L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'aménagement et des équipements

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'aménagement et des équipements

Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mardi 10 février 1987 - Vol. 29 N° 44

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation particulière sur l'avant-projet de loi sur les pesticides


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'aménagement et des équipements entreprend maintenant ses travaux pour procéder à une consultation particulière portant sur l'avant-projet de loi sur les pesticides.

Avant les remarques préliminaires, est-ce qu'il y a des remplaçants, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Il y a un remplacement. M. Vallières (Richmond) sera remplacé par M. Cusano (Viau).

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le secrétaire.

J'aimerais attirer l'attention des membres... À l'ordre, s'il vous plaît! J'aimerais maintenant attirer l'attention des membres de la commission sur les ententes qui sont survenues pour procéder à cette consultation.

Dans un premier temps, la première heure sera répartie en parts égales de 30 minutes à chacun des côtés pour des remarques préliminaires. Dans un deuxième temps, nous commencerons les auditions particulières et le temps réparti sera de 20 minutes à l'organisme pour présenter son mémoire, et de 20 minutes à chacun des deux partis pour procéder aux remarques et aux interrogations.

Cela étant dit, je céderai maintenant la parole à M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, je voudrais, tout d'abord, souhaiter la bienvenue à tous les participants à ces audiences publiques. Je pense qu'il n'y a même pas lieu de souligner l'importance de ces audiences publiques car le sujet est critique pour nous qui avons à coeur la protection de l'environnnement.

Le 18 décembre dernier, je déposais à l'Assemblée nationale un avant-projet de loi sur les pesticides. Le Québec est, en fait, la dernière province du Canada et le dernier État nord-américain à se doter d'une législation pour contrôler les pesticides sur son territoire. À un moment donné, nous pouvions dire qu'il y avait deux provinces, mais, depuis un certain temps déjà, la Nouvelle-Ecosse a adopté une loi.

Ce que nous proposons comme législation est grandement inspiré de ce qui existe ailleurs, mais adapté à nos besoins; les mêmes champs d'intervention qui existent dans les autres provinces. Cette loi complète la loi fédérale. En effet, alors que la loi fédérale contrôle la fabrication, la mise en marché et l'homologation des pesticides, la loi que je propose est un outil essentiel pour contrôler les autres étapes du cycle de vie de ces substances, soit la vente et l'utilisation des pesticides.

Si nous avons convoqué de nombreux intervenants à cette commission parlementaire, c'est pour obtenir leur point de vue sur le projet. Comme pour tout avant-projet de loi faisant l'objet d'une commission parlementaire, nous sommes tout à fait ouverts à vos suggestions, l'idée étant de bonifier le projet de loi. C'est une démarche qui se veut la plus ouverte possible. Nous considérons que cela constitue une première grande étape concernant la gestion intégrée des pesticides sur le territoire québécois.

À ce stade-ci du développement de notre société, on ne pourrait se priver complètement de ces produits, malheureusement. II faut admettre que, sans eux, il y aurait des répercussions importantes au point de vue socio-économique. On ne peut pas dire demain matin qu'on pourrait bannir les pesticides. Les pesticides restent toujours des contaminants et un danger pour la santé et l'environnement. Ceci est clair.

Les principales causes des problèmes reliés à l'usage des pesticides sont essentiellement celles-ci:

Premièrement, des connaissances scientifiques insuffisantes, d'une part, sur les effets sur l'humain et, d'autre part, sur la dispersion et les effets dans l'environnement.

Deuxièmement, des pratiques d'utilisation hasardeuses qui ont pour conséquence de mettre la santé de ceux qui les utilisent et même dans certains cas de la population en général en danger et de répandre de façon incontrôlée des pesticides dans l'environnement.

La politique d'intervention dont s'est doté le ministère de l'Environnement du Québec est une politique de gestion des pesticides qui repose sur quatre grands principes.

Premièrement, l'accent est mis sur la prévention et la lutte intégrée. Le ministère de l'Environnement privilégie les moyens naturels et biologiques lorsque c'est possible en premier lieu.

Deuxièmement, s'il y a utilisation des pesticides, le ministère demande des pratiques adéquates et des mesures de protection qui doivent être respectées en tout temps.

Troisièmement, le ministère favorise et encourage les recherches qui permettront le développement de méthodes, de systèmes ou de stratégies de lutte intégrées contre les pesticides.

Quatrièmement, en matière de gestion de l'environnement, le ministère assurera l'harmonisation des interventions gouvernementales avec celles du gouvernement fédéral et des autres provinces.

Ces principes doivent nous amener a ce que l'usage des pesticides présente des risques les plus minimes possible à la santé et à l'environnement. Il faut les classifier selon leur caractère plus ou moins dangereux et suivre de très près la circulation sur leur territoire québécois et, par conséquent, dans l'environnement. Il nous faut maintenant mieux connaître les effets des pesticides et leur cheminement dans l'environnement. Nous nous devons d'informer et d'éduquer les utilisateurs de pesticides, ainsi que l'ensemble de la population puisque tous et chacun de nous sommes en contact avec ces produits.

Nous devons responsabiliser les intervenants qui font usage et le commerce des pesticides. Nous devons compléter nos outils législatifs et réglementaires afin d'atteindre certains des objectifs que je viens d'énumérer. Il faut promouvoir la recherche de moyens alternatifs de remplacement de ces produits. Il nous faut concerter nos efforts à l'intérieur du gouvernement, avec nos voisins et avec le gouvernement fédéral pour que nous puissions gérer les pesticides de façon rationnelle et sécuritaire à l'échelle du territoire canadien et nord-américain.

D'ailleurs, le mois dernier, à titre de président du Conseil canadien des ministres des Ressources et de l'Environnement, j'ai pu exprimer, à l'occasion d'une réunion fédérale-provinciale convoquée principalement pour le sujet des pesticides, plusieurs préoccupations du Québec qui ressemblaient, en fait, aux préoccupations unanimes de tous les gouvernements provinciaux sur la gestion des pesticides. Ces préoccupations sont les suivantes:

Premièrement, les difficultés pour les provinces du Canada d'obtenir des informations appropriées et complètes du ministère fédéral de l'Agriculture relativement aux pesticides homologués par l'État fédéral.

Deuxièmement, nous avons souligné qu'une coordination beaucoup plus efficace au niveau fédéral doit se faire. La responsabilité pour l'homologation appartient maintenant au ministère fédéral de l'Agriculture, le ministère fédéral de l'Environnement et le ministère fédéral de la Santé nationale et du Bien-Être social ne sont pas inclus d'une façon aussi active et efficace que nous le voudrions.

Troisièmement, il y a une implication insuffisante des préoccupations de la santé et de l'environnement dans la gestion des pesticides au niveau fédéral, ce que je soulignais tout à l'heure.

Quatrièmement, il faut une réévaluation des pesticides déjà sur le marché. Beaucoup de pesticides sont homologués, mais la réévaluation ne se fait pas de façon systématique et assez fréquente.

Cinquièmement, il faut assurer un suivi et une surveillance écologique des pesticides utilisés.

Sixièmement, il faut assurer une formation adéquate pour les utilisateurs de pesticides.

Septièmement, il y a la question de l'homologation temporaire des pesticides qui se fait au niveau fédéral.

Ces questions ont été soulevées au niveau fédéral. C'est la première fois que nous avons pu obtenir une convocation des trois ministres fédéraux concernés qui nous ont rencontrés et qui ont accepté que les provinces déposent une résolution d'action dans le sens de ces préoccupations. Nous avons eu l'assurance qu'un suivi se fera. Les provinces sont déterminées à faire le suivi de toutes ces questions primordiales pour nous.

Essentiellement, l'avant-projet de loi que j'ai déposé à l'Assemblée nationale et qui fait l'objet de cette consultation comprend trois séries de dispositions fondamentales. Tout d'abord, il institue un système de classification des pesticides. Ensuite, il énonce des exigences générales quant à la compétence des utilisateurs et des vendeurs au regard de la classe de produits qu'ils vendent ou emploient. Enfin, il met en place un système de contrôle de vente et d'utilisation fondé sur la tenue de registres et de bilans.

Une réglementation complétera la loi; elle est en voie de fabrication présentement et sera probablement terminée cet été. Cette réglementation précisera les classes, les modalités d'obtention des permis et des certificats, de même que les amendes. Un projet de règlement sera déposé, comme je le disais, au Conseil des ministres vers le mois de juillet. Il y aura une prépublication de 45 jours où tous et chacun pourront faire valoir leur point de vue. Nous sommes déjà en train de finaliser des codes de bonne pratique avec certains organismes clés. Nous en avons déjà un avec l'Association des

exterminateurs du Québec. Dès l'adoption de la loi, nous allons concentrer nos efforts à finaliser ces codes de bonne pratique avec tous les intervenants possibles.

Pourquoi a-t-on choisi une nouvelle loi pour gérer les pesticides? Les raisons sont celles-ci: les règles législatives qui prévalent maintenant nous obligent è rendre les textes législatifs le plus "substantifs" possible pour permettre une plus grande visibilité quant à nos autres intentions réglementaires postérieures. C'est le cadre législatif actuel. Ainsi, l'introduction dans la Loi sur la qualité de l'environnement des pouvoirs habilitants requis pour contrôler la vente et l'utilisation des pesticides aurait impliqué l'addition de plus de 50 articles uniquement pour cette question. L'idée de se retrouver avec une loi-cadre comme la Loi sur la qualité de l'environnement, dont le tiers des articles, 50 sur 150 pour le chapitre I seulement, serait spécifique à un seul contaminant, apparaissait tout à fait disproportionnée face au problème à résoudre.

Là n'était pas la question la plus grave. L'introduction dans la Loi sur la qualité de l'environnement des pouvoirs habilitants pour gérer la vente et l'utilisation aurait impliqué des modifications substantielles à des articles très importants de cette loi, par exemple, les articles 20, 22, 25, 31 et d'autres encore. En effet, il nous aurait fallu restreindre la portée de ces articles importants qui ont pour objectif d'empêcher le déversement de contaminants dans l'environnement afin de permettre, dans le même cadre légal, l'utilisation des pesticides qui sont également des contaminants. Face à ce risque d'atténuer la portée de certains articles de la Loi sur la qualité de l'environnement, j'ai décidé, afin de protéger ces pouvoirs, de gérer les pesticides par l'entremise d'une autre loi. En effet, une telle introduction aurait pu constituer un précédent dangereux relativement à la gestion, par la suite, d'autres contaminants. De plus, la coexistence dans la même loi, c'est-à-dire celle sur la qualité de l'environnement, de pouvoirs afin d'empêcher le déversement de contaminants dans l'environnement et de pouvoirs permettant l'utilisation de pesticides, aurait eu pour effet, entre autres, d'augmenter la complexité de la loi. Dans une optique de rendre plus accessible et moins laborieuse la compréhension des obligations des intervenants dans ce domaine, il m'a semblé préférable de les traiter de façon distincte du point de vue juridique.

Quatrièmement, permettez-moi enfin de vous rappeler que l'ensemble des provinces canadiennes et des États américains qui ont légiféré dans ce domaine l'ont également fait de façon distincte. Les échanges que nous avons eus avec les représentants de l'Ontario, de l'État de New York, du

Wisconsin et de plusieurs autres États et provinces nous ont convaincus du bien-fondé de notre démarche à ce sujet.

Je tiens également à vous informer de la prépondérance de la Loi sur la qualité de l'environnement sur celle proposée pour les pesticides. Ainsi, en ne limitant aucunement la portée des articles de la Loi sur la qualité de l'environnement, les pouvoirs que me confère cette loi permettront toujours à mon ministère d'intervenir dans tous les cas de contamination de l'environnement par les pesticides. En effet, l'objectif visé par le projet de loi sur les pesticides est de régir l'usage approprié de ces produits en contrôlant les standards de comportement des utilisateurs. Les pouvoirs inclus dans ce projet de loi me permettront donc d'intervenir avant qu'il n'y ait contamination et même indépendamment du fait qu'il y ait contamination ou non, si l'utilisateur ne s'est pas conformé à toutes les obligations requises. Toutefois, dans les cas de contamination reconnus, c'est en vertu des pouvoirs que confère la Loi sur la qualité de l'environnement que je compte intervenir.

Je tiens aussi à vous assurer que tous les droits relatifs à l'accès à l'information contenus dans la Loi sur la qualité de l'environnement sont également inclus dans ce projet de loi. Cependant, afin de clarifier cet enjeu fondamental pour le public, j'ai l'intention d'amender ce projet de loi afin que l'on puisse mieux les visualiser. {10 h 30)

En ce sens, je voudrais ouvrir une parenthèse. J'étais, malheureusement, absent du Québec lorsqu'un article a paru traitant de choses assez graves. On y disait qu'il y avait une récidive, une manoeuvre suhtile pour essayer d'abolir les droits à l'information des citoyens. L'accusation est sérieuse; je veux en traiter tout à fait directement et séparément. On disait que les technocrates du ministère avaient eu, par le biais de cet avant-projet de loi sur les pesticides, ce qu'ils demandaient directement en mai dernier dans la loi 70 et qu'on leur avait refusé, avec l'aval de leur ministre, semble-t-il. L'accusation est sérieuse et grave.

Plus loin, l'article disait: Deuxième point d'inquiétude et, pour l'instant, le plus important: la future loi fera disparaître le droit à l'information que les articles 117 et 118 de la Loi sur la qualité de l'environnement accordent aux citoyens. On allait plus loin pour trouver aussi qu'un symptôme de la politique libérale de toujours reculer dans l'environnement était que, en vertu de l'article 53, le ministre de l'Environnement acceptait de consulter le ministre des Affaires municipales avant d'émettre une ordonnance contre une municipalité.

Je voudrais répondre à tous ces points parce que je pense que les accusations sont

sérieuses et graves. Tout d'abord, voici les raisons fondamentales qui ont voulu qu'on opte pour une loi séparée sur les pesticides, comme cela a été le cas dans toutes les provinces du Canada et dans tous les États américains que nous avons consultés, comme cela a été plus récemment le cas en Nouvelle-Écosse qui a aussi une loi sur la qualité de l'environnement et qui, après un long examen de la question, a décidé de procéder par une loi séparée sur les pesticides.

Après m'être assis avec les représentants de toutes les provinces canadiennes, après avoir passé de longues heures avec tous les experts et le commissaire à l'environnement de l'État de New York sur cette question - l'État de New York a fait des grands pas en avant dans la question des pesticides, le contrôle, l'information et la formation des utilisateurs - après avoir fait tout cela, après avoir consulté de la façon la plus ouverte et limpide possible une quantité d'intervenants qui ne se comptent plus, tant les technocrates du ministère que moi-même, depuis un an déjà, nous avions commencé à élaborer ce qui était tout d'abord un projet de réglementation en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Avant la fin de ces audiences, je vais vous présenter le bouquin que cela a produit. C'est un bouquin qui est tellement gros que, lorsque nous-mêmes, au sein du ministère, qui travaillons tous les jours avec la Loi sur la qualité de l'environnement, on a essayé de comprendre tout ce que cela impliquait, il nous est apparu clairement que le Comité de législation allait nous dire: Comment voulez-vous qu'un citoyen puisse se débrouiller dans tout cela? Il y avait des amendements, comme je l'ai dit, à environ 50 articles au chapitre I de la section I de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Qui plus est, des opinions juridiques de premier calibre m'avaient avisé que, si je touchais - par exemple, l'article 20 nous donne des pouvoirs immenses dans la Loi sur la qualité de l'environnement que nous ne pourrions jamais avoir dans le cadre législatif actuel - à ces articles pour réduire l'impact - parce qu'il fallait, pour les pesticides, naturellement réduire l'impact - sur une question spécifique, d'un seul contaminant, nous ouvririons la possibilité, le risque d'un précédent dangereux pour des effets judiciaires en cour et aussi pour d'autres contaminants où on aurait peut-être à faire des règlements par la suite.

Devant ce risque, on m'a posé la question: Est-ce que vous êtes prêt à prendre ce risque? Je n'étais pas prêt à prendre ce risque et je maintiens cette décision aujourd'hui. Si on m'accuse de quelque chose, je prends toute la responsabilité. Ce n'est pas la responsabilité des technocrates qui ont travaillé avec la plus grande conscience, la plus grande ouverture et la plus grande limpidité dans ce cas. S'il faut m'accuser d'avoir fait ce choix, qu'on m'accuse. J'ai fait ce choix de façon très consciente après avoir consulté des gens de premier calibre.

Je voudrais aussi mentionner que, parmi les gens que j'ai consultés, il y avait une personne, que je ne mentionnerai pas ici, mais que beaucoup d'entre vous connaissent très bien, une personne de la plus haute intégrité qui a autant que vous et moi à coeur le souci de la protection de l'environnement, peut-être plus que beaucoup d'autres personnes au Québec, une personne réputée dans le domaine du droit environnemental, une des personnes clés ayant participé è la rédaction de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui m'a dit: Oui, vous pouvez faire une réglementation à la Loi sur la qualité de l'environnement, mais ce n'est pas ce que je vous recommanderais. Cela va vous apporter des risques, cela va faire une espèce de loi, excusez le terme, bâtarde que personne ne comprendra parce qu'elle sera tellement compliquée. Je vous suggère, si c'était à moi de vous conseiller, de le faire par le biais d'une loi séparée.

Nous avons essayé très fermement, pendant au moins six mois, de travailler à la Loi sur la qualité de l'environnement. Après tous les conseils qui m'ont été donnés par des gens très habilités à le faire et dont la réputation et l'intégrité ne se mesurent plus, j'ai pris la décision que j'ai prise. Si c'est cela, faire une récidive, si c'est agir en cachette de faire des audiences publiques où les gens vont s'exprimer sur un avant-projet de loi, qu'on m'en accuse, je suis prêt à l'accepter!

Il y a trois points que je soulèverai plus spécifiquement parce que les critiques s'y sont arrêtés. Comme je l'ai déjà souligné, selon nous, selon nos conseillers juridiques, les pesticides sont définitivement des contaminants. La Loi sur les pesticides, quoiqu'elle complète à bien des égards la Loi sur la qualité de l'environnement, ne la contredit aucunement et elle est sous l'égide de la Loi sur la qualité de l'environnement qui s'applique fondamentalement, malgré tout, dans tous ses articles. Aucun de ses articles, par rapport à l'aspect des contaminants, par rapport à l'accès à l'information, n'est remis en cause.

Mais étant donné la méfiance qui a été exprimée, étant donné les accusations sérieuses qui ont été faites, je suis prêt, pour la valeur symbolique que cela aura -selon moi, c'est une valeur symbolique parce que j'ai eu des avis juridiques très clairs selon lesquels la Loi sur la qualité de l'environnement s'applique sous toutes ses formes - à accepter des changements è la Loi sur les pesticides. Ces changements vont notifier très clairement que les pesticides

sont des contaminants. Elle indiquera aussi que la Loi sur les pesticides est sujette à la Loi sur la qualité de l'environnement et que cette dernière est prépondérante. Nous pourrons même aller vers l'accès à l'information pour répéter les clauses sur le registre afin qu'il n'y ait aucun malentendu à savoir que je voudrais cacher des choses. Ce n'est pas mon habitude et ce n'est pas ainsi que je travaille.

Si ces changements doivent se faire pour une valeur symbolique - semble-t-il, en un certain sens, que j'ai perdu la confiance des citoyens sur ces questions, d'après certains experts; je ne le pense pas, mais c'est ce qu'on véhicule - je les ferai pour démontrer qu'il n'y a rien dans cette loi qu'on veut cacher par rapport à la Loi sur la qualité de l'environnement. C'est une accusation que je rejette tout à fait, que je n'accepterai jamais.

On a dit aussi: Dans la politique libérale, on cède partout, sur toute la ligne. II n'y a aucune preuve de cela jusqu'à présent. Si la preuve voulait se faire, on cite l'article 53, L'article 53 a été incorporé dans la Loi sur les pesticides pour être en concordance exacte avec l'article 30 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Dans la Loi sur la qualité de l'environnement, il y a des articles de concordance. On doit consulter le ministre des Affaires municipales pour toute ordonnance qui aurait des implications fiscales, qui aurait des implications d'emprunt et qui aurait des implications de dépense d'argent par les municipalités. Ce qui s'est passé, c'est que, quand l'article 53 a été rédigé dans l'avant-projet de loi, par suite d'une erreur typographique, la question des dépenses a été omise, et nous allons l'inclure. L'article 53 devrait être une copie exacte de l'article 30 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Selon la Loi sur la qualité de l'environnement, le ministre de l'Environnement doit aussi consulter le ministre des Affaires municipales et les raisons sont claires. Ce n'est nullement une affaire de politique libérale ou un retrait sur la question de l'environnement.

Pour un gouvernement qui s'est vu accuser de négliger l'environnement, si je pouvais prendre cinq minutes, je pourrais citer toutes les réalisations qui ont été faites depuis l'année dernière, incluant cette Loi sur les pesticides - c'est le premier gouvernement qui a le courage de la présenter - la loi sur le tabac et plusieurs autres, la reconnaissance de groupes environnementaux. Le premier contrat a été donné à un groupe environnemental, la FAPEL. Il y a toutes sortes d'autres choses que nous avons faites, nous. Je refuse d'accepter ce genre d'insinuation qui veut que nous soyons prêts à vendre notre chemise par rapport à l'environnement. Ce n'est pas du tout le cas et cela n'a jamais été prouvé jusqu'à maintenant. Je tenais à le souligner parce que je pense que ce sont des actions importantes, sérieuses et graves qui m'ont été - je ne sais pas le mot exact -imputées en tant que ministre et je prends la responsabilité de toutes les actions que j'ai faites.

Pour revenir à l'avant-projet de loi, la raison pour laquelle nous avons décidé d'introduire justement, au lieu d'un projet de loi, un avant-projet de loi, c'est qu'il y a eu des erreurs dans le passé. Je ne suis pas infaillible, seul le pape l'est jusqu'ici et, même là, parfois des questions se posent. Je sais qu'il y a eu des erreurs dans la loi 70, je sais que des retraits ont dû être faits, mais je préfère admettre des erreurs pour ne pas les répéter. Dans ce cas, nous avons choisi, au lieu de déposer un projet de loi comme nous aurions pu le faire, compte tenu de l'importance cruciale de la question, compte tenu des demandes qui nous ont été faites par toutes sortes d'intervenants, de déposer un avant-projet de loi, justement, pour qu'on puisse le bonifier et le changer après que vous aurez donné vos raisons et vos justifications.

Il me reste quelques minutes. Un dernier mot sur la question des aqriculteurs et des sylviculteurs. Des déclarations ont été faites à juste titre - dans les mémoires, c'est revenu plusieurs fois - comme quoi nous laissions de côté les agriculteurs et les sylviculteurs; ce n'est pas du tout le cas. Le projet de loi contient des dispositions pour que les sylviculteurs et les agriculteurs participent complètement à la démarche, mais seulement en vue de la dimension de l'enjeu pour eux de ces secteurs immenses. Nous avons, après consultation intensive, suivi la politique qui est appliquée dans les autres provinces canadiennes. Graduellement, nous allons amener ces secteurs dans la loi par voie réglementaire. Les négociations ont déjà commencé intensivement dans le domaine agricole avec des gens qui seront participants pour les classifications I et II dans un avenir prochain et, ensuite, pour les autres classifications qui représentent des milliers d'intervenants. Il faut du temps, il faut de la préparation, il faut surtout un consensus dans la société. On ne peut pas imposer des choses aujourd'hui.

Dans le cas de la sylviculture, j'ai, avec mon collègue des Forêts, une entente par écrit qu'aussitôt que possible nous allons établir une politique sur les pesticides qui va déboucher sur un contrôle des pesticides dans le secteur des forêts qui, naturellement, est un domaine de vaste importance et de dimension qu'on ne peut sous-estimer. Donc, il n'est nullement question d'éviter aucun secteur où les pesticides se trouvent et s'utilisent au Québec. (10 h 45)

Finalement, je voudrais dire aux nombreux intervenants qui ont pris la peine de soumettre des mémoires qu'on les a lus, qu'on les a étudiés avec le plus grand soin et la plus grande conscience. Certains voudraient qu'on aille beaucoup plus loin. Certains disent qu'on va beaucoup trop loin. Il faudra trouver un juste milieu, un consensus qui soit une évolution sociale dans la société. On ne fait pas des projets de loi pour, du jour au lendemain, les imposer. Il faut qu'ils soient le résultat d'une évolution dans la société et cette évolution, je pense que ces audiences publiques vont pouvoir la déceler pour nous amener à un consensus qui, je l'espère, fera de ce projet de loi un succès, une nouvelle étape dans l'évolution socio-économique du Québec. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre.

M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux d'abord souhaiter la bienvenue à tous les groupes qui se présenteront à cette commission. Je reviendrai sur vos remarques à la fin. Je tiens à dire, au tout début, que, quand on arrive comme législateurs en dernier pour légiférer, on doit être forts de l'expérience des précurseurs dans ce domaine et non pas jouer aux victimes de la presse ou se sentir l'Aurore l'enfant martyre de mère nature, ce qui nous empêcherait d'agir, je crois, dans le moment. Je reviendrai là-dessus à la fin.

La commission de l'aménagement et des équipements nous convie aujourd'hui et pour les prochains jours à un important exercice de réflexion a la suite de la présentation par le ministre de l'Environnement, en décembre dernier, d'un avant-projet de loi sur les pesticides.

Nous aurons tout lieu de nous interroger sur la pertinence et l'efficacité des moyens privilégiés pour juguler les dangers reliés aux pesticides. Il était évident que nous devions agir en ce domaine.

Le Conseil consultatif de l'environnement soulignait, en 1980, dans un avis intitulé "Proposition d'un contrôle des pesticides au Québec", que la sélectivité recherchée dans l'intervention des pesticides contre des parasites cibles était rarement atteinte et qu'en conséquence l'impact sur l'environnement devait susciter l'inquiétude.

Nous en sommes tous et point n'est utile de s'adonner à la nomenclature des effets néfastes des produits antiparasitaires sur l'homme, sur ses biens et sur l'environnement, nos invités pouvant se montrer plus compétents et perspicaces en cette matière.

Notre intervention, s'inscrivant dans la problématique d'une consultation particulière sur un avant-projet de loi, se veut essentiellement constructive, reponsable et a fortiori non partisane, l'acuité du problème ne pouvant en exiger moins. Nos interrogations s'avèrent toutefois nombreuses et nous tenons à en faire part ici.

Avant de procéder a une brève revue, l'Opposition aimerait d'abord rappeler au ministre que déjà, en décembre dernier, au moment du dépôt de son avant-projet de loi à la toute dernière semaine des travaux parlementaires, elle lui reprochait sa précipitation.

Convoquer des individus et des organismes à la veille du long congé des fêtes et leur allouer un mois pour la conception et la rédaction de mémoires nous semble s'inscrire sous le chapitre d'une opération catastrophe.

Certains, par défaut de moyens et de ressources, ont malheureusement dû déclarer forfait et ils sont plusieurs. D'autres ont pu répondre à l'appel, mais, dans plus d'un cas, leur reproche au ministre s'est fait fort explicite.

La Loi sur la qualité de l'environnement elle-même. Pourquoi une loi distincte sur les pesticides et non pas l'ajout d'un chapitre à la pièce majeure qu'est la Loi sur la qualité de l'environnement? Nombreux sont ceux qui ont posé cette question et qui s'inquiètent des redondances ou du manque de concordance. L'avant-projet de loi soustrait-il les pesticides aux dispositions de l'article 20 de la Loi sur la qualité de l'environnement relatif à l'émission d'un contaminant et qui fait en sorte de prohiber toute matière susceptible de porter atteinte à la vie, a la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l'être humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice è la qualité du sol, à la végétation, à la faune ou aux biens?

Rien dans l'avant-projet de loi ne balise ni ne précise l'application de cet article capital et le ministre devra nous expliquer les tenants et aboutissants de sa décision d'amputer la Loi sur la qualité de l'environnement d'un chapitre sur les pesticides. Dans son énoncé préliminaire, le ministre invoque des raisons techniques qui sont insuffisantes, quant à moi, pour justifier sa position.

Agriculture et sylviculture. Preuves et démonstrations ont été faites; l'agriculture et la sylviculture réunissent à elles seules plus de 90 % des employés applicateurs de pesticides et utilisent plus de 85 % de tous les pesticides vendus au Québec. La portée de la loi ne peut faire fi de ces coordonnées et il serait juste que l'avant-projet de loi prévoie les dispositions qui s'appliquent a l'agriculteur ou au sylviculteur, tout en reconnaisant qu'une réglementation spécifique puisse être élaborée a leur égard.

Mais la clarté fait ici défaut dans les intentions du ministre. D'une part, l'article 5 de l'avant-projet de loi stipule que les dispositions de la section III du chapitre III et celles des sections I, IV et VI de la loi ne s'appliquent pas aux agriculteurs ou aux sylviculteurs, alors que l'article 95 du même projet de loi annonce que le gouvernement peut, par règlement, déterminer les dispositions de ces sections et chapitres qui s'appliquent aux agriculteurs et aux sylviculteurs. Allons-nous opter pour 5 ou pour 95?

Ces libellés placent l'industrie agricole et sylvicole dans le noir. Le législateur devra expliquer ces zones troubles et justifier son choix d'exclure ces importants utilisateurs de pesticides pour les régir par des règlements non encore définis.

Notons, par ailleurs, que l'Assemblée nationale adoptait en décembre dernier le projet de loi 150 sur les forêts. Cette loi précise que, dans le cas d'aménagement de territoires publics, des plans de protection contre les insectes et maladies par l'utilisation des pesticides seront prévus.

Le ministre de l'Environnement doit convenir avec le ministère de l'Énergie et des Ressources d'une politique d'utilisation aérienne et terrestre des pesticides en forêt, ainsi que des règlements afférents. De plus, conformément à ses devoirs environnementaux et en accord avec l'esprit de l'avant-projet, le ministre de l'Environnement doit être le maître d'oeuvre de cette politique.

Enfin, le ministre de l'Environnement, dans une perspective plus large, doit exercer les pouvoirs que lui confère l'article 2 de la Loi sur la qualité de l'environnement pour superviser les programmes d'utilisation des pesticides en milieu agricole et syivicole.

Au chapitre I de l'avant-projet de loi, il est à signaler que la presque-totalité des mémoires qui ont été soumis à la commission rappelle l'importance de la juste définition des termes dans une législation et, à ce titre, invite le ministre à refaire ses devoirs.

La même unanimité s'exprime relativement à l'éventail des pesticides soumis à la loi par l'article 3 qui fait problème en incluant que les pesticides déterminés par règlement et non tous les pesticides, quels qu'ils soient, vendus ou utilisés au Québec. La nuance est de taille et n'accepte aucune exclusion.

Les permis. Les dispositions relatives aux permis de vente et d'utilisation suscitent nombre d'interrogations. Le fabricant en est exclu, tout comme l'agriculteur, le sylviculteur, celui qui utilise sur ses biens un pesticide destiné à un usage domestique et enfin celui qui, de façon exceptionnelle et sans en faire le commerce, vend au détail des pesticides - ce qui est incompréhensible, mais c'est écrit comme cela dans la loi - ce qui, dans ce dernier cas, peut constituer une importante brèche au contrôle qu'entend exercer la loi.

Mais à qui donc s'appliquera cette loi, pourrait-on demander? N'a-t-on affaire qu'à un vulgaire code de bienséance? Les conditions d'obtention d'un permis introduisent à l'article 15 la vague notion de "personne physique agissant sous la supervision immédiate du titulaire d'un certificat", récurrente aux articles 21, 30 et 39, et qui ne donne pas suffisamment de garanties sur les connaissances requises. En fait, jusqu'où cette délégation de responsabilités peut-elle opérer sans hypothéquer le niveau de sécurité à respecter? Tous s'interrogent sur un tel laxisme législatif.

Aussi, pourquoi à l'article 15, accorder une dérogation aux municipalités quant aux conditions d'obtention d'un permis, dérogation allant même jusqu'à les soustraire des implications d'une infraction à la loi?

Les exclusions de l'article 30 quant a la détention d'un certificat attestant, chez le vendeur ou l'utilisateur, la qualité de ses connaissances en matière de pesticides nous semblent hasardeuses.

Ainsi, celui qui, de façon exceptionnelle et sans en faire le commerce, utilise ou vend au détail des pesticides devrait détenir ledit certificat, ceci pour assurer que les utilisateurs recevront les informations appropriées sur les produits qu'ils achètent.

Nous croyons aussi que celui qui offre ou dispense des services reliés à la vente en gros des pesticides doit, de la même façon, obtenir un certificat afin que les produits et équipements vendus soient conformes aux normes et règlements et que les renseignements prodigués soient appropriés.

L'article 36 de l'avant-projet de loi précise, quant à lui, les conditions d'obtention d'un certificat de compétence et, parmi les critères retenus, le paragraphe 1° indique la réussite d'un examen prescrit ou reconnu par le ministre pour une catégorie déterminée de détaillants ou d'utilisateurs de pesticides.

Nous en sommes sur la passation d'examens. Toutefois, nous nous inquiétons de l'absence de prescriptions relatives à l'obligation de suivre un cours de formation puisque le degré de difficulté de l'examen ne pourra être supérieur à la qualité de la formation acquise. Pas de cours compétents, pas d'examens valables. Pas de cours de qualité, pas de détenteurs de permis ayant les connaissances requises valables et justifiables.

La latitude ainsi accordée au vendeur et à l'utilisateur de pesticides quant è la nécessité de combler les besoins de formation risque d'hypothéquer la validité de certificats acquis, à moins que le ministre ne nous fasse la preuve des avantages de son approche non contraignante à l'égard de

l'acquisition de compétences. Bref, pourquoi ne pas rendre obligatoires les cours de formation pour tous les vendeurs et les utilisateurs?

L'Opposition s'interroge aussi sur les intentions du ministre quant aux compétences exigées selon la classe de pesticides et selon les groupes d'intervenants, tels que présentés dans le tableau 7.5 du remarquable document de travail intitulé "Pour une utilisation rationnelle des pesticides au Québec" et que le ministre a su si aimablement mettre à la disposition de tous. C'est un excellent document de grande qualité.

On y remarque, d'une part, qu'une expertise poussée est exigée pour l'applicateur commercial des pesticides de classes 1, 2, 3 et 4 et que, pour l'applicateur privé, la même exigence ne se retrouve qu'aux classes 1 et 2, une compétence minimale étant demandée pour la classe 3 et aucune pour la classe 4. Nous croyons que les risques reliés à l'utilisation des produits antiparasitaires de classes 1, 2, 3 et 4 sont en tous points les mêmes pour les applicateurs privés ou commerciaux.

D'autre part, en ce qui concerne la vente au détail des pesticides de la classe 4, la compétence des vendeurs doit être exigée et non facultative parce qu'il y a risques potentiels d'utilisation pour le consommateur et que des informations techniques doivent lui être prodiguées.

Notons, par ailleurs, qu'en novembre 1984 le ministère de l'Environnement du Québec signait avec l'Association des spécialistes en extermination du Québec, l'ASEQ, une entente visant à mieux contrôler l'utilisation des pesticides à des fins d'extermination. Cette entente devait aussi permettre la conception et la mise en opération, avec l'aide de la Télé-université, d'un programme de formation à l'intention des spécialistes en extermination, ainsi que la production d'un code des pratiques professionnelles.

Comment le ministre entend-il articuler cette entente avec ses projets de législation et de réglementation en matière de pesticides? Le ministre entend-il conclure d'autres accords du genre et quel avenir, incidemment, réserve-t-il au projet d'entente que lui soumettait en avril 1985 la Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale relativement à la vente au détail de produits antiparasitaires et au service d'entretien des espaces verts? De telles interrogations importent lorsqu'il s'agit d'orchestrer et de mener une politique cohérente et efficace en matière de contrôle des pesticides. Le ministre devra procéder à diverses harmonisations et, parmi celles-ci, on compte les règlements municipaux, tels le règlement sur l'extermination et celui sur le logement de la ville de Montréal, ainsi que le règlement concernant l'épandage des pesticides voté par la ville de Dollard-des-Ormeaux en juillet dernier.

Malgré les paroles préliminaires du ministre à ce sujet, le ministre doit-il transmettre à un plaignant copie du rapport d'analyse ou du rapport technique sur lequel s'appuie un avis d'ordonnance? Tant que ce n'est pas dans la loi, je me pose de sérieuses questions. Cette question est majeure et plus d'un organisme invité s'est inquiété des limites à l'accès à l'information qu'introduit l'avant-projet de loi sur les pesticides parce qu'on n'y retrouve aucune des dispositions relatives aux article 117, 118, 118.4 et 118.5 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

À l'article 117, un citoyen peut demander au ministre d'entreprendre une enquête sur un contaminant susceptible de porter atteinte à la santé ou dommage à ses biens. À l'article 118, le ministre doit fournir rapport de ladite enquête au plaignant. À l'article 118.4, un citoyen a droit d'obtenir du ministère copie de tout renseignement disponible sur un contaminant. Â l'article 118.5, le ministre doit tenir un registre public de ces décisions à caractère environnemental. On peut se demander si, par cette loi, le ministre tente de rééditer l'avortement de la loi 70. Pour assurer toute l'efficacité et le respect de la loi et de ses règlements, les inspecteurs nommés en vertu de l'article 74 devront, d'une part, être en nombre suffisant - ce que les coupures budgétaires passées et prochaines du ministre hypothèquent lourdement - et, d'autre part, détenir une formation et des compétences adéquates. Seule la réglementation saura révéler la réelle volonté du ministre de contrôler l'usage des pesticides. Les questions restent donc, aujourd'hui, fort nombreuses quant aux dispositions relatives à la distribution, à l'élimination, à l'entreposage, au transport ou encore au recyclage des pesticides. (11 heures)

L'armature réglementaire ne peut, d'autre part, user de toute son efficacité si elle est accompagnée d'une inadmissible permission aux dérogations. À cette enseigne, retenons que, l'été dernier, le ministre de l'Environnement a permis au ministère de l'Énergie et des Ressources de faire fi d'un décret gouvernemental de 1985 régissant l'usage des insecticides contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Ainsi, on a fait de l'arrosage aérien - vous vous souvenez de l'arrosage aérien - en utilisant l'insecticide chimique fenitrothion alors que les règles déjà rééditées devaient en limiter l'usage à 10 % contre 90 % pour l'insecticide biologique bacillus thuringlensis. Nous mettons ici le ministre en garde contre un tel laxisme à répétition.

