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Commission permanente de l'Assemblée
nationale
Sujet: Réforme électorale
Séance du jeudi 17 décembre 1970
(dix heures trente-sept minutes)
M. LAVOIE (Laval) (président de la commission permanente de
l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!
Carte électorale et comtés
protégés
M. BOURASSA: Au sujet de l'article 80, je sais que le chef de
l'Opposition m'avait dit qu'il y aurait peut-être des arguments.
M. BERTRAND: Non, je ne veux pas discuter du problème comme tel.
Vous m'avez dit l'autre jour que, d'après certains de vos conseillers
juridiques, il était possible de changer la constitution du
Québec sans égard à cet article 80. Personnellement, je
n'entends pas discuter du tout l'aspect juridique du problème. J'ai
toujours été de ceux qui ont dit et nous l'avons
prouvé quand il s'est agi du Conseil législatif que nous
n'avions pas besoin d'aller à Londres pour changer notre
constitution.
M. BOURASSA: ... on l'a prouvé dans l'action du pouvoir.
M. BERTRAND: Je n'ai pas changé d'opinion là-dessus. Ce
n'est pas là qu'est le problème à l'heure actuelle. Le
problème est celui du remaniement de la carte électorale.
Comtés protégés ou comtés non
protégés, le même problème existe. Avant de
déposer une loi à ce sujet-là, il faudrait, je crois, que
l'on sache d'abord sur quel principe on se basera pour cette nouvelle
redistribution, quel mécanisme on utilisera. Je crois que la plupart des
députés, des comtés protégés ou non, avant
de dire quelle sera leur opinion, aimeraient bien connaf-tre quelle sera la
redistribution de la carte électorale.
M. BOURASSA: II me semble que c'est un prérequis. Avec tout le
respect que je dois au chef de l'Opposition, et j'en ai beaucoup
il me semble que c'est un prérequis qu'on abolisse cet
article-là. Autrement, on est paralysé dans toute espèce
de réforme de la carte.
M. BERTRAND: Je voudrais dire là-dessus que même sur la
question de principe, le gouvernement, à l'heure actuelle, a la
majorité des députés qui représentent ces
comtés protégés. A ce moment-là, il connaît
la position de ses propres députés qui détiennent la
majorité. S'il prétend que c'est un obstacle, c'est donc
qu'à l'intérieur de son parti, plusieurs des
députés qui représentent ces comtés
protégés n'y seraient pas favorables.
M. BOURASSA: Pas nécessairement. Mais je dis qu'on avait une
chance de clarifier la situation une fois pour toutes sans avoir
nécessairement l'assentiment essentiel, nécessaire, obligatoire
de la majorité des députés.
M. PAUL: La majorité.
M. BOURASSA: Les neuf sur 17, mais il y a des interprétations
diverses, il y en a qui disent que c'est 22.
M. PAUL: Vous lirez l'article 80 de la constitution et vous verrez que
le texte est clair.
M. HARDY: Ceux qui ont étudié le problème sont
moins catégoriques.
M. PAUL: Mais le texte est clair.
M. BERTRAND: C'est une question d'interprétation.
M. HARDY: M. le Président, si vous me permettez, avec tout le
respect que j'ai pour le chef de l'Opposition, je pense qu'il y a vraiment
confusion lorsqu'on mélange, à la fois, le problème de
l'article 80 et le problème de la redistribution de la carte
électorale. Ce sont deux questions fondamentalement différentes
qui ne peuvent pas être reliées.
M. BERTRAND: C'est ce que j'ai dit.
M. HARDY: De plus, le problème de l'article 80 et le
problème des comtés ruraux sont également deux questions
totalement différentes. J'apporte deux arguments à cela. Parmi
les 17 comtés protégés, il y en a deux qui ne sont pas des
comtés ruraux. Il y a le comté de Sherbrooke et le comté
de Hull. Comment pouvons-nous assimiler le problème de l'article 80 avec
le problème des comtés ruraux?
Deuxièmement, à côté de cela, il y a une
foule de comtés ruraux qui ont les mêmes problèmes que les
comtés ruraux parmi les 17 qui, eux, ne sont pas
protégés.
M. BERTRAND: C'est cela que j'ai dit tout à l'heure. J'ai dit que
le problème de la redistribution de la carte électorale doit
s'envisager indépendemment de tout cela. Mais cela ne change pas les
principes qui doivent entrer en ligne de compte. On aimerait connaître
avant de s'engager là-dedans les principes qui serviront à la
redistribution.
M. BOURASSA: Cela peut prendre combien de mois? Vous voulez dire 25 p.
c. plus ou moins, pour le rural?
M. HARDY: J'aurais un petit exposé très court à
faire sur le problème de l'article 80 et, par la suite, on pourra en
discuter. Alors, il est admis que l'article 80 et le problème des
comtés ruraux, ce sont deux choses distinctes. Tout le monde admet cela.
Bon. Deuxièmement, il y a lieu, par la suite, de s'interroger sur le
bien-fondé de cette histoire de l'article 80. S'interroger d'abord sur
son bien-fondé au moment où l'AANB a été
adopté, parce que si on relit les débats et si on relit entre
autres les raisons apportées par M. Galt qui a été le
père de cette histoire, on voit immédiatement que ceux qui ont
voulu avoir l'article 80 manquaient délibérément de
confiance envers la majorité canadienne-française. Et ce manque
de confiance est d'autant plus étonnant qu'il n'y a probablement pas de
minorités qui ont été plus justement traitées que
les minorités anglaises dans la province de Québec. Cela, c'est
au moment où l'AANB a été adopté. En se reportant,
d'une part, à l'esprit de ceux qui ont voulu protéger des
comtés qui étaient de protéger la minorité, et si
on regarde ce qui se passe aujourd'hui, parmi ces 17 comtés, il y en a
deux qui ont encore une petite majorité française, alors qu'il y
en a d'autres... Et c'est ça qui est aberrant.
Si je regarde, par exemple, le comté de Frontenac qui est un
comté protégé, pour protéger la minorité
anglaise, les gens sont presque à 100 p. c. de langue française.
Le comté de Labelle qui est un comté protégé,
supposément pour protéger la minorité de langue anglaise,
est quasiment à 100 p. c. de langue française. Au fond, il y en a
deux. Alors, si on compare les principes sous-jacents, même si on admet
que ces principes pouvaient être bons en 1867, aujourd'hui cela ne
correspond plus du tout au contexte politique. Surtout, maintenir cette clause,
je trouve que cela n'a rien à voir avec les principes qui vont
présider à la redistribution de la carte électorale parce
que maintenir l'article 80 c'est aller en contradiction flagrante avec tous les
principes démocratiques actuels.
Quant aux principes, je pense, que les 17 comtés
protégés s'apparentent d'une façon très claire avec
le système des bourgs pourris qui ont existé il y a plusieurs
décennies en Grande-Bretagne.
M. BOURASSA: Mutadis mutandis.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mutadis mu-tandis, parce que ce n'était
pas du tout la même chose.
M. HARDY: C'est-à-dire que c'était une protection...
M. BOURASSA: II y avait des comtés protégés,
alors...
M. HARDY: Je comprends qu'il y a des distinctions, mais le principe
sous-jacent.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II y a même des contradictions...
M. HARDY: Je pense que, dans le contexte actuel, c'est un anachronisme,
je ne voudrais pas répéter le dire de M. Sauriol, ce matin, mais
je pense que c'est un anachronisme que de maintenir ces 17 comtés
protégés. Cela, c'est sur le plan des principes.
Deuxièmement, sur le plan pratique, il est impossible de songer
à refaire une carte électorale si on maintient l'entrave des 17
comtés, parce que ces comtés se trouvent éparpillés
un peu partout à travers la province. Si on veut penser à refaire
une carte électorale en maintenant les 17 comtés, il faut songer
à augmenter peut-être à un nombre assez considérable
les sièges, ce qui n'est pas nécessairement souhaitable. Je ne
pense pas que la population accepterait facilement qu'on augmente d'une
façon considérable le nombre de sièges. De toute
façon, si on compare avec d'autres provinces, je ne vois pas pourquoi le
Québec aurait un nombre de députés tellement plus
considérable. Je me demande si on a les moyens, d'abord. Il y a une
question financière. On peut peut-être se demander s'il n'y a pas
trop de députés à l'heure actuelle. Il ne faut donc pas
songer à les augmenter, il y a une question financière et aussi
une question d'efficacité.
Une fois passée cette question pratique, je reviens à une
question de principe. Je m'étonne que, d'une part, on ne cesse de dire
que le Québec est bafoué, que le Québec ne peut pas
affirmer sa personnalité.
Nous avons ici une façon concrète d'allier des questions
pratiques, c'est-à-dire de refaire la carte électorale, et la
possibilité, l'occasion pour l'Assemblée nationale, d'affirmer
d'une façon concrète sa souveraineté dans sa sphère
de juridiction.
Je trouve qu'il est temps qu'on cesse de brailler et de dire: Nous
n'avons pas de pouvoirs et il nous faudrait plus de pouvoirs. Qu'on utilise au
moins les pouvoirs dont on dispose en vertu de l'article 92 (1 de la
constitution, c'est-à-dire amender notre propre constitution. C'est un
geste positif de souveraineté.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...
M. BOURASSA: Je sais que l'argument du chef de l'Opposition n'est pas
seulement pour la question de la protection des comtés anglophones; pour
lui, il y a, si je comprends bien, une question de protection du vote rural.
Etant donné...
M. BERTRAND: Je suis pour le vote rural adéquat.
M. BOURASSA: ... l'évolution considérable et les
mouvements de population, ce qui inquiète le chef de l'Opposition, c'est
que, en abolis-
sant l'article 80, on affecte la représentation souhaitable du
vote rural.
M. BERTRAND: C'est parce que, jadis et c'est toujours l'argument
qui a été invoqué par notre parti, par son chef à
l'époque, M. Johnson...
M. BOURASSA: M. Duplessis aussi en parlait souvent.
M. BERTRAND: ... en particulier ces comtés
protégés, à l'origine, avaient en vue de protéger
les droits de la minorité anglophone. Cela est admis, on n'aura pas
besoin de me convaincre longtemps qu'aujourd'hui la minorité anglophone,
dans ces comtés-là, il n'y en a plus ou à peu près
plus. Il faudrait être aveugle pour ne pas s'en rendre compte, c'est tout
compris. Mais le problème est le suivant: on met l'accent aujourd'hui
sur une représentation mathématique, on veut appliquer le
principe d'un homme, un vote. Si on l'applique d'une manière absolue, ce
n'est pas compliqué, la représentation rurale va
décroître au point qu'il va y avoir un déséquilibre
fondamental dans notre société. Il ne faut pas l'oublier. La
représentation rurale n'a certainement pas...
M. HARDY: Est-ce que vous me permettez une question?
M. BERTRAND: Qu'on me laisse parler! Oui, je permets une question.
M. HARDY: Justement, les deux questions sont tellement reliées
qu'il est difficile de les discuter.
M. BERTRAND: Je l'ai dit.
M. HARDY: Mais, j'aurais à proposer tantôt un plan qui
répond totalement aux inquiétudes.
M. BERTRAND: Laissez-moi terminer mon exposé, vous proposerez
votre plan tantôt.
Je dis donc que l'idée des comtés protégés
et de la protection de la minorité anglophone, il faut l'admettre, n'a
plus sa raison d'être. Je me demande même pourquoi, en 1867, on l'a
insérée dans la constitution, mais on n'est pas pour refaire tout
cela.
M. HARDY: Les libéraux étaient contre cela en 1867.
M. BERTRAND: Les libéraux étaient, à
l'époque, contre la Confédération canadienne.
