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Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le mercredi 29 octobre 1969 - Vol. 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen du problème de logement et de la construction domiciliaire au Québec


Journal des débats

 

Commission permanente des Affaires municipales

Examen du problème de logement et de la construction domiciliaire au Québec

Séance du mercredi 29 octobre 1969

(Dix heures quarante-deux minutes)

M. SAUVAGEAU (président de la commission des Affaires municipales): A l'ordre, messieurs!

Je voudrais, à titre de président de la commission, vous souhaiter la bienvenue à cette troisième séance de la commission permanente des Affaires municipales dans le but d'étudier le problème du logement et de la construction domiciliaire au Québec.

J'aimerais que les personnes ou les groupements qui désirent se faire entendre ce matin s'identifient au micro et donnent le nom des organismes qu'ils représentent, s'il vous plaît.

M. RITCHOT: Jean Ritchot, Société des architectes de la région de Québec.

M. PARENT: Roger Parent, Comité conjoint du logement de l'aire numéro dix.

M. ROBITAILLE: Charles Robitaille, le Centre d'affaires Saint-Roch Inc. Je crois que je suis déjà inscrit au dossier.

M. LE PRESIDENT (M. Sauvageau): C'est ça.

M. BERUBE: Léo Bérubé, secrétaire général de la Fédération Co-op Habitat du Québec.

M. LE PRESIDENT (M. Sauvageau): Avez-vous des détails à donner, M. Bérubé?

M. BERUBE: M. le Président, nous n'avons malheureusement pas pu terminer le mémoire que nous devions présenter à la commission ce matin. Je vous demanderais donc la permission de revenir à une séance subséquente, d'ici une quinzaine de jours, si la commission siège.

M. LE PRESIDENT (M. Sauvageau): D'accord, M. Bérubé. Y a-t-il d'autres personnes?

Ici, j'ai la Confédération des syndicats nationaux qui a demandé d'être entendue à la prochaine séance, et The Milton-Park Citizens' Committee qui a demandé d'être entendu à une prochaine séance, ainsi que The Montreal Metropolitan Committee on Housing and Urban Rénovai, qui a demandé d'être entendu plus tard.

M.GOLDBLOOM: M. le Président, je tiens à souligner qu'il y a d'autres organismes qui aimeraient aussi se faire entendre et je suis content de savoir qu'il y aura d'autres séances de la commission.

M. LE PRESIDENT (M. Sauvageau): D'accord, et ça, ce sont des personnes qui ont demandé à être entendues à une prochaine séance. S'il y a d'autres groupements ou d'autres personnes, nous serons heureux de les entendre.

M. CHOQUETTE: M. le Président, avant de commencer à entendre les personnes qui ont demandé à comparaître, M. Georges Tremblay pourrait-il remplacer M. Roy Fournier de notre côté?

M. LE PRESIDENT (M. Sauvageau): Cela nous fait toujours plaisir.

M. CHOQUETTE: J'en étais sûr.

M. LUSSIER: Vous ne remplacez pas un avocat par un avocat?

M. CHOQUETTE: Tant mieux, tant mieux. M. LUSSIER: On s'améliore.

M. DEMERS: J'aimerais que le président demande si la commission est consentante.

M. CHOQUETTE: Je sais que ça va être très controversé, alors...

M. TREMBLAY (Bourassa): Je suis très heureux de faire partie de votre commission.

M. LUSSIER: Alors nous sommes heureux de vous accueillir.

M. CHOQUETTE: M. le Président, avez-vous l'intention que nous procédions immédiatement en écoutant les mémoires? Avant d'entendre ces personnes-là, je voudrais faire une motion à la commission. Lors de la dernière séance, M. Albert Gagnon, qui représentait l'Association des constructeurs d'habitation de la province de Québec nous a lu un mémoire très élaboré sur l'état actuel dans le domaine de la construction immobilière, tout particulièrement dans le domaine privé. M. Gagnon, dans son exposé, a cité un discours de l'honorable ministre des Affaires municipales dans lequel le ministre énonçait que les compagnies d'assurance-vie, au cours de l'année 1968, avaient perçu $455 millions et que, d'un autre côté, leur chiffre de prêts dans le Québec était de seulement $33,800,000.

M. Gagnon ayant cité à l'appui de son mémoire - dans le journal des Débats, c'est à la page 3703 -l'honorable ministre, évidemment, j'ai été renversé et mes collègues aussi, de ce côté-ci, de l'écart fantastique entre le montant des primes qui auraient été perçues et le montant qui aurait été investi sous forme de prêts dans le domaine de la construction immobilière.

M. le Président, je considère qu'une commission comme celle-ci a tout intérêt à éclaircir cette question. Je considère qu'il faut absolument aller au fond des choses et voir si c'est ça la réalité, si c'est ça la vérité. Si ça ne l'est pas, évidemment, il faudrait rétablir la vérité parce qu'elle possède toujours ses droits.

En plus de cela, dans une commission comme celle-ci, je pense qu'il est indiscutable que la question du financement de la construction doit être considérée, parce qu'on sait que le financement de la

construction, c'est un des facteurs importants dans l'évolution de ce domaine. S'il n'y a pas de financement possible, il n'y aura pas de construction. Alors, cela dépend de la disponibilité des fonds; ça dépend des taux d'intérêt; ça dépend...

M. MALTAIS (Limoilou): Mon confrère me permet-il une question? Je vois que M. Gagnon parle ici des prêts; s'agit-il de prêts hypothécaires?

M. CHOQUETTE: J'ai présumé que c'étaient des prêts hypothécaires. C'était une citation.

M. le Président, dans l'état actuel de l'économie québécoise, nous nous plaignons — et il y a des statistiques à cet effet-là; des hommes publics les ont citées; de notre côté, cela a été cité abondamment par certains de nos collègues et même, du côté du gouvernement, c'est reconnu — de l'insuffisance des investissements. C'est incontestable que l'investissement dans le domaine domiciliaire a une grande importance dans l'investissement total et dans la création d'emplois.

Par conséquent, je pense que nous sommes vraiment sur un problème très aigu, très important de la situation économique en général et également de la situation dans le domaine de la construction domiciliaire.

Je proposerais donc que cette commission convoque ou invite — ce n'est pas une obligation pour le moment — les principaux prêteurs sur prêts hypothécaires à venir devant la commission expliquer qu'elle est leur situation dans le marché québécois, actuel, ce qu'ils font au point de vue des prêts hypothécaires, quelles sont les difficultés qu'ils rencontrent, pourquoi ils ne prêtent pas plus et quelles en sont les raisons.

Est-ce que la demande des emprunteurs est insuffisante? Il est possible que les emprunteurs soient eux-mêmes dans des situations où ils hésitent à emprunter actuellement à cause des taux d'intérêt qui sont très élevés et également à cause d'une foule de facteurs, par exemple l'obligation de déposer des montants comptants à l'achat d'une maison.

Je pense donc, M. le Président, que nous avons tout intérêt à clarifier une fois pour toutes cette question et voir le plus objectivement possible le rôle que jouent les compagnies prêteuses dans l'économie québécoise et dans le domaine de l'habitation en particulier.

M. LUSSIER: Pourriez-vous rédiger cette motion pour qu'on puisse... Là, c'est bien vague. Votre motion n'est pas écrite?

M. CHOQUETTE: Non, elle n'est pas écrite, mais je peux vous la dire...

M. DENIERS: Vous pouvez nous préparer ça pour...

M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, si vous me permettez, j'aurais...

UNE VOIX: Cela va être étudié.

M. LUSSIER: Non, nous ne faisons rien à la bonne franquette; Vous allez la rédiger et nous allons la discuter, si vous voulez. Vous êtes venu avec une motion...

M. CHOQUETTE: Je suis toujours prêt à rédiger une motion. Je peux même la rédiger tout de suite; ce n'est pas une motion très compliquée. En somme, le texte est bien simple: "Que le comité invite les principales compagnies d'assurance-vie et sociétés de fiducie dans le domaine du prêt hypothécaire à venir exposer leur politique quant aux prêts hypothécaires et leur situation dans le marché québécois actuel de la construction." Je dirais que ce n'est pas plus compliqué que cela. Il n'y a pas de détour là-dedans.

M. LUSSIER: Inviter les principales compagnies? Il faudrait la rédiger, parce que vous avez commencé par dire "convoquer". Je pense que le ministre des Institutions financières...

M. MALTAIS (Limoilou): J'aurais une suggestion; je ne sais pas si elle sera conforme aux vues de celui qui a proposé la motion. Le service des assurances, chez nous, pourrait peut-être...

M. CHOQUETTE: Je suis bien d'accord. La suggestion du Solliciteur général est très heureuse.

M. MALTAIS (Limoilou): ... nous fournir...

M. CHOQUETTE: On pourrait commencer par avoir des renseignements.

M. MALTAIS (Limoilou): ... des renseignements. Je suis bien prêt à demander un rapport en ce sens...

M. CHOQUETTE: Oui.

M. MALTAIS (Limoilou): Toutefois, si à la lecture de ce rapport il arrivait que ce ne soit pas satisfaisant pour les membres de la commission, il y aurait toujours lieu de faire venir... quoique je n'aie pas d objection...

M. CHOQUETTE: En réponse à la suggestion du Solliciteur général, le député de Limoilou, je suis tout à fait d'accord que nous obtenions les chiffres du surintendant des assurances. Mais je ne pense pas que cela va nous donner, en chair et en os, la situation des prêteurs hypotécaires actuellement dans l'économie québécoise.

M. LE PRESIDENT (Sauvageau): Ce serait un début. Nous pourrions commencer par cela et après, à la lumière des...

M. DEMERS: Si ce n'est pas suffisant, on verra.

M. CHOQUETTE: Je ne sais pas ce que mes collègues en disent.

M. SEGUIN: La suggestion est certainement acceptable. Nous pouvons entendre ce qu'il aura à dire et après cela, si nous avons besoin d'autres détails, nous verrons...

M. CHOQUETTE: On peut réserver l'abstention en tout temps.

M. TREMBLAY (Bourassa): Le fait que la commission accepte de siéger, peut-être...

M. LE PRESIDENT: Non, non, on va accepter.

M. SEGUIN: De toute façon, ça ne serait pas le bon moment.

M. CHOQUETTE: Cela serait une invitation.

M. DEMERS: C'est une sommation respectueuse.

M. LE PRESIDENT: D'accord. Maintenant, le Centre d'affaires Saint-Roch Inc. M. Charles Robitaille.

M. Charles Robitaille

M. ROBITAILLE: M. le Président, M. le ministre des Affaires municipales, M. le président de la Société d'habitation, MM. les membres de la commission. Avant de commencer, si vous le permettez, je vais vous définir le Centre d'affaires Saint-Roch. Ce n'est pas une corporation à but lucratif; de fait, c'est une corporation formée en vertu de la 3e partie de la Loi des compagnies, donc sans but lucratif et dont les membres sont tous les gens ou toutes les entreprises qui payent une taxe d'affaires à la ville de Québec, dans ce qu'on appelle communément l'aire no 10 dont vous avez déjà entendu parler dans les journaux. Ce qui veut dire qu'il y a aussi des professionnels qui sont membres du Centre d'affaires Saint-Roch. Il y a des industriels, il y a des commerçants; donc, tous ceux qui payent une taxe d'affaires.

La rénovation urbaine est un problème tellement vaste et tellement compliqué que les gouvernements, à tous les paliers, de même que les organismes paragou-vernementaux qui s'y attaquent ont droit à la gratitude des citoyens.

Le problème est complexe pour tous, non seulement à cause du fait que trois gouvernements sont appelés à se partager les frais de solutions, mais aussi et peut-être surtout parce que le plus petit des pouvoirs publics concernés est ordinairement sans le sou et qu'on ne réalise pas aussi facilement dans ce milieu les avantages ultérieurs d'investissements à frais partagés qui ne peuvent faire autrement que résulter de la mise à exécution d'un plan de rénovation urbaine.

Vient aussi s'ajouter le facteur non gégligeable de la crainte créée chez les contribuables par l'annonce d'un vaste plan de transformation qui viendrait enlever la quiétude de citoyens paisibles, habitués à vivre dans la même maison, dans le même milieu, avec les mêmes habitudes.

Ajoute encore à la complexité du problème, la nécessité de mettre en place, en même temps que s'opère la rénovation urbaine, certains services essentiels, tels que le réseau routier, le stationnement, tout l'équipement communautaire, le transport en commun et ses services connexes, etc.

D'autre part, certains équipements qu'on appelait autrefois des services, tels que les cours de triage, ont parfois besoin d'être relocalisés. C'est le cas pour

Saint-Roch de Québec ce fut le cas pour pratiquement tous les centre-ville d'Amérique du Nord.

Nous avons aussi dans Saint-Roch notre Saint-Charles, problème enfin réglé grâce à la coopération des trois gouvernements: fédéral, provincial et municipal. Toutes ces questions avaient ou ont encore une incidence sur la rénovation urbaine, que ce soit ici à Québec ou ailleurs. Vous les connaissiez ces questions, M. le Président, aussi bien que nous, sans doute. Nous les avons rappelées aux seules fins de dire que le problème en soi n'est pas uniquement la disparition des taudis, mais la mise en chantier d'un plan de rénovation plus ou moins vaste suivant les villes et les conditions, mises en chantier bien planifiées, coordonnées, auxquelles ne peuvent faire autrement que participer quelques ministères du gouvernement du Québec.

La création de la Société d'habitation du Québec répondait à un besoin, surtout si on s'attarde à comparer l'utilisation des fonds mis à la disposition des provinces canadiennes depuis 1954 par la Société centrale d'hypothèques. Pendant cette période, au Québec, $41,837,600 ont été réclamés pour la rénovation urbaine; en Ontario, $60,300,000. Au Québec, $2,100,000,000 de fonds de la Société centrale d'hypohtèques ont été utilisés pour la construction résidentielle toujours de 1964 à 1968; en Ontario, $5,100,000,000.

Nous nous demandons si on ne fait pas erreur dans certains milieux, en tendant à ne voir parfois dans la rénovation urbaine qu'un moyen de faire disparaître des taudis ou de reloger d'une façon plus convenable les familles pauvres ou les assistés sociaux.

La rénovation, dans notre humble opinion, c'est beaucoup plus le visage d'une ville qu'on remonte, c'est un nouveau départ dans la vie communautaire. Si, grâce à un nouvel aspect donné à la ville, les assistés sociaux et ceux qui ne le sont pas peuvent être amenés à vivre ensemble sans ségrégation, de meilleurs générations de gens plus heureux pourront être produites. C'est pourquoi nous nous demandons si l'appellation "habitations à loyer modique" convient bien à l'ambiance qu'on veut créer dans la ville rénovée. On trouverait peut-être une autre désignation qui, au départ, serait moins péjorative, comme par exemple "habitations à logements familiaux" et bien d'autres qu'on pourrait trouver même si certains de ces logements sont occupés par des célibataires.

De même, nous croyons que le prix des logements dans les habitations qu'on appellera encore "à loyer modique" devrait être fixé sans égard à la capacité de payer des locataires. Le concierge et les voisins de palier ne devraient pas pouvoir faire de différence entre celui qui a les moyens de payer et celui qui ne les a pas. Si une compensation devait être établie après enquête au bénéfice des locataires qui ne peuvent solder leur loyer elle devrait être faite directement.

Ce serait une autre forme d'assistance sociale, à l'office municipal d'habitation ou à l'organisme sans but lucratif. Dans l'un ou l'autre cas, l'incidence de la charge sociale demeure la même, l'office municipal d'habitation étant subventionné et l'organisme sans but lucratif, s'il ne fait pas ses frais, pouvant s'attendre à voir sa propriété administrée et possédée en plein par la Société d'habitation du Québec.

Nous retrouvons cette suggestion, d'ailleurs, dans le

message au congrès du président des Etats-Unis en 1965. En termes exacts, elle se lit ainsi: "Une législation sera proposée pour autoriser le paiement directement à des organismes sans but lucratif qui construisent des habitations, de façon à maintenir le niveau des loyers et que ces paiements compensent pour la différence qu'il y a entre la capacité de payer et la valeur réelle du loyer."

