, du Bureau de normalisation du Québec ou de toutes autres réglementations adoptées en vertu d'une loi du Canada ou du Québec, dans lesquels cas, les normes existantes prévaudront."

Section X, article 67. Cet article fait d'un office de producteurs un acheteur au sens de cette loi. Cet article crée un personnage à deux têtes. D'une part, il est représentant des producteurs à la table des négociations et, d'autre part, il est l'acheteur du produit à la même table. Il nous semble que créer une telle ambiguïté ne peut en aucun cas contribuer à assurer aux producteurs et aux consommateurs une mise en marché juste et efficace. Nous nous opposons fermement à l'inclusion d'un tel article, d'autant plus que les acheteurs existants ne sont même pas consultés ni entendus et qu'un tel geste aurait pour effet net de faire disparaître purement et simplement ces acheteurs. En effet, la teneur de cet article, ajoutée à l'obligation du producteur de vendre son produit à l'office, article 66 f ), ne laisse plus de place à la concurrence naturelle des acheteurs et peut amener la disparition de nombreuses usines par le biais d'actions discriminatoires envers tel ou tel acheteur.

Section X, article 69. Encore une fois, nous ne pouvons que déplorer l'absence de consultation des acheteurs et des consommateurs et recommander qu'une telle disposition soit incluse dans cet article.

Section X, article 72. La teneur de cet article annule, par son application effective, la portée de la Loi sur les marchés agricoles. L'article 72 a) interdit la mise en marché d'un produit et par voie de conséquence, vient en contradiction avec l'objet même de cette loi. Quant à l'article 72 b), sa portée élimine toutes négociations avec les acheteurs d'autant plus que c'est l'office qui statue sur la composition du comité, son fonctionnement, la nomination et le remplacement de ses membres ainsi que sur la régie interne de ce comité. Ceci équivaut à accorder à un office des pouvoirs dictatoriaux en complète ignorance des autres parties intéressées à ce produit. C'est nier les droits fondamentaux de représentation et d'expression. Le gouvernement ne peut décider unilatéralement, il y a de l'opposition. Les tribunaux de quelque instance qu'ils soient, doivent donner aux parties le droit de se faire entendre.

Nous nous opposons catégoriquement aux pouvoirs discriminatoires accordés dans cet article, qui ne laissent aux acheteurs et aux consommateurs que le loisir d'assister impuissants à leur propre condamnation.

Nous vous avons présenté, messieurs, notre point de vue et nos recommandations concernant le projet de loi 24. Soyez assurés que le tout a été fait de la façon la plus objective possible et la plus constructive. Nous demeurons confiants que nos recommandations recevront une attention particulière de votre part. Nous sommes à votre entière disposition si des informations supplémentaires vous agréent.

Messieurs, l'industrie du sciage du Québec vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Picard): Merci, M. Ro-bitaille. Est-ce que M. Barry a quelque chose à ajouter?

M. CROISETIERE: II n'y est pas. Il est absent M. Barry.

M. CARETTE: Je m'excuse. Mon nom est Jacques Carette. Non. Je n'ai rien à ajouter.

LE PRESIDENT (M. Picard): Vous n'avez rien à ajouter?

UNE VOIX: Vous vous êtes trompé de tonneau.

LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que les honorables députés ont des questions à poser?

M. TOUPIN: Pas nécessairement; on pourrait entendre les autres mémoires. Je ne sais pas si ceux qui présentent des mémoires préféreraient qu'on pose des questions sur chacun des mémoires ou si on peut les entendre tous les trois et poser des questions plus tard. Mais si les membres de la commission sont d'accord, maintenant qu'un des mémoires est lu, celui de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, on pourrait peut-être donner l'occasion aux membres de la commission de poser des questions pour de plus amples précisions.

M. VINCENT: Peut-être que le ministre vient de soulever un point. Comme les trois

mémoires se rejoignent en partie sur certains points, on serait peut-être mieux de les entendre tous, et, par la suite, poser des questions.

LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que les membres de la commission sont d'accord sur cette procédure?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je suis d'accord là-dessus.

LE PRESIDENT (M. Picard): Tout le monde est d'accord sur cette procédure. J'inviterais maintenant le porte-parole de l'Association des marchands de bois à pulpe du Québec, M. L. S. O'Connor.

Association des marchands de bois à pulpe du Québec

M. O'CONNOR: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, il nous fait plaisir de vous transmettre les commentaires de l'Association des marchands de bois à pulpe du Québec concernant... Est-ce que je parle assez fort?

LE PRESIDENT (M. Picard): Oui, M. O'Connor.

M. O'CONNOR: ... le projet de loi no 24. Selon le projet de loi no 24, l'Office des producteurs peut, par règlement, sans qu'il soit nécessaire de référer à ses membres, "statuer sur les conditions de production, conservation, préparation, manutention et déplacement d'un produit commercialisé, sur sa qualité, sa forme et sa composition, son contenant ou l'emballage ainsi que sur les inscriptions ou indications requises sur le produit, le contenant ou l'emballage; prescrire le classement et l'identification du produit, les conditions dans lesquelles ce classement et cette identification doivent se faire et établir à cette fin les classes, catégories et dénominations particulières; contingenter la production et la vente, fixer le temps et le lieu de la mise en marché et prohiber la mise en marché faite à l'encontre d'un règlement adopté en vertu du présent paragraphe; déterminer à quelles conditions un producteur peut mettre en marché un produit commercialisé à l'encon-tre d'un contingent fixé, d'une norme déterminée, du temps et du lieu fixé; déterminer le mode et les conditions de la mise en marché d'un produit commercialisé ou en prohiber la mise en marché autrement que par l'entremise de l'Office de producteurs; obliger le producteur d'un produit commercialisé à le vendre à l'office ou à un agent de vente aux conditions déterminées en vertu de la présente loi et retenir sur la différence entre le prix payé au producteur et le prix de revente obtenu par l'office ou l'agent de vente le paiement des dépenses encourues par cet office ou cet agent pour la mise en marché d'un tel produit."

Ce projet de loi met entre les mains d'un groupe restreint de personnes un instrument extrêmement puissant et par conséquent dangereux, un instrument capable d'éliminer toute concurrence.

Notre gouvernement combat sans cesse les monopoles de vente et nous voici en face d'un projet de loi qui nous donne les moyens nécessaires pour en créer un. Aucun Québécois, et encore moins un étranger, n'investira ses économies dans des entreprises qui pourraient un jour se trouver régies par une telle loi monopolisatrice.

Même si l'exclusivité de la vente des bois à pulpe n'est jamais mise en application, le seul fait de sanctionner une loi pour la rendre possible est suffisant pour empêcher la venue de nouvelles industries. L'exclusivité découragerait les industriels à investir les sommes nécessaires pour se tenir à la page et empêcher que leur commerce ne périclite à plus ou moins brève échéance.

En août 1972, l'honorable Robert Bourassa se préoccupait de l'exode des services des compagnies multinationales installées au Québec. M. Bourassa a besoin de facteurs positifs pour attirer les investisseurs et doit rejeter tout ce qui ne répond pas à ces exigences.

La stabilité et le progrès économique s'obtiennent lorsqu'on a confiance dans le gouvernement et que ce même gouvernement promulgue des lois logiques et favorables à un commerce libre.

Dans le domaine du bois de pulpe, tout en n'ayant pas d'objection à la fixation de prix minima aux abords des chemins pour protéger le producteur, notre association s'est toujours opposée à la loi régissant la mise en marché des bois de pulpe et est absolument contre ce projet de loi no 24 qui contribue davantage à placer l'usine, le producteur et l'acheteur dans une camisole de force.

Le monopole que ce nouveau projet de loi introduit — monopole, qui, d'ailleurs, n'existe nulle part dans le monde libre — entrafnerait un désordre embarrassant pour le gouvernement, car il chambarderait tout le commerce et compromettrait l'approvisionnement de nos usines québécoises en les plongeant dans le chaos.

Nous espérons, M. le Président, que nos commentaires aideront les membres de cette commission dans l'étude de ce projet de loi. Merci.

LE PRESIDENT (M. Picard): Merci, M. O'Connor. J'inviterais maintenant M. Anatole Côté de l'Association des industries forestières du Québec.

Association des industries forestières du Québec

M. COTE: M. le ministre, MM. les députés membres de la commission, avant de procéder à la lecture de notre mémoire, j'aimerais vous

présenter les personnes qui m'accompagnent et qui représentent avec moi l'Association des industries forestières du Québec. A ma gauche, M. A.S. Fleming, vice-président des exploitations forestières de la compagnie Domtar Limitée; â ma droite, M. Louis Létourneau, vice-président des exploitations de la compagnie Donohue; M. Paul-Henri Lachance, directeur des exploitations forestières de la compagnie Price Limitée; M. James J. McLeod, vice-président des exploitations forestières de la compagnie Consolidated Bathurst.

Messieurs, les membres de l'Association des industries forestières du Québec apprécient l'occasion qu'ils ont de se présenter devant la commission parlementaire de l'agriculture et de la colonisation. Le message d'ouverture de la session en cours annonçait que des modifications seraient proposées à la Loi des marchés agricoles, qui permettraient à la fois une action plus directe et plus efficace dans la conquête des marchés existants et la création de nouveaux marchés, en même temps qu'une protection accrue des intérêts du consommateur.

Les compagnies papetières du Québec, membres de l'association, constituent les principaux acheteurs du bois à pâte considéré comme un produit agricole par le bill 24. Elles en sont donc les plus importants consommateurs. Que cette appellation leur soit souvent refusée ne change pas le fait que nos membres achètent un produit brut couvert par la loi pour le transformer en un produit fini qui trouvera preneur sur les marchés mondiaux au grand bénéfice de l'économie du Québec. A ce titre, nos membres se croient justifiés de demander au législateur que la Loi des marchés agricoles soit conçue de façon à ne pas perturber indûment les activités industrielles et commerciales des acheteurs de produits qui y sont assujettis. L'industrie ne s'oppose pas aux plans conjoints et à la possibilité qu'ils offrent aux producteurs agricoles de négocier collectivement les conditions de mise en marché de leurs produits. Néanmoins, nos membres trouvent étrange de voir une loi qui se veut équitable n'accorder que des privilèges aux plans conjoints et des obligations seulement aux consommateurs.

Nous n'avons pas l'intention de nous engager dans une revue détaillée de tous les aspects du bill no 24, qui nous inquiètent. Il en est un, toutefois, dont les conséquences ont une telle portée pour l'industrie forestière que nous limiterons surtout ce bref mémoire à vous en exposer les points saillants. Il s'agit d'une modalité de mise en marché prévue par la loi, soit l'exclusivité de la vente du produit visé par un organisme de producteurs. Même si la Loi des marchés agricoles a contribué à restreindre les activités nécessaires à l'approvisionnement des usines, elle n'a pas éliminé entièrement les possibilités d'adaptation. L'exclusivité de la vente va sûrement y réussir en établissant un monopole absolu qui éliminera les marchands de bois et autres agents des acheteurs, ainsi que toute possibilité de contact entre le producteur et les usines consommatrices.

Les usines de pâtes et papiers du Québec ont créé le principal marché des bois à pâte produits sur les terrains privés au Québec grâce à leur utilisation de bois provenant de sources variées comme matière première. Environ 20 p.c. des volumes de bois rond nécessaires sont achetés principalement des producteurs de bois, propriétaires de forêts privées. Le pourcentage utilisé varie selon les usines, mais il peut atteindre un niveau très élevé pour certaines d'entre elles. Cette source d'approvisionnement, pour l'ensemble des usines, est tellement importante qu'il est difficile à longue échéance et impossible à court terme de la remplacer. Ces difficultés se présentent quand la production des boisés privés est plus faible que prévue ou lorsque les prix demandés ne tiennent pas compte des réalités du marché et atteignent un niveau trop élevé pour être acceptables. La plupart des bois en provenance des terrains privés sont mis en marché par les plans conjoints sous l'empire de la Loi des marchés agricoles.

