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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mercredi 13 avril 1977 - Vol. 19 N° 22

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits des Services de protection de l'environnement


Journal des débats

 

Etude des crédits des Services de protection

de l'environnement

(Seize heures vingt-sept minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs!

La commission des Affaires municipales et de l'environnement se réunit pour étudier les crédits des Services de l'environnement. Les membres de la commission cet après-midi pour cette séance sont: M. Baril (Arthabaska) remplace M. Alfred (Papineau); M. Beauséjour (Iberville), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Caron (Verdun), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Dubois (Huntingdon), M. Charbon-neau (Verchères) remplace M. Dussault (Châteauguay); M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M. Léger (Lafontaine), M. Mercier (Berthier) remplace M. Léonard (Laurentides-Labelle); M. Marquis (Matapédia) remplace Mme Ouellette (Hull); M. Roy (Beauce-Sud), M. Saindon (Argenteuil), M. Tardif (Crémazie), M. Vaugeois (Trois-Rivières), M. Verreault (Shefford).

Je suggère que M. Marquis soit nommé rapporteur de la commission.

M. Goldbloom: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Adopté. M. le Ministre, si vous avez des commentaires...

Exposé du ministre délégué à l'environnement

M. Marcel Léger

M. Léger: M. le Président, je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue à tous les membres de la commission parlementaire tant du côté ministériel que des partis d'Opposition. Je pense que c'est une ouverture, une première occasion soit pour les nouveaux députés ou pour les anciens députés du parti gouvernemental qui, maintenant, vont siéger du côté de l'Opposition, de commencer une nouvelle année dans un rôle différent pour chacun.

Je remarquais avec un certain humour que l'ancien ministre de l'environnement est maintenant devenu le président de la campagne de financement du Parti libéral et que c'est exactement l'inverse qui s'est passé de mon côté. C'était moi qui avais été le président de la campagne de financement du parti et qui suis maintenant rendu à la place du ministre de l'environnement. Espérons que les deux pourront bénéficier de l'expérience de l'autre dans chacun leur domaine.

M. le Président, ce n'est qu'une petite anecdote, parce que, pendant sept ans, on a eu l'occasion de se rencontrer, de se taquiner chacun de son côté. Mais je pense que j'aimerais bien qu'on discute, dans ces crédits, de toutes les possibilités de solution que chaque député peut nous appor- ter, et c'est avec une grande ouverture d'esprit que nous voulons attaquer ces crédits.

En novembre dernier, M. le Président, le premier ministre m'a fait l'honneur de me nommer ministre délégué à l'environnement. Lorsque j'ai accepté ce poste, j'ai pris cette responsabilité parce que j'avais déjà le douteux honneur, comme député, d'avoir le comté qui était à peu près le plus pollué au Québec. Deuxièmement, je l'ai accepté aussi parce que j'avais joué, dans l'Opposition, le rôle de critique en matière d'environnement, au cours des dernières années.

J'étais donc très sensibilisé aux problèmes de l'environnement au Québec, mais lorsque j'ai pris en main les Services de protection de l'environnement, je me suis rendu compte qu'en fait, l'état de l'environnement au Québec était encore plus détérioré que je ne le pensais, au temps même où je siégeais dans l'Opposition.

Je voudrais aujourd'hui profiter de l'occasion pour présenter devant cette commission parlementaire, la façon dont je conçois le rôle de mon ministère. Jusqu'à présent, nous avons eu quelques mois de fonctionnement dans ces services, cela m'a permis d'évaluer la situation, d'essayer d'apporter une orientation première, quitte à être corrigé en cours de route. Jusqu'à présent, les Services de protection de l'environnement avaient eu un caractère à peu près exclusivement normatif. Les fonctionnaires avaient agi par rapport à l'environnement essentiellement comme des pompiers intervenant dans des cas flagrants de pollution.

En fait, ce quasi-ministère de l'environnement se préoccupait uniquement de pollution. Nous touchons ici une question fondamentale en termes d'orientation politique. Faut-il s'orienter vers le cu-ratif ou le préventif? Avant d'essayer d'y répondre, j'aimerais brosser un tableau de la situation de l'environnement au Québec en termes de degrés de préoccupation de la part de la population et du gouvernement.

Comme un très grand nombre de sociétés industrielles, le Québec s'était axé, surtout depuis 1960, sur la croissance économique, et ce, à un rythme tel qu'il s'est à peine rendu compte des répercussions que cela avait sur l'environnement. De toute façon, ce n'était pas vraiment pris en considération. De la même manière que la majorité des gens croit que les mers ne peuvent être polluées, les Québécois pensaient que leur pays était riche à l'infini en cours d'eau, en forêts, en grands espaces où les produits chimiques et les innombrables déchets pouvaient sinon s'éliminer, du moins disparaître.

Toutefois, il est un moment où, dans quelques pays, les hommes de science et les citoyens ont jeté un cri d'alarme et ont forcé leur gouvernement à prendre conscience des dangers qui menaçaient l'environnement. L'Organisation des Nations Unies organisa, à Stockholm, différentes conférences internationales sur l'environnement. Mon prédécesseur avait déjà participé à cette conférence sur l'Habitat à Vancouver, et la der-

nière, une conférence sur l'eau à Mar del Plata où j'ai d'ailleurs eu l'honneur de représenter l'Etat du Québec. En Ontario, il existe déjà, depuis vingt ans, des programmes d'épuration des eaux usées. C'est ainsi que 90% des municipalités de l'Ontario traitent leurs eaux usées, alors qu'au Québec à peine 10% le font. D'ailleurs, en Amérique du Nord la plupart des gouvernements agissent de façon responsable par rapport à l'environnement et ce, depuis de nombreuses années, pendant qu'au même moment au Québec, le gouvernement manifestait une indifférence quasi totale face à ce problème.

Les préoccupations économiques étaient tellement importantes qu'elles ne laissaient à peu près pas de place aux préoccupations de type écologique. Nous n'avons qu'à penser, par exemple, aux projets d'aménagement et de développement de la Baie James pour s'en rendre compte. Une absence de planification a été chronique dans ce cas. Les répercussions vis-à-vis de l'environnement ont été à peine étudiées et encore moins prises en considération. Nous aurons à payer les conséquences de cette politique du laisser-faire.

D'un autre côté, le conseil consultatif de l'environnement a été créé après de multiples pressions, et, somme toute, a été chargé d'être à l'écoute de la population. Il a rédigé des rapports concernant l'impact de certains projets sur l'environnement, mettant très sérieusement en garde le gouvernement d'alors, sur les dangers de pollution et de perturbation de l'environnement. Malgré la loi qui oblige le ministre délégué à l'environnement à rendre publics les rapports du conseil consultatif de l'environnement, ce conseil a dû mener des batailles sur certains dossiers pour qu'ils soient rendus publics.

Le Parti québécois, quant à lui, le nouveau gouvernement a une volonté qui se veut plus ferme de se préoccuper de la qualité de l'environnement et, comme preuve de ceci, j'ai été délégué pour m'occuper exclusivement de l'environnement. Dès ma nomination, je me suis empressé de poser des gestes concrets. Le premier fut d'assurer une présence dans mon ministère. Cela nous donne l'idée de l'importance que nous voulons donner à l'environnement puisque dorénavant le ministre de l'environnement aura son cabinet à l'intérieur des services de l'environnement.

Mon second geste a été de commander à mes fonctionnaires une étude globale de tous les problèmes de l'environnement au Québec, c'est-à-dire un bilan détaillé de toutes les sources de pollution de l'eau, de l'air et du sol. Sans attendre les résultats d'une telle étude qui est de grande envergure, qui n'avait jamais été réalisée au Québec jusqu'à maintenant, j'ai demandé également à mes fonctionnaires d'accélérer les travaux de préparation des règlements afin d'appliquer de façon plus efficace la Loi sur la qualité de l'environnement. Ainsi, le gouvernement a promulgué le règlement relatif aux piscines et aux pataugeoires publiques qui visent a régir la qualité de l'eau, l'alimentation en eaux, l'évacuation des eaux de lavage des filtres, les installations sanitaires et l'ensemble des conditions de salubrité et d'hygiène des pataugeoires et piscines publiques.

Par ailleurs, le projet de règlement sur les raffineries de pétrole, sur leurs affluents liquides a fait l'objet d'une première publication dans la Gazette officielle à la fin de janvier. Ce projet de règlement prévoit que les différentes matières rejetées dans les eaux par les raffineries de pétrole devront être réduites dans des proportions allant jusqu'à 97%. Les raffineries de pétrole ont élaboré des échéanciers en vertu desquels les normes établies dans ce projet de règlement seront respectées dès la fin de 1977. On estime que ces programmes d'épuration leur coûteront environ $88 millions. La période de consultation officielle de 60 jours requise par la Loi de la qualité de l'environnement s'est terminée il y a environ deux semaines. Après avoir étudié les représentations faites par les parties impliquées, nous acheminerons le projet de règlement vers le Conseil des ministres pour son adoption finale, de sorte que le nouveau règlement devrait être promulgué d'ici deux ou trois mois.

