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Commission permanente des affaires municipales
Avant-projet de loi de l'urbanisme et du
territoire
Séance du jeudi 22 mars 1973
(Dix heures dix-sept minutes)
M. PICARD (président de la commission permanente des affaires
municipales): A l'ordre, messieurs!
La commission des affaires municipales étudiera ce matin le
document de travail présenté à l'Assemblée
nationale comme avant-projet de loi de l'urbanisme et de l'aménagement
du territoire. Je désire au début souhaiter la bienvenue aux
organismes qui ont présenté des mémoires. Je les inviterai
tout à l'heure, à tour de rôle, à venir nous donner
un résumé de leur mémoire et non pas à nous en
faire lecture.
Notre règlement prévoit la nomination d'un rapporteur.
Permettez-moi de suggérer M. Ca-ron, député de Verdun
comme rapporteur. Adopté?
M. LEGER: D'accord.
M. PAUL: C'est une élection par acclamation.
LE PRESIDENT (M. Picard): J'inviterais maintenant le ministre à
dire quelques mots sur cet avant-projet de loi. J'aimerais lui faire la
suggestion de nous présenter les hauts fonctionnaires qui l'accompagnent
ici ce matin.
Monsieur le ministre.
Remarques préliminaires
M. GOLDBLOOM: M. le Président, je suis heureux de le faire. Je
suis accompagné de Me Richard Beaulieu, sous-ministre en titre, de M.
Claude Langlois qui est vice-président de la Société
d'habitation du Québec et conseiller auprès du ministre, de Me
Michel Ouellet, préposé à la législation au
ministère des Affaires municipales, de M. André Gendron,
responsable du service d'urbanisme et du Dr André Marsan, conseiller du
ministre responsable de l'environnement.
M. le Président, je suis heureux que nous ayons aujourd'hui
l'occasion d'aborder l'étude de ce qui a été
présenté, et à dessein, comme document de travail. Le
sujet en est des plus importants et il est clair que le Québec voudrait
se donner un cadre au sein duquel la planification pourra se faire de
façon ordonnée. On a attaché beaucoup d'importance, au
cours des récentes années, au mot "planification", au point
où certains ont même l'impression que l'utilisation de ce mot est
devenue exagérée. Ce n'est pas mon intention d'en exagérer
l'importance, mais ce n'est pas mon intention de la minimiser non plus.
Nous avons un problème fondamental qui est celui de la
distribution de notre population sur notre territoire. Donc, un problème
de services et d'équipements qu'il faut fournir à cette
population. Notamment un problème d'utilisation de notre territoire par
cette population pour sa simple présence, c'est-à-dire son
logement, et pour les activités économiques et sociales qu'elle
entend poursuivre et qu'elle a le droit de poursuivre.
Nous constatons que, depuis presque toujours, le développement de
notre province se fait selon des initiatives qui sont prises sans rapport avec
une planification générale. Nous constatons que nous avons perdu
des espaces verts à un rythme inquiétant dans nos régions
urbanisées et autour de ces régions. Nous constatons que des
terres arables sont disparues au nom de ce que l'on a appelé le
développement qu'on a voulu comme étant une contribution utile au
progrès de notre province, mais qui a eu des répercussions que
nous n'avons pas prévues ou, si nous les avons prévues, nous
n'avons pas agi de façon à éviter ces conséquences
néfastes.
Nous avons besoin, et notamment chez nous, de services et
équipements de récréation. Nous constatons que les
Québécois ont, depuis très longtemps, tendance à
chercher ailleurs que chez nous leurs activités
récréatives. Nous avons quand même une industrie
touristique qui est non seulement troisième dans l'échelle
d'importance de nos industries, mais qui est également une industrie
autochtone en très forte proportion.
Ce sont les Québécois qui voyagent à
l'Intérieur du Québec et qui trouvent, malgré ce que j'ai
dit il y a quelques instants, leur récréation à
l'intérieur de notre territoire. Parce que nous avons eu une certaine
difficulté à développer suffisamment nos ressources
récréatives à l'intérieur de la province, nous
voyons que les Québécois cherchent aussi ailleurs.
Les deux phénomènes coexistent et il faut en tenir
compte.
H faut en même temps un développement urbain pour recevoir
la population qui augmente, non seulement qui augmente, mais qui se concentre
à certains endroits sur notre territoire. Il faut un
développement industriel. Nous ne pouvons rester en état de statu
quo quant à notre industrialisation. Il faudra donc que notre
planification nous permette une cartographie de la province de façon
à identifier à l'échelle de toute la province, à
l'échelle de chaque région et à l'échelle locale,
les espaces verts que nous voulons protéger, les terres agricoles que
nous voulons conserver, les équipements et lieux de
récréation que nous voulons mettre à la disposition de la
population.
Alors, ayant identifié ces éléments indispensables
et quasi irremplaçables, si nous leur permettons de disparaître,
nous verrons à une bonne progression dans le développement urbain
et industriel.
Il y a dans ce document de travail certains mécanismes qui sont
proposés. Je n'ai pas pour
ma part l'intention d'insister sur ces mécanismes. Si nous avons
voulu présenter un document de travail et l'exposer aux commentaires de
la population, c'est justement pour trouver à travers ces discussions
les meilleures mécanismes d'application d'une telle loi
éventuelle.
Il me semble clair que c'est un domaine dans lequel la volonté
populaire et la volonté populaire sur le plan local devra
avoir les moyens de s'exprimer, non pas simplement s'exprimer pour être
enregistrée sur papier mais s'exprimer de façon à exercer
une influence sur les décisions à prendre.
Je soulignerai cependant que si notre action et quand je parle de
notre action, je parle de l'action collective des Québécois
se situe uniquement au niveau local, nous manquerons la coordination des
efforts, la coordination de la planification qui permettra à chaque
région et au Québec tout entier de prévoir la meilleure
affectation de son territoire à l'avenir.
Donc, il faut, à mon sens, une action qui commencera par les deux
bouts. Il faudra avoir une cartographie générale de la province,
raffinée au niveau régional. Il faudra une planification au
niveau local et on ne peut que regretter, sans critique désobligeante,
le fait que beaucoup de municipalités québécoises n'ont
pas de plan directeur pour l'aménagement de leur territoire. Il est
indispensable que chaque municipalité ait un tel plan directeur. Il est
indispensable que ce plan directeur soit coordonné avec ceux des
voisines et fasse éventuellement partie d'une planification globale
à l'échelle de la province.
Voilà, M. le Président, la pensée qui anime celui
qui vous parle en exposant ce document de travail au dialogue qui s'engagera
à l'instant. C'est dans cet esprit que je voudrais que nous cherchions
ensemble la meilleure façon de réaliser une tâche
indispensable, la planification qui visera la meilleure utilisation, le
meilleur aménagement du territoire québécois.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le leader parlementaire de l'Opposition
officielle, le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je veux tout d'abord joindre ma voix
à la vôtre pour souhaiter la bienvenue aux organismes qui, par la
voix de leurs représentants, nous adresseront aujourd'hui des
commentaires sur ce document de travail, cet avant-projet de loi de l'urbanisme
et de l'aménagement du territoire.
Si je regarde la première page du document de travail qui nous
est soumis, je vois que le titulaire du ministère des Affaires
municipales était Maurice Tessier. Heureusement qu'aujourd'hui nous
avons un nouveau titulaire du ministère des Affaires municipales et,
comme le député de D'Arcy-McGee en est à sa
première participation à une commission parlementaire en sa
qualité de ministre des Affaires municipales, je veux, au nom des
députés de l'Union
Nationale, réitérer publiquement les félicitations
que nous lui avons déjà adressées. Nous lui souhaitons un
terme d'office plus calme, moins orageux, moins contesté que celui de
son prédécesseur.
Heureusement que le premier ministre a réalisé qu'il y
avait des problèmes municipaux à double volet, ceux à
portée urbaine et d'autres à portée ou à
caractère rural. Heureusement que le premier ministre a donné
comme collaborateur immédiat au député de D'Arcy-McGee,
ministre titulaire des Affaires municipales, un collaborateur précieux,
un homme d'expérience, le député de Stanstead, à
qui nous voulons également souhaiter bon succès dans les lourdes
responsabilités qu'il a à assumer.
Je n'ai aucun doute que ces deux nouveaux ministres, enrichis de
l'expérience néfaste de leur prédécesseur,
recevront d'une oreille attentive les représentations logiques de nos
organismes municipaux et spécialement celles nous venant de l'Union des
conseils de comté. Je souhaite que ces ministres reçoivent avec
beaucoup d'égard les représentations qui viendront, les demandes
qui seront présentées par les municipalités, de même
que celles qui leur seront adressées par des organismes
intéressés aux problèmes municipaux, aux implications des
lois municipales et également à tous ceux qui, de près ou
de loin, s'occupent des problèmes administratifs, que ce soit au niveau
du gouvernement municipal ou du gouvernement provincial et, par incidence, du
gouvernement fédéral.
M. le Président, j'ai retenu avec beaucoup d'intérêt
c'est nouveau déjà que le ministre titulaire des
Affaires municipales ne sera pas captif d'un texte ou d'une opinion qu'il a
consacrée dans un avant-projet de loi et que son ouverture d'esprit
permettra d'adopter éventuellement une législation qui puisse
atteindre les principes ou l'idéal visé par cette loi dite de
l'urbanisme et de l'aménagement du territoire. Le document de travail et
avant-projet de loi de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire,
présenté récemment par le gouvernement du Québec
fait connaître la politique que le gouvernement entend suivre en ce qui
concerne l'urbanisme et l'aménagement du territoire.
Cette politique met l'accent sur la planification et le
développement de toutes les régions du Québec.
Au premier abord, nous considérons que l'avant-projet de loi se
fonde sur un objectif prioritaire à deux volets. Dans un premier temps,
cette future loi-cadre veut que soient adoptés, aux divers niveaux de
l'administration, des schémas régionaux sectoriels et locaux
d'aménagement. Dans un deuxième temps, cet avant-projet propose
la création de structures administratives dont la fonction sera
d'élaborer et de mettre à exécution les schémas
d'aménagement.
L'Union Nationale se dit d'accord sur le principe, sur les fins du
projet, sur l'objectif
final qui serait, si l'on en croit le ministre des Affaires municipales,
de favoriser la planification des infrastructures, équipements et
services municipaux et d'uniformiser les règles et normes applicables en
matière d'urbanisme sur tout le territoire.
Cependant, les députés de l'Union Nationale sont en plein
désaccord avec le ministre sur le principe et l'esprit
général du document de travail sur l'urbanisme et
l'aménagement du territoire; ce que l'Union Nationale exigera, c'est que
le cheminement inscrit dans cet avant-propos doit venir de la base et non du
haut ou des hautes sphères de l'administration
québécoise.
Etant donné que ce n'est ni le lieu, ni le temps de s'attacher
spécifiquement à des articles de l'avant-projet de loi, nous
voulons ici commenter et analyser les principes énumérés
dans le document de travail.
En premier lieu, l'Union Nationale n'accepte pas et n'acceptera jamais
que ce soit le gouvernement ou le ministre des Affaires municipales, selon ses
propres désirs et là, je dois ouvrir une parenthèse
pour dire que c'était le désir du prédécesseur du
ministre actuel des Affaires municipales qui force les
municipalités à se regrouper ou à se fusionner sous
prétexte d'une prétendue efficacité administrative; l'on
voit d'ailleurs les problèmes surgir dans les unités de
regroupement forcé.
Ce que l'Union Nationale exige, c'est qu'il appartient aux
municipalités et aux municipalités seules de former des
unités de planification dans divers domaines et cela avec les divers
organismes pouvant aider à former de telles unités de
planification. Nous pensons que déjà il y a des instruments
à cet effet.
Dans un article publié dans le journal La Presse du mardi 13 mars
1973, en page A 10, M. Florian Bernard écrit: "Effectivement, en vertu
du code municipal, les conseils de comté ont la juridiction voulue pour
amorcer, suggérer, réaliser et concrétiser divers
regroupements au niveau des régions."
L'Union Nationale se demande alors pourquoi faire disparaître des
juridictions décentralisées pour tout concentrer dans les mains
du ministre des Affaires municipales. Et même plus, ces organismes, en
vertu des articles 390 à 398 du code municipal, ont une juridiction
conjointe avec les corporations locales en matière de construction,
d'urbanisme, d'aménagement du territoire et de zonage. Même si les
conseils de comté n'ont pas toujours rempli le rôle qui leur
était assigné par le passé, est-ce une raison suffisante
pour leur enlever leur juridiction et les faire disparaître?
Nous nous sommes aperçus du sérieux de leurs demandes et
de leurs revendications au cours des dernières années. C'est
tellement fort qu'ils ont même réussi à obtenir la
tête de l'ancien ministre des Affaires municipales. Maintenant, ils se
disent prêts à jouer pleinement leur rôle. Il sera toujours
possible, après coup, de remédier à la situation si leur
action est totalement inefficace. C'est véritablement là que l'on
verrait s'ils sont capables de mettre à exécution des projets
d'envergure tels que celui de l'urbanisme et de l'aménagement du
territoire.
Il est un autre principe sur lequel l'Union Nationale entend insister:
c'est celui de la consultation populaire et des mécanismes qui la
sous-tendent. Nous voyons mal que des hauts fonctionnaires et que des
ministres, même les plus compétents, s'isolent de la population
pour élaborer un schéma d'aménagement qui présidera
au développement économique et social de toute une région
pendant plus de cinq ans.
Nous exigeons que le gouvernement mette sur pied, lorsqu'ils sont
absents je dis bien "lorsqu'ils sont absents" des
mécanismes d'information et de consultation pour que la population
puisse réagir et signifier au gouvernement ses besoins prioritaires.
Déjà, il existe des interlocuteurs valables sur lesquels le
gouvernement peut et doit compter, et parmi ceux-ci, il y a les conseils
municipaux élus au suffrage universel dans les municipalités et
les conseils de comté composés des maires des
municipalités, pour ne citer que ceux-là; il y a aussi tous les
corps intermédiaires et les mass-media qui n'attendent qu'un geste du
gouvernement pour se concentrer sur l'information et la consultation
populaire.
En plus de la défense de ces deux principes fondamentaux, l'Union
Nationale entend faire apporter des modifications majeures à ce document
de travail. D'abord, l'Union Nationale exigera que le travail
d'élaboration technique et politique soit accompli sous le signe de la
décentralisation, c'est-à-dire de la restitution aux
régions et aux municipalités de leurs pouvoirs dans les domaines
de l'urbanisme, du zonage et du lotissement; il va de soi que des
mécanismes d'appel des décisions aux divers niveaux de
gouvernement doivent être prévus; en fait, nous pensons que la
Commission municipale aura un rôle très important à jouer
dans ce domaine.
Ensuite, l'Union Nationale exige que l'on définisse très
clairement la tâche et les fonctions du futur directeur de l'urbanisme,
qui, selon nous, doit être et je reprends qui, selon nous,
doit être l'animateur de tous ces schémas d'aménagement du
territoire et non pas l'exécuteur des hautes oeuvres du ministre des
Affaires municipales et du lieutenant-gouverneur en conseil.
En plus, l'Union Nationale ne voit pas très bien les raisons qui
motivent la création d'une commission interministérielle de la
planification et du développement dont le mandat est de donner son avis
à l'OPDQ sur les questions qui lui sont soumises relativement à
l'élaboration des plans, programmes et projets de développement
économique et social et d'aménagement du territoire. C'est
l'article 6, du chapitre 16 des Lois du Québec de 1969. A la rigueur,
nous
pourrons accepter la formation d'un conseil consultatif qui pourra
être formé de membres des CRD et de membres de l'Union des
conseils de comté. Ainsi, nous pourrons confier à ce conseil
consultatif représentatif des tâches d'examen des schémas
et de conseiller de l'OPDQ.
Pour ce qui est de la Commission d'aménagement de secteur,
l'Union Nationale accepte qu'un représentant du gouvernement
siège au sein de cette commission sans droit de vote avec comme mandat
très précis de servir d'agent de liaison entre le provincial et
le secteur; ici, nous n'admettons pas que ce représentant ait des
pouvoirs coercitifs ou des pouvoirs de décision en face de la
commission.