M. PAUL: A l'époque, c'étaient des socialistes.
M. BERTRAND: Noël-Aimé Dorion était à ce
moment-là séparatiste.
M. HARDY: Libéral.
M. BERTRAND: Libéral séparatiste.
M. HARDY: Autonomiste.
M. BERTRAND: II était le révolutionnaire de
l'époque.
M. HARDY: Un vrai libéral.
M. BERTRAND: Le parti libéral à l'époque
était le Parti québécois.
M. HARDY: Nos ancêtres sont révolutionnaires.
M. BOURASSA: ... Vous deviendrez libéraux bientôt.
M. BERTRAND: C'est pour ça que les députés du P.Q.
vous ont appuyés hier.
M. HARDY: C'est le cheminement habituel, le PQ va devenir
libéral.
M. BERTRAND: Mais, badinage à part, le principe que notre parti a
toujours mis de l'avant, en particulier dans son programme électoral de
1966, a été le maintien d'une représentation rurale
adéquate. Or, si nous étions placés à la fin d'un
travail qui aurait été effectué par la commission
parlementaire de l'Assemblée nationale sur un projet de redistribution
électorale, sur quelque chose de concret, nous serions en mesure de nous
prononcer beaucoup mieux que nous ne le sommes au départ, alors nous ne
connaissons même pas d'une manière concrète ce que sera la
redistribution de la carte électorale.
Autrement dit, je trouve que l'on met la charrue devant les boeufs.
M. BOURASSA: M. le Président, si je peux répondre au chef
de l'Opposition...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, ... écoutez, monsieur...
M. BOURASSA: Une seconde, cela ne sera pas long. Le député
pose la question à savoir si on doit faire adopter le projet de loi
durant la présente session ou non, ça revient à cela. Je
comprends la préoccupation du chef de l'Opposition, et il y a des
députés dans mon parti comme dans le sien comme dans les autres
partis qui verront certainement à ce qu'il y ait une
représentation rurale appropriée. C'est indéniable. Mais
je ne vois pas en quoi on peut concevoir qu'on pourra garder d'une façon
intégrale les frontières des comtés protégés
actuels, alors que, dans certains cas, il y a environ 15,000 électeurs
et dans d'autres cas quatre fois plus; il est clair que quelle que soit
la solution à laquelle nous arriverons, il faudra modifier les
frontières. Aussi bien faire un geste décisif aujourd'hui ou
demain ou après-demain je ne sais pas quand l'Opposition veut
terminer la session...
M. PAUL: Nous ne sommes pas pressés. M. BOURASSA: Non? Alors
disons...
M. PAUL: Nous avons de petites nouvelles pour vous...
M. BOURASSA: ... le 24 décembre, ou le 26 ou le 27...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le 6 janvier.
M. BOURASSA: Non.
M. PAUL: Vous ajournerez.
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Chicoutimi,
s'il vous plaît.
M. BOURASSA: D'accord, nous ajournerons au mois de mars.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais...
M. DUMONT: J'aurais une question précise, une seule question. Je
ne pensais pas que la discussion reprenait immédiatement. A la suite de
l'exposé du député de Terrebonne, vous avez parlé
de l'article 92 qui nous permettrait d'amender notre propre constitution.
Est-ce à dire que vous auriez été aussi en faveur,
selon l'article 92, d'amender ou d'annuler le serment d'allégeance
à la reine de la même façon?
M. HARDY: Je vous avoue que je n'ai pas étudié ce
problème d'une façon particulière.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): C'est un autre problème.
M. HARDY: Vous comprendrez que, comme tout être humain, je suis
limité dans le temps et dans l'espace. Depuis quelques semaines, je me
suis limité à étudier le problème des modes de
scrutin et de la carte électorale. Personnellement, le problème
du serment, je ne le considère pas tellement important. Je suis, comme
tout le monde, contre le serment à la reine, mais je ne considère
pas que c'est une priorité.
M. DUMONT: Mais si on l'amende à un endroit, on peut
l'amender...
M. HARDY: Alors, je n'ai pas étudié cela en profondeur. Ce
qui m'a intéressé au cours des dernières semaines, c'est
le problème de la carte électorale, les modes de scrutin et la
réforme électorale dans son ensemble.
M. DUMONT: Mais vous voulez...
M. HARDY: Je considère qu'en 1970, il est
préférable de s'intéresser aux réalités
plutôt qu'aux symboles.
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Chicoutimi
demande la parole depuis déjà quelque temps.
M. CHOQUETTE: C'est rare qu'il demande la parole comme il l'a fait ce
matin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Faisant suite aux propos...
M. CHOQUETTE: H s'améliore.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... du député de Terrebonne, je
voudrais d'abord faire un peu l'historique des travaux de la commission. Nous
avons tenu trois sessions, la première portant sur le serment
d'allégeance et qui s'est terminée comme vous le savez.
Deuxièmement, nous avons abordé ensuite le problème
fondamental qui est celui de la réforme électorale et nous avions
convenu, lors de la dernière réunion, d'inviter les
députés qui représentent des comtés dits
protégés, à se faire entendre. Cela avait
été un consensus unanime de la commission.
M. HARDY: Mais ce n'est pas là...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous voulez me permettre de poursuivre, M.
le député de Terrebonne. Vous n'êtes pas
vice-président.
M. HARDY: Je vais être patient.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, soyez patient.
M.BERTRAND: Vous n'êtes que membre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voici comment se pose le problème. Le
premier ministre, comme l'ont dit certains journalistes, a voulu nous prendre
par surprise.
M. BOURASSA: Non.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'était pas son intention, puisque
le premier ministre est trop pur pour avoir des intentions comme ça.
M. BOURASSA: J'en ai parlé...
M. PAUL: Innocemment.
M. BOURASSA: ... le 29 avril.
M. HARDY : Cela fait longtemps qu'on en parle.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Par un citoyen, un simple contribuable. Blague
à part, il faut bien que je taquine le premier ministre. Cela le met de
bonne humeur et il aime ça. Il a le sens de l'humour, lui. Le premier
ministre, ne voulant pas nous prendre par surprise (restriction mentale)
propose un projet de loi visant à l'abolition des comtés dits
protégés. Voilà que le député de Terrebonne
nous a dit tout à l'heure que ..
M. HARDY: Question de règlement, M. le Président. Je ne
voudrais pas exagérer, mais le le projet de loi 65 n'abolit pas les
comtés que...
M. PAUL: M. le Président je me demande si l'on peut discuter du
projet de loi 65 ici ce matin. On peut discuter de l'article 80, mais pas du
bill 65.
M. HARDY: Je sais combien le député de Chicoutimi est
précis dans son vocabulaire et précis dans tout ce qu'il dit; je
ne voudrais donc pas qu'il prétende que le bill 65 déposé
abolit les comtés protégés, au contraire. Il abolit un
privilège, mais ne touche pas aux frontières des comtés
protégés.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce sont là des distinctions purement
académiques.
M. HARDY: Théologiques.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Purement académiques. Le
problème se pose de la façon suivante: On nous propose un projet
de loi qui, à toutes fins utiles, va faire disparaître ce que le
député de Terrebonne a dit être une sorte d'embarras
anachronique.
M. BOURASSA: M. Paul Sauriol aussi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Entendons-nous là-dessus, M. Paul
Sauriol n'est pas membre du Parlement.
M. BOURASSA: Non, mais c'est un observateur politique averti.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II a pu être à certains moments
à l'emploi du Parti libéral, mais il n'est pas membre du
Parlement.
M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement, il
n'a jamais été à l'emploi du Parti libéral.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, fermons la parenthèse. Le
premier ministre va me laisser parler, j'espère. Je n'interromps jamais
le premier ministre moi, je ne lui pose que des questions.
M. BOURASSA: C'est parce qu'on attaque M. Paul Sauriol et, je le pense,
injustement.
M. PAUL: M. Tremblay a dit qu'il écrivait les articles qu'on lui
commande.
M. BOURASSA: Comment? Oui? C'est injuste.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'office, M. le Président, je ne pense
pas que le premier ministre soit obligé de défendre M. Sauriol,
que je n'ai pas attaqué. Le problème est donc le suivant...
M. BOURASSA: Vous avez dit qu'il a été à l'emploi
du Parti libéral.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): On nous propose un projet de loi, qui, à
toutes fins utiles, indépendamment des distinctions qu'a faites tout
à l'heure le député de Terrebonne, vise à abolir,
à faire disparaître cet anachronisme des comtés dits
protégés. Le problème que je me pose ce matin et je
crois que c'est là la question fondamentale et le
député de Terrebonne dans son argumentation m'a fourni l'argument
dont j'avais besoin quand il dit: "C'est un anachronisme, cela nous embarrasse,
cela n'a plus de sens à l'heure actuelle. Bon, débarrassons-nous
de ça". Admettons ça par hypothèse. Mais je crois
justement que c'est précisément à partir de cette
considération qu'il nous est permis de faire les observations suivantes,
que je fais en mon nom et, j'imagine aussi, au nom de mes collègues.
Je crois que le gouvernement, dans sa hâte à
procéder à une réforme électorale, procède
à la pièce et met en quelque façon la charrue devant les
boeufs.
Au fond, le problème qui intéresse tous et chacun de nous,
c'est le problème de la constitution interne du Québec, laquelle
devra couvrir évidemment un champ quand même immense. Cela est un
aspect extrêmement important. A cela, va évidemment se greffer le
problème qui fait l'objet des délibérations de cette
commission depuis qu'elle a siégé; et, ce matin, le
problème fondamental c'est le problème du système
constitutionnel dans lequel nous vivons au Québec et au Canada
également, le problème, ensuite, de nos institutions
parlementaires qui englobe, bien entendu, toutes les questions touchant au
réaménagement de la carte électorale, collèges
électoraux, modes du scrutin, etc., etc.
Je pense que la commission parlementaire ne devrait pas travailler
à la pièce mais prendre l'ensemble du problème et
commencer par le commencement, c'est-à-dire examiner de quelle
façon il est possible, dans le cadre de la souveraineté
que nous possédons en vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, de procéder à cette refonte constitutionnelle en vue
de doter le Québec d'une constitution qui soit vraiment adaptée
aux problèmes actuels et aux besoins actuels et au cours de
l'élaboration de ce projet de constitution, examiner l'un après
l'autre les grands problèmes qui se posent, soit celui de nos
institutions parlementaires et de notre système électoral
comprenant l'ensemble du problème électoral, le
réaménagement de la carte, collèges électoraux,
modes de scrutin, etc., etc.
Le premier ministre, à mon avis, avec ce projet de loi...
M. HARDY: Il agit.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... met la charrue devant les boeufs, fait du
travail à la petite semaine.
M. BOURASSA: II agit...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le premier ministre sait très
bien...
M. HARDY: Cela fait depuis 1950 que vous parlez de ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne lui impute pas de motif. On en parle
tous depuis 1867.
M. HARDY: Alors, là on commence à agir.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On a commencé à agir bien avant
vous. On a aboli le Conseil législatif, par exemple, malgré votre
volonté d'aller devant la reine.
Il va donc se poser au cours de l'examen de ces divers problèmes
des questions, des problèmes comme celui qui a fait l'objet de nos
discussions antérieures, soit celui des comtés dits
protégés. Mais respectueux que je suis de la volonté des
membres de la commission, nous avions convenu, avant que d'aller plus loin,
d'interroger nos collègues qui représentent ces comtés
dits protégés afin d'avoir leur opinion.
M. BOURASSA: Si le député peut me permettre juste une
petite remarque. Nous avons eu, je l'ai dit, je crois, à
l'Assemblée nationale ou à une conférence de presse...
UNE VOIX: A une conférence de presse.
M. BOURASSA: ... plutôt à une conférence de presse,
il faut avoir du respect pour les journalistes.
