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(Dix heures une minute)
Le Président (M. Fallu): La commission va siéger de
10 heures à 12 heures. Les membres de la commission sont: Mme la
députée de Chomedey, vice-présidente et porte-parole de sa
formation et je crois que sera présent dans quelques instants
également M. Tremblay, député de Chambly. Je laisse
à M. le secrétaire le soin de nous annoncer les
remplacements.
Le Secrétaire: M. Gagnon (Champlain) remplace M.
Beauséjour (Iberville) et M. Doyon (Louis-Hébert) remplace M.
Assad (Papineau).
Le Président (M. Fallu): Nous devons également
souhaiter la bienvenue à Mme la députée de
Jacques-Cartier. C'est un nom qu'on devrait retenir par les temps qui courent.
Il me fait plaisir de souligner parmi nous la présence, pour la
première fois à notre commission, du nouvel adjoint parlementaire
au ministre de l'Environnement, le député de Champlain.
Je me permets de situer l'interpellation de ce matin. L'avis a
été donné il y a maintenant trois semaines au feuilleton
et le thème de l'interpellation de la députée de Chomedey
au ministre de l'Environnement porte sur le sujet suivant: La situation de
l'environnement au Québec.
Vous me permettrez de rappeler très brièvement la
mécanique de présentation de l'interpellation. Il s'agit d'une
interprétation qui a été donnée au
règlement, de consentement des leaders et également de la
commission de l'Assemblée nationale. On convient donc
d'interpréter le règlement de la façon suivante. Le
premier intervenant, pour une durée de dix minutes, est le
député de l'Opposition qui a présenté
l'interpellation. Ensuite, le ministre réplique pendant dix minutes et,
dans l'ordre, un député de l'Opposition pendant cinq minutes, le
ministre pendant cinq minutes, un député ministériel
pendant cinq minutes, un député de l'Opposition pendant cinq
minutes, le ministre, etc., à la suite. Je verrai donc à accorder
les droits de parole en conséquence par ce type d'alternance.
À l'instant, Mme la députée de Chomedey, je vous
cède la parole.
Exposé du sujet Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Merci, M. le Président. En interpellant le
ministre de l'Environnement aujourd'hui, l'Opposition espère
éclaircir certains points que nous jugeons essentiels à la
réussite de la mission entreprise par ce ministère en 1978. Vous
aurez compris, M. le Président, que la rencontre de ce matin survient
peu de temps après l'étude des crédits. Je vous prie de
croire que cette stratégie n'est pas le fruit du hasard, mais s'inscrit
dans un souci de prévention vis-à-vis de certaines intentions du
ministre au cours des prochains mois.
En effet, l'étude des crédits du ministère de
l'Environnement pour l'année financière 1984-1985 ne nous a pas
convaincus quant à la volonté du ministre de rendre moins rigide
et contraignant l'encadrement de ses interventions dans lequel le Conseil des
ministres l'a littéralement barricadé et qui, croyons-nous,
l'empêchera de couvrir ce champ d'action qu'est la protection et
l'amélioration de la qualité de vie des Québécois.
Tout en évitant de répéter ce que nous avons
déjà démontré durant l'étude des
crédits, j'aimerais situer notre discussion d'aujourd'hui autour des
éléments suivants: d'abord, le mandat confié au ministre
de l'Environnement; deuxièmement, l'application concrète de
l'action du ministère en matière d'assainissement agricole et
industriel; troisièmement, l'importance accordée aux dossiers
régionaux, tel que l'illustrera celui de l'ouvrage de contrôle de
la rivière des Mille îles. Au préalable, j'aimerais, pour
le bénéfice de ceux qui nous regardent, insister sur le
rôle de l'Opposition dans le cadre d'un tel débat.
La première responsabilité de mon mandat à titre de
porte-parole en matière d'environnement sera de démontrer au
gouvernement que quelque chose ne va pas au sein de ce ministère. Comme
à l'étude des crédits, il ne s'agira pas pour moi de m'en
prendre à la personnalité même du ministre, mais bien au
système qu'il tente en vain de défendre depuis qu'il a
été nommé au poste. Peut-être comprendra-t-il enfin
que, dans un tel contexte, il est condamné à agir de
manière fragmentaire, conception que nous sommes loin de partager en ce
que le projet libéral en matière d'environnement
préconise une approche globale et axée vers les besoins
futurs.
Ma seconde responsabilité consiste à connaître les
raisons d'un constat d'échec reconnu par le ministre lui-même dans
un dossier qui lui semble cher, soit celui de l'assainissement des eaux.
À cet égard, je me dois de rappeler des écarts qui en
disent long sur le rôle de pompier auquel a dû se résoudre
le ministère depuis sa création. Des chiffres que j'exposerai, il
ressort clairement un écart considérable entre les objectifs
fixés au départ et les réalisations.
Dans le discours sur le budget prononcé par le ministre des
Finances en mars 1983, on avait fixé comme objectif pour l'année
financière 1983-1984 des investissements de l'ordre de 328 000 000 $.
Or, une compilation révèle que les dépenses en
immobilisation pour l'année 1983-1984 atteindront quelque 150 000 000 $.
Cette compilation inclut celles effectuées par les communautés
urbaines, la Société québécoise d'assainissement
des eaux, les municipalités et celles reliées aussi aux
études. Cette différence entre les objectifs et les
investissements réalisés fait en sorte que le gouvernement n'a
même pas atteint 50% de son objectif.
De plus, cette même compilation nous indique que les
prévisions d'immobilisation atteindraient, au cours de l'année
1984-1985, 422 600 000 $. Un tel écart entre ces deux années
s'explique par le fait que les investissements non réalisés par
rapport aux objectifs de l'année 1983-1984 ont été
fixés comme objectifs additionnels pour 1984-1985. Dans un tel contexte,
comment croire qu'à un tel rythme de croisière, soit 160 000 000
$ d'investissement par année, le ministère de l'Environnement
puisse, en 1984-1985, grimper à 400 000 000 $? Cela m'apparaît
impossible, voire insensé, compte tenu que le rythme de croisière
des trois dernières années se situerait à 150 000 000
$.
À cet égard, je ne saurais mieux résumer les
appréhensions du milieu municipal qu'en citant une intervention de
l'ancien président de l'Union des municipalités du Québec,
M. Francis Dufour, lequel énonçait quelques commentaires sur le
concept même du programme "clé en main", et je le cite en disant:
"Que, même subventionnés à 90%, les projets
d'épuration entraînent des dépenses énormes pour les
municipalités qui doivent assumer la totalité des coûts
d'exploitation des usines. Ces coûts peuvent représenter la
moitié du coût global du projet sur une période de 20
ans."
Voilà où en est la réflexion du monde municipal, M.
le Président, car en fin de compte ce sont les contribuables qui
écoperont de la facture par le biais des taxes municipales. Sur ce
point, le ministre conviendra qu'une telle solution n'est aucunement
souhaitable dans la mesure où il a à coeur leurs
intérêts. Une autre solution tout aussi inacceptable consisterait
à augmenter le service de la dette des municipalités. Or,
là encore, le collègue du ministre, celui du ministère des
Affaires municipales, ne saurait envisager, lui aussi, de laisser grossir le
service de la dette desdites municipalités, non plus que s'engager
à diminuer cette dette. Ces dernières années, une part
importante des budgets municipaux a été consacrée au
service de la dette; il ne serait donc être question d'augmenter cette
part à moins de couper des services aux contribuables ou de relever leur
compte de taxe.
Ma troisième responsabilité serait de m'intéresser
à la dimension régionale de la mission du ministère de
l'Environnement en fonction des nouvelles orientations qui sont en discussion
par les différentes instances du ministère pour ensuite
être adoptées par le Conseil du trésor en juin prochain
selon les dires mêmes du ministre de l'Environnement.
Plus exactement, nous tenterons de découvrir si les changements
proposés et résumés dans un mémo signé du
sous-ministre sont conformes aux besoins environnementaux et aussi dans quelle
mesure ils répondront au défi de demain. Je tiens à
apporter une précision importante pour ce qui est des changements
à venir au sein du ministère. L'Opposition ne se scandalise pas
de la volonté exprimée par le ministre et traduite dans le
mémo du sous-ministre. Par contre, nous sommes surpris de
l'interprétation faite par le ministre quant à ce virage majeur,
lequel, disait-il, s'incrit dans un geste normal après quatre ans
d'existence du ministère de l'Environnement, où on sent le besoin
de le rajeunir ou d'y apporter des correctifs.
Franchement, ou bien le ministre entretient manifestement une
volonté de diminuer les problèmes, ou bien il a mal saisi les
carences régnant au sein de son ministère. Mon expérience
ministérielle ne peut me tromper à ce point. Un changement majeur
au niveau missions et structures administratives d'un ministère
né il y a un peu plus de quatre ans n'est pas sans importance. Je ne
citerai que l'exemple du ministère des Affaires culturelles, dossier qui
a fait l'objet d'une réforme d'envergure après 23 ans
d'existence. Entre-temps, les ministres qui se sont succédé ont
tantôt mis l'accent sur des actions législatives et
administratives pour des besoins régionaux. Tantôt, ils ont pu
chercher à consolider des programmes dits nationaux. Mais il me semble
que jamais on n'a bouleversé un ministère en deçà
de cinq années d'existence comme se prépare à le faire le
ministre québécois de l'Environnement. Encore une fois, nous ne
trouvons pas là matière à scandale, mais lui demandons de
reconnaître la véritable ampleur des problèmes
existants.
En dernier lieu, l'Opposition s'est défini une
responsabilité vis-à-vis des intervenants locaux et
régionaux. Dans les débats en cours à l'Assemblée
nationale, il nous semble important d'être l'interlocuteur du monde
municipal et, de là, de tous les contribuables québécois.
En effet, mon collègue du comté de Laprairie, porte-parole de
l'Opposition en matière d'affaires municipales, s'est vivement
inquiété de la vitesse dont a fait preuve le gouvernement en
augmentant la subvention à l'épuration.
Dernièrement, le ministre indiquait que les travaux relatifs au
traitement réalisés avant le 31 mars 1986 seront
subventionnés à 95%. En disant aux municipalités que la
facture est coupée en deux, le ministre effectue une sorte de manque de
transparence si on considère que l'exploitation des usines
d'épuration demeurera à la charge des municipalités et
qu'elle représente à elle seule plus de la moitié du
compte de taxes à venir.
Voilà en quelques mots résumés les
paramètres de l'interpellation de ce matin. Je termine mes remarques en
insistant sur un sujet complémentaire en ce qu'il touche à
l'action interministérielle du ministère de l'Environnement parce
que nous croyons qu'au cours des prochains mois le ministre de l'Environnement
devrait mieux définir son action sur cette question. Certes, il faut
garder à l'esprit qu'aussi longtemps qu'existera le ministère de
l'Environnement dans sa forme actuelle son titulaire éprouvera de la
difficulté à s'imposer auprès de ses collègues du
Conseil des ministres.
D'ailleurs, son projet de restructuration n'en fait que trop rarement
mention. De notre côté, nous estimons que la définition de
l'action interministérielle s'impose d'autant plus que la noble
volonté de se porter à la promotion de la qualité de vie
des Québécois risque fort de se heurter de plein fouet à
la juridiction d'autres ministères.
De plus, nous considérons qu'il revient au ministre de
l'Environnement d'assurer un véritable leadership, de sorte qu'il ne
doive pas toujours quémander l'appui de ses collègues pour
pousser un projet, mais qu'il s'en fasse des partenaires. Il doit
également se voir confier le mandat de s'imposer, s'il le faut, dans un
dossier qui apparaît litigieux et qui semble faire l'objet d'un
contentieux. Dans le cas où le ministre ne peut trancher dans un sens ou
dans l'autre, il reviendra au premier ministre d'assumer la délicate
tâche d'arbitrer ledit conflit.
M. le Président, j'arrêterai là ma première
intervention pour étudier plus à fond quelques dossiers touchant
la juridiction du ministère de l'Environnement dans un cadre
constructif. Je demeure vouée à une approche plus globale de la
promotion de la qualité de vie des Québécois.
Le Président (M. Fallu): M. le ministre, vous avez
maintenant dix minutes.
Réponse du ministre M. Adrien Ouellette
M. Ouellette: Je vous remercie, M. le Président. J'ai
écouté avec beaucoup d'attention les propos que vient de tenir
Mme la députée de Chomedey, propos, bien sûr, qui ont de
toute évidence pour objet de critiquer l'action du ministère de
l'Environnement. Je la remercie d'avoir exclu ma personne de cette critique, ce
qui me permettra de répondre aux critiques proprement dites avec le plus
d'objectivité possible.
Une chose me frappe - et c'est ce qui s'est produit également
à l'étude des crédits, à la commission qui a
siégé durant sept heures - c'est le peu de
crédibilité que Mme la députée met dans le
programme d'assainissement des eaux. Sans vouloir lui prêter d'intentions
négatives, il n'en demeure pas moins que ses propos tendent à
minimiser l'importance de ce programme et risquent de faire croire aux
administrateurs municipaux du Québec, par exemple, qui ont un rôle
éminemment important dans le cadre de ce programme, que le programme est
boiteux et, par le fait même, de les inciter à ne pas s'en
prévaloir. (10 h 15)
Elle fait allusion, par exemple, au fait qu'en 1983-1984 l'objectif
d'investissement dans le cadre de ce programme était de 328 000 000 $
alors que les dépenses réelles n'ont été que de 150
000 000 $. À partir de cette affirmation, elle laisse entendre que c'est
parce que le programme a été mal conçu ou mal
administré.
