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Version finale

29e législature, 1re session
(9 juin 1970 au 19 décembre 1970)

Le mercredi 23 septembre 1970 - Vol. 10 N° 27

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Réforme électorale


Journal des débats

 

Commission permamente de l'Assemblée nationale

Sujet : Réforme électorale

Séance du mercredi 23 septembre 1970

(Dix heures quarante minutes)

M. LAVOIE (Laval) (président de la commission permanente de l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!

M. BOURASSA: M. le Président, j'aurais deux mots à dire avant d'entreprendre la discussion; je veux simplement me référer 3 la première déclaration que j'ai faite, qui concernait la réforme électorale. Je n'ai attendu les lamentations d'aucun parti pour admettre la nécessité d'une réforme du système électoral.

Il y a tout de même trois aspects dans cette réforme: la question de la carte électorale, la question du mode de scrutin et la question de la loi électorale. Je pense que, ce matin, nous pouvons examiner les procédures qui peuvent être utilisées, de même que l'ampleur du travail. Il faudrait se demander, par exemple, si nous ne devrions pas commencer par la réforme de la carte électorale; tant que nous n'aurons pas une vue plus précise de la carte électorale, je me demande jusqu'à quel point nous pouvons arriver à des conclusions sur le mode de scrutin qui serait préférable.

Il est évident que le Québec doit modifier sa carte électorale, peut-être également son mode de scrutin. Mais, nous ne devons pas penser que le Québec est le seul endroit où des réformes électorales doivent être accomplies. Durant les derniers jours, je me suis intéressé à cette question; j'ai examiné ce qui se faisait dans d'autres pays ou dans d'autres provinces et nous n'avons pas de leçons de démocratie à recevoir de qui que ce soit. Je me souviens qu'au lendemain des élections notamment, certains journaux de gauche en France faisaient des reproches au système électoral québécois, alors que nous devons constater que dans ce même pays plusieurs partis ont été victimes d'un système électoral qui ne pèche pas par excès de justice. Par exemple, qu'on pense qu'en 1958 le parti communiste a obtenu seulement 10 députés avec 200,000 à 300,000 voix de plus que le parti gaulliste, qui a obtenu 189. Et nous pourrions multiplier les exemples dans beaucoup de pays.

Il reste tout de même que c'est un problème urgent, non pas urgent parce qu'il y aura des élections prochainement, mais parce que cela prendra un certain temps pour arriver à des conclusions.

La première question que j'aimerais poser et sur laquelle j'aimerais avoir l'avis des membres de la commission est celle-ci: Est-ce que la commission serait d'accord pour qu'on entreprenne d'abord la question de la carte électorale avant celle du mode de scrutin ou de la loi électorale?

M. LE PRESIDENT: M. Laurin.

M. LAURIN: M. le Président, à la fin de la dernière séance, j'avais déposé une sorte de document de travail qui traitait en grande partie des points que le premier ministre a abordés ce matin.

Dans cet échéancier que j'avais soumis, on parlait, bien sûr, de la carte électorale; on parlait du mode de scrutin; on parlait de la loi électorale elle-même; on parlait aussi des procédures. Je pense bien qu'il ressort de tout l'esprit de ce document que c'était peut-être mieux d'aborder notre travail en situant d'abord certains principes qui pourraient nous servir de guide dans tout notre travail ultérieur. Par exemple, personnellement, je ne pense pas que l'on puisse aborder le problème par le biais des détails. Il me semble qu'on serait mieux de se faire une idée globale de ce que l'on veut faire et, ensuite, de prendre les points qui en découlent d'une façon précise, l'un après l'autre. Si nous pouvions nous mettre d'accord sur certains principes, cela pourrait accélérer le travail lorsque nous arriverons à la discussion des points particuliers.

M. BOURASSA: Comme lesquels, M. Laurin?

M. LAURIN: Bien, il me semble qu'avant de parler du découpage de la carte électorale; il serait bon de s'entendre sur certains principes, par exemple, sur ce que doit contenir la réforme éloctorale et sur les points que l'on doit couvrir. En ce qui concerne la carte elle-même, qu'est-ce qu'il faut faire avec les comtés protégés, comme tout le monde le sait? Combien de députés devront être élus à la proportionnelle? Combien de députés devraient être élus selon le mode uninominal?

M. BOURASSA: Justement. Quel qu'il soit, il faut avoir une idée de la carte électorale avant de... Je pense que, là, on commencerait...

M. LAURIN: Mais justement, il me semble que c'est aborder le problème par un point particulier. Comme tout le monde s'entend sur la nécessité...

M. BOURASSA: Trois points particuliers. M. LAURIN: Oh! Il y en a plus que cela!

M. BOURASSA: II y a le mode de scrutin, il y a la carte électorale, il y a la loi.

M. LAURIN: Mais, il y a aussi les mécanismes électoraux.

M. BOURASSA: C'est dans la loi, comme le

dit le député de Chicoutimi. Je pense qu'on peut être d'accord: il y a trois objectifs qu'on doit discuter.

M. LAURIN: De toute façon, j'aimerais ça, quand même, que le président me donne la permission de relire un peu ce document que je déposais la dernière fois. Cela éclairera peut-être un peu plus ma position. Je disais, par exemple, que la réforme électorale...

M. LAPORTE: Ecoutez, je pense bien que le député n'a pas de permission à demander au président pour le lire. Actuellement, je pense qu'à la demande du premier ministre nous étudions un point particulier, à savoir si nous devrions commencer notre travail par ce qui apparaît à bien des gens comme la réforme la plus pressante. Nous sommes, nous, députés, à la fois intéressés et préjugée lorsque vient le moment de nous prononcer sur des problèmes comme celui-là. On nous l'a dit sur tous les tons.

Si l'on s'en remet à quelques personnes qui ont fait carrière d'étudier ces problèmes et qui n'ont pas d'intérêt particulier pour l'une ou l'autre des formations politiques en présence, on constate que, chez ces personnes, il apparaît que la réforme la plus pressante est celle de la carte électorale. Je m'en remets, par exemple, à deux personnes pour qui j'ai beaucoup de respect, M. Jean-Charles Bonenfant et M. Vincent Lemieux qui, l'un et l'autre, ont...

M. LAURIN: Est-ce que c'est une interruption ou si c'est une intervention de point d'ordre sur ce que j'étais en train de dire?

M. LAPORTE: Bon, allez-y donc. Si vous commencez à nous manier le règlement, vous qui le maniez tellement bien, allez-y donc.

M. LAURIN : Non, je comprends bien votre idée. Vous dites que c'est le plus pressant. Mais, justement, l'idée que j'étais en train de développer, c'est que, même si c'est pressant — au fond, beaucoup de choses sont pressantes dans la réforme de la loi électorale — il y a la carte, bien sûr, mais il y a aussi tous les autres problèmes.

M. LAPORTE : On a finalement l'impression, M. Laurin, qu'en apportant tous ces problèmes-là en même temps, vous n'avez pas l'intention de rien régler, mais de faire durer... Tâchez de prendre l'initiative.

M. LAURIN: Je ne les apporte pas, mais, dans le document que j'avais déposé la dernière fois, on remarque qu'il y avait un échéancier très précis où, au contraire, on les abordait successivement, l'un après l'autre, selon certaines étapes...

M. LAPORTE: Vous vous prenez encore pour le gouvernement.

M. LAURIN: Nous admettions justement avec tous les partis que la réforme électorale au Québec était une oeuvre d'envergure qui, par surcroît, doit être accomplie rapidement, et que sa réussite supposait donc la mise en place immédiate de mécanismes efficaces capables de produire à temps une réforme acceptable à l'ensemble de nos partis politiques et de notre population. Les postulats de base sont les suivants, et le présent texte était basé sur un certain nombre de ces postulats de base qui devraient être acceptables à la plupart des membres de la commission. Nous postulons d'abord que notre étude porterait sur l'ensemble des processus électoral. C'est exactement le point que je voulais souligner.

M. LE PRESIDENT: Excusez-moi. Je comprends que le député de Bourget procède à la lecture de ce document, mais, si je me le rappelle bien, tout le monde a eu copie de ce document. Non?

M. LAURIN : Je ne suis pas sûr, M. le Président, que tout le monde l'ait lu.

M. LAPORTE: Même si je vous disais qui l'a préféré...

M. LE PRESIDENT: On pourrait peut-être demander aux membres de la commission s'ils en ont pris suffisamment connaissance.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne voudrais pas interrompre le député de Bourget, mais je crois que le premier ministre a posé tout à l'heure le problème dans sa totalité en parlant des trois aspects principaux, soit la carte, le mode de scrutin et la loi électorale. Tout ça, évidemment, se tient; on ne peut pas aller dans un sens, sans nécessairement toucher à l'un ou l'autre des aspects qu'a évoqués le premier ministre. Or, dans le document que M. Laurin nous a remis l'autre jour, et dont nous avons pris connaissance avec grand intérêt, au fait, il est question exactement de ces trois problèmes dont a parlé le premier ministre, soit la carte, le mode de scrutin, la loi électorale. Certaines modalités concernant la façon de voter, si on doit utiliser une machine, enfin le problème des dépenses électorales, etc., tout ça peut entrer dans le cadre d'une réforme de la loi électorale.

Est-ce que nous devons donner priorité à la carte électorale et commencer par examiner ce problème-là d'abord? Personnellement, à moins que mes collègues ne soient d'un avis contraire, je pense que ce serait le meilleur moyen de s'entendre sur un objet de notre recherche actuelle, ici, en commission. Nous allons commencer par étudier le problème de la carte

électorale parce que, justement, lorsque nous étudierons le problème de la carte électorale, se posera le problème qui se trouve évoqué dans le document que nous a remis M. Laurin, le problème des comtés protégés. Quant à moi, la proposition du premier ministre me paraît la plus cohérente, la plus logique, soit d'aborder les trois problèmes: celui de la carte, ensuite celui du mode de scrutin pour en arriver finalement à une sanction de tout cela par une réforme de la loi électorale.

M. LE PRESIDENT: M. Cardinal.

M. CARDINAL: M. le Président, je ne voudrais certainement pas contredire mon collègue, mais apporter ce qui me paraît des nuances importantes. M. Laporte, tantôt, a mentionné que, sur le problème de la refonte de la carte électorale, nous étions nécessairement préjugés. Il faut l'admettre au début. Si je prends un exemple que je connais très bien, il est certain qu'un comté comme celui de Bagot est un de ceux qui ont les plus grandes chances de disparaître dans la refonte d'une carte à cause de sa situation géographique et de son nombre moyen d'électeurs, qui est d'environ 15,000. Il est à mi-chemin entre ceux qui n'en ont que 7,000 et ceux qui, comme celui de mon collègue d'en face, en ont 80,000.

Dans d'autres cas, parce que c'est un comté protégé, celui qui est là peut être, d'avance, pas tellement heureux, non plus, de voir cesser cette protection ou de le voir disparaître. Nous avons déjà connu dans le passé des corrections, si on peut ainsi dire, des comtés protégés, si bien que — je prends encore l'exemple de mon comté — il y en a peut-être une partie qui est protégée parce que ça faisait partie de Drummond et de certains autres quand il y a eu une certaine refonte. On peut dire que non, on peut dire que oui. Je ne donne pas cela comme exemple général, mais, à la suite de certaines réformes de la carte électorale dans le passé, se pose peut-être le problème, dans Hull, Pontiac, etc., de savoir vraiment ce qu'est un comté protégé.

De plus, si on n'étudie que la carte électorale, sans même cette hantise de la protection juridique ou de la protection psychologique que l'on veut apporter à son propre comté, je ne pense pas que l'on puisse isoler et dire: Nous commençons par le point un, qui est la refonte de la carte, si nous ne savons pas vers quoi nous allons.

Et c'est le problème sur lequel je veux insister pendant quelques instants seulement.

Une réforme de la carte, si on ne prend que ce problème, va causer le problème purement démographique — le nombre de personnes dans un comté — le problème que j'appellerai régional, ou les problèmes régionaux. Les régions ne se ressemblent pas toutes au Québec, on le sait. Alors, quand on fait un découpage, on aura beau vouloir réunir les Iles-de-la-Madeleine à la Gaspésie, il y aura quand même quelque chose qui les séparera, c'est un bras de mer. Et si on veut joindre certains comtés, il y aura toujours le Saint-Laurent, aussi, entre les deux. Il y a des divisions régionales qui dépendent de la géographie, d'autres qui dépendent de questions économiques ou sociologiques.

Il y a un troisième point qui me paraît aussi important : ces frontières, entre les comtés, dans certains endroits, sont vécues et senties par la population. Les gens, par exemple, des comtés ruraux savent à quel rang ils changent de comté. Les gens des milieux urbains, surtout des grands centres urbains, tout particulièrement à Montréal, n'ont aucune notion de ce qu'est un comté. Et si on menait une enquête, on s'apercevrait que, parfois, ils ne savent même pas qui est leur député, ou au fédéral, ou au provincial. Quand j'ai exercé comme notaire, lorsqu'il y avait des formules où il fallait inscrire le nom du comté, remplir le blanc pour indiquer le nom du comté, les gens de l'île de Montréal, deux fois sur trois, ne savaient pas dans quel comté ils se trouvaient. Voilà ce que j'appellerai des raisons, non pas démographiques ni régionales, mais des raisons purement de sentiment d'appartenance. Cela, sur le premier point.

Deuxième point. Si on ne fait qu'une réforme de la carte fondée sur ces trois points, sans savoir d'avance si l'on se dirige, ou non, vers une réforme du scrutin, cela me paraît une grande illusion, parce que c'est le total des deux qui va faire une véritable réforme de la représentation et de la représentativité à l'Assemblée nationale. Si on ne fait qu'une réforme de la carte, qu'on le dise tout de suite, on va en discuter, c'est ce qu'on veut, ou c'est ce qu'on ne veut pas. Si on fait une réforme et de la carte et du mode de scrutin, encore là on pourrait se poser une série de questions sur le mode de scrutin. Si on avait un mode de scrutin à deux ballottages, les gens étant ce qu'ils sont présentement, avec les traditions qu'ils ont connues et quel que soit le découpage de la carte, étant habitués, par nature, à voter du côté du pouvoir, il pourrait arriver la chose qui paraît, à première vue, incroyable aux intellectuels, aux techniciens et aux politicologues, que le dimanche suivant la première élection, tout le monde vote du côté du pouvoir, sauf quelques rares individus dont la personnalité serait si forte qu'elle passerait à travers une semblable vague.

Là, on aurait un gouvernement qui — je regrette de le dire — ne me paraîtrait pas tellement démocratique malgré des moyens, peu importe lesquels ils soient...

M. BOURASSA: II y aurait un parti unique.

M. CARDINAL: C'est cela; ça deviendrait un parti unique, à toutes fins pratiques. Il faut donc avoir déjà des idées sur le genre de mode

de scrutin. Est-ce un mode de scrutin proportionnel? Est-ce un mode de scrutin par ballottage? Est-ce un mode de scrutin, même proportionnel, qui va ressembler à celui de l'Allemagne ou qui va être parmi les nombreux qui ont été proposés. D'ailleurs, à cette commission, dans les recherches qui ont été faites par l'Institut de recherche en droit public de la faculté de droit de l'Université de Montréal? Il y a au moins — je ne me souviens pas du nombre exact — douze modes qui sont présentés. Déjà, cela fait deux problèmes.

Il y en a un troisième: la loi électorale. L'Union Nationale, avant que les élections soient déclenchées, avait proposé un projet de loi qui portait sur — si je ne me trompe, on me corrigera — le numéro 1. Il y était question d'un certain nombre de choses dont, entre autres, le financement des partis et des candidats, ce que, par le biais, on peut appeler la question des caisses électorales. Ce problème me paraît moins rattaché aux deux premiers. Il n'a pas la même incidence directe.

Il y a autre chose, cependant. C'est que carte électorale et mode de scrutin, avec la constitu-ition interne que nous avons présentement, me paraissent des choses énormément dangereuses à modifier sans des études vraiment approfondies, parce qu'on peut arriver à des résultats pires que ceux que nous avons présentement, même si je trouve qu'actuellement la situation n'est — comment la qualifier pour que ce soit parlementaire? — certainement pas juste pour la population, et je ne reviendrai pas sur les proportions du vote populaire ni sur ce qui serait arrivé, dans chacun des collèges électoraux, s'il y avait eu deux scrutins. On pourrait le faire pour toutes les années en retournant jusqu'en 1956 et on s'apercevrait probablement qu'aucun des gouvernements qui ont été au pouvoir depuis 1956 n'a été un gouvernement légitime selon ces thérories.

Alors, cela me paraît un peu difficile de dire: On commence par la carte. Je serais prêt à dire on commence par la réforme de la carte, si je savais où on s'en va avec le total.

M. BOURASSA: Excusez-moi. Est-ce que vous voulez dire, M. Cardinal, que vous seriez d'accord pour commencer par la carte, mais qu'il faudrait régler le cas de l'article 80?

M. CARDINAL: C'est ça. Il faudrait adopter...

M. BOURASSA: II y a 17 comtés protégés, ici.

M. CARDINAL: Non seulement les comtés protégés.

M. BOURASSA: Oui.

M. CARDINAL: Je pense qu'il faudrait que la commission consente non seulement à étudier le problème de la carte mais aussi la refonte du scrutin et la question des comtés protégés. On devrait s'entendre d'une façon claire et absolue, et se faire un point d'honneur de suivre cette règle. Il est déjà arrivé à l'Assemblée nationale qu'ayant deux projets de loi devant nous, malgré la réglementation qui nous obligeait à ne parler que d'un à la fois, nous ayons convenu d'intervertir l'ordre des débats parce qu'il y avait interrelation.

