L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente des affaires municipales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente des affaires municipales

Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le vendredi 17 mai 1974 - Vol. 15 N° 55

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Affaires municipales


Journal des débats

Commission permanente des affaires municipales

Etude des crédits du ministère des Affaires municipales

Séance du vendredi 17 mai 1974

(Onze heures cinq minutes)

M. HOUDE Limoilou (président de la commission permanente des affaires municipales): A l'ordre, messieurs!

J'aimerais attirer votre attention sur un changement parmi les membres de la commission: M. Dionne, de Compton, remplace M. Bédard, de Montmorency.

M. le ministre des Affaires municipales.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, d'abord, j'aimerais donner avis d'une motion. C'est la motion d'ajournement. J'ai l'intention de proposer l'ajournement à midi et demi, si les membres de la commission y sont consentants. C'est une question d'avion, qui m'oblige à être à l'aéroport pour une heure. J'ai l'intention également de demander à la commission que nous siégions mardi à 11 heures plutôt qu'à 10 h 30, également à cause d'un problème de transport qui risque de m'empêcher d'arriver pour 10 h 30 précises. Donc, au lieu d'amener les membres de la commission pour 10 h 30 et de les obliger d'attendre, je préfère suggérer, s'il n'y a pas d'objection, que ce soit à 11 heures.

M. LEGER: M. le Président, nous sommes très en forme. Nous aurions voulu travailler jusqu'à une heure et commencer à 10 h 30, mais le ministre a été tellement gentil hier soir que nous allons collaborer et terminer à 12 h 30 et recommencer à 11 heures, mais c'est à contrecoeur que nous le faisons. C'est pour être gentils !

M. GOLDBLOOM: Maintenant que j'ai reçu la monnaie de ma pièce, nous pouvons continuer.

J'aimerais faire une autre proposition de nature à faciliter la procédure pour certains de nos fonctionnaires. Si les membres de la commission n'ont pas d'objection, j'aimerais suggérer que, dans quelques minutes, nous abordions le programme de la Société d'aménagement de l'Outaouais, parce que les fonctionnaires en question sont venus justement de l'Outaouais pour être présents, et, de cette façon, ils pourraient être libérés plus tôt. Je pense bien que nous aurions assez de temps pour discuter de cette question.

M. LEGER: M. le Président, étant donné que nous avions commencé le programme 1 hier, je n'ai pas d'objection à ce que nous commencions immédiatement le programme 4, quitte à revenir au programme 1 par la suite.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Si je comprends bien, les trois motions sont adoptées?

M. LEGER: Non, pas les programmes, les motions.

Remarques préliminaires (suite)

M. GOLDBLOOM: M. le Président, avant d'aborder la discussion du programme de la Société d'aménagement de l'Outaouais, j'aimerais apporter quelques précisions à des discussions que nous avons eues hier. D'abord, nous avons discuté du problème créé par la Loi sur l'évaluation foncière, quant à l'éligibilité de locataires dans les municipalités. Je voudrais souligner que le problème ne se pose pas dans les municipalités régies par le Code municipal. C'est un problème pour les cités et villes. Nous avons parlé un peu de la ville de Montréal. J'ai exprimé l'intention du gouvernement, et je réitère cette intention, de corriger la situation, pour éviter que qui que ce soit soit empêché de se présenter comme candidat au poste de maire ou de conseiller, dans quelque ville que ce soit. Pour ce faire, il faudra examiner la charte de chacune des villes qui ont une charte particulière, et être assurés que la loi que nous adopterons couvrira ces cas particuliers.

Mais je voudrais faire part à la commission d'une première recherche que nous avons réussie. La charte de la ville de Montréal, aux articles 196 et 197, assure au locataire son éligibilité au poste de maire ou de conseiller.

La charte va plus loin et indique que celui qui est propriétaire ou dont l'épouse ou l'époux est propriétaire dans la ville de Montréal, même si cette personne habite une autre municipalité de la Communauté urbaine, peut se présenter au poste de conseiller. Le problème ne me semble donc pas exister pour la ville de Montréal.

M. LEGER: Sauf que pour être maire ou candidat à la mairie, à Montréal, il faut être résidant depuis deux ans dans la ville de Montréal.

M. GOLDBLOOM: C'est exact.

M. LEGER: Le maire éloignait, comme on l'a vu à la dernière commission parlementaire, des candidats de valeur à l'extérieur de la ville de Montréal, qui avaient des propriétés dans la ville de Montréal avec des intérêts. On a vu cela la dernière fois.

M. GOLDBLOOM: Oui. C'est donc un problème un peu particulier que nous ne discuterons pas ici, ce matin, je pense bien.

Deuxième série de précisions, M. le Président: Nous avons parlé pendant un certain temps de l'augmentation du budget du minis-

tère des Affaires municipales et l'honorable député de Lafontaine a suggéré qu'avec un seul autre ministère, le nôtre est le parent pauvre du gouvernement. Je voudrais attirer son attention sur le fait que ce qui est important n'est pas le budget du ministère. Ce qui est important est ce qui est reçu par les municipalités qui doivent nécessairement compter sur une contribution gouvernementale pour être en mesure de bien fonctionner.

Quand on examine le budget à ce titre, on trouve des choses passablement intéressantes. On note, par exemple, que le budget de cette année comprend une somme de $10 millions. Celui de l'an dernier, au même poste, avait un chiffre de $20 millions. Il y a donc une diminution apparente de $10 millions, mais la raison de cette diminution est qu'il s'agit du programme des prêts aux investissements, d'un montant de $30 millions réparti sur deux années et $20 millions étaient consacrés à la première année et $10 millions à la deuxième. C'est donc une diminution apparente. Il s'agit cependant, tout simplement, d'un programme réparti de façon inégale sur deux années et cette inégalité était intentionnelle et était voulue pour permettre le démarrage des projets dans la première année. L'impression de cette faible augmentation est donc déjà passablement changée.

Deuxièmement, il y a de l'aide donnée aux municipalités qui ne figure pas au budget du ministère des Affaires municipales. Il y a, par exemple, la hausse de la redistribution de la taxe de vente, $25 millions. Il y a la redistribution d'une partie du revenu de la taxe hôtelière, taxe sur les repas et sur les chambres, et cela, $20 millions. Le rabais de l'impôt scolaire qui figure au budget du ministère de l'Education est calculé à $18 millions. Je dis calculé, parce que l'on sait que les diminutions effectués par le passé ne se sont pas toujours traduites par une disponibilité accrue dans l'assiette fiscale pour la taxation municipale, mais c'est quand même un désir que nous avons.

Il y a aussi des montants, dont un, en particulier, est important, un montant de $7 millions, qui paraissait au budget de l'an dernier et qui n'a pas été utilisé et qui ne parait pas au budget de cette année.

Ce montant de $7 millions était prévu par une loi qui portait sur la formule de redistribution de la taxe sur la vente, et puisque c'était en vertu d'une loi, nous ne pouvions nous servir de cet argent à d'autres fins. Le montant, on le sait, a été remplacé par les subventions statutaires per capita aux municipalités. Là aussi, un montant qui paraissait au budget de l'an dernier et qui ne paraît pas au budget de cette année donne l'impression que l'augmentation est relativement faible, mais la vérité, tel que je l'ai exposé, est assez différente.

Il y a donc une hausse réelle qui est beaucoup plus importante que celle qui a été indiquée par les simples chiffres cités hier et même ceux cités par l'honorable député de Lafontaine n'étaient pas les mêmes que ceux que nous avons officiellement et dont je lui ai fait part.

Je voulais faire cette mise au point, M. le Président, et, en terminant ces remarques préliminaires, je voudrais vous offrir quelques exemplaires de l'organigramme du ministère, l'organigramme actuel. Nous nous penchons sur cet organigramme, mais nous avons quelques exemplaires qui sont présentement disponibles.

M. LEGER: M. le Président, je voudrais bien faire remarquer au ministre que ce que je contestais hier, ce n'était pas la question des transferts, je suis d'accord que cela aide les municipalités, c'était son budget de fonctionnement qui n'a pas été ou que très peu augmenté. Entre autres, si on regarde le programme 1, il y a une diminution; à celui qui s'occupe de l'aide à la planification et à la restructuration municipale, il y a une baisse de près de $100,000. Dans le programme 2, il y a une baisse énorme de $30 millions. Dans le programme pour la protection contre l'incendie, le programme 5, il y a une augmentation de seulement 5 p.c. pour la sécurité contre les incendies. C'était le budget de fonctionnement.

Voici la raison pour laquelle je faisais ces affirmations hier. Le ministre m'a dit que mon chiffre de 1.9 p.c. ne tenait pas compte des sommes de transfert, etc., et que lui, il arrivait avec des chiffres, je pense, de 8 p.c. d'augmentation. Même à 8 p.c. M. le Président, cela classe le ministère non pas le deuxième avant-dernier, mais le quatrième avant-dernier dans le budget. Parmi ceux — je prends les Affaires sociales — qui auraient la même augmentation que le ministère des Affaires municipales, 8 p.c, sur un budget de $1,700,000,000, c'est une grosse somme comparativement à 8 p.c. sur un budget de $100 millions.