M. PAUL: Oui, il faudrait, avant d'avoir du respect envers les
journalistes, commencer par inviter vos propres députés à
respecter les journalistes.
M. BOURASSA: Ils ont fait toutes les mises au point
nécessaires.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous écoute.
M. BOURASSA: Nous avons eu trois rencontres du caucus où toutes
ces questions ont été discutées. Je ne sais pas si le
caucus de l'Union Nationale...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela n'a rien à voir, je regrette,
à la commission parlementaire. Le caucus du Parti libéral n'a
rien à voir à la commission parlementaire. Lors de la
dernière séance de la commission parlementaire, M. le premier
ministre, permettez-moi de vous le rappeler, cela vait été
entendu et M. Laporte était d'accord. Je cite le journal des
Débats du 23 septembre 1970, numéro 27, page B-1328, où M.
Laporte, notre collègue dont nous avons regretté le
départ, il nous manque ce matin disait ceci, M. le
Président: "Nous acceptons d'abord quant à nous et je
pense que c'est unanime la suggestion faite par le leader parlementaire
de l'Opposition officielle d'inviter à la prochaine réunion les
représentants des comtés protégés par l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique." Je pense que nous devrions ce matin
nous en tenir à cette entente. Cela n'empêchera en rien l'examen
ultérieur du projet de loi, absolument pas.
M. BOURASSA: Quand?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'autre part, quand on parle de la
constitution d'un pays, M. le premier ministre...
M. BOURASSA: II faut aller lentement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Laissez-moi donc parler. Je regrette le
premier ministre est nerveux ce matin, il est déjà
fatigué. Ce n'est pas normal, la journée n'est même pas
passée, elle n'est pas amorcée encore, elle est jeune.
M. HARDY: Cela fait longtemps.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le problème, lorsqu'on parle de
constitution, est de donner en somme, de forger pour une nation, un instrument,
une institution au sens étymologique du terme. On n'est pas, vous savez
M. le Président, obligé de procéder à la vapeur,
c'est tout le contraire, parce qu'on planifie, pas pour l'immédiat, pas
simplement pour pouvoir dire: On agit, on agit. On planifie pour des
années à venir, parce que l'instrument qu'on va forger, on ne le
forge pas pour nous, on le forge pour les générations à
venir.
II est donc extrêmement important que nous suivions la
procédure que nous avions convenu de suivre, à savoir d'entendre
les députés qui représentent les comtés dits
protégés. Le premier ministre ou je ne sais plus trop qui
a parlé du caucus libéral etc. Cela n'a rien à voir
à la commission. Mais il y a ici des représentants des
comtés dits protégés. Nous voulons les entendre pour avoir
une idée exacte de la conception qu'ils se font de leur rôle de
représentants du peuple et, en particulier, de représentants de
ces comtés. Le chef de l'Opposition a parlé tout à l'heure
de la distinction qu'il faut faire entre comtés protégés
et comtés ruraux. C'est exactement notre position. M. Johnson et M.
Bertrand eux-mêmes ont été les premiers à mettre de
l'avant ces idées-là alors qu'on parlait de la redistribution
électorale basée uniquement, conçue uniquement à
partir de principes démographiques.
M. HARDY: Qui a dit cela?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le rapport de la commission, vous
n'étiez pas là.
M. HARDY: Je regrette, ce n'est pas cela. M. BERTRAND: En principe,
oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): En principe, cela revenait à cela. Nous
ferons les nuances plus tard, M. le Président, puisque nous sommes en
train de délimiter le champ de notre investigation, de notre
enquête.
On nous avait dit par ailleurs que l'on nous ferait parvenir des
documents historiques, juridiques, etc., qui auraient permis à tous les
membres de la commission, à tous les députés parce
que nous avons insisté pour que tous les députés soient
ici de formuler leur opinion sur les propositions que le gouvernement a
bien voulu nous faire. Or, voilà que tout à coup on semble pris
d'une sorte d'ivresse de l'action, on veut aller à la course...
M. HARDY: On ne voudrait simplement pas arrêter.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On veut aller à la course. M. le
Président, en une matière aussi délicate et aussi grave
dans ses conséquences que celle de la refonte de la constitution, de
l'élaboration d'une nouvelle constitution, de la mise en place de
nouvelles structures en matière électorale, etc., il ne s'agit
pas d'aller à la course, mais de bien d'abord délimiter le champ
d'action et de bien s'assurer que le terrain est solide. Ce n'est pas une
question de pas de tortue...
M. BOURASSA: N'avez-vous pas reçu...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une question de réflexion.
M. BOURASSA: On me dit que tous les députés ont
reçu les différents rapports...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous ne les avons pas reçus.
M. BOURASSA: On vient de m'informer que tout a été
envoyé...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous ne les avons pas reçus.
M. BOURASSA: Etes-vous membre de la commission?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis membre de la commission, comme tout le
monde, tous les députés.
M. BOURASSA: On m'a donc mal informé. De toute façon, cela
ne change rien au problème. Le pas de tortue, ça ne nous
intéresse pas dans le Parti libéral.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ça ne nous intéresse pas non
plus.
M. PAUL: Vous devriez avoir autant de vitesse pour trouver les nouveaux
emplois.
M. BOURASSA: Certain.
M. PAUL: On en reparlera en temps et lieu!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le problème, M. le Président...
Je regrette que le premier ministre intervienne à temps et à
contre temps.
M. BOURASSA: D'accord, je retire...
M. LAVOIE (Wolfe): La loi du syndicalisme agricole aurait
été beaucoup plus urgente que celle-là.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le premier ministre intervient à temps
et à contre temps, nous empêche de procéder. Nous avons
quand même un temps limité. Il ne s'agit pas, encore une fois, de
procéder à pas de tortue, ce n'est pas vrai. Mais il s'agit de
bâtir un instrument et, avant de bâtir cet instrument, il faut bien
voir quel est le matériau qu'on va utiliser, de quelle façon on
entend employer cet instrument et quels sont les objectifs que nous nous
proposons d'atteindre en forgeant cet instrument en fonction des besoins de la
société moderne dans laquelle nous vivons à l'heure
actuelle.
Que le premier ministre n'essaie pas de faire des procès
d'intention et de nous dire qu'on veut procéder à pas de tortue.
Nous sommes tout autant désireux qu'il l'est d'aller le plus rapidement
qu'il est possible de le faire en l'instance, en l'occurrence, parce que nous
jouons avec des choses extrêmement délicates et ce n'est pas nous
qui aurons à subir les
conséquences désastreuses de gestes hâtifs. Ce sont
les gens qui nous suivront. Le premier ministre est jeune, il ne sera pas
éternel, il va mourir un jour. On lui fera des funérailles
d'Etat, même si ça fait 40 ans qu'il n'est plus au pouvoir. On lui
fera des funérailles d'Etat. Je vous le promets, M. le
Président.
La question en est donc une d'envergure, on la pose mal au
départ, en s'attachant à une petite chose. Vous savez que je ne
suis pas fétichiste en matière de constitution, j'ai fait assez
de déclarations là-dessus pour qu'on le sache. L'histoire de
l'article 80 et tout cela, moi, cela ne me préoccupe pas plus qu'il
faut.
Mais, derrière l'article 80, il y a quand même des
réalités au sujet desquelles nous avions convenu d'entendre les
députés des comtés dits protégés.
Ce matin, je ne voudrais pas qu'on chambarde cette procédure que
nous avions accepté de suivre, pour en arriver à un consensus et
à un examen de l'échéancier. Et cet
échéancier, nous voulons qu'il soit bien précis et qu'il
corresponde aussi aux volontés de tous les députés.
Là, il y a une chose sur laquelle je voudrais attirer l'attention
du premier ministre. H est premier ministre, il a une équipe, il assume
la responsabilité du gouvernement. Pour un temps X, c'est le peuple qui
décide cela, pour lui, comme pour nous, comme pour n'importe qui
à venir. Nous sommes tous des parlementaires, représentants du
peuple, donc, au premier chef intéressé à cette
réforme de nos institutions. Je ne parle pas seulement de la
réforme électorale, à ce moment-là. Par
conséquent, nous devrions situer le problème absolument en dehors
des lignes de partis. Nous devrions situer le problème simplement
envisager ce problème dans l'optique d'une reconstruction
constitutionnelle du Québec, ce qui nous amènera à forger
un instrument dont les parlementaires auront à se servir plus tard et
qui régira la vie de la cité, la vie de la communauté
québécoise pour l'avenir.
Par conséquent, il n'est pas question du parti Libéral, il
n'est pas question de l'Union Nationale, du Parti Québécois, du
parti Créditistes ou de n'importe quel parti à venir. Il est
question, pour des parlementaires sérieux, de se dépouiller de ce
vêtement politique qu'ils ont revêtus dans telle ou telle
circonstance et d'examiner la question froidement, sans aucune idée de
faire triompher la volonté d'un parti sur celle des autres partis
politiques.
Ici, ce matin, M. le Président, il n'y a pas d'Opposition, il n'y
a pas de gouvernement. Il y a simplement les responsables de la vie de la
nation, de la vie actuelle et de la vie future de la nation. Ce que nous
voulons bâtir, c'est la cité du Québec.
M. HARDY: La res publica.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): La res publica. On devrait, il me semble,
suivre la procédure que nous avions convenu de suivre, à savoir,
entendre les représentants des comtés dits protégés
tel que cela avait été convenu avec le ministre M. Laporte. C'est
ça la question. Ce n'est pas de se hâter de dire: Ecoutez, on va
régler la question de l'article 80 et après, tout va être
réglé.
M. BOURASSA: Durant le débat, en deuxième lecture, ils
pourront s'exprimer.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils pourront s'exprimer, d'accord. Mais, M. le
Président, le premier ministre n'a pas compris ce que je viens de
dire.
J'ai dit qu'ici, à la commission parlementaire, nous ne devions
pas considérer qu'il y a un parti au pouvoir et deux partis
d'opposition. Mais qu'il n'y a que des parlementaires, qui auront...
M. BOURASSA: En Chambre, c'est facile.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...qui ont ici une liberté qu'en
Chambre ils n'auront pas.
M. BOURASSA: M. le Président, voyons. Nous avons la
liberté d'expression pour chaque parti.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est clair.
M. HARDY: II y a toujours la liberté des
députés...
M. BOURASSA: II y a une liberté d'expression.
M. HARDY: ...mais pas le privilège.
M. BOURASSA : Ils vont avoir toute la liberté nécessaire,
mais je pense qu'après cet exposé du député de
Chicoutimi...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je n'ai pas fini.
M. BOURASSA: II est 11 h 10...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II m'interrompt constamment. Je n'ai pas
fini.
M. HARDY: Est-ce qu'il y a une limite de temps, M. le
Président?
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Une heure.
M. BOURASSA: C'est pour cela qu'on veut procéder, M. le
Président, des discours comme ça, il va y en avoir 20, 30, on va
se retrouver en 1973 et nous n'aurons rien décidé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. le
Président, pour résumer le problème, le premier
ministre met la charrue devant les boeufs. Il attache toute sa
considération à l'arricle 80.
M. BOURASSA: C'est un premier pas.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est un premier pas, mais c'est un premier
pas de tortue puisqu'on a dit que c'était un anachronisme et qu'on
pourra s'en débarrasser très rapidement. Le problème,
c'est la constitution interne du Québec et à l'intérieur
de cette constitution tous les mécanismes institutionnels qui
régiront la vie du Québec pour l'avenir. Je l'ai dit dès
le début des séances de cette commission, que l'on
procédait mal, d'abord, quand on a parlé du serment
d'allégeance et qu'on a essayé ensuite de faire du travail
à la pièce.