Les usines de pâtes et papiers sont tenues de négocier une convention de mise en marché avec les plans conjoints et de se soumettre à la conciliation et à des conditions fixées par arbitrage, si les deux premières étapes sont infructueuses. Rien n'oblige le producteur à livrer le bois en cause mais, si les usines de sciage refusent de l'acheter parce que les conditions fixées par arbitrage sont inacceptables, les plans conjoints ou la Régie des marchés agricoles peuvent demander au ministère des Terres et Forêts d'invoquer la loi Arsenault pour les forcer à acheter malgré eux. La présence de cette loi dans les statuts fausse les négociations.

Elle a pour effet de rendre les plans conjoints trop exigeants dans leur demande, les acheteurs hésitant à refuser d'accepter les sentences arbitrales accordant des prix trop élevés, et la régie confiante que ses sentences peuvent être contraignantes grâce à une demande d'application de cette loi. Le seul avantage que possède l'acheteur dans le système actuel suite à la signature d'une convention de mise en marché avec le plan conjoint est de confier l'achat auprès du producteur à des gens motivés, marchands de bois ou acheteurs locaux qui assument la responsabilité de se procurer et de livrer le bois à l'usine qui a retenu leurs services.

La loi actuelle permet aux plans conjoints de retirer aux usines de sciage consommatrices ce choix essentiel dans le mode d'achat, en demandant l'exclusivité de la mise en marché. En pratique, très peu de plans conjoints se sont rendus jusque là, à cause des difficultés et des formalités que cela comportait. Le bill no 24 va cependant rendre facile l'obtention de ce pouvoir en donnant aux plans conjoints le droit d'obliger le producteur à ne vendre qu'à eux seulement.

A toutes fins pratiques, les offices de pro-

ducteurs, dont plusieurs considèrent l'exclusivité comme une panacée, obtiendront ce pouvoir d'exclusivité par simple règlement des administrateurs, sans se référer à leurs membres. Les plans conjoints désirent garder le droit de vendre leur bois aux plus offrants. En période de fortes demandes comme celles que nous traversons actuellement, le bois des forêts privées se dirige de façon beaucoup plus marquée vers les usines de sciage et même vers les Etats-Unis.

Lorsque les marchés sont à la baisse, les plans conjoints exigent, comme nous l'avons dit précédemment, que les usines de pâtes et papiers soient leur client de façon obligatoire. En ajoutant à cette contrainte l'exclusivité de la vente, ils enlèvent à l'usine la possibilité d'exercer une responsabilité primordiale qui consiste à assurer son alimentation en matière première. Les plans conjoints veulent écarter toute concurrence en se substituant aux marchands de bois et en éloignant les compagnies des producteurs. Ils créeront ainsi un monopole du marché des bois à pâte en provenance des forêts privées que la centralisation des plans conjoints autorisée par la loi ne fera que renforcer.

L'exclusivité n'assurera en aucune façon que les bois vendus seront produits. Tout en donnant des pouvoirs excessifs aux plans conjoints, l'exclusivité n'augmentera pas leurs responsabilités s'ils manquent à leurs obligations. Enfin, l'exclusivité, en éliminant la concurrence, mènera fatalement à l'inefficacité de l'organisme qui en jouira. Elle créera aussi le chaos dans le présent système qui réagit avec une certaine flexibilité à l'avantage des producteurs de bois aux conditions critiques de la période que nous traversons.

Les plans conjoints recherchent l'exclusivité tout simplement parce qu'ils ne veulent pas subir la concurrence des marchands de bois ou de tout autre acheteur quand ils désirent agir au même titre auprès de leurs membres. Nous croyons qu'en possédant le pouvoir d'exiger que tout acheteur soit licencié par la régie et négocie au préalable une convention de mise en marché avec eux, les plans conjoints ont suffisamment d'exclusivité pour réaliser leurs objectifs, si leurs membres collaborent avec eux. L'industrie ne s'oppose pas à ce que les plans conjoints s'engagent dans la vente en concurrence avec d'autres, comme ils le font actuellement. Ce à quoi les usines de sciage s'opposent à titre de clientes est de se voir refuser le choix d'acheter, soit des plans conjoints si les circonstances s'y prêtent, soit des producteurs eux-mêmes par l'entremise de marchands de bois ou d'acheteurs, lorsque ce mode d'achat offre de meilleures garanties pour l'approvisionnement des usines.

Notre opposition à l'exclusivité de la vente n'est pas l'effet d'un simple caprice. L'industrie forestière est d'une importance majeure pour l'économie de la province et son approvisionnement en matières premières ne peut se réaliser, en tenant compte des conditions du marché des pâtes et papiers, que si on lui accorde la flexibilité nécessaire pour mener à bien cette entreprise. Certaines de nos compagnies membres requièrent, sous une forme ou sous une autre, un million de cordes de bois et plus par année pour alimenter leurs usines de sciage.

De tels volumes ne s'obtiennent en temps opportun, à des prix acceptables et en essences désirées, tout en tenant compte de variations possibles dans les quantités, que si les responsables de l'approvisionnement possèdent une grande liberté d'action. Ils doivent faire concurrence à leurs voisins, trouver ailleurs des bois qu'ils ont perdus à d'autres endroits, accélérer ou ralentir les livraisons, etc.

L'exclusivité, avec la rigidité et le contrôle unilatéral qu'elle veut imposer, n'a pas sa place dans ce genre d'activité.

Le pouvoir excessif de fermer les usines que l'exclusivité par surcroit va donner aux plans conjoints, est inacceptable par l'industrie. A l'exercice de ce pouvoir, il ne correspond aucune responsabilité de ses conséquences extrêmement sérieuses, tant pour nos membres que pour la collectivité québécoise.

Nous désirons remercier le président et les membres de la commission parlementaire de l'agriculture et de la colonisation pour l'occasion qu'ils nous donnent aujourd'hui de leur faire part des vues de nos membres sur un aspect vital de la Loi des marchés agricoles. Nous espérons que vous voudrez bien poursuivre votre étude du bill no 24 en tenant compte des considérations sur l'exclusivité de la mise en marché que nous avons tenté de faire ressortir dans ce mémoire.

Merci, messieurs.

LE PRESIDENT (M. Picard): Merci, M. Côté. Est-ce que les autres membres de votre association qui vous accompagnent ont des commentaires à faire? M. Fleming? M. Létour-neau?

M. COTE: Non, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Picard): Je cède la parole à l'honorable ministre.

M. TOUPIN: M. le Président, je voudrais remercier, bien sûr, ceux qui ont pris le temps de préparer ces mémoires et de donner leur point de vue concernant le projet de loi no 24 sur la commercialisation des produits de l'agriculture, notamment l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec ainsi que l'Association des marchands de bois et l'Association des industries forestières du Québec Limitée.

Les mémoires comportent plusieurs suggestions, tout au moins un des mémoires qui traite de cinq ou six articles en même temps, mais un aspect, de façon générale, retient mon attention. C'est que tous les mémoires ont fait porter

leur action sur ce que l'on pourrait appeler ces agences de vente ou encore la possibilité pour les plans conjoints d'organiser la vente en commun des produits de leurs membres.

La loi, avant que nous proposions ces amendements, prévoyait que les producteurs pouvaient organiser la mise en marché en commun de leurs produits. Ces amendements que nous proposons précisent, tout compte fait, un peu plus ces modes d'intervention des producteurs dans la mise en vente en commun d'un produit donné.

Néanmoins, nous avons prévu des amendements, et je pensais, bien sûr, que les associations qui ont pris la parole ce matin, allaient en faire mention... La loi précise, dis-je, que la Régie des marchés agricoles du Québec a plus de pouvoirs à compter de ces amendements qu'elle en avait ou qu'elle en a présentement avec la loi qui est appliquée comme telle.

Actuellement, la régie ne peut, en aucune circonstance, amender un règlement de son propre chef, mais avec les amendements que nous proposons, nous donnons à la régie, à ce chapitre, un peu plus de latitude, un peu plus de place pour qu'elle puisse soit amender des règlements si elle le juge nécessaire ou même mettre fin à un règlement si elle le juge nécessaire, dans l'optique que cela ne correspond pas au bien commun en général.

Nous avons renforcé la loi, sans doute, avec ces amendements, en ce qui concerne les agences de vente, mais nous avons atténué un peu leur action en donnant à la régie un peu plus de pouvoirs.

Je ne voudrais pas m'attarder plus longtemps sur le contenu des mémoires; je serais plutôt intéressé à poser des questions à ceux qui ont présenté des mémoires, pour avoir plus de précisions.

Je vais poser la première question et elle s'adresse au fond à tous ceux qui sont ici présents. J'en aurais deux. La première est la suivante: A venir jusqu'à maintenant, est-ce que la formule des plans conjoints, dans le domaine de l'approvisionnement des usines, a constitué un handicap véritable, c'est-à-dire, est-ce qu'elle a empêché, tout compte fait, des usines ou des moulins à avoir accès aux matières premières dont ils avaient besoin pour faire fonctionner l'entreprise?

C'est la première question que je poserais. Quant à la seconde, j'aimerais avoir l'opinion assez claire — un mémoire en tout cas le mentionne — des deux autres organismes sur l'opportunité ou non que le bois continue à être régi par la loi de mise en marché. Les organismes présents verraient d'un meilleur oeil qu'un organisme particulier, spécial, adapté essentiellement au secteur forestier soit mis en place avec à peu près les mêmes pouvoirs que nous retrouvons actuellement dans la mise en marché?

M. le Président, j'aimerais, si possible, qu'on tente de me donner des réponses à ces deux questions posées.

LE PRESIDENT (M. Picard): Etant donné que l'honorable ministre n'a pas posé la question à une personne en particulier, les personnes qui voudront répondre devront s'identifier pour les fins du journal des Débats.

M. COTE: Anatole Côté. M. le ministre, nous croyons en principe que les relations commerciales entre les producteurs de bois, leurs organismes et l'industrie doivent être régies par la loi de l'offre et la demande, mais nous sommes assez réalistes pour constater que certaines lois sont intervenues et nous croyons que la Loi des marchés agricoles a sa place dans la réglementation de la mise en marché de ce qui est considéré comme un produit agricole. Nous croyons que les Terres et Forêts ont aussi leur place, en établissant certaines normes, certains règlements qui poussent les producteurs de bois à maintenir leurs lots boisés en état de productivité optimum, au grand bénéfice de tous les citoyens de la province.

M. TOUPIN: J'aimerais, M. Côté, que vous m'apportiez une précision, et c'est extrêmement important pour moi. Je n'ai pas besoin de vous dire que le ministère des Terres et Forêts, actuellement, collabore très étroitement avec la Régie des marchés agricoles, comme avec le ministère de l'Agriculture concernant la mise en marché des produits agricoles et plus particulièrement la forêt. Est-ce que ce mode de commercialisation a, jusqu'à un certain point, empêché les entreprises de fonctionner normalement? Est-ce que, par exemple, parce qu'il existait des plans conjoints, les entreprises ont été privées de l'approvisionnement nécessaire à leur bon fonctionnement?

M. COTE: Je crois, M. le ministre, que l'effet de la Loi des marchés agricoles sur le commerce des bois à pâte a été nocif seulement lorsque la coercition est entrée en ligne de compte. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, la formation et la mise en application de plans conjoints ne nous fait pas peur. Nous avons vécu avec ces négociations, ces conventions de mise en marché. C'est seulement quand les choses se corsent, quand doivent entrer en ligne de compte les mécanismes qui régissent le commerce, en somme, que nous avons des problèmes.

M. TOUPIN: Alors, vous faites plutôt allusion à la loi Arsenault, comme vous le dites, qu'aux plans conjoints, lorsque vous parlez de contrainte forte?

