L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente des affaires municipales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente des affaires municipales

Version finale

29e législature, 4e session
(15 mars 1973 au 25 septembre 1973)

Le jeudi 22 mars 1973 - Vol. 13 N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Avant-projet de loi de l'urbanisme et du territoire


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires municipales

Avant-projet de loi de l'urbanisme et du territoire

Séance du jeudi 22 mars 1973

(Dix heures dix-sept minutes)

M. PICARD (président de la commission permanente des affaires municipales): A l'ordre, messieurs!

La commission des affaires municipales étudiera ce matin le document de travail présenté à l'Assemblée nationale comme avant-projet de loi de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire. Je désire au début souhaiter la bienvenue aux organismes qui ont présenté des mémoires. Je les inviterai tout à l'heure, à tour de rôle, à venir nous donner un résumé de leur mémoire et non pas à nous en faire lecture.

Notre règlement prévoit la nomination d'un rapporteur. Permettez-moi de suggérer M. Ca-ron, député de Verdun comme rapporteur. Adopté?

M. LEGER: D'accord.

M. PAUL: C'est une élection par acclamation.

LE PRESIDENT (M. Picard): J'inviterais maintenant le ministre à dire quelques mots sur cet avant-projet de loi. J'aimerais lui faire la suggestion de nous présenter les hauts fonctionnaires qui l'accompagnent ici ce matin.

Monsieur le ministre.

Remarques préliminaires

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je suis heureux de le faire. Je suis accompagné de Me Richard Beaulieu, sous-ministre en titre, de M. Claude Langlois qui est vice-président de la Société d'habitation du Québec et conseiller auprès du ministre, de Me Michel Ouellet, préposé à la législation au ministère des Affaires municipales, de M. André Gendron, responsable du service d'urbanisme et du Dr André Marsan, conseiller du ministre responsable de l'environnement.

M. le Président, je suis heureux que nous ayons aujourd'hui l'occasion d'aborder l'étude de ce qui a été présenté, et à dessein, comme document de travail. Le sujet en est des plus importants et il est clair que le Québec voudrait se donner un cadre au sein duquel la planification pourra se faire de façon ordonnée. On a attaché beaucoup d'importance, au cours des récentes années, au mot "planification", au point où certains ont même l'impression que l'utilisation de ce mot est devenue exagérée. Ce n'est pas mon intention d'en exagérer l'importance, mais ce n'est pas mon intention de la minimiser non plus.

Nous avons un problème fondamental qui est celui de la distribution de notre population sur notre territoire. Donc, un problème de services et d'équipements qu'il faut fournir à cette population. Notamment un problème d'utilisation de notre territoire par cette population pour sa simple présence, c'est-à-dire son logement, et pour les activités économiques et sociales qu'elle entend poursuivre et qu'elle a le droit de poursuivre.

Nous constatons que, depuis presque toujours, le développement de notre province se fait selon des initiatives qui sont prises sans rapport avec une planification générale. Nous constatons que nous avons perdu des espaces verts à un rythme inquiétant dans nos régions urbanisées et autour de ces régions. Nous constatons que des terres arables sont disparues au nom de ce que l'on a appelé le développement qu'on a voulu comme étant une contribution utile au progrès de notre province, mais qui a eu des répercussions que nous n'avons pas prévues ou, si nous les avons prévues, nous n'avons pas agi de façon à éviter ces conséquences néfastes.

Nous avons besoin, et notamment chez nous, de services et équipements de récréation. Nous constatons que les Québécois ont, depuis très longtemps, tendance à chercher ailleurs que chez nous leurs activités récréatives. Nous avons quand même une industrie touristique qui est non seulement troisième dans l'échelle d'importance de nos industries, mais qui est également une industrie autochtone en très forte proportion.

Ce sont les Québécois qui voyagent à l'Intérieur du Québec et qui trouvent, malgré ce que j'ai dit il y a quelques instants, leur récréation à l'intérieur de notre territoire. Parce que nous avons eu une certaine difficulté à développer suffisamment nos ressources récréatives à l'intérieur de la province, nous voyons que les Québécois cherchent aussi ailleurs.

Les deux phénomènes coexistent et il faut en tenir compte.

H faut en même temps un développement urbain pour recevoir la population qui augmente, non seulement qui augmente, mais qui se concentre à certains endroits sur notre territoire. Il faut un développement industriel. Nous ne pouvons rester en état de statu quo quant à notre industrialisation. Il faudra donc que notre planification nous permette une cartographie de la province de façon à identifier à l'échelle de toute la province, à l'échelle de chaque région et à l'échelle locale, les espaces verts que nous voulons protéger, les terres agricoles que nous voulons conserver, les équipements et lieux de récréation que nous voulons mettre à la disposition de la population.

Alors, ayant identifié ces éléments indispensables et quasi irremplaçables, si nous leur permettons de disparaître, nous verrons à une bonne progression dans le développement urbain et industriel.

Il y a dans ce document de travail certains mécanismes qui sont proposés. Je n'ai pas pour

ma part l'intention d'insister sur ces mécanismes. Si nous avons voulu présenter un document de travail et l'exposer aux commentaires de la population, c'est justement pour trouver à travers ces discussions les meilleures mécanismes d'application d'une telle loi éventuelle.

Il me semble clair que c'est un domaine dans lequel la volonté populaire — et la volonté populaire sur le plan local — devra avoir les moyens de s'exprimer, non pas simplement s'exprimer pour être enregistrée sur papier mais s'exprimer de façon à exercer une influence sur les décisions à prendre.

Je soulignerai cependant que si notre action — et quand je parle de notre action, je parle de l'action collective des Québécois — se situe uniquement au niveau local, nous manquerons la coordination des efforts, la coordination de la planification qui permettra à chaque région et au Québec tout entier de prévoir la meilleure affectation de son territoire à l'avenir.

Donc, il faut, à mon sens, une action qui commencera par les deux bouts. Il faudra avoir une cartographie générale de la province, raffinée au niveau régional. Il faudra une planification au niveau local et on ne peut que regretter, sans critique désobligeante, le fait que beaucoup de municipalités québécoises n'ont pas de plan directeur pour l'aménagement de leur territoire. Il est indispensable que chaque municipalité ait un tel plan directeur. Il est indispensable que ce plan directeur soit coordonné avec ceux des voisines et fasse éventuellement partie d'une planification globale à l'échelle de la province.

Voilà, M. le Président, la pensée qui anime celui qui vous parle en exposant ce document de travail au dialogue qui s'engagera à l'instant. C'est dans cet esprit que je voudrais que nous cherchions ensemble la meilleure façon de réaliser une tâche indispensable, la planification qui visera la meilleure utilisation, le meilleur aménagement du territoire québécois.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le leader parlementaire de l'Opposition officielle, le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je veux tout d'abord joindre ma voix à la vôtre pour souhaiter la bienvenue aux organismes qui, par la voix de leurs représentants, nous adresseront aujourd'hui des commentaires sur ce document de travail, cet avant-projet de loi de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire.

Si je regarde la première page du document de travail qui nous est soumis, je vois que le titulaire du ministère des Affaires municipales était Maurice Tessier. Heureusement qu'aujourd'hui nous avons un nouveau titulaire du ministère des Affaires municipales et, comme le député de D'Arcy-McGee en est à sa première participation à une commission parlementaire en sa qualité de ministre des Affaires municipales, je veux, au nom des députés de l'Union

Nationale, réitérer publiquement les félicitations que nous lui avons déjà adressées. Nous lui souhaitons un terme d'office plus calme, moins orageux, moins contesté que celui de son prédécesseur.

Heureusement que le premier ministre a réalisé qu'il y avait des problèmes municipaux à double volet, ceux à portée urbaine et d'autres à portée ou à caractère rural. Heureusement que le premier ministre a donné comme collaborateur immédiat au député de D'Arcy-McGee, ministre titulaire des Affaires municipales, un collaborateur précieux, un homme d'expérience, le député de Stanstead, à qui nous voulons également souhaiter bon succès dans les lourdes responsabilités qu'il a à assumer.

Je n'ai aucun doute que ces deux nouveaux ministres, enrichis de l'expérience néfaste de leur prédécesseur, recevront d'une oreille attentive les représentations logiques de nos organismes municipaux et spécialement celles nous venant de l'Union des conseils de comté. Je souhaite que ces ministres reçoivent avec beaucoup d'égard les représentations qui viendront, les demandes qui seront présentées par les municipalités, de même que celles qui leur seront adressées par des organismes intéressés aux problèmes municipaux, aux implications des lois municipales et également à tous ceux qui, de près ou de loin, s'occupent des problèmes administratifs, que ce soit au niveau du gouvernement municipal ou du gouvernement provincial et, par incidence, du gouvernement fédéral.

M. le Président, j'ai retenu avec beaucoup d'intérêt — c'est nouveau déjà — que le ministre titulaire des Affaires municipales ne sera pas captif d'un texte ou d'une opinion qu'il a consacrée dans un avant-projet de loi et que son ouverture d'esprit permettra d'adopter éventuellement une législation qui puisse atteindre les principes ou l'idéal visé par cette loi dite de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire. Le document de travail et avant-projet de loi de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire, présenté récemment par le gouvernement du Québec fait connaître la politique que le gouvernement entend suivre en ce qui concerne l'urbanisme et l'aménagement du territoire.

Cette politique met l'accent sur la planification et le développement de toutes les régions du Québec.

Au premier abord, nous considérons que l'avant-projet de loi se fonde sur un objectif prioritaire à deux volets. Dans un premier temps, cette future loi-cadre veut que soient adoptés, aux divers niveaux de l'administration, des schémas régionaux sectoriels et locaux d'aménagement. Dans un deuxième temps, cet avant-projet propose la création de structures administratives dont la fonction sera d'élaborer et de mettre à exécution les schémas d'aménagement.

L'Union Nationale se dit d'accord sur le principe, sur les fins du projet, sur l'objectif

final qui serait, si l'on en croit le ministre des Affaires municipales, de favoriser la planification des infrastructures, équipements et services municipaux et d'uniformiser les règles et normes applicables en matière d'urbanisme sur tout le territoire.

Cependant, les députés de l'Union Nationale sont en plein désaccord avec le ministre sur le principe et l'esprit général du document de travail sur l'urbanisme et l'aménagement du territoire; ce que l'Union Nationale exigera, c'est que le cheminement inscrit dans cet avant-propos doit venir de la base et non du haut ou des hautes sphères de l'administration québécoise.

Etant donné que ce n'est ni le lieu, ni le temps de s'attacher spécifiquement à des articles de l'avant-projet de loi, nous voulons ici commenter et analyser les principes énumérés dans le document de travail.

En premier lieu, l'Union Nationale n'accepte pas et n'acceptera jamais que ce soit le gouvernement ou le ministre des Affaires municipales, selon ses propres désirs — et là, je dois ouvrir une parenthèse pour dire que c'était le désir du prédécesseur du ministre actuel des Affaires municipales — qui force les municipalités à se regrouper ou à se fusionner sous prétexte d'une prétendue efficacité administrative; l'on voit d'ailleurs les problèmes surgir dans les unités de regroupement forcé.

Ce que l'Union Nationale exige, c'est qu'il appartient aux municipalités et aux municipalités seules de former des unités de planification dans divers domaines et cela avec les divers organismes pouvant aider à former de telles unités de planification. Nous pensons que déjà il y a des instruments à cet effet.

Dans un article publié dans le journal La Presse du mardi 13 mars 1973, en page A 10, M. Florian Bernard écrit: "Effectivement, en vertu du code municipal, les conseils de comté ont la juridiction voulue pour amorcer, suggérer, réaliser et concrétiser divers regroupements au niveau des régions."

L'Union Nationale se demande alors pourquoi faire disparaître des juridictions décentralisées pour tout concentrer dans les mains du ministre des Affaires municipales. Et même plus, ces organismes, en vertu des articles 390 à 398 du code municipal, ont une juridiction conjointe avec les corporations locales en matière de construction, d'urbanisme, d'aménagement du territoire et de zonage. Même si les conseils de comté n'ont pas toujours rempli le rôle qui leur était assigné par le passé, est-ce une raison suffisante pour leur enlever leur juridiction et les faire disparaître?

Nous nous sommes aperçus du sérieux de leurs demandes et de leurs revendications au cours des dernières années. C'est tellement fort qu'ils ont même réussi à obtenir la tête de l'ancien ministre des Affaires municipales. Maintenant, ils se disent prêts à jouer pleinement leur rôle. Il sera toujours possible, après coup, de remédier à la situation si leur action est totalement inefficace. C'est véritablement là que l'on verrait s'ils sont capables de mettre à exécution des projets d'envergure tels que celui de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire.

Il est un autre principe sur lequel l'Union Nationale entend insister: c'est celui de la consultation populaire et des mécanismes qui la sous-tendent. Nous voyons mal que des hauts fonctionnaires et que des ministres, même les plus compétents, s'isolent de la population pour élaborer un schéma d'aménagement qui présidera au développement économique et social de toute une région pendant plus de cinq ans.

Nous exigeons que le gouvernement mette sur pied, lorsqu'ils sont absents — je dis bien "lorsqu'ils sont absents" — des mécanismes d'information et de consultation pour que la population puisse réagir et signifier au gouvernement ses besoins prioritaires. Déjà, il existe des interlocuteurs valables sur lesquels le gouvernement peut et doit compter, et parmi ceux-ci, il y a les conseils municipaux élus au suffrage universel dans les municipalités et les conseils de comté composés des maires des municipalités, pour ne citer que ceux-là; il y a aussi tous les corps intermédiaires et les mass-media qui n'attendent qu'un geste du gouvernement pour se concentrer sur l'information et la consultation populaire.

En plus de la défense de ces deux principes fondamentaux, l'Union Nationale entend faire apporter des modifications majeures à ce document de travail. D'abord, l'Union Nationale exigera que le travail d'élaboration technique et politique soit accompli sous le signe de la décentralisation, c'est-à-dire de la restitution aux régions et aux municipalités de leurs pouvoirs dans les domaines de l'urbanisme, du zonage et du lotissement; il va de soi que des mécanismes d'appel des décisions aux divers niveaux de gouvernement doivent être prévus; en fait, nous pensons que la Commission municipale aura un rôle très important à jouer dans ce domaine.

Ensuite, l'Union Nationale exige que l'on définisse très clairement la tâche et les fonctions du futur directeur de l'urbanisme, qui, selon nous, doit être — et je reprends — qui, selon nous, doit être l'animateur de tous ces schémas d'aménagement du territoire et non pas l'exécuteur des hautes oeuvres du ministre des Affaires municipales et du lieutenant-gouverneur en conseil.

En plus, l'Union Nationale ne voit pas très bien les raisons qui motivent la création d'une commission interministérielle de la planification et du développement dont le mandat est de donner son avis à l'OPDQ sur les questions qui lui sont soumises relativement à l'élaboration des plans, programmes et projets de développement économique et social et d'aménagement du territoire. C'est l'article 6, du chapitre 16 des Lois du Québec de 1969. A la rigueur, nous

pourrons accepter la formation d'un conseil consultatif qui pourra être formé de membres des CRD et de membres de l'Union des conseils de comté. Ainsi, nous pourrons confier à ce conseil consultatif représentatif des tâches d'examen des schémas et de conseiller de l'OPDQ.

Pour ce qui est de la Commission d'aménagement de secteur, l'Union Nationale accepte qu'un représentant du gouvernement siège au sein de cette commission sans droit de vote avec comme mandat très précis de servir d'agent de liaison entre le provincial et le secteur; ici, nous n'admettons pas que ce représentant ait des pouvoirs coercitifs ou des pouvoirs de décision en face de la commission.