De plus, un nouveau projet de règlement doit paraître dans la Gazette officielle dans quelques jours. Il s'agit cette fois d'un règlement relatif à la gestion des déchets solides pour la disparition des dépotoirs dont l'un des buts est de mettre fin à l'existence de ces fameux dépotoirs à ciel ouvert. Quant au projet de règlement sur les carrières qui ont déjà fait l'objet d'une telle parution dans la Gazette officielle, sous l'ancienne administration, je l'ai acheminé la semaine dernière au comité ministériel permanent de l'aménagement du territoire de sorte que je m'attends qu'il soit promulgué d'ici quelques semaines.

Un autre de mes soucis majeurs, c'est de donner au public le plus d'information possible, même si cela peut se retourner parfois contre le ministre responsable d'une loi, de mettre les citoyens au courant d'une situation et souvent de ne pas être capable de la régler immédiatement, à la rapidité que le citoyen voudrait, je pense qu'il est important qu'une population soit informée sur l'état de l'environnement.

Aussi, j'ai rendu publics un certain nombre de documents qui dormaient sur les tablettes, comme le rapport sur le mercure dans le Nord-Ouest québécois. Ensuite, celui de la qualité de l'air à Thetford-Mines et à Black Lake. J'ai déposé également à l'Assemblée nationale, au début d'avril, le rapport d'activité du Conseil consultatif de l'environnement pour l'année 1975/76. J'ai déposé, également, le rapport d'activité des services de protection de l'environnement pour la même année, 1975/76 et j'en ai profité, par la même occasion, pour déposer le rapport de l'année précédente qui n'avait pas été déposé. Je me suis penché sur quelques grands dossiers qui portent sur des problèmes très sérieux de pollution au Québec à l'heure actuelle. Prenons le cas du mercure. L'étude de la situation dans le Nord-Ouest québécois nous a fait prendre conscience de la gravité du problème que pose la pollution par le mercure dans notre environnement.

A la lumière de cette étude, nous avons immédiatement pris les mesures qui s'imposaient. D'ailleurs des ordonnances avaient déjà été prises par mon prédécesseur et j'en ai pris moi-même par la suite pour obliger certains grands pollueurs à réduire de façon considérable leur rejet de mercure dans l'eau et dans l'atmosphère et à enfouir dans des contenants étanches la totalité de leurs déchets solides. Cette étude nous a également démontré les limites de nos connaissances par rapport au comportement du mercure dans la nature. C'est pourquoi nous avons commandé... j'ai été mandaté par le comité ministériel de l'aménagement du territoire pour coordonner un comité ministériel sur le problème du mercure.

En outre, les Services de protection de l'environnement vont entreprendre une étude de trois ans qui coûtera $2 millions; cette étude nous permettra de déterminer l'apport de l'activité humaine dans la pollution par le mercure et l'apport dû à des causes naturelles. Parce qu'il y aurait danger d'avoir à amener des solutions immédiates complètes sans connaître l'étendue de la cause naturelle du mercure.

Dès cette année, nous avons engagé $300 000 pour la portion de la mise en place de cette étude en profondeur. Conscient du fait que le mercure n'est pas la seule matière toxique présente dans notre environnement et soucieux de gouverner de façon responsable en tout temps, et non seulement en temps de crise et de catastrophe, nous avons élargi la portée de cette étude de façon à englober toutes les substances toxiques et cela, à travers tout le territoire du Québec.

Je tiens à faire remarquer à cette commission que certaines des mesures que nous avons mises de l'avant avaient déjà été annoncées par le gouvernement précédent. Cependant, malgré les déclarations faites à ce sujet par le régime qui nous a précédés, le régime libéral, rien de concret n'avait encore été entrepris et nous avons pris la relève pour les mettre à exécution.

Il y a quelques jours, nous avons rendu public le rapport préliminaire du groupe d'étude sur le Saint-Laurent. Ce document nous a montré de façon éloquente l'état de détérioration des eaux du fleuve et l'ampleur de la tâche qui nous attend pour remédier à cette situation. Dans un premier temps, nous avons dû recourir à des mesures rigoureuses. Une surveillance accrue sera effectuée par nos services afin d'interdire l'accès aux plages devenues impropres à la baignade.

De plus, un personnel supplémentaire sera affecté à l'analyse de la qualité de l'eau potable.

Dans un deuxième temps, il faudra envisager la mise sur pied d'un programme de dépollution. Les coûts risquent d'être "olympiques". Dans cette perspective, la population aura à faire des choix dans l'affectation des sommes consacrées aux travaux d'infrastructure, compte tenu des limites qui nous sont imposées par la conjoncture actuelle et par l'héritage que nous a légué le régime qui nous a précédés.

Pour permettre à la population de faire ses choix, il importe qu'elle soit bien informée sur l'état de la situation et qu'elle prenne conscience des risques actuels et futurs de la pollution, de ce qu'elle représente pour sa santé et celle des futures générations. Dans cet ordre d'idées, le gouvernement du Parti québécois a une volonté politique d'agir pour faire en sorte que les Québécois jouissent non seulement d'un niveau de vie satisfaisant, mais aussi et surtout, d'une qualité de vie suffisante. Ceci implique qu'il faille rompre avec le comportement présent et en développer de nouveaux qui seront mieux intégrés à la nature et ne constitueront pas une menace à l'environnement.

Les citoyens, par l'entremise de leur gouvernement, sont en mesure de choisir l'avenir qu'ils désirent. Il n'est pas nécessaire d'épiloguer longuement sur l'état de la société que nous atteindrons avant même l'an 2000 si nous continuons, d'abord, à vivre au-dessus de nos moyens, ensuite à gaspiller nos ressources et nos biens et, finalement, à rejeter sans traitement des quantités incommensurables de déchets domestiques et de déchets industriels dans l'eau, dans l'air et la terre.

Dès maintenant, le gouvernement québécois doit faire un choix: ou bien il laisse continuer les agissements actuels, ou il fait en sorte — et c'est le choix que nous prendrons — que se développe chez les citoyens et chez les industriels un comportement plus responsable vis-à-vis de l'environnement.

Au niveau des moyens, cela suppose, bien sûr, le développement d'une technologie adéquate, le contrôle de la pollution et le recyclage des déchets, de même que des outils législatifs et des mécanismes administratifs efficaces. Il faut aussi un changement de mentalité chez le citoyen. La qualité de la vie doit devenir une valeur primordiale dans notre société. Je dirais même que le genre de vie doit devenir aussi important, sinon plus, que le niveau de vie. Pouvoir respirer de l'air pur, se récréer dans des espaces verts, boire de l'eau pure, etc., doit devenir aussi important que d'avoir une télévision en couleur ou une seconde voiture.

Je pense qu'il faut apprendre aux Québécois à conjuguer peut-être davantage le verbe être que le verbe avoir. On doit se mettre à penser en termes de bonheur national brut en plus de penser en termes de produit national brut.

Par rapport à l'environnement, il faut développer des préoccupations aussi grandes que celles que l'on a par rapport à l'économie. Il faut établir la primauté à la vie, la primauté à l'homme, la primauté à la collectivité. Il faut affirmer le droit de tous et chacun à un environnement sain dans lequel ils puissent travailler et vivre. Ceci est un principe de base pour le ministère de l'environnement et doit faire en sorte qu'il soit respecté par tout citoyen, toute entreprise et toute instance gouvernementale.

Toutefois, il est important de concilier les préoccupations écologiques avec les autres types de préoccupations, telles les préoccupations économiques et sociales.

Le gouvernement québécois est déjà engagé en ce sens avec les comités permanents ministériels, et il est excellent que le ministère de l'environnement soit impliqué dans deux de ces

comités. Le futur ministère de l'environnement est donc impliqué dans le comité de l'aménagement du territoire et, en même temps, dans le comité du développement social, pour qu'il y ait une préoccupation sociale dans des prises de position concernant l'environnement. Ceci permettra de faire en sorte que la planification se fera de façon globale en pondérant les différentes dimensions.

Un autre comité interministériel est déjà en branle pour réaliser des études d'impact des futurs projets privés ou publics. Ce comité regroupe plusieurs ministères sous la coordination des services de protection de l'environnement. Ce sera, pour le gouvernement québécois, un instrument de planification du développement et d'aménagement très valable. Il permettra de faire ce que Michel Jurdant et Vincent Gérardin appellent une planification écologique, c'est-à-dire une planification où les critères écologiques et même l'environnement sont importants au même titre que les critères économiques, sociologiques et même politiques, une planification où l'espace n'a pas seulement une valeur économique productrice de biens matériels, mais également une valeur biologique, artistique, scientifique, donc productrice de biens immatériels.

M. le Président, une autre orientation fondamentale que j'entends donner au ministère de l'environnement sera le passage progressif — cela ne peut pas se faire du jour au lendemain — du curatif au préventif. Il ne s'agit pas seulement de se battre contre la pollution. Il faut surtout se battre pour protéger l'environnement. A l'effort technologique de dépollution, il faut ajouter l'effort social de prévenir la pollution.

Il faut mettre un terme au comportement antisocial des industries dont la seule préoccupation est la recherche du plus grand profit possible. Prenons le cas de la Noranda Mines, qui, en 1975, rejetait dans l'atmosphère plus de 8000 tonnes de matières particulaires de toutes sortes, et cela sans compter les rejets d'anhydride sulfureux qui, à eux seuls, sont sept à huit fois supérieurs à ceux de toutes les raffineries de Montréal réunies. Si c'est là, M. le Président, le prix que nous devons payer pour le développement économique, je me demande si nous pouvons, en tant que peuple à la recherche d'un mieux-vivre collectif, nous permettre de continuer à nous payer un tel luxe.

