L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente des affaires intergouvernementales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente des affaires intergouvernementales

Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 7 juin 1983 - Vol. 27 N° 87

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales


Journal des débats

 

(Onze heures cinquante-cinq minutes)

Le Président (M. Champagne): La commission élue permanente des affaires intergouvernementales se réunit pour faire l'étude des crédits budgétaires de 1983-1984 de ce ministère.

Les membres de cette commission sont M. Blais (Terrebonne), M. Charbonneau (Verchères), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Doyon (Louis-Hébert); Mme Harel (Maisonneuve) remplacée par M. Brassard (Lac-Saint-Jean); M. Kehoe (Chapleau), M. Léger (Lafontaine), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Morin (Sauvé); M. Payne (Vachon) remplacé par M. Beaumier (Nicolet); M. Rivest (Jean-Talon).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Blouin (Rousseau), M. Dauphin (Marquette), M. Fallu (Groulx), M. Gravel (Limoilou), M. Levesque (Bonaventure), M. Lincoln (Nelligan), M. Ryan (Argenteuil).

Il faudrait, à ce moment-ci, proposer un rapporteur, s'il vous plaît.

M. Morin: M. le Président, me permettez-vous de proposer que le député de Deux-Montagnes, adjoint parlementaire, agisse comme rapporteur?

M. Rivest: M. le Président, j'espère qu'être rapporteur n'empêchera pas le député d'intervenir. Je trouve que le député de Deux-Montagnes apporte toujours une contribution extrêmement positive. Je ne connais pas votre règlement, mais...

Le Président (M. Champagne): Vous connaissez le règlement. Alors, c'est sûr qu'on n'enlèvera pas le droit de parole au brillant député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Je me réjouis, M. le Président, de l'appui du député de Jean-Talon.

M. Rivest: Ce que je regrette, c'est que le ministre n'a pas eu beaucoup de choix, n'est-ce pas?

Le Président (M. Champagne): Nous avons à peu près neuf heures à notre disposition pour faire l'étude des crédits. Est-ce que vous avez quelque chose à proposer, M. le ministre, à ce sujet?

M. Morin: M. le Président, j'aurais quelques propos à tenir, un exposé de portée générale sur les crédits de mon ministère, sur ses activités au cours de l'année écoulée, ainsi qu'un aperçu des activités au cours de l'année qui vient. Si vous me le permettez, je ferai, d'abord, cet exposé; après quoi, j'imagine que les députés de l'Opposition voudront, à leur tour, faire des observations de portée générale. Je ne sais pas si c'est dans leur intention, mais cela m'intéresserait fortement, bien sûr, de les entendre.

Le Président (M. Champagne): M. le ministre.

M. Rivest: Si vous me le permettez... Le Président (M. Champagne): Oui.

M. Rivest: ...nous avons neuf heures, n'est-ce pas?

Le Président (M. Champagne): Oui.

M. Rivest: Bon, il est midi. Nous devons terminer à 13 heures, j'imagine. Ensuite, nous irons de 13 heures à 18 heures, donc 4 heures. Et, ce soir, de 20 heures à minuit. Mon intention, M. le ministre, et l'intention de mon collègue, c'est d'essayer de faire en sorte, de part et d'autre, que nous puissions disposer de l'étude des crédits aujourd'hui, sans qu'il soit besoin de prolonger indûment. Alors, on doit, je pense, M. le Président, avoir la visite du ministre responsable de l'Office franco-québécois?

Le Président (M. Champagne): Oui, de l'Office franco-québécois de la jeunesse.

M. Rivest: Alors, peut-être qu'en fin d'après-midi, on pourrait lui réserver une demi-heure. Je signale également à l'attention du ministre que mon collègue, le député de Chapleau, voudrait peut-être aussi, probablement vers la même période, attirer l'attention du ministre sur un certain nombre de questions concernant la région de la capitale nationale.

M. Kehoe: La région de l'Outaouais. M. Rivest: De l'Outaouais.

M. Morin: Fort bien, M. le Président. J'ose espérer que nous pourrons disposer de l'étude des crédits de mon ministère en

quelques heures. Je ne sais pas si on y arrivera aussi complètement que nous le souhaitons, mais on peut toujours essayer. En ce qui concerne mon collègue, M. Chevrette, qui est responsable par délégation de l'Office franco-québécois pour la jeunesse, il se proposait de venir à 17 heures prendre son siège en commission pour répondre aux questions de l'Opposition et, éventuellement aussi, j'imagine, pour expliquer quelles ont été les activités de l'OFQJ au cours de l'année écoulée.

M. Rivest: Selon la tradition, lors de l'étude des crédits en ce qui concerne l'Office franco-québécois, je pense bien qu'une demi-heure ou trente minutes, ce ne serait pas rendre justice à l'importance du programme. Je n'ai pas d'objection, au contraire, à ce que le ministre vienne nous donner un aperçu des orientations, mais, en termes de temps pour l'organisation de notre travail, quant à moi, ce sera rapide.

M. Morin: Alors, M. le Président, nous tiendrons pour acquis qu'en une demi-heure nous pourrons disposer de l'OFQJ. Et, par la suite, c'est très volontiers que je continuerai, pour ma part, à répondre aux questions ou aux commentaires de l'Opposition.

Le Président (M. Champagne): Pour la discussion des différents programmes - il y a quatre programmes - vous aimez mieux qu'on la fasse globalement ou programme par programme après?

M. Morin: M. le Président, depuis une dizaine d'années que je suis mêlé à l'étude des crédits d'un côté comme de l'autre de cette table, je ne sache pas qu'il y ait eu deux fois de suite la même façon de procéder. Cela dépendra dans une large mesure de l'Opposition. S'ils veulent procéder par programme et élément, nous le ferons. S'ils veulent procéder, au contraire, par l'étude de questions qui les intéressent, ce sera très volontiers.

M. Rivest: M. le Président, quant à moi, ayant été formé à l'école du prédécesseur du ministre actuel, effectivement, l'imagination est toujours au pouvoir lors de l'étude de ces crédits. On ne peut pas prévoir ce qui va se produire.

Le Président (M. Champagne): Sur ce,

M. le ministre, pour vos remarques.

Exposés préliminaires M. Jacques-Yvan Morin

M. Morin: Voici donc venu le moment, comme à chaque année, de présenter et de défendre les crédits de mon ministère. Voilà maintenant quinze mois que j'occupe le poste de ministre des Affaires intergouvernementales, quinze mois au cours desquels nous avons voulu imprimer un tournant, je dirais même un tournant significatif, à l'évolution des relations extérieures du Québec. Ce tournant est amorcé et c'est mon intention d'en faire état.

On se souviendra de la situation dans laquelle se trouvait le Québec lors de la dernière rencontre de cette commission, le 26 mai dernier, trois mois après mon entrée en fonction. Le gouvernement de M. Trudeau venait de fêter avec Sa Majesté la reine d'Angleterre et quelques membres de l'Opposition du Québec la proclamation d'une constitution canadienne rafistolée. À toutes fins utiles, cette constitution ignorait l'existence au Québec d'une société distincte, d'une véritable nation.

Ce "Canada Bill", le gouvernement du Québec l'a rejeté. Je répète solennellement aujourd'hui que notre consentement n'y a pas été accordé et ne sera pas accordé tant et aussi longtemps que le Canada anglais n'acceptera pas les modifications inhérentes aux exigences minimales de l'Assemblée nationale, lesquelles ont été énoncées, d'ailleurs, dans une résolution en bonne et due forme. Nous y reviendrons au cours de mon exposé concernant les affaires canadiennes.

Mais l'exclusion du Québec par laquelle le Canada anglais, volontairement, nous a éloignés de lui incitait le gouvernement du Québec à se tourner davantage vers de nouveaux horizons, à élargir les chemins de la coopération économique, culturelle et sociale, les chemins de l'amitié, les échanges commerciaux qu'avaient bâtis, modestement mais résolument, tous les gouvernements du Québec depuis plus de 20 ans. En dépit des efforts du gouvernement fédéral en vue d'étouffer le rayonnement de la société québécoise sur la scène internationale, nonobstant également les contraintes financières qui s'imposent dans les circonstances actuelles, nous avons, je pense, consolidé, voire même renforcé, nos liens avec l'étranger. Pour atteindre cet objectif, nous avons posé une série de gestes visant à renforcer progressivement, sur le plan de la qualité en particulier, notre représentation dans les pays étrangers, que ce soit en Europe, dans la francophonie ou aux États-Unis. C'est dans le domaine économique avant tout que le gouvernement a consenti les plus grands efforts, sans ignorer pour autant les secteurs de la coopération culturelle et éducative et celui de l'information.

Au cours de l'année 1983-1984, tout en respectant les contraintes essentielles dans tous les secteurs de l'activité gouvernementale, ces efforts se poursuivront.

Nous n'avons pas le droit de freiner l'expansion de nos rapports avec l'étranger, qui correspondent à un mouvement naturel de la société québécoise.

L'un des aspects majeurs de cette expansion a été la création du ministère du Commerce extérieur. Cela n'a pas été facile au début de bien agencer les actions de nos deux ministères, mais les difficultés d'adaptation étaient à prévoir et elles étaient tout à fait normales. Au moment où nous nous parlons, le rodage, les ajustements que nécessite la venue d'un nouvel intervenant se font, et je m'en réjouis.

Lorsque cette commission s'est réunie l'année dernière, j'ai exprimé la conviction qu'il fallait donner un coup de pouce à nos efforts dans le domaine du commerce extérieur. C'est maintenant chose faite. Dans les prochains mois, je suis persuadé que le nouveau ministère fera la preuve de toute la pertinence de cette décision gouvernementale.

Les deux ministères ont des rôles voisins et complémentaires, mais distincts également. Lors de l'étude du projet de loi créant le ministère du Commerce extérieur, au moment du débat auquel j'ai participé, j'ai précisé la démarche gouvernementale en déclarant que les objectifs commerciaux vont devoir être conciliés avec les autres politiques extérieures du gouvernement, notamment les politiques sociales, les politiques culturelles. J'ai dit à ce moment-là, et je le répète aujourd'hui que tout se tient dans les relations extérieures d'un État, qu'il soit autonome ou qu'il soit souverain. Les relations culturelles, ajoutais-je, créent un climat qui favorise les contacts commerciaux, les investissements, l'émigration et, à son tour, le commerce contribue à développer les liens culturels, sociaux et politiques que le Québec veut entretenir avec l'étranger.

Le ministère que je dirige a pour mandat d'élaborer et de coordonner la politique extérieure du Québec. Je dois donc, en tant que ministre, assurer l'unité d'action à l'étranger. C'est dans cette perspective que nous collaborons avec les ministères qui sont tournés vers l'extérieur, qu'ils soient à vocation économique ou à vocation culturelle, afin que le Québec puisse agir de façon cohérente sur la scène internationale dans ses rapports avec le gouvernement du Canada et au plan interprovincial.

Nous collaborons de façon de plus en plus étroite, d'ailleurs, avec les ministères et les organismes publics qui, eux également, sont souvent appelés à agir sur le plan extérieur. Nous entretenons depuis longtemps des rapports suivis avec les ministères à vocation économique, notamment ceux de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, des Finances, de l'Énergie et des Ressources, de l'Alimentation, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il en va de même pour le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, le ministère de l'Éducation et d'autres encore.

Vient s'ajouter désormais à cette liste le nouveau ministère du Commerce extérieur dont les efforts à l'étranger s'inscrivent dans le cadre de la politique extérieure du Québec. La création de ce ministère constitue donc un indice supplémentaire de la volonté du gouvernement de renforcer nos relations extérieures. Son existence est le deuxième élément de ce tournant significatif auquel j'ai fait allusion au début de mon exposé.

L'exploitation accrue des marchés étrangers, surtout de ce vaste marché situé au sud et de son pendant outre-Atlantique, la Communauté économique européenne, est devenue un besoin urgent pour le Québec qui, de plus en plus, doit compter sur ses propres moyens. Nos entreprises, surtout petites et moyennes, ne possèdent pas toujours le savoir-faire ni suffisamment d'expérience à l'étranger pour entreprendre seules la conquête d'autres marchés au Moyen-Orient, en Asie, en Amérique latine, là où se trouvent les nouveaux pays industriels, pour parler comme l'OCDE.

M. le Président, la politique extérieure du Québec a deux pôles principaux: l'Europe avec, au premier chef, la France et, de l'autre côté, les États-Unis. Tout en étant de plus en plus conscients de notre appartenance à l'Amérique du Nord, il va de soi que nous sommes intéressés également à développer nos contacts avec la France et le Marché commun, auquel nous sommes demeurés attachés en raison de nos origines européennes. Il est donc tout à fait naturel que l'Europe, en commençant, bien sûr, par la France, constitue l'un des pôles essentiels de la politique extérieure du Québec. Pour la majorité d'entre nous, la France ne représente pas un pays étranger comme les autres, mais un lieu de ressourcement et une porte qui s'ouvre sur ce vaste marché que constitue la Communauté économique européenne. Les années soixante furent pour le Québec et la France celles des retrouvailles; les années soixante-dix, celles de l'apprentissage de nos valeurs respectives; les années quatre-vingt s'annoncent comme étant celles de la maturité dans les rapports entre nos deux peuples.

Nos échanges culturels sont devenus pour ainsi dire routiniers tant ils sont bien ancrés dans la vie collective des deux sociétés, mais ces liens ont suscité de part et d'autre la volonté d'aller plus loin, de construire des ponts solides dans d'autres secteurs d'activité. C'est ainsi qu'au cours du dernier exercice financier les deux gouvernements ont accordé la priorité à la coopération économique, scientifique et technique.

La visite du premier ministre, M. Mauroy, a donné une nouvelle impulsion à la coopération industrielle entre la France et le Québec, surtout en ce qui a trait au développement des petites et moyennes entreprises, des biotechnologies, de la télématique, des énergies nouvelles, des communications, du secteur agro-alimentaire, et j'en passe. Grâce aux activités de la Délégation générale du Québec à Paris, nos ventes en France augmentent de façon considérable. En 1982, en pleine crise économique, faut-il le souligner, les exportations ont atteint une valeur de 300 000 000 $ - j'entends les exportations du Québec - ce qui constitue une augmentation de 12%. Je souligne en passant que nos exportations depuis 1978 se sont accrues vers la France de 109%, tandis que nos importations en provenance de France sont demeurées essentiellement au même niveau. C'est donc, je dois dire, le Québec qui tire les plus grands avantages de cette coopération, mais naturellement il serait tout à fait normal qu'elle avantageât les deux côtés.

Je reviens de la capitale française où j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec les dirigeants du gouvernement français en vue de compléter les préparatifs du voyage officiel que le premier ministre du Québec doit effectuer à la fin du mois. Ma visite m'aura permis de constater que les dossiers sont en bonne voie, y compris le projet Pechiney. Mon collègue des Finances, qui a le mandat de négocier les aspects financiers, économiques du projet n'épargne aucun effort dans ce dossier. Ce projet est, bien sûr, un des plus importants que nous ayons connus puisqu'il implique un investissement total qui dépasse le milliard de dollars, mais il faut aussi constater qu'il ne constitue qu'un jalon dans le vaste programme de coopération économique que nous avons entrepris entre la France et le Québec, programme qui met l'accent sur la recherche industrielle et l'innovation technologique, et qui favorise une participation accrue de l'entreprise, les transferts de technologie, la coparticipation, les mises de fonds communes, les accords de codéveloppement, etc.

Plusieurs implantations industrielles au Québec l'année dernière témoignent de la vigueur de la coopération franco-québécoise dans le domaine économique. Aussi 1982 a-t-il vu naître plusieurs sociétés privées ou mixtes à la suite de mariages consentis par les entreprises québécoises et françaises. Enfin, au moins une vingtaine d'accords industriels sont intervenus durant l'année soit pour améliorer des produits déjà existants ou pour fabriquer au Québec ou en France des produits nouveaux. On constate que la coopération économique avec la France est sur la bonne voie et la visite du premier ministre ne fera que renforcer cette tendance favorable.

Je disais, il y a quelques instants, que la coopération franco-québécoise en matière d'éducation et de culture était devenue presque routinière, mais je m'en voudrais de ne pas mentionner que nos relations dites culturelles empruntent également de nouvelles voies. Par exemple, le programme de bourses et de stages est bel et bien démarré. Dès le mois de septembre qui vient, quinze boursiers québécois commenceront un séjour en France. Ces boursiers ont été sélectionnés parmi de nombreux candidats qui se sont présentés au concours, particulièrement dans les secteurs prioritaires comme l'énergie, les biotechnologies, l'électronique, l'informatique, les ressources marines, l'environnement, les petites et moyennes entreprises, la formation des ingénieurs, les ressources minérales, et j'en passe. Aussi, avons-nous mis en oeuvre au cours de l'année des ententes en linguistique appliquée; dans le domaine de la recherche scientifique et technique et dans le domaine éducatif, les deux gouvernements ont resserré leurs priorités en fonction d'une complémentarité avec le secteur économique et technique.

Avant d'aborder spécifiquement nos rapports avec nos autres partenaires de la francophonie, permettez-moi de traiter brièvement de la question du sommet devenue sujet d'actualité depuis la conférence de Williamsburg. M. le Président, c'est le Québec et non le Canada qui est le foyer de la langue française en Amérique. Je pense parler au nom de toutes les tendances politiques au Québec lorsque j'affirme que tout sommet de la francophonie qui pourrait être convoqué sans la participation du Québec ne serait en réalité qu'un simulacre qui risquerait de miner le concept même de francophonie.

Au cours de mon séjour à Paris, j'ai eu l'occasion de faire savoir qu'à la suite des entretiens que j'ai pu avoir dans la capitale française avec les autorités du pays on m'a indiqué que les projets auxquels les porte-parole fédéraux avaient fait allusion à la suite de Williamsburg n'étaient qu'à l'état d'ébauche, n'avaient pas franchi l'étape de l'ébauche et n'avaient point fait l'objet d'un accord entre la France et les représentants du Canada. Par ailleurs, j'ai eu des entretiens là-dessus avec les autorités françaises. Nous avons en quelque sorte été consultés au sujet du projet de sommet comme le seront, est-il besoin de le rappeler, d'autres partenaires intéressés, au cours des semaines et des mois à venir. (12 h 15)

En effet, M. le Président, la francophonie intéresse maintenant une quarantaine d'États dont 38 se retrouvent à l'Agence de coopération culturelle et technique d'ores et déjà. Il va de soi qu'on

ne peut pas décider d'un aussi vaste projet multilatéral simplement en faisant des déclarations unilatérales, comme l'a fait le premier ministre fédéral. Au reste, le premier ministre du Québec s'entretiendra de cette question, entre autres choses, avec le président de la République et le premier ministre, M. Mauroy, au cours de son voyage officiel en France à la fin du mois.

Je me tourne maintenant, avec votre permission, vers l'autre pôle important auquel j'ai fait allusion tout à l'heure, c'est-à-dire les États-Unis, notre puissant voisin du Sud. J'ai dit, plus tôt dans cet exposé, que le Québec doit compter avant tout sur ses propres moyens. On me demandera peut-être pourquoi. Eh bien, tout simplement parce que les services commerciaux du Canada à l'étranger ne sont guère motivés lorsque vient le moment de fournir l'aide requise aux entreprises québécoises. Comment peut-il en être autrement quand nul autre que le commissaire aux langues officielles, M. Max Yalden, dans son rapport annuel encore récent, affirme qu'après quinze années de "french power" à Ottawa la situation, déjà lamentable se détériore encore davantage? Non seulement les émissions canadiennes à l'étranger ne diffusent certains renseignements qu'en anglais, mais M. Yalden constate que la proportion des francophones, parmi les agents du service extérieur du ministère des Affaires extérieures, a diminué de 23,6%, en 1981, à 22,6%, en 1982. En un an, une perte de 1% des effectifs. Ce pourcentage baisse à 9% lorsqu'il s'agit des catégories de personnel scientifique, lorsqu'il s'agit des spécialistes.

Nous avons fait effectuer une recherche interne complémentaire quant à l'origine des effectifs canadiens en poste aux États-Unis dont les résultats sont, à mon avis, fort révélateurs. Cette recherche montre que le Québec et les Québécois comptent pour peu dans la diplomatie canadienne, laquelle est censée veiller à nos intérêts, du moins en théorie, chez notre plus important partenaire économique que sont les États-Unis.

Le Canada, comme vous le savez, est représenté dans un certain nombre d'organismes aux États-Unis: la Banque interaméricaine de développement, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international. Il a également une mission permanente auprès de l'Organisation des États américains qui, comme ces autres organismes, a son siège social à Washington. En tout, les effectifs canadiens affectés à ces organisations sont au nombre approximatif de 325, dont quelque 90 pourraient être qualifiés de cadres ou de professionnels. Des 325 personnes, 12% ou 13% sont d'origine franco-québécoise. De toute évidence, le "french power", ce n'est pas encore rendu jusqu'à Washington.

L'étude en question démontre l'existence d'un phénomène semblable à l'ambassade et au consulat canadien sur le territoire des États-Unis. En tout, les effectifs canadiens se chiffrent à 475 personnes, dont quelque 150 cadres et environ 325 employés de soutien. Les Québécois constituent 9% du total, une quarantaine de personnes. Voilà un bel exemple de la dualité canadienne. Mais ne soyons pas trop pessimistes, les Québécois francophones sont fort bien représentés parmi les messagers, les commis et les chauffeurs. Nos amis ontariens, sous-représentés dans ces catégories, pourront toujours invoquer la nouvelle charte fédérale des droits pour protester contre la discrimination dont ils sont victimes.

Un seul facteur de redressement, hélas, trop modeste, la représentation canadienne au siège des Nations Unies, à New York. Là, le Canada a des effectifs de quelque 40 personnes, dont 38% sont d'origine québécoise, soit 9 des 14 cadres. Si ce n'était de cette "surreprésentation" à l'ONU, je pense que le pourcentage serait encore plus bas. En tenant compte du personnel diplomatique d'origine québécoise, nous arrivons à 11% des effectifs en tout et partout. Autrement, si ce n'était de New York, de la représentation auprès des Nations Unies, ce pourcentage serait de l'ordre de 10%, environ 80 Québécois sur un total de quelque 800 personnes.

À la lumière de ces faits, il est évident - je pense qu'on voudra bien en convenir des deux côtés de cette table - que le gouvernement du Québec doit s'assurer que les Québécois aient voix au chapitre sur la scène internationale. C'est ce rôle qu'exercent nos délégations et nos bureaux à l'étranger. Ayant visité maintenant bon nombre, je dirais la plupart de ces délégations, je puis assurer la commission qu'elles effectuent un travail tout à fait remarquable, modeste, sans doute, mais efficace.

Aux États-Unis, qui constituent l'un des pôles importants de la politique extérieure du Québec, nous avons resserré nos liens avec nos partenaires américains dans plusieurs secteurs, tant économiques que culturels. Tout naturellement, nous avons concentré nos efforts sur l'expansion de nos rapports avec nos voisins immédiats, c'est-à-dire les États de la Nouvelle-Angleterre et le territoire desservi par la délégation générale du Québec à New York, lequel, vous le savez peut-être, déborde l'État de New York.

Grâce à la collaboration des ministères sectoriels, le Québec a pu élargir son champ d'action en matière d'énergie et d'exportation aussi bien que dans les domaines culturel et éducatif. De même avons-nous renforcé nos liens avec la plupart des États de la Nouvelle-Angleterre par l'entremise de la Conférence des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et des premiers

ministres de l'Est du Canada.

Mes nombreuses visites en Nouvelle-Angleterre et des visites semblables effectuées par mes collègues de l'Agriculture, de l'Énergie, des Communautés culturelles et de l'Immigration et, plus récemment, du Commerce extérieure ont eu pour effet de donner du Québec l'image d'un gouvernement qui, pour utiliser deux mots qui disent tout aux États-Unis, "means business", dans le sens le plus large de cette expression bien américaine.

La nomination de notre première déléguée n'est pas passée inaperçue en Nouvelle-Angleterre. Je pense que cette nomination a été heureuse puisqu'on a su établir, en l'espace de quelques mois, des liens consolidés, du moins, des liens solides avec la plupart des dirigeants politiques des États dans le territoire.

Je constate que l'accroissement de nos exportations vers la Nouvelle-Angleterre a été spectaculaire en 1982 en dépit, encore une fois, de la crise économique. Autrement dit, M. le Président, je pense qu'on peut d'ores et déjà dire que, si nos exportations n'avaient pas connu l'ascension spectaculaire qu'elles ont connue vers la France et maintenant vers la Nouvelle-Angleterre, la crise économique aurait été encore plus dure pour le Québec et les Québécois. En ce qui concerne la Nouvelle-Angleterre, en 1982, nous avons atteint 1 500 000 000 $ dans nos exportations, c'est-à-dire quelque 500 000 000 $ de plus qu'en 1980.

Je désire également rendre hommage à mon collègue, le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. Yves Duhaime, dont les efforts acharnés, en collaboration avec Hydro-Québec, ont abouti, il y a quelques semaines, à la signature d'une nouvelle entente avec le New England Energy Pool pour la vente d'électricité excédentaire.

Quant au territoire de notre délégation générale à New York, la nomination, dans les derniers mois, d'un conseiller économique "senior" et d'un spécialiste en communications, ainsi que le réaménagement des responsabilités à l'intérieur des effectifs actuels ont également eu pour résultat d'élargir notre champ d'action. Ainsi, nous avons multiplié nos rapports à Washington avec les membres du Congrès des États-Unis, tout en respectant le cadre constitutionnel qui rend, évidemment, plus difficiles les rapports avec l'Exécutif. Nos relations soutenues avec les membres du Sénat et les membres de la Chambre des représentants facilitent nos démarches surtout à caractère économique auprès des autorités fédérales, démarches entreprises souvent en collaboration avec d'autres provinces dont l'Ontario et la Colombie britannique, démarches auxquelles l'ambassade canadienne tient souvent à s'associer, tient beaucoup même à s'associer.

La visite du premier ministre à Washington l'été dernier, l'accueil chaleureux que lui ont accordé les membres influents des deux partis politiques nationaux sont de nature à rassurer le Québec quant à la compréhension qu'ont de ces problèmes les faiseurs de décision, les "decision makers" américains.

En dépit des rapports alarmistes que véhiculent certains médias américains desservis par des correspondants qui reflètent le plus souvent la vision anglo-canadienne du Québec, les sénateurs et représentants que nous avons rencontrés tant du côté républicain que du côté démocrate ne partagent aucunement les idées toutes faites véhiculées par certains milieux anglophones. Comme le premier ministre et moi-même l'avons indiqué à plusieurs reprises, les leaders américains ne se posent plus la question de savoir si le Québec pourra réaliser son indépendance, sa souveraineté. Ce qu'ils veulent savoir - et il s'agit d'un phénomène perceptible aussi dans les milieux d'affaires des États-Unis - c'est comment cette indépendance sera effectuée. Pour eux, tout est dans la manière et je ne leur donnerais certainement pas tort sur ce point.

Bien que le Québec souhaite améliorer ses rapports politiques avec les États-Unis, tout comme l'Ontario et l'Alberta d'ailleurs, notre préoccupation première demeure d'ordre économique. C'est dans cette perspective que nous concentrons nos efforts sur la promotion de la technologie québécoise, sur la recherche de nouveaux investissements, sur l'aide aux petites et moyennes entreprises du Québec. C'est également dans cette perspective que nous tentons d'améliorer notre performance dans le domaine touristique et d'assurer l'utilisation maximale de cette ressource, hélas, trop longtemps négligée que constitue le Saint-Laurent et la voie maritime qui lie le Québec au coeur industriel de l'Amérique.

Je pourrais vous donner un exemple de cette préoccupation puisque, lors de ma visite au Midwest américain, j'ai eu l'occasion de rencontrer M. Frank Kurdna, président de la Commission des Grands Lacs, qui regroupe huit États américains et à laquelle s'intéressent également le Québec et l'Ontario. Cette rencontre m'a permis au nom du gouvernement de faire progresser le travail entrepris par le Groupe Saint-Laurent à la suite du colloque tenu à Québec, vous vous en souviendrez M. le Président, il y a à peine plus d'un an. De plus en plus conscient du rôle économique que joue et devra jouer le Saint-Laurent, le Québec s'intéresse non seulement aux travaux de la commission et de ses sous-comités, mais également aux efforts du Great Lakes Cargo Marketing Corporation en vue de maximiser, si je peux m'exprimer de la sorte, l'utilisation du fleuve et de la voie maritime. Les résultats sont

déjà tout à fait probants. La Commission des Grands Lacs vient de choisir la ville de Québec comme lieu de sa rencontre annuelle du mois d'octobre. Voilà, je pense, un exemple de l'efficacité de notre délégation à Chicago qui, travaillant en étroite collaboration avec le Groupe Saint-Laurent, a ouvert pour le Québec de nouvelles voies de coopération qui sont des plus prometteuses.

Les documents soumis aux membres de la commission résument assez bien nos démarches dans les secteurs culturel et éducatif et dans le domaine social où, je le souligne, le Québec vient de signer une entente de sécurité sociale avec le gouvernement des États-Unis. Je suis à la disposition des membres de la commission s'ils désirent d'autres renseignements au sujet de cette entente extrêmement importante. Nous avions des ententes portant sur la sécurité sociale avec un certain nombre d'États européens. Bien, maintenant, les États-Unis eux-mêmes ont demandé au Québec d'effectuer cette entente et c'est chose faite.

Me permettez-vous une conclusion sur nos rapports avec les États-Unis? En dépit des contraintes financières, nous avons renforcé, surtout, évidemment, de façon qualitative, les effectifs dans nos six délégations et nos deux bureaux aux États-Unis. Le gouvernement a l'intention de poursuivre cette politique durant l'année financière en cours.

Nous nous réjouissons, par ailleurs, du fait que le gouvernement fédéral a simplifié les procédures de l'agence de filtrage des investissements étrangers, le FIRA, l'agence de tamisage et cela, en grande partie grâce aux revendications des milieux intéressés, notamment ceux du Québec. (12 h 30)

Cela étant dit, j'aimerais traiter brièvement de nos rapports avec la communauté francophone internationale. Vous le savez, la coopération multilatérale entre pays de langue française, tout en étant axée sur la langue et la culture que nous partageons, se veut aussi un instrument qui touche à l'ensemble des préoccupations du monde moderne, dont le développement scientifique, technologique et économique, de même que les communications, l'aide dans une perspective nord-sud, etc. Aussi, notre participation aux diverses instances francophones, dont l'Agence de coopération culturelle et technique, l'ACCT, a-t-elle pour but d'élargir les avenues d'échanges entre États francophones, qu'il s'agisse d'énergie, d'agriculture, d'aménagement du territoire, d'informatique. C'est dans cette perspective que le Québec a nommé, au cours de l'année écoulée, un délégué aux affaires francophones multilatérales, M. Jean Tardif, et a affecté des fonctionnaires au secrétariat technique permanent de Dakar et au siège de l'Association des universités entièrement ou partiellement de langue française à Montréal. L'année 1982-1983 a été marquée également par la nomination d'un fonctionnaire québécois au poste de directeur général de la formation et de l'éducation à l'ACCT. Ces nominations contribueront, j'en suis sûr, à la réalisation des priorités que s'est fixées mon ministère pour l'année en cours, entre autres une participation québécoise à tous les niveaux des institutions francophones multilatérales et l'élargissement de notre participation aux activités de l'ACCT, organisation internationale où, faut-il le rappeler, le Québec jouit du statut de gouvernement participant.

Mentionnons, enfin, nos efforts visant à intensifier nos rapports avec les pays du Maghreb et, en particulier, l'Algérie. Grâce à la contribution de mon collègue de l'Éducation, nous avons pu lancer un programme impressionnant de coopération avec ce pays dans les secteurs de l'enseignement et de la recherche scientifique. Quant à l'Afrique subsaharienne, nous avons jeté les bases d'une coopération prometteuse avec la CÔte-d'Ivoire où notre programme de stages en santé-sécurité au travail sera poursuivi cette année, et avec la Haute-Volta où le projet en vue du creusage de puits, un programme à frais partagés impliquant le Québec, la Haute-Volta et l'ACDI, sera mis en chantier cette année.

Permettez-moi maintenant de traiter, trop brièvement sans doute, de nos rapports avec nos autres partenaires de l'Europe, de l'Amérique latine et de l'Asie. Du côté de l'Europe occidentale, tout en renforçant nos liens avec nos partenaires traditionnels comme la Grande-Bretagne, la Belgique, l'Allemagne fédérale et l'Italie, le Québec a créé de nouveaux liens avec la Grèce et l'Espagne. La tournée ministérielle effectuée en Grèce l'an dernier par mon collègue des Communautés culturelles et les visites officielles effectuées au Québec par le président et le premier ministre de la Grèce confirment le désir, de part et d'autre, d'accroître nos échanges, d'aller au-delà de notre coopération actuelle, laquelle, vous le savez, se concentre dans le domaine de la sécurité sociale.

Le Québec compte beaucoup également sur les politiques de décentralisation qui sont en cours dans certains pays, notamment en Belgique et en Espagne, où la création d'entités politico-administratives régionales est de nature à élargir les voies de la coopération avec ces États. Ces nouvelles entités possèdent des pouvoirs importants en matière de développement économique, ce qui laisse présager une diversification de nos échanges axés sur des préoccupations économiques et techniques. Nos ententes avec la communauté autonome de Madrid,

avec la communauté française de Belgique, ainsi que la création de comités permanents avec les régions wallonnes et flamandes constituent autant d'indices de la volonté du Québec et de ses partenaires belges et espagnols de raffermir, d'étendre nos rapports. Est-il besoin d'ajouter, M. le Président, que l'ouverture de la délégation Wallonie-Bruxelles à Québec, effectuée au cours de l'année écoulée justement, témoigne du désir de la communauté française de Belgique et de la région wallonne, de se rapprocher du Québec et des organismes et entreprises québécois?

Quant à l'Amérique latine, nos délégations au Mexique et au Venezuela visent à institutionnaliser nos rapports avec ces pays par le biais de groupes de travail qui facilitent la coopération à plusieurs niveaux. Par exemple, au sein du groupe de travail Québec-Mexique où siègent des représentants du ministère des Relations extérieures du Mexique, nos échanges, tout en étant axés sur la coopération éducative et culturelle, débouchent sur des secteurs tels que l'administration publique, la coopération scientifique et technique et d'autres reliés davantage à nos priorités économiques.

Au Venezuela, une entente de coopération scientifique et technique permet au Québec de traiter, avec l'Officina centrale de coordinatione e de planificatione de la présidence, d'échanges touchant à l'aménagement du territoire, à l'environnement, à la foresterie, au développement de l'agriculture, ainsi que de l'agro-alimentaire.

Les perspectives, pour l'année en cours, vont dans le sens d'un approfondissement de nos rapports avec l'Amérique latine. Les efforts déjà entrepris en Colombie et au Brésil seront étendus grâce à l'augmentation des budgets. Nous songeons également à participer activement à la conférence sur les Caraïbes et l'Amérique centrale en encourageant les sociétés québécoises tant publiques que privées à s'associer aux efforts visant à améliorer les conditions économiques dans cette région.

Après les États-Unis et l'Europe, c'est l'Asie et le bassin du Pacifique qui constituent le troisième partenaire commercial international du Québec. Les possibilités d'avenir y sont immenses et, dans l'immédiat, nous concentrons nos efforts sur le Japon, la Corée du Sud, le Pakistan, Hong Kong et Singapour. Notre délégation à Tokyo fête, cette année, son 10e anniversaire et ses efforts ne sont aucunement étrangers au fait que notre balance commerciale avec le Japon demeure toujours favorable grâce surtout, vous le savez, aux exportations agro-alimentaires. C'est dans ce domaine également que se développent nos rapports avec la Corée du Sud, où nous comptons mettre l'accent sur l'échange de technologies.

Quant au Pakistan, la mise sur pied, justement ces derniers mois, d'un consortium minier mixte impliquant, d'une part, la SDI et SOQUEM et, d'autre part, le groupe SNC, a permis au Québec d'entreprendre le fameux projet Saindak dans la province du Baloutchistan, lequel projet implique non seulement des retombées économiques importantes, mais également l'élargissement de la coopération technique entre le Québec et le Pakistan.

Déjà présent à Hong Kong, le Québec envisage de renforcer dès cette année sa représentation en vue de profiter au maximum des possibilités d'investissements qu'offre cette partie du monde et de faciliter nos échanges avec la Chine. Aussi comptons-nous multiplier les démarches qui permettront aux Chinois et aux Québécois de mieux se connaître et de développer des rapports accrus dans des secteurs d'intérêt commun comme l'agro-alimentaire, la science, la technologie et l'énergie. Enfin, nous discutons en ce moment le projet d'établir à Singapour une mission qui nous donnerait accès à toute la Malaisie et à l'Indonésie.

Avant de conclure mes remarques sur nos activités internationales, j'aimerais mentionner quatre autres sujets qui nous préoccupent et qui seront d'actualité durant l'année en cours, ainsi qu'en 1984. Il s'agit, d'une part, de la situation politique au Moyen-Orient et de la question des rapports Nord-Sud et, d'autre part, de deux événements importants qui auront lieu au Québec d'ici à un an ou quinze mois. J'imagine que nos collègues de l'Opposition partagent nos inquiétudes quant au problème de la paix au Moyen-Orient. Le Québec a déjà fait connaître sa position sur cette question. D'une part, nous reconnaissons l'État d'Israël et son droit de vivre en paix à l'intérieur de frontières sûres. Nous reconnaissons également le droit des Palestiniens à l'autodétermination et nous favorisons la mise sur pied d'une structure étatique, d'un État, avons-nous dit, qui traduirait ce droit en réalité. C'est dans cette perspective que nous incitons les parties en cause à privilégier la négociation qui, à notre avis, offre l'unique espoir d'une paix durable dans cette partie du monde.

Quant à la question des rapports Nord-Sud, bien que le Québec ne soit pas à proprement parler apte, constitutionnellement, à exercer une influence réelle sur le cours du débat, le gouvernement estime que ceux qui prétendent diriger les affaires extérieures de la fédération canadienne devraient traduire par des gestes concrets les voeux pieux souvent exprimés par M. Trudeau. Hier encore, je constatais, à la lecture des journaux, que l'aide canadienne, loin d'augmenter comme

celle des autres pays, plafonne et que le Canada a contribué au développement des rapports Nord-Sud et à l'aide internationale la plus faible hausse consentie par les pays occidentaux au cours de l'année écoulée. À l'heure de la reprise qui semble s'annoncer, une concertation de la part des pays industrialisés est devenue, à notre avis, plus urgente que jamais en vue de permettre au tiers monde de sortir de son état de dépendance, situation qui, à nos yeux, est porteuse de tensions, lesquelles risquent, tôt ou tard, de mettre en péril la paix.

C'est, par ailleurs, parce qu'il symbolise ce désir universel d'une paix durable que les Québécois de tout culte se donneront la main, en septembre 1984, pour accueillir sur notre territoire le Saint-Père. Lors de ma récente visite au Vatican, j'ai eu l'insigne honneur de m'entretenir brièvement avec le pape et il m'a fait part de la joie qu'il éprouve à l'égard de cette visite. Bien que le Québec soit fier de son pluralisme religieux, nous n'avons pas oublié que c'est ici, en sol québécois, que l'Église a pris racine en Amérique du Nord. Le gouvernement du Québec entend collaborer pleinement avec l'Assemblée des évêques du Québec pour s'assurer que la visite de Jean-Paul II soit non seulement un succès retentissant, mais un moment de ressourcement moral pour tous et chacun. C'est dans cette optique que nous avons nommé tout récemment, au poste de commissaire général, M. Jacques Vallée, qui a pour mandat d'assurer la liaison entre le gouvernement et les autorités ecclésiastiques québécoises.

Quelques mois avant la visite du Saint-Père, les Québécois auront l'occasion de marquer un anniversaire historique, la découverte, par Jacques Cartier, il y a 450 ans maintenant, de la Nouvelle-France. Il s'agit, bien sûr, d'un événement à caractère international qui suscite l'intérêt de nombreux pays, surtout en Europe et en Amérique latine. Les fêtes de 1534-1984 rappelleront au monde entier que ce sont nos ancêtres qui ont découvert, exploré et défriché une bonne partie de ce qui est devenu maintenant l'Amérique du Nord. À un moment où les autorités canadiennes remettent en question le fait même de notre existence en tant que nation, cet anniversaire, tout comme la visite du pape, viendra témoigner de notre enracinement profond dans cette terre d'Amérique.

J'ai parlé, au début de mon exposé, de deux éléments de ce que j'ai appelé le tournant significatif dans les relations extérieures du Québec. Vous me permettrez maintenant d'en mentionner un troisième qui est d'ordre administratif. Depuis cinq ans, mon ministère a eu la chance d'avoir à sa direction, à titre de sous-ministre, un grand commis de l'État, en la personne de M.

Robert Normand. Bien qu'il espérait relever d'autres défis au moment de ma nomination, il a accepté de rester au gouvernail encore quelques mois supplémentaires afin d'assurer la continuité. Je désire lui rendre un hommage sincère, lui, dont l'efficacité, la compétence, les connaissances exceptionnelles ont si bien servi les intérêts du ministère et du Québec. i_'an dernier, j'avais eu l'occasion de rendre hommage à mon prédécesseur. Cette fois, c'était, je crois, à l'ancien sous-ministre qu'il convenait de rendre hommage.

M. le Président, bien sûr, je me réjouis, par ailleurs, de la décision du premier ministre de nommer comme successeur à M. Normand une personne avec laquelle j'avais eu le plaisir déjà de travailler auparavant, à l'Éducation - puisque, à cette époque, elle présidait le Conseil des universités - et au Développement culturel. Mme Paule Leduc, qui est assise à ma droite, est en poste seulement depuis sept mois, mais elle a déjà contribué à l'évolution du ministère en posant les premiers jalons d'une restructuration administrative qui sera, je pense, d'une importance capitale.

Nous mettrons l'accent, dans les années à venir, sur ce que j'appellerais l'aspect de la recherche et du développement avec la mise sur pied d'une direction générale de recherche et de planification, avec la réorganisation des directions géographiques et sectorielles, et l'amélioration de nos procédures et démarches. (12 h 45)

L'évolution du dossier canadien, tant en ce qui a trait aux relations fédérales-provinciales qu'au plan des rapports interprovinciaux, a incité le gouvernement à nommer un sous-ministre adjoint qui a pour mandat de diriger l'équipe de fonctionnaires à la Direction générale des affaires canadiennes.

À titre de délégué général en Grande-Bretagne, M. Gilles Loiselle, qui est assis à ma gauche, a veillé aux intérêts du Québec à Londres lors du triste spectacle constitutionnel auquel s'est prêté le Parlement britannique, en dépit de l'opposition du Québec et de nombreux membres des deux Chambres à Westminster. Il aura besoin, je pense, de tous ses talents de diplomate et d'une patience à toute épreuve pour transiger maintenant avec le gouvernement fédéral.

Au cours de cette année où le "Canada Bill" était promulgué, les activités du ministère sur le front constitutionnel que j'aborde maintenant ont été nombreuses. Mentionnons, entre autres, l'opinion de la Cour suprême du Canada du 6 novembre 1982 disant que le Québec ne possède pas et n'a jamais possédé de droit de veto propre à le protéger en cas d'amendement, de modification constitutionnelle touchant directement les pouvoirs de l'Assemblée

nationale. Ce jugement consacrait judiciairement la concertation, pour ne pas dire la conspiration nocturne, du Canada anglais visant à priver le Québec de toute forme de protection constitutionnelle. Devant cette situation aussi inacceptable qu'inéquitable, le premier ministre du Québec écrivait à son homologue fédéral en vue d'explorer les moyens d'y remédier. En y répondant, M. Trudeau tentait une fois de plus de berner les Québécois en adoptant la position qu'il sait pertinemment inacceptable au Canada anglais et qu'il sait, d'ailleurs, être contraire aux attitudes des gouvernements du Québec depuis des années. Je pense au fameux droit de veto à la manière de Victoria. À ce chapitre, le Québec se retrouve donc pour le moment dans l'impasse.

M. Rivest: Vous l'avez perdu.

M. Morin: Nous n'avons rien perdu puisque nous ne l'avions pas, comme la cour nous l'a appris.

M. Rivest: Cédé. Nous l'avons cédé.

M. Morin: On ne peut, est-il besoin de le répéter, céder ce qu'on n'a pas. À ce chapitre, donc, nous nous retrouvons dans l'impasse et l'année qui vient sera certainement marquée par des efforts pour en sortir. J'avais récemment l'occasion d'évoquer la possibilité de doter le Québec d'une constitution qui lui soit propre. Il n'y a pas de doute dans mon esprit qu'un tel projet peut constituer l'une des voies les plus intéressantes en vue de créer une nouvelle dynamique dans le dossier constitutionnel. En effet, si la question de la place du Québec au sein du régime constitutionnel canadien reste en suspens, il est plus que jamais nécessaire, dans mon esprit, que les Québécois et leur gouvernement s'attachent à doter notre société d'un instrument aussi important pour son évolution, instrument qui refléterait un véritable projet de société.

Toujours sur le front constitutionnel, une première conférence sur les droits des autochtones a eu lieu en mars dernier. Cette conférence, à laquelle le Québec a participé, a débouché sur l'établissement d'un mécanisme continu de concertation en vue de régler les problèmes afférents aux droits des peuples autochtones. Bien qu'il n'ait pas été question pour le Québec de participer à l'accord final de cette conférence, puisque le "Canada Bill" est illégitime à nos yeux, nous avons, néanmoins, tenu à participer aux activités de cette conférence avec les autochtones, mais également à garantir à ceux-ci la mise sur pied prochaine d'un mécanisme de concertation proprement québécois.

Au plan des relations fédérales- provinciales, l'année 1982-1983 a vu continuer et même s'étendre l'offensive généralisée du gouvernement fédéral dans tous les domaines de compétence québécoise. L'attitude unilatéraliste du gouvernement Trudeau a sans doute atteint son paroxysme au cours de cette année où Ottawa s'est donné le pouvoir d'exproprier des couloirs hydroélectriques en territoire québécois, a proposé une politique en vue de réviser le tarif du Nid-de-Corbeau sur le dos des agriculteurs québécois et a même poussé l'audace jusqu'à interdire à la Caisse de dépôt et placement d'investir dans certains secteurs de l'économie canadienne.

Au chapitre du développement régional et des affaires municipales, le gouvernement fédéral a accentué ses interventions unilatérales grâce, en particulier, à son pouvoir de dépenser en faisant non seulement fi de la juridiction, de la compétence québécoise dans ces domaines, mais surtout à l'encontre des priorités québécoises et régionales de développement. De telles interventions placées sous le signe de l'anarchie font preuve à nos yeux d'une sérieuse irresponsabilité dans la manière d'administrer les fonds publics qui viennent en définitive des taxes payées par les Québécois. Afin, justement, d'éviter de telles situations, le gouvernement du Québec continue, dans ce domaine comme dans tous les autres, à insister pour que des ententes-cadres soient signées comme il en a été signé de très nombreuses à l'époque qui a précédé le référendum.

Enfin, comme je le disais plus tôt, l'année qui s'achève a indéniablement marqué un certain paroxysme dans l'offensive fédérale postréférendaire. À force de travailler à l'enncontre des intérêts du Québec, la "big red machine" d'Ottawa, dont on connaît les prolongements au Québec, s'est mise à tourner de façon aberrante. On n'a qu'à songer, par exemple, au fait que le cabinet fédéral a refusé pendant de longs mois de transférer les terrains nécessaires au fonctionnement de l'usine Stablex. Serait-ce pour protéger les intérêts ontariens qui voient d'un mauvais oeil une telle avance technologique au Québec?

M. Rivest: Qui sait? Qui sait? Allons doncl

M. Morin: Peut-être, en effet. Plus récemment, dans le dossier invraisemblable de Madelipêche, dans le but exclusif de protéger les intérêts des provinces maritimes et d'une politique "kirbysienne" que personne ne connaît encore, Ottawa a failli empêcher plus de 500 travailleurs et pêcheurs québécois de gagner leur vie.

M. Rivest: Pauvre Michael!

M. Morin: Mais si l'année qui s'achève a marqué la marée haute de l'offensive fédérale, elle a aussi commencé à laisser poindre son échec. Partout au Canada et non seulement au Québec, l'opposition croit à l'encontre des actions d'un gouvernement aussi irresponsable. Plusieurs des menaces fédérales ne se sont pas matérialisées ou encore ont été reléguées au calendes grecques. Les visées fédérales notamment en matière de FPE dans les domaines de la santé et du postsecondaire ont été remises à plus tard - il ne faut pas exclure qu'on y revienne un jour - tandis qu'Ottawa a déjà commencé à reculer, grâce en particulier aux pressions québécoises, sur la question des tarifs du Nid-de-Corbeau.

En fait, ce sont là des signes avant-coureurs de ce qui, je crois, sera une débandade qui ne peut que s'amplifier au cours des mois et des années qui viennent. Aucun gouvernement au monde ne peut se permettre de gouverner de cette façon, en faisant fi non seulement de la volonté de la population, mais aussi du simple bon sens politique et économique. En attendant le jour où les Québécois pourront enfin juger le gouvernement de M. Trudeau et les 73 autres députés libéraux qui représentent Ottawa au Québec, seule la solidarité de tous les intéressés sera le gage d'un Québec fort qui saura non seulement sauvegarder ses intérêts mais aussi en faire la promotion. Nous avons vu récemment les effets que cette solidarité naissante des Québécois a su obtenir dans des domaines aussi divers que ceux du Nid-de-Corbeau, du projet de loi S-31 et encore plus récemment dans le dossier Madelipêche. Dans ce dossier comme dans les autres, cette solidarité des Québécois, parfois difficile, mais combien nécessaire, a su ramener le gouvernement fédéral à la raison. C'est donc avec un certain optimisme, prudent certes, que nous abordons l'année qui commence. Il reste qu'à moyen et à long terme, tant que le Québec fera partie de la structure constitutionnelle que l'on sait, nous resterons à la merci des impératifs économiques et politiques définis par Bay Street et les mandarins fédéraux.

M. le Président, j'avais l'occasion de le dire l'an dernier et vous me permettrez de le répéter: Plus que jamais la souveraineté du Québec constitue la seule solution durable aux problèmes chroniques que notre nation a eu à vivre depuis 1867. Cette année, les autochtones du Canada ont eu l'occasion de se frotter à la perfidie du gouvernement fédéral. Demandez-leur quels sont leurs sentiments sur la question. Je vous assure que ceux qui les fréquentent en savent quelque chose. Je dis souvent que, si chaque Québécois avait l'occasion de voir le gouvernement fédéral en action, en assistant, ne serait-ce que quelques minutes, à une séance de négociations, je pense que l'indépendance serait vite accomplie. Il est plus qu'urgent que les Québécois réalisent que le dossier des retombées du F-18 n'est que le symbole d'une situation qui continuera de pourrir tant et aussi longtemps qu'ils ne contrôleront pas pleinement leur destin. M. le Président, ni le refus de permettre à un représentant de la Caisse de dépôt de siéger au conseil d'administration de la Canadian Pacific ni le fait d'empêcher 500 Madelinots de gagner leur vie ne réussiront à convaincre les Québécois de leur appartenance canadienne. Voilà, au contraire, autant de clous rivés dans le cercueil du fédéralisme canadien.

Comme j'ai eu l'occasion de le répéter depuis plusieurs mois, il est plus que jamais urgent que le Québec s'ouvre sur le monde et prenne la place qui lui revient au sein de la communauté internationale. Aucun peuple, aucune nation digne de ce nom ne doit tolérer ainsi de se trouver à la merci d'une structure politique visant à en contenir l'épanouissement et à en limiter le rayonnement culturel et économique. En attendant le jour où il pourra de plein droit prendre place au sein de la communauté internationale et, notamment, au sein de la francophonie, il importe que le Québec continue de tenter par tous les moyens modestes dont il dispose de favoriser inlassablement tous les intérêts qu'il possède à l'extérieur. C'est le rôle que l'Assemblée nationale a confié à mon ministère et c'est le rôle que je compte continuer de poursuivre avec acharnement au cours des prochains mois et des prochaines années.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Champagne): La parole est maintenant au député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, il est 12 h 55. Vous m'avez encouragé quand vous avez sorti votre horloge. J'ai seulement une remarque à faire avant qu'on reprenne à 15 heures, si vous voulez. Je voudrais m'associer à une partie des remarques du ministre.

M. Morin: Je me méfie, M. le Président.

M. Rivest: Cela ne vous concerne pas. Il s'agit des paroles très justes que vous avez eues à l'endroit de M. Robert Normand et à l'endroit de vos nouveaux collaborateurs. C'est sans réserve que je m'associe à cela. Quant à l'ensemble des propos du ministre, je réfléchirai pendant l'heure du dîner, si vous le permettez, M. le ministre, sur le caractère quelque peu brouillon et paysan que j'appréciais tellement chez votre prédécesseur.

M. Morin: M. le Président, c'est avec plaisir que je laisse à mon vis-à-vis le temps

de réfléchir. J'aurais pensé qu'il avait des observations toutes prêtes, étant donné qu'il a l'occasion de réfléchir à longueur d'année sur ces problèmes, mais c'est avec plaisir que j'attendrai ses propos tout à l'heure.

Le Président (M. Champagne): La commission élue permanente des affaires intergouvernementales suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise de la séance à 15 h 01)

Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente des affaires intergouvernementales poursuit l'étude des crédits budgétaires de 1983-1984 de ce ministère. La parole était au député de Jean-Talon.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'exposé préliminaire du ministre. Je vais le commenter, si vous voulez, brièvement; peut-être que mes commentaires seront davantage percutants par les questions que j'adresserai au ministre par la suite.

D'abord, je ne sais pas si je dois revenir sur cet épisode malheureux où le ministre s'est royalement "enfargé" - pour employer une expression québécoise - dans cette question de la double citoyenneté. Vous m'avez un peu déçu, ce matin, à l'Assemblée nationale, lorsque vous avez confirmé à nouveau cette hypothèse pour le moins saugrenue.

M. Morin: Une idée. Est-ce que vous me posez la question?

M. Rivest: Oui, de façon à dissiper toute équivoque sur cette question.

Le Président (M. Champagne): M. le ministre, la parole est à vous.