En ce qui concerne les schémas de secteur et les schémas d'urbanisme, l'Union Nationale soutient que ce doit être à la Commission municipale de rendre une décision sur les plaintes des municipalités et des citoyens; ce doit être le ministre qui est chargé du fardeau de la preuve. La décision de la Commission municipale devra être finale et sans appel.

Pour la question du contrôle intérimaire, l'Union Nationale ne saurait accepter que le ministre des Affaires municipales — c'est moins dangereux avec celui-là — adopte de sa propre initiative un règlement pour prohiber toute construction, reconstruction, transformation, démolition, addition ainsi que toute implantation ou usage nouveau d'un bâtiment, sauf pour fins agricoles sur des terres en culture, dans toute partie du territoire affecté par le schéma d'aménagement; il doit appartenir, selon nous, aux municipalités seules d'adopter un règlement de contrôle intérimaire et de le soumettre au ministre dans certains délais. Lorsqu'un litige survient entre la municipalité et les citoyens et entre la municipalité et le ministre, il appartiendra à la Commission municipale de rendre un jugement final et sans appel; c'est ce que nous proposerons au fur et à mesure de l'étude de ce projet de loi.

L'Union Nationale pense que la solution proposée pour le contrôle intérimaire doit être appliquée pour la question de zonage, c'est-à-dire un règlement de zonage passé par la municipalité, soumis au ministre et transmis à la Commission municipale pour décision finale en cas de litige.

L'Union Nationale soutient que le règlement de construction applicable à toute municipalité du Québec doit faire l'objet d'études publiques en commission parlementaire, à l'Assemblée nationale du Québec, avant son adoption par le lieutenant-gouverneur en conseil. Cette proposition devra également s'appliquer pour le règlement de lotissement applicable à toutes les municipalités.

Pour ce qui est de l'aide financière, l'Union Nationale exige que le gouvernement fasse connaître les modalités précises d'une aide financière accordée pour la préparation d'un schéma d'aménagement ou d'un schéma direc- teur d'urbanisme. L'Union Nationale met le gouvernement en garde contre toute aide financière qui serait de nature à obliger les municipalités à se regrouper ou à se fusionner contre leur volonté et contre la volonté de leurs citoyens. L'Union Nationale propose que l'aide gouvernementale aux municipalités, dans le cadre de l'élaboration de schémas d'urbanisme, dépasse l'aide financière proprement dite et verse dans une technique adéquate.

Enfin, l'Union Nationale, fidèle au principe qui guide son action, accordera au ministre des Affaires municipales et au gouvernement toute la collaboration que notre parti a toujours apportée dans l'étude des législations importantes comme celle-ci, pour autant que le ministre des Affaires municipales et le gouvernement respecteront le caractère démocratique qui sous-tend la vie de la société québécoise. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le porte-parole du Parti québécois, le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je voudrais d'abord dire au ministre, comme il le disait tantôt, qu'il commençait à nous présenter cet avant-projet avec un esprit ouvert. Je voudrais lui rappeler cette phrase qu'on entendait souvent il y a quelques années: l'esprit qui anime les sports est l'esprit sportif, mais l'esprit qui anime ce projet de loi sera-t-il un esprit technocratique alimenté d'un libéralisme économique dont la préoccupation est d'abord le profit et l'efficacité en premier lieu, qui primerait sur la vie sociale? Ou l'esprit qui devrait animer cet avant-projet ne serait-il pas plutôt un esprit social permettant de favoriser d'abord et avant tout la vie du citoyen, lui permettant aussi d'avoir une priorité dans cette cité sociale qu'il faut bâtir? L'avant-projet qui nous est présenté est quand même une occasion pour nous de réévaluer tous les aménagements que le Québec devra implanter dans les années qui suivent.

M. le Président, je peux actuellement dire au ministre que, contrairement à celui qui l'a précédé, nous avons au départ un préjugé favorable, et nous avons tellement confiance en ce ministre que nous allons lui donner une collaboration entière et chaleureuse en le suivant pas à pas et en lui assurant une critique suivie, sérieuse, objective et sans fin dans tout ce qui touchera les affaires municipales.

Devant cet avant-projet de loi qui est enfin déposé, qui était tant attendu depuis la remise du rapport LaHaye en 1968, notre appréciation est partagée entre deux sentiments, celui du soulagement, du fait que le gouvernement se décide enfin à agir dans ce domaine, mais aussi un sentiment de doute perplexe, face à des lacunes fondamentales qui viennent vicier l'action publique par des structures compliquées, tortueuses, souvent obscures et imprécises.

Je pense qu'aujourd'hui je me bornerai à discuter un peu de l'orientation générale de cet

avant-projet de loi et nous reviendrons plus tard sur les modalités, parce qu'il y a grandement un risque de créer un imbroglio majeur dans la répartition et dans l'exercice des pouvoirs d'aménagement. Parce que le projet, actuellement, vise essentiellement à répartir des tâches et des pouvoirs à des organismes futurs ou des organismes déjà en place. Or, nous dénonçons, nous du Parti québécois, deux vices majeurs de l'approche actuelle.

D'abord, la dislocation des pouvoirs au niveau local et, d'autre part, l'absence de pouvoirs à des niveaux intermédiaires, c'est-à-dire au niveau régional. Deux faits bruts s'imposent à qui observe les rares efforts de planification gouvernementale dans le passé. Ou bien on proposait des plans établis de Québec, provenant du gouvernement québécois, qui échouaient devant des situations concrètes des régions, soit parce qu'ils étaient trop larges ou encore démarqués d'avec la réalité locale, ou bien d'autres plans nous arrivaient du gouvernement du Québec et étaient conçus à un niveau géographique trop restreint par des municipalités qui n'ont pas l'assise financière administrative et décisionnelle pour les appliquer. Sans compter que les domaines d'aménagement qu'elles peuvent effectivement contrôler au niveau d'une petite municipalité sont trop restreints pour qu'on puisse réellement parler sérieusement de planification coordonnée de l'aménagement du terriroire.

En deux mots, le Parti québécois craint que l'absence d'un niveau intermédiaire de planification et de décision se fasse cruellement sentir et que la solution à ce problème constitue le coeur même de la mise en place de structures d'aménagement efficace du Québec d'aujourd'hui.

Cet avant-projet de loi semble conscient du problème. Nous avons remarqué quand même que le gouvernement en est conscient. Mais il n'apporte pas une solution, à notre sens, qui est efficace. C'est une solution trop compliquée pour fonctionner, et ceci, parce qu'il se refuse à réaménager d'autres structures périmées. L'avant-projet tente de se tailler un chemin entre un centralisme excessif et des structures municipales discordantes et le résultat n'est pas très heureux.

Pour éviter de poser le problème régional, le gouvernement actuel présente un projet qui confie à la commission interministérielle de l'aménagement la conception des schémas régionaux, mais on ne retrouve aucune consultation régionale sur ce schéma, par exemple, tout le travail fait par le CRD, les structures. Les hommes qui tentent déjà depuis quelque temps de fortifier une pensée régionale d'aménagement sont balayés du revers de la main. Encore plus, aucun organisme régional n'est mis en place pour vérifier l'application du schéma régional aux échelons inférieurs pour demeurer vigilant à l'évolution de la région. On s'en remet à cette lourde machine centrale issue de l'OPDQ qui devra avoir le souci régional, ce qui est une utopie.

A-t-on réellement peur à ce point des priorités et des initiatives régionales pour vouloir étouffer le dynamisme propre, car on peut étaler longtemps des exemples étrangers, en France en particulier, qui démontrent qu'il ne faut pas se fier au pouvoir central pour avoir une pensée en termes régionaux. Que le Québec planifie son aménagement général, nous sommes d'accord, mais dans une coordination complémentaire de ses régions. C'est son rôle et c'est d'abord celui de l'OPDQ et de sa commission interministérielle. Mais, à l'intérieur de ces corridors nationaux, il faut structurer un dynamisme régional automome qui conçoive, suive et administre son propre aménagement de territoire.

Je voulais souligner un autre point, M. le Président, à l'autre niveau d'intervention, c'est-à-dire le niveau local des municipalités. Le projet tente de naviguer à travers notre célèbre jungle de municipalités de taille, de dimension et de puissance hétéroclites par la manoeuvre des municipalités mandataires. Un observateur qualifié comme Jean-Claude LaHaye, le président même de la commission d'enquête, n'a pu manquer d'y voir là la pierre d'achoppement possible de l'avant-projet. La marge de manoeuvre de cette municipalité sera trop réduite, les jeux politiques trop délicats pour qu'on puisse attendre des schémas de secteur autre chose qu'un simple strict minimum timoré, sans brisure réelle dans la ligne quasi anarchique de l'aménagement actuel de notre territoire. Une des causes de cette impuissance certaine est l'absence du regroupement municipal. La reculade du ministre précédent en a fait la preuve. Nous avons remarqué, M. le Président, que le ministre précédent agissait un peu comme pour une samba, deux pas en avant, trois pas en arrière. Quand il faisait ses deux pas en avant, il bousculait les municipalités et quand il reculait de trois pas, il marchait sur les pieds de ceux qui avaient commencé à le suivre. Dans les deux cas, il avait créé un problème dans le milieu des affaires municipales, il était grand temps qu'il soit remplacé.

L'essai timide des secteurs d'aménagement municipaux, qui valait ce qu'il valait, s'est transformé en attitude figée sans pensée d'ensemble et vigoureuse. Cette dérobade honteuse étouffe aujourd'hui l'aménagement du territoire comme il paralyse déjà grandement l'application de la Loi de l'évaluation foncière qui fonctionne un peu sur le principe du mandat. Le ministre devra et devrait mettre de l'ordre dans le fouillis municipal avant de distribuer des mandats et d'établir des structures d'aménagement du territoire. Somme toute, et j'y reviendrai souvent, M. le Président, comme je le disais tantôt au ministre, si le ministre actuellement n'a pas le courage de prendre le taureau par les cornes et de fonder une politique d'administration régionale réelle, l'aménagement et l'urbanisme, les deux fonctions les plus importantes des gouvernements locaux, sont vouées à continuer d'être un champ confus à la fois par

centralisme excessif et à la fois par absence d'une instance locale assez près des problèmes et des gens, mais aussi assez large et forte pour réaliser intelligemment des priorités. Il ne faudrait pas, M. le Président, que l'avant-projet de loi généralise l'état de fait exemplaire créé par l'implantation de parcs industriels et municipaux qui s'est faite ici et là, selon des limites capricieuses des municipalités, sans coordination autre que celle de prestige coûteux des municipalités et sans référence aux vocations des régions. Quand je parle de régions, je ne me réfère pas d'abord aux dix régions administratives du gouvernement; celles-ci me semblent trop larges. Il faudrait plutôt penser à des instances plus proches qui sont des sous-régions administratives dont le nombre pourrait être situé entre 20 et 30 régions administratives au Québec.

Dans les régions moins urbanisées, une solution immédiate serait peut-être un regroupement des conseils de comté. Je reviendrai plus tard, dans nos travaux, sur ce noeud de la question mais, pour le moment, je voudrais signaler au ministre une omission magistrale, qui donne à l'avant-projet un air de squelette. On y décrit par le détail les champs d'extension des pouvoirs et des schémas régionaux, sectoriels et locaux, ce qui est très appréciable, mais en aucun cas on ne parle des buts de cet aménagement régional du territoire, des principes essentiels à sauvegarder, par exemple, la lutte contre la spéculation foncière. On ne le voit pas, dans le projet de loi, la détermination de normes minimales d'étendues en espaces verts. Le ministre en a parlé tantôt, je crois qu'il l'a dans ses préoccupations, mais cela n'est pas dans le projet de loi. On sait que ce projet de loi a été préparé avant son arrivée. Le ministre m'a répondu en Chambre qu'il prenait à son compte ce projet de loi.

J'espère que, très bientôt, il nous apportera les amendements tenant compte de ces priorités des espaces verts. De plus, la priorité du transport en commun — faisant relation à ce que je disais tantôt — une cité sociale où les citoyens puissent se rendre à leur travail sans créer des embouteillages, des problèmes de circulation, problèmes de pollution et différents problèmes de vie à l'intérieur d'une société devraient être dans les principes généraux que nous ne voyons pas dans le projet de loi. D'autre part, comme rien n'assure que les schémas, autant sectoriels que locaux, seront réalisés d'abord par des urbanistes et non par des comptables ou des ingénieurs routiers, le projet laisse planer l'hypothèse dramatique qu'on ne crée des structures que pour réaliser des aménagements à courte vue sans profondeur urbanistique.

En terminant, je voudrais signaler au ministre que la restructuration projetée et la répartition des pouvoirs conséquente devraient inclure des fonctions qui sont éparses dans une série de lois très proches de l'aménagement du territoi- re, soit la loi 34, que le ministre connaît très bien, qui voit ses limites aussi, la Loi sur les biens culturels, celles sur la publicité le long des routes et sur les cimetières d'automobiles, etc. Une approche régionale de l'aménagement du territoire pourrait permettre d'intégrer et de coordonner non seulement la réglementation découlant de ces lois, mais aussi la surveillance et les inspections nécessaires.

M. le Président, ce sont les principales remarques d'ordre général que je voulais mettre de l'avant de façon que le ministre connaisse notre point de vue et qu'il en tienne compte quand l'avant-projet deviendra un projet de loi qu'il nous fera plaisir d'appuyer s'il tient compte de ces remarques nécessaires et qui sont le noeud du problème.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, avant que vous n'invitiez le premier organisme à prendre la parole, je voudrais faire une mise au point. Je ne voudrais pas reprendre les deux discours pour répondre à d'autres points, mais sur un point, il me semble que je doive dire quelque chose. Je ne voudrais pas qu'au cours de ce débat ou de cet examen du document de travail on perçoive celui-ci comme étant une façon détournée d'effectuer le regroupement des municipalités. Si nous sommes pour faire un débat sur le regroupement des municipalités, nous le ferons en temps et lieu et dans le cadre qui conviendrait à ce débat. Je ne voudrais pas cependant que nous parlions de cet effort de prévoir une saine planification, un aménagement du territoire dans l'intérêt de la collectivité comme un moyen d'éviter un débat direct et en règle sur la question du regroupement. Nous parlons ici de la coopération entre municipalités, de la coordination des efforts pour atteindre les niveaux sous-régional, régional et provincial. Je voulais faire cette mise au point pour que le débat procède sans l'idée d'une épée de Damoclès au-dessus de la tête de qui que ce soit.

M. PAUL: M. le Président, nous retenons l'invitation du ministre à l'effet que, n'importe quand, nous pourrons tenir un débat sur toute la politique municipale de regroupement des municipalités et, soyez sans inquiétude, nous aurons l'occasion d'en parler prochainement.

M. le Président, je voudrais, sur un rappel au règlement, bien spécifier aux membres de la commission que, plus tard ou une autre journée, il ne sera pas permis au Ralliement créditiste d'exposer la politique qu'il entend suivre en regard de l'étude de cet avant-projet de loi. C'est ce matin que le Ralliement créditiste aurait dû faire connaître sa politique. Personnellement, je veux inscrire ma dissidence et celle de mon collègue, à l'avance, si, par hasard, une demande était faite à la commission parlementaire pour que les retardataires, après qu'ils auront pris connaissance des différentes déclarations de principe qui ont été faites ce

matin par les trois partis, puissent permettre à un porte-parole de leur parti de ramasser quelques idées et de faire leur propre politique sur le sujet. Je voudrais que la période de l'exposé des principes ou de la politique d'un parti soit close.

M. LEGER: M. le Président, est-ce que le député de Maskinongé tient pour acquis que le Ralliement créditiste est au courant qu'il y a des problèmes d'aménagement de territoire?