M. COTE: II y aurait peut-être lieu d'ajouter, M. le ministre, la question de sentences arbitrales; nous croyons qu'il serait bon que la Régie des marchés agricoles puisse disposer d'un personnel plus considérable, avoir accès à des experts en questions de marché, de prix du bois ailleurs, chez nos concurrents, ainsi de suite.

M. TOUPIN : Sur ce dernier chapitre, je pense que votre suggestion serait à retenir. D'ailleurs, on en a discuté à plusieurs reprises, la Régie des marchés agricoles du Québec et le ministère, ainsi qu'avec le ministère des Terres et Forêts et nous en sommes venus à la conclusion qu'il y aurait avantage à donner à la Régie des marchés agricoles du Québec un peu plus de moyens pour qu'elle puisse être toujours plus en mesure de poser des gestes plus constructifs dans la perspective toujours de l'équité.

LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

M. CARETTE: Jacques Carette de l'Association des manufacturiers de bois de sciage.

En ce qui concerne notre position vis-à-vis de l'appartenance du bois des terrains privés soit au ministère de l'Agriculture ou celui des Terres et Forêts, je pense que notre mémoire est assez précis. Le bois est une matière, selon nous, qui relève du ministère des Terres et Forêts, du moins la planification de l'approvisionnement ainsi que tout le côté sylvicole de la forêt. Demeure la question de vente de ce bois, qui relève de la Régie des marchés agricoles pour le moment. C'est conciliable jusqu'à un certain point, mais si le ministère des Terres et Forêts se rend jusqu'à son point de plan d'allocation des forêts privées ainsi que des forêts publiques afin d'approvisionner toutes les usines de sciage ainsi que des autres usines de pâte et papier de déroulage, il peut y avoir alors certains conflits au niveau juridictionnel, surtout lorsque des usines vont se voir attribuer certaines quantités de bois X venant de différentes sources. Il n'y a rien qui garantit que la même coopération va exister entre le ministère des Terres et Forêts, la Régie des marchés agricoles et le ministère de l'Agriculture. Cela fait beaucoup d'organismes impliqués pour une question d'approvisionnement pur et simple.

En ce qui concerne la question de quantité de bois, savoir si les plans conjoints ont privé ou non l'industrie du sciage pour le moment, c'est extrêmement difficile à dire quant à nous, parce que les plans conjoints, à toutes fins pratiques, ne se sont préoccupés du bois de sciage que depuis l'année 1971 ou fin 1970. Avant ça, les plans conjoints ont peu ou très peu négocié le bois de sciage. Les premières conventions dans l'industrie du bois de sciage, les premières conventions de mise en marché homologuées par la régie et tout, ont eu lieu vers 1972. Donc, c'est assez difficile, de notre part, de dire si cela fut bon ou non. Naturellement, si on se fie à la dernière année, le marché du bois de sciage avait une assez bonne allure. Les gens ont pu payer des prix un peu plus élevés. A ce moment-là, on a eu du bois.

Je remarque ce que M. Côté disait tout à l'heure. Généralement en période de pénurie ou en période de marché de sciage plus restreint, les gens s'en allaient plutôt du côté des pâtes et papiers. Présentement, ils se dirigent du côté du sciage. Mais il n'y a absolument rien — et d'ailleurs on a déjà eu des tentatives avec les offices — qui nous garantit une certaine forme d'approvisionnement à long terme avec les plans conjoints. C'est une tentative qu'on a déjà faite pour avoir les approvisionnements sur plusieurs années. C'est une chose qu'on n'a pas eu l'occasion de faire avec eux pour le moment.

M. TOUPIN : Au fond, l'expérience, quant à vous, du secteur du sciage n'est pas suffisamment concluante pour que vous puissiez affirmer si ça peut être nocif ou non au niveau de l'approvisionnement. Cependant, vous verriez d'un meilleur oeil que les négociations s'échelonnent sur plus d'une année, que vous fixiez peut-être des objectifs à long terme à cause du marché du bois de construction — ou tout au moins de ces matières — qui, lui, fluctue assez souvent au cours des années, par exemple, où vos approvisionnements peuvent être de 10 millions ou 15 millions de p.m.p. et, l'année suivante, 6 millions ou 7 millions pourraient être suffisants, ou encore 14 millions ou 15 millions. Vous verriez plutôt que les producteurs, dans le cadre des offices regardent dans une perspective à plus long terme.

M. CARETTE: Exactement, si on partait du principe qu'on travaille à l'intérieur d'une loi des marchés agricoles, il faudrait nécessairement qu'on puisse pratiquer un peu plus une planification au niveau des approvisionnements.

Seulement un autre petit point concernant les agences de vente. Dans l'industrie des sciages actuellement, il n'y a aucun, du moins presque pas d'intermédiaires. Est-ce qu'on a déjà mentionné le nom d'intermédiaire? Nous croyons pour le moment qu'imposer des agences de vente dans le bois de sciage est tout simplement créer un intermédiaire qui, lui, va avoir à prendre son bénéfice. Naturellement, il va falloir qu'il le prenne soit sur le dos des manufacturiers, soit sur le dos des producteurs.

M. TOUPIN : Présentement, quand vous dites que vous n'avez pas ou peu d'intermédiaires, c'est que vous achetez directement du producteur?

M. CARETTE: Disons que 90 p.c. à 95 p.c. des achats se font directement du producteur.

M. TOUPIN: Du producteur à l'entreprise dans le domaine du sciage.

M. CARETTE: A l'entreprise, parce que la structure de l'industrie du sciage est assez différente de ce qu'on peut retrouver des pâtes et papiers. Il y a environ 56 usines de pâtes et papiers dans la province et il y a au-delà de 600 usines de sciage. Comme on le dit des fois, dans chaque village, il y a un clocher et une fumée et généralement c'est le moulin à scie et l'église.

M. TOUPIN : Est-ce que les représentants qui font partie des entreprises des pâtes et papiers croient que les producteurs ont raison lorsqu'ils pensent qu'ils doivent, par l'intermédiaire d'agence de vente ou de mise en marché commun, chercher à remplacer les agents actuels ou les intermédiaires actuels, les acheteurs de bois, les premiers acheteurs? Est-ce qu'il y a inconvénient à ce que vous fassiez plus affaires ou autant affaires avec un office de producteurs qui a un mécanisme de vente en commun plutôt que de continuer à travailler avec ceux qui sont déjà sur le territoire, ce que l'on appelle les acheteurs?

M. LETOURNEAU: On peut vous citer le cas de l'expérience de la compagnie Donahue dans le comté de Charlevoix, qui, depuis 1970, jouit d'un contrat préférentiel concernant les bois produits par 1,200 producteurs du comté. Ces gens avaient l'habitude de produire quelque 30,000 cordes de bois par année qui étaient acheminées à l'usine de Clermont et, depuis qu'ils ont un contrat préférentiel, ces quantités ont graduellement diminué jusqu'à 10,000 cordes cette année. Alors, on a éliminé la concurrence des acheteurs, mais automatiquement, il y a plus de stimulus à l'intérieur du comté et la production a graduellement diminué.

M. TOUPIN : Vous êtes porté, en principe — je ne dis pas de façon absolue — à attribuer cette diminution de production à cette organisation qui veut que la vente se fasse en commun ou tout au moins que préférence lui soit donnée, d'une part.

M. LETOURNEAU: Actuellement, M. le ministre, s'il y avait des acheteurs intermédiaires, il y aurait des contacts qui se feraient au niveau des producteurs et les cultivateurs, leurs enfants, les membres de leur famille seraient beaucoup plus portés à une production qui aiderait l'usine de Clermont qu'à celle que le système actuel favorise. L'élimination de la concurrence a été néfaste.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Lotbinière.

M. BELAND: Premièrement, avant de poser une question...

M. VINCENT: C'est une sous-question?

M. BELAND: Oui.

M. VINCENT: Ah! Une sous-question.

M. BELAND: Oui. ...directe, je ferai l'observation suivante, à savoir que je pense que cela serait mieux justement que tous ceux ici qui ont des sous-questions à poser, suite aux questions que monsieur le ministre veut bien poser... Je pense que cela serait logique d'y aller immédiatement. J'en émets le voeu parce qu'on a apporté tantôt des réponses à certaines questions et pour ma part — et je ne suis certainement pas le seul — on aurait eu des sous-questions à ce sujet. Je veux bien que le ministre pose toutes les questions qu'il veut, mais cependant, on aurait certainement des sous-questions qui seraient nécessaires au fur et à mesure, autrement cela va être un brasse-camarade tantôt. On ne se comprendra pas.

LE PRESIDENT (M. Picard): Aucune objection à procéder de cette façon. Vous avez une sous-question?

M. BELAND: Ma question s'adresse, non pas au dernier, mais à l'avant-dernier qui a répondu, concernant le refus catégorique d'accepter qu'il y ait à un certain moment une agence de vente ou que quelqu'un serve comme agence de vente ou d'organisme quelconque pour remplacer ce qui a existé à venir jusqu'à maintenant.

Pour ce qui est du domaine des bois de sciage, cela représente un aspect différent. J'en arrive à la question. Pour ce qui concerne le bois de pulpe, c'est tout autre chose. Alors, il faut le traiter, à mon sens, sur un palier différent. Pour ce qui est du bois de pulpe, je pense que c'est M. Côté qui a répondu à une question, à savoir qu'il faudrait revenir à la loi de l'offre et de la demande, pour employer l'expression exacte.

M. Côté, désirez-vous revenir au temps où, à l'automne, il y avait des acheteurs qui passaient dans les campagnes — chez moi comme ailleurs, parce que je suis un producteur sylvicole — pour offrir environ $20 la corde, soi-disant le printemps suivant, mais, lorsqu'on arrivait au printemps suivant, c'était environ $10 ou $12 la corde? Alors, le cultivateur ou le producteur sylvicole se faisait prendre à tout coup. C'est entendu qu'il y a eu de l'excès dans ce sens-là. Je ne généraliserai pas, parce qu'il y avait également des acheteurs sérieux, honnêtes. Il y en avait qui l'étaient pas mal moins et j'ai été un de ceux qui se sont fait prendre, à un moment donné.

M. TOUPIN: Comme producteur ou comme vendeur?

M. BELAND: Comme vendeur. Je dois préciser, M. le ministre, même à l'approche des élections, que c'était toujours comme vendeur. Je commençais dans ce domaine-là avec ma ferme sylvicole et on m'avait dit: Le printemps prochain, le bois va être cher. Cela, c'était la leçon courante. Mais, quand arrivait le printemps: II y en a beaucoup qui ont fait du bois et, maintenant, il est bon marché.

M. DEMERS: Le bois dégelait.

M. BELAND: Le bois dégelait ou je ne sais pas ce qui se passait. De toute façon, c'était une chute dans les prix offerts et ce n'était pas

parce que les compagnies le payaient meilleur marché. Non. Mais il y avait l'intermédiaire qui se gavait passablement fort, dans certains cas.

Or, M. Côté, est-ce que vous désirez que nous retournions à ce stade ou s'il ne faudrait pas réellement une agence de vente bien constituée, de façon objective, de façon à sauvegarder les droits de chacun? Est-ce que vous auriez quelque chose de précis à suggérer, étant donné que vous rejetez l'agence de vente? Comme tout outil peut se perfectionner, vous auriez certainement quelque chose à suggérer. Personnellement, j'en serais très heureux. Vous éclaireriez probablement la commission, à ce moment-là. Pour ce qui est de retourner d'une façon draconienne à la loi de l'offre et de la demande qu'on a connue dans le passé, je pense que vous même n'êtes pas d'accord.

