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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le lundi 10 décembre 1979 - Vol. 21 N° 232

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 57 - Loi sur la fiscalité municipale et modifiant certaines dispositions législatives


Journal des débats

 

Projet de loi no 57 Présentation de mémoires

(Quatorze heures quatorze minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente des affaires municipales est réunie cet après-midi et ce soir pour étudier article par article le projet de loi no 57, mais avant, selon la demande du leader du gouvernement, avis a été donné afin d'entendre, à partir de maintenant jusqu'à 18 heures, trois groupes qui sont l'Union des conseils de comté du Québec, l'Union des municipalités du Québec et la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec.

Les membres de cette commission sont M. Brassard (Lac Saint Jean) remplacé par M. Beau-séjour (Iberville), M. Caron (Verdun), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe)...

M. Lalonde: M. le Président... Le Président (M. Jolivet): Oui?

M. Lalonde: M. Caron (Verdun) est remplacé par M. Lavoie (Laval).

Le Président (M. Jolivet): M. Lavoie (Laval) remplace M. Caron (Verdun), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) remplacé par M. Rancourt (Saint-François), M. Gratton (Gatineau) remplacé par M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Guay (Taschereau), M. Mercier (Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Tardif (Crémazie). Comme intervenants: M. Alfred (Papineau), M. Charbonneau (Verchères) remplacé par M. Parizeau (Assomption), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplacé par M. Russell (Brome-Missisquoi), M. Marx (D'Arcy McGee) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Lacoste (Sainte-Anne) remplacé par M. Morin (Sauvé), M. Léonard (Laurentides-Labelle) remplacé par M. Grégoire (Frontenac), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Vaugeois (Trois-Rivières) remplacé par M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Bertrand (Vanier). Comme rapporteur de cette commission, cela me prendrait une personne qui est membre de la commission.

M. Lalonde: Si vous me le permettez, il est possible que ce soir, étant donné qu'on va s'attaquer à une autre étape, on ait peut-être d'autres changements. Si on peut d'avance...

Le Président (M. Jolivet): On pourrait tenir comme acquis que...

M. Lalonde: ... avoir un consentement qu'il pourrait y avoir des changements à 20 heures ce soir...

Le Président (M. Jolivet):... des changements pourraient se faire à 20 heures ce soir. Il n'y a pas de problème.

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais proposer M. Ouellette (Beauce-Nord) comme rapporteur de la commission.

Le Président (M. Jolivet): Donc, M. Adrien Ouellette (Beauce-Nord) est rapporteur de la commission.

Actuellement, il y a quelques petits problèmes du côté de l'avion pour le ministre des Affaires municipales. On a demandé quand même de commencer, compte tenu du fait que la convocation avait été faite pour 14 heures. J'appelle, pour les besoins du journal des Débats, d'abord l'article premier du projet de loi 57, en sachant que nous avons à entendre des groupements. Pour les besoins du temps aussi, compte tenu des exposés de part et d'autre, je pense qu'on pourrait se réserver un moment comme exposé de départ et, ensuite, accorder la parole à chacun des groupes qui sont ici présents, selon l'ordre de présentation suivant: la Fédération des commissions scolaires, l'Union des conseils de comté et l'Union des municipalités du Québec, partageant le temps de façon équitable, soit une heure pour chaque groupement, à moins que les gens de la commission n'en décident autrement. Je pense que ce serait une répartition qu'on pourrait vous suggérer.

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Vanier.

M. Bertrand:... on s'entend bien au départ, je crois, pour que nous puissions entendre les trois mémoires: premièrement, de la Fédération des commissions scolaires, deuxièmement, de l'Union des municipalités et, troisièmement, de l'Union des conseils de comté du Québec. Par la suite, selon le temps qu'il restera à notre disposition d'ici 18 heures, en répartissant équitablement la période des questions, on pourra aussi les adresser aux personnes qu'on voudra. Je pense qu'il y avait, M. le Président, entente pour d'abord recevoir les trois mémoires et, ensuite, procéder aux questions.

M. Lalonde: M. le Président, nous serions consentants à une formule qui pourrait accélérer les travaux. Maintenant, je trouve assez difficile à comprendre cette suggestion. Couper la lecture du mémoire d'une période, pendant une heure pour la présentation d'autres mémoires, avant de revenir aux questions, m'apparaît très difficile à concevoir pour l'intérêt et l'efficacité de la discussion. Je pense qu'on devrait plutôt passer aux mémoires et aux questions et s'entendre sur une période de temps, sans trop se lier les mains, de façon à permettre à tous les organismes d'être entendus d'ici 18 heures.

M. Bertrand: Si j'ai bien compris le député de Marguerite-Bourgeoys, sa suggestion serait qu'on entende d'abord le mémoire de la Fédération des commissions scolaires et qu'on procède immédiatement aux questions...

M. Lalonde: Aux questions.

M. Bertrand: ... pour ensuite entendre le mémoire de l'autre organisme et procéder aux questions.

M. Lalonde: Comme on fait d'habitude.

M. Bertrand: M. le Président, pour ne créer aucun problème, nous serions prêts à procéder de cette façon.

Le Président (M. Jolivet): Cela va. Maintenant, avant d'entendre le premier mémoire, qui serait celui de la Fédération des commissions scolaires, je demanderais au ministre des Affaires municipales, qui est maintenant arrivé, s'il a quelques propos à tenir au début de cette commission.

Remarques préliminaires

M. Tardif: M. le Président, je pense qu'il serait préférable, dans les circonstances, de procéder immédiatement à l'audition des mémoires, attendu que les principes du projet de loi no 57 sont bien connus des membres de cette commission et des intervenants. Somme toute, il s'agit de recevoir les représentations des trois organismes pour que les membres de cette commission soient mieux informés qu'ils ne le sont, si la chose est possible, c'est-à-dire les représentations des trois groupes les plus particulièrement touchés par ce projet de loi, si bien, M. le Président, que, selon l'ordre des travaux sur lequel il semble déjà y avoir un consensus, nous procéderons immédiatement, quitte à faire ultérieurement certaines mises au point.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Très brièvement, M. le Président, je veux dire que nous acceptons très mal l'étude et l'adoption d'une loi aussi capitale, qui a des implications pour tout le monde, vers quelque point cardinal qu'on se dirige au Québec, et que nous ayons un délai d'à peine une dizaine de jours, même pas, pour nous diriger vers la sanction de cette loi.

Je peux difficilement comprendre que le ministre prenne la responsabilité de faire adopter une loi — nous n'avons pas à ménager nos mots - vraiment à la vapeur, une loi qui a autant d'importance et d'implications. Il y a des lois beaucoup moins importantes, tout en considérant que toutes les lois en général sont importantes, mais qui ont beaucoup moins d'implications, pour lesquelles il y a des auditions et où on met en marche le mécanisme des commissions parlementaires suivant des règles normales, avec un avis dans la Gazette officielle donnant 30 jours aux gens pour préparer leur mémoire, et venir nous donner leur son de cloche, faire leurs représentations. C'est pourquoi le mécanisme des commissions parlementaires a été mis en place depuis une dizaine d'années, si on veut vraiment inviter la population à participer à l'élaboration des lois.

À ma connaissance, c'est la loi qui crée le plus de chambardement, le plus de remue-ménage dans des institutions comme les commissions scolaires, les 1600 municipalités du Québec. Et malgré des demandes répétées — nous sommes limités dans le temps cet après-midi, c'est la raison pour laquelle mes propos seront très courts — je suis surpris qu'on ait accepté d'entendre uniquement trois organismes, à savoir: la Fédération des commissions scolaires, l'Union des municipalités et l'Union des conseils de comté. Il aurait été fort utile pour les membres de la commission, pour les parlementaires — je ne dis pas utile, mais nécessaire — d'entendre d'autres personnes même qui ne font pas partie nécessairement de groupes organisés; il y a la ville de Montréal, il y a les communautés urbaines, il y a d'autres villes au Québec. En étudiant encore, en fin de semaine, le dossier, toutes les implications, je constate, et cela n'avait pas été directement prévu, qu'on change complètement la Loi de l'évaluation foncière, il y a 200 articles dans cela qui touchent l'évaluation foncière, non seulement foncière, mais également l'évaluation avec le nouveau concept de la valeur commerciale suivant la valeur locative.

Je ne veux pas capituler, mais je sens que nous n'avons pas suffisamment d'outils pour qu'on puisse, en toute lucidité, en toute tranquillité et en toute bonne foi, jouer notre rôle de parlementaires. C'est impossible et, si brillant qu'il puisse être, vous ne me ferez pas croire que le ministre possède son dossier de A à Z avec toutes les simulations qu'il y a dans ce projet de loi, avec toutes les implications qui touchent tout le monde, avec cette amplitude de la question. C'est le regret, en somme, que j'exprime. Nous allons apporter notre contribution au maximum; s'il faut siéger quinze heures par jour, nous allons le faire. On n'est pas ici pour bloquer des lois. On va apporter notre contribution, mais on se sent joliment limité pour adopter un tel projet de loi dans un si court laps de temps.

D'ailleurs, le ministre l'a dit, vous allez entraîner le Parlement et la machine parlementaire — moi, je vous le dis — dans une grande aventure avec tout ce qu'une aventure représente, avec ses bons et ses mauvais côtés, si vous nous forcez à adopter cette loi d'ici au 22 décembre. C'est une multitude de regrets que j'exprime à l'adresse du ministre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Au nom de l'Union Nationale, nous pouvons vous assurer de notre entière collaboration pour l'étude de ce projet de loi. Par contre, à notre tour, nous devons

déplorer le peu de temps mis à la disposition de cette commission pour l'étude article par article de ce projet de loi qui comporte 543 articles principaux sans compter plusieurs articles secondaires. C'est bien sûr que nous sommes devant un travail gigantesque à accomplir en si peu de temps. D'ailleurs, vendredi passé, je crois que les administrateurs municipaux se sont réunis et ont étudié ce projet de loi. On m'informait en fin de semaine qu'eux-mêmes ont à déposer un mémoire parce que réellement il y a beaucoup d'articles qu'ils ne comprennent pas enfin, qui vont compliquer leur travail d'administrateurs dans chaque municipalité et l'inquiétude règne de ce côté également. Je ne veux pas prendre plus de temps de la commission étant donné que nous sommes ici pour entendre ceux qui ont à présenter des mémoires, mais, à mon tour, je déplore le manque de temps mis à la disposition de cette commission par le gouvernement.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Avant de les entendre, je voudrais dire immédiatement que nous n'avons pas l'intention de soulever quelque question de règlement que ce soit sur la répartition du temps. Je pense que c'est votre responsabilité comme président de voir à ce que les trois groupes puissent être entendus dans la période qui nous a été allouée cet après-midi. Je dis d'avance que nous n'aurons pas objection aussi à poursuivre, s'il le fallait, après 18 heures s'il nous manquait quelques minutes pour qu'on puisse véritablement laisser la chance à ces gens de parler.

Le Président (M. Jolivet): J'invite donc la Fédération des commissions scolaires du Québec à se présenter à l'avant, et j'inviterai le responsable à s'identifier et à identifier les personnes qui se trouveront avec lui.

Mémoires

Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec

M. Mongeau (Jacques): M. le Président, madame et messieurs, Jacques Mongeau, président de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec. À ma droite, Mme Jean Miller, présidente du QAPSB, que j'ai invitée à venir avec nous pour traiter de ce problème; à sa droite, Mme Estelle Gobeil, vice-présidente de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec; à ma gauche, M. Jacques Audy, directeur général de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec; à sa gauche, M. Hudon, conseiller-cadre à la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, et, à mon extrême droite, M. Marcel Fox, directeur général du Bureau des écoles protestantes du Grand Montréal.

Avant de commencer la lecture de ce mémoire qu'on a préparé spécialement à votre intention, cet après-midi, j'aimerais dissiper une impression qui semble courir lorsque j'entends certaines déclarations d'ordre ministériel, à savoir que les commissions scolaires du Québec auraient souhaité maintenir le statu quo, c'est-à-dire garder ce qu'on appelle l'impôt foncier normalisé.

À cet effet, bien sûr, on dit que l'impôt foncier normalisé ne garantissait plus aucune autonomie aux commissions scolaires et le fait de les transférer aux municipalités n'affecte donc en rien leur autonomie. Je dois dire, M. le Président, que ce raisonnement est fort logique et que nous avons toujours été d'accord sur ce point.

Ce que nous avons demandé et ce que nous réclamons, ce n'est pas de garder l'impôt foncier normalisé; nous avons proposé au congrès Québec-commissions scolaires une nouvelle formule de financement des commissions scolaires du Québec qui changeait du tout au tout ce qui existait jusqu'à aujourd'hui et qui garantissait l'autonomie des institutions scolaires du Québec. (14 h 30)

Cette formule, je l'admets et je le dis, nous ne l'avons pas inventée, nous l'avons prise et trouvée dans le livre vert du ministre de l'Education, à la page 117, article 4.36, dans le haut de la page. C'était une des formules, a-t-on cru du moins à ce moment-là, privilégiées par le ministère de l'Education et qui nous allait fort bien, en vertu de laquelle il n'était plus question d'impôt foncier normalisé, mais de financement du système scolaire qui se partageait plus ou moins également entre les contribuables du Québec et le gouvernement du Québec, selon une certaine courbe qu'il restait à délimiter après négociation avec le gouvernement du Québec.

Cette formule privilégiée dans le livre vert, sur lequel nous avons été consultés, de l'enseignement primaire et secondaire, nous l'avons adoptée, nous la chérissons toujours et c'est celle que* nous privilégions toujours. C'est celle d'ailleurs, si ma mémoire est bonne, que le ministère de l'Education privilégiait encore dans une lettre qu'il nous faisait parvenir en décembre 1977, soit juste un mois avant l'annonce par le ministre des Finances du Québec de la formule qui est maintenant privilégiée dans le projet de loi no 57.

Je tenais à faire cette mise au point afin de bien faire comprendre à la population du Québec que nous ne nous accrochons pas et que nous ne nous accrochions pas à la formule de l'impôt foncier dit normalisé parce qu'il est vrai qu'il ne garantissait aucune autonomie des commissions scolaires. La nouvelle formule prévue par le livre vert garantissait, elle, l'autonomie des institutions scolaires tout autant que l'autonomie d'autres instances de gouvernement local du Québec.

M. le Président, les commissions scolaires se réjouissent de la décision du gouvernement du Québec de tenir une commission parlementaire sur le projet de loi no 57, sur la fiscalité municipalité, ainsi que de l'invitation à exposer leur point de vue. Le gouvernement du Québec a clairement énoncé les objectifs qu'il entend réaliser par la réforme fiscale contenue dans ce projet de loi. Les commissions scolaires sont conscientes de ceux-

ci; elles considèrent toutefois que des changements devraient être apportés aux moyens qui sont proposés par le gouvernement du Québec pour arriver à ces fins. Ces modifications devraient permettre aux commissions scolaires de remplir pleinement les objectifs qu'elles se sont fixés en éducation.

Le projet de loi no 57 effectue un transfert du champ d'impôt foncier scolaire dit normalisé en omettant, en contrepartie, d'organiser rationnellement le financement des commissions scolaires qui se voient spoliées d'une source importante de leurs revenus. Bien plus, les commissions scolaires constatent avec étonnement que le gouvernement du Québec s'acharne à limiter indûment le champ d'impôt foncier laissé, après coup, aux commissions scolaires, mettant ainsi en péril la planification de leur organisation, le développement des services qu'elles offrent et la satisfaction des besoins locaux d'éducation.

Le projet de loi no 57 prend un soin méticuleux à assurer le transfert du champ d'impôt foncier normalisé aux municipalités. Cependant, nous déplorons que le gouvernement n'ait pas déployé la même attention pour remplacer la source de financement que les commissions scolaires perdront par une autre offrant les mêmes garanties statutaires. Le gouvernement du Québec se fait fort de dire à qui veut l'entendre que, désormais, les commissions scolaires seront subventionnées. Toutefois, la lecture du projet de loi no 57 n'est pas de nature à nous rassurer. En effet, ce projet de loi, à notre avis, ne vient que réaffirmer l'attitude de discrétion d'un gouvernement ou d'un ministre en matière de subventions.

Le projet de loi apporte — il faut l'avouer — un élément nouveau intéressant. L'article 324 établit le principe du versement d'une subvention de péréquation suivant une formule qui est louable par sa simplicité. Néanmoins, il est regrettable que le montant de cette subvention demeure si discrétionnaire puisqu'il pourra varier selon les volontés du gouvernement. Cette année, le gouvernement fixe cette subvention entre $7 millions et $13 millions. Peut-on dire qu'elle sera équivalente l'an prochain? Rien ne le garantit.

Cette affirmation vaut également pour une large part du financement des commissions scolaires. Présentement, peu de subventions versées aux commissions scolaires reposent sur des assises juridiques précises. Pour en mentionner quelques-unes, rappelons qu'en vertu de la Loi sur les subventions aux commissions scolaires, chapitre F-36, les commissions scolaires peuvent réclamer au gouvernement des sommes précises sous divers chapitres, frais d'administration, d'entretien, livres de classe, transport, etc. La majeure partie du coût de l'éducation estimée à plus de $2 milliards, ne provient pas de subventions de type statutaire, mais plutôt d'une source de financement discrétionnaire. Le projet de loi no 57 renforce ce concept de la discrétion puisque, comme l'affirme l'article 324 du projet de loi, c'est le ministre qui détermine annuellement les règles budgétaires et qui les fait approuver par le Conseil du trésor.

L'Assemblée nationale n'a rien à voir dans ces décisions.

Nous sommes amenés à considérer que cette discrétion a entraîné les situations suivantes. Nous estimons que pour les trois dernières années seulement, soit de 1975 à 1978, les commissions scolaires ont perdu, du fait d'une non-indexation adéquate de leur budget, un montant de $20 millions. En effet, le pourcentage d'augmentation des dépenses pour les autres coûts pour les cinq dernières années montre un taux global de 41%, alors que les règles budgétaires n'ont à peu près pas varié. Ainsi, nous constatons les augmentations suivantes des règles budgétaires pour cette même période: 1975-1976, nulle, 1976-1977, nulle, 1977-1978, 6%, 1978-1979, 2,98%, 1979-1980, 0,022%. À la lecture de ce tableau, il nous est permis de nous interroger pour savoir quelle sera la variation que décrétera le gouvernement pour l'année 1980-1981.

Les commissions scolaires considèrent que les règles doivent être clairement établies entre les parties. Elles préconisent donc un financement basé sur des subventions statutaires qui auraient pour objet de couvrir un certain nombre de services éducatifs assurant une chance d'éducation égale à tous. À ces subventions statutaires doivent s'ajouter la péréquation et l'indexation pour que les commissions scolaires puissent maintenir la qualité des services en éducation.

Les commissions scolaires considèrent qu'une telle formule de financement leur donnerait une marge de manoeuvre raisonnable tout en leur permettant de planifier, voire, d'innover. De plus, cette formule tiendrait compte des objectifs d'autonomie et de décentralisation annoncés par le ministre de l'Education, M. Jacques-Yvan Morin, et confirmés par le ministre des Finances, M. Jacques Parizeau. Ainsi, les commissions scolaires n'auraient pas à contester continuellement l'arbitraire gouvernemental si elles avaient un budget global basé sur des subventions statutaires.

La position des commissions scolaires est d'autant plus véhémente qu'en plus de ne garantir d'aucune façon les subventions qui seront accordées aux commissions scolaires, le gouvernement s'est appliqué à élaborer un mécanisme de freinage qui s'attaque au peu de marge de manoeuvre qui est laissé aux commissions scolaires. Ce frein met également en cause pour plusieurs commissions scolaires le maintien d'un certain nombre de services qu'elles offrent à leur clientèle et qui sont le voeu de la population. Les commissions scolaires n'acceptent pas le principe d'un freinage, tel que proposé dans le projet de loi no 57.

Le gouvernement du Québec justifie sa position du fait qu'à cause du transfert du champ d'impôt foncier normalisé, il ne désire pas que les commissions scolaires reprennent le champ d'impôt foncier puisque celui-ci appartiendra désormais aux municipalités. L'expérience des dernières années nous montre que, malgré la non-indexation de leur budget, les commissions scolaires n'ont pas occupé ce champ de façon anormale ou abusive. Cependant, si les commissions scolai-

res devaient accaparer plus largement le champ d'impôt foncier, ce serait dû au fait que les subventions versées aux commissions scolaires par le gouvernement du Québec ne répondent pas à leurs besoins.

Compte tenu de la moyenne provinciale d'occupation du champ d'impôt foncier, aucune raison valable ne justifie le mécanisme de freinage que le gouvernement du Québec veut imposer aux commissions scolaires. Nous considérons cette mesure prématurée. Si jamais les commissions scolaires cherchaient à réoccuper le champ d'impôt foncier d'une façon inconsidérée, il serait toujours temps alors d'imposer un frein, mais tel n'est pas le cas présentement.

Certains propos ont laissé croire que la formule de freinage n'affecterait que quelques commissions scolaires. Nous nous référons à l'annexe 1 pour démontrer qu'un examen, basé sur l'année scolaire 1978-1979, révèle que 68 commissions scolaires ou commissions scolaires régionales seraient directement touchées par le mécanisme de freinage proposé. Plus précisément, 31 de ces commissions scolaires seraient directement affectées par les deux limites inscrites dans le projet de loi no 57: 20 d'entre elles par la limite relative au taux d'évaluation, les $0.25, et 17 par le frein de 6% de leurs dépenses nettes. À notre avis, il est faux de prétendre que le frein n'affecte que peu de commissions scolaires.

La réduction du champ d'impôt foncier scolaire par le projet de loi no 57 influe sur les dépenses hors normes encourues pour les services dont désire se doter le milieu. Ces dépenses ne sont pas reconnues pour fins de subventions ou acquittées entièrement par celles-ci. Il faut noter que les commissions scolaires qui sont affectées par le freinage imposent un taux moyen de cotisation de $0.42 des $100 d'évaluation. Compte tenu de la limite de $0.25 inscrite dans le projet de loi no 57, ces commissions scolaires devront réduire certains de leurs services si elles ne veulent pas avoir à recourir annuellement à un lourd et coûteux processus référendaire.

Dans le projet de loi no 57, le gouvernement du Québec propose que le freinage s'effectue par le biais d'un référendum lorsque des seuils indiqués dans le projet de loi sont atteints. Le référendum sera automatique. Les commissions scolaires ont déjà repoussé cette formule qui leur semble illogique. Le référendum, tel qu'il est utilisé par les municipalités, a pour but de recevoir des autorisations sur des questions très précises: emprunts, règlements de zonage, etc. En aucun moment, les élus municipaux n'ont à faire autoriser l'ensemble de leur budget d'opérations courantes.

Le gouvernement du Québec veut pourtant imposer aux commissions scolaires une autorisation annuelle sur un budget qui dépasserait les limites du projet de loi no 57. Ce budget, même identique, qui dépassera la limite fixée par la loi, devra être obligatoirement soumis annuellement au processus référendaire. Nous ne pouvons affirmer qu'une telle situation brille par sa logique.

Le coût du référendum, tel que proposé par le projet de loi no 57, est en contradiction avec l'esprit même de la mesure. En effet, le processus référendaire nous apparaît passablement dispendieux. Il nous est permis d'évaluer à $1 par électeur le coût du référendum. On peut constater qu'il en coûtera fort cher, par exemple, sur le territoire d'une commission scolaire régionale pour peut-être répondre affirmativement. Que de sommes dont il aurait pu être fait meilleur usage! Le fait que l'on pénalise les citoyens qui ont décidé de se doter de services hors normes ne semble pas influencer outre mesure le gouvernement du Québec car il faut ajouter que le tout se répétera annuellement. (14 h 45)

Le ministre de l'Education, M. Jacques-Yvan Morin, déclarait récemment qu'il espérait que les commissions scolaires n'utiliseraient pas le référendum si les coûts de ces derniers étaient supérieurs aux sommes que la commission scolaire entendait faire autoriser. C'est donc dire, si l'on doit interpréter les propos du ministre, que le conseil de l'île de Montréal ne devrait faire de référendum que si les dépenses qu'il entend faire autoriser étaient de $3 millions, soit le coût du référendum. N'est-ce pas là un aveu de manque de mesure du mécanisme proposé par le gouvernement du Québec? Nous constatons donc que le processus référendaire automatique, tel que proposé par le projet de loi no 57, est un non-sens qui ne respecte aucunement la volonté du milieu, alors que celui-ci se voit imposer une mesure disproportionnée. Bien que le gouvernement du Québec déclare à grands cris que le projet de loi no 57 sur la fiscalité municipale a fait l'objet de consultations auprès des commissions scolaires, nous répétons qu'il n'en est rien. Devant les participants de la conférence Québec-municipalités en juin 1978, le gouvernement a annoncé qu'il réaliserait le projet énoncé par le ministre des Finances dans ses budgets du Québec des années 1977 et 1978 en retirant aux commissions scolaires le champ d'impôt foncier normalisé.

Aux commissaires d'écoles réunis lors de la conférence Québec-commissions scolaires, en janvier 1979, les ministres des Finances et de l'Education ont affirmé à nouveau que la politique fiscale était définitivement arrêtée concernant le pouvoir de taxation des commissions scolaires. C'est à partir de ces décisions sur lesquelles les commissions scolaires n'ont jamais été consultées que les représentants de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec au sein du comité mixte et du sous-comité du financement se sont acharnés à obtenir des garanties quant aux subventions de diverses natures, à réclamer un budget global et un pouvoir de taxation sans plafond et sans frein.

Les commissions scolaires, tel qu'elles l'ont prouvé par leur présence au comité mixte et au sous-comité du financement, sont disposées à discuter avec le gouvernement des modes de financement ou des règles qui sont clairement établies. Les commissions scolaires ne peuvent accep-

ter le transfert de l'impôt foncier normalisé avant que cette étape n'ait été réalisée. De plus, les commissions scolaires refusent le plafond et le frein que veut instaurer le projet de loi no 57. Les commissions scolaires rejettent donc le projet de loi no 57 qui n'offre pas un mode de financement donnant des garanties de subventions favorisant la décentralisation.

Vous me permettrez, M. le Président, avant de terminer, d'attirer l'attention des membres de cette commission sur deux articles en particulier qui touchent l'île de Montréal.

L'article 471 abroge l'article 26 de l'ancienne loi et l'article 26 de l'ancienne loi touche la commission scolaire de Lakeshore dont une partie du territoire est en dehors de l'île de Montréal, et qu'on appelle communément Harwood.

En vertu de la loi actuelle, l'article 26 dit que la commission scolaire de Lakeshore taxe elle-même son secteur de Harwood, qui est en dehors de l'île de Montréal puisque le Conseil scolaire de l'île de Montréal n'a pas de juridiction en dehors de l'île. En vertu de l'article 471 qui abroge l'article 26, il appert que, dorénavant, la commission scolaire de Lakeshore ne pourra plus taxer le territoire de Harwood, et que, par conséquent, il y aura un territoire rattaché à une commission scolaire de l'île de Montréal qui ne paiera pas de taxes, mais pour lequel la commission scolaire de Lakeshore aura à dispenser des services. Nous croyons que c'est un manque dans la loi, un oubli, fort probablement, mais nous tenons à le souligner.

Un deuxième problème, M. le Président, qui touche le Conseil scolaire de l'île de Montréal et ses commissions scolaires vient des articles 474 et 475. Vous savez qu'en vertu de la loi qui a créé le Conseil scolaire de l'île de Montréal ce dernier doit fixer ses taux de taxes avant le 1er juin de chaque année. Or, bien sûr, cette année, en 1979, lorsque nous avons fixé les taux de taxes, nous ne connaissions pas encore le projet de loi no 57 et encore moins ses articles 474 et 475. Or, il appert que le ministre des Finances venait à peine de livrer son discours sur le budget, énonçant les grands principes de la réforme fiscale municipale, mais non pas dans ses détails. Nous nous sommes servi alors, pour les fins de taxation sur l'île de Montréal, de l'esprit du discours du ministre des Finances, en nous disant qu'il fallait réduire de moitié le taux de la taxe que nous aurions à établir et ceci, pour l'année 1979-1980. Nous avons donc établi à $0.57 1/2 pour les particuliers et à environ $1.50 pour les corporations les taux de taxes sur l'île de Montréal et ce, jusqu'au 30 juin 1980 et non pas jusqu'au 31 décembre 1979. Je dois vous dire, d'ailleurs, que cette façon de procéder et ces taux de taxes ont dûment été autorisés par le ministre de l'Education du Québec. Alors, je pense que nous sommes en bonne compagnie.

Mais il appert que, si nous devions respecter les articles 474 et 475 du projet de loi no 57, le Conseil scolaire de l'île de Montréal devrait remettre à ces contribuables une somme d'environ $50 millions en différents chèques; on ne sait pas trop encore à qui et pour quel montant. Cela, évidem- ment, administrativement parlant, je pense, devient impensable. Etant donné que le ministre de l'Education avait déjà autorisé cette façon de procéder sur l'île de Montréal et autorisé les taux de taxes que nous avons émis, nous demanderions que la loi soit amendée dans ce sens, du moins en ce qui concerne le territoire de l'île de Montréal, de la même façon que pour l'article 471 qui abroge l'article 26.

Je voudrais aussi que, sur le temps de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, Mme Miller, de la Québec Association of Protestant School Boards, vous dise quelques mots qu'elle a préparés à cette fin.

Le Président (M. Jolivet): Avant que Mme Miller prenne la parole, je ne peux malheureusement accéder à votre demande, compte tenu que l'avis de la Chambre est bien clair; c'est la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec qui est convoquée ici devant cette Assemblée.

Ce n'est ni à vous, ni à moi de prendre cette décision. Je suis dans l'obligation de vous dire que, votre rapport étant celui qui devait être entendu, je ne puis entendre, comme président, d'autre groupement que celui qui avait été convoqué devant cette Chambre.

M. le député de Vanier.

M. Bertrand: M. le Président, pour faciliter encore une fois le travail de la commission et surtout pour ne pas créer d'embêtements inutiles, nous serions prêts, sans problème, à recevoir ce mémoire en comprenant, bien sûr, qu'il s'agit de la période dévolue aux commissions scolaires du Québec. Nous n'avons aucune objection.

Le Président (M. Jolivet): Donc, vous avez la parole, Mme Miller.

Québec Association of Protestant School Boards

Mme Miller (Jean): M. le Président, la Québec Association of Protestant School Boards appuie totalement la position énoncée par le président de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, qui a précisé clairement les raisons pour lesquelles les commissions scolaires doivent maintenir le droit de taxation sans restriction. En outre, nous aimerions identifier les autres domaines dans lesquels le projet de loi no 57 est préjudiciable à la capacité des commissions scolaires d'offrir des services éducatifs à leur milieu. La limitation à 6% ou $0.25 les $100 d'évaluation empêcherait les commissions scolaires présentement à ce niveau de taxation d'introduire de nouveaux programmes car les fonds nécessaires pourront être refusés par suite de la tenue d'un référendum obligatoire.

Le fait de réduire le niveau de surtaxe à 6% ou à $0.25 sur une période de cinq ans ne permettrait aucunement aux commissions scolaires qui excèdent ce montant à présent de maintenir les ser-

vices qu'elles offrent maintenant. À cause de la diminution de la clientèle, les fonds que les commissions scolaires reçoivent du gouvernement sont réduits mais cela ne devrait pas avoir d'effet sur la qualité de tels services. Le droit de percevoir des taxes adéquates est donc essentiel.

Dans les commissions où le niveau de taxation excède $0.25 les $100 pendant un nombre d'années, les limites imposées par le projet de loi no 57 occasionneraient l'abandon de programmes et le congédiement de personnel au hasard.

Par exemple, dans une commission scolaire à l'extérieur de l'île de Montréal, l'allocation budgétaire de 1979-1980 pour les services de consultation et d'animation est de $1 500 000, et ce dans un domaine pour lequel le gouvernement prévoit des sommes très restreintes. L'élimination de ce service important et essentiel au milieu scolaire signifierait que la commission scolaire perdrait 61 membres de son personnel.

Les commissions scolaires protestantes desservant une clientèle principalement anglophone considèrent qu'il est essentiel d'allouer des sommes supplémentaires aux domaines tels que les bibliothèques, l'orientation, les services aux étudiants et les activités de récréation. Dans ces domaines, aucune subvention adéquate n'existe ni du ministère de l'Education, ni du ministère des Affaires sociales. Le paragraphe 19 de l'article 19 de la Loi modifiant de nouveau la Loi sur l'instruction publique — projet de loi 71 — confie aux commissions scolaires la responsabilité de dispenser des services éducatifs et culturels aux enfants soumis à leur compétence et aux adultes domiciliés dans leur territoire. Les subventions accordées présentement ne sont pas suffisantes pour offrir la qualité des services que nous croyons être nécessaires, surtout vu l'inflation, et nous ne pourrons pas remplir notre devoir à l'avenir si notre droit de taxation est restreint.

Il semblerait que dans les cas de la diminution de l'évaluation imposable, une commission scolaire serait obligée de tenir un référendum afin de maintenir ses revenus totaux provenant de la surtaxe puisque le taux de $100 d'évaluation devrait être augmenté. Je tiens à souligner le fait que la tenue d'un référendum occasionnerait des dépenses considérables. Il faudra percevoir des taxes supplémentaires afin de couvrir les coûts des mécanismes visés au projet de loi 57. De récentes augmentations des taux d'imposition municipale applicables aux immeubles scolaires ont été subventionnées par le gouvernement à raison d'un tiers du coût réel encouru par les commissions, les revenus de la surtaxe devant couvrir les autres deux tiers. Toute fonction administrative additionnelle imposée aux commissions scolaires en vertu de la législation gouvernementale telle que l'établissement du conseil d'orientation, l'inscription d'élèves en conformité avec la loi 101 et les procédures de francisation consument des sommes et des heures précieuses au grand détriment de ce qui nous concerne le plus, l'instruction.

Nonobstant toute garantie faite par le gouvernement à la suite de cette séance à l'égard des subventions et de l'indexation, les commissions scolaires protestantes croient que la survie de notre système scolaire ne peut pas être assurée sans le maintien du droit de taxation sans restriction, car les fonds seront soumis aux pouvoirs discrétionnaires du gouvernement sur une base annuelle. Nous avons inclus à ce mémoire une annexe qui démontre les objets précis pour lesquels le Bureau des écoles protestantes du Grand Montréal utilise les revenus de la surtaxe. Je vous remercie. (15 heures)

Le Président (M. Jolivet): Merci, madame. M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, permettez-moi de remercier le président de la Fédération des commissions scolaires ainsi que la présidente de l'Association des écoles protestantes d'avoir bien voulu nous faire entendre, une fois de plus, les arguments qui étaient déjà ceux de la grande rencontre Québec-commissions scolaires du mois de janvier 1979, il y aura bientôt un an.

Je n'ai pas été sans reconnaître également des arguments parfois importants qui ont été entendus au comité mixte lorsque nous avons discuté par le menu les diverses hypothèses qui étaient évoquées pour le financement des commissions scolaires. Il était sans doute utile que nous fassions une fois de plus le tour de ces arguments et que nous entendions également, comme nous le ferons tout à l'heure, les municipalités du Québec, de façon à nous faire une idée, et l'idée la plus juste possible, des positions respectives des parties avant d'adopter ce projet de loi.

M. le président de la fédération a fait allusion, au début de son mémoire, aux hypothèses qui étaient mentionnées dans le livre vert quant au financement des commissions scolaires. Effectivement, on se souviendra que trois hypothèses de travail étaient mentionnées, dont l'une était celle qui a été évoquée par M. Mongeau et dont une autre était tout à fait inacceptable aux commissions scolaires.

On s'en souviendra, c'était celle de l'intégration, si je puis utiliser ce mot, des commissions scolaires dans les organismes régionaux. Par la suite, le gouvernement a dû faire un choix entre ces diverses hypothèses. Il importe de rappeler que c'étaient des hypothèses, puisque le livre vert était un document de consultation. Le gouvernement a décidé d'écarter l'hypothèse de l'intégration des commissions scolaires aux organismes régionaux. Il a également décidé d'écarter l'hypothèse à laquelle M. le président se référait et qui était celle d'un partage des dépenses entre commissions scolaires et gouvernement. Il l'a fait parce qu'un autre dossier majeur du gouvernement a abouti sur la table du Conseil des ministres au même moment: c'était le dossier de la réforme de la fiscalité et, en particulier, de la fiscalité municipale et scolaire. Le gouvernement a décidé

de procéder à cette grande réforme — il ne faut pas se cacher que c'est une grande réforme — compte tenu du fait qu'on en parlait depuis déjà une bonne trentaine d'années, compte tenu également du fait que le gouvernement précédent, pour sa part, avait déjà commencé à préparer l'évacuation des commissions scolaires du champ d'impôt foncier normalisé en enlevant chaque année, $0.05, $0.10, selon les décisions du ministre des Finances de l'époque, de sorte que, si ma mémoire est bonne — j'ai été témoin moi-même de ces événements à l'Assemblée nationale — le taux de l'impôt foncier normalisé était déjà tombé de $1.40 à $1. Le phénomène, la politique que le gouvernement présent a décidé de confirmer se trouvait donc déjà en marche, mais aucun gouvernement n'avait voulu prendre sur lui de décider de cette réforme de la fiscalité une fois pour toutes.

Une fois que le gouvernement se fût déterminé à procéder à cette réforme, se trouvait soulevé le problème de la place des commissions scolaires dans l'impôt foncier.

Il fallait, à mon sens, s'assurer de deux choses, à compter du moment où cette décision était prise, à compter du moment où ce projet de loi avait fait l'objet d'une décision de principe. Il fallait, en premier lieu, s'assurer que les commissions scolaires conservent l'accès à l'impôt foncier, non plus normalisé, mais à l'impôt foncier. Cela me paraissait fort important et a paru suffisamment important au gouvernement pour qu'il décide, quoi que les municipalités aient pu lui dire par ailleurs, qu'il fallait conserver cette marge de manoeuvre aux commissions scolaires. Et le gouvernement... Je dois dire, pour une part, à la suite des représentations que j'ai pu faire, je puis dire à M. le président que plusieurs des représentations et des messages qui m'ont été confiés par la fédération et par ses prédécesseurs en particulier, sont parvenus fidèlement jusqu'au Conseil des ministres.

Le gouvernement a décidé, et le premier ministre lui-même est venu le confirmer au congrès de la fédération l'an dernier, que les commissions scolaires étaient là pour rester et qu'il fallait donc leur garder cette marge de manoeuvre dans l'impôt foncier. C'était une première décision et on avouera qu'elle était d'importance.

Une seconde décision a été prise à l'égard de l'accès quantitatif des commissions scolaires à l'impôt foncier. Fallait-il permettre aux commissions scolaires de taxer "ad libitum", sans frein? Le gouvernement s'est longuement interrogé là-dessus. Il était à craindre, et je pense que quiconque a pour trois sous de réalisme dans la tête ne peut pas écarter cette hypothèse, que de nombreuses commissions scolaires, voyant que, de toute façon, le compte de taxes scolaires était radicalement diminué, n'éprouvent la tentation de l'augmenter rapidement et cela aurait d'ailleurs été légitime s'il n'y avait pas eu de frein. Les commissions scolaires auraient pu penser que, étant donné que le compte de taxes scolaires avait été réduit dramatiquement, elles pouvaient se permettre d'en réoccuper peut-être une part assez subs- tantielle et le danger était, bien sûr, qu'en deux ans, en trois ans ou en cinq ans, le bénéfice du transfert de l'impôt normalisé aux municipalités eût été, à toutes fins utiles annulé, pour les municipalités, au détriment des municipalités.

Il a donc fallu que le gouvernement prenne une décision. Elle n'a pas été facile, mais elle devait être prise, je pense, une fois acquis le principe du transfert. Autant il était essentiel que les commissions scolaires conservent l'accès à une forme de taxation autonome, et on ne voyait pas autre chose après étude au comité mixte, on ne voyait pas autre chose que l'impôt foncier puisque nous avons étudié une dizaine de modes de taxation pour les écarter les uns après les autres, parce qu'ils ne convenaient pas aux commissions scolaires et au type de perception que les commissions scolaires doivent effectuer pour offrir des services à la population, de sorte que, autant il était important d'assurer aux commissions scolaires cet accès à l'impôt foncier, autant il importait de s'assurer que par ce truchement les commissions scolaires n'envahiraient pas ce que le ministre des Finances leur avait demandé d'évacuer.

Je voudrais maintenant aborder un autre point également important qui va me mener à poser une ou deux questions et à apporter une ou deux réponses également à M. le Président, des questions qu'il a soulevées dans son exposé de tout à l'heure. Je lui dirai d'abord rapidement, pour ne pas avoir à y revenir, que nous sommes sensibles à ce qu'il nous a dit au sujet de la commission scolaire de Lakeshore et que nous avons l'intention d'apporter une modification au projet de loi pour répondre à cette question et pour que les articles 39, 391, 393 et 394 s'appliquent au Conseil scolaire de l'île de Montréal. C'est un problème dont on nous avait saisis d'ailleurs et auquel nous apportons une solution. Pour ce qui est du problème que vous avez soulevé au sujet de l'article 474, M. le Président, je puis vous dire que nous allons également répondre à cette question. Elle nous paraît fondée et nous allons ajouter à l'article 475 du projet de loi le dispositif que je pourrai vous montrer si vous le désirez, qui permettra de régler ce problème. Mais c'étaient là des questions de détail. Ce qui est beaucoup plus important, c'est évidemment la question du frein et je voudrais l'explorer un peu avec vous.

Le gouvernement a décidé — je vous le fais remarquer parce que cela a été en balance pendant un certain temps — de ne pas imposer de plafond, parce qu'il aurait pu y avoir un plafond également. À partir du moment où on veut transférer l'impôt foncier normalisé et où on veut être sûr que la décision est efficace, qu'elle tient et qu'elle n'est pas remise en question en quelques années, on pouvait se demander si un plafond n'était pas nécessaire. J'ai fait des représentations avec certains de mes collègues pour qu'on remplace le plafond par un mécanisme qui permettrait d'aller au-delà de 6% et qui permettrait aux commissions scolaires de taxer, selon leurs besoins, mais avec un contrôle et un contrôle éminemment démocratique.