M.PAUL: J'ai l'impression qu'ils n'ont pas connaissance de ce qui se passe.

LE PRESIDENT (M. Picard): Messieurs, je prends bonne note des remarques du député de Maskinongé, mais j'aimerais à la même occasion qu'il nous fournisse peut-être le numéro de l'article de notre règlement qui prévoit cela.

M. PAUL: II y a la pertinence du débat, M. le Président. Je n'ai pas de numéro parce qu'on vient de changer le numérotage de nos articles, mais ce n'est pas loin de 99. L'article 99 amendé est peut-être 97 ou 101, je ne le sais plus. On attend l'impression du nouveau règlement. Mais ayez une bonne impression quand même sur mes propos.

LE PRESIDENT (M. Picard): Alors, messieurs, j'aimerais vous faire part du nom des organismes qui ont été convoqués devant la commission parlementaire des Affaires municipales ce matin. Il s'agit de l'Union des conseils de comté, dont le porte-parole sera Me Pierre Viau. M. Viau sera aussi porte-parole ... ici, on indique "Affaires de Longueuil". Je crois qu'il s'agit d'un mémoire présenté par la ville de Longueuil. Ensuite l'Association canadienne d'urbanisme, division du Québec, dont le porte-parole sera M. Raymond L'Italien; enfin, la Corporation des urbanistes du Québec dont le porte-parole est le président de la corporation, M.Claude Asselin.

J'aimerais demander à toutes les personnes qui s'adresseront à la commission de s'identifier lorsqu'elles se présenteront au micro de façon à faciliter le travail de nos chroniqueurs au journal des Débats. J'invite, en premier lieu, M. Claude Asselin, président de la Corporation des urbanistes du Québec, à nous faire part de ses commentaires.

Corporation des urbanistes du Québec

M. JUNIUS: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, je tiens à excuser M. Claude Asselin qui est retenu par les devoirs de sa charge. IL m'a demandé de le représenter ici à la commission. Je suis le premier vice-président de la Corporation des urbanistes du Québec, Marcel Junius, et je suis accompagné, ici de trois de mes confrères du conseil de la Corporation des urbanistes du Québec. Il s'agit, â ma gauche, de M. Yves Archambault, qui est le deuxième vice-président, et de M. Maurice Bourque, membre du conseil. A ma droite, le professeur Jean Alaurent, membre du Conseil.

M. le Président, la Corporation des urbanistes du Québec a l'honneur de présenter aujourd'hui à la commission parlementaire des affaires municipales ses premiers commentaires sur l'avant-projet de loi de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire. L'intérêt de cet avant-projet de loi est évident à la corporation des urbanistes puisque ses membres consacrent leurs énergies et leurs talents aux divers travaux et études en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire. Les commentaires que nous vous présentons aujourd'hui sont des commentaires de principe et ne sont point des arguments définitifs. Ces commentaires ont été préparés par des comités d'étude de la corporation dans un esprit de dialogue et de coopération. Je profite de la circonstance qui nous est offerte à la Corporation des urbanistes du Québec pour réitérer au ministre des Affaires municipales toute la disponibilité des membres de la Corporation des urbanistes du Québec pour tous travaux ultérieurs éventuellement nécessaires en vue d'une mise au point du projet de loi proprement dit.

Comme vous nous avez demandé, M. le Président, de ne pas lire le texte entier de nos commentaires, je me permettrai, si vous le voulez bien, de céder la parole à mes confrères, et particulièrement au professeur Alaurent qui vous fera connaître l'essentiel de nos commentaires. La corporation, comme je vous l'ai dit, a travaillé en comités d'étude et les membres qui m'accompagnent ont travaillé très positivement dans ces comités. Je vous demanderais, si vous me le permettez, de céder la parole à M. Alaurent.

M. ALAURENT: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, la mission qui nous a été confiée, comme à d'autres, est celle d'examiner le document de travail.

Je ne voudrais pas trop dire "avant-projet de loi" car il s'agit encore d'un long effort de mise au point pour amener notre corporation à examiner, d'abord du point de vue général puis article par article, avec beaucoup de soin, l'avant-projet qui nous a été soumis.

Il n'est pas question aujourd'hui, bien entendu, de récrire l'avant-projet de loi et de revenir sur des points de détail. C'est pourquoi nous nous sommes limités à des commentaires généraux, qui sont des commentaires de citoyens d'une part et d'autre part des commentaires de spécialistes de la question. Il m'est peut-être difficile de résumer encore un texte qui a été réduit à sa plus simple expression, étant donné les délais et l'objet de notre intervention, mais je voudrais, en parenthèse, vous présenter des

excuses pour six coquilles qui ont été introduites dans la dactylographie et pour lesquelles les errata seront déposés, et revenir sur une impression d'ordre général, peut-être à regret, qui est de voir l'oeuvre considérable accomplie naguère par la Commission provinciale de l'urbanisme, sous la présidence de M. LaHaye, disparaître dans une très large mesure du projet actuel.

La Commission provinciale de l'urbanisme avait consacré beaucoup de temps, d'efforts et de compétence à l'édification d'un projet de loi, peut-être un peu trop ambitieux, entièrement dirigé vers le moyen et le long terme, mais il nous est apparu — et nous avions d'ailleurs très largement étudié cet avant-projet de loi à son époque — que l'oubli, l'omission d'un certain nombre de propositions contenues dans le premier rapport de la commission LaHaye étaient, dans une certaine mesure, regrettables. On aurait pu concevoir, par exemple, que cet avant-projet, si laborieusement et si précisément élaboré, nous apportât la base d'une mise à jour, peut-être d'un allégement, où un certain nombre de ces dispositions nous paraissaient tout de même de nature permanente.

Je ne voudrais pas m'étendre davantage sur ces regrets et en venir au chapitre des espoirs. Ces espoirs sont évidemment contenus dans une large mesure dans la loi que nous attendons depuis tant d'années, je le répète, à la fois au titre de citoyen et au titre d'urbaniste.

La section I du document de travail ne donne lieu évidemment qu'à des observations qui peuvent être reportées à des études plus détaillées; un certain nombre de définitions, en général, sont tout à fait acceptables, d'autres peuvent être précisées; nous aurions voulu, suivant les propositions de la commission LaHaye, voir le titre du ministre devenir celui d'un ministre des Affaires municipales et de l'urbanisme, pour que la population, dans son ensemble, soit sensibilisée à cette fonction capitale du ministre des Affaires municipales et aussi à la notion d'urbanisme. Mais c'est une suggestion de détail et les suivantes sont évidemment plus importantes pour l'organisation générale de la planification du territoire au Québec.

Nous avons relevé qu'un certain mimétisme se développe à travers les premières parties du texte, c'est-à-dire que l'on considère que l'aménagement des territoires et le développement économique et social relèvent des mêmes organismes, ce qui est à la fois vrai et faux.

Si l'aménagement du territoire traduit sur le sol les volontés exprimées par une planification affirmée, accentuée du développement économique et social, ce n'est pas entièrement vrai, parce qu'un certain nombre des prévisions, du plan de développement économique surtout, ne peuvent pas être automatiquement traduites en termes de schéma d'organisation nationale ou régionale et parce que, notamment, les travaux des économistes peuvent conduire à des concentrations vers la métropole, alors que les travaux des planificateurs soucieux d'un certain équili- bre et d'effacer des disparités régionales peuvent comporter des positions exactement contraires.

Mais ce n'est pas l'objet de notre débat. Ce qui est immédiatement le plus présent à notre esprit, c'est que lus organismes centraux sont, dans l'état actuel des choses, uniquement composés de membres du gouvernement et des administrations gouvernementales. Là se pose, déjà, à cet échelon supérieur, la question des concertations et des participations avec les corps intermédiaires et la population en général. C'est pourquoi nous avons suggéré qu'il y ait un certain dédoublement au niveau supérieur entre des organismes composés essentiellement de fonctionnaires et de la coordination entre les services ministériels et les organismes à vocation plus large et à ouverture surtout plus large.

Il est clair que les suggestions faites à la page 6 de notre mémoire ne sont que des suggestions et que la composition de ces corps consultatifs et peut-être corps d'étude peut être encore étendue et les modalités de son fonctionnement précisées.

Tous les lecteurs de l'avant-projet de loi, presque sans exception, ont relevé l'absence d'une organisation régionale; introduisant ici d'ailleurs cette remarque qui vient d'être faite, c'est que la région administrative, telle qu'elle est définie actuellement, représente assez souvent une entité qui peut échapper à une certaine unité de conscience régionale.

Dans le projet de loi de la commission LaHaye, nous avions relevé une structure régionale particulièrement élaborée où s'exerçaient à la fois des fonctions de coordination entre secteurs, de coordination entre le haut et le bas, si l'on peut dire, et de concertation avec les représentants du public et de la conscience et des intérêts de la région. Elle était évidemment, pour le moment et peut-être pour un avenir proche, assez lourde. Il y avait un système de comités, de conseils régionaux de planification, de comités sectoriels, de sous-comités techniques, la participation des députés de la région et, à l'horizon même, l'idée d'un centre administratif régional et même d'un préfet. Nous en sommes maintenant loin et nous en sommes trop loin, puisque cette question a été traitée par prétention.

En fait, une organisation plus légère faisant intervenir d'une part des comités de coordination des équipements régionaux, que le premier rapport appelait Cépeg, et des conseils faisant intervenir les représentants régionaux des corps intermédiaires, nous paraissait indispensable. Indispensable, pourquoi? Parce que, alors qu'il est partout difficile de faire une planification et une organisation territoriales à l'échelle nationale, elle s'impose et elle constitue l'échelon privilégié de l'organisation du territoire à l'échelle régionale. C'est donc là que doivent se constituer de nouvelles organisations; c'est là aussi que doivent s'arrêter, dans une certaine mesure et dans une large mesure, les problèmes

posés de la base et que l'on voit trop souvent remonter jusqu'au ministre qui se trouve ainsi chargé d'un nombre considérable de tâches d'ordre contentieux parfois.

Pour le schéma d'organisation d'aménagement régional, nous avons introduit une certaine réserve sur l'usage généralisé du mot "schéma", mais ceci n'est qu'une question de terminologie. Ce qui est plus intéressant pour nous, ce sont les modalités d'élaboration de ces schémas qui ne sont en fait que l'expression de programmes.

A la section IV, qui traite du regroupement pour fins d'aménagement du territoire, nous avons pensé et suggéré que la popularité de la formule de regroupement devait la faire disparaître des textes futurs. Etant donné qu'il s'agit, non pas d'une intervention centrale tendant à forcer ces regroupements, nous avons suggéré le titre d'Association pour fins d'urbanisme qui précise qu'il ne s'agit pas d'une fusion générale et d'une disparition des personnalités municipales.

La Commission d'aménagement de secteur, qui est l'objet de la section V, a fait l'objet d'une remarque d'ordre pratique dans la mesure où elle n'est composée que de représentants des municipalités à raison de un par municipalité, et bien qu'il soit prévu que les membres puissent appartenir à l'administration comme au public grosso modo, nous avons pensé que deux membres, dont un obligatoirement représentant des citoyens, devaient être la norme de composition de la Commission d'aménagement de secteur.

Le schéma d'urbanisme est évidemment à la base de cette construction de l'organisation territoriale qui, comme il a été dit tout à l'heure, vient à la fois du haut et du bas. Il semble que, sur certains points, les pouvoirs des municipalités aient été, dans une certaine mesure, entamés et, dans la mesure où celles-ci doivent attendre la confection de schémas de secteur, de schémas régionaux, etc., nous avons été un peu inquiets de penser que, malgré les précautions prises par le projet, c'est-à-dire le schéma régional s'il en existe, le schéma de secteur s'il en existe, on se trouve amené à des délais et à des reports de décisions au niveau municipal qui sont, comme chacun sait, extra-ordinairement coûteux étant donné les opérations qui peuvent se développer pendant la période d'attente.

Il est donc évident pour nous, tout au moins, que si toutes les municipalités de quelque importance ou faisant partie d'une agglomération de quelque importance doivent se pourvoir d'un schéma d'urbanisme qui commande ensuite les projets particuliers, d'une part, et les règlements de zonage, d'autre part, nous pensons aussi que les commissions d'urbanisme doivent être généralisées et qu'il n'est pas indispensable d'attendre que la confection d'un schéma soit décidée pour constituer de telles commissions. Le contrôle intérimaire qui fait l'objet de la section IX nous parait une innovation de toute première importance.

Il s'agit évidemment d'imposer des sauvegardes qui sont d'ailleurs classiques dans presque toutes les législations étrangères et d'éviter que, pendant la période préliminaire, des opérations de spéculation foncière ou des faits accomplis entament la valeur et la validité des futurs schémas d'urbanisme avant même qu'ils ne soient établis.

Nous pensons aussi que la faculté et le pouvoir de décider de ces mesures de sauvegarde doivent appartenir à la fois aux municipalités et au ministre. Dans la mesure où les municipalités seraient désireuses de se couvrir par une autorité supérieure, elles demanderaient l'approbation de ces mesures de sauvegarde par le ministre. Dans d'autres cas, leur pouvoir seul pourrait et devrait suffire à procéder aux mesures de sauvegarde qui sont, je le répète, classiques dans la plupart des législations.

Il reste toutefois que des limites dans le temps doivent être évidemment adoptées et que de telles mesures de sauvegarde ne doivent pas indéfiniment geler un certain nombre d'initiatives ou de projets sur le terrain. En ce qui concerne le zonage, objet de la section X, la préoccupation prédominante dans l'esprit de nos participants aux groupes de travail est que les plans et règlements de zonage soient étroitement subordonnés à l'existence d'un schéma d'urbanisme et que, d'autre part, l'écart dans le temps entre la mise en vigueur du schéma d'urbanisme et les règlements d'application, dont le zonage, soit réduit au strict minimum.

On pouvait même envisager que le schéma directeur soit accompagné immédiatement de tous les règlements de zonage. Parmi les règlements d'application, ceux qui sont relatifs à la construction sont évidemment importants et nous sommes très généralement partisans d'un code de la construction à l'échelle provinciale. Et s'il y avait des amodiations à intervenir au niveau local, il serait facile de le prévoir dans le texte même de la loi sur la construction ou dans l'ensemble des nouveaux codes que nous attendons.

La section XII, "lotissement", nous a paru ambiguë dans la mesure où ce terme fait intervenir à la fois les opérations qui relèvent des arpenteurs et les opérations qui relèvent des urbanistes. Nous avons proposé qu'il s'agisse de dossiers d'aménagement partiel, c'est-à-dire de la définition de l'occupation du sol d'une façon encore relativement large et qui doit ensuite servir au travail sur le terrain et à la mise en concordance des différents lots concernés.

Là encore, et si, à la page 21, nous faisons allusion aux copies de documents qui doivent être adressées au directeur de l'urbanisme, ce n'est qu'un des cas où nous suggérons de substituer l'autorité du directeur de l'urbanisme qui est au service du ministre à la signature du ministre lui-même pour des questions qui relè-

vent de la pure technique ou du pur contentieux.

La section XIII est une section de technique précise sur les rues, les places publiques, les permis. Dans certains cas, il semble que des recherches doivent être entreprises d'une façon minutieuse pour faire concorder certaines dispositions de l'avant-projet avec celles de la Loi des cités et villes, notamment. Il est entendu que, article par article, on pourrait prendre les dispositions relatives à ces détails, la largeur des rues, 66 pieds, etc., qui n'ont pas leur place aujourd'hui ici.

Le projet particulier d'aménagement représente pour nous une innovation ou une notion intéressante et nous n'avons que des remarques de détails à faire à ce sujet.