En ce qui concerne les schémas de secteur et les schémas
d'urbanisme, l'Union Nationale soutient que ce doit être à la
Commission municipale de rendre une décision sur les plaintes des
municipalités et des citoyens; ce doit être le ministre qui est
chargé du fardeau de la preuve. La décision de la Commission
municipale devra être finale et sans appel.
Pour la question du contrôle intérimaire, l'Union Nationale
ne saurait accepter que le ministre des Affaires municipales c'est moins
dangereux avec celui-là adopte de sa propre initiative un
règlement pour prohiber toute construction, reconstruction,
transformation, démolition, addition ainsi que toute implantation ou
usage nouveau d'un bâtiment, sauf pour fins agricoles sur des terres en
culture, dans toute partie du territoire affecté par le schéma
d'aménagement; il doit appartenir, selon nous, aux municipalités
seules d'adopter un règlement de contrôle intérimaire et de
le soumettre au ministre dans certains délais. Lorsqu'un litige survient
entre la municipalité et les citoyens et entre la municipalité et
le ministre, il appartiendra à la Commission municipale de rendre un
jugement final et sans appel; c'est ce que nous proposerons au fur et à
mesure de l'étude de ce projet de loi.
L'Union Nationale pense que la solution proposée pour le
contrôle intérimaire doit être appliquée pour la
question de zonage, c'est-à-dire un règlement de zonage
passé par la municipalité, soumis au ministre et transmis
à la Commission municipale pour décision finale en cas de
litige.
L'Union Nationale soutient que le règlement de construction
applicable à toute municipalité du Québec doit faire
l'objet d'études publiques en commission parlementaire, à
l'Assemblée nationale du Québec, avant son adoption par le
lieutenant-gouverneur en conseil. Cette proposition devra également
s'appliquer pour le règlement de lotissement applicable à toutes
les municipalités.
Pour ce qui est de l'aide financière, l'Union Nationale exige que
le gouvernement fasse connaître les modalités précises
d'une aide financière accordée pour la préparation d'un
schéma d'aménagement ou d'un schéma direc- teur
d'urbanisme. L'Union Nationale met le gouvernement en garde contre toute aide
financière qui serait de nature à obliger les
municipalités à se regrouper ou à se fusionner contre leur
volonté et contre la volonté de leurs citoyens. L'Union Nationale
propose que l'aide gouvernementale aux municipalités, dans le cadre de
l'élaboration de schémas d'urbanisme, dépasse l'aide
financière proprement dite et verse dans une technique
adéquate.
Enfin, l'Union Nationale, fidèle au principe qui guide son
action, accordera au ministre des Affaires municipales et au gouvernement toute
la collaboration que notre parti a toujours apportée dans l'étude
des législations importantes comme celle-ci, pour autant que le ministre
des Affaires municipales et le gouvernement respecteront le caractère
démocratique qui sous-tend la vie de la société
québécoise. Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le porte-parole du Parti
québécois, le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, je voudrais d'abord dire au ministre,
comme il le disait tantôt, qu'il commençait à nous
présenter cet avant-projet avec un esprit ouvert. Je voudrais lui
rappeler cette phrase qu'on entendait souvent il y a quelques années:
l'esprit qui anime les sports est l'esprit sportif, mais l'esprit qui anime ce
projet de loi sera-t-il un esprit technocratique alimenté d'un
libéralisme économique dont la préoccupation est d'abord
le profit et l'efficacité en premier lieu, qui primerait sur la vie
sociale? Ou l'esprit qui devrait animer cet avant-projet ne serait-il pas
plutôt un esprit social permettant de favoriser d'abord et avant tout la
vie du citoyen, lui permettant aussi d'avoir une priorité dans cette
cité sociale qu'il faut bâtir? L'avant-projet qui nous est
présenté est quand même une occasion pour nous de
réévaluer tous les aménagements que le Québec devra
implanter dans les années qui suivent.
M. le Président, je peux actuellement dire au ministre que,
contrairement à celui qui l'a précédé, nous avons
au départ un préjugé favorable, et nous avons tellement
confiance en ce ministre que nous allons lui donner une collaboration
entière et chaleureuse en le suivant pas à pas et en lui assurant
une critique suivie, sérieuse, objective et sans fin dans tout ce qui
touchera les affaires municipales.
Devant cet avant-projet de loi qui est enfin déposé, qui
était tant attendu depuis la remise du rapport LaHaye en 1968, notre
appréciation est partagée entre deux sentiments, celui du
soulagement, du fait que le gouvernement se décide enfin à agir
dans ce domaine, mais aussi un sentiment de doute perplexe, face à des
lacunes fondamentales qui viennent vicier l'action publique par des structures
compliquées, tortueuses, souvent obscures et imprécises.
Je pense qu'aujourd'hui je me bornerai à discuter un peu de
l'orientation générale de cet
avant-projet de loi et nous reviendrons plus tard sur les
modalités, parce qu'il y a grandement un risque de créer un
imbroglio majeur dans la répartition et dans l'exercice des pouvoirs
d'aménagement. Parce que le projet, actuellement, vise essentiellement
à répartir des tâches et des pouvoirs à des
organismes futurs ou des organismes déjà en place. Or, nous
dénonçons, nous du Parti québécois, deux vices
majeurs de l'approche actuelle.
D'abord, la dislocation des pouvoirs au niveau local et, d'autre part,
l'absence de pouvoirs à des niveaux intermédiaires,
c'est-à-dire au niveau régional. Deux faits bruts s'imposent
à qui observe les rares efforts de planification gouvernementale dans le
passé. Ou bien on proposait des plans établis de Québec,
provenant du gouvernement québécois, qui échouaient devant
des situations concrètes des régions, soit parce qu'ils
étaient trop larges ou encore démarqués d'avec la
réalité locale, ou bien d'autres plans nous arrivaient du
gouvernement du Québec et étaient conçus à un
niveau géographique trop restreint par des municipalités qui
n'ont pas l'assise financière administrative et décisionnelle
pour les appliquer. Sans compter que les domaines d'aménagement qu'elles
peuvent effectivement contrôler au niveau d'une petite
municipalité sont trop restreints pour qu'on puisse réellement
parler sérieusement de planification coordonnée de
l'aménagement du terriroire.
En deux mots, le Parti québécois craint que l'absence d'un
niveau intermédiaire de planification et de décision se fasse
cruellement sentir et que la solution à ce problème constitue le
coeur même de la mise en place de structures d'aménagement
efficace du Québec d'aujourd'hui.
Cet avant-projet de loi semble conscient du problème. Nous avons
remarqué quand même que le gouvernement en est conscient. Mais il
n'apporte pas une solution, à notre sens, qui est efficace. C'est une
solution trop compliquée pour fonctionner, et ceci, parce qu'il se
refuse à réaménager d'autres structures
périmées. L'avant-projet tente de se tailler un chemin entre un
centralisme excessif et des structures municipales discordantes et le
résultat n'est pas très heureux.
Pour éviter de poser le problème régional, le
gouvernement actuel présente un projet qui confie à la commission
interministérielle de l'aménagement la conception des
schémas régionaux, mais on ne retrouve aucune consultation
régionale sur ce schéma, par exemple, tout le travail fait par le
CRD, les structures. Les hommes qui tentent déjà depuis quelque
temps de fortifier une pensée régionale d'aménagement sont
balayés du revers de la main. Encore plus, aucun organisme
régional n'est mis en place pour vérifier l'application du
schéma régional aux échelons inférieurs pour
demeurer vigilant à l'évolution de la région. On s'en
remet à cette lourde machine centrale issue de l'OPDQ qui devra avoir le
souci régional, ce qui est une utopie.
A-t-on réellement peur à ce point des priorités et
des initiatives régionales pour vouloir étouffer le dynamisme
propre, car on peut étaler longtemps des exemples étrangers, en
France en particulier, qui démontrent qu'il ne faut pas se fier au
pouvoir central pour avoir une pensée en termes régionaux. Que le
Québec planifie son aménagement général, nous
sommes d'accord, mais dans une coordination complémentaire de ses
régions. C'est son rôle et c'est d'abord celui de l'OPDQ et de sa
commission interministérielle. Mais, à l'intérieur de ces
corridors nationaux, il faut structurer un dynamisme régional automome
qui conçoive, suive et administre son propre aménagement de
territoire.
Je voulais souligner un autre point, M. le Président, à
l'autre niveau d'intervention, c'est-à-dire le niveau local des
municipalités. Le projet tente de naviguer à travers notre
célèbre jungle de municipalités de taille, de dimension et
de puissance hétéroclites par la manoeuvre des
municipalités mandataires. Un observateur qualifié comme
Jean-Claude LaHaye, le président même de la commission
d'enquête, n'a pu manquer d'y voir là la pierre d'achoppement
possible de l'avant-projet. La marge de manoeuvre de cette municipalité
sera trop réduite, les jeux politiques trop délicats pour qu'on
puisse attendre des schémas de secteur autre chose qu'un simple strict
minimum timoré, sans brisure réelle dans la ligne quasi
anarchique de l'aménagement actuel de notre territoire. Une des causes
de cette impuissance certaine est l'absence du regroupement municipal. La
reculade du ministre précédent en a fait la preuve. Nous avons
remarqué, M. le Président, que le ministre
précédent agissait un peu comme pour une samba, deux pas en
avant, trois pas en arrière. Quand il faisait ses deux pas en avant, il
bousculait les municipalités et quand il reculait de trois pas, il
marchait sur les pieds de ceux qui avaient commencé à le suivre.
Dans les deux cas, il avait créé un problème dans le
milieu des affaires municipales, il était grand temps qu'il soit
remplacé.
L'essai timide des secteurs d'aménagement municipaux, qui valait
ce qu'il valait, s'est transformé en attitude figée sans
pensée d'ensemble et vigoureuse. Cette dérobade honteuse
étouffe aujourd'hui l'aménagement du territoire comme il paralyse
déjà grandement l'application de la Loi de l'évaluation
foncière qui fonctionne un peu sur le principe du mandat. Le ministre
devra et devrait mettre de l'ordre dans le fouillis municipal avant de
distribuer des mandats et d'établir des structures d'aménagement
du territoire. Somme toute, et j'y reviendrai souvent, M. le Président,
comme je le disais tantôt au ministre, si le ministre actuellement n'a
pas le courage de prendre le taureau par les cornes et de fonder une politique
d'administration régionale réelle, l'aménagement et
l'urbanisme, les deux fonctions les plus importantes des gouvernements locaux,
sont vouées à continuer d'être un champ confus à la
fois par
centralisme excessif et à la fois par absence d'une instance
locale assez près des problèmes et des gens, mais aussi assez
large et forte pour réaliser intelligemment des priorités. Il ne
faudrait pas, M. le Président, que l'avant-projet de loi
généralise l'état de fait exemplaire créé
par l'implantation de parcs industriels et municipaux qui s'est faite ici et
là, selon des limites capricieuses des municipalités, sans
coordination autre que celle de prestige coûteux des municipalités
et sans référence aux vocations des régions. Quand je
parle de régions, je ne me réfère pas d'abord aux dix
régions administratives du gouvernement; celles-ci me semblent trop
larges. Il faudrait plutôt penser à des instances plus proches qui
sont des sous-régions administratives dont le nombre pourrait être
situé entre 20 et 30 régions administratives au
Québec.
Dans les régions moins urbanisées, une solution
immédiate serait peut-être un regroupement des conseils de
comté. Je reviendrai plus tard, dans nos travaux, sur ce noeud de la
question mais, pour le moment, je voudrais signaler au ministre une omission
magistrale, qui donne à l'avant-projet un air de squelette. On y
décrit par le détail les champs d'extension des pouvoirs et des
schémas régionaux, sectoriels et locaux, ce qui est très
appréciable, mais en aucun cas on ne parle des buts de cet
aménagement régional du territoire, des principes essentiels
à sauvegarder, par exemple, la lutte contre la spéculation
foncière. On ne le voit pas, dans le projet de loi, la
détermination de normes minimales d'étendues en espaces verts. Le
ministre en a parlé tantôt, je crois qu'il l'a dans ses
préoccupations, mais cela n'est pas dans le projet de loi. On sait que
ce projet de loi a été préparé avant son
arrivée. Le ministre m'a répondu en Chambre qu'il prenait
à son compte ce projet de loi.
J'espère que, très bientôt, il nous apportera les
amendements tenant compte de ces priorités des espaces verts. De plus,
la priorité du transport en commun faisant relation à ce
que je disais tantôt une cité sociale où les
citoyens puissent se rendre à leur travail sans créer des
embouteillages, des problèmes de circulation, problèmes de
pollution et différents problèmes de vie à
l'intérieur d'une société devraient être dans les
principes généraux que nous ne voyons pas dans le projet de loi.
D'autre part, comme rien n'assure que les schémas, autant sectoriels que
locaux, seront réalisés d'abord par des urbanistes et non par des
comptables ou des ingénieurs routiers, le projet laisse planer
l'hypothèse dramatique qu'on ne crée des structures que pour
réaliser des aménagements à courte vue sans profondeur
urbanistique.
En terminant, je voudrais signaler au ministre que la restructuration
projetée et la répartition des pouvoirs conséquente
devraient inclure des fonctions qui sont éparses dans une série
de lois très proches de l'aménagement du territoi- re, soit la
loi 34, que le ministre connaît très bien, qui voit ses limites
aussi, la Loi sur les biens culturels, celles sur la publicité le long
des routes et sur les cimetières d'automobiles, etc. Une approche
régionale de l'aménagement du territoire pourrait permettre
d'intégrer et de coordonner non seulement la réglementation
découlant de ces lois, mais aussi la surveillance et les inspections
nécessaires.
M. le Président, ce sont les principales remarques d'ordre
général que je voulais mettre de l'avant de façon que le
ministre connaisse notre point de vue et qu'il en tienne compte quand
l'avant-projet deviendra un projet de loi qu'il nous fera plaisir d'appuyer
s'il tient compte de ces remarques nécessaires et qui sont le noeud du
problème.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, avant que vous n'invitiez le
premier organisme à prendre la parole, je voudrais faire une mise au
point. Je ne voudrais pas reprendre les deux discours pour répondre
à d'autres points, mais sur un point, il me semble que je doive dire
quelque chose. Je ne voudrais pas qu'au cours de ce débat ou de cet
examen du document de travail on perçoive celui-ci comme étant
une façon détournée d'effectuer le regroupement des
municipalités. Si nous sommes pour faire un débat sur le
regroupement des municipalités, nous le ferons en temps et lieu et dans
le cadre qui conviendrait à ce débat. Je ne voudrais pas
cependant que nous parlions de cet effort de prévoir une saine
planification, un aménagement du territoire dans l'intérêt
de la collectivité comme un moyen d'éviter un débat direct
et en règle sur la question du regroupement. Nous parlons ici de la
coopération entre municipalités, de la coordination des efforts
pour atteindre les niveaux sous-régional, régional et provincial.
Je voulais faire cette mise au point pour que le débat procède
sans l'idée d'une épée de Damoclès au-dessus de la
tête de qui que ce soit.
M. PAUL: M. le Président, nous retenons l'invitation du ministre
à l'effet que, n'importe quand, nous pourrons tenir un débat sur
toute la politique municipale de regroupement des municipalités et,
soyez sans inquiétude, nous aurons l'occasion d'en parler
prochainement.
M. le Président, je voudrais, sur un rappel au règlement,
bien spécifier aux membres de la commission que, plus tard ou une autre
journée, il ne sera pas permis au Ralliement créditiste d'exposer
la politique qu'il entend suivre en regard de l'étude de cet
avant-projet de loi. C'est ce matin que le Ralliement créditiste aurait
dû faire connaître sa politique. Personnellement, je veux inscrire
ma dissidence et celle de mon collègue, à l'avance, si, par
hasard, une demande était faite à la commission parlementaire
pour que les retardataires, après qu'ils auront pris connaissance des
différentes déclarations de principe qui ont été
faites ce
matin par les trois partis, puissent permettre à un porte-parole
de leur parti de ramasser quelques idées et de faire leur propre
politique sur le sujet. Je voudrais que la période de l'exposé
des principes ou de la politique d'un parti soit close.
M. LEGER: M. le Président, est-ce que le député de
Maskinongé tient pour acquis que le Ralliement créditiste est au
courant qu'il y a des problèmes d'aménagement de territoire?