Dans ce processus de rénovation et de construction d'habitations, la charge des gouvernements sera grandement allégée si l'entreprise privée peut, sous une forme autre que celle de l'organisme sans but lucratif, participer à la construction d'habitations. Or, la construction d'habitations à loyers moyens est difficilement rentable, compte tenu du fait que la partie d'une ville qui a le plus besoin d'être rénovée est ordinairement le centre-ville où les terrains sont le plus dispendieux.

Sans doute, la loi de la société peut permettre à une ville d'exproprier des terrains pour fins de rénovation et d'absorber une partie de la perte si les terrains étaient revendus en bas du prix coûtant. Nous nous permettons d'exprimer des doutes sur la possibilité qu'une ville emploie ce procédé, parce qu'ordinairement on ne voit pas dans l'immédiat la rentabilité d'une telle procédure et qu'en plus cette procédure pourrait ne pas être psychologiquement, pour ne pas dire politiquement, rentable.

Une façon de permettre la construction d'habitations par l'entreprise privée serait de lui consentir des prêts à des taux inférieurs à ceux du marché.

La société d'habitation a sans doute, en sa possession, des états financiers montrant la rentabilité ou la non-rentabilité d'édifices à logements. Nous empruntons à The Mortgage and Real Estate Executive Report les chiffres comparatifs suivants que nous citons. On me dispensera peut-être, M. le Président, de lire ces chiffres au complet. On se rendra compte qu'il s'agit d'un édifice de 81 logements. Le coût moyen du loyer est de $197; le coût de l'argent est 7 1/2 p.c, première hypothèque plus 2 1/2 p.c. du revenu brut. C'est une formule qui est utilisée surtout aux Etats-Unis, mais qui peut être utilisée ailleurs aussi. D'ailleurs, elle est utilisée au Canada.

Le terrain a coûté, dans ce cas-là, $175,000, la bâtisse $825,000. L'hypothèque est de $750,000. Alors on se rend compte que si l'édifice n'est pas occupé dans la proportion de 95 p.c, le rendement de l'équité n'est pas suffisamment élevé pour permettre au propriétaire de cet édifice de rencontrer les exigences des emprunts qu'ils ont contractés et d'administrer leur bâtisse.

Il faut tenir compte du fait, cependant, que ce sont des chiffres américains, que la dépréciation a été calculée à 5 p.c. Elle est établie sur la base d'une double dépréciation qu'on accorde aux Etats-Unis pour la construction d'habitations de ce genre-là.

Or un tel immeuble construit dans Saint-Roch, et requérant un acre de terrain, coûterait pour le terrain seul, environ $690,000. en comparaison de la somme de $175,000 mentionnée dans l'exemple. C'est un problème dont nous n'avons pas la solution idéale et complète. Cependant, nous croyons que les municipalités et les commissions scolaires devraient, par une loi générale, être autorisées à accorder des subventions ou réductions de taxes appréciables sur les immeubles destinés à l'habitation dans les secteurs de leurs territoires voués à la rénovation, et cela pour un bon nombre d'années déterminées. Qu'on regarde la question sous un angle ou sous l'autre, la mesure serait rentable pour les municipalités en ce qu'elle permettrait une meilleure utilisation du territoire et, dès la première année, des taxes supérieures aux taxes perçues pour les terrains non construits ou peu construits seraient retirées malgré la réduction ou la subvention.

Une telle mesure aurait l'avantage d'amener une participation active de l'entreprise privée au travail de reconstruction et libérerait d'autant les gouvernements d'une partie de leur travail sans soutirer l'entreprise privée d'un contrôle opportun et nécessaire. Une telle mesure, cependant, ne devrait pas s'appliquer aux habitations construites ou administrées par les offices municipaux d'habitations et, croyons-nous, nous n'avons pas à expliquer pourquoi.

Dans notre humble opinion, la rénovation urbaine doit tenir compte des industries et des commerces qui ont feu et lieu dans les secteurs à rénover parce qu'ils sont générateurs d'implantations domiciliaires. Nous croyons que la Société d'habitation du Québec, en mettant des fonds à la disposition des municipalités pour fins d'étude de rénovation, a fait un premier pas vers la reconnaissance de ce principe puisqu'en fait, en faisant leurs recommandations pour l'utilisation du sol déblayé, les urbanistes et les économistes ne peuvent faire autrement que de prévoir dans une ville, ou dans un centre-ville des zones où le commerce et l'industrie pourront, soit continuer à exister ou se développer.

On ferait une erreur de vouloir rénover un centre-ville en ne cherchant à y construire que des habitations. Les gens ont intérêt à demeurer le plus près possible de l'endroit où ils travaillent. Si, dans un centre-ville, on bannit, par la rénovation, toute l'industrie, par exemple, pour l'installer dans des parcs de banlieue, les gens qui y travaillent auront une tendance à aller vivre dans ces banlieues et le réseau routier métropolitain aura à supporter une charge additionnelle. Il en sera de même pour les services de transport en commun. Nous admettons que certaines industries ne peuvent être relogées dans un centre-ville, mais le parc industriel urbain ne répugne pas en soi. Au contraire, il est nécessaire pour une parfaite harmonie de tous les éléments dans une cité moderne.

Encore faut-il que le commerce aussi puisse jouir de tous les facteurs favorables à sa survie et à son expansion. L'éq uipement nécessaire à cette survie et à cette expansion du commerce est aussi essentiel à la communauté urbaine que peut l'être l'équipement communautaire nécessaire à la mise en place d'habitations et l'occupation de ces habitations par des familles, de quelque échelon social que ce soit. Faire commerce, ce n'est pas du mercantilisme; c'est servir une population en lui permettant de satisfaire ses besoins de biens économiques. C'est un rouage essentiel dans l'économie nationale.

C'est dans cette optique d'étroite relation qui existe entre la population et le commerce qui la sert que les marchands de la rue Saint-Joseph, à Québec,

par exemple, ont mis en place, depuis 1967, une promenade. Nous avons consacré, depuis, plus de $150,000 à cette promenade, parce que nous la jugions essentielle aux piétons, comme la rue, l'autoroute et le stationnement sont essentiels aux automobilistes. Pour nous, la promenade fait partie de l'équipement communautaire, non seulement pour les commerçants qui la bordent, mais aussi pour la population de Saint- Roch dont c'est présentement la seule prise d'air et pour celle des autres quartiers de Québec et des banlieues.

La loi américaine — on nous excusera d'y référer de nouveau — prévoit, depuis 1964, que 10 p.c. des subventions faites au cours d'une année peuvent être utilisées à des projets à caractère non résidentiel "avant ou après le projet". Au cours des années, le 10 p.c. a été augmenté à 35 p.c.

Nous nous permettons de suggérer que des dispositions semblables soient admises à notre Loi de la société d'habitation du Québec, à la condition expresse que les projets aient un caractère communautaire et s'incorporent au plan général de rénovation préparé par les villes après leurs études de rénovation.

En terminant, M. le Président, permettez-nous de vous exprimer nos remerciements pour nous avoir permis d'exprimer notre opinion sur quelques caractères essentiels de la rénovation urbaine, en même temps que notre satisfaction des progrès accomplis dans le domaine de l'habitation grâce à la Loi de la société d'habitation.

Cette loi sera peut-être amendée, à la suite de suggestions faites devant cette commission. Nous nous permettons d'exprimer l'espoir que les nôtres soient prises en considération.

Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT (Sauvageau): Merci, monsieur.

M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, à la suite de la motion qui avait été présentée par notre collègue de la commission, Me Choquette, député d'Outremont, et de la contreproposition que j'ai faite, je me suis rendu à mon bureau et j'ai communiqué immédiatement avec M. Camaraire, le surintendant des assurances. Il nous assure que, dès la prochaine séance de cette commission, quelqu'un, soit lui-même ou encore un autre M. Choquette, M. Fernand Choquette, qui est également un officier du service, viendra ici et se fera un plaisir de répondre aux questions sur cette matière précise.

Je dois dire que j'ai communiqué les chiffres auxquels a fait allusion M. Choquette, particulièrement en me référant au journal des Débats du 15 octobre 1969, à la page 3701, alors que M. Gagnon déclarait, vers le milieu de la page: "Nous notons que les assurances ont retiré $455 millions de primes en 1968 dans la province de Québec et qu'au cours de la même année le montant investi par l'ensemble des institutions prêteuses, y compris non seulement les compagnies d'assurance sur la vie, mais également les compagnies de prêts et fiducie, les banques à charte, les banques d'épargne du Québec et les sociétés de secours mutuel n'a été, dans le Québec, que de l'ordre de $33,800,000."

Je dois dire ici — il ne s'agit que d'une impres- sion — mais il m'a semblé que les chiffres en eux-mêmes avaient quelque peu surpris également celui auquel je me suis adressé, le surintendant, A tout événement, c'est simplement une impression que je traduis ici. Mais à la prochaine séance...

M. CHOQUETTE: II ne faut pas oublier que c'est une citation d'un discours du ministre des Affaires municipales.

M. MALTAIS (Limoilou): D'accord. M. CHOQUETTE : Cela provient de ça.

M. LUSSIER: Ce n'est pas moi qui ai fait l'addition.

M. CHOQUETTE : Ce n'est pas vous qui avez fait le discours.

M. LUSSIER: C'est moi qui ai fait le discours.

M. SEGUIN: Est-ce que cela a été vérifié? M. LUSSIER: Pardon? Oui, cela a été vérifié.

M. MALTAIS (Limoilou): Je m'étonne un peu quand je lis, par exemple, dans un dépliant d'une société comme la Mutual Life... Je comprends que ce que je vais lire n'a pas un rapport direct, mais on peut quand même se demander comment il se fait qu'il y aurait tant de décalage, parce que ça supposerait un certain décalage: "En 1968, environ 15 p.c. des primes qu'a reçues la compagnie venaient du Québec, tandis qu'elle avait investi 17 p.c. de son actif dans cette province."

M.GOLDBLOOM: On l'a dit maintes fois...

M. MALTAIS (Limoilou): Bien non, c'est là que...

M.GOLDBLOOM: ... il faut savoir quelle est la proportion des prêts hypothécaires.

M. CHOQUETTE: Je suis d'accord.

M. LE PRESIDENT (M. Sauvageau): C'est bien. La Société des architectes de la région de Québec, M. Ritchot.

M. Jean Ritchot

M. RITCHOT: Monsieur le ministre, messieurs les membres de la commission, nous avons déposé ce matin une communication revisée; nous en avions déposé une il y a quinze jours, mais depuis ce temps-là nous avons eu une assemblée, et nous avons revisé le texte légèrement. Il s'agit d'une communication ne touchant que l'aspect économique du problème. Nous avons voulu nous en tenir seulement au problème qui était sur la table, à savoir si on a bien compris, par ce qui a été publié, l'habitation pour familles à faible revenu.

Cette dernière qualification a fait que nous nous y

sommes arrêtés. Je vais lire notre communication, après quoi je serai prêt à répondre à vos questions.

On peut dire qu'actuellement le coût de l'habitation pour familles à faible revenu diffère peu de celui de l'habitation semi-luxueuse, en ce sens que le coût de l'habitation est devenu prohibitif et que seuls les citoyens plus favorisés peuvent normalement y avoir accès.

Les principales causes du coût élevé de l'habitation sont, selon nous, les suivantes: 1 - Coût élevé des terrains; 2-Taux élevé des taxes municipales; 3-Coût élevé du loyer de l'argent; 4-Normes de construction trop exigeantes. Cela couvre les programmes, également.

Nous faisons remarquer que seul le coût de la construction ne s'est pas élevé au même rythme que les autres coûts affectant l'habitation. En effet, la preuve en est faite par les constructions du ministère de l'Education qui se font actuellement à un coût moindre qu'il y a nombre d'années. Ceci a pu être réalisé grâce à la collaboration étroite et à la mise en commun des efforts du ministère de l'Education, des professionnels et de l'industrie.

Ici, j'ouvre une parenthèse. Le ministère de l'Education, en plus d'avoir imposé ces normes, a imposé des budgets. Le tout a pu se réaliser et être concilié. C'est une chose qui s'est faite. C'est bâti, c'est debout et les prix sont là pour être vérifiés par qui voudra bien les vérifier. En conséquence, nous proposons, premièrement, que le gouvernement légifère en vue d'enrayer la spéculation sur les terrains, ou, enfin, une spéculation éhontée.

Deuxièmement, une politique de densité d'occupation des espaces, associées à une politique à long terme de l'aménagement du territoire, ce qui est de nature à réduire les coûts de construction et surtout le coût des services municipaux, et, par voie de conséquence, le taux de la taxe. Cette politique est également propice à l'organisation de transport en commun efficace.

J'ouvre une parenthèse. On a mentionné à plusieurs reprises, et tout dernièrement encore, que le coût de la construction n'était plus tellement en cause dans le coût de l'habitation; c'étaient les coûts des services afférents. Troisièmement, la Société d'habitation du Québec et la plupart des municipalités du Québec ont adopté le code national du bâtiment. Nous sommes d'avis que ce code est conçu en fonction d'un mode de vie différent du nôtre et par une société plus riche. Ce code est, selon nous, trop rigide. Un très grand nombre de normes et stipulations relatives à l'équipement des habitations et aux matériaux constitutifs sont de nature à augmenter considérablement le coût de la construction.

Les normes sociales sont limitatives et laissent peu de latitude à l'interprétation. Conséquemment, nous demandons que soit rédigé, dans le plus bref délais, un code provincial de la construction mieux adapté à la société et à l'économie québécoises et qu'il soit un code de rendement plutôt qu'un recueil de spécifications. Ainsi, les industriels et les architectes pourront donner libre cours à l'invention et à la création de produits et solutions nouvelles, répondant à une de- mande de rendement. Ceci par opposition à une simple compétition au niveau des prix, autour d'un produit dont toutes les composantes auront été établies à l'avance et arbitrairement le plus souvent.

A cet effet, nous suggérons au gouvernement d'avoir recours à l'un des services qu'il possède déjà, à savoir le Bureau de normalisation du ministère de l'Industrie et du Commerce. J'ouvre une parenthèse. Nous les avons rencontrés à plusieurs reprises et ils font un excellent travail, si on peut se permettre de témoigner dans ce sens-là.

D'autre part, des programmes sont émis, auxquels nous n'avons pas participé. Ces programmes comportent souvent des demandes que nous considérons comme luxueuses et sans rapport avec un rendement social et économique. Entre autres, une deuxième salle de toilette e dans un logement de quatre chambres, lorsqu'il n'y en a pas à Sainte-Foy pour des habitations privées. Ne pas accepter du bloc apparent dans les logements. C'est pour vous donner une idée. Alors, que voulez-vous qu'on fasse à partir de là?

Nous suggérons donc que les programmes et les normes de construction s'élaborent en collaboration avec les professionnels en pratique privée et avec l'industrie et l'entreprise déjà en place plutôt que d'être conçus par le haut et imposés aux exécutants, compromettant ainsi des efforts créatifs susceptibles de produire une meilleure qualité à un coût moindre.

Quatrièmement, nous suggérons que la politique générale de la Société d'habitation soit non discriminatoire envers ceux que nous désignons comme étant à faible revenu et que ces derniers puissent accéder à l'habitation par des voies normales. A cet effet, nous rappelons que la loi-cadre du ministère du Bien-Etre social et de la Famille prévoit une assistance au niveau de la famille, plutôt que le maintien de services et de subventions au niveau de besoins particuliers non satisfaits.

Cinquièmement, nous suggérons que le gouvernement légifère de façon à favoriser, sinon à imposer une administration métropolitaine à toutes les agglomérations urbaines importantes afin que les banlieues deviennent un territoire normal d'expansion des villes plutôt qu'un étau qui les étouffe. Une telle politique serait corollaire des recommandations qui précèdent.

Nous terminons en disant que la Société des architectes de la région de Québec offre sa collaboration à la commission en ce que nous pouvons normalement offrir en fonction de notre discipline particulière.

M. LE PRESIDENT: Une question. M. SEGUIN: J'aurais des questions. M. RITCHOT: Allez, monsieur, je vous en prie.

M. SEGUIN: M. le Président, votre mémoire fait mention du fait que la plupart, sinon la totalité, ou enfin, je ne sais pas au juste, la plupart des municipalités de la province ont adopté le code national du travail...