J'aimerais donc que nous entendions ce matin les députés
qui représentent des comtés dits protégés pour
savoir s'ils partagent par exemple l'opinion du député de
Terrebonne. Il a exprimé son opinion sur les comtés
protégés, le chef de l'Opposition officielle l'a exprimée
aussi, le premier ministre l'a exprimée aussi. J'aimerais entendre les
députés, puisqu'il avait été convenu de les
entendre. Pourquoi leur refuser ce matin le droit de se faire entendre?
M. BOURASSA: Si on le fait à l'Assemblée nationale...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je
préfère que nous les entendions ici.
M. BOURASSA: Pourquoi?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Parce que...
M. HARDY: Qui les empêche de parler ici?
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, dans le cadre du
débat qui s'instituera lorsque nous examinerons le projet de loi, il y
aura des limites de procédure qui n'existent pas ce matin, du fait que
nous examinons ce matin un problème dans son ensemble.
M. HARDY: Me permettez-vous une question?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant. Tandis qu'en Chambre nous serons
limités par le cadre de la loi, et, à ce moment, le
président nous dira: Je regrette, ce n'est pas dans l'ordre, puisque le
principe de la loi, c'est ceci, cela et que les modalités sont telles et
telles. Nous avons donc ici une liberté d'expression qui ne nous sera
plus laissée en Chambre, non pas par mauvaise volonté du
gouvernement, mais en raison des règles de procédure qui
régissent nos délibérations.
M. BOURASSA: ...des règles de procédure...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et le premier ministre, le leader
parlementaire de l'Opposition peut le dire, je lui laisse la parole. Il l'a
demandée d'ailleurs.
M. HARDY: Est-ce que vous me permettez une question?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.
M. HARDY: Qu'est-ce qui empêche les députés
représentant les comtés protégés de se faire
entendre ici, ce matin, et de donner leur opinion? Si vous me permettez juste
une question...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais où voulez-vous en venir?
M. HARDY: ... en réponse à l'argumentation...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ce que je vous demande.
M. HARDY: ... de l'honorable député de Chicoutimi, c'est
qu'au fond,votre approche du problème est le suivant: vous voulez que le
problème de l'article 80 soit...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): "Est la suivante", on dit "une approche".
M. HARDY: Je reconnais immédiatement mon
infériorité sur le plan de la maîtrise de la langue
française vis-à-vis du député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, charmant élève.
M. HARDY: Fermons la parenthèse!
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Un instant, s'il vous plaît.
Est-ce que je peux faire une suggestion?
UNE VOIX: Oui.
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Je pense bien que le
député de Terrebonne est le porte-parole de la droite ici
à la commission.
M. BERTRAND: Vous venez de le nommer, M. le Président.
M. BOURASSA: Faites la nuance nécessaire. M. BERTRAND: Vous venez
de le nommer.
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Est-ce qu'il ne serait pas
préférable, avant que le député de Terrebonne
réponde au point de vue
du député de Chicoutimi...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une exception.
M. BOURASSA: C'est notre expert.
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): ... qu'on entende le chef du
Ralliement créditis-te...
M. BERTRAND: Oui, je pense que cela serait préférable.
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): ... ainsi que le chef du Parti
québécois?
M. HARDY: Cela peut peut-être mêler les choses. Je ne sais
pas...
M. BERTRAND: Non!
M. HARDY:... mais cela serait peut-être plus court si je
répondais immédiatement au député de
Chicoutimi.
M. BOURASSA: Je pense que vous pourriez...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'était pas une réponse que
vous vouliez me donner, c'est une question que vous vouliez me poser?
M. HARDY: Un peu les deux, comme vous faites très souvent en
Chambre.
M .TREMBLAY (Chicoutimi): Non, non, non.
M. BERTRAND: Revenons donc à la parole du Président.
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Chicoutimi
prête la parole au chef du Ralliement créditiste.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord. UNE VOIX: Sans
intérêt.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sans intérêt, avec
dividendes.
M. BOURASSA: Mensuels.
M. SAMSON: Je remercie beaucoup le député de Chicoutimi de
m'avoir prêté son droit de parole. M. le Président, je
pense que ce qui vient d'être dit par le député de
Chicoutimi et le chef de l'Opposition officielle est sûrement
fondé en ce sens que nous avons assisté...
UNE VOIX: Un mariage.
M. BOURASSA: Deux mariages valent mieux qu'un!
M. SAMSON: Bien oui, il s'en est fait un, hier, du Parti
québécois au Parti libéral. Pourquoi pas nous,
aujourd'hui?
M. SAMSON: M. le Président, lors de la dernière
réunion de la commission parlementaire, les parlementaires responsables
ont pris certaines décisions, et nous pouvons nous rapporter à ce
sujet au journal des Débats concernant ces décisions. Le leader
parlementaire du temps, à la suite de certaines de nos revendications et
de certains de nos arguments, avait lui-même convenu d'accepter un mode
de travail, c'est-à-dire que tous les députés
concernés pourraient intervenir, parce que, lorsqu'il est question de
comtés protégés par l'article 80, il s'agit des
comtés protégés. Nous avions revendiqué, à
ce moment je pense que nous sommes encore dans l'ordre de le faire
aujourd'hui, et c'est bien dit à l'article 80 que le tout peut
être changé lors des deuxième et troisième lectures,
à l'Assemblée nationale, avec le concours de la majorité
absolue des députés qui représentent ces
circonscriptions...
Or, M. le Président, je ne pense pas qu'aucun de ces
députés ait le droit de déterminer par lui-même, et
tout seul, s'il veut que le tout soit changé.
Je pense qu'il doit consulter ses électeurs, parce que c'est le
comté qui est protégé, je l'ai dit, je le redis.
M. HARDY: Une question, juste une question.
M. SAMSON: Attendez! Vous aurez le temps tantôt.
M. HARDY: Mais cela pourrait changer...
M. SAMSON: Cela ne changerait pas mon opinion et sûrement pas la
vôtre non plus.
M. HARDY: Je ne sais pas.
M. SAMSON: Je crois qu'on se comprend assez bien là-dessus. C'est
d'ailleurs vous, tantôt, qui avez dit que tous les députés
avaient droit de parole ce matin, que tout le monde avait le droit de
s'exprimer. C'est depuis ce temps-là que vous tentez d'arrêter les
autres.
M. HARDY: C'est juste une question.
M. SAMSON: Si vous tentez d'arrêter l'Opposition, vos
députés ne seront sûrement pas à l'aise pour dire ce
qu'ils pensent. Je crois que ces députés, dans les neuf
concernés ou les dix...
M. VEILLEUX: N'ayez pas peur.
M. BOURASSA: Vous verrez demain.
M. SAMSON: II y a sûrement des députés qui ne sont
pas d'accord avec votre prise de position et c'est là que je veux en
venir, M. le Président.
UNE VOIX: C'étaient des lois.
M. SAMSON: Lorsqu'on parle de comtés protégés, ce
sont les électeurs de ces comtés qui sont protégés,
et ce sont eux qui doivent dire à leur député ce qu'ils
veulent faire. Actuellement, en mettant la charrue devant les boeufs, en
soumettant un bill pour abolir l'article 80, nous le ferons avec le concours de
l'Assemblée nationale sans permettre à ces députés
de consulter leurs électeurs d'abord, et aussi, avec le danger que cela
comporte tout le monde le sait, on n'a pas besoin de le cacher si
nous allons à l'Assemblée nationale pour voter un bill,
évidemment, les députés seront astreints à la
discipline de parti. Ils voteront avec le gouvernement. Je pense que tout le
monde le sait. Cela se fait tout le temps et cela ve se faire encore cette
fois-ci. Vous me le direz plus tard si cela se passe autrement.
M. HARDY: Cela veut-il dire qu'il n'y a pas de liberté chez
vous?
M. SAMSON: Je vous demande pardon. Chez nous, il y en a, c'est chez vous
qu'il n'y en a pas. En ce qui nous concerne, nous avons demandé aux
trois députés de notre parti qui représentent des
circonscriptions protégées de consulter leurs électeurs et
de donner leur opinion suivant les consultations. Or, M. le Président,
nous avions dit lors de la dernière réunion de la commission
parlementaire que les 17 concernés auraient le loisir de venir
comparaître devant la commission et d'expliquer chacun leur cas.
Aujourd'hui, on est revenu sur ces paroles et on procède autrement.
Pourquoi procède-t-on autrement? Est-ce qu'on s'est aperçu que la
majorité des 17 députés serait contre ce changement? On se
permet de se poser la question.
M. HARDY: Je ne veux pas être procédurier, M. le
Président, mais on me prête des intentions...
M. SAMSON: Ecoutez, vous, l'histoire de prêter des intentions,
vous en avez prêté depuis ce matin à tout le monde.
Laissez-nous au moins le loisir... Vous n'êtes pas président
aujourd'hui. Là on peut se parler. Quand vous êtes
président, je vous respecte comme président. Vous m'obligez
d'arrêter quand c'est le temps et j'obéis. Aujourd'hui, je
n'obéirai pas, parce que nous sommes sur le même pied. Vous vous
reprendrez quand vous serez président.
M. HARDY: Vous faites bien.
M. SAMSON: M. le Président...
M. BERTRAND: La parole est au...
M. SAMSON: Je pense que si on veut en revenir au pourquoi de ces
comtés protégés par l'article 80, on se rappellera que ces
comtés ont été protégés pour protéger
une minorité anglophone dans le temps. Premièrement, si
aujourd'hui, nous en arrivons à changer cet article avant d'avoir
d'abord consulté les députés, et deuxièmement,
avant de connaître quelles seront les intentions du gouvernement au sujet
d'une redistribution éventuelle de la carte électorale, cela nous
amène à nous poser certaines questions, à savoir quelles
garanties aurons-nous qu'un certain équilibre sera maintenu. Autant ces
comtés ont été protégés par l'article 80
pour protéger les minorités anglophones de ces comtés qui
sont aujourd'hui quand même en majorité francophones, autant nous
ne savons pas si dans la redistribution prévue par le gouvernement, on
ne passera pas à l'exagération dans l'autre sens,
c'est-à-dire je parle de possibilités qu'avec une
redistribution que nous ne connaissons pas aujourd'hui et qu'on nous
présentera éventuellement, quel genre de comtés nous
offrira-t-on? Est-ce que ces comtés ne seront pas redistribués en
majorité sur l'île de Montréal dans les parties
anglophones? Nous ne le savons pas. Si nous ne le savons pas, cela veut dire
qu'il y a un risque et c'est justement ce qu'on veut abolir aujourd'hui. Mais
il nous revient par la suite d'une autre façon. Autant cet
article-là a contribué à garantir les droits des
Anglo-Saxons à ce moment-là et ils ne sont plus en danger
aujourd'hui, autant la non-abolition de l'article pourrait nous garantir les
droits des francophones actuellement.
Alors, M. le Président, il s'agit de garantir
l'équilibre.
Si le gouvernement voulait agir de la façon normale,
c'est-à-dire nous présenter d'abord son projet de redistribution
ou de réforme avant de nous obliger à abolir cet article, je
crois qu'on travaillerait de la bonne façon et on pourrait là, en
toute connaissance de cause, donner notre accord, s'il y a lieu. S'il n'y a pas
lieu, évidemment, nous continuerons à faire de l'opposition, mais
lorsque nous connaîtrons le projet, à ce moment-là, nous
pourrions donner notre accord. S'il est à notre sens, logique,
honnête envers toute la population du Québec, nous donnerons
sûrement notre accord. Mais qu'on nous fasse connaître d'abord
quelles sont les intentions, quel est le projet de la redistribution. Qu'on
nous revienne par la suite, et s'il y a lieu d'abolir cet article 80, nous le
ferons.