M.PAUL: J'ai l'impression qu'ils n'ont pas connaissance de ce qui se
passe.
LE PRESIDENT (M. Picard): Messieurs, je prends bonne note des remarques
du député de Maskinongé, mais j'aimerais à la
même occasion qu'il nous fournisse peut-être le numéro de
l'article de notre règlement qui prévoit cela.
M. PAUL: II y a la pertinence du débat, M. le Président.
Je n'ai pas de numéro parce qu'on vient de changer le numérotage
de nos articles, mais ce n'est pas loin de 99. L'article 99 amendé est
peut-être 97 ou 101, je ne le sais plus. On attend l'impression du
nouveau règlement. Mais ayez une bonne impression quand même sur
mes propos.
LE PRESIDENT (M. Picard): Alors, messieurs, j'aimerais vous faire part
du nom des organismes qui ont été convoqués devant la
commission parlementaire des Affaires municipales ce matin. Il s'agit de
l'Union des conseils de comté, dont le porte-parole sera Me Pierre Viau.
M. Viau sera aussi porte-parole ... ici, on indique "Affaires de Longueuil". Je
crois qu'il s'agit d'un mémoire présenté par la ville de
Longueuil. Ensuite l'Association canadienne d'urbanisme, division du
Québec, dont le porte-parole sera M. Raymond L'Italien; enfin, la
Corporation des urbanistes du Québec dont le porte-parole est le
président de la corporation, M.Claude Asselin.
J'aimerais demander à toutes les personnes qui s'adresseront
à la commission de s'identifier lorsqu'elles se présenteront au
micro de façon à faciliter le travail de nos chroniqueurs au
journal des Débats. J'invite, en premier lieu, M. Claude Asselin,
président de la Corporation des urbanistes du Québec, à
nous faire part de ses commentaires.
Corporation des urbanistes du Québec
M. JUNIUS: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la
commission, je tiens à excuser M. Claude Asselin qui est retenu par les
devoirs de sa charge. IL m'a demandé de le représenter ici
à la commission. Je suis le premier vice-président de la
Corporation des urbanistes du Québec, Marcel Junius, et je suis
accompagné, ici de trois de mes confrères du conseil de la
Corporation des urbanistes du Québec. Il s'agit, â ma gauche, de
M. Yves Archambault, qui est le deuxième vice-président, et de M.
Maurice Bourque, membre du conseil. A ma droite, le professeur Jean Alaurent,
membre du Conseil.
M. le Président, la Corporation des urbanistes du Québec a
l'honneur de présenter aujourd'hui à la commission parlementaire
des affaires municipales ses premiers commentaires sur l'avant-projet de loi de
l'urbanisme et de l'aménagement du territoire. L'intérêt de
cet avant-projet de loi est évident à la corporation des
urbanistes puisque ses membres consacrent leurs énergies et leurs
talents aux divers travaux et études en matière d'urbanisme et
d'aménagement du territoire. Les commentaires que nous vous
présentons aujourd'hui sont des commentaires de principe et ne sont
point des arguments définitifs. Ces commentaires ont été
préparés par des comités d'étude de la corporation
dans un esprit de dialogue et de coopération. Je profite de la
circonstance qui nous est offerte à la Corporation des urbanistes du
Québec pour réitérer au ministre des Affaires municipales
toute la disponibilité des membres de la Corporation des urbanistes du
Québec pour tous travaux ultérieurs éventuellement
nécessaires en vue d'une mise au point du projet de loi proprement
dit.
Comme vous nous avez demandé, M. le Président, de ne pas
lire le texte entier de nos commentaires, je me permettrai, si vous le voulez
bien, de céder la parole à mes confrères, et
particulièrement au professeur Alaurent qui vous fera connaître
l'essentiel de nos commentaires. La corporation, comme je vous l'ai dit, a
travaillé en comités d'étude et les membres qui
m'accompagnent ont travaillé très positivement dans ces
comités. Je vous demanderais, si vous me le permettez, de céder
la parole à M. Alaurent.
M. ALAURENT: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de
la commission, la mission qui nous a été confiée, comme
à d'autres, est celle d'examiner le document de travail.
Je ne voudrais pas trop dire "avant-projet de loi" car il s'agit encore
d'un long effort de mise au point pour amener notre corporation à
examiner, d'abord du point de vue général puis article par
article, avec beaucoup de soin, l'avant-projet qui nous a été
soumis.
Il n'est pas question aujourd'hui, bien entendu, de récrire
l'avant-projet de loi et de revenir sur des points de détail. C'est
pourquoi nous nous sommes limités à des commentaires
généraux, qui sont des commentaires de citoyens d'une part et
d'autre part des commentaires de spécialistes de la question. Il m'est
peut-être difficile de résumer encore un texte qui a
été réduit à sa plus simple expression,
étant donné les délais et l'objet de notre intervention,
mais je voudrais, en parenthèse, vous présenter des
excuses pour six coquilles qui ont été introduites dans la
dactylographie et pour lesquelles les errata seront déposés, et
revenir sur une impression d'ordre général, peut-être
à regret, qui est de voir l'oeuvre considérable accomplie
naguère par la Commission provinciale de l'urbanisme, sous la
présidence de M. LaHaye, disparaître dans une très large
mesure du projet actuel.
La Commission provinciale de l'urbanisme avait consacré beaucoup
de temps, d'efforts et de compétence à l'édification d'un
projet de loi, peut-être un peu trop ambitieux, entièrement
dirigé vers le moyen et le long terme, mais il nous est apparu et
nous avions d'ailleurs très largement étudié cet
avant-projet de loi à son époque que l'oubli, l'omission
d'un certain nombre de propositions contenues dans le premier rapport de la
commission LaHaye étaient, dans une certaine mesure, regrettables. On
aurait pu concevoir, par exemple, que cet avant-projet, si laborieusement et si
précisément élaboré, nous apportât la base
d'une mise à jour, peut-être d'un allégement, où un
certain nombre de ces dispositions nous paraissaient tout de même de
nature permanente.
Je ne voudrais pas m'étendre davantage sur ces regrets et en
venir au chapitre des espoirs. Ces espoirs sont évidemment contenus dans
une large mesure dans la loi que nous attendons depuis tant d'années, je
le répète, à la fois au titre de citoyen et au titre
d'urbaniste.
La section I du document de travail ne donne lieu évidemment
qu'à des observations qui peuvent être reportées à
des études plus détaillées; un certain nombre de
définitions, en général, sont tout à fait
acceptables, d'autres peuvent être précisées; nous aurions
voulu, suivant les propositions de la commission LaHaye, voir le titre du
ministre devenir celui d'un ministre des Affaires municipales et de
l'urbanisme, pour que la population, dans son ensemble, soit
sensibilisée à cette fonction capitale du ministre des Affaires
municipales et aussi à la notion d'urbanisme. Mais c'est une suggestion
de détail et les suivantes sont évidemment plus importantes pour
l'organisation générale de la planification du territoire au
Québec.
Nous avons relevé qu'un certain mimétisme se
développe à travers les premières parties du texte,
c'est-à-dire que l'on considère que l'aménagement des
territoires et le développement économique et social
relèvent des mêmes organismes, ce qui est à la fois vrai et
faux.
Si l'aménagement du territoire traduit sur le sol les
volontés exprimées par une planification affirmée,
accentuée du développement économique et social, ce n'est
pas entièrement vrai, parce qu'un certain nombre des prévisions,
du plan de développement économique surtout, ne peuvent pas
être automatiquement traduites en termes de schéma d'organisation
nationale ou régionale et parce que, notamment, les travaux des
économistes peuvent conduire à des concentrations vers la
métropole, alors que les travaux des planificateurs soucieux d'un
certain équili- bre et d'effacer des disparités régionales
peuvent comporter des positions exactement contraires.
Mais ce n'est pas l'objet de notre débat. Ce qui est
immédiatement le plus présent à notre esprit, c'est que
lus organismes centraux sont, dans l'état actuel des choses, uniquement
composés de membres du gouvernement et des administrations
gouvernementales. Là se pose, déjà, à cet
échelon supérieur, la question des concertations et des
participations avec les corps intermédiaires et la population en
général. C'est pourquoi nous avons suggéré qu'il y
ait un certain dédoublement au niveau supérieur entre des
organismes composés essentiellement de fonctionnaires et de la
coordination entre les services ministériels et les organismes à
vocation plus large et à ouverture surtout plus large.
Il est clair que les suggestions faites à la page 6 de notre
mémoire ne sont que des suggestions et que la composition de ces corps
consultatifs et peut-être corps d'étude peut être encore
étendue et les modalités de son fonctionnement
précisées.
Tous les lecteurs de l'avant-projet de loi, presque sans exception, ont
relevé l'absence d'une organisation régionale; introduisant ici
d'ailleurs cette remarque qui vient d'être faite, c'est que la
région administrative, telle qu'elle est définie actuellement,
représente assez souvent une entité qui peut échapper
à une certaine unité de conscience régionale.
Dans le projet de loi de la commission LaHaye, nous avions relevé
une structure régionale particulièrement élaborée
où s'exerçaient à la fois des fonctions de coordination
entre secteurs, de coordination entre le haut et le bas, si l'on peut dire, et
de concertation avec les représentants du public et de la conscience et
des intérêts de la région. Elle était
évidemment, pour le moment et peut-être pour un avenir proche,
assez lourde. Il y avait un système de comités, de conseils
régionaux de planification, de comités sectoriels, de
sous-comités techniques, la participation des députés de
la région et, à l'horizon même, l'idée d'un centre
administratif régional et même d'un préfet. Nous en sommes
maintenant loin et nous en sommes trop loin, puisque cette question a
été traitée par prétention.
En fait, une organisation plus légère faisant intervenir
d'une part des comités de coordination des équipements
régionaux, que le premier rapport appelait Cépeg, et des conseils
faisant intervenir les représentants régionaux des corps
intermédiaires, nous paraissait indispensable. Indispensable, pourquoi?
Parce que, alors qu'il est partout difficile de faire une planification et une
organisation territoriales à l'échelle nationale, elle s'impose
et elle constitue l'échelon privilégié de l'organisation
du territoire à l'échelle régionale. C'est donc là
que doivent se constituer de nouvelles organisations; c'est là aussi que
doivent s'arrêter, dans une certaine mesure et dans une large mesure, les
problèmes
posés de la base et que l'on voit trop souvent remonter jusqu'au
ministre qui se trouve ainsi chargé d'un nombre considérable de
tâches d'ordre contentieux parfois.
Pour le schéma d'organisation d'aménagement
régional, nous avons introduit une certaine réserve sur l'usage
généralisé du mot "schéma", mais ceci n'est qu'une
question de terminologie. Ce qui est plus intéressant pour nous, ce sont
les modalités d'élaboration de ces schémas qui ne sont en
fait que l'expression de programmes.
A la section IV, qui traite du regroupement pour fins
d'aménagement du territoire, nous avons pensé et
suggéré que la popularité de la formule de regroupement
devait la faire disparaître des textes futurs. Etant donné qu'il
s'agit, non pas d'une intervention centrale tendant à forcer ces
regroupements, nous avons suggéré le titre d'Association pour
fins d'urbanisme qui précise qu'il ne s'agit pas d'une fusion
générale et d'une disparition des personnalités
municipales.
La Commission d'aménagement de secteur, qui est l'objet de la
section V, a fait l'objet d'une remarque d'ordre pratique dans la mesure
où elle n'est composée que de représentants des
municipalités à raison de un par municipalité, et bien
qu'il soit prévu que les membres puissent appartenir à
l'administration comme au public grosso modo, nous avons pensé que deux
membres, dont un obligatoirement représentant des citoyens, devaient
être la norme de composition de la Commission d'aménagement de
secteur.
Le schéma d'urbanisme est évidemment à la base de
cette construction de l'organisation territoriale qui, comme il a
été dit tout à l'heure, vient à la fois du haut et
du bas. Il semble que, sur certains points, les pouvoirs des
municipalités aient été, dans une certaine mesure,
entamés et, dans la mesure où celles-ci doivent attendre la
confection de schémas de secteur, de schémas régionaux,
etc., nous avons été un peu inquiets de penser que, malgré
les précautions prises par le projet, c'est-à-dire le
schéma régional s'il en existe, le schéma de secteur s'il
en existe, on se trouve amené à des délais et à des
reports de décisions au niveau municipal qui sont, comme chacun sait,
extra-ordinairement coûteux étant donné les
opérations qui peuvent se développer pendant la période
d'attente.
Il est donc évident pour nous, tout au moins, que si toutes les
municipalités de quelque importance ou faisant partie d'une
agglomération de quelque importance doivent se pourvoir d'un
schéma d'urbanisme qui commande ensuite les projets particuliers, d'une
part, et les règlements de zonage, d'autre part, nous pensons aussi que
les commissions d'urbanisme doivent être
généralisées et qu'il n'est pas indispensable d'attendre
que la confection d'un schéma soit décidée pour constituer
de telles commissions. Le contrôle intérimaire qui fait l'objet de
la section IX nous parait une innovation de toute première
importance.
Il s'agit évidemment d'imposer des sauvegardes qui sont
d'ailleurs classiques dans presque toutes les législations
étrangères et d'éviter que, pendant la période
préliminaire, des opérations de spéculation
foncière ou des faits accomplis entament la valeur et la validité
des futurs schémas d'urbanisme avant même qu'ils ne soient
établis.
Nous pensons aussi que la faculté et le pouvoir de décider
de ces mesures de sauvegarde doivent appartenir à la fois aux
municipalités et au ministre. Dans la mesure où les
municipalités seraient désireuses de se couvrir par une
autorité supérieure, elles demanderaient l'approbation de ces
mesures de sauvegarde par le ministre. Dans d'autres cas, leur pouvoir seul
pourrait et devrait suffire à procéder aux mesures de sauvegarde
qui sont, je le répète, classiques dans la plupart des
législations.
Il reste toutefois que des limites dans le temps doivent être
évidemment adoptées et que de telles mesures de sauvegarde ne
doivent pas indéfiniment geler un certain nombre d'initiatives ou de
projets sur le terrain. En ce qui concerne le zonage, objet de la section X, la
préoccupation prédominante dans l'esprit de nos participants aux
groupes de travail est que les plans et règlements de zonage soient
étroitement subordonnés à l'existence d'un schéma
d'urbanisme et que, d'autre part, l'écart dans le temps entre la mise en
vigueur du schéma d'urbanisme et les règlements d'application,
dont le zonage, soit réduit au strict minimum.
On pouvait même envisager que le schéma directeur soit
accompagné immédiatement de tous les règlements de zonage.
Parmi les règlements d'application, ceux qui sont relatifs à la
construction sont évidemment importants et nous sommes très
généralement partisans d'un code de la construction à
l'échelle provinciale. Et s'il y avait des amodiations à
intervenir au niveau local, il serait facile de le prévoir dans le texte
même de la loi sur la construction ou dans l'ensemble des nouveaux codes
que nous attendons.
La section XII, "lotissement", nous a paru ambiguë dans la mesure
où ce terme fait intervenir à la fois les opérations qui
relèvent des arpenteurs et les opérations qui relèvent des
urbanistes. Nous avons proposé qu'il s'agisse de dossiers
d'aménagement partiel, c'est-à-dire de la définition de
l'occupation du sol d'une façon encore relativement large et qui doit
ensuite servir au travail sur le terrain et à la mise en concordance des
différents lots concernés.
Là encore, et si, à la page 21, nous faisons allusion aux
copies de documents qui doivent être adressées au directeur de
l'urbanisme, ce n'est qu'un des cas où nous suggérons de
substituer l'autorité du directeur de l'urbanisme qui est au service du
ministre à la signature du ministre lui-même pour des questions
qui relè-
vent de la pure technique ou du pur contentieux.
La section XIII est une section de technique précise sur les
rues, les places publiques, les permis. Dans certains cas, il semble que des
recherches doivent être entreprises d'une façon minutieuse pour
faire concorder certaines dispositions de l'avant-projet avec celles de la Loi
des cités et villes, notamment. Il est entendu que, article par article,
on pourrait prendre les dispositions relatives à ces détails, la
largeur des rues, 66 pieds, etc., qui n'ont pas leur place aujourd'hui ici.
