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(Dix heures vingt et une minutes)
Le Président (M. Lorrain): À l'ordre, s'il vous
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Bonjour è tous. Les travaux de la commission de
l'Assemblée nationale vont reprendre. Avant de débuter
l'étape que j'appelle des plaidoiries ou de l'argumentation, tel
qu'entendu il y a déjà plusieurs semaines entre les deux
formations politiques, j'aurais peut-être un avis à donner aux
membres de cette commission qui va quand même être très
bref, mais que je considère comme très important.
Organisation des travaux
Je crois maintenant que je dois faire les commentaires suivants.
L'étape dans laquelle nous nous engageons, ce matin, que l'on a
nommée "plaidoiries" dans les consensus intervenus entre les groupes
parlementaires, est réservée à l'appréciation de la
preuve entendue depuis le début de notre mandat.
Les membres de la commission pourront comparer les divers
éléments de la preuve qui sont devant la commission et pourront
porter des jugements sur les divers témoignages entendus, ce qui
était formellement défendu à l'étape de
l'interrogatoire des différents témoins.
Cette évaluation des divers éléments de la preuve
permettrait à tous les membres d'en venir à une conclusion sur le
reproche formulé à l'endroit du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation, conclusion qui sera arrêtée
par la commission à la prochaine étape de nos travaux,
c'est-à-dire en séance de travail de la commission de
l'Assemblée nationale.
Sans présumer du jugement respectif des membres de la commission,
je me permets d'inciter les membres au respect des évaluations que l'on
fera de part et d'autre. Le privilège de la liberté de parole
m'apparaît fondamental au terme de l'enquête menée par cette
commission. J'entends bien faire respecter le droit de parole de chacun.
Cependant, s'il est permis de porter un jugement sur un témoignage, il
n'est pas pour autant permis de porter une attaque personnelle à
l'endroit d'une personne venue témoigner devant notre commission. Et,
là-dessus, j'aimerais vous rappeler qu'il y a des dispositions qui sont
prévues à cet effet dans notre règlement, advenant le
cas...
Aux fins d'encadrer cette grande latitude dont disposent les membres de
la commission de l'Assemblée nationale pour apprécier la preuve,
l'attitude tout de même limitée par les termes de notre mandat est
dans le but de prévenir toute atteinte au droit de parole des membres
à cette étape de nos travaux. J'entends appliquer scrupuleusement
et plus particulièrement les articles 32 et 35 de notre règlement
et j'aimerais vous faire lecture de quelques paragraphes seulement qui, je
pense, s'appliquent vraiment à notre commission.
À l'article 32, les députés doivent observer le
règlement et contribuer au maintien du décorum de
l'Assemblée, et enfin, ils doivent s'abstenir de tout ce qui peut nuire
à l'expression d'autrui et au bon fonctionnement de
l'Assemblée.
À l'article 35, le député qui a la parole ne peut:
4° s'adresser directement à un autre député; 5°
attaquer la conduite d'un député, si c'est que par une motion
mettant sa conduite en question; 6° imputer des motifs indignes à un
député, se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant; 8
employer un langage grossier ou irrespectueux; 9° adresser des menaces
à un député et, enfin, tenir des propos
séditieux.
Alors, j'ai eu - et je vous remercie beaucoup - la collaboration de
tous, tout au long de cette commission, malgré l'objectif et le mandat
de cette commission qui n'était pas facile.
Je vais maintenant céder, selon le consensus intervenu, la parole
à un membre de l'Opposition officielle pour la première
intervention sur l'argumentation des travaux de cette commission.
M. Lefebvre: M. le Président.
Le Président (M. Lorrain): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Lefebvre: Avant que le leader de l'Opposition prenne la
parole, est-ce qu'on peut prendre pour acquis que les plaidoiries d'un
côté comme de l'autre se feront dans un seul bloc, à
savoir, dans un premier temps, l'Opposition et, dans un deuxième temps,
les ministériels? C'est la suggestion, à tout le moins, que je
fais à la commission qu'on procède de cette
façon-là, M. le Président.
Argumentation
Le President (M. Lorrain): Alors, j'aimerais vous rappeler le
consensus 34. Je vous lis, je vais vous faire lecture seulement de ce qui
s'applique, oui: À la fin des auditions en séance publique,
chaque groupe disposera d'une heure et demie pour présenter son
argumentation et remarques finales. Cette enveloppe de temps doit être
utilisée d'un trait, sans alternance entre les groupes, mais peut
être utilisée par plus d'un membre d'un même groupe.
Alors, je prends l'autre consensus qui dit que, d'abord, l'Opposition
procédait, a fait sa preuve, et s'il y avait lieu, le gouvernement, la
formation ministérielle faisait une preuve, ce qu'elle n'a pas fait. Or,
je vais reconnaître tous les membres de l'Opposition qui voudront bien
intervenir à l'intérieur de l'enveloppe du consensus 34. M. le
leader de l'Opposition, je vous cède la parole.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. La commission de
l'Assemblée nationale s'est réunie au cours des dernières
semaines de nombreuses heures afin de procéder à l'audition de
nombreux témoins pour examiner les faits allégués par le
député de Lévis quant à la conduite du ministre de
l'Agriculture et député de Portneuf, le vendredi 19
décembre dernier.
Il est opportun d'exposer comment la commission a été
appelée à se pencher sur cette question. Le vendredi 19
décembre dernier, le député de Lévis,
immédiatement après la fin de la période de questions,
soulevait une question de privilège. Le député de
Lévis s'est alors exprimé comme suit après avoir fait
référence au dixième paragraphe de l'article 55 de la Loi
de l'Assemblée nationale. Au Journal des débats du 19
décembre 1986, page 5844, on peut lire; "Je viens d'apprendre que le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a
appelé l'avocat de la CITRSQ, la Corporation intermunicipale de
transport de la rive sud de Québec, pour lui dire - c'est pour cela
qu'il m'a appelé pour me le dire - que si je contribuais pas, si je ne
contribuais pas - dis-je - à faire adopter le projet de loi 132 sur la
protection des territoires, des terres agricoles, non seulement il s'engageait,
mais il a dit à l'avocat qu'il bloquerait le projet de loi qui concerne
la Corporation intermunicipale de transport de la rive sud de
Québec."
Le député de Lévis soulevait cette question de
privilège en vertu du premier paragraphe de l'article 69 du
règlement de l'Assemblée nationale qui prévoit que le
député qui constate une violation de droit ou de privilège
peut la signaler tout de suite après le fait et qu'il peut aussi aviser
par écrit le président au plus tard une heure avant la
période des affaires courantes. D'une part, le député de
Lévis ayant pris connaissance des événements justifiant sa
question de privilège au moment même où la période
des affaires courantes se déroulait et, d'autre part, le 19
décembre étant la dernière journée avant
l'ajournement de la session d'automne et donc la journée où le
sort du projet de loi privé 272 pouvait être réglé,
le député de Lévis se devait de soulever
immédiatement après le fait sa question de privilège au
risque de n'avoir aucun recours utile et efficace au moment de la reprise de la
session en mars 1987.
Le président de l'Assemblée indique par la suite qu'il
devait décider de la recevabilité de la question de
privilège, c'est-à-dire statuer prima facie s'il y a
matière à violation de droit ou de privilège et qu'il
prenait donc cette question en délibéré.
À 16 h 23 le même jour, le président
déclarait recevable la question de privilège et s'exprimait ainsi
au Journal des débats du 19 décembre 1986, page 5888: "Comme m'y
oblige le paragraphe 6 de l'article 35 de notre règlement, je dois
accepter la parole du député de Lévis et c'est sur les
faits qu'il a relatés ce matin que je dois me prononcer pour statuer sur
la recevabilité de la question de privilège. Les faits
décrits par le député de Lévis m'ont convaincu que
prima facie il s'agit d'une question de privilège."
À l'occasion de cette décision, le président
s'était exprimé comme suit concernant le paragraphe 10 de
l'article 55 de la Loi de l'Assemblée nationale et, au Journal
des débats du l° décembre 1986, paqe 5887, le
président ajoute: "II faut rappeler qu'il découle du grand
privilège reconnu dans tous les Parlements, soit le privilège de
la liberté de parole. Tous les auteurs de droit parlementaire
s'entendent pour dire que l'on ne peut entraver un député dans
l'exercice de ses fonctions."
Immédiatement après cette décision, le
président a cédé la parole au député de
Lévis pour que celui-ci donne de brèves explications sur la
question qu'il avait soulevée. Le député de Lévis
rappela alors brièvement les faits qu'il avait relatés au moment
où il soulevait la question de privilège. Il relata ensuite
l'importance du projet de loi privé 272 pour la Corporation
intermunicipale de transport de la rive sud de Québec et
également que c'était le ministre des Affaires municipales
lui-même qui avait suggéré cette voie. Le
député de Lévis indiqua par la suite que lui et ses
collègues avaient des appréhensions concernant le projet de loi
132 et que le leader de l'Opposition avait même proposé un
amendement concernant ce projet de loi afin
que le texte de la loi reflète exactement la volonté
ministérielle et gouvernementale.
Le député de Lévis s'exprimait comme suit sur la
pression qui lui était faite, au Journal des débats du 19
décembre, page 5887: "M. le Président, c'est pour cela que je ne
peux pas être influencé comme député de Lévis
ou avoir une menace qui pèserait sur ma tête comme quoi des gens
de mon comté seraient pénalisés. Il s'agit d'un montant
important. Il y a plusieurs millions de dollars en cause et la loi qui couvre
les règlements pour les valider nécessite l'approbation de cette
Chambre, autrement des subventions à 75 % ne seront pas octroyées
par le ministre... par le ministère des Transports."
C'est à cette occasion également que le
député de Lévis indiqua son intention de présenter
une motion mettant en cause la conduite du ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation et député de Portneuf et
demanda que l'Assemblée nationale statue sur sa conduite après
que la commission de l'Assemblée nationale ait fait enquête de
plein droit.
Ou consentement unanime de l'Assemblée, il fut ensuite permis au
ministre de l'Agriculture de s'exprimer sur la question de privilège. Le
ministre n'exprima de façon générale que des commentaires
sur la procédure. En aucun moment, il ne fit référence aux
faits allégués par le député de Lévis, soit
principalement l'appel téléphonique au procureur de la Commission
intermunicipale de transport de la rive sud de Québec. Il se contenta
d'affirmer que jamais il n'avait posé de tel geste dans les
communications qu'il avait eues avec quiconque en regard de l'étude, de
l'application ou de l'adoption du projet de loi 272. Il ajouta également
que les faits invoqués par le député de Lévis sont
non seulement exagérés mais qu'ils étaient faux en ce qui
le concernait.
Le 11 mars 1987, la motion présentée par le
député de Lévis faisait l'objet d'un débat en
Chambre au cours duquel le député de Lévis et le ministre
de l'Agriculture se sont exprimés. Dans son allocution, le
député de Lévis cita textuellement le préambule de
la Loi de l'Assemblée nationale. Il n'est pas inutile de la rappeler
aujourd'hui dans la mesure où ce préambule exprime l'esprit et
les buts poursuivis par les dispositions de cette loi.
À la Loi de l'Assemblée nationale, on peut y lires
"Considérant le profond attachement du peuple du Québec aux
principes démocratiques du gouvernement; "Considérant que
l'Assemblée nationale, par l'intermédiaire des
représentants élus qui la composent, est l'organe suprême
et légitime d'expression et de mise en oeuvre de ces principes;
"Considérant qu'il incombe à cette Assemblée, en tant que
dépositaire des droits et des pouvoirs historiques et
inaliénables du peuple du Québec, de le défendre contre
toute tentative de l'en spolier et d'y porter atteinte; "Considérant
qu'il convient, en conséquence, d'affirmer la pérennité,
la souveraineté et l'indépendance de l'Assemblée nationale
et de protéger ses travaux contre toute ingérence; "Sa
majesté, etc..."
Et, un peu plus loin, le député de Lévis faisait
encore une fois référence au paragraphe 10 de l'article 55 de la
Loi de l'Assemblée nationale de même qu'il décrivait la
situation dans laquelle il se trouvait le matin du 19 décembre. Sur ce
dernier point, il s'exprimait comme suit: Le Journal des débats
du 11 mars 1986, à la page 5983: "Je ne peux accepter que l'on mette en
cause les intérêts des citoyens de mon comté pour m'amener
à consentir à un projet de loi public qu'en toute conscience je
considérais inadéquat, inapproprié et ne reflétant
pas uniquement les objectifs que le ministre disait vouloir viser. Agir
autrement m'apparaît contraire à mon mandat de
député par lequel j'ai juré que je serai loyal envers le
peuple du Québec et que j'exercerai mes fonctions de
député avec honnêteté et justice dans le respect de
la constitution du Québec."
De son côté, le ministre de l'Agriculture et
député de Portneuf confirmait pour la première fois - le
11 mars 1987 - avoir téléphoné le 19 décembre 1986
dans l'avant-midi à Me Lemay. Il rapporte qu'il a indiqué
à Me Lemay qu'il s'opposait au projet de loi 272. 11 explique ainsi les
motifs de ses objections dans le Journal des débats du 19
décembre 1986, page 5984: "Quand j'ai pris connaissance du projet de
loi, j'ai eu l'occasion de formuler, entre autres, à mon collèque
le ministre des Transports, mes inquiétudes en regard d'une disposition
rétroactive qui venait ratifier une procédure en vertu de
laquelle une commission intermunicipale représentant un certain nombre
de municipalités s'était engagée à dépenser
des sommes importantes sans obtenir le consentement requis des autorités
du ministère des Affaires municipales."
Le ministre mentionnait également, concernant des pressions
indues, voir le Journal des débats du 29 décembre 1986,
page 5985: "Or, M. le Président, je voudrais vous dire en terminant que
j'affirme de mon siège que je ne me suis associé ni directement
ni indirectement à une démarche voulant influencer ou faire
modifier la position adoptée par le député de
Lévis. Rien au contraire."
Par la suite, évidemment, la commission de l'Assemblée
nationale était convoquée afin d'examiner de plus près la
question avant d'en venir spécifiquement aux
faits et aux témoignages. Je pense qu'il est pertinent de
préciser quels sont les articles de la Loi sur l'Assemblée
nationale qui sont plus directement en cause.
Tout d'abord la Loi sur l'Assemblée nationale. Au-delà du
préambule déjà cité, deux dispositions de la Loi
sur l'Assemblée nationale sont directement en cause dans la
présente affaire. D'abord, l'article 43 qui édicte que: "Un
député jouit d'une entière indépendance dans
l'exercice de ses fonctions." Le sens de cet article est clair et il ne cause
aucun problème d'interprétation. La charge de
député étant le moyen d'expression de la
démocratie, d'expression de la volonté du peuple, il est
fondamental et primordial que celui-ci puisse exercer ses fonctions de
façon indépendante. Les électeurs d'un comté
élisent un individu dont le rôle sera de les représenter
à l'Assemblée nationale et de voter en toute conscience sur des
questions qui touchent les citoyens. On n'a jamais accepté que le
jugement, l'action d'un député puissent être guidés
ou dictés par autre chose que son jugement et sa conscience. Ce grand
principe découle directement de l'un des plus grands principes de droit
parlementaire, soit le privilège du droit de parole dans son sens large.
Au delà de l'énoncé de principe de l'article 43,
l'Assemblée nationale a jugé bon de préciser et d'indiquer
très spécifiquement des situations qui constituent une violation
de ce privilège. À cet égard, le paragraphe 10 de
l'article 55 de la loi est directement relié à l'affaire
qu'étudie la commission. À l'article 55 on peut lire le
préambule... le tout premier paragraphe de l'article 55: "Nul ne peut
porter atteinte aux droits de l'Assemblée. Constitue notamment une
atteinte aux droits de l'Assemblée, le fait de: - et le paragraphe 10 en
question -Essayer d'influencer le vote, l'opinion, le jugement ou l'action du
député par fraude, menace ou par des pressions indues."
La question que doit donc trancher la commission peut donc s'exprimer
comme suit: Est-ce que le ministre de l'Agriculture a essayé
d'influencer le vote, l'opinion, le jugement, l'action du député
de Lévis concernant la Loi modifiant la Loi sur la protection du
territoire agricole, par fraude, par menace ou par pression indue? Cette
question peut, par ailleurs, se subdiviser en plusieurs points qui pourraient
être examinés séparément. D'abord le fait de savoir
si le député de Lévis avait à voter, à
rendre une opinion, à poser un jugement, ou encore à poser une
action concernant un élément directement relié à sa
fonction de parlementaire. Est-ce que les gestes posés par le ministre
de l'Agriculture visaient à influencer le député de
Lévis dans les décisions qu'il avait à prendre? Est-ce que
ces gestes constituaient des pressions exercées sur le
député de Lévis? Et finalement, est-ce que ces pressions
étaient indues? C'est-à-dire, est-ce que ces pressions
étaient acceptables dans le cadre de nos lois et règlements, dans
le cadre du droit parlementaire, dans le cadre de nos principes
démocratiques?
L'état du projet de loi 132, et 272 au 19 décembre 1986,
M. le Président. Pour bien comprendre le déroulement des
événements, je crois qu'il est nécessaire de rappeler
l'état des deux projets de loi autour desquels tournent les
événements. L'état de ces deux projets de loi n'a jamais
été constaté, contesté, dis-je. Il est relativement
facile d'en dresser les étapes jusqu'au 19 décembre. Tout d'abord
le projet de loi 132, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire
agricole, a été déposée à l'Assemblée
nationale par le ministre de l'Agriculture le 11 novembre 1986. Le principe du
projet de loi a été adopté le 5 décembre 1986 sur
division, c'est-à-dire, malgré le vote négatif de
l'Opposition. Le 11 décembre, était déposé à
l'Assemblée nationale, le rapport de la commission parlementaire ayant
étudié de façon détaillée ce projet de loi
dans les jours précédents. Ce rapport faisait mention de
l'adoption du projet de loi en commission, encore une fois sur division.
À partir de ce moment, il restait deux étapes à franchir
pour que le projet de loi 132 traverse tout le processus législatif.
L'Assemblée devait prendre en considération le rapport de la
commission parlementaire et, seconde étape, l'Assemblée devait se
prononcer sur l'adoption du projet de loi comme tel. Cependant, le
règlement de l'Assemblée nationale prévoit, à son
article 230, que chaque étape doit avoir lieu à une séance
distincte. Donc, selon les dispositions du règlement de
l'Assemblée nationale, le projet de loi 132 ne pouvait être
adopté le 19 décembre. La seule possibilité pour qu'il en
soit autrement était d'obtenir le consentement de tous les
députés, parce que les deux étapes distinctes... pour que
les deux étapes distinctes puissent avoir lieu le même jour. Il
faut noter que, si le leader du gouvernement avait appelé la prise en
considération du rapport dans les jours qui avaient suivi le
dépôt du rapport, ce problème de deux étapes dans la
même journée ne se serait jamais posé. Quant au projet de
loi 272, Loi sur la Corporation intermunicipale de transport de la rive sud de
Québec, il fut présenté à l'Asssemblée
nationale le 4 décembre par le député de Lévis. Il
faut noter que, selon le règlement, un projet de loi privé, pour
pouvoir être adopté avant l'ajournement des fêtes, doit
avoir été déposé avant le deuxième mardi de
septembre.
Par ailleurs, ce projet de loi fut envoyé en commission
parlementaire le 18 décembre 1986 par le leader du gouvernement et le
rapport fut déposé le lendemain 19 décembre. 11 faut noter
donc que l'étude du
rapport ne peut, selon le règlement, avoir lieu la même
séance que le dépôt du rapport, mats que les autres
étapes peuvent subvenir è la même séance. Donc
l'adoption du projet de loi 272 requérait également un
consentement unanime de tous les membres de l'Assemblée nationale.
Il appert donc, M. le Président, que le 19 décembre, le
député de Lévis avait à prendre une décision
importante, si le leader du gouvernement décidait d'appeler le projet de
loi 132 présenté par le ministre de l'Agriculture. Le
député de Lévis devait se faire une opinion, porter un
jugement sur l'opportunité de permettre que les dispositions du
règlement soient suspendues pour permettre que la loi 132 soit
adoptée. Suite à l'opinion qu'il avait, il devait poser un geste,
une action, à savoir donner ou ne pas donner son consentement, voter en
faveur ou voter contre la suspension des règles. Il ne fait aucun doute
que cette décision du député de Lévis fait partie
de l'exercice légitime de ses fonctions de parlementaire et de
législateur. Peut-on songer à une situation plus directement
reliée aux responsabilités parlementaires d'un
député? La réponse est évidente.
Deuxième élément à vérifier. Est-ce
que le ministre de l'Agriculture a posé des gestes dans le but
d'influencer la décision du député de Lévis?
À ce niveau, il faut bien sûr exclure les gestes du ministre qui
étaient légitimes et parlementaires dans leur expression. Je
pense ici au discours du ministre lors du débat sur l'adoption de
principe ou à ses représentations en commission parlementaire qui
visaient à convaincre du bien-fondé de son projet de loi.
Il s'est cependant produit des événements pour le moins
inusités le matin du 19 décembre. En effet, le premier
témoin entendu, Mme Louise Lecours, rapporte avoir reçu un appel
téléphonique de Me Lemay, procureur de la Corporation
intermunicipale de transport de la rive sud de Québec, vers 10 h 30 de
l'avant-midi. Mme Lecours est secrétaire du député de
Lévis à son bureau du parlement. Elle rapporte que Me Lemay
voulait parler à M. Garon. Elle lui indique que M. Garon n'est pas
disponible parce qu'il assiste à la période de questions.
À la demande de Me Lemay, elle indique qu'il est possible de lui faire
parvenir un message de le rappeler d'urgence mais qu'elle aurait besoin de plus
de détails afin que M. Gâron puisse se rendre compte de l'urgence.
Selon son témoignage, Me Lemay lui indique qu'il vient de recevoir un
appel de M. Michel Pagé lui disant de faire savoir à M. Garon
que, s'il continuait à s'entêter à bloquer le projet de loi
132 sur la protection du territoire agricole, lui s'engageait à bloquer
le projet de loi 272 de la CITRSQ.