M. COTE: M. Béland, si vous me le permettez, ce n'est pas ce que je voulais dire. Si vous vous en souvenez, dans notre mémoire, nous disons clairement que l'industrie n'a rien contre les plans conjoints et contre la possibilité qu'ils offrent aux producteurs de négocier le prix minimum de leur produit et de signer des conventions de mise en marché qui établissent ce prix minimum. A la suite de cela, ce que nous voulons, c'est avoir la possibilité d'acheter ce bois à partir de ce prix minimum et, si les circonstances s'y prêtent comme cette année, de payer plus que le minimum. En somme, ce que nous voulons, c'est la concurrence. Nous n'avons rien, non plus, contre un organisme de mise en marché ou contre une agence de vente, pour autant qu'elle fera concurrence à d'autres qui voudront se lancer dans le même commerce ou qui voudront y demeurer, comme c'est le cas pour les marchands de bois qui sont ici ce matin. Nous croyons que cette concurrence est bonne surtout pour les producteurs. Elle est bonne pour nous parce qu'elle nous permet, si l'agence de vente dont on parle ne fait pas ce qu'elle devrait faire, de nous tourner vers d'autres qui rencontreront les producteurs qui verront à stimuler la production, à leur payer les prix qui les inciteront à produire. C'est aussi simple que cela.

M. BELAND: Vous apportez des éléments nouveaux. Comme sous-question, qui serait chargé de fixer le prix minimum? Selon ce que vous disiez auparavant, il y a quelques minutes déjà, les offices de producteurs, ce sont des organismes qui devraient rester à part et peut-être... Enfin, je ne sais pas, c'est resté vague. Il faut que quelqu'un fixe, à un moment donné, un prix minimum pour qu'il y en ait un. Or, est-ce que ce serait le gouvernement? Je ne sais pas, mais vous avez certainement une suggestion.

M. COTE: M. Béland, comme cela se fait actuellement, le plan conjoint négocie avec l'acheteur. Si la négociation n'aboutit pas, il y a une conciliation et, ensuite, c'est l'arbitrage. Alors, le prix minimum est fixé. Il s'agit maintenant d'acheter le bois, parce que c'est tout simplement une convention de mise en marché.

C'est une intention, ni plus ni moins, d'acheter une quantité donnée à tel prix minimum. Mais il y a encore du travail à faire avant que le bois soit produit et qu'il soit livré aux usines consommatrices. C'est là qu'entre en ligne de compte les marchands de bois qui sont ici présents. Ou encore des agents des compagnies qui achètent directement du producteur, comme le dit M. Carette, ou encore peut-être une agence de vente des producteurs. Mais ce que nous ne voulons pas, c'est que cette agence de vente exclue, écarte tout autre acheteur. C'est ce que la loi veut leur accorder.

M. BELAND: J'aurais une autre question. En somme, dans le mémoire no 3, à la page 3...

LE PRESIDENT (M. Picard): Je dirais à l'honorable député de Lotbinière que l'honorable ministre, avant de changer de sujet, aurait une question à poser là-dessus.

M. TOUPIN : Vous soutenez que vous n'avez rien contre les agences de vente. Remarquez bien que ce que j'essaie d'avoir personnellement, ce sont des précisions du côté des acheteurs tout autant que du côté des producteurs. Je déplore personnellement que ce matin les producteurs ne soient pas représentés. Probablement qu'on pourrait connaître leur point de vue. Du reste, j'aimerais connaître le vôtre. Vous parlez d'une agence de vente et vous parlez en même temps de la concurrence. Vous ne voyez pas d'inconvénient à retrouver sur un même territoire, dans cette théorie, un acheteur ou des groupes d'acheteurs privés avec lesquels vous pourriez négocier et une agence de vente, par ailleurs, qui, elle aussi, pourrait négocier de telle sorte que ça vous placerait dans une situation plus favorable et que vous éviteriez ainsi les contraintes dont vous parliez tantôt. C'est un peu l'idée fondamentale de votre intervention. Dans ce cadre, j'aimerais connaître un peu votre opinion. Comment alors serait-il possible aux producteurs de négocier des ententes fermes collectivement et comment vous serait-il possible de négocier en même temps des ententes fermes avec deux groupes dans une même région? A ce moment-là, vous favorisez la négociation entre les deux groupes plutôt que la négociation entre vous et un groupe en particulier ou les deux groupes à la fois.

M. COTE: M. le ministre, la loi permet et donne le droit aux plans conjoints d'obliger tout acheteur éventuel de négocier une convention de mise en marché. Mais c'est entièrement théorique, la convention est signée. D'une région donnée, elle dit qu'il se produira 10,000 cordes de bois et que le prix minimum qui se

paiera sera de $25 ou $29. A partir de ce moment, il faut s'assurer que le bois sera produit. Au moment de la signature de cette convention, le bois n'est pas produit encore. C'est là que nous croyons que les plans conjoints ne devraient pas être les seuls, par la suite, à voir à la production du bois et à sa livraison à une usine. Nous croyons que c'est là qu'il y a place pour la concurrence. Il devrait y avoir plusieurs personnes, soit une agence de vente, s'ils le veulent. Même les marchands de bois qui sont ici leur ont déjà offert de leur faire concurrence. Ils ne veulent pas de concurrence, c'est là qu'est le problème.

M. TOUPIN: D'accord. Merci. Il y a un monsieur qui voudrait intervenir.

M. O'CONNOR: M. O'Connor, de l'Association des marchands de bois. Le but premier dans tout ça — je vais me tenir levé parce que je suis loin du micro — est de protéger le producteur. Comme on le mentionnait dans notre rapport nous n'avons pas d'objection à des prix minimums au bord du chemin. A ce moment, le producteur est protégé. Etant protégé, pourquoi aller plus loin, plus loin et plus loin pour s'assurer de quoi? On veut s'assurer que le producteur ait ses dus, que l'on ne profite pas de sa position, comme le mentionnait M. le député, tout à l'heure, qu'on vienne et qu'on prenne avantage qu'à un moment où il a besoin d'argent on va lui offrir, ce qui s'est peut-être fait par certaines gens qui n'étaient pas très corrects, comme je pourrais dire. Alors, aujourd'hui, le producteur est protégé.

Pourquoi avec des négociations, avoir un rouage si compliqué pour se rendre au moulin? Pourquoi ne pas s'en tenir au bord du chemin? Maintenant, on va apporter l'objection: Bien voici, tout le bois proche sera consommé et sera coupé plus vite et va coûter meilleur marché, et puis le bois des endroits éloignés sera celui qu'on ne pourra pas vendre.

Je crois que sur le plan de l'approvisionnement dans l'ensemble de l'industrie... Vous avez une compagnie X qui doit s'approvisionner peut-être à 80 p.c. sur des concessions, sur des territoires privés et peut-être acheter une proportion de bois plus ou moins grande, dépendant de l'endroit de son usine. Alors elle doit elle, planifier son approvisionnement, non seulement sur dix ans, mais elle doit s'approvisionner suivant la rotation de la forêt, c'est-à-dire pour la période de temps qu'elle prend pour croître, si vous voulez.

Alors dans tout son approvisionnement, elle doit également tenir compte du bois qui est disponible ou qui peut être disponible à chaque année, suivant la fluctuation qu'on lui connaît, faite par les producteurs. Alors il me semble qu'avec toute cette complication, négociations au moulin... Vous avez les camionneurs qui sont coincés entre cette chose. Il y a des prix fixés au moulin, des prix fixés au bord du chemin.

Alors les camionneurs, eux, disent: On n'a pas d'augmentation, nous. L'augmentation va aux producteurs.

Alors pourquoi ne pas laisser toute l'affaire libre, au bord du chemin et de là suive la libre concurrence? Les acheteurs de bois n'ont pas d'objection à ce qu'un plan conjoint, par exemple, ou un syndicat s'organise pour acheter du bois, pas du tout. Nous sommes prêts à faire face à la concurrence de qui que ce soit, mais seulement nous voulons avoir les mains libres, être capables d'exercer un commerce libre, et puis, si une industrie préfère acheter de A au lieu de B, elle est complètement libre de le faire. Alors j'ai pensé de rajouter...

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Lotbinière sur le même sujet.

M. BELAND: M. le Président, justement, quant à ce qui a trait au contingentement, vous avez fait allusion à des faits, qui enfin existent réellement, mais seulement je rapprocherai votre intervention de celle que votre voisin de chaise a faite tout à l'heure et je dirai tout simplement: Présentement nous vivons dans une période de transition et cette période pour ce qui concerne d'une part les acheteurs que nous avons connus dans le passé, qui étaient certainement des stimulants pour qu'il y ait de la coupe de bois intensive, et que d'autre part, présentement avec tout le mécanisme des offices de producteurs, peut-être que ç'a été laissé un peu trop de côté, cet élément de stimulation. Mais pour ne pas répéter ce que les agriculteurs ont été obligés de vivre — je dirai les propriétaires de nos boisés — dans la province de Québec, en 1970, alors qu'ils sont restés pour plusieurs, avec leur bois dans leur cours, qui a pourri là...

C'est bien entendu que, sur le plan provincial, il doit y avoir un organisme quelconque, peu importe l'appellation un organisme quelconque qui voit à tenir compte des possibilités d'approvisionnement — et là je rejoins votre voisin qui vient de parler — compte tenu des possibilités de croissance, etc.

Moi-même, je n'en fais pas de coupe à blanc, mais dans le passé, il y en avait beaucoup de coupes à blanc. Il y a des endroits où ça en prend, mais seulement cet élément à l'effet, par exemple, de tenir compte de la possibilité de production et également de croissance etc. C'est un élément très important, mais qui peut enfin contrôler jusqu'à un certain point ce niveau, afin de faire en sorte qu'il y ait une continuité pour les usines de s'approvisionner...

M. LAGUEUX: M. le député de Lotbinière, je regrette infiniment, mais on ne s'est jamais opposé, l'industrie ne s'oppose pas — Charles Lagueux, de l'Association des marchands de bois à pulpe, ex-président de l'Association.

On n'a jamais eu d'objection à acheter, en premier lieu, le bois des cultivateurs. Cette

année, l'année que l'on vient de finir, le ministre a tout à l'heure posé la question, avec l'installation des plans conjoints: Les usines ont-elles manqué de matière première? Je vous dirais ceci: N'eût été des courtiers, les usines auraient manqué de matière au printemps 1973.

M. BELAND: Ce que vous apportez là, c'est une vérité, mais demi-vérité, parce qu'il y a également tous les programmes gouvernementaux qui font en sorte que beaucoup d'agriculteurs vont à la classe l'hiver au lieu d'être dans le bois.

M. LAGUEUX: Cela n'a pas d'importance.

M. DEMERS: Ils aiment mieux étudier que bûcher.

M. LAGUEUX: Pardon?

M DEMERS: Si les agriculteurs aiment mieux étudier que bûcher, c'est leur affaire.

M. LAGUEUX: Oui, mais si, par exemple, nous autres, on est capable de diriger les gens vers... leur montrer de quelle façon on bûche du bois et, en fin de compte, si on a prouvé, jusqu'à maintenant, que l'on a empêché certaines usines de fermer, ne croyez-vous pas que c'est un certain élément en notre faveur? Si vous enlevez tout l'élément de concurrence, alors on va tous s'en revenir chez nous.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Saint-Maurice, sur la même question.

M. DEMERS: M. le Président, je voudrais demander à un des trois qui ont présenté le mémoire: Quelle est la proportion — parce que je voudrais en venir à faire définir ce qu'est le bois comme produit agricole — du bois qui est produit sur les boisés de ferme? Est-ce que l'on a cela? Est-ce que vous avez cela, en donnant les statistiques?

M. COTE: Nous avons déjà fait ce calcul, M. le député, et le bois produit véritablement sur des boisés de ferme était environ de 7 p.c. à 10 p.c.

M. DEMERS: Bon. Dans ce cas, pourquoi faire réglementer par un Office de produits agricoles seulement 7 p.c. de la production? Le restant reste dans le commerce.

Etes-vous d'avis que cela doit être réglementé par l'Office des marchés agricoles? S'il y a seulement 7 p.c. qui sont des produits agricoles sur le marché du bois... Parce que tantôt, je pense que la première personne qui a soutenu le premier mémoire que nous avons eu s'opposait à ce que cela soit réglementé et que cela relève du ministère de l'Agriculture, alors qu'il voudrait que ce soit le ministère des Terres et Forêts qui s'occupe de ses oignons.