J'ai l'intention aussi, M. le Président, de faire en sorte que les services de protection de l'environnement jouent pleinement leur rôle, et ce de façon efficace, dans la lutte contre la pollution et dans la protection de l'environnement, par la mise en oeuvre de mesures visant à empêcher toute nouvelle détérioration de l'environnement. Mais l'action du gouvernement ne pourra pas porter tous ses fruits si les citoyens ne s'impliquent pas davantage dans la protection de leur milieu de vie.

La protection de l'environnement doit devenir l'affaire de tout le monde, du gouvernement, des entreprises et des citoyens. Après tout, tout le monde a contribué à polluer l'environnement. Le citoyen, avec ses déchets domestiques d'abord, le gouvernement, avec ses grands projets d'aménagement comme à la baie James et ailleurs, les en- treprises, avec le rejet de polluants chimiques, et les municipalités avec le rejet de leurs eaux usées non traitées.

Il faut donc que tous les Québécois contribuent personnellement à la restauration de ce qu'ils ont détruit et à la mise en oeuvre de moyens qui permettront d'éviter toute détérioration future de leur milieu de vie. Cela implique d'abord un changement de comportement. Les détritus de toutes sortes qui sont jetés par les automobilistes le long des routes ou par les piétons dans les rues des grandes villes démontrent, de façon claire, tout le travail qui reste à faire de ce côté-là, dans la mentalité de citoyens, dans cette société de consommation.

D'autre part, en tant que collectivité, nous devons effectuer un changement radical dans notre échelle de valeurs, de manière à subordonner le progrès et le développement à la qualité de la vie. Par exemple, il faudrait que nos dirigeants municipaux prennent conscience qu'il est beaucoup plus important de construire une usine d'épuration des eaux usées ou une usine de filtration qu'une aréna ou un stade olympique, même si cela semble, a priori, moins prestigieux et surtout moins rentable électoralement.

Enfin, et je l'ai répété à plusieurs reprises, il faut qu'il y ait six millions d'inspecteurs au Québec qui aideront le gouvernement à déceler les sources de pollution et à y apporter les correctifs qui s'imposent. A cette fin, je suis en train d'élaborer des mécanismes qui faciliteront, je l'espère, la participation des citoyens à la défense de leur milieu de vie. Je me suis inspiré, pour cela, du programme des lacs qui existe déjà au sein de mon ministère depuis quelques années. Avec l'aide technique des Services de protection de l'environnement, les riverains d'un lac participent eux-mêmes au programme de dépollution de leur lac, ainsi qu'aux mesures destinées à restaurer le plus possible son environnement naturel. Nous tenterons de transposer l'esprit qui anime ces programmes dans les villes qui regroupent près de 80 000 villégiateurs.

Nous voulons ramener les pollueurs et les pollués autour d'une même table, afin qu'ils discutent de la dégradation de leur milieu de vie et de leur milieu de travail, qu'ils puissent trouver avec l'aide technique des Services de protection de l'environnement, comme le gouvernement a établi l'aide juridique pour les défavorisés, au niveau d'une défense de leurs biens ou de leurs projets au niveau de la justice... Les services de l'environnement ont l'intention de donner une aide technique aux citoyens pour qu'ils puissent se sentir d'égal à égal avec le pollueur pour défendre leur milieu de vie. Donc, avec l'aide des services techniques de l'environnement, des solutions vont être trouvées qui satisferont toutes les parties en cause. Le visage, par exemple, d'un quartier où la population subit les méfaits de la pollution d'une usine qui s'y trouve; une rencontre publique pourrait être organisée entre les citoyens de ce quartier et les représentants de l'entreprise concernée. Les citoyens, bénéficiant de l'aide technique de mon ministère, pourraient ainsi discuter d'égal à égal avec les re-

présentants de la compagnie; cela, avec l'aide de notre conseil consultatif de l'environnement qui agirait comme "audiencier" public.

D'une part, les citoyens prendraient conscience des contraintes d'ordre technique ou financier qui, parfois, accompagnent l'élaboration d'un programme de dépollution. D'autre part, la publicité entourant ces réunions risquant d'être préjudiciable aux entreprises, celles-ci seraient forcées d'ouvrir le dialogue avec les citoyens et de trouver un terrain d'entente avec eux. Parce que, jusqu'à maintenant, on s'est aperçu que l'amende, souvent, n'était pas suffisante pour forcer une compagnie à respecter des normes de dépollution.

Voilà donc, brièvement, les grandes orientations que j'entends donner à mon ministère au cours des prochaines années. En arrivant à mon ministère, M. le Président, j'avais, comme préoccupation première, l'augmentation du personnel des services de protection de l'environnement. J'ai réalisé au départ que, seulement pour réaliser les responsabilités normales de ce que la loi et les quelques règlements en vigueur exigeaient, on aurait besoin d'un minimum de 300 fonctionnaires supplémentaires. Et, à ce moment-là, j'ai demandé au Conseil du trésor, ainsi qu'au comité d'aménagement et à tous les dédales de l'organisation gouvernementale, les possibilités d'obtenir 100 nouveaux fonctionnaires par année, puisqu'il est absolument impossible d'assimiler, de recruter et d'entraîner un personnel de 300 personnes qui faisaient défaut dans notre service. J'ai demandé 100 fonctionnaires par année, dans les trois prochaines années. Devant le problème de la situation financière de l'Etat du Québec lorsque nous avons hérité du dossier de ce gouvernement, nous avons réalisé les difficultés financières que cela comportait. Mais le gouvernement a répondu à mon appel, concernant l'importance à donner à l'environnement, et c'est la raison pour laquelle j'ai obtenu, pour la première année, sur une demande de 100, 74 fonctionnaires dont 65 permanents, 9 à temps partiel et 4 qui ne sont pas indiqués dans le tableau des crédits, que nous avons obtenus après l'impression de ce tableau. C'est donc dire 78 fonctionnaires. Ce ne sont pas les 100 que j'ai demandés. Il m'en manque 22. Mais soyez assurés d'une chose: Je vais certainement essayer d'en obtenir 122 l'année prochaine pour obtenir ma moyenne de 300 dans les trois ans.

D'un autre côté, une des priorités de mon ministère est de donner aux services de l'environnement tous les outils et la juridiction nécessaires pour être capables de réaliser un rôle de planificateur et non pas uniquement un rôle de pompier. C'est la raison pour laquelle je me suis assis à la même table avec le ministre des Richesses naturelles et le ministre des Terres et Forêts qui, entre parenthèses, est le même personnage, et c'est pour cela que nous avions une table à deux sièges, et, à ce moment, nous avons discuté des orientations de ces deux ministères ainsi que de l'orientation de l'environnement. Nous avons conclu que la bataille qui existait depuis dix ans entre les différents paliers de gouvernement et les différents ministères du gouvernement sur le problème de la gestion de l'eau...

Nous avons convenu que la gestion unique de l'eau était essentielle et que les ministères des Terres et Forêts et des Richesses naturelles devaient s'orienter vers le développement des richesses naturelles et se départir des responsabilités qui vont beaucoup plus du côté de la protection de la dimension eau ainsi que des terres. C'est pour cela que nous avons formé un comité interministériel des sous-ministres des trois ministères, incluant l'environnement et les deux ministères — Richesses naturelles et Terres et Forêts — pour établir les mécanismes de transfert de ces juridictions, de façon que la gestion des terres et de l'eau revienne aux services de l'environnement avec le personnel qui suivra. Actuellement, ce projet devra passer bientôt devant un comité permanent puisque les deux ministres sont d'accord et que les fonctionnaires eux-mêmes ont préparé les documents là-dessus. Nous allons bientôt présenter un projet, dans tout le pipe-line de l'organisation administrative gouvernementale que l'ancien ministre connaît fort bien, pour l'adoption de ce projet, pour rapatrier ces juridictions.

Le troisième point majeur dans l'orientation du ministère était d'orienter le futur ministère de l'environnement vers la protection de la nature, donc une planification, et non pas uniquement une méthode curative. C'est pour cela que nous avons mis sur pied l'organisation et la mise en branle d'une quatrième direction générale qui s'appellerait la direction générale de la protection de la nature dans laquelle se situera le programme des lacs et dans laquelle aussi se situera le fameux projet dont j'ai parlé depuis quelque temps, c'est-à-dire la participation des citoyens à la défense de leur milieu de vie, ceci ayant pour objectif de sensibiliser spontanément, dans tous les milieux du Québec, les citoyens qui sentent leur milieu de vie menacé soit par un pollueur industriel, soit par un pollueur municipal ou soit par un pollueur individuel, de donner aux citoyens la possibilité de s'organiser en un groupe de citoyens responsables, d'obtenir une aide technique de notre ministère pour être capables de préparer des dossiers capables de faire face aux pollueurs. Par la suite, la rencontre par des auditions publiques présentées par le Conseil consultatif de l'environnement qui aura bientôt un mandat dans ce sens — je vous parle des orientations générales — et, ainsi, d'obliger les deux groupes à corriger au niveau le plus local possible, le plus régional possible, des situations de pollution qui pourraient se régler beaucoup plus facilement au niveau local, tout en ayant la surveillance et l'appui du niveau gouvernemental. Finalement, la création du ministère qui aura lieu au cours de l'année alors que nous aurons réalisé la quatrième direction générale, le rapatriement des juridictions et, en même temps, la création du ministère.