Notons enfin que l'avant-projet de loi reste irresponsablement muet sur les questions de l'étalage, du périmètre de

protection, de l'équipement de sécurité, de l'arrosage domestique ou encore de la publicité.

Rien encore n'appelle l'établissement de quotas en fonction de la capacité d'absorption des milieux récepteurs - cela c'est grave - l'approbation préalable de projets d'arrosage massif ou l'évaluation des impacts environnementaux de l'utilisation des pesticides.

Recommandé par la presque totalité des intervenants, un conseil consultatif sur les pesticides ou, à tout le moins, un comité "aviseur" pourra revendiquer sa pertinence par les seules lacunes de cet avant-projet de loi.

À tout le moins, on peut conclure que cette pièce législative reste hautement perfectible. Dans cette perspective, chacun des intervenants de cette importante et essentielle consultation particulière ainsi que le ministre de l'Environnement peuvent compter sur la collaboration de l'Opposition.

J'aimerais maintenant faire quelques commentaires sur vos remarques en dehors de votre texte de tantôt. En gros, M. le ministre, lorsqu'on arrive le dernier, on est censé avoir un projet étoffé et qui bénéficie de l'expérience de tous ceux qui sont venus avant nous et toutes les lacunes, les creux et les erreurs qui peuvent avoir été faits dans le passé, nous sommes censés les avoir visionnés, les avoir vus et les prévenir lorsqu'on arrive en dernier avec un projet de loi. Point n'est le cas ici. Et ce n'est pas en posant au type brimé par la presse que vous allez refaire l'image ou la qualité de cet avant-projet de loi. C'est ainsi qu'il faut le voir. A trop s'excuser, on s'accuse.

Cet avant-projet de loi est faiblard, très faiblard, sous le signe distinctif de la politique actuelle de l'Environnement...

M. Lincoln: Oui, c'est mieux que votre projet de loi. Où est le vôtre? Qu'est-ce que vous avez fait depuis 1980?

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Terrebonne.

M. Blais: ...sous le signe distinctif de la politique actuelle faiblarde d'un ministre très faible au cabinet. Faible au Conseil du trésor, faible devant le ministre des Affaires municipales, faible devant le ministre délégué aux Forêts, faible devant le ministre de l'Agriculture. C'est pour cela, que devant le Trésor, le budget est diminué de 23 %. Aux Affaires municipales, les municipalités sont soumises à cet avant-projet de loi. Le ministre est soumis au ministre des Affaires municipales dans cet avant-projet de loi. Il en est de même en agriculture. Les agriculteurs et les sylviculteurs ne sont pas inclus. Pour la forêt, le projet de loi 150, c'est la même chose.

Le ministre pourra, bien sûr, défendre son projet de loi quand on arrivera à l'étude article par article. Mais, à cause des remarques préliminaires qu'il a faites, quand on s'allonge le nez, on court une chance de se le faire frapper.

Aussi, le ministre n'a pas laissé assez de temps aux groupes pour qu'ils viennent lui dire la faiblesse de cet avant-projet de loi. Moins ils sont nombreux pour le critiquer, plus il est heureux. Sa faiblesse paraît moins.

Dans son projet de loi 85 %, des utilisateurs de pesticides sont exclus et, dans les 15 % qui restent, selon l'article 100, le ministre aura droit de choisir les pesticides qui sont de bon aloi pour être réglementés. Alors, s'il en exclut encore là, qui sera visé par cette loi?

M. Lincoln: Meilleure et plus que votre loi inexistante.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Terrebonne.

M. Lincoln: Beaucoup meilleure que la loi que vous n'avez jamais adoptée et que vous n'avez jamais eu le courage d'adopter.

M. Blais: C'est vrai.

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaîtl M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Alors, qui sera touché par cette loi? C'est une loi de bon aloi, un code de bienséance, c'est quoi?

M. Lincoln: C'est beaucoup plus que vous n'avez fait!

M. Blais: C'est très rare que dans l'Opposition on rédige des lois. M. le Président, voulez-vous mettre un bouchon sur la cruche, s'il vous plaît? Troisièmement, c'est une information cachée. Dans la loi Q-2 de l'environnement, tout citoyen a le droit de recevoir copie des plaintes. Je ne me fie pas à cela tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas dans l'avant-projet de loi et dans la loi elle-même une ouverture pour que les plaignants reçoivent copie et que la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels soit respectée. Je suis obligé de prendre la loi que vous me présentez. C'est sûr qu'elle est peut-être meilleure que celle qu'on aurait présentée. On ne l'a pas présentée. Alors, c'est sûr, vous êtes les derniers arrivés. On ne pouvait pas tout faire, vous savez!

M. Lincoln: Ah oui!

M. Blais: On ne pouvait pas tout faire!

M. Lincoln: Vous l'avez dit, en vérité!

M. Blais Ce n'est pas en disant que les autres n'ont rien fait qu'on justifie sa faiblesse. Bon! Ensuite, cet avant-projet de loi étudie la rationalisation de l'utilisation sécuritaire des pesticides. C'est vrai. On jurerait que c'est fait par un ministre de la Santé et des Services sociaux. Un ministre de l'Environnement doit rationaliser l'utilisation qui brime la qualité de vie de l'environnement, les quantités de pesticides utilisés et non pas le fait que les utilisateurs et les gens qui manipulent les pesticides les manipulent avec sécurité. C'est tout ce que ce projet de loi veut regarder. Les quantités, il n'en est question nulle part. Est-ce que vous voulez vous suppléer à la ministre de la Santé et des Services sociaux pour ne pas avoir d'infections cutanées ou d'inflammations dermatologiques? C'est pour le sol, la qualité de la vie, pour les gens qui vivent du soll, pour les gens qui boivent l'eau des nappes phréatiques et souterraines et pour les gens qui vivent de la terre que ce projet de loi a dû être fait. Ensuite, ce projet de loi n'a rien, mais rien, pour favoriser l'agriculture biologique. Dans son énoncé préliminaire, le ministre dit que c'était l'une des priorités. Encore, il nous a dit au mois de janvier 1986 qu'il était bientôt pour signer avec les Mines Noranda sur les pluies acides, très bientôt. Nous sommes rendus en février 1987 et bientôt n'est pas arrivé encore. C'est combien long, bientôt?

M. Lincoln: ...

M. Blais: Je serais très heureux si vous signiez. Je sais que vous avez une lettre de 35 000 $, mais sortez-la.

M. Lincoln: C'est plus que vous n'avez fait durant neuf ans de pouvoir.

M. Blais: M. le Président, est-ce qu'on a le droit de...

Le Président (M. Saint-Roch): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Terrebonne.

M. Blais: M. le Président, je l'ai laissé aller!

M. Lincoln: Neuf ans de pouvoir.

M. Blais: Je l'ai laissé critiquer et jouer à Aurore devant les journalistes. Je ne l'ai pas interrompu. Il n'y a rien dans cela pour favoriser la quantité de pesticides qui devrait diminuer selon les années et que les moyens naturels de combattre les parasites devraient entrer en ligne de compte par des études et des recherches. Il n'y a rien dans cela. C'est une loi qui pourrait être faite par la ministre de la Santé et des Services sociaux, je le répète, pour ne pas que les gens qui manipulent les pesticides aient des inflammations dermiques. En réalité, que reste-t-i. de cet avant-projet de loi? II reste une chance que beaucoup de mémoires vous ont été présentés. Ces mémoires ont été rédigés par des gens compétents. Je les ai tous lus. M. le ministre, malgré le peu de temps que vous leur avez donné, à ma grande joie, plusieurs vont venir quand même pour la présentation. Ce sont des rapports très compétents et des mémoires très bien rédigés. C'est ce qui va vous rester. II va vous rester aussi, M. le ministre, pour le plus grand bien de la population québécoise, une Opposition vigilante qui, forte des rapports et des mémoires qui vous sont soumis, va défendre la qualité de la vie et l'environnement de façon générale et faire en sorte que la Loi sur les pesticides protège les habitants de cette terre québécoise et agrémente le plus possible le milieu de vie, tout en essayant de vous imposer un peu plus de biologique dans cette loi et des restrictions quantitatives de l'utilisation des pesticides. Sur ce, M. le Président, je vous remercie beaucoup.

Auditions

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Terrebonne. Les déclarations d'ouverture étant maintenant complétées, je demanderais aux représentants de l'Institut canadien pour la protection des cultures de prendre place devant la commission, s'il vous plaît!

Messieurs, permettez-moi, au nom des membres de la commission, de vous souhaiter la bienvenue pour la présentation de votre mémoire sur Pavant-projet de loi sur les pesticides. À l'intention des membres de la commission et du Journal des débats, je demanderais au porte-parole du groupe de bien vouloir s'identifier, ainsi que les gens qui t'accompagnent.

M. Letendre (Glenn): Sûrement, M. le Président. Mon nom est Glenn Letendre. Je suis président du conseil provincial de l'Institut canadien pour la protection des cultures. À ma gauche, M. Claude Roger, chargé de l'étude du projet de loi; à ma droite, M. Michel Tremblay, président sortant du comité; M. Bernard Poliquin, chargé du comité technique et, enfin, M. Daniel Savoie, secrétaire-trésorier de notre association.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le président. J'aimerais vous rappeler que vous avez maintenant 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Je vous cède la parole.

Institut canadien pour la protection des cultures

M. Letendre: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que l'Institut canadien pour la protection des cultures, section du Québec, vous présente son mémoire sur l'avant-projet de loi. L'Institut canadien pour la protection des cultures représente plus de 40 compagnies de fabricants et de distribution dans tout le Canada. L'industrie des produits chimiques agricoles fonctionne selon un code d'éthique et un code de marketing. Ce code se veut une orientation générale sur le bon fonctionnement de l'industrie tout en respectant les lois des utilisateurs et l'environnement. Le respect pour l'environnement est une responsabilité majeure pour l'ICPC et tous les membres sont impliqués dans la recherche constante des moyens pour améliorer les techniques d'application, la disposition des contenants, l'entreposage, la distribution, de même que la sécurité de l'utilisateur et du public.

Consciente que ses responsabilités ne se limitent pas à la création et à la fabrication d'un produit, l'industrie a cru bon de se doter d'un code de marketing. Les pesticides sont des outils essentiels qui aident les producteurs québécois et les consommateurs à contrôler les parasites qui menacent les récoltes, qui bouleversent notre style de vie et qui ont un effet sur la santé publique. Afin de s'assurer que ces produits sont utilisés sans danger et pour les usages prescrits, il est essentiel que les consommateurs, les distributeurs et les détaillants de pesticides connaissent ces produits à fond, leur usage et leur mode d'emploi.

L'Institut canadien pour la protection des cultures et toutes les entreprises membres au sein d'industries fournissent tous les renseignements nécessaires à la distribution et à l'usage des produits chimiques. Grâce aux recherches continues et aux systèmes de contrôle, les entreprises membres ont à leur disposition les renseignements les plus complets et les plus à jour au sujet des produits qu'elles vendent, y compris la composition toxicologique et le rendement de ces produits. (11 h 15)

Au cours des dernières années, la qualification technique et scolaire de l'ensemble du personnel oeuvrant dans le secteur des pesticides s'est grandement améliorée au Québec. De plus, depuis près de trois ans, l'ICPC, section Québec, en collaboration avec l'Institut de technologie agricole de La Pocatière et le service de l'éducation aux adultes a assuré la promotion d'un cours sur l'utilisation rationnelle et sécuritaire des pesticides auprès des détaillants de produits chimiques agricoles du Québec.

Aujourd'hui, près de 250 personnes représentant la majorité des vendeurs au détail des pesticides ont suivi ce cours avec intérêt. L'attitude de ces derniers est très favorable à l'approche et aux idées développées lors de ces journées d'études. L'institut, dans le but de sensibiliser les personnes impliquées dans la vente et l'utilisation des pesticides aux dangers des pesticides, a produit une présentation audiovisuelle sur le triple rinçage, un moyen facile de rendre des contenants vides de pesticides non toxiques è l'environnement.

D'autres présentations sur la manipulation sécuritaire des pesticides et les premiers soins en cas d'empoisonnement ont été développées et, grâce au ministère de l'Environnement, toutes les présentations furent traduites en français. Ces présentations sont mises à la disposition du public par l'institut et par les ministères de l'Environnement et de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

L'ICPC est favorable à une meilleure utilisation des pesticides en vue de la protection du public, des utilisateurs et de l'environnement. C'est pourquoi l'institut appuie la nécessité de l'existence d'une loi sur les pesticides au Québec et est en accord avec l'ensemble et l'idée du projet de loi présenté par le ministre de l'Environnement.

Par contre, nous voudrons vous faire connaître nos points de vue sur certains détails de cet avant-projet de loi car nous croyons qu'il faut assurer une protection aux entreprises évoluant dans ce secteur ainsi qu'aux agriculteurs qui sont les utilisateurs principaux de pesticides au Québec.

Nous reconnaissons que l'agriculture représente plus de 80 % de l'utilisation des pesticides ou environ 2300 tonnes de matière active au Québec. Ce sont les chiffres du bilan de 1982. Le même projet de loi, dans une première étape de réglementation, exclut les agriculteurs et les sylviculteurs. Par contre, reconnaissant qu'ils sont les utilisateurs principaux de pesticides au Québec, l'institut espère que le gouvernement du Québec va élaborer, sans tarder, un ambitieux programme d'éducation à leur intention.

Pour nous, le succès complet de ce projet de loi sur les pesticides repose sur la qualification des utilisateurs de pesticides, tant au niveau de la sécurité que du respect des normes d'application. L'ICPC favorise une approche où les ventes des pesticides de classes restreintes telles que proposées dans le document de travail appuyant la loi soient d'abord précédées par une recommandation professionnelle et que les utilisateurs de ces produits suivent un cours spécifique relatif à l'utilisation de ces produits.

Le ministre, pour s'assurer que les pesticides ne seront utilisés que par le personnel qualifié et informé, propose dans

l'avant-projet de loi les points suivants: une classification de pesticides, la compétence de l'utilisateur et du vendeur et le contrôle de la vente et de l'utilisation,

Lors de l'élaboration de la liste des différentes classes de pesticides et des différentes catégories d'utilisateurs et de vendeurs, l'ICPC recommande que le ministre de l'Environnement inclue dans le projet de loi un comité interdisciplinaire mandaté à donner son approbation aux différentes réglementations régissant cette loi.

Un comité conseil avec la participation de représentants non gouvernementaux est prévu dans la majorité des provinces dotées de programmes de contrôle sur les pesticides. Ce comité, s'il est adopté au Québec, devrait être formé de personnes provenant du MAPAQ, du MENVIQ, de l'Institut canadien pour la protection des cultures, de l'Ordre des agronomes du Québec, des ingénieurs forestiers, des technologues, des groupes environnementaux et de toute autre personne ou groupe pouvant apporter un apport concret au comité.

En ce qui concerne le contenu, la diffusion et l'examen pour l'obtention du certificat, ce même comité interdisciplinaire doit être consulté. Le comité "aviseur" pourrait également avoir un rôle important dans l'étude des règlements touchant les injonctions, tels que décrits à l'article 67 de l'avant-projet de loi.

L'avant-projet de loi, au chapitre III, Permis et certificats, à l'article 9 et à l'article 30 exempte toute personne qui, de façon exceptionnelle et sans en faire commerce, utilise ou vend au détail des pesticides. Ces paragraphes portent à confusion et sont en contradiction avec les définitions de "détaillant" et "vente au détail" du chapitre I, section 1.

L'institut est contre ces exceptions car elles ouvrent la porte à beaucoup d'interprétations et d'abus. Les exceptions permettent la vente de pesticides en dehors de la loi. Elles mettent en danger l'éventuel contrôle des pesticides et risquent de compromettre le succès de cette loi qui repose sur la qualification des vendeurs de pesticides au Québec.

L'Institut canadien pour la protection des cultures voudrait donc que l'article 9, paragraphe 2 , et les mots "vend au détail" de l'article 30, paragraphe 1 , soient rayés.

L'avant-projet de loi fait référence, aux articles 15, 21, 30 et 39, à une personne physique sans certificat agissant sous la supervision immédiate du titulaire d'un certificat. L'institut croit que le texte de loi doit éliminer toute idée de personne sans certificat. De cette façon, nous croyons que la certification de tous les intervenants quant, aux normes de sécurité et d'application correspondra davantage à l'esprit de responsabilisation que veut implanter la présente loi.

Dans le même esprit, l'institut, section du Québec, désire voir tous ses membres recevoir la même qualification, car il y a une importante interaction entre les activités des employés membres des compagnies de base, les grossistes et les détaillants dans la vente, la promotion et les recommandations de pesticides chez l'agriculteur.

Au chapitre IV, le ministre fait mention qu'il a le pouvoir de faire ramasser des pesticides déposés aux mauvais endroits et d'en disposer. Il faudrait bien définir les normes sur la façon de disposer de ces rebuts pour permettre de répondre aux exigences de ces règlements.

L'ICPC ne veut pas que, sous le couvert de cette loi, au chapitre VI, article 100 de l'avant-projet, on modifie au Québec la loi fédérale sur les produits antiparasitaires, qui touche l'étiquetage et l'emballage des pesticides.

L'industrie, pour répondre aux normes fédérales sur l'étiquetage et l'emballage a développé pour les utilisateurs une série de contenants allant de 500 ml à 200 litres. L'industrie ne veut pas que cette loi encourage le transvidage de contenant sans qu'une étiquette complète et approuvée par le gouvernement fédéral y soit apposée.

Selon l'institut, l'utilisation des contenants tels qu'offerts par l'industrie agrochimique offre la meilleure sécurité pour l'utilisateur et le public. L'obligation de suivre les normes fédérales d'étiquetage et d'emballage devrait apparaître officiellement dans la loi du Québec.

En terminant, l'Institut canadien pour la protection des cultures souligne l'importance qu'un comité interdisciplinaire soit inclus dans la loi pour l'élaboration et la modification des règlements selon les nouvelles réalités des différentes utilisations des pesticides.

Nous désirons fortement faire partie d'un tel comité et avoir un rôle actif dans la présentation des cours pour l'obtention des permis et des certificats. Grâce à notre connaissance des pesticides et à l'existence de notre code d'éthique et de marketing, nous, l'Institut canadien pour la protection des cultures, croyons pouvoir apporter beaucoup à la réalisation d'une loi qui pourrait garantir l'utilisation et la vente rationnelle et sécuritaire des pesticides au Québec.

Je tiens à remercier le ministre pour avoir donné à notre institut la possibilité de présenter ses idées et commentaires sur t'avant-projet de loi sur les pesticides. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le président. M. le ministre.

M. Lincoln: M. Letendre, je voudrais

vous poser quelques questions. Comme vous le savez très bien, les représentants du ministère ont eu une consultation préalable avec votre organisation, je pense, le 21 novembre 1986. Vous aviez indiqué plusieurs inquiétudes par rapport à l'avant-projet de loi qui devait être déposé. Vous nous les avez confirmées avec beaucoup de soin et de détails dans votre mémoire et je vous en remercie.

Il y a quelques points qui nous importent plus que d'autres. Naturellement, on ne peut pas tout passer en revue, puisque le temps ne nous le permet pas, mais je peux vous dire qu'on a lu votre mémoire avec beaucoup d'attention; on l'a analysé dans toutes ses parties, mais je voudrais vous poser quelques questions spécifiques par rapport à certains articles que nous considérons plus importants que d'autres.

Par exemple, en ce qui concerne la formation des agriculteurs, je sais qu'il y a une ambiguïté qui semble avoir soulevé des inquiétudes quant aux articles 5 et 95. En fait, vous le soulignez dans votre mémoire. Je pense que le critique de l'Opposition l'a souligné également. Est-ce que vous avez l'avant-projet de loi devant vous?

M. Letendre: Oui.

M. Lincoln: D'accord. Je voulais souligner qu'à l'article 5 de l'avant-projet de loi il est vrai que le premier alinéa soustrait les agriculteurs et les sylviculteurs de l'application de la loi parce qu'il fallait trouver un mécanisme pour ne pas les inclure tout de suite, étant donné les circonstances spéciales de ces deux grosses industries. Si vous regardez le deuxième alinéa de l'article 5, on dit: "Toutefois, le gouvernement peut déterminer, parmi ces dispositions, celles qui s'appliquent à un agriculteur ou à un sylviculteur qui utilise des pesticides pour les fins de son exploitation agricole ou sylvicole." Cela, c'est le pouvoir "substantif que donne la loi dans ce deuxième alinéa. L'article 95, ce sont les pouvoirs de réglementation issus de la deuxième partie de l'article 5.

Je veux souligner que ce n'est certainement pas notre intention - je vous le confirme par l'interprétation de la loi - de soustraire les agriculteurs et les sylviculteurs. C'est pourquoi le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est ici aujourd'hui. Il participera très activement a la rencontre avec l'UPA tout à l'heure. Nous avons déjà eu des consultations assez intensives avec les gens du domaine agricole pour que, éventuellement, l'information soit donnée, pour les classes plus restreintes d'abord, et ensuite pour les classes plus ouvertes qui contiennent, en tout, à peu près 42 000 personnes, 35 000 et 7000. Est-ce que c'est clair dans ce cas?

M. Letendre: Je crois que, lors de notre dernière rencontre, la position du ministre a été très claire. Ce qui nous préoccupe, surtout au début, on réalise que c'est un mécanisme qu'il faut mettre en place. Le problème qu'on vit présentement dans l'industrie, c'est une mauvaise réputation à l'endroit de l'environnement. Vu que ce sont les agriculteurs qui utilisent la plus grande gamme de produits, il est quand même très important qu'ils soient inclus et vous nous assurez que ce sera fait.

On a souligné que, pour les produits restreints, il faut absolument faire quelque chose sans tarder. Je pense que c'est le point qu'on voulait souligner ici. Si vous dites qu'on va suivre plus tard, il n'y a pas de problème. (11 h 30)

M. Lincoln: Je pense que le secteur agricole réalise que, pour les produits plus restreints, il faudra commencer beaucoup plus tôt que pour les autres domaines.

Il y a aussi la question de la confidentialité des activités commerciales que vous avez soulignée. En 1978 et en 1982, deux bilans sur les pesticides ont été déposés, justement de façon à protéger les données commerciales individuelles des sociétés et des corporations. Nous en sommes très conscients. Même avec un registre, c'est sûr que la confidentialité des ventes individuelles de sociétés ou des ventes individuelles de personnes morales ou physiques sera protégée; je peux vous en assurer aussi.

Vous avez parlé de la question des ventes exceptionnelles, la dérogation à l'article 9. Je tiens à vous expliquer la raison pour laquelle elle existe afin que le sens et l'objectif de cette dérogation soient compris. Dans le sens légal, si, par exemple, j'ai, chez moi, des pesticides que j'avais le droit de garder, si je quitte ma demeure et que je les vends à mon voisin, c'est une vente légale pour le vendeur. À ce moment-là, j'aurais dû avoir un permis.

Vous avez un autre exemple, l'exemple d'un agriculteur pomiculteur. Ils ont soulevé cette objection spéciale. Si vous avez un pomiculteur qui se sert de pesticides acceptés, s'il a un permis, etc., s'il doit aller à l'hôpital et s'il passe un pesticide à son voisin qui a un permis, cela pourrait être une vente au sens légal du mot. Il faut permettre des exceptions. Ce qu'on vise, c'est de contrôler les ventes régulières, mais pas des cas complètement exceptionnels. C'est une concordance qui a été faite, m'assurent nos juristes, avec les lois fiscales pour permettre des cas exceptionnels, tout à fait exceptionnels. Ce ne sont pas des dérogations qui vont rentrer dans la norme, ce sont des ventes non répétitives, des

passages de produits de façon non répétitive et exceptionnelle.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Glenn Letendre.

M. Letendre: Ce qui nous inquiète dans cet article, c'est que I'exceDtion laisse la porte ouverte à la vente de produits chez celui qu'on appelle le "farmer dealer". C'est une situation qu'on retrouve dans le domaine, ce sont des coopératives locales qui achètent en groupe et qui revendent à l'intérieur du groupe. Nous demandons justement s'il y a moyen... Je comprends pourquoi vous vouiez inscrire cette exception dans la loi, mais y aurait-il moyen de ne pas laisser faire cette sorte de transaction dans ce domaine? On parle de peut-être 20 % des ventes de pesticides au Québec.

M. Lincoln: Je vais prendre note de cela. Nous allons considérer sérieusement la chose. Quelle est la procédure? Est-ce que je finis de poser mes questions et, après, on passe à l'Opposition? On alterne ou quoi?

Le Président (M. Saint-Roch): Libre à vous, M. le ministre. On peut faire l'alternance ou...

M. Lincoln: Si je peux terminer, j'ai deux ou trois questions et, après cela, j'aurai fini.

Le Président (M. Saint-Roch): D'accord, M. le ministre.

M. Lincoln: II y a aussi la question de la formation de celui qui, par exemple, est commis dans un établissement. Si je vous ai bien compris, vous avez dit au sujet des articles 15, 26 et 30: Nous avons des réserves et des inquiétudes quant à ta question de la supervision immédiate. Vous dites: On aimerait que les permis circulent dans l'établissement parce que, autrement, il n'y aura pas de contrôle. C'est bien cela, votre inquiétude?

M. Letendre: C'est bien cela, oui.

M. Lincoln: D'accord. Si nous insistions pour un permis dans le cas de chaque personne qui travaille dans un établissement, par exemple chaque commis, cela créerait une situation presque impossible parce qu'à ce moment-là il faudrait que la caissière ait un permis. Dans le cas d'un bureau d'avocats, c'est un avocat qui est responsable pour ses employés, mais tous ne sont pas des membres du corps professionnel. C'est le cas, par exemple, dans les pharmacies. Ce sur quoi nous voulons insister, c'est qu'on parle de supervision immédiate et l'interprétation dans la loi, cela comporte et renferme l'idée d'une supervision sur les lieux d'exécution des travaux. Si, par exemple, on insistait sur un permis pour tous les employés, cela voudrait dire qu'on ne pourrait pas avoir des employés temporaires pendant l'été. Cela serait un mécanisme de contrôle presque impossible aujourd'hui. Peut-être qu'à l'avenir, si on voit que la question de la supervision immédiate n'est pas adéquate, on pourra aller plus loin. Mais le faire dès le départ, cela aurait presque créer une situation bureaucratique impossible à gérer. Nous avons suivi le système qui s'est établi dans tous les corps professionnels. Et, dans tous les endroits où il y a un responsable qualifié, c'est à lui de surveiller les gens non qualifiés, comme c'est le cas dans une pharmacie, par exemple.

M. Letendre: Je crois que notre inquiétude à propos de ce point, c'était plus au niveau de l'utilisation, si on parle des applications faites en ville, etc. Je pense qu'on est d'accord avec votre opinion ou votre position concernant les lieux de commerce. Mais, si vous dites que cela s'applique surtout pour cela et pas pour l'utilisation des produits, je crois qu'on est d'accord. Si on parle de l'application ou de l'utilisation des produits, je crois que toute personne qui applique les produits, si on parle "d'applicateurs" à forfait ou des gens qui font les applications sur les pelouses, devrait être certifiée.

M. Lincoln: C'est bien le sens de la loi. M. Letendre: C'est bien le sens?

M. Lincoln: Oui. Nos conseillers juridiques nous confirment, par exemple, dans la question du "farmer dealer", que, s'il fait un commerce effectif, c'est-à-dire des ventes qui ne sont pas non répétitives - pas des ventes exceptionnelles, mais un commerce qui se fait de façon régulière - il serait soumis à la loi de toute façon.

M. Letendre: Est-ce que cela comprend les groupes d'achat aussi?

M. Lincoln: Pardon?

M. Letendre: Les groupes d'achat. Je parle ici plus comme groupe d'achat.

M. Lincoln: Oui. S'ils le font de façon répétitive, c'est sûr qu'ils seront soumis à la loi.

J'ai deux autres remarques à vous faire. J'ai deux autres questions. À l'article 100 paragraphe 6°, vous avez parlé de ta question de l'étiquetage. Je voulais vous confirmer que ce n'est nullement notre intention de contrevenir d'une façon ou d'une autre aux exigences fédérales, nullement.

Notre objectif, c'est de voir que les produits qui sont transportés vers les lieux d'application sont clairement identifiés; par exemple, l'étiquetage des produits que "l'applicateur" prépare à partir des produits concentrés pour une application chez divers clients. On pourrait le faire par les codes de bonne pratique que nous allons établir, mais l'étiquetage, c'est un champ de juridiction fédérale qu'on laisse géré par le fédéral. Les normes fédérales, c'est pour nous une base, une première assise; elles sont généralement reconnues. On ne veut pas contrevenir, aucunement, à cela. On va peut-être les complémenter, en ajouter, les solidifier quand ce sera nécessaire, par exemple, dans les cas que je vous ai cités, mais ce n'est pas notre intention de contrevenir à l'application des normes du fédéral concernant l'étiquetage. À moins que vous n'ayez des questions à poser, je...

Je m'excuse, j'ai une dernière question.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Lincoln: Je voudrais vous poser une dernière question. On a parlé de la confidentialité des renseignements. Concernant l'accès à l'information, qui est très vaste dans notre loi, il y a une question où la confidentialité devient très subjective.

Vous avez parlé de la confidentialité des activités commerciales des entreprises. J'ai parlé des bilans, des choses qui ont réellement trait à des renseignements confidentiels touchant une entreprise, par exemple, sa marge de profit, etc. Vous parlez de la confidentialité des activités. Est-ce que vous voulez restreindre toute information qui a trait à l'activité d'une entreprise par rapport aux pesticides parce que, à ce moment-là, cela va beaucoup plus loin que ce que je vous ai déjà dit? J'ai envie d'être sûr qu'on se comprend.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Tremblay.

M. Tremblay (Michel): Oui. On a des compagnies qui n'ont qu'un seul produit vendu au Québec. D'accord, on parle de 158, 180 produits déclarés vendus sur les listes de prix, mais, en général, on peut résumer qu'une quarantaine de produits représentent à peu près 85 % des ventes au Québec. Lorsqu'une une compagnie vend un seul produit et qu'on le déclare dans les données nnn pas comme ventes totales au Québec, mais comme ventes par paroisse ou par village, à ce moment on calcule cela comme des informations commerciales plutôt que comme des informations techniques comme telles pour connaître la quantité de produits vendus au Québec.

M. Lincoln: Dans les bilans de 1978 et 1982 qui ont été rendus publics, les statistiques ont été émises de façon que le public soit renseigné sur la quantité, le volume des pesticides vendus, mais cela n'identifie pas cela à une entreprise en particulier. Je pense que la confidentialité des affaires d'une entreprise en distinction des activités par rapport aux pesticides en général est respectée. Je ne pense pas qu'il y ait de problème de ce côté.

M. Savoie (Daniel): En 1978 et 1982, d'accord. En 1982, on a réussi à corriger certaines familles parce qu'on avait déjà commencé à préciser davantage les familles de produits comme telles, les groupes de produits. Puis, dans l'inventaire qu'on est en train de faire présentement, je crois que l'intention du ministère n'est pas encore arrêtée. On avait parlé, au départ, de préciser les familles de produits par municipalité et de rendre ces choses publiques. À ce moment, cela se trouve à être en même temps des renseiqnements environnementaux, des renseignements commerciaux, de lieux de la clientèle et des quantités achetées ou vendues dans telle ou telle région, lorsqu'on corrobore cela aux données du nombre d'agriculteurs dans une région particulière.

M. Lincoln: En fait, ce que je peux vous dire, si vous vous référez à la Loi sur la qualité de l'environnement, aux articles 117 et 118 sur l'accès à l'information, par rapport à la dissémination de l'information au public, c'est le sens de notre démarche, c'est comme cela qu'on va travailler, c'est dans ce sens qu'on va travailler. Jusqu'à maintenant, des demandes presque innombrables nous arrivent sur ces questions. La question de la confidentialité des entreprises commence à devenir un enjeu. Il y a, par exemple, une cause qui est en train d'être étudiée et qui est même allée devant les tribunaux: Est-ce qu'une entreprise doit déposer ou non son bilan pour prouver qu'elle fait des profits ou non, dans la question des déchets? Tout cela est en revue.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que notre intervention va être dans le sens de l'accès à l'information le plus vaste possible tout en tenant compte des contraintes commerciales des entreprises. On ne veut pas identifier les choses confidentielles des entreprises, les brevets, etc. Seulement, il faudra diffuser l'information afin que le public connaisse exactement tous les contaminants qui sont utilisés dans l'atmosphère.

Je sais que ce n'est peut-être pas une réponse très précise, mais ces choses ne sont jamais blanches et noires.

M. Tremblay (Michel): D'accord. Mais si

vous dites que vous vous référez à la loi sur l'environnement comme telle, je pense qu'on a vécu avec depuis plusieurs années et on peut continuer.

M. Lincoln: ...cela.

M. Tremblay (Michel): C'est parce que c'était une nouvelle loi et on se demandait si les règlements étaient pour changer.

M. Lincoln: Non, non. On va se fonder là-dessus...

M. Tremblay (Michel): D'accord.

M. Lincoln: ...et en plus sur ce qu'on vous a dit, les bilans, etc. Mais cela va être le sens et l'objectif.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci beaucoup. D'abord, une question qui va peut-être vous paraître un peu curieuse. En quelques mots, quel est le but de votre organisme? (11 h 45)

M. Letendre: Le but de notre organisme est de commercialiser les produits antiparasitaires au Canada de façon a suivre les lois en place, les lois du pays et de s'assurer que les produits sont utilisés d'une façon efficace et aussi d'une façon sécuritaire au Canada. C'est une association de groupes. On travaille beaucoup sur les normes de fabrication et aussi de vente, des codes de vente, pour assurer justement que tout soit en règle. C'est une espèce d'association policière, peut-être, à l'intérieur des groupes manufacturiers.

M. Blais: Sur votre page préliminaire vous dites: "L'IPC ne veut pas que sous le couvert de cette loi l'on modifie au Québec la toi fédérale sur les produits antiparasitaires." Quelle est votre crainte là-dedans de nous voir...

M. Letendre: D'accord. Notre crainte est que... Présentement, si on reqarde les règlements ou les lois qui touchent les pesticides au Canada, je crois qu'on peut être fiers de dire qu'on est les plus sévères ou on peut dire peut-être les plus efficaces à étudier ou à décider si une loi devrait être utilisée dans l'environnement. Nos craintes, vu que le marché des pesticides au Québec est quand même petit si on le compare au Canada, à l'Amérique du Nord et au monde, c'est que la loi pourrait amener d'autres exigences sur l'homologation d'un produit. En effet, en plus d'avoir une homologation fédérale, on aurait peur d'avoir une homologation provinciale. En effet, il y avait des dépenses encore plus élevées pour les études nécessaires pour homologuer un produit. Déjà là, au Canada, on est très exigeant et toutes les compagnies sont très reconnaissantes de cette situation. Je crois que si on en vient, au Québec, avec des demandes encore plus exigeantes au niveau de l'homologation, cela pourrait nuire aux producteurs du Québec, vu que ce ne serait pas profitable pour une compagnie de pesticides de fonctionner au Québec et vu les coûts additionnels pour vendre au Québec.

M. Blais: Sans jeu de mots quand même, je ne veux pas que vous preniez cela trop au sérieux, mais le ministère de l'Environnement c'est quasiment votre adversaire, votre ennemi, selon votre but. D'après le but que vous dites avoir, vous semblez nous trouver des êtres dangereux et les compagnies productrices de pesticides, à cause d'une sévérité qui arriverait du gouvernement du Québec pour empêcher la fabrication en quantité plus grande de produits... Donc, vous considérez un peu l'environnement au Québec - entre guillemets, bien sûr - comme une sorte d'ennemi à votre association.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Tremblay.

M. Tremblay (Michel): Non, je ne pense pas. Je pense que, depuis plusieurs années, on parle avec les représentants de l'Environnement et de l'Agriculture au Québec. On a réussi a discuter avec eux, si on regarde le livre blanc qui a été présenté. Quant aux discussions qu'on a eues avec l'Environnement, on peut remarquer que plusieurs de nos idées sont là et que plusieurs des leurs sont là; on les a réellement adoptées avec eux autres. Au niveau de l'association, on travaille, de fait, à avoir un peu la même... C'est un lieu de rencontre pour avoir les mêmes objectifs au niveau de la sécurité et tout cela. Chacune des compagnies n'a pas les moyens de promouvoir la sécurité comme telle. Ce qu'on cherche à promouvoir au niveau de l'association canadienne de l'ICPC, on le fait également au niveau du Québec. Ce qu'on cherche dans notre association, c'est d'abord une certaine uniformisation des lois et règlements régissant la vente des pesticides. Si on a une réglementation différente à l'extrême au Québec par rapport aux autres provinces, on a encore davantage de restrictions.