Je voudrais d'abord corriger ces chiffres. C'est vrai qu'on avait comme
objectif d'investissement - il faut bien s'entendre, on parle de dollars
investis, donc de travaux réalisés - la somme de 328 000 000 $.
Les travaux réalisés, c'est vrai, c'est bel et bien 150 000 000
$. Mais il faut s'attarder à voir d'où viennent ces chiffres, qui
avait la mission de faire ces travaux et on s'aperçoit tout de suite
qu'une correction s'impose.
Les 328 000 000 $ s'appuyaient sur des évaluations de coûts
en tenant compte, bien sûr, de la conjoncture économique. On
s'aperçoit après un an que la moyenne des contrats se sont
réalisés avec une réduction de l'ordre de 16 2/3%, donc
plus bas que prévu. Or, cela devient très important puisque,
à ce moment, grâce à la conjoncture économique, les
prix ayant chuté, on peut réaliser avec 275 000 000 $ ce que nous
escomptions faire avec 328 000 000 $. Déjà là, on vient de
justifier 16 2/3% de l'objectif.
Malgré cela, évidemment, on n'a pas dépensé
275 000 000 $, on n'en a dépensé que 150 000 000 $. Et, comme on
a tous tendance, au Québec comme ailleurs j'imagine, de chercher le
coupable et de bien l'identifier pour essayer de le blâmer, ce ne serait
peut-être pas mauvais qu'on le cherche ce coupable. Le coupable, c'est
peut-être principalement la conjoncture économique, mais c'est
aussi le fait que ce n'est pas le ministère de l'Environnement du
Québec qui réalise les travaux. Ce ne sont pas non plus des
entreprises gouvernementales qui font ces travaux. Ce ne sont pas non plus des
ministères québécois qui prennent les décisions. On
a voulu, dans ce programme, dès son origine, respecter totalement
l'autonomie des municipalités. Il a donc été convenu de ne
pas utiliser la méthode qui avait été utilisée il y
a environ quinze ans en Ontario, à savoir que le gouvernement ontarien
entrait dans les municipalités, réalisait les travaux et ensuite
envoyait la facture aux municipalités. Nous avons rejeté cette
formule parce qu'elle n'aurait pas été acceptable au
Québec. On a donc décidé de permettre aux
municipalités de faire un choix entre réaliser ou ne pas
réaliser les travaux. Donc, une partie des dollars non investis
relève de la décision de plusieurs municipalités, compte
tenu de la conjoncture économique - et je n'ai pas l'intention de les
blâmer - de ne pas réaliser les travaux ou de les étaler
dans le temps. Cela c'est une chose. Je rattache cela aux propos que Mme la
députée tenait en fin d'intervention où elle rappelait les
propos de M. Francis Dufour, président de l'Union des
municipalités du Québec. Effectivement, M. Dufour disait: Ce
programme a deux lacunes. La première, c'est qu'il laisse une facture de
20% des coûts aux municipalités. La deuxième, les
coûts d'exploitation sont laissés entièrement aux
municipalités. Donc, le gouvernement ne subventionne pas l'exploitation
de ces usines de traitement. M. Dufour disait la vérité, c'est
vrai. On subventionnait à 80% à l'époque où M.
Dufour tenait ces propos. Cela laissait donc un résidu de 20%. Nous
avons donc répondu, au ministère de l'Environnement et avec
l'accord du gouvernement, il va sans dire, à ces deux objections
soutenues par l'Union des municipalités du Québec. Nous l'avons
fait d'une façon très généreuse.
Au mois de novembre dernier, le premier ministre du Québec, M.
Lévesque, annonçait une prime d'accélération qui
prenait effet le premier décembre 1983 et qui allait s'inscrire jusqu'au
31 mars 1986, ce qui donnait un peu plus de deux ans aux municipalités
pour profiter de cette prime qui avait et qui a toujours pour effet de
réduire de moitié l'investissement municipal puisqu'on portait de
80% à 90% le niveau d'aide gouvernementale dans l'application du
programme d'assainissement des eaux. Donc, une première réponse
plus qu'énergique, une réponse tout à fait concrète
et généreuse était rendue à l'Union des
municipalités de même qu'à l'Union des municipalités
régionales de comté, qui soutenait de toute façon la
même thèse.
En ce qui a trait à l'exploitation, nous avons
décidé de faire profiter les Québécois et les
Québécoises des surplus d'électricité dont dispose
présentement Hydro-Québec. On sait très bien qu'au niveau
de l'exploitation de ces usines les coûts d'énergie
représentent un pourcentage très important. Il peut varier selon
le type d'installation mais dans le cas des petites municipalités en
particulier, où on procède par étangs aérés,
le coût d'énergie peut représenter jusqu'à 90% du
coût d'exploitation. Donc, en accord avec Hydro-Québec le
gouvernement a convenu de faire profiter de tarifs réduits
d'électricité les municipalités qui se prévalaient
du programme d'assainissement des eaux.
Dans un premier temps, Hydro-Québec a offert aux
municipalités et offre toujours à ces municipalités de
réduire le tarif de 100% qu'il est ou qu'il était à
l'époque à 75%. Cela s'applique pour toutes les usines.
Dans un deuxième temps, Hydro-Québec a offert
également un deuxième rabais, très important
celui-là, plus que le premier, c'est-à-dire qu'il offre aux
municipalités qui vont mettre en place des équipements
d'assainissement des eaux un tarif comparable à celui qui est offert aux
grands investisseurs consommateurs d'énergie tels Pechiney, par exemple,
à Bécancour, Reynolds, à Baie-Comeau. Cela veut dire de
ramener de 100% à 75%, puis à 37,5% le tarif qui va reprendre un
niveau de croissance et le ramener à 75% en 1991. Cela représente
une réduction de 55% pour l'ensemble de cette période.
Donc, nous avons répondu à ces deux demandes municipales:
une aide qui fait en sorte qu'on paie la moitié de la facture municipale
au niveau des investissements et une deuxième forme d'aide qui
réduit considérablement les coûts de fonctionnement. Ce
sont ces deux gestes qui ont fait que l'espoir - on peut même le
vérifier, les chiffres sont là maintenant
-d'accélération du programme d'assainissement des eaux va nous
permettre de réaliser des objectifs qui avaient été
avancés dès 1978.
Je reviendrai plus loin, en cours de processus, sur des données
plus précises qui démontrent clairement que, loin d'être un
échec, ce programme est en train de devenir un exemple qui sera suivi,
j'imagine, par plusieurs autres gouvernements nord-américains en
matière d'intervention gouvernementale dans nos milieux respectifs.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Fallu): M. le ministre,
merci de cette intervention. Je dois maintenant reconnaître un
député ministériel, le député de Champlain
et adjoint parlementaire au ministre de l'Environnement. M. le
député, vous avez la parole pour cinq minutes.
Argumentation M. Marcel Gagnon
M. Gagnon: Merci, M. le Président. Cela me fait plaisir de
participer à ce débat ce matin parce qu'on sait que, de plus en
plus, la population est éveillée aux problèmes de
l'environnement en général. Je pense que c'est de bon aloi et, si
on veut réussir dans le domaine de l'assainissement des eaux, comme dans
le domaine de l'assainissement de l'air, afin de vivre dans un climat meilleur
du point de vue environnemental, il faut très certainement trouver le
moyen de sensibiliser la population à l'ensemble de ces
problèmes. Le débat de ce matin permettra certainement de poser
un certain nombre de questions au ministre et d'avoir des réponses qui
pourront satisfaire la population.
Une chose me surprend toujours lorsque j'entends le critique
libéral, et ce n'est pas vrai seulement dans le domaine de
l'environnement, c'est vrai en général. J'ai écouté
Mme la députée de Chomedey ce matin et à d'autres moments,
entre autres à une émission de radio, où elle disait que
le problème de l'assainissement en général - on en a une
meilleure vue sur le plan environnemental - est un problème qui relevait
de la collectivité, que la collectivité devait être
sensibilisée et devait aussi voir à prendre ses
responsabilités. Quand on parle de la collectivité en
général, bien sûr, ça veut dire tous les
travailleurs, les industriels, cela veut dire aussi les municipalités,
tous ceux qui ont un mot à dire pour aider à régler les
problèmes environnementaux.
J'étais d'accord avec cet énoncé, mais elle arrive,
ce matin, et mentionne la lenteur, ainsi de suite. Je pense que le ministre a
répondu en ce qui concerne la lenteur des programmes d'assainissement
des eaux. Lorsqu'elle fait un reproche en disant que le monde municipal, par
exemple, craint de voir ses factures augmentées, craint de voir
l'augmentation du service de la dette, je me demande ce qu'on veut dire par
responsabiliser la collectivité si, d'un côté, on lui dit:
Demandez, exigez, mais exigez en même temps de ne jamais payer. Je trouve
que la première façon de responsabiliser la collectivité
par rapport à son environnement, c'est de mettre ensemble des programmes
qui vont justement nous faire prendre conscience du problème
environnemental et nous faire prendre conscience qu'il faut arrêter de
polluer notre environnement à tout point de vue.
Deuxièmement, il faut aussi nous faire prendre conscience qu'il y
a forcément un coût. Je pense que, le jour où on verra tous
les cours d'eaux, les lacs et les rivières du Québec revenir
à l'état pur, à l'état normal, certainement cela
voudra dire qu'on aura investi des coûts comme collectivité. Or,
je suis persuadé qu'on soulève là un faux débat et
un débat qui risque d'être dangereux. En tout cas, je suis heureux
de dire à Mme la députée de Chomedey que les deux
premières municipalités de la région de la Mauricie
à réaliser le programme d'assainissement des eaux se sont
trouvées dans mon comté. C'est drôle qu'aucune de ces
municipalités n'ait manifesté contre le fait d'être
obligée de débourser une certaine somme d'argent pour en arriver
à une meilleure vie collective. Cela ne veut pas évidemment dire
qu'il ne faut pas venir en aide aux municipalités. C'est pour cela qu'on
a des programmes que je trouve extrêmement généreux.
J'aimerais bien que, dans la critique que l'on fait, lorsqu'on parle de
responsabiliser les gens, on leur parle aussi de responsabilité en
termes de coût. S'il y a un coût collectif que l'ensemble de la
population doit assumer lorsque l'on pollue, c'est un coût qui est
excessivement dispendieux en termes d'agrément de vie en
général, mais il y a aussi un coût collectif qu'on doit
investir pour la dépollution, pour le service que l'on rend à la
collectivité de remettre la situation la plus normale possible.
Il ne faudrait pas non plus oublier, en ce qui concerne la participation
qu'on demande aux municipalités - le ministre vient d'en parler
tantôt - qu'elle est diminuée. Il y aurait aussi une
possibilité de faire payer cette participation par un autre niveau de
gouvernement qui est aussi responsable - je pense - comme l'ensemble de la
collectivité de la pollution. Je pense que le ministre a
déjà fait des ouvertures dans ce sens-là. Par exemple, si
le gouvernement fédéral voulait payer une partie ou la
totalité de la part des municipalités, je pense qu'il serait le
bienvenu. Je ne sais pas si dans ce sens-là le ministre a
déjà eu des réponses mais cela viendrait soulager la
facture des municipalités.
Il ne faudrait pas non plus oublier qu'on a fait, depuis un certain
temps, la réforme de la fiscalité municipale. Avec la
réforme de la fiscalité municipale, les municipalités du
Québec se trouvent enrichies autour de... Oui, M. le Président,
j'ai terminé.
Le Président (M. Fallu): Je vous invite à terminer
à l'instant.
M. Gagnon: Je voudrais juste finir ma phrase. ...se trouvent
enrichies autour de 380 000 000 $ de plus par année. Je pense que cela
aussi c'est de l'argent qui doit être
mis au service de la collectivité pour la protection de
l'environnement. Merci.
Le Président (M. Fallu): Mme la députée de
Chomedey, en m'excusant d'une erreur que j'ai commise puisque j'aurais dû
vous donner ce droit privilégié de réplique qui est
prévu au début de l'interpellation. Toutes mes excuses.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Connaissant votre sens de l'équité, M.
le Président, vous me donnerez deux fois de suite le droit de parole, je
suppose.