M. le Président, les facteurs d'augmentation des crédits que vous avez ici... Les crédits sont passés cette année de quelque $17 millions qu'ils étaient l'année dernière, et qui avaient été rajustés

à $18 millions après les crédits supplémentaires, à $20 millions cette année. Cela provient des facteurs suivants: Une somme additionnelle de $625 000 a été accordée au titre de traitements de 65 nouveaux postes obtenus plus les 4 autres. Il faut cependant noter que cette somme ne représente que 60% des traitements de ces nouveaux employés et qu'aucun budget additionnel de fonctionnement ou de capitalisation n'a accompagné l'octroi de ces nouveaux postes. Donc, ce seront des sommes d'argent nouvelles qui seront amenées au cours des crédits supplémentaires.

Une somme additionnelle de $350 000 a été accordée dans le cadre de l'extension du programme des lacs. Puisque c'est un programme qui fonctionne à merveille chez nous, ce budget a été augmenté pour permettre, justement, au cours de l'année, la création d'une direction générale de la conservation de la nature. Le troisième point, c'est que les services de protection de l'environnement ont obtenu un montant de $300 000 afin d'entreprendre, au cours de l'exercice 1977/78, une étude importante portant sur les causes et l'ampleur du phénomène de l'intoxication par le mercure dont je mentionnais tantôt les suites, au programme que nous avions mis de l'avant. Finalement, le budget consacré à l'étude des eaux du Saint-Laurent, projet fédéral-provincial, a été augmenté de $150 000, une bonne partie de cet ajout devant servir à mener à bien le projet "Un fleuve, un parc". Parce que le projet "Un fleuve, un parc" dont l'aménagement de l'île Sainte-Thérèse, près de mon comté, et en même temps de l'île Charron, près des comtés de la rive-sud de Montréal, qui est le départ et la porte d'entrée du projet "Un fleuve, un parc", devra se réaliser dans les prochaines années et ce projet aura une partie de responsabilité prise par l'environnement et une autre partie, plus importante quand même, prise par le ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, qui a une vocation d'aménagement, ainsi qu'une partie prise par le ministère des Richesses naturelles. De toute façon, le projet "Un fleuve, un parc" est une préoccupation des trois ministres concernés et nous allons mettre les efforts voulus là-dessus.

En terminant, M. le Président, et avant d'arriver à l'étude des crédits article par article, je voudrais brièvement vous dire que les grandes orientations que je viens de donner à mon ministère au cours des prochaines années devront se faire la plupart cette année, d'autres l'année prochaine, mais je suis conscient de l'immensité de la tâche qu'il reste à accomplir et j'entends y consacrer toutes mes énergies. Je ne suis pas un spécialiste dans le domaine biologique ou chimique, je ne suis pas un scientiste ni un scientifique, je suis simplement un ministre qui veut mettre une volonté de réalisation de projets en essayant de m'entourer de personnes compétentes et de personnes capables de me donner le plus de réponses possible aux préoccupations des gens et j'essaierai, de mon côté, de prendre les décisions le plus rapidement possible en ayant autour de moi le personnel compétent qui comblera les manques qu'un ministre peut avoir en arrivant à un poste de ministre de l'environnement. Je pense qu'il n'y a aucune école, aucune université qui forme un ministre de l'environnement, comme c'est le cas pour n'importe quel autre ministre. C'est une chose qui s'apprend, mais ce qu'il faut faire, c'est, au départ, y mettre l'énergie voulue.

Alors, M. le Président, dans ce pays que nous sommes en train de construire, il faut redonner, je pense, ses droits à la nature en empêchant le développement sauvage. Mon rôle n'est pas, comme je l'ai répété souvent dans le temps où j'étais dans l'Opposition, de m'opposer aveuglément au progrès, mais plutôt de lutter contre le progrès aveugle. C'est dans ce développement, en harmonie avec la nature qui les entoure, que les Québécois formeront un peuple sain, pleinement épanoui et fier d'habiter un pays où il fait bon vivre. Je vous remercie, M. le Président.

M. Roy: Est-ce que le ministre pourrait nous présenter son équipe, comme c'est l'habitude?

M. Léger: M. le Président, je vais vous présenter mon équipe. J'ai avec moi le sous-chef, le futur sous-ministre de l'environnement, M. Jolicoeur, qui était en place l'année dernière aussi; j'ai avec lui M. Yvan Dubois, qui est du côté de l'administration; Me Jean Piette, qui est le conseiller juridique; M. Jean Roy, responsable de la direction générale du service industriel, et M. Louis Tremblay qui est l'adjoint de M. Jolicoeur au niveau de l'administration. J'ai ici avec moi M. Michel Gauthier et Mme Pierrette Petit, membres de mon cabinet.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que le représentant de l'Opposition officielle veut ajouter quelque chose?

Commentaires de l'Opposition M. Victor-C. Goldbloom

M. Goldbloom: M. le Président, puisque nous aurons tout le temps voulu pour examiner ensemble les crédits en détail, je voudrais me limiter en ce moment à une très brève intervention. Il va sans dire que chaque citoyen partage la responsabilité de la protection de l'environnement, chaque législateur partage, dans la mesure de ses responsabilités à l'Assemblée nationale, l'administration de ce que peut faire un gouvernement, un parlement pour amener une population à être plus consciente des besoins de l'environnement, de ses besoins de protection et d'amélioration, et à voter — parce que c'est pour cela que nous sommes ici aujourd'hui — les crédits nécessaires pour l'accomplissement des tâches.

Il me semble stérile de vouloir faire sur une base concurrentielle une comparaison de la préoccupation de l'un et de l'autre pour la protection de l'environnement. Tenons pour acquis que c'est une préoccupation qui est essentiellement égale chez tout le monde. Ce que je voudrais dire en ce moment, M. le Président, c'est que j'ai eu l'honneur, je l'ai toujours, c'est un honneur qui ne me quittera jamais, d'avoir été le premier à occuper le fauteuil de ministre de l'environnement. Il

serait injuste de dire que je suis parti à zéro, il existait des centres de décision et d'action au sein des ministères qui constituaient la structure gouvernementale à l'époque, notamment à l'ancien ministère de la Santé et au ministère des Affaires municipales et évidemment, encore aujourd'hui, d'autres ministères, dont deux ont été mentionnés par le nouveau ministre, partagent cette responsabilité.

Mais une chose est claire, c'est que le nouveau ministre commence à un point plus éloigné du point zéro que celui auquel j'ai dû commencer. Il y a eu du progrès pendant cette période de temps, une période relativement importante, M. le Président, parce que, quand on regarde l'histoire politique de notre province ou de notre pays, on voit une certaine rotation, on voit des remaniements qui ont lieu assez souvent et qui ne laissent à un ministre donné que relativement peu de temps à la tête d'un ministère en particulier.

J'ai eu l'honneur d'être là pendant plusieurs années, à peu près six années pour être plus précis, et si j'ai pu faire avancer la cause de l'environnement, ce n'est certainement pas à cause de l'effort individuel que j'ai pu consacrer à ce travail. Il y a des personnes, M. le Président, dont la tradition parlementaire veut que l'on ne parle jamais si l'on doit parler d'elles en mal. Mais il n'est jamais défendu, à mon sens, de parler en bien d'autres personnes. Je voudrais profiter de cette première intervention, dans les nouvelles circonstances que nous vivons, pour rendre un témoignage aux fonctionnaires qui ont fait le travail, qui ont fait progresser la cause de l'environnement au Québec.

C'était pour moi — j'ai parlé de l'honneur que j'ai eu — très particulièrement un honneur d'avoir pu être brièvement quand même le capitaine de cette équipe. C'est une équipe qui est absolument exceptionnelle, je n'ai aucune hésitation à le dire, et la contribution de tous et de chacun a été exceptionnelle pour moi et m'a permis, comme porte-parole de cette équipe et du gouvernement dont j'étais membre, de manifester devant la population du Québec non seulement cette préoccupation à laquelle j'ai fait allusion au début, mais aussi certains éléments d'une politique précise et certains résultats tangibles.

Puisque nous avons fait ce progrès, M. le Président, je pense qu'il m'incombe de rendre ce témoignage et d'offrir mes hommages à cette équipe de fonctionnaires et de souhaiter au nouveau ministre qu'il continue le même genre de relations respectueuses dans les deux directions.

Il a souligné le fait qu'il n'a pas, de par sa formation, des connaissances spécialisées dans le domaine scientifique. J'en ai, de par ma formation, quelques-unes, mais quand même limitées. C'est parce que j'ai voulu toujours — et j'espère avoir réussi— rendre à cette équipe de fonctionnaires le témoignage de mon respect pour leur compétence professionnelle, que j'ai toujours sentie, qu'il y avait un climat de bonne entente, de bonne humeur, de confiance, de conviction — parce qu'il en faut — qu'il y a moyen de corriger les problèmes qui existent, de faire avancer la cause de l'environnement au Québec et d'impliquer tous les ci- toyens dans la mesure de la responsabilité de chacun à ce travail progressif.