Qu'on commence par la carte, je n'ai pas d'objection. On peut commencer par un bout ou par l'autre. Le premier ministre a peut-être raison de dire que le premier point conditionne le second. On pourrait peut-être avoir aussi raison de dire que le second point conditionne le premier. Je pense qu'ils "s'entre-condition-nent", si le mot est français, et c'est dans ce sens que je dis: Convenons d'abord, si le président le permet ainsi que le premier ministre et les membres de la commission, que nous entreprendrons tous les points et que, à la prochaine élection — ici, je ne voudrais certainement pas faire de l'électoralisme — qui peut être avant quatre ans, nous ne nous retrouverons pas dans une situation où on n'aurait fait que la carte électorale et qu'on n'aurait pas entrepris le reste. Cela me paraîtrait, je m'excuse, extrêmement dangereux et là il y aurait beaucoup de critiques de la population. Même pour le parti au pouvoir qui, comme c'est normal, voudrait se protéger — on revient encore aux préjugés dont on parlait au début — ce serait au contraire un jeu de boomerang, et on pourrait les accuser de n'avoir pas agi démocratiquement et de se mettre eux-mêmes dans une situation pire que celle où l'on se trouvait auparavant.

Je ne sais pas si l'intervention est suffisamment claire mais...

M. BOURASSA: M. le Président, si je peux me permettre juste une remarque. Nous sommes bien conscients de l'importance de ce problème, c'est pourquoi nous avons renvoyé cela à la commission parlementaire. On n'a qu'à examiner certaines lois qui ont été votées par les partis au pouvoir. J'ai surtout examiné le cas de la France en 1950-1951 qui a établi un système électoral avec des listes apparentées. C'était rempli de trucs. C'est pourquoi, en renvoyant cette question à la commission parlementaire, où tous les partis sont représentés, on peut peut-être éviter au parti au pouvoir la tentation de se protéger par une réforme électorale.

Te voudrais simplement nommer les 17 comtés protégés...

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, avant que le premier ministre procède, je voudrais bien préciser ce que j'ai dit au départ. J'ai indiqué que le premier ministre avait souligné les trois points majeurs du travail de

notre commission, soit la carte, le mode de scrutin et la loi électorale. Je n'ai pas pris parti d'aucune façon et je suis bien d'accord, avec mon collègue de Bagot, que le problème de la refonte de la carte électorale ne règle pas toute la question.

Dès qu'on touche à la carte électorale, on est obligé, en même temps, de toucher au mode de scrutin et, finalement, à la loi électorale parce que notre étude doit partir de certains critères — et le premier des critères, c'est celui de la représentativité — afin d'en arriver à un juste équilibre de la représentation et des droits qu'ont les citoyens de se faire entendre à l'occasion d'un scrutin.

Ce qu'a dit M. Cardinal complète ce que j'avais dit au départ, à savoir qu'il y a trois problèmes majeurs mais que ces problèmes ont une étroite relation les uns avec les autres, de sorte qu'on ne peut pas toucher à l'un sans nécessairement devoir toucher aux autres questions qui se greffent fatalement à cette question qu'on estime être, peut-être, la plus importante au départ, celle de la carte électorale. Mais la refonte de la carte électorale n'aura de sens que si l'on tient compte des autres problèmes, particulièrement du mode de scrutin, comme l'a indiqué mon collègue de Bagot. C'est pourquoi je crois que le premier travail de la commission serait d'examiner quels pourraient être les critères de représentativité les plus objectifs, les critères les plus démocratiques, parce que, lors de la parution du rapport Grenier, il y avait eu divergence d'opinions. D'un côté, tout un groupe d'intellectuels, d'universitaires avaient donné leur caution immédiate au rapport Grenier, sans voir quelles en étaient les implications sociologiques, les implications aussi sur le plan de la démocratie appliquée des conclusions de ce rapport. Même les hommes politiques qui étaient alors en place n'étaient pas d'accord, en partie, avec le rapport Grenier, précisément parce qu'il ne tenait pas compte des critères de représentativité, ce rapport se basant uniquement sur un critère de représentativité démographique, ce qui exclut, évidemment, tout le reste, qui est beaucoup plus important, la question d'une représentativité au plan sociologique, économique, etc.

A supposer, par exemple, que dans une région comme la mienne, on décide qu'il y a X comtés et que, dans la région de Montréal, il y a X comtés, par rapport à ce qui existe à l'heure actuelle, cela ne veut pas dire que pour autant on aura atteint une représentation qui soit à la fois démocratique et juste parce que chaque région est une entité. Il y a un aspect numérique, mathématique, si l'on peut dire, lorsqu'on considère les citoyens en bloc et il y a aussi un aspect moral qui lui, évidemment, nous oblige à évoquer toutes les questions sociologiques qui tiennent à ce critère de représentativité qui doit, au départ, être examiné avant que d'aller plus avant.

M. LE PRESIDENT: M. Léger.

M. LEGER: M. le Président, je serai bref. C'est que le député de Bagot et le député de Chicoutimi ont quand même dit pas mal de choses que je voulais dire. Je voudrais simplement ajouter que, si on parle d'étudier la carte électorale dans le sens du découpage, eh bien, c'est entendu qu'on se bloquera à mesure qu'on avancera à d'autres problèmes reliés les uns aux autres, non seulement les comtés protégés, dont nous parlions tantôt, mais aussi juste le fait du nombre de députés qu'il nous faut.

Si on décide que, dépendant du mode de scrutin, on adoptera plus tard le vote proportionnel, que ce soit 50 p.c. d'élus territorialement et 50 p.c. d'élus sur une liste à côté, ou les 2/3, cela divisera le nombre de territoires ou de comtés d'une façon bien différente. Je pense que si on pouvait suivre l'échéancier qui a été proposé dans le projet que tout le monde a lu, et auquel on s'est bien intéressé, on pourrait peut-être d'abord établir la méthode de procéder qui pourrait être la carte électorale, pourvu qu'on puisse sortir du problème de la carte pour régler, à mesure qu'ils arrivent, les problèmes d'autres domaines. Il y a les prérequis, je pense, qu'il faut considérer avant d'arriver à la carte électorale elle-même. Je pense qu'on devrait avoir une vision d'ensemble rapide sur certains sujets, pour voir si on s'entend sur plusieurs de ces sujets, avant d'arriver à étudier uniquement la carte électorale en elle-même.

M. BOURASSA: M. le Président, juste pour donner les comtés, je pense qu'un problème qui a été soulevé et qu'il faut peut-être régler. Comme comtés protégés, il y a les comtés de Pontiac, Compton, Brome, Argenteuil, Mégan-tic, Stanstead, Sherbrooke, Missisquoi, Wolfe, Richmond, Shefford, Huntingdon, Hull, Papineau, Témiscamingue, Abitibi-Est, Labelle. Il y en a dix aux libéraux, trois à l'Union Nationale et deux au Crédit social. Cela fait...

M. LE PRESIDENT: Trois au Ralliement des créditistes.

M. BOURASSA: Ralliement des créditistes. Pardon, je m'excuse. Le Problème, c'est que, pour abolir l'article 80, il faut une majorité simple à l'Assemblée nationale et il faut une majorité, si je suis exact, des comtés impliqués. Cela veut dire qu'il faudrait...

M. PAUL: M. le Président, avant que l'honorable premier ministre aille plus loin sur ce point, qu'il me soit permis de porter à sa connaissance certaines études juridiques qui ont été faites à la suite de l'adoption par l'Assemblée législative de certaines lois qui avaient pour effet de refondre en partie la carte électorale quant aux territoires de certains comtés. L'honorable premier ministre vient de mentionner

que le comté de Hull serait un comté protégé. Je soumets respectueusement que des études juridiques ont été faites pour soutenir que le comté de Hull, au regard des dispositions de l'article 80, ne serait plus un comté protégé. Il y aurait peut-être lieu de faire faire une étude juridique pour que les membres de la commission puissent être informés d'une façon quasi absolue des comtés qui sont réellement protégés au regard des amendements qui ont été apportés à la loi électorale de 1922, en 1933 et en 1939. Spécialement à l'article 78 de la loi de 1912 et à l'article 5 de la loi de 1922.

M. BOURASSA: Mais il y a des opinions divergentes...

M. PAUL: Justement.

M. BOURASSA: D'accord, alors...

M. PAUL: II s'agirait peut-être de demander à des conseillers du ministère de la Justice de faire une étude exhaustive de tout le problème pour qu'il y ait un certain consensus ou, du moins, une certaine unanimité quant aux comtés qui sont protégés actuellement au regard du texte original de l'article 80 et des modifications qui ont été apportées à la loi de la Législature, à la Loi électorale du Québec. L'honorable premier minstre, en mentionnant le comté de Hull comme étant un comté protégé...

M. BOURASSA: II y a Abitibi-Est aussi...

M. PAUL: Et Rouyn-Noranda qui crée un certain problème.

M. BOURASSA: Rouyn-Noranda aussi?

M. LAPORTE: Mais est-ce que ce ne serait pas plus simple, beaucoup moins long et moins procédurier si on décidait, plutôt que de faire toutes ces études...

M. PAUL: Je n'aime pas le terme "procédurier".

M. LAPORTE: Je ne le dis pas à votre endroit, mais enfin ce serait beaucoup plus long de recommencer des études et consulter des juristes qui vont finalement se contredire. Il y en a dix-sept au maximum, dit-on. Si on peut obtenir une majorité absolue des dix-sept, peut-être se compter chacun dans chaque parti et voir ce que les gens sont prêts à faire dans ces 17 comtés, si on a la majorité absolue dis-je, est-ce que ce ne sera pas très simple de prendre les dix-sept et de régler le problème?

M. PAUL: Oui.

M. LAPORTE: Pas besoin de faire des étu- des. Il y en a dix-sept et si on en a neuf, c'est la majorité absolue.

M. CARDINAL: Est-ce qu'on peut savoir s'il y a une majorité au sein des dix comtés libéraux?

UNE VOIX: M. Brown. Sans doute...

M. LAPORTE: II y a une grosse majorité en Chambre, si c'est ça que vous demandez.

M. CARDINAL: Ce n'est pas ma question.

M. LAPORTE: Je le sais bien, mais je peux dire cela quand même.

M. BOURASSA: Dix comtés libéraux, quatre de l'Union Nationale et trois du Railliement créditiste. Dix, quatre, trois.

M. CARDINAL: II y a le député de Brome qui a fort bien compris ma question; j'ai vu son sourire.

M. PAUL: M. Brown pourrait peut-être nous faire part de son opinion sur le sujet.

M. LAPORTE: De même que le député de Wolfe; il pourrait peut-être nous donner son opinion.

M. LAVOIE (Wolfe): Le député de Wolfe n'est certainement pas d'accord pour le découpage électoral dans notre région. Quand viendra le temps du découpage de la carte électorale, j'aurais peut-être quelque chose à suggérer, une autre façon de protéger certains comtés. Les comtés protégés, dans le temps, l'ont été pour protéger les loyalistes, les anglophones, qui avaient besoin de protection. Maintenant, je crois que c'est l'élément français qui a besoin de protection, comparativement aux comtés anglophones de la ville de Montréal. Quand viendra le temps, j'espère que je pourrai soumettre mon opinion à ce sujet-là.

M. PICARD: Ce serait à l'article 81 a).

M.BOURASSA: On pourrait discuter longuement là-dessus. Il y a des comtés anglophones qui ont des majorités de 40,000.

M. LE PRESIDENT (Lavoie): M. Hardy suivant: M. Masse.

M. HARDY: Merci, M. le Président. Je pense que, au fond, ce que l'on discute depuis le début est une question de méthodologie. Il s'agit de savoir si l'on doit commencer par tel sujet ou tel autre ; il semble bien se dégager une espèce de consensus quant à l'importance et à l'urgence d'étudier les différentes questions qui concerneraient la réforme de la carte électorale.

A la lumière des observations du député de Bagot, je pense, comme lui, qu'il est assez difficile de se prononcer sur une question en laissant tomber les autres. Par ailleurs, je vois difficilement comment on pourrait arriver à adopter un mode de scrutin, plutôt qu'un autre, sans savoir dans quel contexte réel ce mode de scrutin pourra s'appliquer. Parce que cela peut changer considérablement la mathématique électorale. C'est un peu dans ce sens-là que, personnellement, je me pose la question à savoir si, sans laisser de côté les autres aspects, tout en poursuivant les études, il ne serait pas, d'abord, prioritaire et urgent de procéder à l'étude de la carte électorale, parce que c'est peut-être ce travail qui sera le plus long et qui implique le plus de problèmes.

Seulement refaire les frontières des comtés, c'est une tâche assez d'envergure. Cela, en tenant compte de cet aspect, et aussi, en tenant compte du fait que je vois difficilement comment la commission, et par la suite l'Assemblée nationale, pourrait se prononcer en faveur d'un mode de scrutin plutôt qu'un autre, sans connaître dans quel contexte il s'appliquerait. Une fois que la carte électorale serait divisée, nous pourrions voir quel est le mode de scrutin qui, en fonction de cette carte électorale, rendrait la représentativité la plus exacte, ou amènerait le système le plus démocratique possible.

Dans cet esprit, je pense que des décisions devraient se prendre au niveau de la carte électorale, avant de prendre des décisions quant au mode de scrutin. On a évoqué le problème de l'article 80, tantôt, et je suis bien d'accord avec le leader parlementaire. Je n'ai rien contre les études juridiques, au contraire, mais je pense qu'il serait peut-être inutile de commander de longues études juridiques si, tout à coup, on s'aperçoit que la majorité des 17 représentants — quels que soient les partis auxquels ils appartiennent — il peut y avoir des alliances... Si mon souvenir est bon, je souligne que le député de Missisquoi a déclaré, dans un discours au début de la session, qu'il serait favorable à l'abolition de cette clause féodale...

UNE VOIX: En voilà un.

M. HARDY: ... des comtés protégés.

M. LAVOIE (Wolfe): Pas de n'importe quelle façon.

M. HARDY : Si la majorité des députés concernés était favorable à l'abolition des effets de l'article 80, il n'est pas nécessaire de faire de longues études juridiques. A ce moment-là deux questions se posent: Est-ce que l'on devrait, immédiatement, déposer une loi à l'Assemblée nationale pour abolir ou abroger l'article 80, tel que nous le permet la constitution? Il s'agit de la constitution du Québec. Donc l'Assemblée nationale aurait le pouvoir d'abolir l'article 80. Devrait-on faire cela immédiatement, ou tout simplement? ... Je dis que ce n'est pas absolument nécessaire. Ce serait peut-être bon pour bien des raisons. D'abord, cela clarifierait la situation. La commission pourrait travailler sans aucune épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Aussi, ce serait peut-être — ici, je parle strictement en mon nom personnel — une affirmation valable, de la part de l'Assemblée nationale, de la souveraineté du Québec à l'intérieur de sa juridiction actuelle.

D'autre part, je dis que ce n'est pas absolument essentiel d'abolir l'article 80, parce qu'au moment où une loi amendant le chapitre 5 de la division territoriale serait présentée en Chambre pour établir une nouvelle carte électorale, si la majorité des dix-sept députés concernés vote en faveur de cette loi-là, l'article 80 deviendrait caduc et inopérant par le fait même.

Alors ce sont les deux arguments en faveur et contre la présentation immédiate d'une loi. Je serais plutôt favorable à ce que l'article 80 soit abrogé immédiatement pour laisser le champ libre et permettre, par la suite, un travail efficace de la part de l'Assemblée nationale.

Mais, encore une fois, je vois difficilement comment on pourrait arriver à choisir un mode de scrutin plutôt qu'un autre et ça regarde surtout les modes de scrutin. Quant aux autres aspects; celui du financement des partis politiques, etc., c'est moins relié à la carte électorale, mais je vois difficilement comment on pourrait choisir un mode de scrutin plutôt qu'un autre avant de savoir exactement quel sera le portrait de la carte électorale sur lequel s'appliquera le mode de scrutin.

M. PAUL: M. le Président, si on me permet. M. LE PRESIDENT: Oui, oui.

M. PAUL: Je ne voudrais pas être mal interprété. Quand j'ai parlé tout à l'heure du comté de Hull, je n'ai jamais eu l'idée de déférer tout le problème à des juristes pour en faire une étude complète; j'ai signalé ce point à l'attention des membres de la commission tout simplement parce que des études juridiques ont déjà conclu que le comté de Hull n'était pas protégé, en raison de l'étendue de territoire qu'on en a détaché du comté d'Ottawa.

Si, par contre, la majorité des députés de ces supposés comtés protégés, dont le premier ministre vient de donner la liste, est d'accord, il n'y a pas de difficultés. Mais je ne voudrais pas cependant que ce soit interprété comme un désir de ma part de déférer tout le problème à des juristes. C'est tout simplement sur ce point particulier du comté de Hull que j'ai voulu attirer l'attention du premier ministre...

