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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mercredi 21 mars 1979 - Vol. 21 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 107 - Loi instituant la Régie du logement et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

Présentation de mémoires sur le projet de loi no 107

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Laplante): Veuillez prendre vos places, s'il vous plaît! La commission des affaires municipales se réunit aujourd'hui pour entendre les mémoires sur l'étude du projet de loi no 107, Loi instituant la Régie du logement et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives.

Sont membres de cette commission: M. Brassard (Lac-Saint-Jean); M. Caron (Verdun); M. Cordeau (Saint-Hyacinthe); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes); M. Gratton (Gatineau) remplacé par M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce); M. Guay (Taschereau); M. Mercier (Berthier); M. Ouellette (Beauce-Nord); M. Roy (Beauce-Sud); M. Shaw (Pointe-Claire); M. Tardif (Crémazie). Intervenants: M. Alfred (Papineau); M. Charbonneau (Verchères); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska); M. Goldbloom (D'Arcy-McGee); M. Lacoste (Sainte-Anne); M. Léonard (Laurentides-Labelle) remplacé par M. Paquette (Rosemont); M. Samson (Rouyn-Noranda); M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplacé par M. Lavoie (Laval); M. Vaugeois (Trois-Rivières).

J'appelle maintenant les organismes qui seront entendus ce matin. L'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec — ils seront appelés dans l'ordre qui est là. — Est-ce qu'elle est ici, ce matin? Le Barreau du Québec et l'Association des étudiants en résidence de l'Université de Montréal. Il n'y a qu'une petite erreur: le Barreau est le premier organisme et l'Association des constructeurs le deuxième. C'est inversé, parce que la première liste donnait justement le Barreau en premier. C'est une petite erreur technique. J'appelle maintenant le Barreau du Québec.

M. Guay: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): On vous demande de synthétiser votre mémoire le plus possible. Je vous ferai remarquer que l'Opposition et le ministre ont déjà lu votre mémoire en entier. Ils ont beaucoup de notes autour d'eux. Il faut que cela se fasse à l'intérieur de vingt minutes afin que les membres de cette commission puissent vous poser des questions. Les mémoires ne doivent pas dépasser une heure. Si vous voulez vous identifier, identifier votre groupe de même que les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

Barreau du Québec

Mme Audette-Filion (Micheline): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, mon nom est Micheline Audette-Filion, directeur général et directeur de la recherche au Barreau du Québec. Il me fait plaisir de vous présenter ce matin les représentants du Barreau. A mon extrême gauche, Me

Henri Massue-Monat, de Montréal; Me Raymond Lavoie, de Québec; à ma droite, Me Richard Proulx, au service de recherche du Barreau et, à ma gauche immédiate, Me Guy Pépin, bâtonnier du Québec.

Il me fait plaisir de céder immédiatement la parole au bâtonnier du Québec, Me Guy Pépin. J'enchaînerai par la suite, dans la présentation du mémoire; il nous fera plaisir de répondre à vos questions. Me Pépin.

M. Pépin (Guy): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, nous essaierons de consigner l'essentiel de nos propos dans les 20 minutes que vous mettez à notre disposition et espérons que nous pourrons, de toute façon, dans la période de questions couvrir d'autres points que nous ne pouvions couvrir dans les 20 minutes qui nous sont allouées.

Je laisserai effectivement à Mme Filion, notre directeur général au Barreau du Québec, et à ceux qui ont préparé le mémoire à l'intention de cette commission parlementaire, le soin de vous présenter les aspects techniques du mémoire et d'attirer votre attention sur certaines recommandations de nature à améliorer le projet de loi dans l'intérêt des justiciables qui seront appelés à y recourir.

Pour ma part, la raison de ma présence et de mon intervention devant cette commission parlementaire se retrouve dans deux articles du projet de loi 107, à savoir les articles 57 et 75 qui, sous des apparences anodines, mettent en cause deux principes fondamentaux d'importance vitale, non seulement pour les propriétaires et les locataires, mais également pour toutes les autres classes de citoyens ou, si vous le préférez, pour toutes les autres relations que ces mêmes citoyens, propriétaires ou locataires, sont appelés à avoir dans l'avenir les uns avec les autres ou les uns et les autres avec l'Etat.

Ces deux principes fondamentaux sur lesquels je veux attirer votre attention ce matin sont: premièrement, l'information et la consultation avec les organismes responsables de l'application d'une loi, lorsque cette loi est modifiée de façon directe ou indirecte et, deuxièmement, le droit fondamental du citoyen à être représenté par avocat, droit consacré dans la Charte des droits et libertés de la personne et droits déjà reconnus par le Code des professions et la Loi du Barreau avant l'adoption de la charte.

Ces textes, en accordant à l'avocat le droit exclusif de plaider ou d'agir au nom d'autrui, c'est-à-dire de représenter le justiciable, tiennent compte de la préparation spéciale à laquelle l'avocat doit se soumettre, c'est-à-dire une scolarité de 16 à 19 ans, sur laquelle repose un tel droit de représentation exclusif. D'ailleurs, ce droit, de l'aveu même de l'Office des professions dans un rapport de 1977 auquel je reviendrai un peu plus tard, est accordé non pas à titre de privilège à l'avocat, mais bien pour protéger le public contre

les gens qui, en dépit de leur bonne foi, n'ont pas la préparation nécessaire pour plaider et agir au nom d'autrui. On veut protéger le public et, à plus forte raison, contre les charlatans de tout acabit.

Or, j'aimerais quand même faire ici quelques remarques sur les deux points fondamentaux que soulèvent les articles 57 et 75 de votre projet de loi. L'article 57 au premier paragraphe consacre le principe de la représentation, permettez-moi l'expression, par n'importe qui devant la Régie du logement. L'article 75, pour sa part, qu'on retrouve dans le chapitre consacré au droit d'appel devant la Cour provinciale qui est notre tribunal de droit commun au Québec pour les affaires civiles allant jusqu'à $3,000, dont la juridiction pourrait être augmentée à une dizaine de milliers de dollars dans un avenir rapproché, l'article 75, donc, consacre pour sa part la représentation encore par n'importe qui, tel que le projet de loi est présenté actuellement, devant un tribunal de droit commun où forcément les principes de droit et les règles de preuve doivent demeurer plus structurés que devant une régie administrative et, qui plus est, on lui donne une juridiction d'appel. La règle de droit doit nécessairement primer sur l'équité et, pardonnez-moi l'expression, sur la bonne franquette qu'on recherche devant une régie administrative.

Or, ces deux articles 57 et 75 ont pour effet de chambarder totalement une notion fondamentale qui est celle de l'acte exclusif. Cela intéresse non seulement le Barreau du Québec, mais l'ensemble des corporations professionnelles auxquelles l'exercice exclusif est reconnu et j'ajouterais même l'ensemble des autres qui, étant reconnus pour le moment à titre réservé seulement, aspirant à la reconnaissance eux aussi de l'acte exclusif afin de pouvoir mieux assumer les responsabilités qui leur sont dévolues par le Code des professions. (10 h 15)

Je peux affirmer, M. le Président, que le Barreau n'a été ni informé ni consulté sur les questions fondamentales que soulèvent ces deux articles et, n'eût été l'existence au Barreau d'un service de recherche expérimenté et rompu à la discipline législative, ces deux articles auraient pu être adoptés sans que jamais la corporation professionnelle directement impliquée, le Barreau, n'ait été mise au courant, étant ainsi placée devant une situation de fait accompli.

Je me demande donc, M. le Président, M. le ministre, si le ministre de l'Education, qui est responsable de l'application du Code des professions et des lois qui en découlent, dont la Loi du Barreau, a été informé du fait que les articles 57 et 75 venaient en contradiction avec l'esprit du moins de l'article 128 de la Loi du Barreau et quelle est son opinion à ce sujet.

Je me demande également si le ministère de la Justice, qui a au moins la responsabilité d'une certaine coordination entre les différents textes de loi qui sont adoptés, a aussi été informé et consulté et quelle a été sa réaction. Je me demande évidemment si l'Office des professions, responsable de l'application du code et des lois connexes, a été informé et consulté et quelle a été sa réaction. Je me demande enfin si le Conseil interprofessionnel du Québec ou l'une ou l'autre des 38 corporations professionnelles qu'une telle question doit intéresser ou, à tout le moins, celles à qui l'acte exclusif est reconnu, ont été consultées et quelle a été leur réaction.

Si ces ministères et organismes ont été consultés, je comprends encore plus mal que le Barreau ait été tenu à l'écart, alors que c'est lui qui était directement impliqué par les réformes qu'impliquent ces deux articles.

Quant à nous, au Barreau du Québec, c'est la deuxième fois en moins de six mois, pour ne pas dire en à peine plus de trois mois, qu'un projet de loi modifie le texte ou l'esprit de la Loi du Barreau dans une notion aussi fondamentale que la représentation par avocat devant les tribunaux, les régies ou les commissions, et ceci, sans que le Barreau en ait été même informé et donc, à plus forte raison, consulté. Les membres de cette commission parlementaire se rappelleront sans doute le premier de ces deux incidents qui portait sur le projet de loi 114, piloté par le ministre du Travail, dans un projet de loi modifiant la Loi des accidents du travail, et où vous avez tous reçu, avant Noël, un télégramme du Barreau du Québec pour attirer votre attention sur cette façon inacceptable de légiférer. Je dois déplorer cette même façon de légiférer dans le présent projet de loi aux articles 57 et 75, même si, dans le présent cas, j'en conviens, nous avons au moins eu le temps de préparer un mémoire et avons au moins l'avantage d'être devant vous aujourd'hui.

Sur cette première question du droit à l'information et à la consultation d'un organisme directement affecté par une réforme, surtout lorsque la réforme affecte la loi constitutive de cet organisme, comme c'est le cas dans le cas du Barreau, il me semble que, dans la mesure où ces organismes ont des comptes à rendre au gouvernement et à la population, je dois m'élever contre la façon de légiférer et je fais appel à votre souci de transparence et de concertation pour mettre un terme à de tels procédés. C'est pourquoi, sans même étudier les articles 57 et 75 du projet de loi à leur mérite, le Barreau vous demande, strictement au niveau du mécanisme consultation-information, de rayer ces articles ou, à tout le moins, d'en suspendre l'entrée en vigueur jusqu'à ce que le gouvernement ait, par voie de consultation, livre blanc, livre vert ou par toute autre méthode jugée appropriée, étudié à fond les questions de la représentation pour autrui et de l'acte exclusif qui en découle dans la vision plus globale et plus fondamentale du professionnalisme au Québec, ce qui implique évidemment une discussion de fond avec l'Office des professions et avec toutes les autres corporations professionnelles avant que de tels articles puissent devenir même pensables au sein d'une législation particulière. (10 heures)

Ayant disposé de ces deux articles sur la forme, j'en disposerai maintenant sur le fond.

Comme je l'ai exposé plus haut et contrairement à la rumeur que certains se plaisent à répandre depuis quelques années, c'est dans l'intérêt public et non par complaisance pour les avocats qu'on accorde à ceux-ci l'exercice exclusif de certains actes professionnels, dont celui de plaider et d'agir pour autrui, ou plus simplement celui de représenter autrui.

La véracité de cette affirmation apparaît d'ailleurs dans un paragraphe du rapport de l'Office des professions sur la réglementation des honoraires professionnels dans la pratique privée, rapport qui fut déposé devant le ministre de l'Education en juin 1977 et où, à la page 234, on peut lire ce qui suit: "Ainsi, si l'Office devait constater, en raison, par exemple, de la mise au point de techniques nouvelles, que certains actes réservés aux seuls membres d'une corporation professionnelle pouvaient désormais être accomplis en toute sécurité, ils n'hésiteraient pas à recommander au gouvernement que des modifications législatives soient apportées pour que ces actes soient exclus du champ de pratique exclusif visé.

On voit donc qu'à l'Office des professions, en 1977, on reconnaît le principe de l'acte exclusif comme un moyen de prévention et de protection du public. On voit également qu'en attendant que de nouvelles techniques aient été mises au point, aient été discutées et considérées, l'office continue à asseoir l'hypothèse de l'acte exclusif. Pour accéder à ce droit de pratique exclusif, l'avocat, d'ailleurs, doit s'astreindre à des études poussées sur une période, comme je l'ai dit tantôt, de seize à dix-neuf ans, dont près de cinq ans sont consacrés exclusivement à l'étude des différentes lois applicables au Québec, études au terme desquelles de moins en moins d'avocats se sentent prêts à voler seuls de leur propres ailes et de plus en plus préfèrent faire leur apprentissage de la pratique, soit à l'aide juridique, soit à la fonction publique ou dans des bureaux de pratique privée bien organisés et structurés, où ils pourront recevoir des conseils de toutes sortes de leurs confrères plus âgés.

Comment peut-on concevoir dans les circonstances que le justiciable, propriétaire ou locataire, qui n'a pas obtenu gain de cause devant la Régie du logement, après avoir été représenté par une personne autre qu'un avocat recevra de cette autre personne les conseils appropriés sur l'opportunité ou l'inutilité de porter sa cause en appel? Comment peut-il espérer que son représentant sera mieux préparé, plus qualifié ou aura plus de succès en appel à la Cour provinciale qu'il n'en a eu à la régie en première instance? La Cour provinciale, siégeant en appel d'une décision de la régie, devra-t-elle se transformer en tribunal des petites créances et suppléer à tous les vices de procédure que n'aura pas vu monsieur N'importe qui, le mandataire spécial, spécialiste en n'importe quoi. Si, d'aventure, la partie adverse est représentée par un avocat, en appel, j'entends, et qu'elle gagne, non pas parce que M. le juge aimait mieux l'avocat ou parce que M. l'avocat était plus rusé, mais simplement parce que M. N'importe qui avait conseillé d'en appeler d'une décision qui n'était pas susceptible d'appel, une décision qui était en somme, bien fondée, que dira M. N'importe qui à son client ou ami? Qu'il a perdu à cause de son ignorance à lui ou que le juge et l'avocat s'étaient arrangés ensemble? Assez curieusement, je vous le demande, qui serons-nous tous le plus portés à croire? M. N'importe qui qui vous dira qu'il n'y a pas de justice et que l'avocat était de mèche avec le juge, ou l'avocat qui vous dira que M. N'importe qui a embarqué son client n'importe comment dans une affaire perdue d'avance?

Le juge en chef de la Cour provinciale, M. Gold, dans une entrevue télévisée à l'émission Consommateurs Plus, le 9 février dernier, déplorait l'absence des avocats dans le domaine des petites créances. C'est un parallèle que je veux établir avec ce qu'on se propose de faire à la régie. Le juge Gold déplorait donc l'absence des avocats dans le domaine des petites créances au niveau de la consultation. Cela éviterait, disait-il, que des recours inutiles ne soient pris même devant la Cour des petites créances.

Imaginez, M. le Président, la gamme des situations aberrantes auxquelles on ferait face si l'article 75 et l'article 57 étaient adoptés, permettant — je le dis entre guillemets — à M. N'importe qui de représenter le justiciable ou le contribuable. Je ne vois donc pas d'autre solution que le retrait pur et simple de ces deux articles du projet de loi, d'autant plus que je sais par expérience et par voie de consultation avec plusieurs des organismes que je citais plus haut que le jour où l'acte exclusif, et notamment celui de la représentation, fera l'objet d'une discussion de fond et d'une consultation sérieuse auprès de la population, on se rendra compte qu'il a été et qu'il reste le meilleur moyen de contrôle de la qualité des services professionnels offerts à la population.

Vous me permettrez un autre exemple, M. le Président, à l'appui de ce que je viens d'affirmer. Après avoir développé et rodé les avantages de l'acte exclusif dans les services professionnels pendant 50 ans, sinon davantage, on l'a même développé et rodé dans un nombre de plus en plus considérable de métiers sous la poussée des syndicats depuis les vingt dernières années, non sans des luttes parfois fort agressives. C'est ainsi que, lorsque votre fournaise ne fonctionne pas, vous vous exposez à faire affaires avec trois spécialistes, chacun ayant le contrôle d'un acte exclusif sur une partie de votre système. Si c'est un problème électrique, l'homme de services le trouvera, mais refusera de le réparer même s'il en a la capacité en donnant comme motif qu'il n'a pas la carte de compétence appropriée. Il vous demandera de faire venir votre électricien. Votre électricien vous demandera de faire revenir l'homme de services pour remettre la fournaise en marche parce que cet acte n'est pas de son ressort. Enfin, les deux refuseront de toucher à votre système si, par malheur, il implique la pompe qui, pour électrique qu'elle soit, est raccordée à la plomberie du système.

Je ne contesterai pas cet état de fait, je l'ai

vécu cet hiver. A ce moment-là, je pose la question: Ne pouvons-nous pas convenir que, s'il faut un tel respect de l'acte exclusif pour faire fonctionner un système de chauffage, il y a peut-être lieu d'en avoir au moins autant pour faire fonctionner l'exercice d'un droit fondamental, surtout d'un droit d'appel comme celui qui est prévu à l'article 75?

Je terminerai maintenant mes propos par quelques brefs commentaires sur l'article 57, en plus de ce que j'ai dit sur l'article 75.

Disons d'abord que tout ce que j'ai dit de l'article 75 s'applique à l'article 57 et que je me sens tout aussi justifié de demander le retrait de l'un que celui de l'autre. Je vous avouerai cependant que je me fais moins d'illusions sur le retrait possible, total et intégral de l'article 57, même si je sais, au point de vue du fond, que mes arguments sont aussi forts à rencontre de l'un que de l'autre.

Je sais que vous croyez moins au principe de la représentation exclusive devant une régie gouvernementale; vous me répondrez notamment qu'il existe déjà des précédents comme la Commission des accidents du travail. C'est précisément l'autre cas que je soulevais tantôt contre lequel nous nous sommes élevés. On a tout simplement modifié la Loi du Barreau sans jamais avoir consulté la corporation professionnelle concernée et même les députés nous ont avoué ne pas partager une pareille façon de légiférer. Vous me répondrez donc que, parce qu'on a créé des précédents ailleurs et parce qu'on a effectivement toléré que des non-avocats plaident à la Régie des loyers, vous ne pouvez faire marche arrière dans le cas de la Régie du logement. Je pourrais sans doute vous répondre qu'avec un pareil raisonnement le ministère de l'environnement disparaîtrait de la carte en moins de 24 heures puisque, précisément, il ne cherche qu'à faire des retours en arrière dans la façon d'opérer les multinationales, apparemment pour assainir l'air que nous respirons et l'eau que nous buvons. C'est un gouvernement qui, il y a quelques décennies, a accordé le droit de polluer, c'en est un autre qui l'enlève aujourd'hui. Il me semble que, si un gouvernement, il y a quelques décennies, a toléré, sans même accorder ce droit, que des non-avocats plaident, il pourrait facilement aujourd'hui faire marche arrière dans les tolérances qu'il a données à cet égard.

Qu'à cela ne tienne, je me permettrai quelques recommandations qui, sans rallier le Barreau à l'article 57 de votre projet de loi, pourraient au moins le rendre moins dangereux et moins nuisible à la population qu'il ne l'est actuellement, d'une part, en respectant, d'autre part, les objectifs que vous recherchez.

Tout d'abord, dans le premier paragraphe de l'article 57, on pourrait à la rigueur admettre que le conjoint puisse agir comme représentant d'une partie, locataire ou propriétaire, en vertu d'un principe solidement ancré dans nos moeurs qui est celui du mandat domestique. On sait en effet que la personne qui signe le bail n'est pas né- cessairement celle qui a négocié avec le propriétaire. Ce n'est pas nécessairement celle qui en assure le paiement, ce n'est pas nécessairement celle qui en subit l'application ou qui a les problèmes qui en découlent. Souvent, c'est le mari qui a signé le bail et c'est la femme qui a eu tous les problèmes, de la visite du logement à l'annulation du bail — je caricature, si vous voulez.