Le projet particulier d'aménagement représente pour nous
une innovation ou une notion intéressante et nous n'avons que des
remarques de détails à faire à ce sujet.
A la section XV qui traite du remembrement des voies de circulation et
des banques de terrain, cela apparaît un peu héréroclite
à vrai dire. Nous avons surtout souhaité que, d'abord,
l'expression "banque de terrain", qui est une traduction, soit remplacée
par "réserve foncière", ce qui n'est pas très important.
Mais ce qui est important, ce sont les principes. C'est-à-dire celui de
la possibilité, pour les municipalités et à tous les
échelons de gouvernement, de prévoir, de préparer l'avenir
en se portant acquéreurs de terrains d'un point de vue tout à
fait général et sans être obligées de définir
très précisément les objectifs d'achats comme il est
prévu à l'article 111. Il s'agit là d'une politique qui a
des exemples et des précédents bien connus dans les
législations, notamment Scandinave et germanique, et à laquelle
nous pensons qu'il faudrait accorder une très large place allant
jusqu'à des possibilités de préemption lors des ventes de
terrains.
Quant à la section XVII des règlements et ordonnances,
nous avons pensé également qu'il était souhaitable de ne
pas reporter, sans qu'il soit question de délai, la mise en vigueur des
règlements et ordonnances d'une façon trop lâche par
rapport à la mise en oeuvre de la loi elle-même.
Nous pourrions souhaiter qu'un certain nombre de principes et de
dispositions renvoyés aux règlements soient inclus dans la loi et
qu'en tout cas les règlements et ordonnances accompagnent de très
près dans le temps la parution et l'application de celle-ci.
Enfin, dans un certain nombre de cas et à presque tous les
chapitres décrivant les processus de préparation et d'approbation
des plans, il a été noté qu'en aucun temps des
modifications peuvent intervenir. Nous savons bien que ces modifications sont
assorties des procédures habituelles qui concernent l'approbation
elle-même, mais nous pensons que la latitude donnée de
procéder et de proposer ces modifications à toute époque
devrait être assortie d'un certain nombre de limites dans le temps.
Par exemple, six mois ou un an, et peut-être d'ailleurs d'une
révision systématique, périodique des plans qui
contiendrait l'ensemble de ces modifications.
Nous nous sommes permis de conclure en regrettant que l'avant-projet de
loi n'ait pas été précédé d'un exposé
des motifs ou d'un texte qui explique clairement les intentions du gouvernement
dans ses lignes générales. Nous avons regretté aussi, en
tant que professionnels, de voir que le mot urbaniste n'apparait nulle part
dans le texte qui nous a été soumis. C'est peut-être une
considération quelque peu égoi's-te, mais qui n'a pas
échappé non plus aux examinateurs qui ne sont pas membres de
notre corporation.
LE PRESIDENT (M. Picard): Je vous remercie. Est-ce que des membres de la
commission auraient des questions à poser? Le député de
Lafontaine.
M. LEGER: Je voudrais d'abord demander à celui qui vient de nous
adresser la parole à un moment donné vous avez
exprimé l'idée d'un conseil régional de
l'aménagement du territoire et vous définissiez quelques
responsabilités dans votre esprit, quelle devrait être la
taille de ce territoire qui serait sous la responsabilité d'un conseil
régional. Dans votre esprit, est-ce qu'il y a déjà une
définition concernant les possibilités de fonctionnement d'une
région, autant au point de vue de sa taille, de la densité, de
l'évolution démographique qui est nécessaire comme point
de départ pour réaliser une responsabilité qui serait
différente, selon sa taille? Une région qui serait trop petite
aurait une responsabilité plutôt d'exécution d'un plan
conçu par d'autres, si elle est un peu plus grosse, elle aurait une
responsabilité de conception technique et, si elle a une taille un peu
plus grande, mais quand même assez proche du citoyen pour qu'il puisse
s'identifier, elle pourrait avoir un rôle de planification,
d'évaluation des besoins, etc. D'après vous quelle
pourrait-être cette taille-là, combien pourrait-il y avoir de
conseils régionaux dans le Québec?
M. ALAURENT: Je dois dire que c'est une très vieille question que
celle de la définition des régions. On en trouve les
premières racines dans les travaux menés par les
géographes américains en 1936, pour ne parler que de ce
continent, et c'est un terme qui présente une élasticité
regrettable. On a quelquefois appelé régionales, d'ailleurs comme
dans le rapport LaHaye, des entités territoriales qui dépassent
simplement le niveau du comté ou qui sont de l'ordre du niveau des
comtés; d'autres fois, le terme régional a été
étendu à des portions considérables du territoire. Nous
pensons que la définition actuelle des régions conduit dans la
plupart des cas à des unités un peu trop larges, dans la mesure
où la conscience de communauté est un des critères qui
définissent précisément la région. D'autres
critères qui sont trop nombreux pour que nous en fassions état
ici ont été pris en considération, en particulier par des
géographes américains du Planning Comity de 1936 dont l'existance
d'un centre, dont la
possibilité de s'identifier par un mot comme Estrie, par exemple,
etc. On conçoit effectivement que la division du territoire en dix
régions puisse présenter, dans certains cas, des
inconvénients et nous les avons constatés lors des travaux du
BAEQ.
M. LEGER: N'êtes-vous pas prêt à donner un chiffre
approximatif? En voyant des entités comme l'Estrie, le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui sont très homogènes, et devant le
fait qu'il y a des régions où la densité de population est
tellement diluée que cela prend un territoire plus grand pour avoir
suffisamment de gens capables d'avoir les moyens financiers de réaliser
quelque chose dans le milieu, verriez-vous un chiffre quelconque, soit le
nombre d'entités régionales?
M. ALAURENT: Du point de vue de la population, non. Il y a une
combinaison d'espace homogène, d'espace complémentaire. La
région chère aux géographes de l'école
française était une entité territoriale homogène
présentant les mêmes paysages, mais la région
économique est au contraire une région à
l'intérieur de laquelle s'établissent un certain équilibre
et une relative autarcie d'ordre industriel, commercial, de services, etc. Il
faudrait une étude précise menée par des
spécialistes pour arriver à proposer un autre découpage
administratif avec tous les inconvénients que ça peut
présenter du point de vue des innovations. Je saisis d'ailleurs
l'occasion, puisque vous venez de citer les possibilités
financières, de revenir sur un point du document de travail qui nous a
beaucoup frappés, c'est la réduction à quatre lignes des
dispositions financières contenues par le projet de loi sur l'urbanisme,
laissant entièrement au bon plaisir du ministre la distribution d'un
certain nombre d'aides et de subventions sans qu'il soit défini un
minimum de normes afférentes à cette aide et nous avons, suivant
d'ailleurs les propositions de la commission LaHaye, évoqué la
possibilité d'un partage dans une certaine proportion, disons
moitié moitié, entre le ministre et les ressources propres des
municipalités ou associations de municipalités.
M. LEGER: Vous venez de dire tantôt que, pour connaître la
quantité de régions qui devraient exister, ça prendrait
une étude bien précise là-dessus au niveau national
plutôt que de commencer par la base. La commission Hannigan, regroupant
le territoire de la Communauté urbaine de Montréal avec quelques
municipalités autour, a fait des études partielles. Est-ce que
vous trouvez que c'est une étude qui aurait dû suivre une
étude nationale? Quand je dis nationale, je parle pour Québec.
Est-ce que vous pensez que c'est une étude qui aurait dû suivre
une étude nationale ou si une étude nationale devrait suivre une
étude partielle comme celle de la communauté urbaine, bien que ce
soit tellement grand comme territoire?
Est-ce que vous pensez que ça peut s'aménager en ayant
fait une étude particulière et précise, pour ensuite avoir
un plan général, plutôt que d'avoir commencé par un
plan général pour retrouver des études comme la commission
Hannigan par la suite?
M. ALAURENT: Je dois dire que les études concernant la
communauté urbaine et singulièrement celle de Montréal et
le cas de Montréal même, cela introduit toujours une certaine
ambiguïté dans la pensée même et dans les idées
que l'on peut avoir de ce type d'opération. Montréal et la
région montréalaise sont un phénomène en soi et,
dans l'étude de la loi elle-même, nous avons été,
à un certain moment, arrêtés par la discussion au sujet de
ce qui se passe, si tel article s'applique à Montréal, au lieu de
s'appliquer à la municipalité de "Saint-Exemplaire." En fait, il
nous semble que l'étude à l'échelle de la province,
Montréal excepté, devrait précéder une des
études de délimitation en partant des noyaux, ces noyaux qui sont
toujours indispensables à la définition et à la
solidité d'une région.
M. LEGER: II y a aussi des relations entre les régions.
M. ALAURENT: Bien entendu.
M. LEGER: Une dernière question. Vous avez parlé
tantôt dans votre exposé, en plus d'un conseil
interministériel, d'un conseil de l'aménagement du territoire;
quelles seraient les relations entre ces deux conseils qui relèvent tous
les deux du ministre, selon ce que vous proposez?
M. ALAURENT: Ce sont des relations qui peuvent apparaître comme un
dédoublement mais qui n'en sont pas tout à fait un. Je prends
l'exemple, si on veut, de l'organisation française, qui dispose depuis
longtemps d'un commissariat général du plan. Disons en passant
que ce commissariat général du plan est un organisme doté
de moyens propres extrêmement faibles et qu'il agit très
généralement par concertation, en tirant des ministères
l'essentiel de sa documentation, et aussi d'une délégation
à l'aménagement du territoire et à l'aménagement
régional qui portait le nom de Datar.
La création du second organisme Datar, a répondu dans une
certaine mesure au souci d'un aménagement physique ou des sauvegardes
physiques qui s'opposent assez souvent à la volonté ou à
des projets industriels. C'est, si l'on veut, dans une certaine mesure, un
ministère de l'environnement ou un organisme de coordination des
problèmes de l'environnement qui relève du premier ministre comme
le commissariat général au plan et qui joue un rôle
fondamental d'ailleurs dans la définition de ce qui est, comme il a
été dit tout à l'heure, à sauvegarder, à
protéger, à conserver dans l'équi-
libre de la planification régionale, où les
intérêts particuliers et même ceux de l'Etat sont souvent en
opposition avec ceux de cette sauvegarde.
M. LEGER: Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de
Maskinongé.
M. PAUL: M. le professeur, dans votre mémoire ou celui de la
corporation, vous faites référence à la page six de la
formation d'un conseil latéral qui serait en quelque sorte le pendant du
conseil interministériel. Pourriez-vous nous dire pour quelle raison,
dans vos recommantations contenues à la page six, vous n'accepteriez pas
que le gouvernement reçoive des recommandations en plus de celles que
vous énumérez: a) des associations ayant pour principal objet la
sauvegarde et l'amélioration du milieu physique; b)les
universités et organismes provinciaux de recherche en ce domaine; c)les
professionnels ayant pour vocation l'établissement des schémas,
plans et règlements définis par la présente loi; des
recommandations qui pourraient être faites par exemple par l'Union des
conseils de comté, par les communautés urbaines, que ce soit
celles de Montréal, de l'Outaouais ou de Québec, ou par les
grandes villes telles que Montréal et Québec? Pourquoi, à
la lecture de votre lettre c'est l'impression que j'en ai vouloir
limiter à ces trois organismes ou à ces trois corps
recommandés à votre page six au gouvernement la liberté de
consultation?
M. ALAURENT: Lors de mon exposé tout à l'heure, j'ai
mentionné qu'il s'agissait d'une suggestion et que, évidemment,
il ne s'agissait pas d'une suggestion limitative et que la composition et
l'équilibre de ce conseil doivent être étudiés et
mis au point ultérieurement. Il ne s'agit pas d'un ostracisme
vis-à-vis des représentants régionaux déjà
établis et dont le rôle est capital au sein des conseils
régionaux d'ailleurs.
M. PAUL: Si je comprends bien la portée de vos propos, c'est que
la liste des organismes suggérés n'est pas limitative.
M. ALAURENT: Absolument Das.
M. PAUL: Maintenant, à la page douze de votre mémoire,
lorsque vous traitez du problème des commissions d'aménagement de
secteur, vous terminez ce chapitre en disant: "Pour assurer un
nécessaire équilibre, chaque municipalité devrait
désigner deux représentants, dont un contribuable
résident." Pourquoi pas deux contribuables résidents?
M. ALAURENT: Là aussi, nous nous trouvons en face...
M. PAUL: Parce que, remarquez bien, je ne veux pas vous prêter
d'intention, mais est-ce que vous voudriez protéger les
intérêts des membres de votre corporation?
M. ALAURENT: Absolument pas.
M. PAUL: Je ne vous en ferais pas un reproche mais je voudrais savoir
pour quelle raison vous suggérez au législateur une telle
représentation sous prétexte de mieux équilibrer la
représentation au sein de la Commission d'aménagement de
secteur.
M. ALAURENT: Nous avons pensé quasi automatiquement que, si
chaque municipalité n'avait qu'un représentant à la
commission de secteur, elle nommerait peut-être son maire ou un membre de
l'administration municipale représentatif et qu'on aboutirait ainsi
à une Commission d'aménagement de secteur où les citoyens
ne seraient pratiquement pas représentés. C'est une
considération d'ordre pratique. Il serait assez étonnant que les
choses se passent d'une façon différente.
En proposant qu'il y ait deux représentants dont au moins un
parmi les citoyens résidents, nous pensons établir effectivement
un équilibre, mais s'il y a deux citoyens résidents, nous n'y
voyons que des avantages.
M. PAUL: Si je comprends bien la précision de votre
pensée, du texte, vous suggéreriez qu'il y ait deux
représentants dont un ne serait pas un officier municipal, au sens de la
loi?
M. ALAURENT: Voilà. M. PAUL: Très bien.
M. ALAURENT: J'ajouterais tout de suite, si vous me le permettez, que
cela n'a aucun rapport avec les intérêts corporatifs.
M. PAUL: Non, remarquez bien que je ne voulais en aucune façon
vous prêter de tels motifs. C'est justement parce que j'ai trop de
respect pour votre corporation que je ne voulais pas qu'un tel doute
persiste.
M. ALAURENT: Je vous en remercie.
M.PAUL: M. le professeur, un esprit qui semble se dégager de
cette loi, de cet avant-projet de loi, qui, je l'espère, ne sera pas
retenu, c'est que l'on semble porter grave atteinte, dans le texte tel que
préparé, à l'autorité municipale. Est-ce que vous
vous êtes arrêtés à cet aspect de notre loi?
M. ALAURENT: Nous l'avons mentionné... Nous nous y sommes
arrêtés, bien entendu, et nous l'avons mentionné à
plusieurs reprises, en particulier lorsque nous avons proposé que les
schémas d'aménagement, les schémas d'urbanisme, plus
exactement, puissent être, en tout cas,
préparés ou commandés par toutes les
municipalités comme elles en ont d'ailleurs déjà le droit.
Leur enlever ce droit et le subordonner à une initiative centrale nous a
paru effectivement entreprendre sur leurs prérogatives actuelles.
M. PAUL: Est-ce que vous verriez d'un bon oeil que l'adoption de cette
loi, à toutes fins pratiques, fasse disparaître le
mécanisme des référendums que nous connaissons tant dans
la Loi des cités et villes que dans le code municipal?
M. ALAURENT: Sur ce point, notre groupe d'étude a
été très partagé. Certains d'entre nous ont
considéré qu'il s'agissait de la disparition d'une partie des
procédures de démocratie directe et nous n'avons pris, dans
l'ensemble, aucune partie décisive à cet égard.
M. PAUL: Ceux qui ont pu exprimer certains doutes quant à cette
disparition du référendum se sont peut-être
interrogés afin de savoir comment, maintenant, le contribuable pourrait
exprimer son point de vue sur le problème de l'urbanisme et de
l'aménagement du territoire. Vous n'êtes pas obligé de me
répondre.
M. ALAURENT: Le projet répond...
M. PAUL: Je me figure que c'est là une des principales
préoccupations de ceux qui ont été inquiets de telles
mesures dans la loi.
M. ALAURENT: Le projet lui-même répond par une
procédure nouvelle à la substitution et aux inquiétudes
que l'on peut avoir quant à la suppression totale de la procédure
du référendum.