A la section XV qui traite du remembrement des voies de circulation et des banques de terrain, cela apparaît un peu héréroclite à vrai dire. Nous avons surtout souhaité que, d'abord, l'expression "banque de terrain", qui est une traduction, soit remplacée par "réserve foncière", ce qui n'est pas très important. Mais ce qui est important, ce sont les principes. C'est-à-dire celui de la possibilité, pour les municipalités et à tous les échelons de gouvernement, de prévoir, de préparer l'avenir en se portant acquéreurs de terrains d'un point de vue tout à fait général et sans être obligées de définir très précisément les objectifs d'achats comme il est prévu à l'article 111. Il s'agit là d'une politique qui a des exemples et des précédents bien connus dans les législations, notamment Scandinave et germanique, et à laquelle nous pensons qu'il faudrait accorder une très large place allant jusqu'à des possibilités de préemption lors des ventes de terrains.

Quant à la section XVII des règlements et ordonnances, nous avons pensé également qu'il était souhaitable de ne pas reporter, sans qu'il soit question de délai, la mise en vigueur des règlements et ordonnances d'une façon trop lâche par rapport à la mise en oeuvre de la loi elle-même.

Nous pourrions souhaiter qu'un certain nombre de principes et de dispositions renvoyés aux règlements soient inclus dans la loi et qu'en tout cas les règlements et ordonnances accompagnent de très près dans le temps la parution et l'application de celle-ci.

Enfin, dans un certain nombre de cas et à presque tous les chapitres décrivant les processus de préparation et d'approbation des plans, il a été noté qu'en aucun temps des modifications peuvent intervenir. Nous savons bien que ces modifications sont assorties des procédures habituelles qui concernent l'approbation elle-même, mais nous pensons que la latitude donnée de procéder et de proposer ces modifications à toute époque devrait être assortie d'un certain nombre de limites dans le temps.

Par exemple, six mois ou un an, et peut-être d'ailleurs d'une révision systématique, périodique des plans qui contiendrait l'ensemble de ces modifications.

Nous nous sommes permis de conclure en regrettant que l'avant-projet de loi n'ait pas été précédé d'un exposé des motifs ou d'un texte qui explique clairement les intentions du gouvernement dans ses lignes générales. Nous avons regretté aussi, en tant que professionnels, de voir que le mot urbaniste n'apparait nulle part dans le texte qui nous a été soumis. C'est peut-être une considération quelque peu égoi's-te, mais qui n'a pas échappé non plus aux examinateurs qui ne sont pas membres de notre corporation.

LE PRESIDENT (M. Picard): Je vous remercie. Est-ce que des membres de la commission auraient des questions à poser? Le député de Lafontaine.

M. LEGER: Je voudrais d'abord demander à celui qui vient de nous adresser la parole — à un moment donné vous avez exprimé l'idée d'un conseil régional de l'aménagement du territoire et vous définissiez quelques responsabilités — dans votre esprit, quelle devrait être la taille de ce territoire qui serait sous la responsabilité d'un conseil régional. Dans votre esprit, est-ce qu'il y a déjà une définition concernant les possibilités de fonctionnement d'une région, autant au point de vue de sa taille, de la densité, de l'évolution démographique qui est nécessaire comme point de départ pour réaliser une responsabilité qui serait différente, selon sa taille? Une région qui serait trop petite aurait une responsabilité plutôt d'exécution d'un plan conçu par d'autres, si elle est un peu plus grosse, elle aurait une responsabilité de conception technique et, si elle a une taille un peu plus grande, mais quand même assez proche du citoyen pour qu'il puisse s'identifier, elle pourrait avoir un rôle de planification, d'évaluation des besoins, etc. D'après vous quelle pourrait-être cette taille-là, combien pourrait-il y avoir de conseils régionaux dans le Québec?

M. ALAURENT: Je dois dire que c'est une très vieille question que celle de la définition des régions. On en trouve les premières racines dans les travaux menés par les géographes américains en 1936, pour ne parler que de ce continent, et c'est un terme qui présente une élasticité regrettable. On a quelquefois appelé régionales, d'ailleurs comme dans le rapport LaHaye, des entités territoriales qui dépassent simplement le niveau du comté ou qui sont de l'ordre du niveau des comtés; d'autres fois, le terme régional a été étendu à des portions considérables du territoire. Nous pensons que la définition actuelle des régions conduit dans la plupart des cas à des unités un peu trop larges, dans la mesure où la conscience de communauté est un des critères qui définissent précisément la région. D'autres critères qui sont trop nombreux pour que nous en fassions état ici ont été pris en considération, en particulier par des géographes américains du Planning Comity de 1936 dont l'existance d'un centre, dont la

possibilité de s'identifier par un mot comme Estrie, par exemple, etc. On conçoit effectivement que la division du territoire en dix régions puisse présenter, dans certains cas, des inconvénients et nous les avons constatés lors des travaux du BAEQ.

M. LEGER: N'êtes-vous pas prêt à donner un chiffre approximatif? En voyant des entités comme l'Estrie, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui sont très homogènes, et devant le fait qu'il y a des régions où la densité de population est tellement diluée que cela prend un territoire plus grand pour avoir suffisamment de gens capables d'avoir les moyens financiers de réaliser quelque chose dans le milieu, verriez-vous un chiffre quelconque, soit le nombre d'entités régionales?

M. ALAURENT: Du point de vue de la population, non. Il y a une combinaison d'espace homogène, d'espace complémentaire. La région chère aux géographes de l'école française était une entité territoriale homogène présentant les mêmes paysages, mais la région économique est au contraire une région à l'intérieur de laquelle s'établissent un certain équilibre et une relative autarcie d'ordre industriel, commercial, de services, etc. Il faudrait une étude précise menée par des spécialistes pour arriver à proposer un autre découpage administratif avec tous les inconvénients que ça peut présenter du point de vue des innovations. Je saisis d'ailleurs l'occasion, puisque vous venez de citer les possibilités financières, de revenir sur un point du document de travail qui nous a beaucoup frappés, c'est la réduction à quatre lignes des dispositions financières contenues par le projet de loi sur l'urbanisme, laissant entièrement au bon plaisir du ministre la distribution d'un certain nombre d'aides et de subventions sans qu'il soit défini un minimum de normes afférentes à cette aide et nous avons, suivant d'ailleurs les propositions de la commission LaHaye, évoqué la possibilité d'un partage dans une certaine proportion, disons moitié moitié, entre le ministre et les ressources propres des municipalités ou associations de municipalités.

M. LEGER: Vous venez de dire tantôt que, pour connaître la quantité de régions qui devraient exister, ça prendrait une étude bien précise là-dessus au niveau national plutôt que de commencer par la base. La commission Hannigan, regroupant le territoire de la Communauté urbaine de Montréal avec quelques municipalités autour, a fait des études partielles. Est-ce que vous trouvez que c'est une étude qui aurait dû suivre une étude nationale? Quand je dis nationale, je parle pour Québec. Est-ce que vous pensez que c'est une étude qui aurait dû suivre une étude nationale ou si une étude nationale devrait suivre une étude partielle comme celle de la communauté urbaine, bien que ce soit tellement grand comme territoire?

Est-ce que vous pensez que ça peut s'aménager en ayant fait une étude particulière et précise, pour ensuite avoir un plan général, plutôt que d'avoir commencé par un plan général pour retrouver des études comme la commission Hannigan par la suite?

M. ALAURENT: Je dois dire que les études concernant la communauté urbaine et singulièrement celle de Montréal et le cas de Montréal même, cela introduit toujours une certaine ambiguïté dans la pensée même et dans les idées que l'on peut avoir de ce type d'opération. Montréal et la région montréalaise sont un phénomène en soi et, dans l'étude de la loi elle-même, nous avons été, à un certain moment, arrêtés par la discussion au sujet de ce qui se passe, si tel article s'applique à Montréal, au lieu de s'appliquer à la municipalité de "Saint-Exemplaire." En fait, il nous semble que l'étude à l'échelle de la province, Montréal excepté, devrait précéder une des études de délimitation en partant des noyaux, ces noyaux qui sont toujours indispensables à la définition et à la solidité d'une région.

M. LEGER: II y a aussi des relations entre les régions.

M. ALAURENT: Bien entendu.

M. LEGER: Une dernière question. Vous avez parlé tantôt dans votre exposé, en plus d'un conseil interministériel, d'un conseil de l'aménagement du territoire; quelles seraient les relations entre ces deux conseils qui relèvent tous les deux du ministre, selon ce que vous proposez?

M. ALAURENT: Ce sont des relations qui peuvent apparaître comme un dédoublement mais qui n'en sont pas tout à fait un. Je prends l'exemple, si on veut, de l'organisation française, qui dispose depuis longtemps d'un commissariat général du plan. Disons en passant que ce commissariat général du plan est un organisme doté de moyens propres extrêmement faibles et qu'il agit très généralement par concertation, en tirant des ministères l'essentiel de sa documentation, et aussi d'une délégation à l'aménagement du territoire et à l'aménagement régional qui portait le nom de Datar.

La création du second organisme Datar, a répondu dans une certaine mesure au souci d'un aménagement physique ou des sauvegardes physiques qui s'opposent assez souvent à la volonté ou à des projets industriels. C'est, si l'on veut, dans une certaine mesure, un ministère de l'environnement ou un organisme de coordination des problèmes de l'environnement qui relève du premier ministre comme le commissariat général au plan et qui joue un rôle fondamental d'ailleurs dans la définition de ce qui est, comme il a été dit tout à l'heure, à sauvegarder, à protéger, à conserver dans l'équi-

libre de la planification régionale, où les intérêts particuliers et même ceux de l'Etat sont souvent en opposition avec ceux de cette sauvegarde.

M. LEGER: Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le professeur, dans votre mémoire ou celui de la corporation, vous faites référence à la page six de la formation d'un conseil latéral qui serait en quelque sorte le pendant du conseil interministériel. Pourriez-vous nous dire pour quelle raison, dans vos recommantations contenues à la page six, vous n'accepteriez pas que le gouvernement reçoive des recommandations en plus de celles que vous énumérez: a) des associations ayant pour principal objet la sauvegarde et l'amélioration du milieu physique; b)les universités et organismes provinciaux de recherche en ce domaine; c)les professionnels ayant pour vocation l'établissement des schémas, plans et règlements définis par la présente loi; des recommandations qui pourraient être faites par exemple par l'Union des conseils de comté, par les communautés urbaines, que ce soit celles de Montréal, de l'Outaouais ou de Québec, ou par les grandes villes telles que Montréal et Québec? Pourquoi, à la lecture de votre lettre — c'est l'impression que j'en ai — vouloir limiter à ces trois organismes ou à ces trois corps recommandés à votre page six au gouvernement la liberté de consultation?

M. ALAURENT: Lors de mon exposé tout à l'heure, j'ai mentionné qu'il s'agissait d'une suggestion et que, évidemment, il ne s'agissait pas d'une suggestion limitative et que la composition et l'équilibre de ce conseil doivent être étudiés et mis au point ultérieurement. Il ne s'agit pas d'un ostracisme vis-à-vis des représentants régionaux déjà établis et dont le rôle est capital au sein des conseils régionaux d'ailleurs.

M. PAUL: Si je comprends bien la portée de vos propos, c'est que la liste des organismes suggérés n'est pas limitative.

M. ALAURENT: Absolument Das.

M. PAUL: Maintenant, à la page douze de votre mémoire, lorsque vous traitez du problème des commissions d'aménagement de secteur, vous terminez ce chapitre en disant: "Pour assurer un nécessaire équilibre, chaque municipalité devrait désigner deux représentants, dont un contribuable résident." Pourquoi pas deux contribuables résidents?

M. ALAURENT: Là aussi, nous nous trouvons en face...

M. PAUL: Parce que, remarquez bien, je ne veux pas vous prêter d'intention, mais est-ce que vous voudriez protéger les intérêts des membres de votre corporation?

M. ALAURENT: Absolument pas.

M. PAUL: Je ne vous en ferais pas un reproche mais je voudrais savoir pour quelle raison vous suggérez au législateur une telle représentation sous prétexte de mieux équilibrer la représentation au sein de la Commission d'aménagement de secteur.

M. ALAURENT: Nous avons pensé quasi automatiquement que, si chaque municipalité n'avait qu'un représentant à la commission de secteur, elle nommerait peut-être son maire ou un membre de l'administration municipale représentatif et qu'on aboutirait ainsi à une Commission d'aménagement de secteur où les citoyens ne seraient pratiquement pas représentés. C'est une considération d'ordre pratique. Il serait assez étonnant que les choses se passent d'une façon différente.

En proposant qu'il y ait deux représentants dont au moins un parmi les citoyens résidents, nous pensons établir effectivement un équilibre, mais s'il y a deux citoyens résidents, nous n'y voyons que des avantages.

M. PAUL: Si je comprends bien la précision de votre pensée, du texte, vous suggéreriez qu'il y ait deux représentants dont un ne serait pas un officier municipal, au sens de la loi?

M. ALAURENT: Voilà. M. PAUL: Très bien.

M. ALAURENT: J'ajouterais tout de suite, si vous me le permettez, que cela n'a aucun rapport avec les intérêts corporatifs.

M. PAUL: Non, remarquez bien que je ne voulais en aucune façon vous prêter de tels motifs. C'est justement parce que j'ai trop de respect pour votre corporation que je ne voulais pas qu'un tel doute persiste.

M. ALAURENT: Je vous en remercie.

M.PAUL: M. le professeur, un esprit qui semble se dégager de cette loi, de cet avant-projet de loi, qui, je l'espère, ne sera pas retenu, c'est que l'on semble porter grave atteinte, dans le texte tel que préparé, à l'autorité municipale. Est-ce que vous vous êtes arrêtés à cet aspect de notre loi?

M. ALAURENT: Nous l'avons mentionné... Nous nous y sommes arrêtés, bien entendu, et nous l'avons mentionné à plusieurs reprises, en particulier lorsque nous avons proposé que les schémas d'aménagement, les schémas d'urbanisme, plus exactement, puissent être, en tout cas,

préparés ou commandés par toutes les municipalités comme elles en ont d'ailleurs déjà le droit. Leur enlever ce droit et le subordonner à une initiative centrale nous a paru effectivement entreprendre sur leurs prérogatives actuelles.

M. PAUL: Est-ce que vous verriez d'un bon oeil que l'adoption de cette loi, à toutes fins pratiques, fasse disparaître le mécanisme des référendums que nous connaissons tant dans la Loi des cités et villes que dans le code municipal?

M. ALAURENT: Sur ce point, notre groupe d'étude a été très partagé. Certains d'entre nous ont considéré qu'il s'agissait de la disparition d'une partie des procédures de démocratie directe et nous n'avons pris, dans l'ensemble, aucune partie décisive à cet égard.

M. PAUL: Ceux qui ont pu exprimer certains doutes quant à cette disparition du référendum se sont peut-être interrogés afin de savoir comment, maintenant, le contribuable pourrait exprimer son point de vue sur le problème de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire. Vous n'êtes pas obligé de me répondre.

M. ALAURENT: Le projet répond...

M. PAUL: Je me figure que c'est là une des principales préoccupations de ceux qui ont été inquiets de telles mesures dans la loi.

M. ALAURENT: Le projet lui-même répond par une procédure nouvelle à la substitution et aux inquiétudes que l'on peut avoir quant à la suppression totale de la procédure du référendum.