Je pense qu'aucun des députés parmi les 17 ne serait
contre cela, à la condition de savoir d'avance où ça va
nous mener. Actuellement, nous ne savons pas où ça va nous mener.
On dit aux députés: Vous allez voter sur un bill qui nous sera
présenté, sur le bill 65 visant à l'abolition de l'article
80, et vous allez voter
là-dessus par la voie normale, c'est-à-dire tout ce qui
concerne la discipline de parti ordinaire que nous connaissons. Ceci veut dire
à l'avance étant donné que les libéraux, ont
la majorité absolue de ces 17 députés que personne
n'a tellement de chance de faire connaître son opposition.
Je crois donc que ce qui avait été décidé
à la dernière réunion de la commission de
l'Assemblée nationale l'avait été dans le but de permettre
à tous ces députés de faire connaître ce que leurs
électeurs veulent décider en ce qui concerne cet article 80, en
ce qui concerne les comtés protégés. A un moment
donné, on nous a même suggéré que des recherches
soient faites au sein de ces comtés et qu'on puisse venir devant la
commission réellement en connaissance de cause. Et même plus que
ça, les 17 députés ont été convoqués
pour une réunion qui n'a pas eu lieu. Ils ont déjà
été convoqués. C'est vous dire jusqu'à quel point
nous tenions à ce processus, à ce que les députés
eux-mêmes viennent nous dire ce qu'ils en pensent, une fois qu'ils auront
eu la chance de consulter les électeurs de leur comté.
M. le Président, aujourd'hui, par le bill 65, qu'on
présentera à l'Assemblée nationale, on obligera
qu'on le veuille ou non, qu'on veuille l'admettre ou non plusieurs et
même presque tous les députés du côté du
gouvernement qui représentent des comtés protégés
à être d'accord malgré eux. Or, nous savons, pour avoir
discuté avec certains d'entre eux, qu'ils ne sont pas tous d'accord.
Pourquoi ne leur donne-t-on pas la chance de s'exprimer librement? Pourquoi ne
donne-t-on pas la chance à ces députés de venir
s'expliquer et que ça se fasse comme nous l'avions dit lors de la
dernière réunion? Il semble aujourd'hui qu'on ne respecte pas ce
qu'on a décidé à la dernière réunion.
Comment voulez-vous, si on ne sait pas respecter ce qu'on a dit à
la dernière réunion, qu'on puisse s'attendre que le gouvernement
respecte dans l'avenir ce qu'on dit aujourd'hui? Je pense que c'est tout
à fait logique qu'on puisse au moins s'attendre que le gouvernement
respecte les promesses qu'il a faites et n'y a pas tellement longtemps. Ce ne
sont pas des promesses électorales, cela s'est dit ici à la
commission de l'Assemblée nationale.
Nous sommes entièrement d'accord sur ce point avec l'Union
Nationale, qui, je pense, a entièrement raison de vouloir consulter les
électeurs avant de revenir devant la commission. Elle a
entièrement raison de dire que les députés doivent d'abord
venir eux-mêmes ceux qui représentent ces circonscriptions
dire ce qu'ils en pensent. Après cela, s'il y a lieu, M. le
Président et M. le premier ministre, nous reviendrons à votre
bill 65 en connaissance de cause.
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de
Bourget.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, le
député de Rouyn-Noranda en a mis un petit peu plus que j'en avais
mis, il a vulgarisé mes savants propos.
M. VEILLEUX: C'est-à-dire du divorce. M. HARDY: C'est la fusion
de la droite.
M. SAMSON: M. le député de Chicoutimi, je me suis
arrangé pour les vulgariser, pour qu'ils comprennent de l'autre
côté.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour une fois, je suis d'accord avec le
député de Rouyn-Noranda.
M. DUMONT: C'est la deuxième fois en deux jours.
UNE VOIX: C'est ce qui devient inquiétant.
M. HARDY: Ah! oui, la fusion de la droite, avec M. Wagner comme
chef.
M. MARCHAND: Vous ne savez plus de quel côté vous
fusionner!
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de
Bourget.
M. LAURIN: M. le Président, lors de la réunion de la
commission de l'Assemblée nationale où nous avons discuté
de ce problème, j'ai fait valoir les raisons pour lesquelles l'article
80 ne valait plus. En conformité avec ce qu'a dit d'ailleurs le
député de Terrebonne, j'ai fait valoir que c'était
uniquement pour des raisons linguistiques que cet article avait
été inclus dans la constitution de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique probablement comme le député de Terrebonne l'a
dit, en raison de la méfiance que l'on continuait d'entretenir alors
à l'endroit de la majorité française du Québec.
Il me semble que c'est maintenant évident pour tout le monde, et
tout le monde l'a dit, que ces raisons ne valaient plus. J'ai également
dit à cette occasion que toute refonte de la carte électorale
était absolument impossible si on ne faisait pas sauter ce verrou qui en
empêchait la. réalisation concrète et la réalisation
pratique. J'ai également dit, et là encore je suis d'accord avec
le député de Terrebonne, que l'abolition ou l'abrogation de cet
article 80, quelle que soit la forme que cela prenne, que l'article cesse
d'avoir effet ou qu'il soit tout simplement aboli, que cela constituait une
façon concrète d'affirmer la souveraineté du Québec
tout au moins en ce qui concerne les sphères de sa juridiction.
Je ne suis pas du tout d'accord, M. le Président, à ce que
l'on change le sens constitutionnel qui avait été donné
à l'article 80 en 1867. Je pense que ce serait contraire à
toutes
les règles de la logique, du bon sens et de la démocratie
qu'un article qui avait été mis dans la constitution pour
protéger la minorité anglophone soit maintenant conçu
comme un article qui vise à protéger la représentation
rurale du Québec. C'est un vice de logique, c'est le triomphe de la
lettre sur l'esprit. Il me semble qu'ici, on doit continuer à
préférer la lettre à l'esprit. Il est impossible
d'imaginer de changer, de dévoyer le sens d'un pareil article. Si l'on
veut maintenir une représentation rurale adéquate au sein du
Parlement de Québec, on devrait prendre d'autres moyens que le maintien
d'un article absolument désuet et anachronique. Il y a d'autres
moyens...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si le député de Bourget me
permet... Un petit détail ici, il n'a jamais...
M. LAURIN: C'est simplement une expression d'opinion.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, il est quand
même important...
M. LAURIN: M. le Président, j'ai une remarque à faire, je
ne me suis pas du tout référé aux opinions qui ont
été exprimées avant la mienne.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais voici...
M. LAURIN: Pas du tout, c'est simplement une expression...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord.
M. LAURIN: ... de ma propre conviction que je voulais apporter davant
cette commission.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement pour faire observer ceci.
M. LAURIN: Je ne sais pas si on peut invoquer un règlement
là-dessus.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai une petite observation. Je ne veux pas
vous interrompre et je ne veux pas non plus interpréter vos propos. Mais
je tiens à dire ceci, à la suite du député de
Missisquoi et chef de l'Opposition et aussi du député de
Maskinongé, que nous n'avons pas du tout exprimé l'avis que nous
devions maintenir l'article 80 comme tel. J'ai dit que je n'étais pas
fétichiste. Je ne voudrais pas que les propos du député de
Bourget soient interprétés comme une condamnation de ceux que
nous avons tenus. D'ailleurs, il l'a dit lui-même.
M. HARDY: Le député de Bourget n'a pas dit que le
député de Chicoutimi était anachronique.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ce que je voulais préciser, M. le
Président.
M. LAURIN: Je voulais tout simplement dire, M. le Président,
qu'un article qui a été mis dans une constitution pour une
certaine fin ne peut pas être maintenu pour une autre fin. C'est
simplement un principe que je voulais faire valoir.
Je suis d'accord avec plusieurs de ceux qui se sont exprimés ici
que le maintien de la représentation rurale dans le Parlement d'un pays
peut avoir beaucoup de mérite, beaucoup d'intérêt, mais je
voudrais simplement signaler qu'il y avait d'autres moyens auxquels nous
pouvions recourir pour maintenir cette représentation à un niveau
raisonnable. Ce que je n'admets pas, c'est que nous ne pouvons pas confier
à 17 comtés sur 108 dans un pays un rôle de chien de garde
qui ne lui revient pas. Je pense que ce rôle de chien de garde de la
démocratie revient au Parlement, aux institutions parlementaires, dont
cette commission. Je pense que la meilleure façon pour un Parlement
d'assumer ce rôle, c'est de faire faire des études ou de faire
lui-même des études qui aboutissent à des critères
de représentativité, travail que nous ferons dans les
séances ultérieures de la commission. Plusieurs hypothèses
ont déjà été émises à ce sujet, on
peut discuter des mérites de ces divers critères, nous en avons
signalé quelques-uns dans un document de travail: le principe de
l'égalité des électeurs, le principe de
l'homogénéité sociale et économique, le principe de
l'homogénéité linguistique, le principe de
l'homogénéité territoriale, le principe du maintien d'une
représentation adéquate du monde rural. Mais justement, M. le
Président, pour que nous puissions étudier ces critères en
toute lucidité, en toute objectivité, il faut auparavant faire
sauter ce verrou et cette chafne qui nous empêchent de nous y atteler
avec toute la célérité et l'objectivité
désirables.
Je me référerai à ce que disait tout à
l'heure le député de Chicoutimi. Il lui semblait que
c'était là procéder à la pièce, que
c'était là mettre la charrue devant les boeufs. Je regrette de ne
pas être d'accord avec le député de Chicoutimi, car il me
semble précisément qu'il a été bien établi
que tant que nous aurons dans notre constitution cet article encore une fois
désuet, anachronique, ceci nous empêche de procéder d'une
façon logique, sereine et sage à toutes les autres études
auxquelles il nous fait faire face. Pour moi et pour beaucoup d'autres
personnes, j'en suis sûr, cela est un prérequis, cela est un
préalable qui nous permettra de déblayer le terrain et d'aborder
l'ensemble du problème avec tous les moyens que nous
possédons.
Il me semble aussi, M. le Président je me
réfère encore à ce que disait tout à l'heure le
député de Chicoutimi que personne ne conteste, du moins de
ce côté-ci, la nécessité pour le Québec de
réviser sa constitution interne.
Mais et le député de Chicoutimi sera sûrement
d'accord avec moi c'est là un processus extrêmement
complexe, long, difficile et en plus conflictuel, qui risque de nous mettre
dans une série de contestations avec un autre palier de gouvernement.
Or, quand on connaît le tempo, le rythme auquel procèdent ces
discussions dans notre système confédératif, on peut
entrevoir une longue série de pourparlers qui feraient peut-être
que nous nous enliserions dans les marais de la procédure ou dans les
marais de la contestation.
Durant ce temps, la réforme électorale, qui est absolument
essentielle pour que la démocratie soit digne de ce nom, serait
retardée et courrait même le risque de n'être même pas
entreprise. C'est la raison pour laquelle je préfère que nous
fassions sauter encore une fois ce verrou et que nous procédions
peut-être en même temps à la réforme
électorale et à la réforme de la constitution interne du
Québec. Je ne crois pas que les deux fonctions soient incompatibles.
Maintenant, est-ce qu'il y a eu véritablement entente au
préalable dans cette commission en ce qui concerne la procédure
que nous suivrions? J'ai assisté à ces commissions, j'y ai
participé et il me semble qu'il n'y a pas eu d'entente formelle en ce
qui concerne la procédure à suivre.
M. HARDY: Exact.
M. LAURIN: Bien sûr, des opinions ont été
exprimées mais aucun vote n'a été pris. Or, si un vote
avait été pris, je pense que le Parti québécois
aurait voté contre une proposition présumée qui est
apparue dans ce que le député de Chicoutimi et le
député de Rouyn-Noranda ont dit. Nous aurions voté contre
elle d'autant plus que, même à cette commission, nous avions
déposé une sorte de modèle de projet de loi visant
à l'abrogation de l'article 80, ce qui montre bien dans quel sens se
situaient nos préoccupations et nos opinions.