Mme Lecours a revérifié s'il s'agissait bien de Michel
Pagé, ministre de l'Agriculture. À partir des notes qu'elle avait
prises en sténographie, elle rédige un message à M. Garon,
reprenant textuellement les éléments fondamentaux de la
conversation avec Me Lemay, message qu'elle va porter elle-même
jusqu'à l'antichambre de l'Assemblée nationale. Le
témoignage de Mme Lecours a été clair, précis et
formel. Son mémo à M. Garon, subséquemment
déposé à la commission par le député de
Lévis, reprend tous les éléments essentiels de la
conversation avec Me Lemay. Il s'agit de la pièce D-3.
Le seul élément qui ne figure pas dans son mémo
concerne le fait que Me Lemay lui a rapporté que M. Pagé lui a
indiqué de s'organiser pour le faire savoir à M. Garon. La chose
est normale. Nul besoin d'inscrire cet élément dans le message
à M. Garon puisque l'on était effectivement occupé
à lui faire savoir. Dans ce contexte, cette partie de la conversation
entre Mme Lecours et Me Lemay étant en cours de réalisation, nul
besoin de l'inscrire dans le mémo. D'autant plus que c'est
elle-même qui a témoigné en disant qu'elle l'avait
porté elle-même à un page dans l'antichambre.
M. Garon témoigne, quant à lui, de sa surprise lorsqu'il
reçoit communication du message. Il est tellement surpris qu'il transmet
immédiatement le message à son leader pour lui demander son avis.
Le leader lui indique que le ministre de l'Agriculture n'a pas le droit de
faire ça et lui demande s'il a vérifié. La surprise de M.
Garon est compréhensible, ce message étant tout a fait
inattendu.
D'abord, la proposition du projet de loi privé pour solutionner
le problème de la CITRSO émane directement du ministre des
Affaires municipales lui-même. Jamais, par ailleurs, Me Lemay ne l'a
avisé que ce projet de loi risquait de ne pas être adopté
avant l'ajournement des fêtes. Jamais Me Lemay ne l'a avisé d'une
objection quelconque du ministre de l'Agriculture. 5on leader lui avait
déjà fait part d'une liste de projets de loi privés qui
seraient adoptés avant l'ajournement des fêtes, liste
dressée par les deux leaders et qui comprenait le projet de loi
privé 272.
Par ailleurs, la commission parlementaire avait été
convoquée par le leader du gouvernement le 18 décembre. Tous les
amendements et le projet de loi lui-même avaient été
adoptés à l'unanimité, y compris par le ministre des
Affaires municipales et en présence du ministre des Transports qui avait
participé aux discussions. (10 h 45)
D'autre part, il n'y avait aucun lien logique entre le projet de loi
privé 272 et la Loi sur la protection du territoire agricole, le projet
de loi privé 272 n'ayant aucun impact en matière agricole, ni
aucun impact
ailleurs que dans le comté de Lévis. M. Garon convient
avec le leader qu'il va vérifier pendant que le leader examine le
règlement. Il tente d'abord de communiquer avec sa secrétaire,
mais sans succès. Il communique alors avec Me Lemay en présence
de René Blouin. Et les éléments de la conversation, selon
son témoignage et celui de M. Blouin, sont les suivants.
Il lui lit la note de sa secrétaire et lui demande s'il s'agit
bien de Michel Pagé, ministre de l'Agriculture. Me Lemay lui confirme
qu'il s'agit bien du ministre de l'Agriculture et lui indique que M.
Pagé bloque le projet de loi privé 272 en raison de l'attitude de
M. Garon sur le projet de loi 132. M. Lemay lui dit que, si 132 ne passe pas,
272 ne passera pas. M. Garon lui dit que M. Pagé n'a pas le droit de
faire ça. M. Lemay lui indique qu'il a déjà
communiqué avec M. André Carrier, président de la CITRSQ.
Me Lemay lui demande s'il y tient tant que ça au projet de loi 132. Il
lui indique que les conséquences pour la CITRSQ sont importantes et lui
dit également: Comment les gens de votre comté vont réagir
quand ils vont apprendre ça? Me Lemay propose une rencontre avec M.
Carrier et M. Pagé. M. Garon répond que le seul but d'une telle
rencontre serait de négocier son vote sur 132, qu'il n'a jamais
négocié ses votes et qu'il ne commencerait pas, aujourd'hui,
à le faire. Vu l'importance de Me Lemay de proposer une rencontre, M.
Garon lui dit de ne pas s'occuper de ça. Suite à cet appel, M.
Garon communique avec sa secrétaire qui lui confirme la teneur de son
mémo. M. Garon revient donc en Chambre où, toujours en
présence de M. Blouin, le leader de l'Opposition l'informe qu'il y a
matière à question de règlement et que les articles
pertinents sont l'article 55.10 de la Loi sur l'Assemblée nationale, 70
et 317 du règlement de l'Assemblée nationale. L'on convient
également que le meilleur moment pour soulever la question de
privilège est à la fin de la période de questions.
Peu de temps après et devant l'ampleur de la situation, M. Garon
décide de rappeler Me Lemay, cette fois en présence du leader de
l'Opposition. Il rapporte que, cette fois, il a posé des questions
précises à Me Lemay dans l'optique spécifique d'une
question de privilège. Il rapporte les éléments essentiels
suivants. Il reconfirme que c'est bien le ministre de l'Agriculture,
député de Portneuf, qui lui a téléphoné. Il
indique que M. Pagé ne va pas bloquer, que c'est bloqué, que
c'est à M. Garon à bouger. M. Garon lui a demandé si c'est
M. Pagé qui lui a demandé de l'appeler. Me Lemay lui
répond: C'est bien évident, sinon tout ça est inutile. M.
Garon lui redit que M. Pagé n'a pas le droit de faire ça.
À ce moment, Me Lemay lui dit: Allez pas parler de ça en Chambre,
ce à quoi M. Garon répond: Occupez-vous pas de ça.
Est-ce que le contenu de ces deux conversations était de nature
à essayer d'influencer le député de Lévis?
Manifestement oui. L'élément fondamental est sans contredit le
lien établi entre le projet de loi 272 et le projet de loi 132. Il est
certain que, si le député de Lévis ne vote pas en faveur
de la suspension des règles de procédure à l'égard
de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, donc, s'il
ne donne pas son consentement, il y aura une mesure de représailles, le
projet de loi 272 sera bloqué. À cet égard, le message est
clair et personne ne l'a remis en doute sauf Me Lemay qui, dans son
témoignaqe, a tenté d'indiquer que la décision de bloquer
le projet de loi 272 était ferme et irrémédiable à
tel point que l'on ne peut quasiment conclure de son témoignage que ce
blocage n'avait plu3 de rapport avec le projet de loi 32. Nous reviendrons plus
loin, d'ailleurs, sur le témolqnage de Me Lemay.
Ce lien entre le projet de loi 272 était-il assez important et
sérieux pour constituer une tentative d'influence? Tous les
témoins ont témoigné à l'effet qu'il était
important d'adopter le projet de loi privé 272. M. Garon, à
plusieurs reprises, l'a d'ailleurs souligné. Ici, M. le
Président, je vous réfère aux galées de
l'Assemblée nationale, page 92, page 1 et c'est M. Garon qui parle: "Et
là, le montant, bien, il faut dépendre du moment où on se
place. Au moment de la lettre d'offre, au moment où les expropriations
sont faites, ou au moment où il y a des intérêts courus
là-dedans. Alors, ça peut varier entre 6 000 000 $ et 7 000 000 $
où le pourcentage de subvention est, disons... Il y a différents
pourcentages mais, en gros, 75 %." Et il continue: "Cela veut dire qu'il
s'agissait d'un enjeu d'autour de 4 500 000 $ que le ministre des Transports ne
pouvait pas payer sans que les règlements autorisant les travaux et les
emprunts à long terme soient validés." Et, à la page 102
des galées, M. le Président, paqe 2: "Cela représente cinq
municipalités de mon comté, c'est-à-dire Lauzon,
Lévis, Saint-David, Saint-Romuald, Charny, et un contrat de services
avec Saint-Jean-Chrysostome qui est une municipalité dans le
comté de Beauce-Nord. Cela couvre à peu près 75 000
personnes."
À la paqe 523, page 1: "C'était facile à voir que
c'était un projet très important pour la rive sud. Pour moi,
c'est le gros de mon comté, au fond. En dehors de ces villes, il reste
seulement trois municipalités, quatre municipalités qui sont plus
petites. Alors, c'est très considérable."
Me Lemay, pour sa part, lui, indiquait, dans le relevé des, dans
son mémo, pièce D-20, page 5: "je lui - en parlant à
Mme
Lecours - je lui ai expliqué que les conséquences de la
non-adoption du projet de loi, soit 272, seraient extrêmement graves au
niveau financier et qu'il était urgent que je puisse discuter en
détail de cette situation avec M. Garon."
M. Carrier décrit ainsi les conséquences de la
non-adoption du projet de loi privé, le président de la CITRSQ,
au relevé des notes de l'Assemblée, 165 page 2: "Bon, en premier
Heu, quand j'ai eu cette information, puis vérifié, je savais
qu'à ce moment-là on était dans l'illégalité
et lorsque des règlements d'emprunt, pas des règlements
d'emprunt, mais le règlement pour soit l'achat d'autobus ou la
construction du garage, les règlements ne sont pas approuvés.
C'est une dépense qui est effective dans l'année courante et
c'est automatiquement un déficit pour la corporation. Je veux dire, au
lieu d'avoir un déficit peut-être de 200 000 $, on aurait un
déficit de 7 000 000 $ environ, mettons 7 000 000 $."
Par ailleurs, il est également certain que la subvention de 75 %
du ministère des Transports ne pouvait être versée à
moins que le projet de loi ne soit adopté. Ainsi, le projet de loi 272
était un projet de loi d'importance pour les gens de la CITRSQ comme
pour le député de Lévis. D'ailleurs, les réactions
du député de Lévis dès la réception de la
note de Mme Lecours traduisaient bien son inquiétude. Bien que le
témoignage de Me Lemay tente d'apporter de multiples nuances et
même de contredire le député de Lévis sur certains
points, il demeure que Me Lemay a corroboré les éléments
essentiels des événements. D'abord, il confirme que c'est bien le
député de Portneuf, ministre de l'Agriculture, qui lui a
téléphoné le matin du 19 décembre. Il confirme
également que le ministre de l'Agriculture lui a indiqué que le
projet de loi 272 ne serait pas adopté parce que le député
de Lévis refusait de donner son consentement au projet de loi 132 sur la
protection du territoire agricole. Me Lemay ajoute: Cependant, des
éléments... Excusez. Me Lemay ajoute cependant des
éléments qui n'ont pas été soulignés ni par
Mme Lecours ni par M. Garon ni, pour certains, par MM. Carrier et Lessard. Pour
d'autres, il a été catégoriquement contredit par M.
Pagé. Ces éléments ne sont pas sans soulever de
sérieux doutes sur la qualité de la mémoire de Me Lemay ou
sur son, ou son impartialité dans le témoignage qu'il a rendu.
Reprenons un à un les éléments spécifiques à
Me Lemay.
Tout d'abord, le comité. Me Lemay indique que M. Pagé l'a
informé que c'est un comité ou un caucus qui a pris la
décision de bloquer le projet de loi 272. Il indique à plusieurs
reprises que ce n'est pas M. Pagé qui s'opposait, que c'était un
comité ou un caucus. Me Lemay a indiqué à plusieurs
reprises qu'il ne s'était pas informé à savoir qui faisait
partie de ce comité, ni même si M. Pagé faisait partie du
comité. Il n'a jamais jugé opportun d'obtenir plus de
renseignements à cet égard. Me Lemay est donc dans la situation
où on lui apprend qu'il y a un comité, dont il n'a jamais entendu
parler et dont il ne connaît pas les membres, qui vient de décider
de bloquer son projet de loi quelques heures seulement après qu'une
commission parlementaire à laquelle assistaient deux ministres, ait
décidé d'adopter à l'unanimité son projet de
loi.
Par ailleurs, Me Lemay indique qu'il était prêt, qu'il
souhaitait même se déplacer à l'Assemblée nationale
pour se promener de bureau en bureau pour débloquer son projet de loi.
Il ne juqe pas opportun cependant de recueillir les informations les plus
pertinentes à l'aider dans ses éventuelles démarches. La
chose est très peu crédible.
La seule explication logique est que Me Lemay a très bien compris
que, même si on parlait de comité, l'élément
fondamental était que son interlocuteur était Michel Pagé,
le ministre de l'Agriculture, et que le projet de loi en balance était
le projet de loi concernant la protection du territoire agricole piloté
par le ministre de l'Agriculture, puis l'interlocuteur principal était
donc clairement M. Pagé, Pourtant, ce n'est qu'après plusieurs
questions que Me Lemay reconnaissait qu'à son avis M. Pagé
faisait partie du comité. Et, au relevé des galées, page
258, page 1: "En tout cas, écoutez - c'est Me Lemay qui parle - je vais
vous dire l'impression que j'ai parce que je n'étais pas là. J'ai
l'impression que oui, parce qu'il m'a dit ce matin: On a eu une réunion
en comité et on a décidé. Je prends pour acquis qu'il
était là."
À aucun moment de leur témoignage, M. Garon, Mme Lecours,
M. Carrier, M. Lessard ne mentionnent avoir été informés
de l'existence d'un comité. Quant à Mme Lecours, Me Lemay avait
rapporté lui en avoir parlé en ces termes, page 244 des
relevés, page 2: "Puis là, je lui ai fait part que j'avais eu un
appel de M. Pagé qui m'informait qu'il avait eu une réunion en
comité ou en caucus."
Deux jours plus tard, il indique plutôt, à la page 347,
page 1 des relevés: "J'ai dit ce matin que je ne peux pas me souvenir si
à Mme Lecours j'ai précisé la notion de comité ou
de caucus. Je suis convaincu de l'avoir précisé à M.
Garon. À Mme Lecours, honnêtement je ne me souviens pas si j'ai
fait cette distinction." Témoignage évolutif.
Cet élément du témoignage de Me Lemay a
été catégoriquement contredit par le ministre de
l'Agriculture lui-même lors de son témoignage. En effet, ce
dernier relate qu'il a toujours été très clair quant au
fait d'exprimer à Me Lemay que la décision de bloquer le projet
de loi 27? lui était
personnelle. Ce qui explique d'ailleurs, M. le Président, le "il"
du memo de Mme Lecoura. "Il, Michel Pagé", entre parenthèses.
D'ailleurs, regardons les témoignages du ministre lui-même.
Pagé 545, page 1 du relevé des galées: "Je t'appelle pour
t'aviser. Ne cherche pas - c'est M. Pagé qui parle -ne cherche pas qui.
Ça va être moi qui l'aurai bloqué ton projet de loi." Et
à la page 541, page 2: "Parce que je le connaissais personnellement,
parce qu'il avait communiqué avec moi, j'ai communiqué avec lui
le 19 décembre au matin pour lui faire part de ma décision de
refuser mon consentement comme député à l'adoption en
troisième lecture du projet de loi de la Commission intermunicipale de
transport de la rive sud."
À la page 543, page 3: "J'avais personnellement pris la
décision de refuser mon consentement à l'adoption du projet de
loi cette journée-là et que ça pouvait aller à la
session suivante.1'
À la page 556, toujours M. Pagé qui parle, page 1:
"C'était pour qu'il sache très clairement. C'est moi qui bloquais
son projet de loi. Je l'ai appelé personnellement pour lui dire que
c'était moi. Cherche pas, ça va être moi. Point final,
à la ligne."
Une telle incompréhension, M. le Président, dans une
conversation qui dure à peine quelques minutes seulement et dont le
contenu est très important pour les deux interlocuteurs est
incompréhensible et comment l'expliquer? Trois hypothèses sont
possibles, M. le Président. La première résiderait dans la
mauvaise compréhension de Me Lemay, dû au fait que selon M.
Pagé celui-ci aurait indiqué avoir eu une réunion du
COMPADR le matin du 19. Pourtant, M. Pagé témoigne avoir
été très clair et catégorique sur le fait que la
décision lui était personnelle et qu'elle émanait bien de
lui. (11 heures)
La deuxième hypothèse: le ministre Pagé a bel et
bien indiqué à Me Lemay que c'était un comité qui
bloquait. Cette explication est peu plausible aussi, même si elle aurait
eu l'avantage pour le ministre de se dédouaner devant Me Lemay.
Cependant, il ne faut pas oublier que Me Lemay, selon son propre
témoignage, ne s'est jamais informé de ce qui était ce
comité dont il n'avait jamais eu connaissance et qui bloquait son projet
de loi la dernière journée de la session, alors que la veille, la
commission parlementaire avait adopté à l'unanimité son
projet en présence et avec la participation de deux ministres
impliqués directement.
Cette hypothèse est peu plausible parce que, si tels avaient
été les événements, Me Lemay en aurait
sûrement fait mention à Mme Lecours ou très certainement
à M. Garon. Pour ce dernier, sa réaction n'aurait certainement
pas été la même et, à tout le moins, il l'aurait
mentionné en Chambre.
Troisième hypothèse, M. le Président, le ministre
de l'Agriculture n'a pas présenté la décision comme
étant celle du comité et c'est Me Lemay qui, volontairement, l'a
reliée à un pseudo-comité et pourquoi?
Rappelons ici que Me Lemay est un avocat dont 80 % de la pratique est
composée de dossiers municipaux. Ce genre de pratique l'amène
constamment à être en contact, à discuter, à
négocier et à faire des représentations au gouvernement.
Par ailleurs, Me Lemay représente les intérêts de quinze
municipalités sur les trente que compte le comté de Portneuf.
Finalement, il connaît personnellement le ministre de l'Agriculture
depuis une douzaine d'années à tel point que le tutoiement est de
rigueur.
Le fait de présenter le blocage du projet de loi 272, comme une
décision d'un comité, a l'avantage pour Me Lemay de
dépersonnaliser les événements. Ce n'est plus le ministre
Pagé qui a pris la décision. Il ne devient qu'un simple messager.
Ce n'est d'ailleurs pas le seul élément de son témoignage
qui poursuit cette ligne, et nous y reviendrons.
Mais pourquoi le ministre de l'Agriculture n'a-t-il pas suivi cette
voie? Pour une raison bien simple, M. le Président. Appelé
à témoigner, il aurait dû nommer les membres de ce
pseudo-comité et ceux-ci auraient été appelés
à témoigner; situation intenable. N'oublions pas que Me Lemay
rédige son aide-mémoire avant que la commission parlementaire ne
devienne inévitable le 11 mars. II y a sûrement moyen
d'éviter cette commission en présentant une version des
événements favorable au ministre de l'Agriculture.
Cette notion de comité au de caucus n'est pas fondamentale sur la
question de la conduite du député de Portneuf et ministre de
l'Agriculture. Elle est fondamentale cependant quant à la
crédibilité de Me Lemay lorsque l'on poursuit l'analyse de son
témoignage.
Tout au long des auditions, Me Lemay a prétendu que jamais il
n'avait fait le lien entre le ministre de l'Agriculture et le projet de loi sur
la protection du territoire agricole. Jamais, selon lui, il n'a
réalisé l'intérêt particulier du ministre de
l'Agriculture pour le projet de loi 132 malgré le fait que ce projet de
loi était la cause directe du bloquage de son propre projet de loi. Me
Lemay explique le fait que ce soit le ministre de l'Agriculture lui-même
qui l'appelle pour la raison suivante, relevé des notes 352, page 2:
"Écoutez, vous me demandez à mon avis pourquoi il a fait cela. Je
vous le donne. Peut-être que je me trompe, qu'est-ce que vous voulez? Je
vous donne mon avis à moi. À mon avis, c'est pour cela qu'il m'a
appelé, parce qu'il a dits
Lemay, je le cannais. C'est le seul gars dans le parlement qui pouvait
dire: Lemay, ça me dit de quoi ce gars-là."
Il est pour le moins difficile, M. le Président, de croire que Me
Lemay n'a jamais compris que le ministre de l'Agriculture avait un
intérêt personnel, direct et fondamental avec le projet de loi ou
dans le projet de loi 132. Une telle compréhension de Me Lemay permet
d'affirmer à de multiples reprises que ce n'est pas le ministre de
l'Agriculture qui bloque, que c'est un comité et que le ministre n'est
qu'un messger.
Parlant du témoignage très clair du député
de Lévis, M. Lemay indique, à la page 339, page 1: "Bien oui,
mais moi j'ai corrigé à deux places. J'ai corrigé sur le
messager, le preneur de décision, et j'ai corrigé sur le message,
j'ai dit: Ce n'est pas un engagement à bloquer, c'est bloqué.
Puis j'ai dit: C'est pas Pagé qui bloque, c'est Pagé qui me dit
qu'il y a un comité qui bloque."
Un autre élément pour le moins curieux du
témoignage de M. Lemay réside au niveau de la
référence qu'il fait à un supposé engagement du
chef de l'Opposition quant au consentement à donner au projet de loi sur
la protection du territoire agricole. Il s'agit là d'un
élément farfelu pour quiconque est au fait de la mécanique
parlementaire au niveau des partis politiques. Celui qui détermine au
premier chef les positions de l'Opposition quant à l'attitude à
prendre sur le menu législatif, c'est le leader de l'Opposition, M.
Garon n'a jamais fait mention qu'on lui ait indiqué que le chef de
l'Opposition avait pris une engagement quelconque quant au projet de loi
132.
Bien évidemment, si M. Lemay avait fait référence
à un tel engagement, sa réaction aurait été de
s'assurer que cet élément directement... c'est-à-dire
aurait été de s'assurer de cet élément directement
avec le chef de l'Opposition qui était présent en Chambre au
moment même où les événements du 19 décembre
se déroulaient- Le ministre de l'Agriculture a d'ailleurs
catégoriquement nié cette partie du témoignage de Me
Lemay, à la relevée des notes 557, page 2: "Je n'ai certainement
pas référé, dit M. Pagé, à une entente entre
les deux chefs, ce n'est pas négocié ces choses-là au
niveau des chefs, c'est négocié au niveau des leaders." Cet
événement est de peu d'importance sur le fond même de
l'affaire. Il s'inscrit, cependant, dans la tendance qu'a adoptée Me
Lemay de dépersonnaliser et de dédramatiser les
événements du 19 décembre.