Tout le monde connaît les coupures de budget tant au niveau gouvernemental qu'au niveau industrie. Je pense que tous les gouvernements ont eu un jour à faire des restrictions budgétaires. Les compagnies également ont à en faire tant au niveau québécois, canadien qu'international car la plupart de ces produits sont fabriqués à l'extérieur du Canada comme tel et selon les

normes d'Agriculture Canada au fédéral, on les inscrit pour la vente et la distribution au Canada. Ce qui nous faisait peur aussi en ce qui concerne les contenants surtout, c'est que, parfois, dans certains montages, on montrait quelqu'un qui, de fait, divisait un contenant en plusieurs petits contenants. On avait peur que, dans la réglementation de l'étiquetage des contenants, cette chose puisse devenir une chose courante, ce que nous ne voulons pas puisqu'on dépense beaucoup d'argent pour la sécurité des contenants qu'on fabrique. On calcule qu'en ce qui concerne la sécurité c'est très important d'avoir une étiquette sur un contenant. L'étiquette sur un contenant représente la somme de tout l'ouvrage qui a été fait pour enregistrer un produit, tant au Canada que dans d'autres pays, ce qui représente de 40 000 000 $ à 42 000 000 $ présentement. D'accord, au Canada, homologuer un produit sur une seule culture peut coûter de 350 000 $ à 500 000 $ si l'on calcule que la plupart des étiquettes ont une dizaine de cultures, c'est le coût canadien approximatif du travail pour amener un produit. Si, en plus de cela, il faut développer des règlements spéciaux ou des examens différents du fédéral, c'est ce qui faisait peur à notre industrie. Lorsque nous avons vu l'étiquette sur le règlement disant qu'on pouvait modifier l'étiquetage et l'emballage, nous avons été un peu craintifs. Si nous avons souligné cela dans notre mémoire, c'est de façon à nous faire assurer que le gouvernement provincial suivrait, de fait, les normes fédérales et ne chercherait pas à faire des ajouts sur les étiquettes déjà là. Si on relit l'article et si on continue, on s'aperçoit qu'on vise également, j'imagine, le transport de pesticides à la ferme ou en ville, ou des choses comme cela. Ce sont des normes de sécurité qui ne sont pas réglementées présentement et qui ne nous touchent pas réellement. Ce qui nous inquiétait, c'étaient les normes fédérales sur l'étiquette. Nous désirons que ces normes restent semblables au Québec. C'est notre point de vue. Ce n'est pas une question d'ennemi, c'est une question de bien s'entendre.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: C'était entre guillemets, vous savez. Vu que c'est vous qui avez répondu à la question tantôt sur la confidentialité, je vais vous poser immédiatement la question. J'avais préparé une petite question. Je vais vous la lire telle quelle: Croyez-vous que la confidentialité des activités commerciales que vous défendez soit aussi compromise par la tenue des registres prescrits dans l'avant-projet de loi? Vous avez ajouté tantôt, à une question que le ministre vous a posée sur cela, que, lorsque vous avez un producteur qui n'offre qu'un seul produit, si la confidentialité n'est pas là, on pourra aller voir village par village comme vous le disiez et trouver le chiffre d'affaires de la compagnie. C'est à cela qu'on en vient, je crois. Si jamais c'était vrai qu'on pourrait par le cardex faire cela, quelle serait votre attitude? Vous nous demanderiez d'arrêter l'information ou vous demanderiez à votre compagnie de diversifier sa production?

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Tremblay.

M. Tremblay (Michel): Je vais répondre. Nous sommes d'accord avec la tenue des registres, etc. La seule crainte que nous ayons, c'est lors de la publication de ces données de façon publique. Je comprends qu'un gouvernement pour la surveillance ait besoin de connaître où ont été appliqués différents produits pesticides au Québec. C'est peut-être quelque chose de louable de voir comment ces registres présentement ont été faits dans les deux derniers inventaires. On peut retracer par ces deux inventaires la plupart des produits vendus au Québec par région et pratiquement par compagnie, puisque, dans certaines régions, lorsqu'on connaît un peu l'agriculture, on peut savoir que telle culture va accepter te! ou tel produit. D'autres provinces publient tout simplement les chiffres totaux de vente d'un produit et non le produit, région par région. C'est à ce sujet que, pour la confidentialité, on a peut-être toujours eu des restrictions et des demandes, de fait. Pour une compagnie qui n'a qu'un produit et qui voit son produit dans les rapports d'inventaires pratiquement village par village, c'est un peu inquiétant sur le plan commercial.

M. Blais: Dans le monde moderne où nous vivons et où les gens ont droit à l'accès à l'information, j'ai bien l'impression que ce serait à la compagnie de faire en sorte de diversifier sa production. Personnellement, je voterais pour que la confidentialité, à ce moment, on passe pardessus.

M. Tremblay (Michel): Ce n'est pas une question de confidentialité et de ne pas donner ses chiffres. Nous sommes d'accord pour donner les chiffres. D'ailleurs, nous avons souvent offert de donner les chiffres totaux de la province. Ce que nous ne voulons pas, c'est que, dans la divulqation des données, il y ait certaines limites. Je n'ai rien contre le fait que, dans les dossiers du ministère, tous les produits des compagnies soient là, produit par produit et village par village, mais pas dans les dossiers de compétiteurs.

M. Blais: Oui.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: À la page 8 votre texte dit: "En ce qui concerne l'examen pour l'obtention du certificat, cet examen devrait avoir l'approbation d'un comité multidisciplinaire composé de représentants de l'ICPC, MAPAQ...", Au sujet de ce comité interdisciplinaire où vous vous incluez très jalousement - je vous comprends - un comité "aviseur" plutôt qu'un comité multidisciplinaire pourrait-il faire l'affaire de votre organisme?

M. Letendre: Je crois que oui, si ce comité peut consulter des gens impliqués comme l'ICPC. Il n'est pas nécessaire d'avoir un membre direct dans un comité de cette façon, mais je crois que, vu notre implication dans la fabrication et la distribution des pesticides au Québec, c'est quand même très important qu'on soit consulté en tant que comité.

M. Blais D'accord, une petite dernière, si vous permettez. Vous dites à la page 2 que, depuis près de trois ans, l'ITA, l'Institut de technologie agricole - vous en avez parlé tantôt - a donné des cours et que 250 personnes - ce n'est pas beaucoup - ont suivi ces cours avec intérêt. Quand on songe qu'il y a environ 47 000 agriculteurs, la moyenne n'est pas très forte. Ce projet de loi n'oblige pas les agriculteurs à certaines choses, mais s'ils étaient obligés comme tous les autres d'avoir des certificats, des permis, etc., ils iraient acquérir des connaissances là; le cours de formation du ministre prendrait peut-être de l'ampleur. À cause de cette formation que vous aviez comme objectif dans le temps, à laquelle vous avez participé, si on obligeait les agriculteurs et les sylviculteurs à être inclus dans l'article 5, le but que vous visiez serait alors plus facilement atteint. Malgré les explications du deuxième paragraphe qu'on a lu tantôt, pour essayer de vous consoler de votre demande, à savoir que les agriculteurs soient inclus, on dit: "Toutefois, le gouvernement peut déterminer parmi ces dispositions...". Si on retourne à 5: "Les dispositions de la section III..." et "ces dispositions", c'est le même mot. Si on ne voulait pas que la section III soit incluse, on ne l'aurait pas mise déjà. C'est pour cela que c'est difficile à comprendre. Cela serait mieux que les agriculteurs et les sylviculteurs soient inclus dans l'article 5 pour donner un peu plus d'étoffe au but de formation que vous aviez. Êtes-vous d'accord avec cela?

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Tremblay.

M. Tremblay (Michel): Oui.

M. Blais: C'est fatigant, n'est-ce pas?

M. Tremblay (Michel): De fait, le but de notre association... Je ne sais pas si j'ai très bien compris votre question, mais je comprends assez bien notre conception à nous. Pour nous, un permis d'applicateur est un peu comme un permis de conduire. On ne demande pas à quelqu'un d'être mécanicien pour conduire une auto. Par contre, on demande un minimum relativement au code de conduite. Lorsqu'on a visé notre clientèle de détaillants, au départ, puisqu'on visait la clientèle des détaillants, c'était de rejoindre le plus de personnes travaillant comme commis pour un détaillant de pesticides ou un applicateur en ville à forfait. De fait, on parle d'un petit nombre d'environ 240 personnes. Il faut comprendre que le nombre de détaillants au Québec est inférieur 6 400 personnes. Donc, on a couvert un bon groupe de personnes. La population que l'on visait était autour de 600 à 680 personnes travaillant dans ce domaine. Dans ce domaine comme tel, on a compilé les chiffres il y a quelque temps et on s'est aperçu que 60 % des personnes qui suivaient nos cours avaient déjà trois ans de formation agricole et que 40 % des autres avaient d'autres formations. Dans ces 40 %, on retrouve surtout des gens en ville où il y a environ 500 à 600 applicateurs qui travaillent dans ce domaine et qui, normalement, devraient avoir un minimum de normes de sécurité. Les certificats de compétence dont on parle ne sont pas dans le secteur agricole, mais portent sur la sécurité des applicateurs. Cela répond-il à votre question, monsieur?

M. Blais: Oui.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Vous avez beaucoup insisté sur la formation...

M. Tremblay (Michel): Oui. M. Dufour: ...des individus...

M. Tremblay (Michel): ...au niveau sécuritaire, oui. (12 heures)

M. Dufour: ...au moins à deux ou trois reprises. On dit à l'article 36 de quelle façon et comment le certificat sera délivré. Si je regarde l'article 36, votre critique ou vos suggestions sont dans le sens qu'il y ait un comité multidisciplinaire. Vous nommez un certain nombre d'organismes qui devraient être représentés. Vous n'avez aucune assurance, au moment où vous présentez

votre mémoire et, que je sache, le ministre n'a donné aucune indication en ce sens qu'il accepterait votre suggestion ou qu'il procéderait de la façon que vous suggérez. Sans que le ministre nous donne son point de vue, est-ce que votre groupe tient essentiellement ou très fortement à ce que ce comité multidisciplinaire soit mis sur pied aux points de vue de la surveillance, des décisions ou de l'orientation?

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Tremblay.

M. Tremblay (Michel): Je vais répondre. Oui, on y tient, et la preuve est qu'on l'a mentionné dans notre mémoire. On a eu très peu de temps pour répondre par ce mémoire, mais on a pris la peine de mentionner cela. De fait, on parle d'un groupe multidisciplinaire ou d'un comité "aviseur" avec plusieurs comités. On espère que d'autres groupes auront la même mention que nous. Sept ou huit provinces à travers le Canada ont déjà des comités "aviseurs".

C'est quelque chose de très important si on pense à la philosophie de ces cours. Nous parlons de la sécurité. On ne pense pas donner une formation agricole à un applicateur, mais on pense donner une formation sur la sécurité, sur son application et sur le respect de l'environnement et des biens d'autrui. C'est dans ce sens qu'un comité "aviseur" est très important pour nous.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Dans votre esprit, un cours sur la sécurité, c'est combien d'heures? Vous dites qu'il y a 180 produits en application. Est-ce que ce sont des cours spécifiques seulement pour cela ou cela s'inscrit-il à l'intérieur d'une démarche plus grande? II ne faut pas oublier que, pour la plupart de ces pesticides, il y a un certain nombre de recommandations écrites sur le contenant, etc.

Le Président (M, Saint-Roch): M.

Tremblay.

M. Tremblay (Michel): Les cours offerts au cours des deux dernières années étaient d'une durée de quinze heures. Dans ces cours, il y avait des volets sur l'environnement, des volets sur les produits et une grosse partie portait sur la sécurité, les calculs d'application et le respect de l'environnement. Selon les autres personnes à l'intérieur de ces comités, nous calculons que, si nous parlons de sécurité et de sensibilisation à l'utilisation rationnelle des pesticides, quinze heures devraient être suffisantes. Si on veut faire un autre cours que celui-là, c'est différent. C'est notre point de vue présentement. Le cours qu'on prône depuis quelques années et qui est donné par l'ITA à La Pocatière était destiné aux vendeurs et était d'une durée de quinze heures. Si on parle de cours d'application et... Nous, ce que nous voulons, c'est que, une fois qu'on a fait la recherche de A à Z pour la protection de l'environnement - les résidus dans l'environnement et les résidus sur les récoltes - la personne qui applique nos produits respecte les normes de l'étiquette ou du produit.

M. Dufour: J'ai entendu votre exposé et, selon la région, vous connaissez les produits qui sont appliqués. C'est assez rare qu'une région aurait à appliquer les 180 produits. Donc, il y a un certain nombre de produits. Pour une utilisation sécuritaire d'un produit X, sans le nommer, cela pourrait prendre un certain nombre d'indications ou une formation de base. Est-ce que ce serait possible d'exiger... Parce qu'on ne fait pas nécessairement une utilisation de tous les produits. La personne qui a à l'appliquer n'est peut-être pas obligée d'être familière avec l'ensemble des pesticides utilisés.

Est-ce que vous croyez que ce sera nécessaire ou que cela pourrait être possible que, au lieu d'avoir un cours général s'appliquant à l'ensemble des produits, on puisse donner des cours et même forcer les gens à suivre ces cours... Ces cours seraient de durée beaucoup plus courte.

Le Président (M. Saint-Roeh): M.

Tremblay.

M. Tremblay (Michel): Ce que nous calculions, c'est qu'il y avait un cours de base de quinze heures. Si la personne applique un produit à usage restreint ou qui représente des dangers supérieurs, à ce moment-là, tenant compte des réglementations, il y a des cours d'une, deux ou trois sessions de quatre ou cinq heures qui s'ajoutent.

Mais il reste quand même que les normes de sécurité et de protection de l'environnement, au départ, sont les mêmes pour tout le monde. C'est cette sensibilisation qu'on a essayé de pousser à travers nos cours. D'accord?

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Vous avez parlé aussi de la disposition des contenants. Vous avez manifesté certaines craintes par rapport à cela, des contenants dont vous ne pouvez pas disposer, par exemple. Comment disposer de produits qui deviendraient périmés et non utilisés? Je comprends qu'il y a toujours un

pouvoir réglementaire du ministre, mais vous, étant sur le terrain, comment voyez-vous cela?

M. Letendre: Présentement, on sait qu'au Québec il n'existe pas de règlement touchant les rebuts ou les contenants vides de pesticides. Notre institut a proposé de développer un moyen pour rendre le produit le plus sécuritaire possible: c'est le triple rinçage. C'est une technique qui est employée partout au Canada, une technique assez simple. Pour l'instant, c'est là-dessus qu'on espère régler le problème. Je crois que le Québec n'est pas la seule province qui a un problème dans la façon de disposer des contenants vides. On attend encore quelque chose qui va nous diriger là-dessus au Québec.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Si j'ai bien compris, des politiques existent ailleurs qu'au Québec pour disposer de ces contenants, ce qui n'est pas le cas pour le Québec?

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Letendre.

M. Letendre: On peut dire que c'est une demi-solution Je crois que c'est un problème sérieux dans plusieurs provinces. On essaie de trouver des façons, mais c'est un problème partout au Canada.

Le Président (M. Saint-Roch): Est-ce que ceci complète les questions, M. le député de Jonquière? M. Dufour: Cela va.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie. M. le ministre, pour de brèves remarques.

M. Lincoln: Je n'ai pas de remarque. Je voudrais vous remercier, messieurs, d'avoir parlé ici, d'avoir d'abord pris le temps de nous rencontrer, en novembre et ensuite d'avoir fourni un mémoire bien étoffé pour appuyer vos positions. Il y a seulement trois choses que je voudrais dire, c'est par rapport à l'efficacité de l'homologation fédérale. Je suis d'accord avec vous que c'est un travail sérieux qui se fait. En même temps, je ne pense pas que nous puissions être satisfaits.

Je pense que, comme province, nous avons exprimé le voeu unanime des provinces que, du point de vue de l'homologation fédérale, une coordination beaucoup plus effective et efficace se fasse entre le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, qui est le responsable titulaire, et le ministère de la Santé et des

Service sociaux et celui de l'Environnement. En fait, les ministres qu'on a rencontrés ont constaté qu'il y avait une lacune dans ce sens et qu'il faudrait faire beaucoup plus de travail de coordination, en plus de faire une réévaluation des produits homologués et aussi d'avoir un accès à l'information sur l'homologation qui sera beaucoup plus vaste et d'impliquer les provinces de plus en plus activement dans ce travail. Quant à nous, nous prendrons une part active en accord avec les autres provinces. Je pense que c'est presque l'avis unanime entre nous et le fédéral, qu'il faudra faire un travail beaucoup plus concerté dans ce sens.

Sur la question de l'article 5, je répète que l'interprétation que je vous en ai donnée est très claire. Sur la question des cours -puisque le député de Jonquière a soulevé cela avec beaucoup de pertinence - nous n'avons pas défini la chose, mais nous pensons qu'il y aura des cours qui varieront entre 30 et 60 heures, selon les circonstances. Pour la question du comité-conseil, que le député de Jonquière a soulevée et qui a été soulevée aussi par beaucoup d'intervenants, on en prend avis, comme le critique de l'Opposition l'a souligné. Je préfère attendre que tous les intervenants se soient prononcés, mais c'est certainement une recommandation qui répond au voeu de beaucoup de gens qui viendront s'exprimer ici. Merci beaucoup d'être venus.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Terrebonne, en conclusion.

M. Blais: Je voudrais vous remercier de votre présence et dire que tous les travaux qui sont faits ici, c'est dans l'espoir d'une qualité de vie meilleure pour l'ensemble de la population. Merci beaucoup.

Le Président (M, Saint-Roch): Merci, M. le député de Terrebonne. Je tiens à remercier, au nom des membres de la commission, l'Institut canadien pour la protection des cultures pour sa participation aux travaux de la commission.

La commission de l'aménagement et des équipements suspend maintenant ses travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 10) (Reprise à 14 h 10)

Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'aménagement et des équipements reprend maintenant ses travaux pour poursuivre la consultation particulière portant sur l'avant-projet de loi sur les pesticides. M. le député de Terrebonne, vous aviez une question?

M. Blais: Oui. Normalement, en début de séance, on mentionne les remplacements. J'aimerais avoir un consentement unanime pour que le député de Lévis et le député de Roberval puissent assister à la séance de cet après-midi; cela prendrait un consentement unanime. Je crois que M. le ministre a aussi une demande à faire.

M. Lincoln: Oui, je donne mon consentement. Le ministre de l'Agriculture sera aussi présent.

Le Président (M. Saint-Roch): II y a consentement unanime pour que M. le député de Lévis, M. le député de Roberval et M. le député de Portneuf puissent intervenir en tant que membres de la commission cet après-midi. M. le secrétaire me mentionne que M. le ministre pourra participer, mais ne pourra pas être membre.

Cela étant dit, je demanderais maintenant à l'Union des producteurs agricoles de venir prendre place. Permettez-moi, au nom des membres de la commission, de vous souhaiter la bienvenue et de vous féliciter de votre participation aux travaux de notre commission. Je demanderais à M. Jean-Yves Couillard, vice-président de l'Union des producteurs agricoles, dans un premier temps, pour faciliter nos travaux, d'identifier les membres qui l'accompagnent.

Union des producteurs agricoles

M. Couillard (Jean-Yves): Merci, M. le Président, de nous avoir invités. Je pense qu'on est concerné aussi. J'aimerais, dans un premier temps, vous présenter les membres qui sont avec moi: M. Michel Legault, agriculteur et membre de l'UPA, bien sûr, et également spécialiste de tout ce qui s'appelle pesticides. Il a travaillé à l'homologation et je pense qu'en tant qu'agriculteur, c'est un gars qui peut beaucoup nous aider, qui a beaucoup à apporter sur ce sujet. Il fait partie de notre délégation.

Nous avons aussi M. Ménard, agronome. C'est lui qui a monté le dossier sur les pesticides. Il est présent avec nous et pourra répondre aux questions. À M. Legault, également, vous pourrez poser toutes les questions que vous aurez, à lui ou à moi-même. Cela nous fera plaisir de répondre à toutes les questions.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Couillard. À partir de ce moment-ci, M. Couillard, vous avez 20 minutes pour nous faire part de votre mémoire. Je vous cède la parole.

M. Couillard: Si cela prend 22 minutes, M. le Président, est-ce que je serai pénalisé?

Le Président (M. Saint-Roch): Comme à l'habitude, le président fera preuve de tolérance.

M. Couillard: Très bien, merci. Dans l'introduction, vous trouvez: L'Union des producteurs agricoles est l'organisation officielle représentant les 46 887 producteurs agricoles du Québec. La Fédération des producteurs de bois du Québec est affiliée à l'UPA et représente les 120 000 producteurs de bois et propriétaires de boisés du Québec. L'UPA est structurée en regroupements régionaux et il y a seize fédérations régionales et quinze fédérations spécialisées. L'agriculture et la forêt contribuent a 60 % du PIB ainsi qu'à 72 % des emplois créés dans le secteur primaire. L'agriculture emploie directement 76 000 personnes et l'exploitation forestière 9881 personnes.

Par ailleurs, les effets d'entraînement de l'activité agricole et forestière sont multiples et fort importants, notamment dans le secteur des aliments, boissons et tabac, avec 3 500 000 000 $, et, dans les industries des produits du bois et des pâtes et papiers, avec 2 900 000 000 $ en valeur ajoutée. Cette dernière s'approvisionne auprès des producteurs de bois privés pour combler plus de 20 % de ses besoins en matière ligneuse. Il faut aussi mentionner les effets d'entraînement dans des domaines aussi variés que le transport, la machinerie, la finance, les assurances, l'énergie et autres.

Au cours de la dernière décennie, l'agriculture québécoise s'est diversifiée, à partir de la production laitière qui demeure toutefois la principale occupation agricole, vers d'autres productions horticoles ou végétales, comme les céréales, et d'autres productions animales telles que le porc et le boeuf. Le degré d'autosuffisance du Québec en produits alimentaires est passé de 47,4 % en 1976 à 71 % en 1983 et davantage en 1986. L'avant-projet de loi présenté par le ministre de l'Environnement ayant pour objet de régir l'usage des pesticides au Québec concerne donc plusieurs dizaines de milliers de producteurs agricoles et forestiers, et touche des activités économiques vitales pour le Québec.

Au fil des années, l'agriculture s'est développée et s'est transformée pour répondre aux besoins et aux aspirations de la société. L'urbanisation et l'industrialisation de la société québécoise ont drainé du milieu rural une part importante de la population contribuant ainsi à réduire la disponibilité de la main-d'oeuvre agricole. En 1931, la population agricole québécoise représentait 26 % de la population totale, et, en 1981, seulement 2,9 % de la population québécoise assurait la production agricole du Québec.

Pour assurer en permanence l'abondance alimentaire à un coût abordable, l'agriculture, au Québec comme partout ailleurs, a dû accroître sa productivité et

son efficacité au cours des 50 dernières années. La productivité agricole a connu une croissance remarquable depuis 1946 et nous avons un tableau à la page suivante. Si on compare l'indice de la production par personne dans le secteur agricole avec l'ensemble de l'industrie, on constate que l'agriculture devance de loin le secteur industriel.

Cette hausse de la productivité n'aurait pu se réaliser sans l'amélioration des techniques et pratiques agricoles. L'usage des pesticides en agriculture est sans contredit l'un des facteurs qui a aidé à l'essor de la productivité en contribuant à la protection des cultures, è l'augmentation des rendements, à l'amélioration de la qualité des récoltes, à assurer la conservation en entrepôt et, finalement, à diminuer la quantité d'énergie et de main-d'oeuvre nécessaires à la production.

Je pense qu'on va passer à la page 4 qui représente le tableau qu'on a mentionné tout à l'heure, pour en prendre connaissance. En contribuant à accroître la productivité agricole et ainsi à diminuer le prix de l'alimentation, les pesticides ont participé au développement de l'économie de la société moderne. Il semble clair que rien ne peut actuellement se substituer complètement â l'utilisation des pesticides qui demeurent essentiels pour que les agriculteurs et les sylviculteurs puissent produire la quantité et la qualité nécesssaires pour affronter la compétition dans l'environnement économique nord-américain. Par ailleurs, les agriculteurs sont conscients que les pesticides peuvent causer des problèmes à l'utilisateur comme à l'environnement lorsqu'ils ne sont pas utilisés selon les normes de la bonne pratique.

Une des caractéristiques frappantes du projet de loi est que l'agriculture et la sylviculture sont, par l'article 5, exemptées d'un grand nombre de dispositions, en particulier celles qui régissent l'attribution et le renouvellement de permis et de certificats pour les vendeurs et les utilisateurs. Le gouvernement pourra, toutefois, par règlement, décider d'appliquer une partie ou la totalité des dispositions légales à l'agriculture. Ce n'est donc pas d'une exemption dont il s'agit, mais plutôt d'un choix d'avoir une approche différente face à l'agriculture et à la sylviculture. Nous sommes entièrement d'accord avec l'idée que l'agriculture et la sylviculture doivent être traitées différemment de l'épandage d'herbicide sur les pelouses des résidences par des applicateurs à forfait. Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, c'est notre conviction qu'avant d'imposer des contraintes légales et réglementaires aux agriculteurs, il faut d'abord passer par un processus de sensibilisation et de formation. Une approche trop légaliste risquerait d'engendrer de l'hostilité et de la méfiance, alors que ce qui est recherché des agriculteurs, c'est une ouverture et une collaboration. On ne peut avoir une approche simpliste face à l'utilisation des pesticides en agriculture. Les pesticides sont et vont demeurer, pour le moment, une nécessité économique. Il faut balancer les considérations économiques avec les considérations environnementales et cela ne peut être une affaire simple.

La rédaction du projet produit par ailleurs des conséquences imprévues, vraisemblablement non souhaitées par le législateur. En effet, lorsqu'on examine les exemptions prévues pour les agriculteurs et les sylviculeurs, on constate que ces dispositions auraient pour effet de les priver de la procédure d'appel, de même que de celle prévoyant l'annulation de contrat. Cette situation pourrait sans doute être corrigée par l'adoption d'un règlement, mais nous préférerions que ces droits se retrouvent dans la loi même.

Nous voudrions également attirer votre attention sur les abus pouvant résulter des dispositions de l'article 69 qui stipule qu'une demande d'injonction auprès d'un juge de la Cour supérieure peut être faite par toute personne qui allègue que des pesticides sont utilisés contrairement aux méthodes, normes et procédés généralement reconnus. Il nous apparaît, cependant, que ces dispositions peuvent mener à des abus de toutes sortes. Nous considérons qu'une procédure de plaintes au ministère de l'Environnement devrait plutôt être prévue dans cette loi.

Une politique concernant les pesticides en agriculture. Parallèlement au dépôt de l'avant-projet de loi, le ministre a fait connaître la politique qu'il entendait poursuivre en matière de pesticides. On retrouve l'essentiel de cette politique à l'intérieur du document de travail intitulé: Motif et nature des interventions proposées par le ministère de l'Environnement du Québec. Les philosophies et les principes contenus dans ce document s'appliquent à tous les secteurs. Cependant, plusieurs dispositions relatives à l'agriculture demeurent à préciser dans ce document comme dans l'avant-projet.

Par ailleurs, le ministre a indiqué, quelques jours avant le dépôt officiel de l'avant-projet de loi, devant l'Assemblée nationale, qu'il entendait intervenir dans le secteur agricole. Il a affirmé qu'il consulterait les agriculteurs sur la manière de procéder. À cet effet, les fonctionnaires du ministère nous ont remis un document décrivant les éléments d'une approche relative à l'utilisation agricole des pesticides. Cette approche serait, dans un premier temps, éducative en ce sens qu'elle prévoit l'établissement de programmes de formation permettant aux individus d'acquérir certaines connaissances et habiletés requises pour un

usage rationnel et sécuritaire des pesticides. En même temps, elle prévoit l'obligation de réussir un examen de qualification pour avoir accès aux pesticides de la classe 1 et 2, et ces classifications, bien sûr, sont les classifications fédérales.

Permettez-nous de formuler les commentaires suivants sur la politique proposée par le ministère de l'Environnement pour l'agriculture. Le ministère de l'Environnement vise à une utilisation rationnelle des pesticides dans le but de prévenir la détérioration de l'environnement. Face aux répercussions environnementales reliées à l'utilisation des pesticides, ainsi qu'aux problèmes de santé potentiels liés à leur usage pour les utilisateurs, l'UPA endosse la proposition du ministère de l'Environnement d'inciter les agriculteurs à suivre un cours de formation. Les agriculteurs reconnaissent leur besoin de formation et sont soucieux d'utiliser les pesticides selon les règles de bonne pratique. D'ailleurs, les délégués réunis au congrès général de l'UPA en 1981 avaient formulé aux ministères de l'Environnement et de l'Éducation la demande de préparer et d'offrir des cours de formation sur l'utilisation des pesticides.

Par ailleurs, le cadre général de la politique qui nous est proposée rejoint l'essentiel de ce que nous avons toujours défendu en matière de pesticides, c'est-à-dire l'approche éducative plutôt que coercitive. Nous discuterons un peu plus loin des modalités de cette approche. Dans son plan d'action pour la gestion des pesticides, le ministère de l'Environnement du Québec préconise, en outre, des méthodes préventives de lutte, de même que des moyens physiques, naturels et biologiques de répression, ainsi que le recours aux stratégies de lutte intégrée. Cependant, nulle part à l'intérieur des énoncés de politique, il n'est fait mention de la manière permettant aux agriculteurs d'utiliser ces moyens de protection des cultures.

L'avant-projet de loi entraîne l'obligation pour les détaillants et les utilisateurs commerciaux de pesticides de détenir un permis ou un certificat selon le groupe d'intervenants auquel ils appartiennent. Aucun permis n'est requis dans la loi pour les agriculteurs et les sylviculteurs qui utilisent des pesticides aux fins de leur exploitation agricole ou sylvicole, ou qui, de façon exceptionnelle et sans en faire commerce, utilisent des pesticides aux fins de l'exploitation agricole ou sylvicole d'un autre agriculteur ou sylviculteur.

Par ailleurs, le ministère indique à l'intérieur d'un de ses documents qu'il réglementera l'accès aux pesticides de classe 1 et 2 qui correspondent à la classe restreinte de la classification fédérale, conformément à la loi fédérale sur les produits antiparisitaires.

On doit conclure que l'agriculteur ou le sylviculteur, qui aura à utiliser les pesticides de classe 1 et 2 devra éventuellement être détenteur d'un certificat. Nous ne nous opposons pas en principe à cette politique, à condition que les modalités d'application soient réalistes et acceptables.

Nous mettons en qarde le gouvernement de vouloir imposer au secteur agricole le fardeau de l'administration et du financement de toute cette politique. Nos craintes à ce sujet ne cessent d'augmenter puisque dans les documents qui nous ont été remis, on peut lire maintes fois que 85 % des pesticides achetés sont utilisés en agriculture. Aussi, le ministère de l'Environnement a-t-il signifié dans un de ses documents que la nouvelle loi exigera des efforts importants du secteur privé et du secteur public.

Nous ne voulons pas non plus que les certificats soient renouvelables tous les deux ou trois ans, comme semble vouloir le faire le ministère de l'Environnement pour les autres classes d'utilisateurs de pesticides. Le contexte est différent pour les utilisateurs commerciaux qui peuvent tirer avantage d'un tel système et récupérer ce coût additionnel dans le prix chargé aux consommateurs. La situation est tout à fait autre pour les agriculteurs qui subissent la concurrence des marchés étrangers dans la mise en marché de leurs produits. En outre, une seule province au Canada exige des agriculteurs qu'ils détiennent un certificat qui leur permet d'avoir accès aux pesticides de classe 1 et 2.

La formation des utilisateurs est une étape nécessaire et essentielle, mais il est illusoire de croire que la formation, à elle seule, permettra d'atteindre l'objectif d'une utilisation rationnelle des pesticides en agriculture. Les agriculteurs font usage des pesticides pour protéger leurs cultures des ravageurs. Les solutions de rechange sont à peu près inexistantes dans le contexte actuel.

Il faut mettre en place les moyens de réaliser le plus rapidement possible l'objectif que le ministère de l'Environnement et le gouvernement se sont fixé. Le ministère de l'Agriculture doit être associé de très près a l'élaboration de la politique des pesticides en agriculture. Trois provinces canadiennes ont confié cette responsabilité à leur ministère de l'Agriculture.

La formation. L'UPA veut être consultée sur l'ensemble de la procédure qu'entend poursuivre le gouvernement dans son programme de formation destiné aux agriculteurs. À cet effet, l'UPA accepte la proposition de joindre le comité représenté par les ministères de l'Environnement, de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, de l'Éducation, et de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, formé pour la préparation du programme global de

la formation en agriculture.

Le rôle de l'UPA au sein de ce comité sera d'assurer que la réalité agricole sera respectée et que les besoins des agriculteurs seront considérés dans la démarche proposée par le ministère de l'Environnement. L'UPA décline l'offre de prendre à sa charge l'organisation et la réalisation du programme de formation, hypothèse qui a déjà été évoquée par les instances gouvernementales. Nous pensons que cette responsabilité relève du réseau des institutions d'éducation publiques. Les agriculteurs veulent un enseignement de qualité et des cours où seront conjugués la théorie et la pratique.

Il faut que les autorités gouvernementales soient conscientes que le projet de réglementer le contrôle de la vente et de l'utilisation des pesticides est contraignante pour les agriculteurs. Nous recommandons au ministère d'agir progressivement dans l'établissement de son règlement. La réglementation devrait prévoir plusieurs moyens dans le processus d'évaluation des connaissances pour l'obtention du certificat. L'évaluation de la compétence des utilisateurs de pesticides de classes 1 et 2 se doit d'être menée solidement tout en étant adaptée pour les agriculteurs qui n'ont pas l'habitude de la vie académique. On pense a une évaluation qui mettrait davantage l'accent sur la pratique que sur la théorie. L'UPA est d'accord avec la proposition du ministère de l'Environnement de laisser la possibilité aux agriculteurs de se présenter à l'examen de qualification sans avoir préalablement suivi un cours de formation.

Nous avons certaines réserves sur l'évaluation faite par le groupe de travail formé de fonctionnaires du ministère et du MAPAQ quant au nombre de producteurs qui utilisent actuellement des pesticides de classes 1 et 2. Ce groupe de travail estime à 7290 le nombre d'agriculteurs qui auront à se qualifier pour avoir accès aux pesticides d'usage restreint. Cette estimation est basée principalement sur les renseignements reçus par les principaux distributeurs de pesticides au Québec et les statistiques du recensement agricole de 1981. Nous estimons, quant à nous, plus réaliste de parler de 13 000 ou 14 000 producteurs susceptibles d'être touchés a court terme par la réglementation proposée. La majorité des produits classés usage restreint (classes 1 et 2) dans la classification fédérale sont des insecticides. Ces produits sont, par conséquent, susceptibles d'être utilisés à n'importe quel moment par les producteurs qui s'adonnent aux productions suivantes: culture maraîchère, pomme de terre, fraise et framboise, serriculture, pomiculture, grandes cultures et production de plants.

Nous croyons, de plus, que l'échéancier proposé par le ministère de l'Environnement, d'exiger un certificat à compter du 1er janvier 1989 aux producteurs qui utilisent des pesticides de classes 1 et 2, doit être réévalué. Le contenu et la durée du programme de formation, le recrutement des formateurs ainsi que le processus qu'entend utiliser le ministre pour rejoindre les producteurs ne sont pas encore établis. L'élaboration et le rodage d'un tel programme risquent de prendre de un à deux ans. Par conséquent, les producteurs auraient moins de deux ans pour obtenir leur certificat.

Aussi, dans la mesure où le ministère envisage d'offrir aux agriculteurs qui utilisent des pesticides de classe 3 un cours de formation, il semble évident que 1990 constitue une échéance beaucoup trop serrée. Un échéancier trop serré risque de mener à des cours donnés à la hâte à des gens plus préoccupés de satisfaire aux délais que d'apprendre et de comprendre.

Le volet manquant de la politique globale des pesticides est celui du soutien agronomique aux agriculteurs en matière de protection des cultures. Dans la majorité des cas actuellement, les producteurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes ou le vendeur de pesticides pour solutionner leurs problèmes de protection des cultures. Dans bien des cas, les producteurs souhaiteraient diminuer l'emploi des pesticides, mais faute de moyens, ils ne peuvent prendre le risque de mettre en péril le rendement de leurs récoltes et leurs revenus. Il existe pourtant une solution à cette situation: la lutte intégrée, c'est-à-dire une combinaison de différentes méthodes de contrôle des ravageurs des cultures: la lutte Ghimique, culturale et biologique. (14 h 30)

Pour réaliser cet objectif, il faut que, parallèlement à la mise en place d'un programme de formation destiné aux agriculteurs, on prévoie une politique agricole de lutte intégrée. La poursuite d'une option semblable suppose préalablement que le gouvernement joue un rôle actif et pose un certain nombre de gestes précis. À court terme, des réseaux de dépistage permettant de suivre l'évolution des populations d'insectes ravageurs et des maladies doivent être développés. En plus de s'acquitter de cette tâche, les réseaux de dépistage offrent aux producteurs les services de conseillers techniques et phytosanitaires qui les renseignent sur le moment propice d'intervention ainsi que sur les moyens de lutte qui tiennent compte d'exigences économiques, écologiques et toxicologiques. Certaines expériences ont déjà été menées dans ce domaine.

En effet, depuis 1981, un réseau de dépistage existe au sud de Montréal pour les cultures de la carotte, de l'oignon et du céleri. Ce réseau de dépistage couvrait, en 1986, 1909 hectares et regroupait 56

producteurs maraîchers. L'expérience démontre que le réseau a permis de réduire de beaucoup l'utilisation de certains pesticides. Par exemple, en 1985, plus du tiers des 3000 acres de carottes dépistées n'ont reçu aucun traitement insecticide alors que sans dépistage elles auraient toutes été traitées au moins deux fois. Le réseau permet aussi d'offrir d'autres services comme les cours sur l'utilisation rationnelle des pesticides adaptés aux besoins des productions spécialisées ou le calibrage des pulvérisateurs et des applicateurs d'insecticide granulaire.

Le réseau de dépistage au sud de Montréal a démontré l'efficacité de ce type d'intervention en même temps que les difficultés pratiques de le mettre en place et de le faire fonctionner. Les producteurs sont prêts à faire leur part face aux avantages et aux économies possibles, mais ils faut aussi une implication gouvernementale pour assurer une continuité de ce service. Le gouvernement du Québec devra s'impliquer financièrement dans la création et le maintien de ces réseaux de lutte intégrée.

À court et à moyen terme, le gouvernement et ses institutions devront aussi accroître leurs efforts de recherche vers les moyens de lutte intégrée et former des spécialistes en protection des cultures. Cet effort fait défaut actuellement. En effet, depuis 1980, seulement 20 projets de recherche sur la lutte intégrée ont été conduits par les gouvernements fédéral et provinciaux, les universités, l'industrie et les divers établissements de recherche au Canada. C'est insuffisant compte tenu des enjeux. Un besoin existe dans ce champ d'activité puisque la recherche constitue le fondement de la lutte intégrée en agriculture et en sylviculture. Les réseaux de dépistage prendront tout leur sens lorsqu'en plus de dépister les ravageurs des champs, ils pourront proposer aux producteurs une diversité de moyens de contrôle complémentaires: lutte biologique, lutte chimique et lutte culturale.