M. COTE: Le problème que cela soulève, M. le député... C'est une suggestion qui a son mérite et même, il y a quelques années, l'association que je représente avait proposé d'agir dans ce sens, mais il y a un problème qui est de faire la différence entre ce bois qui est produit effectivement dans des boisés de ferme et celui qui ne l'est pas. Parce que vous n'êtes pas sans savoir qu'aujourd'hui, ceux qui profitent de la Loi des marchés agricoles comprennent des gens qui sont réellement des commerçants, des industriels. Il y en a qui possèdent des territoires assez grands pour être qualifiés d'industriels. Alors, les gens, les véritables producteurs agricoles, je dirais qu'ils sont en minorité.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Huntingdon. Voulez-vous approcher le micro, s'il vous plait?

M. FRASER: M. Côté a mentionné la concurrence, et je crois qu'un autre a mentionné le manque, la baisse dans la coupe de bois à Charlevoix de 30,000 cordes à 10,000 cordes, mais la concurrence, dans le prix du bois, ce n'était peut-être pas assez payant pour convaincre les gens d'aller en forêt couper du bois. N'est-ce pas cela?

M. LETOURNEAU: M. le député, je dois vous souligner que les prix payés dans la province de Québec sont les plus hauts dans les comtés de Montmorency et Charlevoix.

M. FRASER: Oui, mais quand même, des gens peuvent gagner plus dans l'industrie de la construction ou à Québec, ici, que d'aller dans la forêt dans Charlevoix pour couper le bois. Je suis un cultivateur et je vois que l'industrie du bois est prise comme les cultivateurs, elle n'a pas de main-d'oeuvre. N'est-ce pas vrai?

M. LETOURNEAU: II est sûr que l'on subit la concurrence d'autres projets tels l'Hydro-Québec, la voirie, en particulier dans Charlevoix.

M. FRASER: On s'est opposé aux plans conjoints, on a dit que cela a pris le contrôle nécessaire à une dictature.

Mais j'ai vu des plans conjoints qui ont marché au bénéfice des producteurs de lait, de poulet, d'autres produits, parce que les grands magasins — dans votre cas, ce sont les grandes usines— jouent l'un contre l'autre. C'est le commerce libre, d'accord, mais c'est au détriment du producteur dans tous les cas. Les pomiculteurs, chez nous, se plaignent souvent que les grands magasins disent: Voulez-vous vendre tant de minots de pommes à un tel prix? Si tu ne veux pas les vendre, on va aller chez le voisin et acheter de lui. C'est comme ça que les gens sont pris; c'est le gros qui mange le petit dans toutes les opérations.

Pour ma part, un plan conjoint pour établir un prix minimum, je suis très en faveur de cela, parce que le prix minimum est contrôlé par le prix mondial. On ne peut pas vendre plus cher que le prix mondial; dans n'importe quel domaine, c'est contrôlé. La Régie des marchés agricoles ne peut pas fixer un prix de $40 la corde de bois, si ça se vend ailleurs à $20. Notre problème aussi, c'est l'inflation; elle nous touche tous. Notre dollar ici n'a pas la même valeur. Si on paie les gens $4 ici et qu'en Suède et dans les autres pays, les gens travaillent pour $1 ou moins, c'est notre problème.

M. LETOURNEAU: Je crois bien, M. le député, que nous sommes tous d'accord pour protéger le producteur, mais, dépassé le niveau de la production, on voudrait maintenir la libre entreprise et la concurrence.

M. FRASER: C'est jouer avec les mots, là. Cela dépendra si les gens qui sont de la régie sont des gens d'expérience et d'affaires; alors, ça va marcher. S'ils sont un peu dictateurs, ça va créer des problèmes. C'est comme ça dans tous les domaines.

M. COTE: M. le Président, est-ce que je pourrais répondre à M. le député?

LE PRESIDENT: Allez, M. Côté.

M.COTE: M. Fraser, vous avez mentionné tout à l'heure que la régie ne pouvait pas accorder $40 la corde quand le prix payé ailleurs est de $20, mais, malheureusement — je ne dis pas que c'est la régie — ça arrive et, dans le Québec, à l'heure actuelle, le prix du bois payé au producteur est le plus élevé en Amérique du Nord. C'est le résultat non pas de la Loi des marchés agricoles dans son entier, mais de l'aspect coercitif de la Loi des marchés agricoles. L'exclusivité dont nous avons parlé dans notre mémoire est un autre aspect contraignant que nous déplorons et qui, nous en sommes certains, va non seulement réduire la production du bois, mais va probablement contribuer à la hausse de ces prix. A un moment donné, ce bois va tout simplement rester sur le carreau, il ne trouvera pas preneur; ce sera impossible parce que, vous l'avez dit, on vend notre produit sur les marchés mondiaux. Alors, il faut que le prix de la matière première reste dans certaines limites.

M. FRASER: Est-ce que vous voulez dire par là que les compagnies ici font un peu moins de profits que les compagnies en Ontario ou quoi?

M. COTE: Non, pas nécessairement.

M. FRASER: Si elles vendent le produit fait au même prix sur le marché mondial et si elles paient plus pour la matière première, cela veut dire qu'elles arrivent avec un peu moins au milieu?

M.COTE: Les problèmes de l'industrie, je crois, ont été décrits en détail, il y a deux ans. La situation à long terme n'a pas changé. Les prix de la matière première sont tellement élevés que même si, aujourd'hui, il y a une période de répit parce que l'économie chez nos principaux clients est très forte, si jamais il y a une baisse, quand le cycle à la baisse arrivera, la situation va être encore pire qu'elle l'était il y a deux ans.

LE PRESIDENT: M. O'Connor.

M. O'CONNOR: Oui, je voulais répondre à la question de M. le député Béland. Vous avez mentionné la planification du volume. Vous avez parlé de la production, de la surproduction. Je pense qu'il y a eu, au moment où il y a eu une surproduction, tout un méli-mélo dans le rouage de l'approvisionnement ou de la mise en marché. On a dit aux cultivateurs: Coupez du bois; on va vous le vendre avec une augmentation de prix. Cela a fait boule de neige en campagne, avec le résultat qu'on a connu, soit que certaines gens ont malheureusement laissé pourrir un peu de bois sur le bord du chemin.

Je pourrais vous dire qu'on a même tout récemment fait des efforts et que les moulins ont beaucoup contribué à dépanner des gens. Je pense que tout cela a été très bénéfique et je dois féliciter les moulins de l'effort qu'ils ont fait dans ce sens-là. Mais je ne crois pas qu'on puisse dire que cela dépendait de ceci ou de cela. Cela dépendait que les clients d'un acheteur sont devenus confus. Ils avaient l'habitude de prendre, si vous le voulez, l'idée de leur acheteur qui leur disait: Cette année, le marché va être assez bon. Vous pouvez faire tant de cordes de bois. Il avait tout son plan d'approvisionnement. L'acheteur a été mis de côté ou on a tenté de le mettre de côté. On a dit: Coupez du bois; on va vous le vendre avec une augmentation de prix. Il y avait peut-être du vrai là-dedans mais on n'avait pas d'expérience. On s'est lâché en grande, si vous voulez, sans en connaftre les conséquences. Il y a eu des effets très néfastes.

Maintenant, vous dites: Comment s'assurer, par exemple, que le bois d'un cultivateur ou d'un producteur soit mis sur le marché, soit acheté, soit livré, soit payé la même année? Je crois que le grand plan d'approvisionnement d'un moulin doit se faire sans négliger l'aspect économique, bien sûr, mais aussi la production chez le cultivateur, qu'il demeure dans le premier rang ou le septième rang ou Saint-en-arrière, dans la paroisse la plus éloignée. Ceci se fait ou devrait se faire en collaboration avec les intéressés et les intéressés sont les moulins eux-mêmes. Il n'y a pas un propriétaire de moulin, à mon sens, qui va dire: Je ne suis pas intéressé à acheter du bois dans la paroisse la plus éloignée, parce qu'il sait fort bien qu'il peut trouver une main-d'oeuvre, un volume qui, ajouté à un autre volume, fait en sorte que ça

devient intéressant pour lui, lorsqu'il obtient chaque année une production dans une telle région. Tout ceci pour dire que la planification ou l'approvisionnement doit se faire avec les intéressés, les propriétaires de moulins.

Moi, je parle en tant qu'acheteur et producteur de bois. Vous avez des acheteurs de bois qui ont des territoires de 250 à 300 milles carrés et qui sont intéressés à refaire la coupe de leur vivant, non pas comme on entend dire parfois: On détruit la forêt; on fait de la coupe à blanc. On a abusé du terme de coupe à blanc lorsqu'on sait fort bien que la coupe à blanc est le seul traitement bénéfique dans bien des cas et je le dis en tant qu'ingénieur forestier. La coupe raisonnée, sélectionnée, si vous le voulez, ou à diamètre limité, tout ceci s'obtient, mais s'obtient graduellement et pas toujours. Il faut y aller en étudiant la situation et quoi qu'en disent certains, aujourd'hui, on va condamner un système plutôt qu'un autre. Non, il ne faut pas faire cela. Il faut y aller avec beaucoup de précaution. La coupe à blanc, pour la mentionner, cela me fait toujours mal au coeur quand j'entends quelqu'un la condamner, parce que la coupe à blanc est celle dans notre région qui donne la plus grande productivité à l'acre. Mais il faut s'entendre. La coupe à blanc, c'est une coupe qui peut se pratiquer beaucoup plus facilement pour le bois de papier et lorsque vous parlez de sciage, il faut obtenir un diamètre plus grand, plus gros et une taille d'arbre qui va donner un défilement profitable. Je trouve qu'il faut garder à l'idée que le but premier de tout ceci est de protéger le producteur. Personne n'est contre.

Tout le monde est en faveur du meilleur système. Alors, arrêtons-nous au bord du chemin et que l'approvisionnement et l'écoulement du produit se fassent avec un plan d'écoulement de produit préparé avec les intéressés. Par intéressés, je veux dire les compagnies consommatrices, les moulins de papier et le ministère des Terres et Forêts. Ce dernier voit à ce que les moulins ne manquent pas de matière première. C'est sa préoccupation. Alors, le problème est simple. Ne nous compliquons pas la vie. C'est compliqué aujourd'hui, cela n'est pas grave.

M. BELAND: II va sans dire que celui qui vient de parler a apporté beaucoup de précisions et a dit plusieurs vérités. Mais je n'ai pas voulu dire tantôt que je condamnais les coupes à blanc, loin de là, parce que dans certains cas, vous avez raison, il le faut, on ne peut pas agir autrement.

Pour ce qui est d'un autre élément que vous avez apporté, concernant l'approvisionnement pour certaines années comparativement à d'autres années alors qu'il a été moindre, entre autres — il me fait plaisir de voir M. Lagueux ici parce qu'il est capable d'apporter des éléments importants lui aussi — en 1969, nous avions eu un très bel automne. Or, il y a aussi ce facteur. Moi aussi, je tiens à être objectif et à regarder en face exactement tous les éléments. L'automne dernier, quand la pluie a cessé, est apparue la neige, en plus. Alors, même M. Lagueux a peut-être eu de la difficulté à trouver ce qu'on appelle communément des bûcherons. Il a certainement eu de la difficulté comme plusieurs autres, d'ailleurs. Les cultivateurs n'étaient presque pas intéressés à aller dans leurs boisés; il pleuvait ou il neigeait. Ce sont là des facteurs et cela, c'est à la grandeur de la province. Etant donné que ce sont tous de petits producteurs, en ce qui me concerne, dans le passé, rares sont les années où j'ai mis en marché moins de 150 cordes de bois de pulpe. J'ai été bien au-delà de 1,000 même. Mais, par contre, bon an, mal an, les éléments n'étaient pas tous les mêmes pour pouvoir arriver à une coupe, dans certains cas et la plupart des cas, peut-être sélective et que cela aille bien.