En assainissement agricole, des études ont été
menées par l'Institut national de la recherche scientifique. Ces
études ont démontré que la pollution agricole compte plus
de 50% des apports totaux de pollution sur certains cours d'eaux du
Québec. Nous tous - pour en avoir discuté - connaissons le cas
des rivières Yamaska, L'Assomption, Chaudière, etc., qui comptent
parmi les rivières les plus polluées du Québec et
connaissent des problèmes de pollution agricole importants. Le
problème réside dans le fait que le gouvernement a
multiplié l'octroi des permis agricoles en concentrant l'élevage
dans certaines régions; ainsi, l'épandage du fumier ou du purin
devient impossible. En fait, ce problème est connu depuis longtemps par
le ministère de l'Environnement. (10 h 30)
De plus, lors de l'étude des crédits, le ministre nous a
mentionné que son ministère avait procédé à
un nombre élevé d'études. Aujourd'hui, puisque nous avons
plus de temps que lors de l'étude des crédits, j'aimerais que le
ministre nous dresse une liste de réalisations concrètes
au-delà des études et des projets. Pour aider le ministre, je
citerai ses propos tenus le 18 avril dernier dans le journal des Débats:
"L'autre volet de l'alternative consiste à développer une
méthode de traitement qui puisse, au niveau des coûts, devenir
comparable à l'épandage local. Nous nous attardons actuellement
sur une étude de mise en place éventuelle d'usines pilotes de
traitement pour nous conduire à démontrer qu'il est possible de
transformer sur place le purin tout en rencontrant les coûts comparatifs
d'épandage sur place." Le ministre poursuit: "Nous en sommes rendus
là; cela fait suite aux 38 études dont je parlais."
Ainsi, M. le Président, depuis sa création, le
ministère en est rendu en matière d'assainissement agricole
à la mise en place éventuelle d'usines pilotes de traitement.
D'autre part, a-t-il vraiment fallu autant d'études pour
découvrir qu'il fallait regarder vers d'autres sources de pollution
comme l'érosion, les engrais et les pesticides? Je rappelle au ministre
que ces éléments ne font partie d'aucune réglementation.
J'ai quelques questions à lui poser ce matin.
Je lui demanderais ce qui le retient d'agir dans des domaines aussi
fondamentaux et aussi élémentaires en matière
d'assainissement agricole. Le ministre participe-t-il à une quelconque
consultation interministérielle? On revient toujours à cela, sur
les questions agricoles. S'est-il assuré que son collègue, le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, est
sensibilisé aux problèmes de l'assainissement agricole? Quels
moyens a-t-il pris pour qu'il le soit vraiment? Là où
l'épandage n'est pas possible à certaines saisons et dans
d'autres territoires où l'épandage n'est nullement possible, le
ministre pourrait-il nous faire connaître la formule d'épuration
des eaux agricoles privilégiée par le ministère?
Revenons à l'assainissement des municipalités. Le ministre
a repris sensiblement les propos qu'il tient concernant l'assainissement des
eaux. Selon les informations que nous avons, la Société
québécoise d'assainissement des eaux a présentement en
commande un total d'environ 793 000 000 $ de travaux à réaliser
en vertu des ententes qu'elle a signées avec les municipalités.
Je ne pense pas me tromper quand je dis au ministre que la
société a un rythme de croisière de 50 000 000 $ à
70 000 000 $. Comment alors peut-il prétendre que la
société pourra réaliser 800 000 000 $ de travaux en moins
de deux ans s'il veut arriver au 31 mars 1986, qui est la date limite? Comment
peut-il prétendre que la société, vis-à-vis de ses
clients les municipalités, pourra faire bénéficier ces
mêmes clients de la prime d'accélération? Cela fait partie
de nos inquiétudes et je pense que le ministre devrait les
comprendre.
Pour ce qui est de l'assainissement industriel, du temps où il
était ministre, le député de Lafontaine faisait valoir,
avec raison d'ailleurs, que la pollution industrielle était plus
importante que la pollution urbaine. À ce sujet, il paraît que des
usines de pâtes et papiers polluent à elles seules davantage que
toutes les résidences du Québec réunies. De plus, les
spécialistes émettent l'idée que, dans le programme de
modernisation de ces usines, le gouvernement subventionne un traitement
qualifié de très primaire. On sait qu'un grand nombre
d'industries sont raccordées à un réseau d'égout
municipal dont les eaux sont éventuellement traitées. Plusieurs
centres industriels doivent éliminer certains rejets incompatibles avec
le traitement des eaux municipales conventionnel, par exemple les produits
toxiques et chimiques.
Le ministre pourrait-il nous dire les sommes allouées dans la
dépollution
industrielle à ce jour, outre le programme des pâtes et
papiers auquel on peut faire allusion? Le ministre pourrait-il nous confirmer
s'il est vrai que 15% des industries identifiées comme pollueurs
potentiels ont signé des protocoles? Cela revient à dire que 171
industries ont signé sur 1199 indutries.
Le Président (M. Fallu): M. le ministre, en vous
souhaitant de pouvoir apporter toutes les réponses en cinq minutes.
M. Adrien Ouellette
M. Ouellette: Cela ne sera sûrement pas facile, M. le
Président, parce que Mme la députée a touché quatre
grands secteurs et il faudrait peut-être une heure et demie pour
répondre convenablement. Je vais répondre à la
dernière question: Combien de dollars ont été investis par
les industries dans le domaine de la dépollution? Très exactement
215 000 000 $ ont été investis à ce jour. C'est donc un
montant joyeusement impressionnant.
Je voudrais revenir sur un point qui m'a frappé à savoir
qu'on semble croire qu'il n'y a pas d'interconnexion, de discussion ou de
concertation entre le ministère de l'Environnement et plusieurs
ministères du gouvernement du Québec. Je vais lui donner
simplement une série d'exemples qui démontrent qu'au contraire le
ministre de l'Environnement parle constamment à ses collègues et
essaie d'obtenir d'eux des interventions à caractère
environnemental important. Par exemple: au niveau des pulvérisations
aériennes, on se rappelle que, depuis treize ans, il s'en fait au
Québec. À l'époque du gouvernement Bourassa, ces
pulvérisations se faisaient exclusivement avec des produits chimiques.
Cette année, par exemple, grâce à la collaboration du
ministère de l'Énergie et des Ressources, on part de 2%
d'utilisation de produits biologiques et on atteint cette année 37%.
C'est un record non seulement canadien, mais mondial. C'est au Québec
qu'on va utiliser les plus grandes quantités de produits biologiques au
détriment de ces détestables produits chimiques utilisés
presque partout en Amérique du Nord.
Toujours en collaboration avec le ministère de l'Énergie
et des Ressources, on a obtenu que les phytocides, ces défoliants
dangereux, soient complètement abandonnés de la gestion du
reboisement au Québec. C'est encore une première. Cela ne
s'était jamais fait. On a également obtenu qu'Hydro-Québec
abandonne l'utilisation de ces défoliants par voie aérienne.
C'est une autre victoire de l'environnement qui a été
réalisée grâce aux discussions que j'ai pu avoir avec mon
collègue de l'Énergie et des Ressources.
On sait que l'éducation est un domaine extrêmement pesant
et important dans l'avancement de la cause de l'environnement. Grâce
à ces discussions que j'ai eues avec les différents ministres de
l'Éducation depuis deux ans, on a obtenu un certain nombre de choses.
Par exemple, il se donne maintenant des cours en matière
environnementale au primaire et au secondaire et on va aller plus loin dans les
mois qui viennent. On a obtenu que le ministère de l'Éducation
mette en place, par exemple, des cours de formation de ceux qui auront à
exploiter bientôt les usines de traitement reliées au programme
d'assainissement des eaux.
Quant à l'agriculture, le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, M. Garon, annonçait il n'y a pas
longtemps la mise en place d'un programme d'aide aux agriculteurs
désireux de s'équiper de plates-formes à fumier solide.
C'est un montant important qui sera investi par le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et qui a des effets
très positifs contre la pollution de type agricole.
Le programme de modernisation des entreprises papetières, qui
relève encore une fois du ministère de l'Énergie et des
Ressources, comprend un volet de mise en place des équipements contre la
pollution de ce type d'entreprises. Des subventions de 20% sont
accordées à ces entreprises pour qu'elles puissent mettre en
place des équipements contre la pollution.
Avec le ministre responsable de l'Habitation et de la Protection du
consommateur au Québec, dans son programme "Équerre", j'ai obtenu
que M. Tardif mette un volet couvrant les fosses septiques devant être
remplacées dans le cas des maisons dont la construction remonte à
au-delà de 1970. Là encore, c'est une action conduite par un
autre ministère qui va exactement dans le sens que poursuit le
ministère de l'Environnement.
L'entrée du gaz naturel au Québec, qui se fait encore une
fois par le ministère de l'Énergie et des Ressources, aura lui
aussi des effets très positifs pour l'environnement, notamment dans le
secteur des pluies acides.
Le programme "Bi-énergie", qui fait disparaître
progressivement l'utilisation d'huiles souvent de mauvaise qualité, va
lui aussi avoir des effets très positifs en termes de protection de
l'environnement. Ce sont là des exemples - ce ne sont pas les seuls
-d'interventions faites par le ministère de l'Environnement
auprès d'autres ministères québécois qui produisent
des effets très importants dans le domaine de la protection de
l'environnement.
Mme la députée disait tout à l'heure... Je ne sais
pas si j'ai le temps, d'aborder un autre sujet; je n'aurai pas grand temps
hélas! Je voudrais lui rappeller que je serais intéressé
à ouvrir une discussion sur le plan
d'organisation administrative supérieure, le fameux POAS, qui
semble créer des problèmes à Mme la députée.
J'aimerais qu'on aborde ce sujet et qu'on mette en parallèle les
intentions du ministère avec celles soutenues par le Parti
libéral et Mme la députée de Chomedey en particulier.
Le Président (M. Fallu): M. le ministre, vous aurez encore
quelques occasions. Je cède immédiatement la parole à Mme
la députée de Chomedey.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Je ferais remarquer au ministre que ce n'est pas
à lui de décider quels sont les sujets qui sont appelés
pour discussion et je devrais peut-être même, M. le
Président, avoir la générosité de lui accorder une
minute de plus tout à l'heure pour qu'il réponde vraiment aux
questions que je lui ai posées, en particulier la question qui touche la
Société québécoise d'assainissement des eaux. Le
ministre n'a pas répondu à cela et pour la pollution industrielle
non plus.
Je reviens, M. le Président. Ma question concerne,
évidemment, le milieu municipal et, plus particulièrement,
j'aimerais avoir du ministre certains commentaires. La municipalité
régionale de comté de Laval adoptait en février dernier
une résolution, laquelle s'inscrivait dans les orientations du
schéma d'aménagement en ce qu'elle privilégiait la
qualité de vie sur son territoire. Le ministre reconnaîtra-t-il ce
matin que l'ouvrage de contrôle qu'il propose sur la rivière des
Mille îles causera plus d'inondations au lac des Deux Montagnes et le
long de la rivière des Prairies par rapport au mode actuel de gestion
des eaux? Le BAPE a conclu que l'ouvrage provoquera un refoulement des eaux en
amont. Il n'a qu'à consulter la page 59, deuxième colonne,
deuxième paragraphe. Le BAPE a constaté que les résidents
en amont de l'ouvrage bénéficiaient déjà d'une
régularisation améliorée de l'Outaouais; page 65, article
4.2.1, deuxième paragraphe. Le BAPE a conclu que l'ouvrage
réduisait sensiblement en amont les avantages de la diminution des
inondations que procurer la régularisation des eaux de la rivière
des Outaouais telle qu'elle se pratique actuellement; page 103, article 4.65 b.
D'après les données fournies par le ministère, l'ouvrage
de contrôle, lorsqu'il sera effectué, causera une inondation
supplémentaire, par rapport au mode actuel de gestion des eaux, de huit
à onze pouces au lac des Deux Montagnes et dans la rivière des
Prairies.
M. le Président, une autre question pour le ministre, toujours
concernant le même sujet. Le ministère a-t-il effectué - et
là, j'espère que le ministre apportera des réponses - des
études d'impact en amont de l'ouvrage avant que le gouvernement
émette le certificat d'autorisation le 17 mars 1982? Parce que le BAPE a
conclu dans son rapport qu'une étude des glaces devait être
effectuée afin de connaître les effets possibles du fonctionnement
de l'ouvrage sur leur formation et leur mouvement. Le BAPE, ce bureau
d'audiences publiques, estime que le ministère a conclu trop rapidement
que son ouvrage ne créait aucun impact en amont. L'opinion d'experts que
le ministère a demandée au Laboratoire d'hydraulique LaSalIe
n'est basée sur aucune observation de terrain. Le BAPE a conclu que
l'étude du ministère témoignait d'un manque de
préoccupation et d'une sensibilité insuffisante quant aux
répercussions de son projet sur la vie des communautés humaines
et le BAPE a conclu qu'une décision ne devait pas être prise sur
le projet avant qu'une identification ne soit faite des impacts
socio-économiques en amont.
Une autre question très importante pour le ministre: Peut-il
expliquer pourquoi aucune étude sérieuse n'a été
effectuée sur le problème des embâcles qui se produiront
dans l'ouvrage de contrôle et connaît-il un seul ouvrage de
contrôle au monde qui oeuvre en conditions d'embâcle? Le
ministère n'avait jamais reconnu par le passé que les glaces du
lac des Deux Montagnes, lors de la débâcle, descendaient par les
rivières des Prairies et des Mille Iles et formaient un embâcle
à l'entrée de la rivière des Mille îles. Dans son
opinion préparée à la demande du ministère, M.