M. PAUL: Est-ce que vous le jugeriez plus démocratique? Vous n'êtes pas obligé de répondre. De toute façon, je tiens à vous remercier, M. le professeur, et ceux qui, avec vous, ont travaillé à nous présenter un excellent mémoire qui, j'en suis sûr, nous servira de point d'appui, de discussion et d'orientation lorsque nous aurons le texte définitif de la loi à adopter, à étudier.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député d'Argenteuil, maire de Lachute.

M. SAINDON: M. le Président, je veux tout simplement faire une mise au point ici, à l'intention du député péquiste de Lafontaine, pour ménager nos énergies et nous éviter de perdre du temps. C'est au sujet de la responsabilité de cette commission. La responsabilité de cette commission n'est pas d'étudier un projet de loi d'aménagement, d'urbanisme national. Pour autant que je sache, nous n'avons aucune autorité en dehors de la province de Québec.

J'aimerais bien que l'on se limite à discuter de l'avenir du territoire de la province de Québec et qu'on laisse le Canada aux autres provinces concernées.

M. LEGER: M. le Président, permettez-moi tout simplement de faire la nuance suivante: C'est que, en ce qui nous concerne comme Québécois francophones, l'aspect national pour nous, c'est le Québec. J'avais fait la nuance tantôt.

M. SAINDON: La langue et le territoire, ce sont deux...

M. LEGER: Moi, je parlais de l'aspect du territoire national des Québécois.

M. SAINDON: Moi, je parle du territoire et non pas de la langue.

M. PAUL: En résumé, vous voulez avoir...

M. LEGER: Nous sommes à l'Assemblée nationale ici, remarquez bien.

LE PRESIDENT (M. Picard): Avez-vous terminé?

M. SAINDON: Pour l'instant, oui.

LE PRESIDENT (M. Picard): L'honorable ministre.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, comme Québécois francophone, je suis très intéressé à ce débat et je retiens les commentaires d'ordre linguistique de la Corporation des urbanistes; je retiens aussi plusieurs éléments de cet excellent mémoire. Je note l'insistance sur la nécessité d'envisager l'expression d'un point de vue régional; c'est un point soulevé par d'autres et que nous voudrons examiner d'une façon assez particulière.

Je note aussi à la page 16 de votre mémoire votre reconnaissance de la nécessité de mesures de contrôle intérimaires pour éviter la création de faits accomplis — et je pense que l'on peut aller un peu plus loin, vous avez sans doute eu trop de politesse pour le dire— mais qui pourraient être créées de façon absolument spéculative. Or, nous ne voudrions pas, par la mise en application d'une telle loi éventuelle, qui prendra, cette mise en application, un certain temps nécessairement, créer une situation qui serait défavorable aux intérêts des contribuables.

Je retiens aussi une expression que je trouve heureuse sur le plan linguistique et qui provoque la réflexion. A la page 28 de votre mémoire, vous parlez "d'atteintes à la personnalité municipale." Ceci m'amène à citer quelques lignes de votre mémoire préliminaire intitulé "Commentaires généraux", où l'on trouve ce qui suit et je cite: "Les municipalités trouve-

ront enfin dans les schémas d'échelles supérieures les données nécessaires à la pertinence de leurs propres projets et la rationalité de la hiérarchie géographique établie par l'avant-projet est indiscutable." Je suis réconforté par ces mots, parce que je trouve là-dedans l'expression d'une pensée que j'avais essayé d'exprimer moi-même dans mes remarques préliminaires. Mais je voudrais peut-être vous pousser, comme le député de Maskinongé l'a fait tout à l'heure, à vous exprimer avec un peu plus de précision sur les mécanismes qui devraient présider à la consultation et à la concertation au niveau municipal, au niveau local.

Le député de Maskinongé vous a posé une question précise en ce qui concerne le mécanisme de référendum. Mais puisque ce n'est pas le seul mécanisme possible, puisque c'est une question qu'il faudra résoudre en relation avec d'autres mécanismes possibles, si vous pouviez vous exprimer avec un peu plus de précision sur la consultation et la concertation, comment voyez-vous cette consultation se faire? Comment voyez-vous l'expression de l'opinion locale atteindre l'oreille de celui — la personne morale — qui sera chargé de la décision éventuelle quant à la planification pour le Québec tout entier?

M. ALAURENT: M. le Président, c'est une question difficile, parce qu'elle pourrait me conduire à des considérations d'ordre technologique, c'est-à-dire sur les mécanismes mêmes d'élaboration des plans par l'urbaniste.

Les réflexions générales que l'on a pu faire sur l'avant-projet de loi nous ont conduits à regretter que, dans une certaine mesure, l'évolution des processus de l'urbanisme n'ait pas été prise en considération.

Dans une certaine mesure, tout se passe comme si nous étions encore en 1950 et comme si le plan était un plan commandé en A et qui sort en Z tout armé de la cervelle de Minerve, c'est-à-dire un urbaniste ou pseudo-urbaniste... Mais les choses ont beaucoup évolué. Nous sommes, en général, entraînés précisément, comme responsables des propositions, à procéder maintenant par phases, par étapes — ce qui ne veut pas dire que nous allongeons le processus — c'est-à-dire par des premières études de reconnaissance très rapides, au cours desquelles nous pouvons procéder déjà à une première présentation des projets et au choix qui se présente. C'est extrêmement important, parce qu'à cette phase de l'étude nous avons, de la part des pouvoirs publics, une idée assez précise, et leur programme, même qui souvent est très vague au moment où il est donné à l'urbaniste, se précise et où on s'engage dans des voies qui, par des options successives, de plus en plus précises, nous donneront une option finale.

Je dois dire que l'expérience de la consultation directe auprès de la population présente, bien entendu, un certain nombre d'inconvénients. Elle risque dans un certain cas de prolonger inutilement des objections, des débats, des discussions, etc., entre le comité des citoyens et groupements plus ou moins représentatifs des intérêts véritables de ceux-ci, et aussi d'ailleurs une réserve qui tient au fait qu'assez fréquemment les élus du peuple se considèrent en face du technicien, comme les seuls interlocuteurs valables. Il n'est pas tout à fait rare que l'on interdise à l'urbaniste pratiquement de pousser trop loin la présentation de ces avant-projets ou de ces documents de reconnaissance.

M. L'Italien qui va être ici le porte-parole de l'Association canadienne de l'urbanisme, va très probablement souligner combien cette question de la Commission d'urbanisme est délicate et combien l'établissement d'une sorte d'équilibre à l'intérieur de cette commission entre les intérêts purement économiques et les intérêts sociaux souvent atomisés jusqu'à la dimension d'un petit quartier, nécessite d'attention. Il reste, dans l'élaboration des règlements qui pourrait intervenir, relativement à la composition des commissions d'urbanisme, encore beaucoup de travail à faire. Ajoutons d'ailleurs qu'il s'agit dans une très large mesure, de la dimension de la communauté considérée et que ce qui peut apparaître facile dans une petite ville, peut devenir inextricable à l'échelon d'une communauté urbaine de grande dimension.

M. GOLDBLOOM: Merci.

M. LE PRESIDENT (M. Picard): Merci. Je désire, au nom des membres de la commission, remercier les porte-parole de la Corporation des urbanistes du Québec, plus particulièrement M. Marcel Junius, premier vice-président, de même que le professeur Jean Alaurent.

Je désire maintenant faire part à nos invités que la commission ajournera sine die à une heure. Cela veut dire que nous ne pourrons pas siéger ni cet après-midi, ni ce soir, à cause du débat en Chambre sur le discours inaugural. Nous allons siéger jusqu'à une heure cet après-midi.

J'inviterais maintenant Me Pierre Viau, qui est à la fois le porte-parole de l'Union des conseils de comté et de la ville de Longueuil, à présenter l'un ou l'autre des deux mémoires.

Union des conseils de comté

M. VIAU (Pierre): Avec la permission de cette commission, je commencerai par le mémoire de l'Union des conseils de comté qui est très bref et qui fait connaître une position déjà expliquée antérieurement dans d'autres mémoires. Je suis accompagné du président de l'Union des conseils de comté et maire de Verchères, M. Jean-Marie Moreau.

Nous avons lu et relu attentivement l'avant-projet de Loi de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire déposé en décembre 1972. Nous avons, de plus, lu et relu attentivement le

numéro de janvier 1973 de la publication du ministère des Affaires municipales intitulée "Municipalité 73" puisque aucune note explicative n'était jointe à l'avant-projet de loi. C'est avec regret que nous sommes aujourd'hui forcés d'exprimer notre déception devant cette commission et d'attirer son attention sur les points suivants :

Premièrement, l'Union des conseils de comté du Québec n'a pas été consultée sur le contenu de l'avant-projet de loi ci-haut mentionné. Pourtant, on lit en page 4 de "Municipalité 73" les mots suivants: "Cet avant-projet de loi, a dit le ministre Tessier, a fait l'objet de consultations aussi nombreuses que variées auprès des municipalités et des organismes spécialisés. L'an dernier, par exemple, l'Union des municipalités du Québec a tenu des ateliers de travail pendant deux jours sur ce projet."

Pourquoi alors avoir ignoré le travail qui se fait chez nous, à l'Union des conseils de comté, depuis près de cinq ans et qui est consigné dans de nombreux mémoires, dans des résolutions et même dans un schéma de loi adopté d'ailleurs lors de notre dernier congrès de septembre dernier?

Nous ne nous opposons pas au désir que peut ressentir l'Etat de s'occuper des questions d'urbanisme et d'aménagement du territoire puisqu'il y a déjà longtemps que cette question préoccupe nos collectivités locales. Ce que nous ne voulons pas, c'est d'être ignorés, sauf pour payer l'addition de tous ces beaux projets. Et, dans le cas qui nous occupe, nous avons été ignorés et nos revendications n'ont pas été entendues.

C'est le premier point que nous tenons à soulever sur l'avant-projet. Deuxièmement, ceux qui ont rédigé cet avant-projet de loi connaissent-ils l'existence du code municipal? Quant à nous, nous leur accordons le bénéfice du doute: ils en sont ignorants. Sinon, il faudrait admettre qu'ils ont, de propos délibéré, retiré aux conseils du comté une de leurs comptétences.

En effet, voyons ce que décrète l'article 422 du code municipal. "Toute corporation de comté peut faire amender ou abroger des règlements mentionnés aux sections I, II, III, IV, V, VI et VII du chapitre 2 du présent titre, c'est-à-dire les articles 390 à 398, dans l'article 402 et dans le premier paragraphe de l'article 403 et exercer, pour des fins de comté, le pouvoir général de réglementation prévu à l'article 414."

Lorsqu'il a inséré dans le code municipal les articles 392 a) à 392 f ) relatifs à l'urbanisme et au zonage, le législateur a jugé sage de laisser tel quel l'article 422, sans doute pour permettre, dans l'avenir, l'élaboration de plans locaux et de plans de comté.

Les conseils de comté ont donc présentement une juridiction conjointe avec les corporations locales en matière de construction, d'urbanisme, d'aménagement du territoire et de zona- ge. L'article 127 de l'avant-projet de loi les rayerait définitivement de la carte. C'est clair et ça va directement à l'encontre du code municipal ainsi que des revendications faites par les conseils de comté pour compléter et améliore! les pouvoirs qu'ils détiennent actuellement.

Troisièmement, il est évident que cet avant-projet de loi n'est applicable qu'en regroupant des municipalités. L'article 13 prévoit d'ailleurs que "le ministre peut, de sa propre initiative ou à la demande d'une ou de plusieurs municipalités, ordonner le regroupement de plusieurs municipalités pour les fins de la confection d'un schéma d'aménagement de leur territoire.

Le groupe comprend la totalité ou une partie d'un territoire non organisé contigu à celui de l'une des municipalités."

Pourquoi utiliser une telle méthode qui s'inspire largement du processus prévu dans la Loi sur l'évaluation foncière alors que les conseils de comté sont là avec leurs pouvoirs? Vous voyez, comme nous, que cela ne tient pas.

Il faut dont relire ce que les conseils de comté présentent depuis plusieurs années. On y retrouve des recommandations précises, efficaces, peu coûteuses et qui respectent des structures bien connues de notre monde rural. Nous croyons inutile à ce stade-ci d'analyser article par article cet avant-projet de loi.

Nous sommes par ailleurs heureux de voir que le législateur n'en a pas fait un projet de loi et qu'il a pris bien soin d'imprimer en première page les mots "Document de travail."

Nous recommandons pour le moment que ce document reste à l'étude tout le temps qu'il faudra pour que l'on puisse y apporter les importantes modifications nécessaires pour le rendre conforme au voeu du monde rural du Québec.

Messieurs les membres de cette commission, vous savez que nos terres constituent l'une des plus importantes parties de notre patrimoine québécois. La moindre erreur en matière de législation sur l'aménagement du territoire peut détruire à jamais ce que des générations ont mis à accumuler et à bâtir.

Nous avons encore nos terres et nous tenons à les conserver. Ainsi ne saurions-nous pas trop insister pour vous recommander de mettre tout le temps nécessaire à l'élaboration d'une loi qui soit juste pour tous nos gens, en vous inspirant des recommandations que nous faisons depuis fort longtemps d'ailleurs.

Merci.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, est-ce que je peux demander à Me Viau si l'Union des conseils de comté a quand même l'intention de soumettre un mémoire additionnel qui examinerait en plus de détails le document que nous avons sous les yeux?

M. VIAU: Nous avons certainement l'intention de poursuivre l'étude du document de travail, sauf que nous devons, ici, insister sur le

fait que nous avons déjà fait des études et que nous avons déjà fait des recommandations depuis 1967 ou 1968 sur la question. Nous n'avons aucune objection. D'ailleurs, nous pouvons continuer à étudier ce document de travail, ce que nous allons certainement faire. Sauf qu'il y a, à la base même du document, une question de principe que nous avons déjà expliquée depuis plusieurs années et que nous aimerions voir établie de façon à orienter notre travail futur. Puisque, si l'on va du côté d'une augmentation des pouvoirs des conseils de comté, c'est tout à fait différent que de travailler dans l'optique qui peut être présentée avec un tel document de travail. C'est donc dire qu'il y a, à la base, une question de principe.

Quant aux détails, nous pouvons certainement analyser article par article, mais vous admettrez comme nous que c'est un travail vraiment considérable. Sans savoir si nous allons à l'encontre de nos recommandations de base, on peut se poser la question à savoir si c'est un travail qui aura une implication sur le terrain, puisque les municipalités sont en définitive celles qui doivent appliquer la loi chez elles.

M. GOLDBLOOM: II me semble, Me Viau, que l'alternative serait l'étude de cet important projet de loi — projet éventuel, avant projet aujourd'hui — en l'absence d'une contribution précise de l'Union des conseils de comté. Si nous avons aujourd'hui, pour la première fois mais pas pour la dernière, des audiences publiques, pour discuter de ce document, c'est précisément parce que l'on voudrait mettre en juxtaposition des points de vue qui viennent de différentes sources.

Je pense bien, tout en reconnaissant ce que vous venez de dire, soit que l'Union des conseils de comté s'est exprimée déjà dans d'autres documents sur ce sujet, que l'on pourrait sûrement dire la même chose de la Corporation des urbanistes du Québec que nous venons d'entendre. Ce n'est pas parce que nous voudrons imposer à quelque organisme que ce soit un travail fastidieux, un dédoublement de ce qui a déjà été fait. Il y a quand même, aujourd'hui, un document précis qui n'existait pas dans le passé, et l'Union des conseils de comté soumet qu'il y a là-dedans des divergences d'orientation avec sa pensée.

Evidemment, elle voudrait exprimer de nouveau sa pensée en relation avec cet avant-projet de loi. Mais je me permets de croire et d'espérer que l'Union des conseils de comté serait aussi sensible aux arguments avancés par d'autres organismes qui pourraient amener des modifications d'attitude de part et d'autre.