M. BOURASSA : Cela peut jouer sur la majorité absolue, si Hull n'en fait pas partie.

M. PAUL: Oui, supposons... M. BOURASSA : D'accord.

M. PAUL: ... que la décision du dernier caucus libéral, qui a eu lieu dans la région du Lac-Saint-Jean, est mise en application et qu'on ait une liberté absolue de vote et d'expression et qu'on sorte des lignes d'un parti, ça pourrait devenir assez important. Si, par hasard, le député de Hull a, à ce moment-là, à faire jouer la balance de l'abolition de l'article 80, ça devient assez sérieux.

M.BOURASSA: Le point est juste, d'accord.

M. LE PRESIDENT: M. Masse, les deux suivants, MM. Laurin et Dumont.

M. MASSE : M. le Président, en réponse à une question posée par le député de Mercier concernant la méthodologie de cette commission, je crois que le premier point qui doit être mis de l'avant, c'est la question des comtés protégés. Je crois bien qu'il est nécessaire de connaître notre marge de manoeuvre avant de décider s'il y a réforme de carte ou réforme de scrutin.

Cela pose un certain nombre de problèmes juridiques. On a soulevé la question du comté de Hull. On peut procéder à un sondage auprès des députés pour savoir si, majoritairement, ils sont d'accord avec la disparition de leurs comtés, protégés ou pas. S'ils le sont, il n'y a pas de problème, mais s'ils ne le sont pas, comment, juridiquement, pourrait-on s'y prendre pour faire disparaître les comtés, si la majorité ne le désire pas?

Est-ce qu'on doit proposer une adresse à la reine? Est-ce qu'on doit demander au gouvernement fédéral d'amender la constitution canadienne? Cela pose un certain nombre de problèmes. Je crois que tant que celui-là ne sera pas résolu, ne connaissant pas notre marge de manoeuvre, on peut difficilement changer la carte électorale ou changer le mode de scrutin. Je crois que le premier point à résoudre, c'est donc les comtés protégés.

Deuxièmement, mode de scrutin ou carte électorale. Le député de Terrebonne vient d'exposer des idées mettant de l'avant d'abord la carte électorale. Je crois qu'il y a également un autre point de vue qui découle d'une certaine logique. Quant à moi, il faudrait régler le mode de scrutin. Et j'explique la logique. C'est qu'il y a divers modes de scrutin qui tournent autour de deux idées: uninominal ou proportionnel. Il est évident que le scrutin uninominal appelle des criconscriptions plus restreintes que le scrutin proportionnel, surtout si la circonscription peut élire plusieurs députés en même temps. Alors le mode de scrutin doit, à mon avis, être déterminé. Si on s'entend pour dire que c'est uninominal à un seul tour, on voit tout de suite la dimension de la circonscription électorale.

Si les parlementaires, par contre, s'entendent pour dire que c'est le scrutin proportionnel à plusieurs élus, évidemment la circonscription peut passer tout de suite à 100,000 électeurs et avoir droit à quatre députés.

Alors, après avoir discuté et décidé que ce serait, supposons, le mode proportionnel, nous faisons une carte électorale en relation avec le mode de scrutin.

Voilà pourquoi je crois que le deuxième point — après avoir réglé la question des comtés protégés — est qu'il faut nous entendre sur le mode de scrutin. Il y a une philosophie derrière un mode de scrutin. Il faut faire attention. Si nous décidons de prendre un scrutin uninominal à un seul tour, voilà que nous donnons une importance prioritaire aux députés par rapport au Parlement perçu comme entité nationale, c'est-à-dire que le problème local a plus d'importance, que le député sort de sa circonscription électorale, qu'il est élu pour des raisons locales, etc. C'est une philosophie du Parlement.

Si, par contre, nous décidons que l'entité nationale a plus d'importance et que nous choisissons d'avoir un scrutin proportionnel avec de grandes circonscriptions électorales de 100,000 électeurs votant pour un député ou plusieurs députés, nous voyons automatiquement que l'impact national a plus d'importance que l'impact local. Voilà donc un principe mis de l'avant.

Pour résumer en deux mots, je crois que le scrutin doit être le deuxième point. Quelle sorte de Parlement voulons-nous avoir au Québec? Est-ce que nous voulons avoir des représentants sur le plan national ou une coalition de représentants locaux? Ce sont là des points que nous pourrions discuter concernant le scrutin.

Lorsque nous aurons discuté de la sorte de députés, leur sorte de mandat, d'où ils viendront, selon quel mode de scrutin, il arrive le troisième point, qui, à partir de là, est logique. Ce n'est plus seulement un travail d'arpenteur --si je peux dire et mathématique; si nous avons décidé d'avoir un scrutin uninominal à un seul tour, bien voilà, c'est tel genre de circonscription; si nous choisissons un scrutin proportionnel, c'est tel genre. Quant à moi, la carte électorale découle des principes qui ont été mis de l'avant sur le mode de scrutin.

Donc, en résumé, en réponse à la question du député de Mercier, quant à moi: premièrement, comtés protégés; deuxièmement, mode de scrutin; et troisièmement — cela découle logiquement — la question de la carte électorale qui vient à la suite du mode de scrutin.

M. LE PRESIDENT: M. Laurin.

M. LAURIN: Je suis passablement d'accord

avec un bon nombre des idées qui ont été exprimées par M. Cardinal, M. Hardy et M. Masse; moi aussi, il me semble qu'un préalable absolument nécessaire, c'est ce que la commission de l'Assemblée nationale fera avec la clause de la constitution qui touche les comtés protégés. Je pense que c'est un préalable, un prérequis qui dépasse de loin toute discussion sur la carte électorale elle-même. Pour reprendre l'expression de M. Masse, il s'agit de savoir quelle marge de manoeuvre nous aurons. Il s'agit aussi de nous débarrasser de tout obstacle juridique, afin que nous ayons les coudées absolument franches pour examiner tout le problème. C'est la raison pour laquelle nous disions dans notre document que toute réforme sérieuse de la carte électorale suppose une modification des limites territoriales des comtés protégés par l'article 80 de l'AANB.

J'aimerais bien être d'accord avec M. Laporte lorsqu'il dit que nous pouvons arriver à la modification pratique de cette clause en obtenant l'accord des dix-sept députés intéressés. Je le crois et j'espère que cela sera réalisable. Mais nous ne savons jamais à quels obstacles nous pouvons nous heurter. Nous avons déjà entendu des réserves de la part du député de Wolfe...

M. LAPORTE: Quel autre moyen avez-vous de faire disparaître cette clause?

M. LAURIN: Si nous pouvons arriver par consensus des députés à la disparition de cette pratique, de cette clause, je pense bien qu'il faudra nous demander s'il n'y a pas lieu que la Législature, en vertu de sa compétence sur la constitution du Québec, prenne le pouvoir d'abroger l'article 80 de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique au moyen d'une loi votée de la manière ordinaire. Bien sûr, ceci pourrait nécessiter peut-être un renvoi devant les tribunaux comme il en a été question.

M. LAPORTE: Pour les députés et pour lancer un débat constitutionnel, est-ce que cela nous avance?

M. LAURIN: Oui, c'est pour cela que j'espère que la première suggestion que vous aviez émise d'obtenir l'accord pratique des dix-sept députés fonctionnera. Mais je crois tout de même, avec M. Hardy, de Terrebonne, que c'est un préalable sur lequel nous devions pouvoir discuter afin de pouvoir disposer de cela.

En deuxième lieu, je suis aussi tout à fait d'accord que l'étude du mode de scrutin doit ensuite précéder l'étude de la carte électorale. On a fait valoir plusieurs arguments, et ces arguments sont tout à fait logiques, en ce sens qu'il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs.

Supposons qu'en étudiant le mode de scrutin, nous en arrivons à la décision que 70 députés seront élus selon un mode uninominal à un tour et 38 ou 40 selon un scrutin proportionnel, il est bien entendu qu'à ce moment-là les circonscriptions électorales qui auront des députés territoriaux devront être plus grandes que celles que nous possédons actuellement. Peut-être ressembleront-elles, par exemple, aux circonscriptions électorales fédérales, au nombre de 74. A ce moment-là, ça va beaucoup influer sur le travail de découpage de la carte électorale. Il me semble donc que ce serait perdre notre temps d'une façon inutile si on discutait d'abord de la carte et si ensuite, en discutant du mode de scrutin, on s'apercevait qu'on est obligé de revenir sur les travaux de découpage de la carte électorale qu'on a fait parce que le nouveau système qu'on a adopté est insuffisant.

En ce qui concerne la carte électorale elle-même, vous me demandiez tout à l'heure quels sont les principes auxquels je faisais allusion. Eh bien, il y a plusieurs principes. Sur quels principes la carte électorale devrait-elle être découpée? Devra-t-on tenir compte du principe démocratique " un électeur, un vote", l'égalité du vote, en somme? Jusqu'à quel point faudra-t-il tenir compte de l'homogénéité régionale, territoriale dont on parlait tout à l'heure, les besoins des régions? Jusqu'à quel point devrons-nous tenir compte de l'homogénéité linguistique? Jusqu'à quel point devrons-nous tenir compte de l'homogénéité des conditions socio-économiques qui prévalent dans tel ou tel secteur? Voilà quand même des principes sur lesquels nous pourrions nous attarder, non pas tellement longtemps, mais au moins pour les situer afin qu'ils servent de paramètre, de référence qui pourrait nous aider dans notre discussion de la carte électorale et des résultats auxquels nous pourrons arriver. C'est donc la raison pour laquelle, moi aussi, je favorise le préalable de l'étude de l'article 80 et la façon de contourner; deuxièmement, l'étude du mode du scrutin avant celui de la carte électorale; troisièmement, une étude, quand même, de certains des critères ou des principes qui devraient présider à l'élaboration de la carte électorale. Et c'est dans cet esprit, M. le Président, que nous avons préparé un document de travail qui contient des réflexions sur tous ces sujets, aussi bien l'article 80 que le mode de scrutin et la carte électorale. J'aimerais le déposer devant les membres de la commission.

M. BOURASSA: Est-ce que le député de Bourget pourrait dire si, dans ce document qui vient de nous être remis, on a tenu compte de l'étude qui a été faite par M. Grenier?

M. LAURIN: Oui, on a tenu compte de l'étude de M. Grenier, du rapport de M. Lemieux et de toutes les thèses qui ont été présentées devant nos diverses universités par des candidats à la maîtrise et au doctorat. On a étudié également les problèmes pratiques qui

ont été soulevés lors des diverses campagnes électorales. On a tenu compte du rapport de la commission Barbeau. Je m'excuse pour les fautes de frappe que vous pourrez trouver. On a dû procéder rapidement. En somme, M. le Président, ce qui nous apparaît quand même assez important, c'est cette question de méthodologie et d'échéancier, de manière que nous puissions procéder avec logique et de la façon la plus rapide possible.

M. BOURASSA: Cela ne rentre pas dans les dépenses électorales?

M. LAURIN: Tout cela a été fait bénévolement.

M. BOURASSA: Parce que je vois ma photo à la page 139.

M. LAURIN: On s'excuse de la mauvaise reproduction de la photo, M. Bourassa. On aurait aimé mettre ça en couleur, mais nos moyens ne nous le permettaient pas.

M. LE PRESIDENT: M. Dumont.

M. DUMONT: M. le Président, personnellement, en tant que représentant d'un comté protégé, je m'oppose à la pensée qui a été exprimée ici, à ce que soit aboli l'article 80 sans consulter au préalable les électeurs des comtés concernés. Je crois que le plus urgent serait de consulter les électeurs de ces 17 comtés. Personnellement, je m'engage à envoyer, à partir de demain matin une lettre circulaire questionnaire. On constate très souvent que les politiciens sont loin du peuple; c'est justement dans des attitudes comme celles de ce matin. Nous disons: Nous sommes des législateurs et nous allons procéder immédiatement concernant des droits qui ont été accordés depuis longtemps dans dix-sept comtés protégés.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement.

M. DUMONT: Je crois qu'à ce moment-ci... M. le Président, si vous me donnez la parole...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement. Le député de Frontenac n'a pas le droit d'imputer de motifs à qui que ce soit et de porter un jugement sur l'attitude des parlementaires. Nous n'avons fait état d'aucune façon de l'attitude que nous entendions prendre.

Nous avons tout simplement évoqué les problèmes sans pour autant mettre de côté les droits des électeurs qui nous ont demandé de les représenter ici. Je ne vois pas que le député de Frontenac...

M. DUMONT: Si vous me le permettez...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... puisse prêcher la vertu plus fort que les autres et tirer parti des réflexions que nous avons faites pour se donner l'illusion qu'il l'a pensé lui-même personnellement.

M. DUMONT: Je n'ai que quelques paroles à ajouter. L'urgence, c'est d'abord de consulter le peuple, soit, en l'occurrence, nos électeurs dans ces 17 comtés. Là, nous pourrons donner le résultat de cette enquête que nous avons menée dans nos comtés. Donc, je ne juge pas l'urgence de discuter de cet article 80. Il doit y avoir, d'abord, cette consultation populaire. De plus, concernant cette redistribution électorale à laquelle on a fait allusion tout à l'heure — je prends l'exemple de l'ONU — dans tous les pays du monde, tous les pays qui sont représentés là, on n'a jamais regardé la population, le nombre de résidants d'un pays. Je prends l'exemple de la France et du Canada, de l'Italie face à l'Ethiopie et de la Suède face à la Grande-Bretagne. Dans tous ces pays que j'ai nommés, et dans bien d'autres, la population n'est pas la même. S'il avait fallu exiger qu'un pays ait 25 millions d'habitants pour avoir le droit de vote, je me demande ce que le Canada ferait aux Nations-Unis. Il en est de même pour plusieurs autres pays.

Alors, en face de ça, je dis que la redistribution n'est pas urgente. Il y a plutôt des problèmes économiques graves à régler. L'urgence qu'il pourrait y avoir en parlant de réforme électorale serait de continuer à améliorer cette loi électorale concernant les dépenses électorales et de demander une sanction très sévère contre toute souscription à un parti politique quelconque qui fait élire souvent des représentants de la finance plutôt que des élus du peuple.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): L'exemple que donne le député Dumont de l'ONU, M. le Président, est un peu boiteux. En effet, s'il a étudié un peu la constitution de l'URSS, il se rendra compte que l'URSS est représentée pratiquement en proportion de sa population, contrairement aux Etats-Unis, aux Indes ou à d'autres pays qui sont aussi populeux, et plus populeux dans certains cas, puisqu'elle a plusieurs voix à l'ONU, ce que semble ignorer le député de Mégantic.

M. DUMONT: Les 4 grands, Les autres sont égaux.

M. LE PRESIDENT: M. Cardinal.

M. CARDINAL: Le député de Mégantic a soulevé un point qui me paraît important: c'est que nous devons procéder de façon démocratique. Pour ma part, à l'origine, quelle que soit la situation aujourd'hui, je conçois difficilement que nous ayons accepté des comtés protégés. Si

on croit vraiment au jeu démocratique et au jeu de la majorité, des comtés protégés, c'est justement un accroc très fort — le député de Terrebonne a employé le mot "féodal" tout à l'heure — à la démocratie.

Je reprends un exemple par analogie. A cette même table, nous avons discuté pendant des semaines d'un projet de loi qui portait le numéro 62 et où on ne faisait que diviser en sept, onze ou douze régions, selon les projets, l'île de Montréal et l'île Bizard. Justement, à cette table, des gens se sont présentés qui voulaient des secteurs protégés, parce qu'ils n'acceptaient pas le jeu démocratique total de la majorité. En 1867, que la Constitution ait été ou un pacte ou une loi ou ce qu'on voudra —chose dont, heureusement, on a cessé de discuter, parce que c'était stérile — il y a eu 13 comtés protégés. On en est rendu à 17, à cause des modifications depuis 1922.

Je pense que le député de Mégantic a raison en disant: Il faut s'informer auprès de la population, mais je ferais un pas de plus. Si on veut sur cette question faire un référendum —non pas un référendum en vertu d'une loi des référendums adoptée à l'Assemblée nationale, mais, si vous voulez, un sondage populaire — je pense qu'il ne devrait pas se faire uniquement au niveau des comtés protégés. Encore là, il y a une question de philosophie. Il est normal que des gens soient protégés, qu'ils soient francophones ou anglophones. Certains comtés protégés sont devenus francophones. Les francophones peuvent vouloir être protégés, comme les anglophones peuvent vouloir l'être. Ce n'est pas une question de racisme ou de langue; cela ne doit plus être une question historique. Mais, si on ne s'informe qu'auprès des électeurs des comtés protégés, même en supposant que le député n'interviendra pas du tout et qu'il fera poser ses questions par d'autre que par lui-même...

M. BOURASSA: Un conflit d'intérêt.

M. CARDINAL: ... il y aura justement conflit d'intérêt. Si j'étais électeur dans un comté protégé, je serais le premier à vouloir qu'il demeure protégé, quelle que soit sa grandeur ou autre chose.

M. HARDY: A moins d'être magnanime!

M. CARDINAL: A moins d'être magnanime. Il y a peut-être beaucoup de députés qui le sont, mais je me fierais davantage...

M. BOURASSA: Une chance, vous dites peut-être.

M. CARDINAL: Bon, disons probablement, si vous voulez.

M. PAUL: Possible.

M. CARDINAL: S'il vous plaît. Si nous ne voulons pas faire de procédure, ne faisons ni sémantique, ni autre chose du genre. Nous ne nous arrêterons pas, mais je pense que si nous voulons vraiment consulter la population, il faut la consulter dans son ensemble, et non pas seulement dans les comtés protégés. J'irais peut-être encore plus loin, disons, à titre de concession. Si nous voulons employer ce système-là — je le prends là comme étant une hypothèse qui a été proposée par un député — faisons les deux: faisons-le dans les comtés protégés pour voir ce que ça donnerait et faisons-le généralement pour voir ce que ça donnerait. Et, là, nous verrions vraiment s'il y a conflit entre ce que pense la population du Québec, dans son ensemble et sa majorité, et ce que pensent les électeurs des comtés protégés. Il y a bien des chances que les électeurs des comtés protégés pensent comme leur député, malgré la magnanimité des députés. Merci, M. le Président.

