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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mercredi 6 mars 1996 - Vol. 34 N° 49

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal


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Table des matières

Auditions


Intervenants
Mme Madeleine Bélanger, présidente
M. Rémy Trudel
Mme Margaret F. Delisle
M. Christos Sirros
M. Lawrence S. Bergman
M. Jean-Claude Gobé
* M. Michel Giroux, UMRCQ
* Mme Isabelle Chouinard, idem
* M. Luc Lacharité, Chambre de commerce du Montréal métropolitain
* M. Serge Bujold, idem
* M. Richard Vézina, idem
* M. Pierre Lapointe, idem
* M. Louis Grenier, APDEQ
* M. Claude Gingras, CSD
* M. François Vaudreuil, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures six minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je déclare la séance de la commission de l'aménagement et des équipements ouverte. Le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui. M. Benoit (Orford) est remplacé par Mme Delisle (Jean-Talon); M. Cherry (Saint-Laurent) par M. Gobé (LaFontaine); M. Gauvin (Montmagny-L'Islet) par M. Sirros (Laurier-Dorion); M. Middlemiss (Pontiac) par M. Bergman (D'Arcy-McGee); M. Perron (Duplessis) par M. Lachance (Bellechasse); et M. Pinard (Saint-Maurice) par M. Côté (La Peltrie).

(15 h 10)

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la secrétaire. Alors, pour aujourd'hui: 15 heures, Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec, représentée par M. Michel Giroux et Mme Isabelle Chouinard; à 16 heures, nous aurons la Chambre de commerce du Montréal métropolitain; à 17 heures, l'Association des professionnels en développement économique du Québec; et, à 18 heures, la Centrale des syndicats démocratiques, la CSD.


Auditions

Alors, je demanderais à l'Union des municipalités... Vous êtes là? Bonjour et bienvenue. Alors, comme d'habitude vous avez un temps de 20 minutes qui vous est alloué pour nous faire un résumé de votre mémoire, qui sera suivi, par la suite, du questionnement du côté ministériel, de 20 minutes, et du côté de l'opposition, 20 minutes. Alors, M. Giroux, vous êtes accompagné de Mme Chouinard. Alors, bienvenue et vous avez la parole.


Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec (UMRCQ)

M. Giroux (Michel): Merci, Mme la Présidente. Bonjour à tous. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je remplace aujourd'hui Mme Jacinthe B. Simard qui est présidente de l'Union. Je suis moi-même maire de Lac-Beauport, ici, dans la région de Québec, et préfet de la MRC de La Jacques-Cartier. Je remercie, Mme la Présidente, le comité de nous recevoir pour présenter notre mémoire. L'Union des municipalités régionales de comté, voilà plus de 50 ans qu'elle existe. Elle a vu le jour sous le nom de l'Union des conseils de comté du Québec, avec pour mission de voir à la défense des intérêts des municipalités membres, situées, pour la plupart, hors des grands centres urbains. Avec l'avènement des municipalités régionales de comté, notre organisme est devenu, en 1982, l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec, soit l'UMRCQ. L'UMRCQ regroupe aujourd'hui 1 095 municipalités locales et 88 MRC. Son membership couvre 85 % du territoire québécois et dessert 2 500 000 citoyens, ce que, nous, nous appelons «le Québec des régions».

Les principes généraux qui guident l'action de l'Union sont les suivants: la reconnaissance des municipalités comme gouvernement à part entière, c'est-à-dire leur autonomie politique et financière; la capacité pour les municipalités de s'unir sur la base des MRC pour atteindre des objectifs propres à chaque milieu; et la promotion du développement local comme voie incontournable de l'essor économique, social et culturel des communautés locales et régionales à la base de notre mouvement.

Alors, l'UMRCQ est active dans de nombreux dossiers, vous le savez. Ses initiatives et sa force de rassemblement prennent la forme de représentations, d'information, de services-conseils aux membres, de cours de formation et de support au milieu. Toujours soucieuse de remplir sa mission initiale, elle adapte néanmoins ses activités pour tenir compte de l'évolution constante du milieu municipal et des attentes de la population du Québec des régions, notamment, aujourd'hui, reliées à l'économie et à l'emploi.

Alors, nous avons d'abord des commentaires généraux sur l'avant-projet de loi. L'UMRCQ accueille favorablement l'introduction au Québec du concept des sociétés d'économie mixte. Les possibilités nouvelles de gestion des services publics qu'il offre, particulièrement dans la perspective d'une décentralisation d'activités gouvernementales, sont prometteuses au plan des économies qu'elles peuvent permettre à la population, du fait notamment de l'implication financière et de la philosophie de gestion de l'entreprise privée.

À ce jour, la création de quatre sociétés d'économie mixte a été autorisée au Québec par voie de lois privées, mais seule la SEM Compo-Haut-Richelieu inc. est opérationnelle. L'UMRCQ approuve le choix du gouvernement de faire précéder le projet de loi qui proposera, de façon générale, la création des sociétés d'économie mixte d'un avant-projet de loi. Non seulement faut-il consulter abondamment sur le sujet, mais il faut bonifier la loi-cadre en fonction des problèmes que rencontreront les projets-pilotes en cours de formation et celui actuellement en fonction, projets encore trop jeunes pour voir apparaître tous les dysfonctionnements potentiels.

Les enjeux, dont l'investissement de deniers publics dans du capital de risque, sont considérables et impliquent une vision nouvelle de la gestion des services publics. L'importance de ces enjeux est telle que nous croyons qu'il serait avisé, pendant un délai raisonnable, voire un an ou deux, d'observer l'évolution des projets-pilotes avant l'adoption de la loi-cadre dans ce domaine. Nous avons cru comprendre que certaines discussions avec les représentants du ministère des Affaires municipales, dans des discussions avec ces gens-là, que quelques municipalités et MRC souhaitent établir des sociétés mixtes et que, comme le ministre le mentionnait hier, l'adoption à brève échéance d'une loi-cadre avait pour but d'éviter de procéder à nouveau par loi privée pour la création de SEM.

L'UMRCQ, au contraire, est favorable à la création de quelques autres expériences-pilotes dans des domaines variés. Nous voyons dans les sociétés d'économie mixte un virage important dans la gestion des services publics, et on croit que ça doit être pris avec le plus d'éclairage possible. Un plus grand échantillonnage d'expériences, dans des compétences traditionnellement municipales mais également dans certaines autres qui pourraient être confiées par le gouvernement, permettrait, à notre avis, de mieux évaluer les avantages et les inconvénients de procéder par ce véhicule.

Bien que l'UMRCQ recommande la prudence et un certain étapisme dans ce dossier, nous sommes d'avis que la société d'économie mixte doit demeurer une entreprise privée, autant que possible gérée en fonction des normes régissant les compagnies du Québec. Puisque la SEM sera contrôlée par le fondateur municipal, la philosophie d'allégement des contrôles du gouvernement sur les municipalités devrait se refléter également dans cet avant-projet de loi. Il faut voir dans les sociétés d'économie mixte une façon de gérer les services municipaux par la création de personnes morales de droit privé, et non la création de nouvelles structures sous la tutelle du ministère des Affaires municipales.

D'abord, les fondateurs des SEM. Selon l'avant-projet de loi, les municipalités locales, les MRC et les communautés urbaines peuvent être un fondateur municipal d'une société d'économie mixte avec un autre fondateur, qui peut être une entreprise à caractère commercial ou industriel, ou encore une compagnie à fonds social mandataire du gouvernement. Plusieurs municipalités ou communautés urbaines peuvent également se joindre entre elles pour être fondateur municipal. Par ailleurs, tant pour le fondateur municipal que pour l'autre partie fondatrice, des règles particulières s'appliquent selon leur structure, différences qui sont, à notre avis, par moments injustifiées.

Voyons plus spécifiquement les irritants que nous identifions à cet égard. Le droit de retrait des municipalités locales, c'est un irritant important. L'UMRCQ le demandait et est très satisfaite que les MRC puissent également être membres fondateurs d'une société d'économie mixte. Toutefois, il faut revoir rapidement, selon nous, les règles de fonctionnement. Le droit de retrait des municipalités locales à l'égard des compétences des MRC nuit considérablement, actuellement, aux regroupements régionaux de services. Il entraîne la sous-utilisation de ces gouvernements régionaux au plan de la mise en commun des ressources. On le sait, les dossiers ayant donné le meilleur rendement depuis la création des MRC sont ceux pour lesquels aucun droit de retrait n'a été conféré aux municipalités locales, soit l'aménagement du territoire et la création des SOLIDE.

Comment peut-on justifier que les MRC ne puissent jouir, à cet égard, des avantages des communautés urbaines? En effet, la prise en charge d'une compétence par une communauté urbaine lie toutes les municipalités locales et aucun droit de retrait n'est autorisé. Il s'agit d'une situation discriminatoire qui perpétue et amplifie une fois de plus le caractère inadéquat du fonctionnement des structures régionales à l'extérieur des centres urbains.

Pour revenir plus particulièrement au texte de l'avant-projet de loi sous étude, le problème est d'autant plus criant que les MRC font face à un double droit de retrait. D'abord, les municipalités locales disposeront d'un droit de retrait lorsque la MRC déclarera sa compétence à l'égard d'un service municipal, par exemple, en matière de gestion de déchets, et, de plus, une fois que la MRC aura déclaré sa compétence et décidé de constituer une SEM, les municipalités locales auront le loisir de se retirer de la constitution de la SEM.

Il est prévu que, lorsque la municipalité locale exercera son droit de retrait à l'égard de la création de la SEM, elle ne sera plus assujettie à la compétence de la MRC sur l'objet de la convention à être conclue entre la société et la MRC. Toutefois, rien n'est prévu si la municipalité locale veut simplement exercer son droit de retrait de la compétence que la MRC aurait déclaré en vertu de l'article 678.0.1 du Code municipal. De plus, un délai maximal est prévu pour le retrait d'une municipalité locale à l'égard de la constitution de la SEM, mais rien de tel au niveau du retrait de la compétence de la MRC.

Le droit de retrait cause actuellement bien des maux de tête sur le terrain. Que vaut, par exemple, un contrat conclu entre une MRC et un tiers si toutes les municipalités locales exercent par la suite leur droit de retrait à l'égard de la compétence ayant permis la conclusion du contrat? La MRC peut-elle être poursuivie pour bris de contrat? Ce n'est là qu'un exemple de problème complexe appréhendé par une de nos MRC membres actuellement.

Nous demandons au ministre de régler la question du droit de retrait avant de franchir toute étape ultérieure dans le dossier des sociétés d'économie mixte. À cette fin, l'UMRCQ propose de confier aux MRC la gestion du droit de retrait en enlevant aux municipalités locales le droit de se retirer unilatéralement de ces décisions collectives et en permettant à celles qui ne désirent pas se joindre à un service régionalisé de se faire entendre au conseil de la MRC pour obtenir, sur décision majoritaire de leurs pairs, le droit de ne pas adhérer à un service collectif à l'échelle régionale.

Deuxième point, qui est également relié à ce premier, le seuil décisionnel au niveau des MRC. L'avant-projet de loi prévoit que l'adoption d'une résolution par une MRC lui permettant de décréter une SEM requiert la majorité constituée des deux tiers des voix des membres du conseil. L'UMRCQ demande, pour la création des sociétés d'économie mixte comme pour les autres compétences assumées par les MRC, de ramener le seuil décisionnel à la majorité simple des voix. L'existence de seuils décisionnels différents de celui de la majorité simple, démocratiquement reconnu pour des prises de décisions d'importance bien supérieure à celles que peut prendre une MRC, est un handicap au fonctionnement des municipalités régionales. Généralement, un seuil décisionnel élevé est inscrit afin d'assurer une stabilité et d'éviter des prises de décisions, et non pas d'en permettre.

Les décrets de constitution des MRC reflètent la représentativité de chaque municipalité locale au sein de sa MRC, puisqu'un nombre de voix a été attribué à chacune d'elles selon des critères répondant à la volonté des conseils régionaux. La loi permet par ailleurs aux MRC de rouvrir leur décret de constitution à cet égard pour revoir leurs règles internes de représentation. Ce problème étant réglé ou, du moins, corrigible aux endroits où il peut demeurer des insatisfactions, rien ne justifie, à notre avis, le maintien de seuils décisionnels supérieurs à celui de la majorité simple.

Les pouvoirs de tarification, maintenant. L'avant-projet de loi habilite la SEM à percevoir, pour une municipalité locale ou pour elle-même, un prix exigé de façon ponctuelle ou sous forme d'abonnement d'une personne qui utilise un bien ou un service fourni par la société. Le prix visé doit être fixé par la municipalité locale, et la Loi sur la fiscalité municipale régira l'imposition de cette tarification. Nous croyons qu'il faudrait s'assurer que le pouvoir de tarification conféré aux SEM pour elles-mêmes ne puisse être interprété comme limitant leur pouvoir général, à titre d'entreprise privée, d'exiger un prix raisonnable pour les services qu'elles offrent. Cela entraverait largement la possibilité de profits, compte tenu des critères sévères de la Loi sur la fiscalité municipale.

Le législateur tend à favoriser, depuis quelques années, l'utilisation de la tarification ou le concept de l'utilisateur-payeur. Les municipalités locales bénéficient, depuis 1988, de pouvoirs généraux de tarification qui leur permettent de financer tout ou partie de leurs biens, services ou activités, et ce, selon trois modes: soit la taxe foncière basée sur une autre caractéristique de l'immeuble que sa valeur, comme par exemple sa superficie; soit une compensation exigée du propriétaire ou de l'occupant d'un immeuble; ou encore un prix exigé de façon ponctuelle, sous forme d'abonnement pour l'utilisation d'un bien ou d'un service.

Dans une loi récemment adoptée à l'Assemblée nationale, les communautés urbaines se sont vu accorder le pouvoir d'imposer ce troisième mode de tarification, c'est-à-dire un prix exigé de façon ponctuelle, sous forme d'abonnement, pour l'utilisation d'un bien ou d'un service qu'elles offrent. Elles jouissent donc du net avantage de pouvoir financer leurs services selon ce mode très équitable de répartition de dépenses. Elles offrent ainsi une transparence à la population qui est à même de mieux évaluer ce que lui coûtent les services de la communauté.

(15 h 20)

L'UMRCQ suggère que soit accordé aux MRC un pouvoir général de tarification identique à celui accordé aux communautés urbaines. Les MRC devraient ensuite être habilitées, au même titre que les municipalités locales, à permettre aux SEM de percevoir pour elles le tarif, ce qui n'est pas prévu à l'avant-projet de loi actuellement. Il n'est prévu que pour les MRC et que pour les municipalités locales.

Alors, maintenant, le point 1.4 de notre mémoire, les mandataires du gouvernement. L'un des principes importants à respecter dans le concept des SEM est celui du contrôle de l'entreprise par le fondateur municipal, parce que les élus locaux poursuivent la gestion de deniers publics qu'ils ont perçus auprès des contribuables.

Lorsqu'une compagnie à fonds social mandataire du gouvernement fonde une SEM avec une municipalité, nous sommes d'avis que les règles applicables à un fondateur privé devraient trouver là application, surtout si des deniers municipaux sont investis dans la SEM. Plus précisément, dans un tel cas, le fondateur municipal devrait obligatoirement détenir la majorité des voix rattachées aux actions de la société, le conseil d'administration et le comité exécutif de la SEM devraient majoritairement être formés d'élus municipaux, le président du conseil d'administration devrait être un élu municipal et le quorum aux assemblées du conseil d'administration ou du comité exécutif devrait comporter la majorité parmi les administrateurs membres du fondateur municipal. Nous croyons que les mêmes règles devraient être appliquées, puisque le principe veut que la responsabilité des élus municipaux doive être continuée et appliquée dans ces secteurs-là, puisque les représentants des mandataires du gouvernement ne sont pas nécessairement des élus.

Les compétences, maintenant, qui sont prévues. Il y a deux exclusions des champs d'activité pour les sociétés d'économie mixte, soit la sécurité publique et la protection contre les incendies. L'UMRCQ aimerait qu'on évalue la possibilité de permettre que certains services en matière de sécurité publique puissent être donnés par ces entreprises. Nous y voyons une opportunité intéressante d'offrir à meilleur coût certains services policiers, à la mesure des besoins des municipalités membres de l'UMRCQ. Par ailleurs, il faudrait s'assurer que la loi permette aux SEM d'oeuvrer dans les champs de compétence qui ne sont pas nécessairement de nature municipale actuellement, mais qui ont été confiés ou qui seront confiés aux municipalités par le gouvernement dans le cadre d'une éventuelle décentralisation.

Le capital-actions et le mandat des administrateurs, maintenant. Il est incontournable que le fondateur municipal dispose du contrôle de la société. C'est pourquoi nous sommes favorables aux règles selon lesquelles le fondateur municipal doit détenir la majorité des voix rattachées aux actions de la société.

Toutefois, nous nous interrogeons sur la nécessité de prévoir que le fondateur municipal doive détenir plus de la moitié des actions de toutes catégories émises par la société. Si l'entreprise privée voit un avantage à investir plus de 50 % du capital-actions en actions participantes mais que les municipalités détiennent plus de la moitié des actions votantes, nous croyons que cela devrait être permis. Dans la mesure où la municipalité s'assure de la majorité des actions votantes, nous croyons que la répartition du capital-actions devrait être laissée à la discrétion des parties fondatrices, sous réserve, évidemment, d'une participation minimale du cofondateur au capital-actions de la SEM. Ce seuil minimum est fixé, dans l'avant-projet de loi, à 20 %. Nous nous posons la question à savoir si c'est suffisant. L'UMRCQ aurait été favorable à une participation minimale de 35 % du fondateur privé.

Par ailleurs, dans la mesure où le mandat d'un administrateur qui représente le conseil municipal prend fin lorsque celui-ci cesse d'être membre du conseil municipal, il faudrait permettre que la durée de son mandat à titre d'administrateur puisse excéder quatre ans lorsqu'il est élu pour plusieurs termes dans sa municipalité. L'expérience acquise sera précieuse pour l'administration de la SEM. Les élus municipaux ne jouissent pas tous d'une formation en administration, et c'est notamment en travaillant un certain temps auprès du cofondateur de la SEM qu'ils apprendront tous les rouages de la gestion de l'entreprise privée.

La question, maintenant, de l'autonomie des SEM. Parce que le contrôle de la société est assuré au fondateur municipal, certains contrôles du ministre sur la société, prévus par l'avant-projet de loi, nous semblent superflus. Comme nous l'exprimions en introduction, la philosophie d'allégement des contrôles à l'égard des instances municipales devrait se refléter également dans l'avant-projet de loi. Nous sommes favorables à ce que le ministre des Affaires municipales approuve les statuts de création de la SEM. Toutefois, devraient être omises les dispositions qui prévoient que: le ministre peut exiger que la décision d'une municipalité locale d'agir comme fondateur d'une SEM soit soumise à l'approbation des personnes habiles à voter; tout simplement qu'une SEM adopte conformément à certaines dispositions de la Loi sur les compagnies ainsi que toute convention unanime des actionnaires soient approuvés par le ministre des Affaires municipales – j'ai dit tantôt «tout simplement» mais c'est «tout règlement» qu'une SEM adopte conformément à certaines dispositions de la Loi sur les compagnies – toute liquidation volontaire ou toute dissolution d'une SEM soit autorisée par le ministre des Affaires municipales; toute convention relative à l'exercice d'un domaine de compétence d'une SEM soit approuvée par le ministre des Affaires municipales; le ministre peut nommer le vérificateur de la SEM si les actionnaires sont en défaut de le faire. Nous croyons que les différents points que je viens de nommer devraient être omis dans les dispositions de l'avant-projet de loi.

Les accords de libération des marchés publics. Nous savons que le Québec négocie actuellement avec l'Ontario – et, d'ailleurs, il y a un projet de loi qui a été déposé il y a quelques mois – et le Nouveau-Brunswick des accords visant la libération des marchés publics. Nous croyons qu'un accord interprovincial impliquant toutes les provinces canadiennes fait l'objet également de pourparlers. À notre grand dam, ces ententes engendreront des modifications aux lois municipales québécoises au titre des soumissions publiques, de façon à assurer une plus grande transparence des contrats octroyés par les différents gouvernements. Il importe que toute convention entre la municipalité et son cofondateur ou entre la SEM et les tiers demeure exclue du régime des soumissions publiques, selon nous.

L'application de certaines lois provinciales. Afin d'optimiser les avantages de la nouvelle formule des SEM, il conviendrait d'examiner la pertinence de les soustraire à l'application de l'article 45 du Code du travail si la création d'une SEM peut être interprétée comme une aliénation ou une concession totale ou partielle d'une entreprise au sens de cet article.

Alors, en conclusion, l'UMRCQ est d'avis qu'il ne faut pas précipiter l'adoption de la loi-cadre. Réglons d'abord l'épineux problème des règles de fonctionnement de la MRC et laissons le temps aux expériences-pilotes existantes en matière d'économie mixte de faire leurs preuves, avant de permettre la création de SEM tous azimuts.

Les commentaires qui précèdent proposent quelques bonifications à l'avant-projet de loi, lesquelles ne sont fondées que très partiellement sur l'expérience vécue par nos membres. La voie choisie par le gouvernement de procéder d'abord par expériences-pilotes ne peut être probante que si nous leur laissons le temps d'évoluer.

Plusieurs aspects de l'avant-projet de loi ne sont par ailleurs pas abordés par notre mémoire. Nous nous sommes attachés aux modifications souhaitées. Bien que le reste nous semble a priori acceptable, nous réservons nos commentaires lors de la présentation du projet de loi lui-même.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Giroux. M. le ministre.

M. Trudel: M. le maire et préfet de la MRC de La Jacques-Cartier, madame, d'abord vous souhaiter la bienvenue et vous remercier d'avoir répondu à notre invitation de nous faire des commentaires, des observations à l'égard de notre avant-projet de loi sur la possibilité que nous puissions nous donner un cadre à l'égard de l'introduction du secteur privé dans l'administration et la gestion des services municipaux.

Vous faites d'abord, d'entrée de jeu, évidemment, une remarque générale qui va dans le sens de l'action gouvernementale, c'est-à-dire que vous accueillez favorablement le développement de ce nouvel outil, ce nouvel instrument que nous pourrions utiliser dans la gestion des services publics. Oui, il nous faut cependant dessiner cet outil, cet instrument avec attention, puisque ce n'est pas anodin.

Ce serait la première fois, mis à part les quatre expériences-pilotes que nous avons autorisées, que nous permettrions assez largement à l'entreprise privée, en fixant les règles, encore une fois, au niveau financier et au niveau de l'intérêt public, d'entrer dans l'exploitation et la gestion de services publics. Ce n'est pas un avantage minime que nous donnons à l'entreprise privée. On ouvre tout un grand pan d'activité dont la principale caractéristique est la pérennité et, surtout, la garantie. La garantie, en termes de services publics, il y a toujours, et il faut y faire attention, un payeur de taxes en arrière.

Alors, ce n'est pas petit comme avantage que nous accordons à l'entreprise privée. C'est pourquoi nous souscrivons, nous aussi, à vos remarques d'être bien attentifs, prudents au niveau de chacune des dispositions du projet de loi.

À l'égard d'une question bien fondamentale, je comprends que vous, comme on dit communément, en profitez pour vous sucrer le bec un peu en passant au niveau du droit de retrait en général, et c'est de bon aloi et c'est de bonne guerre si on peut employer le mot ici, dans cette commission parlementaire.

(15 h 30)

Mais, à l'égard de l'objet qui nous intéresse, de la création d'une société d'économie mixte, d'abord, vous nous suggérez, puis vous me corrigerez si on n'a pas l'information correcte, vous suggérez que la décision à la MRC, par exemple, soit prise à la majorité simple des voix au conseil des maires et, si j'ai bien compris, que tout cela soit assorti de pas de droit de retrait. La décision est prise, la totalité, il n'y a pas le droit de retrait.

En fait, je comprends qu'il y a deux options. C'est ou on prend la décision à la majorité simple des voix au conseil des maires, et là on laisse un droit de retrait aux municipalités – je ne dis pas que c'est ça que vous dites, là, mais c'est une école de pensée qui est bien dessinée – ou nous prenons la décision aux deux tiers des voix et là il n'y a pas de droit de retrait pour les municipalités.

Si je vous demandais de vous aligner sur l'une ou l'autre de ces écoles, c'est-à-dire la moitié des voix avec droit de retrait ou les deux tiers des voix sans droit de retrait, quand il s'agit de la décision de créer une SEM et d'y participer...

M. Giroux (Michel): Ce qu'on vise, c'est que le droit de retrait soit géré par la MRC elle-même. Si, par exemple, autour d'une table, on voit à créer une SEM ou une autre compétence que veut prendre la MRC et qu'on s'aperçoit, par les discussions à l'interne, qu'une municipalité ou deux ne sont pas touchées ou n'ont pas d'intérêt à faire partie de cet esprit régional, de cette volonté de la région de donner tel service ou telle activité par la SEM ou, autrement, à l'intérieur même du conseil de la MRC, il est possible de permettre – ce qu'on suggère, en tout cas – que des municipalités ne participent pas, mais que ce soit géré à l'interne afin de favoriser l'esprit régional.

M. Trudel: Même au moment où on aurait pris la décision de s'occuper d'une responsabilité, au plan régional, de la MRC, disons sans droit de retrait, le projet de loi suggère qu'on ait trois mois pour l'exercer. Ça vous semble encore trop, cela, qu'on donne une période de trois mois pour exercer l'option, pour quiconque, après avoir regardé ce que ça veut dire pour sa municipalité? C'est encore trop, ça, cette disposition du projet de loi?

M. Giroux (Michel): Ce qui arrive, c'est que – je reviens avec la même remarque – de permettre à des gens de se retirer même d'une chose aussi importante que la création d'une SEM, par exemple, dans un domaine économique qui est fondamental pour une région, si vous permettez le droit de retrait, de le gérer... à l'intérieur de la communauté locale, vous empêchez ou, en tout cas, vous semez la graine d'une incapacité régionale de créer l'outil qu'on veut créer...