M. le Président, le problème est le suivant: il faut arriver, non pas à rendre les municipalités continuellement dépendantes de subventions arbitraires, et quand je dis arbitraires, je veux dire ne dépendant pas de critères bien définis, mais à permettre aux municipalités d'avoir des sources de revenus autonome équivalant aux responsabilités de plus en plus grandes qu'elles doivent assumer. Si ces municipalités n'ont pas bientôt un nouveau mode de fiscalité, de revenu autonome, on ne pourra pas permettre à ces municipalités de planifier elles-mêmes leur propre développement, de former elles-mêmes leur propre politique, puisque tout projet de planification générale dépendra toujours de revenus qui ne sont pas assurés selon des critères bien définis par la loi.

Autrement dit, quand on se prépare à faire un investissement ou un programme quelconque, on ne peut pas le faire sans, au préalable, avoir envisagé l'ensemble des revenus possibles d'une façon régulière.

On ne peut continuer à laisser les municipali-

tés se financer par un régime pompier de subventions parce qu'une municipalité plus dynamique qu'une autre va dire: il me le faut absolument et ça nous prend tel montant. A ce moment-là, le ministère dit: On va essayer de vous donner une subvention.

Je l'ai déjà dit, le régime des subventions rend les municipalités plus dépendantes et un budget du ministère des Affaires municipales qui aurait été augmenté et qui aurait eu comme préoccupation d'avoir un leadership nécessaire dans toutes les politiques municipales au Québec, aurait peut-être empêché ce besoin que les municipalités ont de dire: Si le gérant de la province ne veut pas me donner ce dont j'ai besoin, on va aller plus haut, au fédéral qui, lui, a l'argent.

Une personne a déjà dit, je ne me souviens pas de laquelle, je ne fais pas mienne cette discussion: Les municipalités ont des problèmes, la province de Québec a la juridiction, le fédéral a l'argent.

C'est donc comme un employé de bureau qui ne peut pas avoir d'avancement parce que son gérant le bloque pour différentes difficultés, ou par un manque de leadership, ou un manque d'ouverture, ou un manque de crédit, comme c'est le cas ici, alors on est donc porté à dire: On va aller voir le propriétaire, celui qui a de l'argent et on va passer par-dessus celui qui a la juridiction. C'est un exemple qui ressemble pas mal à la situation actuelle et qui fait que les municipalités sentent le besoin de converser directement avec le fédéral.

M. le Président, je pense que la critique que j'ai formulée était basée beaucoup plus sur la dépendance des municipalités et sur des subventions. Actuellement, c'est une solution, on ouvre graduellement le champ de 5 p.c. par année de la taxation scolaire qui va aller aux municipalités. Il y a certaines subventions qui vont venir, je suis d'accord, mais comment voulez-vous qu'une municipalité puisse aller de l'avant et que des politiciens, au niveau municipal, puissent réellement réaliser qu'ils sont en mesure de préparer une politique bien planifiée quand ils n'ont pas les revenus suffisants, et des revenus autonomes, pour se financer et avoir des politiques d'avancement?

C'est ce point que je contestais, M. le Président, et ce n'est pas la question des transferts. Actuellement, il ne faut quand même pas priver les municipalités des revenus, mais il faut voir plus loin et c'est dans le domaine de la planification et dans le domaine des différentes directions où l'on voit que le ministère a eu des baisses de revenu qui font que la somme totale d'augmentation reconnaît que le ministère des Affaires municipales, au niveau des préoccupations gouvernementales, est encore un parent pauvre.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, l'argumentation de l'honorable député de Lafontaine est passablement curieuse, voire même farfelue à plusieurs points de vue. D'abord, il nous dit que c'est le budget de fonctionnement qui est important et qu'il n'est pas intéressé aux transferts.

M. LEGER: M. le Président, je regrette, mais je n'ai pas dit que je n'étais pas intéressé aux transferts. J'ai dit que je suis d'accord qu'il y ait des sommes de transferts actuellement, mais cela ne peut pas être continuellement ainsi. Il va falloir que le ministère des Affaires municipales se penche davantage. Actuellement il faut faire des transferts, il faut des subventions, il n'a pas d'autres sources de revenu, mais ce ne sont que des palliatifs.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, les transferts sont statutaires et il y a une politique de plus en plus systématisée de subventions statutaires pour permettre aux municipalités d'agir avec leurs propres ressources dans la mesure où nous pouvons obtenir ces ressources. Il y a à rétablir un meilleur équilibre, d'accord, entre le palier provincial et le palier municipal. Mais quand on parle de transfert, et je voudrais mettre l'accent là-dessus, il y a des éléments importants qui nous viennent du gouvernement fédéral.

Cette idée qui est lancée de temps en temps qu'il y a un problème dans le régime fédéral savoir que c'est parce que le gouvernement de la province n'accorde pas assez d'attention aux municipalités qu'elles disent qu'elles vont s'adresser directement au gouvernement fédéral, je pense, M. le Président, que nous sommes dans ce pays assez évolués et assez adultes pour être en mesure de nous asseoir et de régler nos problèmes, de prendre les positions qu'il nous faut prendre et de nous entendre sur la meilleure distribution de nos ressources.

C'est ce que nous faisons et nous continuerons de travailler de concert avec le gouvernement fédéral et avec les autres provinces dans ce sens.

Mais, quand on parle d'un budget de fonctionnement et quand on veut augmenter le budget de fonctionnement, il est clair que le budget de fonctionnement — j'insiste sur ce mot — est le budget qui alimente le fonctionnarisme. Le fonctionnarisme est un outil nécessaire pour nous, et celui que nous avons en est un dont nous sommes fiers, mais nous n'avons pas l'intention d'augmenter notre budget de fonctionnement pour créer une énorme bureaucratie à Québec. C'est exactement l'inverse de ce que préconise le député de Lafontaine en suggérant qu'il y ait un grand budget de fonctionnement.

Il parle en même temps de l'autonomie des municipalités. J'en suis, et nous avons posé des gestes substantiels. La proportion de nos subventions qui est discrétionnaire est minime. J'arrive cependant à discuter de cette petite proportion discrétionnaire, parce que le député de Lafontaine, et ce n'est pas le premier ou le

seul à le dire, semble vouloir que le gouvernement de la province prenne toutes ses ressources disponibles et les distribue de façon automatique à toutes les municipalités.

Regardons l'effet d'un tel geste, M. le Président. Les municipalités nous demandent deux choses. Elles nous demandent un revenu régulier et nous essayons de fournir, dans autant de cas que possible, ce revenu régulier, prévisible, per capita. Elles nous demandent en même temps des subventions très importantes pour l'accomplissement de travaux qui dépassent non seulement leurs moyens mais de beaucoup les montants que l'on pourrait raisonnablement donner en subventions statutaires, ou les montants que pourraient raisonnablement récolter ces municipalités à même leur propre assiette fiscale. Si l'on a une population de 20,000 âmes on est limité dans le montant que l'on peut récolter par une taxation quelle que soit la nature de cette taxation; quelle soit foncière, quelle soit l'impôt sur le revenu, elle est limitée quant aux ressources qui peuvent être développées. Et ce n'est pas avec $6 per capita, ce qui dans une telle municipalité donnerait $120,000, que l'on peut bâtir un réseau d'égouts, un réseau d'aqueduc, que l'on peut régler les problèmes majeurs de ces municipalités.

Le gouvernement devra donc toujours dans un avenir prévisible, et peut-être imprévisible, garder une masse monétaire importante en réserve et s'en servir de façon discrétionnaire. Je dis discrétionnaire, sans vouloir suggérer que c'est un outil qui est utilisé à des fins autres que de répondre aux besoins des citoyens dans leur municipalité. Mais si nous sommes pour donner des subventions, qui dans certains cas se chiffrent per capita à $1,000 et plus, il faudra une masse monétaire entre les mains du gouvernement pour pouvoir le faire. Et si cet argent est distribué de façon statutaire per capita, si une portion de l'assiette fiscale est cédée aux municipalités, sans discrimination entre ces municipalités, celles d'une certaine taille en profiteront davantage, ayant des besoins réguliers et prévisibles, proportionnels plus ou moins à leur population. Il y a un écart de proportion avec l'augmentation de la population, passé un point qui se situe entre 25,000 et 50,000 de population.

Mais, si nous n'avons pas entre nos mains les sommes nécessaires, d'où viendront ces sommes pour permettre à la petite municipalité de bâtir son réseau d'égouts, de bâtir son usine de filtration, de bâtir son réseau d'aqueduc. Il n'y a pas d'autres sources possibles que le gouvernement provincial et le gouvernement provincial doit garder entre ses mains les outils nécessaires pour répondre aux besoins. S'il n'est pas possible de répondre à tous les besoins, encore moins à tous les désirs, au cours d'un seul exercice financier, il faut choisir. Et gouverner c'est choisir, c'est ce que le gouvernement fait. Il le fait avec la plus grande objectivité possible.

Ce n'est pas en augmentant son budget de fonctionnement qu'il le pourra parce que, dans la mesure qu'il augmente son budget de fonctionnement, il diminue d'autant la possibilité de donner l'argent aux municipalités qui en ont besoin.