M. BOURASSA: Je pense que M. Cardinal vient de soulever une question qui est tout à fait juste, mais disons que je pense que nous nous entendons au sein de cette commission pour tirer certaines conclusions sur le fait que la première question serait celle de l'article 80.

Quant à la deuxième question, on a soulevé le fait qu'il faudrait décider d'abord, si nous sommes pour ou contre la représentation proportionnelle. Je n'ai pas d'objection à ce que nous examinions cela, mais je pense que ça peut prolonger indûment les débats. Je ne connais pas de parti — s'il y en a qui préfèrent en discuter, nous allons en discuter — mais je ne connais pas actuellement de parti qui favorise absolument la représentation proportionnelle; même le Parti québécois n'est pas d'accord avec la représentation proportionnelle. Je pense que c'est le cas également pour l'Union Nationale, je ne sais pas.

M. MASSE (Montcalm): Est-ce que le premier ministre me permettrait une question? Est-ce que, quand même, il accepte que, logiquement, il faut d'abord nous entendre sur le mode de scrutin et que de cela découle la carte? C'est-à-dire, est-ce que le député accepte que le deuxième point à discuter, c'est le mode de scrutin?

M. BOURASSA: Oui, théoriquement, cela peut être une bonne approche, mais, en pratique, comme nous sommes déjà presque unanimement, à ma connaissance, contre la représentation proportionnelle, si nous attendons de nous entendre sur le mode de scrutin, cela peut prendre un certain temps parce qu'il y a quinze modes de scrutin. Alors, parallèlement, nous pourrions peut-être aborder la question de la carte électorale.

M. MASSE (Montcalm): De deux choses l'une, ou nous nous entendons rapidement, puis ce n'est pas long et cela ne pose pas de problèmes, et après cela, nous faisons la carte, ou nous ne nous entendons pas et ça ne sert à rien d'essayer de faire la carte avant de nous entendre.

M. BOURASSA: Mais je dis que, de toute façon, nous allons avoir besoin d'une carte électorale. Nous allons en avoir besoin. Mais, qu'est-ce qui est long et qu'est-ce qui est court? Disons que cela peut varier selon les individus. Il semble bien, en pratique, si nous voulons avoir une approche pratique, que nous allons avoir besoin d'une réforme de la carte électorale, parce qu'il est très peu probable que nous options pour le régime de la représentation proportionnelle. Donc, pourquoi ne pas commencer?

M. MASSE (Montcalm): Mais nous allons le voir dans la discussion

M. BOURASSA: Est-ce que nous voulons discuter le système comme tel de la représentation proportionnelle?

M. MASSE (Montcalm): Je pense que c'est que le...

M. BOURASSA: Nous pouvons faire venir des experts et perdre trois mois.

M. MASSE (Montcalm): Non, ce n'est pas la question de perdre du temps. Tout le monde veut procéder rapidement. Mais, il faut nous entendre sur le mode de scrutin et de là découle une carte électorale.

M. BOURASSA: Ce que je dis, c'est: Est-ce que nous ne pourrions pas aborder également la question de la carte électorale? Le député de Chicoutimi soulevait le problème de la représentation démographique, de la représentation sociologique.

M. MASSE (Montcalm): II est certain que nous allons aborder la carte électorale. C'est certain.

M. BOURASSA: Alors, il y a l'article 80 qui peut être le premier point. Il y a également les modalités de la représentation. Quant au découpage lui-même, nous pouvons.

M. CARDINAL: Si le premier ministre me permettrait de l'interrompre.

M. BOURASSA: Oui.

M. CARDINAL: M. le Président, est-ce qu'il se dégage un consensus suffisant pour que nous puissions dire dès maintenant que nous com- mençons par l'article 80? Si nous le savions déjà, nous cesserions de parler de l'article 80 et nous déciderions ensuite des deux autres points.

M. BOURASSA: D'accord.

M. CARDINAL: Enfin, c'est une suggestion que...

M. LAURIN: M. le Président, est-ce que nous ne pourrions pas mener parallèlement les études sur le mode de scrutin et la carte électorale, de façon à pouvoir les articuler constamment au fil de nos débats. Il est bien sûr qu'il n'y a aucun parti qui favorise le scrutin proportionnel absolu, le seul mode de scrutin étant le système proportionnel; mais nous favorisons tous, il me semble en tout cas, une sorte d'amalgame, d'articulation des deux systèmes. Et, comme le mode de scrutin, logiquement, vient avant la carte électorale, puisque le résultat va dépendre des décisions politiques que nous allons prendre sur le mode de scrutin, il me semble qu'à tout le moins il y aurait lieu d'examiner ensemble, parallèlement ces deux sujets.

M. BOURASSA: Je n'ai pas d'objection à ce que nous l'étudiions parallèlement, mais ce que je dis, c'est que, même dans le scrutin qui peut paraître intéressant, le système allemand, je veux dire, il y a quand même des inconvénients qui nous ont été soumis.

Il y a le danger qu'il y en ait qui soient considérés comme des repêchés et d'autres comme les vrais représentants du peuple, c'est-à-dire que ceux qui ne peuvent pas se faire élire dans un comté pourraient... C'est une chose à examiner.

M. LAURIN: Cela, c'est de la tuyauterie. Avant d'en arriver à ces détails-là, nous pourrions peut-être quand même, à l'aide d'une ou deux séances, nous entendre sur certaines voies, certaines avenues et perspectives.

M. BOURASSA : Pouvons-nous nous mettre d'accord sur l'article 80 et, par la suite, sur la question de la carte électorale et la question du mode de scrutin...

M. LAURIN: Les deux choses en même temps?

M. BOURASSA: ... sans que l'un nuise à l'autre?

M. lAURIN: Les deux choses en même temps?

M. BOURASSA: Oui.

M. LE PRESIDENT: Alors, M. Brown, s'il n'y a pas d'autre...

M. MASSE: Nous nous entendons bien. Il faut bien nous comprendre. Premièrement, nous discutons de l'article 80 et, deuxièmement, ensemble, du mode de scrutin et de la carte. Alors il n'y a pas de troisièmement, il n'y a qu'un deuxièmement.

M. BOURASSA: Oui, d'accord.

M. HARDY : II serait peut-être important, M. le Président, de savoir à ce moment-là si la commission est unanimement favorable à l'abolition de l'article 80.

M. PAUL : Même là, ça requiert l'expression de la volonté ou le vote des députés intéressés. Ce n'est pas à nous de décider si nous allons être substitués aux députés intéressés et nommément désignés comme représentants des comtés actuellement protégés. Il va donc falloir nous entendre sur une date pour la convocation de ces députés-là. Ils se prononceront alors sur l'opportunité de maintenir ou d'abolir l'article 80. Ensuite, nous pourrons aller de l'avant.

M. LE PRESIDENT: M. Brown.

MR. BROWN : Mr. Chairman, I feel, as representing one of the protected counties, that I should enter this debate at its commencement. Why is there a reason for a protected county today? I mean, if there is no reason, then, why bother about it or argue about it?

One of the great things that I have heard here during my 14 years as a member is the tolerance of the people of the Province of Quebec. It has been mentioned by various politicians that the people of Quebec gave the Jewish people their first mandate anywhere in the world. It has been mentioned by various outstanding statesmen in Quebec over the years that everybody should have a fair break and should have a say in the Government of this Province of Quebec.

If the protected counties are eliminated, automatically you are going to eliminate rural representation for the English people of the Province of Quebec. Now, in 1961, there were over a hundred thousand English-speaking people, rurally speaking, in the census which could be construed one way or the other. I feel that there is a need of protecting counties yet, if you intend to give representation for the rural English people. Naturally, in the city of Montreal and perhaps in the city of Quebec or the city of Sherbrooke, there may be enough left English-speaking to elect an English representative, but the fact is that I have never hears anybody speak of these hundred thousand English who are rural people; they have a rural view-point which is entirely different from a city view-point.

Now, speaking generally on this business of electoral reform, there are two classes of people in this Province of Quebec, one is rural, the other is urban. And again, the same as the English people who are rural and the English people who are urban, there is a diverse point of view and this point of view should be heard.

Persons living in Mansonville or any other small place have an equal right to consult with Government, to let themselves be in a position to approach a member as anyone in the city of Westmount. Now, in the city of Westmount, how many minutes does it take for a citizen to see his member? They have transportation facilities, they have a telephone with which they can reach him immediately.

Anybody in the country has an equal right because Government today is not differenciating between taxpayers. The hand of the minister of Finances is in every pocket and the rural people that I love spoken to feel that they are left out, that in fact this business of electoral reform is nothing but a conspiracy on the part of a professional group who would like to take over the control of the Province of Quebec.

We have heard this electoral reform and the experts who have been talking about it. In the city of Montreal, they were given eight more seats in the last election, due to this. At the same time, coming out of Montreal, we hear metropolitan government: We need to have everything under one head, police forces should be so that they are under one hand.At the same time, the representatives of the city of Montreal are coming here and try to tell us they need more counties. Is this sensible that, in one hand, the leaders of the community are saying: Oh! we don't want divisions? We want everything under one head, and, then, you come with experts from universities and everything saying : Oh ! well, we ought to have so many more counties to equalize our position in politics in the Province of Quebec. Some even say! A good argument that you should have is more centralization with all of your administration in the city of Montreal. It is a false argument to say that you should divide it up into smaller counties.

You hear that the problem is supposed to be one of finance, and the other would be the amount of members elected so that they control the Legislature from a rural point of view.

Since when has the individual member ever controlled finance in this National Assembly ? Finance is controlled by the cabinet. And if you do a study of the cabinet ministers over the last hundred years, you sure will find that there has not been a majority of rural members sitting in the cabinet.

The decisions on where a dollar goes, where a butt goes, where it is going to go is made by the cabinet which is largely responsible to the best interests that are in the city of Montreal, the city of Quebec and the other cities of this province.

Why kid ourselves? Now, if this is the problem, here it is the problem, then do the same thing as an average business. You have so many shares voting. In the case of voting on money bills, there is no reason in the world that Brome could not have one vote and Westmount could have twelve votes, or fifteen votes, or whatever would make them aparity in this, Although it is not necessary, but to be democratic, yes it has worked up in a lot of places in this matter.

The second thing is there are many places in this world where there is a dense population like the city of Montreal, or similar to it. They have made arrangements so that they are suitably represented. You can have five members in one county running as a team if you want.

The other thing that I would like to bring up, Mr. Chairman, is this: The experts that we hear on this electoral reform. Our honorable minister of Labour has said that Mr. Bonenfant he is one of them. What qualifications has Mr. Bonenfant got to talk about rural representations whatsoever? Has he ever visited a rural county? Has he ever interviewed rural people? Is there any one of these experts that are quoted in this book? Have they ever been in the country and talk to rural people? They have, like hell !

UNE VOIX: Une pelletée de nuages.

MR. BROWN : If we intend to take a serious look at this electoral reform, the only fair thing taht can be done is to go to the people that govern these people, mayors and people that are counsellors in these areas. Let us hear from them and let us give them the same type of prints and the same coverage as professor R. Scott of the University of Montreal.

My fourteen years of being in this Legislature and hearing experts testify has been followed up by hearing quasi-experts come in and tell us what to do when, in fact, they do not know a damn thing from a practical point of view, whatsoever.

Now, Mr. President, I do not have long to do with you, fellows here. I have been here fourteen years and that is longer than quite a few other fellows. But I would like this point of view taken into consideration, that if we are doing a study on an electoral reform, let us talk to rural people about it.

Now, you say : You are free, the rural people are free to make their representations and always have been. But a farmer or a grocery man or a hotel keeper, living in a rural county, does not have the wherewithal or a secretary to print what he thinks.

There is not the same facilities for these men to enter this Chamber as there is for every professor there is in Laval University or the University of Montreal, or Bishop's University, or McGill University or Macdonald.

Why not let the rural people enter into our Assembly and hear what they think. And I go along exactly with my confrere who has mentioned that their people should be consulted.

There is an easy solution. If there is any county in this Province of Quebec that is underpopulated, it means that it is because it has not tasted the prosperity of the other counties in this Province of Quebec, regardless of which regime has been looking after the business of this province.

We, members of the Assembly right here, we should see that any county that suffers in number is merely suffering because prosperity has not been extended to it.

Gentlemen, I am sorry to have taken this time but I feel that it is my right and my duty to say the few things that I have said, and I thank you, Mr. Chairman.

M. LEGER : M. le Président, je pense...

M. LE PRESIDENT: M. Léger, et, après, M. Saindon et M. Tremblay.

M. LEGER: ... que ce que mon prédécesseur a avancé, c'est un problème de mentalité. Moi, je ne suis pas totalement d'accord...

M. BROWN: C'est un gros problème de mentalité, c'est vrai. Regardons les villes!

M. LEGER: ... sur le problème de la mentalité urbaine et rurale. Il y a une cinquantaine d'années, quand l'immigration vers les villes s'est accrue, les gens qui arrivaient en ville y vivaient avec une mentalité de campagnards. Cela, c'est vrai. Mais, aujourd'hui, je pense que la mentalité des gens de la campagne est complètement changée. Il y a 50 ans, il n'y avait pas de moyens de communications et les gens de la ville avaient des problèmes très particuliers. Ils avaient une façon de penser et d'agir, basée sur leur environnement qui étant quand même assez fermé. Aujourd'hui, les gens de la campagne sont au courant de tout ce qui se passe non seulement en ville, mais dans le monde entier.

Je dis aussi que les possibilités de communications, de transport, de rencontres continuelles, de visites dans les grandes villes, même de pied-à-terre dans les villes ont complètement changé la mentalité rurale, au point que je dirais que c'est l'inverse aujourd'hui. Les gens de la campagne ont maintenant une mentalité urbaine; je ne dirais pas à 100 p.c, il y a quand même assurances. Je pense que, si l'on a à faire une réforme de la carte électorale, il faut penser non pas en termes de mentalité rurale et urbaine, mais en termes de mentalité tout à fait différente, celle de couches d'âges. Les gens de la campagne et les gens des villes ont des choses en commun. Je pense que c'est une mentalité de jeunes, une mentalité de revenus. Les gens

d'un niveau social plus élevé en ville vont avoir une mentalité qui ressemble beaucoup à celle des gens riches qui vivent à la campagne. Je pense que la mentalité sociale est plus importante que la mentalité rurale et que la mentalité de ville.

Le genre de travail et d'occupation crée une autre sorte de mentalité. Ce qui veut dire que je ne suis pas d'accord pour qu'on laisse à 100,000 anglophones de la campagne, le privilège d'avoir une représentativité rurale. Je pense qu'ils peuvent facilement s'identifier à une mentalité anglophone de Montréal ou de la campagne et qu'il n'y a pas tellement de nuances. Je pense que c'est tout simplement un prétexte pour conserver des privilèges à des petits comtés.

Il y a quelque chose qui nous frappe en pleine face. C'est de voir que parmi les comtés protégés, et j'ajouterais quelques petits comtés, il y a actuellement sept comtés ruraux qui ont comme total de population le même nombre qu'un seul comté comme Terrebonne. Ce qui veut dire que pour ce qui est de la représentativité de ces sept comtés, ils ont sept fois plus de représentants qu'un comté comme Sherbrooke, comme Bourassa, comme Olier et comme Terrebonne. Je pense que la question de la mentalité rurale différente, ce n'est pas ce qui devrait être prédominant dans notre façon de vouloir corriger la situation de la carte électorale.

M. LE PRESIDENT: M. Saindon.

M. SAINDON: M. le Président, je représente un comté protégé. Pour le moment, je n'ai que quelques remarques à faire, à savoir que les raisons qui ont motivé dans le passé la création de comtés protégés existent encore aujourd'hui. Peut-être à un degré moindre, mais ces raisons existent encore quand même.

Je crois donc qu'il faudrait être très prudent pour ne pas enlever à l'élément anglophone la représentation à laquelle il a droit, cela par l'annulation de la loi protégeant ces comtés ou bien par la refonte de la carte électorale. C'est tout.

M. LE PRESIDENT: M. Tremblay.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai écouté avec attention les observations du député de Brome. Je crois qu'il a touché un problème qui est un problème réel, mais qui n'a peut-être plus la dimension qu'il avait au moment où on a procédé aux premières refontes de la carte électorale.

Certes, il est peut-être encore utile de parler de mentalité de ville et de mentalité rurale, mais il reste qu'aujourd'hui, à l'âge ou à l'heure où l'on procède à la constitution de grands ensembles régionaux, cette question de mentalité rurale par opposition à une mentalité urbaine, à une psychologie urbaine, tout cela tend à se résorber, à disparaître parce que, comme le soulignait tout à l'heure M. Léger, les moyens de communications sont tels que les ruraux ne sont pas du tout en retard par rapport aux gens qui vivent dans les villes. Ce serait plutôt le contraire si on faisait une analyse sociologique poussée dans certains secteurs strictement ruraux.