René Hausser, du Laboratoire d'hydraulique LaSalle, admet qu'il est
indéniable que le fonctionnement de l'ouvrage puisse occasionnellement
être gêné par des embâcles dans l'ouvrage. M. Hausser,
dans son opinion, suggère un mode de fonctionnement complètement
différent de celui qu'il recommandait en 1982. S'il se produisait un
embâcle dans l'ouvrage de contrôle, les inondations, les dommages
et les inconvénients en amont seraient très importants et
pourraient se prolonger sur une longue période.
Une autre question pour le ministre: Reconnaît-il que les
résidences qui sont inondées tous les ans le long de la
rivière des Mille îles continueraient à l'être si
l'ouvrage était construit? L'ouvrage ne serait exploité que
lorsque le débit de la rivière des Mille îles
dépasserait 708 mètres cubes à la seconde et plus de 250
maisons permanentes ou temporaires sises au bord de la rivière des Mille
îles ne seraient pas protégées par l'ouvrage de
contrôle. Ce sont des questions précises et j'aimerais que le
ministre apporte des réponses précises.
Le Président (M. Fallu): M. le ministre, je vous
écoute personnellement avec beaucoup d'attention...
M. Ouellette: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Fallu): ...puisque j'habite le long de la
rivière des Mille îles. (10 h 45)
M. Adrien Ouellette
M. Ouellette: M. le Président, très rapidement, je
veux répondre à la question qui a fait l'objet de l'intervention
précédente à propos de la Société
québécoise d'assainissement des eaux qui se serait engagée
à réaliser des travaux pour un montant de 800 000 000 $, d'ici le
31 mars 1986. Ce n'est pas vrai. Jamais la SQAE ne s'est engagée
à faire de tels travaux. Ce que nous avons toujours dit aux
municipalités, c'est que la prime d'accélération
s'applique jusqu'au 31 mars 1986 et que nous ferions l'impossible avec leur
collaboration pour réaliser le maximum de ces travaux à
l'intérieur de ce délai. Mais il est clairement établi
avec chacune des municipalités, et c'est vraiment du cas-par-cas, que,
dans certains cas, cela peut aller au-delà de cela et que la
bonification va, de toute façon, s'arrêter le 31 mars 1986. C'est
donc dire qu'une partie des travaux sera subventionnée à 90% et
le résidu à 80%. C'est clair et net. Il n'y a pas de cachotterie
à faire là-dessus.
Deuxièmement, la société peut-elle réaliser
ces travaux? Oui, elle le peut parce que ce n'est pas elle qui les fait. Elle
distribue le travail entre les firmes d'ingénieurs-conseils - elles sont
nombreuses au Québec - et entre les firmes de construction. Ce n'est pas
le gouvernement ni les municipalités qui font les travaux. C'est
vraiment l'entreprise privée. Il y a suffisamment de constructeurs et de
firmes d'ingénierie pour répondre à la demande qui est
suscitée par la prime d'accélération et qui a pour effet
de démontrer que le programme est un grand succès. Nous avons
toujours espérance et même presque la conviction totale que cela
sera réalisé d'ici 1988, dans la quasi-totalité des
cas.
Je reviens à la rivière des Mille îles. Mme la
députée a posé plusieurs questions. Je n'ai
malheureusement pas pu les retenir toutes, mais j'aimerais préciser une
chose. Il y a eu des travaux qui ont été effectués sur la
rivière des Prairies, il y a quelques années. Il était
entendu à ce moment-là que ces travaux n'étaient qu'un
élément devant être suivi par d'autres
éléments pour former un tout dans le domaine de la gestion des
eaux.
À ce moment-là, la situation a été
améliorée de 40% dans ce secteur de la région de
Montréal. Nous savions qu'éventuellement nous devrions construire
le barrage de la rivière des Mille ties, qui aurait un effet
négatif par rapport aux bons aspects du premier ouvrage. Donc,
réduction de 40%; construction du barrage de la rivière des Mille
îles et réduction de moitié des premiers résultats
positifs. Dans les deux cas, nous atteignons une amélioration de 20%, ce
qui est amplement suffisant pour protéger adéquatement les
résidents de ces deux cours d'eau.
Elle me demande s'il y a risque d'embâcle. Écoutez, il y a
déjà un pont un peu en aval de ce barrage que nous construirons
cet été. Bien sûr, ce pont, comme tous les ponts, a des
piliers. Ces piliers ne provoquent pas d'embâcle. Pourquoi alors les
piliers du barrage en provoqueraient-ils puisque les piliers du barrage et ceux
du pont coïncident parfaitement? Donc, c'est un peu faire la chasse aux
sorcières que de prétendre que le barrage de la rivière
des Mille îles va créer des embâcles quand on sait que le
pont n'en crée pas.
Elle me demande si toutes les maisons situées en aval du barrage
de la rivière des Mille îles vont être
protégées contre les inondations. La réponse est non parce
qu'il se trouve des maisons construites littéralement dans le lit de la
rivière. Il faudrait assécher le lit aux périodes de
hautes eaux pour assurer la protection de ces maisons. L'objectif n'est pas de
régler le problème à 100%, parce qu'il y a une partie du
problème qui est sans solution, à moins de déplacer ces
maisons et de les replacer à un niveau plus élevé. Par
contre, l'amélioration de 20% va protéger
énormément les propriétés mais pas toutes, c'est un
fait.
Le Président (M. Fallu): Je cède maintenant la
parole au député de Chambly.
M. Luc Tremblay
M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. Je ne sais
pas s'il était dans l'intention de Mme la députée de
Chomedey de nous choquer ce matin par son préambule. Je suis certain
qu'elle sera très heureuse de savoir qu'elle a réussi au moins
dans mon cas.
Je me permettrais de dire que ce type de discours est irresponsable ou,
encore, c'est une attitude de saboteur de l'économie du Québec.
Comme le règlement ne me permet pas de prêter des intentions
à l'Opposition, je suis obligé de conclure que c'est un discours
irresponsable. C'est l'irresponsabilité qui les guide dans leur
attitude.
Cette attitude, ce matin, risque de faire en sorte que des
municipalités ne s'engagent pas dans la dépollution de leurs
eaux, que des industries ne s'engagent pas dans la dépollution de leurs
eaux et que les
agriculteurs ne s'engagent pas non plus, ce qui aura pour effet de
retarder le programme d'assainissement des eaux qui a été mis en
place par notre gouvernement puisque, de 1971 à 1979, deux
municipalités au Québec avaient signé des ententes. Cela
veut dire que de 1976 à 1979 on a dû mettre sur pied toutes les
structures nécessaires pour faire la dépollution de nos eaux. De
1979 à 1984-1985, une période plus courte, de six ans, 213
municipalités ont signé des protocoles d'entente, ce qui prouve
que le système fonctionne.
Je m'excuse, M. le Président, on a établi tout à
l'heure que c'était de l'irresponsabilité, mais cette attitude
d'irresponsable qui s'applique à l'environnement s'applique aussi
à l'économie. On dénigre systématiquement
l'économie du Québec, les programmes d'épuration des eaux,
ce qui fait qu'on mine la confiance des Québécois envers ces
programmes. On sait que l'économie est faite surtout de la confiance des
citoyens dans l'économie.
C'est aussi un faux débat que de commencer à dire: Les
municipalités devront augmenter leur service de la dette pour la
dépollution. J'affirme ici ce matin que les Québécois
paieront à 100% la dépollution de leurs eaux, que ce soit par les
municipalités ou par le gouvernement du Québec. Il y a une
répartition à faire, une façon d'inciter les
municipalités à nettoyer leurs eaux, c'est en offrant des
subventions. Il faut cependant conserver la responsabilité aux
pollueurs, qu'ils soient industriels, agricoles ou municipaux; c'est leur
responsabilité, premièrement, de ne plus polluer ou de polluer le
moins possible et, deuxièmement, de nettoyer les eaux qui sont
usées.
Mme la députée a posé beaucoup de questions. Pour
ma part, j'en poserais une à la représentante du Parti
libéral. Je voudrais savoir quelle serait leur attitude face à la
dépollution par les municipalités. Face à la pollution
agricole, est-ce qu'ils subventionneraient tout? Est-ce qu'ils prendraient en
main toute la dépollution? Je voudrais savoir quelle serait leur
politique.
Je pense qu'il me reste une demi-minute et je l'ajouterais à ses
cinq minutes pour qu'elle puisse répondre à cette question.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Fallu): Mme la députée de
Chomedey.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Ce n'est pas mon rôle de répondre aux
questions ce matin. Je me demande si le député de Chambly ne
commence pas déjà à pratiquer son rôle d'Opposition
en posant des questions, mais je vais continuer le dossier de la rivière
des Mille îles, si vous voulez. Le ministère a-t-il
étudié sérieusement les options? Le ministre n'a pas
donné toutes les réponses.
Je pose les questions, M. le ministre, comme je les ai données
tantôt et je commence d'ailleurs par ma question pour que vous la
reteniez bien. A-t-il étudié sérieusement les options au
projet que le BAPE recommandait d'étudier et qui amélioraient les
conditions non seulement le long de la rivière des Mille îles,
mais aussi dans les autres secteurs en amont? Le BAPE a identifié de
nombreuses autres solutions pour les projets. Je réfère toujours
le ministre au rapport du BAPE qui estimait qu'une décision ne devrait
pas être prise sur les projets sans que ces autres solutions soient
réévaluées.
Deuxième question, puisqu'il faut les signaler: Est-ce que le
ministre et le gouvernement n'ont pas trompé effrontément la
population en disposant cavalièrement, sans fournir la moindre
explication, des recommandations du BAPE? Les citoyens concernés ont
participé de très près, et vous le savez, au processus de
consultations publiques. Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement a
produit un rapport qui contenait de nombreuses réserves et
recommandations en ce qui concerne le projet d'ouvrage de contrôle. Le
certificat d'autorisation délivré par décret le 17 mars
1982 ne tenait aucunement compte de la majorité de ces recommandations
et le ministère n'a effectué aucune des études
recommandées par le Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement.
Une autre question pour le ministre - il m'écoute - M. le
Président: Pourquoi le gouvernement n'abandonne-t-il pas tout simplement
son projet d'ouvrage de contrôle afin d'éviter des erreurs
environnementales importantes et un gaspillage de fonds publics pour le moment?
Parce que l'ouvrage occasionnera des inondations supplémentaires et des
impacts en amont, parce que le fonctionnement de cet ouvrage sous condition
d'embâcle n'a jamais été étudié, parce que
l'ouvrage ne protégera pas efficacement les résidents
affectés le long de la rivière des Mille îles, parce que
cet ouvrage favorise des résidents de la rivière des Mille
îles au détriment des résidents des secteurs en amont,
créant des problèmes sociologiques, économiques et
politiques, parce qu'il existe des solutions de rechange à cet ouvrage
qui n'ont jamais été évaluées sérieusement
par le gouvernement et qui permettraient d'améliorer les conditions dans
tous les secteurs de la région de Montréal sans qu'aucun secteur
ne soit perdant.
S'il était possible qu'il me reste une minute pour que je la
donne au ministre pour qu'enfin il réponde à mes questions, M. le
Président, je serais prête à le faire.
Le Président (M. Fallu): Vous le faites
par ce seul geste. M. le ministre, vous avez six minutes.
M. Adrien Ouellette
M. Ouellette: C'est très gentil. Merci, M. le
Président et Mme la députée. Cela va me permettre de faire
un tableau général de la situation. On parle de la rivière
des Mille îles. On parle de la rivière des Prairies. On parle du
lac des Deux Montagnes et on parle de l'eau qui entre dans ce lac et qui
provient de la rivière des Outaouais. On parle donc de régulation
des eaux d'un immense bassin et on ne peut pas intervenir de façon
efficace sans embrasser l'ensemble de ce bassin. C'est donc dire qu'a priori il
est indispensable que la gestion des eaux de la rivière des Outaouais
doit se faire de façon intelligente. Pour ce faire, on dispose d'un
certain nombre de barrages et on dispose d'une équipe de
spécialistes pour administrer la gestion de ces eaux.
J'ai dit, tout à l'heure, qu'on était intervenu il y a
quelques années sur la rivière des Prairies et qu'on avait
amélioré la situation de 40%. Nous étions conscients
à ce moment-là que cette amélioration de 40% ne pouvait
être que temporaire et dépassait même les objectifs puisque
nous savions devoir construire éventuellement un barrage sur la
rivière des Mille îles pour protéger les gens situés
en aval du pont. Nous savions également que l'effet négatif de la
construction de ce barrage se ferait sentir sur la rivière des Prairies,
mais de façon acceptable. Nous savions également qu'il ne fallait
pas augmenter le niveau d'eau du lac des Deux Montagnes et, pour éviter
qu'il n'augmente, nous avons deux moyens de contrôle:
premièrement, la gestion des eaux qui nous viennent de la rivière
des Outaouais et, deuxièmement, la possibilité d'ouvrir le
barrage de la rivière des Mille îles aussitôt qu'un seuil
critique serait atteint. Ce qui veut dire que, si nous devions agir
éventuellement de cette façon, nous neutraliserions l'effet du
barrage de la rivière des Mille îles. En d'autres mots, nous
construisons ce barrage pour protéger les gens situés en aval,
mais ils savent qu'éventuellement, si des mesures de contrôle sur
la rivière des Outaouais devaient se révéler inefficaces
parce qu'on est en période de très grande crue, nous devrions
faire fonctionner ce barrage de façon à revenir à la
situation antérieure.