Il y a tellement d'éléments qui entrent en ligne de compte, comme celui dont on vient de parler qu'on ne peut pas s'arrêter, c'est entendu, vis-à-vis de deux ou trois éléments qui nous paraissent flagrants, mais il faut tenir compte de tous les autres en arrière. Je tiens compte de cela.

Mais également aussi, compte tenu... on lit au paragraphe 3m) du mémoire de l'Association des industries forestières du Québec plus précisément, à la page 2: "L'exclusivité de la vente va sûrement y réussir en établissant un monopole absolu qui éliminera les marchands de bois et autres agents des acheteurs, ainsi que toute possibilité de contact entre le producteur et les moulins consommateurs".

Il ne s'agit que de se reporter à 1958, au mois de mars ou avril, où justement, à ce moment-là, cela n'était pas un monopole possible par les agents de vente ou les offices de producteurs, mais c'étaient les compagnies qui étaient accusées d'avoir exercé un monopole. Cela veut dire que nous sommes partis de la toute fin d'un écart pour peut-être être obligés de franchir plusieurs pas pour arriver à un autre écart que, je pense bien, personne ne voudrait.

Les compagnies ont des problèmes. C'est vrai qu'elles ont des problèmes. Mais, il ne faut pas ici... Ce n'est pas le temps, d'ailleurs. Dans le mécanisme de la loi qui est présentée, moi aussi j'aurais des changements à suggérer. Je les suggérerai en temps opportun. Parce que je ne gobe pas toute la loi 24 telle que rédigée.

Mais je pense qu'il va falloir que vous admettiez avec moi que c'était nécessaire d'apporter certaines modifications majeures à la Loi des marchés agricoles déjà existante, d'accord ou pas.

Est-ce que ce serait le temps d'apporter des changements majeurs ou si on doit rester comme la loi était? Je vais poser cette question à M. Côté.

M. COTE: M. Béland, je crois que pour autant que nous sommes concernés, si nous devons avoir une loi des marchés agricoles, celle

que nous avions n'était pas mal, sauf, comme je le disais tout à l'heure, pour l'aspect contraignant ou coercitif de certaines de ses clauses.

LE PRESIDENT (M. Picard): L'honorable député de Nicolet.

M. TOUPIN: Si le député me le permet, j'ai une seule question à poser qui serait dans le cadre suivant: Vous avez dit tantôt que les producteurs de boisés du Québec étaient les mieux payés ou à peu près de l'Amérique du Nord. Cela me paraît quant à moi être assez véridique. Mais ce que je ne comprends pas c'est qu'étant bien payés les approvisionnements à compter des lots privés diminuent plutôt que d'augmenter, même si le prix augmente. Donc, on en arrive à deux conclusions là-dessus. Ou les producteurs sont de moins en moins motivés et la forêt ne constitue plus pour eux un élément économique valable ou ils ont de la difficulté, même à des prix supérieurs, à vendre leur quantité. Quelle est la conclusion qu'on doit choisir entre les deux? Je ne sais pas si c'est le manque de motivation des producteurs ou si c'est la difficulté qu'ils ont de vendre leur bois.

M. COTE: M. le ministre, cette année, même l'an dernier, je peux vous assurer que ce n'était pas la difficulté de vendre qui pouvait être la cause de ce désintéressement. Les compagnies, que ce soit les compagnies de sciage ou de pâtes et papiers, se sont arraché ce bois. Il y avait une forte demande pour le produit fini, il y avait une diminution dans les inventaires de bois chez les compagnies. Alors toutes ces raisons faisaient qu'il y avait un marché très prospère pour le bois des cultivateurs, n'importe quel bois.

M. O'CONNOR: J'aimerais peut-être ajouter à ce que M. Côté vient de dire. Aujourd'hui nous avons de plus en plus besoin de mécanisation pour l'exploitation de la forêt, que ce soit sur la ferme du cultivateur ou la ferme privée ou ailleurs. Le cultivateur est reclus dans son coin et est loin d'être un expert dans tout, il est expert dans son domaine. Alors, il faut que quelqu'un l'approche, il faut qu'il y ait un noyau d'hommes spécialisés et nous allons en voir de plus en plus à l'avenir. Aujourd'hui les hommes ne font pas le travail manuel qu'ils faisaient auparavant. Faire la manutention des billes à la main c'est une chose qu'on ne peut plus demander aux hommes. Alors, une mécanisation est requise. Cela prend un groupe d'hommes mécanisés. Je pourrais faire la comparaison avec la lutte contre le feu. Aujourd'hui, on s'organise dans les concessions forestières et ailleurs avec des noyaux d'hommes spécialisés qui reçoivent un entraînement, qui ont de l'équipement, de la machinerie moderne, sophistiquée si vous voulez. Alors, cela devient spécialisé dans ce domaine-là comme dans un autre. Je comprends très bien que, dans un coin où il n'y a pas quelqu'un pour les motiver, pour leur montrer comment faire, pour leur donner les moyens les plus aptes à réussir aussi à sortir du volume, cela prend des gens qui font cela.

M. TOUPIN: Vous êtes porté, quant à vous, à attribuer une diminution des approvisionnements à deux facteurs. Le premier serait un facteur technique d'évolution de l'exploitation forestière que les producteurs n'ont pas encore épousée à 100 p.c.

M. O'CONNOR: Disons que c'est un facteur que je vous apporte et peut-être le plus important. Aujourd'hui, si le volume a diminué c'est sans doute dû en bonne partie à la main d'oeuvre qui se fait de plus en plus rare et aussi aux moyens pour se mettre au travail, aux moyens pour exploiter la forêt.

Maintenant, il y a aussi le fait, sans être trop versé dans ce domaine, que le cultivateur, pour vivre sur sa terre, doit avoir un troupeau raisonnable. La main-d'oeuvre est dispendieuse. Il en a plein son capot, si vous voulez, avec sa ferme. Il est loin de penser à aller exploiter les arbres qui devraient être coupés en arrière.

M. TOUPIN: Plus l'agriculture est payante, moins les gars sont portés à aller en forêt.

M. O'CONNOR: C'est ça.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Nicolet.

M. VINCENT: M. le Président, j'aurais plusieurs questions à poser concernant les trois mémoires qui nous ont été présentés ce matin. Cependant, vous remarquerez au sujet de ces trois mémoires, des questions que nous pourrions poser et des réponses qui nous ont été données jusqu'ici que ce sont à peu près les mêmes questions et les mêmes réponses que nous avons reçues à la commission parlementaire des richesses naturelles et des terres et forêts et à la commission parlementaire de l'agriculture et de la colonisation, quand on a discuté de la Loi des producteurs agricoles.

M. TOUPIN: ... de la colonisation.

M. VINCENT: ... à ce moment-là, de l'agriculture et de la colonisation, en regard de la Loi des producteurs agricoles. Ce qui arrive, c'est qu'à l'heure actuelle — je ne voudrais pas que mes propos soient interprétés comme un reproche à l'endroit de ceux qui ont présenté des mémoires — mais il arrive que nous les avons placés devant une situation presque invivable. D'ailleurs, on s'était habitué tant bien que mal à considérer les produits forestiers ou toute cette question comme relevant de la Régie des marchés agricoles du Québec. On a relancé il y a deux ans la possibilité d'en arriver à créer une Régie des produits forestiers. Tout le monde,

tous tant que nous en sommes, nous marchons un peu dans la brume. Je n'en fais pas un reproche au ministre actuel, mais quand même, et c'est la question que je posais au cours de la première séance, est-ce que le gouvernement pourrait nous informer immédiatement de ses intentions à l'égard des produits forestiers? Si toute la question des produits forestiers — d'ailleurs un des mémoires le mentionne — doit relever du ministère des Terres et Forêts, il faudra l'analyser comme relevant du ministère des Terres et Forêts. Si c'est pour relever du ministère de l'Agriculture ou de la Régie des marchés agricoles du Québec, ça peut changer également l'optique de toute la discussion. Là, on revient continuellement aux mêmes questions, aux mêmes réponses et on n'est pas fixé. Il faut d'abord savoir si on va à Montréal ou si on va à Québec. Par la suite, on établira la route, on établira l'itinéraire. Mais on ne sait pas encore si c'est Montréal ou Québec.

Partant de là, et d'ailleurs on le souligne dans le mémoire de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, on parle du ministre des Terres et Forêts, qui a déclaré telle chose.

Cela donnerait plus de pouvoirs à l'Office des producteurs, en train de modifier toute l'organisation de la forêt privée, en suscitant la création de fermes forestières, de groupements forestiers, de sociétés sylvicoles. Après ça, on dit, dans le mémoire de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec: Sommes-nous en présence de la préparation d'une loi dont l'application serait par la suite confiée à deux titulaires?

On nous dit: Nous n'osons pas le croire. Dans ce cas, vers quel type de conflit de juridictions nous dirigeons-nous? C'est là une question que nous posons à ceux qui peuvent en posséder la réponse. Mais je pense que la question est bien posée. Là, il ne s'agit pas d'un conflit de juridictions entre le fédéral et le provincial. Il s'agit d'un conflit entre deux ministères. Il me semble que c'est quand même plus facile à régler quand ça touche nos propres pénates, ici, dans la province de Québec; on n'a pas à se défendre que ça dépend du fédéral ou que ça dépend du provincial.

Je pense que c'est le premier point. Je pourrais poser des questions toute la journée, la semaine prochaine, sans qu'on règle rien. Il s'agit de savoir si c'est le ministère des Terres et Forêts qui va s'en occuper ou si c'est le ministère de l'Agriculture. Si c'est le ministère des Terres et Forêts, allons à la commission des terres et forêts et préparons une loi qui régira les produits forestiers. On ne le sait pas encore.

Maintenant, en ce qui me concerne, si c'est le ministère de l'Agriculture, si les produits forestiers doivent demeurer la responsabilité de la Régie des marchés agricoles du Québec, à ce moment-là, il y a quand même une suggestion très intéressante à la page 6 du mémoire de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec.

Remarquez bien que dans les autres mémoires il y a toute cette question qui revient. On dit que le gouvernement a trouvé une formule pour des cas semblables et que l'expérience vécue semble heureuse. C'est la formule des lois-cadres et des règlements qui en découlent. Nous suggérons donc que la Loi des marchés agricoles devienne une loi-cadre et soit constituée comme telle. Après son adoption, des règlements spécifiques se rapportant à chacune des catégories d'individus ou de produits assujettis seront soumis à l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, règlements où seront indiqués les produits ou individus couverts et quels articles de la loi-cadre s'appliqueront à ces produits ou individus. Moi, je dis que la suggestion est intéressante, mais même si la suggestion est intéressante, je suis d'avis que cette suggestion est contenue à l'heure actuelle dans la Loi des marchés agricoles.

Parce que la Loi des marchés agricoles, que ce soit le bill 24, ou celle qui précédait le bill 24, la loi actuelle, le bill 24, c'est en quelque sorte une loi-cadre, ça ne s'applique pas automatiquement à toutes les productions. Quand bien même nous, devant la commission parlementaire, nous ferions le travail de la régie des marchés agricoles, que nous entendrions le bien-fondé d'une organisation de vente ou les difficultés financières que ça peut susciter aux producteurs, les difficultés économiques que ça peut créer dans notre monde forestier au Québec, je pense qu'il y a quelqu'un qui, à un moment donné, doit trancher la question. A ce moment-là, à quelque endroit qu'on se dirige, si c'est la Régie des marchés agricoles qui doit continuer à exercer les pouvoirs en ce qui concerne tous les produits agricoles, en incluant les produits forestiers, parce que c'est là qu'il semble y avoir un problème à l'heure actuelle, il faudrait que l'on donne plus de pouvoirs à la Régie des marchés agricoles.