Certainement, le gouvernement, en présentant un avant-projet plutôt qu'un projet, veut faire preuve d'une ouverture d'esprit qui amènerait chez lui des modifications possibles d'orientation. Alors, je pense qu'il serait hautement désirable que l'Union des conseils de comté précise, en relation avec le document, sa pensée.

M. VIAU : Je présume que cette commission n'aurait pas d'objection s'il y avait des précisions de pensée de la part de l'Union des conseils de comté dans ce domaine, que ces précisions puissent venir par amendements, par exemple, au code municipal qui prévoit déjà des structures toutes établies pour régir les questions de comté. Or, c'est beaucoup plus facile et beaucoup plus pratique, quand on connaît d'ailleurs la façon dont se développe sur le terrain, dans nos municipalités rurales, la façon dont on administre nos municipalités et la façon dont on applique cette loi. Je présume qu'on n'aurait peut-être pas d'objection, plutôt que de parler d'une loi d'urbanisme comme telle, de parler d'amendements à un code municipal qui est quand même un des trois codes provinciaux connus au Québec, bien connus, et dont on se sert régulièrement et couramment. A ce niveau-là, je pense que la chose peut certainement être faite.

M. GOLDBLOOM: Me Viau, la commission parlementaire a, pour le bon ordre de ses travaux, certaines exigences quant à la forme des présentations. Quant au contenu, je pense bien que chaque organisme est libre de présenter son point de vue et de suggérer une autre voie à suivre si la voie proposée n'est pas celle qui fait l'affaire des intéressés.

Je voudrais terminer par un commentaire et une question. Peut-être deux questions plutôt que de faire un commentaire. Est-ce que vous êtes au courant d'une conversation qui a eu lieu au mois de janvier à Ottawa à l'occasion d'une conférence fédérale-provinciale sur le logement? A cette conférence, un représentant de l'Union des conseils de comté faisait partie de la grande délégation québécoise. Est-ce que vous êtes au courant d'une conversation entre un représentant du ministère, M. Claude Langlois, et Me Conrad Delisle qui, si je suis bien informé, est un autre des conseillers juridiques de l'Union des conseils de comté, et le maire Camille Poliquin qui était effectivement le représentant de l'Union des conseils de comté, et que cette conversation portait sur la mise à la disposition de l'Union des conseils de comté d'une personne-ressource pour, justement, discuter de ce document de travail et pour amener le genre de consultation dont, dans le premier point de votre mémoire, vous affirmez avoir été absent?

M. VIAU: Je ne suis pas au courant, M. le ministre. Je vais m'informer.

M. GOLDBLOOM: C'est un malentendu, un manque de communication à un certain niveau, parce que je peux vous affirmer que cette offre a été faite et je regrette qu'elle n'ait pas été suivie de façon à vous permettre le genre de consultation que vous vouliez avoir avant.

M. VIAU: Si vous me permettez, M. le

ministre, ce que nous avons souligné dans notre mémoire, c'est la consultation qui aurait pu précéder le dépôt du document de travail. Evidemment, quand un document de travail est déposé, par la suite on peut en parler, tout le monde en parle, c'est public, les media d'information en parlent. Mais la consultation qui aurait pu précéder le dépôt de l'avant-projet de loi de l'urbanisme, je ne crois pas, et je pense que nous pouvons affirmer ici que l'Union des conseils de comté n'a pas été consultée. C'était sur ce seul point-là que portait notre remarque. Par la suite, évidemment, tout le monde a parlé d'aménagement de territoire. C'est bien possible que ce que vous avez mentionné soit la réalité, mais avant, il n'en a pas été question.

M. GOLDBLOOM : Mon autre commentaire touche votre troisième point: Le regroupement de plusieurs municipalités pour les fins de la confection d'Un schéma d'aménagement de leur territoire.

J'ai bien pris soin, avant que les présentations ne commencent, de souligner que je ne voulais pas que cet avant-projet de loi soit perçu comme un moyen détourné d'effectuer un regroupement. Il est quand même, à mon humble avis, nécessaire que des municipalités parlent ensemble au sujet d'un territoire conti-gu. Il nous est arrivé de vouloir amener des municipalités à s'asseoir à une même table pour la discussion de leur intérêt qui, aux yeux de n'importe quelle personne objective, semblerait commun, et d'essuyer un refus de la part de ces municipalités de se rencontrer pour constituer un organisme quelconque, un comité pour discussion. Est-ce que l'Union des conseils de comté peut me donner des suggestions quant au moyen de contourner ce genre de difficultés qui, malheureusement, existent au Québec et dans plusieurs régions?

M. VIAU: La suggestion est assez simple; elle est faite depuis maintenant près de cinq ans. Il s'agit d'améliorer et d'augmenter les pouvoirs conférés au conseil de comté. Peut-être la chose est-elle mal expliquée ou mal connue, mais cette structure du comté existe déjà depuis bien avant la Confédération. D'ailleurs, il constitue une corporation au même titre qu'une corporation municipale. Le conseil a des pouvoirs de lier envers les tiers et vous savez que, même présentement, certaines corporations de comté ont contracté des emprunts pour des travaux. C'est une véritable corporation qui est formée des maires des municipalités concernées. Or, c'est à ce niveau, croyons-nous, que nous devons donner des pouvoirs, si on pense qu'il faut en donner, pour traiter de l'aménagement du territoire à un niveau supramunicipal. Cette suggestion est faite depuis déjà longtemps et nous prenons aussi bonne note du fait que ce n'est pas l'intention du ministre de faire du regroupement par le truchement de cette loi. Nous en sommes heureux puisque la publica- tion "Municipalité 73" mentionnait en page 8, en expliquant la loi: "Le ministre des Affaires municipales, de sa propre initiative ou à la demande d'une ou de plusieurs municipalités, peut ordonner le regroupement de plusieurs municipalités pour les fins de la confection du schéma d'aménagement de leur territoire". Or, dans notre esprit, lorsque nous avons étudié Pavant-projet et ce texte, il nous semblait qu'on parlait bien de regroupement. Cette question étant mise à part, ce que nous disons, c'est qu'il est évident qu'il faut au niveau supramunicipal trouver un endroit où on puisse discuter de problèmes communs. Au niveau du monde rural, cet endroit existe depuis longtemps et c'est le conseil de comté. A ce moment, nous pensons qu'il serait intéressant de travailler à ce niveau.

M. GOLDBLOOM: Me Viau, je m'attendais à votre réponse, évidemment, mais votre réponse amène deux autres questions. Etes-vous convaincu que le simple fait que le conseil de comté se charge de la responsabilité à la place de quiconque d'autre aussurerait la participation de toutes les municipalités, la collaboration de toutes les municipalités? Deuxièmement, que faites-vous quand la difficulté se situe entre des municipalités membres de l'Union des conseils de comté et des municipalités qui n'en sont pas membres?

M. VIAU: La réponse à votre première question est oui. La réponse à votre deuxième question est que je pense que le problème existe, peu importe le mécanisme qui sera apporté dans la législation provinciale entre les centres densément peuplés et l'arrière-pays. Cela existe dans tous les pays du monde, cela ne fait pas de différence ici chez nous, il y aura toujours certains problèmes pour accorder les centres plus peuplés et les centres moins peuplés. D'abord, parce que ce sont des mondes assez différents sans vouloir aller plus loin là-dedans. Sauf que la chose n'est pas irréalisable.

Nous avons étudié et recommandé qu'on poursuive les études de façon à avoir des mécanismes qui pourraient être mis de l'avant à l'intérieur d'un même comté pour établir des collaborations entre certains centres plus importants et les régions autour. Ceci est venu du fait que, malgré la bonne volonté de toutes les parties en cours de route, on s'est aperçu que malgré certaines dispositions permettant par exemple des ententes intermunicipales et des commissions intermunicipales, souvent on avait de la difficulté à les faire fonctionner du fait qu'elles ne peuvent même pas se lier vis-à-vis des tiers, et quand on venait à la pratique pour régler des questions bien matérielles, cela accrochait, simplement pour la répartition du coût ou pour des contrats à long terme, cela accrochait.

Or, cette question reste et restera toujours

une question de collaboration. D'ailleurs, lors du dernier congrès de l'Union des conseils de comté, des exposés avaient été faits et ont été remis au gouvernement provincial en disant qu'il pourrait certainement y avoir une amélioration de ce côté-là, du fait même que nous avons vécu des cas où certaines régions et même des villes qui ne font pas partie d'un conseil de comté seraient intéressées à en faire partie pour certaines fins particulières. On ne voit donc pas pourquoi on ne pourrait pas régler cette question. Nous pensons qu'elle peut certainement se régler. Je pense qu'au fond il faut trouver à l'intérieur de ce que nous avons déjà des façons d'ajuster le système de façon que cela fonctionne peut-être mieux. Mais quand certaines questions sont typiquement rurales, à ce moment-là, c'est à ce niveau qu'il faut les régler. IL ne faut pas non plus empêcher le règlement de certaines questions par d'autres problèmes qui sont différents. Alors, nous pensons que cela peut se régler à ce niveau-là.

Evidemment, tout cela est en pleine évolution comme partout ailleurs, mais si on constate les difficultés qu'on a eues dans plusieurs pays en implantant des plans régionaux et en travaillant sur des bases, des morceaux de pays complets, on s'aperçoit que les principaux problèmes reviennent toujours à ce problème local où on n'a pas pu ajuster tous les facteurs qu'on devait ajuster pour faire fonctionner le système.

M. GOLDBLOOM: Merci.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Maskinongé.

M. PAUL: Me Viau, vous me permettrez bien, en tant que représentant d'une circonscription rurale, d'abonder sans réserve dans le sens du mémoire que vous nous avez présenté ce matin. D'ailleurs, dans mes propos à l'ouverture de la séance de la commission parlementaire, j'ai fait référence à la position de l'Union des conseils de comté sur cette étude de notre avant-projet de loi de l'urbanisme.

L'honorable ministre vous a tout à l'heure indirectement demandé de faire connaître votre position dans un mémoire subséquent que vous pourriez adresser à la commission parlementaire. Est-ce qu'il y aurait possibilité pour vous, Me Viau ou Me Moreau, de nous faire parvenir un résumé des différentes recommandations que vous auriez faites à l'Union des conseils de comté depuis les années 1960 et 1962, et, en même temps, de nous faire connaître ce qui, d'après vous, devrait être apporté comme amendement au code municipal. Cela faciliterait le travail des membres de la commission et sûrement que le ministre également aurait besoin de ces informations pour connaître la position de l'Union des conseils de comté sur le sujet. Est-ce qu'il vous serait possible de le faire?

M. VIAU: Certainement et nous allons le faire.

M. PAUL: Tout à l'heure, le ministre des Affaires municipales a fait référence à une rencontre qui aurait eu lieu à Ottawa au mois de janvier. Il ne faut pas oublier une chose, c'est que l'avant-projet de loi a été déposé au mois de décembre. Or, dans votre mémoire vous reprochez un manque de consultation avant la parution de ce projet de loi. Vous ne niez pas que, subséquemment à la publication de cet avant-projet de loi — il y a des consultations au niveau personnel et peut-être même en tant que groupement des municipalités — vous ayez pu discuter de ce projet de loi.

M. VIAU: II est bien évident que toutes les municipalités en ont discuté depuis sa parution. Mais, antérieurement au projet, nous n'avions pas été consultés. C'est ce que nous avons voulu souligner.

M. PAUL: M. Moreau, pouvez-vous nous dire si vous avez été surpris de voir l'article 127 inscrit dans cette loi qui dit ceci: "La présente loi remplace toutes les dispositions législatives générales ou spéciales applicables à une communauté et à une municipalité relatives aux matières visées par la présente loi", à la suite de la déclaration qu'avait faite le ministre Tessier à l'occasion du congrès de septembre dernier, quand il avait dit — première version — que les conseils de comté seraient appelés à disparaître?

M. MOREAU: Non. Nous n'avons pas été surpris des dispositions de l'article 127. Non, certainement pas.

M. PAUL: A toutes fins pratiques, vous avez bien l'impression que vous allez disparaître, si le texte de loi restait ce qu'il est?

M. MOREAU: Si on se fie à ce projet, certainement. Mais je pense qu'avec les nouvelles dispositions et aussi des amendements au code municipal, cela assurerait aussi la survie des conseils de comté.

M. PAUL: II y a encore une chose. Vous vous réjouissez, à l'avant-dernière page de votre mémoire, lorsque vous dites ceci: Nous sommes, par ailleurs, heureux de voir que le législateur n'en a pas fait un projet de loi, et qu'il a pris bien soin d'imprimer en première page les mots "document de travail". Si vous vous rappelez, à un moment donné, il y a eu deux ministres des Affaires municipales: il y a eu le ministre des Affaires municipales rurales, qui était le premier ministre, et le ministre des Affaires municipales urbaines, qui était le député de Rimouski. Si vous avez été sauvés ici, ou, du moins, si vous avez une lueur d'espoir, c'est

parce qu'il y a lieu d'espérer que le ministre actuel, avec l'ouverture d'esprit qu'on lui con-nait, est toujours prêt à un dialogue avec l'Union des conseils de comté. Si vous nous transmettez les suggestions que vous avez déjà adoptées ou faites au gouvernement, je serais fort surpris si certains hauts fonctionnaires du ministère des Affaires municipales ne s'arrêtaient pas pour lire d'abord le code municipal et ensuite reconnaître le bien-fondé de certaines recommandations que vous pourriez nous faire. De toute façon, nous attendrons vos notes additionnelles de recommandations pour travailler dans un grand esprit de collégialité et de collaboration avec le ministre, à moins qu'il ne devienne aussi renfermé et aussi têtu que son prédécesseur.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Lafontaine. >

M. LEGER: M. le Président, je veux seulement poser une question à Me Viau. Est-ce que l'Union des conseils de comté est directement opposée à la création, dans un avenir proche ou lointain, de gouvernements régionaux ou de conseils régionaux? Etes-vous directement opposés à cette idée ou si vous évaluez qu'il faudrait y avoir une nouvelle forme, une certaine forme de gouvernements régionaux qui pourraient regrouper, peut-être, certains groupes de conseils de comté?

M. VIAU : Je pense que la politique de base des conseils de comté, qui est connue depuis déjà fort longtemps d'ailleurs, est d'augmenter les pouvoirs des conseils de comté, qui, dans notre optique, sont déjà des gouvernements supramunicipaux. H y en a 71 au Québec. Que l'on pense que, dans l'avenir, on devra les augmenter ou les diminuer, c'est une question à considérer plus tard, mais d'abord il faut faire fonctionner ce que l'on a déjà et qui peut fonctionner et qui existe, avec une structure à laquelle les gens sont déjà habitués, qu'ils connaissent bien et qui a été vidée de ses pouvoirs, au fond. Notre thèse est donc celle-là, et c'est de partir avec ce que nous avons déjà. Comme dans toute question nouvelle, il faut quand même voir ce que nous avons déjà pour faire fonctionner les projets et nous croyons qu'il, y a déjà là ce qu'il faut pour amorcer un travail. Si vous vérifiez au code municipal — je ne veux pas prendre plus de temps qu'il n'en faut — il y a par-dessus les conseils de comté ce que l'on appelle le bureau des délégués, qui est un organisme fait pour régler les problèmes intercomtés. Or, toute la pyramide administrative est déjà là. Si on trouve qu'un problème doit se régler au-dessus d'un comté, grouper trois ou quatre comtés, ce qui arrive encore pour régler certains cours d'eau, c'est le bureau des délégués qui siège et qui règle le problème. Tout cela existe déjà dans notre législation. Que ce soit précisé, amélioré, soit; mais c'est là la position de base.