Concernant la formation des spécialistes en protection de cultures, ces derniers devront démontrer une bonne connaissance des cultures, des ravageurs et des besoins des producteurs. L'écoute des besoins des producteurs permet de cerner les problèmes véritables auxquels ils ont à faire face. C'est en poursuivant une telle politique qu'il deviendra possible d'utiliser plus rationnellement les pesticides. En plus d'une politique basée sur le contrôle et la régie, le gouvernement doit absolument investir des ressources humaines et financières dans les directions que nous venons d'énumérer.

En conclusion, la politique sur les pesticides, telle que proposée par le ministère de l'Environnement, est incomplète - il y a des choses à ajouter - pour le secteur agricole. Les agriculteurs reconnaissent qu'un programme de formation bien pensé et bien adapté peut les aider à utiliser les pesticides de façon plus sécuritaire pour leur santé et pour l'environnement. Cependant, nous pensons que la formation et l'exigence de certificats sont une amélioration à la situation existante, mais elles n'entraîneront pas nécessairement une diminution importante de l'utilisation des pesticides en agriculture. Pour nous, la solution véritable doit inclure une politique axée sur la lutte intégrée qui serait administrée par le ministère de l'Agriculture.

Les expériences de réseaux de dépistaqe des insectes et des maladies établies en culture maraîchère ont démontré qu'il est possible de réduire les applications de pesticides lorsque les agriculteurs peuvent compter sur les services de spécialistes en lutte intégrée.

Parallèlement à la formation des agriculteurs et à l'établissement de réseaux de dépistage, le gouvernement et ses institutions universitaires et de recherche doivent accentuer leurs efforts de recherche de solutions alternatives aux pesticides. La recherche constitue le fondement de la lutte intégrée en agriculture et en sylviculture. Ensemble, ces moyens vont entraîner une utilisation plus rationnelle. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Couillard. M. le ministre.

M. Lincoln: M. le Président, je voudrais d'abord remercier M. Couillard et ses collègues de l'UPA d'avoir accepté de participer à cette commission parlementaire. Comme M. Couillard l'a dit, le milieu agricole représente un élément important dans toute la question d'une politique de lutte intégrée par rapport aux pesticides. Comme le milieu agricole représente un grand nombre d'utilisateurs de pesticides, c'est certain que ce milieu représente un élément très important de toute cette politique.

Je voudrais souligner encore une fois, comme mon collègue de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et moi l'avons déjà fait lors de nos rencontres préalables, que le projet de loi est justement une première étape pour implanter un système éducatif, un système de formation, d'abord, mais ce qui n'est pas une démarche complète en elle-même. C'est impossible, dans tout projet de loi, de résoudre des problèmes tellement complexes et tellement importants qu'ils nécessitent des mesures économiques et sociales de grande envergure. Il fallait commencer et, comme vous l'avez souligné vous-même, nous serions la deuxième province au Canada qui rendrait les agriculteurs responsables d'un programme de

formation en vertu d'une loi ou d'un règlement. Je suis heureux de noter que vous endossez notre politique de formation, ainsi que le point de vue de la lutte intégrée par rapport au domaine des pesticides. Ainsi, c'est l'élément que vous soulignez comme étant crucial et, dans cet objectif, nous nous rencontrons tout à fait.

Je voudrais m'attarder à quelques aspects de votre mémoire. Je sais que mon collègue, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, va lui aussi vous poser des questions. Il y a certaines choses qui méritent d'être relevées et certaines corrections à apporter. Par exemple, vous avez souligné, concernant l'article 5, que les agriculteurs et les sylviculteurs n'étaient pas soumis à la même procédure d'appel que celle des autres utilisateurs. Vous avez tout à fait raison de l'avoir souligné. Nous sommes tout à fait sensibles à votre démarche, c'est une omission qui sera corrigée. C'est sûr que nous devons accorder à tous les intervenants, y compris les agriculteurs et les sylviculteurs, les mêmes droits que tous les autres utilisateurs. Ce sera corrigé, vous pouvez tenir cela pour acquis.

Quant à la question des cours de formation, comme vous le savez, nous avons fait une proposition selon laquelle l'UPA pourrait prendre charge de cette chose. Je comprends par votre mémoire que vous préférez que ce soit un système beaucoup plus global qui inclue des ministères comme celui de l'Éducation qui a un cadre plus académique. En même temps, vous avez souligné dans votre mémoire que vous cherchiez une approche plus pragmatique qu'académique. C'est pourquoi cela a été le souci de notre ministère de suggérer que l'UPA soit le principal intervenant pour mener toute la question de la formation, des examens, etc. Cette suggestion tient toujours, mais je prends note avec beaucoup de sérieux de votre proposition, soit que vous soyez un des principaux intervenants avec l'appui d'autres ministères, comme ceux de l'Éducation, de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, etc. Nous espérons que votre offre d'être intervenant sera majeure dans cette question parce qu'on a affaire à votre milieu et c'est vous qui connaissez vraiment l'implication de votre milieu, les problèmes et les circonstances de votre milieu bien mieux que n'importe quel autre intervenant.

Pour ce qui est de la lutte intégrée, c'est évidemment l'objectif principal que nous nous sommes fixé, comme je vous l'ai dit ce matin. Ce que je peux vous dire, c'est que le projet de loi sur les pesticides axé sur la formation et l'éducation, c'est une première étape. Nous comptons nous associer, comme ministère, de très près, le plus près possible du ministère de l'Agriculture, qui est le principal intervenant, naturellement, dans votre domaine, tout mettre en oeuvre, faire de la concertation pour en arriver à cet objectif. Tout ce qui pourra être fait, en somme, nous allons le faire. Bien sûr, le ministère de l'Agriculture va toujours rester le principal intervenant pour la solution de ce problème et pour l'arrivée de méthodes alternatives. Nous allons continuer de travailler de très près, en somme, pour atteindre ces objectifs.

Il y a deux choses que je voudrais vous demander, deux problèmes que j'aimerais élucider, qui ne sont pas dans votre mémoire à vous, mais qui paraissent dans beaucoup d'autres mémoires et qui vous affectent directement ou indirectement. Il y a d'abord l'Ordre des agronomes du Québec qui a suggéré que les pesticides puissent n'être vendus que si un agriculteur possède une prescription d'un spécialiste, le spécialiste étant un agronome, selon la suggestion de l'Ordre des agronomes. Peut-être que d'autres pourront dire que les pharmaciens sont les meilleurs spécialistes, mais la question globale reste: Quelle est votre réaction, au premier abord, è cette suggestion que des pesticides ne soient vendus que par le système des prescriptions?

Le Président (M. Saint-Roch: M.

Couillard.

M. Couillard: Dans un premier temps, il est bien certain qu'on aurait pu en parler dans notre rapport, nous étions conscients qu'il y aurait des questions en commission parlementaire. C'était peut-être plus facile pour nous de l'expliquer que de l'écrire. Je pense que M. Legault, qui travaille dans les pesticides, pourra l'expliquer beaucoup mieux que moi. Je demanderais à Michel, de répondre è cette question, il peut le faire plus facilement.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Legault.

M. Legault (Michel): II me semble que la suggestion de l'Ordre des agronomes va un peu à l'encontre de la philosophie que le ministère de l'Environnement propose, l'éducation et la responsabilité des agriculteurs qui utilisent les pesticides. Je pense que ce qu'on veut - et l'UPA est d'accord - c'est que les producteurs agricoles deviennent plus conscients et utilisent plus rationnellement les pesticides. Si un intervenant qui fait des recommandations dit: Là, tu utilises un pesticide, là, tu n'en utilises pas, je pense qu'on enlève la responsabilité à l'agriculteur et on enlève aussi le sens de la loi, qui est de former les agriculteurs. Je pense que c'est un peu une suggestion anachronique, si vous me permettez le terme. Il y a dix ou vingt ans,

on allait au bureau des agronomes au début de la saison pour leur demander ce qu'on utiliserait comme pesticide. Ils nous faisaient une formule, ils disaient: Telle date, tu utilises tel pesticide.

Je pense que l'agriculteur a beaucoup évolué depuis ce temps. On utilise actuellement les pesticides le plus rationnellement possible, d'une façon très temporelle. Je pense qu'on ne peut pas prévoir un an d'avance, un mois d'avance ou même une semaine d'avance notre programme de pesticides. On peut prévoir globablement ce que cela peut être, mais l'utilisation directe dépend de la température, dépend des insectes présents. Il ne faudrait pas penser que les agriculteurs utilisent des pesticides par plaisir, ils les utilisent quand il y a un problème que les agriculteurs eux-mêmes sont les premiers à pouvoir identifier dans leurs champs.

C'est assez peu réaliste, à notre point de vue, de revenir en arrière et que quelqu'un nous surveille et nous dise quoi faire. Je pense que les agriculteurs qui sont conscients du problème pourraient travailler dans ce système; cela ne les dérangerait peut-être pas. Les agriculteurs qui ne voudront pas suivre ces recommandations pourront toujours passer à côté. Je pense que l'approche actuelle d'une formation et d'une conscientisation des producteurs agricoles est peut-être la voie la plus souhaitable pour le moment.

M. Couillard: Si vous me le permettez, M. le ministre, si on prend la page 14, il ne faudrait pas penser qu'en agriculture rien ne se fait à l'heure actuelle. Si vous pensez que rien ne se fait en agriculture à l'heure actuelle, nous, les agriculteurs, nous vivons quand même sur nos terres; nous ne sommes pas là pour les détruire, mais, au contraire, pour les protéger. Il faut partir du principe qu'il y a beaucoup de choses qui sont faites. (14 h 45)

On reçoit même beaucoup d'invitations du ministère de l'Agriculture durant la période hivernale et aussi durant la période estivale pour aller voir les essais qui se font. Chaque fois que ces réunions ont lieu, on parle tout le temps de quelle façon aménager nos terres, c'est-à-dire quelle quantité on va mettre ici ou là, les produits d'arrosage traités de telle manière, tant à l'acre, les résultats, etc. Déjà, les agriculteurs sont conscientisés sur ce qui se fait en agriculture. Durant une année, je dirais qu'il y a sept ou huit cliniques et davantage pour ceux qui veulent les suivre toutes: l'agriculteur est très conscient de tout ce qui se passe, de quelle façon c'est utilisé. La base de cela, on l'a tous et on suit l'évolution et les produits nouveaux. Chaque fois qu'ils lancent des nouveaux produits, on reçoit des invitations. On suit ces choses-là et on est au courant de ce qui existe. C'est pour vous dire qu'on n'est pas des profanes. On est quand même des personnes qui ont une responsabilité et on l'assume. C'est ce que je voudrais vous signaler en même temps. On ne part pas a zéro, nous autres.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Couillard. M. le ministre.

M. Lincoln: M. Couillard, je voudrais vous dire qu'on est très conscients. Du reste, on a eu des rencontres où tout cela a été souligné. Chez vous, une fois, j'ai rencontré beaucoup de gens des grandes écoles agricoles qui ont beaucoup parlé de lutte intégrée et d'alternative biologique, etc. On est très conscients de cela.

Dans le même ordre d'idées, vous avez axé votre mémoire pour dire: C'est sûr que la loi, c'est une chose, mais cela ne va pas apporter beaucoup de solutions. Votre conclusion est dans le sens de dire: Bon, la formation, c'est bien, mais ce n'est pas la solution éventuelle. Là-dessus, en principe, nous sommes d'accord. Les lois ne résoudront pas le problème de base, qui est un problème de remplacement, de dépistage, de lutte intégrée. Nous sommes d'accord là-dessus, mais c'est un problème beaucoup plus vaste; on agit par étapes.

Dans le sens de votre mémoire, soît d'aider le dépistage et la recherche, le fait que nous faisons face à des questions d'ordre budgétaire, d'investissements immenses, qu'est-ce que vous pensez de la suggestion qui est faite par plusieurs intervenants qui vont témoigner plus tard? Comme vous le savez, le domaine des pesticides n'est soumis à aucune taxe de vente. Plusieurs ont dit: Si on mettait une taxe, même une taxe minimale, qui ne serait pas une taxe de 9 %... Disons qu'on met une taxe inférieure, là où il faudrait mettre 0,10 %, ou une taxe de 1 % ou 2 %, une taxe légère. Dans le domaine global des pesticides vendus au Québec, cela représenterait une somme très conséquente et l'idée de la taxe, selon ces intervenants, serait d'utiliser ce moyen purement pour la recherche, le dépistage, la lutte intégrée, les moyens alternatifs. Quelle est votre réaction à ce genre de discours qui va être tenu par plusieurs intervenants assez importants?

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Couillard.

M. Couillard: Là-dessus, j'aimerais vous dire, M. le Président et M. le ministre, que, déjà, des associations se cotisent et, pour accentuer la recherche, investissent de l'argent à l'intérieur de cela, eux-mêmes, sans aller vers la taxe. Je pense que la façon dont elles le font, c'est un moyen

beaucoup plus efficace que d'imposer une taxe. Il faut, à l'intérieur des politiques que vous mettez en place, pas simplement des politiques au niveau de l'environnement, mais d'autres politiques afin de permettre aux agriculteurs d'investir aussi dans la recherche. On l'a permis de différentes façons et on lit dans L'Actualité qu'il y a eu quand même une exemption d'impôt pour la modique somme de 3 000 000 000 $ dont 1 000 000 000 $ allait directement passer à côté. Il y aurait sûrement des moyens qui nous permettraient, à nous les agriculteurs, de pouvoir investir sans l'imposition d'une taxe. À ce moment-là, M. le ministre, si je le dis comme ça, c'est que cela nous permettrait, à nous aussi, de participer. Lorsqu'on investit une part, cela veut dire qu'on peut signaler exactement à quelle place on veut que la recherche se fasse parce qu'on y participe. Mais le faire par une taxe, je ne crois pas que ce soit le moyen le plus approprié à l'heure actuelle.

M. Lincoln: Merci, M. le Président.

M. Couillard: Je ne sais pas si M. Legault a quelque chose à ajouter.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Legault.

M. Legault: Je pense que le problème de l'utilisation des pesticides est un problème qui déborde un peu les agriculteurs qui les utilisent. À mon avis, c'est plutôt un problème social. La société a décidé d'avoir une agriculture intensive et d'utiliser des produits pour arriver à cette fin. Quand on fait porter tout le fardeau de ces dépenses -même actuellement, les coûts considérables que représentent les allocations des pesticides - il ne faut pas oublier que ce sont les producteurs agricoles qui les paient actuellement. Je pense qu'on est déjà assez taxés à un certain niveau pour ne pas en ajouter d'autres. De plus, dans la plupart des domaines, toute augmentation du coût de de production est directement relié et va directement aux producteurs qui en souffrent. Dans la plupart des produits, on concurrence d'autres provinces, on concurrence les États-Unis et on ne peut pas augmenter notre prix de vente. On est obligé d'absorber ces coûts de production. Je pense que l'agriculture n'est pas assez rentable actuellement pour ajouter d'autres frais. Déjà, être obligé de payer les frais dont on parlait ce matin, de 300 000 $ à 400 000 $ pour homologuer un produit au Canada et peut-être 25 000 000 $ ou 50 000 000 $ dans le monde, il faut penser que ce sont les agriculteurs qui finissent par payer cela quand ils achètent les produits et que cela nous coûte déjà très cher. Finalement, c'est un service qui est social. C'est pour protéger l'environnement, pour protéger la santé, mais tout le fardeau revient, finalement, aux agriculteurs. Il ne faudrait peut-être pas trop en mettre.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Legault. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais aussi remercier le député de Terrebonne de me permettre d'intervenir à ce moment-ci.

M. Couillard, messieurs de l'Union des producteurs agricoles, je suis bien heureux de vous voir avec nous aujourd'hui dans le cadre de l'étude d'un avant-projet de loi sur les pesticides. Je dois aussi exprimer ma satisfaction de constater toute l'ouverture qu'a manifestée dans l'élaboration de ce dossier jusqu'à maintenant mon collègue, le ministre de l'Environnement, qui a déposé, non pas un projet de loi, mais un avant-projet de loi dans une perspective de susciter des échanges entre les deux côtés de l'Assemblée et aussi avec les intervenants, les groupes qui viendront témoigner dans les jours suivants. Essentiellement, lorsqu'un avant-projet de loi est déposé, cela témoigne d'une volonté du gouvernement d'agir, dans un premier temps, mais aussi de dire que le projet ou l'intervention qui est proposée est toujours susceptible d'être bonifiée. C'est ce pourquoi on à l'occasion d'échanqer aujourd'hui.

C'est avec évidemment beaucoup d'intérêt, beaucoup d'attention que j'ai pris connaissance de votre mémoire qui est le résultat de réflexions et d'analyses sur ce dossier depuis plusieurs années à l'Union des producteurs agricoles, conscients que vous êtes de l'importance d'être de plus en plus riqoureux dans l'utilisation de tels produits. C'est aussi le résultat d'échanges que nous avons eus, l'Union des producteurs agricoles, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, que j'ai l'honneur de diriger, et le ministère de l'Environnement.

Plusieurs des recommandations que vous formulez recevront très probablement une réponse positive de la part du gouvernement. Déjà, mon collègue vous indiquait tout à l'heure que certaines propositions que vous avez formulées cet après-midi étaient d'ores et déjà acceptées. Nous allons tout faire ce qui est humainement possible pour tenter de vraiment traduire, dans le texte législatif qui sera proposé à l'Assemblée, étudié par l'Assemblée et adopté ultérieurement, les recommandations que vous formulez.

La lecture de la situation que je fais comme ministre est la suivante: le monde agricole est le grand utilisateur de tels produits. Je dois témoigner aujourd'hui de ma satisfaction et je me sens sécurisé comme ministre de constater toute l'importance

qu'attachent les agriculteurs du Québec à l'utilisation de tels produits. Les agriculteurs du Québec sont préoccupés par leur milieu environnemental, par l'utilisation de ces produits qui constituent évidemment un outil de travail qui est au premier plan, finalement, de la rentabilité de leur production, plus particulièrement dans certaines cultures, notamment dans la culture maraîchère, d'une part.

D'autre part, les producteurs et les productrices sont bien conscients que l'utilisation des pesticides constitue un intrant important dans leurs coûts de production. Comme vous le disiez si bien tout à lheure, et j'endosse pleinement votre commentaire et votre propos, les producteurs agricoles du Québec n'utilisent pas de pesticides pour le plaisir. Cependant, toute situation pouvant être améliorée, le gouvernement a eu des échanges avec votre organisme. Nous avons d'ailleurs eu une rencontre le 15 décembre dernier, si ma mémoire est fidèle. Je crois que la position ou l'attitude adoptée par le gouvernement donnera des résultats qui seront plus palpables et plus visibles, soit de procéder par le dépôt d'un avant-projet de loi, projet de loi qui sera éventuellement déposé, étudié et adopté. Le législateur aurait pu, les députés à l'Assemblée nationale auraient pu adopter une pièce législative indiquant toute une série de contrôles, établissant des normes, des critères d'admission ou régissant cette activité. L'approche que nous avons prise - on doit constater que c'est de plus en plus l'approche que prennent les gouvernements - est de vraiment associer les intervenants à notre démarche en y allant, dans un premier temps, par une formation adéquate. Cela nous apparaît, pour nous, essentiel.

Les utilisateurs, les producteurs et les productrices agricoles doivent bénéficier, doivent être davantage informés et doivent recevoir une formation mieux encadrée pour l'utilisation de tels produits. Vous y faites référence dans votre mémoire et vous formulez certaines recommandations. Je peux vous donner l'assurance que cela sera traité avec beaucoup de sérieux. Cependant, ce n'est pas - je suis d'accord avec vous -seulement par de la formation qu'on va fournir, en fait, tous les outils adéquats au producteur ou à la productrice pour utiliser adéquatement de tels produits.

Je souscris à votre intention ou à votre désir de voir davantage d'efforts déployés au plan de la recherche. Notamment, on a fait référence tout à l'heure, de façon incidente, à des propositions formulées par d'autres groupes que le vôtre, recommandant qu'une taxe soit imposée afin de consacrer le produit de cette taxe à la recherche. Je peux vous indiquer, M. Couillard, que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation dépense, chaque année, des sommes très importantes d'une part, en matière de recherche appliquée dans les instituts administrés par le gouvernement du Québec - les centres de recherche - et, d'autre part, en recherche fondamentale avec les universités. Je peux vous faire part, aujourd'hui, de ma volonté comme ministre de convier nos partenaires et de nous convier nous-mêmes à faire davantage d'efforts et a consacrer un peu plus d'argent sous le volet de la recherche en reqard des pesticides.

J'ose espérer que cela pourra donner les résultats escomptés dans les meilleurs délais. En plus de la recherche, de la formation, il faut, comme vous l'avez dit tout à l'heure, qu'on puisse en arriver à des techniques de vulgarisation, de sensibilisation, qu'on puisse fournir davantage de soutien agronomique aux producteurs et aux productrices. Les agronomes nous proposent un genre de prescription, un peu comme on a fait dans le domaine de l'utilisation des médicaments. Nous aurons l'occasion de discuter avec eux lorsqu'ils comparaîtront devant nous. Cependant, je peux vous faire part de la volonté très claire de notre gouvernement de rapprocher - j'ai fait part, il y a quelques mois, à l'Union des producteurs agricoles, de la volonté qui nous anime - davantage nos professionnels du producteur et de la productrice; ce sont des choses comme celle-là auxquelles je faisais référence et auxquelles je pensais notamment.

Fournir davantage d'encadrement technique, de meilleures informations, cela ne se fera pas en un temps deux mouvements, nous en sommes conscients. Mais, si on se convie mutuellement - tous les intervenants, le ministère de l'Environnement, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, l'Union des producteurs agricoles et les producteurs eux-mêmes en régions - à un exercice visant à la formation, à une meilleure diffusion de nos recherches, de nos conclusions, de nos études, à davantage de présence de nos agronomes auprès des producteurs, je crois qu'en fin de compte l'utilisation des pesticides sera plus rationnelle et sera plus adéquate en regard des objectifs qui nous animent et que nous poursuivons. (15 heures)

Dans votre mémoire, vous vous êtes référés au réseau de dépistage. Cela m'apparaît primordial. Vous avez d'ailleurs des exemples concrets où l'utilisation des pesticides n'a pas été requise compte tenu des informations qui vous étaient fournies. La diffusion de telles informations s'avère évidemment le meilleur moyen pour une utilisation optimale et rationnelle des pesticides.

Or, essentiellement, le message que je veux vous livrer aujourd'hui, c'est vous

remercier de votre mémoire et vous indiquer la volonté très claire du ministère de l'Agriculture d'être présent. Je vous remercie d'avoir sensibilisé non seulement mon collègue de l'Environnement qui l'est déjà beaucoup, mais aussi les collègues autour de cette table. II serait tout à fait illusoire de croire qu'une véritable action positive et concluante puisse avoir cours si on n'a pas une interaction de tous les intervenants, le ministère de l'Éducation, comme vous le proposez, le ministère de l'Environnement, le ministère de l'Agriculture et les producteurs et les productrices concernés.

Cependant, j'aurais une question à poser. Dans une rencontre antérieure - je ne voudrais pas, évidemment, me référer au contenu privé d'échanges - vous aviez indiqué l'intérêt del'UPA à la possibilité de prendre à sa charge l'organisation et la réalisation des programmes de formation. Entre parenthèses, je note vos recommandations concernant les délais qu'on s'est donnés. On va étudier cela et je suis persuadé que le ministre de l'Environnement, comme d'habitude, va procéder è une analyse très sérieuse et très rigoureuse de vos propositions à cet égard. Pour nous, la formation est importante. On ne peut pas se permettre de mettre sur pied une structure de services, de sensibilisation, d'information, de formation comme telle et, finalement, manquer notre coup. Le sujet est trop important. Je suis conscient que les producteurs sont bien sensibles à ces questions. Comme ministre de l'Agriculture, il m'apparaissait que le fait de donner aux producteurs eux-mêmes la qestion de l'organisation d'une telle formation était un gage additionnel de succès de la démarche. D'ailleurs, j'avais entrepris comme ministre et nous avions entrepris au ministère des échanges avec le gouvernement fédéral dans la perspective d'une telle structure. Aujourd'hui, vous nous dites: Nous déclinons cette offre. J'en suis surpris. Je n'en suis pas déçu parce que je suis convaincu que vous allez être assis autour de la table. Pourriez-vous m'indiquer pourquoi l'Union des producteurs agricoles refuse d'assumer la gestion d'une telle activité?

Le Président (M. Richard): M. Couillard.

M. Couillard: M. le ministre, je dois vous dire que, lorsqu'on décline cette offre, il faut quand même donner un peu d'explications. Je m'attendais un peu à cette question. D'ailleurs, en ce qui concerne l'Union des producteurs agricoles, lorsqu'on parle de formation, depuis le début, on a toujours été impliqués en ce qui a trait a la formation. Bien sûr, on s'est impliqués de plus en plus. Â l'heure actuelle, ce dossier est arrivé à l'Union des producteurs agricoles et nous désirons être impliqués encore. Ce n'est pas que nous nous retirons du dossier, au contraire. Bien sûr, quant au contenu des cours et le fait d'inciter les agriculteurs à aller aux cours, nous sommes avec vous. Lorsqu'on dit que nous déclinons l'offre, je dois aussi vous dire que nous avons eu du fédéral des offres de sommes d'argent pour faire de la formation, pas simplement en ce qui concerne le dossier des pesticides, mais sur d'autres sujets. Nous avons toujours cru bon de continuer à travailler avec nos partenaires immédiats, avec lesquels nous avons toujours travaillé dans le passé, soit le ministère de l'Éducation, le ministère de la Main-d'Oeuvre et le ministère de l'Agriculture. Je ne pense pas que nous devions nous retirer et changer notre façon de travailler quand se présente un dossier social. Nous avons toujours travaillé avec nos partenaires au Québec. Nous sommes conscients que, même à l'intérieur de ce dossier, malgré qu'il va y avoir plus d'implications, nous devons continuer dans le même ordre d'idées, c'est-à-dire travailler avec nos partenaires. Pour préparer ces cours, nous sommes disposés à travailler avec les ministères de l'Environnement, de l'Aqriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et de l'Éducation. C'est le réseau qu'on a toujours privilégié. Nous sommes convaincus que, malgré l'énormité du projet, nous sommes encore capables d'avoir le même réseau. La CFP est arrivée dans le décor, j'en fais partie et je pense qu'on est capable à l'intérieur de cela d'aller chercher les ressources nécessaires pour tâcher de mener à bien ce projet.

La seule chose qu'on mentionnait, c'est qu'au lieu de 7000 à 8000 agriculteurs, nous croyons sincèrement qu'avec la liste ries produits qui nous a été fournie, il y aura plus d'aqriculteurs que prévus qui seront obligés de s'en aller vers une certification. Ce n'est pas une échappatoire qu'on veut avoir. Si on demande un laps de temps un peu plus grand, ce n'est absolument pas pour cela. C'est simplement pour être certain qu'on est capable de couvrir tous les agriculteurs qui peuvent prendre le temps de suivre des cours très adéquatement.

Dans un premier temps, M. le ministre, vous avez saisi qu'on a des partenaires, qu'on les a toujours respectés; nous avons toujours été satisfaits de travailler avec eux. Je ne vois pas pour quelle raison ils seraient retirés quand un dossier particulier arrive. On est capable d'aller chercher ensemble les montants d'argent nécessaires et d'exploiter les institutions que nous avons.

M. Pagé: M. Couillard, vous ne répondez pas tout à fait à ma question.

M. Couillard: D'abord, je suis aussi politicien que vous, M. le ministre.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Pagé: Comment dites-vous cela? Je m'excuse.

M. Couillard: Je suis aussi politicien que vous si je ne réponds pas tout à fait à votre question. Vous m'excuserez, je vais me reprendre,

M. Pagé: Ah! Je réponds à toutes les questions venant de l'Union producteurs agricoles, et surtout celles de mes collègues.

M. Couillard: Je vais me reprendre, M. le ministre.

M. Pagé: Elles sont tellement peu nombreuses de l'autre côté.

M. Couillard: Je vais me reprendre, M. le ministre, je vais essayer de faire un peu mieux.

M. Pagé: Dans le cas de la santé et de la sécurité au travail, on se rappellera que l'Union des producteurs agricoles a accepté de prendre en charge la diffusion des informations et la sensibilisation auprès des producteurs. C'est l'Union des producteurs agricoles elle-même qui a travaillé avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail. On doit vous dire que vous avez fait un très bon boulot, un très bon travail dans le dossier de la santé et de la sécurité à la ferme. D'ailleurs, les démonstrations qu'on a vues pendant l'été dans différentes expositions, les contacts que j'ai avec les producteurs, avec les syndicats de base m'indiquent que le fait que cela ait été assumé par l'Union des producteurs agricoles a été très concluant, très positif. On voulait s'en inspirer, on voulait s'inspirer de ce modèle d'intervention qui nous a permis d'atteindre un très haut degré de sensibilisation et d'information auprès des producteurs dans le cas des pesticides. Vous me dites: Nous allons collaborer, nous allons y être, on est ouvert, on va vous aider à aller chercher des sommes d'argent si nécessaire. Parfait, merci, je l'apprécie. D'ailleurs, c'est ce à quoi je m'attendais de votre part parce que vous êtes profondément, vous aussi, préoccupés par ces questions. Mais pourquoi refusez-vous?

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Couillard.

M. Couillard: On ne veut pas être le seul partenaire è l'intérieur de cela, dans un dossier aussi important. Je crois d'ailleurs qu'à l'intérieur de tout ce dossier, M. le ministre, on est bien sûr que la loi doit être administrée par le ministère de l'Environnement. Mais, si vous avez bien pris connaissance du dossier, M. le ministre, vous êtes impliqué. Je pense que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation est impliqué directement dans tout le dossier.

Quant à la question de la formation, bien sûr que nous allons faire la diffusion de notre journal, qu'on va inciter les agriculteurs à suivre des cours de formation et qu'on va les sensibiliser à cette nécessité. Il est bien certain qu'on va faire toutes ces choses, mais ce dont on a discuté avec vous, M. le ministre, dans un premier temps, c'est de prendre presque uniquement à notre charge le fait d'aller chercher l'argent au gouvernement fédéral pour préparer les cours et sur la façon de les donner. C'est à ce sujet qu'on dit, M. le ministre: Non, on va le faire conjointement, on sera à l'intérieur, mais on va le faire avec les organisations qui ont toujours été nos partenaires, soit le ministère de l'Éducation. C'est là que les cours doivent se donner. Pour cela, on a certaines personnes qui sont capables de le faire. Il est bien certain qu'au ministère de la Main-d'Oeuvre aussi nous avons toutes les possibilités voulues de ce côté-là. Pourquoi irions-nous enlever ces partenaires alors qu'on a toujours été ensemble? On dit: Non, on va rester avec eux.

Même pour les cours avec la CSST ou ces choses-là, je dois vous dire qu'on va chercher de l'arqent, bien sûr et qu'on commence à faire monnayer nos cours par la CFP, c'est-à-dire qu'elle achète nos cours et qu'on va chercher un peu d'argent là parce que l'Union des producteurs agricoles ne peut pas financer à elle seule toutes ces choses-là. Bien sûr, c'est pour cela qu'on dit: Les partenaires sont là. On va demeurer dans la même ligne de pensée et on va s'impliquer davantaqe peut-être que dans d'autres circonstances.

M. Pagé: Je vous remercie, M. Couillard. Je retiens cependant que vous recherchez non pas une situation où l'Union des producteurs agricoles piloterait seule le dossier. J'en conclus que vous recherchez une relation encore plus étroite, plus intime avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et le gouvernement du Québec. On va se marier.

M. Couillard: C'est une manière de le faire!

M. Pagé: Un dernier commentaire avant de terminer, et mon collègue pourra continuer. Je peux vous donner l'assurance de la présence et du rôle très actif du ministère de l'Agriculture dans l'ensemble de cette démarche. Comme vous le savez déjà très probablement, le ministère collabore au conseil interministériel sur les pesticides. D'ailleurs, la présidence est assumée par un

fonctionnaire du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

On participe évidemment aux différents conseils consultatifs. On sera intimement associé à l'élaboration du cours sur les pesticides et nous sommes déterminés à déployer plus d'efforts au niveau de la recherche pour vous fournir davantage d'outils, pour accentuer notre réseau d'avertissement phytosanitaire et pour rapprocher nos agronomes de la ferme.

Je pense que, mutuellement, de part et d'autre, on est de bonne foi dans l'ensemble de cette démarche, étant donné que les producteurs agricoles utilisent 82 % des pesticides au Québec et que c'est important non seulement pour eux, mais aussi pour le milieu environnemental.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. Couillard.

M. Couillard: M. le Président, je comprends que le ministre est souvent très occupé. J'aurais une question à poser et j'aimerais que le ministre de l'Agriculture sott là au moment de la question que j'aurai à poser. La question peut m'être posée, mais, au cas où elle ne le serait pas, je ne voudrais pas manquer ma chance au cas où il s'absenterait. Je connais un peu les ministres. Vous savez, ils sont occupés parfois.

M. Pagé: Pas de problème avec !es questions. C'est avec les réponses qu'on a des problèmes.

M. Couillard: Non, la réponse va être pareille. Cela va être très bien. La seule chose, c'est que la remarque que je voulais faire, c'est que vous avez dît que vous voulez quand même un rapprochement. Je comprends cela. Vous avez énoncé l'idée, la pensée, plusieurs fois, que les agronomes devraient être de plus en plus proches des champs et des agriculteurs plutôt que de rester dans un bureau. On en est bien conscient et on en est fier.

L'autre chose, par contre, c'est que l'on parle de nouvelles technologies, surtout sur le plan des applications de nouveaux produits ou n'importe quoi. On dit: Bravo! C'est bien sûr que les agronomes du ministère ont un rôle important à jouer. Mais, entre cela et faire des prescriptions, je vous dis qu'il y a une grosse différence. C'est là où je voudrais vous mettre en garde: il y a une grosse différence entre apporter une nouvelle technologie en agriculture, de quelle façon une nouvelle technologie s'applique, de quelle façon les nouveaux produits travaillent et toutes ces choses-là. Mais être obligé d'avoir des prescriptions pour aller chercher des pesticides, c'est autre chose. C'est ce que je voulais vous dire.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Pagé: Je peux vous dire, M. Couillard, sans engager la décision ou la recommandation que mon collègue de l'Environnement aura à formuler, comme suite à de telles propositions, que nous avons adopté une loi qui touche des milliers et des milliers de producteurs agricoles du Québec concernant l'ajout de médicaments vétérinaires aux aliments consommés par nos cheptels. Selon moi, on devrait commencer par bien digérer cette loi, être capable de l'articuler avant d'envisager d'autres démarches analogues. Mais on aura l'occasion d'y revenir.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, merci, MM. Couillard, Ménard et Legault, d'être là et de nous avoir présenté un mémoire aussi étoffé et aussi intéressant. Je vais aller directement -je ne suis pas politicien - au noeud. Vous dites à la page 6 qu'une approche trop légaliste risquerait d'engendrer hostilité et méfiance. En faisant un petit chapeau à la question qui va suivre, les cultivateurs et les agriculteurs du Québec ont la chance d'avoir une Loi sur la protection du territoire agricole qui est bien structurée et que vous défendez comme la prunelle de vos yeux, et je vous en félicite. Cette loi est là pour protéger la quantité de terres cultivables au Québec. C'est une loi qui fait honneur à l'Assemblée nationale. Les cultivateurs en sont fiers. Voici qu'arrive, pour la première fois du côté législatif, un pan qui vient essayer de protéqer la qualité de la quantité de terre qui vous est allouée. Bien sûr que c'est votre connaissance du sol et votre amour de la terre nourricière qui fait qu'elle demeure productive d'année en année, de décennie en décennie. Mais vous dites aussi, de façon générale, dans votre rapport et ailleurs, que les cultivateurs manquent de moyens, etc. Donc, arrive une loi gouvernementale qui vient essayer d'ouvrir un pan de protection du côté qualitatif de la terre elle-même; c'est donc d'une importance capitale pour la classe de gens que vous représentez ici. (15 h 15)

Personnellement, vu que c'est le premier volet législatif qu'on voit dans ce sens, trouvez-vous vraiment qu'en étant un peu trop légaliste on risquerait d'engendrer vraiment la méfiance si on était très sévère pour protéger la qualité de vos terres? Disons juste cela, je continuerai après. Cette

sévérité, est-ce que vous trouvez cette loi sévère? Je ne la trouve pas sévère du tout. J'aimerais avoir votre opinion sur cela.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Couillard.

M. Couillard: L'avant-projet de loi qui est déposé, on ne dit pas qu'il est sévère; au contraire, on y souscrit. On vous met simplement en garde contre certains éléments qu'on a mis à l'intérieur de notre mémoire. Lorsqu'on dit que la loi telle que présentée, c'est une loi présentée sur le côté éducatif, il est certain qu'on y souscrit. On met en garde de ne pas aller du côté coercitif. D'autres gouvernements se sont dirigés du côté coercitif quant à l'environnement en obligeant les agriculteurs à faire des dépenses et aujourd'hui on s'aperçoit qu'elles ne sont même pas justifiables. À partir de ce moment, on dit oui à une loi qui va du côté éducatif et non à une loi qui va du côté coercitif. L'approche est très positive et on dit oui à cette loi.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: D'accord. Je vais vous poser exactement la même question que le ministre vous a posée. Les cultivateurs, de façon générale - j'ai été élevé sur une ferme, je sais ce que c'est - n'ont pas toujours les moyens de faire ce qu'ils veulent; ils sont toujours un peu plus riches qu'ils le laissent voir, et tant mieux pour eux. Je reviens à la charge. Afin de favoriser un programme de recherche pour avoir une culture un peu plus biologique - intégrée, si vous voulez - un plan élaboré de diminution de l'utilisation du côté quantitatif des pesticides pour l'inspection des dépisteurs-conseillers et pour avoir aussi des conseillers agronomes spécialistes pour conseiller sur la quantité à utiliser pour ne pas dépasser les quantités qu'on devrait - croyez-vous que dans cette loi - je ne parle pas du discours qui entoure, je ne parle pas de l'intention législative avouée, mais de la verbalité, de la lettre de la loi - il y a quelque chose qui vient vous protéger vers la diminution de l'emploi de pesticides?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Couillard.

