Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permamente de l'Assemblée
nationale
Sujet : Réforme électorale
Séance du mercredi 23 septembre 1970
(Dix heures quarante minutes)
M. LAVOIE (Laval) (président de la commission permanente de
l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!
M. BOURASSA: M. le Président, j'aurais deux mots à dire
avant d'entreprendre la discussion; je veux simplement me référer
3 la première déclaration que j'ai faite, qui concernait la
réforme électorale. Je n'ai attendu les lamentations d'aucun
parti pour admettre la nécessité d'une réforme du
système électoral.
Il y a tout de même trois aspects dans cette réforme: la
question de la carte électorale, la question du mode de scrutin et la
question de la loi électorale. Je pense que, ce matin, nous pouvons
examiner les procédures qui peuvent être utilisées, de
même que l'ampleur du travail. Il faudrait se demander, par exemple, si
nous ne devrions pas commencer par la réforme de la carte
électorale; tant que nous n'aurons pas une vue plus précise de la
carte électorale, je me demande jusqu'à quel point nous pouvons
arriver à des conclusions sur le mode de scrutin qui serait
préférable.
Il est évident que le Québec doit modifier sa carte
électorale, peut-être également son mode de scrutin. Mais,
nous ne devons pas penser que le Québec est le seul endroit où
des réformes électorales doivent être accomplies. Durant
les derniers jours, je me suis intéressé à cette question;
j'ai examiné ce qui se faisait dans d'autres pays ou dans d'autres
provinces et nous n'avons pas de leçons de démocratie à
recevoir de qui que ce soit. Je me souviens qu'au lendemain des
élections notamment, certains journaux de gauche en France faisaient des
reproches au système électoral québécois, alors que
nous devons constater que dans ce même pays plusieurs partis ont
été victimes d'un système électoral qui ne
pèche pas par excès de justice. Par exemple, qu'on pense qu'en
1958 le parti communiste a obtenu seulement 10 députés avec
200,000 à 300,000 voix de plus que le parti gaulliste, qui a obtenu 189.
Et nous pourrions multiplier les exemples dans beaucoup de pays.
Il reste tout de même que c'est un problème urgent, non pas
urgent parce qu'il y aura des élections prochainement, mais parce que
cela prendra un certain temps pour arriver à des conclusions.
La première question que j'aimerais poser et sur laquelle
j'aimerais avoir l'avis des membres de la commission est celle-ci: Est-ce que
la commission serait d'accord pour qu'on entreprenne d'abord la question de la
carte électorale avant celle du mode de scrutin ou de la loi
électorale?
M. LE PRESIDENT: M. Laurin.
M. LAURIN: M. le Président, à la fin de la dernière
séance, j'avais déposé une sorte de document de travail
qui traitait en grande partie des points que le premier ministre a
abordés ce matin.
Dans cet échéancier que j'avais soumis, on parlait, bien
sûr, de la carte électorale; on parlait du mode de scrutin; on
parlait de la loi électorale elle-même; on parlait aussi des
procédures. Je pense bien qu'il ressort de tout l'esprit de ce document
que c'était peut-être mieux d'aborder notre travail en situant
d'abord certains principes qui pourraient nous servir de guide dans tout notre
travail ultérieur. Par exemple, personnellement, je ne pense pas que
l'on puisse aborder le problème par le biais des détails. Il me
semble qu'on serait mieux de se faire une idée globale de ce que l'on
veut faire et, ensuite, de prendre les points qui en découlent d'une
façon précise, l'un après l'autre. Si nous pouvions nous
mettre d'accord sur certains principes, cela pourrait accélérer
le travail lorsque nous arriverons à la discussion des points
particuliers.
M. BOURASSA: Comme lesquels, M. Laurin?
M. LAURIN: Bien, il me semble qu'avant de parler du découpage de
la carte électorale; il serait bon de s'entendre sur certains principes,
par exemple, sur ce que doit contenir la réforme éloctorale et
sur les points que l'on doit couvrir. En ce qui concerne la carte
elle-même, qu'est-ce qu'il faut faire avec les comtés
protégés, comme tout le monde le sait? Combien de
députés devront être élus à la
proportionnelle? Combien de députés devraient être
élus selon le mode uninominal?
M. BOURASSA: Justement. Quel qu'il soit, il faut avoir une idée
de la carte électorale avant de... Je pense que, là, on
commencerait...
M. LAURIN: Mais justement, il me semble que c'est aborder le
problème par un point particulier. Comme tout le monde s'entend sur la
nécessité...
M. BOURASSA: Trois points particuliers. M. LAURIN: Oh! Il y en a plus
que cela!
M. BOURASSA: II y a le mode de scrutin, il y a la carte
électorale, il y a la loi.
M. LAURIN: Mais, il y a aussi les mécanismes
électoraux.
M. BOURASSA: C'est dans la loi, comme le
dit le député de Chicoutimi. Je pense qu'on peut
être d'accord: il y a trois objectifs qu'on doit discuter.
M. LAURIN: De toute façon, j'aimerais ça, quand
même, que le président me donne la permission de relire un peu ce
document que je déposais la dernière fois. Cela éclairera
peut-être un peu plus ma position. Je disais, par exemple, que la
réforme électorale...
M. LAPORTE: Ecoutez, je pense bien que le député n'a pas
de permission à demander au président pour le lire. Actuellement,
je pense qu'à la demande du premier ministre nous étudions un
point particulier, à savoir si nous devrions commencer notre travail par
ce qui apparaît à bien des gens comme la réforme la plus
pressante. Nous sommes, nous, députés, à la fois
intéressés et préjugée lorsque vient le moment de
nous prononcer sur des problèmes comme celui-là. On nous l'a dit
sur tous les tons.
Si l'on s'en remet à quelques personnes qui ont fait
carrière d'étudier ces problèmes et qui n'ont pas
d'intérêt particulier pour l'une ou l'autre des formations
politiques en présence, on constate que, chez ces personnes, il
apparaît que la réforme la plus pressante est celle de la carte
électorale. Je m'en remets, par exemple, à deux personnes pour
qui j'ai beaucoup de respect, M. Jean-Charles Bonenfant et M. Vincent Lemieux
qui, l'un et l'autre, ont...
M. LAURIN: Est-ce que c'est une interruption ou si c'est une
intervention de point d'ordre sur ce que j'étais en train de dire?
M. LAPORTE: Bon, allez-y donc. Si vous commencez à nous manier le
règlement, vous qui le maniez tellement bien, allez-y donc.
M. LAURIN : Non, je comprends bien votre idée. Vous dites que
c'est le plus pressant. Mais, justement, l'idée que j'étais en
train de développer, c'est que, même si c'est pressant au
fond, beaucoup de choses sont pressantes dans la réforme de la loi
électorale il y a la carte, bien sûr, mais il y a aussi
tous les autres problèmes.
M. LAPORTE : On a finalement l'impression, M. Laurin, qu'en apportant
tous ces problèmes-là en même temps, vous n'avez pas
l'intention de rien régler, mais de faire durer... Tâchez de
prendre l'initiative.
M. LAURIN: Je ne les apporte pas, mais, dans le document que j'avais
déposé la dernière fois, on remarque qu'il y avait un
échéancier très précis où, au contraire, on
les abordait successivement, l'un après l'autre, selon certaines
étapes...
M. LAPORTE: Vous vous prenez encore pour le gouvernement.
M. LAURIN: Nous admettions justement avec tous les partis que la
réforme électorale au Québec était une oeuvre
d'envergure qui, par surcroît, doit être accomplie rapidement, et
que sa réussite supposait donc la mise en place immédiate de
mécanismes efficaces capables de produire à temps une
réforme acceptable à l'ensemble de nos partis politiques et de
notre population. Les postulats de base sont les suivants, et le présent
texte était basé sur un certain nombre de ces postulats de base
qui devraient être acceptables à la plupart des membres de la
commission. Nous postulons d'abord que notre étude porterait sur
l'ensemble des processus électoral. C'est exactement le point que je
voulais souligner.
M. LE PRESIDENT: Excusez-moi. Je comprends que le député
de Bourget procède à la lecture de ce document, mais, si je me le
rappelle bien, tout le monde a eu copie de ce document. Non?
M. LAURIN : Je ne suis pas sûr, M. le Président, que tout
le monde l'ait lu.
M. LAPORTE: Même si je vous disais qui l'a
préféré...
M. LE PRESIDENT: On pourrait peut-être demander aux membres de la
commission s'ils en ont pris suffisamment connaissance.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne voudrais pas
interrompre le député de Bourget, mais je crois que le premier
ministre a posé tout à l'heure le problème dans sa
totalité en parlant des trois aspects principaux, soit la carte, le mode
de scrutin et la loi électorale. Tout ça, évidemment, se
tient; on ne peut pas aller dans un sens, sans nécessairement toucher
à l'un ou l'autre des aspects qu'a évoqués le premier
ministre. Or, dans le document que M. Laurin nous a remis l'autre jour, et dont
nous avons pris connaissance avec grand intérêt, au fait, il est
question exactement de ces trois problèmes dont a parlé le
premier ministre, soit la carte, le mode de scrutin, la loi électorale.
Certaines modalités concernant la façon de voter, si on doit
utiliser une machine, enfin le problème des dépenses
électorales, etc., tout ça peut entrer dans le cadre d'une
réforme de la loi électorale.
Est-ce que nous devons donner priorité à la carte
électorale et commencer par examiner ce problème-là
d'abord? Personnellement, à moins que mes collègues ne soient
d'un avis contraire, je pense que ce serait le meilleur moyen de s'entendre sur
un objet de notre recherche actuelle, ici, en commission. Nous allons commencer
par étudier le problème de la carte
électorale parce que, justement, lorsque nous étudierons
le problème de la carte électorale, se posera le problème
qui se trouve évoqué dans le document que nous a remis M. Laurin,
le problème des comtés protégés. Quant à
moi, la proposition du premier ministre me paraît la plus
cohérente, la plus logique, soit d'aborder les trois problèmes:
celui de la carte, ensuite celui du mode de scrutin pour en arriver finalement
à une sanction de tout cela par une réforme de la loi
électorale.
M. LE PRESIDENT: M. Cardinal.
M. CARDINAL: M. le Président, je ne voudrais certainement pas
contredire mon collègue, mais apporter ce qui me paraît des
nuances importantes. M. Laporte, tantôt, a mentionné que, sur le
problème de la refonte de la carte électorale, nous étions
nécessairement préjugés. Il faut l'admettre au
début. Si je prends un exemple que je connais très bien, il est
certain qu'un comté comme celui de Bagot est un de ceux qui ont les plus
grandes chances de disparaître dans la refonte d'une carte à cause
de sa situation géographique et de son nombre moyen d'électeurs,
qui est d'environ 15,000. Il est à mi-chemin entre ceux qui n'en ont que
7,000 et ceux qui, comme celui de mon collègue d'en face, en ont
80,000.
Dans d'autres cas, parce que c'est un comté
protégé, celui qui est là peut être, d'avance, pas
tellement heureux, non plus, de voir cesser cette protection ou de le voir
disparaître. Nous avons déjà connu dans le passé des
corrections, si on peut ainsi dire, des comtés protégés,
si bien que je prends encore l'exemple de mon comté il y
en a peut-être une partie qui est protégée parce que
ça faisait partie de Drummond et de certains autres quand il y a eu une
certaine refonte. On peut dire que non, on peut dire que oui. Je ne donne pas
cela comme exemple général, mais, à la suite de certaines
réformes de la carte électorale dans le passé, se pose
peut-être le problème, dans Hull, Pontiac, etc., de savoir
vraiment ce qu'est un comté protégé.
De plus, si on n'étudie que la carte électorale, sans
même cette hantise de la protection juridique ou de la protection
psychologique que l'on veut apporter à son propre comté, je ne
pense pas que l'on puisse isoler et dire: Nous commençons par le point
un, qui est la refonte de la carte, si nous ne savons pas vers quoi nous
allons.
Et c'est le problème sur lequel je veux insister pendant quelques
instants seulement.
Une réforme de la carte, si on ne prend que ce problème,
va causer le problème purement démographique le nombre de
personnes dans un comté le problème que j'appellerai
régional, ou les problèmes régionaux. Les régions
ne se ressemblent pas toutes au Québec, on le sait. Alors, quand on fait
un découpage, on aura beau vouloir réunir les
Iles-de-la-Madeleine à la Gaspésie, il y aura quand même
quelque chose qui les séparera, c'est un bras de mer. Et si on veut
joindre certains comtés, il y aura toujours le Saint-Laurent, aussi,
entre les deux. Il y a des divisions régionales qui dépendent de
la géographie, d'autres qui dépendent de questions
économiques ou sociologiques.
Il y a un troisième point qui me paraît aussi important :
ces frontières, entre les comtés, dans certains endroits, sont
vécues et senties par la population. Les gens, par exemple, des
comtés ruraux savent à quel rang ils changent de comté.
Les gens des milieux urbains, surtout des grands centres urbains, tout
particulièrement à Montréal, n'ont aucune notion de ce
qu'est un comté. Et si on menait une enquête, on s'apercevrait
que, parfois, ils ne savent même pas qui est leur député,
ou au fédéral, ou au provincial. Quand j'ai exercé comme
notaire, lorsqu'il y avait des formules où il fallait inscrire le nom du
comté, remplir le blanc pour indiquer le nom du comté, les gens
de l'île de Montréal, deux fois sur trois, ne savaient pas dans
quel comté ils se trouvaient. Voilà ce que j'appellerai des
raisons, non pas démographiques ni régionales, mais des raisons
purement de sentiment d'appartenance. Cela, sur le premier point.
Deuxième point. Si on ne fait qu'une réforme de la carte
fondée sur ces trois points, sans savoir d'avance si l'on se dirige, ou
non, vers une réforme du scrutin, cela me paraît une grande
illusion, parce que c'est le total des deux qui va faire une véritable
réforme de la représentation et de la
représentativité à l'Assemblée nationale. Si on ne
fait qu'une réforme de la carte, qu'on le dise tout de suite, on va en
discuter, c'est ce qu'on veut, ou c'est ce qu'on ne veut pas. Si on fait une
réforme et de la carte et du mode de scrutin, encore là on
pourrait se poser une série de questions sur le mode de scrutin. Si on
avait un mode de scrutin à deux ballottages, les gens étant ce
qu'ils sont présentement, avec les traditions qu'ils ont connues et quel
que soit le découpage de la carte, étant habitués, par
nature, à voter du côté du pouvoir, il pourrait arriver la
chose qui paraît, à première vue, incroyable aux
intellectuels, aux techniciens et aux politicologues, que le dimanche suivant
la première élection, tout le monde vote du côté du
pouvoir, sauf quelques rares individus dont la personnalité serait si
forte qu'elle passerait à travers une semblable vague.
Là, on aurait un gouvernement qui je regrette de le dire
ne me paraîtrait pas tellement démocratique malgré
des moyens, peu importe lesquels ils soient...
M. BOURASSA: II y aurait un parti unique.
M. CARDINAL: C'est cela; ça deviendrait un parti unique, à
toutes fins pratiques. Il faut donc avoir déjà des idées
sur le genre de mode
de scrutin. Est-ce un mode de scrutin proportionnel? Est-ce un mode de
scrutin par ballottage? Est-ce un mode de scrutin, même proportionnel,
qui va ressembler à celui de l'Allemagne ou qui va être parmi les
nombreux qui ont été proposés. D'ailleurs, à cette
commission, dans les recherches qui ont été faites par l'Institut
de recherche en droit public de la faculté de droit de
l'Université de Montréal? Il y a au moins je ne me
souviens pas du nombre exact douze modes qui sont
présentés. Déjà, cela fait deux
problèmes.
Il y en a un troisième: la loi électorale. L'Union
Nationale, avant que les élections soient déclenchées,
avait proposé un projet de loi qui portait sur si je ne me
trompe, on me corrigera le numéro 1. Il y était question
d'un certain nombre de choses dont, entre autres, le financement des partis et
des candidats, ce que, par le biais, on peut appeler la question des caisses
électorales. Ce problème me paraît moins rattaché
aux deux premiers. Il n'a pas la même incidence directe.
Il y a autre chose, cependant. C'est que carte électorale et mode
de scrutin, avec la constitu-ition interne que nous avons présentement,
me paraissent des choses énormément dangereuses à modifier
sans des études vraiment approfondies, parce qu'on peut arriver à
des résultats pires que ceux que nous avons présentement,
même si je trouve qu'actuellement la situation n'est comment la
qualifier pour que ce soit parlementaire? certainement pas juste pour la
population, et je ne reviendrai pas sur les proportions du vote populaire ni
sur ce qui serait arrivé, dans chacun des collèges
électoraux, s'il y avait eu deux scrutins. On pourrait le faire pour
toutes les années en retournant jusqu'en 1956 et on s'apercevrait
probablement qu'aucun des gouvernements qui ont été au pouvoir
depuis 1956 n'a été un gouvernement légitime selon ces
thérories.
Alors, cela me paraît un peu difficile de dire: On commence par la
carte. Je serais prêt à dire on commence par la réforme de
la carte, si je savais où on s'en va avec le total.
M. BOURASSA: Excusez-moi. Est-ce que vous voulez dire, M. Cardinal, que
vous seriez d'accord pour commencer par la carte, mais qu'il faudrait
régler le cas de l'article 80?
M. CARDINAL: C'est ça. Il faudrait adopter...
M. BOURASSA: II y a 17 comtés protégés, ici.
M. CARDINAL: Non seulement les comtés protégés.
M. BOURASSA: Oui.
M. CARDINAL: Je pense qu'il faudrait que la commission consente non
seulement à étudier le problème de la carte mais aussi la
refonte du scrutin et la question des comtés protégés. On
devrait s'entendre d'une façon claire et absolue, et se faire un point
d'honneur de suivre cette règle. Il est déjà arrivé
à l'Assemblée nationale qu'ayant deux projets de loi devant nous,
malgré la réglementation qui nous obligeait à ne parler
que d'un à la fois, nous ayons convenu d'intervertir l'ordre des
débats parce qu'il y avait interrelation.