Cet élément tend, sinon à légitimer, du
moins à rendre compréhensible la décision de bloquer le
projet de loi 272, en raison du fait que le député de
Lévis refusait son consentement au projet de loi 132, sur la protection
du territoire agricole. Cette distinction n'a pas été
rapportée ni par M. Carrier, ni par M. Lessard. Aucun des deux n'a fait
référence à un engagement du chef de l'Opposition, ni
même à un engagement du leader de l'Opposition. Cependant, pour
les deux, il était clair que l'attitude de M. Garon quant au projet de
loi 132 était la source du blocage du projet de loi 272 par le ministre
de l'Agriculture. M. Carrier s'est exprimé ainsi sur cette question,
page 153, page 1: "Tout simplement, c'est que ce qu'il m'a dit, c'est que M.
Garon était contre le projet de loi 132 purement et simplement. Il ne
m'a pas dit pourquoi."
Quant à lui, M. Lessard indiquait au tout début de son
témoignage, à la paqe 195-3: "Alors il - M. Carrier - m'a
indiqué que le député de Lévis s'objectait à
l'adoption du projet de loi modifiant la Loi sur la protection du territoire
agricole et qu'à ce moment-là, bien que c'était possible
que le projet de loi ne passe pas à cause de ça".
Le motif du blocage du projet de loi privé 272 était donc
l'attitude de M. Garon, pas l'attitude de l'Opposition. Ceci est apparu
clairement pour tout le monde. Cependant, Me Lemay a été
très clair sur le point fondamental de toute cette affaire. Il a
confirmé que le motif pour lequel le projet de loi privé 272
était bloqué était le projet de loi 132 qui
requérait le consentement du député de Lévis.
Dans son aide-mémoire rédigé le 19 décembre
et corrigé à maintes reprises jusqu'à la mi-janvier, Me
Lemay ne fait référence qu'à un seul motif de blocage du
projet de loi 272, le refus du député de Lévis à
consentir au projet de loi 132. En aucun moment dans ce mémo, Me Lemay
ne fait référence à des réserves du ministre quant
au projet de loi 272 lui-même. Il relate d'ailleurs la conversation de
façon très précise, c'est-à-dire, entre guillemets:
"Le seul grief du ministre de l'Agriculture concerne le refus du
député de Lévis de donner son consentement au projet de
loi 132." Cet élément est fondamental puisque le ministre est
venu expliquer que pour lui le blocage du projet de loi privé 272
était dû à des réserves qu'il avait sur le
caractère rétroactif de 272; que le projet de loi 132 n'avait
rien à y voir et que de façon générale il n'avait
pas de cadeau à faire à Jean Garon. Nous aborderons un peu plus
loin cet aspect du témoignage du ministre.
Le lien, 132, 272 est évident des réponses de Me Lemay.
Tout au long de son témoignage, il fait référence à
des échanqes de projets de loi, à des "deals" de fin de session.
Bien entendu, il faut corriger les dimensions au comité caucus, mais le
sens profond quant au lien est très clair. Je relève les pages
253, page 2: "Moi - et c'est M. Lemay qui parle - moi, je n'ai pas
compris que M. Pagé était contre la loi. J'ai compris que
M. Pagé m'informait que le gouvernement ne voulait pas la loi et le seul
motif que moi j'y voyais, c'était une stratégie politique.
Autrement dit, c'était dans les échanges de fin de session qu'ils
ont dit: C'est celle-là qu'on prend pour avoir l'autre, l'autre bord.
Cela adonne que c'est nous autres qui étions pris là-dedans. Je
n'ai pas compris qu'il y avait des questions de fond sur la loi."
A la page 294, page 1: "Quand c'est une question de justifier, ma loi
est bonne, les motifs sont bons, il faut que je convainque le ministre
d'être d'accord avec le fond de la loi, j'en discute. Mais quand c'est
une question politique d'échanges de consentements ou de questions,
où la question de la loi comme telle n'a pas d'incidence, le contenu,
c'est une question politique à laquelle je ne me mêle pas."
Toujours Me Lemay, page 296, page 1: "M. le député, j'en
ai fait un lien dans le sens que M. Pagé me dit: Le comité, on
bloque votre loi parce que l'autre loi est bloquée. Le lien est fait
à cette heure."
Pagé 339, 2: "Je vous ai expliqué que quand j'ai eu cette
information-là, moi j'ai pris ça comme un tuyau» On
m'informe qu'il y a une "game" politique qui va se jouer, puis dans la "game",
notre projet de loi est là-dedans."
Toujours Me Lemay, page 337, page 1: "II a toujours été
également clair que le motif, c'est que l'Opposition ne consentait plus
à la loi 132 et c'est parce que M. Garon ne respecte pas soi-disant la
ligne du chef."
Pagé 267, page 3, M. Lemay dit: "Je devais le convaincre - en
parlant de M. Garon - que la "game" politique qui se jouait entre deux partis,
jouez-la pas et qu'il faudrait pas qu'elle se joue sur notre dos, sur le dos de
la loi de la CITRSQ".
Bien entendu, selon le témoignage de M. Garon, le lien entre le
projet de loi privé 272 et le projet de loi 132 est clair. Il l'est
également pour Mme Lecours qui, dans son mémo, relate la
conversation de Me Lemay et du ministre en disant, pièce D-3: "Si M.
Garon continue de s'entêter à bloquer le projet de loi 132, il (M.
Pagé) - entre parenthèses - s'engage à bloquer le projet
de loi privé de la CITRSQ."
Quant à MM. Carrier et Lessard, eux aussi ont mis en
lumière le lien direct existant entre les deux projets de loi. M.
Carrier a indiqué à la page 176-1: "Quand on parle de
négociation, en fait, si on parle de la loi 132, du projet de loi 132,
c'aurait pu être un autre projet. Je veux dire: On a parlé du
projet de loi... du projet de loi 132, il y a peut-être d'autres
négociations qui se sont faites que je ne connais pas." II ajoute un peu
plus loin: "Je veux dire, on a parlé de la loi 132 versus le projet de
loi 272, purement et simplement."
Rappelons également la réponse à une question du
député de Gouin, R-76, page 2: "M. Rochefort: Ce que je dis
maintenant, c'est que tantôt, vous avez quand même bien dit que les
deux projets de loi ont été mentionnés devant vous.
C'était l'adoption de 272 relié à l'évolution
législative du projet de loi 132."
Et M. Carrier répond: "C'est les deux qu'on a parlé."
M. Lessard a, lui aussi, été très clair sur les
événements, il a relaté sa conversation avec M. Carrier,
en indiquant que celui-ci lui avait indiqué que tout avait bien
fonctionné en commission parlementaire, mais que maintenant il se posait
des problèmes, parce que le ministre de l'Aqriculture avait
communiqué avec leur avocat pour l'aviser qu'il était possible
que le projet de loi ne soit pas adopté. Il s'est exprimé comme
suit sur les motifs, 195-3, et c'est M. Lessard qui parle: "Alors, il m'a
indiqué que le député de Lévis s'objectait à
l'adoption du projet de loi concernant ou modifiant la loi de la protection du
territoire agricole, et qu'à ce moment là, bien que
c'était possible que le projet de loi ne passe pas à cause de
ça."
Le lien créé entre le projet de loi 272 et le projet de
loi 132, constituait donc l'évidence pour tous les intervenants
directement impliqués dans les événements relatés
par le député de Lévis, à l'exception cependant du
ministre de l'Aqriculture. Pour lui, le motif pour ne pas donner son
consentement, réside dans les réticences qu'il avait à
adopter un projet de loi dont la caractéristique était qu'il
venait ratifier rétroactivement les règlements de la corporation
intermunicipale de transport qui étaient déficients, parce qu'ils
n'avaient pas reçu l'approbation du ministre des Affaires
municipales.
Le ministre, dans son témoignage, a relaté comme suit le
contenu de la conversation. Pagé 542-1: "J'ai
référé aux réserves à l'égard du
projet de loi, que s'était vu ratifiée une
irrégularité qui avait impliqué des
déboursés de 7 000 000 $, premièrement, et
deuxièment, que ça impliquait une subvention du gouvernement pour
laquelle d'ailleurs la commission intermunicipale de transport demandait le
paiement des intérêts couvrant la période des emprunts
temporaires et un autre élément. Je lui ai très clairement
indiqué que je n'avais aucun service à rendre à Jean
Garon."
Il se dégage donc, que les motifs principaux du ministre pour
refuser son consentement sont intimement liés au contenu du projet de
loi privé 272, lui-même. Le motif selon lequel il n'a pas de
service à rendre à Jean Garon, apparaît clairement comme
accessoire. Le ministre ne mettra pas
de côté ses réticences de fond sur le projet de loi
privé 272, parce qu'il n'a pas de service à rendre à Jean
Garon.
À noter, cependant, qu'au fil du témoignage du ministre,
ce motif va prendre une importance grandissante, jusqu'à devenir aussi
importante que ses réserves sur le projet de loi privé
lui-même, curieuse évolution mais compréhensible. En effet,
une décision de bloquer le projet de loi 272 pour les seuls motifs de la
valeur intrinsèque du projet de loi privé ne sont pas
crédibles, mais du tout crédibles. Le ministre a
préféré assumer l'odieux d'un motif beaucoup plus mesquin,
mais plus crédible: la vengeance à l'égard du
député de Lévis. Il a cependant bien pris soin de bien
encadrer son motif de façon qu'il ne puisse pas déborder vers les
pressions indues. C'est pourquoi il a indiqué avoir fait son deuil de
132.
Revenons cependant au motif directement relié au projet de loi
privé 272 lui-même pour préciser, d'autre part, que ce
motif lui aussi a évolué. En effet, à la lecture des
déclarations du ministre du 19 décembre et du 11 mars 1987, il
apparaissait qu'il s'agissait de motif fatal à l'opportunité du
projet de loi lui-même. Ce que le ministre semblait remettre en question
à cette époque c'était d'adopter le projet lui-même.
Lors de son témoignage devant la commission, son intention apparaissait
maintenant comme étant de reporter l'adoption du projet de loi à
la session suivante. C'est une évolution qui traduit bien le
côté farfelu d'une opposition définitive à un tel
projet de loi. (11 h 15)
Mais quelles étaient donc les véritables craintes du
ministre de l'Agriculture, au-delà de ses beaux et grands principes de
bien étudier un projet de loi?
Le député du Lac-Saint-Jean a demandé au ministre
s'il avait des inquiétudes quant à des malversations, des fraudes
possibles ou des irrégularités quant aux appels d'offre sur
l'exécution des contrats. M. Pagé a répondu à la
page 664, page 1: "Non, je vous ai indiqué non, M. le
député." Le ministre ne disposait donc d'aucun
élément précis et particulier à ce dossier pouvant
justifier un blocage à la dernière journée de la session.
Son seul motif était que la corporation, en raison d'une erreur de bonne
foi - une erreur humaine, comme le disait le ministre des Transports - avait
oublié d'obtenir l'autorisation préalable du ministre des
Affaires municipales.
Deux ministres ont témoigné, entre autres, sur le type de
problème posé par le projet de loi 272. Le ministre des
Transports parlant de la subvention à être payée par son
ministère, après l'adoption de 272, a indiqué à la
page 687.1: "Non, ce qu'il faut comprendre dans le processus d'adoption, c'est
qu'aucune des commissions de transport soumet d'abord... c'est que ce que
chacune -excusez - des commissions de transport soumet d'abord un plan
d'immobilisation au niveau du ministère pour approbation qui, par la
suite, doit être entériné comme entité municipale
par le ministère sectoriel et responsable de l'approbation des
dépenses sur le plan municipal. Une chose est certaine, c'est qu'au bout
de la ligne, le principe est que, c'était que chez nous, l'achat
d'autobus et d'immobilisation de toute façon, tout ce qui était
acceptable dans les normes du programme normé avait été
approuvé par le ministère. 11 n'était donc pas question
pour le ministère de refuser de payer ce que normalement le
ministère aurait payé dans la mesure où toutes les
étapes sur le plan légal auraient été franchises,
soit par l'approbation par le ministère des Affaires municipales
là ou etc."
Donc, le dossier de la CITRSQ avait fait du côté du
ministère des Transports l'objet des analyses pertinentes aux fins de
déterminer les dépenses admissibles au programme de subventions,
programme normé. Les réserves du ministre des Transports jusqu'au
soir du 18 décembre ne concernaient pas l'opportunité de ratifier
le règlement déficient ni même l'opportunité de
verser une subvention. Les réticences du ministre visaient, d'une part,
à limiter les intérêts admissibles à la subvention
à ceux qui auraient couru normalement s'il n'y avait pas eu d'erreur et,
d'autre part, à s'assurer qu'un avocat n'avait pas commis de faute
professionnelle engageant ses responsabilités. Ces deux points
vérifiés et réglés, le ministre s'est
déclaré satisfait du projet de loi 272 et à une question
du député de Gouin à savoir s'il avait des raisons de
croire que le projet de loi 272 ne serait pas adopté le 19 au sortir de
la commission parlementaire du 18, le ministre des Transports a répondu
non.
Sur cette question, il est intéressant de rapporter un
échange entre le ministre des Transports et le député de
Gouin. Pagé 718.2: "M. Rochefort: Mais compte tenu de ce qui s'est
passé le 18, jamais vous n'avez envisagé la possibilité de
ne pas donner votre consentement comme membre de l'Assemblée."
M. Côté (Charlesbourg) répond: "Non, j'ai
toujours eu comme esprit de regarder le projet de loi à son
mérite au niveau de la situation pour tenter d'amener des solutions aux
problèmes qui étaient vécus par les qens de la commission
de transport. "M. Rochefort: Et au mérite, compte tenu de la commission
parlementaire du 18 au soir, vous, vous aviez pas de raison de ne pas donner
votre consentement en ce qui a... ce qui soit étudié avant
l'ajournement de la session."
M. Côté répond: "Comme ministre des
Transports, à partir du moment où on avait
adopté l'amendement proposé au ministre des Affaires
municipales par le ministère des Transports, effectivement je n'avais
pas de raison."
M. Rochefort continue: "Après la conversation du 19
décembre au matin, vous n'aviez pas plus de raison d'hésiter
à donner votre consentement."
M. Côté de Charlesbourg répond: "Comme
député... Comme ministre des Transports, non."
M. Rochefort ajoute: "Comme député de
Charlesbourg?"
M. Cûté répond: "Bien, j'imagine qu'il y a de
bonne chance que ce soit le même."
Sur le sérieux des réticences que le ministre de
l'Agriculture lui a exprimées quant au projet de loi 272,
l'échange suivant traduit bien la pensée du ministre des
Transports.
À une question de M. Rochefort page 719.1: "M. Rochefort: Non,
mais ça confirme que vous doutez y avoir parlé après. Or
donc, au cours de la conversation, puisqu'il est possible qu'elle ait eu lieu
avant la commission, ça n'a pas influencé votre comportement en
commission, oui ou non?"
M. Côté répond: "Absolument pas."
Par ailleurs, le ministre de l'Agriculture a rapporté dans son
témoignage que c'est le 19 décembre qu'il a pris sa
décision de bloquer le projet de loi 272. Le ministre des Transports a
relaté la conversation qui ultérieurement a amené le
ministre de l'Agriculture a prendre sa décision quant au blocage du
projet de loi 272. Les propos qu'il en rapporte sont très
révélateurs. Ainsi après avoir relaté que le 19
décembre au matin M. Pagé s'informait des conséquences de
la non-adoption du projet de loi 272 et qu'il s'interrogeait sur le fait de
donner son consentement à l'adoption de ce projet, le leader de
l'Opposition pose la question suivante: Pagé 774.1: "Est-ce que M.
Pagé vous a donné les motifs du refus de son consentement?"
Réponse de M. Côté: "Je pense, si j'ai bon souvenir,
que M. Pagé m'aurait dit qu'il n'avait pas de cadeau à faire
à Jean Garon."
L'interrogatoire du ministre s'est continué sur cette
conversation du 19 décembre. L'échange suivant rapporte le
contenu précis de cette conversation. 717.1: "M. Chevrette: Donc, vous
sentez que M. Pagé a une certaine frustration appelons, m'a utiliser vos
mots. Il vous demande à vous: Quelles sont les conséquences de la
non-adoption de 272, et il ajoute à la fin: J'ai pu, j'ai pas de cadeau
à faire à Jean Garon. Est-ce que c'est à peu près
ça, là?"
M. Côté (Charlesbourg) répond: "II y a
effectivement un climat qui fait que des projets de loi sont pas
adoptés. Il y a de l'interprétation, et ça, c'est le 18,
de manière plus précise, le 19, des questions quant aux
conséquences de la non-adoption le jour même du projet de loi 272
et des cadeaux à Jean Garon, qui étaient là. "M.
Chevrette: D'accord. C'est tout ce qui est arrivé le 19 au niveau de la
conversation? "M. Côté: Ah, définitivement. "Puis il ne
vous a pas reparlé de la journée? "Non, du tout. D'ailleurs, les
éléments subséquents sont intervenus en Chambre."
Donc, en aucun moment, et particulièrement le 19 décembre
au matin, le ministre de l'Agriculture ne s'est préoccupé des
détails pertinents ou des circonstances particulières ayant
amené la nécessité du projet de loi 272. Il a
indiqué qu'à son avis, le projet de loi nécessitait plus
amples études. Pourtant, deux de ses collègues, le ministre des
Transports et le ministre des Affaires municipales, avaient passé une
partie de la soirée, la veille, à étudier ce projet de
loi.
D'autre part, il est en preuve que la solution du projet de loi
privé à caractère rétroactif émanait
directement du ministre des Affaires municipales, qui l'avait même
confirmé par une lettre, dans une lettre au président de la
CITRSQ datée du 27 octobre.
Par ailleurs, la préparation du projet de loi avait fait l'objet
de nombreuses discussions au niveau des fonctionnaires des deux
ministères impliqués. Le ministre des Affaires municipales avait
apporté plusieurs amendements, dont au moins un à la demande du
ministre des Transports, et tous ces amendements, de même que le projet
de loi, avaient été votés à l'unanimité en
commission parlementaire. En aucun cas, le ministre de l'Agriculture n'a
jugé bon de s'informer de ces éléments et des
résultats des nombreuses études, pour une raison bien simple: Ce
n'est pas ce qui l'intéressait. Le témoignage du ministre des
Affaires municipales en dit d'ailleurs long à cet égard.
À la toute fin du témoignage du ministre des Affaires
municipales, le député de Gouin lui pose la question suivante,
page 739-4: "Est-ce que quelqu'un vous a mis au courant d'une conversation
entre le ministre des Transports et le ministre de l'Agriculture entourant le
projet de loi 272 avant l'ajournement du 19 décembre 86?" La
réponse du ministre fut: "Absolument pas. D'ailleurs, je ne vois pas
qu'est-ce que le ministre de l'Agriculture ferait dans ce projet de loi
là. Ça m'aurait probablement frappé."
Sur l'opportunité et l'existence d'alternative à un projet
de loi privé rétroactif, le ministre des Affaires municipales a
indiqué, 735-1: "II semblait que la meilleure façon de
régler l'ensemble du problème, c'était un projet de loi
privé parce que de toute façon, comme les règlements
d'emprunt dont on parlait n'avaient pas été adoptés
illégalement ou sans autorisation, on ne pouvait pas les
légaliser rétroactivement. Enfin, probablement que le ministre
aurait peut-être pu donner son autorisation rétroactive, mais
c'est une chose que l'on ne fait jamais au ministère. Cela
m'apparaissait, et les avis que j'avais de mes hauts fonctionnaires
étaient que la meilleure façon de procéder, c'était
comme cela, par une loi privée, et moi j'étais absolument
d'accord aussi."
Quant à avoir été avisé d'un quelconque
problème dans le cheminement du projet de loi 272, le ministre a
indiqué ceci, 736-1: "Moi, je n'ai jamais été avisé
qu'il y avait un problème de fonctionnement avec ce projet de loi
là." Et quant à une communication d'une façon ou d'une
autre du ministère de l'Agriculture entre le 27 octobre et le 19
décembre 86 concernant la loi 272, la réponse fut on ne peut plus
claire: Jamais. Vous pouvez voir la réponse à la page 737-2.
Quant au projet de loi privé en matière municipale, le
ministre a bien situé ce genre de projet. Depuis qu'il est ministre,
soit en l'espace de deux sessions, le ministre a relaté avoir
traité entre dix et quinze projets de loi privés dont la plupart
visaient à corriger rétroactivement des choses.
Finalement, sur le non-respect des délais prévus au
règlement, le ministre a indiqué, page 735-3: "Oui, mais vous
savez qu'en matière de projet de loi privé, il y a beaucoup
d'exceptions, et souvent les exceptions sont aussi importantes que la
règle, en ce sens que très souvent, les municipalités sont
en dehors des délais, mais obtiennent des deux partis en Chambre des
dérogations, des consentements pour procéder malgré les
retards."
Ainsi donc, d'une part, l'adoption du projet de loi privé
à caractère rétroactif est loin d'être exeptionnelle
en matière municipale et, d'autre part, jamais le ministre de
l'Agriculture n'a avisé son collègue, le ministre responsable, de
ses pseudo-réserves de principe.
Par ailleurs, l'expérience parlementaire du député
de Portneuf contredit carrément ses prétentions à des
réserves de principe sur des projets de loi privés à
caractère rétroactif. En quatorze ans de carrière à
l'Assemblée nationale, jamais il n'est intervenu à l'encontre
d'un tel projet de loi. De fait, il n'est intervenu que sur cinq projets de loi
privés, et de ces cinq projets de loi privés, deux seulement
avaient des caractères rétroactifs, et sur ces deux projets, il
était intervenu en faveur, bien sûr, parce qu'il les parrainait.