La première question que je vous poserais est celle-ci: Êtes-vous bien conscients qu'il n'y a pas de plafond absolu? Et préférez-vous que le gouvernement retire le mécanisme du référendum ou le mécanisme de contrôle et impose un plafond? C'est concevable que nous disions: II y aura un frein à 6%, il y aura un plafond à 7% ou 8% ou on enlèvera le frein et on mettra un plafond à 7% ou 8%. J'aimerais aussi vous poser cette question: Comment le gouvernement peut-il s'assurer que la réforme de l'impôt foncier n'est pas remise en question par les commissions scolaires?

M. Mongeau: M. le Président, la réponse à cette question, c'est par la confiance que vous pouvez apporter aux membres élus des commissions scolaires du Québec, à leur sens des responsabilités qu'ils ont toujours démontré dans l'administration de chacune de leurs commissions scolaires. Tout ce que nous demandons au gouvernement du Québec, c'est de nous faire confiance.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre. Je comprends vos sentiments, mais je tiens à faire remarquer que, comme président, je suis dans l'obligation de vous demander de ne pas manifester pour la bonne poursuite des activités et pour ne pas gruger sur le temps qui est donné à chacune des instances pour se prononcer. Donc, je suis sûr de votre collaboration à cet effet.

M. Mongeau: M. le Président, j'aurais deux remarques, si vous voulez — le mot est mal choisi — en réponse à l'exposé fait par le ministre de l'Education. Premièrement, M. le ministre de l'Education a soulevé que, dans le livre vert, il y avait trois hypothèses. Il a entièrement raison, bien sûr, mais ce que je voudrais dire, là-dessus, c'est que ce qui a été véritablement notre révolte — et je pense que le mot est bien employé — c'est qu'au moment même où le ministre de l'Education nous consultait sur une de ces trois hypothèses de financement, le gouvernement avait déjà arrêté sa décision avant même d'avoir reçu le résultat de la consultation. Cela, je pense que c'est primordial.

Le Président (M. Jolivet): Comme ancien professeur, je vais répéter ma question de tout à l'heure et vous demander de me donner l'exemple, en tant que dirigeants des commissions scolaires, je l'espère. (15 h 15)

M. Mongeau: Et de plus, M. le Président, si vous me permettez, je pense véritablement — je l'ai déjà dit en d'autres mots, en d'autres lieux, et je vais le répéter — pour moi, le fond du débat, c'est une question d'idéologie. Si vous saviez, M. le Président, combien j'ai admiré les textes qui ont été soumis par le ministre des Affaires municipales du Québec aux municipalités lorsqu'il a établi son syllogisme au niveau de l'autonomie. Les municipalités doivent être complètement autonomes. Pour être complètement autonomes, elles doivent avoir une source de revenus autonome, et la meilleure source de revenus autonome, c'est la taxation foncière. On retrouve cela dans une des plaquettes que le ministre des Affaires municipales a soumises aux municipalités, et c'est cela, le fond du débat. Pour les municipalités, on est d'accord — et je n'ai rien contre, remarquez bien, Dieu m'en garde — mais pour les commissions scolaires, on n'est pas d'accord. Pour moi, cela veut dire qu'on n'est pas d'accord que les commissions scolaires soient autonomes, qu'elles aient une source de revenus autonome et qu'elles exercent leur pleine autonomie.

Cela, c'est une question d'idéologie. On veut aller plus loin que le mouvement entrepris, je l'admets, il y a bien au-delà de six, sept ou huit ans vers une étatisation ou une nationalisation du système d'éducation au Québec. Pour moi, le projet de loi no 57 démontre clairement cet esprit vers lequel, non pas on s'en va parce qu'on était déjà parti, mais on achève cette idéologie. Voilà.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, si vous me permettez un bref commentaire, il est évident que du jour où l'État a décidé, au début des années soixante, au moment de la réforme scolaire, et dans le cadre de ce qu'on appelait la Révolution tranquille, à compter du moment où l'État a décidé de créer un ministère de l'Education et a décidé de faire en sorte que tous les Québécois aient accès à l'enseignement secondaire, notamment, et au collège et à l'université, l'État se devait de prendre un certain nombre de responsabilités dans ce domaine. À compter de ce jour-là, un nouvel équilibre a dû être trouvé entre les commissions scolaires et l'État. Cet équilibre, nous l'avons trouvé, mais nous le cherchons encore, dans une certaine mesure.

Je voudrais dire, M. le Président, qu'en ce qui nous concerne, en ce qui concerne le gouvernement, ce n'est pas du tout une question de confiance, parce que cette confiance, nous allons la témoigner en définissant de façon beaucoup plus précise, comme vous nous l'avez demandé, les responsabilités des commissions scolaires dans un autre projet de loi qui a été soumis à l'Assemblée la veille ou le lendemain, je ne sais plus, du dépôt du projet de loi dont nous parlons.

La confiance du gouvernement est d'autant plus acquise aux commissions scolaires qu'on ne peut pas administrer 3000 écoles au Québec sans les commissions scolaires. C'est impossible. La décentralisation administrative est absolument essentielle. Je pense que le gouvernement s'en rend parfaitement compte et qu'il accepte ce fait. Ce n'est pas seulement une idée, cela ne dépend pas d'une idéologie, c'est un fait brutal. Nous avons besoin des commissions scolaires pour administrer 3000 écoles. La question du financement n'est pas une question de confiance, c'est une question d'ordre administratif. Il s'agit de trouver le meilleur moyen de financer l'enseignement, les municipalités et tous les services publics québécois.

Vous vous souviendrez que les municipalités auraient voulu que le gouvernement aille encore plus loin. Je pense que vous êtes conscients de la chose. Les municipalités auraient voulu voir les commissions scolaires complètement évacuées de

l'impôt foncier et de leur donner au plus cinq ans pour disparaître du champ de l'impôt foncier normalisé ou autres. Le gouvernement a marqué quand même l'importance qu'il accorde à cette autonomie en maintenant — je le répète — en maintenant l'accès à l'impôt foncier. La marge de manoeuvre qui est dégagée, 6% des dépenses nettes, est plus considérable que celle dont le gouvernement du Québec lui-même peut jouir année après année. La marge de manoeuvre du gouvernement du Québec est de 3% ou 4% — je pense bien qu'on peut dire 4% peut-être à l'heure actuelle — par rapport à ses revenus. Les revenus du gouvernement québécois ne sont pas illimités non plus, pas plus que ceux des commissions scolaires ou des municipalités.

Donc, le gouvernement donne littéralement aux commissions scolaires encore plus de marge de manoeuvre qu'il n'en possède lui-même dans ses budgets. Je ne voudrais pas non plus que cela se transforme trop en dialogue. Je voudrais plutôt donner l'occasion au président de répondre à une autre question qui découle de son exposé, à la page 3, où je voudrais lui donner l'occasion de clarifier sa pensée. Lorsqu'il nous dit que le ministre — j'imagine qu'il s'agit du ministre des Finances — détermine annuellement les règles budgétaires et les fait approuver par le Conseil du trésor, cela pourrait aussi être une allusion au ministre de l'Education, puisque les deux interviennent dans le dossier. Il ajoute que l'Assemblée nationale n'a rien à voir dans ces décisions. Je suis un peu interloqué de cette affirmation, parce que, comme vous le savez, le Conseil du trésor ne prend pas des décisions définitives. Le ministre des Finances doit se présenter chaque année avec un budget qui est soumis à l'Assemblée nationale et qui est examiné en commission parlementaire pendant deux semaines. On a même vu, pour l'étude des crédits de l'Education, trois semaines avant que ce ne soit approuvé.

Le ministre de l'Education comme le ministre des Finances doivent défendre ce budget, défendre chaque chiffre, et Dieu sait que c'est de bonne guerre. L'Opposition ne manque pas l'occasion d'interroger longuement le gouvernement sur ses intentions. Donc, il y a un contrôle de l'Assemblée nationale sur le Conseil du trésor et sur les règles budgétaires, contrôle qui est extrêmement étroit. Quand je pense aux trois semaines où j'ai pu avoir à défendre le budget de l'Education l'an dernier, je puis vous assurer que ces questions sont évoquées et publiquement. C'est dans le journal des Débats. Pourriez-vous me préciser votre pensée lorsque vous dites que l'Assemblée nationale n'a rien à voir dans ces décisions?

M. Mongeau: Je pense qu'il faut y voir l'esprit et non pas la lettre. Si on prenait l'article 15.1 du projet de loi no 57, lorsque l'on dit: "Le ministre doit établir annuellement et soumettre à l'approbation du Conseil du trésor des règles budgétaires pour déterminer le montant des dépenses admissibles aux subventions à verser aux commissions scolaires, aux commissions régionales et au Con- seil scolaire de l'île de Montréal." Je pense que c'est de là que cela vient. C'est surtout l'esprit qu'il faut regarder. L'esprit est dans le sens que nous ne retrouvons rien dans le projet de loi no 57 qui garantisse que le gouvernement du Québec va continuer de financer ou va financer les commissions scolaires du Québec.

Il n'y a absolument aucun énoncé de principe. D'un côté, on vous dit: On vous enlève le champ de l'impôt foncier normalisé, de l'autre côté, il devrait y avoir une contrepartie, au moins de principe, et cette contrepartie de principe n'y est pas, tout ce qu'on retrouve, c'est véritablement l'article 15.1 qui dit: "Le ministre doit établir annuellement et soumettre à l'approbation du Conseil du trésor..." Alors, je pense que c'est de là que ça vient.

M. Lavoie: C'est une question d'éclaircissement. Il est vrai que les crédits sont étudiés par l'Assemblée nationale et par les commissions de l'Assemblée nationale, mais le ministre sait fort bien que, même si l'Opposition jugeait que certains crédits adjugés dans le budget aux commissions scolaires sont insuffisants, nous n'avons aucun pouvoir de proposer une augmentation.

M. Morin (Sauvé): Assurément, mais la question, c'est que tout ça est débattu publiquement et que si le gouvernement ne rend pas justice aux commissions scolaires, ça va se savoir, d'une manière ou d'une autre.

M. Lavoie: C'est ça qu'on apprend aujourd'hui.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, il ne faudrait pas...

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je me rends compte que le temps passe, il y aurait sans doute d'autres questions, mais je voudrais donner la chance à l'Opposition de se faire valoir. Pour l'instant, j'arrête donc mes questions et j'y reviendrai peut-être, s'il y a du temps, par la suite.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys. J'ai cru comprendre...

M. Mongeau: M. le Président, je m'excuse, pendant que j'y pense, il y avait aussi un autre petit détail concernant le Conseil scolaire de l'île de Montréal. À l'article où on parle des subventions de péréquation, on dit: "Les commissions scolaires et les commissions scolaires régionales", mais on ne parle pas du Conseil scolaire de l'île de Montréal comme pouvant recevoir des subventions de péréquation.

Le Président (M. Jolivet): On en reparlera tout à l'heure. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, j'espère que vous serez indulgent, étant donné que le gouvernement et le ministre en particulier ont pris 25 minutes du temps...

Le Président (M. Jolivet): On est un peu élastique là-dessus.

M. Lalonde: Alors, prenez le même élastique pour nous, M. le Président!

Je veux remercier le président, ainsi que la Fédération des commissions scolaires, pour leur mémoire. Il ne laisse place à aucun doute quant à l'endroit où il se loge en regard du projet de loi no 57. J'avais des questions d'ordre général que je me proposais de vous poser, mais auxquelles vous avez répondu, je pense, d'une façon éloquente. J'aurai d'autres questions un peu plus précises. Vous avez parlé de consultation, mais vous savez que la consultation est dangereuse. On a réussi à arracher au gouvernement, de peine et de misère, en faisant presque des menaces, une consultation limitée à laquelle vous participez aujourd'hui. Vous êtes arrivés ici avec un frein et vous avez failli partir avec un plafond.

Le ministre, dans sa grande générosité, vous a donné le choix. C'est dangereux, la consultation, même si elle est "ad nauseam". Justement, en parlant de ça, le ministre est quand même en assez bonne santé. Une autre consultation et pas de nausée, imaginez-vous!

Non, s'il arrive, dans son mini-discours de troisième lecture qu'il vous a servi, en réponse à votre mémoire, le ministre, au fond, a fait un aveu de défaite. Il a dit: On avait fait des propositions, mais, que voulez-vous, sur la table du Conseil des ministres est tombée la réforme de la fiscalité municipale. Là, dans une confrontation avec, d'une part, le ministre des Finances et le ministre des Affaires municipales et, d'autre part, le ministre de l'Education, vous devinez qui a gagné; avouez qu'il ne faisait pas le poids.

Je n'aurais pas d'objection, en principe, mais je n'aime pas que ça se fasse au détriment du monde scolaire et c'est ça que votre mémoire illustre aujourd'hui, sans toucher, sans affecter le bien-fondé de la réforme municipale et on peut déplorer que les articles qui vous concernent dans la loi soient dans cette loi-là. Cela aurait été un peu plus courageux, je pense, et sûrement beaucoup plus facile pour la délibération de prendre ces articles et de les mettre dans la loi 71. Cela aurait pu se discuter de façon beaucoup plus articulée et logique. Sans mettre en doute donc, sans parler du mérite de la réforme municipale, on doit avouer, on reconnaît maintenant dans cette dernière consultation, que c'est le monde scolaire qui a été sacrifié.

C'est la raison pour laquelle nous avons voté contre ce projet de loi; une des raisons en particulier, mais une raison importante pour laquelle nous avons voté contre le projet de loi, même au niveau du principe.

Vous avez porté tantôt une accusation très grave contre le ministre, M. Mongeau, lorsque vous avez dit qu'au moment même où il vous consultait, la décision avait été prise. Le ministre n'a pas cru bon d'y répondre. Je pense que lorsqu'on a des attitudes qui manquent de franchise à l'égard de la population en général et des clientè- les en particulier, on s'isole et on en voit les résultats un peu partout.

M. le Président, à la suite de ces remarques, j'aimerais que M. Mongeau nous dise ce qui en est des pourcentages actuels en tenant compte des données qui sont incluses dans la loi, les pourcentages actuels des non-admissibles. Le ministre a affirmé — et il me corrigera si je fais erreur, parce qu'il y a eu beaucoup de chiffres qui ont été lancés à gauche et à droite — qu'actuellement ça se logerait autour de 4.5%. Est-ce exact? Dans l'ensemble, je parle d'une moyenne générale, et compte tenu de la définition des dépenses telle que contenue dans la loi.

M. Mongeau: Nous n'avons pas de raison de croire que ce n'est pas exact. Nous n'avons pas véritablement contrôlé dans toutes et chacune des commissions scolaires parce que c'est assez difficile pour nous de le faire. Le gouvernement, autorisant les taux de taxe et approuvant les budgets de toutes les commissions scolaires du Québec, était sûrement mieux placé pour le faire, je pense, et nous n'avons pas de raison de croire que ce n'est pas exact. Mais pour nous, évidemment, c'est une raison de plus pour dire que si, depuis le nombre d'années qu'existe ce pouvoir de taxation pour les dépenses hors norme, nous n'en sommes qu'à 4.5%, il n'y a pas lieu de craindre pour l'avenir. (15 h 30)

M. Lalonde: Autrement dit, pourquoi vous interdire vos prodigalités présumées par le frein et le référendum, alors que vous vous êtes conduits quand même comme des administrateurs responsables de par, justement, les 4.5% qui sont mentionnés. C'est ça que vous voulez dire?

M. Mongeau: C'est ce que nous croyons.

M. Lalonde: J'aurais deux autres questions. Une concerne l'objection au niveau constitutionnel que vous avez soulevée dans le mémoire que vous aviez distribué à tous les députés, je crois, le 4 décembre 1979. Vous avez soulevé des aspects constitutionnels. Est-ce que vous pourriez élaborer là-dessus ou si vous avez choisi de l'enlever du débat?

M. Mongeau: C'est-à-dire que, pour l'instant, nous n'aimerions pas en faire un débat public ici, cet après-midi, nous gardons ces arguments-là pour une autre place s'il y a lieu.

M. Lalonde: Je veux en venir à votre proposition qui était contenue dans le livre vert, mais que vous n'avez pas expliquée. Je comprends que c'est une proposition qui pourrait prendre beaucoup de temps à décrire. Pourriez-vous quand même en donner les éléments les plus importants pour qu'on puisse ici, en commission parlementaire, en prendre connaissance, pour les fins du journal des Débats surtout?

M. Mongeau: Je pense qu'en gros — et je pourrais lire textuellement le livre vert là-dessus, la

page 117, article 4.36 — les dépenses au niveau de l'éducation se partageaient entre le gouvernement du Québec et les milieux respectifs, c'est-à-dire les territoires des commissions scolaires, selon une certaine ligne qu'on appelait la pente, ou une courbe, comme le dit le livre vert, qu'il restait quand même à déterminer. Ceci veut dire qu'en pratique, chaque population du milieu en prenait sa part selon sa richesse relative et le gouvernement du Québec prenait sa part aussi. Je pense qu'il faut être quand même réaliste et, en tant que citoyen, j'oserais même aller plus loin; tout le monde sachant que l'impôt foncier est quand même un impôt régressif et non pas un impôt progressif, il y a une limite à taxer les gens. Je pense qu'il faut quand même le reconnaître, que ce soit au niveau municipal, que ce soit au niveau scolaire, que ce soit au niveau national, il y a une limite à taxer les gens. Il est évident que, quand on tombe au niveau des gouvernements locaux, il doit y avoir un partage dans les dépenses entre le gouvernement de la province et les gouvernements locaux que constituent les municipalités et les commissions scolaires.

Nous croyions et nous croyons encore, d'ailleurs, que cette formule pouvait s'appliquer au niveau de tous les gouvernements locaux, partant de là, où chaque milieu, selon sa richesse relative, aurait payé de ses propres deniers directement pour ces priorités qu'il veut bien s'attribuer et sa partie des responsabilités au niveau de l'éducation. Le gouvernement, d'autre part, selon sa partie à lui, comblait le reste. De cette façon, grosso modo, on aurait pu établir une ligne de partage qui aurait pu se situer, selon les milieux, autour de 40%, 60% et même on aurait peut-être pu arriver, dans une place comme l'île de Montréal, à 50%. Parce qu'il faut quand même dire une chose, même encore cette année, si on inclut le champ de l'impôt foncier normalisé, les contribuables de l'île de Montréal paient encore 45% des dépenses d'éducation sur l'île de Montréal et le gouvernement n'en paie que 55%. Ailleurs, dans la province, c'est 35%, c'est 25%, c'est 20%, dépendant de la richesse relative de chaque milieu. Alors, en vertu de cette formule, je pense qu'elle avait assez de flexibilité pour laisser la responsabilité à chacun des milieux de payer sa part et au gouvernement du Québec et au ministère de l'Education, qui a quand même la grande priorité d'établir les objectifs prioritaires dans la province, à ce moment-là, bien sûr, de combler selon ces objectifs. Je pense que c'était une formule assez simple en soi, flexible et qui faisait participer tout le monde d'une façon plus ou moins égale, dépendant de la richesse relative des milieux.

M. Lalonde: Je vous remercie. Pour laisser encore du temps, surtout aux autres intervenants, je pense que votre mémoire est très éloquent. Je crains fort toutefois que cette dernière consultation que nous avons exigée nous-mêmes ne vous fasse accomplir de grands progrès.

On a vu jusqu'à quel point le ministre n'est pas prêt à faire les ouvertures nécessaires concer- nant le frein et je le répète, il a simplement suggéré de l'enlever et de vous bâillonner complètement avec un plafond absolument inamovible. Je pense que le ministre de l'Education a capitulé depuis un bon bout de temps et qu'il a abandonné simplement le principe de l'autonomie véritable du monde scolaire dans ses administrateurs.

Nous allons continuer, quant à nous, à profiter des éclairages que vous nous avez apportés à la commission parlementaire pour tenter d'amener le gouvernement à réfléchir et à faire les changements nécessaires.

Le Président (M. Jolivet): Le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. À mon tour, je tiens à vous remercier pour votre participation à cette commission et pour l'éclairage que vous apportez aux membres. Je voudrais maintenant vous poser quelques questions spéficiques. Est-ce que l'apport du gouvernement a été suffisant dans le passé en ce qui regarde l'indexation des dépenses fixes, soit l'éclairage, le chauffage, ainsi de suite? Je crois que si l'indexation du gouvernement n'est pas assez forte, vous devez aller devant les contribuables pour avoir un excédent de revenus.

Alors, j'aimerais que vous fassiez connaître votre point de vue sur l'apport du gouvernement et sur les dépenses fixes.

M. Mongeau: Je pense que la réponse est facile, c'est non. Nous le soulignons d'ailleurs dans notre mémoire. Nous donnons véritablement à la page 4 de notre mémoire, à partir des années 1975/76, jusqu'à 1979/80 l'indexation. En 1975/76, cela a été nul et en 1876/77, cela a été nul, en 1977/78, c'est 6%, en 1978/79, c'est 2,98%, cette année, c'est 0,22%. Quand on connaît l'augmentation du prix de l'huile à chauffage cette année, toutes les commissions scolaires du Québec connaissent une augmentation du coût de l'huile à chauffage d'au moins 25%, c'est véritablement le minimum et ça va beaucoup plus haut pour d'autres.

On ne sait pas encore comment on va faire pour payer l'huile à chauffage. C'est clair.

M. Cordeau: Automatiquement, il faut que vous vous adressiez aux contribuables par le biais des dépenses subventionnées, c'est-à-dire que vous englobez ça dans les dépenses non subventionnées?

M. Mongeau: C'est-à-dire qu'à partir de ce moment-là, on a deux façons possibles de procéder, celle de réduire des services au niveau de l'enseignement ou de l'éducation en général ou encore de se servir du pouvoir de taxation hors norme. On a ces deux possibilités, on a le choix.

M. Cordeau: Vous n'avez pas grand choix. Le choix est limité. Une autre question, M. le Prési-

dent, dans les mémoires que les commissions scolaires du comté de Saint-Hyacinthe m'ont fait parvenir, dans le vôtre aussi, vous dites que "les services minima devraient être mieux définis". Voulez-vous expliciter mieux votre pensée là-dessus?

M. Mongeau: Evidemment, ça, ce n'est pas facile, je dois vous le dire. Je pense qu'il faut quand même être bien franc là-dessus. Ce qu'on veut dire par services minima, c'est de permettre à chaque étudiant ou à chaque jeune au Québec d'avoir la même chance, la même égalité de chance à l'éducation, parce qu'on sait que, selon les milieux, souvent, les gens n'ont pas exactement la même égalité de chances au niveau de l'éducation. Cela a d'ailleurs fait l'objet de la réforme qu'on a connue à l'éducation, c'était l'objectif. Mais je ne pense pas qu'on puisse dire, encore aujourd'hui, que cet objectif a pu être obtenu à 100%. Il y a toujours place pour l'amélioration.

Nous ne voudrions surtout pas qu'à cause de la réforme proposée par le projet de loi 57, ce qui a été fait jusqu'à maintenant, durant les quinze dernières années à ce niveau, soit mis en péril à cause de ça. Je pense que c'est important.

M. Cordeau: Je voudrais revenir à la question du référendum, parce que là aussi, il y a beaucoup de points d'interrogation. Vous demandez qu'il n'y ait pas de frein, mais, par contre, si le gouvernement maintient sa position de vous imposer des freins, vous faites aussi mention dans votre mémoire, des pouvoirs des cités et villes, des municipalités concernant le référendum.

Dans les mémoires que les commissions scolaires m'ont fait parvenir, dans mon comté, elles seraient peut-être prêtes, au pis aller, à accepter les modalités reconnues par les municipalités, c'est-à-dire qu'il y aurait un livre où les citoyens pourraient indiquer qu'ils demandent un référendum et que, s'il n'y a que cinq, dix ou quinze citoyens qui s'opposent, il n'y aurait pas de référendum; il y aurait certaines balises à y placer, mais que les commissions scolaires ne soient pas obligées d'aller au référendum si elles veulent imposer $0.01 ou $0.02 de taxe de plus. À ce moment-là, le coût du référendum dépasserait presque les recettes escomptées par cette taxe additionnelle.

J'aimerais que vous nous fassiez part des points de vue de votre organisme concernant le référendum.

M. Mongeau: Disons ceci sur le référendum automatique. Bien sûr, d'abord, en principe, nous nous y opposons, et je pense que nous maintenons cette position pour les raisons déjà énoncées. Nous nous sommes servis de la comparaison avec les municipalités, même si cette comparaison est boiteuse, parce que, encore une fois, les municipalités ne vont pas en référendum pour leur budget d'opérations courantes, mais uniquement lorsqu'elles font un règlement d'emprunt ou qu'elles veulent modifier leur règlement de zonage, ou des éléments aussi particuliers que ceux-là.

On se disait: Même dans ces cas-là, ce que le gouvernement du Québec a toujours fait, c'est qu'il n'impose pas de référendum automatique. Il me semble que le raisonnement derrière cela se comprend bien. D'abord, il faut savoir un peu à l'avance si les gens vont être favorables ou non à cette mesure qui est prônée. De là la mesure qui fait qu'on demande que tant de citoyens viennent s'opposer avant de décréter un référendum, et ce qui fait aussi qu'en pratique, souvent, lorsque le nombre de citoyens est atteint, des citoyens s'opposant à la pratique et réclamant un référendum, la municipalité va reculer et va changer, va retirer son règlement d'emprunt ou va le modifier, parce que la municipalité agit comme une administration saine et sage.

Nous, on ne nous permet même pas d'agir de la même façon avec les conséquences pratiques que ça peut avoir. Par exemple, disons que la loi est adoptée telle quelle, et que, cette année, au mois de juin, une commission scolaire se voit dans l'obligation, afin de donner les services requis, de dépasser de 6%. Elle doit automatiquement aller en référendum et, par conséquent, payer une certaine somme d'argent uniquement pour faire le référendum. On évalue cela, grosso modo, à environ $1 par électeur, et cela ne comprend pas les frais indirects. C'est-à-dire que si on veut que le référendum passe, parce qu'on croit à notre cause, on va mettre des annonces dans les journaux, on va faire de la publicité, organiser des réunions, cela ne comprend même pas ces coûts, et c'est $1 par électeur.

Admettons que, cette année, la population soit d'accord, vote pour l'augmentation de 6% à 6,25%. L'an prochain, même si on ne veut pas l'augmenter à plus de 6,25%, il va quand même falloir retourner en référendum uniquement pour le maintenir à 6,25%, et dépenser encore au moins $1 par électeur pour demander: Êtes-vous d'accord, encore cette année, pas qu'on augmente, mais qu'on demeure là où vous nous avez permis d'aller l'an dernier, et ainsi d'année en année?

M. Lalonde: Avec un livre blanc chaque fois, ça va coûter cher.

M. Lavoie: Cela coûte cher, un livre blanc pour un référendum.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Hyacinthe, la parole est à vous.

M. Cordeau: M. le Président, il avait la parole.

M. Mongeau: Je pense qu'on voit tout de suite qu'au niveau pratique, on se dit qu'on est contre tout référendum, mais, au moins, au pis aller, qu'il y ait des mesures comparables. C'est cela.

M. Cordeau: M. le Président, j'aurais maintenant une question à poser à Mme Miller. Dans votre mémoire, à la page 2, vous mentionnez, concernant les fonds alloués dans des domaines tels que les bibliothèques, l'orientation et les services aux étudiants et les activités de récréa-

tion: "Dans ces domaines, aucune subvention adéquate n'existe ni du ministère de l'Education, ni du ministère des Affaires sociales." Est-ce que votre intention serait de demander aux ministères concernés d'augmenter leur subvention? Pouvez-vous expliciter un peu votre pensée à ce sujet? (15 h 45)

Mme Miller: That was not the intention in the brief. The intention was to demonstrate that we have had to provide services in the communities. Many times, the library in an English school is the only English library available to the media. Many times, we provide services such as speech therapy, guidance counsellors and other people who could perhaps have been provided by the Ministry of Social Affairs but were not available to the English milieu. It was to demonstrate that that is what we are paying for.

M. Cordeau: O.K. Thank you.

M. Fox (Marcel): Un des exemples que je pourrais vous donner, c'est l'appui donné aux écoles dans les milieux défavorisés de Montréal qui vient des fonds d'éducation, pour remédier à un problème social. À notre avis, si on voulait être juste, c'est de l'argent qui vient de la surtaxe de Montréal, de l'île de Montréal, qui est réparti dans les milieux défavorisés. Le programme que nous avons est entièrement justifié et c'est un des meilleurs qui existent dans la province, mais je dis quand même que ce sont des subsides d'éducation qui sont donnés à des fins sociales pour régler un problème social qui devrait dépendre du ministère des Affaires sociales et non point des commissions scolaires de l'île de Montréal.

M. Cordeau: Avec les modalités du présent projet de loi, allez-vous être en mesure de donner les mêmes services que vous donnez actuellement ou allez-vous être dans l'obligation de diminuer le pourcentage de taxes que vous imposez sur les dépenses non admissibles?

Mme Miller: Non, on ne peut pas le faire à l'avenir, si on diminue les taxes.

M. Mongeau: Je pense qu'il faut être juste. Je pense qu'il faut dire que ce que nous disons, ce n'est pas qu'automatiquement, dès le mois de juin prochain, nous allons être obligés de couper des services. Je pense qu'il faut quand même s'entendre sur cela. Mais nous disons qu'à plus ou moins long terme, il est évident qu'avec des mesures comme celles que nous retrouvons dans le projet de loi 57, s'il est adopté tel quel, on risque de mettre en péril certains services que nous donnons. Nous avons dressé à la fin de notre mémoire la liste de ce que nous payons avec le produit de la taxe hors normes. C'est important, parce qu'encore là, trop souvent, moi en tout cas et mes collègues, nous entendons dans des déclarations faites à la radio, à la télévision, dans les journaux que ce sont des dépenses de luxe que nous nous payons, que c'est du superflu. Ce n'est pas du luxe et ce n'est pas du superflu. J'aimerais ici faire un appel particulier, par exemple, dans la liste que nous avons soumise, sur la mise en pratique de la politique du ministre de l'Education sur la dernière école de quartier ou de village où on doit se servir de ce produit de la taxe hors normes pour pouvoir maintenir cette dernière école de quartier. Je sais, parce qu'on me l'a souligné, que ce problème est très aigu présentement, particulièrement à la CECQ, ici à Québec. On en a besoin pour cela. Ce ne sont pas des dépenses de luxe ou superflues.

M. Cordeau: Une dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Oui, seulement avant que...

M. Cordeau: Avez-vous l'impression, dans certains cas, que le gouvernement se retranche derrière ce pouvoir que vous avez d'imposer une taxe pour les dépenses non admissibles pour ne pas subventionner dans des dépenses admissibles certains projets que vous avez qui sont absolument nécessaires dans certains milieux, certains services?

M. Mongeau: Je ne crois pas qu'on puisse affirmer cela d'une façon aussi catégorique. Je pense véritablement — personnellement, je suis l'un des partisans de cela et c'est pourquoi d'ailleurs je prônais, nous prônions la formule de financement à laquelle j'ai fait référence tantôt — qu'il faut absolument que le milieu participe non seulement au niveau des idées, non seulement au niveau des moyens, mais aussi au niveau du financement, à l'évolution du système d'éducation sur le territoire de sa commission scolaire.

Nous reconnaissons, bien sûr, au gouvernement du Québec et au ministère de l'Education en particulier l'obligation de définir les objectifs prioritaires d'éducation au Québec. Nous reconnaissons, bien sûr, au ministère de l'Education de définir les grandes finalités, mais nous voulons que chacun des milieux puisse à l'intérieur de cela définir ses propres objectifs et ses propres finalités. Comme je le disais au congrès de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, je suis tout autant en faveur du ministère de l'Education du Québec que le premier ministre est en faveur du maintien des commissions scolaires.

M. Cordeau: Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre des Finances, en vous demandant de pouvoir terminer, si c'est possible, vers 16 heures de façon à pouvoir passer à l'autre organisme.

M. Parizeau: M. le Président, j'entendais tout à l'heure le député de Marguerite-Bourgeoys dire que le ministre de l'Education, en somme, va abandonner l'autonomie des commissions scolaires ou son principe. Cela me servira d'introduction pour un certain nombre de remarques que je voudrais

ajouter à celles qu'a présentées le ministre de l'Education.

L'autonomie des commissions scolaires a été, dans son principe, abandonnée au début des années soixante. Il fut un temps où les commissions scolaires avaient une latitude considérable quant à la nature des services qu'elles pouvaient offrir, ne serait-ce que sur le nombre d'années d'études qu'elles pouvaient offrir sur leur territoire. Dans les années soixante, la caractéristique principale qui a découlé de l'action du ministère de la Jeunesse, comme on l'appelait — on remonte loin en arrière, du ministère de l'Education quand il a été mis en place, et du rapport Parent — c'est qu'il y aurait d'abord un budget normalisé dans les commissions scolaires. L'existence même d'un budget normalisé était une atteinte foudroyante à l'autonomie des commissions scolaires. On déterminait, aux fins de subventions par le gouvernement, ce qui serait considéré comme dépenses admissibles. On n'aura jamais vu cela à l'égard des municipalités.

Deuxièmement, si je me souviens bien — je parle de mémoire— vers 1965 ou 1966, on a établi un impôt foncier normalisé pour les commissions scolaires. Jamais on n'a vu cela à l'égard des municipalités. Cet impôt normalisé était déterminé par le ministre des Finances chaque année. Il déterminait le rôle, de combien il augmenterait, le taux, combien de cents par $100 d'évaluation et combien de dollars. Cela n'était pas discutable. En fait, c'était une taxe imposée par le gouvernement du Québec par le truchement des commissions scolaires. On sait bien que les gens de l'époque — je parle de la fin des années soixante — ont été profondément troublés par ce divorce entre les commissions scolaires de plus en plus orientées par les gouvernements — cela concerne les gouvernements de nos amis d'en face à part égale — et, d'autre part, ce qui se passait du côté municipal, qui était fort différent où le gouvernement adoptait plutôt la formule qu'on aurait appelée, au niveau fédéral, celle des plans conjoints. Le gouvernement disait, en somme: Si vous faites tel genre de travaux, j'en subventionnerai une partie, mais vous êtes libres d'accepter ou de refuser.

On retrouvera, si ma mémoire est fidèle, dans le discours du budget de M. Paul Dozois en 1969 l'expression la plus claire de ce dilemme entre une autonomie des commissions scolaires qui est déjà, à cette époque — on parle d'il y a dix ans — en train d'être considérablement restreinte et cette tentation du gouvernement de l'époque de dire: Au niveau local, au moins, on consolidera l'autonomie des municipalités. Le dialogue que je tiens maintenant, tous les gouvernements l'ont tenu. Il est parfaitement inutile aujourd'hui de dire: Est-ce qu'on pourrait faire en sorte, par le projet de loi que nous présentons, en y apportant un certain nombre d'amendements, de rétablir l'autonomie des commissions scolaires telle qu'elle existait à la fin des années cinquante, l'autonomie véritable des commissions scolaires. Cela fait maintenant presque vingt ans que cela a été considérablement restreint. Je pense qu'il est inutile de se gargariser de mots; la réalité est là depuis presque une génération.

Le président de la Fédération des commissions scolaires catholiques disait tout à l'heure: C'est l'esprit de la chose qui nous est important, ce qui manque, c'est un énoncé de principe. Il faut bien comprendre que l'énoncé de principe ne pourrait jamais être celui qu'il tirait d'une des brochures publiées par le ministre des Affaires municipales, parce que le principe est fort différent. Entre l'autonomie fiscale des municipalités, que nous consacrons davantage par le projet de loi 57, et ce qu'on peut appeler l'autonomie des commissions scolaires, enfin le champ d'autonomie des commissions scolaires en date d'aujourd'hui, le divorce est énorme, de toute façon.

Il faut faire attention au jeu sur les mots, les réalités sont extraordinairement différentes. Je ne suis d'ailleurs pas toujours certain dans quelle mesure c'est perçu ça. Dans l'introduction, M. le président de la Fédération des commissions scolaires catholiques notait bien le caractère de l'impôt foncier normalisé, et déjà, dans son texte à la page 2, on trouve presque une contradiction par rapport à ce qu'elle amenait dans son introduction. Lorsqu'on dit: "Cependant, nous déplorons que le gouvernement n'ait pas déployé la même attention pour remplacer la source de financement que les commissions scolaires perdront — donc, l'impôt foncier normalisé — par une autre offrant les mêmes garanties statutaires." Mais il n'y a jamais, depuis quinze ans, eu de garantie statutaire quant à l'impôt foncier normalisé. C'est le ministre des Finances, chaque année, qui encore une fois fixait l'augmentation du rôle et l'impôt; il n'y a jamais eu de garantie statutaire là-dedans depuis bien longtemps.

Ce que le projet de loi précise, c'est quand même qu'il restera une marge de taxation; les commissaires d'écoles étant élus, ils doivent être en mesure de taxer. Alors, on nous disait tout à l'heure: Mais les commissions scolaires en moyenne — encore que les divergences d'une commission scolaire soient considérables — ne prennent pas plus de 4,5% des dépenses nettes en taxation pour les dépenses non admissibles aux subventions. Donc, pourquoi mettre un plafond à 6%?

Il faut bien comprendre les discussions qui ont eu lieu autour des 6%. On a parfaitement raison de souligner que la taxation pour des dépenses dites non subventionnables — voyez, M. le Président, que j'ai perdu l'habitude de dire les "inadmissibles" — qu'à 4,5% on n'avait pas exagéré par rapport au plafond de 6%, mais il y a eu une discussion prolongée chez nous quant à savoir si ça n'aurait pas dû être 5%. En mettant 6%, on se dit: On laisse quand même un peu de marge sur la moyenne. Nous, on pensait qu'en passant de 5% à 6%, on augmentait les marges.

Je dirais maintenant deux mots sur l'Assemblée nationale, qui n'a rien à voir avec les décisions quant au budget des commissions scolaires. Le député de Marguerite-Bourgeoys disait tout à l'heure... Non, c'était le député de Laval, je m'excuse: Mais, l'Opposition ne peut pas proposer

d'amendement à des projets de loi de crédits. Bien sûr, mais on pourrait en dire autant de toutes les dépenses du gouvernement à l'égard de tous les citoyens. Ce sont les règles du parlementarisme britannique et j'espère qu'on ne s'attend pas de moi que j'en fasse un long panégyrique, même si j'en suis convaincu. Il n'en reste pas moins qu'à cet égard les commissions scolaires ne sont pas traitées différemment de tous les programmes de dépenses s'appliquant à tous les citoyens du Québec.

Une observation quant à ce que le président des commissions scolaires catholiques disait des subventions, c'est-à-dire de l'indexation des subventions applicables aux autres dépenses, aux dépenses non salariales.

Je vous avouerai que je suis un peu étonné de voir qu'il les établit comme étant nulles en 1975/76, nulles en 1976/77 et, en somme, depuis que nous sommes au pouvoir, plus que zéro. Moi, j'étais, de mon côté, persuadé que j'avais suggéré 4% en 1977/78 et zéro par la suite. C'est donc que, quelque part dans l'administration du système, je me suis peut-être fait avoir, je pensais avoir été moins généreux!

Une voix: II y a des notes qui se prennent!

M. Parizeau: II y a des notes qui se prennent; des deux côtés d'ailleurs!

Mais, pourquoi fait-on ça? J'ai eu l'occasion, lors des discussions de Québec-commissions scolaires, d'expliquer pourquoi. C'est que tout est sur le plan des effectifs, sur le plan des salaires tout est "normé" ou déterminé pas les conventions collectives ou par des normes assez précises du ministère de l'Education, mais dès qu'on sort du champ de l'enseignement proprement dit, les effectifs ne sont pas "normés". (16 heures)

Or, on reconnaîtra que le coût de la masse salariale par étudiant au Québec, si on la compare aux autres provinces canadiennes, et singulièrement à l'Ontario, est très élevé. On aura peut-être l'occasion d'en discuter davantage dans les jours qui viennent. Il faut bien comprendre: les salaires payés par étudiant au Québec, quand on les compare à ceux de l'Ontario, sont très élevés. Or, le gouvernement n'a jamais pris les mesures nécessaires pour "normer" les dépenses de personnel autre qu'enseignant. Et, dans ces conditions, le gouvernement qui nous a précédés, comme le nôtre, ça changera peut-être, nous avons placé les commissions scolaires devant une sorte d'affreux dilemme. On indexe à presque rien les dépenses autres que les salaires, de façon que, pour le personnel non enseignant, vous vous posiez des questions quand il s'agit d'embaucher d'autre personnel.

Et on sait bien que la soupape pour ces dépenses autres que les salaires non indexés a été peut-être de réduire les services, comme le disait le président de la Commission scolaire catholique, cela a été, parfois, de recourir aux inadmissibles, mais cela a été, surtout, de maintenir un frein sur les dépenses de personnel autres que le personnel enseignant.

Encore une fois, ce n'est pas une mesure qui a été inventée par le précédent gouvernement. Nous avons en page 4 du mémoire des commissions scolaires catholiques l'indication très claire que nous procédons et continuons de procéder selon une procédure solidement établie. J'ai eu l'occasion de dire que ça me paraissait loin d'être idéal et, si on me passe l'expression, que c'est fait un peu sur la gueule. Mais il faut reconnaître aussi que cela n'a pas été totalement inefficace.

J'en viens à la question du référendum. Il faudrait peut-être réconcilier l'arithmétique. Peut-être que M. Mongeau aurait quelques commentaires à faire là-dessus, mais j'ai de la difficulté à faire cette réconciliation. Si c'est $1.00 par électeur, ça peut difficilement coûter $3 millions, comme on l'indique en page 9, pour le conseil de l'île. On a déjà connu une époque au Québec où on faisait voter les morts, mais j'espère qu'on ne fait pas voter les nourrissons! Ce doit être moins que ça, ce doit être de l'ordre de $1,5 million ou $2 millions, j'imagine, $1,5 million ou $2 millions... Mais c'est un détail. Il reste néanmoins qu'on nous a suggéré, à l'occasion des rencontres que nous avons eues avec les commissions scolaires, un référendum qui ne serait pas automatique, et c'est vrai qu'il y a plusieurs formules possibles. On peut imaginer, par exemple, le registre des électeurs, dont notre collègue de Saint-Hyacinthe parlait tout à l'heure. Ceux qui seraient contre une augmentation de taxes s'inscrivent et, lorsqu'un certain nombre de signatures a été ramassé, le vote se prend. Il y a cependant un problème là-dessus, c'est qu'il faut bien reconnaître que la taxe foncière scolaire à 6% ou $0.25 n'est pas susceptible d'amener des citoyens à s'organiser sur une très grande échelle pour faire battre une taxe supplémentaire de $0.05 car, $0.05 sur une maison de $20 000 ou $30 000, il n'y a pas vraiment de quoi se battre dans les autobus.