Quant aux solutions auxquelles fait référence Mme la
députée, j'aimerais qu'elle nous en fasse la liste. La seule
solution qui nous paraît plausible serait le déménagement
des résidents situés en aval de la rivière des Mille
îles. Les coûts reliés à cette solution sont
tellement élevés qu'ils sont à peu près
impensables. C'est pourquoi nous avons retenu la formule la moins
coûteuse qu'on évaluait à 13 000 000 $, participation
fédérale et participation du Québec, et c'est la formule
qui nous paraît la plus acceptable à tout point de vue, parce que
l'autre solution est beaucoup trop coûteuse.
Je ne sais pas si cela répond aux questions de Mme la
députée. Mon sous-ministre responsable de ce dossier, qui est
ici, pourrait donner plus de détails à Mme la
députée si elle veut des détails vraiment
sophistiqués que je n'ai pas pu, de toute façon,
mémoriser. Mais vous avez l'ensemble de la problématique:
premièrement, on gère, comme du monde, les eaux de la
rivière des Outaouais; deuxièmement, on gère le lac des
Deux Montagnes avec à l'esprit la possibilité, en certains cas
très exceptionnels de devoir ouvrir le barrage des Mille Iles si jamais
les gens de l'autre rivière risquaient d'être menacés et,
éventuellement, l'ensemble du projet Archipel viendra compléter
tout le réseau de contrôle des eaux de la région de
Montréal, incluant une partie des eaux du Saint-Laurent, le lac des Deux
Montagnes, la rivière des Mille Iles et la rivière des Prairies.
(11 heures)
M. Élie Fallu
Le Président (M. Fallu): Je ne vois aucun
député ministériel. Le président de la commission a
lui aussi droit de parole, mais néanmoins, comme je ne suis pas
sûr du règlement, je vais interpréter cette intervention
comme en étant une du parti ministériel pour ne brimer d'aucune
façon les privilèges inscrits dans le droit de parole de
l'Opposition. M. le ministre, vous me permettrez tout simplement, puisqu'il est
question de la situation générale de l'environnement au
Québec, d'apporter en cette commission un témoignage, celui de la
vie d'un député d'une région.
Pour dire à quel point, depuis huit ans, les choses ont
changé et l'espoir est né d'un changement profond, je
rappellerai, par exemple, que, dans ma circonscription électorale, il y
a huit ans, il y avait onze dépotoirs qui fumaient. Il n'y avait aucun
site d'enfouissement sanitaire. Quant à la rivière des Mille
Iles, on nous promettait la dépollution pour l'année 2004, etc.
Depuis, nous avons vu des changements absolument majeurs. À propos de
l'ouvrage de contrôle, ma circonscription électorale est
terriblement touchée par les inondations, Boisbriand, Rosemère et
également Bois-des-Filion. Nous avons vécu ce qui s'est
passé un peu en amont, c'est-à-dire l'endiguement à
Pointe-Calumet, à Sainte-Marthe. Nous avons nous-mêmes, les
municipalités et avec quelques petites subventions pour aider les
municipalités de temps à autre, fait quelques relèvements
de rues sans toutefois jamais toucher aux berges. Nous avons participé
à
divers programmes d'amélioration locale qui ont permis quelques
ajustements, mais nous attendons maintenant le barrage d'entrée.
C'est-à-dire qu'il y a huit ans nous n'avions rien et nous savons
maintenant chez nous que des solutions s'en viennent et que c'est pour
très bientôt. L'espoir est là, cela nous aura pris en tout
probablement dix ans pour passer des études aux solutions, même si
elles ne sont pas complètes à 100%.
Dans le domaine des déchets, il n'y a plus de dépotoir qui
fume. On a maintenant un site d'enfouissement sanitaire régional et
c'est très propre. De la maison chez moi, je pouvais, comme cela, en
compter habituellement quatre ou cinq et les énumérer selon la
densité des fumées.
Dans le domaine de l'épuration, on nous la promettait pour l'an
2004. Entre-temps, l'Ontario avait pourtant fait sa part, nous sommes dans le
bassin de l'Outaouais. Le programme des lacs a bien fonctionné et, selon
le dernier bilan que j'ai fait, il ne reste plus que quelques travaux mineurs
sur 65 lacs, mais il faut savoir ce qu'est le bassin de l'Outaouais, c'est
l'Abitibi et le Témiscamingue.
Dans les pâtes et papiers, la dernière vérification
que j'ai faite, il y a une semaine environ, m'indiquait que les travaux
étaient réalisés à 76%. Cela s'achève
maintenant à Thurso et à Masson, notamment.
Le programme des rivières avance à grands pas. Même
des municipalités qui ont des difficultés majeures comme
Saint-Jérôme sont en train de préparer des avant-projets.
Du côté de Laval, nos voisins d'en face, cette année, on
investira 95 000 000 $ pour l'épuration des eaux, et chez nous c'est
maintenant en marche. Le programme de relance, notamment, nous permet d'y aller
avec un peu plus de confiance et les municipalités qui ont
déjà des usines d'épuration pourront ainsi diminuer leurs
coûts à cause du tarif grande puissance. Jamais les industries
chez nous n'avaient épuré leurs eaux. Prenons maintenant nos deux
industries les plus polluantes: la Reichhold a maintenant un excellent
système d'épuration. Elle nous garrochait des phénols qui
rendaient notre eau imbuvable, parce qu'elle était puante. Quant
à la GM, vous êtes venu inaugurer en janvier sa deuxième
usine d'épuration, celle qui enlève les métaux,
phénomène à peu près unique. À elle seule,
elle a dépensé 2 000 000 $. Le problème des déchets
toxiques, notamment, était dans notre région comme partout
ailleurs; nous nous sommes prêtés volontiers, comme région,
à l'installation de l'usine Stablex. Nous sommes les premiers en
Amérique du Nord, et nous sommes fiers que ce soit chez nous. Quant
à l'aménagement, nous pensons maintenant à ces
réserves écologiques qui seront bientôt
décrétées dans le schéma d'aménagement.
Elles font partie des orientations du gouvernement.
Je voulais simplement témoigner, parce que, me définissant
moi-même un peu comme écologiste, jamais je ne pensais alors qu'on
devrait attendre les années 2000 et qu'autant d'espoir et de
réalisations naîtraient en si peu de temps dans notre
région.
Mme la députée de Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: Merci. J'aimerais aborder quelques questions dans
le domaine important de la technologie et de la recherche. Le ministre est
sûrement conscient que le Québec ne doit pas accuser de retard
quant à l'application de technologies en matière
d'épuration des eaux. Ainsi doit-il s'assurer d'échanges et de
communications efficaces avec d'autres provinces, voire d'autres pays, de
manière que nous puissions compter sur les moindres découvertes
et amener le Québec à la fine pointe de ce qui se crée
ailleurs. À cet égard, nous aimerions savoir du ministre comment
son ministère s'assure que cette technologie est utilisée. Quels
mécanismes de collaboration a-t-on établis par exemple entre
l'Ontario et le Québec? Existe-t-il des comités mixtes qui
seraient en mesure d'utiliser l'expérience vécue par nos voisins
du Sud en matière d'épuration? Existe-t-il un cheminement qui
permette de communiquer avec les États-Unis pour que des échanges
soient effectués?
Le deuxième élément traite de l'épuration
des eaux. Comme le ministre le sait sûrement, le Québec
connaît des problèmes particuliers de pollution. Pour ce qui est
du secteur agricole, on connaît celui de la concentration des porcheries
dans certaines régions, concentration qui constitue un cas
spécifique en lui-même. De plus, le climat rigoureux que l'on
connaît peut aussi causer des difficultés au traitement des eaux
usées. Compte tenu des investissements projetés par le
gouvernement, plus de 4 000 000 000 $, le ministre pourrait-il nous indiquer
les budgets alloués à la recherche et au développement de
procédés d'épuration depuis le début du programme?
Enfin, je demande au ministre de répondre à cette question en
tenant compte de l'équation suivante: n'est-il pas d'accord avec une
logique voulant qu'il importe de ne pas se retrouver dans la situation ridicule
où l'eau propre se déversera dans l'eau sale parce qu'au
préalable on aura omis de dépolluer à la source?
Le troisième élément touche la
réorganisation administrative. Que le ministre envisage ou non de
transférer quelques responsabilités, j'espère qu'il
gardera au sein de son ministère celle reliée à la
recherche. Le ministre est sûrement au courant qu'avant d'envisager
quelque action administrative ou
législative il doit posséder des données
pertinentes sur l'état de la situation. À cet égard, j'ai
quatre questions.
Nous aimerions savoir du ministre quels indicateurs il a
développés pour évaluer l'état de la qualité
de l'environnement au Québec. Quelles ressources consacrez-vous
actuellement à la recherche? De quelle manière comptez-vous
développer de tels indicateurs? Quels sont les mécanismes de
coordination entre les interventions portant sur les volets municipal et
industriel? En d'autres termes, dans les faits, comment sont coordonnés
les résultats dans le temps en vertu du système actuel et du
système à venir? Finalement, le ministre pourrait-il nous dire
comment il entend mettre l'accent sur la recherche alors que le plan des
compressions budgétaires des ressources pour l'année 1984-1985
prévoit une diminution de sept employés permanents travaillant
à la Direction générale des inventaires et de la
recherche?
Le Président (M. Fallu): M. le ministre, vous avez cinq
minutes à votre disposition.
M. Adrien Ouellette
M. Ouellette: Oui, M. le Président. Ce n'est pas facile de
répondre en cinq minutes à une dizaine de questions très
complexes et qui demandent des réponses détaillées. Je
voudrais dire à Mme la députée de Jacques-Cartier que je
vais répondre à un certain nombre de questions rapidement,
beaucoup trop rapidement, et qu'on fera parvenir à l'Opposition des
réponses écrites beaucoup plus complètes sur chacune des
questions. Cela vaut également pour les questions posées par Mme
la députée de Chomedey. Je m'excuse, j'ai dit Chomedey. C'est
bien Chomedey? Oui.
Mme la députée de Jacques-Cartier me demande si nous
faisons de la recherche dans le domaine de l'assainissement des eaux, si nous
avons également des contacts avec des États voisins ou des
provinces voisines. Effectivement. Dans le secteur des pluies acides, par
exemple, nous avons un bureau Québec-New York qui fonctionne depuis
maintenant un an et dont la mission essentielle est de faire en sorte que les
recherches effectuées au Québec soient partagées avec les
Américains de l'État de New York et l'inverse se produit
également.
En ce qui a trait à l'assainissement des eaux et à
plusieurs autres domaines reliés à l'environnement, il y a de
nombreux congrès, colloques et symposiums auxquels le Québec
participe, aussi bien avec les autres provinces du Canada qu'avec les
États-Unis. C'est à cette occasion qu'on en profite pour faire
valoir les champs de compétence qu'on a pu développer par nos
recherches chez nous et profiter de ce qui a été fait dans les
États voisins et les provinces voisines. Nous sommes en contact constant
par le biais d'un certain nombre d'organismes. Je pense au CCMRE,
c'est-à-dire le Conseil canadien des ministres des Ressources et de
l'Environnement, organisme qui regroupe les dix provinces du Canada et le
gouvernement fédéral. Des réunions ont lieu à des
périodes précises de l'année, ce qui nous permet
d'échanger non seulement sur les problèmes que nous vivons chacun
chez nous, mais aussi sur les solutions qui ont pu être trouvées
dans chacune des provinces du Canada ainsi qu'au niveau du gouvernement
fédéral. C'est donc dire que nous sommes en constante relation
avec les gouvernements voisins aussi bien les États que le gouvernement
fédéral américain, avec les provinces canadiennes et le
gouvernement fédéral canadien, et nous profitons de ces
rencontres pour effectuer des échanges d'information et de technologie
que nous avons pu développer chacun chez nous.
Hélas! je ne peux pas répondre à toutes les
questions. Comme je le disais tout à l'heure, je donnerai des
réponses écrites beaucoup plus détaillées
concernant les budgets affectés à la recherche et le rôle
que joue maintenant le ministère de la Science et de la Technologie,
dont la mission essentielle est de s'occuper de toute la technologie.