Le premier de ces projets de loi, c'était le projet de loi 215, Loi
concernant la municipalité de Notre-Dame-de-Montauban, de Saint-Ubalde
et de la paroisse de Saint-Alban, projet présenté en 1976. Ce
projet visait, entre autres, à valider la perception des taxes depuis
1902.
En 1981, le député de Portneuf parrainait le projet de loi
privé 249, Loi concernant l'annexion de certains lots du cadastre de la
paroisse de Saint-Raymond à la ville de Saint-Raymond. Ce projet visait
à ratifier un règlement non conforme depuis 1964. Ainsi, pour le
député de Portneuf et ministre de l'Agriculture, la
rétroactivité des projets de loi privés est une chose
très acceptable, sauf lorsqu'elle concerne les citoyens du comté
de Lévis.
Bien que Me Lemay n'ait pas jugé à propos de mentionner
dans son mémo ces réticences du ministre de l'Agriculture sur le
fond même du projet de loi privé 272, il demeure que, dans son
témoignage, il a fait référence à des
réticences de M. Paqé. Cependant, ces réticences ne lui
ont jamais semblé être le fondement du projet de loi 272 et il n'a
pas vraiment tenté de le convaincre sur ce point malgré toute
l'importance qu'il accordait au projet de loi privé 272.
Une voix: Saute à la page 42.
M. Chevrette: Je vais prendre 30 secondes.
Le ministre de l'Agriculture donnait lui-même une preuve
éclatante du sérieux de ses propos quant à ses
réticences à l'égard du projet de loi 272 dans son
intervention qu'il prononçait, l'après-midi même du 19
décembre, soit quelques heures seulement après s'être
informé des conséquences de la non-adoption du projet de loi et
avoir refusé son consentement. Vous allez au Journal des
débats du 19 décembre 1986, page 5891: "Malgré toutes
les réserves, toutes les velléités que je peux avoir
contre le député de Lévis, je ne ferai pas payer, nous ne
ferons pas payer, comme députés, un prix énorme à
la communauté de nos honorables concitoyens et concitoyennes, les gens
de Charny, les gens de Saint-Romuald, les gen9 de Lévis, les gens de
Saint-David, en fait, du comté de Lévis, on ne leur fera pas
payer un prix exorbitant, un prix indu à cause de l'opposition
menée par le député qui les représente à
l'Assemblée nationale du Québec."
Voilà à peu près tout l'esprit de son
témoignage, M. le Président, et de ses vrais motifs. Ces" paroles
mêmes du ministre de l'Agriculture contredisent l'absence de
conséquence à la non-adoption du projet de loi 272. Un tel
changement d'attitude en quelques heures est tout à fait
incompréhensible. Bien plus encore, les paroles du ministre contiennent
même un aveu direct quant à ses véritables motifs du
blocage du projet de loi 272. Relisons la dernière phrase: "on ne leur
fera pas payer
un prix exorbitant, un prix indu - et lui-même utilise le mot
"indu" - à cause de l'opposition menée par le
député qui les représente à l'Assemblée
nationale."
Le ministre reconnaît donc, d'une part, M. le Président,
que sa décision du matin faisait en sorte de faire payer un prix indu,
un prix exorbitant aux citoyens du comté de Lévis et, d'autre
part, que ce prix indu, ce prix exorbitant, ils l'auraient payé en
raison de l'opposition menée par le député de Lévis
clairement à l'endroit du projet de loi 132 sur la protection du
territoire agricole.
Le ministre qualifia lui-même ses paroles en terminant son
allocution sans vraiment sans rendre compte: "Je termine en vous disant, M. le
Président, que je donne mon consentement. C'est beaucoup plus
sérieux, c'est beaucoup plus honnête, c'est beaucoup plus franc.
La force se retrouve dans la dignité, la faiblesse dans la
mesquinerie."
Qui donc était mesquin? Il faut noter que le ministre n'a pas
seulement donné son consentement è la présentation du
projet de loi 272, il a voté en faveur. Mais, où étaient
donc passées ses réserves si fondamentales? La plus
élémentaire logique aurait fait en sorte que, si vraiment il
avait eu des réserves si sérieuses qu'il avait
décidé de s'opposer au projet de loi, il aurait dû, au
moins, voter contre. Déjà, le message est clair. Nul besoin de
dire è M. Garon de changer son attitude quant au projet de loi 132, la
chose est évidente: M. Pagé bloque le projet de loi 272 parce que
Garon s'entête à ne pas donner son consentement au projet de loi
132. Il n'y a rien à faire quant au projet de loi 272 lui-même,
là n'est pas le problème.
Mme Lecours et M. Garon témoignent très clairement que le
but recherché et le déroulement des événements
tendaient à faire changer d'idée M. Garon. Ce dernier
témoigne à l'effet que Me Lemay lui a demandé s'il y
tenait tant que ça à 132 et Me Lemay, même, de proposer une
rencontre entre MM» Garon, Carrier, Pagé et lui-même. La
réponse de M. Garon fut on ne peut plus claire: Il n'avait jamais
négocié ses votes et, comme la rencontre n'avait pour seul but
que de discuter de son vote sur 132, cette rencontre était inutile car
il ne commencerait pas à négocier ses votes.
M. Lemay, quant à lui, nie avoir suggéré quoi que
ce soit qui aurait eu pour effet d'influencer l'attitude de M. Garon quant au
projet de loi 132. Il indique qu'il a proposé à M. Garon de se
rendre au parlement pour se promener de bureau en bureau et pour trouver une
solution à l'impasse et je vous réfère à la page
266, page 3, où c'est clair, un texte qui commence comme suit: "Bien,
c'était dans le but, comme j'en ai parlé dans le cas de Sorel,
etc...".
(11 h 30)
Me Lemay témoigne de sa volonté de se libérer de
l'étau dans lequel on l'a enfermé. Il réalise très
bien la pression qui lui est faite â lui comme aux représentants
de la Commission intermunicipale de transport de la rive sud de Québec.
Mais, quel est le moyen de s'en sortir? Est-il possible de faire changer
d'idée les membres du comité ou du caucus ou le ministre de
l'Agriculture pour les amener à renoncer au lien établi entre le
projet de loi 272 et 132? Est-il possible d'éliminer la "game"
politique, l'échange de consentement qu'a imposé le ministre de
l'Agriculture? Me Lemay donne lui-même la réponse à
plusieurs endroits de son témoignage.
À la page 245-1: "Je me suis dit: S'ils ont pris leur
décision, là que voulez-vous que je fasse? Quand bien même
que je parlerais à M. Pagé pendant deux ou trois jours, je vais
parler à mon parrain." 241-3: "Donc, la décision est prise. Il
n'est pas question de dire si ou conditionnel, il m'informe qu'il y a une
décision qui est prise." 258-1. À une question de votre humble
serviteur: "Est-ce que la décision de ce comité semblait ferme,
arrêtée, définitive?", Me Lemay répond:
"Arrêtée, définitive. C'est pas une décision qui
semblait conditionnelle."
Et, à la page 258-1: "Non, II m'a dit: Nous ne consentons pas. Il
n'y a pas de c'est possible que. Nous ne consentons pas à la
présentation de votre loi, vu la question. L'Opposition avait
donné son consentement et bon, M. Garon ne voulait pas le donner. Ce que
j'ai expliqué ce matin. Mais ce n'était pas un conditionnel. Il
n'était pas question de dire: Si je change d'idée, on change
l'information que j'ai eue, c'est que la décision était prise que
notre loi ne passait pas."
Je vais sauter quelques paragraphes pour permettre à mes
collègues d'y aller. La véritable explication, est-ce que ce qui
était ferme, arrêté et définitif, c'était la
décision de lier le projet de loi 272 au consentement du
député de Lévis sur le projet de loi 132? Ce qui est
ferme, c'était la décision du ministre de l'Agriculture de
bloquer 272 en raison de l'attitude du député de Lévis sur
le projet de loi 132. L'attitude même de Me Lemay confirme d'ailleurs que
c'est ce qu'il a compris. II comprend qu'il y a des démarches à
faire, mais il comprend également que les démarches, il doit les
faire du côté du député de Lévis. Il n'essaie
en aucun temps de convaincre le ministre de l'Agriculture ni même de
s'informer de qui est composé le pseudo-comité. Sa perception des
enjeux apparaît également clairement des différentes
versions de son mémo.
Première version, celle où il met sur papier, de
façon spontanée, les relations, la relation des
événements le jour même où ils
se sont produits; relate ainsi l'information qu'il transmet à Mme
Lecours. "J'ai alors communiqué avec le bureau de M. Garon. J'ai
discuté avec la secrétaire de ce dernier, Mme Louise Lecours. Je
l'ai informée que j'avais reçu un appel de M. Pagé
m'informant que le gouvernement ne donnerait pas son consentement à la
présentation de notre projet de loi, tant que l'Opposition ne donnerait
pas le consentement au projet de loi sur le zonage agricole."
Ce n'est qu'à son retour de vacances, M. le Président,
postérieurement au 5 janvier, qu'il apporte une correction qui, selon
lui, est purement cléricale pour remplacer le mot "tant que" par "parce
que". Même si les mots "parce que" ne changent pas grand-chose au fait
que des pressions aient été exercées, le changement
traduit bien l'état d'esprit de Me Lemay. Il veut se protéger et,
par la même occasion, protéger le ministre de l'Agriculture et,
encore plus, dans les différentes versions de ce mémo à
l'exception de la toute dernière rédigée après le
15 janvier, Me Lemay dit: "Dans la conversation que j'ai eue avec Mme Lecours,
il me semble que le mot "chantage" a été utilisé. Je ne me
souviens pas si c'est par moi ou par elle, mais je me souviens très bien
de l'avoir précisé, que c'était toujours le même
problème en fin de session lorsqu'il fallait obtenir le consentement
unanime de la Chambre, il y avait des négociations par des, pour des
échanges."
Dans la dernière version du 15 janvier, le mot "chantage" ne peut
avoir été utilisé que par Mme Lecours. Encore une fois,
une erreur cléricale. C'est plus qu'une erreur, M. le Président.
C'est le sens complet de la phrase qui est modifié. Me Lemay ne peut pas
en avoir été conscient... il ne peut pas ne pas en avoir
été conscient. Mais, dans son propre témoignage, la
perception de Me Lemay quant à des pressions est évidente parlant
du fait que M. Carrier avait parlé de pressions dans son
témoignage, et il dit: "C'est une question, vous vous demandez: Est-ce
que le messager vous a fait des pressions? Le messager ne m'a pas fait de
pressions. Est-ce que le message avait pour effet que vous deviez faire quelque
chose? Oui, parce que j'ai fait de quoi."
Comme M. Pagé lui-même a témoigné à
l'effet qu'il y avait... qu'il n'y avait jamais eu de comité ou que le
message venait de lui personnellement, la réponse de Me Lemay est
claire. D'une part, et M. Carrier et M. Lessard ont perçu les
événements comme ayant pour effet d'exercer des pressions sur M.
Garon. Il est déjà très curieux de voir les
réticences et les refus de M. Carrier à parler à M. Garon
le matin du 19. Pourquoi ces réticences si ce n'est que pour l'informer
d'une situation? M. Carrier avait déjà communiqué avec M.
Garon dans ce dossier. II l'avait même rencontré. II a
témoigné que, dans d'autres dossiers, au besoin il l'appelle.
Qu'y a-t-il donc de si spécial ce matin du 19 décembre pour qu'il
refuse de l'appeler sous prétexte qu'il n'est pas assez familier avec M.
Garon? La réponse transparaît dans son témoignage, M. le
Président. À une question du député de Taillon,
à savoir pourquoi son projet de loi pouvait être refusé, il
répond, 159-3: "À cause de la pression qui nous a
été faite. Enfin, j'ai répété la discussion
que j'ai eue avec Me Lemay."
Un peu plus loin dans son témoignage, il revient avec la notion
de pression, 178 -2. M. Rochefort lui pose la question suivante: "Est-ce qu'il
y avait d'autres avenues pour vous qui s'offraient ce matin-là ou que
c'était vraiment la meilleure avenue que d'appeler immédiatement
M. Lessard pour lui demander d'intervenir auprès de M. Garon?" M.
Carrier répond: "Pour moi, c'était la meilleure avenue parce que
après ça, on a fait... moi j'ai fait aucune pression suite
à ça."
M. Carrier va même jusqu'à utiliser l'expression
"marchandage" qu'il tentera par la suite de modifier pour "négociation",
154-2: "Bien, je lui ai expliqué exactement la question de
possibilité à la fin de session, de marchandage, ce n'est
peut-être pas le bon mot que j'emploie, mais en tout cas, c'est le terme
qui me vient à l'esprit."
M. Carrier, tout au long de son témoignage, décrit
toujours la demande faite à M. Lessard d'appeler M. Garon comme une
demande d'intervenir auprès de M. Garon. Pour M. Lessard, la demande
qu'on lui faisait était on ne peut plus claire. "Cela ne m'a pas surpris
plus que ça, dans la mesure où, moi, personnellement, il
n'était pas question qu'on intervienne. Ceux qui connaissent M. Garon
savent que ce n'est pas le genre de personne qu'on influence. D'ailleurs,
ça m'étonne un petit peu que M. Carrier m'ait prêté
la capacité d'influencer notre député."
Et à la page R-2223: "Mais moi - et c'est toujours M. Lessard qui
parle - mais moi, ce que j'en connais de M. Garon, ce n'est pas une personne
qui se laisse influencer facilement, qui a ses idées, qui les
défend, puis je me disais, moi-même: Si le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation essaie de l'influencer,
je ne le sais pas, à ce moment-là, c'est pas ça qui peut
changer quoi que ce soit, je pensais. Alors, à ce moment-là,
c'est pour ça, moi, j'ai trouvé cette démarche-là,
de ma part, que moi, j'intervienne auprès de M. Garon, je suis convaincu
que ça n'aurait rien donné, puis, deuxièmement, je
trouvais que ce n'était pas mon rôle de le faire, d'abord, comme
fonctionnaire, puis, deuxièmement, eh bien, comme je trouve qu'on n'a
pas d'affaire, c'est pas à nous à régler les
problèmes qui peuvent se poser par les élus à
l'Assemblée nationale."
Une voix: En conclusion tout de suite, page 52.
M. Chevrette: Quant au ministre, cette question, il tente de
démontrer qu'il ne peut y avoir de pression, parce que, pour lui, il
avait fait son deuil du projet de loi 132 quelques jours avant le 19.
Je vais sauter à la conclusion, M. le Président, puisque
mon temps est pratiquement écoulé, puis je veux laisser la chance
à mes collègues de parler.
La conclusion à tirer de tous ces témoignages est
évidente. L'analyse des témoignages, la simple logique et le gros
bon sens amènent à conclure que le député de
Portneuf et ministre de l'Agriculture a bel et bien tenté d'influencer
le vote. L'attitude, l'action et l'opinion du député de
Lévis concernant le projet de loi 132 sur la protection du territoire
agricole en mettant en branle un processus de pression qui se traduisait par la
menace d'une sévère pénalité à l'encontre
des citoyens du comté de Lévis. Un député ne peut
rester insensible au sort des citoyens de son comté. Le
député de Lévis se retrouvait dans une situation
intenable. L'on mettait directement en cause les intérêts des
citoyens de son comté pour l'amener à consentir à un
projet de loi public qu'en toute conscience il considérait
inadéquat, inapproprié et ne reflétant pas les objectifs
que le ministre disait même vouloir viser.
La situation a été très bien comprise par toutes
les personnes qui furent impliquées dans cette affaire. Mme Lecours a
rendu son témoignage clair, précis et sans équivoque. La
pièce D-3 qui est en fait le message qu'elle a transmis au
député de Lévis à l'Assemblée nationale
résume à elle seule tous les éléments de cette
affaire dans une simplicité qu'apprécie la vérité:
"M. Lemay vient tout juste de recevoir un appel téléphonique de
M. Pagé qui disait ceci: Si M. Garon continue de s'entêter
à bloquer le projet de loi 132, il (M. Pagé) - entre
parenthèses - s'engage à bloquer le projet de loi privé de
la CITRSQ. M. Lemay demande de le rappeler d'urgence."
M. Garon, lui, a aussi rendu un témoignage clair, précis
et dénué de toute hésitation. 11 a corroboré les
éléments que Me Lemay avait transmis à Mme Lecours et
qu'il a répétés à M. Garon. Il a également
témoigné à l'effet qu'on lui demandait s'il tenait
vraiment à son objection au projet de loi 132. On lui a proposé
une rencontre avec Me Lemay, M. Carrier et le ministre de l'Agriculture dont le
seul but ne pouvait être que la négociation de son attitude sur le
projet de loi 132, rencontre qu'il a refusée, comme il a refusé
de se prêter à toutes les pressions indues.
M. le Président, les gestes qu'il a posés le 19
décembre au matin, les déclarations qu'il a faites le 19
décembre par la suite s'inscrivent tout à fait dans la ligne des
événements du 19 décembre. Il a pris toutes les mesures
pour s'assurer du contenu véritable de la pression que l'on tentait
d'exercer sur lui, de même que de la provenance de cette pression. Sur ce
dernier point, l'on a tenté de lui reprocher de ne pas avoir
vérifié auprès du ministre de l'Agriculture. Cette
vérification était inutile. Il est évident et certain que
l'avocat Lemay ne pouvait avoir inventé un tel scénario. Il
n'avait aucun intérêt en matière de zonage agricole. Son
seul intérêt était similaire à celui du
député de Lévis, c'est-à-dire de voir le projet de
loi 272 adopté.
MM. Carrier et Lessard ont, eux aussi, confirmé le
témoignage de Mme Lecours et de M. Garon. Tous les deux ont
souligné le lien non équivoque entre le bloquage de la loi 272 en
raison de l'attitude du député de Lévis de ne pas
consentir au projet de loi sur la protection du territoire agricole.
Quant au véritable but recherché par ce blocage, M.
Carrier a spontanément parlé de pressions et M. Lessard a aussi
spontanément parlé d'influencer le député de
Lévis. Tous les deux ont manifesté un refus de communiquer avec
M. Garon. Ce refus et cette crainte ne peuvent se comprendre que parce que tous
les deux comprenaient très bien le contexte des
événements, A la limite, il n'était pas nécessaire
d'expliquer l'évidence.
Quant à Me Lemay, il a bien sûr confirmé les
éléments essentiels de l'affaire, soit l'appel du ministre, le
lien entre l'adoption du projet de loi 272 et 132. On ne peut faire autrement
que de souligner qu'il a rendu un témoignage qui a été
contredit à maintes reprises sur les éléments non
essentiels et souvent même par le député de Lévis et
le ministre de l'Agriculture. Son témoignage est truffé de
contradictions, d'incohérences, d'illogismes et de réserves
mentales.
Comment expliquer cette référence à un
comité et à un caucus niée par tous les autres
témoins? Comment expliquer cette référence à un
pseudo-engagement du chef de l'Opposition non relevée par le
député de Lévis et niée par le ministre de
l'Agriculture? Comment expliquer qu'il ne cherche aucunement à
convaincre le ministre de l'Agriculture de ne pas bloquer le projet de loi 272
et de ne pas lui expliquer le bien-fondé de cette loi? Comment expliquer
qu'il ne s'informe aucunement de la composition du comité qu'il aurait
décidé de... qui aurait décidé de bloquer son
projet de loi après que la commission parlementaire l'eût
adopté à l'unanimité la veille au soir avec la
participation de deux ministres concernés? Comment expliquer qu'il n'a
jamais réalisé que l'intérêt du ministre de
l'Agriculture n'était pas la courtoisie à son égard
mais
bien le sort d'une loi sur la protection du territoire agricole? Comment
expliquer qu'il voulait se transporter au parlement pour se promener de bureau
en bureau alors qu'il indique que la décision de bloquer le projet de
loi 272 était ferme, définitive et arrêtée à
un tel point qu'il n'essaie même pas de convaincre celui qui l'en informe
et le seul gars qui le connaît au Parlement?
Pourquoi ne pas lui demander d'intervenir auprès du
comité? Comment expliquer qu'il parle constamment d'échange de
projets de loi, de négociation, de "deal", de "game" politique, de
projet de loi en balance sur des échanges de consentement et de
précédent dans le cas de Sorel, alors que d'un autre
côté il donne à penser que la décision du ministre
est tellement ferme que même si 132 était adopté, 272
resterait bloqué? Comment expliquer qu'il demande au
député de Lévis de ne pas parler de ça en Chambre
autrement que par le fait d'être conscient du caractère indû
de ses démarches? Comment expliquer qu'il sent le besoin de corriger son
aide-mémoire à cinq reprises jusqu'au 15 janvier? Comment
expliquer qu'il considère mineure une modification à son
aide-mémoire par laquelle il substitue "tant que l'Opposition ne
donnerait pas son consentement" pour le projet de loi sur le zonage agricole
par les mots "parce que l'Opposition ne donnerait pas son consentement"?
Comment expliquer que dans les quatre premières versions de son
mémoire il indique que le mot "chantage" aurait été
prononcé par lui ou par Mme Lecours alors que dans la dernière
version c'est seulement Mme Lecours qui l'aurait prononcé"? Comment
expliquer que dans les mêmes versions où il indique avoir pu
prononcer le terme "chantage" il indique, deux paragraphes plus avant, n'avoir
en aucun moment interprété la conversation avec M. Pagé
comme étant des menaces pour forcer le député de
Lévis à consentir au projet de loi sur le zonage agricole?
Comment expliquer que Me Lemay a donné trois versions différentes
de la façon dont il a appris qu'une question de privilège avait
été soulevée en Chambre par le député de
Lévis?
Tous ces éléments et bien d'autres, M. le
Président, témoignent d'une naïveté et d'un manque de
rigueur exceptionnels ou encore d'une partialité évidente en
faveur du ministre, bien que les éléments essentiels de l'affaire
aient été reconnus par Me Lemay et que le ministre l'ait
clairement contredit sur les motifs de bloquer 272. Il est facile de comprendre
que Me Lemay, devant les conséquences de son appel, ait senti le besoin
de se protéger et de protéger également le ministre de
l'Agriculture. Malheureusement pour lui, il est très difficile de
demeurer cohérent ailleurs que dans la vérité.