On a imaginé une autre possibilité, c'est-à-dire qu'un conseil, une commission scolaire devrait, pour éviter le référendum, ramasser un certain nombre de signatures positives cette fois-ci, c'est-à-dire se présenter avec un certain nombre d'électeurs qui reconnaissent, qui acceptent, en somme, la proposition, s'il y en a un assez grand nombre, il n'y a pas de référendum. C'était une autre possibilité qui a été évoquée d'ailleurs assez longuement dans les rencontres que nous avons eues avec les commissions scolaires.

Tout ça pour vous dire, M. le Président, que lorsqu'on parle de consultations, il y en a eu et pas mal. Cette forme de référendum présente cependant un inconvénient, ce sont les mêmes inconvénients que la première formule, un peu atténués cependant, je le reconnais.

L'idée fondamentale de la mesure et du plafond sujet au référendum, c'est qu'il ne doit pas être trop facile. Je le reconnais ici en toute candeur. Il faut un frein et un frein assez substantiel. Est-ce qu'il y a, dans nos façons de procéder sur le plan budgétaire, sur le plan du partage

des impôts, des précédents à cela? Oui, bien sûr, il y a des précédents. Ce que le gouvernement de Québec applique aux commissions scolaires par la loi 57, c'est très exactement le cadre dans lequel nous avons très longuement vécu avec le gouvernement fédéral. On se partage les impôts avec un plafond. Nous avons connu cela pendant des années. Je ne dirai pas que c'est très agréable, j'en conviens, mais à l'époque où il y avait 100 points d'impôt sur le revenu des particuliers, on se les partageait, tant de points au fédéral et tant de points au provincial. Qu'est-ce que c'était sinon cela? Remarquez bien, comme le disait le ministre de l'Education tout à l'heure, ce qui aurait vraiment correspondu à cette structure de partage des impôts, cela aurait été un plafond, 6%, rien de plus. C'est déjà une amélioration considérable par rapport à des formules fédérales-provinciales que nous avons bien connues. Il y a un plafond, mais il peut être levé par référendum. Soit dit en passant, nous n'avons jamais eu la possibilité de faire cela avec le gouvernement fédéral. Il ne nous donnait même pas le droit au référendum. Remarquez que c'est terminé. Depuis quelques années, les deux niveaux de gouvernement, à ce niveau, taxent comme ils le désirent. Si on veut faire une analogie historique c'est avec cela. Maintenir en somme le droit d'une taxation locale, pas très considérable, parce que depuis 20 ans, enfin au moins 15 ans, parce que le degré d'autonomie des commissions scolaires n'est pas non plus, reconnaissons-le, si on veut être de bon compte, très considérable. C'est une question de dosage de certains pouvoirs de taxation avec des pouvoirs réels d'administration, et d'autre part la consécration que cette autonomie municipale, qui elle n'a jamais été atteinte par les mêmes règles, est enfin consacrée sur le plan fiscal. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le président.

M. Mongeau: M. le Président, j'aimerais relever certaines remarques du ministre...

Le Président (M. Jolivet): Avant de continuer, on s'était fixé à peu près quatre heures, parce que je sais que c'est l'organisme principal qui a demandé la consultation d'aujourd'hui, je m'étais fixé une heure et demie dans votre cas, mais je vous demanderais d'être le plus bref possible.

M. Mongeau: Bien. M. le Président, j'aimerais juste répondre à certaines remarques du ministre des Finances. D'abord, le ministre des Finances a commencé encore une fois en parlant du peu de degré d'autonomie que les commissions scolaires avaient depuis 1960 et que, de gouvernement en gouvernement... Je pense qu'on a admis cela. Nous ne sommes pas ici — et je tiens à être clair là-dessus — pour énoncer une position qui soit de partisanerie politique. Quel que soit le gouvernement en place, le mémoire que j'ai présenté, je l'aurais présenté. Je pense qu'il faut être bien clair là-dessus. Mais pour moi, ce n'est pas une raison, parce que des gouvernements antérieurs, de quel- que couleur fussent-ils, nous ont enlevé l'autonomie degré par degré, pour que finalement le gouvernement actuel nous achève. C'est cela notre position.

Deuxièmement, le ministre des Finances a parlé des 4,5% et qu'en les fixant à 6% on croyait réellement donner une marge. À moins que je ne comprenne mal, ce qui est toujours possible, remarquez bien, les 4,5% s'établissent sur le budget total des commissions scolaires présentement et non pas sur les dépenses nettes globales. Nous avons produit en annexe 1 la liste des commissions scolaires affectées, parce que si on prend les dépenses nettes globales, la moyenne n'est plus de 4,5%, elle dépasse de beaucoup. Elle dépasse dans beaucoup de cas les 6%. Je m'excuse de revenir à mon exemple, parce qu'on prend toujours le milieu qu'on connaît le mieux et le milieu que je connais le mieux présentement demeure l'île de Montréal. Présentement, notre moyenne est à 5,4%. Seulement, si on prend les dépenses nettes globales, c'est 7,5%. Ce n'est pas la même chose. Il faudrait comparer, je pense, les deux mêmes choses.

Troisièmement, le ministre a parlé de contradictions possibles. Je pense qu'il n'y a pas de contradiction. J'ai fait au départ un énoncé de principe que nous avons toujours soutenu. Seulement, cet après-midi, nous avons quand même voulu discuter de la loi 57 avec les articles tels qu'ils sont inscrits dans la loi. Il ne faudrait pas y voir là de contradiction.

Ensuite, le ministre a parlé des $3 500 000 sur l'île de Montréal. Je pense que tantôt, j'en avais parlé. Quand je dis $1 par électeur, on parle de coûts directs, on ne parle pas des coûts indirects, comme la publicité ou ces choses-là. On a calculé qu'un référendum sur l'île de Montréal, et même dans n'importe quelle commission scolaire du Québec, ça va être le même coût qu'une élection. Une élection cette année, on va en avoir une au mois de juin. On a déjà des prévisions de $3 000 000 à $3 500 000. C'est clair que s'il fallait tenir un référendum l'année prochaine, comme il n'y aura pas d'élection, ce sera encore $3 000 000 ou $3 500 000, si on inclut tous les frais directs et indirects, et on ne fera pas voter de nourrissons.

Enfin, sur la question des référendums, je pense véritablement que si on prend uniquement cet angle, il est évident quant à nous — je pense que le ministre des Finances l'a confirmé par son exposé — que dans le fond, le but plus ou moins avoué, et je dirais maintenant avoué, puisque c'est le ministre des Finances qui l'a dit, en imposant cette mesure, c'est qu'on ne veut pas qu'on dépasse le plafond de 6%. J'aimerais mieux qu'on le dise clairement à ce moment-là.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, avant de vous faire répondre, j'ai une question de règlement de la part...

M. Lalonde: Dans l'oraison funèbre du ministre des Finances sur les commissions scolaires, M. le Président — on pensait qu'elles étaient mori-

bondes, mais il vient de nous délivrer le certificat de décès — il a fait une analogie entre... C'est pour ça que je voudrais rétablir les faits, je sais que ce n'est pas de son intention de tromper les membres de la commission, mais l'analogie qu'il a faite avec les points d'impôt qui sont transférés entre le fédéral et le provincial ne tient pas, parce qu'il n'y a rien qui empêche une province d'augmenter les impôts sans référendum.

M. Lavoie: II y a tellement d'autres variétés d'impôt, on le sait d'ailleurs.

M. Lalonde: II y a d'autres sources de revenus. Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, je commence par la fin, jusqu'en 1967, pour les trois grands impôts directs, ce n'était pas le cas, c'était rigoureusement divisé en fonction d'une échelle de 100 points, rigoureusement.

M. Lavoie: Vous avez d'autres champs de taxation, alors que les commissions scolaires n'ont strictement que celui-là.

M. Parizeau: Sans doute, sans doute.

M. Lavoie: Vous aviez une plus grande latitude au point de vue provincial.

M. Parizeau: Je voudrais revenir, M. le Président, à certains chiffres amenés par M. Mongeau. Quand il disait qu'il faut comparer des choses analogues, je suis bien d'accord avec lui, il faut comparer des choses analogues. Je précise tout de suite que pour ce qui a trait aux dépenses, c'est-à-dire à la proportion des taxes foncières perçues pour les dépenses non subventionnées, sur une base nette, les dépenses nettes, c'est bien 4,6%, pas 4,5%,mais 4,6%.

En ce qui a trait au Conseil scolaire de l'île de Montréal, il est exact que c'est 7,5% des dépenses nettes, mais pour l'année 1978/79. Pour l'année 1979/80, c'est 5,8%. Vous approchez de 6%, mais vous n'avez pas dépassé 6%, pour l'ensemble du conseil scolaire. Je ne cacherai pas à M. Mongeau, M. le Président, que le fait que le Conseil scolaire de l'île de Montréal soit à 5,8% cette année a eu une certaine influence pour la détermination du niveau de 6%. Je serais moins que candide, comme on dit en anglais, si je ne le reconnaissais pas.

Voilà, à peu près, sur le plan des chiffres, ce que je voulais dire en conclusion.

Le Président (M. Jolivet): Le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: De façon très rapide, je voudrais d'abord remercier le gouvernement pour avoir eu cette délicatesse de répondre à la demande de l'Opposition de vous inviter ici aujourd'hui. Je vois que le temps s'écoule et on veut limiter le temps, mais il y a des points sur lesquels je m'interroge. Je sais qu'il y a eu beaucoup de communications entre le gouvernement et la fédération pour essayer d'établir un dialogue pour en venir à une entente. Est-ce que je dois comprendre, suivant l'exposé de votre mémoire, que la Fédération des commissions scolaires serait satisfaite si on enlevait ce point de référendum? Parce qu'on sait qu'un référendum, du moins dans tous les statuts que je connais, cela a été établi lorsqu'il s'agit d'une dépense capitale, non pas d'une dépense administrative.

Dans votre mémoire, aussi bien que dans la loi, il s'agit de dépenses administratives. Si cette rigidité était enlevée, les commissions scolaires auraient moins d'objections à l'adoption de la loi? Est-ce que je dois déduire? (16 h 15)

Est-ce qu'il y a d'autres points sur lesquels vous n'avez pas été d'accord à l'occasion de discussions, ou si vous vous êtes entendus sur tous les points, sauf celui-là?

M. Mongeau: Je pense que ce serait inexact de dire que nous serions satisfaits, je pense que je l'ai assez démontré. Non, nous ne serions pas satisfaits, mais disons que, dans la pratique, on trouverait cela moins grave. Je tiens à être clair là-dessus. Ce qui nous satisferait, ce serait véritablement de reprendre la réforme au complet dans le sens que je le mentionnais dans mon énoncé de principe au départ.

M. Russell: Est-ce qu'on arrive à un principe qui ne devrait normalement, à mon sens, jamais exister, dire que l'argent qui est perçu par un gouvernement et dépensé par un autre est un faux principe? Les commissions scolaires voudraient revenir à un statut pour se dire que l'argent qu'on va dépenser devrait être imposé par nous-mêmes directement aux contribuables. Est-ce que c'est cela votre conception de la perception des impôts?

M. Mongeau: Je pense qu'en saine démocratie, les milieux, à quelque niveau de gouvernement qu'on soit, doivent définir leurs priorités et doivent être en mesure d'en financer le coût.

Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie, M. le Président, ainsi que les personnes qui sont avec vous aujourd'hui. J'invite l'Union des conseils de comté à s'avancer à la table.

Je demanderais à l'assistance de bien vouloir nous permettre de continuer nos travaux, je demanderais à M. Moreau de s'identifier, de donner les noms de ses acolytes.

Union des conseils de comté

M. Moreau (Jean-Marie): Merci, M. le Président. Je suis le président de l'Union des conseils de comté du Québec. À ma gauche, Me Pierre Viau, conseiller en matière juridique de l'Union des conseils de comté; à mon extrême droite, M. Claude Caumartin, conseiller en évaluation, et

immédiatement à ma droite, M. Eugène Letendre, vice-président de l'Union des conseils de comté. Avant de lire le mémoire, je voudrais tout de même vous remercier pour nous avoir permis de nous exprimer ici...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. Moreau. Je demanderais encore, s'il vous plaît, de nous permettre de continuer nos travaux, parce qu'il y a un bourdonnement qui nous empêche d'entendre convenablement la personne qui parle. Merci.

M. Moreau: Afin d'éliminer toute ambiguïté quant à la position de l'Union des conseils de comté du Québec, j'aimerais dire que cette position en matière de fiscalité n'est pas d'hier. Elle remonte à une dizaine d'années, alors que nous avons demandé, lors de tous les congrès et devant tous les médias d'information, le transfert du champ foncier intégralement aux municipalités. C'est pour être bien clair et pour dissiper toute ambiguïté quant à des connivences ou quoi que ce soit au niveau des partis politiques.

Sans plus tarder, M. le Président, je vous fais lecture de ce mémoire qui s'intitule "Mémoire présenté à la commission parlementaire des affaires municipales sur le projet de loi no 57 intitulé Loi sur la fiscalité municipale et modifiant certaines dispositions législatives." Il y a une erreur, ici, c'est écrit le 12 décembre, je pense que c'est le 10 décembre, aujourd'hui. Vous voudrez bien le noter.

Pour ce qui concerne les avant-propos, le projet de loi no 57 a été adopté en deuxième lecture au cours de la semaine dernière. À moins de changements majeurs à la procédure parlementaire, nous devons considérer que le débat sur le principe même du projet est clos.

Nous référons donc la commission aux textes que nous avons déposés le 4 décembre dernier et qui expriment les inquiétudes de l'union face à ce projet de loi. Ces textes sont produits en annexe au présent mémoire.

Les municipalités insistaient auprès du gouvernement du Québec pour que ce dernier réforme en profondeur la fiscalité municipale de façon a leur accorder plus de revenus autonomes.

Dès 1965, la commission Bélanger, suite à une analyse des finances municipales portant sur la période 1954 à 1963, constatait ce qui suit: "II ressort déjà nettement de cette brève description que les revenus des municipalités étaient, pendant cette décennie, nettement insuffisants par rapport à leurs dépenses." Vous allez retrouver ces articles à la page 265 du rapport de la commission Bélanger.

Le manque chronique de revenus des pouvoirs locaux les rendait de plus en plus dépendants des subventions conditionnelles et inconditionnelles.

On avait bien tenté de corriger la situation par certains paiements de transfert, comme le retour de la taxe de vente et des subventions per capita, mais le mal persistait.

En 1978, les municipalités et le gouvernement décidèrent, à la suite de la conférence provinciale-municipale de mai, de mettre sur pied un comité chargé spécialement de préparer une proposition de réforme fiscale.

Les rapports de ce comité et le projet de loi sont maintenant connus et nous avons démontré dans nos précédents textes l'écart existant entre les recommandations du comité et le projet de loi.

Sans revenir sur ce que nous avons déjà expliqué, nous espérons que la version finale de la loi contiendra des dispositions permettant de consacrer clairement les principes essentiels susceptibles d'assurer aux municipalités une fiscalité de plus en plus autonome.

Pour ce qui concerne l'exclusivité du champ foncier, l'un des objectifs principaux de la réforme est de confier aux municipalités l'exclusivité du champ de l'impôt foncier.

Cette source de revenus traditionnellement réservée aux municipalités avait, au cours des dernières années, été sérieusement entamée par les commissions scolaires.

L'union a démontré, au cours des travaux du comité, qu'en milieu rural, près de 70% des taxes foncières payées par nos contribuables étaient des taxes scolaires.

Cet effritement de l'assiette fiscale locale ne pouvait se poursuivre sans ruiner du même coup nos chances de rétablir l'équilibre entre nos revenus locaux autonomes et les paiements de transfert.

Mais jamais — nous disons bien "jamais" — les municipalités ont-elles voulu insinuer qu'elles désiraient la disparition des commissions scolaires.

Bien au contraire, nous avons toujours cru et nous croyons encore que notre société a besoin d'instances locales fortes et autonomes capables de faire contrepoids à une trop grande concentration des pouvoirs publics entre les mains d'une seule autorité. C'est le sort même de la démocratie qui l'exige.

Il est possible d'assurer plus d'autonomie aux commissions scolaires en leur garantissant des sources de revenus autonomes. L'union est prête à collaborer avec tout organisme chargé d'examiner cette question.

Pour ce qui est de l'impôt foncier, par ailleurs, notre position est bien claire: Tout ce champ doit tôt ou tard appartenir exclusivement aux municipalités.

Nous croyons qu'à ce chapitre, le projet de loi 57 constitue un pas en avant en éliminant la taxe foncière scolaire pour les dépenses normalisées. Il est de notoriété publique d'ailleurs que le taux de cette taxe était fixé non pas par les commissions scolaires, mais par le ministre de l'Education. Prétendre que sa disparition entame l'autonomie locale relève de la plus pure fantaisie, car personne ne peut prétendre qu'à agir comme percepteur d'une taxe, on possède une liberté autre que celle de suivre les directives décrétées par son supérieur.

Quant à l'impôt foncier sur les dépenses non admissibles, nous croyons qu'il devrait aussi disparaître. Nous vous reportons à ce sujet aux remarques contenues en annexe à ce mémoire. Elles montrent les dangers du mécanisme proposé. Il faudra sûrement vérifier les freins dont on l'a pourvu. Leur faiblesse nous inquiète.

En ce qui concerne l'intégrité de l'assiette fiscale également, le gouvernement nous dit qu'il désire devenir contribuable municipal à part entière. Le projet contient certaines dispositions intéressantes à ce sujet, mais trop d'exclusions demeurent. Nous reviendrons tantôt sur cette question. Mais il y a plus. Nous voulons bien croire aux bonnes intentions des gouvernements, mais l'expérience des années antérieures nous incite à la prudence. Les intentions, comme les paroles, finissent un jour par s'envoler et nous restons avec les écrits, c'est-à-dire les lois, dans le cas qui nous occupe. Or, certaines lois actuelles avaient l'avantage d'assurer aux municipalités d'importants revenus, leur provenant de paiements de transfert. C'est dans une loi qu'était prévue la portion de la taxe de vente à être versée aux municipalités. C'est dans une loi aussi que se trouvaient les subventions basées sur la population. C'est ce que nous appelons une garantie législative. Ces dispositions sont abrogées par le projet. Leur contrepartie est constituée de versements tenant lieu des taxes qu'aurait payées le gouvernement s'il était un contribuable ordinaire, mais ces versements ne sont pas décrétés par la loi, comme c'était le cas pour les taxes de vente et pour les subventions per capita.

L'article 247 de la loi ne mentionne qu'une seule obligation: Verser une somme d'argent tenant lieu des taxes foncières municipales ou de taxe d'affaires. Le quantum du montant relève toutefois d'un simple arrêté en conseil. Nous insistons pour qu'une garantie minimale soit accordée aux municipalités dans le texte même de la loi. Jamais nous n'avons voulu troquer la protection que nous accordaient les lois actuelles pour des subventions déterminées de façon discrétionnaire par un gouvernement.

En ce qui concerne l'évaluation foncière, nous déplorons le fait que l'on ait profité de la réforme fiscale pour réintroduire dans les systèmes de l'évaluation foncière des notions abandonnées en 1973, à la suite de négociations longues et laborieuses entre le gouvernement provincial et le monde municipal. Sur ce point, c'est un retour en arrière. Les municipalités perdent à peu près toute compétence, sauf celle de payer le coût de la confection des rôles. Loin de simplifier l'administration locale, on la complique à un point tel que l'on rate complètement un des objectifs majeurs de la réforme, la simplicité administrative.

Voici une liste incomplète, il va sans dire, des articles qu'il faudra récrire pour alléger un peu le fardeau administratif des municipalités. Certaines définitions, notamment celles des mots "boisé", "ferme", "bureau" qui élimine les bureaux de comté, "valeur réelle", "valeur locative", "revenu brut et revenu brut imposable", "unité d'évalua- tion", "introduire à nouveau l'assistant à l'évaluateur".

À l'article 27, "introduire à nouveau les principes de l'actuel article 8". À l'article 80, bureau de révision et ses pouvoirs qui devraient se limiter à décider des plaintes". À l'article 140, "la preuve d'un préjudice réel à la nouvelle norme du plus ou moins 10%." À l'article 146, "les corrections d'office qui peuvent conduire à une nouvelle évaluation". À l'article 180, "le rôle de la valeur locative afin qu'il porte sur la valeur locative brute".

Des modalités d'application et des nouvelles dispositions: outre les difficultés qu'entraînent les nouvelles mesures relatives à l'évaluation, nous désirons que d'autres articles soient modifiés afin de faciliter la mise en marche du nouveau régime, tout en protégeant l'autonomie des municipalités.

À l'article 251, au sixième paragraphe, ces pouvoirs devraient être exercés, non pas uniquement par un ministre ou par le gouvernement, mais par un comité formé de représentants du gouvernement et des municipalités. Cela couvre les articles 251, 252 et 253, pouvoirs de réglementation.

À l'article 252, paragraphe 3, ces questions devraient relever des municipalités seules. À l'article 252, paragraphe 5, si le gouvernement insiste pour maintenir cette disposition, un montant de $750 devrait y apparaître. Il constituerait un plancher au-dessus duquel les municipalités doivent faire parvenir deux comptes de taxes.

À l'article 509, il faut trouver une méthode permettant d'éviter des difficultés inhérentes à l'application de cet article dans les municipalités qui viennent de confectionner un nouveau rôle.

À l'article 515, le compte provisoire devrait être basé sur un pourcentage des dépenses de l'année précédente. (16 h 30)

Article 535, prévoir les modes d'évaluation des rôles de valeur locative actuels si l'on maintient le critère de valeur locative nette.

Enfin, l'analyse de la loi actuelle et du projet de loi no 57, portant sur les biens exclus du rôle ou exempts de taxes.

Nous avons préparé un schéma de certaines dispositions législatives concernant les exclusions visées par la Loi sur l'évaluation foncière et celles prévues au projet de loi no 57. Le document produit sous la cote À — vous l'avez en annexe du présent mémoire — présente un résumé comparatif des exemptions prévues dans les lois des provinces de Québec, d'Ontario et du Nouveau-Brunswick. Quant au document produit sous la cote B, qui est également annexé, il contient un tableau comparatif entre les exclusions et les modes de taxation actuels et ceux prévus dans le projet de loi. Nous sommes à votre disposition, M. le Président, pour vous fournir de plus amples explications sur ces documents.

En conclusion, nous insistons à nouveau sur l'importance d'inclure dans le projet de loi des dispositions entérinant les recommandations du comité conjoint sur l'exclusivité et l'intégrité de l'assiette foncière des municipalités. Les règles re-

latives à l'évaluation doivent absolument être simplifiées et les municipalités doivent participer aux décisions concernant les indices, facteurs et principales normes affectant les rôles et la fiscalité. Des garanties législatives doivent être accordées au chapitre des versements de sommes tenant lieu de taxes. Enfin, toute la mise en marche de la réforme doit être dirigée par le comité conjoint, afin d'apporter les corrections de parcours nécessaires à sa réalisation.

Sujet au respect des demandes que nous avons apportées, M. le Président, nous appuyons le gouvernement sur les principes fondamentaux de la réforme fiscale, suite logique des travaux et des deux rapports du comité conjoint où siégeaient le gouvernement et les municipalités. Nous appuyons aussi l'engagement pris par le gouvernement de mettre en marche cette réforme dès 1980. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, je désire remercier l'Union des conseils de comté et son président, M. Moreau, pour cette présentation. Je voudrais aussi profiter de l'occasion pour remercier tous les représentants du monde municipal qui ont bien voulu se présenter à cette commission aujourd'hui. On me signale, entre autres, la présence à cette commission de son honneur le maire de Montréal, M. Jean Drapeau, du président du comité exécutif de la ville de Montréal, M. Lamarre, du président de l'Union des municipalités du Québec et maire de Sherbrooke, M. O'Bready, ainsi que de M. Corbeil, maire d'Anjou et président de la Conférence des maires de banlieues, de M. Dufour, vice-président de l'Union des municipalités et maire de Jonquière et de Mme Trépanier, maire de Valleyfield. Je ne sais pas si le compte y est, mais, à tout événement, je remercie tous les représentants du monde municipal qui sont venus aujourd'hui nous faire, par le truchement des mémoires des deux unions, leurs représentations.

M. le Président, j'ai pris évidemment bonne note non seulement du contenu du mémoire de M. le président de l'Union des conseils de comté, mais également des représentations qui ont été faites antérieurement au sein du comité technique mis sur pied pour recevoir les représentations de diverses sources en rapport avec la loi 57 et également des contacts et rencontres privées que j'ai eus avec les deux unions.

Sans vouloir reprendre les points un à un, je pense qu'il est possible, néanmoins, de constater ou de commenter, à tout le moins, les trois grands chapitres esquissés dans le mémoire présenté par M. le président de l'Union des conseils de comté.

Le premier point, c'est évidemment celui de l'exclusivité du champ d'impôt foncier qui, ainsi qu'on l'a vu par les intervenants antérieurs, est une question qui est pour le moins non partagée par eux et du moins en ce qui concerne la partie des dépenses dites inadmissibles aux subventions puisque j'ai retenu de la présentation du mémoire du président de la Fédération des commissions scolaires que, pour ce qui est du normalisé, on en convenait en toute objectivité, il ne s'agissait en fait que d'une taxe provinciale perçue localement.

Cependant, sur la question de l'exclusivité du champ et celle, entre autres, des dépenses dites inadmissibles aux subventions, je retiens du mémoire de l'Union des conseils de comté que celle-ci n'en a pas et le monde municipal, je pense, d'une façon générale, n'en a pas contre les commissions scolaires, n'en a pas contre l'existence de certaines dépenses supplémentaires ou dites non admissibles aux subventions, mais je pense que le monde municipal en a contre l'utilisation du champ d'impôt foncier pour de telles dépenses. Je pense que la nuance est importante, à partir du moment où la filiation, la relation entre les besoins en éducation et la richesse foncière d'une municipalité ou d'un individu, cette filiation, dis-je, ne saute pas aux yeux d'emblée, alors que pour la municipalité qui, elle, doit fournir des services à la propriété, services d'égouts, d'aqueduc, de trottoirs, de rues, de protection contre l'incendie, de protection contre le vol, eh bien, la relation, la filiation entre cette assiette foncière, d'une part, et les services à donner à la population, cette filiation est, je pense, directe. Elle est non seulement directe, mais elle est fonction de ce que les populations locales veulent se donner comme services, quant à la nature de ces services, quant à leur quantité et quant à leur qualité.

M. le Président, ceci dit, au niveau des principes, le gouvernement a effectivement fait le choix de maintenir à l'intention des commissions scolaires, une marge d'emploi de ce secteur, de ce champ de l'impôt foncier, mais en y mettant des balises qui font justement, qui peuvent permettre le financement d'une proportion de ces dépenses dites inadmissibles. Personnellement, je pense que ce point de vue a toujours été clair, y compris à la Conférence Québec-municipalités du mois de juin 1978, où, contrairement à ce qui est affirmé peut-être dans le mémoire du président de la Fédération des commissions scolaires, le monde scolaire a été invité à cette occasion et la tribune lui a été fournie de s'exprimer et je pense que, là-dessus, que ce soit devant le monde scolaire ou devant le monde municipal, la position du gouvernement a été la même sur cette question.

M. le Président, le deuxième point de l'intégrité de l'assiette, c'est-à-dire une fois qu'on a consacré la quasi-exclusivité de cette assiette à l'intention du monde municipal, reste la question de l'intégrité. Cette intégrité qui fait qu'à peu près le quart des biens fonciers au Québec n'est pas imposé par le monde municipal et donc, que les trois quarts des autres doivent assumer finalement le fardeau que ce quart-là ne paie pas.

Alors, de quoi est-il composé, ce quart? Il était composé essentiellement des biens des gouvernements, des biens du gouvernement du Québec, qui, dans ce projet de loi, s'engage à devenir un contribuable à part entière et à payer ses taxes à 100% sur la valeur de ses immeubles à lui, à 80% sur la valeur des immeubles des réseaux de l'éducation et de la santé, des CEGEP, universités et

autres, et à 40% des écoles élémentaires et secondaires et, en plus, de payer la taxe d'affaires sur ses immeubles.

Je reviendrai tantôt sur la question du délai que nous nous donnons pour atteindre ce seuil de 100% pour les écoles élémentaires et secondaires et de 100% pour les immeubles des réseaux de l'éducation et de la santé. Il y a une décision du conseil des ministres, donc du gouvernement, qui est arrêtée à l'effet de porter ces quanta à 100% sur une période de cinq ans, M. le Président.

J'ai pris bonne note de la demande du président de l'Union des conseils de comté de faire en sorte que ceci soit inclus dans la loi. Je transmettrai très certainement à mes collègues du cabinet ce voeu du monde municipal que ce soit inscrit dans la loi. Mais, ceci dit, M. le Président, si le gouvernement du Québec veut donner l'exemple en devenant un contribuable à part entière, il reste quand même un certain nombre d'autres biens qui ne sont pas dans cette situation et je pense entre autres à l'ensemble des édifices, des immeubles du gouvernement fédéral qui, présentement, fait l'objet d'un projet de loi devant la Chambre des communes à Ottawa et qui est loin de se conformer à cette règle et ce, d'ailleurs, contrairement non seulement aux revendications du Québec, mais aux revendications unanimes des dix provinces et des deux territoires, c'est-à-dire les Territoires du Nord-Ouest et du Yukon, qui ont demandé, justement, qu'on en vienne à ce que le fédéral soit un contribuable à part entière et qu'il paie 100% des taxes sur ses immeubles partout au Canada.

Or, M. le Président, à titre d'illustration, j'avais évidemment l'occasion d'indiquer qu'avec le projet qui est présentement devant la Chambre, on va être extrêmement loin de ceci et non seulement, M. le Président, décidera-t-on de ne pas payer ces taxes foncières dans ce cas-là, mais encore on va décider unilatéralement de la valeur alors que, dans le cas du projet de loi du gouvernement du Québec, les immeubles du gouvernement seront évalués par les services d'évaluation des communautés urbaines et des conseils de comté. Donc, le gouvernement se soumet comme tel à cette évaluation et, en cas de litige, à la compétence, à la juridiction du Bureau de révision de l'évaluation foncière.

Il y a évidemment, M. le Président, un certain nombre d'organismes qui continuent, c'est un fait, de par la loi de bénéficier d'exemptions. Evidemment, les édifices des réseaux d'électricité, de télécommunication, de réseaux de gaz sont maintenant assujettis à une forme de taxation beaucoup plus substantielle que ce n'était le cas auparavant. Un paquet d'exemptions sont levées également à l'endroit de certains groupes. Il y a évidemment cette assiette foncière qui n'est pas tout à fait complète, puisque c'est vrai que des privilèges sont maintenus à l'égard, par exemple, des endroits du culte et des cimetières. C'est une règle qui existe également dans les autres provinces et on ne voit pas pourquoi on les aurait inclus ici. C'est un fait également, M. le Président, que des organismes dits sans but lucratif, des organismes à fins caritatives, continueront de bénéficier de certaines exemptions, sauf que, contrairement à ce qui était le cas auparavant, alors que c'était une décision unilatérale de la Commission municipale du Québec d'accorder ou pas une exemption à ces organismes, dorénavant, de par la loi même, la commission ne pourra se prononcer que sur avis de la municipalité où sont situés ces immeubles, ceci, d'ailleurs, en conformité avec les recommandations du comité conjoint. C'est un fait également que certains privilèges sont maintenus, notamment en matière d'agriculture, M. le Président, mais je tiens à le souligner immédiatement, ceci ne se fait pas au détriment des municipalités, puisque tout agriculteur qui est zoné agricole et qui se voit par le fait même plafonné pour des fins d'évaluation à $150 l'acre et à $1 avec la taxe scolaire à $2 les $100 d'évaluation, M. le Président, la loi prévoit que le gouvernement va compenser à la municipalité le manque à gagner dû à ce double effet de plafond. Si bien, M. le Président, que si on n'a pas atteint l'intégrité de l'assiette foncière, je pense qu'on est passé d'une assiette passablement petite à ce que j'appellerais une assiette très élargie. Voilà donc ce que j'avais, très brièvement, à dire sur cette question de l'intégrité.

Je pense d'ailleurs que, sur ce point, hormis les énoncés de principe qui sont de mise dans des circonstance semblables, bon nombre des représentations, du moins si j'en juge par celles que j'ai eues auparavant, M. le Président, et celles que j'ai maintenant, de l'Union des conseils de comté, portent sur la Loi de l'évaluation foncière et des amendements qui y ont été apportés. D'ailleurs, j'aurai des questions à poser au président de l'Union des conseils de comté, à ce sujet, tout à l'heure. (16 h 45)

Je voudrais néanmoins lui dire immédiatement que c'est un fait: cette Loi de l'évaluation foncière qui a été votée par l'Assemblée nationale à l'automne de 1971 et qui est entrée en vigueur en 1972, a connu au moins huit amendements depuis cette époque et nous nous trouvons aujourd'hui devant la situation de devoir refondre cette loi, même si un bon nombre des articles de la loi actuelle sont repris mot à mot ou à toutes fins utiles dans le projet de loi actuel, si bien que ce n'est pas entièrement du droit nouveau que nous avons devant nous.

Je conviens qu'il y ait des problèmes de définition à revoir et là-dessus, on a mis sur pied un comité technique pour nous aider à ces fins. Je conviens que la distinction entre revenus nets et revenus bruts ou encore entre valeur locative nette et valeur locative brute dans le cas de la taxe d'affaires, est notamment un problème technique sur lequel nous serons heureux de profiter de l'éclairage technique des deux unions.

Je conviens également que nous pourrions le faire, en ce qui concerne l'universalisation du bureau de révision d'évaluation foncière qui, à l'heure actuelle, entend les plaintes en révision d'à peu près 5 millions de Québécois sur 6 millions

alors que pour les autres, les conseils de comté continuent de faire office, dans une trentaine de cas, d'agents de révision; j'ai pris bonne note de cette demande de l'Union des conseils de comté.

Je voudrais souligner une chose qui a été avancée de façon, j'allais dire, un peu trop facile, pas par l'Union des conseils de comté, pas par le monde municipal, mais par l'Opposition. L'Opposition qui a vu dans la réglementation prévue aux articles 251 et 252 une série de règlements qui viendraient, selon elle — et j'en vois malheureusement quelques reflets dans le mémoire du président de l'Union des conseils de comté - restreindre l'autonomie municipale en matière d'évaluation foncière.

Or, nous pouvons prendre les règlements un à un et nous rendre compte que la plupart des règlements qui sont prévus là contraignent non pas le monde municipal, mais le gouvernement lui-même. Ces règlements disent comment le gouvernement devra procéder pour redistribuer, par exemple, le produit de la taxe des immeubles du gouvernement, comment il devra procéder pour faire la péréquation, comment il devra procéder pour redistribuer les revenus provenant de la taxation des réseaux d'électricité, de gaz et de télécommunication, si bien que cette forme de réglementation qui contraint l'exécutif dans sa marge de discrétion ou d'emploi des deniers ou de redistribution, je pense que ce n'est pas tout à fait celle dont viendra se plaindre le monde municipal ni l'Opposition en particulier, pour peu qu'ils aient pris connaissance de cette réglementation.

M. le Président, je note également au tout début du mémoire du président de l'Union des conseils de comté, que par suite des amendements, dit-il — je pense que c'est à la page 5 de son mémoire — les municipalités perdent à peu près toute compétence, sauf celle de payer le coût de la confection des rôles. Evidemment, j'aimerais que le président de l'Union des conseils de comté nous décrive comment les municipalités perdent la compétence en matière d'évaluation, mais une chose est certaine, c'est que le programme PAIRE qui fait que le gouvernement du Québec paye la moitié de la confection des rôles d'évaluation demeure. Si bien que ce n'est même pas, en matière de financement, l'exclusivité, si vous voulez, gouvernementale ou même du monde municipal qui est en cause, puisqu'il y a un programme à frais partagés dans ces cas-là, et qui demeure lui, nonobstant l'entrée en vigueur de la réforme.

M. le Président, je pense que ces remarques étant faites, je conviens, encore une fois, que sur le plan technique, nous pouvons procéder à une foule d'examens et d'analyses. D'ailleurs, je remercie l'Union des conseils de comté de nous avoir transmis ses commentaires sur un certain nombre de ces questions.

J'aimerais savoir, après avoir pris bonne note de l'accord de principe de l'Union des conseils de comté au projet de loi lui-même, d'une part, et, d'autre part, à la détermination du gouvernement qu'il entre en vigueur le 1er janvier. Après avoir noté ceci, j'aimerais que le président de l'Union des conseils de comté nous informe de ce qui l'amène à dire, à la page 5 de son mémoire, que certaines des modalités du projet de loi, en ce qui a trait, à tout le moins, à l'évaluation foncière, constituent un retour en arrière.

M. Moreau: En ce qui concerne l'article 8 de l'ancienne loi, l'article 253 de la présente loi, je vais vous expliquer juridiquement notre position là-dessus. À un moment donné, il y a eu des négociations très laborieuses relativement à la loi 50 sur l'évaluation foncière, où on avait défendu des positions qui étaient beaucoup plus claires et de beaucoup préférables pour ce qui concerne l'article 8 de l'ancienne loi et l'article 253 de la loi actuelle.

M. Viau (Pierre): M. le Président, si on se reporte à il y a quelques années, quand la Loi sur l'évaluation foncière a été mise sur la table ici à Québec, on mettait en jeu deux sortes d'approches pour l'évaluation foncière: l'approche de l'Ontario, où ils ont ramassé tout ce qui se faisait en évaluation et ils ont formé un bureau provincial, ils font l'évaluation sur une base provinciale, et ce qui existait avant, ici au Québec, c'est-à-dire que chaque municipalité faisait son évaluation, révisait les rôles un peu à sa façon et les commissions scolaires normalisaient. On a dit aux municipalités: On ne fera pas ce qu'on fait en Ontario, on va adopter un système où il va y avoir un peu plus de rigueur dans l'approche de l'évaluation foncière, mais les municipalités vont s'occuper d'évaluation foncière.

Lors du vote de la première loi et dans les projets de loi qui avaient été mis sur la table, on parlait même de municipalités mandataires, c'est-à-dire qu'une des villes ou une des municipalités d'une région ferait le rôle d'évaluation et ferait payer cela par tout le monde autour, pour tous les gens. Cette proposition est arrivée sur la table aux alentours de 1972 et 1973 et, à ce moment-là, suite aux négociations, on en est venu, premièrement, à préciser ce qui était évaluable et taxable; c'est de là qu'est venu l'article 8, c'était bien clair, qui sert à interpréter cette loi partout, devant les tribunaux, devant les conseils municipaux, partout. On dit: Sujets aux exceptions, tous les biens immobiliers sont évaluables et tout ce qui est évaluable est taxable, est imposable. Cela a trois lignes, c'est clair. Ici, on l'a réparti un peu partout dans la loi, mais le principe n'est pas établi. À ce moment-là, on ouvre la porte à de nouvelles interprétations sur le but même ou sur certains articles de la loi. Il me semble qu'il serait simple de corriger cette chose.

Deuxièmement, il avait été convenu à l'époque que, comme les municipalités intervenaient au niveau des rôles — vous avez des comtés qui comportent quinze, vingt, vingt-cinq, trente municipalités — lorsqu'on préparerait les rôles, les municipalités auraient un adjoint à l'évaluateur, c'est-à-dire que quelqu'un de la place serait chargé d'aider l'évaluateur dans le processus d'évaluation. Cet adjoint est disparu dans le texte qui est

maintenant devant nous. Les bureaux de révision; évidemment, les comtés avaient le choix de garder leur bureau ou de se rattacher au bureau provincial. Il en reste une trentaine présentement; il y a aussi certaines villes qui ont leur bureau de révision, je présume qu'il y aura des représentations là-dessus. On ne voit pas pourquoi cela a été éliminé, il n'y a pas eu de plainte là-dessus, à notre connaissance, je ne pense pas que vous en ayez eu à Québec non plus.

Dans le domaine de la réglementation, il faut faire attention. En vertu de l'article 253, après le dépôt des rôles d'évaluation, le ministre publie un facteur, c'est-à-dire qu'on dit aux gens: Voici, dans votre région, le rôle est à 30%, à 40%, à 50% ou à 60%. Premièrement, avec cela, le facteur est établi au texte même de la loi, sans consultation, c'est-à-dire que c'est un pouvoir discrétionnaire donné au ministre. Ce que les municipalités demandaient, c'était d'avoir une espèce de comité, si on veut normaliser, une espèce de comité de normalisation des rôles. Je comprends qu'on fasse une normalisation des rôles sur le plan provincial, mais il me semble que ce ne devrait pas être seulement l'autorité provinciale qui le fasse, parce qu'à ce moment-là, les subventions sont raccrochées à cela; elle est juge et partie, à un moment donné, en décidant qu'un rôle ou qu'une région est évaluée plus ou moins autrement que telle autre région et qu'elle paie ses subventions là-dessus, c'est un des problèmes.

C'est un problème qu'on retrouve, parce que vous l'aviez déjà au scolaire. Le scolaire normalisait des rôles et ça faisait des chicanes à l'année là-dessus. D'ailleurs, vous n'avez pas de recours des municipalités ou des contribuables sur l'établissement de ce facteur. Vous ouvrez la porte, d'ailleurs, à des contestations, mais le principe de la réglementation laisse au gouvernement un pouvoir discrétionnaire.

Vous avez au moins quatre ou cinq points, je ne veux pas éterniser là-dessus, mais tout le reste, il y a beaucoup de points techniques, vous l'avez dans les documents qui sont produits ici.

M. Moreau: C'est dans ce sens-là, M. le Président, qu'on dit que c'est un retour en arrière. Ce n'est pas sur les principes fondamentaux du projet de loi. On regarde certains articles du projet de loi actuel qui nécessairement devraient être révisés en profondeur, ce qui ne change pas le principe de la réforme de la fiscalité. On est prêt à collaborer là-dessus, si vous voulez, et à vous donner de plus amples informations sur ce qu'on croit qui serait préférable pour les municipalités.