Je pense que ça répondrait, en partie, à plusieurs suggestions qu'on a reçues. Cela ne veut pas dire que, demain matin, automatiquement, la loi s'appliquerait à tous les produits, à tous les producteurs, à tout ce qui peut exister dans la mise en marché des produits forestiers au Québec. Cela veut dire que si une association quelconque a de bons points à faire valoir, elle doit se rendre devant la Régie des marchés agricoles et la Régie des marchés agricoles devra rendre une décision, si c'est plus économique ou plus rentable de procéder de telle façon plutôt que de telle autre. C'est là que je dis que, si à l'heure actuelle, on nous dit que c'est la Régie des marchés agricoles qui doit appliquer la loi en ce qui concerne les produits forestiers, il faudra, comme on l'a suggéré tout à l'heure, que la Régie des marchés agricoles devienne un véritable tribunal, avec des experts, avec des personnes qui pourront faire l'analyse des marchés, qui pourront également regarder les problèmes financiers, les problèmes économiques et appliquer la législation, quand on aura fait la preuve que c'est plus économique, tant pour

le producteur que pour le produit fini, lorsqu'il est mis en marché.

M. le Président, c'est bien malheureux je ne peux pas poser tellement de questions aux associations qui sont ici tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas fait le point là-dessus. Si c'est la Régie des marchés agricoles qui doit s'en occuper, que l'on donne plus de pouvoir à la Régie des marchés agricoles, qu'on lui permette d'avoir des audiences publiques, d'avoir de bons dossiers, bien préparés. Egalement, une autre suggestion qui est très intéressante: que les décisions de la régie soient motivées. La régie sera alors en mesure de motiver ses décisions, lorsqu'elle aura des experts qui travailleront pour elle. Il reste toujours le recours au lieutenant-gouverneur en conseil en cas de conflit extraordinaire où cela peut poser un problème sur le plan économique.

M. le Président, c'étaient mes commentaires. Des questions, on pourrait en poser, mais je résume encore une fois. Parce que je crois qu'il est très important que le gouvernement nous situe dans la discussion, que le gouvernement nous fasse sortir des ténèbres dans lesquelles nous marchons depuis deux ans. Ce n'est pas la faute du ministre actuel, mais il reste qu'il y a une politique gouvernementale qui doit être établie parce que cela a été relancé par le ministère des Terres et Forêts. Que l'on nous situe exactement dans le contexte. Si c'est une nouvelle régie qui s'en vient pour les produits forestiers, on discutera en conséquence. Parce que l'on peut discuter des autres produits agricoles. Même, il n'y a pas de mémoires, à l'heure actuelle, qui nous sont présentés par les coopératives ni par l'UPA. Il en viendra peut-être, mais que l'on nous situe. Si c'est une régie des produits forestiers, on en discutera en temps et lieu. Mais si c'est la Régie des marchés agricoles, que l'on prenne les suggestions qu'on nous fait et que l'on établisse un mécanisme qui permettra à la Régie des marchés agricoles d'analyser chacun des problèmes soulevés tant par les producteurs, tant par les industries de sciage, tant par les usines de pâtes et papiers. La régie rendra alors une décision après audiences publiques, après de bons dossiers bien préparés, dans le meilleur intérêt de tout le monde. Le meilleur intérêt de tout le monde, c'est le meilleur intérêt de la province de Québec.

Ce sont les commentaires que je fais. S'il y a des représentants d'association qui ont à ajouter à ces commentaires, qu'ils le fassent. Moi, c'est là que je suis situé à l'heure actuelle.

LE PRESIDENT (M. Picard): L'honorable ministre.

M. TOUPIN: M. le Président, je pense que le but de la loi 24 est de tenter de clarifier un peu plus le rôle de la Régie des marchés agricoles du Québec dans le cadre de la mise en marché des produits agricoles au Québec et, plus particulièrement en ce qui nous concerne ce matin, des produits forestiers qui sont inclus actuellement dans la Loi des marchés agricoles comme étant un produit agricole.

Le député de Nicolet dit qu'il ne peut que difficilement apporter des opinions, tant et aussi longtemps que la situation ne sera pas clarifiée relativement aux juridictions. Est-ce le ministère des Terres et Forêts ou le ministère de l'Agriculture qui devra continuer à s'en occuper, via la loi de mise en marché, c'est-à-dire la Régie des marchés agricoles du Québec? Plus loin, on dit: Cela semble vouloir créer des situations de conflit, le fait que la Régie des marchés agricoles du Québec ait, de temps en temps, à s'adresser et au ministère des Terres et Forêts et au ministère de l'Agriculture, selon les types de produits sur lesquels elle a à travailler, à compter de plans conjoints mis en place par les producteurs.

Je ne pense pas que ceux qui sont ici ce matin aient souligné ce conflit qui existe chez eux. Ce n'est pas nécessairement un conflit qui existe; c'est beaucoup plus une nouvelle façon peut-être d'envisager la commercialisation des produits du bois. J'ai posé des questions précisément pour savoir si vraiment il y avait un conflit et on m'a toujours répondu la même chose. On m'a toujours dit: Les mécanismes trop coercitifs ne nous conviennent pas. On préférerait des mécanismes plus souples. On préférerait des mécanismes qui permettraient, tout compte fait, la libre concurrence, qui permettraient à l'entreprise de négocier avec des producteurs organisés soit en plans conjoints — et on s'est dit qu'on était d'accord sur les plans conjoints — soit avec d'autres types de vendeurs ou de distributeurs de bois dans la province de Québec en vue d'établir le type de concurrence.

La Loi des terres et forêts ou, tout au moins, des projets concernant des amendements à la Loi des terres et forêts ou la création d'organismes nouveaux dans le secteur des terres et forêts ont fait l'objet de plusieurs discussions à une commission parlementaire.

Les représentants du secteur forestier, tant des industries de transformation de pâtes et papiers que des industries des scieries ont eu l'occasion de faire valoir leur point de vue. Je n'ai, quant à moi, lu nulle part des affirmations concrètes de la part des groupes disant: On voudrait que tout ce qui est forestier, en totalité, retourne au ministère des Terres et Forêts. On a toujours soutenu la même thèse. Il y a trois volets dans la question des forêts. Il y a l'approvisionnement, il y a l'utilisation rationnelle et il y a la commercialisation.

C'est surtout sur ces trois points-là qu'on a fait valoir des points de vue dans le passé et encore ce matin on revient, tout compte fait, avec ces différents points. Donc, je ne vois pas personnellement de conflit. Je reste persuadé qu'à ce chapitre la politique gouvernementale est claire, c'est qu'en ce qui concerne les boisés privés les négociations se continuent dans le cadre de la Loi des marchés agricoles.

M. VINCENT: Cela va demeurer à l'intérieur de la Loi des marchés agricoles.

M. TOUPIN: Pour le moment...

M. VINCENT: Oui, mais c'est cela là.

M. TOUPIN: Oui mais, quand je vous dis que la position du gouvernement est claire là-dessus, c'est que tout se fait actuellement dans le cadre de la Loi des marchés agricoles.

M. VINCENT: C'est clair qu'à l'heure actuelle ça se fait dans ce cadre.

M. TOUPIN: Cela est un premier point. Un autre point, c'est que tous sont d'accord qu'il y ait des plans conjoints de commercialisation du bois. Un troisième point, tous sont d'accord qu'on regarde, au niveau du ministère des Terres et Forêts, des méthodes nouvelles pour exploiter la forêt de façon plus rationnelle.

Or, dans l'étude des politiques du ministère des Terres et Forêts, le ministre des Terres et Forêts a proposé des méthodes nouvelles en se servant des offices de producteurs, par exemple, pour utiliser la forêt de façon plus rationnelle, ce qui ne dérange absolument pas la commercialisation du bois provenant des territoires privés.

Le ministère des Terres et Forêts a également parlé d'une Régie forestière concernant surtout, je pense, les boisés privés qui ne sont pas nécessairement assujettis à la Loi des marchés agricoles. Je parle des concessions forestières, par exemple. Je parle également des boisés de la couronne, où on pourrait confier à une régie le soin d'utiliser, de façon plus rationnelle, ces espaces forestiers au Québec et les utiliser surtout en fonction des possibilités d'approvisionnement.

Donc, quant à moi, dans mon esprit, la politique gouvernementale en matière de commercialisation du bois provenant des terrains privés, elle est claire. C'est la Régie des marchés agricoles du Québec qui, présentement, a cette responsabilité et ce n'est pas notre intention de changer actuellement cette politique.

M. VINCENT: Oui, mais c'est là justement, M. le Président, le problème.

M. DEMERS: Me permettrait-on une question?

M. VINCENT: Le problème est que le ministre dit: La politique, actuellement, c'est la Régie des marchés agricoles. Cela n'est pas l'intention du gouvernement , pour le moment, de changer ça. Cela laisse une série de doutes, parce que le ministre des Terres et Forêts dit que peut-être... mais si le ministre nous confirme que c'est la Loi des marchés agricoles qui s'applique — pas besoin de nous le confirmer, elle s'applique — qui continuera à s'appliquer en ce qui concerne le bois des agriculteurs sur leurs boisés privés, à ce moment, oublions le ministère des Terres et Forêts et travaillons sur la Loi des marchés agricoles en ce qui concerne les produits forestiers, les boisés des agriculteurs. On oublie la balance.

M. DEMERS: 7 p.c. M. TOUPIN: Oui.

M. VINCENT: On oublie la balance. Je dis que si c'est la Régie des marchés agricoles, qu'on lui donne — d'ailleurs la loi 24, le ministre a mentionné la loi 27 tout à l'heure — plus de pouvoirs. C'est déjà un bon point. Si la Régie des marchés agricoles a plus de pouvoirs, elle sera plus en mesure d'analyser les demandes légitimes, valables des trois associations qui sont ici, que cela soit en audience publique, d'avoir avec plus de pouvoirs plus de spécialistes à l'intérieur de la Régie des marchés agricoles pour faire l'étude des marchés, pour préparer de bons dossiers et motiver ses décisions...

M. TOUPIN: Cela me paraît évident...

M.VINCENT: ... et probablement qu'on répondra à une foule d'interrogations qu'on pose à l'heure actuelle.

M. TOUPIN: Oui.

M. VINCENT: Quand même on nous dirait à l'heure actuelle: La mise en marché du bois des boisés de ferme causera des problèmes parce qu'on n'a pas considéré tel ou tel secteur, ce sont les associations qui doivent aller devant la Régie des marchés agricoles faire valoir leur point de vue. Elle a fait l'étude des points soulevés, entend les deux côtés de la médaille et, ensuite, rendra décision et cette dernière doit être rendue sur le plan économique; il faut que cela soit économiquement meilleur pour le producteur. Il faut également, pour que cela soit économiquement meilleur pour le producteur, que cela soit économiquement meilleur pour l'usine de bois de sciage, que cela soit économiquement bon pour les usines de pâtes et papiers. C'est tout cela qu'il faut concilier. A ce moment, il faudra plus de pouvoirs à la Régie des marchés agricoles et c'est pour cela qu'à la première séance, je faisais la suggestion que la Régie des marchés agricoles devienne un véritable tribunal d'arbitrage, avec des audiences publiques, puisse rendre des décisions mais avec tout le personnel dont elle a besoin. Parce que, de plus en plus, il y aura des conflits et, de plus en plus, la Régie des marchés agricoles sera appelée à se prononcer, à recevoir en audience publique des représentations.

Si le ministre nous affirme que c'est la Régie des marchés agricoles, on peut affirmer, partant des mémoires, partant des points soulevés, que cela devrait être discuté et qu'on devrait en tenir compte devant la Régie des marchés agricoles du Québec.