Il est donc possible qu'il se soit dégagé un certain
consensus entre certains membres de la commission mais il n'y a pas eu
d'entente formelle manifestée par un vote.
Même s'il y avait eu un consensus au sein de la majorité de
la commission, nous aurions estimé que cela aurait été une
erreur et peut-être à ce moment-là aurions-nous
été obligés de souhaiter que le gouvernement revienne sur
la décision conformément au vieux principe que, s'il est mauvais
de prendre une mauvaise décision, c'est encore plus mauvais d'y
persévérer. Au contraire, après ce consensus qui a
semblé se manifester, qui n'exprimait pas, encore une fois, à mon
avis, l'opinion officielle du gouvernement, le gouvernement a continué
ses études et, à la suite de ces études, il semble qu'il
ait pris une décision que, pour notre part, nous continuons à
considérer sage, logique, constitu- tionnelle, allant dans le sens de la
préservation des intérêts de la démocratie.
Et c'est la raison pour laquelle nous sommes d'abord avec le
gouvernement pour que nous procédions avec la plus grande
célérité possible. Car il faut bien remarquer, M. le
Président, qu'en pareille matière, tellement complexe nous
savons que la réforme du système électoral, de la carte
électorale, de la loi électorale, comporte un très grand
nombre d'étapes difficiles et complexes si nous ne prenons pas
date le plus rapidement possible, si nous ne faisons pas avancer le travail
étant donné le petit nombre de séances de la commission,
étant donné le travail complexe qu'une commission pourra
être obligée d'élaborer, nous allons perdre un temps
précieux et qui risque de nous faire nous retrouver devant la population
du Québec avec une réforme qui ne serait qu'une
réformette, ou pas de réforme du tout.
C'est pourquoi, dans ces matières, nous considérons pour
notre part que la lenteur du processus peut équivaloir non pas tellement
à de l'obstruction, mais à un enterrement de première
classe d'un projet que la population du Québec continue de
réclamer avec la dernière énergie.
Merci, M. le Président!
M. HARDY: C'est le meilleur discours du député de Bourget
depuis longtemps.
M. BOURASSA: II n'était pas...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, à la suite des
observations qu'a faites le député de Bourget...
M. BOURASSA: Je voudrais juste dire un mot parce que, malheureusement,
je dois m'absenter quelque temps.
UNE VOIX: Encore!
M. BOURASSA: Encore. J'ai toute la question du conflit de la
construction, le chef de l'Opposition est au courant de la complexité,
sinon le député de Chicoutimi...
M. PAUL: Prenez votre boîte à outils et allez-y au plus
vite.
M. BERTRAND : Allez-y ! Allez-y !
M. BOURASSA: Puis-je dire quelques mots, M. le Président? Nous
avons un plan d'action, nous voulons inviter des experts. M. Hardy, le
député de Terrebonne, qui est le représentant du parti
pour discuter cette question, va faire des suggestions aux membres de cette
commission pour les prochaines séances. Quant à moi, je dois dire
que les arguments qui ont été avancés, même s'ils
ont été faits de bonne foi, ne m'ont pas convaincu de retarder
l'adoption
du projet de loi. J'ai l'intention, sauf s'il y a des
développements nouveaux d'ici la fin de la séance, de
procéder à la deuxième lecture, de la Loi sur les
districts électoraux parce que les députés pourront
s'exprimer en deuxième lecture. Tous les députés
intéressés à ce projet de loi pourront exprimer leurs
opinions alors. Qu'ils le fassent ici ou qu'ils le fassent à
l'Assemblée nationale, je ne vois pas quelle différence il y
a.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je veux faire suite
aux observations du député de Bourget. Evidemment il a tenu des
propos fort sensés, mais je pense qu'il comprend mal l'attitude des
députés qui se sont exprimés jusqu'à
présent. Il n'est pas question pour nous, je le répète,
d'attacher une valeur sacramentelle à l'article 80. Nous croyons que,
nous l'avons dit, il s'agit d'un anachronisme. D'autre part, je maintiens que
le gouvernement met la charrue devant les boeufs. Pour une raison très
simple, c'est que la disparition de cet article 80 devient une affaire purement
technique à partir du moment où l'on s'est entendu sur un
programme d'action à suivre au sein de la commission pour les travaux de
la commission. Mais je dis ceci, à la suite des observations du premier
ministre, tout à l'heure, quand il a dit: "Les députés
auront l'occasion de se prononcer".
Très bien, mais je vous rappelle, encore une fois, M. le
Président, que dans le cadre d'un débat qui s'instituera en
Chambre, à partir du projet de loi qui est devant nous, nous n'aurons
pas la même liberté d'action que nous avons ce matin. Et cela
rejoint justement les préoccupations du député de
Bourget.
Nous voulons déblayer le terrain. Or, le meilleur endroit pour le
déblayer avant de passer à l'examen du projet de loi, c'est
d'entendre ici les députés qui ont manifesté la
volonté, le désir d'être entendus à la commission
parlementaire. Je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas une question de
parti ici, c'est une question de parlementaires qui représentent des
circonscriptions réparties sur tout le territoire du Québec et
qui ont, peut-être et j'en suis sûr dans certains cas
des propositions concrètes à formuler et des observations qui
nous inciteront à repenser le programme d'action de la commission
parlementaire à laquelle nous siégeons ce matin.
Il ne s'agit pas du tout et le député de Bourget le
comprendra de maintenir un respect fétichiste pour un article
dont tout le monde dit qu'il est anachronique. Le chef de l'Opposition l'a dit
tout à l'heure en notre nom. Ce n'est pas ça le problème.
C'est un problème de répartition géographique,
territoriale, etc., de population, ainsi de suite. C'est un problème qui
met en cause des principes démographiques, par exemple des principes qui
touchent à ce qu'on appelle l'entité socio-économique de
chacune des circonscriptions. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi on
ne prendrait pas ce matin le temps d'entendre les députés sur ces
sujets-là, avant que d'aller en Chambre discuter d'un projet de loi qui,
lui, nous imposera, en raison de la procédure, des limites.
M. le Président, vous êtes là pour le dire, et vous
savez très bien que nous ne pourrons pas discuter de la même
façon que nous pouvons le faire ici.
M. HARDY: M. le Président...
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Terrebonne,
le suivant sera le député de Lafontaine.
M. HARDY: ... j'ai écouté évidemment avec beaucoup
d'attention les propos du député de Chicoutimi, du
député de Rouyn-Noranda et du député de
Bourget.
Il apparaît, d'une façon bien claire, que l'approche de ce
problème par le député de Chicoutimi diffère
totalement de la nôtre en ce sens que le député de
Chicoutimi voudrait que l'on envisage la réforme globale de la
constitution. Or, l'histoire récente nous enseigne que, depuis 1950, on
parle, on tient des conférences, et que surtout on fait des campagnes
électorales sur ce problème, mais que l'on n'a jamais
réussi à poser des gestes. Je suis d'accord avec le
député de Chicoutimi. S'il s'agissait d'un élément
qui met en cause toute l'économie de la constitution
québécoise, à ce moment-là, je dirais que le
député de Chicoutimi a raison de ne pas procéder à
la pièce parce qu'on pourrait, à ce moment-là, arriver
à un déséquilibre.
Mais le député de Chicoutimi reconnaîtra avec moi
que l'article 80 ne met en rien en cause l'économie
générale de la constitution interne du Québec. Si on
attend pour abroger l'article 80 d'en arriver à un concensus sur
l'amendement de la constitution globale, comme le premier ministre l'a dit
tantôt, on risque de se retrouver dans cinq ou dix ans, l'article 80 sera
encore là. On aura été empêché de faire une
réforme totale de la carte électorale. Et la carte
électorale sera encore anti-démocratique sinon
féodale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le député me permet
une petite question très brève?
M. HARDY: Je ne ferai pas comme le député de Chicoutimi,
je vais lui permettre la question.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le député ne se rend
pas compte d'une chose? C'est que, même une fois disparu l'article 80,
dès lors qu'on va parler de procéder à une réforme
ou à une refonte électorale, on va mettre en cause tous les
mécanismes de la constitution interne du Québec.
M. HARDY: Pas nécessairement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, on travaille donc à la
pièce.
M. HARDY: Non. Je regrette infiniment...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une fois examinés ces grands
problèmes-là...
M. HARDY: ... ce n'est plus une question.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... une fois délimité le
terrain, à ce moment-là...
M. HARDY: Je reprends mon droit de parole.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... on devrait se débarrasser de
l'article 80.
M. HARDY: M. le Président, la carte électorale ne met
aucunement en cause l'ensemble de la constitution. La preuve est que, depuis
1867, on a amendé à maintes reprises la Loi de la division
territoriale. Le député de Chicoutimi sait très bien cela.
On peut très bien procéder à la refonte de la carte
électorale et on peut même procéder à une
modification du mode de scrutin sans toucher à rien de l'ensemble de la
constitution. C'est possible.
Pour terminer ces propos, je dis que le projet de loi 65 n'entame en
rien ou ne préjuge en rien de la modification globale de la constitution
du Québec parce qu'il ne s'agit pas d'une pièce maîtresse
de cette constitution.
Deuxièmement, quant aux propos du député de
Rouyn-Noranda nous disant qu'il fallait absolument consulter les
électeurs des dix-sept comtés, j'ai mis ceci en doute à la
dernière réunion. Pour un motif tout à fait
réaliste, je considère qu'il est anormal que 10 p. c. de la
population du Québec décide d'elle-même, seule, si on doit
ou non modifier la constitution du Québec.
L'ensemble des comtés protégés représente
à peu près 660,000 personnes ou à peu près.
M. LAURIN: Est-ce que je peux poser une question?
M.HARDY: Oui, oui.
M. LAURIN: Pour que cette consultation soit véritablement
valable, est-ce qu'il n'aurait pas fallu consulter simplement les
électeurs anglophones de ces comtés?
M. HARDY: D'abord, cela les protégeait. Et deuxièmement,
depuis le 23 septembre dernière réunion de la commission
je pense que les députés, qui voulaient vraiment consulter
leurs électeurs, en ont eu suffisamment le temps. La dernière
réunion de la commission parlementaire de l'Assemblée nationale a
eu lieu le 23 septembre. Qui a empêché les députés
représentant les comtés protégés de consulter leurs
électeurs?
M. SAMSON: Demandez leur de venir pour voir...
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Pour le savoir, convoquez-les!
M. HARDY: Troisièmement...
M. SAMSON: C'est ce que nous vous demandons: Convoquez-les!
M. HARDY: Troisièmement...
M. SAMSON: On vous demande de les convoquer. Convoquez-les!
M. HARDY: M. le député, vous m'avez demandé de
respecter votre droit de parole, voulez-vous faire la même chose avec
moi?
M. SAMSON : Je viens de vous remettre la même chose que vous avez
fait tout à l'heure.
M. HARDY: Bon, très bien, nous sommes quittes, c'est fini?
M. SAMSON: Là, on recommence.
M. HARDY: Troisièmement, le député de Chicoutimi,
comme d'autres députés, nous a dit tout à l'heure pourquoi
il y avait eu une entente. Comme le député de Bourget l'a dit, il
n'y avait pas eu d'entente formelle. C'étaient des opinions
émises au sujet des dix-sept comtés. Il n'y a pas eu d'entente
formelle. Oui, je l'ai relu.
Maintenant, il y a une réunion de la commission, ce matin, avant
que le projet de loi ne soit étudié en deuxième lecture.