Qu'on commence par la carte, je n'ai pas d'objection. On peut commencer
par un bout ou par l'autre. Le premier ministre a peut-être raison de
dire que le premier point conditionne le second. On pourrait peut-être
avoir aussi raison de dire que le second point conditionne le premier. Je pense
qu'ils "s'entre-condition-nent", si le mot est français, et c'est dans
ce sens que je dis: Convenons d'abord, si le président le permet ainsi
que le premier ministre et les membres de la commission, que nous
entreprendrons tous les points et que, à la prochaine élection
ici, je ne voudrais certainement pas faire de l'électoralisme
qui peut être avant quatre ans, nous ne nous retrouverons pas dans
une situation où on n'aurait fait que la carte électorale et
qu'on n'aurait pas entrepris le reste. Cela me paraîtrait, je m'excuse,
extrêmement dangereux et là il y aurait beaucoup de critiques de
la population. Même pour le parti au pouvoir qui, comme c'est normal,
voudrait se protéger on revient encore aux préjugés
dont on parlait au début ce serait au contraire un jeu de
boomerang, et on pourrait les accuser de n'avoir pas agi
démocratiquement et de se mettre eux-mêmes dans une situation pire
que celle où l'on se trouvait auparavant.
Je ne sais pas si l'intervention est suffisamment claire mais...
M. BOURASSA: M. le Président, si je peux me permettre juste une
remarque. Nous sommes bien conscients de l'importance de ce problème,
c'est pourquoi nous avons renvoyé cela à la commission
parlementaire. On n'a qu'à examiner certaines lois qui ont
été votées par les partis au pouvoir. J'ai surtout
examiné le cas de la France en 1950-1951 qui a établi un
système électoral avec des listes apparentées.
C'était rempli de trucs. C'est pourquoi, en renvoyant cette question
à la commission parlementaire, où tous les partis sont
représentés, on peut peut-être éviter au parti au
pouvoir la tentation de se protéger par une réforme
électorale.
Te voudrais simplement nommer les 17 comtés
protégés...
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, avant que le premier
ministre procède, je voudrais bien préciser ce que j'ai dit au
départ. J'ai indiqué que le premier ministre avait
souligné les trois points majeurs du travail de
notre commission, soit la carte, le mode de scrutin et la loi
électorale. Je n'ai pas pris parti d'aucune façon et je suis bien
d'accord, avec mon collègue de Bagot, que le problème de la
refonte de la carte électorale ne règle pas toute la
question.
Dès qu'on touche à la carte électorale, on est
obligé, en même temps, de toucher au mode de scrutin et,
finalement, à la loi électorale parce que notre étude doit
partir de certains critères et le premier des critères,
c'est celui de la représentativité afin d'en arriver
à un juste équilibre de la représentation et des droits
qu'ont les citoyens de se faire entendre à l'occasion d'un scrutin.
Ce qu'a dit M. Cardinal complète ce que j'avais dit au
départ, à savoir qu'il y a trois problèmes majeurs mais
que ces problèmes ont une étroite relation les uns avec les
autres, de sorte qu'on ne peut pas toucher à l'un sans
nécessairement devoir toucher aux autres questions qui se greffent
fatalement à cette question qu'on estime être, peut-être, la
plus importante au départ, celle de la carte électorale. Mais la
refonte de la carte électorale n'aura de sens que si l'on tient compte
des autres problèmes, particulièrement du mode de scrutin, comme
l'a indiqué mon collègue de Bagot. C'est pourquoi je crois que le
premier travail de la commission serait d'examiner quels pourraient être
les critères de représentativité les plus objectifs, les
critères les plus démocratiques, parce que, lors de la parution
du rapport Grenier, il y avait eu divergence d'opinions. D'un
côté, tout un groupe d'intellectuels, d'universitaires avaient
donné leur caution immédiate au rapport Grenier, sans voir
quelles en étaient les implications sociologiques, les implications
aussi sur le plan de la démocratie appliquée des conclusions de
ce rapport. Même les hommes politiques qui étaient alors en place
n'étaient pas d'accord, en partie, avec le rapport Grenier,
précisément parce qu'il ne tenait pas compte des critères
de représentativité, ce rapport se basant uniquement sur un
critère de représentativité démographique, ce qui
exclut, évidemment, tout le reste, qui est beaucoup plus important, la
question d'une représentativité au plan sociologique,
économique, etc.
A supposer, par exemple, que dans une région comme la mienne, on
décide qu'il y a X comtés et que, dans la région de
Montréal, il y a X comtés, par rapport à ce qui existe
à l'heure actuelle, cela ne veut pas dire que pour autant on aura
atteint une représentation qui soit à la fois démocratique
et juste parce que chaque région est une entité. Il y a un aspect
numérique, mathématique, si l'on peut dire, lorsqu'on
considère les citoyens en bloc et il y a aussi un aspect moral qui lui,
évidemment, nous oblige à évoquer toutes les questions
sociologiques qui tiennent à ce critère de
représentativité qui doit, au départ, être
examiné avant que d'aller plus avant.
M. LE PRESIDENT: M. Léger.
M. LEGER: M. le Président, je serai bref. C'est que le
député de Bagot et le député de Chicoutimi ont
quand même dit pas mal de choses que je voulais dire. Je voudrais
simplement ajouter que, si on parle d'étudier la carte électorale
dans le sens du découpage, eh bien, c'est entendu qu'on se bloquera
à mesure qu'on avancera à d'autres problèmes reliés
les uns aux autres, non seulement les comtés protégés,
dont nous parlions tantôt, mais aussi juste le fait du nombre de
députés qu'il nous faut.
Si on décide que, dépendant du mode de scrutin, on
adoptera plus tard le vote proportionnel, que ce soit 50 p.c. d'élus
territorialement et 50 p.c. d'élus sur une liste à
côté, ou les 2/3, cela divisera le nombre de territoires ou de
comtés d'une façon bien différente. Je pense que si on
pouvait suivre l'échéancier qui a été
proposé dans le projet que tout le monde a lu, et auquel on s'est bien
intéressé, on pourrait peut-être d'abord établir la
méthode de procéder qui pourrait être la carte
électorale, pourvu qu'on puisse sortir du problème de la carte
pour régler, à mesure qu'ils arrivent, les problèmes
d'autres domaines. Il y a les prérequis, je pense, qu'il faut
considérer avant d'arriver à la carte électorale
elle-même. Je pense qu'on devrait avoir une vision d'ensemble rapide sur
certains sujets, pour voir si on s'entend sur plusieurs de ces sujets, avant
d'arriver à étudier uniquement la carte électorale en
elle-même.
M. BOURASSA: M. le Président, juste pour donner les
comtés, je pense qu'un problème qui a été
soulevé et qu'il faut peut-être régler. Comme comtés
protégés, il y a les comtés de Pontiac, Compton, Brome,
Argenteuil, Mégan-tic, Stanstead, Sherbrooke, Missisquoi, Wolfe,
Richmond, Shefford, Huntingdon, Hull, Papineau, Témiscamingue,
Abitibi-Est, Labelle. Il y en a dix aux libéraux, trois à l'Union
Nationale et deux au Crédit social. Cela fait...
M. LE PRESIDENT: Trois au Ralliement des créditistes.
M. BOURASSA: Ralliement des créditistes. Pardon, je m'excuse. Le
Problème, c'est que, pour abolir l'article 80, il faut une
majorité simple à l'Assemblée nationale et il faut une
majorité, si je suis exact, des comtés impliqués. Cela
veut dire qu'il faudrait...
M. PAUL: M. le Président, avant que l'honorable premier ministre
aille plus loin sur ce point, qu'il me soit permis de porter à sa
connaissance certaines études juridiques qui ont été
faites à la suite de l'adoption par l'Assemblée
législative de certaines lois qui avaient pour effet de refondre en
partie la carte électorale quant aux territoires de certains
comtés. L'honorable premier ministre vient de mentionner
que le comté de Hull serait un comté
protégé. Je soumets respectueusement que des études
juridiques ont été faites pour soutenir que le comté de
Hull, au regard des dispositions de l'article 80, ne serait plus un
comté protégé. Il y aurait peut-être lieu de faire
faire une étude juridique pour que les membres de la commission puissent
être informés d'une façon quasi absolue des comtés
qui sont réellement protégés au regard des amendements qui
ont été apportés à la loi électorale de
1922, en 1933 et en 1939. Spécialement à l'article 78 de la loi
de 1912 et à l'article 5 de la loi de 1922.
M. BOURASSA: Mais il y a des opinions divergentes...
M. PAUL: Justement.
M. BOURASSA: D'accord, alors...
M. PAUL: II s'agirait peut-être de demander à des
conseillers du ministère de la Justice de faire une étude
exhaustive de tout le problème pour qu'il y ait un certain consensus ou,
du moins, une certaine unanimité quant aux comtés qui sont
protégés actuellement au regard du texte original de l'article 80
et des modifications qui ont été apportées à la loi
de la Législature, à la Loi électorale du Québec.
L'honorable premier minstre, en mentionnant le comté de Hull comme
étant un comté protégé...
M. BOURASSA: II y a Abitibi-Est aussi...
M. PAUL: Et Rouyn-Noranda qui crée un certain
problème.
M. BOURASSA: Rouyn-Noranda aussi?
M. LAPORTE: Mais est-ce que ce ne serait pas plus simple, beaucoup moins
long et moins procédurier si on décidait, plutôt que de
faire toutes ces études...
M. PAUL: Je n'aime pas le terme "procédurier".
M. LAPORTE: Je ne le dis pas à votre endroit, mais enfin ce
serait beaucoup plus long de recommencer des études et consulter des
juristes qui vont finalement se contredire. Il y en a dix-sept au maximum,
dit-on. Si on peut obtenir une majorité absolue des dix-sept,
peut-être se compter chacun dans chaque parti et voir ce que les gens
sont prêts à faire dans ces 17 comtés, si on a la
majorité absolue dis-je, est-ce que ce ne sera pas très simple de
prendre les dix-sept et de régler le problème?
M. PAUL: Oui.
M. LAPORTE: Pas besoin de faire des étu- des. Il y en a dix-sept
et si on en a neuf, c'est la majorité absolue.
M. CARDINAL: Est-ce qu'on peut savoir s'il y a une majorité au
sein des dix comtés libéraux?
UNE VOIX: M. Brown. Sans doute...
M. LAPORTE: II y a une grosse majorité en Chambre, si c'est
ça que vous demandez.
M. CARDINAL: Ce n'est pas ma question.
M. LAPORTE: Je le sais bien, mais je peux dire cela quand
même.
M. BOURASSA: Dix comtés libéraux, quatre de l'Union
Nationale et trois du Railliement créditiste. Dix, quatre, trois.
M. CARDINAL: II y a le député de Brome qui a fort bien
compris ma question; j'ai vu son sourire.
M. PAUL: M. Brown pourrait peut-être nous faire part de son
opinion sur le sujet.
M. LAPORTE: De même que le député de Wolfe; il
pourrait peut-être nous donner son opinion.
M. LAVOIE (Wolfe): Le député de Wolfe n'est certainement
pas d'accord pour le découpage électoral dans notre
région. Quand viendra le temps du découpage de la carte
électorale, j'aurais peut-être quelque chose à
suggérer, une autre façon de protéger certains
comtés. Les comtés protégés, dans le temps, l'ont
été pour protéger les loyalistes, les anglophones, qui
avaient besoin de protection. Maintenant, je crois que c'est
l'élément français qui a besoin de protection,
comparativement aux comtés anglophones de la ville de Montréal.
Quand viendra le temps, j'espère que je pourrai soumettre mon opinion
à ce sujet-là.
M. PICARD: Ce serait à l'article 81 a).
M.BOURASSA: On pourrait discuter longuement là-dessus. Il y a des
comtés anglophones qui ont des majorités de 40,000.
M. LE PRESIDENT (Lavoie): M. Hardy suivant: M. Masse.
M. HARDY: Merci, M. le Président. Je pense que, au fond, ce que
l'on discute depuis le début est une question de méthodologie. Il
s'agit de savoir si l'on doit commencer par tel sujet ou tel autre ; il semble
bien se dégager une espèce de consensus quant à
l'importance et à l'urgence d'étudier les différentes
questions qui concerneraient la réforme de la carte
électorale.
A la lumière des observations du député de Bagot,
je pense, comme lui, qu'il est assez difficile de se prononcer sur une question
en laissant tomber les autres. Par ailleurs, je vois difficilement comment on
pourrait arriver à adopter un mode de scrutin, plutôt qu'un autre,
sans savoir dans quel contexte réel ce mode de scrutin pourra
s'appliquer. Parce que cela peut changer considérablement la
mathématique électorale. C'est un peu dans ce sens-là que,
personnellement, je me pose la question à savoir si, sans laisser de
côté les autres aspects, tout en poursuivant les études, il
ne serait pas, d'abord, prioritaire et urgent de procéder à
l'étude de la carte électorale, parce que c'est peut-être
ce travail qui sera le plus long et qui implique le plus de
problèmes.
Seulement refaire les frontières des comtés, c'est une
tâche assez d'envergure. Cela, en tenant compte de cet aspect, et aussi,
en tenant compte du fait que je vois difficilement comment la commission, et
par la suite l'Assemblée nationale, pourrait se prononcer en faveur d'un
mode de scrutin plutôt qu'un autre, sans connaître dans quel
contexte il s'appliquerait. Une fois que la carte électorale serait
divisée, nous pourrions voir quel est le mode de scrutin qui, en
fonction de cette carte électorale, rendrait la
représentativité la plus exacte, ou amènerait le
système le plus démocratique possible.
Dans cet esprit, je pense que des décisions devraient se prendre
au niveau de la carte électorale, avant de prendre des décisions
quant au mode de scrutin. On a évoqué le problème de
l'article 80, tantôt, et je suis bien d'accord avec le leader
parlementaire. Je n'ai rien contre les études juridiques, au contraire,
mais je pense qu'il serait peut-être inutile de commander de longues
études juridiques si, tout à coup, on s'aperçoit que la
majorité des 17 représentants quels que soient les partis
auxquels ils appartiennent il peut y avoir des alliances... Si mon
souvenir est bon, je souligne que le député de Missisquoi a
déclaré, dans un discours au début de la session, qu'il
serait favorable à l'abolition de cette clause féodale...
UNE VOIX: En voilà un.
M. HARDY: ... des comtés protégés.
M. LAVOIE (Wolfe): Pas de n'importe quelle façon.
M. HARDY : Si la majorité des députés
concernés était favorable à l'abolition des effets de
l'article 80, il n'est pas nécessaire de faire de longues études
juridiques. A ce moment-là deux questions se posent: Est-ce que l'on
devrait, immédiatement, déposer une loi à
l'Assemblée nationale pour abolir ou abroger l'article 80, tel que nous
le permet la constitution? Il s'agit de la constitution du Québec. Donc
l'Assemblée nationale aurait le pouvoir d'abolir l'article 80.
Devrait-on faire cela immédiatement, ou tout simplement? ... Je dis que
ce n'est pas absolument nécessaire. Ce serait peut-être bon pour
bien des raisons. D'abord, cela clarifierait la situation. La commission
pourrait travailler sans aucune épée de Damoclès au-dessus
de sa tête. Aussi, ce serait peut-être ici, je parle
strictement en mon nom personnel une affirmation valable, de la part de
l'Assemblée nationale, de la souveraineté du Québec
à l'intérieur de sa juridiction actuelle.
D'autre part, je dis que ce n'est pas absolument essentiel d'abolir
l'article 80, parce qu'au moment où une loi amendant le chapitre 5 de la
division territoriale serait présentée en Chambre pour
établir une nouvelle carte électorale, si la majorité des
dix-sept députés concernés vote en faveur de cette
loi-là, l'article 80 deviendrait caduc et inopérant par le fait
même.
Alors ce sont les deux arguments en faveur et contre la
présentation immédiate d'une loi. Je serais plutôt
favorable à ce que l'article 80 soit abrogé immédiatement
pour laisser le champ libre et permettre, par la suite, un travail efficace de
la part de l'Assemblée nationale.
Mais, encore une fois, je vois difficilement comment on pourrait arriver
à choisir un mode de scrutin plutôt qu'un autre et ça
regarde surtout les modes de scrutin. Quant aux autres aspects; celui du
financement des partis politiques, etc., c'est moins relié à la
carte électorale, mais je vois difficilement comment on pourrait choisir
un mode de scrutin plutôt qu'un autre avant de savoir exactement quel
sera le portrait de la carte électorale sur lequel s'appliquera le mode
de scrutin.
M. PAUL: M. le Président, si on me permet. M. LE PRESIDENT: Oui,
oui.
M. PAUL: Je ne voudrais pas être mal interprété.
Quand j'ai parlé tout à l'heure du comté de Hull, je n'ai
jamais eu l'idée de déférer tout le problème
à des juristes pour en faire une étude complète; j'ai
signalé ce point à l'attention des membres de la commission tout
simplement parce que des études juridiques ont déjà conclu
que le comté de Hull n'était pas protégé, en raison
de l'étendue de territoire qu'on en a détaché du
comté d'Ottawa.
Si, par contre, la majorité des députés de ces
supposés comtés protégés, dont le premier ministre
vient de donner la liste, est d'accord, il n'y a pas de difficultés.
Mais je ne voudrais pas cependant que ce soit interprété comme un
désir de ma part de déférer tout le problème
à des juristes. C'est tout simplement sur ce point particulier du
comté de Hull que j'ai voulu attirer l'attention du premier
ministre...
M. BOURASSA : Cela peut jouer sur la majorité absolue, si Hull
n'en fait pas partie.
M. PAUL: Oui, supposons... M. BOURASSA : D'accord.
M. PAUL: ... que la décision du dernier caucus libéral,
qui a eu lieu dans la région du Lac-Saint-Jean, est mise en application
et qu'on ait une liberté absolue de vote et d'expression et qu'on sorte
des lignes d'un parti, ça pourrait devenir assez important. Si, par
hasard, le député de Hull a, à ce moment-là,
à faire jouer la balance de l'abolition de l'article 80, ça
devient assez sérieux.