Ce n'est donc pas en augmentant son budget de fonctionnement, dis-je, qu'il va résoudre le problème des municipalités.

M. LEGER: M. le Président, si j'étais méchant je dirais au ministre que l'assistance a répondu à l'argumentation du ministre.

Je voudrais quand même faire remarquer au ministre que, quand un ministère n'est pas en mesure d'avoir des statistiques quantitatives sur le nombre et le coût de tous les terrains en spéculation au Québec, quand le ministère n'est pas en mesure d'avoir des statistiques sur la quantité et la qualité de l'habitation au Québec, il manque d'argent pour avoir un service qui serait capable, au niveau du fonctionnement, de lui donner les données de base lui permettant d'avoir une politique en ce sens.

Le ministre me dit que le fonctionnement de son ministère est actuellement suffisant et qu'il ne peut pas me donner, jusqu'à aujourd'hui, des chiffres sur un problème crucial, chiffres que possède la Société centrale d'hypothèques et de logement au niveau du Canada mais qu'on n'a pas au niveau de la province. Autant au niveau de la spéculation foncière qu'au niveau de l'habitation, je dis que le ministère n'a pas entre les mains les outils pour avoir une politique dans ce domaine-là. Je sais qu'il est maintenant président de ce comité d'étude mais normalement, à l'intérieur de son ministère, il aurait dû avoir les statistiques présentement., ce qui démontre un manque de budget pour beaucoup d'autres domaines que je ne mentionne pas encore. Je lui réserve des surprises pour d'autres programmes qui s'en viennent prouvant les avancés que je viens de faire.

M. GOLDBLOOM: C'est très bien, M. le Président. Nous attendrons les surprises et nous répondrons dans la mesure de nos moyens. C'est la nature même de notre débat sur les crédits du ministère. Je pense, M. le Président, que nous avions envisagé une période raisonnable pour l'examen des crédits affectés à la Société d'aménagement de l'Outaouais.

M. LEGER: Je suis d'accord qu'on commence immédiatement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Alors, passons immédiatement au programme 4: Aide financière à la Société d'aménagement de l'Outaouais.

Aide financière à la Société d'aménagement de l'Outaouais

M. LEGER: Est-ce que le ministre a une

déclaration ou s'il veut que je lui pose des questions immédiatement?

M. GOLDBLOOM: Passons aux questions, M. le Président. L'organisme en question, qui existe depuis déjà un certain temps, qui a entrepris des travaux intéressants, est certainement assez bien connu pour que je ne sois pas obligé d'en faire l'éloge. Le président étant ici, je voudrais profiter de sa présence pour fournir les renseignements que voudraient obtenir les membres de la commission.

M. LEGER: M. le Président, je voudrais demander au président, pendant qu'il est ici, de nous donner un compte rendu du fonctionnement de la société, des difficultés qu'il a à affronter ainsi que de ses relations avec la Commission de la capitale nationale. Je voudrais savoir comment ça fonctionne là-bas, quelles sont les difficultés, enfin un tour d'horizon de la situation dans l'Outaouais.

M. GOLDBLOOM: Avec le consentement de la commission, M. le Président, je pense que nous pouvons inviter M. Grégoire à prendre lui-même la parole pour fournir les renseignements demandés par l'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: Et le ministre prend à son compte ce que le président va dire à la commission. C'est cela?

M. GOLDBLOOM: Oui.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Grégoire.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je veux d'abord remercier la commission d'avoir interverti l'ordre de son programme de travail pour nous permettre de répondre à des questions et de retourner chez nous poursuivre notre travail. La Société d'aménagement de l'Outaouais entame sa cinquième année d'existence. Elle a pu, grâce à des moyens que nous avons estimés suffisants et venant du gouvernement par le truchement du ministère des Affaires municipales, mettre sur pied une équipe de travail qui se chiffre maintenant par environ 60 personnes, laquelle équipe s'adonne, en particulier, à la promotion ou au développement industriel et commercial ainsi qu'au développement touristique et récréatif de la région de l'Outaouais dans laquelle elle peut exercer son action.

Cette région comprend les quatre comtés municipaux de Pontiac, Papineau, Gatineau et Hull. Elle comprend environ 13,000 milles carrés et 102 municipalités. Donc, le territoire, par voie de comparaison, est de beaucoup plus vaste que celui sur lequel la CCN peut, elle aussi, exercer une certaine action. Le territoire de la CCN au Québec est d'environ 750 milles carrés.

La Société d'aménagement de l'Outaouais, depuis son existence, a pu, sans interférences locales ou régionales de la part soit des municipalités ou soit de la CCN, lancer des projets concrets d'aménagement dans les domaines de sa compétence. Par exemple, dans la question des parcs industriels, nous avons fait les acquisitions nécessaires de terrains pour aménager dans l'agglomération de Hull trois parcs industriels qui puissent nous permettre de faire face à la demande pour les dix ou quinze prochaines années.

Dans le domaine touristique et récréatif, évidemment à une échelle plus large, parce qu'à ce moment on tombe forcément, sur le plan physique, dans la partie rurale de la région, nous avons entrepris simultanément l'implantation d'un réseau comprenant neuf complexes touristiques, dont trois à échelle plutôt réduite dans l'agglomération de Hull et les six autres en secteur strictement rural, partant du Plateau de Pontiac, en passant par Maniwaki dans la Haute Gatineau. Egalement, cela comprend des interventions dans les vallées de la Lièvre, dans la région, par exemple, de Buckingham, et aussi dans les vallées de la Petite Nation et de la Petite Rouge. Donc, ce réseau pourra offrir d'abord à la population de l'Outaouais des équipements qui lui manquaient et aussi ouvrira la porte davantage à l'industrie touristique qui découle, évidemment, des objectifs contenus dans la Loi de la Société d'aménagement de l'Outaouais.

En ce qui concerne la question peut-être plus précise qui m'a été posée, à ce jour, nous n'avons pas connu de problèmes particuliers qui mériteraient, à mon avis, d'être signalés à l'égard de la Commission de la capitale nationale. Ceci ne signifie pas que, pour autant, nous soyons toujours et nécessairement sur la même longueur d'ondes. Par exemple, pour illustrer ma remarque, dans le domaine industriel, nous savions et nous savons encore que la CCN ne voyait pas du même oeil que nous l'importance que nous donnions aux acquisitions de terrains industriels et, en particulier, au parc industriel qui est de loin le plus important des trois que j'ai mentionnés et qui se trouve à l'est de l'agglomération de Hull. Cela ne nous a pas empêchés, en aucune manière, de procéder quand même. Nous avons reçu les approbations du ministère des Affaires municipales et du lieutenant-gouverneur en conseil, avec le résultat que ce sont là des décisions concrètes qui ont été mises en réalisation.

Je ne sais pas, M. le Président, si, pour tout de suite, cela couvre le gros, en tout cas, de la question qui m'a été posée, mais je pourrais poursuivre, si on le désire.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Cela va.

Le député de Lafontaine.

M. LEGER: Dans le domaine récréatif, entre

autres, pour le nouveau parc que la CCN veut installer, je pense, dans la vallée de la Gatineau, pas loin de la vallée de la Gatineau, est-ce qu'il y a une heureuse entente entre les deux groupes ou s'il y a des problèmes que vous voyez actuellement?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, cette question a fait l'objet de commentaires de divers groupes populaires dans l'Outaouais, récemment, selon lesquels la SAO serait peut-être, dans cette question, à la remorque de la CCN vis-à-vis d'un projet à caractère touristique dans la vallée de la Gatineau, comme on l'a signalé il y a une seconde, plus précisément près de Wakefield, à peu près à une vingtaine de milles au nord de la ville de Hull.

Or, c'est justement l'inverse qui s'est produit. Ce projet d'aménagement à caractère touristique est axé principalement sur l'aménagement d'un jardin zoologique dans l'Outaouais. Depuis plusieurs années, il est fortement question d'un zoo dans l'Outaouais, et ce jardin zoologique pourrait aussi bien s'implanter du côté ontarien que du côté québécois.

Or, la SAO a pris l'initiative de faire préparer une étude quant au site idéal d'implantation d'un tel équipement dans la région. Notre étude a démontré que l'endroit par excellence était l'endroit dont il est question présentement, près de la municipalité de Wakefield, à vingt milles de Hull. Nous avons eu des discussions avec la CCN, parce que nous croyons qu'elle devrait, elle aussi, participer à la mise en place d'un tel équipement parce que c'est une intervention assez coûteuse. Nous savions que, déjà, la CCN nourrissait des intentions d'implanter un tel jardin zoologique, mais sans savoir si ce serait en Ontario ou au Québec. Alors forts de cette information, nous avons incité la CCN à considérer conjointement avec nous de réaliser un tel projet.

Evidemment, c'est l'avenir qui dira dans le détail jusqu'où le rôle de l'un et de l'autre se rencontreront dans une entente à intervenir. Cette question est présentement à l'étude ici, au gouvernement, aux Affaires municipales et aussi aux Affaires intergouvernementales. Mais il reste que si le projet en question voit le jour, ce sera dû à l'initiative de la SAO et non pas à celle de la CCN comme il a été mentionné récemment.

