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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le jeudi 30 avril 1987 - Vol. 29 N° 17

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Enquête sur la question de privilège du député de Lévis imputant au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation d'avoir exercé des pressions indues afin d'influencer son vote, son opinion ou son action


Journal des débats

 

(Dix heures vingt et une minutes)

Le Président (M. Lorrain): À l'ordre, s'il vous plattl

Bonjour è tous. Les travaux de la commission de l'Assemblée nationale vont reprendre. Avant de débuter l'étape que j'appelle des plaidoiries ou de l'argumentation, tel qu'entendu il y a déjà plusieurs semaines entre les deux formations politiques, j'aurais peut-être un avis à donner aux membres de cette commission qui va quand même être très bref, mais que je considère comme très important.

Organisation des travaux

Je crois maintenant que je dois faire les commentaires suivants. L'étape dans laquelle nous nous engageons, ce matin, que l'on a nommée "plaidoiries" dans les consensus intervenus entre les groupes parlementaires, est réservée à l'appréciation de la preuve entendue depuis le début de notre mandat.

Les membres de la commission pourront comparer les divers éléments de la preuve qui sont devant la commission et pourront porter des jugements sur les divers témoignages entendus, ce qui était formellement défendu à l'étape de l'interrogatoire des différents témoins.

Cette évaluation des divers éléments de la preuve permettrait à tous les membres d'en venir à une conclusion sur le reproche formulé à l'endroit du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, conclusion qui sera arrêtée par la commission à la prochaine étape de nos travaux, c'est-à-dire en séance de travail de la commission de l'Assemblée nationale.

Sans présumer du jugement respectif des membres de la commission, je me permets d'inciter les membres au respect des évaluations que l'on fera de part et d'autre. Le privilège de la liberté de parole m'apparaît fondamental au terme de l'enquête menée par cette commission. J'entends bien faire respecter le droit de parole de chacun. Cependant, s'il est permis de porter un jugement sur un témoignage, il n'est pas pour autant permis de porter une attaque personnelle à l'endroit d'une personne venue témoigner devant notre commission. Et, là-dessus, j'aimerais vous rappeler qu'il y a des dispositions qui sont prévues à cet effet dans notre règlement, advenant le cas...

Aux fins d'encadrer cette grande latitude dont disposent les membres de la commission de l'Assemblée nationale pour apprécier la preuve, l'attitude tout de même limitée par les termes de notre mandat est dans le but de prévenir toute atteinte au droit de parole des membres à cette étape de nos travaux. J'entends appliquer scrupuleusement et plus particulièrement les articles 32 et 35 de notre règlement et j'aimerais vous faire lecture de quelques paragraphes seulement qui, je pense, s'appliquent vraiment à notre commission.

À l'article 32, les députés doivent observer le règlement et contribuer au maintien du décorum de l'Assemblée, et enfin, ils doivent s'abstenir de tout ce qui peut nuire à l'expression d'autrui et au bon fonctionnement de l'Assemblée.

À l'article 35, le député qui a la parole ne peut: 4° s'adresser directement à un autre député; 5° attaquer la conduite d'un député, si c'est que par une motion mettant sa conduite en question; 6° imputer des motifs indignes à un député, se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant; 8 employer un langage grossier ou irrespectueux; 9° adresser des menaces à un député et, enfin, tenir des propos séditieux.

Alors, j'ai eu - et je vous remercie beaucoup - la collaboration de tous, tout au long de cette commission, malgré l'objectif et le mandat de cette commission qui n'était pas facile.

Je vais maintenant céder, selon le consensus intervenu, la parole à un membre de l'Opposition officielle pour la première intervention sur l'argumentation des travaux de cette commission.

M. Lefebvre: M. le Président.

Le Président (M. Lorrain): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Avant que le leader de l'Opposition prenne la parole, est-ce qu'on peut prendre pour acquis que les plaidoiries d'un côté comme de l'autre se feront dans un seul bloc, à savoir, dans un premier temps, l'Opposition et, dans un deuxième temps, les ministériels? C'est la suggestion, à tout le moins, que je fais à la commission qu'on procède de cette façon-là, M. le Président.

Argumentation

Le President (M. Lorrain): Alors, j'aimerais vous rappeler le consensus 34. Je vous lis, je vais vous faire lecture seulement de ce qui s'applique, oui: À la fin des auditions en séance publique, chaque groupe disposera d'une heure et demie pour présenter son argumentation et remarques finales. Cette enveloppe de temps doit être utilisée d'un trait, sans alternance entre les groupes, mais peut être utilisée par plus d'un membre d'un même groupe.

Alors, je prends l'autre consensus qui dit que, d'abord, l'Opposition procédait, a fait sa preuve, et s'il y avait lieu, le gouvernement, la formation ministérielle faisait une preuve, ce qu'elle n'a pas fait. Or, je vais reconnaître tous les membres de l'Opposition qui voudront bien intervenir à l'intérieur de l'enveloppe du consensus 34. M. le leader de l'Opposition, je vous cède la parole.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. La commission de l'Assemblée nationale s'est réunie au cours des dernières semaines de nombreuses heures afin de procéder à l'audition de nombreux témoins pour examiner les faits allégués par le député de Lévis quant à la conduite du ministre de l'Agriculture et député de Portneuf, le vendredi 19 décembre dernier.

Il est opportun d'exposer comment la commission a été appelée à se pencher sur cette question. Le vendredi 19 décembre dernier, le député de Lévis, immédiatement après la fin de la période de questions, soulevait une question de privilège. Le député de Lévis s'est alors exprimé comme suit après avoir fait référence au dixième paragraphe de l'article 55 de la Loi de l'Assemblée nationale. Au Journal des débats du 19 décembre 1986, page 5844, on peut lire; "Je viens d'apprendre que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a appelé l'avocat de la CITRSQ, la Corporation intermunicipale de transport de la rive sud de Québec, pour lui dire - c'est pour cela qu'il m'a appelé pour me le dire - que si je contribuais pas, si je ne contribuais pas - dis-je - à faire adopter le projet de loi 132 sur la protection des territoires, des terres agricoles, non seulement il s'engageait, mais il a dit à l'avocat qu'il bloquerait le projet de loi qui concerne la Corporation intermunicipale de transport de la rive sud de Québec."

Le député de Lévis soulevait cette question de privilège en vertu du premier paragraphe de l'article 69 du règlement de l'Assemblée nationale qui prévoit que le député qui constate une violation de droit ou de privilège peut la signaler tout de suite après le fait et qu'il peut aussi aviser par écrit le président au plus tard une heure avant la période des affaires courantes. D'une part, le député de Lévis ayant pris connaissance des événements justifiant sa question de privilège au moment même où la période des affaires courantes se déroulait et, d'autre part, le 19 décembre étant la dernière journée avant l'ajournement de la session d'automne et donc la journée où le sort du projet de loi privé 272 pouvait être réglé, le député de Lévis se devait de soulever immédiatement après le fait sa question de privilège au risque de n'avoir aucun recours utile et efficace au moment de la reprise de la session en mars 1987.

Le président de l'Assemblée indique par la suite qu'il devait décider de la recevabilité de la question de privilège, c'est-à-dire statuer prima facie s'il y a matière à violation de droit ou de privilège et qu'il prenait donc cette question en délibéré.

À 16 h 23 le même jour, le président déclarait recevable la question de privilège et s'exprimait ainsi au Journal des débats du 19 décembre 1986, page 5888: "Comme m'y oblige le paragraphe 6 de l'article 35 de notre règlement, je dois accepter la parole du député de Lévis et c'est sur les faits qu'il a relatés ce matin que je dois me prononcer pour statuer sur la recevabilité de la question de privilège. Les faits décrits par le député de Lévis m'ont convaincu que prima facie il s'agit d'une question de privilège."

À l'occasion de cette décision, le président s'était exprimé comme suit concernant le paragraphe 10 de l'article 55 de la Loi de l'Assemblée nationale et, au Journal des débats du l° décembre 1986, paqe 5887, le président ajoute: "II faut rappeler qu'il découle du grand privilège reconnu dans tous les Parlements, soit le privilège de la liberté de parole. Tous les auteurs de droit parlementaire s'entendent pour dire que l'on ne peut entraver un député dans l'exercice de ses fonctions."

Immédiatement après cette décision, le président a cédé la parole au député de Lévis pour que celui-ci donne de brèves explications sur la question qu'il avait soulevée. Le député de Lévis rappela alors brièvement les faits qu'il avait relatés au moment où il soulevait la question de privilège. Il relata ensuite l'importance du projet de loi privé 272 pour la Corporation intermunicipale de transport de la rive sud de Québec et également que c'était le ministre des Affaires municipales lui-même qui avait suggéré cette voie. Le député de Lévis indiqua par la suite que lui et ses collègues avaient des appréhensions concernant le projet de loi 132 et que le leader de l'Opposition avait même proposé un amendement concernant ce projet de loi afin

que le texte de la loi reflète exactement la volonté ministérielle et gouvernementale.

Le député de Lévis s'exprimait comme suit sur la pression qui lui était faite, au Journal des débats du 19 décembre, page 5887: "M. le Président, c'est pour cela que je ne peux pas être influencé comme député de Lévis ou avoir une menace qui pèserait sur ma tête comme quoi des gens de mon comté seraient pénalisés. Il s'agit d'un montant important. Il y a plusieurs millions de dollars en cause et la loi qui couvre les règlements pour les valider nécessite l'approbation de cette Chambre, autrement des subventions à 75 % ne seront pas octroyées par le ministre... par le ministère des Transports."

C'est à cette occasion également que le député de Lévis indiqua son intention de présenter une motion mettant en cause la conduite du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et député de Portneuf et demanda que l'Assemblée nationale statue sur sa conduite après que la commission de l'Assemblée nationale ait fait enquête de plein droit.

Ou consentement unanime de l'Assemblée, il fut ensuite permis au ministre de l'Agriculture de s'exprimer sur la question de privilège. Le ministre n'exprima de façon générale que des commentaires sur la procédure. En aucun moment, il ne fit référence aux faits allégués par le député de Lévis, soit principalement l'appel téléphonique au procureur de la Commission intermunicipale de transport de la rive sud de Québec. Il se contenta d'affirmer que jamais il n'avait posé de tel geste dans les communications qu'il avait eues avec quiconque en regard de l'étude, de l'application ou de l'adoption du projet de loi 272. Il ajouta également que les faits invoqués par le député de Lévis sont non seulement exagérés mais qu'ils étaient faux en ce qui le concernait.

Le 11 mars 1987, la motion présentée par le député de Lévis faisait l'objet d'un débat en Chambre au cours duquel le député de Lévis et le ministre de l'Agriculture se sont exprimés. Dans son allocution, le député de Lévis cita textuellement le préambule de la Loi de l'Assemblée nationale. Il n'est pas inutile de la rappeler aujourd'hui dans la mesure où ce préambule exprime l'esprit et les buts poursuivis par les dispositions de cette loi.

À la Loi de l'Assemblée nationale, on peut y lires "Considérant le profond attachement du peuple du Québec aux principes démocratiques du gouvernement; "Considérant que l'Assemblée nationale, par l'intermédiaire des représentants élus qui la composent, est l'organe suprême et légitime d'expression et de mise en oeuvre de ces principes; "Considérant qu'il incombe à cette Assemblée, en tant que dépositaire des droits et des pouvoirs historiques et inaliénables du peuple du Québec, de le défendre contre toute tentative de l'en spolier et d'y porter atteinte; "Considérant qu'il convient, en conséquence, d'affirmer la pérennité, la souveraineté et l'indépendance de l'Assemblée nationale et de protéger ses travaux contre toute ingérence; "Sa majesté, etc..."

Et, un peu plus loin, le député de Lévis faisait encore une fois référence au paragraphe 10 de l'article 55 de la Loi de l'Assemblée nationale de même qu'il décrivait la situation dans laquelle il se trouvait le matin du 19 décembre. Sur ce dernier point, il s'exprimait comme suit: Le Journal des débats du 11 mars 1986, à la page 5983: "Je ne peux accepter que l'on mette en cause les intérêts des citoyens de mon comté pour m'amener à consentir à un projet de loi public qu'en toute conscience je considérais inadéquat, inapproprié et ne reflétant pas uniquement les objectifs que le ministre disait vouloir viser. Agir autrement m'apparaît contraire à mon mandat de député par lequel j'ai juré que je serai loyal envers le peuple du Québec et que j'exercerai mes fonctions de député avec honnêteté et justice dans le respect de la constitution du Québec."

De son côté, le ministre de l'Agriculture et député de Portneuf confirmait pour la première fois - le 11 mars 1987 - avoir téléphoné le 19 décembre 1986 dans l'avant-midi à Me Lemay. Il rapporte qu'il a indiqué à Me Lemay qu'il s'opposait au projet de loi 272. 11 explique ainsi les motifs de ses objections dans le Journal des débats du 19 décembre 1986, page 5984: "Quand j'ai pris connaissance du projet de loi, j'ai eu l'occasion de formuler, entre autres, à mon collèque le ministre des Transports, mes inquiétudes en regard d'une disposition rétroactive qui venait ratifier une procédure en vertu de laquelle une commission intermunicipale représentant un certain nombre de municipalités s'était engagée à dépenser des sommes importantes sans obtenir le consentement requis des autorités du ministère des Affaires municipales."

Le ministre mentionnait également, concernant des pressions indues, voir le Journal des débats du 29 décembre 1986, page 5985: "Or, M. le Président, je voudrais vous dire en terminant que j'affirme de mon siège que je ne me suis associé ni directement ni indirectement à une démarche voulant influencer ou faire modifier la position adoptée par le député de Lévis. Rien au contraire."

Par la suite, évidemment, la commission de l'Assemblée nationale était convoquée afin d'examiner de plus près la question avant d'en venir spécifiquement aux

faits et aux témoignages. Je pense qu'il est pertinent de préciser quels sont les articles de la Loi sur l'Assemblée nationale qui sont plus directement en cause.

Tout d'abord la Loi sur l'Assemblée nationale. Au-delà du préambule déjà cité, deux dispositions de la Loi sur l'Assemblée nationale sont directement en cause dans la présente affaire. D'abord, l'article 43 qui édicte que: "Un député jouit d'une entière indépendance dans l'exercice de ses fonctions." Le sens de cet article est clair et il ne cause aucun problème d'interprétation. La charge de député étant le moyen d'expression de la démocratie, d'expression de la volonté du peuple, il est fondamental et primordial que celui-ci puisse exercer ses fonctions de façon indépendante. Les électeurs d'un comté élisent un individu dont le rôle sera de les représenter à l'Assemblée nationale et de voter en toute conscience sur des questions qui touchent les citoyens. On n'a jamais accepté que le jugement, l'action d'un député puissent être guidés ou dictés par autre chose que son jugement et sa conscience. Ce grand principe découle directement de l'un des plus grands principes de droit parlementaire, soit le privilège du droit de parole dans son sens large. Au delà de l'énoncé de principe de l'article 43, l'Assemblée nationale a jugé bon de préciser et d'indiquer très spécifiquement des situations qui constituent une violation de ce privilège. À cet égard, le paragraphe 10 de l'article 55 de la loi est directement relié à l'affaire qu'étudie la commission. À l'article 55 on peut lire le préambule... le tout premier paragraphe de l'article 55: "Nul ne peut porter atteinte aux droits de l'Assemblée. Constitue notamment une atteinte aux droits de l'Assemblée, le fait de: - et le paragraphe 10 en question -Essayer d'influencer le vote, l'opinion, le jugement ou l'action du député par fraude, menace ou par des pressions indues."

La question que doit donc trancher la commission peut donc s'exprimer comme suit: Est-ce que le ministre de l'Agriculture a essayé d'influencer le vote, l'opinion, le jugement, l'action du député de Lévis concernant la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, par fraude, par menace ou par pression indue? Cette question peut, par ailleurs, se subdiviser en plusieurs points qui pourraient être examinés séparément. D'abord le fait de savoir si le député de Lévis avait à voter, à rendre une opinion, à poser un jugement, ou encore à poser une action concernant un élément directement relié à sa fonction de parlementaire. Est-ce que les gestes posés par le ministre de l'Agriculture visaient à influencer le député de Lévis dans les décisions qu'il avait à prendre? Est-ce que ces gestes constituaient des pressions exercées sur le député de Lévis? Et finalement, est-ce que ces pressions étaient indues? C'est-à-dire, est-ce que ces pressions étaient acceptables dans le cadre de nos lois et règlements, dans le cadre du droit parlementaire, dans le cadre de nos principes démocratiques?

L'état du projet de loi 132, et 272 au 19 décembre 1986, M. le Président. Pour bien comprendre le déroulement des événements, je crois qu'il est nécessaire de rappeler l'état des deux projets de loi autour desquels tournent les événements. L'état de ces deux projets de loi n'a jamais été constaté, contesté, dis-je. Il est relativement facile d'en dresser les étapes jusqu'au 19 décembre. Tout d'abord le projet de loi 132, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, a été déposée à l'Assemblée nationale par le ministre de l'Agriculture le 11 novembre 1986. Le principe du projet de loi a été adopté le 5 décembre 1986 sur division, c'est-à-dire, malgré le vote négatif de l'Opposition. Le 11 décembre, était déposé à l'Assemblée nationale, le rapport de la commission parlementaire ayant étudié de façon détaillée ce projet de loi dans les jours précédents. Ce rapport faisait mention de l'adoption du projet de loi en commission, encore une fois sur division. À partir de ce moment, il restait deux étapes à franchir pour que le projet de loi 132 traverse tout le processus législatif. L'Assemblée devait prendre en considération le rapport de la commission parlementaire et, seconde étape, l'Assemblée devait se prononcer sur l'adoption du projet de loi comme tel. Cependant, le règlement de l'Assemblée nationale prévoit, à son article 230, que chaque étape doit avoir lieu à une séance distincte. Donc, selon les dispositions du règlement de l'Assemblée nationale, le projet de loi 132 ne pouvait être adopté le 19 décembre. La seule possibilité pour qu'il en soit autrement était d'obtenir le consentement de tous les députés, parce que les deux étapes distinctes... pour que les deux étapes distinctes puissent avoir lieu le même jour. Il faut noter que, si le leader du gouvernement avait appelé la prise en considération du rapport dans les jours qui avaient suivi le dépôt du rapport, ce problème de deux étapes dans la même journée ne se serait jamais posé. Quant au projet de loi 272, Loi sur la Corporation intermunicipale de transport de la rive sud de Québec, il fut présenté à l'Asssemblée nationale le 4 décembre par le député de Lévis. Il faut noter que, selon le règlement, un projet de loi privé, pour pouvoir être adopté avant l'ajournement des fêtes, doit avoir été déposé avant le deuxième mardi de septembre.

Par ailleurs, ce projet de loi fut envoyé en commission parlementaire le 18 décembre 1986 par le leader du gouvernement et le rapport fut déposé le lendemain 19 décembre. 11 faut noter donc que l'étude du

rapport ne peut, selon le règlement, avoir lieu la même séance que le dépôt du rapport, mats que les autres étapes peuvent subvenir è la même séance. Donc l'adoption du projet de loi 272 requérait également un consentement unanime de tous les membres de l'Assemblée nationale.

Il appert donc, M. le Président, que le 19 décembre, le député de Lévis avait à prendre une décision importante, si le leader du gouvernement décidait d'appeler le projet de loi 132 présenté par le ministre de l'Agriculture. Le député de Lévis devait se faire une opinion, porter un jugement sur l'opportunité de permettre que les dispositions du règlement soient suspendues pour permettre que la loi 132 soit adoptée. Suite à l'opinion qu'il avait, il devait poser un geste, une action, à savoir donner ou ne pas donner son consentement, voter en faveur ou voter contre la suspension des règles. Il ne fait aucun doute que cette décision du député de Lévis fait partie de l'exercice légitime de ses fonctions de parlementaire et de législateur. Peut-on songer à une situation plus directement reliée aux responsabilités parlementaires d'un député? La réponse est évidente.

Deuxième élément à vérifier. Est-ce que le ministre de l'Agriculture a posé des gestes dans le but d'influencer la décision du député de Lévis? À ce niveau, il faut bien sûr exclure les gestes du ministre qui étaient légitimes et parlementaires dans leur expression. Je pense ici au discours du ministre lors du débat sur l'adoption de principe ou à ses représentations en commission parlementaire qui visaient à convaincre du bien-fondé de son projet de loi.

Il s'est cependant produit des événements pour le moins inusités le matin du 19 décembre. En effet, le premier témoin entendu, Mme Louise Lecours, rapporte avoir reçu un appel téléphonique de Me Lemay, procureur de la Corporation intermunicipale de transport de la rive sud de Québec, vers 10 h 30 de l'avant-midi. Mme Lecours est secrétaire du député de Lévis à son bureau du parlement. Elle rapporte que Me Lemay voulait parler à M. Garon. Elle lui indique que M. Garon n'est pas disponible parce qu'il assiste à la période de questions. À la demande de Me Lemay, elle indique qu'il est possible de lui faire parvenir un message de le rappeler d'urgence mais qu'elle aurait besoin de plus de détails afin que M. Gâron puisse se rendre compte de l'urgence. Selon son témoignage, Me Lemay lui indique qu'il vient de recevoir un appel de M. Michel Pagé lui disant de faire savoir à M. Garon que, s'il continuait à s'entêter à bloquer le projet de loi 132 sur la protection du territoire agricole, lui s'engageait à bloquer le projet de loi 272 de la CITRSQ.