M.BOURASSA: Le point est juste, d'accord.
M. LE PRESIDENT: M. Masse, les deux suivants, MM. Laurin et Dumont.
M. MASSE : M. le Président, en réponse à une
question posée par le député de Mercier concernant la
méthodologie de cette commission, je crois que le premier point qui doit
être mis de l'avant, c'est la question des comtés
protégés. Je crois bien qu'il est nécessaire de
connaître notre marge de manoeuvre avant de décider s'il y a
réforme de carte ou réforme de scrutin.
Cela pose un certain nombre de problèmes juridiques. On a
soulevé la question du comté de Hull. On peut procéder
à un sondage auprès des députés pour savoir si,
majoritairement, ils sont d'accord avec la disparition de leurs comtés,
protégés ou pas. S'ils le sont, il n'y a pas de problème,
mais s'ils ne le sont pas, comment, juridiquement, pourrait-on s'y prendre pour
faire disparaître les comtés, si la majorité ne le
désire pas?
Est-ce qu'on doit proposer une adresse à la reine? Est-ce qu'on
doit demander au gouvernement fédéral d'amender la constitution
canadienne? Cela pose un certain nombre de problèmes. Je crois que tant
que celui-là ne sera pas résolu, ne connaissant pas notre marge
de manoeuvre, on peut difficilement changer la carte électorale ou
changer le mode de scrutin. Je crois que le premier point à
résoudre, c'est donc les comtés protégés.
Deuxièmement, mode de scrutin ou carte électorale. Le
député de Terrebonne vient d'exposer des idées mettant de
l'avant d'abord la carte électorale. Je crois qu'il y a également
un autre point de vue qui découle d'une certaine logique. Quant à
moi, il faudrait régler le mode de scrutin. Et j'explique la logique.
C'est qu'il y a divers modes de scrutin qui tournent autour de deux
idées: uninominal ou proportionnel. Il est évident que le scrutin
uninominal appelle des criconscriptions plus restreintes que le scrutin
proportionnel, surtout si la circonscription peut élire plusieurs
députés en même temps. Alors le mode de scrutin doit,
à mon avis, être déterminé. Si on s'entend pour dire
que c'est uninominal à un seul tour, on voit tout de suite la dimension
de la circonscription électorale.
Si les parlementaires, par contre, s'entendent pour dire que c'est le
scrutin proportionnel à plusieurs élus, évidemment la
circonscription peut passer tout de suite à 100,000 électeurs et
avoir droit à quatre députés.
Alors, après avoir discuté et décidé que ce
serait, supposons, le mode proportionnel, nous faisons une carte
électorale en relation avec le mode de scrutin.
Voilà pourquoi je crois que le deuxième point
après avoir réglé la question des comtés
protégés est qu'il faut nous entendre sur le mode de
scrutin. Il y a une philosophie derrière un mode de scrutin. Il faut
faire attention. Si nous décidons de prendre un scrutin uninominal
à un seul tour, voilà que nous donnons une importance prioritaire
aux députés par rapport au Parlement perçu comme
entité nationale, c'est-à-dire que le problème local a
plus d'importance, que le député sort de sa circonscription
électorale, qu'il est élu pour des raisons locales, etc. C'est
une philosophie du Parlement.
Si, par contre, nous décidons que l'entité nationale a
plus d'importance et que nous choisissons d'avoir un scrutin proportionnel avec
de grandes circonscriptions électorales de 100,000 électeurs
votant pour un député ou plusieurs députés, nous
voyons automatiquement que l'impact national a plus d'importance que l'impact
local. Voilà donc un principe mis de l'avant.
Pour résumer en deux mots, je crois que le scrutin doit
être le deuxième point. Quelle sorte de Parlement voulons-nous
avoir au Québec? Est-ce que nous voulons avoir des représentants
sur le plan national ou une coalition de représentants locaux? Ce sont
là des points que nous pourrions discuter concernant le scrutin.
Lorsque nous aurons discuté de la sorte de députés,
leur sorte de mandat, d'où ils viendront, selon quel mode de scrutin, il
arrive le troisième point, qui, à partir de là, est
logique. Ce n'est plus seulement un travail d'arpenteur --si je peux dire et
mathématique; si nous avons décidé d'avoir un scrutin
uninominal à un seul tour, bien voilà, c'est tel genre de
circonscription; si nous choisissons un scrutin proportionnel, c'est tel genre.
Quant à moi, la carte électorale découle des principes qui
ont été mis de l'avant sur le mode de scrutin.
Donc, en résumé, en réponse à la question du
député de Mercier, quant à moi: premièrement,
comtés protégés; deuxièmement, mode de scrutin; et
troisièmement cela découle logiquement la question
de la carte électorale qui vient à la suite du mode de
scrutin.
M. LE PRESIDENT: M. Laurin.
M. LAURIN: Je suis passablement d'accord
avec un bon nombre des idées qui ont été
exprimées par M. Cardinal, M. Hardy et M. Masse; moi aussi, il me semble
qu'un préalable absolument nécessaire, c'est ce que la commission
de l'Assemblée nationale fera avec la clause de la constitution qui
touche les comtés protégés. Je pense que c'est un
préalable, un prérequis qui dépasse de loin toute
discussion sur la carte électorale elle-même. Pour reprendre
l'expression de M. Masse, il s'agit de savoir quelle marge de manoeuvre nous
aurons. Il s'agit aussi de nous débarrasser de tout obstacle juridique,
afin que nous ayons les coudées absolument franches pour examiner tout
le problème. C'est la raison pour laquelle nous disions dans notre
document que toute réforme sérieuse de la carte électorale
suppose une modification des limites territoriales des comtés
protégés par l'article 80 de l'AANB.
J'aimerais bien être d'accord avec M. Laporte lorsqu'il dit que
nous pouvons arriver à la modification pratique de cette clause en
obtenant l'accord des dix-sept députés intéressés.
Je le crois et j'espère que cela sera réalisable. Mais nous ne
savons jamais à quels obstacles nous pouvons nous heurter. Nous avons
déjà entendu des réserves de la part du
député de Wolfe...
M. LAPORTE: Quel autre moyen avez-vous de faire disparaître cette
clause?
M. LAURIN: Si nous pouvons arriver par consensus des
députés à la disparition de cette pratique, de cette
clause, je pense bien qu'il faudra nous demander s'il n'y a pas lieu que la
Législature, en vertu de sa compétence sur la constitution du
Québec, prenne le pouvoir d'abroger l'article 80 de l'Acte de
l'Amérique du Nord Britannique au moyen d'une loi votée de la
manière ordinaire. Bien sûr, ceci pourrait nécessiter
peut-être un renvoi devant les tribunaux comme il en a été
question.
M. LAPORTE: Pour les députés et pour lancer un
débat constitutionnel, est-ce que cela nous avance?
M. LAURIN: Oui, c'est pour cela que j'espère que la
première suggestion que vous aviez émise d'obtenir l'accord
pratique des dix-sept députés fonctionnera. Mais je crois tout de
même, avec M. Hardy, de Terrebonne, que c'est un préalable sur
lequel nous devions pouvoir discuter afin de pouvoir disposer de cela.
En deuxième lieu, je suis aussi tout à fait d'accord que
l'étude du mode de scrutin doit ensuite précéder
l'étude de la carte électorale. On a fait valoir plusieurs
arguments, et ces arguments sont tout à fait logiques, en ce sens qu'il
ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs.
Supposons qu'en étudiant le mode de scrutin, nous en arrivons
à la décision que 70 députés seront élus
selon un mode uninominal à un tour et 38 ou 40 selon un scrutin
proportionnel, il est bien entendu qu'à ce moment-là les
circonscriptions électorales qui auront des députés
territoriaux devront être plus grandes que celles que nous
possédons actuellement. Peut-être ressembleront-elles, par
exemple, aux circonscriptions électorales fédérales, au
nombre de 74. A ce moment-là, ça va beaucoup influer sur le
travail de découpage de la carte électorale. Il me semble donc
que ce serait perdre notre temps d'une façon inutile si on discutait
d'abord de la carte et si ensuite, en discutant du mode de scrutin, on
s'apercevait qu'on est obligé de revenir sur les travaux de
découpage de la carte électorale qu'on a fait parce que le
nouveau système qu'on a adopté est insuffisant.
En ce qui concerne la carte électorale elle-même, vous me
demandiez tout à l'heure quels sont les principes auxquels je faisais
allusion. Eh bien, il y a plusieurs principes. Sur quels principes la carte
électorale devrait-elle être découpée? Devra-t-on
tenir compte du principe démocratique " un électeur, un vote",
l'égalité du vote, en somme? Jusqu'à quel point
faudra-t-il tenir compte de l'homogénéité
régionale, territoriale dont on parlait tout à l'heure, les
besoins des régions? Jusqu'à quel point devrons-nous tenir compte
de l'homogénéité linguistique? Jusqu'à quel point
devrons-nous tenir compte de l'homogénéité des conditions
socio-économiques qui prévalent dans tel ou tel secteur?
Voilà quand même des principes sur lesquels nous pourrions nous
attarder, non pas tellement longtemps, mais au moins pour les situer afin
qu'ils servent de paramètre, de référence qui pourrait
nous aider dans notre discussion de la carte électorale et des
résultats auxquels nous pourrons arriver. C'est donc la raison pour
laquelle, moi aussi, je favorise le préalable de l'étude de
l'article 80 et la façon de contourner; deuxièmement,
l'étude du mode du scrutin avant celui de la carte électorale;
troisièmement, une étude, quand même, de certains des
critères ou des principes qui devraient présider à
l'élaboration de la carte électorale. Et c'est dans cet esprit,
M. le Président, que nous avons préparé un document de
travail qui contient des réflexions sur tous ces sujets, aussi bien
l'article 80 que le mode de scrutin et la carte électorale. J'aimerais
le déposer devant les membres de la commission.
M. BOURASSA: Est-ce que le député de Bourget pourrait dire
si, dans ce document qui vient de nous être remis, on a tenu compte de
l'étude qui a été faite par M. Grenier?
M. LAURIN: Oui, on a tenu compte de l'étude de M. Grenier, du
rapport de M. Lemieux et de toutes les thèses qui ont été
présentées devant nos diverses universités par des
candidats à la maîtrise et au doctorat. On a étudié
également les problèmes pratiques qui
ont été soulevés lors des diverses campagnes
électorales. On a tenu compte du rapport de la commission Barbeau. Je
m'excuse pour les fautes de frappe que vous pourrez trouver. On a dû
procéder rapidement. En somme, M. le Président, ce qui nous
apparaît quand même assez important, c'est cette question de
méthodologie et d'échéancier, de manière que nous
puissions procéder avec logique et de la façon la plus rapide
possible.
M. BOURASSA: Cela ne rentre pas dans les dépenses
électorales?
M. LAURIN: Tout cela a été fait
bénévolement.
M. BOURASSA: Parce que je vois ma photo à la page 139.
M. LAURIN: On s'excuse de la mauvaise reproduction de la photo, M.
Bourassa. On aurait aimé mettre ça en couleur, mais nos moyens ne
nous le permettaient pas.
M. LE PRESIDENT: M. Dumont.
M. DUMONT: M. le Président, personnellement, en tant que
représentant d'un comté protégé, je m'oppose
à la pensée qui a été exprimée ici, à
ce que soit aboli l'article 80 sans consulter au préalable les
électeurs des comtés concernés. Je crois que le plus
urgent serait de consulter les électeurs de ces 17 comtés.
Personnellement, je m'engage à envoyer, à partir de demain matin
une lettre circulaire questionnaire. On constate très souvent que les
politiciens sont loin du peuple; c'est justement dans des attitudes comme
celles de ce matin. Nous disons: Nous sommes des législateurs et nous
allons procéder immédiatement concernant des droits qui ont
été accordés depuis longtemps dans dix-sept comtés
protégés.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. DUMONT: Je crois qu'à ce moment-ci... M. le Président,
si vous me donnez la parole...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement. Le député de Frontenac n'a pas le droit
d'imputer de motifs à qui que ce soit et de porter un jugement sur
l'attitude des parlementaires. Nous n'avons fait état d'aucune
façon de l'attitude que nous entendions prendre.
Nous avons tout simplement évoqué les problèmes
sans pour autant mettre de côté les droits des électeurs
qui nous ont demandé de les représenter ici. Je ne vois pas que
le député de Frontenac...
M. DUMONT: Si vous me le permettez...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... puisse prêcher la vertu plus fort
que les autres et tirer parti des réflexions que nous avons faites pour
se donner l'illusion qu'il l'a pensé lui-même personnellement.
M. DUMONT: Je n'ai que quelques paroles à ajouter. L'urgence,
c'est d'abord de consulter le peuple, soit, en l'occurrence, nos
électeurs dans ces 17 comtés. Là, nous pourrons donner le
résultat de cette enquête que nous avons menée dans nos
comtés. Donc, je ne juge pas l'urgence de discuter de cet article 80. Il
doit y avoir, d'abord, cette consultation populaire. De plus, concernant cette
redistribution électorale à laquelle on a fait allusion tout
à l'heure je prends l'exemple de l'ONU dans tous les pays
du monde, tous les pays qui sont représentés là, on n'a
jamais regardé la population, le nombre de résidants d'un pays.
Je prends l'exemple de la France et du Canada, de l'Italie face à
l'Ethiopie et de la Suède face à la Grande-Bretagne. Dans tous
ces pays que j'ai nommés, et dans bien d'autres, la population n'est pas
la même. S'il avait fallu exiger qu'un pays ait 25 millions d'habitants
pour avoir le droit de vote, je me demande ce que le Canada ferait aux
Nations-Unis. Il en est de même pour plusieurs autres pays.
Alors, en face de ça, je dis que la redistribution n'est pas
urgente. Il y a plutôt des problèmes économiques graves
à régler. L'urgence qu'il pourrait y avoir en parlant de
réforme électorale serait de continuer à améliorer
cette loi électorale concernant les dépenses électorales
et de demander une sanction très sévère contre toute
souscription à un parti politique quelconque qui fait élire
souvent des représentants de la finance plutôt que des élus
du peuple.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): L'exemple que donne le député
Dumont de l'ONU, M. le Président, est un peu boiteux. En effet, s'il a
étudié un peu la constitution de l'URSS, il se rendra compte que
l'URSS est représentée pratiquement en proportion de sa
population, contrairement aux Etats-Unis, aux Indes ou à d'autres pays
qui sont aussi populeux, et plus populeux dans certains cas, puisqu'elle a
plusieurs voix à l'ONU, ce que semble ignorer le député de
Mégantic.
M. DUMONT: Les 4 grands, Les autres sont égaux.
M. LE PRESIDENT: M. Cardinal.
M. CARDINAL: Le député de Mégantic a soulevé
un point qui me paraît important: c'est que nous devons procéder
de façon démocratique. Pour ma part, à l'origine, quelle
que soit la situation aujourd'hui, je conçois difficilement que nous
ayons accepté des comtés protégés. Si
on croit vraiment au jeu démocratique et au jeu de la
majorité, des comtés protégés, c'est justement un
accroc très fort le député de Terrebonne a
employé le mot "féodal" tout à l'heure à la
démocratie.
Je reprends un exemple par analogie. A cette même table, nous
avons discuté pendant des semaines d'un projet de loi qui portait le
numéro 62 et où on ne faisait que diviser en sept, onze ou douze
régions, selon les projets, l'île de Montréal et
l'île Bizard. Justement, à cette table, des gens se sont
présentés qui voulaient des secteurs protégés,
parce qu'ils n'acceptaient pas le jeu démocratique total de la
majorité. En 1867, que la Constitution ait été ou un pacte
ou une loi ou ce qu'on voudra chose dont, heureusement, on a cessé
de discuter, parce que c'était stérile il y a eu 13
comtés protégés. On en est rendu à 17, à
cause des modifications depuis 1922.
Je pense que le député de Mégantic a raison en
disant: Il faut s'informer auprès de la population, mais je ferais un
pas de plus. Si on veut sur cette question faire un référendum
non pas un référendum en vertu d'une loi des
référendums adoptée à l'Assemblée nationale,
mais, si vous voulez, un sondage populaire je pense qu'il ne devrait pas
se faire uniquement au niveau des comtés protégés. Encore
là, il y a une question de philosophie. Il est normal que des gens
soient protégés, qu'ils soient francophones ou anglophones.
Certains comtés protégés sont devenus francophones. Les
francophones peuvent vouloir être protégés, comme les
anglophones peuvent vouloir l'être. Ce n'est pas une question de racisme
ou de langue; cela ne doit plus être une question historique. Mais, si on
ne s'informe qu'auprès des électeurs des comtés
protégés, même en supposant que le député
n'interviendra pas du tout et qu'il fera poser ses questions par d'autre que
par lui-même...
M. BOURASSA: Un conflit d'intérêt.
M. CARDINAL: ... il y aura justement conflit d'intérêt. Si
j'étais électeur dans un comté protégé, je
serais le premier à vouloir qu'il demeure protégé, quelle
que soit sa grandeur ou autre chose.
M. HARDY: A moins d'être magnanime!
M. CARDINAL: A moins d'être magnanime. Il y a peut-être
beaucoup de députés qui le sont, mais je me fierais
davantage...
M. BOURASSA: Une chance, vous dites peut-être.
M. CARDINAL: Bon, disons probablement, si vous voulez.
M. PAUL: Possible.
M. CARDINAL: S'il vous plaît. Si nous ne voulons pas faire de
procédure, ne faisons ni sémantique, ni autre chose du genre.