M. Couillard: Je vais vous dire quelque chose au départ. Je suis un agriculteur, je ne suis pas un avocat pour voir tout ce que devrait contenir la loi ou tout ce qu'elle ne devrait pas contenir et de quelle façon on peut l'appliquer. Je pense à quelque chose de plus simple. Plus vous allez inclure de réglementation à l'intérieur d'une loi, plus, en fin de compte, cela ne voudra plus rien dire, à mon idée, parce que vous ne serez pas capahles de l'appliquer. Je ne pense pas que c'est une loi comme cela que vous voulez avoir.

Je pense plutôt qu'une loi contient l'essentiel lorsque vous parlez de la protection de l'environnement, des pesticides. Par la suite, ce que vous greffez par règlements, la façon d'arriver à faire fonctionner la loi, je pense que c'est cela qui est le plus facile et c'est la meilleure loi que vous pourrez faire à ce moment. Ce n'est pas en essayant de la formuler de telle façon qu'il n'y ait plus aucune échappatoire, qu'il n'y ait plus rien et que cela soit tellement complexe que vous ne pourrez plus l'appliquer.

On a noté à l'intérieur de la loi que des choses manquent. Quand on parle de lutte intégrée, bien sûr qu'à l'intérieur de la loi on n'en parle pas beaucoup. Est-ce qu'on devrait y faire une place ou si on doit aller dans... Je ne le sais pas. Je dis tout simplement: Si vous cherchez à tout mettre dans la loi, vous ne réussirez pas. Je pense qu'après vous allez continuer avec l'agencement autour de la loi quant à l'application. Réellement, c'est là que vous pouvez changer des choses plus facilement parce qu'on peut se tromper, vous savez. Je me trompe et je suis certain que vous aussi vous vous trompez, malgré que vous soyez les législateurs.

M. Blais: On est rendu dans l'Opposition, on doit s'être trompé de temps en temps.

Une voix: Pas souvent.

M. Couillard: Je présume. Il y a des choses dans une loi qui sont plus difficiles à changer tandis que dans les règlements, c'est plus facile à adapter à la minute où on fonctionne avec cette loi. C'est le travail que le législateur a à faire. Je vous fais part de ma pensée là-dessus.

M. Blais: Je ne suis pas avocat non plus et j'ai souvent de la misère à me retrouver dans les lois, mais je trouvais que, dans votre mémoire, vous aviez bien compris. C'est en lisant votre mémoire que j'ai formulé ma question; moi-même, j'avais de la misère.

Je tiens cependant à vous dire une chose. Cette loi, je ne la trouve pas assez sévère, et je trouve qu'elle ne protège pas assez la quantité de terre qui vous est allouée pour nous nourrir. C'est pour cela que je vous demandais si vous trouviez cette loi assez sévère. Je ne la trouve pas assez sévère. D'après moi, il n'y a rien dans cette loi qui va permettre la diminution de l'utilisation des pesticides. Tout ce qu'il y a, ce sont des articles de loi pour que l'utilisation soit faite avec sécurité, non pas

sur la diminution. Personnellement, dans ce sens, je trouve qu'il n'y a rien dans la loi pour diminuer, pour arriver è l'agriculture intégrée. C'est le réponse que je voulais avoir, mais je me la donne moi-même.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Legault.

M. Legault: Je pense que la question de la diminution des pesticides est vaste. Je ne sais pas si l'objectif de la loi, c'est vraiment une diminution des pesticides ou une meilleure utilisation des pesticides, une utilisation quand c'est nécessaire seulement. On est dans un contexte mondial où on ne peut pas dire qu'au Québec on n'utilisera plus de pesticides. On est en concurrence avec les produits. Je pense que tout le monde veut mieux utiliser les pesticides, en utiliser le moins possible, évidemment. Je pense que, finalement, avec son approche éducative, la loi mènera vers cela. Je fais partie d'un réseau de dépistage depuis plusieurs années, et c'est avec l'information qu'on a eu, l'aide de techniciens du ministère de l'Agriculture et de chercheurs d'Agriculture Canada qui nous ont permis de réduire l'utilisation des pesticides dans certains cas; dans d'autres cas, c'est une utilisation plus efficace des pesticides qu'on a. Je pense que ce n'est pas avec une loi qu'on va réduire les pesticides, c'est avec beaucoup de recherche dans le monde pour amener d'autres techniques.

Je voudrais ajouter autre chose. Il faut faire attention, dans une loi comme cela -cela a été mentionné ce matin par les producteurs de produits chimiques - de ne pas taxer un groupe de producteurs dans une province. Ce qu'on voudrait, c'est une certaine uniformisation dans tout le Canada des lois sur les pesticides pour éviter qu'un groupe de producteurs, au Canada ou dans une province, ait droit à des pesticides, alors que d'autres n'y auraient pas droit. Il faudrait que ce soit uniforme. Déjà, on se rend compte, dans les cultures maraîchères, qui sont des cultures de peu de superficie, que c'est très difficile d'avoir des pesticides. Il y en a de moins en moins parce que, économiquement, ce n'est pas rentable pour les compagnies productrices d'en développer. C'est un problème. Plus on avance, moins il y a de produits. En même temps, comme producteurs, il faut devenir concurrentiels avec les États-Unis et l'Europe dans la production de nos produits. Déjà, au Canada, les lois sont à peu près les plus sévères au monde. Il ne faudrait pas qu'en plus, comme producteurs, nous soyons régis par une loi provinciale ou par un ensemble de lois provinciales qui soient les plus sévères au Canada. Je pense qu'on serait très pénalisés par rapport au contexte mondial de l'agriculture où il faut concurrencer.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Legault.

M. Blais: Je pense à peu près comme vous, mais j'aimerais que cette loi nous mène, par la recherche, vers une diminution de l'utilisation. Je crois qu'on le sent aussi dans votre rapport.

La dernière question, parce que le temps coule et va vite. Avant que vous partiez, parce que je ne vous ai pas souvent sous la main, à la page 6, je voudrais vous demander pourquoi vous croyez qu'il y aurait des abus relativement aux demandes d'injonction de citoyens. Vous dites que l'article 69 stipule qu'une demande d'injonction auprès d'un juge de la Cour supérieure peut être faîte par toute personne qui allègue que des pesticides sont utilisés contrairement aux méthodes, normes et procédés reconnus. Vous pensez qu'il peut y avoir abus, ce qui nuirait fortement è votre production" Pourquoi croyez-vous qu'il peut y avoir abus?

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Couillard.

M. Couillard: Dans un premier temps, il faut dire que ce n'est pas la seule loi avec laquelle les producteurs vivent; il y en a d'autres aussi. On s'aperçoit qu'en agriculture, c'est si simple de porter en cour un préjudice et cela ne fonctionne plus.

Des exemples, on en a dans l'environnement, le bruit, etc. Un agriculteur, que vous le vouliez ou non, cela cultive et les meilleures terres - ce n'est pas notre faute et ce n'est sûrement pas la vôtre non plus - sont toujours autour des centres urbains, des villages. Évidemment, il nous faut aussi travailler à l'intérieur de ces périmètres. Lorsqu'on arrose, bien sûr... Moi-même, lorsque je prends la transcanadienne, s'il y en a qui arrosent à un demi-mille de là - je sens le produit, je sais qu'ils arrosent, même si je ne les vois pas. Dès qu'arrivent des choses semblables, n'importe qui est à même de porter un jugement et prendre des actions.

Nous, en agriculture, avec les moyens qu'on a et avec le travail qu'on a, on n'a pas le temps d'être tout le temps dans les papiers et dire: Un gars a pris une action, il faut que j'en prenne une autre. Qu'est-ce que je vais faire? Je vais faire ceci et cela. Ce qu'on veut, c'est pouvoir produire au meilleur marché possible et la meilleure qualité possible. Ce qu'on veut d'une loi, c'est qu'elle nous donne les moyens de le faire sans tout le temps avoir des restrictions et se demander: Est-ce que celui-là va nous assommer ou l'autre, de l'autre bord? Vous avez vu cela un peu

partout dans les journaux. Souvent, on est obligé de faire des arrosages par avion et vous avez vu ce que cela fait; cela s'est produit à Beloeil, à Saint-Jean-Baptiste et un peu partout. Bien sûr qu'avec l'avion il faut commencer à 4 heures du matin; parce qu'à 7 heures, il faut s'arrêter, les abeilles commencent à sortir. Il y en a qui travaillent de bonne heure, il y en a d'autres qui travaillent plus tard. On commence les arrosages à 4 heures et, parfois, à 6 h 30, il faut s'arrêter. C'est bien certain qu'on réveille le monde. Aussitôt qu'on entend l'avion, on appelle la police et on lui demande d'arrêter les avions, ceci et cela. Regardez ce qui est arrivé à Saint-Jean-Baptiste; cela arrive, des accidents semblables. Il y a même un policier, à un moment donné, qui s'est fait frapper. Je me demande pourquoi, parce qu'il avait été appelé sur les lieux. Toute action qui est prise contre nous, vous ne pouvez pas savoir comment cela devient fatigant de cultiver, de travailler en agriculture.

Bien sûr, nous voulons nous astreindre à des normes, nous voulons utiliser les bonnes pratiques, mais, par contre... On ne dit pas qu'on ne veut pas avoir de plaintes du tout; s'il y a des plaintes, qu'on les fasse au bon moment pour qu'on puisse prendre le temps de savoir ce qui va nous arriver et de quelle façon on peut régler le problème. Six millions de personnes qui font des plaintes, savez-vous que ça devient fatigant?

M. Blais: D'accord, je comprends bien. M. le Président, avant de passer la parole à mon confrère de Jonquière, j'aimerais vous dire simplement que je suis content, malgré nos mauvais coups, d'avoir été du gouvernement qui vous a donné la Loi sur la protection du territoire agricole. Je serais content d'être député de cette Chambre si la Loi sur les pesticides devient aussi constructive que je voudrais qu'elle soit quand on aura fini. Merci beaucoup, M. Couillard.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Terrebonne. M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Il y a juste un point qui mériterait, à mes yeux, d'être un peu éclairci. Lorsque vous parlez des exigences du certificat et de la mise en marche le 1er janvier 1990. Je pense que le 1er janvier 1990 est une date idéale, mais je ne pense pas que vous employiez des pesticides en saison hivernale. Cela veut dire que ce n'est pas avant le mois de mai ou de juin, j'imagine; cela donne donc six mois supplémentaires. Si vous demandez un report de l'application de la loi... Est-ce parce que ce cours est complexe à mettre en marche ou si c'est parce que cela ne donne pas assez de temps pour que les gens puissent obtenir leur certificat?

M. Couillard: Ce n'est pas parce que c'est complexe à mettre en marche, il y a des choses qui sont déjà faites. Des cours, il y en a déjà qui sont donnés, ce n'est pas nouveau. À l'heure actuelle, il y a deux catégories: ceux qui sont obligés de s'en aller vers une certification et ceux qui devront suivre un cours pratique. Dans un premier temps, il peut y avoir une quinzaine d'heures pour ceux qui suivent un cours pratique axé sur la prévention, l'économie d'herbicide, la calibration, etc. Il est bien certain que vous allez avoir l'autre aussi, pour ceux qui utilisent les produits un ou deux, et il y aura des périodes supplémentaires qui s'ajouteront pour qu'ils connaissent mieux les préparations et la façon d'utiliser les produits plus dangereux. Ce pourrait être une période de trente heures. (15 h 30)

Ce n'est pas que ce soit long de faire la préparation du cours. Non, il y a des choses qui sont déjà toutes alignées. Je veux vous dire que, dans un premier temps, on sait qu'on s'en va vers une certification. Je crois - c'est ce qu'on dit dans notre document - que près de 14 000 agriculteurs seront obligés d'aller vers une certification. Je voudrais vous mentionner que 14 000 agriculteurs, ce n'est pas 200, 300, 500 ou 600, c'est 14 000, On note qu'on voudrait au moins que, parmi tous les autres agriculteurs, il y en ait 80 % en 1990 qui aient suivi le cours d'économie et de prévention. C'est bien certain qu'à ce moment-là on parle d'à peu près 40 000 agriculteurs, mais il faut prendre le temps de suivre ces cours. Au niveau agricole, même si vous demandiez à l'agriculteur de les suivre pendant la période des semis, cela veut dire à partir du 15 avril, durant l'été, je ne pense pas qu'il puisse suivre des cours. C'est pour cela qu'on serait restreints à la période hivernale pour suivre des cours, c'est-à-dire qu'on commencerait à suivre nos cours au mois de novembre. En décembre, ce sont les fêtes comme pour tout le monde. On serait peut-être disposés à suivre des cours, mais il n'y aurait personne pour les donner. Cela vous mène à janvier, février et mars. Voyez-vous? Les périodes sont restreintes.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Couillard. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Dufour: J'ai une question directement au ministre.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: M. le ministre, dans votre loi, à quelque endroit, est-ce que vous avez laissé l'impression ou avez recherché à travers la mise en marche de cette loi la possibilité de diminuer l'importance et l'utilisation des pesticides en agriculture? Dans le mémoire de l'UPA, ils font un peu référence à cela. Je regarde la mise en marche ou les notes préliminaires et il ne semble pas que vous recherchiez cela nécessairement, une diminution de l'emploi des pesticides. Est-ce que c'est assez clair à vos yeux ou si cela doit aller plus loin?

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Lincoln: M. le Président, cette question, je suis content qu'elle me soit posée parce que je pense qu'elle est fondamentale. Il me semble qu'il va de soi que toute la question et tout l'objectif de cette loi, comme on l'a dit et comme on le retrouve dans le mémoire de l'UPA et dans le mémoire d'autres intervenants, c'est une méthode, c'est une recherche éducative, c'est une recherche de formation. Il est évident, quasi évident - pour moi cela saute aux yeux - qu'une personne formée et éduquée saura mieux se servir des pesticides et, en plus, elle saura s'en servir de façon beaucoup plus judicieuse, économique, et c'est facile de le prouver. Je suis certain que M. Legault me confirmera que quelqu'un qui est complètement ignorant, une personne ignorante de l'utilisation ou qui le fait d'après les usages qui étaient en place sans l'éducation qu'elle aurait pu avoir le fait d'après le calendriers mais qu'une personne éduquée, formée concernant l'impact des pesticides, ses bienfaits et ses méfaits, les utilisera de façon beaucoup plus judicieuse et pas selon des méthodes du calendrier. À ce moment-là, il est clair qu'il y a une relation directe entre le volume des pesticides et la formation. C'est clair que depuis qu'on a institué des cours de formation par télévision, par code de bonne pratique, comme le cas de l'Association des exterminateurs du Québec, les insecticides et les pesticides utilisés dans le monde de l'extermination ont diminué dans ce secteur è cause de gens qui ont été formés parce qu'ils les utilisent de façon beaucoup plus judicieuse, beaucoup plus sécuritaire, beaucoup plus rationnelle et parce qu'ils sont conscients des méfaits, également des alternatives possibles et de la façon de mieux les utiliser.

Je ne dis pas que cette loi, naturellement, est une fin en soi. On ne peut pas imposer de la recherche par une loi. On ne peut pas imposer des méthodes de dépistage par une loi. Ce qu'on dit, nous commençons par la formation. On va plus loin que huit provinces sur dix qui n'ont même pas touché l'agriculteur et qui ne pensent même pas à le faire. Aujourd'hui, l'Ontario y pense, elle a une loi depuis 1969. Seule la Colombie britannique l'a fait jusqu'à présent, mais dans une certaine mesure seulement. Et nous, on va plus loin que cela, on l'associe à la démarche. Il ne faut pas dire que cette loi ne veut rien dire et que cela ne peut pas diminuer l'utilisation des pesticides. Je crois qu'il faut dire que le système d'information et d'éducation est la clé de tout le succès dans tous les domaines, incluant les pesticides; c'est cela la clé. Il me semble que c'est tellement évident. C'est là ma réponse.

Je serais bien content que M. Legault nous le dise; si, par exemple, vous avez un agriculteur qui n'a pas de formation du tout, n'est-il pas vrai qu'il aurait pour réflexe de se servir d'une méthode de calendrier, routinière, alors qu'un agriculteur qui est formé agirait de façon beaucoup plus judicieuse et, donc, avec bien moins de pesticides en employant des moyens alternatifs? J'aurais voulu poser cette question à M. Legault puisque cette question c'est presque un défi de nous dire que cette loi c'est comme si ce n'était rien. Cela va plus loin en fait que la plupart des provinces et beaucoup d'États. Comme je vous l'ai déjà dit, j'ai passé presque une journée dans l'État de New York. C'est l'approche qu'ils prennent et ils ont été bien loin avec les agriculteurs, aussi loin qu'ils le peuvent et c'est l'approche qu'ils prennent parce que la formation et le volume de pesticides cela va de pair.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Legault.

M. Legault: Je pense que c'est ce que j'ai dit tout à l'heure. Je pourrais vous le répéter, M. le ministre. Je suis convaincu que la formation c'est la meilleure façon de diminuer l'utilisation des pesticides, dans une situation plus rationnelle.

Je voudrais aussi peut-être déborder un peu du sujet des pesticides et de l'environnement. Il faudrait aussi se souvenir que les pesticides sont un danger potentiel pour l'agriculteur qui les utilise, peut-être le plus grand danger actuellement. La plupart des pesticides sont rejetés souvent pour le danger que cela représente pour l'agriculteur qui les utilise. Je pense que les cours de formation auront certainement l'avantage de rendre plus conscients les agriculteurs au danger potentiel d'utilisation des pesticides. Dans le fond, les pesticides, on ne les utilise pas par plaisir. D'abord, cela peut représenter un danger pour notre santé et ils nous coûtent cher. Je pense que notre but, comme agriculteurs, avec l'information, c'est d'en utiliser le moins possible.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Legault. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Brièvement, M. Couillard.

M. Couillard: M. le Président, M. le ministre n'a pas touché à un point. J'aimerais quand même essayer d'avoir une certitude de notre ministre de l'Environnement. Bien sûr que le financement de cette loi m'inquiète un peu. J'aimerais quand même revenir un peu sur cela, M. le ministre, à savoir que vous avez parlé de permis. Pour nous, on est exempté de permis. Cela prend des certifications pour les utilisations dans les classes 1 et 2. Nous disons: Bien sûr, on accepte ces choses, mais, par contre, il ne faudrait pas que ce soit renouvelé à tous les ans parce qu'on vous a dit également qu'au niveau académique on n'est pas là pour passer des concours à tous les deux ou trois ans pour savoir si la certification est là. On est bien prêt à avoir une bonne formation et on disait que c'est une loi qui arrive quand même, avec la pratique, à une certification. Mais on aimerait se faire dire par vous que pour ces choses, le financement, vous allez appuyer le financement parce qu'on ne voudrait pas arriver avec des permis ou des certifications qu'on serait obligé de renouveler à tous les deux ou trois ans dans le secteur agricole, sans penser qu'on est environ 40 000 agriculteurs. J'aimerais cela que vous nous disiez... C'est votre loi et c'est votre affaire aussi, quant au financement.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Lincoln: Tout ce que je peux vous dire à ce stade-ci, M. Couillard, c'est qu'il n'y a pas de position figée dans le ciment du tout là-dedans. Comme vous le savez, il y a une réglementation qui va s'appliquer aux agriculteurs et qui va délimiter ce genre de choses.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que toutes les questions de permis vont être nominales. C'est sûr que cela ne sera pas quelque chose qui va affecter le coût de production. Deuxièmement, nous allons éviter une bureaucratie monstre qu'il serait impossible d'administrer par nous-mêmes, parce qu'il y a des coûts de part et d'autre. Il y a aussi les coûts du ministère, le Conseil du trésor en est très conscient. Nous avons discuté de cette question. Rien ne sera fait sans une consultation préalable poussée avec vous et avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, parce que nous considérons avec vous que ces questions sont très importantes à régler. On aura le règlement d'ici juillet. Il y aura pas mal de temps pour discuter de ces questions. Il n'y a rien qui est fiqé dans le ciment, mais ce n'est certainement pas l'idée de vous envoyer des coûts et des choses bureaucratiques pour faire fonctionner l'affaire financièrement. Pour nous aussi il y a des coûts immenses et il faudra financer toute la bureaucratie. Alors, moins il y aura de bureaucratie, moins il y aura de coûts.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. S'il n'y a pas d'autres commentaires...

M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Je voudrais vous remercier de vous être déplacés. Merci aussi de votre franchise. C'est très rare qu'on se fait dire par un président ou un vice-président que vous êtes aussi politiciens que les politiciens. Cela m'a fait plaisir que vous le disiez parce qu'on l'est un peu nous autres aussi. Merci d'être venus. Merci d'avoir produit un aussi bon rapport et à la prochaine.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Terrebonne. M. Couillard, très brièvement, s'il vous plaît!

M. Couillard: Je voudrais vous remercier d'avoir accepté qu'on se présente et qu'on formule des commentaires pour vous autres. Je vous remercie, M. le Président, M. le ministre et MM. les membres de la commission.

Le Président (M. Saint-Roch): MM. les représentants de l'Union des producteurs agricoles, je vous remercie de votre participation aux travaux de cette commission. J'inviterais maintenant les représentants de la Fédération des producteurs maraîchers du Québec à prendre place devant la commission.

Fédération des producteurs maraîchers du Québec

Bienvenue parmi nous. Je demanderais maintenant au porte-parole de s'identifier pour le bénéfice des membres de cette commission et du Journal des débats et de nous présenter les gens qui l'accompagnent.

M. Mousseau (André): Je m'appelle André Mousseau, je suis vice-président de la Fédération des producteurs maraîchers du Québec; M. Jean-Bernard Vanwinden, membre de l'exécutif de la fédération et président du Syndicat des producteurs d'oignons; M. Jean-Pierre Girard, secrétaire adjoint à la fédération.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Mousseau. À partir de ce moment-ci, je vous demande de déposer votre mémoire.

M. Mousseau: Je vais commencer par vous présenter notre fédération. Notre fédération représente sept syndicats régionaux, soit de Québec, Nicolet, Saint-Hyacinthe, Saint-Jean-de-Valleyfield, de Lanaudière, de la Mauricie et du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Elle comprend aussi trois syndicats provinciaux, soit un pour les fraises et framboises, un pour les serres et un pour les oignons. La fédération représente 4000 producteurs maraîchers répartis dans toute la province. La production maraîchère c'est 100 000 000 $ de ventes à la ferme, c'est aussi 34 000 hectares de légumes. Quant à la production en serres, c'est 50 000 000 $ de ventes à la ferme. En tout, cela représente une masse salariale de 50 000 000 $ au Québec.

Nous sommes des utilisateurs de pesticides, car la population exige un produit parfait en concurrence avec les autres provinces au pays et eux aussi en utilisent. C'est pourquoi nous appuyons la position de l'UPA et avons décidé de développer un secteur particulier, soit la rationalisation et sans doute la diminution de l'utilisation des pesticides. Les produits de protection des cultures sont nécessaires à l'agriculture. Ils ont permis d'augmenter les rendements, d'améliorer la qualité des récoltes et d'assurer leur conservation en entrepôts. Sans les produits de protection des cultures, les maraîchers seraient incapables de protéger leurs cultures et leurs récoltes contre les innombrables ravageurs toujours présents. Les consommateurs feraient souvent face â des raretés d'aliments qui entraînent inévitablement des hausses de coûts considérables.

Les produits de protection des cultures ont permis d'assurer l'approvisionnement régulier et abondant en produits maraîchers de qualité supérieure. Cependant, la Fédération des producteurs maraîchers du Québec est consciente qu'il faut diminuer les dommages causés à l'environnement et éliminer les risques pour la santé des utilisateurs et du public en général. Il est important que les produits de protection des cultures soient employés d'une façon plus rationnelle. La Fédération des producteurs maraîchers du Québec ne peut être que d'accord avec le projet de loi du ministre de l'Environnement de régir l'utilisation des produits qui conviennent à ces productions.

La fédération croit qu'en augmentant la compétence des producteurs maraîchers ils pourront utiliser les produits de protection des cultures d'une façon plus judicieuse. Mais cette approche, tout en étant bonne, a des limites. Elle ne permettra pas aux producteurs maraîchers de les utiliser d'une façon plus rationnelle. Elle ne fera qu'informer les maraîchers sur la façon sécuritaire de les utiliser. Pour en arriver à une utilisation plus rationnelle des produits de protection des cultures, il faudrait mettre en place des réseaux de dépistage. Le principal objectif des réseaux de dépistage est de rationaliser la fréquence des arrosages en synchronisant les traitements avec le développement du ravageur. Cette méthode de travail permet d'effectuer des interventions plus efficaces et souvent moins fréquentes. De cette façon, on attend l'ennemi visé tout en réduisant les effets néfastes sur les organismes utiles.

Depuis 1981, il existe un réseau de dépistage dans la région sud de Montréal couvrant les productions en sols organiques. Ce réseau de dépistage est né de problèmes rencontrés par les producteurs de carottes à contrôler le charançon. Le but, au départ, était de déterminer l'opportunité et le moment optimum de traiter avec un insecticide en pulvérisation. En 1981, il y a eu cinq producteurs qui ont adhéré au réseau de dépistage. Le réseau couvrait les producteurs de carottes et d'oignons pour un total de 100 hectares. Au cours des années se sont ajoutés des producteurs de sorte qu'en 1986 les superficies couvertes par le réseau représentaient plus de 2000 hectares et 35 maraîchers. De plus, la culture du céleri s'est ajoutée au réseau. (15 h 45)

Le réseau de dépistage assure aux producteurs participants que leurs champs seront visités en moyenne deux fois par semaine par un dépisteur. Ce dernier suit des méthodes éprouvées et améliorées chaque année, pour dépister tous les insectes et toutes les maladies de la carotte, de l'oignon et du céleri.

Les observations du dépisteur sont compilées pour chaque champ et les producteurs sont avisés du moment opportun de traiter.

L'application de la lutte intégrée permet d'apporter plusieurs avantages qui profitent aux producteurs, à l'agriculteur et à la société en général. L'élimination d'un grand nombre de traitements inutiles permet aux producteurs de réaliser des économies importantes dans les produits de protection des cultures et dans le temps d'application. À titre d'exemple, en 1985, dans le réseau du sud de Montréal, plus du tiers de 3000 acres de carottes dépistées n'aura reçu aucun traitement insecticide, alors que sans dépistage elles auraient toutes été traitées au moins deux fois. Le dépistage du céleri a permis, dans la plupart des cas, de réduire de moitié le nombre des traitements insecticides pour un même niveau de dommages.

Parmi les autres avantages du réseau de dépistage, on peut mentionner que cette méthode de travail permet de vérifier immédiatement l'efficacité des traitements et le besoin de les répéter. L'amélioration des méthodes de lutte permet l'augmentation

de leur efficacité, ce qui permet de réaliser un accroissement des rendements consécutifs à la diminution des pertes dues aux ravageurs.

La diminution du nombre de traitements réalisés favorise l'augmentation de la durée de vie utile des produits de protection des cultures, en évitant ou en atténuant l'apparition et l'évolution de la résistance des ravageurs. De plus, cette rationalisation de l'emploi des produits de protection des cultures amène la réduction des risques de pollution, et favorise donc l'amélioration de la qualité de l'environnement.

Malgré tous ces avantages, plusieurs problèmes reliés à l'implantation des réseaux de dépistage viennent freiner l'expansion de cette méthode. Un des principaux problèmes est le coût du dépistage. Le dépistage coûte cher, particulièrement dans les régions où les surfaces sont éparses ou lorsqu'il est nécessaire de faire un très grand nombre de relevés pour une culture donnée. Les producteurs sont prêts à payer une partie du coût du dépistage. Cependant, ils ne peuvent payer plus cher que le traitement chimique qu'ils peuvent épargner. Les autres problèmes rencontrés dans l'implantation des réseaux sont le manque de personnes-ressources compétentes et avisées, l'instabilité du réseau entraînant la rotation du personnel, et la faible collaboration de la recherche dans cette orientation.

Devant l'incertitude qui plane sur les réseaux de dépistage déjà existants et ta difficulté d'en créer d'autres, il est important que le gouvernement du Québec s'implique financièrement. La Fédération des producteurs maraîchers du Québec demande au ministère de l'Environnement et au ministère de l'Agriculture de s'impliquer financièrement dans la création et le maintien des réseaux de dépistage.

En conclusion, la Fédération des producteurs maraîchers du Québec est d'accord avec le projet de loi régissant l'usage des produits de protection des cultures. Cependant, pour concilier les exigences de la production maraîchère et celles de la protection de l'environnement, il est important de rationaliser leur utilisation et, pour ce faire, le ministre de l'Environnement et le ministre de l'Agriculture doivent s'impliquer financièrement dans la création et le maintien des réseaux de dépistage.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Mousseau. M. le ministre.

M. Lincoln: M. le Président, je voudrais remercier M. Mousseau et sa délégation pour leur rapport qui confirme, en bien des sens, ce que l'UPA nous a dit, à savoir que la formation est une étape. Nous concevons cela tout à fait, mais l'utilisation rationnelle des pesticides ne se fera que lorsque nous aurons des moyens de remplacement, soit tout le système d'utilisation des méthodes de dépistage, la recherche pour une lutte intégrée qui impliquerait des alternatives biologiques et d'autres moyens chimiques. Nous sommes très conscients de la position que vous avez prise et du message que vous nous avez transmis de travailler de très près avec le ministre de l'Agriculture et son ministère pour développer une recherche plus approfondie et des moyens d'arriver à l'utilisation rationnelle des pesticides pour une lutte intégrée dans ce domaine.

Je sais que vous avez suivi tes échanges qui ont eu lieu avec l'Union des producteurs agricoles, en premier lieu. Je ne vais pas répéter les questions qui ont été posées. Selon ce que je comprends, vous cherchez à dire: Bon, la toi, dans un premier temps, apportera ta formation. C'est une étape importante et valable. En deuxième temps, il faudrait une politique du gouvernement par rapport à l'utilisation rationnelle, à la lutte intégrée et aux méthodes de dépistage. Ai-je bien compris le sens de votre mémoire?

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Mousseau.

M. Mousseau: Oui, c'est le sens exact de notre mémoire. Ce qu'on aimerait pousser plus loin, c'est vous faire comprendre un peu plus ce que cela peut représenter comme énergie de mettre en place un service de dépistage. Jean-Bernard, membre de l'exécutif de la fédération, a travaillé sur le réseau dans sa région. Il pourrait vous expliquer exactement toutes les implications que cela a de mettre en place un réseau de dépistage, que ce n'est pas seulement faire promener des dépisteurs dans le champ, et hourral c'est réglé. J'aimerais que Jean-Bernard puisse vous expliquer exactement comment cela fonctionne et les coûts que cela peut impliquer.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Bernard... M. Vanwinden.

M. Vanwinden (Jean-Bernard): Qu'est-ce que c'est qu'un réseau de dépistage? C'est un groupe de producteurs qui se paient les services de dépisteurs dans le but d'utiliser des pesticides de façon plus rationnelle. Ces dépisteurs parcourent généralement les champs des producteurs de deux à trois fois par semaine pendant toute la saison de production et font rapport au producteur de la présence et du taux d'infestation des insectes et des maladies dans le champ. Les dépisteurs suivent des méthodes d'échantillonnage très précises et longuement éprouvées. Ces méthodes nous permettent de prévoir le pourcentage de perte à la récolte

associé à n'importe quel taux d'insectes ou de maladies dans le champ et le degré optimal de traitement si nécessaire. Pour vous donner un exemple, dans les carottes, avant la création du réseau, tout le monde faisait un traitement contre les charançons aux semis suivi de deux è trois traitements foliaires. Après des recherches et des méthodes de dépistage du charançon dans le champ qui ont pris trois à quatre ans avant d'avoir des méthodes certaines, en collaboration avec les chercheurs de la station de recherche à Saint-Jean, on est arrivé à commencer à enlever tous les insecticides granulaires aux semis; il n'y a plus un producteur dans le réseau qui met des insecticides granulaires aux semis. Environ 30 % de la superficie des carottes dépistées n'ont pas été arrosés du tout, c'est-à-dire n'ont eu aucun traitement insecticide è la suite du dépistage du nombre de charançons qu'il y avait dans le champ.

Le dépistage nous permet de dire que, quand on trouve tant de charançons dans le champ, rendu à tel niveau de population, il faut traiter et qu'en bas de tel niveau on ne traite pas, et le stade optimal de traitement.

C'est pour en venir à démontrer qu'il est très important qu'il y ait un lien qui se fasse et que les réseaux de dépistage sont là comme lien entre la recherche et la pulvérisation.

M. Lincoln: Je céderai la place à mes collègues pour d'autres questions.

M. Pagé: M. le Président.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Pagé: Très brièvement, seulement un commentaire à nos amis de la Fédération des producteurs maraîchers du Québec. C'est avec beaucoup de satisfaction que je reçois le mémoire par lequel la fédération s'inscrit dans la perspective de l'adoption du projet de loi. Vous en appuyez les principes, vous êtes d'accord avec les objectifs poursuivis par le gouvernement et par le législateur. Je voudrais reprendre très brièvement, parce que vous y étiez tout à l'heure lorsqu'on a eu l'occasion de discuter avec l'Union des producteurs agricoles... Je voudrais vous indiquer la volonté très claire, très ferme et bien comprise aussi... Nous croyons bien saisir la façon de faire pour en arriver à l'objectif d'une utilisation plus rationnelle des pesticides au Québec. D'ailleurs, l'une des préoccupations, tout à l'heure, de nos collègues était de se demander si l'adoption d'un projet de loi comme celui-là allait réduire l'utilisation d'un tel produit. Je pense que vous venez de confirmer - et la preuve est maintenant faite - que, lorsqu'on s'organise, lorsqu'on peut avoir la disponibilité des productrices et des producteurs, par exemple, des réseaux de dépistage, cela débouche généralement sur une diminution de la consommation de tels pesticides. L'expérience nous enseigne que c'est près de 1000 acres sur 3000 sur la rive sud de Montréal l'année dernière dans certaines productions qui n'ont eu besoin d'aucun pesticide, alors que, normalement, cela aurait été deux traitements par année.

Qu'est-ce que cela veut dire concrètement? Cela veut dire - et j'interprète votre mémoire et la position que vous avez adoptée aujourd'hui - une volonté très claire et un intérêt de votre fédération de vous associer à une démarche qui s'articulera à partir de meilleurs outils de formation et d'information mis à la disposition des productrices et des producteurs. Je retiens que vous êtes d'accord aussi avec le fait que les producteurs soient intimement et directement associés au travail du ministère de l'Agriculture, du ministère de l'Environnement et aussi du ministère de l'Éducation, en regard des cours qui seront dispensés.

Tel que je l'ai indiqué tout à l'heure à l'Union des producteurs agricoles, comme ministre de l'Agriculture, il ne suffit pas de voir à une formation accrue et plus adéquate, il faut que cela s'inscrive dans une complémentarité et, notamment, avec davantage d'efforts au plan de la recherche appliquée et en utilisant une technique ou une façon de faire pour que le résulat de nos recherches se rende vraiment chez le producteur et la productrice.

Je vous remercie de votre mémoire. Les producteurs maraîchers du Québec jouent un rôle très important, non seulement au plan de l'approvisionnement de produits frais aux consommateurs et consommatrices du Québec, mais aussi dans l'économie du Québec. Vous êtes un maillon important de la chaîne de production des produits alimentaires et je voudrais vous témoigner mon appréciation.

Vous dites à la page 4 de votre mémoire: "Devant l'incertitude qui plane sur les réseaux de dépistage déjà existants et la difficulté d'en créer d'autres, il est important que le gouvernement du Québec s'implique financièrement." Je dois vous faire part que l'expérience conduite avec de tels réseaux de dépistage, de 1981 à 1986, s'avère très concluante, selon moi. Sachez qu'une représentation comme celle que vous nous faites aujourd'hui recevra certainement beaucoup de considération.

D'ailleurs, on a établi, depuis quelque temps, une quantité et une qualité de contacts qui, je crois, sont privilégiés. Votre fédération est très dynamique et je voudrais profiter de l'occasion que j'ai aujourd'hui de

vous rencontrer, ici, au parlement, pour vous remercier des efforts que vous déployez.

Malheureusement, les circontances ont voulu que je ne puisse être avec vous le 6 février, vendredi dernier. Cependant, soyez persuadés qu'en ce qui concerne vos propositions, notamment au niveau de la commercialisation des produits, le ministre est très réceptif et on aura l'occasion de se rencontrer bientôt.

Je vous remercie de votre mémoire et nous escomptons bien que les producteurs maraîchers du Québec s'associeront à cette démarche de sensibilisatoin, parce que le travail ne peut pas venir seulement du gouvernement ou des gouvernements, mais il doit aussi venir des producteurs, étant donné l'importance de l'utilisation de tels produits au plan des coûts, dans un premier temps, et quant à l'opportunité évidemment.

Alors, je compte bien sur un appui substantiel de la Fédération des producteurs maraîchers dans la mise en oeuvre de cette programmation qui sera établie à partir de l'adoption du projet de loi. Merci de vos recommandations, messieurs; je les apprécie.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci beaucoup. J'ai trouvé votre rapport très intéressant; je vous remercie de l'avoir fait. C'est, en fait, le premier plaidoyer que je vois - il est très chaud - en faveur de l'agriculture intégrée, le premier qui se présente. Donc, vous êtes des gens qui pensez à la protection de nos terres à long terme, et je vous en félicite.