Mais il reste que — je le disais tout à l'heure — ce qu'il importe de considérer d'abord, c'est le problème d'une représentation qui tienne compte des facteurs socio-économiques. C'est de cette seule façon que l'on pourra protéger ceux que le député de Brome appelle des ruraux.

Nous sommes en face d'un problème très complexe, puisque nous essayons de procéder à un découpage de la carte électorale qui tienne compte à la fois des éléments démographiques et des éléments sociologiques ou socio-économiques. Je ne pense pas que, sans léser qui que ce soit, l'on considère comme tabou de toucher à ces comtés que l'on appelait autrefois des comtés protégés. Je ne dis pas que je suis pour la disparition des comtés protégés, mais je dis que les principes qui doivent nous guider dans l'examen de ce problème ont certainement varié depuis le moment où on a commencé à refondre la carte électorale.

Personnellement, je ne veux pas du tout faire intervenir la question de savoir si on doit protéger tel ou tel comté parce qu'il y a plus d'anglophones ou plus de francophones. Je crois que ce n'est pas là le problème qui nous préoccupe. Le problème qui nous préoccupe, c'est de donner une représentation démocratique qui tienne compte de ces principes de la représentativité sur le plan socio-économique.

Le député de Brome s'élève avec une certaine raison. Il représente un comté dit protégé. Mais, avant de parler de mentalité, de parler d'antagonisme entre ruraux et urbains, il faudrait bien voir exactement où on en est actuellement dans ce processus d'évolution d'une mentalité rurale et qui se transforme pratiquement en une mentalité urbaine. Je représente un comté pour ma part, qui est dit urbain, parce qu'il comporte surtout la ville de Chicoutimi. Il y a, par ailleurs, un secteur rural très important dans mon comté. Or, quand je communique avec les deux parties du comté, je ne vois pas de différence de mentalité très importantes. D'autre part, tout près de chez moi, il y a des comtés ruraux: les comtés du Lac-Saint-Jean et de Roberval; le comté de Dubuc est en partie rural et en partie urbain. La mentalité de ces gens-là est à ce point évoluée qu'on ne peut plus parler d'une coupure, enfin, d'une véritable distinction entre les citoyens qui appartiennent à ces divers collèges électoraux.

Je partage les inquiétudes du député de Brome. Je ne me prononce pas au nom des collègues qui sont des représentants de comtés protégés mais je dis que toute cette question de mentalité, de psychologie, doit être repensé

aujourd'hui à la lumière des moyens de communications que nous avons et de l'évolution d'une population fortement scolarisée et d'une population qui, même rurale, gagne la plupart du temps son pain dans des villes ou dans des industries qui se trouvent à proximité des villes.

M. LE PRESIDENT: Je vous donne l'ordre: MM. Cardinal, Samson et Lacroix. M. Cardinal.

M. CARDINAL: M. le Président, si vous étiez d'accord, sans enlever le droit de parole à d'autres personnes, je céderais mon droit de parole à notre leader parlementaire, le député Rémi Paul. Parce que je viens de discuter avec lui et je préférerais lui permettre de dire le résultat de notre discussion.

M. PAUL: M. le Président, afin de ne pas priver la liberté d'expression, peut-être qu'il y a avantage à ce que tous les collègues s'expriment sur un sujet et, en terminant, j'aurais peut-être une suggestion, et non pas une motion, à présenter, avant que nous ajournions nos travaux.

M. LE PRESIDENT: M. Samson.

M. SAMSON: M. le Président, lorsqu'on parle de réforme électorale, bien entendu, nous devons envisager certaines réformes. Il y a différentes choses à faire, nous sommes d'accord là-dessus. Maintenant, j'aimerais que dans nos discussions nous prenions en haute considération le fait que, justement dans la province de Québec, nous avons des sections rurales et des sections urbaines. Nous avons des comtés qui sont près de la capitale et nous en avons d'autres qui sont aussi très éloignés. Evidemment, nous savons qu'actuellement il y a des comtés de 60,000 ou 70,000 électeurs. Il y en a d'autres qui ont beaucoup moins d'électeurs. Par contre, étant un de ceux qui représentent une région semi-urbaine, semi-rurale, je suis en mesure de pouvoir vous dire que les députés de cette région, comme probablement ceux d'autres régions semblables, ont beaucoup plus de difficultés à rejoindre les électeurs que ceux qui sont dans des régions urbaines comme Montréal, par exemple.

Dans mon coin, nous avons des comtés comme Abitibi-Est, où il y a des distances allant jusqu'à trois cents ou quatre cents milles, d'un point à un autre du comté. C'est évident que ces gens-là ont beaucoup plus de travail à faire et également beaucoup plus de correspondance. Quelqu'un me disait que dans certains comtés de Montréal, certains députés ne reçoivent que quelques lettres par mois, alors que ceux qui représentent des comtés ruraux en reçoivent beaucoup plus.

Je pense que nous devons prendre en considération que tous ces gens-là ont le droit d'être représentés, ont le droit d'être près de leur député. Aussi, cela m'amène justement à soulever la question: Est-ce que le député doit représenter ses électeurs à l'Assemblée nationale ou si, à l'inverse, il doit représenter l'Assemblée nationale vis-à-vis des électeurs? C'est une question qui se pose et c'est une question d'importance.

Pour ma part, je pense que le député doit représenter ses électeurs.

Il est là pour faire leur travail et pour revendiquer les droits de la population devant l'Assemblée nationale où c'est, en fait, l'entité nationale. Nous devons prendre ce fait en considération. Il y a, évidemment, le point de vue démographique, mais il y a aussi le point de vue géographique. C'est ce qui nous amène à penser que nous devons établir un équilibre raisonnable qui permette à tous, dans la province de Québec, d'avoir droit à un député qui les représente et de pouvoir le rencontrer aussi facilement que possible.

Dans la ville de Montréal, par exemple, lorsqu'on parle de 50,000 ou de 60,000 électeurs, il arrive parfois que ces 50,000 ou 60,000 électeurs soient groupés dans quelques rues, ce qui veut dire que tous ces gens sont près de leur député, et cela veut dire qu'ils peuvent le rejoindre plus facilement ; justement parce qu'ils peuvent le rejoindre plus facilement, la mentalité — ce n'est pas moi qui la fais, on la constate — veut qu'ils ne se servent pas aussi souvent de leur député que les gens de mentalité semi-rurale ou de mentalité rurale.

Evidemment, cela nous amène à poser la question des comtés protégés. Dans ce domaine, je ne dis pas que nous serions d'accord pour continuer à les protéger ou les changer, mais puisqu'ils ont été protégés et que cela s'est fait par les gens qui nous ont précédés, et que ces gens ont cru bon de protéger certains comtés, c'était en vue de l'avenir. C'est comme si nous, aujourd'hui, après nos discussions, décidions de protéger certains autres comtés et que, par la suite, quelqu'un viendrait changer cela. Je pense que ce ne serait pas tellement intéressant si l'on procédait comme cela.

Je crois qu'il serait nécessaire, pour ce qui est des 17 comtés protégés, qu'ils soient consultés. Si ces gens-là croient que les temps sont changés suffisamment, je pense que c'est à eux que nous devons nous adresser, c'est eux qui doivent nous dire ce qu'ils en pensent et non à l'Assemblée nationale, par décision quelconque — je ne sais pas quelles seront les méthodes à suivre — mais, à mon avis, ce n'est sûrement pas à l'Assemblée nationale de décider d'enlever la protection de ces comtés. Voyons d'abord à consulter les gens. Si, par suite de la consultation, nous en venons à la conclusion qu'ils sont prêts à abandonner la protection de ces comtés, d'accord, sinon, je pense que nous devons les respecter.

C'est notre point de vue, et dans ce sens, en ce qui nous concerne et au sujet des comtés

protégés que nous représentons, nous verrons à consulter la population avant de donner notre avis là-dessus.

M. LE PRESIDENT: M. Lacroix.

M. LACROIX: M. le Président, mon intervention sera fort brève. En 1964, un comité de la réforme électorale avait siégé et avait été présidé par l'ancien député de Saint-Maurice, M. René Hamel. A ce moment-là, j'avais adressé une lettre au président de ce comité lui expliquant les raisons pour lesquelles je considérais que le comté des Iles-de-la-Madeleine devait demeurer une entité distincte.

J'aimerais savoir si la commission actuelle a, dans ses dossiers, toute la documentation qui avait été remise à l'ancienne commission ou s'il serait nécessaire d'écrire de nouveau au président de la commission pour lui transmettre cette lettre que je pourrais remettre également aux membres de la commission.

M. LE PRESIDENT: Vous pourriez peut-être m'en faire parvenir une copie.

M. LACROIX: J'avais donné les raisons qui motivaient le maintien du comté des Iles-de-la-Madeleine comme entité distincte. Quant au reste, je crois qu'au cours des discussions à venir, quand on parle de l'article 80, le premier geste à poser serait de réunir les députés concernés pour savoir s'ils consentent à se faire hara-kiri. S'ils n'y consentent pas, je me demande ce que nous pourrons faire par la suite et ce sera aux juristes à le déterminer.

Je pense qu'il y a aussi un point important, c'est de considérer ce qu'est un député. Je ne crois pas qu'on puisse dire: Un homme, un vote; c'est impensable, dans le contexte politique de la province de Québec. Moi, je crois que le député est l'un des 108 administrateurs de la la province de Québec. Si l'on transpose cela dans le domaine privé, par exemple chez General Motors, s'il y a 25 directeurs, ils ne se partagent pas le budget également en 25. Chacun prend ses responsabilités. Je pense que chaque député est un administrateur de la province de Québec, tout en n'oubliant pas qu'il est également le mandataire de ses électeurs et qu'en particulier il doit représenter ses électeurs, chose qui est beaucoup plus difficile dans les comtés ruraux que dans les comtés urbains.

Je pense que je connais suffisamment de députés pour dire que la très grande majorité des députés ruraux pourraient faire d'excellents députés urbains et qu'il y a beaucoup de députés urbains qui auraient beaucoup de difficultés à devenir de bons députés ruraux.

Je pense que c'est une distinction très importante à faire et, au cours de nos études, nous devons tenir compte de ces faits. Nous avons à tenir compte de la géographie, de la démographie; nous devons également tenir compte, je crois, des problèmes économiques des régions.

Je pense qu'il ne faudrait pas oublier ça; parce que la carte électorale a été découpée dans ce sens. Les comtés représentent des intérêts particuliers, comme le soulignait tantôt le député de Chicoutimi. Les problèmes du comté de Chicoutimi ne sont pas les mêmes que ceux du comté de Dubuc ou du comté voisin, comme ils ne sont pas non plus les mêmes que ceux du comté de Roberval. Je pense qu'on ne peut pas trop marier des populations qui ont des intérêts divergents. Autrement, le travail du député est très difficile et je pense qu'il y a en Chambre 108 députés capables d'être des administrateurs valables et de bien représenter et bien défendre les intérêts généraux de la province.

M. LE PRESIDENT: M. Lavoie (Wolfe).

M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, je ne serai pas très long moi non plus. Je serai très bref dans mes remarques. Je partage entièrement les idées du député des Iles-de-la-Madeleine, mais je ne partage pas du tout les idées du député de Lafontaine ni même de mon collègue, M. Tremblay, de Chicoutimi.

Il s'agit de savoir quelle est la fonction réelle d'un député, surtout d'un député d'un comté rural. Vous allez peut être dire que, parce que je fais partie d'un comté protégé, je m'élève contre cette tactique, mais, comme le mentionnait M. Lacroix, le député des Iles-de-la-Madeleine, le devoir d'un député rural est complètement différent de celui d'un député de ville, parce que, dans nos comtés ruraux, nous sommes portés à servir de bureau de placement, de bureau de bien-être social. Il y a différents services que le gouvernement peut rendre dans les villes et qu'il ne rend pas dans les campagnes... Non, pas un bureau de patronage, parce que, pour le faire, il y en a des patroneux, et souvent, ce ne sont pas les députés qui le font. Je dois vous dire qu'il y a toute une différence entre un comté rural et un comté de ville. Je sais que, dans le comté de Wolfe que je connais très bien, en étant le député depuis déjà quelques années, mon bureau ne dérougit pas, quand je suis à la maison, justement pour rendre des services à la population. Je suis assuré que les mêmes services ne peuvent être rendus dans une ville comme Montréal ou Québec, parce qu'on y a tous les autres services, soit les services municipaux, soit les services du gouvernement de la province et les députés ont beaucoup moins de travail que nous pouvons en avoir à la campagne.

C'est une raison pour laquelle je dois dire que je suis contre l'abolition des comtés protégés, parce que les services que le député y rend sont aussi essentiels et même plus que dans un comté de ville. Un député d'un comté de ville

me disait il n'y a pas tellement longtemps que, dans l'espace de quatorze ans, il avait reçu une lettre. Quand on sait que, chez nous, on en reçoit des centaines par semaine, ça fait toute une différence. Le même député me disait qu'il avait eu une visite dans quatorze ans, ici, au parlement, et vu qu'il n'avait pas de rendez-vous, il n'avait pas voulu recevoir ce visiteur.

Eh bien, ça vous démontre la différence qui peut exister entre le comté de Wolfe et un comté de ville. C'est tout, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: M. Laurin.

M. LAURIN: Je constate, M. le Président, que nous avons déjà commencé, semble-t-il, à étudier le premier point de notre échéancier, l'article 80 de l'AANB.

Je ne sais pas si la commission en avait décidé ainsi, mais il semble que nous avons déjà commencé cet examen. C'est très intéressant en ce sens que nous n'aurons pas à reprendre une partie de ces discussions puisqu'elles sont déjà commencées.

M. LE PRESIDENT: La question sera réglée.

M. LAURIN: Je ne dis pas que ce sera réglé, mais on a déjà commencé. Mais il me semble que nous n'avons pas encore pris la décision sur les propositions qui semblaient rallier l'unanimité de la commission, c'est-à-dire, premièrement, l'étude de l'article 80, deuxièmement, l'étude parallèle du mode de scrutin et de la carte électorale. Nous nous étions rendus jusque là dans l'échéancier.

Ma question est celle-ci: Est-ce que la commission veut décider des moyens qu'elle prendra pour étudier parallèlement ces deux sujets lorsque nous arriverons à l'étude parallèle du mode de scrutin et de la carte électorale? Par exemple, s'agira-t-il de faire simplement un tour de table comme nous le faisons ce matin sur l'opinion des membres de la commission? S'agira-t-il de convoquer certains experts ruraux aussi bien qu'urbains — je l'espère— pour étudier ce problème?

Et troisièmement, il y a une autre question que je voudrais poser. Il reste tout de même d'autres sujets à étudier à cette commission, toute la réforme de la loi électorale proprement dite. Est-ce que, dans la discussion qui a commencé ce matin sur la méthodologie, on voulait également prendre une décision sur les modes de procédure de la loi électorale elle-même?

M. LE PRESIDENT: M. Hardy.

M. HARDY: M. le Président, après avoir écouté avec beaucoup d'attention la discussion autour du problème de l'article 80 et un cours sur la sociologie électorale rurale et urbaine, je voudrais simplement faire remarquer une chose.

C'est que, premièrement, il ne faudrait pas que les députés représentant des comtés dits protégés considèrent que le fait d'abroger l'article 80 constitue pour eux un hara-kiri. Il s'agit tout simplement de mettre ces comtés sur le même pied que les autres. Tout simplement. Moi, je ne vois pas...

Deuxièmement — et cela n'a rien à voir avec le grand respect que j'ai pour les électeurs de ces comtés et leurs représentants — il y a tout de même, à mon avis, un faux aspect lorsqu'on dit que c'est eux, les électeurs des comtés protégés, qui devraient décider de cela, et non pas l'ensemble de l'Assemblée nationale. Or, le fait qu'il existe des comtés protégés, cela ne touche pas seulement les électeurs de ces comtés et leurs députés, mais cela touche aussi les électeurs de l'ensemble de la province. Par exemple, lorsque je vois que le comté de Bagot a 15,000 électeurs et que le comté de Terrebonne en a 78,000, lorsque je vois qu'un vote dans le comté de Bagot vaut plus que cinq fois un vote du comté de Terrebonne, je trouve que cela touche drôlement les électeurs du comté de Terrebonne. Je prends le comté de Terrebonne parce que je le connais davantage, mais c'est aussi vrai pour l'ensemble des autres comtés.

Je trouve donc qu'il serait infiniment injuste de prétendre qu'il appartient uniquement aux électeurs de dix-sept comtés si oui ou non on abrogera l'article 80. C'est un problème qui regarde l'ensemble de la population du Québec, parce que tout le monde est touché, tous les électeurs de la province sont touchés par ce point.

Enfin, je voudrais simplement souligner un aspect des remarques du député de Wolfe lorsqu'il dit qu'un facteur que l'on devrait considérer dans la redistribution de la carte électorale, c'est le travail que certains députés ruraux doivent faire.