Plutôt que de dédoubler les budgets, c'est-à-dire de faire
en sorte que le ministère de la Science et de la Technologie fasse faire
de la recherche dans un secteur pendant que le ministère de
l'Environnement le fait également de son côté, nous
essayons de concilier nos actions de façon que le même champ de
recherche ne soit pas dévolu à deux ministères qui n'ont
qu'à se partager le travail. De cette façon, nous parvenons au
moyen de budgets réduits à faire de la recherche dans des
secteurs importants sans dédoublement de budgets. Ce ministère
profite d'ailleurs à d'autres ministères qu'à celui de
l'Environnement. Je pense au ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche qui, souvent, a des préoccupations semblables à
celles du ministère de l'Environnement. C'est donc dire que ce
ministère, de même que le ministère de l'Énergie et
des Ressources, collabore étroitement avec le ministère de la
Science et de la Technologie pour qu'il y ait une concertation dans la
recherche. Je pense que c'est un objectif qu'on devait viser depuis longtemps
et qu'on a maintenant atteint depuis environ un an et demi. (11 h 15)
Le Président (M. Fallu): M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: Merci, M. le Président. À écouter
l'Opposition faire son travail normal de critique, mais, en plus, à
l'entendre critiquer les efforts du gouvernement, je
pense qu'il y a un autre élément; on dirait qu'il y un
petit peu de jalousie chez les membres de l'Opposition par rapport à la
performance de notre gouvernement, et cela est vrai dans plusieurs domaines. On
n'a qu'à faire un peu de rétrospective pour se rendre compte
jusqu'à quel point le gouvernement qui était en place
antérieurement et qui forme maintenant l'Opposition actuelle, jusqu'en
1976, n'avait à peu près rien fait dans le domaine de
l'environnement. Et moi, un peu à votre exemple, M. le Président,
je me rappelais la situation dans ma région chez nous, en 1976, lorsque
nous avons pris le pouvoir. En 1976, il n'y avait pas de municipalité
qui n'avait pas un dépotoir à ciel ouvert. Cela fumait ou ne
fumait pas, mais, habituellement, cela sentait, de toute façon. Cela
existait dans toutes les municipalités de mon comté, de la
région chez nous, et cela devait être vrai, je présume,
dans l'ensemble du Québec. Aujourd'hui, à moins que je ne fasse
erreur, je crois que la presque totalité des municipalités
possède soit des sites d'enfouissement sanitaire ou a, à toutes
fins utiles, une gestion des déchets qui est maintenant acceptable sur
le plan environnemental. Je me souviens de ce dossier pour y avoir
travaillé personnellement pendant au moins deux ans parce que cela n'a
pas été facile à réaliser. Je comprends pourquoi
l'Opposition ne l'avait pas abordé, c'est parce que ce n'était
pas facile.
Lorsqu'on parle de l'assainissement des eaux, je vous ai
mentionné plus tôt que les deux premières
municipalités de la région à terminer le programme
d'assainissement des eaux, en Mauricie, c'étaient deux
municipalités de mon comté. Ce que je suis fier de dire
aujourd'hui, c'est que la plupart des grosses municipalités, au moins
sur la rive nord du Saint-Laurent: Shawinigan, Grand-Mère,
Trois-Rivières, Trois-Rivières-Ouest, Cap-de-la-Madeleine et
Sainte-Marthe, sont sur le point de signer une entente et, si ce n'est fait,
c'est sur le point de se faire, ce qui veut dire qu'on peut espérer que,
à la fin de cette année, à la fin de l'engagement
financier 1984-1985, on verra le problème de l'assainissement des eaux,
en bonne partie, réglé chez nous. Ce serait aussi vrai pour
environ 78% des 708 municipalités ou quelque chose comme cela qui ont un
réseau d'égout. Par ce programme, le travail et
l'accélération à cause de la relance économique
dans ce programme, on peut dire qu'à la fin de l'exercice financier
1984-1985 environ 72% à 75% de la population du Québec aura
déjà des effets concrets de l'assainissement des eaux. Or, si
l'on a à critiquer un programme comme celui-là, je comprends la
situation de l'Opposition; ce n'est pas facile à critiquer parce que
c'est un programme qui est excessivement efficace.
Un dernier point qui m'insulte toujours un peu, c'est lorsque j'entends
parler de la pollution agricole. Cela m'insulte comme ancien agriculteur, je
sais aussi que cela ne plaît pas aux agriculteurs parce que l'agriculteur
n'est pas nécessairement un pollueur, loin de là. L'agriculteur
est un travailleur ou une travailleuse. Ce sont des gens qui vivent près
de leur environnement et qui sont naturellement sensibilisés par leur
environnement. Je peux vous dire qu'il y a une très nette
amélioration dans le domaine de la pollution agricole. Et on est aussi
sur le point de signer une entente avec l'Union des producteurs agricoles. On
me dit que c'est presque terminé, mais, même avant que l'entente
soit signée sur le côté de la réglementation, les
agriculteurs du Québec ont naturellement vu à la protection de
l'environnement. Il est bien évident qu'il fallait de la recherche,
qu'il fallait améliorer certaines choses, mais il y a un travail qui a
été fait qui se ressent. Si j'avais le temps, je vous raconterais
des expériences que j'ai vécues précédemment avant
d'être en politique et avant aussi de faire du syndicalisme agricole
alors que je visitais des fermes par mon métier. Je peux vous dire que,
dans le temps, il n'y avait rien, absolument rien pour réglementer
l'environnnement dans le domaine agricole. Je me souviens même d'avoir
fait refuser de la finance à un agriculteur qui établissait une
ferme ou une porcherie à un endroit où il ne devait pas le faire.
Aujourd'hui, c'est réglementé, on est sensibilisé et on
fait déjà un travail fantastique dans le domaine de
l'environnement agricole.
Le Président (M. Fallu): Mme la députée de
Chomedey.
Mme Bacon: M. le Président, avec tout le respect que j'ai
pour vous, je dois contester un peu la grande efficacité de l'action
gouvernementale que vous mentionniez tout à l'heure, spécialement
dans le cas de Stablex. Lors de l'étude des crédits - je
déteste me citer, mais je dois quand même citer ce que je disais -
on apprenait avec consternation que ce lieu d'entreposage de produits chimiques
dangereux ne fonctionnait qu'à 10% de sa capacité de production.
Bien plus, un tel constat est attribuable selon les dirigeants de Stablex
à l'absence de réglementations précises qui obligent les
industries à disposer sécuritairement des produits toxiques
inorganiques.
Cette intervention de l'Opposition a fait en sorte, selon nos
informations, que dès le lendemain de l'étude des crédits
une réunion d'urgence avait lieu au ministère où on
convoquait une douzaine de personnes, des experts en la matière, pour
tenter d'apporter un règlement à ce problème.
Ceci dit, je continue dans mes dossiers de déchets dangereux, les
boues de fosses septiques. Entre août et décembre 1983,
l'Association des entreprises en services sanitaires du Québec
complétait une étude portant sur la gestion des boues de fosses
septiques au Québec. Le territoire étudié couvrait les
régions 3, 4, 5, 6 et 7. Il apparaissait aux auteurs de l'étude
que les plus importants volumes de boues de fosses septiques se situaient dans
les régions de Montréal et de l'Outaouais. Sur les 132 700 000
gallons-année de boues de fosses septiques enregistrés, ces deux
régions en recevaient 103 000 000, soit près de 80% du total.
Une seconde observation des auteurs de ce rapport: À
l'intérieur de ces deux régions, on a localisé les volumes
les plus importants de boues dans les sous-régions du nord et du sud de
la région de Montréal et dans la sous-région de
l'Outaouais.
Il apparait donc, eu égard à la concentration de la
population, soit 259 000 dans les sous-régions du nord et 373 000 dans
la région de Montréal, qu'on assisterait à un manque de
lieux d'élimination des boues de fosses septiques. Par ailleurs,
paraît-il que dans ces sous-régions les MRC de D'Autray, de
Joliette, de Montcalm, de Rouville, de La Vallée-du-Richelieu, du
Haut-Richelieu ne disposeraient pas de lieux d'élimination. En somme il
s'agirait de savoir jusqu'à quel point cette carence, quant aux lieux
d'élimination, constitue un problème sérieux, du fait que
la proportion des bâtiments desservis par des fosses septiques est
passablement élevée, soit 55%.
Nous aimerions savoir du ministre, ce matin, la définition de la
politique du ministère sur cette question précise. Pourrait-il
nous confirmer si son ministère est en possession d'une étude de
la sorte ou de toute autre étude qui lui permette de nous dresser un
état de la situation? Est-il exact que seulement deux sites potentiels
ont été approuvés par le ministère de
l'Environnement dans les régions 6 et 7 alors que l'on y retrouve, comme
je le mentionnais précédemment, les plus gros volumes, des
millions de gallons de boues? Compte tenu de ces données, le ministre de
l'Environnement croit-il que son programme d'assainissement des eaux est en
mesure de régler les problèmes à la source et plus
précisément l'affirmation voulant que les usines de filtration et
les centres de traitement ne sont pas équipés pour traiter les
boues de fosses septiques? Enfin, le ministre pourrait-il nous dire s'il y a un
contrôle qui est exercé auprès des transporteurs quant
à la disposition de ces matières? Le ministre se refuse-t-il en
ce moment d'exercer un contrôle à la source des problèmes
de pollution? Serait-il prêt à envisager une solution comme - je
le réfère au dossier que je mentionnais tout à l'heure -
l'utilisation d'un manifeste de circulation identifiant le producteur, le
transporteur, l'éliminateur? Ce manifeste pourrait être
utilisé au niveau des déchets dangereux, des boues liquides et
des déchets solides. Le ministre pourrait-il nous confirmer s'il s'est
vu proposer par l'Association des entrepreneurs en services sanitaires du
Québec une proposition visant à exercer un contrôle
effectif de 80% du volume des déchets liquides, solides et dangereux en
identifiant simplement les produits et la provenance des déchets
transportés par l'entrepreneur et en exerçant un contrôle
quant aux sites reconnus et acceptés? Je ramène le ministre
à ma première intervention concernant Stablex. Je sais qu'en cinq
minutes c'est difficile, et il n'a pas donné beaucoup de réponses
très précises depuis le début, mais est-ce que le ministre
peut nous dire s'il y a eu réunion à son ministère
concernant Stablex? Est-ce qu'on a réglé le problème?
Est-ce que l'action gouvernementale est aussi efficace que le disait mon
collègue?
Le Président (M. Fallu): M. le ministre, je vous
écoute à nouveau avec beaucoup d'attention.
M. Ouellette: Merci, M. le Président.
D'abord, je pense qu'il faudrait corriger une affirmation qui est
absolument fausse, à savoir que c'est en panique qu'on se serait mis
à la rédaction d'un projet de règlement sur les
déchets toxiques. Ce travail est commencé depuis au moins un an,
de très nombreuses copies ont été produites,
c'est-à-dire des règlements révisés,
révisés et révisés, et très bientôt je
serai en mesure de déposer le règlement, qui est prêt, au
Conseil des ministres. Donc, il n'y a pas eu de panique, il n'y a pas eu
péril en la demeure à ce niveau, il y a fort longtemps qu'on y
travaille.
Il faut également faire une distinction très importante
entre, d'une part, les boues de fosses septiques et les déchets
toxiques. Même à l'intérieur de la catégorie des
déchets toxiques, il faut faire un certain nombre de distinctions entre
les organiques, les inorganiques, les BPC, etc. Nous travaillons depuis un
certain temps sur ce secteur de façon très intense. Je disais
qu'un règlement sera bientôt déposé au Conseil des
ministres, et ce règlement doit prévoir un certain nombre de
choses très importantes.
D'abord, on sait qu'il y a des usines qui produisent de ces
déchets et que, si on veut s'en départir de façon
acceptable sur le plan de l'environnement, il faut trouver des lieux
d'élimination. Dans le secteur des inorganiques, ce lieu existe, c'est
Stablex. Dans le cas des organiques, il y a une formule qui existe au
Québec, qui est très
contestée, cependant, qui devra être corrigée etqui le sera lorsque la compagnie SERDOQ aura réalisé ses
investissements. Il reste le secteur des BPC, on n'a pas le choix, on
procède par entreposage depuis plusieurs années, jusqu'à
ce qu'on ait un moyen d'élimination acceptable.
Tout cela, bien sûr, suppose une gestion du transport de ces
déchets de l'usine où ils sont produits jusqu'au lieu
d'élimination. Madame nous demande si nous sommes à envisager la
possibilité d'utiliser la méthode du manifeste. Effectivement,
c'est la méthode qui nous apparaît la meilleure, la plus
facilement réalisable, quoique pas si facile que cela. Disons que c'est
la moins complexe des méthodes et elle a l'avantage de nous assurer
qu'entre le producteur et l'éliminateur le ministère de
l'Environnement saura très exactement ce qu'il advient de ces
produits.
On sait très bien qu'une entreprise pourrait confier à un
transporteur des déchets toxiques organiques ou inorganiques et que
celui-ci pourrait faire ce qu'on appelle, en langage populaire, du "midnight
dumping", c'est-à-dire s'en départir dans une rivière ou
n'importe où dans le paysage, ce qui aurait pour effet, bien sûr,
à peine de déplacer le problème et de ne pas le
régler. Donc, l'usage du manifeste nous apparaît très
souhaitable, et nous sommes même à y travailler de façon
très intense.
Il y a un autre problème qui est relié à ces fameux
déchets. On sait qu'il existe des endroits au Québec où
des déchets de cette nature ont été jetés dans le
passé. Tout le monde connaît le cas de la ville de Mercier,
d'autres cas sont connus également. On nous reprochait l'an dernier, par
exemple, de cacher ces lieux pour ne pas faire peur à la population ou
encore parce qu'on n'avait pas de solution. J'aimerais rappeler que je
m'étais engagé, à ce moment-là, à faire en
sorte qu'un inventaire précis soit fait, qu'une première
évaluation soit faite également et qu'aussitôt que nous
aurions en main un certain nombre d'informations précises nous nous
empresserions de rendre publique la liste de ces endroits qui ont
été victimes de dépôt de ces déchets
dangereux.