J'aimerais, cependant vous poser des questions. L'agriculture intégrée, pour beaucoup, c'est un rêve, pour moi, c'en est un aussi; cela va peut-être me prendre un peu de temps. Il y a quand même des questions terre à terre que j'aimerais vous poser directement.

Dans le cas des dépisteurs - vous avez commencé cela depuis 1981; je trouve cela très bon - est-ce que des représentations ont été faites auprès du ministère de l'Environnement ou du ministère de l'Agriculture pour avoir le soutien gouvernemental là-dedans? Sinon, ce projet de loi n'est-il pas pour vous le plateau tout désigné pour des représentations?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Mousseau.

M. Mousseau: Nous faisons des représentations depuis maintenant une couple d'années auprès du ministère de l'Agriculture à propos des réseaux de dépistage. On comprend que, depuis l'arrivée au gouvernement du Parti libéral, il y a eu une certaine rationalisation des coûts; il a fallu qu'ils entrent dans leurs souliers. Je pense qu'aujourd'hui, à la suite de ce que nous a dit le ministre de l'Agriculture, les représentations qu'on faisait sur ce plan ont fait leur chemin. Je suis sûr que, dans l'année qui va venir, on aura sans doute des réponses à propos de ces réseaux de dépistage. C'est sûr que le gouvernement n'a pas des millions à dépenser, mais je pense que dans un tel système, ce qu'on lui offre pour lui permettre d'aller un peu plus loin, s'il y tient vraiment, on lui donne l'occasion d'aller plus loin. (16 heures)

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Avez-vous eu des ententes ou des promesses formelles que les dépisteurs seront payés soit par le ministre de l'Environnement ou le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation? J'aimerais bien entendre un oui de votre part, je n'en ai pas entendu parler.

M. Mousseau: Tout ce qu'on sait à l'heure actuelle, c'est que les nouveaux programmes du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sont supposés être déposés à la fin de mars ou au début d'avril. À l'heure actuelle, d'après les indices qu'on a eus, on devrait avoir de bonnes réponses. Tant que les programmes ne sont pas déposés, on ne sait pas ce qu'ils contiennent. Tout ce qu'on sait à l'heure actuelle, ce sont les indications du ministre à aller dans ce sens, mais on n'a pas de oui que cela va fonctionner.

M. Blais: Vous faites bien d'être sur vos qardes. La fédération nous donne des moyens par le dépistage, on dit que cela coupe jusqu'à 50 % de l'utilisation des pesticides. C'est la moitié...

Une voix: ...

M. Blais: Pardon? Vous avez dit 30 %, moi, j'ai lu 50 %, mais ce n'est pas grave, cela élimine beaucoup l'utilisation. J'avais lu 50 %, je vais vérifier quand même. Vous dites qu'il n'y a pas eu d'épandaqe et, normalement, on aurait dû traiter deux fois. "Elle auraient toutes été traitées au moins deux fois." Donc, c'est 50 %, je vous remercie.

À ce moment-là, à part les dépistaqes directs, est-ce que vous avez d'autres moyens à conseiller au législateur ici, en commission parlementaire, pour diminuer l'utilisation des pesticides, à part le dépistaqe? Est-ce qu'il y a d'autres moyens que vous connaîtriez?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Mousseau.

M. Mousseau: Le dépistage est sûrement une façon. Une autre façon de diminuer te nombre... À l'heure actuelle, on a des problèmes avec le gouvernement fédéral à faire homologuer de nouveaux pesticides. Il y a de nouveaux pesticides aux États-Unis qui pourraient être utilisés d'une façon beaucoup plus efficace ici. À cause des lois du gouvernement fédéral, ces produits sont utilisés aux États-Unis et ne peuvent être utilisés ici. Si ces nouveaux produits étaient introduits ici, cela nous permettrait d'avoir des produits nouveaux, moins toxiques et beaucoup plus utilisés par les producteurs. C'est surtout là-dessus qu'il y aurait une amélioration.

Également, au niveau de la recherche, on sent un très grand manque; c'est incroyable, depuis cinq ans, il y a une diminution constante. Il n'y a pas de volonté réelle, au niveau des gouvernements, d'aller vers la lutte intégrée. Ce qui nous intéresserait, c'est une recherche réelle, mais les agronomes ne sont même pas formés en fonction de cela. Il y a tout un ensemble de choses à établir pour permettre que cette lutte intégrée soit effective. À l'heure actuelle, on ne sent pas, chez les universités ni chez les gouvernements, d'une façon très tangible, que c'est vraiment une nécessité. C'est là-dessus qu'il faudrait insister à l'heure actuelle.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Vous sentez pas dans ce projet de loi quelque chose qui favorise l'agriculture intégrée? Vous ne le sentez pas, vous non plus.

M. Mousseau: À l'heure actuelle, de ce que je lis dans l'avant-projet de loi, c'est surtout de l'utiliser d'une façon sécuritaire.

M. Blais: C'est ce que je comprenais moi aussi. Je vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Je tiens à remercier la Fédération des producteurs maraîchers du Québec d'être venue présenter ses travaux aux membres de cette commission.

Je demanderais maintenant au Mouvement pour l'agriculture biologique de prendre place, s'il vous plaît! Dans un premier temps, je vous souhaite la bienvenue à la commission de l'aménagement et des équipements. Je demanderai au porte-parole de s'identifier et d'identifier aussi celui qui l'accompagne à l'intention des membres de cette commission.

Mouvement pour l'agriculture biologique

M. Boutet (Jean): Mon nom est Jean Boutet, directeur général du Mouvement pour l'agriculture biologique. Je suis accompagné par M. Robert Marcotte, agronome. Il devait y avoir aussi M. Claude Cadieux, biologiste, mais il a dû s'absenter â la dernière minute.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Boutet. Nous allons maintenant entendre votre mémoire.

M. Boutet: Avant de faire la lecture du mémoire, je voudrais, dans une petite introduction, faire une présentation du Mouvement pour l'agriculture biologique. Il s'agit d'un organisme sans but lucratif dont le but est de promouvoir les principes et la pratique de l'agriculture biologique qui respecte l'environnement. C'est un organisme qui regroupe toute personne intéressée à atteindre ce but. En particulier, nous regroupons des agriculteurs, des consommateurs, des jardiniers, des transformateurs, des distributeurs, des formateurs, des professionnels, toute personne intéressée par l'agriculture.

Nous remercions le ministère de l'Environnement de nous avoir demandé notre avis sur son intervention proposée afin d'utiliser rationnellement les pesticides. Nous apprécions son désir d'impliquer les divers intervenants dans sa démarche. Nous tenons à le féliciter pour le travail qui a été fait. Le ministère a vraiment réussi à concentrer l'information disponible pour brosser un tableau saisissant de la réalité. Le fait de légiférer implique une démarche de courage. Nous considérons qu'il s'agit d'un premier pas vers une nouvelle approche de la gestion de la santé de l'environnement et des gens. Nous souhaitons que les commentaires et suggestions contenus dans le présent mémoire soient pris en considération avant l'adoption de la loi.

Nous ne voulons pas revenir sur la démonstration des effets insidieux des pesticides car ils sont clairement définis dans le document, mais nous tenterons de saisir l'idée générale des différents chapitres afin de bâtir l'argumentation sur les propositions que veut faire le Mouvement pour l'agriculture biologique sur la loi.

Dans le premier chapitre du document de support à la préconsultation pour une utilisation rationnelle des pesticides au Québec, on constate l'usage de plus en plus répandu de produits chimiques de synthèse dans le contrôle et la répression des organismes considérés comme nuisibles à l'activité humaine. On remarque entre autres, dans cette analyse, que les agriculteurs sont les principaux utilisateurs, dans une proportion de 83 %, selon la figure 1.2 et le paragraphe 1,6 du document. On voit aussi au tableau 1.6 que le nombre d'employés en agriculture constitue 73 % du nombre de

personnes concernées dans le secteur des pesticides.

Dans le chapitre 2, nous voyons que l'introduction de ces substances dans l'environnement ne va pas sans causer de nombreux problèmes. La figure 2.1 illustre à quel point on retrouve ces produits partout dans le milieu qui nous entoure. De plus, on conclut qu'il y a beaucoup de lacunes dans la connaissance de l'effet des pesticides dans l'environnement. Malgré que beaucoup de recherche reste à faire, on rapporte que nous en savons déjà assez pour recommander une gestion prudente et contrôlée de ces produits chimiques dangereux pour la santé humaine et l'environnement.

Les effets des pesticides sur la santé humaine proviennent essentiellement de l'exposition des individus è ces substances. La principale source d'exposition aux pesticides pour l'ensemble de la population serait le contact avec les denrées alimentaires. Elles sont, rappelons-le, le produit de la chaîne agro-alimentaire. De plus, une catégorie de personnes est plus directement exposée à ces dangers. Il s'agit de ceux qui entrent en contact avec ces produits lors de leurs activités professionnelles. La grande majorité se retrouve dans le secteur agricole.

On retient aussi que les formes d'intoxication peuvent être spontanées (aiguës), à court terme (subaiguës) et d'une accumulation à long terme (chroniques). Cette dernière forme est la plus insidieuse et, potentiellement, peut être la plus importante car elle touche constamment tous les individus; donc, il ne faudrait pas la négliger. Si on connaît encore peu les effets spécifiques d'un produit, nous en savons encore moins sur les effets synergiques entre les pesticides, leurs substances associées, les métabolites et autres produits chimiques et, pourtant, il s'agit sans doute là de la situation la plus courante d'exposition à ces produits. En tant que principaux utilisateurs, les agriculteurs sont particulièrement exposés et pourtant, le document fait état de leur niveau de connaissance très faible.

Le maintien et l'accroissement de la production agricole, l'amélioration de la qualité des produits, l'économie de main-d'oeuvre ainsi que l'allégement de la tâche constituent les principaux avantages de l'utilisation des pesticides. Une recherche d'alternatives devra donc tenir compte de ces avantages tout en visant à diminuer les inconvénients.

En termes d'évaluation économique, à très court terme, il peut sembler plus rentable d'utiliser les pesticides, mais, déjà, des études démontrent qu'il y a surutilisation. Dans ce sens, une rationalisation et la lutte intégrée constitueraient une amélioration. Cependant, l'approche économique actuelle n'intègre pas assez les coûts sociaux et environnementaux. L'internalisation de ces coûts devrait faire partie de toute étude de rentabilité et permettrait de mieux faire ressortir les avantages des alternatives aux pesticides pour la gestion des parasites et des plantes adventices.

Finalement, au chapitre 5 du document de travail, la problématique exposée identifie les lacunes des connaissances scientifiques relatives aux pesticides et illustre les pratiques hasardeuses reliées à l'utilisation des pesticides. La recherche nécessaire comporte deux volets: une meilleure connaissance des substances en question ainsi que le développement d'alternatives à leur utilisation. L'éducation doit se faire par des cours de formation à tous les usaqers ainsi que le respect de codes de bonne pratique spécifiques à chacun des secteurs d'activité.

L'idéal serait certainement l'élimination des pesticides de synthèse tout en assurant un contrôle des organismes nuisibles. Nous sommes convaincus que ce but est possible à atteindre. Déjà, des agriculteurs membres de notre mouvement y arrivent bien. Cela leur demande des connaissances et une gestion efficace de leurs pratiques culturales. D'autre part, il faut être réaliste et concevoir que nous n'arriverons pas à l'élimination avant 20 à 30 ans. L'approche du ministère de l'Environnement est certainement la meilleure pour atteindre cet objectif car, tout en respectant l'état de la situation présente, elle permet une évolution rationnelle et graduelle.

L'émission de permis et de certificats aux utilisateurs entraînera la gestion rationnelle de l'utilisation des pesticides. L'éducation, par des cours de formation et les codes de bonne pratique, constitue le moteur de l'utilisation plus rationnelle des pesticides car, avec l'avancement des connaissances sur les méthodes préventives, celles-ci peuvent être intégrées au contenu des cours et ainsi entraîner une évolution dynamique vers la substitution des pesticides de synthèse par des moyens plus appropriés. La demande de tenir des bilans d'utilisation améliorera la connaissance et permettra d'orienter la recherche en plus de permettre une intervention en cas de problèmes pressants.

Cela dit, un élément nous inquiète au plus haut point: l'absence des agriculteurs et des forestiers de la politique d'intervention. Nous ne pouvons pas comprendre les raisons qui motivent cette absence, surtout après avoir si bien identifié l'origine agricole de la grande majorité des pesticides. Même si des modalités particulières peuvent être prévues, il faudrait qu'au bout du compte les agriculteurs et les forestiers détiennent des certificats à la suite de cours de formation et soumettent des bilans d'utilisation. La définition de "pesticide" devrait être

accompagnée d'une liste exhaustive de ces produits. Cette liste devrait inclure les herbicides et bactéricides utilisés dans les piscines.

En ce qui concerne la classification, on semble avoir retenu la toxicité aiguë chez les humains comme critère. Il ne faudrait pas en omettre d'autres comme la toxicité chronique. En effet, des problèmes peuvent aussi survenir par l'accumulation è long terme, ce qui devrait pondérer la classification, particulièrement pour les classes 4 et 5. Il faudrait s'assurer que l'accumulation n'entraîne que peu de nuisance. De plus, il faudrait considérer l'effet chez d'autres organismes; par exemple, les pyréthrines n'ont pas d'effet chez les humains mais, si elles sont mal utilisées, elles peuvent être nuisibles aux abeilles.

Un autre point nous semble ambigu: la distinction entre utilisateur privé et commercial, d'une part, et entre privé et domestique, d'autre part. Pourquoi l'employé d'un propriétaire d'un édifice à bureaux qui fait de l'entretien paysager est-il différent de l'applicateur commercial qui vient faire le même travail à contrat? En ce qui concerne les produits de classe 4, où est la limite entre l'applicateur privé et domestique?

Un aspect qui n'est pas partie inhérente à l'intervention proposée, mais qui constitue un appui essentiel est la recherche et le développement. À maintes reprises dans le document, on sent les limites aux connaissances actuelles. La recherche devrait se faire à deux niveaux: l'amélioration des connaissances actuelles sur les pesticides et l'élaboration des stratégies alternatives. Un programme de recherche devrait être établi dans le même esprit de collaboration qui prévaut dans le processus de consultation actuel sur cette loi.

Un aspect à développer est la notion de rentabilité. Toute étude comparative devrait intégrer les coûts environnementaux. Des modèles économiques d'internalisation de ces coûts devraient être établis. Cette recherche pourrait être financée à l'aide d'un fonds alimenté par une taxe spéciale sur les pesticides. Cette taxe devrait être variable selon la classe, et une note sur l'étiquetage devrait mentionner que telle proportion du prix va pour la recherche d'alternatives. Cette taxe pourrait varier de 10 % pour la classe 5 à 200 % pour la classe 1. Cela permettrait de mieux sensibiliser les utilisateurs.

Il faudrait développer un programme particulier, administré indépendamment, de façon que les projets en agriculture écologique soient évalués à leur juste valeur et non pas noyés dans la recherche conventionnelle. Il faudrait aussi accentuer la cueillette de données, d'où l'importance que tous les usagers, incluant les agriculteurs et les grossistes, soumettent des bilans. Les permis et certificats devraient être obtenus à la suite de tests pratiques autant que théoriques. Ces tests pourraient comprendre la manipulation de l'équipement, l'évaluation du comportement en cas de fuite des contenants, etc. Il devrait y avoir un réévaluation périodique par de nouveaux tests, par exemple tous les cinq ans, qu'il y ait ou non des modifications au contenu des cours de formation.

En ce qui concerne les agriculteurs, le coût des certificats pourrait être défrayé par la taxe sur les pesticides. Les demandes de permis de classe 1 devraient être accompagnées d'une description de l'organisme visé ainsi que de la région d'application. Il faudrait référer à une banque de données avant de l'émettre, afin de vérifier si une demande semblable a déjà été faite et proposer des moyens différents s'il s'agit d'un problème persistant. Un système de points de démérite pourrait être instauré afin de pénaliser ceux qui abuseraient des pesticides. (16 h 15)

La formation est sans contredit le pivot de l'intervention du ministère; en elle réside les clés du succès. D'une manière générale, elle devrait privilégier les méthodes préventives de lutte, l'usage des pesticides n'intervenant qu'en dernier ressort. Il est sûr que le contenu va évoluer avec les connaissances. En fait, il faudrait prévoir un mécanisme permanent de révision. Les cours devraient comprendre des notions de premiers soins. Les utilisateurs devraient recevoir des dépliants informatifs décrivant les moyens alternatifs de lutte, les symptômes d'empoisonnement avec l'achat de chaque produit. L'étiquetage devrait être le plus détaillé possible décrivant la classification des produits, leur toxicité, et ainsi de suite. Les intervenants non utilisateurs, comme le personnel du ministère de l'Agriculture, les techniciens, les membres de l'Ordre des aqronomes, des chimistes et autres, devraient aussi recevoir cette information.

En annexe, on retrouve une proposition concernant l'expertise attendue des utilisateurs.

Les étalages devraient distinquer les produits chimiques des produits bioloqiques. Ils devraient être inaccessibles aux acheteurs qui seront servis par un employé, un peu comme pour les médicaments d'ordonnance. Le public devrait aussi être informé par des dépliants appropriés accompagnant les produits qu'il achète et par des campagnes de sensibilisation à la télévision et dans les journaux. Afin de stimuler ceux qui font des efforts pour se libérer des pesticides de synthèse, des classes particulières pourraient être intégrées à des concours comme "Villes et villages fleuris" par un prix à ceux qui auront les meilleurs résultats sans pesticide

ou, comme le mérite agricole, par un prix pour le meilleur aménagement écologique d'une ferme.

Au chapitre de la sécurité, il faudrait voir à identifier adéquatement les lieux traités et prévoir une période de temps avant de permettre la réintégration de ces lieux.

Afin de permettre une meilleure sensibilisation du public, un programme de conversion des jardins communautaires à l'agriculture biologique devrait être implanté de façon à ce que, d'ici trois à cinq ans, tous ces jardins soient cultivés sans produit de synthèse. Il s'agit d'un objectif réaliste. Déjà, l'expertise est au point et le mouvement est disposé à apporter son assistance à une telle entreprise.

Pour terminer, nous aimerions dire quelques mots concernant le comité "aviseur". Nous nous interrogeons sur sa composition. Pour répondre à la question du ministère, nous croyons qu'il y a nécessité de former un comité "aviseur" mixte permanent composé de l'ensemble des intervenants de façon qu'il y ait autant de représentants de ceux qui voient à l'intérêt de la santé publique et de l'environnement de ceux qui voient à leur intérêt dans l'utilisation des pesticides.

Son rôle devrait consister, entre autres, à faire les recommandations au ministre sur la loi et les règlements, faire des recommandations sur le contenu et la diffusion des cours de formation, évaluer les demandes de permis pour des programmes majeurs d'application de pesticides, jouer le rôle de comité d'appel, superviser et orienter la recherche et le développement de méthodes alternatives pour le contrôle des organismes et tout autre rôle jugé pertinent.

En conclusion, nous désirons que notre participation soit perçue comme constructive. Cette intervention est un premier pas pour une utilisation rationnelle des pesticides. Il nous semble que la volonté du ministre d'impliquer le maximum d'intervenants sème les germes de succès de l'entreprise. Nous sommes tout à fait disponibles à participer à cette démarche dans la mesure de nos moyens.

Pour terminer, nous nous excusons de répéter encore une fois que, pour en assurer le succès, tous les utilisateurs doivent être impliqués. Merci de votre attention.

Dans le texte, on reprenait le tableau 7.5, je crois, du document qui proposait quel genre d'expertise on attendait de chacun des utilisateurs en fonction des classes de pesticides. Nous avons modifié ce tableau essentiellement de façon que les applicateurs commerciaux, les applicateurs privés et les agriculteurs et forestiers soient soumis au même régime, à savoir qu'on attend d'eux une expertise poussée pour l'utilisation des pesticides des classes 1 à 3 et au moins une expertise exigée pour les pesticides de classe 4. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. Boutet. M. le ministre.

M. Lincoln: M. Boutet, je vous remercie très sincèrement de votre mémoire très étoffé qui apporte des suggestions qui ne se retrouvent pas dans d'autres mémoires, donc des suggestions innovatrices qu'il faudra considérer comme toutes les autres. C'est sûr que certaines sont réalistes et, dans le contexte de la loi, d'autres ne pourront pas être considérées au même niveau. De toute façon, elles vont être prises en considération avec beaucoup de sérieux parce que votre approche représente une solution dans le domaine de la lutte intégrée, dans le domaine du remplacement éventuel. Vous parlez de 20-30 ans; je ne sais pas quel est le... Qui sait?

Une voix: ...

M. Lincoln: Dans tous les cas, c'est l'espoir de demain.

Personnellement, je suis très content que vous ayez accepté la notion de la loi que dans la formation réside vraiment une grande clé du succès. Vous en faites la balise de votre mémoire et j'en suis très heureux parce que cela a été le sens de notre démarche.

Vous dites aussi au début de votre intervention, je vais vous citer: "Le fait de légiférer implique une démarche de courage." Je vous suis reconnaissant de l'avoir souligné parce que, depuis ce matin, il y a eu pas mal de références qui disaient que ce projet de loi ne vaut rien. C'est au moins un premier pas parce que, depuis 1980, le conseil consultatif a demandé une démarche qui ne s'est pas faite jusqu'à aujourd'hui. Il fallait commencer. La démarche se fait dans le sens même des recommandations presque textuelles du Conseil consultatif sur l'environnement en 1980, et elle est appuyée de toutes les expériences que nous avons pu suivre et qui ont été précisées dans le document de travail dont vous avez fait référence pour ce qui est des autres provinces, des États américains, etc.

C'est sûr que nous aurions tous voulu aller le plus loin possible. Comme vous le dites, s'il n'y avait pas de pesticides dans l'atmosphère, tout le monde aurait été bien plus heureux mais il faut situer des objectifs, il faut commencer quelque part.

On a tenu compte de beaucoup de vos recommandations par rapport aux cours de formation et d'éducation en vue d'y insérer des éléments positifs de recherche, de mettre l'accent sur des méthodes alternatives afin que ces cours de formation ne soient pas axés purement sur le côté négatif de

l'utilisation mais aussi sur la recherche afin que la formation et la lutte intégrée se fassent de pair et en complémentarité, si j'ai bien compris.

Vous avez souligné que l'absence des agriculteurs et des forestiers de la politique d'intervention ne va pas avec votre point de vue. Je partage ce point de vue et je voudrais souligner que, malgré que vous puissiez ne pas être d'accord sur le fait qu'on aurait dû avoir donné un temps de recul, il est clair que l'intention - et c'est exprimé par les agriculteurs qui ont paru ici devant vous - n'est pas de soustraire les agriculteurs, n'est pas de soustraire le milieu forestier. Mais, vu la dimension de l'enjeu dans les deux cas, surtout dans le domaine agricole où on parle de 35 000 à 40 000 personnes, un mécanisme qui va demander beaucoup de consultations, beaucoup de concertations, de consensus, de mises en marche graduelles, il faut que cela se fasse de façon évolutive. Nous allons attaquer d'abord les pesticides de catérogies 1 et 2 et ensuite les autres, le temps, le délai. Je sais que vous voudriez un délai beaucoup plus court, peut-être immédiat, Vous avez entendu l'UPA qui disait: même 1990. Nous pensons que cela va être trop vite. Et il faudra chercher un consensus, travailler ensemble avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation naturellement, avec les agriculteurs pour arriver à une formule qui va satisfaire et les objectifs que nous recherchons tous ensemble de part et d'autre et aussi les réalités vécues du milieu.

Pour ce qui est du domaine des forêts, je ne sais pas si vous étiez là ce matin lorsque j'ai dit que j'ai une entente écrite avec mon collègue, le ministre délégué aux Forêts, pour qu'aussitôt que possible nous élaborions une politique sur l'usage des pesticides en forêt. Là encore, cela va se faire en consultation avec les intervenants avant qu'une politique finale soit adoptée. En tous les cas, il est clair que l'intention du projet de loi est que le domaine de la forêt en fasse partie.

J'ai tenu compte de plusieurs recommandations pratiques que vous avez faites. Je ne vais pas toutes les énumérer parce que nous partageons environ 20 minutes entre nous, et je ne voudrais pas prendre le temps de mes collègues qui voudront aussi vous poser des questions. Par exemple, par rapport à l'étalage pour la séparation des produits chimiques et biologiques, nous trouvons que cette suggestion est très très positive et mérite d'être considérée avec le plus grand sérieux. Nous allons l'examiner dans ce sens et je pense que ce sont des recommandations d'ordre pratique qui pourront avoir un effet bénéfique et éducatif de premier ordre. Nous allons considérer de très près ce genre de choses.

Vous avez parlé aussi, comme les intervenants précédents, du domaine de la recherche qui devrait être accentué. Nous voulons faire une distinction dans le projet de loi, qui est axé sur la formation, donc, sur un système de permis et de certificats comme l'avait suggéré le Conseil consultatif sur l'environnement, et une politique. Je peux vous dire qu'une politique sur les pesticides va être préparée; on va travailler de concert avec les autres ministères impliqués - les Forêts et, surtout, l'Agriculture - et toute la question de la recherche va être la base même de tout le système.

Vous, vous suggérez - vous m'avez entendu poser la question aux représentants de l'UPA - une taxe. Vous nous dites: On ira à 10 %, et dans le cas de catégorie 1,on ira à 200 %. On pourrait se poser beaucoup de questions parce que, si on additionne les chiffres, cela fait pas mal d'argent. Il y en a qui ont dit: Peut-être une taxe minimale. J'aurais voulu savoir de vous si vous proposez une taxe spéciale sur les pesticides qui serait d'un pourcentage X et, dont les fonds seraient en fiducie et ces fonds seraient désignés spécifiquement pour la recherche, les méthodes de remplacement, de dépistage, tout ce qu'on a discuté avec les autres intervenants et qui est discuté dans votre mémoire. Est-ce que c'est cela le sens de votre... Pourriez-vous élaborer un peu? Avez-vous pensé plus loin à cela ou si c'est purement l'idée d'une taxe qui servirait à la recherche ou si vous avez des idées plus précises que vous pourriez nous définir?

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Boutet.

M. Boutet: M. le ministre, tout d'abord, j'aimerais mentionner que le Mouvement pour l'agriculture biologique est très conscient de la réalité, et il n'est pas de notre intention de demander qu'on ait un programme efficace d'élimination des pesticides d'ici cinq ans. On est très conscient que les agriculteurs utilisent présentement des pesticides et ont des méthodes agricoles telles. Il y a une science agronomique. On prévoit le résultat de notre intervention dans des échelles de 20, 30 ou 40 ans. C'est un peu symbolique, 20, 30 ans. Si, pour des raisons techniques, il faut retarder les délais d'application de la loi au monde agricole à 1992 ou 1993, on peut comprendre facilement ces choses.

Pour revenir à la question du sens de la taxe, on voyait effectivement qu'il s'agissait d'une taxe qui permettrait de dégager des fonds pour la recherche d'une solution de rechange aux pesticides. Maintenant, pour les modalités d'application de ces travaux de recherche, il faudrait trouver des mécanismes qui soient efficaces

et qui permettraient de réunir les différents intervenants du domaine de la recherche, que ce soit les universités ou d'autres organismes. Évidemment, les nombres de 10 % à 200 %, c'était un peu symbolique aussi. C'était une façon de dire qu'il fallait que les sommes consacrées à la recherche en vaillent la peine parce qu'on est toujours un peu embarrassé lorsqu'on parle de pesticides. Nous, nous vivons dans un monde sans pesticide.

Présentement, nous consommons, au Québec, des légumes, de la viande, des oeufs, du fromage qui sont produits sans pesticide et à des coûts de production généralement équivalents à ceux de l'agriculture conventionnelle. Pour nous, l'objectif de produire sans pesticide, est tout à fait réaliste et possible. Il est évident qu'on ne peut pas changer des pratiques en l'espace de cinq ans. Cela prend des générations pour modifier des mentalités. Mais, dans ce sens, on sait qu'il est possible d'avoir une agriculture productive, rentable et sans pesticide. Sauf que, présentement, le plus grand frein au développement de cette forme d'agriculture, c'est le manque de fonds. Que ce soit à la recherche, ou au plan des programmes d'aide aux agriculteurs en période de conversion de méthodes conventionnelles à la méthode biologique, que ce soit dans la formation et à tous les niveaux du monde agricole présentement, nous vivons un manque de fonds criant. Si nous en avions les moyens, nous pourrions développer d'une façon beaucoup plus rapide des alternatives à l'utilisation de ces produits qu'on sait dangereux. Ils ont la qualité d'être présentement efficaces, mais on sait que, à moyen terme, il y va de la santé de la population. (16 h 30)

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre.

M. Lincoln: Je vais terminer. Je vais passer la parole à mes collègues qui sont près de vous. Je vais faire deux remarques très courtes. Sur le comité "aviseur", nous avons tenu compte de ce que vous avez dit.

Il y a plusieurs mémoires qui ont exprimé le même voeu d'un conseil "aviseur" ou d'un comité "aviseur" ou d'un conseil consultatif. Je sais que plusieurs provinces en ont. Tout ce que je peux vous dire, c'est que cela va être considéré. Je ne sais pas quels seront les résultats. On va écouter tout ce que les gens auront à dire, mais ce sera certainement dans le sens d'une recommandation du conseil consultatif. En tout cas, on prend bonne note de tout ce que vous avez dit sur cela. Une dernière petite question: Votre mouvement est-ce qu'il s'amplifie? Est-ce qu'au sein du monde agricole cela prend de l'ampleur? Quelle est votre expérience?

M. Boutet: M. le ministre, cela fait douze ans que le mouvement existe. Au début, il s'agissait d'un groupe de 50 personnes qui étaient un peu des prophètes perdus dans le désert. Maintenant, douze ans plus tard, il s'agit d'un mouvement qui regroupe plus de 2500 membres, mais qui a touché à plus de 20 000 à 25 000 personnes par ses différentes activités, que ce soit par le biais de cours ou d'autres activités de sensibilisation. Depuis le 10 janvier, on a permis la création d'un syndicat d'agriculteurs et d'agricultrices bioloqiques. Nous administrons depuis deux ans un programme de certification en production végétale où en 1986 il y avait 60 agriculteurs dont la production végétale était certifiée comme provenant de l'agriculture écologique. Nous faisons l'édition d'un magazine destiné au grand public. C'est un magazine spécialisé en agriculture écologique qui désire faire connaître les buts et les principes de l'agriculture biologique. Nous avons aussi parmi nos membres des formateurs qui, depuis des années, donnent des cours.

Effectivement, on sent qu'il y a une réponse et qu'il y a des attentes auprès de la population. Je lisais justement dans le journal, il y a deux semaines, un résultat de sondaqe indiquant que 66 % des Canadiens ont comme préoccupation principale l'environnement. Le problème présentement lorsqu'on parle d'environnement à la population, c'est qu'on lui présente les catastrophes environnementales, on lui présente le problème des pesticides, on lui présente le danger des centrales nucléaires ou quoi que ce soit et on présente très peu de solutions. Souvent, cela a l'effet de déprimer les gens plus qu'autre chose. Finalement, nous avons des solutions concrètes aux problèmes environnementaux de l'agriculture. Si nous avions plus de moyens, nous pourrions abattre un boulot beaucoup plus considérable, mais nous sommes freinés par le manque de moyens.

M. Lincoln: Je vous remercie. Je vous félicite de nous faire réfléchir. Vous avez exprimé bien mieux que moi ce que je pense de beaucoup de choses que vous avez dites. Je vous félicite de nous faire réfléchir et de nous montrer une voie différente et nouvelle.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le ministre de l'Agriculture.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier, d'abord, M. Boutet, le directeur général du Mouvement pour l'agriculture biologique. Je veux vous remercier d'être présent avec nous aujourd'hui et de nous présenter ce mémoire. C'est en quelque sorte une autre étape pour un mouvement qui s'est inscrit dans une

démarche qui, comme vous le disiez, a été peut-être un peu longue et un peu difficile, mais aujourd'hui on doit constater que votre mouvement est en développement. Les opinions que vous véhiculez et les recommandations que vous formulez trouvent de plus en plus preneur dans une société qui se veut plus conscientisée aujourd'hui qu'elle ne l'était hier sur toute la problématique, par exemple, des ajouts de médicaments dans les aliments, ou, évidemment, aujourd'hui sur la question des pesticides.

C'est la première occasion que j'ai comme ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de témoigner de mon appréciation concernant les objectifs qui vous animent. D'ailleurs, j'anticipe avoir l'occasion d'échanger avec votre groupe bientôt. Je retiens que, le 10 janvier dernier, une décision avait été entérinée, une recommandation avait été formulée, à savoir que vous vous regroupiez en syndicat de producteurs. J'ai bien hâte de vous saluer et de vous rencontrer pour échanger sur des choses très concrètes. Votre mouvement a peut-être seulement 2500 membres, mais il intéresse beaucoup plus de gens que cela. Je dois dire, comme ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, que les consommateurs et les consommatrices du Québec sont de plus en plus préoccupés par la qualité des aliments qu'ils consomment et aussi, évidemment, par toutes les interventions autres que naturelles dans l'élaboration ou - excusez le terme - le "processing" du produit qu'ils consomment.

Dans votre mémoire, vous souscrivez à l'idée que le gouvernement s'appuie tout d'abord sur une intervention de formation, de sensibilisation. Vous partez de rapprocher l'information et les techniques, de rapprocher la science de ceux qui la véhiculent tous les jours, de ceux qui produisent. Par contre, è d'autres égards, je perçois votre approche comme étant assez légaliste, assez ferme, assez rigoureuse. La première question qui me vient à l'esprit, c'est: Quel est le créneau d'intervention que vous privilégiez? Nous croyons, en ce qui nous concerne, mon collègue de l'Environnement et moi, qu'une approche progressive d'information et de vulgarisation nous donnera autant sinon de meilleurs résultats qu'une approche purement et simplement légaliste et interventionniste en vue de policer cette activité ou de multiplier les contrôles, etc.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Boutet.

M. Boutet: M. le ministre, il est effectivement difficile de partager ces deux différents aspects; je n'avais pas vraiment réalisé à quel point on véhiculait les deux aspects: le légalisme, ainsi que l'éducation. Une façon d'y répondre, c'est de dire que le fait d'informer les qens n'empêche pas d'avoir aussi une volonté de ce qu'on veut faire. Dans ce sens-là, effectivement, il faudrait faire attention à ne pas tomber dans un légalisme plat. En fait, ce serait tout à fait "contreproductif" par rapport aux objectifs qu'on veut atteindre. Dans ce sens-là, on privilégie effectivement la question des cours et de la formation, sauf qu'il faudrait quand même être clair sur le contenu des cours de formation, sur les buts qu'on veut atteindre et sur ce qu'on doit faire. Plutôt que l'aspect légaliste, j'aimerais mieux un terme qui voudrait dire l'expression de la volonté, d'un désir de changement. Un désir de changement ne peut pas faire autrement que déplaire à certaines personnes ou être perçu comme difficile par certains autres groupes, que ce soit des groupes d'intérêts ou des gens impliqués. Dans ce sens-là, c'est une évolution qui sera difficile, mais il est évident qu'une non-intervention ou une absence de volonté de changement serait tout aussi difficile quant aux conséquences. Je vais donner comme exemple - je ne sais pas ici, si les gens sont familiers avec cela - le Sénat canadien qui a présenté un rapport en 1984 sur la dégradation des sols. Dans ce rapport, on fait état du fait qu'au rythme actuel de dégradation des sois au Canada, dans 30 à 40 ans, dans toutes les régions, il n'y aura plus de sols agricoles. Ce n'est pas le Mouvement pour l'agriculture biologique qui parle, c'est un comité agricole du Sénat canadien.

Dans ce sens, l'absence de volonté ou l'absence d'orientation vers un changement serait certainement aussi difficile, mais sans doute beaucoup plus grave quant à ses conséquences qu'une intervention volontaire visant à changer des méthodes agronomiques de façon à corriger ces problèmes agricoles.

Il y a un autre point aussi que j'aimerais mentionner. On comprend très bien la différence entre la réalité du monde agricole, d'une part, et la réalité de l'application de pesticides sur les pelouses dans les banlieues et dans les villes, d'autre part. À dessein, on a surtout parlé de l'aspect agricole et, sur ce plan, je pense qu'on est tout à fait disposé è faire preuve d'un grand réalisme par rapport à l'état présent et par rapport aux gens qui pratiquent présentement l'agriculture.

Je pense que le Mouvement pour l'agriculture biologique, depuis plusieurs années, a une approche constructive à cet éqard. Mais, dans les villes, il me semble qu'on pourrait avoir une approche beaucoup plus radicale face à l'utilisation des pesticides, parce que, premièrement, il y a une grande concentration de population et, deuxièmement, le fait d'avoir une pelouse exempte de pissenlits ou n'ayant qu'une seule variété de graminées, ce sont des caprices qui répondent à des critères d'esthétique

relativement arbitraires. En ce sens-là, une approche plus sévère à ce sujet pourrait être acceptable.

Maintenant, en ce qui concerne l'agriculture, c'est évident que l'approche de la formation serait préférable.

M. Pagé: Juste une précision. J'ai trouvé en parcourant votre mémoire une recommandation qui m'a un peu surpris. Vous recommandez d'instaurer un système de points de démérite afin de pénaliser ceux qui abuseraient. C'est intéressant. Comment voyez-vous son fonctionnement?

M. Boutet: Disons, qu'en gros les utilisateurs doivent obtenir un certificat. Cela se fait un peu comme le permis de conduire, finalement. Le certificat serait accompagné d'un nombre de points, mettons douze, pour employer la même image que pour les permis de conduire. Les utilisateurs qui outrepasseraient, qui abuseraient d'un pesticide de classe 3 perdraient des points sur leur certificat et, éventuellement, si jamais cet abus se répétait, ils pourraient voir le renouvellement de leur permis compromis. C'est un peu le sens. On n'avait pas élaboré tous les modèles administratifs que cela pourrait impliquer.