M. PAUL: Est-ce que vous le jugeriez plus démocratique? Vous
n'êtes pas obligé de répondre. De toute façon, je
tiens à vous remercier, M. le professeur, et ceux qui, avec vous, ont
travaillé à nous présenter un excellent mémoire
qui, j'en suis sûr, nous servira de point d'appui, de discussion et
d'orientation lorsque nous aurons le texte définitif de la loi à
adopter, à étudier.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député d'Argenteuil, maire de
Lachute.
M. SAINDON: M. le Président, je veux tout simplement faire une
mise au point ici, à l'intention du député péquiste
de Lafontaine, pour ménager nos énergies et nous éviter de
perdre du temps. C'est au sujet de la responsabilité de cette
commission. La responsabilité de cette commission n'est pas
d'étudier un projet de loi d'aménagement, d'urbanisme national.
Pour autant que je sache, nous n'avons aucune autorité en dehors de la
province de Québec.
J'aimerais bien que l'on se limite à discuter de l'avenir du
territoire de la province de Québec et qu'on laisse le Canada aux autres
provinces concernées.
M. LEGER: M. le Président, permettez-moi tout simplement de faire
la nuance suivante: C'est que, en ce qui nous concerne comme
Québécois francophones, l'aspect national pour nous, c'est le
Québec. J'avais fait la nuance tantôt.
M. SAINDON: La langue et le territoire, ce sont deux...
M. LEGER: Moi, je parlais de l'aspect du territoire national des
Québécois.
M. SAINDON: Moi, je parle du territoire et non pas de la langue.
M. PAUL: En résumé, vous voulez avoir...
M. LEGER: Nous sommes à l'Assemblée nationale ici,
remarquez bien.
LE PRESIDENT (M. Picard): Avez-vous terminé?
M. SAINDON: Pour l'instant, oui.
LE PRESIDENT (M. Picard): L'honorable ministre.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, comme Québécois
francophone, je suis très intéressé à ce
débat et je retiens les commentaires d'ordre linguistique de la
Corporation des urbanistes; je retiens aussi plusieurs éléments
de cet excellent mémoire. Je note l'insistance sur la
nécessité d'envisager l'expression d'un point de vue
régional; c'est un point soulevé par d'autres et que nous
voudrons examiner d'une façon assez particulière.
Je note aussi à la page 16 de votre mémoire votre
reconnaissance de la nécessité de mesures de contrôle
intérimaires pour éviter la création de faits accomplis
et je pense que l'on peut aller un peu plus loin, vous avez sans doute
eu trop de politesse pour le dire mais qui pourraient être
créées de façon absolument spéculative. Or, nous ne
voudrions pas, par la mise en application d'une telle loi éventuelle,
qui prendra, cette mise en application, un certain temps nécessairement,
créer une situation qui serait défavorable aux
intérêts des contribuables.
Je retiens aussi une expression que je trouve heureuse sur le plan
linguistique et qui provoque la réflexion. A la page 28 de votre
mémoire, vous parlez "d'atteintes à la personnalité
municipale." Ceci m'amène à citer quelques lignes de votre
mémoire préliminaire intitulé "Commentaires
généraux", où l'on trouve ce qui suit et je cite: "Les
municipalités trouve-
ront enfin dans les schémas d'échelles supérieures
les données nécessaires à la pertinence de leurs propres
projets et la rationalité de la hiérarchie géographique
établie par l'avant-projet est indiscutable." Je suis
réconforté par ces mots, parce que je trouve là-dedans
l'expression d'une pensée que j'avais essayé d'exprimer
moi-même dans mes remarques préliminaires. Mais je voudrais
peut-être vous pousser, comme le député de
Maskinongé l'a fait tout à l'heure, à vous exprimer avec
un peu plus de précision sur les mécanismes qui devraient
présider à la consultation et à la concertation au niveau
municipal, au niveau local.
Le député de Maskinongé vous a posé une
question précise en ce qui concerne le mécanisme de
référendum. Mais puisque ce n'est pas le seul mécanisme
possible, puisque c'est une question qu'il faudra résoudre en relation
avec d'autres mécanismes possibles, si vous pouviez vous exprimer avec
un peu plus de précision sur la consultation et la concertation, comment
voyez-vous cette consultation se faire? Comment voyez-vous l'expression de
l'opinion locale atteindre l'oreille de celui la personne morale
qui sera chargé de la décision éventuelle quant à
la planification pour le Québec tout entier?
M. ALAURENT: M. le Président, c'est une question difficile, parce
qu'elle pourrait me conduire à des considérations d'ordre
technologique, c'est-à-dire sur les mécanismes mêmes
d'élaboration des plans par l'urbaniste.
Les réflexions générales que l'on a pu faire sur
l'avant-projet de loi nous ont conduits à regretter que, dans une
certaine mesure, l'évolution des processus de l'urbanisme n'ait pas
été prise en considération.
Dans une certaine mesure, tout se passe comme si nous étions
encore en 1950 et comme si le plan était un plan commandé en A et
qui sort en Z tout armé de la cervelle de Minerve, c'est-à-dire
un urbaniste ou pseudo-urbaniste... Mais les choses ont beaucoup
évolué. Nous sommes, en général,
entraînés précisément, comme responsables des
propositions, à procéder maintenant par phases, par étapes
ce qui ne veut pas dire que nous allongeons le processus
c'est-à-dire par des premières études de reconnaissance
très rapides, au cours desquelles nous pouvons procéder
déjà à une première présentation des projets
et au choix qui se présente. C'est extrêmement important, parce
qu'à cette phase de l'étude nous avons, de la part des pouvoirs
publics, une idée assez précise, et leur programme, même
qui souvent est très vague au moment où il est donné
à l'urbaniste, se précise et où on s'engage dans des voies
qui, par des options successives, de plus en plus précises, nous
donneront une option finale.
Je dois dire que l'expérience de la consultation directe
auprès de la population présente, bien entendu, un certain nombre
d'inconvénients. Elle risque dans un certain cas de prolonger
inutilement des objections, des débats, des discussions, etc., entre le
comité des citoyens et groupements plus ou moins représentatifs
des intérêts véritables de ceux-ci, et aussi d'ailleurs une
réserve qui tient au fait qu'assez fréquemment les élus du
peuple se considèrent en face du technicien, comme les seuls
interlocuteurs valables. Il n'est pas tout à fait rare que l'on
interdise à l'urbaniste pratiquement de pousser trop loin la
présentation de ces avant-projets ou de ces documents de
reconnaissance.
M. L'Italien qui va être ici le porte-parole de l'Association
canadienne de l'urbanisme, va très probablement souligner combien cette
question de la Commission d'urbanisme est délicate et combien
l'établissement d'une sorte d'équilibre à
l'intérieur de cette commission entre les intérêts purement
économiques et les intérêts sociaux souvent atomisés
jusqu'à la dimension d'un petit quartier, nécessite d'attention.
Il reste, dans l'élaboration des règlements qui pourrait
intervenir, relativement à la composition des commissions d'urbanisme,
encore beaucoup de travail à faire. Ajoutons d'ailleurs qu'il s'agit
dans une très large mesure, de la dimension de la communauté
considérée et que ce qui peut apparaître facile dans une
petite ville, peut devenir inextricable à l'échelon d'une
communauté urbaine de grande dimension.
M. GOLDBLOOM: Merci.
M. LE PRESIDENT (M. Picard): Merci. Je désire, au nom des membres
de la commission, remercier les porte-parole de la Corporation des urbanistes
du Québec, plus particulièrement M. Marcel Junius, premier
vice-président, de même que le professeur Jean Alaurent.
Je désire maintenant faire part à nos invités que
la commission ajournera sine die à une heure. Cela veut dire que nous ne
pourrons pas siéger ni cet après-midi, ni ce soir, à cause
du débat en Chambre sur le discours inaugural. Nous allons siéger
jusqu'à une heure cet après-midi.
J'inviterais maintenant Me Pierre Viau, qui est à la fois le
porte-parole de l'Union des conseils de comté et de la ville de
Longueuil, à présenter l'un ou l'autre des deux
mémoires.
Union des conseils de comté
M. VIAU (Pierre): Avec la permission de cette commission, je commencerai
par le mémoire de l'Union des conseils de comté qui est
très bref et qui fait connaître une position déjà
expliquée antérieurement dans d'autres mémoires. Je suis
accompagné du président de l'Union des conseils de comté
et maire de Verchères, M. Jean-Marie Moreau.
Nous avons lu et relu attentivement l'avant-projet de Loi de l'urbanisme
et de l'aménagement du territoire déposé en
décembre 1972. Nous avons, de plus, lu et relu attentivement le
numéro de janvier 1973 de la publication du ministère des
Affaires municipales intitulée "Municipalité 73" puisque aucune
note explicative n'était jointe à l'avant-projet de loi. C'est
avec regret que nous sommes aujourd'hui forcés d'exprimer notre
déception devant cette commission et d'attirer son attention sur les
points suivants :
Premièrement, l'Union des conseils de comté du
Québec n'a pas été consultée sur le contenu de
l'avant-projet de loi ci-haut mentionné. Pourtant, on lit en page 4 de
"Municipalité 73" les mots suivants: "Cet avant-projet de loi, a dit le
ministre Tessier, a fait l'objet de consultations aussi nombreuses que
variées auprès des municipalités et des organismes
spécialisés. L'an dernier, par exemple, l'Union des
municipalités du Québec a tenu des ateliers de travail pendant
deux jours sur ce projet."
Pourquoi alors avoir ignoré le travail qui se fait chez nous,
à l'Union des conseils de comté, depuis près de cinq ans
et qui est consigné dans de nombreux mémoires, dans des
résolutions et même dans un schéma de loi adopté
d'ailleurs lors de notre dernier congrès de septembre dernier?
Nous ne nous opposons pas au désir que peut ressentir l'Etat de
s'occuper des questions d'urbanisme et d'aménagement du territoire
puisqu'il y a déjà longtemps que cette question préoccupe
nos collectivités locales. Ce que nous ne voulons pas, c'est
d'être ignorés, sauf pour payer l'addition de tous ces beaux
projets. Et, dans le cas qui nous occupe, nous avons été
ignorés et nos revendications n'ont pas été entendues.
C'est le premier point que nous tenons à soulever sur
l'avant-projet. Deuxièmement, ceux qui ont rédigé cet
avant-projet de loi connaissent-ils l'existence du code municipal? Quant
à nous, nous leur accordons le bénéfice du doute: ils en
sont ignorants. Sinon, il faudrait admettre qu'ils ont, de propos
délibéré, retiré aux conseils du comté une
de leurs comptétences.
En effet, voyons ce que décrète l'article 422 du code
municipal. "Toute corporation de comté peut faire amender ou abroger des
règlements mentionnés aux sections I, II, III, IV, V, VI et VII
du chapitre 2 du présent titre, c'est-à-dire les articles 390
à 398, dans l'article 402 et dans le premier paragraphe de l'article 403
et exercer, pour des fins de comté, le pouvoir général de
réglementation prévu à l'article 414."
Lorsqu'il a inséré dans le code municipal les articles 392
a) à 392 f ) relatifs à l'urbanisme et au zonage, le
législateur a jugé sage de laisser tel quel l'article 422, sans
doute pour permettre, dans l'avenir, l'élaboration de plans locaux et de
plans de comté.
Les conseils de comté ont donc présentement une
juridiction conjointe avec les corporations locales en matière de
construction, d'urbanisme, d'aménagement du territoire et de zona- ge.
L'article 127 de l'avant-projet de loi les rayerait définitivement de la
carte. C'est clair et ça va directement à l'encontre du code
municipal ainsi que des revendications faites par les conseils de comté
pour compléter et améliore! les pouvoirs qu'ils détiennent
actuellement.
Troisièmement, il est évident que cet avant-projet de loi
n'est applicable qu'en regroupant des municipalités. L'article 13
prévoit d'ailleurs que "le ministre peut, de sa propre initiative ou
à la demande d'une ou de plusieurs municipalités, ordonner le
regroupement de plusieurs municipalités pour les fins de la confection
d'un schéma d'aménagement de leur territoire.
Le groupe comprend la totalité ou une partie d'un territoire non
organisé contigu à celui de l'une des municipalités."
Pourquoi utiliser une telle méthode qui s'inspire largement du
processus prévu dans la Loi sur l'évaluation foncière
alors que les conseils de comté sont là avec leurs pouvoirs? Vous
voyez, comme nous, que cela ne tient pas.
Il faut dont relire ce que les conseils de comté
présentent depuis plusieurs années. On y retrouve des
recommandations précises, efficaces, peu coûteuses et qui
respectent des structures bien connues de notre monde rural. Nous croyons
inutile à ce stade-ci d'analyser article par article cet avant-projet de
loi.
Nous sommes par ailleurs heureux de voir que le législateur n'en
a pas fait un projet de loi et qu'il a pris bien soin d'imprimer en
première page les mots "Document de travail."
Nous recommandons pour le moment que ce document reste à
l'étude tout le temps qu'il faudra pour que l'on puisse y apporter les
importantes modifications nécessaires pour le rendre conforme au voeu du
monde rural du Québec.
Messieurs les membres de cette commission, vous savez que nos terres
constituent l'une des plus importantes parties de notre patrimoine
québécois. La moindre erreur en matière de
législation sur l'aménagement du territoire peut détruire
à jamais ce que des générations ont mis à accumuler
et à bâtir.
Nous avons encore nos terres et nous tenons à les conserver.
Ainsi ne saurions-nous pas trop insister pour vous recommander de mettre tout
le temps nécessaire à l'élaboration d'une loi qui soit
juste pour tous nos gens, en vous inspirant des recommandations que nous
faisons depuis fort longtemps d'ailleurs.
Merci.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, est-ce que je peux demander
à Me Viau si l'Union des conseils de comté a quand même
l'intention de soumettre un mémoire additionnel qui examinerait en plus
de détails le document que nous avons sous les yeux?
M. VIAU: Nous avons certainement l'intention de poursuivre
l'étude du document de travail, sauf que nous devons, ici, insister sur
le
fait que nous avons déjà fait des études et que
nous avons déjà fait des recommandations depuis 1967 ou 1968 sur
la question. Nous n'avons aucune objection. D'ailleurs, nous pouvons continuer
à étudier ce document de travail, ce que nous allons certainement
faire. Sauf qu'il y a, à la base même du document, une question de
principe que nous avons déjà expliquée depuis plusieurs
années et que nous aimerions voir établie de façon
à orienter notre travail futur. Puisque, si l'on va du côté
d'une augmentation des pouvoirs des conseils de comté, c'est tout
à fait différent que de travailler dans l'optique qui peut
être présentée avec un tel document de travail. C'est donc
dire qu'il y a, à la base, une question de principe.
Quant aux détails, nous pouvons certainement analyser article par
article, mais vous admettrez comme nous que c'est un travail vraiment
considérable. Sans savoir si nous allons à l'encontre de nos
recommandations de base, on peut se poser la question à savoir si c'est
un travail qui aura une implication sur le terrain, puisque les
municipalités sont en définitive celles qui doivent appliquer la
loi chez elles.
M. GOLDBLOOM: II me semble, Me Viau, que l'alternative serait
l'étude de cet important projet de loi projet éventuel,
avant projet aujourd'hui en l'absence d'une contribution précise
de l'Union des conseils de comté. Si nous avons aujourd'hui, pour la
première fois mais pas pour la dernière, des audiences publiques,
pour discuter de ce document, c'est précisément parce que l'on
voudrait mettre en juxtaposition des points de vue qui viennent de
différentes sources.
Je pense bien, tout en reconnaissant ce que vous venez de dire, soit que
l'Union des conseils de comté s'est exprimée déjà
dans d'autres documents sur ce sujet, que l'on pourrait sûrement dire la
même chose de la Corporation des urbanistes du Québec que nous
venons d'entendre. Ce n'est pas parce que nous voudrons imposer à
quelque organisme que ce soit un travail fastidieux, un dédoublement de
ce qui a déjà été fait. Il y a quand même,
aujourd'hui, un document précis qui n'existait pas dans le passé,
et l'Union des conseils de comté soumet qu'il y a là-dedans des
divergences d'orientation avec sa pensée.
Evidemment, elle voudrait exprimer de nouveau sa pensée en
relation avec cet avant-projet de loi. Mais je me permets de croire et
d'espérer que l'Union des conseils de comté serait aussi sensible
aux arguments avancés par d'autres organismes qui pourraient amener des
modifications d'attitude de part et d'autre.