J'aimerais rappeler qu'un bureau spécial a été
créé au sein du ministère, il s'agit du GERLED, un groupe
de travail qui s'est spécialisé là-dedans, et que nous
sommes en train de rendre publique, région par région, la liste
des lieux où il y a de ces déchets dangereux, où on
prétend qu'il puisse y en avoir. Le Bas-Saint-Laurent, c'est fait, cela
a été rendu public, la Côte-Nord, l'Outaouais, la
Mauricie-Bois-Francs; aujourd'hui même, je pense qu'on procède au
Saguenay. Cela permet à la population de savoir
précisément où se trouvent ces endroits qui sont ou qui
peuvent être dangereux.
Nous profitons de cette occasion pour informer la population des
intentions qu'a le ministère de l'Environnement en termes de
réhabilitation éventuelle. On sait qu'un certain nombre
d'opérations seront nécessaires pour préciser la nature
des déchets, la caractérisation, etc., et nous nous engageons
à faire faire les travaux par les responsables de l'existence de ces
lieux d'enfouissement de façon à faire le rattrapage complet dans
ce domaine.
Le Président (M. Fallu): M. le député de
Champlain. J'aimerais rappeler qu'il s'agit de sa dernière intervention;
ensuite, ce sera Mme la députée de Jacques-Cartier et, par la
suite, le ministre et, enfin, la conclusion, deux fois dix minutes.
M. le député de Champlain et adjoint parlementaire au
ministre de l'Environnement. (11 h 30)
M. Gagnon: Merci, M. le Président. Je trouve le
débat intéressant ce matin. D'abord, cela nous permet de faire un
examen de conscience et de voir que nous sommes sensibilisés au
problème de l'environnement. Il y en a qui trouvent que cela ne va pas
assez vite. Peut-être que nous aussi on espérerait être
capables d'aller plus vite. mais on trouve que, comparativement à ce qui
s'est fait dans le passé, c'est un succès fantastique que le
ministère de l'Environnement a obtenu depuis un certain nombre
d'années.
Peut-être que l'examen de conscience pourrait se poursuivre un peu
plus longtemps. On pourrait peut-être demander à un autre palier
de gouvernement, qui est aussi responsable de l'environnement sur notre
territoire à bien des points de vue, qui est le gouvernement
fédéral, s'il est assez sensibilisé au problème de
l'environnement. On pourrait se poser quelques questions par exemple; quand
est-ce qu'on demandera ou qu'on pourra faire des pressions ensemble pour que le
gouvernement fédéral arrête les pratiques de tir, par
exemple, dans le lac Saint-Pierre? Je présume que cela ne doit pas
être très bon pour l'environnement. Je présume que cela ne
doit pas être nécessairement très bon non plus pour la
qualité des eaux et la qualité des poissons, etc.C'est un
scandale - à mon point de vue - qui dure depuis longtemps et on n'a
à peu près pas eu de réactions du gouvernement
fédéral dans ce sens-là. On nous dit assez souvent que les
canons tirent ensemble à période fixe dans les eaux du lac
Saint-Pierre. Est-ce que ce sont des retombées du F-18? Je ne le crois
pas. Il semble que les obus soient un peu trop gros. Ce sont toutes des
questions qu'on devrait se poser.
Pourquoi aussi le gouvernement fédéral a-t-ilarrêté son programme d'aide à l'assainissement des eaux
le jour où le
Québec a mis en place un programme d'aide à
l'assainissement des eaux? Pourquoi aide-ton à même nos taxes -
à chaque fois qu'on donne des subventions par le gouvernement
fédéral, c'est tout de même 25% au moins, les taxes des
Québécois - les autres provinces et qu'on n'aide pas le
Québec? Pourquoi est-ce qu'on retarde à donner une réponse
au ministre de l'Environnement quand le ministre de l'Environnement offre au
gouvernement fédéral de payer la partie des municipalités
dont on parlait tantôt? Le gouvernement fédéral est
très fort pour entrer dans des domaines qui ne sont pas de sa
juridiction, dans des domaines qui ne le regardent pas. Il promet de construire
des arenas assez souvent là où on n'en a pas besoin et toutes
sortes de choses comme cela. En période électorale, c'est surtout
payant ou cela semble être payant pour eux de promettre de l'argent. Ce
serait un domaine où on pourrait signer une entente dans le monde
municipal et on permettrait très certainement au gouvernement
fédéral d'entrer dans le monde municipal avec un programme qui
aiderait à payer la quote-part des municipalités, ce qui
permettrait d'accélérer le programme d'assainissement des
eaux.
Je pense qu'il serait peut-être temps qu'ensemble on puisse poser
des questions au fédéral et faire plus que lui poser des
questions, faire des pressions, faire l'unanimité à
l'Assemblée nationale sur des points comme ceux-là qui touchent
réellement l'ensemble des Québécois, et là on
ferait la preuve, encore plus, qu'on est sensibilisé aux
problèmes de l'environnement chez nous et qu'on est sensibilisé
au fait qu'il faut les régler le plus rapidement possible, entre autres
l'assainissement des eaux. On obligerait le gouvernement fédéral
à nous verser la partie des taxes qui nous revient et cela nous aiderait
à accélérer nos programmes d'assainissement des eaux au
Québec.
Le Président (M. Fallu): Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais aborder
trois dimensions de la réorganisation administrative du
ministère. Premièrement, les priorités budgétaires.
Nous sommes tous familiers avec le contexte de restrictions budgétaires
qui a cours depuis quelques années au Québec. D'autre part, le
ministère de l'Environnement a choisi, quant à lui, de relancer
son programme d'assainissement des eaux, lequel implique une croissance des
paiements de transfert vers les municipalités. Ces paiements
représentent plus de 50% du budget total du ministère de
l'Environnement pour la prochaine année financière.
Ma question est la suivante: Le ministre pourrait-il nous résumer
la situation des trois dernières années quant au budget
alloué au service de la dette des municipalités pour le programme
d'assainissement des eaux, au fonctionnement du programme d'assainissement des
eaux et aux opérations régionales? En répondant à
cette question, nous aimerions savoir plus spécifiquement la
façon dont se traduiront, sur le plan budgétaire, les quatre
priorités évoquées dans le mémo du sous-ministre
concernant la réorganisation du ministère. Quelles ressources ont
été allouées à ces quatre priorités depuis
les trois dernières années?
Deuxième sujet, ressources humaines. Si le ministre a
décidé de procéder à une réorganisation de
cette envergure, c'est qu'il a eu de la difficulté à se procurer
les ressources nécessaires dans le cadre actuel. À cet
égard, j'aimerais savoir du ministre où il prendra les ressources
aussi bien budgétaires qu'humaines et sur quels critères il se
basera pour faire ses choix. Comment le ministre envisage-t-il de maintenir les
services qu'il a offerts à la population compte tenu que le processus de
réorganisation entraînera une diminution des ressources? Est-ce
que le ministre envisage de transférer des fonctions ou
responsabilités vers d'autres ministères ou d'autres organismes
gouvernementaux comme, par exemple, le règlement d'eau potable, le
règlement des résidences isolées, le projet de loi sur les
habitats fauniques?
Troisième élément, l'impact de la
réorganisation sur les employés actuels. Dans le cadre de la
réorganisation administrative en cours depuis mai 1983, pourquoi
n'a-t-on pas cru bon de préparer un plan directeur pour
l'intégration des employés actuels aux nouvelles tâches
résultant de cette opération? Pourquoi n'a-t-on pas prévu
d'échange avec les ministères ou organismes promoteurs de ce
projet ayant un impact sur l'environnement? Quel est le processus établi
pour favoriser le volontariat dans le cadre de la réorganisation? Si une
planification n'est pas arrêtée en matière de poursuite de
la régionalisation, à quel moment le sera-t-elle et à quel
moment nous sera-t-elle communiquée? A-t-on identifié la place
qu'occuperont les professionnels présentement affectés à
la direction des ouvrages hydrauliques? Y-a-t-il un plan directeur pour
l'implantation des changements découlant du plan d'organisation
d'administration supérieure en voie d'adoption? Si oui, quel est-il? De
quelle façon et quand le ministère répondra-t-il aux
suggestions faites par les employés dans les mémoires remis au
sous-ministre?
En ce qui concerne les compressions budgétaires, quels sont les
activités et services touchés par les compressions
budgétaires de 2 600 000 $ annoncées lors de la dernière
réunion du comité ministériel
des relations professionnelles?
Enfin, en ce qui concerne la compression des effectifs, en relation avec
les coupures de 22 postes qu'il reste à effectuer pour les années
1980-1985, combien de coupures de postes occupés par des professionnels
a-t-on pu éviter à ce jour? Si on juge possible de réduire
de 240 à 230 le nombre de personnes-année occasionnelles, comment
peut-on augmenter de 15 le nombre de personnes-année occasionnelles pour
le programme d'assainissement des eaux?
Le Président (M. Fallu): M. le ministre, le journal des
Débats sera disponible dès mardi à l'Assemblée
nationale et vous pourrez y retrouver toutes ces questions. Entre-temps, en
espérant que vous avez bonne mémoire et en vous rappelant qu'il
s'agit de votre dernière intervention, vous avez maintenant dix
minutes.
Conclusion M. Adrien Ouellette
M. Ouellette: Je vous remercie. J'ai compté les questions
pendant un bout de temps et je me suis découragé, il y en avait
au-delà d'une vingtaine. Il n'est pas possible de faire cela en trois
minutes. D'ailleurs, la plupart des questions que Mme la députée
de Jacques-Cartier vient de poser auraient dû l'être au moment de
l'étude des crédits puisqu'elles se réfèrent
presque toutes aux crédits. On avait sept heures à ce
moment-là pour y répondre, alors qu'ici on a à peine deux
heures et, encore, le temps est partagé. Je vais quand même
répondre à quelques-unes d'entre elles, mais en lui
répétant qu'on va lui faire parvenir par écrit les
réponses aux autres questions puisque le temps qui nous est
alloué n'est pas suffisant pour répondre à tout cela.
Voici l'évolution de la partie du budget du ministère qui
s'appelle le service de la dette au programme d'assainissement des eaux, de
même qu'une projection pour les années à venir si vous le
souhaitez. En 1980-1981: 33 500 000 $; en 1981-1982, légère
augmentation: 36 900 000 $; en 1982-1983: 44 600 000 $; en 1983-1984: 55 000
000 $. On prévoit, en 1984-1985, 81 400 000 $ au service de la dette au
programme d'assainissement des eaux. Ce chiffre sera éventuellement
porté jusqu'à 169 000 000 $ pour l'année 1986-1987, selon
nos projections. Cette année, j'aimerais le répéter, le
budget du ministère a été augmenté de 24%, dont une
partie très importante va au programme d'assainissement des eaux.
Voici une donnée plus générale de
l'évolution du budget du ministère de l'Environnement par rapport
au budget du gouvernement comme tel. J'ai un schéma sous les yeux, ce
n'est pas possible évidemment de le reproduire à l'écran,
mais il y a une nette croissance, donc vers le haut, en ce qui concerne le
budget du ministère de l'Environnement par rapport à l'axe
principal du budget du gouvernement comme tel. En d'autres mots, le
gouvernement s'est imposé des restrictions budgétaires, ce qui a
fait chuter les dépenses gouvernementales, alors que le ministère
de l'Environnement a connu, lui, une croissance marquée. Par exemple,
nous sommes à 30% alors que le gouvernement est à 10%; c'est donc
dire qu'il y a un écart de 20% en termes de croissance du budget du
ministère de l'Environnement qui s'est développé au cours
de la toute dernière année.
Quant aux autres questions, j'y répondrai par écrit
puisqu'elles font appel à des données souvent hautement
mathématiques. Ce n'est pas possible, en cinq minutes, d'y donner les
réponses nécessaires.
En terminant, puisque, si j'ai bien compris, M. le Président, il
ne me reste que cinq minutes, ou ai-je droit à encore dix minutes par la
suite?
Le Président (M. Fallu): II vous reste présentement
sept minutes.
M. Ouellette: J'aimerais conclure sur l'ensemble de ce qui se
passe au ministère de l'Environnement en rappelant que ce
ministère est un ministère très jeune. Il a
été créé en 1978 et il a dû, bien sûr,
s'ajuster à sa mission.
Au départ, il était formé de directions qui nous
venaient de plusieurs autres ministères. Il a donc fallu que mon
prédécesseur fasse l'intégration de ces différents
groupes d'individus habitués de travailler dans des ministères
différents. Ce groupe de gens a donc dû s'harmoniser et faire face
à la problématique qui prévalait à l'époque.
La problématique était essentiellement de faire le rattrapage qui
s'imposait, de réparer les dégâts qui s'étaient
accumulés dans l'histoire récente du Québec. Sa mission a
donc été une mission de correction.
Aujourd'hui, l'Opposition s'étonne de voir qu'après si peu
d'années on en vienne à réorienter l'action
générale du ministère à travers le POAS.