Mme Lecours a revérifié s'il s'agissait bien de Michel Pagé, ministre de l'Agriculture. À partir des notes qu'elle avait prises en sténographie, elle rédige un message à M. Garon, reprenant textuellement les éléments fondamentaux de la conversation avec Me Lemay, message qu'elle va porter elle-même jusqu'à l'antichambre de l'Assemblée nationale. Le témoignage de Mme Lecours a été clair, précis et formel. Son mémo à M. Garon, subséquemment déposé à la commission par le député de Lévis, reprend tous les éléments essentiels de la conversation avec Me Lemay. Il s'agit de la pièce D-3.

Le seul élément qui ne figure pas dans son mémo concerne le fait que Me Lemay lui a rapporté que M. Pagé lui a indiqué de s'organiser pour le faire savoir à M. Garon. La chose est normale. Nul besoin d'inscrire cet élément dans le message à M. Garon puisque l'on était effectivement occupé à lui faire savoir. Dans ce contexte, cette partie de la conversation entre Mme Lecours et Me Lemay étant en cours de réalisation, nul besoin de l'inscrire dans le mémo. D'autant plus que c'est elle-même qui a témoigné en disant qu'elle l'avait porté elle-même à un page dans l'antichambre.

M. Garon témoigne, quant à lui, de sa surprise lorsqu'il reçoit communication du message. Il est tellement surpris qu'il transmet immédiatement le message à son leader pour lui demander son avis. Le leader lui indique que le ministre de l'Agriculture n'a pas le droit de faire ça et lui demande s'il a vérifié. La surprise de M. Garon est compréhensible, ce message étant tout a fait inattendu.

D'abord, la proposition du projet de loi privé pour solutionner le problème de la CITRSO émane directement du ministre des Affaires municipales lui-même. Jamais, par ailleurs, Me Lemay ne l'a avisé que ce projet de loi risquait de ne pas être adopté avant l'ajournement des fêtes. Jamais Me Lemay ne l'a avisé d'une objection quelconque du ministre de l'Agriculture. 5on leader lui avait déjà fait part d'une liste de projets de loi privés qui seraient adoptés avant l'ajournement des fêtes, liste dressée par les deux leaders et qui comprenait le projet de loi privé 272.

Par ailleurs, la commission parlementaire avait été convoquée par le leader du gouvernement le 18 décembre. Tous les amendements et le projet de loi lui-même avaient été adoptés à l'unanimité, y compris par le ministre des Affaires municipales et en présence du ministre des Transports qui avait participé aux discussions. (10 h 45)

D'autre part, il n'y avait aucun lien logique entre le projet de loi privé 272 et la Loi sur la protection du territoire agricole, le projet de loi privé 272 n'ayant aucun impact en matière agricole, ni aucun impact

ailleurs que dans le comté de Lévis. M. Garon convient avec le leader qu'il va vérifier pendant que le leader examine le règlement. Il tente d'abord de communiquer avec sa secrétaire, mais sans succès. Il communique alors avec Me Lemay en présence de René Blouin. Et les éléments de la conversation, selon son témoignage et celui de M. Blouin, sont les suivants.

Il lui lit la note de sa secrétaire et lui demande s'il s'agit bien de Michel Pagé, ministre de l'Agriculture. Me Lemay lui confirme qu'il s'agit bien du ministre de l'Agriculture et lui indique que M. Pagé bloque le projet de loi privé 272 en raison de l'attitude de M. Garon sur le projet de loi 132. M. Lemay lui dit que, si 132 ne passe pas, 272 ne passera pas. M. Garon lui dit que M. Pagé n'a pas le droit de faire ça. M. Lemay lui indique qu'il a déjà communiqué avec M. André Carrier, président de la CITRSQ. Me Lemay lui demande s'il y tient tant que ça au projet de loi 132. Il lui indique que les conséquences pour la CITRSQ sont importantes et lui dit également: Comment les gens de votre comté vont réagir quand ils vont apprendre ça? Me Lemay propose une rencontre avec M. Carrier et M. Pagé. M. Garon répond que le seul but d'une telle rencontre serait de négocier son vote sur 132, qu'il n'a jamais négocié ses votes et qu'il ne commencerait pas, aujourd'hui, à le faire. Vu l'importance de Me Lemay de proposer une rencontre, M. Garon lui dit de ne pas s'occuper de ça. Suite à cet appel, M. Garon communique avec sa secrétaire qui lui confirme la teneur de son mémo. M. Garon revient donc en Chambre où, toujours en présence de M. Blouin, le leader de l'Opposition l'informe qu'il y a matière à question de règlement et que les articles pertinents sont l'article 55.10 de la Loi sur l'Assemblée nationale, 70 et 317 du règlement de l'Assemblée nationale. L'on convient également que le meilleur moment pour soulever la question de privilège est à la fin de la période de questions.

Peu de temps après et devant l'ampleur de la situation, M. Garon décide de rappeler Me Lemay, cette fois en présence du leader de l'Opposition. Il rapporte que, cette fois, il a posé des questions précises à Me Lemay dans l'optique spécifique d'une question de privilège. Il rapporte les éléments essentiels suivants. Il reconfirme que c'est bien le ministre de l'Agriculture, député de Portneuf, qui lui a téléphoné. Il indique que M. Pagé ne va pas bloquer, que c'est bloqué, que c'est à M. Garon à bouger. M. Garon lui a demandé si c'est M. Pagé qui lui a demandé de l'appeler. Me Lemay lui répond: C'est bien évident, sinon tout ça est inutile. M. Garon lui redit que M. Pagé n'a pas le droit de faire ça. À ce moment, Me Lemay lui dit: Allez pas parler de ça en Chambre, ce à quoi M. Garon répond: Occupez-vous pas de ça.

Est-ce que le contenu de ces deux conversations était de nature à essayer d'influencer le député de Lévis? Manifestement oui. L'élément fondamental est sans contredit le lien établi entre le projet de loi 272 et le projet de loi 132. Il est certain que, si le député de Lévis ne vote pas en faveur de la suspension des règles de procédure à l'égard de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, donc, s'il ne donne pas son consentement, il y aura une mesure de représailles, le projet de loi 272 sera bloqué. À cet égard, le message est clair et personne ne l'a remis en doute sauf Me Lemay qui, dans son témoignaqe, a tenté d'indiquer que la décision de bloquer le projet de loi 272 était ferme et irrémédiable à tel point que l'on ne peut quasiment conclure de son témoignage que ce blocage n'avait plu3 de rapport avec le projet de loi 32. Nous reviendrons plus loin, d'ailleurs, sur le témolqnage de Me Lemay.

Ce lien entre le projet de loi 272 était-il assez important et sérieux pour constituer une tentative d'influence? Tous les témoins ont témoigné à l'effet qu'il était important d'adopter le projet de loi privé 272. M. Garon, à plusieurs reprises, l'a d'ailleurs souligné. Ici, M. le Président, je vous réfère aux galées de l'Assemblée nationale, page 92, page 1 et c'est M. Garon qui parle: "Et là, le montant, bien, il faut dépendre du moment où on se place. Au moment de la lettre d'offre, au moment où les expropriations sont faites, ou au moment où il y a des intérêts courus là-dedans. Alors, ça peut varier entre 6 000 000 $ et 7 000 000 $ où le pourcentage de subvention est, disons... Il y a différents pourcentages mais, en gros, 75 %." Et il continue: "Cela veut dire qu'il s'agissait d'un enjeu d'autour de 4 500 000 $ que le ministre des Transports ne pouvait pas payer sans que les règlements autorisant les travaux et les emprunts à long terme soient validés." Et, à la page 102 des galées, M. le Président, paqe 2: "Cela représente cinq municipalités de mon comté, c'est-à-dire Lauzon, Lévis, Saint-David, Saint-Romuald, Charny, et un contrat de services avec Saint-Jean-Chrysostome qui est une municipalité dans le comté de Beauce-Nord. Cela couvre à peu près 75 000 personnes."

À la paqe 523, page 1: "C'était facile à voir que c'était un projet très important pour la rive sud. Pour moi, c'est le gros de mon comté, au fond. En dehors de ces villes, il reste seulement trois municipalités, quatre municipalités qui sont plus petites. Alors, c'est très considérable."

Me Lemay, pour sa part, lui, indiquait, dans le relevé des, dans son mémo, pièce D-20, page 5: "je lui - en parlant à Mme

Lecours - je lui ai expliqué que les conséquences de la non-adoption du projet de loi, soit 272, seraient extrêmement graves au niveau financier et qu'il était urgent que je puisse discuter en détail de cette situation avec M. Garon."

M. Carrier décrit ainsi les conséquences de la non-adoption du projet de loi privé, le président de la CITRSQ, au relevé des notes de l'Assemblée, 165 page 2: "Bon, en premier Heu, quand j'ai eu cette information, puis vérifié, je savais qu'à ce moment-là on était dans l'illégalité et lorsque des règlements d'emprunt, pas des règlements d'emprunt, mais le règlement pour soit l'achat d'autobus ou la construction du garage, les règlements ne sont pas approuvés. C'est une dépense qui est effective dans l'année courante et c'est automatiquement un déficit pour la corporation. Je veux dire, au lieu d'avoir un déficit peut-être de 200 000 $, on aurait un déficit de 7 000 000 $ environ, mettons 7 000 000 $."

Par ailleurs, il est également certain que la subvention de 75 % du ministère des Transports ne pouvait être versée à moins que le projet de loi ne soit adopté. Ainsi, le projet de loi 272 était un projet de loi d'importance pour les gens de la CITRSQ comme pour le député de Lévis. D'ailleurs, les réactions du député de Lévis dès la réception de la note de Mme Lecours traduisaient bien son inquiétude. Bien que le témoignage de Me Lemay tente d'apporter de multiples nuances et même de contredire le député de Lévis sur certains points, il demeure que Me Lemay a corroboré les éléments essentiels des événements. D'abord, il confirme que c'est bien le député de Portneuf, ministre de l'Agriculture, qui lui a téléphoné le matin du 19 décembre. Il confirme également que le ministre de l'Agriculture lui a indiqué que le projet de loi 272 ne serait pas adopté parce que le député de Lévis refusait de donner son consentement au projet de loi 132 sur la protection du territoire agricole. Me Lemay ajoute: Cependant, des éléments... Excusez. Me Lemay ajoute cependant des éléments qui n'ont pas été soulignés ni par Mme Lecours ni par M. Garon ni, pour certains, par MM. Carrier et Lessard. Pour d'autres, il a été catégoriquement contredit par M. Pagé. Ces éléments ne sont pas sans soulever de sérieux doutes sur la qualité de la mémoire de Me Lemay ou sur son, ou son impartialité dans le témoignage qu'il a rendu. Reprenons un à un les éléments spécifiques à Me Lemay.

Tout d'abord, le comité. Me Lemay indique que M. Pagé l'a informé que c'est un comité ou un caucus qui a pris la décision de bloquer le projet de loi 272. Il indique à plusieurs reprises que ce n'est pas M. Pagé qui s'opposait, que c'était un comité ou un caucus. Me Lemay a indiqué à plusieurs reprises qu'il ne s'était pas informé à savoir qui faisait partie de ce comité, ni même si M. Pagé faisait partie du comité. Il n'a jamais jugé opportun d'obtenir plus de renseignements à cet égard. Me Lemay est donc dans la situation où on lui apprend qu'il y a un comité, dont il n'a jamais entendu parler et dont il ne connaît pas les membres, qui vient de décider de bloquer son projet de loi quelques heures seulement après qu'une commission parlementaire à laquelle assistaient deux ministres, ait décidé d'adopter à l'unanimité son projet de loi.

Par ailleurs, Me Lemay indique qu'il était prêt, qu'il souhaitait même se déplacer à l'Assemblée nationale pour se promener de bureau en bureau pour débloquer son projet de loi. Il ne juqe pas opportun cependant de recueillir les informations les plus pertinentes à l'aider dans ses éventuelles démarches. La chose est très peu crédible.

La seule explication logique est que Me Lemay a très bien compris que, même si on parlait de comité, l'élément fondamental était que son interlocuteur était Michel Pagé, le ministre de l'Agriculture, et que le projet de loi en balance était le projet de loi concernant la protection du territoire agricole piloté par le ministre de l'Agriculture, puis l'interlocuteur principal était donc clairement M. Pagé, Pourtant, ce n'est qu'après plusieurs questions que Me Lemay reconnaissait qu'à son avis M. Pagé faisait partie du comité. Et, au relevé des galées, page 258, page 1: "En tout cas, écoutez - c'est Me Lemay qui parle - je vais vous dire l'impression que j'ai parce que je n'étais pas là. J'ai l'impression que oui, parce qu'il m'a dit ce matin: On a eu une réunion en comité et on a décidé. Je prends pour acquis qu'il était là."

À aucun moment de leur témoignage, M. Garon, Mme Lecours, M. Carrier, M. Lessard ne mentionnent avoir été informés de l'existence d'un comité. Quant à Mme Lecours, Me Lemay avait rapporté lui en avoir parlé en ces termes, page 244 des relevés, page 2: "Puis là, je lui ai fait part que j'avais eu un appel de M. Pagé qui m'informait qu'il avait eu une réunion en comité ou en caucus."

Deux jours plus tard, il indique plutôt, à la page 347, page 1 des relevés: "J'ai dit ce matin que je ne peux pas me souvenir si à Mme Lecours j'ai précisé la notion de comité ou de caucus. Je suis convaincu de l'avoir précisé à M. Garon. À Mme Lecours, honnêtement je ne me souviens pas si j'ai fait cette distinction." Témoignage évolutif.

Cet élément du témoignage de Me Lemay a été catégoriquement contredit par le ministre de l'Agriculture lui-même lors de son témoignage. En effet, ce dernier relate qu'il a toujours été très clair quant au fait d'exprimer à Me Lemay que la décision de bloquer le projet de loi 27? lui était

personnelle. Ce qui explique d'ailleurs, M. le Président, le "il" du memo de Mme Lecoura. "Il, Michel Pagé", entre parenthèses.

D'ailleurs, regardons les témoignages du ministre lui-même. Pagé 545, page 1 du relevé des galées: "Je t'appelle pour t'aviser. Ne cherche pas - c'est M. Pagé qui parle -ne cherche pas qui. Ça va être moi qui l'aurai bloqué ton projet de loi." Et à la page 541, page 2: "Parce que je le connaissais personnellement, parce qu'il avait communiqué avec moi, j'ai communiqué avec lui le 19 décembre au matin pour lui faire part de ma décision de refuser mon consentement comme député à l'adoption en troisième lecture du projet de loi de la Commission intermunicipale de transport de la rive sud."

À la page 543, page 3: "J'avais personnellement pris la décision de refuser mon consentement à l'adoption du projet de loi cette journée-là et que ça pouvait aller à la session suivante.1'

À la page 556, toujours M. Pagé qui parle, page 1: "C'était pour qu'il sache très clairement. C'est moi qui bloquais son projet de loi. Je l'ai appelé personnellement pour lui dire que c'était moi. Cherche pas, ça va être moi. Point final, à la ligne."

Une telle incompréhension, M. le Président, dans une conversation qui dure à peine quelques minutes seulement et dont le contenu est très important pour les deux interlocuteurs est incompréhensible et comment l'expliquer? Trois hypothèses sont possibles, M. le Président. La première résiderait dans la mauvaise compréhension de Me Lemay, dû au fait que selon M. Pagé celui-ci aurait indiqué avoir eu une réunion du COMPADR le matin du 19. Pourtant, M. Pagé témoigne avoir été très clair et catégorique sur le fait que la décision lui était personnelle et qu'elle émanait bien de lui. (11 heures)

La deuxième hypothèse: le ministre Pagé a bel et bien indiqué à Me Lemay que c'était un comité qui bloquait. Cette explication est peu plausible aussi, même si elle aurait eu l'avantage pour le ministre de se dédouaner devant Me Lemay. Cependant, il ne faut pas oublier que Me Lemay, selon son propre témoignage, ne s'est jamais informé de ce qui était ce comité dont il n'avait jamais eu connaissance et qui bloquait son projet de loi la dernière journée de la session, alors que la veille, la commission parlementaire avait adopté à l'unanimité son projet en présence et avec la participation de deux ministres impliqués directement.

Cette hypothèse est peu plausible parce que, si tels avaient été les événements, Me Lemay en aurait sûrement fait mention à Mme Lecours ou très certainement à M. Garon. Pour ce dernier, sa réaction n'aurait certainement pas été la même et, à tout le moins, il l'aurait mentionné en Chambre.

Troisième hypothèse, M. le Président, le ministre de l'Agriculture n'a pas présenté la décision comme étant celle du comité et c'est Me Lemay qui, volontairement, l'a reliée à un pseudo-comité et pourquoi?

Rappelons ici que Me Lemay est un avocat dont 80 % de la pratique est composée de dossiers municipaux. Ce genre de pratique l'amène constamment à être en contact, à discuter, à négocier et à faire des représentations au gouvernement. Par ailleurs, Me Lemay représente les intérêts de quinze municipalités sur les trente que compte le comté de Portneuf. Finalement, il connaît personnellement le ministre de l'Agriculture depuis une douzaine d'années à tel point que le tutoiement est de rigueur.

Le fait de présenter le blocage du projet de loi 272, comme une décision d'un comité, a l'avantage pour Me Lemay de dépersonnaliser les événements. Ce n'est plus le ministre Pagé qui a pris la décision. Il ne devient qu'un simple messager. Ce n'est d'ailleurs pas le seul élément de son témoignage qui poursuit cette ligne, et nous y reviendrons.

Mais pourquoi le ministre de l'Agriculture n'a-t-il pas suivi cette voie? Pour une raison bien simple, M. le Président. Appelé à témoigner, il aurait dû nommer les membres de ce pseudo-comité et ceux-ci auraient été appelés à témoigner; situation intenable. N'oublions pas que Me Lemay rédige son aide-mémoire avant que la commission parlementaire ne devienne inévitable le 11 mars. II y a sûrement moyen d'éviter cette commission en présentant une version des événements favorable au ministre de l'Agriculture.

Cette notion de comité au de caucus n'est pas fondamentale sur la question de la conduite du député de Portneuf et ministre de l'Agriculture. Elle est fondamentale cependant quant à la crédibilité de Me Lemay lorsque l'on poursuit l'analyse de son témoignage.

Tout au long des auditions, Me Lemay a prétendu que jamais il n'avait fait le lien entre le ministre de l'Agriculture et le projet de loi sur la protection du territoire agricole. Jamais, selon lui, il n'a réalisé l'intérêt particulier du ministre de l'Agriculture pour le projet de loi 132 malgré le fait que ce projet de loi était la cause directe du bloquage de son propre projet de loi. Me Lemay explique le fait que ce soit le ministre de l'Agriculture lui-même qui l'appelle pour la raison suivante, relevé des notes 352, page 2: "Écoutez, vous me demandez à mon avis pourquoi il a fait cela. Je vous le donne. Peut-être que je me trompe, qu'est-ce que vous voulez? Je vous donne mon avis à moi. À mon avis, c'est pour cela qu'il m'a appelé, parce qu'il a dits

Lemay, je le cannais. C'est le seul gars dans le parlement qui pouvait dire: Lemay, ça me dit de quoi ce gars-là."

Il est pour le moins difficile, M. le Président, de croire que Me Lemay n'a jamais compris que le ministre de l'Agriculture avait un intérêt personnel, direct et fondamental avec le projet de loi ou dans le projet de loi 132. Une telle compréhension de Me Lemay permet d'affirmer à de multiples reprises que ce n'est pas le ministre de l'Agriculture qui bloque, que c'est un comité et que le ministre n'est qu'un messger.

Parlant du témoignage très clair du député de Lévis, M. Lemay indique, à la page 339, page 1: "Bien oui, mais moi j'ai corrigé à deux places. J'ai corrigé sur le messager, le preneur de décision, et j'ai corrigé sur le message, j'ai dit: Ce n'est pas un engagement à bloquer, c'est bloqué. Puis j'ai dit: C'est pas Pagé qui bloque, c'est Pagé qui me dit qu'il y a un comité qui bloque."

Un autre élément pour le moins curieux du témoignage de M. Lemay réside au niveau de la référence qu'il fait à un supposé engagement du chef de l'Opposition quant au consentement à donner au projet de loi sur la protection du territoire agricole. Il s'agit là d'un élément farfelu pour quiconque est au fait de la mécanique parlementaire au niveau des partis politiques. Celui qui détermine au premier chef les positions de l'Opposition quant à l'attitude à prendre sur le menu législatif, c'est le leader de l'Opposition, M. Garon n'a jamais fait mention qu'on lui ait indiqué que le chef de l'Opposition avait pris une engagement quelconque quant au projet de loi 132.