Je pense que l'on s'engage là sur un terrain extrêmement dangereux parce que si on confirme dans une loi ce principe, et pour une longue période, que le bureau du député doit être un bureau de placement, un bureau d'assistance sociale, etc., l'Assemblée nationale et les législateurs ne travailleraient pas dans le sens de revaloriser le rôle du député en tant que législateur et de revaloriser l'ensemble de la vie politique au Québec. Je comprends que, pour des raisons spécifiques données, à l'heure présente les bureaux de députés peuvent encore servir de bureaux de placement ou de bureaux de bien-être social, mais c'est une situation qu'il faudrait corriger le plus rapidement possible par l'instauration à ces fins de bureaux de placement et de bureaux du ministère de la Famille et du Bien-Etre Social. En résumé, ce que je veux dire, c'est qu'il ne faudrait pas tenir compte à mon avis de cet aspect, qui n'est pas le véritable rôle du député, pour faire en sorte que des comtés plus petits que d'autres — parce que le député aurait plus de travail, travail qui

n'est pas en réalité son travail en tant que législateur — élisent des députés pour être des agents de placement ou des agents de bien-être social.

M. LAVOIE (Wolfe): Les députés sont des serviteurs du peuple et non seulement des législateurs. S'ils étaient seulement des législateurs, il n'en faudrait qu'un pour la ville de Montréal.

M. LE PRESIDENT: M. Léger.

M. LEGER: Je pense que les trois arguments qui sont ressortis pour protéger les comtés ruraux sont que la circonscription était très grande, que le député d'une circonscription rurale avait un rôle différent d'un député urbain et aussi que le développement rural demandait certaine protection. Je pense qu'au niveau de la circonscription électorale trop grande, il est vrai que pour certains comtés — comme les Iles-de-la-Madeleine qui sont très loin, Duplessis, Roberval, Témiscamingue — je suis d'accord, c'est très loin. Pour d'autres comtés, ce n'est absolument pas le cas, comme pour Brome, Huntingdon, Yamaska, etc. Je pense que, s'il y a une difficulté de ce côté-là, on devrait plutôt permettre d'avoir des comptes de dépenses plus élevés pour un député de ces régions afin de lui permettre de visiter, d'avoir peut-être plusieurs secrétariats payés par l'Etat pour lui permettre de rencontrer les gens qui sont à des distances phénoménales du centre du député. Mais d'un autre côté, cela amène la deuxième raison: c'est que le rôle du député a souvent été mal compris par la population, surtout du côté rural. Je ferai remarquer à mon collègue député, à ma droite, qui disait qu'à la ville on recevait moins souvent des cas de bien-être social, c'est plutôt là qu'on en reçoit, parce que je reçois continuellement à mon bureau des gens qui ont besoin d'aide. Mais je pense que le rôle du député doit être différent de celui d'une personne qui s'occupe d'un électeur en particulier, d'un problème précis. Je pense que le rôle du député est d'être un leader dans son comté, d'être une personne qui s'occupe des problèmes de groupe et non pas uniquement des problèmes individuels. Lorsqu'un député doit s'occuper de personnes, une après l'autre, pour des privilèges, des choses ou des emplois à obtenir, ce n'est pas son rôle, je pense. C'est de s'occuper du côté général du groupe, du problème qui touche un groupe de son comté et non pas une personne en particulier, ce qui amène trop souvent des possibilités de patronage. Je pense que le député doit, par exemple, s'occuper de cas d'injustice pour certains membres, certains électeurs individuels. Un électeur qui se sent lésé dans ses droits, je pense que c'est le rôle du député de l'aider. Mais au niveau d'une demande normale d'emploi, d'une demande concernant le bien-être social, cela peut être fait facilement par un secrétariat sous la responsabilité du député.

Il faudrait qu'il y ait plusieurs secrétariats dans son comté. Le député devrait être celui qui va expliquer à ses électeurs, par des réunions régulières, les réformes que le gouvernement entend faire ou que, lui, voudrait proposer. Il devrait expliquer un peu les lois qui sont adoptées et prendre le pouls de la population.

Moi, je me suis engagé, durant la période électorale, à rencontrer mes électeurs, une fois par mois, dans toutes les villes de mon comté pour obtenir le pouls de leurs revendications comme groupe et aussi pour les renseigner sur ce qui se passe en Chambre et sur les lois qui sont en train d'être votées. Je pense que c'est un rôle d'animateur, de leader qu'on doit jouer et qu'il faut s'occuper des cas d'injustice sociale au niveau de l'individu. Si on tient compte de ça, les comtés qui sont très vastes pourraient avoir les mêmes services, pourvu qu'ils aient plusieurs secrétariats disséminés un peu partout dans le comté. Mais, le député lui-même n'est pas là pour régler le problème particulier d'un individu. Autrement, cela devient une occasion unique de patronage.

M. LE PRESIDENT: M. Masse; le suivant, M. Brown.

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, vous venez justement de mentionner le député de Brome. Dans son exposé tout à l'heure, il a lancé l'idée qu'il y aurait une conspiration dans le travail des parlementaires ou des experts concernant la réforme de la carte électorale. J'aimerais, au début de ces remarques, m'inscri-re en faux contre ça. Je ne crois pas que, parce que les Québécois veulent étudier leur mode d'élection, la carte électorale, le mode de scrutin et tout, on doit lancer l'idée qu'il y aurait une conspiration des Québécois contre des gens à qui ce système pourrait ou ne pourrait pas profiter. Je pense que c'est lancer le débat sur une mauvaise voie et que ce serait une chose à éviter.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est rappeler que, lorsque ces comtés-là ont été créés, il y avait eu conspiration.

M. MASSE (Montcalm): Je ne voudrais pas, non plus, dire qu'il y en a eu à l'époque. J'aimerais mieux que l'on travaille dans un climat plus serein.

Maintenant, je crois qu'il faut faire attention. Il y a eu un consensus tout à l'heure à la commission d'étudier d'abord la question de la marge de manoeuvre, c'est-à-dire des 17 circonscriptions protégées. C'est une chose de discuter des 17 circonscriptions protégées; c'en est une autre de discuter des comtés ruraux.

Je peux bien plaider sur le travail qui est fait dans les comtés ruraux. On pourrait en discuter longuement, mais cela devrait, à mon avis, être discuté lorsqu'on parlera de l'étendue des circonscriptions électorales et du rôle du député

dans ces circonscriptions électorales. Mais, discuter de cela à ce moment-ci, à mon avis, c'est fausser le débat. Il s'agit de savoir s'il y a encore lieu d'avoir au Québec des comtés protégés, oui ou non, peu importe qu'il s'agisse de comtés ruraux ou de comtés urbains. Cela n'a rien à voir avec le problème.

C'est un autre domaine, je peux bien exposer, moi, comme député de Montcalm, le travail qu'il y a à faire dans un comté rural, mais cela ne veut pas dire nécessairement que je suis en faveur des comtés protégés. Il faudrait faire attention à cela.

Maintenant, la question des 17 comtés protégés. Le premier travail, c'est de leur demander leur avis. Je crois que la méthode est simple. La loi nous dit que, s'ils sont majoritaires, il n'y a plus de problème. Après ça, on parlera d'autre chose. Ou ils sont d'accord et on va le savoir et on pourra, par une loi, amender la constitution — et, là, nous connaissons notre marge de manoeuvre — ou ils ne veulent pas, et il faut se demander, si on est d'accord pour qu'ils disparaissent: Comment le faire? Je pense qu'il faudrait limiter le débat à cette question-là et ne pas s'en aller dans le rôle du député rural par rapport au député urbain, la sociologie ou la mentalité des électeurs. Cela n'a rien à voir avec les 17 comtés, à mon avis.

Je pense qu'on n'a même pas à discuter pourquoi il y en a eu dix-sept de ces comtés. C'est fini, tout le monde le sait. Maintenant, est-ce qu'il doit encore y en avoir? Puisque la parole va au député de Brome, d'après la chronologie du président, je crois qu'il faut limiter le débat à cela. Qu'ils se réunissent, les dix-sept, et qu'ils nous fassent part de leur décision majoritaire ou minoritaire de s'abolir ou de ne pas s'abolir. Après cela, nous, nous saurons ce qu'il faut faire. Ou bien ils s'abolissent et il n'y a plus de problème, ou ils ne s'abolissent pas et si on est encore d'accord pour les abolir, il faut chercher comment.

M. LE PRESIDENT: M. Brown, puis M. Tremblay et M. Dumont.

MR. BROWN: Mr. Chairman, my honourable friend, in discussing what are the problems of a rural county and the rights of a rural elector, missed one point that is the most important point of all, and that is whether John Doe lives in Brome county or whether he lives in Westmount or whether he lives in Quebec, he has equal rights with anybody else, and if there is a library book to be had, the fellow who lives in Owls' Head, sixteen miles from Knowlton, has every right in the world to a book, just as well as anybody in the city. This is the crux of the situation and this is what the rural people feel they need.

Now, exactly what he said is the psychology between the rural and urban parts of the province of Quebec. He could not have stated it better. His idea of a member is a detached type of person who is in fact a new being in politics where you make decisions on a high level, when in fact in a rural community you have decisions to make on a local level. Now, I will give you an instance, in the case of the license bureau that serves my county but it is not in the county. One inspector who happened to prefer French, took eight old people through a red light and told them to turn, go ahead through this street and turn right. And the fact of the matter was that everyone of the eight, they took the license away.

Now, I suppose my honourable friend would say that in the case of a member in this county, he should leave it to the civil service, that would have already taken the license away from them. Now is the case of one of these persons. One of these persons lived five miles from a village. His wife was sick and he needed to drive in to get drugs. The whole economy of that family was dependent on this fellow having a license as long as he is married. And there was no trouble at all in his driving capacities or anything else.

I will give you another illustration. A person having a grocery store came to me in the last month. Ready to go into the hospital, partly speaking, they just received an assesment of $17,000 over ten years. Can you imagine a small grocery store $17,000? The wife and the husband had practically a nervous breakdown. They had never been in trouble with the law in their whole life and they came to me. Well, it all worked out that it was a small mistake by some of our automatic machines.

It was supposed to be $170, not $17,000. Now, these people had phoned Quebec, to the Department of Revenue, and told: Well, these assessments are there, you have to look after them. And this is what we are trying to tell the people, that, in our rural county, in Brome county, there is not one lawyer, altogether there are two notaries. It is an area that is 30 miles long by 23 miles wide. If there is a mistake made — and there are many mistakes made by our Civil Service and by the administration of the Government in dealing with the individuals — they feel it is a confidential matter that they want to talk over with their member.

Now, I understand very well that an urban person living in Montreal may not run into these problems at all, and there may be this business of patronage and all this and that. But the thing that you people have to remember is, as the other gentleman has said here, that the mandate for a member comes from the people and we should certainly consider in some small way what they want a member to be.

MR. LEGER: May I ask you a question? MR. BROWN: Yes.

M. LEGER: Je me demande, que votre comté ait 8,000 électeurs ou 25,000 électeurs, si un problème local ne peut pas aussi bien se régler avec un député qui aurait un secrétariat payé par le gouvernement pour le régler?

UNE VOIX: Non.

M. CROISETIERE: Ce n'est pas le secrétariat qui fait le travail, c'est le député.

M. LEGER: Nous parlons ici de problèmes locaux.

MR. BROWN: We take the problem that I have brought up, because I think we should be practical, the problem of the eight old people who went to the licence bureau and were made to go through a red light by the inspector who throught it was "smarter than hell" to have them turn on it and take their licence away from them. Do you think that these persons would want to go to another civil servant to rectify a mistake that had been made there?

M. LE PRESIDENT: Je ne voudrais pas que les membres de cette commission oublient que nous discutons actuellement les comtés protégés. Comme le mentionnait, je crois le député de Montcalm, si nous voulons étudier tout le rôle du député ou la distinction entre les comtés ruraux et les comtés urbains — je crois que la discussion est amorcée sur le problème des comtés protégés — autrement, nous pourrions siéger des années.

M. CARDINAL: Je ne reposerai pas la question du député de Brome, mais tout ce qu'il a dit est aussi vrai dans le comté de Bagot.

M. MASSE (Montcalm): C'est vrai également dans le comté de Montcalm.

M. CARDINAL: Et il n'est pas protégé. A ce moment-là, je veux que mon comté soit protégé.

M. MASSE (Montcalm): Moi, je vais demander la protection.

MR. BROWN: Mr. Chairman, may I make this statement. I am not for protected county, except if every rural county in the Province of Quebec was protected the same way.

M. MASSE (Montcalm): Alors, nous allons demander la protection.

M. LE PRESIDENT: M. Tremblay.

M. MASSE (Montcalm): Nous allons tous nous protéger à l'Assemblée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je voudrais apporter quelques précisions afin qu'il n'y ait pas d'équivoque sur l'attitude de mon collègue de Wolfe et moi-même. Je n'ai pas porté de jugement sur la question de savoir s'il fallait ou non garder les comtés protégés. Je suis entièrement d'accord avec lui lorsqu'il dit que le travail du député dans une circonscription comme la sienne peut être différent de celui d'un député d'une autre circonscription. Je représente une circonscription dite urbaine et j'ai autant de demandes que j'en avais quand je représentais une circonscription rurale au Parlement d'Ottawa. Mais le problème, c'est une question de services, de savoir quels sont les services qui sont disponibles dans une circonscription donnée.

Le travail du député — comme vous dites, M. le Président, on ne doit pas en parler — quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, sera toujours un travail de législateur, mais ce sera toujours aussi un travail d'agent de liaison entre le gouvernement et les citoyens puisque nous sommes élus par le peuple. Ils nous veulent comme cela et c'est une question non seulement de mentalité mais une question de services. Nous sommes là pour les servir. Et, souvent, les gens s'adressent à nous plutôt qu'à des fonctionnaires, parce que nous sommes le dernier recours et que nous sommes beaucoup plus près du gouvernement.

Le député de Brome évoquait tout à l'heure des cas. Personnellement, j'ai un problème d'impôts. On m'a envoyé, il y a quelques mois, un chèque de $10.73, qu'on m'a réclamé, que je leur ai retourné, et là, on veut me renvoyer le chèque de $10.73; mais, par ailleurs, on me dit que, sur une autre cotisation, je devais encore $10.73. Je ne comprends plus rien. J'ai demandé à mon comptable de s'en occuper.

Alors, M. le Président, ce sur quoi j'ai insisté, c'est que je ne voudrais pas qu'on axe toute la discussion sur une distinction qui me parait de plus en plus factice entre mentalité urbaine et mentalité rurale. Cela ne touche en rien à la question du travail que peut avoir chaque député dans une circonscription donnée.

J'ai parlé aussi de l'unité régionale. Il faut que, dans ce travail d'étude de la refonte de la carte électorale, on tienne compte de cette unité régionale qui se crée un peu partout dans le Québec, et qu'annonce déjà d'une façon très nette la création des communautés urbaines. J'apporte ces précisions afin que mon collègue de Wolfe sache bien que je partage absolument son point de vue et que je ne me rallierais pas, sans examen très approfondi, à une solution qui voudrait qu'on abolisse nécessairement les comtés protégés.

M. LE PRESIDENT: M. Dumont.

M. DUMONT: M. le Président, je voudrais préciser. Quand j'ai proposé tout à l'heure que nous consultions d'abord nos électeurs dans les

17 comtés protégés — et à cet effet, j'enverrai 34,000 lettres dans mon comté — cela va déborder le comté de Mégantic. C'est Sherbrooke, ce sont toutes les associations, tous les corps intermédiaires, je pense à la chambre de commerce, je pense à une foule d'associations. Dans les comtés qu'on a mentionnés tout à l'heure, il y a même 78,000 électeurs. Ces rencontres de gens permettront le dialogue.

Un jour, à Sherbrooke, on avait conclu une entente entre les Anglo-Saxons et les Canadiens français suivant laquelle on ferait alterner, à la mairie, un Canadien français pendant quatre ans, et un maire anglais pendant quatre autres années. Alors, le problème a été porté sur la place publique et il est venu, de Montréal comme des Iles-de-la-Madeleine et de l'Abitibi, des idées très sensées, et on en est venu à une entente, entre tous les éléments présents, qu'il ne serait plus question de cette alternance.

Je suis contre l'abolition de l'article 80, mais si la majorité de mes 34,000 électeurs, par la consultation, me disent au départ — et il y a 17 comtés qui devraient être consultés — que je dois me prononcer pour l'abolition, je devrai suivre le cours des choses qui est ce que les électeurs d'abord décident.

C'est cela que j'ai voulu préciser. Mais cela n'empêchera pas le reste de la province de Québec d'exprimer des opinions afin que, justement, la démocratie soit bien vivante. Le danger que la démocratie meure, c'est que la population, par une loi, parfois, qui est adoptée à la vapeur, n'ait pas connaissance que cette loi ait aboli telle chose ou accordé tel avantage. Et c'est surtout en regard de cette chose que je veux que l'opinion publique tout entière de la province de Québec soit d'abord saisie du problème.

Nous avons d'ailleurs des représentants qui sont pour les journaux, la télévision ou autres, des gens très sensés qui poseront le problème tel qu'il doit se poser et nous aiderons certainement à alerter, ou à aviser l'opinion, surtout l'opinion publique.

Enfin, en terminant, nous n'avons pas à discuter de problèmes dans les comtés urbains ou dans les comtés ruraux. Il y a des cas de jurisprudence établis par au-delà de 90 pays à l'ONU. Et la Belgique, un petit pays en comparaison du Mexique, a absolument le même droit: un pays, un vote; un comté, un vote. Je crois qu'en partant de ce principe, nous avons automatiquement, aux Nations Unies, des sommes d'argent dépensées pour avoir, avec des experts, étudié ce droit de la représentation et nous avons immédiatement une conclusion.

Merci, M. le Président.

M. PAUL: Est-ce que le député me permettrait une question?

M. DUMONT: Certainement.

M. PAUL: En supposant, par hypothèse, que votre comté, après la redistribution de la carte électorale, restait le même, est-ce que vous exprimeriez, ce matin, les mêmes idées?