C'est la seule contribution que je voudrais faire à ce débat en ce moment, M. le Président. J'ai été honoré par la collaboration que j'ai eue et je veux rendre hommage à ceux qui, pendant six années, m'ont offert cette collaboration et qui continueront de le faire à l'endroit d'un nouveau personnage qui occupe le fauteuil. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Le député de Saint-Hyacinthe.

M. Fabien Cordeau

M. Cordeau: M. le Président, le gouvernement a annoncé à plusieurs reprises, depuis le 15 novembre dernier, sa ferme intention de transformer le Service de la protection et de l'environnement en un véritable ministère de l'environnement.

Déjà, un premier pas a été franchi par la nomination d'un ministre délégué à l'environnement, responsable de l'élaboration et de l'application des politiques gouvernementales dans ce domaine et de la mise sur poied de ce nouveau ministère dans un bref avenir.

J'ai pris note avec plaisir de l'attitude positive du ministre relativement à l'ouverture de son gouvernement pour mieux informer la population des dangers qui existent ou qui sont prévisibles dans le domaine de l'environnement.

Une information libre et complète est un prérequis essentiel à une plus grande prise de conscience des citoyens pour qu'ils s'impliquent à tous les niveaux dans la protection de l'environnement. C'est un pas dans la bonne direction et nous encourageons le ministre à demeurer ferme dans cette voie.

Il s'agit à notre avis d'un changement salutaire et longuement attendu. Une action dynamique s'impose pour combattre la pollution sous toutes ses formes et pour protéger efficacement l'environnement.

Nous sommes heureux de constater que le gouvernement entend se doter de structures claires et précises et qu'il projette une volonté d'action réelle qui a trop longtemps manqué dans ce secteur névralgique de notre économie.

Mais ce n'est pas tout de se donner des structures et de faire preuve d'une détermination farouche de passer à l'action. Il faut, en plus, se donner les moyens techniques et financiers qui nous permettront d'atteindre les objectifs visés.

Or, sur ce point, je me pose de sérieuses questions. Les crédits prévoient des améliorations — oui — mais ces améliorations se limitent en grande partie à l'augmentation des effectifs du futur ministère, une augmentation d'environ 12,4%.

Est-ce vraiment suffisant? Est-il vraiment impossible d'augmenter davantage les crédits disponibles pour la salubrité du milieu et particulièrement pour assurer une meilleure qualité de l'eau au Québec?

Je n'apprends rien au ministre en disant que

le problème no 1 au Québec, aujourd'hui, dans le secteur de l'environnement, c'est d'abord la qualité de l'eau. Et Dieu sait que j'en sais quelque chose car, dans ma région, nous vivons à l'heure actuelle une situation dramatique et intenable à ce niveau.

Vous n'êtes pas sans savoir que durant le dernier hiver, durant dix jours, les citoyens ont dû se rendre à des camions-citernes pour aller chercher leur eau avec leurs cruches. Réellement, pour une population de tout près de 40 000 citoyens, c'est, comme je le disais tantôt, dramatique et intenable. Bien sûr, nous avons eu la collaboration du service de la protection de l'environnement pour essayer de trouver le "bobo" comme on dit, mais après plusieurs journées d'analyses, ils n'ont pu trouver d'où provenaient ces agents polluants. Il y a bien des soupçons, mais effectivement, pour aller plus loin et prendre des procédures, c'est encore, actuellement, un point d'interrogation pour la population de Saint-Hyacinthe.

A la conférence des Nations Unies sur l'eau qui a eu lieu à Mar del Plata, au début du mois de mars, le ministre a fait plusieurs déclarations sur les intentions du gouvernement dans le domaine de l'environnement, et particulièrement, de l'action qu'entend suivre son futur ministère, qu'il a qualifié de ministère de la qualité de la vie.

Si j'ai bien compris, ce futur ministère regroupera, en partie ou en totalité, la direction générale des eaux du ministère des Richesses naturelles pour devenir le gestionnaire unique des ressources eaux et terres au Québec. Il s'agit d'un projet ambitieux et qui nécessite plus d'explications. Je crois que c'est le moment le plus approprié pour le ministre de nous informer de ses intentions dans ce domaine. Il semble que le nouveau ministère ne se limitera pas au seul objectif de la conservation ou de la surveillance de l'environnement. Il ira beaucoup plus loin. Le ministre vient de nous donner certains éclaircissements. Néanmoins, je voudrais savoir du ministre, avant que nous abordions l'étude des programmes du service de l'environnement, quand prévoit-il la mise sur pied de ce ministère. Est-ce au cours de cette année? Jusqu'où entend-il aller pour devenir unique gestionnaire des ressources eaux et terres? Les discussions avec les ministères concernés semblent aller bon train. Pourrait-il nous dire quels points majeurs ont suscité jusqu'ici des problèmes? Quelles seront les nouvelles structures qui seront créées, soit à l'intérieur de ce ministère ou sous la responsabilité du ministre pour assurer une meilleure surveillance des normes de protection de l'environnement — inspection accrue, création d'un tribunal spécial — pour permettre une meilleure utilisation des fonds publics versés sous formes de subventions ou de prêts aux municipalités ou aux organismes privés et publics intéressés?

M. le Président, le ministre a-t-il l'intention, dans sa stratégie à long terme, de réglementer la propriété du sol ainsi que l'ont demandé les militants du Parti québécois? Ira-t-il aussi loin que de créer un conseil supérieur de l'aménagement et de probation du territoire agricole, dans sa volonté de vouloir devenir unique gestionnaire de la ressource terre? Le ministre peut-il nous dire où en est le service de l'environnement dans la préparation des règlements antipollution? Sur ce mot, j'attire son attention sur la question que je lui ai posée au feuilleton à ce sujet, et à laquelle nous attendons toujours une réponse.

Je crois que M. le ministre se souvient de cette question qui a déjà été posée. En somme, M. le Président...

M. Léger: J'ai lu les anciens dossiers.

M. Cordeau: Les écrits... Je pourrais poser des questions pendant quelques temps encore, mais je reviendrai sur chacun de ces sujets à l'intérieur de l'étude des programmes respectifs. Pour le moment, j'attends des éclaircissements du ministre sous forme de remarques préliminaires. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: M. le Président, à la suite de l'exposé que vient de nous faire le ministre et mes collègues de l'Opposition, je me limiterai seulement à quelques brèves remarques. Je pense que dans un premier temps, il convient de dire que je souscris et nous souscrivons, je pense, entièrement aux objectifs et aux principes que nous a énoncés le ministre tout à l'heure.

Il y avait quelque chose à faire dans ce domaine au Québec, il était urgent que cela se fasse. Il y a déjà un travail de commencé et nous osons espérer que le ministre responsable de la qualité de l'environnement — on veut le donner et le gouvernement a manifesté l'intention de créer un véritable ministère de l'environnement — puisse être en mesure d'appliquer de saines politiques, des politiques réalistes de façon à protéger notre territoire et notre qualité de vie.

En effet, cette loi qui a été sanctionnée le 21 décembre 1972, soit il y a un peu plus de quatre ans, avait suscité énormément de discussions avant son adoption, au cours de son étude en deuxième lecture, tant à la commission parlementaire, il y avait eu des mémoires présentés, qu'au moment où elle fut sanctionnée. J'ai justement ici une déclaration du représentant de l'Opposition officielle, du chef de l'Opposition du Parti québécois du temps, le docteur Camille Laurin, qui avait déclaré ceci: On reproche au ministre d'Etat responsable de la qualité de l'environnement de demander, dans cette loi-cadre, des pouvoirs très étendus qui seront par la suite définis par des règlements promulgués par le lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire le cabinet. "Intervenant dans ce débat — et je cite un reportage qui a été fait dans le journal Le Devoir et — le chef parlementaire péquiste, monsieur Camille Laurin, s'est montré très réticent à signer une sorte de chèque en blanc dans un domaine où bien des privilèges devront être dérangés si le gouvernement veut atteindre les objectifs qu'il s'est fixés lui-même."

Or, ceci dit, j'aimerais demander au ministre s'il a l'intention de procédera une refonte de la loi de l'environnement dans l'immédiat, ou s'il a l'intention de se servir de la loi actuelle et de l'exploiter davantage, c'est-à-dire de travailler à sa mise en application avant d'y amorcer certaines réformes. Ce qui avait été dénoté à ce moment, c'est que la loi était une grande loi-cadre qui comportait évidemment plusieurs chapitres, plusieurs dispositions, et laissait au lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire au cabinet, le pouvoir d'établir tous les règlements nécessaires à son application dans tous les domaines. C'est une loi qui comporte et accorde énormément de pouvoirs. Mais par la force des choses, compte tenu des contingences budgétaires — on en a entendu parler justement hier — il y a très peu de moyens économiques, financiers dont le gouvernement dispose pour pouvoir apporter toutes les mesures qui devraient s'imposer et l'aide qui devrait être apportée aux municipalités. Je songe aux municipalités entre autres parce que le ministre a parlé tout à l'heure de la construction d'une usine d'épuration des eaux. Beaucoup de municipalités au Québec n'ont pas encore de services d'égouts et d'aqueduc. Enormément de lacs sont pollués et nécessiteraient une action énergique de la part des autorités publiques, les autorités locales n'ont pas les moyens d'intervenir. Il faudrait, là-dessus je suis d'accord avec le ministre, songer à des coûts astronomiques, même des coûts "olympiques", si on veut parvenir à corriger la situation en se donnant un certain nombre d'années.