Malheureusement aussi, le ministre de l'Agriculture ne pouvait pas
souscrire à plusieurs éléments de son témoignage
sans nécessairement amener l'audition d'autres témoins:
comité, engagement du chef de l'Opposition. Quant au ministre de
l'Agriculture, sa version, lui, des événements n'est pas
crédible. Il a donné en fait deux explications pour
démontrer qu'il n'a jamais songé à des pressions, une
première à l'effet que son blocage du projet de loi 272
était dû à des réticences sur le projet de loi
lui-même. Ce motif est contredit par son attitude au projet de loi
privé depuis quatorze ans, qu'il est réputé, par le
cheminement sans heurts du projet, sans jamais qu'il ne fasse connaître
aux intéressés ses réticences et par le fait aussi qu'il
n'a jamais indiqué d'éléments précis et
particuliers à 272 autres que le besoin d'études
supplémentaires.
Quant au fait qu'il avait fait son deuil de 132, ce serait bien la
première fois qu'un ministre et un parlementaire de si longue
expérience aurait démontré un tel manque de
ténacité. Le témoignaqe de deux de ses collègues
est venu confirmer le côté farfelu de ses explications. Le
ministre des Transports a témoigné à l'effet
qu'après la commission parlementaire il n'avait pas de motifs de croire
que le projet de loi privé 272 ne serait pas adopté. Et, de son
côté, le ministre des Affaires municipales, premier responsable de
ce projet de loi du côté gouvernemental, a indiqué qu'il
n'avait jamais eu connaissance des réticences du ministre de
l'Agriculture et que, de toute façon, il ne voyait même pas ce
qu'il serait venu faire dans ce projet. II est facile de retracer le fil
véritable des événements. Le ministre de l'Agriculture,
parce que, d'une part, le leader du gouvernement n'avait pas appelé en
temps voulu le projet de loi ]32 et que, d'autre part, te député
de Lévis utilisait les moyens parlementaires à sa disposition
pour faire valoir son opposition au projet de loi 132, a
développé une frustration profonde à l'égard du
député de Lévis. (11 h 45)
II était au courant que le député de Lévis
avait présenté un projet de loi privé d'importance
concernant les intérêts de quelque 75 000 personnes de son
comté et permettant une subvention d'importance pour la Corporation
intermunicipale de transport de la rive sud de Québec. Cherchant un
moyen de s'assurer de l'adoption de son propre projet de loi, il en est
arrivé le 18 décembre, à la dernière journée
de session, à la conclusion que le meilleur moyen était de mettre
en oeuvre un mécanisme ayant pour effet d'indiquer au
député de Lévis que le projet de loi 272 concernant les
intérêts particuliers à son comté ne serait pas
adopté à moins que le député de Lévis ne
donne pas son consentement à la présentation du projet de loi
modifiant la Loi sur la protection du
territoire agricole.
Il était difficile pour lui de faire directement pression sur le
député de Lévis. Cependant, comme il connaissait l'avocat
au dossier, il a choisi de l'appeler et de lui faire bien comprendre que son
projet de loi était bloqué, pourquoi il était
bloqué et quelle était la seule avenue pour le débloquer.
Me Lemay a très bien compris le sens du message. Tous les gestes qu'il a
posés par la suite le démontrent très bien. II s'agissait
donc pour le ministre de finalement prendre en otage la Corporation
intermunicipale de transport de la rive sud de Québec et tous les
citoyens qu'elle dessert pour obtenir du député de Lévis
qu'il consente à la présentation du projet de loi qu'il
considérait inapproprié. Voilà la seule conclusion logique
qui a été établie par les témoignages entendus.
Une telle mécanique, un tel système démontrent une
attitude inacceptable dans un Parlement. Les gestes posés par le
ministre de l'Agriculture sont indignes d'un député et encore
plus d'un ministre. Ils déshonorent nos institutions et le rôle
premier des députés. Le député de Lévis
devant une telle situation n'avait d'autre choix que de dénoncer de
telles pratiques. Il était important de sauvegarder
l'indépendance et le privilège de la libre expression non
seulement pour lui-même, mais également pour tous les
députés. Il serait inacceptable que les lois du Québec
soient dorénavant votées et adoptées en dehors du cadre
des pratiques parlementaires reconnues et acceptées, mais plutôt
en raison de pressions exercées sur les députés qui, de
bonne foi et en toute conscience, s'y opposent en respectant les règles
du parlementarisme. Ne nous trompons pas, ce qui est en jeu aujourd'hui c'est
cela même.
Quant aux faits allégués par le député de
Lévis, nous sommes donc convaincus qu'ils ont été
établis et prouvés. Il a bel et bien eu pression indue du
ministre de l'Agriculture pour tenter d'influencer le député de
Lévis quant à son action, son vote et son attitude à
l'égard du projet de loi. M. le Président, je déposerai en
Chambre de la jurisprudence d'autres Parlements ou de faits similaires et de la
jurisprudence extraite des sommités en droit parlementaire pour prouver
ces avancés...
Le Président (M. Lorrain): À l'étape du
débat.
M. Chevrette: ...à l'étape du débat.
Le Président (M. Lorrain): Alors, je remercie beaucoup le
leader de l'Opposition de sa plaidoirie. Maintenant, je vais reconnaître
un autre membre de la formation de l'Opposition, toujours à
l'étape de l'argumentation. M. le député de Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Oui, merci, M. le Président. M. le
Président, quelques minutes pour ajouter à la
démonstration très claire, très complète faite par
le député de Joliette, quant aux pressions réelles
effectives exercées par le député de Portneuf, ministre de
l'Agriculture, sur le député de Lévis.
M. le Président, nous avons assisté longuement,
patiemment, intensément è plus de quatre semaines
d'enquête, d'interrogatoires et de contre-interrogatoires, de plus d'une
dizaine de témoins et qui m'amènent moi, personnellement,
à conclure qu'effectivement le ministre de l'Agriculture et
député de Portneuf a posé des gestes qui avaient pour
objectif et qui ont eu clairement, personne ne peut en douter, pour effet
d'enclencher un processus qui visait à mettre des pressions, à
exercer des pressions indues au sens des termes mêmes de notre
règlement, de notre loi de l'Assemblée nationale sur le
député de Lévis afin qu'il laisse passer un projet de loi
que le ministre de l'Agriculture nous a décrit comme étant sa
première priorité législative pour la session qui nous
occupe, c'est-à-dire le projet de loi 132.
M. le Président, le ministre de l'Agriculture siège ici
à l'Assemblée nationale depuis déjà 1973, quatorze
ans. Il a été député de la majorité
ministérielle, whip en chef de l'Opposition officielle, ministre de
l'Agriculture depuis que son parti est au gouvernement. C'est un homme
expérimenté. Un homme qui connaît bien toutes les
règles parlementaires, tout le fonctionnement de l'Assemblée
nationale, ce qui est écrit comme ce qui n'e3t pas écrit dans nos
règles, dans nos habitudes, dans nos façons de fonctionner. S'il
a choisi d'intervenir le vendredi matin, 19 décembre, pour informer,
pour aviser le procureur de la CITRSQ qu'il bloquait le projet de loi 272,
parce que le député de Lévis qui était parrain du
projet de loi 272, et qui était le député des
électeurs concernés par le projet de loi 272, bloquait le projet
de loi 132, c'est parce qu'il savait très bien, compte tenu qu'on
était justement à la dernière journée de session,
que c'était le meilleur de tous les moments imaginables pour enclencher
un processus de pression sur le député de Lévis afin qu'il
laisse finalement passer le projet de loi 132. Si le député de
Portneuf était sincère et disait la vérité,
lorsqu'il vient nous dire: J'ai fait ça à ce moment-là
parce que j'avais deux minutes devant moi, et que de toute façon je ne
voulais pas que Me Lemay m'achale après, pendant le temps des
fêtes, et s'il avait voulu justement être un homme rigoureux,
être un homme qui d'aucune façon n'enclenche un processus de
pressions indues, il aurait fait ce coup de
téléphone après l'ajournement de la session, le
vendredi soir, pour justement éviter que tout le monde comprenne que son
objectif était de faire des pressions et d'exercer des pressions indues
sur le député de Lévis.
M. le Président, c'est tellement clair dans l'esprit de tout le
monde, que tout le monde a effectivement compris que ce que M. Pagé
faisait, c'était de mettre des pressions sur le député de
Lévis au moment crucial, au moment crucial de l'évolution
législative des deux projets de loi. C'est ce que Mme Lecours, à
qui Me Lemay a rapporté sa conversation avec Me Pagé, a retenu de
sa conversation. C'est ce que M. Garon, à qui Me Lemay a rapporté
la conversation avec M. Pagé, a compris de la conversation. C'est ce que
M. Blouin a compris de la conversation. C'est ce que Me Lemay lui-même
est venu nous rapporter dans quatre versions de son mémo. Et ce n'est
que le 15 janvier que tout à coup, pour une raison qu'on peut
comprendre, qu'il a changé sa version, dans quatre versions, y compris
celle qu'il a rédigée après. Je répète, y
compris la version qu'il a rédigée après avoir
parlé à tout ce monde-là au cours de la journée,
qu'il a bien inscrit et qu'il rapportait bien la journée même ce
qu'il avait compris de sa conversation téléphonique du matin et
rapporté tout au cours de la journée que M. Pagé disait:
Tant que M. Garon va bloquer le projet de loi 132, je bloquerai, moi, M.
Pagé, le projet de loi 272.
M. le Président, ce n'est pas pour rien que M. Carrier,
président de la commission intermunicipale de transport, a compris qu'il
s'agissait là de pressions politiques du député de
Portneuf. Ce n'est pas pour rien que le vice-président de la commission
intermunicipale de transport, M. Lessard, a conclu que le
téléphone de M. Pagé à Me Lemay avait pour but
d'influencer le député de Lévis dans son comportement, eu
égard au projet de loi 132. Et ce n'est pas pour rien, M. le
Président, qu'on a connu tout le processus qu'a enclenché ce
téléphone de M. Pagé à Me Lemay, et je le rappelle,
au moment opportun. Quelqu'un qui voulait faire des pressions n'aurait jamais
choisi un meilleur moment et un moment différent de celui du vendredi
matin, 9 h 30, dernière journée de la session parlementaire,
à un point tel que Me Lemay a voulu offrir ses services pour venir se
promener au parlement faire des pressions, que Me Lemay a dit à M.
Garon: Écoutez, chicanez-vous sur d'autres lois que notre loi, nous
autres, on en a besoin. Si vous voulez faire des batailles politiques entre les
deux formations politiques, prenez une autre loi que la 272, parce que la 272,
nous autres, on en a besoin.
M. le Président, il est clair, net et précis que le
député de Portneuf, avec son habileté parlementaire bien
connue, avec sa connaissance de nos règles de fonctionnement,
écrites et non écrites, a choisi le meilleur moment qu'il pouvait
imaginer, après quatorze années d'expérience
parlementaire, pour créer une pression indue contrevenant directement
à notre règlement, sur le député de Lévis,
pour tenter ultime-ment de faire adopter ce que je répète le
député de Portneuf nous a décrit comme étant sa
première priorité législative qui était le projet
de loi 132, en utilisant les intérêts économiques,
financiers et fiscaux des citoyens et citoyennes de la rive sud de
Québec, concernés par le service de transport en commun de la
Commission intermunicipale de transport de la rive sud de Québec. Il a
utilisé une pression, la pire qu'on puisse exercer sur un
député, prendre en otage toute une population de 50, 60 à
100 000 habitants pour faire en sorte que, au nom des intérêts de
ces citoyens, le député parrain et' représentant à
l'Assemblée nationale de ses électeurs laisse tomber une
objection qu'il avait sur un projet de loi pour que ces citoyens puissent
être respectés et que leurs intérêts soient pris en
cause dans le Parlement. Et, M. le Président, une telle attitude est
contraire à la loi, contraire à notre règlement, contraire
au sens démocratique de nos institutions politiques et ne peut
être laissée passer sous silence, et quant à moi,
mérite d'être profondément blâmée par
l'Assemblée nationale du Québec.
Le Président (M. Lorrain): Je remercie M. le
député de Gouin. Votre intervention, M. le député
de Gouin, met fin à l'enveloppe de temps qui avait été
entendu entre les deux formations politiques, quant à l'argumentation
présentée par les membres de cette commission.
Je vais maintenant reconnaître, toujours à l'étape
des plaidoiries et de l'argumentation M. le député de
Louis-Hébert. M. le député de Sainte-Anne, je vous
reconnais la parole.
Une voix: C'est toi là avant? Une voix: C'est
moi.
M. Lefebvre: Excusez, M. le Président, on commence avec
Me... M. le député de Louis-Hébert, je m'excuse.
Le Président (M. Lorrain): Alors, plutôt, M. le
député de Louis-Hébert. Alors M. le député
de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Oui, merci, M. le Président.
M. le Président, depuis de nombreuses semaines, cette commission
s'est réunie pour examiner s'il y a des fondements, s'il y avait
des fondements à une accusation extrêmement grave qui a
été portée au mois de décembre dernier par le
député de Lévis. Cette accusation nous affecte tous comme
parlementaires, M. le Président, dans ce sens qu'elle jette, si elle
était fondée, un discrédit sur l'ensemble des
parlementaires. En même temps, elle risque de jeter un profond
discrédit aussi sur les parlementaires, s'il est établi, comme
d'après moi ça l'a déjà été de
façon très claire, que l'accusation n'est pas fondée. 11
faut bien réaliser, M. le Président, que la procédure que
nous avons vécue ces dernières semaines est une procédure
totalement inhabituelle pour des raisons bien simples. Il y a des règles
du jeu, il y a des règles d'éthique qui font que les
parlementaires se respectent les uns les autres et ne lancent pas à la
volée des accusations qui risquent de ternir des réputations
individuelles et en même temps des réputations collectives. Et
c'est dans ce sens-là que notre règlement y pourvoit et fait en
sorte que, quelque accusation que ce soit portée contre un
collègue parlementaire, impose à l'accusateur un fardeau dont il
doit se libérer d'une façon claire, précise,
au-delà de tout doute, sinon l'accusation se retourne contre lui. II est
bien qu'il en soit ainsi de façon, M. le Président, et
l'expérience que nous venons de vivre en est la meilleure preuve,
d'éviter des situations semblables à celle qui a
été la nôtre depuis quelques semaines, suite aux
événements du 18 et du 19 décembre.
Il est donc important, M. le Président, que les parlementaires
qui ont à examiner la conduite d'un collègue le fassent avec tous
les éléments, le fassent par des témoins qui sont
assermentés, des témoins qui viennent nous raconter ce qu'ils ont
dit, ce qu'ils ont fait, ce qu'ils ont entendu; ils le font sous serment, ils
le font avec l'obligation stricte de dire la vérité.
M. Président, pour bien comprendre ce qui s'est passé les
18 et 19 décembre, il faut se reporter dans le temps et reculer en
arrière. C'était la fin de la session qui avait commencé
au mois d'octobre. Le PQ, le parti d'Opposition, avait connu toute sorte
d'avatars, avait connu toute sorte de difficultés. La session se
terminait et le gouvernement sortait avec des projets de loi de valeur, sortait
grandi de l'expérience avec des propositions concrètes.
L'Opposition avait tiré en dehors de la cible pendant tous les mois,
toutes les semaines qui avaient précédé, risquait de s'en
aller dans les limbes pour une couple de mois et ça prenait un coup
d'éclat, M. le Président. (12 heures)
Les journalistes qui sont de fins observateurs n'ont pas manqué
de relever cette situation-là. Le journaliste, dernièrement,
Gilbert Brunet, affirmait que, dans un article publié dans La Presse du
11 avril, et le titre était "L'Opposition péquiste cafouille
entre la certitude et le malaise."Et il entamait son article de la
façon suivante: "Un malaise persistant défraie les conversations
dans les milieux politiques québécois depuis plus d'un an.
Collectivement, les députés péquistes ratent souvent leur
cible, arrivent en retard avec leurs questions ou manquent
généralement de mordant."
Cette situation-là, M. le Président, était
vécue à l'Assemblée nationale les 18 et 19
décembre. L'Opposition cherchait désespérément un
moyen de pouvoir quitter le parlement autrement qu'avec peu de choses,
finalement, dans sa besace. Et en même temps, nous avons l'acteur
principal de ce pseudo-drame, qui est le député de Lévis,
un député qui, pour employer un euphémisme, M. le
Président, n'est pas toujours au même diapason que ses
collègues sur un certain nombre de points, un député qui
fait bande à part très souvent et qui, en même temps, a le
tour - les journalistes l'ont souligné - a le tour d'embrigader les
autres dans ses propres batailles, qu'elles soient idéologiques ou
autrement. C'est un homme qui sait utiliser les autres et qui, en même
temps, cherche à avoir la lumière des réflecteurs sur lui
le plus souvent possible, et de façon la plus brillante possible.
À ce moment-là, M. le Président, le pseudo-drame se
noue. Il faut inventer, il faut trouver quelque chose. Le premier
prétexte sera bon, M. le Président, il devra avoir l'effet d'une
bombe, il devra avoir l'effet d'un feu d'artifice. Il devra pouvoir mettre en
lumière le député de Lévis. Il devra, en même
temps, si c'est possible, dans cette espèce de machination, pouvoir
neutraliser d'autres personnes dans ce qui suivra les dénonciations qui
s'en viennent.
Comble de l'ironie, M. le Président, les choses s'enclenchent de
cette façon, les collègues du député de
Lévis sont embrigadés, à commencer par le leader de
l'Opposition qui n'y voit que du feu, qui embarque, qui se laisse embarquer
dans cette espèce de, ce que j'appellerais un pseudodrame, et on en
arrive à mobiliser les énergies de, tout d'abord, un certain
nombre de collègues - on l'a vécu depuis cinq semaines - un
certain nombre de collègues du député de Lévis qui
se votent confier, ou qui se voient imposer la tâche de prouver des
accusations qui sont totalement farfelues, et la preuve l'a
démontré amplement, M. le Président.
Les députés - et je les plains - les députés
de l'Opposition, M. le Président, font le jeu du député de
Lévis qui, lui, joue au martyr, joue au député à
qui on veut imposer de3 pressions indues, joue à la personne qui n'a
rien à se reprocher et qui est une pauvre victime
persécutée. Une
véritable farce, M. le Président, une véritable
farce! Le député de Lévis - et c'est de commune
renommée - le député de Lévis a une
réputation de mauvais coucheur. Il ne s'entend pas facilement, il va
sans dire, avec ses propres collègues. C'est dans les journaux
régulièrement, je n'aurai pas à insister là-dessus,
M. le Président, c'est connu, c'est su, c'est au vu et au su de tout le
monde. Il ne faut pas se surprendre, M. le Président, qu'il connaisse
quelques petites difficultés avec les ministériels. Et il faut
pas se surprendre que les ministériels, parfois, en aient ras le bol des
agissements, tout comme les collègues du député de
Lévis, à l'intérieur de leur propre parti, en aient ras le
bol des agissements intempestifs du député de Lévis. Le
député de Lévis s'amuse régulièrement, pour
des raisons qu'il peut justifier, mais il est le seul député
à avoir un tel "pedigree" à son crédit, à bloquer
projets de loi par-dessus projets de loi.
À titre d'exemple, je vous dirai que le député de
Lévis, au mois de décembre 1986, a bloqué à lui
seul par toutes sortes de manoeuvres - et je vous dirai où ça
s'est situé - pas moins de dix projets de loi. Il en a bloqué
quatre du ministre des Finances; il a bloqué au niveau de l'adoption du
principe le projet de loi 57, Loi modifiant la Loi sur la Société
Makivik; il a bloqué, du ministre des Finances, M. Gérard D.
Levesque, le projet de loi 128, Loi modifiant la Loi sur le Bureau de la
statistique - allez voir pourquoi, il faudrait fouiller, mais il a
bloqué ça; il a bloqué le projet de loi 129, Loi modifiant
la Loi sur l'administration financière, au niveau du principe; il a
bloqué le projet de loi aussi 130, Loi concernant les dépenses
effectuées et non comptabilisées au 31 mars 1986. Simplement pour
le ministre des Finances au niveau de l'adoption de principe... le
député de Lévis.
Il a bloqué aussi deux projets de loi du ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation, M.
Pierre Fortier. II a bloqué, entre autres, au niveau de la
considération du rapport, le projet de loi 122, Loi modifiant diverses
dispositions législatives concernant la mention du district judiciaire
de Laval, de Longueuil, dans les statuts de certaines corporations - il faut le
faire! - le projet de loi 143, Loi modifiant la Loi sur les compagnies.
Ça, c'est pour le ministre délégué aux Finances et
à la Privatisation.
Il ne s'en est pas tenu là, il a bloqué quatre autres
projets de loi qui étaient des projets de loi parrainés par le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Michel
Pagé. Au niveau du principe, il a bloqué le projet de loi 133,
Loi modifiant la Loi sur les produits laitiers et leurs
succédanés, il a bloqué la loi 134, Loi modifiant la Loi
sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments, il a
bloqué le projet de loi 146, Loi modifiant la
Loi sur les grains et la mise en marché des produits agricoles.
Il a bloqué finalement, au niveau de la prise en considération du
rapport, le projet de loi 86, Loi abrogeant la Loi sur la Société
du parc des expositions agro-alimentaires.
Si c'est pas un record, M. le Président, c'est pas loin.
Une voix: Une bonne moyenne.
M. Doyon: C'est une excellente moyenne! Et, le
député de Lévis s'est de cette façon acquis une
réputation de personne avec laquelle il y a peu ou pas de gens qui
peuvent s'entendre.