M. Morin: Vous savez, j'ai enseigné le droit international pendant 17 ans...

M. Rivest: À qui le dites-vous!

M. Morin: C'est vrai, j'avais oublié que le député de Jean-Talon avait été de mes étudiants. C'est juste.

M. Rivest: C'est cela. Vous m'aviez très bien noté, à part cela; vous m'aviez donné 85% à l'examen.

M. Morin: M. le Président, j'étais bien conscient du fait que j'avais devant moi un étudiant brillant. Je ne savais pas que je le retrouverais devant moi comme cela un jour. Mais je le voyais déjà, lui aussi, chez Simard, adjoint au comptable Bourassa.

M. Rivest: Chez Simard, une entreprise québécoise qui fait beaucoup d'exportation.

M. Morin: M. le Président, déjà, à cette époque, puisque mon rôle était d'agiter des idées, de faire réfléchir les jeunes que j'avais devant moi sur ces questions, il m'est souvent arrivé de dire: Les frontières des États, les questions de nationalité ne seront pas toujours ce qu'elles sont aujourd'hui. Elles pourront se transformer dans l'avenir. Les phénomènes de nationalité sont déjà très répandus, ils sont connus de tous. Donc, c'est une idée avec laquelle le député de Jean-Talon lui-même serait familier s'il avait écouté les leçons autrefois. S'il ne l'a pas fait, je ne peux pas maintenant combler les lacunes de sa formation. Je ne peux pas commencer, aujourd'hui, à reprendre tous ces exposés qui me remettraient dans l'ambiance d'autrefois, à laquelle je retournerai peut-être dans quinze ans.

Le Président (M. Champagne): La parole est au député de Jean-Talon.

M. Rivest: Le ministre en parle, finalement, très peu. J'imagine que ce n'est pas sérieux.

M. Morin: C'est une idée. Toutes les idées sont sérieuses à condition qu'on les traite comme étant des idées et non pas des énoncés de politique gouvernementale.

M. Rivest: Est-ce que vous vous adressez aux commentaires que le premier ministre a faits concernant vos remarques?

M. Morin: Je partage son avis. Ce n'était pas un énoncé de politique gouvernementale. Cela n'a jamais voulu être cela.

M. Rivest: La difficulté, c'est cela. Comment allons-nous savoir, lorsque vous vous exprimerez dans l'avenir, si vous parlez au nom du gouvernement ou si vous parlez en votre nom personnel?

M. Morin: C'est le contexte qui dit cela, M. le député. J'imagine que vous-même avez déjà été dans des situations où vous aviez à distinguer les moments où vous énonciez une idée personnelle et les moments où vous parliez au nom du gouvernement. C'est le contexte qui le dit. Dans le

contexte présent, c'était une conversation à bâtons rompus dans la rue et ce n'était pas un discours devant l'Académie française, comme le Devoir le disait dans son article de fin de semaine. C'est le contexte qui le dit; il faut avoir l'intelligence de savoir distinguer un contexte de l'autre.

M. Rivest: Puisqu'on en est rendu à scruter cela, vous avez dans votre discours beaucoup insisté sur les États-Unis et les rapports avec eux. Dans votre pensée, est-ce que cette double citoyenneté pourrait également s'orienter du côté de nos voisins américains?

M. Morin: Je ne spéculerai pas davantage là-dessus, M. le Président.

M. Rivest: Vous l'avez suffisamment fait dans les derniers jours.

M. Morin: Je pense que j'ai suffisamment réfléchi tout haut ces derniers jours.

M. Rivest: Oui. La seule remarque additionnelle que je veux faire là-dessus, c'est que, compte tenu de l'état de l'opinion, pour employer un euphémisme, sur les rapports entre le Québec et la France, je n'ai pas l'impression que votre déclaration a fait avancer la cause du développement des rapports entre le Québec et la France dans l'opinion publique québécoise.

M. Morin: Je n'ai pas l'intention de spéculer là-dessus, non plus. Je ne suis pas du même avis que le député. Est-ce que je peux me permettre une réflexion puisque vous m'en parlez, M. le député? Sachant que vous avez été mon étudiant autrefois, je me serais attendu à une réaction peut-être plus intelligente de votre part. J'ai pris connaissance d'un communiqué qui sans doute avait été rédigé par vous. J'ose espérer que non; peut-être avait-il été rédigé par quelqu'un d'autre.

M. Rivest: Je ne l'ai pas vu. Qu'est-ce qu'on me faisait dire? Je n'ai pas émis de communiqué, en tout cas, pas à ma connaissance. Il est possible que nos services m'aient devancé.

M. Morin: Ah, vous me rassurez'. Vous avez vous-même en Chambre, il me semble, fait allusion à je ne sais trop quelle histoire de protectorat français. Vraiment, je n'attendais pas cela de vous.

M. Rivest: II y a quelqu'un qui m'a dit que vous avez évoqué la possibilité d'une Martinique des neiges.

M. Morin: De quoi?

M. Rivest: D'une Martinique des neiges. M. Morin: Quand on parle...

M. Rivest: J'ai trouvé l'expression très belle, mais je n'ai, justement, pas osé la reprendre parce que je savais que vous parliez en votre nom personnel et je ne voulais pas embarrasser le gouvernement outre mesure.

M. Morin: Je reviens au communiqué. Vous me rassurez en me disant que ce n'est pas vous qui en étiez l'auteur. Je vous conserverai donc mon estime, M. le député.

M. Rivest: En fait, si ce communiqué a été émis, je l'endosse pleinement. Qu'est-ce que vous voulez? Je n'ai pas le choix. Je ne voudrais pas que vous semiez la zizanie dans notre groupe car vous l'avez déjà fait suffisamment dans le vôtre au cours des derniers jours avec votre déclaration pour le moins intempestive.

M. le ministre, vous avez évoqué, à la fin de vos remarques, à bon droit, sur le plan personnel j'imagine, vos convictions d'ordre souverainiste, comme, d'ailleurs, chacun des ministres le fait depuis quelque temps, toujours à titre personnel. Comme vous le savez, sur le plan des institutions et de la réalité, nous n'avons pas au Québec un gouvernement souverainiste puisque ce gouvernement s'est vu refuser formellement par la population du Québec, un certain 20 mai 1980, le mandat d'engager le Québec dans la voie qui demeure celle des membres du Parti québécois.

Je voudrais porter à votre attention, dans la mesure où vous êtes ministre des Affaires intergouvernementales, que les déclarations que vous-même, ou vos collègues, en particulier vous en tant que ministre des Affaires intergouvernementales, faites au sujet de l'orientation future du Québec que vous envisagez en tant que parti politique créent une espèce de confusion absolument invraisemblable. Il y a une espèce de conjoncture et d'accumulation des déclarations, d'une part, du premier ministre à certains égards sur les élections plus ou moins référendaires et plus ou moins suicidaires selon votre prédécesseur. II y a toujours les versions officielles de souveraineté-association dont je ne sais ce qu'il est advenu, finalement, du trait d'union. J'imagine que vous l'ignorez, vous aussi.

Il y a les hypothèses évoquées - et là en tant que ministre également - de votre compère, le ministre du Commerce extérieur, au sujet d'un marché commun avec les États-Unis, la thèse officielle étant, j'imagine, toujours l'association avec le reste du Canada. Il y a cette question au point de vue de la monnaie qui est toujours en plan. Vous avez d'une façon remarquée lancé le

débat maintenant sur la citoyenneté.

Il y a des déclarations de vos anciens collègues. Je lisais, justement, une déclaration de M. Lessard qui semblait lui-même extrêmement sceptique sur la stratégie et les orientations des gens qui sont au gouvernement et qui parlent, bien sûr, comme des gens qui semblent, à tout le moins, être toujours d'accord avec l'option souverainiste, mais qui, comme membres du gouvernement, n'ont absolument aucun mandat. Enfin, j'imagine que le temps réussira à clarifier ce qui est loin d'être clair et ce qui, par les temps qui courent, ne cesse de se compliquer et de se "confusionner".

Tout ceci crée un contexte qui, dans la conduite des actions que vous menez au ministère, entache, à mon avis, l'ensemble du fonctionnement du ministère. Vous avez toujours tendance, dans les attitudes que vous prenez, autant, d'ailieurs, dans les rapports sur le plan international que dans les rapports avec le gouvernement canadien ou avec l'ensemble de la réalité canadienne, à faire comme si le gouvernement actuel avait effectivement le mandat de travailler en dehors de l'ordre constitutionnel canadien actuel. C'est un reproche qu'on vous a adressé à de très nombreuses reprises -d'ailleurs, que de nombreux observateurs vous adressent au fil des jours - et cela, à mon avis, a un effet direct sur le fonctionnement du ministère des Affaires intergouvernementales.

Quelles que soient les intentions du gouvernement dans son entier, mais, en particulier, du ministère des Affaires intergouvernementales ou quels que soient les projets que vous envisagiez, tant sur le plan canadien que sur le plan extérieur, tous vos interlocuteurs auront toujours une espèce de réserve. Ils seront toujours, face à vos propos, face à vos initiatives, dans une certaine attitude d'attente, hésitant à s'engager d'une façon irrémédiable, à se commettre, à s'associer sans aucune réserve aux projets que le gouvernement mettra de l'avant au fil des jours de vos responsabilités. Mise à part la partie du dossier de la révision constitutionnelle comme telle - même là, vous étiez aussi dans une ambiguïté qui a été abondamment commentée et qui a été, finalement, extrêmement coûteuse pour le Québec - tout cela crée un contexte que, pour ma part, je trouve mauvais non seulement pour le gouvernement, mais pour le ministère et surtout pour le Québec.

Mais puisqu'on va devoir y vivre maintenant, au moins jusqu'au prochain rendez-vous électoral référendaire, je ne sais trop, essayons à tout le moins de faire en sorte que cette espèce d'ambiguïté qui est permanente coûte le moins cher possible au Québec, puisque c'est un choix politique que vous avez fait. J'ai vu une manchette, l'autre jour - je ne sais pas, je n'ai pas lu l'article - où le premier ministre disait que les Québécois avaient déjà commencé à payer le prix de la souveraineté. Enfin! Je voulais vous faire part de cette remarque générale, parce que cela a un effet précis.

Je vais revenir, d'une façon un peu plus précise, à la question des rapports avec le reste du Canada. Vous avez parlé - je veux écarter cela dès maintenant - du ministère en tant que tel, de son administration. Est-ce que, à titre d'information, le ministre des Affaires intergouvernementales siège au comité des priorités du Conseil des ministres?

M. Morin: Absolument, oui. Mais, M. le Président, avant que le député me pose toute une série de questions, j'aimerais bien pouvoir dire deux mots sur les commentaires qu'il vient de faire.

M. Rivest; Vous les reprendrez après. J'aimerais mieux terminer mon intervention, si le ministre n'y voit pas d'objection.

M. Morin: Très bien.

M. Rivest: Ce ne sera pas long, au plus une dizaine de minutes.

M. Morin: Très bien. Je pensais que vous vouliez passer à des questions.

M. Rivest: Non. J'ai seulement quelques remarques générales et, après, on pourra engager le débat, si vous voulez.

M. Morin: Très bien.

M. Rivest: Alors, sur le plan administratif, le ministre nous a annoncé qu'on avait confié à Mme la sous-ministre -elle a déjà commencé, d'ailleurs - et à ses collaborateurs le soin de consolider la structure et l'organisation administratives. Je dois dire que l'initiative particulière dont vous avez parlé à propos d'un service de recherche, d'un centre de recherche et de développement au ministère des Affaires intergouvernementales m'apparaît intéressante. J'aimerais que le ministre puisse préciser le mandat de ce groupe et nous indiquer quels en sont les objectifs. Je comprends qu'il y ait de tels services dans un tel ministère, mais quels sont les objectifs qui ont amené le ministre et Mme la sous-ministre à admettre les carences qu'ils avaient constatées dans le ministère et ce qu'ils veulent corriger de ce côté-là? (15 h 15)

Sur ce que vous avez évoqué au niveau de la constitution interne du Québec, je n'ai rien retrouvé, sauf erreur, dans le message inaugural du premier ministre; enfin, j'ai

regardé rapidement tantôt, je ne pense pas qu'il y en avait. Dois-je comprendre que c'est un projet personnel - puisqu'il faut maintenant faire la distinction - du ministre ou si c'est un projet du gouvernement? Enfin, le ministre peut avoir des ambitions personnelles tout à fait légitimes et qui peuvent être d'intérêt, mais, malheureusement, l'institution parlementaire étant ce qu'elle est, on doit s'intéresser uniquement à ce qui est le fruit ou le fait du gouvernement. J'ai déjà lu des articles remarquables du député de Sauvé dans la revue Canadian Political Sciences ou dans une autre revue - je crois que c'était dans la revue Thémis, peut-être, de la faculté de droit - sur la constitution interne. Ces articles dataient des années soixante. Alors, comme le ministre est soit entêté ou qu'il se renouvelle peu, je ne sais pas s'il est encore au même point. À cette époque, faut-il dire pour être juste à l'endroit du ministre, il prônait la thèse du statut particulier avec beaucoup d'enthousiasme.

Vous avez fait de belles déclarations et, si j'étais ministre, j'aimerais faire de telles déclarations. Un jour, peut-être que j'aurai l'occasion de faire ce genre de phrases; on ne sait jamais, comme le disait l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales. Boni Voilà, j'en arrive, M. le ministre, à vous parler de vos problèmes avec le ministre du Commerce extérieur. Quel cafouillis? Vraiment! Il paraît que le règlement, M. le Président - je ne sais pas - m'oblige à prendre la parole du ministre. Bon, vous ne le savez pas? En tout cas...

Le Président (M. Champagne): Parlez-en à votre...

M. Rivest: ...si je prends la parole du ministre à la lettre disant qu'il n'a strictement aucun problème...

M. Morin: Je n'ai pas dit cela.

M. Rivest: Non, pas nécessairement et vous ne m'en tiendrez pas rigueur. Je dois dire que je ne crois pas beaucoup le ministre quand il dit que tout va dans le meilleur des mondes avec son collègue, le ministre du Commerce extérieur. Ne serait-ce que pour une raison très simple, c'est que la Loi -chaque ministre fonctionne dans un cadre juridique donné; si je peux la retrouver sur le ministère des Affaires intergouvernementales confie des mandats très précis au ministre des Affaires intergouvernementales et, par ailleurs, la Loi sur le ministère du Commerce extérieur en confie au ministre du Commerce extérieur qui sont, à plusieurs égards - si le ministre insiste, je pourrai peut-être les préciser -absolument les mêmes. Les deux ministres donnent l'impression ou se marchent - j'en ai la conviction - allègrement sur les pieds l'un de l'autre.

Je n'en suis nullement étonné. Cela m'est assez indifférent de savoir qui, de M. Landry ou de M, Morin, va finalement remporter le gâteau. Personnellement, disons que j'ai un préjugé favorable à l'endroit du ministère des Affaires intergouvernementales; c'est un préjugé réel et je fais abstraction de la personnalité des deux ministres, bien sûr. Cela vient du fait que cette Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales, dont le chef de l'Opposition du temps avait tellement vanté les mérites, j'y avais mis un peu du mien, si bien que, vous savez ce que c'est, les choses que l'on a faites, on n'aime pas beaucoup qu'on y touche - on a toujours un côté un peu conservateur - ou qu'on mette de côté ce que l'on avait fait.

Le principe du ministère des Affaires intergouvemementales était que l'action extérieure du Québec, à l'échelle canadienne comme à l'échelle internationale, devait se faire en un lieu, avec une personne responsable, avec des fonctionnaires qui voient à l'ensemble. On a mis le mot "coordination", mais il me semble que c'était le principe fondamental d'éviter la multiplicité des initiatives des uns et des autres; quelles que soient les motivations tout à fait raisonnables que les uns et les autres peuvent avoir à cet égard. Il faut qu'il y ait une cohérence à l'intérieur d'un gouvernement. Il me semble que c'était cela.

Quand j'ai vu venir la loi qui donnait le mandat au ministre du Commerce extérieur, je me suis fortement inquiété. D'ailleurs, j'ai participé ici, à cette commission, au débat sur la loi. Je pense que le député de Terrebonne s'en souvient. On a posé des questions très précises et très techniques. Je ne veux pas embarquer le ministre dans les problèmes de l'article 7 de la Loi sur le commerce extérieur et du mandat général de coordination qui y existe, avec cette espèce de truc qu'on a donné qui était un des grands débats que nous avions eu en 1972 ou je ne sais trop, par exemple, la possibilité à l'article 74, pour le ministre du Commerce extérieur, de conclure des ententes. Dieu sait que nous avons eu des problèmes avec, entre autres, les universités et d'autres intervenants dans le secteur parapublic pour amener - d'ailleurs, je pense qu'il y a eu des ententes ad hoc qui ont été faites à un certain moment - l'ensemble du secteur public à, justement, ne pas aller à gauche et à droite conclure des ententes sans que le ministère des Affaires intergouvernementales ou qu'un ministre du gouvernement en soit responsable.

L'Assemblée nationale ou le gouvernement a proposé de donner au ministre du Commerce extérieur la possibilité de la conclusion d'ententes, de l'élaboration

et de la mise en oeuvre de programmes d'aide favorisant les exportations et les accords industriels, tout en conservant une responsabilité générale au ministère des Affaires intergouvernementales d'élaborer la politique économique. Ce sont des mots. Comment cela s'articule-t-il en pratique? Le ministre nous a dit: II y a des ajustements normaux, etc. J'en conviens volontiers, mais c'est très loin d'être clair.

Ma préoccupation, encore une fois, en faisant état de mon préjugé favorable au ministère des Affaires intergouvernementales, est tout autre. Je pense surtout à des intervenants privés. J'en ai rencontré un ou deux à ce sujet. Ils sont dans des entreprises importantes qui exportent. Il y en a une, toutefois, qui est toute petite. Ce n'est pas une grosse. Elle est dans la région de la Mauricie. Elle travaille dans le domaine du bois et elle exporte à environ 99% vers les États-Unis. Le problème que cela pose, c'est qu'elles sont habituées à faire affaires, dans le domaine des exportations, beaucoup, bien sûr, avec les organismes du gouvernement canadien. Elles sont satisfaites ou plus ou moins satisfaites des services qui sont offerts là, mais, enfin, elles avaient un service. Elles ont vu arriver l'Office du commerce extérieur du Québec avec qui elles s'étaient habituées à travailler, qui relève du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Cela allait bien. Enfin, on a essayé de voir à ce que les tensions entre les organismes fédéraux et l'organisme québécois réussissent à être aplanies.

Voilà qu'arrive le ministre du Commerce extérieur qui récupère l'Office du commerce extérieur. Les gens voient arriver le ministère des Affaires intergouvernementales sans trop savoir ce que ce nouvel intervenant vient faire. Vous avez fait une série de déclarations au moment où "vous plantiez vos piquets" -c'est une expression contenue dans un éditorial que j'avais trouvé assez bien tourné de Mme Lise Bissonnette, dans le Devoir -pour bloquer M. Landry, j'imagine. Malheureusement, M. Landry a été votre ligne Maginot cela a été contourné assez facilement.

Là, il y a une espèce de confusion. Les intervenants du milieu, voyant ce qui est survenu récemment dans les journaux, au moment où vous étiez à Paris... Je ne sais pas si on a porté à votre attention ce qui a été dit dans les journaux. M. Landry semblait, au dire de ses collaborateurs, très fâché de ce qui se passait. Il semblait que le ministère des Affaires intergouvernementales espionnait, etc. Il y avait toujours le parapluie du ministère des Affaires intergouvernementales qui était là. Enfin, vous avez vu tout ce qui est survenu. Après cela, nous avons eu droit aux déclarations -ma foi, que j'aurais pu écrire - tout à fait rassurantes des ministres, de part et d'autre, disant: Non, il n'y a rien là. Je suis un très grand ami, un très grand collaborateur de mon collègue. Les choses vont très bien. En fait, les choses ne vont pas si bien que cela.

Je voudrais que, d'une part, vous nous disiez d'une façon très concrète - on pourra y revenir, si vous voulez, lors de la période des questions - comment cela s'articule. Est-ce qu'il y a un plan d'organisation et d'arrangement, une convention écrite à laquelle les gens, qui veulent savoir qui fait quoi au gouvernement du Québec en matière de commerce extérieur, peuvent se référer d'une façon précise? Je pense que c'est très important. Je fais cette demande non pas pour embarrasser inutilement les ministres en cause, ou même le premier ministre qui doit arbitrer ce genre de conflit, mais parce que les intervenants ont tout intérêt à savoir qui fait quoi. Le sachant, ils peuvent effectivement appuyer et mettre de la chair autour de la volonté politique que le gouvernement nous a indiquée, de développer le secteur des exportations. J'aimerais bien que le ministre soit beaucoup plus spécifique que les généralités qu'il nous a données.

Ma deuxième remarque d'ordre très général concerne les relations entre Québec et Ottawa. Il y a un contexte politique auquel j'ai référé et avec lequel on va vivre jusqu'à nouvel ordre. Dans le fonctionnement des rapports entre Québec et Ottawa, il y a la politisation. Je vais vous le dire vraiment comme cela me vient. Ce qui me préoccupe, c'est de voir depuis avant et après le référendum, jusqu'au prochain référendum, aller allègrement les ministres fédéraux et les ministres québécois dans une espèce de chassé-croisé où les uns et les autres, selon les intérêts politiques des uns et des autres, en particulier dans le domaine économique, se tendent ni plus ni moins des pièges et sont, semble-t-il, très heureux de part et d'autre lorsqu'ils peuvent prendre en défaut leur vis-à-vis québécois ou canadien.

Je donne un exemple précis de ce que j'ai vécu. Là où vraiment dans mon esprit c'est devenu assez aigu, c'est lorsque j'ai eu l'occasion de rencontrer les gens de Marine Industrie à Sorel où je me suis fait dire par des porte-parole de Marine comme par les travailleurs qu'ils couraient allègrement à l'échelle canadienne et même internationale pour obtenir des contrats qui se traduisaient, bien sûr, en termes de "jobs" pour les gens de Sorel. Lorsqu'ils rencontraient les fonctionnaires du gouvernement québécois et du gouvernement canadien, on regardait sur le plan technique les dossiers, on préparait les soumissions - parce que ce chantier-là, entre autres, doit concurrencer, bien sûr, sept ou huit autres chantiers canadiens - et, finalement, on arrivait à s'entendre pour préparer une excellente soumission.

La crainte des uns et des autres,

autant des fonctionnaires, d'ailleurs, que des travailleurs et des gens du conseil d'administration de Marine, c'était l'arrivée de la politique, l'arrivée d'un ministre fédéral comme d'un ministre québécois dont la préoccupation première était, semble-t-il, d'aller planter son drapeau sur le résultat de tout cela.

M. Kehoe: Pour les pêcheries, la même chose.

M. Rivest: On a eu des exemples assez évidents sur le plan des pêcheries. Je me fous absolument et royalement de savoir qui du ministre québécois ou du ministre fédéral est le plus méchant. Ce que je déplore, c'est que, dans le contexte économique actuel, il me semble que, de part et d'autre, on devrait faire tout en son pouvoir pour éviter ce genre de politisation a outrance, surtout dans le crise économique actuelle, surtout lorsqu'il s'agit de dossiers économiques que l'on peut mettre en branle de part et d'autre.

Le ministre a évoqué dans sa déclaration d'ouverture - et j'étais content qu'il le mentionne - l'exemple du Nid-de-Corbeau qui m'apparaît exactement le type de rapport que je voudrais voir s'installer entre le gouvernement du Québec et le gouvernement canadien. Il m'apparaît, en tout cas, dans mon esprit être un bel exemple de la façon dont un régime fédéral fonctionne, avec des tensions, des difficultés, mais également avec un sens des responsabilités. Une des raisons pour lesquelles les intérêts du Québec, à mon avis, dans ce dossier-là ont été substantiellement, d'après les intervenants du milieu, protégés et assurés contre une initiative du gouvernement canadien - j'en conviens volontiers - c'est probablement parce que le ministre de l'Agriculture était encadré à l'intérieur d'une coalition pour combattre la politique fédérale et qu'il était convenu entre tous les participants qu'il n'y aurait pas de politique, que l'on défendrait de la façon la plus ferme et la plus légitime possible les intérêts du Québec, qu'on ferait les représentations solides et cohérentes face aux intervenants fédéraux dans le domaine. C'est la solidité même du dossier, cette non-politisation, qui a permis dans une large mesure - ce n'est peut-être pas la seule raison — la modification que l'on a connue de la politique fédérale, qui a sauvegardé l'essentiel des intérêts proprement québécois qu'on avait à protéger à l'intérieur d'une politique canadienne. (15 h 30)

J'ai vu, de la part de votre collègue, le ministre du Commerce extérieur, une déclaration générale. Il a dit, au moment où il a été désigné à cette fonction, qu'il collaborerait - je pense qu'il l'a dit ici à la commission ou ailleurs - avec le gouvernement fédéral, qu'il ne politiserait pas les rapports et Dieu sait que les intervenants dans le milieu le demandent. J'ai lu aussi avec beaucoup d'intérêt la déclaration récente du ministre des Finances. Enfin, je ne veux pas mal le citer ou mal l'interpréter, mais j'ai compris de sa déclaration qu'il disait que la politisation à outrance des rapports entre Québec et Ottawa avait causé des torts sérieux non seulement au Québec, mais, j'imagine, également au pays tout entier.

Je regrette que le ministre dans son intervention ait encore une fois parlé de tout ce qu'il y avait de méchant et de l'impression qu'il avait que M. Trudeau se réveillait la nuit - j'exagère à peine - pour tramer quelque mauvais coup contre le pauvre Québec. Vraiment, ce discours vous pouvez le penser, mais moi, je trouve cela un peu enfantin comme procédure. Je trouve que vous devriez défendre les intérêts... Cela s'est fait dans le passé; les autres gouvernements l'ont fait en dehors d'un contexte politique. Ils ont obtenu un certain nombre de succès. Je vous ai donné l'exemple du Nid-de-Corbeau où on a réussi à faire un certain nombre de choses. Vous avez vous-même évoqué les représentations que vous avez faites au niveau de FIRA.

Cela m'amène à une chose: Dans les rapports entre Québec et Ottawa, serait-ce possible que vous vous parliez les ministres fédéraux et les ministres québécois, avant de vous lancer les uns et les autres toujours dans des conférences de presse se voulant les plus spectaculaires possible, les uns pour tirer, finalement, la conclusion des grandeurs et des beautés du fédéralisme et les autres pour tirer la conclusion des grandeurs et des beautés de l'option souverainiste? Les gens en ont assez de cette politisation à outrance des rapports entre Québec et Ottawa. Je me permets d'insister pour que, dans les projets que vous avez à cet égard, au chapitre des affaires dites canadiennes, l'on retrouve cet esprit, qu'il soit l'expression de la volonté politique du gouvernement actuel du Québec et, en particulier, du ministre des Affaires intergouvernementales. Il me semble que ce serait déjà un geste qu'apprécieraient le public, la population et les intervenants dans le domaine économique. Cela pourrait s'appliquer, bien sûr, aux autres domaines, mais j'insiste sur le domaine économique.

De plus, ce qui me frappe dans l'attitude du ministère des Affaires intergouvernementales dans le domaine des relation? fédérales-provinciales, c'est qu'il y a eu, si on reprend l'histoire du ministère, un manque d'initiatives de la part du gouvernement - cela peut venir des ministères sectoriels, mais même du ministère des Affaires intergouvernementales - sur le plan de l'articulation de nouveaux

programmes. Lorsque le gouvernement du Québec a un certain nombre de programmes neufs, il sait par définition, étant donné l'ordre constitutionnel dans lequel on se trouve, qu'il y a une dimension fédérale-provinciale. D'ailleurs, cela s'applique sur le plan de la constitutionnalité des lois, etc. Peut-être ai-je tort, mais je pense qu'on pourrait l'illustrer dans un certain nombre de cas. On a l'impression que le gouvernement du Québec prépare ses projets et avance, avance. Il sait très bien qu'il y a une dimension fédérale à son projet et il fait comme si cette dimension n'existait pas pour, finalement, en n'en parlant à peu près à personne et en bousculant les gens à Ottawa, leur lancer littéralement le projet sur la table et là, Ottawa essaie de s'en tirer du mieux qu'il peut. Cela déborde alors immédiatement dans l'ordre politique.

Sans préjuger de ce qui arrivera sur le plan constitutionnel - je mets cela entre parenthèses; il reste deux ans à vivre et je voudrais qu'on vive le mieux possible avant la prochaine échéance électorale - je voudrais qu'il y ait des initiatives de la part du ministère des Affaires intergouvernementales de façon à mettre un peu entre parenthèses la politique et à rendre très fonctionnels les rapports entre Québec et Ottawa, surtout dans le domaine économique. Je voudrais, autrement dit, que s'installe une certaine normalité. Le ministre a parlé d'un tournant. Bien, prenez-le donc pour les deux ou trois années qui restent du mandat du gouvernement! Prenez-le donc! Je n'ai, pour ma part, aucune hésitation à dire que - et je suis convaincu que mon collègue de Chapleau sera d'accord - si cette normalité des rapports s'installait, il me semble qu'il y aurait beaucoup plus de choses que le gouvernement du Québec et que le gouvernement canadien pourraient faire.

Cette guérilla est à tous les niveaux. Il s'agit d'assister à l'inauguration d'un simple centre d'accueil et de voir arriver ces deux innommables plaques qui viennent balafrer le devant de ces centres d'accueil car les administrateurs sont obligés d'afficher la plaque fédérale et la plaque québécoise. Il y a un côté qui est devenu folklorique. S'il n'était que folklorique, je ne m'en plaindrais pas, mais je trouve qu'on est allé beaucoup trop loin là-dedans. Je voudrais que le ministre soit clair là-dessus, qu'il nous dise plus que: Bon, voilà, il y a eu les F-18 et il y a eu ceci et cela, parce qu'il y a toutes sortes de choses là-dedans. Un ministre qui voyait - moi, je ne le sais pas, je ne suis pas familier avec les détails des affaires -que le Québec n'aurait pas ce qu'on lui avait promis... Je pense que, dans le dossier des F-18, c'est assez clair qu'entre les déclarations du ministre de la Défense et la réalité il y a un trou, pour employer une expression qui va rappeler de bons souvenirs au ministre des Affaires intergouvernementales. Il me semble qu'il aurait dû y avoir une surveillance, qu'on aurait dû sentir dans l'opinion publique, à l'Assemblée nationale ou ailleurs, qu'effectivement, au lieu de laisser les choses se faire, un ministre quelque part, en téléphonant - ce n'est pas nécessaire d'aller en conférence de presse, cela s'appelle, un ministre - dirait: Voici, dans un dossier comme celui-là, le Québec est en train de perdre quelque chose, donnez-nous ceci ou cela. Il y a des moyens de faire des propositions, de prendre l'initiative des choses.

Je voudrais que le ministre et le ministère des Affaires intergouvernementales soient de la partie. Je me rappelle un cas, par exemple. Je sais que, dans le domaine social, en ce qui concerne les allocations de la sécurité du revenu - pour prendre un exemple d'un homme qui est dehors de la politique - quand M. Castonguay était au ministère des Affaires sociales, il se préoccupait de cette dimension-là. Il appelait, les fonctionnaires et lui-même allaient auprès du gouvernement canadien pour exprimer le point de vue du Québec et on réussissait à articuler des choses. J'imagine que l'entente dans le domaine de l'immigration a été menée à bon terme de cette façon-là. Pour les choses que l'on peut faire, on voit toujours qu'il y a eu une initiative et qu'on a essayé de mettre entre parenthèses la dimension politique.

J'aurais une autre remarque, avant de revenir à des questions plus spécifiques -peut-être que mes collègues en ont d'autres - sur les relations extérieures. Le ministre a parlé des rapports Nord-Sud, du Moyen-Orient, etc. Est-ce que le ministère des Affaires intergouvernementales et surtout le gouvernement du Québec ont l'intention de développer une politique extérieure du Québec? À ce moment-là, il faudrait être cohérent. Il faudrait d'abord qu'on le dise. Deuxièmement, qu'on voie si c'est bien dans l'ordre constitutionnel actuel qu'une telle chose existe et ce qui va arriver si cette politique-là contredit la politique du gouvernement canadien qui est le "définisseur" premier de la politique étrangère du pays, c'est normal. Troisièmement, c'est bien beau, le discours du ministre sur le Moyen-Orient, ses déclarations qui étaient assez critiques à propos des initiatives de M. Trudeau au sujet des rapprochements Nord-Sud, mais il faudrait qu'il soit complet. Vous avez fait tous les mamours du monde aux États-Unis, mais voulez-vous des missiles Cruise sur le territoire canadien ou sur le territoire québécois? Prononcez-vous aussi là-dessus. Vous allez finalement découvrir, si vous êtes sérieux et si ce ne sont pas seulement des espèces de hors-d'oeuvre qui sont agréables ou désagréables à entendre selon

l'interlocuteur... Si vous voulez vous donner cela, donnez-vous-en une cohérente. Et en aucune manière, nulle part, le premier ministre du Québec n'a indiqué de telles intentions. Je n'ai jamais vu, en tout cas -et je ne pense pas me tromper - de la part du premier ministre actuel du Québec, qu'on était pour avoir cela.

Le ministre des Affaires intergouvernementales s'est lancé dans quelques considérations qui m'apparaissent - je ne conteste pas le mérite ou le démérite de ce qu'il a dit - tout à fait accessoires. Je ne sais pas si c'est une volonté politique. J'aimerais qu'il y ait une volonté politique dans ce domaine. Il n'y en a pas. Par exemple, tout ce que vous faites au niveau de la France, on en reparlera peut-être plus longtemps, mais pour ce que vous faites au niveau des États-Unis, quelle est la politique du gouvernement du Québec vis-à-vis des États-Unis? Vous ne pouvez pas simplement vous contenter de dire: Voici, à Boston, nous avons fait ceci et cela, il y a eu le contrat d'électricité. Vous avez énuméré un ensemble d'initiatives très ponctuelles, comme le dirait l'ancien sous-ministre des Affaires intergouvernementales, M. Arthur Tremblay, selon son expression favorite, mais ce n'est pas une politique. Dans quel cadre cela se situe-t-il? D'où cela vient-il?

Vous parlez des exportations, très bien, mais quelle est la politique du gouvernement face aux investissements? Prenons juste le domaine économique. Quelle est la politique actuelle du gouvernement du Québec face aux investissements américains? Vous avez une politique dans le programme de votre parti politique, mais elle ne correspond pas du tout à quelque déclaration que ce soit. Est-ce que vous avez fait des représentations auprès du gouvernement canadien? Vous avez mentionné spécifiquement FIRA, le problème de la monnaie. Quand vous faites état d'une façon un peu bizarre de l'augmentation des exportations de ceci ou de cela pour une année, le chiffre est lancé et vous avez l'air de vous satisfaire de cela. Il faut avoir plus d'information que cela. Quelle a été, par exemple, l'action des accords qui existent entre le Canada et les États-Unis face à cette augmentation du volume des exportations? Quelle est la structure des exportations entre le Québec et les États-Unis sur une plus ou moins longue période, au lieu de nous donner sèchement les chiffres de la dernière année? Quel a été l'effet de la position relative du dollar canadien par rapport au dollar américain? Il y a toute une série de questions. Quel a été l'impact des initiatives des agents économiques privés? C'est bien beau de nous dire que le volume des exportations du Québec face aux États-Unis a augmenté, que nous avons des maisons du Québec et c'est terminé. Ce n'est pas un exposé de politique, ce sont des espèces de courts-circuits d'une phrase qui en appelle une autre. Mais, pour un ministre des Affaires intergouvernementales qui se targue d'avoir des politiques visionnaires, il me semble que c'est assez décevant.

D'ailleurs, dans tout votre exposé préliminaire - et même dans les déclarations publiques que vous avez faites - autant dans les rapports entre le Québec et le reste du Canada que dans les rapports extérieurs, je n'ai pas senti cela. Quand vous faites vos déclarations, vous dites: Et maintenant l'Asie, et on a nommé M. Untel dans le coin. Franchement, quand on annonce: Et maintenant l'Asie, on a l'impression de voir arriver quelque chose d'extrêmement important et on arrive avec une initiative très, très limitée. Ce n'est pas une politique, à mon avis, intergouvernementale. Ce n'est pas du tout, du tout cela. J'exigerais plus que ce que vous en avez donné.

Il y a d'autres de vos collègues qui parlent du libre échange avec les États-Unis. Il faut savoir de quoi on parle. S'il est vrai que vous voulez un système de libre échange, quelles sont les contraintes que vous êtes appelé à accepter, les disparités de votre fiscalité, en fait, toutes les conséquences sur la fiscalité, le salaire minimum, l'implantation industrielle? Avez-vous une politique? Franchement, votre discours laisse entendre que vous l'avez parce que vous savez aligner les mots qu'il faut pour parler de la chose, mais, M. le ministre, nous voulons voir la chose. La chose n'existe pas. Cela me semble aussi simple que cela. Je n'ai pas d'objection à ce que vous parliez de la chose, mais il faudrait qu'elle vienne un jour et on ne l'a pas vue. D'autant plus que c'est assez incohérent. Bernard Landry dit ceci un jour, le premier ministre dit cela et vous, j'imagine que vous faites la synthèse. Je ne sais pas si c'est votre rôle. Ce n'est pas très sérieux. On ne sait pas où cela va. Après cela, vous faites quelques statistiques pour montrer qu'on a tant de personnes dans les ambassades canadiennes aux États-Unis et dans nos consulats. Il y a tant de francophones québécois. (15 h 45)

Premièrement, il n'y a pas une correspondance absolument mathématique dans votre argument, dans cette espèce d'exposé que vous avez fait. Vous avez pris dix minutes, je pense, pour expliquer cela. Si vous n'êtes pas satisfait du rôle et du fonctionnement des ambassades canadiennes et des consulats aux États-Unis, il y a une façon très simple: donnez-vous un plan d'action des maisons du Québec avec des objectifs précis, arrivez avec ce plan d'action - parce que vous devez respecter l'ordre constitutionnel - allez auprès du gouvernement canadien, puis dites: Voici, il se passe ceci aux États-Unis et c'est contre

les intérêts du Québec. Nous avons telle ou telle idée ou telle ou telle initiative et nous croyons que, si nous faisions ceci et cela ensemble, on pourrait corriger cette situation.

M. Morïn: J'ai pensé pendant un instant que vous alliez me recommander d'abandonner nos bureaux et délégations pour les fondre dans les consulats canadiens.

M. Rivest: Non, je vais, d'ailleurs, vous en dire un mot tantôt. Je trouve que ce serait une attitude sérieuse, une attitude où l'on voit qu'à ce que vous dites, il y a une conséquence qui s'ensuit. Mais cette espèce de "grenouillage" pour dire que, s'il y a trois ou quatre Québécois francophones - avez-vous pris soin de préciser, et la nuance était intéressante - dans tel consulat, franchement, tout cela est la cause des malheurs du Québec aux États-Unis et que ce qui nous arrive d'heureux, c'est le fait que vous ayez nommé un ou deux Québécois quelque part dans une maison du Québec à Chicago et qu'il va y avoir une réunion d'une espèce de conseil d'administration, franchement, cela me désole un peu. Pour Chicago, il va y avoir une réunion d'un conseil qui va venir siéger à Québec, ce qui prouve que notre maison de Chicago... C'est fatigant d'entendre cela comme seule justification. Je pense qu'au niveau du ministère des Affaires intergouvernementales on doit mettre un peu plus d'élan, un peu plus de souffle si on croit que le Québec doit avoir une certaine action.

Vous m'avez mentionné les maisons du Québec. Je sais que ce n'est pas facile, mais il y a trois ou quatre ans, mon collègue, le député de Saint-Laurent, M. Forget, vous avait demandé un document-synthèse sur les performances, l'évaluation. D'abord, c'est quoi, la politique pour les installer? Jamais on n'a pu savoir pourquoi Dallas, Atlanta et pourquoi pas Baltimore ou Cincinnati ou ne je sais trop. Je parle des États-Unis, mais cela pourrait s'appliquer au reste du monde. Quelle est la politique d'implantation des maisons du Québec ou de localisation? On ne l'a jamais su.

Deuxièmement, une fois qu'on l'a localisée, quelle est la vocation que l'on donne à l'une par rapport à l'autre. Il ne s'agit pas seulement de savoir que M. Untel est rendu là ou que Mme Unetelle est rendue là. C'est bien agréable, car je connais plusieurs personnes et cela m'intéresse de savoir où elles sont rendues. En dehors de cela, il n'y a plus d'intérêt.

Après cela, il y a l'évaluation de la performance. Vous avez produit - je pense que c'est à l'automne 1982 - un document qui était, comme le dirait le premier ministre du Canada, un peu du pétage de bretelles, où on parlait des augmentations d'exportations sans égard aux dimensions pécuniaires et autres et à l'action du gouvernement canadien. Mais ce n'était pas du tout ce que le député de Saint-Laurent, M. Claude Forget, avait demandé à votre prédécesseur, M. Morin, comme évaluation des performances.

Je reviens à un autre article de Mme Bissonnette. Je ne sais pas si c'était dans l'éditorial des piquets, mais je trouvais cela très bien, ce qu'elle avait écrit. Essayons de retrouver cela. Voici ce qu'elle disait. Si M. Morin avait été un peu moins chauvin - c'est un peu ce que je viens de dire, mais je suis plus nuancé, je trouve son terme très fort -et avait ajouté à ses dépenses celles que font pour la promotion extérieure le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, celui des Affaires culturelles, celui des Communautés culturelles et de l'Immigration ou encore des organismes d'État comme Hydro-Québec, le bilan aurait été sans doute encore plus positif. Ce que nous avons besoin de connaître, cependant, c'est l'évaluation de la performance de ce réseau. Je ne veux pas jouer dans les broderies ou dans les tableaux de mon ami Michaud, mais ce n'est pas cela, le problème. Le problème est beaucoup plus un problème de rigueur, un problème de sérieux et un problème de transparence et surtout un problème de définition et d'orientation, enfin d'évaluation, si vous le voulez, de la performance des maisons du Québec.

Je sais que cela ne s'évalue pas comme la production des prunes au Chili, la performance d'une maison du Québec. Il y a toujours un facteur impondérable, etc., c'est bien évident, mais au moins qu'on ait un ensemble cohérent. On l'attend toujours. Cela fait trois ans - je ne sais pas en quelle année M. Forget a demandé cela - peut-être quatre ans, qu'on demande cela et on ne l'a toujours pas. Tout de suite, on arrive avec la déclaration: J'espère que vous ne remettrez pas en cause l'implantation des maisons du Québec à l'étranger. Je ne la remettrai pas en cause, sauf que je voudrais que l'argent qui est dépensé là-dedans soit le mieux engagé possible. Je voudrais que la présence du Québec soit la plus sérieuse possible à l'étranger. Je voudrais qu'à l'étranger on sente, de la part de nos maisons du Québec, que l'on fonctionne d'une façon fonctionnelle - pour employer un pléonasme - avec les autres intervenants qui ont leur mot à dire, soit le gouvernement canadien, soit les investisseurs privés. Il me semble que ce serait rendre le plus grand service à la présence extérieure du Québec d'avoir un tel document, d'avoir une telle politique de la part du ministère des Affaires intergouvernementales.

C'étaient mes remarques, quitte à ce qu'on en débatte. Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas l'intention de poser des questions. Je

sais que j'ai soulevé plusieurs questions auxquelles le ministre voudra peut-être répondre, mais il me semble que ce sont les grandes questions générales dont on peut discuter. En tout cas, on est bien prêt à entreprendre la discussion avec le ministre et à consacrer peut-être moins d'importance aux aléas et aux subtilités comptables des crédits.

Un dernier mot, si vous voulez -j'avais oublié - sur le sommet de la francophonie. Il y a eu de multiples querelles sur le sommet de la francophonie. Il s'agirait, d'abord, de savoir s'il est impensable que le premier ministre du Québec puisse parler au premier ministre canadien à ce sujet. Deuxièmement, il pourrait lui dire ce que le Québec veut avoir et entend avoir du sommet de la francophonie. Est-ce que ce sera un sommet de nature très très culturelle ou si ce sera un sommet de nature économique? Il semble y avoir, d'après ce que j'ai pu percevoir dans les journaux, une espèce de différence - cela a évolué - par rapport à ce que c'était au début, en tout cas, au moment où le président Senghor et d'autres en ont parlé. Il y a un problème: Quelle est la position du Québec? Qu'est-ce que le Québec voit dans ce sommet?

Troisièmement, j'ai des doutes très sérieux sur la perception qu'a le premier ministre de certaines expressions qu'il emploie lorsqu'il parle de gouvernement participant. Probablement que des gens du ministère lui ont dit qu'il fallait dire cela comme lorsqu'on parlait des relations entre le Québec et la France, il fallait toujours parler des liens directs et privilégiés. Il y a une espèce de liturgie qu'il faut employer à un moment donné. On a probablement dit au premier ministre: L'important, M. le premier ministre, dans la querelle, c'est que vous disiez que le gouvernement du Québec doit être un gouvernement participant. Alors, le premier ministre a dit cela. Ma foi, j'étais assez content de la formule, sauf que le premier ministre n'a pas réalisé - je pense qu'il ne l'a pas réalisé, je ne veux pas être injuste à son endroit - qu'en disant "gouvernement participant", il se trouvait à parler d'un gouvernement semblable à celui qui a été négocié par l'Agence de coopération culturelle et technique.

Je pense que mon vis-à-vis, à l'époque, qui est assis derrière vous, s'en souviendra sans doute - il a bien tourné celui-là, il est rendu à Québec, mais, à l'époque, il était à Ottawa - qu'en négociant l'article 3 de la charte - je ne m'en souviens plus, mais, enfin, je pense que c'est l'article 3 - de l'Agence de coopération culturelle et technique... J'aimerais que le ministre des Affaires intergouvernementales nous le dise. Le premier ministre a dit qu'il voulait que le Québec, au sommet de la francophonie, ait un statut de gouvernement participant. Fort bien, mais, dans le texte même de l'article 3 - que je n'ai pas ici, mais je vous le dis de mémoire - il y a, premièrement, la reconnaissance de la souveraineté de l'État membre de l'agence, l'État membre étant le gouvernement canadien. Deuxième élément, il y a la notion qui est introduite de gouvernement participant, qui est explicitée dans la charte, selon laquelle on participe au conseil d'administration et au comité consultatif, qui est assez large; on participe aussi au financement, au secrétariat, je pense, si ma mémoire est bonne. Il y a une chose aussi qui est essentielle, qui est spécifiée dans l'article même de l'agence, c'est qu'il y a l'obligation de convenir, pour être un gouvernement participant, des modalités de la participation entre le gouvernement participant et l'État membre.

Quand on fait une lecture de cet article, pour les besoins du Québec, on lit: Le gouvernement du Québec doit reconnaître, ou reconnaît - et c'est ce qu'on a reconnu au moment où on a signé l'entente avec le gouvernement canadien - que celui qui a la personnalité ou la souveraineté internationale, c'est le Canada, c'est le gouvernement canadien, qui est État membre. Deuxièmement, on obtient un statut de gouvernement participant qui permet au Québec de faire les choses qu'il doit faire, je pense, dans un organisme comme l'agence, étant donné les caractéristiques culturelles de la société québécoise, nos préoccupations propres en tant que Québécois; donc, on obtient la possibilité de les faire. Troisièmement, on se situe dans un ordre constitutionnel donné qui est l'ordre du fédéralisme canadien et on convient de modalités d'articulation entre le gouvernement canadien et le gouvernement du Québec, pour savoir comment cela va marcher. Je n'ai pas relu cela. Peut-être que mon ami, M. Roquet, pourra me rappeler cela parce qu'il est très au fait de ce dossier. On a convenu de longs après-midi -vous vous rappelez, M. Roquet - d'un certain nombre de modalités de fonctionnement entre le gouvernement canadien et le gouvernement québécois.

Il n'y a eu personne qui s'est tiré en l'air pour engueuler M. Untel et dire: Voilà, le Québec est ceci, le Québec est cela. Le Québec est à l'agence et les problèmes que l'agence a, cela ne tient pas de la participation du Québec. Cela tient de l'agence elle-même, d'après ce que j'ai cru comprendre. Le Québec participe. Je pense que, pour les Québécois qui sont là avec les gens qui représentent le gouvernement canadien, cela va bien. Quand le premier ministre du Québec parle du sommet de la francophonie et veut obtenir cela, il faut qu'il convienne des modalités. J'ai vu la déclaration de M. Trudeau dans les journaux; je ne sais pas si c'était à la conférence ou

après. Il disait: Sur le plan international, c'est le gouvernement canadien qui a la souveraineté -; c'est exactement ce qui est dans l'article - qu'on nous fasse des propositions sur les modalités, on est prêt. Il me semble que j'ai vu cela.

Si le gouvernement canadien ne vous propose pas de modalités - je parle d'initiative - je verrais très bien le gouvernement du Québec proposer un protocole d'entente qui pourrait être analogue à celui de l'Agence de coopération culturelle et technique sur cette base. Ce qui m'embarrasse un peu pour demander de le faire maintenant, c'est que j'ai l'impression que le sommet, comme tel, n'a pas de définition encore très arrêtée, à savoir ce que ce doit être. Peut-être faut-il attendre cela? Au moins, exprimez votre opinion comme gouvernement du Québec et, après cela, si cela ne marche pas, vous verrez. Ne criez pas que le gouvernement canadien veut écraser le Québec avant d'avoir fait cette démarche. Je pense que c'est un bel exemple de ce que je demande au ministère des Affaires intergouvernementales dans l'ordre des rapports entre Québec et Ottawa, même dans l'ordre international. Quand je vous dis: Parlez-vous, ne politisez pas inutilement les choses parce que c'est de la politisation à outrance que je vois venir à propos du sommet de la francophonie, quelles que soient les déclarations, parce que ces pauvres Français sont pris entre M. Trudeau et M. Jacques-Yvan Morin, l'un et l'autre tirant des conclusions de ce que les interlocuteurs français disent.

À un moment donné, je ne voudrais pas que cela se fasse et que, parce que c'est de la politique finalement, cela ait lieu et qu'on ne soit pas là. Je pense que le Québec a intérêt à y être d'une façon ou de l'autre, mais plus que par les déclarations générales, artificielles et politiques qui sont faites.

Il y a d'autres points que je veux aborder dans le temps qu'il nous reste. Ce sont les remarques préliminaires que je voulais faire à la suite des propos du ministre des Affaires intergouvernementales, surtout des remarques que je voudrais voir traduites parce que je les ai exprimées le plus simplement possible. Avec mon collègue de Chapleau, je pense que c'est une préoccupation très large de l'opinion publique actuelle. D'ailleurs, je pense que les derniers relevés d'opinion ont démontré que les Québécois sont pas mal fatigués de cette politisation à outrance et excessive des rapports entre Québec et Ottawa et je voudrais qu'au ministère des Affaires intergouvernementales on fasse savoir aux Québécois qu'on sait que c'est là leur préoccupation.

Le Président (M. Biais): M. le ministre. (16 heures)

Réplique du ministre

M. Morin: Je remercie le député de Jean-Talon de son exposé. Il a sûrement soulevé bon nombre de questions fort intéressantes. Je me dois de constater, cependant, dès l'abord, qu'à la lumière de ses remarques du début nos attitudes fondamentales demeurent étrangères les unes aux autres. Je veux dire que le député de Jean-Talon, et c'est son droit le plus strict, n'est pas souverainiste, tandis que je le suis. À partir de cela, évidemment, il y a toute une série de conséquences qui en découlent. Je ne m'étonne pas des propos du député, tout à l'heure. Je les ai déjà entendus à l'époque ou, justement, il était le vis-à-vis de mon prédécesseur, qu'il l'interrogeait à la veille du référendum et au lendemain du référendum. Il soulevait toutes ces bonnes vieilles questions qui lui servent de munitions année après année.

M. Rivest: Les ministres passent et je demeure.

M. Morin: Oui. Dans l'Opposition, pour un certain temps, j'espère.

M. Rivest: Les Morin passent et je demeure.

M. Morin: M. le Président, il y a une permanence des Morin de ce côté-ci, comme vous l'avez constaté. C'est une vieille chanson que le gouvernement n'a pas à être souverainiste, parce qu'il n'a pas eu de mandat et tout cela. On sait très bien qu'un gouvernement a le droit d'avoir des objectifs de transformation du régime dans lequel il vit si ce régime ne lui paraît pas acceptable. Bien sûr, il ne peut pas effectuer les changements tant et aussi longtemps qu'il n'a pas un mandat exprès, mais il a le droit de défendre ses idées et sa conception de l'avenir du pays. Je pense que, si le député nie cela, il nie la démocratie.

M. Rivest: Vous n'avez pas été élus pour cela; vous l'aviez mis entre parenthèses.

M. Morin: M. le Président, cela me rappelle le gouvernement des années soixante, que le député et moi-même soutenions à ce moment-là, et qui proposait aux Québécois, sans aucun mandat, un statut particulier pour le Québec. On se souviendra que c'était le grand cheval de bataille de M. Jean Lesage.

M. Rivest: Oui, mais c'est dans le cadre canadien.

M. Morin: Jamais le gouvernement Lesage n'avait reçu ce mandat de la population.

M. Rivest: Oui, mais c'est dans le cadre canadien.

Le Président (M. Biais): S'il vous plaît, M. le député de Jean-Talon!

M. Morin: C'était, quand même, un chamboulement considérable...

M. Rivest: Franchement!

M. Morin: ...des habitudes canadiennes et du système canadien. À ce moment-là, le député de Jean-Talon appuyait fortement ces changements qui représentaient un bris par rapport au fédéralisme traditionnel. Le gouvernement Lesage a fait de grands discours, certains peut-être rédigés par le député de Jean-Talon, où il proposait des projets pour l'avenir, de grands chambardements dans la constitution. J'en ai aussi commis quelques-uns à cette époque. Celui qui les prononçait publiquement, ce n'était pas M. Lesage, c'était M. Pierre Laporte, et lui s'était même laissé aller jusqu'à parler des États associés. Je ne sache pas qu'il ait eu un mandat pour le faire. C'est tout simplement que chaque gouvernement, s'il n'est pas satisfait du système dans lequel il vit, qui, parfois, lui est imposé, eh bien, a le droit de proposer des changements. C'est cela, la démocratie. Bien sûr, cependant, je rejoins le député de Jean-Talon...

M. Rivest: Question de règlement.

Le Président (M. Biais): Un instant, M. le ministre, s'il vous plaît! Question de règlement, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, en vertu d'une loi qui a été adoptée par l'Assemblée nationale, la loi 92...

Le Président (M. Biais): En vertu de quel numéro du règlement voulez-vous intervenir, M. le député de Jean-Talon?