M. Pagé: Vous recommandez, de plus, un comité consultatif qui aurait comme mandat de revoir la loi et les règlements périodiquement, etc. Tout comme mon collègue de l'Environnement, c'est avec beaucoup d'intérêt que je prends connaissance de cette proposition. Cependant, il y a une question qui est bien importante. Au début des travaux ou de mon intervention cet après-midi, j'ai indiqué la relation très ouverte, très bonne entre le ministère de l'Agriculture et le ministère de l'Environnement sur nos interventions.

Nos amis de l'Union des producteurs agricoles demandent que les règlements ou les programmes applicables le soient sous le chapiteau du ministère de l'Agriculture. Est-ce que vous allez dans le même sens ou si vous privilégieriez davantage l'intervention du ministère de l'Environnement?

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Boutet.

M. Boutet: M. le ministre, ma vision du ministère de l'Environnement est la suivante: normalement, le ministère de l'Environnement, au lieu d'être un ministère compartimenté comme les autres ministères, devrait être une structure horizontale qui couvre tous les ministères. Peut-être que, dans deux ou trois gouvernements, on aura quelqu'un qui nous créera une telle structure.

Il me semble qu'on gagnerait à avoir une collaboration multipartite, c'est-à-dire qu'un des problèmes présentement, c'est le fait que la forêt soit gérée par un ministère, l'agriculture par un autre ministère, l'éducation par un autre ministère. Lorsque vient le temps d'établir des cours de formation en agroforesterie, il faut regrouper tous ces gens et il y a à côté le ministère de l'Environnement qui essaie de faire valoir l'aspect environnemental dans chacun de ces compartiments. Alors, en ce sens-là, je verrais que le comité "aviseur" soit formé du maximum d'intervenants possible, des différents ministères, en particulier, dans le cas présent, de l'Agriculture et de l'Environnement. On verrait aussi très bien le ministère de la Santé et le ministère des Affaires municipales et, enfin, quelques autres qui sont touchés, en plus des différents groupes.

On a vu passer plusieurs groupes ici aujourd'hui ayant des objectifs relativement différents. Je pense qu'il y aurait avantage à ce que ces gens se retrouvent ensemble autour d'une même table. (16 h 45)

M. Pagé: Merci, M. Boutet.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord, je vous salue, M. Boutet et M. Marcotte. J'ai eu la chance de visiter plusieurs producteurs qui produisent des légumes sans pesticide dans le bout de Saint-Hilaire. J'y suis allé à différentes reprises, je connais plusieurs de vos membres et je sais de quoi vous parlez. On est toujours très exigeant devant ceux qui sont très compétents. Je vais vous poser une question très difficile, d'après moi. D'après moi, elle est difficile.

Je lis ce que vous dites: "L'idéal serait certainement l'élimination des pesticides de synthèse tout en assurant le contrôle des organismes nuisibles. Nous sommes convaincus que ce but est possible à atteindre. Déjà, des agriculteurs, membres de notre mouvement, y arrivent bien. Cela leur demande des connaissances et une qestion efficace de leurs pratiques culturales. D'autre part, il faut être réaliste et concevoir que nous n'arriverons pas à l'élimination avant 20 ou 30 ans." Je vous félicite de le penser. J'aimerais que cela prenne moins de temps, personnellement, et je pense que vous aussi. "L'approche - c'est là que je ne vous suis plus; le mémoire est extrêmement bien fait, je trouve que vous expliquez bien ce que vous écrivez - du ministère de l'Environnement est certainement la meilleure pour atteindre cet objectif - et s'en aller vers l'élimination des pesticides dans 20 ou 30 ans, c'est ce que cela veut dire - car tout en respectant l'état de la

situation présente, elle permet une évolution rationnelle et graduelle."

J'aimerais que vous me disiez, dans ce projet de loi que nous étudions ici, quels sont les articles qui vous font dire qu'il y a une volonté législative gouvernementale afin que d'ici 20 ou 30 ans l'approche du ministère donne cet objectif car, actuellement, cette loi permet une évolution rationnelle et graduelle. Personnellement, je ne l'ai pas vue.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Boutet.

M. Boutet: M. le député de Terrebonne, j'attendais votre question, après les autres questions d'aujourd'hui. Je dois dire, pour commencer, que, pour des raisons techniques tout à fait malheureuses, on n'a pas eu le texte de la loi comme telle. Notre mémoire a été bâti à partir du document de préconsultation pour une utilisation rationnelle des pesticides.

De la façon dont nous l'avons compris, la clé de l'intervention du ministère de l'Environnement pour la question des pesticides, c'est la formation. Lorsqu'on dit que l'approche du ministère est certainement la meilleure, c'est telle que nous l'avons comprise. Les utilisateurs auront à obtenir un certificat à la suite de cours de formation. Nous disons, ailleurs dans le mémoire, que les certificats devraient être renouvelés tous les deux ou trois ans et que les contenus de cours devraient comprendre la présentation des alternatives aux pesticides. L'usage d'un pesticide est présenté comme une question de dernier recours.

Nous faisons aussi allusion au besoin de développer la recherche des alternatives. Il est évident qu'il y a besoin aussi de travailler encore dans ce sens. Si la clé de voûte de la loi c'est les cours de formation et que les contenus présentent les pesticides comme une utilisation de dernier recours, et que ces contenus sont modifiés à mesure de l'avancement des connaissances, nous comprenons donc que cette approche est celle qui va permettre une élimination graduelle de l'utilisation des pesticides. Nous savons qu'à mesure que la science agronomique se développera on réalisera l'inutilité des pesticides de synthèse par le développement d'alternatives efficaces au contrôle des parasites.

M. Blais: Vous voyez bien, M. Boutet, par mes questions, que je suis plutôt favorable à un mouvement comme le vôtre. J'aimerais que vous soyez un peu plus revendicateur à cause du "lobbying" des vendeurs de pesticides qui sont très forts, qui sont capables de se défendre. J'aimerais que vous alliez un peu plus loin, c'est pour cela que je vous ai posé la question. Vous dites que cela permet une évolution, juste par des cours. Vous nous avez dit, juste un peu avant, qu'il y a 12 ans vous étiez 50 membres et qu'au bout de 12 ans, vous êtes 2500 membres, assez nombreux pour former une association syndicale de taille. Durant 12 ans, c'est passé de 50 à 2500. Comme il y a 47 000 producteurs, cela n'est pas loin. Pourquoi ça prendrait 20 ans?

Ce n'est pas en reproche que je vous fais cette remarque, c'est un signe d'encouragement. Vous devriez être encore plus vindicatifs, plus revendicateurs que vous ne l'êtes. Vous faites bien votre travail, je vous ai déjà vus aller, mais j'aimerais que, devant le ministre de l'Envrionnement, vous soyez plus vindicatifs, plus revendicateurs. Le ministre de l'Agriculture vous a ouvert une porte. Il a dît qu'il aimerait vous rencontrer pour que vous lui disiez vos exigences du côté de l'évolution de l'agriculture biologique. Ne le manquez pas, je vous en supplie, la prochaine fois que vous le rencontrerez. Je vous souhaite bonne chance.

C'était une remarque pour M. Boutet. Pour les questions, j'aimerais passer la parole à mon confrère, le député de Lévis, Merci de votre présence. Je vous remercierai à la fin.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Lévis.

M. Boutet: Est-ce que vous permettez que je fasse un commentaire?

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Boutet.

M. Boutet: M. le député de Terrebonne, stratégiquement, nous avons appris que c'est le jour où nous avons cessé de revendiquer que nous avons commencé à être écoutés. C'est notre attitude de dialogue qui nous a procuré les meilleurs résultats. C'est la raison pour laquelle on désire être présents dans la préparation des contenus de cours, au sein du comité consultatif, etc. Ce qui fait avancer l'agriculture biologique, c'est le fait que les producteurs le font effectivement dans le champ. C'est la preuve, c'est le témoignage. C'est la seule façon dont nous avons réussi à faire avancer nos idées jusqu'à maintenant.

J'aimerais clarifier un point. Le mouvement n'est pas devenu un syndicat. Il s'est formé un syndicat des agriculteurs biologiques. C'est un organisme indépendant du Mouvement pour l'agriculture biologique. C'était une précision que je tenais à apporter.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Boutet. M. le député de Lévis.

M. Garon: Bonjour, MM, Boutet et

Marcotte. J'ai été étonné d'apprendre que vous n'aviez pas encore rencontré le ministre de l'Agriculture. Je pensais que c'était déjà fait. Il y a un point que vous soulignez dans votre mémoire où vous parlez des cours de formation aux usagers. Vous n'avez pas le sentiment qu'il faudrait commencer par former ceux qui vont former les usagers? J'aimerais savoir, dans ce sens, quels sont vos rapports, par exemple, avec l'Ordre des agronomes. Jusqu'à quel point avez-vous le sentiment que les agronomes, dans leur formation, sont conscientisés ou ont vraiment une formation portant sur des questions environnementales?

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Boutet.

M. Boutet: M. le député de Lévis, la question de la formation en agriculture biologique est le plus gros problème que nous rencontrons présentement parce qu'effectivement, comme vous le mentionnez si bien, il s'agit, premièrement, d'avoir des formateurs qui soient compétents. Le problème en agriculture biologique, c'est le fait que ceux qui détiennent les connaissances présentement sont les agriculteurs dans le champ qui les ont développées à sueur de bras et par l'investissement de leur temps et argent. Une démarche de formation qui voudrait intégrer les techniques biologiques et les techniques écologiques en agriculture devrait, dans un mouvement préalable, aller chercher cette expertise auprès de ces gens.

À ma connaissance, je ne crois pas qu'il existe vraiment des agronomes qui soient compétents, à moins qu'ils n'aient eu une formation autodidactique poussée ou qu'ils aient fait du travail agricole eux-mêmes auprès d'agriculteurs ou quoi que ce soit, mais, effectivement, il n'existe pas de professionnel dans le réseau traditionnel qui soit compétent pour donner cette formation. Évidemment, on est très réaliste quand on dit 20 à 30 ans pour l'élimination des pesticides. C'est une vision très réaliste des choses dans le sens qu'il faut attaquer, aborder le problème de toutes sortes d'angles, il y a toutes sortes d'aspects à considérer. Effectivement, la question de la formation des formateurs, c'est un problème sur lequel il faudra travailler.

Si on mettait, pour le développement de l'agriculture biologique, la même énergie qui avait été mise, par exemple, sans vouloir faire de partisanerie, au développement de l'autosuffisance du Québec, si on y mettait la volonté politique, on pourrait avoir un avancement assez rapide de l'agriculture biologique. Déjà, les agriculteurs sont très réceptifs aux problèmes environnementaux, Souvent, leurs pratiques agricoles contiennent déjà des possibilités de s'orienter vers des méthodes plus purement biologiques. La lutte intégrée, cela constitue un avancement. Ce que la Fédération des producteurs maraîchers nous a présenté aujourd'hui, c'est une amélioration de la situation. Il se fait un énorme travail dans ce sens, que ce soit au Mouvement pour l'agriculture biologique ou en dehors. Il y aurait peut-être besoin d'une concertation des décideurs en agriculture et d'exprimer une volonté dans ce sens.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Lévis.

M. Garon: Quand vous parlez de 20 ou 30 ans pour aller en agriculture biologique, j'ai l'impression que cela peut prendre plus de temps. Mais sans aller en agriculture biologique à 100 % immédiatement, il faut être conscient que le cultivateur est plus sensibilisé - vous avez raison de dire cela -aux questions environnementales, à la question des pesticides ou des lignes électriques parce qu'il vit là-dedans et il se rend compte que cela a des effets. Il les voit dans sa vie quotidienne. Avez-vous le sentiment que les professionnels qui conseillent les agriculteurs qui apprennent dans les écoles accordent à cela une part importante? Je parlais avec quelqu'un, cette semaine, en vue d'une conférence que je dois faire, et je lui demandais: Combien d'heures avez-vous là-dessus? La personne n'était pas certaine s'il y avait une heure dans son cours de quatre ans. Quand on veut parler de ces questions, j'ai le sentiment qu'il faudrait d'abord que les professionnels qui conseillent dans ce secteur y soient eux-mêmes sensibles. S'ils n'ont jamais eu de cours là-dessus et qu'ils n'ont jamais été vraiment formés...

Actuellement, au point où on en est, on parle de faire des lois et des règlements. Mais ceux qui vont être dans le champ? Des lois et des règlements, je trouve cela gentil. Le ministre de l'Environnement a fait une belle loi pour empêcher le fumage. Je dis bravo, sauf que la loi est là et, si elle n'était pas là, ce serait pareil. Apparemment, personne ne l'applique. C'est une belle loi; le principe est voté pour être sûr de ne pas respirer trop la boucane des autres. J'ai arrêté de respirer la mienne il y a plusieurs années. C'est beau, une loi et un rèqlement, mais si on fait une loi et un règlement sur les pesticides et que, par ailleurs, ceux qui donnent les conseils aux usagers ne sont pas sensibilisés à cela et n'ont jamais étudié vraiment cela, s'ils suivent la posologie inscrite sur la bouteille, c'est déjà beau. Ne trouvez-vous pas qu'il faudrait commencer par le commencement? Les professionnels dans ce secteur qui doivent conseiller les autres devraient d'abord être avisés et on devrait sans doute commencer par les sensibiliser.

Le Président (M. Saint-Roch): M. Boutet.

M. Boutet: Je vais donner la parole à mon confrère, M. Marcotte, qui est agronome.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Marcotte.

M. Marcotte (Robert): Effectivement, tous les agronomes ne sont pas nécessairement sensibilisés au problème, comme vous le mentionnez. Par contre, il y a certains agronomes qui le sont plus que d'autres. De plus, dans les universités, on commence quand même à donner des cours de formation. Ce sont des petits cours; c'est un début, mais il y a quand même une sensibilisation de plus en plus grande, à l'intérieur du contenu des cours. De plus, dans le mémoire qu'on a présenté ici, il est souligné que les jeunes membres de l'Ordre des agronomes, parmi tant d'autres, devraient être soumis à un programme de formation et cela pourrait s'étendre jusqu'à une formation particulière qui pourrait même, à un moment donné, être obligatoire dans tous les programmes de formation de tous les intervenants techniciens ou agronomes dans le secteur agricole. C'est évident.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Lévis.

M. Garon: Je vais vous poser une question. Je suis content que vous soyez agronome. Pendant votre cours d'agronomie, pourriez-vous nous dire le nombre de crédits que vous avez suivis, le nombre d'années pendant lesquelles vous avez étudié et le nombre d'heures que vous avez eues portant sur les questions environnementales ou sur les pesticides? En quelle année l'avez-vous fait?

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Marcotte.

M. Garon: Sans nous dire votre âge, vers quelle époque l'avez-vous fait?

M. Marcotte: J'ai terminé mon bac en agronomie en 1985. J'ai suivi des cours sur les pesticides, en pollution et en environnement, parce que j'en ai choisi. Des agronomes peuvent être formés sans en avoir jamais eu; c'est évident. Mais on pouvait, si on voulait, aller se chercher des cours. Actuellement, c'est un libre choix pour les étudiants.

M. Garon: Cela veut dire qu'il n'y avait aucun cours obligatoire sur ces questions pour un agronome.

M. Marcotte: Non.

M. Garon: Vous aviez le choix de combien de cours?

M. Marcotte: Dans mon cas, je pouvais aller fouiller dans tous les cours portant sur l'environnement, mais il me fallait quand même un minimum pour avoir un bac en agronomie et non en environnement.

M. Garon: Est-ce qu'il y a un bac en environnement?

M. Marcotte: Bien oui!

M. Garon: Mais dans votre cours d'agronomie, il n'y avait aucun cours sur les questions d'environnement que vous étiez obligé de prendre.

M. Marcotte: Pas comme tel. Parfois dans des cours, mais pas comme tel, mais ce serait à élaborer et, ça, c'est la base.

M. Garon: II n'y en avait pas sur les pesticides non plus. C'étaient des cours optionnels.

M. Marcotte: C'est cela. (]7 heures)

M. Garon: C'est pour cela que je dis qu'il faudrait d'abord vous sensibiliser, parce que le cultivateur se fait donner des conseils. Si ceux qui donnent des conseils n'ont pas nécessairement une formation là-dedans, il y a une responsabilité de quelqu'un quelque part. Est-ce au ministère de l'Agriculture, est-ce aux universités? Par exemple, pour les techniciens en agriculture, quel est le contenu là-dedans? Tantôt, des gens d'une école secondaire étaient ici. La plupart semblaient Être de Saint-Anselme. Ils sont venus et nous ont entendus parler de cela. Dans le curriculum de quelqu'un qui suit un cours d'agrotechnique dans un cégep, quel est le contenu? II me semble que la sensibilisation pourrait commencer par là, par ceux qui vont éventuellement enseigner à d'autres.

M. Marcotte: On avait souligné dans notre mémoire le désir que les formateurs soient formés aussi. Je pense que le ministère de l'Environnement en est quand même conscient. C'est évident qu'il devrait être concerné.

M. Garon: Le ministère peut être conscient. Il est conscient de l'interdiction de la cigarette dans certains endroits, sauf qu'il n'applique pas sa loi. Il peut avoir une belle loi sur les pesticides. Vous avez soulevé un point important tout à l'heure. On voit des beaux jets d'insecticide dans les villes. Quand le camion est parti, souvent le bébé

peut être autour quand on arrose. Dans les villes, quelle est la conscientisation par rapport aux arrosages recommandés quatre fois durant la saison, durant l'été? Avec des beaux fusils, on va arroser et, les trois quarts du temps, un carrosse peut être à côté. Les gens ne sont pas sensibilisés ou au courant qu'il peut y avoir des dommages. Ou encore on va arroser et il y a une piscine à côté. Cela va aller autant dans la piscine s'il y a le moindrement de vent.

Il y a beaucoup d'arrosages qui sont faits, non seulement dans les champs éloignés, mais dans les villes actuellement. En tout cas, il doit y en avoir pas mal parce qu'on n'a qu'à voir le nombre de dépliants qu'on reçoit à nos résidences pour nous vendre des produits. C'est très récent. Cela s'est fait dans les deux dernières années parce qu'avant on n'en recevait quasiment pas. Je ne sais pas si c'est parce que les compagnies ne craignent pas le ministre de l'Environnement, mais il y a une action importante è faire dans les villes actuellement où il y a beaucoup plus de monde encore que dans les champs.

Le Président (M. Saint-Roch): S'il n'y a pas d'autres interventions... M. le ministre.

M. Lincoln: Je veux remercier le Mouvement pour l'agriculture biologique de son mémoire très étoffé, de son intervention constructive, intelligente, qui a pris l'approche d'un dialogue qui nous intéresse particulièrement. On tient bien compte de ce que vous avez dit.

Je dois dire en terminant que j'ai été bien étonné par les remarques du député de Lévis qui m'a accusé de faire des lois et des règlements qui ne valent rien. Il était le "recordman" des lois et des règlements. Il en pondait plus souvent que les poules ne pondent des oeufs. Je me souviens, comme critique des pêches, comment il pondait des lois tous les jours. On se demandait pourquoi parfois et on se demande toujours pourquoi certaines lois ont été faites dans ce sens. Pour ce qui est de la loi sur le tabac, il n'a pas vu les mêmes établissements que j'ai vus depuis que la loi sur le tabac est en vigueur. La loi sur le tabac commence à fonctionner. Il y a une conscientisation qui se fait et va se faire tous les jours. Cela aura un effet symbolique d'entraînement très important comme cette loi sur les pesticides.

Est-ce que la réponse est de ne rien faire? Est-ce que la réponse est d'être la seule province au Canada, le seul gouvernement de toute l'Amérique du Nord à ne pas avoir de loi? C'est cela qu'il veut suggérer? Une loi qui, justement, a pour but principal -il n'a pas dû lire l'avant-projet de loi - la formation qu'il préconise lui-même, n'est-ce pas cela que l'on recherche? N'est-ce pas cela que le Conseil consultatif sur l'environnement nous a recommandé et que nous avons suivi presque textuellement? Des permis, des certificats axés sur la formation, axés sur le contrôle de la vente, axés sur la formation surtout et avant tout? C'est cela qu'on recommande, c'est cela que la loi veut faire, c'est cela que la loi cherche. C'est une loi qui ne cherche pas à être coercitive, qui cherche à être incitative, justement comme la loi sur le tabac.

Je m'oppose à ces remarques qui sont tout à fait non fondées et je vous remercie beaucoup d'être venus nous éclairer ici et de nous apporter une nouvelle orientation, un nouveau visage et de nouvelles idées. Je vous remercie.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, brièvement.

M. Pagé: MM. Boutet et Marcotte, je voudrais vous remercier, moi aussi, de la présentation que vous nous avez faite aujourd'hui. Je voudrais, de plus, vous assurer de toute ma considération et vous assurer aussi que l'aide que je vous ai signifiée, comme ministre de l'Agriculture, se poursuivra. Nous apprécions beaucoup la façon dont les sommes qui vous ont été versées sont utilisées. J'ai cru comprendre que les cahiers de normes visant l'inspection seraient complétés incessamment. J'anticipe de vous rencontrer bientôt, quoique cela ne m'a pas empêché, évidemment, de visiter une très belle ferme pendant l'été où on produisait des oeufs et où il n'y avait aucun ajout aux médicaments, aucun pesticide d'utilisé dans les grains qui étaient mangés par les poules là-bas, etc. J'ai trouvé cela vraiment très intéressant. Ce seront des sujets comme ceux-là que j'aurai l'occasion de discuter avec vous bientôt.

Essentiellement, dites-vous que l'aide du gouvernement qui vous a été accordée sera maintenue parce que nous sommes bien conscients et bien au fait que les objectifs que vous poursuivez méritent d'être non seulement encouragés, mais nettement endossés. À preuve que même sans rencontrer le ministre, l'aide est venue pareil. C'est bon: moins de parlotte, plus d'action.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Terrebonne, en conclusion.

M. Blais: Même si je connais le tabac, je ne vous ferai pas subir dans mes remerciements cette conversation. Je vous remercie de votre mémoire, de votre allure, de votre façon de représenter qui est compétente, clairvoyante, habile et très intéressante. Je vous encourage à continuer

votre lutte très civilisée, de la façon dont vous la faites, pour atteindre l'objectif que vous poursuivez qui est le même que le mien du côté biologique. Merci d'être là, merci de vous donner tant de trouble et de tant vous dévouer pour la cause que vous défendez. Merci beaucoup.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Lévis, très brièvement, s'il vous plaît!

M. Garon: MM. les membres du Mouvement pour l'agriculture biologique, je suis content de vous voir parce que j'ai été le premier ministre de l'Agriculture à vous reconnaître comme association. En me disant que le possible est déjà fait, l'impossible se fera. Étant un de ceux qui croient que l'agriculture doit être la plus biologique possible, je vous félicite de faire votre travail. J'ai été content de reconnaître votre association pour faire un programme au ministère pour que vous puissiez développer, justement, les normes biologiques avec des fermes biologiques en établissant un suivi entre vous et le ministère pour qu'on en arrive à définir quels étaient ces produits biologiques et comment cela doit se faire.

Maintenant, l'inflation étant, le ministère devra accroître ces montants parce qu'une fois les normes préparées il va être possible d'aller plus loin. Il fallait commencer par établir un cadre dans lequel s'exercerait l'agriculture biologique. Nous avons été heureux, comme gouvernement du Parti québécois, de faire en sorte que votre mouvement puisse le faire et être un intervenant important auprès du ministère.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le député de Lévis. Je tiens à remercier, au nom des membres de la commission, le Mouvement pour l'agriculture biologique de la qualité de ses interventions. Je vous remercie.

Je demanderais maintenant aux représentants de la Fédération québécoise de la faune de venir prendre place. Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue aux travaux de cette commission. Je demanderais au porte-parole de ta Fédération québécoise de la faune de s'identifier et d'identifier les membres qui l'accompagnent.

Fédération québécoise de la faune

M. Quintal (Léopold): Merci, M. le Président» M. le ministre, MM. les députés, il me fait plaisir de vous présenter les membres qui m'accompagnent. Tout d'abord, à ma gauche, c'est M. Yves Jean qui est président de la commission d'études et de recherches de la Fédération québécoise de la faune. À ma droite, M. Daniel Vanier, biologiste responsable du dossier sur les pesticides à la fédération, entre autres, et M. Bruno Rajotte qui est également biologiste et qui nous a aidés è préparer ce mémoire.

Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M, le président. Je tiens à vous faire remarquer que vous nous avez soumis un très volumineux rapport. J'aimerais vous rappeler que vous avez 20 minutes pour nous présenter votre mémoire. Je vous cède la parole, M. le président.

M. Quintal: Je vais essayer de faire un survol au cours des 20 minutes qui me sont allouées.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le président.

M. Quintal: Nous remercions le gouvernement du Québec de nous permettre de présenter ce mémoire. Nous avons répondu positivement à l'annonce; d'ailleurs, je pense que le nombre de pages est là pour justifier le travail de nos bénévoles. Je tiens à vous signaler au tout début que la Fédération québécoise de la faune est toujours intervenue dans le but de préserver et de conserver la faune et ses habitats. Forte de ses 150 000 membres et plus, et de ses 220 associations de chasseurs et pêcheurs, la Fédération québécoise de la faune a toujours favorisé l'éducation de ses membres et de la population è la conservation de la faune et de ses habitats.

À propos des pesticides, souventefois, ta Commission d'études et de recherches de la Fédération québécoise de la faune, présidée par le Dr Yves Jean, s'est adressée au gouvernement afin de dénoncer l'usage abusif et irrationnel des pesticides qui s'accumulent dans nos cours d'eau et se concentrent dans la chair des poissons. Des études ont également montré que l'érosion des terres agricoles est la source majeure de contamination des cours d'eau par les pesticides. Cette pollution diffusée par les pesticides, fertilisants et matières organiques serait la première cause de la pollution de nos cours d'eau selon les plus récentes recherches. La Fédération québécoise de la faune est très inquiète de cette pollution et de ses impacts sur la faune aquatique. Même si la quantité de ces substances ne dépasse pas les normes environnementales, il n'en demeure pas moins qu'il existe une certaine contamination, et certains de ces produits ont la capacité, entre autres, de se concentrer dans la chaîne alimentaire. Le nombre de cas également connus de contamination de l'eau souterraine par les pesticides continue sans cesse de s'accroître.

Là-dessus, permettez-moi d'ouvrir une parenthèse que nous n'avons pas signalée dans notre mémoire, mais que je trouve très

importante. Quoique incomplet, le projet du ministre Clifford Lincoln relativement au règlement en milieu riverain est intéressant dans la lutte à la pollution diffuse. À ce sujet, nous souhaitons que le ministre puisse un jour reprendre son document et en faire un projet de loi.

Un autre phénomène inquiète également la Fédération québécoise de la faune, c'est l'augmentation de la résistance des ravageurs à l'action des pesticides. Ce phénomène de résistance entraîne une augmentation des coûts de traitement, car les utilisateurs augmentent les doses de pesticides ou cherchent è les remplacer par des pesticides encore plus toxiques. Il y a également, au Québec, un rapport de recherche du ministère de l'Énergie et des Ressources qui souligne que, lors d'une étude sur les pulvérisations aériennes, entre un tiers et un quart des produits utilisés sont arrivés au sol, ce qui, à notre avis, est désastreux.

La Fédération québécoise de la faune réalise que dans cet avant-projet de loi plusieurs articles diminuent considérablement son efficacité à contrôler la vente et l'utilisation des pesticides. Permettez-moi de vous en souligner quelques-uns. D'abord, l'article 5 et l'article 9 où on constate que les agriculteurs et les sylviculteurs ne sont pas obligés de détenir un permis pour la vente et l'utilisation des pesticides et de certificats attestant la qualité de leurs connaissances en matière de pesticides.

Comme bien d'autres, nous vous soulignons que, en 1978, d'après les statistiques, environ 85 % des pesticides utilisés au Québec étaient utilisés en agriculture. On a constaté à plusieurs reprises dans les journaux que certains sols étaient rendus stériles ou étaient brûlés ou encore contaminés par l'usage de pesticides qui laissent des résidus. La Fédération québécoise de la faune craint donc que, sous le lobby des agriculteurs et de l'industrie forestière, le ministère de l'Environnement laisse tomber les règlements concernant ces utilisateurs au profit du ministère de l'Énergie et des Ressources et de celui de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. (17 h 15)

L'article 7 permet également de constater qu'on ne dit rien des intentions du législateur concernant les recherches sur les méthodes alternatives à l'utilisation des pesticides comme la lutte biologique, la lutte intégrée et l'agriculture biologique, lesquelles permettraient, à notre avis, de diminuer à long terme notre dépendance vis-à-vis de l'utilisation des pesticides.

On s'aperçoit également, è l'article 15, que les municipalités pourraient profiter d'une clause de dérogation. Donc, à l'article 15, cette clause de dérogation s'exprimerait de la façon suivante. Cela permettrait à une municipalité d'obtenir un permis pour la vente et l'utilisation des pesticides dans le cas où cette dernière a été reconnue coupable d'une infraction visée à l'article 102 dans les douze mois précédant la demande du permis.

À l'article 30, la Fédération québécoise de la faune croit qu'il est imprudent de confier les travaux de nature technique à une personne n'ayant pas de certificat attestant ses connaissances en matière de pesticides même si celle-ci est sous la supervision immédiate d'une personne physique détenant ce permis ou ce certificat. Il nous semble difficile de connaître l'interprétation que les détenteurs d'un certificat feront des mots "supervision immédiate". La Fédération québécoise de la faune demande que toute personne qui effectuera des travaux de nature technique relatifs è l'utilisation de pesticides devra obtenir un certificat attestant la qualité de ses connaissances.

On constate également à l'article 67 que celui-ci donne au ministre le pouvoir de faire cesser la vente ou l'utilisation des pesticides s'il est susceptible d'en résulter un danger pour la santé, le bien-être, le confort des personnes ou un dommage sérieux à l'environnement, à la flore, à la faune et aux biens... À l'article 47, la Fédération québécoise de la faune tient à vous signaler qu'elle s'inquiète de l'interprétation que l'on peut faire du mot "danger". Nous croyons que les termes "risque raisonnable" sembleraient plus appropriés et éviteraient probablement des situations déplorables.

Aux articles 49 et 53, nous considérons que le ministre de l'Environnement devrait être le seul responsable de la loi. Nous constatons également que les ordonnances délivrées par le ministre doivent être publiées dans un quotidien de la région où l'événement qui a donné lieu à la délivrance d'une ordonnance est survenu, ce qui constitue, a notre avis, un accès important à l'information pour les citoyens.

Quant aux articles 67 et 68, nous appuyons cette procédure d'injonction car elle donne la possibilité à un citoyen d'avoir un recours pouvant être efficace contre tout acte en contravention à l'article 67. Nous aimerions ouvrir ici une parenthèse. Peut-être que le ministère de l'Environnement devrait aider les citoyens qui veulent se prévaloir de cette clause. Mais nous tenons également à vous signaler que nous aimerions voir ajoutés à l'article 67 les cas où il y a eu utilisation ou élimination d'un pesticide contrairement aux méthodes, normes et procédés généralement reconnus en matière d'utilisation de pesticides ou aux normes fixées par règlement du gouvernement.

Quant à l'article 100, la Fédération québécoise de la faune trouve important que les pesticides visés par cette réglementation

couvrent la totalité des pesticides vendus et utilisés au Québec. Nous croyons que, pour avoir un contrôle, le ministre doit se donner le pouvoir de bannir tous les autres pesticides qui pourraient être toxiques ou dangereux.

En ce qui concerne les propositions de la Fédération québécoise de la faune, dans le but de vous faire quelques suggestions pour améliorer ce projet de loi ou pour nous rendre un peu plus justice dans le domaine de la faune, nous tenons à vous faire part de certaines suggestions, très rapidement.

Tout d'abord, en ce qui concerne une ouverture aux méthodes alternatives à l'utilisation des pesticides, nous tenons à vous souligner que nous proposons au gouvernement d'intervenir dans deux secteurs précis. Premièrement, nous suggérons au ministère de l'Environnement de publier des manuels de procédure différents selon les secteurs (agricole, forestier, domestique) qui seraient réglementaires et auxquels le détenteur d'un certificat ou d'un permis serait obligé de se conformer. Ceci permettrait d'avoir des directives très claires et de posséder un outil de travail qui, à notre avis, nous paraît essentiel.

Le deuxième champ d'intervention que nous aimerions voir développé par le gouvernement consiste à mettre sur pied une recherche sur la production intégrée. L'article 7 de l'avant-projet de loi indique la volonté du ministère de l'Environnement de coordonner des études toxicologiques sur les pesticides dans l'environnement, mais il n'y a aucune mention de coordonner des recherches avec d'autres ministères, organismes paragou-vernementaux, etc., en ce qui a trait à la recherche sur des moyens pour remplacer l'utilisation des pesticides. Nous vous recommandons donc l'ajout d'une phrase stipulant que le gouvernement doit coordonner des recherches dans ce secteur, si nous voulons vraiment, à long terme,, réduire l'utilisation des pesticides.

Une deuxième suggestion est l'obtention obligatoire d'un certificat pour les sylviculteurs et les agriculteurs. La Fédération québécoise de la faune propose d'inclure les agriculteurs et les sylviculteurs dans votre avant-projet de loi en les obligeant à posséder un certificat attestant leurs connaissances en matière de pesticides afin d'être certains que les agriculteurs et les sylviculteurs utilisent les pesticides conformément aux normes établies. Les connaissances des cultivateurs dans le domaine des pesticides, d'après les études ou les rapports que nous avons pu lire, nous ont semblé très faibles. L'obligation pour les agriculteurs et les sylviculteurs de posséder un certificat de compétence permettrait de mieux protéger leur propre santé et celle de la population et de mieux préserver la qualité de l'environnement.

Une troisième suggestion est la possibilité de prohiber l'utilisation de certains pesticides et leur vente. La Fédération québécoise de la faune aimerait que le gouvernement du Québec ait la possibilité de prohiber l'utilisation de certains pesticides qui représenteraient un risque trop grand pour la santé et l'environnement. Ce processus pourrait s'appliquer également pour remplacer des pesticides par de nouvelles méthodes de répression ayant une meilleure efficacité.

Une autre suggestion est la mise en place de cours de formation obligatoires. La fédération vous propose la mise en place d'un cours de formation sur l'utilisation des pesticides que les utilisateurs devront suivre obligatoirement, en plus d'avoir à passer l'examen mentionné à l'article 36 de l'avant-projet de loi, pour obtenir le certificat attestant leurs connaissances en matière de pesticides.

Nous aimerions également que l'accès à l'information soit un peu plus favorisé et que le ministère de l'Environnement du Québec s'engage dans une politique d'accès à l'information sur les pesticides. La Fédération québécoise de la faune a constaté à plusieurs reprises que les citoyens n'ont pu obtenir une copie de certaines études sur les pesticides et leur contamination de l'environnement. La fédération dénonce une telle pratique et propose différents moyens pour permettre un meilleur accès à l'information sur les pesticides.

Le premier de ces moyens consisterait en une politique du ministère de rendre publics tous les résultats des recherches produites par les ministères et les organismes gouvernementaux, concernant le réseau de surveillance de la contamination par les pesticides, les études toxicologiques sur la santé humaine et l'environnement, le développement de la lutte intégrée et biologique.

Deuxièmement, l'obligation pour le ministère de l'Environnement de publier un bulletin qui donnerait de l'information sur les activités de recherche du ministère de l'Environnement, les ordonnances dans le domaine, les injonctions obtenues devant les tribunaux, les consultations publiques du conseil consultatif, les données toxicologiques sur certains pesticides, etc. Ce bulletin pourrait avoir la forme du bulletin que vous publiez actuellement par le biais du Bureau des audiences publiques sur l'environnement.

Ensuite, pour favoriser l'accès à l'information, nous suggérons que les deux centres de documentation Envirodoq devraient posséder un budget spécial pour l'acquisition de livres, documents, études portant sur la toxicologie des pesticides et sur des méthodes de rechange. Des copies des recherches produites par le ministère de l'Environnement devraient être déposées dans

ces deux centres, à notre avis.

Un troisième point: le développement de la recherche. La Fédération québécoise de la faune demande au gouvernement d'intensifier les activités du réseau toxique afin de détecter annuellement la contamination par les pesticides en milieu aquatique, dans les eaux de consommation et souterraines. Nous demandons également la formation d'un conseil consultatif sur les pesticides. Nous avons constaté, dans le document de support a la préconsultation, que le ministère de l'Environnement nous posait la question à savoir si nous désirions voir la création d'un comité "aviseur". À cette question, nous répondons par l'affirmative et nous croyons que le comité pourrait s'appeler comité consultatif sur les pesticides.

La Fédération québécoise de la faune aimerait que de nouvelles mesures soient appliquées aux municipalités. Nous tenons à vous souligner un exemple. À la suite de l'incident de l'école élémentaire de Beechwood, au mois de juin dernier, le département de santé communautaire de Lakeshore a recommandé que l'utilisaton des pesticides dans les parcs ou à proximité, dans les cours de récréation et autres endroits publics, devrait être interdite lorsque ces lieux sont fréquentés.

Quant à la question des amendes, la Fédération québécoise de la faune serait pour une augmentation substantielle des amendes. Nous aimerions que les amendes soient comparables à celles adoptées dans le nouveau projet de loi sur la protection de la qualité de l'environnement au Canada. En plus de l'augmentation des amendes, nous aimerions qu'on réduise les écarts entre le minimum et les maximums des amendes à cause de la tendance de nos tribunaux à accorder des pénalités minimales dans le domaine.

Enfin, nous souhaitons la remise à jour de certains règlements contenus dans d'autres projets de loi concernant l'utilisation de certains pesticides. À cet effet, nous vous soulignons l'amende aussi ridicule de 20 $ pour l'usage du DDT. C'est moins cher que l'amende qu'un citoyen peut payer lorsqu'il est pris en infraction pour ne pas avoir attaché sa ceinture et, pourtant, on se réfère à la santé de la population dans ce cas-ci.