Nous ne nous arrêterons pas, mais je pense que si nous voulons vraiment
consulter la population, il faut la consulter dans son ensemble, et non pas
seulement dans les comtés protégés. J'irais
peut-être encore plus loin, disons, à titre de concession. Si nous
voulons employer ce système-là je le prends là
comme étant une hypothèse qui a été proposée
par un député faisons les deux: faisons-le dans les
comtés protégés pour voir ce que ça donnerait et
faisons-le généralement pour voir ce que ça donnerait. Et,
là, nous verrions vraiment s'il y a conflit entre ce que pense la
population du Québec, dans son ensemble et sa majorité, et ce que
pensent les électeurs des comtés protégés. Il y a
bien des chances que les électeurs des comtés
protégés pensent comme leur député, malgré
la magnanimité des députés. Merci, M. le
Président.
M. BOURASSA: Je pense que M. Cardinal vient de soulever une question qui
est tout à fait juste, mais disons que je pense que nous nous entendons
au sein de cette commission pour tirer certaines conclusions sur le fait que la
première question serait celle de l'article 80.
Quant à la deuxième question, on a soulevé le fait
qu'il faudrait décider d'abord, si nous sommes pour ou contre la
représentation proportionnelle. Je n'ai pas d'objection à ce que
nous examinions cela, mais je pense que ça peut prolonger indûment
les débats. Je ne connais pas de parti s'il y en a qui
préfèrent en discuter, nous allons en discuter mais je ne
connais pas actuellement de parti qui favorise absolument la
représentation proportionnelle; même le Parti
québécois n'est pas d'accord avec la représentation
proportionnelle. Je pense que c'est le cas également pour l'Union
Nationale, je ne sais pas.
M. MASSE (Montcalm): Est-ce que le premier ministre me permettrait une
question? Est-ce que, quand même, il accepte que, logiquement, il faut
d'abord nous entendre sur le mode de scrutin et que de cela découle la
carte? C'est-à-dire, est-ce que le député accepte que le
deuxième point à discuter, c'est le mode de scrutin?
M. BOURASSA: Oui, théoriquement, cela peut être une bonne
approche, mais, en pratique, comme nous sommes déjà presque
unanimement, à ma connaissance, contre la représentation
proportionnelle, si nous attendons de nous entendre sur le mode de scrutin,
cela peut prendre un certain temps parce qu'il y a quinze modes de scrutin.
Alors, parallèlement, nous pourrions peut-être aborder la question
de la carte électorale.
M. MASSE (Montcalm): De deux choses l'une, ou nous nous entendons
rapidement, puis ce n'est pas long et cela ne pose pas de problèmes, et
après cela, nous faisons la carte, ou nous ne nous entendons pas et
ça ne sert à rien d'essayer de faire la carte avant de nous
entendre.
M. BOURASSA: Mais je dis que, de toute façon, nous allons avoir
besoin d'une carte électorale. Nous allons en avoir besoin. Mais,
qu'est-ce qui est long et qu'est-ce qui est court? Disons que cela peut varier
selon les individus. Il semble bien, en pratique, si nous voulons avoir une
approche pratique, que nous allons avoir besoin d'une réforme de la
carte électorale, parce qu'il est très peu probable que nous
options pour le régime de la représentation proportionnelle.
Donc, pourquoi ne pas commencer?
M. MASSE (Montcalm): Mais nous allons le voir dans la discussion
M. BOURASSA: Est-ce que nous voulons discuter le système comme
tel de la représentation proportionnelle?
M. MASSE (Montcalm): Je pense que c'est que le...
M. BOURASSA: Nous pouvons faire venir des experts et perdre trois
mois.
M. MASSE (Montcalm): Non, ce n'est pas la question de perdre du temps.
Tout le monde veut procéder rapidement. Mais, il faut nous entendre sur
le mode de scrutin et de là découle une carte
électorale.
M. BOURASSA: Ce que je dis, c'est: Est-ce que nous ne pourrions pas
aborder également la question de la carte électorale? Le
député de Chicoutimi soulevait le problème de la
représentation démographique, de la représentation
sociologique.
M. MASSE (Montcalm): II est certain que nous allons aborder la carte
électorale. C'est certain.
M. BOURASSA: Alors, il y a l'article 80 qui peut être le premier
point. Il y a également les modalités de la
représentation. Quant au découpage lui-même, nous
pouvons.
M. CARDINAL: Si le premier ministre me permettrait de l'interrompre.
M. BOURASSA: Oui.
M. CARDINAL: M. le Président, est-ce qu'il se dégage un
consensus suffisant pour que nous puissions dire dès maintenant que nous
com- mençons par l'article 80? Si nous le savions déjà,
nous cesserions de parler de l'article 80 et nous déciderions ensuite
des deux autres points.
M. BOURASSA: D'accord.
M. CARDINAL: Enfin, c'est une suggestion que...
M. LAURIN: M. le Président, est-ce que nous ne pourrions pas
mener parallèlement les études sur le mode de scrutin et la carte
électorale, de façon à pouvoir les articuler constamment
au fil de nos débats. Il est bien sûr qu'il n'y a aucun parti qui
favorise le scrutin proportionnel absolu, le seul mode de scrutin étant
le système proportionnel; mais nous favorisons tous, il me semble en
tout cas, une sorte d'amalgame, d'articulation des deux systèmes. Et,
comme le mode de scrutin, logiquement, vient avant la carte électorale,
puisque le résultat va dépendre des décisions politiques
que nous allons prendre sur le mode de scrutin, il me semble qu'à tout
le moins il y aurait lieu d'examiner ensemble, parallèlement ces deux
sujets.
M. BOURASSA: Je n'ai pas d'objection à ce que nous
l'étudiions parallèlement, mais ce que je dis, c'est que,
même dans le scrutin qui peut paraître intéressant, le
système allemand, je veux dire, il y a quand même des
inconvénients qui nous ont été soumis.
Il y a le danger qu'il y en ait qui soient considérés
comme des repêchés et d'autres comme les vrais
représentants du peuple, c'est-à-dire que ceux qui ne peuvent pas
se faire élire dans un comté pourraient... C'est une chose
à examiner.
M. LAURIN: Cela, c'est de la tuyauterie. Avant d'en arriver à ces
détails-là, nous pourrions peut-être quand même,
à l'aide d'une ou deux séances, nous entendre sur certaines
voies, certaines avenues et perspectives.
M. BOURASSA : Pouvons-nous nous mettre d'accord sur l'article 80 et, par
la suite, sur la question de la carte électorale et la question du mode
de scrutin...
M. LAURIN: Les deux choses en même temps?
M. BOURASSA: ... sans que l'un nuise à l'autre?
M. lAURIN: Les deux choses en même temps?
M. BOURASSA: Oui.
M. LE PRESIDENT: Alors, M. Brown, s'il n'y a pas d'autre...
M. MASSE: Nous nous entendons bien. Il faut bien nous comprendre.
Premièrement, nous discutons de l'article 80 et, deuxièmement,
ensemble, du mode de scrutin et de la carte. Alors il n'y a pas de
troisièmement, il n'y a qu'un deuxièmement.
M. BOURASSA: Oui, d'accord.
M. HARDY : II serait peut-être important, M. le Président,
de savoir à ce moment-là si la commission est unanimement
favorable à l'abolition de l'article 80.
M. PAUL : Même là, ça requiert l'expression de la
volonté ou le vote des députés intéressés.
Ce n'est pas à nous de décider si nous allons être
substitués aux députés intéressés et
nommément désignés comme représentants des
comtés actuellement protégés. Il va donc falloir nous
entendre sur une date pour la convocation de ces
députés-là. Ils se prononceront alors sur
l'opportunité de maintenir ou d'abolir l'article 80. Ensuite, nous
pourrons aller de l'avant.
M. LE PRESIDENT: M. Brown.
MR. BROWN : Mr. Chairman, I feel, as representing one of the protected
counties, that I should enter this debate at its commencement. Why is there a
reason for a protected county today? I mean, if there is no reason, then, why
bother about it or argue about it?
One of the great things that I have heard here during my 14 years as a
member is the tolerance of the people of the Province of Quebec. It has been
mentioned by various politicians that the people of Quebec gave the Jewish
people their first mandate anywhere in the world. It has been mentioned by
various outstanding statesmen in Quebec over the years that everybody should
have a fair break and should have a say in the Government of this Province of
Quebec.
If the protected counties are eliminated, automatically you are going to
eliminate rural representation for the English people of the Province of
Quebec. Now, in 1961, there were over a hundred thousand English-speaking
people, rurally speaking, in the census which could be construed one way or the
other. I feel that there is a need of protecting counties yet, if you intend to
give representation for the rural English people. Naturally, in the city of
Montreal and perhaps in the city of Quebec or the city of Sherbrooke, there may
be enough left English-speaking to elect an English representative, but the
fact is that I have never hears anybody speak of these hundred thousand English
who are rural people; they have a rural view-point which is entirely different
from a city view-point.
Now, speaking generally on this business of electoral reform, there are
two classes of people in this Province of Quebec, one is rural, the other is
urban. And again, the same as the English people who are rural and the English
people who are urban, there is a diverse point of view and this point of view
should be heard.
Persons living in Mansonville or any other small place have an equal
right to consult with Government, to let themselves be in a position to
approach a member as anyone in the city of Westmount. Now, in the city of
Westmount, how many minutes does it take for a citizen to see his member? They
have transportation facilities, they have a telephone with which they can reach
him immediately.
Anybody in the country has an equal right because Government today is
not differenciating between taxpayers. The hand of the minister of Finances is
in every pocket and the rural people that I love spoken to feel that they are
left out, that in fact this business of electoral reform is nothing but a
conspiracy on the part of a professional group who would like to take over the
control of the Province of Quebec.
We have heard this electoral reform and the experts who have been
talking about it. In the city of Montreal, they were given eight more seats in
the last election, due to this. At the same time, coming out of Montreal, we
hear metropolitan government: We need to have everything under one head, police
forces should be so that they are under one hand.At the same time, the
representatives of the city of Montreal are coming here and try to tell us they
need more counties. Is this sensible that, in one hand, the leaders of the
community are saying: Oh! we don't want divisions? We want everything under one
head, and, then, you come with experts from universities and everything saying
: Oh ! well, we ought to have so many more counties to equalize our position in
politics in the Province of Quebec. Some even say! A good argument that you
should have is more centralization with all of your administration in the city
of Montreal. It is a false argument to say that you should divide it up into
smaller counties.
You hear that the problem is supposed to be one of finance, and the
other would be the amount of members elected so that they control the
Legislature from a rural point of view.
Since when has the individual member ever controlled finance in this
National Assembly ? Finance is controlled by the cabinet. And if you do a study
of the cabinet ministers over the last hundred years, you sure will find that
there has not been a majority of rural members sitting in the cabinet.
The decisions on where a dollar goes, where a butt goes, where it is
going to go is made by the cabinet which is largely responsible to the best
interests that are in the city of Montreal, the city of Quebec and the other
cities of this province.
Why kid ourselves? Now, if this is the problem, here it is the problem,
then do the same thing as an average business. You have so many shares voting.
In the case of voting on money bills, there is no reason in the world that
Brome could not have one vote and Westmount could have twelve votes, or fifteen
votes, or whatever would make them aparity in this, Although it is not
necessary, but to be democratic, yes it has worked up in a lot of places in
this matter.
The second thing is there are many places in this world where there is a
dense population like the city of Montreal, or similar to it. They have made
arrangements so that they are suitably represented. You can have five members
in one county running as a team if you want.
The other thing that I would like to bring up, Mr. Chairman, is this:
The experts that we hear on this electoral reform. Our honorable minister of
Labour has said that Mr. Bonenfant he is one of them. What qualifications has
Mr. Bonenfant got to talk about rural representations whatsoever? Has he ever
visited a rural county? Has he ever interviewed rural people? Is there any one
of these experts that are quoted in this book? Have they ever been in the
country and talk to rural people? They have, like hell !
UNE VOIX: Une pelletée de nuages.
MR. BROWN : If we intend to take a serious look at this electoral
reform, the only fair thing taht can be done is to go to the people that govern
these people, mayors and people that are counsellors in these areas. Let us
hear from them and let us give them the same type of prints and the same
coverage as professor R. Scott of the University of Montreal.
My fourteen years of being in this Legislature and hearing experts
testify has been followed up by hearing quasi-experts come in and tell us what
to do when, in fact, they do not know a damn thing from a practical point of
view, whatsoever.
Now, Mr. President, I do not have long to do with you, fellows here. I
have been here fourteen years and that is longer than quite a few other
fellows. But I would like this point of view taken into consideration, that if
we are doing a study on an electoral reform, let us talk to rural people about
it.
Now, you say : You are free, the rural people are free to make their
representations and always have been. But a farmer or a grocery man or a hotel
keeper, living in a rural county, does not have the wherewithal or a secretary
to print what he thinks.
There is not the same facilities for these men to enter this Chamber as
there is for every professor there is in Laval University or the University of
Montreal, or Bishop's University, or McGill University or Macdonald.
Why not let the rural people enter into our Assembly and hear what they
think. And I go along exactly with my confrere who has mentioned that their
people should be consulted.
There is an easy solution. If there is any county in this Province of
Quebec that is underpopulated, it means that it is because it has not tasted
the prosperity of the other counties in this Province of Quebec, regardless of
which regime has been looking after the business of this province.
We, members of the Assembly right here, we should see that any county
that suffers in number is merely suffering because prosperity has not been
extended to it.
Gentlemen, I am sorry to have taken this time but I feel that it is my
right and my duty to say the few things that I have said, and I thank you, Mr.
Chairman.
M. LEGER : M. le Président, je pense...
M. LE PRESIDENT: M. Léger, et, après, M. Saindon et M.
Tremblay.
M. LEGER: ... que ce que mon prédécesseur a avancé,
c'est un problème de mentalité. Moi, je ne suis pas totalement
d'accord...
M. BROWN: C'est un gros problème de mentalité, c'est vrai.
Regardons les villes!
M. LEGER: ... sur le problème de la mentalité urbaine et
rurale. Il y a une cinquantaine d'années, quand l'immigration vers les
villes s'est accrue, les gens qui arrivaient en ville y vivaient avec une
mentalité de campagnards. Cela, c'est vrai. Mais, aujourd'hui, je pense
que la mentalité des gens de la campagne est complètement
changée. Il y a 50 ans, il n'y avait pas de moyens de communications et
les gens de la ville avaient des problèmes très particuliers. Ils
avaient une façon de penser et d'agir, basée sur leur
environnement qui étant quand même assez fermé.
Aujourd'hui, les gens de la campagne sont au courant de tout ce qui se passe
non seulement en ville, mais dans le monde entier.
Je dis aussi que les possibilités de communications, de
transport, de rencontres continuelles, de visites dans les grandes villes,
même de pied-à-terre dans les villes ont complètement
changé la mentalité rurale, au point que je dirais que c'est
l'inverse aujourd'hui. Les gens de la campagne ont maintenant une
mentalité urbaine; je ne dirais pas à 100 p.c, il y a quand
même assurances. Je pense que, si l'on a à faire une
réforme de la carte électorale, il faut penser non pas en termes
de mentalité rurale et urbaine, mais en termes de mentalité tout
à fait différente, celle de couches d'âges. Les gens de la
campagne et les gens des villes ont des choses en commun. Je pense que c'est
une mentalité de jeunes, une mentalité de revenus. Les gens
d'un niveau social plus élevé en ville vont avoir une
mentalité qui ressemble beaucoup à celle des gens riches qui
vivent à la campagne. Je pense que la mentalité sociale est plus
importante que la mentalité rurale et que la mentalité de
ville.
Le genre de travail et d'occupation crée une autre sorte de
mentalité. Ce qui veut dire que je ne suis pas d'accord pour qu'on
laisse à 100,000 anglophones de la campagne, le privilège d'avoir
une représentativité rurale. Je pense qu'ils peuvent facilement
s'identifier à une mentalité anglophone de Montréal ou de
la campagne et qu'il n'y a pas tellement de nuances. Je pense que c'est tout
simplement un prétexte pour conserver des privilèges à des
petits comtés.
Il y a quelque chose qui nous frappe en pleine face. C'est de voir que
parmi les comtés protégés, et j'ajouterais quelques petits
comtés, il y a actuellement sept comtés ruraux qui ont comme
total de population le même nombre qu'un seul comté comme
Terrebonne. Ce qui veut dire que pour ce qui est de la
représentativité de ces sept comtés, ils ont sept fois
plus de représentants qu'un comté comme Sherbrooke, comme
Bourassa, comme Olier et comme Terrebonne. Je pense que la question de la
mentalité rurale différente, ce n'est pas ce qui devrait
être prédominant dans notre façon de vouloir corriger la
situation de la carte électorale.
M. LE PRESIDENT: M. Saindon.
M. SAINDON: M. le Président, je représente un comté
protégé. Pour le moment, je n'ai que quelques remarques à
faire, à savoir que les raisons qui ont motivé dans le
passé la création de comtés protégés
existent encore aujourd'hui. Peut-être à un degré moindre,
mais ces raisons existent encore quand même.
Je crois donc qu'il faudrait être très prudent pour ne pas
enlever à l'élément anglophone la représentation
à laquelle il a droit, cela par l'annulation de la loi protégeant
ces comtés ou bien par la refonte de la carte électorale. C'est
tout.
M. LE PRESIDENT: M. Tremblay.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai
écouté avec attention les observations du député de
Brome. Je crois qu'il a touché un problème qui est un
problème réel, mais qui n'a peut-être plus la dimension
qu'il avait au moment où on a procédé aux premières
refontes de la carte électorale.
Certes, il est peut-être encore utile de parler de
mentalité de ville et de mentalité rurale, mais il reste
qu'aujourd'hui, à l'âge ou à l'heure où l'on
procède à la constitution de grands ensembles régionaux,
cette question de mentalité rurale par opposition à une
mentalité urbaine, à une psychologie urbaine, tout cela tend
à se résorber, à disparaître parce que, comme le
soulignait tout à l'heure M. Léger, les moyens de communications
sont tels que les ruraux ne sont pas du tout en retard par rapport aux gens qui
vivent dans les villes. Ce serait plutôt le contraire si on faisait une
analyse sociologique poussée dans certains secteurs strictement
ruraux.
Mais il reste que je le disais tout à l'heure ce
qu'il importe de considérer d'abord, c'est le problème d'une
représentation qui tienne compte des facteurs socio-économiques.