M. Rivest: Je n'ai pas le livre ici, mais il y a sans doute un numéro qui me permet de le faire.

Le Président (M. Biais): Oui, au hasard?

M. Rivest: Prenez-en un. Cherchez-le, je vais le lui dire et, après cela...

M. Morin: M. le Président...

M. Rivest: Non, ce ne sera pas long. D'abord, il y a une différence de nature entre la souveraineté et une modification d'un régime fédéral. De plus, vous avez comme gouvernement délibérément choisi, par la stratégie étapiste, pour laquelle M.

Lessard a eu quelques bons mots dans le journal récemment, de mettre entre parenthèses cette question. Ce que je vous dis, c'est que, comme gouvernement, vous n'avez pas le droit de promouvoir le désengagement du Québec du reste du Canada.

Le Président (M. Biais): Excusez, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Avez-vous trouvé l'article, là, vous?

Le Président (M. Biais): Je sais que c'était de bonne guerre. C'est un article très contracté, M. le député. Je ne crois pas que ce soit une question de règlement.

M. le ministre, je vous redonne la parole.

M. Morin: M. le Président, je n'ai pas d'objection à être interrompu, pourvu que ce ne soit pas trop souvent. J'ai écouté le député avec beaucoup d'attention. J'essaie de lui donner la réponse la plus complète possible, mais je constatais qu'au début, dès le départ, nous avons un différend fondamental. Évidemment, nous n'avons pas le mandat de changer le système. C'est là que je rejoins le député. Au moment de faire les changements dans le système, il faut avoir un mandat de la population, et c'est ce mandat qu'on va aller chercher. Tôt ou tard, le gouvernement du Québec aura ce mandat de transformer le système fondamentalement.

Je pense, M. le Président, que le député joue sur les mots. Tout à l'heure, il disait qu'il y a une différence de nature, non, une différence de degré. Dans les institutions, habituellement, ce sont plutôt des différences de degré que des différences de nature. Là, c'est une question de différence de degré dans la souveraineté exercée. En attendant que la population nous donne ce mandat - nous allons tenter de la persuader de nous le donner - il est évident que notre objectif est d'améliorer le système fédéral. Le programme que le parti a rédigé et qui a contribué à nous mettre au pouvoir nous fait une obligation d'améliorer le système fédéral dans toute la mesure du possible. De là, toutes les conférences fédérales-provinciales sur la constitution auxquelles mon prédécesseur s'est prêté année après année pendant quelquefois des semaines, des mois. De là, les ententes et les accords qu'il a conclus à l'occasion avec les autres provinces, avec une patience que j'ai trouvée remarquable. De là, l'exercice auquel je me suis livré moi-même au sujet des autochtones pour préparer la conférence à laquelle le premier ministre du Québec a été présent.

Donc, en attendant, nous tentons d'améliorer le système fédéral, mais nous

sommes convaincus que, tôt ou tard, ce système devra être abandonné et remplacé par un autre, parce que nous sommes persuadés, c'est notre conviction, à l'étude des faits - je sais bien que le député de Jean-Talon n'a pas à être d'accord avec nous, c'est sa liberté comme citoyen et comme député d'être en désaccord - que ce régime joue contre nos intérêts fondamentaux en tant que Québécois. Nous manquerions à notre devoir si nous ne le disions pas hautement et publiquement. Nous manquerions à notre devoir de citoyens. Nous manquerions à notre devoir de Québécois conscients d'appartenir à une société distincte.

Maintenant, que ces querelles que nous avons inévitablement avec le gouvernement fédéral coûtent le moins cher possible, sur ce point, je rejoins le député de Jean-Talon. Mais je constate que nous payons déjà très cher le prix du fédéralisme. Le député sera obligé de convenir que la loi S-31 au sujet de la compétence de la Caisse de dépôt, le couloir hydroélectrique à travers le Québec...

M. Rivest: Bombardier et le métro de New York.

Le Président (M. Biais): S'il vous plaît, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Je collabore à son discours.

M. Morin: ...qui a été adopté, le F-18 et de fort nombreux projets de législation fédérale nous font payer très cher le fait d'appartenir à ce système. Nous prétendons que le prix qu'il y aurait à payer pour la souveraineté serait infiniment moindre. Il y a toujours un prix à payer, quelle que soit la façon dont on se gouverne, il y a toujours des avantages et des inconvénients, mais nous sommes persuadés que le prix serait moins élevé dans un État souverain.

Maintenant, j'aborde une autre question un peu plus spécifique. J'aborde, les unes après les autres, les questions que le député a soulevées, une fois cette mise au point faite.

D'abord, nous avons parlé du mandat de la direction recherche et planification. Nous avons constaté en arrivant au ministère - je ne suis pas le seul, je vous assure, à l'avoir constaté - que nous avions besoin d'une boîte de réflexion mieux équipée pour penser l'ensemble des politiques du ministère pour, justement, élaborer - j'y reviendrai dans un instant - ce que le député de Jean-Talon appelait la "politique extérieure du Québec." Entendons-nous bien! Il ne s'agit pas d'une politique extérieure d'État souverain. Nous ne sommes pas un État souverain. Il ne s'agit pas de développer une politique à la manière de Washington, de Paris, de Londres ou de Tokyo, mais il s'agit, à notre niveau et dans la mesure de nos besoins, de nos aspirations et de nos intérêts, de développer une politique modeste qui nous permette de défendre et de faire valoir nos intérêts.

Les objectifs de la direction recherche et planification que nous entendons mettre sur pied sont, justement, de mieux coordonner nos interventions à l'extérieur du Québec, bien sûr, au niveau qui est le nôtre. Nous n'avons pas l'intention de nous donner une politique dans l'ordre de la diplomatie, qui couvre tous les sujets auxquels s'intéresse une grande capitale d'un État souverain, mais à notre niveau et, bien sûr, de façon croissante, parce que le Québec prend de plus en plus du poil de la bête et s'intéresse de plus en plus à ce qui se passe à l'extérieur. C'est dans la nature des choses aussi; les Québécois s'intéressent de plus en plus au monde extérieur. Je ne serais pas étonné que, peu à peu, on élargisse le champ de nos préoccupations internationales, que, peu à peu, on veuille être représentés dans un nombre plus considérable d'États. Nous le sommes dans une quinzaine à l'heure actuelle. Il n'est pas inconcevable qu'on veuille l'être dans 20 ou 25 d'ici quelques années.

Le Québec est en état de croissance depuis 20 ans, d'ailleurs. Il continue de croître. Il se tourne de plus en plus vers le monde extérieur. Il faut que tout cela soit bien coordonné, bien pensé et surtout qu'on ait des priorités, qu'on ne se lance pas tous azimuts pour tenter de tout faire à la fois, comme on a quelquefois la tentation de le faire parce qu'il se présente des occasions à gauche et à droite et qu'on peut être attiré par un projet qui nous sourit. Le danger qui nous guette, si on n'a pas un crible de priorités qui nous serve à choisir entre tout ce qui nous est proposé - parce que beaucoup d'États nous proposent des choses -c'est qu'on se disperse et qu'on soit inefficace. Pour être efficace, il faut donc des objectifs, des priorités. Ce sera le mandat de recherche et planification, bien sûr, en action et rétroaction avec les directions géographiques et les directions sectorielles, de nous donner un tableau d'ensemble. J'espère aboutir - bien sûr, je le dis modestement, je ne suis pas sûr que l'exercice soit vraiment possible sur toute la ligne - à la cohérence, dans certains secteurs au moins, au départ. Et, d'ici à quelques années, peut-être aboutirons-nous. Le statut du Québec évoluant, lui aussi, l'idéal serait que nous aboutissions au moment de l'indépendance à une politique extérieure déjà assez bien articulée pour qu'il n'y ait pas de césure, de cassure dans le cheminement de l'État.

M. Rivest: Cela a bien de l'allure.

M. Morin: Je suis bien content

d'entendre le député le dire.

M. Rivest: Vous avez du temps. Votre groupe a du temps pour travailler.

M. Morin: On prendra le temps que cela prendra et les Québécois qui sont une communauté organique, en quelque sorte, vont connaître une croissance organique. Comme les individus, ils mûrissent, ils se font une idée de plus en plus précise. Tout ce qui se passe dans le pays depuis quelques années les aide à réfléchir. Quand le moment sera venu, ils seront prêts à faire le pas. Espérons que nous serons prêts à leur proposer une politique qui tienne debout sur le plan de leurs intérêts à l'extérieur.

M. Rivest: Juste sur votre dernière remarque. Ce n'est quand même pas pour préparer les voies de la souveraineté, cette direction. Je ne voudrais pas qu'on interprète ce que vous venez de dire en pensant que la création de ce service de recherche, c'est pour préparer la politique extérieure du Québec souverain.

M. Morin: Non, c'est pour préparer une politique extérieure qui corresponde...

M. Rivest: Ce n'est pas ce que vous avez dit. C'est parce que des journalistes auraient pu être mal guidés.

M. Morin: C'est un exercice qui consiste à élaborer une politique extérieure qui corresponde aux besoins, aux intérêts, aux aspirations du Québec et à l'état dans lequel il se trouve. En ce moment, il se trouve que nous sommes présents dans quinze pays. Dans quelques années, nous serons sans doute présents dans un nombre de pays beaucoup plus considérable. La coordination, la cohérence seront plus difficiles à atteindre, d'où la nécessité de créer cette direction de recherche et de planification. J'ose espérer que le député ne sera pas en désaccord avec la nécessité qu'il y a de créer une telle direction.

En ce qui concerne la constitution interne du Québec, effectivement, il n'en a pas été question dans le discours inaugural, mais des projets peuvent naître avant, après, pendant un discours inaugural. Le projet de constitution interne du Québec fait son chemin; il a été évoqué à plusieurs reprises par moi-même, par d'autres collègues aussi. Le point dont il faut se souvenir, c'est que le Québec a déjà une constitution interne. Je n'ai pas à rappeler au député de Jean-Talon, qui fut de mes étudiants, que le Québec peut même modifier sa propre constitution lui-même... (16 h 15)

M. Rivest: On l'a déjà fait.

M. Morin: ...en vertu de l'article 92, paragraphe introductif, et qu'il l'a effectivement déjà fait à quelques reprises.

M. Rivest: Quand?

M. Morin Par exemple, lorsqu'il a mis fin aux comtés protégés.

M. Rivest: C'est moi qui ai fait cela. C'est ma loi.

M. Morin C'est pour cela que je l'ai mentionné en premier lieu, quoique, dans mon esprit, la modification qui a touché le Conseil...

M. Rivest: Législatif.

M. Morin ...législatif était peut-être plus importante, bien qu'elle n'ait pas été l'oeuvre du député.

M. Rivest: Est-ce que vous le regrettez comme moi?

M. Morin: Non, je ne le regrette pas. Je sens que le député aurait voulu y être nommé, car cela lui aurait permis sans grand risque de rester dans la vie politique.

M. Rivest: Non, mais c'est parce que je pense toujours à la situation dans laquelle le premier ministre est placé face à certains de ses ministres. Mon Dieu, que le Conseil législatif pouvait être utile.

M. Morin: Écoutez, je crois discerner dans les propos du député de Jean-Talon des relents de l'époque où il était adjoint du premier ministre, M. Bourassa.

M. Rivest: La nostalgie.

M. Morin La nostalgie. Je pense qu'il aurait à cette époque également pu utiliser un Conseil législatif. Je pense que le mandat de ce conseil était dépassé par les événements. C'était une vieillerie, un peu comme le Sénat canadien. Je pense qu'il n'y a pas lieu de le regretter.

M. le Président, en ce qui concerne le Commerce extérieur maintenant, il faut dire que c'est tout récent, cela remonte au mois de décembre; ce ministère-là vient d'être créé et, effectivement, certaines de ses compétences recoupent non seulement celles du ministère des Affaires intergouvernementales, mais celles de plusieurs autres ministères par exemple, celui de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui était responsable autrefois de l'OQCE. La période de rodage, je pense qu'elle achève. Je pense que, de plus en plus, nous sommes conscients de tout côté de la nécessité d'assurer la cohérence de la politique

extérieure du Québec.

Le député a rappelé avec raison que le ministère des Affaires intergouvernementales a un mandat de coordination générale. Je crois qu'il est tout à fait possible de concilier les objectifs et les compétences de ce nouveau ministère avec ceux et celles des autres ministères. Tout dépend des attitudes, tout dépend de la souplesse de part et d'autre, tout dépend du dialogue qui s'engage ou ne s'engage pas. Je crois qu'il est engagé et je crois qu'on arrivera à faire en sorte que l'unicité de la politique extérieure du Québec soit maintenue tout en construisant un ministère du Commerce extérieur qui sera extrêmement dynamique et qui pourra répondre aux besoins des entreprises.

Le député avait l'air de voir chez les entreprises, tout à l'heure, des difficultés en ce qui concerne le Commerce extérieur. Je ne pense pas qu'il y en ait eu. Auparavant, les entreprises, de toute façon, allaient voir d'abord et avant tout l'Office québécois du commerce extérieur bien plus que les Affaires intergouvernementales. Les entreprises viennent quelquefois nous voir, mais nous rencontrons surtout non pas des entreprises individuelles, mais des regroupements d'entreprises, des chambres de commerce, des groupes d'entreprises qui ont des représentations à nous faire sur l'action de nos délégations, sur des questions d'ordre général. Nous les recevons volontiers. Je continuerai de les recevoir mais il est évident que les soucis concrets des entreprises doivent les amener d'abord et avant tout à dialoguer avec le Commerce extérieur comme elles dialoguaient avec l'OQCE, selon la nature des choses. Je ne vois aucune difficulté de ce côté-là.

En ce qui concerne nos rapports avec le gouvernement fédéral, il y a, tout de même, des questions de principe sur lesquelles il est très difficile de faire des compromis. Nous tentons de faire des compromis chaque fois que c'est possible. Je suis tout à fait d'accord avec le député quand il se prononce pour la vertu, la maternité et la bonne entente entre les deux niveaux de gouvernement. Bien sûr qu'on devrait éviter la politisation. Seulement, ce sont là des voeux qui, s'ils n'étaient prononcés par un député qui en a vu bien d'autres et qui connaît le tabac, me paraîtraient d'une naïveté incommensurable. Je sais que le député n'est pas naïf et c'est pour cela...

M. Rivest: II conteste tout.

M. Morin: ...qu'il sait très bien que son souhait qu'il n'y ait pas de politisation, c'est un peu comme la question du désarmement. Tout le monde est favorable au désarmement, sauf que la question est de savoir qui va commencer...

M. Rivest: Ou comme votre position sur le Moyen-Orient.

M. Morin: ...et qui va surveiller le désarmement. Donc, je prends l'exemple des municipalités. Nous avons tenté de mille façons de négocier avec le gouvernement fédéral des attitudes qui soient plus respectueuses des compétences des municipalités du Québec et des compétences du Québec en matière d'affaires municipales. Je vous assure - il faut l'avoir vécu pour le savoir et peut-être, d'ailleurs, le député de Jean-Talon a-t-il vécu des situations comme celle-là qu'il pourrait nous raconter - qu'il est très difficle...

M. Rivest; Oui, je vais vous en raconter.

M. Morin: ...de discuter avec un gouvernement fédéral qui, de plus en plus, croit à l'unilatéralisme et qui pense qu'il peut imposer sa volonté et, par exemple, distribuer unilatéralement, sans consultation du gouvernement du Québec, des subventions aux municipalités sans que les choses aient été concertées, comme elles l'ont été à une certaine époque, y compris par notre gouvernement, et sans qu'il y ait le moindre accord sur la façon de dépenser les fonds publics, façon de dépenser qui corresponde à des priorités, à un plan et non pas à une sorte de saupoudrage préélectoral.

Je pourrais prendre tant d'exemples pour faire la démonstration de cette idée-là. Le député a pris des exemples. Il a dit: Prenez le Nid-de-Corbeau. Bien oui, mais, le Nid-de-Corbeau, le député ne viendra pas me dire que ce n'était pas politisé. Allons donc! S'il y a eu une question qui a été politisée, cela a été celle-là. C'est parce que cela s'est politisé que, justement, cela a eu une chance de connaître un règlement heureux.

M. Rivest: Vous êtes très loin des milieux agricoles pour dire cela. Ce n'était pas partisan.

M. Morin: Écoutez' Quand je dis "politisé", je ne veux pas dire que les partis étaient en désaccord. Pour une fois, les partis au Québec, y compris le parti du député de Jean-Talon, se sont mis d'accord avec le nôtre pour politiser, justement, une question importante pour notre avenir économique et fort importante pour l'agriculture puisque cela risquait de ruiner l'agriculture québécoise. Qu'il ne vienne pas me jouer les naïfs et penser que cette question n'a pas été politisée. Elle l'a été, et à fond. De même, la question de Madelipêche...

M. Rivest: Si vous aviez assisté à certaines réunions du conseil d'administration

de la coalition, vous auriez compris ce dont je parle.

M. Morin M. le député, j'aimerais bien pouvoir...

M. Rivest: Parlez-en à votre collègue de l'Agriculture.

M. Morin: ...terminer. Je ne vous ai pas interrompu tout à l'heure, parce que je m'intéressais à ce que vous disiez.

M. Rivest: Je m'excuse, M. le Président.

M. Morin: J'attendrai, d'ailleurs, votre réplique, si vous désirez en faire une tout à l'heure.

M. Rivest: J'aurai quelques questions...

M. Morin: Cela va m'intéresser au plus haut point.

M. Rivest: ...quelques précisions.

M. Morin: Prenons le cas de Madelipêche. Si cela a abouti, c'est parce que la question était hautement politisée. Il ne faut pas jouer les naïfs et penser qu'on peut abuser les gens en disant qu'il ne faut pas politiser. Maintenant, quand on peut l'éviter, je suis d'accord avec lui que, si on peut s'entendre rationnellement et raisonnablement avec le gouvernement fédéral, il faut le faire chaque fois que c'est possible. C'est quelquefois possible, sauf que, lorsque le gouvernement fédéral veut agir unilatéralement, et uniquement unilatéralement, et qu'il veut littéralement supplanter le Québec dans certains domaines, comme dans le domaine municipal, eh bien, alors, les compromis deviennent difficiles.

Prenons aussi un autre exemple, soit la question du développement régional. Nous avions, jusqu'à ces toutes dernières années, M. le Président - je pense que vous avez bien connu ces questions-là - des ententes-cadres et des ententes particulières. Notre gouvernement a été parmi ceux qui ont signé le plus grand nombre d'ententes avec le gouvernement fédéral pour le développement économique du Québec. Cela a fonctionné jusqu'au jour où, unilatéralement, le gouvernement fédéral a décidé, pour des raisons qui lui appartiennent et qui sont de nature politique, est-il besoin de le rappeler, de mettre fin à ces ententes-cadres. Il reste même des soldes de l'ancienne entente-cadre que nous avons beaucoup de difficulté à rattraper.

Maintenant, nous avons dit au gouvernement fédéral: Reconcluons des ententes de ce type, mais nous nous sommes heurtés à un refus global pendant que le gouvernement fédéral mettait sur pied au Québec tout un système de développement régional qui ignore, à toutes fins utiles, le gouvernement du Québec. Je n'ai pas besoin de vous décrire le système de coordonnateurs qu'il a mis en place au Québec, le système de bureaux qui sont censés planifier l'avenir économique du Québec, sans se référer au gouvernement le plus intéressé, à celui qui connaît le mieux les réalités économiques, le gouvernement du Québec.

Je pourrais continuer presque à l'infini les exemples. Je pourrais prendre, par exemple, le programme RELAIS. Nous avons commencé par nous entendre. C'est, tout de même, caractéristique de notre démarche. Nous avons pris l'initiative, comme cela nous arrive assez souvent, de dire au gouvernement fédéral: Eh bien, si nous concluions un accord puisqu'il s'agit de créer des emplois, qu'il s'agit de sortir de la crise économique. Nous avions fait une entente Ottawa-Québec de financement conjoint, 100 000 $ pour le gouvernement fédéral, 50 000 $ pour le Québec.

M. Rivest: Millions. Les chiffres, ce n'est pas votre matière forte.

Le Président (M. Biais): S'il vous plaît. M. le député de Jean-Talon!

M. Morin: 100 000 000 $, oui, je m'excuse, pour le gouvernement fédéral et 50 000 000 $ pour le Québec sans compter 70 000 000 $ pour les projets fédéraux. J'ai été témoin des négociations qui ont entouré le programme RELAIS.

M. Rivest: Témoin seulement?

M. Morin: J'ai été associé à cette négociation. Je dis témoin dans le sens très général du mot; j'ai été un témoin attentif de tout ce dossier en tant que ministre des Affaires intergouvernementales, bien que, comme le sait le député de Jean-Talon, c'était mon collègue, M. Pierre Marois, qui négociait les détails techniques de cette entente. Vous savez ce qui s'est passé. À toutes fins utiles, l'entente a été abrogée parce que le gouvernement fédéral voulait profiter de l'entente et de termes ambigus. Enfin, pour nous ils n'étaient pas ambigus, mais lui prétendait que cela l'autorisait à obtenir un droit d'accès direct et libre chez les municipalités, ce que ne pouvait accepter le Québec, de sorte que, malheureusement, ce programme est tombé. Remarquez que les municipalités n'y ont pas été perdantes parce que nous avons fait basculer 25 000 000 $ dans le programme d'aide aux municipalités, de création d'emplois par les municipalités, et que celles-ci n'ont donc pas perdu au change. Il reste que c'est un très bel exemple objectif de l'initiative que le

gouvernement du Québec a prise de tenter de s'entendre avec le gouvernement fédéral, initiative qui s'est heurtée à un mur de brique.

Cela prend deux personnes pour faire une entente et, malheureusement, je dois dire que dans la majorité des cas, le gouvernement fédéral désire agir unilatéralement. Je prendrais d'autres exemples, peut-être l'exemple des visites étrangères. Dieu sait que dans ce domaine nous essayons de prendre l'initiative de nous entendre, de faire en sorte que, lorsqu'il y a des visiteurs étrangers, le gouvernement du Québec soit respecté, qu'il ait sa part des événements et qu'il puisse recevoir dignement les visiteurs étrangers. En général, sauf lorsque nos visiteurs étrangers insistent eux-mêmes - et je dois dire qu'ils le font, fort heureusement - pour venir à Québec et être reçus par le gouvernement du Québec, s'il n'y avait que le gouvernement fédéral, je vous assure que la portion serait tellement congrue que nous serions appelés quelquefois à refuser, tout simplement, pour ne pas humilier le gouvernement du Québec devant nos visiteurs.

Je pense, en particulier, à un visiteur d'un pays ami, au premier ministre d'un pays ami qui a voulu venir au Canada et qu'on a, à toutes fins utiles, empêché de venir au Québec en lui disant que le premier ministre du Québec pourrait le voir, mais entre deux portes, pendant un quart d'heure, 20 minutes, ce qui n'était vraiment pas acceptable du point de vue du gouvernement du Québec, d'autant plus que le gouvernement fédéral voulait recevoir le premier ministre en question à Montréal, en territoire québécois, pendant la meilleure partie d'une journée.

M. Rivest: Quel culot, le gouvernement fédéral recevoir quelqu'un à Montréal!

M. Morin: En effet, je ne le fais pas dire au député de Jean-Talon.

M. Rivest: Cela prend du front;

M. Morin: M. le Président, je vais tenter d'aller un peu plus vite, mais le député a soulevé bon nombre de questions intéressantes. Je veux lui rendre justice et lui donner autant que possible des réponses -du moins, je ne sais pas s'il les considérera comme telles - tenter de lui donner satisfaction. (16 h 30)

En ce qui concerne la politique extérieure du Québec, je pense qu'effectivement nous ne devons pas avoir une politique extérieure qui le fasse exprès pour contredire la diplomatie fédérale et les politiques du gouvernement fédéral à l'extérieur du pays. On doit rechercher la complémentarité dans toute la mesure du possible. Il arrive, cependant, que le gouvernement fédéral prenne des attitudes que nous considérons comme inacceptables. Peut-être même que, dans certains cas, le député de Jean-Talon sera d'accord avec moi. Par exemple, quand le premier ministre, parlant de la question polonaise, avait semblé carrément approuver les faits et les gestes du général Jaruzelski en Pologne, le premier ministre du Québec a tenu à se dissocier de cette attitude-là parce qu'elle était totalement inacceptable.

M. Rivest: Ah oui! C'était à Joe Clark de dire cela; ce n'était pas à René Lévesque.

M. Morin: Non, je pense qu'effectivement c'était à nous, parce que nous sommes...

M. Rivest: C'est à Ottawa.

M. Morin: ...une société distincte et qu'à l'occasion nous pouvons avoir des prises de position distinctes de celles du gouvernement fédéral.

M. Rivest: Quelle était notre distinction face au problème polonais? Franchementl

M. Morin: De plus, M. le premier ministre avait...

M. Rivest: Non, pas encore.

M. Morin: Je parlais du premier ministre, M. Lévesque. M. le premier ministre a eu raison d'intervenir parce qu'on ne pouvait pas laisser passer certaines choses où le gouvernement fédéral prétend parler pour les Québécois, alors qu'il ne parlait pas du tout, dans ce cas-là, au nom des Québécois.

M. Rivest: Allons donc!

M. Morin: Je me demande même s'il parlait pour les Canadiens parce que, par la suite, on a vu ce qu'on a vu. Il y a eu des protestations de tous côtés. Il a même dû nuancer ses propos par la suite.

De plus, dans beaucoup de cas, il n'y a pas d'affrontements entre le gouvernement fédéral et le gouvernement québécois parce que les politiques peuvent se ressembler. Étant donné que nous vivons tous les deux en Amérique du Nord, il n'est pas étonnant que, sur beaucoup de sujets, nous voyions les choses de la même façon. Il y a quelquefois des nuances. Par exemple, dans l'affaire du Moyen-Orient, le gouvernement fédéral parlait d'une structure étatique pour les Palestiniens. Nous avons parlé plus clairement d'un État palestinien. Ma foi, les deux positions sont peut-être un peu

différentes, mais sur le fond du problème, je pense que nous n'étions pas bien éloignés les uns des autres. Je comprends le souci du député de Jean-Talon de vouloir que nos politiques soient les plus cohérentes possible avec celles du gouvernement fédéral. Je crois que cela doit être recherché systématiquement. C'est une des raisons pour lesquelles, d'ailleurs, nous allons créer la direction de la recherche et de la planification.

Il a pris un autre exemple, celui des investissements américains. Là, les attitudes du Québec étaient vraiment très différentes de celles du gouvernement fédéral parce que nos intérêts sont différents de ceux de l'Ontario et que les politiques fédérales, en définitive, protégeaient surtout l'Ontario et mettaient en oeuvre une politique de développement économique avant tout axée sur les besoins, les aspirations et les intérêts de l'Ontario. Je me trompe peut-être, mais le député de Jean-Talon n'était peut-être pas en désaccord avec nous sur le procès que nous avons fait à FIRA qui a fini par donner certains résultats, pas tous ceux que nous attendions, mais certains résultats.

Le député de Jean-Talon disait: Pourquoi n'avez-vous pas eu une politique en ce qui concerne FIRA? Justement, nous en avions eu une et nous l'avons énoncée publiquement. J'ai moi-même eu l'occasion de l'énoncer en Europe et aux États-Unis. Le premier ministre en a fait état également à plusieurs reprises et mon collègue du ministère du Commerce extérieur, encore plus récemment. Nous pensions que le Canada devait se donner une politique claire, énonçant ses objectifs par secteurs et non pas se contenter de FIRA qui est un système où les objectifs ne sont pas clairs, où les procédures le sont encore moins, où on avait des retards allant jusqu'à neuf mois avant que certaines décisions soient prises pour accepter ou refuser des investissements étrangers au Canada, y compris, bien sûr, au Québec.

Nous avons dit que cette politique était inacceptable et qu'elle jouait à l'encontre des intérêts du Québec. D'autres provinces se sont jointes à nous pour affirmer la même chose. Finalement, nous avons obtenu certaines concessions qu'il reste à évaluer puisqu'elles commencent à peine d'être mises en vigueur. Mais que l'on ne vienne pas nous dire que nous n'avions pas une politique. Nous en avons énoncé une. Et qu'on ne vienne surtout pas nous dire que nous n'avons pas le droit d'avoir des politiques qui, à l'occasion, contredisent des politiques fédérales lorsque les intérêts fondamentaux du Québec sont en jeu. C'est ce que vous sembliez dire tout à l'heure.

M. Rivest: Non, j'ai dit tout le contraire.

M. Morin: Je suis heureux que le député nuance maintenant ses propos. En ce qui concerne les rapports entre les délégations et les consulats, ces rapports sont quelquefois excellents. Ils sont parfois difficultueux. Je ne donnerai pas d'exemple, sauf peut-être un. Nos rapports sur la côte-ouest des États-Unis, entre la délégation de Los Angeles et les trois consulats canadiens de l'Ouest des États-Unis, sont bons. Heureusement, cependant, qu'il y a notre délégation générale, parce qu'autrement le Québec serait non existant. Notre délégation fait du bon travail. De ce côté, cela va assez bien. Mais, dans d'autres cas, cela va un peu moins bien. Par exemple, dans News Canada, qui est une publication distribuée par les ambassades et les consulats du Canada à l'étranger, on voit à l'occasion des articles qui sont extrêmement défavorables au Québec et qui donnent une image biaisée et déplorable du Québec. Je pense à un cas tout récent où le délégué général du Québec à New York, M. Raymond Gosselin, a dû écrire à M. le consul général du Canada à New York pour protester au sujet de la publication dans News Canada d'un article repris de la revue Atlantic Monthly, un article de M. Nordecai Richler, qui, vraiment, présentait le Québec sous un jour inacceptable et donnait une image du Québec qui ressemblait presque à une réédition de ce qu'on retrouve dans les pays autoritaires. Bref, un article de nature à nuire considérablement à la réalité québécoise qui en est une de tolérance.

Je pense que le délégué a été bien avisé d'écrire à son collègue, le consul général du Canada, pour protester contre la publication de cet article qui, dit la lettre, relève beaucoup plus du commentaire et du pamphlet que de la nouvelle. Le délégué a été obligé de dire à son collègue: "J'espère qu'une lecture de l'article vous permettra d'en convenir avec moi. Vous comprendrez aussi ma surprise que le consulat général manifeste un tel empressement à faire écho à cet article qui non seulement dénigre le Québec, mais qui, pour ce faire, tronque les faits et confond la réalité et le préjugé. On voit que certains autres endroits ..."

M. Rivest: Est-ce que vous écrivez au consul lorsqu'une publication est favorable au Québec, pour le féliciter?

M. Morin: Je ne sais pas s'il est arrivé au délégué général de le faire. J'imagine que cela peut arriver. Mais il est évident que c'est surtout lorsqu'il y a des accrochages comme celui-là, qui était assez vilain, que le délégué a cru nécessaire de protester. Je ne pense pas, non plus, que le consulat nous écrive lorsque nous publions des choses qui sont favorables au Canada.

M. Rivest: II nous le dit, à nous.

M. Morin: Maintenant, passons à la performance du réseau.

M. Rivest: Bon!

M. Morin: La question que je vais aborder touche à la fois à la performance du réseau et à l'utilité de nos délégations générales. Il arrive que nous recevions des témoignages directs d'entreprises québécoises qui se félicitent d'avoir eu recours à nos délégations. Le député disait tout à l'heure, avec raison, qu'il est très difficile d'évaluer au sou près, voire même au dollar près, la rentabilité d'une délégation. On en a parlé l'an dernier et nous nous étions mis d'accord sur cette idée.

N'empêche que le député avait piqué ma curiosité et cela m'a, tout de même, amené à demander au ministère de faire un effort pour tenter de voir dans quelle mesure c'est rentable. Cela a donné lieu à une publication que je suis heureux de déposer devant la commission, M. le Président. Je la dépose, de toute façon, pour ceux qui ne la connaîtraient pas. C'est intitulé: Les délégations du Québec: une action concrète. C'est très concret. Il y a des chiffres à l'appui. Dans une trentaine de pages, on donne des faits qui illustrent parfaitement, je pense, l'utilité des délégations du Québec à l'étranger. J'en dépose deux exemplaires, un pour vous, M. le Président...

M. Rivest: Un ou deux?

M. Morin: ...si vous voulez en prendre connaissance. Je vois que le député a déjà reçu la publication et je m'en réjouis beaucoup.

M. Rivest: Je l'ai lue.

M. Morin: II l'a lue aussi. Je croyais, tout à l'heure, que certains des propos dont il nous faisait part n'étaient pas inspirés de cette saine lecture, mais plutôt d'une vision biaisée de la réalité. À l'occasion, M. le Président, il arrive aussi que nous recevions des témoignages directs. Je pense que je pourrais déposer devant la commission, si cela intéresse les députés, des lettres de félicitations qui nous sont adressées par des entreprises, par des hommes d'affaires, pour nous dire: Bravo, j'ai été reçu par telle délégation et j'ai fait des affaires grâce à l'intervention de la délégation. Quelquefois même, ils vont jusqu'à rendre publiques leurs déclarations. Par exemple, je pense à un homme d'affaires de Calgary qui a signalé les efforts du gouvernement québécois et de la délégation du Québec à Edmonton pour établir des liens entre les entreprises québécoises et les entreprises albertaines qui intéressent cet homme d'affaires. Donc, quelquefois même, les félicitations viennent de nos Québécois qui sont heureux d'avoir pu faire des affaires grâce à nos délégations.

M. Rivest: Ce serait terrible si ce n'était pas le cas.

M. Morin: Effectivement, ce serait terrible si ce n'était pas le cas, comme le député vient de le dire. Justement, c'est le cas. Nous sommes persuadés que...

M. Rivest: Ce n'est pas cela que j'ai demandé.

M. Morin: ...nos délégations sont extrêmement efficaces. Et, ce qui est remarquable, c'est qu'elles ne sont pas nombreuses. Mais quand on y va, on constate à quel point elles travaillent, à quel point tous nos personnels sont actifs et travaillent quasiment matin, midi et soir, quand ce n'est pas de nuit.

M. Rivest: Allons donc!

M. Morin: Non, j'ai été témoin vraiment, j'allais dire, de la motivation qui caractérise nos fonctionnaires à l'étranger. Je ne sais pas si on trouve cela dans tous les États. Peut-être est-ce plus fréquent dans les États qui sont en train de naître, qui sont actifs, qui sont dynamiques, qui montent à l'assaut des marchés. Peut-être que notre caractère d'État de dimension moyenne, peut-être que, aussi, le fait que nous sommes en croissance, que nous prenons de plus en plus de place sur le plan international, peut-être que tout cela est de nature à motiver nos fonctionnaires plus que d'autres n'ont l'occasion de l'être.

Enfin, M. le Président, quelques mots sur la question du sommet, puisque le député est revenu là-dessus. Il demandait si nous avions un dialogue. C'est assez difficile parce que les objectifs de M. Trudeau dans cette affaire, c'est de faire en sorte que le Québec ne soit pas présent ou le soit comme observateur. Il y a des déclarations dont je pourrais faire état qui étaient effectivement dans les journaux que le député a pu lire comme moi et qui sont très claires à ce sujet. Le statut de gouvernement participant - le premier ministre l'a rappelé en Chambre encore l'autre jour - nous paraît être une excellente base de discussion. Et le premier ministre a également déclaré qu'il va de soi que l'État souverain est le Canada et que nous sommes disposés à accepter cette réalité et ce qu'il a appelé le parapluie canadien. Mais nous voulons aussi être présents, parce qu'autrement, ce serait contre nature. Là encore, je rejoins certains de ses propos: Où est le centre de la francophonie en Amérique du Nord? Le

député sait comme moi qu'il est au Québec. Si ce n'était pas le cas, les gouvernements pour lesquels il a travaillé antérieurement n'auraient pas eu...

M. Rivest: II est au Canada.

M. Morin: ...les politiques qu'ils ont déployées.

M. Rivest: C'est au Canada qu'il est, c'est évident.

M. Morin: II est avant tout au Québec. Au sein du Canada, je pense que...

M. Rivest: Ah oui, dans le Canada, c'est cela. On dit la même chose.

M. Morin: Pas tout à fait. Je pense qu'il y a...

M. Rivest: Non? Ah, excusez-moi. Je ne sais pas, je ne comprends pas. Non.

M. Morin: ...une petite différence d'accent, disons.

M. Blais: On s'en rend compte, que vous ne comprenez pas.

M. Morin: M. le Président, effectivement, nous avions convenu en 1971 d'un certain nombre de modalités avec le gouvernement fédéral. Pourquoi pas les mêmes à l'occasion du sommet francophone? Pourquoi pas les mêmes?

M. Rivest: Cela ne vous inquiète pas que le même M. Trudeau ne convienne pas des mêmes modalités qu'en 1971, des modalités dont il a convenu? Non?

M. Morin: Je m'excuse, mais la réalité, c'est qu'on tente plutôt de nous exclure, n'est-ce pas?

M. Rivest: Comment se fait-il? Qu'y a-t-il eu de changé? M. Trudeau accepte une chose en 1971 et la refuse en 1983. Qu'est-ce qui est arrivé?

M. Morin: C'est ce que j'aimerais bien savoir. Est-ce que le député peut m'éclairer là-dessus?

M. Rivest: II est arrivé qu'un gouvernement séparatiste a été élu et il n'a pas confiance.

M. Morin: Parce que le député, peut-être...

M. Rivest: C'est cela qui est arrivé. M. Morin: ...est au courant de ce qui se passe au sein du gouvernement fédéral?

M. Rivest: C'est cela qui fait toute la différence des choses. Et, pendant ce temps-là, on reste sur le carreau.

M. Morin: Non.

M. Blais: On est aussi légitime qu'un autre gouvernement, M. Rivest. (16 h 45)

M. Rivest: Oui, vous en particulier.

Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Morin: M. le Président, je n'avais pas terminé mon exposé.

M. Rivest: Je m'excuse.

M. Morin: Je pense que nous sommes présents dans la francophonie. Nous allons demeurer présents dans la francophonie. Nous sommes plus actifs que jamais, nous concluons des ententes, nous créons des liens avec un nombre croissant de pays. Le député, à l'occasion, voit passer quelques-uns de nos visiteurs, puisque nous l'invitons, à l'occasion, à venir les rencontrer.

M. Rivest: Je tiens à en remercier le ministre, d'ailleurs.

M. Morin: Nous voulons pratiquer aussi une politique extérieure bipartisane dans toute la mesure du possible.

M. Rivest: Tout le travail que j'ai à faire quand ils m'arrivent.

M. Morin: Nous l'invitons, justement, pour qu'il fasse sentir que, du côté de l'Opposition, on n'est pas toujours systématiquement contre la francophonie, comme on a l'air de l'être quelquefois, à l'occasion.

M. Rivest: Oh! Quand? Donnez-moi un cas.

M. Morin: II me semble reconnaître cette phrase.

M. Rivest: Vous allez la réentendre, peut-être.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Rivest: Je vois déjà le plaisir du ministre juste à cette évocation.

M. Morin: En ce qui me concerne, et là, je parle personnellement...

M. Rivest: Ah! Ah! Ah! Encore une

fois! C'est le ministre le plus personnel du gouvernement.

M. Morin: ...cela aura au moins l'avantage d'être du connu parce que, pendant trois ans, j'ai eu l'occasion de pratiquer quotidiennement celui qui semble effectivement en voie de redevenir le chef du Parti libéral.

M. Rivest: Je ne le sais pas, je fais partie du comité organisateur, alors je suis neutre.

Des voix: Ah! Ah! Ah! M. Rivest: C'est vrai.

M. Morin: Sûrement. Je suis convaincu qu'il saura être neutre dans cette affaire, tout en favorisant celui qu'il estime être le plus...

M. Rivest: M. le Président, question de privilège.

M. Morin: ...apte à exercer ces fonctions.

Il y a peut-être eu politisation de cette question. Je crois qu'il aurait fallu l'éviter, mais on observera que ce n'est pas nous qui avons fait des déclarations à la suite de Williamsburg.

M. Rivest: Non, ce sont les autres.

M. Morin: Je pense que c'est le gouvernement fédéral qui a politisé cette affaire à outrance. Si le député veut nous éclairer et nous dire ce qu'il serait prêt à accepter dans cette affaire, je suis prêt à l'écouter avec grand intérêt. Je pense qu'on pourra très probablement se retrouver autour de l'idée que le statut de gouvernement participant est une bonne base de discussion, mais à condition, bien sûr, que le gouvernement fédéral veuille discuter.

Le sommet de la francophonie

M. Rivest: Sur le sommet de la francophonie, quant à la nature même du sommet, j'aimerais vous entendre là-dessus, ce n'est pas très clair. Est-ce uniquement un sommet de nature culturelle ou si c'est plutôt une organisation de nature économique ou technique?

M. Morin: II n'y a rien de décidé encore à cet égard. J'ai su, de bonne part, que toutes les décisions restent à prendre à ce sujet. M. le Président, avec votre permission, je n'entrerai pas dans le détail parce que, en ce moment même, ces choses font l'objet de discussions. Je pense que cela ne ferait pas avancer la discussion, ni avec les autres pays francophones, ni avec le gouvernement fédéral, d'entrer dans les détails.

M. Rivest: Le ministre peut-il nous indiquer les préférences du gouvernement du Québec à cet égard?

M. Morin: J'aimerais mieux, étant donné que cela se discute en ce moment, réserver mes réponses là-dessus. Peut-être pourrons-nous en faire état un de ces jours, mais, comme le premier ministre du Québec doit discuter de tout cela avec son homologue français au moment de son voyage, à la fin du mois, je préfère m'en remettre à lui pour donner des précisions.

M. Rivest: M. le Président, si vous me le permettez...

Le Président (M. Champagne): Oui.

M. Rivest: ...est-ce que le premier ministre du Québec a communiqué au premier ministre canadien ses préférences quant à la nature du sommet ou s'il le fera après les avoir communiquées au citoyen Mitterrand?

M. Morin: Tout ce dont je puis faire état - je ne veux absolument pas entrer dans les détails du dossier parce que, en ce moment même, ces choses font l'objet de réflexions et de discussions - c'est qu'il y a des déclarations publiques, de part et d'autre, dans lesquelles chacun annonce ses couleurs. Je ne peux pas aller au-delà de cela.

M. Rivest: Je ne demande pas au ministre, puisqu'il me dit qu'il n'est pas en mesure de le faire, d'indiquer à la commission la préférence du Québec sur la nature de ce sommet de la francophonie. Par contre, le ministre nous indique que le premier ministre du Québec aura des discussions précisément sur ce sujet avec le président de la République française. Je demande simplement au ministre des Affaires intergouvernementales si le premier ministre du Québec a communiqué ou a l'intention de communiquer, de transmettre, d'informer, à tout le moins, le premier ministre du Canada de ce qu'il se propose de dire au président de la République française.

M. Morin: II y aura sûrement des discussions et des contacts lorsque viendra le moment de déterminer le statut du Québec parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous voulons nous tenir le plus près possible du statut de gouvernement participant. Cela a fait l'objet de déclarations publiques et je ne peux pas aller au-delà de cela.

M. Rivest: Oui, mais ce que je vous demande, ce n'est pas cela.

M. Morin: Je ne peux pas répondre à votre question.

M. Rivest: Le sens de ma question est très facile. Le premier ministre du Québec a un certain nombre d'idées sur le sommet de la francophonie, d'abord, sur la nature du sommet et, deuxièmement, sur la place que le Québec doit avoir, ce qui est tout à fait légitime, j'en conviens. Le ministre des Affaires intergouvernementales vient de nous indiquer qu'il discutera de ces deux dimensions avec le président de la République française. Je demande simplement si le ministre des Affaires intergouvernementales sait si le premier ministre a l'intention, avant d'aller en parler au président de la République française, d'informer le premier ministre du Canada sur les intentions du gouvernement. La raison est très simple. Puisque vous parlez du statut de gouvernement participant, analogue à celui de l'agence de coopération, ce n'est pas avec le gouvernement français que vous allez convenir ou disconvenir des modalités de la participation du Québec au sommet de la francophonie; c'est avec le gouvernement canadien. Or, il me semble que, comme minimum de logique, si vous dites respecter l'ordre constitutionnel, cela devrait se faire chez nous, au Canada et, ensuite, être transposé sur le plan international, ce sur quoi je n'ai aucune espèce d'objection.

Je pense que c'est ce que M. Trudeau a indiqué, entre autres, dans une déclaration qu'il a faite dans la presse, et cela me semble tout à fait normal. Si la chose a réussi en 1971, il me semble que c'est l'une des conditions. Sans quoi, cela fera une guerre, à savoir: Ils ont informé les Français avant nous, etc. Finalement, vous allez vous ramasser sur le carreau et, là, vous allez encore vous réveiller la nuit pour dire et penser des méchancetés de M. Trudeau.

M. Morin: M. le Président, je ne pense pas du tout que nous allons nous réveiller sur le carreau pour la bonne raison que je sais pertinemment qu'aucune décision n'a été prise et je sais qu'on veut donner au Québec toutes les occasions de faire valoir son point de vue. Celui-ci sera donc entendu et sera donc discuté au moment du voyage du premier ministre à Paris, comme il a été dit publiquement, d'ailleurs.

En ce qui concerne nos positions, vous savez que ce n'est pas la première fois que cette affaire vient sur le tapis. Cela fait déjà plusieurs années qu'il est question d'un sommet francophone et je puis vous assurer que le gouvernement d'Ottawa a été mis au courant de notre position, et très clairement, mais que sa réponse, surtout récemment, a été des plus négatives.

M. Rivest: Quand, par qui et est-ce qu'on peut avoir copie de la correspondance qui a été échangée?

M. Morin: On m'indique qu'on en discutait même bien avant que j'arrive au ministère des Affaires intergouvernementales. Dès 1976, on parlait déjà de cela. Nos positions sont bien connues des fédéraux. Seulement, ils ne veulent pas en tenir compte et leur attitude est essentiellement négative.

M. Rivest: Quand? D'abord, est-ce que cela s'est fait au niveau des fonctionnaires ou au niveau ministériel? Deuxièmement, il y a eu un cheminement dans ce dossier comme dans bien d'autres. Voilà que ça semble vouloir se concrétiser, compte tenu des discussions récentes à la suite de la conférence des premiers ministres des pays occidentaux. Je voudrais savoir, dans la normalité des choses, compte tenu des déclarations qui ont été faites, d'abord, si le premier ministre du Québec ou si le ministère des Affaires intergouvernementales s'est informé auprès du premier ministre canadien de ce qui s'était réellement passé, au lieu de bâtir une politique et une attitude du Québec sur des "clippings".

Deuxièmement, le ministre des Affaires intergouvernementales me dit qu'on va discuter de la chose avec le président de la République française. Je n'ai aucune objection, mais je demande - il me semble que c'est dans l'ordre des choses - qu'à tout le moins, pour éviter tout le chichi "québéco-canado", je ne sais trop comment l'appeler, le premier ministre du Québec et le premier ministre du Canada s'en parlent. S'ils ne sont pas d'accord, ils ne seront pas d'accord, mais au moins qu'il y ait des communications officielles, normales, écrites, au niveau des fonctionnaires. Je n'ai aucune espèce d'objection, si la chose peut se faire au niveau ministériel pour indiquer qu'il y a là une volonté politique et qu'on est sérieux. Si l'on va faire le détour par Paris pour arriver à Ottawa, vous voyez les histoires que cela va faire. Encore une fois, on va retomber dans les vieilles salades qui risquent de nous faire perdre l'enjeu.

M. Morin: M. le Président, nous sommes de retour à certaines choses que nous disions tout à l'heure. Pour s'entendre, pour dialoguer, il faut être deux. Or, je ne sache pas qu'avant d'en discuter avec M. Mitterrand à Williamsburg M. Trudeau nous ait fait signe pour connaître notre point de vue. Il a agi de façon unilatérale une fois de plus. Il a voulu nous en passer une petite vite, si on peut dire.

M. Rivest: Oui, mais savez-vous...

M. Morin: M. le Président, je ne peux pas prendre le risque de politiser une fois de plus cette décision plus qu'elle ne l'est. Je ne peux pas nier que cette question est hautement politisée à l'heure actuelle, mais, justement, cela suffit. Je ne veux pas compromettre les chances d'un arrangement éventuel sur le statut que pourrait avoir le Québec au sein du sommet francophone en allant accuser quiconque de ceci ou de cela. Je crois que cela suffit comme cela. Je ne peux pas aller plus loin dans les réponses que j'ai à donner au député de Jean-Talon, malgré toute ma bonne volonté.

M. Rivest: Je voudrais savoir, avant que vous alliez plus loin, ou moins loin, ou que vous partiez, la position du Québec sur la nature du sommet, sur la nature de la participation du Québec au sommet. Premièrement, avez-vous des documents dont vous pourriez communiquer la teneur, non pas à M. Mitterrand ni à M. Trudeau, mais à la commission et à l'Assemblée nationale? Deuxièmement, est-ce qu'effectivement on peut retrouver, pas dans des déclarations à gauche et à droite à la presse ou à la radio, mais dans des documents du gouvernement, si ces documents existent, la position du Québec? Troisièmement, est-ce que la position du Québec sera communiquée officiellement au gouvernement canadien? Est-ce qu'elle l'a déjà été ou bien, si elle ne l'a pas déjà été, le sera-t-elle avant qu'elle soit transmise ou communiquée au président de la République française? C'est tout ce que je demande.

M. Morin: M. le Président, j'ai déjà indiqué au député que je ne pouvais pas aller plus loin dans mes réponses. J'ai tenté de l'éclairer le mieux possible, mais il faut aussi tenir compte du fait que la nature même du sommet n'est pas encore clairement établie.

M. Rivest: Oui, mais quelle est votre position?

M. Morin: Avant de nous figer dans une position, nous voulons, d'abord, savoir exactement ce qui se trouve dans l'esprit de nos partenaires non seulement de la France et du Canada, mais des autres pays. Il y a plus de 30 États qui font partie de la francophonie et qui ont des attitudes quelquefois divergentes sur la nature du sommet, de sorte que nous n'allons pas nous figer les pieds dans le béton à ce sujet; nous allons attendre de voir quelle est la conception que les autres s'en font. Nous allons en discuter avec eux et, en temps et lieu, s'il y a des énoncés publics à faire, eh bien, nous les ferons.

M. Rivest: Ces consultations avec les autres pays ont-elles eu lieu, sont-elles commencées?

M. Morin: Elles sont commencées.

M. Rivest: Le ministre peut-il nous indiquer avec quels pays?

M. Morin: Non, malheureusement pas. J'ai moi-même procédé à certaines consultations, mais au point où nous en sommes, c'est trop préliminaire. Je ne peux pas vous indiquer avec qui. Je le regrette, d'ailleurs, parce que je suis sûr que cela intéresserait le député, mais je ne peux tout simplement pas le faire parce que je ne veux pas compromettre les chances d'une entente globale pour que le sommet de la francophonie ait lieu un jour. Nous ne sommes pas contre le sommet de la francophonie; il s'agit de savoir quelle serait la place qu'on nous y ferait. Il s'agit de savoir quelle serait la nature de ce sommet. Je ne peux donc pas en dire plus long pour l'instant, à mon regret.

M. Rivest: Vous ne pouvez même pas dire ce que le Québec attend d'un tel sommet?

M. Morin: Non, pas au point où nous en sommes.

M. Rivest: Publiquement, vous ne pouvez pas transmettre cela?

M. Morin: Pas pour l'instant, parce que nous ne voyons pas suffisamment clair dans l'attitude des autres États. Avant de prendre une position, nous voulons savoir ce que les autres pensent et pourquoi ils le pensent. Quand nous serons bien au fait de tout cela, nous pourrons prendre position. (17 heures)

M. Rivest: Ce qui m'inquiète de la position du ministre, c'est qu'il y a un lien étroit entre la position que le gouvernement du Québec va prendre sur la nature du sommet, d'une part, sur ce que sera le sommet, et le degré de participation qu'il sera possible au Québec d'avoir a l'intérieur du sommet.

M. Morin: J'avais bien cru comprendre cela.

M. Rivest: Moi aussi, j'avais cru comprendre cela. J'ai entendu le premier ministre dire devant l'Assemblée nationale qu'il voulait avoir le statut de gouvernement participant. On a obtenu le statut de gouvernement participant, pas comme cela, mais parce que la nature des fonctions et des responsabilités de l'Agence de coopération culturelle et technique, dans

l'ordre des juridictions du Québec, nous permettait d'obtenir un statut de gouvernement participant.

Or, si le sommet de la francophonie a un mandat qui est beaucoup plus large que ce qu'est l'Agence de coopération culturelle et technique, par exemple, si cela devient une espèce de commonwealth des pays francophones où il est question de politique extérieure, etc., enfin, les questions dont on discute, à ce moment, moi qui trouve intéressante la formule de gouvernement participant, je trouve qu'il faudra modifier cette approche, parce qu'il y a des questions qui sont purement d'ordre international qui ne relèvent pas directement de la juridiction du Québec, qui sont étrangères et auxquelles on participe comme Québécois, mais à notre titre de Canadiens. Le gouvernement du Québec pourrait ne plus avoir d'intérêt à participer au sommet de la francophonie si cela devient un commonwealth où on discute des questions de politique internationale comme n'importe quelle autre province du Canada.

On est un gouvernement participant au niveau de l'agence, tel que le premier ministre l'a indiqué.

Le premier ministre a réglé la question - c'est ce que je comprends des réponses du ministre - de la nature de la participation du Québec sur la base d'un gouvernement participant sans savoir ce que sera le sommet de la francophonie. Donc, je ne vois pas la logique. Le ministre me dit: On ne peut pas dire ce que c'est. Si le premier ministre a dit qu'on voulait avoir un statut de gouvernement participant, il est clair, à moins qu'il n'y ait une incohérence quelque part, que le gouvernement du Québec veut que le sommet de la francophonie soit de la nature des responsabilités qui existent au niveau de l'Agence de coopération et qu'il ne sera pas question d'un sommet qui serait de la nature de ce qu'on connaît au commonwealth. C'est un ou l'autre. Cependant, là, vous avez pris position sur la conséquence et vous nous cachez la cause.

M. Morin: M. le Président, ces réflexions du député sont fort intéressantes. J'en prends bonne note. Cependant, pour toutes les raisons qu'il a lui-même énumérées, il est bien évident que je ne puis pas figer l'attitude du Québec dans le béton. Je n'entends pas le faire.