Si, donc, le but recherché par le projet de loi est d'éviter de déplacer les deux conjoints au motif que l'un est responsable en droit, alors que l'autre est un témoin actif en fait, l'objectif est louable et mérite considération. Par ailleurs, en permettant au conjoint d'agir pour le couple, on dispense les parties d'avoir recours aux services d'un avocat dans les cas vraiment simples.

Quant à la représentation par M. N'importe qui, dans l'article 57, où on dit: Une personne physique peut être représentée par son conjoint — je viens d'en disposer — par une personne qui détient un mandat écrit, spécial et gratuit, ou par un avocat, quant à cette partie de la phrase, vous comprendrez que j'appelle la représentation par M. N'importe qui, même avec un mandat écrit, vous avez déjà deviné que c'est, pour nous, totalement inacceptable, avec n'importe quelle modification qu'on puisse imaginer. J'ajouterai que la réserve, à savoir qu'il doit s'agir d'un service gratuit, fait preuve d'une grande naïveté. Je pourrais, là-dessus, suggérer au syndic du Barreau du Québec de vous adresser les dossiers de poursuites dans lesquels il a été impliqué et qui font partie de son lot quotidien de surveillance de l'exercice illégal. Il est évident qu'une telle ouverture, dans un texte de loi, donnera l'occasion à des personnes pleines d'imagination de se monter de véritables commerces de services polyvalents et qu'on trouvera le moyen d'offrir, pour un prix censé raisonnable, à une clientèle mal informée, une gamme de services dont un certain nombre, ceux qui ne sont pas contrôlés par une loi comme celle-ci, seront payés, rémunérés, et dont quelques autres comme ceux-ci, pour lesquels le client ira finalement rencontrer vraiment M. N'importe qui, seront censés lui être offerts gratuitement. C'est une espèce de "kit" du consommateur. Avec une disposition comme celle du premier paragraphe de l'article 57, notre syndic ne pourra donc même pas porter de plainte pour exercice illégal contre des gens qui se comporteraient de pareille façon; comme il peut, au moins, le faire à l'heure actuelle et comme il le fait fréquemment d'ailleurs, dans les cas de perception où des justiciables sont harcelés illégalement par certaines agences de collection peu scrupuleuses, que nous mettons à la raison nous-mêmes, par des procédures prises par le syndic. Nous ne pourrions plus le faire, contrôler l'exercice de la profession, avec un amendement comme celui-là.

Quant au deuxième paragraphe de l'article 57, qui me paraît un paragraphe de concordance, si je peux dire, et j'ai fini là-dessus, M. le Président, j'en ai pour une minute, si vous me permettez de terminer, j'en ai pour une minute.

Le Président (M. Laplante): Oui, d'accord. Il vous reste une minute. (10 h 30)

M. Pépin: Merci. Quant au deuxième paragraphe de l'article 57, vous connaissez suffisamment, M. le Président et M. le ministre, la position du Barreau sur la loi des petites créances, pour qu'il ne me soit pas nécessaire d'en reparler. Je me contenterai de vous faire, ici, une confidence que me faisait le juge en chef, M. Gold, qu'il a transmise, d'ailleurs, à Radio-Canada, lors de l'émission Consommateur Plus, le 9 février, que j'ai moi-même reprise à mon compte, à Radio-Canada, et, comme elle n'est pas sortie, je la viole aujourd'hui. Il serait souhaitable, disait le juge Gold, qu'en matière de petites créances, et donc dans le présent projet de loi, — parce que, par analogie, on va avoir les mêmes problèmes — comme dans toute autre affaire relevant de la juridiction de la Cour provinciale, juridiction petites créances, que le juge puisse, dans les cas où il le juge à propos, demander aux parties de se faire représenter par avocat, lorsque, en dépit du montant peu important, le problème soulevé demande l'aide technique d'un homme de loi, dans l'intérêt des parties, de la justice et de son image.

Je voudrais vous remercier en terminant, M. le Président, M. le ministre et MM. les membres de la commission parlementaire, de m'avoir entendu, sinon écouté pendant aussi longtemps. Je regrette d'avoir à peu près pris tout le temps qui pourrait rester à Me Filion pour vous présenter certains aspects techniques du rapport. Je ne sais s'il y a encore du temps pour Me Filion, autrement, nous essaierons de passer les aspects techniques du mémoire au fur et à mesure des questions que vous pourrez nous poser. Je vous remercie.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. Pépin, M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, en effet il sera peut-être bon que, lors de la période des questions on puisse peut-être aussi toucher d'autres points contenus dans le mémoire.

Je désire remercier le Barreau et M. le bâtonnier pour cette présentation qu'ils ont faite à la commission. C'est évident que, dans ce domaine de l'exercice de certains actes exclusifs par des groupes professionnels et entre, si vous voulez, la promotion de la protection du public et des intérêts des membres, la ligne est parfois difficile à dresser. Le projet de loi no 107 à cet égard visait, évidemment, à reconnaître d'emblée la compétence des membres de la profession des avocats dans l'application de cette loi puisque — je pense qu'on sera d'accord là-dessus — à l'article 26, on lit bien que: "seuls les régisseurs choisis parmi les juges ou les avocats peuvent entendre des demandes autres que celles visées dans la section 2 du présent chapitre".

C'est donc dire, à toutes fins utiles, que toute l'application de la loi incombera à des membres de la profession d'avocat et qui seront des gens à temps plein, chargés de cette application. C'est donc que la loi reconnaît que le législateur voulait reconnaître cette expertise, cette compétence des membres de la profession et ce, même si 60% des causes entendues devant la régie ont trait à une fixation de loyer. Donc, sur une évaluation à caractère économique, malgré ce fait, dis-je, eh bien, le principe énoncé à l'article 26 a été reconnu.

Donc, sur ce plan, il n'est pas question de nier l'importance d'un certain respect des règles de droit lors des audiences devant la régie.

En ce qui concerne la représentation, évidemment, j'ai pris note des nuances finalement qui ont été apportées, M. le bâtonnier, entre les articles 57 et 75. Il y a peut-être juste une inversion de chiffres entre 57 et 75, mais, en l'occurrence, cela implique aussi deux paliers. Si j'ai bien compris, disons qu'idéalement le Barreau voudrait peut-être le retrait des articles no 57 et no 75, mais que, finalement, comme vous avez vu, on ne se fait pas beaucoup d'illusions sur l'article no 57, cependant, sur l'article 75, pour ce qui est de la représentation en appel devant la Cour provinciale on a beaucoup plus de réserve et, dans ce cas, on pourrait modifier l'article 75.

Je vous avouerai que c'est là — et c'était tout le sens de ces deux articles et de la loi 107 — reconnaître un peu une situation de fait. En 1977, dernière année complète pour laquelle les statistiques sont disponibles — 1978 est en voie de compilation — le pourcentage des locataires représentés par des avocats devant la régie a été de 3,2%. Ce n'est donc, à toutes fins utiles, aucune représentation. Le pourcentage des locateurs, propriétaires représentés par un avocat, a été de 3,6%, ce qui est légèrement supérieur.

Si je comprends bien — je vais m'assurer d'une chose: Est-ce que c'est à la fois devant les régisseurs, les administrateurs et en appel? En première instance, en appel. On a des données — On me dit que c'est en première instance, devant les administrateurs et on va voir si on a des données en appel. C'est donc dire que la loi 107 visait, à toutes fins utiles, à consacrer dans le texte une situation de fait. Il y a aussi le deuxième paragraphe de l'article 57 concernant le livre huitième. Encore une fois, on prend en bloc ce qui existe et on le transpose relativement au bail d'un logement.

En termes de questions, des mémoires ou des représentations qui ont été faites à cette commission, certaines disaient: II peut y avoir dans un immeuble, particulièrement pour personnes âgées, une centaine de locataires dont un certain nombre peuvent être plus ou moins autonomes, plus ou moins indépendants, plus ou moins capables de se déplacer et il y a peut-être parmi eux un autre locataire qui, lui aussi, a plus de 65 ans, mais qui est un peu plus alerte et qui pourrait se déplacer pour aller à la régie représenter ces gens.

C'est en ces termes, Me Pépin, que le problème nous a été posé. Là-dessus, j'aimerais peut-être... Quand on parle du libellé très large — peut-être — du premier paragraphe de l'article 57: "... une personne qui détient un mandat écrit,

spécial et gratuit, ou par un avocat...", ce n'est pas, dans notre esprit, en tout cas, ouvert à n'importe qui. Ce sont des gens qui, parfois, vivent dans le même milieu et qui peuvent représenter d'autres locataires d'un immeuble devant la régie. C'est beaucoup plus dans ces termes-là. Je ne sais pas si là-dessus...

M. Pépin: Je comprends bien. Je pense, M. le Président, que Mme Filion aimerait répondre à M. le ministre sur les questions de pourcentage, de disponibilité, si je puis dire, et de représentation.

Mme Audette-Filion: M. le ministre, j'aimerais attirer l'attention sur un point particulier, mais qui me semble bien fondamental. Traditionnellement, la Régie des loyers et la commission ont exercé une juridiction qu'on peut dire strictement administrative en ce sens qu'elle entendait des causes d'éviction, de prolongement de baux et de fixation des loyers. Ce n'est donc qu'une juridiction administrative avec des incidences évidemment quasi-judiciaires, mais ce n'est que de l'administratif. Alors que là vous faites un pas énorme dans la juridiction que vous accordez à la nouvelle régie, et par la suite à la Cour provinciale, en ce sens que vous donnez à la régie du logement la juridiction, à l'exclusion de tout tribunal en première instance, sur tous les litiges de nature civile résultant d'un bail de logements qui ne sont pas de la compétence de la Cour supérieure, etc., pour le reste.

En d'autres termes, vous donnez à cette régie une juridiction non seulement pour les questions administratives, mais pour tous les problèmes de droit qui pourront se présenter à l'égard de ces logements-là. Ce qui veut dire que la régie sera appelée à entendre des contestations dans le domaine contractuel dans les relations entre les parties basées sur un contrat. Elle sera amenée à entendre, à l'occasion, des problèmes de droit complexe, des poursuites basées sur des questions de droit, comme des vices cachés, des abus de droit ou d'autres questions qui impliquent des problèmes de droit qui sont importants. Elle pourra entendre aussi des litiges de nature délictuelle qui seront reliés à cela.

Donc, on a une juridiction de droit civil pur, qui excède de beaucoup la juridiction antérieure. Je pense que c'est une distinction très importante. Il faut aussi penser que la juridiction va sans doute, lorsqu'on prend comme point de repère la compétence de la Cour supérieure et que l'on sait — c'est un secret de polichinelle — que les juridictions vont incessamment être modifiées et qu'on pourra se retrouver devant des litiges qui pourront peut-être éventuellement aller jusqu'à $1000, comporter des intérêts importants pour les justiciables ici. On demande à une régie d'exercer cette juridiction. C'est très important, lorsqu'on voit la juridiction beaucoup plus étendue qu'auparavant, que l'on prétend ou qu'on veut, dans ce projet de loi, donner aux régisseurs — bien sûr, il y aura un droit d'appel qui nous donne quand même une certaine garantie et, à cet effet, d'ail- leurs nous nous en félicitons, c'étaient des représentations antérieures du Barreau dans je pourrais dire nos cinq mémoires antérieurs dans le domaine des loyers, parce que ce n'est pas la première fois que le Barreau se présente ici. Traditionnellement, nous avons toujours recommandé que l'on limite la juridiction de la régie à la juridiction strictement administrative, reconnaissant, je pense, l'intérêt qu'il y a à remettre sous un même forum l'ensemble de la juridiction pour des raisons surtout administratives, mais il ne faut pas perdre de vue que ce sont vraiment des problèmes de droit qui vont y être traités en partie.

M. Tardif: Je m'excuse, M. le Président, est-ce que...

Mme Audette-Filion: Alors, vos statistiques — je m'excuse, simplement pour compléter — les statistiques que vous nous mentionnez, évidemment, ne se réfèrent qu'à la juridiction dite administrative.

M. Tardif: D'accord, mais est-ce que — je veux m'assurer que j'ai bien compris — ce sur quoi, finalement, pourrait porter essentiellement l'opposition du Barreau, serait de permettre la représentation par des tiers ou d'autres membres que ceux de la profession, pour ces matières civiles? En d'autres termes, pour les questions administratives devant la régie, pour les questions reliées au chapitre VIII, c'est déjà réglé — enfin, ce n'est pas par le biais de la loi 107 qu'on réglera ce dossier, à supposer qu'il soit rouvert, mais c'est surtout pour ces autres matières qui auparavant étaient dans le Code civil et qui maintenant sont de la compétence de la régie.

Si je comprends bien, c'est là qu'est le point le plus...

Mme Audette-Filion: Je pense, M. le ministre, qu'on ne pourra pas, une fois toute la juridiction rapatriée sous ce nouveau forum, faire cette distinction et, à cet effet, le Barreau demande que les règles normales de la représentation y soient respectées, justement parce que ces problèmes de droit peuvent être peut-être dans certains cas isolés, mais, dans d'autres, ils vont devenir inhérents à de l'aspect administratif de la régie.

Il y a une autre chose aussi, que j'aimerais peut-être ajouter; c'est très important dans notre mémoire et elle se rattache bien à cette question. C'est au sujet de l'article 59, où il est question que les régisseurs, et par voie de conséquence, encore en vertu de l'article 75, pourront suivre les règles de la preuve qui leur sembleront opportunes. Je pense que c'est une disposition qui est également et absolument inadmissible, je ne voudrais pas élaborer ma pensée, mais encore pour les mêmes motifs, l'importance des causes qui vont être entendues, les questions de droit qui engagent l'importance des montants, je vous souligne que, même à la cour des petites créances où on a voulu adopter la procédure la plus expéditive, la plus facile possible et où les avocats n'y sont pas,

l'article 973 précise très clairement que le tribunal doit suivre les règles de la preuve. Alors, même là, les règles de la preuve sont respectées. Si on écarte en droit cette notion fondamentale, il n'y a plus aucune garantie de justice pour les justiciables. C'est très important, et cet article 139 doit également être modifié.

M. Tardif: On me souligne simplement que cet article 59 a été pris à peu près textuellement du rapport Dussault sur les tribunaux administratifs. Je m'excuse — recommandation no 29, du groupe de travail sur les tribunaux administratifs qui dit: "Que les tribunaux administratifs retenus puissent accepter toute preuve utile et pertinente en l'appréciant selon les critères de l'homme prudent agissant dans la conduite de ses affaires", etc. (10 h 45)

M. Pépin: Je pense que ça ne change pas, M. le ministre, la position fondamentale du Barreau au niveau des principes. Je voudrais d'ailleurs mentionner ceci: Evidemment, on est conscient qu'il y a une situation de fait, comme vous l'avez souligné, une espèce de tolérance, si je puis dire. C'est pour ça d'ailleurs que dans l'intervention que j'ai faite tout à l'heure j'ai gardé une place au conjoint pour qu'il puisse représenter une partie, nonobstant la position fondamentale du Barreau qui va à rencontre de toute représentation par qui que ce soit d'autre que la partie ou l'avocat, pour des motifs de protection du public. Comme je l'ai dit, dans des cas vraiment simples, on peut concevoir que la partie ou son conjoint soit capable de se débrouiller elle-même. Il est vrai, comme vous le dites, que, par exemple, dans une maison de vieillards, un locataire peut rendre le service à quelques-uns de les représenter, d'autant plus que par analogie on part de problèmes semblables. Mais, justement, c'est un fait concret que la tolérance nous a permis de découvrir à l'usage devant la Régie des loyers.

Ce qu'on discute ce matin, c'est un principe de droit qui, consacré par l'article 57, ne limiterait plus la présence du colocataire, de l'ami, du membre de la famille, mais de n'importe quelle personne qui serait détentrice d'un mandat écrit et c'est là, quand on s'intéresse aux questions de professionnalisme, qu'on réalise comme tout est relié. Par exemple, nous, au Barreau, ne pouvons pas faire de publicité et même, suivant les objectifs actuels de l'Office des professions, ne pourrons faire n'importe quelle sorte de publicité. Mais ceux qui ne sont pas régis ou surveillés par des corporations professionnelles peuvent faire n'importe quelle sorte de publicité. Il est évident que ces personnes âgées, anxieuses et ayant besoin de se faire représenter, pourront lire dans le journal que M. Untel ou que la compagnie Unetelle donne un "kit" de services dont certains sont gratuits. L'avocat, ne pouvant le faire, — il n'est d'ailleurs pas souhaitable, dans l'état actuel du professionnalisme, qu'une telle publicité soit faite par lui — graduellement, on aura ouvert la porte à cette pratique illégale que je soulignais tantôt.

J'ajouterais ceci: Je pense que l'opposition fondamentale du Barreau, M. le ministre, porte sur l'article 75. Là-dessus, je pense que notre position est très claire et a été très clairement perçue. Elle porte aussi sur la représentation par quiconque, même devant la régie, autre que le conjoint. Je pense que l'idéal serait que l'article 75 soit retiré ou qu'il soit modifié pour qu'on annule sa relation avec l'article 57 et qu'ainsi on conserve la représentation exclusive devant la Cour provinciale en appel. Deuxièmement, l'article 57, en son premier paragraphe, devrait au moins être suspendu ou son entrée en vigueur devrait être retardée jusqu'à ce que tout le problème de l'acte exclusif de la représentation ait été étudié dans son ensemble. Je m'explique: Si, par exemple — peu importe la position fondamentale du Barreau — la majorité des instances consultées et le gouvernement décident qu'il doit y avoir représentation par des tiers, il y aura au moins en même temps des règles du jeu. Une espèce de déontologie de cette représentation sera mise sur pied et incorporée au texte de la loi qui viendra, ce qui n'est pas le cas dans le moment. On évitera au moins les problèmes qu'on sait déjà devoir résulter de l'article 57 tel que rédigé. Je veux simplement faire comprendre, pour ce qui est de la personne détentrice d'un mandat écrit, spécial et gratuit, que notre position est tout aussi fondamentale sur cela qu'elle l'est au niveau de l'article 75.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci, M. le Président. Je pense que vous avez répondu à ma première question par votre dernière déclaration, mais, pour être absolument clair, au début vous avez dit que non seulement sur l'article 75, mais aussi sur l'article 57 vous ne vous faisiez pas d'illusions.

Après avoir entendu Mme Filion, j'ai eu l'impression qu'un changement important à l'article 57 était aussi essentiel, tenant compte du rôle élargi de la régie qui est prévu pour l'avenir.

M. Pépin: Sans aucun doute.

M. Scowen: Je pense que — si je vous comprends bien, Me Pépin — vous êtes d'accord pour que les changements faits à l'article 57 soient aussi importants que ceux faits à l'article 75?

M. Pépin: Tout à fait. J'ai dit que je ne me faisais pas d'illusions, mais je n'en conserve pas moins ma foi.

M. Scowen: Partait! J'aimerais maintenant permettre à Me Pépin ou à quelqu'un de votre groupe de continuer d'expliquer les suggestions que vous faites à la page 14, s'il y a des points plus importants sur lesquels vous n'avez pas eu le temps de parler pendant votre présentation, parce que le document est bien écrit, bien pondéré, bien clair et, pour moi, il s'agit simplement d'avoir une

perception des éléments, des articles que vous croyez les plus importants. Vous avez fait beaucoup de suggestions. Quelles sont, si on commence, par exemple, par la page 14, les suggestions qui vous sautent aux yeux comme étant primordiales? Nous avons pris note des articles 57 et 75 et de la question de la preuve. Vous avez soulevé des questions quant à la copropriété, mais je pense qu'on a déjà passé là-dessus avec les autres mémoires. Ce point de vue est assez clair. Mais à la page 14, il y a pas mal de... je vous invite à continuer votre présentation pendant deux ou trois minutes et à aborder les autres éléments qui vous apparaissent les plus importants.