M. DUMONT: Répétez donc, je n'ai pas entendu le début.

M. PAUL: En supposant, par hypothèse, qu'après la redistribution de la carte électorale, votre comté demeure ce qu'il est actuellement, est-ce que vous exprimeriez les mêmes idées que ce matin?

M. DUMONT: Ce n'est pas du tout de ce principe-là... Je ne parle pas en tant que député du comté de Mégantic. Je veux que, de toute la population, il me vienne des idées par les cinq questions primordiales que j'enverrai aux 34,000 électeurs.

M. PAUL: Est-ce que vous allez envoyer cela...

M. DUMONT: Qu'il me vienne des réponses de gens de toute la province, j'en tiendrai compte.

M. PAUL: ... aux frais de l'Etat du Québec?

M. DUMONT: Je vais les envoyer par les services qui sont accordés à mon bureau, y compris...

M. PAUL: Donc, $2,040 à part...

M. DUMONT: A ce que je sache, les frais du ministère des Postes sont gratuits pour les députés, profitons-en.

M. PAUL: Pas à Québec, mais à Ottawa!

M. SAMSON: M. le Président, je pense que c'est vous qui avez mentionné, tantôt, que nous devions nous en tenir aux débats. J'ai l'impression que nous sortons joliment du débat.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On parle d'économie.

M. SAMSON: Ah! bien là, on s'entendra.

M. CARDINAL: M. le Président, je vais revenir exactement au débat, sans juger sévèrement qui que ce soit. J'ai l'impression qu'on a parlé beaucoup plus d'autres choses que du sujet. C'est pourquoi je me suis permis cette blague, tantôt, sur la comparaison entre les comtés de Brome et de Bagot.

Je veux revenir sur une idée du député de Terrebonne qui me paraît très juste et je veux l'illustrer par un fait passé. Je reviens à décembre 1968. Quand certains députés de comtés protégés parlent de se faire hara-kiri, on peut

penser à ce qui est arrivé au Conseil législatif, en décembre 1968, où on n'aurait pas pu l'abolir si les conseillers législatifs ne s'étaient pas fait hara-kiri. Mais la situation n'est pas du tout la même. Les conseillers législatifs n'étaient pas élus; ils ne représentaient que fictivement des comtés. J'ai eu cette bienheureuse expérience d'être conseiller législatif. Je représentais le comté de Rouville et je ne l'ai vu qu'en le traversant sur l'autoroute 20...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le district.

M. CARDINAL: Oui, on l'appelait district en plus de cela. Cela a peu d'importance, c'était purement fictif. Il n'était même pas nécessaire d'avoir d'immeubles dans ce district, etc. Et dans cette situation, c'était vrai que les gens qui votaient pour l'abolition du Conseil législatif se tuaient eux-mêmes, comme conseillers législatifs. Mais qu'un député d'un comté protégé vote pour ou contre l'abolition du comté protégé, il ne se fait pas hara-kiri. Il va pouvoir se faire élire autant dans ce même comté, qu'il soit protégé ou qu'il ne soit pas protégé, s'il est un bon député et si les limites n'en sont pas changées. La question n'est pas là du tout. Je ne sais pas avec quelle insistance...

M. LAVOIE (Wolfe): Si les limites n'ont pas changé.

M. CARDINAL: Oui, oui. Alors, par conséquent, la question est reliée à la réforme de la carte électorale, on l'a bien dit tantôt, mais il ne faudrait pas la prendre dans le sens que quelqu'un qui est à la tête d'un comté protégé disparaîtra.

On pourrait prendre des exemples. M. Brown est à la tête du comté de Brome qui est un comté, disons, anglophone; M. Bertrand est dans un comté protégé et, à ce que je sache, c'est un francophone. Et M. René Lavoie est un francophone, etc. Enfin, cela parait quand il parle.

Par conséquent, la question est sans cesse déplacée. Je ne sais pas, il faut certainement entendre les 17 députés. Pourquoi faut-il les entendre? Tout d'abord, parce que l'article 80 ne nous permet pas d'agir à moins de les entendre. C'est une première chose. Il y a une question de procédure derrière cela. Nous ne sommes pas pour nous battre à l'Assemblée nationale, à 108, avec 17 personnes qui, entre elles, seront ou ne seront pas d'accord. C'est pour cela qu'on arrive peu à peu à cette condition que les véritables experts sur la question, ce sont les 17 intéressés, pour le moment, pour autant que cela soit vrai qu'ils sont 17.

M. LAPORTE : Cela n'a pas été une très bonne procédure, en 1867, quand ils ont pensé à cela.

M. CARDINAL: Eh bien, j'ai donné mon opinion là-dessus.

M. LAPORTE: Tous les députés des 17 ou 12 comtés protégés ne pensent — et je veux en témoigner — qu'à l'intérêt public pur. Mais, ils sont quand même députés de ces comtés-là. Que voulez-vous, ce sont des dimensions qui peuvent se contredire à un moment donné.

M. LE PRESIDENT: M. Samson.

M. SAMSON: M. le Président, quand on parle de comtés protégés, j'ai bien l'impression qu'on parle de comtés et non de députés protégés. Si ce sont des comtés protégés, cela veut dire des électeurs protégés. Il serait donc normal que ce soit eux qui soient consultés et, par l'entremise de leur député, qu'ils donnent leur décision. C'est pour cela que nous maintenons ce que nous avons suggéré tantôt: Avant de parler de l'abolition de l'article 80... Je vous demande pardon?

M. LAPORTE: M. Samson, si vous voulez, là, la constitution, dit: On doit consulter — à l'époque, c'était 12; disons que c'est devenu 17 — les députés.

M. SAMSON: Oui.

M. LAPORTE : Pour que ce soit modifié, il faut la majorité absolue en deuxième et en troisième lecture, d'accord.

M. SAMSON: Oui.

M. LAPORTE : La constitution ne prévoit pas qu'on consultera les électeurs. J'imagine que vous faites votre consultation aux frais des contribuables — il faudra bien discuter, un de ces matins, de l'utilisation de toutes ces choses pour tous les députés — et que 95 p.c. des électeurs de M. Brown ou de qui vous voudrez se prononcent contre la disparition, il reste que le député peut voter exactement comme il le veut, sans s'occuper de la consultation. Il prendra un risque.

M. SAMSON: A ce moment-là, écoutez, c'est à la population de décider. Si la population donne un mandat à son député et si un député va à l'encontre des désirs de la population, c'est lui qui devra rendre compte de son mandat à la population. Le député est responsable devant la population.

M. LAPORTE: D'accord.

M. SAMSON: Maintenant, vous dites que l'article ne dit pas qu'il faut consulter les électeurs. On dit: II faut consulter les députés; cela prend la majorité. Nous sommes d'accord là-dessus. Mais, conscients du devoir réel d'un

député, nous comprenons que le député, lui, doit consulter ses électeurs avant de prendre une décision aussi importante que celle-là.

M. LAPORTE : Mais, je vous pose une autre question. J'imagine que c'est le comté de Chambly qui a 12,000 électeurs, alors que le comté voisin en a 75,000. Est-ce que c'est un jugement raisonnable, humainement parlant, que je peux attendre des 12,000 électeurs de mon petit comté si je leur demande: Est-ce que vous voulez continuer à être un beau petit comté ou si vous voulez avoir, demain, 20,000 ou 25,000 électeurs? Est-ce qu'on peut attendre d'eux un jugement raisonnable et éclairé?

M. SAMSON: M. le ministre, je pense que vous sortez complètement du débat. Là, on ne parle plus de comtés protégés; on parle de redistribution de la carte électorale. A ce moment-là, nous en parlerons avec les arguments que nous voudrons bien apporter et que chacun des partis voudra bien apporter.

Là, je voudrais m'en tenir à ce qu'on m'a dit de faire tantôt, aux comtés protégés uniquement. Je vous ai dit aussi que je ne discute pas s'il faut les protéger ou s'il ne faut pas les protéger. Ce que j'apporte comme suggestion, c'est qu'on doit les consulter, mais, après la consultation, écoutez, c'est une autre affaire.

M. HARDY: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda me permettrait une question?

M. SAMSON: Oui.

M. HARDY: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda croit qu'un Québécois moyen, normalement vertueux, peut...

M. SAMSON: Vous voulez parler des gens de votre comté, là?

M. HARDY: ... de lui-même accepter qu'on lui enlève un privilège? En d'autres termes, vous avez des personnes qui ont des privilèges et vous leur demandez: Est-ce que vous acceptez librement de renoncer à votre privilège? Croyez-vous vraiment qu'on peut se permettre de demander cela à des gens?

M. SAMSON: Bien, écoutez, si on a des comtés protégés, ce n'est quand même pas ma faute. Il faudrait quand même en revenir! C'est le Parlement qui en a décidé ainsi. Si, aujourd'hui, nous décidions de protéger certains autres comtés, pour certaines raisons, je pense que nous n'aimerions pas que, dans un avenir plus ou moins rapproché, nos successeurs prennent des décisions différentes. Si nous décidions de protéger certains comtés, nous aurions des raisons. Alors, s'ils ont été protégés dans le passé, c'est qu'il y avait des raisons. Ce n'est pas parce que je suis pour ou contre la chose. Je me dis que, logiquement, nous devrions consulter les électeurs avant de prendre nos décisions. Cela ne veut pas dire que ce sont les consultations qui feront prendre les décisions, mais, en fait, si nous les consultons c'est pour nous aider à connaître mieux la situation.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'aurais une question à poser au député de Rouyn-Noranda. Dans ce mode de consultation avec les électeurs, comment va-t-il formuler la question de façon que les électeurs qu'il consultera aient une dimension exacte du problème et des conséquences de l'abolition ou de la non-abolition des comtés protégés?

M. SAMSON: M. le Président, je pense que, si ces députés ont été élus, c'est parce qu'ils ont certaines qualités. Nous devrions leur faire confiance. Là, je ne parle pas seulement de nos députés; je parle des autres et même des vôtres.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une réponse à la Gilberte Côté-Mercier ça.

M. LAPORTE: Mais, est-ce que le député accepterait qu'au lieu d'avoir une consultation faite par une formation politique, la commission parlementaire étudie la possibilité, d'aller dans les régions entendre les gens?

M. SAMSON: Nous n'aurions aucune espèce d'inconvénient.

M. LAURIN: M. le Président, il y a une question préalable à poser avant ce temps-là...

M. LE PRESIDENT: Sur le même sujet?

M. LAPORTE: Là on tâche de déblayer le terrain. On a dit depuis toujours que les comtés ruraux ont plus de travail et qu'ils sont plus loin. Il y a dix ou quinze ans, je me souviens qu'on disait: Tous les moyens d'information sont concentrés dans les grandes villes; les gens ont plus de moyens de s'exprimer; les députés urbains ou les électeurs ont un accès direct aux journaux. Toutes ces choses-là se sont modifiées. Des gens très sérieux, qui sont aussi démocrates et qui croient autant à l'importance de la représentation des électeurs auprès de leurs députés, croient que ces raisons-là ne sont plus valables. Je ne porte pas de jugement pour l'instant. Mais est-ce qu'il ne serait pas mieux, pour que nous ayons, nous, un jugement serein, que la commission songe à envoyer des gens dans les dix régions économiques du Québec, qui iraient sur place entendre ce que les gens ont à dire.

S'il y avait, parmi les arguments qui nous sont apportés, des choses qui méritent d'être retenues — le comté des Iles-de-la-Madeleine me paraît un exemple clair et classique — à ce moment-là ce pourrait être plus valable, à mon

avis, que d'écrire une lettre. La question va être formulée, j'imagine, honnêtement, j'en suis convaincu, mais est-ce que, de la seule façon que la question va être formulée, on peut déjà imaginer que les gens ne la comprendront peut-être pas tous de la même façon et que cela peut influencer une certaine partie des réponses?

Je pense que nous pouvons, ce matin au moins, partir d'une idée générale: tous les membres de cette commission, sans exception, manifestent le désir d'apporter, à notre carte électorale et à nos lois électorales, des amendements sérieux pour que cela corresponde mieux à la démocratie et à des problèmes de 1970. Est-ce que, ce désir unanime s'étant exprimé, l'on doit maintenant prendre, chacun, des moyens personnels disparates ou si l'on doit s'entendre pour qu'aucune formation politique ne décide de moyens du bord pour essayer d'obtenir des opinions? Allons-y donc tous ensemble, et si nous devons consulter, que ce soient les membres de la commission qui le décideront en bloc et qui organiseront cela de façon que tout le monde se sente protégé et que tout le monde puisse avoir accès à ce questionnaire et à cette façon d'obtenir une représentation.

M. SAMSON: Ce qui nous intéresse particulièrement, c'est qu'il y ait consultation. Quant aux méthodes, nous ne posons pas d'objection.

M. LAPORTE: Disons qu'on déblaie le terrain.

M. SAMSON: Si la commission décide de le faire, je pense que c'est le meilleur instrument de travail possible.

M. CARDINAL: M. le Président, sur le même point, pour qu'on le vide. Les deux parrains se rappellent certainement que la commission permanente de l'Education avait employé ce procédé. Plutôt que d'avoir des consultations partielles ou parcellaires, M. Lefebvre, alors député d'Ahuntsic, avait préparé un projet de questionnaire qui m'avait été remis, comme ministre de l'Education, que j'avais fait examiner par un groupe, et nous avions convenu, unanimement à la commission, que ce serait ce questionnaire qui serait envoyé aux intéressés à Montréal. Il n'y en a pas eu d'autres parce que, sans cela, cela aurait été une sorte de moyen différent.

M. LAPORTE: Le premier danger est que, lorsque les réponses vont revenir ici, au lieu que la commission dise : Voici les réponses, on dise : Etant donné que vous avez formulé la question de telle façon, on ne pouvait que s'attendre... On va contester la valeur du questionnaire et cela va nous faire perdre un temps précieux alors qu'on pourrait peut-être trouver une formule qui fasse l'unanimité et que l'on ne perde pas de temps, quand on se reverra, en disant: Evidemment, parce que c'est le Parti libéral, on l'a fait de telle façon, parce que c'est le PQ, on a pris telle autre méthode. Je pense que cela n'avancera rien.

M. LAURIN: II me semble qu'on se complique quand même la situation pour rien. La raison d'être de l'institution des comtés protégés, en 1867, c'était la protection de l'élément anglophone au Québec.

M. LAPORTE : Excusez, je débordais cette question; cela semble être le consensus.

M. LAURIN: Non, je veux dire que cette raison-là n'existe plus. Comme elle n'existe plus, quelle raison, justification, même mineure, avons-nous de garder ces comtés protégés et leur donner un traitement spécial?

M. LAPORTE: Excusez. Si vous avez interprété mon intervention...

M. LAURIN: Non, je ne l'ai pas interprétée.

M. LAPORTE: ... comme devant aller consulter les gens sur les comtés protégés, ce n'est pas cela du tout.

M. LAURIN: Ah, bon!

M. LAPORTE: C'est sur les expressions d'opinions de M. Lavoie (Wolfe), du député de Montcalm et d'autres...

M. LAURIN : Oui.

M. LAPORTE: ... qui sont tous deux...

M. LAURIN: Je veux dire qu'avant même qu'on se pose la question de la consultation...

M. LAPORTE: C'est, dans l'ensemble, les ruraux contre les urbains. Ce matin, il y a autre chose qui m'a frappé. S'il y avait un représentant d'un comté urbain qui avait dit : Non, non, même député urbain, je crois que l'on doit s'occuper particulièrement des ruraux. Et si un député rural avait dit: Voici, il y a des problèmes particuliers dans les villes. Ces opinions coincident toujours avec le comté pour lequel on a été élu.

Je me souviens, quand on a discuté de Sainte-Scholastique, que chacun avait un dossier merveilleux, puis ça coïncidait toujours — coincidence — il y avait des experts qui avaient toujours prétendu que c'était ceci ou cela. Mais, j'avais dit un jour devant mon propre caucus que je serais donc impressionné si le député de Chambly se levait pour dire: J'ai fait faire une étude, puis ça n'a pas de bon sens chez nous.

C'est ça qui me paraît une difficulté, c'est que chacun, et très honnêtement, a défendu ce matin ce pourquoi il a été élu. Cela complique la situation.

M. LAURIN: II me semble en tout cas qu'avant de consulter la population il faut simplement voir les choses prima facie. La raison de la constitution des comtés protégés n'existe plus, de l'accord de tous.

M. LAPORTE: D'accord.

M. LAURIN: Alors, pourquoi l'Assemblée nationale ne dirait-elle pas simplement que les raisons n'existent plus, qu'il n'y a plus de comtés protégés?

M. LAPORTE: Je pense que le leader a une suggestion à faire.

M. LAURIN: Et ce serait très simple, à ce moment-là.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, il est une heure moins sept minutes et il reste MM. Picard, Saindon et Paul. Avez-vous terminé, M. Lau-rin? M. Picard.

M. PICARD: Au début de la séance, le député de Maskinongé a suggéré que l'on convoque à une réunion de cette commission les dix-sept représentants des comtés protégés. Cette idée, par la suite, a été reprise par le député de Bagot et plusieurs autres. Il semble qu'il y ait consensus au sein de la commission pour qu'on convoque les représentants de ces dix-sept comtés protégés.