Bien évidemment, si M. Lemay avait fait référence à un tel engagement, sa réaction aurait été de s'assurer que cet élément directement... c'est-à-dire aurait été de s'assurer de cet élément directement avec le chef de l'Opposition qui était présent en Chambre au moment même où les événements du 19 décembre se déroulaient- Le ministre de l'Agriculture a d'ailleurs catégoriquement nié cette partie du témoignage de Me Lemay, à la relevée des notes 557, page 2: "Je n'ai certainement pas référé, dit M. Pagé, à une entente entre les deux chefs, ce n'est pas négocié ces choses-là au niveau des chefs, c'est négocié au niveau des leaders." Cet événement est de peu d'importance sur le fond même de l'affaire. Il s'inscrit, cependant, dans la tendance qu'a adoptée Me Lemay de dépersonnaliser et de dédramatiser les événements du 19 décembre.

Cet élément tend, sinon à légitimer, du moins à rendre compréhensible la décision de bloquer le projet de loi 272, en raison du fait que le député de Lévis refusait son consentement au projet de loi 132, sur la protection du territoire agricole. Cette distinction n'a pas été rapportée ni par M. Carrier, ni par M. Lessard. Aucun des deux n'a fait référence à un engagement du chef de l'Opposition, ni même à un engagement du leader de l'Opposition. Cependant, pour les deux, il était clair que l'attitude de M. Garon quant au projet de loi 132 était la source du blocage du projet de loi 272 par le ministre de l'Agriculture. M. Carrier s'est exprimé ainsi sur cette question, page 153, page 1: "Tout simplement, c'est que ce qu'il m'a dit, c'est que M. Garon était contre le projet de loi 132 purement et simplement. Il ne m'a pas dit pourquoi."

Quant à lui, M. Lessard indiquait au tout début de son témoignage, à la paqe 195-3: "Alors il - M. Carrier - m'a indiqué que le député de Lévis s'objectait à l'adoption du projet de loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et qu'à ce moment-là, bien que c'était possible que le projet de loi ne passe pas à cause de ça".

Le motif du blocage du projet de loi privé 272 était donc l'attitude de M. Garon, pas l'attitude de l'Opposition. Ceci est apparu clairement pour tout le monde. Cependant, Me Lemay a été très clair sur le point fondamental de toute cette affaire. Il a confirmé que le motif pour lequel le projet de loi privé 272 était bloqué était le projet de loi 132 qui requérait le consentement du député de Lévis.

Dans son aide-mémoire rédigé le 19 décembre et corrigé à maintes reprises jusqu'à la mi-janvier, Me Lemay ne fait référence qu'à un seul motif de blocage du projet de loi 272, le refus du député de Lévis à consentir au projet de loi 132. En aucun moment dans ce mémo, Me Lemay ne fait référence à des réserves du ministre quant au projet de loi 272 lui-même. Il relate d'ailleurs la conversation de façon très précise, c'est-à-dire, entre guillemets: "Le seul grief du ministre de l'Agriculture concerne le refus du député de Lévis de donner son consentement au projet de loi 132." Cet élément est fondamental puisque le ministre est venu expliquer que pour lui le blocage du projet de loi privé 272 était dû à des réserves qu'il avait sur le caractère rétroactif de 272; que le projet de loi 132 n'avait rien à y voir et que de façon générale il n'avait pas de cadeau à faire à Jean Garon. Nous aborderons un peu plus loin cet aspect du témoignage du ministre.

Le lien, 132, 272 est évident des réponses de Me Lemay. Tout au long de son témoignage, il fait référence à des échanqes de projets de loi, à des "deals" de fin de session. Bien entendu, il faut corriger les dimensions au comité caucus, mais le sens profond quant au lien est très clair. Je relève les pages 253, page 2: "Moi - et c'est M. Lemay qui parle - moi, je n'ai pas

compris que M. Pagé était contre la loi. J'ai compris que M. Pagé m'informait que le gouvernement ne voulait pas la loi et le seul motif que moi j'y voyais, c'était une stratégie politique. Autrement dit, c'était dans les échanges de fin de session qu'ils ont dit: C'est celle-là qu'on prend pour avoir l'autre, l'autre bord. Cela adonne que c'est nous autres qui étions pris là-dedans. Je n'ai pas compris qu'il y avait des questions de fond sur la loi."

A la page 294, page 1: "Quand c'est une question de justifier, ma loi est bonne, les motifs sont bons, il faut que je convainque le ministre d'être d'accord avec le fond de la loi, j'en discute. Mais quand c'est une question politique d'échanges de consentements ou de questions, où la question de la loi comme telle n'a pas d'incidence, le contenu, c'est une question politique à laquelle je ne me mêle pas."

Toujours Me Lemay, page 296, page 1: "M. le député, j'en ai fait un lien dans le sens que M. Pagé me dit: Le comité, on bloque votre loi parce que l'autre loi est bloquée. Le lien est fait à cette heure."

Pagé 339, 2: "Je vous ai expliqué que quand j'ai eu cette information-là, moi j'ai pris ça comme un tuyau» On m'informe qu'il y a une "game" politique qui va se jouer, puis dans la "game", notre projet de loi est là-dedans."

Toujours Me Lemay, page 337, page 1: "II a toujours été également clair que le motif, c'est que l'Opposition ne consentait plus à la loi 132 et c'est parce que M. Garon ne respecte pas soi-disant la ligne du chef."

Pagé 267, page 3, M. Lemay dit: "Je devais le convaincre - en parlant de M. Garon - que la "game" politique qui se jouait entre deux partis, jouez-la pas et qu'il faudrait pas qu'elle se joue sur notre dos, sur le dos de la loi de la CITRSQ".

Bien entendu, selon le témoignage de M. Garon, le lien entre le projet de loi privé 272 et le projet de loi 132 est clair. Il l'est également pour Mme Lecours qui, dans son mémo, relate la conversation de Me Lemay et du ministre en disant, pièce D-3: "Si M. Garon continue de s'entêter à bloquer le projet de loi 132, il (M. Pagé) - entre parenthèses - s'engage à bloquer le projet de loi privé de la CITRSQ."

Quant à MM. Carrier et Lessard, eux aussi ont mis en lumière le lien direct existant entre les deux projets de loi. M. Carrier a indiqué à la page 176-1: "Quand on parle de négociation, en fait, si on parle de la loi 132, du projet de loi 132, c'aurait pu être un autre projet. Je veux dire: On a parlé du projet de loi... du projet de loi 132, il y a peut-être d'autres négociations qui se sont faites que je ne connais pas." II ajoute un peu plus loin: "Je veux dire, on a parlé de la loi 132 versus le projet de loi 272, purement et simplement."

Rappelons également la réponse à une question du député de Gouin, R-76, page 2: "M. Rochefort: Ce que je dis maintenant, c'est que tantôt, vous avez quand même bien dit que les deux projets de loi ont été mentionnés devant vous. C'était l'adoption de 272 relié à l'évolution législative du projet de loi 132."

Et M. Carrier répond: "C'est les deux qu'on a parlé."

M. Lessard a, lui aussi, été très clair sur les événements, il a relaté sa conversation avec M. Carrier, en indiquant que celui-ci lui avait indiqué que tout avait bien fonctionné en commission parlementaire, mais que maintenant il se posait des problèmes, parce que le ministre de l'Aqriculture avait communiqué avec leur avocat pour l'aviser qu'il était possible que le projet de loi ne soit pas adopté. Il s'est exprimé comme suit sur les motifs, 195-3, et c'est M. Lessard qui parle: "Alors, il m'a indiqué que le député de Lévis s'objectait à l'adoption du projet de loi concernant ou modifiant la loi de la protection du territoire agricole, et qu'à ce moment là, bien que c'était possible que le projet de loi ne passe pas à cause de ça."

Le lien créé entre le projet de loi 272 et le projet de loi 132, constituait donc l'évidence pour tous les intervenants directement impliqués dans les événements relatés par le député de Lévis, à l'exception cependant du ministre de l'Aqriculture. Pour lui, le motif pour ne pas donner son consentement, réside dans les réticences qu'il avait à adopter un projet de loi dont la caractéristique était qu'il venait ratifier rétroactivement les règlements de la corporation intermunicipale de transport qui étaient déficients, parce qu'ils n'avaient pas reçu l'approbation du ministre des Affaires municipales.

Le ministre, dans son témoignage, a relaté comme suit le contenu de la conversation. Pagé 542-1: "J'ai référé aux réserves à l'égard du projet de loi, que s'était vu ratifiée une irrégularité qui avait impliqué des déboursés de 7 000 000 $, premièrement, et deuxièment, que ça impliquait une subvention du gouvernement pour laquelle d'ailleurs la commission intermunicipale de transport demandait le paiement des intérêts couvrant la période des emprunts temporaires et un autre élément. Je lui ai très clairement indiqué que je n'avais aucun service à rendre à Jean Garon."

Il se dégage donc, que les motifs principaux du ministre pour refuser son consentement sont intimement liés au contenu du projet de loi privé 272, lui-même. Le motif selon lequel il n'a pas de service à rendre à Jean Garon, apparaît clairement comme accessoire. Le ministre ne mettra pas

de côté ses réticences de fond sur le projet de loi privé 272, parce qu'il n'a pas de service à rendre à Jean Garon.

À noter, cependant, qu'au fil du témoignage du ministre, ce motif va prendre une importance grandissante, jusqu'à devenir aussi importante que ses réserves sur le projet de loi privé lui-même, curieuse évolution mais compréhensible. En effet, une décision de bloquer le projet de loi 272 pour les seuls motifs de la valeur intrinsèque du projet de loi privé ne sont pas crédibles, mais du tout crédibles. Le ministre a préféré assumer l'odieux d'un motif beaucoup plus mesquin, mais plus crédible: la vengeance à l'égard du député de Lévis. Il a cependant bien pris soin de bien encadrer son motif de façon qu'il ne puisse pas déborder vers les pressions indues. C'est pourquoi il a indiqué avoir fait son deuil de 132.

Revenons cependant au motif directement relié au projet de loi privé 272 lui-même pour préciser, d'autre part, que ce motif lui aussi a évolué. En effet, à la lecture des déclarations du ministre du 19 décembre et du 11 mars 1987, il apparaissait qu'il s'agissait de motif fatal à l'opportunité du projet de loi lui-même. Ce que le ministre semblait remettre en question à cette époque c'était d'adopter le projet lui-même. Lors de son témoignage devant la commission, son intention apparaissait maintenant comme étant de reporter l'adoption du projet de loi à la session suivante. C'est une évolution qui traduit bien le côté farfelu d'une opposition définitive à un tel projet de loi. (11 h 15)

Mais quelles étaient donc les véritables craintes du ministre de l'Agriculture, au-delà de ses beaux et grands principes de bien étudier un projet de loi?

Le député du Lac-Saint-Jean a demandé au ministre s'il avait des inquiétudes quant à des malversations, des fraudes possibles ou des irrégularités quant aux appels d'offre sur l'exécution des contrats. M. Pagé a répondu à la page 664, page 1: "Non, je vous ai indiqué non, M. le député." Le ministre ne disposait donc d'aucun élément précis et particulier à ce dossier pouvant justifier un blocage à la dernière journée de la session. Son seul motif était que la corporation, en raison d'une erreur de bonne foi - une erreur humaine, comme le disait le ministre des Transports - avait oublié d'obtenir l'autorisation préalable du ministre des Affaires municipales.

Deux ministres ont témoigné, entre autres, sur le type de problème posé par le projet de loi 272. Le ministre des Transports parlant de la subvention à être payée par son ministère, après l'adoption de 272, a indiqué à la page 687.1: "Non, ce qu'il faut comprendre dans le processus d'adoption, c'est qu'aucune des commissions de transport soumet d'abord... c'est que ce que chacune -excusez - des commissions de transport soumet d'abord un plan d'immobilisation au niveau du ministère pour approbation qui, par la suite, doit être entériné comme entité municipale par le ministère sectoriel et responsable de l'approbation des dépenses sur le plan municipal. Une chose est certaine, c'est qu'au bout de la ligne, le principe est que, c'était que chez nous, l'achat d'autobus et d'immobilisation de toute façon, tout ce qui était acceptable dans les normes du programme normé avait été approuvé par le ministère. 11 n'était donc pas question pour le ministère de refuser de payer ce que normalement le ministère aurait payé dans la mesure où toutes les étapes sur le plan légal auraient été franchises, soit par l'approbation par le ministère des Affaires municipales là ou etc."

Donc, le dossier de la CITRSQ avait fait du côté du ministère des Transports l'objet des analyses pertinentes aux fins de déterminer les dépenses admissibles au programme de subventions, programme normé. Les réserves du ministre des Transports jusqu'au soir du 18 décembre ne concernaient pas l'opportunité de ratifier le règlement déficient ni même l'opportunité de verser une subvention. Les réticences du ministre visaient, d'une part, à limiter les intérêts admissibles à la subvention à ceux qui auraient couru normalement s'il n'y avait pas eu d'erreur et, d'autre part, à s'assurer qu'un avocat n'avait pas commis de faute professionnelle engageant ses responsabilités. Ces deux points vérifiés et réglés, le ministre s'est déclaré satisfait du projet de loi 272 et à une question du député de Gouin à savoir s'il avait des raisons de croire que le projet de loi 272 ne serait pas adopté le 19 au sortir de la commission parlementaire du 18, le ministre des Transports a répondu non.

Sur cette question, il est intéressant de rapporter un échange entre le ministre des Transports et le député de Gouin. Pagé 718.2: "M. Rochefort: Mais compte tenu de ce qui s'est passé le 18, jamais vous n'avez envisagé la possibilité de ne pas donner votre consentement comme membre de l'Assemblée."

M. Côté (Charlesbourg) répond: "Non, j'ai toujours eu comme esprit de regarder le projet de loi à son mérite au niveau de la situation pour tenter d'amener des solutions aux problèmes qui étaient vécus par les qens de la commission de transport. "M. Rochefort: Et au mérite, compte tenu de la commission parlementaire du 18 au soir, vous, vous aviez pas de raison de ne pas donner votre consentement en ce qui a... ce qui soit étudié avant l'ajournement de la session."

M. Côté répond: "Comme ministre des Transports, à partir du moment où on avait

adopté l'amendement proposé au ministre des Affaires municipales par le ministère des Transports, effectivement je n'avais pas de raison."

M. Rochefort continue: "Après la conversation du 19 décembre au matin, vous n'aviez pas plus de raison d'hésiter à donner votre consentement."

M. Côté de Charlesbourg répond: "Comme député... Comme ministre des Transports, non."

M. Rochefort ajoute: "Comme député de Charlesbourg?"

M. Cûté répond: "Bien, j'imagine qu'il y a de bonne chance que ce soit le même."

Sur le sérieux des réticences que le ministre de l'Agriculture lui a exprimées quant au projet de loi 272, l'échange suivant traduit bien la pensée du ministre des Transports.

À une question de M. Rochefort page 719.1: "M. Rochefort: Non, mais ça confirme que vous doutez y avoir parlé après. Or donc, au cours de la conversation, puisqu'il est possible qu'elle ait eu lieu avant la commission, ça n'a pas influencé votre comportement en commission, oui ou non?"

M. Côté répond: "Absolument pas."

Par ailleurs, le ministre de l'Agriculture a rapporté dans son témoignage que c'est le 19 décembre qu'il a pris sa décision de bloquer le projet de loi 272. Le ministre des Transports a relaté la conversation qui ultérieurement a amené le ministre de l'Agriculture a prendre sa décision quant au blocage du projet de loi 272. Les propos qu'il en rapporte sont très révélateurs. Ainsi après avoir relaté que le 19 décembre au matin M. Pagé s'informait des conséquences de la non-adoption du projet de loi 272 et qu'il s'interrogeait sur le fait de donner son consentement à l'adoption de ce projet, le leader de l'Opposition pose la question suivante: Pagé 774.1: "Est-ce que M. Pagé vous a donné les motifs du refus de son consentement?"

Réponse de M. Côté: "Je pense, si j'ai bon souvenir, que M. Pagé m'aurait dit qu'il n'avait pas de cadeau à faire à Jean Garon."

L'interrogatoire du ministre s'est continué sur cette conversation du 19 décembre. L'échange suivant rapporte le contenu précis de cette conversation. 717.1: "M. Chevrette: Donc, vous sentez que M. Pagé a une certaine frustration appelons, m'a utiliser vos mots. Il vous demande à vous: Quelles sont les conséquences de la non-adoption de 272, et il ajoute à la fin: J'ai pu, j'ai pas de cadeau à faire à Jean Garon. Est-ce que c'est à peu près ça, là?"

M. Côté (Charlesbourg) répond: "II y a effectivement un climat qui fait que des projets de loi sont pas adoptés. Il y a de l'interprétation, et ça, c'est le 18, de manière plus précise, le 19, des questions quant aux conséquences de la non-adoption le jour même du projet de loi 272 et des cadeaux à Jean Garon, qui étaient là. "M. Chevrette: D'accord. C'est tout ce qui est arrivé le 19 au niveau de la conversation? "M. Côté: Ah, définitivement. "Puis il ne vous a pas reparlé de la journée? "Non, du tout. D'ailleurs, les éléments subséquents sont intervenus en Chambre."

Donc, en aucun moment, et particulièrement le 19 décembre au matin, le ministre de l'Agriculture ne s'est préoccupé des détails pertinents ou des circonstances particulières ayant amené la nécessité du projet de loi 272. Il a indiqué qu'à son avis, le projet de loi nécessitait plus amples études. Pourtant, deux de ses collègues, le ministre des Transports et le ministre des Affaires municipales, avaient passé une partie de la soirée, la veille, à étudier ce projet de loi.

D'autre part, il est en preuve que la solution du projet de loi privé à caractère rétroactif émanait directement du ministre des Affaires municipales, qui l'avait même confirmé par une lettre, dans une lettre au président de la CITRSQ datée du 27 octobre.

Par ailleurs, la préparation du projet de loi avait fait l'objet de nombreuses discussions au niveau des fonctionnaires des deux ministères impliqués. Le ministre des Affaires municipales avait apporté plusieurs amendements, dont au moins un à la demande du ministre des Transports, et tous ces amendements, de même que le projet de loi, avaient été votés à l'unanimité en commission parlementaire. En aucun cas, le ministre de l'Agriculture n'a jugé bon de s'informer de ces éléments et des résultats des nombreuses études, pour une raison bien simple: Ce n'est pas ce qui l'intéressait. Le témoignage du ministre des Affaires municipales en dit d'ailleurs long à cet égard.

À la toute fin du témoignage du ministre des Affaires municipales, le député de Gouin lui pose la question suivante, page 739-4: "Est-ce que quelqu'un vous a mis au courant d'une conversation entre le ministre des Transports et le ministre de l'Agriculture entourant le projet de loi 272 avant l'ajournement du 19 décembre 86?" La réponse du ministre fut: "Absolument pas. D'ailleurs, je ne vois pas qu'est-ce que le ministre de l'Agriculture ferait dans ce projet de loi là. Ça m'aurait probablement frappé."

Sur l'opportunité et l'existence d'alternative à un projet de loi privé rétroactif, le ministre des Affaires municipales a indiqué, 735-1: "II semblait que la meilleure façon de régler l'ensemble du problème, c'était un projet de loi privé parce que de toute façon, comme les règlements

d'emprunt dont on parlait n'avaient pas été adoptés illégalement ou sans autorisation, on ne pouvait pas les légaliser rétroactivement. Enfin, probablement que le ministre aurait peut-être pu donner son autorisation rétroactive, mais c'est une chose que l'on ne fait jamais au ministère. Cela m'apparaissait, et les avis que j'avais de mes hauts fonctionnaires étaient que la meilleure façon de procéder, c'était comme cela, par une loi privée, et moi j'étais absolument d'accord aussi."

Quant à avoir été avisé d'un quelconque problème dans le cheminement du projet de loi 272, le ministre a indiqué ceci, 736-1: "Moi, je n'ai jamais été avisé qu'il y avait un problème de fonctionnement avec ce projet de loi là." Et quant à une communication d'une façon ou d'une autre du ministère de l'Agriculture entre le 27 octobre et le 19 décembre 86 concernant la loi 272, la réponse fut on ne peut plus claire: Jamais. Vous pouvez voir la réponse à la page 737-2.

Quant au projet de loi privé en matière municipale, le ministre a bien situé ce genre de projet. Depuis qu'il est ministre, soit en l'espace de deux sessions, le ministre a relaté avoir traité entre dix et quinze projets de loi privés dont la plupart visaient à corriger rétroactivement des choses.

Finalement, sur le non-respect des délais prévus au règlement, le ministre a indiqué, page 735-3: "Oui, mais vous savez qu'en matière de projet de loi privé, il y a beaucoup d'exceptions, et souvent les exceptions sont aussi importantes que la règle, en ce sens que très souvent, les municipalités sont en dehors des délais, mais obtiennent des deux partis en Chambre des dérogations, des consentements pour procéder malgré les retards."

Ainsi donc, d'une part, l'adoption du projet de loi privé à caractère rétroactif est loin d'être exeptionnelle en matière municipale et, d'autre part, jamais le ministre de l'Agriculture n'a avisé son collègue, le ministre responsable, de ses pseudo-réserves de principe.

Par ailleurs, l'expérience parlementaire du député de Portneuf contredit carrément ses prétentions à des réserves de principe sur des projets de loi privés à caractère rétroactif. En quatorze ans de carrière à l'Assemblée nationale, jamais il n'est intervenu à l'encontre d'un tel projet de loi. De fait, il n'est intervenu que sur cinq projets de loi privés, et de ces cinq projets de loi privés, deux seulement avaient des caractères rétroactifs, et sur ces deux projets, il était intervenu en faveur, bien sûr, parce qu'il les parrainait. Le premier de ces projets de loi, c'était le projet de loi 215, Loi concernant la municipalité de Notre-Dame-de-Montauban, de Saint-Ubalde et de la paroisse de Saint-Alban, projet présenté en 1976. Ce projet visait, entre autres, à valider la perception des taxes depuis 1902.