C'est de cette seule façon que l'on pourra protéger ceux que le
député de Brome appelle des ruraux.
Nous sommes en face d'un problème très complexe, puisque
nous essayons de procéder à un découpage de la carte
électorale qui tienne compte à la fois des éléments
démographiques et des éléments sociologiques ou
socio-économiques. Je ne pense pas que, sans léser qui que ce
soit, l'on considère comme tabou de toucher à ces comtés
que l'on appelait autrefois des comtés protégés. Je ne dis
pas que je suis pour la disparition des comtés protégés,
mais je dis que les principes qui doivent nous guider dans l'examen de ce
problème ont certainement varié depuis le moment où on a
commencé à refondre la carte électorale.
Personnellement, je ne veux pas du tout faire intervenir la question de
savoir si on doit protéger tel ou tel comté parce qu'il y a plus
d'anglophones ou plus de francophones. Je crois que ce n'est pas là le
problème qui nous préoccupe. Le problème qui nous
préoccupe, c'est de donner une représentation démocratique
qui tienne compte de ces principes de la représentativité sur le
plan socio-économique.
Le député de Brome s'élève avec une certaine
raison. Il représente un comté dit protégé. Mais,
avant de parler de mentalité, de parler d'antagonisme entre ruraux et
urbains, il faudrait bien voir exactement où on en est actuellement dans
ce processus d'évolution d'une mentalité rurale et qui se
transforme pratiquement en une mentalité urbaine. Je représente
un comté pour ma part, qui est dit urbain, parce qu'il comporte surtout
la ville de Chicoutimi. Il y a, par ailleurs, un secteur rural très
important dans mon comté. Or, quand je communique avec les deux parties
du comté, je ne vois pas de différence de mentalité
très importantes. D'autre part, tout près de chez moi, il y a des
comtés ruraux: les comtés du Lac-Saint-Jean et de Roberval; le
comté de Dubuc est en partie rural et en partie urbain. La
mentalité de ces gens-là est à ce point
évoluée qu'on ne peut plus parler d'une coupure, enfin, d'une
véritable distinction entre les citoyens qui appartiennent à ces
divers collèges électoraux.
Je partage les inquiétudes du député de Brome. Je
ne me prononce pas au nom des collègues qui sont des
représentants de comtés protégés mais je dis que
toute cette question de mentalité, de psychologie, doit être
repensé
aujourd'hui à la lumière des moyens de communications que
nous avons et de l'évolution d'une population fortement
scolarisée et d'une population qui, même rurale, gagne la plupart
du temps son pain dans des villes ou dans des industries qui se trouvent
à proximité des villes.
M. LE PRESIDENT: Je vous donne l'ordre: MM. Cardinal, Samson et Lacroix.
M. Cardinal.
M. CARDINAL: M. le Président, si vous étiez d'accord, sans
enlever le droit de parole à d'autres personnes, je céderais mon
droit de parole à notre leader parlementaire, le député
Rémi Paul. Parce que je viens de discuter avec lui et je
préférerais lui permettre de dire le résultat de notre
discussion.
M. PAUL: M. le Président, afin de ne pas priver la liberté
d'expression, peut-être qu'il y a avantage à ce que tous les
collègues s'expriment sur un sujet et, en terminant, j'aurais
peut-être une suggestion, et non pas une motion, à
présenter, avant que nous ajournions nos travaux.
M. LE PRESIDENT: M. Samson.
M. SAMSON: M. le Président, lorsqu'on parle de réforme
électorale, bien entendu, nous devons envisager certaines
réformes. Il y a différentes choses à faire, nous sommes
d'accord là-dessus. Maintenant, j'aimerais que dans nos discussions nous
prenions en haute considération le fait que, justement dans la province
de Québec, nous avons des sections rurales et des sections urbaines.
Nous avons des comtés qui sont près de la capitale et nous en
avons d'autres qui sont aussi très éloignés. Evidemment,
nous savons qu'actuellement il y a des comtés de 60,000 ou 70,000
électeurs. Il y en a d'autres qui ont beaucoup moins d'électeurs.
Par contre, étant un de ceux qui représentent une région
semi-urbaine, semi-rurale, je suis en mesure de pouvoir vous dire que les
députés de cette région, comme probablement ceux d'autres
régions semblables, ont beaucoup plus de difficultés à
rejoindre les électeurs que ceux qui sont dans des régions
urbaines comme Montréal, par exemple.
Dans mon coin, nous avons des comtés comme Abitibi-Est, où
il y a des distances allant jusqu'à trois cents ou quatre cents milles,
d'un point à un autre du comté. C'est évident que ces
gens-là ont beaucoup plus de travail à faire et également
beaucoup plus de correspondance. Quelqu'un me disait que dans certains
comtés de Montréal, certains députés ne
reçoivent que quelques lettres par mois, alors que ceux qui
représentent des comtés ruraux en reçoivent beaucoup
plus.
Je pense que nous devons prendre en considération que tous ces
gens-là ont le droit d'être représentés, ont le
droit d'être près de leur député. Aussi, cela
m'amène justement à soulever la question: Est-ce que le
député doit représenter ses électeurs à
l'Assemblée nationale ou si, à l'inverse, il doit
représenter l'Assemblée nationale vis-à-vis des
électeurs? C'est une question qui se pose et c'est une question
d'importance.
Pour ma part, je pense que le député doit
représenter ses électeurs.
Il est là pour faire leur travail et pour revendiquer les droits
de la population devant l'Assemblée nationale où c'est, en fait,
l'entité nationale. Nous devons prendre ce fait en considération.
Il y a, évidemment, le point de vue démographique, mais il y a
aussi le point de vue géographique. C'est ce qui nous amène
à penser que nous devons établir un équilibre raisonnable
qui permette à tous, dans la province de Québec, d'avoir droit
à un député qui les représente et de pouvoir le
rencontrer aussi facilement que possible.
Dans la ville de Montréal, par exemple, lorsqu'on parle de 50,000
ou de 60,000 électeurs, il arrive parfois que ces 50,000 ou 60,000
électeurs soient groupés dans quelques rues, ce qui veut dire que
tous ces gens sont près de leur député, et cela veut dire
qu'ils peuvent le rejoindre plus facilement ; justement parce qu'ils peuvent le
rejoindre plus facilement, la mentalité ce n'est pas moi qui la
fais, on la constate veut qu'ils ne se servent pas aussi souvent de leur
député que les gens de mentalité semi-rurale ou de
mentalité rurale.
Evidemment, cela nous amène à poser la question des
comtés protégés. Dans ce domaine, je ne dis pas que nous
serions d'accord pour continuer à les protéger ou les changer,
mais puisqu'ils ont été protégés et que cela s'est
fait par les gens qui nous ont précédés, et que ces gens
ont cru bon de protéger certains comtés, c'était en vue de
l'avenir. C'est comme si nous, aujourd'hui, après nos discussions,
décidions de protéger certains autres comtés et que, par
la suite, quelqu'un viendrait changer cela. Je pense que ce ne serait pas
tellement intéressant si l'on procédait comme cela.
Je crois qu'il serait nécessaire, pour ce qui est des 17
comtés protégés, qu'ils soient consultés. Si ces
gens-là croient que les temps sont changés suffisamment, je pense
que c'est à eux que nous devons nous adresser, c'est eux qui doivent
nous dire ce qu'ils en pensent et non à l'Assemblée nationale,
par décision quelconque je ne sais pas quelles seront les
méthodes à suivre mais, à mon avis, ce n'est
sûrement pas à l'Assemblée nationale de décider
d'enlever la protection de ces comtés. Voyons d'abord à consulter
les gens. Si, par suite de la consultation, nous en venons à la
conclusion qu'ils sont prêts à abandonner la protection de ces
comtés, d'accord, sinon, je pense que nous devons les respecter.
C'est notre point de vue, et dans ce sens, en ce qui nous concerne et au
sujet des comtés
protégés que nous représentons, nous verrons
à consulter la population avant de donner notre avis
là-dessus.
M. LE PRESIDENT: M. Lacroix.
M. LACROIX: M. le Président, mon intervention sera fort
brève. En 1964, un comité de la réforme électorale
avait siégé et avait été présidé par
l'ancien député de Saint-Maurice, M. René Hamel. A ce
moment-là, j'avais adressé une lettre au président de ce
comité lui expliquant les raisons pour lesquelles je considérais
que le comté des Iles-de-la-Madeleine devait demeurer une entité
distincte.
J'aimerais savoir si la commission actuelle a, dans ses dossiers, toute
la documentation qui avait été remise à l'ancienne
commission ou s'il serait nécessaire d'écrire de nouveau au
président de la commission pour lui transmettre cette lettre que je
pourrais remettre également aux membres de la commission.
M. LE PRESIDENT: Vous pourriez peut-être m'en faire parvenir une
copie.
M. LACROIX: J'avais donné les raisons qui motivaient le maintien
du comté des Iles-de-la-Madeleine comme entité distincte. Quant
au reste, je crois qu'au cours des discussions à venir, quand on parle
de l'article 80, le premier geste à poser serait de réunir les
députés concernés pour savoir s'ils consentent à se
faire hara-kiri. S'ils n'y consentent pas, je me demande ce que nous pourrons
faire par la suite et ce sera aux juristes à le déterminer.
Je pense qu'il y a aussi un point important, c'est de considérer
ce qu'est un député. Je ne crois pas qu'on puisse dire: Un homme,
un vote; c'est impensable, dans le contexte politique de la province de
Québec. Moi, je crois que le député est l'un des 108
administrateurs de la la province de Québec. Si l'on transpose cela dans
le domaine privé, par exemple chez General Motors, s'il y a 25
directeurs, ils ne se partagent pas le budget également en 25. Chacun
prend ses responsabilités. Je pense que chaque député est
un administrateur de la province de Québec, tout en n'oubliant pas qu'il
est également le mandataire de ses électeurs et qu'en particulier
il doit représenter ses électeurs, chose qui est beaucoup plus
difficile dans les comtés ruraux que dans les comtés urbains.
Je pense que je connais suffisamment de députés pour dire
que la très grande majorité des députés ruraux
pourraient faire d'excellents députés urbains et qu'il y a
beaucoup de députés urbains qui auraient beaucoup de
difficultés à devenir de bons députés ruraux.
Je pense que c'est une distinction très importante à faire
et, au cours de nos études, nous devons tenir compte de ces faits. Nous
avons à tenir compte de la géographie, de la démographie;
nous devons également tenir compte, je crois, des problèmes
économiques des régions.
Je pense qu'il ne faudrait pas oublier ça; parce que la carte
électorale a été découpée dans ce sens. Les
comtés représentent des intérêts particuliers, comme
le soulignait tantôt le député de Chicoutimi. Les
problèmes du comté de Chicoutimi ne sont pas les mêmes que
ceux du comté de Dubuc ou du comté voisin, comme ils ne sont pas
non plus les mêmes que ceux du comté de Roberval. Je pense qu'on
ne peut pas trop marier des populations qui ont des intérêts
divergents. Autrement, le travail du député est très
difficile et je pense qu'il y a en Chambre 108 députés capables
d'être des administrateurs valables et de bien représenter et bien
défendre les intérêts généraux de la
province.
M. LE PRESIDENT: M. Lavoie (Wolfe).
M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, je ne serai pas très
long moi non plus. Je serai très bref dans mes remarques. Je partage
entièrement les idées du député des
Iles-de-la-Madeleine, mais je ne partage pas du tout les idées du
député de Lafontaine ni même de mon collègue, M.
Tremblay, de Chicoutimi.
Il s'agit de savoir quelle est la fonction réelle d'un
député, surtout d'un député d'un comté
rural. Vous allez peut être dire que, parce que je fais partie d'un
comté protégé, je m'élève contre cette
tactique, mais, comme le mentionnait M. Lacroix, le député des
Iles-de-la-Madeleine, le devoir d'un député rural est
complètement différent de celui d'un député de
ville, parce que, dans nos comtés ruraux, nous sommes portés
à servir de bureau de placement, de bureau de bien-être social. Il
y a différents services que le gouvernement peut rendre dans les villes
et qu'il ne rend pas dans les campagnes... Non, pas un bureau de patronage,
parce que, pour le faire, il y en a des patroneux, et souvent, ce ne sont pas
les députés qui le font. Je dois vous dire qu'il y a toute une
différence entre un comté rural et un comté de ville. Je
sais que, dans le comté de Wolfe que je connais très bien, en
étant le député depuis déjà quelques
années, mon bureau ne dérougit pas, quand je suis à la
maison, justement pour rendre des services à la population. Je suis
assuré que les mêmes services ne peuvent être rendus dans
une ville comme Montréal ou Québec, parce qu'on y a tous les
autres services, soit les services municipaux, soit les services du
gouvernement de la province et les députés ont beaucoup moins de
travail que nous pouvons en avoir à la campagne.
C'est une raison pour laquelle je dois dire que je suis contre
l'abolition des comtés protégés, parce que les services
que le député y rend sont aussi essentiels et même plus que
dans un comté de ville. Un député d'un comté de
ville
me disait il n'y a pas tellement longtemps que, dans l'espace de
quatorze ans, il avait reçu une lettre. Quand on sait que, chez nous, on
en reçoit des centaines par semaine, ça fait toute une
différence. Le même député me disait qu'il avait eu
une visite dans quatorze ans, ici, au parlement, et vu qu'il n'avait pas de
rendez-vous, il n'avait pas voulu recevoir ce visiteur.
Eh bien, ça vous démontre la différence qui peut
exister entre le comté de Wolfe et un comté de ville. C'est tout,
M. le Président.
M. LE PRESIDENT: M. Laurin.
M. LAURIN: Je constate, M. le Président, que nous avons
déjà commencé, semble-t-il, à étudier le
premier point de notre échéancier, l'article 80 de l'AANB.
Je ne sais pas si la commission en avait décidé ainsi,
mais il semble que nous avons déjà commencé cet examen.
C'est très intéressant en ce sens que nous n'aurons pas à
reprendre une partie de ces discussions puisqu'elles sont déjà
commencées.
M. LE PRESIDENT: La question sera réglée.
M. LAURIN: Je ne dis pas que ce sera réglé, mais on a
déjà commencé. Mais il me semble que nous n'avons pas
encore pris la décision sur les propositions qui semblaient rallier
l'unanimité de la commission, c'est-à-dire, premièrement,
l'étude de l'article 80, deuxièmement, l'étude
parallèle du mode de scrutin et de la carte électorale. Nous nous
étions rendus jusque là dans l'échéancier.
Ma question est celle-ci: Est-ce que la commission veut décider
des moyens qu'elle prendra pour étudier parallèlement ces deux
sujets lorsque nous arriverons à l'étude parallèle du mode
de scrutin et de la carte électorale? Par exemple, s'agira-t-il de faire
simplement un tour de table comme nous le faisons ce matin sur l'opinion des
membres de la commission? S'agira-t-il de convoquer certains experts ruraux
aussi bien qu'urbains je l'espère pour étudier ce
problème?
Et troisièmement, il y a une autre question que je voudrais
poser. Il reste tout de même d'autres sujets à étudier
à cette commission, toute la réforme de la loi électorale
proprement dite. Est-ce que, dans la discussion qui a commencé ce matin
sur la méthodologie, on voulait également prendre une
décision sur les modes de procédure de la loi électorale
elle-même?
M. LE PRESIDENT: M. Hardy.
M. HARDY: M. le Président, après avoir
écouté avec beaucoup d'attention la discussion autour du
problème de l'article 80 et un cours sur la sociologie électorale
rurale et urbaine, je voudrais simplement faire remarquer une chose.
C'est que, premièrement, il ne faudrait pas que les
députés représentant des comtés dits
protégés considèrent que le fait d'abroger l'article 80
constitue pour eux un hara-kiri. Il s'agit tout simplement de mettre ces
comtés sur le même pied que les autres. Tout simplement. Moi, je
ne vois pas...
Deuxièmement et cela n'a rien à voir avec le grand
respect que j'ai pour les électeurs de ces comtés et leurs
représentants il y a tout de même, à mon avis, un
faux aspect lorsqu'on dit que c'est eux, les électeurs des comtés
protégés, qui devraient décider de cela, et non pas
l'ensemble de l'Assemblée nationale. Or, le fait qu'il existe des
comtés protégés, cela ne touche pas seulement les
électeurs de ces comtés et leurs députés, mais cela
touche aussi les électeurs de l'ensemble de la province. Par exemple,
lorsque je vois que le comté de Bagot a 15,000 électeurs et que
le comté de Terrebonne en a 78,000, lorsque je vois qu'un vote dans le
comté de Bagot vaut plus que cinq fois un vote du comté de
Terrebonne, je trouve que cela touche drôlement les électeurs du
comté de Terrebonne. Je prends le comté de Terrebonne parce que
je le connais davantage, mais c'est aussi vrai pour l'ensemble des autres
comtés.
Je trouve donc qu'il serait infiniment injuste de prétendre qu'il
appartient uniquement aux électeurs de dix-sept comtés si oui ou
non on abrogera l'article 80. C'est un problème qui regarde l'ensemble
de la population du Québec, parce que tout le monde est touché,
tous les électeurs de la province sont touchés par ce point.
Enfin, je voudrais simplement souligner un aspect des remarques du
député de Wolfe lorsqu'il dit qu'un facteur que l'on devrait
considérer dans la redistribution de la carte électorale, c'est
le travail que certains députés ruraux doivent faire.
Je pense que l'on s'engage là sur un terrain extrêmement
dangereux parce que si on confirme dans une loi ce principe, et pour une longue
période, que le bureau du député doit être un bureau
de placement, un bureau d'assistance sociale, etc., l'Assemblée
nationale et les législateurs ne travailleraient pas dans le sens de
revaloriser le rôle du député en tant que
législateur et de revaloriser l'ensemble de la vie politique au
Québec. Je comprends que, pour des raisons spécifiques
données, à l'heure présente les bureaux de
députés peuvent encore servir de bureaux de placement ou de
bureaux de bien-être social, mais c'est une situation qu'il faudrait
corriger le plus rapidement possible par l'instauration à ces fins de
bureaux de placement et de bureaux du ministère de la Famille et du
Bien-Etre Social. En résumé, ce que je veux dire, c'est qu'il ne
faudrait pas tenir compte à mon avis de cet aspect, qui n'est pas le
véritable rôle du député, pour faire en sorte que
des comtés plus petits que d'autres parce que le
député aurait plus de travail, travail qui
n'est pas en réalité son travail en tant que
législateur élisent des députés pour
être des agents de placement ou des agents de bien-être social.