M. Trudel: Je vois bien la position. Ça va.

M. Giroux (Michel): ...alors qu'une décision se prend à la majorité pour des situations beaucoup plus importantes que ça. Parce que, d'aller chercher les deux tiers des voix dans une décision importante dans une région, c'est énorme à supporter et on ne demande pas ça même à un peuple, hein, alors que, dans une région... Puis le Québec des régions, quant à nous, la force de ce pays-là, ça va être avec ses régions. Plus les régions seront fortes, plus les régions vont se concurrencer, plus les régions vont avoir de l'énergie, plus le pays sera fort. Et là, actuellement, c'est extrêmement difficile sur le terrain, puisque tous et chacun ont le droit de dire: Bon, moi, je n'embarque pas. Même si c'est une affaire importante, l'économie, moi, je n'embarque pas là-dedans, je me retire. Je n'investis pas dans l'économie régionale puis le développement. On n'est pas intéressés à ça, nous. Vous savez que c'est dur pour un préfet, là, de supporter ça. Moi, je le vis.

M. Trudel: Très bien. Alors, on aura l'occasion...

M. Giroux (Michel): On le vit, par exemple, avec l'expérience des SOLIDE, actuellement.

M. Trudel: Oui. On aura l'occasion d'y revenir parce que, dans le fond, ce n'est pas uniquement, là, à l'égard de la création d'une société d'économie mixte, c'est toute la conception de l'administration régionale...

M. Giroux (Michel): Voilà.

M. Trudel: ...et de la façon dont on va gérer les objets communs dans une région, y compris avec la présence d'unités municipales parfois plus nombreuses ou plus volumineuses autour de la table, parce qu'il faut aussi inclure ça dans le débat. Est-ce que vous pensez, d'ailleurs, à cet égard-là – puisque vous nous y faites glisser, là, alors glissons – qu'il y aurait comme un moyen pour équilibrer toute cette question – disons-le bien honnêtement, là – du retrait du droit de retrait à l'égard des municipalités urbaines? Est-ce que vous avez des pistes? Les municipalités, on a le droit de retrait actuellement. Oui, on a le droit de retrait actuellement. Si nous retirions ce droit qui a été accordé en 1988, là, est-ce qu'il y a des mécanismes que nous devrions mettre en place pour permettre de réaliser l'équilibre tant recherché à l'intérieur des MRC?

M. Giroux (Michel): Si vous permettez, Me Chouinard, qui m'accompagne et qui a étudié plus profondément cette situation-là, est plus en mesure de vous répondre.

M. Trudel: C'est elle qui aurait le secret du caramel dans la Caramilk.

Mme Chouinard (Isabelle): Je n'ai malheureusement aucun secret, sauf que voilà maintenant cinq ans que je travaille à l'UMRCQ, je connais un peu la vision de l'Union à cet égard-là, et, bien humblement, je vais essayer de vous la transmettre. La MRC, nous, on ne la voit pas comme un regroupement de municipalités locales et on ne voit pas le maire qui va siéger au conseil de la MRC comme représentant de sa municipalité locale. Ce qu'on favorise, c'est davantage l'expression d'une autre municipalité qui est, celle-là, régionale. Et les maires qui siègent au conseil de la MRC y vont en tant que conseillers de la MRC. La MRC, traditionnellement, dans certains coins, est vue comme quelque chose de négatif, sauf que ce n'est pas le cas partout.

La gestion du droit de retrait par la MRC, nous, on pense que ça permettrait de régler, dans chaque MRC, les tensions, les problèmes, les conflits. Si une ville importante a une raison suffisante – peut-être qu'il y aurait des balises à mettre dans la loi – de vouloir se retirer, par exemple parce qu'elle a déjà, elle, son site d'enfouissement puis que son site d'enfouissement est aussi important et qu'il vit bien, par contre, que la région voudrait, elle, se gérer, je ne vois pas comment la MRC pourrait refuser de dire: Écoutez, nous, on vous accorde à vous le droit de vous retirer de notre service qu'on décide de se donner de façon régionale. Alors, c'est un peu de cette façon-là. Je vous dirais que c'est plus souple que ce qu'il y a au niveau des communautés urbaines, où là il n'y a pas de droit de retrait du tout. C'est certain que ça fonctionne différemment. Il y a un tissu plus homogène dans les communautés urbaines qu'il y en a en région. C'est pour ça qu'on suggère, là, la concertation et la gestion régionale du droit de retrait.

M. Trudel: Très bien. En notant qu'il y a juste la Communauté urbaine de Québec qui a ce droit. Ce n'est pas pour tout le monde, là, le droit de non-retrait, c'est juste pour la Communauté urbaine de Québec; pas ailleurs, pas dans d'autres communautés urbaines, ni à Montréal ni dans l'Outaouais. Mais on voit le fond, quand même, de votre pensée à cet égard-là. Très bien, on a votre opinion à l'égard du droit de retrait en ce qui concerne la fondation des SEM.

Il y a une autre affirmation dans votre mémoire qui m'étonne un peu, là, je ne sais pas si c'est un problème d'écriture – je le souhaite, là – à la page 4, quant au pouvoir de tarification. Vous dites: «Il faudrait s'assurer que le pouvoir de tarification confié aux SEM pour elles-mêmes ne puisse être interprété comme limitant leur pouvoir général à titre d'entreprise privée d'exiger un prix pour les services qu'elles offrent.» Alors, d'abord, je vais noter une petite différence, là. Le projet de loi ne prévoit pas de pouvoir de tarification aux SEM, le pouvoir de tarification appartiendra à la MRC, à la municipalité. Ça, c'est bien important de le noter, là, comme prémisse. Mais vous dites qu'il ne faudrait limiter d'aucune façon le pouvoir, disons, de fixer les tarifs à la SEM?

M. Giroux (Michel): C'est ça. Je pense que, si vous avez... Me Chouinard pourra compléter, mais, actuellement, la tarification qui peut être permise en vertu de la Loi sur la fiscalité municipale prévoit... c'est limité par... On dit que la tarification doit être fixée en fonction du bénéfice qu'en retire le citoyen.

M. Trudel: C'est ça.

M. Giroux (Michel): Bon. Maintenant, ça, ça a été interprété, déjà, dans des articles de droit et par les tribunaux, comme étant une limite qui ne permet pas à la communauté locale d'arranger un profit là-dedans. Ça doit être en fonction du bénéfice, il ne doit pas y avoir de profit. On comprend qu'une municipalité locale, ce n'est pas un organisme qui est là pour faire un profit. Donc, on le limite dans ses tarifications pour ne pas qu'il en fasse, puis que ça soit... Alors, le prix va avec le bénéfice. Maintenant, là on n'est plus dans une communauté locale. C'est la communauté locale qui fixe le tarif, mais on est dans une entreprise privée. Et, si on applique le même critère à l'entreprise privée, soit de fixer le tarif ou, en tout cas, que la municipalité fixe le tarif en fonction du bénéfice, et qu'il n'y a pas de marge pour le profit, quel est l'intérêt de l'entreprise privée d'être dans cette entreprise s'il n'y a pas de marge pour le profit? Alors, là, on a deux poids, deux mesures. À une communauté locale, d'accord pour que la Loi sur la fiscalité municipale soit appliquée, mais est-ce que le tarif d'une SEM se voit appliquer les mêmes critères? Là, je pense qu'on ne peut pas arriver, là.

(15 h 40)

Mme Chouinard (Isabelle): J'ajouterais, si vous me permettez, que l'article 41 dit que la convention peut permettre à la SEM de percevoir un tarif pour elle-même ou pour la municipalité locale, sauf que, quand le fondateur municipal est une MRC ou une communauté urbaine, ce n'est pas prévu. Est-ce que la SEM peut percevoir un tarif? Est-ce qu'elle peut, à ce moment-là, exiger n'importe quel prix? Il y a peut-être une correction à apporter, là, dans la loi, à cet égard-là.

M. Trudel: D'abord, une observation, monsieur et madame, «percevoir» pas «fixer».

Mme Chouinard (Isabelle): Voilà.

M. Trudel: Alors, là-dessus, là, ce n'est pas la SEM, mais l'entreprise privée qui ne serait autorisée... Et là, là-dessus, on est en consultation, mais je vous dis tout de suite l'opinion du ministre: Non, ça ne sera pas ça – ça, c'est clair – et ça va demeurer un pouvoir entre les mains des élus au niveau de la fixation du tarif, parce que c'est eux qui sont imputables devant la population. Si on se permet de dire: On va introduire l'entreprise privée dans l'exploitation, la gestion d'un service public, c'est parce qu'on croit qu'avec les méthodes, les approches, il y a de la place pour une marge de profit raisonnable. C'est au privé à décider s'il y a une marge de profit, parce qu'on concède, comme je le disais d'entrée de jeu, deux éléments. On offre à nos partenaires du privé deux éléments importants: s'introduire dans un champ d'activité qui, jusqu'à maintenant, est exclusivement réservé aux municipalités et, deuxièmement, tout ce champ d'activité ou ces champs d'activité dans lesquels on permettra d'entrer, et bien, c'est toujours, en quelque sorte, garanti. Et je vais vous dire que, pour un gérant de banque, ça compte, hein, c'est garanti par une municipalité, par des citoyens, qui, eux, sont des payeurs de taxes et qui, par ailleurs, ne sont pas des payeurs de taxes avec une capacité illimitée. C'est pour ça que jamais on ne permettra que la tarification soit donnée à d'autres mains que celles des élus municipaux.

Alors, à ce titre-là... Vous hochez du bonnet, vous êtes d'accord avec ça?

M. Giroux (Michel): On est tout à fait d'accord.

M. Trudel: Je le souhaite vivement, là.

M. Giroux (Michel): On est tout à fait d'accord avec ça.

Mme Chouinard (Isabelle): En fait, on...

M. Trudel: Je comprends, par ailleurs, que, si on veut permettre à la MRC d'être efficace, à votre point de vue, comme fondateur d'une SEM, par exemple...

M. Giroux (Michel): Oui.

M. Trudel: ...il faudra lui donner un pouvoir de tarification, ce qu'elle n'a pas comme entité municipale actuellement.

M. Giroux (Michel): C'est exact.

M. Trudel: Bon. On s'entend. On s'entend tous que le texte était un petit peu large dans sa présentation. Ce n'était pas tout à fait ça que vous vouliez dire. J'ai compris ça.

Mme Chouinard (Isabelle): C'est-à-dire que...

M. Trudel: Bon, très clair, pour ne pas qu'il y ait de mégarde pour personne.

La Présidente (Mme Bélanger): Me Chouinard, vous avez...

Mme Chouinard (Isabelle): C'est-à-dire que, nous, plutôt que de fixer... Parce qu'il ne faut pas oublier que, si on relit aux articles 244.1 et suivants de la Loi sur la fiscalité municipale, le prix qui va être fixé par le fondateur municipal pour la SEM, c'est un prix qui va être contestable judiciairement. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que le prix doit être fixé par le fondateur municipal. Ça, on est tout à fait d'accord, mais peut-être pas selon les règles aussi serrées que la Loi sur la fiscalité municipale.

M. Giroux (Michel): Parce que l'article 244.4 de la Loi sur la fiscalité municipale est très serré, M. le ministre. Si l'objectif du gouvernement, c'est effectivement de garder ça serré comme ça, je veux dire, on est capable de le comprendre. Mais là, pour une compagnie privée qui veut, par exemple, réinvestir plus tard, elle peut penser à plusieurs années, puis avoir à l'intérieur de son tarif du réinvestissement possible, etc. Là il risque d'y avoir des contestations judiciaires en disant: Voyons donc! Ça ne coûte pas ce prix-là et ça devrait coûter beaucoup moins cher, vous devriez appliquer 244.4. Puis là ils vont être obligés d'aller se défendre devant les tribunaux, en tout cas, la communauté locale, se défendre devant les tribunaux en disant: Bien, là, on est obligé de prévoir une marge de manoeuvre, parce qu'on n'est pas nécessairement dans le public, on est dans le privé. En tout cas, c'est ça. On faisait appel au ministre pour qu'il apporte une attention particulière à cette difficulté, là, qui peut peut-être faire en sorte que les SEM seront moins efficaces si les tarifs sont trop serrés.

M. Trudel: On va regarder ça avec attention, mais je vous le dis tout de suite aussi, là: C'est à l'égard de l'interprétation du mot «bénéfice».

M. Giroux (Michel): Oui.

M. Trudel: Parce que, dans la loi générale, c'est au bénéfice du contribuable. Ça ne fait pas référence à des bénéfices ou des profits. Ce n'est pas la notion de profit qui est invoquée dans la loi municipale. Vous dites: Oui, les tribunaux pourraient peut-être interpréter que c'est en rapport avec la notion de profit. Ce n'est pas du tout l'intention du législateur. Je sais ce que vous soulevez, là, mais ce n'est pas l'intention du législateur qu'on ait à fixer les tarifs en fonction du profit, c'est en fonction du bénéfice qu'on peut donner aux citoyens, et tant mieux. Et je pense qu'on va y arriver si le secteur privé, avec le secteur municipal, peut nous aider à un plus grand bénéfice pour le citoyen qui est un contribuable, un citoyen-payeur. On est sur la même longueur d'onde, mais je vous le dis, là: Il ne faudra pas qu'on définisse la notion de fixation des tarifs uniquement ou majoritairement par la notion de profit. On y perdrait la notion de l'intérêt public, à cet égard-là, et de l'intérêt du contribuable. Il faudra, quant à moi, être... j'allais dire extrêmement prudent. Là, c'est le mot le plus faible que je peux employer à cet égard-là, d'être extrêmement prudent.

Est-ce que j'ai le temps pour une dernière question, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bélanger): Une dernière question, M. le ministre.

M. Trudel: Merci. Parlons un peu de capital, d'apport de capitaux. Vous suggérez, là, si ma mémoire m'est fidèle, qu'on puisse permettre une plus grande implication du secteur privé à l'égard du capital-actions tout en disant qu'il faudra que les actions votantes, cependant, au conseil d'administration, pour le vote, ça demeure toujours la majorité du fondateur municipal. Est-ce que vous ne croyez pas que, si on permettait, par exemple, la possibilité d'émettre des actions subalternes, des actions privilégiées sans droit de vote au conseil d'administration, la grosseur du capital, l'effort du capital investi ferait en sorte que ça finirait par créer des pressions indues sur le conseil d'administration en disant: Vous autres, les administrateurs municipaux, là, vous n'avez pas mis un rond là-dedans; nous autres, on a mis une couple de millions, s'il vous plaît? Est-ce que vous avez vu ce danger-là ou si on est un petit peu trop... Comme dirait le député de Laurier-Dorion, est-ce que ma vie antérieure de social-démocrate est trop biscornue?

M. Giroux (Michel): Vous savez, les élus municipaux sont habitués à vivre avec des pressions des gens qui... Les élus provinciaux et tous les élus, c'est la même chose, on est habitués à vivre avec des pressions. Alors, maintenant, il s'agit d'avoir le pouvoir. Quand tu as le pouvoir de dire oui ou de dire non, les pressions, tu peux les subir. Moi, je ne vois pas vraiment de difficulté. On ne peut pas empêcher ces pressions-là, qu'il y ait plus ou moins de capital d'investi. Même s'il y en a moins, les gens vont essayer d'en faire pareil. Il y en aura toujours, de ça. Aussitôt qu'il y a de l'argent, il y a des pressions.

M. Trudel: Très bien. Merci beaucoup de votre contribution. C'est un mémoire qui est très éclairant. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais souhaiter la bienvenue également aux représentants de l'UMRCQ. J'aimerais revenir sur trois points. Le droit de retrait, je veux revenir là-dessus, parce qu'en fait il s'agit, dans mon esprit, de deux droits de retrait dont on parle. Si j'ai bien compris, l'UMRCQ souhaiterait, avant même qu'on aille plus loin dans la discussion de l'avant-projet de loi ou qu'on dépose un projet de loi sur les sociétés d'économie mixte, qu'on règle un irritant majeur pour plusieurs MRC – j'ai bien dit «MRC», je n'ai pas dit «villes» ni «villages» ni «paroisses» – l'irritant qu'est le droit de retrait. À cela s'ajoute évidemment le droit de retrait qu'on retrouve ici, dans l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte. Est-ce que c'est ce que je comprends du mémoire qui est devant nous?

M. Giroux (Michel): Tout à fait, c'est ça.

Mme Delisle: Bon. Si c'est ce qu'on a bien compris, tout le monde, il faudrait d'abord se demander si le forum, c'est ici, pour le régler. Deuxièmement, aussi, il aurait été intéressant, il serait intéressant, à un autre moment donné, sans doute, d'entendre non pas la structure MRC, mais aussi les maires. Je sais que c'est un irritant à bien des égards quand on veut développer un esprit régional, quand on est convaincu du bien-fondé d'un projet. Cependant, le droit de retrait auquel vous faites référence et celui qui est prévu dans l'avant-projet de loi m'apparaissent... Je ne vous dirai pas qu'ils sont complètement différents, mais c'est deux choses qui, finalement... Il faudra d'abord que tu règles le premier et, ensuite, on discutera du deuxième. En tout cas, moi, c'est ce que j'ai compris. Alors, je ne sais pas si vous avez des commentaires à passer là-dessus. Moi, c'était un commentaire et une question. Est-ce que, pour vous autres, avant d'aller plus loin, c'est une condition sine qua non: Réglez-nous d'abord l'irritant et on discutera du droit de retrait par la suite, ou on n'en veut pas du tout, de droit de retrait, là?

Mme Chouinard (Isabelle): Si vous me permettez...

La Présidente (Mme Bélanger): Me Chouinard.

(15 h 50)

Mme Chouinard (Isabelle): La question du droit de retrait, l'UMRCQ en a fait son cheval de bataille depuis plusieurs années, je vous dirais presque depuis 1988 qu'on l'a introduit dans la loi, le Code municipal. On pense effectivement que, tant que, ça, ça va exister, les MRC ne pourront pas se développer adéquatement. Parce que, effectivement, on n'a pas l'expression d'une volonté régionale, mais on y retrouve l'expression de plusieurs municipalités qui peuvent décider de se retirer du groupe, un peu comme certaines municipalités qui veulent se retirer du Québec, peut-être, actuellement. Si elles pouvaient le décider unilatéralement, ça serait bien épouvantable, mais, heureusement, ce n'est pas comme ça que ça se passe.

Donc, on vient introduire, dans l'avant-projet de loi, une nouvelle façon de gérer le droit de retrait qui est celle de prévoir un délai pour permettre aux municipalités d'exercer ce droit de retrait là. Nous y voyons, peut-être, un élément de solution que le gouvernement entrevoit pour régler la question du droit de retrait, de façon générale. Peut-être que c'est vers ça qu'on tend, de dire: Les municipalités auront un délai pour exercer leur droit de retrait et, ensuite, elles ne pourront plus le faire. À cet égard-là, je vous dirais que ce n'est pas ce que souhaite l'UMRCQ. Si le débat doit se faire maintenant, qu'il se fasse maintenant. Il peut se faire aussi dans le cadre du projet de loi n° 124, comme vous le savez, où on vient élargir le droit de retrait, et la commission parlementaire aura lieu la semaine prochaine. Mais il va falloir qu'il se fasse, à un moment donné. Comme on vient introduire une nouvelle sorte d'exercice du droit de retrait, on dit: Bon, bien, là, pourquoi est-ce qu'on fait ça? Pourquoi est-ce qu'on ne le règle pas autrement, une fois pour toutes?

Mme Delisle: Juste une petite rapide encore sur le droit de retrait. Est-ce que c'est l'opinion de l'UMRCQ ou si c'est l'opinion de l'ensemble des maires qui sont dans l'UMRCQ?

Mme Chouinard (Isabelle): J'aimerais vous rappeler que l'UMRCQ regroupe 1 085 municipalités locales...

Mme Delisle: Donc, c'est l'opinion de l'ensemble des maires du Québec qui sont d'accord...

Mme Chouinard (Isabelle): ...qui sont membres de l'UMRCQ.

Mme Delisle: ...avec le droit de retrait actuellement?

Mme Chouinard (Isabelle): Je vous dirais que la façon dont ça a été exprimé dans le mémoire, c'est exactement une résolution adoptée par l'assemblée générale des membres de l'UMRCQ.

Mme Delisle: Donc, ça ne devrait pas poser de problème, M. le ministre, de retirer le droit de retrait, si c'est la volonté de l'ensemble des maires du Québec.

Mme Chouinard (Isabelle): C'est-à-dire que c'est une gestion différente.

Une voix: ...

Mme Delisle: Ha, ha, ha! Bon. Ceci étant dit, je voudrais revenir à la question de tarification, parce que je pense que c'est un élément qui n'était pas tout à fait bien compris. Je suis contente de voir que le ministre a ramené, finalement, tout le débat et toute la discussion autour du contribuable. Parce que la création des sociétés d'économie mixte – et on aura l'occasion d'en discuter tout à l'heure avec d'autres intervenants – c'est un outil parmi tant d'autres qui va permettre aux municipalités de gérer des services, de dispenser des services de très bonne qualité, à moindre coût. Mais il ne faut jamais oublier que c'est la municipalité qui initie ça et qui veut que ça se fasse pour ses citoyens. La municipalité ne travaille pas pour l'entreprise privée. Je n'ai rien contre l'entreprise privée, au contraire. Je pense que tout le monde a sa place au soleil, mais il faut se rappeler pourquoi on est ici.

Donc, tarification. On m'a un peu perdue, tout à l'heure. J'aimerais ça, peut-être, revenir à la question de la tarification. Prenons l'exemple de la cueillette des déchets, qui est un exemple peut-être plus facile, où chaque municipalité peut aller en soumission publique, c'est tant la tonne ou c'est tant la porte, dépendamment comment ça fonctionne. Si on se regroupe – je ne parle pas d'une SEM – dans une MRC, actuellement, il y a des municipalités qui pourraient choisir de faire partie de ce groupe-là ou de ne pas en faire partie. Elles pourraient toujours aller en soumission publique par la suite pour avoir leur propre tarif. Est-ce que vous voyez une difficulté, si c'est une SEM qui se crée... Prenons l'exemple de la MRC du Haut-Richelieu qui a créé sa SEM, justement, pour la gestion des déchets, mais aussi pour le marketing de produits ou de sous-produits qui pourraient être faits – excusez-moi le verbe «fait» – ou produits à partir de ces déchets-là ou des composants de ces déchets. Là, on est rendu loin. Est-ce que, pour vous autres, il y a une différence entre la tarification qui est chargée par chacune des municipalités, mais qui font partie d'une MRC qui est fondateur municipal, et la SEM, qui, elle, va aller exploiter davantage cette nouvelle responsabilité là?

La Présidente (Mme Bélanger): Me Chouinard.

Mme Chouinard (Isabelle): Merci. La société d'économie mixte est fondée d'une compagnie privée qui est là pour faire de l'argent et d'une municipalité qui, elle, évidemment, a le souci de rendre le service à ses citoyens au meilleur coût possible. La SEM devrait respecter le tarif fixé par la municipalité. À cet égard-là, on s'entend. Le problème, c'est que la Loi sur la fiscalité municipale, au niveau des pouvoirs de tarification, ne laisse pas de marge de profit significative. La municipalité n'est pas là pour faire de l'argent, on le comprend. Le tarif que la municipalité fixe en vertu de la Loi sur la fiscalité municipale doit respecter le bénéfice reçu au niveau de sa valeur auprès du citoyen, ce qui implique une certaine judiciarisation, entre guillemets, du prix qui va être fixé par la municipalité, mais perçu par la société d'économie mixte.

Nous, on est tout à fait d'accord pour que le citoyen y trouve le meilleur rapport qualité-prix, mais on se demande quel avantage va trouver l'entreprise privée à s'embarquer dans une entreprise où, effectivement, elle n'a pas de contrôle significatif sur une petite marge de profit potentielle relativement aux services qu'elle va pouvoir offrir. C'est simplement ça. On est d'accord pour que la municipalité fixe. La municipalité, évidemment, de par son souci de bien servir sa population, devrait respecter une marge de profit très raisonnable, mais ne pas judiciariser ça eu égard aux articles 244.1 et suivants de la Loi sur la fiscalité municipale.

Mme Delisle: J'aurais aussi une dernière question avant de passer la parole à mes collègues qui souhaiteraient vous questionner. Vous dites, en page 6 de votre mémoire, que vous aimeriez... Vous faites référence, en fait, à l'exclusion des services de sécurité publique et incendie, là, que la SEM devrait être exclue de dispenser ces services-là, mais vous aimeriez qu'on évalue la possibilité de permettre que certains services en matière de sécurité publique puissent être donnés par ces entreprises. Vous y voyez là une opportunité intéressante d'offrir à meilleur coût certains services. À quels types de service faites-vous référence?

Mme Chouinard (Isabelle): Je vous dirais que la réflexion n'a pas été approfondie à ce niveau-ci. On a simplement vu une possibilité, peut-être, d'ouverture intéressante pour... Vous le savez, l'ex-ministre de la Sécurité publique, M. Ménard, a manifesté l'intérêt que les municipalités puissent s'entendre avec la Sûreté du Québec pour donner une partie des services via une tarification ou un prix que les municipalités paieraient à la Sûreté du Québec. Il y a peut-être une partie de ces services-là qui pourraient être donnés en régie privée. Par exemple, j'émets l'idée du respect des règlements municipaux. Est-ce que, par exemple, une petite entreprise privée de sécurité publique ne pourrait pas s'assurer du respect des règlements municipaux? Ça serait géré par une partie municipale et une partie privée qui offre déjà des services en matière de sécurité. On se demande pourquoi c'est exclu d'emblée. On n'a pas eu d'explication là-dessus.

Mme Delisle: Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M. le député... Est-ce qu'il y a quelque chose à rajouter? Non? M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Un suivi sur ce dernier point. Vous ne voyez pas un problème de principe avec ce que vous avancez? Dans le sens qu'une SEM du domaine privé, finalement, qui donne des services dont le citoyen a besoin, ça, c'est une chose, mais la notion de sécurité publique a aussi un élément de contrôle vis-à-vis du citoyen. Vous ne voyez pas un problème de principe à accorder une activité de contrôle à l'entreprise privée plutôt qu'à une autorité publique qui doit quand même, en bout de ligne, répondre aux citoyens par la démocratie, le processus démocratique? Est-ce que vous ne voyez pas là un problème de principe?