En 1981, le député de Portneuf parrainait le projet de loi privé 249, Loi concernant l'annexion de certains lots du cadastre de la paroisse de Saint-Raymond à la ville de Saint-Raymond. Ce projet visait à ratifier un règlement non conforme depuis 1964. Ainsi, pour le député de Portneuf et ministre de l'Agriculture, la rétroactivité des projets de loi privés est une chose très acceptable, sauf lorsqu'elle concerne les citoyens du comté de Lévis.

Bien que Me Lemay n'ait pas jugé à propos de mentionner dans son mémo ces réticences du ministre de l'Agriculture sur le fond même du projet de loi privé 272, il demeure que, dans son témoignage, il a fait référence à des réticences de M. Paqé. Cependant, ces réticences ne lui ont jamais semblé être le fondement du projet de loi 272 et il n'a pas vraiment tenté de le convaincre sur ce point malgré toute l'importance qu'il accordait au projet de loi privé 272.

Une voix: Saute à la page 42.

M. Chevrette: Je vais prendre 30 secondes.

Le ministre de l'Agriculture donnait lui-même une preuve éclatante du sérieux de ses propos quant à ses réticences à l'égard du projet de loi 272 dans son intervention qu'il prononçait, l'après-midi même du 19 décembre, soit quelques heures seulement après s'être informé des conséquences de la non-adoption du projet de loi et avoir refusé son consentement. Vous allez au Journal des débats du 19 décembre 1986, page 5891: "Malgré toutes les réserves, toutes les velléités que je peux avoir contre le député de Lévis, je ne ferai pas payer, nous ne ferons pas payer, comme députés, un prix énorme à la communauté de nos honorables concitoyens et concitoyennes, les gens de Charny, les gens de Saint-Romuald, les gen9 de Lévis, les gens de Saint-David, en fait, du comté de Lévis, on ne leur fera pas payer un prix exorbitant, un prix indu à cause de l'opposition menée par le député qui les représente à l'Assemblée nationale du Québec."

Voilà à peu près tout l'esprit de son témoignage, M. le Président, et de ses vrais motifs. Ces" paroles mêmes du ministre de l'Agriculture contredisent l'absence de conséquence à la non-adoption du projet de loi 272. Un tel changement d'attitude en quelques heures est tout à fait incompréhensible. Bien plus encore, les paroles du ministre contiennent même un aveu direct quant à ses véritables motifs du blocage du projet de loi 272. Relisons la dernière phrase: "on ne leur fera pas payer

un prix exorbitant, un prix indu - et lui-même utilise le mot "indu" - à cause de l'opposition menée par le député qui les représente à l'Assemblée nationale."

Le ministre reconnaît donc, d'une part, M. le Président, que sa décision du matin faisait en sorte de faire payer un prix indu, un prix exorbitant aux citoyens du comté de Lévis et, d'autre part, que ce prix indu, ce prix exorbitant, ils l'auraient payé en raison de l'opposition menée par le député de Lévis clairement à l'endroit du projet de loi 132 sur la protection du territoire agricole.

Le ministre qualifia lui-même ses paroles en terminant son allocution sans vraiment sans rendre compte: "Je termine en vous disant, M. le Président, que je donne mon consentement. C'est beaucoup plus sérieux, c'est beaucoup plus honnête, c'est beaucoup plus franc. La force se retrouve dans la dignité, la faiblesse dans la mesquinerie."

Qui donc était mesquin? Il faut noter que le ministre n'a pas seulement donné son consentement è la présentation du projet de loi 272, il a voté en faveur. Mais, où étaient donc passées ses réserves si fondamentales? La plus élémentaire logique aurait fait en sorte que, si vraiment il avait eu des réserves si sérieuses qu'il avait décidé de s'opposer au projet de loi, il aurait dû, au moins, voter contre. Déjà, le message est clair. Nul besoin de dire è M. Garon de changer son attitude quant au projet de loi 132, la chose est évidente: M. Pagé bloque le projet de loi 272 parce que Garon s'entête à ne pas donner son consentement au projet de loi 132. Il n'y a rien à faire quant au projet de loi 272 lui-même, là n'est pas le problème.

Mme Lecours et M. Garon témoignent très clairement que le but recherché et le déroulement des événements tendaient à faire changer d'idée M. Garon. Ce dernier témoigne à l'effet que Me Lemay lui a demandé s'il y tenait tant que ça à 132 et Me Lemay, même, de proposer une rencontre entre MM» Garon, Carrier, Pagé et lui-même. La réponse de M. Garon fut on ne peut plus claire: Il n'avait jamais négocié ses votes et, comme la rencontre n'avait pour seul but que de discuter de son vote sur 132, cette rencontre était inutile car il ne commencerait pas à négocier ses votes.

M. Lemay, quant à lui, nie avoir suggéré quoi que ce soit qui aurait eu pour effet d'influencer l'attitude de M. Garon quant au projet de loi 132. Il indique qu'il a proposé à M. Garon de se rendre au parlement pour se promener de bureau en bureau et pour trouver une solution à l'impasse et je vous réfère à la page 266, page 3, où c'est clair, un texte qui commence comme suit: "Bien, c'était dans le but, comme j'en ai parlé dans le cas de Sorel, etc...".

(11 h 30)

Me Lemay témoigne de sa volonté de se libérer de l'étau dans lequel on l'a enfermé. Il réalise très bien la pression qui lui est faite â lui comme aux représentants de la Commission intermunicipale de transport de la rive sud de Québec. Mais, quel est le moyen de s'en sortir? Est-il possible de faire changer d'idée les membres du comité ou du caucus ou le ministre de l'Agriculture pour les amener à renoncer au lien établi entre le projet de loi 272 et 132? Est-il possible d'éliminer la "game" politique, l'échange de consentement qu'a imposé le ministre de l'Agriculture? Me Lemay donne lui-même la réponse à plusieurs endroits de son témoignage.

À la page 245-1: "Je me suis dit: S'ils ont pris leur décision, là que voulez-vous que je fasse? Quand bien même que je parlerais à M. Pagé pendant deux ou trois jours, je vais parler à mon parrain." 241-3: "Donc, la décision est prise. Il n'est pas question de dire si ou conditionnel, il m'informe qu'il y a une décision qui est prise." 258-1. À une question de votre humble serviteur: "Est-ce que la décision de ce comité semblait ferme, arrêtée, définitive?", Me Lemay répond: "Arrêtée, définitive. C'est pas une décision qui semblait conditionnelle."

Et, à la page 258-1: "Non, II m'a dit: Nous ne consentons pas. Il n'y a pas de c'est possible que. Nous ne consentons pas à la présentation de votre loi, vu la question. L'Opposition avait donné son consentement et bon, M. Garon ne voulait pas le donner. Ce que j'ai expliqué ce matin. Mais ce n'était pas un conditionnel. Il n'était pas question de dire: Si je change d'idée, on change l'information que j'ai eue, c'est que la décision était prise que notre loi ne passait pas."

Je vais sauter quelques paragraphes pour permettre à mes collègues d'y aller. La véritable explication, est-ce que ce qui était ferme, arrêté et définitif, c'était la décision de lier le projet de loi 272 au consentement du député de Lévis sur le projet de loi 132? Ce qui est ferme, c'était la décision du ministre de l'Agriculture de bloquer 272 en raison de l'attitude du député de Lévis sur le projet de loi 132. L'attitude même de Me Lemay confirme d'ailleurs que c'est ce qu'il a compris. II comprend qu'il y a des démarches à faire, mais il comprend également que les démarches, il doit les faire du côté du député de Lévis. Il n'essaie en aucun temps de convaincre le ministre de l'Agriculture ni même de s'informer de qui est composé le pseudo-comité. Sa perception des enjeux apparaît également clairement des différentes versions de son mémo.

Première version, celle où il met sur papier, de façon spontanée, les relations, la relation des événements le jour même où ils

se sont produits; relate ainsi l'information qu'il transmet à Mme Lecours. "J'ai alors communiqué avec le bureau de M. Garon. J'ai discuté avec la secrétaire de ce dernier, Mme Louise Lecours. Je l'ai informée que j'avais reçu un appel de M. Pagé m'informant que le gouvernement ne donnerait pas son consentement à la présentation de notre projet de loi, tant que l'Opposition ne donnerait pas le consentement au projet de loi sur le zonage agricole."

Ce n'est qu'à son retour de vacances, M. le Président, postérieurement au 5 janvier, qu'il apporte une correction qui, selon lui, est purement cléricale pour remplacer le mot "tant que" par "parce que". Même si les mots "parce que" ne changent pas grand-chose au fait que des pressions aient été exercées, le changement traduit bien l'état d'esprit de Me Lemay. Il veut se protéger et, par la même occasion, protéger le ministre de l'Agriculture et, encore plus, dans les différentes versions de ce mémo à l'exception de la toute dernière rédigée après le 15 janvier, Me Lemay dit: "Dans la conversation que j'ai eue avec Mme Lecours, il me semble que le mot "chantage" a été utilisé. Je ne me souviens pas si c'est par moi ou par elle, mais je me souviens très bien de l'avoir précisé, que c'était toujours le même problème en fin de session lorsqu'il fallait obtenir le consentement unanime de la Chambre, il y avait des négociations par des, pour des échanges."

Dans la dernière version du 15 janvier, le mot "chantage" ne peut avoir été utilisé que par Mme Lecours. Encore une fois, une erreur cléricale. C'est plus qu'une erreur, M. le Président. C'est le sens complet de la phrase qui est modifié. Me Lemay ne peut pas en avoir été conscient... il ne peut pas ne pas en avoir été conscient. Mais, dans son propre témoignage, la perception de Me Lemay quant à des pressions est évidente parlant du fait que M. Carrier avait parlé de pressions dans son témoignage, et il dit: "C'est une question, vous vous demandez: Est-ce que le messager vous a fait des pressions? Le messager ne m'a pas fait de pressions. Est-ce que le message avait pour effet que vous deviez faire quelque chose? Oui, parce que j'ai fait de quoi."

Comme M. Pagé lui-même a témoigné à l'effet qu'il y avait... qu'il n'y avait jamais eu de comité ou que le message venait de lui personnellement, la réponse de Me Lemay est claire. D'une part, et M. Carrier et M. Lessard ont perçu les événements comme ayant pour effet d'exercer des pressions sur M. Garon. Il est déjà très curieux de voir les réticences et les refus de M. Carrier à parler à M. Garon le matin du 19. Pourquoi ces réticences si ce n'est que pour l'informer d'une situation? M. Carrier avait déjà communiqué avec M. Garon dans ce dossier. II l'avait même rencontré. II a témoigné que, dans d'autres dossiers, au besoin il l'appelle. Qu'y a-t-il donc de si spécial ce matin du 19 décembre pour qu'il refuse de l'appeler sous prétexte qu'il n'est pas assez familier avec M. Garon? La réponse transparaît dans son témoignage, M. le Président. À une question du député de Taillon, à savoir pourquoi son projet de loi pouvait être refusé, il répond, 159-3: "À cause de la pression qui nous a été faite. Enfin, j'ai répété la discussion que j'ai eue avec Me Lemay."

Un peu plus loin dans son témoignage, il revient avec la notion de pression, 178 -2. M. Rochefort lui pose la question suivante: "Est-ce qu'il y avait d'autres avenues pour vous qui s'offraient ce matin-là ou que c'était vraiment la meilleure avenue que d'appeler immédiatement M. Lessard pour lui demander d'intervenir auprès de M. Garon?" M. Carrier répond: "Pour moi, c'était la meilleure avenue parce que après ça, on a fait... moi j'ai fait aucune pression suite à ça."

M. Carrier va même jusqu'à utiliser l'expression "marchandage" qu'il tentera par la suite de modifier pour "négociation", 154-2: "Bien, je lui ai expliqué exactement la question de possibilité à la fin de session, de marchandage, ce n'est peut-être pas le bon mot que j'emploie, mais en tout cas, c'est le terme qui me vient à l'esprit."

M. Carrier, tout au long de son témoignage, décrit toujours la demande faite à M. Lessard d'appeler M. Garon comme une demande d'intervenir auprès de M. Garon. Pour M. Lessard, la demande qu'on lui faisait était on ne peut plus claire. "Cela ne m'a pas surpris plus que ça, dans la mesure où, moi, personnellement, il n'était pas question qu'on intervienne. Ceux qui connaissent M. Garon savent que ce n'est pas le genre de personne qu'on influence. D'ailleurs, ça m'étonne un petit peu que M. Carrier m'ait prêté la capacité d'influencer notre député."

Et à la page R-2223: "Mais moi - et c'est toujours M. Lessard qui parle - mais moi, ce que j'en connais de M. Garon, ce n'est pas une personne qui se laisse influencer facilement, qui a ses idées, qui les défend, puis je me disais, moi-même: Si le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation essaie de l'influencer, je ne le sais pas, à ce moment-là, c'est pas ça qui peut changer quoi que ce soit, je pensais. Alors, à ce moment-là, c'est pour ça, moi, j'ai trouvé cette démarche-là, de ma part, que moi, j'intervienne auprès de M. Garon, je suis convaincu que ça n'aurait rien donné, puis, deuxièmement, je trouvais que ce n'était pas mon rôle de le faire, d'abord, comme fonctionnaire, puis, deuxièmement, eh bien, comme je trouve qu'on n'a pas d'affaire, c'est pas à nous à régler les problèmes qui peuvent se poser par les élus à l'Assemblée nationale."

Une voix: En conclusion tout de suite, page 52.

M. Chevrette: Quant au ministre, cette question, il tente de démontrer qu'il ne peut y avoir de pression, parce que, pour lui, il avait fait son deuil du projet de loi 132 quelques jours avant le 19.

Je vais sauter à la conclusion, M. le Président, puisque mon temps est pratiquement écoulé, puis je veux laisser la chance à mes collègues de parler.

La conclusion à tirer de tous ces témoignages est évidente. L'analyse des témoignages, la simple logique et le gros bon sens amènent à conclure que le député de Portneuf et ministre de l'Agriculture a bel et bien tenté d'influencer le vote. L'attitude, l'action et l'opinion du député de Lévis concernant le projet de loi 132 sur la protection du territoire agricole en mettant en branle un processus de pression qui se traduisait par la menace d'une sévère pénalité à l'encontre des citoyens du comté de Lévis. Un député ne peut rester insensible au sort des citoyens de son comté. Le député de Lévis se retrouvait dans une situation intenable. L'on mettait directement en cause les intérêts des citoyens de son comté pour l'amener à consentir à un projet de loi public qu'en toute conscience il considérait inadéquat, inapproprié et ne reflétant pas les objectifs que le ministre disait même vouloir viser.

La situation a été très bien comprise par toutes les personnes qui furent impliquées dans cette affaire. Mme Lecours a rendu son témoignage clair, précis et sans équivoque. La pièce D-3 qui est en fait le message qu'elle a transmis au député de Lévis à l'Assemblée nationale résume à elle seule tous les éléments de cette affaire dans une simplicité qu'apprécie la vérité: "M. Lemay vient tout juste de recevoir un appel téléphonique de M. Pagé qui disait ceci: Si M. Garon continue de s'entêter à bloquer le projet de loi 132, il (M. Pagé) - entre parenthèses - s'engage à bloquer le projet de loi privé de la CITRSQ. M. Lemay demande de le rappeler d'urgence."

M. Garon, lui, a aussi rendu un témoignage clair, précis et dénué de toute hésitation. 11 a corroboré les éléments que Me Lemay avait transmis à Mme Lecours et qu'il a répétés à M. Garon. Il a également témoigné à l'effet qu'on lui demandait s'il tenait vraiment à son objection au projet de loi 132. On lui a proposé une rencontre avec Me Lemay, M. Carrier et le ministre de l'Agriculture dont le seul but ne pouvait être que la négociation de son attitude sur le projet de loi 132, rencontre qu'il a refusée, comme il a refusé de se prêter à toutes les pressions indues.

M. le Président, les gestes qu'il a posés le 19 décembre au matin, les déclarations qu'il a faites le 19 décembre par la suite s'inscrivent tout à fait dans la ligne des événements du 19 décembre. Il a pris toutes les mesures pour s'assurer du contenu véritable de la pression que l'on tentait d'exercer sur lui, de même que de la provenance de cette pression. Sur ce dernier point, l'on a tenté de lui reprocher de ne pas avoir vérifié auprès du ministre de l'Agriculture. Cette vérification était inutile. Il est évident et certain que l'avocat Lemay ne pouvait avoir inventé un tel scénario. Il n'avait aucun intérêt en matière de zonage agricole. Son seul intérêt était similaire à celui du député de Lévis, c'est-à-dire de voir le projet de loi 272 adopté.

MM. Carrier et Lessard ont, eux aussi, confirmé le témoignage de Mme Lecours et de M. Garon. Tous les deux ont souligné le lien non équivoque entre le bloquage de la loi 272 en raison de l'attitude du député de Lévis de ne pas consentir au projet de loi sur la protection du territoire agricole.

Quant au véritable but recherché par ce blocage, M. Carrier a spontanément parlé de pressions et M. Lessard a aussi spontanément parlé d'influencer le député de Lévis. Tous les deux ont manifesté un refus de communiquer avec M. Garon. Ce refus et cette crainte ne peuvent se comprendre que parce que tous les deux comprenaient très bien le contexte des événements, A la limite, il n'était pas nécessaire d'expliquer l'évidence.

Quant à Me Lemay, il a bien sûr confirmé les éléments essentiels de l'affaire, soit l'appel du ministre, le lien entre l'adoption du projet de loi 272 et 132. On ne peut faire autrement que de souligner qu'il a rendu un témoignage qui a été contredit à maintes reprises sur les éléments non essentiels et souvent même par le député de Lévis et le ministre de l'Agriculture. Son témoignage est truffé de contradictions, d'incohérences, d'illogismes et de réserves mentales.

Comment expliquer cette référence à un comité et à un caucus niée par tous les autres témoins? Comment expliquer cette référence à un pseudo-engagement du chef de l'Opposition non relevée par le député de Lévis et niée par le ministre de l'Agriculture? Comment expliquer qu'il ne cherche aucunement à convaincre le ministre de l'Agriculture de ne pas bloquer le projet de loi 272 et de ne pas lui expliquer le bien-fondé de cette loi? Comment expliquer qu'il ne s'informe aucunement de la composition du comité qu'il aurait décidé de... qui aurait décidé de bloquer son projet de loi après que la commission parlementaire l'eût adopté à l'unanimité la veille au soir avec la participation de deux ministres concernés? Comment expliquer qu'il n'a jamais réalisé que l'intérêt du ministre de l'Agriculture n'était pas la courtoisie à son égard mais

bien le sort d'une loi sur la protection du territoire agricole? Comment expliquer qu'il voulait se transporter au parlement pour se promener de bureau en bureau alors qu'il indique que la décision de bloquer le projet de loi 272 était ferme, définitive et arrêtée à un tel point qu'il n'essaie même pas de convaincre celui qui l'en informe et le seul gars qui le connaît au Parlement?

Pourquoi ne pas lui demander d'intervenir auprès du comité? Comment expliquer qu'il parle constamment d'échange de projets de loi, de négociation, de "deal", de "game" politique, de projet de loi en balance sur des échanges de consentement et de précédent dans le cas de Sorel, alors que d'un autre côté il donne à penser que la décision du ministre est tellement ferme que même si 132 était adopté, 272 resterait bloqué? Comment expliquer qu'il demande au député de Lévis de ne pas parler de ça en Chambre autrement que par le fait d'être conscient du caractère indû de ses démarches? Comment expliquer qu'il sent le besoin de corriger son aide-mémoire à cinq reprises jusqu'au 15 janvier? Comment expliquer qu'il considère mineure une modification à son aide-mémoire par laquelle il substitue "tant que l'Opposition ne donnerait pas son consentement" pour le projet de loi sur le zonage agricole par les mots "parce que l'Opposition ne donnerait pas son consentement"? Comment expliquer que dans les quatre premières versions de son mémoire il indique que le mot "chantage" aurait été prononcé par lui ou par Mme Lecours alors que dans la dernière version c'est seulement Mme Lecours qui l'aurait prononcé"? Comment expliquer que dans les mêmes versions où il indique avoir pu prononcer le terme "chantage" il indique, deux paragraphes plus avant, n'avoir en aucun moment interprété la conversation avec M. Pagé comme étant des menaces pour forcer le député de Lévis à consentir au projet de loi sur le zonage agricole? Comment expliquer que Me Lemay a donné trois versions différentes de la façon dont il a appris qu'une question de privilège avait été soulevée en Chambre par le député de Lévis?

Tous ces éléments et bien d'autres, M. le Président, témoignent d'une naïveté et d'un manque de rigueur exceptionnels ou encore d'une partialité évidente en faveur du ministre, bien que les éléments essentiels de l'affaire aient été reconnus par Me Lemay et que le ministre l'ait clairement contredit sur les motifs de bloquer 272. Il est facile de comprendre que Me Lemay, devant les conséquences de son appel, ait senti le besoin de se protéger et de protéger également le ministre de l'Agriculture. Malheureusement pour lui, il est très difficile de demeurer cohérent ailleurs que dans la vérité.