M. le Président, pour ce qui concerne la question du non-admissible, j'ai toujours tenu pour acquis que le gouvernement n'a jamais dit: Oui, on est d'accord avec cela. Je pense bien qu'on ne veut pas contester les positions que le gouvernement a adoptées dès le début des pourparlers sur la réforme fiscale, mais cela ne nous empêche pas de réitérer — on va le faire dans l'avenir — et de demander au gouvernement l'intégrité totale du champ foncier municipal. Cela n'a rien à voir avec la raison d'être des commissions scolaires. Cela n'a rien à voir avec la nécessité. Loin de nous l'idée de bâillonner les commissions scolaires, qui sont élues au suffrage universel, parce qu'on veut donner plus aux municipalités. Loin de nous l'idée de dire: Les commissions scolaires n'ont plus leur raison d'être. Cela serait parler contre nos propres intérêts. Mais quand on a demandé l'intégrité du champ foncier, on n'a pas fait cela contre les commissions scolaires, on a fait cela pour les municipalités et parce qu'on croit que le champ foncier est relié directement aux services que donnent les municipalités.

M. Morin (Sauvé): Est-ce que je pourrais, M. le Président, vous poser une seule question? Vous avez dit tout à l'heure votre sympathie pour l'autonomie des commissions scolaires; mais, d'autre part, vous seriez prompt à les expulser totalement du champ d'impôt foncier. Comment alors assureriez-vous leur autonomie fiscale, puisque j'imagine que, dans votre esprit, "autonomie" signifie également au moins une certaine part d'autonomie fiscale? Comment l'assureriez-vous, parce que je puis vous assurer que nous avons examiné avec les commissions scolaires toutes les solutions possibles et imaginables, et je dois dire même inimaginables, pour nous rendre compte que la seule forme d'impôt foncier pratique, cela demeurait — j'entends la seule forme d'impôt pratique — l'impôt foncier, au moins une parcelle de l'impôt foncier?

J'apprécie beaucoup votre sympathie pour l'autonomie des commissions scolaires. J'aimerais que vous me donniez quelques détails sur la façon dont on peut l'assurer.

M. Moreau: M. le Président, je pense bien qu'à mesure que les hommes se penchent sur des problèmes aussi importants que l'autonomie des commissions scolaires, que l'autonomie des gouvernements locaux, que l'autonomie des gouvernements tout court, ce cheminement à un moment donné qui permet de faire reculer les connaissances et la vérité... Je pense bien qu'il n'y a personne aujourd'hui qui puisse se vanter de posséder la science infuse. Je pense bien que la question de découvrir avec les années, avec les mois, je ne sais pas, un moyen d'assurer... Je ne veux pas parler au nom des commissions scolaires. Je m'aventurerais trop loin. Je parle seulement au nom des municipalités. Je n'ai pas la prétention d'avoir cette science de savoir ce qu'on va faire avec les commissions scolaires et de quelle façon elles vont se financer pour devenir autonomes, mais ce que je sais comme il faut, c'est que les municipalités étaient sur le point de vivre le même phénomène qu'ont vécu les commissions scolaires avec les subventions admissibles et non admissibles, les subventions sans restrictions et les subventions qui devaient se conformer à certaines normes, à un point tel que

vous avez connu le grignotement du champ foncier municipal, parce que, si on tient pour acquis que le taux normalisé a commencé à $300 millions et que, l'an passé, c'était rendu à $600 millions, cela veut dire qu'à un moment donné — j'entends au niveau municipal rural — on était à 70% du champ foncier qui était occupé par les commissions scolaires. Je pense bien qu'à ce moment-là, les municipalités ont bien fait — je parle de l'ensemble des municipalités du Québec — de voir à ce qu'à un moment donné on arrête cette saignée. Ce n'est pas dans le sens de prétendre... (17 heures)

Je ne voudrais pas me substituer au gouvernement et à tous les experts du gouvernement pour trouver des formules de financement des commissions scolaires. Ce que je dis, c'est que les commissions scolaires, tant et aussi longtemps qu'elles seront élues au suffrage universel, ont droit à une certaine norme d'autonomie. Je pense bien que si on se limite aux $0.25 les $100 d'évaluation ou aux 6% de la valeur nette, ce n'est pas cela qui va consacrer l'autonomie des commissions scolaires. C'est dans ce sens que notre action et notre position sont bien claires.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laval.

M. Lavoie: M. le Président, je ne voudrais pas recommencer le débat de deuxième lecture, où nous avons abordé toutes les questions de principe et également certaines modalités. À cause de l'importance de certaines modalités, en droit parlementaire, cela devient des principes, à l'occasion.

Il est vrai que le dialogue que nous avons actuellement, que nous avons eu avec la Fédération des commissions scolaires et avec l'Union des conseils de comté et que nous aurons un peu plus tard avec l'Union des municipalités, surtout avec les deux derniers organismes, le vôtre et le suivant, cela va se chevaucher. Je ne voudrais pas faire perdre le temps de la commission. Je vais me limiter, avec M. Moreau et l'Union des conseils de comté, à poser — je crois que c'est le but d'une commission parlementaire — certaines questions et vous serez sans doute en mesure d'y répondre. Je partagerai mes points, mes appréhensions partie pour l'Union des conseils de comté et partie pour l'Union des municipalités, parce que, souvent, les deux constituent une même difficulté.

Maintenant, avant de débuter, le ministre devait nous déposer aujourd'hui, à la suite d'une demande que nous avons faite à l'Assemblée la semaine dernière, certains règlements, de nouveaux règlements. Il faudrait comprendre que si nous devons commencer ce soir l'étude article par article, il y a certains points de la réglementation qui ont été soulevés, entre autres, par M. Moreau, qui sont archi-importants. Il ne faudrait pas attendre. Il faudrait les avoir. On est déjà à la dernière minute avec tous nos dossiers. On sait que tous ces organismes ont siégé intensément la fin de semaine dernière. On avait abordé la deuxième lecture alors qu'on n'avait pas encore les réactions des groupes concernés, des municipalités, de l'Union des conseils de comté, des commissions scolaires, des communautés urbaines et de certaines autres municipalités. Je trouve cela un peu surprenant qu'on soit encore obligé aujourd'hui de les exiger. Cela fait trois heures qu'on a commencé. On devait avoir la réglementation. Le ministre nous avait dit que certains règlements qui existaient auparavant subsistaient, mais que de nouveaux règlements devaient nous être déposés aujourd'hui. Au lieu de nous les apporter à 14 heures, on est à 17 heures et on est encore obligé de les demander. C'est pour vous montrer l'élément de bousculade qu'il y a dans l'étude de ce projet de loi. J'imagine que la réglementation doit être assez importante.

M. le ministre, quand aurons-nous ce projet de réglementation?

M. Tardif: M. le Président, je ne voudrais quand même pas qu'on me fasse dire ce que je n'ai pas dit. L'engagement de déposer la réglementation a été pris après consultation avec les gens du ministère et avec le leader, pour faire en sorte que les règlements soient déposés le plus tôt possible après le début ou au début des travaux de cette commission.

M. le Président, les articles qui traitent de la réglementation sont les articles 251 et 252. C'est vrai que cela fait trois heures que nous siégeons, mais nous n'avons pas vu un seul article. Je peux assurer les membres de cette commission que, bien avant que nous arrivions aux articles 251 et 252, la réglementation, du moins pour celle qui est nouvelle, et celle qui doit entrer en vigueur le 1er janvier en même temps que la réforme, sera déposée, parce qu'il y a quand même des règlements dont l'adoption ne presse pas, je mets tout en oeuvre, en faisant remarquer simplement aux membres de cette commission que c'est le 20 octobre dernier, à l'occasion du congrès de l'Union des conseils de comté, que nous a été remis le deuxième rapport du comité conjoint et que le projet de loi a été déposé le 20 novembre, moins de trente jours après. Je pense que tout le monde dans ce dossier, tant le monde municipal que le gouvernement, a fait son possible et même l'impossible pour étudier tous les aspects de cette réforme pour déposer le projet de loi. Je peux seulement assurer les membres de cette commission que je vais tenter également l'impossible pour déposer le plus tôt possible cette réglementation.

M. Lavoie: Vous comprenez que ma demande est normale. Il est vrai que les pouvoirs de réglementation sont surtout prévus aux articles 251, 252 et 253, mais le ministre sait fort bien qu'il y a des articles, au tout début du projet de loi, qui ont des implications sur la réglementation.

M. Tardif: M. le Président, si nous abordions un tel article et que ça posait des difficultés, il me fera plaisir d'en reporter l'adoption.

M. Lavoie: Je continue et là, je vais diriger certaines questions à M. Moreau, libre à vous d'y répondre, mais je demande votre collaboration pour tenter d'y apporter des réponses.

Vous représentez quelques centaines de municipalités régies par le Code municipal. Avec la multitude de simulations que nous avons eues, est-ce que vous croyez que vos municipalités sont en mesure, aujourd'hui, avec des chiffres qui ont varié au moins quatre fois, à partir de la conférence Québec-municipalités: deuxième simulation ou deuxième problématique que l'on a eue, ce fut à la fin de 1978, lors du premier rapport du comité conjoint; une troisième simulation, lors du discours du budget du ministre des Finances, en mars 1979 je crois; une quatrième simulation, lors du dernier rapport du comité conjoint et une cinquième simulation lors du dépôt ou pendant l'étude en deuxième lecture. Est-ce que vos municipalités sont en mesure de savoir où elles vont actuellement? Même avec le délai de trois mois pour préparer leurs budgets, croyez-vous que vos municipalités sont en mesure de savoir où elles vont?

Je voudrais vous donner toutes mes questions, parce qu'autrement ce serait un peu long. Je vais vous donner toutes mes questions et la commission entendra les réponses après.

Je ferai remarquer que certaines choses ont varié, certains titres ou chapitres importants dans ces simulations ont varié en cours de route, entre autres, le transfert de l'impôt scolaire perçu a varié de 19% en cours de route, à partir du plus bas montant donné au plus haut. Les "en-lieu" de taxes ont varié de 61% en cours de route. Le réaménagement de la taxe d'affaires sur la valeur locative a varié de 55% en cours de route. Le transfert net de revenus autonomes a varié de 27%, etc. Cela, ce sont des centaines de millions de dollars chaque fois. Le gain pour les municipalités du Québec, en cours de route, pour les cinq simulations, a varié de 62%; le coût aux sociétés, aux entreprises, a varié de 113% et le coût de la réforme au gouvernement a varié également de 103% en cours de route, ce qui fait des aléas assez importants. Première question.

Deuxième question: On sait que dans la loi, il y a une partie importante qui touche une refonte ou une nouvelle loi de l'évaluation. Pendant les consultations que vous avez eues, conjointement avec l'Union des municipalités, avec le gouvernement, est-ce que cette question de modifier la Loi de l'évaluation foncière a fait l'objet de consultations? Concernant également cette confection du rôle, pouvez-vous dire que vos municipalités membres sont équipées actuellement ou dans quelle proportion elles sont équipées de rôles d'évaluation acceptables ou valables, en respectant la valeur réelle sur l'évaluation foncière et l'autre volet étendu à toutes les municipalités sur le rôle de la valeur locative également, qui est la base de la taxe d'affaires?

J'aimerais savoir, si le réaménagement, dans toutes ces simulations qui ont été faites, entre le gouvernement, les municipalités, etc., donne quel- que chose au citoyen. Y a-t-il vraiment une économie pour le citoyen?

Je reviendrai à la fin sur le pouvoir de règlement... Écoutez, je peux bien vous la poser immédiatement. Ce pouvoir de réglementation, le ministre a bien beau dire que cette réglementation est donnée seulement pour créer des contraintes au gouvernement, je ne peux pas accepter ça, M. le ministre. C'est vrai que ce sont des contraintes, à savoir comment vous allez partager les "en-lieu" de taxes, mais il y a un principe assez bizarre dans cette loi. Le gouvernement dit: J'accepte de payer des taxes, des "en-lieu" de taxes sur les réseaux, mais laissez-moi déterminer ce que je vais donner, parce qu'il n'y a aucune garantie dans la loi qui dise que ce sera $200 millions ou $150 millions ou $160 millions. J'aimerais être contribuable et dire: Je vais payer des taxes, mais je vais vous dire quel montant je vais payer! C'est exactement la position du gouvernement dans cette réforme-là, en ce qui concerne entre autres les "en-lieu" et la péréquation.

La dernière partie: Qu'est-ce que vous pensez du pouvoir réglementaire du gouvernement de déterminer le potentiel fiscal, le taux global de taxation de toutes les municipalités et la proportion médiane de la valeur foncière et la valeur locative qui est à la base de beaucoup d'autres ressources des municipalités, entre autres sur les en-lieu", sur la péréquation et sur les transferts minimaux? C'est déterminé par le gouvernement par règlements, alors que les municipalités n'ont aucun droit d'appel, c'est absolument autoritaire, dirigiste et décisionnel de la part du gouvernement, sans aucun droit d'appel de la part des municipalités.

Bon! C'est ma première brochette de questions.

M. Moreau: M. le Président, c'est une assez grosse brochette, mais on va essayer de répondre au meilleur de notre connaissance. J'ai pris note de votre première question: Est-ce que les municipalités savent où elles vont? Je pense que c'est très important de savoir si les municipalités savent où elles vont et on doit y répondre d'une façon claire et précise.

Les municipalités — et cela ne date pas d'hier, ça date de la parution du rapport Bélanger sur la fiscalité en 1965 ou 1966 — ou le monde municipal, dans ses revendications à partir de 1966 — ça fait toujours bien treize ou quatorze ans — a toujours demandé au gouvernement, peu importent les gouvernements qui se sont succédé à Québec depuis ce temps-là, le transfert intégral du champ foncier. À ce moment-là, j'imagine que si le monde municipal a maintenu depuis cette date jusqu'en 1980 la même position quant au transfert du champ foncier, ils ne doivent tout de même pas avoir été tous des gens qui ne voyaient pas à leurs affaires et si le monde municipal insiste encore aujourd'hui pour l'intégrité du champ foncier, ce doit être, à mon humble avis, parce que les municipalités vont s'en trouver mieux.

Je voudrais référer particulièrement à la dernière conférence provinciale-municipale sur la fis-

calité où il a été bien établi par tout le monde, par tous les participants, les délégués du Monde municipal avec un grand "M", pas uniquement le monde rural, que le transfert du champ foncier n'était pas demandé en fonction d'un profit ou d'une perte pour les municipalités, il était demandé en vue d'assurer, dans une proportion améliorée, l'autonomie des municipalités, parce que les municipalités donnent un service qui est bien relié au champ foncier. Je ne prétends pas avoir la réponse à tous les problèmes municipaux dans l'avenir. Pas du tout. Mais ce que je dirai, c'est que lors de cette conférence, M. le Président, il y a eu aussi un comité conjoint qui a été formé et cela n'a pas été... il n'y a pas eu de complicité là-dedans, c'est public. La conférence était publique. Le comité a remis des mémoires qui ont été rendus publics et tout le monde municipal en avait pris connaissance. Après de nombreuses simulations, on en est arrivé à certaines formules. (17 h 15)

Je ne vais pas prétendre que cela a été rodé dans le soc. C'est bien sûr qu'à un moment donné il va falloir mettre en place la réforme pour savoir si cela fonctionne bien. Je n'ai pas la prétention de dire aujourd'hui que tout ce qui a été étudié en théorie — c'est une théorie qu'on a mise sur pied — va donner des garanties que toutes les municipalités vont faire de l'argent avec cela. Mais ce à quoi je voudrais me référer, M. le Président, avec toute la candeur que cela suppose, c'est la promesse et l'engagement du ministre des Affaires municipales, du ministre des Finances, qu'il n'y aurait pas de municipalité perdante. Cela est dit clairement dans le mémoire. C'est aussi dit clairement, je pense, si je ne me trompe, dans le dernier discours du budget.

À ce moment-là, je tiens pour acquis que peu importe avec qui nous travaillons, il faut tout de même accorder une créance morale aux gens avec qui nous discutons, mais en partant du fait que nous avons élaboré des théories par des simulations, évidemment, et que c'est la mise en marche de la réforme qui va nous le prouver. C'est pour cela que, dans notre mémoire, M. le Président, on demande un comité conjoint du monde municipal et du gouvernement pour bien s'assurer que cette réforme soit mise en place de façon à protéger le monde municipal. Il n'y a pas un maire, il n'y a pas un administrateur municipal qui, dans ses intentions, et au cours des années... le cheminement de cette réforme fiscale et les représentations qui ont été faites par les bureaux de direction des différentes unions, à partir de résolutions unanimes de tous les congrès qui se sont succédé depuis 1965, au niveau municipal... Je suis président d'une organisation qui regroupe 1350 municipalités au Québec et je tiens pour acquis que c'est une garantie morale que d'avoir derrière soi des gens qui sont prêts à accrocher le grelot dans cette nouvelle aventure, parce qu'il faut tout de même constater que c'est une chose qu'on n'a pas encore vécue, mais on a vécu une théorie. Il va falloir, à partir de cette théorie, vivre des étapes de mise en place d'un mécanisme qui est extrême- ment compliqué et c'est pourquoi nous demandons dans notre mémoire de mettre un peu plus de "légèreté" dans le projet de loi pour que les gens les moins informés du monde municipal puissent comprendre ce qu'on disait là. Je me réfère à Napoléon, le grand empereur, qui a dit: Je veux que le dernier de mes soldats comprenne le code. Dans le cas du projet de loi 57, ce n'est pas tout à fait cela, M. le Président. Sans préjudice, on aimerait que la mise en place du mécanisme de réforme soit plus léger et plus compréhensible.

M. Lavoie: J'avais une deuxième et une troisième question, que je vous ai données tout à l'heure.

M. Moreau: Sur l'évaluation.

Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas bousculer personne, mais...

M. Moreau: Ah bon! Est-ce qu'il y a eu consultation en ce qui concerne l'évaluation. M. le Président, je vous dirai ceci. La question de l'évaluation n'a pas fait l'objet de consultations au niveau du comité conjoint comme la réforme fiscale tout en étant bien conscient, M. le Président, qu'à ce niveau-là également, parce que la réforme fiscale oblige également à faire certains amendements à la Loi de l'évaluation, on est d'accord. Peut-être qu'on s'est permis plus qu'il ne fallait en faire. Tout de même, cela n'a pas fait l'objet de consultations aussi élaborées. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu de rencontre, mais il n'y a pas eu de consultation officielle comme celle qu'on a connue au niveau du comité conjoint sur la fiscalité.

M. Lavoie: Très rapidement. Quelle est la proportion des municipalités membres de votre association qui ont un rôle d'évaluation foncière et de valeur locative acceptable pour mettre en application la réforme?

M. Moreau: En réalité, M. le Président, la réforme de l'évaluation foncière a débuté en 1973 et ça non plus, ce ne sont pas des choses faciles à mettre en marche. Il y a eu beaucoup de consultations là aussi, il y a eu un manuel d'évaluation qui a pris tout le temps qu'il fallait pour sortir et où les municipalités... tout à l'heure, M. le Président, on se demandait si les municipalités étaient prêtes à faire face à des situations comme celle-là. Je vous dirais que, dans la mise en marche de l'évaluation, ce ne sont pas les municipalités qui étaient en arrière, ce sont les municipalités qui ont attendu que le gouvernement sorte le manuel d'évaluation.

Cela faisait longtemps que les municipalités étaient prêtes à mettre en place le mécanisme et la responsabilité des conseils de comté dans l'évaluation foncière. Il n'y a pas actuellement un conseil de comté qui n'a pas ou un bureau d'évaluation ou une maison d'évaluateurs. C'est en marche, ça fonctionne. C'est bien sûr que si on voulait utiliser les rôles actuels, parce qu'il faut bien

tenir pour acquis que c'est en 1980 ou 1981 que la nouvelle génération de rôles... 1983, c'est la nouvelle génération qui part du manuel d'évaluation, qui va prendre la place. Mais, jusqu'à cette date, il va falloir utiliser les rôles corrigés que toutes les municipalités possèdent en ce moment, non seulement les municipalités rurales, mais l'ensemble des municipalités du Québec.

On a des rôles d'évaluation, M. le Président, vous savez, qui ont de la barbe et ils en ont pas mal. Ils sont vieux. On n'avait pas le choix.

M. Lavoie: Dernier point. Pouvez-vous nous donner votre opinion sur le pouvoir réglementaire réservé au ministre ou au gouvernement en ce qui concerne le potentiel fiscal, le taux global, la proportion médiane, les "en-lieu ", la péréquation, etc.?

M. Moreau: M. le Président, si vous regardez notre mémoire, vous allez constater que nous ne sommes pas d'accord avec les pouvoirs discrétionnaires que possède le ministre des Affaires municipales dans ce domaine, si ce projet de loi est adopté sans amendement. Si on doit établir un indice ou normaliser, je pense bien que nous voulons que le gouvernement et le monde municipal soient représentés au sein d'un organisme qui étudierait la valeur des rôles, parce que, si on tient pour acquis que le gouvernement devient, d'une part, contribuable à part entière et, d'autre part, qu'il est également le pourvoyeur et le distributeur de certains fonds, il est essentiel, à ce moment-là, qu'il ne soit pas le seul à établir l'indice de la valeur des rôles.

Cela ne touche pas à la loi dans son essence, mais je pense qu'il est essentiel qu'on puisse avoir droit au chapitre quant à l'établissement d'indices de ce genre.

Le Président (M. Jolivet): Le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: M. le Président, ce sera très bref. Je sais que mon collègue de Laval s'est emparé de certaines questions, les a clarifiées, le président s'en est chargé, mais il y a encore certaines choses qui nous embarrassent. D'abord, il semble y avoir des différends. On croyait que vous étiez d'accord avec le projet de loi 57, mais on voit, par votre mémoire, que vous avez certains différends, que vous n'êtes pas d'accord. Quant à la réclamation du changement d'impôt, cela existe depuis les années cinquante. J'ai vécu les conseils de comté et, à ce moment-là, on réclamait le transfert total de la taxe foncière en disant que les taxes de services appartiennent à la municipalité qui a à donner des services.

Est-ce que vous seriez d'accord pour admettre avec moi que les commissions scolaires aussi ont certains services à donner comme des terrains, des bâtisses qui leur appartiennent dans certaines municipalités? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de leur donner certains pouvoirs, au moins pour couvrir certaines dépenses occasionnées pour des immobilisations qui sont faites à l'intérieur d'une municipalité, dans certains cas, et l'entretien de ces propriétés, ce qui n'est pas nécessairement de l'éducation et de la formation?

C'est une des questions que je voudrais vous voir clarifier. L'autre question, on pourrait peut-être vous demander, pour chacune des municipalités, du fait que vous preniez toute l'assiette foncière, si vous seriez prêts à accepter d'autres responsabilités.

On sait ce qu'on fait dans plusieurs municipalités rurales. Vous avez des municipalités qui ne font plus d'entretien de routes; l'hiver, les subventions sont totalement payées par la province. Cela se résume à peu près à "nil" dans certaines municipalités. Vous parliez tout à l'heure d'une compensation garantie par le ministre des Finances ou le ministre des Affaires municipales, de sorte qu'il n'y aurait pas de réduction de revenus. Je me rapporte à certaines municipalités qui, actuellement, n'osaient pas imposer de taxes ou presque pas parce qu'elles avaient trop de revenus de la taxe de vente. Est-ce que vous seriez d'opinion que ces municipalités devraient continuer à être compensées pour ces revenus de taxes provinciales qu'elles avaient?

M. Moreau: M. le Président, je pense bien que les propos que l'Union des conseils de comté a toujours tenus en ce qui concerne le champ foncier et le transfert du champ foncier, je ne me reporterai pas tellement loin en arrière, seulement à la dernière conférence Québec-municipalités sur la fiscalité, alors qu'on a dit — c'est établi clairement dans le mémoire — qu'en ce qui concerne les responsabilités municipales, le transfert du champ foncier normalisé, c'était uniquement pour les responsabilités actuelles des municipalités, ce n'était pas pour des... À un moment donné, on nous parle de centralisation, j'espère qu'on va parler de la décentralisation aussi; cela peut coûter pas mal plus cher que la piastre qu'on va chercher.

Il est bien clair que les municipalités, dans le sens du transfert du champ foncier, c'est la responsabilité actuelle des municipalités, il n'y en a pas d'autres. En ce qui concerne les municipalités, si j'ai bien compris la question de M. Russell, il y a des municipalités qui n'avaient pas de budget et qui vivaient de la taxe de vente. Je pense bien que si on prend pour acquis que les municipalités doivent accepter l'odieux de taxer, parce que ça ne fait jamais plaisir à personne de taxer, cela n'a jamais rendu les gouvernements populaires, peu importe s'ils sont municipaux, scolaires, provinciaux ou fédéral, mais il reste que vivre uniquement d'une subvention inconditionnelle sans se donner la peine de prélever de l'impôt, à mon sens, le transfert du champ foncier normalisé et le retrait de la taxe de vente pour certaines municipalités vont tout de même permettre à chacun de prendre ses responsabilités. Cela, à mon sens, c'est essentiel, c'est fondamental, si une municipalité veut posséder une certaine autonomie, il faut qu'elle cesse de vivre de subventions, et uniquement de subventions, c'est très important.

M. Russell: Pour ce qui concerne les services que les commissions scolaires donnent, les terrains, les bâtisses qu'elles détiennent dans chacune des municipalités, est-ce que vous seriez d'accord que ce soit une taxe foncière ou si vous préférez que ce soit complètement un autre revenu qui serve à défrayer ces coûts?

M. Moreau: M. le Président, il faudrait tout de même savoir ce que le ministre de l'Education subventionne et ce qu'il ne subventionne pas. Cela n'a jamais été clair dans le compte de taxes, ce qui est admissible et ce qui est non admissible. On n'a jamais été capable de disséquer cela. Je tiens pour acquis que quand une école est construite au niveau élémentaire ou secondaire, c'est le ministère de l'Education qui décide du coût du terrain et de la construction de l'école. Je pense bien qu'à ce moment-là, ce serait, à mon sens, une comparaison par rapport aux responsabilités municipales; pour ce qui est relié au bien-fonds, c'est une comparaison qui serait un peu boiteuse. Je ne veux pas revenir encore sur le sujet à savoir ce qu'est l'autonomie et ce qui n'est pas l'autonomie, mais on tient pour acquis que, pour les municipalités, l'autonomie c'est le champ foncier, il n'y en a pas d'autres; les principes fondamentaux de l'autonomie, c'est le champ foncier.

Le gouvernement du Québec, comme les gouvernements... l'autonomie, pour moi, ça ne s'évalue pas au champ foncier pour les gouvernements. Le gouvernement du Québec, c'est un gouvernement autonome à ce stade, mais il ne taxe pas uniquement au champ foncier, cela pourrait être une échappatoire pour les commissions scolaires. Les municipalités, c'est relié directement aux services qu'elles donnent aux contribuables dans les implantations d'infrastructures, c'est essentiel aux municipalités. (17 h 30)

M. Russell: Dernière question, M. le Président. Si je comprends bien, vous ne seriez pas d'accord qu'il y ait une taxe foncière. Vous avez demandé qu'elle soit libérée complètement. Ce serait une question que je pourrais diviser en deux volets, si vous voulez. Premièrement, seriez-vous prêt à accepter cette responsabilité des édifices des municipalités moyennant certaines compensations pour les services qui pourraient être donnés? Deuxièmement, avez-vous une suggestion à la taxe foncière pour que les commissions scolaires gardent leur autonomie? Comme vous êtes jaloux de la taxe, à l'Union des conseils de comté, quel genre de taxe pourrait s'accrocher aux commissions scolaires pour qu'elles demeurent autonomes?

M. Moreau: M. le Président, à mon sens il y a seulement une taxe foncière, et c'est la taxe municipale.

Pour ce qui concerne la possibilité d'accepter les responsabilités d'équipements des commissions scolaires — cela peut se traduire par cela — je pense bien que ce serait anticiper... Je ne voudrais faire ici de déclarations intempestives qui pourraient avoir des effets sur l'avenir, quoiqu'on est toujours prêts à nous asseoir à une table avec des gens pour en discuter.

M. Russell: Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Jolivet): Avant de céder la parole au ministre des Finances, compte tenu de l'heure, je tiens à vous avertir qu'on va terminer avec l'organisme présent. M. le ministre des Finances, le député de Charlevoix et le député de Saint-Hyacinthe ont des questions à poser. Après cela, nous suspendrons les travaux jusqu'à 20 heures pour entendre l'autre groupe qui reste, l'Union des municipalités du Québec. M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, l'intervention que je vais faire, j'aurais pu la faire, j'imagine, au moment où nous entendrons le mémoire de l'Union des municipalités, mais c'est une intervention du député de Laval qui m'amène à la faire maintenant. Je pense un peu préciser le cadre dans lequel nous fonctionnons.

Si je comprends bien ce que M. Moreau nous dit au fond aujourd'hui, c'est que, sur les principes, sur l'orientation générale, on est d'accord. Sur une question fondamentale de principe, on n'est pas d'accord. On voudrait tout le champ foncier. Le gouvernement nous en donne 94%. D'autre part, sur un certain nombre de modalités, il y a des choses qui nous paraissent devoir être corrigées. Je pense que je ne trahis pas la pensée de M. Moreau en la simplifiant de cette façon.

Le député de Laval disait: Une réforme comme celle-là va-t-elle profiter aux contribuables et aux municipalités? Ce n'est peut-être pas mauvais, en faisant abstraction pour le moment des quelque centaines d'articles du bill 57, de ramener la question justement à la question posée par le député de Laval: À qui profite cette réforme de la fiscalité municipale?

Là, il y a quelques chiffres qui, je pense, peuvent ajouter un éclairage à toute cette question. La réforme fiscale municipale apporte d'abord aux contribuables, sans passer par le trésor des municipalités, elle apporte tout de suite aux contribuables, à peu près $80 millions de réduction dans la taxe foncière, en partant.

Pour le trésor des municipalités maintenant, cela leur donne — je pense ici aux conseils de comté comme aux municipalités, enfin à toutes les municipalités du Québec ensemble — des revenus potentiels additionnels de $365 millions. C'est une des plus grosses ouvertures sur le plan financier jamais faites à l'égard des municipalités pas seulement au Québec, mais au Canada. Il est évident que les municipalités peuvent se servir de toute cette marge de $365 millions ou ne pas s'en servir. Imaginons qu'elles s'en servent au complet pour augmenter leurs dépenses en 1980. Les dépenses des municipalités augmentent de 30%. C'est ce que cela veut dire. Elles ne sont pas obligées de s'en servir au complet. Imaginons, par exemple, qu'au contraire, elles redistribuent, elles

ne se servent pas de cette marge du tout, toutes les taxes foncières au Québec, en plus des $80 millions de réduction pour les contribuables, tombent de 10%. Ce n'est pas rien. Si vous ajoutez à cela les $70 millions qu'on va commencer à payer au prochain remboursement d'impôt au printemps sous forme de crédits d'impôt pour les locataires et les propriétaires, cela veut dire que la réforme fiscale municipale complète pour le gouvernement va coûter presque $500 millions.

Il est évident qu'un pareil déplacement va tirer sur les ressources disponibles dans le budget de façon telle qu'il y a certains objectifs que peuvent avoir les municipalités ou que peuvent avoir les commissions scolaires qui ne peuvent pas être atteints. Cela coûterait trop cher. Prenons, par exemple, la question qui a été posée par nos amis d'en face, pour demander à M. Moreau: Qu'est-ce que vous voyez comme champ de taxation possible pour les commissions scolaires? Il y a seulement une façon de donner un champ non foncier aux commissions scolaires, c'est de leur donner une source d'impôt qui, à l'heure actuelle, serait dans le coffre du gouvernement provincial.

Si on voulait remplacer les 6% de taxation foncière concédés aux commissions scolaires pour les dépenses non subventionnables, si on voulait remplacer cela par une source d'impôt qui, à l'heure actuelle, entre dans le coffre provincial, ce serait une source d'impôt qui devrait rapporter $115 millions, mais les $115 millions ne sont pas là. L'effort dont je viens de parler tout à l'heure est déjà un effort gigantesque, c'est le plus grand qu'on n'aura jamais fait. Je comprends qu'on voudrait $115 millions de plus, mais ils ne sont pas là. Nous verrons tout à l'heure avec l'Union des municipalités une question qui a été soulevée aussi par l'Union des conseils de comté, qui est celle de dire: Est-ce que le gouvernement pourra aller plus loin dans le cas des paiements des "en-lieu" de taxes sur les immeubles de santé ou d'éducation, que les pourcentages qu'il a décidé d'appliquer dans l'immédiat? Là encore, c'est une question de fonds, d'argent disponible.

Il est évident qu'à partir d'une transformation pareille, d'une ampleur pareille dans le domaine municipal, on pourrait toujours dire: II en faut un peu plus ici et un peu plus là et un peu plus encore. Il faut simplement plaider que c'est déjà un transfert énorme, le plus gros qui n'a jamais été fait, et qu'il est évident qu'en ajoutant plus d'argent, c'est toujours meilleur, mais à un moment donné, il faut quand même tracer la ligne quelque part. Voilà ce que je voulais dire, M. le Président.

M. Lavoie: Le ministre des Finances m'a impliqué...

Le Président (M. Jolivet): Vous allez avoir le temps d'y répondre tout à l'heure.

M. Parizeau: Pour dire à quel point la question du député de Laval était pertinente.

M. Lavoie: Très bien. Il y a une chose qui doit éclairer...

Le Président (M. Jolivet): Seulement une minute, M. le député, c'est parce que votre collègue de Charlevoix et le collègue de Saint-Hyacinthe m'ont demandé la parole. Je vous l'accorderai ensuite. M. le député de Charlevoix.

M. Lavoie: D'accord.

M. Mailloux: M. le Président, je voudrais poser ma question en présence de l'Union des conseils de comté et en présence du ministre des Affaires municipales et du ministre des Finances, parce que je pense qu'il y en a un des trois qui peut donner la réponse à mon interrogation, c'est le ministre des Finances. Quand le ministre des Finances disait dans le dépôt de son budget de l'exercice 1979/80, que forcément la réforme serait moins avantageuse pour certaines petites collectivités que pour des collectivités plus importantes, je suis de ceux qui croient qu'il avait parfaitement raison, mais qu'il n'a pas complètement dit toute la vérité là-dessus. Je vais m'expliquer. Si j'erre le moindrement, parce que je me servirai essentiellement des tableaux fournis par le ministère des Affaires municipales à une ville, et à des municipalités de mon comté, on me dira tout de suite si je suis dans l'erreur, et si j'induis le public en erreur.

On parle dans la déclaration du ministre des Finances d'environ 250 collectivités qui sont les plus petites de la province de Québec, que vous représentez. Je voudrais, si vous me le permettez, donner deux exemples seulement de la réforme fiscale, si je la comprends bien. Je prendrai d'abord l'exemple d'une ville de 4019 de population, la ville de Baie-Saint-Paul qui a l'avantage dans la réforme fiscale d'avoir un hôpital psychiatrique que vous allez évaluer à $13 millions ou $14 millions, et d'une polyvalente de près de $3 millions. Je dis l'avantage, parce que je trouve que c'est une anomalie de la réforme. Là où il y a de l'édifice bâti par la collectivité provinciale, la ville en bénéficie, mais on remarque que les autres municipalités du territoire desservies par ces hôpitaux, par ces polyvalentes, en retirent très peu dans le champ de la péréquation ou dans le partage.

Advenant que la ville de Baie-Saint-Paul, quand vous regardez votre tableau — je pense que vos officiers l'ont — on remarque, à chacun des postes budgétaires, la réforme fiscale, advenant, dis-je, que la ville veuille entrer dans le champ de la taxe scolaire, ça lui donnerait $163 231. L'impôt sur l'hôpital à 80% et sur la polyvalente à 40% lui donnerait $439 000 et je vous fais grâce des dollars, sur les immeubles gouvernementaux, provinciaux ou fédéraux, $463 000; la taxe de réseaux élémentaires et autres, $29 244; "en-lieu ", compensation sur le territoire agricole, S25 987; taxe de valeur locative, $15 000. Votre tableau donne évidemment un transfert de $676 000, comprenant l'impôt foncier scolaire. La ville de Baie-Saint-Paul perd par contre $258 740 qu'elle recevait de la taxe de vente et $50 000 qui étaient versés sur les lits d'hôpitaux, de même que sur le nombre d'étudiants fréquentant les écoles, soit $19 000, pour un total de $328 000.

La ville de Baie-Saint-Paul, possédant deux édifices bâtis par le gouvernement, n'aura pas besoin d'occuper les quelque $100 000 de la taxe foncière, parce qu'elle retirera, dans l'addition et la soustraction, $348 000 de plus. Ces citoyens, forcément, je pense, sont au moins temporairement gavés dans le régime, parce que ça augmente considérablement et la ville n'a pas besoin de prendre les $348 000 pour s'administrer avec un taux actuel de taxe foncière de $1.40; elle peut même le réduire un peu, si elle veut maintenir les services actuels.

Allons, si vous le voulez, par contre, dans une de vos municipalités qui est de moindre importance, qui a 1087 de population, et je vais la nommer, Saint-Hilarion. L'impôt scolaire, sur le tableau, advenant qu'elle occupe le champ d'impôt scolaire complètement et qu'elle ait immédiatement l'odieux d'occuper tout ce champ évacué par la commission scolaire, l'impôt scolaire, dis-je, lui donne $39 132 à 1.1, à 2.1 "en-lieu" du réseau scolaire, $2174; à 2.4, le réseau d'électricité, étant donné que les lignes d'Hydro-Québec passent dans la paroisse, $10 870; la valeur locative, $3261 : $55 437. Elle perd, par contre, la taxe de vente, $45 644, et elle perd l'"en-lieu" pour les élèves qui fréquentaient l'école, $1087; soit $46 000. Si on déduit $46 000 de $55 000, on arrive à $9000 et vous versez, comme contribution dans le système de péréquation, $37 348. À ce moment, si on ajoute la taxe foncière, qui est d'environ $1 les $100, elle avait un budget de $110 000 et elle a encore un budget d'environ $109 000 ou $110 000; elle est au même point exactement, ayant occupé tout le champ de la taxe foncière.

La question que je veux poser au ministre est la suivante: Au moment où il dit que personne ne perdra, j'aurais besoin d'autres assurances du ministre des Finances et je vais vous en donner une en particulier. On sait pertinemment que les $20 ou $23 millions de subventions discrétionnaires qu'on a contestés, au moment où vous êtes arrivés au pouvoir — mais on vient de voter un budget supplémentaire, c'est encore $20 millions cette année — s'adressent principalement à toutes les municipalités où la loi ne prévoit pas un per capita, tant de mille habitants et plus.

Quand on dit que Saint-Hilarion n'a rien perdu au départ... Au départ, elle a le même budget qu'elle avait en ayant occupé tout le champ de la taxe scolaire, mais annuellement, cette municipalité-là, qui a un réseau de rues municipales ou de routes municipales d'environ 20 milles, a reçu, et je pense que ce n'était pas injuste, $10 000 en subvention d'été à l'entretien de ses routes et le ministère de l'Agriculture a versé $10 000 à l'entretien de ses routes. Elle est tout de suite décalée de $20 000 après avoir occupé le champ de la taxe foncière. (17 h 45)

Je disais l'autre jour en Chambre que pour l'ensemble de ces municipalités le ministre des Transports devrait reprendre à la charge du ministère l'entretien d'hiver des routes qui, dans Charlevoix et à Saint-Hilarion, coûte $3170 le mille. Je voudrais savoir si le ministre des Finances serait capable de nous assurer que le ministre des Transports ne tentera pas, après avoir terminé la réforme fiscale, je ne l'accuse pas de ça, loin de là, il faudrait au moins que les municipalités aient l'assurance qu'il n'y aura pas un retour d'une partie des 44 000 milles du réseau de routes à la charge des municipalités, parce qu'à ce moment-là, les 12 milles de routes qu'on avait pris à Saint-Hilarion à 100%, qui coûtaient $37 000, retourneraient simplement au régime des subventions et ce serait $40 000 qu'elle devrait aller chercher sous forme de taxes.

M. Tardif: C'est vous qui aviez inventé ça?

M. Mailloux: Je pourrai vous donner une réponse tantôt.

M. Parizeau: Pourquoi pas tout de suite?

M. Mailloux: C'est donc dire, M. le Président, et vous l'avez tellement jugée valable cette mesure-là, qu'au moment où vous êtes arrivés au pouvoir, je me rappelle pertinemment, je pense que ce n'est pas le ministre des Finances, c'est le ministre des Transports qui a dit en Chambre: "C'est discrétionnaire, c'est du patronage, $5 millions, on va réduire ça à 5 millions". Et l'honorable collègue qui est devant moi, en redemandant un budget supplémentaire de $2 750 000, a porté ce même poste budgétaire à près de $20 millions, je pense, à $500 000 près. Quelque $16 500 000 plus...

M. Parizeau: Cela ne s'applique pas aux mêmes choses, jamais de la vie.

M. Mailloux: En tout cas, disons $20 millions à $500 000 près. Est-ce que vous prétendez que je suis dans l'erreur?

M. Parizeau: Non, je vais maintenant commenter vos chiffres quant aux $16 500 000, je vais regarder ça.

M. Mailloux: Quand vous avez voté votre budget supplémentaire la semaine passée, le budget initial comprenait un montant de $16 millions demandés et je pense que vous demandiez $2 500 000 ou $2 700 000 supplémentaires.

M. Parizeau: Oui, mais est-ce que ça s'appliquait au même poste ou à une fraction d'autres postes.

M. Mailloux: Au même poste, au poste pour l'ensemble des municipalités de la province...

M. Parizeau: II faudrait voir. Non, non.

M. Mailloux: Je pense que c'est la question qu'on me posait tantôt, si ce montant-là, à l'intérieur du budget, était un montant que vous deviez faire disparaître. Le gouvernement a continué, parce que c'était nécessaire de le continuer.

M. Parizeau: On va y venir si vous voulez avec la...

M. Mailloux: Ce que je voudrais savoir, pour l'ensemble de ces municipalités, et je pense que mon calcul n'est pas combattu par le calcul du ministre des Affaires municipales, il fait la preuve que si des subventions discrétionnaires sont discontinuées, et quand je regarde le tableau qui est mentionné comme contenant les subventions qui seraient continuées, on l'a ici... Subvention bibliothèque publique; aide financière aux initiatives des municipalités relativement au patrimoine, aux cours d'eau municipaux, aux villages miniers, anti-inondation. Il y a principalement l'entretien des chemins d'hiver qui se continue. Le ministre des Affaires municipales me disait en Chambre que toutes les subventions conditionnelles liées à des ententes fédérales-provinciales, sont maintenues; de même les programmes de subventions conditionnelles suivants ne sont pas affectés, celles que je viens de nommer.