De toute façon, au-delà de la conception qu'on peut se faire du sommet... À Dieu ne plaise qu'on utilise cette expression de "commonwealth". De toute façon, le malheureux Commonwealth, où était-il lorsque le Nigeria renvoyait 2 000 000 de Ghanéens chez eux? On n'en a pas entendu parler. S'il vous plaît, n'allons pas chercher des exemples comme ceux-là. S'il fallait qu'on soit devant un commonwealth francophone, cela ne rimerait à rien. Parlons de communauté, parlons de sommet, je veux bien, mais n'allons pas mêler les genres.

Ce qui compte, pour moi, au-delà de la conception, M. le Président - c'est tout ce que je puis dire - c'est que je ne puis pas imaginer un sommet de la francophonie sans le Québec.

M. Rivest: Non.

M. Morin: J'ose espérer que le député est d'accord avec moi là-dessus, parce que, s'il ne l'est pas, nous avons, évidemment, une divergence fondamentale.

M. Rivest: Vous m'avez accusé d'être vertueux. C'est sûr. Vous dites, actuellement, comme ministre des Affaires intergouvernementales, que vous allez parler au président de la République française. Vous m'avez dit que vous avez déjà commencé à parler à d'autres intervenants. Les autres intervenants font une lecture en ce sens que le Québec - un pays africain, par exemple, le Sénégal ou un autre qui est susceptible de participer à cela, peu importe - voulait obtenir un statut de gouvernement participant. Pour apprécier cette demande du Québec, cet intervenant doit savoir dans quel contexte le sommet se situera. Est-ce que ce sera un sommet où, dans l'ordre constitutionnel interne canadien, le Québec peut obtenir un statut de gouvernement participant comme il l'a à l'agence? Peut-être ce pays s'apercevra-t-il que ce sommet est beaucoup plus large et que ce n'est pas possible d'appuyer la demande du Québec d'obtenir le statut de gouvernement participant parce que c'est un ensemble de sujets qui est beaucoup plus large et qui touche la politique extérieure. Je trouve que, déjà là, il y a une espèce d'incohérence: on est arrivé à régler le statut sans savoir ce que le sommet serait. Et le ministre nous dit: Nous allons informer le président de la République française. Nous avons déjà eu des conversations avec d'autres pays qui sont susceptibles d'être là et nous leur avons indiqué - on l'a dit même à l'opinion publique québécoise - que ce qu'on voulait, c'était un statut de gouvernement participant. Dans la conduite des affaires, c'est vraiment le monde à l'envers.

M. Morin: Vous mettez des paroles dans ma bouche, M. le député.

M. Rivest: C'est le premier ministre qui a dit cela à l'Assemblée nationale.

M. Morin: Je n'ai pas dit, en ce qui me concerne, quel a été le contenu de mes entretiens avec d'autres pays membres de la francophonie.

M. Rivest: J'imagine que vous ne leur avez pas dit le contraire de ce que le premier ministre a déclaré à l'Assemblée nationale.

M. Morin: Je n'ai rien dit.

M. Rivest: Ah, vous leur avez parlé et vous ne leur avez rien dit?

M. Morin: Je n'ai, à l'instant, rien dit sur le contenu de ces entretiens. Je n'ai pas l'intention de le faire parce que ces entretiens étaient confidentiels.

M. Rivest: Oui, mais le premier ministre vous a doublé en disant à l'Assemblée nationale que ce que le Québec voulait, c'était un statut de gouvernement participant. Alors, cela, tous vos interlocuteurs le savent. Si vous ne le leur avez pas dit, qui parle au nom du gouvernement? Avez-vous parlé en votre nom personnel dans ces rencontres-là, une fois de plus?

M. Morin: Je ne vous dis pas ce que j'ai dit ou n'ai pas dit.

M. Rivest: Ah, cela, je sais que vous ne me le dites pas. Je fais des efforts désespérés pour que vous me le disiez et vous ne me le dites pas.

M. Morin: Je vous dis qu'il a été question du sommet. Mais, malheureusement, comme c'était de nature confidentielle, je ne pourrais certainement pas faire état des propos qui ont été échangés, à moins d'avoir le consentement des intéressés.

M. Rivest: J'en conviens, sauf ce qui n'est plus...

M. Morin: Alors, pourquoi insistez-vous?

M. Rivest: J'insiste parce que ce qui n'est plus confidentiel, c'est que le premier ministre, à l'Assemblée nationale, a dit que ce que le Québec voulait avoir, c'était le statut de gouvernement participant comme à l'Agence de coopération culturelle et technique. C'est moi qui lui ai posé la question, alors je l'ai entendu. Et, comme je prends toujours la parole du premier ministre, vous savez - et de près et de loin - je crois que ce qu'il a dit est très important. Le ministre n'est même pas en mesure, lors de l'étude de ses crédits, de me dire: Oui, effectivement, c'est cela, la position du Québec, on veut avoir le statut de gouvernement participant, et d'ajouter -ce ne serait pas dévoiler une chose épouvantable - J'arrive d'une visite en France et je l'ai dit à mes interlocuteurs. D'ailleurs, la notion de gouvernement participant, le gouvernement français sait ce que cela veut dire parce qu'il a vécu Niamey 1 et Niamey 2 qui a précédé la notion de gouvernement participant et on sait le rôle que la France a joué là-dedans. Alors, la France sait ce dont le Québec parle quand il parle de cela. Comme le premier ministre l'a dit publiquement, grands dieux, quelle est la raison de votre pudeur?

M. Morin: Puisque le premier ministre l'a dit publiquement, c'est donc que c'est connu de tout le monde, y compris de vous. Pourquoi m'interrogez-vous?

M. Rivest: Je vous interroge, M. le ministre, parce qu'à ce moment-là, si vous avez dit cela, vous avez nécessairement convenu que le sommet de la francophonie avait un mandat limité. Vous ne l'aurez pas, le statut de gouvernement participant, sur les questions de politique étrangère et je pense que vous ne devriez pas l'avoir.

M. Morin: M. le Président, je suis heureux...

M. Rivest: Cela, le gouvernement fédéral est là pour s'en occuper.

M. Morin: ...d'entendre l'opinion du député. Tout ce que je puis dire, c'est de répéter que, dans mon esprit...

M. Rivest: Oui, votre esprit!

M. Morin: ...un sommet francophone, quelle que soit sa nature, est inconcevable sans la présence du Québec.

M. Rivest: Cela, c'est déclarer que l'été arrive le 21 juin.

M. Morin: Mais, ce n'est pas assuré du tout.

M. Rivest: On veut savoir s'il va pleuvoir ou s'il va faire soleil. C'est une espèce d'affirmation absolument incroyable. Vous êtes ministre des Affaires intergouvernementales?

M. Morin: Et vous êtes député de Jean-Talon?

M. Rivest: Je vous fournis l'occasion de vous affirmer un peu...

M. Morin: Bien sûr.

M. Rivest: ...d'avoir un peu d'originalité...

M. Morin: Bien sûr.

M. Rivest: ...dans votre pensée.

M. Morin: Je me rends parfaitement compte que, depuis tout à l'heure, vous essayez de faire en sorte que je fasse état d'entretiens confidentiels, mais je ne le ferai pas.

M. Rivest: Je ne vous demande pas cela.

M. Morin: Je ne le ferai pas.

M. Rivest: Ce que je ne veux pas, par exemple - et je vous le dis très franchement - c'est que vous alliez communiquer au président de la République française le point de vue du Québec sur la nature du sommet, sur le degré de sa participation, avant que vous ayez transmis au gouvernement canadien les positions du gouvernement du Québec.

M. Morin: Nous aviserons.

M. Rivest: La chose ne s'est pas produite, parce qu'on a pris la précaution d'éviter ce genre d'écueil au niveau de la charte de l'Agence de coopération culturelle et technique. Mais vous allez devoir convenir avec le gouvernement canadien d'une modalité quelconque de participation au sommet de la francophonie. Si vous passez par Paris pour vous rendre à Ottawa, connaissant la susceptibilité des gens d'Ottawa, je vous jure que vous risquez de compromettre la participation du Québec. Je comprendrais les autorités canadiennes de ne pas accepter que le gouvernement du Québec "by-pass" le gouvernement canadien. Je suis convaincu que vous allez placer vos interlocuteurs français, comme les interlocuteurs des autres pays, dans l'embarras. Grands dieux, essayez d'éviter cela au Québec!

M. Morin: M. le Président, toutes ces élucubrations sont passionnantes, mais elles ne peuvent m'amener à faire part à cette commission de propos confidentiels.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Viau a demandé la parole depuis un moment.

M. Rivest: Attendez.

Une voix: Depuis un bon moment, j'en suis témoin.

M. Maciocia: Je veux poser une question au ministre des Affaires intergouvernementales toujours sur le même sujet. Le ministre vient d'affirmer qu'il y a eu des entretiens avec d'autres pays qui vont faire partie du sommet de la francophonie. Très bientôt, le gouvernement du Québec aura un entretien avec le gouvernement français. Apparemment, de toute évidence, ce sera avant d'en parler au gouvernement canadien. Est-ce que, au moins, on pourrait savoir du ministre les raisons qui poussent le gouvernement du Québec à agir de cette façon? Quelles sont les raisons qui le poussent à tenir des entretiens avec d'autres pays avant d'en avoir avec le gouvernement canadien?

M. Morin: Nous avons des entretiens avec les autres pays sur des tas de choses, sur tout ce qui touche au Québec, à ses échanges, à la coopération. On se parle constamment.

M. Maciocia: M. le ministre, on parle du sommet de la francophonie qui s'en vient.

M. Morin: M. le Président, je ne voudrais pas que le député perde son temps. Il est bien évident que les considérations, que les démarches stratégiques sont importantes dans ce genre de situation. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans ces détails parce qu'ils pourraient justement conduire à des situations inextricables et peut-être même est-ce ce que recherche le député de Jean-Talon ou son collègue?

M. Rivest: Oh, M. le Président!

Le Président (M. Champagne): M. le député de Viger, à vous la parole.

M. Maciocia: Je ne comprends pas le ministre. La seule chose que je lui ai demandée, c'est au moins qu'il nous donne les raisons pour lesquelles il contactera les autres pays avant le gouvernement canadien. Je ne veux pas connaître les entretiens que vous aurez avec les autres pays. Je sais qu'ils sont confidentiels et que vous allez les garder confidentiels. Mais quelles sont les raisons qui poussent le gouvernement du Québec à parler à d'autres pays avant d'en parler au gouvernement canadien?

M. Morin: Je ne vous ai pas dit cela.

M. Maciocia: Bien oui, c'est ce qu'on a compris.

M. Morin: Mais non, je n'ai pas dit cela.

M. Maciocia: C'est ce que tout le monde a compris.

M. Morin: Vous avez mal compris. Je n'ai pas dit cela.

M. Rivest: Pour que ce soit très clair, pouvez-vous prendre l'engagement de transmettre la position du Québec au gouvernement canadien avant d'aller en France, à la fin de juin?

M. Morin: Je prends bonne note de vos suggestions.

M. Rivest: Ah, non! Le gouvernement canadien, ce n'est pas comme n'importe quel autre gouvernement. Je ne voudrais pas nommer un pays qui pourrait être frustré, mais vous devez comprendre cette réalité. Si vous êtes sérieux quand vous dites que vous procédez dans l'ordre constitutionnel canadien, vous devez passer par le gouvernement canadien avant même d'aller dans des pays aussi près du Québec que la France, pour qui on a la plus grande amitié, on en convient volontiers. Vous devez commencer, si vous avez le sens des responsabilités, par convenir d'un certain nombre de choses avec le gouvernement canadien dans l'intérêt même de vos démarches. Je suis convaincu que la France -je ne voudrais pas parler pour elle - ...

M. Morin: À force de parler, c'est le député qui finit par dire des choses qu'il ne voulait pas dire.

M. Rivest: Qu'est-ce que je ne voulais pas dire?

M. Morin: Par exemple, vous venez de remettre en cause les rapports directs et privilégiés du Québec avec la France.

M. Rivest: Non, pas du tout.

M. Morin: Je vous ai entendu le faire.

M. Rivest: Absolument pas. Ces accords sont des accords de coopération qui se situent dans le cadre d'un accord général de coopération signé entre Québec et Ottawa et qui n'a rien à voir avec le sommet de la francophonie ou avec l'agence de coopération. C'est justement en dehors de ces liens directs et privilégiés. Si vous regardez l'ordre international des autres pays, comme la France, ou des organismes internationaux, le premier lien direct et privilégié que vous avez est avec le gouvernement canadien. Je vous indique immédiatement que vous allez placer le gouvernement français, encore une fois, dans une espèce d'histoire - le fameux triangle -et je ne pense pas que ce sera dans l'intérêt de la participation du Québec au sommet de la francophonie. (17 h 15)

Le Président (M. Champagne): Je ne sais pas si le député de Viger avait terminé ses questions.

M. Maciocia: J'ai terminé mon intervention et j'attends la réponse du ministre.

M. Morin: M. le Président, j'allais simplement dire que, dans leur effort, sans doute louable, de me faire parler sur cette question, ce sont les députés de l'Opposition qui ont fini par en dire trop long sur leurs attitudes véritables à l'endroit du sommet.

M. Rivest: Qu'est-ce qu'on a dit?

M. Morin: En ce qui me concerne, M. le Président, j'ai dit tout ce que j'avais à dire, ce que je pouvais dire, compte tenu de l'obligation de discrétion à laquelle je suis tenu dans les rapports avec les pays étrangers.

Le Président (M. Champagne): Alors, je reconnais le député de Chapleau.

M. Rivest: Non, je n'ai pas encore terminé là-dessus, moi.

M. Kehoe: C'est cela.

Le Président (M. Champagne): Alors, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Est-ce que je dois comprendre que le ministre ne peut prendre l'engagement, devant la commission, que le gouvernement du Québec va transmettre et communiquer formellement au gouvernement canadien la position du Québec avant de la transmettre au gouvernement français?

M. Morin: M. le Président, la moindre déclaration, à ce moment-ci, peut compromettre les solutions au lieu de les aider. Je regrette, je sais que le député voudrait bien faire en sorte que je me mette les pieds dans le béton...

M. Rivest: Non, cela, c'est déjà fait, vous l'avez fait la semaine dernière. C'était dans les plats, ce n'était pas dans le béton.

M. Morin: ...ou que le gouvernement se mette les pieds dans le béton, mais il ne le fera point. Je viens de lui dire, et je le lui répète une dernière fois, que, dans les rapports que nous avons, tant avec le gouvernement canadien qu'avec les gouvernements étrangers, nous sommes tenus à une obligation de discrétion. Et, quelquefois, quand on nous dit des choses à l'étranger, ce n'est pas pour être répété et c'est sous la condition, parfois expresse, le plus souvent tacite, que nous respecterons la confidentialité des propos.

M. Rivest: M. le ministre, ma question est toujours là et vous n'y avez pas répondu. Je ne vous demande pas de nous parler...

M. Morin: M. le député, c'est parce que je n'ai pas l'intention d'y répondre.

M. Rivest: Je sais ce sur quoi vous n'avez pas l'intention de répondre. Bon, tant pis pour vous. Je ne vous demande pas de vous prononcer sur le contenu; cela, je l'ai demandé mais vous m'avez dit non et je respecte votre attitude. Je vous demande simplement d'assurer la commission que vous allez transmettre, peu importe le contenu -je ne m'intéresse pas à ce qu'il y aura dans la communication que vous aurez avec le gouvernement canadien - au gouvernement canadien la position du Québec, c'est-à-dire le contenu. Je ne vous demande pas de nous parler du contenu; je vous demande de vous engager simplement à dire: Oui, nous allons communiquer avec le gouvernement canadien avant de le faire avec le gouvernement français ou avec tout autre gouvernement. C'est ce que je demande.

M. Morin: M. le Président, je prends note, avec le plus haut intérêt, de la prise de position du député...

M. Rivest: Ah, bien.

M. Morin: ...mais, pour aucune considération, je ne ferai part des démarches stratégiques que nous allons prendre dans ce dossier.

M. Rivest: Ah bon! M. le Président, je regrette, mais il n'a pas répondu à ma question. Qu'il en prenne note, je m'en fous royalement. Enfin, j'en suis honoré, mais je m'en fous.

M. Morin: C'est peut-être intéressant.

M. Rivest: Mais ce n'est pas ça. Je vous demande de prendre...

M. Morin: Je ne voudrais pas que vous croyiez un instant que je n'estime pas que vos considérations sont intéressantes. Elles sont fort intéressantes.

M. Rivest: Je le sais. M. le Président, le ministre essaie de m'enjôler, mais je vous demande simplement ceci, pour conclure: Vous ne pouvez et vous ne voulez pas prendre l'engagement de communiquer avec le gouvernement canadien, au sujet du sommet de la francophonie, avant de communiquer avec le gouvernement français?

M. Morin: Je n'ai rien à dire là-dessus. Je ne vous dis pas que nous communiquerons, je ne vous dis pas que nous ne communiquerons pas. Je vous dis que je n'ai pas l'intention de me figer les pieds dans le béton au sujet de la stratégie que nous entendons suivre dans cette affaire.

Le Président (M. Champagne): Est-ce qu'on pourrait, quand même, passer à un autre intervenant M. le député de Jean-Talon?

M. Rivest: Bien, on y reviendra au moment de l'étude des crédits, article par article.

M. Maciocia: Si vous me le permettez, M. le Président, j'aurais une dernière question sur ce sujet. Pourquoi le ministre nous a-t-il dit, il y a quelques instants, que le premier ministre du Québec va discuter du sommet de la francophonie avec le président de la République française avant la fin du mois? Est-ce qu'il peut nous dire la raison pour laquelle il nous a mis au courant de cela?

M. Morin: Parce que cela a été dit publiquement.

M. Rivest: C'est de la stratégie.

M. Morin: Non. C'est public, cela. J'ai tout simplement fait état d'une chose qui est déjà dans le domaine public.

M. Maciocia: Je ne le crois pas. Je viens de l'apprendre.

M. Morin: C'est parce que vous n'êtes pas au courant, tout simplement. C'est dans le domaine public.

M. Maciocia: Où cela a-t-il été dit?

M. Morin: Cela a été dit dans des communiqués de presse, il y a deux ou trois jours. Voua n'avez qu'à lire les journaux.

M. Maciocia: La seule chose que j'ai lue dans les journaux, c'est que M. Lévesque se rendait en France.

M. Morin: Non, je vous assure que c'est public.

M. Maciocia: Je n'ai jamais lu qu'il allait en France pour parler du sommet de la francophonie.

M. Morin: II n'a pas été dit qu'il ne parlerait que de cela. Il a été dit - je me souviens très bien du communiqué - qu'entre autres sujets il parlerait de cela. C'est public.

M. Maciocia: Est-ce que le ministre pourrait au moins...

M. Morin: Je ne serais pas allé au-delà de ce qui est public, de toute façon.

M. Maciocia: J'aimerais, quand même, avoir une copie du communiqué, si c'est possible.

M. Morin: C'est possible, cela doit être possible. C'est dans les journaux.

M. Maciocia: Je ne l'ai pas lu. Si vous pouvez me dire la date, j'achèterai les journaux.

M. Morin: Peut-être qu'on va vous trouver le communiqué.

Le Président (M. Champagne): Le député de Chapleau, pour une question.

M. Kehoe: Je ne sais pas si on a terminé.

M. Rivest: On va revenir dans les débats ultérieurs sur cette question, tel que convenu, M. le ministre, pour permettre au député de Chapleau de vous interroger sur un domaine assez particulier, la région de l'Ouest du Québec, de l'Outaouais.

M. Morin: Très bien.

M. Rivest: Après cela, on verra M. le ministre responsable de l'Office franco-québécois. Vous devriez rapatrier cela au ministère des Affaires intergouvernementales, l'Office franco-québécois.

M. Morin: Cela en relève juridiquement, sauf qu'il y a une délégation de pouvoirs.

M. Rivest: Vous vous départissez de toutes vos affaires: Landry, Chevrette. Je comprends que vous voulez aller vous chercher une autre "job" en France avec la double citoyenneté et tout. Affirmez-vous un peu.

M. Morin: Je suis très heureux de la délégation qui a été consentie à mon collègue.

M. Rivest: Chaque fois que vous vous faites enlever quelque chose, vous êtes heureux.

M. Morin: C'était comme cela avant, je vous le ferai remarquer.

M. Rivest: Oh non! Votre prédécesseur était très jaloux de ses prérogatives.

M. Morin: C'était M. Charron qui était responsable de l'Office franco-québécois pour la jeunesse auparavant, pour le cas où vous l'auriez oublié, M. le député.

M. Rivest: Peut-être.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Chapleau.

La région de l'Outaouais

M. Kehoe: M. le Président, le ministre des Finances a affirmé qu'en pleine crise économique les éternelles querelles Ottawa-Québec auront coûté cher aux Québécois. S'il y a une région où cela a coûté très cher, j'ai bien l'impression que c'est la région de l'Outaouais où les confrontations continuelles, qui existent depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, ont fait en sorte que, du côté québécois les travaux qui sont exécutés par la CCN sont, à toutes fins utiles, arrêtés. Je parle des achats de terrains ou des différents aménagements, que ce soit les berges dans la ville de Gatineau ou le ruisseau de la Brasserie dans la ville de Hull. À toutes fins utiles, il y a très peu de travaux qui sont faits du côté québécois, tandis que, du côté ontarien, il y a encore des travaux assez importants qui sont en marche présentement. Spécifiquement, je veux poser certaines questions sur l'état des affaires du côté québécois.

Le Président (M. Champagne): Continuez, M. le député de Chapleau, avec vos questions.

M. Kehoe: M. le ministre, spécifiquement, la semaine passée, le président de la CCN, M. Bud Drury, a fait certaines déclarations à savoir que la CCN, la Commission de la capitale nationale est prête à investir des montants assez importants pour l'aménagement des berges dans la ville de Gatineau, la rivière des Outaouais, mais à cause du manque de coopération avec le gouvernement provincial - je veux ouvrir une parenthèse, à ce moment, pour dire que les montants d'argent que la CCN est prête à investir, c'est son argent, elle ne demande pas de coopération financière au gouvernement de la province de Québec - dans ce projet-là spécifiquement, elle refuse de dépenser de l'argent et met sur la tablette les travaux pour l'aménagement des berges dans la ville de Gatineau. Pouvez-vous me dire où en est rendu ce dossier?

M. Morin: M. le Président, vous savez qu'à bien des égards la région de l'Outaouais jouit d'un certain statut particulier.

M. Kehoe: Ah bon!

M. Morin: II s'agit de savoir si ce statut particulier va être tel que l'intégrité du territoire québécois sera menacée. Je vous donne des exemples de ce statut particulier. La région bénéficie déjà de dispositions particulières, par exemple, pour ce qui est de la vente des carburants. Je pense que le député le sait.

M. Kehoe: Oui.

M. Morin: Je préfère ne pas m'étendre là-dessus parce que le député est sûrement pas mal au courant. De toute façon, je le renverrais, pour plus de précisions, au ministre des Finances.

Sur le problème plus général de la fiscalité, il faut tenir compte, en outre, de l'ensemble de la situation, notamment des suppressions des taxes, du côté québécois, sur les meubles, sur les vêtements, sur les chaussures, sur les chambres d'hôtel et sur les appareils ménagers. Tout cela joue également et c'est favorable, justement, à la région de l'Outaouais.

Statut particulier également en ce qui concerne le règlement de placement. Le député le sait, je pense, c'est sa région. La situation a été réglée par une entente avec l'Ontario qui, ma foi, produit des effets tout à fait bénéfiques. Les syndicats se sont opposés jusqu'à présent à toute modification du type demandé par la ville de Hull. Donc, il y a des limites aux modifications qui peuvent être faites là-dessus. Je pourrais continuer longtemps pour expliquer le statut particulier dont jouit l'Outaouais.

Maintenant, la question plus spécifique que me pose le député a trait aux propos tenus par le président de la CCN et au manque de coopération allégué de sa part en ce qui concerne le Québec. Mais ce n'est pas du tout le cas, M. le Président. Je dois vous dire que nos seules réticences viennent de ce que nous voulons que l'intégrité du territoire québécois soit respectée dans cette affaire. J'ajouterai que nos fonctionnaires ont rencontré les autorités de la CCN, il y a deux semaines, dans le cas du dossier des berges de l'Outaouais. Donc, ce n'est pas comme s'il n'y avait pas de contacts. Il y en a eu. J'en fais état. Évidemment, je ne peux pas vous faire part des résultats ou de ce qui s'est dit parce que c'étaient des contacts confidentiels, mais je peux au moins dire au député qu'il y a donc eu ces entretiens entre Québec et Ottawa.

Également, je pourrais faire état du fait qu'un comité interministériel continue à travailler sur ce dossier des berges et que les choses suivent leur cours normal, c'est-à-dire que nous voulons être bien sûrs que les intentions de la CCN correspondent à nos préoccupations et à nos besoins. Les accusations de la CCN sont donc injustes en l'occurrence.

M. Kehoe: M. le ministre, pourriez-vous me dire en quoi l'intégrité du Québec peut être affectée si le gouvernement fédéral fait des études sur l'aménagement des berges? Si je comprends bien, d'ici à 1985, la proposition de la CCN consistait à faire certaines études, à dépenser des sommes assez importantes - je ne sais pas exactement combien, mais des sommes qui peuvent se chiffrer à 500 000 $ environ -pour faire des études sur des travaux à être exécutés dans l'avenir. Je ne sais pas dans combien de temps. Je ne connais pas l'échéancier au juste. En quoi cela peut-il affecter l'intégrité québécoise, dis-je, que le gouvernement fédéral puisse faire des études conjointement avec la ville de Gatineau?

M. Morin: M. le Président, il se fait des études et personne n'a jamais pu empêcher la CCN d'effectuer toutes les études qu'elle veut sur la transformation de ce qu'elle appelle la région de la capitale nationale. Depuis l'époque du plan Gréber, la CCN n'a jamais attendu le consentement de qui que ce soit pour faire des études, quelquefois même empiétant largement sur le territoire québécois, mais sans s'en soucier le moins du monde. Alors, on ne peut pas l'en empêcher. Que le député se rassure, la CCN fait toutes les études qu'elle estime devoir faire. Elle ne nous consulte pas. Elle agit à sa guise et unilatéralement. Là où ses desseins peuvent être contrecarrés, c'est lorsque, dans ses projets, elle empiète sur des espaces qui appartiennent soit au gouvernement québécois, soit à des particuliers qui veulent retenir ces espaces. C'est là que cela devient difficile et même difficultueux. (17 h 30)

M. Kehoe: Si les berges ou les endroits en question appartiennent aux municipalités affectées, spécifiquement à la ville de Gatineau, si la ville elle-même est consentante - elle a demandé l'intervention du fédéral pour l'aménagement de certains travaux à cet endroit - pour protéger l'intégrité de la province de Québec, allez-vous empêcher ces travaux? Premièrement, il y aura des études et, deuxièmement, des travaux.

M. Morin: La réponse que je donnais tout à l'heure au député, je pense, résume la situation. Les fonctionnaires se sont rencontrés il y a à peine deux semaines et ils vont continuer de se voir, j'imagine. Il y a un comité interministériel qui travaille à ce dossier. Je ne peux pas aller plus loin pour l'instant parce que les conclusions, je ne pense pas qu'on y soit arrivé.

M. Kehoe: M. le ministre, c'est à peu près la même réponse que vous m'avez donnée l'année passée.

M. Morin: J'ai au moins le mérite d'être cohérent avec moi-même.

M. Kehoe: Cohérent en ne faisant rien, en empêchant non pas la ville de Gatineau parce qu'elle n'a pas les fonds nécessaires, mais le fédéral, la CCN, d'exécuter des travaux pour le bien-être de la population de

la région de l'Outaouais.

M. Morin: Peut-être puis-je donner quelques détails additionnels au député sans prendre le risque de compromettre une entente éventuelle. Il est évident que la ville de Gatineau - je m'empresse de le préciser, mais le député le sait - ne peut conclure des ententes avec le gouvernement fédéral sans le consentement du gouvernement du Québec. Il arrive que nous donnions des consentements, mais après nous être assurés que tous les intérêts du Québec sont sauvegardés. En l'occurrence, nous avons affaire à une commission fédérale qui est un peu tentaculaire. Je pense que le député va convenir que les procédés de la CCN dans le passé avaient de quoi créer des soucis au gouvernement du Québec. J'estime qu'un contrôle est nécessaire pour éviter que le gouvernement fédéral ne procède, par toutes sortes de moyens et quelquefois en s'adressant aux municipalités, à des annexions à terme du territoire québécois.

En l'occurrence, on m'a signalé que la CCN aurait offert une location à long terme, ce qui pourrait être acceptable, comme dans le dossier de Lachine, mais la réponse n'a pas encore été donnée, c'est à l'étude. Je ne peux certainement pas engager le gouvernement québécois en donnant une réponse maintenant. C'est une location à long terme qui pourrait aller jusqu'à 45 ans. Je ne peux pas vous dire si la chose est immédiatement acceptable au gouvernement québécois. De toute façon, nous ne sommes pas le seul ministère dans le dossier puisque l'OPDQ, l'Office de planification et de développement du Québec, est également partie au dossier et a, évidemment, un mot très important à dire avant que le gouvernement du Québec se détermine et prenne une attitude définitive dans ce dossier.

M. Kehoe: Est-ce que la situation est identique en ce qui concerne le projet de développement du ruisseau de la Brasserie à Hull?

M. Morin: Si ma mémoire est bonne, M. le député, le cas du ruisseau de la Brasserie, c'est un bel exemple d'action unilatérale de la part de la CCN. Ils ont fait tous les plans sans consulter le Québec.

M. Kehoe: Par contre, le provincial a acheté un terrain en plein centre pour empêcher que le projet ne soit réalisé.

M. Morin: C'est la version fédérale.

M. Kehoe: On n'a qu'à aller vérifier au bureau d'enregistrement; il est maintenant propriétaire d'une lisière de terrain en plein milieu et il empêche le projet de se réaliser.

M. Morin: Mais non. Il faut savoir aussi quelles sont les intentions du gouvernement fédéral, de la CCN. Est-ce qu'ils veulent exproprier?

M. Kehoe: Ils sont déjà propriétaires, excepté de la lisière de terrain en question.

M. Morin: Ah! J'ai l'impression qu'effectivement les deux gouvernements vont devoir s'entendre. Il me semblait avoir déjà vu passer ce dossier quand je me trouvais dans la région de Hull, il y a quelques semaines ou peut-être un mois et demi maintenant. Je pense qu'il y a, dans ce cas en particulier, M. le Président, un conflit de politiques. Le gouvernement fédéral voudrait encore faire un parc pour embellir la région. Il voudrait transformer toute la ville de Hull en parc, si on le laissait faire. Tandis que le Québec, lui, veut un parc industriel, évidemment, pour faire travailler les Québécois.

M. Rivest: Ah oui!

M. Morin: Je pense que, dans ce cas-là, il va falloir trouver une entente ou un compromis quelconque. Je pense aussi à un autre cas, celui de l'usine Eddy. Il a paru récemment dans les journaux de la région de Hull que le gouvernement fédéral voulait faire disparaître cette usine et faire disparaître aussi quelques centaines d'emplois pour transformer cela en parc, parce que cela heurte les yeux des visiteurs au Parlement en face, de voir - imaginez-vousl - une usine du côté québécois. Il est évident, s'agissant de développement économique, que nous n'avons pas l'intention...

M. Rivest: On dit qu'il y en a de moins en moins.

M. Morin: ...de céder sur un point comme celui-là. Je pense, d'ailleurs, que c'était l'attitude du gouvernement antérieur, si je ne m'abuse.

M. Kehoe: C'est cela.

M. Rivest: À Ottawa? Sous Diefenbaker?

M. Morin: Non. Le gouvernement antérieur, ici au Québec...

M. Rivest: Ah bon!

M. Kehoe: Si vous me le permettez, M. le ministre...

M. Morin: ...que vous connûtes, M. le député.

M. Kehoe: ...spécifiquement en ce qui

concerne le ruisseau de la Brasserie, la ville de Hull, la Société d'aménagement de l'Outaouais et d'autres intervenants sont d'accord avec l'aménagement projeté par la CCN dans le projet dont on parle. Je sais qu'il y a seulement une obstruction ou un manque d'accord avec la province de Québec qui empêche la réalisation d'un projet d'une telle importance. Depuis 1976, depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois - je vous pose la question - combien y a-t-il de projets réalisés par la CCN du côté québécois?

M. Morin: Ils ont déjà mis la main sur pas mal tout ce qui les intéressait.

M. Kehoe: Ah non!

M. Morin: À moins que vous ne vouliez m'apprendre qu'ils ont encore des desseins plus étendus et qu'ils veulent s'emparer...

M. Kehoe: Je ne prétends rien. Pour le moment, je pose des questions.

M. Morin: Oui.

M. Kehoe: Tout ce que je dis à ce sujet, c'est que c'est un peu la même politique - le député de Jean-Talon l'a fait valoir sur plusieurs points jusqu'ici - sur une base provinciale. On voit clairement, sur une base régionale et locale, exactement les implications de votre politique de confrontation ou de querelles stériles continuelles avec le gouvernement fédéral, de tous les côtés.

M. Morin: M. le Président, je suis obligé d'interrompre le député, parce que je ne voudrais pas, non plus, qu'il induise la commission en erreur. La SAO - je pense qu'il l'a mentionnée - s'oppose au projet fédéral de la CCN du ruisseau de la Brasserie.

M. Kehoe: Je m'excuse. Peut-être que mes renseignements ne sont pas véridiques. J'avais l'impression qu'ils avaient fait un rapport justement favorable.

M. Morin: Non, M. le Président. Je ne le pense pas. Quitte à vérifier les faits, ce que j'en sais, c'est que la SAO s'oppose au projet fédéral, justement pour des raisons d'ordre économique, comme je le disais à l'instant. Je puis vous dire que la SAO semble avoir l'appui du milieu dans cette affaire-là. Évidemment, ce n'est pas Gatineau. Nous parlons de Hull.

M. Kehoe: Non, non. D'accord.

M. Morin: Ce n'est pas la même chose. Peut-être que le député est moins familier avec ces problèmes qu'avec ceux qui intéressent Gatineau.

M. Kehoe: D'accord.

Le Président (M. Champagne): Tel que convenu ce matin, nous avions prévu de recevoir à la commission le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qui est responsable du dossier de l'Office franco-québécois pour la jeunesse. M. le ministre va venir défendre le programme 3, dans le domaine des Affaires intergouvernementales. À vous la parole, M. le ministre.

L'Office franco-québécois pour la jeunesse

M. Chevrette: M. le Président, ce sera très bref puisque j'ai remis à l'Opposition une série de données qui lui permet d'avoir l'ensemble des comparaisons budgétaires avec les années antérieures, à partir de 1979. Comparaisons sur le nombre d'employés, le personnel, sur l'évolution du budget, le nombre de stages, en fait, à peu près tous les renseignements auxquels ils sont en droit de s'attendre. Si jamais ils ont considéré, à la lecture, que c'était insuffisant, je vais leur laisser le soin de poser des questions.

Je leur dis, cependant, que nous avons eu une rencontre à Paris, en janvier, et que la prochaine rencontre aura lieu en juin prochain, les 19, 20, 21, à Québec. Nous aurons à nous pencher sur la notion de stage comme telle, en particulier sur les stages individuels et les petits groupes. Les Français veulent accentuer ce mode de participation puisque c'est moins dispendieux et que cela permet des plus petits groupes au lieu des groupes de 21 personnes. Cela nous permet d'avoir plus de participants à un moindre coût. On aura à se pencher sur cette orientation et également sur des demandes précises de certains groupes qui seront soumises à la discussion lors de cette rencontre, en particulier, sur les représentations de Mme la ministre déléguée à la Condition féminine qui désirerait voir les groupes de femmes participer davantage. Je lui ai démontré facilement que cette année nous étions heureux d'annoncer qu'il y a eu plus de femmes que d'hommes qui ont participé aux stages, à savoir 54,2% contre 45,8%, alors que, pour les années antérieures, la participation masculine était majoritaire. Nous avons atteint cette égalité et nous l'avons même dépassée en faveur de la discrimination positive des femmes.

Je laisse la parole au député de Jean-Talon qui a sans doute des questions à poser.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, j'ai pris

connaissance de la note transmise par le ministre. Le ministre semble féru de statistiques dans la mesure où toutes les informations qu'il nous donne sont chiffrées et rechiffrées.

M. Chevrette: C'était pour vous permettre de tout comprendre.

M. Rivest: Ah non, ici, on est aux crédits des Affaires intergouvernementales et, avec le ministre des Affaires intergouvernementales, malheureusement, le langage des chiffres nous est quelque peu étranger. Néanmoins, votre contribution...

M. Morin: Vous n'avez soulevé aucune question à propos des chiffres. Ne vous plaignez pas de ne pas avoir eu de réponse.

M. Rivest: Est-ce qu'il a le droit, M. le Président?

M. Chevrette: II est membre de la commission.

M. Rivest: Puisqu'il est question de chiffres, ce qui me frappe et ce qui continue de me frapper dans les échanges franco-québécois - encore une fois, je comprends que ce n'est pas facile de modifier la tendance - c'est qu'on voit, d'après les chiffres, qu'effectivement ce sont les jeunes qui ont le plus haut niveau de scolarité qui participent à ces échanges, malgré que cela ait baissé un peu. On en a parlé l'an passé.

M. Chevrette: Oui, si vous regardez, de 12 à 14 ans, au niveau collégial, il y a eu quand même un bond de 5%.

M. Rivest: Oui, je sais, mais au niveau universitaire cela a baissé un peu. En ce qui concerne les ouvriers, les employés agricoles, les techniciens, etc., les proportions sont encore finalement très faibles. C'est une volonté de part et d'autre, j'imagine...

M. Chevrette: Exact.

M. Rivest: ...d'essayer de changer cela. Enfin, je note qu'il y a eu au moins amélioration, malgré que je sache que cela ne se corrigera pas du jour au lendemain.

Deuxièmement, j'aimerais que le ministre nous transmette la nature des programmes. Parfois, me sont parvenus des échos que certains programmes d'échanges apparaissaient à certains comme étant saugrenus ou assez surprenants. Je sais que la détermination des programmes en tant que tels, c'est-à-dire quels sont ceux qui participent aux échanges et ce qu'on leur fait faire, c'est toujours conjoint. Par contre, il y a eu certaines critiques, de la part de certains députés ou d'autres personnes, qui me sont parvenues. Je n'ai pas d'exemple précis à vous indiquer, mais je sais qu'on s'est interrogé là-dessus. J'aimerais qu'on puisse retrouver une description.

M. Chevrette: La liste des stages acceptés?

M. Rivest: Par exemple, je pense à un stage où les employés syndicaux allaient en Europe; je ne sais pas si c'est à l'intérieur de l'Office franco-québécois. Au moment des négociations dans le secteur public, il y avait une mission, un groupe d'échanges pour aller voir comment le Parti socialiste ou les syndicats s'y prenaient pour contrer les actions unilatérales des gouvernements face à leurs employés dans les secteurs public et parapublic. Et j'ai craint pour notre gouvernement ici.

M. Chevrette: Oui, je n'en doute pas, vous qui étiez habitué sous le régime précédent à vivre cela.

M. Rivest: On n'a jamais procédé d'une façon unilatérale. On a toujours signé nos conventions collectives.

M. Chevrette: Je m'excuse. En 1972, j'ai vécu un décret.

M. Rivest: Où étiez-vous à l'époque?

M. Chevrette: J'étais vice-président de la CEQ.

M. Rivest: Mon Dieu, que vous avez changé!

M. Chevrette: J'étais chef négociateur et je vous ai rencontré dans des corridors, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Vous avez changé. Vous avez voté la loi no 70 et tout cela?

M. Chevrette: Bien sûr.

M. Rivest: Vous n'avez pas eu de remords, non?

M. Chevrette: Non, exactement comme vous.

Le Président (M. Champagne): Est-ce qu'on pourrait revenir à l'office, s'il vous plaît?

M. Rivest: Oui, mais c'est parce qu'il aurait pu changer. Enfin, je veux signaler cela et je voudrais avoir cette liste.

M. Chevrette: Y compris la violence dans l'industrie de la construction?

M. Rivest: Oui, sûrement.

M. Chevrette: D'accord.

M. Rivest: Vous connaissez cela?

M. Chevrette: Cela aussi, grâce à vous. (17 h 45)

M. Rivest: Oui, je sais. On vous a fait confiance.

M. Chevrette: Vous n'avez pas eu de regret. C'est un excellent rapport.

M. Rivest: À l'époque, non, vous avez fait un très bon travail.

M. Chevrette: Merci.

M. Rivest: Je tiens à vous féliciter.

M. Chevrette: Si vous aviez autant de souvenirs que j'en ai, vous ne parleriez pas comme cela.

M. Rivest: Pourquoi? M. Chevrette: Parce que j'ai vécu là. M. Rivest: On a les mêmes souvenirs. M. Chevrette: Oui.

Le Président (M. Champagne): Est-ce qu'il y a une autre question au sujet de l'office?

M. Rivest: Oui, oui, mais on cause, M. le Président. L'autre affaire, c'est l'évaluation des programmes, des échanges.

M. Chevrette: Oui.

M. Rivest: Est-ce que vous vous en préoccupez, parce qu'on est à l'évaluation? On sait que cela coûte cher. Je ne sais pas si, à l'office, vous avez le suivi de cela. J'ai vu dans le rapport de 1982 que cette préoccupation était là, mais j'aimerais, si vous le pouvez, quand vous pourrez, que vous nous transmettiez les documents pertinents.

M. Chevrette: On a les documents préliminaires présentement. Les employés ont procédé à une analyse interne, à une réorientation de l'office. On a fait la même chose du côté français. Le conseil d'administration avait donné le mandat en janvier à nos deux secrétaires généraux de préparer des éléments de réflexion. Ce n'est qu'en juin qu'on adoptera un contenu. Je peux vous dire qu'il y a déjà des lignes directrices tracées par la rencontre de janvier. Il est bien évident qu'on doit tenir compte non seulement des priorités préparées par l'office, mais des priorités gouvernementales. C'est un office franco-québécois et, en janvier, les deux gouvernements s'étaient entendus pour mettre l'accent sur les programmes dits économiques qui suivaient la tendance de l'évolution technologique. Nos modes de publicité de ces dix stages qui sont offerts également rejoignent les individus en usine. On a cette préoccupation. On en a parlé beaucoup en janvier. On espère qu'en juin nous pourrons adopter ces lignes directrices et nous n'avons pas d'objection à vous les faire connaître, au contraire.

M. Rivest: Oui.

M. Chevrette: II y aura même de la concertation entre les différents ministères.

M. Rivest: J'aimerais - parce que c'est un programme qui dure depuis...

M. Chevrette: 1968.

M. Rivest: ...quinze ans - qu'on puisse trouver, à un moment donné, un bilan. Je sais qu'il y a quelque vingt mille...

M. Chevrette: 22 720 à la fin de 1983.

M. Rivest: ...mais, effectivement, qu'est-ce que cela a donné? Quel est le suivi? L'expérience? Je trouve qu'on n'a pas vu - je n'ai pas eu l'occasion de le voir, c'est peut-être ma faute - une espèce de bilan général de cela qui permettrait, justement, pour les années à venir non seulement au niveau du conseil d'administration de l'office, mais aussi au niveau public de convenir que les gens de l'extérieur apportent leur contribution. Au niveau du secteur privé, est-ce qu'il y a quelque chose de particulier pour y associer les entreprises? Je sais que l'office a des dimensions régionales. On a vu, selon les chiffres, qu'il y a une préoccupation de ce genre. Au niveau des entreprises, est-ce qu'il y a des choses particulières que le ministre voudrait signaler?

M. Chevrette: De plus en plus, si vous le remarquez à la page 11, on a quand même ouvert nos portes assez grandes aux chefs d'entreprise, aux cadres supérieurs, aux ingénieurs, aux professions libérales, aux exploitants, aux ouvriers agricoles - ce sont des travailleurs autonomes du secteur privé -aux artisans et commerçants. Il y en a quand même 6%...

M. Rivest: Cela a baissé.

M. Chevrette: Oui, cela a baissé dans le cas des artisans et des commerçants. On peut facilement attribuer cette situation à la conjoncture économique. Dans l'ensemble, on

vous a dit qu'on avait un plan de communication à mettre sur pied au niveau de l'office pour rejoindre les individus dans leur milieu de travail pour qu'il y ait une certaine forme de promotion au lieu de se fier exclusivement aux leaders qui percent. Si nous mettons l'accent sur les individus et les petits groupes qui peuvent organiser leur propre voyage, cela rejoindra probablement plus facilement cette catégorie-là en publicisant le fait que l'office est capable de se rendre à la possibilité de voir deux ou trois individus qui s'organisent ensemble, qui planifient leur voyage. Sur le plan financier, je peux vous avouer que c'est beaucoup moins coûteux pour l'office.

M. Rivest: Très bien.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Viger.

M. Maciocia: Seulement une question. Je ne suis pas familier avec ce dossier.

M. Chevrette: Quelle page?

M. Maciocia: À la page 8. Vous avez reçu 3000 candidatures en 1982 et vous en avez retenue 1410. C'est cela?

M. Chevrette: Oui.

M. Maciocia: Est-ce qu'on pourrait savoir les raisons?

M. Chevrette: C'est parce que c'est un nombre sur lequel on s'entend conjointement...

M. Maciocia: Je comprends...

M. Chevrette: ...au début d'une année.

M. Maciocia: ...mais cela n'était pas ma question. Quels sont les critères pour faire cette sélection des demandes?

M. Chevrette: Chaque stage est analysé. Prenons un exemple: si on décide qu'il y a 60 groupes de 21, 100 groupes de 6 ou des individus qui planifient leur propre voyage, c'est jugé au mérite par des comités de sélection créés pour l'ensemble d'un stage. S'il y en a quatre qui veulent aller en France pour étudier le syndicalisme français, le comité fait une sélection et choisit un groupe en particulier.

M. Maciocia: Quels sont les critères de sélection?

M. Chevrette: II faut répondre aux objectifs des deux gouvernements. Si on dit que c'est un stage de rapprochement, il faut qu'ils présentent un projet qui soit cohérent et qui corresponde à l'objectif de rapprochement. S'ils disent qu'ils veulent aller se balader en France pour aller voir dormir les clochards, ce n'est pas nécessairement un objectif de rapprochement entre les deux peuples. Il y a une question d'âge dans le thème comme tel. On sait que beaucoup de gens nous demandent de défoncer la limite d'âge de 35 ans. Il y a une tolérance de un par groupe. Des deux côtés, on a des groupes d'intervenants qui viennent nous demander de défoncer. Par contre, je peux vous dire qu'en janvier cela a été clair et net: il n'était pas question de déroger à cette règle pour le moment. Depuis ce temps-là et même après janvier, il y a eu énormément de pressions pour qu'on le permette. On nous a donné des exemples dans l'industrie où l'ancienneté dans le travail est peut-être de 20 ou 25 ans en moyenne en disant qu'organiser un groupe devient impossible dans tel type d'industrie. Par contre, c'est un Office franco-québécois de la jeunesse. Il ne faudrait pas créer un deuxième office. Si on veut que ce soit un office de l'Âge d'or, qu'on crée un office de l'Âge d'or. C'est un Office franco-québécois pour la jeunesse et c'est pour cela que, considérant la situation actuelle, on se retourne et on dit: Favorisons plutôt les petits groupes et les individus capables de planifier leur voyage pour maintenir cet esprit de rapprochement, cette dimension sociale d'échanges ou encore, sur le plan économique, nos échanges avec le peuple français. Tâchons de garder cet esprit de rapprochement de la jeunesse.

M. Maciocia: Habituellement, par groupe vous avez combien de personnes?

M. Chevrette: II y en a deux types. Il y a les groupes de 21 qui sont standard de part et d'autre et qui arrivent ici avec une certaine forme d'encadrement ou de planification. Il y a le jumelage aussi où un groupe industriel dans le domaine, par exemple, des pâtes et papiers, s'en va en France dans une usine de pâtes et papiers pour étudier les procédés. C'est un voyage planifié. Eux viennent visiter le même groupe ici. Il y a l'IPG, des individus ou les petits groupes qui se forment et qui planifient eux-mêmes leur voyage, qui soumettent leur projet à l'OFQJ. S'il est sélectionné, ils peuvent y aller.

M. Maciocia: Quelle est la moyenne de la durée de ces voyages?

M. Chevrette: Deux ou trois semaines.

M. Maciocia: Deux ou trois semaines. Lorsque vous parlez de coût moyen net de 1700 $ au début à la page 5...

M. Chevrette: C'est la moyenne que cela nous coûte.

M. Maciocia: Est-ce que la moyenne pour chaque personne?

M. Chevrette: À l'office, pour chaque individu.

M. Maciocia: Est-ce que cela comprend le voyage en avion et toutes les dépenses inhérentes?

M. Chevrette: Cela comprend tout; d'ailleurs, si vous regardez à la page 5, vous avez des données assez précises sur les coûts. Il en coûte au stagiaire une participation moyenne de 526 $ de son argent personnel et le coût moyen net est de 1710 $ à l'office pour chaque individu.

M. Maciocia: Cela veut dire 1700 $ plus 526 $?

M. Chevrette: Exact. C'est 2226,60 $.

M. Maciocia: C'est cela. Une dernière question; je ne sais pas si vous allez la considérer indiscrète. Est-ce que ces voyages se font par Air Canada ou par Air France?

M. Chevrette: Ils se font par Air Canada.

M. Maciocia: D'accord.

M. Chevrette: Si vous regardez l'évolution des coûts, on a rien à cacher, nous, et on le dit.

M. Rivest: Oui, vous êtes un bon ministre.

M. Chevrette: Est-ce que c'est vrai?

M. Rivest: S'il y avait d'autres ministres pour entendre la façon dont vous répondez, ils seraient édifiés.

M. Chevrette: Si vous aviez des questions qui pourraient nous faire vanter le Québec, ce serait peut-être intéressant.

M. Rivest: Je trouve que vous répondez bien aux questions. Vous devrier inviter vos collègues ministres à vous entendre.

M. Maciocia: M. le ministre, on est en train de vous vanter. N'allez pas plus loin que cela.

M. Chevrette: Parce que j'ai dit qu'on avait des bons rabais d'Air Canada. Si j'avais dit Air Québec ou Quebecair, vous auriez dit: Combien de plus vous en coûte-t-il par rapport à Air Canada? Je vous connais.

M. Maciocia: Non, vous n'avez pas encore cette possibilité à cause des marques d'avion. Avec la société des transports dans le projet de loi que vous avez mis de l'avant, probablement que vous allez avoir cette possibilité d'aller en France avec la fleur de lys sur la queue de Quebecair.

M. Chevrette: II y a des goûts dans la vie. Il y en a qui aiment la feuille d'érable et il y en a d'autres qui adorent la fleur de lys. Nous, c'est la fleur de lys. On en tient compte.

M. Maciocia: Cela dépend des coûts.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Les critères ont été changés dernièrement. Vous avez parlé tantôt du sexe des stagiaires. On voit à la page 10 l'inverse en 1981-1982 en ce qui concerne les hommes et les femmes.

M. Chevrette: Non, c'est qu'il y a peut-être eu des efforts de promotion vis-à-vis de certains groupes féminins. Le fait qu'on ait eu une ministre déléguée à la Condition féminine au Québec depuis quelques années a sûrement aidé à susciter l'intérêt chez l'élément féminin. Il y a plus de groupes qui se sont intéressés à soumettre des projets. Comme on est favorables à une discrimination positive, ne soyez pas surpris de cette inversion.

M. Kehoe: Quelles sont les personnes qui sont sur le comité qui fait la sélection?

M. Chevrette: Ce ne sont jamais les mêmes.

M. Kehoe: Je sais, mais avez-vous un comité de sélection dans chaque région? Je vois différentes régions.

M. Chevrette: Pas nécessairement. Je vais demander à M. Tétreault de vous expliquer comment sont formés les comités de sélection.

M. Kehoe: Je pense que vous avez une dizaine de régions, si je ne me trompe pas. Est-ce que ce sont les mêmes personnes qui partent de Montréal qui font la sélection?

M. Chevrette: La sélection se fait au bureau de Montréal, mais le comité de sélection est formé de gens qui proviennent d'un peu partout au Québec pour s'assurer effectivement de la représentation régionale et ne pas être accusés d'oublier certaines régions, si vous voulez. Une fois que les stages ont été choisis, ils sont, évidemment, soumis à la section française en termes de

possibilité d'accueil. Par la suite, chaque stage est annoncé dans une revue qui s'appelle le Stagiaire - c'est très original -et, ensuite, un comité de sélection est formé pour chacun des stages pour accepter les candidats. Encore une fois, ce comité de sélection est formé de gens provenant de l'ensemble du Québec.

M. Kehoe: Si on regarde, à la page 12, la population du Québec et le nombre dans les régions, si je comprends bien, vous essayez de répartir cela dans toute la province en tenant compte autant que possible de la population. La moitié vient de la ville de Montréal et des environs.

M. Chevrette: Ce n'est pas un critère fondamental. Lorsque la sélection des projets est faite, on tente d'aller vraiment vers les meilleurs projets, ceux dont les retombées sont les plus sûres, si vous voulez. Évidemment, compte tenu qu'on fait appel au peuple, les projets viennent de l'ensemble du territoire. Inévitablement, il y a une moyenne qui s'effectue.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Oui, une question. Est-ce que vous avez des données que je n'ai pas vues sur les Québécois anglophones qui y participent?

M. Chevrette: On en a très peu compte tenu que nos publications sont en langue française. Nous avons justement cette année un groupe qui s'appelle Juifs, mais différents; c'est le nom du stage d'ailleurs. Donc, nous avons ce premier groupe. Nous en avons un deuxième qui s'appelle Travailleurs immigrants. Je dois vous dire qu'au niveau du recrutement à ces deux stages nous avons beaucoup de difficultés. Pourtant, nous avons le support d'organismes encadrant, si vous voulez, pour les travailleurs immigrants, donc, essentiellement les centrales syndicales. D'autre part, nous sommes associés aux groupements d'origine juive ou même à des cégeps, Dawson, et tout cela. Malgré cela, on a beaucoup de difficultés. Cela semble plutôt un problème d'attrait de la France pour ces gens. On n'a pas d'analyse très scientifique sur la difficulté.

C'est parce qu'ils n'y sont pas allés.

M. Maciocia: De Viger.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Viger.

M. Maciocia: Est-ce que, parmi les gens qui font la sélection - étant donné que la question a été posée - il y a, justement, des représentants des ethnies?