Mme Chouinard (Isabelle): Je vous dirais que la notion de sécurité publique est très large. On peut penser, par exemple, aux services du 9-1-1, les services d'appel d'urgence, c'est des services de sécurité publique; les services en matière d'outils de décarcération, c'est des services de sécurité publique. C'est des choses qui peuvent... C'est une appellation qui peut être relativement large, et il y a peut-être des services qui ne nécessitent pas, justement, de personnes armées ou...

(16 heures)

M. Sirros: Non, mais c'est toujours une activité de contrôle, que ce soit, par exemple, d'émettre des contraventions, en tout cas, de contrôler ce qui a été décidé par l'élu ou, dans le cas que vous appelez le 9-1-1, bon, une question de services essentiels relatifs à la vie ou la mort, les urgences, etc. Et c'est dans ce sens-là que je trouvais que c'était assez audacieux de dire qu'on pourrait envisager de remettre au secteur privé des activités qui, finalement, touchent à un aspect qu'on a toujours considéré comme des activités dont les autorités publiques doivent répondre ultimement et qui ne doivent pas, dans ce sens-là, être vues comme des activités qui puissent générer des profits. C'est pour ça que je posais la question en termes de principe, ou si c'est juste une question, bon, de sous à faire au niveau, par exemple, de l'application plus exigeante, je ne sais pas, moi, des règlements municipaux quant au stationnement, etc. Plusieurs municipalités, déjà, je pense, ont créé des services à part, mais qui relèvent toujours de la municipalité au niveau de l'application, par exemple, des règlements municipaux.

M. Giroux (Michel): Oui. Nous partageons le même principe que vous là-dessus. C'est qu'on ne veut pas fermer la discussion pour trouver des solutions, dans le fond, pour l'intérêt de nos citoyens.

M. Sirros: Mais, si je comprends bien, vous partagez le principe, mais vous voulez trouver une façon de faire autrement.

M. Giroux (Michel): Non, mais, écoutez, il y a des choses en matière de sécurité publique qui pourraient être confiées à autre chose qu'une gendarmerie qui doit respecter une loi sur l'application. Vous savez, on partage le même principe, mais on cherche à faire en sorte que le service coûte le moins cher possible ou qu'il soit confié à une SEM, par exemple, pour les outils de désincarcération ou le 9-1-1, faire en sorte qu'on en arrive au meilleur service possible au meilleur coût possible. Maintenant, vous avez raison, il faut se préoccuper de cet aspect que vous venez de soulever, il faut éviter d'aller dans des services qui ne peuvent pas être sous le contrôle de l'entreprise privée ou même d'une municipalité, qui doivent être sous le contrôle d'une loi de police ou d'une loi sur les services publics de sécurité.

M. Sirros: Mais vous n'avez pas d'exemples plus précis du type de services que vous envisagez, vous?

Mme Chouinard (Isabelle): Comme je vous le dis, on n'a pas approfondi la réflexion, sauf qu'on ne veut pas que la porte soit fermée d'emblée. On ne trouve pas d'explication à cette fermeture-là. Mais vous venez de m'en fournir une intéressante.

M. Sirros: Laquelle?

Mme Chouinard (Isabelle): Celle de l'aspect de contrôle et de normatif qu'exercent les services policiers en général.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de D'Arcy-McGee. Cinq minutes, il reste.

M. Bergman: Dans votre mémoire, vous parlez, à la page 1, des deniers publics et du capital de risque. Aussi, plus tard dans la même page, vous parlez de gérer par la création de personnes morales et non la création de nouvelles structures sous la tutelle du ministère des Affaires municipales. Alors, je vois des concepts qui ne marchent pas ensemble. Si on a peur des deniers publics et du capital de risque, alors on veut avoir un contrôle sur cet argent. Mais, plus tard, vous parlez de création de personnes morales et non la création de nouvelles structures sous la tutelle du ministère des Affaires municipales. Alors, un concept ne marche pas avec l'autre. Ou on donne l'indépendance aux SEM ou on ne donne pas l'indépendance aux SEM, premièrement. Et, deuxièmement, est-ce qu'on est prêt, comme société, à mettre les deniers publics dans un capital de risque sans que le côté privé mette du capital aussi?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Giroux.

M. Giroux (Michel): C'est dans la balance entre les deux qu'on va trouver la meilleure solution. Le contrôle doit s'exercer par le ministère peut-être sur l'entité publique et non pas comme on l'a vu en matière de tarification. Le contrôle dans la fixation du tarif, le ministère peut voir par la Loi sur la fiscalité municipale à avoir un certain contrôle. Mais ce qu'on suggérait, c'est que ce contrôle ne soit pas trop serré puis qu'on évite de le judiciariser. Alors, on essaie de balancer le fait de ne pas créer une nouvelle structure sous plein contrôle mais bien d'arriver avec des contrôles qui auraient une certaine souplesse, mais par l'entremise de l'entité municipale.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon. Est-ce qu'il y avait d'autres questions?

Mme Delisle: Non, non. Continuez. Ça va. Excusez.

M. Bergman: Aussi, on adopte avec cette loi le concept des utilisateurs-payeurs et on adopte un concept, maintenant, d'avoir le citoyen qui paie pour les services qu'il emploie. Mais ce qui me frappe, c'est la question d'équité, et la question d'équité pour tous nos citoyens. Ceux qui ne peuvent pas payer pour les services n'auront pas la chance d'avoir une chance égale avec ces services que d'autres citoyens.

Comment, dans notre société, on peut balancer le «deal» aussi pour donner la chance à tous les citoyens d'avoir les mêmes services ou d'avoir l'opportunité pour les mêmes services? Est-ce qu'on change comme société pour donner la chance à ceux qui ont le pouvoir de payer et à ceux qui n'ont pas le pouvoir de payer, qui ont moins de chances d'avoir ces services?

La Présidente (Mme Bélanger): Me Chouinard.

Mme Chouinard (Isabelle): C'est-à-dire que, évidemment, les pouvoirs de tarification qui sont exercés par les municipalités posent déjà cette question-là d'équité entre les citoyens, qui ne sont pas reliés aux revenus des citoyens, mais plutôt qui sont simplement reliés au coût du service. Je vous dirais que c'est un débat qui devrait être posé de façon plus large. Est-ce qu'on doit plutôt y aller au niveau de l'impôt sur le revenu? Je ne crois pas, puisqu'il y a la partie privée aussi qui doit faire sa part à partir d'un réinvestissement des profits. En permettant à la SEM de percevoir un tarif, ça permet justement que les gens paient pour les services rendus.

M. Bergman: Ma dernière question, c'est la question de l'exclusion des soumissions publiques. Est-ce que ça va mener à des abus au système? Sans avoir des soumissions publiques, est-ce qu'on va voir qu'il y aura certaines personnes qui seront favorisées à cause du fait qu'il n'y a pas de soumissions publiques? Alors, est-ce que ça va mener à des abus au système?

M. Giroux (Michel): La question est intéressante et elle doit préoccuper tout le monde. Maintenant, quand une entité municipale se lance dans ce type de service, elle ne donne pas un contrat, elle investit avec un partenaire privé pour donner un service. Si on impose à l'entité municipale de faire affaire avec celui qui va, lui, arriver avec le meilleur prix quel que soit le pays d'où il vient, quelle que soit la province d'où il vient, quelle que soit la philosophie de gestion que ce partenaire peut avoir, mais, parce qu'il a le meilleur prix le plus bas, on impose au partenaire municipal de faire affaire avec lui pour 20 ans ou plus, on s'engage dans quelque chose qui n'est pas facile. Nous croyons qu'il faut absolument trouver une autre façon de s'assurer que les lois, l'équité, la justice soient respectées dans l'attribution de ces contrats-là quand vous êtes allé en soumissions publiques. Déjà, de gérer des municipalités comme on doit le faire, moi, comme maire ou comme préfet, d'aller en soumissions publiques, je dis qu'il nous arrive des fois des situations catastrophiques où des gens soumissionnent à 200 000 $, 300 000 $ de moins pour donner un service de déneigement alors qu'on est parfaitement convaincus qu'ils sont incapables de donner le service, puis on est obligés d'accepter ce contrat-là. Et il n'y a rien à faire pour ça, puis on vit pendant des fois deux, trois, puis quatre ans avec des problèmes semblables.

Alors, essayons de trouver une solution. Je me préoccupe comme vous de votre question puis de ce que vous cherchez à protéger, mais essayons de trouver une solution qui permettra aux SEM d'avoir une meilleure marge de manoeuvre.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Une petite dernière? Non?

La Présidente (Mme Bélanger): Il n'y en a plus.

Mme Delisle: Il n'y en a plus? Parfait! Alors, on va être disciplinés, aujourd'hui.

M. Trudel: La générosité, ça n'a jamais rien empêché, ça, madame.

Mme Delisle: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): Une petite question avec une courte réponse.

Mme Delisle: En fait, très rapidement, M. Giroux, auriez-vous souhaité, à l'UMRCQ, qu'on attende de voir aller les quatre projets-pilotes, de voir quels sont les avantages, les inconvénients avant qu'on dépose un projet de loi?

M. Giroux (Michel): Bien, c'est ce que notre mémoire dit, effectivement.

Mme Delisle: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. Giroux et Me Chouinard.

M. Giroux (Michel): Mme la Présidente, M. le ministre, merci, madame, messieurs.

M. Trudel: Merci beaucoup de cette généreuse contribution, nos amitiés à votre présidente.

M. Giroux (Michel): Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous suspendons quelques instants, le temps de faire les changements d'invités.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

(Reprise à 16 h 11)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend ses travaux. Le mandat de la commission... À l'ordre! Le mandat de la commission est toujours de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal. Alors, j'inviterais la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, qui est représentée par M. Lacharité. Bienvenue, M. Lacharité. Je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez toujours 20 minutes pour présenter votre mémoire, et il y aura une discussion de 20 minutes du côté ministériel et du côté de l'opposition.


Chambre de commerce du Montréal métropolitain

M. Lacharité (Luc): Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, d'abord, permettez-moi de vous remercier, de remercier la commission d'avoir accepté de nous entendre. Après quelques commentaires d'introduction, avec votre permission, je laisserai le soin à M. Serge Bujold, du Groupe DMR, qui est le président de notre comité Alliances stratégiques, de présenter les grandes lignes de notre mémoire sur les alliances stratégiques des secteurs privé et public, qui représentent les fondements de nos propos sur le projet de loi sur les sociétés d'économie mixte.

J'aimerais aussi vous présenter deux autres membres du comité; c'est-à-dire, je vais vous en présenter un autre pour l'instant, parce qu'il y en a un qui nous a fait faux bond momentanément. Alors, M. Bujold, que je vous ai déjà mentionné comme étant le président de notre comité et à qui je céderai la parole avec votre permission, est à ma droite, et M. Vézina, Richard Vézina, de la firme d'ingénieurs SNC-Lavalin, est à ma gauche. Dès que Me Pierre Lapointe, qui est la quatrième personne de notre délégation, sera présent, je vous en ferai officiellement la présentation. Ces gens seront aussi disponibles pour participer aux échanges de la commission.

Devant l'actuel état des finances publiques, le gouvernement tente de contrôler l'évolution de la dette. Alors, je vous présente dès maintenant Me Pierre Lapointe, de la firme Lapointe, Rosenstein, qui est un membre de notre comité également. Je disais que, devant l'état actuel des finances publiques, le gouvernement tente de contrôler l'évolution de la dette. Cependant, les coupures effectuées ne suffisent plus pour renverser la vapeur. Il faut donc trouver d'autres solutions, des solutions novatrices qui sortent des sentiers battus. Ces solutions nouvelles doivent passer par une redéfinition du rôle de l'État et de celui des entreprises.

L'État joue un rôle crucial dans la création d'un environnement propice au développement des affaires, et cet environnement économique favorable est un facteur essentiel de développement pour les entreprises. Par ailleurs, les entreprises doivent elles aussi réviser leur manière de voir l'État et considérer le gouvernement comme un partenaire d'affaires. Les entreprises veulent donc mettre au service de l'État cette capacité qu'elles ont d'innover. Cependant, pour y arriver, les entreprises doivent faire des choix. Pour faire face à la concurrence mondiale, les entreprises se regroupent et confient à d'autres la gestion de certaines de leurs activités, et une telle stratégie favorise le développement de nouvelles expertises. Cette tendance dans les entreprises n'est pas conjoncturelle, elle est véritablement structurelle.

Ces alliances offrent de multiples avantages. Parmi ces avantages, je ne mentionnerai que les principaux: l'expertise développée par les entreprises à qui on confie la gestion de nouveaux services; l'augmentation de leur compétitivité et de leur capacité de concurrencer au niveau international – et on sait combien les marchés extérieurs, l'exportation sont d'une importance capitale pour notre économie québécoise – les économies d'échelle réalisées au niveau local par les entreprises sont également un autre avantage marquant; l'amélioration de l'expertise, de la qualité des services et des biens qu'elles peuvent produire; la responsabilisation de l'usager grâce à un resserrement des coûts; et le désengagement de l'État de certaines tâches. Ces avantages remettent également en question certains aspects, et plus particulièrement le rôle de l'État. Même s'il s'agit d'un remaniement majeur des structures actuelles, cela ne constitue ni une perte d'influence – et, ça, c'est important de le souligner – ni une diminution de l'importance de l'État, mais plutôt une nouvelle répartition des responsabilités, une nouvelle façon de faire les choses.

Afin de contribuer au succès des alliances stratégiques, certaines lignes directrices doivent guider notre réflexion. D'abord, la volonté politique du gouvernement de se lancer dans un processus de changement de valeurs et d'attitudes au sein de la fonction publique est la condition incontournable au succès d'alliances stratégiques entre le secteur public et le secteur privé. En deuxième lieu, il est essentiel de concevoir les alliances comme des engagements à long terme. Ce ne sont pas des projets-pilotes, ça ne doit pas être des projets-pilotes. Ce sont des projets de partenariat qui nécessitent de la minutie dans le choix d'un partenaire afin d'établir une relation de confiance de longue durée. En troisième lieu, l'environnement législatif des partenariats doit demeurer stable. Il détermine le cadre de fonctionnement des entreprises. Ainsi, la volonté politique de partenariat ainsi que la stabilité réglementaire sont donc les facteurs fondamentaux du succès.

Les entreprises utilisent intensivement et de plus en plus les alliances stratégiques comme un outil de développement économique. Les gouvernements ont eux aussi à emboîter le pas au secteur privé et à s'allier à lui pour l'exécution et la gestion de services publics. L'innovation est une de ces avenues. Les alliances stratégiques représentent pour le gouvernement du Québec une nouveauté en raison du nouvel ordre à établir, du mode d'exploitation de la structure de financement, de la création de l'emploi et de son droit de regard, qui doit demeurer en vigueur.

À ce stade-ci, Mme la Présidente, permettez-moi de céder la parole à M. Serge Bujold.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Bujold.

M. Bujold (Serge): Merci. Bonjour. Alors, on vous a remis, il y a quelques instants, un document. Ce n'est pas un nouveau mémoire. Essentiellement, au lieu de lire les deux documents qu'on a remis à la commission, on a préféré vous faire une présentation qui reprenne les éléments clés. Et, plutôt que de faire une projection de présentation, on vous a remis une copie des acétates. Ce sont des mots clés, ce qui fait que, si vous tournez les pages avant moi, vous allez peut-être avoir de la difficulté à comprendre ce qu'on veut dire.

Ce qu'on voudrait reprendre comme discussion, c'est d'abord refaire un préambule et ensuite vous parler du premier document qu'on vous a remis, le mémoire sur les alliances secteurs public-privé, un document qui a été préparé à la Chambre de commerce et qui a été rendu public le 18 octobre 1995, document qui vous a été remis. Suite à ça, il y a un deuxième document qui a été remis à la commission et qui est les commentaires relativement à l'avant-projet de loi sur la création des sociétés d'économie mixte, où je reprendrai quelques éléments. Et, finalement, nos recommandations ou, en fait, la position de la Chambre. Puis, évidemment, répondre à vos questions.

(16 h 20)

J'aimerais reprendre au niveau du préambule, parce que c'est une prise de position qui est très, très importante. C'est un préambule où on veut essentiellement établir ce qu'on perçoit comme étant les règles fondamentales. C'est que, en raison de ses responsabilités politiques, l'État ne peut et ne doit renoncer à ses prérogatives en matière de décision et de contrôle des services publics. Comme M. Lacharité le disait tantôt, on considère que c'est une notion fondamentale, donc la création de sociétés d'économie mixte doit respecter ce principe-là. Ensuite, il faut dissocier les activités de décision et de contrôle des activités de production et de distribution d'un service public, évidemment en prolongation de ce qui vient d'être mentionné.

Dans le mémoire, la Chambre propose des solutions alternatives quant à la façon de produire et de distribuer le service. Les moyens qu'elle préconise sont propices à la croissance économique, un prérequis essentiel à la création d'emplois. Notre message, le message de fond, c'est la croissance économique. Les alliances stratégiques sont utilisées depuis plusieurs années par les entreprises pour faire du développement économique, et nous croyons sincèrement que ce moyen-là est aussi disponible à l'État pour faire du développement économique. Donc, c'est une notion importante que nous voulons poser comme préambule.

L'acétate suivant: le contexte. On parle de l'endettement de l'État qui affaiblit les entreprises. Je ne ferai pas de présentation sur la situation de la dette au niveau de l'État, je pense que vous la connaissez certainement plus que moi. Mais le point qu'on veut mentionner, c'est que l'endettement de l'État crée une situation, au niveau des entreprises, qui a des répercussions. L'État ne vit pas dans un vacuum et les entreprises non plus, donc ce n'est pas parce que d'un côté on a une situation que l'autre n'en dépend pas. Donc, il y a une relation directe. C'est une notion importante qu'on veut faire ressortir.

On dit ensuite de remplacer les coupures par de nouvelles façons de faire. Encore une fois, il faut trouver des nouvelles façons. Il faut innover dans la façon de régler nos problèmes et dans la façon de faire du développement économique. Et le partage des responsabilités par les alliances, aujourd'hui, les entreprises en font. Les entreprises, qu'elles soient grandes ou petites, toutes font des alliances et, essentiellement, ce qu'on fait, c'est du partage de responsabilités. Il ne s'agit pas d'abandonner ces responsabilités, et j'insiste encore une fois sur ce point, il s'agit de partager les responsabilités. On parle d'un nouveau rôle de l'État, un rôle de facilitateur, et, essentiellement, c'est le sens qu'on comprend à l'avant-projet de loi, de créer un environnement qui permet de faire ce type d'alliance.

À l'acétate suivant, on parle de l'état de la situation. La mondialisation des marchés, c'est un thème qui est énormément utilisé. Par contre, il y a une réalité derrière la mondialisation des marchés. La compétitivité de nos entreprises, on peut vouloir... Une entreprise qui est locale, qui a une clientèle locale, peut dire que son environnement est un environnement restreint et certain, mais la compétitivité des entreprises nous vient à l'échelle internationale. Si une entreprise qui a un marché local ne suit pas l'évolution mondiale, dans un avenir plus ou moins rapproché, une entreprise au niveau international va venir lui voler son marché.

Donc, il est absolument impossible pour les entreprises de dire qu'on vit dans un marché fermé. On vit dans un marché ouvert et, aujourd'hui, il faut travailler comme si on était sur un marché mondial même si notre clientèle est locale. L'absence de barrières tarifaires ne fait qu'amplifier ce phénomène-là, et on sait, évidemment, que les tendances ne sont pas à augmenter des barrières tarifaires, mais à les diminuer. Donc, ce qu'on dit, c'est que l'endettement de l'État doit cesser. En fait, je dirai seulement un mot sur ce sujet-là. On entend ce discours et on voit des intentions précises pour poser des gestes dans ce sens-là, et on supporte ces gestes-là.

On dit qu'une solution, c'est l'innovation. Créer des emplois, faire du développement économique à faire la même chose que son voisin, de la même façon, en essayant de couper son prix, ce n'est pas du développement économique, c'est de l'appauvrissement économique, parce qu'on ne fait pas d'innovation. On a seulement à regarder nos entreprises qui, encore une fois, sont sur le marché international, ce sont des entreprises qui ont innové. Ce sont des entreprises qui se sont positionnées sur le marché international avec des choses d'innovation. Donc, le message, c'est que l'innovation, c'est une priorité. Il faut supporter l'innovation et créer un cadre qui permet de motiver l'innovation auprès des entreprises. C'est un cadre qui va faire du développement économique.

L'acétate suivant: alliances secteurs public-privé. C'est une façon de faire des entreprises du XXIe siècle et c'est également avantageux pour les gouvernements. Évidemment, on s'aperçoit de plus en plus que les gouvernements aussi, au niveau international, commencent à faire des alliances stratégiques, des alliances avec le secteur privé, donc ont aussi pris cette voie-là. La même analogie que je faisais tantôt au niveau des entreprises, qu'on ne peut pas se protéger de ce qui se produit au niveau international chez les entreprises, la même chose est vraie pour les gouvernements, parce que les États sont comparés, les entreprises sont comparées dans leur contexte. Ici, ça implique une différenciation importante des rôles. On parle d'un rôle décisionnel, et on entend par rôle décisionnel un rôle de réglementation. On parle d'un rôle de contrôle: contrôle de qualité, contrôle de tarification, contrôle d'exécution, contrôle de bénéfices. On parle de production du service et on parle de distribution du service; la production, évidemment, du service public et sa distribution.

À l'acétate suivant, ce qu'on dit, c'est qu'une condition fondamentale du succès, c'est d'avoir une différenciation des rôles qui permet au secteur public de conserver son rôle de réglementation des contrôles. C'est sa mission, c'est sa raison d'être et, on l'a entendu dans les questions tantôt, l'État doit remplir son rôle; c'est pour ça que l'État est créé. Donc, réglementation et contrôle doivent demeurer.

Par contre, dans la production et dans la distribution du service, il y a avantage à faire appel au privé, et c'est là qu'on parle d'alliance. Et, vous savez, dans une alliance stratégique, pour qu'une alliance stratégique fonctionne, il faut que les partenaires y apportent chacun leur domaine de compétence où ils sont forts et que le résultat soit supérieur à chacune des unités, sans ça l'alliance ne fonctionnera pas. Donc, ce qu'on veut, c'est créer un environnement où chacun retrouve son objectif, et, évidemment, chacun peut bénéficier de la plus-value de l'alliance avec l'autre.

Donc, les recommandations de la Chambre – encore une fois, je suis toujours dans la position de la Chambre relativement aux alliances public-privé – qui ont été faites au mois d'octobre, c'est de soutenir les projets innovateurs. Nous avions identifié, à ce moment-là, deux créneaux de départ qu'il nous semblait très intéressant d'adresser le plus rapidement possible, c'est-à-dire l'inforoute – l'autoroute de l'information – les projets autour de l'autoroute de l'information et les projets au niveau des infrastructures. Deuxièmement, on avait comme recommandation d'encourager le secteur public à faire des alliances avec le secteur privé. Évidemment, on a reçu avec beaucoup d'intérêt l'avant-projet de loi sur la création des SEM, qui rentre exactement dans cet esprit. Et, finalement, on indiquait notre recommandation, pour le secteur public, d'énoncer une politique favorisant les alliances avec le secteur privé. Encore une fois, l'avant-projet de loi correspond à ça.

Maintenant, je vais passer à la deuxième partie, à l'avant-projet de loi lui-même, c'est-à-dire notre document de commentaires relativement à l'avant-projet de loi lui-même. Donc, le partenariat public-privé, c'est un phénomène mondial. J'en ai parlé un peu tantôt, mais, essentiellement, on retrouve au niveau international de plus en plus d'exemples d'alliances public-privé. Comme, dans le domaine des entreprises, les entreprises qui refusent d'emboîter le pas d'un mouvement mondial meurent, alors, au niveau de l'État, on croit qu'il y a la même obligation de suivre un mouvement mondial et encore une fois d'essayer d'innover dans un mouvement mondial. Mais on ne peut pas, aujourd'hui, se protéger d'une tendance mondiale. Donc, c'est un phénomène mondial auquel on doit adhérer.

La complémentarité par les alliances, j'aimerais y revenir encore une fois, parce que ça a été démontré à beaucoup d'occasions dans le secteur privé. Si des partenaires essaient de faire une alliance pour un motif autre que celui d'un bénéfice commun et celui de rencontrer les objectifs de toutes les parties, c'est un échec. Chez des partenaires qui vont s'associer pour faire un projet ou pour lancer une entreprise ou pour quoi que ce soit, si un des partenaires a un objectif qui n'est pas explicite et compris et partagé par l'autre partie, il va s'en sentir lésé et, éventuellement, l'alliance va s'écrouler. Donc, c'est important de créer un climat pour la création des SEM dans lequel les partenaires à la SEM rencontreront leurs objectifs personnels et pourront ensemble avoir un objectif commun.

À l'acétate suivant, quand on parle des potentialités des alliances public-privé, on parle de financement privé, et je pense que c'est une notion importante. Le secteur privé a la capacité d'avoir des leviers de financement et, évidemment, c'est un grand bénéfice pour le citoyen. On a parlé de bénéfice pour le citoyen, c'est un grand bénéfice pour le citoyen d'avoir une capacité de financement autrement que par de la taxation ou, en fait, le secteur public.

(16 h 30)

On veut avoir des nouvelles façons de faire, la nouvelle façon de rendre les services. Je l'ai mentionné tantôt, il ne s'agit pas seulement de dire: Je vais faire la même chose; il faut innover. Dans ce sens-là, l'innovation est un élément important qui peut être motivé par le secteur privé.

Stimulation de la productivité et de la croissance économique. Évidemment, s'il y a des investissements qu'on peut faire parce que le levier privé va chercher une capacité de financement, ces investissements-là vont être dépensés, donc ça va faire du développement économique.

Le développement économique régional – et j'en ai entendu un peu parler tantôt – les régions, pour pouvoir se développer, ont besoin de pouvoir se prendre en main et d'avoir les leviers économiques, les leviers de développement. Évidemment, la création de SEM donne ces leviers-là. On a parlé, tantôt, d'une SEM qui pourrait, à partir de son expertise, faire de la commercialisation de son produit, de son expertise. C'est du développement économique, c'est du développement régional.

Le développement d'entreprises. On sait que de l'activité permet de créer des emplois directs au niveau des entreprises et permet également de développer des entreprises de soutien autour. Et, évidemment, il y a des économies de gestion, il y a des expériences de gestion dans le secteur privé, par rapport à la production et à la distribution, qui peuvent être utilisées.