M. RITCHOT: Du bâtiment.

M. SEGUIN: ...et du logement. Ne diriez-vous pas, plutôt, que la plupart des villes se servent du code national du bâtiment ou de construction comme base, mais qu'elles ne l'ont pas adopté de fait, soit par législation, soit par un règlement. Elles se servent de ce code-là quand elles peuvent, quand elles veulent, si elles le peuvent, si elles le veulent.

M. RITCHOT: Autrement dit, d'une façon arbitraire.

M. SEGUIN: Arbitraire, justement. Là où le cas se présente ou dans certains endroits il coûte pas mal plus cher que dans un autre endroit pour la construction, à cause de certaines modifications qui auraient été faites à ce code de base, parce que c'est un guide. C'est un minimum. Le code national est un minimum. Alors je me demande, toujours en rapport avec ce code-là, lorsque vous suggérez que la province de Québec adopte son propre code de construction qui pourrait être le même que le code national ou le code national modifié pour la province de Québec, quel serait l'avantage.

M. RITCHOT: Bien voici, ici c'est parce qu'on parle d'un code de rendement. C'est le cas pour la ville de New York. Elle a adopté un code de rendement. En fait, le code national du bâtiment a beaucoup de stipulations qui sont, en fait, des normes de rendement mais poussées à l'extrême, et qui répondent en réalité à des industries qui ne sont pas ici sur des tests de matériaux ayant rapport avec des techniques qui sont établies ailleurs et qui fonctionnent très bien ailleurs.

M. SEGUIN: Mais toujours un minimum par exemple.

M. RITCHOT: C'est ça, c'est entendu que...

M. SEGUIN: C'est toujours une spécification minimum, alors est-ce que vous allez accepter moins que ça?

M. RITCHOT: Pas nécessairement. Je peux vous donner des exemples très précis. Dans le cas des normes de béton par exemple, le béton coulé, le code du bâtiment ou enfin disons un code en particulier stipulait des proportions dans les mélanges. A ce moment-là, ce qui arrivait c'est que pour un béton de 3,000 selon la spécification, en réalité on donnait quatre. C'est un gaspillage considérable de ressources. Cela ce sont des exemples. Prenez les isolants: lorsqu'un bâtiment est chauffé à l'électricité, au lieu de nous donner un rendement à atteindre, on nous stipule des coefficients à respecter, .06, .08 de coefficient de perte. Alors, qu'est-ce qui se passe? On s'aperçoit qu'avec les produits qui sont ici, on arrive juste au-dessous de la limite avec un certain nombre de pouces, et on ajoute un pouce. Alors ça coûte de l'argent ces choses-là.

Si on en arrivait à un code de rendement beaucoup plus général, on pourrait, dans l'ensemble du bâtiment, réaliser certainement des économies considérables. Là je m'attaque à des points précis. II y en a une foule. Je ne suis pas préparé vraiment pour répondre sur des points précis.

M. SEGUIN: Mais avec un code qui serait adopté par le pays tout entier, avec certaines parties, si vous voulez, qui seraient modifiées pour la province, est-ce qu'il n'y aurait pas avantage et est-ce que ça ne coûterait pas beaucoup meilleur marché si on pouvait se servir de matériaux qui sont disponibles et au centre et à l'ouest du pays, au lieu de rédiger une réglementation qui s'appliquerait strictement ici à la province? Il me semble qu'on ajoute au prix.

M. RITCHOT: Non, je crois qu'actuellement, quand on parle d'un code de rendement le matériau n'est pas spécifié. Il l'est, au contraire, beaucoup plus dans le code national. C'est justement ce à quoi on s'objecte, c'est que pour arriver à une perte de tant de décibels, n'est-ce pas, il faut mettre un bloc de tant. On donne aussi des épaisseurs de matériaux qui sont basées sur des industries en place. Prenez simplement le domaine du bloc de béton; on va parler de bloc cellulaire, il y a plusieurs types de blocs cellulaires.

M. SEGUIN: Résistance contre le feu par exemple...

M. RITCHOT: Oui, il y a ça.

M. SEGUIN: Mais encore là, si on coupe sur le minimum qui existe déjà, vous savez, vous avez plus de...

M. RITCHOT: Justement le minimum n'est pas certain. Il y a à peu près deux ans, nous avons construit nous-mêmes — je cite une expérience personnelle — un foyer pour personnes âgées et on voulait employer de la maçonnerie portante. On nous demandait, selon le code national du bâtiment, 16 pouces, au départ, pour porter cinq étages. On vient de se rendre compte maintenant, après un amendement et après beaucoup de gaspillage, que le code était dans l'erreur; un bâtiment de sept étages qui part avec huit pouces, et en plus de ça c'est même du bloc cellulaire et même pas massif.

Entendons-nous, il n'est pas parfait, ce code. Il reflète beaucoup trop la personnalité de ceux qui l'ont exécuté, tandis qu'un code de rendement, en fait, c'est une question de principe. Il n'y a pas de problème à avoir un code de performance parallèle à un autre, et même de lui donner priorité. Ici, nous ne voulons certainement pas sous-estimer cependant le coût que pourrait entraîner l'application ou la surveillance, la mise en application d'un code de performance. Cela demande des inspecteurs beaucoup plus compétents.

M. SEGUIN: Je pense justement que toute cette question du code devrait constituer une partie bien spéciale de nos discussions à ce comité.

M. DEMERS: A la dernière séance, M. Désourdy, qui est venu ici, a exposé quelque chose dans ce sens. Nous lui avons demandé son opinion. Vous ne croyez pas que si on se servait par exemple du bureau de

normalisation du ministère de l'Industrie et du Commerce, qui pourrait nous faire une étude là-dessus en collaboration avec les différents corps intéressés, ensuite, s'il y a lieu, on pourrait légiférer dans ce sens et adopter des règlements?

M. SEGUIN: L'intérêt que j'y porte, c'est surtout que ce comité doit être bien au courant de ces problèmes en ce qui concerne les codes de construction. Peu importe les modalités, mais qu'on s'attarde quelque peu à ça! C'est probablement l'un des facteurs qui contribuent peut-être le plus, surtout dans les milieux urbains... Dans les banlieues ou d'une banlieue à l'autre, d'un secteur à l'autre, le code change, le code est modifié; les entrepreneurs, les constructeurs de maisons, les architectes, tout le monde est toujours pris avec ces changements de code. D'un endroit à l'autre, il y a $500, $1,000 et $2,000 d'ajoutés sur la même maison. Pourquoi? Parce que peut-être on se serait servi arbitrairement d'une spécification indiquée dans le code de telle municipalité.

M. DEMERS: II y a des règlements municipaux aussi.

M. SEGUIN: Oui, c'est ça. Je pense que nous sommes à peu près au même diapason, mais l'idée serait d'adopter un code qui serait applicable à l'échelle de la province.

M. RITCHOT: En effet. D'abord, plus ça va, plus l'habitation va tomber sous le contrôle du gouvernement.

M. SEGUIN: C'est ça.

M. DEMERS: Où allons-nous avec la suggestion que vous faites au point de vue pratique?

M. SEGUIN: Au point de vue pratique, on va enlever les taudis qu'il y a le long de nos routes et on va embellir les municipalités.

M. DEMERS: Le député de Baldwin va admettre qu'il faudrait nécessairement ce matin demander au bureau de normalisation du ministère de l'Industrie et du Commerce de nous faire une étude sérieuse là-dessus en collaboration avec le bureau des architectes et tous les gens de la construction. Qu'on nous rapporte cela ici et ensuite, nous pourrons prendre une décision.

M. SEGUIN: M. Ritchot, peut-être pourriez-vous élaborer un peu plus sur la deuxième conséquence, à la première page de votre mémoire, où il s'agit d'une politique de densité d'occupation des espaces. Qu'est-ce que vous envisagez?

M. MALTAIS (Limoilou): Si le député de Baldwin me le permet, sur le même sujet du code de l'habitation, j'aurais une question à poser. Vous dites que la Société d'habitation du Québec et la plupart des municipalités du Québec ont adopté le code national du bâtiment. On n'a pas de code obligatoire du bâtiment chez nous, dans la province, d'après ce que je peux voir?

M. RITCHOT: Non. Nous avons le code de sécurité dans les édifices publics du ministère du Travail qui est un document -entendons-nous — qui a toujours été provisoire, à mon sens, parce qu'il n'est même pas très en ordre. Ceux qui l'appliquent font bien leur possible mais... Ensuite, en général, les codes deviennent une attrape parce qu'ils sont appliqués, ils ne sont pas appliqués; ça dépend par qui. Lorsque des fonds publics sont engagés et que ça vient d'Ottawa, le code national du bâtiment devient obligatoirement applicable.

Nous avons constaté aussi un manque de coordination dans plusieurs ministères qui sont concernés. Exemple: les foyers pour personnes âgées qui commençaient -enfin, jusqu'à récemment parce que là, ça fait un bout de temps que je n'en ai pas fait — au ministère de la Famille et du Bien-Etre social qui acceptait les esquisses; la Société centrale d'hypothèques et de logement acceptait elle-même des esquisses qui contrevenaient de par leur conception au code du bâtiment. Or, lorsque les plans d'exécution terminés arrivaient à la Société d'habitation, on s'apercevait que ça ne collait plus.

Enfin, les codes sont devenus des attrapes. Si on avait un code de performance, je crois que les gens qui sont professionnellement intéressés à la construction pourraient apporter des solutions beaucoup plus avantageuses, et qui pourraient malgré tout respecter en majorité les stipulations essentielles du code du bâtiment.

M. MALTAIS (Limoilou): A votre avis, est-ce qu'un code de performance, comme vous dites, serait applicable à toutes les régions et à toutes les municipalités de la province de Québec?

M. RITCHOT: Bien entendu, tout comme actuellement il y a des règlements au ministère du Travail qui sont de nature à obliger certaines mesures de sécurité dans les édifices. A ce moment-là, ce code-là serait certainement applicable partout. Cela devient une norme générale, un minimum à observer. En plus, il pourrait servir aux municipalités. Par dessus cela, peut survenir le code du bâtiment qui édicte des stipulations et des spécifications plus précises et qui peut être obligatoire d'application. Il va l'être, il ne faut pas rêver en couleur. Il va être obligatoire d'application lorsque les fonds fédéraux seront en cause

M. SEGUIN: Si vous me permettez, pourriez-vous détailler un peu plus cette question de densité?

M. RITCHOT: Question de densité, voici.

M. SEGUIN: Politique de densité d'occupation des espaces.

M. RITCHOT: Ici, bien entendu, je pense bien qu'on ne s'entendrait pas tout à fait avec l'Association des constructeurs d'habitations. Je crois que ceux-ci ont fait un sophisme en parlant du coût de vente d'une

maison à $13,000 ou $14,000. Mais ce qu'on oublie, c'est le coût des services. Aujourd'hui, ce qui coûte cher, c'est tout le reste autour. Je le conçois très bien. Encore à $13,000 ou $14,000, actuellement la ville de Québec a demandé des soumissions pour des logements à prix modiques tout en béton, selon le code du bâtiment, s'il vous plait. Ces logements sont à $12,000 dans la plus basse soumission. Alors, en plus de ça, les accès... Prenez, par exemple, une longueur d'égouts en avant d'une maison qui a 100 pieds de terrain; c'est beaucoup plus long, cela coûte plus cher pour le pavage, le déblaiement de la neige, etc. Tout cela s'ajoute au coût de l'habitation. Ici on parle d'habitations pour familles à faibles revenus. J'aime bien revenir là-dessus. Les riches peuvent y aller et se payer des maisons de banlieue. De toute façon, ils ne s'en paient plus, et les constructeurs, au fait, sont au désarroi, on s'en rend bien compte. Les gens ne peuvent plus avoir accès à ce genre d'habitation, d'abord parce que les ouvriers ont demandé d'être payés comme du monde et que ces maisons sont construites selon un mode artisanal avec chacun sa petite façade, l'une coloniale, l'autre faux style canadien antique, et tout ce que vous voudrez. Cela fait très gentil, très coquet; les gens vous arrivent avec des revues et ils déplient cela. Mais de là à vraiment toucher le vrai problème de l'habitation pour des gens qui n'ont pas les moyens... L'on en vient à la conclusion, selon le premier paragraphe, que l'habitation est inaccessible à la grande majorité de la population. D'ailleurs, la semaine dernière, les constructeurs d'habitations, l'ont dit, n'est-ce pas, 70 p.c. ou 73 p.c. de la population gagnaient moins de $4,000 par année. Alors, je crois que l'on doit s'attacher à chercher des solutions pour réduire le coût de l'habitation dans son ensemble. La densité est l'un des éléments. La densité, en plus —d'ailleurs, cela je ne veux pas trop le détailler, parce que d'autres vont certainement en parler, nécessairement les urbanistes — donne accès à bon marché et à des distances à pied, ou courtes distances en autobus, à des services communs valables. Comment voulez-vous, dans une maison de banlieue comme ils en font à Montréal, en plein milieu de l'île Jésus, accéder au domaine culturel, au domaine de l'information purement et simplement, aller assister à des conférences ou avoir des échanges avec d'autres? Ce sont des voyages interminables. Je comprends qu'on peut toujours mettre des rames de métro de 25 milles de long. Mais on voit bien que l'on s'en va vers Los Angeles.

M. SEGUIN: Mais, je reviens à ce qui semble être la pratique lorsqu'il s'agit de densité. C'est que plus les gens sont pauvres, plus on peut les tasser. On se sert de ces excuses de logements à prix modiques, etc., pour dire: Bien, dans ce cas-ci, nous aurons 40, 60, 90, 100, 125 ou 130 personnes à l'acre. Utilisez les normes que vous voudrez.

M. RITCHOT: Oui.

M. SEGUIN: Mais on dit toujours: Cela coûte cher, il faut tasser ces gens-là. Il me semble qu'il faudrait avoir des normes pour la densité d'occupation des espaces qui seraient applicables et appliquées à tout un territoire. Je ne parle pas d'un secteur commercial, mais je parle strictement au point de vue des logements, secteur résidentiel. Il me semble que s'il est bon pour celui qui a quelques biens de pouvoir occuper un plus grand espace, et que les normes lui disent: Bien voici, une maison unifamiliale, ce serait un lot à 75 pieds de front, 125 pieds de profondeur. Toutes les rues s'agencent de cette façon-là et s'allongent de cette manière-là. Lui, il a les moyens de payer ça, si vous voulez. Mais le pauvre, on le tasse; on fait des 10 et 15 étages et on entasse ça entre deux autres bâtisses. Là la densité est exagérée sans bon sens et ça ne fait que créer d'autres taudis.

M. RITCHOT: Ici, je vous ferai remarquer une chose. Comparez les bâtiments de Montréal, qui ont trois étages et couvrent la totalité du sol, avec les HLM français. Je ne les vanterai pas outre mesure, remarquez. Ils ne sont pas beaux, mais, quand même, ils libèrent une grande partie de sol et ce sol est accessible. Il y a des arbres; c'est un véritable poumon à l'intérieur des villes et, pourtant, il y a une grande densité. Entendons-nous sur la densité. Pourtant, tout ça, c'est très accessible. Cela vaut la peine de mettre des services en commun, parce qu'il y a du monde à servir. Les autobus de banlieue de Québec se promèment vides. Qui paie pour cela finalement? Tout le monde paie toutes ces erreurs qui sont accumulées depuis tant d'années.

Alors, ce qui est dit ici, ça fait au moins vingt ans qu'on le dit. Au niveau du conseil national de la recherche ou enfin de la société centrale s'établit, depuis une quinzaine d'années, cette politique de densité. De là à avoir appliqué la chose, il faut bien admettre qu'ils ne l'ont pas fait, puisque ce sont encore des petites maisons qui ont continué à proliférer, style "Texas ranch" et tout ce que vous voudrez.