M. Pépin: Mme Filion.

Mme Audette-Filion: Je vais essayer d'isoler quelques points en vous reportant au texte, article par article. Il y a quand même une étude qui a été faite par laquelle on a essayé de bonifier, si on peut dire, la loi, d'apporter des améliorations. J'aimerais attirer votre attention sur la question de la permission que l'on donne de ne pas réglementer ou de contrôler les loyers pour les immeubles neufs, pour une période de cinq ans. Nous étions, enfin c'est un choix politique, d'accord avec cette restriction pour des raisons autant économiques que de respect des droits acquis. Il y a une suggestion, ici, dans le mémoire, qui me semble intéressante. Nous proposons que dans les baux, concernant ces logements, il soit clairement indiqué à l'intention du locataire que cette période existe et que le contrôle des loyers n'existe pas pour telle période et jusqu'à telle date, un petit peu comme on voit dans le Code de procédure civile l'avis au débiteur ou l'avis au saisi de ses droits et de ses obligations. C'est une mise en garde, je pense, qu'il est important de faire parvenir, si on peut dire, au locataire, qui lui permettra de savoir à quoi s'en tenir, soit qu'il bénéficie de cette période pendant laquelle le contrôle des loyers n'existe pas. Il me semble que c'est une suggestion très positive. Sur les autres points, disons que c'est vraiment technique, article par article. J'aimerais connaître vos questions ou j'aimerais mentionner, en particulier, la question des régisseurs.

Pour revenir à toute cette question de l'ampleur de la juridiction de cette régie, nous pensons que les critères relatifs à la nomination des régisseurs devraient être établis dans la loi et non pas dans la réglementation. Au moins, les critères de nomination devraient — M. Tardif a mentionné tantôt qu'il s'agirait généralement, en tout cas pour les litiges de nature civile, de juges et d'avocats, mais je crois qu'il serait utile de préciser qu'il devrait s'agir d'avocats ayant au moins cinq années de pratique ou d'expérience équivalente... Etant donné l'ampleur, justement, de la juridiction qu'on confère à ces gens, il ne me semble pas suffisant que ce soit dans la réglementation. D'autant plus qu'aucun article dans le projet de loi ne prévoit la prépublication des règlements et que les règlements semblent bien entrer en vigueur dès leur dépôt et leur publication dans la Gazette officielle. Il n'y a donc pas possibilité d'intervenir à ce niveau. On retrouve cette possibilité dans beaucoup de projets de loi où la réglementation devient importante. On a au moins l'occasion de faire des suggestions.

M. Scowen: Est-ce que je peux vous demander de parler un peu de l'article 1657.2? C'est un article dont plusieurs personnes ont parlé. Vous avez également des commentaires là-dessus. Il y en a plusieurs qui ont parlé de la définition du concubin, mais ce sont d'autres questions que vous soulevez.

M. Pépin: Alors, Me Lavoie, M. le Président, va répondre à cela.

M. Lavoie (Raymond): En fait, c'est la question du bail qui peut être repris par quelqu'un qui cohabite, un colocataire...

M. Scowen: Oui.

M. Lavoie (Raymond): ... ou à son conjoint. Alors à la lecture de l'article du projet, les responsabilités des partis nous ont paru un petit peu ambiguës lorsque le locataire en titre ou celui qui a signé le bail quitte les lieux. Ce qu'on suggère, à toutes fins utiles, c'est de préciser dans le projet de loi la façon dont cela doit se clarifier le plus rapidement possible, parce qu'il peut arriver quand même, il peut survenir des situations où le locataire quitte les lieux et l'un des colocataires reste sur place, ou encore lorsque le locataire décède, qu'il a une succession et qu'il cohabitait avec une personne sans être son concubin ou son conjoint. C'est toute cette situation qui nous est apparue ambiguë et on voudrait que ce soit précisé de sorte que l'une ou l'autre des parties touchées par ce problème puisse s'adresser à la régie pour revendiquer ses droits, faire une demande.

M. Scowen: Quand une telle chose se produit actuellement, qu'est-ce qui règle cette question?

M. Lavoie (Raymond): Actuellement, la seule disposition qui existe dans la loi de conciliation c'est que le conjoint séparé, ou divorcé, ou séparé de fait peut demander à la Régie des loyers la prolongation du bail en son nom.

M. Scowen: A la commission actuelle.

M. Lavoie (Raymond): Actuellement, cela existe, c'est la seule disposition, mais un colocataire qui n'est pas un conjoint séparé, divorcé, ou séparé de fait n'a pas de droit.

M. Scowen: Mais s'il existe aujourd'hui un problème, est-ce que c'est la personne qui est responsable du bail qui le règle? Est-ce la commission?

M. Lavoie (Raymond): Actuellement, c'est celui qui a signé le bail qui en est responsable,

même s'il quitte les lieux en laissant un colocataire.

M. Scowen: Ah bon! ce n'est pas transférable.

M. Lavoie (Raymond): C'est cela, ce n'est pas transférable actuellement.

M. Scowen: Ah bon! Ah bon! D'accord, je vais passer la parole à M. Cordeau, merci! Merci beaucoup, c'est une excellente présentation. Je vous remercie.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président, tout d'abord félicitations pour l'apport que vous apportez à cette commission en présentant ce mémoire.

M. le bâtonnier, au début de vos remarques, vous avez surtout mentionné le fait que le barreau n'avait pas été consulté concernant surtout les modifications à être apportées et vous avez posé la question bien spécifique au ministre, je crois, et celui-ci n'a pas répondu pourquoi...

M. Tardif: Pardon!

M. Cordeau:... que le barreau n'avait pas été consulté avant l'élaboration de ce projet de loi.

M. Tardif: Je ferai remarquer au député de Saint-Hyacinthe que nous sommes présentement en commission parlementaire, entre la première et la deuxième lecture, précisément dans le but de recevoir de tous les intéressés toutes les représentations voulues. Alors, cela m'apparaît le processus de consultation qui a le plus de panache et qui est le plus large possible. Nous la tenons maintenant; c'est vrai qu'il y en a pas eu avant, mais nous la tenons maintenant.

M. Cordeau: Est-ce que cette réponse vous satisfait, M. le bâtonnier?

M. Pépin: Voilà, M. le Président, justement le point que j'ai voulu faire dans mon mémoire et je pense que le ministre l'a souligné. Je l'ai dit d'ailleurs moi-même; nous avons au moins, cette fois-ci, l'avantage d'avoir préparé un mémoire et d'être ici.

M. Cordeau: Oui.

M. Pépin: Cela c'est un avantage que nous n'avons pas eu lorsque la Loi des accidents du travail a modifié la Loi du barreau.

Deuxièmement, il y a un élément qui n'apparaît pas dans mon texte et qui n'apparaît pas dans le texte de loi comme tel. C'est que, quand vous créez l'article 57 et que vous permettez la représentation par un tiers ou quand vous créez l'article no 75 et que vous permettez la représentation par un tiers jusqu'à ce que vous ayiez décidé de retrancher, de suspendre, etc., vous vous trouvez à modifier l'esprit de l'article no 128. Dans le cas du texte de l'article no 75 c'est vraiment le texte de l'article no 128 de la Loi du barreau que vous modifiez. Dans le cas de l'article no 57 c'est son esprit sans qu'un avis d'amendement, si je peux dire, soit produit au niveau même de la Loi du barreau.

C'est cela que j'appelle une façon inacceptable de légiférer qui devrait être éliminée ou être rendue inopérante: modifier une loi dans une autre loi, surtout des lois d'ordre public qui donnent à des organismes des responsabilités de rendre des comptes au gouvernement ou au public. C'est que nous, évidemment, comme corporation professionnelle, nous avons des comptes à rendre sur la pratique du droit, sur la pratique de consultation juridique, de représentation. Evidemment, les comptes que nous avons à rendre, je pense qu'ils ressemblent un peu aux mandats qu'on donne dans la présente loi à une régie, qu'on prenne non seulement le mandat de poursuivre quiconque commet un acte illégal, mais aussi celui de faire au législateur des recommandations sur la façon de rendre plus facile et plus réaliste la poursuite de pratiques illégales et l'empêchement de pratiques illégales. (11 heures)

Or, effectivement, les articles 57 et 75 sanctionnent, si je peux dire, en la légalisant, une pratique par ailleurs considérée illégale d'après les principes de la Loi du barreau et ça, nulle part, même aujourd'hui, ne voit-on un amendement à la Loi du barreau et nulle part ne voit-on, dans la Loi du barreau elle-même, une loi déposée modifiant la Loi du barreau. C'est donc très difficile, parce que ça prive d'informations et de consultations la corporation professionnelle concernée. Cela prive également, plus tard, le juriste, l'homme de loi ou le citoyen qui recherche une loi...

Moi, je pourrais, si je n'étais pas avocat, continuer dans trois ans de penser que personne d'autre qu'un avocat peut plaider, alors que, en réalité, je me tromperais. Mais en lisant la Loi du barreau, c'est ce que je lirais, alors que si je savais que la loi 107, un jour, a eu pour effet de modifier la Loi du barreau, là j'apprendrais que l'article 128 de la Loi du barreau ne veut pas dire tout à fait ce qu'il dit.

C'est ce processus législatif qui me paraît inacceptable et c'est pour ça que je disais: Nous nous en prenons aux articles 57 et 75 sur deux points: au niveau de la forme, c'est-à-dire la façon dont ils sont apportés devant vous et, deuxièmement, au niveau même du fond, le principe qui le sous-tend.

Le Président (M. Laplante): Avez-vous d'autres questions, M. le député de Saint-Hyacinthe?

M. Cordeau: Oui.

M. Lavoie (Raymond): M. le Président, je me permettrais d'ajouter que j'ai remarqué, dans le projet de loi, qu'aux articles 57 et 75 on permettait une représentation élargie qu'on veut encadrer en

parlant de mandat écrit et gratuit, mais que, dans le même projet de loi, on ne prévoit aucune sanction à ceux qui violeraient les articles 57 et 75. Je m'étonne de cela. Y a-t-il des sanctions ou si tout est permis?

M. Cordeau: La dernière phrase était une question; M. le ministre a-t-il compris?

M. Tardif: La dernière phrase était une question de M.... Je m'excuse, mais c'est qu'on me montrait, ici, l'article 128 de la Loi du barreau où, effectivement, c'est vrai. Je regardais si, effectivement, il y avait une exception concernant la Cour des petites créances qui fasse entorse à l'article 128 et il n'y en a pas et il n'y en a pas sur ce plan. Il y a d'autres exceptions, par exemple, pour la Loi des accidents du travail, déjà à l'article 128 comme tel.

M. Pépin: Votre texte est plus récent que le mien, j'ai un texte qui date de 1978, mais la modification a été faite en décembre 1978.

M. Tardif: Mais, si on fait le parallèle avec la Cour des petites créances, à ce point de vue, le législateur, en votant le chapitre huitième, n'a pas cru bon de modifier l'article 128 de la même manière. Je suis conscient que c'est un problème qu'il faudra peut-être aborder en soi, l'article 128 et le Code des professions; d'accord. Mais ce n'est pas par le biais d'une loi comme 107 qu'on va amender tout le Code des professions. Par ailleurs, je suis aussi conscient que pour l'essentiel — on pourra revoir l'article 75 — le projet de loi 107 consacre une situation de fait.

M. Pépin: C'est que, dans le moment, ce que nous appelons une situation de fait, évidemment, c'est une tolérance. Tant qu'on est dans le domaine d'une tolérance, au fond on tolère la tolérance quand on la consacre, on légifère. Une fois qu'on a légiféré, la nature humaine étant ce qu'elle est, on hésite beaucoup à revenir en arrière même si, entre temps, on découvre qu'on aurait mieux fait de continuer à tolérer que de légiférer, avant d'avoir été au fond de l'étude du problème. Je suis conscient du problème que vous avez quand vous donnez les pourcentages et quand vous donnez le cas concret de représentation de colocataires, de gens qui vont véritablement dans la position d'allié, de parent ou d'ami; j'en suis conscient.

Vous remarquerez d'ailleurs que, au niveau d'une tolérance, le barreau n'a pas poursuivi, pour exercice illégal, de 1931 à 1978, les gens qui, n'étant pas avocats, allaient devant la CAT; le barreau n'a pas poursuivi, dans les années soixante, les gens qui, allant devant la Commission des loyers, n'étaient pas avocats. Pourquoi? Parce qu'il existait une tolérance, nous y étions nous-mêmes, si je puis dire, partie, complices ou appelons-le comme on le voudra; mais, aujourd'hui, on est devant un texte de loi, ça ne sera plus une tolérance quand l'article aura été accepté.

M. Tardif: C'est vrai.

M. Pépin: Là, c'est évident que je suis obligé, sur le plan des principes, de vous mettre en garde parce que ça va faire toute la différence; là je serai vraiment pris avec un problème de pratique illégale dans les mois qui suivront l'adoption et je n'aurai plus les outils pour être capable de l'assumer.

On a déjà tellement de difficultés, notamment en matière de perception c'est un autre sujet social ou socio-économique plus fréquent comme celui des loyers ou des petites créances. Le nombre de poursuites qu'on prend contre les agences de collection est quand même considérable pour exercice illégal. Ils ont le droit de collecter de l'argent; ils n'ont pas le droit de représenter et, malgré cela, nous avons de la difficulté à les mettre hors d'état de nuire, si je peux dire, quand ils font autre chose que ce que la loi leur permet, c'est-à-dire: collecter. Plusieurs d'entre eux entreprennent de représenter et nous essayons de les empêcher de le faire.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe, est-ce qu'il y aurait possibilité de questions courtes, de réponses courtes, parce que notre temps est fini.

M. Cordeau: ... c'est bien intéressant. C'est comme tous les autres mémoires.

Le Président (M. Laplante): C'est vous tous qui avez fait les règles du jeu.

M. Cordeau: A la page 3 de votre mémoire, dernier paragraphe, vous mentionnez: "II est cependant essentiel d'accorder et de conserver un droit d'appel de toutes les décisions de la régie à un tribunal de droit commun." Est-ce que vous avez couvert ce point de vue dans vos exposés? Voulez-vous expliciter votre pensée?

M. Massue-Monat (Henri): Ce paragraphe faisait référence à la section 2 du chapitre III, pour lequel il n'y a pas d'appel prévu.

M. Cordeau: Est-ce que vous admettez ce point de vue ou est-ce qu'il vous semble que c'est...

M. Massue-Monat: Non, nous n'admettons pas ce point de vue. Nous demandons qu'un droit d'appel soit accordé à la Cour provinciale pou r toutes les dispositions du projet de loi, y compris la section 2 du chapitre III.

Mme Audette-Filion:... d'isoler ce paragraphe de la page 3 où il est question, effectivement, des litiges de nature civile. Ce que nous faisons ici, c'est que nous prenons note qu'en a préservé ce droit d'appel à la Cour provinciale et nous nous en réjouissons et nous considérons que c'est essentiel.

A l'autre chapitre où il est question des autres questions concernant la démolition, etc., il n'y a pas de droit d'appel prévu, je crois. Nous mentionnions que l'on souhaitait que, dans les questions impliquant les questions de droit, on puisse prévoir aussi un appel à la Cour provinciale. Autrement dit, on pense que de toute la juridiction de la régie, il devrait y avoir un appel possible.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le ministre, le mot de la fin.

M. Tardif: M. le Président, je m'excuse, j'ai...

Le Président (M. Laplante): Je ne voudrais commettre d'injustice, parce qu'il fallait couper une question. Je ne sais pas si... avec l'autorisation des membres, le temps est dépassé. Je suis prêt à...

M. Guay: D'accord, quitte à ce que nous prenions plus d'une heure avec le mémoire du Barreau; l'entente sur une heure n'avait rien de formel et d'absolu. L'exposé du Barreau, jusqu'à maintenant, portait presqu'exclusivement...

Le Président (M. Laplante): D'accord, M. le député de Saint-Hyacinthe... c'est vous qui êtes maîtres de cela. Ecoutez, je n'ai pas d'objection, pour autant que...

M. Guay: ... un peu de souplesse.

M. Scowen: Nous en avons un autre ce soir et on termine à quelle heure?

Le Président (M. Laplante): II y a trois groupes à part cela, deux autres... A 13 heures.

M. Scowen: On n'a pas de commission cet après-midi?

M. Tardif: Pas de commission cet après-midi, de sorte que, si la commission était d'accord, cela ne me ferait rien de dépasser un petit peu 13 heures, si cela pouvait être utile à tous les groupes présents ici ce matin.

M. Scowen: On devrait respecter l'échéancier.

Le Président (M. Laplante): Non, il n'y a pas d'unanimité. M. le ministre, le mot de la fin.

M. Guay: Je m'excuse, M. le Président, il n'y a pas besoin d'unanimité pour cela. Il n'y avait pas d'accord de la commission. Ce n'était pas un ordre de la commission. C'était une entente qui n'avait rien de formel. On s'est bien entendu là-dessus. Cela n'avait rien de formel au début.

M. Cordeau: Une question brève.

M. Guay: Si on veut en faire une entente formelle, que le député de Notre-Dame-de-Grâce en fasse une proposition. Pour ma part, je vais voter contre.

M. Cordeau: Alors, on est mieux d'entendre sa question que de commencer à voter.

Le Président (M. Laplante): Question courte, M. le député de Taschereau.

M. Guay: Ma question porte sur votre recommandation, une des plus originales et, en même temps, des plus radicales — à mon avis — de votre mémoire et à laquelle on a indirectement fait allusion tantôt, en parlant de la section 2, sur la question des démolitions, des changements de destination.

Vous dites à la page 11 que "les conseils municipaux ne sont pas qualifiés pour entendre de telles demandes et sont susceptibles de se trouver très souvent dans des situations de conflits d'intérêts." Vous recommandez, en conséquence, "que toutes les demandes de démolition, de subdivision ou de changement de destination de logements se fassent devant la Régie du logement, siégeant en première instance."

J'aurais une question à plusieurs volets, comme on dit en Chambre, sur le sujet. Mais, d'abord, pouvez-vous expliciter ce pourquoi vous trouvez que les conseils municipaux ne sont pas habilités à agir en la matière, et j'inclus là-dedans les commissions d'urbanisme dans les municipalités où il y en a?

Deuxièmement, est-ce que vous ne trouvez pas que cette recommandation risque de provoquer un engorgement à la Régie du logement? Et en fonction de cela, si j'ai bien compris — je ne suis pas sûr d'avoir bien compris — est-ce que j'ai bien compris que vous vouliez qu'il y ait un droit d'appel général, pas uniquement sur les questions de droit: un droit d'appel complet, en d'autres mots, tout ce qui est à la section 2: "On puisse en appeler de la décision de la régie à la Cour provinciale". Pas uniquement pour des questions de droit. En d'autres mots, la Régie du logement siégera en première instance, il y aurait appel de ses décisions à la Cour provinciale. Est-ce qu'à ce moment, encore là, l'engorgement qui, me semble-t-il, risquerait de se faire en première instance à la Régie du logement, puisqu'elle peut aussi se produire en appel à la Cour provinciale...

Ma question a deux volets. En premier, pourriez-vous expliciter en quoi les conseils municipaux, y inclus les commissions d'urbanisme — même si vous n'y faites pas allusion directement — ne sont pas qualifiés pour entendre de telles demandes? Et deuxièmement, est-ce qu'il n'y a pas des problèmes sérieux qui se poseraient si nous devions accepter votre recommandation —que je trouve d'ailleurs intéressante — que ce soit la Régie du logement qui entende en première instance des questions de subdivision, démolition et changement de destination, et que la Cour provinciale puisse servir de tribunal d'appel à ces questions.