Donc, l'acétate suivant, la position de la Chambre. La Chambre appuie sans réserve l'objectif et l'esprit de l'avant-projet de loi. Je pense que c'est très important de le souligner. Nous appuyons sans réserve l'objectif et l'esprit.

Parmi les critères de choix du partenaire privé, je pense qu'il est important que le choix se fasse à partir de la compétence, de la capacité des ressources humaines et financières et de la pérennité. On a parlé de bénéfice pour le citoyen. Pour avoir un bénéfice, il faut qu'on choisisse le bon partenaire. On ne choisit pas un partenaire comme on choisit un fournisseur. Un partenaire, c'est quelqu'un – et on utilise souvent l'exemple – avec qui on se marie pour longtemps. Donc, il faut le choisir comme il faut. Parce que, dites-vous bien, quand on a un fournisseur, si le fournisseur plante, on peut en prendre un autre; quand on a un partenaire, si le partenaire plante, on plante. Donc, il faut choisir son partenaire en étant assuré de son succès.

La délégation du mandat de production et de distribution aux partenaires privés. On fait comme recommandation que la SEM délègue aux partenaires privés la production et la distribution du... Il me reste deux acétates.

Alors, au niveau de l'examen de l'avant-projet de loi, il y a trois ordres: pratique, technique et contractuel. Et je ne les reprendrai pas parce que le document est assez explicite dans ce sens-là, on répondra plutôt à vos questions.

Et, finalement, notre recommandation, c'est: de maintenir l'esprit de l'avant-projet de loi; de profiter de la créativité des entreprises; de profiter du levier de financement du secteur privé; et de concentrer, dans le sens de focus, le secteur public dans son rôle de réglementation et de contrôle. On recommande également d'ajuster l'avant-projet de loi afin que chacun y retrouve ses objectifs, et on a remis des commentaires dans ce sens-là. Et on recommande, dernièrement, de procéder rapidement à l'adoption du projet de loi, de façon à ce que le développement économique et les entreprises puissent travailler avec le secteur public à faire du développement économique.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Bujold.

M. Bujold (Serge): Nous sommes disposés pour les questions.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Merci, madame. M. Lacharité, M. Bujold, vice-président et M. Lapointe. Alors, bienvenue. Merci de cette contribution. Alors, on voit que votre appui est, le moins que l'on puisse dire, enthousiaste. Et c'est un enthousiasme qui se traduit tout le long de vos commentaires pour l'introduction du secteur privé dans le domaine des services publics.

Moi, je vais vous dire bien ouvertement: De bien caser au départ le rôle de chacun, en termes de responsabilité, c'est appréciable. Vous dites: Réglementation et contrôle, ça, c'est au secteur public, c'est imputable, c'est aux élus. Ça nous permet de distinguer et, je dirais, entre guillemets, de démasquer un certain nombre de réalités qui sont véhiculées évidemment par des gens que l'on ne réussit pas à identifier et qui font entendre leur écho quelquefois dans les médias. Mais que ce soit bien clair, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain indique qu'elle respecte et qu'elle va toujours dans la direction, en termes de réglementation et de contrôle, de la responsabilité des élus du domaine public.

Et, par ailleurs, vous dites: On est loin d'être aveugles et on souscrits pour apporter notre expertise, notre capital, pour apporter ce que l'on connaît et notre savoir-faire en matière de production et de distribution privée. Alors, c'est précisément la direction fondamentale que suggère cet avant-projet de loi. On ouvre le secteur au privé en essayant de fixer les balises, les règles, à l'égard non seulement du financement, des règles financières, mais également de l'intérêt public. Je pense qu'on peut se retrouver facilement à la même table et, oui, en profiter pour soulager l'important problème de finances publiques que nous avons, tous niveaux de gouvernement confondus.

À l'heure où on se parle, il y en a un qui est en train de régler ses problèmes, je ne sais pas si ça va être sur notre dos, mais on va peut-être lui proposer quelque chose de mixte, éventuellement, à celui-là aussi, comme une formule de partenariat, peut-être. Si c'est bon, ça devrait être bon pour tout le monde. Nous autres, on est ouverts à une formule de partenariat avec celui qui est en train de régler ça et qui a une main plus haute que nous autres, effectivement, sur la possibilité de lever des revenus. Lui, il a, en plus, la possibilité de nous en passer sur le dos. Alors, j'espère qu'on ne terminera pas l'heure et l'interrogation qu'on a avec vous plus pauvres qu'on est depuis qu'on a débuté cet échange.

Est-ce que vous pensez spécifiquement à l'égard de l'avant-projet de loi... Pardon?

La Présidente (Mme Bélanger): Je n'ai rien dit.

M. Trudel: Vous parliez du message commanditaire, vous, Mme la Présidente? À l'égard, donc, de l'avant-projet de loi, c'est intéressant la perspective que vous nous illustrez sur le choix du partenaire. Vous faites l'image: on se marie pour longtemps; des contrats à long terme, il faut bien choisir son partenaire. Est-ce que vous êtes carrément en faveur d'appels d'offres lorsque l'on dit tel secteur ou telle activité d'une SEM est décidé soit par une municipalité, un groupe de municipalités, une MRC, une communauté urbaine? Est-ce que vous êtes en faveur qu'on aille en appel d'offres – on ne parle pas des contrats quand la SEM existe – pour choisir le fondateur privé?

M. Bujold (Serge): On pense que le choix du partenaire se ferait difficilement par un processus d'appel d'offres. C'est beaucoup plus un processus de négociation. Et on va se fier, ici, à l'expérience qu'on a dans le secteur privé pour choisir un partenaire. On va beaucoup plus procéder par négociation; on va beaucoup plus procéder par évaluation du bénéfice – je reprends un terme que vous avez utilisé plus tôt – pour le citoyen, par rapport à l'alliance. Donc, dans ce sens-là, notre position est une position qui appuie l'idée de l'avant-projet de loi de soustraire la SEM au processus d'appel d'offres pour le choix du partenaire. Peut-être que M. Vézina aimerait compléter.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Vézina.

M. Vézina (Richard): Oui. Merci, madame. Alors, pour renforcer, peut-être un petit peu ce qu'a dit M. Bujold, nous, on croit vraiment, le comité des alliances stratégiques, que, si on veut faire des alliances, des partenariats – et les sociétés d'économie mixte sont un des exemples de partenariat qui pourrait exister entre le privé et le public – ça doit passer par un choix sérieux du partenaire avec lequel le secteur public va s'engager sur une trace qui est à long terme. Alors, on a, je pense, dans notre énoncé de principe, avancé des données, des thèses sur la compétence, sur la pérennité, sur l'utilisation des ressources financières et humaines québécoises. C'est à partir de ce genre de principe là que, nous, on aimerait voir le secteur public agir sur le choix de son partenaire. On croit vraiment que c'est peut-être la seule avenue qui va assurer qu'on va réduire à son strict minimum le nombre d'échecs qui pourront être générés par la création de sociétés d'économie mixte de diverses natures.

(16 h 40)

M. Trudel: M. Vézina, quand vous nous énumérez ces critères de choix du partenaire privé, on met les doigts dans quelque chose de bien délicat. Alors, allons-y donc, puisqu'on est en train de se parler franchement. Quand on ne procède pas par appel d'offres, en cette matière comme ailleurs, bien sûr, les critères que vous suggérez sont louables et supportables, par exemple, l'utilisation des ressources humaines, des ressources financières québécoises, la pérennité de l'entreprise, le service, le développement de l'emploi technologique, etc., mais est-ce qu'on ne se soumet pas aussi à d'autres dangers? Et là l'allusion est très claire: ce qui se passe en France et ce qui s'est passé en France. Point besoin d'illustrer au niveau d'autres pratiques moins catholiques, mettons. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'on s'expose trop largement à des choses comme celles-là lorsque arrive le moment de choisir le partenaire privé? Il faut se poser la question, puisqu'on ouvre une voie en matière de droit municipal, une section toute nouvelle. Alors, prenons collectivement les... Plaçons les meilleures balises que possible, parce que c'est un excellent moyen pour mieux faire, au Québec. Donc, donnons-nous tous ensemble de meilleures chances de réussir. Qu'est-ce que vous en pensez, de ça? Ce n'est pas un peu dangereux?

M. Vézina (Richard): S'exposer, M. le ministre, on est exposé constamment à toutes sortes de choses, quelle que soit la nature des gestes qu'on pose à n'importe quelle période de la journée. S'exposer, oui, mais on va minimiser cette exposition ou l'éliminer complètement, selon le processus qu'on voudra bien mettre de l'avant pour le choix de ces partenaires-là. Tantôt, on a fait allusion à quatre critères. On pourra évidemment, comme on le suggère dans notre mémoire, ajouter autant de critères qu'on le voudra: le ministre pourra en suggérer; les municipalités seront libres d'en retenir, de les rejeter complètement ou d'en créer de leur propre cru.

Advenant qu'une liste de paramètres satisfasse tous les niveaux de gouvernement pour le choix de ce fameux partenaire privé là, c'est évident que ce sera facile pour le secteur public d'identifier des secteurs d'activité avec lesquels il entend «partenarier», de prendre la grille d'évaluation et de l'appliquer à un certain nombre de postulants, et, une fois ces postulants-là identifiés, d'arriver à une négociation. Il nous semble, à la Chambre de commerce, que c'est simple de négocier un contrat en bonne et due forme et de bonne foi avec des législateurs de part et d'autre, avec des avocats, avec des professionnels compétents de part et d'autre – de ce côté-là, on met le secteur public sur le même pied que le secteur privé – et d'en arriver à une entente qui soit «publicisable», donc transparente – parce qu'on reconnaît le besoin de transparence qui est constamment présent dans le secteur public – et arriver à l'autre extrémité avec un mariage, parce que, objectivement, ce dont on a besoin ce sont des mariages. Créer un projet de loi, M. le ministre, où on va le «tablettiser» parce qu'il n'y aura aucune création et il n'y aura aucun impact sur la création d'emplois, je ne pense pas que ce soit l'objectif. Et, pour créer ce mariage, il faut que les deux partenaires soient heureux et que les dispositions de consommation du divorce soient clairement élaborées au moment de la création du fameux contrat de partenariat. Et, en termes très simples et en finale, M. le ministre, je dirais que – notre texte est assez clair là-dessus – on prévoit que tout va se jouer au niveau de la réalisation de l'écriture du contrat d'actionnariat. L'entente de partenariat va se jouer toute là.

M. Trudel: Au niveau de la convention des actionnaires.

M. Vézina (Richard): La convention des actionnaires.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lapointe, vous voulez ajouter des choses?

M. Lapointe (Pierre): Oui. Je voulais juste faire référence à la page 7 de notre document, où on dit que le facteur le plus important dans le choix du partenaire privé... enfin, la chose la plus importante sera le choix du partenaire privé, parce que la partie publique ne recherche ni un fournisseur ni un sous-traitant, mais un partenaire, c'est-à-dire une entreprise privée qui répond au plus grand nombre possible de caractéristiques qu'on décrivait auparavant et qui, également, répond le plus près possible aux attentes de la municipalité. «Le critère de choix du partenaire devrait être différent selon que le projet sera lui-même plus ou moins innovateur et qu'il aura été conçu par la partie privée ou sollicité par la partie publique.» Encore une fois, à un moment donné, la partie privée peut s'adresser à la partie publique et dire – on parlait tout à l'heure de communication: Voici, on a un projet ici, on dissèque le projet, et, à ce moment-là, lorsqu'on a un projet qui est le moindrement innovateur, bien, il y a quand même des aspects de confidentialité là-dessus qui sont ceux qui donnent de la valeur au projet.

Alors, nous, la conclusion à laquelle on en était arrivés, c'était que le partenaire public, tout en tenant compte de l'ensemble des critères dont on vient de parler, devrait, tel que semble l'autoriser l'avant-projet de loi – puis on n'est pas sûr de ce qu'il autorise ou de ce qu'il n'autorise pas – procéder par une simple négociation dans le cas d'un projet qui demande un savoir-faire innovateur ou éminemment exclusif ou avant-gardiste et se conserver le droit de procéder par simple négociation ou même par appel de propositions et, si nécessaire, par appel d'offres dans le cas de projets plus classiques. À notre avis, il y a tout un spectre de possibilités. Mais, dans ces possibilités-là, les simples appels d'offres ne seraient sûrement pas un moyen suffisant pour que les municipalités puissent profiter du savoir-faire du privé.

Il ne faut pas oublier que, lorsque vous choisissez un partenaire, lorsque la municipalité ou le corps public choisit un partenaire, on l'a dit tout à l'heure, il y aura des contrats. Il y aura des contrats qui servent à protéger chacune des parties, que ce soit le partenaire privé... Dans l'avant-projet de loi qu'on a devant nous, le partenaire privé est déjà beaucoup moins bien protégé que le partenaire public parce qu'il est, par définition, un minoritaire; parce que, deuxièmement, l'État va mettre en place des moyens pour contrôler l'activité et de la SEM et du partenaire privé à l'intérieur de la SEM, et, ensuite de ça, parce que le partenaire aura pris un risque. Et, tout à l'heure, et ça revient également dans notre mémoire, pour que les SEM fonctionnent, il faudra toujours vous assurer que le partenaire, lui aussi, prend des risques aussi importants, au moins aussi importants que ceux qui sont pris par le privé.

Alors, on pense que l'ensemble de ceci, suite à l'ensemble des moyens que l'on est autorisé, tout le monde, à mettre en application, il n'est pas toujours nécessaire de passer par des appels d'offres, et, lorsqu'on devra passer par un appel de quelque chose, on devrait beaucoup plus passer par un appel de propositions que par un appel d'offres.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Lapointe (Pierre): M. Bujold aurait quelque chose à rajouter.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Bujold, vous voulez ajouter?

M. Bujold (Serge): Merci. J'aimerais conclure, si vous permettez, sur l'aspect de l'innovation. On parle beaucoup d'innovation et on parle beaucoup qu'on veut avoir de nouvelles idées. Évidemment, les idées qui sont développées par l'entreprise privée, par le partenaire privé, dans lesquelles il a investi des sommes importantes de recherche et développement, il va vouloir les protéger. Et, donc, il faut que l'environnement permette au secteur public de bénéficier de l'innovation. Je pense que, quand on procède par un appel d'offres, où on détermine, les gens vont hésiter à mettre leur idée, et surtout ceux qui ont une idée qui n'a pas été appelée. Et c'est ceux-là que vous voulez. Alors, il faut que l'encadrement permette aux entreprises qui ont de l'innovation d'en faire bénéficier le secteur public. Donc, dans ce sens-là, l'appel d'offres ne le permet pas. Il faut beaucoup plus un processus de négociation, évidemment, avec les considérations que mes confrères ont données.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Trudel: Cette notion d'appel de propositions, c'est intéressant. Je ne vous dis pas que le gouvernement vient de faire son nid, là, je vous dis que c'est une idée intéressante à examiner dans le rapport meilleure offre, meilleur produit, comme partenaire, puis, en même temps, innover, faire dans le neuf à l'égard de la production et de la distribution avec le secteur privé. Voilà.

Alors, le temps est toujours bien limité, Mme la Présidente, allons-y tout de go sur une autre dimension qui demanderait beaucoup de temps, c'est sûr.

Alors, le projet de loi actuellement, l'avant-projet de loi prévoit l'exclusion de seulement deux domaines pour le champ d'application d'une société d'économie mixte: la sécurité publique et les incendies. Est-ce que vous trouvez qu'on devrait conserver ces exclusions? Et vous me voyez venir avec la vraie question, est-ce que nous devrions inclure aussi peut-être un service aussi essentiel que l'eau? La question va dans le sens suivant: Je veux avoir l'opinion de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, parce que c'est là où ça se pose de façon particulière et avec acuité, la question de l'eau en général, l'eau potable et le traitement des eaux usées.

Je qualifie aussi ma question en quelque sorte pour trouver les balises. Ce qui circule actuellement, ce n'est pas de confier à une SEM les questions d'eau; ce qui circule, c'est une privatisation. Alors, est-ce que vous trouvez qu'on devrait exclure la question de l'eau du champ d'application des SEM ou est-ce qu'on ne devrait pas exclure aussi – j'y vais très carrément – la question de l'eau de toute privatisation, compte tenu de ce que ça signifie à bien des points de vue?

(16 h 50)

La Présidente (Mme Bélanger): M. Bujold.

M. Bujold (Serge): Si vous me permettez, je vais faire un petit préambule à la réponse de deux minutes. Essentiellement, à la Chambre de commerce, nous l'avons indiqué dans notre mémoire, nous avons décidé de défendre un dossier de partenariat public-privé et non pas des projets. Donc, dans ce sens-là, on n'a pas fait une réflexion en profondeur sur: Est-ce qu'on devrait privatiser ou on devrait faire une alliance sur les pompiers, la police, l'eau? Donc, ça n'a pas été notre réflexion. Par contre, on va quand même vous répondre.

Deuxième élément, c'est que nous n'utilisons pas le terme «privatisation», parce que ce que nous avons pris comme position, c'est une position de partenariat où les responsabilités sont partagées et que, souvent, quand on utilise le terme «privatisation», la définition se promène, la frontière est assez molle. Donc, notre position est très claire là-dessus, en ce sens que c'est une alliance où chacun des deux partenaires a un rôle, vous l'avez mentionné tantôt, qui est important dans cette question-là aussi.

Alors, ce préambule-là étant fait, je vais peut-être demander à Pierre de vous parler particulièrement au niveau de l'eau.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lapointe.

M. Lapointe (Pierre): En matière de distribution de l'eau, je suis tout à fait d'accord avec M. Bujold, lorsqu'il s'agit de services publics, les mots «privatisation des services publics» devraient être hors du vocabulaire de tout le monde. Jamais – et on l'a dit en tout début de notre présentation – nous ne suggérons la privatisation d'aucun service public. Ce qui peut être privatisé, c'est l'exécution ou la gestion de services publics, mais toujours sous contrôle de l'État. À compter du moment où on fait de la gestion sous le contrôle de l'État, à ce moment-là, c'est à l'État lui-même d'adopter sa législation et sa réglementation correspondante.

Lorsqu'on lit les mêmes journaux, tout le monde, on entend parler beaucoup de l'expérience française en matière d'eau, mais on ne parle pas beaucoup de l'expérience anglaise qui, elle, est beaucoup plus récente et qui est également extrêmement intéressante.

Mais, sur le plan social, qui a été abordé tout à l'heure par nos prédécesseurs, tous ces sujets-là ont déjà été pensés et examinés. Entre autres, je sais que, lorsqu'on parle de tarification de l'eau, il est très probable que les logements de moins de quatre pièces et demie seront exemptés ou auront un montant extrêmement bas à payer, qu'il y aura une échelle qui s'appliquera aux gros consommateurs, etc. Il y a des moyens. Aussi longtemps que l'État n'abandonne pas sa compétence et accepte de continuer à s'assurer que les services qu'il a l'obligation de rendre seront servis, que ces services-là soient servis par le privé ou par le public, c'est une question de rendement, c'est une question également d'argent.

Alors, dans le cas qui nous occupe, dont on ne veut pas parler, qui est celui de la ville de Montréal – c'est vrai qu'il y en a des moins gros, mais prenons le plus difficile – la ville de Montréal a dit, elle-même, qu'elle a, en amont et en aval, 947 000 000 $ à investir dans son système pour le rendre en ordre. Alors, à ce moment-là, c'est vrai qu'on pourrait... Comme on faisait durant la dernière décennie, à chaque fois qu'il y avait des projets, on demandait à l'État de les réaliser et l'État les réalisait, maintenant...

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Lapointe, si vous voulez conclure, vous allez avoir la chance, peut-être, de revenir sur votre sujet, parce qu'il y a 20 minutes de questionnement pour l'opposition.

M. Lapointe (Pierre): D'accord. Alors, je pense que j'ai répondu à la question.

Une voix: M. Vézina, qui avait certainement un commentaire très court.

M. Vézina (Richard): Oui, un petit commentaire...

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, mais là il faudrait que ce soit très court.

M. Vézina (Richard): ...très court, c'est promis, j'ai trois lignes de rédigées dans mon affaire. Réglementation et contrôle, production et distribution à l'autre extrémité, qu'on parle de l'eau ou qu'on parle d'autre chose que sécurité publique et pompiers, là, définitivement, il n'y a aucune exclusion possible. Pourquoi? Présentement, dans le système actuel, l'entreprise privée exploite déjà des usines d'épuration d'eau, exploite déjà des usines de filtration d'eau sous la réglementation des différents corps publics: la ville, le gouvernement du Québec. Qu'est-ce que ça changerait si on parlait d'aller jusqu'à une privatisation? Je me permets de juste poser la question.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Vézina. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Je dois vous dire, messieurs, que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire, le plus gros des deux, ensuite l'annexe, et de nombreuses idées me sont passées par la tête. J'ai même fait quelques cauchemars. Je vais vous dire pourquoi. Je pense qu'il faut ramener le débat là où il se situe. Et je vous suis très reconnaissante de toute l'information qui foisonne dans votre document, parce que c'est un document de réflexion, un document de travail. Je pense que tout le monde, je pense que tous les députés de quelque formation politique que ce soit devraient lire pour se faire une tête sur comment on doit faire les choses différemment.

Ceci étant dit, ne vous en faites pas, il n'y aura pas un pot après, là. Mais, quand on parle de la création des sociétés d'économie mixte et de façons innovatrices pour les municipalités – je dis bien pour les municipalités – de pouvoir gérer des services sur leur territoire à moindre coût, mais toujours en maintenant la qualité, avec des alliances avec l'entreprise privée, je pense que c'est de ça qu'on parle actuellement, là, alors, vous me faites un petit peu peur, je vous l'avoue. Je ne sais pas si je suis la seule à avoir cette réaction-là. Quand on parle de lancer une entreprise, quand on parle dans votre mémoire – je vais y revenir un petit peu plus tard, là – qu'on surprotège le fondateur municipal, qu'on aurait dû régir les SEM par la Loi sur les sociétés par actions plutôt que par la Loi sur les compagnies, j'ai comme l'impression... C'est vrai que c'est gros, il y a une panoplie d'activités à la fois existantes et nouvelles qui s'ouvrent dans ce domaine-là ou qui sont déjà là. Mais est-ce qu'on peut revenir un petit peu dans le concret, s'il vous plaît, et se rappeler, je pense, qu'une des raisons pour lesquelles le gouvernement du Parti libéral à l'époque avait autorisé, le Parlement, ici, avait autorisé la première création de sociétés d'économie mixte, c'était justement... Entre autres, prenons l'exemple de la gestion des déchets. Toute la question de la réglementation qui va, je pense, devoir continuer à régir le fondateur municipal parce que c'est lui qui, finalement, va aller chercher l'expertise auprès des entreprises qui sont existantes sur le territoire, c'est lui qui aura à répondre auprès de ses contribuables... L'imputabilité, elle, est là.

Alors, j'aimerais vous entendre parler sur ce qui, peut-être, est bien simple et pas compliqué, là, je ne sais pas, mais qui est très compliqué pour le monde municipal, bien que je trouve fort louables et très intéressantes toutes les propositions que vous mettez sur la table. On fait quoi justement avec ça? Puis je voudrais vous entendre parler, justement dans ce même contexte-là, du partenaire, parce que le ministre vous a amenés sur cette piste-là. Je suis bien d'accord, moi, qu'on ait des critères, je suis pour ça à 100 %, mais qui va déterminer les critères? Et comment fait-on ou fera-t-on, qui aura le droit de regard et qui décidera que les critères pour la gestion des déchets, pour l'alimentation en eau potable, pour les stations d'épuration des oeufs... des eaux, pardon – oui, peut-être que, dans le cas de la Communauté urbaine, c'est des oeufs, mais, en tout cas...

M. Trudel: L'avenir est dans les oeufs.

Mme Delisle: ...je parle de Québec. Mais, non, c'est une blague à part. Mais vous comprenez que ce n'est pas évident, ce n'est pas facile à comprendre, ce n'est pas facile, non plus, pour ce qui est du partenaire.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lacharité.

M. Lacharité (Luc): Avec votre permission, Mme la Présidente, je demanderais à M. Vézina de répondre à cette question.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Vézina.

(17 heures)

M. Vézina (Richard): Oui. Merci. Je vais essayer juste d'être bref, là, hein. J'aimerais juste reprendre deux points fort importants. Gérer à moindre coût. Nous, on est convaincus qu'on est capables de gérer à moindre coût. Pas que les gens du public ne sont pas bons, etc., on a des preuves à l'appui, on a fait des partenariats dans certains cas et on réussit simplement en exerçant les compétences dont on dispose, à gérer à moindre coût. Je dis oui. Oui, seulement si le mandat qui est confié à la SEM est que la SEM doit opérer selon le même niveau de services que les municipalités utilisent présentement. À même niveau de services, nous, on est prêts à garantir qu'on va avoir des économies et que ça va coûter moins cher directement aux citoyens. Et je dirais en contrepartie, en corollaire: Non, on ne sera pas capables de gérer à moindre coût si on nous demande – la partie privée – de gérer dans une SEM pour les péchés antérieurs qui ont été commis en laissant tomber en décrépitude des systèmes publics. Alors, il y a deux réponses à ça: Oui, on va gérer à moindre coût pour un même niveau de services. Non, on ne sera pas capables si on nous demande de corriger des situations antérieures.

Mais, en bout de ligne, pour répondre à l'autre partie de votre question, celui qui aura la mainmise sur la décision finale sur la qualité du service, le niveau, les coûts, la tarification, etc., dans le projet de loi tel qu'il est – et on est prêt à vivre avec ça – c'est uniquement le secteur public, uniquement, parce qu'il aura 51 % ou plus des actions votantes. Alors, c'est lui qui va en déterminer le contenu, la performance, etc. Et il devra y avoir aussi, là encore en corollaire, une approbation de la partie privée, parce qu'on devra signer une convention d'actionnaires.