La densité n'est pas nécessairement une chose mauvaise en soi. Et cela, on veut bien le signaler. C'est la mauvaise densité, celle qui consiste à occuper tout l'espace au sol, sans avoir d'arbres. Cela est grave. Quand vous avez des jardins, des arbres et que les bâtiments sont disposés de façon que l'ensoleillement soit assuré tant dans les logements que sur les terrains, il n'y a pas de problème. Au fait, à Montréal, ça se fait tout seul. L'économie veut que les bâtisses montent en hauteur. Comme les normes ne demandent pas tellement d'espace sur le terrain, finalement, ce sont des logements pour gens sans enfants. D'ailleurs, c'est le cas pour toute notre habitation. Quand on dit qu'on ne veut pas tasser les pauvres, est-ce qu'on peut négliger un élément d'économie dans la situation actuelle? Est-ce que c'est mieux de s'en tenir à des normes qui sont du domaine du souhait ou, alors, d'essayer de trouver des moyens pour que les gens accèdent à l'habitation, que ce soit en location ou que ce soit par acquisition?

Actuellement, je veux citer deux choses: premièrement, je suis très au courant qu'il y a une loi en préparation pour la copropriété. La semaine dernière, quelqu'un parlait ici de l'accession à la propriété. La seule forme qu'il indiquait, c'était la possession de la petite maison en banlieue. C'est faux. C'est une chose

dépassée. On peut posséder son logement dans une grande unité et partager les services communs.

L'autre chose que je voulais mentionner, c'est que je suis au courant aussi — excusez-nous d'être très bien informé — qu'un code provincial de la construction est actuellement en rédaction, ou, enfin, en préparation, d'une certaine façon. Je ne sais pas où, cependant.

M. CHOQUETTE: Sur cette question, M. Ritchot, si vous me le permettez. Il y a une très grande inégalité dans les niveaux de bien-être et de revenu de municipalités en municipalités dans le Québec. Je veux dire que c'est incontestable que, si on part du plus pauvre pour aller au plus riche, les variations sont considérables. Comment un code s'adapte-t-il à cette réalité économique?

M. RITCHOT: Quel code?

M. CHOQUETTE: Je veux dire un code comme le code national de l'habitation ou un code provincial de la construction. Comment règle-t-on cette difficulté? Parce que les municipalités vont être nettement plus exigeantes.

M. RITCHOT: Remarquez qu'au niveau des municipalités c'est une autre affaire. On dit toujours que le code le plus exigeant a préséance. A ce moment-là, il n'y a rien à faire. Des municipalités imposeront des normes semblables, parce qu'elles savent qu'elles peuvent s'attirer la meilleure clientèle. Généralement, ce sont des municipalités de banlieue, où les résidants vivent et travaillent et font leur argent dans les villes qui sont à côté et qu'ils laissent crever. C'est pourquoi, dans la dernière proposition, nous suggérons d'imposer une administration métropolitaine aux agglomérations. Tout le monde est responsable du fonctionnement des villes. Québec, est devenu le refuge des gens qui ne peuvent pas se payer d'habitations. La ville de Québec est obligée de s'administrer avec ça. Cela ne tient pas debout, ça. D'ailleurs, je ne suis pas tout seul à le dire.

M. CHOQUETTE: Vous flattez le ministre... M. RITCHOT: Pardon?

M. SEGUIN: C'est un des excellents buts de votre exposé.

M. RITCHOT: La chose a été dite dans les journaux, cette semaine.

M. SEGUIN: Sur votre article 5, à la troisième page, il y aura sans doute beaucoup de chose à dire. Je ne voudrais pas entamer le débat, à ce moment-ci, mais, quand l'occasion se présentera, on pourra en parler plus longuement.

M. RITCHOT: Certainement.

M. LUSSIER: De toute façon, le problème est beaucoup plus vaste qu'on ne le laisse supposer.

M. CHOQUETTE: Vous avez beaucoup de projets successifs...

M. LUSSIER: A l'article 4, à la page 3, vous dites ceci: "Nous suggérons que la politique générale de la Société d'habitation du Québec soit non discriminatoire envers ceux que nous désignons comme étant à faible revenu et que ces derniers puissent accéder à l'habitation par voies normales". Pourriez-vous élaborer?

M. RITCHOT: Certainement. La question est vieille; elle a été discutée depuis longtemps. Je me souviens même d'avoir témoigné, lors de la fondation de la Société d'habitation, sur ce sujet-là. Le sujet était déjà sur la table.

On parle souvent de ghettos. De toute façon, ne rêvons pas; on ne construira pas d'habitations pour tous les gens à faible revenu. Si on le faisait, il faudrait mettre une limite quelque part — pour clarifier — les gens qui ont de faibles revenus. Ceux qui sont juste au-dessus, eux, sont obligés d'avoir un logement non subventionné. Tandis, que, si — je réfère à la Loi du ministère du Bien-Etre social — la solution vient d'une aide à la famille, plutôt que d'une subvention du logement, je crois que c'est plus normal. A ce moment-là, la personne peut accéder au logement par une voie normale et on élimine l'aspect ghetto. Cela devient de l'habitation. On peut favoriser la rénovation urbaine et la construction d'habitations dans les milieux urbains auxquels les gens accéderont s'ils le veulent bien, au lieu de dire: Voici, ce groupe-là de la population, c'est des pauvres gars. Regardez-les, ce sont eux; ils sont dans cette maison-là. Exemple: les Habitations Jeanne Mance. Remarquez que je n'ai rien à dire sur les Habitations Jeanne Mance; il paraft que ça va très bien. Mais, quand même, au début, ces gens-là se sentaient désignés. Il y a une certaine désignation.

En plus de ça, c'est la coupure qui est grave. Pourquoi certains pourraient-ils accéder à ça, tandis que les autres qui sont juste à côté ne pourraient pas y accéder?

Alors, si la chose est ouverte, on construit des habitations; les subventions sont accordées au niveau de la famille. Que se passe-t-il à ce moment-là? Vous avez créé de l'habitation à loyer modique réellement. Ceux qui peuvent y accéder y accèdent.

M. CHOQUETTE: M. Ritchot, moi, je suis sympathique à ce que vous avez exprimé à l'article 4 de votre mémoire, mais il reste que les ressources de l'Etat ne sont pas illimitées. Vous savez très bien qu'une politique de subvention au logement, ça implique un budget énorme.

M. RITCHOT: Au logement ou à la famille?

M. CHOQUETTE: Soit à la famille pour fins de logement ou au logement. Il y a quand même les ressources fiscales dont il faut tenir compte..

M. RITCHOT: Justement, c'est là qu'est l'affaire. Les programmes d'habitation à loyer modique répon-

dent à quelle partie des gens qui en ont besoin, actuellement? J'ai vu des tableaux en arrière. Cela correspond à quel pourcentage des logements qui sont nécessaires? C'est là qu'est tout le problème. Alors, pourquoi certains y auraient-ils accès, d'une façon, disons-le, assez arbritaire malgré tout? On démolit un secteur et ce sont les gens de ce quartier qui seront logés là. A Québec actuellement, il y a le projet Jacques-Cartier. A cet endroit-là, il y avait une vieille école, d'accord. Ceux qui y auront accès, ce sont des gens qui seront désignés. Remarquez que c'est simplement dans le but d'éviter de cataloguer les gens. Parce qu'en fait les subventions sont les mêmes.

M. CHOQUETTE: Ce que vous proposez est l'idéal, M. Ritchot.

M. RITCHOT: Vous semblez croire que ça va coûter plus cher comme ça.

M. CHOQUETTE: Oh! Je crois que oui. J'ai assisté à une conférence de M. Hans Blumenfeld, un professeur de Toronto qui est un grand expert canadien dans le domaine de l'habitation. Je crois qu'il calculait qu'un programme général pour le Canada — d'ailleurs, je pense que M. Dion a assisté à cette conférence — coûterait une somme de $300 millions, si je me le rappelle bien.

M. DION: Quelque chose du genre.

M. RITCHOT: Par année.

M. CHOQUETTE: Oui.

M. DION: Ceci n'incluait pas les investissements.

M. CHOQUETTE: Oui, simplement les subventions à la famille pour que tout le monde soit logé décemment au Canada, ça coûterait annuellement $300 millions.

M. DION: Sans inclure les investissements requis pour construire les habitations nécessaires pour loger ces gens-là.

M. LUSSIER: Cela rejoint une des prémisses du groupe de travail de M. Hellyer qui favorise l'établissement d'un salaire minimum garanti.

M. CHOQUETTE: II ne s'agit pas de mettre des bois dans les roues d'aucune expression d'opinions, d'aucune politique. Tous les membres de cette commission-ci sont très ouverts à des propositions dans ce sens-là, mais il y a quand même le problème des ressources.

M. RITCHOT: Oui, d'accord, mais je ne vois pas comment ça s'applique dans le cas actuel. Probablement que nous nous comprenons mal.

Il s'agit simplement de changer la formule. Je le répète bien. De toute façon, il y aura une limite aux fonds qui seront investis dans l'habitation. A ce moment-là, il s'agit de permettre une accession à cette habitation — qui sera construite de toute façon — dans les budgets prévus qui est plus libre et moins discriminatoire. C'est tout. Déjà, les familles sont subventionnées actuellement. Enfin, il y a des individus aussi qui sont subventionnés. C'est une chose qui se fait déjà. La seule question est: Pourquoi un groupe donné accéderait-il à l'habitation alors que d'autres ne pourraient pas accéder à cette nouvelle habitation? Tandis que si on établit un loyer qui est légèrement supérieur — maintenant, le loyer subventionné, c'est ça qu'on fait actuellement, on subventionne le loyer — si, au lieu d'établir un loyer à $40 parce qu'on a décidé que les gens qui l'habiteraient ne pourraient payer que $40 par mois, on le fixe à $60, par exemple, ça reste un loyer modique, même subventionné, nécessairement, parce qu'un logement de $12,000, ça coûte $130 à $135 par mois pour faire fonctionner ça.

Alors, les personnes qui pourraient, dans ce quartier, payer $60 par mois décideraient d'aller dans ces maisons si elles le veulent bien, et ça éliminerait cette espèce d'aspect d'obligation de prendre des gens un peu comme des bestiaux qu'on change de pacage. Ce qui n'est pas la solution. C'est ce qu'on croit. En réalité, c'est une incidence sociale dans la communication beaucoup plus qu'économique que l'on a ici.

M. CHOQUETTE: M. Ritchot, savez-vous ce que fait la Ontario Housing Corporation? Elle a justement des maisons qui sont construites par la Société d'habitation de l'Ontario qui sont des logements pour familles à faible revenu et on y mêle les catégories sociales. Il n'y a pas que des gens qui bénéficient de subventions dans ces endroits. Cela n'élimine pas entièrement l'objection que vous avez sur le plan social, mais ça l'atténue.

M. RITCHOT: Je ne sais pas, il me semble que c'est la même chose. Si on mêle les catégories sociales, c'est que probablement on donne libre accès à l'habitation, et à ce moment-là, ce sont des gens... Ecoutez, faites de l'habitation à $12,000 du logement — c'est de l'habitation qui est quand même assez dispendieuse, et il est difficile d'en faire à meilleur marché — pour n'importe qui dans la société actuelle, pour 80 p.c. ou 90 p.c. de la population, des habitations à $12,000, c'est à peu près le maximum auquel ils peuvent accéder, de toute façon.

M. CHOQUETTE: M. Dion pourra certainement vous donner un point de vue sur ça.

M. RITCHOT: D'accord.

M. CHOQUETTE: Je voulais simplement dire qu'il y a au départ une question d'appréciation. Est- ce que le logement social ou le logement subventionné est nécessairement de nature "réserve" ou de nature "ghetto"?

M. RITCHOT: Remarquez que ce n'est pas moi qui l'ai dit.

M. CHOQUETTE: Pardon?

M. RITCHOT: Ce n'est pas moi qui l'ai dit. Les journaux en font état depuis longtemps. Je vous le garantis. Il y a le ghetto de Saint-Pie X.

M. DION: Evidemment, je n'aimerais pas apporter d'opinion ni de commentaire qui serait de nature de l'expression d'un jugement, ce n'est pas mon rôle. Je voudrais tout simplement apporter certaines précisions quant aux dispositions de nos règlements.

Le règlement 28, en ce qui concerne l'habitation à loyer modique, dit ceci: "Tout logement acquis ou construit en vertu d'un programme municipal d'habitation à loyer modique doit être loué aux personnes à faible revenu en tenant compte des normes établies par la société et selon l'ordre de priorité suivant: "toute personne recevant une allocation de logement aux termes de la loi; "toute personne délogée par suite de la mise en application d'un programme de rénovation ou d'habitation; "toute personne délogée par suite d'expropriation par un organisme public."

Ce que nous avons voulu, ce qui a été établi par les règlements, c'est exclusivement un ordre de priorité pour protéger ceux qui sont dans la rue, ceux qui sont obligés de quitter leur logement parce que le logement est démoli. En général, ces propriétés qui sont démolies sont des logements qui se louent à des taux inférieurs. Ces gens ne sont pas capables d'aller sur le marché et de trouver un logement.

Ce que nous avons voulu — ça a peut-être l'air discriminatoire — c'est exclusivement établir un ordre de priorité de location. Il est sûr et certain que la situation qui prévaut, ici au Québec, est telle que nous avons, en fait de logements qui peuvent se louer, je parle de nouveaux logements, à un taux faible ou à un taux inférieur, un stock qui est excessivement limité. Ce qui n'est pas le cas dans l'Ontario. En Ontario, on a un stock de logements nouveaux, destinés aux personnes ou familles à faible revenu ou à revenu modique, de l'ordre de 20,000 à 30,000.

Je sais qu'ils ont à l'heure actuelle à l'Ontario Housing Corporation, à Toronto, des listes d'attente de 18,000. Eux aussi font face aux problèmes d'accorder des priorités. Or, les priorités vont à ceux qui ont le revenu le plus faible. Mais il arrive ce phénomène-ci, c'est qu'une fois que la personne est entrée dans le logement, que son revenu a augmenté, à ce moment-là on la garde pour lui donner une certaine permanence d'habitation. C'est ce qui fait qu'à l'heure actuelle une grande partie des gens qui occupent des logements subventions en Ontario, dans des propriétés appartenant à l'Ontario Housing Corporation, peuvent avoir des revenus de $10,000 et $12,000, ce qui a pour effet qu'indirectement ces gens-là ne sont pas subventionnés.

Si le taux économique du loyer est à $125 ou $150 par mois et que le taux effectif, pour ceux qui gagnent une moyenne de $5,000,serait disons de $75, ces gens-là se trouvent à participer et même à subventionner un peu le projet dans la mesure où ils acceptent d'y demeurer. Disons que toute la production nouvelle — dans la mesure que je sache — de l'habitation à loyer modique en Ontario est destinée par priorité à ceux qui ont les revenus les plus bas. Ils suivent substantiellement les ordres de priorité que nous avons établis ici.

La situation sera évidemment très différente, peut-être, lorsque nous aurons produit un stock suffisant d'habitations à loyer modique nous permettant d'éliminer cet élément discriminatoire qui apparaît au départ. J'aimerais peut-être ajouter un autre commentaire en ce qui concerne les personnes à faible revenu. Il est évident que cette expression n'est peut-être pas tout à fait correcte parce que le règlement dit, au sujet d'une personne à faible revenu, que c'est une personne, dont le revenu familial, selon les normes établies par la société, ne lui permet pas de louer un logement convenable et correspondant à ses besoins au taux moyen des loyers reconnu par la société pour le district où cette personne habitera.

Je peux vous dire qu'à Montréal une personne qui gagne $8,000, dont la capacité de payer un logement est de $125 par mois et qui a une famille de six enfants, cette personne-là entrera dans cette catégorie, au sommet de la loi. Il y a peut-être ici une expression qui n'est peut-être pas tout à fait juste. En réalité, au plan de l'administration, nous avons l'habitude de dire une personne à faible revenu ou à revenu modique pour bien identifier que la législation couvre le secteur, non pas uniquement de ceux qui gagnent $3,000, mais que cela peut aller jusqu'à $8,000 ou $9,000, dépendant de la localité où la personne habite.

M.GOLDBLOOM: M. le Président, je crois que Me Dison vient de contribuer de façon très utile à nos discussions et nos études. Nous reconnaissons fort bien qu'il est désirable que les familles et les personnes à faible revenu ne soient pas isolées dans des ghettos. Mais avant d'être en mesure de réaliser cet idéal, il faut, comme vient de le souligner Me Dion, protéger les intérêts des gens à faible revenu qui, eux, ne sont pas en mesure de réclamer de la société, si l'Etat ne leur aide pas, dans ces réclamations-là, le droit aux logements qui peuvent être mis à leur disposition.