Malheureusement aussi, le ministre de l'Agriculture ne pouvait pas souscrire à plusieurs éléments de son témoignage sans nécessairement amener l'audition d'autres témoins: comité, engagement du chef de l'Opposition. Quant au ministre de l'Agriculture, sa version, lui, des événements n'est pas crédible. Il a donné en fait deux explications pour démontrer qu'il n'a jamais songé à des pressions, une première à l'effet que son blocage du projet de loi 272 était dû à des réticences sur le projet de loi lui-même. Ce motif est contredit par son attitude au projet de loi privé depuis quatorze ans, qu'il est réputé, par le cheminement sans heurts du projet, sans jamais qu'il ne fasse connaître aux intéressés ses réticences et par le fait aussi qu'il n'a jamais indiqué d'éléments précis et particuliers à 272 autres que le besoin d'études supplémentaires.

Quant au fait qu'il avait fait son deuil de 132, ce serait bien la première fois qu'un ministre et un parlementaire de si longue expérience aurait démontré un tel manque de ténacité. Le témoignaqe de deux de ses collègues est venu confirmer le côté farfelu de ses explications. Le ministre des Transports a témoigné à l'effet qu'après la commission parlementaire il n'avait pas de motifs de croire que le projet de loi privé 272 ne serait pas adopté. Et, de son côté, le ministre des Affaires municipales, premier responsable de ce projet de loi du côté gouvernemental, a indiqué qu'il n'avait jamais eu connaissance des réticences du ministre de l'Agriculture et que, de toute façon, il ne voyait même pas ce qu'il serait venu faire dans ce projet. II est facile de retracer le fil véritable des événements. Le ministre de l'Agriculture, parce que, d'une part, le leader du gouvernement n'avait pas appelé en temps voulu le projet de loi ]32 et que, d'autre part, te député de Lévis utilisait les moyens parlementaires à sa disposition pour faire valoir son opposition au projet de loi 132, a développé une frustration profonde à l'égard du député de Lévis. (11 h 45)

II était au courant que le député de Lévis avait présenté un projet de loi privé d'importance concernant les intérêts de quelque 75 000 personnes de son comté et permettant une subvention d'importance pour la Corporation intermunicipale de transport de la rive sud de Québec. Cherchant un moyen de s'assurer de l'adoption de son propre projet de loi, il en est arrivé le 18 décembre, à la dernière journée de session, à la conclusion que le meilleur moyen était de mettre en oeuvre un mécanisme ayant pour effet d'indiquer au député de Lévis que le projet de loi 272 concernant les intérêts particuliers à son comté ne serait pas adopté à moins que le député de Lévis ne donne pas son consentement à la présentation du projet de loi modifiant la Loi sur la protection du

territoire agricole.

Il était difficile pour lui de faire directement pression sur le député de Lévis. Cependant, comme il connaissait l'avocat au dossier, il a choisi de l'appeler et de lui faire bien comprendre que son projet de loi était bloqué, pourquoi il était bloqué et quelle était la seule avenue pour le débloquer. Me Lemay a très bien compris le sens du message. Tous les gestes qu'il a posés par la suite le démontrent très bien. II s'agissait donc pour le ministre de finalement prendre en otage la Corporation intermunicipale de transport de la rive sud de Québec et tous les citoyens qu'elle dessert pour obtenir du député de Lévis qu'il consente à la présentation du projet de loi qu'il considérait inapproprié. Voilà la seule conclusion logique qui a été établie par les témoignages entendus.

Une telle mécanique, un tel système démontrent une attitude inacceptable dans un Parlement. Les gestes posés par le ministre de l'Agriculture sont indignes d'un député et encore plus d'un ministre. Ils déshonorent nos institutions et le rôle premier des députés. Le député de Lévis devant une telle situation n'avait d'autre choix que de dénoncer de telles pratiques. Il était important de sauvegarder l'indépendance et le privilège de la libre expression non seulement pour lui-même, mais également pour tous les députés. Il serait inacceptable que les lois du Québec soient dorénavant votées et adoptées en dehors du cadre des pratiques parlementaires reconnues et acceptées, mais plutôt en raison de pressions exercées sur les députés qui, de bonne foi et en toute conscience, s'y opposent en respectant les règles du parlementarisme. Ne nous trompons pas, ce qui est en jeu aujourd'hui c'est cela même.

Quant aux faits allégués par le député de Lévis, nous sommes donc convaincus qu'ils ont été établis et prouvés. Il a bel et bien eu pression indue du ministre de l'Agriculture pour tenter d'influencer le député de Lévis quant à son action, son vote et son attitude à l'égard du projet de loi. M. le Président, je déposerai en Chambre de la jurisprudence d'autres Parlements ou de faits similaires et de la jurisprudence extraite des sommités en droit parlementaire pour prouver ces avancés...

Le Président (M. Lorrain): À l'étape du débat.

M. Chevrette: ...à l'étape du débat.

Le Président (M. Lorrain): Alors, je remercie beaucoup le leader de l'Opposition de sa plaidoirie. Maintenant, je vais reconnaître un autre membre de la formation de l'Opposition, toujours à l'étape de l'argumentation. M. le député de Gouin.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Oui, merci, M. le Président. M. le Président, quelques minutes pour ajouter à la démonstration très claire, très complète faite par le député de Joliette, quant aux pressions réelles effectives exercées par le député de Portneuf, ministre de l'Agriculture, sur le député de Lévis.

M. le Président, nous avons assisté longuement, patiemment, intensément è plus de quatre semaines d'enquête, d'interrogatoires et de contre-interrogatoires, de plus d'une dizaine de témoins et qui m'amènent moi, personnellement, à conclure qu'effectivement le ministre de l'Agriculture et député de Portneuf a posé des gestes qui avaient pour objectif et qui ont eu clairement, personne ne peut en douter, pour effet d'enclencher un processus qui visait à mettre des pressions, à exercer des pressions indues au sens des termes mêmes de notre règlement, de notre loi de l'Assemblée nationale sur le député de Lévis afin qu'il laisse passer un projet de loi que le ministre de l'Agriculture nous a décrit comme étant sa première priorité législative pour la session qui nous occupe, c'est-à-dire le projet de loi 132.

M. le Président, le ministre de l'Agriculture siège ici à l'Assemblée nationale depuis déjà 1973, quatorze ans. Il a été député de la majorité ministérielle, whip en chef de l'Opposition officielle, ministre de l'Agriculture depuis que son parti est au gouvernement. C'est un homme expérimenté. Un homme qui connaît bien toutes les règles parlementaires, tout le fonctionnement de l'Assemblée nationale, ce qui est écrit comme ce qui n'e3t pas écrit dans nos règles, dans nos habitudes, dans nos façons de fonctionner. S'il a choisi d'intervenir le vendredi matin, 19 décembre, pour informer, pour aviser le procureur de la CITRSQ qu'il bloquait le projet de loi 272, parce que le député de Lévis qui était parrain du projet de loi 272, et qui était le député des électeurs concernés par le projet de loi 272, bloquait le projet de loi 132, c'est parce qu'il savait très bien, compte tenu qu'on était justement à la dernière journée de session, que c'était le meilleur de tous les moments imaginables pour enclencher un processus de pression sur le député de Lévis afin qu'il laisse finalement passer le projet de loi 132. Si le député de Portneuf était sincère et disait la vérité, lorsqu'il vient nous dire: J'ai fait ça à ce moment-là parce que j'avais deux minutes devant moi, et que de toute façon je ne voulais pas que Me Lemay m'achale après, pendant le temps des fêtes, et s'il avait voulu justement être un homme rigoureux, être un homme qui d'aucune façon n'enclenche un processus de pressions indues, il aurait fait ce coup de

téléphone après l'ajournement de la session, le vendredi soir, pour justement éviter que tout le monde comprenne que son objectif était de faire des pressions et d'exercer des pressions indues sur le député de Lévis.

M. le Président, c'est tellement clair dans l'esprit de tout le monde, que tout le monde a effectivement compris que ce que M. Pagé faisait, c'était de mettre des pressions sur le député de Lévis au moment crucial, au moment crucial de l'évolution législative des deux projets de loi. C'est ce que Mme Lecours, à qui Me Lemay a rapporté sa conversation avec Me Pagé, a retenu de sa conversation. C'est ce que M. Garon, à qui Me Lemay a rapporté la conversation avec M. Pagé, a compris de la conversation. C'est ce que M. Blouin a compris de la conversation. C'est ce que Me Lemay lui-même est venu nous rapporter dans quatre versions de son mémo. Et ce n'est que le 15 janvier que tout à coup, pour une raison qu'on peut comprendre, qu'il a changé sa version, dans quatre versions, y compris celle qu'il a rédigée après. Je répète, y compris la version qu'il a rédigée après avoir parlé à tout ce monde-là au cours de la journée, qu'il a bien inscrit et qu'il rapportait bien la journée même ce qu'il avait compris de sa conversation téléphonique du matin et rapporté tout au cours de la journée que M. Pagé disait: Tant que M. Garon va bloquer le projet de loi 132, je bloquerai, moi, M. Pagé, le projet de loi 272.

M. le Président, ce n'est pas pour rien que M. Carrier, président de la commission intermunicipale de transport, a compris qu'il s'agissait là de pressions politiques du député de Portneuf. Ce n'est pas pour rien que le vice-président de la commission intermunicipale de transport, M. Lessard, a conclu que le téléphone de M. Pagé à Me Lemay avait pour but d'influencer le député de Lévis dans son comportement, eu égard au projet de loi 132. Et ce n'est pas pour rien, M. le Président, qu'on a connu tout le processus qu'a enclenché ce téléphone de M. Pagé à Me Lemay, et je le rappelle, au moment opportun. Quelqu'un qui voulait faire des pressions n'aurait jamais choisi un meilleur moment et un moment différent de celui du vendredi matin, 9 h 30, dernière journée de la session parlementaire, à un point tel que Me Lemay a voulu offrir ses services pour venir se promener au parlement faire des pressions, que Me Lemay a dit à M. Garon: Écoutez, chicanez-vous sur d'autres lois que notre loi, nous autres, on en a besoin. Si vous voulez faire des batailles politiques entre les deux formations politiques, prenez une autre loi que la 272, parce que la 272, nous autres, on en a besoin.

M. le Président, il est clair, net et précis que le député de Portneuf, avec son habileté parlementaire bien connue, avec sa connaissance de nos règles de fonctionnement, écrites et non écrites, a choisi le meilleur moment qu'il pouvait imaginer, après quatorze années d'expérience parlementaire, pour créer une pression indue contrevenant directement à notre règlement, sur le député de Lévis, pour tenter ultime-ment de faire adopter ce que je répète le député de Portneuf nous a décrit comme étant sa première priorité législative qui était le projet de loi 132, en utilisant les intérêts économiques, financiers et fiscaux des citoyens et citoyennes de la rive sud de Québec, concernés par le service de transport en commun de la Commission intermunicipale de transport de la rive sud de Québec. Il a utilisé une pression, la pire qu'on puisse exercer sur un député, prendre en otage toute une population de 50, 60 à 100 000 habitants pour faire en sorte que, au nom des intérêts de ces citoyens, le député parrain et' représentant à l'Assemblée nationale de ses électeurs laisse tomber une objection qu'il avait sur un projet de loi pour que ces citoyens puissent être respectés et que leurs intérêts soient pris en cause dans le Parlement. Et, M. le Président, une telle attitude est contraire à la loi, contraire à notre règlement, contraire au sens démocratique de nos institutions politiques et ne peut être laissée passer sous silence, et quant à moi, mérite d'être profondément blâmée par l'Assemblée nationale du Québec.

Le Président (M. Lorrain): Je remercie M. le député de Gouin. Votre intervention, M. le député de Gouin, met fin à l'enveloppe de temps qui avait été entendu entre les deux formations politiques, quant à l'argumentation présentée par les membres de cette commission.

Je vais maintenant reconnaître, toujours à l'étape des plaidoiries et de l'argumentation M. le député de Louis-Hébert. M. le député de Sainte-Anne, je vous reconnais la parole.

Une voix: C'est toi là avant? Une voix: C'est moi.

M. Lefebvre: Excusez, M. le Président, on commence avec Me... M. le député de Louis-Hébert, je m'excuse.

Le Président (M. Lorrain): Alors, plutôt, M. le député de Louis-Hébert. Alors M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Oui, merci, M. le Président.

M. le Président, depuis de nombreuses semaines, cette commission s'est réunie pour examiner s'il y a des fondements, s'il y avait

des fondements à une accusation extrêmement grave qui a été portée au mois de décembre dernier par le député de Lévis. Cette accusation nous affecte tous comme parlementaires, M. le Président, dans ce sens qu'elle jette, si elle était fondée, un discrédit sur l'ensemble des parlementaires. En même temps, elle risque de jeter un profond discrédit aussi sur les parlementaires, s'il est établi, comme d'après moi ça l'a déjà été de façon très claire, que l'accusation n'est pas fondée. 11 faut bien réaliser, M. le Président, que la procédure que nous avons vécue ces dernières semaines est une procédure totalement inhabituelle pour des raisons bien simples. Il y a des règles du jeu, il y a des règles d'éthique qui font que les parlementaires se respectent les uns les autres et ne lancent pas à la volée des accusations qui risquent de ternir des réputations individuelles et en même temps des réputations collectives. Et c'est dans ce sens-là que notre règlement y pourvoit et fait en sorte que, quelque accusation que ce soit portée contre un collègue parlementaire, impose à l'accusateur un fardeau dont il doit se libérer d'une façon claire, précise, au-delà de tout doute, sinon l'accusation se retourne contre lui. II est bien qu'il en soit ainsi de façon, M. le Président, et l'expérience que nous venons de vivre en est la meilleure preuve, d'éviter des situations semblables à celle qui a été la nôtre depuis quelques semaines, suite aux événements du 18 et du 19 décembre.

Il est donc important, M. le Président, que les parlementaires qui ont à examiner la conduite d'un collègue le fassent avec tous les éléments, le fassent par des témoins qui sont assermentés, des témoins qui viennent nous raconter ce qu'ils ont dit, ce qu'ils ont fait, ce qu'ils ont entendu; ils le font sous serment, ils le font avec l'obligation stricte de dire la vérité.

M. Président, pour bien comprendre ce qui s'est passé les 18 et 19 décembre, il faut se reporter dans le temps et reculer en arrière. C'était la fin de la session qui avait commencé au mois d'octobre. Le PQ, le parti d'Opposition, avait connu toute sorte d'avatars, avait connu toute sorte de difficultés. La session se terminait et le gouvernement sortait avec des projets de loi de valeur, sortait grandi de l'expérience avec des propositions concrètes. L'Opposition avait tiré en dehors de la cible pendant tous les mois, toutes les semaines qui avaient précédé, risquait de s'en aller dans les limbes pour une couple de mois et ça prenait un coup d'éclat, M. le Président. (12 heures)

Les journalistes qui sont de fins observateurs n'ont pas manqué de relever cette situation-là. Le journaliste, dernièrement, Gilbert Brunet, affirmait que, dans un article publié dans La Presse du 11 avril, et le titre était "L'Opposition péquiste cafouille entre la certitude et le malaise."Et il entamait son article de la façon suivante: "Un malaise persistant défraie les conversations dans les milieux politiques québécois depuis plus d'un an. Collectivement, les députés péquistes ratent souvent leur cible, arrivent en retard avec leurs questions ou manquent généralement de mordant."

Cette situation-là, M. le Président, était vécue à l'Assemblée nationale les 18 et 19 décembre. L'Opposition cherchait désespérément un moyen de pouvoir quitter le parlement autrement qu'avec peu de choses, finalement, dans sa besace. Et en même temps, nous avons l'acteur principal de ce pseudo-drame, qui est le député de Lévis, un député qui, pour employer un euphémisme, M. le Président, n'est pas toujours au même diapason que ses collègues sur un certain nombre de points, un député qui fait bande à part très souvent et qui, en même temps, a le tour - les journalistes l'ont souligné - a le tour d'embrigader les autres dans ses propres batailles, qu'elles soient idéologiques ou autrement. C'est un homme qui sait utiliser les autres et qui, en même temps, cherche à avoir la lumière des réflecteurs sur lui le plus souvent possible, et de façon la plus brillante possible.

À ce moment-là, M. le Président, le pseudo-drame se noue. Il faut inventer, il faut trouver quelque chose. Le premier prétexte sera bon, M. le Président, il devra avoir l'effet d'une bombe, il devra avoir l'effet d'un feu d'artifice. Il devra pouvoir mettre en lumière le député de Lévis. Il devra, en même temps, si c'est possible, dans cette espèce de machination, pouvoir neutraliser d'autres personnes dans ce qui suivra les dénonciations qui s'en viennent.

Comble de l'ironie, M. le Président, les choses s'enclenchent de cette façon, les collègues du député de Lévis sont embrigadés, à commencer par le leader de l'Opposition qui n'y voit que du feu, qui embarque, qui se laisse embarquer dans cette espèce de, ce que j'appellerais un pseudodrame, et on en arrive à mobiliser les énergies de, tout d'abord, un certain nombre de collègues - on l'a vécu depuis cinq semaines - un certain nombre de collègues du député de Lévis qui se votent confier, ou qui se voient imposer la tâche de prouver des accusations qui sont totalement farfelues, et la preuve l'a démontré amplement, M. le Président.

Les députés - et je les plains - les députés de l'Opposition, M. le Président, font le jeu du député de Lévis qui, lui, joue au martyr, joue au député à qui on veut imposer de3 pressions indues, joue à la personne qui n'a rien à se reprocher et qui est une pauvre victime persécutée. Une

véritable farce, M. le Président, une véritable farce! Le député de Lévis - et c'est de commune renommée - le député de Lévis a une réputation de mauvais coucheur. Il ne s'entend pas facilement, il va sans dire, avec ses propres collègues. C'est dans les journaux régulièrement, je n'aurai pas à insister là-dessus, M. le Président, c'est connu, c'est su, c'est au vu et au su de tout le monde. Il ne faut pas se surprendre, M. le Président, qu'il connaisse quelques petites difficultés avec les ministériels. Et il faut pas se surprendre que les ministériels, parfois, en aient ras le bol des agissements, tout comme les collègues du député de Lévis, à l'intérieur de leur propre parti, en aient ras le bol des agissements intempestifs du député de Lévis. Le député de Lévis s'amuse régulièrement, pour des raisons qu'il peut justifier, mais il est le seul député à avoir un tel "pedigree" à son crédit, à bloquer projets de loi par-dessus projets de loi.

À titre d'exemple, je vous dirai que le député de Lévis, au mois de décembre 1986, a bloqué à lui seul par toutes sortes de manoeuvres - et je vous dirai où ça s'est situé - pas moins de dix projets de loi. Il en a bloqué quatre du ministre des Finances; il a bloqué au niveau de l'adoption du principe le projet de loi 57, Loi modifiant la Loi sur la Société Makivik; il a bloqué, du ministre des Finances, M. Gérard D. Levesque, le projet de loi 128, Loi modifiant la Loi sur le Bureau de la statistique - allez voir pourquoi, il faudrait fouiller, mais il a bloqué ça; il a bloqué le projet de loi 129, Loi modifiant la Loi sur l'administration financière, au niveau du principe; il a bloqué le projet de loi aussi 130, Loi concernant les dépenses effectuées et non comptabilisées au 31 mars 1986. Simplement pour le ministre des Finances au niveau de l'adoption de principe... le député de Lévis.

Il a bloqué aussi deux projets de loi du ministre délégué aux Finances et à la Privatisation, M. Pierre Fortier. II a bloqué, entre autres, au niveau de la considération du rapport, le projet de loi 122, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant la mention du district judiciaire de Laval, de Longueuil, dans les statuts de certaines corporations - il faut le faire! - le projet de loi 143, Loi modifiant la Loi sur les compagnies. Ça, c'est pour le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

Il ne s'en est pas tenu là, il a bloqué quatre autres projets de loi qui étaient des projets de loi parrainés par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Michel Pagé. Au niveau du principe, il a bloqué le projet de loi 133, Loi modifiant la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés, il a bloqué la loi 134, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments, il a bloqué le projet de loi 146, Loi modifiant la

Loi sur les grains et la mise en marché des produits agricoles. Il a bloqué finalement, au niveau de la prise en considération du rapport, le projet de loi 86, Loi abrogeant la Loi sur la Société du parc des expositions agro-alimentaires.

Si c'est pas un record, M. le Président, c'est pas loin.

Une voix: Une bonne moyenne.

M. Doyon: C'est une excellente moyenne! Et, le député de Lévis s'est de cette façon acquis une réputation de personne avec laquelle il y a peu ou pas de gens qui peuvent s'entendre.