À cet effet-là, je dirais peut-être un élément de plus. Dans notre texte, et on pourra le commenter tout à l'heure si vous le désirez, on fait état d'une société d'économie mixte qui, elle, dans sa constitution d'origine, est inopérante. Nous, on croit que, si on veut que ça fonctionne, cette affaire-là, il faut que la société d'économie mixte, en haut, soit inopérante dans le sens que toutes les décisions d'ordre corporatif, d'ordre législatif, d'ordre de services aux citoyens soient remises au secteur public, qui possède 51 % de cette société d'économie mixte là, et que les décisions d'ordre d'exploitation soient déléguées à la partie privée, créatrice, cofondatrice de la société d'économie mixte, dans un contrat ferme pour lequel la partie privée devra être tributaire de ses gestes et assumer ses responsabilités de gestion, production et distribution.

Mme Delisle: Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction dans ce que vous venez de dire, que vous êtes bien d'accord avec le fait que le fondateur municipal gère la législation, l'administration, etc., mais que la partie corporative, elle, gère, finalement, le service? Bon. Mais vous le savez très bien, l'avant-projet de loi et même les projets de loi antérieurs, les projets de loi pilotes donnent la majorité au fondateur municipal.

M. Vézina (Richard): Oui.

Mme Delisle: Vous aurez toujours, sur un conseil d'administration ou à l'exécutif, une majorité de gens qui vont devoir venir du monde municipal, parce que c'est un outil que le ministère des Affaires municipales, donc le ministre, et que le Parlement, si c'est adopté, donneront aux municipalités. Ce n'est pas un outil – en tout cas, à mon point de vue – qu'on donne à l'entreprise privée, puis tant mieux qu'elle... Moi, je suis d'accord que l'entreprise privée crée des alliances stratégiques. Mais, l'outil, là, quant à moi, il est donné aux municipalités. C'est à elles qu'il est donné.

Alors, vous dites, à la page 13 du mémoire, pas celui que vous venez de nous...

M. Bujold (Serge): Le commentaire?

Mme Delisle: Oui, celui-là, là, le commentaire, celui qui est en annexe. Vous faites référence, à la page 13, au troisième paragraphe, bon, à l'obligation qui est faite aux parties, d'une part, de nommer une majorité de représentants. Vous parlez de la surprotection, finalement, par d'autres dispositions de l'avant-projet de loi, la surprotection du fondateur municipal.

On retrouve à plusieurs occasions dans ce document-là, sans que ce soit dit de façon très explicite, mais c'est un peu implicite, que vous auriez peut-être préféré, à cause des embûches que ça peut vous présenter, là, ou des obstacles, vous auriez peut-être préféré que le fondateur municipal ait un petit peu moins de pouvoir décisionnel. Est-ce que c'est une mauvaise impression que j'ai après avoir lu ça, ou bien ça reflète la réalité, là, ce que je viens de vous exprimer?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lapointe.

M. Lapointe (Pierre): Oui, moi, je vais répondre oui à votre question, c'est une mauvaise impression que vous avez.

Lorsqu'on parle de surprotection à plusieurs endroits, c'est qu'il est bien visible... Premièrement, avant de préparer nos commentaires, nous sommes venus rencontrer le ministère, non pas au niveau des élus, mais au niveau des gens qui y sont responsables, et on leur a demandé quelques explications sur le projet. Et on s'est aperçu que ce que le ministre voulait – le ministre d'alors voulait – c'était... On nous a dit: Même s'il vous faut défaire tout le projet et en écrire un autre, nous voulons faire des sociétés d'économie mixte et on veut que tout le monde travaille ensemble à trouver la bonne formule.

La formule que l'on décrit n'est pas celle que vous avez décrite. Nous, on parle de trois étages. Il y a l'étage qui est la municipalité elle-même, et, à ce même étage là, égale, il y a une entreprise. Ces gens-là, à un moment donné, désirent s'associer pour créer un deuxième étage, le deuxième étage qui va être la société d'économie mixte, et qui, elle, va avoir l'obligation... La société d'économie mixte, dans laquelle l'État ou le corps public est présent en majorité, c'est elle qui détermine ce qu'elle veut. On parlait d'eau tout à l'heure, dans des municipalités. L'eau, il y a la qualité, la quantité, le coût, le débit, etc. Ces critères-là, par expertise, il y a des gens qui sont des experts et peuvent les déterminer. Mais cette société d'économie mixte là, c'est un contrôle, à ce moment-là, un contrôle de la qualité, de la quantité et de l'opération; elle est le maître d'oeuvre. En dessous d'elle, elle devrait demander au partenaire privé, lui, ce que l'on a expliqué à quelques reprises, de faire la production puis la distribution, sous sa gouverne. Alors, toute la protection, elle est là par contrat. On fait des contrats pour tout ça. D'ailleurs, on a beaucoup de questions, dans notre mémoire, sur les contrats.

Mais, d'un autre côté, lorsqu'on dit qu'il y a surprotection, si vous remarquez, à plusieurs endroits dans le projet de loi qu'on est autorisé à commenter, on parle toujours de celui qui détient 51 %, on lui donne toutes sortes de moyens de se protéger et de se prémunir contre tous les maux de la terre, et on oublie qu'il y a un partenaire privé là-dedans, qui, lui aussi, veut faire une entreprise, mais ne pourra pas réaliser cette entreprise-là à n'importe quelles conditions. Il y a des conditions à remplir. Entre autres conditions à remplir – je parle de la limite de la partie publique – elle n'a pas le droit de faire un prêt ou de garantir un prêt pour un montant plus haut que sa portion de capital, ou toutes sortes de dispositions comme ça. En quelque part, la réalité, c'est que, dans un projet comme ça, il y a plus que les deux parties. Il y a une troisième partie, qui est le public, puis il y a une quatrième partie, qui est la banque, c'est-à-dire celui qui va financer toute cette affaire-là. Alors, en quelque part... Excusez, je sens que je vais être long.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Lapointe (Pierre): Ha, ha, ha! Il faut regarder que le privé prend un risque aussi important et, selon une autre suggestion que l'on a faite, peut-être beaucoup plus important que celui du public, parce que nous ne sommes pas d'accord que le privé doive, en dollars, avoir une majorité – en dollars, j'ai bien dit, et non pas en droits de vote.

La Présidente (Mme Bélanger): Il faudrait peut-être que les réponses soient un peu plus courtes, parce qu'on a d'autres questions à poser. M. Bujold voulait rajouter quelque chose en plus?

M. Bujold (Serge): Habituellement, dans les contrats, le partenaire minoritaire est protégé ça de gros, puis le majoritaire n'a pas besoin d'être protégé, il est majoritaire. Et ce qu'on voulait donner comme message, c'est qu'ici c'est l'inverse: le majoritaire est protégé puis, le minoritaire, on n'en parle pas.

Mme Delisle: Est-ce que, de façon bien simple, là, on ne devrait pas aller plus loin? Est-ce que ce n'est pas ça que vous êtes en train de nous dire, là, qu'on devrait peut-être ajouter au projet de loi des dispositions, finalement, ou est-ce qu'il manque des éléments, pour vous autres?

M. Bujold (Serge): Nous avons fait des recommandations...

Mme Delisle: Dans ce sens.

M. Bujold (Serge): ...dans notre document, pour des ajouts, effectivement.

Mme Delisle: Bon. Combien il nous reste de temps?

La Présidente (Mme Bélanger): Six minutes.

Mme Delisle: Bon. Alors, j'ai un collègue qui veut poser une question.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, les réponses un petit peu plus courtes, peut-être.

(17 h 10)

Mme Delisle: Très rapidement. Tout à l'heure, M. Vézina faisait référence au fait que c'était clair qu'il fallait maintenant gérer au moindre coût puis donner le meilleur service. Je pense que tout le monde est d'accord avec ça. Quand on touche le milieu municipal, on touche un autre point très sensible – et le ministre sera d'accord avec moi – les conventions collectives. Donc, toute la question du transfert des employés, en fait, c'est l'article 45 du Code du travail, qui, finalement, cause problème, en tout cas, certainement une grande matière à réflexion, à la fois chez les syndicats, au gouvernement puis chez nous aussi. Ça, c'est une réflexion; je pense qu'on ne peut pas jouer à l'autruche, faire semblant que ça n'existe pas, c'est là.

Vous voyez ça comment, vous, M. Vézina ou quelqu'un d'autre, là, très rapidement? Parce qu'on fait référence, quand on parle de la création d'une SEM, à de nouvelles activités qui pourraient être gérées par le fondateur et la SEM, et, aussi, ça peut être des activités qui sont déjà gérées par une municipalité. Ça pourrait être une aréna, ça pourrait être une usine de filtration d'eau, parce que l'eau, quant à moi, n'est pas nécessairement exclue tout de suite, là, de toute décision. Alors, je ne sais pas qui voudrait répondre à ça. Monsieur...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lapointe.

M. Lapointe (Pierre): Si vous parlez de convention collective, on parle de relations de travail en général. Premièrement, comme il y a un investissement, il y aura une augmentation de l'activité économique. Comme il y aura une augmentation de l'activité économique, il y aura également une augmentation d'emplois. Première partie de la question.

Deuxièmement, la gestion. La gestion déléguée peut être faite en laissant tout le monde dans son syndicat et en faisant gérer les travaux, les faire gérer par une partie privée qui, au lieu d'aller engager ces gens-là, gère ces travaux-là par l'intermédiaire de ceux qui les font déjà.

Il y a une troisième solution qui devrait être regardée par le gouvernement et qui a été suggérée en France depuis 1994, c'est d'inviter les syndiqués – parce que vous parliez de convention collective – à accepter de venir travailler pendant trois ans pour la partie privée ou, dans le cas qui nous occupe, pour le sous-traitant, et de faire aux employés des conditions intéressantes, c'est-à-dire de leur permettre éventuellement de participer au capital, etc., les moyens d'intéressement normaux. Et, si, au bout de trois ans, il n'y a rien à faire, si, au bout de trois ans, les employés ne sont pas satisfaits, les réintégrer dans leurs anciennes fonctions s'ils le décident. C'est une façon de faire qui est essayée présentement en France et dont personne ne s'est plaint jusqu'à date.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lacharité.

M. Lacharité (Luc): Alors, en ce qui a trait à des services municipaux qui existent déjà, nous vivons une expérience qui est très pertinente, qui est relativement récente, mais qui a apporté au cours de cette année et demie d'expérience... celle du stationnement à Montréal. Nous avons créé une société qui a acquis par concession, pendant 30 ans... Vous le savez, ce projet a été débattu devant cette même commission il y a de ça près de deux ans maintenant. L'expérience est extrêmement heureuse, et les gains de productivité qu'on réalise... Bon. Dans le cadre de cette entente, il faut préciser que nous louons les services des employés municipaux qui étaient autrefois affectés à ces mêmes opérations, c'est-à-dire les cols bleus. Pour une bonne partie des opérations, ce sont les cols bleus. Donc, l'intégrité des conventions collectives est évidemment respectée.

Par ailleurs, les gains de productivité résident dans le processus décisionnel relié à l'entreprise. C'est une plus petite unité, c'est une plus petite entreprise, et les relations de travail en sont d'autant améliorées à cause du caractère même de l'entreprise. Et c'est inhérent à la nature des rapports qui peuvent exister dans une entreprise qui n'a qu'une préoccupation, celle de livrer le meilleur service au meilleur coût possible en matière de stationnement à Montréal.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Vézina.

M. Vézina (Richard): Cinq secondes.

La Présidente (Mme Bélanger): Parfait.

M. Vézina (Richard): Simplement pour dire que, quand on parle de partenariat, je pense qu'on veut refléter que le secteur public, le secteur privé et les syndicats devront faire partie du partenariat. Sans ça, ça ne marchera pas.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de D'Arcy-McGee. Il reste deux minutes.

M. Bergman: Merci. J'ai lu encore votre rapport de février 1996, et c'est des questions reliées aux pages 22 et 28 de votre rapport. Vous avez fait référence à des investissements étrangers, et j'aimerais savoir si, dans votre opinion, le promoteur privé peut être étranger, c'est-à-dire non résident du Canada, et si l'investissement peut être un investissement provenant hors du Canada.

M. Lapointe (Pierre): Effectivement, à ce sujet-là, nous posons nous-mêmes ces questions-là au ministre. Nous disons au ministre: Parmi ces critères, quels vont être ceux qu'il va choisir? Mais là il y a vraiment, vraiment, vraiment beaucoup de travail à faire sur ces conditions-là. J'ai déjà eu l'occasion... Notre suggestion, ici, c'est de s'assurer au moins que les partenaires soient des partenaires dont le centre décisionnel du développement stratégique est québécois, ce qui a déjà été adopté dans d'autres gouvernements. Ça, je parle pour la partie privée, là.

M. Bergman: Vous parlez du Québec?

M. Lapointe (Pierre): La partie privée.

M. Bergman: Québécois ou canadien ou...

M. Lapointe (Pierre): Pardon? Excusez.

M. Bergman: Limité aux résidents de la province de Québec ou limité au Canada?

M. Lapointe (Pierre): Ça, ce n'est pas de nos affaires si c'est le Québec ou le Canada. Pour le moment, à mon avis, ça devrait être le Canada parce que...

M. Bergman: Mais pourquoi est-ce que vous... Mais...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Lapointe (Pierre): Ça devrait être le Canada ou le Québec, selon ce que le ministre veut décider, mais ce qu'on ne peut pas accepter, à mon avis, c'est que nos services publics soient rendus, en général, en grande partie par des étrangers.

M. Trudel: Mais on est tous les deux pour le libre-échange.

M. Lapointe (Pierre): C'est ça, mais je parle... Mais, à ce moment-là, ça obligera à des partenariats entre des parties privées elles-mêmes pour faire partie de ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous vous remercions. Ça a été très intéressant. Merci de votre participation. Alors, nous allons suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 16)

(Reprise à 17 h 20)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais aux membres de la commission de reprendre leur place. La commission reprend ses travaux. Le mandat de la commission est toujours de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal. Et j'inviterais l'Association des professionnels en développement économique du Québec, représentée par M. Louis Grenier, vice-président exécutif et directeur général. Alors, bienvenue, M. Grenier. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi du questionnement de 20 minutes du côté ministériel et de 20 minutes du côté de l'opposition.


Association des professionnels en développement économique du Québec (APDEQ)

M. Grenier (Louis): Je vous remercie, Mme la Présidente. D'abord, bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés. D'abord, peut-être une courte présentation de l'APDEQ. Ce n'est pas tout le monde qui nous connaît. Nous sommes l'Association des professionnels en développement économique. C'est le regroupement québécois de tous les intervenants de première ligne en développement économique, c'est-à-dire, entre autres, les commissaires industriels – peut-être que c'est plus familier pour vous – les gens, aussi, qui travaillent au niveau des sociétés d'aide aux jeunes entrepreneurs, enfin, c'est tous les intervenants, donc, de première ligne qui oeuvrent aux niveaux local et régional.

La réflexion que je vous propose aujourd'hui, c'est peut-être une réflexion un petit peu plus spécialisée, si vous voulez, sur l'ensemble de la création des sociétés d'économie mixte. On a constaté, à l'APDEQ, que le but de la création des SEM était d'assurer, comme on l'a dit tantôt, des services de compétence municipale à meilleur coût. À l'APDEQ, nous voyons peut-être une autre utilité aux SEM, et c'est là-dessus que j'aimerais peut-être vous amener cet après-midi.

Nous avons dans l'esprit qu'une SEM est un outil qui peut permettre de diversifier, à la limite, les sources de revenus des municipalités en partenariat avec l'entreprise privée. En principe de base, l'APDEQ a toujours souhaité que les municipalités, particulièrement dans les zones périphériques, s'associent à des entreprises commerciales pour favoriser le développement économique régional et local. Par exemple, on peut parler de gestion des déchets. Il est évident que l'association avec des entreprises privées peut permettre une meilleure gestion, mais cela peut aussi déboucher sur l'exploitation de nouveaux produits, par exemple des ventes d'énergie; les SEM pourraient servir à ça. On peut parler aussi de gestion de parcs industriels. Ça mène, évidemment, à la vente de terrains. Il y a des lois, au niveau du Québec, qui gèrent ça. Les SEM pourraient être utilisées dans cette gestion de parcs industriels. Ça pourrait nous amener même un peu plus loin, à la construction d'édifices, conjointement avec l'entreprise privée, pour accueillir des entreprises. Ça pourrait, ultimement, nous amener même à la particiation des municipalités directement dans l'actionnariat d'entreprises commerciales. Dans notre esprit, donc, de telles associations vont au-delà de la mise sur pied d'infrastructures d'accueil ou de rétention des entreprises et peuvent aller jusqu'à la participation directe, comme je le disais, dans des entreprises à but lucratif lorsque le secteur privé hésite à y investir.

Pour l'APDEQ, l'inclusion des municipalités régionales de comté et des communautés urbaines dans l'ensemble des organismes habilités à participer à des sociétés d'économie mixte permet également de renforcer le rôle de planification territoriale et la prise en charge du développement économique au niveau local. L'APDEQ considère également comme extrêmement dangereuse la propension actuelle des municipalités à accorder des subventions de taxes foncières aux entreprises désirant s'établir sur leur territoire. Cette façon de procéder, en plus de contribuer à l'affaiblissement des finances municipales, crée un climat de compétition malsaine entre les municipalités, favorise les banlieues par rapport aux villes-centres et les municipalités plus grosses au détriment des plus petites, contribuant ainsi à l'appauvrissement des régions périphériques.

La création de sociétés d'économie mixte et la souplesse qui y est attachée quant au niveau gouvernemental auquel ces sociétés peuvent être mises sur pied – ici, par exemple, les MRC ou les communautés urbaines – permettra de diminuer la concurrence intermunicipale au chapitre des subventions de taxes foncières et amènera, nous l'espérons, la création d'infrastructures d'accueil plus modernes et plus performantes.

Cette loi n'a certes pas été créée dans le but de favoriser la création de sociétés d'économie mixte oeuvrant dans le secteur industriel ou commercial. Il transparaît à la lecture de la loi que le législateur a voulu permettre aux municipalités de susciter des partenariats, notamment au chapitre du contrôle environnemental et des loisirs, avec le secteur privé. Dans la mesure où il a été largement démontré au cours des dernières années qu'effectivement le coût de la prestation de services de la part des municipalités excédait celui que l'on pouvait observer dans le secteur privé, il faut déjà saluer la mise sur pied d'une telle loi.

Ce n'est pas notre propos, cependant, de discuter cet aspect du dépôt de la Loi sur les sociétés d'économie mixte. Ce n'est pas ce que nous y saluons. En effet, bien que cette loi n'ait pas été écrite dans ce but, l'APDEQ y voit un outil éventuel pour permettre l'implication des municipalités dans le développement d'infrastructures industrielles, commerciales, culturelles ou même carrément dans la participation municipale dans des joint ventures plus classiques lorsque le développement de telles entreprises pourrait bénéficier au développement d'une région donnée.

Pour l'APDEQ, il est donc évident que cette loi ne contient pas tous les éléments et ne répond pas à toutes les questions pour aller dans cette direction. Cependant, nous comprenons qu'il serait prématuré de précipiter les conseils municipaux dans ce type d'aventure économique. Nous pensons donc que la loi, dans ce qu'elle permet actuellement, favorisera l'initiation des édiles municipaux à la gestion de sociétés à la manière des entreprises privées.

De plus, cette loi, en permettant aux municipalités de contrôler des entreprises de type commercial, permettra d'organiser localement une plus grande portion de l'économie locale, surtout dans les régions périphériques. Dans quelques années, nous sommes convaincus que cette loi permettra l'implication municipale dans les infrastructures d'accueil aux niveaux résidentiel, commercial ou même industriel. Les profits espérés, les bénéfices de la gestion de telles sociétés d'économie mixte permettront un allègement du fardeau fiscal dans la mesure où deux principes seront respectés: le principe de l'utilisateur-payeur et le principe d'exportabilité des produits et services rendus par ces sociétés d'économie mixte à l'extérieur des populations résidentes. Ce qu'on veut dire par là, c'est que la création de sociétés d'économie mixte, dans la mesure où elles vont être mises à la maturité, fourniront éventuellement, nous l'espérons, des services ou des produits qui pourront être exportés à l'extérieur de la région d'où ils émanent, et donc amener la création d'une richesse dans ces régions-là.

Il demeure donc évident qu'une des premières retombées qu'aura cette loi, outre la participation à la gestion, donc, des services municipaux, sera à notre avis dans l'implication municipale au chapitre des infrastructures touristiques.

Nous voyons donc l'implantation de cette loi en deux étapes. La première constitue le dépôt actuel, et nous suggérons une période d'essai, si vous voulez, de cinq ans. Au bout de cette période, il serait intéressant de conduire une vaste étude sur les retombées de la loi au chapitre des implications réelles des municipalités à ce moment, du type d'entreprises dans lesquelles elles ont investi et les profits ou les pertes qui en découlent.

Dans un deuxième temps, après cette période de cinq ans, une réforme de la loi pourrait être envisagée. Cette réforme, à la lumière de cinq années d'expérience, pourrait permettre aux municipalités d'aller un peu plus loin dans leur implication au chapitre des infrastructures industrielles et commerciales de même que dans la participation effective à des entreprises à but lucratif. L'APDEQ considère que, dans sa forme actuelle, la Loi sur les sociétés d'économie mixte restreint la participation des municipalités dans les entreprises à but lucratif dans la mesure où elle oblige les conseils d'administration de ces entreprises à avoir une majorité d'élus à leur tête et oblige les partenaires privés à être actionnaires minoritaires.

Encore une fois, on ne suggère pas, à ce stade-ci, qu'il en soit autrement. L'esprit de la loi est de favoriser la privatisation de certains services actuellement dispensés par les municipalités et elle n'a pas été conçue dans le but de permettre aux communautés de participer directement à des entreprises manufacturières ou industrielles, même si celles-ci favoriseraient leur développement. Nous disons cependant que, parallèlement à l'accroissement des compétences municipales dans la gestion des entreprises à but lucratif que cette loi pourrait favoriser, les cinq prochaines années seront déterminantes quant à l'organisation économique et administrative des régions du Québec.

Le concept de développement durable, pour commencer, favorise en effet la participation de plus en plus étroite des gouvernements, de quelque niveau qu'ils soient, avec l'entreprise privée. C'est le développement durable qui a d'ailleurs amené les discussions sur la régionalisation et la décentralisation des administrations gouvernementales, et ce, à l'échelle de la planète. Au Québec, cette régionalisation commence dès aujourd'hui par une volonté ferme d'impliquer les gouvernements municipaux dans le développement économique local. Ceux-ci, par la voix de l'UMQ et de l'UMRCQ, se sont déclarés prêts à prendre ces responsabilités. Nous croyons que des pressions énormes seront faites pour, de façon générale, changer les lois actuelles pour permettre une implication de plus en plus étroite des municipalités dans le développement de leur territoire.

L'exercice de fusion de municipalités qui risque aussi d'accompagner la rationalisation de l'administration gouvernementale obligera les municipalités à regarder l'outil de la Régie intermunicipale avec beaucoup plus d'attention. Or, dans le projet de loi n° 127, les articles 150 à 152 modifient certaines dispositions qui permettront aux municipalités de s'impliquer davantage dans les régies intermunicipales visant la gestion d'espaces économiques communs. Enfin, l'apparition des sociétés d'investissement local, et notamment des SOLIDE, permettra en plus aux municipalités, via leur participation aux municipalités régionales de comté, d'étudier plus étroitement les dossiers d'entrepreneurship qui tissent la vigueur économique d'une région.

(17 h 30)

Enfin, pour compléter ce portrait, il y a certainement, au cours des cinq prochaines années, une réforme fiscale qui fera en sorte de diversifier les revenus municipaux dans la mesure où les gouvernements supérieurs leur confieront de nouveaux mandats. On parle beaucoup d'un retour vers les municipalités d'une portion des taxes à la consommation. Il est même possible de concevoir une réforme fiscale par laquelle les actuelles taxes foncières seraient totalement remaniées pour permettre une plus grande flexibilité aux municipalités. De l'autre côté de la médaille, les responsabilités des municipalités devraient être accrues, notamment en gestion et en encadrement économique, mais aussi dans la gestion de parcs immobiliers et des services de santé, peut-être même des services de santé de première ligne et des écoles.

Si une partie seulement de ces prévisions s'avérait exacte, il est évident dans notre esprit que les municipalités exigeraient plus d'autonomie législative de la part du gouvernement québécois. Dans le cas des sociétés d'économie mixte, la présentation de la loi que nous avons aujourd'hui constitue donc un premier pas, si on la regarde dans un continuum dans l'implication accrue des municipalités au développement de leur communauté.

C'est dans cet esprit que l'APDEQ salue avec plaisir la présentation de cette loi, mais constate que, dans la mesure où des changements profonds se vérifieront en termes de développement durable, de fusion de municipalités, de régionalisation, de réforme fiscale et de sociétés d'investissements, cette loi devra être amendée assez rapidement pour permettre une plus grande autonomie, notamment au chapitre des participations minoritaires des actionnaires privés et à la composition des conseils d'administration qui y sont représentés.

Enfin, certaines municipalités ont déjà atteint un degré de maturité et seraient prêtes dès maintenant à s'associer à l'entreprise privée pour la gestion de parcs industriels, notamment. Il serait intéressant d'accroître la flexibilité à un recours, par exemple à des bills privés, dans l'esprit que la présente loi serait modifiée dans quelques années. Cela permettra de documenter ces modifications avec des cas réels. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Grenier. M. le ministre.

M. Trudel: M. Grenier, merci beaucoup de votre présentation de l'Association des professionnels en développement économique du Québec. Vous avez bien fait de nous traduire ça, tantôt, en termes connus...

M. Grenier (Louis): Ha, ha, ha! Les commissaires industriels, entre autres. Ha, ha, ha!

M. Trudel: ...les commissaires industriels, parce que là on vous reconnaissait au sens de l'initiative des développeurs, des fonceurs, des entrepreneurs, etc., dans votre présentation. Il y a des éléments importants que vous nous soulignez, mais je pense qu'il faut regarder de plus près certaines dimensions. Finalement, vous nous dites: On devrait aller plus loin au niveau des sociétés d'économie mixte et permettre l'intervention des municipalités dans le champ des activités économiques et commerciales? Évidemment – vous voyez le ton avec lequel je pose la question – le pas est bien grand, hein, mais vous maintenez ça, là, que nous avons, disons, le degré de solidité dans nos communautés municipales pour aller dans cette dimension-là?