M. LEGER: M. le Président, est-ce que M. Grégoire peut nous dire s'il a été consulté sur le lieu de ce nouveau parc, ainsi que sur les composantes de ce complexe touristique?

M. GOLDBLOOM: Oui, c'est-à-dire que le complexe comme tel comprend deux éléments: un élément majeur et un autre de beaucoup moindre importance. L'élément majeur, c'est celui qui représente justement ce jardin zoologique, et non seulement nous avons été consultés mais, encore une fois, nous avons pris l'initiati- ve de faire l'étude à ce sujet et de proposer le projet comme tel.

L'autre élément qui ferait partie d'un tel complexe, en fait, est plutôt un autre aménagement qui est situé à une distance quand même assez considérable du site du zoo lui-même et qui serait un genre de point terminal pour la CCN qui veut, au cours de l'été prochain, se servir du rail de chemin de fer pour faire la navette, au moyen d'un train à caractère touristique, entre Hull et Wakefield et, rendu à Wakefield, d'y aménager un genre de centre d'accueil, plutôt sur le plan extérieur, si vous voulez, le plan jardin, etc. Mais c'est — que je sache du moins, à ce moment-ci — quelque chose de très mineur par rapport au projet le plus important qui est celui du zoo situé à peut-être deux ou trois milles de là, qui est l'objet de l'initiative de la SAO.

M. LEGER: Est-ce que le président peut nous dire si ce parc est dans le territoire de la CCN?

M. GOLDBLOOM: Ce n'est pas sur une propriété de la CCN, mais ça tombe à l'intérieur du territoire dans lequel la CCN peut exercer son action en vertu de sa loi constitutive.

M. LEGER: Est-il exact que la CCN a comme objectif de créer une région avec la ville de Hull, un genre de ville des administrateurs, des fonctionnaires, avec un plan récréatif, et que la Société d'aménagement de l'Outaouais a plutôt comme objectif plusieurs projets qui visent non pas la partie récréative mais le développement industriel ainsi que d'autres secteurs?

Est-ce qu'il n'y a pas une différence entre les deux objectifs de ces deux groupes-là, la Société d'aménagement de l'Outaouais, la Commission de la capitale nationale?

M. GOLDBLOOM: La politique véritable de la CCN à ce sujet n'est pas connue d'une manière officielle. L'ex-président, M. Fullerton, s'exprimait dans le sens où il n'y avait pas de place dans la région pour le développement industriel. Il est sûr qu'à ce point de vue-là nous divergeons d'opinion, c'est pour cette raison que nous avons mis en place des parcs industriels qui puissent faire face à la demande d'ici les dix ou quinze prochaines années.

Avec le président actuel, M. Gallant, il n'y a pas eu de déclaration de ce genre venant du président présentement en poste, et il reste que la CCN comme telle ne prône pas officiellement une telle politique. Mais il est un fait concret, c'est que le fédéral, du côté québécois, est responsable de l'embauche à raison d'environ 23 p.c, à l'heure actuelle, que cette influence sur l'emploi peut être susceptible de s'accroître avec les années. Et face à cette situation, et pas du tout d'une manière négative, mais pour pouvoir diversifier au maximum les sources

d'emplois, nous prônons évidemment un développement industriel accéléré, non pas dans le sens de grandes industries de transformation ou même secondaires comme le domaine de l'automobile, mais quand même dans le domaine de l'industrie de pointe, l'industrie de services, afin d'avoir un éventail, si on veut, de disponibilité d'emplois plus vaste quand même que la seule fonction publique fédérale.

M. LEGER: Est-ce que, selon votre opinion personnelle, franche, précise, vous ne trouvez pas qu'il serait plus efficace qu'il y ait un seul organisme qui s'occupe du développement régional plutôt que deux organismes qui pourraient avoir des objectifs différents?

M. GOLDBLOOM: II reste une chose difficile à oublier, c'est que le fédéral, avec ses propriétés qui contiennent ses édifices, ses réseaux de promenade, aussi bien du côté d'Ottawa que du côté de Hull, de la rivière Outaouais, a besoin d'une boîte quelconque pour s'occuper de la gestion et de l'entretien, etc. de ses équipements. Du côté de la SAO, par exemple, se rappelant que nous existons depuis un peu plus de quatre ans, il fallait, pour commencer, venir au monde, entreprendre des actions concrètes, faire la preuve, quoi, du bien-fondé du législateur lorsqu'on a pensé à cette formule pour l'Outaouais. Et à chaque journée qui passe, je dirais, notre action s'inscrit davantage dans la région et dans les domaines qui sont de notre compétence. Je crois que nous faisons de plus en plus la preuve que nous pouvons nous occuper de ces domaines d'une façon satisfaisante et qui laisse évidemment de moins en moins de place à la CCN d'entreprendre de nouvelles actions dans ces domaines.

Nous réalisons ce genre de prise de conscience, si vous voulez, des diverses instances gouvernementales en place. Il faut dire qu'auparavant il n'y avait à peu près rien pour répondre à cette présence et à cette action de la CCN dans la région, laquelle présence est souventefois très positive, mais il reste que nous sommes en mesure, je crois, de remplir efficacement le domaine de nos compétences.

Là j'aimerais mentionner que nous le réalisons — nous l'avons fait, à ce jour, en nous appuyant d'une façon très directe, très concrète sur les ministères québécois — en évitant de devenir une machine trop considérable, pour conserver le maximum d'efficacité, et nous faisons appel constamment aux effectifs humains et financiers des divers ministères québécois.

M. LEGER: Mais le président n'a pas répondu à ma question. Est-ce qu'il calcule qu'il serait plus efficace qu'il n'y ait qu'un organisme qui dirige cela plutôt que deux qui ont des objectifs différents?

M. GOLDBLOOM: Je n'en suis pas convaincu, M. le Président, à moins que ce soit dans des domaines d'intervention identiques. A ce moment, il est sûr qu'il est préférable que nous conservions, dans le domaine de nos compétences, l'exclusivité. Mais il reste qu'il y a des besoins à caractères fédéraux dans la région et qu'il faut un interlocuteur pour les représenter, avec qui nous avons trouvé assez facile, jusqu'à présent en tout cas, de discuter de choses qui peuvent nous toucher conjointement. A l'heure actuelle, du moins, cela ne présente pas de problème concret ou insurmontable.

M. LEGER: Est-ce que vous ne pouvez pas admettre quand même, que dans les besoins du gouvernement fédéral, actuellement, qui devraient être de gérer les bâtisses du gouvernement fédéral, la CCN déborde son mandat en voulant s'occuper de l'aménagement de zoos, de l'aménagement de parcs industriels, de l'aménagement de stations de ski? Est-ce que ce n'est pas déborder son mandat et entrer directement dans une compétence qui relève de votre administration?

M. GOLDBLOOM: Bien, M. le Président, la CCN ne s'occupe pas présentement de parcs industriels du côté québécois. Elle le fait du côté ontarien. Je n'aimerais pas risquer une opinion vis-à-vis de cette question en ce qui touche le côté ontarien.

Du côté québécois, nous avons l'exclusivité de l'action dans le domaine industriel. Donc, nous avons occupé ce champ d'action. Du côté d'une intervention, comme l'implantation d'un zoo, nous avons pris l'initiative. Nous voulons la conserver dans la réalisation, dans l'exploitation, mais nous croyons que le gouvernement fédéral devrait participer financièrement.

Est-ce qu'il y avait une autre facette de la question à laquelle...

M. LEGER: Voici. Vous avez dit, tantôt, que le gouvernement fédéral avait besoin d'une boîte pour gérer les édifices gouvernementaux.

M. GOLDBLOOM: Oui, d'accord.

M. LEGER: Est-ce que ce n'est pas déborder que de s'occuper de zoos, du domaine récréatif et de ski?

M. GOLDBLOOM: En fait, c'est que la loi, je crois, dépasse passablement la seule préoccupation des édifices fédéraux depuis déjà assez longtemps. La CCN joue un rôle vis-à-vis de l'ensemble du territoire. Elle a, comme bien d'autres citoyens — je ne voudrais pas risquer la comparaison — beaucoup de propriétés. Alors, lorsqu'on est propriétaire, il y a certains droits, j'imagine.

M. LEGER: Et inconvénients.

M. GOLDBLOOM: Oui, cela peut jouer, cela dépend du point de vue. Alors, il est possible

que la CCN puisse déborder son mandat s'il n'y a pas d'organisme pour remplir certains champs de juridiction. Mais, dans les cas qui ont été soulevés dans la question, cela ne s'est pas présenté parce que, justement, nous avons pu, grâce à la loi qui permet notre action et aux moyens mis à notre disposition, agir de façon pratique pour éviter cette situation.

M. LEGER: Pour éviter de trop vous aventurer dans un domaine qui est passablement plus politique qu'administratif, je vais poser la question au ministre. Est-ce que ce mandat ne déborde pas la juridiction fédérale, et l'aménagement du territoire ne relève-t-il pas du Québec?