Certainement, le gouvernement, en présentant un avant-projet
plutôt qu'un projet, veut faire preuve d'une ouverture d'esprit qui
amènerait chez lui des modifications possibles d'orientation. Alors, je
pense qu'il serait hautement désirable que l'Union des conseils de
comté précise, en relation avec le document, sa
pensée.
M. VIAU : Je présume que cette commission n'aurait pas
d'objection s'il y avait des précisions de pensée de la part de
l'Union des conseils de comté dans ce domaine, que ces précisions
puissent venir par amendements, par exemple, au code municipal qui
prévoit déjà des structures toutes établies pour
régir les questions de comté. Or, c'est beaucoup plus facile et
beaucoup plus pratique, quand on connaît d'ailleurs la façon dont
se développe sur le terrain, dans nos municipalités rurales, la
façon dont on administre nos municipalités et la façon
dont on applique cette loi. Je présume qu'on n'aurait peut-être
pas d'objection, plutôt que de parler d'une loi d'urbanisme comme telle,
de parler d'amendements à un code municipal qui est quand même un
des trois codes provinciaux connus au Québec, bien connus, et dont on se
sert régulièrement et couramment. A ce niveau-là, je pense
que la chose peut certainement être faite.
M. GOLDBLOOM: Me Viau, la commission parlementaire a, pour le bon ordre
de ses travaux, certaines exigences quant à la forme des
présentations. Quant au contenu, je pense bien que chaque organisme est
libre de présenter son point de vue et de suggérer une autre voie
à suivre si la voie proposée n'est pas celle qui fait l'affaire
des intéressés.
Je voudrais terminer par un commentaire et une question. Peut-être
deux questions plutôt que de faire un commentaire. Est-ce que vous
êtes au courant d'une conversation qui a eu lieu au mois de janvier
à Ottawa à l'occasion d'une conférence
fédérale-provinciale sur le logement? A cette conférence,
un représentant de l'Union des conseils de comté faisait partie
de la grande délégation québécoise. Est-ce que vous
êtes au courant d'une conversation entre un représentant du
ministère, M. Claude Langlois, et Me Conrad Delisle qui, si je suis bien
informé, est un autre des conseillers juridiques de l'Union des conseils
de comté, et le maire Camille Poliquin qui était effectivement le
représentant de l'Union des conseils de comté, et que cette
conversation portait sur la mise à la disposition de l'Union des
conseils de comté d'une personne-ressource pour, justement, discuter de
ce document de travail et pour amener le genre de consultation dont, dans le
premier point de votre mémoire, vous affirmez avoir été
absent?
M. VIAU: Je ne suis pas au courant, M. le ministre. Je vais
m'informer.
M. GOLDBLOOM: C'est un malentendu, un manque de communication à
un certain niveau, parce que je peux vous affirmer que cette offre a
été faite et je regrette qu'elle n'ait pas été
suivie de façon à vous permettre le genre de consultation que
vous vouliez avoir avant.
M. VIAU: Si vous me permettez, M. le
ministre, ce que nous avons souligné dans notre mémoire,
c'est la consultation qui aurait pu précéder le
dépôt du document de travail. Evidemment, quand un document de
travail est déposé, par la suite on peut en parler, tout le monde
en parle, c'est public, les media d'information en parlent. Mais la
consultation qui aurait pu précéder le dépôt de
l'avant-projet de loi de l'urbanisme, je ne crois pas, et je pense que nous
pouvons affirmer ici que l'Union des conseils de comté n'a pas
été consultée. C'était sur ce seul point-là
que portait notre remarque. Par la suite, évidemment, tout le monde a
parlé d'aménagement de territoire. C'est bien possible que ce que
vous avez mentionné soit la réalité, mais avant, il n'en a
pas été question.
M. GOLDBLOOM : Mon autre commentaire touche votre troisième
point: Le regroupement de plusieurs municipalités pour les fins de la
confection d'Un schéma d'aménagement de leur territoire.
J'ai bien pris soin, avant que les présentations ne commencent,
de souligner que je ne voulais pas que cet avant-projet de loi soit
perçu comme un moyen détourné d'effectuer un regroupement.
Il est quand même, à mon humble avis, nécessaire que des
municipalités parlent ensemble au sujet d'un territoire conti-gu. Il
nous est arrivé de vouloir amener des municipalités à
s'asseoir à une même table pour la discussion de leur
intérêt qui, aux yeux de n'importe quelle personne objective,
semblerait commun, et d'essuyer un refus de la part de ces municipalités
de se rencontrer pour constituer un organisme quelconque, un comité pour
discussion. Est-ce que l'Union des conseils de comté peut me donner des
suggestions quant au moyen de contourner ce genre de difficultés qui,
malheureusement, existent au Québec et dans plusieurs
régions?
M. VIAU: La suggestion est assez simple; elle est faite depuis
maintenant près de cinq ans. Il s'agit d'améliorer et d'augmenter
les pouvoirs conférés au conseil de comté. Peut-être
la chose est-elle mal expliquée ou mal connue, mais cette structure du
comté existe déjà depuis bien avant la
Confédération. D'ailleurs, il constitue une corporation au
même titre qu'une corporation municipale. Le conseil a des pouvoirs de
lier envers les tiers et vous savez que, même présentement,
certaines corporations de comté ont contracté des emprunts pour
des travaux. C'est une véritable corporation qui est formée des
maires des municipalités concernées. Or, c'est à ce
niveau, croyons-nous, que nous devons donner des pouvoirs, si on pense qu'il
faut en donner, pour traiter de l'aménagement du territoire à un
niveau supramunicipal. Cette suggestion est faite depuis déjà
longtemps et nous prenons aussi bonne note du fait que ce n'est pas l'intention
du ministre de faire du regroupement par le truchement de cette loi. Nous en
sommes heureux puisque la publica- tion "Municipalité 73" mentionnait en
page 8, en expliquant la loi: "Le ministre des Affaires municipales, de sa
propre initiative ou à la demande d'une ou de plusieurs
municipalités, peut ordonner le regroupement de plusieurs
municipalités pour les fins de la confection du schéma
d'aménagement de leur territoire". Or, dans notre esprit, lorsque nous
avons étudié Pavant-projet et ce texte, il nous semblait qu'on
parlait bien de regroupement. Cette question étant mise à part,
ce que nous disons, c'est qu'il est évident qu'il faut au niveau
supramunicipal trouver un endroit où on puisse discuter de
problèmes communs. Au niveau du monde rural, cet endroit existe depuis
longtemps et c'est le conseil de comté. A ce moment, nous pensons qu'il
serait intéressant de travailler à ce niveau.
M. GOLDBLOOM: Me Viau, je m'attendais à votre réponse,
évidemment, mais votre réponse amène deux autres
questions. Etes-vous convaincu que le simple fait que le conseil de
comté se charge de la responsabilité à la place de
quiconque d'autre aussurerait la participation de toutes les
municipalités, la collaboration de toutes les municipalités?
Deuxièmement, que faites-vous quand la difficulté se situe entre
des municipalités membres de l'Union des conseils de comté et des
municipalités qui n'en sont pas membres?
M. VIAU: La réponse à votre première question est
oui. La réponse à votre deuxième question est que je pense
que le problème existe, peu importe le mécanisme qui sera
apporté dans la législation provinciale entre les centres
densément peuplés et l'arrière-pays. Cela existe dans tous
les pays du monde, cela ne fait pas de différence ici chez nous, il y
aura toujours certains problèmes pour accorder les centres plus
peuplés et les centres moins peuplés. D'abord, parce que ce sont
des mondes assez différents sans vouloir aller plus loin
là-dedans. Sauf que la chose n'est pas irréalisable.
Nous avons étudié et recommandé qu'on poursuive les
études de façon à avoir des mécanismes qui
pourraient être mis de l'avant à l'intérieur d'un
même comté pour établir des collaborations entre certains
centres plus importants et les régions autour. Ceci est venu du fait
que, malgré la bonne volonté de toutes les parties en cours de
route, on s'est aperçu que malgré certaines dispositions
permettant par exemple des ententes intermunicipales et des commissions
intermunicipales, souvent on avait de la difficulté à les faire
fonctionner du fait qu'elles ne peuvent même pas se lier vis-à-vis
des tiers, et quand on venait à la pratique pour régler des
questions bien matérielles, cela accrochait, simplement pour la
répartition du coût ou pour des contrats à long terme, cela
accrochait.
Or, cette question reste et restera toujours
une question de collaboration. D'ailleurs, lors du dernier
congrès de l'Union des conseils de comté, des exposés
avaient été faits et ont été remis au gouvernement
provincial en disant qu'il pourrait certainement y avoir une
amélioration de ce côté-là, du fait même que
nous avons vécu des cas où certaines régions et même
des villes qui ne font pas partie d'un conseil de comté seraient
intéressées à en faire partie pour certaines fins
particulières. On ne voit donc pas pourquoi on ne pourrait pas
régler cette question. Nous pensons qu'elle peut certainement se
régler. Je pense qu'au fond il faut trouver à l'intérieur
de ce que nous avons déjà des façons d'ajuster le
système de façon que cela fonctionne peut-être mieux. Mais
quand certaines questions sont typiquement rurales, à ce
moment-là, c'est à ce niveau qu'il faut les régler. IL ne
faut pas non plus empêcher le règlement de certaines questions par
d'autres problèmes qui sont différents. Alors, nous pensons que
cela peut se régler à ce niveau-là.
Evidemment, tout cela est en pleine évolution comme partout
ailleurs, mais si on constate les difficultés qu'on a eues dans
plusieurs pays en implantant des plans régionaux et en travaillant sur
des bases, des morceaux de pays complets, on s'aperçoit que les
principaux problèmes reviennent toujours à ce problème
local où on n'a pas pu ajuster tous les facteurs qu'on devait ajuster
pour faire fonctionner le système.
M. GOLDBLOOM: Merci.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de
Maskinongé.
M. PAUL: Me Viau, vous me permettrez bien, en tant que
représentant d'une circonscription rurale, d'abonder sans réserve
dans le sens du mémoire que vous nous avez présenté ce
matin. D'ailleurs, dans mes propos à l'ouverture de la séance de
la commission parlementaire, j'ai fait référence à la
position de l'Union des conseils de comté sur cette étude de
notre avant-projet de loi de l'urbanisme.
L'honorable ministre vous a tout à l'heure indirectement
demandé de faire connaître votre position dans un mémoire
subséquent que vous pourriez adresser à la commission
parlementaire. Est-ce qu'il y aurait possibilité pour vous, Me Viau ou
Me Moreau, de nous faire parvenir un résumé des
différentes recommandations que vous auriez faites à l'Union des
conseils de comté depuis les années 1960 et 1962, et, en
même temps, de nous faire connaître ce qui, d'après vous,
devrait être apporté comme amendement au code municipal. Cela
faciliterait le travail des membres de la commission et sûrement que le
ministre également aurait besoin de ces informations pour
connaître la position de l'Union des conseils de comté sur le
sujet. Est-ce qu'il vous serait possible de le faire?
M. VIAU: Certainement et nous allons le faire.
M. PAUL: Tout à l'heure, le ministre des Affaires municipales a
fait référence à une rencontre qui aurait eu lieu à
Ottawa au mois de janvier. Il ne faut pas oublier une chose, c'est que
l'avant-projet de loi a été déposé au mois de
décembre. Or, dans votre mémoire vous reprochez un manque de
consultation avant la parution de ce projet de loi. Vous ne niez pas que,
subséquemment à la publication de cet avant-projet de loi
il y a des consultations au niveau personnel et peut-être même en
tant que groupement des municipalités vous ayez pu discuter de ce
projet de loi.
M. VIAU: II est bien évident que toutes les municipalités
en ont discuté depuis sa parution. Mais, antérieurement au
projet, nous n'avions pas été consultés. C'est ce que nous
avons voulu souligner.
M. PAUL: M. Moreau, pouvez-vous nous dire si vous avez été
surpris de voir l'article 127 inscrit dans cette loi qui dit ceci: "La
présente loi remplace toutes les dispositions législatives
générales ou spéciales applicables à une
communauté et à une municipalité relatives aux
matières visées par la présente loi", à la suite de
la déclaration qu'avait faite le ministre Tessier à l'occasion du
congrès de septembre dernier, quand il avait dit première
version que les conseils de comté seraient appelés
à disparaître?
M. MOREAU: Non. Nous n'avons pas été surpris des
dispositions de l'article 127. Non, certainement pas.
M. PAUL: A toutes fins pratiques, vous avez bien l'impression que vous
allez disparaître, si le texte de loi restait ce qu'il est?
M. MOREAU: Si on se fie à ce projet, certainement. Mais je pense
qu'avec les nouvelles dispositions et aussi des amendements au code municipal,
cela assurerait aussi la survie des conseils de comté.
M. PAUL: II y a encore une chose. Vous vous réjouissez, à
l'avant-dernière page de votre mémoire, lorsque vous dites ceci:
Nous sommes, par ailleurs, heureux de voir que le législateur n'en a pas
fait un projet de loi, et qu'il a pris bien soin d'imprimer en première
page les mots "document de travail". Si vous vous rappelez, à un moment
donné, il y a eu deux ministres des Affaires municipales: il y a eu le
ministre des Affaires municipales rurales, qui était le premier
ministre, et le ministre des Affaires municipales urbaines, qui était le
député de Rimouski. Si vous avez été sauvés
ici, ou, du moins, si vous avez une lueur d'espoir, c'est
parce qu'il y a lieu d'espérer que le ministre actuel, avec
l'ouverture d'esprit qu'on lui con-nait, est toujours prêt à un
dialogue avec l'Union des conseils de comté. Si vous nous transmettez
les suggestions que vous avez déjà adoptées ou faites au
gouvernement, je serais fort surpris si certains hauts fonctionnaires du
ministère des Affaires municipales ne s'arrêtaient pas pour lire
d'abord le code municipal et ensuite reconnaître le bien-fondé de
certaines recommandations que vous pourriez nous faire. De toute façon,
nous attendrons vos notes additionnelles de recommandations pour travailler
dans un grand esprit de collégialité et de collaboration avec le
ministre, à moins qu'il ne devienne aussi renfermé et aussi
têtu que son prédécesseur.
LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Lafontaine.
>
M. LEGER: M. le Président, je veux seulement poser une question
à Me Viau. Est-ce que l'Union des conseils de comté est
directement opposée à la création, dans un avenir proche
ou lointain, de gouvernements régionaux ou de conseils régionaux?
Etes-vous directement opposés à cette idée ou si vous
évaluez qu'il faudrait y avoir une nouvelle forme, une certaine forme de
gouvernements régionaux qui pourraient regrouper, peut-être,
certains groupes de conseils de comté?
M. VIAU : Je pense que la politique de base des conseils de
comté, qui est connue depuis déjà fort longtemps
d'ailleurs, est d'augmenter les pouvoirs des conseils de comté, qui,
dans notre optique, sont déjà des gouvernements supramunicipaux.
H y en a 71 au Québec. Que l'on pense que, dans l'avenir, on devra les
augmenter ou les diminuer, c'est une question à considérer plus
tard, mais d'abord il faut faire fonctionner ce que l'on a déjà
et qui peut fonctionner et qui existe, avec une structure à laquelle les
gens sont déjà habitués, qu'ils connaissent bien et qui a
été vidée de ses pouvoirs, au fond. Notre thèse est
donc celle-là, et c'est de partir avec ce que nous avons
déjà. Comme dans toute question nouvelle, il faut quand
même voir ce que nous avons déjà pour faire fonctionner les
projets et nous croyons qu'il, y a déjà là ce qu'il faut
pour amorcer un travail. Si vous vérifiez au code municipal je ne
veux pas prendre plus de temps qu'il n'en faut il y a par-dessus les
conseils de comté ce que l'on appelle le bureau des
délégués, qui est un organisme fait pour régler les
problèmes intercomtés. Or, toute la pyramide administrative est
déjà là. Si on trouve qu'un problème doit se
régler au-dessus d'un comté, grouper trois ou quatre
comtés, ce qui arrive encore pour régler certains cours d'eau,
c'est le bureau des délégués qui siège et qui
règle le problème. Tout cela existe déjà dans notre
législation. Que ce soit précisé, amélioré,
soit; mais c'est là la position de base.