Le Président (M. Laplante): Me Lavoie.

M. Lavoie (Raymond): Je ne pense pas qu'il y ait un engorgement de demandes qui soit plus important que ce qui existe actuellement à la régie. Il faut quand même constater que, dans la conciliation actuelle, il existe des mécanismes ou enfin des articles qui prévoient de telles demandes. Le nouveau projet de loi nous dit que maintenant nous sommes obligés de faire une demande. Alors que maintenant, l'état actuel du droit, c'est que la demande se fait lorsqu'il y a contestation ou désaccord entre les parties. Je ne

pense pas — et les gens qui représentent la Commission des loyers pourraient me le confirmer — qu'il y ait un engorgement à ce niveau. C'est mon opinion.

Maintenant, lorsqu'on veut donner...

M. Guay: Aucune démolition. M. Lavoie (Raymond): C'est cela.

M. Guay: Aucun changement de destination, aucune subdivision ne sera autorisée à la grandeur du Québec...

M. Lavoie: C'est cela.

M. Guay: ... sans que la régie n'intervienne.

M. Lavoie (Raymond): C'est cela.

M. Guay: En première instance.

M. Lavoie (Raymond): C'est ce que nous proposons. Il y a une autre raison — parce que ma réponse a aussi, peut-être, plusieurs volets, on pourrait disserter longtemps là-dessus — c'est que si on donne une espèce de juridiction à des conseils municipaux, il ne faut quand même pas se faire d'illusions, ce ne sont pas seulement des gestes administratifs qu'ils vont poser, mais dans leurs décisions ils vont faire un partage de droits. C'est important, ce sont des droits de propriété, des droits d'occupation qui sont touchés par cela.

Alors, on demande à un conseil municipal d'exercer une fonction quasi-judiciaire, alors que les conseillers municipaux sont des législateurs à toutes fins utiles. Ce sont des élus qui exercent un pouvoir législatif délégué. Alors, on va leur donner en plus un pouvoir judiciaire comme si on vous donnait à vous, M. le député de Taschereau, le pouvoir de prononcer un divorce ou quoi que ce soit. C'est un peu la même chose. On donne à un législateur un pouvoir judiciaire. A toutes fins utiles, il faut faire des représentations, selon le projet, devant un conseil municipal, devant des gens élus, devant des gens qui ne sont pas toujours qualifiés et devant des gens qui, souvent, seront en conflit d'intérêt, soit au niveau de la municipalité, en conflit d'intérêt ou au niveau personnel, dans leurs affaires personnelles.

M. Guay: Incluez-vous là-dedans les commissions d'urbanisme, aussi?

M. Lavoie (Raymond): Par le fait même.

M. Guay: Parce que dans certains cas, il n'y a pas de conseiller qui siège aux commissions d'urbanisme.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, je vais être obligé...

M. Lavoie (Raymond): II faut que, dans le projet de loi, on parle de conseils municipaux, seulement.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, c'est bien évident — moi qui rencontrais l'union des municipalités, en fin de semaine dernière, sur la loi d'aménagement — qu'à ce passage, ils ne sont pas tout à fait d'accord avec cela, qu'ils sont incompétents, puisque, quand même, ils votent des règlements de zonage qui, aussi, affectent le droit de propriété, le droit de bâtir certains types d'immeubles dans des rues et non pas d'autres. Cela fait partie des prérogatives d'un conseil municipal.

Ceci dit, M. le Président, je voudrais, en conclusion, remercier le barreau pour l'ensemble de sa contribution, mais notamment pour sa suggestion d'inclure dans le bail, pour les immeubles de moins de cinq ans, que justement cet immeuble est inclus. Donc, les règles du jeu n'en sont que mieux connues des parties. (11 h 15)

On s'est interrogé sur l'engagement de régisseurs à temps plein, enfin de régisseurs comme tels en disant: On aimerait que ce soit plus précis Vous remarquerez que, même la loi, telle qu'elle est là, sans parler de la réglementation, est un peu plus précise que ce que nous avons présentement, parce que dans ce que nous avons présentement, la loi dit: "Des administrateurs nommés selon le bon plaisir". N'importe qui, cela pourrait être un plombier, un barbier, et on en a eu, "et nommés selon le bon plaisir" et remerciés de la même manière. Au moins, ici, on parle d'avocats qui seraient nommés au moins pour cinq ans et puis on dit: il y aura une réglementation qui sortira et qui pourra s'apparenter, par ailleurs, à d'autres procédures de nomination des gens, enfin par exemple des juges...

M. Pépin: Comité de sélection.

M. Tardif: ... adoptées au ministère de la Justice. Donc on va s'inspirer un petit peu de cette procédure, où le Barreau sera invité, sans doute, à nommer des représentants, etc., mais cela viendra dans la réglementation. On s'en va vers cela.

Finalement, juste une question: je vais examiner la suggestion ou la confidence du juge Gold. Je pense que ce n'est plus une confidence puisqu'elle est rendue publique. Mais est-ce qu'essentiellement le Barreau serait d'accord avec une règle de représentation par avocats, conjoints ou des tiers, mais dans les limites des règles qui s'appliquent présentement devant la Cour des petites créances, en vertu de l'article 955, notamment du livre Ville?

M. Pépin: C'est parce qu'on est exclus à la Cour des petites créances, M. le ministre; alors j'ai de la difficulté à établir le parallèle que vous voulez me faire établir là.

M. Tardif: C'est-à-dire qu'à tout le moins pour les tiers et les conjoints, si c'était libellé de la façon que ce l'est à l'article 955.

M. Pépin: Disons ceci: évidemment nous ne changerions pas notre position fondamentale, mais ma première réaction c'est que votre projet de loi serait, à ce moment-là, moins dangereux que ce que j'ai souligné. Actuellement, honnêtement et de bonne foi, il est dangereux et ce n'est pas au moment de l'adopter que vous allez vous en rendre compte; ce sera quand il aura été vécu.

Il est probable, Me Lavoie pourrait peut-être expliciter ce point, qu'une formulation semblable à celle qui apparaît dans le chapitre de la Loi des petites créances serait moins dangereuse. Je ne dis pas qu'elle est souhaitable; je resterai d'avis qu'il faudra en discuter dans les meilleurs délais, globalement et à fond. Mais en tout cas, vous avez une formulation moins dangereuse que celle que vous avez là.

M. Tardif: Merci.

Le Président (M. Laplante): Mme Audette-Filion, MM. Massue-Monat, Lavoie, Proulx, Pépin, les membres de cette commission vous remercient pour votre mémoire.

M. Pépin: Merci.

Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec Inc.

M. Scowen: M. le Président, simplement un point de règlement. Quant à la décision de dépasser l'heure, est-ce que c'est une question de consentement ou une décision du président, ou quoi; je suis un peu confus, là-dessus?

Le Président (M. Laplante): J'essaie automatiquement, autant que possible, d'appliquer — vous relirez la première séance qu'on a faite — c'est qu'on a demandé une heure, 20 minutes, 40 minutes, mais on m'a demandé aussi d'être flexible. Je vous réfère à ce moment-là. Moi, ma flexibilité, je veux la donner en autant que les membres soient d'accord. Je voudrais que lorsque le temps est dépassé, ce soit un consensus, au moins, des membres de cette commission. Jusqu'à ce jour, je ne crois pas que cela ait été un problème. Ce que je voudrais partager, autant que possible, c'est le temps. C'est là-dessus que je me base actuellement pour essayer de vous donner autant de temps des deux côtés.

M. Scowen: C'est correct. C'est simplement que, pour cette fois-là, je me trouvais en désaccord avec une question additionnelle, et vous avez décidé de permettre une question additionnelle, et je voulais savoir simplement quelles sont les règles ou...

Le Président (M. Laplante): A ce moment-là, j'aimerais...

M. Scowen: C'est une question de président.

Le Président (M. Laplante): Mais j'aimerais que vous en fassiez, à ce moment-là, une question de règlement. Par les signes, c'est difficile, pour nous... ce n'est pas enregistré au journal des Débats, mais j'aimerais, à ce moment-là, que vous vous opposiez fermement par une question de règlement.

M. Scowen: Je vous l'ai fait, en vous le disant...

Le Président (M. Laplante): Mais après la suggestion de M. le député de Saint-Hyacinthe, je n'ai eu aucune autre réaction. D'accord? Merci.

M. Guay: Sur la même question de règlement, M. le Président. Si ma mémoire est bonne il n'y a pas eu de motion de faite à l'ouverture des travaux de cette commission, afin de fixer le temps.

Le Président (M. Laplante): C'est ce qu'on appelle en bon français le gentleman's agreement qui a eu lieu autour de cette table et j'aimerais le respecter jusqu'au bout. D'accord?

M. Guay: Sauf que si cela a pour but de faire de nous des participants passifs à cette commission et qu'on ne puisse poser des questions sur un sujet qui nous apparaît pertinent, on est aussi bien de rentrer dans nos bureaux et d'aller faire des choses plus utiles.

Le Président (M. Laplante): Maintenant, messieurs, j'aimerais que vous connaissiez la règle — vous voyez l'embouteillage que cela peut faire — d'essayer de prendre le moins de temps possible à l'intérieur de vos vingt minutes pour la présentation de votre mémoire, pour que les membres de cette commission puissent vous questionner. C'est le temps, actuellement, qu'on a de la difficulté à organiser. Veuillez présenter votre organisme, vous présenter vous-même et présenter les personnes qui vous accompagnent.

Association provinciale des constructeurs d'habitations

M. Crochetière (Serge): Alors, au nom de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations, M. le Président, je vous présente M. Gérard Gazaille, président de l'association, à l'extrême gauche, M. Pierre Bélanger, économiste à l'emploi de l'association, à ma droite, M. Orner Beaudoin Rousseau, directeur général de l'association et moi-même, Serge Crochetière, conseiller juridique de l'association.

Le Président (M. Laplante): Est-il possible de vous approcher du micro? Est-ce que vous voulez répéter votre nom et le premier que vous avez nommé, s'il vous plaît?

M. Crochetière: Ca va? Le premier, il s'agit de M. Gérard Gazaille, immédiatement à ma gauche,

qui est président de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations et, quant à moi, mon nom est Serge Crochetière, conseiller juridique de l'association.

Le Président (M. Laplante): Allez-y, monsieur.

M. Crochetière: Si vous me permettez, M. Gazaille va d'abord énoncer le principe de notre position. On verra ensuite quels sont les principaux points sur lesquels on entend discuter. Nous pourrons aussi vous remettre une étude économique qui ne vous sera pas lue intégralement, mais qu'on vous demanderait d'annexer à notre mémoire. M. Bélanger pourra faire quelques commentaires avant la période des questions, si vous le permettez. Le tout peut se faire, je crois, dans le délai qui nous est alloué. M. Gazaille.

M. Gazaille (Gérard): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, avant de procéder à la présentation du mémoire de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations, nous tenons à vous rappeler que toute modification au régime actuel revêt une importance considérable pour le secteur de l'industrie de la construction que nous représentons. C'est pourquoi, depuis plusieurs années déjà, nous nous efforçons de faire des remarques constructives, basées sur notre connaissance concrète au milieu de tous les gouvernements qui légifèrent en matière de logement.

Aujourd'hui, toutefois, c'est une fin de non-recevoir claire et précise que nous opposons au projet de loi no 107, parce que nous sommes persuadés que la réforme proposée va à rencontre des intérêts de notre industrie et de l'ensemble des citoyens du Québec.

D'autre part, certains faits, comme la mise en place d'une nouvelle structure de la Régie des loyers avant même le dépôt du projet de loi en première lecture, nous apparaissent comme étant soit prématurés, soit révélateurs des intentions du gouvernement.

Malgré tout, nous vous prions d'accorder votre attention à nos remarques concernant certaines dispositions du projet de loi, notamment celle qui est relative à l'impartialité des tribunaux ainsi qu'au bref exposé qui suivra sur la situation du logement au Québec.

Avec votre permission, M. le Président, je cède donc la parole à M. Serge Crochetière.

M. Crochetière: Nous allons procéder à la lecture du texte, si vous le voulez bien.

L'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec regroupe, depuis plusieurs années déjà, l'ensemble des principaux intervenants du secteur résidentiel dans l'industrie de la construction au Québec. Elle représente en plus, maintenant, des administrateurs d'immeubles à caractère locatif, situés sur l'ensemble du territoire québécois. Notre organisme prétend donc pouvoir mesurer adéquatement l'impact réel qu'aurait l'adoption du projet de loi no 107, tant sur le stock actuel de logements que sur la construction de nouvelles unités. C'est à ce titre qu'il vous soumet les commentaires qui suivent.

Avant d'aborder directement l'analyse du projet de loi no 107, nous tenons à exprimer notre attitude face au fait que la construction de logements au Québec est affectée par une multitude d'interventions provenant d'autant de ministères distincts, sans par ailleurs être représentée ou même reconnue comme un secteur d'activités en soi par aucun desdits ministères. Force nous est de constater, encore une fois, que le législateur a l'intention d'intervenir pour présumément assainir la situation du logement au Québec sans toutefois s'être autrement soucié des répercussions de son action sur l'industrie de la construction. Tout se passe comme si le problème du logement se limitait aux relations locataire-locateur, sans devoir tenir compte des autres éléments de la problématique.

Nous vous rappelons donc qu'une telle attitude risque d'offrir des solutions simplistes et mal adaptées à la dimension réelle du problème et que nous craignons qu'à plus ou moins long terme, elle ne génère des malaises plus profonds que ceux qu'elle tendait à corriger.

Quant à l'esprit de la loi, le projet de loi 107 vise, comme son nom l'indique, à instituer une Régie du logement et à unifier les divers textes de loi concernant les relations locataire-locateur, tout en conservant le plus possible au stock de logements ses caractéristiques actuelles. Pour ce faire, on nous propose un réaménagement complet de l'économie de notre droit, où l'Etat intervient directement dans la négociation en plus d'extirper du droit de propriété des éléments essentiels, à partir du postulat que le locataire est généralement le grand perdant qu'il faut défendre des manoeuvres du locateur. C'est, du moins, l'impression qui se dégage à la lecture du projet de loi et du livre blanc qui l'a précédé.

Bien sûr que l'unification des lois est susceptible de clarifier la situation; bien sûr aussi que l'habitation a une dimension sociale et qu'à ce titre l'Etat doit intervenir, mais on ne corrige pas une situation en créant une injustice, alors qu'on demande au locateur de supporter seul le poids social de l'habitation. Ce n'est pas en pénalisant le locateur, parce que le locataire éprouve certaines difficultés, qu'on solutionnera adéquatement le problème du logement. toutefois, là où la réforme proposée devient nettement inacceptable, c'est dans la création projetée d'un organisme hybride appelé Régie du logement. Car le législateur s'apprête à sacrifier l'impartialité du pouvoir judiciaire au profit d'un organisme à la fois juge et partie, où des gens nommés pour un terme fixe, avec mandat de conseiller le gouvernement quant aux mesures législatives à adopter en matière d'habitation locative, seront appelés à juger des cas relevant de l'application de leur loi constitutive et ce, de préférence à tout tribunal de droit commun.

Nous pouvons déjà vous assurer que cette régie ne pourra pas prétendre à une justice au-

dessus de tout soupçon, puisqu'on n'aura pas su assurer l'autonomie administrative de son pouvoir judiciaire, le tout contrairement au principe clairement exprimé au chapitre septième du programme officiel du Parti québécois intitulé "La Justice".

Ceci dit, et sans restreindre la généralité de ce qui précède, passons maintenant à l'étude de certains articles du projet de loi.

Article 3, alinéa 6, qui se lit comme suit: "La régie exerce la juridiction qui lui est conférée par la présente loi et décide des litiges qui lui sont soumis." A l'alinéa 6: "Elle est en outre chargée de renseigner le public sur ses droits et obligations résultant du bail d'un logement et sur toute matière visée dans la présente loi;" cet article doit être lu en relation avec l'article 17 qui s'énonce comme suit: "Les membres du personnel de la régie doivent prêter leur assistance pour la rédaction d'une demande à une personne qui la requiert."

Il est souhaitable qu'une information de caractère général soit diffusée au public. Par ailleurs, il est inconvenant qu'un organisme dit impartial donne une opinion sur un cas précis, à une personne qui demandera ultérieurement à ce même organisme de juger du litige qu'elle lui soumet.

Nous craignons que le régisseur chargé d'entendre la cause ne puisse, sans discréditer les membres de son organisme, aller à rencontre de l'opinion émise au préalable par la personne ayant préjugé du cas.

Article 24: "La régie connaît en première instance, à l'exclusion de tout tribunal, des litiges de nature civile résultant du bail d'un logement qui ne sont pas de la compétence de la Cour supérieure, ainsi que des demandes visées dans la section II du présent article. "Elle connaît aussi, en appel, des décisions des municipalités à l'effet d'accorder ou de refuser un permis de démolition, de subdivision ou de changement de destination d'un logement."

Pour les raisons mentionnées au chapitre précédent, nous considérons inacceptable que cette régie ait un pouvoir judiciaire exclusif sur les litiges de nature civile résultant du bail d'un logement.

D'autre part, nous nous interrogeons sur la constitutionnalité d'une telle attribution de juridiction.

Article 27, alinéa 2: "Nul ne peut, sans l'autorisation de la régie, démolir un logement, le subdiviser ou en changer la destination. Toutefois, cette autorisation n'est pas requise... "Lorsque le gouvernement, un de ses ministères ou organismes entend démolir, subdiviser ou changer la destination d'un logement, il consulte la régie avant d'agir."

Pourquoi le gouvernement se placerait-il au-dessus d'un texte législatif lorsque lui-même a considéré que cette loi était d'intérêt général?

Articles 30 et 31 : "30. Une personne qui désire conserver le caractère locatif d'un logement peut, lors de l'audition d'une demande d'autorisation de démolir ou de changer la destination de ce logement, intervenir pour demander un délai afin d'entreprendre ou poursuivre des démarches en vue d'acquérir l'immeuble dans lequel est situé le logement." "31. Si la régie est convaincue du sérieux de l'intervenant, elle reporte le prononcé de sa décision et accorde un délai d'au plus deux mois à compter de la fin de l'audition pour permettre aux négociations d'aboutir."

Ce pouvoir abusif devrait être assorti de la possibilité pour la régie d'exiger de l'intervenant qu'il fournisse caution dans les cas où celle-ci considère qu'il serait judicieux de le faire, afin de s'assurer du sérieux de cet intervenant.

Article 32: "Lorsque la régie accorde l'autorisation de démolir, de subdiviser ou de changer la destination d'un logement, elle peut déterminer les conditions justes et raisonnables pour la protection du locataire, notamment en ce qui concerne les conditions de relogement de ce dernier".

Les mots "conditions justes et raisonnables pour la protection du locataire" pourraient donner lieu à une interprétation très vaste. Nous recommandons donc au législateur de préciser la portée de cet article.

Article 42: "Nul ne peut enregistrer une déclaration de copropriété en application des articles 441b à 442p du Code civil sur un immeuble comportant un logement."

Cette interdiction va forcer les gens à vivre dans l'indivision, même dans les cas où une majorité d'entre eux habite l'immeuble acheté en copropriété et ce, sans justification valable.

Article 53: "Le régisseur peut visiter les lieux ou ordonner une expertise, par une personne qualifiée qu'il désigne, pour l'examen et l'appréciation des faits relatifs au litige. Dans ce cas, une visite du logement ne peut avoir lieu avant neuf heures et après vingt et une heures.