M. GOLDBLOOM: II va sans dire, M. le Président, que l'aménagement du territoire est une responsabilité québécoise, et nous l'exerçons. D'ailleurs, c'est justement pour cette raison que la Société d'aménagement de l'Outaouais a été créée. Mais le député de Lafontaine essaie de faire passer sa thèse qui est que...

M. LEGER: Qui devrait être la thèse du ministre qui doit protéger la juridiction provinciale. J'ai déjà affirmé très souvent qu'un ministre du gouvernement provincial, comme vous l'avez fait pour la conférence tripartite — et je vous ai félicité — devrait se tenir debout et empêcher l'intrusion du gouvernement fédéral, même dans un fédéralisme que nous dénonçons. Même à l'intérieur du fédéralisme temporaire dans lequel nous vivons, le ministre — c'est sa responsabilité — doit éviter l'intrusion des juridictions fédérales dans des domaines de compétence provinciale. On devrait être d'accord là-dessus au moins.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, le ministre qui vous parle et le gouvernement qu'il représente ont également la mission qu'ils se sont donnée et que la population leur a donnée de conserver le régime fédéral, avec les quelques inconvénients que ce régime comporte. Si, à certains moments, une bureaucratie comme celle de la CCN déborde un peu, il faut voir qu'il y a des voisins, dans la vie privée, qui débordent un peu sur les plates-bandes et les intérêts des autres et qu'on doit leur parler un peu. Ce n'est pas la fin du monde.

De fait, le député de Lafontaine et quelques autres personnes de l'Outaouais n'étaient pas en nombre suffisant pour modifier le résultat que l'on connaît. Donc, les objections au rôle de la CCN ne semblent pas une préoccupation prédominante dans l'Outaouais. Si ces personnes voient un mal terrible dans le fait que la CCN a un certain entregent et a des idées qu'elle avance, pour notre part, nous ne trouvons pas que c'est une chose grave et nous avons une relation soutenue avec le gouvernement fédéral. Nous sommes vigilants et nous discutons objectivement de nos points de vue. Mais, puisque nous sommes convaincus de la valeur du régime fédéral, nous essayons de négocier et d'arriver à des conclusions utiles, plutôt que de chercher à monter en épingle chaque différend qui peut exister, pour prouver que le régime fédéral est mauvais.

Il n'est pas parfait, mais il n'est pas mauvais et nous avons l'intention de le conserver.

M. LEGER: M. le Président, quand le ministre dit "monter en épingle", c'est là que nous, nous sommes vigilants, parce que nous voyons, d'une façon systématique, régulière, une ingérence fédérale dans différents domaines provinciaux.

J'apporte un exemple au ministre. Si un organisme comme la CCN venait à Montréal dans le but de voir à l'administration des édifices fédéraux et qu'en plus de cela, il prenait —ce qu'ils font dans l'Outaouais — comme mandat de voir à donner des parcs, des zoos, des stations de ski, etc., aux gens des ministères fédéraux qui sont installés à Montréal, est-ce que le ministre dirait la même chose? Est-ce qu'il accepterait cela? Est-ce que ce n'est pas une ingérence? Même si c'est du côté de l'Outaouais, très proche de l'Ontario et d'Ottawa, est-ce que ce n'est pas la même chose? C'est une ingérence précise dans un domaine de juridiction provinciale.

M. GOLDBLOOM: Ingérence, c'est le mot que choisit le député de Lafontaine.

M. LEGER: Intrusion.

M. GOLDBLOOM: Qu'il y ait des divergences de vues, qu'il y ait des chevauchements de définition de responsabilité et de mandat, ces choses existent. Nous n'en avons pas l'exclusivité au Canada. Nous essayons de régler ces problèmes et de définir qui fait quoi.

Nous savons que le Canada a été créé, il y a bientôt 107 ans, par un document qui a des lacunes et qui ne précise pas qui fait quoi dans bien des domaines. Nous sommes pris, depuis, avec un certain nombre de problèmes que nous devons régler.

De temps en temps, il y a des discussions plus intenses, des affrontements même, entre le gouvernement fédéral et des provinces, pas seulement le Québec. Nous avons pu constater ces inconvénients, que nous ne qualifions pas, dans la majorité des cas, d'ingérences. Il y a eu des ingérences; mais je pense bien que, du point de vue fédéral, il y a des gens qui diraient qu'il y a eu des ingérences de la part des provinces, quoique les provinces n'aient pas autant de moyens de réussir des ingérences. Mais nous essayons...

M. LEGER: Cela dépend du dynamisme des ministres. On peut prendre directement les responsabilités qui nous conviennent avant que le fédéral le fasse.

M. GOLDBLOOM: Oui, cela dépend du dynamisme, si vous voulez, mais si l'on écoute le genre de dialogue que mène le Parti québécois, souvent, avec ses divers interlocuteurs, dynamisme, agressivité et tout simplement le fait d'être désagréable, ce ne sont pas nécessairement les façons ou de régler des problèmes ou d'attirer l'appui du public.

Nous voulons régler des problèmes. Pour cette raison, il ne faut pas confondre politesse et ouverture d'esprit avec manque de dynamisme.

M. LEGER: II ne faut pas confondre, non plus, ouverture d'esprit et laisser-aller. Le ministre a quand même évité la question, comme il le fait très souvent. Je lui ai posé une question précise. Si le même cas arrivait pour les édifices gouvernementaux fédéraux à Montréal, et qu'on allait jusqu'à permettre les zoos, les parcs d'amusement, les stations de ski, etc., est-ce qu'il accepterait cela à Montréal?

M. GOLDBLOOM: Non, M. le Président, parce que Montréal n'est pas en relation géographique directe avec la capitale du pays. Puisqu'il y a un problème un peu particulier dans l'Outaouais, nous acceptons cette collaboration qui est exceptionnelle, et cette collaboration a été établie par la création de certains organismes, dont la CCN. La CCN a, sur papier, certains pouvoirs, et c'est à nous, simplement, de prendre nos responsabilités et de continuer notre collaboration, mais de façon à assurer que les intérêts du Québec et des Québécois soient respectés et soient maintenus et développés. Le fait que la CCN pose certains gestes à certains moments ne nous effraie pas et ne nous amène pas à remettre en question toute la situation.

Pour répondre de nouveau précisément à la question du député de Lafontaine, non, nous n'accepterions pas une telle situation ailleurs dans la province. Les seuls endroits où nous acceptons ce genre de relations sont au nombre de trois: L'Outaouais, le parc national de la Mauricie et le parc national Forillon.

M. LEGER: Est-ce que le ministre considère que le sol québécois de l'Outaouais est moins québécois que le reste du Québec?

M. GOLDBLOOM: Ceci est une question bien péquiste! C'est une ...

M. LEGER: Qui embarrasse le ministre.

M. GOLDBLOOM: Pas du tout! C'est une mentalité que je ne partage pas.

M. LEGER: Voulez-vous dire que vous ne l'admettriez pas à Montréal, mais parce que l'Outaouais est proche d'Ottawa, il faut faire certaines concessions? Le sol québécois de l'Outaouais est aussi important à préserver que le sol québécois dans le reste de la province.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, il y a deux choses dans ce que vient d'avancer le député de Lafontaine. D'abord, l'idée que, pour être Québécois, il ne faut pas être Canadien, cela, je ne l'accepte pas. Nous sommes les deux, et nous devons partager notre identité, comme nous la partageons en termes de notre municipalité, en termes de notre religion, en termes de notre langue, en termes d'une foule de qualités. Nous partageons notre identité entre divers éléments et, pour nous, il y a un partage d'identités entre être Québécois et être Canadien. On n'est pas moins Canadien pour être Québécois. On n'est pas moins Québécois pour être Canadien. Donc, il ne s'agit pas de déterminer de quelle façon on protège ce qui est québécois, contre le fait d'être Canadien! Ce n'est pas une protection nécessaire.

Deuxièmement, il y a une présence fédérale du côté québécois de la rivière des Outaouais. Si nous ne voulons pas collaborer avec le gouvernement fédéral, faisons disparaître les institutions, les édifices fédéraux, faisons disparaître le travail créé dans la région de l'Outaouais québécois par le gouvernement fédéral. Nous serons plus purs et plus pauvres, comme nous l'avons été dans l'Outaouais québécois pendant trop longtemps.

Nous sommes heureux d'y voir la présence fédérale. Cette présence est réelle. Il faut un organisme pour représenter cette présence. Si cet organisme a une définition de tâche qui va un peu plus loin que celle que nous aimerions admettre à certains moments, nous allons travailler, à la fois pour faire modifier cette définition de tâche et pour faire notre travail, pour éviter qu'il soit nécessaire que d'autres le fassent pour nous. Mais l'identité demeure double, et continuera de l'être.

M. LEGER: M. le Président, l'identité double, je n'y crois pas.

Mais je voudrais ramener le ministre à la dénonciation de la commission Dorion qui dénonçait justement cette intrusion systématique et régulière. Le gouvernement national des Québécois, qui est le gouvernement québécois, devrait donner suite à cette recommandation de la commission Dorion qui disait que dans le domaine de la juridiction provinciale, il ne faut à aucun prix permettre l'intrusion du fédéral parce qu'à ce moment, on dilue davantage le pouvoir possible du Québec et on l'appauvrit pour le moment et pour plus tard.