Ce qui m'amène à dire ceci: II y aurait lieu pour le gouvernement d'établir un certain nombre de priorités. C'est bien important. On a parlé de l'environnement le long des routes... Vous aurez bientôt la période des vacances. Il y aurait une sensibilisation, une campagne d'éducation qu'on devrait faire auprès du public, de façon à sensibiliser davantage le citoyen. La question de l'environnement et de la protection de l'environnement ne doit pas être l'affaire de l'Etat uniquement. Il faut que ce soit l'affaire de chacun des individus. Il faut que chacun et chacune des citoyens du Québec prenne ses responsabilités dans ce domaine. C'est pourquoi j'estime que si on consacre des sommes d'argent assez importantes pour faire des études concernant les implications soit du mercure ou de certaines formes de pollution qui existent dans nos cours d'eau, on devrait, en toute priorité, consacrer certaines sommes d'argent dans des campagnes d'information et d'éducation du public. Cette campagne d'éducation devrait s'étendre également dans nos écoles de façon qu'il y ait peut-être des conférences, des cours donnés à nos étudiants du Québec pour essayer de les sensibiliser dès maintenant à cette motivation que chacun doit avoir pour jouer son rôle dans ce secteur extrêmement important.

Parce que si 6 200 000 Québécois et Québécoises décident de travailler de façon à protéger l'environnement, il est entendu que ce sont des dizaines et des dizaines de millions de dollars que nous allons pouvoir économiser à partir de maintenant et au cours des années qui vont suivre.

J'aimerais aussi aborder la question — on pourra y revenir tout à l'heure lorsqu'on abordera les détails du programme, mais je veux quand même faire une remarque de portée générale en me servant de l'exemple que le ministre a annoncé tout à l'heure à savoir qu'on veut mettre un terme aux dépotoirs à ciel ouvert. Je crois qu'il faut qu'on tienne compte des différentes régions du Québec, qu'on tienne compte des régions rurales par rapport aux régions urbaines. Les problèmes ne sont pas les mêmes dans les régions rurales, dans les régions urbaines. Il y a énormément d'endroits au Québec, dans des régions éloignées, à faible densité de population et dans des localités où obliger ces municipalités de façon assez dictatoriale et assez coercitive, à faire des investissements comporterait des fardeaux assez considérables pour les citoyens.

Mais, étant donné qu'on ne peut pas, à mon avis, à cause des implications budgétaires et à cause des coûts, étendre l'application de règlements à la grandeur du Québec, on devrait établir des territoires, des zones où on pourrait procéder en toute priorité. Je pense que, dans les milieux urbains, la mesure qu'a annoncée le ministre s'impose depuis longtemps et il faut qu'il se fasse quelque chose de ce côté. Il y aurait peut-être lieu de pouvoir concilier l'idéal et le possible, parce que je pense que ce sera le grand défi de l'environnement de concilier l'idéal et le possible de façon à apporter les meilleures mesures qui s'imposent.

M. le Président, le ministre a terminé son intervention en disant qu'il avait l'intention, à la suite des rencontres qu'il a eues avec le ministère des Terres et Forêts et le ministère des Richesses naturelles et leur titulaire, de faire concéder au Service de protection du ministère de l'environnement la gestion des terres. J'aurais des réserves à ce moment-ci. Je pourrai évidemment y aller avec plus de détails. Si le ministère...

M. Léger: Pas la réserve des trois chaînes?

M. Roy: Non, ça, on pourra en reparler. C'est peut-être au moins une réserve d'au moins une chaîne pour commencer.

J'aurais des réserves, parce qu'à partir du moment où le ministère de l'environnement sera impliqué dans la gérance de quelque chose, il sera lui-même placé dans des situations de conflit. Je pense que le ministère de l'environnement doit demeurer un ministère de surveillance, un ministère de protection et non pas un ministère de gérance et d'administration comme tel. Cela m'apparaît fondamental pour poursuivre la mission et les objectifs que le ministère s'est donnés.

En terminant, je veux quand même féliciter l'équipe qui travaille au ministère de l'environnement pour le travail qui a été fait jusqu'à maintenant, avec les moyens du bord et les outils assez limités. Il y a quand même eu quelque chose de fait, je pense qu'on peut déjà commencer à sentir dans le Québec les effets bénéfiques de certaines mesures qui ont été prises. Je comprends que je ne suis pas en position de dire à ce moment-ci que

tout a été réalisé. Au contraire, il y a énormément à faire, mais il y a des amorces qui ont été faites et je pense qu'on peut sentir à ce moment-ci, et les citoyens le constatent de plus en plus, que le ministère de l'environnement n'a pas seulement sa place, mais il s'impose de toute urgence.

Réplique de M. le ministre

Le Président (M. Boucher): Est-ce que le ministre veut exercer son droit de réplique?

M. Léger: M. le Président, je remercie les trois représentants des partis de l'Opposition qui se sont exprimés pour la façon positive avec laquelle ils ont apporté leurs critiques ou leurs recommandations. Au départ, je tiens à dire que j'ai bien aimé la présentation du député de D'Arcy McGee, qui a reconnu jusqu'à quel point un ministre ne peut fonctionner que s'il a autour de lui des compétences. Je crois que c'était dans l'ordre. Je le félicite d'avoir félicité les fonctionnaires qui l'ont appuyé au moment où il était à ma place. J'ai remarqué aussi qu'en prenant ce nouveau siège, j'avais avec moi des gens qui avaient une attitude très loyale et qui étaient dévoués à la cause qu'ils défendent.

Dans les questions qui ont été mises de l'avant, il y en a quelques-unes auxquelles je peux répondre immédiatement. Quand est-ce que le ministère va être créé?

On m'a demandé de donner des précisions sur l'orientation de ce ministère. Je dirais que l'orientation future du ministère et son rôle principal seraient surtout basés essentiellement sur la protection de la ressource et non pas, pour répondre en même temps à la question du député de Beauce-Sud et du député de Saint-Hyacinthe, avec une préoccupation d'aménagement. C'est une responsabilité qui relève d'un autre ministre et entre l'environnement et l'aménagement, même si cela rime, il y a une grande différence. L'aménagement est beaucoup plus une question de territoire qu'on aménage pour des citoyens; mais, il doit y avoir, derrière cela, une préoccupation de protection du milieu de vie, protection de la ressource, terre, eau et air, par opposition à des ministères qui auraient une vocation de développement des ressources naturelles.

Je pense qu'il est important qu'il y ait, au Conseil des ministres, des personnes qui ont une préoccupation de la protection de la nature, qui défendent ce point de vue au Conseil des ministres, avec des ministères qui ont une préoccupation de développer le Québec; et le Conseil des ministres devient un peu comme l'arbitre de ces défenses.

Quand il n'y avait qu'un seul ministre du développement économique et qu'il' était en même temps le ministre responsable de la protection d'une ressource, il était lui-même en conflit d'intérêts. Ce n'est pas l'intention du service d'environnement de devenir un ministère qui le mettrait lui-même en conflit d'intérêts.

On serait toujours un peu l'empêcheur de tourner en rond d'un développeur économique à tout prix et à tout risque et c'est pour cela qu'il faut qu'il y ait une voix qui n'aura que la préoccupation de la protection du milieu de vie.

On a aussi amené la possibilité d'augmenter les moyens techniques et financiers. L'augmentation de 12,4% qu'on a mentionnée tantôt, c'est sûr que c'est insuffisant. Vous devez remarquer quand même que la plupart des ministères ont subi des baisses, que certains ont subi certaines hausses et que le service de l'environnement a obtenu quand même une hausse un peu supérieure à la moyenne, qui démontre l'importance qu'on veut donner à cela.

Il faut aussi dire —et je vais le dire en toute humilité — que tout ministre qui arrive en place, quelle que soit l'expérience qu'il a eue dans l'Opposition, il est quand même un peu démuni devant l'ampleur des dossiers à apprendre et dont il doit prendre connaissance et très souvent, la défense de ces projets peut se faire d'une façon un peu malhabile, au départ.

M. Goldbloom: C'est un excellent aveu.

M. Léger: C'est la raison pour laquelle je vais m'entourer et je me suis entouré de compétences et je pense que la première ronde a été quand même assez lucrative puisque nous avons obtenu, cette année, au niveau particulier d'une priorité que le député de Saint-Hyacinthe mettait de l'avant tantôt, l'alimentation en eau potable et de la qualité de l'eau... Nous avons pratiquement doublé, dernièrement, le nombre de personnes qui sont responsables de l'alimentation en eau. Il n'y avait, depuis quatre ans, au service de l'environnement, que 38 fonctionnaires qui s'occupaient uniquement de l'alimentation en eau et de la qualité de l'eau et nous en avons obtenu 31 additionnels. C'est donc dire que... Ce n'est pas suffisant, mais on a presque doublé déjà. Je peux vous assurer que dans le prochain budget, cela va être augmenté de beaucoup dans ce milieu.