Le député de Portneuf, ministre de l'Agriculture, sait,
bien sûr, ces choses-là. Il est à l'Assemblée
nationale depuis 1973. Il connaît le député de Lévis
depuis de nombreuses années, a vécu plusieurs sessions
parlementaires en sa compagnie et sait que le député de
Lévis ne fait pas de quartier, ne se laisse pas convaincre par des
arguments rationnels, raisonnables, logiques. Il se fait une idée et,
après ça, il est déterminé ad unum, il s'en va
comme un robot et il y a rien à faire. Le député de
Portneuf doit donc vivre avec cette situation-là. Le
député de Portneuf, dans cette volée du
député de Lévis de blocages de projets de loi se dit: Mon
projet de loi 132 est bloqué, j'en fais mon deuil, je dois vivre avec
ça, je suis pas pire que mes collègues, je suis pas pire que les
autres, le projet de loi 132 vient d'être écrasé par le
député de Lévis et c'est ça. Qu'est-ce que vous
voulez? Le député de Lévis, là-dessus, ne se
tracasse pas. II fait grand état dans son témoignage des
préjudices qui seraient subis par les contribuables de Saint-David, de
Lauzon, de Lévis et je pense que c'est Charny; il fait grand état
de ça. Ça, ça lui brise le coeur et je le comprends, il
est député de ce comté-là, il prend à coeur
les intérêts de ses électeurs, c'est très bien.
Mais, par contre, le député de Lévis a un coeur de
pierre, il a le coeur dur quand il s'agit des intérêts des
personnes protégées par la loi du zonage agricole. Ca, on lui
fait valoir tous les arguments possibles et impossibles. On lui explique qu'il
y a des questions de délai, qu'il y a des questions de disparition de
droits acquis qui ne pourront pas être récupérés si
l'Assemblée législative ne légifère pas en temps et
lieu, et c'est-à-dire avant la fin de la session le 19 décembre.
On lui fait valoir que c'est irrécupérable. On lui fait valoir,
M. le Président, tout ça. Mais, tout comme les projets de loi que
je vous ai mentionnés, M. le Président, le député
de Lévis est inébranlable. Il est conforme à la
réputation qu'il s'est créée et les arguments en ce qui
concerne le bien-être d'une catégorie de la population que sont
les détenteurs d'un
certain nombre de droits acquis en ce qui concerne les terres agricoles,
ça, ça le touche absolument pas. Son coeur, avec raison, saigne
abondamment en ce qui concerne les contribuables de sa circonscription, mais il
reste coi et totalement inébranlable en ce qui concerne les
intérêts d'une autre catégorie de la population.
Devant cette situation, le député de Portneuf tout
simplement se dit: Ç'en est fait de mon projet de loi 132 compte tenu de
la personnalité du député qui s'y objecte. Et, en
même temps, parallèlement à ça, le
député de Portneuf est saisi d'un projet de loi par l'avocat de
la commission de transport de la rive sud qui l'informe qu'il a l'intention de
présenter au nom de la commission un projet de loi, que ce projet de loi
touche un certain nombre de municipalités, ce à quoi doit servir
ce projet de loi, et demande au député de Portneuf son appui pour
que ce projet de loi puisse remédier à certaines
illégalités. Le député de Portneuf qui
connaît Me Lemay et qui s'intéresse régulièrement
aux projets de loi privés et qui exprime dans son témoignage, M.
le Président, des réticences sérieuses au niveau des
projets de loi qui ont des effets rétroactifs et qui entraînent
des millions et des millions de dollars de dépenses au gouvernement, il
nous dit pourquoi. Il nous dit: Moi, je me méfie des projets de loi
privés qui ont des effets rétroactifs; je vais vous dire
pourquoi; parce que, règle générale, et c'était le
cas de celui-là, ces projets de loi-là nous arrivent en fin de
session, qui sont passés à la vapeur aux petites heures du matin;
on n'a pas le temps de faire la consultation qui s'impose; on ne connaît
pas les tenants et aboutissants de tout ça et, finalement, très
souvent, on risque de se retrouver avec une situation qui peut mettre soit le
gouvernement, soit des personnes qui n'ont pas eu le temps de se faire
entendre, qui n'ont pas eu le temps de donner leur point de vue, dans
l'embarras.
M. le Président, ça, c'est la situation dans laquelle se
trouve le député de Portneuf. D'un côté, le
député de Lévis qui a fait la preuve qu'il était
absolument, qu'il était absolument impassible de le faire changer
d'idée quand il s'était mis une chose dans la tête. Et, M.
le Président, le PQ, de son côté, parti d'Opposition, est
dans ce qu'on peut appeler le début ou la continuation d'une passe
difficile qui se prolonge dans le temps et qui, à ce moment-là,
était de nature à créer des difficultés
supplémentaires, surtout quand, avec le recul du temps, on
considère les gestes qui ont été "déposés"
par le député de Lévis. D'ailleurs, M. le
Président, ces observations concernant la situation du parti de
l'Opposition, c'est pas en tant que ministériels que ces
observations-là nous viennent, M. le Président. Hier, dans le
journal Le Soleil, Mme Lise Bissonnette publiait un article qui faisait le tour
de la question d'une façon assez éloquente, M. le
Président. Et l'article est intitulé "Quand le PQ ne
répond plus." On voit là-dedans que l'analyse correspond à
la façon dont les faits se sont passés et continuent de se
passer. Mme Bissonnette écrit... Dans un premier paragraphe elle pose la
question: Où est le parti d'Opposition, le parti péquiste en ce
qui concerne un rapport du Sénat qui inciterait le gouvernement
fédéral à se retirer du financement des universités
pour laisser aux provinces avec compensation fiscale les pouvoirs dans ce
domaine-là?
Alors elle s'étonne, avec un professeur de droit de
l'Université de Montréal, M. Pierre Carignan, que le PQ n'ait pas
fait connaître d'opposition spécifique à ce
sujet-là. Et elle continue en disant: "Mais où donc se trouvait
le Parti québécois, demandait notamment M. Carignan. Qui eut cru
logique de le trouver sur la barricade autonomiste, rapport sénatorial
sous le bras? Notre parti, supposément nationaliste, a aujourd'hui,
comme tous le savent, des préoccupations autrement existentielles. Au
parlement, il passe ses journées à couper en quatre les fils des
téléphones dont s'est servi le libéral Michel Pagé
pour, paraît-il, faire outrage et menace aux desseins du péquiste
Jean Garon. Et, hors du parlement, il se passionne pour son propre
théâtre, sa danse rituelle des dissidents à laquelle le
Québec ne sert plus que de décor. Que M. Garon - continue
l'éditorialiste - ancien candidat à la direction du parti, soit
dans les deux cas celui qui réussit le mieux à détourner
le temps et les énergies de son groupe, c'est le plus sûr signe de
faiblesse. L'ancien ministre de l'Agriculture n'a pas le début du
commencement des qualités de leadership qu'il croit détenir mais
il impose ses priorités et ses lubies idéologiques à une
formation où il n'était hier encore qu'un figurant pittoresque,,"
(12 h 15)
M. le Président, nous avons là le décodage du
pseudo-drame qui s'est noué les 18 et 19 décembre et qui a abouti
à cette commission parlementaire. Si jamais il y a eu, M. le
Président, dans ce parlement, un ballon soufflé jusqu'à
éclater, c'est celui-là. On a pris ce qui n'est même pas un
début de tentative d'influencer indûment un autre
député et là, on l'a gonflé au maximum pour en
retirer des bénéfices strictement politiques.
Le député de Portneuf, ministre de l'Agriculture, nous
dit: Moi, j'ai appelé Me Lemay. Je l'ai appelé parce que je
connais Me Lemay et je voulais qu'il sache que le projet de loi 272
était bloqué, qu'il ne passerait pas. Je voulais qu'il le sache,
parce que je ne voulais pas qu'il se pose de
questions, puis qu'il me téléphone dans le temps de
Noël et puis il disait d'une façon un peu ironique que même
il tente d'obtenir la réouverture du Parlement. C'est pour ça que
je lui ai dit. C'est pour ça que je lui ai dit. C'est ça que j'ai
fait.
Il dit c'est tellement vrai tout ça que j'ai été
complètement éberlué, abasourdi quand la question de
règlement a été soulevée par le
député de Lévis. Les bras m'ont tombé. Il savait
pas d'où ça venait. Ça lui paraissait... C'était
totalement imprévu. Ça venait de nulle part. Il dit: J'ai
été surpris au possible. Cette surprise passée, on lui
demande: Est-ce que, au-delà de la surprise que vous avez eue de voir le
député de Lévis vous accuser de pareille façon,
est-ce que vous n'avez pas eu un sentiment d'inquiétude? Est-ce que vous
n'avez pas eu un sentiment d'inquiétude? Il dit: Non, j'avais pas
à être inquiet parce que l'accusation qu'on portait contre moi
n'avait absolument aucun fondement.
Il dit: J'ai finalement donné mon consentement à 272
même si j'avais dit qu'à cause de son caractère
rétroactif - à Me Lemay - je le donnerais pas, même si je
continue d'avoir des réserves sur la rétroactivité des
projets de loi, même si je continue de penser que je n'ai pas de cadeau
à faire au député de Lévis, et les raisons en sont
évidentes, je n'ai absolument aucun cadeau à faire à cette
homme-là. Je ne lui en demande pas, il m'en fait et je ne lui en ferai
pas.
Mais, devant le boucan fait par le député de Lévis,
devant l'énormité de l'accusation qui était portée,
il a dit: Je suis pas pour m'entêter et, finalement, ne pas être
mieux que celui à qui je reproche son entêtement, un petit peu
comme quand on était jeune et qu'il y avait une chicane entre deux
frères - il y en avait dans ma famille -mon père disait: que le
plus intelligent cède. Le plus intelligent cède. Comme ça.
Alors, le député de Portneuf, tout simplement, a
cédé finalement, et c'est là que c'est grave, M. le
Président, a cédé aux pressions indues du
député de Lévis. S'il y en a un qui a fait des pressions
indues, c'est le député de Lévis pour arracher le
consentement du député de Portneuf sur 272 et il a réussi
avec ses pressions indues à lui arracher ce consentement-là qu'il
ne voulait pas donner.
Parce que le député de Portneuf a dit: ça n'a pas
de bon sens. Le député de Lévis s'est servi, avec la
complicité, M. le Président, avec l'accord de ses
collègues, du règlement de l'Assemblée nationale pour
exercer les pires pressions qui puissent s'exercer sur un député,
c'est-à-dire lui dire: On va vous traîner en commission
parlementaire et on va vous obliger à vous justifier. C'est le pire
genre de pressions, et s'il y en a un qui a subi des pressions dans toute cette
affaire, M. le Président, c'est le député de Portneuf. Il
nous le dit clairement. Il nous le dit clairement. C'est la seule explication
qu'on peut avoir et qu'on a sur le fait que 272 ait finalement
été adopté. Le député de Lévis a
utilisé le règlement de l'Assemblée nationale pour exercer
ces pressions-là extrêmes, inhabituelles, inusitées qui ne
s'est jamais vu depuis l'affaire Gabias, M. le Président, et que,
j'espère, qu'on n'aura pas à revivre de sitôt. Et de cette
façon-là, a arraché par pressions indues, au
député de Portneuf, un consentement qu'il n'était pas
prêt originalement à donner.
C'est par un retournement dramatique de la situation, M. le
Président, la conclusion à laquelle nous devons en arriver.
L'arroseur arrosé. C'est très grave. C'est très
très sérieux, M. le Président. Le député de
Lévis fait grand état de son rôle indispensable pour
l'adoption du projet de loi 272. Il nous explique que c'est ce à quoi il
tenait beaucoup, que ce projet de loi était extrêmement important
pour lui, pour son comté, etc. Cependant, M. le Président, si on
regarde les faits, les gestes posés par le député de
Lévis pour faciliter l'adoption du projet de loi 272 ne sont pas
là pour étayer ses paroles en commission parlementaire. Il n'a,
finalement, à peu près rien fait, sauf une rencontre avec Me
Lemay qui aurait duré 20, 25 minutes, on n'est pas trop sûr.
Il n'est pas intervenu auprès des ministres, jamais parlé
au ministre des Affaires municipales là-dessus, pas du tout, jamais
parlé aux fonctionnaires des Affaires municipales, jamais intervenu
auprès des membres du cabinet des Affaires municipales, jamais dit un
mot pour obtenir une rencontre avec le ministre des Affaires municipales qui,
d'après les témoignages qu'on a obtenus des dirigeants de la
commission de transport, semblaient traîner en longueur et qui n'a
été accordé qu'après plusieurs mois de demande. Le
député de Lévis s'est pas préoccupé de
ça. Le député de Lévi3 n'a pas - sur le fond, le
témoignage, les témoignages sont constants là-dessus - n'a
pas donné aucun conseil sur ce que devait contenir le projet de loi 272.
Il s'est limité, M. le Président, au strict minimum, au strict
minimum, c'est-à-dire consentir à parraîner le projet de
loi c'est-à-dire à ce que son nom soit imprimé sur une
feuille de papier; deuxièmement, en faire une présentation en
commission parlementaire. Est-ce qu'on peut demander moins à un
député que ça? Est-ce qu'un député qui dit
que la non-adoption du projet de loi 272 va porter un préjudice
extrême etc., etc., ne fait pas toutes les démarches qui peuvent
lui venir à l'esprit pour s'assurer des appuis qui sont
nécesaires, surtout quand on est dans l'Opposition, M. le
Président -pas au pouvoir - quand on est dans l'Opposition pour obtenir
l'appui de3 ministères qui sont nécessaires?
Il n'a rien fait de tout ça. Le projet de loi 272 prend une
importance capitale du moment où le député de Lévis
y voit une chance de mettre le ministre de l'Agriculture et le gouvernement
dans l'embarras. Là, ça devient extrêmement important.
Mais, préalablement à ça pour le député de
Lévis, le projet de loi 272, c'est le cadet de ses soucis. Ça ne
le dérange pas. Mais, évidemment, quand il y voit une chance
d'embarrasser, de mettre en difficulté un député
ministériel, là par exempte, c'est important. Mais on ne voit
pas, dans les mois qui précèdent, l'adoption du projet de loi
272, le député de Lévis remuant mer et monde pour faire
adopter un projet de loi auquel, après coup, il nous dit tenir plus
qu'à la prunelle de ses yeux. On ne voit pas ça nulle part.
Curieuse attitude, mais attitude qui s'explique tout à fait, M. le
Président, par l'analyse des événements postérieurs
que nous devons faire. Le député de Lévis se sert de ce
prétexte comme il se serait servi de n'importe quel prétexte pour
tenter de lancer une bombe en plein milieu de l'Assemblée nationale le
jour où la session finit, le 19 décembre, de peur qu'on l'oublie,
de peur qu'on ne parle pas de lui le lendemain matin, de peur que les journaux
ne lui mettent pas le micro sous le nez à tout moment donné.
Cette crainte-là, le député de Lévis, elle est
pratiquement presque maladive, M. le Président. Il doit assouvir cette
soif profonde, inaltérable qu'il a de la publicité, M. le
Président. Il faut qu'on parle de lui. Il faut qu'on s'inquiète
de ce qu'il va faire. Il faut qu'il y ait des journalistes qui l'interrogent
sur ses intentions, sur ce qui va advenir. C'est très important pour le
député de Lévis. C'est important parce que ça le
sert politiquement. C'est important parce que ça met dans l'ombre
d'autres personnes qu'il aime autant qu'elles restent dans l'ombre. C'est
important parce qu'il sait qu'il va mobiliser cinq de ses collègues, M.
le Président, qui en même temps - drôle de fait du hasard -
sont des gros canons, sont des gens articulés, sont des gens dont les
affirmationnistes ont besoin., On a pris ce qu'ils avaient de meilleur, M. le
Président, du côté de l'Opposition et on les a
mobilisés pour cinq semaines. Je vous félicite. Mais en
même temps, vous êtes utilisés. En même temps, vous
êtes utilisés. Je dis pas que c'est... tout est relatif, tout est
relatif, M. le Président, mais, M. le Président, chose curieuse,
force nous est de constater que les cinq personnes, les cinq vaillants porteurs
de la cuirasse de chevaliers servants...
Une voix: Perry Mason. (12 h 30)
M. Doyon: ...de Sir Camelot Garon. C'est cinq affirmationnistes,
cinq personnes, qui pendant qu'elles font ça, ne font pas d'autre chose.
Et, M. le Président, le député de Lévis y trouve
son profit. Le député de Lévis y voit du beau, du bien
pour lui; ça sert en même temps son ego; ça lui permet de
prendre le centre du "stage"; ça lui permet d'avoir les "spotlights" sur
lui. Mais, M. le Président, ça ne change rien au fond des choses.
C'est que cette accusation-là n'a pas l'ombre d'un fondement, n'a pas
l'ombre d'un fondement. Elle est lançée comme ça et
après ça, on dit: On s'organisera bien pour trouver des moyens
pour l'étayer. Pour ça, M. le Président, on s'en va
à la pêche. On s'en va à la pêche. On essaie par tous
les moyens d'obtenir des témoins, des éléments, que ce
soit des fétus de paille auxquels on pourra s'accrocher, peu importe, M.
le Président. Mais ça n'a jamais fait flotter une cause, des
fétus de paille, M. le Président. On fait témoigner Mme
Lecours qui vient nous raconter qu'elle a reçu un
téléphone, etc. Jamais nier ça. Elle dit avoir transcrit
ce téléphone-là, nous donne le texte. C'est sa
compréhension des choses. Elle dit l'avoir pris en sténo. Elle ne
dépose pas le brouillon de sa sténo. Elle nous donne tout
simplement un texte qui est dactylographié, qui est extrêmement
laconique, M. le Président, quelques lignes.
Et c'est avec ça, M. le Président, qu'on voudrait pendre
haut et court le député de Portneuf. Voltaire disait: "Donnez-moi
deux lignes et je me charge de le faire pendre," On joue le jeu, M. le
Président. Deux lignes, un mémo de deux lignes et on
s'apprête à lyncher le député de Portneuf, M. le
Président. Mais, il n'y en aura pas de lynchage, M. le Président,
parce que ça ne tient pas, ça ne tient pas.
M. Garon nous fait grand état d'une demande de rencontre qui lui
aurait été faite, une demande de rencontre qui lui aurait
été faite. Le témoin Lemay, M. le Président, est
catégorique. Il n'y a pas eu de demande de rencontre de sa part
auprès du député de Lévis. On viendra nous dire: Le
témoin Lemay n'est pas crédible. La belle affairel Pourquoi, M.
le Président, le témoignage de M. Lemay, qui a été
six jours devant nous, qui nous a donné toutes les explications de long
en large, qui ne s'est refusé à aucune réponse et à
aucune question... Quand le témoignage qu'il donne ne correspond pas
à la thèse accusatrice de l'Opposition, il cesse d'être
crédible. C'est à ce moment-là que sa
crédibilité cesse. Quand sur certains points, il peut y avoir
concordance, là sa crédibilité remonte la pente. Comme
ça, on s'en va en dents de scie avec la crédibilité du
témoin Lemay. Le témoin Lemay nous dit: II n'y a pas eu de
demande de rencontre. M. Garon nous dit: II y en a eu une. Et pour corroborer
le témoignage de cette demande, on nous arrive avec, devinez qui, M. le
Président, le témoignage de M. René Blouin.
M. René Blouin a entendu la
conversation de M. Garon. Il était à côté de
lui, nous dit-il. Pas de raisons de douter de ça. Mais il dit: J'ai fait
plus que ça. À des questions que je lui pose, j'ai su ce que Me
Lemay disait à l'autre bout de la ligne. Étonnement de notre
part, M. le Président. Comment avez-vous réalisé cette
chose incroyable de pouvoir comprendre ce qu'une personne qui n'est pas au bout
du combiné puisse entendre la conversation de l'autre interlocuteur?
Qu'à cela ne tienne, M. le Président, l'explication est toute
prête. Elle tient du vaudeville, M. le Président, mais je vais
quand même vous la rapporter. "Je sais ce que M. Lemay disait - nous dit
le témoin Blouin, sans rire, M. le Président - parce que M.
Garon, après avoir parlé à M. Lemay, lui disait
continuellement: Vous me dites donc bien que. Comme ça, je savais ce que
M. Lemay disait." Allons donc! Quelle farce monumentale et grossière, M.
le Présidentl
Imaginons la scène pour un moment en ce qui concerne
particulièrement la rencontre. M. Garon dit: Une rencontre qui m'est
demandée. M. Lemay dit non. Mais passons par dessus ça. M. Garon
dit qu'il y a une rencontre qui lui est demandée. M. Blouin confirme que
M. Garon... Qu'il a entendu cette demande-là. Et comment les choses se
seraient-elles passées, M. le Président? Il aurait fallu que M.
Garon dise à M. Lemay: Comme ça, vous me demandez bien une
rencontre et je ne vous la donne pas. Est-ce qu'il est concevable qu'une
conversation téléphonique se passe de cette façon, M. le
Président? Au-delà de ça, au-delà du ridicule de
cette situation qu'on essaie de nous faire avaler, M. le Président, mais
ce genre de couleuvre-là, on n'en veut pas, au-delà de ça,
M. le Président, je pose la question à Me Lemay, je lui dis:
Est-ce que la conversation avec M. Garon s'est déroulée sur le
mode de "vous me dites bien que", "vous m'avez dit que" et que M. Garon
enchaînait par après? M. Lemay nous dit systématiquement:
que ça se soit passé comme ça, je m'en souviens pas. Moi,
je vous dis, M. le Président, que si ça s'était
passé comme ça, c'est tellement inhabituel que le témoin
Lemay s'en serait souvenu.
M. le Président, on pourrait relever les incongruités de
tout ce qui s'est passé d'une façon indéfinie; il y en a
tant et plus, tant et plus, M. le Président. Les faits sont les
suivants. Tout simplement, c'est que... C'est dans le témoignage
même de M. Garon, à un moment donné, où, voulant
confirmer si c'est M. Pagé qui l'a appelé, s'assure de cette... a
appelé M. Lemay, s'assure de cette chose-là et se fait dire par
M. Lemay que M. Pagé ne va pas bloquer le projet de loi 272, que c'est
bloqué. M. Garon, il nous témoigne à cet effet-là
lui-même, que le téléphone à Me Lemay lui apprend
que M. Pagé ne va pas bloquer le projet de loi, que c'est bloqué.