M. LEGER: Cela veut dire quand même que vous n'avez pas d'objection majeure à ce que les 71 conseils de comté puissent se retrouver 50 plutôt que 71, selon les besoins des régions et des besoins communs de certains conseils de comté. Vous n'avez pas d'objection de base à cela?

UNE VOIX: Je pense que M. Moreau peut répondre mieux que moi là-dessus.

M. MOREAU: II n'y a pas eu de position de prise sur cette question de changer les structures actuelles des comtés municipaux. Je pense que, si on tient pour acquis que les conseils de comté existent depuis 1845 et qu'ils ont une vocation très particulière dans chacun des comtés — le comté de Verchères, ce n'est pas le comté de Beauharnois et le comté de Beauharnois n'est pas nécessairement le comté de Bellechasse — on peut parfaitement, avec les dispositions présentes du code municipal et en redonnant les pouvoirs à ces conseil de comté... Tout de même, si on veut diviser le nombre de régions dans la province de Québec, est-ce que cela doit être 40, 50 ou 100? Je pense bien que personne n'a pensé particulièrement au nombre de régions. IL reste que, présentement, vous avez 71 comtés municipaux au Québec, et je pense que, partant de là, il y a déjà quelque chose à faire avec cela si on amende le code municipal ou si on donne des pouvoirs aux conseils de comté.

Prenons par exemple, la question du rôle d'évaluation, si vous me permettez, M. le Président, de mentionner cette question devant cette commission. Présentement, dans la province de Québec, simplement vis-à-vis des municipalités rurales, vous avez 1,250 rôles d'évaluation différents. Mais, si vous donnez le pouvoir aux conseils de comté de confectionner un rôle d'évaluation, vous allez en avoir 71. C'est déjà un bon pas d'acquis vers la rationalisation. Je pense bien que les conseils de comté peuvent jouer d'autres rôles très importants, tels que l'aménagement du territoire et les questions de l'urbanisme. Je pense que cela était très important de donner aux conseils de comté ces pouvoirs.

M. LEGER: Autrement dit, vous êtes d'accord qu'il est absolument essentiel qu'il y ait un palier intermédiaire entre le ministère des Affaires municipales et les municipalités. Ce palier intermédiaire, quelle que soit sa forme, peut être le conseil de comté réaménagé selon les besoins particuliers des régions et selon une certaine hiérarchie d'autorité ou une déconcentration, une décentralisation administrative à laquelle les conseils de comté pourraient jouer un rôle principal.

M. MOREAU: Absolument. M. LEGER: Merci

LE PRESIDENT (M. Picard): IL n'y a pas d'autres commentaires. Je remercie M. le maire Moreau de Verchères, président de l'Union des conseils de comté, de même que le porte-parole, Me Pierre Viau, à qui je demanderais maintenant de nous présenter le mémoire de la ville de Longueuîl.

Ville de Longueuil

M. VIAU: Merci, M. le Président. Je suis accompagné du maire de la ville de Longueuil, M. Marcel Robidas, ainsi que de l'urbaniste, M. Claude Doyon, et du directeur des services techniques, M. Jean Curzie.

Le mémoire de la ville de Longueuil traite aussi des questions de principe puisqu'il avait été question de communauté sur la rive sud, il y a déjà un bout de temps et, à ce moment, la question d'aménagement de territoire avait été abordée. Je peux peut-être présenter le mémoire, le maire Robidas l'expliquera et, par la suite, nous fournira des détails concernant ce qui se fait déjà à Longueuil et ce qui est en marche.

Nous avons étudié le document de travail déposé en décembre dernier par l'honorable ministre des Affaires municipales et nous prenons acte du fait qu'il ne s'agit là que d'un avant-projet de loi de l'aménagement du territoire.

Le législateur prévoit donc faire une étude exhaustive des sujets qui y sont traités avant de déposer un projet de loi. Nous en sommes heureux puisqu'une telle loi aurait des incidences directes sur la ville de Longueuîl qui connaît un essor considérable depuis quelques années.

Nous sommes forts étonnés de constater que l'avant-projet de loi remplace toutes les dispositions législatives générales ou spéciales applicables à une communauté et à une municipalité relativement aux matières visées dans l'avant-projet.

Outre le fait que ce texte soit peu précis, il nous semble que, malgré leurs faiblesses, nos lois ont quand même permis jusqu'à ce jour d'élaborer des plans respectables et propres à favoriser le développement harmonieux de notre ville.

Pourquoi alors enlever aux municipalités leur juridiction en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire pour la transférer à un office provincial? L'article 6 de l'avant-projet de loi stipule en effet que "l'Office de planification et de développement du Québec prépare un schéma régional pour chacune des régions administratives du Québec." Il nous semble que ce ne soit pas là la façon la plus pratique ni la moins onéreuse de préparer un tel schéma pour Longueuil et pour la rive sud de Montréal.

Vous vous souviendrez sans doute qu'au moment où l'on discutait de communauté municipale sur la rive sud, nous avions soumis, à votre commission, un projet de loi créant la Communauté municipale de Longueuil. Nous croyons que, bien qu'elle n'ait pas été acceptée par l'Assemblée nationale, il serait intéressant pour votre commission de voir ce que nous y suggérions relativement à l'aménagement du territoire. Conscients du fait qu'un plan d'aménagement était nécessaire pour la rive sud de Montréal, nous recommandions alors de conférer à la communauté une compétence exclusive pour établir un plan d'aménagement de son territoire comprenant : 1 ) les affectations du sol et les densités approximatives d'occupation; 2) le tracé approximatif des principales voies de circulation; 3) la nature et l'emplacement approximatif des équipements urbains; 4) la nature, l'emplacement et le tracé des services d'utilités publiques. La communauté devait encore décréter que ce plan deviendrait obligatoire en tout ou en partie.

Enfin, notre projet n'avait pas pour effet de conférer à la communauté ou d'enlever aux municipalités la compétence prévue au paragraphe 1 de l'article 426 de la Loi des cités et villes ou aux dispositions équivalentes du code municipal. Nous croyions à cette époque et nous croyons encore aujourd'hui que notre proposition était beaucoup plus conforme à la réalité et aux principes d'une saine démocratie que celle qui apparaît dans l'avant-projet de loi. Pour se convaincre de l'exactitude de cet énoncé, on n'a qu'à lire les articles 13 et suivants de l'avant-projet ainsi que certains extraits du numéro de janvier 1973 de la brochure intitulée "Municipalité 73". Cette brochure, publiée par le ministère des Affaires municipales, nous donne une idée de l'avant-projet.

Voici ce qu'on y lit en page 8: "Le choix de la municipalité mandataire se fait dans le cadre d'une assemblée groupant les maires des corporations intéressées. Si la désignation de la municipalité mandataire n'est pas faite à la date prévue, c'est le ministre des Affaires municipales qui la détermine. Les dépenses encourues par la corporation municipale mandataire pour la confection du schéma d'aménagement, y compris les dépenses relatives à la commission d'aménagement du secteur, sont à la charge des municipalités regroupées, au prorata de leur rôle respectif d'évaluation. L'avant-projet de Loi de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire prévoit la création, dans les communautés urbaines et les secteurs de regroupement, d'une commission d'aménagement de secteurs. Cette commission se composerait d'un représentant de chacune des municipalités du secteur, lequel pourra être choisi parmi les membres du conseil municipal, les officiers municipaux ou les contribuables résidents. Le ministre des Affaires municipales et le ministre responsable de l'OPDQ peuvent également désigner chacun un représentant, lequel ne pourra voter cependant. Le président, le vice-président et le secrétaire-trésorier sont choisis parmi les membres de la commission."

Nous sommes convaincus que cette technique n'atteindra pas le but recherché. L'expé-

rience de la Loi sur l'évaluation foncière l'a amplement démontré à ce jour. Si l'on veut aménager le territoire de toute une région, il faudra nécessairement commencer par l'unité de base, c'est-à-dire la municipalité. Plusieurs municipalités peuvent présentement créer une commission intermunicipale pour organiser un service en commun. On peut aussi prévoir, comme nous l'avons déjà suggéré, la création d'une communauté qui aurait compétence sur l'aspect régional de l'aménagement du territoire. Ce sont là, croyons-nous, deux façons d'en arriver à quelque chose de plus adéquat, sans pour autant s'embourber dans l'enchevêtrement des décisions bureaucratiques qu'entrainera à coup sûr le régime prévu par l'avant-projet.

Nous n'avons pas abordé dans ce mémoire l'étude de toutes les sections de l'avant-projet, car nos recommandations concernaient son principe même ainsi que le régime qu'il vise à instaurer.

Nous recommandons conséquemment que tout ce texte reste à l'étude et soit remanié de fond en comble, afin de le rendre davantage conforme à la vérité et à nos suggestions. Sinon, nous croyons préférable de laisser à notre ville le soin de veiller à la poursuite de son développement.

Lorsque la commission a été convoquée, un délai assez court de présentation du mémoire avait été fixé, délai que l'honorable ministre a bien voulu prolonger par la suite, de façon à donner une chance aux groupes de présenter leurs remarques. Nous avions, à cette occasion-là, préparé, en collaboration avec le service d'urbanisme de la ville, un addendum. Peut-être bien que nous pourrions simplement jeter un coup d'oeil sur quelques points de cet addendum, le premier, le troisième, et le quatrième entre autres, puisque le deuxième reprend avec plus de détails ce que nous avons déjà dit.

L'addendum, page 1. Nous avons souligné en première page de notre mémoire le peu d'importance accordé dans l'avant-projet à l'unité de base de notre régime politique et administratif: la municipalité. La chose est particulièrement évidente à la section III intitulée "Schéma d'aménagement régional." Que le gouvernement du Québec se préoccupe de planification régionale, cela se comprend facilement. Point n'est besoin d'adopter une loi pour cette fin. On n'a qu'à appliquer la Loi de l'Office de planification du Québec. Cet organisme détient déjà de vastes pouvoirs en matière de plans, de programmes et de projets de développement économique et social et d'aménagement du territoire.

Ce que nous comprenons moins bien, c'est que l'on puisse penser planifier une région sans que les municipalités n'approuvent le travail, sans qu'elles n'y participent et sans qu'elles ne soient préalablement consultées. C'est là un vice fondamental qui a conduit à l'échec tout travail de planification régional qui s'est fait ailleurs dans le monde en ignorant les données élémentaires dont nous venons de faire état.

Il ne s'agit pas là d'un caprice de la part des collectivités locales, mais plutôt d'un sain réalisme qui les pousse à vouloir éviter à leurs contribuables les conséquences d'un plan régional qui, par exemple, concentrerait d'importantes activités en certains endroits sans tenir compte des équipements déjà installés dans leur territoire et des investissements déjà effectués chez elles.

Voilà un point important.

Je vous fais grâce du deuxième point qui précisait, sous forme juridique, ce que nous avons déjà mentionné et je passe au troisième point qui est le suivant. Bien que nous ne croyons pas nécessaire, à ce stade-ci, de soumettre des amendements précis à l'avant-projet, nous recommandons qu'un mécanisme souple soit recherché afin de décentraliser le travail de planification qui se ferait au niveau régional.

La chose peut se faire de plusieurs façons, mais il faut à tout prix éviter une concentration bureaucratique de pouvoirs en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme. Agir autrement entraverait le développement des secteurs en pleine expansion et ferait croître en flèche 1«!S dépenses gouvernementales en ce domaine.

Dernière note. Nous ne croyons pas qu'il soit souhaitable ni équitable d'alourdir encore le fardeau des contribuables. Aussi croyons nous qu'au niveau d'une communauté, les critères devraient être établis de façon à répartir avec justice entre les municipalités intéressées les coûts relatifs à la préparation de plans régionaux.

Nos lois municipales nous offrent présentement plusieurs formules de répartition de coûts. Il faudrait les étudier et s'en inspirer dans la préparation d'un tel projet de loi. La mise eu marche d'un nouveau système est toujours fort onéreuse. Nous croyons qu'il faudrait prévoir, au moins pour les cinq années suivant l'entrée en vigueur d'une telle loi, des subventions statutaires de façon à aider les municipalités appelées à en appliquer les dispositions.

Voilà, M. le Président, l'essence même du mémoire de la ville de Longueuil. J'aimerais demander au maire Robidas de préciser, en fournissant des exemples de la situation chez lui.

LE PRESIDENT (M. Picard): Nous allons laisser la parole au maire Robidas. M. le maire.

M. ROBIDAS (Marcel): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de 1a commission parlementaire, mesdames, mesdemoiselles, messieurs, au nom du conseil de Longueuil et peut-être au nom de tous les maires qui ne sont pas ici aujourd'hui mais que, d'une certaine manière, je peux représenter puisque je subis comme eux le même fardeau et je dois faire face aux mêmes obligations, je veux donc vous remercier de l'ouverture d'esprit que vous manifestez en nous invitant à votre commission pour

vous faire part de nos doléances vis-à-vis de cet avant-projet.

Cet avant-projet tel qu'il a été présenté, Me Viau vous l'a mentionné, comporte un changement majeur, en ce sens que ce qui s'est traditionnellement fait sur le plan local est transféré, à toutes fins pratiques, à un très haut niveau gouvernemental. Ceci n'est certainement pas dans le but d'augmenter le dynamisme local qui, jusqu'alors, a assuré un développement assez sensationnel sur le plan urbain.

Disons qu'il existe certaines corrections à apporter et, nous aussi, nous croyons, comme les conseils de comté, que l'on devrait tâcher d'améliorer ce qui existe et ne pas trop déranger et transférer les pouvoirs pour faire des administrateurs locaux des gens qui vont faire des ouvertures, des gens qui vont couper les rubans, des gens qui ne feront plus rien.

Nous avons un rôle à jouer et ce rôle devrait être conservé dans l'optique d'une loi-cadre d'urbanisme qui s'impose, remarquez bien. Je ne viens pas ici pour vous dire qu'une loi-cadre ne s'impose pas. Bien au contraire. Elle s'impose. Elle s'impose par la base.

Je félicite ceux qui, ici même, de votre commission parlementaire, ont déjà, dès le départ, amorcé la discussion dans cette direction. Je peux vous assurer que vous recevrez de notre part une collaboration qui va vous permettre de réaliser cet objectif.

Je pense que la plupart d'entre vous se posent des questions à savoir ce que la municipalité peut faire lorsqu'elle a des problèmes qui la dépassent? C'est là que doit intervenir une autre autorité. Il y a les problèmes sur le plan local, par exemple, le zonage. Nos unités de voisinage telles qu'elles sont conçues correspondent à des paroisses, à des unités de voisinage. Je rejoins peut-être l'opinion qui a été émise ici à l'effet que ce n'est pas seulement un développement économique ou de bâtisses, mais il y a un peuple, des gens, des humains qui doivent évoluer dans tout cela. Je pense que l'administration municipale d'une ville est peut-être mieux placée que n'importe qui pour apprécier cette question. Ceux qui ne l'apprécient pas à sa juste valeur ne demeurent pas longtemps des administrateurs municipaux. On a mentionné tantôt — et c'est très important de le retenir — que les maires et les conseillers de ville sont des gens élus qui doivent se représenter devant le peuple. Us doivent nécessairement représenter ces gens pendant la période où ils sont là. Si dans leur schéma d'aménagement local, si dans les unités de voisinage, ils n'ont pas répondu, en priorité, aux besoins de la population dans la mesure des moyens dont ils disposaient, ils ne sont plus effectivement des administrateurs municipaux.