La seule réflexion que je ferais relativement à ces ententes fédérales-provinciales, c'est que ce ne sont pas des ententes qui durent ad vitam aeternam. Ce sont des ententes qui sont décidées par le comité des priorités, par l'office de planification, par le ministre des Finances. Elles peuvent s'adresser aux axes routiers prioritaires, à l'épuration des eaux, à la construction de telle chose, ça ne peut pas s'adresser à toutes les municipalités. Mais la promesse qu'il faudrait que les municipalités, qui sont prêtes dans la réforme fiscale à assumer leurs responsabilités, il ne faudrait au moins pas qu'on leur cède des responsabilités que le gouvernement assumait par le biais de subventions. Qu'on établisse d'autres programmes.

Dans Saint-Hilarion, je pense bien, M. le Président, qu'à moins que le ministre des Affaires municipales ne me dise que j'ai erré, j'ai donné les chiffres de ce qu'apportera la réforme fiscale et la municipalité est désavantagée au départ d'au moins $20 000 par année, après avoir occupé tout le champ de la taxe scolaire.

M. Parizeau: M. le Président, je voudrais reprendre ces chiffres-là.

Baie-Saint-Paul, effectivement, reçoit pas mal d'argent dans la réforme, parce qu'il y a de gros immeubles de santé, d'éducation et du gouvernement sur son territoire. Sauf que parce qu'il y avait des immeubles comme ceux-là, Baie-Saint-Paul a dû fournir des services qui ont accru son effort fiscal d'une façon telle que dans le comté dont on nous parle, c'est l'effort fiscal le plus élevé qu'il y a. L'effort fiscal se détermine, on le calcule pour l'ensemble du Québec, sur une base de 100 et on place les municipalités par rapport à cette moyenne. Par rapport à la moyenne du Québec, Baie-Saint-Paul est à 91, par rapport à 100; Saint-Hilarion est à 56. Il y a d'autres municipalités voisines. On pourrait faire le même raisonnement pour bien d'autres municipalités et dans Charlevoix-Ouest, il y a des municipalités dont l'effort fiscal est à 29. Alors, l'idée de compenser une ville qui, de toute façon, a eu beaucoup de coûts à absorber pour des immeubles comme ceux-là, cela ne me paraît pas sot. Au contraire, je dirais que c'est l'esprit même de la réforme fiscale municipale.

Revenons au cas de Saint-Hilarion, maintenant. Saint-Hilarion, je ne m'entends pas tout à fait sur les chiffres, mais il est possible que les oppositions sur les chiffres soient simplement sur la façon de les calculer. Si on laisse de côté les subventions discrétionnaires et qu'on ne tient compte que de la réforme elle-même, c'est-à-dire le remplacement de taxes de vente, de subventions inconditionnelles par taxes foncières, si on tient compte de la réforme telle qu'elle est, Saint-Hilarion, pour retrouver le même niveau de ressource qu'elle a actuellement, n'aurait besoin que de prendre $0.34 dans le $1 normalisé. Evidemment, Saint-Hilarion, comme d'autres endroits, recevait des subventions discrétionnaires. Quand je dis qu'elle recevait des subventions discrétionnaires, elle en recevait ou elle n'en recevait pas. Cela dépendait des années, parce que la caractéristique de la subvention discrétionnaire c'est que ça n'a aucune espèce de garantie dans le temps; un jour, une municipalité l'a, l'année suivante, elle ne l'a pas. La troisième année, le maire et le conseil municipal arrivent à Québec et la quatrième année, avec un peu de chance, elle l'a encore. C'est cela les subventions discrétionnaires.

M. Lavoie: Vous en avez plusieurs dans la loi 57.

M. Parizeau: II y en a de tous les genres. L'esprit même de la réforme fiscale municipale, c'est qu'on voulait se débarrasser de ce genre de pèlerinage à Québec qui fait perdre un temps fou à la fois aux élus municipaux, aux machines gouvernementales, aux élus, à tout le monde. J'ai eu l'occasion de dire plusieurs fois en public que je trouve cela insensé qu'on passe, à certains moments, huit mois à la fois à Québec, dans la municipalité en question, à la fonction publique, un peu partout pour débloquer $5000. On en fait dépenser en salaires plus d'argent que ne valait la subvention elle-même. Beaucoup des subventions dont parle le député de Charlevoix sont de ce genre-là, discrétionnaires, souvent pas élevées et entraînant un gaspillage d'argent et de temps absolument insensé.

Il reste néanmoins que je reconnais, dans le discours du budget, j'ai indiqué qu'il y avait un certain nombre de subventions de l'ancien type qui demeuraient. Il y aura certains ajustements à faire. On m'a convaincu, par exemple, je pense que l'argument est bon, que sur le plan des subventions aux aqueducs, pour les toutes petites municipalités, on peut être amené à garder certaines formes antérieures de subventions, dans le sens suivant: il est évident que si la source d'eau d'une petite municipalité n'est pas bonne, est dangereuse, vouloir imposer, dans un village de 400 ou de 800 habitants, la pose d'un aqueduc, peut être, tout à fait indépendamment de la réforme fiscale municipale, tellement onéreuse que le village ne pourrait jamais porter ça.

Dans ce sens, je reconnais qu'il y a certains aménagements à faire. Il est clair aussi qu'il y a une partie des subventions discrétionnaires qui vont disparaître. C'était le sens même de l'opération. Ils s'imaginaient qu'après avoir fait la réforme fiscale municipale, on réintroduirait une série de ces subventions discrétionnaires, ce n'est sûrement pas l'esprit de la mesure.

Je reviens à ce que disait le député de Charlevoix au sujet des subventions à la voirie municipale; bien sûr, elles vont être touchées. On a ajouté dans le budget supplémentaire, $2 500 000 pour une raison très simple, c'est que dans l'affectation des crédits généraux, on faisait partir la réforme fiscale municipale avant le 1er janvier 1980, en pratique. Pour extensionner les montants, jusqu'au 1er janvier 1980, on a fait cet ajout dans le budget supplémentaire.

C'est la raison fondamentale pour laquelle il y a $2 500 000. Quant à la base de calcul des $2 500 000, sur les crédits généraux, il ne faut pas oublier qu'il y a des engagements d'années antérieures.

Voilà à peu près ce que je voulais dire.

En résumé, le cas de Baie-Saint-Paul me paraît tout à fait raisonnable. Le cas de Saint-Hilarion me paraît tout à fait conforme à l'esprit de la réforme fiscale municipale; des subventions discrétionnaires, il va y en avoir passablement moins avant qu'il n'y en ait plus; la liste qui a été donnée dans le discours du budget doit donner lieu à certains ajustements, par exemple, pour certaines des raisons que j'expliquais. Voilà.

M. Mailloux: M. le Président, je voudrais faire une courte réflexion, parce que si j'ai donné le cas de deux municipalités du Québec en particulier, ce n'était pas pour les mettre en cause. Je voudrais dire au ministre que, comme contribuable de la ville de Baie-Saint-Paul, je suis à la limite de trois municipalités. Demeurant dans la ville, je payais $1.40, alors qu'une autre municipalité imposait une taxe de $0.20 et que l'autre municipalité imposait une taxe de $0.55. Je reconnaissais ces anomalies comme tous mes concitoyens. Ce n'est pas de cela que j'ai voulu parler. Quand le ministre des Finances dit, par contre, que la construction d'édifices gouvernementaux a amené des coûts considérables à la ville de Baie-Saint-Paul, je peux diverger d'opinion parce que ça appartenait aux Franciscaines de Marie et ce fut bâti par le gouvernement sur un terrain appartenant aux Franciscaines de Marie. De toute façon, il n'y a aucun service organisé, mais tant mieux, si on en bénéficie, parce qu'on a payé longtemps, alors que les deux autres, qui avaient les mêmes services de police, de pompiers et autres ne payaient à peu près pas de taxes.

Quand je parle d'un cas type comme Saint-Hilarion et que le ministre des Finances me dit: Oui, les subventions discrétionnaires qui étaient à la merci des politiciens doivent disparaître, à ce moment-là, je dis au ministre des Finances de réévaluer comme il faut sa position, de mettre, s'il le veut, le per capita, mais s'il ne rétablit pas une mesure de justice pour l'entretien des routes comme en ont les municipalités de tant d'habitants et plus, ce sera une mesure complètement injuste à l'endroit de 250 municipalités du Québec. En terminant, quant aux subventions pour les aqueducs et les égouts, prenez le portrait de ces municipalités, j'ai des exemples chez nous, comme Saint-Bernard-sur-Mer, La-Baleine, L'Île-aux-Coudres, Petite-Rivière-Saint-François, qui sont les moins servies par la réforme fiscale et qui ont devant elles des projets qui vont de $2 000 000 à $5 000 000 de services essentiels qui n'existent même pas.

Le Président (M. Jolivet): II ne faudrait pas que l'on embarque sur l'ensemble...

M. Parizeau: Ce n'est pas le moment pour discuter de La-Baleine ou de Saint-Bernard, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): La seule chose, c'est que, depuis tout à l'heure, ça fait au moins quinze minutes qu'on n'a adressé aucune question aux gens qui sont en face de nous, et c'est ce pourquoi nous les avons invités. On aura l'occasion de discuter... M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. M. Moreau, dans le mémoire que vous avez présenté au nom de l'Union des conseils de comté, vous mentionnez qu'une de vos préoccupations, c'est que toute la mise en marche de cette réforme devrait être dirigée par un comité conjoint afin d'apporter les corrections de parcours nécessaires à sa réalisation. Vous avez sans aucun doute discuté de ce point de vue avec le ministre des Affaires municipales. Est-ce que vous pouvez nous faire part de son point de vue? S'est-il prononcé ou non? Est-il sur la réserve?

M. Moreau: Vous me posez la question?

M. Cordeau: C'est parce qu'on ne peut pas poser les questions au ministre... Vous pouvez répondre, M. le ministre.

M. Tardif: Elle est adressée, allez-y.

M. Moreau: M. le Président, je pense bien qu'on peut compter que ce comité-là sera mis sur pied. De toute façon, remarquez bien que si ce comité n'était pas mis sur pied, vous allez de nouveau entendre parler de nous, parce que nous considérons essentiel que les municipalités soient représentées pour suivre le cheminement de la mise en place du mécanisme de la fiscalité. Je ne sais pas si cela répond à la question de M. le député. De toute façon...

M. Cordeau: J'aimerais peut-être un complément de réponse de la part de M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, sans l'existence d'une loi, le gouvernement a créé un comité

conjoint du monde municipal et du gouvernement du Québec il y a 18 mois qui a siégé de façon ininterrompue. Ce n'est pas parce qu'il y aura une loi qu'on va s'arrêter effectivement de se consulter, n'en déplaise au chef de l'Opposition officielle, qui a déclaré dans son discours: Je dis aux municipalités que, si elles peuvent penser obtenir satisfaction en sacrifiant, dans les coulisses du pouvoir, les intérêts légitimes des commissions scolaires, elles ne pourront pas compter sur la complicité du Parti libéral. Avec les mots "complicité", "les coulisses du pouvoir", "connivences", je pense qu'on aurait été en droit de blâmer le ministre des Affaires municipales, s'il n'avait pas travaillé de concert avec le monde municipal. Je vais continuer à le faire. Je vais en prendre l'engagement solennel, mais je ne l'écrirai pas dans une loi. Je vais m'astreindre. Je le dis. C'est dans le journal des Débats. C'est consigné. (18 heures)

M. Lavoie: M. le Président, maintenant que le ministre des Affaires municipales a repris son calme, je pense bien que le ministre des Finances va me permettre une question. Il y a des choses que je ne pige pas encore, à la suite de déclarations que vous avez faites cet après-midi, entre autres, à la suite d'une remarque du ministre de l'Education. Vous nous dites que le coût de cette réforme est près de $500 millions au gouvernement. Comment se fait-il que la marge de manoeuvre du gouvernement est à peine de 3% ou 3,5%? Où allez-vous prendre l'argent?

M. Parizeau: Oh!

M. Lavoie: Vous allez prendre toute votre marge de manoeuvre pour cela. Il ne vous restera plus rien de ce que vous aviez dans le discours du budget au mois d'avril. C'est tout, parce que $500 millions, c'est plus que la marge que vous nous avez déclarée tout à l'heure.

M. Parizeau: M. le Président, on retourne à l'Assemblée nationale, si je comprends bien.

M. Lavoie: Je pense que c'est une question...

M. Parizeau: Dans le débat en deuxième lecture, le chef de l'Opposition, à ce qu'on m'a dit — je n'étais malheureusement pas là — a insisté justement sur cet argument en disant: II va y avoir quand même $500 millions de nouvelles taxes pour financer cela.

M. Lavoie: Ce sont vos chiffres.

M. Parizeau: Je rappelle... M. le Président, je n'ai pas l'habitude d'interrompre le député de Laval. Qu'il me laisse finir ma démonstration.

M. Lavoie: C'est très laborieux, je m'en excuse!

M. Parizeau: Une allusion au chef de l'Opposition officielle est quelque chose de laborieux! C'est moi qui m'en excuse alors!

M. Lavoie: Je ne veux plus vous interrompre!

M. Parizeau: Je pense qu'on a oublié, en posant des questions comme cela, que la réforme fiscale municipale qui entrera en vigueur le 1er janvier 1980 est déjà embarquée dans nos crédits. L'impact budgétaire ou une partie de l'impact budgétaire de la réforme est déjà dans le dernier discours du budget et dans les crédits qui ont été votés par cette Assemblée. Cela commence dans l'année 1979/80. Cela veut dire que c'est déjà incorporé dans ce qu'on appelle les budgets de base, c'est-à-dire la préparation du budget de base pour l'an prochain, forcément. Vous comprenez bien qu'on n'a pas attendu le vote sur la loi 57 pour commencer à ajuster les chiffres de l'année financière présente du gouvernement. C'est déjà ajusté. Je constate avec surprise que l'Opposition officielle, en votant les crédits il y a quelques mois, ne s'en est pas rendu compte.

M. Lavoie: Est-ce que votre déclaration tient du fait que vous avez affecté, dans le budget annuel, une somme de près de $500 000 000 pour prévoir cette réforme fiscale?

M. Parizeau: Non, parce que l'impact sur le budget ne se stabilise qu'au bout de deux ans.

M. Lavoie: Mon opinion, c'est que simulations quand tu nous tiens, surtout quand cela a varié, comme je l'ai établi tout à l'heure, pour certains postes entre 25%, 40%, 50% et 100%, les simulations, j'en prends et j'en laisse. Je n'ai qu'à prendre votre discours du budget de 1977 où vous prévoyiez un déficit de $640 000 000 qui s'est révélé un déficit de $884 000 000,38% de différence, votre discours du budget de 1978, $1 035 000 000 de déficit et l'année s'est terminée avec $1 474 000 000, ce qui fait $439 000 000 de plus, 42% de différence dans vos simulations; je vous dis que c'est à peu près les mêmes simulations que vous faites sur le dos des municipalités. C'est Jean-Baptiste qui va payer pour de toute façon.

M. Parizeau: En effet, cela a bien failli être Jean-Baptiste qui paie pour des écarts comme ceux-là. Je rappellerai, par exemple, au député de Laval, que l'écart majeur de 1978 est venu du fait que le gouvernement fédéral a réussi à combiner deux gestes dont, tous ensemble, à l'Assemblée nationale, on a eu l'occasion de constater à quel point il pouvait être odieux. Le premier a consisté à ne pas payer au gouvernement de Québec ce qui lui était dû dans l'affaire de la taxe de vente; le deuxième a consisté à retarder de quelques jours - toujours dans le sillage d'option-punaise qu'avait créé l'affaire de la taxe de vente — et à ne pas payer certains comptes de bien-être social et à les retarder sur l'année suivante. J'espère, M. le Président, que nos rapports avec les municipalités peuvent être un peu meilleurs que ceux que nous entretenons avec le gouvernement fédéral; je le souhaite de tout coeur. En tout cas, je ne vois pas en quoi... Je n'avais aucun moyen, en 1978, de

faire une simulation de mon homologue fédéral. Les chiffres, ça se simule, les hommes, non.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre des Affaires municipales.

M. Lavoie: On reprend nos travaux ce soir? Le Président (M. Jolivet): Juste pour terminer. M. Lavoie: Oui.

M. Tardif: Deux minutes, M. le Président, très brièvement. C'est sûr que le député de Laval, en essayant de suivre les diverses simulations, pour lesquelles quand même le monde municipal s'y retrouve assez facilement, je pense, donne vraiment dans la facilité.

C'est sûr qu'il aurait pu, s'il avait voulu continuer dans la même veine, dire: Mais là il y a contradiction; voyez, ça change encore puisque le ministre des Affaires municipales, dans son discours de deuxième lecture, a parlé d'un transfert de $331 000 000 aux municipalités et le ministre des Finances vient de dire, lui, aujourd'hui, $365 000 000.

M. Lavoie: Cela ne me surprend pas, ça change à tous les jours!

M. Tardif: Oui, M. le Président, sauf qu'il est arrivé une chose que le ministre des Affaires municipales a dite, lors de son discours de deuxième lecture, c'est qu'il présentait la réforme de la fiscalité, moins le volet du transport en commun; volet de transport qui a été rendu public par mon collègue, le ministre des Transports, deux jours après,, et qui comporte $34 millions de plus, d'où le chiffre de $365 millions. C'est quand même relativement facile à suivre et je n'ai aucune espèce de honte à dire que nous avons, tout au long de ce travail laborieux, vraiment rajusté notre tir, au fur et à mesure, que non seulement nous y voyions la nécessité d'y apporter des corrections, mais que le monde municipal nous faisait part de ses commentaires.

M. le Président, je voudrais juste revenir brièvement pour dire que c'est vrai, à certains égards, qu'on peut considérer un des points du mémoire de l'Union des municipalités, puisqu'on termine ce mémoire, M. le Président...

Il y a certaines choses qui constituent un retour en arrière par rapport à ce que nous avions gagné dans la loi de l'évaluation foncière, la dernière. Un des points mentionnés a été de dire: Dans l'actuelle loi, celle qui a été votée il y a cinq ans, les bureaux de révision ou le bureau provincial de révision n'avaient compétence qu'à l'égard des conseils de comté et des communautés urbaines qui avaient décidé de se départir de leur compétence et de la leur confier. C'est vrai qu'aujourd'hui nous universalisons, il est proposé d'universaliser le bureau de révision, mais il y a deux raisons à ça. D'une part, il reste, sur 71 conseils de comté, 31 qui exercent cette compétence et 15 d'entre eux ont demandé au bureau de révision d'exercer la compétence en matière d'appel. Maintenant, je n'en fais personnellement pas une question de principe fondamentale et je suis prêt à regarder ça. Il y a encore, on me dit, à peu près 70 bureaux de révision fonciers et municipaux également.

Je dis que le bureau de révision québécois est présentement l'instance d'appel pour à peu près 85% du rôle d'évaluation et 85% ou 90% de la population du Québec. Or, je pense que c'est quelque chose qu'on peut à tout le moins examiner.

La question de l'indice, c'est important parce que, là, je pense qu'il y a une méprise. À quelques reprises, on a parlé et Me Viau a parlé d'un indice comme ayant un effet de normalisation sur les rôles d'évaluation. M. le Président, je m'excuse, l'indice qui est prévu est une cote, une mesure du niveau de rôle; cette mesure n'implique pas, n'implique surtout pas que les municipalités devront normaliser, standardiser leur rôle. C'est une mesure qui pourra servir aux citoyens pour voir s'ils sont évalués avec un petit peu de vraisemblance, à la municipalité pour apprécier justement son niveau de rôle, au bureau de révision pour accueillir les plaintes et voir les redressements effectués et au gouvernement pour des fins de péréquation.

La redistribution, justement, des ventes des réseaux, des revenus, des "en-lieu" des entreprises de télécommunications, cet indice de mesure de rôle, ce niveau de rôle, on pense que c'est une formule d'honnête compromis entre ce qu'on appelle aux Etats-Unis ces "equalization boards" comme ils existent d'une part, et un bureau provincial, carrément provincial, d'évaluation, comme il y a en Ontario. Or, entre les deux, il nous semblait que l'autonomie locale était respectée dans la confection du rôle.

On décerne une cote à ce rôle et cette cote n'est pas discrétionnaire, c'est une opération purement arithmétique, purement statistique, où on prend le rôle fourni par la municipalité, on prend les ventes qui sont enregistrées au bureau d'enregistrement et on calcule un indice. Cet indice, M. le Président, je n'ai aucune espèce d'objection à l'UMQ, à l'UCCQ sur la façon dont nous l'obtenons. Je n'ai aucune espèce d'objection même à publier annuellement dans le rapport annuel du ministère comment nous y sommes arrivés, quelle est la cote du rôle d'évaluation, le niveau de rôle de chacune des municipalités, bref à étaler cela au grand jour, mais ce n'est pas une opération discrétionnaire, c'est une opération purement mathématique.

M. le Président, je voudrais terminer là-dessus et je regrette que le député de Charlevoix soit parti puisque, une fois le jeu de domino fait avec les plus et les moins, si jamais une municipalité se retrouvait avec un moins $18 per capita, la réforme lui vaudra $28, c'est-à-dire compenser le manque à gagner de $18 plus $10. Parce qu'on dit que la réforme rapporte au moins à chaque municipalité $10 par habitant, ce qui voudrait donc dire, dans une municipalité, dans ce cas-là, un apport de $28.

M. le Président, je termine là-dessus, je remercie l'Union des conseils de comté pour son mémoire. J'ai pris bonne note de ses représentations. Il m'apparaît évident que, sur un bon nombre de points, il nous est possible d'arriver à améliorer la loi de l'évaluation comme telle et, pour le reste, j'ai aussi — j'espère que l'Opposition également a pris bonne note — noté le désir de l'Union des conseils de comté que cette loi soit votée pour entrer en vigueur le 1er janvier 1980. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: M. le Président, c'est simplement une question de règlement. Nous revenons à 20 heures, nous entendrons à ce moment-là les représentants de l'Union des municipalités du Québec. Je voudrais simplement rappeler, M. le Président, que le mandat de la commission, tel que voté à l'Assemblée nationale, avait été de commencer l'étude article par article à 20 heures. Le mandat sera reporté finalement, du consentement unanime des membres, autour de 21 heures, 21 h 30, mais je ne voudrais pas qu'on pense que, parce qu'on siège ce soir pour entendre l'UMQ, on ne fera pas notre travail d'étude article par article par la suite.

M. Lavoie: M. le Président, on pourra discuter tout cela un peu plus tard, mais, de toute façon, je voudrais, au nom de l'Opposition, remercier M. Moreau, M. Letarte, M. Caumartin et Me Viau, de la collaboration que vous apportez et de l'éclairage sans doute important, mais du moins intéressant et enrichissant pour la commission.

Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie au nom des membres de la commission et à 20 heures.

Suspension de la séance à 18 h 10

Reprise de la séance à 20 h 16

Le Président (M. Jolivet): La commission permanente des affaires municipales continue son travail. Elle demande à M. O'Bready de l'Union des municipalités du Québec de se présenter ainsi que les personnes avec qui il se trouve.

Union des municipalités du Québec

M. O'Bready (Jacques): Merci, M. le Président. Je me présente, Jacques O'Bready, président de l'Union des municipalités du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, de M. le maire Jean Drapeau, de la ville de Montréal, M. Yvon Lamarre, président du comité exécutif de la ville de Montréal, M. Jean Corbeil, maire d'Anjou et président de la Conférence des maires de banlieue; à mon extrême-gauche, Me Pierre Huard, Me Nicole Lafond, de l'Union des municipalités, M. Luc Lacharité, directeur général et M. Lortie, également consultant pour l'Union des municipalités.

M. le Président, je vous demanderais la permission que soient inclus, au compte rendu des débats de cette commission, le texte des propos que nous allons tenir de même que les annexes qui en font partie.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a consentement, quant aux annexes? Pas de problème, ce sera donc contenu au procès-verbal.

M. O'Bready: Je vous remercie.

M. le Président, tout en se disant d'accord avec l'objet et la nécessité de la réforme et tenant absolument à ce qu'elle entre en vigueur dès le 1er janvier 1980, l'Union des municipalités du Québec n'en réclame pas moins que d'importantes modifications soient apportées au projet de loi sur la fiscalité municipale avant qu'il ne soit adopté par l'Assemblée nationale.

Dans un document intitulé Commentaires préliminaires sur la loi 57, l'Union des municipalités du Québec fait remarquer essentiellement que le projet de loi s'éloigne, en plusieurs points, des principes défendus par le comité conjoint Québec-municipalités. Une annexe reprenant, un par un, les articles qui nous paraissent problématiques et encore en version préliminaire accompagne ce document.

Eu égard au principe de l'autonomie municipale, maintes dispositions suscitent des inquiétudes, notamment celles donnant, par réglementation, des pouvoirs normatifs au ministre, ce qui pourrait ouvrir la porte à l'ingérence du gouvernement dans les affaires des municipalités. Le maintien des commissions scolaires dans le champ de l'impôt foncier diminuera considérablement la marge de manoeuvre des municipalités qui désirent l'exclusivité de l'assiette foncière. Plusieurs exemptions et exclusions, tant au niveau de la taxe foncière que de la taxe d'affaires, atténuent la portée du principe de l'équité fiscale. De plus, le projet de loi, au lieu de simplifier l'administration municipale, pourrait la rendre encore plus complexe si plusieurs de ces articles n'étaient pas amendés à partir du souci de son application quotidienne. Certaines des dispositions transitoires risquent de coûter cher aux contribuables municipaux si des changements significatifs ne sont pas apportés, principalement en ce qui a trait à l'expédition pour 1980 des avis d'évaluation et des comptes de taxes, et quant aux délais et échéances prescrits dans le projet.

Par ailleurs, l'Union des municipalités du Québec tient à affirmer qu'elle ne cherche pas du tout la disparition des commissions scolaires, ni l'affaiblissement de leur autonomie, mais veut plutôt défendre l'autonomie propre de ses membres en s'assurant le respect intégral des principes, de même que le rendement financier de la réforme fiscale municipale.

L'objet du projet de loi no 57 est de concrétiser, dans un cadre juridique, la réforme de la fiscalité municipale. Cette réforme a déjà fait l'objet d'un certain nombre de recommandations qui ont été formulées par le comité conjoint Québec-municipalités à la lumière des principes directeurs mis de l'avant par les membres du comité à l'intérieur d'une démarche structurée. Cette démarche visant à établir un cadre cohérent à l'intérieur duquel s'inscrivait, à l'avenir, l'ensemble des relations entre le gouvernement et les municipalités n'est cependant pas encore complétée. Plusieurs questions comme celle de la tarification, par exemple, devront faire l'objet de travaux ultérieurs. Par conséquent, le projet de loi no 57 ne peut être envisagé comme le terme d'un processus, mais plutôt comme le premier résultat concret de cet exercice long et ardu poursuivi depuis deux ans déjà, dans le but d'établir les relations entre le gouvernement et les municipalités sur des bases plus solides.

C'est dans cette perspective que s'inscrivent nos commentaires sur le projet de loi no 57. Ces commentaires sont préliminaires en ce sens que nous nous sommes préoccupés au premier chef de nous assurer que le texte du projet de loi respecte les principes directeurs qui ont servi d'assise aux travaux du comité conjoint. Ce mémoire identifie les divers articles qui nous semblent transgresser ces principes directeurs. Des commentaires de nature plus technique sur chacun des articles du projet de loi no 57 font présentement l'objet d'un document qui, je pense, vous a été remis, M. le Président, et qui, à tout événement, sera disponible lors de l'étude article par article du projet.

La nécessité d'établir dans la loi les principes directeurs de la réforme fiscale: pour l'essentiel, il convient de souligner que le projet de loi no 57 respecte les décisions gouvernementales qui ont été formulées dans le discours sur le budget le 27 mars 1979. Sur certains points, on peut même affirmer que certaines dispositions sont préférables à celles qui étaient prévues dans le discours sur le budget; par exemple, la formule de péréquation. À court terme, et dans la mesure où quelques modifications seraient apportées au texte du projet de loi, les divers partenaires qui ont oeuvré à la formulation de la réforme fiscale seraient justifiés de se réjouir des premiers résultats obtenus, car ils marquent un progrès certain relativement à la situation actuelle.

Par contre, dans une perspective à plus long terme, ce jugement sur le projet de loi 57 doit être nuancé. Nous considérons les travaux du comité conjoint Québec-municipalités comme un effort concerté visant à établir les fondements sur lesquels devrait s'élaborer toute politique ou intervention gouvernementale touchant la vie municipale. La valeur des rapports du comité est rehaussée du fait qu'un cadre clair est établi à partir duquel les propositions de réforme fiscale sont jugées. Ce cadre a pris la forme d'une série de principes directeurs.

Nous croyons que les principes directeurs énoncés dans les rapports du comité conjoint établissent un cadre cohérent dont la pérennité doit dépasser les deux exercices que nous venons de mener, soit décembre 1978 et octobre 1979. Ces principes doivent nous servir de guide et assurer la consistance et la continuité dans la solution des diverses questions qui confrontent le monde municipal dans ses relations avec le gouvernement.

Dans cette perspective, il devient nécessaire d'établir clairement les principes directeurs de la réforme fiscale dans le projet de loi 57. Nous sommes d'avis que ce projet de loi constitue une occasion unique où les principes qui doivent sous-tendre une politique municipale bien comprise devraient être énoncés et recevoir comme tels l'assentiment du gouvernement et de l'Assemblée nationale.

Pour les municipalités, un tel acte est important, car il permet d'officialiser un cadre de référence que le gouvernement entend respecter et, ainsi, établir une assise solide à partir de laquelle elles pourront poursuivre leur démarche visant à protéger et raffermir l'autonomie municipale. Pour le gouvernement, les avantages ne sont pas moins substantiels car, compte tenu de la diversité des intervenants dans les relations avec les municipalités, il importe, d'une part, de bien établir que ce cadre de référence transcende les hommes qui l'ont formulé et, d'autre part, de fixer un point d'ancrage à partir duquel on pourra corriger les multiples interventions dans le champ des responsabilités municipales.

La nécessité de l'affirmation des principes directeurs dans le projet de loi est d'autant plus importante qu'une lecture attentive des différents documents publics sur la réforme nous oblige à reconnaître que le gouvernement n'a jamais indiqué clairement et de façon officielle s'il acceptait ou non les principes directeurs proposés par le comité conjoint. Premièrement, aucun ministre ne siégeait au comité conjoint. Par conséquent, les rapports qu'il a produits ne peuvent être considérés comme reflétant la position du gouvernement proprement dit.

Deuxièmement, le discours sur le budget de mars 1979, énoncé officiel de la politique gouvernementale, était étrangement muet sur les principes directeurs, même s'il acceptait de mettre en oeuvre la plupart des mesures proposées dans le rapport du comité.

Troisièmement, le projet de loi 57 n'est pas structuré de façon à traduire une acceptation définitive des principes directeurs. Ici encore, on s'accorde sur les modalités d'application, mais on fait l'impossible pour éviter de se compromettre sur ces principes.

La réforme de l'évaluation. Au premier abord, on s'étonne de l'ampleur des modifications apportées à la Loi sur l'évaluation foncière. Dans un certain sens, on comprend qu'il s'agit d'un ajustement nécessaire pour actualiser les principes de l'équité fiscale, tant au niveau des contribuables qu'à celui des municipalités, de la neutralité du régime et de l'intégrité de l'assiette foncière. Le

but premier d'un rôle d'évaluation étant de déterminer de façon précise la richesse foncière d'une municipalité, il n'y a pas d'autre choix que d'assurer que les principes qui sous-tendent le processus d'évaluation foncière respectent ceux du régime fiscal. Cependant, force nous est d'admettre que la complexité de ces questions aurait justifié une période de réflexion et d'analyse beaucoup plus longue que celle qui nous est donnée, afin d'examiner en détail chacune des modalités proposées. À vouloir aller trop vite dans l'examen de ces questions techniques, on risque gros d'introduire des inéquités pires encore que celles qu'on voulait corriger.

Nous croyons que le gouvernement devrait donc s'engager immédiatement à revoir la loi 57 en 1981, de façon à corriger les anomalies constatées lors de son application pratique. Cette remarque vaut d'ailleurs tout autant en ce qui a trait aux effets de la réforme fiscale. Les dispositions prévues actuellement dans le projet de loi à ce chapitre contiennent des éléments que personne n'est en mesure d'évaluer dans le concret au niveau de chacune des municipalités. Toutes les simulations utilisées jusqu'à maintenant au sein des différents groupes de travail qui ont siégé, notamment à l'intérieur du comité conjoint, pour évaluer les effets de la réforme, reposaient sur un certain nombre de concepts qui n'ont pas été retenus par le gouvernement dans le projet de loi. Sans mettre en doute au point de départ le bien-fondé des nouveaux concepts suggérés, il faut reconnaître la difficulté dans laquelle nous sommes placés d'en évaluer la pertinence. Enfin, les simulations ne pouvaient tenir compte de toutes les particularités locales.

Dans ce contexte, il nous paraît indispensable de suggérer immédiatement un mécanisme en vertu duquel l'application de la réforme sera surveillée et révisée au besoin. Compte tenu de l'expertise reconnue du comité conjoint, nous recommandons au gouvernement de lui confier ce mandat précis.

Les principes directeurs. Les rapports du 1er décembre 1978 et du 20 octobre 1979 du comité conjoint Québec-municipalités établissent les principes directeurs qui doivent sous-tendre toute politique en matière de fiscalité municipale. Ces principes sont au nombre de cinq; il s'agit de l'autonomie municipale, du rendement financier, de l'équité fiscale, de la neutralité et de la simplicité administrative.

Nous avons donc examiné le projet de loi no 57 en regard de chacun de ces principes et identifié les éléments qui y contrevenaient. Notre analyse a également permis de souligner des points spécifiques de notre surplus technique qu'il y aurait lieu de corriger, avant que le projet de loi no 57 ne soit adopté. Ces points particuliers feront l'objet d'un autre document et, je vous l'ai souligné, M. le Président, je pense qu'une copie vous a été déposée. À tout événement, des copies seront disponibles pour tout le monde au cours des prochaines heures.

Premier principe. L'autonomie locale. Ce premier principe directeur est formulé comme suit par le comité conjoint: "L'autonomie locale demeure la base de la revalorisation du pouvoir municipal; elle signifie que les municipalités doivent avoir les pouvoirs de décision et de taxation nécessaires à l'accomplissement de leur vocation, orientés vers la satisfaction des besoins légitimes de leurs contribuables. Une véritable autonomie implique que les collectivités locales doivent déterminer elles-mêmes, avec la participation démocratique et responsable des citoyens et des élus, la nature, la quantité et la qualité des services qu'elles veulent offrir." Référence au rapport du comité conjoint, daté du 20 octobre 1979, à la page 17. (20 h 30)

Le droit de gérance est, à notre avis, le premier élément de l'autonomie municipale. Il implique que la municipalité a pleine juridiction sur la conduite de ses affaires. En ce sens, tout effort de normalisation de la part du gouvernement, qui n'entre pas dans les vues des citoyens concernés constitue une entrave sérieuse à ce droit de gérance et, partant, à l'autonomie locale. Il faut donc qu'on assure aux villes la capacité véritable de déterminer la valeur, la quantité et la qualité des services qu'elles veulent s'offrir à titre de collectivités locales, qu'elles ne se voient pas forcées de rendre des services, même si on leur laisse l'autorité sur la façon de les rendre.

L'autonomie locale signifie aussi que les villes doivent posséder le droit d'orienter leur avenir, si elles jugent localement qu'il y va de l'intérêt de leurs citoyens.

De pair avec ce droit, la municipalité ne doit pas être indûment pénalisée, ni privilégiée au niveau des possibilités fiscales par suite de son choix. La réforme doit donner à toute municipalité suffisamment de ressources, quelle que soit son orientation, pour qu'elle puisse décider librement de demeurer ou de devenir une municipalité à vocation industrielle ou commerciale ou strictement résidentielle. En d'autres termes, les villes doivent pouvoir se doter d'un "design" fiscal propre. L'indépendance financière est l'essence de l'autonomie locale. Nous croyons aussi qu'elle n'a de valeur que lorsqu'elle est conjuguée avec les autres éléments de l'autonomie.

L'exclusivité du champ de l'impôt foncier est sur ce point une exigence pratique pour assurer aux municipalités leur autonomie financière.

Eu égard au principe de l'autonomie municipale, plusieurs articles du projet de loi font problème ou suscitent des inquiétudes. Par exemple, la rédaction de l'article 252 ouvre la porte à l'ingérence gouvernementale dans l'administration municipale. Au moyen de ce pouvoir normatif, la municipalité n'est plus libre de déterminer le cadre et le contenu de son fonctionnement interne.

A-t-on présumé que les municipalités n'ont jamais démontré suffisamment de transparence à l'égard de leurs citoyens, qu'elles utilisent à dessein un langage incompréhensible, des formules mystérieuses.

Le rendement financier. La question du rendement financier est rattachée directement au principe de l'autonomie locale. Le rendement des impôts levés doit satisfaire au principe de la responsabilité financière, seul capable d'assurer la liberté des choix locaux.

Afin de mener à terme la réforme de la fiscalité municipale, le gouvernement et les municipalités ont effectué plusieurs simulations visant à établir le plus précisément possible l'impact net des divers transferts proposés.

L'accord des représentants des municipalités sur les éléments de la réforme ne fut acquis qu'après un examen exhaustif des résultats les plus probables de chacune des mesures proposées. On comprendra donc sans peine que nous soyons inquiets alors qu'à certains égards le projet de loi no 47 introduit de nouveaux concepts qui n'ont pas fait l'objet de discussions préalables et dont on ignore encore le rendement financier. Trois éléments principaux du projet de loi no 57 suscitent les plus vives inquiétudes concernant ledit rendement financier de la réforme. Premièrement, l'utilisation du loyer net pour établir le rôle de la valeur locative, chapitre XVI et la détermination d'une limite maximale pour le taux de la taxe d'affaires.

Deuxièmement, le maintien des commissions scolaires dans le champ de l'impôt foncier et la modification de la formule actuelle basée sur les dépenses non admissibles pour un autre concept, celui d'un montant équivalent à 6% des dépenses nettes ou à $0.25 par $100 d'évaluation.

Troisièmement, une réforme en profondeur de la Loi de l'évaluation foncière qui introduit de nouveaux concepts. À ce stade-ci, M. le Président, je vous demanderais de considérer comme texte officiel touchant la taxe d'affaires un addendum qui vous est remis au titre de ce chapitre particulier et qui remplace les pages 14, 15 et 16 du premier document que vous avez. J'aurais peut-être dû préciser que le document qui vous a été remis est à peu près l'essentiel de mon exposé sauf que certains passages en sont éliminés.

Une proposition de réaménagement de la taxe foncière, base de détermination de la taxe d'affaires. Le projet de loi no 57 prévoit que la taxe d'affaires sera levée sur le rôle de la valeur locative. Celui-ci est fondé sur le concept du loyer net. En Ontario, la taxe d'affaires est établie en proportion de la valeur foncière de l'immeuble. Nous recommandons que la taxe d'affaires soit basée sur la valeur foncière de l'immeuble occupé aux fins d'exercer une activité économique ou administrative en matière de finances, de commerce, d'industrie ou de services, un métier, un art, une profession ou toute autre activité constituant un moyen de profit, de gain ou d'existence.

Nos commentaires. Nous sommes d'avis que le concept du loyer net constitue une base valable pour établir un rôle de valeur locative. En effet, étant donné que le loyer net est la partie du loyer annuel brut qui est censée rester au locateur après déduction d'un montant raisonnable destiné à payer les frais d'exploitation de l'immeuble visé sur une base annuelle, y compris les taxes foncières générales, il s'ensuit qu'il existe une corrélation étroite entre la somme des loyers nets dans un immeuble et la valeur marchande de cet immeuble. Enfin, c'est la somme actualisée des loyers nets qui établit la valeur marchande de l'immeuble. Par conséquent, sur le plan des principes directeurs, il n'y a pas de problème à baser la taxe d'affaires sur la valeur foncière de l'immeuble si on a déjà accepté comme valable de la baser sur le loyer net, car les deux méthodes donnent un résultat équivalent.

La taxe d'affaires est chargée au propriétaire. Le projet de loi no 57 prévoit que la taxe d'affaires est levée pour chaque place d'affaires selon son loyer net. Le mécanisme proposé comprend donc implicitement un mode de répartition, car la taxe d'affaires est chargée directement à l'occupant. En Ontario, la taxe d'affaires est chargée à l'occupant et est établie sur la base de la valeur marchande de la partie qu'il occupe dans l'immeuble.

Nous recommandons que la taxe d'affaires soit chargée directement au propriétaire de l'immeuble. Notre recommandation vise à corriger des inéquités que ne manquerait pas de susciter la formule prévue dans le projet de loi 57 et à simplifier singulièrement l'administration de ce régime de taxation. Elle ne transgresse aucun principe de fiscalité. Plusieurs arguments peuvent être formulés pour justifier notre recommandation et répondre aux nombreuses questions qu'elle suscite. La première question est de savoir s'il est acceptable de taxer le propriétaire de l'immeuble plutôt que l'occupant de chaque place d'affaires.

Afin de répondre à cette question, il convient d'examiner les raisons qui justifient l'imposition d'une telle taxe d'affaires. Elles sont au nombre de trois. En premier lieu, les sociétés ou les personnes qui décident de s'établir dans le territoire d'une municipalité pour y exercer une activité commerciale ou professionnelle en retirent un avantage. Il est juste qu'en retour, la municipalité soit autorisée à exiger d'elles une certaine contribution. En second lieu, la taxe d'affaires se justifie du fait que ces entreprises ou ces personnes réclament souvent une augmentation du volume ou de la qualité des services municipaux. La taxe d'affaires tient alors lieu de compensation pour les dépenses supplémentaires occasionnées par la présence de ces entreprises et de ces immeubles qu'elles utilisent. Le comité conjoint mentionnait, à titre d'exemple, la protection publique supplémentaire et les infrastructures supplémentaires, telles que feux de circulation, plus gros collecteur, etc.