Je trouve que c'est un point très important.

M.TREMBLAY (Bourassa): Pour revenir en arrière, M. Ritchot a parlé tout à l'heure des appartements Jeanne-Mance. A Montréal-Nord, dans mon comté, je pense que nous avons un bel exemple. C'est une maison qui contient 750 personnes, la résidence Angélica. On a des personnes, dans ces appartements-là, qui sont des personnes pauvres, des personnes qui ne vivent qu'avec leur pension. Je comprends que c'est une maison pour les vieillards, mais, par contre, ceux qui peuvent payer paient $167 par mois. Ceux qui n'ont pas les moyens paient $82.50 par mois.

Quand ils reçoivent leur chèque du mois, ils vont payer leur pension, et disons qu'il leur reste $22 ou $25. Je crois que l'expérience est très bonne. On peut voir un mélange de personnes âgées, mais ceux qui ont de l'argent et ceux qui n'en ont pas sont traités de la même façon. Je vous dis sincèrement que cela va très bien. On peut voir qu'ils sont heureux de vivre ensemble.

Alors si, dans ces maisons-là, on pouvait recevoir pas seulement des gens à faible revenu, mais aussi ceux qui ont un revenu modique, comme vous disiez tout à

l'heure; que celui qui gagne $8,000 soit avec celui qui en gagne $5,000.

Je crois qu'il y aurait quelque chose de bon là-dedans, pour ne pas avoir seulement celui qui gagne $3,000 et $4,000. On dit $5,000, mais il ne faut pas oublier qu'il y a encore beaucoup de gens qui gagnent encore $3,500. Il ne faudrait pas les oublier ceux-là.

Je voudrais bien qu'on puisse faire quelque chose pour ces gens-là. Vous savez, quand on vit avec d'autres, des fois, il faut se forcer un peu plus, et aider celui qui a $3,500 à réussir un peu mieux.

M. DION: Disons que l'article que vous développez présentement en fonction d'un projet d'habitations est bien celui vers lequel on tend. Je vous ai parlé de notre réglementation qui est uniquement dans le cadre des priorités. Une fois que les priorités sont établies, si la municipalité, à ce moment-là, peut louer ces logements, disons à des gens qui gagnent $7,000 ou $8,000 pour favoriser cette intégration, il est certain que ça va nous coûter beaucoup moins cher, tout d'abord en subventions. C'est ce à quoi l'Ontatio a pu parvenir jusqu'à un certain point.

C'est une façon de faire de l'intégration. Il y a d'autre façons de faire de l'intégration. A titre d'exemple — et nous souhaiterions avoir de ces projets-là — vous avez un ensemble domiciliaire où un projet pour personnes âgées se développe, un projet pour personnes à revenu modique par des entreprises coopératives, un projet par l'entreprise privée, des conceptions globales d'habitation. Nous espérons qu'avec le temps, on pourra arriver avec des conceptions domiciliaires qui intégreront différents projets pour satisfaire différentes couches sociales.

Alors je vous souligne un peu des orientations vers lesquelles nous tendons, et qui, je pense, sont permises en vertu de la loi. sont possibles.

M. LUSSIER: Les premiers qui en ont parlé, ce sont des gens de l'aire no 10. Et, depuis cette époque, le ministère, la société d'habitation et d'autres organismes aussi se sont intéressés vivement à cette suggestion qui nous est venue du comité des citoyens de l'aire no 10. M. Parent est ici, il va certainement, tout à l'heure, en parler lui-même.

Ce qui m'intéresse aussi dans votre mémoire c'est lorsque vous parlez du code provincial du bâtiment. Nous en entendons parler depuis quelque temps, de plus en plus, et c'est bien notre intention tout d'abord de contacter le bureau de normalisation du ministère de l'Industrie et du Commerce et de voir de quelle façon, peut-être par un comité interministériel, nous pourrions rédiger ce code provincial du bâtiment pour l'Etat du Québec.

Alors je vous remercie, M. l'architecte Ritchot, de l'apport très positif que vous avez apporté à nos délibérations, et soyez sûr que nous en prenons bonne note.

M. RITCHOT: Merci. Est-ce qu'il me serait permis d'ajouter une petite chose. Quand on parle de code du bâtiment, il ne faut pas oublier qu'il y a dans le code des normes techniques et des normes sociales. Alors simplement, je signale cela, parce que, dans le code du bâtiment les normes sociales sont souvent mêlées à des normes d'aération purement... contre le feu ou ainsi de suite.

Alors, je le signale tout simplement.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Ritchot. Maintenant, la Corporation des urbanistes du Québec, M. Bégin.

M. ARCHAMBAULT: Mon nom est Raymond Archambault, je représente la Corporation des urbanistes. Je n'ai pas de communication précise à faire, j'ai seulement une lettre que j'ai remise au président ce matin. C'est toute l'intervention que j'avais l'intention de faire aujourd'hui.

M. LE PRESIDENT: Merci. Je vais faire parvenir des copies de cette lettre aux membres du comité.

Maintenant le comité conjoint du logement de l'aire no 10, M. Roger Parent, président.

M. Roger Parent

M. PARENT: M. le Président, M. le Ministre, MM. les députés, MM. les membres de la Société d'habitation, je vous demanderais la permission, M. le Président, au lieu de lire le mémoire, d'expliquer les points que nous voulons discuter ce matin. Je crois que l'explication est mieux que la lecture d'un mémoire. Si vous avez des questions à poser après, ne vous gênez pas.

Je crois que M. le Président n'a pas compris.

M. LE PRESIDENT (M. Sauvageau): Non.

M. PARENT: Je demandais la permission d'expliquer le mémoire au lieu de le lire, au cas où il y aurait des questions urgentes à poser. Ainsi, elles ne seraient pas posées.

M. LE PRESIDENT (M. Sauvageau): Nous pourrions consigner au journal des Débats votre mémoire, suivant les procédures normales. Si vous voulez donner des explications, nous sommes prêts à les entendre.

M. PARENT: Au lieu de le lire.

M. LE PRESIDENT (M.Sauvageau): D'accord. Votre document sera consigné au journal des Débats. (Voir annexe).

M. PARENT: C'est ça. De cette façon, mon document passera deux fois.

M. LE PRESIDENT (M. Sauvageau): D'accord.

M. PARENT: Au commencement, aspects sociaux, les problèmes du logement, la rénovation urbaine. Le mot "social" implique bien des choses. Ici, à instruction, vous avez des mémoires qui ont été soumis il y a trois ans relativement à la construction dans la ville de Québec. On en a discuté avec les citoyens eux-mêmes pour comprendre leurs problèmes de logement et trouver le système le plus efficace que l'on doit

adopter pour les gens qui doivent demeurer dans des maisons subventionnées. Les grandes lignes d'une politique sociale du logement et de la rénovation. Voilà une première partie. Instaurer une politique d'allocation-logement à tous les ménages: ce qui veut dire que les ménages qui n'ont pas les moyens de payer un loyer au prix courant seraient subventionnés par le gouvernement comme M. Dion l'a dit tantôt, de même que l'autre avant moi. Il a dit que, dans notre quartier, il y a des gens qui gagnent encore $35 par semaine. C'est signe qu'ils ont le coeur de travailler pour ne pas être sur le bien-être social. Ces gens-là ont le coeur de travailler, alors qu'ils peuvent recevoir des subventions du gouvernement pour leur loyer au complet. Vous savez de quoi ça dépend: la maladie, etc. A notre point de vue, ce sont ces gens-là qu'il faut défendre parce qu'ils n'ont pas d'autre revenu que $30 ou $35 par semaine. Vous allez dire qu'ils ne payent pas chef de loyer. Il y en a qui payent $28, $18, mais ils habitent dans des hangars, dans des anciennes étables. C'est justement pour cela que nous voulons que le petit soit logé assez confortablement, mais qu'il soit capable de payer.

Ne pas s'engager dans une politique de ghetto, c'est-à-dire des édifices essentiels réservés à une seule catégorie de citoyens, les personnes à faible revenu. Le comité des citoyens considère que, si la ville venait à démolir, par exemple, les rues Saint-François, du Roi et de la Couronne, tous les gens qui demeurent là, qu'ils gagnent $10,000, $15,000, $25,000 ou $20 par semaine ou qu'ils soient sur le bien-être social, devraient avoir droit, sans discrimination pour ceux qui gagnent $10,000, $15,000, de demeurer au même endroit. Il n'y aura pas de discrimination. Il ne faudra pas que seuls ceux qui sont sur le bien-être social ou qui gagnent $20 ou $30 par semaine demeurent là. C'est là que la discrimination se ferait.

M. MALTAIS (Limoilou): M. Parent, me permettez-vous une observation? Je rejoins l'explication — je pense que c'est ici qu'elle est importante — que donnait justement M. Dion. C'est qu'on ne peut pas dire qu'il existe, dans la construction ou dans l'idée de la Société d'habitation, une politique de ghetto. Ce n'est pas l'esprit de la loi. Si j'ai bien compris, étant donné le nombre considérable de demandes, étant donné, d'autre part, que l'offre actuel de logements ne correspond pas aux très nombreuses demandes qui existent particulièrement dans votre aire ou dans l'ensemble de la ville de Québec qui connaît une période de démolition très considérable à l'heure actuelle en vue de la reconstruction, cela nous place dans une impasse au point de vue social. Actuellement, forcément, ce sont les gens à faible revenu qui ont la priorité de logement. Ce sont ceux sur lesquels ont doit se pencher le plus actuellement dans la politique d'habitation. Peut-être qu'il arrive, en fait, que ce sont des gens d'une même classe, à faible revenu, à revenu modique qui, momentanément, se trouvent logés.

Je crois que nous pouvons espérer qu'avec le temps cela va s'améliorer, parce que ce n'est sûrement pas conforme —vous avez raison de le souligner— à l'esprit de la loi. Je voulais vous faire remarquer cela.

M. PARENT: M. Maltais, prenez, à l'heure actuelle, le parc Cartier-Brébeuf. Vous êtes assez vieux, et plusieurs d'entre vous ici; cela fait à peu près 100 ans qu'on parle de le faire, le parc Cartier-Brébeuf. Le comité des citoyens n'a pas vu pourquoi la ville ou ceux qui étaient intéressés — tout le monde savait que la démoliton était pour être faite — n'a pas bâti avant. Les logements s'ils sont rares, c'est la faute de quelques-uns. Prenez l'autoroute qui s'en vient là; vous allez déménager au moins de 75 à 90 familles. Tout le monde savait ça d'avance. Cela fait peut-être 25 ans que ça se parle. C'est ça qu'on veut. Dans la ville de Québec, on n'a pas besoin de démolir pour bâtir. Il y en a du terrain pour mettre toute la ville de Québec dans un coin, nous autres, qu'on s'est fixé. On se débat depuis trois ans sans démolir aucune maison, sans faire de discrimination et sans envoyer personne, sans parachuter personne en dehors de la ville.

Le comité de citoyens ne demande pas la lune, non. On demande le strict nécessaire, les places qui peuvent être faites — et ça peut être fait, dans l'ensemble — pour satisfaire le monde. Et non pas, arriver, de faire des plans et des projets et dire aux citoyens: C'est ça qui est fait, c'est ça que vous allez faire. C'est justement là que l'accord ne se fait pas entre municipalités et les comités de citoyens. Cela ne coûte pas plus cher d'arriver et de dire: Les membres du comité des citoyens, vous êtes formés. On a des terrains. Pour quelle raison appartiennent-ils à la ville? Quant au coût du terrain dont on parlait tout à l'heure, les spéculateurs dans Saint-Roch, il y en a dans d'autres villes, mais ici, à l'heure actuelle, depuis quatre ans, des terrains qu'on pouvait avoir à $1.50 le pied sont rendus à $8 le pied. Quand les berges de la Saint-Charles, dans quatre ou cinq ans, seront finies, on va payer ça $50 le pied. Il faut que le gouvernement fasse des lois pour arrêter les spéculateurs, arrêter un petit groupe de spéculateurs au détriment de 500 ou 600 personnes, de pauvres familles qui voudront aller là, et plus tard qui va payer? Ce sera le gouvernement et les contribuables en plus de ceux qui resteront là et qui n'auront pas les moyens d'aller demeurer là.

M. CHOQUETTE: M. Parent, est-ce que je peux vous interrompre, vu que vous êtes sur le sujet de la spéculation immobilière? Je crois qu'il est reconnu, d'après les études statistiques qui ont été faites au Canada et aux Etats-Unis, que le principal facteur d'augmentation dans le coût de la construction, c'est l'accroissement dans la valeur du terrain par la spéculation immobilière ou par l'accroissement naturel. Il y a des endroits, évidemment, où il y a plus de spéculation que d'autres; il y a aussi des endroits où la valeur des terrains est assez stable et par conséquent la spéculation n'est peut-être pas le facteur principal. Mais vous avez certainement raison...

M. LUSSIER: Est-ce que vous affirmez que le principal facteur de l'augmentation du coût...

M. CHOQUETTE: ... total de la construction en Amérique du Nord, c'est la spéculation immobilière, c'est l'accroissement de la valeur du terrain.

M. LUSSIER: De toute façon, c'est une question assez technique...

M. CHOQUETTE: Non.

M. LUSSIER: ... et peut-être M. Dion pourrait-il la commenter.

M. CHOQUETTE: Je n'ai pas d'objection à ce que M. Dion la commente et, même, je ne suis pas ici, à la commission, pour justifier cette assertion. Mais j'ai une étude du magazine Time sur le logement qui indiquait qu'aux Etats-Unis, depuis 1945, l'accroissement du terrain était le facteur principal, pas le coût des matériaux de construction; ce n'est pas la main-d'oeuvre, c'est le terrain qui est le facteur principal qui a fait s'accroPtre le coût de la construction. C'est pourquoi...

M. DEMERS: C'est d'une façon générale?

M. CHOQUETTE: C'est d'une façon générale en Amérique du Nord. C'est la raison pour laquelle si la commission était entreprenante — ce que je pense qu'elle devrait être jusqu'à un certain point, dans les limites du raisonnable— il faudrait que nous envisagions des modes pour restreindre l'influence de l'augmentation du terrain sur le coût total de la construction.

M. LUSSIER: II faudrait être bien sûr que votre assertion soit très véridique.

M. CHOQUETTE: Je l'affirme sous serment, M. le Président.

M. DEMERS: Vous pourriez toujours dire... que vous étiez de bonne foi.

M. CHOQUETTE: C'est aussi la raison pour laquelle les villes européennes — M. Dion connaît très bien ces questions-là, il y a des villes anciennes où ils ont beaucoup d'expérience dans ce domaine-là — ont pris des méthodes pour éviter que le coût du terrain ait un résultat tellement coûteux que ça empêche les gens de se loger convenablement.

Je peux donner des exemples qui ne sont peut-être pas applicables dans le Québec actuellement, mais, enfin... la ville de Stockholm et des villes hollandaises acquièrent le terrain urbain environnant et c'est loué par bail emphytéotique. Evidemment...

M. LUSSIER: Ce sont des ZUP...

M. CHOQUETTE: II y a le système français des ZUP et des ZAP, je ne me rappelle plus quoi. Différentes formules ont été utilisées en France, qui offriraient sûrement un certain intérêt.

M. DION: J'aimerais porter certains chiffres à la connaissance des membres de la commission non pas pour contester les positions prises par M. Choquette, mais uniquement à titre d'information. C'est un relevé qui n'est pas global, mais qui repose sur le financement d'un certain nombre de bungalows financés à travers la province d'Ontario. Ce sont des chiffres que j'ai ici.

Coût estimatif moyen du terrain de nouveaux bungalows financés aux termes de la Loi nationale sur l'habitation. Au Québec, coût moyen. En 1962: $1,800. Prenons le chiffre de 1968: $2,000. En janvier, février et mars 1969, parce que le relevé a été fait pour ces trois mois, le coût moyen: $1,900. Je vais vous donner maintenant le chiffre moyen pour l'Ontario. En 1962, en Ontario: $3,300. En 1968, en Ontario: $4,800. Pour janvier, février et mars 1969: $4,800. Pour l'ensemble du Canada, en 1962: $2,500. En 1968: $3,400. En 1969: $3,600. Dans les Prairies et les provinces maritimes, c'est substantiellement la même chose qu'en Ontario.