Et tous les députés, y compris les députés
représentant les comtés protégés, comme tous les
autres députés représentant des comtés non
protégés...
M.BERTRAND: Le député de Terrebonne me permet-il de
dire...
M. HARDY: Une question?
M. BERTRAND: Oui... qu'il n'y a pas eu d'entente formelle: B-1328, M.
Laporte: "M. le Président, nous acceptons d'abord quant à
nous, je pense que c'est unanime la suggestion faite par le leader
parlementaire de l'Opposition officielle d'inviter à la prochaine
réunion les représentants des comtés
protégés par l'Acte de l'Amérique du Nord
Britannique."
M. HARDY: Très bien, M. l'honorable député de
Missisquoi, ils sont invités ce matin. Ils ont
l'entière liberté de nous dire ce qu'ils pensent de la
chose. C'est précisément ce que je disais. A la réunion de
ce matin, non seulement les dix-sept députés...
M. TREMBLAY (Chicoutimi) : Laissez-nous le temps de les entendre.
M. HARDY : Je pense que là-dessus le député de
Chicoutimi a largement pris le temps de la commission...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon!
M. HARDY: ... il peut me laisser le temps de répondre à
ses propos.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon, M. le Président!
L'exposé du député de Terrebonne avait comme but
d'orienter, au départ, les délibération...
M. HARDY: D'accord.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... afin d'empêcher que nous respections
cette entente. C'est pour cela que je suis intervenu.
M. HARDY: M. le Président, je ne ferai pas de rappel aux
règlements, pour accélérer les travaux. Je reviens
à mon propos.
Les dix-sept députés représentant les comtés
protégés sont ici, ce matin. Ils ont eu suffisamment le temps de
consulter leurs électeurs, et ils peuvent donner à la commission
le résultat de leur consultation.
Je termine en disant que je suis bien d'accord avec le
député de Chicoutimi, et même je suis persuadé que
tous les députés de cette Chambre, y compris les
députés qui sont ici ce matin, envisagent le problème sans
esprit de parti. Je suis également convaincu que tous les
députés qui sont ici ce matin envisagent le problème en ne
pensant pas à leur intérêt électoral, en
particulier, ceux qui représentent les comtés
protégés.
M. LEGER: Est-ce que j'ai la parole, M. le Président?
M. BERTRAND: Le porte-parole du gouvernement vient de déclarer
que c'était vrai que les représentants des comtés
protégés pouvaient se faire entendre ce matin et que cela avait
été une entente unanime.
A ce moment-ci, le député du comté de Bourget vient
de soulever un problème. Il dit: S'il y avait, comme le suggère
le représentant du Ralliement créditiste, consultation des
électeurs, qui faudrait-il consulter dans les comtés
protégés? Faudrait-il consulter les électeurs anglophones?
Alors, il y a ici, au sein de ce groupe des représentants anglophones.
Il y a deux collègues, celui de Huntingdon et celui du comté de
Brome qui peuvent très bien suivre la discussion en langue
française et peut-être pourraient-ils faire écho aux
représentations que leurs électeurs ont pu faire quant à
cette protection qui a été accordée à la
minorité anglophone en vertu de l'article 80 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique. Quant à moi, j'aimerais...
M. LEVESQUE: Ce n'est pas au chef de l'Opposition à donner le
droit de parole.
M. BERTRAND: M. le Président, je n'accepterai pas que le leader
parlementaire du gouvernement vienne dire qu'il ne m'appartient pas de donner
le droit de parole. Ce n'est pas ça que j'ai fait du tout. Il
connaît ma méthode de procéder. Ce n'est pas cela du tout
que j'ai fait. Il devrait retenir ses nerfs et se maîtriser davantage.
C'est à vous, bien entendu, M. le Président, qu'il appartient de
le faire, mais j'ai noté que, depuis le début, celui qui
était le porte-parole du gouvernement ici, le député de
Terrebonne, n'a pas fait pareille invitation à ses collègues.
M. LEVESQUE: II a dit que s'ils étaient ici, il avaient le droit
d'exercer leur droit de parole et je crois que c'est au président
à donner le droit de parole pour mettre un certain ordre.
M. BERTRAND: Exactement.
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Les députés de
Lafontaine, de Wolfe et de Mégantic ont laissé voir tout à
l'heure...
M. LEGER: Voici...
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): ... qu'ils désiraient adresser
la parole. Je suis bien prêt à le reconnaître. Tout d'abord,
le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, je vais essayer d'être bref. Je
me demande si on avance à grand chose, ce matin, étant
donné que cette commission parlementaire avait justement
été convoquée pour entendre et je ne voyais pas
d'autre raison de cette convocation ceux des 17 comtés
protégés qui avaient quelque chose à dire. Je remarque que
pour représenter les 17 comtés protégés, il n'y a
que huit députés présents ce matin. Est-ce que cela veut
dire: Qui ne dit mot, consent et que les neuf députés absents
acceptent le projet du gouvernement actuel? Mais les huit qui sont
présents ont certainement quelque chose à dire ce matin. Une
petite remarque, sans vouloir attaquer personnellement les
députés de l'Union Nationale, mais quand je regarde la population
des comtés protégés actuellement.la moyenne normale
d'électeurs au Québec serait actuellement de 32,000 personnes par
comté. Comme de
raison, quand on regarde les 17 comtés protégés, on
voit qu'il y en a huit sur 17 qui ont moins de 16,000 électeurs. Je
remarque en plus que, sur les 17 comtés représentés
actuellement par l'Union Nationale, il y en a douze qui sont en bas de la
moyenne de 20,000 et la plupart sont dans les comtés
protégés. Quand on présente l'argument de comtés
protégés pour les électeurs, c'est absolument fausser le
problème. Ce n'est pas l'électeur qui est protégé
dans ces comtés parce que le but premier, comme on l'a dit tantôt,
je ne veux pas me répéter, c'est une question linguistique...
Mais le fait qu'on agrandisse plus tard les frontières d'un comté
protégé n'enlève pas à l'électeur de
privilèges du fait qu'il y ait un député par 20,000 ou
32,000 ou même 35,000 électeurs. Je pense que le danger est
beaucoup plus du côté du député qui
représente cette circonscription, puisque cela risque de changer ses
frontières. Je ne vois pas qu'on puisse faire autrement que d'entendre
ces députés qui nous diront les raisons pour lesquelles ils
pourraient s'opposer ou accepter ce changement. Je ne vois pas de quelle
façon ils peuvent nous apporter je voudrais bien les
écouter tantôt des arguments de leurs électeurs qui
nous montreraient réellement qu'il y a eu un contact, une consultation
qui rejoint tous les gens.
Alors, je ne pense pas, si on veut avancer dans la réforme de la
carte électorale, du mode du scrutin et de la loi électorale,
qu'on doive rester bloqué trop longtemps sur le premier obstacle, qui
est le comté protégé. Si on veut faire une règle
générale dans toute la province au niveau de
l'homogénéité, soit du nombre d'électeurs ou des
autres caractéristiques: linguistiques, territoriales et sociales, je ne
pense pas qu'on doive au départ laisser des privilèges à
des comtés minoritaires ce qui empêchait d'avoir une loi ou un
principe général pour toute la province.
La seule chose que je pourrais reprocher au gouvernement actuel est
celle-ci: étant donné que c'est lui qui a convoqué cette
réunion de la commission, je veux demander comment il se fait qu'il
n'ait pas spécialement obligé ces 11 ou 12 députés
à être présents ce matin.
M. HARDY: C'est la démocratie, nous n'obligeons personne.
Voyons-donc! On n'est pas en système totalitaire.
M. LEGER: Non, mais par convocation. C'est une convocation et je pense
que...
M. HARDY: On ne peut pas obliger des députés à
être présents.
M. LEGER: ... lorsqu'on a une loi à présenter, que
celle-ci pourrait exiger la majorité des députés des
comtés protégés et que l'on a cette majorité avec
les 11 libéraux, on pourrait au moins leur demander d'être
présents ce matin pour en discuter.
M. HARDY: Ils ont tous été invités.
M. LEGER: Je remarque qu'il n'y a que quatre députés
libéraux présents, trois de l'Union Nationale et un seul
créditiste.
M.HARDY: Ils ont tous été invités. C'est que leur
absence est un consentement implicite.
M. LEGER : C'est ce que j'ai demandé tout à l'heure. Si
c'est un consentement implicite, il n'y a pas de problème. Je
suggère immédiatement, si on veut avancer, de demander aux
députés qui sont présents et qui représentent ces
circonscriptions de comtés protégés de bien vouloir
s'exprimer là-dessus. Sinon, nous ne faisons que parler, nous n'agissons
pas.
M. HARDY: Je suis bien d'accord.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On n'a pas le droit, M. le Président
et j'invoque le règlement de porter un jugement sur
l'absence de certains députés ici. d'abord, les convocations ne
nous ont pas été envoyées vous le savez
très tôt...
M. HARDY: C'est au feuilleton.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tout le monde n'a pas eu le temps de se
préparer. D'autre part, il y a des raisons majeures. Si on regarde la
fiche de présence en Chambre des députés du Parti
libéral, on constate que ce n'est pas brillant.
MR. BROWN: Mr. Chairman...
M. LE PRESIDNET: Le député de Brome.
M. LEVESQUE : Je tiens simplement à faire une remarque: on
prendra le vote enregistré hier et on verra s'il y a présence ou
non des députés.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord, monsieur.
M. DUMONT: J'aimerais...
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Est-ce que le député de
Wolfe désire adresser la parole?
M. LAVOIE (Wolfe); Si le député de Brome veut parler avant
moi, je me réserve le droit de parler après lui.
MR. BROWN: Mr. Chairman, I do not want to talk on the subject unless the
17 are going to be invited to speak. There was no written recommendation or
invitation by the vice-president to this meeting whatsoever, in any way, to
anyone of the members who are of the
protected counties. There was officially no reason given why this
meeting was to bo held here this morning. The vice-president has never been in
any of the counties involved outside of the City of Montreal to do any studies
whatsoever on these protected counties. I would just like you to keep this in
mind where we are discussing this. This meeting was not called specifically by
notice to discuss the situation of the protected counties whatsoever. If the
members of the protected counties had been invited, as they should have been
invited, they would have probably been all here, if their health had allowed
them to be here.
M. LEGER: Est-ce que je peux vous poser une petite question?
M. BROWN: Oui, toujours.
M. LEGER: Est-ce que vous avez bien dit que vous ne parleriez pas sur ce
projet-là s'il n'y avait pas les 17 représentants des
comtés présents à cette réunion?
M. BROWN: J'ai dit: II n'y a pas eu d'avis d'écrit aux 17. En
plus, on a pas donné un avis à tout le monde à l'effet que
la réunion porterait sur le problème des comtés
protégés. Jamais.
M. LEGER: No, you did not understand my question. I just asked: Did you
already say that you were not going to talk about this subject unless the 17
are here?
MR. FRASER: Or invited.
MR. BROWN: Or invited to speak.
UNE VOIX: Us n'ont pas été convoqués.
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Wolfe.
M. HARDY: J'ai une mise au point, M. le Président. H y eu l'avis
au feuilleton et deuxièmement le premier ministre a fait mention en
Chambre, de la réunion de la Commission de l'Assemblée nationale
lorsqu'il a déposé le projet de loi no 65. Le premier ministre a
dit qu'il espérait qu'on discute du projet de loi no 65 à la
réunion de la commission ce matin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah, pardon! Il n'y a pas d'ordre du jour. On
ne nous a pas proposé d'ordre du jour.
M. HARDY: Ce n'est pas ça que j'ai dit. Je
répète...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Brome a raison: il
n'y a pas d'ordre du jour et il n'y a pas eu d'invitation.