M. LAVOIE (Wolfe): Les députés sont des serviteurs du
peuple et non seulement des législateurs. S'ils étaient seulement
des législateurs, il n'en faudrait qu'un pour la ville de
Montréal.
M. LE PRESIDENT: M. Léger.
M. LEGER: Je pense que les trois arguments qui sont ressortis pour
protéger les comtés ruraux sont que la circonscription
était très grande, que le député d'une
circonscription rurale avait un rôle différent d'un
député urbain et aussi que le développement rural
demandait certaine protection. Je pense qu'au niveau de la circonscription
électorale trop grande, il est vrai que pour certains comtés
comme les Iles-de-la-Madeleine qui sont très loin, Duplessis,
Roberval, Témiscamingue je suis d'accord, c'est très loin.
Pour d'autres comtés, ce n'est absolument pas le cas, comme pour Brome,
Huntingdon, Yamaska, etc. Je pense que, s'il y a une difficulté de ce
côté-là, on devrait plutôt permettre d'avoir des
comptes de dépenses plus élevés pour un
député de ces régions afin de lui permettre de visiter,
d'avoir peut-être plusieurs secrétariats payés par l'Etat
pour lui permettre de rencontrer les gens qui sont à des distances
phénoménales du centre du député. Mais d'un autre
côté, cela amène la deuxième raison: c'est que le
rôle du député a souvent été mal compris par
la population, surtout du côté rural. Je ferai remarquer à
mon collègue député, à ma droite, qui disait
qu'à la ville on recevait moins souvent des cas de bien-être
social, c'est plutôt là qu'on en reçoit, parce que je
reçois continuellement à mon bureau des gens qui ont besoin
d'aide. Mais je pense que le rôle du député doit être
différent de celui d'une personne qui s'occupe d'un électeur en
particulier, d'un problème précis. Je pense que le rôle du
député est d'être un leader dans son comté,
d'être une personne qui s'occupe des problèmes de groupe et non
pas uniquement des problèmes individuels. Lorsqu'un député
doit s'occuper de personnes, une après l'autre, pour des
privilèges, des choses ou des emplois à obtenir, ce n'est pas son
rôle, je pense. C'est de s'occuper du côté
général du groupe, du problème qui touche un groupe de son
comté et non pas une personne en particulier, ce qui amène trop
souvent des possibilités de patronage. Je pense que le
député doit, par exemple, s'occuper de cas d'injustice pour
certains membres, certains électeurs individuels. Un électeur qui
se sent lésé dans ses droits, je pense que c'est le rôle du
député de l'aider. Mais au niveau d'une demande normale d'emploi,
d'une demande concernant le bien-être social, cela peut être fait
facilement par un secrétariat sous la responsabilité du
député.
Il faudrait qu'il y ait plusieurs secrétariats dans son
comté. Le député devrait être celui qui va expliquer
à ses électeurs, par des réunions
régulières, les réformes que le gouvernement entend faire
ou que, lui, voudrait proposer. Il devrait expliquer un peu les lois qui sont
adoptées et prendre le pouls de la population.
Moi, je me suis engagé, durant la période
électorale, à rencontrer mes électeurs, une fois par mois,
dans toutes les villes de mon comté pour obtenir le pouls de leurs
revendications comme groupe et aussi pour les renseigner sur ce qui se passe en
Chambre et sur les lois qui sont en train d'être votées. Je pense
que c'est un rôle d'animateur, de leader qu'on doit jouer et qu'il faut
s'occuper des cas d'injustice sociale au niveau de l'individu. Si on tient
compte de ça, les comtés qui sont très vastes pourraient
avoir les mêmes services, pourvu qu'ils aient plusieurs
secrétariats disséminés un peu partout dans le
comté. Mais, le député lui-même n'est pas là
pour régler le problème particulier d'un individu. Autrement,
cela devient une occasion unique de patronage.
M. LE PRESIDENT: M. Masse; le suivant, M. Brown.
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, vous venez justement de
mentionner le député de Brome. Dans son exposé tout
à l'heure, il a lancé l'idée qu'il y aurait une
conspiration dans le travail des parlementaires ou des experts concernant la
réforme de la carte électorale. J'aimerais, au début de
ces remarques, m'inscri-re en faux contre ça. Je ne crois pas que, parce
que les Québécois veulent étudier leur mode
d'élection, la carte électorale, le mode de scrutin et tout, on
doit lancer l'idée qu'il y aurait une conspiration des
Québécois contre des gens à qui ce système pourrait
ou ne pourrait pas profiter. Je pense que c'est lancer le débat sur une
mauvaise voie et que ce serait une chose à éviter.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est rappeler que, lorsque ces
comtés-là ont été créés, il y avait
eu conspiration.
M. MASSE (Montcalm): Je ne voudrais pas, non plus, dire qu'il y en a eu
à l'époque. J'aimerais mieux que l'on travaille dans un climat
plus serein.
Maintenant, je crois qu'il faut faire attention. Il y a eu un consensus
tout à l'heure à la commission d'étudier d'abord la
question de la marge de manoeuvre, c'est-à-dire des 17 circonscriptions
protégées. C'est une chose de discuter des 17 circonscriptions
protégées; c'en est une autre de discuter des comtés
ruraux.
Je peux bien plaider sur le travail qui est fait dans les comtés
ruraux. On pourrait en discuter longuement, mais cela devrait, à mon
avis, être discuté lorsqu'on parlera de l'étendue des
circonscriptions électorales et du rôle du
député
dans ces circonscriptions électorales. Mais, discuter de cela
à ce moment-ci, à mon avis, c'est fausser le débat. Il
s'agit de savoir s'il y a encore lieu d'avoir au Québec des
comtés protégés, oui ou non, peu importe qu'il s'agisse de
comtés ruraux ou de comtés urbains. Cela n'a rien à voir
avec le problème.
C'est un autre domaine, je peux bien exposer, moi, comme
député de Montcalm, le travail qu'il y a à faire dans un
comté rural, mais cela ne veut pas dire nécessairement que je
suis en faveur des comtés protégés. Il faudrait faire
attention à cela.
Maintenant, la question des 17 comtés protégés. Le
premier travail, c'est de leur demander leur avis. Je crois que la
méthode est simple. La loi nous dit que, s'ils sont majoritaires, il n'y
a plus de problème. Après ça, on parlera d'autre chose. Ou
ils sont d'accord et on va le savoir et on pourra, par une loi, amender la
constitution et, là, nous connaissons notre marge de manoeuvre
ou ils ne veulent pas, et il faut se demander, si on est d'accord pour
qu'ils disparaissent: Comment le faire? Je pense qu'il faudrait limiter le
débat à cette question-là et ne pas s'en aller dans le
rôle du député rural par rapport au député
urbain, la sociologie ou la mentalité des électeurs. Cela n'a
rien à voir avec les 17 comtés, à mon avis.
Je pense qu'on n'a même pas à discuter pourquoi il y en a
eu dix-sept de ces comtés. C'est fini, tout le monde le sait.
Maintenant, est-ce qu'il doit encore y en avoir? Puisque la parole va au
député de Brome, d'après la chronologie du
président, je crois qu'il faut limiter le débat à cela.
Qu'ils se réunissent, les dix-sept, et qu'ils nous fassent part de leur
décision majoritaire ou minoritaire de s'abolir ou de ne pas s'abolir.
Après cela, nous, nous saurons ce qu'il faut faire. Ou bien ils
s'abolissent et il n'y a plus de problème, ou ils ne s'abolissent pas et
si on est encore d'accord pour les abolir, il faut chercher comment.
M. LE PRESIDENT: M. Brown, puis M. Tremblay et M. Dumont.
MR. BROWN: Mr. Chairman, my honourable friend, in discussing what are
the problems of a rural county and the rights of a rural elector, missed one
point that is the most important point of all, and that is whether John Doe
lives in Brome county or whether he lives in Westmount or whether he lives in
Quebec, he has equal rights with anybody else, and if there is a library book
to be had, the fellow who lives in Owls' Head, sixteen miles from Knowlton, has
every right in the world to a book, just as well as anybody in the city. This
is the crux of the situation and this is what the rural people feel they
need.
Now, exactly what he said is the psychology between the rural and urban
parts of the province of Quebec. He could not have stated it better. His idea
of a member is a detached type of person who is in fact a new being in politics
where you make decisions on a high level, when in fact in a rural community you
have decisions to make on a local level. Now, I will give you an instance, in
the case of the license bureau that serves my county but it is not in the
county. One inspector who happened to prefer French, took eight old people
through a red light and told them to turn, go ahead through this street and
turn right. And the fact of the matter was that everyone of the eight, they
took the license away.
Now, I suppose my honourable friend would say that in the case of a
member in this county, he should leave it to the civil service, that would have
already taken the license away from them. Now is the case of one of these
persons. One of these persons lived five miles from a village. His wife was
sick and he needed to drive in to get drugs. The whole economy of that family
was dependent on this fellow having a license as long as he is married. And
there was no trouble at all in his driving capacities or anything else.
I will give you another illustration. A person having a grocery store
came to me in the last month. Ready to go into the hospital, partly speaking,
they just received an assesment of $17,000 over ten years. Can you imagine a
small grocery store $17,000? The wife and the husband had practically a nervous
breakdown. They had never been in trouble with the law in their whole life and
they came to me. Well, it all worked out that it was a small mistake by some of
our automatic machines.
It was supposed to be $170, not $17,000. Now, these people had phoned
Quebec, to the Department of Revenue, and told: Well, these assessments are
there, you have to look after them. And this is what we are trying to tell the
people, that, in our rural county, in Brome county, there is not one lawyer,
altogether there are two notaries. It is an area that is 30 miles long by 23
miles wide. If there is a mistake made and there are many mistakes made
by our Civil Service and by the administration of the Government in dealing
with the individuals they feel it is a confidential matter that they
want to talk over with their member.
Now, I understand very well that an urban person living in Montreal may
not run into these problems at all, and there may be this business of patronage
and all this and that. But the thing that you people have to remember is, as
the other gentleman has said here, that the mandate for a member comes from the
people and we should certainly consider in some small way what they want a
member to be.
MR. LEGER: May I ask you a question? MR. BROWN: Yes.
M. LEGER: Je me demande, que votre comté ait 8,000
électeurs ou 25,000 électeurs, si un problème local ne
peut pas aussi bien se régler avec un député qui aurait un
secrétariat payé par le gouvernement pour le régler?
UNE VOIX: Non.
M. CROISETIERE: Ce n'est pas le secrétariat qui fait le travail,
c'est le député.
M. LEGER: Nous parlons ici de problèmes locaux.
MR. BROWN: We take the problem that I have brought up, because I think
we should be practical, the problem of the eight old people who went to the
licence bureau and were made to go through a red light by the inspector who
throught it was "smarter than hell" to have them turn on it and take their
licence away from them. Do you think that these persons would want to go to
another civil servant to rectify a mistake that had been made there?
M. LE PRESIDENT: Je ne voudrais pas que les membres de cette commission
oublient que nous discutons actuellement les comtés
protégés. Comme le mentionnait, je crois le député
de Montcalm, si nous voulons étudier tout le rôle du
député ou la distinction entre les comtés ruraux et les
comtés urbains je crois que la discussion est amorcée sur
le problème des comtés protégés autrement,
nous pourrions siéger des années.
M. CARDINAL: Je ne reposerai pas la question du député de
Brome, mais tout ce qu'il a dit est aussi vrai dans le comté de
Bagot.
M. MASSE (Montcalm): C'est vrai également dans le comté de
Montcalm.
M. CARDINAL: Et il n'est pas protégé. A ce
moment-là, je veux que mon comté soit protégé.
M. MASSE (Montcalm): Moi, je vais demander la protection.
MR. BROWN: Mr. Chairman, may I make this statement. I am not for
protected county, except if every rural county in the Province of Quebec was
protected the same way.
M. MASSE (Montcalm): Alors, nous allons demander la protection.
M. LE PRESIDENT: M. Tremblay.
M. MASSE (Montcalm): Nous allons tous nous protéger à
l'Assemblée.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je voudrais apporter quelques
précisions afin qu'il n'y ait pas d'équivoque sur l'attitude de
mon collègue de Wolfe et moi-même. Je n'ai pas porté de
jugement sur la question de savoir s'il fallait ou non garder les comtés
protégés. Je suis entièrement d'accord avec lui lorsqu'il
dit que le travail du député dans une circonscription comme la
sienne peut être différent de celui d'un député
d'une autre circonscription. Je représente une circonscription dite
urbaine et j'ai autant de demandes que j'en avais quand je représentais
une circonscription rurale au Parlement d'Ottawa. Mais le problème,
c'est une question de services, de savoir quels sont les services qui sont
disponibles dans une circonscription donnée.
Le travail du député comme vous dites, M. le
Président, on ne doit pas en parler quoi qu'on dise et quoi qu'on
fasse, sera toujours un travail de législateur, mais ce sera toujours
aussi un travail d'agent de liaison entre le gouvernement et les citoyens
puisque nous sommes élus par le peuple. Ils nous veulent comme cela et
c'est une question non seulement de mentalité mais une question de
services. Nous sommes là pour les servir. Et, souvent, les gens
s'adressent à nous plutôt qu'à des fonctionnaires, parce
que nous sommes le dernier recours et que nous sommes beaucoup plus près
du gouvernement.
Le député de Brome évoquait tout à l'heure
des cas. Personnellement, j'ai un problème d'impôts. On m'a
envoyé, il y a quelques mois, un chèque de $10.73, qu'on m'a
réclamé, que je leur ai retourné, et là, on veut me
renvoyer le chèque de $10.73; mais, par ailleurs, on me dit que, sur une
autre cotisation, je devais encore $10.73. Je ne comprends plus rien. J'ai
demandé à mon comptable de s'en occuper.
Alors, M. le Président, ce sur quoi j'ai insisté, c'est
que je ne voudrais pas qu'on axe toute la discussion sur une distinction qui me
parait de plus en plus factice entre mentalité urbaine et
mentalité rurale. Cela ne touche en rien à la question du travail
que peut avoir chaque député dans une circonscription
donnée.
J'ai parlé aussi de l'unité régionale. Il faut que,
dans ce travail d'étude de la refonte de la carte électorale, on
tienne compte de cette unité régionale qui se crée un peu
partout dans le Québec, et qu'annonce déjà d'une
façon très nette la création des communautés
urbaines. J'apporte ces précisions afin que mon collègue de Wolfe
sache bien que je partage absolument son point de vue et que je ne me
rallierais pas, sans examen très approfondi, à une solution qui
voudrait qu'on abolisse nécessairement les comtés
protégés.
M. LE PRESIDENT: M. Dumont.
M. DUMONT: M. le Président, je voudrais préciser. Quand
j'ai proposé tout à l'heure que nous consultions d'abord nos
électeurs dans les
17 comtés protégés et à cet effet,
j'enverrai 34,000 lettres dans mon comté cela va déborder
le comté de Mégantic. C'est Sherbrooke, ce sont toutes les
associations, tous les corps intermédiaires, je pense à la
chambre de commerce, je pense à une foule d'associations. Dans les
comtés qu'on a mentionnés tout à l'heure, il y a
même 78,000 électeurs. Ces rencontres de gens permettront le
dialogue.
Un jour, à Sherbrooke, on avait conclu une entente entre les
Anglo-Saxons et les Canadiens français suivant laquelle on ferait
alterner, à la mairie, un Canadien français pendant quatre ans,
et un maire anglais pendant quatre autres années. Alors, le
problème a été porté sur la place publique et il
est venu, de Montréal comme des Iles-de-la-Madeleine et de l'Abitibi,
des idées très sensées, et on en est venu à une
entente, entre tous les éléments présents, qu'il ne serait
plus question de cette alternance.
Je suis contre l'abolition de l'article 80, mais si la majorité
de mes 34,000 électeurs, par la consultation, me disent au départ
et il y a 17 comtés qui devraient être consultés
que je dois me prononcer pour l'abolition, je devrai suivre le cours des
choses qui est ce que les électeurs d'abord décident.
C'est cela que j'ai voulu préciser. Mais cela n'empêchera
pas le reste de la province de Québec d'exprimer des opinions afin que,
justement, la démocratie soit bien vivante. Le danger que la
démocratie meure, c'est que la population, par une loi, parfois, qui est
adoptée à la vapeur, n'ait pas connaissance que cette loi ait
aboli telle chose ou accordé tel avantage. Et c'est surtout en regard de
cette chose que je veux que l'opinion publique tout entière de la
province de Québec soit d'abord saisie du problème.
Nous avons d'ailleurs des représentants qui sont pour les
journaux, la télévision ou autres, des gens très
sensés qui poseront le problème tel qu'il doit se poser et nous
aiderons certainement à alerter, ou à aviser l'opinion, surtout
l'opinion publique.
Enfin, en terminant, nous n'avons pas à discuter de
problèmes dans les comtés urbains ou dans les comtés
ruraux. Il y a des cas de jurisprudence établis par au-delà de 90
pays à l'ONU. Et la Belgique, un petit pays en comparaison du Mexique, a
absolument le même droit: un pays, un vote; un comté, un vote. Je
crois qu'en partant de ce principe, nous avons automatiquement, aux Nations
Unies, des sommes d'argent dépensées pour avoir, avec des
experts, étudié ce droit de la représentation et nous
avons immédiatement une conclusion.
Merci, M. le Président.
M. PAUL: Est-ce que le député me permettrait une
question?