M. Chevrette: Oui.

M. Kehoe: Apparemment?

M. Chevrette: Cela dépend des sujets.

M. Maciocia: Tantôt M. Tétreault disait qu'il avait beaucoup de difficulté pour faire...

M. Chevrette: Ce n'est pas parce qu'on aurait quelqu'un sur un groupe de sélection que la promotion serait facile.

M. Rivest: Est-ce que vous faites de la promotion, par exemple, auprès des membres des organismes représentatifs des communautés culturelles québécoises?

M. Chevrette: On commence cette année.

M. Maciocia: On va attendre à l'année prochaine.

M. Chevrette: On espère, l'année prochaine, l'améliorer davantage.

M. Maciocia: Est-ce que mon garçon pourrait y participer?

M. Chevrette: Là, vous ne m'accuserez sûrement pas de faire du patronage. Je vous dirai: Qu'il fasse comme les autres, qu'il suive la procédure.

M. Rivest: Est-ce qu'il y a une possibilité d'avenir pour l'Office franco-québécois? Je pense qu'il est remis en question, mais qu'il n'y a pas tellement d'orientations. À votre avis, M. le ministre, si éventuellement les Québécois avaient une double nationalité, française et québécoise, est-ce que l'office pourrait prendre une expansion tout à fait remarquée? Quelle est votre idée là-dessus, M. le ministre?

M. Chevrette: J'allais vous dire, étant donné qu'il est 18 heures, qu'en pensez-vous?

M. Rivest: M. le Président, on peut continuer à 20 heures. Est-ce que le ministre pourrait répondre à ma question?

M. Chevrette: Vous savez pertinemment, en me posant cette question, que vous avez eu votre réponse ce matin. Le fait que vous me posiez la question, c'est un signe que vous commencez à avoir des idées. J'ose espérer que vous allez continuer à en avoir et qu'en 1984 vous pourrez me poser des questions fort pertinentes là-dessus.

M. Rivest: Je regrette, en terminant, qu'un ministre du gouvernement se désolidarise de la sorte du ministre des

Affaires intergouvernementales.

M. Chevrette: Je ne me désolidarise pas de mon collègue, parce que ce matin il vous a expliqué qu'il avait eu une idée qu'il avait transmise à un journaliste; pour les fins du journal des Débats, je vais au moins rectifier ce que vous dites. Que vous soyez surpris qu'il y ait des gens qui ont des idées...

M. Rivest: Avez-vous trouvé cela bon comme explication?

M. Chevrette: C'est aussi brillant que de voir des gens assis pendant neuf semaines à niaiser.

M. Rivest: M. le Président, il est 18 heures. Avez-vous trouvé cela bon?

M. Chevrette: J'ai trouvé cela plus brillant que vos membres qui siégeaient à la commission parlementaire sur l'énergie.

Le Président (M. Champagne): Est-ce qu'on pourrait dire que le programme 3 est adopté?

M. Rivest: Oui, M. le Président. Avec un bon ministre, les programmes sont adoptés rapidement.

Le Président (M. Champagne): Adopté. La commission élue permanente des affaires intergouvernementales suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures, à la même salle.

(Suspension de la séance à 18 h 02)

(Reprise de la séance à 20 h 14)

Le Président (M. Champagne): La commission élue permanente des affaires intergouvernementales poursuit ses travaux pour l'étude des crédits budgétaires de 1983-1984 de ce ministère.

M. le député de Jean-Talon, à vous la parole.

M. Rivest: "Mon successeur ne peut pas penser que je vais disparaître. Je trouverais stupide n'importe quel gouvernement qui, après l'expérience que j'ai eue, n'écouterait pas ce que j'ai à dire, même pour laisser tomber ensuite; ce serait stupide. C'est un des problèmes de la société québécoise, d'ailleurs; un homme politique quand il bifurque, tu le "dompes". Moi, je veux changer cela. Je ne concevrais pas que mon successeur ne m'appelle pas; je trouverais cela stupide." C'est une déclaration que je viens de citer de l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales. Je voudrais lui demander si, depuis le départ du député de Louis-Hébert, le ministère l'a consulté et, s'il l'a consulté, sur quel dossier.

M. Morin: M. le Président, ce n'est pas le ministère en tant que tel qui a consulté M. Claude Morin, puisqu'il avait quitté la vie politique, mais c'est le ministre qui considère que Claude Morin est un homme remarquable, qui le considère comme un ami et qui a eu l'occasion à plusieurs reprises de parler, avec lui, des questions qui agitent le Québec et sa population.

Réorganisation administrative du ministère

M. Rivest: Merci, M. le Président. Dans vos remarques, vous avez, M. le ministre, parlé d'une consolidation administrative du ministère des Affaires intergouvernementales à laquelle Mme la sous-ministre, je pense, a été associée. Est-ce que le ministre pourrait développer davantage les changements qu'il envisage, les choses mêmes qui ont déjà été faites depuis que cette consolidation est en voie?

M. Morin: Je pense avoir dit qu'il s'agissait d'un projet qui est en marche, qui n'est pas acquis encore, car le député sait que, quand on veut faire un changement d'organigramme, on doit franchir un certain nombre d'étapes. On doit, par exemple, aller au trésor, qui étudie pour voir s'il y a des répercussions sur les coûts du ministère. Ces démarches sont en cours. Donc, on ne peut pas considérer officiellement que c'est acquis. Cependant, c'est une volonté clairement exprimée du ministre après, je dois le dire, de longues consultations et beaucoup de discussions avec la sous-ministre pour voir comment les choses pourraient se faire le mieux pour arriver à nos objectifs qui sont d'avoir une boîte de réflexion. Non pas qu'on ne réfléchissait pas au ministère auparavant. Je pense que le député sait qu'on y a toujours réfléchi beaucoup à cause de l'importance des problèmes qu'on a à affronter quotidiennement dans ce ministère, aussi bien que des problèmes à long terme qu'on ne peut pas éluder.

Cette direction générale serait destinée à planifier un peu mieux le travail du ministère, à nous aider à dégager les priorités. J'expliquais - je ne peux que répéter ce que j'ai dit au cours de l'après-midi - que nous sommes sollicités de toute part. Le Québec est sollicité par de très nombreux pays qui veulent nouer des liens avec lui. Nous sommes obligés de faire des choix. On ne peut pas tout faire étant donné, d'abord, l'exiguïté de nos moyens surtout en cette période de contractions financières et, deuxièmement, parce nous sommes un État modeste, un État qui n'est pas encore souverain, un État autonome et

que cela nous dicte un certain nombre de contraintes.

Alors, ayant à faire des choix et à établir des priorités, nous avons pensé qu'il serait utile d'avoir une direction qui serait particulièrement responsable d'élaborer des priorités, des choix et de nous rédiger éventuellement une politique, des politiques -soyons modestes, commençons par des politiques - sectorielles qui pourraient, un jour, donner une synthèse.

Cette direction aurait aussi comme mission spécifique d'assurer la coordination des actions, d'abord à l'intérieur du ministère, puis à l'extérieur du ministère, avec les autres ministères qui oeuvrent à l'extérieur du Québec. Donc, vous le voyez, c'est une sorte de boîte charnière. L'aspect programmation serait plutôt consacré, si vous voulez, à l'analyse et à l'évaluation de nos actions à l'étranger de façon à en corriger le tir, chemin faisant, lorsque c'est nécessaire.

Je ne pense pas pouvoir vraiment en dire plus long que ça, étant donné que ce n'est pas acquis. Je ne peux pas vraiment aller décrire tous les textes que nous avons pu rédiger là-dessus, parce qu'il y a eu un certain nombre de documents préparatoires, tant que ce n'est pas officiellement acquis, mais je voulais informer la commission que c'est un de nos projets parce qu'il me semble que, l'an dernier, le député avait fait allusion au problème de cohérence, de cohésion à l'intérieur du ministère et que cela avait été, pour autant que je m'en souvienne, une occasion de réfléchir déjà à cette question.

M. Rivest: Est-ce que, d'une part, cette réorganisation administrative - le ministre a référé à l'organigramme - ne touche ou ne vise que la création d'un groupe de recherche, de planification et de développement ou si cela implique une réorganisation de l'ensemble de l'appareil administratif du ministère?

M. Morin: Cette question est plus administrative, M. le Président, et avec votre permission, je vais inviter la sous-ministre à nous faire part de ses réflexions sur la question.

Le Président (M. Champagne): Madame, si vous voulez bien vous identifier pour la retranscription des débats, s'il vous plaît!

M. Morin: Paule Leduc.

Le Président (M. Champagne): Très bien, Mme Leduc.

M. Morin: L'objectif que nous visons est de consolider l'organisation de nos délégations à l'étranger, de consolider aussi nos manières de développer nos priorités. Alors, cette direction que nous nous apprêtons à créer, comme l'a dit M. le ministre tout à l'heure, c'est pour nous assurer des instruments un peu plus organisés dans le domaine de la planification, dans le domaine de la coordination intraministérielle et interministérielle. Cela ne modifiera pas l'ensemble de l'organigramme du ministère. Il y aura sûrement de légères modifications qui seront apportées à la Direction des affaires internationales, mais peu de modifications dans le reste de l'organisation, si ce n'est des retouches, j'allais dire, administratives nécessaires. Par exemple, pour la gérance des délégations, nous imaginons une meilleure cohérence entre la gestion administrative des délégations, ce qui se passe dans les pays étrangers et ce qui se passe au Canada.

Ce que nous visons, c'est raffiner nos instruments d'évaluation, d'organisation de l'information. Je veux que vous compreniez bien; il s'agit de l'information dont nous disposons, nous, à l'intérieur, sur les actions de coopération que nous menons. Nous utilisons, évidemment, comme instruments, des missions, des échanges de toutes sortes, des stages, des bourses et le reste. On se rend compte que, compte tenu de l'évolution du ministère et de son développement quand même relativement rapide, nous avons besoin d'instruments qui nous permettraient de mettre ensemble toutes les interventions que nous faisons qui sont souvent ponctuelles, mais qui mériteraient d'être examinées de façon absolument générale pour voir si les interventions que nous avons menées depuis 20 ans ne mériteraient pas d'être modifiées, si les activités que nous menons à l'étranger sont les bonnes, si elles conduisent aux résultats escomptés ou s'il ne faudrait pas modifier nos tirs y compris les instruments que nous utilisons dans notre coopération.

C'est dans cet esprit, j'allais dire, de consolidation de nos activités et, en particulier, de coordination avec les ministères, puisque toutes les actions à l'étranger des ministères sectoriels sont menées conjointement avec nous, mais sous notre responsabilité générale. Cela fait beaucoup d'interventions de toutes sortes et de plus en plus maintenant. On se rend compte qu'il serait nécessaire d'avoir une structure un peu plus organisée pour s'assurer que les interventions des ministères sectoriels, quand ils veulent en faire, sont faites dans la conjoncture qui risque de donner les résultats les plus utiles, et le sont aussi de manière que la politique du Québec, par rapport à tous les pays, donne l'image d'une politique cohérente et soit véritablement une politique cohérente. Ce sont donc des instruments administratifs que tous les ministères, en général, se donnent, que nous avions de façon un peu moins organisée que je le désirerais maintenant.

Nous espérons que cela nous permettra, dans un contexte de restrictions de ressources, de mieux mesurer nos interventions et de mieux les contrôler.

M. Rivest: Est-ce que cette préoccupation nouvelle - enfin, nouvelle dans le sens de la réorganisation, de la consolidation des opérations; autant le ministre que Mme la sous-ministre, en répondant a la question, parlent beaucoup de la dimension internationale - implique également la dimension des relations entre le gouvernement canadien et le gouvernement du Québec ou les autres gouvernements également sur le plan intraprovincial?

M. Morin: Quand nous avons des relations internationales, vous savez très bien que nous devons travailler en collaboration avec le fédéral. Alors, il y a donc des relations fédérales-provinciales dans le domaine international qui doivent être aussi préservées, maintenues et organisées. Pour le moment, nous ne comptons pas confier à la direction de la planification la planification des actions canadiennes, mais il y a des liens qui seront faits entre les directions sur cette question-là.

M. Rivest: Donc, c'est une initiative qui touche...

M. Morin: L'international.

M. Rivest: ...davantage les relations internationales et tout le champ de la coopération. C'est essentiellement cela. En fait, des réponses de Mme la sous-ministre, je constate également que tout le problème de l'évaluation, dans la mesure où elle peut se faire, des maisons du Québec à l'étranger, de leur vocation particulière, de la continuité de l'examen, c'est-à-dire du suivi des opérations, des gestes même administratifs que vous faites au niveau d'une nomination, d'un changement de vocation, fera partie éventuellement de la mission ou du mandat qui lui sera confié. Mais en ce qui concerne les affaires proprement canadiennes, c'est-à-dire le domaine des relations fédérales-provinciales, ce ne sera pas, comme préoccupation principale, l'objet de cela.

M. Morin: C'est que, comme le disait Mme la sous-ministre, nos rapports avec l'étranger entraînent automatiquement des retombées fédérales-provinciales. Dans la mesure où c'est lié à l'international, eh bien, cette boîte devra, mais en coordination avec le reste... Il ne s'agit pas de créer une boîte qui va s'isoler; au contraire, ce sera une boîte avec des neurones dans toutes les directions.

M. Rivest: Ce groupe, enfin, cette direction générale - je ne sais pas comment vous l'appellerez - relèvera, bien sûr, du ministre et de Mme la sous-ministre sur le plan de la direction. Y aura-t-il un sous-ministre directement responsable de cela?

M. Morin: C'est ce dont nous discutons actuellement avec le Conseil du trésor.

M. Rivest: Êtes-vous optimiste? M. Morin: Je voudrais bien l'être.

M. Rivest: Vous êtes en discussion avec le Conseil du trésor. Est-ce qu'il y a un plan d'effectifs qui, effectivement...

M. Morin: Si.

M. Rivest: ... - excusez le pléonasme -a été soumis au Conseil du trésor?

M. Morin: Nous comptons dans cette réorganisation administrative ne pas augmenter le nombre de postes du ministère ni le nombre de cadres. Nous comptons rester dans l'enveloppe que nous avons actuellement. Donc, il y aura des affectations qui seront faites à l'intérieur du ministère.

M. Rivest: Et quant au rôle des directions générales présentes, si on se réfère à l'organigramme - je ne sais pas si je l'ai - ...

M. Morin: Oui, oui, vous l'avez.

M. Rivest: ...du ministère, sans nous l'indiquer d'une façon précise, je suppose qu'il y aura des directions qui pourront être réaménagées ou dont la vocation pourra être changée en fonction de cela. Vous en êtes au niveau du Conseil du trésor en ce moment?

M. Morin: Exactement.

M. Rivest: Et quand vous aurez reçu l'accord du Conseil du trésor, vous reviendrez...

M. Morin: Nous procéderons.

M. Rivest: ...sur le plan interne. Je suppose que cet effort de réflexion et d'évaluation de l'action internationale du Québec a été réclamé et est sans doute nécessaire, compte tenu que cela fait dix ou quinze ans que le Québec mène une telle action sans qu'il y ait eu un effort systématique de regard et de réflexion là-dessus. Cela s'imposait. Bon, très bien.

M. Morin: D'ailleurs, si le député s'intéresse à cette question de façon particulière, M. le Président, je suis tout à

fait prêt à le tenir au courant éventuellement, au moment où nous aurons acquis nos résultats et où nous établirons la direction générale en question.

M. Rivest: Oui, d'accord. Merci. C'est une belle façon de mettre fin à mes questions.

M. Morin: Vous pouvez continuer.

M. Rivest: J'essaie d'en obtenir le maximum. Vous savez, mon expérience de cet après-midi avec le sommet de la francophonie...

M. Morin: À été traumatisante?

M. Rivest: Pardon?

M. Morin: À été traumatisante?

M. Rivest: Non, pas pour moi.

Quant au domaine des relations fédérales-provinciales proprement dites, je suppose qu'il y a également un effort de réflexion qui est fait sur la façon dont c'est conduit...

M. Morin: Assurément.

M. Rivest: ...sans qu'il soit besoin d'une structure administrative particulière dans ce cas, semble-t-il.

M. Morin: C'est un peu différent parce que, d'abord, vous le savez, les affaires canadiennes comptent moins de personnel que les affaires internationales. Cela s'explique assez facilement. Dans le domaine des relations internationales du Québec, avec tous les postes que nous avons à l'étranger et la multiplication au cours des dernières années de nos directions géographiques, il a fallu trouver du personnel assez nombreux. Donc, la coordination de l'ensemble est une tâche gigantesque. (20 h 30)

Du côté des affaires canadiennes, effectivement, nous sommes moins nombreux, ce qui ne veut pas dire que les questions sont moins importantes, mais nous sommes moins nombreux et la boîte elle-même, surtout depuis quelques années, est devenue une boîte de réflexion. Donc, nous n'éprouvons pas le besoin de créer une direction générale de la recherche et de la planification, parce qu'il y a une unité de recherche au sein des affaires canadiennes.

M. le sous-ministre, désirez-vous ajouter deux mots là-dessus?

Le Président (M. Champagne): M. Gilles Loiselle.

M. Marin: Effectivement, nous avons déjà commencé, si vous voulez, à utiliser certains modèles. Nous avons de petits réseaux de délégations. Déjà, à l'usage, au moment des réunions, il y a beaucoup de sujets qui nous concernent beaucoup moins. Mais on utilise une partie du travail qui est fait. Mme la sous-ministre a dit, d'ailleurs, qu'au niveau de l'administration il n'y avait pas deux unités administratives pour gérer, finalement, le même genre de problème.

Une capacité recherche-réflexion est répartie dans toutes nos directions, parce que c'est essentiellement ce que nous faisons en dehors d'une de nos directions qui est plutôt opérationnelle et programmes. Ce sont des analystes, des avocats-conseils, en quelque sorte, qui essaient d'assurer une certaine cohérence aux interventions. Nous ferons sûrement appel à la boîte centrale qui nous donnera des modèles pour mieux structurer nos interventions.

M. Rivest: J'ai une question administrative. Je l'ai évoquée en dehors de la commission avec le ministre au début de nos travaux. On m'a dit que le ministère des Affaires intergouvernementales - je parle de l'organisation physique - avait l'intention ou projetait de déménager ses pénates au palais de justice. Je voudrais savoir si ce projet a vraiment existé, existe ou existera.

M. Morin: M. le Président, je pense qu'il n'y a pas de raison de ne pas faire état d'un projet qui a existé. En effet, l'ancien palais de justice est un fort bel immeuble qui aurait pu...

M. Rivest: Le grand escalier vous a plu.

M. Morin: ...loger princièrement les Affaires intergouvernementales. On devra, d'ailleurs, évidemment, y reloger l'un ou l'autre des services gouvernementaux. Malheureusement, nous avons découvert par la suite qu'il faudrait trois ou quatre ans, trois ans au minimum, pour refaire tout l'intérieur du palais de justice, parce que celui-ci est désuet du point de vue des normes de sécurité. Les fils électriques, la plomberie, tout cela doit être refait. C'est-à-dire que les murs doivent être éventrés, les cages d'escalier doivent être modifiées. Bref, ce sont des changements considérables qui nécessiteront de grands travaux et beaucoup de temps. Donc, la question est un peu en l'air. Nous ne voyons pas de raison, pour l'heure, trois ou quatre ans avant le moment où l'édifice deviendra libre, de faire un choix. Pour l'instant, nous pensons qu'il vaut mieux que nous restions là où nous sommes.

M. Rivest: Est-ce que, à ce titre, le ministère des Affaires intergouvernementales

avait fait des démarches auprès du Conseil du trésor ou du ministère des Travaux publics ou si ce sont purement les services administratifs du ministère qui, après examen, ont dissipé la fascination que le grand escalier avait probablement exercée sur le ministre?

M. Morin: Non. Je ne sais pas pourquoi le député parle du grand escalier.

M. Rivest: Parce que je trouve que cela vous convient.

M. Morin: Du point de vue d'un ministère, M. le Président, c'est surtout une perte d'espace. C'est l'un des inconvénients de ce superbe bâtiment.

M. Rivest: Je ne vous crois pas.

M. Morin: C'est qu'il y a beaucoup d'espace perdu. Il y a d'immenses couloirs. Il y a des salles de pas perdus. Il y a des salles de tribunal qui sont immenses, mais qui ne peuvent pas, à cause de leur caractère historique, être réaménagées et subdivisées en cubes pour qu'on puisse en faire des bureaux. Donc, très rapidement, je pense qu'on s'est rendu compte que cela ne convenait pas. Cela aurait pu convenir à nos besoins, mais on s'aperçoit que notre personnel, d'ailleurs, est trop nombreux pour pouvoir entrer dans ce bâtiment.

M. Rivest: La raison a enfin prévalu.

M. Morin: M. le député, je serais curieux de savoir ce que vous en pensez vous-même. Cela m'intéresserait de le savoir.

M. Rivest: Moi, le grand escalier me laisse tout à fait indifférent.

M. Morin: Non, non. Je ne parle pas du grand escalier. Je vois que vous avez été traumatisé, un moment dans votre vie, par un escalier. Je ne sais pas lequel. Je ne sais pas si vous avez déboulé sur la tête. J'aimerais savoir ce que vous pensez du projet du vieux palais de justice.

M. Rivest: M. le Président, je regrette de décevoir le ministre, mais je n'ai, malheureusement pour l'instant, aucun crédit à défendre.

M. Morin: Mais vous avez votre propre crédit...

M. Rivest: Pardon?

M. Morin: ...à défendre.

M. Rivest: Oui, mon gérant de banque me parle constamment de cela.

M. Morin: Vous allez dire qu'il n'est pas... Enfin, je vois que le député ne veut pas répondre à mes questions. Il ne faudrait pas...

M. Rivest: Non, absolument pas. Absolument pas.

M. Morin: ...qu'il me blâme de ne pas répondre aux siennes.

M. Rivest: Non, non. Justement, au contraire, moi, je peux vous blâmer. Une question pratique. Je voudrais avoir un engagement, une promesse solennelle du ministre...

M. Morin: Dites d'abord, je promettrai après, s'il y a lieu.

M. Rivest: Oui, je sais. Je donne mes illusions avant de poser ma question. J'espère que le ministère des Affaires intergouvernementales ne se lancera pas de nouveau dans cette campagne préréférendaire, dans laquelle nous sommes engagés par une décision d'un certain congrès du Parti québécois, dans le même genre de dépenses de fonds publics pour financer des études, analyses, sondages, pour préparer l'élection référendaire et étayer la thèse de la souveraineté.

M. Morin: Je n'ai pas encore pris de décision à ce sujet.

M. Rivest: Vous ne pouvez pas vous engager à assurer l'Assemblée nationale que vous ne demanderez pas aux services administratifs du ministère des Affaires intergouvernementales de reprendre les démarches, qui avaient été critiquées de toutes parts, en ce sens que des fonds publics servaient à étayer une thèse qui est purement politique.

M. Morin: Elles avaient été critiquées surtout de la part de l'Opposition, si ma mémoire est bonne. Mais c'était de bonne guerre.

M. Rivest: Non, non.

M. Morin: Mais comme la question ne se pose point à l'heure actuelle et que je n'ai pas encore pris de décision à ce sujet, je ne prendrai aucun engagement, ni dans un sens ni dans l'autre. Cela ne veut pas dire que cela se fera ou que cela ne se fera pas. Je n'ai pas eu le temps de réfléchir à cette question suffisamment pour donner une réponse éclairée et digne de celui qui pose la question.

M. Rivest: Alors, vous ne pouvez pas nous garantir que, effectivement, le

ministère des Affaires intergouvernementales ne fera pas de sondages sur la faveur ou la défaveur de la souverainneté-association avec ou sans trait d'union?

M. Morin: Non. M. Rivest: Non.

M. Morin: Je ne veux pas prendre un tel engagement...

M. Rivest: II est possible que vous le fassiez.

M. Morin: ...parce que je veux aviser avant.

M. Rivest: II demeure donc possible que, effectivement, le ministère des Affaires intergouvernementales se lance dans une mise à jour de tous les documents d'association avec le reste du Canada, le groupe du professeur Bonin...

M. Morin: Je ne veux pas...

M. Rivest: ...et qu'on refasse un autre sondage. Il est possible que le ministère s'engage dans cette voie-là.

M. Morin: Je ne veux répondre ni dans un sens ni dans l'autre. Très sérieusement...

M. Rivest: Je ne vous demande pas de répondre dans un sens ou dans l'autre.

M. Morin: ...je n'ai pas pris de décision.

M. Rivest: Vous n'avez pas pris de décision.

M. Morin: Je ne prendrai pas d'engagement parce que je pense que ce serait de nature à restreindre ma liberté de décision par la suite.

M. Rivest: Donc, la chose, pour l'instant, demeure possible.

M. Morin: Encore une fois, je ne veux me prononcer ni dans un sens ni dans l'autre.

M. Rivest: Je ne vous demande pas de vous prononcer dans un sens ou dans l'autre, je vous demande de nous dire si la chose demeure possible.

M. Morin: Moi, je vous dis que je ne veux m'engager ni dans un sens ni dans l'autre.

M. Rivest: II y a un problème de vocabulaire, M. le Président. Est-ce possible?

M. Morin: Je ne veux m'engager ni dans un sens ni dans l'autre.

M. Rivest: Donc, c'est clairement possible.

M. Morin: Est-ce que c'est votre conclusion?

M. Rivest: Si vous ne vous engagez ni dans un sens ni dans l'autre, les deux hypothèses sont possibles.

M. Morin: Oui. Toutes les hypothèses sont possibles.

M. Rivest: Bon. Très bien. On s'ennuie un peu de Claude Morin, avec de telles réponses. En tout cas.

M. Morin: Vous savez, je peux être plus paysan que lui encore.

M. Rivest: Non, pas "paysan". J'ai dit cela dans un sens absolument non péjoratif.

M. Morin: Ah bien! Écoutez! Je ne dirais pas que je suis paysan si c'était péjoratif.

M. Rivest: Je trouvais qu'il avait un sens du terroir...

M. Morin: Oui, oui. C'est cela. Exactement.

M. Rivest: ...qui s'alimente des vertus de la simplicité et j'aimais bien cela. Cela m'amène, M. le ministre, d'une façon très logique, à m'informer de l'état de votre cabinet ministériel.

M. Morin: Oui, très volontiers.

M. Rivest: Attachés politiques: 10. C'est beaucoup. Combien votre prédécesseur en avait-il?

M. Morin: Je ne le sais plus combien il en avait; à vrai dire, je ne lui ai jamais posé la question. Qu'est-ce que vous ensavez, vous? C'est la même question que l'an dernier.

M. Rivest: Elle revient toujours. Je suis convaincu qu'il en avait beaucoup moins, quatre ou cinq. Pourquoi en avez-vous besoin de dix?

M. Morin: Parce que, comme vous le savez, c'est un ministère qui a une certaine importance.

M. Rivest: II en avait aussi pour votre prédécesseur.

M. Morin: Chacun a ses méthodes de

travail.

M. Rivest: Oui, mais l'autre nous coûtait moins cher.

M. Morin: Moi, je crois beaucoup au travail d'équipe.

M. Rivest: Vous avez des sous-ministres.

M. Morin: J'ai toujours travaillé en équipe quand j'étais à l'Éducation, quand j'étais au Développement culturel et scientifique; j'ai toujours travaillé entouré d'une équipe. Il y en avait six, tandis que maintenant il y en a dix si on compte Mme Ouellette.

M. Rivest: Oui. Est-ce qu'elle est encore là?

M. Morin: Cela dépend qui vous incluez. Au centre, dans le cabinet parmi ceux qui travaillent avec moi à Québec, je crois qu'il y en a sept.

M. Rivest: Vous avez fait état, en réponse à ma question, que vous aimez bien travailler en équipe. Pourriez-vous nous indiquer si vous avez émis, à titre de ministre responsable, des directives suffisamment claires, dans la mesure où elles peuvent l'être dans ce domaine, qui impartissent aux uns et aux autres le champ de leurs responsabilités, entre autres, d'une part, dans votre cabinet politique et, d'autre part, quant à l'administration du ministère, partant de Mme la sous-ministre?

M. Morin: Voulez-vous me préciser votre question? Si vous me parlez de mon cabinet, effectivement, la répartition des tâches est assez précise. Voulez-vous ajouter à cette question de la répartition au sein du cabinet la question des rapports avec le bureau des sous-ministres?

M. Rivest: Oui, c'est cela.

M. Morin: Que voulez-vous savoir?

M. Rivest: Prenons un exemple pratique. Si un problème survient à votre ministère, qui vient d'une direction générale ou d'un service du ministère, est-ce que les membres de votre cabinet politique sont autorisés à intervenir directement auprès du fonctionnaire en passant par-dessus l'ordre hiérarchique administratif?

M. Morin: Normalement, ce genre d'intervention passe par la sous-ministre.

M. Rivest: Est-ce que...

M. Morin: Si vous voulez me laisser compléter ma réponse. Il arrive, cependant, qu'il y ait des urgences. Là, il se peut très bien, comme, je pense, cela se pratique dans tous les cabinets et tous les ministères, qu'il y ait des rapports plus directs. Mais la sous-ministre sera tôt ou tard informée.

M. Rivest: Oui, j'imagine.

M. Morin: Parce que c'est elle qui a la direction du ministère.

M. Rivest: Je parlais de départager les responsabilités et je vous donne mon opinion personnelle sur les cabinets ministériels, ce qui n'est, d'ailleurs, pas du tout le fait de votre cabinet propre ou du cabinet de vos autres collègues; je parle de l'expérience d'avant comme d'après 1976. D'ailleurs, je l'ai déjà fait auprès de Mme LeBlanc-Bantey, lors de l'étude des crédits de la Fonction publique, et auprès d'autres également. Je pense qu'il serait très important, compte tenu de l'accroissement considérable puisque c'est dans un rapport de deux à un en nombre, depuis cinq ou six ans - du personnel dans les cabinets ministériels, qu'on examine cette question. J'ai, d'ailleurs, demandé à Mme la ministre de la Fonction publique de le faire parce que je sais - je ne parle pas de votre ministère en particulier -que chez les hauts fonctionnaires il s'est développé un certain problème de rapports entre les cabinets ministériels et l'administration publique. Entre autres, j'ai demandé qu'il soit possible, compte tenu de l'importance qu'ils ont prise, de convenir d'un certain protocole, d'une certaine méthode de fonctionnement. En particulier, il est tout à fait inadmissible que l'entourage politique d'un ministre puisse intervenir directement avec les services d'un ministère en mettant de côté la structure administrative. Quand la chose se fait, je pense que ce n'est à l'avantage ni du ministre ni de l'administration d'un ministère. (20 h 45)

M. le ministre, cela est important surtout dans un ministère politique, au sens le plus noble du terme, comme le ministère des Affaires intergouvernementales. Dans un ministère très administratif, ce genre d'intervention peut être moins dommageable que dans un ministère où c'est vraiment de la conception, des orientations. Autrement, c'est toute la nature des rapports du ministre avec le ministère qui risque d'être embrouillée.

Je voudrais que le ministre m'indique qu'effectivement son personnel et ses collaborateurs politiques ne sont nullement autorisés à faire part de leurs commentaires directement à un fonctionnaire qui a un dossier ou qui prend une décision ou qui a pris une décision ou qui est sur le point d'en

prendre une.

M. Morin: Oui, mais il faut voir qu'il y a tout de même une différence entre les schémas, les organigrammes et la vie réelle. Les choses se passent rarement comme vous l'indiquez où chacun est dans un petit carré sur une feuille de papier. Nous avons constamment des réunions auxquelles assistent à la fois des fonctionnaires, quelquefois les plus hauts fonctionnaires, et les membres de mon cabinet. À ce moment, tout le monde parle à tout le monde. Donc, il faut être bien conscient qu'il n'y a pas de compartiments étanches à ce moment. Je ne voudrais pas, non plus, que les choses soient absolues au point que personne ne puisse plus parler à personne sauf en passant par la sous-ministre. On imagine à quel point son téléphone serait achalandé. Ce serait invivable.

Mais le principe reste, surtout pour toutes les questions importantes, que cela doit passer par la sous-ministre, en tout cas, qu'elle doit être au courant de tout ce qui se passe. Bien sûr, c'est à elle aussi - je pense qu'elle l'a fait - de s'assurer que dans son ministère les lignes d'autorité sont claires et qu'elles servent effectivement au passage du courant.

M. Rivest: Très bien. Alors, bonne chance aux uns et aux autres. M. le ministre, je voudrais aborder d'une façon peut-être plus concrète les rapports avec votre collègue et néanmoins ami, le ministre du Commerce extérieur.

Chevauchements avec le ministère du Commerce extérieur

M. Morin: Je croyais que nous l'avions fait ce matin.

M. Rivest: Oui mais je vous ai dit que...

M. Morin: Vous voulez y revenir.

M. Rivest: Oui, parce qu'il y a des questions très pratiques. Tout va bien, nous sommes en période de rodage, quelques difficultés sont encore en cours, etc., voilà la problématique ministérielle de la chose bien établie. Mais, en dehors de cela, est-ce qu'il y a eu entre le ministère du Commerce extérieur - c'est un ministère, je pense, oui et le ministère des Affaires intergouvernementales... D'abord, est-ce qu'il y a un arrêté en conseil du Conseil des ministres déterminant les responsabilités générales de l'un et de l'autre des ministres, en dehors du texte de loi? Comme on l'a signalé cet après-midi ou en lisant simplement le texte de loi, on voit qu'il y a un certain chevauchement des responsabilités. Est-ce qu'un arrêté en conseil détermine les mandats du ministre du Commerce extérieur et du ministre des Affaires intergouvernementales?

M. Morin: M. le Président, ce qui est déterminant, ce sont les textes de loi. Les décrets portant nomination des ministres ne donnent pas le genre de précisions auxquelles fait allusion le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Avant la création du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, il y avait au ministère de l'Éducation un ministre d'État qui était responsable de ce qu'on appelait à l'époque le Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports, organisme qui relevait du ministère de l'Éducation. Le ministre de l'Éducation avait un mandat général sur cette activité. Il y a eu un arrêté en conseil qui a déterminé effectivement les responsabilités. Est-ce que ce genre de document existe ou est-ce qu'il va exister un jour ou l'autre?

M. Morin: M. le Président, c'est la loi qui définit toutes les responsabilités de chacun des deux ministères. Et, si le député croit que la loi du ministère des Affaires intergouvernementales en particulier n'est pas suffisamment explicite, il n'a qu'à s'en ouvrir et à nous dire ce qu'il ferait. Moi, celam'intéresse beaucoup de le savoir.

M. Rivest: Oui, si cela vous intéresse, vous lirez les débats que nous avons eus avec votre collègue, le ministre du Commerce extérieur qui - je n'ai malheureusement pas la référence ici - nous a dit qu'effectivement il y avait au niveau des textes des deux lois - vous lirez au moment où on a étudié le projet de loi article par article - des précisions qui viendraient. Il a même évoqué la possibilité ou la nécessité même, je pense, sauf erreur, qu'il y ait des amendements formels au texte de la loi du ministère des Affaires intergouvernementales. Je pense que c'est très clair. Lisez la loi du ministère des Affaires intergouvernementales, entre autres au titre des ententes sur le plan international. On donne cela au ministère des Affaires intergouvernementales; je pense que c'était le sens de la loi. C'était là que les ententes devaient être conclues, signées, etc. Or, on a donné exactement la même responsabilité au ministre du Commerce extérieur dans le chapitre 50 de la loi. Il y a une foule de choses comme cela: élaborer et mettre en oeuvre des programmes en vue de favoriser les exportations. Bon, très bien, on va élaborer des programmes. Mais ne serait-ce que, par exemple, M. le ministre, sur le plan de la soustraction, il reste que votre direction des affaires économiques - je

ne me souviens plus comment elle s'appelait exactement - ou, enfin, le directeur des affaires économiques qui était à votre ministère est rendu avec le ministre du Commerce extérieur. Alors, il faisait quelque chose au ministère et il n'est plus là pour le faire.

M. Morin: Nous avons un nouveau directeur des affaires économiques. Quand on perd un fonctionnaire, on peut le remplacer, n'est-ce pas?

M. Rivest: Alors, double emploi. Il y en a un qui faisait cela au ministère des Affaires intergouvernementales.

M. Morin: C'est votre conclusion.

M. Rivest: On l'a envoyé au ministère du Commerce extérieur et on en engage un autre aux Affaires intergouvernementales.

M. Morin: Je m'excuse, M. le Président, mais je crois qu'il y a une certaine confusion. Le fonctionnaire qui avait ces responsabilités chez nous est devenu secrétaire du ministère du Commerce extérieur. Donc, il n'exerce plus les mêmes fonctions qu'il remplissait chez nous.

M. Rivest: Prenons un autre exemple: l'article 8 de la loi du Commerce extérieur: "Faciliter l'accès des biens et services produits au Québec aux marchés extérieurs par des opérations promotionnelles, par la conclusion d'ententes."

M. Morin: Oui.

M. Rivest: Est-ce que cela implique que le ministre du Commerce extérieur peut partir à l'étranger et conclure une entente avec des firmes privées, signer l'entente avec un gouvernement? Il a ce pouvoir de conclure? Vous l'avez dans votre loi.

M. Morin: Oui, mais...

M. Rivest: Mais qui fait quoi?

M. Morin: Tous les ministères sont autorisés.

M. Rivest: Non, pas dans le domaine international. Je regrette, mais votre loi du ministère des Affaires intergouvernementales a accordé, justement, l'exclusivité...

M. Morin: Oui, oui.

M. Rivest: ...de cette responsabilité au ministère des Affaires intergouvernementales.

M. Morin: Effectivement, parce que c'est toujours sous la coordination des

Affaires intergouvernementales et l'article 10 de la loi du Commerce extérieur le rappelle en toutes lettres: "Les fonctions et pouvoirs que possède le ministre en vertu de la présente loi sont exercés conformément à la Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales." Article 10, si c'est cela que vous cherchez.

M. Rivest: Bon, alors, je vais citer -vous m'excuserez parce que je n'ai pas retrouvé le passage exact - votre collègue, M. Landry, le 1er décembre 1982, alors que j'avais soulevé le même type de problème au ministre du Commerce extérieur. M. Landry, qui était très perspicace, disait ceci: "Le député - en parlant du député de Jean-Talon - est au coeur du problème et ses questions ne sont pas théoriques."Quel ministre lucide! "Ses questions ne sont tellement pas théoriques qu'il est possible que l'Assemblée nationale soit saisie de changements à d'autres lois, dont celle sur le ministère des Affaires intergouvernemantales et, éventuellement, celle sur le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme." Ce sont les questions que j'avais soulevées sur l'article 10 en rapport avec l'article 8. Un ministre m'a dit ceci en décembre.

M. Morin: C'était avant l'adoption de la loi.

M. Rivest: C'était au moment de l'étude de la loi sur le Commerce extérieur et le ministre vient de dire: Non, aujourd'hui il n'y a plus de problèmes. Je ne sais pas, mais d'après les échos, pour autant qu'on puisse y accorder foi, qui nous sont parvenus, ne me dites pas qu'il n'y a pas de problèmes.

M. Morin: Je vous ai dit, ce matin, que le rodage s'effectuait et je vous le répète.

M. Rivest: Qu'est-ce que vous entendez par rodage? Qu'est-ce que vous rodez dans votre rodage?

M. Morin: C'est la mise en marche d'un nouveau ministère...

M. Rivest: Bon.

M. Morin: ...qui exerce de nouvelles compétences, lesquelles étaient exercées par d'autres ministères. Il y a donc une période d'adaptation, une période de transfert, une période où il faut s'habituer à de nouvelles démarches administratives, une période où il faut apprendre à travailler ensemble. C'est cela, le rodage.

M. Rivest: Quelles compétences auxquelles vous venez de référer ont été transférées?

M. Morin: Le commerce extérieur.

M. Rivest: Bon, le commerce extérieur. Qui était où?

M. Morin: Qui était à l'OQCE. M. Rivest: Oui.

M. Morin: Qui était au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Rivest: II n'était pas aux Affaires intergouvernementales.

M. Morin: Non, il était au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Je n'ai pas parlé des Affaires intergouvernementales. En ce qui nous concerne...

M. Rivest: Alors, le ministère des Affaires intergouvernementales n'a pas perdu de responsabilités par la création du ministère du Commerce extérieur.

M. Morin: Non. M. Rivest: Non?

M. Morin: Non, parce que nous n'exercions pas de compétences dans le domaine du commerce extérieur.

M. Rivest: Si cela est le cas, pourquoi le ministre du Commerce extérieur m'a-t-il dit qu'il serait nécessaire d'amender la loi du ministère des Affaires intergouvernementales?

M. Morin: Vous le lui demanderez. Est-ce qu'il ne doit pas justement...

M. Rivest: Ah bien, là!

M. Morin: ...faire étudier ses crédits demain? Je ne connais pas la réponse à cette question.

M. Rivest: Oui, mais votre collègue a dit cela. Vous faites partie du même gouvernement, vous devez vous parler. J'espère que vous vous parlez encore.

M. Morin: Assurément.

M. Rivest: Et vous me dites qu'il n'y a pas de problèmes. Allez voir Landry, si Landry a cru qu'il y avait un problème, arrangez-vous avec lui.

M. Morin: Je ne vous ai pas dit qu'il n'y avait pas de problèmes; je vous ai dit qu'il y avait eu une période de rodage.

M. Rivest: Bien oui, mais qu'est-ce que vous rodez?

M. Morin: Je vous l'ai dit il y a un instant.

M. Rivest: Quelles sont les difficultés que vous avez éprouvées?

M. Morin: Je vous l'ai dit...

M. Rivest: Concrètement.

M. Morin: ...il y a un instant.

M. Rivest: Bien oui, les démarches.

M. Morin: La naissance d'un nouveau ministère entraîne toujours, forcément, des périodes d'adaptation, de transition...

M. Rivest: Bon, des périodes maintenant!

M. Morin: Nous avons, je pense, réglé la plupart des...

M. Rivest: Quelles difficultés avez-vous éprouvées?

M. Morin: ...problèmes.

M. Rivest: Quels sont les problèmes que vous cherchez à résoudre avec votre collègue?

M. Morin: Je dois dire que maintenant c'est réglé.

M. Rivest: Lesquels avez-vous réglés?

M. Morin: Je ne veux pas entrer dans ces détails-là.

M. Rivest: Franchement:

M. Morin: Non, parce que c'est réglé. Si cela n'était pas réglé, on pourrait...

M. Rivest: Je ne veux pas savoir cela. Qu'avez-vous changé dans la pratique des Affaires intergouvernementales depuis l'arrivée du ministre du Commerce extérieur? Ne qualifiez pas cela de problèmes; on va prendre des euphémismes. Qu'avez-vous changé?

M. Morin: Je crois qu'il a fallu apprendre à se coordonner avec un nouveau ministère.

M. Rivest: De cela, je me fous royalement.

M. Morin: Pas moi...

M. Rivest: Je veux savoir...

M. Morin: ...parce que se coordonner...

M. Rivest: ...les choses qui ont changé.

M. Morin: Je m'excuse, M. le Président, mais, pour se coordonner avec un nouveau ministère, il faut prendre de nouvelles habitudes. Il y a de nouvelles personnes qui entrent dans de nouveaux rôles. Ce n'est donc pas facile et je crois que, maintenant, c'est fait, mais il a fallu des efforts de la part de tous les intéressés.

M. Rivest: Qu'est-ce qui a été changé au niveau des responsabilités du ministère des Affaires intergouvernementales?

M. Morin: Rien. Je vous ai dit, tout à l'heure, que nos responsabilités ne sont pas modifiées. Notre loi n'a pas été modifiée.

M. Rivest: Aucun programme, aucun service n'a été changé? Vous participez exactement de la même façon à la promotion de la vente des biens et des services. À ce moment-là, qu'est-ce qui change? Qu'est-ce que le ministre du Commerce extérieur fait dans la vie si vous faites exactement la même chose?

M. Morin: M. le Président, aucun service n'a été transféré parce que nous conservons la coordination générale des relations extérieures du Québec. Au niveau des programmes, puisque le député me pose la question, nous avons transféré au ministère du Commerce extérieur le programme ACTIM...

M. Rivest: Bon, voilà.

M. Morin: ...qui est un programme de coopération touchant de très près toutes les questions de commerce. On a transféré un poste pour aller avec ce programme ACTIM.

M. Rivest: En transférant, l'ACTIM, qui est un des programmes importants de la coopération franco-québécoise... (21 heures)

M. Morin: II faut se comprendre, M. le Président. Un programme de 180 000 $ n'est pas le programme le plus important de la coopération franco-québécoise.

M. Rivest: Non. D'accord. Alors, ce n'est pas le programme ACTIM. Je mélange les sigles. Bon. Est-ce le seul changement qu'a apporté au ministère des Affaires intergouvernementales l'arrivée de M. Landry?

M. Morin: Oui, je dois dire que, sur le plan technique, c'est le seul changement.

M. Rivest: Franchement, moi qui pensais qu'il avait hérité du Pérou'. Il n'a hérité de rien, ce pauvre homme! Il a bien raison de se plaindre.

M. Morin: Écoutez! Il a hérité de l'Office québécois du commerce extérieur. Ce n'est pas peu de chose. C'est un organisme efficace. C'est un organisme qui marchait bien et avec lequel on avait des rapports et on continue d'en avoir.

M. Rivest: Au ministère des Affaires intergouvernementales, que faites-vous pour promouvoir à l'étranger la vente des biens et des services produits au Québec?

M. Morin: Ce que nous faisons, c'est que nous rendons nos délégations à l'étranger le plus efficace possible. Nous les mettons au service des investisseurs, des entrepreneurs, des commerçants québécois. Forcément, il faut travailler la main dans la main, au niveau des délégués et des conseillers, avec les conseillers économiques et les attachés commerciaux. Mais, là aussi, c'est un travail d'équipe.

M. Rivest: Ah oui! Franchement, c'est un travail d'équipe.

M. Morin: D'ailleurs, ce n'est pas neuf. Nous le faisons depuis toujours dans le domaine du tourisme, dans le domaine de l'agriculture, dans le domaine de l'immigration aussi, puisqu'il y a des conseillers qui s'occupent de toutes ces questions à l'étranger.

M. Rivest: Oui, justement. Le ministre du Commerce extérieur, en vertu de l'article 8 de sa loi, "organise - donc, peut entreprendre - et gère, en collaboration avec les ministères et les entreprises intéressés, des programmes de coopération économique". De coopération économique, c'est directement la Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales. Ce n'est même plus de l'exportation; c'est de la coopération économique. Cela peut donc être des échanges de techniciens, ou n'importe quoi. Exactement ce que vous avez dans votre Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales. Le ministre du Commerce extérieur a ce mandat de faire cela avec les ministères sectoriels. À l'article 35 de votre Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales, vous avez: développer des accords, des ententes de coopération avec les ministères et organismes. Par ailleurs, vous nous dites que, sur le plan international, vous prévoyez une réorganisation administrative avec le groupe que vous avez fait, justement, sur le plan interne pour mettre plus de cohérence.

Le résultat net de la création du ministère du Commerce extérieur, sur cet exemple précis que je viens d'évoquer, va faire que le ministère de l'Agriculture, qui veut promouvoir la vente de certains produits du Québec dans le domaine agricole, au lieu

d'avoir uniquement à convenir d'un protocole d'entente avec le ministère des Affaires intergouvernementales, va devoir s'en donner un autre avec le ministère du Commerce extérieur qui a exactement la même responsabilité, d'après les textes de loi, que le ministre des Affaires intergouvernementales. Les deux ministères ont exactement les mêmes responsabilités. C'est la raison pour laquelle - je pense que c'est un bon exemple - le ministre du Commerce extérieur m'a dit, au mois de décembre 1982, qu'il y aurait effectivement nécessité d'amender la Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales. Vous savez, les démarches, le rodage, etc., ne sont que des mots. Mais la réalité vécue, c'est ce que j'essaie de vous faire réaliser.

M. Morin: M. le député, c'est moi qui suis responsable du ministère des Affaires intergouvernementales. Quand j'estimerai que des changements sont nécessaires à ma loi, je le ferai savoir.

M. Rivest: Non, ce n'est pas cela. M. Morin: C'est ma responsabilité.

M. Rivest: Non, non. Depuis que le premier ministre...

M. Morin: C'est votre avis que vous exprimez.

M. Rivest: Non, ce n'est pas mon avis.

M. Morin: Vous êtes libre de penser comme vous l'entendez.

M. Rivest: La réalité est que, depuis que le premier ministre a désigné un ministre du Commerce extérieur, je le regrette, mais il appartient au premier ministre de déterminer la responsabilité de l'un et de l'autre. Or, jamais cela n'a été fait.

M. Morin: Absolument.

M. Rivest: Alors, vous vous marchez royalement sur les pieds.

M. Morin: C'est vous qui le dites.

M. Rivest: Bien, voyons! C'est un des collaborateurs du ministre du Commerce extérieur qui s'est ouvert. Il a fait les manchettes avec cela.

M. Morin: Je regrette, mais je pense que mon collègue a nié les faits qui étaient rapportés dans cet article de presse. Je pense que vous étiez en Chambre au moment où cela a été fait.

M. Rivest: Non, je n'étais pas en Chambre au moment où cela a été fait.

M. Morin: C'est malheureux parce que vous seriez plus au courant et vous ne poseriez pas toutes ces questions.

M. Rivest: Alors, demain, je peux aller à l'étude des crédits du Commerce extérieur et dire à votre collègue que le ministre des Affaires intergouvernementales n'a pas l'intention d'amender sa loi.

M. Morin: Ah! Vous direz ce que vous voudrez.

M. Rivest: Mais je ne veux pas mettre la chicane entre vous deux, moi. J'essaie d'alimenter une certaine émulation entre vous, mais pas plus.

M. Morin: Ce que vous pourrez dire, c'est que, lorsque j'estimerai que la loi des Affaires intergouvernementales doit être modifiée, avec l'accord du premier ministre, je la ferai modifier.

M. Rivest: Depuis que le ministre du Commerce extérieur est en fonction, est-ce que le ministre pourrait nous donner des exemples où il a organisé, géré et initié des programmes ou des missions en vue de promouvoir les exportations du Québec?

M. Morin: Non.

M. Rivest: Non, aucun.

M. Morin: Nous nous occupons...

M. Rivest: Dont vous avez eu connaissance? Il est possible qu'il ne vous ait pas informé.

M. Morin: Je pense que le député ne se fait pas une notion très exacte de la façon dont cela fonctionne. Notre responsabilité, c'est la coordination générale.

M. Rivest: Je sais que vous êtes dans la généralité. C'est parfait et vous êtes bon là-de dans.

M. Morin: Merci. J'apprécie beaucoup ce compliment parce que c'est quelquefois, effectivement, délicat et difficile de s'assurer que toutes les actions de tous les ministères qui oeuvrent à l'extérieur soient conformes aux objectifs généraux du Québec. C'est ma responsabilité. Chaque ministère, bien sûr, a ses responsabilités précises. Je ne me mêle pas de l'exportation du porc à l'étranger.

M. Rivest: Auparavant, vos rapports annuels du ministère ne faisaient état que de

ce genre de choses-là. Vous ne pourrez plus en parler, car ce sera votre collègue. Donc, vous avez perdu quelque chose. Vous gardez votre loi.

M. Morin: Je regrette, nous allons encore en faire état, mais dans une présentation générale des activités du Québec à l'extérieur.

M. Rivest: Ah bon!

M. Morin: Cela nous intéresse aussi. Ce n'est pas nous qui allons vendre le porc au Japon, mais cela nous intéresse de savoir qu'il se vend des biens québécois au Japon.

M. Rivest: Vous le faisiez auparavant.

M. Morin: Cela nous intéresse de faire en sorte que notre délégation générale, qui est sous notre autorité, soit à la disposition des entreprises québécoises.

M. Rivest: Vous avez fait état dans votre rapport annuel, pour prendre cet exemple, du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, l'an dernier. Il y avait un beau paragraphe où la Direction des affaires économiques du ministère avait fait ceci et cela avec le porc; le ministère avait été associé avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Maintenant, qu'est-ce que cela change avec le ministre du Commerce extérieur? Est-ce que vous allez y aller dans les missions?

M. Morin: Nous continuons à être associés les uns aux autres et à tirer...

M. Rivest: Donc, à chacune des missions du ministre du Commerce extérieur, il va y avoir un fonctionnaire et un représentant du ministère des Affaires intergouvernementales.

M. Morin: M. le Président, c'est un principe général que le ministère des Affaires intergouvernementales est associé à toutes les démarches à l'extérieur du pays pour assurer leur cohérence, pour s'assurer qu'elles ne sont pas contradictoires et que le principe de l'unité de notre politique extérieure et de notre action à l'extérieur est sauvegardé. J'ai expliqué cela longuement ce matin et je pensais que le député m'avait saisi.

M» Rivest: Non, vous êtes insaisissable. Un exemple concret, mais je ne sais pas si elle a eu lieu, on m'a parlé d'une mission dans la construction navale qui a eu lieu ou qui doit avoir lieu en Amérique du Sud, en Colombie, je pense. Pour une mission concrète comme celle-là, peu importe ce cas-là, est-ce que le ministère des Affaires intergouvernementales va envoyer un fonctionnaire, oui ou non?

M. Morin: C'est-à-dire que, s'il y a déjà un délégué sur place, ce n'est pas nécessaire. Souvent le délégué est là sur place.

M. Rivest: Non, il n'y en a pas en Colombie. Je veux avoir une réponse concrète. Est-ce qu'il est clairement établi que, dès lors que le ministre du Commerce extérieur prend une initiative, par ailleurs, fort louable en vue de vendre ou de promouvoir la vente d'un bien ou service produit au Québec, il y aura effectivement un fonctionnaire du ministère des Affaires intergouvernementales qui sera de la mission?

M. Morin: Ce sera à décider dans chaque cas, parce que, s'il s'agit seulement d'un vendeur qui s'en va vendre du porc au Japon, le délégué est sur place là-bas et cela ne cause pas de problème.

M. Rivest: Je ne parle pas de cela.

M. Morin: II y a des attachés commerciaux, il y a des conseillers économiques. Cela dépend de l'importance d'une mission. Si j'estime cette mission importante pour l'ensemble des rapports du Québec avec ce pays, je peux effectivement envoyer quelqu'un faire partie de la mission.

M. Rivest: Très bien. Est-ce que vous avez la garantie que vous allez être informé de toutes les missions que le ministre du Commerce extérieur va entreprendre à l'étranger? En vertu de quoi?