Le député de Portneuf, ministre de l'Agriculture, sait, bien sûr, ces choses-là. Il est à l'Assemblée nationale depuis 1973. Il connaît le député de Lévis depuis de nombreuses années, a vécu plusieurs sessions parlementaires en sa compagnie et sait que le député de Lévis ne fait pas de quartier, ne se laisse pas convaincre par des arguments rationnels, raisonnables, logiques. Il se fait une idée et, après ça, il est déterminé ad unum, il s'en va comme un robot et il y a rien à faire. Le député de Portneuf doit donc vivre avec cette situation-là. Le député de Portneuf, dans cette volée du député de Lévis de blocages de projets de loi se dit: Mon projet de loi 132 est bloqué, j'en fais mon deuil, je dois vivre avec ça, je suis pas pire que mes collègues, je suis pas pire que les autres, le projet de loi 132 vient d'être écrasé par le député de Lévis et c'est ça. Qu'est-ce que vous voulez? Le député de Lévis, là-dessus, ne se tracasse pas. II fait grand état dans son témoignage des préjudices qui seraient subis par les contribuables de Saint-David, de Lauzon, de Lévis et je pense que c'est Charny; il fait grand état de ça. Ça, ça lui brise le coeur et je le comprends, il est député de ce comté-là, il prend à coeur les intérêts de ses électeurs, c'est très bien.

Mais, par contre, le député de Lévis a un coeur de pierre, il a le coeur dur quand il s'agit des intérêts des personnes protégées par la loi du zonage agricole. Ca, on lui fait valoir tous les arguments possibles et impossibles. On lui explique qu'il y a des questions de délai, qu'il y a des questions de disparition de droits acquis qui ne pourront pas être récupérés si l'Assemblée législative ne légifère pas en temps et lieu, et c'est-à-dire avant la fin de la session le 19 décembre. On lui fait valoir que c'est irrécupérable. On lui fait valoir, M. le Président, tout ça. Mais, tout comme les projets de loi que je vous ai mentionnés, M. le Président, le député de Lévis est inébranlable. Il est conforme à la réputation qu'il s'est créée et les arguments en ce qui concerne le bien-être d'une catégorie de la population que sont les détenteurs d'un

certain nombre de droits acquis en ce qui concerne les terres agricoles, ça, ça le touche absolument pas. Son coeur, avec raison, saigne abondamment en ce qui concerne les contribuables de sa circonscription, mais il reste coi et totalement inébranlable en ce qui concerne les intérêts d'une autre catégorie de la population.

Devant cette situation, le député de Portneuf tout simplement se dit: Ç'en est fait de mon projet de loi 132 compte tenu de la personnalité du député qui s'y objecte. Et, en même temps, parallèlement à ça, le député de Portneuf est saisi d'un projet de loi par l'avocat de la commission de transport de la rive sud qui l'informe qu'il a l'intention de présenter au nom de la commission un projet de loi, que ce projet de loi touche un certain nombre de municipalités, ce à quoi doit servir ce projet de loi, et demande au député de Portneuf son appui pour que ce projet de loi puisse remédier à certaines illégalités. Le député de Portneuf qui connaît Me Lemay et qui s'intéresse régulièrement aux projets de loi privés et qui exprime dans son témoignage, M. le Président, des réticences sérieuses au niveau des projets de loi qui ont des effets rétroactifs et qui entraînent des millions et des millions de dollars de dépenses au gouvernement, il nous dit pourquoi. Il nous dit: Moi, je me méfie des projets de loi privés qui ont des effets rétroactifs; je vais vous dire pourquoi; parce que, règle générale, et c'était le cas de celui-là, ces projets de loi-là nous arrivent en fin de session, qui sont passés à la vapeur aux petites heures du matin; on n'a pas le temps de faire la consultation qui s'impose; on ne connaît pas les tenants et aboutissants de tout ça et, finalement, très souvent, on risque de se retrouver avec une situation qui peut mettre soit le gouvernement, soit des personnes qui n'ont pas eu le temps de se faire entendre, qui n'ont pas eu le temps de donner leur point de vue, dans l'embarras.

M. le Président, ça, c'est la situation dans laquelle se trouve le député de Portneuf. D'un côté, le député de Lévis qui a fait la preuve qu'il était absolument, qu'il était absolument impassible de le faire changer d'idée quand il s'était mis une chose dans la tête. Et, M. le Président, le PQ, de son côté, parti d'Opposition, est dans ce qu'on peut appeler le début ou la continuation d'une passe difficile qui se prolonge dans le temps et qui, à ce moment-là, était de nature à créer des difficultés supplémentaires, surtout quand, avec le recul du temps, on considère les gestes qui ont été "déposés" par le député de Lévis. D'ailleurs, M. le Président, ces observations concernant la situation du parti de l'Opposition, c'est pas en tant que ministériels que ces observations-là nous viennent, M. le Président. Hier, dans le journal Le Soleil, Mme Lise Bissonnette publiait un article qui faisait le tour de la question d'une façon assez éloquente, M. le Président. Et l'article est intitulé "Quand le PQ ne répond plus." On voit là-dedans que l'analyse correspond à la façon dont les faits se sont passés et continuent de se passer. Mme Bissonnette écrit... Dans un premier paragraphe elle pose la question: Où est le parti d'Opposition, le parti péquiste en ce qui concerne un rapport du Sénat qui inciterait le gouvernement fédéral à se retirer du financement des universités pour laisser aux provinces avec compensation fiscale les pouvoirs dans ce domaine-là?

Alors elle s'étonne, avec un professeur de droit de l'Université de Montréal, M. Pierre Carignan, que le PQ n'ait pas fait connaître d'opposition spécifique à ce sujet-là. Et elle continue en disant: "Mais où donc se trouvait le Parti québécois, demandait notamment M. Carignan. Qui eut cru logique de le trouver sur la barricade autonomiste, rapport sénatorial sous le bras? Notre parti, supposément nationaliste, a aujourd'hui, comme tous le savent, des préoccupations autrement existentielles. Au parlement, il passe ses journées à couper en quatre les fils des téléphones dont s'est servi le libéral Michel Pagé pour, paraît-il, faire outrage et menace aux desseins du péquiste Jean Garon. Et, hors du parlement, il se passionne pour son propre théâtre, sa danse rituelle des dissidents à laquelle le Québec ne sert plus que de décor. Que M. Garon - continue l'éditorialiste - ancien candidat à la direction du parti, soit dans les deux cas celui qui réussit le mieux à détourner le temps et les énergies de son groupe, c'est le plus sûr signe de faiblesse. L'ancien ministre de l'Agriculture n'a pas le début du commencement des qualités de leadership qu'il croit détenir mais il impose ses priorités et ses lubies idéologiques à une formation où il n'était hier encore qu'un figurant pittoresque,," (12 h 15)

M. le Président, nous avons là le décodage du pseudo-drame qui s'est noué les 18 et 19 décembre et qui a abouti à cette commission parlementaire. Si jamais il y a eu, M. le Président, dans ce parlement, un ballon soufflé jusqu'à éclater, c'est celui-là. On a pris ce qui n'est même pas un début de tentative d'influencer indûment un autre député et là, on l'a gonflé au maximum pour en retirer des bénéfices strictement politiques.

Le député de Portneuf, ministre de l'Agriculture, nous dit: Moi, j'ai appelé Me Lemay. Je l'ai appelé parce que je connais Me Lemay et je voulais qu'il sache que le projet de loi 272 était bloqué, qu'il ne passerait pas. Je voulais qu'il le sache, parce que je ne voulais pas qu'il se pose de

questions, puis qu'il me téléphone dans le temps de Noël et puis il disait d'une façon un peu ironique que même il tente d'obtenir la réouverture du Parlement. C'est pour ça que je lui ai dit. C'est pour ça que je lui ai dit. C'est ça que j'ai fait.

Il dit c'est tellement vrai tout ça que j'ai été complètement éberlué, abasourdi quand la question de règlement a été soulevée par le député de Lévis. Les bras m'ont tombé. Il savait pas d'où ça venait. Ça lui paraissait... C'était totalement imprévu. Ça venait de nulle part. Il dit: J'ai été surpris au possible. Cette surprise passée, on lui demande: Est-ce que, au-delà de la surprise que vous avez eue de voir le député de Lévis vous accuser de pareille façon, est-ce que vous n'avez pas eu un sentiment d'inquiétude? Est-ce que vous n'avez pas eu un sentiment d'inquiétude? Il dit: Non, j'avais pas à être inquiet parce que l'accusation qu'on portait contre moi n'avait absolument aucun fondement.

Il dit: J'ai finalement donné mon consentement à 272 même si j'avais dit qu'à cause de son caractère rétroactif - à Me Lemay - je le donnerais pas, même si je continue d'avoir des réserves sur la rétroactivité des projets de loi, même si je continue de penser que je n'ai pas de cadeau à faire au député de Lévis, et les raisons en sont évidentes, je n'ai absolument aucun cadeau à faire à cette homme-là. Je ne lui en demande pas, il m'en fait et je ne lui en ferai pas.

Mais, devant le boucan fait par le député de Lévis, devant l'énormité de l'accusation qui était portée, il a dit: Je suis pas pour m'entêter et, finalement, ne pas être mieux que celui à qui je reproche son entêtement, un petit peu comme quand on était jeune et qu'il y avait une chicane entre deux frères - il y en avait dans ma famille -mon père disait: que le plus intelligent cède. Le plus intelligent cède. Comme ça. Alors, le député de Portneuf, tout simplement, a cédé finalement, et c'est là que c'est grave, M. le Président, a cédé aux pressions indues du député de Lévis. S'il y en a un qui a fait des pressions indues, c'est le député de Lévis pour arracher le consentement du député de Portneuf sur 272 et il a réussi avec ses pressions indues à lui arracher ce consentement-là qu'il ne voulait pas donner.

Parce que le député de Portneuf a dit: ça n'a pas de bon sens. Le député de Lévis s'est servi, avec la complicité, M. le Président, avec l'accord de ses collègues, du règlement de l'Assemblée nationale pour exercer les pires pressions qui puissent s'exercer sur un député, c'est-à-dire lui dire: On va vous traîner en commission parlementaire et on va vous obliger à vous justifier. C'est le pire genre de pressions, et s'il y en a un qui a subi des pressions dans toute cette affaire, M. le Président, c'est le député de Portneuf. Il nous le dit clairement. Il nous le dit clairement. C'est la seule explication qu'on peut avoir et qu'on a sur le fait que 272 ait finalement été adopté. Le député de Lévis a utilisé le règlement de l'Assemblée nationale pour exercer ces pressions-là extrêmes, inhabituelles, inusitées qui ne s'est jamais vu depuis l'affaire Gabias, M. le Président, et que, j'espère, qu'on n'aura pas à revivre de sitôt. Et de cette façon-là, a arraché par pressions indues, au député de Portneuf, un consentement qu'il n'était pas prêt originalement à donner.

C'est par un retournement dramatique de la situation, M. le Président, la conclusion à laquelle nous devons en arriver. L'arroseur arrosé. C'est très grave. C'est très très sérieux, M. le Président. Le député de Lévis fait grand état de son rôle indispensable pour l'adoption du projet de loi 272. Il nous explique que c'est ce à quoi il tenait beaucoup, que ce projet de loi était extrêmement important pour lui, pour son comté, etc. Cependant, M. le Président, si on regarde les faits, les gestes posés par le député de Lévis pour faciliter l'adoption du projet de loi 272 ne sont pas là pour étayer ses paroles en commission parlementaire. Il n'a, finalement, à peu près rien fait, sauf une rencontre avec Me Lemay qui aurait duré 20, 25 minutes, on n'est pas trop sûr.

Il n'est pas intervenu auprès des ministres, jamais parlé au ministre des Affaires municipales là-dessus, pas du tout, jamais parlé aux fonctionnaires des Affaires municipales, jamais intervenu auprès des membres du cabinet des Affaires municipales, jamais dit un mot pour obtenir une rencontre avec le ministre des Affaires municipales qui, d'après les témoignages qu'on a obtenus des dirigeants de la commission de transport, semblaient traîner en longueur et qui n'a été accordé qu'après plusieurs mois de demande. Le député de Lévis s'est pas préoccupé de ça. Le député de Lévi3 n'a pas - sur le fond, le témoignage, les témoignages sont constants là-dessus - n'a pas donné aucun conseil sur ce que devait contenir le projet de loi 272. Il s'est limité, M. le Président, au strict minimum, au strict minimum, c'est-à-dire consentir à parraîner le projet de loi c'est-à-dire à ce que son nom soit imprimé sur une feuille de papier; deuxièmement, en faire une présentation en commission parlementaire. Est-ce qu'on peut demander moins à un député que ça? Est-ce qu'un député qui dit que la non-adoption du projet de loi 272 va porter un préjudice extrême etc., etc., ne fait pas toutes les démarches qui peuvent lui venir à l'esprit pour s'assurer des appuis qui sont nécesaires, surtout quand on est dans l'Opposition, M. le Président -pas au pouvoir - quand on est dans l'Opposition pour obtenir l'appui de3 ministères qui sont nécessaires?

Il n'a rien fait de tout ça. Le projet de loi 272 prend une importance capitale du moment où le député de Lévis y voit une chance de mettre le ministre de l'Agriculture et le gouvernement dans l'embarras. Là, ça devient extrêmement important. Mais, préalablement à ça pour le député de Lévis, le projet de loi 272, c'est le cadet de ses soucis. Ça ne le dérange pas. Mais, évidemment, quand il y voit une chance d'embarrasser, de mettre en difficulté un député ministériel, là par exempte, c'est important. Mais on ne voit pas, dans les mois qui précèdent, l'adoption du projet de loi 272, le député de Lévis remuant mer et monde pour faire adopter un projet de loi auquel, après coup, il nous dit tenir plus qu'à la prunelle de ses yeux. On ne voit pas ça nulle part. Curieuse attitude, mais attitude qui s'explique tout à fait, M. le Président, par l'analyse des événements postérieurs que nous devons faire. Le député de Lévis se sert de ce prétexte comme il se serait servi de n'importe quel prétexte pour tenter de lancer une bombe en plein milieu de l'Assemblée nationale le jour où la session finit, le 19 décembre, de peur qu'on l'oublie, de peur qu'on ne parle pas de lui le lendemain matin, de peur que les journaux ne lui mettent pas le micro sous le nez à tout moment donné. Cette crainte-là, le député de Lévis, elle est pratiquement presque maladive, M. le Président. Il doit assouvir cette soif profonde, inaltérable qu'il a de la publicité, M. le Président. Il faut qu'on parle de lui. Il faut qu'on s'inquiète de ce qu'il va faire. Il faut qu'il y ait des journalistes qui l'interrogent sur ses intentions, sur ce qui va advenir. C'est très important pour le député de Lévis. C'est important parce que ça le sert politiquement. C'est important parce que ça met dans l'ombre d'autres personnes qu'il aime autant qu'elles restent dans l'ombre. C'est important parce qu'il sait qu'il va mobiliser cinq de ses collègues, M. le Président, qui en même temps - drôle de fait du hasard - sont des gros canons, sont des gens articulés, sont des gens dont les affirmationnistes ont besoin., On a pris ce qu'ils avaient de meilleur, M. le Président, du côté de l'Opposition et on les a mobilisés pour cinq semaines. Je vous félicite. Mais en même temps, vous êtes utilisés. En même temps, vous êtes utilisés. Je dis pas que c'est... tout est relatif, tout est relatif, M. le Président, mais, M. le Président, chose curieuse, force nous est de constater que les cinq personnes, les cinq vaillants porteurs de la cuirasse de chevaliers servants...

Une voix: Perry Mason. (12 h 30)

M. Doyon: ...de Sir Camelot Garon. C'est cinq affirmationnistes, cinq personnes, qui pendant qu'elles font ça, ne font pas d'autre chose. Et, M. le Président, le député de Lévis y trouve son profit. Le député de Lévis y voit du beau, du bien pour lui; ça sert en même temps son ego; ça lui permet de prendre le centre du "stage"; ça lui permet d'avoir les "spotlights" sur lui. Mais, M. le Président, ça ne change rien au fond des choses. C'est que cette accusation-là n'a pas l'ombre d'un fondement, n'a pas l'ombre d'un fondement. Elle est lançée comme ça et après ça, on dit: On s'organisera bien pour trouver des moyens pour l'étayer. Pour ça, M. le Président, on s'en va à la pêche. On s'en va à la pêche. On essaie par tous les moyens d'obtenir des témoins, des éléments, que ce soit des fétus de paille auxquels on pourra s'accrocher, peu importe, M. le Président. Mais ça n'a jamais fait flotter une cause, des fétus de paille, M. le Président. On fait témoigner Mme Lecours qui vient nous raconter qu'elle a reçu un téléphone, etc. Jamais nier ça. Elle dit avoir transcrit ce téléphone-là, nous donne le texte. C'est sa compréhension des choses. Elle dit l'avoir pris en sténo. Elle ne dépose pas le brouillon de sa sténo. Elle nous donne tout simplement un texte qui est dactylographié, qui est extrêmement laconique, M. le Président, quelques lignes.

Et c'est avec ça, M. le Président, qu'on voudrait pendre haut et court le député de Portneuf. Voltaire disait: "Donnez-moi deux lignes et je me charge de le faire pendre," On joue le jeu, M. le Président. Deux lignes, un mémo de deux lignes et on s'apprête à lyncher le député de Portneuf, M. le Président. Mais, il n'y en aura pas de lynchage, M. le Président, parce que ça ne tient pas, ça ne tient pas.

M. Garon nous fait grand état d'une demande de rencontre qui lui aurait été faite, une demande de rencontre qui lui aurait été faite. Le témoin Lemay, M. le Président, est catégorique. Il n'y a pas eu de demande de rencontre de sa part auprès du député de Lévis. On viendra nous dire: Le témoin Lemay n'est pas crédible. La belle affairel Pourquoi, M. le Président, le témoignage de M. Lemay, qui a été six jours devant nous, qui nous a donné toutes les explications de long en large, qui ne s'est refusé à aucune réponse et à aucune question... Quand le témoignage qu'il donne ne correspond pas à la thèse accusatrice de l'Opposition, il cesse d'être crédible. C'est à ce moment-là que sa crédibilité cesse. Quand sur certains points, il peut y avoir concordance, là sa crédibilité remonte la pente. Comme ça, on s'en va en dents de scie avec la crédibilité du témoin Lemay. Le témoin Lemay nous dit: II n'y a pas eu de demande de rencontre. M. Garon nous dit: II y en a eu une. Et pour corroborer le témoignage de cette demande, on nous arrive avec, devinez qui, M. le Président, le témoignage de M. René Blouin.

M. René Blouin a entendu la

conversation de M. Garon. Il était à côté de lui, nous dit-il. Pas de raisons de douter de ça. Mais il dit: J'ai fait plus que ça. À des questions que je lui pose, j'ai su ce que Me Lemay disait à l'autre bout de la ligne. Étonnement de notre part, M. le Président. Comment avez-vous réalisé cette chose incroyable de pouvoir comprendre ce qu'une personne qui n'est pas au bout du combiné puisse entendre la conversation de l'autre interlocuteur? Qu'à cela ne tienne, M. le Président, l'explication est toute prête. Elle tient du vaudeville, M. le Président, mais je vais quand même vous la rapporter. "Je sais ce que M. Lemay disait - nous dit le témoin Blouin, sans rire, M. le Président - parce que M. Garon, après avoir parlé à M. Lemay, lui disait continuellement: Vous me dites donc bien que. Comme ça, je savais ce que M. Lemay disait." Allons donc! Quelle farce monumentale et grossière, M. le Présidentl

Imaginons la scène pour un moment en ce qui concerne particulièrement la rencontre. M. Garon dit: Une rencontre qui m'est demandée. M. Lemay dit non. Mais passons par dessus ça. M. Garon dit qu'il y a une rencontre qui lui est demandée. M. Blouin confirme que M. Garon... Qu'il a entendu cette demande-là. Et comment les choses se seraient-elles passées, M. le Président? Il aurait fallu que M. Garon dise à M. Lemay: Comme ça, vous me demandez bien une rencontre et je ne vous la donne pas. Est-ce qu'il est concevable qu'une conversation téléphonique se passe de cette façon, M. le Président? Au-delà de ça, au-delà du ridicule de cette situation qu'on essaie de nous faire avaler, M. le Président, mais ce genre de couleuvre-là, on n'en veut pas, au-delà de ça, M. le Président, je pose la question à Me Lemay, je lui dis: Est-ce que la conversation avec M. Garon s'est déroulée sur le mode de "vous me dites bien que", "vous m'avez dit que" et que M. Garon enchaînait par après? M. Lemay nous dit systématiquement: que ça se soit passé comme ça, je m'en souviens pas. Moi, je vous dis, M. le Président, que si ça s'était passé comme ça, c'est tellement inhabituel que le témoin Lemay s'en serait souvenu.

M. le Président, on pourrait relever les incongruités de tout ce qui s'est passé d'une façon indéfinie; il y en a tant et plus, tant et plus, M. le Président. Les faits sont les suivants. Tout simplement, c'est que... C'est dans le témoignage même de M. Garon, à un moment donné, où, voulant confirmer si c'est M. Pagé qui l'a appelé, s'assure de cette... a appelé M. Lemay, s'assure de cette chose-là et se fait dire par M. Lemay que M. Pagé ne va pas bloquer le projet de loi 272, que c'est bloqué. M. Garon, il nous témoigne à cet effet-là lui-même, que le téléphone à Me Lemay lui apprend que M. Pagé ne va pas bloquer le projet de loi, que c'est bloqué. Condordance parfaite, M. le Président, sur un élément essentiel, par deux antagonistes qui sont face à face dans cette situation que nous vivons aujourd'hui: d'un côté, le député de Lévis, de l'autre côté, le ministre de l'Agriculture. Leurs témoignages, M. le Président, sur ce point essentiel, s'accordent parfaitement, s'imbriquent parfaitement l'un dans l'autre; ils se complètent, se donnent, se fortifient mutuellement, M. le Président.