M. DUMONT: Certainement.
M. PAUL: En supposant, par hypothèse, que votre comté,
après la redistribution de la carte électorale, restait le
même, est-ce que vous exprimeriez, ce matin, les mêmes
idées?
M. DUMONT: Répétez donc, je n'ai pas entendu le
début.
M. PAUL: En supposant, par hypothèse, qu'après la
redistribution de la carte électorale, votre comté demeure ce
qu'il est actuellement, est-ce que vous exprimeriez les mêmes
idées que ce matin?
M. DUMONT: Ce n'est pas du tout de ce principe-là... Je ne parle
pas en tant que député du comté de Mégantic. Je
veux que, de toute la population, il me vienne des idées par les cinq
questions primordiales que j'enverrai aux 34,000 électeurs.
M. PAUL: Est-ce que vous allez envoyer cela...
M. DUMONT: Qu'il me vienne des réponses de gens de toute la
province, j'en tiendrai compte.
M. PAUL: ... aux frais de l'Etat du Québec?
M. DUMONT: Je vais les envoyer par les services qui sont accordés
à mon bureau, y compris...
M. PAUL: Donc, $2,040 à part...
M. DUMONT: A ce que je sache, les frais du ministère des Postes
sont gratuits pour les députés, profitons-en.
M. PAUL: Pas à Québec, mais à Ottawa!
M. SAMSON: M. le Président, je pense que c'est vous qui avez
mentionné, tantôt, que nous devions nous en tenir aux
débats. J'ai l'impression que nous sortons joliment du débat.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On parle d'économie.
M. SAMSON: Ah! bien là, on s'entendra.
M. CARDINAL: M. le Président, je vais revenir exactement au
débat, sans juger sévèrement qui que ce soit. J'ai
l'impression qu'on a parlé beaucoup plus d'autres choses que du sujet.
C'est pourquoi je me suis permis cette blague, tantôt, sur la comparaison
entre les comtés de Brome et de Bagot.
Je veux revenir sur une idée du député de
Terrebonne qui me paraît très juste et je veux l'illustrer par un
fait passé. Je reviens à décembre 1968. Quand certains
députés de comtés protégés parlent de se
faire hara-kiri, on peut
penser à ce qui est arrivé au Conseil législatif,
en décembre 1968, où on n'aurait pas pu l'abolir si les
conseillers législatifs ne s'étaient pas fait hara-kiri. Mais la
situation n'est pas du tout la même. Les conseillers législatifs
n'étaient pas élus; ils ne représentaient que fictivement
des comtés. J'ai eu cette bienheureuse expérience d'être
conseiller législatif. Je représentais le comté de
Rouville et je ne l'ai vu qu'en le traversant sur l'autoroute 20...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le district.
M. CARDINAL: Oui, on l'appelait district en plus de cela. Cela a peu
d'importance, c'était purement fictif. Il n'était même pas
nécessaire d'avoir d'immeubles dans ce district, etc. Et dans cette
situation, c'était vrai que les gens qui votaient pour l'abolition du
Conseil législatif se tuaient eux-mêmes, comme conseillers
législatifs. Mais qu'un député d'un comté
protégé vote pour ou contre l'abolition du comté
protégé, il ne se fait pas hara-kiri. Il va pouvoir se faire
élire autant dans ce même comté, qu'il soit
protégé ou qu'il ne soit pas protégé, s'il est un
bon député et si les limites n'en sont pas changées. La
question n'est pas là du tout. Je ne sais pas avec quelle
insistance...
M. LAVOIE (Wolfe): Si les limites n'ont pas changé.
M. CARDINAL: Oui, oui. Alors, par conséquent, la question est
reliée à la réforme de la carte électorale, on l'a
bien dit tantôt, mais il ne faudrait pas la prendre dans le sens que
quelqu'un qui est à la tête d'un comté
protégé disparaîtra.
On pourrait prendre des exemples. M. Brown est à la tête du
comté de Brome qui est un comté, disons, anglophone; M. Bertrand
est dans un comté protégé et, à ce que je sache,
c'est un francophone. Et M. René Lavoie est un francophone, etc. Enfin,
cela parait quand il parle.
Par conséquent, la question est sans cesse
déplacée. Je ne sais pas, il faut certainement entendre les 17
députés. Pourquoi faut-il les entendre? Tout d'abord, parce que
l'article 80 ne nous permet pas d'agir à moins de les entendre. C'est
une première chose. Il y a une question de procédure
derrière cela. Nous ne sommes pas pour nous battre à
l'Assemblée nationale, à 108, avec 17 personnes qui, entre elles,
seront ou ne seront pas d'accord. C'est pour cela qu'on arrive peu à peu
à cette condition que les véritables experts sur la question, ce
sont les 17 intéressés, pour le moment, pour autant que cela soit
vrai qu'ils sont 17.
M. LAPORTE : Cela n'a pas été une très bonne
procédure, en 1867, quand ils ont pensé à cela.
M. CARDINAL: Eh bien, j'ai donné mon opinion
là-dessus.
M. LAPORTE: Tous les députés des 17 ou 12 comtés
protégés ne pensent et je veux en témoigner
qu'à l'intérêt public pur. Mais, ils sont quand même
députés de ces comtés-là. Que voulez-vous, ce sont
des dimensions qui peuvent se contredire à un moment donné.
M. LE PRESIDENT: M. Samson.
M. SAMSON: M. le Président, quand on parle de comtés
protégés, j'ai bien l'impression qu'on parle de comtés et
non de députés protégés. Si ce sont des
comtés protégés, cela veut dire des électeurs
protégés. Il serait donc normal que ce soit eux qui soient
consultés et, par l'entremise de leur député, qu'ils
donnent leur décision. C'est pour cela que nous maintenons ce que nous
avons suggéré tantôt: Avant de parler de l'abolition de
l'article 80... Je vous demande pardon?
M. LAPORTE: M. Samson, si vous voulez, là, la constitution, dit:
On doit consulter à l'époque, c'était 12; disons
que c'est devenu 17 les députés.
M. SAMSON: Oui.
M. LAPORTE : Pour que ce soit modifié, il faut la majorité
absolue en deuxième et en troisième lecture, d'accord.
M. SAMSON: Oui.
M. LAPORTE : La constitution ne prévoit pas qu'on consultera les
électeurs. J'imagine que vous faites votre consultation aux frais des
contribuables il faudra bien discuter, un de ces matins, de
l'utilisation de toutes ces choses pour tous les députés
et que 95 p.c. des électeurs de M. Brown ou de qui vous voudrez se
prononcent contre la disparition, il reste que le député peut
voter exactement comme il le veut, sans s'occuper de la consultation. Il
prendra un risque.
M. SAMSON: A ce moment-là, écoutez, c'est à la
population de décider. Si la population donne un mandat à son
député et si un député va à l'encontre des
désirs de la population, c'est lui qui devra rendre compte de son mandat
à la population. Le député est responsable devant la
population.
M. LAPORTE: D'accord.
M. SAMSON: Maintenant, vous dites que l'article ne dit pas qu'il faut
consulter les électeurs. On dit: II faut consulter les
députés; cela prend la majorité. Nous sommes d'accord
là-dessus. Mais, conscients du devoir réel d'un
député, nous comprenons que le député, lui,
doit consulter ses électeurs avant de prendre une décision aussi
importante que celle-là.
M. LAPORTE : Mais, je vous pose une autre question. J'imagine que c'est
le comté de Chambly qui a 12,000 électeurs, alors que le
comté voisin en a 75,000. Est-ce que c'est un jugement raisonnable,
humainement parlant, que je peux attendre des 12,000 électeurs de mon
petit comté si je leur demande: Est-ce que vous voulez continuer
à être un beau petit comté ou si vous voulez avoir, demain,
20,000 ou 25,000 électeurs? Est-ce qu'on peut attendre d'eux un jugement
raisonnable et éclairé?
M. SAMSON: M. le ministre, je pense que vous sortez complètement
du débat. Là, on ne parle plus de comtés
protégés; on parle de redistribution de la carte
électorale. A ce moment-là, nous en parlerons avec les arguments
que nous voudrons bien apporter et que chacun des partis voudra bien
apporter.
Là, je voudrais m'en tenir à ce qu'on m'a dit de faire
tantôt, aux comtés protégés uniquement. Je vous ai
dit aussi que je ne discute pas s'il faut les protéger ou s'il ne faut
pas les protéger. Ce que j'apporte comme suggestion, c'est qu'on doit
les consulter, mais, après la consultation, écoutez, c'est une
autre affaire.
M. HARDY: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda me
permettrait une question?
M. SAMSON: Oui.
M. HARDY: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda croit
qu'un Québécois moyen, normalement vertueux, peut...
M. SAMSON: Vous voulez parler des gens de votre comté,
là?
M. HARDY: ... de lui-même accepter qu'on lui enlève un
privilège? En d'autres termes, vous avez des personnes qui ont des
privilèges et vous leur demandez: Est-ce que vous acceptez librement de
renoncer à votre privilège? Croyez-vous vraiment qu'on peut se
permettre de demander cela à des gens?
M. SAMSON: Bien, écoutez, si on a des comtés
protégés, ce n'est quand même pas ma faute. Il faudrait
quand même en revenir! C'est le Parlement qui en a décidé
ainsi. Si, aujourd'hui, nous décidions de protéger certains
autres comtés, pour certaines raisons, je pense que nous n'aimerions pas
que, dans un avenir plus ou moins rapproché, nos successeurs prennent
des décisions différentes. Si nous décidions de
protéger certains comtés, nous aurions des raisons. Alors, s'ils
ont été protégés dans le passé, c'est qu'il
y avait des raisons. Ce n'est pas parce que je suis pour ou contre la chose. Je
me dis que, logiquement, nous devrions consulter les électeurs avant de
prendre nos décisions. Cela ne veut pas dire que ce sont les
consultations qui feront prendre les décisions, mais, en fait, si nous
les consultons c'est pour nous aider à connaître mieux la
situation.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'aurais une question à poser au
député de Rouyn-Noranda. Dans ce mode de consultation avec les
électeurs, comment va-t-il formuler la question de façon que les
électeurs qu'il consultera aient une dimension exacte du problème
et des conséquences de l'abolition ou de la non-abolition des
comtés protégés?
M. SAMSON: M. le Président, je pense que, si ces
députés ont été élus, c'est parce qu'ils ont
certaines qualités. Nous devrions leur faire confiance. Là, je ne
parle pas seulement de nos députés; je parle des autres et
même des vôtres.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une réponse à la Gilberte
Côté-Mercier ça.
M. LAPORTE: Mais, est-ce que le député accepterait qu'au
lieu d'avoir une consultation faite par une formation politique, la commission
parlementaire étudie la possibilité, d'aller dans les
régions entendre les gens?
M. SAMSON: Nous n'aurions aucune espèce
d'inconvénient.
M. LAURIN: M. le Président, il y a une question préalable
à poser avant ce temps-là...
M. LE PRESIDENT: Sur le même sujet?
M. LAPORTE: Là on tâche de déblayer le terrain. On a
dit depuis toujours que les comtés ruraux ont plus de travail et qu'ils
sont plus loin. Il y a dix ou quinze ans, je me souviens qu'on disait: Tous les
moyens d'information sont concentrés dans les grandes villes; les gens
ont plus de moyens de s'exprimer; les députés urbains ou les
électeurs ont un accès direct aux journaux. Toutes ces
choses-là se sont modifiées. Des gens très sérieux,
qui sont aussi démocrates et qui croient autant à l'importance de
la représentation des électeurs auprès de leurs
députés, croient que ces raisons-là ne sont plus valables.
Je ne porte pas de jugement pour l'instant. Mais est-ce qu'il ne serait pas
mieux, pour que nous ayons, nous, un jugement serein, que la commission songe
à envoyer des gens dans les dix régions économiques du
Québec, qui iraient sur place entendre ce que les gens ont à
dire.
S'il y avait, parmi les arguments qui nous sont apportés, des
choses qui méritent d'être retenues le comté des
Iles-de-la-Madeleine me paraît un exemple clair et classique
à ce moment-là ce pourrait être plus valable, à
mon
avis, que d'écrire une lettre. La question va être
formulée, j'imagine, honnêtement, j'en suis convaincu, mais est-ce
que, de la seule façon que la question va être formulée, on
peut déjà imaginer que les gens ne la comprendront
peut-être pas tous de la même façon et que cela peut
influencer une certaine partie des réponses?
Je pense que nous pouvons, ce matin au moins, partir d'une idée
générale: tous les membres de cette commission, sans exception,
manifestent le désir d'apporter, à notre carte électorale
et à nos lois électorales, des amendements sérieux pour
que cela corresponde mieux à la démocratie et à des
problèmes de 1970. Est-ce que, ce désir unanime s'étant
exprimé, l'on doit maintenant prendre, chacun, des moyens personnels
disparates ou si l'on doit s'entendre pour qu'aucune formation politique ne
décide de moyens du bord pour essayer d'obtenir des opinions? Allons-y
donc tous ensemble, et si nous devons consulter, que ce soient les membres de
la commission qui le décideront en bloc et qui organiseront cela de
façon que tout le monde se sente protégé et que tout le
monde puisse avoir accès à ce questionnaire et à cette
façon d'obtenir une représentation.
M. SAMSON: Ce qui nous intéresse particulièrement, c'est
qu'il y ait consultation. Quant aux méthodes, nous ne posons pas
d'objection.
M. LAPORTE: Disons qu'on déblaie le terrain.
M. SAMSON: Si la commission décide de le faire, je pense que
c'est le meilleur instrument de travail possible.
M. CARDINAL: M. le Président, sur le même point, pour qu'on
le vide. Les deux parrains se rappellent certainement que la commission
permanente de l'Education avait employé ce procédé.
Plutôt que d'avoir des consultations partielles ou parcellaires, M.
Lefebvre, alors député d'Ahuntsic, avait préparé un
projet de questionnaire qui m'avait été remis, comme ministre de
l'Education, que j'avais fait examiner par un groupe, et nous avions convenu,
unanimement à la commission, que ce serait ce questionnaire qui serait
envoyé aux intéressés à Montréal. Il n'y en
a pas eu d'autres parce que, sans cela, cela aurait été une sorte
de moyen différent.
M. LAPORTE: Le premier danger est que, lorsque les réponses vont
revenir ici, au lieu que la commission dise : Voici les réponses, on
dise : Etant donné que vous avez formulé la question de telle
façon, on ne pouvait que s'attendre... On va contester la valeur du
questionnaire et cela va nous faire perdre un temps précieux alors qu'on
pourrait peut-être trouver une formule qui fasse l'unanimité et
que l'on ne perde pas de temps, quand on se reverra, en disant: Evidemment,
parce que c'est le Parti libéral, on l'a fait de telle façon,
parce que c'est le PQ, on a pris telle autre méthode. Je pense que cela
n'avancera rien.
M. LAURIN: II me semble qu'on se complique quand même la situation
pour rien. La raison d'être de l'institution des comtés
protégés, en 1867, c'était la protection de
l'élément anglophone au Québec.
M. LAPORTE : Excusez, je débordais cette question; cela semble
être le consensus.
M. LAURIN: Non, je veux dire que cette raison-là n'existe plus.
Comme elle n'existe plus, quelle raison, justification, même mineure,
avons-nous de garder ces comtés protégés et leur donner un
traitement spécial?
M. LAPORTE: Excusez. Si vous avez interprété mon
intervention...
M. LAURIN: Non, je ne l'ai pas interprétée.
M. LAPORTE: ... comme devant aller consulter les gens sur les
comtés protégés, ce n'est pas cela du tout.
M. LAURIN: Ah, bon!
M. LAPORTE: C'est sur les expressions d'opinions de M. Lavoie (Wolfe),
du député de Montcalm et d'autres...
M. LAURIN : Oui.
M. LAPORTE: ... qui sont tous deux...
M. LAURIN: Je veux dire qu'avant même qu'on se pose la question de
la consultation...
M. LAPORTE: C'est, dans l'ensemble, les ruraux contre les urbains. Ce
matin, il y a autre chose qui m'a frappé. S'il y avait un
représentant d'un comté urbain qui avait dit : Non, non,
même député urbain, je crois que l'on doit s'occuper
particulièrement des ruraux. Et si un député rural avait
dit: Voici, il y a des problèmes particuliers dans les villes. Ces
opinions coincident toujours avec le comté pour lequel on a
été élu.
Je me souviens, quand on a discuté de Sainte-Scholastique, que
chacun avait un dossier merveilleux, puis ça coïncidait toujours
coincidence il y avait des experts qui avaient toujours
prétendu que c'était ceci ou cela. Mais, j'avais dit un jour
devant mon propre caucus que je serais donc impressionné si le
député de Chambly se levait pour dire: J'ai fait faire une
étude, puis ça n'a pas de bon sens chez nous.
C'est ça qui me paraît une difficulté, c'est que
chacun, et très honnêtement, a défendu ce matin ce pourquoi
il a été élu. Cela complique la situation.
M. LAURIN: II me semble en tout cas qu'avant de consulter la population
il faut simplement voir les choses prima facie. La raison de la constitution
des comtés protégés n'existe plus, de l'accord de
tous.
M. LAPORTE: D'accord.
M. LAURIN: Alors, pourquoi l'Assemblée nationale ne dirait-elle
pas simplement que les raisons n'existent plus, qu'il n'y a plus de
comtés protégés?
M. LAPORTE: Je pense que le leader a une suggestion à faire.
M. LAURIN: Et ce serait très simple, à ce
moment-là.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, il est une heure moins sept minutes et il
reste MM. Picard, Saindon et Paul. Avez-vous terminé, M. Lau-rin? M.
Picard.
M. PICARD: Au début de la séance, le député
de Maskinongé a suggéré que l'on convoque à une
réunion de cette commission les dix-sept représentants des
comtés protégés. Cette idée, par la suite, a
été reprise par le député de Bagot et plusieurs
autres. Il semble qu'il y ait consensus au sein de la commission pour qu'on
convoque les représentants de ces dix-sept comtés
protégés.