Enfin, il faut souligner la raison évoquée par la Commission royale d'enquête sur la fiscalité, la commission Bélanger, à l'effet que la taxe d'affaires offre l'avantage d'être facile à percevoir et de contribuer à élargir l'assiette fiscale des municipalités par l'apport de revenus importants et stables.

Il en découle que ce n'est pas à cause de l'exercice d'une activité économique en soi qu'on justifie l'imposition de la taxe d'affaires, mais à

cause des infrastructures et des charges supplémentaires que leur localisation à un endroit donné entraîne. En d'autres mots, du point de vue de la municipalité, qu'une place d'affaires soit occupée ou non, à un moment donné elle encourra les mêmes frais, car la portion fixe des coûts supplémentaires a été consentie lorsque l'immeuble fut construit ou converti en immeuble commercial ou industriel et la portion variable doit quand même être maintenue afin de conserver viable la zone commerciale ou industrielle. De plus, la valeur foncière de l'immeuble dépend, dans une large mesure, de la qualité des services publics ainsi offerts. On ne crée donc pas d'inéquité en taxant directement le propriétaire de l'immeuble.

La recommandation a aussi pour effet d'éviter d'entraîner un déplacement fiscal entre propriétaires et locataires d'immeubles industriels et commerciaux. Dans son mémoire concernant le projet de loi 57, la Communauté urbaine de Montréal a très bien fait ressortir que l'abolition des surtaxes et leur récupération par le biais de la taxe d'affaires avaient pour résultat "d'augmenter considérablement le fardeau fiscal des locataires d'immeubles industriels et commerciaux, tout en réduisant le fardeau des propriétaires de ces immeubles." Ce déplacement fiscal qui peut atteindre $60 millions sur l'île de Montréal aura pour effet une augmentation immédiate des taxes d'affaires payées par tous les locataires d'immeubles industriels et commerciaux.

En contrepartie, les locateurs verront leur fardeau fiscal diminuer sans avoir à compenser les locataires puisque la plupart des clauses escalatoires des baux ne prévoient pas de compensation à la hausse.

Autre point, la répartition de la taxe d'affaires entre plusieurs occupants d'un même immeuble. Une fois admis que l'on peut taxer directement le propriétaire de l'immeuble, le problème de la répartition de la taxe d'affaires entre locataires ne se pose plus. En effet, ce que la répartition sur la base du loyer net vise à faire, c'est répartir la taxe d'affaires selon la valeur marchande de chaque place d'affaires. Mais cette valeur marchande, ce loyer net, c'est précisément le prix d'équilibre auquel en sont arrivés le propriétaire et le locataire. Par conséquent, en taxant directement le propriétaire, il faut s'attendre que celui-ci répartira la taxe d'affaires selon une règle qui s'apparentera à celle basée sur le loyer net. En d'autres mots, la règle prévue dans le projet de loi no 57 tentait "d'approximer" le fonctionnement du marché. Nous recommandons simplement de laisser fonctionner le marché directement.

À cet égard, la situation en Ontario mérite d'être notée. Dans cette province, la répartition de la taxe d'affaires entre locataires d'un même immeuble est fondée sur la base du loyer net. Cette procédure se révèle extrêmement onéreuse à administrer pour les municipalités, particulièrement dans les grands édifices à bureaux, à cause des nombreuses modifications qui surviennent en cours d'année. Même si, en principe, ce mode de répartition est le plus équitable, les groupe- ments d'hommes d'affaires ont indiqué à de nombreuses reprises qu'ils préféreraient que la redistribution de la taxe d'affaires se fasse en fonction des pieds carrés occupés. L'erreur d'évaluation qu'entraîne cette procédure n'est pas très grande. Elle possède l'avantage d'être simple à calculer et à budgétiser. Nous recommandons donc, lorsqu'une partie seulement d'un immeuble est occupée aux fins d'exercer une activité économique ou administrative, que la valeur foncière de cette partie de l'immeuble soit établie en multipliant la valeur foncière totale de l'immeuble par le ratio du nombre de pieds carrés occupés à ces fins par rapport à la superficie totale de l'immeuble.

Quatrième recommandation, le niveau maximal de la taxe d'affaires. Les rapports du comité conjoint ont indiqué clairement pourquoi il était opportun d'établir par législation un plafond au-delà duquel les municipalités ne pourraient imposer une taxe d'affaires. Nous recommandons donc que le taux maximal de la taxe d'affaires ne puisse dépasser 60% du taux de la taxe foncière générale.

Commentaires. Notre recommandation implique un taux uniforme, quel que soit le secteur d'activités de l'entreprise. Cette recommandation est conforme aux principes défendus dans les rapports du comité conjoint. On notera qu'en Ontario, la loi prévoit plusieurs taux selon le secteur d'activités de l'entreprise. Nous sommes d'avis qu'il n'y a pas lieu de suivre cette pratique. Faut-il rappeler que trois commissions d'enquête qui ont étudié la question de la fiscalité municipale dans cette province, soit les commissions Smith, White et Blair, ont conclu qu'il n'était pas justifié d'imposer des taux différents et qu'un taux uniforme était préférable.

En ce qui concerne la détermination exacte du taux maximal, il convient de souligner que le niveau proposé correspond au multiple de 5.0 qui a été recommandé par le comité conjoint — référence, page 46 du rapport du comité conjoint Québec-municipalités du 20 octobre 1979.

Finalement, nous voudrions indiquer que le texte de la loi pourrait simplement prévoir qu'il peut exister deux taux de taxe foncière générale dans une municipalité: un taux pour les immeubles résidentiels et un autre pour les immeubles, ce dernier taux ne pouvant dépasser 160% du premier taux. (20 h 45)

L'avantage principal de cette formulation, c'est que les municipalités obtiendraient ainsi du gouvernement fédéral un paiement d'"en-lieu" de taxes qui comprendrait la taxe d'affaires qu'il s'est toujours refusé à payer jusqu'à présent.

La présence des commissions scolaires dans le champ de l'impôt foncier. La position du comité conjoint relativement au financement des commissions scolaires est claire: le champ foncier doit être réservé exclusivement aux municipalités. Les raisons qui motivent ce point de vue sont nombreuses.

Premièrement, il faut bien reconnaître que la seule entité locale qui existe et qui peut prétendre

au statut de "gouvernement", c'est la municipalité. Les commissions scolaires ont peut-être déjà joui de ce statut mais, aujourd'hui, avec plus de 90% des dépenses nettes financées par des subventions gouvernementales et chaque catégorie de dépenses étant normalisée à l'échelle provinciale, il est plus juste d'affirmer que les commissions scolaires constituent des entités administratives locales. Le pouvoir de taxer doit appartenir de plein droit à des gouvernements. D'ailleurs, nous avons nous-mêmes appliqué ce principe fondamental en refusant aux communautés urbaines le pouvoir de taxer directement. Compte rendu du statut administratif des commissions scolaires et de la nécessité de structurer le système de façon à bien établir l'imputabilité des administrateurs scolaires vis-à-vis de leur clientèle, il nous apparaîtrait préférable d'avoir recours à des formules de tarification à l'usager.

Deuxièmement, le principe de l'autonomie locale et son corollaire requièrent que les municipalités aient l'assurance de pouvoir bénéficier pleinement de leur richesse foncière. Compte tenu de la nature à long terme de plusieurs engagements de la part des municipalités, il ne suffit pas de connaître la marge de manoeuvre dont elles disposent pour une année donnée; elles doivent aussi être raisonnablement certaines que celle-ci sera disponible dans l'avenir. À cet égard, le mode de détermination des besoins financiers autonomes des commissions scolaires, qu'il soit fondé sur le concept des dépenses non admissibles ou sur celui d'un pourcentage des dépenses nettes, laisse place à trop d'arbitraire pour constituer la garantie que les ressources fiscales des municipalités ne seront pas rognées en deçà d'un niveau acceptable.

On pourrait qualifier les commentaires qui précèdent d'indûment alarmistes. Tel n'est pas le cas. Les événements récents viennent confirmer que nos inquiétudes sont justifiées et démontrent le bien-fondé de la recommandation du comité conjoint. Ce dernier enjoignait le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que le montant de l'impôt foncier pour le financement des dépenses scolaires non admissibles aux subventions d'équilibre budgétaire soit maintenu au niveau perçu en 1978/79 et décroisse de 20% par année à compter de l'entrée en vigueur de la réforme.

Dans le document donnant des renseignements supplémentaires sur la réforme de la fiscalité municipale qui accompagnait le discours sur le budget, on pouvait lire: "La pierre d'assise de la réforme de la fiscalité municipale est le transfert du champ de l'impôt foncier scolaire normalisé, cette mesure étant essentielle à la revalorisation de l'autonomie des municipalités et au réaménagement cohérent de leurs sources de financement. Le transfert est comptabilisé sur la base de l'impôt foncier normalisé actuellement perçu par les commissions scolaires... À cet égard, soit l'impôt foncier pour le financement des dépenses non admissibles aux subventions d'équilibre budgétaire, le gouvernement introduira un mécanisme de freinage afin d'éviter que cet impôt n'occupe une part trop importante du champ foncier." Références, tel que je vous l'ai mentionné plus avant.

Mais voilà, sur la base des budgets des commissions scolaires 1978/79, les revenus de taxes supplémentaires potentiels, en vertu des limites proposées par le projet de loi et au-dessus desquelles les commissions scolaires devront tenir un référendum, sont évalués à $116 millions par rapport à des dépenses non subventionnées de $106 millions pour cette même année. Par ailleurs, si le programme de péréquation s'était appliqué, les commissions scolaires auraient bénéficié d'une subvention de $7 millions avec un maximum de $13 millions, si elles avaient levé un impôt foncier équivalant aux limites fixées. Donc, c'est une somme additionnelle de $23 millions que le gouvernement accorde aux commissions scolaires sur la base des budgets de 1978/79, dont $10 millions proviennent d'une ponction dans le champ de l'impôt foncier qui "devait" être réservé aux municipalités.

Face à cette situation, nous ne pouvons que réitérer votre demande qu'il soit clairement établi que le champ de l'impôt foncier appartient exclusivement aux municipalités. Compte tenu en premier lieu de la difficulté que représente la mise sur pied d'une nouvelle formule de dépenses inadmissibles qui ne fasse pas appel à l'impôt foncier, et en second lieu, de la nécessité de préserver l'acquis de la réforme fiscale, nous recommandons que les mesures suivantes soient adoptées par le gouvernement: 1) Que les commissions scolaires percevant des revenus supplémentaires excédant le plafond fixé pour une année donnée soient tenues de compresser l'impôt excédentaire au plafond sur une période de trois ans. 2) Que la limite à l'occupation, par les commissions scolaires, du champ foncier pour le financement des dépenses non subventionnées, soit fixée d'année en année, l'objectif étant de réaliser l'évacuation complète du champ foncier d'ici cinq ans.

Le principe étant établi que le champ de l'impôt foncier appartient de droit aux municipalités, et l'objectif étant d'assurer l'intégrité des ressources fiscales des municipalités, nous avons de fortes réserves sur la valeur et la pertinence du mécanisme référendaire prévu dans le projet de loi 57. À cet égard, il nous apparaîtrait préférable que les commissions scolaires soient tenues de demander aux municipalités concernées si elles ont des objections à ce que soit augmenté le taux de la taxation pour financer les non-admissibles, à la condition, toutefois, que ce taux soit inférieur au plafond fixé pour l'année en cours. Advenant le refus de la municipalité de donner accès à ses propres ressources à la commission scolaire, la municipalité aurait l'obligation de tenir un référendum sur la question. Les frais encourus pour la tenue de ce scrutin seraient à la charge de la commission scolaire.

L'équité fiscale. L'équité fiscale pose d'abord et avant tout le problème de l'assiette foncière. Tout citoyen doit contribuer pour les bénéfices que la corporation municipale lui fournit. Vient en corollaire la neutralité du régime fiscal. Un régime équitable doit faire en sorte que tous les contribuables soient sur un pied d'égalité au titre de la cotisation.

Le comité conjoint a précisé qu'au niveau municipal, l'équité fiscale prenait les dimensions suivantes: a) le principe de l'équité fiscale repose sur le principe de la taxation selon les bénéfices reçus; b) elle commande le respect de l'intégrité de l'assiette foncière; les exemptions doivent être éliminées, les gouvernements, les sociétés d'Etat et autres organismes publics possédant des immeubles doivent être considérés comme des contribuables à part entière; c) l'assiette foncière doit reposer sur un même concept pour tous, soit celui de la valeur marchande.

Plusieurs articles du projet de loi 57 ne respectent pas l'une ou l'autre de ces dimensions de ce principe fondamental.

Le plus important est sans contredit l'article 197. À cet article, les exceptions mentionnées peuvent être regroupées en six catégories: 1) les exceptions découlant du droit constitutionnel, soit les articles 197, paragraphes 1 et 2; 2) une exception découlant du simple bon sens ou de concordance; on ne peut se taxer soi-même (les paragraphes 4 et 7 du même article); 3)les exceptions sur les immeubles servant au culte (paragraphes 8 et 9 du même article); 4) les exceptions découlant du fait que l'on ne veut pas assujettir un autre organisme public qui n'est pas un gouvernement supérieur au régime général de taxation (les paragraphes 5, 6, 13, 14, 15 et 16 de l'article 197, toujours); 5) les exceptions découlant de la nature sociale ou communautaire de l'activité du propriétaire (paragraphes 10 et 11); 6) les autres exceptions, (paragraphes 12 et 17); 7) les lois oubliées: a) article 33 de la Loi sur les biens culturels; b) l'article 156 de la Loi sur les terres et forêts. La taxe foncière n'est pas la seule à ne pas être payée. La taxe d'affaires subit le même sort, une autre atteinte à l'équité. Les lois oubliées: a) Loi sur les associations coopératives, article 80; b) Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, article 77; c) Loi sur les sociétés coopératives agricoles, article 4; d) Loi sur les syndicats coopératifs, article 6. On a établi plus haut que le corollaire de l'équité c'est la neutralité. Il y a trois façons de la contrecarrer vis-à-vis des contribuables. D'abord, établir des plafonds artificiels pour des immeubles particuliers, — les articles 204 à 213 — sans compenser un manque à gagner possible dans les coffres municipaux pour des objectifs d'intérêt collectif. Ensuite, fixer une compensation pour la taxe d'affaires et foncière pour partie seulement des bénéfices reçus et de façon différente, selon les personnes — article 251, deuxième paragraphe — enfin, payer éventuellement une compensation — article 203.

Une solution au problème de l'équité. Il est évident que le projet de loi no 57 doit respecter le cadre constitutionnel. Par conséquent, nous admettons la nécessité des exceptions prévues à l'article 197, paragraphes 1 et 2.

Quant à l'article 197, paragraphe 3, la portée de l'exemption est trop large et ne devrait porter que sur les installations sportives proprement dites. L'exception, au paragraphe 4, est raisonnable et pratique. Celle prévue au paragraphe 7 est simplement de concordance avec l'article 60 et, par conséquent, doit être conservée.

En ce qui concerne les exceptions pour les immeubles servant au culte, — paragraphes 8 et 9 — le comité conjoint avait recommandé de les conserver et nous sommes d'accord avec ce point de vue.

Les autres exceptions nous apparaissent transgresser le principe de l'équité fiscale. Il serait préférable de ne pas les définir comme "exempts de toute taxe foncière" afin de vraiment établir les principes de la réforme de la fiscalité municipale et de les faire entériner par l'Assemblée nationale. Par contre, rien n'empêcherait, comme mesure transitoire, de prévoir dans d'autres articles du projet de loi, soit que la municipalité a le pouvoir d'appliquer un taux de taxe foncière différent, soit les proportions de la taxe foncière qui seront effectivement payées par certains organismes, selon un échéancier précis, au terme duquel ils deviendront des contribuables à part entière.

Ainsi, nous sommes d'avis: a) que les exceptions prévues aux paragraphes 5, 6, 12 et 17 ne devraient pas exister et aucune mesure spéciale ne devrait être prévue; b) dans le cas des exceptions prévues aux paragraphes 10 et 11, celles-ci devraient être rayées de l'article 197. Cependant, on devrait conserver un article similaire à l'article 198, prévoyant que les municipalités peuvent, si elles le jugent opportun, imposer ces immeubles à un taux moindre que le taux général de taxation; c) afin de se conformer aux principes directeurs de la réforme fiscale, les paragraphes 13, 14, 15 et 16 devraient être rayés du projet de loi. Dans sa version finale, la loi 57 devrait: établir clairement la proportion du taux général de taxation que devra payer chacun de ces immeubles en 1980; ii. établir l'échéancier précis au terme duquel ces organismes seront des contribuables à part entière.

Dans les faits, cela signifie que la loi doit prévoir exactement la proportion du taux général de taxation qui sera payable à chaque année d'ici 1985, date à laquelle le gouvernement s'est engagé à ce que tous ces immeubles soient taxés comme les autres contribuables.

Sécurité juridique et simplicité administrative: Le propre de toute loi, c'est de garantir, dans ses dispositions et son langage, la sécurité du justiciable, en tenant compte des possibilités d'application et d'administration du document législatif.

Les règles du jeu doivent être claires, connues à l'avance et libres de tout type de discrétion. Plusieurs dispositions du projet de loi no 57 contreviennent à ces principes. À titre d'exemples, et d'exemples seulement, les articles 30, 31, 55, 74, 75, 119, 125, 142, 515, 517, 535 et 539. Ces articles et bien d'autres font l'objet de commentaires au mémoire, en annexe.

M. le Président, avec votre permission, avant de tirer une très brève conclusion de mes commentaires, je vous demanderais la permission d'inviter M. Yvon Lamarre, qui est président du comité exécutif de la ville de Montréal, à vous faire maintenant, de façon beaucoup plus compétente que je pourrais peut-être le faire, des réflexions et des observations qui sont pertinentes et particulières à la ville de Montréal, qui est quand même, je pense, la ville qui regroupe la majorité des citoyens du Québec. Je tiens à vous souligner que la ville de Montréal est membre de l'Union des municipalités et que les représentations et les commentaires qui pourraient être faits s'intégreraient à l'intérieur des représentations de l'union.

Le Président (M. Jolivet): Monsieur, je ne peux pas vous donner la permission, comme vous l'avez vu, cet après-midi, avec un autre organisme. Mais, me fiant au consentement qui a été accordé, je pense que je peux vous l'accorder. Allez, M. Lamarre. (21 heures)

Ville de Montréal

M. Lamarre (Yvon): Merci, M. le Président. Je tiens à vous remercier de nous permettre de nous associer à l'Union des municipalités pour vous faire connaître les commentaires de la ville de Montréal concernant le projet de loi 57 actuellement devant l'Assemblée nationale.

Nous avons jusqu'à présent attendu, avant de vous présenter d'une façon officielle les commentaires de la ville de Montréal, de se faire entendre devant la commission parlementaire; je pense que c'était l'endroit par excellence pour que les membres de cette Assemblée nationale puissent connaître exactement les points sur lesquels la ville de Montréal voudrait surtout faire ses commentaires et ses suggestions.

Nous avons, comme toute autre municipalité, participé à ce comité conjoint Québec-municipalités sur la fiscalité municipale, avec les autres villes, l'Union des municipalités, l'Union des conseils de comté, et nous avons cru réellement qu'il était nécessaire de participer très étroitement à cette réforme de la fiscalité qui, pour l'ensemble des municipalités du Québec, est certainement une chose nécessaire et essentielle si nous voulons permettre aux municipalités de s'épanouir à l'intérieur du Québec.

Je pense que cette réforme sur la fiscalité est un peu le parent de ces grandes réformes que nous avons connues sur le plan des affaires sociales ou encore dans le domaine scolaire et nous jugeons que cette réforme sur la fiscalité est tellement importante que nous avons cru nécessaire de demander à l'Union des municipalités de pouvoir nous associer à elle pour vous faire nos représentations de façon officielle ici.

Vu que le temps court, je vous demanderais, M. le Président, de pouvoir recevoir complètement le mémoire que nous présentons, même si je ne lirai que quelques extraits de ce mémoire que nous avons déposé devant cette commission parlementaire.

Le Président (M. Jolivet): Consentement.

M. Lamarre: Merci. C'est donc confiant de pouvoir ramener le fardeau fiscal de Montréal à un niveau équitable, par rapport à celui des autres villes de la province, et compétitif, par rapport à celui des autres grandes villes nord-américaines, que nous avons entrepris de travailler dans le cadre du comité conjoint Québec-municipalités.

Il est clair en effet qu'un système fiscal qui avait été, à l'origine, conçu pour répondre à des exigences en services municipaux très restreintes ne convenait plus aux besoins d'une ville qui devait, par exemple, assurer les services de police judiciaire destinée à lutter contre le crime organisé, disposer d'un service de lutte contre l'incendie capable d'intervenir dans la Place Ville-Marie, déneiger 1668 kilomètres de rues en 72 heures, construire un métro, assurer une vie culturelle et artistique à l'ensemble de la région montréalaise, rénover son stock de logements immobiliers et urbains, dynamiser l'activité industrielle et commerciale.

C'est donc par cette réforme et les demandes des municipalités et de la ville de Montréal que nous avons transmis au gouvernement, par le biais des rapports du comité conjoint, nos demandes.

Je ne voudrais pas revenir ici sur tous les éléments de ce projet de loi, mais plutôt vous souligner certains points qui nous paraissent absolument vitaux pour la ville de Montréal.

La ville de Montréal a demandé, et cette demande a été endossée par l'ensemble des municipalités, que la réforme lui procure un gain net de $60 millions. Ce montant peut évidemment paraître élevé, mais sur un budget total qui s'approche de $1 milliard, il s'agit d'un pourcentage bien modeste.

Ce gain net est d'autant plus nécessaire que la réforme confine les municipalités au champ foncier et leur enlève leurs sources de revenus les plus dynamiques telles que la taxe de vente.

Il serait difficile par ailleurs de justifier une réforme qui devait supposément rétablir un équilibre entre responsabilités et ressources, mais qui en fin de compte équivaudrait à un statu quo au plan des ressources.

En ce qui regarde plus précisément Montréal, notre administration a entrepris un programme de revitalisation urbaine et de relance économique,

mais la réussite d'une telle entreprise est de toute évidence liée d'une part à un allégement du fardeau fiscal de nos contribuables et, d'autre part, à la préservation de notre marge de manoeuvre budgétaire, ce qui ne sera possible que si la réforme génère les gains nets qui nous avaient été promis.

Actuellement, les entreprises montréalaises sont soumises, outre les taxes foncières, les taxes scolaires et les taxes d'eau, à une taxe d'affaires de 13,75% par $100 de valeur locative, plus une surtaxe de $0.43 de la ville de Montréal, de $0.60 de la Communauté urbaine de Montréal et de $1.14 du scolaire, si elles valent $100 000 ou plus, ou si elles sont incorporées dans le cas de la surtaxe scolaire. Il n'est pas besoin d'être grand économiste pour comprendre qu'un tel fardeau rebuterait n'importe quelle entreprise et l'inciterait à s'établir dans une ville autre que Montréal et c'est exactement ce qui se passe.

Le comité conjoint avait donc demandé que tout en garantissant à Montréal un gain net de $60 millions, la taxe d'affaires et les surtaxes y soient remplacées par une taxe d'affaires de 15% appliquée sur un rôle de valeur locative de $457 millions, ce qui correspondait à un fardeau fiscal d'environ $68 millions. La réforme, par contre, ne procure à la ville de Montréal un gain net de $67 millions que si elle accepte d'appliquer un taux de taxe d'affaires de 21,5% sur un rôle de $653 millions, ce qui correspondrait à un fardeau fiscal de $140 millions, soit à peu près ce qui existait avant la réforme de la fiscalité. Outre le fait que cette proposition ne répond pas à notre demande, qui était de réduire le fardeau fiscal des entreprises, elle soulève plusieurs autres problèmes sérieux. Le rôle de valeur locative de la ville de Montréal, tel qu'actuellement gelé, est estimé à $457 millions. Le chiffre gouvernemental de $653 millions représente la valeur locative brute dégelée, mais ce n'est pas accepté et, encore jusqu'à présent, le commissaire à l'évaluation de la Communauté urbaine de Montréal n'accepte pas les chiffres qui ont été publiés par le gouvernement. La loi 57 prévoit que, par ailleurs, c'est la valeur locative nette et non brute qui devrait être utilisée pour calculer la taxe d'affaires. Dans la mesure où la valeur locative nette équivaut à environ la moitié de la valeur locative brute, même si nous acceptions les chiffres gouvernementaux, notre valeur locative nette ne dépasserait pas $325 millions. Notre taxe d'affaires rapporterait, non pas $140 millions, mais $70 millions, et notre gain net deviendrait presque nul, ou alors nous devrions appliquer un taux de taxe d'affaires de 43% pour obtenir le gain annoncé par le gouvernement. Il est certainement inutile de vous dire qu'une taxe d'affaires de 43% serait simplement ridicule.

Plus grave peut-être encore que ce maintien du fardeau fiscal est la nouvelle distribution de ce fardeau qui résulterait du projet de loi no 57. L'établissement d'un taux de taxe d'affaires uniforme pour tous a, en effet, pour conséquence de faire payer en partie par la petite et la moyenne entreprise les surtaxes qui étaient payées auparavant exclusivement par la grande entreprise.

Il en résulte une baisse de la charge fiscale des grosses entreprises et une hausse de celle des petites entreprises. Le projet de loi no 57 a tenté de corriger ce problème par le biais du crédit d'impôt, mais, comme l'ont démontré nos calculs, il n'y parvient que très incomplètement.

Le maintien d'écarts substantiels avec les villes de banlieue. Comme nous l'avons indiqué plus haut, l'un de nos objectifs est de relancer l'économie montréalaise. Or, il va de soi que la réforme, en maintenant la disparité fiscale qui existait entre Montréal et les villes de la grande région métropolitaine, n'encourage nullement cette entreprise.

En conclusion, sur la question de la taxe d'affaires, la ville de Montréal tient donc à souligner qu'à son avis, la recommandation qui a été faite à l'unanimité du comité sur la réforme de la fiscalité municipale, le comité conjoint, a été d'établir le taux à 15% sur un rôle d'évaluation de $457 millions, ce qui constitue, dans le contexte actuel, la seule solution. Compte tenu des délais qui nous ont été imposés, il m'est difficile de m'étendre davantage, mais j'aimerais néanmoins, avant de terminer, rappeler certaines demandes du comité conjoint qui n'ont pas été retenues par la loi 57.

Bien qu'il ait reconnu le bien-fondé de notre position, le gouvernement a refusé d'accéder à notre demande de nous compenser totalement pour les frais de la police judiciaire. Compte tenu des responsabilités particulières des trois grandes villes, Québec, Montréal et Laval, le comité conjoint avait demandé que leur soit conservée la taxe sur les repas. Cette demande a été refusée. Les "en-lieu " de taxes foncières payées par le gouvernement provincial correspondent, tel qu'indiqué dans le discours du budget de 1979, à 100% de la valeur foncière de ses propres immeubles et ceux des sociétés d'Etat à 80% de la valeur des immeubles des CEGEP, des universités, des hôpitaux et des centres d'accueil et à 40% de la valeur des écoles primaires et secondaires.

Le gouvernement s'est, en outre, engagé à devenir un contribuable à part entière pour toutes ces catégories d'immeubles au cours des cinq prochaines années, ce qui correspond au voeu du comité conjoint, mais cet engagement ne figure pas dans la loi et demeure donc assujetti à l'arbitraire des gouvernements qui seront alors en place.

Tout au long du processus de consultation qui a précédé la loi 57, la ville de Montréal a souligné l'urgence et la nécessité d'une réforme qui permettrait d'alléger le fardeau fiscal des contribuables. Elle tient simplement à rappeler aujourd'hui que, pour réaliser cet objectif, la loi 57 devra se conformer aux recommandations du comité conjoint.

M. O'Bready: En conclusion, M. le Président, je voudrais vous dire que l'objet de ce mémoire sur le projet de loi 57 était d'examiner si celui-ci

respecte les principes directeurs qui ont guidé les membres du comité conjoint lors de l'élaboration du projet de réforme de la fiscalité municipale. Cet examen nous a permis de constater que ce projet de loi n'était pas construit de façon à établir clairement les principes directeurs de la réforme de la fiscalité municipale et que, par conséquent, il pouvait difficilement servir d'assise à une démarche à long terme.

Notre analyse a également fait ressortir la complexité du projet de loi 57 qui résulte, dans une large mesure, du fait que l'on modifie substantiellement la Loi de l'évaluation foncière. Nous avons proposé aussi une approche beaucoup plus simple d'application pour la taxe d'affaires, étant donné la complexité technique des questions se rapportant à l'évaluation et de l'existence de particularités locales qui impliquent qu'en pratique, les effets nets de la réforme fiscale, pour chacune de nos municipalités, peuvent donner des résultats non escomptés et contraires à l'esprit de la réforme.

Nous réitérons à nouveau notre avis que le gouvernement aurait avantage à confier au comité conjoint le mandat de superviser la mise en oeuvre de la réforme et son suivi au niveau des municipalités et, je le répète, tout en étant d'accord pour qu'elle vienne en force dès le 1er janvier 1980, avec quelques bonifications ou améliorations, espérons-nous. (21 h 15)

M. le Président, messieurs les membres, je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: M. le Président, je désire d'abord remercier l'Union des municipalités du Québec pour sa présentation, dont elle nous avait déjà transmis les grandes lignes lors de rencontres antérieures avec le comité technique mis sur pied pour évaluer, justement, les modalités, les modifications plutôt techniques qui pourraient être apportées au projet de loi. Ce comité technique qui, en quelque sorte, prit la relève du comité conjoint et qui regroupe des représentants du ministère des Finances, du ministère des Affaires municipales, un représentant de l'Union des municipalités et de l'Union des conseils de comté, reçoit à l'heure actuelle, au moment où nous nous parlons, les représentations aussi bien des tiers que du monde municipal qui, évidemment, dispose d'autres canaux de communication avec le ministère que ce comité. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes déjà rencontrés sur un certain nombre de ces points.

Je suis évidemment heureux de voir, d'une part, l'accord de principe de l'Union des municipalités. J'aurais peut-être souhaité, personnellement, un enthousiasme un peu plus délirant. À l'heure actuelle, ma réaction est de vous demander: Est-ce qu'on ne devrait pas mettre cela de côté et oublier cela complètement et maintenir un certain statu quo? Je ne pense pas que ce soit ce que l'Union des municipalités demande. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il y a lieu, finalement, de dire: Malgré tout cela, l'Union des municipalités nous dit: Nous voulons ce projet et nous le voulons pour le 1er janvier 1980. Si c'est cela, effectivement — et je pense que ça l'est — il nous reste à nous asseoir ensemble et à essayer d'améliorer ce qui peut l'être.

C'est bien évident qu'il y a un rappel de ces principes, des remarques qui recoupent celles faites par l'Union des conseils de comté. En ce qui concerne l'exclusivité de la taxe foncière, le gouvernement a fait son lit sur cette question, il l'a dit, les commissions scolaires maintiendront une part du champ de l'impôt foncier; cependant, cette part est plafonnée, elle est limitée, elle est freinée et, dans le contexte actuel, il ne nous apparaît pas souhaitable de procéder à cette évacuation totale. Nous maintenons cependant l'idée d'un abaissement sur une période de cinq ans, à tout le moins pour cette part qui dépasse les 6%, ce qui est le cas d'une cinquantaine de commissions scolaires sur les 247 existantes.

D'autre part, sur la question de l'intégrité de l'assiette, j'y reviendrai tantôt, de même que sur les dispositions transitoires dont on nous dit qu'elles ne sont pas sans causer un certain nombre de problèmes, je vous rappellerai, M. le Président, que le comité conjoint, gouvernement-monde municipal, le comité conjoint 1 avait remis son rapport, le premier, au mois de décembre 1978 et que c'est au mois de mars que le ministre des Finances donnait la position du gouvernement face à ce premier document qui contenait aussi — ce discours du budget — des propositions pour les communautés urbaines.

M. le Président, le monde municipal a demandé qu'on réactive le comité conjoint pour lui confier le mandat d'examiner ces propositions touchant les communautés urbaines, ce qui a été fait avec le résultat que pendant les mois de mars, avril, mai, juin, juillet, août, septembre et octobre, le comité conjoint 2 a fait consciencieusement son travail, je pense, et nous a remis son deuxième rapport exactement le 20 octobre. C'est 30 jours plus tard, soit le 20 novembre, que le projet de loi no 57 a été déposé avec les échéances que l'ont connaît. Loin de moi l'idée de vouloir blâmer quiconque là-dedans, je pense que tout le monde a travaillé au maximum, mais on se rend compte que ça nous aurait tous aidés, également, si le comité conjoint 2 avait remis son rapport un peu avant.

Ceci dit, M. le Président, je veux bien ajouter une certaine foi aux revendications du monde municipal lorsqu'il prône, par exemple, l'intégrité de l'assiette foncière. Je le constate aussi bien dans le document de la ville de Montréal que dans celui de l'Union des municipalités, cependant, je pense que ce principe est largement consacré dans le projet de loi 57. Je pense que personne ne nous tiendra rigueur de ne pas l'ériger de façon absolue, d'autant plus que le monde municipal s'accommode très bien d'autres accrocs à ce principe et notamment des subventions gouvernemen-

tales. Si on veut être cartésien et pousser le raisonnement jusqu'au bout, supprimons les subventions au transport en commun qui n'ont plus leur raison d'être, ce qui consacrerait l'autonomie locale au maximum. Supprimons les subventions à l'épuration des eaux; supprimons l'ensemble des subventions énumérées en annexe au discours du budget sur la fiscalité municipale, aux bibliothèques publiques, aux initiatives relativement au patrimoine, l'aide à l'aménagement des cours d'eau municipaux, aux villages miniers, le programme anti-inondation de la région de Montréal, les programmes faisant suite aux accidents naturels en territoire municipalisé, les subventions à l'entretien des chemins d'hiver, à la restructuration municipale, à l'application de la Loi sur l'urbanisme, à la confection des rôles d'évaluation.

M. le Président, je pense que, alors là, ou bien on est cartésien et on pousse véritablement le système ou ses principes à leur limite logique et ultime, ou bien finalement on conçoit que, d'une part, il y a un certain nombre de programmes de subventions qui sont maintenus et que, d'autre part, effectivement, le principe de l'intégrité de l'assiette, tout en étant affirmé, je crois, de façon claire et tangible en termes de revenus additionnels pour les municipalités, souffre un certain nombre d'accrocs. Je le veux bien. On a mentionné les édifices du culte, par exemple, les cimetières avec tout le monde. L'Union des municipalités est d'accord.

Par ailleurs, on nous dit: II faudrait que certaines exemptions à l'endroit, par exemple, des syndicats professionnels... J'ai eu l'occasion de dire là-dessus, M. le Président, qu'il s'agit d'une loi bien particulière qui est celle de cette loi dite des syndicats professionnels et, renseignements pris auprès des principales villes. S'il y en avait parmi ceux qui sont ici présents qui pouvaient nous apporter des exemples d'un seul syndicat professionnel qui serait exempté d'impôt, qui se serait prévalu de ce pouvoir qu'il avait dans la loi d'être exempté, j'aimerais en connaître un seul exemple. On me dit qu'il n'y en a pas, de sorte que peut-être nous pourrions effectivement faire sauter cet article dont, dans les faits, personne ne s'est prévalu jusqu'à maintenant.

Je conviens, M. le Président que... J'ai tenté en tout cas de démontrer à diverses reprises aux représentants du monde municipal que, strictement sur une base d'affaires, ils font une fichue bonne affaire. C'est vrai, ainsi que le mentionne le mémoire de l'UMQ, que, les inadmissibles étant plafonnés à 6%, les dépenses nettes passent de $106 millions à $116 millions pour l'année en cours, ce qui veut dire une ponction, comme le dit le mémoire de l'UMQ, de $10 millions dans le champ de l'impôt foncier.

Or, en ajoutant un supplément, ce supplément étant le fait pour le gouvernement du Québec de payer la taxe d'affaires sur ces immeubles, cela vaut au monde municipal $22 millions de plus. $10 millions de moins ou $10 millions de ponction dans le champ de l'impôt foncier pour, si vous voulez, ce passage à 6%, d'une part, qui ne sont pas enlevés au monde municipal, mais qui sont pris dans le champ d'impôt foncier, et $22 millions de plus au seul titre de la taxe d'affaires, il me semble que, si on regarde cela sur une base de proposition d'affaires, cela reste, somme toute, quelque chose qui compense largement pour ce qui a été maintenu au niveau du scolaire.

Je suis particulièrement sensible, d'un autre côté, M. le Président, aux arguments évoqués concernant la taxe d'affaires, concernant le rôle de valeur locative aussi bien par l'Union des municipalités que par la ville de Montréal.

Je conviens que ce n'est pas là une question facile. On a eu l'occasion d'en discuter avant. Lorsque nous sommes face à un immeuble qui est loué, où on loue un certain nombre de pieds carrés de plancher et qu'on le fait alors même qu'il n'y a aucune partition, aucune division, aucun aménagement d'une part, et d'autre part, une location où tout est aménagé en fonction des besoins du client, l'on pourrait à strictement parler taxer deux individus sur deux bases différentes selon qu'on prend le loyer sans distinction du net et du brut.

Cependant, sans être un technicien de l'évaluation foncière, je crois qu'il y a là un problème sur lequel j'ai demandé au monde municipal de me faire des recommandations, et particulièrement au comité technique. J'ai pris bonne note de la suggestion qui nous était faite de baser la taxe d'affaires sur un pourcentage de la valeur foncière. On suggère ici 60%, je vous ferai remarquer que 5,5 fois le taux global de taxation basé sur la valeur locative nous donne à peu près 66 2/3. Donc, on dit 60%.

J'ai pris bonne note des représentations, à savoir que les commerces, les industries, cela pouvait se défendre de leur imposer une taxe d'affaires en sus de la taxe foncière générale, parce qu'ils demandent de la municipalité plus de services, donc un collecteur plus gros, et une conduite d'amenée d'eau plus considérable et des frais additionnels au niveau de la protection policière, des feux de circulation, et que sais-je? On a donné moult exemples.

M. le Président, je vous ferai remarquer qu'avec le mode de taxation proposé par l'Union des municipalités, à première vue, hormis le fait qu'on a une difficulté première qui provient de l'usage mixte de certains édifices pour des fins commerciales, d'une part, et autres, évidemment en imposant une taxe d'affaires basée sur un quantum de la valeur foncière, ce problème existe. Je conviens qu'il ne soit pas insurmontable, mais il est quand même très réel. D'autre part, l'autre argument peut-être plus fondamental au niveau des principes, puisqu'on semble faire beaucoup de cas ici du respect d'un certain nombre de principes, c'est que ce n'est quand même pas le propriétaire — parce qu'il est proposé que cette taxe d'affaires soit imposée au propriétaire et non pas au locataire — mais bien l'occupant qui génère l'activité économique, laquelle commande un surcroît de services, une surconsommation des services municipaux. C'est en quelque sorte l'occupant

qui doit, du fait de ce supplément d'activités, assumer la note en un sens. Je ne sais pas comment on concilie les deux choses au niveau des principes, tout en reconnaissant que cette taxe d'affaires est imposée en raison même du surcroît d'activités générées par une activité commerciale, donc générées pour la municipalité, et d'un autre côté, le fait que, finalement, celui qui génère cette activité, c'est le commerçant ou l'occupant, et non pas le propriétaire comme tel. Evidemment, il y a d'autres problèmes qui sont liés à cela, comme le fait inflationniste que pourrait avoir le fait de réclamer cette taxe au propriétaire qui, évidemment, en en faisant la répartition à l'intérieur de ses loyers, pourrait y inclure des frais d'administration. C'est là quand même une autre donnée. Personnellement, je suis ouvert à une formule de rechange qui comporte le moins d'inconvénients possible pour le monde municipal, qui rejoigne les principes d'équité qu'on a mentionnés tantôt et de facilité, de simplicité administrative. Jusqu'à ce que nous en venions à une telle formule, je n'ai personnellement pas d'objection à ce que nous nous contentions des rôles de valeur locative à peu près tels qu'on les connaît présentement. Je dis à peu près, parce que je sais pertinemment qu'ils sont à des niveaux différents, ces rôles. Ils seront soumis aussi à cette évaluation que le ministère fera de l'indice ou du niveau du rôle tout à fait comme l'indice de valeur foncière. (21 h 30)

M. le Président, j'ai aussi noté le fait que l'on maintienne que l'autonomie locale serait un peu sacrifiée par un certain nombre de règlements, règlements qui ont trait, notamment, au contenu minimal du compte de taxes, au contenu minimal de l'avis d'évaluation, autres règlements également reliés à l'offre qui devrait être faite aux contribuables de payer leurs taxes par versements.

M. le Président, je pense qu'il ne faudrait quand même pas que l'on se bouche les yeux sur le fait que certains comptes de taxes ne sont pas ce que j'appellerais des modèles de renseignement à l'intention du citoyen, alors que, par ailleurs, il m'a été donné de recevoir de certaines municipalités des spécimens que je trouve fort bien faits, de même que des sommaires des budgets des municipalités.

N'ayant pas la science infuse, c'est évidemment avec le monde municipal que j'aimerais pouvoir élaborer ces espèces de prototypes d'avis de comptes et autres, à l'intention de l'ensemble des municipalités. Evidemment, la façon de faire ça, — je termine là-dessus, M. le Président, je rejoins une des requêtes de l'Union des municipalités — c'est de dire: Le comité conjoint devrait faire une espèce de — si on me permet l'expression — "monitoring", être à l'écoute, faire le suivi de la réforme de la fiscalité.

Je pense que c'est tout à fait justifié, je l'ai dit au congrès de l'union, le premier ministre l'a répété à ce moment, le problème, c'est que notre président nous a quittés, maintenant. Evidemment, il se retrouvera dans la région de Sherbrooke. Je ne sais pas dans quelle mesure le président de l'Union des municipalités saura trouver les mots pour le convaincre, lui ou quelqu'un d'autre, de continuer à faire fonctionner ce comité de la façon aussi efficace et harmonieuse qu'il a fonctionné jusqu'à maintenant.