Alors, M. le Président, il faut quand même voir clair. Il faut quand même voir clair, M. le Président. Ce qu'il faut aussi réaliser, M. le Président, et les témoignages ont été constants à ce sujet-là, l'importance de 272. Des ministres sont venus témoigner. Je comprends l'insistance de Me Lemay, qui est un avocat, qui a un mandat de son client, la commission de transport, et qui va faire mer et monde pour faire adopter un projet de loi qu'il a préparé avec des fonctionnaires, sur lequel il a travaillé et que son client veut voir adopter pour des raisons d'équilibre financier, d'emprunt et de subvention. Je comprends très bien ça, sauf que, soyons réalistes, M. le Président, les témoignages qu'on a devant nous sont à l'effet que la terre n'aurait pas arrêté de tourner si 272 n'avait pas été adopté le 19 décembre. Les autobus de la commission de transport n'auraient pas arrêté de rouler non plus. Il y aurait eu des inconvénients, bien sûr. Mais, on se serait repris au mois de mars, et là, on aurait pu évaluer la situation totalement, voir les tenants et aboutissants.

C'est ça, la véritable situation, M. le Président. Les ministres, qui viennent témoigner devant nous, nous le disent. Le ministre des Affaires municipales nous dit: Écoutez, le meilleur exemple que j'ai de ça, c'est Saint-Gédéon de Beauce; on ne l'a pas adopté au mois de décembre, l'an dernier. Ça faisait pas l'affaire des gens de Saint-Gédéon, ça faisait pas l'affaire du gouvernement, probablement, en tout cas, il y avait... probablement du député de la place, ça faisait pas leur affaire. Mais, on l'a représenté puis il a passé au mois de mars, puis Il n'y a pas eu rien de catastrophique qui s'est passé. Ce sont là des inconvénients, des désagréments qui se produisent. Et le projet de loi 272, nous dit le ministre des Affaires municipales, ça aurait pu possiblement être la même chose. Il n'y avait pa3 péril en la demeure, on pouvait concevoir que ça soit retardé d'une session.

M. le Président, le leader de l'Opposition attaque de front l'impartialité du témoin Lemay. Ça, c'est fort, M. le Président. On a un témoin qui, pendant six jours, avec une patience incroyable, avec une honnêteté hors de tout doute, au meilleur de sa connaissance, M. le Président, qui est questionné et qui est requestionné sur des faits identiques coup après coup, heure après heure, session après session, jour après jour,

M. le Président, pour lui arracher des éléments de contradiction. On n'en trouve pas, ou à peu près pas. On fait grand état d'insignifiances, de peccadilles, M. le Président. Et la présidence l'a souligné, il n'y a pas un homme, et surtout pas celui qui vous parle, qui, avec toute la bonne volonté du monde, n'aurait pu témoigner d'une façon aussi consistante que ne l'a fait Me Lemay. La seule explication à cette consistance, c'est sa volonté fondamentale de dire la vérité. C'est son honnêteté intrinsèque de raconter les événements tels qu'il les avait vécus.

Le témoin Lemay ne prétend pas qu'il a tout vu et qu'il sait tout. Mais ce qu'il nous dit, c'est ce qu'il sait et les gestes qu'il a posés. Est-ce qu'on peut en demander plus, M. le Président, à un témoin qui, pendant six jours, est soumis à un feu roulant de questions la plupart du temps hostiles, M. le Président, qui cherche à prendre en défaut un témoin qui, finalement, est le propre témoin convoqué par la partie qui l'interroge. Il a dû vivre avec ça, M. le Président. Et il est dans une situation où aucun témoin, devant aucune cour, M. le Président, n'aurait eu à subir les attaques continuelles et répétées sur sa crédibilité et sur ses témoignages comme ça été son cas, M. le Président. Aucun. Parce que dans tous les cas, les témoins sont, soit le témoin d'une partie ou le témoin de l'autre. La partie dont il est le témoin voit à protéger son témoin en contre-interrogatoire. Nous n'avions pas cette possibilité, M. le Président, parce que les règles, vous nous l'avez dit, ne sont pas les règles d'un tribunal. (12 h 45)

Mais Me Lemay a été soumis à un interrogatoire, un contre-interrogatoire et un ré-interrogatoire que je n'ai jamais vu et je pense que mes collègues ici, autour de la table, n'en ont jamais vu aussi de semblable. Et il a maintenu une version cohérente, honnête, factuelle de ce qui s'était passé. On essaie de faire état de changements de mots, de virgules. On a passé des heures et des heures, M. le Président, je me demande si ce n'est pas deux jours, M. le Président, à faire de l'analyse littéraire, de l'analyse de texte.

Me Lemay, on fait grand état que vous avez fait quatre textes différents. Comment se fait-il que vous avez fait quatre textes différents? Me Lemay s'évertue à dire sur tous les tons - mais ça ne semble pas être compris - je n'ai pas fait quatre textes, j'ai fait un texte; après ça, j'ai fait une introduction à ce texte pour situer les événements dans leur contexte et après ça j'ai changé quelques mots. On a passé des heures, M. le Président, à demander au témoin: Pourquoi vous avez changé "tant que" par "parce que"?

On a passé des heures, M. le Président, littéralement là-dessus. Faut-il ne rien à avoir à reprocher à un témoin, M. le Président? C'est totalement ridicule. Les analyses littéraires qu'on nous faisait faire pendant notre cours classique, M. le Président, n'avaient rien d'approchant. On a insisté, M. le Président, et les réponses étaient là à chaque fois, claires, nettes et précises et constantes, mais on revenait à la charge et quand il y avait un député de l'Opposition qui manquait un peu de souffle, l'autre reprenait ta relève et on continuait.

Cet homme-là a été soumis à un barrage de questions uniques, M. le Président. Il nous a donné les explications, il nous a dit: Moi, j'ai relu mon texte. J'ai voulu que ça soit... dire vraiment ce qui s'était passé. Qui, d'entre nous, M. le Président, qui d'entre nous quand il dicte une lettre ne dit pas à sa secrétaire: On va changer tel paragraphe, on va changer tel mot. Moi, M. le Président, je le fais régulièrement, mais ce que je veux envoyer à mon correspondant, c'est la lettre que je signe et que j'envoie. Et d'ailleurs, c'est comme ça régulièrement, M. le Président. C'est pas pour rien que les effaces ont été inventées ça fait lonqtemps, parce qu'on efface. On efface. Après ça il y a eu du blanc là, on ...du blanc, puis ça ça efface aussi. Puis après ça on a des boutons qui effacent. Bon! Ça on efface, on change, on améliore notre texte, on le rend plus conforme à ce qui s'est... si on recherche une relation des événements, on modifie notre texte pour qu'il soit conforme à la relation des événements qu'on veut faire. 11 n'y a pas d'autres raisons.

Je suis à peu près sûr, M. le Président, que les évangélistes ont corrigé leur texte. Ils n'ont pas écrit ça du premier jet. On pourrait les prendre en défaut. Je vois saint Mathieu ici, saint Jean ayant à répondre: Pourquoi vous avez changé tel mot dans votre... hein? Ça n'a pas de bon sens. Vous voyez bien, M. le Président, qu'on n'a rien. C'est des fétus de paille, on se rattache à ça, M. le Président.

On fait grand état, M. le Président, que M. Lemay a parlé de comités, que M. Pagé parle d'une décision personnelle. M. Lemay nous donne une explication qui est simple comme bonjour qui nous oblige à faire le lien avec les événements. M. Pagé sortait d'un comité du COMPADR. Il était dans sa voiture, semble-t-il, quand il a appelé. Il a probablement dit: Je sors. Il dit: Je m'en souviens plus. Je sors d'un comité. Le témoin Lemay qui n'est pas un familier des procédures gouvernementales, des comités ministériels qu'ils soient permanents ou pas a pris le mot "comité", "caucus" etc. Et c'est de là que ça vient, M. le Président. C'est pas très compliqué à comprendre. Le témoin Lemay n'est pas un témoin expert dans le domaine des procédures parlementaires. C'est un homme de loi, de bonne foi, qui avait une

cause qu'il devait défendre et qui le faisait de la meilleure façon, M. le Président. C'est ça qui s'est passé.

M. le Président, on pourrait reprendre une après l'autre, les supposées contradictions que soulève le leader de l'Opposition dans sa plaidoirie. Le faire, M. le Président, ce serait tout d'abord leur attacher l'importance qu'elles n'ont pas, n'ont pas. Ce sont, M. le Président, des contradictions qui, contrairement, à ce que voit le député de Joiiette, n'enlèvent pas de la valeur quand il y a contradiction - et c'est rare - n'enlèvent pas de la valeur à un témoignage, M. le Président, mais lui en donnent. Le témoin Lemay, M. le Président, il ne faut pas l'oublier, est le seul témoin -et moi j'avais jamais vu ça, d'ailleurs, je vous l'avais dit dans une question de règlement, M. le Président - qu'on fait revenir pour lui dire, pour le confronter à un témoignage antérieur ou à un témoignage de d'autres témoins. M. le Président, cette procédure que nous avons acceptée parce que c'était une de vos décisions, cette procédure, M. le Président, mettait le témoin Lemay dans la pire des situations où il pouvait être; c'est-à-dire que, soit qu'il admettait qu'il avait rendu un faux témoignage ou qu'il accusait quelqu'un d'autre d'en avoir rendu un faux témoignage, M. le Président. C'est une procédure qui est inhabituelle, moi que j'avais jamais vue. Un témoin rend témoignage sur la foi du serment, il dit sa version des faits et M. le Président, d'autres témoins viennent soit corroborer ces éléments-là du témoignage d'un témoin où les minimiser, les contredire. Mais, M. le Président, qu'un témoin soit rappelé pour qu'il ait à se prononcer sur le témoignage d'autrui, c'est une situation inhabituelle, inusitée et qui mettait le témoin, M. le Président, qui malgré tout ça, s'en est allègrement bien tiré, parce qu'il n'avait rien à cacher, mettait le témoin dans une situation difficile.

M. le Président, les témoignages qui concordent avec la vision péquiste des choses sont, par un drôle de changement, des témoignages crédibles; quand ils ne le sont pas, quand ils ne concordent pas, M. le Président, qu'ils ne sont pas concordants, ils cessent d'être crédibles. Dans les circonstances, M. le Président, ce qu'il faut faire, c'est prendre I'ensemble des témoignages, regarder le témoin Lemay, regarder le témoin Michel Pagé, écouter ce qu'ils nous disent, les explications qu'ils nous disent. Est-ce que Michel Pagé, objectivement, peut nous faire croire qu'il n'avait pas de cadeau à faire à Jean Garon? Je l'ai expliqué -tantôt. Le contraire ne serait pas crédible, M. le Président, ce n'est pas peu dire, le contraire ne serait pas crédible, il n'a pas de cadeau à lui faire. Il dit: Moi, mon 132 est bloqué, je vais dire à

Lemay que 272 est bloqué et c'est ça qui est ça et on va vivre avec cela. C'est comme cela que ça se passe, M. le Président, il nous l'explique.

Il n'y a pas eu de chantage là-dedans, M. le Président, il n'y a pas eu l'ombre d'un chantage, M. le Président, il y a eu tout simplement de l'information qui a été transmise directement et honnêtement. Ce qu'il faudrait, M. le Président, c'est éviter de voir, par exemple - et on l'a fait - dans la déclaration de M. Lemay, de3 changements en ce qui concerne la modification concernant le mot "chantage". M. Lemay s'est expliqué longuement là-dessus. Il dit: Quand je me suis relu, je me suis dit finalement: est-ce que... Il avait écrit dans son texte, il me semble, que... "chantage". Et là, il s'est repris, il a dit: Je ne suis pas assez sûr de mon affaire, ce n'est pas assez clair, et il a modifié sa déclaration pour que ce soit conforme à sa souvenance des faits.

J'espère, M. le Président, que la situation est suffisamment claire pour qu'il ressorte de tout cela que le préjudice véritable a été subi par tous les parlementaires suite à l'indigence au niveau de la préparation de son accusation du député de Lévis - je vais terminer là-dessus, M. le Président. La plus belle preuve de cela, c'est que le député de Lévis n'a jamais, jamais, jamais posé le geste le plus élémentaire qui aurait clarifié toute la situation. Il était à cinq pas du député de Portneuf et il venait de recevoir un téléphone qui l'informait qu'il était la victime d'un chantage éhonté, de pressions indues par une personne qu'il avait devant lui l'équivalent de la distance où se trouve le député de Joiiette actuellement de moi. Connaissant la façon de faire du député de Lévis, est-ce qu'il n'était pas élémentaire, M. le Président, qu'il fasse signe au député de Portneuf qui était devant lui à la période des questions: Viens donc me voir en arrière du trône du président. Et là, lui demander, lui dire: II paraît que tu me fais des menaces! T'en es un beau! T'es un drôle de gars! T'es un bel...! En tout cas, il pouvait, il avait le choix des termes.

Une voix: Enfant de choeur.

M. Doyon: Enfant de choeur. Il avait le choix des termes et il n'a jamais posé ce geste-là élémentaire, M. le Président. Pourquoi? Parce que le ballon qui était petit comme cela, il voulait continuer de le souffler et il n'avait pas besoin d'une épingle tout de suite pour le dégonfler; cela n'aurait pas fait son affaire. Ce ballon, il y tenait, M. le Président. Il fallait qu'il continue de souffler dedans. Il n'a pas... Et n'importe qui, M. le Président, et ce n'est pas explicable autrement que d'avoir voulu préserver ce qu'il croyait être une bombe

politique et il n'a aucune raison de ne pas avoir fait signe au député de Portneuf: Viens me voir en dehors et dis-moi donc: est-ce que c'est vrai? N'importe qui aurait fait cela. Moi, j'aurais fait cela; le député de Sainte-Anne aurait fait ça. Le député de Frontenac et le président auraient pas fait ça. Mais n'importe qui aurait fait ça. C'est parce qu'il est président.

Des voix: Ha! Ha! Ha! M. Chevrette: ...

M. Doyon: Non, non. C'est parce qu'il est président. Mais n'imparte qui aurait fait ça, M. le Président. Le député de Lévis ne l'a pas fait, parce qu'il avait peur de la réponse. Il avait peur de la réponse; ça l'intéressait pas de se faire dire par Michel Pagé: Voyons donc! Voyons donc, Jean! Qu'est-ce que tu vas chercher là?

Ce que j'ai dit, c'est ça, ça, ça. C'est ça. Mais ça l'intéressait pas, ce "boutte"-là. Il l'a donc pas fait et ne le faisant pas, M. le Président, il nous a embarqués dans un processus où Michel Pagé s'est retrouvé l'accusé, puis Jean Garon, l'accusateur. Et, en même temps, Jean Garon s'expose à des sanctions importantes, parce qu'il n'a... Le député de Lévis, M. le Président, je m'excuse. Le député de Lévis s'expose à des sanctions sévères, parce qu'il n'a pas pris... et il avait l'obligation. Il avait pas le choix. C'était une obligation stricte de s'enquérir de ça. Il ne l'a pas fait, M. le Président. C'est capital, capital. Il ne nous a donné aucune explication pourquoi il ne l'avait pas fait, aucune explication. Le député de Portneuf ne pouvait pas le faire. H ne savait même pas qu'il était supposé d'avoir menacé le député de Lévis; il savait pas. Il dit: J'ai été surpris; j'ai tombé sur le dos quand j'ai appris la question de privilège. Il pouvait donc pas faire ça.

La seule personne qui pouvait le faire, c'était le député de Lévis. Moi, je comprends pas autrement que par le désir de trouver quelque chose à la fin de la session, à la toute fin de la session, M. le Président, qui va faire cette bombe politique, M. le Président. Et, dans les circonstances, M. le Président, notre règlement est clair. L'accusation n'est pas fondée, loin d'être fondée. Elle a été imaginée de toutes pièces.

Et, M. le Président, si on était en droit criminel, on parlerait de méfait public. Le fait de porter une fausse accusation et de faire faire une enquête qui n'est pas fondée sur des faits véritables, M. le Président, donne lieu à une accusation de méfait public. C'est dans le Code criminel, M. le Président. Nous ne sommes pas en droit criminel, mais nous avons fait une enquête inutile dont on aurait pu s'éviter le coût et le trouble, parce que le député Garon, mal conseillé, mal dirigé... Le député de Lévis a décidé de faire ce qu'il avait déjà dans sa tête, c'est-à-dire de faire exploser ce qu'il croyait être une bombe terrible à l'intérieur du parquet de l'Assemblée nationale.

Et, M. le Président, nous aurons l'occasion d'en discuter plus longuement. C'est que mes collègues veulent intervenir, M. le Président, mais est-ce que... Un instant, s'il vous plaît...

Alors... Oui... M. le Président, j'ai terminé. Alors, je termine en laissant la parole à mes collègues qui ont aussi quelque chose à vous citer là-dessus. Mais ma conviction intime, M. le Président, je l'ai acquise au fur et à mesure que les témoignages se déroulaient devant nous. L'accu3ation n'est pas fondée. Le député de Lévis a agi d'une façon précipitée, d'une façon non sérieuse, a agi de façon à porter préjudice au député de Portneuf ainsi qu'à tous les députés de l'Assemblée nationale dont nous sommes ici à cette commission parlementaire, M. le Président, et je lui en fais très, très, très gravement reproche et c'est ce que je me contente de dire pour le moment, M. le Président,

Le Président (M. Lorrain): Je remercie de l'argumentation, de la plaidoirie, M. le député de Louis-Hébert. Avant de céder la parole à un autre membre de la formation ministérielle, j'ai besoin d'un consentement pour continuer après 13 heures.

M. Lefebvre: Consentement.

Le Président (M. Lorrain): M. le leader de l'Opposition, j'ai consentement pour continuer?

M. Chevrette: Ah oui, oui, oui.

Le Président (M. Lorrain): Alors, je vais reconnaître maintenant M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: M. le Président, je voudrais pas reprendre les arguments de mon collègue, simplement quelques remarques et observations personnelles. C'est bien de réaliser que nous sommes en face d'une procédure exceptionnelle et qu'il s'agit d'un incident qui doit connaître une nature assez grave pour se concrétiser dans une enquête devant cette commission toute spéciale. (13 heures)

Je me rappelle la première rencontre qu'on a eue, M. le Président, le 31 mars et ça voudrait donc dire que c'est quatre semaines que nous sommes plus ou moins occupés avec cet appel téléphonique qui a duré une minute et demie. Je me demande combien de fonctionnaires et de personnes

étaient impliquées. Ça doit être intéressant de calculer les frais de notre enquête durant cette commission, quand je vois tout le personnel qui était ici, les gardiens devant la porte, les fonctionnaires qu'on a été obligé de retourner ici dans les soi-disant vacances de Pâques que nous, on n'a pas eues. Cela doit être très intéressant de savoir le montant total impliqué, y inclus le temps des députés pour régler cet appel téléphonique d'une minute ou deux.

Cette commission d'enquête, M. le Président, vous savez qu'on avait nos règles du jeu propres à nous. Peut-être qu'on a appris quelque chose pour l'avenir, si jamais une telle enquête va être tenue, il faut changer les règles complètement parce que ça tient pas debout qu'on ait eu, vous le savez très bien parce que je pense que vous en avez souffert peut-être plus que n'importe quel autre membre, de ces questions de règlement. On débutait avec... Il y avait une question de règlement et de chaque formation, il y en avait deux qui pouvaient intervenir. Finalement, on a réduit ça après une couple de jours. Ensuite, il y avait les questions de règlement en-dedans des questions de règlement. J'ai admiré votre patience. Je pense que vous avez souffert beaucoup. Je pense pas que ça a avancé nos travaux et certainement, ça n'a pas contribué à la crédibilité des travaux d'une telle commission.

Quant à moi, M. le Président, je pense, après quelques jours, la preuve a été assez claire qu'il n'y avait rien là. Quant à moi, c'était une tempête dans une tasse de thé. Le député de Lévis aurait peut-être été beaucoup plus prudent, à ce moment-là, s'il était un homme, de venir ici et dire: Bon, voici. J'ai fait une gaffe. J'aimerais bien m'excuser et retirer, si c'est possible, ce point de motion ou privilège pour tenter au moins d'éviter d'autres dégâts, au lieu de continuer jusqu'à aujourd'hui.

Je ne veux pas analyser la preuve mais une chose qui m'a touché beaucoup, c'est qu'il faut regarder aussi le comportement des témoins. Quand on prie le témoin Blouin, qui était le chef de cabinet du leader de l'Opposition, quand il était présent à côté du député de Lévis, quand le député était pour vérifier l'appel avec Me Lemay, si c'était vrai que le député de Lévis était en face d'un geste presque criminel sur le plan parlementaire de la part du ministre Pagé, on ne peut pas noter, cependant, le comportement de M. René Blouin.