Mais ce qui m'inquiète, c'est que certains experts
prétendent qu'il n'y a pas seulement dix-sept comtés
protégés dans cet article 80, mais bien 34. Alors, cela devient
le tiers de l'Assemblée nationale. Parmi ces dix-sept autres, il y a
justement le comté de Bagot, qui est adjacent au comté de
Shefford. Il y a une opinion d'experts qui dit qu'il y a dix-sept comtés
protégés et dix-sept autres adjacents aux comtés
protégés qui devraient aussi être consultés, car ils
seront affectés par les changements.
Est-ce qu'il y aura à convoquer dix-sept députés ou
bien 34? Je pense qu'avant de lancer les invitations il faudrait clarifier
cette situation.
M. LE PRESIDENT: M. Saindon.
M. SAINDON: M. le Président, j'avais des remarques à
faire, mais je ne les ferai pas; je vais plutôt attendre que les
députés concernés soient convoqués. A ce
moment-là, on va tout simplement répéter ce qui peut se
dire ici, ce matin.
Je vais garder mes remarques pour ce temps-là.
M. LE PRESIDENT: M. Paul.
M. PAUL: M. le Président, je veux enchafner avec les remarques du
député d'Olier; nous avons étudié ce matin, tel que
l'avait suggéré l'honorable premier ministre, l'article 80. Nous
avons fait un tour d'horizon de tout le problème: le mode de scrutin, la
réforme électorale, l'amendement à la loi
électorale. Mais je crois que la suggestion du premier ministre tient
toujours. A mon humble point de vue, et après avoir consulté mes
collègues, je me demande s'il n'y aurait pas avantage, au cours de la
prochaine séance de la commission, à ce que nous ayions
l'occasion d'entendre les dix-sept députés, au moins partons avec
dix-sept...
M. LAPORTE: ... nous en emmènerons 34.
M. PAUL: Et si on gagne ou on perd avec dix-sept, nous irons à
34. Peut-être qu'entre-temps, les dix-sept députés
concernés pourraient faire une consultation populaire, peut-être
pas aussi complète que celle que se propose de faire le
député de Mégantic, mais si nous avions l'avantage
d'entendre une opinion de ces députés, nous pourrions, alors,
avoir une certaine orientation quant à la possibilité de
maintenir, ou d'abolir, ou d'amender l'article 80. Et cela sera peut-être
une étape à franchir pour continuer notre travail à la
commission.
C'est pourquoi, je proposerais que la prochaine séance de cette
commission ait lieu le 14 octobre, considérant que M. Bertrand sera de
retour et que, lui-même étant chef de parti, et
député intéressé, puisque représentant d'un
comté protégé, il puisse également avoir l'avantage
d'exprimer son opinion sur le sujet, et qu'une invitation expresse soit
envoyée à tous les députés de ces comtés
protégés pour que nous puissions les entendre, et de là,
nous pourrons ensuite, peut-être, nous arrêter quant à la
prochaine étape que nous devrons parcourir pour un travail
semblable.
M. LAPORTE: M. le Président...
M. PAUL: Je m'excuse auprès du Dr Laurin si, du même coup,
je mets de côté son horaire assez chargé.
M. LAPORTE: M. Laurin.
M. LAURIN: M. le Président, je ne pourrais me rallier à
cette proposition que si, d'ici le 14 octobre, on continue de tenir des
sessions pour étudier les autres aspects comme, par exemple, le mode de
scrutin et les principes de la carte électorale. Parce que
déjà c'est une grosse besogne. On se demande si nous en viendrons
à bout avec toutes les sessions qu'on peut avoir. Ce n'est pas
incompatible avec la motion de M. Paul pour que, entre-temps, on continue
notre
examen des autres problèmes. Parce que le 14 octobre me semble
bien loin.
D'autant plus que le mode de consultation auquel on fait allusion me
paraît, encore une fois, inutile puisque les raisons d'être de
l'inclusion dans l'AANB de cet article, de l'avis unanime, sont
complètement anachroniques, désuètes et qu'elles n'ont
plus leur raison d'être.
Il me semble qu'en l'occurrence il nous serait possible d'y arriver par
d'autres moyens que celui-là, mais du moins, je me rallierais à
cette motion-là à condition qu'on continue de siéger pour
étudier les autres problèmes.
M. CARDINAL: Pour enchaîner avec ce qu'ont dit les
députés de Maskinongé et de Bourget, je suis
entièrement d'accord avec les deux. C'est-à-dire qu'on se
réunisse le 14 parce que M. Bertrand, député d'un
comté protégé et chef du parti officiel de l'Opposition,
serait là. Cela donnerait aussi aux autres le temps d'y penser, de
réfléchir et de se documenter. Entre-temps à une
date que je donne le soin au leader parlementaire de nous proposer ou qu'on
fixera plus tard, cela n'est pas le point qu'on se réunisse quand
même et qu'on discute des autres questions. On s'est aperçu, je
pense, à la discussion de ce matin, que même si on établit
un, deux, trois points, on parle toujours et finalement des trois choses
ensemble, parce que, comme je l'avais dit au tout début, elles sont
inséparables.
M. HARDY: M. le Président, je pense qu'il ne s'agit pas non plus
de faire des réunions inutilement. On a proposé que la prochaine
séance soit fixée au 14 octobre et qu'entre-temps on
étudie d'autres questions. J'ai constaté, moi, en
commençant à étudier ces vastes problèmes, qu'il
existait une foule d'études déjà et je me demande s'il ne
serait pas bon, au lieu de faire des réunions d'ici le 14 octobre, que
les membres de la commission se documentent eux-mêmes, prennent
connaissance de ces nombreuses études qui existent, ce qui pourrait
accélérer le travail des membres de la commission par la suite.
Je pense que le 14 octobre n'est quand même pas une date tellement
éloignée et elle permettrait d'autre part aux membres de la
commission de passer à travers au moins d'une partie des études
qui peuvent exister sur les modes de scrutin ou sur le problème du
financement des campagnes électorales des partis politiques.
Je pense que nous avons suffisamment de pain sur la planche, en tant que
membres de la commission, d'ici le 14 octobre, afin que, lors des
séances qui pourront se suivre à un rythme plus
accéléré après le 14, nous soyons mieux en mesure
de prendre des décisions, étant davantage documentés. Si
nous nous réunissons de nouveau la semaine prochaine, nous serons encore
dans la même situation. Nous pourrons peut-être beaucoup discuter,
sans avoir une connaissance assez précise de ce qui existe dans ces
domaines que nous voulons aborder.
M. LAURIN: Ne pensez-vous pas, M. Hardy, que c'est surtout lorsque les
gens se réunissent autour de la table, ici en commission parlementaire,
que les idées deviennent plus claires, qu'on prend le pouls de la
députation et que ça avance quand même les débats.
Par ailleurs, toutes ces études qui ont été faites peuvent
quand même assez facilement se résumer, et avec une semaine de
travail, c'est assez facile d'en arriver à des principes qui peuvent
nous servir ici pour la discussion.
M. HARDY: La petite expérience que je peux avoir des
réunions me dit que mieux une personne, mieux les membres, quels qu'ils
soient, indépendamment des personnalités, connaissent un sujet,
plus facilement ou plus rapidement les décisions sont prises. Je ne
pense pas que ce soit autour de cette table-ci que les députés,
que les membres de la commission puissent acquérir une connaissance des
études qui existent; c'est plutôt par leur travail personnel, et,
encore une fois je répète que, ceci fait, ces études
préliminaires, cette documentation acquise par les membres, cela
pourrait faciliter et accélérer les travaux de la commission.
M. LAURIN: Mais du choc des idées parlementaires jaillit la
lumière.
M. CARDINAL: Mettons ça tout ensemble. Pourquoi ne ferions-nous
pas une réunion, non pas la semaine prochaine, parce que cela me
paraît trop tôt, mais le 7 octobre? Le 7 est purement une
suggestion, cela pourrait être aussi bien le 6 ou le 8, et, d'ici ce
temps-là, documentons-nous.
M. HARDY: Pour voir où les membres de la commission en seront
rendus dans leurs études?
M. CARDINAL: Non, pour discuter...
M. MASSE (Montcalm): Nous pourrions au moins nous entendre
là-dessus.
M. HARDY: Un petit examen. M. LE PRESIDENT: M. Dumont.
M. DUMONT: Considérant, M. le Président, que nous avons
beaucoup de travail dans les comtés semi-ruraux, on l'a
mentionné tout à l'heure y compris une centaine de
personnes que nous recevons le lundi pour régler les problèmes
des comtés, et aussi pour bien nous documenter, nous sommes d'accord,
dans ce coin-ci de la salle, pour porter au 14 octobre la date de la
rencontre.
M. LAPORTE: M. le Président, nous acceptons d'abord quant
à nous et je pense que c'est unanime la suggestion faite
par le leader parlementaire de l'Opposition officielle d'inviter à la
prochaine réunion le représentants des comtés
protégés par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Quant à la date, il faut bien que nous constations que nous
sommes désireux et unanimement désireux d'apporter
des changements à notre système, à notre carte
électorale, mais qu'il n'y a pas en cette matière une urgence
telle que nous devions précipiter les travaux et que nous nous
réunissions pour répéter des choses déjà
entendues ou déjà dites. L'important est que nous convoquions une
réunion lorsque nous pourrons faire avancer le travail et non pas nous
donner à nous l'impression de faire du travail lorsque simplement nous
nous agitons. Je pense bien que si nous nous revoyions la semaine prochaine,
nous continuerions à discuter en général des mêmes
problèmes. Nous pourrions peut-être faire les suggestions
suivantes:
Premièrement, que, d'ici le 14 octobre, non pas les
députés eux-mêmes, qui sont assez souvent démunis de
moyens efficaces de le faire, mais la commission parlementaire soit
chargée de constituer pour chaque membre de la commission un dossier
essentiel des documents qui ont déjà été produits,
des études qui ont déjà été faites sur les
diverses questions qui retiennent notre attention.
Ceci, à mon avis, devrait prendre un certain nombre de jours. Les
députés pourraient probablement le recevoir d'ici une dizaine de
jours et ils auraient jusqu'au 14 octobre pour en prendre connaissance. Je
crois que ceci est raisonnable et devrait contribuer à avancer ou
à orienter sérieusement notre travail. Le 14 octobre, nous
pourrions recevoir ceux des 17 députés qui voudront venir nous
rencontrer. J'imagine que ce sera la totalité d'entre eux. Et pour faire
avancer notre travail, la question que je pourrais suggérer à
cette réunion du 14, si nous en avons le temps, est la suivante, qui
m'apparaît absolument fondamentale: Est-ce que le travail de la refonte
de la carte électorale devrait être confié à cette
commission, devrait être confié à un comité ad hoc
de cette commission ou devrait être confié à des gens
extérieurs, étrangers à cette commission? Autrement dit,
devons-nous nous adresser à des gens non engagés politiquement,
à des experts? Ne les appelons pas experts, si l'on veut, mais des gens
de l'extérieur. Ou bien est-ce nous qui devons faire ce travail?
Cela m'apparaît, surtout après la discussion de ce matin,
une question que chaque député doit se poser très
objectivement en oubliant, dans toute la mesure du possible, son comté
et sa personnalité, si nous voulons donner aux citoyens de la province
de Québec la preuve directe que nous voulons véritablement faire
un travail sérieux, objectif et non pas ce qui est passé à
l'histoire le mot a fait fureur le "gerrymandering",
c'est-à-dire que chacun tente de tirer le mieux possible la couverture
de son côté. Est-ce qu'il vaut mieux que nous le fassions
nous-mêmes ou que nous le confiions à des gens de
l'extérieur? Je crois que nous pourrions avec beaucoup
d'intérêt nous poser cette deuxième question, ce qui ferait
avancer notre travail.
M. LAURIN: Dans ce que vous venez de dire, vous ne parlez...
M. PICARD: Avec la liste des députés, est-ce qu'il y
aurait possibilité d'inclure une carte géographique indiquant les
limites des treize premiers comtés protégés en 1867?
M. LAPORTE: Je pense qu'on en prend note. Est-ce que c'est
enregistré?
M. PAUL: Les comtés primitifs.
M. PICARD: Les comtés primitifs tels qu'ils existaient en 1867
pour qu'on ait des limites de ces comtés, pour voir réellement
quels sont les comtés qui sont touchés actuellement.
M. LAPORTE: Ne réclamez pas tout le dossier des cartes; il
paraît qu'on a des tonnes de cartes géographiques.
M. PICARD: Envoyez-nous rien qu'une demi-tonne.
M. LAPORTE: Les 34, les 17, les 108 et tout ça!
M. MASSE (Montcalm): M. le Président, est-ce que, dans l'optique
du député, cette documentation sera envoyée aux 108
parlementaires ou uniquement aux membres de la commission?
M. LAPORTE: Aux membres de la commission parlementaire qui
étudient...
M. MASSE (Montcalm): Est-ce que vous accepteriez le compromis suivant:
Disons aux membres de la commission automatiquement et à ceux qui en
feront la demande, parce qu'en principe cela ira aux 108 puisqu'ils auront
à voter.
M. LAPORTE: Je l'imagine.
M. MASSE (Montcalm): Donc, aux membres de la commission et à ceux
qui en font la demande.
M. LAPORTE: J'entends déjà le député de
Wolfe qui en réclame.
M. LAVOIE (Wolfe): II faudrait en envoyer
à ceux qui auront à se prononcer à la prochaine
séance afin qu'ils soient documentés.
M. LAPORTE: Enfin, je pense que c'est très convenable. A tous les
membres de la commission et à ceux qui en font la demande.
M. LE PRESIDENT: M. Saindon.
M. SAINDON: M. le Président, il faudrait que ces documents soient
envoyés non seulement aux membres de la commission, mais aux
députés des dix-sept comtés. Il faudrait, d'autre part,
que ces documents-là soient envoyés à nos domiciles, parce
qu'il peut arriver que pendant plusieurs jours on ne revienne pas à
Québec. Alors, on perdrait ces jours d'étude là.
M. LAPORTE: D'accord.
M. LAURIN: M. Laporte, tout à l'heure, quand vous discutiez de
l'idée de confier à une commission une sorte de travail
préparatoire, vous n'avez mentionné que la carte
électorale. Je pense qu'il ressort des discussions entendues ici ce
matin que c'est difficilement possible de séparer l'étude de la
carte électorale de celle du mode de scrutin. Est-ce que, dans votre
idée, vous mettriez les deux problèmes?
M. LAPORTE: Dans mon idée. Je ne voudrais pas tracer une ligne de
conduite ou un ordre du jour à cette commission, parce que je n'en ai
pas. J'imagine que, si nous en venions à la conclusion que c'est cette
commission parlementaire qui va faire le découpage de la carte
électorale, il faudrait nécessairement former une
sous-commission, parce que, là, ça va être un travail
extrêmement complexe. Si nous en venions à la conclusion de
confier ça à des gens de l'extérieur, nous pourrions
entreprendre un autre sujet, c'est-à-dire, si vous voulez, les divers
modes de représentation. A ce moment-là, je suis convaincu que
les membres de cette commission seront désireux d'entendre plusieurs
experts qui vont nous dire: En Allemagne, ça se passe de telle
façon et, au Japon, ça se passe de telle façon. Ces gens
vont, en somme, nous faire l'énumération de tous les
systèmes possibles pour qu'ensuite nous soyons en mesure de faire des
recommandations.
M. LAURIN: II m'apparaît difficile de confier à un groupe
technique l'étude d'une carte électorale si on ne lui dit pas
l'optique dans laquelle nous envisageons nos travaux, c'est-à-dire le
mode de scrutin.
M. LAPORTE: On en reparlera à ce moment-là. Vous voyez
toutes les questions qui peuvent se poser. Ce groupe, il faudrait
également étudier la possibilité de le faire voyager.
Là, on voit toutes les questions intéressantes qui peuvent se
greffer sur celle-là.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- dent, je voudrais ajouter
à ce que dit le leader de la Chambre que la constitution d'un groupe de
travail comme celui-là devra comporter absolument les parlementaires,
parce qu'on ne peut pas laisser uniquement à des gens de
l'extérieur le soin de préparer pour nous une chose qui nous
intéresse au premier chef.
M. PAUL: L'expérience d'Ottawa a été bien
malheureuse.
M. LAPORTE: On peut se préparer une réunion
intéressante pour le 14. Les réflexions qu'on devra faire
personnellement demandent au moins trois semaines d'ajournement.
M. LE PRESIDENT: Un instant s'il vous plaît, messieurs. M.
Cardinal.
M. CARDINAL: M. le Président, dans son intervention, M. Saindon a
demandé que les documents soient envoyés à son
domicile.
Je ne suis pas d'accord, parce que cette documentation peut être
assez volumineuse. Je pense que le secrétariat de l'Assemblée
nationale devrait s'informer auprès des députés où
ils désirent que cette documentation soit adressée. Parce que se
promener avec cela...
M. LE PRESIDENT: Est-ce que je pourrais demander aux membres du
comité ad hoc de la réforme des règlements, M. Dumont et
les autres M. Burns n'est pas ici si on pourrait tenir une
première séance mercredi prochain, à mon bureau, à
10 heures? J'ai pris sur moi-même d'inviter, après consultation
avec différents leaders, M. Bonenfant, pour discuter, pour
défricher, si vous voulez, le problème. Je ne sais si M. Brown
est d'accord.
M. LAURIN: M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Oui, M. Laurin.
M. LAURIN: Est-ce qu'on peut conclure, d'après la proposition ou
semi-proposition de M. Laporte, qu'à partir du 14 octobre les travaux
seront vraiment menés avec célérité et toutes les
semaines?
M. LAPORTE: On peut conclure que cela sera une
célérité qui va vous étonner.
M. LAURIN: D'accord.
M. LE PRESIDENT: La commission ajourne...
M. LAPORTE: Je propose l'ajournement au 14 octobre, à 10 h
30.
M. LE PRESIDENT: La prochaine séance sera le mercredi 14 octobre,
à 10 h 30.
(Fin de la séance 13 h 14 )