M. le Président, ça m'apparaît tout à fait aller de soi que ce comité doit assurer, surveiller l'implantation de cette réforme, je n'irais pas jusqu'à dire avec l'engagement formel de rouvrir la loi en 1981, mais très certainement d'apporter, en cours de route, les ajustements qui s'imposeront.

Quant à la question plus spécifique du rôle de valeur locative de la ville de Montréal, dont le niveau serait, au dire de la ville, de $457 millions et, selon certaines estimations qui avaient été faites et qui avaient situé ce rôle à 70% de la valeur marchande, et qui le situeraient donc réellement à un taux de $653 millions, M. le Président, nous sommes en train — les gens de la ville de Montréal et les nôtres — d'essayer de faire les conciliations qui s'imposent et, à un moment donné, j'imagine que nous devrons nous rendre à une certaine évidence.

Je voudrais conclure, M. le Président, en disant que cette réforme de la fiscalité, nonobstant certains passages du mémoire de la ville de Montréal, qui parle d'injustices passées en ce qui concerne le fait qu'on assumera, à l'avenir, 100% des coûts du métro et non pas rétroactivement, je veux dire, M. le Président, que ces injustices, si elles ont existé, ne sont pas le fait de l'actuel gouvernement.

Le deuxième point que je voudrais soulever, c'est qu'il ne faudrait quand même pas — on parlait de rétablir l'équilibre ou le caractère compétitif de la ville de Montréal par rapport aux villes de banlieue — demander à une réforme fiscale à elle seule de refaire 20 ou 25 ans d'histoire, avec l'étalement urbain et les problèmes qui ont amené un certain exode vers la banlieue et qui sont liés à toutes sortes de politiques ou à l'absence de politiques d'habitation et d'aménagement. Je ne parle pas pour la ville de Montréal, je parle, par exemple, au niveau de la Société centrale d'hypothèques et de logement, qui a favorisé un type d'habitat qui était l'habitat que l'on retrouvait en banlieue, le type de maison pavillonnaire unifamiliale.

M. le Président, des mesures sur le plan de l'urbanisme, sur le plan de l'aménagement, sur le plan du transport en commun, sont autant de mesures qui doivent se conjuguer avec des mesures fiscales pour amener les correctifs souhaités. Justement, le volet de la réforme fiscale concernant le transport en commun notamment, avec la possibilité de l'émission de laissez-passer avec réduction de 30% des tarifs et compensation pour le gouvernement à 110% de la valeur, sont autant de mesures qui peuvent concourir à cela.

Mais, M. le Président, c'est l'effet conjugué, je pense, de tous ces éléments, plus une volonté politique de part et d'autre de donner à cette option que nous avons prise, par exemple, qui est

la consolidation du tissu urbain montréalais et je pense par exemple à des mesures comme la loi 90 sur le zonage agricole, qui sont autant de mesures qui viendront restreindre en tout cas cet exode, sinon encourager en tout cas un retour vers la grande ville.

J'arrête là mes remarques et je pense que nous nous étions engagés à essayer d'obtenir pour la ville de Montréal, au moyen de cette réforme, une somme de $60 millions. Je pense que nous visons cet objectif, cet ordre de grandeur et rien ne nous permet de croire jusqu'à maintenant que nous ne pourrons pas l'atteindre.

Le Président (M. Jolivet): M. le représentant, M. O'Bready, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. O'Bready: Non, je n'ai pas grand-chose à ajouter, sauf peut-être pour dire à M. Tardif... Evidemment nous n'avons pas parlé ici des avantages de la Loi sur le transport en commun ni de la Loi 90. Le but de ce mémoire n'est pas de juger toutes les actions du gouvernement à l'égard des municipalités. Deuxièmement, je pourrais peut-être simplement mentionner que ce n'est pas que les municipalités ne sont pas enthousiastes devant les bienfaits de la réforme fiscale, sauf que nous tentons de la projeter à moyen et à long termes et à simplement étudier avec le gouvernement et avec les représentants à l'Assemblée nationale, les impacts et les effets de cette réforme, non seulement à très court terme, mais, également à long terme.

Alors, le but de l'Union des municipalités n'est pas de détruire ce qui a été fait par les décisions gouvernementales soit au niveau du budget, soit au niveau de la loi 57, mais simplement, comme je le disais en conclusion, de tenter de les bonifier parce que l'on sait fort bien que la réforme comme telle ne s'appliquera pas strictement à 1980 ou à 1981, mais qu'elle aura une vie beaucoup plus durable. C'est peut-être un exemple que nous avons donné tantôt; on ne s'attend pas à retrouver dans le projet de loi 57 des grands énoncés de principe. Je pense qu'on ne les retrouve pas normalement dans une loi. C'est plutôt, M. le ministre, une question de structure de la loi et le meilleur de ça était peut-être l'exemple du système de compensation ou des immeubles qui devenaient taxables sur une période d'ici à 1985, qu'on puisse retrouver ça, une certaine consécration de ces principes-là dans la loi comme telle.

C'est simplement les remarques additionnelles que je voudrais ajouter aux représentations déjà faites.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Vous comprendrez que sur un dossier de la sorte ce n'est pas ce soir qu'on peut vider la question, malheureusement, même avec toute la meilleure volonté du monde; le dossier est tellement complexe!

Nous avons posé des questions tout à l'heure à l'Union des conseils, aux représentants de l'Union des conseils de comté qui sont pratiquement connexes avec les vôtres, sauf à un palier différent de municipalités rurales au lieu de municipalités régies par la Loi des cités et villes.

J'ai remarqué que le maire O'Bready, président de l'Union des municipalités, avait en somme les mêmes appréhensions que nous sur le résultat, soit dans l'immédiat, dans le budget des municipalités pour 1980. On sait, il s'agit d'être réaliste, je pense bien, qu'il va y avoir une période de rodage. Il y a une multitude d'inconnues.

Je suis très heureux au moins que jusqu'au moment de la deuxième lecture, nous étions les seuls, uniquement les partis de l'Opposition, Parti libéral et Union Nationale, qui étions envahis de doutes et de craintes sur ce que ça représentait, au point de vue strictement pratique, au point de vue de dollars et cents.

À ce moment-là, même à la suite de demandes répétées des Oppositions à la période des questions ou autrement, pour demander une telle commission parlementaire, nous avions l'impression que d'un côté de la Chambre le doute subsistait, les points d'interrogation se multipliaient, mais qu'en face de nous existait la tranquillité certaine et assurée de tous les chiffres et des dernières simulations qui circulaient.

Au moins, cette commission parlementaire nous permet de dire que nous n'étions pas les seuls à être envahis par ce doute et par ces points d'interrogation, par ces multiples inconnues. On termine bientôt cette commission parlementaire. Je pense que cela a quand même levé un tantinet ou un tant soit peu le voile sur les données pratiques de cette très grande réforme. Dans toute réforme, il y a des choses sans doute valables, il y en a d'autres qui le sont moins. C'est au cours des mois, des jours et des ans qu'on vivra qu'on verra le résultat de cette réforme.

Je me suis permis de faire des exercices avec des documents que j'ai eus, les multiples documents du comité conjoint et des documents émanant du ministère des Affaires municipales, sur une ville que je ne nommerai pas, mais où j'habite. En faisant des comparaisons, je vois la simulation dans le dernier document qui a été déposé vendredi, à la page 54, où tous les calculs du ministère ont été faits sur une simulation d'augmentation de dépenses pour l'ensemble des municipalités de 10,5%, augmentation fiscale ou augmentation des dépenses globalement au Québec, pour l'année qui vient.

D'après mes enquêtes, on me dit que cela va être énormément supérieur à cela. Dans la période inflationniste, avec les problèmes d'énergie que nous avons et tout, des gens du milieu municipal m'ont dit entre autres que les dépenses dans le domaine du transport vont augmenter fort possiblement de 20%; dans l'énergie, l'électricité, le pétrole, etc., c'est au moins 15%; dans le déneigement pour les municipalités, c'est au moins 15%; les produits chimiques et tout — c'est peut-être un élément un peu plus modeste dans l'administration d'une commune ou d'une ville — on me dit

que c'est 30%. Dans les dépenses d'ordures ménagères et tout, les déchets, on me dit que cela peut varier, mais on me donne des chiffres de 20% d'augmentation, le service de dette des municipalités, on a commencé une politique accélérée d'assainissement, c'est un point qu'on n'a pas encore abordé aujourd'hui. J'aurai peut-être des questions à poser sur les incidences de la politique d'assainissement du gouvernement. Les augmentations du service de la dette prévues dans des budgets projetés dans cette ville-là, c'est de 18%; les bénéfices sociaux, c'est 11% d'augmentation, les salaires, les conventions collectives qui sont en cours de route, à tous les niveaux, c'est environ — on me dit que cela peut être collé un peu au règlement que la province a eu — autour de 10%, possiblement, "mutatis mutandis". Les salaires en surtemps, le téléphone, l'énergie, c'est 15%; le transport, j'aime autant ne pas mentionner le montant qui est prévu ici, cela vous ferait peur. Cette moyenne que j'ai pour une ville, c'est au moins 17,5% d'augmentation sur le budget de l'année dernière et vos calculs ont été faits sur une simulation de 10,5%. Cela veut dire qu'il y a tout de suite 7%... Vos projections de gains qui doivent aller aux municipalités sont tout de suite débalancées.

Je me dis qu'une réforme de la sorte, s'il faut que dans un an il y ait une variante de 7% à 8% avec les projections du ministère, qui, par exemple, prévoirait une augmentation de dépenses de 10,5% et ce serait 17% ou 18%, n'aura pas une vie plus longue que deux ans. Un an à la roder et là, vous allez avoir pratiquement l'assiette au complet, sauf les 6% des commissions scolaires qui représentent $100 millions sur des budgets totaux des municipalités qui sont à peu près de $3 milliards. Même si on vous donne l'assiette complète des $100 millions de dépenses admissibles des commissions scolaires, ce n'est pas ce qui va régler votre problème. Je me dis: Est-ce que cette réforme va vivre un an ou deux et qu'on va revenir, dans à peine deux ans, à un nouveau système de subventions conditionnelles ou inconditionnelles? (21 h 45)

Tout cela est relié à des questions que j'aurais à poser, soit au président de l'Union des municipalités, sur les doutes que vous avez, comme moi, sur les simulations, entre autres, où on a connu des variantes énormes depuis un an ou deux ans. J'aurais une première question à vous poser, M. le maire, M. le président maire, dans votre milieu municipal, combien de municipalités... est-ce que les municipalités de vos collègues ou autres, vous, à Sherbrooke, M. le maire de Montréal, M. le maire de ville d'Anjou, est-ce que vous avez une idée du résultat, uniquement pour l'année qui s'en vient, pour l'année 1980, est-ce que vous pouvez déjà dire: on aura un surplus de x ou un déficit de x? Moi, je ne l'ai pas, tant mieux si les municipalités l'ont.

Je ne sais pas si vous pouvez répondre à ça.

M. O'Bready: Je pense que la plupart des municipalités, M. le député, ont déjà comparé les simulations gouvernementales dans leur propre ville, ont déjà fait le modèle dans leur propre ville. Il est évident que, pour certaines villes, ça rencontre les perspectives qui, pour d'autres villes, peuvent être inférieures. Comme le président de l'Union des conseils de comté le disait, je pense, cet après-midi, il est évident que la réforme, nous l'avons envisagée globalement et nous entretenons, comme vous le faites, certaines appréhensions quant à ses effets, à moyen ou à long terme.

C'est ce qui nous faisait dire, dans les toutes premières pages du mémoire qu'on a soumis ce soir, que la réforme fiscale n'est pas considérée comme un terme, comme quelque chose de complet, mais peut-être comme une première démarche dans un processus qui est fort long. Il fallait quand même commencer quelque part. Deuxièmement, je pense que nous étions aussi fort conscients de la marge de manoeuvre du gouvernement. Il est bien certain qu'on devait travailler ou tenter de travailler à l'intérieur de cette marge de manoeuvre. Troisièmement, il faudrait se rappeler que la réforme — c'est dans le discours du budget de mars 1979 — était faite: en fonction de responsabilités existantes, comme l'annonçait le ministre des Finances.

Il est bien sûr que toutes les autres responsabilités qui viendront s'ajouter, je ne sais pas si vous les avez considérées dans votre augmentation de 17%, mais j'ai entendu parler d'assainissement des eaux ou des choses comme ça, il est sûr et certain qu'il y aura peut-être des programmes spéciaux qui devront se greffer à la réforme fiscale. D'ailleurs, dans le deuxième volet du comité conjoint, dans le deuxième tome de ses études, le comité conjoint préconisait certaines mesures spéciales pour fins de rattrapage. Il est sûr et certain que les municipalités ne pourront pas, actuellement, supporter elles-mêmes, à même leurs ressources présentes, le rattrapage au niveau de l'assainissement de l'eau et de l'air.

Je vous répète, je ne voudrais pas me relire ici, mais on dit que le projet de loi 57 ne peut être envisagé comme le terme d'un processus, mais plutôt comme le premier résultat.

Pour revenir à votre question précise, je pense que oui, la plupart des municipalités ont fait des simulations, certaines villes sont satisfaites, d'autres sont relativement satisfaites, d'autres sont moins satisfaites. Mais il faudrait peut-être être honnête et réaliser que certaines villes ont bénéficié d'un traitement fort favorable pendant un certain nombre d'années, au plan de leur fiscalité.

D'autres villes ont peut-être été plus pénalisées. J'écoutais cet après-midi M. Mailloux donner l'exemple de différentes municipalités, mais je pense que je ne dévoile pas de secret, M. le député, en vous rappelant que certaines villes vivaient presque uniquement de la péréquation de la taxe de vente et avaient un taux de taxation très bas, alors que d'autres villes devaient supporter un fardeau financier fort élevé.

Je n'ai pas à juger du système, je n'ai pas à être jaloux des municipalités qui profitaient des largesses du système autrefois. Mais je vous

rappelle qu'un des principes de la réforme, telle que préconisée présentement, c'est l'équité pour tous les contribuables. Alors, l'équité pour les contribuables, c'est que tous les contribuables des collectivités locales paieraient normalement pour la quantité et la qualité des services qu'ils obtiennent. Si on veut analyser très honnêtement la réforme, il faut réaliser que c'est vrai, elle est à court terme pour certaines villes, peut-être un peu plus à moyen terme pour d'autres villes. Oui, c'est vrai qu'elle ne règle pas tous les problèmes et qu'il faudra se pencher à nouveau sur ça, oui, c'est vrai que nous avions une marge de manoeuvre, qu'il y aura des processus à imaginer, mais il faut se rappeler qu'on corrige peut-être aussi certaines inéquités.

Si vous me permettez l'expression anglaise, il y a eu du "give and take" dans la réforme, il y a eu quatre ou cinq simulations. Certaines se sont avérées fort avantageuses et le résultat final a donné à peu près $331 millions pour l'ensemble des municipalités du Québec.

Je fais exclusion du transport en commun à dessein, parce que ce n'est pas la loi dont nous traitons ce soir. Je pense que, si vous me demandez la perception de l'ensemble des municipalités — on a 245 ou 246 municipalités membres de l'Union — c'est à peu près la perception que nous décelons présentement, avec, bien sûr, des appréhensions, mais nous considérons tout de même que c'est un départ. C'est pour cela, d'ailleurs, que nous demandons un suivi de la réforme fiscale par le biais du comité conjoint, par le biais des mécanismes conventionnels qui existent, et probablement la continuation des travaux du comité conjoint sur d'autres aspects.

Je ne sais pas, je ne peux pas en inventer, mais on a parlé, par exemple, dans le deuxième rapport, de la tarification à l'usager. Cela veut dire quoi, la tarification à l'usager? Cela pourrait s'appliquer comment? Je n'en ai aucune idée au moment où je vous parle, mais ça vaudrait peut-être la peine de se pencher sur cet aspect de la question.

C'est à peu près la perception, M. le député, que je pourrais vous donner des commentaires de nos membres.

M. Lavoie: Relié à cela — c'est la ville de Montréal qui le mentionne dans son court mémoire — personnellement, je me demandais si les municipalités n'avaient pas un peu un marché de dupes dans ce réaménagement, et c'est la ville de Montréal qui... Je n'ai pas de relevé, je n'ai pas les chiffres, mais vous cédez au gouvernement du Québec votre quote-part de la taxe de vente. Vous mentionnez, à la page 2, je crois... C'est seulement une idée, je n'ai pas de chiffres statistiques, mon impression était que la taxe de vente a un indice de progression beaucoup plus rapide que la taxe foncière qui, en général, est assez stable, sauf dans des périodes inflationnistes comme on en a connu depuis quelques années où la valeur foncière a augmenté d'une manière assez forte, surtout il y a quatre ou cinq ans, d'un coup sec.

Vous mentionnez, à la page 2 — et j'aimerais peut-être avoir un commentaire de M. Lamarre sur cela: "Ce gain net est d'autant plus nécessaire que la réforme confine les municipalités au champ foncier et leur enlève leurs sources de revenus les plus dynamique telles que la taxe de vente." On sait que la taxe de vente peut augmenter plus facilement suivant le produit national brut ou l'indice de prospérité d'un pays, alors que la taxe foncière est plus statique.

M. Lamarre: M. le Président, si vous me permettez, avant de répondre à votre dernière question, de répondre à votre question à laquelle le maire O'Bready a répondu quelque peu, lorsque vous demandez si la marge de manoeuvre des municipalités, particulièrement de la ville de Montréal, dans cette réforme de la fiscalité, est maintenue pour au moins une année ou deux, je dois vous dire qu'il y a quand même plusieurs contraintes, des contraintes majeures, actuellement, qui nous sont inconnues, telles que le rôle de valeur locative...

M. Lavoie: C'est une question que je voulais vous poser par la suite.

M. Lamarre: ... le rôle de valeur locative sur la taxe d'affaires qui, actuellement, peut jouer du simple au double. Je pense que, dans une ville comme Montréal qui, sur le plan de la finance internationale, doit renégocier des emprunts, il est toujours excessivement dangereux de naviguer dans l'incertitude. Le ministre des Finances comprendra certainement que le directeur des finances, lorsqu'il doit donner son certificat à un budget, doit en donner quelque chose qui est exact et qui repose sur une vérité mathématique, si vous voulez, dont lui-même est satisfait.

À l'heure actuelle, je ne peux dire, et je pense que le ministre des Finances et le ministre des Affaires municipales ne peuvent dire exactement si le rôle de valeur locative sur le plan de la taxe foncière peut être vérifié d'ici la fin des travaux. Pour Montréal, c'est quand même un problème très grand sur le plan fiscal et sur le plan financier.

Il y a aussi la question de tout ce qui regarde la petite et moyenne entreprise qui, avec cette réforme, à moins d'apporter un soulagement sur le plan du crédit foncier additionnel, va voir hypothéquer d'une façon très grande son avenir sur le plan commercial et industriel à Montréal.

Je voudrais aussi ajouter qu'avec cette marge dont le ministre des Affaires municipales nous assure, si le rôle était de $325 millions, j'aimerais quand même que le ministre des Affaires municipales me dise qu'il nous assure de $60 millions pour la ville de Montréal.

Car cette marge de manoeuvre de $60 millions n'ira pas très loin, si nous ne pouvons pas compter sur une croissance très grande de l'activité économique au cours des prochaines années, qui pourrait hausser le rôle de valeur foncière de la ville d'au moins 10% pour nous permettre

justement, à cause de l'inflation, des coûts très grands, de tout cet aspect que nous connaissons aujourd'hui, des hausses de salaires, des avantages accessoires, des coûts du carburant, de l'énergie, etc., je pense que, pour la ville, cela prend, en plus des $60 millions, si nous voulons parler au moins à moyen terme pour cinq ans, cela prend aussi une hausse au moins de 10% sur la valeur foncière. Je pense que ces contraintes sont absolument nécessaires, si nous voulons parler d'une réforme qui va au moins dans le temps s'adresser à moyen terme, c'est-à-dire cinq ans.

M. Lavoie: Mais pourriez-vous expliciter peut-être un peu plus? Vous avez peut-être des calculs pour dire que la taxe de vente est beaucoup plus dynamique que la taxe foncière.

M. Lamarre: Oui, sur cela, lors du comité conjoint sur la fiscalité, la ville de Montréal a demandé un éventail beaucoup plus grand sur le plan de la fiscalité, parce que nous n'avons jamais, entre autres, voulu compter exclusivement sur le champ foncier qui est pour nous une taxe que nous n'appellerons pas régressive, mais qui n'est certainement pas aussi progressive qu'une taxe de vente ou que la taxe sur les télécommunications, ces différentes taxes sur lesquelles la ville et d'autres municipalités pouvaient compter auparavant.

Nous aurions plutôt aimé un éventail, un panier, si vous voulez, beaucoup plus grand des taxes pour permettre une meilleure stabilité de la fiscalité municipale.

M. Lavoie: Si vous me permettez quelques mots, j'ai été un peu surpris de ne pas retrouver dans le mémoire de la ville de Montréal, justement en parlant des taxes plus progressives, si vous voulez, comme la taxe de vente par rapport à la taxe foncière, j'ai été surpris de ne pas retrouver une demande de la ville de Montréal qui avait déjà été exprimée par son maire, qui désirait une participation à l'impôt sur le revenu qui est peut-être, un peu comme la taxe de vente, une taxe progressive. Ce n'est pas de la provocation, M. le maire.

M. Drapeau (Jean): C'en est presque. Je vais être très bref, parce qu'on me cite souvent comme ayant suggéré le partage de l'impôt sur le revenu. J'avais, je pense, assez précisé ma pensée à ce moment-là en disant — et encore de façon plus précise en 1978 — que peu importe la source identifiée au gouvernement provincial, il s'agissait plutôt qu'un gouvernement provincial reconnaisse que certaines obligations exécutées par les villes sont, de leur nature ou à cause de leur volume, paraprovinciales et, en conséquence, devraient émarger au budget du gouvernement provincial qui charge la municipalité de l'exécution de ces besoins-là, parce qu'elle est plus près de la population, mais sans avoir référé particulièrement à l'impôt sur le revenu. J'avais parlé, il y a trois ans, d'une forme d'accès, mais non pas d'un partage et, deux ans après, j'ai précisé peu importe que ce soit l'impôt sur le revenu, si un gouvernement provincial admettait que certaines des obligations des villes seront mieux satisfaites au plan municipal quant à l'exécution, mais sont d'une nature paraprovinciale, elles peuvent émarger au budget provincial et, alors là, s'il faut changer la terminologie, changeons-la. J'ai déjà également dénoncé cette forme d'assistance qui prend souvent le caractère d'aide aux pays sous-développés. Je m'étais élevé contre cela. Je crois que ce n'est pas une forme d'aide à un pays sous-développé ou à une partie de pays ou une partie de province sous-développée, c'est tout simplement la reconnaissance d'obligations paraprovinciales qui, à cause de leur importance, de leur nature ou de leur volume, doivent être acceptées comme telles et ce ne serait pas un précédent, puisque, dans certains secteurs, cela a été fait, c'est déjà appliqué et l'exécution est confiée aux villes. Au lieu d'appeler cela des subventions, disons que ce sont des participations où, par une entente entre les deux formes, l'une, l'administration publique et, l'autre, un gouvernement, le gouvernement reconnaît sa responsabilité financière dans certains domaines pour tel montant et confie l'exécution à la municipalité. (22 heures)

Cela serait, je pense, une terminologie beaucoup plus exacte, beaucoup plus noble, beaucoup plus en rapport avec la situation véritable, plutôt que de chercher des moyens qui sont bien inspirés, mais qui démontrent encore une fois qu'on s'approche peut-être de cette vérité qu'il faudrait reconnaître un jour, à savoir qu'il y a des obligations qui sont paraprovinciales à cause de leur nature ou à cause de leur volume. L'exécution étant mieux faite au plan municipal, on lui en confie l'exécution.

M. Lavoie: M. le Président, c'est la première occasion que j'ai de répondre peut-être à une prétention du gouvernement. Alors qu'il dit que cela fait trente ans que c'est exigé, en voulant dire qu'on vit depuis trente ans dans une espèce de non-sens ou dans une espèce de catastrophe, on ne peut pas laisser passer cela sous silence quand même, parce qu'il y a eu des sources de revenus sous forme de subventions. C'était quand même relié si ce n'est pas directement, au moins indirectement à la vocation d'une commune ou d'une ville, entre autres, le partage de la taxe de vente qui a été accordé, en 1962 ou 1963, aux villes; le quart des 8%, ce n'est pas étranger au développement commercial, parce qu'il y a quand même une activité commerciale dans une ville. Il n'y avait rien d'incompatible à accorder ces subventions aux municipalités, parce que c'était relié assez directement aux activités normales d'une ville.

Il y a eu les autres subventions assez importantes qui ont été données pour permettre aux municipalités de balancer leur budget, le per capita. Ce n'est pas un non-sens de donner des subventions, comme cela a été fait, par le per capita, parce qu'on connaît des villes qui ont des

explosions démographiques ou autres. Il n'y avait pas de non-sens à faire cela pour permettre aux municipalités de balancer leur budget. Avec ce qu'on voit aujourd'hui, je suis loin d'être convaincu ce soir qu'en donnant l'assiette foncière intégrale aux municipalités, cela va régler à tout jamais l'avenir paisible de l'administration budgétaire des villes. Je ne suis pas convaincu de cela, parce que cette assiette est joliment limitée également.

Je reviens à mon propos de tout à l'heure. J'ai remarqué les appréhensions de M. Lamarre. C'est sûr que si vous voulez avoir une soixantaine de millions de dollars additionnels... La deuxième lecture est terminée, nous sommes rendus en commission parlementaire et, dans quelques instants, nous allons commencer l'étude article par article, mais il y a encore une inconnue chez vous, pour la ville de Montréal qui, en passant, est toujours la métropole du Canada et qui va le demeurer, j'espère. Vous avez un aléa, vous ne vous entendez pas sur un rôle d'évaluation de valeur locative qui peut varier entre $457 millions et $653 millions, des revenus de taxes d'affaires, je ne sais pas si je me trompe, de $21 millions ou de $67 millions, quelque chose comme cela... de $140 millions ou de $70 millions et si les calculs que vous avez faits avec tous les fonctionnaires de Montréal ne vous rapportent que $70 millions, au lieu de $140 millions prévus par le gouvernement, vous êtes devant zéro. Vos $60 millions, vous ne les avez plus. Cela veut dire que vous êtes encore dans le statu quo jusqu'aux oreilles. On est quand même rendu à l'étude article par article. Ce sont quand mêmes des points d'interrogation énormes, lorsqu'il y a une différence de $70 millions.

Pour ce qui concerne le crédit d'impôt, on voit que pour les PME à Montréal, cela ne règle pas grand-chose encore. Pourtant, cela a encore été une mesure de la dernière heure, une mesure de la onzième heure pour tenter de corriger cela. On se rend compte ce soir que cela ne corrige pas grand-chose.

Je termine bientôt. Excusez-moi, M. le Président, mais je pense que cela ne sera pas très long.

Le Président (M. Jolivet): Non, seulement pour la question.

M. Lavoie: C'est relié, parce qu'on dit que c'est autant pour Montréal que pour les autres municipalités, c'est interrelié. Encore là, pour le citoyen, je vois que la ville de Montréal a raison de se pencher sur le sort du contribuable. S'il y a eu des municipalités à quelque part — je n'en connais pas énormément qui paient des dividendes à leurs citoyens... Le fardeau fiscal est reconnu autant à Montréal, à Laval, dans la périphérie et peut-être plus fortement dans certaines places que d'autres. En obtenant vos $60 millions, est-ce que le contribuable va obtenir quelque chose ou si c'est seulement pour boucler votre budget?

M. Lamarre: Si nous obtenions $60 millions, le contribuable aurait à peu près $26 millions, si vous voulez, qui pourraient être la marge de manoeuvre.

M. Lavoie: Très bien.

Maintenant, un point d'interrogation que j'ai, tout particulièrement en ce qui concerne les contribuables de Montréal. Il n'y a rien de prévu, je pense, dans la loi 57.:. Le ministre pourrait peut-être me répondre sur ça. On sait que Montréal, en vertu de sa charte, a une taxe qu'on appelle une taxe — qui n'existe pas et qui n'est pas prévue dans la simulation pour les autres municipalités — de services apparentée à la taxe d'eau, qui est assez substantielle, qui est assez forte et qui est contre un des principes d'ailleurs qu'on retrouve dans le rapport du comité conjoint, et où on doit payer pour les services reçus, en somme que la municipalité n'est pas là pour faire des profits énormes avec le service d'aqueduc, disons. À Montréal, qu'arrive-t-il avec votre taxe de services, suivant la valeur locative, et non pas, en l'occurrence, uniquement des commerces, mais de la valeur locative de l'habitation et des logements? C'est la question que je pose au ministre: Qu'est-ce qui arrive à cette taxe, qui est un fardeau très important pour les contribuables de Montréal, mais non pas pour les commerçants ni les PME, uniquement pour les propriétaires et les locataires de Montréal, cette taxe de services qui n'est pas limitée, qui n'est pas contrôlée en vertu de votre réforme municipale?

M. Tardif: M. le Président, puisque la question m'est adressée, je dirai tout simplement qu'elle demeure pour l'instant; nous examinons, à la suite des pourparlers que nous avons eus avec la ville de Montréal — qui nous demande d'ailleurs, dans son projet de loi privé amendant sa charte, de faire disparaître cette taxe pour les immeubles de plus de 20 logements. Le projet initial demandait, d'ailleurs, plus de neuf logements, le seuil a été fixé à plus de 20 — différentes hypothèses de travail, mais je ne voudrais pas entrer dans ce dossier ce soir, M. le Président, puisque nous en sommes encore à examiner la question avec la ville de Montréal.

M. Lavoie: D'accord. C'est une autre loi que nous aurons normalement à adopter avant les Fêtes; imbriquée à travers les autres lois.

M. Tardif: M. le Président, des demandes... M. Lavoie: Non, mais je vous pose la question.

M. Tardif: ... de projets de loi privés, j'en ai une vingtaine et je les reçois quand les municipalités les présentent.

M. Lavoie: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je ne voudrais pas vous presser, mais, compte tenu du temps, je voudrais passer à l'Union Nationale.

M. Lavoie: D'accord. Un autre point où, dans la cinquième simulation, déposée la semaine dernière, on voit, dans la réforme fiscale, un prétendu bénéfice pour les particuliers, dans toute la réforme, d'environ $64 millions, au chapitre de la réforme même de la fiscalité municipale. Ma question va s'adresser au ministre: Ne croyez-vous pas que ce prétendu bénéfice des contribuables, des particuliers, ne sera pas annulé par les $65 millions qui devront être assumés par les sociétés de télécommunication, d'électricité et de gaz qui, normalement, refilent à leurs consommateurs les fardeaux additionnels de leur taxation, ce qui annulerait totalement les bénéfices de $64 millions pour les particuliers dans la réforme?

M. Tardif: M. le Président, la moitié de ça, c'est l'Hydro-Québec, dont les tarifs sont fixés. Quant à Bell Canada, à cause de la structure différente de taxation de Bell Canada pour le Québec et l'Ontario, il se trouvait qu'en leur chargeant un en-lieu de taxe foncière équivalant à 10% des dépenses nettes au lieu de 5% du brut, comme c'était le cas en Ontario, nous subventionnions Bell Ontario, M. le Président.

Il m'apparaît donc tout à fait aberrant de maintenir une telle situation et, sur ce plan-là, nous ne faisons que nous aligner sur les provinces limitrophes.

M. Lavoie: Mais le contribuable sera possiblement appelé à payer cette augmentation que devra subir Bell...

M. Tardif: Là aussi, les tarifs font l'objet de représentations en commission. C'est peut-être le contribuable et ce peut être l'actionnaire aussi.

M. Lavoie: Bon, une dernière question. Selon votre mémoire, M. le Président de l'Union des municipalités, vous auriez préféré que, dans la prétendue contribution ou quote-part gouvernementale, ce soit plus clarifié dans la loi, entre autres les "en-lieu" de taxes du réseau municipal et scolaire, qui est, dans un cas, de 100%, dans un autre cas, de 80% de la valeur réelle et, dans un autre cas, de 40%, au lieu que ce soit en somme aussi discrétionnaire que cela se trouve actuellement, où les montants ne sont pas dans la loi — c'est un engagement ministériel qui peut varier d'année en année — vous préféreriez que ces quotes-parts de paiement de taxes foncières de la part du gouvernement soient dans la loi. Est-ce cela que j'ai bien compris?

M. O'Bready: Oui, c'est dans le contexte d'une de nos premières interventions, lorsqu'on parle de la structuration de la loi pour y intégrer un des grands principes de la réforme fiscale, à savoir que le gouvernement devienne contribuable à part entière au lieu de retrouver ce modèle que vous décrivez, par discrétion ministérielle, que ce soit plutôt structuré dans la loi d'ici 1985, qu'on retrouve le système, que ce soit un article de la loi. Cela ne veut pas dire qu'on n'admet pas ce que le gouvernement va faire, mais si c'était dans la structuration même de la loi 57 comme telle, c'est l'opinion que l'Union des municipalités a avancée.

M. Lavoie: Est-ce qu'il pourrait en être ainsi également peut-être de la politique du transport, politique de subventions au transport ou...

M. O'Bready: Ce n'est pas dans la même loi, M. Lavoie, la question du transport en commun...

M. Lavoie: Non, d'ailleurs, écoutez, je n'accuse pas le gouvernement, parce que même la politique du gouvernement antérieur n'était pas dans une loi, mais je crois que, pour le paiement des quotes-parts, parce que j'ai été échaudé une fois, et le ministre des Affaires municipales et le ministre des Finances vont se le rappeler, d'une fameuse subvention à la ville de Laval de $4,5 millions par année. Vous nous avez fait le reproche que ce n'était pas dans une loi. C'est pour ça que, pour les municipalités, je crois, du fait que vous m'avez servi cet argument, que ce n'était pas dans la loi; pour plus de sécurité, je crois que, pour les municipalités du Québec, il ne serait pas mauvais que la quote-part du gouvernement pour les "en-lieu " de taxes soit dans la loi, tel que c'est demandé par le président de l'Union des municipalités et là, je me tourne vers le ministre, serait-il possible, M. le ministre, que ce soit dans la loi?

M. Tardif: On a pris note de ces représentations, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: Je voudrais faire les mêmes remarques que tout à l'heure. Le député de Laval a passé plusieurs de nos questions, surtout celles du député de Saint-Hyacinthe. Par contre, je m'en voudrais de ne pas vous remercier de vous être présentés ici et de nous avoir éclairés sur plusieurs points de cette loi 57 et de nous avoir démontré que vous avez peut-être les mêmes appréhensions que nous, les mêmes inquiétudes aussi. Mais vous n'êtes pas certains, pas plus qu'on peut l'être, que cette loi sera aussi parfaite qu'on a tenté de le laisser croire. On s'aperçoit qu'il ne s'agit pas là d'une subvention d'aide aux municipalités, simplement un transfert de financement de taxation, si on veut. Si on se rappelle que ça retourne en arrière de plusieurs années, lorsque les municipalités ont été aidées par la taxe de vente, et, à ce moment-là, les municipalités réclamaient la taxe foncière en entier, voulaient le retrait des commissions scolaires, on est rendu à ce point aujourd'hui et ça ne correspond certainement pas à l'opinion de tout le monde, ça n'aidera pas totalement les municipalités tellement plus au point de vue revenus. Cela fait un déplacement complet de la taxe foncière et j'ai la même appréhension que le député de Laval. Cette année, quelques villes, comme Saint-Hyacinthe, vont être drôlement favorisées; on sait que Saint-Hyacinthe

n'a pas les problèmes qu'a la ville de Montréal, pas plus que la ville de Sherbrooke; ça dépend de la responsabilité de chacune des villes et je pense que, peut-être, dans les années à venir, très prochaines, il faudra songer à d'autres formes de revenus pour répondre aux obligations qui s'imposent dans chacune de ces municipalités, surtout la ville de Montréal. (22 h 15)

Évidemment, nous sommes d'accord et nous allons faire de notre mieux pour coopérer, pour essayer d'en arriver à la perfection de cette loi, si le gouvernement veut réellement le faire, et nous sommes heureux de constater que le ministre est prêt à accepter qu'il y ait un comité qui va continuer et peut-être l'an prochain sera-t-il important d'apporter des modifications à cette loi qui est devant nous aujourd'hui. Evidemment, lorsqu'on s'arrête à faire des modifications en profondeur, c'est évident que ce n'est pas facile à appliquer immédiatement, aussi bien pour les administrateurs que pour le contribuable qui a à payer la facture. Il va y avoir du mécontentement au niveau des municipalités, des administrateurs et des contribuables, surtout qu'on se rend compte de l'appréhension des commissions scolaires qui ne sont pas tellement heureuses. Vous avez dû vous en rendre compte cet après-midi. Ce qui me surprend, c'est que les municipalités dans les deux, conseils de comté et municipalités rurales, aussi bien que les cités et villes, veulent absolument avoir totalement cette assiette foncière sans être prêtes à accepter une certaine responsabilité administrative des immeubles ou d'autres obligations administratives qu'une commission scolaire a dans chaque milieu.

On a dit cet après-midi que c'était peut-être discutable, et je vous pose la question. Est-ce que votre organisme serait prêt à dire: On serait prêt à prendre la responsabilité des immeubles comme cela se fait dans certains milieux et d'en faire l'administration, à condition qu'on ait les mêmes avantages dont ont bénéficié les commissions scolaires quand il s'agit de constructions ou d'immobilisation, et lorsqu'il s'agira d'administration, on le fera, parce qu'on a une équipe qui est différente, on pourra peut-être le faire d'une façon beaucoup plus économique et plus rentable à l'avantage des contribuables. C'est toujours le même contribuable qui paie la facture, que l'argent vienne de la province ou qu'il vienne de la municipalité ou que les dépenses soient faites par l'une ou par l'autre. C'est toujours celui qui paie, le salarié ou l'industriel ou le marchand. Il y a une inquiétude, M. le Président, dont je dois vous faire part, et ce sera la remarque que j'aurai à faire, ce qui m'a inquiété beaucoup, c'est la taxe d'affaires. Vous semblez englober cela, l'homme d'affaires, l'industrie et tous dans la même structure et si je regarde un peu l'ensemble de plusieurs municipalités, la petite industrie commence à être taxée pas mal et son fardeau ne s'allège pas, ses revenus n'augmentent pas, ses revenus baissent. Cela commence à créer un malaise qui va être assez inquiétant tout à l'heure, à un point tel qu'il y en a qui commencent à vouloir relâcher. Peut-être qu'il serait bon qu'on examine la possibilité de ne pas trop les surcharger eux non plus, et au moins ne pas tenter de leur faire peur, et partager peut-être un peu plus équitablement la charge de la petite industrie. Evidemment, on va me répondre qu'eux peuvent le déduire de leur impôt, lorsqu'ils paient de l'impôt, mais il y en a plusieurs qui n'en paient pas. Simplement sur ces deux points en particulier, j'aimerais avoir une réponse.

M. O'Bready: Peut-être que sur votre dernière question, M. le député, sur la question des petites et moyennes entreprises, nous sommes conscients des difficultés qu'elles éprouvent, mais il faudrait peut-être se poser la question, je ne voudrais pas lancer le débat, si c'est par des mesures d'amoindrissement fiscal au niveau municipal ou si c'est par des mesures économiques qui proviennent d'un autre palier de gouvernement qu'il faut aider la petite et la moyenne entreprise, la fiscalité municipale, dans notre opinion, étant basée sur le coût des services que nous fournissons aux usagers et les petites et moyennes entreprises normalement étant taxées en proportion des services qu'elles reçoivent.

Alors, je répète que c'est un débat qui est fort intéressant, mais je pourrais peut-être vous rappeler aussi que les municipalités ne considèrent pas dans cette réforme fiscale qu'il est de leur devoir ou de leur pouvoir de se préoccuper de la redistribution de la richesse comme telle, mais que cela appartient à un palier supérieur de gouvernement. Si je vous dis cela, ça répondrait peut-être également à votre première question lorsque vous me parlez du scolaire, sans vouloir vous dire si oui ou non nous serions prêts à assumer des responsabilités au niveau du scolaire. Encore là, c'est une question de système. On serait peut-être prêts à en discuter au niveau du comité conjoint ou au niveau d'un autre palier de discussion, mais je vous rappelle que la réforme de la fiscalité telle qu'elle est amorcée présentement se veut pour les responsabilités que nous connaissons et rien de plus parce que, comme plusieurs l'ont souligné, on a peut-être déjà assez de difficulté à faire face à nos responsabilités actuelles sans vouloir en assumer d'autres. Mais je pense que si on retient cela un peu comme critère, que le but de la fiscalité municipale n'est pas de prévoir la redistribution de la richesse parmi les Québécois, mais on pourrait vous en parler au niveau de l'éducation, on pourrait vous en parler au niveau de la taxe de vente aussi dont le gouvernement peut vouloir se servir à un moment donné comme d'un levier économique.

Je vous rappellerai les exemptions de taxes de vente sur les meubles, sur la chaussure et sur certains articles semblables. Alors, si c'est le privilège du gouvernement du Québec de se servir de la taxe de vente comme d'un levier économique, on ne pense pas que ça doive être considéré comme une source autonome quelconque de revenus pour les municipalités. Quant à l'éducation, ça pourrait être plausible ou ça pourrait être

intéressant dans un système comme ça se fait, si ma mémoire est fidèle, aux Etats-Unis. Les municipalités pourraient assumer certaines des responsabilités qui sont présentement dévolues aux commissions scolaires locales, soit une partie des équipements, une partie des édifices, mais, encore là, je vous dis que ça devrait être rediscuté dans un contexte beaucoup plus global et non simplement à l'intérieur du retour total du champ d'impôt foncier aux municipalités.

C'est à peu près les commentaires que je pourrais ajouter.

M. Russell: Quand on parle de la petite et de la moyenne industrie, ou de l'industrie en général, on dit que ça cause des dépenses superflues ou plus exagérées que d'autres genres d'habitations. Je comprends mal cet exposé, parce que les services que vous donnez sont facturés, normalement, d'une façon différente; les services d'égouts ou les services d'eau sont facturés de façon complètement différente. Donc, ça ne vous cause pas de fardeau additionnel, elle paie sa quote-part comme les autres, sa large part comme les autres.