Concernant le problème de la rivière Yamaska, où la ville de Saint-Hyacinthe a subi des problèmes majeurs, je peux peut-être donner un petit résumé de la situation qui n'a pas été donné publiquement, je pense, à la suite de ce problème qu'ont subi près de 40 000 à 50 000 citoyens.

Je dois dire qu'au départ, les services de l'environnement ont été avisés un jeudi du problème qu'il y avait là. Nous avons commencé l'enquête le jeudi et c'est dans la journée de vendredi que le déversement aurait cessé. Donc, le déversement de matières polluantes dans l'eau de la rivière Yamaska avait cessé depuis le vendredi.

Ceci a amené une difficulté d'analyser, d'une façon plus dense, les prélèvements que nous avions là-dedans. Ce court laps de temps ne nous a pas permis de faire des recherches sur un nombre suffisant de paramètres. Sans qu'il y ait eu obstruction systématique de la part des industries visitées, il y a quand même eu une réticence normale, bien compréhensible, qui pousse les industries à ne pas donner toutes les informations qui pourraient les incriminer. Bon nombre de produits chimiques d'usage courant présentent un pro-

blème assez complexe à l'analyse, si on ne sait pas, au départ, de quelle substance il s'agit.

Autrement dit, n'ayant pas pu prendre à temps la quantité de matières polluantes pour évaluer quel est le poison ou quelle est la matière toxique qu'il fallait retrouver pour trouver qui était le coupable, il était assez difficile de pouvoir rapidement évaluer cela, même si nous sommes allés visiter plusieurs industries.

Il n'est pas nécessaire qu'un manufacturier nous cache beaucoup d'informations pour qu'il soit capable de brouiller les pistes au bon moment.

Pour bien comprendre cela, il faut savoir que tous les appareils de laboratoire dont les chimistes disposent, aussi sophistiqués qu'ils soient, ne peuvent analyser quantitativement une substance, si le chimiste ne sait pas au départ quelle substance rechercher en particulier. Il peut y avoir des centaines de substances. Si aucune indication ne lui est fournie, il peut alors entreprendre la plus importante des séries d'analyses et malgré tout, tomber à côté de ce qu'il cherche. On peut donc procéder à la série d'analyses physico-chimiques habituelles qui comportent environ une quarantaine de paramètres et négliger par contre une substance qui peut être très toxique, que nous n'aurions aucune raison de soupçonner, à moins que le manufacturier nous fournisse l'information. C'était donc la difficulté au départ, trouver réellement la cause, le responsable de ces déversements.

Cet incident s'est donc terminé sans qu'il y ait eu aucune vie humaine menacée. Toutefois, la population de cette ville a eu à subir beaucoup de désagréments et des dépenses inutiles; des pertes financières ont été subies par la municipalité et par plusieurs industriels qui ont dû suspendre leurs activités pendant un peu plus d'une semaine.

Des situations analogues de pollution ponctuelle des eaux, d'un cours d'eau, risquent de se reproduire sur la rivière Yamaska, qui avait baissé son niveau d'eau à ce moment, comme elle est susceptible de se produire dans d'autres cours d'eau du Québec. Cet incident à Saint-Hyacinthe nous montre comment il est difficile de cerner le ou les coupables. Cependant, les risques de contamination seraient grandement diminués si nous possédions des règlements sur les déversements des eaux usées industrielles, autant dans les réseaux municipaux que directement dans les cours d'eau et avec des contrôles que la mise en application de ces règlements prévoirait. C'est pour cela que, à ce moment, j'ai réalisé l'importance d'accélérer le processus de préparation de règlements pour les déversements industriels dans l'eau. On m'a, à ce moment, amené le problème qu'il y avait plusieurs types d'industries, donc plusieurs types de polluants, et qu'il fallait, pour être capables d'avoir une réglementation le plus juste possible, prendre le temps voulu pour le faire. J'ai pressé le personnel de ce côté. On a augmenté le personnel pour commencer à apporter une série de règlements qui toucheraient tel ou tel type d'industries.

Mais il y en a plusieurs centaines d'industries tout le long de la rivière Yamaska. C'est pour cela que ce règlement est plus difficile.

Le deuxième point, c'est la quantité du personnel d'inspecteurs qu'il faudrait pour, réellement, faire respecter tous les règlements que nous mettons en oeuvre. C'est la raison pour laquelle j'ai mis de l'avant l'idée d'avoir une équipe volante d'inspecteurs, qui, sans avis, sans avertir l'industrie, pourrait, n'importe quand, aller évaluer, aller prendre des prélèvements, des échantillons et des inspections précises dans les industries, sans qu'elles soient prévenues. Ceci serait un peu le rôle d'un policier qui surveille les personnes qui pourraient déroger à la loi. Cette équipe volante d'inspecteurs, c'est un projet que nous avons de l'avant pour essayer de trouver des solutions à des problèmes qui nous sont arrivés, comme celui-là.

Le fait que la rivière Yamaska ait été contaminée et le fait que cela n'avait pas de conséquence toxique, quand on a vu que la majorité des substances toxiques était passée, nous avons redonné à la population et aux municipalités la permission de consommer de l'eau, mais après les avoir arrêtées au moins une semaine à dix jours de façon que, tant que nous ne savions pas les conséquences de ces matières toxiques, il n'y ait pas, au moins, de danger pour la population.

Maintenant, quand on parle de surveillance accrue et par la population... Quand je parlais de mes six millions d'inspecteurs, c'est justement la raison pour laquelle ce tribunal spécial, ce comité ou cette commission d'audience de l'environnement sera un outil essentiel pour rendre absolument officielles les rencontres entre les pollueurs et les pollués pour que la discussion autour d'une table se fasse et qu'on redonne aux industries cette conscience sociale qui, souvent, fait défaut ou du moins parfois est très secondaire à une conscience de profits pécuniaires que nous voyons trop souvent dans le système dans lequel nous vivons. Si les citoyens s'impliquent d'une façon particulière, dans leur milieu, qu'ils rencontrent ces pollueurs, il y aura un dialogue qui permettra de trouver des solutions partout dans le Québec, dans tous les milieux, et cela coûtera beaucoup moins cher à l'appareil gouvernemental puisque ces citoyens, défendant leur propre milieu de vie amènent bénévolement une participation au budget du service de l'environnement.

Je pense que c'est une façon, du moins, au départ, de sensibiliser les gens à la défense de leur milieu de vie et en permettant aussi de diminuer la pollution dans toutes les régions du Québec.

Maintenant, cette loi pour la création du ministère de L'Environnement, pourra être présentée, je pense, au cours de l'année et devrait être adoptée à la fin de l'année, selon l'échéancier dont j'ai parlé tantôt. Concernant les dépotoirs à ciel ouvert et la réglementation sur la gestion des déchets, je pense qu'il faut avoir un juste équilibre entre imposer des règlements, parce qu'il y a un problème, et ne pas consulter la population, ou du moins, la consulter d'une façon tellement longue qu'on ne prenne pas de décision. Il y a un juste milieu entre un gouvernement qui veut décider et qui veut

consulter en même temps. C'est la raison pour laquelle j'ai envoyé, en même temps que je préparais le règlement pour l'envoyer a la Gazette officielle, une lettre à tous les conseils de comté du Québec, ainsi qu'à l'Union des municipalités du Québec pour leur demander, d'une façon privilégiée, à eux qui ont une préoccupation du territoire rural, en particulier, d'évaluer les implications de ce règlement des déchets sur les dépotoirs, les déchets solides, et, dans une soixantaine de jours, de m'apporter des mémoires. A ce moment, je leur ai promis de les rencontrer. Ils ont donc reçu ce mémoire avant la Gazette officielle, de façon que le conseil de comté, qui a un rôle important à jouer au Québec, puisse donner son point de vue particulier sur ce règlement, et, dans les soixante jours qui suivront la parution dans la Gazette officielle de ce règlement, leurs rencontres, avec les possibilités d'amendements qu'ils me prépareraient, ainsi que les incidences financières que ce règlement va mettre de l'avant, nous permettront de prendre une décision, et on la prendra assez rapidement.

De toute façon, nous avons fait une étude des implications financières de ce règlement. On peut dire, en gros, que cela coûterait à peine $2 par tête pour l'implantation de ces sites d'enfouissement sanitaire qui remplaceraient les dépotoirs. C'est donc dire que c'est une somme absolument acceptable et abordable, et qui permettrait aussi de développer des sites d'enfouissement sanitaire régionaux. Aussi, nous allons avoir dans ce règlement une facilité d'adoucissement pour les municipalités de 2000 de population et moins, parce qu'il est sûr que cela coûte beaucoup plus cher quand on est moins nombreux pour le payer. C'est pour cela que le règlement tiendra compte des municipalités à faible densité de population.

Le député de Beauce-Sud a parlé de concilier l'idéal et le possible, je pense qu'il va falloir, au niveau de l'environnement, qu'on fasse une distinction dans les réalisations qu'on a à faire dans ce qui est nécessaire, ce qui est essentiel, ce qui est important et ce qui est urgent.