M. LEGER: Cela veut dire quand même que vous n'avez pas
d'objection majeure à ce que les 71 conseils de comté puissent se
retrouver 50 plutôt que 71, selon les besoins des régions et des
besoins communs de certains conseils de comté. Vous n'avez pas
d'objection de base à cela?
UNE VOIX: Je pense que M. Moreau peut répondre mieux que moi
là-dessus.
M. MOREAU: II n'y a pas eu de position de prise sur cette question de
changer les structures actuelles des comtés municipaux. Je pense que, si
on tient pour acquis que les conseils de comté existent depuis 1845 et
qu'ils ont une vocation très particulière dans chacun des
comtés le comté de Verchères, ce n'est pas le
comté de Beauharnois et le comté de Beauharnois n'est pas
nécessairement le comté de Bellechasse on peut
parfaitement, avec les dispositions présentes du code municipal et en
redonnant les pouvoirs à ces conseil de comté... Tout de
même, si on veut diviser le nombre de régions dans la province de
Québec, est-ce que cela doit être 40, 50 ou 100? Je pense bien que
personne n'a pensé particulièrement au nombre de régions.
IL reste que, présentement, vous avez 71 comtés municipaux au
Québec, et je pense que, partant de là, il y a déjà
quelque chose à faire avec cela si on amende le code municipal ou si on
donne des pouvoirs aux conseils de comté.
Prenons par exemple, la question du rôle d'évaluation, si
vous me permettez, M. le Président, de mentionner cette question devant
cette commission. Présentement, dans la province de Québec,
simplement vis-à-vis des municipalités rurales, vous avez 1,250
rôles d'évaluation différents. Mais, si vous donnez le
pouvoir aux conseils de comté de confectionner un rôle
d'évaluation, vous allez en avoir 71. C'est déjà un bon
pas d'acquis vers la rationalisation. Je pense bien que les conseils de
comté peuvent jouer d'autres rôles très importants, tels
que l'aménagement du territoire et les questions de l'urbanisme. Je
pense que cela était très important de donner aux conseils de
comté ces pouvoirs.
M. LEGER: Autrement dit, vous êtes d'accord qu'il est absolument
essentiel qu'il y ait un palier intermédiaire entre le ministère
des Affaires municipales et les municipalités. Ce palier
intermédiaire, quelle que soit sa forme, peut être le conseil de
comté réaménagé selon les besoins particuliers des
régions et selon une certaine hiérarchie d'autorité ou une
déconcentration, une décentralisation administrative à
laquelle les conseils de comté pourraient jouer un rôle
principal.
M. MOREAU: Absolument. M. LEGER: Merci
LE PRESIDENT (M. Picard): IL n'y a pas d'autres commentaires. Je
remercie M. le maire Moreau de Verchères, président de l'Union
des conseils de comté, de même que le porte-parole, Me Pierre
Viau, à qui je demanderais maintenant de nous présenter le
mémoire de la ville de Longueuîl.
Ville de Longueuil
M. VIAU: Merci, M. le Président. Je suis accompagné du
maire de la ville de Longueuil, M. Marcel Robidas, ainsi que de l'urbaniste, M.
Claude Doyon, et du directeur des services techniques, M. Jean Curzie.
Le mémoire de la ville de Longueuil traite aussi des questions de
principe puisqu'il avait été question de communauté sur la
rive sud, il y a déjà un bout de temps et, à ce moment, la
question d'aménagement de territoire avait été
abordée. Je peux peut-être présenter le mémoire, le
maire Robidas l'expliquera et, par la suite, nous fournira des détails
concernant ce qui se fait déjà à Longueuil et ce qui est
en marche.
Nous avons étudié le document de travail
déposé en décembre dernier par l'honorable ministre des
Affaires municipales et nous prenons acte du fait qu'il ne s'agit là que
d'un avant-projet de loi de l'aménagement du territoire.
Le législateur prévoit donc faire une étude
exhaustive des sujets qui y sont traités avant de déposer un
projet de loi. Nous en sommes heureux puisqu'une telle loi aurait des
incidences directes sur la ville de Longueuîl qui connaît un essor
considérable depuis quelques années.
Nous sommes forts étonnés de constater que l'avant-projet
de loi remplace toutes les dispositions législatives
générales ou spéciales applicables à une
communauté et à une municipalité relativement aux
matières visées dans l'avant-projet.
Outre le fait que ce texte soit peu précis, il nous semble que,
malgré leurs faiblesses, nos lois ont quand même permis
jusqu'à ce jour d'élaborer des plans respectables et propres
à favoriser le développement harmonieux de notre ville.
Pourquoi alors enlever aux municipalités leur juridiction en
matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire pour la
transférer à un office provincial? L'article 6 de l'avant-projet
de loi stipule en effet que "l'Office de planification et de
développement du Québec prépare un schéma
régional pour chacune des régions administratives du
Québec." Il nous semble que ce ne soit pas là la façon la
plus pratique ni la moins onéreuse de préparer un tel
schéma pour Longueuil et pour la rive sud de Montréal.
Vous vous souviendrez sans doute qu'au moment où l'on discutait
de communauté municipale sur la rive sud, nous avions soumis, à
votre commission, un projet de loi créant la Communauté
municipale de Longueuil. Nous croyons que, bien qu'elle n'ait pas
été acceptée par l'Assemblée nationale, il serait
intéressant pour votre commission de voir ce que nous y
suggérions relativement à l'aménagement du territoire.
Conscients du fait qu'un plan d'aménagement était
nécessaire pour la rive sud de Montréal, nous recommandions alors
de conférer à la communauté une compétence
exclusive pour établir un plan d'aménagement de son territoire
comprenant : 1 ) les affectations du sol et les densités approximatives
d'occupation; 2) le tracé approximatif des principales voies de
circulation; 3) la nature et l'emplacement approximatif des équipements
urbains; 4) la nature, l'emplacement et le tracé des services
d'utilités publiques. La communauté devait encore
décréter que ce plan deviendrait obligatoire en tout ou en
partie.
Enfin, notre projet n'avait pas pour effet de conférer à
la communauté ou d'enlever aux municipalités la compétence
prévue au paragraphe 1 de l'article 426 de la Loi des cités et
villes ou aux dispositions équivalentes du code municipal. Nous croyions
à cette époque et nous croyons encore aujourd'hui que notre
proposition était beaucoup plus conforme à la
réalité et aux principes d'une saine démocratie que celle
qui apparaît dans l'avant-projet de loi. Pour se convaincre de
l'exactitude de cet énoncé, on n'a qu'à lire les articles
13 et suivants de l'avant-projet ainsi que certains extraits du numéro
de janvier 1973 de la brochure intitulée "Municipalité 73". Cette
brochure, publiée par le ministère des Affaires municipales, nous
donne une idée de l'avant-projet.
Voici ce qu'on y lit en page 8: "Le choix de la municipalité
mandataire se fait dans le cadre d'une assemblée groupant les maires des
corporations intéressées. Si la désignation de la
municipalité mandataire n'est pas faite à la date prévue,
c'est le ministre des Affaires municipales qui la détermine. Les
dépenses encourues par la corporation municipale mandataire pour la
confection du schéma d'aménagement, y compris les dépenses
relatives à la commission d'aménagement du secteur, sont à
la charge des municipalités regroupées, au prorata de leur
rôle respectif d'évaluation. L'avant-projet de Loi de l'urbanisme
et de l'aménagement du territoire prévoit la création,
dans les communautés urbaines et les secteurs de regroupement, d'une
commission d'aménagement de secteurs. Cette commission se composerait
d'un représentant de chacune des municipalités du secteur, lequel
pourra être choisi parmi les membres du conseil municipal, les officiers
municipaux ou les contribuables résidents. Le ministre des Affaires
municipales et le ministre responsable de l'OPDQ peuvent également
désigner chacun un représentant, lequel ne pourra voter
cependant. Le président, le vice-président et le
secrétaire-trésorier sont choisis parmi les membres de la
commission."
Nous sommes convaincus que cette technique n'atteindra pas le but
recherché. L'expé-
rience de la Loi sur l'évaluation foncière l'a amplement
démontré à ce jour. Si l'on veut aménager le
territoire de toute une région, il faudra nécessairement
commencer par l'unité de base, c'est-à-dire la
municipalité. Plusieurs municipalités peuvent présentement
créer une commission intermunicipale pour organiser un service en
commun. On peut aussi prévoir, comme nous l'avons déjà
suggéré, la création d'une communauté qui aurait
compétence sur l'aspect régional de l'aménagement du
territoire. Ce sont là, croyons-nous, deux façons d'en arriver
à quelque chose de plus adéquat, sans pour autant s'embourber
dans l'enchevêtrement des décisions bureaucratiques qu'entrainera
à coup sûr le régime prévu par l'avant-projet.
Nous n'avons pas abordé dans ce mémoire l'étude de
toutes les sections de l'avant-projet, car nos recommandations concernaient son
principe même ainsi que le régime qu'il vise à
instaurer.
Nous recommandons conséquemment que tout ce texte reste à
l'étude et soit remanié de fond en comble, afin de le rendre
davantage conforme à la vérité et à nos
suggestions. Sinon, nous croyons préférable de laisser à
notre ville le soin de veiller à la poursuite de son
développement.
Lorsque la commission a été convoquée, un
délai assez court de présentation du mémoire avait
été fixé, délai que l'honorable ministre a bien
voulu prolonger par la suite, de façon à donner une chance aux
groupes de présenter leurs remarques. Nous avions, à cette
occasion-là, préparé, en collaboration avec le service
d'urbanisme de la ville, un addendum. Peut-être bien que nous pourrions
simplement jeter un coup d'oeil sur quelques points de cet addendum, le
premier, le troisième, et le quatrième entre autres, puisque le
deuxième reprend avec plus de détails ce que nous avons
déjà dit.
L'addendum, page 1. Nous avons souligné en première page
de notre mémoire le peu d'importance accordé dans l'avant-projet
à l'unité de base de notre régime politique et
administratif: la municipalité. La chose est particulièrement
évidente à la section III intitulée "Schéma
d'aménagement régional." Que le gouvernement du Québec se
préoccupe de planification régionale, cela se comprend
facilement. Point n'est besoin d'adopter une loi pour cette fin. On n'a
qu'à appliquer la Loi de l'Office de planification du Québec. Cet
organisme détient déjà de vastes pouvoirs en
matière de plans, de programmes et de projets de développement
économique et social et d'aménagement du territoire.
Ce que nous comprenons moins bien, c'est que l'on puisse penser
planifier une région sans que les municipalités n'approuvent le
travail, sans qu'elles n'y participent et sans qu'elles ne soient
préalablement consultées. C'est là un vice fondamental qui
a conduit à l'échec tout travail de planification régional
qui s'est fait ailleurs dans le monde en ignorant les données
élémentaires dont nous venons de faire état.
Il ne s'agit pas là d'un caprice de la part des
collectivités locales, mais plutôt d'un sain réalisme qui
les pousse à vouloir éviter à leurs contribuables les
conséquences d'un plan régional qui, par exemple, concentrerait
d'importantes activités en certains endroits sans tenir compte des
équipements déjà installés dans leur territoire et
des investissements déjà effectués chez elles.
Voilà un point important.
Je vous fais grâce du deuxième point qui précisait,
sous forme juridique, ce que nous avons déjà mentionné et
je passe au troisième point qui est le suivant. Bien que nous ne croyons
pas nécessaire, à ce stade-ci, de soumettre des amendements
précis à l'avant-projet, nous recommandons qu'un mécanisme
souple soit recherché afin de décentraliser le travail de
planification qui se ferait au niveau régional.
La chose peut se faire de plusieurs façons, mais il faut à
tout prix éviter une concentration bureaucratique de pouvoirs en
matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme. Agir
autrement entraverait le développement des secteurs en pleine expansion
et ferait croître en flèche 1«!S dépenses
gouvernementales en ce domaine.
Dernière note. Nous ne croyons pas qu'il soit souhaitable ni
équitable d'alourdir encore le fardeau des contribuables. Aussi croyons
nous qu'au niveau d'une communauté, les critères devraient
être établis de façon à répartir avec justice
entre les municipalités intéressées les coûts
relatifs à la préparation de plans régionaux.
Nos lois municipales nous offrent présentement plusieurs formules
de répartition de coûts. Il faudrait les étudier et s'en
inspirer dans la préparation d'un tel projet de loi. La mise eu marche
d'un nouveau système est toujours fort onéreuse. Nous croyons
qu'il faudrait prévoir, au moins pour les cinq années suivant
l'entrée en vigueur d'une telle loi, des subventions statutaires de
façon à aider les municipalités appelées à
en appliquer les dispositions.
Voilà, M. le Président, l'essence même du
mémoire de la ville de Longueuil. J'aimerais demander au maire Robidas
de préciser, en fournissant des exemples de la situation chez lui.
LE PRESIDENT (M. Picard): Nous allons laisser la parole au maire
Robidas. M. le maire.
M. ROBIDAS (Marcel): M. le Président, M. le ministre, MM. les
membres de 1a commission parlementaire, mesdames, mesdemoiselles, messieurs, au
nom du conseil de Longueuil et peut-être au nom de tous les maires qui ne
sont pas ici aujourd'hui mais que, d'une certaine manière, je peux
représenter puisque je subis comme eux le même fardeau et je dois
faire face aux mêmes obligations, je veux donc vous remercier de
l'ouverture d'esprit que vous manifestez en nous invitant à votre
commission pour
vous faire part de nos doléances vis-à-vis de cet
avant-projet.
Cet avant-projet tel qu'il a été présenté,
Me Viau vous l'a mentionné, comporte un changement majeur, en ce sens
que ce qui s'est traditionnellement fait sur le plan local est
transféré, à toutes fins pratiques, à un
très haut niveau gouvernemental. Ceci n'est certainement pas dans le but
d'augmenter le dynamisme local qui, jusqu'alors, a assuré un
développement assez sensationnel sur le plan urbain.
Disons qu'il existe certaines corrections à apporter et, nous
aussi, nous croyons, comme les conseils de comté, que l'on devrait
tâcher d'améliorer ce qui existe et ne pas trop déranger et
transférer les pouvoirs pour faire des administrateurs locaux des gens
qui vont faire des ouvertures, des gens qui vont couper les rubans, des gens
qui ne feront plus rien.
Nous avons un rôle à jouer et ce rôle devrait
être conservé dans l'optique d'une loi-cadre d'urbanisme qui
s'impose, remarquez bien. Je ne viens pas ici pour vous dire qu'une loi-cadre
ne s'impose pas. Bien au contraire. Elle s'impose. Elle s'impose par la
base.
Je félicite ceux qui, ici même, de votre commission
parlementaire, ont déjà, dès le départ,
amorcé la discussion dans cette direction. Je peux vous assurer que vous
recevrez de notre part une collaboration qui va vous permettre de
réaliser cet objectif.
Je pense que la plupart d'entre vous se posent des questions à
savoir ce que la municipalité peut faire lorsqu'elle a des
problèmes qui la dépassent? C'est là que doit intervenir
une autre autorité. Il y a les problèmes sur le plan local, par
exemple, le zonage. Nos unités de voisinage telles qu'elles sont
conçues correspondent à des paroisses, à des unités
de voisinage. Je rejoins peut-être l'opinion qui a été
émise ici à l'effet que ce n'est pas seulement un
développement économique ou de bâtisses, mais il y a un
peuple, des gens, des humains qui doivent évoluer dans tout cela. Je
pense que l'administration municipale d'une ville est peut-être mieux
placée que n'importe qui pour apprécier cette question. Ceux qui
ne l'apprécient pas à sa juste valeur ne demeurent pas longtemps
des administrateurs municipaux. On a mentionné tantôt et
c'est très important de le retenir que les maires et les
conseillers de ville sont des gens élus qui doivent se
représenter devant le peuple. Us doivent nécessairement
représenter ces gens pendant la période où ils sont
là. Si dans leur schéma d'aménagement local, si dans les
unités de voisinage, ils n'ont pas répondu, en priorité,
aux besoins de la population dans la mesure des moyens dont ils disposaient,
ils ne sont plus effectivement des administrateurs municipaux.