Condordance parfaite, M. le Président, sur un élément
essentiel, par deux antagonistes qui sont face à face dans cette
situation que nous vivons aujourd'hui: d'un côté, le
député de Lévis, de l'autre côté, le ministre
de l'Agriculture. Leurs témoignages, M. le Président, sur ce
point essentiel, s'accordent parfaitement, s'imbriquent parfaitement l'un dans
l'autre; ils se complètent, se donnent, se fortifient mutuellement, M.
le Président.
Alors, M. le Président, il faut quand même voir clair. Il
faut quand même voir clair, M. le Président. Ce qu'il faut aussi
réaliser, M. le Président, et les témoignages ont
été constants à ce sujet-là, l'importance de 272.
Des ministres sont venus témoigner. Je comprends l'insistance de Me
Lemay, qui est un avocat, qui a un mandat de son client, la commission de
transport, et qui va faire mer et monde pour faire adopter un projet de loi
qu'il a préparé avec des fonctionnaires, sur lequel il a
travaillé et que son client veut voir adopter pour des raisons
d'équilibre financier, d'emprunt et de subvention. Je comprends
très bien ça, sauf que, soyons réalistes, M. le
Président, les témoignages qu'on a devant nous sont à
l'effet que la terre n'aurait pas arrêté de tourner si 272 n'avait
pas été adopté le 19 décembre. Les autobus de la
commission de transport n'auraient pas arrêté de rouler non plus.
Il y aurait eu des inconvénients, bien sûr. Mais, on se serait
repris au mois de mars, et là, on aurait pu évaluer la situation
totalement, voir les tenants et aboutissants.
C'est ça, la véritable situation, M. le Président.
Les ministres, qui viennent témoigner devant nous, nous le disent. Le
ministre des Affaires municipales nous dit: Écoutez, le meilleur exemple
que j'ai de ça, c'est Saint-Gédéon de Beauce; on ne l'a
pas adopté au mois de décembre, l'an dernier. Ça faisait
pas l'affaire des gens de Saint-Gédéon, ça faisait pas
l'affaire du gouvernement, probablement, en tout cas, il y avait...
probablement du député de la place, ça faisait pas leur
affaire. Mais, on l'a représenté puis il a passé au mois
de mars, puis Il n'y a pas eu rien de catastrophique qui s'est passé. Ce
sont là des inconvénients, des désagréments qui se
produisent. Et le projet de loi 272, nous dit le ministre des Affaires
municipales, ça aurait pu possiblement être la même chose.
Il n'y avait pa3 péril en la demeure, on pouvait concevoir que ça
soit retardé d'une session.
M. le Président, le leader de l'Opposition attaque de front
l'impartialité du témoin Lemay. Ça, c'est fort, M. le
Président. On a un témoin qui, pendant six jours, avec une
patience incroyable, avec une honnêteté hors de tout doute, au
meilleur de sa connaissance, M. le Président, qui est questionné
et qui est requestionné sur des faits identiques coup après coup,
heure après heure, session après session, jour après
jour,
M. le Président, pour lui arracher des éléments de
contradiction. On n'en trouve pas, ou à peu près pas. On fait
grand état d'insignifiances, de peccadilles, M. le Président. Et
la présidence l'a souligné, il n'y a pas un homme, et surtout pas
celui qui vous parle, qui, avec toute la bonne volonté du monde,
n'aurait pu témoigner d'une façon aussi consistante que ne l'a
fait Me Lemay. La seule explication à cette consistance, c'est sa
volonté fondamentale de dire la vérité. C'est son
honnêteté intrinsèque de raconter les
événements tels qu'il les avait vécus.
Le témoin Lemay ne prétend pas qu'il a tout vu et qu'il
sait tout. Mais ce qu'il nous dit, c'est ce qu'il sait et les gestes qu'il a
posés. Est-ce qu'on peut en demander plus, M. le Président,
à un témoin qui, pendant six jours, est soumis à un feu
roulant de questions la plupart du temps hostiles, M. le Président, qui
cherche à prendre en défaut un témoin qui, finalement, est
le propre témoin convoqué par la partie qui l'interroge. Il a
dû vivre avec ça, M. le Président. Et il est dans une
situation où aucun témoin, devant aucune cour, M. le
Président, n'aurait eu à subir les attaques continuelles et
répétées sur sa crédibilité et sur ses
témoignages comme ça été son cas, M. le
Président. Aucun. Parce que dans tous les cas, les témoins sont,
soit le témoin d'une partie ou le témoin de l'autre. La partie
dont il est le témoin voit à protéger son témoin en
contre-interrogatoire. Nous n'avions pas cette possibilité, M. le
Président, parce que les règles, vous nous l'avez dit, ne sont
pas les règles d'un tribunal. (12 h 45)
Mais Me Lemay a été soumis à un interrogatoire, un
contre-interrogatoire et un ré-interrogatoire que je n'ai jamais vu et
je pense que mes collègues ici, autour de la table, n'en ont jamais vu
aussi de semblable. Et il a maintenu une version cohérente,
honnête, factuelle de ce qui s'était passé. On essaie de
faire état de changements de mots, de virgules. On a passé des
heures et des heures, M. le Président, je me demande si ce n'est pas
deux jours, M. le Président, à faire de l'analyse
littéraire, de l'analyse de texte.
Me Lemay, on fait grand état que vous avez fait quatre textes
différents. Comment se fait-il que vous avez fait quatre textes
différents? Me Lemay s'évertue à dire sur tous les tons -
mais ça ne semble pas être compris - je n'ai pas fait quatre
textes, j'ai fait un texte; après ça, j'ai fait une introduction
à ce texte pour situer les événements dans leur contexte
et après ça j'ai changé quelques mots. On a passé
des heures, M. le Président, à demander au témoin:
Pourquoi vous avez changé "tant que" par "parce que"?
On a passé des heures, M. le Président,
littéralement là-dessus. Faut-il ne rien à avoir à
reprocher à un témoin, M. le Président? C'est totalement
ridicule. Les analyses littéraires qu'on nous faisait faire pendant
notre cours classique, M. le Président, n'avaient rien d'approchant. On
a insisté, M. le Président, et les réponses étaient
là à chaque fois, claires, nettes et précises et
constantes, mais on revenait à la charge et quand il y avait un
député de l'Opposition qui manquait un peu de souffle, l'autre
reprenait ta relève et on continuait.
Cet homme-là a été soumis à un barrage de
questions uniques, M. le Président. Il nous a donné les
explications, il nous a dit: Moi, j'ai relu mon texte. J'ai voulu que ça
soit... dire vraiment ce qui s'était passé. Qui, d'entre nous, M.
le Président, qui d'entre nous quand il dicte une lettre ne dit pas
à sa secrétaire: On va changer tel paragraphe, on va changer tel
mot. Moi, M. le Président, je le fais régulièrement, mais
ce que je veux envoyer à mon correspondant, c'est la lettre que je signe
et que j'envoie. Et d'ailleurs, c'est comme ça
régulièrement, M. le Président. C'est pas pour rien que
les effaces ont été inventées ça fait lonqtemps,
parce qu'on efface. On efface. Après ça il y a eu du blanc
là, on ...du blanc, puis ça ça efface aussi. Puis
après ça on a des boutons qui effacent. Bon! Ça on efface,
on change, on améliore notre texte, on le rend plus conforme à ce
qui s'est... si on recherche une relation des événements, on
modifie notre texte pour qu'il soit conforme à la relation des
événements qu'on veut faire. 11 n'y a pas d'autres raisons.
Je suis à peu près sûr, M. le Président, que
les évangélistes ont corrigé leur texte. Ils n'ont pas
écrit ça du premier jet. On pourrait les prendre en
défaut. Je vois saint Mathieu ici, saint Jean ayant à
répondre: Pourquoi vous avez changé tel mot dans votre... hein?
Ça n'a pas de bon sens. Vous voyez bien, M. le Président, qu'on
n'a rien. C'est des fétus de paille, on se rattache à ça,
M. le Président.
On fait grand état, M. le Président, que M. Lemay a
parlé de comités, que M. Pagé parle d'une décision
personnelle. M. Lemay nous donne une explication qui est simple comme bonjour
qui nous oblige à faire le lien avec les événements. M.
Pagé sortait d'un comité du COMPADR. Il était dans sa
voiture, semble-t-il, quand il a appelé. Il a probablement dit: Je sors.
Il dit: Je m'en souviens plus. Je sors d'un comité. Le témoin
Lemay qui n'est pas un familier des procédures gouvernementales, des
comités ministériels qu'ils soient permanents ou pas a pris le
mot "comité", "caucus" etc. Et c'est de là que ça vient,
M. le Président. C'est pas très compliqué à
comprendre. Le témoin Lemay n'est pas un témoin expert dans le
domaine des procédures parlementaires. C'est un homme de loi, de bonne
foi, qui avait une
cause qu'il devait défendre et qui le faisait de la meilleure
façon, M. le Président. C'est ça qui s'est
passé.
M. le Président, on pourrait reprendre une après l'autre,
les supposées contradictions que soulève le leader de
l'Opposition dans sa plaidoirie. Le faire, M. le Président, ce serait
tout d'abord leur attacher l'importance qu'elles n'ont pas, n'ont pas. Ce sont,
M. le Président, des contradictions qui, contrairement, à ce que
voit le député de Joiiette, n'enlèvent pas de la valeur
quand il y a contradiction - et c'est rare - n'enlèvent pas de la valeur
à un témoignage, M. le Président, mais lui en donnent. Le
témoin Lemay, M. le Président, il ne faut pas l'oublier, est le
seul témoin -et moi j'avais jamais vu ça, d'ailleurs, je vous
l'avais dit dans une question de règlement, M. le Président -
qu'on fait revenir pour lui dire, pour le confronter à un
témoignage antérieur ou à un témoignage de d'autres
témoins. M. le Président, cette procédure que nous avons
acceptée parce que c'était une de vos décisions, cette
procédure, M. le Président, mettait le témoin Lemay dans
la pire des situations où il pouvait être; c'est-à-dire
que, soit qu'il admettait qu'il avait rendu un faux témoignage ou qu'il
accusait quelqu'un d'autre d'en avoir rendu un faux témoignage, M. le
Président. C'est une procédure qui est inhabituelle, moi que
j'avais jamais vue. Un témoin rend témoignage sur la foi du
serment, il dit sa version des faits et M. le Président, d'autres
témoins viennent soit corroborer ces éléments-là du
témoignage d'un témoin où les minimiser, les contredire.
Mais, M. le Président, qu'un témoin soit rappelé pour
qu'il ait à se prononcer sur le témoignage d'autrui, c'est une
situation inhabituelle, inusitée et qui mettait le témoin, M. le
Président, qui malgré tout ça, s'en est allègrement
bien tiré, parce qu'il n'avait rien à cacher, mettait le
témoin dans une situation difficile.
M. le Président, les témoignages qui concordent avec la
vision péquiste des choses sont, par un drôle de changement, des
témoignages crédibles; quand ils ne le sont pas, quand ils ne
concordent pas, M. le Président, qu'ils ne sont pas concordants, ils
cessent d'être crédibles. Dans les circonstances, M. le
Président, ce qu'il faut faire, c'est prendre I'ensemble des
témoignages, regarder le témoin Lemay, regarder le témoin
Michel Pagé, écouter ce qu'ils nous disent, les explications
qu'ils nous disent. Est-ce que Michel Pagé, objectivement, peut nous
faire croire qu'il n'avait pas de cadeau à faire à Jean Garon? Je
l'ai expliqué -tantôt. Le contraire ne serait pas crédible,
M. le Président, ce n'est pas peu dire, le contraire ne serait pas
crédible, il n'a pas de cadeau à lui faire. Il dit: Moi, mon 132
est bloqué, je vais dire à
Lemay que 272 est bloqué et c'est ça qui est ça et
on va vivre avec cela. C'est comme cela que ça se passe, M. le
Président, il nous l'explique.
Il n'y a pas eu de chantage là-dedans, M. le Président, il
n'y a pas eu l'ombre d'un chantage, M. le Président, il y a eu tout
simplement de l'information qui a été transmise directement et
honnêtement. Ce qu'il faudrait, M. le Président, c'est
éviter de voir, par exemple - et on l'a fait - dans la
déclaration de M. Lemay, de3 changements en ce qui concerne la
modification concernant le mot "chantage". M. Lemay s'est expliqué
longuement là-dessus. Il dit: Quand je me suis relu, je me suis dit
finalement: est-ce que... Il avait écrit dans son texte, il me semble,
que... "chantage". Et là, il s'est repris, il a dit: Je ne suis pas
assez sûr de mon affaire, ce n'est pas assez clair, et il a
modifié sa déclaration pour que ce soit conforme à sa
souvenance des faits.
J'espère, M. le Président, que la situation est
suffisamment claire pour qu'il ressorte de tout cela que le préjudice
véritable a été subi par tous les parlementaires suite
à l'indigence au niveau de la préparation de son accusation du
député de Lévis - je vais terminer là-dessus, M. le
Président. La plus belle preuve de cela, c'est que le
député de Lévis n'a jamais, jamais, jamais posé le
geste le plus élémentaire qui aurait clarifié toute la
situation. Il était à cinq pas du député de
Portneuf et il venait de recevoir un téléphone qui l'informait
qu'il était la victime d'un chantage éhonté, de pressions
indues par une personne qu'il avait devant lui l'équivalent de la
distance où se trouve le député de Joiiette actuellement
de moi. Connaissant la façon de faire du député de
Lévis, est-ce qu'il n'était pas élémentaire, M. le
Président, qu'il fasse signe au député de Portneuf qui
était devant lui à la période des questions: Viens donc me
voir en arrière du trône du président. Et là, lui
demander, lui dire: II paraît que tu me fais des menaces! T'en es un
beau! T'es un drôle de gars! T'es un bel...! En tout cas, il pouvait, il
avait le choix des termes.
Une voix: Enfant de choeur.
M. Doyon: Enfant de choeur. Il avait le choix des termes et il
n'a jamais posé ce geste-là élémentaire, M. le
Président. Pourquoi? Parce que le ballon qui était petit comme
cela, il voulait continuer de le souffler et il n'avait pas besoin d'une
épingle tout de suite pour le dégonfler; cela n'aurait pas fait
son affaire. Ce ballon, il y tenait, M. le Président. Il fallait qu'il
continue de souffler dedans. Il n'a pas... Et n'importe qui, M. le
Président, et ce n'est pas explicable autrement que d'avoir voulu
préserver ce qu'il croyait être une bombe
politique et il n'a aucune raison de ne pas avoir fait signe au
député de Portneuf: Viens me voir en dehors et dis-moi donc:
est-ce que c'est vrai? N'importe qui aurait fait cela. Moi, j'aurais fait cela;
le député de Sainte-Anne aurait fait ça. Le
député de Frontenac et le président auraient pas fait
ça. Mais n'importe qui aurait fait ça. C'est parce qu'il est
président.
Des voix: Ha! Ha! Ha! M. Chevrette: ...
M. Doyon: Non, non. C'est parce qu'il est président. Mais
n'imparte qui aurait fait ça, M. le Président. Le
député de Lévis ne l'a pas fait, parce qu'il avait peur de
la réponse. Il avait peur de la réponse; ça
l'intéressait pas de se faire dire par Michel Pagé: Voyons donc!
Voyons donc, Jean! Qu'est-ce que tu vas chercher là?
Ce que j'ai dit, c'est ça, ça, ça. C'est ça.
Mais ça l'intéressait pas, ce "boutte"-là. Il l'a donc pas
fait et ne le faisant pas, M. le Président, il nous a embarqués
dans un processus où Michel Pagé s'est retrouvé
l'accusé, puis Jean Garon, l'accusateur. Et, en même temps, Jean
Garon s'expose à des sanctions importantes, parce qu'il n'a... Le
député de Lévis, M. le Président, je m'excuse. Le
député de Lévis s'expose à des sanctions
sévères, parce qu'il n'a pas pris... et il avait l'obligation. Il
avait pas le choix. C'était une obligation stricte de s'enquérir
de ça. Il ne l'a pas fait, M. le Président. C'est capital,
capital. Il ne nous a donné aucune explication pourquoi il ne l'avait
pas fait, aucune explication. Le député de Portneuf ne pouvait
pas le faire. H ne savait même pas qu'il était supposé
d'avoir menacé le député de Lévis; il savait pas.
Il dit: J'ai été surpris; j'ai tombé sur le dos quand j'ai
appris la question de privilège. Il pouvait donc pas faire
ça.
La seule personne qui pouvait le faire, c'était le
député de Lévis. Moi, je comprends pas autrement que par
le désir de trouver quelque chose à la fin de la session,
à la toute fin de la session, M. le Président, qui va faire cette
bombe politique, M. le Président. Et, dans les circonstances, M. le
Président, notre règlement est clair. L'accusation n'est pas
fondée, loin d'être fondée. Elle a été
imaginée de toutes pièces.
Et, M. le Président, si on était en droit criminel, on
parlerait de méfait public. Le fait de porter une fausse accusation et
de faire faire une enquête qui n'est pas fondée sur des faits
véritables, M. le Président, donne lieu à une accusation
de méfait public. C'est dans le Code criminel, M. le Président.
Nous ne sommes pas en droit criminel, mais nous avons fait une enquête
inutile dont on aurait pu s'éviter le coût et le trouble, parce
que le député Garon, mal conseillé, mal dirigé...
Le député de Lévis a décidé de faire ce
qu'il avait déjà dans sa tête, c'est-à-dire de faire
exploser ce qu'il croyait être une bombe terrible à
l'intérieur du parquet de l'Assemblée nationale.
Et, M. le Président, nous aurons l'occasion d'en discuter plus
longuement. C'est que mes collègues veulent intervenir, M. le
Président, mais est-ce que... Un instant, s'il vous plaît...
Alors... Oui... M. le Président, j'ai terminé. Alors, je
termine en laissant la parole à mes collègues qui ont aussi
quelque chose à vous citer là-dessus. Mais ma conviction intime,
M. le Président, je l'ai acquise au fur et à mesure que les
témoignages se déroulaient devant nous. L'accu3ation n'est pas
fondée. Le député de Lévis a agi d'une façon
précipitée, d'une façon non sérieuse, a agi de
façon à porter préjudice au député de
Portneuf ainsi qu'à tous les députés de l'Assemblée
nationale dont nous sommes ici à cette commission parlementaire, M. le
Président, et je lui en fais très, très, très
gravement reproche et c'est ce que je me contente de dire pour le moment, M. le
Président,
Le Président (M. Lorrain): Je remercie de l'argumentation,
de la plaidoirie, M. le député de Louis-Hébert. Avant de
céder la parole à un autre membre de la formation
ministérielle, j'ai besoin d'un consentement pour continuer après
13 heures.
M. Lefebvre: Consentement.
Le Président (M. Lorrain): M. le leader de l'Opposition,
j'ai consentement pour continuer?
M. Chevrette: Ah oui, oui, oui.
Le Président (M. Lorrain): Alors, je vais
reconnaître maintenant M. le député de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: M. le Président, je voudrais pas reprendre les
arguments de mon collègue, simplement quelques remarques et observations
personnelles. C'est bien de réaliser que nous sommes en face d'une
procédure exceptionnelle et qu'il s'agit d'un incident qui doit
connaître une nature assez grave pour se concrétiser dans une
enquête devant cette commission toute spéciale. (13 heures)
Je me rappelle la première rencontre qu'on a eue, M. le
Président, le 31 mars et ça voudrait donc dire que c'est quatre
semaines que nous sommes plus ou moins occupés avec cet appel
téléphonique qui a duré une minute et demie. Je me demande
combien de fonctionnaires et de personnes
étaient impliquées. Ça doit être
intéressant de calculer les frais de notre enquête durant cette
commission, quand je vois tout le personnel qui était ici, les gardiens
devant la porte, les fonctionnaires qu'on a été obligé de
retourner ici dans les soi-disant vacances de Pâques que nous, on n'a pas
eues. Cela doit être très intéressant de savoir le montant
total impliqué, y inclus le temps des députés pour
régler cet appel téléphonique d'une minute ou deux.
Cette commission d'enquête, M. le Président, vous savez
qu'on avait nos règles du jeu propres à nous. Peut-être
qu'on a appris quelque chose pour l'avenir, si jamais une telle enquête
va être tenue, il faut changer les règles complètement
parce que ça tient pas debout qu'on ait eu, vous le savez très
bien parce que je pense que vous en avez souffert peut-être plus que
n'importe quel autre membre, de ces questions de règlement. On
débutait avec... Il y avait une question de règlement et de
chaque formation, il y en avait deux qui pouvaient intervenir. Finalement, on a
réduit ça après une couple de jours. Ensuite, il y avait
les questions de règlement en-dedans des questions de règlement.
J'ai admiré votre patience. Je pense que vous avez souffert beaucoup. Je
pense pas que ça a avancé nos travaux et certainement, ça
n'a pas contribué à la crédibilité des travaux
d'une telle commission.
Quant à moi, M. le Président, je pense, après
quelques jours, la preuve a été assez claire qu'il n'y avait rien
là. Quant à moi, c'était une tempête dans une tasse
de thé. Le député de Lévis aurait peut-être
été beaucoup plus prudent, à ce moment-là, s'il
était un homme, de venir ici et dire: Bon, voici. J'ai fait une gaffe.
J'aimerais bien m'excuser et retirer, si c'est possible, ce point de motion ou
privilège pour tenter au moins d'éviter d'autres
dégâts, au lieu de continuer jusqu'à aujourd'hui.
Je ne veux pas analyser la preuve mais une chose qui m'a touché
beaucoup, c'est qu'il faut regarder aussi le comportement des témoins.
Quand on prie le témoin Blouin, qui était le chef de cabinet du
leader de l'Opposition, quand il était présent à
côté du député de Lévis, quand le
député était pour vérifier l'appel avec Me Lemay,
si c'était vrai que le député de Lévis était
en face d'un geste presque criminel sur le plan parlementaire de la part du
ministre Pagé, on ne peut pas noter, cependant, le comportement de M.
René Blouin.