Or, il semble, d'après cette statistique qui est basée sur le coût estimatif moyen des terrains des nouveaux bungalows financés en vertu de la Loi nationale sur l'habitation, que dans le phénomène de la spéculation des terrains pour fins d'habitation, nous sommes dans une situation peut-être un peu privilégiée par rapport aux autres provinces ou 3 l'ensemble de la moyenne canadienne.

Est-ce qu'à partir de ces chiffres on peut conclure que le phénomène de la spéculation est moins grand dans la province de Québec qu'ailleurs? Est-ce qu'on peut conclure qu'il n'y en a pas? Je ne m'aventurerais pas 3 tirer des conclusions moi-même. Je voulais uniquement porter ces chiffres 3 votre attention.

M. PARENT: M. Dion, est-ce que je pourrais vous poser une question? Là, vous parlez des bunqalows, vous parlez du terrain en dehors des villes. Nous, nous parlons du terrain dans la ville. Notre terrain dans la ville, nous autres, c'est une "dump" qui ne valait absolument rien il y a dix ans, cinq ans. Ce n'est pas la même chose. Là, la "dump", ça va être une des plus belles choses qu'il n'y aura pas ici dans la ville de Québec. Tout le monde est au courant de ça. C'est pour ça que je vous dis que le spéculateur dans une ville et en dehors de la ville, c'est deux. Nous autres, qui avons des logements à prix modique, nous ne voulons pas aller à 50 milles d'ici. Nous voulons demeurer dans notre quartier, dans notre place. Je vous ai dit tout à l'heure que nous ne voulions pas être parachutés à des milles en dehors de la ville. Donc, nous, nous croyons que la spéculation dans la ville de Québec, à l'heure actuelle, est commencée depuis au-delà de cinq ans, car nous suivons ça pas à pas. Puis, plus ça va, plus ça va aller, moins on sera capable de bâtir là. Les terrains, en dehors, je suis d'accord avec vous, c'est de $1,000 ou $2,000 de plus. Mais pour la rénovation d'une ville? C'est ça que je veux savoir.

M. TREMBLAY (Montmorency): La spéculation, est-ce qu'elle est faite avec la complaisance des autorités en place?

M. PARENT: Je ne comprends pas.

M. TREMBLAY (Montmorency): Est-ce que cette spéculation est faite avec la complaisance des autorités en place?

M. PARENT: Bien, directement, je ne le crois pas. Mais seulement, si elles ne l'empêchent pas, ça revient pas mal au même. Ceux-là qui la laissent faire ou ceux-là qui la font, c'est pas mal la même chose.

M. MALTAIS (Limoilou): Une chose est certaine, c'est que je ne pense pas que ce soit de la complaisance que de vouloir améliorer la rivière Saint-Charles. Ce n'est sûrement pas de la complaisance.

M. PARENT: Cela fait longtemps qu'on attend ça. M. MALTAIS (Limoilou): N'est-ce pas, M. Parent?

M. PARENT: Ah oui, ça fait longtemps qu'on attend ça.

Si les occupants peuvent construire dans le cadre d'habitations à prix modique leur propriété, et même des copropriétaires, nous, le comité de citoyens, nous ne voyons pas pour quelle raison un type qui gagne $10,000 ou $12,000 par année peut avoir un bungalow — les architectes l'ont dit: tout le monde en parle — à lui et être propriétaire de sa maison, tandis que nous, nous ne serions pas propriétaires, à cause de la loi, qui, par malheur, a été déposée en Chambre, en première lecture, à la troisième session de la 28e Législature. Nous ne voyons pas, nous du comité des citoyens, pour quelle raison les gens qui gagnent $4,000 ou $5,000 par année ne deviendraient pas propriétaires. La preuve est faite que, si un homme est propriétaire de sa maison, il en a soin dix fois plus que quand il est locataire.

Si vous prenez 100 personnes dans une maison et que vous les mettez propriétaires, en leur disant: C'est votre maison; ce n'est pas la maison du gouvernement, ce n'est pas la maison de la ville, vous verrez le soin qu'ils en prendront.

La chicane que nous avons avec la ville, c'est que nous voulons participer au projet de construction de Jacques-Cartier. Nous n'avons pas été consultés. Ce que nous voulons, c'est faire partie d'une société Coop-Habitat. Plusieurs membres de mon comité font partie d'une coopérative, mais de là à être capables de bâtir entre nous autres, il y a une marge. Nous ne sommes écoutés nulle part, parce que nous n'avons pas de coopérative. Pourquoi le citoyen qui fait partie d'une coopérative ne participerait-il pas lui-même à sa construction du commencement à la fin pour devenir propriétaire? Si nous étions administrés par un comité de citoyens, du genre de votre commission, il n'y aurait pas de discrimination. Cela enlèverait des charges au gouvernement; cela enlèverait des charges à la ville qui doit administrer avec toutes les normes de la Société d'habitation.

Nous demandons que, pour toute nouvelle habitation, un comité d'habitation soit formé. Le comité de citoyens des bâtisses occupées s'administrera lui-même. S'il y a des personnes qui habitent dans ces maisons-là, qui font du trouble ou qui brisent la maison, le comité des citoyens, s'il trouve que ça sera mieux qu'ils s'administrent eux-mêmes, dira au citoyen: Nous te donnons 60 jours pour voir à ta "soue" ou pour voir aux murs que tu brises ou nous te mettons dehors. Ce serait bien mieux que de passer par les gouvernements et par la ville où ça prend des années et, après ça, on a, comme cela s'est déjà vu, des sommes de $50,000 à $60,000 de dommages. Que les citoyens eux-mêmes soient propriétaires et la Société d'habitation aura toujours son mot à dire; elle pourra voir si tout va bien avec le comité de citoyens. C'est ce que nous proposons et nous trouvons que c'est la meilleure solution, pour qu'il n'y ait pas de ghetto, pour qu'il n'y ait pas de dommages, pour que les maisons bâties cette année ne soient pas des taudis dans cinq d'ici.

M. GOLDBLOOM: M. Parent, si vous le permettez, avez-vous fait des calculs qui vous permettent d'affirmer que le coût mensuel de l'entretien de la maison ne seraient pas plus élevés que le coût moyen payé en loyer présentement par des familles à faible revenu?

M. PARENT: Oui, nous avons fait ce calcul. Nous l'avons fait pour 42 logements afin de lancer un petit projet, il y a trois ans, dans la ville de Québec. Nous avions préparé ce projet avec M. Dion qui est très gentil pour nous autres. Nous avions un petit projet pilote de 42 logements. Nous ne voulions pas commencer avec des centaines de logements. Nous n'avions demandé aucune subvention au gouvernement. Le calcul que nous avions fait s'échelonnait sur des mensualités de $50, $60, $70 et $80 pour cinq pièces, ce qui coûte ordinairement, je crois, $130 ou $140. Il y a trois ans, c'était meilleur marché. Aujourd'hui, plus ça va, plus ça augmente. Nous ne demandions aucune subvention au gouvernement. Nous voulions 42 logements pour les gens qui ne gagnaient que $4,000 ou $5,000 par année et qui auraient été capables de se loger là.

Nous croyons qu'à l'heure actuelle, ce sont des gens qui vivent du Bien-Etre social qui s'installent dans les taudis, les hangars et les écuries que nous avons, où l'on paie jusqu'à $70 par mois. Nous appelons les gens qui louent ces logements-là des voleurs, des spéculateurs, car le monde crève de faim dedans et gèle en hiver. Ils ont besoin de deux poêles et, avec ces deux poêles, ils gèlent.

Je ne blâme pas le gouvernement, ce n'est pas lui qui est à blâmer, il n'y a pas d'autres logements. Mais au lieu de donner $60 pour une écurie, il le donnerait pour l'habitation que l'on veut avoir. Que le locataire devienne propriétaire, et au lieu d'avoir trois poêles pour chauffer et crever de faim et mourir de froid dans sa maison, il sera bien logé au moins. On ne demande pas la lune. A l'heure actuelle, il y en a qui sont payés.

La discrimination, vous en parlez. Allez à Sillery il y en a que le gouvernement paie aussi qui reçoivent des allocations du bien-être social. Etes-vous capable de le dire? Vous ne le pouvez pas, ce sont toutes des belles maisons. Il y en a qui sont subventionnées à Sillery et à Sainte-Foy et personne ne le sait. Bien, c'est ça qu'on veut.

M. MALTAIS (Limoilou): M. Parent, quand vous parlez de l'accès à la propriété et du désir, pour la famille à faible revenu, de posséder une propriété, je ne pense pas qu'on ait de statistiques dans la province de Québec, pas même dans la région métropolitaine de Québec pour établir quel est le nombre de ceux qui veulent véritablement accéder à la propriété.

Vous savez, toute proportion gardée, il y a beaucoup plus de locataires que de propriétaires. On sait qu'il y a une demande pour la propriété, mais je ne

pense pas qu'on ait jamais établi de statistiques pour savoir quels sont les gens qui sont véritablement intéressés à la propriété. Il ne faut pas oublier qu'une propriété, en soi, ça suppose des obligations. Il y a beaucoup de gens qui, pour mille et une raisons, ne sont pas nécessairement intéressés à devenir propriétaires. Ils sont sûrement intéressés, lorsqu'ils habitent un taudis, à en sortir le plus rapidement possible, cela nous le comprenons tous. Mais il serait intéressant de savoir le nombre de ces gens-là, qui ont besoin d'être logés décemment, qui préféreraient plutôt un logement qu'une propriété. Je pense que ces statistiques seraient extrêmement intéressantes et qui pourraient nous guider dans l'élaboration d'une politique sociale en matière d'habitation et de logement.

M. PARENT: M. Maltais, notre comité, comme vous le savez siège souvent. On dialogue, tout le monde a le droit de parole, tout le monde a le droit de donner son opinion. Malgré qu'il y ait des opinions des citoyens, il y en a plusieurs qui trouvent que ce sont des idées en l'air le fait qu'ils demandent le strict nécessaire. Dans notre comité il y a au-delà de 200 personnes, même nous en avons perdu depuis trois ans parce qu'il y en a plusieurs qui sont mortes, et il y en a qui se fatiguent de discuter de logements, et de les attendre à toutes les semaines depuis trois ans. Nous, nous sommes patients parce que nous espérons encore les avoir. Il y en a d'autres qui nous ont laissés, mais dans notre comité même, je pourrais vous dire qu'il y en a au-delà de 200 qui aimeraient devenir propriétaires de leur logement, mais ils n'ont jamais eu la possibilité de le faire. Comme vous dites il y a des bungalows, mais ils n'ont pas la possibilité de payer $150 par mois. Il y en a plusieurs.

N'oubliez pas que, dans Saint-Roch, ce qui fâche le plus Mgr Lavoie et nous aussi, c'est de voir mourir des vieux et des vieilles dans des greniers. Vous le voyez sur les journaux; ils le disent: Cela fait trois jours qu'il est mort; ils en ont eu connaissance trois jours après. Il est mort dans le grenier en haut. Et ils sont secourus par le bien-être social. La vieille est morte depuis une semaine et personne n'en a eu connaissance. Elle était dans le grenier en haut. C'est pour ça qu'on a fondé une polyclinique chez nous. Egalement, nous envoyons des avocats pour essayer de défendre ces choses-là. Nous en avons fondé plusieurs affaires chez nous, justement pour ça. C'est une chose qui est très, très facile à comprendre, quand on siège avec eux autres. On veut sauver ces gens-là. Bien, c'est ça qui nous choque le plus quand, dans notre quartier — même, ça arrive ailleurs — nous avons connaissance qu'ils sont morts depuis trois ou quatre jours.

Nous avons, dans notre quartier au moins 1,800 personnes qui restent en chambre et qui paient $10 par semaine pour une chambre dans ces "mosus" de cabanes-là. Il faut y aller le voir, le comprendre. Je l'explique ici, mais nous, ça nous choque de voir ça, de payer $40 par mois pour rester dans des hangars. Le gars loue quatre chambres comme ça. Si on sait bien compter, ça fait $40 par semaine, $160 par mois pour quatre petits "coquerons" qui n'ont seulement pas de toilette; c'est la même pour tous.

Tantôt, monsieur disait: On ne veut pas avoir de télévision en couleur, deux toilettes, deux chambres de bain dans nos logements. C'est le strict nécessaire que l'on demande, c'est tout. Le gouvernement paie jusqu'à $160 par mois à ces gens-là pour ces trous-là. C'est pour ça que je vous dis qu'il y a des spéculateurs, des gens qui sont contre nous pour l'habitation Saint-Roch.

Ce sont ces gens-là qui ont plusieurs propriétés et qui ne veulent pas qu'elles soient détruites, mais ils ne restent pas dans Saint-Roch. Il y en a qui restent à Montréal et partout. C'est cela que nous voulons combattre. Nous voulons combattre ces gens-là qui font de la spéculation sur les petits à $10 par semaine et $50, pour les mois de cinq semaines. Nous avons pensé à admettre chez nous des vieux, pas trop vieux, ou des gens qui resteraient en chambre chez nous qui travaillent dans les magasins à $30 ou à $40 par semaine. Ils demeurent dans des taudis et, là ils auraient un logement de valeur. Notre point de vue principal, après cela...

M. LUSSIER: M. Parent, si vous me le permettez, simplement un commentaire en passant. Vous savez fort bien que ce que vous demandez, soit de pouvoir vous former en corporation sans but lucratif et faire affaires avec la Société d'habitation et le ministère des Affaires municipales, vous pouvez le faire, quant à la construction d'habitations à prix modique. Je pense que vous avez déjà entrepris des démarches dans ce sens. Le point principal, c'est bien évident, c'est que vous devez arriver avec des prix unitaires de logement qui sont acceptables, c'est-à-dire que ces prix-là doivent être en définitive, de 15 p.c. à 20 p.c. en bas du marché.

Alors, je pense que vous discutez cela actuellement chez vous, de vous former en corporation sans but lucratif, de vous procurer des terrains sur lesquels vous pourriez construire et faire une première expérience pilote du genre de celle que vous parliez ce matin.

M. PARENT: M. le ministre, nous avions tout pour faire cela. Si vous lisez la Loi de l'habitation, vous voyez que seules les villes ont le droit d'être subventionnées. Nous n'avons pas été capables d'aller plus loin. Notre terrain, dont nous vous parlions tout à l'heure pour faire notre projet pilote, il fallait que nous l'ayons gratuitement, parce qu'il valait $135,000 de sorte que nos habitations auraient été trop chères pour qu'on puisse les louer à un prix modique.

Le gouvernement ne subventionne que les villes. Nous voulons que le gouvernement subventionne une coopérative. Nous voulons qu'il n'y ait pas que les villes qui aient le droit d'être subventionnées. Toute entreprise qui pourrait construire des logements à prix modique devrait être subventionnée. A notre coopérative, s'il y a trois ans que nous aurions pu commencer à bâtir, si seulement nous avions été subventionnés par le gouvernement, mais la loi ne le permet pas. C'est pour cela.

M. LUSSIER: Le logement public subventionné, c'est uniquement la prérogative actuelle des municipalités. Vous savez aussi que des amendements ont été apportés à la loi par le groupe de travail sur l'habita-

tion. Ceci est étudié très sérieusement de façon que ce ne soit pas seulement les municipalités qui puissent bénéficier de logements subventionnés au point de vue de l'administration.

Mais, vous avez mentionné une autre chose tout à l'heure. Vous dites que les terrains sur lesquels vous pourriez bâtir coûteraient environ $135,000.

M. PARENT: Ils coûtaient cela, il y a trois ans.

M. LUSSIER: Je me demande pourquoi vous choisissez ces terrains-là en particulier. N'y avait-il pas d'autres terrains qui seraient meilleur marché? Pourquoi? Etes-vous obligés ou quoi? Voulez-vous absolument demeurer dans le même milieu?

M. PARENT: C'est cela. Nous voulons demeurer sur place. Nous, du comité des citoyens, nous sommes venus au monde là. La plupart des gens, comme moi, sont venus au monde dans Saint-Roch. Les vidanges, les rats et toutes les affaires que vous voyez sur la "dump", depuis 50 ans qu'on en endure la senteur et qu'on endure les rats qui venaient dans nos hangars. Maintenant, on a fini de les nourrir, parce que cela coûte trop cher, parce que le coût de la vie a monté pas mal.