Mais ce qui m'inquiète, c'est que certains experts prétendent qu'il n'y a pas seulement dix-sept comtés protégés dans cet article 80, mais bien 34. Alors, cela devient le tiers de l'Assemblée nationale. Parmi ces dix-sept autres, il y a justement le comté de Bagot, qui est adjacent au comté de Shefford. Il y a une opinion d'experts qui dit qu'il y a dix-sept comtés protégés et dix-sept autres adjacents aux comtés protégés qui devraient aussi être consultés, car ils seront affectés par les changements.

Est-ce qu'il y aura à convoquer dix-sept députés ou bien 34? Je pense qu'avant de lancer les invitations il faudrait clarifier cette situation.

M. LE PRESIDENT: M. Saindon.

M. SAINDON: M. le Président, j'avais des remarques à faire, mais je ne les ferai pas; je vais plutôt attendre que les députés concernés soient convoqués. A ce moment-là, on va tout simplement répéter ce qui peut se dire ici, ce matin.

Je vais garder mes remarques pour ce temps-là.

M. LE PRESIDENT: M. Paul.

M. PAUL: M. le Président, je veux enchafner avec les remarques du député d'Olier; nous avons étudié ce matin, tel que l'avait suggéré l'honorable premier ministre, l'article 80. Nous avons fait un tour d'horizon de tout le problème: le mode de scrutin, la réforme électorale, l'amendement à la loi électorale. Mais je crois que la suggestion du premier ministre tient toujours. A mon humble point de vue, et après avoir consulté mes collègues, je me demande s'il n'y aurait pas avantage, au cours de la prochaine séance de la commission, à ce que nous ayions l'occasion d'entendre les dix-sept députés, au moins partons avec dix-sept...

M. LAPORTE: ... nous en emmènerons 34.

M. PAUL: Et si on gagne ou on perd avec dix-sept, nous irons à 34. Peut-être qu'entre-temps, les dix-sept députés concernés pourraient faire une consultation populaire, peut-être pas aussi complète que celle que se propose de faire le député de Mégantic, mais si nous avions l'avantage d'entendre une opinion de ces députés, nous pourrions, alors, avoir une certaine orientation quant à la possibilité de maintenir, ou d'abolir, ou d'amender l'article 80. Et cela sera peut-être une étape à franchir pour continuer notre travail à la commission.

C'est pourquoi, je proposerais que la prochaine séance de cette commission ait lieu le 14 octobre, considérant que M. Bertrand sera de retour et que, lui-même étant chef de parti, et député intéressé, puisque représentant d'un comté protégé, il puisse également avoir l'avantage d'exprimer son opinion sur le sujet, et qu'une invitation expresse soit envoyée à tous les députés de ces comtés protégés pour que nous puissions les entendre, et de là, nous pourrons ensuite, peut-être, nous arrêter quant à la prochaine étape que nous devrons parcourir pour un travail semblable.

M. LAPORTE: M. le Président...

M. PAUL: Je m'excuse auprès du Dr Laurin si, du même coup, je mets de côté son horaire assez chargé.

M. LAPORTE: M. Laurin.

M. LAURIN: M. le Président, je ne pourrais me rallier à cette proposition que si, d'ici le 14 octobre, on continue de tenir des sessions pour étudier les autres aspects comme, par exemple, le mode de scrutin et les principes de la carte électorale. Parce que déjà c'est une grosse besogne. On se demande si nous en viendrons à bout avec toutes les sessions qu'on peut avoir. Ce n'est pas incompatible avec la motion de M. Paul pour que, entre-temps, on continue notre

examen des autres problèmes. Parce que le 14 octobre me semble bien loin.

D'autant plus que le mode de consultation auquel on fait allusion me paraît, encore une fois, inutile puisque les raisons d'être de l'inclusion dans l'AANB de cet article, de l'avis unanime, sont complètement anachroniques, désuètes et qu'elles n'ont plus leur raison d'être.

Il me semble qu'en l'occurrence il nous serait possible d'y arriver par d'autres moyens que celui-là, mais du moins, je me rallierais à cette motion-là à condition qu'on continue de siéger pour étudier les autres problèmes.

M. CARDINAL: Pour enchaîner avec ce qu'ont dit les députés de Maskinongé et de Bourget, je suis entièrement d'accord avec les deux. C'est-à-dire qu'on se réunisse le 14 parce que M. Bertrand, député d'un comté protégé et chef du parti officiel de l'Opposition, serait là. Cela donnerait aussi aux autres le temps d'y penser, de réfléchir et de se documenter. Entre-temps — à une date que je donne le soin au leader parlementaire de nous proposer ou qu'on fixera plus tard, cela n'est pas le point — qu'on se réunisse quand même et qu'on discute des autres questions. On s'est aperçu, je pense, à la discussion de ce matin, que même si on établit un, deux, trois points, on parle toujours et finalement des trois choses ensemble, parce que, comme je l'avais dit au tout début, elles sont inséparables.

M. HARDY: M. le Président, je pense qu'il ne s'agit pas non plus de faire des réunions inutilement. On a proposé que la prochaine séance soit fixée au 14 octobre et qu'entre-temps on étudie d'autres questions. J'ai constaté, moi, en commençant à étudier ces vastes problèmes, qu'il existait une foule d'études déjà et je me demande s'il ne serait pas bon, au lieu de faire des réunions d'ici le 14 octobre, que les membres de la commission se documentent eux-mêmes, prennent connaissance de ces nombreuses études qui existent, ce qui pourrait accélérer le travail des membres de la commission par la suite. Je pense que le 14 octobre n'est quand même pas une date tellement éloignée et elle permettrait d'autre part aux membres de la commission de passer à travers au moins d'une partie des études qui peuvent exister sur les modes de scrutin ou sur le problème du financement des campagnes électorales des partis politiques.

Je pense que nous avons suffisamment de pain sur la planche, en tant que membres de la commission, d'ici le 14 octobre, afin que, lors des séances qui pourront se suivre à un rythme plus accéléré après le 14, nous soyons mieux en mesure de prendre des décisions, étant davantage documentés. Si nous nous réunissons de nouveau la semaine prochaine, nous serons encore dans la même situation. Nous pourrons peut-être beaucoup discuter, sans avoir une connaissance assez précise de ce qui existe dans ces domaines que nous voulons aborder.

M. LAURIN: Ne pensez-vous pas, M. Hardy, que c'est surtout lorsque les gens se réunissent autour de la table, ici en commission parlementaire, que les idées deviennent plus claires, qu'on prend le pouls de la députation et que ça avance quand même les débats. Par ailleurs, toutes ces études qui ont été faites peuvent quand même assez facilement se résumer, et avec une semaine de travail, c'est assez facile d'en arriver à des principes qui peuvent nous servir ici pour la discussion.

M. HARDY: La petite expérience que je peux avoir des réunions me dit que mieux une personne, mieux les membres, quels qu'ils soient, indépendamment des personnalités, connaissent un sujet, plus facilement ou plus rapidement les décisions sont prises. Je ne pense pas que ce soit autour de cette table-ci que les députés, que les membres de la commission puissent acquérir une connaissance des études qui existent; c'est plutôt par leur travail personnel, et, encore une fois je répète que, ceci fait, ces études préliminaires, cette documentation acquise par les membres, cela pourrait faciliter et accélérer les travaux de la commission.

M. LAURIN: Mais du choc des idées parlementaires jaillit la lumière.

M. CARDINAL: Mettons ça tout ensemble. Pourquoi ne ferions-nous pas une réunion, non pas la semaine prochaine, parce que cela me paraît trop tôt, mais le 7 octobre? Le 7 est purement une suggestion, cela pourrait être aussi bien le 6 ou le 8, et, d'ici ce temps-là, documentons-nous.

M. HARDY: Pour voir où les membres de la commission en seront rendus dans leurs études?

M. CARDINAL: Non, pour discuter...

M. MASSE (Montcalm): Nous pourrions au moins nous entendre là-dessus.

M. HARDY: Un petit examen. M. LE PRESIDENT: M. Dumont.

M. DUMONT: Considérant, M. le Président, que nous avons beaucoup de travail dans les comtés semi-ruraux, — on l'a mentionné tout à l'heure — y compris une centaine de personnes que nous recevons le lundi pour régler les problèmes des comtés, et aussi pour bien nous documenter, nous sommes d'accord, dans ce coin-ci de la salle, pour porter au 14 octobre la date de la rencontre.

M. LAPORTE: M. le Président, nous acceptons d'abord quant à nous — et je pense que c'est unanime — la suggestion faite par le leader parlementaire de l'Opposition officielle d'inviter à la prochaine réunion le représentants des comtés protégés par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Quant à la date, il faut bien que nous constations que nous sommes désireux — et unanimement désireux — d'apporter des changements à notre système, à notre carte électorale, mais qu'il n'y a pas en cette matière une urgence telle que nous devions précipiter les travaux et que nous nous réunissions pour répéter des choses déjà entendues ou déjà dites. L'important est que nous convoquions une réunion lorsque nous pourrons faire avancer le travail et non pas nous donner à nous l'impression de faire du travail lorsque simplement nous nous agitons. Je pense bien que si nous nous revoyions la semaine prochaine, nous continuerions à discuter en général des mêmes problèmes. Nous pourrions peut-être faire les suggestions suivantes:

Premièrement, que, d'ici le 14 octobre, non pas les députés eux-mêmes, qui sont assez souvent démunis de moyens efficaces de le faire, mais la commission parlementaire soit chargée de constituer pour chaque membre de la commission un dossier essentiel des documents qui ont déjà été produits, des études qui ont déjà été faites sur les diverses questions qui retiennent notre attention.

Ceci, à mon avis, devrait prendre un certain nombre de jours. Les députés pourraient probablement le recevoir d'ici une dizaine de jours et ils auraient jusqu'au 14 octobre pour en prendre connaissance. Je crois que ceci est raisonnable et devrait contribuer à avancer ou à orienter sérieusement notre travail. Le 14 octobre, nous pourrions recevoir ceux des 17 députés qui voudront venir nous rencontrer. J'imagine que ce sera la totalité d'entre eux. Et pour faire avancer notre travail, la question que je pourrais suggérer à cette réunion du 14, si nous en avons le temps, est la suivante, qui m'apparaît absolument fondamentale: Est-ce que le travail de la refonte de la carte électorale devrait être confié à cette commission, devrait être confié à un comité ad hoc de cette commission ou devrait être confié à des gens extérieurs, étrangers à cette commission? Autrement dit, devons-nous nous adresser à des gens non engagés politiquement, à des experts? Ne les appelons pas experts, si l'on veut, mais des gens de l'extérieur. Ou bien est-ce nous qui devons faire ce travail?

Cela m'apparaît, surtout après la discussion de ce matin, une question que chaque député doit se poser très objectivement en oubliant, dans toute la mesure du possible, son comté et sa personnalité, si nous voulons donner aux citoyens de la province de Québec la preuve directe que nous voulons véritablement faire un travail sérieux, objectif et non pas ce qui est passé à l'histoire — le mot a fait fureur — le "gerrymandering", c'est-à-dire que chacun tente de tirer le mieux possible la couverture de son côté. Est-ce qu'il vaut mieux que nous le fassions nous-mêmes ou que nous le confiions à des gens de l'extérieur? Je crois que nous pourrions avec beaucoup d'intérêt nous poser cette deuxième question, ce qui ferait avancer notre travail.

M. LAURIN: Dans ce que vous venez de dire, vous ne parlez...

M. PICARD: Avec la liste des députés, est-ce qu'il y aurait possibilité d'inclure une carte géographique indiquant les limites des treize premiers comtés protégés en 1867?

M. LAPORTE: Je pense qu'on en prend note. Est-ce que c'est enregistré?

M. PAUL: Les comtés primitifs.

M. PICARD: Les comtés primitifs tels qu'ils existaient en 1867 pour qu'on ait des limites de ces comtés, pour voir réellement quels sont les comtés qui sont touchés actuellement.

M. LAPORTE: Ne réclamez pas tout le dossier des cartes; il paraît qu'on a des tonnes de cartes géographiques.

M. PICARD: Envoyez-nous rien qu'une demi-tonne.

M. LAPORTE: Les 34, les 17, les 108 et tout ça!

M. MASSE (Montcalm): M. le Président, est-ce que, dans l'optique du député, cette documentation sera envoyée aux 108 parlementaires ou uniquement aux membres de la commission?

M. LAPORTE: Aux membres de la commission parlementaire qui étudient...

M. MASSE (Montcalm): Est-ce que vous accepteriez le compromis suivant: Disons aux membres de la commission automatiquement et à ceux qui en feront la demande, parce qu'en principe cela ira aux 108 puisqu'ils auront à voter.

M. LAPORTE: Je l'imagine.

M. MASSE (Montcalm): Donc, aux membres de la commission et à ceux qui en font la demande.

M. LAPORTE: J'entends déjà le député de Wolfe qui en réclame.

M. LAVOIE (Wolfe): II faudrait en envoyer

à ceux qui auront à se prononcer à la prochaine séance afin qu'ils soient documentés.

M. LAPORTE: Enfin, je pense que c'est très convenable. A tous les membres de la commission et à ceux qui en font la demande.

M. LE PRESIDENT: M. Saindon.

M. SAINDON: M. le Président, il faudrait que ces documents soient envoyés non seulement aux membres de la commission, mais aux députés des dix-sept comtés. Il faudrait, d'autre part, que ces documents-là soient envoyés à nos domiciles, parce qu'il peut arriver que pendant plusieurs jours on ne revienne pas à Québec. Alors, on perdrait ces jours d'étude là.

M. LAPORTE: D'accord.

M. LAURIN: M. Laporte, tout à l'heure, quand vous discutiez de l'idée de confier à une commission une sorte de travail préparatoire, vous n'avez mentionné que la carte électorale. Je pense qu'il ressort des discussions entendues ici ce matin que c'est difficilement possible de séparer l'étude de la carte électorale de celle du mode de scrutin. Est-ce que, dans votre idée, vous mettriez les deux problèmes?

M. LAPORTE: Dans mon idée. Je ne voudrais pas tracer une ligne de conduite ou un ordre du jour à cette commission, parce que je n'en ai pas. J'imagine que, si nous en venions à la conclusion que c'est cette commission parlementaire qui va faire le découpage de la carte électorale, il faudrait nécessairement former une sous-commission, parce que, là, ça va être un travail extrêmement complexe. Si nous en venions à la conclusion de confier ça à des gens de l'extérieur, nous pourrions entreprendre un autre sujet, c'est-à-dire, si vous voulez, les divers modes de représentation. A ce moment-là, je suis convaincu que les membres de cette commission seront désireux d'entendre plusieurs experts qui vont nous dire: En Allemagne, ça se passe de telle façon et, au Japon, ça se passe de telle façon. Ces gens vont, en somme, nous faire l'énumération de tous les systèmes possibles pour qu'ensuite nous soyons en mesure de faire des recommandations.

M. LAURIN: II m'apparaît difficile de confier à un groupe technique l'étude d'une carte électorale si on ne lui dit pas l'optique dans laquelle nous envisageons nos travaux, c'est-à-dire le mode de scrutin.

M. LAPORTE: On en reparlera à ce moment-là. Vous voyez toutes les questions qui peuvent se poser. Ce groupe, il faudrait également étudier la possibilité de le faire voyager. Là, on voit toutes les questions intéressantes qui peuvent se greffer sur celle-là.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Prési- dent, je voudrais ajouter à ce que dit le leader de la Chambre que la constitution d'un groupe de travail comme celui-là devra comporter absolument les parlementaires, parce qu'on ne peut pas laisser uniquement à des gens de l'extérieur le soin de préparer pour nous une chose qui nous intéresse au premier chef.

M. PAUL: L'expérience d'Ottawa a été bien malheureuse.

M. LAPORTE: On peut se préparer une réunion intéressante pour le 14. Les réflexions qu'on devra faire personnellement demandent au moins trois semaines d'ajournement.

M. LE PRESIDENT: Un instant s'il vous plaît, messieurs. M. Cardinal.

M. CARDINAL: M. le Président, dans son intervention, M. Saindon a demandé que les documents soient envoyés à son domicile.

Je ne suis pas d'accord, parce que cette documentation peut être assez volumineuse. Je pense que le secrétariat de l'Assemblée nationale devrait s'informer auprès des députés où ils désirent que cette documentation soit adressée. Parce que se promener avec cela...

M. LE PRESIDENT: Est-ce que je pourrais demander aux membres du comité ad hoc de la réforme des règlements, M. Dumont et les autres — M. Burns n'est pas ici — si on pourrait tenir une première séance mercredi prochain, à mon bureau, à 10 heures? J'ai pris sur moi-même d'inviter, après consultation avec différents leaders, M. Bonenfant, pour discuter, pour défricher, si vous voulez, le problème. Je ne sais si M. Brown est d'accord.

M. LAURIN: M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Oui, M. Laurin.

M. LAURIN: Est-ce qu'on peut conclure, d'après la proposition ou semi-proposition de M. Laporte, qu'à partir du 14 octobre les travaux seront vraiment menés avec célérité et toutes les semaines?

M. LAPORTE: On peut conclure que cela sera une célérité qui va vous étonner.

M. LAURIN: D'accord.

M. LE PRESIDENT: La commission ajourne...

M. LAPORTE: Je propose l'ajournement au 14 octobre, à 10 h 30.

M. LE PRESIDENT: La prochaine séance sera le mercredi 14 octobre, à 10 h 30.

(Fin de la séance 13 h 14 )

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