M. GOLDBLOOM: Je pense que nous sommes engagés sur une voie sans issue parce que le député de Lafontaine a ses idées et nous avons les nôtres et les deux séries d'idées ne sont pas superposables. Effectivement, nous avons demandé à la population de trancher entre les deux et elle l'a fait.

M. LEGER: Je regrette. La population ne s'est pas prononcée entre les deux puisque le

ministre lui-même disait hier combien un référendum est compliqué, qu'une question est tellement complexe, que par un oui ou un non, on ne peut pas régler le problème. Mais je voudrais quand même vous demander si vous pouvez répondre.

M. GOLDBLOOM: C'est le post mortem habituel.

M. LEGER: Est-ce que le ministre peut nous dire s'il a des consultations régulières avec la SAO et la CCN?

M. GOLDBLOOM: Nous avons des consultations régulières avec les organismes québécois d'une façon très concertée. Ce n'est pas du tout de la même façon avec la CCN. Il arrive que lorsque nous entrevoyons, soit une confrontation possible sur le plan des idées, soit une action conjointe parce que nous nous trouvons, par un concours de circonstances, intéressés à des choses qui sont plus ou moins identiques, à ce moment, nous avons des consultations. Nous avons certaines consultations directement. Nous en avons d'autres qui se font par le truchement du ministère des Affaires intergouvernementales.

M. LEGER: Est-ce qu'on vous consulte, habituellement, quand il y a des projets ou est-ce que vous l'apprenez par les journaux?

M. GOLDBLOOM: Dans le passé, non, parce que nous n'existions pas. Il a fallu arriver en place et je dirais que maintenant, du moins pour autant qu'on puisse en juger, la CCN nous consulte énormément plus qu'auparavant et met les organismes québécois au courant de ses intentions et de ses projets.

M. LEGER: A chaque fois?

M. GOLDBLOOM: Que je sache.

M. LEGER: Quelles sont les relations de la SAO avec l'OPDQ?

M. GOLDBLOOM: Les relations de la SAO avec l'OPDQ, là aussi, contrairement à celles que nous entretenons avec beaucoup d'autres ministères depuis les débuts, étaient à peu près inexistantes, sauf que depuis environ quatre ou cinq mois, l'OPDQ s'est impliqué dans la région d'une façon très intense. A l'heure actuelle, nous avons d'excellentes relations avec l'OPDQ même si au tout début, nous nous sommes interrogés sur la manière de procéder de l'OPDQ vis-à-vis de la région.

Depuis ce temps, je crois que nous en sommes arrivés à être sur la même longueur d'ondes et, présentement, les relations sont excellentes.

M. LEGER: Je voudrais maintenant deman- der au ministre des détails sur les transferts que je vois ici à la catégorie 10, de $1,100,000 comparativement à $1,150,000. Qu'est-ce que ce sont les transferts? C'est dans la ventilation des crédits.

M. GOLDBLOOM: Ce dont parle l'honorable député s'applique à la ventilation du programme 5. Les ventilations sont en face, à gauche.

M. LEGER: Ce sont plutôt $3 millions. La ventilation est de $3 millions. C'est à la page 3-12 et non pas 3-14.

M. GOLDBLOOM: Je vous pensais à gauche.

M. LEGER: Comme vous le savez, à gauche c'est toujours le progrès.

M. GOLDBLOOM: Au risque de provoquer un retour à un débat antérieur, je dois souligner que l'augmentation du montant à attribuer à la SAO, de $2,500,000 à $3,000,000, est pour lui permettre de participer au financement de la Place du centre.

M. LEGER: Est-ce que le ministre entrevoit la possibilité que, dans le domaine de l'aménagement du territoire, en y incluant les parcs, les jardins zoologiques, il ne serait pas préférable que les sommes que la CCN veut dépenser soient remises à la Société d'aménagement de l'Outaouais pour voir elle-même à le réaliser selon ses propres préoccupations et ses propres schèmes de fonctionnement?

M. GOLDBLOOM: II va sans dire que, si nous pouvions augmenter les ressources de la SAO, elle pourrait faire davantage. Il est évident...

M. LEGER: Cela dépend de la somme que le fédéral veut dépenser.

M. GOLDBLOOM: D'accord, j'ai compris la question. Il est évident que si nous pouvions l'obtenir du gouvernement fédéral, ce serait une source utile. Je pense bien que c'est une chose qui est essentiellement en négociation continue et nous allons continuer ces discussions. Il n'y a pas d'entente à ce sujet présentement. Donc, je ne pourrai faire plus que d'indiquer notre intérêt évident à acquérir ces sommes, mais non pas au risque de faire disparaître la CCN de la région de l'Outaouais; tel n'est pas notre objectif présentement.

M. LEGER: Mais il y a actuellement des négociations pour obtenir que les sommes soient versées à la SAO par le fédéral pour l'aménagement du territoire?

M. GOLDBLOOM: Je ne suis pas en mesure d'affirmer qu'il y a eu des discussions récentes

qui portent sur cette question, mais l'on sait qu'il y a des discussions soutenues, assez régulières, et que le gouvernement a demandé au ministre de la Fonction publique, ministre d'Etat aux Affaires intergouvernementales, de poursuivre ces conversations, ce qu'il fait d'une façon régulière.

M. LEGER: Ce n'est pas un monologue, c'est un dialogue?

M. GOLDBLOOM: C'est un dialogue.

M. LEGER: Est-ce que le ministre a l'intention, étant donné que vous n'êtes pas informé, à ce stade, qu'on a l'intention de négocier pour que des sommes affectées par le fédéral du domaine de la juridiction provinciale soient transmises, de le demander dans les négociations.

M. GOLDBLOOM: Je ne suis pas au courant d'une décision du gouvernement aussi précise que celle-là. Nous allons continuer d'essayer de faire affecter les sommes disponibles, quelle que soit l'instance de responsabilité, aux meilleurs intérêts du Québec et de l'Outaouais québécois. Je pense bien que, pour le gouvernement, si la CCN coordonne ses actions, ses interventions, ses dépenses avec les programmes que nous visons, si nous nous entendons sur les programmes, nous seront satisfaits.

M. LEGER: Comme le président disait tantôt qu'il n'était pas à la remorque de la CCN, mais qu'il était plutôt le maître d'oeuvre, qu'il voulait avoir le leadership là-dessus, est-ce que ce n'est pas justement une occasion d'avoir le leadership pour avoir les sommes du fédéral pour l'aménager tel que ce semble être la politique du président, de ne pas être à la remorque, mais d'être le maître d'oeuvre de l'aménagement du territoire?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, il faudrait peut-être ajouter aux remarques que j'ai faites tout à l'heure que, vis-à-vis des douze projets que nous sommes en voie d'aménager, nous le faisons seuls avec principalement de l'argent qui vient du Québec, mais, dans un cas précis, celui d'un port de plaisance sur le lac Deschênes, qui est un élargissement de la rivière des Outaouais, à l'égard de ce projet, il y a de l'argent du fédéral qui y est consacré sans pour autant que ce soit un projet conjoint.

Nous en conservons le plein contrôle. Nous en exercerons la gestion totale. Cette participation vient par le truchement du ministère fédéral des Travaux publics.

Il n'y a aucun projet encore où nous sommes impliqués conjointement dans son aménagement, sauf peut-être dans le cas du parc et du lac Leamy qui existaient depuis des années déjà, qui sont la propriété du fédéral. A l'intérieur de ce parc, il y a un petit lac en plein milieu de l'agglomération de Hull et où, également, la ville de Hull, avant notre existence, s'occupait de l'administration des équipements récréatifs. Nous avons pris cela en main de la ville de Hull, par voie de bail avec la CCN, mais là encore, nous avons pleine latitude d'exercer notre action. Ce serait peut-être dans un cas qui est présentement envisagé, celui de l'aménagement d'un parc zoologique, qu'il pourrait y avoir une entente impliquant les deux instances. Maintenant, cette question est à l'étude aux Affaires intergouvernementales. Qu'est-ce qui en résultera? Je n'ai sûrement pas la réponse aujourd'hui. Nous procéderons, évidemment, en concordance avec les décisions qui émaneront de ce ministère et, également, finalement, selon les directives du ministère des Affaires municipales.

M. LEGER: M. le Président, en ce qui nous concerne, ce que nous voulons éviter à chaque occasion, quels que soient les ministères concernés, spécialement aux Affaires municipales aujourd'hui, c'est l'érosion du pouvoir québécois dans ses juridictions. Nous ne voulons pas, comme le ministre le disait tantôt, monter en épingle des cas. C'est l'ensemble des cas qui nous permet de réaliser, après un certain temps, qu'il y a danger qu'on vende des parties de territoire régulièrement du Québec au fédéral, ce qui fait que nous aurons, quand le temps sera venu et que la population sera prête à faire son indépendance, à négocier moins de choses que le gouvernement précédent aura laissé aller. Alors nous allons surveiller énormément les attitudes du gouvernement du Québec actuellement pour qu'il conserve et qu'il aille même plus loin dans le retour du pouvoir québécois dans les différentes juridictions qu'il laisse trop souvent aller, de façon qu'il se tienne debout pendant qu'on est encore dans le fédéralisme et qu'il y en ait moins à récupérer quand il sera question d'un Québec qui sera à nous autres.