Une dernière suggestion de la fédération, c'est l'imposition d'une taxe. La fédération vous suggère d'imposer une taxe sur les pesticides vendus chez les grossistes et les détaillants afin de financer la recherche sur les pesticides en vue de trouver des solutions de rechange et les cours de formation donnés aux différents utilisateurs. Le montant attribué à la taxe devrait être proportionnel à la classe de toxicité du pesticide déterminée par le ministère de l'Environnement. Ainsi, par exemple, l'aldrine qui appartient à la classe 1 selon les critères de classification du gouvernement serait plus taxée qu'un autre pesticide classé dans une catégorie moins dangereuse.

Une telle mesure, à notre avis, inciterait les applicateurs et les consommateurs à utliser des pesticides moins toxiques ou à appliquer d'autres méthodes de répression des ravageurs, ce qui, à notre avis, constitue un énorme avantage.

Enfin, M. le Président, en guise de conclusion, après mûre réflexion sur l'avant-projet de loi qui nous a été présenté, la Fédération québécoise de la faune croit que cet avant-projet de loi sur les pesticides devrait faire l'objet d'un chapitre spécial de la Loi sur la qualité de l'environnement, de façon à ne pas créer deux régimes distincts. Le Québec devrait avoir une seule loi contrôlant tous les pollueurs, y compris les agriculteurs et les sylviculteurs.

La Fédération québécoise de la faune réalise également que cet avant-projet de loi ne semble pas dégager une volonté gouvernementale de favoriser une utilisation plus rationnelle des pesticides en développant des moyens préventifs et des alternatives.

La Fédération québécoise de la faune réalise également qu'aucun chapitre ne traite de la quantité globale (maximum) de pesticides qu'un milieu peut absorber. Il n'y a aucune limite au niveau de la quantité globale de pollution permise dans un milieu donné. On laisse le choix des quantités à être utilisées au lieu d'administrer en fonction de la capacité globale des régions selon le respect de la faune présente.

On oublie d'exercer un contrôle nécessaire au respect de l'écologie. On oublie également de gérer en fonction des impacts causés globalement à la faune par une surcharge de polluants. Nous sommes persuadés que l'imposition de quotas permettrait d'assurer la survie de la faune, surtout dans les secteurs plus sensibles et plus vulnérables. Nous croyons que, lorsque le milieu a atteint une quantité globale de pollution, on devrait interdire l'utilisation de pesticides.

D'autre part, la Fédération québécoise de la faune souhaite que cette loi soit très sévère et appliquée. C'est pourquoi nous pensons qu'il serait important de prévoir une augmentation du nombre des inspecteurs afin de faire respecter cette loi auprès de tous les utilisateurs de pesticides.

Enfin, soyez persuadés que la Fédération québécoise de la faune est prête à poursuivre sa collaboration avec votre ministère. Elle est prête à travailler avec le ministère de l'Environnement afin de trouver les outils pertinents et permanents et afin d'éduquer ses membres et les utilisateurs de la faune à protéger adéquatement

l'environnement indispensable à leur survie et à notre survie. Merci, M. le Président. (17 h 30)

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Quintal. M. le ministre.

M. Lincoln: M. Quintal, tout d'abord, je dois vous remercier, votre organisation et vos bénévoles, d'avoir pris tellement de temps, comme vous l'avez vous-même souligné, pour nous produire un mémoire qui est étoffé, qui contient beaucoup de représentations dont plusieurs ne sont pas contenues dans d'autres mémoires. Donc, cela ajoute à l'inventaire que nous aurons pour essayer de bonifier le projet de loi. Un de mes collègues va intervenir de notre côté et, ensuite, je vais passer la parole à l'Opposition. On a environ quinze minutes.

Je voudrais revenir sur quelques points très importants que vous avez soulignés. D'abord, pourquoi adopter une loi spécifique plutôt que de se servir de la Loi sur la qualité de l'environnement? Je ne sais pas si vous étiez ici ce matin lorsque cette question a été discutée et débattue, mais, tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a des raisons très importantes pour lesquelles on ne l'a pas fait. Par exemple, ici, je vous montre tout le travail qui a mené à ce projet. La moitié ou les trois quarts de ce travail, c'est la première esquisse que nous avions faite pour introduire les pesticides comme une réglementation de la Loi sur la qualité de l'environnement. En fin de compte, la raison pour laquelle nous ne l'avons pas fait, c'est qu'il y avait des dangers de diminuer l'efficacité de plusieurs articles de la Loi sur la qualité de l'environnement, dont l'article 20 était le principal, en réduisant l'impact par rapport à un contaminant spécifique, ce qui aurait créé un précédent très dangereux parce qu'il serait impossible, aujourd'hui, après ouverture d'un article comme l'article 20, de pouvoir le retrouver dans son ensemble. Cela aurait été un vice, un précédent dangereux dans le cas où on aurait eu a légiférer ou à réglementer d'autres contaminants. C'est la raison principale.

La deuxième, c'est qu'il aurait fallu amender environ 50 articles de la section I de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui est une loi-cadre, qui ne se prête pas facilement à une interprétation spécifique sur un contaminant. Cela aurait fini par être une loi que le citoyen ordinaire n'aurait jamais pu comprendre. Pour cela et pour plusieurs ajtres raisons que j'ai énumérées ce matin, nous avons choisi d'aller dans le sens de la recommandation du Conseil consultatif de l'environnement qui nous recommandait une loi spécifique sur les pesticides, sur le modèle que toutes les provinces canadiennes, je pense, ont utilisé d'une loi spécifique, surtout les modèles qui nous ont été recommandés par les États que nous avons consultés, les États avec qui nous avons des accords environnementaux, l'État de New York, l'État du Wisconsin, etc., qui ont fait toute l'étude, et la Nouvelle-Écosse, la dernière province à adopter une loi, qui a examiné les deux modèles et qui, pour les mêmes raisons que nous, a adopté une loi spécifique. Nous avons l'intention de confirmer que la Loi sur la qualité de l'environnement aura préséance sur la Loi sur les pesticides. Donc, tous les pouvoirs qui sont conférés au ministre vont demeurer dans la Loi sur les pesticides.

Pour ce qui est des remarques précises que vous avez faites sur certains sujets spécifiques, je voudrais passer en revue certaines de vos constatations principales et vous répondre. Par exemple, vous avez suggéré que les ministères soient assujettis a l'article 6. Si vous voulez bien vous référer à votre mémoire... Pardon. Les ministères sont inclus dans la définition des personnes; qu'on ajoute les ministères. Les ministères sont couverts par l'article 6. Si vous regardez l'article 6 de la loi, cela inclut le gouvernement, les ministères et les organismes qui en sont mandataires.

Vous avez parlé d'usage domestique. Vous vouliez une précision à ce sujet. L'usage domestique pour les fins de cette loi se réfère à la classification d'usage domestique selon la loi fédérale sur les produits antiparasitaires. C'est pour faire une concordance avec la loi fédérale.

Pour ce qui est des sylviculteurs et des agriculteurs, je ne sais pas si vous avez assisté à la présentation de l'UPA où on a spécifié que les deux groupes, sylviculteurs et agriculteurs, vont être inclus dans la loi par réglementation.

Le deuxième alinéa du paragraphe 5 le prévoit et l'article 95 prévoit une réglementation. Il y a déjà une entente avec le ministre délégué aux Forêts pour une politique de réglementation sur la forêt, sur les pesticides en forêt, et nous allons aussi établir une réglementation éventuelle pour les agriculteurs. Cela est en négociation en ce moment avec l'UPA, les intervenants du monde agricole et le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Vous avez aussi suggéré qu'à l'article 7 nous incluions une référence aux recherches et à la méthode alternative. Nous allons considérer cela de près. Nous allons naturellement discuter avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour arriver a un texte qui reflète vos préoccupations. C'est une suggestion que nous acceptons très positivement.

Vous avez aussi répondu positivement à la demande portant sur un "comité aviseur", comme l'ont fait du reste une grande

quantité d'intervenants ici. Nous allons prendre cela en considération et avec beaucoup de sérieux. Vous vous êtes demandé si le ministre de l'Environnement est responsable de l'application de la Loi sur les pesticides. La réponse est oui. En fait, à l'article 119, vous allez voir que c'est le cas. C'est le ministre de l'Environnement qui va être responsable de cette Loi sur les pesticides.

Une voix: ...

M. Lincoln: C'est cela. Il n'y a rien de nouveau là-dedans.

Vous avez aussi évoqué la question de la supervision immédiate. Cela aussi a été discuté et mis de l'avant par d'autres intervenants. Ce que nous voulons préciser par "supervision immédiate", c'est l'idée d'une supervision sur les lieux d'exécution des travaux ou de vente. Nous ne voulons pas que tous les gens qui sont employés soient nécessairement munis de permis comme les gens qui vont, eux, faire les applications ou la vente. Mais vous ajoutez la notion qu'il faudrait que les gens qui s'occupent de la technique des pesticides soient inclus. Nous allons regarder cela, mais nous pensons que ta définition que nous avons prise va encadrer la chose dans le même sens que le Code des professions où vous avez des personnes responsables et d'autres qui sont des adjoints ou des employés qui sont sous la responsabilité de la personne qui est habilitée. Il faut aussi considérer qu'il y a toutes sortes de personnes qui, par exemple, pourraient travailler d'une façon accessoire dans le système et nous ne voulons pas, nous, avoir à émettre des permis de façon tout à fait globale.

Vous avez dit que l'article 53 vous inquiétait. En vertu de l'article 53, une ordonnance est sujette à la consultation avec le ministre des Affaires municipales. J'ai expliqué ce matin que ceci est fait en concordance avec l'article 30 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Cependant, lors de l'inclusion de cet article 53 dans la Loi sur les pesticides, nous avons malheureusement - c'est purement une omission tout à fait involontaire omis deux ou trois mots qui expliquent que ceci a trait seulement à la consultation lorsqu'il y a une dépense engagée par une municipalité. C'est pour cadrer avec la Loi sur les cités et villes et le Code municipal. C'est une concordance avec la Loi sur la qualité de l'environnement où vous allez voir, a l'article 30, que cela apparaît déjà.

À l'article 69, vous avez suggéré - et, en passant, cela va être corrigé par l'article 53 - d'ajouter "à toute personne physique, tout groupe de citoyens domiciliés au Québec". Peut-être que vous pourriez nous préciser vos attentes. Le sens des balises que vous voulez mettre quant à ces groupes de citoyens n'est pas très clair dans votre mémoire. Qu'entendez-vous par cela? Peut-être que vous pourriez nous préciser vos attentes.

À l'article 100, vous avez demandé des pouvoirs additionnels pour bannir les pesticides. Comme vous le savez, le pouvoir de bannir les pesticides sur le marché appartient d'abord au gouvernement fédéral, mais nous avons aussi le pouvoir de le faire. En fait, il a été explicité clairement dans l'article 100, à l'alinéa 6° , qu'on peut le faire. Si vous lisez l'alinéa 6°, cela nous donne tous les pouvoirs de le faire. Les pouvoirs sont assez étendus en ce sens. L'idée d'imposer une taxe a été soulevée par plusieurs intervenants aussi. Nous la prenons en considération. C'est une notion, naturellement, qui est intéressante et vous avez pu entendre certains intervenants, par exemple, l'UPA, qui s'est opposée formellement à cela parce qu'elle dit que cela va élever le coût de production. C'est une suggestion qui revient plusieurs fois et qui, certainement, va être examinée.

Finalement, il y avait deux autres points que vous avez apportés en terminant la lecture de votre mémoire. C'est la question de la quantité globale. Cela, on l'étudié avec beaucoup de sérieux. C'est vrai. Cela va être inclus. On va le considérer très sérieusement. Pour ce qui est de la question des méthodes et des recherches alternatives, comme je vous ai dit, à l'article 7, nous avons considéré cette inclusion après en avoir discuté avec le ministère de l'Agriculture. Mais, en même temps, si vous avez lu le document de travail que nous avons présenté, toute la politique du ministère, la politique, par contraste avec la loi, s'axe justement sur la recherche d'une méthode alternative de lutte intégrée. Ce sera l'objectif du ministère, c'est-à-dire une politique distincte d'une loi qui ait un cadre qui permette l'application et le contrôle des pesticides chez les utilisateurs par des permis et des certificats.

Je voulais faire le point brièvement parce qu'il y a un collègue qui va vous interroger sur certaines questions clés que vous avez soulevées dans votre mémoire. Si vous avez des questions à soulever par rapport à cela, allez de l'avant, mais, en attendant, je vais passer la parole à mon collègue, l'adjoint parlementaire au ministre de l'Environnement, qui voudrait vous poser quelques questions.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. M. Quintal, à l'article 7, vous suggérez que le ministère de l'Environnement crée un conseil consultatif sur les pesticides. Dans

l'avant-dernier paragraphe, vous suggérez que le conseil soit constitué de quinze membres. Si vous vous êtes rendu au nombre de quinze, est-ce qu'en faisant cet exercice vous avez pu identifier de quels milieux devaient provenir ces quinze membres?

M. Quintal: M, le député, je vais passer la parole à M. Vanier, à ma droite.

M. Vanier (Daniel): Je vais répondre à votre question.

M. Quintal: M. Vanier.

M. Vanier: Pour le nombre de quinze membres, c'est un nombre un peu arbitraire qu'on a pris. On s'est fié un peu au nombre de personnes qu'il y avait au Conseil consultatif de l'environnement où il y a dix personnes environ, dix ou onze personnes. Mais on a regardé aussi l'ensemble des groupes qui pourraient être intéressés à participer à un genre de conseil consultatif de ce type, c'est-à-dire que, si on compte les représentants de l'industrie des pesticides, ceux qui sont aussi les exterminateurs, les agriculteurs, les sylviculteurs, l'industrie forestière, les gens de l'autre côté qui sont du domaine de la santé, de la gestion de la faune, comme la Fédération québécoise de la faune, les gens des groupes environnementaux, tout ça, on arrivait, grosso modo, à une quinzaine de personnes qui pourraient être membres de ce conseil consultatif. C'est sûr que c'est un chiffre arbitraire, mais l'idée, c'est de faire en sorte qu'il y ait la plus grande représentation possible de l'ensemble des intervenants qui seraient intéressés à participer à un tel conseil consultatif. C'est d'avoir le plus de monde possible. Et cela va permettre aussi, si on a tous ces gens représentant différents milieux, que l'application de la loi se fasse plus facilement, dans une meilleure coordination et une meilleure concertation. (17 h 45)

M. Middlemiss: Merci. Maintenant, à l'article 15, vous suggérez de biffer, dans l'alinéa 2 : "on ne s'est pas avoué coupable". Est-ce que vous pourriez dire quels sont les motifs de cette demande? C'est l'article 15 où vous suggérez de biffer, à l'alinéa 2 : "on ne s'est pas avoué coupable".

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Vanier.

M. Vanier: Ce sont les cas où une révocation de permis serait en cours. Ce sont les cas où il y aurait une ordonnance devant les tribunaux. La personne plaide non coupable ou dit; Je ne suis pas coupable d'avoir fait cela. À ce moment-là, on voudrait quand même que son permis ne lui soit pas remis immédiatement. On laisse la prodécure trancher vraiment là-dessus, à savoir s'il y a révocation ou pas de son permis.

M. Middlemiss Si la cause est pendante dans l'intervalle du...

M. Vanier: C'est cela. Qu'il n'ait pas le droit d'utiliser son permis pendant cette étape, pendant que sa cause est soit devant les tribunaux ou devant le ministère de l'Environnement.

M. Middlemiss: C'est bien.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Pontiac. M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Avant de passer la parole au député de Dubuc qui est responsable de la faune - je reviendrai pour les cinq dernières minutes, à 17 h 55 - j'aimerais tout de même vous dire qu'on voit que vous travaillez pour la conservation, et cela se sent à l'intérieur. C'est le rapport le plus élaboré que nous ayons eu, le plus fouillé, celui qui va nous aider le plus quand on va étudier le projet de loi article par article parce que vous l'avez vraiment fouillé. C'est le plus percutant et le plus critique dans le vrai sens du mot.

Avant que je vous pose des question sur ce sujet à 17 h 55, parce qu'on termine à 18 heures, le responsable de la faune chez nous, puisqu'on travaille de façon collégiale, vous posera des questions sur votre mémoire.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Merci, M. le Président. Je veux saluer les membres et ajouter que je fais miennes les remarques de mon collègue sur la qualité du mémoire. D'ailleurs, on est habitué à des mémoires assez substantiels de la part de la fédération. Je vais d'abord à la conclusion et je viendrai sur d'autres articles si le temps le permet.

En conclusion, quand vous recommandez que le futur projet de loi sur les pesticides fasse l'objet d'un chapitre de la Loi sur la qualité de l'environnement, évidemment, M. le ministre a donné ses raisons pour justifier la présentation d'un projet de loi qui soit distinct de la Loi sur la qualité de l'environnement, sauf que je n'ai pas entendu le ministre vous offrir de faire valoir une argumentation supplémentaire. Est-ce que vous auriez, à la suite des propos du ministre, des arguments supplémentaires pour justifier votre demande, votre suggestion?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Quintal.

M. Quintal: M. le député de Dubuc, cette proposition de la Fédération québécoise de la faune, c'est pour éviter qu'on ne soit soumis à deux régimes distincts qui feraient que la Loi sur la qualité de l'environnement serait atténuée ou diminuée. Remarquez bien que c'est le même style d'argumentation que le ministre vient de nous faire dans sa réplique. Mais notre remarque se situait dans une stratégie globale de conservation, et à notre avis, tous les pollueurs devraient être soumis à la même loi, c'est-à-dire celle sur la qualité de l'environnement. À ce titre, on croit que tous les polluants devraient être inclus dans cette loi. Les pesticides ne devraient pas atténuer la rigueur ou la capacité de la Loi sur la qualité de l'environnement.

On s'aperçoit dans l'avant-projet de loi que plusieurs clauses font sentir que les polluants ne seraient pas soumis à certains articles de la Loi sur la qualité de l'environnement. En tout cas, on sentirait une espèce de diminution de l'impact. Peut-être que mes collègues pourraient essayer de m'aider a formuler une réponse plus cohérente et plus exhaustive. Peut-être Daniel ou Yves.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Vanier.

M. Vanier: Concernant la Loi sur la qualité de l'environnement, l'article 20, tout cela, on trouve important que les pesticides, toute la réglementation sur les pesticides devienne un chapitre à l'intérieur de la loi pour que, dans les cas de pollution ou des choses semblables, il y ait quand même une certaine conformité entre les règlements et les articles sur les pesticides. C'est un peu le danger qu'on voyait de deux régimes distincts, que certains pesticides ou certains produits utilisés au niveau de l'agriculture, de la sylviculture et autres utilisations ne soient pas dans le même régime que celui de la Loi sur la qualité de l'environnement. C'est un problème qu'on perçoit dans le projet de loi. On dit très bien, à un moment donné, qu'on veut que le projet de loi couvre la totalité des pesticides vendus et utilisés au Québec. On ne veut pas que, par règlement, le Conseil des ministres fasse en sorte que certains pesticides soient mis de côté.

On a demandé aussi qu'il y ait une prohibition de certains pesticides qui pourraient être utilisés. Entre autres, on a un cas qui, ces temps-ci, défraie peut-être la manchette, le cas du 2,4-D utilisé par Hydro-Québec sous les lignes à haute tension. Hier, le DSC du centre hospitalier de l'Université Laval a dit que ce pesticide ne devrait plus être utilisé, car il a un pouvoir "cancérigène. Même si on savait qu'à l'alinéa 6° de l'article 100, le ministre avait ce pouvoir de prohibition, on voulait préciser davantage. On veut aussi le soumettre à un processus de consultation important qui entrerait dans un des mandats du conseil consultatif des pesticides. Je pense que c'est un des points importants à aborder là-dessus. Dans l'ensemble, on voudrait que ce soit un chapitre de la Loi sur la qualité de l'environnement. Bien sûr, l'exercice peut présenter certains problèmes législatifs pour la réécriture de certaines normes ou de certains articles de la Loi sur la qualité de l'environnement, mais on ne voudrait pas que ce soit mis à part. Cela devrait être un tout qui concerne l'ensemble de l'environnement au Québec.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Est-ce que je vous interprète bien en disant que votre crainte est qu'en faisant une loi distincte, il y ait, dans son application, moins de rigueur que si elle est à l'intérieur?

M. Quintal: On sent, dans l'avant-projet de loi, qu'on diminue l'efficacité de la Loi sur la qualité de l'environnement dans son application. Cela ne donne rien de recommencer à citer une série d'exemples qu'on a déjà cités dans notre présentation ou que vous avez pu lire.

M. Desbiens: Je reviens maintenant aux propositions, chapitre III A, Ouverture aux méthodes alternatives à l'utilisation des pesticides. Vous faites une recommandation sur les manuels de procédures que devrait publier le gouvernement, qui me paraît intéressante et qui est originale, je pense; on ne retrouve pas ce genre de recommandation dans les autres mémoires. Pourriez-vous préciser un peu plus cette recommandation?

M. Quintal: C'est un manuel qui constituerait un inventaire des moyens préventifs existants, des techniques de dépistage, des tests, un répertoire des techniques de lutte biologique et intégrée, de la manipulation sécuritaire de certains pesticides en précisant la dose, la fréquence, le type de pesticides à utiliser. Ce manuel devrait présenter des cas généraux, des cas concrets, etc., et permettre ainsi à l'applicateur de choisir les meilleures méthodes pour enrayer les ravageurs ou les organismes nuisibles. C'est un peu dans ce sens qu'on a fait notre recommandation. Peut-être que Daniel pourrait ajouter des éléments à ma réponse.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Vanier.

M. Vanier: On s'est inspiré un peu de ce qui s'est fait dans le milieu forestier. On

sait que, pour ie secteur de la forêt, on a fait un guide des modalités d'intervention en milieu forestier, Le ministre délégué aux Forêts, auprès de l'industrie forestière, s'est engagé à publier un manuel d'aménagement forestier, c'est-à-dire un genre de manuel où il y aurait les prescriptions sylvicoles, les traitements sylvicoles à faire. Donc, on s'est dit: Pourquoi ne pas faire la même chose avec les pesticides? Ce manuel de procédures, l'agriculteur, le sylviculteur et les autres utilisateurs vont pouvoir l'avoir en main. Cela va empêcher aussi le fait d'avoir des prescriptions et tout le phénomène... Les agronomes, eux, proposent plus des prescriptions. Pour nous, le manuel est plus tangible. Il pourrait aussi être modifié avec le temps et avec les nouvelles connaissances. Il pourrait y avoir une révision, au bout de trois ou quatre ans, du manuel auquel on ajouterait certaines pages et duquel on enlèverait certaines autres pages. Cela pourrait être fait en collaboration avec le ministère de l'Environnement et le ministère de l'Agriculture, de même que le ministère de l'Énergie et des Ressources pour la forêt et ces choses-là. Cela permettrait vraiment aux gens d'avoir un outil pratique en main, sur le terrain, déjà, au lieu d'être toujours obligés d'appeler un agronome ou un autre spécialiste de la question pour venir présenter un bilan de la situation. Je pense que c'est un outil qui serait plus tangible et plus pratique.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Vous faites le rapprochement avec le manuel d'intervention en milieu forestier. Est-ce que vous le verriez intégré au manuel lui-même ou est-ce un manuel supplémentaire ou complémentaire?

M. Vanier: Ce serait complémentaire parce que ça dépend aussi du contenu. Il faut que le contenu soit clair. Il y a certaines parties du manuel de procédures qui seraient réglementaires, c'est-à-dire que les gens devraient répondre à des normes importantes qui y seraient contenues. Cela leur montrerait que, selon la loi ou les règlements de la loi, ils n'ont pas le droit de faire telle chose et telle chose. Cela irait peut-être plus loin que le guide des modalités d'intervention ou que le manuel d'aménagement. Ce ne serait pas juste prescriptif, ce serait aussi réglementaire à certains points.

M. Desbiens: Je vous remercie. Une petite vite avant de rendre la parole à mon collègue.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Dubuc.

M. Desbiens: Le ministre parle d'imposer un certificat aux agriculteurs et aux sylviculteurs pour les pesticides de classes 1 et 2. Croyez-vous que c'est suffisant? Est-ce que cela ne devrait pas s'adresser aussi aux classes 3, 4...

M. Quintal: Nous, nous demandons l'obligation de détenir un certificat pour toute personne qui utilise ou fait l'usage d'un pesticide.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. ie député de Dubuc. M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci beaucoup. Je vais aller très très vite. Votre conclusion porte sept ou huit paragraphes et le ministre vous a interrogé sur un seul. Sur les autres qui sont importants, je crois, je vais aller très vite parce qu'il ne me reste que cinq minutes. Vous dites: "La Fédération québécoise de la faune réalise également que cet avant-projet de loi ne dégage aucunement une volonté gouvernementale de favoriser une utilisation plus rationnelle des pesticides en développant des moyens préventifs et des alternatives." Je pense que vous avez vu très juste.

Troisième paragraphe: "La Fédération québécoise de la faune réalise qu'aucun chapitre ne traite de la quantité globale (maximum) des pesticides qu'un milieu peut absorber." Encore là, vous avez vu très juste. "Il n'y a aucune limite au niveau de la quantité globale de pollution permise dans un milieu donné." Encore très juste comme observation. "On laisse le choix des quantités à être utilisées au lieu d'administrer en fonction de la capacité globale des régions, selon le respect de la faune présente." Encore un point juste. "On oublie d'exercer un contrôle nécessaire au respect de l'écologie. On oublie de gérer en fonction des impacts causés globalement à la faune par une surcharge de polluants. Nous sommes persuadés que l'imposition de quotas permettrait d'assurer la survie de la faune, surtout pour les secteurs plus sensibles et plus vulnérables." Je n'ai jamais lu rien d'aussi précis et d'aussi juste devant l'étude d'un avant-projet de loi.

Comme le ministre ne vous interroge pas là-dessus, ne vous a pas interrogés, c'est donc qu'il ne veut pas en tenir compte. Son avant-projet de loi est fait dans ce sens-là. J'aimerais qu'on en tienne compte, mais ce n'est pas moi le législateur. Je suis de l'Opposition. Vous pouvez faire des pressions. Est-ce que vous entendez, pour que vos idées et vos conclusions justes passent et aient une grande publicité, faire au moins des représentations spéciales auprès du ministre de l'Environnement et, s'il le faut, faire des conférences de presse pour sensibiliser les journalistes à cette lacune impardonnable de

cet avant-projet de loi?

Le Président (M. Saint-Roch): M. Quintal,

M, Quintal: M. le député, une chose est certaine, la Fédération québécoise de la faune s'est dotée, tout dernièrement, d'une revue officielle pour essayer de sensibiliser ses membres à des phénomènes de pollution, à des phénomènes de remblayage qui détruisent des habitats fauniques. Elle s'est également donné une revue officielle pour pouvoir sensibiliser son monde à la sécurité, à la conservation, à l'éducation et à la protection des habitats fauniques. Soyez assuré que, dans notre prochain numéro qui sortira au début d'avril, la Fédération québécoise de la faune aura plusieurs pages sur les commentaires qu'elle aura faits en commission parlementaire et du suivi qui, tout normalement, devrait se faire concernant cet avant-projet de loi. C'est notre moyen à nous de rejoindre nos 220 associations et nos 150 000 membres et plus.

Soyez également assuré qu'il y a un mouvement... Plusieurs de ces commentaires ont été faits en conclusion. Nous les trouvons pertinents parce qu'ils sont fondés sur des exemples bien précis. Ces éléments de la conclusion, entre autres choses, en ce qui nous concerne, proviennent en gros des analyses, des études ou des discussions qu'on a eues avec le mouvement à Cours d'eau en regard de la rivière L'Assomption. Cela est devenu un exemple extrêmement révélateur, frappant ou déterminant dans les mots qu'on a pu utiliser en conclusion là-dessus parce que la charge de polluants que subit la rivière L'Assomption est immense, énorme, ajoutée au déversement de purin de porc, les rejets toxiques, les déversements d'Hydro-Ouébec au niveau des insecticides qui peuvent se faire d'une manière abusive à certains moments. Tout cela fait qu'on se retrouve à des périodes de l'année où cela devient dangereux de boire l'eau de la rivière L'Assomption, même, entre guillemets, dépolluée. Il y a beaucoup de cas dans les hôpitaux de la région de la rivière L'Assomption; ceux-ci sont pleins durant la période estivale parce que les gens souffrent de maladies causées par les bactéries qui sont contenues dans l'eau. C'est un peu dans ce sens-là, c'est un peu cela qui nous a guidés dans l'élaboration de ces quelques paragraphes, entre autres choses. (18 heures)

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Lévis.

M. Garon: Dans le débat sur la rivière L'Assomption, je remarque que vous ne parlez pas beaucoup des 43 municipalités qui jettent leurs égouts tels quels dans la rivière. Je remarque qu'on parle beaucoup des cultivateurs, mais qu'on ne parle jamais des municipalités qui jettent leurs égouts tels quels dans la rivière. Dans tout ce débat, j'ai l'impression qu'on n'a pas été équitable pour tout le monde. C'est beau que les cultivateurs aient des systèmes, mais, en même temps, on ne dit rien des municipalités qui jettent leurs égouts tels quels dans la rivière ni du ministre de l'Environnement qui a arrêté son programme d'assainissement des eaux. Même s'il n'y avait plus un seul cultivateur dans le bassin de la rivière L'Assomption, l'eau ne serait pas plus buvable qu'avant parce que les municipalités jettent leurs égouts tels quels dans ia rivière.

Le Président (M. Saint-Roch): M.

Quintal.

M. Quintal: M. Garon, là-dessus, à plusieurs reprises, on a signalé le problème de la rivière L'Assomption et, chaque fois, on a toujours identifié quatre sources de pollution, et, la quatrième, c'est celle que vous m'avez rappelée. Je pense que c'est la globalité de la pollution que subit cette rivière qui fait que, c'est même impensable dans les prochaines années de réintroduire une espèce de poisson sportif ou autre dans la rivière qui pourrait être consommable à court, moyen ou long terme. II y a des résidus dans la rivière L'Assomption. Aussitôt qu'il y aura un dragage, cela va remonter en surface. La pollution est omniprésente actuellement. Il ne faut quand même pas se le cacher. Vous avez raison de me souligner qu'il y a un quatrième élément de pollution, en plus des rejets toxiques, des pesticides et des déversements de purin.

Le Président (M. Saint-Roch): M. le député de Lévis.

M. Garon: II y a eu un effort considérable de fait dans le cadre d'un programme pour déplacer la production porcine, là où il y avait des concentrations. Des sommes d'argent importantes ont été placées en 1985 par l'ancien gouvernement qui totalisent presque 10 000 000 $ pour déplacer des productions pour lesquelles les producteurs avaient tous eu leur permis du ministère de l'Environnement.

M. Quintal: Je vous avoue qu'il y a eu des efforts de faits au niveau agricole et également au niveau de l'assainissement des eaux. Je vous le concède. On pourrait peut-être aller plus loin, mais il reste que les produits toxiques sont encore présents. Il y a encore des industries qui ne sont pas contrôlées au niveau des rejets toxiques et, au niveau des pesticides, au niveau de la pollution diffuse, c'est encore présent. Evidemment, vous comme moi ne pouvons

contrôler les déversements de purin dans la rivière et les nuages ammoniacaux qui pourraient se produire è certaines périodes de l'année qui détruisent tout. Il reste que le mouvement à Cours d'eau, il faut quand même le souligner, fait un travail immense de surveillance et je pense que cela mérite d'être souligné en commission parlementaire. C'est un membre affilié à la fédération et on en est très fiers. C'est un membre qui fait beaucoup pour l'environnement.

Le Président (M. Saint-Roch: II est maintenant 18 heures. Je demanderais à M. le ministre, suivi de M. le critique officiel, de conclure avec de brèves remarques.

M. Lincoln: M. Quintal, je vous remercie beaucoup, ainsi que vos collègues, d'être venus. Vous êtes une des grandes fédérations qui ont pour but la protection de l'environnement et la poursuite d'une écologie au Québec. Nous vous en sommes très reconnaissants comme ministère de l'Environnement. Je peux vous assurer encore une fois que, ce matin, il y a eu un débat qui a duré très longtemps sur toute la question de la Loi sur la qualité de l'environnement par rapport à une loi spécifique et la raison pour laquelle vous n'étiez pas présents - ce n'est pas un blâme... Mais je regrette de ne pas avoir le temps d'expliciter la question qui a été ramenée sur le tapis è la dernière minute et qui donne l'impression que nous essayons de diminuer l'impact de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Ce matin, j'ai expliqué... Je vais vous envoyer le texte complet avec mes remarques, ce qui va expliquer tout à fait que la Loi sur la qualité de l'environnement va s'appliquer de façon intégrale, indépendante et va avoir préséance sur la Loi sur les pesticides. Qui plus est, afin de diminuer toutes les inquiétudes à ce sujet, nous allons préciser cette question très clairement dans la Loi sur les pesticides et je vais vous envoyer le texte complet de mes remarques là-dessus. II n'y a aucune inquiétude à ce sujet. Je peux vous dire que le rédacteur même de la Loi sur la qualité de l'environnement, le père de la qualité de l'environnement, c'est lui-même une des nombreuses personnes qui nous ont recommandé de faire une loi séparée sur les pesticides, tout comme le Conseil consultatif de l'environnement dans son rapport de 1980.

Je voudrais aussi souligner l'indignation qui a été exprimée par le critique de l'Opposition qui disait que cette loi ne va pas assez loin. Depuis 1980, ils avaient le rapport du Conseil consultatif de l'environnement, rapport recommandant justement ce genre de projet. Rien n'a été fait pendant six ans. Maintenant, c'est facile de blâmer les autres qui ont le courage de faire la chose. Vous devriez lire le rapport. Je vous recommande de le lire. Cela avait été recommandé au ministre Léger qui, en 1981, faisait des discours disant qu'ils allaient faire cela, tout comme la loi sur le tabac et beaucoup de lois qui n'ont pas été adoptées.

Je trouve, en fin de compte, très étonnant que ce soit le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation antérieur qui soit le défenseur de l'environnement actuel, lui qui a remblayé les marais de Kamouraska, l'architecte même du remblai des marais de Kamouraska. C'est lui qui vient nous dire aujourd'hui qu'on a cessé le programme d'assainissement des eaux. Il n'a pas suivi ce qui se passe. Bientôt, il va y avoir 58 nouvelles municipalités qui vont être ajoutées au programme d'assainissement des eaux. On va mettre 100 000 000 $ de plus, pour les trois prochaines années, que ce qu'ils y ont mis, eux.

Je pourrais faire un débat avec lui n'importe quel jour sur le programme d'assainissement des eaux et, sur ce qui se fait dans l'environnement depuis un an comparé à ce qui s'est fait avant. Je pourrais, par exemple, parler de la politique des rives, de la protection des rives que nous essayons de faire malgré beaucoup de luttes farouches. Cela aurait dû être fait depuis des années déjà au Québec. On est le dernière province à légiférer sur les pesticides. Je suis fier qu'au moins il y ait un départ là-dessus. Je suis content que les remarques et les commentaires que vous avez faits soient pris dans la mesure la plus constructive possible. On va les examiner avec le plus grand sérieux. Ce qu'on pourra incorporer dans la. Loi sur les pesticides, nous le ferons et nous allons communiquer avec vous. Je vais vous envoyer les remarques de notre texte. Je m'excuse d'avoir fait les remarques que je viens de faire, mais je trouve que c'est faire de la politicaillerie sur cette question, surtout que le gouvernement antérieur n'a jamais eu le courage lui-même de déposer un projet de loi. S'ils avaient toutes les réponses, c'est ce qu'ils auraient dû faire. S'ils n'ont pas de réponses aujourd'hui, qu'ils acceptent au moins que, nous, on ait fait ce qu'ils n'ont pas eu le courage de faire.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le ministre. M. le député de Terrebonne.

M. Blais: M. le Président, je tiens à remercier les gens qui se sont présentés, qui ont amené leur mémoire. Je tiens à vous dire que je n'ai fait que lire les conclusions de votre mémoire sans faire de commentaires partisans. Si c'est de la petite politicaillerie que de lire votre mémoire, c'est à vous que ces remarques s'adressent

et non à moi. Cela me peine qu'il vous les ait adressées.

Cependant, il faut faire bien attention. Vous n'êtes pas ici pour écouter deux partis qui s'engueulent. De la façon dont vous allez, si vous vous mordez la langue, vous allez vous empoisonner. Il ne faudrait pas que ceci arrive devant tout le monde.

Je vous remercie d'être là. Je ne tomberai pas dans cette lutte partisane. On fera cela quand on sera seuls. Je suis très capable de le faire. Merci d'être venus.

Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. le député de Terrebonne. M. Quintal, brièvement, s'il vous plaît!

M. Quintal: Oui. Tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous avoir entendus. Je tiens à vous signaler que la Fédération québécoise de la faune est un organisme apolitique. Je tiens également à vous signaler qu'il y a quelques remarques, commentaires ou quelques précisions que je vous ferai parvenir par courrier relativement à des questions que vous m'avez posées au début de votre énoncé, sur les critiques que vous avez pu faire sur notre mémoire ou sur les précisions que vous nous avez demandées. Je les ai notées. J'essaierai de vous les faire parvenir.

J'ai également quelques questions que je vous poserai à cette occasion. Comme on est un organisme apolitique et qu'on est public, je pourrai mettre l'Opposition en copie conforme. Je pense que vous n'y verrez aucun inconvénient. Vous avez proposé de m'envoyer un écrit ou les remarques, les commentaires que vous avez faits relativement à la Loi sur la qualité de l'environnement par rapport à votre avant-projet de loi; on apprécierait beaucoup avoir le texte ou vous rencontrer pour connaître votre point de vue là-dessus. Merci.

Le Président (M. Saint-Roch): Je remercie la Fédération québécoise de la faune ainsi que ses participants pour la qualité de leurs interventions lors des travaux de la commission. Étant maintenant arrivée à la fin de son mandat, la commission de l'aménagement et des équipements suspend maintenant ses travaux jusqu'à 10 heures demain matin. J'attire l'attention des membres de la commission que nous nous réunirons dans la salle, ici, soit la salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 18 h 10)

Document(s) associé(s) à la séance