Quand on arrive, qu'on a une usine, normalement, ça cause beaucoup moins de problèmes que bien des résidences et elle exige beaucoup moins de surveillance. Par contre, si on regarde les tarifs qu'on applique à l'évaluation, souvent, quand on regarde la valeur de la construction, elles sont plus taxées que les résidences, au pied carré ou à la valeur de construction. Donc, je ne vois pas pourquoi on arrive avec une taxe additionnelle et qu'on insiste là-dessus pour en faire... La seule justification que je peux donner à ça, c'est que l'industrie a l'avantage que le propriétaire de résidence n'a pas de l'intégrer dans ses dépenses. C'est la seule justification que je peux lui donner.

Pour autant que je sache, au point de vue des municipalités, avec de rares exceptions, ce sont des avantages qu'ont les municipalités, plutôt que des désavantages, d'avoir des industries. Je pense que ça pourrait même aller pour la ville de Montréal.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je m'excuse, je vais peut-être être un peu long, moins long, je l'espère, que d'autres l'ont été, mais il y a tout un champ à couvrir.

Je voudrais d'abord qu'on revienne à cette question, à savoir que les simulations, c'est aléatoire; on n'est pas certain des montants, on ne sait pas ce qui peut arriver. Si on commence à parler de revenus présumés, comme on l'a dit, des municipalités, dans mon esprit, il y a une chose qui est claire, c'est que les dépenses ne sont pas présumées, je sais que c'est ça que ça va coûter, $365 millions. Si on voulait vraiment faire de la politique dans le pire sens du terme, on dirait: À quoi ça sert de passer des revenus présumés? Pourquoi ne pas prendre le même montant, puis- qu'on est certain qu'on va le dépenser, et alors faire des choses qui ne sont pas présumées du tout avec? Qu'est-ce qu'on pourrait faire avec ça? Continuer le même système de financement municipal? Cela a provoqué beaucoup de discussions dans le passé, mais après tout, il y a beaucoup de gouvernements qui ont survécu à ça, il n'y a pas de raison que les suivants ne survivent pas.

Avec ça, on pourrait réduire la taxe de vente de 8% à 6%. Il y aurait beaucoup de gens contents. Les municipalités aimeraient moins ça, parce que ça rentrerait pas mal dans leurs recettes de taxes de vente, mais enfin, on pourrait faire ça. Cela ne coûterait pas plus cher au gouvernement. Ou bien encore, on pourrait réduire l'impôt sur le revenu des particuliers de 8%. Là, le Conseil du patronat, pour une fois, m'encenserait. Une belle coupure de 8% à travers toute la cédule de l'impôt sur le revenu.

Mais, évidemment, ça ne donnerait peut-être pas grand-chose aux gens qui sont les moins favorisés. On pourrait trouver encore autre chose. On pourrait faire un "package" qui plairait vraiment, ce serait faire vraiment de la politique.

On pourrait, par exemple, supprimer la taxe sur les meubles, sur la matériaux de construction, et, puisqu'on est à l'époque de Noël, vendre la boisson au prix coûtant. Cela serait populaire, et ça ne coûterait pas plus cher.

À un moment donné, il faut qu'on soit un peu responsable à l'égard de ce qu'on fait. C'est bien joli de laisser flotter les idées des revenus présumés; encore une fois, ce sont peut-être des revenus présumés, mais ce sont des dépenses certaines. Cela va coûter, en fait, $365 millions, ou autour de cela; si on veut me dire qu'il y a une marge d'erreur, forcément, il y a une marge d'erreur dans ces chiffres.

Au départ, à l'occasion du premier discours du budget — j'ai eu l'occasion d'en parler — cela avait coûté $305 millions. Les discussions qu'on a eues pendant deux ans avec les municipalités font que, en pratique, cela a augmenté de 20%, y compris le transport en commun, bien sûr, ce qui, comme résultat d'un comité, n'est pas mauvais en soi. J'insiste sur le fait que ce sont deux ans de travail en comité, et on est arrivé à un certain nombre d'orientations. Bien sûr, on dit que ce n'est pas parfait, on pourrait en ajouter un peu ici, on aurait pu pousser le cartésianisme plus loin, comme le suggérait le ministre des Affaires municipales, mais il reste que, fondamentalement, les demandes que les municipalités faisaient depuis très longtemps se trouvent à être l'essentiel, au niveau des orientations, en tout cas, satisfaites à l'intérieur, comme le disait M. le président O'Bready, tout à l'heure, des marges de manoeuvre dont on dispose, cela va de soi; si on pouvait ajouter $200 millions, ce serait encore mieux, on n'en disconvient pas.

La question du débat sur la taxe d'affaires basée sur la valeur locative plutôt que sur l'impôt foncier, je voudrais y revenir quelques minutes parce que c'est quand même assez sérieux, ce débat, il est intéressant en soi. Il est évident que la

taxe d'affaires basée sur la valeur locative, nous reconnaissons tous que c'est quand même un peu plus juste. À cet égard, d'ailleurs, le comité conjoint est très clair, tout aussi bien dans le premier rapport du 1er décembre 1978, en page 44, qu'en page 30 dans sa deuxième version, des choses comme ce qui suit: "Le comité propose donc que la taxe d'affaires soit maintenue et étendue à l'ensemble du territoire québécois. De plus, cette taxe doit être levée par la municipalité et regroupée sur la base traditionnelle du rôle de valeur locative", etc. Donc, il n'y a pas de surprise de baser cela sur la valeur locative, cela vient tout droit du comité conjoint.

Remarquez que c'est vrai qu'à première vue, ça paraît plus juste de baser cela sur la valeur locative pour les raisons qu'exprimait le ministre des Affaires municipales tout à l'heure, mais ce n'est pas inscrit dans le Nouveau Testament que ça doit être comme cela. Dans un certain sens, si j'avais connu les réactions du gouvernement fédéral, cela aurait peut-être changé le concept en cours de route, parce que le gouvernement fédéral, à l'heure actuelle, on est en discussion avec lui à peu près sur la base suivante: La taxe d'affaires, en Ontario, est basée sur la valeur foncière, donc le fédéral paie la taxe d'affaires. Mais si vous l'établissez sur la base de la valeur locative au Québec, on n'est pas certain qu'on va payer notre taxe d'affaires sur cette base parce qu'on paie nos taxes foncières. Enfin, cette formule paraît plus juste, mais, encore une fois, il ne s'agit pas d'en faire une jaunisse, à un moment donné, on change le principe de la chose.

En ce qui a trait à la taxe de vente dont on a assez longuement parlé, ce qui, effectivement, apparaît dans le mémoire de la ville de Montréal, est-ce que c'est vrai que la taxe de vente est plus dynamique que l'impôt foncier? Si on prend les années où il n'y a pas eu de changements dans la composition de la taxe de vente, par exemple, les années 1972 à 1976, le coefficient d'élasticité de la taxe de vente au Québec, c'est de 0.85; en somme, quand le PIB augmente de 1%, le produit de la taxe de vente augmente de 0.85, à peu près. Quand le PIB augmente toujours de 1%, l'impôt foncier augmente de 0.83; c'est presque égal. D'autre part, on reconnaît qu'à Montréal ce dynamisme de la taxe de vente est inférieur à la moyenne provinciale. À la place de la ville de Montréal, je n'insisterais pas trop sur l'argument, c'est à peu près égal pour l'ensemble du Québec, et, à Montréal, la taxe de vente est un peu moins dynamique que dans le reste du Québec, cela ne me paraît pas probant.

Tenons-nous en donc à la réforme fiscale elle-même, en nous ramenant graduellement vers Montréal, parce que je pense que certaines des objections majeures qui ont été présentées ce soir viennent spécifiquement de Montréal. (22 h 30)

Je disais tout à l'heure que la réforme fiscale municipale, y compris le transport en commun, va coûter à peu près $365 millions, plus ou moins, mesure anglaise, bien sûr.

Pour ce qui a trait au territoire de la CUM, 40% du montant y va. Le territoire de la CUM représente à peu près 30% de la population du Québec et le territoire de la CUM va recevoir à peu près 40% des montants dont on parle. On dira que ce n'est pas suffisant. Remarquez que si on tient compte non pas des transferts aux municipalités, mais de la réduction du fardeau pour les contribuables qui est inhérente au bill 57 plus des transferts aux municipalités, le portrait est encore plus accusé: 40% des effets de la réforme sont concentrés à Montréal contre 30% de la population. Cela se comprend d'ailleurs, parce que l'abolition des surtaxes scolaires a son effet. Si on prend les déplacements, les transferts, plus l'abolition des surtaxes scolaires, on comprend que ce soit concentré sur le territoire de la CUM passablement.

Considérez, si vous voulez — je reprends ici certains arguments qui n'ont peut-être pas été présentés et soulignés fortement à la commission aujourd'hui, mais qui ont donné lieu à un certain nombre de commentaires depuis quelques jours — que la réforme fiscale municipale va dans le sens contraire à certains des objectifs du gouvernement qui viseraient à éviter que l'île de Montréal se vide aux dépens des régions avoisinantes. Ce n'est pas tout à fait exact. En fait, l'île de Montréal va tirer davantage de la fiscalité municipale que sa population ne le justifierait.

Pour ce qui a trait à Montréal proprement dit, la ville de Montréal, la ville, selon notre estimation de la valeur locative — on s'entend bien — c'est-à-dire sur la base de $653 millions d'évaluation de la valeur locative, tirerait $67 millions, dont il faut probablement défalquer $3 millions ou $4 millions pour les ports de mer, parce que, par son bill C-3, le gouvernement fédéral a annoncé que, sur les quais des ports de mer, il ne paierait pas d'"en-lieu" de taxes. On le remercie profondément, n'est-ce pas, mais cela enlève $3 millions à $4 millions à la ville de Montréal. C'est une chose qu'il est important de savoir. Il y aura donc un peu plus de $60 millions à Montréal sur la base d'une valeur locative de $653 millions. Les particuliers, du fait de l'application du bill 57, vont payer automatiquement $28 millions de moins. Pour les sociétés, pour les entreprises, l'effet est presque nul, en ce sens qu'il y a des mouvements, comme on le verra tout à l'heure, mais cela s'annule pour une bonne part et, en fait, le gain automatique qui découle de l'application du bill 57 est de $1,8 million. Donc, à toutes fins utiles cela s'annule. Donc, l'effet total de la réforme fiscale municipale à Montréal, ce que la ville en tire sur la base de la valeur locative dont je parlais tout à l'heure, plus que les particuliers en tirent, fait autour ou au-delà de $90 millions, ce qui est assez coquet.

Lorsque la ville de Montréal nous dit: Nous pensons devoir utiliser un rôle de valeur locative inférieur à $653 millions et si on descend donc à environ $300 millions, il ne reste plus loin des $60 millions qui devaient nous venir. Cela ne veut pas dire que les $60 millions se sont évaporés en l'air, cela veut dire essentiellement qu'ils ont été transférés aux sociétés. Alors là, le portrait serait le

suivant: gains nets pour Montréal, zéro; avantages donnés aux particuliers, $28 millions; avantages donnés aux sociétés, $65 millions. C'est un choix que la ville peut faire de dire: Je veux utiliser une base, un rôle de valeur locative de, par exemple, $353 millions... Là, le gain net à la ville est zéro, mais les entreprises sur mon territoire font $60 millions de réduction de leurs taxes. C'est un choix. En fait, je pense que la ville de Montréal va aller un peu plus loin que cela. Ce qu'elle nous dit, c'est: Je voudrais avoir un rôle d'évaluation de la valeur locative de $353 millions. Je transfère donc $60 millions d'avantages fiscaux aux entreprises et, vous, le gouvernement, donnez-moi $60 millions en plus.

Alors, je dis: Non, je n'ai pas les moyens. C'est trop. C'est l'un ou c'est l'autre, mais ce n'est pas les deux. Je comprends très bien la démonstration qui est faite là-dessus. Il est clair que plus on réduit la valeur locative aux fins d'imposer la taxe d'affaires, plus l'avantage fiscal des entreprises va être élevé, et plus ce qui va rester à la ville va être faible. La ville peut décider de garder tous ses $60 millions et d'en passer une partie aux sociétés, une partie à l'accroissement de ses dépenses ou garder tout pour l'accroissement de ses dépenses. Ce sont des choix que chaque corps public qui administre son budget doit bien faire. Tout ce que je veux dire, c'est qu'on ne peut pas payer $60 millions deux fois, une fois aux entreprises et l'autre fois, à la ville.

Cependant, je reconnais qu'il se pose à Montréal, dans l'application de la réforme fiscale, un problème dans la structure des taux, pas dans les montants globaux dont on parle, mais dans la structure des taux. On a résumé cela en parlant de la petite et de la moyenne entreprise. La petite et la moyenne entreprise, seraient, en un certain sens, la victime de cette réforme. Non, ce n'est pas la petite et la moyenne entreprise, ce sont les établissements commerciaux, industriels ou professionnels non incorporés dont l'évaluation foncière est inférieure à $100 000. C'est de cela dont on parle. Ce n'est pas n'importe quelle petite et moyenne entreprise . Si on parle d'une petite et moyenne entreprise incorporée , il n'y a pas de problème. Au contraire, une petite entreprise incorporée va tirer des avantages. J'ai mentionné une valeur foncière de $4000 ou $10 000 ou $5000, ce n'est pas grand-chose, mais dès qu'on arrive à $40 000, $50 000 ou $60 000 de valeur foncière, c'est quand même appréciable comme réduction potentielle. Les non-incorporés de moins de $100 000, c'est autre chose. Qu'est-ce qui se passe du côté des non-incorporés? Etant donné que l'incorporation ne coûte pas très cher... Après tout, obtenir des lettres patentes pour s'incorporer, cela n'a jamais ruiné qui que ce soit. Tous les clubs de hockey le font, les petits, je ne parle pas de la ligue nationale. Il ne faut pas que des cas comme cela se présentent. Il y a des cas qui sont inévitables. Il y a des lois qui empêchent certains bureaux de professionnels de s'incorporer. C'est la loi qui l'empêche. Ils n'y peuvent rien. Il faut reconnaître que, jusqu'ici, il y avait un certain nombre d'établissements qui avaient avantage à ne pas être incorporés, parce que, si leur évaluation foncière était moins de $100 000 et qu'ils n'étaient pas incorporés, ils ne payaient pas la surtaxe scolaire. C'est pour cela qu'un certain nombre de commerces ou de petits établissements dont on s'attendrait qu'ils se cherchent des lettres patentes à $50 ou $75 — cela ne coûte pas cher — ces établissements, dis-je n'étaient pas passés dans l'incorporation, mais étaient mis au nom des particuliers, parce que comme cela, ils ne payaient pas la surtaxe scolaire. Or, la surtaxe scolaire jusqu'à maintenant à Montréal — évidemment, elle va être abolie maintenant — ce n'était pas de la tarte, c'était $1.12 les $100 d'évaluation. Pour bien comprendre ce que cela voulait dire, pour un établissement dont l'évaluation foncière serait à peu près de $60 000 — ce n'est pas un très gros établissement — s'il était incorporé, il payait $1300 de taxes, je parle de la taxe d'affaires en incluant la surtaxe scolaire, et s'il n'était pas incorporé, il en payait $674, il en payait la moitié. Il y avait évidemment un problème. Ces gens qui n'ont jamais payé la surtaxe scolaire, parce qu'ils n'étaient pas incorporés et évalués à moins $100 000, maintenant qu'on abolit les surtaxes scolaires et qu'on traite tout le monde sur le même pied, comme on dit en anglais, "they stick out like a sore thumb". On a pour ces gens non incorporés par rapport à la situation antérieure un problème. On a commencé à discuter de ces choses avec les autorités de la ville de Montréal. Je pense qu'il y a moyen de trouver les problèmes techniques et d'arranger cela, à l'intérieur des masses disponibles, bien sûr, parce qu'encore une fois, sur le plan du Trésor public, ce qu'on avait à mettre dans le pot a été mis, mais il y a probablement moyen d'arranger cela. Seulement, il faut bien comprendre que le problème structurel dont on parle est très précisément localisé. Ce sont les établissements d'une valeur foncière de moins de $100 000 entre les mains de quelqu'un qui n'est pas incorporé comme entreprise. C'est de cela dont on parle, à des fins industrielles et commerciales.

Je ne parle pas du particulier ou du résidentiel; pour le résidentiel, il n'y a pas de problème. C'est juste pour cette catégorie d'établissement. Là, effectivement, je pense qu'il doit y avoir des discussions avec la ville de Montréal pour régler un problème de structure, un problème de "notch", comme on dit en termes techniques, problème qui peut être embêtant.

Voilà, M. le Président, ce que j'avais à dire dans cette espèce de survol rapide de certaines des conséquences de la réforme fiscale.

Le Président (M. Jolivet): M. Lamarre.

M. Lamarre: M. le Président, lorsque le ministre des Finances dit que les contribuables de Montréal bénéficieront d'un soulagement, je voudrais quand même faire remarquer à la commission que si nous additionnons actuellement la taxe d'affaires que les entreprises de la ville de Montréal paient, soit 13,75%, la surtaxe foncière de la

ville, $0.435, les $0.60 de surtaxe de la communauté et le $1.14 qui est une taxe scolaire pour les compagnies incorporées, tout ceci va chercher $140 millions. Pour que la ville aille chercher ces mêmes $140 millions, il faut absolument un rôle de $653 millions à 21,5%, c'est-à-dire une augmentation de 43% du taux et de 56% sur le rôle de valeur locative d'affaires.

Même si le ministre dit que les gens vont avoir un soulagement, lorsque nous avons accepté de participer à cette réforme de la fiscalité municipale, ce n'est pas nous qui avons proposé cette forme de fiscalité ou de réforme. À ce moment, nous avons cru, parce que l'ensemble du comité sur la réforme de la fiscalité a accepté, vu que nous acceptions quand même une quote-part différente au nom de la communauté, que la ville, unanimement, base le rôle sur $457 millions, à 15%, ce qui est encore le taux le plus élevé de toute la province... Je pense que c'est foncièrement sur ça que nous voulons discuter.

Quant à l'élasticité de la taxe foncière par rapport à la taxe de vente, je dois dire que ces dernières années la taxe foncière a eu une augmentation de .5%, tandis que la taxe de vente avait une augmentation de 1,2%.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Parizeau: II est entendu, M. le Président, que le taux d'une taxe — je n'apprends rien à personne en disant ça — dépend essentiellement de la largeur de l'assiette. On peut dire que 43%, ou 20%, ou 10%, ça dépend essentiellement de la taille de l'assiette qu'on prend. Il n'y a pas de taux effrayant, il n'y a que des combinaisons effrayantes de taux et d'assiettes; on s'entend bien là-dessus. Il ne sert à rien de s'effrayer nous-mêmes avec des taux énormes, si on prend des assiettes petites; les deux sont liés.

M. Lamarre: M. le ministre, je ne sais pas si vous me comprenez, mais je dis que le taux passant de $457 millions à $653 millions correspond à 56% d'augmentation et le taux lui-même — je ne parle pas de l'assiette complète - passant de 13,75%, qu'il est actuellement, à 21,5%, augmente de 43%. C'est tout cet ensemble, ce n'est pas seulement un ensemble global.

M. Parizeau: On s'entend bien, M. le Président, M. Lamarre et moi, on parle pour obtenir le même montant au bout du compte.

M. Lamarre: Pour aller chercher le montant que nous imposions auparavant avec les surtaxes.

M. Parizeau: C'est ça, exactement.

M. Lamarre: Cela veut dire que déjà on n'est plus compétitif. Vous parliez d'être compétitif.

M. Parizeau: Le caractère concurrentiel de Montréal pour ses entreprises doit dépendre essentiellement de l'utilisation qui est faite de la soixantaine de millions. On s'entend bien, comme je le disais tout à l'heure. Ce qui est prévu, à l'heure actuelle, c'est un transfert d'espace fiscal à Montréal qui vaut $67 millions, moins $3 millions ou $4 millions, compte tenu des quais et des ports de mer; $28 millions pour les particuliers et pas grand-chose pour les entreprises, peut-être de l'ordre de 1,8% ou 2%. On s'entend que ce n'est pas grand-chose pour les entreprises.

Donc, le soulagement donné aux entreprises va dépendre essentiellement de l'utilisation de cette marge de $67 millions qu'a la ville. Elle pourra en passer une partie aux entreprises ou tout garder pour les augmentations de dépenses; enfin, comme je le disais, ce sont des choix que ceux qui administrent ou qui font le budget font eux-mêmes; c'est d'ailleurs tout le sens de la réforme fiscale. On ne va surtout pas vous dire comment utiliser cet argent.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Une petite question concernant les finances de Montréal. Quel est le taux de transfert de taxes que vous irez chercher cette année? Est-ce que vous devez aller chercher le maximum ou... (22 h 45)

M. Lamarre: M. le Président, je ne voulais pas nécessairement en parler, mais, dans toute cette réforme-là, nous allons chercher le plus bas taux de transfert per capita. Nous avons l'effort fiscal le plus grand et l'indice de richesse à peu près le plus bas de la province. Ce sont des choses qu'on ne sait peut-être pas dans l'ensemble de la province, mais je dois dire ici, pour les membres de cette commission, que tous ces résultats, le transfert per capita est à peu près le plus bas, l'indice, l'effort fiscal est à peu près le plus haut à Montréal et l'indice de richesse un des plus bas de la province.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laval. Oui.

M. Cordeau: Peut-être une dernière question. M. le Président de l'Union des municipalités, dans votre mémoire, en quelques endroits, vous témoignez d'une crainte, des craintes sur l'autonomie municipale ou le droit de gérance, soit par de la réglementation ou à quelque endroit dans le projet de loi, surtout à l'article 252, où vous faites allusion à certains amendements que vous suggéreriez. Pourriez-vous expliciter votre pensée concernant cette crainte d'entorses à l'autonomie ou au droit de gérance?

M. O'Bready: Je pense, M. le député, que c'est essentiellement sur les pouvoirs de réglementation qui sont déférés au ministre par les articles 252 et suivants du projet de loi, on y fait allusion dans le mémoire et on a d'ailleurs des recommandations plus précises dans le document technique qui est déposé en annexe. C'est essentiellement

dans ce sens qu'on peut considérer qu'il peut y avoir des entorses à l'autonomie municipale, du moins autonomie de gestion comme telle. C'est dans ce sens que nos recommandations sont faites.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Est-ce que j'ai bien compris le ministre des Finances tout à l'heure lorsqu'il disait que le bénéfice global pour la population de la communauté ou pour le territoire de la Communauté urbaine de Montréal était de l'ordre de $90 millions à peu près?

M. Parizeau: Non, la ville de Montréal. Pour l'ensemble du territoire de la Communauté urbaine, pour les municipalités seulement, c'est $146 millions. Pour les villes et les contribuables ensemble, c'est $210 millions.

M. Lavoie: Quel peut être l'effet pour la ville de Montréal de la nouvelle politique de transfert ou pour le métro entre autres, à partir de 1980 pour les immobilisations du métro? On a un engagement de financement du gouvernement à 100%, je crois, pour les investissements, mais quel sera l'effet sur vos emprunts? J'imagine que vous empruntez, vous n'avez pas l'argent comptant pour payer le métro. Si vous dépendez uniquement d'une promesse gouvernementale d'année en année, il ne faudrait pas que ce soit dans une loi ou quelque chose comme ça.

M. Lamarre: Nous sommes en train de regarder cette situation. Encore là, il y a une différence entre les calculs du gouvernement et nos propres calculs d'à peu près du simple au double.

M. Lavoie: Pardon, qu'est-ce que vous avez dit exactement?

M. Lamarre: À peu près du simple au double.

M. Lavoie: Qu'est-ce qui est du simple au double?

M. Lamarre: La nouvelle politique sur les transferts, comparativement à la politique qui était auparavant de subventionner le déficit, au lieu des 40% sur les revenus.

M. Lavoie: C'est-à-dire que vous avez un manque à gagner à cet endroit-là?

M. Lamarre: Lorsqu'on calcule $63 millions, il faut déduire encore une partie et...

M. Lavoie: Mais c'est le temps d'établir la position. Il faudrait que vous soyez peut-être un peu moins sibyllin ou un peu plus clair, parce qu'on doit étudier l'article, le projet de loi article par article. Now or never.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je pense qu'on pourrait regarder tous ensemble la page 25 de ce document orange. Je ne sais pas si M. Lamarre...

M. Lamarre: Comme je vous le dis, actuellement, nos calculs nous donnent, au lieu de $29 millions, $17 millions, dont à peu près $12 millions seraient pour la ville de Montréal, au lieu de $17 millions pour...

M. Parizeau: Ah bon!

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: L'impact net...

M. Lavoie: On ne se comprend plus.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: L'impact net pour la CTCUM des propositions qui ont été faites donne $29 millions de plus avec le régime proposé qu'avec le régime actuel. C'est un gain net de $29 millions pour la CTCUM. Par exemple, sur le plan des subventions courantes, cela représente presque la même chose. Sur la base actuelle, on paierait à peu près, pour l'année 1979, $60 200 000 au titre du déficit d'exploitation et la subvention courante sur la base des revenus donnerait à peu près $62 300 000. C'est vraiment au niveau des immobilisations que c'est très différent. La formule gouvernementale est beaucoup plus généreuse qu'avant, puisqu'au lieu de payer 60% du métro, on va en payer 100%, pour les nouveaux travaux et c'est cela qui donne un gain net pour la CTCUM de $29 100 000. Et je croirais volontiers, M. Lamarre, que la part de la ville de Montréal doit être à peu près la moitié.

M. Lamarre: Je voudrais quand même dire que si l'impact net que vous avez calculé est de $29 millions, jusqu'à maintenant, nous en sommes rendus à $17 millions et non à $29 millions pour l'ensemble des gains de l'impact net sur le transport public.

M. Tardif: Je pense, M. le Président, qu'ayant eu l'occasion de discuter avec le président de la Communauté urbaine de Montréal, il faudrait peut-être qu'on s'entende sur les bases de calcul. Par exemple, la subvention gouvernementale pour l'émission de laissez-passer de transport en commun basée sur l'hypothèse de 50 passagers au tarif des livrets de billets de $0.46 pièce nous donne $23. C'est-à-dire qu'un citoyen qui achèterait 50 billets de métro ou d'autobus au tarif de $0.46, cela lui coûterait $23. Le gouvernement dit, dans sa proposition, nous allons subventionner une réduction de ceci de 30%, ce qui abaisse

le coût de $23 à $16 et nous allons subventionner la Communauté urbaine de Montréal de 110% de cette réduction, donc de $7.70. Alors, M. le Président, je voudrais simplement terminer. Je comprends, d'après certaines indications que j'ai eues du président de la Communauté urbaine, que l'on ne calcule pas cela comme un gain pour la communauté, mais, dit-on, comme un gain au contribuable. Mais, M. le Président, je maintiens qu'il s'agit d'un coût au gouvernement. Le gouvernement va débourser à la communauté $7.70 pour chaque laissez-passer qui sera émis et il doit le payer, d'où le coût additionnel au gouvernement de $29 100 000 pour la communauté. On se comprend sur ces bases-là, M. le Président, de coût au gouvernement.

M. Lamarre: De coût au gouvernement, oui.

M. Drapeau: Si on me permet une question, ce manque à gagner, c'est payé par le gouvernement à la CTCUM à l'acquit de l'usager. S'il n'est pas payé par le gouvernement il entre dans les revenus et le gouvernement donnerait 40% de ce montant alors que là, dans la définition des revenus de la CTCUM, les 30% sont enlevés. Alors, cela réduit le total des revenus de la CTCUM sur lequel les 40% s'appliquent. C'est pourquoi, à première vue, cela paraît beaucoup, mais dans la définition des revenus de la CTCUM, la réduction de 30% n'entre pas. Il faudrait au moins corriger cela. C'est bien cela?

M. Parizeau: Non, M. le Président, ce n'est pas une correction à faire. C'est un calcul différent. On s'entend que la subvention au revenu est de 40%, le revenu régularisé selon une formule. En outre, et je reviens au tableau de la page 25 — le tableau de la page 25 ne cherche pas à cacher cela — on établit une compensation sur laquelle les 40% ne seront pas payés. Il y a deux types de compensations, l'une pour le transport scolaire intégré et l'autre pour les laissez-passer.

Alors, ce qui donne $29 millions de gain net, est clairement établi dans le tableau de la page 25. Si on prend le transport scolaire intégré et les laissez-passer et qu'on entre ça dans les revenus, ça ne sera plus un gain net de $29 millions, ça va être un gain neuf d'un peu plus de $30 millions. On revient toujours à l'enveloppe dont je parlais tout à l'heure, le Trésor public n'est pas inépuisable, rendu à $29 millions, on a trouvé qu'on s'arrêtait là.

Là encore, je reviens à l'argument du ministre des Affaires municipales tout à l'heure, on pourrait, en poussant le cartésianisme très loin, arriver à des montants supérieurs, mais, à un moment donné, il faut quand même s'arrêter. Je pense, cependant, que là où il y a des discussions sur le plan des chiffres entre nous et la ville de Montréal, sur le plan du transport en commun, c'est en ce qui a trait à un point d'accrochage qu'il est important de signaler. Nous calculons ça, bien sûr, sur la nouvelle structure de taux décrétée par la CTCUM il y a quelques mois, alors que certains des analystes de la ville de Montréal nous disent: On va prendre, pour 1979, la moyenne de nos revenus ou les revenus, en huit mois, au tarif antérieur et pendant quatre mois, au tarif récent.

Nous disons: Écoutez, on prépare une réforme fiscale municipale, une chose est claire, la CTCUM ne va pas revenir à ses anciens tarifs. J'admets que cela fait quelques millions de différence, selon qu'on prend l'une ou l'autre des deux bases de calcul.

Je voudrais simplement revenir sur une chose à laquelle je n'ai pas répondu, M. le Président, tout à l'heure, parce que j'ai attendu simplement qu'on nous amène un peu la chose derrière moi. M. Lamarre disait: Le coefficient d'élasticité de l'assiette foncière à Montréal est 0,5, de la taxe de vente, c'est 1,2. Je n'ai malheureusement pas les documents qu'il faudrait pour vérifier le 0,5, mais 1,2 pour la taxe de vente, je pense qu'il y a une ambiguïté entre nous. Je parlais ici de l'élasticité de la taxe de vente au produit intérieur brut. Manifestement, à 1,2, M. Lamarre utilisait le coefficient d'élasticité de la taxe de vente aux ventes au détail. Aux ventes au détail, c'est 1,2, au PIB, c'est 0,85.

Enfin, ce sont des choses qui arrivent, il faut se mettre sur la même base.

M. Lamarre: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): Je pense que cela clôt l'ensemble des questions qu'on a à poser. Je demanderais au ministre des Affaires municipales de clore le débat.

M. Lavoie: À moins que M. Corbeil, comme président de la Conférence des maires, n'ait quelque chose à ajouter.

Le Président (M. Jolivet): Le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: M. le Président, je désire évidemment remercier l'Union des municipalités du Québec et la ville de Montréal pour leur présentation et l'éclairage additionnel qu'elles ont apporté à un certain nombre de problèmes qu'il ne faut pas nier, je pense, liés à la mise en oeuvre de cette réforme. Ainsi qu'on l'a répété à plusieurs reprises, cette loi n'est pas tombée du ciel, ce n'est pas le fruit d'une génération spontanée. Il y a près de deux ans de travail, de labeur acharné où nous avons tenté de simuler l'effet, dans les moindres détails, de cette réforme. Nous n'avons pas la prétention d'en avoir jaugé l'impact à la cent près, M. le Président, mais il me semble que des précautions, sans précédent, ont été prises avant de mettre en oeuvre cette réforme.

On est quand même loin de l'époque où le ministre des Finances annonçait, dans son discours du budget: Voici le paquet pour les municipalités cette année, aimez ça ou n'aimez pas ça, c'est la situation. C'est ça qui a existé pendant des années, M. le Président.

Une voix: ...

M. Tardif: C'est absolument faux, M. le Président, et je n'accepte pas ce genre de remarque du député de Laval. C'est tout le contraire qui a été fait, M. le Président, c'est une mise...

M. Lavoie: Les "en-lieu" ne sont pas dans la loi.

M. Tardif: ... en commun, c'est un travail conjoint qui a été fait avec le monde municipal et on n'a pas besoin de préciser, dans cette loi, comment nous allons distribuer les subventions, qui étaient distribuées sur la gueule auparavant par l'ancien gouvernement, dès lors que nous disons que nous allons payer nos taxes. Si le palais de justice est à Montréal, c'est à Montréal que vont aller les taxes. C'est élémentaire, il me semble qu'il n'est pas nécessaire d'écrire ça dans la loi, encore que ceci est impliqué par l'ensemble des articles qui sont là, M. le Président.

La réforme, on l'a dit, ce n'est pas un acte qu'on pose une fois dans le temps et qui est fini. C'est un processus. Comme tel, c'est une étape, après deux ans de travail, de ce comité et je suis tout à fait d'accord, ainsi qu'on nous l'a demandé, de prolonger le travail du comité conjoint. (23 heures)

On sait, présentement, qu'il y a un comité technique où on retrouve des représentants du monde municipal, je l'ai mentionné, et je suis tout à fait d'accord pour qu'on puisse bénéficier des lumières de ce comité, des gens qui y ont participé jusqu'à maintenant.

M. le maire de Montréal a mentionné sa référence, il y a quelque temps de cela, à une participation gouvernementale accrue à certaines dépenses faites dans le milieu municipal, mais qu'il était en lieu et place du gouvernement du Québec que ce principe se traduise en espèces sonnantes et trébuchantes. Je pense que c'est le cas avec la réforme où nous reconnaissons en partie ce principe. À partir du moment où le gouvernement va financer 100% des infrastructures de transport, comme il le faisait pour les autoroutes, c'est une consécration de ce principe. À partir du moment où le gouvernement dit qu'il va payer en entier les coûts reliés aux services d'inspection des aliments et de pollution de l'air, c'est une consécration de ce principe également. À partir du moment où le gouvernement dit que dans le domaine de l'épuration, il va faire passer sa contribution de 50% à 66 2/3% et même, dans certains cas, à 90% des coûts, c'est aussi une consécration de ce principe. Je l'ai mentionné déjà, quant au problème du coût d'opération du transport en commun où le gouvernement va subventionner 110% des réductions qui peuvent être consenties aux citoyens, c'est une quatrième consécration de ce principe.

Je pense — et on l'a dit également pour la police judiciaire — que sur le plan des principes, on est tout à fait d'accord; on a également dit qu'on a aussi un contentieux avec le fédéral dans ce domaine, contentieux qui a d'ailleurs été ouvert par l'ancien gouvernement, l'ancien ministre de la Justice du temps. Nous avons dit que le lendemain que le dossier sera réglé avec le fédéral, on pourra se pencher et voir à l'appliquer "mutatis mutandis" au monde municipal. Je pense que, là aussi, ce n'est pas au niveau des principes, cette fois, mais bien des disponibilités et de la marge budgétaire.

Je suis sensible, encore une fois, aux remarques reliées à la taxe d'affaires et, encore là, à toute solution. Je pense qu'il y a eu pas mal de chemin parcouru au niveau des techniciens pour nous aider à en arriver à une solution sur ce plan. La proposition de l'UMQ à laquelle semblent se rallier, d'ailleurs, les gens de la Communauté urbaine de Montréal a fait pas mal de chemin avec nos techniciens et nous allons continuer de l'examiner.

Je voudrais, encore une fois, souligner qu'il y aurait aussi une autre façon d'augmenter les revenus des municipalités de façon substantielle puisqu'on a mis de l'avant ce principe de l'intégrité de l'assiette foncière, et je pense à la taxation des immeubles du gouvernement fédéral. On estime à environ entre $100 000 000 et $125 000 000 les revenus additionnels qui pourraient être procurés aux municipalités du Québec si le gouvernement fédéral était un contribuable à part entière. Cette situation est d'autant plus injuste dans le cas du Québec, M. le Président, qu'on sait pertinemment qu'en Ontario, le financement des infrastructures municipales n'est pas du tout le même qu'au Québec.

On sait qu'au Québec, par exemple, ce sont les municipalités qui paient pour les infrastructures d'égouts, d'aqueduc, de rues, de trottoirs, alors qu'en Ontario le coût est assumé par le constructeur, par le promoteur, de sorte que le gouvernement fédéral, en implantant un immeuble fédéral en Ontario, paie, au moment de la construction, le coût des infrastructures. Ici, en refusant de payer des taxes et même des "en-lieu" de taxes, c'est doublement injuste pour le Québec. J'ai eu, là-dessus, l'appui de l'Union des municipalités, mais je pense qu'au niveau des principes, lorsqu'on les affirme avec autant de fermeté — je pense qu'il y a lieu de féliciter le monde municipal pour cette façon avec laquelle, au niveau des principes, il se rallie à cette réforme — au nom de ces principes, nous revendiquons que cette intégrité de l'assiette puisse être plus que quelques-uns des dégrèvements... Je pensais aux immeubles des biens culturels. On nous dit: Le ministre des Affaires culturelles pourra continuer de consentir un rabais de la valeur des immeubles classés monuments historiques, mais il n'y a même pas $1 million, là-dedans, si on veut en faire un plat, alors que dans le cas de la taxation des immeubles fédéraux, il y a au-delà de $100 millions. Je veux essayer de livrer les bagarres là où ça risque de rapporter un peu plus.

Je vais être à côté de l'Union des municipalités, de l'Union des conseils de comté et de toutes les municipalités du Québec dans ce dossier. Je

désire les remercier. Ma porte est ouverte, j'allais dire de ce temps-là presque jour et nuit. On est à votre disposition pour essayer de corriger et de faire en sorte que cette réforme entre en vigueur le 1er janvier, comme je le pense malgré tout, à moins que l'Union des municipalités et la ville de Montréal ne me disent le contraire, soit qu'elle entre en vigueur effectivement.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. O'Bready: C'est simplement pour vous remercier, messieurs, et vous assurer de notre collaboration.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Laval.

M. Lavoie: Je serai1 très bref. Je vais profiter de l'occasion pour remercier le président de l'Union des municipalités du Québec et le maire de Montréal ainsi que les autres personnes qui les accompagnent.

En ce qui nous concerne, nous allons apporter aux municipalités notre meilleure collaboration possible. Vous avez exprimé le souhait que ce projet de loi puisse être adopté d'ici au 31 décembre. Du côté de l'Opposition, nous allons essayer de satisfaire à ce souhait. Dans les quelques jours qui nous restent, nous essaierons de passer à travers les 500 et quelques articles du projet de loi. Nous allons apporter notre contribution pour tenter de bonifier le projet de loi au niveau d'une section importante qui touche toute la question de l'évaluation, des concepts nouveaux qu'on n'a pas eu le temps d'aborder avec vous ni avec beaucoup d'autres sur la valeur réelle, la valeur locative, le loyer brut ou le loyer net, certains pouvoirs accordés au bureau de révision, etc.

Il y a quand même $200 millions de prétendues contributions du gouvernement qui n'apparaissent pas, je le répète, qui n'apparaissent pas dans le projet de loi. Tous les "en-lieu", les proportions, soit 100% de certains immeubles du réseau, 80% ou 40% d'autres, c'est laissé... Je dois le dire, même si cela déplaît au ministre, ce n'est pas dans la loi. Ce sont des pouvoirs discrétionnaires qui peuvent varier et qui valent ce que vaut un budget donné et qui ont la durée d'un budget annuel. Je crois que les autres $22 millions sont d'autres "en-lieu" sur des impôts fonciers sur des immeubles du gouvernement. Il y a la péréquation qui n'est pas là. Il y a au moins $200 millions qui n'apparaissent pas, alors qu'auparavant les subventions qui étaient données aux municipalités, soit le per capita ou la proportion qui revenait aux municipalités autant sur la taxe de vente que sur la taxe des repas et de l'hôtellerie, apparaissaient dans des statuts et non pas uniquement dans la réglementation. Nous allons tenter d'apporter justement de meilleures garanties aux municipalités pour ces ressources.

Nous allons également nous pencher sur la question de la réglementation en général. Il y a des choses qui sont, je trouve, exactement le contraire de l'autonomie, lorsqu'on parle d'autonomie, certains pouvoirs de réglementation, entre autres, lorsqu'on veut limiter votre taxe d'affaires à 5,5 fois le revenu. La taxe d'affaires existait avant et les municipalités n'avaient pas de limite.

M. Tardif: Mais c'est demandé par le comité conjoint.

M. Lavoie: Le comité conjoint a son opinion, nous avons la nôtre. Vous ne serez pas là éternellement...

M. Tardif: Heureusement!

M. Lavoie: ... loin de là. Sur la question des permis et des taxes, vous aviez beaucoup moins de contraintes qu'on vous en impose dans ce projet de loi. Lorsqu'on parle de grands principes d'autonomie, moi aussi j'ai mes opinions.

M. le Président, d'ici à la fin de la session, nous allons nous atteler à la tâche. Ce que j'ai à dire, devant tous les doutes... On en a eu encore ce soir. Ce ne sont pas des montants de $1 million ou de $2 millions. On parle de simulations qui ne sont pas encore clarifiées de l'ordre de $70 millions. Je me pose des questions.

Je dois dire en terminant que je souhaite bonne chance dans cette réforme aux municipalités et également au gouvernement. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci de votre présence. Cela a été un peu plus long que prévu, mais merci.

Nous devons aborder le projet de loi article par article.

M. Lavoie: Ce soir?

Le Président (M. Jolivet): J'ai l'obligation, quant à moi, comme président, puisque nous devons terminer à minuit, l'article 1 ayant été appelé ce matin...

M. Lavoie: Pas les 500 articles avant minuit? Le Président (M. Jolivet): 539.

M. Lavoie: Non, je ne le sais pas. Pour trois quarts d'heure, est-ce que... Je pense bien qu'on serait en meilleure forme demain matin. Si vous voulez...

M. Tardif: M. le Président...

M. Lavoie: Je vais demander cinq minutes de suspension, s'il y a lieu, pour mettre de l'ordre dans mes papiers, pour changer de dossier. Je laisse cela à la discrétion du ministre.

M. Tardif: M. le Président, compte tenu que les membres de cette commission ont fait, je pense, un travail sérieux depuis 14 heures, il me semble que commencer l'étude article par article pour 45 minutes... Si tout le monde est d'accord, nous pourrions effectivement la commencer demain matin.

Le Président (M. Jolivet): Compte tenu que ce midi j'avais commencé par appeler l'article 1, nous serons rendus là à 10 heures demain matin.

(Fin de la séance à 23 h 11)

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