Nous voulons nous rebâtir là, mais nous voulons que cela soit réaménagé. Pour quelle raison ne pourrions-nous pas demeurer là? C'est cela que nous nous demandons, nous du comité des citoyens. Je vais dire comme le président du Pacifique qui dit: La "track" est là. Cela fait 50 ans que je reste de l'autre côté de la "track". Je vais aller là, quand même, sur la "dump" quand ce sera réaménagé. Laissez-la, votre "track".

Votre "track" est là depuis cent ans. On demeure là. Nous irons demeurer là lorsque ce sera réaménagé, après ça vous démolirez le reste.

Vous nous demandez pourquoi on veut rester là? Je vous le dis. Pour quelle raison faut-il qu'il y ait un parc à cet endroit et que la rivière Saint-Charles soit réaménagée? On a vécu là, pour quelle raison allons-nous déménager pour donner ça à quelques petits bonshommes? Moi, je les appelle petits bonshommes. Les petits bonshommes, c'est nous qui voulons l'être, les comités de citoyens, puis les citoyens eux-mêmes qui restent dans Saint-Roch. On veut demeurer là, puis je crois bien qu'on va persister, et qu'on va réussir; à force d'en parler puis de se battre, on va rester là.

A part ça, vous savez à qui ces terrains appartiennent? A $1 par année, comme M. a dit tout à l'heure. On fait des démarches pour les avoir à $1 par année. Si on les obtient à $1 par année, on va être capable de bâtir à prix modique. Si vous amendez la loi telle que vous faites, on n'aura pas besoin de rien, on va aller trouver M. Dionne avec des plans, des normes etc. Le comité de citoyens va se former, être propriétaire de son logement puis s'administrer tout seul.

M.LUSSIER: Mais là, la discussion porte sur un cas particulier. Vous dites que des gens qui demeurent dans un certain secteur, un secteur qui est vétuste, des gens qui habitent des maisons insalubres — je suis d'accord avec vous —, doivent être relogés dans des logements beaucoup plus convenables. Mais, en géné- ral, les populations qui habitent ces secteurs-là, vous qui vivez à l'intérieur d'un secteur semblable — j'aimerais que la discussion soit assez générale — est-ce que les gens tiennent absolument à être relogés dans le même secteur et qu'est-ce qui les fait désirer d'être relogés dans le même secteur? Est-ce que vous considérez comme essentiel d'être relogés là où vous avez été élevés?

M. PARENT: Pour vous répondre, nous avons fait signer une pétition. Je l'ai donnée à M. Hellyer quand il est venu sur le bord de la voie ferrée parce qu'il était président du chemin de fer. C'est lui qui avait affaire à ça, M. Hellyer, je l'avais amené sur le bord de la rivière Saint-Charles. On a fait signer une pétition et 98 p.c. de la population de l'aire no 10 a voté et a signé pour demeurer là, pour avoir les terrains sur le bord de la rivière Saint-Charles qui appartiennent au fédéral et à quelques particuliers. Il y en a encore quelques-uns qui restent là. Les rats sont nourris par là, mais vu qu'il n'y a pas grand chose dans les hangars, il y a plusieurs rats qui déménagent.

M. MALTAIS (Limoilou): Le terrain en question est situé à quelle distance des berges de la rivière Saint-Charles?

M. PARENT: Les berges? Le terrain commence là. Même l'aménagement des berges appartient aux ports nationaux et au ministre des Transports. C'est ça qu'on veut avoir. Si on n'est pas capable de l'avoir là, on veut être près des limites. On ne veut pas être à dix milles, on veut être près de là. Juste après ça. C'est une obstination, on veut juste être après, c'est tout.

M. MALTAIS (Limoilou): Vous avez eu des discussions à ce sujet-là avec les autorités municipales?

M. PARENT: Cela fait trois ans qu'on en a. Avec le fédéral également, ça fait trois ans puis là M. Marchand a dit qu'il le remettait au municipal. Puis là, le municipal, on ne compte pas encore pour l'avoir. Je ne pense pas qu'on arrive à des résultats, mais on ne cessera pas de se battre. Parce qu'on croyait en justice que c'était nous qui resterions là.

M. LE PRESIDENT: M. Choquette.

M. CHOQUETTE: Voici, tout à l'heure on a parlé de la spéculation sur les terrains, la spéculation immobilière. Cela a jailli de l'exposé de M. Ritchot. J'ai eu des discussions avec M. Dion. Dans le magazine Time du 7 juin 1968 — évidemment c'est la situation américaine qui est décrite, c'est peut-être plus dramatique que la situation canadienne — voici ce que je lis: The largest contributor to housing sky rocketing cost is the price of land. In 1945, land accountered for only 12 p.c. of the price of an average house and lot. Today land constitutes 22 p.c. of the total. The National Association of home builders figures that the price of land has risen by 15 p.c. a year for the past six years." Puis dans le rapport Hellyer, je lis ceci à la page 37: "If the cost of mortgage money has been the largest single factor in rising housing costs,, there is no

question that the cost of land has been the second most important factor, while overall housing cost in Canada, rose by about 80 p.c. between 1951 and 1968 the price of service land sky rocketed by almost 240 p.c. in the same period."

C'est-à-dire que le coût total de la construction de maisons d'habitation a crû de 80 p.c. de 1951 à 1968, mais le prix du terrain a crû de 240 p.c.

M. DEMERS: C'était à $300.

M. CHOQUETTE: Je sais, mais ça indique quand même l'importance du facteur de l'accroissement du coût du terrain dans le coût total de la construction.

UNE VOIX: Le bilinguisme. M. CHOQUETTE: Intégral.

M.DION: II est assez difficile, évidemment, de commenter à partir des chiffres qui sont là. Vous savez que la façon de calculer les prix du terrain, dans les provinces autres que la province de Québec, est un petit peu différente. La façon de procéder dans les développements résidentiels est aussi assez différente dans le sens que, en Ontario, le constructeur est obligé d'installer les services publics dans la plupart des cas. Ceci existe également dans la plupart des provinces anglaises. Dans la province de Québec, le problème des services publics est un problème exclusivement municipal. Ce ne sont que des cas exceptionnels où le constructeur d'habitation développe le terrain, construit les services et en fait une partie du coût de la construction de la maison. Or, il est possible que, au plan national, la constatation que fait M. Hellyer soit assez juste. Moi, si je prends ici les chiffres en termes relatifs pour la province de Québec, quant au coût estimatif moyen du terrain des nouveaux bungalows, je m aperçois__le n'ai pas les chiffres à partir de 1951 ; ce sont ceux-là, je pense, que vous avez cités. Je les ai à partir de 1962 et je constate qu'il n'y a pas eu tellement d'augmentation. Par ailleurs, si on se réfère au coût de construction, j'ai ici des coûts estimatifs moyens de construction au pied carré pour les nouveaux bungalows. J'ai les chiffres pour 1962. Au Québec, c'était $10.24 en 1962. En 1968, $13.28; en 1969, $13.24. Or, on sait que, depuis le début de l'année, il y a eu une augmentation substantielle dans le coût du bois, qu'il y a eu des grèves, qu'il y a eu des augmentations assez substantielles de salaires qui, dans notre estimation à l'heure actuelle, constituent peut-être 20 p.c. additionnels. Alors, on peut constater à partir des chiffres que j'ai ici, ce n'est rien que j'invente...

M. CHOQUETTE : Je le sais bien.

M.DION: A partir de 1962, il y a eu une augmentation dans le coût de la construction et qu'il ne semblerait pas y avoir eu d'augmentation dans le coût des terrains, du moins dans la province. Il est évident que le bungalow ne se financera pas dans les centres hautement urbanisés, c'est surtout dans la périphérie des villes. On doit tenir compte de ce contexte dans les chiffres que je cite.

M. CHOQUETTE: M. Dion, si on devait rectifier les chiffres du Québec pour y inclure le coût des services tel qu'il est inclus dans les autres provinces du Canada, est-ce qu'à ce moment-là ça ne représenterait pas un coût additionnel? C'est un coût social, en définitive, que le contribuable finit par payer, même s'il est assumé par...

M. LUSSIER: Dans les municipalités, ça coûte plus cher pour faire de l'égout, de l'aqueduc, du pavage, des trottoirs. Quel est le pourcentage?

M. DION : Je ne le sais pas au juste.

M. LUSSIER: Beaucoup plus que le terrain a augmenté, en fait.

M. DION: Alors, il faudrait savoir jusqu'à quel point les services communautaires, les services publics ont subi une augmentation à Québec. C'est un coût qui est calculé ici séparément, c'est-à-dire sur lequel nous n'avons pas de chiffres. Maintenant, j'aimerais vous mentionner l'expérience et les nombreuses conversations que nous avons eues avec l'Ontario Housing Corporation, parce que l'Ontario Housing Corporation est habilitée à acquérir des terrains, à les aménager, à les vendre. On sait qu'elle a énormément de difficulté à développer des terrains, y installer des services publics et les vendre à un coût moyen moindre que $7,000, énormément de difficulté. Ceci s'applique à des municipalités telles que London, Hamilton. Il y a certainement un phénomène majeur de hausse de coût des terrains dans la province d'Ontario. Est-ce qu'il est aussi étendu dans la province de Québec? Je ne le sais pas.

M. CHOQUETTE: Les observations que vous faites, c'est bien, parce qu'en réalité on se rappelle qu'il y a eu beaucoup de spéculation immobilière autour de Montréal, sur l'île Jésus, jusqu'en 1963 ou 1964, peut-être. Depuis ce temps-là, il y en a eu pas mal moins de spéculation immobilière.

M.LUSSIER: II y a tellement de ville, de banlieue qui veulent se développer, or c'est ce qui fait que le prix des terrains n'augmente pas tellement, je pense. Il y a tellement de municipalités de banlieue qui offrent des possibilités à des entrepreneurs ou que cela a déjà été acheté par des spéculateurs dans le temps — parce qu'il y en a beaucoup sur le marché — que le prix de ces terrains-là...

M. CHOQUETTE: Vous dites qu'il y a de la concurrence? Il y a beaucoup d'offres de terrain. Mais, d'un autre côté, regardez...

M.LUSSIER: C'est surtout d'autres choses, je pense, qui ont augmenté le prix. Le coût des infrastructures a augmenté, le coût de la bâtisse elle-même

ou du bungalow a augmenté à cause de l'augmentation des salaires, des prix des matériaux...

M. CHOQUETTE: Oui, regardez ceci. On sait que le développement des terrains d'habitations dans les municipalités de banlieue se fait pas mal au hasard des choses; c'est l'expérience qu'on a vécue autour de la région de Montréal. A un moment donné, un constructeur a de l'influence auprès d'un conseil municipal et, là, il s'arrange pour faire installer les services qui s'en vont dans la campagne, quelque part, pas dans le désert, mais quasiment...

M. LUSSIER: Vous n'avez pas dit ça la semaine passée quand il était ici.

M. CHOQUETTE: Bien, c'est-à-dire chaque session se suffit par elle-même.

M. DEMERS: On peut changer de session.

M. CHOQUETTE: C'est un peu l'expérience vécue, mais comme disait...

M. LUSSIER: Dans certains cas, cela s'est produit, d'accord.

M. CHOQUETTE: Comme nous le disions tout à l'heure, ce coût des services finit par être payé par celui qui habite la maison. En somme, il faudrait en tenir compte dans le coût total du terrain et de son développement.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez d'autres choses à ajouter M. Parent?

M. PARENT: Oui, M. le Président. Si vous voulez prendre la page 5, troisième article, pour vous renseigner ou trouver ce que nous avons fait, le prix du terrain que nous avions, notre projet pilote. Il coûtait $120 de loyer par mois; si nous payons le terrain, il coûtait $209 par mois. Ce sont les études que nous avons fait faire il y a un an et demi environ. Ici, à l'article trois, nous recommandons que soit reconnu le principe de la participation des citoyens résidant sur le territoire à la conception et à la mise en oeuvre des projets visant à sa transformation. Dans ce but, nous recommandons que la loi prévoie la formation des comités des citoyens à l'occasion de chaque projet et que la mise sur pied et la nomination de ce comité soient confiées à des organismes indépendants par rapport aux pouvoirs et services qui décident du projet. Les promotteurs de ces comités pourront être les agents sociaux, les conseillers du Bien-Etre, les corporatives, les syndicats ou, encore mieux, d'autres comités de citoyens. Car vous savez, M. le Ministre, que les citoyens ne sont consultés que lorsque tout est fait. Nous voulons que la loi oblige les municipalités — je sais qu'il en est question là-dedans — à participer, à refuser le projet. Mais nous aimerions que le comité des citoyens, ceux qui sont impliqués, participent au projet du commencement à la fin.

M. LUSSIER: Est-ce que vous faites partie de la Compagnie des jeunes Canadiens?

M. PARENT: Non, pas encore. On n'est pas encore rendu là. M. le Ministre et MM. les députés, dans le Soleil qui a paru le samedi 11 octobre, cela vous donne encore — ce serait trop long à vous lire — la participation des citoyens et tous les ghettos qui ont été faits en France, qui ont été faits aux Etats-Unis... pour ne pas faire la même chose. Je vous le donne ici et cela a paru aussi dans l'Action catholique...

M. LUSSIER: Est-ce que l'Action catholique a déjà fait quelque chose pour l'habitation?

M. PARENT: Elle a déjà publié quelque chose dans le journal. Cet article écrit par France Dufaux a paru dans le Soleil le samedi 11 octobre. Cela, c'est important encore. C'est à peu près les mêmes idées que nous avons, exactement la même chose: il y a des ghettos et il ne faudrait pas qu'il y en ait. La participation des citoyens pour empêcher la critique... nous voulons que la participation soit faite avant. Cela ne coûte pas un cent plus cher de consulter avant qu'après.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Parent. Donc,...

M. LUSSIER: Pardon. Quand vous parlez de consultation, M. Parent, cela va jusqu'où? Actuellement, dans la Loi de la Société d'habitation, il existe un mécanisme de consultation. A votre avis, ce mécanisme n'irait pas assez loin, ou est-ce qu'il est satisfaisant tel quel? Est-ce qu'on ne le met pas assez en pratique ou quoi? ...

M. PARENT: A l'heure actuelle, M. le Ministre, nous n'avons jamais été consultés. Ce n'est pas la faute de la Société d'habitation. Vous faites de la consultation pour la rénovation. Prenez l'organisation de la ville de Québec, elle n'a pas fait de rénovation. Elle n'a pas détruit. Si elle avait détruit deux petites cabanes à côté du projet Jacques-Cartier, nous aurions pu protester. Mais là, c'est une construction, et pour la construction, la loi ne permet pas de participer. C'est ça que nous voulons: participer à toute construction, parce que la loi ne permet pas ça. La loi permet la rénovation. Et là, ce n'est pas de la rénovation qu'on fait, c'est seulement de la construction. Il n'y a pas de participation des citoyens là-dedans.

M. LUSSIER: Vous voulez participer lors de la confection des plans, lorsque la ville s'en occupe?

M. LAPOINTE: Nous demandons que ce soit obligatoire, que les comités de citoyens soient formés obligatoirement dans tous les projets de rénovation urbaine, avant le projet, et qu'il y ait même certains montants d'argent qui soient disponibles pour la formation de comités de citoyens.

M. PARENT: Comme je l'ai dit, les organisations sociales et les unions, qu'elles prennent l'intérêt des citoyens et, en même temps, de la ville et du gouvernement.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Parent.

M.CHOQUETTE: M. le Président, il faudrait faire un changement à l'effet que le Dr Victor Goldbloom remplace M. Lucien Cliche à la commission aujourd'hui.

M. LE PRESIDENT: D'accord. La commission permanente des Affaires municipales se réunira à nouveau le mercredi 26 novembre, à 10 h 30 de la matinée, à la salle 81-A de l'Assemblée nationale, pour étudier le problème du logement et de la construction domiciliaire au Québec. La commission pourra entendre les représentations des particuliers ou des organismes intéressés.