Discussion générale

M. Goldbloom: M. le Président, pour modifier légèrement un vieux dicton, "Mieux vaut apprendre tard que jamais". Je suis heureux que le nouveau ministre ait quand même, au cours des derniers quatre mois et demi, appris les difficultés de diriger le travail de protection de l'environnement qu'il a systématiquement été incapable d'apprendre pendant les six années et demie précédentes. C'est effectivement, comme l'a dit, à juste titre, le député de Beauce-Sud, un problème de concilier l'idéal avec le possible. C'est la définition de la responsabilité gouvernementale. On dit que gouverner, c'est l'art du possible. Cela demeure l'art du possible.

J'aimerais poser au ministre des questions relatives à la création de ce nouveau ministère.

C'est un sujet qui se discute dans l'opinion publique depuis un certain temps et il y a beaucoup de gens qui disent: II faut absolument créer un ministère de l'environnement, et c'est comme cela que les choses vont aller mieux. J'ai toujours pris la position que la création d'un tel ministère serait purement symbolique s'il n'y avait pas un accroissement des pouvoirs et surtout l'élargissement du champ de responsabilités.

Je suis heureux d'apprendre qu'il existe maintenant une entente entre le ministre de l'environnement et le ministre des Richesses naturelles sur le transfert des éléments du ministère des Richesses naturelles, qui ont une responsabilité pour la ressource eau, vers les Services de protection de l'environnement, éventuel ministère. Je crois que c'est effectivement cela qu'il fallait pour le déblocage et pour justifier la création d'un ministère, pour faire une différence avec la situation actuelle qui n'est quand même pas différente de celle de l'existence d'un ministère. Il y a un chef, un sous-chef; il y a des fonctionnaires, il y a une loi. Il y a tout l'appareil nécessaire, et que l'on appelle cela service ou ministère, cela revient à la même chose dans les faits de l'administration. L'appeler ministère ne lui donne pas plus de pouvoirs s'il n'y a pas également dans la loi, dans les règlements et dans les faits administratifs, des pouvoirs accrus.

Donc, la question que j'aimerais poser au ministre est la suivante: II a mentionné des éléments de responsabilité qui existent présentement au ministère des Richesses naturelles et au ministère des Terres et Forêts. Mais il y en a d'autres et, si l'on veut devenir gestionnaire unique de la terre, par exemple, le ministère de l'Agriculture aurait long à dire à ce sujet-là. Il y a des problèmes créés aux municipalités par le programme de drainage agricole, si cher à tout ministre de l'Agriculture depuis le début de notre existence. Voilà des choses qui pourraient faire partie de la responsabilité d'un éventuel ministère de l'environnement. Jusqu'où le ministre a-t-il le désir d'aller en cumulant sous sa responsabilité ces divers éléments de mécanismes pour la protection de l'environnement?

Le Président (M. Boucher): Le député de Saint-Hyacinthe a demandé la parole.

M. Cordeau: Je crois que le député de D'Arcy McGee vient de poser une question. Je ne sais pas si le ministre veut répondre tout de suite.

M. Goldbloom: J'attends la réponse du ministre.

M. Léger: Voici: Je suis d'accord avec le député de D'Arcy McGee pour dire que la création d'un ministère comme tel, s'il n'a pas plus de pouvoirs, n'amènera pas de grands changements. C'est la raison pour laquelle nous avons voulu récupérer des juridictions d'autres ministères. Il y a d'autres ministères aussi qui possèdent certaines responsabilités que nous pourrions récupérer. Il y en a au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, aussi. Il y en a aussi au ministère de l'Agriculture, entre autres les problèmes sur les pesticides. Pour le drainage agricole, je suis d'accord avec le ministre aussi. C'est une préoccupation du ministère de l'Agriculture.

Cependant, il va falloir, d'une part, que le ministère de l'environnement n'oublie jamais que sa responsabilité, c'est la protection d'une ressource et qu'il ne faudrait pas que nous enlevions, que c'est absolument impensable d'enlever à un autre ministère la portion de responsabilités d'un développement. C'est la partie protection de la ressource à laquelle nous voulons nous limiter, mais le fait d'avoir un ministère amènerait quand même quatre conséquences majeures, la première étant l'augmentation du poids au niveau de la préoccupation à l'intérieur du cabinet.

Quand il y a un ministère de l'environnement, l'ancien ministre sait fort bien les difficultés qui existent d'un ministère à l'autre au niveau de la préoccupation, au niveau d'un projet d'un ministère sur l'aspect de l'environnement.

Si tout l'aspect contrôle de la protection de l'environnement relève d'un ministère, le ministère qui a un projet quelconque devra, au Conseil des ministres, faire face à la préoccupation environnementale parce qu'il y aura un ministre dont la préoccupation et la responsabilité seront précises là-dessus et la voix du ministère est beaucoup plus écoutée que lorsque ce n'est qu'un service.

Au niveau des revendications ou des prises de position du gouvernement fédéral dans le domaine de l'environnement, la réalisation d'un ministère de l'environnement québécois a beaucoup plus de poids au niveau des relations fédérales-provinciales temporaires concernant les problèmes de l'environnement.

Il y a aussi le fait qu'un ministère de l'environnement aurait beaucoup plus de poids, pour parler au nom de la population, qu'un simple service; c'est pour cela qu'un ministre de l'environnement, responsable d'un ministère de l'environnement, deviendrait un peu l'ombudsman du citoyen au niveau de son environnement, et finalement, le fait que ce soit un ministère qui agisse pour l'ensemble des réalisations ou de la défense de préoccupations pour l'environnement, assurerait beaucoup plus de crédibilité.

Alors, un ministère comme tel parle à voix égale, à poids égal avec les autres ministères sur une préoccupation première dont il est le défenseur. Il est sûr qu'il faut ajouter à cela des responsabilités qui viennent d'autres ministères, mais je pense que si on veut aller loin, il faut prendre une bouchée à la fois et je pense que la bouchée de la gestion des terres et la gestion de l'eau est déjà assez grosse, puisque cela faisait dix ans que les fonctionnaires se battaient chacun de leur côté pour dire: Cela devrait être chez nous, et je pense que c'est une indication de la volonté du gouvernement de donner du poids à la protection de l'environnement, en amenant du côté de l'environnement la responsabilité de la gestion de l'eau et des terres.

Le Président (M. Boucher): Passons-nous...

M. Goldbloom: Le député de Saint-Hyacinthe avait demandé la parole.

Le Président (M. Boucher): Le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le ministre, tout à l'heure, vous avez fait mention qu'il y aurait un comité où pollués et polluants pourraient se réunir à une table, mais ce comité aurait-il des pouvoirs décisionnels concernant...?

M. Léger: II y a deux façons de donner du poids à cette association qui, je le souhaite, peut être temporaire ou permanente. D'abord, c'est d'être capable de faire asseoir à la même table le pollueur. Quand c'est une industrie, si cette dernière n'était pas obligée, publiquement, d'être présente, elle pourrait facilement, d'un revers de la main, dire aux citoyens: Ce n'est pas sérieux.

Il y aura alors des étapes de réalisation de cette association de citoyens pour donner un caractère sérieux à cette association et, le caractère sérieux étant défini, l'aide technique lui étant donnée, la fabrication de dossiers précis lui étant assurée — on est quand même en train de la préparer, je ne donne que des orientations — cette commission aurait des pouvoirs quasi juridiques pour obliger le pollueur à comparaître pour avoir des recommandations précises de sa part, sur la façon dont cette industrie s'attend de régler un problème avec le groupe de citoyens. C'est une première façon, je pense, de permettre d'atteindre les objectifs qu'on veut atteindre. Un deuxième point, c'est que nous songeons à augmenter les pouvoirs légaux, autant dans le Code civil que dans le domaine pénal, pour que des citoyens puissent eux-mêmes poursuivre un pollueur, ce qui n'est pas le cas actuellement. Il y a quelques cas où on peut le faire. Il y a des règlements qui sont là, qui peuvent être utilisés pour une poursuite par le service de l'environnement mais il y en a très peu qui peuvent être utilisés par un individu comme tel. Nous allons aussi mettre de l'avant le "class action" permettant à un groupe de citoyens ou à une personne défendant un groupe de le faire avec des lois. Ce sont tous là des moyens que je donne comme hypothèse. Je n'affirme pas cela comme tel aujourd'hui. Nous avons déjà préparé une étude précise sur le projet que j'avais mis de l'avant et là-dessus, nous avons toutes les hypothèses possibles pour donner aux citoyens les moyens de se défendre au niveau local, car on pense que c'est là qu'on peut régler beaucoup de problèmes tout en ayant l'appui du gouvernement à cette association de citoyens.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Je voudrais aborder un sujet avec le ministre, puisqu'il parle, à un moment donné d'organiser... je pense que cela va être clos...

Le Président (M. Boucher): On doit ajourner à 18 heures. Présentement, il y a vote. Est-ce qu'on ne devrait pas ajourner immédiatement?

M. Roy: Ajournons immédiatement, je suis d'accord, mais je pourrai reprendre la parole dès l'ouverture de la séance.

Le Président (M. Boucher): D'accord.

M. Léger: C'est demain, à 10 heures, je pense?

Le Président (M. Boucher): Nous ajournons nos travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 54)

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