La procédure applicable à l'expertise est celle que détermine le régisseur." (11 h 30)

II est impensable qu'un service d'inspection soit partie intégrante du tribunal qui a à entendre la cause, car lorsque le régisseur déléguera sur les lieux un inspecteur auquel il est lié, nul ne pourra attaquer la crédibilité dudit inspecteur. Ceci met particulièrement en relief les problèmes de partialité qui surgiront sûrement d'une législation créant un organisme administratif détenteur d'un pouvoir juridiciaire. En outre, les procédures applicables à une expertise devraient être préétablies et non fixées au gré de chacun des régisseurs.

Article 57. "Une personne physique peut être représentée par son conjoint, par une personne qui détient un mandat écrit, spécial et gratuit..."

Il serait souhaitable de préciser qu'à l'exception des représentations faites par les avocats le mandataire a au moins un intérêt prouvable dans le bail. Et puisque les services de l'aide juridique peuvent désormais fournir à quiconque le requiert une représentation adéquate devant tous les tribunaux et organismes administratifs de la provin-

ce, l'incapacité de payer n'est plus une excuse.

Article 59. "Un régisseur peut admettre toute preuve qu'il croit utile au règlement du litige. "Notamment, une partie peut présenter une preuve testimoniale, même pour contredire ou changer les termes d'un écrit, lorsque la présente loi n'a pas été respectée."

Les règles de preuve sont parfois contraignantes, cependant, elles assurent la bonne marche des procès ainsi qu'une garantie que justice sera rendue. On ne peut permettre au régisseur d'admettre toute preuve qu'il croit utile au règlement du litige, car on crée alors des risques évidents d'injustice beaucoup plus grands qu'en établissant des règles de preuve déjà éprouvées.

Quant au second paragraphe de l'article 59, il est inutile puisque, si la loi n'a pas été respectée, il va de soi que le régisseur peut entendre la preuve relative à ce qui s'est passé réellement. Cependant, il sera alors tenu de juger au préalable si la loi a ou non été respectée.

Article 60. "Un régisseur peut décider qu'un rapport d'inspection fait sous la signature d'un inspecteur de la régie, d'un inspecteur municipal..." — il y a l'énumération des lois qui créent des services d'inspection — peut être admis et tient lieu du témoignage de cet inspecteur.

Ce qu'on demande, c'est: Toutefois, une partie peut requérir la présence de l'inspecteur à l'audition. Nous croyons que les rapports d'inspection devraient obligatoirement être signifiés aux parties en cause avant l'audition, avec avis accordant un délai pour permettre à ces dernières de demander la présence de l'inspecteur aux fins du contre-interrogatoire. A défaut d'une telle demande dans les délais prescrits, le rapport pourrait tenir lieu de témoignage. Autrement, il est impossible pour une partie, dans la majorité des cas, de savoir qu'un tel rapport sera déposé et de se défendre adéquatement.

Article 64. "Une décision de la régie peut être exécutée comme s'il s'agissait d'un jugement de la Cour provinciale si elle est signifiée à la partie adverse et enregistrée au greffe de la cour du district où est situé le logement."

Encore une fois, puisque nous nous opposons au pouvoir judiciaire de la régie, à plus forte raison nous opposons-nous au caractère exécutoire de ses jugements.

Article 69. "Il y a appel, à la Cour provinciale, des décisions autres que celles visées dans la section II du chapitre III du présent titre. "Cet appel est formé par le dépôt, auprès du greffier chargé de l'application du livre huitième..." En fait, c'est la façon de procéder pour l'appel.

Il n'y a pas lieu de restreindre l'appel en excluant les décisions visées dans la section II du chapitre III; de plus, si le législateur a l'intention de créer un appel de novo, il devrait le préciser. Si la cause doit être recommencée entièrement, elle ne devrait pas l'être sur simple exposé des faits ou d'après des preuves sténographiques. La loi devrait le prévoir.

Article 77. Je vais vous le lire et vous en tirerez les conclusions vous-mêmes. "Le greffier, si possible, fixe l'audience à une heure et à une date où les parties et leurs témoins peuvent être présents sans trop d'inconvénients pour leurs occupations ordinaires."

Sans commentaire.

Article 86. "Le gouvernement peut, par règlement: 1. sous réserve de l'article 67, prescrire ce qui doit être prescrit par règlement en vertu des articles 1650 à 1665 du Code civil; 2. imposer l'inclusion de mentions obligatoires dans le bail ou l'écrit visé dans les articles 1651 à 1651.2 du Code civil et en déterminer la forme et la teneur; 3.établir les critères et la méthode de fixation du loyer d'un logement ou d'un terrain destiné à l'installation d'une maison mobile; 4. établir des exigences minimales relatives à l'habitation et à l'entretien d'un logement; 5. définir un logement impropre à l'habitation. Ces règlements entrent en vigueur à compter de leur publication à la Gazette officielle du Québec ou à une date ultérieure qui y est fixée."

Les pouvoirs contenus dans cet article sont très vastes et peuvent modifier radicalement les relations entre locateurs et locataires, notamment en ce qui a trait à la fixation du loyer. Nous demandons donc au législateur de déposer un projet de règlement conjointement avec le projet de loi no 107. En fait, on ne sait pas du tout ce qui nous attend en matière de fixation de loyer actuellement. C'est un principe de base, c'est-à-dire que l'on reconnaît qu'il va y avoir une méthode de fixation des loyers, mais ce qu'elle sera, on ne le sait pas du tout. L'impact de cette méthode de fixation, on l'ignore encore totalement. Il serait donc très opportun qu'on fasse connaître aux gens les grandes lignes de cette méthode de fixation, sans compter les notions d'habitabilité et de propreté des logements.

Article 1650.4. "L'article 1616, le paragraphe 2 de l'article 1628 et les articles 1637 à 1641, 1646 et 1647 et le premier alinéa de l'article 1649 ne s'appliquent pas au bail d'un logement."

Comment le législateur peut-il justifier l'abrogation de la sûreté réelle que constitue le privilège du locateur sur les effets mobiliers de son locataire, alors qu'il ne s'est pas encore prononcé sur les recommandations de l'Office de révision du Code civil? Il aurait pu, très facilement, abroger le droit de saisie avant jugement, tout en maintenant le privilège du locateur d'être payé par préférence aux autres créanciers sur les biens de son locataire, évidemment quand jugement était intervenu.

D'autre part, nous ne comprenons pas la suppression de l'article 16.16 du Code civil. On y reviendra, mais c'est celui qui permet dans des cas de réparations ou de rénovations, de demander au locateur de reporter les délais nécessaires pour finir les travaux. A l'article 1652: "Le locateur doit livrer et maintenir le logement en bon état d'habitabilité". Comme nous le mentionnions précédemment, lors de l'étude de l'article 86, il faudrait que le législateur dépose immédiatement ses règlements concernant l'habitabilité et la propreté du logement.

1652.3 dit que le locateur peut déguerpir, si le logement est inhabitable ou s'il le devient sans sa faute. Si le locataire avise le locateur que le logement est inhabitable dans un délai raisonnable, il n'est pas tenu de payer de loyer pour la période pendant laquelle le logement est dans cet état. Qu'en est-il si le locataire n'avise pas le locateur et qu'effectivement le logement soit inhabitable? Sera-t-il alors tenu de payer quand même le lover?

L'article 1652.5 dit que le tribunal peut, à l'occasion d'une demande, déclarer même d'office, qu'un logement est inhabitable. Il peut alors statuer sur le loyer, fixer les conditions nécessaires à la protection des droits du locataire et, le cas échéant, ordonner que le logement soit rendu habitable. Lorsque le tribunal prononce une ordonnance à l'effet que le logement soit rendu habitable, il devrait être tenu de s'enquérir des capacités de payer du locateur et des possibilités de financement pour cet immeuble; autrement, il pourra en résulter des préjudices auxquels il sera impossible de remédier par la suite.

A 1653, on dit: Une amélioration majeure ou une réparation majeure, autre qu'urgente, ne peut être entreprise dans un logement, avant que le locateur ait donné au locataire un avis d'au moins dix jours, indiquant la nature des travaux, la date prévue pour leur début et leur durée. Cet avis indique, s'il y a lieu, la période d'évacuation nécessaire et les autres conditions dans lesquelles s'effectueront les travaux, si elles sont susceptibles de diminuer substantiellement la jouissance des lieux."

Cette exigence d'un avis indiquant la durée des améliorations et des réparations majeures ne tient pas compte de la réalité, car il est presqu'impossible de déterminer à l'avance, la durée de ces travaux, principalement lorsque la structure de l'immeuble est affectée — il s'agit de rénovations ici. Si on tient à garder cet article, qu'on maintienne au moins la possibilité prévue à l'article 1616 du Code civil, de demander une extension de délai lorsque les circonstances le justifient. Le locateur qui a effectué une réparation ou une amélioration doit remettre le logement en bon état de propreté. Cet article risque de créer des problèmes, puisqu'on ne connaît pas encore la notion de propreté. "Le locateur peut s'adresser au tribunal pour récupérer le loyer ainsi déposé. Le tribunal peut alors, notamment, ordonner la remise du dépôt au locateur, permettre au locataire de continuer à déposer son loyer jusqu'à ce que le locateur ait rempli son obligation, ou ordonner la remise du dépôt au locataire. "

Compte tenu que l'article 1654 déclare que "le locataire doit donner un avis préalable d'au moins dix jours avant le dépôt, l'article 1654.1 devrait prévoir la possibilité pour le locateur de demander au tribunal d'empêcher justement que ce dépôt ne soit fait, sinon, même si le locateur a raison, le préavis de dix jours devient inutile. Il faudrait donc permettre au locateur de contester le droit de dépôt avant qu'il ne soit effectué.

Le locataire peut aussi, si l'inexécution d'une obligation par le locateur met en danger la santé ou la sécurité des occupants ou du public, requérir une ordonnance enjoignant le locateur d'exécuter son obligation. D'autre part, le locateur peut demander la résiliation du bail si le logement devient dangereux pour le public ou pour les occupants.

La juxtaposition de ces deux articles nous incite à croire que peu de locateurs exerceront le recours prévu à 1663, de peur de s'incriminer face à une demande subséquente d'un locataire, basée sur l'article 1654.2. "Une personne qui cohabite avec un locataire au moment du décès." Ici, il s'agit tout simplement d'une notion de délai, de rapprocher les mêmes délais pour les héritiers, que ce soit toujours 30 jours d'avis pour qu'ils manifestent leur intention de ne pas continuer le bail. Dans les 30 jours d'une demande de révision de loyer, le locataire peut s'adresser au tribunal pour faire fixer le loyer.

Cet alinéa est inacceptable et devrait être rayé complètement, puisque les parties sont convenues librement d'une prévision de loyer égale et déterminée à l'avance ou, du moins, dont les bases ont été déterminées à l'avance, compte tenu des éléments mentionnés au paragraphe premier de l'article 1658.13. Pourquoi, alors, la régie interviendrait-elle lorsque le locateur doit assumer véritablement cette augmentation de prix? Il s'agit ici d'une clause de rajustement des loyers en fonction de nouvelles dépenses après douze semaines. Oui?

Le Président (M. Laplante): Serait-il possible de venir à la conclusion?

M. Crochetière: D'accord, cela va. Je vais aller à la conclusion.

Avant de terminer, nous aimerions préciser que nous sommes conscients de représenter des intérêts particuliers. Toutefois, nous sommes persuadés que le projet de loi 107 va à l'encontre de la perception générale d'un grand nombre de Québécois, face à la propriété et à l'impartialité des tribunaux.

Nous désirons aussi vous rappeler que nous croyons représenter ici les vrais professionnels de l'habitation qui, jusqu'à ce jour, ont assuré aux Québécois l'un des standards d'habitations les plus élevés au monde.

Ne serait-ce qu'à ce titre, nous prétendons connaître le sujet au moins aussi bien que ceux qui ont présidé à la rédaction du projet de loi no 107.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur, de votre coopération. M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, je remercie l'Association des constructeurs d'habitations du Québec pour son mémoire qui, sans aucun doute, nous sera éminemment utile lors de l'étude, article par article, du projet de loi, puisque, essentiellement,

la facture même du mémoire a été orientée vers des commentaires quant au libellé parfois de certains articles et, sans aucun doute, qu'en revoyant la rédaction de certains d'entre eux, nous tiendrons compte des remarques formulées, notamment en ce qui concerne, par exemple, l'uniformisation des délais qui, dans la mesure où ils seront le plus uniformes possible, pourront éviter de semer de la confusion chez les parties.

Evidemment, de façon peut-être plus fondamentale, je pense qu'il convient de souligner que le projet de loi 107 a visé, a cherché à faire droit aux représentations du monde de la construction en exemptant, tant par l'article 1658.18, les immeubles de moins de cinq ans, de tout contrôle. Ceci est d'ailleurs conforme à une espèce d'entente qui était intervenue lors d'autres amendements de la Loi de conciliation et qui a été maintenue, ici, justement pour permettre une période suffisante pour l'ajustement du coût du loyer.

Cette représentation qui [n'apparaissait fondée à l'époque et qui l'est toujours aujourd'hui m'amène cependant à poser aux représentants de l'Association des constructeurs d'habitations une question justement de fond sur cette relation qu'ils font entre le contrôle des loyers, tel qu'il est préconisé dans ce projet de loi, et non pas le contrôle des loyers comme certains groupements qui sont venus devant cette commission l'ont demandé, et son impact sur le secteur de l'habitation. En d'autres termes, est-ce que l'on croit vraiment que le contrôle des loyers, tel qu'il est proposé dans la loi — et je conviens que les règlements ne sont pas faits mais ils le seront et ils seront déposés en commission parlementaire pour étude article par article — mais est-ce qu'on croit vraiment que la baisse actuelle de la construction de logements au Québec — et qu'on pourrait dire au Canada et aux Etats-Unis de façon générale; j'ai des chiffres sur les Etats-Unis, et la baisse est de moins 50% de mise en chantier, par rapport à l'année dernière, et dans les Etats aussi bien où il y a un contrôle que dans les Etats où il n'y en a pas évidemment — est-ce qu'on croit vraiment qu'il y a un lien de cause à effet entre le type de contrôle proposé ici et cette baisse d'activités dans le secteur de la construction. Si oui, j'aimerais qu'on fasse la démonstration.

M. Crochetière: Je pense que vous venez d'abonder exactement dans le même sens que notre intervention. M. Bélanger, notre économiste, va vous répondre à ce sujet-là.

M. Bélanger (Pierre): M. le Président, M. le ministre, ce n'est pas la première fois qu'on me pose cette question. Je pense que ce n'est pas la première fois non plus qu'on la pose à d'autres individus qui oeuvrent directement ou indirectement dans le secteur de l'habitation. Dans ce domaine-là, je pense que j'ai deux types de commentaires qui vont vous paraître ne pas être une réponse mais je pense qu'ils sont une réponse quand même. Je me permettrai donc de les exprimer. (11 h 45)

En un premier temps, je dirai que cette question est un peu loufoque — excusez l'expression — en autant que la décision d'exercer, de mettre en force un contrôle des loyers, n'est absolument, et la plupart du temps dans tous les pays où cela a été essayé, pas une décision économique, mais une décision de nature politique et sociale.

Donc, dans un premier temps, indépendamment de la méthode de fixation, que ce soit un contrôle souple ou que ce soit un contrôle rigide, il demeure une question de fond à trancher. Jusqu'à quel point est-on intéressé et veut-on évaluer l'impact d'une telle législation sur le volume de construction. C'est la première partie de ma réponse.

La deuxième partie de ma réponse est reliée... Si vous me le permettez, j'aimerais lire une partie de l'annexe que nous avons jointe au mémoire, qui va vous donner dans le fond une idée de l'évolution du secteur locatif dans la région de Montréal à titre d'exemple, qui est très typique du Québec urbain. A ce niveau...

M. Tardif: Je m'excuse mais vous faites allusion à une annexe à votre mémoire...

M. Bélanger: Tel qu'il a été précisé au point de départ par...

M. Tardif: Que les membres de la commission n'ont pas eue encore je comprends.

M. Crochetière: Si vous le permettez je vais vous le distribuer immédiatement. Je pensais que cela avait été distribué avant même que l'on commence notre intervention.

M. Bélanger: Pour ceux qui voudraient suivre, malgré que je ne suivrai pas le texte de façon intégrale, je vais commencer la lecture de ce mémoire à partir de la page 24, je vais sauter des bouts. C'est juste pour vous dire, vous donner une idée de l'évolution du secteur dans la région de Montréal et jusqu'à quel point le contrôle peut être un élément important à ce niveau.

Le Président (M. Laplante): Vous posez une question assez embêtante pour la lecture; c'est que le temps est très limité.

M. Bélanger: D'accord, je peux résumer si vous voulez.

Le Président (M. Laplante): Si vous lavez présenté actuellement, je préférerais qu'il ressorte des questions actuellement des membres de la commission si cela touche...

M. Bélanger: Si on examine le comportement du volume de construction dans la région de Montréal qui est responsable d'environ un peu plus de 50% des mises en chantier au cours des dernières années, on va noter ce qu'on pourrait appeler des fluctuations au niveau de la production comme telle qui sont matérialisées générale-

ment en termes économiques par des fluctuations au niveau du nombre de mises en chantier. A ce niveau, si on examine les données, on va se rendre compte que les fluctuations entre ce qu'on pourrait appeler le sommet et le creux dans un cycle, c'est-à-dire la période à l'intérieur de laquelle va fonctionner le secteur d'habitation dans le cas du locatif, ont produit un écart rarement supérieur à 6000 unités, premier point.

Donc, un écart entre le haut et le bas en terme de cycle à peu près équivalent à 6000 unités sauf en 1969-1970 où il a été supérieur à cela.

M. Tardif: Je m'excuse, mais vous faites référence à un tableau, à un graphique précis dans votre texte?

M. Bélanger: C'est intégralement dans le texte, c'est à la dernière section. Je vous fais un résumé schématique de cette situation.

Si on examine par contre l'évolution de la demande au niveau du secteur locatif dans la région de Montréal, on va se rendre compte que l'écart entre le creux et le sommet est supérieur à 20 000 unités.

Donc, si on regarde le graphique qui est fort éloquent à ce niveau à l'intérieur du texte, on est passé d'un niveau de demandes d'environ 6000 à 7000 avant 1975 à près de 23 000 pour la région de Montréal en 1975 et on se ramasse depuis deux ans, c'est-à-dire en 1977 et en 1978 avec un niveau d'absorption d'environ 4500 unités par année pour l'ensemble de la région métropolitaine de Montréal, ce qui signifie que la région métropolitaine de recensement de Montréal est à peu près équivalente à la définition en termes techniques de l'enquête sur les logements vacants de la Société centrale d'hypothèques et de logements.

Donc, on note un écart entre le creux et le sommet en termes de la demande qui est près de 20 000 unités, tandis que dans le cas de la production il est d'environ 6000 unités.

Cela m'amène à répondre à la question du ministre Tardif dans le sens suivant. On a généralement cru que le comportement cyclique de la construction était relié au volume de la construction. Si vous êtes un investisseur ou un constructeur et que vous vous retrouvez avec une courbe de demandes du type de celle que je viens de décrire, qui va fluctuer entre $6000 et plus de $23 000 et qui va retomber à $4500 à l'intérieur d'une période de cinq ans, je pense que vous avez une orientation de recherche à votre question. Dans un sens, le comportement cyclique de la construction est une chose. Jusqu'à quel point le contrôle va jouer au niveau de l'offre et jusqu'à quel point... Si on regarde le rapport Legault, le rapport Castonguay et l'ensemble des études qui ont été faites dans le domaine de l'habitation au Québec au cours des dernières années, on a probablement surestimé la demande dans le secteur locatif et on se retrouve avec une interprétation qui se situe entre deux courbes qui, depuis 1976, s'en vont de façon tout à fait divergente. Est-ce que cela peut vous apporter quelques éléments de réflexion?