M. CHOQUETTE: Le 26 novembre?

M. LE PRESIDENT: Le 26 novembre, 10 h 30, salle 81-A.

(Fin de la séance: 12 h 43) ANNEXE

ASPECTS SOCIAUX DES PROBLEMES DE LOGEMENT ET DE RENOVATION URBAINE

PROPOSITIONS D'AMENDEMENTS A LA LOI DE LA SOCIETE D'HABITATION

Mémoire soumis à la Commission des

Affaires municipales de l'Assemblée nationale, le 15 octobre 1969 par

Le Comité conjoint du logement de l'aire 10 570, rue du Roi, Québec 2

INTRODUCTION

Dans un mémoire soumis, en collaboration avec d'autres organismes, à la Commission fédérale d'Etude sur le Logement et l'Aménagement urbain, le 23 septembre 1968, le Comité conjoint du logement de l'Aire 10 a fait connaître sa position sur ce que devrait être une politique sociale du logement et de la rénovation urbaine. Des éléments de ce mémoire ont d'ailleurs été repris dans un rapport au groupe de travail de la Société d'Habitation du Québec sur les échelles de loyer le 1er juin 1969. Etant donné que ces deux mémoires ont connu une diffusion publique et que des exemplaires en ont été remis à la Société d'Habitation du Québec, nous ne reprendrons que très brièvement les considérations qui y sont contenues.

L'objectif d'une commission parlementaire étant, si nous l'avons bien comprise proposer des améliorations aux lois à partir des opinions des citoyens, nous nous attachons surtout dans ce mémoire à traduire certains de nos points de vue en propositions d'amendements à la loi de la Société d'Habitation du Québec.

PREMIERE PARTIE Grandes lignes d'une politique sociale du logement et de la rénovation urbaine 1) Instaurer une politique d'allocation-logement 3 tous les ménages dont le revenu est insuffisant pour payer le prix d'un logement convenable. Défendant cette politique devant l'Institut canadien des affaires publiques en 1967, l'urbaniste Blumenfeld l'expliquait dans les termes suivants: "Chaque ménage sera libre de se trouver un logement qui lui convienne, pourvu qu'il soit conforme à un standard minimum qu'il n'est pas trop difficile d'établir. Le ménage pourrait choisir la location où il veut dans une maison vieille ou nouvelle. Ce qui est plus important encore, il pourrait être propriétaire, employant les subsides pour payer l'intérêt sur I hypothèque". 2) Ne pas s'engager dans une politique de 'ghettos", c'est-à-dire d'édifices essentiellement réservés 3 une seule catégorie de citoyens, les personnes à faible revenu. 3) En attachant la subvention 3 la famille plutôt qu'au logement, rendre les projets publics, les projets coopératifs et les projets d'organismes sans but lucratif accessibles à toutes les classes de revenu. 4) Favoriser un mode d'administration et de propriété qui rende possible la participation des résidents 3 la gestion de leur immeuble, de même qu'a" l'organisation de services. La formule coopérative est celle qui juridiquement répond le mieux à ces exigences. 5) Intégrer aux projets de logements un ensemble de services sociaux et communautaires qui peuvent en faire loccasion d'une promotion sociale et humaine globale. Cet ensemble implique des services de divers types, tels ceux liés à l'organisation des locataires, comme l'animation et l'information; ceux liés 3 l'utilisation des temps libres, comme les loisirs, l'éducation populaire, la garderie; les services sanitaires, comme les cliniques d'hygiène et le service de santé; les services de consultation scolaire, budgétaire, sociale, légale et autres. Il faut que les services rendus correspondent à une prise de conscience des problèmes par les gens eux-mêmes et à un choix préférentiel de solutions dans l'exécution desquelles ils soient eux-mêmes impliqués. 6) L'organisme responsable du développement urbain doit devenir un organisme de planification aussi bien sociale que physique, un organisme où on ne s'occupe pas seulement de la transformation du territoire, mais aussi et concurremment, des implications de ces transformations sur les populations qui occupent le territoire. En termes de fonctionnement, cette conception de la rénovation urbaine implique que les législations concernant le financement des projets de rénovation urbaine permettent et même fassent obligation aux organismes de développement urbain de se doter d'une équipe pluridisciplinaire à laquelle seraient intégrés des spécialistes de l'intervention dans les problèmes sociaux et humains de la rénovation urbaine. Par spécialistes de l'intervention dans les problèmes sociaux et humains de la rénovation urbaine, nous entendons des gens qui ont une formation de base dans les sciences humaines; des connaissances spécialisées, acquises par expérience vécue de ces problèmes, expérience acquise et maintenue par un contact direct et permanent avec les populations qui sont affectées par les opérations de rénovation urbaine.

7) II importe d'institutionnaliser un mécanisme de participation par lequel la population sera impliquée dans les décisions concernant les transformations au territoire qu'elle occupe, que ce soit par démolition, addition de nouveaux logements, travaux publics ou autrement. 8) La participation exige comme pré-requis la diffusion d'une information claire, précise et objective, suffisamment vulgarisée pour qu'elle soit à la portée de tous les citoyens. C'est 3 l'organisme responsable du projet de logement, de rénovation ou de travaux publics qu'il appartient d'organiser la diffusion efficace de cette information tant par l'utilisation des mass-média que par les services individualisés d'un ou de plusieurs agents d'information. 9) Tous les projets où des personnes sont déplacées devraient comporter des indemnités proportionnelles aux dépenses occasionnées et aux dommages subis, de même que l'organisation de tous les services de dépannage nécessaires en de telles occasions, comme un bureau de relogement, un service de consultation légale, un service d'aide au déménagement pour les personnes âgées ou malades etc...

DEUXIEME PARTIE

Propositions d'amendements à la loi de la Société d'Habitation du Québec

1) Des programmes de logements à loyer modique par les citoyens et pour les citoyens.

Nous proposons que la loi prévoit des dispositions incitant les citoyens qui ont un problème de logement à se constituer en association reconnue par la Société (corporation sans but lucratif ou coopérative), à se faire les promoteurs de leur propre projet de logements à loyer modique, leur permettant de bénéficier à cette fin de tous les conseillers techniques que la Société pourrait mettre à leur disposition et enfin, à devenir les agents de gestion de leur propre projet sous le contrôle et la surveillance de la Société.

Ceux qui souffrent de mauvaises conditions de logement ont une motivation vécue et quotidienne à en voir la solution. Ils ont des raisons de voir la fin de ce problème que ne peuvent avoir les hommes politiques et les technocrates qui sont bien logés dans des unifamiliales de banlieue et des conciergeries de luxe. Cette frustration des gens mal-logés peut se transformer en source d'action et d'initiative, pourvu qu'on leur donne les moyens juridiques et techniques d'agir efficacement.

Addition au règlement numéro deux. Section 11, à la suite de l'article 5. "Pour les fins de l'application de la loi, la Société peut notamment reconnaître comme organisme sans but lucratif toute association, régie par la troisième partie de la loi des compagnies ou par la loi des associations coopératives, regroupant des citoyens qui ont un problème de logement et sont disposés à se faire les promoteurs de leur propre programme de logements à loyer modique, de même qu'à devenir les agents de gestion de leurs propres logements, sous le contrôle et la surveillance de la Société". 2) Accession par les occupants à la propriété à loyer modique.

Que les occupants des logements construits dans le cadre des programmes d'habitations à loyer modique puissent accéder à la propriété de leur logement, de même qu'à la copropriété des espaces communs de l'immeuble, par le versement mensuel de leur loyer.

L'accession à la propriété du logement par la famille qui l'habite constitue, à notre point de vue, un motif d'intéressement et d'initiative qu'on ne pourrait retrouver dans aucun autre mode d'occupation du logement.

L'inclusion d'un amendement en ce sens à la loi de la Société d'Habitation du Québec supposerait sans doute que soit adopté le projet de loi concernant la copropriété des immeubles, qui a été déposé à l'assemblée nationale en 1968 et qu'on semble malheureusement avoir oublié depuis. Référence: Loi concernant la copropriété des immeubles (condominium) déposée en première lecture, au cours de la troisième session, de la vingt-huitième législature.

3) Formation de comités de citoyens à l'occasion des projets de rénovation urbaine, de logement, de travaux publics.ou autres projets affectant la population du territoire.

Nous recommandons que soit reconnu le principe de la participation des citoyens résidant sur le territoire à la conception et à la mise en oeuvre des projets visant à sa transformation. Dans ce but, nous recommandons que la loi prévoie la formation de comités de citoyens à l'occasion de chaque projet et que la mise sur pied et l'animation de ces comités soient confiées à des organismes indépendants par rapport aux pouvoirs et services qui décident du projet. Les promoteurs de ces comités pourraient être les agences sociales, les conseils de bien-être, les coopératives, les syndicats, ou encore mieux, d'autres comités de citoyens déjà formés.

La loi américaine de l'Habitation prévoyait qu'un comité de citoyens devait être formé à l'occasion de chaque projet de réaménagement. Cette décision tenait à la fois d'un souci de démocratie authentique et d'une tactique qui devait faciliter la réalisation des projets. Malheureusement, cette mesure fut détournée de ses objectifs originaux. Nous nous permettons de citer un résumé de la critique de l'application de cette mesure par R.A. Dahl dans son volume Who Governs, Democracy and Power in an American City: "Dahl étudie longuement le problème du réaménagement urbain de New-Haven et le rôle du comité de citoyens (C.A.C.). Il démontre que tout le programme de réaménagement est le fait de quelques leaders particulièrement intéressés qui exercent une influence prépondérante sous l'impulsion et la direction du maire. Ce dernier a formé et présidé un comité de citoyens (C.A.C.), composé de 25 personnes influentes du monde des affaires, de l'industrie et des banques. Près de 400 personnes ont siégé aux différents sous-comités de C.A.C. Dahl démontre clairement que ce comité est l'un des "rituels démocratiques": "la participation des citoyens a servi à rendre légitime et acceptable la conception des autorités, à créer un groupe de fidèles supporteurs, qui ont aidé à susciter un appui populaire pour le programme et à prévenir les conflits... Le comité des citoyens fut un mécanisme non pour régler les conflits, mais pour les éviter absolument". Dahl ne mentionne jamais les personnes concernées directement par la rénovation urbaine. On peut tirer de là une conclusion: leur influence sur les décisions fut minime ou nulle". (1)

C'est pour éviter la répétition de cette erreur que nous suggérons que la mise sur pied et l'animation des comités de citoyens soient confiées à des organismes indépendants de l'organisme qui fait la promotion du projet. De cette façon, serait assurée l'indépendance des comités de citoyens et sauvegardés les droits de la population résidente contre l'influence plus puissante de certains groupes d'intérêt. A la fin de leur étude sur les politiques de rénovation urbaine, Rossi et Dentier tirent la conclusion suivante: "II semble probable que la rénovation urbaine dans les grandes villes réussira soit dans les quartiers qui ont une organisation communautaire locale efficace, soit dans les quartiers où des agents extérieurs travaillent à en créer une" . (2)

Addition à l'article 32, à intercaler entre les items d) et e) "les mesures qui devront être prises en regard de la formation et de l'animation d'un comité de citoyens, en fournissant toutes les informations pertinentes sur l'organisme social qui sera responsable de la promotion de ce comité".

Addition, à intercaler entre les articles 39 et 40. "La Société ne peut approuver le programme de rénovation de la municipalité que si ce programme prévoit, à sa satisfaction, que soit assurée la participation des citoyens résidant sur le territoire de rénovation, aux diverses étapes de conception et de réalisation du programme, notamment par la formation d'un comité de citoyens du territoire, comité dont la promotion et l'animation devront être confiées à des organismes sociaux reconnus, autre que des services municipaux. Ces organismes sociaux sont les agences de service social, les comités de citoyens, les conseils de bien-être, les Coopératives, les syndicats ou tout autre organisme social reconnu pour cette fin par la Société".

(1) Michel Blondin, Hector Ouellet et Robert Chagnon, Relogement des familles expropriées, Montréal, Conseil des Oeuvres et Société de Service social aux familles, 1967, p. 41.

(2) P.H. Rossi and Dentier, The Politics of Urban Renewal, The Free Press of Glencoe, N.Y., 1961, p. 155.

Addition à l'article 49, à intercaler entre b) et c). "accorder des subventions aux comités de citoyens et aux organismes sociaux reconnus qui en font la promotion, pour leur permettre d'assurer la participation des citoyens résidant sur le territoire de rénovation, aux diverses étapes de conception et de réalisation du programme;" 4) Subvention aux organismes sans but lucratif.

Nous proposons que la disposition de l'article 58 de la Loi, qui permet aux municipalités et aux Offices municipaux de recevoir des subventions, soit étendue aux organismes sans but lucratif autres que les offices municipaux et autres coopératives. 2 raisons principales: a) pour que les logements réalisés dans le cadre des programmes d'organismes sans but lucratif soient ouverts aussi bien aux familles à faible revenu qu'aux familles à revenu moyen, et même, et même à revenu élevé. On éviterait ainsi la création de "ghettos", tel qu'on risque de le faire en confinant les familles à faible revenu dans des habitations publiques subventionnées des municipalités. La loi actuelle oblige en quelque sorte à faire des ghettos. b) c'est une ressource indispensable pour que les citoyens à faible revenu puissent efficacement se regrouper en association, en comité ou en coopérative, pour travailler collectivement à résoudre leur problème de logement. Avec la collaboration des pouvoirs publics, les citoyens sont capables de résoudre eux-mêmes leur problème.

Addition à l'article 62: "La Société peut aussi, sous les mêmes réserves accorder des subventions aux organismes sans but lucratif qui lui présentent un programme ayant pour fin de mettre des logements à loyer modique à la disposition de personnes à faible revenu, afin de les aider à défrayer le coût d'exploitation des immeubles d'habitations à loyer modique qu'ils administrent". 5) Subvention sur le terrain.

Nous proposons que la loi permette que l'achat du terrain pour la réalisation d'un programme de logements à loyer modique, par un organisme sans but lucratif, puisse être subventionné par la Société d'Habitation du Québec, dans tous ces cas où le coût élevé du terrain, dans un secteur donné, est susceptible d'empêcher la réalisation d'un programme.

En effet, le coût du terrain dans un vieux quartier surtout, est un des grands obstacles à la réalisation de programmes de logements à loyer modique. En attendant que des mesures soient adoptées pour contrôler la spéculation; nous pensons que l'octroi de telles subventions pourrait faciliter des réalisations.

Addition à l'article 62: "La Société peut aussi, sous les mêmes réserves, accorder des subventions à tout organisme sans but lucratif qui lui présente un programme ayant pour fin de mettre des logements à loyer modique à la disposition de personnes à faible revenu, afin de lui aider à réduire le coût d'achat du terrain, dans tous ces cas où, au jugement de la Société, le prix élevé du terrain, dans un secteur donné, est susceptible d'empêcher la réalisation d'un tel programme". 6) Délégation d'un pouvoir d'expropriation aux organismes sans but lucratif et aux coopératives.

Que dans le cadre de projets approuvés par la Société d'Habitation du Québec, les organismes sans but lucratif et les coopératives puissent se voir octroyer par l'intermédiaire de celle-ci et sous son contrôle, un pouvoir d'expropriation dont les limites soient celles requises pour la réalisation desdits projets.

Un tel amendement pourrait permettre de pallier les déficiences ou les insuffisances des initiatives municipales, là où elles se présentent, et donnerait aux associations de citoyens (corporations sans but lucratif, ou coopératives) le minimum de pouvoir dont elles ont besoin pour passer de la revendication à l'action, quand il s'agit de résoudre le problème de logement de leur milieu, surtout si ce milieu est un vieux quartier urbain.

Addition, à la suite de l'article 62: "Dès qu'un programme a été ratifié par le lieutenant-gouverneur en conseil, l'organisme sans but lucratif qui s'en est fait le promoteur possède les pouvoirs requis pour le mettre en application; et peut à cette fin: a) acquérir par expropriation, par l'intermédiaire et sous le contrôle de la Société, et en conformité avec le plan d'urbanisme municipal, les immeubles indiqués dans le programme. b) construire et aménager les immeubles d'habitations à loyer modique prévus dans le programme. c) détenir et administrer tout immeuble d'habitations à loyer modique". (Article 53)

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