M. Grenier (Louis): Je vais peut-être aller même plus loin et je vais vous surprendre. Je vous dirais d'abord que je ne le vois pas immédiatement. On s'entend là-dessus, là. Je pense qu'il y a une période d'adaptation qui va dépendre des changements qu'on va observer dans l'environnement. On a parlé brièvement d'environnement et de taxation. S'il n'y a aucun changement qui est fait, je ne vois pas, effectivement, comment les municipalités pourraient s'impliquer davantage. Mais, s'il y a des changements et si les municipalités ou, enfin, les municipalités régionales de comté et je dirais peut-être même juste les régions, si on peut parler du niveau régional... Dans la mesure où ces instances-là obtiennent davantage de présence ou d'importance au niveau du développement régional, alors ma réponse, c'est oui. J'irais même plus loin, je dirais que dans certaines régions du Québec on va être obligé de le faire.

C'est le même raisonnement qui a amené la création d'un réseau local de capital de risque avec les SOLIDE, les FIL ou les FIR. Excusez les acronymes, là, les fonds d'investissement locaux, les fonds d'investissement régionaux et les SOLIDE. C'est le même raisonnement. C'est que l'entrepreneurship local, pour être vigoureux, doit nécessairement originer des milieux. Or, les municipalités, au Québec, de par leur nombre, sont un élément extrêmement important de cette vigueur économique là. Alors oui, éventuellement, elles devront participer au développement économique de leur milieu, sinon on va assister peut-être encore à la fermeture de certaines régions.

M. Trudel: Très bien. Je vois là où est votre appui en quelque sorte. C'est évidemment le fait que, les municipalités couvrant la totalité du territoire québécois, vous dites: Pour certains coins et certaines régions, ça s'impose presque, même. Parce que ce que vous nous dites, c'est que c'est l'acteur le plus dynamique, le plus porteur, avec le maximum de facteurs ou de potentiel de développement, dans certaines régions ou dans certains territoires, et il faudrait utiliser cela.

Moi, je vais vous dire bien honnêtement que mon prédécesseur, le député de Joliette, avait montré une certaine ouverture à cet égard-là, et je vais vous dire que, parfois, c'est bien tentant...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: ...de regarder cela d'un regard entreprenant comme le vôtre. Je vous dis du même coup, cependant, la difficulté de réconcilier le contrôle et où est la place du citoyen, du contribuable, là-dedans. Parce que là on vient d'en faire un actionnaire d'une entreprise privée dans un secteur d'activité commercial. On va convenir, le moins que l'on puisse dire, qu'il s'agit d'un domaine... Là, on est dans l'ultraneuf, dans le supernouveau amélioré, et, à cet égard-là, on a aussi la responsabilité de la protection de l'actionnaire principal qui s'appelle le contribuable. Et, si quiconque peut nous apporter de l'éclairage sur nos envies de dire à nos partenaires municipaux: Oui, fonçons, parce que le défi du développement économique et de l'emploi, ça vous appartient aussi, il va falloir nous aider aussi à découvrir les règles, à édicter les règles qui vont protéger, par ailleurs, l'intérêt public.

Dans ce contexte-là, vous indiquez, à l'égard de l'actionnariat dans une SEM, une société d'économie mixte, que vous favorisez d'abord – je veux être bien sûr – de défoncer ce qu'on a fixé comme limite dans le projet de loi, c'est-à-dire la majorité du secteur public. Vous dites: Bon, bien, laissez donc cette limite-là à... Ne fixez pas de limite et permettez au secteur privé d'avoir un autre type de participation, une participation plus large qu'une société d'économie mixte.

Alors, là-dessus, j'aimerais vous entendre, parce qu'on perd un peu le principe de base de vue avec cela, du contrôle public sur l'instrument, sur l'outil.

M. Grenier (Louis): Non, ce n'est pas tout à fait ça qu'on dit. On dit: Utilisons une période d'à peu près cinq ans comme laboratoire dans sa forme actuelle. On est très content de la forme actuelle des SEM, O.K.? C'est un pas, pour nous autres, dans la bonne direction. Ce qui est fait, là, est suffisant, parce qu'il faut y aller par étapes. Je ne voudrais surtout pas que vous restiez sous l'impression que je suggère qu'à partir d'aujourd'hui le projet de loi qui nous est présenté soit modifié de telle sorte qu'on en arrive à la création de SEM où, par exemple, l'entreprise privée serait actionnaire égale avec les municipalités, ou même majoritaire, alors que la municipalité serait minoritaire. Ce n'est pas ça qu'on suggère du tout.

Je pense qu'il y a une période d'initiation qui est absolument nécessaire à ce niveau-là, et ce projet de loi répond bien à ce critère-là et permet d'être utilisé comme laboratoire pendant un certain nombre d'années pour voir comment, dans un champ relativement restreint d'opérations, qui sont la gestion des services municipaux, peut fonctionner la dynamique entre l'entreprise privée et des gouvernements municipaux. Jusque-là, parfait, on laisse ça comme ça.

Ce que l'on dit, par contre, c'est que les changements à l'environnement, que nous prévoyons, qui vont se passer dans les prochaines années, vont faire des pressions de telle sorte qu'il est fortement envisageable de considérer que, dans cinq ans, on en arrive à ce que, même, certaines municipalités fassent la demande au gouvernement de modifier la loi sur les sociétés d'économie mixte pour leur permettre de s'impliquer dans leur développement économique directement et d'investir dans des entreprises à but lucratif, commercial ou, disons, plutôt industriel – commercial, là, je ne pense pas qu'on irait, pour caricaturer, jusqu'à inciter les entreprises à investir dans les salons de coiffure, mais disons industriel – lorsque ces entreprises industrielles là sont importantes pour maintenir le tissu économique d'une région. O.K.? C'est dans ce sens-là.

(17 h 40)

Alors, nous disons: Pas immédiatement, mais, oui, éventuellement – pour répondre à votre question – oui, on veut se diriger vers ça. Et on considère que le projet de loi tel qu'il est est un excellent laboratoire pour permettre ça. Voyez-vous? C'est dans ce sens-là qu'il faut le voir.

M. Trudel: Très bien. Ne vous excusez pas d'être entreprenant, restez comme ça. Parce qu'on ne vous demande pas de la... C'est à nous autres d'être prudents, pas à vous. Mais vous nous dites: Vous êtes dans la très bonne direction...

M. Grenier (Louis): C'est ça.

M. Trudel: ...mininum... enfin, une période de cinq ans, mais déjà songez à l'ouverture, à la possibilité qu'on y aille plus largement au niveau d'autres activités...

M. Grenier (Louis): Je connais déjà des villes qui seraient prêtes à aller plus loin.

M. Trudel: On a reçu des messages qu'on avait d'autres villes, oui, des villes qui vont nous revenir rapidement, et même des municipalités rurales, pour certains parcs ou réserves, à travers le Québec. Et je vais vous dire que, dans certains milieux et dans certaines conditions, ce n'est pas bête. Ce n'est pas bête de poser ces questions. Une MRC, quand elle gère des éléments de son territoire reliés à l'accessibilité, à la nature, aux activités de plein-air, à la circulation ou à l'attraction des personnes qu'on peut effectivement attirer sur son territoire, avec une volonté de le faire, c'est fascinant comme défi. Il faut trouver les mécanismes d'encadrement, cependant, pour ne pas mettre le citoyen contribuable exposé à tous vents, c'est le cas de le dire, aux situations et aux règles du marché. Tout comme on a la difficulté de soumettre le privé à certaines dimensions du public, à l'intérieur des SEM. Mais ce n'est pas parce que c'est difficile qu'il ne faut pas oser, a dit le grand patron. Alors, nous allons oser dans ce secteur-là. Merci beaucoup de votre contribution. Et on va suivre avec attention.

M. Grenier (Louis): Si vous me permettez une autre remarque aussi, je vous dirais, d'abord, que la création, entre autres, des SOLIDE – parce qu'on revient souvent à ça – fait que les municipalités régionales de comté au moins, sinon les municipalités, ont déjà un doigt dans l'engrenage de l'aide directe au financement des entreprises commerciales et, encore là, si on le regarde parallèlement avec ce projet de loi là, augmente les capacités ou l'initiation, si vous voulez, des édiles municipaux à cette chose-là.

De plus en plus, donc, au niveau local, on va développer des expertises. Et je vous dirais, M. le ministre, je vous offrirais presque, ça me tenterait de vous offrir les 36 ans d'expérience de l'APDEQ, à ce niveau-là, d'interface entre des commissaires industriels et d'autres professionnels en développement économique, d'interface entre l'entreprise privée et le monde gouvernemental, particulièrement local. Fin de l'annonce.

Une voix: Osez, osez.

M. Trudel: Cependant, soyons de bon compte. Les SOLIDE sont en matière d'aide...

M. Grenier (Louis): Oui.

M. Trudel: ...aux entreprises, et non pas dans le faire...

M. Grenier (Louis): Oui, mais elles investissent.

M. Trudel: ...d'activités commerciales, ce qui est quand même bien différent. Mais disons qu'on est sur la bonne piste pour comprendre les règles. Merci de votre participation.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Grenier.

M. Grenier (Louis): Bonjour.

Mme Delisle: Votre approche est fort intéressante et fort dynamique. J'aimerais vous amener sur deux points. Dans votre mémoire, à la page 3, c'est un peu complément, j'aimerais ça que vous élaboriez sur... Vous faites référence au fait que vous comprenez pourquoi il serait prématuré de précipiter les conseils municipaux dans ce type d'aventure économique. J'aimerais ça vous entendre un peu parler là-dessus. Est-ce que c'est sur les joint ventures auxquelles vous faites référence un peu plus haut? C'est sur quoi, là?

M. Grenier (Louis): Oui, c'est exactement ça. Je peux peut-être illustrer mon propos avec des cas patents. Je ne connais pas tout là-dessus, mais j'ai à la mémoire ce qui est arrivé à Port-Cartier, lorsque l'entreprise... Le bill privé qui a été voté pour permettre à Port-Cartier de racheter temporairement les installations de la compagnie...

Mme Delisle: ...Alouette. Non, non. C'était quoi, l'année dernière? C'est Alouette. Ce n'est pas Alouette? C'est quoi?

M. Grenier (Louis): ITT. Bon, c'est ça.

Mme Delisle: ITT?

M. Grenier (Louis): C'est un beau cas, je pense, de la prise en main du milieu. Et, dans certains cas de ce type-là, c'est extrêmement important d'avoir cette flexibilité-là. Maintenant, il faut faire attention, quand on dit ça, de ne pas, justement – c'est le sens de cette phrase-là – précipiter par une loi générale, à la grandeur d'un territoire donné, quelque chose parce que ça a bien fonctionné à un endroit et dire: Bon, bien, eh! regarde la bonne idée, on va permettre aux municipalités, partout, d'intervenir directement dans le financement des entreprises.

Je pense qu'il faut y aller à petits pas dans cette direction-là et faire attention à ce genre de généralisations là. Donc, c'est un peu, la phrase, ce qu'elle veut dire: Allons-y tranquillement. Mais, je pense, ce sur quoi je veux amener le comité à réfléchir, c'est de dire: Écoutez, oui, c'est une voie possible que ce projet de loi là nous ouvre, d'aller un petit peu loin.

Mme Delisle: Mais, je vous dirais, M. Grenier, vous utilisez les mots «tranquillement», «aller à petits pas», vous faites référence, un peu plus loin dans votre mémoire, au fait qu'il faudrait qu'au bout de cinq ans on puisse revoir, finalement, le fonctionnement pour s'assurer qu'on a les bonnes balises en place, quitte à se réajuster. Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'on va trop vite avec ce projet de loi là, ou...

M. Grenier (Louis): Pas du tout.

Mme Delisle: Alors, comment instaurer «les petits pas» dans une loi-cadre? Comment on fait ça? Ou le «tranquillement», là?

M. Grenier (Louis): Par l'outil du bill privé. Ce que je veux dire par là, c'est que, lorsque cette...

Mme Delisle: Par l'outil du bill privé.

M. Grenier (Louis): Ce que je veux dire par là, c'est que, supposons que cette loi-là est adoptée dans sa forme actuelle et que, donc, les résultats vont certainement venir où il y aura des entreprises privées et des municipalités qui feront des...

Mme Delisle: Des SEM.

M. Grenier (Louis): ...partenariats, des SEM, et puis qui géreront certaines choses. Assez rapidement, je pense, vous aurez des demandes qui seront dirigées vers le ministre, à dire: Bon, bien, on vient de créer une SEM, il est arrivé telle chose, par exemple, dans la gestion des déchets – prenons cet exemple-là – et là la SEM, au bout d'un an, deux ans d'opération, crée des produits, finalement. Il y a de l'énergie qui est créée par la gestion des déchets. Il peut y avoir même d'autres types de produits; ceux qui connaissent un peu la gestion des déchets savent ça. La SEM aura donc des produits à vendre. Jusqu'à quel point on pourra permettre – parce que la loi actuelle, à mon sens, ce n'est pas clair – jusqu'où on peut permettre à une SEM d'aller, je ne sais pas, moi, faire des campagnes de marketing aux États-Unis pour vendre des produits ou vendre de l'énergie à des entreprises qui sont à côté de l'usine de traitement bon, ce genre de choses là? Jusqu'où on va aller?

Je pense qu'il y a un outil qui existe, qui est le bill privé, qui pourrait peut-être, sur une base «petits pas» et «tranquillement», gérer ce genre de demandes là à la pièce pour un certain temps, et puis là ça nous permettra de documenter, après, des modifications à la loi. Ce qu'il faut éviter, c'est d'aller, encore une fois, généraliser sur l'ensemble du territoire quelque chose qui nous apparaît un outil extraordinaire qui peut être mis sur pied.

Mme Delisle: Bon. Si on part du principe que, si la loi était adoptée demain matin, on va aussi probablement s'entendre, tout le monde, pour dire qu'il n'y aura pas des SEM dans les 1 401 municipalités au lendemain de tout ça. C'est un processus qui est quand même long et ardu, et ça prend des partenaires, ça prend des discussions, il faut convaincre les citoyens. Il faut convaincre tous les partenaires: les citoyens, le partenaire de l'entreprise privée et les syndicats et tout le monde d'embarquer là-dedans. Ceci étant dit, moi, je comprends ce que vous nous dites, que vous êtes bien d'accord avec l'avant-projet de loi tel que présenté, mais qu'il faudrait aussi circonscrire ça, peut-être, par des bills privés pour des projets particuliers. Est-ce que je comprends ça?

M. Grenier (Louis): Oui, oui.

Mme Delisle: Il me semble qu'il y a une difficulté pour le législateur, parce que le législateur, lui, sa responsabilité, c'est de s'assurer d'essayer de faire en sorte de retrouver dans la loi toutes les possibilités. Ce n'est jamais, évidemment, 100 %, parce qu'au lendemain qu'on l'a votée il y a toujours quelqu'un qui vient nous dire: Vous avez oublié ça, vous allez être obligés de revenir avec, là. Mais disons que, la bonne volonté y étant, tout le monde essaie de prévoir toutes les possibilités. J'ai un peu de difficulté, je vous le dis bien honnêtement, à vous entendre me dire que vous êtes pour ça, mais qu'il faudrait être bien prudent puis qu'il faudrait peut-être aller avec une politique de «petits pas» et «tranquillement», et...

M. Grenier (Louis): C'est parce que, moi...

Mme Delisle: ...peut-être par des petits bills privés.

M. Grenier (Louis): ...j'ai de la difficulté à voir comment le législateur pourrait essayer de prévoir, à ce stade-ci, tout ce que cet outil-là pourrait nous amener à faire. On peut faire beaucoup de choses avec des sociétés d'économie mixte, et je ne crois pas qu'il soit possible à ce stade-ci de prévoir tout ce qu'on pourrait faire avec une SEM. Alors, je dis: Tant qu'à essayer de faire ça, on est peut-être mieux de considérer une période, si vous voulez, d'essai. Cette base-là est bonne, elle permet de faire des choses d'une façon assez efficace, mettons-la en vigueur et on traitera les cas particuliers au fur et à mesure qu'ils arriveront. Parce que je ne pense pas qu'à ce stade-ci le législateur puisse prévoir tout ce que les SEM pourraient faire. Moi, je le vois beaucoup plus comme un outil.

(17 h 50)

La loi, telle qu'elle est définie actuellement, elle a le but assez évident de permettre la gestion à moindre coût, à meilleur coût, de services municipaux. Mais, moi, je vois que, ça, ça peut aller beaucoup plus loin que ça. Mais où ça peut aller, bien malin celui qui pourrait me le dire. Je ne le sais pas. Tout ce que je dis, c'est: Ayons la flexibilité, comme communauté, de voir ça.

Mme Delisle: Je terminerais là-dessus en vous disant qu'il y a plusieurs auteurs de mémoires qui ne l'ont peut-être pas exprimé tout à fait comme vous l'avez fait, qui sont pour le projet, mais qui trouvent que ça va trop vite et qui auraient souhaité, justement, qu'on y aille dans du cas par cas pour développer, finalement, au Québec... qu'on se fasse une idée vraiment jusqu'où ça peut aller. Tout à l'heure, je faisais référence à des cauchemars qu'on pourrait faire parce qu'effectivement on pourrait voir les municipalités, à un moment donné, vendre leur expertise ailleurs, et ce n'est pas dans la ville voisine.

M. Grenier (Louis): Oui, mais ce n'est peut-être pas une mauvaise chose, on ne le sait pas.

Mme Delisle: Je n'ai pas dit que c'était mauvais...

M. Grenier (Louis): Ha, ha, ha! C'est ça.

Mme Delisle: ...je dis juste qu'il faudrait revenir aux missions d'une ville, d'une municipalité. Je comprends qu'on ne fait plus juste entretenir des trottoirs et nettoyer les égouts, là, on fait beaucoup plus de choses que ça dans une municipalité, sauf que, à un moment donné, il va falloir... Et je comprends qu'on doit s'impliquer également, les municipalités doivent s'impliquer dans le développement économique, je suis une grande partisane de ça, je pense qu'elles ont la responsabilité de le faire, mais c'est quand même un outil, là, qui peut en mener large. Je conviens de la même chose que vous. Alors, il y en a plusieurs qui pensent qu'on devrait plutôt aller cas par cas.

Alors, ma question très franche et directe serait: Est-ce que vous seriez davantage partisans d'y aller cas par cas encore pour un an ou deux et d'ensuite arriver avec une loi-cadre qui ferait en sorte de nous faire bénéficier, finalement, de tout ce qui a bien fonctionné ou qui n'a pas bien fonctionné dans les projets, les quatre projets-pilotes, ou d'autres qui seraient là, qui seraient votés par l'Assemblée nationale par la suite?

M. Grenier (Louis): Très franchement non, parce qu'on considère ça comme un minimum.

Mme Delisle: O.K.

M. Grenier (Louis): O.K. Alors, c'est vraiment un minimum pour nous. On considère que c'est très bien fait comme minimum et que ça ne pose pas de problème de gestion. On ne voit pas de problème de gestion dans la façon dont le projet de loi est présenté actuellement, mais, effectivement, comme on ne peut pas prévoir ce avec quoi on va pouvoir finir, avec cette société-là, donc, après ça, peut-être prévoir des amendements ou des bills privés, enfin, différents outils qui peuvent être faits.

Mme Delisle: O.K. Merci, M. Grenier.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, pas d'autres questions? On vous remercie, M. Grenier, de votre participation.

M. Grenier (Louis): Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Nous allons suspendre quelques instants, le temps de faire le changement d'invités.

(Suspension de la séance à 17 h 53)

(Reprise à 17 h 58)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Le mandat de la commission est toujours de procéder à... S'il vous plaît! Le mandat de la commission est toujours de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal.

Nous avons comme invitée la Centrale des syndicats démocratiques, la CSD, représentée par M. Claude Gingras. Nous vous souhaitons la bienvenue, M. Gingras, et je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Je vais vous dire les règles du jeu, que vous connaissez sans doute: 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, pour un questionnement de 20 minutes, du côté ministériel et du côté de l'opposition. M. Gingras.


Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Gingras (Claude): Alors, merci, Mme la Présidente. Alors, membres de la commission parlementaire, m'accompagnent pour le dépôt de la position de la CSD, à l'occasion de cette commission parlementaire, le vice-président de la CSD, qui est à ma droite immédiate, François Vaudreuil...

M. Vaudreuil (François): Bonjour.

M. Gingras (Claude): ...et également Michel Blanchet, qui est le président du secteur municipal, qui est un secteur qui réunit, en fait, l'ensemble des syndicats qui adhèrent à la CSD et qui proviennent du secteur municipal.

Mme la Présidente, membres de la commission parlementaire, il nous est agréable de venir vous rencontrer aujourd'hui pour justement discuter de cet avant-projet de loi, parce qu'il est inutile de vous dire qu'il suscite chez nous d'énormes inquiétudes, chez nos membres.

Cet avant-projet de loi créant, bien sûr, des sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal a, ni plus ni moins, selon nos syndicats, l'allure d'une attaque contre, justement, leur expertise et a, bien sûr, soulevé l'ire de ceux-ci, et c'est peu dire. Une fois leur colère calmée, quand ils se sont assis et ont regardé ce qu'ils pouvaient faire face à ce projet de loi, ils se sont demandé quels pouvaient bien être les motifs qui ont suscité un tel projet de loi.

(18 heures)

Leurs hypothèses, bien sûr, sont assez simples. Ils en ont déduit qu'il pouvait s'agir d'un cadeau aux administrations municipales et aux contracteurs de toute espèce, et qui a pu se troquer, possiblement à Montréal, contre un très difficilement applicable droit au lock-out que s'acharnaient, malgré tout, à réclamer notamment le maire Bourque et ses experts en relations de travail. Comme il faut plaire à tout le monde, cela représente aussi, probablement, un retour d'ascenseur pour toutes les administrations municipales qui ont déjà pris les devants en privatisant certains services publics et qui font face à des plaintes en vertu de l'article 45 du Code du travail, actuellement.

Car il ne faut pas se leurrer un seul instant. Pour nous, cet avant-projet de loi est produit de la pensée néolibérale. Privatiser, désyndiquer, sabrer dans les conditions de travail, se désengager comme administration publique, démanteler les infrastructures de services, voilà l'essentiel de ce qui sera permis si le gouvernement poursuit dans la voie prévue par l'avant-projet de loi.

Alors, la Centrale des syndicats démocratiques est en désaccord avec cet avant-projet de loi et ne partage aucunement la vision et les principes qui l'ont inspiré, ni les modalités qui y sont prévues, à un tel point que nous ne proposerons aucun amendement pour le bonifier ou tenter de le bonifier, parce que, à sa base même, nous croyons que c'est faire fausse route. Nous exigeons plutôt le retrait du projet de loi.

Cet avant-projet de loi se veut une réponse aux demandes répétées des municipalités, des MRC, des communautés urbaines qui prétendent devoir privatiser pour continuer d'offrir des services à la population. Or, plus facile de se désengager en privatisant que de s'attaquer aux vrais problèmes de gestion de leurs services municipaux. C'est notre vision des choses.

Selon les savants tenants de l'approche, ça va coûter moins cher pour des services d'égale qualité. Rien n'est moins sûr à moyen et à long terme, surtout si l'on tient compte des coûts indirects, notamment sociaux et humains, associés à la précarisation du travail pour des milliers de personnes, si l'on tient compte également de la perte d'expertise pour les villes au profit du secteur privé, de la vente de certaines infrastructures de services à des contracteurs, bref, de la dilapidation de notre patrimoine collectif.

À cela s'ajoute le fait que les contracteurs qui font appel à des salariés sur une base temporaire pour effectuer des travaux sont tout à fait le genre d'employeurs que nous dénonçons en ce qu'ils utilisent souvent l'assurance-chômage pour stabiliser leur coût de main-d'oeuvre et s'ingénier à réduire au maximum la durée de leurs emplois, augmentant du même coup la pression sur le régime d'assurance-chômage et ultimement sur celui de la sécurité du revenu. Ceux qui prétendent que ça va coûter moins cher pour des services d'égale qualité ignorent des éléments fondamentaux comme le fait que la population, sans être assurée d'aucune façon d'une réduction de la facture, n'aura plus son mot à dire ni aucune prise sur la qualité de ces services.

Prenons l'exemple du déneigement, déjà privatisé dans plusieurs municipalités du Québec. Là où les cols bleus procédaient auparavant à l'enlèvement de la neige, les contracteurs privés, eux, la tassent ou épandent simplement des abrasifs. Et je pense qu'on a l'expérience; encore à chaque hiver, on dirait que ça se dégrade, à part ça. Comment peut-on croire qu'à la qualité... puis sans compter l'effet que ça a sur les accidents d'automobile, et tout ça, et d'autres coûts sociaux qu'engendrent de telles situations. Comment peut-on croire à la qualité égale quand on sait que le but des contracteurs est de faire des profits? Je pense que, ça, c'est l'envers, en fait, c'est à contre-courant, si on veut.

Signalons également que les coûts pourront, une fois les sociétés d'économie mixte créées et les services municipaux démantelés, augmenter à un rythme beaucoup supérieur à l'inflation. Cette crainte est d'autant plus légitime qu'à l'article 33 de l'avant-projet de loi il est mentionné que les articles 573 et 573.1 de la Loi sur les cités et villes, qui prévoient les procédures de soumissions, ne s'appliquent pas aux conventions convenues dans le cadre des SEM, sociétés d'économie mixte. Les seuls qui retireront à coup sûr des avantages financiers d'une telle opération sont sans contredit les contracteurs, qui ne seront plus soumis à la procédure d'appel d'offres et qui pourront acheter du capital-actions des sociétés et siéger sur les conseils d'administration de ces sociétés sans avoir à subir nécessairement la concurrence des services publics.

Parlant de gros sous, est-ce souhaitable qu'un service public fasse faire des profits à une entreprise privée? On pose la question. La CSD ne le croit pas et considère que la qualité des services à la population au moindre coût est l'objectif à viser – et, ça, nous sommes d'accord sur cet objectif-là – et que, si des économies sont faites dans la prestation de services, elles doivent être retournées aux contribuables d'une façon ou d'une autre et non pas enrichir des entreprises privées.