J'entendais tout à l'heure une remarque qui nous disait que
c'était là un constat d'échec de la part du
ministère de l'Environnement et que nulle part ailleurs au monde on
n'avait en si peu de temps dû réorienter la vocation d'un
ministère. Eh bien, je vais vous fournir des données qui vont
vous démontrer que ce n'est pas tout à fait vrai, M. le
Président. (11 h 45)
En Ontario, une réorientation a eu lieu entre 1979 et 1982; on me
dit même que c'est en 1979, mais qu'elle faut reprise en
1982, donc un écart de temps très réduit. Au
gouvernement fédéral, en 1974 et en 1980, on a
complètement changé l'orientation du ministère de
l'Environnement fédéral. Aux États-Unis, à l'EPA,
en 1981 et très peu de temps après, en 1983, on redonnait une
nouvelle orientation. Au Québec, en 1979-1980 et - on le
répète - en 1984. Donc, on sent que partout, dans tous les pays
et dans toutes les provinces, les gouvernements ont voulu changer la vocation
de leur ministère de l'Environnement puisque la situation avait
évolué. Il est bien sûr, que si nous étions
restés au même point qu'en 1978, on ne sentirait pas le besoin
d'orienter à nouveau la vocation du ministère, mais comme nos
gens, nos 1200 employés ont travaillé, comme nos
ministères ont collaboré à l'action de la protection de
l'environnement, l'action de rattrapage a beaucoup évolué. Tout
n'est pas terminé, c'est bien sûr, mais cela a quand même
beaucoup évolué et nous avons mis en place, de toute
façon, les structures qui nous permettent d'atteindre les objectifs que
nous avions en 1978 et ce, dans les plus brefs délais.
Nous sentons donc la nécessité urgente de nous tourner
vers la prévention. C'est ce qui a été fait en Ontario, au
gouvernement fédéral, à l'EPA et c'est ce qui va se faire
au Québec, c'est-à-dire que nous nous tournons vers l'avenir et
nous voulons cesser de jouer aux pompiers comme le disait le sous-ministre dans
une lettre à ses fonctionnaires. Nous voulons, au contraire, devenir des
gens de prévention, parce qu'il est inutile d'essayer de vider une
baignoire avec un gobelet si on a oublié de fermer les robinets qui la
remplissent souvent à un rythme accéléré par
rapport au déversement. Nous voulons donc prévenir. La
réorientation du ministère qui se fait dans le POAS va faire en
sorte que nous allons profiter au maximum de l'expertise qui s'est
développée grâce à l'expérience acquise
depuis 1978. Nous avions déjà fait une manoeuvre de cette nature,
il y a un peu plus d'un an et demi, au moment où nous voulions relancer
le programme d'assainissement des eaux qui connaissait des difficultés
importantes. Nous l'avons détaché. Nous en avons fait une
direction importante et nous avons confié à un sous-ministre
adjoint le soin de l'administrer en exclusivité. Les données dont
on dispose aujourd'hui nous démontrent que ce geste de
réorganisation de l'organigramme et la prime
d'accélération ont donné des résultats
fantastiques.
Aujourd'hui, le programme d'assainissement des eaux connaît le
rythme qu'on aurait souhaité lui voir prendre dès 1978 et, pour
enlever toute ambiguïté dans l'esprit de qui que ce soit,
j'aimerais rappeler les données de base qui ont été
vérifiées hier. Les investissements prévus: 4 700 000 000
$ d'ici 1988; les travaux réalisés à ce jour - cela veut
dire les dollars dépensés et les travaux complétés
996 000 000 $; les conventions signées avec les municipalités...
C'est fantastique, comparativement à ce qu'on aurait pu dire l'an
dernier. Nous avons signé des conventions pour un montant
dépassant les 2 860 000 000 $. Cela représente 61% de l'objectif
qui nous amène en 1988. Les municipalités se sont inscrites.
Alors qu'on avait connu des difficultés d'inscription dans le
passé, qu'elles trouvaient que cela coûtait trop cher et ne
voulaient pas profiter du programme, eh bien! elles sont maintenant au nombre
de 553 sur un total possible de 708. Ce qui veut dire qu'à ce jour 78%
des municipalités susceptibles de s'inscrire à ce programme ont
été inscrites sur la liste de programmation. Ce qui signifie que,
lorsque les travaux dont je viens de parler seront réalisés,
83,9% des eaux usées municipales au Québec seront
traitées. En l'espace de quatre ou cinq ans, nous serons partis de 5%
des eaux usées traitées pour atteindre le montant
extraordinairement impressionnant, comparable à celui de l'Ontario, de
83,9%.
En terminant, je rappelle que, au cours des cinq derniers mois
seulement, 54 municipalités ont signé des conventions pour un
total dépassant les 500 000 000 $. En cinq mois, nous avons
réalisé 10,8% de l'ensemble de l'objectif de ce programme. Il y a
donc énormément de travail qui s'est fait à
l'Environnement. Nos gens ont acquis l'expérience et ont approfondi
l'expertise. La réorientation que nous lui donnerons permettra à
nos gens de faire avancer de façon remarquable la cause de la protection
de l'environnement au Québec. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Fallu): Mme la députée de
Chomedey, porte-parole du Parti libéral sur l'environnement.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: M. le Président, le ministre se plaint du
format de cette interpellation. J'aimerais lui dire que c'est son propre
gouvernement qui a pris l'initiative d'un tel règlement. Il devrait s'en
plaindre à qui de droit. L'Opposition se doit de suivre exactement la
marche à suivre qu'on lui propose.
Je n'entrerai pas dans les remarques que vient de faire le ministre
parce que je m'aperçois que cela a pris presque deux heures pour avoir
une réponse à une de mes premières questions. J'aimerais
plutôt parler du choix que nous avons d'une nouvelle approche
gouvernementale. Cette approche s'impose de plus en plus pour permettre une
complémentarité entre la qualité de vie et la richesse
individuelle et collective. L'intervention gouvernementale ne peut
être
faite par n'importe quelle approche.
Pour permettre de déterminer le type d'intervention
gouvernementale à proposer, il faut envisager des perspectives à
long terme et à court terme. Dans une perspective à long terme,
soit pour l'an 2000, la qualité de vie par l'environnement et la
richesse individuelle et collective se retrouvent très
interdépendantes. Nous devons reconnaître que la richesse
individuelle et collective de demain dépendra principalement de la
qualité de nos ressources humaines, de la qualité et de la
quantité des ressources naturelles renouvelables et non renouvelables et
de nos ressources matérielles.
Parmi les facteurs appelés à influencer d'une
manière significative les ressources humaines québécoises
de l'an 2000, nous devons souligner la santé physique et la santé
mentale qui prendront d'autant plus d'importance avec le vieillissement moyen
de la population. Il faut que l'on reconnaisse que la qualité de
l'environnement est sûrement appelée à influer sur la
santé mentale et physique des Québécois et des
Québécoises, au cours des prochaines décennies. Dès
aujourd'hui, il faut investir dans l'amélioration de notre environnement
pour éviter des dépenses ultérieures beaucoup plus
importantes en matière de santé.
Une exploitation de nos richesses naturelles respectant les exigences
environnementales ne pourra que nous assurer une richesse individuelle et
collective plus grande en l'an 2000. Elles pourront répondre à
nos besoins industriels et commerciaux, que les activités soient de
nature productive de biens ou de services, comme avec l'industrie
forestière, agro-alimentaire ou touristique.
Dans une perspective à court terme, la qualité de vie par
l'environnement pose des problèmes de coexistence avec la richesse
individuelle et collective. L'intensification rapide de mesures collectives ou
préventives pourrait se traduire par des coûts
supplémentaires avec effets fortement négatifs sur la richesse
individuelle et collective des Québécois. Conséquemment,
il faut développer une approche permettant d'introduire les mesures
correctives et préventives à un rythme pouvant être suivi
par tous et chacun des intervenants en matière environnementale.
Cette perspective dynamique permettra de rendre complémentaire la
richesse individuelle et collective des Québécois avec la
qualité de vie et la qualité de l'environnement.
L'approche la plus simple pour un gouvernement est de recourir à
la réglementation, ce en quoi le gouvernement péquiste a
l'habitude d'être champion. Il est facile pour un gouvernement
d'élaborer une loi dont les coûts des effets correcteurs seront
assumés directement par les entreprises ou les particuliers. Mais les
effets sur les coûts de production ne tardent pas à nuire à
la compétitivité des organisations et à se traduire par
des effets négatifs sur le volume d'emplois disponibles. La
surréglementation rend aussi une province moins compétitive pour
attirer des investisseurs.
Hypothéqué par son option indépendantiste, le
gouvernement péquiste gère même avec hésitation son
approche réglementaire sans développer d'autres solutions
dynamiques. Victime de son option, ses recettes fiscales limitées
à la suite d'une décroissance économique plutôt
qu'une croissance économique ne lui permettent que quelques timides
projets d'assainissement qu'il tente désespérément de
mettre en valeur par des campagnes publicitaires.
Le gouvernement péquiste y accuse des retards importants par
rapport aux programmes prévus, aucune recherche d'envergure n'a
été menée par le ministère de l'Environnement en
matière de pluies acides.
Quant aux mécanismes décisionnels ou conseils face
à l'impact sur l'environnement des différents projets
industriels, commerciaux, des mégaprojets, ils sont conçus
sectoriellement au ministère de l'Agriculture, de l'Environnement, de
l'Énergie, de la Chasse et de la Pêche, ce qui nécessite
une multitude de démarches et de représentations pour les
promoteurs de projets et, de plus, favorise des prises de décisions
sectaires et même contradictoires.
Une approche gouvernementale québécoise s'appuyant
essentiellement sur la réglementation se heurte à des limites
sévères, même dans le cadre d'une approche sectorielle.
Premièrement, les sources de grande pollution ne sont pas
seulement d'origine québécoise mais aussi nationale et
internationale. Exemple, pluies acides et aussi eaux polluées du fleuve
Saint-Laurent. Ce phénomène échappe à la
réglementation régionale qui ne peut être efficace que par
les installations et les projets localisés sur le sol
québécois.
La dimension coercitive de la réglementation n'incite pas les
gens à faire preuve d'initiative et d'imagination face aux
problèmes environnementaux. Au contraire, elle développe une
mentalité statique et réfractaire. Nous avons pu constater que la
qualité de vie par l'environnement résulte de si nombreuses
décisions par un si grand nombre d'intervenants qu'il est impossible
d'avoir une réglementation exhaustive et efficace. De plus, l'approche
réglementaire ne tient aucunement compte des incidences sur les effets
de l'économie québécoise. Nous avons pu constater que la
qualité de l'environnement est et sera le résultat d'un ensemble
de décisions et d'activités de plusieurs intervenants:
producteurs industriels,
miniers, agricoles; promoteurs de projets commerciaux,
résidentiels; projets d'énergie, qu'ils soient d'entreprises
privées, publiques, parapubliques, de municipalités, d'individus
ou de regroupements d'individus.
La détérioration de la qualité de l'environnement
ou son amélioration peut être reliée à quatre grands
facteurs dont nous devons tenir compte dans une politique gouvernementale: le
problème de conscientisation à la qualité de vie et la
qualité de l'environnement passe nécessairement par
l'information; la relation entre la réglementation et son impact
économique; le processus de décision et de consultation en
matière de qualité d'environnement; le complexe industriel
nord-américain, avec ses effets sur le Québec.
Il est évident que la qualité de vie ne peut être
assurée que par les seules règles du marché. À
cause du caractère individuel et collectif de la qualité de vie,
l'État doit nécessairement s'impliquer à l'aide de
politiques et de programmes favorisant l'établissement d'un
équilibre entre le cadre de vie et la richesse individuelle et
collective.
Les grands moyens d'intervention demeurent toujours les outils fiscaux,
les subventions et les politiques d'aide, même la réglementation
dans certains cas, et les programmes incitateurs. Les limites des ressources
financières de l'État et les conséquences
économiques de cette réglementation imposent un choix judicieux
des objectifs et des moyens. Dans le cadre de mandats et de projets
déterminés, l'entreprise privée, par voie contractuelle,
pourra être utilisée plus fréquemment avec plus
d'efficacité, mais l'État devra favoriser l'action des citoyens,
des regroupements de citoyens, pour une progression de la qualité de
vie. Et même, pour permettre une meilleure utilisation des ressources
financières consacrées à l'environnement, le Québec
devra se mettre à collaborer avec le gouvernement canadien et promouvoir
avec lui des programmes et des projets communs et à frais
partagés. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Fallu): Merci, Mme la
vice-présidente.
Voilà que nous terminons à l'instant nos travaux. Vous me
permettrez, avant d'ajourner nos travaux, de remercier les divers intervenants,
M. le ministre, les députés ministériels et les
députés de l'Opposition, également ceux qui nous ont
assistés au cours de cette matinée, M. le sous-ministre, les
attachés politiques et les fonctionnaires, et également nos
collaborateurs ici même à l'Assemblée nationale, ceux qui
sont à la console ou ici même sur le parquet.
En conséquence, nous ajournons nos travaux sine die, en
souhaitant à chacune et à chacun une bonne fin de semaine. Nous
nous reverrons donc à l'Assemblée mardi prochain.
(Fin de la séance à 11 h 58)