M. Tardif: Je vois, d'après votre graphique de la page 28, une baisse importante des mises en chantier de 1974. C'est cela? Avez-vous fait des études pour savoir à quoi est attribuable cette baisse des mises en chantier qui est particulièrement significative dans le cas des logements locatifs?

M. Bélanger: Si vous regardez à la page 31, à titre d'exemple, vous allez avoir le comportement de ce qu'on appelle l'offre, c'est-à-dire le volume des parachevés, non pas le volume des mises en chantier, ce qui est très différent, selon moi. C'est le volume d'unités mises sur le marché, tandis que dans l'autre cas on a le niveau de la demande.

M. Tardif: Ceci dit, si je prends votre graphique de la page 28, à quoi, selon vous, est attribuable cette baisse de 1974?

M. Bélanger: Je dirais, par expérience professionnelle, pour avoir travaillé environ trois ans au niveau des techniques de prévision, pour répondre de façon précise à cette question... Je pense que toutes les personnes qui ont été entendues par le service technique de la commission des loyers de même que le vice-président de la commission des loyers se sont posé la question. Il devient très difficile d'estimer de façon technique l'impact relatif, par exemple, d'une modification au niveau de la Loi de l'impôt, que ce soient des déductions fiscales de cette nature, l'introduction d'un contrôle des loyers ou quelque autre mesure que ce soit. Cela peut même être les éléments reliés à ce qu'on mentionnait au début du mémoire, c'est-à-dire la législation relative au mode de fonctionnement de l'industrie de la construction.

Si — j'essaie d'être plus schématique — vous essayez d'évaluer l'importance relative du contrôle des loyers sur la baisse de l'activité dans la construction, vous êtes pris avec ce que j'appellerais un problème technique d'évaluation. Il demeure cependant le fait que tout investisseur, surtout dans le domaine locatif, compte tenu des mises de fonds qui sont en cause, même si ce n'était que pour la durée de l'immeuble dans certains cas, est aussi sensible aux comportements politiques qu'aux fluctuations de la demande.

Ce que j'ai précisé dans la première partie de ma réponse, c'est que, si vous êtes un investisseur et que vous faites face à un niveau de demandes qui fluctue d'une façon aussi fantastique que celle qui a cours dans une région comme Montréal, vous avez déjà un problème d'interprétation à la base.

M. Tardif: Je dois donc déduire de votre réponse qu'on ne saurait invoquer de facteur unidimensionnel pour expliquer les fluctuations aussi importantes que celles-là. Il y a un ensemble de facteurs qui peuvent être des mesures fiscales, et comme par hasard, il y a eu cette année-là des dégrèvements fiscaux. Finalement, il faut chercher les réponses dans un ensemble de variables qui ont pu exercer une influence. C'est ce que je dois comprendre de votre réponse.

M. Bélanger: Oui, bien que l'impact du contrôle des loyers au niveau de l'offre soit certain. Quelle est l'importance relative du contrôle des loyers? Est-ce qu'il est responsable de 10%, 20%, 30%, 40% ou 50% à court terme? A long terme, quel est son impact?

Le deuxième point, si vous me permettez de le répéter encore. Je pense qu'on a trop mis l'accent jusqu'à maintenant sur le comportement cyclique de la production, quand peut-être la base même de notre problème est de la nature de la demande. C'est-à-dire que, si vous faites référence à n'importe quel technicien qui a évalué, en 1971, la croissance des ménages non familiaux et si vous regardez, depuis deux ou trois ans, le taux réel d'augmentation de la clientèle du secteur locatif, vous allez vous "ramasser", comme on dit en termes familiers, avec une "gang" de problèmes, dans le sens que vous faites face à des niveaux de chômage, dans la région de Montréal, qui sont très élevés, qui ont fait en sorte de grever le niveau de la demande et ont fait en sorte que, si vous êtes un investisseur, vous avez, au point de départ, un problème de demande, mais vous avez aussi un problème au niveau de l'offre. Etes-vous capables d'assurer la rentabilité de cet immeuble à l'avenir? A ce moment, ça devient un comportement, on en est rendu au niveau psychologique, la psychologie d'investisseurs face à un marché quelconque.

M. Tardif: Ce que vous êtes en train de nous dire, si j'ai bien compris, c'est que, finalement, ce n'est peut-être plus uniquement un problème économique, mais c'est peut-être également un problème politique et social, à savoir d'assurer, par diverses politiques, que les gens aient les moyens de satisfaire ou de... enfin, que la demande soit maintenue, puisque vous posez le terme beaucoup plus de ce côté maintenant.

M. Bélanger: La demande de logements n'est pas un phénomène qui s'accumule; c'est-à-dire que les besoins de logements ne s'accumulent jamais, c'est un concept qui peut vous paraître bizarre, mais ça ne s'accumule absolument pas; on mesure uniquement un niveau d'absorption sur le marché.

M. Tardif: D'accord. Je voudrais revenir à votre graphique de la page 28 où on voit un sommet sans précédent en 1976 avec, en chiffres absolus, environ 68 000 unités de logement mises en chantier. A ce moment, évidemment, il y avait un facteur constant, qui était là en 1974 et en 1976, qui était la Loi de la régie. Je pense que ça renforce l'argument qu'il n'y a pas de cause unique qui joue dans ce domaine et ce plateau ou ce sommet atteint indique bien que la loi de l'existence du contrôle à ce moment n'a pas empêché ces mises en chantier, mais elle peut peut-être expliquer aussi, à certains égards, une baisse dans les années qui suivent, ajustée ou accouplée au problème de la formation des ménages non familiaux.

M. Bélanger: J'ai tenté, depuis le début de mon intervention, d'être ouvert. Je pense que, jusqu'à un certain point, vous cherchez à réduire le débat en disant que le contrôle des loyers n'a eu aucun impact sur le comportement de la production. A titre d'exemple, pour expliquer les fluctuations de l'offre, on peut noter que l'exemption de cinq ans a été maintenue, il y a eu un ensemble de programmes gouvernementaux — qui ne sont pas de ce gouvernement — qui ont été introduits et qui ont rendu le secteur locatif très attrayant. Jusqu'à un certain point, ils ont été introduits dans une période de relative inactivité, ce qui a fait en sorte qu'il y a eu de la construction. Ce que j'essaie de vous préciser depuis le début, c'est que vous pouvez essayer de mesurer le comportement cyclique de la production, mais il ne faudra jamais oublier le comportement cyclique de la demande. Ce qui fait que, jusqu'à un certain point — si je le résumais encore de façon plus précise, à titre d'exemple — votre contrôle des loyers risque d'avoir un impact autant au niveau de l'offre qu'il risque d'en avoir un au niveau de la demande. Il peut venir un temps où, compte tenu des dispositions du projet de loi 107, vous allez favoriser exclusivement le statut de locataire pour l'ensemble des individus au Québec, ce qui va faire en sorte qu'il sera plus payant de demeurer locataire que de vouloir devenir propriétaire. En tant que société, on peut avoir le choix de déterminer si on veut demeurer locataire ou avoir un accès à la propriété si possible.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci, M. le Président. Les baisses de 1977, 1978 et 1979, dans ce graphique, selon vous, sont reliées surtout à la demande?

M. Bélanger: A titre d'exemple, dans le cas de la région de Montréal, en 1977-1978, il y a eu plus de 12 000 unités en surplus. Il faut que vous compreniez la position qu'on a énoncée au point de départ; je pense qu'en tant que constructeurs, nous connaissons le système de fonctionnement de l'industrie de la construction. Prenez comme exemple un immeuble à appartements de 200 logements en chantier, il ne faut pas vous imaginer que, demain matin, cet immeuble sera dans votre cour et va accueillir des personnes. Dans ce sens, je reviens sur le même sujet; jusqu'à quel point peut-on prévoir le niveau de la demande et jusqu'à quel point le comportement des mises en chantier n'est-il pas décalé par rapport à ce niveau? Dans votre cas particulier, il n'y a personne qui a estimé la baisse de la demande depuis 1976. (12 heures)

M. Scowen: Je sors un peu de la question du projet de loi 107, mais vous avez fait une prévision pour 1979. Vous ne prévoyez aucune relance d'ici la fin de l'année?

M. Bélanger: Aucune, sinon encore une détérioration du marché, c'est-à-dire un volume peut-être même inférieur à 40 000 unités de mises en chantier.

M. Scowen: Et le...

M. Bélanger: Le secteur unifamilial devrait en prendre 30 000, selon moi, et le secteur locatif 12 000, quelque chose comme cela.

M. Scowen: Et qu'est-ce que vous prévoyez — je ne sais pas s'il y a des chiffres là-dedans — en ce qui concerne le taux de vacance?

M. Bélanger: Le taux de vacance? Si vous regardez dans la région de Montréal, il est passé de 0,9% en avril 1975 à — le taux global de vacance — à plus de 6% en octobre 1978, ce qui représente une augmentation, en termes du nombre d'unités vacantes, de quelque chose comme 4000 à plus de 33 000 unités vacantes dans la région de Montréal.

M. Scowen: Alors, est-ce qu'on peut dire que si le taux de vacance devient plus grand et...

M. Bélanger: II va devenir plus grand au cours de l'année.

M. Scowen: ... et la construction devient plus petite, la population est en train de diminuer?

M. Bélanger: Je voulais lire...

M. Scowen: C'est la dernière question que je vais vous poser là-dessus, parce qu'il faut retourner à la loi 107, mais est-ce qu'il y a d'autres raisons qui...

M. Bélanger: II y a un ensemble de facteurs qui déterminent le niveau de la demande, autant sur une base globale que sur une base par secteurs, au niveau unifamilial et au niveau locatif.

M. Scowen: Oui, oui.

M. Bélanger: Pour ce qui a trait au secteur locatif, si vous regardez les caractéristiques majeures de cette clientèle, elles sont grandement affectées à l'heure actuelle par des taux de chômage élevés, par une croissance des revenus relativement plus faible qu'au cours de la première partie de 1970, ce qui fait en sorte qu'on peut même noter, dans certains cas, une tendance vers le surpeuplement des logements, au lieu de la tendance inverse qu'on avait notée jusqu'à maintenant.

M. Scowen: Simplement pour répéter, est-ce que je me trompe si je dis que si le taux de vacance monte et si le nombre de nouveaux logements diminue, cela va de soi que la population n'augmente pas?

M. Bélanger: Si vous regardez...

M. Scowen: II y a d'autres facteurs...

M. Bélanger: Oui, c'est un très grand facteur, pour autant que, à titre d'exemple, tout...

M. Scowen: II faut une analyse plus profonde que cela.

M. Bélanger: C'est cela.

M. Scowen: Ce que je veux vous demander, peut-être sur le plan de ce projet de loi, comme on sait, comme beaucoup de problèmes dans la vie sont la cause de plusieurs facteurs, c'est toujours difficile de sortir d'une façon scientifique le poids d'un élément comme tel. Nous sommes, faute de scientifiques, rendus aux questions de jugement, et c'est votre jugement que je veux avoir. Vous avez dit dans l'introduction que tout se passe comme si le problème du logement se limitait aux relations locateurs-locataires, sans devoir tenir compte des autres éléments de la problématique. C'est une critique, en effet, de la loi 107, et la question que je vous pose est la suivante: Est-ce que vous pensez que ce projet de loi, tel que rédigé actuellement, aura un effet néfaste, négatif sur la construction de logements à Montréal, si 107 devient loi, si le projet de loi est adopté comme tel?

M. Gazaille: Je pense que cela peut avoir un effet. Mais comme M. Bélanger le mentionnait tout à l'heure, par rapport à la diminution des logements actuellement qu'il va y avoir en construction, disons qu'il y a un surplus, en plus de cela, si l'entrepreneur ou l'acheteur de maisons d'appartements ne trouve pas le rendement dans une maison d'appartements aussi bien qu'en plaçant le même argent à la banque, automatiquement, vous n'aurez pas de bonshommes intéressés à l'investissement. La Régie des loyers est quand même nécessaire, nous n'avons jamais été contre, en principe. Cela dépend de la manière dont elle sera appliquée. Maintenant, la Régie des loyers avait un besoin en 1974, peut-être qu'il est moindre aujourd'hui. Du fait, comme M. Bélanger nous le mentionnait tout à l'heure, que vous avez un surplus de logements dans la région de Montréal ou pour la province de Québec, en partie, c'est qu'une régie, dans le moment, c'est l'offre et la demande.

Si vous regardez les journaux de fin de semaine, vous allez trouver plusieurs pages qui annoncent trois ou quatre mois gratuits; ce qui veut dire que l'entrepreneur se régit lui-même. Même s'il a cinq ans, c'est régi par lui-même. Je ne sais pas si cela répond un peu à votre question ou si...

M. Scowen: Non, je vous demande d'une façon peut-être plus précise, si un investisseur, devant les projets de loi et le Code civil, qui existent déjà dans ce domaine, sur le point de construire quelque chose de nouveau dans un secteur, parce que le taux de logements vides n'est pas égal dans toutes les catégories du

marché... Si, par exemple, on n'avait pas de taux de vacances; prenons l'exemple quand il y avait une demande pour une certaine catégorie de logements, est-ce que ces changements du Code civil, les changements de la commission qui deviendra une régie, les contrôles, tout ce qui est élaboré là-dedans, sont importants, comme contexte, comme vous avez un peu suggéré dans votre introduction? Parce que je cite ce commentaire de votre propre document.

M. Bélanger: Je pense que l'on doit dire de façon claire, nette et précise que l'impact est certain et qu'il est quand même important. Quelle est la mesure, comme vous le disiez, au point de vue scientifique, de cet écart? Vous allez toujours être pris avec un niveau, un problème technique, depuis surtout 1976. En même temps qu'il y avait un contrôle des loyers, il y avait un programme de construction de logements financés par la Société centrale d'hypothèques et de logements qui était très avantageux, parce que l'on avait découvert qu'il y avait une pénurie de logements ce qui a même motivé l'introduction du contrôle des loyers.

Maintenant, on doit admettre de façon claire, nette et précise qu'il y a des fluctuations au niveau de l'office et de la demande, quant à la situation du locateur et du locataire, selon la période du cycle à l'intérieur de laquelle on se trouve, favorables, dans le fond, au locateur ou au locataire. Dans cette optique, une grande partie des problèmes qui sont reliés à la fixation du bail ont toujours été réglés jusqu'à l'introduction du contrôle des loyers, de façon équitable et harmonieuse dans un très grand nombre de cas entre les deux parties.

En ce qui a trait à d'autres motifs sur lesquels la Commission des loyers fonctionne, j'aimerais peut-être laisser la parole à Serge Crochetière.

M. Scowen: Avant que vous preniez la parole, simplement pour ne pas vous avoir mal entendu, pour vous, les effets négatifs du projet de loi tel que proposé aujourd'hui, seront certains et importants.

M. Bélanger: Oui, autant au niveau du volume qu'en termes de la répartition des mises en chantier à l'avenir en ce qui a trait à la location et à la propriété, parce que vous venez d'introduire la permanence du droit au logement pour un locataire.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Hyacinthe.

M. Crochetière: Tout ce que j'aurais à ajouter, c'est qu'il y a aussi certains éléments qu'il serait nécessaire que l'on connaisse, comme: Quel va être la méthode de fixation des loyers? Cela aussi va jouer considérablement au niveau des investissements. Si, par exemple, il y avait un mécanisme de fixation qui ferait en sorte que désormais le loyer était payable en fonction des capacités de payer du locataire, évidemment, il y aurait peut-être même plus de construction. Alors, c'est toujours relatif aussi, à la réglementation sous-jacente à cette loi. Plus la loi va être dure, plus il va y avoir un fort impact sur la construction de nouveaux logements.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Concernant les demandes de location, dans quelle catégorie de loyers la demande est-elle la plus forte? Avez-vous des statistiques concernant...

M. Crochetière: A titre d'exemple, les données qui existent à l'heure actuelle sont des données, soit par région, soit par taille de logement, soit par catégorie d'immeubles. Au niveau des grands logements, la demande est très forte, sauf que si vous voulez construire un cinq et demi à l'heure actuelle, avec les techniques de construction courantes, avec les coûts de construction courants, cela me surprendrait qu'il ait été donné aux constructeurs la science et la possibilité de construire des logements vieux et usagés à $200 dans le centre-ville de Montréal.

M. Cordeau: Est-ce que — tantôt, j'avais d'autres questions, vous y avez répondu — vous croyez que, si la demande est plus faible, c'est parce qu'il y a des logis qui se vident, parce que c'est un exode des citoyens? Parce que vous avez parlé d'émigrants de la région de Montréal vers d'autres parties du Canada ou de la province et ainsi de suite, est-ce un des facteurs?

M. Bélanger: C'est un des facteurs parmi un ensemble, ce qui fait en sorte que la demande, c'est un nombre d'unités, de preneurs sur le marché si on veut le résumer de cette façon-là, ce nombre de preneurs est directement relié au nombre d'individus qu'il y a à l'intérieur, de même que la mobilité qui va exister à l'intérieur de ce marché. Dans beaucoup de cas, à titre d'exemple, les locataires, pour reprendre un chiffre, se déplaçaient dans 20% des cas. Jusqu'à quel point, maintenant, cette mesure n'est pas rendue à 5%, 10%, cela va fluctuer autant au niveau de l'absorption de la production neuve. Je ne sais pas si vous me comprenez à ce niveau-là. Je pense qu'on ne doit pas être aussi catégorique que cela, malgré qu'avec un nombre donné d'individus, s'il est à la baisse, vous avez une demande qui est directement inférieure.

Le Président (M. Laplante): C'est tout? M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, je suis tout à fait d'accord sur les prévisions de M. Bélanger quant au volume de construction à prévoir pour l'année à venir et l'importance de la demande dans cette production de logements. Evidemment, c'est vrai qu'il y a un taux de vacance relativement élevé,

encore qu'il faudrait voir dans quel sous-marché cela s'applique, mais je ne sais pas s'il est d'accord sur certaines données qui nous ont été fournies ici qui indiquent que la formation des ménages familiaux est baissée de 2,8% à 2,3% et celle des ménages non familiaux de 5,9% à 3,9%. Donc, il y a là une diminution importante dans le taux de formation des ménages qui, évidemment, se reflète dans la demande de logements. Est-ce qu'il est d'accord sur cette tendance?

M. Bélanger: Je n'ai pas vérifié les chiffres comme tels, mais au niveau du principe oui.

M. Tardif: Au niveau du principe.

M. Bélanger: Bien que si vous me le permettez, j'aimerais faire un bref commentaire sur ce qu'on appelle un taux de vacance désirable. On a toujours admis, à peu près au niveau de l'ensemble des textes législatifs, que ce soit au Québec, au Canada ou dans les autres pays, qu'un taux de 4% à 5% était jugé acceptable. A ce niveau-là, je me permettrais, contrairement aux autres individus qui ont touché au secteur, de dire que présentement ce niveau est inacceptable. Pour autant que le niveau du taux de vacance est relié au degré de mobilité à l'intérieur d'une zone donnée, dans le cas présent, un taux supérieur à 3%, selon moi, dans une zone comme Montréal, est déjà un taux critique, si vous me permettez. Dans ce sens, il s'agit d'être non pas strict, comme dans une loi par exemple, mais il s'agit d'être assez ouvert d'esprit pour voir que cela va fluctuer dans le temps.

M. Tardif: Mais si on reste dans cette ligne de raisonnement, le nombre de causes amenées devant la régie cette année devrait diminuer de façon importante puisque, finalement, le marché va s'ajuster à des conditions raisonnables.