M. Morin: Nous travaillons les uns avec les autres et il n'y a pas de raison qu'on ne sache pas qu'une mission part. D'ailleurs, forcément, une mission qui va à l'étranger passe par nos services tôt ou tard. C'est nous qui, généralement, allons payer les dépenses; donc, il faut bien passer par les Affaires intergouvernementales. En plus de cela, M. le Président - je pensais que le député de Jean-Talon savait ces choses-là. Effectivement, il les sait probablement, il feint, je pense, de ne pas les savoir - les CT de voyages doivent être approuvés par la sous-ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Rivest: Même les voyages des fonctionnaires du ministère du Commerce extérieur?

M. Morin: Bien sûr. Tout voyage à l'étranger.

M. Rivest: Cela se fait à la pièce. Il

n'y a aucun protocole d'entente, nulle part, au niveau d'un arrêté en conseil répartissant les responsabilités de l'un et de l'autre. Sauf erreur, je pense que vous en aviez, des protocoles d'entente entre le ministère des Affaires intergouvernementales et les ministères sectoriels, n'est-ce pas, dans le domaine de la coopération économique, entre autres, avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Cela existe, mais cela n'existe pas avec le ministère du Commerce extérieur.

M. Morin: Cela existe, mais pas dans tous les cas.

M. Rivest: Cela existe dans certains cas.

M. Morin: Souvent, cela n'a pas été nécessaire. Par exemple, nous en avions un avec l'OQCE. À ma connaissance, on n'en a pas avec l'Agriculture. Cela n'a pas été nécessaire. Les fonctionnaires se parlent, travaillent ensemble, il n'y a pas de problèmes.

M. Rivest: Mais avec le ministère du Commerce extérieur, il n'y a pas de problèmes, non plus.

M. Morin: II y en a un avec l'Agriculture. Je m'excuse, je dois corriger le renseignement que je viens de donner au député. Effectivement, il y a un protocole avec l'Agriculture.

M. Rivest: Moi aussi, j'avais l'impression qu'il y en avait un. Il y en a un avec l'Agriculture qui vend un type de produits à l'étranger et là, il arrive un nouveau ministre dans le décor qui, lui, a la responsabilité sur tout. Ne croyez-vous pas préférable, pour la cohérence de l'action du gouvernement, qu'il existe un tel protocole et que vous régliez ces questions? Vous avez beau coordonner et avoir la responsabilité de coordonner, si le ministère du Commerce extérieur ne vous informe même pas ou s'il n'y a pas de procédure quelconque purement administrative pour vous informer, vous allez avoir l'impression de coordonner, mais, au fond, il va y avoir un paquet de choses qui vont vous échapper. Une fois que vous avez de l'information sur la présence du ministère, etc. Il me semble qu'il y a un paquet d'éléments. Cela s'est posé entre le ministère des Affaires intergouvernementales et les ministères sectoriels. Raison de plus pour que cela se pose au niveau du ministère du Commerce extérieur.

M. Morin: Cela n'a pas causé de problèmes entre les Affaires intergouvernementales et tous les ministères qui oeuvrent à l'extérieur. Je reprends le même raisonnement que le député. Il n'y a pas de raison que cela en cause davantage lorsqu'il s'agit du Commerce extérieur.

M. Rivest: Pourquoi y avait-il un protocole d'entente avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation?

M. Morin: Parce qu'effectivement les rapports étaient devenus très denses.

M. Rivest: Ils ne sont pas denses avec quelqu'un qui vend de tout, comme le Commerce extérieur?

M. Morin: Je m'excuse, je n'ai pas répondu à la question du député. S'il veut bien me laisser le loisir de le faire, je vais tenter de l'éclairer. Tout d'abord, une remarque au sujet de l'Agriculture. Quand nous disons le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, nous pensons aussi à l'agro-alimentaire et aux pêcheries. Cela commence à faire beaucoup de rapports avec l'extérieur. De fait, mon collègue, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, depuis quelques mois, est très actif sur le plan international. Il est allé au Japon, en Corée du Sud, en Islande, aux îles Féroé, là, bien sûr, pour les fins des pêcheries, parce que vous savez, les îles Féroé, même si elles sont toutes petites, sont au premier plan pour les techniques de pêche, les techniques de conservation du poisson. En ce qui concerne le Commerce extérieur, nous avons commencé à étudier la possibilité de signer un protocole entre lui et nous. Je ne sais pas quand ce protocole aboutira, mais cela fait partie de nos projets.

M. Rivest: Vous n'avez pas de projet. D'après ce que le ministre des Affaires intergouvernementales dit, je conclus qu'il n'y aura pas d'amendement nécessaire à la loi du ministère des Affaires intergouvernementales avec cela.

M. Morin: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je pense avoir été très clair là-dessus et je l'ai dit à deux reprises déjà. J'ai dit que, si j'estimais que des changements étaient requis à la loi des Affaires intergouvernementales et que le premier ministre soit d'accord, je présenterais de tels amendements, mais que, s'ils ne sont pas nécessaires, je n'en présenterai pas.

M. Rivest: Voilà pourquoi votre fille est muette, a dit Molière quelque part dans une pièce.

M. Morin: Je ne veux absolument pas me lier les mains. Effectivement, si j'estime que c'est nécessaire d'en présenter, je le

ferai. (21 h 15)

M. Rivest: Au niveau de la loi. Deuxièmement, au niveau d'un protocole d'entente entre le ministère du Commerce extérieur et le ministère des Affaires intergouvernementales, il n'y aura pas de tel protocole pour l'instant.

M. Morin: Mais je viens de dire que nous sommes, justement, à y travailler.

M. Rivest: Ah bon! M. Morin: Oui, oui.

M. Rivest: Alors, vous êtes à travailler à l'élaboration et à la rédaction d'un protocole d'entente. On a déjà progressé; c'est nouveau, cela.

M. Morin: Oui. Non, je viens de vous le dire, il y a cinq minutes. Vous lisiez le rapport du ministère à ce moment.

M. Rivest: Est-ce vrai? M'a-t-il dit cela?

M. Morin: Bien sûr. Vous n'avez qu'à relire la transcription.

M. Rivest: Je m'excuse de ne pas l'avoir entendu, mais c'est un progrès considérable. Donc, si vous rédigez un tel protocole, c'est que vous admettez qu'il peut y exister un certain nombre de problèmes.

M. Morin: C'est un projet que nous avons.

M. Rivest: Bon. Ce projet, quels en sont - je ne demande pas le contenu étant donné qu'il est à l'état de projet - les chapitres et les éléments?

M. Morin: Je ne puis vous le dire pour l'instant.

M. Rivest: Ah bien, j'ai mon voyage!

M. Morin: Non, non, c'est tout simplement que...

M. Blais:: Cette fois, vous êtes comblé.

M. Morin: ...nous ne sommes pas arrivés au stade où je puisse en faire état publiquement, malheureusement.

M. Rivest: Alors, vous ne pouvez même pas me dire si cela concerne la présence du ministère des Affaires intergouvernementales dans les missions du Québec à l'extérieur pour favoriser l'exportation.

M. Morin: Cela va toucher la gamme des points de contact entre nos ministères et cela va tenter de créer des rapports les plus harmonieux possible. Voilà.

M. Rivest: Quels sont ces points de contact?

M. Morin: La nomination des fonctionnaires à l'étranger, l'ouverture de délégations à l'étranger.

M. Rivest: Cela s'en vient. Je vois tous les débats. Cela commence à sortir.

M. Morin: Non, non, c'est normal. Nous avions ces rapports avec d'autres ministères auparavant et nous les avons toujours. Je ne vois pas pourquoi le député a l'air d'imaginer que ce serait plus difficile à organiser que dans le cas de l'Industrie et du Commerce, de l'Agriculture, de l'Énergie et des Ressources, de l'Éducation, des Affaires culturelles qui ont également des rapports avec l'étranger.

M. Rivest: Alors, est-ce que la prétention du ministère des Affaires intergouvernementales, c'est de continuer de nommer des fonctionnaires à l'étranger?

M. Morin: C'est ce que la loi dit en toutes lettres.

M. Rivest: C'est la nomination...

M. Morin: Sauf que nous ne faisons pas cela tout seuls. Je ne sais pas ce que le député cherche. Il doit certainement chercher une petite bête noire ou quelque chose du genre.

M. Rivest: Le député prépare ses crédits du Commerce extérieur, pour l'instant.

M. Morin: Je peux dire au député simplement ceci: Bien sûr, le pouvoir de nommer nous revient de par la loi, mais nous ne nommons pas des personnes dans l'abstrait sans consulter les ministères intéressés.

M. Rivest: Non, j'imagine.

M. Morin: Par exemple, voici des années que nous nommons à l'étranger des agents de l'immigration. Bien, nous le faisons sur recommandation du ministre de l'Immigration. Il y a des fonctionnaires de l'Éducation à l'étranger. Ils sont nommés sur recommandation de mon collègue de l'Éducation et ainsi de suite. Il y a même des fonctionnaires de l'Agriculture.

M. Rivest: En tout cas, il y a un protocole d'entente. Quand croyez-vous que le protocole sera prêt?

M. Morin: Aucune idée. Vraiment, je ne veux pas prendre d'engagement là-dessus. Le seul engagement que je prendrai, c'est que, le jour où il sera signé, on pourra vous le communiquer.

M. Rivest: Oui. Et en ce moment vous négociez ce protocole avec votre collègue, le ministre du Commerce extérieur.

M. Morin: Je pense que c'est plutôt au niveau des fonctionnaires que les contacts ont eu lieu pour l'instant.

M. Rivest: Oui, j'imagine que ce doit être plus facile.

M. Morin: Je ne sais pas. C'est un commentaire du député. Mon collègue a dit très clairement en Chambre que nous nous parlons régulièrement.

M. Rivest: En tout cas, je lui parlerai demain et je verrai ce qu'il me dira.

Le Président (M. Champagne): II n'y a pas d'autres questions, M. le député de Jean-Talon?

M. Rivest: On va adopter les crédits. Je veux vous soulever quelques questions dans le domaine des affaires dites canadiennes.

Le Président (M. Champagne): Oui, M. le député de Terrebonne.

M. Rivest: Oui, allez-y. M. Blais:: Est-ce possible?

Le Président (M. Champagne): Oui, c'est sûr.

M. Blais:: J'ai attendu très longtemps, je croyais que l'Opposition arriverait avec des questions spécifiques sur les crédits, mais il me semble qu'on s'en va vers des remarques préliminaires jusqu'à la fin de l'adoption des crédits. Est-ce bien cela?

M. Rivest: Je n'ai pas l'intention de faire du pointillisme sur les crédits budgétaires. Comme le ministre et moi ne sommes pas forts en chiffres, ce serait désastreux.

M. Blais:: Alors, si c'était possible, M. le Président, j'aimerais faire quelques remarques sur les remarques préliminaires du seul député de l'Opposition qui est de l'autre côté pour étudier des crédits aussi importants.

M. Rivest: M. le Président, j'accepte la critique.

Le Président (M. Champagne): D'accord. La parole est à vous, M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Dans vos remarques préliminaires, M. le député de Jean-Talon, vous avez accusé le ministre des Affaires intergouvernementales de faire comme si nous étions un pays souverain. Ce "comme si" m'a un peu ébranlé. Cela m'a fait un peu mal, parce que, tant que nous ne serons pas un pays souverain, il est bien sûr que nous ferons "comme si". Mais faire "comme si", ce n'est pas nouveau au Québec. Duplessis faisait "comme si" en disant: Nous voulons garder notre butin. Lesage, avec son statut particulier et sa campagne de "maîtres chez nous" faisait "comme si". Johnson, avec "égalité ou indépendance", faisait "comme si". Bourassa, avec sa souveraineté culturelle, faisait "comme si".

Nous, pour la première fois, un vrai gouvernement souverainiste, nous faisons "comme si". Nous allons un peu plus loin. Mais je ne crois pas qu'on doive se faire accuser de faire "comme si". Vu que le Canada ne reconnaît pas les Québécois comme faisant partie intégrante d'une nation, nous nous devons et, de tout temps... Je suis persuadé, si on reculait à Taschereau ou à Godbout, qu'on trouverait que les gens qui représentaient le gouvernement du Québec faisaient un peu "comme si".

Mais ce n'est pas le fait que le représentant du gouvernement québécois fasse "comme si" qui est grave. Ce qui est plus grave dans le contexte actuel, c'est que l'Opposition libérale fasse comme si elle était élue par des Québécois. Elle fait "comme si". Elle se donne un rôle comme si elle était élue au gouvernement d'Ottawa. C'est cela qui est grave. Ce n'est pas notre "comme si". C'est ce que vous faites qui est grave. Cela me blesse énormément. Vous êtes toujours portés à défendre les positions d'Ottawa, tandis que, par solidarité devant les Québécois, vous devriez faire au moins comme si vous étiez Québécois. Pour parodier Horace, si vous n'êtes pas Québécois, soyez dignes de l'être; si vous l'êtes, faites-le mieux paraître.

Je ne comprends pas que le député de Jean-Talon, avec son érudition, son expérience et tout le temps qu'il a passé à l'intérieur... Pardon?

M. Rivest: Continuez, j'apprécie vos remarques.

M. Blais: Je vous dérange, M. le député de Jean-Talon?

M. Rivest: Non, pas du tout, c'est le ministre qui vous a interrompu.

M. Blais: Cela me surprend

énormément, M. le député de Jean-Talon, avec votre expérience, l'érudition que vous avez, la connaissance des dossiers que vous avez, que vous soyez toujours à côté de la question réelle et que vous fassiez toujours semblant d'être scandalisé. Vous faites "comme si", beaucoup plus que nous de ce côté-ci. Cela me fait beaucoup de peine et je voulais le dire. En tant que Québécois, si vous faisiez comme si vous l'étiez, ce serait beaucoup mieux.

On nous accuse d'être des agents déstabilisateurs d'investissements. On nous accuse continuellement. Mais j'ai l'impression que c'est de votre côté que la déstabilisation se fait. Si vous deveniez souverainistes pour un instant, tous les Québécois à l'Assemblée nationale seraient ensemble. Il n'y aurait plus personne qui serait un épouvantail pour les investisseurs. Est-ce que c'est nous, parce que nous sommes Québécois pure laine, qui sommes les épouvantails ou est-ce vous parce que vous vous rattachez encore à des traditions de colonialisme? Si on était tous ensemble, je crois qu'on ne ferait pas "comme si". On le ferait véritablement et on aurait ce pays que l'on cherche. Ce sont les seules remarques que j'avais à faire à votre endroit. Vous me surprenez. Vous êtes un homme d'expérience, mais vous faites comme si vous étiez un pleutre et un mollusque. Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Champagne): M. le député.

M. Rivest: Si j'avais des crédits, je répondrais. Malheureusement, je n'ai pas de crédits à défendre, mais un jour viendra où on en aura.

M. Blais: Je ne comprends pas ce que vous dites. Votre murmure...

M. Rivest: Malheureusement, je ne peux pas vous répondre. Je répondrai à l'Assemblée nationale, si vous le voulez, parce que dans le cadre de l'étude des crédits, je n'ai pas de crédits à défendre et ce n'est pas à moi de défendre les positions du Parti québécois ici; c'est au ministre.

M. Blais: Je sais que vous n'avez rien à votre crédit. Je le reconnais. Je suis content que vous le reconnaissiez vous-même.

Bilan de nos relations avec la France

M. Rivest: M. le Président, le ministre arrive d'une mission en France pour préparer la visite du premier ministre. Je sais qu'il ne pourra pas nous parler de ce qui arrivera ou du contenu de la visite du premier ministre en France. Néanmoins, j'aimerais que le ministre fasse rapidement le point sur le relevé des décisions qui ont été arrêtées lors de la visite du premier ministre, enfin, lors de la séance de travail entre le premier ministre de France et le premier ministre du Québec en avril 1982. Par exemple, pouvez-vous nous donner certains éléments sur le dossier de Pechiney? Pouvez-vous nous indiquer ce qui est arrivé de la convention signée avec la société française Muller et la société québécoise Nouveler? Je ne veux pas reprendre tous les éléments, mais rapidement, sans aller dans les détails, quelle suite y a-t-il eu concrètement, de part et d'autre? Quelles sont les choses qui ont marché et les choses qui n'ont pas marché?

M. Morin: L'année écoulée depuis la visite du premier ministre, M. Mauroy, a été tout à fait remarquable sur le plan de la coopération France-Québec. Comme le député vient de l'indiquer, il ne m'appartient pas, au moment où le premier ministre va entreprendre son voyage - nous sommes à deux semaines et quelques jours de son départ - d'annoncer les projets qui vont faire l'objet d'une entente ou d'un accord complémentaire ou d'une signature quelconque. C'est à lui qu'il appartient de rendre tout cela public au moment où les dernières ficelles seront attachées.

En ce qui concerne Pechiney en particulier, je ne suis pas en mesure de répondre au député. Je pense qu'il faudra qu'il pose ses questions aux responsables de l'Énergie et des Finances qui suivent ces dossiers de plus près. Je ne suis là que pour la coordination politique générale du voyage. Tout ce que je peux dire, c'est que ce projet est en bonne voie, de même que d'autres auxquels on a fait allusion dans le procès-verbal de l'an dernier, dans le relevé de décisions - je crois que c'était l'expression exacte - de l'an dernier.

Je peux vous dire que cette année 1982 a été marquée par un progrès assez étonnant de la coopération. C'est comme si nous avions, en dépit de la crise économique qui sévissait des deux côtés de l'Atlantique, tout à coup franchi un certain seuil, un seuil critique au-delà duquel les choses se mettent à s'accélérer considérablement. Je suis heureux de pouvoir dire au député que, dans cette seule année 1982, en pleine crise économique, il y a eu onze investissements français importants au Québec dont la valeur globale dépasse 20 000 000 $. Ce ne sont pas de grosses entreprises, mais des entreprises, toutefois, importantes qui ont conclu, dans cinq cas sur onze, des accords de coparticipation avec des entreprises québécoises pour créer de nouvelles entités, de nouvelles entreprises pour la fabrication ou l'adaptation d'un produit français au marché nord-américain. Cela a créé plus d'une centaine d'emplois en 1982 et j'ajouterai que nos exportations vers la

France ont fait un bond assez spectaculaire de 12%.

Maintenant, là, j'ai surtout parlé du plan économique. Il ne faudrait pas donner l'impression que c'est le seul. Il y a également l'entente en matière de télévision, TVFQ, qui, je crois, va très bien, qui a été renouvelée en 1982 et qui, surtout avec la nouvelle clause de réciprocité, donne beaucoup de satisfaction aux deux parties.

M. Rivest: M. le ministre, au sujet de TVFQ, juste une question de détail.

M. Morin: Oui, volontiers.

M. Rivest: Est-ce que vous avez une idée des cotes d'écoute? Je sais qu'on a fait ces relevés pour savoir la faveur du public. Moi, j'ai bien aimé lorsqu'ils ont retransmis une émission du stade Roland-Garros, car je suis un amateur de tennis. Mais les bulletins de nouvelles régionaux, je trouve cela un peu bizarre.

M. Morin: Les chiffres qui me sont signalés sont les suivants. L'auditoire en puissance de TVFQ-99 est de 2 494 000 personnes, alors qu'en France les émissions québécoises peuvent rejoindre 40 000 000 de spectateurs.

M. Rivest: Oui, en puissance, mais en acte, comme le dirait saint Thomas?

M. Morin: Je ne pense pas qu'on soit plus avancé que cela. On calcule avec l'auditoire en puissance. (21 h 30)

M. Rivest: Bien oui, mais...

M. Morin: II faudrait faire des sondages extrêmement précis pour avoir plus de précision.

M. Rivest: Mais vous devez, il me semble, dans ce programme-là, vous préoccuper de savoir si les Québécois sont intéressés ou s'ils ne le sont pas.

M. Morin: On me dit, M. le Président, qu'il serait possible d'obtenir des chiffres, mais nous ne les avons pas là. Cependant, je pourrai les faire parvenir au député dès que je les aurai sous la main.

M. Rivest: Je désire seulement faire un commentaire. Il y a des choses extrêmement intéressantes à TVFQ, dans le domaine des variétés, dans le domaine du livre, etc., mais certaines choses réapparaissent un peu secondaires comme d'avoir le bulletin de nouvelles des différentes régions ou provinces françaises. Il y a des choses d'intérêt variable pour l'auditoire québécois. Est-ce qu'on s'en préoccupe dans les négociations?

M. Morin: Alors, voici deux observations là-dessus, M. le Président. Tout d'abord, 2500 heures de télévision française, j'aime autant vous dire que les tiroirs, il a fallu en faire le tour parce que c'est considérable. Et comme, pour des raisons d'ordre budgétaire -nous ne sommes pas le seul pays à avoir des contraintes financières - ils ont du diminuer le nombre d'heures de télévision produites chaque année, cela a été plus difficile de fournir 2500 heures. Ils y arrivent, mais de justesse. Je dois ajouter que, pour ce qui est des émissions régionales - aussi surprenant que cela puisse paraître - elles viennent au deuxième rang dans la cote d'écoute. Allez savoir pourquoi, c'est comme ça.

M. Rivest: Vous m'inquiétez en disant cela. Quelle doit-être la cote d'écoute des autres parties?

M. Morin: Vous savez, ce sont les goûts des Québécois et tous les goûts sont dans la nature.

M. Rivest: En tout cas, vous me fournirez les chiffres, cela m'intéresse de voir.

M. Morin: Oui. Alors, on peut vous envoyer les derniers chiffres.

M. Rivest: C'est le ministère des Communications, je suppose, qui a ça?

M. Morin: Nous les avons au ministère, c'est ce que l'on m'a dit, mais nous ne les avons pas sous la main. Nous pourrons vous les communiquer.

M. Rivest: Les sommes engagées par le gouvernement du Québec dans cet accord sont de quel ordre?

M. Morin: Les émissions québécoises, elles, sont vendues au tarif commercial qui est variable, mais qui est beaucoup plus élevé que le tarif que nous payons même pour la réciproque. Par exemple, nous sommes payés jusqu'à 6000 $ l'heure - c'est un maximum tandis que, lorsque nous payons, nous, les 2500 heures qui nous sont envoyées, nous les payons au tarif culturel, c'est-à-dire 400 $ l'émission. Cela veut dire qu'en tout et partout le coût de TVFQ-99 est vraiment très raisonnable étant donné ce que cela représente pour les Québécois comme accès à des programmes en langue française, alors qu'auparavant la seule alternative était les programmes américains. Cela nous coûte 875 000 $ par année et les Français mettent autant d'argent que nous. Donc, c'est vraiment une affaire remarquable pour les deux côtés, d'ailleurs.

M. Rivest: À condition que ça soit

écouté au Québec et en France.

M. Morin: C'est très écouté dans les deux sens.

M. Rivest: Très bien. Le ministre a à peine commencé ses remarques là-dessus, mais je voudrais procéder assez rapidement parce que je voudrais aussi traiter des autres sujets et on pourrait terminer.

Quand il parle d'un accroissement des exportations de 12%, c'est le chiffre brut et global et tant mieux si c'est ça.

M. Morin: Bien, cela approche de 300 000 000 $ maintenant.

M. Rivest: Le facteur monétaire là-dedans, la fluctuation? Avez-vous fait les pondérations avec l'évolution des monnaies, qui comptent au total? Deuxièmement, est-ce que vous avez fait état, par exemple, des accords de coopération qui existent entre le Canada et la France et dont le Québec, j'imagine, doit retirer une partie des bénéfices. Autrement dit, je veux essayer de voir ce que la coopération directe et privilégiée entre le Québec et la France a comme impact. Êtes-vous en mesure de nous fournir cette ventilation-là des choses? Parce que les 12%, c'est global.

M. Morin: Je crois qu'il existe certainement des chiffres montrant les catégories de biens.

M. Rivest: C'est ça, entrepris par les programmes québécois-français, d'une part, et d'autre part, par les programmes canadiens, Par exemple, le président de la Banque d'Épargne, M. Raymond Garneau, est président d'un groupe d'hommes d'affaires qui, lors de la visite du premier ministre du Canada, est allé en Europe et favorise les échanges. Je crois que M. Garneau arrive, ces jours-ci, d'un voyage, justement, à Paris. Il préside ça.

M. Morin: Nous nous sommes rencontrés à bord de l'avion, justement.

M. Rivest: Bon. Alors, vous voyez que je ne vous raconte jamais d'histoires.

M. Morin: Non, non, c'est vrai. C'est vrai.

M. Rivest: Quand, hier? M. Morin: Non, à l'aller.

M. Rivest: À l'aller, seulement. Je dois l'appeler.

M. Morin: II y a déjà quelques jours de cela. Oui, vous devez l'appeler?

M. Rivest: Oui. Et 12%...

M. Morin: Mais, est-ce que vous ne faites pas là une infidélité à M. Bourassa?

M. Rivest: Ah non, non.

M. Morin: Non?

M. Rivest: Absolument pas.

M. Morin: Pourriez-vous m'expliquer alors?

M. Rivest: Quoi?

M. Morin: C'est pour le moins curieux.

M. Rivest: Je parle à Gérard D. Levesque tous les jours. M. Bourassa ne sent pas d'infidélité de ma part, de ce côté.

M. Morin: Non, mais dans le cas de M. Garneau, c'est pour le moins étonnant.

M. Rivest: Pas du tout. Absolument pas. On se parle, nous, à l'intérieur du Parti libéral.

M. Morin: Nous aussi, bien sûr, à l'intérieur du Parti québécois.

M. Rivest: On n'a pas besoin de se jouer des coups, de passer une loi pour "blaster" l'autre.

M. Morin: Mais nous ne sommes pas constamment en course à la chefferie.

M. Rivest: Oui, mais vous et M. Landry, tout le monde sait que vous êtes en compétition pour la succession du président-fondateur.

M. Morin: Je pense que c'est évident que l'imagination du député de Jean-Talon est sans borne.

M. Rivest: Vous seriez mon candidat, je vous assure.

M. Morin: Cela ne me flatte guère.

M. Rivest: D'ailleurs, cela me peine quand je vois que, lorsqu'on parle de la succession du président-fondateur, votre nom n'y figure jamais. Cela me peine grandement.

M. Morin: Je me méfierais énormément puisque le député m'apprend qu'il m'appuierait. Ce serait suffisant pour me chasser d'une course à la chefferie.

Le Président (M. Champagne): Est-ce qu'on pourrait revenir aux crédits, s'il vous plaît?

M. Rivest: C'est le ministre qui a fait diversion. Mais, vous allez essayer de me donner cela. Ce que le Canada fait avec la France - une question que je me pose - est-ce intéressant pour le Québec?

M. Morin: Certainement, sûrement. Ce qu'il ne fait pas, nous...

M. Rivest: ...le faisons?

M. Morin: Non, ce qu'il ne fait pas est quelquefois gênant. Par exemple, la question de l'Airbus: le Canada n'a pas fait aboutir ce dossier dont on aurait pu attendre des retombées au Québec. C'est surtout cela qui nous gêne. Je voudrais vous souligner aussi que notre part dans les exportations du Canada vers la France augmente. Nous en sommes maintenant à 42%. Ces 42% des exportations du Canada vers la France viennent du Québec désormais.

M. Rivest: Ah bon.

M. Morin: Évidemment, c'est assez difficile - vous le constatiez vous-même, je pense, il y a un instant - de savoir ce qui est le fruit de l'intervention de nos conseillers économiques, de nos délégués commerciaux, du nouveau centre des techniques que nous avons ouvert à Paris.

M. Rivest: II y a des impondérables.

M. Morin: II y a des impondérables, il faut le reconnaître. Mais nous savons que grâce à la coopération, les investissements se multiplient au Québec. Et là, nous savons que c'est grâce à des programmes visant à faire rencontrer des hommes d'affaires des deux côtés de l'Atlantique. Maintenant, il y a aussi des programmes fédéraux...

M. Rivest: C'est cela.

M. Morin: ...ce n'est pas moi qui vais le nier. Ils ont leur utilité, c'est sûr.

M. Rivest: Oui. Mais ma préoccupation, c'est justement d'avoir l'ensemble du portrait. Quand le ministre affirme qu'il existe une hausse des exportations de 12%, il y en a une partie, sans doute très importante, qui vient des initiatives franco-québécoises, mais je ne voudrais pas que le ministre donne l'impression de s'attribuer les mérites d'une telle performance.

M. Morin: Cela n'a jamais été mon intention.

M. Rivest: Non, c'est justement pour cela...

M. Morin: Je n'ai rien dit qui puisse laisser supposer cela.

M. Rivest: Non. Un dernier domaine sur les accords. Je me méfie toujours des relevés de décisions des rencontres de premiers ministres. J'en ai moi-même rédigé quelques-uns dans le passé.

M. Morin: Vous avez des raisons de vous méfier, à ce que je vois.

M. Rivest: Oui, parce que les choses sont bien dites, mais dans le suivi... Par exemple, une chose qui m'avait frappé: priorité aux jeunes travailleurs dans les activités de l'Office franco-québécois. J'ai souligné auparavant qu'il y avait une préoccupation...

M. Morin: Oui.

M. Rivest: ...mais qu'on n'y était pas encore.

M. Morin: Non. J'ai été moi-même mêlé à cette affaire parce qu'à l'époque j'avais repris l'Office franco-québécois avant de déléguer mes pouvoirs à mon collègue et je me souviens d'avoir contribué à définir cette orientation. Mais, entre l'orientation qu'on veut imprimer à un programme et sa réalisation...

M. Rivest: C'est cela.

M. Morin: ...il y a loin de la coupe aux lèvres.

M. Rivest: C'est cela.

M. Morin: Et ce n'est pas toujours facile. Seulement, on peut faire l'effort et l'effort est fait.

M. Rivest: L'important, c'est qu'il y ait une volonté politique qui soit manifestée.

M. Morin: Assurément.

M. Rivest: Et qu'elle se traduise ensuite.

M. Morin: Dans toute la mesure du possible.

M. Rivest: Voilà. Il est bien, ce ministre!

Et il y a les autres éléments: Par exemple, vous mentionniez le programme ACTIM, dont je dois maintenant me convaincre que c'est un programme modeste.

M. Morin: Modeste financièrement.

M. Rivest: Ce programme, a, quand même, réalisé, selon le communiqué entre les

deux premiers ministres - quelque 700 ententes depuis le début. Cette année, combien y a-t-il eu d'ententes?

M. Morin: Une vingtaine. M. Rivest: Additionnelles.

M. Morin: Nous sommes rendus à 720 ententes, maintenant.

M. Rivest: Bon.

M. Morin: C'est un programme modeste par le coût, mais dont les retombées sont considérables.

M. Rivest: À la délégation du Québec à Paris, est-ce qu'il y a des changements? J'ai vu un titre de presse qui disait: M. Michaud confirmé.

M. Morin: Je ne sais pas à quoi cela pouvait faire allusion.

M. Rivest: C'est qu'il y avait eu des rumeurs selon lesquelles le délégué général serait rappelé incessamment et muté. M. Michaud est en poste à Paris depuis combien de temps?

M. Morin: Quatre ans.

M. Rivest: Quatre ans à titre de délégué.

M. Morin: Bientôt quatre ans.

M. Rivest: Est-ce que, dans la politique du ministère, les affectations à l'étranger pour des périodes de quatre ans semblent normales ou bien si cela ne devrait pas se prolonger indûment?

M. Morin: C'est variable. Vous savez, depuis quelque temps, on avait instauré un rythme de trois ans, mais, cette année, étant donné les coûts inhérents au remplacement des fonctionnaires à l'étranger - parce qu'il faut calculer le déménagement, les frais afférents de toute nature - nous avons décidé de prolonger un certain nombre de fonctionnaires pour une quatrième année. Je dois dire qu'à la délégation de Paris il y a toujours eu non pas des règles spéciales, mais des comportements un peu différents. Je pense, par exemple, au précédent de M. Chapdelaine qui a passé dix ans à Paris, comme vous le savez.

M. Rivest: Ah oui! Mais M. Cloutier y a été très peu de temps.

M. Morin: Je ne voudrais pas établir de comparaisons précises entre les deux hommes. Je constate simplement qu'il arrive qu'on y soit très longtemps ou qu'on y soit très peu de temps.

M. Rivest: C'est une réponse typique du ministre depuis le début de l'étude de ses crédits. Sur la coopération, évidemment, il y aurait beaucoup d'éléments qu'on pourrait reprendre. Dans le cadre de la visite du premier ministre, il y a une affaire étrange, les histoires d'Antenne 1 et de Radio-Québec. Est-ce que le ministère des Affaires intergouvernementales aurait fait une liste d'artistes qui aurait été refusée par les Français et que cela aurait compromis l'émission? Non.

M. Morin: Pas du tout. Je dois vous dire que je ne suis pas en mesure de répondre à vos questions.

M. Rivest: Ce n'est pas vrai, ce que j'ai vu. Ce que les journaux écrivent est absolument épouvantable.

M. Morin: Je ne suis pas en mesure de répondre à vos questions parce que ce n'est pas vraiment de mes compétences. C'est Radio-Québec. Vous pourriez peut-être poser...

M. Rivest: Vous êtes allé à Paris avec le mandat de préparer la visite du premier ministre.

M. Morin: Oui, mais cet aspect-là, vous savez, c'était à l'occasion de sa visite; ce n'était pas le gouvernement qui organisait cela.

M. Rivest: C'est Radio-Québec. M. Morin: C'était Radio-Québec.

M. Rivest: Bon, alors, vous n'êtes pas au courant de cela. Vous n'en avez pas parlé à Paris.

M. Morin: Je sais qu'ils n'ont pas pu s'entendre, mais ne me demandez pas les détails parce que je ne les connais pas.

M. Rivest: Ah bon!

M. Morin: Je sais qu'ils n'ont pas pu s'entendre, tout simplement.

M. Rivest: C'est une question générale sur les accords de coopération, mais je voudrais connaître les sentiments du ministre là-dessus. La coopération franco-québécoise, par les stages, les bourses d'études, enfin tous les éléments de la coopération, les missions, était, au début, densément de natures culturelle et éducative. Je sais qu'il y a eu, au cours des dernières années, une volonté, autant du côté français que du côté

québécois, de réorienter cette chose-là vers les dossiers économiques. En dehors de Pechiney qui est un grand truc, je voudrais savoir quels sont les éléments essentiels qui illustrent et qui concrétisent ce changement d'orientation vers des sujets plus techniques et économiques. Il y a l'Institut de recherche... C'est quoi? Ce qui a été convenu sur le plan technique à Paris.

M. Morin: Vous voulez parler des ententes entre le CRIQ et l'ANVAR?

M. Rivest: Oui, oui, c'est cela. Est-ce qu'il y a autre chose en dehors de cela?

M. Morin: II y a la recherche industrielle.

M. Rivest: Comment évoluent les programmes dans ce domaine de la recherche, de l'économie, de la technique? (21 h 45)

M. Morin: Bien, ils augmentent chaque année et de façon assez substantielle, notamment dans la foulée des accords Mauroy-Lévesque que vous mentionniez tout à l'heure. Par exemple, on met désormais l'accent sur les biotechnologies, sur la recherche en commun dans le domaine des biotechnologies. C'est un programme modeste, mais qui est assez prometteur. On y consacre 185 000 $ cette année. Il y a la recherche industrielle qui, elle, retient des montants un peu plus importants, 390 000 $. Donc, on voit qu'il y a une certaine réorientation du côté de la recherche scientifique.

Je voudrais également signaler au député - qui le sait peut-être, d'ailleurs -que, pour nous assurer que ces programmes scientifiques de plus en plus nombreux soient bien suivis, nous avons nommé un conseiller scientifique à Paris. C'est une nouveauté. J'aurais peut-être dû en faire état dans mon exposé général, ce matin, parce que, effectivement, à bien y penser, cela mérite d'être signalé. Ce conseiller scientifique va, évidemment, avoir une tournure d'esprit très concrète et très axée sur le développement industriel aussi, parce qu'il s'agit de recherche scientifique axée sur le développement.

M. Rivest: Et il va faire, j'imagine, la prospection de nouvelles avenues de façon à, justement, substancier les accords de coopération dans le domaine scientifique. C'est cela?

M. Morin: Oui.

M. Rivest: Autrement dit, il va aller face au milieu scientifique français qu'on n'avait peut-être pas réussi encore à sensibiliser à la coopération franco- québécoise d'une manière aussi directe. C'est cela?

M. Morin: Oui. Je pense que c'est une bonne façon de dire les choses. Quoiqu'il y aurait une nuance à apporter à vos propos en ce sens que, dans certains secteurs, notamment le secteur médical, les chercheurs français et québécois travaillent ensemble depuis fort longtemps.

M. Rivest: Oui.

M. Morin: II y avait des programmes ad hoc. Je pense aux contacts entre l'Institut de cardiologie et les hôpitaux de Lyon...

M. Rivest: De Lyon, oui, je sais.

M. Morin: C'est peut-être même depuis l'époque...

M. Rivest: Amorcé à l'époque du gouvernement de M. Bourassa.

M. Morin: ...où vous étiez dans l'entourage du premier ministre, M. Bourassa.

M. Rivest: Et de M. Garneau.

M. Morin: Je vois que, constamment, vous recherchez l'équilibre entre ces deux hommes.

M. Rivest: C'est votre sous-ministre qui a rétabli mon équilibre, en me soufflant la remarque. D'accord. Sur la visite du premier ministre, en dehors de Pechiney, vous ne pouvez nous dire absolument rien?

M. Morin: Non, je vous avoue que je préfère que ce soit le premier ministre lui-même qui annonce les dossiers sur lesquels il va se pencher avec M. Mauroy.

M. Rivest: Oui.

M. Morin: Tout ce que je puis vous dire, c'est qu'il y a plusieurs dossiers en bonne voie. Mais il est normal, à la veille d'un voyage comme celui-là, que le premier ministre se réserve le plaisir d'annoncer tout cela.

M. Rivest: Ah! C'était une grande préoccupation, à l'époque, de M. Charles Denis.

M. Morin: Sûrement.

M. Rivest: Pourquoi la Suisse et l'Algérie?

M. Morin: Je ne peux pas vous parler de l'Algérie, malheureusement, parce que je ne sais pas du tout où en est cette question.

M. Rivest: Qui est au courant?

M. Morin: C'est le premier ministre qui va annoncer les choses dans ce domaine.

M. Rivest: Oui, mais le ministère des Affaires intergouvernementales ne s'est pas soucié de préparer la visite du premier ministre en Algérie? Oui.

M. Morin: Assurément. Assurément. Mais je ne suis pas en état de faire des déclarations là-dessus en ce moment.

M. Rivest: Mais il y a quelqu'un qui a conseillé...

M. Morin: Peut-être plus tard, dans quelques jours. Mais, en ce moment, je ne suis pas en état, de le faire.

M. Rivest: Est-ce le ministère qui a conseillé au premier ministre qu'il serait temps qu'il aille précisément en Algérie?

M. Morin: Sûrement que le ministère n'est pas étranger à cet accent sur l'Algérie, puisque, comme vous le savez, le Québec y est très actif, les Québécois y sont très actifs.

M. Rivest: Par l'ACDI, en très grande partie.

M. Morin: Pour une part, oui.

M. Rivest: Oui. Aussi, pourquoi l'Algérie?

M. Morin: Mais aussi dans des programmes d'éducation et parce que mon collègue de l'Éducation, il y a maintenant deux mois, je pense, a fait un voyage, une mission très remarquée en Algérie, au cours de laquelle il a signé une entente avec le ministre de l'Éducation algérien. Celui-ci nous a rendu la politesse depuis lors, car il est venu ici.

M. Rivest: Oui, mais ce n'est pas très clair. Le danger dans ce domaine-là, très souvent hélas - et je comprends les préoccupations du ministre de fixer un ordre de priorités dans le domaine international, avec son groupe de recherche et de planification - je crains que ce ne soit une espèce d'improvisation, comme cela là... Pourquoi l'Algérie, quels sont les principes directeurs qui ont amené le premier ministre à aller en Algérie?

M. Morin: Je regrette, mais je ne parlerai pas pour le premier ministre. Il est bien capable de faire ses propres déclarations. Je puis vous dire pourquoi nous pensons que l'Algérie est importante. C'est d'abord parce qu'il y a beaucoup d'entreprises québécoises et de Québécois qui y travaillent.

M. Rivest: Est-ce qu'il y a eu une demande des entreprises pour que le premier ministre y aille?

M. Morin: Deuxièmement, c'est une initiative qui est venue des Affaires intergouvernementales car nous avons un dialogue avec les Algériens depuis plusieurs années. Ce n'est pas nouveau. Vous avez peut-être connu l'ancien ambassadeur d'Algérie. Il était souvent ici, à Québec, et il s'intéressait beaucoup aux rapports de son pays avec le Québec. Nous pensons, aux Affaires intergouvernementales, que l'Algérie présente un intérêt tout particulier. Sur le plan, d'ailleurs, de la création éventuelle d'une délégation, ce serait la toute première dans le monde arabe et sur le continent africain. D'ores et déjà, d'ailleurs, l'Algérie est un partenaire économique important. C'est le premier sur le continent africain, le deuxième du monde arabe et le quinzième dans le monde par rapport au Québec. C'est aussi notre plus important partenaire arabe et africain sur le plan de la coopération scientifique et technique. Donc, on a de nombreuses raisons.

Mon collègue de l'Éducation y est allé et je ne peux pas faire état de tout parce que, justement, il se pourrait qu'il y ait des développements. Ce n'est pas moi qui les annoncerai, mais le ministre de l'Éducation a fait là-bas du travail tout à fait remarquable et les projets de coopération dans le domaine de l'éducation et même de l'enseignement supérieur sont très importants dans le cas de l'Algérie.

M. Rivest: Est-ce que, concrètement, il est question de l'ouverture d'une maison du Québec, d'une délégation, à Alger?

M. Morin: Aux Affaires intergouvernementales, nous pensons qu'il y a lieu d'envisager maintenant l'ouverture d'une délégation en Algérie, mais peut-être pas immédiatement. Je pense qu'il faut, d'abord et avant tout, approfondir nos liens. Nous imaginons, que le moment sera propice, d'ici assez peu de temps.

M. Rivest: Par exemple, vous aviez un projet à Dakar; je comprends que c'est en Afrique du Nord, mais quels sont vos critères? Encore là, on touche au même problème. Vous envisagez une délégation en Algérie. Il y a eu le projet pour Dakar, il y a trois ou quatre ans, qui a été abandonné. Où va-t-on avec cela? Quels sont les critères de l'implantation des maisons du Québec à l'étranger?

M. Morin: D'abord, la pertinence d'une telle implantation pour le Québec, pour les intérêts du Québec, pour les entreprises.

M. Rivest: Dans quel cadre, dans quel plan?

M. Morin: Vous m'entraînez sur des questions très vastes de priorités commerciales, économiques, politiques, sociales.

M. Rivest: C'est cela, le contenu de la politique extérieure.

M. Morin: Justement, c'est là-dessus que nous travaillons et que cette direction générale dont nous parlions tout à l'heure, recherche et planification, a travaillé. Donc, comme ce travail reste à faire dans une large mesure, tout ce dont je peux vous parlez, c'est de questions concrètes comme cette possibilité - parce que, pour l'instant, ce n'est pas plus avancé que cela - d'ouvrir de nouvelles représentations à l'étranger, à Alger en particulier. Disons que c'est un projet qui est à l'étude parmi d'autres. Je ne voudrais pas que le député me comprenne mal. C'est une hypothèse qui est au stade des études et nous n'avons encore fait aucune démarche officielle auprès des Algériens parce que nos consultations à l'interne ne sont pas encore terminées. On va essayer d'attacher toutes nos ficelles avant d'aller faire des ouvertures officielles.

M. Rivest: Y compris la ficelle canadienne.

M. Morin: Oui, assurément.

M. Rivest: La Suisse?

M. Morin: Dans le cas de la Suisse...

M. Rivest: Est-ce qu'il va simplement aller au Jura.

M. Morin: Dans le cas de la Suisse, ce qui nous intéresse, c'est la francophonie.

M. Rivest: Uniquement.

M. Morin: C'est avant tout la francophonie parce que la Suisse romande parle français et c'est, je pense, ce qui fait le point d'intérêt, plus le fait que nous avons, évidemment, un certain commerce qui se développe avec la Suisse. Cependant, je n'ai rien à annoncer, malheureusement. C'est le premier ministre lui-même qui annoncera, ces jours-ci sans doute, où il ira et pour quelles fins.

M. Rivest: Mais il ira en Suisse, en Algérie et à Paris.

M. Morin: Je lui laisse le plaisir d'annoncer...

M. Rivest: Vous lui laissez le plaisir d'annoncer cela.

M. Morin: ...ce qui se fera et ce qui ne se fera pas.

M. Rivest: Quel ministre discipliné! Un vrai modèle!

M. Morin: Cela me touche beaucoup que vous disiez cela.

M. Rivest: Qu'est-ce qu'il a dit?

Une voix: Rien.

M. Rivest: Oh, tiens, un nouveau!

Le Président (M. Desbiens): Ce programme est-il adopté?

M. Rivest: Vous savez, nous, on n'adopte pas de programme. On adopte des principes, des démarches.

M. Morin: Nous discutons.

M. Rivest: Oui. Le mandat de M. Tardif, le délégué aux affaires francophones et multilatérales?

M. Morin: M. Jean Tardif.

M. Rivest: M. Tardif était à l'Éducation, ensuite à l'agence de coopération.

M. Morin: Une vaste expérience.

M. Rivest: C'est un des fonctionnaires internationaux qu'on a. Je suis très heureux qu'il fasse carrière.

M. Morin: C'est un de nos fonctionnaires d'expérience les plus remarquables.

M. Rivest: Oui. Quel est son mandat, exactement?

M. Morin: II veille aux intérêts du Québec dans la francophonie et, en particulier, la francophonie multilatérale, à partir de Paris, en raison du rôle primordial de la France dans la francophonie. Dans le domaine des affaires multilatérales, il joue également un rôle important auprès d'organismes qui ont leur siège à Paris, justement, comme l'OCDE et l'UNESCO. Je peux vous dire qu'il est très efficace et qu'il a des contacts de plus en plus suivis avec ces organismes. Certains autres organismes multilatéraux ont leur siège à Genève,

comme le député le sait. Le Québec n'ayant pas de représentant permanent à Genève, c'est M. Tardif qui se voit confier des mandats spécifiques auprès, par exemple, de l'Organisation internationale du travail.

M. Rivest: Oui.

M. Morin: J'ai mentionné la francophonie, mais j'aurais pu être plus spécifique, comme me l'indique Mme la sous-ministre, et mentionner le rôle de M. Tardif auprès de l'agence où nous avons, également, un fonctionnaire québécois détaché auprès du secrétaire général, M. Owono N'Guema. Ce rôle est, également, tout à fait crucial.

M. Rivest: J'ai deux questions. La participation du Québec - M. Tardif a un mandat - aux agences internationales: l'UNESCO, l'OCDE? Comment évolue ce dossier avec le gouvernement canadien? Est-ce que chaque fois c'est la même histoire ou si les histoires changent?

M. Morin: Je peux vous dire qu'il n'y a pas de problème pour l'instant. Je ne sais pas s'il y en aura dans l'avenir; on les réglera s'il s'en présente. Pour l'instant, M. Tardif obtient ce qu'il désire. Nos contacts sont encore modestes. Il ne faut pas prétendre que nous sommes un État membre avec plein statut, ce n'est pas le cas, mais nous avons des contacts pour nos besoins, pour nos fins.

L'Agence de coopération culturelle et technique

M. Rivest: À propos de l'agence de coopération, comment cela va à l'agence? Dan Dicko est parti, cela va déjà mieux.

M. Morin: Je m'excuse.

M. Rivest: Quelles sont les préoccupations du ministre, les objectifs du ministre sur la participation du Québec aux programmes et activités de l'agence? Est-ce qu'il y a eu des représentations, des modifications? Je sais, à cause de ma participation à l'Association internationale des parlementaires...

M. Morin: De langue française.

M. Rivest: ...de langue française, que plusieurs parlementaires s'interrogent - de tous les horizons géographiques - sur le rôle de l'agence, sur la pertinence de ses programmes. Est-ce qu'il y a, au niveau du ministère des Affaires intergouvernementales, des préoccupations dont le ministre pourrait faire état au moment de l'étude de ses crédits?

M. Morin: Sûrement, mais, si vous me le permettez, M. le Président, je vais donner la parole sur cette question à celui qui connaît le mieux les dossiers et qui est le sous-ministre aux affaires internationales, M. Claude Roquet.

M. Rivest: II connaît bien l'agence. (22 heures)

M. Morin: Oui. Avec l'arrivée d'un nouveau secrétaire général à l'Agence de coopération culturelle et technique, il y a, évidemment, eu un processus de réorientation, de réexamen des priorités. Il s'est fait un travail interne important dans l'agence et maintenant les États membres eux-mêmes et, bien sûr, les gouvernements participants ont à contribuer à cette réflexion. La prochaine conférence générale devrait être importante à cet égard. Du côté du Québec, grâce aux apports faits au cours des conseils d'administration par notre ministre notamment dans des groupes de réflexion établis par l'agence, des groupes de sages, etc., je crois que notre contribution a été vraiment extrêmement poussée. Il est arrivé dans certains groupes de réflexion que ce soit, finalement, le travail fait du côté québécois qui ait été pris quasi complètement et adopté comme les conclusions des groupes de réflexion. Quant aux activités de l'agence, le Québec est, quand même, un des principaux contributeurs de l'agence au niveau financier. Il s'intéresse également à faciliter, accueillir, parfois aider à financer des activités ad hoc pour donner plus d'efficacité et plus de points aux activités de l'agence.

En général, nous constatons une évolution encourageante dans les programmations de l'agence. Elle est loin d'être finie, mais il y a un effort de rationalité administrative, un effort de rationalité dans la programmation que l'on peut constater. N'empêche que nous sommes dans une année extrêmement importante où des réflexions du secrétariat et des réflexions des membres de l'agence devraient apporter des changements importants dans l'efficacité et, comment dire, dans les priorités de l'agence. Je crois que l'évolution est très positive.

M. Rivest: Quelle est concrètement la problématique pour l'agence? Quels sont les choix sur l'orientation plus culturelle, plus dans le sens de la coopération, d'accords de coopération? Est-ce que c'est ce genre de discussions actuellement qui font l'objet des délibérations et des réflexions de l'agence ou si c'est simplement une plus grande rationalité ou une plus grande rigueur au niveau de l'administration des programmes? Est-ce qu'il y a une orientation assez précise sur la nature de l'agence? Est-ce que le ministre peut nous indiquer les

préoccupations du gouvernement du Québec là-dessus?

M. Morin: Je crois que l'on sent, ces dernières années, un effort pour rendre l'agence plus pertinente par rapport aux grands problèmes que vivent ses membres et, notamment, les États du tiers-monde. Il y a eu une accentuation de réflexion au niveau des conférences ministérielles et aussi d'actions qui sont pertinentes au développement économique sans pourtant laisser de côté les volets culturels, éducatifs, formation, etc., qui sont, quand même, extrêmement importants aussi pour des États en voie de développement. On a vu une conférence des ministres de l'Agriculture. On verra bientôt une deuxième conférence des ministres de la politique scientifique. Cela n'exclut pas, par ailleurs, qu'il y ait eu une conférence des ministres des Affaires culturelles, également suscitée par l'agence, qui a été très importante et qui a projeté des thèmes de rééquilibrage des rapports culturels internationaux qui ont fait la première dans les journaux africains et, d'ailleurs, dans le monde, de Paris, par exemple.

Au niveau des grandes orientations, on perçoit une évolution. Il y a des problèmes de cohésion, des problèmes d'harmonisation entre les diverses institutions francophones, comme l'ACCT, les conférences ministérielles, les grandes associations privées. C'est dans ce sens. On s'en va vers une plus grande rationalité de l'action, je crois, et vers une meilleure harmonisation des divers intervenants. Il reste beaucoup de travail à faire. On peut dire que c'est un outil extrêmement important pour les pays francophones. Pour ma part, je crois que le potentiel de cette communauté internationale de 38 États est énorme. Des États de tous les continents, de toutes les traditions politiques et même des États socialistes, dans le sens fort du mot, c'est une communauté qui a un potentiel - oui -absolument énorme au niveau international. Au fond, le souci du Québec est de demeurer partie prenante de cette communauté qu'il a bâtie en très bonne partie comme un des principaux partenaires depuis 20 ans à tous les niveaux.

M. Rivest: Par exemple, par rapport à l'action de l'ACDI ou d'un organisme analogue où il y a des programmes, où il y a des choses qui se font, où il y a des accords de coopération, des budgets, des projets qui sont réalisés, est-ce que les orientations de l'agence vont dans cette direction ou s'ils vont plutôt vers une espèce de concertation, d'échange d'informations, de forum pour les ministres? Est-ce le type d'action...

M. Morin: Tout dépendra.

M. Rivest: Je sais, mais...

M. Morin: II y a des programmes spécifiques.

M. Rivest: ...est-ce qu'on va davantage de ce côté?

M. Morin: Oui, très nettement. Les réflexions ministérielles ouvrent des avenues et, au fond, c'est important que ces avenues soient pertinentes au besoin des États et ces réflexions sont appréciables. Cela dit, l'agence, ce sont des programmes qu'on essaie de rendre de plus en plus concrets, de plus en plus axés sur les grands problèmes reliés au développement économique et culturel. Et le Québec est preneur des deux côtés.

M. Rivest: D'accord.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Groulx.

M. Fallu: J'ai un peu l'impression que l'agence est, en somme, victime de son propre succès. On voit constamment arriver à l'agence des commandes. Les ministres de l'Éducation passent des commandes, pour ainsi dire, à l'agence; ils mettent également de leur poche pour développer certaines activités, mais ils passent des commandes à l'agence régulièrement pour soutenir l'action. Les ministres de la Jeunesse font de même. C'est rendu que les parlementaires ont tendance à imiter maintenant les autres intervenants et à demander, notamment, le soutien de l'agence pour la formation de personnel dans les assemblées, par exemple.

On voit se rétrécir comme peau de chagrin les budgets, en contrepartie, pour deux raisons: d'une part, ils n'ont pas été tellement augmentés depuis quelques années et il y a eu érosion monétaire, inflation, dévaluation à certains endroits; d'autre part, il y a eu des programmes extensifs. Donc, on a démultiplié des activités. Est-ce qu'il n'y aurait pas pour l'agence à repenser ses grandes orientations, ses programmes? Parce que ce qui était participation de dix individus il y a encore cinq ou six ans est maintenant participation de deux ou trois pour le même type d'activités qui est encore programmé. Première grande question.