En ce qui nous concerne, M. le Président, pour le programme 4, nous sommes prêts à adopter les crédits.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Alors, programme 4...

M. GOLDBLOOM: M. le Président, avant l'adoption des crédits, je voudrais quand même répondre aux dernières remarques du député de Lafontaine. Je pense bien que la situation actuelle du Québec est telle que nous pouvons dire que notre rôle n'est pas en état d'érosion, mais bien en état d'augmentation, de renforcement, de précision, que nous avons fait beaucoup...

M. LEGER: Avez-vous des exemples de ce que vous venez de dire, des preuves de ce que vous venez de dire, qu'on est en période d'augmentation?

M. GOLDBLOOM: Certainement, M. le Pré-

sident. Nous avons réglé des problèmes dans le domaine de l'éducation où il y avait des...

M. LEGER: Affaires sociales, entre autres? M. GOLDBLOOM: Oui.

M. LEGER: Vous avez gagné aux Affaires sociales; oui? Vous admettez cela, oui?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, vous savez, c'est une philosophie — je n'ai pas l'intention de retourner là-dessus — mais c'est une philosophie qui est basée sur l'idée que nous ne devons vraiment pas collaborer pleinement avec nos voisins. Nous devons ériger un mur autour de nous et vivre à l'intérieur de ce mur avec nos propres ressources et suffire totalement à nos besoins. M. le Président, je me demande où nous serions au Québec si nous n'étions pas à l'intérieur du Canada. Le député de Lafontaine a invoqué le rapport Dorion. Il me semble que la thèse fondamentale du rapport Dorion était celle d'une politique de présence. Nous sommes présents, nous renforçons notre présence. Nous avons l'intention...

M. LEGER: Présents, mais non spectateurs, présents agissant.

M. GOLDBLOOM: Oui, exactement. C'est cela la SAO. C'est pour cela que nous l'avons créée. Nous n'avons pas cet esprit "chambar-deur", si je peux utiliser un tel mot, pour...

M. LEGER: Non, c'est retourner aux sources, ce n'est pas chambarder. C'est que la source du pouvoir fédéral provient des délégations du gouvernement provincial. Alors, on retourne aux sources.

M. GOLDBLOOM: Si, pour retourner aux sources, nous devons oublier les liens que nous avons bâti pendant 107 ans, M. le Président, je pense que les Québécois sont dans un état d'esprit qui les amène à maintenir ces liens et c'est dans cet état d'esprit que nous travaillons. Nous n'irons pas très loin si nous essayons de faire tout le débat sur le fédéralisme et le séparatisme autour de la SAO. Nous avons, entre-temps, à faire des choses dans l'Outaouais. Je voudrais féliciter M. Grégoire et son équipe pour ce qu'ils font afin de faire avancer les intérêts du Québec et les rendre présents dans l'Outaouais québécois.

Je pense que nous pouvons effectivement adopter avec une certaine fierté les crédits augmentés qui sont accordés cette année à la Société d'aménagement de l'Outaouais.

M. LEGER: Je voudrais, de mon côté, féliciter le président, M. Grégoire, de son travail et l'assurer de notre appui total, chaque fois qu'il aura des difficultés dans ses négociations avec la CCN, pour la préservation de nos droits et la réalisation de tous les projets qui sont de juridiction provinciale.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Merci, M. Grégoire.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, M. Grégoire remercie la commission et retourne dans sa région doublement satisfait et confiant.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Programme 4, adopté.

M. LEGER: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Programme 1.

Aide à la planification et à la restructuration municipale

M. LEGER: M. le Président, au programme 1, nous étions en train, hier, de discuter des communautés urbaines, des regroupements municipaux. Je vais demander au ministre où en est rendu le regroupement municipal dans le Lac-Saint-Jean où trois unités de regroupement ont été décrétées, mais on nous dit que dans deux cas, rien ne se passe. Le ministre peut-il faire le point là-dessus?

M. GOLDBLOOM: II y a effectivement une unité de regroupement où un intérêt actif est constaté. Parmi les quatre municipalités qui constituent cette unité de regroupement, il y en a trois, la ville de Jonquière, la ville de Kénogami et la paroisse de Saint-Dominique-de-Jonquière qui ont demandé au ministère de faire siéger les divers comités d'étude qui sont prévus par la Loi sur le regroupement, d'envoyer les fonctionnaires nécessaires à la poursuite de ce travail et un calendrier de travail a été établi.

La ville d'Arvida, quatrième membre de l'unité, a préféré ne pas participer, et cela, en vertu d'un référendum qui a été tenu dans cette municipalité et qui a donné un résultat négatif quant au projet de fusion. La ville d'Arvida a exprimé l'avis que ce référendum, étant l'expression de l'attitude des citoyens à ce moment-là, tout au moins, ne permettait pas au conseil municipal de siéger. Quand même, la ville d'Arvida a fourni au groupe de travail tous les renseignements demandés et, en retour, j'ai assuré à la ville d'Arvida la disponibilité de tous les renseignements qui seraient fournis à ces diverses tables d'étude par les autres municipalités ainsi que toute conclusion ou recommandation qui pourrait découler de ces discussions. C'est ainsi que nous suivons l'évolution de ce dossier.

Dans les deux autres unités, il n'y a pas d'activité présentement, sauf que dans l'unité qui entoure Chicoutimi, il y a un intérêt

exprimé par Chicoutimi-Nord et Rivière-du-Moulin dans la poursuite des études.

Les deux autres municipalités, c'est-à-dire la ville de Chicoutimi et le canton de Chicoutimi, ne se sont pas prononcées directement sur cette question. La ville de Chicoutimi a cependant émis son avis dans un mémoire.

La troisième unité est celle de la Baie-des-Ha! Ha! . Là, il n'y a pas présentement d'activité quant à l'étude d'un regroupement possible, mais il y a certaines expressions d'intérêt qui me sont parvenues. Si une demande est formulée, nous agirons dans ce cas comme dans les autres, c'est-à-dire que nous placerons nos ressources à la disposition des municipalités intéressées pour la poursuite de l'étude. Il va sans dire que la mise à jour et l'analyse de toutes les données seront rendues publiques quand le tout sera complété dans chaque cas pour permettre à la population d'en prendre connaissance et de s'exprimer de façon valable là-dessus.

M. LEGER: Merci, M. le Président. Le ministre m'a évité une question supplémentaire, il a répondu à Chicoutimi. J'ai écrit au ministre le 21 février dernier une lettre dans laquelle je le mettais au courant des problèmes qu'affrontent les citoyens de la municipalité fusionnée de Shawbridge. Cette municipalité, comme le ministre le sait, provient de la fusion, le 20 janvier 1973, des villages de Shawbridge, Prévost et Lesage. Je n'ai jamais reçu ni d'accusé réception, ni de réponse à cette lettre. Est-ce que le ministre peut me dire pourquoi?

M. GOLDBLOOM: Je m'excuse, M. le Président, est-ce que le député de Lafontaine me dit qu'il n'a pas reçu de réponse à sa lettre?

M. LEGER: Ni d'accusé de réception.

M. GOLDBLOOM: Parce que je lui ai écrit et j'ai utilisé...

M. LEGER: On peut se servir du problème de la poste et de la grève de la poste. Peut-être que cela a été...

M. GOLDBLOOM: Non. Je n'invoque pas cela, parce que c'est quand même la poste interne, mais je lui ai écrit et j'ai employé des termes un peu plus vigoureux que d'habitude pour lui répondre.

M. LEGER: Est-ce que le ministre peut me résumer ce qu'il m'a répondu?

M. GOLDBLOOM: Oui. M. le Président, si nous faisons allusion à la même lettre, le député de Lafontaine m'a écrit pour me demander de donner suite à la demande du nouveau conseil municipal en vertu d'un référendum qu'il a qualifié lui-même, si ma mémoire est fidèle, de quasi-référendum. Il a été tenu l'automne der- nier dans cette municipalité et a donné un résultat qui favorisait, mais sans majorité absolue, ceux qui ont exprimé leur avis en optant pour que cette municipalité porte le nom de Prévost. Il y avait, je pense, 627 pour Prévost, 609 pour Shawbridge et un peu plus de 100 voix en faveur du nom de Lesage.

Le député de Lafontaine m'a écrit qu'il faudrait donner à cette municipalité un nom vraiment québécois. Il a ainsi terminé sa lettre: Veuillez agréer, M. le ministre, l'expression de mes sentiments les plus québécois. Je lui ai répondu que je trouvais — je ne me rappelle pas le premier mot que j'ai utilisé — c'était peut-être déprimante ou décevante, ou quelque chose comme cela, et j'ai ajouté voire insultante sa prétention que ce qui est d'origine anglophone, par le fait même n'est pas québécois. Cela, je ne l'accepte pas.