Dans le même ordre d'idées, qui paiera la note si un contracteur fait faillite sans remplir ses obligations? Et Dieu sait qu'on en a, des exemples, quand même, dans des contrats octroyés! Et, ça, ça existe dans tous les secteurs, puis je pense que ça deviendra probablement le lot avec lequel aura à composer aussi le secteur municipal si, éventuellement, il fait ce virage. Qui paiera la note si un contracteur n'assure pas la qualité des services attendus et disparaît dans la nature? Et c'est arrivé récemment dans quelques municipalités. À ma connaissance, Lac-Saint-Charles, je pense qu'ils en paient encore la facture à ce moment-ci. C'est un exemple parmi d'autres. Qui paiera la note des heures non déclarées faites au noir? Qui paiera la note des normes de santé et de sécurité du travail non respectées? Toute la collectivité, bien sûr. Mais, ça, on semble peu s'en soucier.

De plus, il y a un risque de déresponsabilisation des élus municipaux face à des mandats de services à la population. En effet, ne seront-ils pas tentés de faire porter l'odieux des problèmes dans les services sur le dos des contracteurs à qui ils ont confié des contrats, se dégageant de toute responsabilité, ce qui est carrément contraire aux principes de démocratie et d'imputabilité sur lesquels notre système est basé?

Autre aspect à considérer, les risques de conflits d'intérêts. À partir du moment où les sociétés sont composées, outre les municipalités concernées, par une personne, comme cela est prévu à l'article 13, qui exploite une entreprise à caractère commercial ou industriel dans le secteur privé et dont la participation au capital-actions de la société ne peut être inférieure à 20 % et que, comme nous l'avons vu, la procédure de soumissions n'existe plus, il y a fort à parier que la tentation de privilégier des amis du régime ou des contracteurs constituant la société pourrait être bien grande et sans barrière. Il est d'autant plus étonnant de retrouver une telle ouverture de la part du Parti québécois alors que son président fondateur, M. Lévesque, a fait, lors de son premier mandat, une priorité de l'assainissement et de la démocratisation de l'octroi des contrats.

D'aucuns pourraient prétendre que nos craintes sont exagérées et non fondées. Qu'il nous soit permis de citer des extraits du «Rapport au ministre des Affaires municipales sur certains aspects des opérations financières de la Société de transport de la ville de Laval et de la ville de Laval» à titre d'information importante dans ce dossier. Voilà qui démontre de façon probante comment, même lorsqu'il existe des règles très strictes, certains sont tentés de les contourner. Alors, imaginons quelle sera la situation dans le cas de l'application de la loi qui est devant nous. Dans l'exécution de cette partie du mandat, nous avons examiné les registres de la Société ainsi que des dossiers des fournisseurs mentionnés dans le rapport du ministère de la Sécurité publique. Nous avons procédé à cet examen en ayant à l'esprit l'article 69 de la Loi sur la Société de transport de la Ville de Laval, que nous reproduisons ici.

«La Société peut octroyer tout contrat de services professionnels quel qu'en soit le montant et tout autre contrat comportant une dépense inférieure à 50 000 $.

«Cependant, lorsqu'il comporte une dépense excédant 5 000 $ mais inférieure à 50 000 $, un contrat d'assurance ou un contrat pour l'exécution de travaux ou la fourniture de véhicules, de matériel ou de matériaux ou pour la fourniture de services autres que des services professionnels ne peut être adjugé qu'après demande de soumissions faites par voie d'invitation écrite auprès d'au moins deux entrepreneurs, deux fournisseurs ou deux assureurs, selon le cas.

«Aux fins du deuxième alinéa, un contrat pour la fourniture de véhicules ou de matériel s'entend aussi de tout contrat de location assorti d'une option d'achat.»

Citons également le paragraphe 1 de l'article 70: «La Société peut adjuger, après demande de soumissions publiques publiée dans un journal de langue française diffusé dans son territoire, un contrat visé aux deuxième et troisième alinéas de l'article 69 qui comporte une dépense d'au moins 50 000 $.»

Nos sondages ont porté sur les dossiers de certains fournisseurs pour les années 1987 à 1994. Fournisseur A. Il s'agit d'une compagnie opérant une quincaillerie dont les deux actionnaires sont les frères d'un conseiller municipal de la ville de Laval. Les achats effectués auprès de cette entreprise s'élèvent à 155 207 $ en 1987 et à 58 723 $ en 1988.

(18 h 10)

Fournisseur B. Cette compagnie de construction est détenue par le beau-frère du président du conseil d'administration de la Société. Les contrats octroyés à cette compagnie totalisent les sommes suivantes: 180 243 $ en 1987, 156 000 $ en 1988, 183 000 $ en 1989, 147 000 $ en 1990, 23 000 $ en 1991, 64 000 $ en 1992, 13 000 $ en 1993, 3 000 $ en 1994. Pour ces deux fournisseurs, nous avons observé qu'à plusieurs reprises au cours d'une même journée plusieurs commandes inférieures à 5 000 $ avaient été octroyées. Toutefois, la somme des commandes ainsi octroyées excédait 5 000 $ par jour. À notre avis, cette pratique visait essentiellement à fractionner le besoin global des biens au service de plusieurs commandes plus modestes afin de contourner l'obligation de procéder à des demandes de soumissions sur invitation auprès d'au moins deux fournisseurs. Selon nous, cette pratique n'est pas conforme à l'esprit de la loi.

Fournisseur C. Cette compagnie de services d'entretien est détenue par la conjointe d'un cadre de la société. Les contrats octroyés à cette entreprise ont fait l'objet de demandes de soumissions, à l'exception de contrats annuels pour des travaux atteignant la somme de 48 000 $ par an pour les années 1987 à 1989 inclusivement.

Services professionnels. Le rapport du ministère mentionnait des paiements d'honoraires pour des services professionnels. Nous n'avons pas examiné ces dossiers, puisque la loi ne contient pas de règle concernant l'octroi de ces contrats et qu'en plus aucune pratique interne n'existe à cet effet.

La conclusion, c'est que les actes et décisions qui ont été posés ont une apparence de conformité à la loi, puisque chaque commande prise individuellement étant inférieure à 5 000 $ il n'était pas requis d'aller en soumissions. Cependant nous pouvons nous questionner sur l'opportunité d'octroyer des contrats multiples plutôt que d'identifier un besoin global et de procéder par demande de soumissions. En plus de ne pas être conforme à l'esprit de la loi, cette pratique de fractionnement des marchés va à l'encontre des objectifs généraux d'économie, d'efficience et d'efficacité. C'est juste pour vous citer un exemple de ce qui peut se pratiquer, puis qui, à notre avis, quand même, pourrait s'élargir en termes de pratique dans le cadre d'économie du type qu'on propose.

Comme nous l'indiquions dans la mise en contexte, les sociétés s'inspirent, selon la CSD, largement du courant de pensée néolibéral qui souffle sur l'Amérique du Nord depuis des années, plus fort en Ontario et en Saskatchewan qu'au Québec, fort heureusement. Rappelons à cet égard le peu de succès obtenu par le gouvernement Johnson avec la désyndicalisation des travailleurs de la construction du secteur résidentiel en 1994. Cela devrait être pris en considération comme indicateur du désir des Québécois et Québécoises de ne pas emboîter le pas dans ce type de philosophie.

Car il faut bien comprendre que les sociétés nous entraînent et où elles nous entraînent. Il s'agit d'un démantèlement de certains services municipaux auparavant offerts par des employés des municipalités, des MRC et des communautés urbaines. Ces salariés, syndiqués pour la plupart, bénéficient de conditions de travail décentes et relèvent ultimement des élus municipaux, donc de la population. En confiant des mandats à des entreprises privées selon des conventions prévues dans l'avant-projet de loi, nous allons assister à un transfert des emplois des administrations municipales vers les entreprises privées. Cela va coûter moins cher pour des services d'égale qualité, disent les tenants de cette thèse: les travailleuses et les travailleurs précaires, rémunérés au salaire minimum, sans assurance collective, sans fonds de pension, sans formation, sans application des dispositions de santé et de sécurité au travail, selon des horaires inhumains, qui ne respectent même pas la loi des normes minimales de travail, bien souvent au noir, bref, rien pour nous enrichir collectivement. On en a eu des exemples récemment dans certains contrats, même, qu'a subventionnés le gouvernement, dans la construction, entre autres, de la place des congrès à Québec, où ça dégénère dans ce genre de pratique. Il suffit de voir à quelles conditions se fait le déneigement donné à contrat dans certaines villes et à quel point les administrations ne surveillent pas nécessairement les contracteurs et ne leur imposent qu'un minimum de normes dont elles ne vérifient même pas l'application. Et encore, il y a des soumissions. Puis ça va coûter moins cher? À qui, et pour combien de temps? Alors, le jeu, pour nous, n'en vaut pas la chandelle.

Ajoutons, de plus, qu'il est totalement inacceptable que des entreprises bénéficient, comme il est prévu à l'avant-projet de loi, du meilleur des deux mondes en n'ayant aucune des contraintes des secteurs public et parapublic et en ayant tous les avantages du secteur privé sans avoir de comptes à rendre.

Il y a, par contre, d'autres voies à envisager pour réduire intelligemment les coûts des services municipaux dans le respect des droits de tous et chacun et sans démanteler notre patrimoine collectif. Les objectifs passent indéniablement par un accroissement sensible de la productivité et une révision complète et en profondeur de l'organisation du travail. Car il est important de bien comprendre que, si des reproches peuvent être adressés relativement à l'efficacité et à l'efficience des services municipaux dans certains cas – qui devraient cependant faire l'objet de vérifications sérieuses avant d'être pris pour acquis parce que, là comme ailleurs, les préjugés sont tenaces – la faute, pour nous, est surtout imputable autant aux directions des services qu'aux salariés.

En effet, il est trop facile pour les élus de se plaindre du peu de productivité de leur main-d'oeuvre alors que les deux parties ont contribué à bâtir le système de services tel qu'il existe actuellement. Si les travailleuses et les travailleurs ne sont pas assez productifs, il y a bien sûr des contremaîtres et des directeurs de service qui ne le sont pas plus et qui ont fermé les yeux pendant des années. Inutile, cependant, de se borner à chercher des coupables. Attaquons-nous plutôt aux solutions.

Selon nous, elles passent, ces solutions, d'abord et avant tout par la réorganisation du travail et des services municipaux. Au lieu de supplier le gouvernement de leur accorder le droit de privatiser des services à la population, les administrations municipales auraient avantage et intérêt à réfléchir avec les syndicats représentant leurs employés sur les moyens d'améliorer la productivité en adaptant les méthodes de travail, en introduisant de nouvelles façons de gérer qui responsabilisent les personnes plutôt que de les cantonner dans des modèles ultrahiérarchisés et selon des scénarios où les fonctions sont divisées parfois à outrance. Avant, donc, de tout saboter et saborder en créant les sociétés, la CSD exhorte le gouvernement à retirer cet avant-projet de loi et à orienter sa réflexion sur des moyens d'action visant à modifier substantiellement l'organisation du travail et les services municipaux dans le but d'améliorer la productivité et la qualité des services. Un des moyens privilégiés par la CSD consisterait à mettre en place des structures qui faciliteraient la participation des travailleuses et travailleurs aux décisions concernant l'organisation des services, avec une obligation de résultats rapides, le tout à l'intérieur d'enveloppes budgétaires existantes, avec un souci constant d'utiliser les ressources de façon optimale, conscients que le degré de saturation des contribuables face à la taxation est atteint.

Alors, c'est notre position, et nous vous disons que ce que nous préconisons pour le secteur municipal, en conclusion, n'est pas différent de ce qui se passe dans l'entreprise privée actuellement, en général, et dans beaucoup d'entreprises. C'est dans ce sens-là qu'on travaille. On ne passe pas à d'autres la responsabilité, mais on s'assure de faire autrement, de faire mieux ce qu'on doit faire. Et c'est ce qu'on vous propose dans le cadre du débat qui est sur la table actuellement. Alors, je suis à votre disposition pour répondre, avec mes collègues.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Gingras. M. le ministre.

M. Trudel: Merci, et bienvenue à la commission, M. Gingras, M. Vaudreuil, M. Blanchet. Comme on dit communément, on en a toute une bourrée, là! On en mange une bourrée!

M. Gingras (Claude): Ha, ha, ha!

M. Trudel: Écoutez, le mémoire est franc, hein. Bon. C'est clair. Alors, on va pouvoir se parler franchement aussi, parce qu'on sait que vous êtes du monde d'innovation. C'est ce que vous avez décidé il y a 25 ans.

M. Gingras (Claude): Exact.

M. Trudel: Vous avez quitté la CSN, vous avez dit: On va fonder notre propre groupement, parce que vous n'étiez pas d'accord. Vous êtes allés dans l'innovation. Quand M. Dalpé avait pris cette décision-là avec ses deux autres D, ils faisaient dans le neuf.

Je ne veux pas nécessairement revenir en profondeur sur l'introduction, M. le président, M. Gingras, là, mais je pense que les motifs, que vous êtes en droit d'évoquer à l'égard, oui, des difficiles relations de travail dans certains secteurs ou dans certains niveaux de la vie municipale, là... Plus on parle des 25 000 $ et plus... Et, en particulier, tout le monde le sait, là, on parle de la difficulté en particulier à Montréal avec les cols bleus... Enfin, je dis difficulté d'une situation qui n'est pas encore dénouée. Alors, on sait quoi on évoque. À l'égard... Non, je devrais ajouter ceci. Évidemment, avec ce que vous nous présentez comme version, nos entretiens pourraient être bien courts, en disant: Bien, écoutez, ou on décide de retirer le projet de loi ou pas, et puis, suivant qu'on retire, on continue à se parler, et puis, suivant qu'on ne retire pas, on ne se parle pas.

Mais je pense bien qu'il y a quand même des voies d'ouverture, et il vaut la peine d'échanger sur le fond de la situation, parce que très certainement qu'à l'égard de l'administration des services publics municipaux ou le mode de gestion de nos services publics on est tous condamnés à la créativité, j'en suis convaincu, convaincu, compte tenu de l'état des finances. Parce que, quand, moi, je me vire de bord et que je quitte le poste de responsable ministériel, je suis un contribuable. Et vous aussi, M. Gingras, vous êtes contribuable. Et, quand vous êtes contribuable... Je ne l'ai pas encore écouté, là, mais probablement qu'il vous en a mis une beurrée sur le dos, là, du côté du fédéral, et, comme citoyen, à ce moment-là, vous voulez dire: Écoutez, on va en avoir plus à assumer, et j'en ai probablement là.

Moi, ma question est la suivante...

M. Gingras (Claude): Pas de hausse de taxes.

M. Trudel: Vous pensez que la beurrée n'est pas assez épaisse, c'est une petite beurrée?

M. Gingras (Claude): Non, non. Non, non.

(18 h 20)

M. Trudel: M. le président, dans l'instrument nouveau qui est proposé, le contrôle est toujours aux élus, par la population. Est-ce que vous ne considérez pas qu'il s'agit là d'un mécanisme de protection minimal, d'un mécanisme de protection suffisant? Parce que, vous savez, M. Gingras, si la situation puis des difficultés qui peuvent apparaître, tel que vous le soulevez dans votre mémoire, apparaissaient effectivement dans la réalité, vous ne pensez pas que la population rappellerait les élus à l'ordre, au sens qu'elle les renverrait chez eux, qu'on reprocherait à ces administrateurs d'avoir adopté ce mode-là? Est-ce que la garantie du public, de la démocratie, ce n'est pas suffisant en termes de contrôle de comment on va gérer ces services publics avec ce nouvel instrument?

M. Gingras (Claude): Notre sentiment actuellement, c'est que ce contrôle de la population est beaucoup plus fort dans le contexte actuel où les municipalités et les élus municipaux sont directement imputables, O.K., pour les services municipaux qu'ils rendent à la population, parce qu'ils sont désignés, en fait, pour s'assurer que ces services-là sont véritablement rendus, et dans les meilleures conditions. En tout cas, ça, c'est notre sentiment, c'est qu'ils sont vraiment imputables parce qu'ils ont la responsabilité. Mais, à partir du moment où on leur fournit l'excuse valable pour ne pas être tout à fait responsables – ils ont fait le mieux qu'ils ont pu dans les circonstances, avec les moyens qu'on leur a donnés et les outils qu'on leur a donnés, dont les sociétés d'économie mixte – on leur fournit une excuse pour dire: Bon, écoutez, on aurait peut-être dû mieux choisir, mieux cibler nos choix, on aurait peut-être dû travailler mieux, mais vous comprenez que, bon, on est obligés de composer avec ce qui existe. Et puis c'est non seulement un privilège, mais c'est une façon de faire, c'est devenu une façon de faire.

Donc, l'imputabilité, à mon avis, n'est plus celle qu'on connaît actuellement, des élus municipaux. C'est qu'on leur fournit un outil qui va devenir un prétexte facile et une excuse facile pour ne pas avoir livré comme convenu le produit avec une égale qualité. Et je pense qu'on en a quelques expériences, puis je ne voudrais pas rentrer dans des énumérations, mais on a quelques expériences de municipalités qui en donnent, des travaux, actuellement, à l'entreprise privée, à sous-contrat. Et ce qu'on a décrit tout à l'heure comme étant des situations de vécu... Écoutez, moi, je connais des endroits où on a donné des contrats d'aqueduc et d'égout, entre autres, bon, à des entreprises privées qui ont fait faillite. Ça a pris deux ans avant de résoudre la situation juridique de ce qui s'est passé dans ces contrats-là. Il y a eu des coûts importants pour la population parce qu'on avait avancé de l'argent, ne pensant pas que ça se résoudrait de cette façon-là. On a eu des travaux qui ont été partiellement exécutés, puis, au bout de deux ans, il a fallu défaire complètement et refaire, et on a payé pour rien. Ça, c'est des situations qui se vivent actuellement avec l'entreprise privée. Mais vous admettez que c'est des situations auxquelles on expose les municipalités en partant du fait qu'on systématise une approche de privatisation des services municipaux.

Alors, dans ce sens-là, pour nous autres, qu'à l'occasion, à un moment donné, on confie des travaux, c'est une chose, mais qu'on systématise l'approche de déresponsabilisation des élus dans le cadre de l'octroi des contrats pour les services municipaux, je pense qu'on va très loin, très loin dans l'excuse à fournir, justement, pour ne pas livrer le produit recherché par les citoyens.

M. Trudel: J'aimerais aussi qu'on puisse quand même également échanger quelques mots au sujet de tout ce secteur vital pour vous puis vital pour l'unité municipale, qui s'appelle les relations de travail. Il a été évoqué, par exemple, à l'occasion, tantôt, de la présentation de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, qu'il y a même des possibilités qu'on puisse envisager que les conventions collectives actuelles ou les conditions des travailleurs pourraient être totalement acceptées, reconnues, reprises par le secteur privé dans une entreprise conjointe publique-privée. Est-ce que, de votre côté, ça vous apparaît quelque chose qui est – ah! écoutez, je vais prendre le mot le plus faible – abordable en termes de discussion, si on dit: Bien, un partenaire privé est prêt à assumer, bien sûr, la continuité des conventions et des conditions de travail des gens qui sont dans le secteur? Parce que vous y faites allusion, là, vous faites allusion au management, vous faites allusion à l'organisation du travail. Est-ce que ça vous paraîtrait une petite voie d'ouverture pour travailler dans un nouveau cadre, le fait de dire: Bon, bien, on respecterait intégralement ce qu'il y a sur la table, mais on travaillerait avec les gens qui sont là? Est-ce qu'il y a une petite ouverture possible, vous pensez, de ce côté-là?

M. Gingras (Claude): Écoutez, à votre question, avec la réponse que je vous ai fournie précédemment, je ne crois pas pouvoir répondre oui uniquement sur la base, bon, qu'on s'assure du maintien des conditions pour les travailleurs ou qu'on exporte les conditions aux travailleurs qui vont être impliqués. Je pense que ça réglerait une partie de la problématique, mais ça ne réglerait pas la question de la déresponsabilisation des élus et de l'excuse facile. À mon avis, ça ne règle pas cette partie-là.

Et, deuxièmement, pourquoi le secteur public, face à des échecs au niveau des relations de travail, n'essaie pas de faire autrement et de faire mieux, O.K., que ce qu'il a fait à venir jusqu'à maintenant, là, au niveau de l'organisation du travail, de la capacité de gérer des ressources humaines pour livrer des services à la population? Je pense que, généralement, comme objectif, c'est qu'une municipalité doit rechercher d'avoir entièrement l'emprise sur les correctifs à apporter à son organisation pour pouvoir livrer des produits qu'elle veut livrer, dans le temps qu'elle veut les livrer, avec la qualité qu'elle veut, et tout ça. Qui est mieux placé pour le livrer, ce produit-là, avec ces exigences-là, que la municipalité elle-même si elle se donne une organisation du travail efficace, efficiente et capable de répondre aux nouveaux défis de l'organisation du travail? Ça, ça ne veut pas dire avoir une organisation hiérarchisée comme ça existe, et comme ça a déjà existé.

Écoutez, ce n'est pas un modèle que les municipalités ont importé. Ça a existé également dans l'entreprise privée antérieurement, à l'époque des vaches grasses, et tout ça. Tout le monde pouvait se permettre d'ajouter des échelons à la hiérarchisation des fonctions pour faire la démonstration qu'ils étaient bien organisés, mais ce n'était pas nécessairement ça qui était l'efficacité. Mais, ça, je pense qu'on s'entend là-dessus aujourd'hui, c'est qu'il faut revoir ces modèles-là et donner beaucoup plus d'autonomie aux travailleurs à la base, responsabiliser les équipes de travail, en tout cas à la base, diminuer la hiérarchisation, puis travailler sur notre efficacité et notre efficience, puis développer notre productivité ensemble et collectivement, et ça, en concertation.

Mais, ça, où ça se joue vraiment, cette partie-là, dans le secteur municipal actuellement? Ce n'est pas évident. Ça se joue dans l'entreprise privée. C'est commencé, ça a débuté dans le secteur manufacturier, entre autres. On travaille fort dans ce sens-là. Mais, dans le secteur public, on a de la misère à franchir des étapes avec ces objectifs-là. Puis ça fait quelques années qu'on porte ça à bout de bras, nous autres, réorganiser le travail, responsabiliser les travailleurs, essayer de favoriser leur participation, de profiter, justement, de leur intelligence dans l'organisation du travail de façon différente pour être plus efficaces. Et je vous dis que, dans l'entreprise privée, on a atteint des résultats incroyables en le faisant simplement, O.K., avec les travailleurs. Pourquoi on n'est pas capable de le faire dans les municipalités? Moi, je pense que c'est une recette qui peut être facilement importée dans les municipalités, puis c'est une recette avec laquelle les élus sont capables de travailler. Puis ils sont capables de développer des entreprises municipales performantes, même s'ils les dirigent eux-mêmes, O.K., et qu'ils ont un droit de regard immédiat, et non pas indirect par le biais d'une société d'économie mixte.

M. Trudel: Dans mon discours d'ouverture sur la consultation sur l'avant-projet de loi, j'indiquais même que nous pourrions, à l'égard des nouvelles formules de production, de gestion, de distribution, d'administration des services publics dans les municipalités, examiner la possibilité que certains groupements de travailleurs puissent être associés à la gestion et à la livraison des services, là. Sur la piste que vous venez d'évoquer, est-ce que vous estimez qu'on pourrait compter sur cette piste-là, qu'on pourrait compter sur des groupements de travailleurs pour devenir partenaires, là, dans une joint venture pour gérer, administrer et livrer des services publics dans nos unités municipales?

(18 h 30)

M. Gingras (Claude): Moi, à cette question, je vous dis oui. On est prêts, nous autres, à faire cette transition-là. Oui, on est prêts à travailler avec cette orientation-là. Oui, on est prêts à s'asseoir avec les représentants des administrations municipales pour regarder comment on est capables, ensemble, là, en partant du moment où on s'entend sur les services à développer, et tout ça, et les exigences de ces services-là et qu'on se donne un plan... on appelle ça un plan d'affaires, dans les entreprises.

M. Trudel: Voilà!

M. Gingras (Claude): Mais qu'on se donne un plan d'affaires dans les entreprises municipales qu'on va partager, bien, qu'on fasse ensemble pour voir comment on est capables de développer notre performance, notre efficacité pour faire mieux avec les moyens qu'on a.

Puis, comme on vous l'a dit, où on est d'accord avec vous autres, c'est que le point de saturation sur la taxation des gens a été pratiquement atteint, pour ne pas dire atteint définitivement. Je pense qu'il va falloir qu'on apprenne, pas nécessairement à accroître les coûts, mais à faire mieux et autrement ce qu'on doit faire en essayant de garder quand même ces coûts-là dans des perspectives raisonnables et acceptables pour la population. Mais, ça, je pense qu'on est capables de travailler dans ce cadre-là, on est capables de développer quelque chose d'intéressant, je pense, et on est capables de développer en concertation, les travailleurs et les administrations municipales, un plan d'affaires et un plan pour livrer justement ces services-là dans les meilleures conditions à la population. Et, ça, c'est notre conviction sincère, je vous le dis.

M. Trudel: Je ne vous ferai pas dire ce que vous n'avez pas dit, mais je vais y voir, dans ce dialogue, une ouverture...

M. Gingras (Claude): J'espère!

M. Trudel: ...une grande ouverture à améliorer la livraison de nos services, les coûts engendrés, parce que, effectivement – c'était ma question suivante, mais vous y avez déjà répondu – vous le savez, notre voisin, notre voisine, payeur et payeuse, ils en ont jusqu'ici, et on ne peut pas aller davantage, on ne peut pas aller plus loin que ça, ce serait extrêmement difficile. Donc, on est comme condamné au rendement. Et, quand vous évoquez cela, je pense que c'est juste, quant à moi, de dire qu'on peut compter sur la créativité et la participation des travailleurs.

Je citerai un exemple. Vous avez évoqué, tantôt, le secteur privé. Moi, j'en ai été témoin dans mon comté, Rouyn-Noranda–Témiscamingue, une grande compagnie québécoise qui s'appelle Tembec, quand CIP a fini de vider le bois puis de vider les gars, en 1972, elle a sacré son camp puis elle a dit: C'est fini, il n'y a plus rien à faire ici. C'est des gens, des travailleurs de Témiscaming syndiqués qui ont repris et qui sont actionnaires de cette entreprise encore aujourd'hui, et c'est ce qui a permis, 20 ans plus tard, qu'à Noël 1995 ils reçoivent tous un bonus, partage des profits de 14 000 $. Il y a donc des pistes nouvelles à explorer. Vous comprenez que, moi aussi, je vais me sucrer le bec, en passant, avec cette formule-là, en disant: Je pense qu'on pourrait peut-être faire des SEM comme ça.