M. TOUPIN: Oui. Cela me paraît évident. Si le projet de loi 24 est présenté en commission parlementaire et si le gouvernement a accepté que le secteur des pâtes et papiers, le secteur forestier vienne faire des représentations, c'est que le gouvernement a accepté, par conséquent, que cette section de commercialisation demeure sous la responsabilité de la Régie des marchés agricoles du Québec. Ce n'est pas d'hier que la Régie des marchés agricoles du Québec agit comme un tribunal d'arbitrage. C'est l'essentiel de son travail.

M. VINCENT: C'est pour cela que je mentionnais que, tant bien que mal, on s'était habitué à cela.

M. TOUPIN: Ce n'est pas tant bien que mal.

M. VINCENT: Disons qu'on avait habitué les gens à considérer que c'était la Régie des marchés agricoles qui s'occupait de ce secteur-là, mais, depuis deux ans, on a relancé l'idée que cela pourrait retourner au ministère des Terres et Forêts. Qu'on établisse que c'est la Régie des marchés agricoles et on va continuer en améliorant les mécanismes de la Régie des marchés agricoles, mais qu'on ne vienne pas, la semaine prochaine, dire: Peut-être que les Terres et Forêts s'occuperont dorénavant de cette question-là. Là, on place tout le monde dans la brume.

M. TOUPIN: Je pense que, ce matin, vous n'êtes pas dans la brume. L'est celui qui veut bien l'être.

M. VINCENT: J'espère que le ministre des Terres et Forêts dira la même chose que le ministre de l'Agriculture. A ce moment-là, on ne sera pas dans la brume.

M. TOUPIN: Cela, c'est un autre problème.

M. VINCENT: Ce n'est pas un reproche que je fais au ministre de l'Agriculture, mais...

M. TOUPIN: C'est un autre problème. C'est parce que je veux clarifier dans l'esprit de tout le monde qui est ici que cette section de commercialisation des produits agricoles est sous la responsabilité de la Régie des marchés agricoles du Québec. La Régie des marchés agricoles du Québec a l'équipement qu'il faut et si, toutefois, cet équipement lui manque pour certains secteurs — j'ai aimé tantôt qu'on souligne cet aspect-là — qu'on lui donne plus d'éléments pour qu'elle puisse être encore plus en mesure de prendre de bonnes décisions. J'ai demandé à deux reprises si, jusqu'à maintenant, les plans conjoints et, par conséquent, le rôle de la régie avait été nocif en ce qui a trait aux approvisionnements; on ne m'a pas répondu dans l'affirmative. On m'a dit: Dans certains cas, ce qui nous place dans des situations délicates, ce sont des décisions arbitrales, tant de la part de la régie que de la part du bill Arsenault, pour obliger les compagnies à acheter le bois des producteurs. A compter de ces réponses aux questions posées, il me paraît évident que les entreprises de pâtes et papiers préfèrent pour cette question-ci discuter avec la Régie des marchés agricoles du Québec, plutôt que de regarder un autre organisme qui aurait peut-être, tout compte fait, le même rôle. Mais, en ce qui concerne l'utilisation rationnelle des autres territoires, là, j'en suis non seulement conscient, mais c'est la responsabilité du ministère des Terres et Forêts. Je veux simplement clarifier en disant que non seulement pour le moment la politique gouvernementale, en ce qui concerne la commercialisation des bois des terrains privés, est sous la responsabilité de la Régie des marchés agricoles du Québec, mais qu'elle va le demeurer.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Saint-Maurice.

M. DEMERS: M. le Président, le ministre semble satisfait des mémoires et il va jusqu'à prétendre que ces gens sont d'accord; mais si je relis ces mémoires, je suis d'avis qu'on n'est pas d'accord beaucoup avec cette loi 24. Vous avez, par exemple, l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec qui étudie, elle le dit, d'une façon très sévère ce projet de loi et suggère qu'on en fasse une loi générale, par réglementation, pour que ce soit une loi-cadre. A part ça, les intéressés catégorisent, ils veulent à tout prix que leur domaine relève du ministère des Terres et Forêts.

Vous avez, à la suite de ça, l'Association des industries forestières du Québec Limitée. Moi, je ne vois pas d'approbation de la loi 24, à moins que je ne sache pas lire ou que j'aie mal entendu. On fait encore là une critique assez sérieuse. Il faudra nécessairement, avant que nous passions cette loi, que ces gens soient revus et qu'on puisse discuter à fond leurs opinions pour en arriver à un consensus. On m'a dit ce matin qu'il y avait seulement 7 p.c. des intéressés qui relevaient des boisés de ferme dans la production sylvicole du Québec. Si les principaux concernés ne sont pas plus entendus que ça et qu'on va faire une loi simplement pour les 7 p.c, je pense qu'on va manquer le but de cette loi. Je me demande pourquoi le ministre trouve si réconfortant ces mémoires qui sont une critique objective d'une loi qui mérite énormément d'être bonifiée.

M. TOUPIN: M. le Président, je ne dis pas que ces mémoires sont réconfortants.

M. DEMERS: Non, mais vous aviez l'air assez heureux.

M. TOUPIN: Je soutiens que la proposition qui dit qu'une loi-cadre devrait être instaurée,

cette loi-cadre existe déjà. C'est l'essentiel de la Loi de mise en marché que d'être une loi-cadre. C'est aussi simple que ça. En ce qui concerne la mise en marché par plans conjoints, je pense que chacun d'entre eux nous a dit qu'ils étaient d'accord sur les plans conjoints. Le seul problème qu'on a soulevé, c'est qu'on a peur des conflits de juridiction. Je soutiens qu'il n'y en a pas eu à ce jour entre le ministère des Terres et Forêts, le ministère de l'Agriculture et la régie. Je soutiens bien sûr qu'il y a eu des discussions fermes, mais il n'y a pas eu de conflits au point où ça nous a poussés à réviser toute la question de la commercialisation du bois des boisés privés. Le fait que ça ne touche que 7 p.c. est déjà un élément qui joue en faveur du fait que ce soit la Régie des marchés agricoles du Québec qui continue à s'en occuper. Il y a les autres 93 p.c. qui pourraient facilement être et qui sont déjà sous la responsabilité du ministère des Terres et Forêts.

Cela ne veut pas dire que je sois d'accord sur tous les mémoires qui sont là. Il y a des propositions qui sont constructives, mais les réponses données aux questions posées nous ont quand même fait toucher du doigt des éléments qu'on ne retrouve pas dans le mémoire, des éléments plus positifs par exemple par rapport à ce qu'on trouve dans un mémoire, un en particulier qui, quand on le lit, soutient purement et simplement que les plans conjoints, jusqu'à un certain point, sont de trop, mais après, dans les réponses données aux questions posées, tout le monde est d'accord pour dire: Bon, pour aller au chemin du producteur on devrait avoir des plans conjoints et on devrait négocier avec des plans conjoints.

Mais cette méthode-là existe. Ce qu'ils veulent, c'est qu'on n'aille pas plus loin que ça en ce qui concerne les boisés privés, qu'on s'en tienne là.

M. DEMERS: Comme ça, le ministre aurait influencé le changement d'opinion des gens qui nous ont présenté un mémoire?

M. TOUPIN: Je ne pense pas, ce sont eux qui sont en train de m'amener à changer d'opinion.

M. DEMERS: Non, non, vous avez posé des questions et vous avez dit qu'à la suite de vos questions, ils en étaient venus à...

M. TOUPIN: Des réponses données. Je dis que les réponses données...

M. DEMERS: ... abonder dans le sens de vos désirs.

M. TOUPIN: ... ne correspondent pas toujours à ce qu'on écrit dans un mémoire et je comprends bien qu'un mémoire est une parole officielle. Quand on répond à une question, on essaie de voir le problème dans un contexte plus réaliste. Tout compte fait, c'est ça.

M. DEMERS: Si vous aimez ça.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Lotbinière.

M. BELAND: Suite à ce qui a été dit, j'aurais une dernière question à poser parce que c'est quand même un élément important qui a été apporté ce matin. Je ne me rappelle pas qui l'a apporté, il concerne la suggestion d'engager peut-être plus de personnel perfectionné pour aider la régie dans certains cas. J'aimerais que l'on aille un peu plus loin. Est-ce que vous aviez par exemple certaines sphères bien spécifiques auxquelles vous faisiez allusion ou si c'était de façon générale?

M. COTE: M. Béland, je crois que c'est moi qui ai fait cette déclaration. Souvent, lorsque nous avons comparu devant la Régie des marchés agricoles, nous avons eu l'impression bien nette que le prix du bois ailleurs qu'au Québec, chez nos concurrents surtout aux Etats-Unis, n'entrait pas en ligne de compte dans les décisions de la régie.

Nous savons fort bien que, depuis nombre d'années, il y avait une forte marge entre le prix payé pour un produit semblable aux Etats-Unis et celui que nous payons ici; c'était aux environs de $5.

M. BELAND: Est-ce que c'était compte tenu également de la qualité à ce moment-là?

M. COTE: Pardon?

M. BELAND: Est-ce que c'était à ce moment-là compte tenu de la qualité des bois?

M. COTE: Non c'est exactement pour le même produit. C'est ce qui nous ennuyait souvent. On semblait ignorer cette réalité. Le fait d'avoir des gens au courant, qui se feraient un devoir d'étudier les conditions ailleurs, serait utile à la régie pour rendre des décisions éclairées.

LE PRESIDENT (M. Picard): Est-ce que les porte-parole des associations ont d'autres commentaires à faire?

M. DEMERS: J'aurais une petite sous-question. Est-ce que, M. Côté, c'est votre mémoire qui mentionne que cette loi serait une loi monopolisatrice?

M. COTE: Peut-être pas dans ce sens.

M. DEMERS: Est-ce que c'est écrit dans le texte?

M. COTE: Oui, nous disons que l'exclusivité accordée aux producteurs va constituer un monopole.

M. DEMERS: Comme la loi l'accorde, cela

veut dire que la loi serait indirectement monopolisatrice?

M. COTE: C'est vous qui le dites, M. Demers.

M. DEMERS: Non, écoutez! Si vos mémoires ne disent rien, alors ne venez pas nous en porter!

On dit ici que l'exclusivité donnée à des plans conjoints à un office de produits équivaut à un monopole. Le ministre dit qu'il va donner l'exclusivité, c'est parce que c'est une loi monopolisatrice. Moi, je ne tire pas cela par les cheveux. Je prends votre texte, je l'ai lu.

M. TOUPIN: M. le Président, le député de Saint-Maurice met dans la bouche du ministre des choses qu'il n'a pas dites.

M. DEMERS: Le ministre est rendu en arrière, il a quelque chose.

M. TOUPIN: M. le Président, pour terminer, je comprends pourquoi les gars de l'Union Nationale ne savent pas où s'asseoir.

M. DEMERS: Non, monsieur, on ne s'assoira certainement pas chez vous.

M. TOUPIN: Cela fait deux ou trois ans... Ils ne le savent pas plus ici qu'ailleurs.

LE PRESIDENT (M. Picard): A l'ordre, messieurs!

M. DEMERS: Mais en dépit de tout cela, ne sachant pas où vous asseoir, vous avez supplié pour venir à l'Union Nationale en 1970. Vous vous cherchiez un siège.

M. TOUPIN: Et j'ai trouvé le bon.

M. DEMERS: Oui, vous avez tombé dessus, faites attention pour ne pas que...

M. TOUPIN: Bien non, c'est parce que j'ai fait un choix, moi.

M. DEMERS: Non, vous n'avez pas fait de choix.

M. TOUPIN: II est temps que vous en fassiez un, vous aussi.

M. DEMERS: Vous avez supplié partout.

LE PRESIDENT (M. Picard): A l'ordre, messieurs!

Au nom des membres de la commission, je désire remercier les trois associations qui ont présenté des mémoires, de même que leurs porte-parole, pour leur belle collaboration.

M. VINCENT: Des mémoires qui vont servir au prochain Parlement?

LE PRESIDENT (M. Picard): Peut-être. Pas de commentaire sur ce point.

Alors, messieurs, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 42)

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