René Blouin, si c'était vrai que le message était tellement grave de contenu, au moins, le député de Lévis lui aurait dit: Prends donc un morceau de papier, une feuille, un crayon et prends note de ce que l'autre me relate, parce que ça c'est grave, c'est pas possible. C'est vraiment quelque chose d'inattendu et qu'on n'a jamais eu dans notre expérience parlementaire de ce que je suis en train de constater. Rien de ça. J'ai questionné M. Blouin là-dessus moi-même. Il a été assez honnête. Il a dit qu'il n'y avait rien de spécial. Il disait que même, et je me rappelle, le député de Lévis n'était pas beaucoup plus excité que d'habitude. Il a son style à lui.

Qu'est-ce que le député de Lévis aurait pu faire, M. le Président? D'ailleurs, mon collègue a mentionné ça. Moi aussi j'avais pensé à ça tout de suite. Il est à l'Assemblée. Il peut presque toucher le ministre Pagé au point de vue distance parce qu'ils ne sont pas loin l'un de l'autre. Il aurait pu le voir pour lui dire: Voici ce que j'ai entendu dire. Qu'est-ce que tu penses de ça? C'est pas possible. Est-ce que c'est vrai que tu tentes de changer un vote pour un autre ou tel projet de loi contre un tel projet de loi? Vous savez, entre parlementaires, on se parle. Chaque fois, on voit le responsable de l'Opposition traverser le plancher pour voir un ministre, pour parler d'un certain sujet, surtout quand c'est quelqu'un qui est le porte-parole. Ils se parient. On parle avec l'Opposition très, très régulièrement, soit directement, en arrière dans les coulisses, il y a une communication constante. Donc, cela m'a surpris beaucoup, beaucoup, beaucoup.

M. le Président, je voudrais, quant à moi, il n'y a vraiment pas de preuve du tout de ce fait très grave, c'est-à-dire la conduite du député de Portneuf qui aurait exercé des pressions indues aux fins d'influencer le vote, l'opinion ou le jugement du député de Lévis. Il ne faut jamais oublier que c'est une procédure exceptionnelle très importante. Il faut qu'on fasse face à ses responsabilités. Le député de Lévis, c'est pas un député d'une catégorie spéciale. C'est qu'il a une responsabilité comme parlementaire comme nous on l'a, comme chaque député a, quand il a choisi ce moyen extraordinaire, il faut qu'il réalise la conséquence. Il aurait dû le réaliser avant de lancer toute cette affaire-là. Je dois féliciter ses collègues, les cinq, qui vraiment ont, pendant des semaines, posé des questions qui ne finissaient jamais. Au moins, je pense, si jamais le Parti québécois cherchait l'unité, peut-être qu'ils l'ont retrouvée maintenant parce qu'ils ont protégé le député de Lévis jusqu'au bout. Mais je ne les blâme pas. Ils ont fait leur devoir. Mais le député de Lévis a une responsabilité individuelle et comme c'est pas un homme qui vient de siéger ici depuis une date très récente, c'est un ancien ministre, comme le député de Louis-Hébert l'a expliqué déjà, ça peut être... Pour moi, il est encore jaloux qu'il n'est pas ministre de l'Agriculture. Il peut pas par être estomaqué de ça qu'il y ait un autre qui a ce ministère.

Et là, on est venu à la fin de notre

enquête. Et quant à moi, j'ai aucune hésitation de conclure à l'effet que la preuve n'a pas été faite du tout. J'ai un peu pitié. Le député de Portneuf, j'ai vu ça quand il a témoigné, il souffrait de cette affaire. C'est pas un cadeau de se faire accuser. C'est un homme qui démontre peut-être pas ça très facilement, mais je lui en ai parlé une couple de fois, personnellement, une minute ou deux ou trois. J'ai vu... Je suis un peu surpris de constater que ça lui vraiment faisait beaucoup de peine, beaucoup de mal.

Donc, l'autre qui a pris cette décision... Je ne critique aucunement les cinq députés. En fait, je les félicite parce que je dois vous dire: Si jamais le député de Joliette veut faire d'autre chose, soit qu'il doive devenir avocat au criminel, je pense qu'il peut faire une belle carrière là-dedans parce qu'il sait comment...

Une voix: Dans une meilleure cause.

M. Polak: ...poser des questions. Mais c'est vrai, il faut avoir de meilleures causes.

Mais je dirais que nous, on devrait, objectivement, plus tard, dans notre séance de travail, regarder la conséquence d'abord du fait que la plainte, quant à moi, n'a pas été prouvée, que ça va être rejeté et se poser sérieusement des questions concernant la conduite du député de Lévis. Est-ce qu'on doit accepter ça tel quel, qu'une telle accusation a été lançée avec le danger que ça peut se répéter par n'importe qui contre n'importe quand ou est-ce que, peut-être, il faut analyser la conduite, pas seulement du député de Portneuf parce que là, la preuve n'a pas été faite du tout, mais même aussi la conduite du député de Lévis? C'est tout ce que j'ai a dire.

Une voix: II reste cinq minutes, M. le Président?

Le Président (M. Lorrain): Je remercie M. le député de Sainte-Anne de son intervention. Je vais maintenant reconnaître une dernière intervention de la part de la formation ministérielle.

M. Lefebvre: Combien de temps, M. le Président? Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Lorrain): Il reste actuellement 19 minutes et je vais vous reconnaître, M. le "député de Frontenac et leader adjoint du gouvernement.

M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Je vais en avoir assez, M. le Président. Je vais en avoir assez.

M. le Président, le 19 décembre 1986, le député de Lévis a enclenché à l'Assemblée nationale une procédure d'une gravité particulière. Le député de Lévis, par une motion de privilège, a, ce jour-là, accusé carrément le député de Portneuf d'avoir exercé sur lui des pressions indues, le tout contrairement à l'article 55, paragraphe 10 de la loi de l'Assemblée nationale. M. le Président, cette grave accusation a provoqué la convocation de la commission de l'Assemblée nationale à qui l'Assemblée nationale a confié le mandat de vérifier les prétentions du député de Lévis.

Je veux d'abord, M. le Président, vous souligner que le mandat de la commission inclut nécessairement pour tous les membres de la commission l'obligation et la nécessité d'évaluer autant, sinon plus, la conduite, l'attitude et les agissements de l'accusateur, le député de Lévis. Il va de soi, M. le Président, que la bonne foi du député de Lévis dans toute cette affaire doit être appréciée dans son ensemble en tenant compte évidemment des faits entourant les événements du 19 décembre et également, en tenant compte des habitudes et de la façon de faire du député de Lévis.

M. le Président, la seule possibilité qu'on puisse en venir à la conclusion que le député de Portneuf aurait exercé de3 pressions indues sur le député de Lévis, ça serait qu'il l'aurait fait par personne interposée, par un intermédiaire.

Que dit, M. le Président, l'intermédiaire en question? Je résumerai le témoignage de Me Lemay qui a été abondamment scruté par le leader de l'Opposition avec évidemment très peu de succès et qui a été repris également par mes collègues. Le député... L'avocat impliqué dans le projet de loi 272, Me Lemay, M. le Président, est, sur l'essentiel, catégorique, certain, clair dans son témoignage, M. le Président, pour l'essentiel, à savoir que, d'aucune façon, en aucun moment, il n'a senti que le député de Portneuf voulait mettre sur lui ou sur quiconque, en l'occurrence, te député de Lévis, il n'a jamais senti aucune pression de quelque nature que ce soit. Il n'y a pas, M. le Président, sur l'essentiel du témoignage de Me Lemay, place pour interprétation, place pour la démagogie, place pour autre chose que la vérité.

Évidemment, pour l'Opposition, c'est décevant. On aurait aimé ramasser autre chose à l'intérieur du très long témoignage de Me Lemay. Et, M. le Président, j'ai trouvé particulièrement intéressante la séance qu'on a vécue hier matin, où, de toute évidence, le député de Taillon et le député de Joliette auraient souhaité, évidemment, ébranler le témoin Lemay sur l'essentiel, à savoir sur les pressions. On se souviendra, M. le Président, qu'on est longuement revenu là-dessus, hier matin, sans succès. Le témoin Lemay a été encore plus catégorique hier matin qu'il ne l'avait jamais été jusqu'à date. Jamais le ministre Pagé ne

lui a fait de message, jamais le ministre ne lui a dit de faire des pressions sur qui que ce soit et, M. le Président, c'est l'élément essentiel dont avait besoin l'Opposition pour que l'accusation du député de Lévis puisse être maintenue. Étant donné que la pression ne peut être faite que par une personne interposée, parce que c'est reconnu, évidemment, que jamais les deux acteurs principaux se sont parlé, à savoir le député de Portneuf et le député de Lévis, il fallait nécessairement qu'il y ait à tout le moins un début de preuve que l'intermédiaire, Me Lemay, avait senti, de la part du député de Portneuf, un message qui constituait une pression pour le député de Lévis, et ça, M. le Président, cet élément-là n'existe pas. Sous serment et à plusieurs reprises, Me Lemay l'a mentionné. Cet élément-là, M. le Président, étant absent, il y a plus rien qui se tient, il y a plus rien qui se tient.

Lemay, effectivement, avait un message pour M. le député de Lévis: Vous êtes le parrain de la loi, vous allez m'aider à régler le problème auquel je fais face comme procureur au dossier, et ce, dans l'intérêt de toutes les personnes qui, de près et de loin, sont concernées par la loi 272. Évidemment, M. le Président, le leader de l'Opposition n'a pas le choix, il attaque le témoin Lemay qui, par contre, est d'une crédibilité, dans l'ensemble de son témoignage, exceptionnelle; c'est un témoin objectif qui n'a qu'un seul but, M. le Président, dans l'exercice qui a précédé les événements du 19 décembre, c'est de défendre, comme avocat responsable, l'intérêt de sa cliente, la commission de transport. Il a compris qu'il y avait des discussions entre les partis, péquistes et libéraux, et il a compris mieux que le député de Lévis. Pour lui, ces discussions-là de fin de session particulièrement sont normales, régulières; c'est comme ça que ça se passe et c'est de commune renommée pour toute personne qui suit de près ou de loin les travaux à l'Assemblée nationale, et ce, là-dessus, M. le Président, il y a une unanimité au niveau de tous les membres de la commission.

Le témoin Lemay n'a personne à protéger dans toute cette histoire-là, M. le Président. Il contredit Garon, le député de Lévis c'est-à-dire, sur les éléments essentiels. L'attaque de Me Lemay, l'attaque dirigée vers Me Lemay par le leader de l'Opposition nous permet de conclure clairement, M. le Président, que l'Opposition a compris que le député de Lévis s'est emballé, attaquant injustement le ministre Pagé. L'Opposition doit donc en venir à ta conclusion que le ministre n'a jamais, d'aucune façon, mis de pressions indues sur le député de Lévis. Le leader de l'Opposition, M. le Président, ne trouve rien de mieux qu'un scénario aussi farfelu que d'imaginer un message qu'on pourrait qualifier de message subliminal, qui aurait été adressé par le député de Portneuf au député de Lévis en se servant de Me Lemay comme intermédiaire. On n'a rien trouvé de mieux que ça, M. le Président. Cependant, le leader de l'Opposition sait que rien dans les faits ne peut soutenir cette supposition. (13 h 15)

L'Opposition a échoué, M. le Président, lamentablement. Pour sauver la face, pour éviter le ridicule, on fait porter l'odieux sur la personne de Me Lemay, procureur au dossier. C'est le bouc émissaire de la farce péquiste autour de l'accusation du député de Lévis. Vous savez, M. le Président, lorsque le député de Lévis dit à Me Lemay: Occupez-vous pas de ça, je vais le régler le problème que vous me soumettez, il se retrouve finalement avec le choix suivant, le député de Lévis. Comme parrain de la loi, il a le choix entre faire le nécessaire pour dépanner le procureur au dossier pour dénouer l'impasse. Mais il est en conflit d'intérêts avec, comme l'a très bien situé le député de Louis-Hébert, il est en conflit d'intérêts avec sa soif incroyable de publicité. Il a besoin, pour la période d'intersession, qu'on parle de lui. C'est ce qui l'a mis en balance, le député de Lévis. L'intérêt de toutes les personnes concernées par le projet de loi 272 ou mon intérêt personnel: Un show, un spectacle politique.

La meilleure preuve, M. le Président, c'est qu'à la suggestion que lui fait Lemay de le rencontrer, le député de Lévis repousse ça d'un revers de la main. Il se fait une opinion strictement sur une conversation téléphonique, alors qu'il est à évaluer un problème d'une importance capitale pour 50 000 à 60 000 personnes, comme le disait le député de Gouin. Ça ne vaut pas une rencontre avec le procureur au dossier. Pour quelle raison? Il aurait pu, avec Me Lemay, finalement comprendre l'essentiel du problème, comprendre qu'il n'y avait pas de pressions du député de Portneuf, mais ce n'était pas ce que souhaitait le député de Lévis.

Il faut recouper ça, M. le Président, avec l'attitude incroyablement irresponsable du député de Lévis et malhonnête dans les circonstances, lorsque, comme l'ont également décrit, tout à l'heure, mes deux collègues, il ne fait pas la démarche la plus élémentaire de s'avancer de quelques pas pour vérifier ça, M. le Président, avec le député de Portneuf. Lorsqu'on recoupe les deux éléments, refuser la suggestion de l'avocat, Me Lemay, d'une rencontre au parlement pour évaluer les faits dans le calme, en toute objectivité, ne pas non plus avoir la décence la plus élémentaire de vérifier auprès du député de Portneuf, un collègue qu'il côtoie depuis une douzaine d'années, un collègue avec lequel, évidemment, il n'a pas de relation des plus

agréables, mais lorsqu'on a, M. le Président, comme parrain d'un projet de loi d'une importance semblable, on se doit, si on a le respect de la population, on se doit, si on respecte l'institution dans laquelle on se trouve depuis une douzaine d'années, le Parlement du Québec, on se doit, M. le Président, de vérifier.

Sauf que, lorsqu'on a les intérêts contraires, lorsqu'on ne veut pas entendre la vérité, on ne le fait pas. C'est ce qu'a fait le député de Lévis. Du revers de la main, il a repoussé toute autre version des faits que le député de Portneuf et Me Lemay auraient pu lui confirmer pour acheter la seule impression qui était valable pour lui et il a joué au martyr, avec la complicité plus ou moins silencieuse de ses collègues.

Jamais, M. le Président, le député de Lévis n'a subi de pressions indues. Il y a eu des discussions, effectivement, entre lui et, j'imagine, son leader sur son attitude vis-à-vis de certains projets de loi et particulièrement sur le 132. On n'en est pas venu à aucune conclusion logique avec le député de Lévis qui, on le sait, ne peut être influencé par qui que ce soit, non plus par ses collègues, non plus par les libéraux, non plus par le chef du parti, son propre chef, M. le Président, et on se souviendra, puis ça a été très bien résumé par le leader de l'Opposition lui-même, qui, il y a à peine quelques mois, lui suggérait de fonder son propre parti. Ce n'est pas nous qui avons dit ça, M. le Président.

M. le député de Lévis bloque de façon systématique tout projet de loi dans lequel il est impliqué. M. le député de Lévis est un parlementaire déçu et frustré de la défaite subie par le Parti québécois, le 2 décembre 1985, et qui fait de lui maintenant un simple critique et non plus ce qu'il était depuis une dizaine d'années, un ministre. Jean Garon, M. le Président, est un parlementaire d'expérience. On connaît son impétuosité, son caractère prompt, bouillant et intempestif.

Le député de Lévis, le jour du 19 décembre, par intérêt strictement personnel, a fait tout un plat d'un événement qui se vit quotidiennement, de la négociation entre partis. Le député de Lévis, M. le Président, a refusé volontairement de rechercher la vérité. Il a confondu volontairement ou pas les propos de Me Lemay avec ce que Me Lemay rapportait qu'il avait entendu du député de Portneuf.

Il a confondu et mixé les propos du député de Portneuf avec ceux de Me Lemay. Le député de Lévis a entendu ce qu'il voulait bien entendre. Le député de Lévis a confondu les pressions supposément faites par Me Lemay avec une démarche légitime que faisait un procureur au dossier, préoccupé par le sort de 3D 000 à 60 000 personnes.

Ni le député de Portneuf, ni le procureur au dossier n'ont jamais, d'aucune façon, M. le Président, mis de pressions indues ou inavouables sur le député de Lévis qui, de toute façon, de commune renommée, n'est influençable d'aucune façon par qui que ce soit.

M. le Président, cette motion de privilège est une procédure très particulière, comme je l'ai souligné tout à l'heure. Nous avons été soumis au cours des cinq dernières semaines à un exercice inutile, futile, ridicule et loufoque. Le député de Lévis a démontré qu'il n'avait aucun respect de l'institution, a démontré qu'il n'avait aucun respect de ses propres collègues et non plus, évidemment, de ses collègues d'en face.

Le député de Lévis a démontré, hors de tout doute, que le seul intérêt auquel il s'arrêtait, c'était son intérêt personnel, peu importe les conséquences, M. le Président, et le député de Louis-Hébert a fait référence tout à l'heure à un texte de Mme Bissonnette qui résume très bien et mieux qu'on pourrait le faire, M. le Président, l'attitude du député de Lévis.

En conclusion, M. le Président, je vous soumets respectueusement que l'accusation soulevée à l'intérieur de la question de privilège du député doit être rejetée et ce, sans l'ombre d'un doute et sans réserve aucune. En effet, M. le Président, finalement, et tout ça après plus de quinze jours d'audition, rien, rien ne peut nous amener à conclure autrement.

Le 19 décembre 1986 ou avant, en regard du projet de loi 272, aucune pression indue n'a jamais été faite par qui que ce soit, ni par le député de Portneuf directement ou indirectement, ni par quinconque et spécialement pas, M. le Président, quant à nous, par l'avocat au dossier, Me Lemay. Aucune pression indue, M. le Président, n'a jamais été faite par le député de Portneuf sur le député de Lévis, comme je viens de le souligner, par l'intermédiaire de Me André Lemay, procureur responsable au dossier.

Me Lemay là-dessus est catégorique. II n'a jamais senti quelque pression que ce soit venant de Me... du ministre Pagé. Tout le reste, M. le Président, est de l'accessoire. Le ministre de son siège a affirmé clairement le 19 décembre et réaffirmé en mars, lors d'une deuxième intervention à l'Assemblée nationale, que jamais il n'avait, M. le Président, voulu influencer de façon indue le député de Lévis.

Cette affirmation a été faite par le député de Portneuf mettant son siège en jeu, M. le Président. Et connaissant le député de Lévis, comme on le connaît maintenant, on comprend pourquoi il n'a pas relevé le défi.

M. le Président, en terminant, vous me permettrez de vous remercier, vous et votre équipe, d'avoir présidé les séances qui ont été beaucoup plus longues qu'elles auraient dû l'être, quant à nous. On veut vous

remercier, M. le Président, de la patience avec laquelle vous avez écouté les parlementaires des deux côtés de la Chambre.

Et je veux également en profiter pour remercier vos conseillers et souhaiter, M. le Président, que si jamais nous sommes conviés à un exercice semblable dans l'avenir, qu'il y ait, à tout le moins, quelque chose qui nous permette de conclure que ça valait le coup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lorrain): Je remercie M. le député de Frontenac de son intervention. Maintenant, avant d'ajourner les travaux de cette commission, je pense que vous avez... J'ai une première... un avis à vous faire, suite à une demande qui m'a été faite ce matin avant de débuter nos travaux. Chacun des parlementaires, à la demande de cette commission recevra le "galée", les galées, c'est-à-dire avant 16 heures à son bureau cet après-midi, ici même à Québec. Vous aurez une copie des galées complète.

M. Chevrette: ...un consensus entre les deux partis. Peut-être que je peux me faire l'interprète et M. Lefebvre corroborera.

Le Président (M. Lorrain): M. le leader de l'Opposition, quant au consensus.

M. Chevrette: Je pense qu'il y aurait consensus pour qu'on se réunisse en séance de travail à 10 heures, mardi matin, et que dans l'après-midi de lundi, après la période de questions jusqu'à 22 heures le soir, que ce soit temps partagé, 50-50, et alternance comme les motions du mercredi. Mardi le 5 avril.

Le Président (M. Lorrain): Il y a un consentement des deux côtés fermes de la Chambre parce que...

M. Chevrette: Vous pourriez même faire un ordre de la Chambre si vous voulez.

Le Président (M. Lorrain): Oui, je vais leur demander cet après-midi d'en faire un ordre de la Chambre parce que... Je vais faire rapport quelques minutes avant de commencer le débat. Normalement, je vais demander cet après-midi, à la fin des affaires courantes, d'en faire un ordre de la Chambre.

M. Lefebvre: II y a consentement des deux côtés.

Une voix: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Lorrain): Comité de travail, mardi matin, 10 heures. Rapport de la commission à 14 heures durant les affaires courantes.

M. Chevrette: Donc, nécessairement consentement pour étudier le rapport après.

Le Président (M. Lorrain): Oui, et ordre de l'Assemblée pour procéder au débat aux affaires du jour, mardi prochain.

Une voix: Oui, trois, dix.

Le Président (M. Lorrain): Les travaux de cette commission de l'Assemblée nationale sont maintenant ajournés sine die. Merci de votre collaboration.

(Fin de la séance à 13 h 27)

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