Deuxième question: Est-ce que l'agence sait actuellement s'aligner un peu dans la réflexion internationale de la coopération renouvelée, comme on le voit, notamment, en termes de coopération multilatérale, à mon avis, le meilleur exemple étant celui des pays ACP, et de la CEE, avec l'accord de Lomé 2 et maintenant avec toute la réflexion qui se fait vers Lomé 3 qui est davantage axé sur ce qu'on pourrait appeler, d'une façon très synoptique, le

développement, mais dans le respect des cultures et non pas dans l'imposition de programmes qui sont plutôt alléchants pour les pays "donateurs" entre guillemets. Ma question, au fond, très concrète est: Est-ce que l'agence évolue sur le plan international dans le même cadre de réflexion que ce qu'on possède actuellement, je pense, comme le plus moderne outil de coopération internationale, c'est-à-dire les suites de Lomé?

M. Morin: M. le Président, je vais tenter de donner une réponse générale au député de Groulx qui s'intéresse depuis longtemps et fortement à la francophonie, à l'ACCT. Ensuite, je demanderai à M. le sous-ministre Roquet de compléter ma réponse.

Je pense qu'avec le nouveau directeur général ou secrétaire général, M. François Owono N'Guema, est arrivée à l'agence une volonté de relance, de sortir des routines, parce que l'agence s'était un peu enlisée dans des routines. Mais, comme le député vient de l'indiquer, les demandes ne cessent d'affluer, de sorte que, dans tout ce fatras de demandes, on se demande bien où sont les priorités.

Relance, dans le cas de l'ACCT à l'heure actuelle, signifie redéfinition d'orientations, se recentrer sur des objectifs importants de développement, parce qu'il ne faut pas oublier que c'est une agence de développement culturel et technique. Quelles sont les priorités? Comment peut-on aussi relancer financièrement l'ACCT? Cela fait aussi partie des graves problèmes de l'heure, parce que les besoins sont immenses et infinis, mais les moyens sont tout à fait finis étant donné que beaucoup de membres, vous le savez, ne disposent pas de beaucoup de liquidités financières.

L'un des aspects de la réflexion qui est en cours passe par la réunion d'un comité de sages que M. Owono N'Guema va réunir, je pense, assez prochainement. Oui, le Québec enverra sans doute quelqu'un. Il me reste à rendre la chose officielle, mais le Québec sera représenté au comité de sages.

M. Rivest: Est-ce que ce sera un ministre?

M. Morin: Non, je ne pense pas que ce sera un ministre. Il ne faut pas que ce soit un ministre. Il faut que ce soit quelqu'un qui a connu...

M. Rivest: II faut que ce soit un sage.

M. Morin: II faut que ce soit un sage. Aussitôt que ce sera officiel...

M. Rivest: Votre sous-ministre serait très indiqué.

M. Morin: Oui, sûrement, il connaît très bien la question. Je vais, d'ailleurs, lui céder la parole dans un instant. Mais, d'après ce qui avait été convenu autour de M. Owono N'Guema, on pensait aussi à des gens qui ont été actifs jadis et naguère dans l'agence, comme le député. Si le député veut faire acte de candidature, il me le dira. Je mettrai son nom dans la machine à saucisse. On verra ce qui en ressortira.

M. Rivest: Vous venez de ravaler les sages au rang de saucisse.

M. Morin: Ayant dit cela, M. le Président, je demanderais à M. le sous-ministre d'ajouter quelques mots, s'il estime que c'est nécessaire.

Si vous le souhaitez, M. le ministre, je dirais peut-être un mot sur cette question de la coopération renouvelée. Là encore, nos fonctionnaires qui suivent de très près l'évolution de la programmation, qui sont dans des comités qui conseillent l'agence sur l'évolution des programmes, constatent une évolution encourageante, mais je crois, comme vous, qu'il y a encore du chemin à faire. On est sûrement plus sensible au terme de développement économique adapté.

Du côté du respect des cultures, encore une fois, les thèmes de la conférence des ministres de la Culture, à Cotonou, étaient tout à fait dans cette direction. D'ailleurs, j'aurais dû ajouter que c'étaient, pour l'essentiel, des propositions faites par la délégation québécoise qui ont été reflétées dans les conclusions de la conférence de Cotonou. Là encore, il y a le phénomène de temps de traduction dans les faits. Je crois que l'évolution sera graduelle, mais le mouvement général de cette dernière année est encourageant.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Jean-Talon.

Délégations du Québec en Europe

M. Rivest: M. le ministre, il y a beaucoup de choses, évidemment, dans la coopération. En ce qui concerne les délégations en Europe, est-ce qu'il y a des choses dont vous pouvez faire état? Je ne veux pas entrer dans les détails. Au point de vue administratif, qu'est-ce qui se passe avec les délégations à Paris, Bruxelles, Londres? Vous avez fait des déclarations face au gouvernement britannique dans la foulée de la révision constitutionnelle qui n'étaient pas très diplomatiques? Vous avez fustigé Mme Thatcher.

M. Morin: Non, pas Mme Thatcher en particulier. C'était une histoire d'institutions et non pas de personnes.

M. Rivest: Que se passe-t-il avec la délégation du Québec à Londres?

M. Morin: Elle est très active. Il y a un nouveau délégué général, M. Hyndman.

M. Rivest: Patrick est rendu là?

M. Morin: M. Patrick Hyndman que vous connaissez.

M. Rivest: Je m'informe toujours chaque année pour savoir où sont rendus les gens qu'on connaît bien. Patrick est à Londres.

M. Morin: Oui. Il fait remarquablement bien son travail. Il a remplacé, d'ailleurs, M. Loiselle qui avait passé un certain temps à Londres.

M. Rivest: Mouvementé. M. Loiselle a été choyé.

M. Morin: Oui. Il avait dû faire beaucoup de travail, surtout les derniers temps avec l'histoire du rapatriement. M. Hyndman a hérité non seulement du travail de son prédécesseur, mais également d'une nouvelle délégation beaucoup mieux située que la précédente qui se trouve sur Pall Mall, donc en plein centre de Londres. (22 h 15)

M. Rivest: Quel a été le coût de ce changement? On me l'a signalé, mais je n'étais pas sûr.

M. Morin: Nous pouvons regarder cela de plus près, si vous le voulez. Je pense avoir des chiffres là-dessus que je vais pouvoir vous donner. Si vous me le permettez, je vais essayer de retrouver dans tout cela les chiffres pertinents à la délégation de Londres. Je voudrais simplement dire, pendant qu'on essaie de trouver les chiffres - j'espère que nous les avons ici; sinon, je vous les enverrai - que cette décision a été prise par mon prédécesseur et que je l'ai maintenue parce qu'elle m'a paru être la plus sage à tous égards. D'abord, il n'y avait plus de place.

Mais nous avons ici, à mes côtés, celui qui peut vous dire les conditions déplorables dans lesquelles la délégation devait travailler depuis quelque temps. Je lui cède la parole. Il n'y en a pas qui soit mieux placé que lui pour savoir à quel point ces changements étaient nécessaires.

M. le Président, je m'en voudrais de trop émouvoir le député de Jean-Talon. C'est un fait que la délégation que j'ai occupée jusqu'à mon départ a été mise sur pied dans les années soixante pour une douzaine de personnes. Elle était faite pour 12 personnes et, au fil des années, nous nous sommes retrouvés 24 personnes travaillant à l'intérieur; il fallait perpétuellement déplacer les meubles, etc. La maison s'était considérablement détériorée et nous aurions dû investir des sommes importantes pour nous retrouver toujours trop à l'étroit. Nous avons cherché et avons trouvé un contrat de location dans un immeuble de Pall Mall.

M. Rivest: Étiez-vous propriétaires de l'ancienne maison?

M. Morin: Nous avions signé un bail qui se terminait en 2020; il est en train d'être négocié et revendu présentement.

Avec profit.

Avec profit considérable...

M. Rivest: J'imagine.

M. Morin: ...pour ce qui reste du bail, ce qui nous permettra d'assumer la location de l'immeuble de Pall Mall. C'est à peu près une fois et demie plus grand.

M. Rivest: La vocation de la maison de Londres, c'est quoi? Le tourisme?

M. Morin: Distinguons, si vous le voulez bien, la période antérieure au rapatriement et la période postérieure. Il est évident qu'avant le rapatriement nous avons connu une période d'intense activité diplomatique et politique. Je pense que M. Loiselle serait bien placé pour en parler. Avec le rapatriement, nous avons dû, bien sûr, nous réorienter puisque, désormais, le Parlement de Westminster n'est plus garant des droits du Québec vu que M. Trudeau, agissant unilatéralement, a rapatrié la constitution contre la volonté du Québec. Ces faits sont bien connus du député de Jean-Talon, du moins, je l'espère, et je n'ai pas à insister. Depuis ce rapatriement qui fait perdre à la Grande-Bretagne tout rôle politico-constitutionnel en ce qui concerne le Canada, nous avons mis l'accent sur les rapports économiques avec la Grande-Bretagne.

M. Rivest: Je m'y attendais.

M. Morin: Oui, vous aviez bien deviné. Désormais, ce qui nous intéresse en Grande-Bretagne, c'est d'améliorer notre position concurrentielle sur les marchés de la Grande-Bretagne.

M. Rivest: Avez-vous des chiffres sur les performances en Grande-Bretagne?

M. Morin: Nous pourrions certainement vous en trouver, quoique j'imagine que mon collègue, le ministre du Commerce extérieur, serait plus à même de vous sortir des chiffres.

M. Rivest: Ah! Bon, il fait quelque

chose dans la vie? Je pensais qu'il ne faisait rien.

M. Morin: Certainement qu'il fait quelque chose.

M. Rivest: Pour toute la partie économique, maintenant, on doit s'adresser au ministre du Commerce extérieur.

M. Morin: Si vous voulez des chiffres exacts, nous les avons aussi; je pense qu'on peut vous les sortir.

M. Rivest: Les investissements, les exportations, les accords techniques, etc.

M. Morin: Dans le document que j'ai déposé cet après-midi sur la rentabilité et que vous aviez déjà dans vos papiers, il y a peut-être quelques chiffres que l'ancien délégué général pourra vous donner.

Le Québec a exporté vers la Grande-Bretagne l'an dernier pour environ 900 000 000 $ de produits. Cela a toujours été le deuxième plus grand partenaire en dehors du Canada, bien entendu, après les États-Unis.

M. Rivest: Plus que la France?

M. Morin: Oui, beaucoup plus que la France, que l'Allemagne et que la Belgique réunies. C'est une position qui non seulement a été maintenue, mais qui s'est accentuée ces dernières années, de sorte que c'est un potentiel extrêmement intéressant pour le Québec.

M. Rivest: Avec moins de monde et des locaux exigus, vous performiez.

M. Morin: Oui, mais il faut comprendre qu'à un moment donné, vu les rapports politiques entre l'ancienne métropole coloniale et le Canada...

M. Rivest: Oh! Allons donc! Trouvez-moi autre chose pour expliquer cela.

M. Morin: Non, non, il y avait un pacte colonial entre la Grande-Bretagne et ses colonies. Le pouvoir politique étant...

M. Rivest: Je le sais. Vous m'avez enseigné cela.

M. Morin: ...l'un des premiers pouvoirs économiques, eh bien, cela jouait. Le commerce avec l'Europe et la France à une certaine époque était quasiment inexistant, tandis qu'avec l'ancienne belle-mère patrie, ces rapports étaient considérables. Donc, c'est l'héritage du passé qui peu à peu se modifie, bien que nous n'allons pas sacrifier notre commerce avec la Grande-Bretagne, naturellement.

M. Rivest: Prenons un dossier concret, par exemple, avec la Grande-Bretagne: les investissements de la compagnie La Laurentienne. Est-ce que le gouvernement du Québec a été associé à cela? Je crois que le nom de la compagnie, c'est Imperial Life.

M. Morin: Oui.

M. Rivest: Êtes-vous associé à ce qui est une des transactions les plus importantes que les Québécois aient faites à l'étranger?

M. Morin: M. le sous-ministre a été associé à ce dossier. Alors, je vais lui demander de répondre.

M. Rivest: Le ministre a eu l'air tout étonné.

M. Morin: M. le Président, je m'en voudrais de toujours m'impliquer dans les dossiers qui ne sont pas directement de mon ressort, mais il l'était au moment où j'étais délégué général.

M. Rivest: Non, non.

M. Morin: J'ai été effectivement mêlé très étroitement à l'implantation de l'Imperial Life. Vous demanderez au président quel a été le rôle de la délégation.

M. Rivest: C'est déjà fait.

M. Morin: Je crois qu'il vous le dira de façon plus...

M. Rivest: Je vous donnais l'occasion de le dire, mais pour informer le ministre, c'est intéressant.

M. Morin: Me permettez-vous maintenant, M. le Président, d'ajouter que, même si l'accent porte prioritairement sur le domaine économique en Grande-Bretagne - la nomination de M. Patrick Hyndman, qui était jusqu'à ce moment sous-ministre adjoint au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, est la preuve de cet accent sur l'économie - il faut tout de même tenir compte aussi que l'équipe de la délégation générale à Londres, dans son mandat, a des responsabilités dans le secteur de l'éducation et de la culture et qu'en ce moment elle pousse beaucoup les rapports sur ce plan. En plus de cela, je signale, pour mémoire, que la délégation de Londres est responsable des rapports avec les pays nordiques, c'est-à-dire avec les pays Scandinaves.

M. Rivest: Oui. M. Morin: Voilà!

M. Rivest: Bon.

M. Morin: Et puis, il y a du tourisme aussi. Oui, j'ai pu constater, lors de mon voyage à Londres, que le tourisme y jouait un assez grand rôle. Nous avons du personnel très qualifié et très dynamique dans ce secteur.

M. Rivest: En Italie, est-ce à Rome ou à Milan?

M. Morin: Eh bien, l'un n'exclut pas...

M. Rivest: Êtes-vous content de vos changements?

M. Morin: ...l'autre.

M. Rivest: À part le pape, est-ce qu'il y a autre chose?

M. Morin: La délégation est toujours, d'abord et avant tout, établie à Rome. C'est là qu'est son siège.

M. Rivest: C'est cela. Une voix: À Milan.

M. Morin: Qu'est-ce que je raconte? À Milan, et elle a une antenne à Rome sur Via Trieste.

M. Rivest: Pardon?

M. Morin: Via Trieste. Nos nouveaux bureaux sont dans ce coin de Rome.

M. Rivest: Est-ce que cela a amélioré les choses? Êtes-vous satisfait de ce prolongement, de cette antenne?

M. Morin: Oui. Je pense que cela a facilité les contacts.

M. Rivest: Concrètement? Un exemple.

M. Morin: Concrètement, oui. Il y a des contacts avec le gouvernement italien, mais également avec le Saint-Siège, puisque, dans des perspectives aussi concrètes que la visite du pape, nous avons de plus en plus de représentations à faire à Rome même, y compris au Vatican.

M. Rivest: Mais donnez-moi un exemple concret d'un projet. En Italie, qu'est-ce qui se passe? Je vous ai signalé à Londres le projet de La Laurentienne. Mais en Italie, qu'y a-t-il eu d'intéressant à signaler cette année, à part le voyage du pape? J'espère que vous ne me direz pas que vous essayez de donner une dimension économique au voyage du pape.

M. Morin: Non, mais je pourrais... M. Rivest: Plus que cela.

M. Morin: ...certainement vous trouver des listes d'investisseurs, d'investissements. En Italie, nous sommes très actifs sur le plan commercial. Je pourrais vous obtenir des chiffres sur notre commerce. Une part importante des activités de la délégation de Milan, en particulier, est de recruter activement des immigrants investisseurs. Nous avons des agents d'immigration...

M. Rivest: Puis-je avoir des chiffres sur ce programme qui est très intéressant? Quel est le volume?

M. Morin: Nous ne les avons pas ici, mais je pourrais certainement vous les procurer, M. le député, si vous le désirez.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Groulx.

M. Fallu: Cette question a déjà été posée dans les mêmes termes, je pense par le même député, au ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, il y a quelques jours.

M. Rivest: Non, le député n'a pas fréquenté le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration depuis sa nomination.

M. Fallu: Alors, il y a un membre de son parti qui s'est chargé de le faire.

M. Rivest: J'en doute.

M. Fallu: Et il a eu réponse.

M. Rivest: Oui? Bon. Alors, en Europe, il n'y a pas de changements significatifs ou d'interrogations profondes sur l'implantation des maisons du Québec? Je ne veux pas être injuste. À Bruxelles, notre ami, M. Jean-Paul L'Allier, va bien? Oui. La santé est bonne?

M. Morin: Oui, il est ici en ce moment.

M. Rivest: Oui. Ah bon. Je sais qu'il y a eu des questions aux engagements financiers qui lui sont parvenues, dont il a eu écho.

M. Morin: D'ailleurs, vous le savez, la commission permanente wallonne s'est réunie ces jours derniers à Québec.

M. Rivest: Oui.

M. Morin: Nous avions la visite de M. Damseaux et de son entourage.

M. Rivest: Oui.

M. Morin: Et Mme la sous-ministre m'apprenait à l'instant qu'elle a signé, aujourd'hui même, avec la délégation qui accompagnait M. Damseaux un procès-verbal comportant un accord de coopération.

M. Rivest: Lorsque la maison du Québec a été implantée à Bruxelles, en 1974...

M. Morin: Cela fera 10 ans bientôt.

M. Rivest: Oui, c'est M. Gérard D. Lévesque qui avait présidé à l'inauguration officielle et j'avais le plaisir de l'accompagner.

Je sais que le gouvernement a mis un accent sur la coopération pour des raisons linguistiques avec la Wallonie et il y avait une préoccupation du gouvernement belge pour que la coopération du Québec se fasse avec la Belgique dans son entité.

M. Morin: Assurément.

M. Rivest: Est-ce que du côté néerlandophone...

M. Morin: Oui.

M. Rivest: ...il y a toujours le même souci de coopération, est-ce qu'il y a des efforts qui sont faits? Parce que la Belgique est une entité, je pense, qui voudrait bien que, selon les actions internationales qu'elle mène, nous la prenions telle qu'elle est constituée.

M. Morin: Oui. Naturellement, les premiers contacts - vous le savez très bien, d'ailleurs - ont été surtout avec la Wallonie. Sur le plan culturel, les affinités étaient là et elles ont joué. C'est ce qui explique que la délégation Wallonie-Bruxelles ait été établie à Québec durant l'année écoulée, comme je le mentionnais dans mon exposé de ce matin.

M. Rivest: Quel est le statut exact? Il y a eu toutes sortes d'histoires qui ont circulé autour de cela.

M. Morin: Bien, son statut exact, c'est...

M. Rivest: Des privilèges leur sont-ils accordés? Est-ce tout simplement une maison?

M. Morin: Ils ont un statut fort restreint, mais ils ont tout de même un certain nombre de facilités, comme le disent les Belges. Mais, naturellement, nous sommes en mesure d'accorder les privilèges et immunités qui relèvent de notre compétence.

M. Rivest: C'est uniquement la dimension francophone de la Belgique, là.

M. Morin: Pardon?

M. Rivest: Ce n'est pas la Belgique; c'est la communauté...

M. Morin: C'est la communauté française de Belgique et la région de Wallonie, parce que, du côté wallon, les institutions sont séparées.

M. Rivest: Même sur le plan international.

M. Morin: L'une s'occupe des questions économiques et c'est la région; l'autre s'occupe des questions culturelles et communautaires et c'est la communauté.

M. Rivest: Ils ont un prolongement international de leur personnalité.

M. Morin: Oui, c'est exact.

M. Rivest: C'est cela. D'accord.

M. Morin: J'allais compléter ma réponse à la question du député. J'ai bien dit que les affinités avaient fait que les rapprochements s'étaient d'abord faits avec les Wallons. Nous travaillons également avec les Flamands, c'est-à-dire avec la Flandre. De fait, ces rapports ont été amorcés de façon tout à fait spectaculaire l'an dernier par la venue au Québec - c'est peut-être même au cours de l'année écoulée - d'une délégation présidée par M. Gaston Geens, le président des institutions flamandes.

En Flandre, contrairement à ce qui se passe du côté wallon, la communauté et la région ne forment qu'un organisme et M. Geens, à titre de président, est venu au Québec avec une délégation qui a été reçue par moi-même et par le ministre du Commerce extérieur qui était, à ce moment, ministre d'État au Développement économique.

Nous avions déjà, à ce moment, signé un protocole et, depuis lors, le Québec a été très présent. Mon collègue, M. Landry, était, justement, il y a quelques semaines à peine, en Flandre où il a participé à un certain nombre d'activités.

La politique du Québec est de s'ouvrir également sur la Flandre, tout en conservant ses affinités naturelles avec le pays wallon. (22 h 30)

Le Président (M. Champagne): M. le député de Groulx.

M. Rivest: Oh, pardon!

M. Fallu: Les questions que je vais

poser rejoindront sans doute les préoccupations de mon collègue de Jean-Talon, puisqu'elles traiteront des relations parlementaires. Je voudrais, d'abord signaler que notre exécutif s'est rendu, en cours d'année, à la demande des parlementaires réunis au comité mixte de l'Assemblée nationale du Québec et du Conseil de la communauté française de Belgique, en signant un accord, c'est fait, et en ouvrant une maison, c'est fait également.

Je voudrais demander au ministre, à qui le président de l'Assemblée nationale, après chacune des réunions de notre comité mixte, expédie - je ne sais trop sous quelle forme, j'imagine que c'est sous la forme d'une lettre à laquelle il joint les résolutions qui concluent nos travaux - d'une façon générale, comment l'exécutif, par rapport au législatif - l'ambiguïté, c'est qu'il administre les deux à la fois - reçoit les recommandations de nos comités mixtes. La question vaudrait également pour le comité formé de l'Assemblée nationale du Québec et de l'Assemblée nationale française. Comment le gouvernement du Québec les reçoit-il, les accueille-t-il, les gère-t-il, devrais-je dire, par la suite?

M. Rivest: Les hésitations du ministre sont déjà une réponse.

M. Morin: C'est parce que je veux être sûr de donner une réponse complète à mon collègue. Je voudrais que le député nous précise exactement la portée de sa question. Effectivement, je sais que les groupes parlementaires se réunissent, adoptent des résolutions, mais j'aimerais bien qu'il nous dise à qui il les a envoyées au sein du gouvernement, afin que nous sachions exactement à quoi il se réfère.

M. Fallu: Ces résolutions, dans un premier temps, sont déposées à l'Assemblée nationale par le président comme document sessionnel. Elles sont également envoyées à l'exécutif, avec une lettre de transmission de la part du président; du moins, c'était l'habitude un certain temps, je ne sais trop si cette habitude s'est conservée. Du côté de nos amis francophones de la Belgique, ils se sont donné, à travers leurs institutions parlementaires, des moyens supplémentaires, notamment, d'inscrire ces questions à l'ordre du jour de l'une de leurs commissions, voire même de faire un débat général au sein du conseil de la communauté.

Donc, ici, on a quand même peu de moyens de souligner l'importance de nos recommandations, mais on ne sait jamais trop comment, par la suite, cela chemine. À l'exception de quelques questions que nous posons, il est arrivé à mon collègue de Jean-Talon et à moi-même, ainsi qu'à quelques autres collègues qui fréquentent l'un ou l'autre de ces comités mixtes, de poser des questions au moment des commissions parlementaires, pour certains sujets à l'Éducation, pour d'autres aux Affaires culturelles.

M. Morin: Est-ce que je pourrais demander au député de Groulx de nous faire parvenir, de nous signaler les conclusions auxquelles il a fait allusion? En effet, m'étant renseigné autour de moi, je m'aperçois qu'elles ont peut-être été signalées au gouvernement, mais qu'elles n'ont pas été signalées au ministère des Affaires intergouvernementales, ce qui est sans doute fâcheux. Si le député de Groulx veut nous saisir de la chose, c'est avec plaisir que je regarderai cela. Même si l'exécutif et le législatif doivent rester à distance respectueuse, je peux l'assurer que, pour peu qu'il y ait des choses concrètes où on peut rendre service, nous le ferons avec plaisir.

M. Fallu: En l'occurrence, je m'adresserais à mon collègue, le vice-président de la section québécoise de l'Association internationale des parlementaires de langue française...

M. Morin: Qui ne nous a pas transmis les documents en question?

M. Rivest: II s'agit des documents du comité mixte de l'Assemblée nationale; je n'ai rien à voir là-dedans. Je ne suis pas membre de cela.

M. Fallu: ...pour que nous arrivions, comme parlementaires, à changer, à ajuster, peut-être, nos méthodes de travail et à voir à ce que les documents pertinents parviennent aux personnes qui sont concernées.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Oui. C'est quand même assez étonnant que cela n'ait pas été fait. Du côté belge, comme le signalait mon collègue - je le sais, pour avoir été membre du comité mixte entre l'Assemblée nationale du Québec et l'Assemblée de la communauté francophone de Belgique - cela se fait très bien. La même chose, d'ailleurs, du côté du comité mixte, dont je suis membre, des Assemblées nationales française et québécoise. Vous n'en avez probablement pas encore eu d'échos parce que cela commence, mais vous allez certainement recevoir des recommandations qui ont été formulées lors des délibérations que nous avons eues en juin dernier à Paris. Et, cette année, je pense que c'est ici? C'est cela.

M. Morin: Vous avez donc fréquenté les députés français?

M. Rivest: Oui. M. Suchod, etc.

M. Morin: Ils ne vous ont pas proposé la double nationalité?

M. Rivest: Non. Probablement qu'ils attendaient votre visite pour s'annexer ainsi la personne du député de Jean-Talon qui résistera en protégeant sa citoyenneté canadienne.

M. Morin: Étant sujet britannique.

M. Rivest: Oui, en effet. Déjà, je suis passablement occupé avec ces trois dimensions de ma personne sans que vous en ajoutiez une quatrième, "futuriste", a dit le premier ministre.

À Bruxelles, cela va, comme cela? Le délégué est heureux. M. L'Allier est en poste depuis quand?

M. Morin: Cela va faire deux ans, si je ne m'abuse.

M. Rivest: Oui? M. Morin: Oui.

M. Rivest: Et dans son cas, c'est un contrat?

M. Morin: C'est un contrat, effectivement.

M. Rivest: Est-ce que cette pratique au niveau des représentants du Québec à l'étranger vous apparaît heureuse? Étant donné la carrière - vous avez des préoccupations dans le domaine international ou, en tout cas, le Québec devrait en avoir -de jeunes fonctionnaires qui travaillent au service de la coopération ou dans la section internationale, qui occupent différents postes à l'étranger, qui reviennent, etc., je m'inquiétais un peu de cette pratique. Je ne dis pas que M. L'Allier n'est pas... Absolument pas. C'est tout à fait le contraire, d'ailleurs, dans son cas. Mais, sur le plan du principe, à un moment donné, les gens font carrière, aspirent à avoir un poste important - il n'y en a pas beaucoup au Québec - et ils voient des gens qui arrivent, qui ont fait carrière dans d'autres domaines et qui occupent la direction, si bien que les fonctionnaires ont l'impression, à tous égards, d'être plafonnés. C'est un exemple.

M. Morin: II ne m'appartient pas de porter un jugement sur les pratiques antérieures, d'autant qu'elles n'ont pas donné des résultats malheureux. La nomination du délégué général à New York, du délégué à

Bruxelles...

M. Rivest: Oh, j'ai oublié Paris.

M. Morin: ...de personnes recrutées à l'extérieur...

M. Rivest: J'ai oublié Paris.

M. Morin: Oui, mais, dans le cas de Paris, M. Michaud s'occupait tout de même de coopération au sein même du gouvernement...

M. Rivest: Oui.

M. Morin: ...depuis déjà belle lurette.

M. Rivest: Nous en avions fait nous-mêmes un ministre plénipotentiaire.

M. Morin: Mais je dois vous dire qu'en ce qui me concerne, depuis que je suis là, je tends plutôt à favoriser le recrutement interne non seulement au sein des Affaires intergouvernementales, mais au sein du gouvernement québécois. Cela explique, par exemple, la nomination de M. Patrick Hyndman. Cela en explique quelques autres: M. Gervais à Mexico.

M. Rivest: M. Bergeron à Tokyo?

M. Morin: M. Jean Tardif qui était déjà à Paris. Donc, en ce qui me concerne, quand il y a quelqu'un à l'intérieur du gouvernement qui peut remplir les fonctions correctement, j'aurais plutôt tendance à choisir cette personne. Il arrive, cependant -les raisons ne sont pas nombreuses - pour certaines raisons, que nous estimions nécessaire d'aller à l'extérieur. Par exemple, on aura remarqué qu'il n'y a pas beaucoup de femmes déléguées, alors qu'elles sont aptes à exercer ces fonctions de façon tout à fait correcte. Si une femme peut être sous-ministre, une femme peut être déléguée générale ou déléguée. Bon. Il n'y a pas de raison. Et j'ai pensé faire une exception dans le cas de Boston. Cela a été une de mes premières nominations, il y a déjà quelques mois.

M. Rivest: Pas une exception. Faire une première qui serait suivie d'une deuxième, d'une troisième, pas une exception.

M. Morin: C'était une exception par rapport au principe que je viens d'énoncer.

M. Rivest: Ah, la carrière!

M. Morin: Je préférais m'en tenir aux fonctionnaires déjà au service du gouvernement québécois. Nous avons nommé Mme Thibodeau-DeGuire, et cela s'avère être

une excellente nomination, au poste de Boston. Elle est ingénieur comme le député le sait peut-être. Comme c'est un poste qui a une importance économique considérable, elle effectue de l'excellent travail. Dans l'avenir, je compte faire preuve du même pragmatisme, mais avec toujours cette préoccupation de recruter à l'intérieur du gouvernement si cela est possible. Lorsque cela n'est pas possible ou lorsqu'il s'agit de corriger un équilibre entre la représentation masculine et la représentation féminine, je ne promets pas de ne pas aller recruter à l'extérieur. Ce sera exceptionnel, mais il se peut que je le fasse à l'occasion.

M. Rivest: Sur cet aspect hommes, femmes, au niveau, par exemple, des délégués, des attachés commerciaux, scientifiques, éducationnels, selon mon souvenir d'une maison que je connais mieux, celle de Paris, il n'y a pas beaucoup de femmes, non plus, dans les représentants du Québec à des postes de direction à l'intérieur des délégations. C'est probablement le même cas ailleurs.

M. Morin: Cela commence à changer. M. Rivest: II y a toute une tradition.

M. Morin: Justement, il y a quelque temps, j'avais l'occasion de rencontrer tous les nouveaux partants en poste. Il y en avait une vingtaine. Là-dessus, combien y avait-il de femmes? Il y en avait un certain nombre. Il me semble qu'il y en avait cinq ou six.

M. Rivest: Bon, c'est un départ.

M. Morin: Nous commençons. Je fais allusion non seulement au ministère des Affaires intergouvernementales, mais au ministère de l'Immigration, au ministère du Commerce extérieur et à tous les autres ministères qui ont des représentants à l'étranger. On est en train de corriger les déséquilibres antérieurs.

Délégations du Québec en Afrique

M. Rivest: Très bien, M. le ministre. Dernière question concernant le domaine international: l'Afrique. Vous avez évoqué, dans les notes que vous nous avez transmises, certaines préoccupations. Je voudrais vous mentionner le fonctionnement de l'ACDI. Je sais qu'il y a des initiatives propres au gouvernement québécois, mais beaucoup d'activités de Québécois sur le continent africain passent par la voie de l'ACDI. Je sais qu'il y a beaucoup de firmes d'ingénieurs, de techniciens qui vont se rendre sur le continent africain pour participer à des accords de développement. Est-ce que le ministère des Affaires intergouvernementales - je sais que c'est un dossier dont vous vous préoccupez - a des orientations, des corrections de tir que vous voulez faire à cet égard-là, d'une façon très générale parce qu'on n'a pas le temps de regarder cela?

M. Morin: Nous avons, comme vous le savez, à Abidjan un représentant dans le domaine de l'éducation. Je dois dire que nos rapports avec l'Afrique passent, d'abord et avant tout, par le truchement du multilatéral, par l'ACCT, par la CONFEJES, par la CONFEMEN. J'ai été moi-même responsable, pendant quelque temps, et en particulier pendant une année où j'ai exercé la présidence de la CONFEMEN, du fonctionnement...

M. Rivest: La CONFEMEN, pour les fins du journal des Débats, qu'est-ce que c'est?

M. Morin: La CONFEMEN, c'est la Conférence des ministres de l'Éducation nationale des pays d'expression française. La CONFEJES, il s'agit des ministres responsables des loisirs et des sports. Ces deux organismes, CONFEMEN et CONFEJES, ont un secrétariat technique permanent à Dakar où nous sommes représentés par un fonctionnaire québécois détaché auprès du secrétaire général, M. Amadou Samb. (22 h 45)

C'est par le multilatéral que nous rendons le plus de services, tout simplement parce que, depuis quelques années, le gouvernement fédéral est arrivé dans une certaine mesure à freiner nos contacts avec les gouvernements africains. Il s'y emploie systématiquement. Heureusement, dans le domaine multilatéral, nous pouvons rendre de grands services et nous sommes très actifs. L'année où le Québec a assumé la présidence de la CONFEMEN, par exemple, les programmes se sont multipliés, les rencontres ont eu lieu et, notamment pour ce qui est des manuels, il s'est fait beaucoup de travail. Pour ce qui est également des langues vernaculaires, nous avions un programme qui, depuis lors, a peut-être connu un peu de ralenti, mais qui à ce moment-là a fait l'objet de beaucoup de travail.

Maintenant, pour l'année qui vient, je pense qu'on pourra concrétiser un certain nombre d'ententes qui ont été convenues au cours de l'année écoulée, notamment avec l'Algérie et le Maroc. Je sais bien que vous pensez peut-être, d'abord et avant tout, à l'Afrique subsaharienne, mais je me permets d'évoquer également les possibilités de coopération qui sont prévues avec l'Algérie parce qu'un très fort volume d'échanges est prévu dans ce cas-là. On pourrait faire commencer les échanges, par exemple, au

chapitre des technologies éducatives. C'est une demande de l'Algérie. Nous pourrons aussi établir des programmes pluriannuels de recherche scientifique et déterminer - nous allons le faire dans les mois qui viennent -la "factibilité" de trois grands projets d'instituts supérieurs que l'Algérie nous a demandés. De mémoire, il me semble que c'était l'hôtellerie, la foresterie et le tourisme. Donc, des instituts supérieurs que nous construirions clé en main et où nous enverrions également même les spécialistes, les formateurs de formateurs.

M. Rivest: Les budgets?

M. Morin: Les budgets vont être en grande partie assumés par l'Algérie elle-même et aussi il y aura une contribution québécoise.

M. Rivest: Est-ce que vous avez les budgets?

M. Morin: Oui, mais je dois dire que le gros des coûts est assumé par l'Algérie.

M. Rivest: Oui.

M. Morin: Ils sont prêts à payer dans une large mesure. Sur le plan gouvernemental, on facilitera les choses et je ne crois pas que cela entraîne des gros déboursés. Il y a aussi les entreprises privées qui sont intéressées. Par exemple, la construction de ces instituts, ce sont des entreprises privées qui vont l'effectuer et non le gouvernement du Québec.

M. Rivest: Québécoises?

M. Morin: Oui, québécoises. Vraiment, c'est fort intéressant et c'est là qu'on voit que la coopération scientifique et technique peut comporter des retombées tout à fait concrètes d'ordre commercial et économique. Le projet de tourisme devrait démarrer cette année avec l'accueil d'une vingtaine de boursiers stagiaires.

J'ai fait allusion au Maroc. Vous saviez que nous avions un vaste programme, qui avait augmenté d'ailleurs un peu plus vite que nous ne l'avions prévu, d'accueil d'étudiants marocains. Nous avions fait une entente avec le Maroc qui dispensait les étudiants de ce pays de payer les frais de scolarité dans les universités. Nous avions commencé avec une centaine d'étudiants marocains et, à la fin, il y en avait presque 2000 après la signature. Oui, 2000 étudiants marocains dans les collèges et universités du Québec.

M. Rivest: Oui.

M. Morin: Oui. C'était devenu un peu coûteux. Nous avons donc réexaminé les choses avec les Marocains. Ils sont venus ici; le ministre de l'Éducation est venu lui-même pour renégocier cette affaire parce que cela causait du souci. Nous avons décidé de mettre l'accent désormais sur la formation d'éducateurs marocains, puis aussi sur l'envoi d'enseignants québécois au Maroc. On a donc un peu réorienté les priorités.

De même, avec la Tunisie, nous avons un programme qui sera mis en marche, un programme de formation d'éducateurs en santé. Cela se passera au cégep de Limoilou, de célèbre mémoire. Ce programme va se réaliser avec un prêt dé la Banque mondiale.

M. Rivest: Le commando du Pif.

M. Morin: C'est intéressant de le signaler, en passant. Enfin, puisque le député me parle de l'Afrique, M. le Président, je voudrais signaler que le programme de l'AQOCI, l'Association québécoise des organismes de coopération internationale, qui s'occupe des questions internationales, est maintenu au même niveau pour l'an prochain que pour l'année en cours. De nombreuses activités de l'AQOCI se déroulent en Afrique et, notamment, en Côte-d'Ivoire et en Haute-Volta. En Haute-Volta, il y a un tout nouveau programme, projet de forage de puits. Ce programme va être mis en chantier cette année. Donc, c'est modeste, mais c'est quand même très réel, surtout sur le plan multilatéral.

M. Rivest: En ce qui concerne les activités de l'ACDI et le protocole que le ministère, je pense, a avec l'ACDI, y a-t-il des points particuliers que vous voudriez souligner, autant sur le plan des rapports entre le gouvernement canadien et le gouvernement québécois que sur les préoccupations des entreprises privées du Québec qui sont très directement intéressées aux programmes de l'ACDI?

M. Morin: Oui. Nous avons un certain nombre de programmes en commun avec l'ACDI en Afrique. Cependant, je dois dire qu'il faut constater qu'on est en face d'un désengagement. L'ACDI, semble-t-il, est de moins en moins intéressée à traiter avec nous, même si c'est nous qui disposons quelquefois des ressources humaines nécessaires.

M. Rivest: Pourquoi, M. le ministre?

M. Morin: Parce qu'ils semblent vouloir de plus en plus mener leurs programmes par eux-mêmes, unilatéralement. C'est un sujet de préoccupation.

M. Rivest: Mais n'y a-t-il pas eu également un sujet de préoccupation de la

part des entreprises québécoises? Par exemple, je pense à tout le problème des bureaux d'ingénieurs, compte tenu des problèmes économiques qu'il y avait ici, compte tenu de la diminution objective des possibilités de constructions et d'immobilisations au niveau de tout le secteur public et parapublic. Est-ce que les rapports que le ministère a eus avec les entreprises, dans le cadre des programmes de l'ACDI, n'ont pas soulevé à l'occasion un certain nombre de problèmes? Non?

M. Morin: Pas à ma connaissance, M. le Président, mais je pourrais me renseigner plus avant. Nos rapports avec les entreprises québécoises, notamment avec les firmes d'ingénieurs-conseils, sont excellents.

M. Rivest: Qui va s'occuper d'un programme comme celui-là? Est-ce M. Landry ou si c'est le ministère?

M. Morin: Non, s'il s'agit de programmes comme ceux auxquels j'ai fait allusion, par exemple, les centres pédagogiques régionaux au Maroc où il y a un résidu de programme.

M. Rivest: Non, non. Je comprends cela. Mais la partie économique?

M. Morin: Non, c'est le ministère des Affaires intergouvernementales qui traite de ces questions.

M. Rivest: Par exemple, si une firme d'ingénieurs négocie - comme j'en connais -en Algérie ou ailleurs, au Sénégal et un peu partout, un contrat d'aménagement forestier, est-ce qu'elle doit collaborer avec le ministère des Affaires intergouvernementales ou plutôt s'adresser, pour la dimension québécoise par rapport à la partie canadienne, au ministre du Commerce extérieur?

M. Morin: Écoutez, cela dépend de la nature du projet. S'il s'agit de construire un immeuble appelé à loger un institut d'hôtellerie, normalement, c'est nous qui allons gérer ce projet-là. Mais s'il s'agit de questions strictement commerciales, là, j'imagine que ce sera le Commerce extérieur. Cela dépend de la nature du projet.

M. Rivest: Oui, mais justement, c'est cela. Est-ce que le ministère du Commerce extérieur n'a pas non seulement le mandat, de par sa loi, d'exporter des biens, mais également des services, et des services professionnels?

M. Morin: Cela dépend, encore une fois, de la nature du projet. Cela dépend de ce à quoi c'est lié. Dans le cas, par exemple, des centres pédagogiques régionaux au Maroc, du développement de l'hôtellerie en Côte-d'Ivoire et du collège polytechnique et universitaire au Bénin, c'est nous qui avons géré ces projets.

M. Rivest: Vous allez continuer de les gérer et le ministre du Commerce extérieur n'aura pas à intervenir directement là-dedans.

M. Morin: Je ne le pense pas. S'il y a lieu de nous entendre là-dessus, nous le ferons.

M. Rivest: Bon. Pour l'instant, c'est tout.

M. Morin: Mais je ne le pense pas. Pour l'instant, cela ne pose pas de difficulté.

M. Rivest: D'accord. Face à l'ACDI, vous avez dit que vous aviez senti, de la part du gouvernement canadien, une volonté de désengagement. Enfin, c'est ce que j'ai cru comprendre de votre remarque.

M. Morin: Oui, car les budgets ont diminué en 1982-1983.

M. Rivest: Est-ce que le Québec... Oui, poursuivez votre réponse.

M. Morin: J'allais dire que les budgets sont passés graduellement de 3 300 000 $ à 1 100 000 $; donc, on voit bien qu'il y a une certaine volonté de désengagement.

M. Rivest: C'est le budget de l'ACDI.

M. Morin: Oui, dans leurs rapports avec le Québec.

M. Rivest: Avec le Québec. Est-ce que cela a diminué d'une façon générale l'ensemble des activités de l'ACDI ou si cela vous paraît une diminution plus marquée en ce qui concerne les projets où le Québec est associé?

M. Morin: II faudrait que je regarde cela de plus près, mais j'ai l'impression que les budgets généraux de l'ACDI n'ont pas diminué tellement. Ils entendent désormais mener de plus en plus directement leurs programmes, leurs activités.

M. Rivest: Est-ce que vous avez communiqué avec le gouvernement canadien pour savoir ce qu'il en était au juste?

M. Morin: Nous sommes en contact avec l'ACDI. Si vous voulez, je peux demander à M. le sous-ministre de parler de nos rapports avec l'ACDI.

M. Rivest: L'ACDI, oui, mais si vous voulez, M. le sous-ministre, j'aimerais préciser le sens de ma question. Compte tenu de ce que le gouvernement du Québec a constaté par rapport aux programmes de l'ACDI, c'est une chose de constater qu'il y a eu une diminution de la part québécoise dans les programmes de l'ACDI. Cela en est une autre, je pense - et c'est la responsabilité du ministre, en particulier, de souligner sa préoccupation au gouvernement canadien - d'exiger ou de demander des explications, de voir dans quel contexte' cela se situe. Ce n'est pas tout de nous dire que la part du Québec a diminué. Il faudrait qu'on sente que le ministre n'assiste pas passivement à la diminution de la part du Québec et qu'il ne se contente pas de protester. Il faudrait prendre l'initiative d'aller voir le gouvernement canadien pour savoir ce qui se passe, savoir si c'est purement le fait d'une année budgétaire, s'il y a des moyens de redresser la situation, faire état des demandes qui sont adressées au Québec, où le Québec pourrait effectivement participer et associer le gouvernement canadien pour corriger cette baisse relative. Autrement dit, ce n'est pas tout de constater qu'à un moment cela diminue. Il faut qu'il y ait une volonté politique de la part du gouvernement du Québec de défendre nos intérêts et d'essayer de trouver des formules nouvelles si besoin est, selon les explications. Mais on est absolument devant rien.

M. Morin: Vous parlez d'or, M. le député. Je vais demander à M. le sous-ministre d'apporter quelques détails supplémentaires.

Le Président (M. Champagne): M.

Claude Roquet, le sous-ministre, à vous la parole.

M. Morin: Merci, M. le Président. Simplement au niveau des faits, je crois qu'il est exact, parce que nous avons examiné la situation depuis déjà quelque temps, que, dans nos rapports avec l'ACDI sur les projets conjoints, on n'a pas eu dans le passé, au cours des très longues années où nous avons travaillé avec l'ACDI, à nous faire de reproche, soit technique, soit politique, sur la façon dont nous avions mené cette coopération.

M. Rivest: Quelle est la part du Québec?

M. Morin: Quelles sommes?

M. Rivest: Oui, dont elle bénéficiait?

M. Morin: C'étaient des coopérations dans lesquelles l'ACDI utilisait le Québec comme maître d'oeuvre. Le financement dans ce type de projet est essentiellement fédéral, mais on demandait au Québec de prendre le même projet souvent polyvalent, requérant certaines ressources gouvernementales, la connaissance gouvernementale de gestion, disons, forestière, des ressources parfois de sociétés d'État et également du privé. Or, dans ce domaine, il faut constater qu'il y a eu deux phénomènes. D'une part, il y a plusieurs années, au moins à ma connaissance quatre ans, le Québec, voyant qu'une première génération de projets allait s'amenuiser et s'achever, a entrepris une exploration auprès de l'ACDI en vue de définir d'autres maîtrises d'oeuvre. Il ne s'agissait pas de sommes énormes, de toute façon, c'était un niveau de 5 000 000 $ ou 6 000 000 $ par année, bien à l'intérieur des moyens de l'ACDI. Ces pourparlers ont été menés pendant, à ma connaissance, au moins un an et demi, mais n'ont pas abouti.

Une deuxième phase a été un certain non-renouvellement de maîtrise d'oeuvre du Québec dans le cas du Zaïre. Cela a fait l'objet de commentaires quand cela s'est passé. Il semble y avoir eu une décision à ce moment à Ottawa. Il y a eu une décision à Ottawa de ne pas confier au Québec la deuxième phase d'un projet forestier au Zaïre auquel nous avions travaillé pendant sept ans. La participation québécoise à la deuxième phase était demandée par le Zaïre. Finalement, il y a eu décision de l'ACDI de s'adresser au privé. C'est encore, d'ailleurs, une décision qui est difficile à saisir. On s'est adressé à une société privée de la Colombie britannique à ce moment qui, n'ayant pas de capacités francophones, a dû plus ou moins sous-contracter au Québec dans le secteur privé. (23 heures)

Depuis, cependant, il y a eu certains renouvellements, une sorte de deuxième phase de projets. Donc, nous avons des signaux incertains sur ce qu'est la politique fédérale dans ce domaine. Pour notre part, je crois que notre ministre a déjà eu l'occasion de déclarer publiquement qu'il était tout à fait ouvert à poursuivre cette coopération. Simplement, nous sommes en fin de génération pour plusieurs projets et les chiffres chutent rapidement. Nous n'avons pas de nouvelles ouvertures du côté d'Ottawa sur des possibilités de nouvelles maîtrises d'oeuvre. Nous avons, cependant, comme je le dis, conclu certains renouvellements et négocié un projet modeste conjoint Canada-Québec-Haute-Volta. L'image est confuse.

M. Rivest: Mais, M. le ministre, compte tenu des informations que nous transmet le sous-ministre, est-ce que vous ne - peut-être l'avez-vous fait verbalement ou autrement -jugez pas préférable, dans ce genre de

difficultés que rencontre le Québec sur le plan international, dans ce cas, qu'à un moment ou l'autre - vous pourriez faire une déclaration publique manifestant des inquiétudes compte tenu des intérêts du Québec - il y ait formellement de votre part une correspondance ou un écrit ou un état de la situation qui soit transmis au gouvernement canadien, lui posant d'une façon très précise les questions que vous soulevez? Je vous avoue que dans le domaine des rapports entre le gouvernement canadien et le gouvernement québécois, il n'y a pas... On dirait qu'il y a... Enfin, peut-être les avez-vous... Peut-être ne demandons-nous pas assez le dépôt des correspondances et que cela soit consigné par écrit, de façon que l'Assemblée nationale comme l'opinion publique puissent suivre l'évolution des dossiers et savoir exactement quelles sont les prétentions, les remarques, les propositions nouvelles que le Québec fait.

Si vous l'avez fait, j'aimerais bien en prendre connaissance, voir les réponses qui vous sont ensuite fournies par le gouvernement canadien. Je le prends dans ce cas particulier - répondez dans ce cas particulier - mais aussi, d'une façon générale, il me semble qu'il n'y a pas de...

M. Morin: II y a très peu d'écrits... M. Rivest: Vous écrivez peu.

M. Morin: ...parce que cette volonté d'unilatéralisme fédéral...

M. Rivest: Bien oui, mais...

M. Morin: ...en général n'est pas mise par écrit. Mais il y a beaucoup de contacts entre fonctionnaires et, pas plus tard que cette semaine même, je crois, Mme la sous-ministre a rencontré M. Massé, qui est le sous-ministre de M. MacEachen. J'ai moi-même demandé à rencontrer M. MacEachen pour faire le point sur ces problèmes et sur beaucoup d'autres aussi. Il y en a pas mal.

M. Rivest: Oui. J'allais vous le demander.

M. Morin: II y en a plusieurs, mais je n'ai pas de réponse encore à mon invitation qui remonte maintenant à combien de semaines?

Une voix: À la semaine dernière.

M. Rivest: Vous avez raté votre effet.

M. Morin: Non, non. Je m'excuse. Un moment.

M. Rivest: Combien de semaines? La semaine dernière.

M. Morin: C'est cela. Effectivement, la semaine dernière, nous avons fait un appel téléphonique de rappel, mais dès mon entrée en fonction, il y maintenant un an et quelques mois, j'avais demandé à rencontrer le prédécesseur de M. MacEachen et cela avait traîné. On me disait toujours: Oui, oui, bien sûr. Et cela n'avait pas eu lieu. Dès que M. MacEachen est entré en fonction, je lui ai écrit.

M. Rivest: Est-ce que depuis que vous êtes en fonction vous n'avez pas vu le ministre canadien?

M. Morin: J'ai vu le ministre d'État responsable des relations extérieures, M. Lapointe.

M. Rivest: Bon.

M. Morin: J'ai eu l'occasion de parler avec M. Lapointe, mais je n'ai pas encore vu M. MacEachen, même si j'ai appelé cette rencontre de mes voeux parce qu'il y a effectivement plusieurs questions qui devraient être traitées et réglées.

M. Rivest: Je vous appuie.

M. Morin: J'en suis conscient; je n'en attendais pas moins de vous.

M. Rivest: Je trouve que, d'une façon générale, vous devriez, autant dans le domaine international et dans le domaine des relations fédérales-provinciales, avoir des contacts beaucoup plus suivis avec vos homologues du fédéral.

M. Morin: Pour avoir des contacts, c'est comme pour la danse, n'est-ce pas? En général, sauf pour certaines danses africaines, cela prend deux partenaires.

M. Rivest: Oui.

M. Morin: N'est-ce-pas? Je n'ose pas pousser ces métaphores trop loin.

M. Rivest: Et, deuxièmement, une volonté de collaborer, n'est-ce-pas?

M. Morin: Oui, mais, puisque j'ai pris la peine d'écrire à mes collègues pour leur dire que je désirais les rencontrer, c'était parce que j'avais la volonté de les rencontrer.

M. Rivest: Oui, mais avec tout ce que vous leur dites quotidiennement, vous ne pensez pas que vous allez les éloigner?

M. Morin: Je pense, M. le Président, que nous pourrions...

M. Rivest: Parce que votre musique

n'est pas la leur à plusieurs reprises; alors, la danse risque d'être assez curieuse.

M. Morin: ...renverser la proposition dans la réalité.

M. Rivest: Oui, je sais que c'est leur faute, etc.

M. Morin: Souvent, je dirais même invariablement les initiatives unilatérales viennent du niveau fédéral.

M. Rivest: Mais, M. le ministre, pendant que vous dites cela et que les autres vous disent autre chose, la vie passe et les projets ne se font pas. Qui paie la facture?

M. Morin: Ne tenez pas pour acquis qu'il ne se fait rien.

M. Rivest: Non, non. Je sais qu'à Ottawa il y a beaucoup de choses qui se font.

M. Morin: Au contraire, avec l'Algérie, avec le Maroc, les choses vont bon train. Parce que ces États ont des besoins, ils sont venus nous en parler et nous sommes en mesure de les aider.

M. Rivest: Je connais - peut-être que le ministre a des chiffres - par exemple, simplement dans le domaine de l'ingénierie, l'action extrêmement dynamique de plusieurs grandes firmes d'ingénieurs sur le plan international. Quand vous causez avec ces gens-là - souvent j'accorde, personnellement, beaucoup d'importance aux déclarations des ministres québécois comme des ministres du gouvernement canadien sur ceci et cela dans le domaine international - vous voyez qu'il y a des choses qui se font complètement en dehors. Vous savez, les grandes firmes d'ingénieurs n'aiment pas beaucoup aller s'immiscer dans une querelle. Vous passez votre temps à faire des déclarations - quand je dis "vous", j'inclus vos collègues d'Ottawa - dans les journaux: ceci, cela, voilà, on diminue, c'est l'ACDI, etc. Mais les firmes d'ingénieurs sont...

M. Morin: M. le Président, ce n'est pas vrai. Je m'excuse, mais c'est vous qui à l'instant m'invitiez à rendre tout cela public et à faire du fracas avec cela.

M. Rivest: Non, à écrire, à vous rendre à Ottawa s'il le faut...

M. Morin: Oui.

M. Rivest: ...à envoyer vos gens entretenir des rapports normaux avec vos homologues fédéraux. C'est à cela que je vous invite.

M. Morin: Ce n'est pas cela que vous disiez tout à l'heure. M. le Président, tout à l'heure, le député m'invitait à faire de l'esclandre.

M. Rivest: Ah non! Ah non! Moi qui suis un homme réservé, M. le Président, jamais je ne vous inviterais à faire de l'esclandre.

M. Morin: Rendez cela public, enfin. Je vous prends en flagrant délit de contradiction.

M. Rivest: Non, non, moi, je participe encore à la notion du fédéralisme rentable, n'est-ce pas? Le fédéralisme rentable ne se nourrit pas d'esclandres. Il se nourrit d'un examen objectif des dossiers, d'une défense sereine et ferme des intérêts du gouvernement québécois de façon que les choses marchent sans trop se préoccuper de savoir si c'est le ministre canadien ou le ministre québécois qui va aller planter son "flag" sur la réalisation qu'on aura faite. D'accord?

M. Morin: Enfin, cette confession ne vous voudra pas l'absolution pour vos propos antérieurs que j'ai bien compris.

M. Rivest: M. le Président, je pense bien que vous avez écouté objectivement mes propos antérieurs. Je suis sûr que vous n'avez rien entendu de ce que le ministre m'attribue.