M. Bélanger: D'une part oui, dépendant aussi de la campagne de publicité entreprise par la Commission des loyers.

M. Crochetière: De plus, le fait de faciliter les procédures et les recours aux locataires et même, jusqu'à un certain point, de les inciter tout simplement en cautionnant leur refus de répondre peut être aussi une explication à la croissance des demandes devant la Régie des loyers.

M. Tardif: J'ai ici une citation du Ontario Economic Council qui affirme que, finalement, le contrôle des loyers suit la baisse de production plutôt qu'il ne la provoque. Mais en fait, on voit: "The most dramatic drop during the recent slowdown in residential construction activity has been in the construction of multiple units for rental. The resulting upward pressure on rents is already evident. It is likely to continue. Rent control is therefore frequently suggested as a response to this."

Si on se place dans la ligne présentée par l'Association des constructeurs d'habitations, on dit, par exemple: Si l'imposition d'un contrôle des loyers réduit présumément l'offre nouvelle de logements locatifs, son abolition devrait logiquement provoquer une reprise dans ce secteur. Or, toutes les expériences, tant au Canada qu'aux Etats-Unis, dans ce domaine-là — et ailleurs en Europe — n'ont pas produit ce résultat. Je pense qu'il serait temps de confirmer que la relation cause à effet n'est peut-être pas si directe que cela, évidemment, selon le type de contrôle. Et là, on rejoint ce que Me Crochetière disait, que, finalement, il faudrait peut-être attendre d'avoir la méthode de fixation pour savoir si celle-ci, justement, va avoir un effet indiqué. (12 h 15)

M. Crochetière: Entre autres choses, oui, et aussi quant à l'esprit de la loi, ça peut avoir un effet, étant donné les mécanismes rigides qu'elle contient. C'est la raison pour laquelle on s'oppose, en principe, à cette loi; c'est qu'elle est trop rigide et aussi, qu'il s'agit d'une action parcellaire sur le milieu de la construction, sans aucune concertation avec les autres éléments du problème.

M. Bélanger: De plus, si vous permettez, pour répondre de façon directe à la question de M. Tardif, il existe une différence de législation qu'il s'agit de considérer au point de départ, qui, je pense, explique beaucoup le phénomène. En ce qui a trait à l'aspect de suivre ou de provoquer des fluctuations au niveau de la production, je me place dans la peau d'un politicien et je me dis que, quand le taux de vacance va être très faible, j'ai une possibilité d'intervenir et, une fois que je suis intervenu, je ne peux pas me retirer de ce secteur. Dans ce cadre, la loi, dès son introduction, était peut-être justifiable par rapport à une évolution au niveau de l'offre et de la demande.

Maintenant, elle me paraît totalement inacceptable, en ce qui a trait strictement au point de vue économique.

M. Tardif: Je n'ai pas d'autre question, M. le Président. Encore une fois, je remercie l'Association des constructeurs d'habitations du Québec.

Le Président (M. Laplante): MM. Bélanger, Rousseau, Gazaille, Crochetière, les membres de cette commission vous remercient de votre participation. J'appelle maintenant l'Association des étudiants en résidence de l'Université de Montréal.

Veuillez identifier votre organisme et les personnes qui vous accompagnent.

Association des étudiants en résidence de l'Université de Montréal

M. Paul (Denis): M. le Président, permettez-moi de vous présenter d'abord Mlle Renée Tremblay, déléguée de l'Association des étudiants en résidence de l'Université de Montréal; M. André Paquin, président de l'association; à ma gauche,

M. Jacques Thisdale, responsable aux affaires externes de l'association et, à l'extrême-gauche, Me Jean Perreault, conseiller de l'association. Mon nom est Denis Paul.

Je voudrais d'abord remercier les gens de la commission de la possibilité qui nous est offerte de présenter à votre commission un mémoire touchant les problèmes auxquels ont à faire face les étudiants en résidence de l'Université de Montréal. Si vous le permettez, vous constaterez d'abord que notre mémoire est très court, nous avons voulu vous produire un mémoire le plus court possible, étant donné que votre commission est déjà chargée, et nous avons préféré retenir trois recommandations. Si vous le permettez, nous allons procéder à la lecture dudit rapport.

L'utilisation d'un recours à portée sociale, dans le cadre de la vie étudiante, peut soulever de vives polémiques. D'une part, les étudiants sont tributaires des conditions qui leur sont consenties par le ministère de l'Education et, d'autre part, ils ont le privilège d'exercer les recours ouverts à tous les citoyens. Ainsi, les étudiants des résidences de l'Université de Montréal se sont prévalus de certaines dispositions de la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires pour contester une hausse de loyer décrétée par l'administration des résidences de l'Université de Montréal.

C'est dans ce contexte et à la suite de cette expérience que l'Association des étudiants en résidence de l'Université de Montréal regroupant 1176 étudiants tient à présenter les quelques recommandations qui suivent aux membres de la commission parlementaire chargée d'étudier le projet de loi no 107.

Tout d'abord, au niveau de la juridiction, nous ne pouvons que nous réjouir en constatant que l'article 1 du projet de loi no 107 référant aux articles 1650 à 1650.3 du Code civil place toujours les chambres sous la juridiction de la Régie du logement. Cependant, l'article 27.2 du même projet de loi vient mettre en danger la conservation des logements en prévoyant qu'une chambre vacante peut être affectée à une autre utilisation sans que soit requise l'autorisation de la Régie du logement.

De plus, l'article 27, dernier paragraphe, impose un simple devoir de consultation au gouvernement et à un de ses ministères ou organismes. En conséquence, l'Association des étudiants en résidence de l'Université de Montréal recommande la suppression de l'exception des chambres vacantes à l'article 27.2.

L'article 27.2 se lit de la façon suivante: "Nul ne peut, sans l'autorisation de la régie, démolir un logement, le subdiviser ou en changer la destination. Toutefois, cette autorisation n'est pas requise dans le cas d'une chambre vacante ou d'un terrain destiné à l'installation d'une maison mobile, s'il est vacant."

A l'Université de Montréal, suite à l'action entreprise à la Régie des loyers en septembre dernier, il semble que la direction des résidences de l'Université de Montréal ait l'intention, afin de rentabiliser les trois immeubles qui sont actuellement occupés par des étudiants résidents, que l'université semble avoir l'intention de transformer une partie des chambres actuellement utilisées par les étudiants, en bureaux. Dans ce cadre-là, les dispositions prévues à la loi pourraient être modifiées afin de préserver ces logements dans la même optique que le reste de la loi.

La recommandation: La suppression de l'exception visant une chambre vacante à l'article 27.2., ou: Une addition d'une disposition spécifique visant les chambres d'étudiants, et ce, pour le niveau collégial ou universitaire. De plus, nous recommandons la suppression du paragraphe dernier de l'article 27.

Le deuxième chapitre de notre mémoire concerne le recours collectif. Les articles 45 et 46 du projet de loi no 107 prévoient la jonction ou l'instruction commune des demandes présentées à la Régie des loyers. Nous croyons que c'est au niveau préliminaire que devrait opérer une disposition visant à permettre à une personne morale dûment constituée de représenter tous ses membres en une seule procédure.

Nous considérons que la loi, ici, semble être hésitante et je ne crois pas que l'on règle, par ces dispositions, le problème de la multiplicité des demandes. Nous avons eu l'occasion de vivre une expérience à la Régie des loyers où nous avons dû faire compléter, à nos étudiants, 738 demandes, lesquelles ont été jointes, comme le proposent les articles 45 et 46, en une seule audition.

M. Thisdale va vous faire un résumé de la situation là-dessus, afin de vous expliquer la complexité et la multiplicité des procédures que nous avons dû suivre, étant donné que, dans la loi et dans le projet de loi, il n'y a aucun recours collectif prévu.

M. Thisdale (Jacques): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, mon intervention va se situer à deux volets. Dans un premier temps, je vous exprime un peu l'historique de la situation que nous avons vécue en résidence, à l'Université de Montréal. Dans un second temps, je vais vous exprimer les formalités auxquelles on a dû s'astreindre et l'ampleur des coûts que cela peut représenter face aux fonds publics.

Dans un premier temps, en février dernier, l'administration des résidences nous annonçait une hausse des prix des chambres de l'ordre de 28,5% pour ce qui avait trait aux chambres simples et de 33,3% pour ce qui avait trait aux chambres doubles. Bien entendu, dès l'instant où on a eu l'annonce de cela, on s'est interrogé à savoir quels recours s'offraient à nous. On s'est présenté à la Régie des loyers, question de prendre des informations. A ce moment-là, on nous a dit qu'il fallait revenir en septembre et se prévaloir des dispositions de la loi de conciliation, article 29b et 29d, soit le recours du nouveau locataire. Alors, en septembre 1978, l'Association des étudiants en résidence de l'Université de Montréal, via le comité s'occupant de la question de la hausse, décide de faire remplir des formules de demande du

locataire. Bien entendu, notre association regroupe 1176 étudiants et le fait de faire remplir 1176 fois la formule pouvait poser de graves problèmes. En effet, des problèmes se sont posés et l'inévitable est un peu arrivé. Il y a des formules qui se sont perdues en cours de route. Autant elles ont pu se perdre chez nous, autant elles ont pu se perdre en cours de route ou à la Régie des loyers.

Cependant, en expédiant nos formules à la Régie des loyers, il faut admettre qu'on a eu un peu de chance en pouvant les expédier directement à la Régie des loyers ce qui nous a évité d'envoyer chaque demande de réduction de loyer par voie de courrier recommandé.

Suite à cela, au mois de janvier, chacun des étudiants en résidence ayant fait une demande de réduction de loyer a reçu un avis d'audition du bureau de l'administrateur. Cette même journée, l'association elle-même avait reçu un avis d'audition. On avait, d'une part, un avis d'audition au nom de l'association et un avis d'audition au nom des locataires ce qui nous porte à croire qu'on voulait peut-être faire appel à un certain recours pour l'ensemble de la population.

Le 22 janvier, on a une première audition au palais de justice de Montréal. Conformément à l'esprit de la loi, l'administrateur nous recommande la conciliation. Bien entendu que la conciliation avait été tentée dans les huit mois précédents, mais on n'avait pu arriver à une entente. Mais, pour se conformer à la loi, pour se conformer à l'esprit de la loi par recommandation de l'administrateur, on s'est encore présenté à une rencontre de conciliation. Il a été impossible de s'entendre à nouveau.

Le 5 février, on s'est rendu encore à la Régie des loyers pour une seconde audition et, le 14 février, nous avons reçu le jugement de Me Michel Bolduc de la régie qui nous accordait une baisse de loyer de l'ordre de $1 par semaine. Bien entendu que, dans le jugement, il y avait certains problèmes qui se posaient, tel le fait qu'on ignorait complètement la question des chambres doubles.

Depuis, on avait placé une demande en appel à la Commission des loyers et, encore là, on a pu constater qu'il y avait une certaine confusion qui pouvait régner à la Commission des loyers, une confusion qui se traduisait, d'une part, par la réception d'une lettre de M. Gaston Massé, directeur des questions d'appel à la Commission des loyers qui nous disait que notre appel était non recevable et, d'autre part, on recevait un avis d'audition pour se présenter devant la Commission des loyers. Il y avait un certain paradoxe et cela a semé une certaine confusion.

Dans un deuxième temps, j'aimerais vous faire part des formalités et un peu des coûts que cela peut représenter au niveau des deniers publics. Dans un premier temps, on devait remplir une formule de demande du locataire. A 1176 demandes, en supposant qu'il y en avait 1000 qui partaient, le prix que cela coûtait, c'était quasiment $2500 seulement pour le courrier recommandé, les formalités, etc. C'est $2500 que cela coûte à l'association étudiante via les contributions de ses membres.

Cependant, une fois ces formules envoyées, le gouvernement doit nous renvoyer des avis d'audition sous recommandation. Quand on sait le prix que coûte une lettre qui est envoyée provenant du gouvernement, on peut parler de quasiment $5 la lettre.

Ensuite de cela, suite aux demandes du locataire, les gens dont les formules étaient perdues ou qui ont décidé de faire une demande ont fait des demandes en extension de délai. Encore le même manège qui recommence et encore de l'argent dépensé d'une drôle de manière.

Ensuite, on se présente devant la Commission des loyers pour des formalités d'appel, les mêmes formalités qui recommencent. Encore là, il y a de l'argent qui est dépensé. Présentement, on a évalué les coûts impliqués: ils sont de l'ordre d'environ $19 000 en termes de lettres qui ont été envoyées à l'association et à ses membres. (12 h 30)

On croit que par rétablissement d'un recours collectif, on minimise les coûts et, d'autre part, on facilite l'audition des demandes. En cour, on s'est entendu sur un cas type, cas type qui a été sélectionné au travers des 738 demandes. Donc, il y a eu double emploi de la question. On a un cas type et un jugement est appliqué à l'ensemble des gens qui en ont fait la demande. Donc, pour notre part, il nous semble qu'il y a un mauvais emploi à ce niveau. Cela pourrait faciliter de beaucoup les procédures tant pour le gouvernement que pour l'association.

M. Paul: Dans cette optique, l'Association des étudiants en résidence du campus de l'Université de Montréal recommande l'adoption d'une disposition prévoyant la possibilité pour tout groupement ou toute association dûment constituée, et ce, en vertu d'une loi de la Législature, de présenter une demande pour le compte et l'avantage de chacun de ses membres. Nous considérons qu'une telle recommandation s'inscrit dans les principes, les buts et les visées de la loi actuelle.

Notre troisième recommandation touche le droit d'ancienneté. L'article 1660.6 est le seul qui fasse mention spécifiquement du cas des résidences d'étudiants. Son principe nous semble d'ailleurs bien fondé. Une institution d'enseignement qui loue un logement à un étudiant peut demander la résiliation du bail si ce dernier cesse d'être étudiant à cette institution. Le principe de cet article nous semble bien fondé. Cependant, nous voudrions voir ajoutée à la loi une disposition pour que l'étudiant voie consacré son droit d'ancienneté pour la prochaine période scolaire et qu'il puisse ainsi être assuré de pouvoir signer un nouveau contrat de location. Dans le même sens qu'un locataire est protégé de l'éviction et peut demander à la Régie des loyers un renouvellement de son bail, nous recommandons à la commission l'adoption d'une disposition prévoyant que sur avis d'un mois, avant la fin du bail ou de l'année scolaire, selon le cas, l'étudiant puisse signifier au locateur sa volonté d'être à nouveau locataire, et ce, pour l'année scolaire suivante, et, de ce fait, en

obtienne automatiquement le privilège. Le privilège est donné à un locataire de demander le prolongement ou le renouvellement de son bail, mais la loi semble ignorer le cas des étudiants qui se retrouvent devant une période de location de huit mois, soit l'année scolaire.

M. Tremblay: Ce droit de renouveler le bail, tous les gens qui louent un appartement l'ont. Les étudiants vivent leurs années scolaires avec peu de moyens. Ils doivent régulièrement s'endetter. Alors, on considère qu'ils devraient avoir le même droit que tout le monde, soit de pouvoir renouveler leur bail quand il vient à terme pour la prochaine année scolaire et que la particularité de la vacance scolaire ne porte pas préjudice à l'étudiant. Que le fait qu'on ait des vacances de quatre mois — c'est le système qui l'a décidé ainsi, on est obligé de s'y plier — ne nous cause pas d'ennui pour le logement.

Donc, socialement, tout le monde a le droit de renouveler un bail. Pourquoi ne l'aurait-on pas nous aussi d'année en année.

D'autre part, cette année, on a entrepris une contestation à la Régie des loyers. On a eu une baisse de loyer. Cela représente quand même un montant assez important, si vous considérez qu'il y a 1176 résidents. C'est de l'ordre de $40 000. Ajoutez à cela les frais d'avocats, etc. Evidemment, on peut considérer qu'on a causé un certain problème aux administrateurs des résidences, du fait qu'on ait fait cette contestation. Il n'y a rien qui oblige le gérant des résidences, à l'heure actuelle, à me reprendre l'année prochaine. Cela constitue inévitablement un rapport de force lors des négociations avec le locateur. Merci.

M. Paul: M. le Président, en conséquence, nous recommandons de plus à la commission — ce n'est pas à l'intérieur de notre mémoire — que la loi prévoie l'obligation pour un locataire de donner un avis, dans le cas d'un bail de moins d'un an, dans les trente jours signifiant son intention de ne pas renouveler le bail. Alors, on se retrouve avec des locataires qui ont un bail du mois de septembre au mois d'avril. Est-ce qu'actuellement, selon les dispositions de la loi, l'étudiant doit donner avis — parce que c'est un locataire au même titre que le locataire de l'entreprise privée — qu'il ne renouvelle pas son bail? Sinon la loi prévoit-elle que le bail est renouvelé, et ce, aux mêmes conditions pour la même période?

Dans le cas des résidents étudiants, la vocation de ces immeubles est différente durant la période estivale, durant la période où les étudiants ne sont pas occupants des immeubles en question. Par contre, nous recommandons que, pour le cas d'étudiants, universitaires ou de niveau collégial qui sont résidents, ces derniers ne soient pas obligés d'envoyer l'avis de non-renouvellement de bail dans le cas d'un étudiant, de sorte que les étudiants qui n'auraient pas envoyé d'avis de non-renouvellement de bail ne se voient pas liés par un nouveau bail comme le serait la personne sur le marché public.

C'est l'ensemble de nos recommandations et, si vous avez des questions, il nous fera plaisir d'y répondre.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs, madame!

M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, je tiens à remercier l'Association des étudiants en résidence de l'Université de Montréal pour son mémoire et j'aimerais peut-être aborder les trois points couverts dans ce mémoire.

C'est évident qu'à partir du moment où la décision a été prise par le gouvernement et le législateur d'inclure les chambres dans le champ de compétence de la régie, on taillait un petit peu dans du droit nouveau. La loi, en fait, a dit: Toute chambre dans un local d'habitation qui comprend trois chambres et plus sera soumise au contrôle de la régie. Elle n'a pas fait de cas particulier des ensembles comme ceux que vous habitez, où on retrouve une très forte concentration d'étudiants ou de chambreurs dans des immeubles spécialement conçus à cette fin, si bien que c'est pour ça qu'il faut relire l'article 27, tel qu'il est, et qui dit: "Nul ne peut, sans autorisation de la régie, démolir un logement, le subdiviser ou en changer la destination — dans le cas des chambres, c'est ça que touche votre mémoire — toutefois, cette autorisation n'est pas requise: 2. dans le cas d'une chambre vacante..."

Cela a été mis là pour couvrir le cas du propriétaire d'un duplex dont les enfants sont partis, qui décide de louer trois, quatre chambres et qui, tout à coup, à un moment donné, vend la maison ou la loue à un locataire qui, veut l'occuper en entier avec sa famille. Donc, dans ce cas-là, il nous apparaissait abusif, comment dirais-je, d'interdire le changement d'affectation.

Je reviens maintenant au cas particulier que présentent des résidences d'étudiants ou un très grand nombre de chambres qui ont été conçues expressément à ces fins et ce n'est pas un accident qu'on loue des chambres. Je pense qu'il y aurait lieu, effectivement, de regarder ce cas précis pour essayer d'adapter le projet de loi à cette situation particulière que présente ce type de résidence.

Je ne voudrais pas discuter du mérite de la cause, d'autant plus qu'elle peut, à certains égards être considérée comme étant sub judice présentement, étant donné qu'il y a un appel. Je voudrais cependant aborder ie deuxième point qui, encore là, est dû à la nature même de vos préoccupations. Je m'excuse, oui, vous avez une question peut-être?