M. LEGER: M. le Président, si le ministre a cru voir que le mot Shawbridge ou un terme anglophone n'était pas Québécois, combien de fois je lui ai dit que les Anglophones québécois pour moi, font partie de la communauté québécoise et sont Québécois à part entière! Si le ministre a compris cette lettre dans ce sens, il a mal interprété ma lettre parce que ce que je voulais lui dire c'est qu'il y avait eu un référendum où on mettait trois noms. Comme de raison, dans le jeu d'un référendum, ce n'est pas toujours concret, précis. En mettant un troisième nom plutôt que le choix entre deux noms, c'est certain que cela pouvait diviser les voix. Mais la majorité des citoyens s'était exprimée pour le terme de la ville de Prévost.

Nous avons maintenant, sur le terme québécois, un comté qui s'appelle le comté de Prévost. Comme et le conseil municipal et les citoyens s'étaient prononcés en majorité pour Prévost et que le conseil a même téléphoné au ministre — et je ne sais pas si c'est son secrétaire ou quelqu'un de son ministère qui a répondu: La réponse va venir maintenant du ministre, est sur le bureau du ministre —... On n'a pas eu de réponse depuis ce temps-là. Est-ce que le ministre a l'intention, grand démocrate comme je le connais, de donner suite à une décision provenant d'une majorité qui désire le nom Prévost et du fait que le conseil de ville aussi soit pour le nom de Prévost?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, le maire et le secrétaire-trésorier sont venus me voir et j'en ai discuté avec eux. Il y a aussi certaines personnes qui m'ont écrit et le nombre de ces personnes est très élevé. Le problème est un peu plus complexe que le portrait qu'en donne l'honorable député de Lafontaine. Il y a de nombreuses personnes, directement intéressées, qui prétendent que les négociations qui ont mené les trois municipalités à leur fusion, ont été conclues sur la base d'une entente tripartite, que par cette entente, l'ancienne municipalité de Lesage devait conserver l'hôtel de ville de la

nouvelle municipalité, Prévost devait conserver certains services essentiels et Shawbridge devait conserver le nom. Les citoyens en question m'écrivent, plusieurs centaines, pour me faire savoir que dans leur optique, c'était un élément sine qua non de l'entente qui a créé la nouvelle municipalité et que si cette condition n'avait pas été acceptée de part et d'autre, ils n'auraient pas accepté la fusion. Ils auraient voté contre la fusion.

Deuxièmement, il y a de nombreuses personnes qui m'écrivent pour m'informer qu'elles n'étaient pas informées de la tenue du référendum et quelles étaient ainsi privées de leur droit de vote. On affirme depuis qu'un avis a été envoyé à tous les contribuables, à tous ceux qui ont le droit de vote, mais j'ai de très nombreuses lettres qui sont des attestations du fait que ces personnes n'ont rien reçu. Selon elles, il y a eu une affiche sur la porte de l'hôtel de ville et il n'y a pas eu d'autre avis de la tenue d'un référendum.

Pour ces deux raisons, j'ai voulu être extrêmement prudent. Je voudrais souligner que les lettres que j'ai reçues qui protestent contre le changement de nom et qui invoquent l'un ou l'autre des deux facteurs que je viens de mentionner, viennent dans une proportion importante, de la part de citoyens francophones de la nouvelle municipalité. Devant ces faits, je suis à me demander si l'on ne doit pas prévoir un nouveau référendum. Je ne parle pas en vertu d'un pouvoir légal de décréter un tel référendum, je ne suis pas certain d'avoir ce pouvoir, mais je pense que je peux au moins suggérer que la question soit tranchée une fois pour toutes, par un nouveau référendum. Je ne veux pas agir contre l'intérêt démocratique des citoyens, mais pour agir, il faut être certain que l'on respecte la démocratie et les facteurs que j'ai invoqués tout à l'heure, sur lesquels je ne me prononce pas — je fais rapport de ce qui m'a été rapporté — ces deux facteurs me laissent suffisamment songeur, suffisamment hésitant pour ne pas vouloir poser un geste et dire oui à l'un ou l'autre des groupes intéressés.

C'est pour cette raison que je n'ai pas pris de décision et que j'ai demandé à mes conseillers juridiques d'examiner en grand détail la question. Spontanément, ma suggestion personnelle comme démocrate, c'est que l'on tienne un nouveau référendum si c'est vraiment le désir de la population.

Je souligne que la loi permet à un conseil municipal, n'importe quand, en suivant les procédures normales, de proposer le changement du nom de sa municipalité. Ce pouvoir n'est pas en doute et il n'est pas en jeu.

M. LEGER: Sans référendum?

M. GOLDBLOOM: J'hésite à répondre. Je ne crois pas que le référendum soit obligatoire. Le conseil municipal peut demander au gouvernement de reconnaître un nouveau nom. Nous l'avons fait dans certains cas. Pas loin de la municipalité en question, il y a l'ancienne ville de Sainte-Thérèse-Ouest qui est aujourd'hui la ville de Boisbriand et il y a de nombreux autres changements que nous avons connus, Abbots-ford qui est devenue Saint-Paul-D'Abbotsford et ainsi de suite. La procédure est donc bien connue.

C'est parce que des citoyens de la municipalité ont informé le ministre qu'à leurs yeux le geste posé par le conseil municipal ne respecte pas une entente formelle — apparemment, il n'y a rien d'écrit là-dessus, mais j'ai de nombreux témoins à cela; je tiens à souligner que mon collègue, le ministre des Affaires culturelles, qui était à l'époque député du comté, confirme cette même impression —...

M. LEGER: Est-ce que, dernièrement, il a fait une affirmation sous serment?

M. GOLDBLOOM: Je ne sais pas, mais le député sait que dans le régime parlementaire, ce qui est déclaré de son siège, par un député, doit être accepté.

M. LEGER: Cela n'a pas été confirmé par la suite, en tout cas...

M. GOLDBLOOM: Mon collègue, l'ancien député du comté, confirme qu'il avait l'impression claire que c'était une entente formelle et que les citoyens de l'ancienne ville de Shawbridge acceptaient la fusion parce qu'il était entendu que le nom demeurerait. Quand par la suite, j'ai de nombreuses protestations contre la façon dont le référendum a été tenu, à ce moment-là, je dois réexaminer le dossier avec beaucoup de soin et je crois que je devrais suggérer la tenue d'un nouveau référendum.

M. LEGER: M. le ministre, je sais que vous devez partir. Je voudrais tout simplement dire que je trouve quand même illogique qu'à la suite d'une entente ou une supposée entente pour la fusion, le nom de Shawbridge devait être conservé et que, par la suite, il y en ait 609 qui soient allés voter lors d'un référendum; il est normal que les perdants puissent faire du "lobby" pour empêcher de réaliser ce qui a été fait par référendum. Je sais que c'est normal. Les perdants trouvent souvent de bonnes raisons.

M. GOLDBLOOM: C'est un argument que j'ai servi tout à l'heure à l'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: Oui et c'est pour cela que je le souligne. M. le Président, je trouve quand même illogique qu'il y ait eu un référendum qui a amené 1,336 personnes, probablement, à voter lors de ce référendum.

Je ne fais que souligner le problème et éveiller le ministre à ce sujet; si c'est sa solution,

qu'il y ait un nouveau référendum, je n'ai pas d'objection. Si la ville peut faire elle-même le changement de nom et qu'elle a devant elle le résultat de son référendum, je pense qu'elle a aussi l'occasion de le faire sans référendum. Il y a les deux solutions, je pense.

M. GOLDBLOOM: Elle ne peut le faire sans l'approbation du gouvernement et c'est pour cette raison que le ministre est impliqué.

Je pense qu'il y a plus que cela ici. Laissant de côté les éléments particuliers de ce dossier, voici une fusion volontaire, et cette fusion volontaire a été réussie parce que les citoyens des trois municipalités se sont consultés, se sont assis à une même table et en sont venus à une entente. Si, par la suite, il y a une plainte que cette entente n'a pas été respectée, il y a des implications pour d'autres cas, dans l'avenir, de fusions volontaires.

C'est une dimension que j'ajoute au problème pour indiquer pourquoi je suis extrêmement prudent en traitant cette question et pourquoi je voudrais que le tout soit très clair avant qu'une décision soit prise, qui sera, je crois, une décision permanente. Je me permets de dire, entre parenthèses, que, comme ministre, je verrais d'un mauvais oeil des changements fréquents de noms de municipalités. Je ne pense pas qu'il soit logique qu'une municipalité change continuellement de nom.

M. LEGER: Ce n'est pas le cas, là.

M. GOLDBLOOM: Pour cette raison, puisque la marge est faible entre les deux principaux groupes qui se sont exprimés, je pense qu'il serait préférable que nous retournions à un référendum. Je suggérerai — je n'ai pas l'autorité pour l'imposer — que l'on choisisse entre les deux noms.

M. LEGER: Un référendum à deux tours où le perdant du premier tour disparaît.

M. GOLDBLOOM: Si vous voulez.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): La commission ajourne ses travaux à mardi, onze heures.

(Fin de la séance à 12 h 43)

Document(s) associé(s) à la séance