M. Gingras (Claude): Oui. Ha, ha, ha!

M. Trudel: Mais je verrai, on verra ensemble comment on pourrait le réussir. Merci beaucoup de votre témoignage et...

M. Gingras (Claude): Si vous permettez, mon collègue François Vaudreuil, qui est vice-président et qui supervise un peu nos secteurs, chez nous, aurait peut-être une petite réponse à formuler, additionnelle, si vous permettez.

M. Trudel: Tout à fait, tout à fait.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Merci, Mme la Présidente. Un commentaire général suite aux propos de M. le ministre. Vous savez, on vit actuellement au Québec une situation économique qui n'est pas facile. On vit la pire crise d'emploi depuis les 50 dernières années. On a énormément de problèmes sociaux qui émergent un peu partout. Nos institutions ont un problème de crédibilité fondamental. Et ce que je trouve malheureux et ce qu'on trouve malheureux, à la CSD, c'est qu'effectivement, pour résoudre ce problème de crédibilité là, on confie une partie de la gestion à l'entreprise privée, comme si l'entreprise privée était la solution à tous les maux qu'on a. C'est une tendance, c'est un discours dans notre société qui est lourd de conséquences.

Moi, avant d'être à l'exécutif de la Centrale, pendant une décennie j'ai négocié des conventions collectives dans plusieurs secteurs d'activité, notamment dans les municipalités – des petites comme La Tuque puis des grandes comme Laval – je sais donc c'est quoi le monde municipal, et je connais aussi les problèmes que les travailleuses puis les travailleurs du monde municipal vivent. Dans toutes les expériences qu'on a vécues jusqu'à ce jour – puis ça n'a pas changé – dans toutes les municipalités où on est présents, quand il y a des parties qui ont été confiées à l'entreprise privée, il y a eu des effets pervers, pernicieux qui ont fait mal, qui ont troublé du monde et des familles.

Je vais vous donner des exemples. À la ville de Saint-Hubert, l'administration, dans sa sagesse, a décidé de confier tout le déneigement à l'entreprise privée. On présente une cinquantaine de personnes qui ont passé des hivers, depuis ces périodes-là, en mise à pied. Et, quand on regarde les sous-traitants et les conditions dans lesquelles ils travaillent, c'est indécent. On a une cinquantaine de familles dans le milieu, dans la communauté, donc, qui vivent des situations de pauvreté – parce que vous connaissez en plus les effets des dernières réformes d'assurance-chômage sur la vie des gens – et les gens qui occupent ces fonctions-là, dans le fond, travaillent dans des conditions indécentes. Je pourrais vous multiplier les exemples, je pense que ce n'est pas... mais pour vous dire que le secteur privé n'a pas trouvé de solution.

L'été dernier, quand on a été appelé à se prononcer sur le droit au lock-out dans le secteur municipal, suite à la crise qu'il y avait à Montréal, on a fait, à ce moment-là, une suggestion: que le ministère puisse tenter de redynamiser les relations de travail dans le secteur municipal en confiant notamment à l'Union des municipalités un rôle de support et de soutien plus intéressant pour qu'on se donne des défis, pour qu'on innove, mais pour que ça se fasse dans le respect, dans le développement puis dans le maintien d'emplois de qualité. Parce que ce qu'on fait quand on agit comme ça, on appauvrit le monde, c'est ça qu'on fait, puis on enrichit des entrepreneurs privés. C'est ça, la vraie vie, c'est ça, la réalité. Et, de ces entrepreneurs-là, il y en a certains, et l'histoire nous l'a démontré, qui, effectivement, ont travaillé au noir. Ça aussi, c'est un autre phénomène qui est inquiétant, dans notre société.

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion.

M. Vaudreuil (François): En conclusion, c'est la raison pour laquelle on n'est pas d'accord avec la formule qui est proposée.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Vaudreuil. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, messieurs. D'entrée de jeu, je vous dirais que j'aime mieux vous entendre de vive voix que de lire votre mémoire. C'est un compliment. J'ai aimé lire votre mémoire aussi. Je vous dirais que je vais en sortir certainement plus connaissante.

À la page 12, lorsque vous parlez de syndicalisation et de conditions de travail, j'ai appris un nouveau synonyme de «déréglementation»: dans votre vocabulaire à vous, c'est «désyndicalisation». C'est ça? Bon. Alors, je vais être plus connaissante.

Je comprends vos arguments. Je comprends ce qui vous motive aujourd'hui à venir nous dire que ça n'a pas de bon sens, qu'on a l'expertise dans le monde municipal au niveau... On va parler des employés municipaux, parce que c'est d'eux, évidemment, qu'on parle. J'ai fait partie de ceux que vous ne voulez pas déresponsabiliser; j'en ai fait partie pendant 12 ans, dont 10 à titre de maire. Je n'ai jamais senti que, lorsque les élus municipaux... Puis je ne veux pas parler en leur nom, mais je me sens une certaine responsabilité ici. Je n'ai jamais senti que, lorsqu'on cherchait des moyens, que ce soit aujourd'hui ou dans le passé, de donner le meilleur service au meilleur coût possible, si on le confiait à la sous-traitance...

C'est sûr que ça ne s'est jamais fait en accord avec le syndicat, parce que les syndicats, évidemment, y voyaient une perte de responsabilité, puis, ça, je le respecte et je le comprends. Je le voyais davantage dans une perspective, je pense, où on a, à l'époque, cru que c'était une façon de se responsabiliser puis de donner à nos citoyens, qui paient des taxes eux aussi.

Je voudrais aussi vous dire que j'aimerais voir les syndicats être des partenaires. Est-ce que c'est dans la mise sur pied d'une SEM, est-ce que c'est avec d'autres formules qui existent déjà ou qui pourraient être créées ou conçues? En fait, tout le monde ensemble, je pense qu'on n'a pas d'autre choix. Aujourd'hui, au moment où on se parle, on a beau avoir le meilleur discours possible, tout le monde sait qu'on ne peut plus se permettre ce qu'on s'est permis, peu importent les raisons pour lesquelles on se les est donnés, ces services-là.

(18 h 40)

Moi, je ne peux pas me cacher la tête dans le sable, jouer à l'autruche puis dire que je n'en ai jamais signé, de conventions collectives. J'en ai signé, puis qui étaient généreuses. Alors, je ne peux pas, d'un côté de la bouche, dire: Ça n'a pas de bon sens, les conventions collectives sont trop généreuses, on est poignés avec ça. Mais je ne pense pas que le discours qu'on a aujourd'hui ou le débat qui se fait autour des créations possibles des sociétés d'économie mixte doit être vu comme une entrave ou comme une attaque aux employés. Je pense que, nous, là... Je vais parler pour le Parti libéral du Québec, je me sens fortement étiquetée néolibéraliste, ou néolibérale. Mais, trêve de plaisanterie, je pense qu'on le voit vraiment dans la perspective où on doit, tout le monde ensemble, chercher des formules. Est-ce que c'est la meilleure? La plupart des gens qui sont venus devant nous depuis mardi nous ont dit que ce n'était pas une mauvaise idée, mais qu'il faudrait peut-être qu'on la fouille un peu plus. Alors, vous, vous nous dites, pour employer une expression qui est peut-être un peu chère: Scrapez-la.

Entre l'éliminer complètement et trouver des solutions tout le monde ensemble, que ce soit avec le partenariat privé, avec l'entreprise privée, la municipalité et vous, vous sentez-vous une responsabilité là-dedans? Le ministre, tout à l'heure, vous disait: Vous êtes des contribuables aussi, là.

Une voix: Oui.

Mme Delisle: Vous avez aussi une mission dans la vie, c'est vrai, mais vous êtes aussi des contribuables. Vous faites la même lecture que nous des problèmes qui existent. On travaille comment, tout le monde ensemble, pour faire ça, à part de scraper les SEM?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Gingras.

M. Gingras (Claude): Écoutez, Mme Delisle, je pense qu'on connaît votre passé, on connaît votre expérience aussi du domaine municipal; il ne faudrait pas que vous vous accusiez d'avoir signé des conventions généreuses, je pense que ce n'est pas là le défaut. Je pense que ce n'est pas un défaut, signer des conventions généreuses, parce qu'il y a des secteurs à succès...

Mme Delisle: Aujourd'hui, on se fait dire que c'est des défauts, M. Gingras. Ha, ha, ha!

M. Gingras (Claude): Non, non, non, mais il y a des secteurs à succès qui accordent quand même des conditions généreuses à leurs travailleurs parce que, justement, ils obtiennent des succès. Tu sais, ils sont performants, ils sont efficaces, et tout ça. Ils accordent des traitements généreux. Est-ce qu'on va les accuser de mal administrer? Je ne pense pas que ce soit ça, l'objectif, puis je ne pense pas que ce soit un défaut. Moi, je pense que, si on est performant, si on livre la marchandise et puis si on est efficace, une bonne rémunération, ça va aussi avec ça. Ça, je pense que ça fait partie des évidences.

En ce qui nous concerne, ce n'est pas un défaut que vous en ayez accordé. Le défaut est peut-être, quand même, qu'on n'ait pas travaillé le modèle, qu'on n'ait pas travaillé ensemble le modèle de la gestion des services municipaux, qu'on ne se soit pas assis puis qu'on n'ait pas regardé comment on peut faire autrement les choses, être plus efficace, plus performant dans le cadre de coûts plus compétitifs, si vous voulez. Mais, quand on veut se comparer avec d'autres et puis quand on pense que, donner à sous-contrat, ça peut présenter des avantages à court terme – on peut mesurer à court terme les avantages sur les coûts – ce n'est pas évident que, quand on mesure tous les effets de cette façon de faire, quand on mesure tous les coûts engendrés par cette façon de faire, on a vraiment réalisé des économies.

Je pense que c'est ça qu'on a essayé de vous démontrer. On a essayé de vous démontrer, dans notre mémoire, qu'il y a des coûts indirects à faire ça et puis à confier à n'importe qui, à un moment donné, qui n'a pas la même responsabilisation que les élus municipaux doivent avoir et la même imputation que les employés municipaux doivent avoir... que, dans la façon de faire, il y a moins de réserves. Souvent, il y a moins de réserves dans l'entreprise privée, parce que des entreprises qui viennent au monde et qui disparaissent dans la même année, il y en a beaucoup, puis vous le savez fort bien; vous avez juste à regarder les statistiques là-dessus. Vous le savez fort bien, qu'il y en a qui arrivent puis qu'il y en a qui disparaissent. Puis elles viennent pour la durée d'un contrat, aussi, hein? Bon.

Alors, ça, miser sur ce genre de garantie, ce genre de valeur, ce n'est pas nécessairement la recette magique pour arriver à des résultats probants puis arriver aussi à développer une expertise dont on va pouvoir faire profiter l'ensemble du secteur municipal. Parce que des gestes à la pièce, et tout ça, qu'on ne s'occupe pas de généraliser, qui sont des gestes à succès, je pense que, ça aussi, ça fait partie peut-être de la réalité dans laquelle on a été enfermé. Il y a des municipalités qui ont administré avec beaucoup de succès des services municipaux. Comment on a fait pour essayer de généraliser leurs trouvailles? Je pense qu'on n'a jamais fait d'efforts sérieux pour le faire. Tu sais, chacun fait son petit bout de chemin comme il pense qu'il doit le faire, et puis on se fout un peu des autres et puis on ne regarde pas un peu ce qui se passe ailleurs.

De plus en plus, cette conscience-là, elle se développe ici. Je me rappelle l'ancien ministre Gérald Tremblay qui parlait de ses grappes industrielles, et tout ça, et qui voulait entreprendre un grand effort de synergie entre les entreprises puis développer leur capacité entre elles de s'appuyer collectivement dans le développement de leur secteur économique. Mais pourquoi on n'est pas capable d'appliquer ces recettes-là? Tu sais, je me rappelle du discours, il était emballant, enthousiasmant, et tout ça. Mais pourquoi on n'est pas capable de le faire dans le secteur municipal?

Moi, je pense qu'il y en a, des recettes, qui sont là. On est capables de les mettre en application, puis on vous a offert notre collaboration pour le faire, mais pas nécessairement par personne interposée, par des sociétés mixtes qui vont déresponsabiliser les élus, puis les élus vont se fouter un peu de ce qui se passe là parce qu'ils n'ont pas... Même s'ils ont un contrat puis une majorité sur les sociétés mixtes telles que vous les concevez, ce n'est pas évident. Ça va devenir une excuse facile, parce qu'ils ont à composer avec d'autres personnes. Et puis, ça, c'est notre sentiment.

Mme Delisle: Monsieur, je vous remercie pour la réponse. À partir du moment où vous êtes contre l'avant-projet de loi, je ne vous amènerai pas sur des pistes pour le bonifier, c'est bien évident. Mais, puisqu'on vous a devant nous, vous parlez beaucoup d'organisation de travail puis de modèles, qu'est-ce que vous seriez prêts à proposer, finalement? Parce que je ne pense pas que les SEM, en tout cas, dans l'esprit des municipalités qui ont participé aux quatre projets-pilotes – je vais parler de ceux avec qui, moi, j'ai parlé – l'ont vu dans une perspective où elles voulaient tout simplement éliminer les employés municipaux. Elles l'ont vu dans une perspective de gestion de... Surtout, on parle de juste une qui fonctionne seulement depuis six mois, donc c'est un domaine dans lequel elles n'étaient pas déjà impliquées. Mais le gros problème pour votre membership, c'est bien évident, c'est les activités qui sont actuellement gérées par les municipalités et dont le travail est fait par vos membres.

Jusqu'où vous êtes prêts à aller dans l'organisation du travail? Je laisserai le soin à mon collègue le député de LaFontaine, tout à l'heure, de vous parler de l'article 45, je pense qu'il veut vous parler de ça. Mais, quand on parle de faire entrer nos jeunes dans les municipalités ou les retraites, ce n'est pas toujours facile, hein. Ça a l'air bien beau, ce que vous nous dites là, mais, dans la pratique, ce n'est pas toujours comme ça que ça se passe. Quand vous parliez, tout à l'heure, qu'on avait un cloisonnement des services puis des... Je veux dire, moi, je me souviens, puis je ne suis pas toute seule à m'en rappeler, qu'il y a bien des choses qu'on ne pouvait pas demander parce qu'un tel faisait ça puis que l'autre ne le faisait pas. Alors, quand on parle d'organisation de travail, on touche évidemment une panoplie d'activités et de responsabilités.

M. Gingras (Claude): Si vous me demandez jusqu'où on est prêt à aller, écoutez, on a manifesté une ouverture pour regarder les situations puis essayer ensemble de développer un plan d'affaires, développer un modèle, mais en partenariat, et ensemble s'entendre sur les conditions et les règles du jeu. Alors, ça, c'est une ouverture pour le faire ensemble. Écoutez, l'entreprise, actuellement, le fait. Il y a beaucoup d'entreprises qui le font. Elles commencent par mettre sur pied un comité en partenariat avec les travailleurs, elles commencent par établir leur plan d'affaires, elles commencent par partager une vision de l'avenir ensemble, et puis, après ça, elles passent à l'action dans le comment. Elles s'établissent un plan d'action. Et puis elles le font, elles le réalisent, puis elles s'évaluent aussi par rapport aux réalisations puis aux accomplissements.

Mais, ça, on vous dit: On est capable de faire ça. On est capable de faire ça, c'est la première condition pour arriver à des résultats dans le secteur municipal. Si on a besoin de se faire aider, comme les entreprises le font... Parce qu'il y a des entreprises... Toute cette expertise-là pour se lancer dans la foulée de la concertation, ce n'est peut-être pas évident, parce qu'on a plus des traditionalistes, souvent, qui ont des approches très traditionnelles. Si on a besoin de se faire conseiller là-dedans, je pense qu'il en existe, des ressources, actuellement, sur lesquelles on peut miser puis qui sont capables d'apporter un soutien justement aux municipalités qui veulent se prévaloir de cette approche-là.

Pourquoi, au lieu... Puis je sais qu'actuellement il y en a, des expériences qui sont en cours, des expériences du type SEM que vous proposez et qui sont en cours. Est-ce qu'on les a vraiment évaluées, puis est-ce qu'on a vraiment évalué la performance, les résultats que ça peut apporter? Puis, deuxièmement, est-ce qu'on a évalué aussi les effets indirects d'une telle structure de services? Ça, je vous la pose, la question. Et, deuxièmement, est-ce qu'on est prêt à faire le même exercice dans des expériences de partenariat dans des entreprises municipales qui voudront développer des services efficaces et compétitifs? On «est-u» prêt à faire le même exercice?

Mme Delisle: Mais vous ne répondez pas tout à fait à ma question. J'apprécie ce que vous dites, mais ce que je vous ai demandé, c'est: Qu'est-ce qui est sur la table, actuellement, d'après vous?

M. Gingras (Claude): Bien oui, mais, si vous me demandez jusqu'où on est prêt à aller, je ne suis pas capable de vous répondre à ça à ce moment-ci. Moi, je vous dis qu'on est prêt souvent à mettre sur la table toute une organisation traditionnelle du travail pour voir comment on est capable de faire autrement les choses. Ça, on a cette ouverture-là. Mais vous dire dans le détail jusqu'où on est prêt à aller, demandez-moi pas de vous dire ça aujourd'hui. Tout va dépendre des situations auxquelles on va avoir à faire face et puis des moyens qu'on va devoir mettre de l'avant pour être efficace, justement, puis atteindre les objectifs souhaités.

Mme Delisle: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de LaFontaine.

(18 h 50)

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. M. Gingras, bonjour, ainsi qu'à vos collègues qui vous accompagnent. Alors, moi aussi, j'ai bien aimé entendre votre mémoire puis j'ai aimé aussi le lire. Je pense que vous êtes le premier groupe qui met vraiment sur la table une réalité différente de celle qu'on a pu entendre jusqu'à maintenant. Bon. Certes, certains groupes comme la CUM ou autres ont abordé les problèmes ou les difficultés en termes de relations de travail qui pourraient surgir dans la création de SEM, mais jamais, d'une manière aussi pointue et directe, depuis hier que nous sommes en audition, nous n'avons entendu un point de vue comme celui-là. Et je trouve personnellement qu'il était important qu'il vienne rétablir un peu ou faire valoir un peu l'autre côté de la médaille. Car, en effet, si on se reporte, au départ, au service public, c'est quoi un service public? C'est donner un service au public au meilleur coût et le plus large possible à la population, et c'est pour ça qu'on a confié ça à des collectivités locales ou à des administrations municipales ou gouvernementales. Il y avait là-dedans l'esprit de coût, l'esprit aussi d'accessibilité, parce que, bien souvent, c'est des services essentiels, que ce soit le transport, l'eau, l'électricité.

On sait que le Québec a fait un grand bout de chemin de son développement grâce à l'électricité. Certes, ça a créé d'autres problèmes qu'on connaît maintenant, mais, quand même, il faut reconnaître ce qui s'est fait. Alors, il était temps que quelqu'un vienne nous dire: Attention! C'est vrai que, le privé, ça peut paraître très beau, mais ce n'est pas forcément la panacée à tous les problèmes qu'on peut rencontrer, à tout le moins dans les municipalités, particulièrement sur la gestion de l'eau, ce que le ministre et d'autres ont évoqué, la possibilité de donner la gestion de l'eau à des SEM.

Entre autres, on écoutait aussi la Chambre de commerce, et elle disait: Bon, on pourrait même, dans une SEM, prendre les conventions collectives, hein, puis les employés, puis faire des profits. Moi, la question que je vous pose à vous, qui êtes chef syndical – vous parlez directement, vous parlez franchement, et j'aime bien cela – c'est: Comment pouvez-vous, vous, expliquer que la Chambre de commerce de Montréal vienne nous dire que, avec les mêmes conventions collectives, donc les mêmes planchers d'emplois, probablement les mêmes obligations qu'actuellement, elle ferait des profits sans augmenter les tarifs aux citoyens pour donner le même service? Est-ce que vous êtes capable de me répondre à cette interrogation que j'ai?

M. Gingras (Claude): Oui. Je vais demander à mon collègue François Vaudreuil de vous répondre à cette question-là...

M. Gobé: C'est ma première question.

M. Gingras (Claude): ...puis, s'il y a lieu, je compléterai. Mais je vais lui demander de vous apporter une première réponse.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Vaudreuil.

M. Vaudreuil (François): Merci. Je pense que vous l'avez très bien précisé: qu'on parle d'eau, qu'on parle de transport, de certains services, effectivement, il s'agit avant tout d'un bien collectif, il s'agit d'une responsabilité collective, et on ne peut pas appliquer la logique marchande, effectivement, à différents secteurs. Et c'est aussi un des éléments pour lesquels on s'objecte à la création de ces sociétés.

M. Gobé: Donc, d'après vous, on ne peut pas penser que, sans augmenter les tarifs ou changer les conventions collectives et mettre du personnel à pied, on pourrait opérer un service comme celui-là et faire du profit. C'est un peu ça, la question.

M. Vaudreuil (François): Ce n'est pas de savoir s'il peut y avoir du profit ou pas; c'est de savoir si, effectivement, on peut être en mesure de toujours obtenir une qualité de produits. Actuellement, ce qui nous est démontré, c'est que la qualité de service qu'on a dans les municipalités, de la façon que c'est fait, on l'a. Et, ça, c'est un bien qui est comme très précieux dans notre société et qu'il faut préserver.

M. Gobé: Oui, mais c'est parce que vous ne répondez pas tout à fait à ma question. Je ne mets pas en doute le service, d'accord? Je suis conscient, moi, que j'ouvre mon robinet puis que l'eau est propre. Enfin, en tout cas, c'est bien.

M. Vaudreuil (François): Oui. C'est ça.

M. Gobé: La taxation, c'est une autre histoire, ça. Mais ce qu'on sous-entend avec la création de la SEM, c'est qu'on dit: On va le donner au privé, ça va coûter moins cher aux contribuables. Plus, le privé nous dit: Si on s'implique là-dedans, c'est parce que, nous, on va faire de l'argent. Il y avait un monsieur, hier, d'une MRC, qui disait que c'était pour faire de l'argent, cette affaire-là. Alors, moi, ma question que je pose, c'est: Comment peut-on garder les mêmes conventions collectives? C'est ça qu'elle a témoigné, tout à l'heure, la Chambre de commerce. Qu'on me reprenne si j'ai mal compris. Comment peut-on garder les mêmes conditions de travail, les mêmes conventions collectives, de meilleurs coûts, autant d'accessibilité, puis faire de l'argent en plus, alors qu'actuellement les municipalités, avec les mêmes conditions de travail, une expertise quand même assez vaste, nous disent qu'elles vont devoir augmenter les prix pour pouvoir arriver à gérer dans le futur? C'est ça, ma question; c'est là que je veux en arriver.

M. Gingras (Claude): Bon. Écoutez, à votre question: Avec les mêmes conditions de travail, avec une organisation... probablement que la réponse, c'est: Avec aussi une organisation du travail qui peut peut-être être différente. Mais il faut faire attention, hein. Ce qu'on nous dit maintenant, théoriquement, que, avec une organisation du travail différente, avec les mêmes règles, on pourrait performer différemment, c'est exactement le message qu'on vous a livré. C'est qu'on vous a dit: Nous autres aussi, on croit que les municipalités sont capables de faire les choses d'une façon différente: être plus performantes, avoir une meilleure organisation du travail et atteindre de meilleurs résultats au niveau de l'efficience, et tout ça, et, ça, ce n'est pas nécessairement des profits pour nous autres, mais c'est des coûts moindres qui permettent aux municipalités d'en faire plus avec les mêmes moyens. Alors, c'est dans ce sens-là qu'il faut travailler, je pense, et puis qu'il faut raisonner.

Si on génère des profits avec une façon de faire différente avec l'entreprise privée, pourquoi on n'est pas capable de le faire dans les municipalités et en faire bénéficier les contribuables? Donc, ces profits-là, au lieu de servir à faire des profits puis à enrichir l'entreprise privée, doivent enrichir collectivement les contribuables. Alors, c'est dans ce sens-là que, nous autres, on vous dit: Si on le fait nous-mêmes, la partie qu'on va consentir en profits à d'autres, on est capables de la capitaliser en services additionnels et en meilleurs services pour les citoyens du Québec, puis je pense que ça devrait être ça, l'objectif.

M. Gobé: Alors, c'est exactement ce que je voulais vous entendre dire.

M. Gingras (Claude): Bon!

M. Gobé: Et la question, en terminant, parce qu'il n'y a pas beaucoup de temps...

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, c'est en terminant, là, parce que c'est fini.

M. Gobé: ...ce serait: Qu'entendez-vous faire, vous, comme centrale syndicale, concrètement? Vous avez rapidement brossé un tableau d'ouverture dans ce mémoire, mais, concrètement, pour compétitionner ces entreprises qui, elles, ne jurent que par la privatisation, alors que, vous, vous venez de nous dire que vous pouvez avoir le même résultat et qu'au lieu d'avoir des profits qui iraient à l'entreprise privée ça pourrait être réinvesti pour le meilleur intérêt des citoyens...

La Présidente (Mme Bélanger): J'ai dit: Une courte question.

Une voix: Exact.

M. Gobé: ...alors, ma question c'est: Êtes-vous prêts à faire quelque chose?

La Présidente (Mme Bélanger): Pas un discours, là, une courte question.

M. Gingras (Claude): Bien oui! On vous a dit...

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, une courte réponse, M. Gingras.

M. Gingras (Claude): Oui, courte réponse: C'est qu'on vous a dit oui à ça. Nous autres, on est prêts à s'asseoir avec les administrations municipales, à revoir notre organisation du travail, à s'assurer qu'on atteigne des objectifs dans ce sens-là et à faire bénéficier les citoyens, justement, de cette approche de concertation qu'on est capables de développer.

La Présidente (Mme Bélanger): On vous remercie, M. Gingras, M. Vaudreuil et M. Blanchet. La commission ajourne ses travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 57)


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