Par contre, lorsque vous mettez dans les mains de fonctionnaires, quels qu'ils soient, aussi compétents peuvent-ils être, des décisions comme celle-ci, à ce moment-là, vous vous éloignez d'une façon tragique de ceux pour qui vous devez préparer en somme le milieu, l'ambiance dans laquelle ils doivent vivre.

Beaucoup de questions ont surgi ici et je voudrais tenter de vous donner très brièvement la position parce que l'heure avance.

Je pense que tout ce qui fonctionne bien dans une ville — et c'est la position que la plupart des maires prennent présentement — devrait demeurer. Ce qui ne fonctionne pas devrait être amélioré en ce sens que, si pour une raison ou une autre, deux municipalités ne s'entendent pas, il faut alors un mécanisme d'intervention et d'arbitrage pour le règlement. S'il y a conflit, et on a parlé du référendum, c'est une question... Beaucoup de personnes emploient le référendum comme un moyen de rendre, soi-disant, plus démocratique l'administration. Il y a du pour et du contre là-dedans. Il y a beaucoup de gens qui abusent du référendum. Justement parce qu'ils en abusent, ils paralysent le développement d'une ville pour des motifs qui ne sont pas toujours louables. □ faut donc un mécanisme dans lequel la population peut jouer son rôle, même de contestation. Mais par ailleurs, il ne faut pas que cette contestation nuise au bien commun. C'est pourquoi il faut un mécanisme d'arbitrage. Ce mécanisme d'arbitrage, on l'a mentionné dans la loi, est le ministre. C'est la commission des affaires municipales. C'est un organisme qui est au-delà de la municipalité. Mais je pense que chaque fois que le ministre devrait intervenir, il devrait être en mesure de justifier son intervention.

La municipalité, par ailleurs, justifie devant ses contribuables ses interventions et elle n'a pas à justifier autrement que lorsqu'il y a contestation l'intervention qu'elle a faite.

Ceci dit, le secteur. On a soumis respectueusement à l'Assemblée nationale, il y a un an et plus, je pense, une forme de regroupement régional ou d'association régionale, mais à caractère libre, en ce sens que tout le monde dit: On est d'accord là-dessus. Mais tout le monde n'est pas d'accord pour se fusionner totalement. Il y a donc des degrés d'intérêt pour certains domaines, comme le regroupement régional pour des fins de schéma. Il va de soi que tout le monde doit être dans le schéma. Lorsqu'on touche la question de l'eau, si on n'est pas dans le même bassin de production d'eau, nécessairement, on n'a pas les mêmes intérêts dans ce domaine-là. Si vous faites le tour de la province, vous allez constater qu'un certain nombre de municipalités sont intéressées à s'unir par contrat pour produire de l'eau en commun, d'autres ne le sont pas puisqu'elles ne sont pas dans les mêmes bassins. Donc, pour ne pas mettre de règles trop rigides, pour relier les municipalités, si on laissait à l'intérieur d'un schéma régional comme celui-ci la possibilité aux municipalités de s'entendre pour administrer en commun ce qui dépasse les frontières des villes, nous n'aurions pas à faire, comme a dit M. le député de Lafontaine, des avances de

samba et à écraser les gros orteils de ceux qui sont derrière, qui ont accepté le principe et qui étaient prêts à le suivre. Je peux vous dire, pour ma part, que nous avons été des victimes qui se sont fait écraser les gros orteils.

Nous souhaitons, dans votre ouverture présente, que nous puissions vous suivre, messieurs, et vous appuyer totalement. Je ne veux pas commenter ici l'organisation des CRD. Je pense que les CRD qui sont dans la loi ont été conçus dans le but de remplacer une absence. Il n'existe pas d'organisation suffisamment réglée de façon législative, partant de la base, pour jouer un rôle au niveau d'une grande région et les CRD sont des palliatifs présentement. Je ne veux pas les commenter pour nier leur existence et leur travail, mais, avec l'Union des conseils de comté, je crois qu'ils devraient travailler en étroite liaison avec la municipalité. C'est peut-être une des faiblesses qui s'est produite.

L'autre point, et c'est le dernier que je veux vous mentionner, c'est que dans la loi, et on l'a mentionné ici, vous avez tous les pouvoirs. Le gouvernement du Québec a tous les pouvoirs pour coordonner l'action de chacun de ses ministères de manière qu'on puisse établir un plan intelligent pour le développement d'une région ou de la province dans son ensemble. Présentement, le seul plan qu'on connaisse, c'est le budget de la province de Québec. C'est un budget d'un an. Dans la loi, on nous demande de préparer un budget de cinq ans de dépenses capitales. Je pense que c'est assez difficile de prévoir des routes vis-à-vis d'une infrastructure de routes ou de dépenses capitales provinciales que l'on ne connaît pas pour plus d'un an à l'avance. Donc, ce n'est pas un reproche que je fais. Mais je dis qu'en toute priorité, si les municipalités doivent être contraintes d'établir un budget de cinq ans et un projet d'infrastructure de cinq ans, il est essentiel que la province fasse connaître, pour plus d'un an au moins, ce qu'elle envisage de réaliser au point de vue de dépenses capitales et qui influenceront directement les engagements des villes. Je vous remercie, messieurs.

LE PRESIDENT (M. Picard): Je vous remercie, M. le maire. Le député de Lafontaine, le député de la samba.

M. LEGER: En regardant vos deux mémoires, M. le maire, je remarquais justement que vous désiriez qu'il y ait quand même une certaine aide venant de la province aux municipalités, étant donné qu'on veut leur donner des tâches nouvelles et beaucoup plus amples, la préparation des schémas, de règlements, etc. Est-ce que vous admettez avec moi qu'il y aurait aussi de l'aide non seulement financière, mais technique? Entre autres, est-ce que sur le plan financier vous trouvez que, si vous avez des responsabilités supplémentaires, le gouvernement devrait faire une offre non pas discrétionnaire mais statutaire?

M. ROBIDAS: Certainement une offre statutaire. Parce que toutes les offres discrétionnaires, nous en avons malheureusement souffert.

M. LEGER: Sur le plan technique, est-ce que vous calculez qu'il devrait y avoir dans cette loi le recours à des urbanistes au niveau municipal? Parce qu'actuellement, dans la loi, on ne dit pas qu'au niveau municipal, ça devrait être un urbaniste. Cela peut être n'importe qui. Est-ce que vous pensez qu'un urbaniste devrait être le représentant de la municipalité auprès du ministère des Affaires municipales sous l'aspect de l'urbanisme?

M. ROBIDAS: En ce qui nous concerne, nous avons maintenant un urbaniste qui nous accompagne ici. Eventuellement, toutes les villes ou tous les regroupements de villes devraient avoir à leur service un professionnel de l'urbanisme. Je ne veux pas prendre le terme "urbaniste", parce que, comme le dit même M. Alaurent, on l'a servi à toutes les sauces, mais un professionnel de l'urbanisme dont ce serait la fonction d'informer le conseil d'une part et, d'autre part, le regroupement régional quel qu'il soit, sur la façon dont on devrait aborder les divers problèmes. Parce que les problèmes vont se poser de façon très pratique dans chaque secteur et varient dans diverses régions. C'est là qu'il est important qu'un urbaniste devienne un professionnel permanent et non pas seulement une personne payée à la commission à l'heure ou autrement. Parce qu'il va devenir un fonctionnaire qui va jouer un rôle au niveau du conseil, qui va assurer une continuité, c'est très important.

M. LEGER: Une dernière question. Est-ce que vous pensez que pour réaliser les objectifs le ministère pourrait peut-être présenter un guide provincial sur lequel vous pourriez vous appuyer, par exemple, pour vous définir des critères généraux aidant à classifier les zones, les modalités d'occupation du sol? Est-ce que vous pensez que le gouvernement municipal devrait avoir un guide qui pourrait vous permettre de remplir votre tâche de façon harmonieuse qui serait un exemple pour toutes les autres municipalités?

M. ROBIDAS: Je pense changer la question et demander: Est-ce que la province accepterait qu'on lui fournisse un guide de notre développement?

Je pense que ce serait peut-être encore plus pratique. Si la province n'est pas d'accord parce que cela implique chez elle des investissements qu'elle ne veut pas faire, elle sera en mesure de le dire. C'est l'inverse qui se produit actuellement. J'étais à Ottawa cette semaine. La thèse même de toutes les municipalités du Canada, c'est que les décisions sont prises en haut lieu et les effets financiers des dépenses retombent sur les épaules de la municipalité, donc des contri-

buables, sans qu'on ait eu un mot à dire sur ce qui s'est décidé en haut lieu. Je renverse la question et je dis: Etes-vous prêts, messieurs, à accepter un schéma dans lequel nous allons dire ce qu'on devrait faire? Allez-vous nous dire si vous serez capables de nous donner satisfaction au point de vue financier?

M. LEGER: Dans ma question, je présupposais qu'un guide provincial aurait au départ fait une consultation pour obtenir ce que les municipalités désirent. Cela amène une dernière question. Dans votre document, vous dites que, s'il y a une consultation régionale, il devrait y avoir un mécanisme de consultation des municipalités qui sont à l'intérieur. Comment voyez-vous le mécanisme fonctionnant au niveau de consultation et régionale et municipale en même temps, du fait que les municipalités n'ont peut-être pas toutes les mêmes besoins, les mêmes façons de fonctionner? Ne serait-ce pas un peu lourd? Comment voyez-vous cela?

M. ROBIDAS: Le mécanisme de consultation, je l'ai vu fonctionner dans la province de l'Ontario et il est extrêmement lourd actuellement. Les membres des conseils municipaux sont en train de se faire mourir à essayer d'expliquer à l'ensemble des concitoyens — ils doivent le faire selon la loi — chacun des changements de zonage, des projets de changements de zonage ou même de l'aménagement régional. Je crois qu'une bonne information doit être donnée à la population et qu'un mécanisme d'arbitrage, comme je l'ai mentionné tantôt, doit s'insérer quelque part. Parce qu'il va y arriver des conflits, c'est certain, surtout des conflits d'intérêts. D se peut et il se trouve tous les jours un homme qui se trouve touché, lésé par un changement quelconque et qui, par son influence sur un milieu, peut paralyser une ville complète pendant le temps où des administrateurs municipaux ont été élus et parfois plus longtemps que cela. Je crois donc que c'est le mécanisme d'arbitrage qu'il faut établir là-dedans. Le mécanisme d'arbitrage peut se faire par l'intermédiaire du ministre ou d'un tribunal d'arbitrage dans ce domaine où des personnes devront trancher... par exemple, le privilège du référendum. J'irai jusqu'à dire que le référendum devrait en dernière analyse être l'objet qui trancherait cette question. Mais pour avoir droit au référendum, il devrait y avoir... même un arbitrage. Si le conseil n'est pas d'accord pour voter un référendum, je crois que les citoyens devraient justifier leur demande de référendum. Si c'est quelqu'un qui a seulement son bien personnel à sauvegarder, il n'empêchera pas tout le développement de la ville. Présentement, cela prend six personnes pour bloquer un secteur complet de la ville.

C'est très sérieux. Ce n'est pas sérieux vis-à-vis de l'investisseur non plus, parce que l'investisseur qui vient dans une ville ne veut pas être à la merci des factions qui s'opposent politiquement et lui, sera, naturellement, celui qui va écoper des pertes. Il ne sera pas intéressé à entrer là-dedans.

M. LEGER: Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Picard): L'honorable ministre.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, brièvement, trois commentaires. Je remarque la suggestion que des subventions soient accordées pour aider les municipalités à appliquer les dispositions de l'éventuelle loi. Cette suggestion a été explicitée tout à l'heure par M. le maire, en suggérant en quelque sorte que l'expression anglaise "He who pays the piper calls the tune" s'applique dans une situation de cette nature. Mais je me fais la réflexion que, si nous sommes appelés à subventionner une action que nous ne pouvons vraiment échelonner dans le temps, c'est-à-dire, travailler dans une région, cette année, dans une autre, l'année suivante — il faut que ce soit essentiellement simultané à l'échelle de la province — cela revient à dire que le contribuable est appelé à payer à l'un ou à l'autre des paliers de gouvernement. Cela ne change véritablement rien.

Mon deuxième commentaire porte sur notre sématique et je pense que nous sommes fautifs de part et d'autre. De notre côté, parce que dans l'avant-projet de loi le mot "regroupement" est utilisé et, dans votre mémoire, vous parlez de "communauté". Il y a des communautés urbaines et régionales et je pense que nous portons à une certaine confusion et peut-être à des réactions émotives en parlant, d'un côté, de "regroupement", et, d'un autre côté, de "communauté", quand ce que nous voulons dire, c'est la création d'une table autour de laquelle les intéressés vont discuter et, peut-être — et c'est une des considérations importantes — accorder à cette table un pouvoir de décision. Mais quel pouvoir de décision? C'est ce qui devra sortir de nos discussions. Finalement, j'ai noté à la...

M. PAUL: M. le ministre, ça existe déjà pour deux municipalités, en vertu des amendements que nous avons apportés au code municipal et à la Loi des cités et villes, en 1969, je crois. Si je comprends bien la mise au point que vous faites et qui est nécessaire, vous voulez que cette consultation soit régionale au lieu d'être entre deux conseils municipaux limitrophes.

M. GOLDBLOOM: Je n'ai pas d'idée fixe là-dessus, je pense qu'il y a besoin pour chaque municipalité de réfléchir sur l'aménagement de son territoire. Il y a besoin pour des municipalités qui sont voisines de se rencontrer et d'en discuter. Il y a besoin, tout le monde l'a souligné, d'un action à l'échelle de la région. Nous parlons de région et là aussi nous avons un problème d'ordre sémantique parce que, quand

nous parlons de régions dans un contexte québécois, nous devrions penser aux régions administratives qui sont établies et nous reconnaissons, je pense, de part et d'autre, qu'il faudra viser des sous-régions et travailler d'une façon plus efficace.

Mon dernier commentaire, je ne le voudrais pas désobligeant. Votre mémoire principal se termine par les mots: "Sinon, nous croyons préférable de laisser à notre ville le soin de veiller à la poursuite de son développement." Je soumets respectueusement que ce serait aller à l'encontre du principe même de l'avant-projet et de l'éventuelle loi. Vous avez dit, M. le maire, qu'il ne faut pas que l'action populaire nuise au bien commun. Je pense que le même principe vaut et c'est ce que je voudrais faire accepter comme principe général, soit que l'action locale, si importante soit-elle et si respectueuse de la volonté populaire sur le plan local, ne doit pas, elle non plus, nuire au bien commun pour empêcher là province de se donner une planification saine et de conserver ses espaces verts, ses terres agricoles et ses zones récréatives.

LE PRESIDENT (M. Picard): Merci, M. le ministre. Je vois que l'heure avance. Tout d'abord, je dois remercier M. Robidas, maire de Longueuil, de même que Me Viau pour la présentation de leur mémoire. Je remarque que nous avons à l'ordre du jour, le mémoire de l'Association canadienne d'urbanisme. Malheureusement, il ne sera pas possible pour nous d'entendre ses représentants aujourd'hui. Je les inviterais à communiquer de nouveau avec le secrétaire des commissions pour qu'ils soient informés de la date de la prochaine séance. Je puis vous assurer que vous serez entendus en priorité.

La Commission des affaires municipales ajourne ses travaux sine die.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, avec nos regrets aussi à l'endroit de l'Association canadienne d'urbanisme, division du Québec. Ce n'est pas agréable de faire un voyage et de ne pouvoir accomplir la mission que l'on s'est donnée. Nous nous en excusons, mais le sujet étant très important, nous n'avons pas voulu raccourcir la discussion sur les autres mémoires. Merci, M. le Président.

(Fin de la séance à 13 h 4 )

Document(s) associé(s) à la séance