Par contre, lorsque vous mettez dans les mains de fonctionnaires, quels
qu'ils soient, aussi compétents peuvent-ils être, des
décisions comme celle-ci, à ce moment-là, vous vous
éloignez d'une façon tragique de ceux pour qui vous devez
préparer en somme le milieu, l'ambiance dans laquelle ils doivent
vivre.
Beaucoup de questions ont surgi ici et je voudrais tenter de vous donner
très brièvement la position parce que l'heure avance.
Je pense que tout ce qui fonctionne bien dans une ville et c'est
la position que la plupart des maires prennent présentement
devrait demeurer. Ce qui ne fonctionne pas devrait être
amélioré en ce sens que, si pour une raison ou une autre, deux
municipalités ne s'entendent pas, il faut alors un mécanisme
d'intervention et d'arbitrage pour le règlement. S'il y a conflit, et on
a parlé du référendum, c'est une question... Beaucoup de
personnes emploient le référendum comme un moyen de rendre,
soi-disant, plus démocratique l'administration. Il y a du pour et du
contre là-dedans. Il y a beaucoup de gens qui abusent du
référendum. Justement parce qu'ils en abusent, ils paralysent le
développement d'une ville pour des motifs qui ne sont pas toujours
louables. □ faut donc un mécanisme dans lequel la population peut
jouer son rôle, même de contestation. Mais par ailleurs, il ne faut
pas que cette contestation nuise au bien commun. C'est pourquoi il faut un
mécanisme d'arbitrage. Ce mécanisme d'arbitrage, on l'a
mentionné dans la loi, est le ministre. C'est la commission des affaires
municipales. C'est un organisme qui est au-delà de la
municipalité. Mais je pense que chaque fois que le ministre devrait
intervenir, il devrait être en mesure de justifier son intervention.
La municipalité, par ailleurs, justifie devant ses contribuables
ses interventions et elle n'a pas à justifier autrement que lorsqu'il y
a contestation l'intervention qu'elle a faite.
Ceci dit, le secteur. On a soumis respectueusement à
l'Assemblée nationale, il y a un an et plus, je pense, une forme de
regroupement régional ou d'association régionale, mais à
caractère libre, en ce sens que tout le monde dit: On est d'accord
là-dessus. Mais tout le monde n'est pas d'accord pour se fusionner
totalement. Il y a donc des degrés d'intérêt pour certains
domaines, comme le regroupement régional pour des fins de schéma.
Il va de soi que tout le monde doit être dans le schéma. Lorsqu'on
touche la question de l'eau, si on n'est pas dans le même bassin de
production d'eau, nécessairement, on n'a pas les mêmes
intérêts dans ce domaine-là. Si vous faites le tour de la
province, vous allez constater qu'un certain nombre de municipalités
sont intéressées à s'unir par contrat pour produire de
l'eau en commun, d'autres ne le sont pas puisqu'elles ne sont pas dans les
mêmes bassins. Donc, pour ne pas mettre de règles trop rigides,
pour relier les municipalités, si on laissait à
l'intérieur d'un schéma régional comme celui-ci la
possibilité aux municipalités de s'entendre pour administrer en
commun ce qui dépasse les frontières des villes, nous n'aurions
pas à faire, comme a dit M. le député de Lafontaine, des
avances de
samba et à écraser les gros orteils de ceux qui sont
derrière, qui ont accepté le principe et qui étaient
prêts à le suivre. Je peux vous dire, pour ma part, que nous avons
été des victimes qui se sont fait écraser les gros
orteils.
Nous souhaitons, dans votre ouverture présente, que nous
puissions vous suivre, messieurs, et vous appuyer totalement. Je ne veux pas
commenter ici l'organisation des CRD. Je pense que les CRD qui sont dans la loi
ont été conçus dans le but de remplacer une absence. Il
n'existe pas d'organisation suffisamment réglée de façon
législative, partant de la base, pour jouer un rôle au niveau
d'une grande région et les CRD sont des palliatifs présentement.
Je ne veux pas les commenter pour nier leur existence et leur travail, mais,
avec l'Union des conseils de comté, je crois qu'ils devraient travailler
en étroite liaison avec la municipalité. C'est peut-être
une des faiblesses qui s'est produite.
L'autre point, et c'est le dernier que je veux vous mentionner, c'est
que dans la loi, et on l'a mentionné ici, vous avez tous les pouvoirs.
Le gouvernement du Québec a tous les pouvoirs pour coordonner l'action
de chacun de ses ministères de manière qu'on puisse
établir un plan intelligent pour le développement d'une
région ou de la province dans son ensemble. Présentement, le seul
plan qu'on connaisse, c'est le budget de la province de Québec. C'est un
budget d'un an. Dans la loi, on nous demande de préparer un budget de
cinq ans de dépenses capitales. Je pense que c'est assez difficile de
prévoir des routes vis-à-vis d'une infrastructure de routes ou de
dépenses capitales provinciales que l'on ne connaît pas pour plus
d'un an à l'avance. Donc, ce n'est pas un reproche que je fais. Mais je
dis qu'en toute priorité, si les municipalités doivent être
contraintes d'établir un budget de cinq ans et un projet
d'infrastructure de cinq ans, il est essentiel que la province fasse
connaître, pour plus d'un an au moins, ce qu'elle envisage de
réaliser au point de vue de dépenses capitales et qui
influenceront directement les engagements des villes. Je vous remercie,
messieurs.
LE PRESIDENT (M. Picard): Je vous remercie, M. le maire. Le
député de Lafontaine, le député de la samba.
M. LEGER: En regardant vos deux mémoires, M. le maire, je
remarquais justement que vous désiriez qu'il y ait quand même une
certaine aide venant de la province aux municipalités, étant
donné qu'on veut leur donner des tâches nouvelles et beaucoup plus
amples, la préparation des schémas, de règlements, etc.
Est-ce que vous admettez avec moi qu'il y aurait aussi de l'aide non seulement
financière, mais technique? Entre autres, est-ce que sur le plan
financier vous trouvez que, si vous avez des responsabilités
supplémentaires, le gouvernement devrait faire une offre non pas
discrétionnaire mais statutaire?
M. ROBIDAS: Certainement une offre statutaire. Parce que toutes les
offres discrétionnaires, nous en avons malheureusement souffert.
M. LEGER: Sur le plan technique, est-ce que vous calculez qu'il devrait
y avoir dans cette loi le recours à des urbanistes au niveau municipal?
Parce qu'actuellement, dans la loi, on ne dit pas qu'au niveau municipal,
ça devrait être un urbaniste. Cela peut être n'importe qui.
Est-ce que vous pensez qu'un urbaniste devrait être le
représentant de la municipalité auprès du ministère
des Affaires municipales sous l'aspect de l'urbanisme?
M. ROBIDAS: En ce qui nous concerne, nous avons maintenant un urbaniste
qui nous accompagne ici. Eventuellement, toutes les villes ou tous les
regroupements de villes devraient avoir à leur service un professionnel
de l'urbanisme. Je ne veux pas prendre le terme "urbaniste", parce que, comme
le dit même M. Alaurent, on l'a servi à toutes les sauces, mais un
professionnel de l'urbanisme dont ce serait la fonction d'informer le conseil
d'une part et, d'autre part, le regroupement régional quel qu'il soit,
sur la façon dont on devrait aborder les divers problèmes. Parce
que les problèmes vont se poser de façon très pratique
dans chaque secteur et varient dans diverses régions. C'est là
qu'il est important qu'un urbaniste devienne un professionnel permanent et non
pas seulement une personne payée à la commission à l'heure
ou autrement. Parce qu'il va devenir un fonctionnaire qui va jouer un
rôle au niveau du conseil, qui va assurer une continuité, c'est
très important.
M. LEGER: Une dernière question. Est-ce que vous pensez que pour
réaliser les objectifs le ministère pourrait peut-être
présenter un guide provincial sur lequel vous pourriez vous appuyer, par
exemple, pour vous définir des critères généraux
aidant à classifier les zones, les modalités d'occupation du sol?
Est-ce que vous pensez que le gouvernement municipal devrait avoir un guide qui
pourrait vous permettre de remplir votre tâche de façon
harmonieuse qui serait un exemple pour toutes les autres
municipalités?
M. ROBIDAS: Je pense changer la question et demander: Est-ce que la
province accepterait qu'on lui fournisse un guide de notre
développement?
Je pense que ce serait peut-être encore plus pratique. Si la
province n'est pas d'accord parce que cela implique chez elle des
investissements qu'elle ne veut pas faire, elle sera en mesure de le dire.
C'est l'inverse qui se produit actuellement. J'étais à Ottawa
cette semaine. La thèse même de toutes les municipalités du
Canada, c'est que les décisions sont prises en haut lieu et les effets
financiers des dépenses retombent sur les épaules de la
municipalité, donc des contri-
buables, sans qu'on ait eu un mot à dire sur ce qui s'est
décidé en haut lieu. Je renverse la question et je dis: Etes-vous
prêts, messieurs, à accepter un schéma dans lequel nous
allons dire ce qu'on devrait faire? Allez-vous nous dire si vous serez capables
de nous donner satisfaction au point de vue financier?
M. LEGER: Dans ma question, je présupposais qu'un guide
provincial aurait au départ fait une consultation pour obtenir ce que
les municipalités désirent. Cela amène une dernière
question. Dans votre document, vous dites que, s'il y a une consultation
régionale, il devrait y avoir un mécanisme de consultation des
municipalités qui sont à l'intérieur. Comment voyez-vous
le mécanisme fonctionnant au niveau de consultation et régionale
et municipale en même temps, du fait que les municipalités n'ont
peut-être pas toutes les mêmes besoins, les mêmes
façons de fonctionner? Ne serait-ce pas un peu lourd? Comment voyez-vous
cela?
M. ROBIDAS: Le mécanisme de consultation, je l'ai vu fonctionner
dans la province de l'Ontario et il est extrêmement lourd actuellement.
Les membres des conseils municipaux sont en train de se faire mourir à
essayer d'expliquer à l'ensemble des concitoyens ils doivent le
faire selon la loi chacun des changements de zonage, des projets de
changements de zonage ou même de l'aménagement régional. Je
crois qu'une bonne information doit être donnée à la
population et qu'un mécanisme d'arbitrage, comme je l'ai
mentionné tantôt, doit s'insérer quelque part. Parce qu'il
va y arriver des conflits, c'est certain, surtout des conflits
d'intérêts. D se peut et il se trouve tous les jours un homme qui
se trouve touché, lésé par un changement quelconque et
qui, par son influence sur un milieu, peut paralyser une ville complète
pendant le temps où des administrateurs municipaux ont été
élus et parfois plus longtemps que cela. Je crois donc que c'est le
mécanisme d'arbitrage qu'il faut établir là-dedans. Le
mécanisme d'arbitrage peut se faire par l'intermédiaire du
ministre ou d'un tribunal d'arbitrage dans ce domaine où des personnes
devront trancher... par exemple, le privilège du
référendum. J'irai jusqu'à dire que le
référendum devrait en dernière analyse être l'objet
qui trancherait cette question. Mais pour avoir droit au
référendum, il devrait y avoir... même un arbitrage. Si le
conseil n'est pas d'accord pour voter un référendum, je crois que
les citoyens devraient justifier leur demande de référendum. Si
c'est quelqu'un qui a seulement son bien personnel à sauvegarder, il
n'empêchera pas tout le développement de la ville.
Présentement, cela prend six personnes pour bloquer un secteur complet
de la ville.
C'est très sérieux. Ce n'est pas sérieux
vis-à-vis de l'investisseur non plus, parce que l'investisseur qui vient
dans une ville ne veut pas être à la merci des factions qui
s'opposent politiquement et lui, sera, naturellement, celui qui va
écoper des pertes. Il ne sera pas intéressé à
entrer là-dedans.
M. LEGER: Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Picard): L'honorable ministre.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, brièvement, trois
commentaires. Je remarque la suggestion que des subventions soient
accordées pour aider les municipalités à appliquer les
dispositions de l'éventuelle loi. Cette suggestion a été
explicitée tout à l'heure par M. le maire, en suggérant en
quelque sorte que l'expression anglaise "He who pays the piper calls the tune"
s'applique dans une situation de cette nature. Mais je me fais la
réflexion que, si nous sommes appelés à subventionner une
action que nous ne pouvons vraiment échelonner dans le temps,
c'est-à-dire, travailler dans une région, cette année,
dans une autre, l'année suivante il faut que ce soit
essentiellement simultané à l'échelle de la province
cela revient à dire que le contribuable est appelé
à payer à l'un ou à l'autre des paliers de gouvernement.
Cela ne change véritablement rien.
Mon deuxième commentaire porte sur notre sématique et je
pense que nous sommes fautifs de part et d'autre. De notre côté,
parce que dans l'avant-projet de loi le mot "regroupement" est utilisé
et, dans votre mémoire, vous parlez de "communauté". Il y a des
communautés urbaines et régionales et je pense que nous portons
à une certaine confusion et peut-être à des
réactions émotives en parlant, d'un côté, de
"regroupement", et, d'un autre côté, de "communauté", quand
ce que nous voulons dire, c'est la création d'une table autour de
laquelle les intéressés vont discuter et, peut-être
et c'est une des considérations importantes accorder à
cette table un pouvoir de décision. Mais quel pouvoir de
décision? C'est ce qui devra sortir de nos discussions. Finalement, j'ai
noté à la...
M. PAUL: M. le ministre, ça existe déjà pour deux
municipalités, en vertu des amendements que nous avons apportés
au code municipal et à la Loi des cités et villes, en 1969, je
crois. Si je comprends bien la mise au point que vous faites et qui est
nécessaire, vous voulez que cette consultation soit régionale au
lieu d'être entre deux conseils municipaux limitrophes.
M. GOLDBLOOM: Je n'ai pas d'idée fixe là-dessus, je pense
qu'il y a besoin pour chaque municipalité de réfléchir sur
l'aménagement de son territoire. Il y a besoin pour des
municipalités qui sont voisines de se rencontrer et d'en discuter. Il y
a besoin, tout le monde l'a souligné, d'un action à
l'échelle de la région. Nous parlons de région et
là aussi nous avons un problème d'ordre sémantique parce
que, quand
nous parlons de régions dans un contexte québécois,
nous devrions penser aux régions administratives qui sont
établies et nous reconnaissons, je pense, de part et d'autre, qu'il
faudra viser des sous-régions et travailler d'une façon plus
efficace.
Mon dernier commentaire, je ne le voudrais pas désobligeant.
Votre mémoire principal se termine par les mots: "Sinon, nous croyons
préférable de laisser à notre ville le soin de veiller
à la poursuite de son développement." Je soumets respectueusement
que ce serait aller à l'encontre du principe même de
l'avant-projet et de l'éventuelle loi. Vous avez dit, M. le maire, qu'il
ne faut pas que l'action populaire nuise au bien commun. Je pense que le
même principe vaut et c'est ce que je voudrais faire accepter comme
principe général, soit que l'action locale, si importante
soit-elle et si respectueuse de la volonté populaire sur le plan local,
ne doit pas, elle non plus, nuire au bien commun pour empêcher là
province de se donner une planification saine et de conserver ses espaces
verts, ses terres agricoles et ses zones récréatives.
LE PRESIDENT (M. Picard): Merci, M. le ministre. Je vois que l'heure
avance. Tout d'abord, je dois remercier M. Robidas, maire de Longueuil, de
même que Me Viau pour la présentation de leur mémoire. Je
remarque que nous avons à l'ordre du jour, le mémoire de
l'Association canadienne d'urbanisme. Malheureusement, il ne sera pas possible
pour nous d'entendre ses représentants aujourd'hui. Je les inviterais
à communiquer de nouveau avec le secrétaire des commissions pour
qu'ils soient informés de la date de la prochaine séance. Je puis
vous assurer que vous serez entendus en priorité.
La Commission des affaires municipales ajourne ses travaux sine die.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, avec nos regrets aussi à
l'endroit de l'Association canadienne d'urbanisme, division du Québec.
Ce n'est pas agréable de faire un voyage et de ne pouvoir accomplir la
mission que l'on s'est donnée. Nous nous en excusons, mais le sujet
étant très important, nous n'avons pas voulu raccourcir la
discussion sur les autres mémoires. Merci, M. le Président.
(Fin de la séance à 13 h 4 )