Le Président (M. Champagne): Je n'ai pas à intervenir sur les qualificatifs qui ont été employés de part et d'autre.

M. Rivest: Cela prend un arbitre dans un débat, M. le Président.

Le Président (M. Champagne): Alors, si vous voulez revenir à la discussion sur les crédits, tout ira bien.

M. Rivest: On discute des crédits là. Alors, pour ce qui est de l'ACDI, vous allez voir le ministre, j'espère.

M. Morin: Eh bien, je l'ai demandé, mais, comme je vous le disais...

M. Rivest: Je peux vous aider. Je vais appeler à Ottawa et je vais leur dire...

M. Morin: ..."it takes two to dance".

M. Rivest: ...Acceptez donc de le voir, cela va lui faire plaisir. On peut faire cela. On parle aux deux. On est coincé entre les deux.

M. Morin: Nous nous parlons aussi, mais

c'est plus difficile de se voir. M. Rivest: Pardon?

M. Morin: Nous nous parlons, mais c'est plus difficile d'arriver à se voir et à traiter des problèmes. Enfin, j'espère que cela pourra se faire, tout de même, assez rapidement.

M. Rivest: II faudrait qu'il y ait une rencontre entre vous et le ministre fédéral. Je pense que cela s'impose.

M. Morin: Vous le souhaitez vivement? M. Rivest: Oui.

M. Morin: Vous me touchez. J'en tiendrai compte.

M. Rivest: Pardon?

M. Morin: J'en tiendrai compte.

M. Rivest: Oui. J'espère que vous n'utiliserez pas cette rencontre pour, encore une fois, dire tout le mal que vous pensez du gouvernement canadien.

M. Morin: Tout dépend de ses agissements.

M. Rivest: J'espère que vous irez dans un esprit positif, de façon à arriver à régler un certain nombre de problèmes.

M. Morin: Tout dépendra de son attitude.

M. Rivest: Ah, grands dieux, quel chamaillage!

M. le Président, pour ce qui est de l'ACDI, alors allez-vous communiquer ou si vous attendez votre visite? Je voudrais le savoir. Cela m'inquiète, la diminution des budgets.

M. Morin: Oui, eh bien, les fonctionnaires se parlent...

M. Rivest: Oui.

M. Morin: ...déjà, mais je pense que cela a atteint maintenant les proportions d'un problème politique. C'est pour cela que j'ai demandé à voir mon collègue.

M. Rivest: II faut que cela passe au niveau ministériel. Lors de votre rencontre, vous allez discuter de cela?

M. Morin: Oui.

M. Rivest: Très bien.

M. Morin: De cela et d'autres choses, mais de cela en particulier.

M. Rivest: Quelles seront les autres choses en particulier?

M. Morin: Par exemple, les visites de dignitaires étrangers au Québec.

M. Rivest: On n'a jamais eu ces problèmes, nous. Le premier ministre britannique venait, on le recevait. Personne ne nous mettait de bâtons dans les roues. Comment se fait-il qu'ils vous font cela à vous? Je trouve que vous êtes bien malheureux.

M. Morin: C'est une bonne question.

M. Rivest: Oui. Nous, nous n'avons jamais eu de problèmes.

M. Morin: C'est une très bonne question.

M. Rivest: Tous ceux qu'on a demandé à voir lorsqu'on savait qu'un personnage important venait d'un autre pays, on les recevait avec tous les égards. On n'avait pas de problèmes avec les visiteurs. Je ne sais pas ce qui se passe.

M. Morin: II faut croire que, à cette époque, le gouvernement du Québec acceptait un certain nombre de contraintes que, depuis lors, il n'accepte pas.

M. Rivest: Non, on les voyait. C'est vous qui acceptez les contraintes, vous ne les voyez pas.

M. Morin: Non, justement, nous n'acceptons pas certaines contraintes. C'est pour cela que, dans un cas, il y a eu une visite qui a dû être annulée. Dans les autres cas, je dois dire que, au contraire, cela s'est arrangé grâce, généralement, à l'insistance de nos visiteurs étrangers qui ont insisté pour venir au Québec et nous rencontrer. Autrement, la politique à laquelle j'ai fait allusion ce matin dans mon exposé, cette politique d'isolement graduel du Québec, s'applique.

M. Rivest: Cela ne s'appliquait pas. C'est la seule chose que je ne comprends pas. On n'a jamais senti cela.

M. Morin: II faut croire que le...

M. Rivest: On a toujours reçu les gens qu'on voulait recevoir.

M. Morin: ...Québec est une société qui évolue...

M. Rivest: Je pense qu'on les a reçus convenablement.

M. Morin: ...une société qui veut se prendre en main.

M. Rivest: Et puis...

M. Morin: Cela provoque sans doute des objections du gouvernement fédéral.

M. Rivest: Pour l'instant, se prendre en main, si vous ne réussissez pas à faire ce que vous avez à faire comme gouvernement...

M. Morin: Nous réussissons tout de même, puisque, comme je vous l'ai dit, nos visiteurs étrangers insistent pour venir. Je pourrais vous donner des exemples récents.

M. Rivest: Comme?

M. Morin: Vous étiez, d'ailleurs, peut-être même présent lorsque nous avons reçu à dîner M. Papandreou...

M. Rivest: Oui.

M. Morin: ...et M. Karamanlis et d'autres encore, le président Touré, de Guinée. Nous les avons reçus.

M. Rivest: Je suis allé rencontrer... M. Morin: Vous étiez présent.

M. Rivest: ...le premier ministre en Grèce, en 1974, 1975.

M. Morin: Oui.

M. Rivest: Franchement, il n'y a pas eu de problèmes. Ils n'ont pas eu à insister pour ceci et cela. Les choses se sont faites normalement. Je ne vois pas pourquoi vous avez tellement de difficulté. Je ne sais pas si vous le voyez.

M. Morin: Je pense que nous sommes dans une phase un peu spéciale de la part du gouvernement d'Ottawa.

M. Rivest: Oui, la confiance n'y est pas.

M. Morin: Une phase unilatérale.

M. Rivest: Non, la confiance n'y est pas. J'insiste et je me permets de souligner que c'est bien joli tout cela, mais que, finalement, c'est le Québec qui paie entre-temps.

M. Morin: Non, parce que nous arrivons tout de même...

M. Rivest: Dans ce domaine comme dans les autres.

M. Morin: ...à maintenir des choses.

M. Rivest: Tout le monde se suspecte des pires intentions. Finalement, les choses ne se font pas. Comme M. Parizeau le disait, c'est le coût du chamaillage entre Québec et Ottawa.

M. Morin: Non.

M. Rivest: C'est le ministre des Finances qui l'a déclaré.

M. Morin: M. le Président, il faudrait clarifier cela. Il y a certainement du vrai dans ce que dit le député, en ce sens qu'il est plus difficile de s'entendre entre gens qui diffèrent d'opinion sur la nature du pays. Du temps où vous étiez aux Affaires intergouvernementales, vous ne remettiez pas en cause un certain nombre de comportements que nous avons décidé de remettre en cause.

M. Rivest: Oui, mais...

M. Morin: Vous acceptiez, je pense, beaucoup plus servilement un certain nombre de contraintes que nous n'acceptons pas. C'est peut-être cela l'explication.

M. Rivest: L'explication n'est nullement dans la servilité de ceci et cela. L'explication est que la population du Québec n'accepte précisément pas les ambitions politiques que vous avez. Je pense qu'il y a eu un 20 mai dont vous devriez vous souvenir.

M. Morin: Mais, j'étais, l'autre jour...

M. Rivest: C'est la population du Québec.

M. Morin: ...l'hôte du ministre des Affaires étrangères de Djibouti qui nous faisait observer que Djibouti, avant d'accéder à l'indépendance, a connu trois référendums. J'ose espérer que nous n'aurons pas à aller aussi loin que cela. Je pense que le député ne sait pas où cela se trouve.

Le Président (M. Champagne): C'est vous qui défendez les crédits, vous n'avez pas le droit de poser de questions.

M. Rivest: Exactement, M. le Président, je vous remercie de venir à ma rescousse.

M. Morin: II y a un dictionnaire quelque part. (23 h 15)

M. Rivest: Non, non, cela n'a aucun

rapport avec Djibouti.

M. le ministre, cela va pour la dimension internationale. Maintenant, cette introduction m'amène aux affaires canadiennes, à nos affaires chez nous, au Canada.

M. Morin: Bien.

Relations entre les gouvernements canadien et québécois

M. Rivest: J'ai lu les notes que vous nous avez transmises. Ce qui m'a frappé dans l'ensemble des points d'importance inégale, c'est qu'il n'y a pas beaucoup d'initiatives de la part du gouvernement du Québec afin d'articuler, de développer des rapports entre le gouvernement canadien et le gouvernement québécois. C'est constamment une espèce de réaction systématique, un chapelet des difficultés que rencontre le Québec dans ses rapports avec le gouvernement canadien. Évidemment, on prend bien soin, dans ce document-là, comme dans les discours du gouvernement dans ce domaine, de mentionner les choses qui vont bien. On ne sait pas pour quelle raison vous ne les mentionnez pas. Il me semble qu'on aurait le droit de savoir exactement les choses qui se font, qu'elles aillent bien ou non. Mais, toute l'énumération est, finalement, une énumération de problèmes qui défraient l'actualité: S-31, F-18, La Prade.

M. Morin: Vous ne voulez pas entendre parler de ces questions-là?

M. Rivest: Je voudrais qu'on fasse le point sur ces dossiers-là et aussi sur d'autres. Par exemple, dans le domaine économique, le gouvernement a publié un document qui s'appelle Le virage technologique dans lequel il est dit que dans un certain nombre de domaines: le développement des exportations et tout ce qu'il y avait là-dedans, la science, la technologie, plusieurs des projets qui seraient inspirés du document appelaient une collaboration du gouvernement canadien parce que celui-ci intervient dans ces domaines. Je voudrais demander au ministre si, au niveau du ministère des Affaires intergouvernementales, en ce qui concerne la mise en oeuvre du virage technologique, il y a, quelque part dans un document, un ensemble de propositions qui, d'une part, définissent et déterminent les projets que le gouvernement du Québec a pour ses fins propres et qui ont une dimension fédérale. Est-ce que ces projets ont été, d'une façon systématique, présentés dans un document pour être transmis au gouvernement canadien?

M. Morin: Dans plusieurs secteurs qui intéressent le développement économique et le développement scientifique aussi, nous avons eu des contacts avec le gouvernement fédéral. Mon collègue du ministère de la Science et de la Technologie a des contacts, même très fréquents, avec son homologue, comme moi-même j'en avais avec le prédécesseur de son homologue fédéral, pour tenter d'intéresser le gouvernement fédéral à un certain nombre de projets dans la recherche scientifique au Québec. Il y a eu même - vous vous en souviendrez - des projets considérables auxquels Science et Technologie s'est intéressé, par exemple le Centre international des biotechnologies. On est à cheval sur l'interne et l'externe, à vrai dire.

M. Rivest: C'est comme l'ONUDI.

M. Morin: Non. Hélas, on va être obligés, je pense, d'agir seuls parce que le gouvernement fédéral a décidé de ne pas présenter la candidature de Montréal devant l'ONUDI qui est l'organisation internationale dont le siège est à Vienne et qui est responsable de ce programme. Donc, constamment on essaie d'intéresser les fédéraux à appuyer des projets, à les faciliter.

On me signale, justement, qu'il y a eu deux rencontres des ministres responsables de la Science et de la Technologie. La première, à l'été 1982, a permis à M. John Roberts et à M. Gérald Godin, qui m'avait succédé justement au Développement scientifique, de passer en revue des sujets d'intérêt commun. Par la suite, il y a eu des changements importants dans les responsabilités à Ottawa et une deuxième rencontre a eu lieu en février 1983 - c'est donc assez récent - entre les nouveaux titulaires du portefeuille, c'est-à-dire Gilbert Paquette au Québec et Donald Johnston au niveau fédéral.

Dans ce secteur de la science et de la technologie, puisque vous y avez fait allusion - je ne dis pas que c'est le seul...

M. Rivest: Je commence par celui-là.

M. Morin: ...mais commençons par celui-là parce que c'est un des plus intéressants à l'heure actuelle - les dépenses du gouvernement fédéral sont inférieures à ce qu'elles devraient être. J'ai moi-même fait effectuer une recherche dont vous avez peut-être vu les résultats, quand j'étais au Développement scientifique: le Québec reçoit 16% - de façon plus précise, c'était 15,6% -des dépenses totales fédérales dans le secteur de la science et de la technologie contre plus de 50% - si ma mémoire est exacte, le chiffre était 52% - en faveur de l'Ontario et 31% pour le reste du Canada.

Le gouvernement fédéral dans ce dossier comme dans beaucoup d'autres - c'est une tradition qui existe depuis plusieurs années - préfère traiter directement avec les citoyens et les organismes impliqués, sans consulter les gouvernements des provinces. Ce n'est pas le Québec qui fait l'objet d'une discrimination particulière. Le comportement du gouvernement fédéral dans ce domaine-là est le même pour toutes les provinces. Il est bête avec tout le monde - c'est un fait -sauf que c'est ici que les pourcentages se sont le plus effondrés. C'est une vieille affaire qu'on tente maintenant de corriger. John Roberts, qui était à ce moment-là ministre chargé des Sciences et de la Technologie, avait indiqué, le 28 avril 1982, qu'il souhaitait élaborer des programmes nationaux de concert avec les industries et les universités, court-circuitant en quelque sorte les gouvernements des provinces. Le gouvernement fédéral a toujours estimé que, dans ce secteur-là, il lui appartient d'élaborer des objectifs nationaux, de les financer directement, de les coordonner, même dans les universités, ce qui explique la situation dans laquelle s'est retrouvé le Québec.

Du côté québécois maintenant, l'énoncé d'orientation et le plan d'action pour la mise en oeuvre de la politique québécoise de développement scientifique - ce qu'on appelait un projet collectif - qui date de 1980, soulignaient la responsabilité première du Québec en matière de développement scientifique, de gestion des ressources humaines dans ce secteur et d'arrimage de la recherche aux priorités économiques, aux priorités sociales et culturelles du Québec. Les moyens utilisés pour amener le gouvernement fédéral à respecter les compétences du Québec et à augmenter la part de ses dépenses n'ont malheureusement pas - je pense que c'est le moins qu'on puisse dire - donné les fruits attendus. Le Québec a donc décidé d'agir, lui aussi, de son côté puisqu'il ne venait rien d'Ottawa. On a créé ce Secrétariat à la science et à la technologie, le SST...

M. Rivest: Quand?

M. Morin: Le secrétariat remonte à 1980, 1981. C'est à peu près cela. J'en ai été rendu moi-même responsable peu après, en 1981. Ce secrétariat nous a permis de nous donner une idée beaucoup plus précise de l'état de la recherche au Québec et de l'état de nos besoins en matière de science et de technologie. Le ministère des Affaires intergouvernementales et le secrétariat en question ont commencé à travailler ensemble pour définir une stratégie à l'endroit des fédéraux. D'abord, une stratégie pour faire connaître les choses. Vous vous souviendrez que, lorsque j'étais moi-même responsable du développement scientifique, j'avais fait paraître un certain nombre de chiffres choc dont les 15,6% que je mentionnais tout à l'heure et les 52% en Ontario. Malheureusement, je dois constater que cela n'a pas donné grand chose parce que les fédéraux pensent toujours qu'ils sont plus aptes que nous à régler les problèmes de développement scientifique au Québec, ce qui n'est, évidemment, pas le cas.

Nous avons convenu d'adopter une approche essentiellement pragmatique fondée sur la réalisation de projets concrets, concertés avec les entreprises et les chercheurs québécois. Dans le domaine des biotechnologies, cela a donné - vous vous en souviendrez - tout un programme d'action.

M. le sous-ministre me signale également qu'on a tenté de faciliter les choses aussi, même à l'occasion, au gouvernement fédéral, pourvu qu'il fasse des choses au Québec. On me signale qu'on a fait des décrets d'exception. Vous savez que, souvent, pour pouvoir agir au Québec, il faut le consentement du gouvernement par le truchement des Affaires intergouvernementales. Nous avons créé des catégories d'ententes pour lesquelles il n'est pas nécessaire d'obtenir l'accord des Affaires intergouvernementales: pour les universités, etc.

M. Rivest: Entre autres. Si vous me permettez une question, M. le ministre, dans le domaine de la recherche scientifique - je prends cet exemple, mais on pourrait en prendre d'autres - tout le monde a convenu, effectivement, que le Québec n'a jamais eu, surtout sur une longue période, la part qu'il aurait dû avoir du gouvernement fédéral. Les raisons ne sont pas uniquement politiques, ce sont des raisons qui remontent loin. Le développement de nos institutions, le degré de scolarisation, le nombre de chercheurs, l'orientation de notre politique de l'éducation dans les années cinquante faisaient qu'on avait un retard collectif, pour toutes sortes de raisons historiques dont il faut faire état dans ce domaine. Le développement...

M. Morin: Le "old boys' network" entre l'Ontario et le gouvernement fédéral.

M. Rivest: Oui, un paquet de facteurs de politique fédérale mais il y a aussi eu des politiques proprement québécoises, dont on porte la responsabilité, et des carences dans notre propre administration. On pourrait prendre l'exemple municipal, mais on n'aura pas le temps de tout examiner. Ce qui est très important dans ce domaine, c'est qu'il y a des sommes d'argent du gouvernement fédéral qui sont disponibles. D'un côté, on doit obtenir notre juste part de ces sommes, on en convient volontiers, et il faut le dire quand on ne l'a pas. Je suis parfaitement

d'accord pour qu'on le dise et qu'on défende ce point. Ce qui est très important aussi, c'est qu'on définisse nous-mêmes nos priorités, par exemple, dans le domaine de la recherche universitaire...

M. Morin: Vous avez tout à fait raison.

M. Rivest: ...pour les vocations particulières. Est-ce que le ministère de l'Éducation, pour une université ou un département d'université, a émis un document établissant des subventions à la recherche dans le milieu universitaire pour dire que l'Université de Montréal fait tel type de recherche, que l'Université du Québec fait tel autre chose, que l'Université McGill et que l'ensemble des institutions québécoises ont cette vocation dans le domaine de la recherche? Est-ce que cela a été défini et déterminé par le gouvernement québécois pour que les sommes d'argent qui sont disponibles du gouvernement fédéral respectent ces vocations?

Je le dis d'autant plus que le problème qui existe dans le domaine municipal est analogue. Par exemple, je pense qu'au moment où on a négocié les travaux d'hiver, les programmes RELAIS ou d'autres choses, c'était le danger de l'exercice du pouvoir de dépenser par le gouvernement fédéral. Bien sûr, les municipalités, les universités ou les organismes sont toujours intéressés à recevoir de l'argent. Qui ne serait pas intéressé? Mais le danger est qu'à l'occasion ils prennent ces sommes pour faire des choses qui ne correspondent pas aux priorités ou au plan général de développement que le gouvernement du Québec doit suivre de concert avec les organismes.

Dans le domaine de la recherche, est-ce qu'il existe quelque part un document -c'est très facile à transmettre au gouvernement canadien - qui dirait: Si vous avez de l'argent disponible pour l'Université de Montréal dans le domaine de la recherche scientifique, c'est pour faire ceci; si vous avez de l'argent disponible pour d'autres organismes gouvernementaux ou paragou-vernementaux, c'est pour faire cela? Ce serait un type d'intervention par lequel on pourrait arrimer l'initiative fédérale à l'initiative québécoise. Je ne pense pas que cela fasse tout un plat et les ministres pourraient beaucoup mieux s'entendre. Le problème, c'est quand on arrive avec de l'argent et que rien n'est établi, comprenez-vous.

M. Morin: Le malheur est que votre schéma est plutôt théorique. Dans la réalité, le gouvernement fédéral n'entend pas procéder de cette façon.

M. Rivest: Bien voyons; Pourquoi dépenserait-il de l'argent...

M. Morin: Non, c'était comme cela sous les gouvernements antérieurs et ça n'a pas tellement changé.

M. Rivest: Dans le domaine municipal...

M. Morin: II entend définir lui-même les priorités. (23 h 30)

M. Rivest: ...quant au programme des travaux d'hiver dans les années soixante-dix, il a respecté le fait que ce soit le gouvernement du Québec qui donne son approbation et qui dise: Non, dans telle municipalité, vous ne construirez pas. Je vais prendre un exemple concret et vraiment très terre à terre, un exemple qui me vient à l'esprit. Le gouvernement fédéral voulait donner de l'argent à une municipalité pour construire un garage pour une pompe à incendie. La politique du ministère des Affaires municipales était de dire: Non, ce sont deux petites municipalités, vous ne construirez pas cela parce que vous allez vous doter d'un service d'incendie en commun. C'était cela, la politique. Quand l'argent est venu, l'implantation du garage a respecté les priorités qui avaient été définies par le ministère des Affaires municipales. C'est ce genre d'arrimage qu'il est possible de faire, il me semble, en tout cas.

M. Morin: En tout cas, nous allons certainement faire un très grand effort pour y parvenir. La création du secrétariat au développement scientifique, puis maintenant la venue d'une loi-cadre de la recherche scientifique que nous sommes sur le point d'adopter à l'Assemblée nationale vont faciliter la mise en place de ce dispositif.

M. Rivest: Mais elle n'est pas là et on en est loin.

M. Morin: II existe depuis quelques années, ce secrétariat, sauf que, lorsqu'il a rencontré les fédéraux, c'était en général qu'ils voulaient savoir quels étaient nos projets.

M. Rivest: Oui.

M. Morin: II n'y a pas eu de suite.

M. Rivest: Est-ce que vous avez pu leur transmettre vos projets?

M. Morin: La seule façon de se faire entendre, c'est de savoir où on va soi-même et, à la limite, de le financer soi-même. C'est cela que le gouvernement du Québec fait depuis quelques années, à commencer par le fonds FCAC qu'il a été obligé d'organiser lui-même. En plus de payer nos taxes à Ottawa, il faut nous cotiser nous-mêmes pour faciliter la recherche dans les universités.

Vous le savez comme moi. Si l'argent ne vient pas des fédéraux, il faut bien en trouver. Qu'on ne vienne pas me dire que nous n'avons pas maintenant des chercheurs.

M. Rivest: De plus en plus.

M. Morin: On en a de trop, des chercheurs...

M. Rivest: Oui.

M. Morin: ... et dans tous les domaines. Le problème, c'est de financer leurs recherches. Là, c'est curieux, les pourcentages ne s'améliorent pas. Donc, il ne faudrait pas penser qu'on est condamné perpétuellement à être ignorant. Mais le malheur, c'est que les institutions fonctionnent contre nos chercheurs comme elles fonctionnent, à notre avis, systématiquement dans tous les domaines, avec quelques exceptions de temps à autre quand cela devient trop criant, contre les intérêts du Québec.

On va quand même essayer d'intervenir avec le secrétariat, avec le nouveau ministère de la Science et de la Technologie. Je ne veux pas parler pour mon collègue. Il a indiqué que le gouvernement mettrait l'accent sur les secteurs porteurs d'avenir, avec une priorité plus immédiate à l'informatique et aux biotechnologies. J'avais moi-même commencé à rédiger un programme dans le domaine des biotechnologies qui se développent à l'heure actuelle, puis on a raccroché cela à la coopération franco-québécoise. On a mis de l'argent et maintenant cela fonctionne. On va peut-être arriver à des résultats, quoique dans des domaines de recherche aussi fondamentale cela prend quelquefois du temps avant qu'on atteigne des résultats, des découvertes. Donc, il va tenter de régler les problèmes. Des projets précis vont être soumis au gouvernement fédéral. Le tout est commencé. Je ne l'ai pas mentionné tout à l'heure, mais j'ai déjà rencontré M. Roberts pour tenter de régler ces problèmes. M. Roberts était surtout intéressé à savoir quels étaient nos projets pour essayer ensuite, sans doute, de nous les subtiliser.

M. Rivest: Bien oui.

M. Morin: Ce n'est pas très agréable de travailler avec les fédéraux. Ils ne pensent qu'à agir unilatéralement.

M. Rivest: Je le sais, mais vous êtes pris pour travailler avec eux, qu'est-ce que vous voulez, et eux sont pris pour travailler avec vous! II me semble qu'il y aurait moyen d'être beaucoup plus pratique et fonctionnel et très simple.

M. Morin: Je voudrais bien qu'ils soient de cet avis, mais ce n'est pas toujours le cas. Dans les prochaines semaines, nous allons tenter de préciser notre politique de relations fédérales-provinciales dans le domaine de la recherche scientifique. Vous parliez, il y a un instant, du virage technologique. Sa mise en oeuvre aura aussi des répercussions sur les activités des bureaux, des délégations du Québec, de même que sur les activités administratives.

M. Rivest: Je comprends que les maisons du Québec et la dimension internationale, cela va être important, sur les marchés, etc. Vous savez très bien que, dans le domaine de la technologie, dans le domaine économique, votre premier devoir, c'est de mettre les ressources fédérales qu'on paie de nos taxes avec les ressources proprement québécoises. Il me semble que votre priorité, ce serait d'arrimer cela ici au Québec et au Canada, en tout cas jusqu'à nouvel ordre, avant de penser à aller prolonger cela sur le plan international... Quand vous allez arriver dans le virage technologique pour l'exportation, entre autres, des nouveaux produits, qu'est-ce que vous voulez, le grand problème, c'est que c'est bien beau, le virage technologique, mais qu'il n'y a aucune espèce d'étude de marchés. La grande faiblesse du document, enfin les critiques qu'on lui a adressées, c'est qu'on a fait faire un virage technologique et on a dit: On va faire ceci, cela dans les domaines de pointe, mais on ne s'est pas inquiété pour savoir quel était le marché qui était disponible. Vous devez très bien savoir que, même dans le domaine international avec les entreprises qui vont s'engager là, vous allez avoir le gouvernement canadien encore qui opère via les ambassades, etc., et qu'il y a des efforts à faire là. Qu'on ne reçoit pas notre part comme il faut, qu'ils ne travaillent pas assez bien, tout cela, ce sont des problèmes auxquels vous devez faire face. Mais le gros des politiques et des initiatives que vous allez prendre sur ce plan, vous allez devoir le faire avec le gouvernement fédéral. De là viendra leur succès ou leur insuccès.

M. Morin: Je ne suis pas du même avis. Il faut tenter de s'entendre avec les fédéraux. On le fait constamment, on essaie par tous les moyens.

M. Rivest: Vous ne réussissez pas souvent.

M. Morin: Le gros de nos succès viendra de nous-mêmes. Quand c'est nous qui décidons et quand c'est nous qui finançons, on est sûr d'aboutir à quelque chose. Autrement, on se ramasse avec des promesses. Ce n'est pas qu'on n'a pas tenté.

Les biotechnologies, ce qu'on n'a pas fait pour tenter de se mettre d'accord sur une politique d'ensemble avec les fédéraux. On l'a vu et revu. Tout ce qui les intéressait, c'était d'agir unilatéralement. Là, ils viennent d'annoncer je ne sais pas combien de millions pour un centre de biotechnologie à Montréal. Seulement, ce n'était pas ce qu'on voulait. On voulait dans le cadre de l'ONUDI un centre international qu'ils auraient pu aider à financer. Ils ont décidé qu'ils veulent un centre national. Ils ne veulent pas coopérer avec les autres pays. Finalement, on sera peut-être obligés de faire le centre international nous-mêmes, à nos frais.

M. Rivest: Je sais qu'il y a ces difficultés.

M. Morin: C'est la seule façon d'obtenir des résultats.

M. Rivest: Ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a des coins où cela marche. Je voudrais les retrouver dans vos préoccupations. On a souvent donné cet exemple. Vous donnez les F-18, le centre des biotechnologies, d'autres choses qui ne marchent pas.

M. Morin: N'allez pas dire que le F-18, cela marche.

M. Rivest: Prenez, par exemple, l'investissement de Bombardier, une entreprise québécoise, des "jobs" québécoises. Comment se fait-il que cela a marché? Comment se fait-il que là le gouvernement canadien n'a pas été méchant, cruel et bête, comme vous l'avez indiqué tantôt, selon votre expression, et qu'il y a une chose québécoise qui a marché? Comment se fait-il que cela a fonctionné? C'est dans le domaine de la technologie et de l'industrie de pointe.

M. Morin: Prenons ce cas.

M. Rivest: Comment se fait-il que ça marche dans certains cas et que ça ne marche pas dans d'autres?

M. Morin: Cela marche pour Bombardier parce que les fédéraux se sont occupés du projet de métro de New York. Mais dans le TGV d'Orlando à Tampa, c'est le Québec qui a fait les ouvertures et qui a amené avec lui les gens de Bombardier rencontrer le gouverneur de Floride. C'est un projet québécois. S'il marche, ce sera un projet québécois comme le projet du métro à New York, c'était un projet fédéral.

M. Rivest: Je peux vous en raconter. Pour les bateaux en Colombie, l'ambassade du Canada, avec Marine Industrie, avait fait à peu près toutes les démarches et là il y a une mission québécoise qui y est allée. Parlez-vous, grands dieux. C'est une dépense d'énergie qui a été complètement inutile, enfin, qui a embarrassé un peu tout le monde, mais il fallait faire la parade politique dans un domaine comme celui-là. C'est cela que je demande au ministre d'essayer, au moins, d'avoir comme préoccupation. Je comprends ces difficultés politiques et on ne les éliminera pas, j'en ai la conviction. Sauf que je ne veux pas - et je pense bien que l'ensemble des Québécois ne le souhaite pas - que cela aboutisse à paralyser des choses qu'on doit faire entretemps. C'est cela qui est ma préoccupation.

M. Morin: C'est sûr. Encore une fois, si le bon conseil que me donne le député, c'est de tenter d'aboutir, je pense qu'on le fait déjà. Je pourrais donner des centaines d'exemples. Malheureusement, il n'y a pas, du côté fédéral, d'attitude d'ouverture qui consiste à dialoguer, à tenir compte des priorités québécoises. Ils se sont mis dans la tête maintenant qu'eux connaissent cela, que le gouvernement du Québec ne connaît pas cela et que c'est à eux de décider. Si on veut bien s'arrimer à eux par la suite, à titre d'exécutants, cela marche. Mais nous consulter, tenir compte de nos priorités, de notre planification, pas question de cela. Écoutez, cela fait partie de la dynamique globale de la société québécoise.

M. Rivest: Mais non, il y a eu des époques et il y a eu des dossiers où cela n'a pas été le cas.

M. Morin: Oui, effectivement, et même sous notre gouvernement.

M. Rivest: Vous avez réussi à l'occasion.

M. Morin: À l'occasion, bien sûr, on a réussi à s'entendre, mais c'était surtout avant le référendum. Je dois dire que vous ne nous avez pas rendu un bon service à ce moment.

M. Rivest: Ce n'est pas nous. C'est la population du Québec.

M. Morin: Ce n'est pas vous, mais c'est vous qui avez plaidé pour le non.

M. Rivest: La population du Québec n'a pas besoin des plaidoyers de Jacques-Yvan Morin et de Jean-Claude Rivest pour se faire une idée.

M. Morin: Attention! Cela peut être tout à fait déterminant, quoi qu'on dise, ce débat.

M. Rivest: Mon Dieu, quelle importance vous nous donnez!

M. Morin: II faut se donner les uns aux autres une importance. Si on avait pu se mettre d'accord, je pense qu'on ne serait pas là où on en est. Vous savez, quand on commence par se saborder soi-même, ensuite il ne faut pas s'étonner que les autres...

M. Rivest: C'est la population du Québec qui a fait cela.

M. Morin: Bien oui, mais on s'est aidé. Les hommes politiques de votre formation en particulier ont une lourde...

M. Rivest: Pourquoi est-ce tout le temps nous qui sommes les méchants dans l'affaire? Vous n'avez que des vertus?

M. Morin: Ce n'est pas ce que je prétends.

M. Rivest: Ah bon!

M. Morin: Mais vous savez très bien le rôle que vous avez joué dans le référendum. Cela restera une tare historique que vous devrez porter très longtemps.

M. Rivest: Ah, mon Dieu! Allons donc! Allons donc! On verra où est la tare.

M. Morin: On verra.

M. Rivest: Je voudrais que le ministre me parle un peu des accords de développement, n'est-ce pas, des ententes de développement...

M. Morin: Oui.

M. Rivest: ...entre le gouvernement fédéral et le gouvernement québécois, entre autres.

M. Morin: Oui. D'accord.

M. Rivest: J'aurais d'autres sujets, mais parlons des choses plus générales parce que cela achève.

M. Morin: Bon. Vous voulez dire en particulier dans le cas du développement régional?

M. Rivest: C'est cela.

M. Morin: Bien. Là aussi, nous avons des difficultés. Depuis quelques mois, on pourrait dire depuis janvier 1982, le gouvernement fédéral poursuit la mise en oeuvre d'une nouvelle politique de développement régional qui vise à étendre sa présence à toutes les régions du Canada, mais particulièrement aux régions et sous-régions du Québec, de manière à se rendre plus visible. Les objectifs du gouvernement fédéral dans ce secteur du développement économique, du développement régional, ont été énoncés clairement à quelques reprises. Il y a trois objectifs: "Visibility, accountability and national objectives". C'est à partir de ce souci, en particulier, de visibilité auprès des agents économiques du Québec que toute cette politique a été construite.

Le gouvernement fédéral a procédé à une réorganisation administrative de ses ministères à vocation économique et c'est le nouveau département d'État au développement économique et régional, ce qu'on appelle le DEDER, qui a ouvert dans chaque province un bureau qui est dirigé par un coordonnateur de niveau supérieur qui possède, dans les principales sous-régions, des bureaux, des sous-bureaux établis par les ministères sectoriels fédéraux. Il s'agit donc d'une sorte de structure pyramidale installée au Québec, raccrochée directement par divers liens au DEDER, au Conseil privé, au comité des relations fédérales-provinciales du Conseil des ministres, et donc tenue en main très solidement par les fédéraux, une sorte de réseau parallèle au Québec qui s'étend quasiment parallèlement au gouvernement québécois. Cela n'existait pas avant 1982. C'est donc depuis un peu plus d'un an que ce dispositif a été mis en place.

Il s'agit, pour les fédéraux, de façon unilatérale, de dicter le développement régional tel qu'ils le conçoivent. Accessoirement, s'ils consultent les provinces... Je dois vous dire que nous ne sommes pas la seule à nous plaindre. C'est ici que c'est le plus évident. C'est un peu parce qu'ils ont voulu venir à bout du Québec que j'ai l'impression qu'ils ont décidé ils ne pouvaient faire autrement d'étendre ce réseau.

M. Rivest: Quel procès d'intention!

M. Morin: Oui, oui. On les a vus à l'oeuvre et on sait un peu de quel bois ils se chauffent. Les autres provinces paient. C'est assez extraordinaire, les autres provinces ne sont pas plus intéressées à ce dédoublement de réseaux que nous, mais on a l'impression que par moments - c'est une impression que j'ai toujours eue de façon très forte quand j'ai eu l'occasion de discuter de ces affaires avec les fédéraux - elles paient chèrement la façon dont elles ont laissé tomber le Québec au cours de la négociation constitutionnelle.

M. Rivest: Oh, Gosh!

M. Morin: Parce que maintenant il n'y a plus d'obstacles à la centralisation fédérale, sauf une volonté politique qu'il va falloir retrouver tous ensemble si on ne veut

pas que le régime fédéral devienne entièrement centralisé.

En plus, donc, d'être un instrument de communication directe entre les régions et le cabinet fédéral, ce bureau régional coordonne dans chaque région l'activité des ministères fédéraux sectoriels et il a pour fonction d'élaborer des politiques et des plans de développement dans chaque région, le Québec étant considéré comme une région. (23 h 45)

De plus, le gouvernement fédéral a précisé la forme qu'il entend donner aux nouvelles ententes de développement avec les provinces. Vous me parliez des ententes de développement, j'y viens maintenant. Sans le contexte du développement régional, il y aurait peu à comprendre de ce que je vais dire maintenant au sujet des nouvelles ententes de développement. Celles-ci seront négociées et administrées par les ministères fédéraux sectoriels et elles devront tendre à réaliser les plans fédéraux de développement dans chaque province et dans chaque région. Le gouvernement fédéral a également précisé qu'il souhaitait dorénavant dispenser lui-même les programmes dans les provinces. C'est ce qu'ils appellent le principe de la "federal delivery". Ce sont des développements assez récents; peut-être étaient-ils connus du député.

Les ententes ne viseront donc plus à partager, comme c'était le cas, les coûts des projets mis en oeuvre par les provinces, mais à identifier des projets qui seront pris en charge par chacun des deux gouvernements. En déterminant lui-même les projets qu'il entend mettre en oeuvre, le gouvernement fédéral pourra donc, en vertu de ses pouvoirs généraux, intervenir dans la plupart des secteurs de compétence provinciale, en plus d'établir la priorité dans les actions de développement à entreprendre. Le Québec sera, pour sa part, évidemment, privé d'une source importante de financement pour la réalisation de ses programmes, contrairement à ce qui se faisait anciennement.

C'est un changement d'orientation considérable qui a été amorcé sans aucune consultation avec les provinces et qui vise, de l'aveu même, d'ailleurs, du gouvernement fédéral, à rechercher la visibilité maximale pour les contributions fédérales. Ce n'est pas la visibilité, cependant, je l'ajoute, qui peut inquiéter, mais plutôt la marginalisation des pouvoirs des gouvernements provinciaux en matière de développement économique et social.

Quelle est la position du Québec devant ce qu'il faut bien appeler une offensive? C'est une offensive dont nous ne sommes pas les seules victimes, mais qui nous cause beaucoup de soucis. Compte tenu de l'impact de cette offensive sur la planification du développement des régions et compte tenu de la sollicitation qui est commencée maintenant de la part du gouvernement fédéral auprès des instances décentralisées du Québec, le gouvernement doit mettre au point une stratégie qui va tenter de s'entendre avec les fédéraux, bien sûr, si c'est possible, sinon, de s'opposer aux intrusions du gouvernement fédéral dans le développement des régions. Là où c'est possible, nous allons tenter aussi de nous assurer que les interventions fédérales ne viennent pas perturber les efforts québécois d'aménagement et de planification régionale, en tout cas, obtenir que le gouvernement fédéral se conforme aux priorités établies par le Québec.

M. Rivest: M. le ministre...

M. Morin: Oui? Voulez-vous quelques précisions?

M. Rivest: Là, j'essayais de voir cela un peu plus concrètement. Prenons une région comme celle de l'amiante, où le gouvernement du Québec a indiqué qu'il voulait que des usines de transformation de l'amiante profitent à une région comme celle de Thetford-Mines. D'accord? Je vous donne cet exemple. Je ne sais pas si cela s'applique, en l'occurrence. Malgré toutes les initiatives fédérales, la visibilité, etc., s'il y a des sommes d'argent du gouvernement canadien disponibles à cet égard, comment allez-vous procéder pour vous assurer que le gouvernement fédéral accepte les initiatives que le gouvernement du Québec propose au titre de la transformation de l'amiante? Dans une affaire comme celle-là et pour une région comme celle-là, en vertu de quelle espèce d'idée ou de principe le gouvernement fédéral ne serait-il pas d'accord pour arrimer son action à celle du gouvernement du Québec? C'est ce que j'essaie de voir à travers toutes les structures, les intentions, la politique et tout. C'est bien beau, mais, concrètement, lorsqu'une chose est aussi évidente que celle-là, quel problème cela pose-t-il? Est-ce que les choses vont se faire mieux ou ne se feront-elles pas à cause de la dimension politique? Est-il possible que les choses se fassent? J'essaie de prendre un exemple concret parce qu'on achève.

M. Morin: Bon. Commençons par dire que nous avons offert de renouveler l'entente-cadre.

M. Rivest: Oui.

M. Morin: Le député le sait sans doute.

M. Rivest: Je le sais, cela a été débattu à l'Assemblée.

M. Morin: Bon, justement. Cela avait fourni des résultats intéressants dans le

passé. Cela avait permis de dépenser, conformément à une planification québécoise, plus de 1 000 000 000 $ du fédéral. Malheureusement - enfin, peut-être peuvent-ils encore changer d'idée - avec tout le système que j'ai décrit, cette espèce de réseau de régions, sous-régions, bureaux, sous-bureaux qu'ils ont jeté sur le Québec, visiblement, ils n'ont pas fait cela pour rien. Leur idée est de dépenser directement et unilatéralement. D'ailleurs, ils ne s'en cachent pas tellement.

M. Rivest: Mais prenez, parce qu'il est 23 h 50, mon exemple sur l'amiante. C'est une politique québécoise claire.

M. Morin: Oui.

M. Rivest: En quoi est-elle compromise par tout cela?

M. Morin: Cela pourrait s'inscrire à l'intérieur de l'entente-cadre, dans une entente qui soit plus spécifique portant sur l'amiante, comme il y a eu des ententes sur les remonte-pentes dans les centres de ski, comme il y a eu des ententes sur un tas de choses à l'intérieur de l'entente-cadre.

M. Rivest: Sur l'infrastructure routière.

M. Morin: Oui, sur l'infrastructure routière, quelques années auparavant. Bon. Nous avons offert de signer une nouvelle entente-cadre qui ferait des petits. Enfin, on espère qu'elle entraînera la signature d'ententes plus spécifiques. Mais ce n'est pas la façon dont le gouvernement fédéral entend procéder, semble-t-il. Je suis obligé de vous dire qu'à l'heure actuelle ce n'est pas leur approche.

M. Rivest: Oui, ce n'est pas définitif.

M. Morin: Au Québec - d'ailleurs, on n'a pas été le seul gouvernement à faire cela - nous avons tenté d'organiser la concertation des populations dans les régions. On a créé des centres de développement régional. On a animé les populations et elles ont des projets. Dans chaque région, à l'heure actuelle, il y a des projets. Il y en a même parfois des listes. Mais le gouvernement fédéral, si ce n'est pas lui qui les met en oeuvre, n'est pas intéressé à traiter. Peut-être que cela va changer. On va continuer de discuter et de développer la position du Québec. Mais, à l'heure actuelle, il faut bien constater que ce n'est pas l'approche fédérale.

Je vous donne un exemple de leur façon de se comporter.

M. Rivest: Vous avez mon exemple.

M. Morin: Mais prenons l'exemple tout récent du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. On annonce 250 000 000 $, évidemment, sur un certain nombre d'années. Combien? Je ne sais plus si c'était dix ou quinze ans. Cela fait des gros chiffres pour impressionner la population, sauf qu'ils ne savent même pas comment le dépenser. Il n'y a pas de plan. Il n'y a pas de projet.

M. Rivest: Mais en avez-vous, des projets?

M. Morin: Nous, nous en avons.

M. Rivest: Bon, alors, transmettez-les. Je ne peux pas comprendre que le gouvernement canadien, en lui prêtant toutes les intentions méchantes qu'on voudra, lorsqu'il y a des projets, une politique, etc., ne trouve pas un moyen de les arrimer.

M. Morin: C'est, en effet, difficile.

M. Rivest: Dans la région de Québec, ici, il y a eu des volontés, par exemple, sur le port, sur le réaménagement touristique; il y avait des projets. Mon Dieu, cela se fait! Il y a de l'argent du gouvernement fédéral et il y a de l'argent du gouvernement québécois et cela peut marcher. Cela a marché dans le passé. Je comprends qu'il y a une préoccupation au ministère sur la structure, sur tout l'appareillage du déploiement d'organisation que le gouvernement canadien fait, qu'il peut y avoir des problèmes dont vous devez vous préoccuper. Je vous ai donné un exemple concret concernant l'amiante. C'est important que le gouvernement du Québec le fasse, parce que c'est son territoire et c'est sa responsabilité d'aménager le territoire comme de définir une vocation. Mais je n'ai pas réussi à savoir comment il serait possible que le gouvernement fédéral, avec tout l'appareillage que vous avez décrit, ne puisse pas épouser la définition d'une vocation dans une région, comme celle que vous voulez donner à la région de l'amiante. Je ne comprends pas cela.

M. Morin: Oui. Le malheur...

M. Rivest: À moins qu'ils ne soient vraiment méchants et que je ne le sache pas.

M. Morin: ...c'est que, comme je le disais plus tôt pour d'autres secteurs, "it takes two to tango", n'est-ce pas? Il faut que les deux soient d'accord. Nous avons fait beaucoup de démarches pour tenter d'obtenir qu'on nous consulte, qu'on tienne compte de l'OPDQ, qu'on tienne compte de tout le travail de planification qui s'est fait, des projets qui existent dans chaque région. Mais

les fédéraux ne sont pas tellement intéressés. Ils veulent dépenser dans les secteurs qui les intéressent, ou, alors, il faudrait qu'on leur remette les plans et que ce soient eux qui les exécutent.

M. Rivest: Donnez-moi un exemple concret. J'essaie de savoir. Quel secteur de dépenses les intéresse et ne nous intéresserait pas dans une région donnée? Donnez-moi un exemple concret?

M. Morin: Dans le cas du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, par exemple, les pêcheries. Vous connaissez les problèmes qu'on a avec les pêcheries.

M. Rivest: Bien oui.

M. Morin: Bon, c'est un secteur. Le Québec travaille de son côté avec les pêcheurs depuis longtemps. Mais le gouvernement fédéral n'entend pas tenir compte du tout de nos attitudes. Enfin, vous connaissez les conflits qu'on a vécus de façon assez dramatique depuis quelque temps.

M. Rivest: Oui, mais ils ne sont pas arrivés du jour au lendemain, ces conflits-là.

M. Morin: Sûrement pas. En tout cas, pour résumer tout cela, je pourrais peut-être essayer d'ouvrir quelques perspectives. On a le choix entre un certain nombre de types d'actions. On peut essayer de retirer le maximum de bénéfices des ententes existantes avant leur échéance. On essaie le plus possible. Il paraît qu'il y aurait des ouvertures du côté de M. Lalonde en ce qui concerne les ententes existantes où il reste des soldes disponibles. On peut élaborer des objectifs et des programmes concrets de développement régional. C'est peut-être de ce côté que se trouve, finalement, la clé. C'est que, les régions elles-mêmes déterminant leurs besoins, le gouvernement fédéral n'a pas d'autre choix, s'il veut vraiment répondre aux besoins de la région, que de s'adresser à elle.

M. Rivest: C'est ce que je veux qu'il arrive.

M. Morin: Bien sûr. Cependant, évidemment, là aussi, le gouvernement du Québec entend bien être consulté. Nous pouvons aussi - on se résout à le faire dans certains cas - entreprendre seuls, dans la mesure de nos ressources, des programmes que nous élaborons nous-mêmes. Nous faisons cela aussi. On peut exiger que le gouvernement fédéral se conforme aux objectifs définis par le Québec. On l'a fait.

M. Rivest: C'est très souhaitable.

M. Morin: Cela ne donne pas grand-chose jusqu'ici, mais enfin on le fait.

M. Rivest: Dans quel cas cela n'a-t-il pas fonctionné?

M. Morin: Dans plusieurs cas et dans plusieurs régions. Il y avait des programmes de l'OPDQ qu'on aurait voulu discuter avec le gouvernement fédéral et il n'a pas accepté.

M. Rivest: Un exemple? Donnez-moi une région et un projet.

M. Morin: Je peux vous en faire sortir. M. Rivest: J'aimerais cela. M. Morin: Je vais le faire.

M. Rivest: Les généralités, c'est bien joli, mais...

M. Morin: Oui. On peut vous en sortir. Il y a beaucoup d'exemples.

M. Rivest: Vous me donnerez aussi un exemple où cela a marché pour que je puisse me former un jugement.

M. Morin: On peut aussi - toujours dans les diverses perspectives ou hypothèses qui s'ouvrent à nous - exiger...

M. Rivest: Bonjour, M. Lalonde.

M. Morin: ...la participation financière fédérale...

M. Rivest: Est-ce que vous avez perdu votre siège?

M. Morin: ...à la réalisation des programmes pour lesquels le Québec n'a pas de ressources financières suffisantes. On peut prendre position sur l'avenir des ententes de développement, sur la possibilité d'entreprendre des négociations sur ces questions avec le gouvernement fédéral, ce qu'on essaie aussi de faire. À mon avis, si vous voulez la connaître, c'est du côté des instances régionales et locales que se trouve la vraie réponse à toutes ces questions.

M. Rivest: Bon.

M. Morin: J'ai l'impression, quoique ce ne soit pas encore tout à fait clair, que même le réseau mis en place par le gouvernement fédéral, s'il se trouve devant des volontés régionales clairement exprimées, aura de la difficulté à les ignorer.

M. Rivest: Oui.

M. Morin: Donc, à l'heure actuelle, c'est de ce côté que doit porter l'effort.

M. Rivest: Je vous invite à aller dans cette direction.

M. Morin: Cela se fait déjà.

M. Rivest: II s'agit de faire en sorte que les priorités, autant du milieu que du gouvernement du Québec, soient à ce point bien articulées, bien exprimées que, effectivement pour les initiatives du gouvernement du Québec...

M. Morin: C'est cela.

M. Rivest: ...et les initiatives propres de la région, le gouvernement fédéral n'ait plus qu'à y ajouter l'argent qui est disponible de façon que les choses marchent.

M. Morin: Oui.

M. Rivest: C'est cela que je voudrais.

M. Morin: Là, je rejoins le député et il rejoint nos tentatives récentes. Depuis quelques mois, c'est ce que nous tentons de faire: faire en sorte que chaque région se donne ses priorités et son plan. Jusqu'ici, je dois dire tout de suite que cela n'a pas donné grand-chose. Mais c'est dans cette direction qu'il y a une solution, s'il y en a une.

M. Rivest: Bon. On pourrait, bien sûr, parler d'autre chose. Je constate qu'il est minuit, M. le Président.

Le Président (M. Champagne): Nous avons eu une entente ce matin.

M. Rivest: Cela a passé vite. Le sous-ministre a trouvé que cela avait passé vite.

M. Morin: C'est vrai que cela a passé vite.

M. Rivest: On peut peut-être continuer, non?

Le Président (M. Champagne): Ce matin, il y a eu une entente disant qu'on finissait nos travaux à minuit.

M. Rivest: Je pourrais, bien sûr, reprendre chacun des programmes, mais, franchement, si j'en choisis un, j'en ferai un et j'oublierai les autres. Non, je vais mettre fin à cela, pour l'instant, jusqu'à l'an prochain. Je pense qu'on a simplement essayé d'illustrer, malheureusement, dans le temps qui nous était imparti, un certain nombre de préoccupations.

Ce que je demanderais au ministre et au ministère, c'est que, dans le domaine des relations fédérales-provinciales, dans le domaine international aussi, on ait davantage de définitions, d'orientations et de politiques publiques, non seulement des interventions des ministres sectoriels, mais qu'il y ait, quelque part, des documents, des énoncés généraux de politiques, avec leurs articulations.

Je trouve que, dans le domaine des relations fédérales-provinciales, malheureusement, depuis un certain nombre d'années, on est pris avec une série de dossiers sectoriels. On procède par cas. On fait des trames, soit à Ottawa ou à Québec, sur tel ou tel dossier, mais, finalement, il est très difficile de trouver vraiment où cela mène, où cela va. Évidemment, vous allez me dire que la préoccupation que vous avez au niveau de la recherche et de la planification produira ce genre de document pour la partie internationale. Mais pour la partie du domaine des relations fédérales-provinciales, il serait temps que l'on fasse un peu le point sur l'ensemble des dossiers, des perspectives pour voir si cela marche ou si cela ne marche pas.

M. Morin: Ce point est fait. Nous avons régulièrement pour chaque dossier, dans nos rapports avec le gouvernement fédéral, un état de la situation.

M. Rivest: Ils ne sont pas publics.

M. Morin: Non, c'est un fait, ils ne sont pas publics parce que nous tentons toujours de trouver des accommodements, des arrangements avec le gouvernement fédéral. Si on rendait tout public...

M. Rivest: Non, non

M. Morin: ...la situation serait encore pire que celle que nous connaissons actuellement.

M. Rivest: II y a des éléments de négociations, là-dedans, je comprends, sauf que, sur le plan du suivi et de la conduite pour l'opinion publique, pour la presse, pour l'Assemblée nationale, on est un peu à court de documents.

M. Morin: Remarquez, vous n'avez tout de même pas manqué de renseignements sur S-31, le Nid-de-Corbeau, le couloir hydroélectrique.

M. Rivest: Oui, mais on a manqué de renseignements sur Bombardier.

Le Président (M. Champagne): Cela prendrait le consentement, on a dépassé l'heure.

M. Rivest: On termine.

Le Président (M. Champagne): Vous avez terminé?

M. Rivest: Oui.

Le Président (M. Champagne): Si c'est terminé...

M. Morin: II faudrait adopter les crédits.

M. Rivest: Vous pensez?

Le Président (M. Champagne): Est-ce que les programmes 1, 2, 3 et 4, avec...

M. Rivest: Juste une dernière affaire parce que je m'étais toujours réservé... Non, cela va.

Le Président (M. Champagne): Je repose la question. Est-ce que les programmes 1, 2, 3 et 4, avec les éléments...

M. Rivest: Je suis tanné.

Le Président (M. Champagne): ...qui les composent sont adoptés?

M. Morin: Ils le sont sûrement, M. le Président.

M. Rivest: Adopté, sous réserve d'une action beaucoup plus efficace et dynamique du ministre. Je ne doute pas de l'action efficace et dynamique du ministère - et je n'en ai jamais douté - mais je parle du ministre.

M. Morin: M. le Président, je remercie le député de Jean-Talon de ses bons voeux et je le remercie aussi d'avoir procédé de telle sorte que nous avons pu traiter de nombreuses questions et que nous ne nous sommes pas enfargés dans les chiffres parce qu'effectivement ni lui, ni moi n'avons le goût d'entrer dans des détails qui ne sont pas significatifs. Je le remercie de la façon dont il a procédé. Mon Dieu, à l'année prochaine.

Le Président (M. Champagne): Pour ma part, je remercie les membres de la commission. Je remercie Mme Leduc, M. Loiselle et M. Roquet, qui ont bien voulu assister à nos travaux avec tous les membres du ministère des Affaires intergouvernementales.

La commission élue permanente des affaires intergouvernementales ajourne ses travaux sine die parce qu'elle a accompli le mandat qui lui était confié, à savoir l'étude des crédits budgétaires du ministère pour l'année 1983-1984. Bonsoir et merci.

(Fin de la séance à 0 h 03)

Document(s) associé(s) à la séance