M. Paul: Si vous permettez, M. le ministre, dans notre recommandation à l'article 1, concernant la juridiction et le changement d'affectation d'une chambre vacante, il est évident que, socialement, cette disposition s'explique très bien. Par contre, vous avez, en face de vous un organisme particulier et notre recommandation pourrait être dans le sens suivant: Une disposition spéciale,

spécifique, visant les chambres d'étudiants et, que ce soit au niveau collégial — il y a certains CEGEP ou universités qui disposent de résidences d'étudiants — ou au niveau universitaire et on pourrait quand même considérer l'article 27.2 dans le sens que vous l'avez expliqué précédemment.

M. Tardif: Bon! Je pense qu'il y a une distinction à faire. Est-ce que c'est en fonction du type de locataires, c'est-à-dire des étudiants par rapport à des non-étudiants, ou si c'est par rappport au type d'immeubles conçus comme essentiellement chambres d'étudiants et autres types d'immeubles. Evidemment, on pourrait concevoir — enfin, j'habite un comté du nord de la ville et il y en a d'autres aussi qui ont des CEGEP, à Saint-Hyacinthe et autre — le cas où des étudiants demeurent en chambre chez des propriétaires privés qui louent une pièce ou deux à ce titre.

Il me semble qu'il y a quelque chose à regarder. L'autre problème qui découle de la nature même du type de "clientèle" que vous représentez, c'est le fait — dans votre deuxième point — des recours collectifs. Vous dites qu'il y a eu 1175 demandes à la régie, ce qui veut dire 1175 demandes ou formulaires à remplir... Pardon?

M. Paul: C'est 738 sur 1176.

M. Tardif: 738. Je m'excuse, donc sur à peu près 1100. Bon! Cela pose tout le problème des recours collectifs. On sait qu'une loi au Québec régit cela, mais, par ailleurs, des problèmes constitutionnels se posent, me dit-on, en ce qui concerne cette utilisation des recours collectifs par un groupe de locataires. Etant donné que la compétence des tribunaux se situe jusqu'à $500 pour les petites créances, $3000 pour la Cour provinciale et au-delà de $3000 pour la Cour supérieure, ce n'est pas long, avec un groupe de locataires ou de chambreurs qu'on atteigne des montants qui, automatiquement, font que la cause est du type qui relève de la Cour supérieure, avec les problèmes constitutionnels qui sont posés. Le problème est réel, mais ce n'est pas par le biais de la loi 107 qu'il peut être réglé comme tel.

Par ailleurs sur votre troisième point, en ce qui concerne le droit à l'ancienneté, il m'apparaît que c'est une demande justifiée dans la mesure où un étudiant, qui s'en va pendant quatre ans étudier à Saint-Hyacinthe ou à l'extérieur de chez lui, qui doit demeurer en chambre pendant quatre ans, ne voudrait peut-être pas être obligé au mois de mai de chaque année de sortir tous ses effets et d'assurer une certaine... Cela m'apparaît une demande justifiée.

Comment pourrait-elle être reconnue par la loi? Je vous avoue que là-dessus je vais devoir consulter, mais j'en prends bonne note. C'est quelque chose qui, de prime abord, ne me répugne pas, au contraire.

M. Paul: Si vous me permettez, quant à la compétence de la Régie des loyers, c'est quand même une question que je me pose: Est-ce que la compétence de la Régie des loyers se situe au niveau d'un montant? J'ai l'impression que la Régie des loyers a eu à l'occasion à juger, par exemple, les immeubles Rockhill à Montréal et le montant en jeu pouvait quand même dépasser la juridiction de la Cour provinciale. A ce moment-là, est-ce que ce même problème de compétence constitutionnelle se pose au niveau de l'organisme de la Régie des loyers? C'est ma première question.

Seulement une remarque concernant le droit d'ancienneté. Il est évident que les étudiants qui terminent au mois de mai, quittent la chambre et sortent leurs effets. Cependant, il y a des gens, cette année, qui ont travaillé à une cause, celle de la Régie des loyers, et qui craignent ces dispositions — quoi que là, on s'en va vers un protocole d'entente, pour faire inclure ces dispositions — quant à la loi, de ne pas voir leur bail se renouveler par la direction de l'université puisque rien n'oblige justement la direction des résidences à reprendre ces personnes-là, qui, pour eux, ont pu être une source de tracasserie. Est-ce une source de tracasserie que de faire appliquer la loi? Quant à nous, nous considérons que cela ne peut pas être justifié.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci M. le Président. Je vous remercie de votre mémoire très intéressant. En ce qui concerne les chambres, votre suggestion m'a fait rappeler que j'avais l'intention de poser une brève question au ministre. Vous me permettrez. C'est simplement pour savoir si vous avez calculé le coût et le nombre de personnes qui seront impliquées dans la nouvelle régie? Avez-vous une idée du nombre de personnes et du coût total annuel qu'il faut prévoir? Si oui, est-ce que ce sera possible pour le député de Saint-Hyacinthe et moi-même d'avoir ces chiffres? Je m'en suis rappelé quand...

M. Tardif: Nous avons effectivement un certain nombre de données. Si la loi était adoptée telle quelle, qu'est-ce que cela implique? Nous pourrons certainement en parler à un moment donné, mais cela m'apparaît, pour l'instant en tout cas, hors du mémoire qui est devant nous. Mais en gros...

M. Scowen: Oui. Dans le sens que... Je me le suis rappelé parce que l'idée de contrôler également toutes les chambres me paraît comme quelque chose d'assez dispendieux sur le plan des coûts. (12 h 45)

M. Tardif: Mais je rappellerai tout simplement que ce n'est pas la loi 107 qui introduit cela. Le contrôle de la fixation du loyer des chambres a été introduit dans la loi en décembre 1977.

M. Scowen: Je parle spécifiquement de la suggestion des étudiants en ce qui concerne

l'article 27.2, mais c'est tout simplement... Vous n'avez pas, pour le moment, de prévision sur le nombre de personnes?

M. Tardif: A la lumière d'une seule année d'expérience, il y a eu à peu près 1000 demandes faites à la régie cette année par des chambreurs, dont un très grand nombre étaient des étudiants. C'est tout ce que je peux dire.

M. Scowen: Si je comprends bien, pour mettre en vigueur cette prévision que vous proposez, le changement de destination, il sera nécessaire non seulement de changer l'article 27.2, mais aussi de rendre les organisations gouvernementales et pa-ragouvernementales assujetties à ce projet de loi. Ce n'est pas une mauvaise idée. Si le gouvernement ne peut pas accepter le même test, ce sera aussi difficile pour le secteur privé. Est-ce que je comprends bien que vos résidences appartiennent actuellement à un organisme qui ne sera pas lié à cette loi parce que c'est un organisme paragou-vernemental ?

M. Paquin (André): Pendant l'été les chambres sont vacantes. Alors, on peut en faire ce qu'on veut. A l'université, il y a maintenant 20 ans que le pavillon des Sciences a été prévu; les plans sont faits, sont tirés et tout et c'est sur la tablette parce qu'on manque de fonds. Alors, il en découle qu'il y a un manque de locaux. Dans ce temps-là, on va chercher un peu partout. On cherche à gauche et à droite des locaux. On achète sur le boulevard d'en face des immeubles. Quand il y a pénurie, nous regardons, il y a les chambres d'étudiants qui sont là.

M. Scowen: Je pense que j'ai mal posé la question. Le dernier paragraphe dit que lorsque le gouvernement, un de ses ministres ou un organisme entend démolir, subdiviser ou changer la destination d'un logement... les résidences que vous habitez, relèvent d'un organisme du gouvernement...

M. Thisdale: Les chambres en question appartiennent à l'Université de Montréal.

M. Scowen: Est-ce qu'elles sont assujetties, oui ou non?

M. Tardif: Ce n'est pas compris comme étant un organisme du gouvernement, pas plus que l'Université McGill ou une autre. C'est une corporation privée même si c'est financé à même les fonds publics.

M. Scowen: Alors, ces résidences sont assujetties, comme n'importe quel secteur privé. Je ne le savais pas. Je pense que les deux autres sont assez clairs. Je n'ai plus de question. La seule question que je voudrais poser au ministre est celle-ci: Est-ce que vous avez, à ce moment-ci, la possibilité de nous donner une prévision du nombre de personnes qui seront affectées, enga- gées par la régie quand elle fonctionnera à pleine capacité?

M. Tardif: M. le Président, c'est bien évident qu'une fois la loi adoptée et les crédits votés par l'Assemblée nationale, lors de l'étude de mes crédits, je donnerai l'ensemble... mais il est vrai, c'est un fait que nous avons établi des prévisions quant aux besoins d'effectifs. Par exemple, ici, il y a 74 "administrateurs" de la régie, c'est-à-dire des avocats engagés sur une base ad hoc, qui une fois par semaine, entendent des causes. On dit: Maintenant, il y aura des régisseurs à temps plein; on a prévu que pour faire ce travail cela nous prendrait une trentaine de régisseurs à temps plein, avec ce que cela implique. Ce ne sont pas nécessairement des coûts nouveaux.

M. Scowen: Non, c'est correct.

M. Tardif: Parce qu'on ne paiera plus les autres sur la base d'honoraires comme c'était le cas. D'accord? Mais on a effectivement fait des prévisions là-dessus.

M. Scowen: Mais, globalement, les régisseurs, le service de soutien, les inspecteurs, tout le monde, cela va impliquer combien de personnes? Quel sera le personnel total de la régie?

M. Tardif: Je n'ai pas ces données ici avec moi, M. le Président, mais le moment venu je pourrai tenter de...

M. Scowen: Est-ce que vous pouvez nous les donner maintenant? Cela pourrait être intéressant. Merci.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: A titre d'information, quel montant payez-vous pour une chambre simple actuellement?

M. Thisdale: A l'heure actuelle, le prix d'une chambre simple est de $17 par semaine et le prix d'une chambre double est de $15.

M. Tardif: Seulement une sous-question, comment est-ce que cela se compare avec le coût d'une chambre sur Edouard-Montpetit ou dans le secteur privé autour de l'université?

M. Thisdale: Tout dépend des services qu'offre la chambre en question. Le taux se situe entre $16 et $24. Une chose qu'il faut considérer, c'est qu'à l'heure actuelle une chambre aux résidences de l'université, par pied carré, est plus dispendieuse qu'un appartement au Rockhill, au pied carré.

M. Cordeau: Quels sont les services auxquels vous avez droit avec votre chambre; avez-vous le droit de faire un peu de cuisine?

M. Thisdale: Non, la cuisine est interdite aux résidences.

M. Paul: J'ai ici un résumé, il y a les services de réception 24 heures par jour, les services de literie aux semaines, il y a la possibilité de téléviseurs à tous les deux étages, il y a des fours sur les étages, une espèce de salle commune face aux ascenseurs. Mais j'ai l'impression... est-ce vraiment le but de notre...

M. Cordeau: Non, non, c'est seulement un aperçu pour mieux juger de l'ensemble du problème.

M. Paul: II y a un document qui a été donné par l'Université de Montréal à la Régie des loyers qui résume et qui explique très bien. Remarquez que cela a été fait par l'Université de Montréal et on fait une énumération exhaustive des services, mais si vous êtes intéressés, nous allons pouvoir vous en laisser une copie.

M. Cordeau: C'est parce qu'on sera peut-être appelés à un moment donné à comparer des données, alors, ce sont des renseignements qui peuvent intéresser la commission.

Maintenant, M. le ministre, il serait peut-être bon d'abonder dans le sens de leur demande concernant l'ancienneté ou le renouvellement de leur loyer. Par contre, ce serait peut-être autre chose, dans les maisons privées, que le type qui trouve un locataire, durant l'été, à temps plein, comme on dit; il y aurait peut-être une nuance à apporter de ce côté.

M. Tardif: Je suis d'accord pour regarder la question, je l'ai mentionné. Maintenant, je ferai remarquer au député de Saint-Hyacinthe que ça ne s'applique pas qu'aux chambres dans des résidences privées. Il y a des cours d'été à l'université qui se donnent aussi et l'université peut utiliser également les résidences d'étudiants. Mais sous réserve de tout ça, je dis que je suis prêt à le regarder pour voir comment ça pourrait être reconnu.

M. Paul: II faut tenir compte que les résidences comme telles ont deux vocations différentes. Durant la période académique, c'est rempli d'étudiants et durant l'été, c'est loué à des organismes de l'âge d'or, AFEAS, des congressistes, le tour cycliste. Ces gens vont à l'université et ont un tarif différent de celui des étudiants. Notre proposition — évidemment, nous avons un bail de huit mois par année — notre proposition est de donner les mêmes avantages que l'on donne aux locataires dans l'entreprise privée, c'est-à-dire un renouvellement de bail pour l'étudiant ou pour le locataire qui répond aux conditions, mais avec un espace de quatre mois — les vacances — où la vocation est totalement changée.

Et puis, au niveau de l'avis...

M. Tardif: Cela ressemble plus à de l'hôtellerie.

M. Paul: ... je reviens là-dessus, si vous permettez. La loi prévoit que le locataire qui ne veut pas que son bail se renouvelle donne un avis. Dans le cas actuel, est-ce que chaque étudiant de l'Université de Montréal et d'autres résidences universitaires ou collégiales devra donner un avis à son propriétaire, afin que ce bail ne se renouvelle pas dès le lendemain de la date où il se termine? Ce serait peut-être bon de prévoir, dans la loi, des dispositions qui tiennent compte de ces circonstances particulières et c'est un peu dans ce sens que nous avons présenté un mémoire ce matin.

M. Cordeau: Quelles sont les procédures que vous devez suivre actuellement pour avoir un autre bail pour une deuxième année?

M. Paul: Les années passées, les étudiants qui étaient intéressés à renouveler leur chambre pour l'année académique suivante, donnaient un avis avant la fin de leur bail et étaient automatiquement acceptés pour une chambre l'année suivante, avec un dépôt quand même assez minime. Cette année, la loi s'applique aux chambres, la loi prévoit l'avis. Actuellement, nous sommes en négociation avec l'université et relativement à la question d'appliquer le jugement de la régie qui a diminué de $1 l'augmentation demandée, on doit rencontrer les gens de l'université là-dessus et ce sera un des éléments qui sera dans le protocole d'entente et qui sera présenté à la commission des loyers, le fait que l'université renonce à cette obligation du locataire, parce que la loi le prévoit.

M. Tardif: Deux questions. Est-ce que vous le permettez, M...

Le Président (M. Laplante): Le député de Notre-Dame-de-Grâce voulait poser une courte question.

M. Tardif: Je m'excuse.

M. Scowen: Simplement pour être certain de ce que vous avez dit, les résidences des collèges et des universités du Québec seront assujetties à tout ce projet de loi comme si c'était une affaire privée?

M. Tardif: C'est cela.

M. Scowen: A titre d'exemple, dans les obligations et conditions, j'ai vu une clause qui dit: En garantie du paiement du loyer, le locataire engage généralement ses effets personnels situés dans la chambre louée. En cas de défaut de paiement du loyer, ils pourront être retenus par le locateur.

C'est une clause existante dans les conditions générales du logement et j'imagine que ce sera aboli.

M. Tardif: Cela fait partie des clauses spéciales. J'imagine que si c'est dans le bail...

M. Scowen: Je pense que c'est défendu dans le projet de loi, actuellement.

M. Tardif: C'est exact.

M. Scowen: Mais je le prends simplement à titre d'exemple.

M. Tardif: C'est exact. M. Scowen: D'accord.

M. Paul: Dans le cas des étudiants, vous vous souvenez que le bail est particulier et c'est un bail qui respecte quand même les dispositions de la loi, mais où il y a eu peut-être... C'est un contrat de louage de choses. On peut vous en laisser une copie. Vous pourrez voir quelles sont les obligations des parties là-dedans. C'est évident que cela respecte la loi. Mais, avec le projet de loi 96, qui a soumis ces chambres à la juridiction de la Régie des loyers, on arrive, à un moment donné, à ne plus savoir lequel doit être interprété. Est-ce que c'est la loi ou si c'est le bail qui a été signé quelques mois avant le dépôt du projet de loi, ou après le dépôt du projet de loi et qui contient des dispositions particulières?

Le Président (M. Laplante): Dernière intervention, M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, une question qui découle de représentations qui m'ont été faites par les associations d'étudiants des CEGEP, qui demandent que les résidences d'étudiants soient exclues de l'application de la loi et qui demandent également que les chambres situées dans les résidences d'un locateur, lorsque celui-ci loue quatre chambres ou moins soient également exclues. D'une part, ils craignent que si les locateurs, dans des maisons privées, louent une chambre, deux chambres, trois chambres, même quatre chambres, sont assujettis à la loi, ils auront de la difficulté à se trouver une chambre. J'aimerais avoir votre avis là-dessus.

Deuxièmement, pourquoi veulent-ils que même les résidences d'étudiants soient exclues? C'est qu'il leur apparaît... Je m'excuse. Ce ne sont pas les étudiants incidemment, ce sont les fédérations de CEGEP, dont les directions.

Voici une des questions posées: Est-ce que, dans le cas des résidences, il ne serait pas pensable plutôt de s'orienter plus vers une espèce de formule de négociation collective des conditions de logement des étudiants, entre l'association des étudiants et l'université, par exemple, à cause du caractère assez particulier que vous représentez?

M. Paul: Oui, c'est un choix que le gouvernement a à faire. Mais nous, on travaille avec ce qu'on avait comme loi et comme directive. La loi s'applique et la Régie des loyers a juridiction, dans le cas d'une chambre. Qu'est-ce qu'une chambre? On en a la définition. Et la chambre d'étudiant correspond, si vous voulez, avec les définitions qu'on en a faites, au niveau du texte de loi.

Il y a quand même — et c'est dans le livre blanc — 230 000 chambreurs au Québec. Il ne faut donc pas négliger cette clientèle au niveau de la Régie des loyers.

Quant à la crainte qu'ont certains étudiants de ne pas trouver de chambre si le locateur qui en loue plus que trois ou quatre était soumis à la Régie des loyers, je pense que ces craintes sont, quant à nous, injustifiées. Si un locateur dispose de locaux et est intéressé à louer, c'est au même titre qu'un locateur qui dispose de logements est intéressé à les louer. Dans ce sens, je ne vois pas pourquoi lui serait exclu de l'application de la loi, étant donné qu'il faut considérer que le cham-breur, au même titre qu'un locataire, a des droits qui sont prévus à la loi. Si on leur enlève cette possibilité, on pourra se retrouver dans la même situation qu'on avait avec les loyers avant, où il y a eu des abus. La loi est bienvenue dans ce sens.

(13 heures)

Par contre, on doit faire face à une situation particulière et c'est là-dessus que le projet de loi 107 pourrait prévoir des dispositions dans le cas de groupes d'étudiants ou d'immeubles, comme vous le disiez, à vocation locative, de chambres.

M. Tardif: M. le Président, en terminant, je voudrais remercier une nouvelle fois l'association. C'est précisément en raison du fait qu'il y a presque un quart de millions de personnes qui vivent en chambre au Québec qu'on a pensé qu'il était important de les inclure. J'avoue qu'on est dans du droit nouveau et, si l'association avait à nous faire tenir des documents, bail type, conditions, etc., j'apprécierais énormément les avoir.

M. Paul: On peut les envoyer au ministre.

M. Thisdale: M. le ministre, on pourrait, avant de quitter, vous remettre le document en question avec les chiffres concernant la cause dont on s'est occupé.

M. Tardif: D'accord. Merci.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, Mlle Tremblay, M. Paquin, M. Thisdale, M. Perreault et M. Paul, les membres de cette commission vous remercient de votre participation.

La commission ajourne ses travaux sine die.

Fin de la séance à 13 h 1

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