René Blouin, si c'était vrai que le message était
tellement grave de contenu, au moins, le député de Lévis
lui aurait dit: Prends donc un morceau de papier, une feuille, un crayon et
prends note de ce que l'autre me relate, parce que ça c'est grave, c'est
pas possible. C'est vraiment quelque chose d'inattendu et qu'on n'a jamais eu
dans notre expérience parlementaire de ce que je suis en train de
constater. Rien de ça. J'ai questionné M. Blouin là-dessus
moi-même. Il a été assez honnête. Il a dit qu'il n'y
avait rien de spécial. Il disait que même, et je me rappelle, le
député de Lévis n'était pas beaucoup plus
excité que d'habitude. Il a son style à lui.
Qu'est-ce que le député de Lévis aurait pu faire,
M. le Président? D'ailleurs, mon collègue a mentionné
ça. Moi aussi j'avais pensé à ça tout de suite. Il
est à l'Assemblée. Il peut presque toucher le ministre
Pagé au point de vue distance parce qu'ils ne sont pas loin l'un de
l'autre. Il aurait pu le voir pour lui dire: Voici ce que j'ai entendu dire.
Qu'est-ce que tu penses de ça? C'est pas possible. Est-ce que c'est vrai
que tu tentes de changer un vote pour un autre ou tel projet de loi contre un
tel projet de loi? Vous savez, entre parlementaires, on se parle. Chaque fois,
on voit le responsable de l'Opposition traverser le plancher pour voir un
ministre, pour parler d'un certain sujet, surtout quand c'est quelqu'un qui est
le porte-parole. Ils se parient. On parle avec l'Opposition très,
très régulièrement, soit directement, en arrière
dans les coulisses, il y a une communication constante. Donc, cela m'a surpris
beaucoup, beaucoup, beaucoup.
M. le Président, je voudrais, quant à moi, il n'y a
vraiment pas de preuve du tout de ce fait très grave,
c'est-à-dire la conduite du député de Portneuf qui aurait
exercé des pressions indues aux fins d'influencer le vote, l'opinion ou
le jugement du député de Lévis. Il ne faut jamais oublier
que c'est une procédure exceptionnelle très importante. Il faut
qu'on fasse face à ses responsabilités. Le député
de Lévis, c'est pas un député d'une catégorie
spéciale. C'est qu'il a une responsabilité comme parlementaire
comme nous on l'a, comme chaque député a, quand il a choisi ce
moyen extraordinaire, il faut qu'il réalise la conséquence. Il
aurait dû le réaliser avant de lancer toute cette
affaire-là. Je dois féliciter ses collègues, les cinq, qui
vraiment ont, pendant des semaines, posé des questions qui ne
finissaient jamais. Au moins, je pense, si jamais le Parti
québécois cherchait l'unité, peut-être qu'ils l'ont
retrouvée maintenant parce qu'ils ont protégé le
député de Lévis jusqu'au bout. Mais je ne les blâme
pas. Ils ont fait leur devoir. Mais le député de Lévis a
une responsabilité individuelle et comme c'est pas un homme qui vient de
siéger ici depuis une date très récente, c'est un ancien
ministre, comme le député de Louis-Hébert l'a
expliqué déjà, ça peut être... Pour moi, il
est encore jaloux qu'il n'est pas ministre de l'Agriculture. Il peut pas par
être estomaqué de ça qu'il y ait un autre qui a ce
ministère.
Et là, on est venu à la fin de notre
enquête. Et quant à moi, j'ai aucune hésitation de
conclure à l'effet que la preuve n'a pas été faite du
tout. J'ai un peu pitié. Le député de Portneuf, j'ai vu
ça quand il a témoigné, il souffrait de cette affaire.
C'est pas un cadeau de se faire accuser. C'est un homme qui démontre
peut-être pas ça très facilement, mais je lui en ai
parlé une couple de fois, personnellement, une minute ou deux ou trois.
J'ai vu... Je suis un peu surpris de constater que ça lui vraiment
faisait beaucoup de peine, beaucoup de mal.
Donc, l'autre qui a pris cette décision... Je ne critique
aucunement les cinq députés. En fait, je les félicite
parce que je dois vous dire: Si jamais le député de Joliette veut
faire d'autre chose, soit qu'il doive devenir avocat au criminel, je pense
qu'il peut faire une belle carrière là-dedans parce qu'il sait
comment...
Une voix: Dans une meilleure cause.
M. Polak: ...poser des questions. Mais c'est vrai, il faut avoir
de meilleures causes.
Mais je dirais que nous, on devrait, objectivement, plus tard, dans
notre séance de travail, regarder la conséquence d'abord du fait
que la plainte, quant à moi, n'a pas été prouvée,
que ça va être rejeté et se poser sérieusement des
questions concernant la conduite du député de Lévis.
Est-ce qu'on doit accepter ça tel quel, qu'une telle accusation a
été lançée avec le danger que ça peut se
répéter par n'importe qui contre n'importe quand ou est-ce que,
peut-être, il faut analyser la conduite, pas seulement du
député de Portneuf parce que là, la preuve n'a pas
été faite du tout, mais même aussi la conduite du
député de Lévis? C'est tout ce que j'ai a dire.
Une voix: II reste cinq minutes, M. le Président?
Le Président (M. Lorrain): Je remercie M. le
député de Sainte-Anne de son intervention. Je vais maintenant
reconnaître une dernière intervention de la part de la formation
ministérielle.
M. Lefebvre: Combien de temps, M. le Président? Il me
reste combien de temps?
Le Président (M. Lorrain): Il reste actuellement 19
minutes et je vais vous reconnaître, M. le "député de
Frontenac et leader adjoint du gouvernement.
M. Roger Lefebvre
M. Lefebvre: Je vais en avoir assez, M. le Président. Je
vais en avoir assez.
M. le Président, le 19 décembre 1986, le
député de Lévis a enclenché à
l'Assemblée nationale une procédure d'une gravité
particulière. Le député de Lévis, par une motion de
privilège, a, ce jour-là, accusé carrément le
député de Portneuf d'avoir exercé sur lui des pressions
indues, le tout contrairement à l'article 55, paragraphe 10 de la loi de
l'Assemblée nationale. M. le Président, cette grave accusation a
provoqué la convocation de la commission de l'Assemblée nationale
à qui l'Assemblée nationale a confié le mandat de
vérifier les prétentions du député de
Lévis.
Je veux d'abord, M. le Président, vous souligner que le mandat de
la commission inclut nécessairement pour tous les membres de la
commission l'obligation et la nécessité d'évaluer autant,
sinon plus, la conduite, l'attitude et les agissements de l'accusateur, le
député de Lévis. Il va de soi, M. le Président, que
la bonne foi du député de Lévis dans toute cette affaire
doit être appréciée dans son ensemble en tenant compte
évidemment des faits entourant les événements du 19
décembre et également, en tenant compte des habitudes et de la
façon de faire du député de Lévis.
M. le Président, la seule possibilité qu'on puisse en
venir à la conclusion que le député de Portneuf aurait
exercé de3 pressions indues sur le député de Lévis,
ça serait qu'il l'aurait fait par personne interposée, par un
intermédiaire.
Que dit, M. le Président, l'intermédiaire en question? Je
résumerai le témoignage de Me Lemay qui a été
abondamment scruté par le leader de l'Opposition avec évidemment
très peu de succès et qui a été repris
également par mes collègues. Le député... L'avocat
impliqué dans le projet de loi 272, Me Lemay, M. le Président,
est, sur l'essentiel, catégorique, certain, clair dans son
témoignage, M. le Président, pour l'essentiel, à savoir
que, d'aucune façon, en aucun moment, il n'a senti que le
député de Portneuf voulait mettre sur lui ou sur quiconque, en
l'occurrence, te député de Lévis, il n'a jamais senti
aucune pression de quelque nature que ce soit. Il n'y a pas, M. le
Président, sur l'essentiel du témoignage de Me Lemay, place pour
interprétation, place pour la démagogie, place pour autre chose
que la vérité.
Évidemment, pour l'Opposition, c'est décevant. On aurait
aimé ramasser autre chose à l'intérieur du très
long témoignage de Me Lemay. Et, M. le Président, j'ai
trouvé particulièrement intéressante la séance
qu'on a vécue hier matin, où, de toute évidence, le
député de Taillon et le député de Joliette auraient
souhaité, évidemment, ébranler le témoin Lemay sur
l'essentiel, à savoir sur les pressions. On se souviendra, M. le
Président, qu'on est longuement revenu là-dessus, hier matin,
sans succès. Le témoin Lemay a été encore plus
catégorique hier matin qu'il ne l'avait jamais été
jusqu'à date. Jamais le ministre Pagé ne
lui a fait de message, jamais le ministre ne lui a dit de faire des
pressions sur qui que ce soit et, M. le Président, c'est
l'élément essentiel dont avait besoin l'Opposition pour que
l'accusation du député de Lévis puisse être
maintenue. Étant donné que la pression ne peut être faite
que par une personne interposée, parce que c'est reconnu,
évidemment, que jamais les deux acteurs principaux se sont parlé,
à savoir le député de Portneuf et le député
de Lévis, il fallait nécessairement qu'il y ait à tout le
moins un début de preuve que l'intermédiaire, Me Lemay, avait
senti, de la part du député de Portneuf, un message qui
constituait une pression pour le député de Lévis, et
ça, M. le Président, cet élément-là n'existe
pas. Sous serment et à plusieurs reprises, Me Lemay l'a
mentionné. Cet élément-là, M. le Président,
étant absent, il y a plus rien qui se tient, il y a plus rien qui se
tient.
Lemay, effectivement, avait un message pour M. le député
de Lévis: Vous êtes le parrain de la loi, vous allez m'aider
à régler le problème auquel je fais face comme procureur
au dossier, et ce, dans l'intérêt de toutes les personnes qui, de
près et de loin, sont concernées par la loi 272.
Évidemment, M. le Président, le leader de l'Opposition n'a pas le
choix, il attaque le témoin Lemay qui, par contre, est d'une
crédibilité, dans l'ensemble de son témoignage,
exceptionnelle; c'est un témoin objectif qui n'a qu'un seul but, M. le
Président, dans l'exercice qui a précédé les
événements du 19 décembre, c'est de défendre, comme
avocat responsable, l'intérêt de sa cliente, la commission de
transport. Il a compris qu'il y avait des discussions entre les partis,
péquistes et libéraux, et il a compris mieux que le
député de Lévis. Pour lui, ces discussions-là de
fin de session particulièrement sont normales, régulières;
c'est comme ça que ça se passe et c'est de commune
renommée pour toute personne qui suit de près ou de loin les
travaux à l'Assemblée nationale, et ce, là-dessus, M. le
Président, il y a une unanimité au niveau de tous les membres de
la commission.
Le témoin Lemay n'a personne à protéger dans toute
cette histoire-là, M. le Président. Il contredit Garon, le
député de Lévis c'est-à-dire, sur les
éléments essentiels. L'attaque de Me Lemay, l'attaque
dirigée vers Me Lemay par le leader de l'Opposition nous permet de
conclure clairement, M. le Président, que l'Opposition a compris que le
député de Lévis s'est emballé, attaquant
injustement le ministre Pagé. L'Opposition doit donc en venir à
ta conclusion que le ministre n'a jamais, d'aucune façon, mis de
pressions indues sur le député de Lévis. Le leader de
l'Opposition, M. le Président, ne trouve rien de mieux qu'un
scénario aussi farfelu que d'imaginer un message qu'on pourrait
qualifier de message subliminal, qui aurait été adressé
par le député de Portneuf au député de Lévis
en se servant de Me Lemay comme intermédiaire. On n'a rien trouvé
de mieux que ça, M. le Président. Cependant, le leader de
l'Opposition sait que rien dans les faits ne peut soutenir cette supposition.
(13 h 15)
L'Opposition a échoué, M. le Président,
lamentablement. Pour sauver la face, pour éviter le ridicule, on fait
porter l'odieux sur la personne de Me Lemay, procureur au dossier. C'est le
bouc émissaire de la farce péquiste autour de l'accusation du
député de Lévis. Vous savez, M. le Président,
lorsque le député de Lévis dit à Me Lemay:
Occupez-vous pas de ça, je vais le régler le problème que
vous me soumettez, il se retrouve finalement avec le choix suivant, le
député de Lévis. Comme parrain de la loi, il a le choix
entre faire le nécessaire pour dépanner le procureur au dossier
pour dénouer l'impasse. Mais il est en conflit d'intérêts
avec, comme l'a très bien situé le député de
Louis-Hébert, il est en conflit d'intérêts avec sa soif
incroyable de publicité. Il a besoin, pour la période
d'intersession, qu'on parle de lui. C'est ce qui l'a mis en balance, le
député de Lévis. L'intérêt de toutes les
personnes concernées par le projet de loi 272 ou mon
intérêt personnel: Un show, un spectacle politique.
La meilleure preuve, M. le Président, c'est qu'à la
suggestion que lui fait Lemay de le rencontrer, le député de
Lévis repousse ça d'un revers de la main. Il se fait une opinion
strictement sur une conversation téléphonique, alors qu'il est
à évaluer un problème d'une importance capitale pour 50
000 à 60 000 personnes, comme le disait le député de
Gouin. Ça ne vaut pas une rencontre avec le procureur au dossier. Pour
quelle raison? Il aurait pu, avec Me Lemay, finalement comprendre l'essentiel
du problème, comprendre qu'il n'y avait pas de pressions du
député de Portneuf, mais ce n'était pas ce que souhaitait
le député de Lévis.
Il faut recouper ça, M. le Président, avec l'attitude
incroyablement irresponsable du député de Lévis et
malhonnête dans les circonstances, lorsque, comme l'ont également
décrit, tout à l'heure, mes deux collègues, il ne fait pas
la démarche la plus élémentaire de s'avancer de quelques
pas pour vérifier ça, M. le Président, avec le
député de Portneuf. Lorsqu'on recoupe les deux
éléments, refuser la suggestion de l'avocat, Me Lemay, d'une
rencontre au parlement pour évaluer les faits dans le calme, en toute
objectivité, ne pas non plus avoir la décence la plus
élémentaire de vérifier auprès du
député de Portneuf, un collègue qu'il côtoie depuis
une douzaine d'années, un collègue avec lequel,
évidemment, il n'a pas de relation des plus
agréables, mais lorsqu'on a, M. le Président, comme
parrain d'un projet de loi d'une importance semblable, on se doit, si on a le
respect de la population, on se doit, si on respecte l'institution dans
laquelle on se trouve depuis une douzaine d'années, le Parlement du
Québec, on se doit, M. le Président, de vérifier.
Sauf que, lorsqu'on a les intérêts contraires, lorsqu'on ne
veut pas entendre la vérité, on ne le fait pas. C'est ce qu'a
fait le député de Lévis. Du revers de la main, il a
repoussé toute autre version des faits que le député de
Portneuf et Me Lemay auraient pu lui confirmer pour acheter la seule impression
qui était valable pour lui et il a joué au martyr, avec la
complicité plus ou moins silencieuse de ses collègues.
Jamais, M. le Président, le député de Lévis
n'a subi de pressions indues. Il y a eu des discussions, effectivement, entre
lui et, j'imagine, son leader sur son attitude vis-à-vis de certains
projets de loi et particulièrement sur le 132. On n'en est pas venu
à aucune conclusion logique avec le député de Lévis
qui, on le sait, ne peut être influencé par qui que ce soit, non
plus par ses collègues, non plus par les libéraux, non plus par
le chef du parti, son propre chef, M. le Président, et on se souviendra,
puis ça a été très bien résumé par le
leader de l'Opposition lui-même, qui, il y a à peine quelques
mois, lui suggérait de fonder son propre parti. Ce n'est pas nous qui
avons dit ça, M. le Président.
M. le député de Lévis bloque de façon
systématique tout projet de loi dans lequel il est impliqué. M.
le député de Lévis est un parlementaire déçu
et frustré de la défaite subie par le Parti
québécois, le 2 décembre 1985, et qui fait de lui
maintenant un simple critique et non plus ce qu'il était depuis une
dizaine d'années, un ministre. Jean Garon, M. le Président, est
un parlementaire d'expérience. On connaît son
impétuosité, son caractère prompt, bouillant et
intempestif.
Le député de Lévis, le jour du 19 décembre,
par intérêt strictement personnel, a fait tout un plat d'un
événement qui se vit quotidiennement, de la négociation
entre partis. Le député de Lévis, M. le Président,
a refusé volontairement de rechercher la vérité. Il a
confondu volontairement ou pas les propos de Me Lemay avec ce que Me Lemay
rapportait qu'il avait entendu du député de Portneuf.
Il a confondu et mixé les propos du député de
Portneuf avec ceux de Me Lemay. Le député de Lévis a
entendu ce qu'il voulait bien entendre. Le député de Lévis
a confondu les pressions supposément faites par Me Lemay avec une
démarche légitime que faisait un procureur au dossier,
préoccupé par le sort de 3D 000 à 60 000 personnes.
Ni le député de Portneuf, ni le procureur au dossier n'ont
jamais, d'aucune façon, M. le Président, mis de pressions indues
ou inavouables sur le député de Lévis qui, de toute
façon, de commune renommée, n'est influençable d'aucune
façon par qui que ce soit.
M. le Président, cette motion de privilège est une
procédure très particulière, comme je l'ai souligné
tout à l'heure. Nous avons été soumis au cours des cinq
dernières semaines à un exercice inutile, futile, ridicule et
loufoque. Le député de Lévis a démontré
qu'il n'avait aucun respect de l'institution, a démontré qu'il
n'avait aucun respect de ses propres collègues et non plus,
évidemment, de ses collègues d'en face.
Le député de Lévis a démontré, hors
de tout doute, que le seul intérêt auquel il s'arrêtait,
c'était son intérêt personnel, peu importe les
conséquences, M. le Président, et le député de
Louis-Hébert a fait référence tout à l'heure
à un texte de Mme Bissonnette qui résume très bien et
mieux qu'on pourrait le faire, M. le Président, l'attitude du
député de Lévis.
En conclusion, M. le Président, je vous soumets respectueusement
que l'accusation soulevée à l'intérieur de la question de
privilège du député doit être rejetée et ce,
sans l'ombre d'un doute et sans réserve aucune. En effet, M. le
Président, finalement, et tout ça après plus de quinze
jours d'audition, rien, rien ne peut nous amener à conclure
autrement.
Le 19 décembre 1986 ou avant, en regard du projet de loi 272,
aucune pression indue n'a jamais été faite par qui que ce soit,
ni par le député de Portneuf directement ou indirectement, ni par
quinconque et spécialement pas, M. le Président, quant à
nous, par l'avocat au dossier, Me Lemay. Aucune pression indue, M. le
Président, n'a jamais été faite par le
député de Portneuf sur le député de Lévis,
comme je viens de le souligner, par l'intermédiaire de Me André
Lemay, procureur responsable au dossier.
Me Lemay là-dessus est catégorique. II n'a jamais senti
quelque pression que ce soit venant de Me... du ministre Pagé. Tout le
reste, M. le Président, est de l'accessoire. Le ministre de son
siège a affirmé clairement le 19 décembre et
réaffirmé en mars, lors d'une deuxième intervention
à l'Assemblée nationale, que jamais il n'avait, M. le
Président, voulu influencer de façon indue le
député de Lévis.
Cette affirmation a été faite par le député
de Portneuf mettant son siège en jeu, M. le Président. Et
connaissant le député de Lévis, comme on le connaît
maintenant, on comprend pourquoi il n'a pas relevé le défi.
M. le Président, en terminant, vous me permettrez de vous
remercier, vous et votre équipe, d'avoir présidé les
séances qui ont été beaucoup plus longues qu'elles
auraient dû l'être, quant à nous. On veut vous
remercier, M. le Président, de la patience avec laquelle vous
avez écouté les parlementaires des deux côtés de la
Chambre.
Et je veux également en profiter pour remercier vos conseillers
et souhaiter, M. le Président, que si jamais nous sommes conviés
à un exercice semblable dans l'avenir, qu'il y ait, à tout le
moins, quelque chose qui nous permette de conclure que ça valait le
coup. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lorrain): Je remercie M. le
député de Frontenac de son intervention. Maintenant, avant
d'ajourner les travaux de cette commission, je pense que vous avez... J'ai une
première... un avis à vous faire, suite à une demande qui
m'a été faite ce matin avant de débuter nos travaux.
Chacun des parlementaires, à la demande de cette commission recevra le
"galée", les galées, c'est-à-dire avant 16 heures à
son bureau cet après-midi, ici même à Québec. Vous
aurez une copie des galées complète.
M. Chevrette: ...un consensus entre les deux partis.
Peut-être que je peux me faire l'interprète et M. Lefebvre
corroborera.
Le Président (M. Lorrain): M. le leader de l'Opposition,
quant au consensus.
M. Chevrette: Je pense qu'il y aurait consensus pour qu'on se
réunisse en séance de travail à 10 heures, mardi matin, et
que dans l'après-midi de lundi, après la période de
questions jusqu'à 22 heures le soir, que ce soit temps partagé,
50-50, et alternance comme les motions du mercredi. Mardi le 5 avril.
Le Président (M. Lorrain): Il y a un consentement des deux
côtés fermes de la Chambre parce que...
M. Chevrette: Vous pourriez même faire un ordre de la
Chambre si vous voulez.
Le Président (M. Lorrain): Oui, je vais leur demander cet
après-midi d'en faire un ordre de la Chambre parce que... Je vais faire
rapport quelques minutes avant de commencer le débat. Normalement, je
vais demander cet après-midi, à la fin des affaires courantes,
d'en faire un ordre de la Chambre.
M. Lefebvre: II y a consentement des deux côtés.
Une voix: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Lorrain): Comité de travail, mardi
matin, 10 heures. Rapport de la commission à 14 heures durant les
affaires courantes.
M. Chevrette: Donc, nécessairement consentement pour
étudier le rapport après.
Le Président (M. Lorrain): Oui, et ordre de
l'Assemblée pour procéder au débat aux affaires du jour,
mardi prochain.
Une voix: Oui, trois, dix.
Le Président (M. Lorrain): Les travaux de cette commission
de l'Assemblée nationale sont maintenant ajournés sine die. Merci
de votre collaboration.
(Fin de la séance à 13 h 27)