M. HARDY: D'accord.
M. DUMONT: M. le Président, j'ai demandé s'il était
d'avis de convoquer les 17 représentants. Il a dit: Demain, nous avons
une assemblée.
M. HARDY: Comme j'ai été mis en cause, je ne veux pas
commencer de polémique, je veux tout simplement dire ceci:
Premièrement, il y a eu un avis au feuilleton, tous les
députés ont donc été convoqués à la
réunion de ce matin. Deuxièmement, lors du dépôt du
projet de loi en Chambre, le premier ministre a émis le voeu ou
l'opinion que la commission, donc les 17 députés
représentant les comtés protégés, soient
appelés à se prononcer sur le projet de loi. Je ne dis pas
plus.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que c'était inscrit dans
l'invitation qui nous a été envoyée par les greffiers, que
le sujet serait celui-ci ou celui-là et qu'il y aurait un ordre du
jour?
M. HARDY : Ce n'est pas ça que je dis.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Brome a
parfaitement raison de condamner le gouvernement de ne pas avoir
procédé comme il devait le faire.
M. HARDY: Le député de Brome a raison mais c'est seulement
une mise au point.
M. LEVESQUE: Le député de Chicoutimi a bien semblé
comprendre le but de notre réunion parce qu'il a pris la parole
dès le début et il a eu de la misère à la laisser
à d'autres.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon! C'est lui qui a pris la parole
dès le début. Gardez vos nerfs pour cet après-midi.
M. SAMSON: Je voudrais dire qu'il y a eu avis donné aux 17
députés pour une réunion. Ils avaient été
convoqués spécifiquement pour une réunion qui n'a pas eu
lieu. Aujourd'hui, la réunion a lieu et ils n'ont pas été
convoqués de la même façon. Pourquoi? Le
député de Brome l'a dit tantôt, ils auraient dû
être convoqués spécifiquement pour cette raison. La
question revêt tellement d'importance qu'ils auraient dû
l'être. M. le Président, nous nous rangeons avec le
député de Brome pour dire qu'il a parfaitement raison lorsqu'il
dit qu'il ne devrait pas en être question à moins que les 17
concernés aient été dûment convoqués. Ce qui
n'a pas été fait.
M. LEVESQUE: Nous comprenons la sollicitude du député de
Rouyn-Noranda mais que l'on me permette simplement de rappeler qu'à la
commission parlementaire de l'Assemblée
nationale il a toujours été convenu que tous les
députés pouvaient participer aux délibérations et
que, seulement pour le vote, il était question d'un comité
où les gens étaient nommés.
M. LEGER: On peut peut-être blâmer le gouvernement de ne pas
avoir envoyé une convocation. Pour ne pas perdre de temps, est-ce que
l'on ne pourrait pas demander d'écouter ceux qui sont présents? A
la prochaine réunion, c'est sûr que les 17 n'auront pas le temps
de parler. Est-ce que ceux qui sont présents ne pourraient pas commencer
pas donner leur point de vue?
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Wolfe.
M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, peu importe ce que pensent
les péquistes, les édito-rislistes des journaux...
M. BROWN: "Clôture", this is what you want to apply?
M. LAVOIE (Wolfe): Même M. Bonenfant pense que ces gens-là
ne connaissent pas tout à fait nos problèmes. Ce n'est pas une
question de protéger le député mais de protéger les
comtés qui sont déjà protégés jusqu'à
un certain point. Depuis 25 ans, tous les chefs de parti politique du
Québec ont prôné la nécessité d'une certaine
réforme de la carte électorale. Différents motifs
incitaient plus particulièrement les chefs d'Opposition à
préconiser une telle refonte de la carte électorale. Cependant,
on s'est rendu compte des nombreux désavantages sur le plan
socio-économique que la présence de cette réforme pouvait
comporter. Vous me permettrez d'éviter d'interpréter les
sentiments qui animent aujourd'hui le premier ministre, de favoriser une
refonte de la carte électorale qui aurait comme conséquence
pratique, dans l'immédiat, de desservir les intérêts d'un
parti ou de deux partis dont la clientèle se rencontre actuellement dans
les comtés urbains, surtout dans l'île de Montréal.
Je voudrais restreindre mon intervention aux impératifs du mandat
que j'ai reçu de ma population. En effet, les électeurs de Wolfe
m'ont délégué pour défendre leurs droits et leurs
intérêts au sein de l'Assemblée nationale. Un sondage
très récent m'a permis de tâter le pouls de la population
de Wolfe. Celle-ci refuse catégoriquement une refonte de la carte
électorale qui aurait pour effet de noyer dans un grand tout
géographique cette population homogène sur le plan social et
économique. Les raisons de ce refus catégorique sont les
suivantes: 1) Le comté de Wolfe possède une grande
variété de problèmes et tous les ministères du
gouvernement sont impliqués directement dans son développement et
dans le bien-être de la population. C'est ainsi que les ministères
de l'Agriculture, des Terres et Forêts, des Affaires sociales, des
Richesses naturelles, de la Voirie, du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche, etc., doivent planifier et agir en fonction des
intérêts propres de ce secteur. 2) Si on acceptait, pour un
instant, le principe de la représentation proportionnelle, on aboutirait
très bientôt au paradoxe suivant: Toutes les régions de la
province seraient administrées en fonction des besoins et des caprices
d'une seule ville qui s'appelle Montréal. C'est tellement vrai que
l'île de Montréal et sa périphérie
représentent près des deux tiers de toute la population du
Québec.
Sur un plan beaucoup plus pratique, un parti politique, qui voudrait
à tout prix prendre le pouvoir, n'aurait qu'à permettre tous les
avantages possibles à la ville de Montréal et sa
périphérie, sans même se préoccuper des diverses
autres régions du Québec et, à plus forte raison, d'un
comté de la dimension de celui que je représente. Par la suite,
ce même parti politique pourrait conserver la faveur du
Montréalais en gavant cette ville commettant ainsi une injustice sociale
et économique inqualifiable pour le reste du secteur du Québec.
Les plus fébriles adversaires d'une réforme électorale, en
vue d'établir une représentation proportionnelle à la
population deviennent à mes yeux des adversaires irréductibles
dans l'aménagement de nos ressources naturelles renouvelables ou
non.
En terminant, M. le Président, je laisse le soin aux sociologues,
aux économistes, aux intellectuels, d'élaborer peut-être
d'une façon plus savante, sur les dangers énormes d'une
réforme de la carte électorale qui ne tiendrait pas compte des
arguments que j'ai énumérés plus haut. Si on trouvait une
formule mitoyenne et souple, susceptible de protéger les droits et les
intérêts de comtés et de populations semblables à
ceux que je représente, je serais disposé à étudier
la possibilité d'une refonte de la carte électorale.
M. HARDY: On est d'accord.
M. VEILLEUX: Est-ce que je pourrais poser au député de
Wolfe, une question? Quelle est la grandeur de l'assiette géographique
de votre comté?
M. LAVOIE (Wolfe): C'est 50 milles carrés, M. le
député de St-Jean.
M. VEILLEUX: Concrètement parlant, en longueur et en largeur?
M. LAVOIE (Wolfe): C'est 65 milles d'un point à l'autre.
M. LE PRESIDENT (Lavoie): L'honorable député.
M. PICARD (Olier): Est-ce que le député de Wolfe pourrait
nous dire, lorsqu'il parle des deux tiers de la population dans la
périphérie de Montréal, où il met ces limites?
M. LAVOIE (Wolfe): Pardon?
M. PICARD (Olier): Où mettez-vous ces limites de la
périphérie de Montréal? Deux tiers où il y aurait
une population de 4 millions dans la périphérie de
Montréal ou la métropole...
M. LAVOIE (Wolfe): C'est Montréal et sa
périphérie.
M. PICARD (Olier): Où finissent ces limites pour
établir...
M. LAVOIE (Laval): Dans les comtés aux environs de
Montréal. Les comtés immédiats.
M. PICARD (Olier): Un instant! Deux tiers, c'est 4 millions.
M. LAVOIE (Wolfe): Oui, c'est ça aussi!
M. PICARD (Olier): Le grand Montréal a toujours été
considéré comme une agglomération d'environ 2 millions et
demi et non pas 4 millions.
M. LAVOIE (Wolfe): Pour le grand Montréal.
M. PICARD (Olier): Poussez, mais poussez égal!
M.,LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): L'honorable député de
Mégantic.
M. DUMONT: Merci, M. le Président. Des avis ont été
émis à savoir si les représentants des comtés
protégés ont été convoqués, oui ou non. Je
pense que, même si une motion a été présentée
invitant tous les députés à être présents, il
n'a pas été spécifié qu'à ce
moment-là le rapport ou la demande qui a été faite, lors
de la dernière séance du 23 septembre à l'effet que les
gens devaient être d'abord consultés, de préparer ce
rapport pour venir ici l'exprimer. Cela avait d'ailleurs été le
désir unanime de tous les députés du temps comme le chef
de l'Opposition officielle vient d'ailleurs de le rappeler. En plus, à
la page B-1324, M. Laporte, de regrettée mémoire,
déclarait: "Est-ce qu'il ne serait pas mieux pour que nous ayons, nous,
un jugement serein, que la commission songe à envoyer des gens dans les
dix régions économiques du Québec, qui iraient sur place
entendre ce que les gens ont à dire". Il y avait parmi les arguments,
qui nous sont apportés, des points qui méritent d'être
retenus. Le comté des Iles-de-la-Madeleine me paraît un exemple
clair et classique à ce moment-là et ça pourrait
être valable. Quand ces déclarations ont été
exprimées, nous avions demandé d'abord une consultation. Nous
devons, donner le rapport de ces consultations que nous avons faites.
Personnellement, tel que je l'avais dit, j'ai organisé dans le
comté, des causeries, des rencontres avec les gens et j'ai posé
les questions. J'en énumère quelques-unes; j'ai ici des
réponses types. Les questions étaient posées pour laisser
les gens libres d'exprimer leurs opinions. Exemple: En 1867 c'est la
question que je posais dans l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique il était prévu que des comtés, à
majorité anglaise, ne pouvaient être modifiés sans le
consentement de la majorité des députés de ces
comtés. Croyez-vous que cet article de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique soit encore nécessaire aujourd 'hui? La réponse
était à ce moment-là: Non. Je vous donne même une
réponse qui était non. J'ai eu, dans toutes les réponses,
50 50. Les opinions sont partagées. Mais est-ce qu'il n'y aurait
pas intérêt, tel que M. Laporte l'avait demandé à ce
moment-là, d'aller dans tous les comtés pour consulter, faire un
genre de référendum.
On peut même citer un peu plus loin une déclaration de M.
Cardinal. Le député de Mégantic a soulevé un point.
J'avais demandé à ce moment-là la consultation des
électeurs. Ce qui me paraît important, c'est que nous devons
procéder de façon démocratique. Pour ma part, à
l'origine, quelle que soit la situation aujourd'hui, je conçois
difficilement que nous ayons accepté les comtés
protégés. Mais puisqu'il y en a eu, nous devons à ce
moment-là, je crois, prendre l'idée de tous les
députés qui étaient unanimes à accepter d'abord une
consultation...
Vous avec une question?
M. HARDY: Le député de Mégantic admettra-t-il avec
moi, s'il prétend que le temps n'a pas été suffisant pour
consulter, pour faire rapport et tout cela que, lorsque le bill sera
étudié en deuxième lecture, il pourra toujours faire une
motion de renvoi à trois mois ou six mois?
M. DUMONT: C'est ce qu'à ce moment-ci j'ai demandé et ce
qu'on réclame. On a fait des enquêtes. Je réponds au
député de Terrebonne que nous devrions faire au moins que tout le
monde se prépare une opinion et agir pour empêcher le "libre
bâillonnement", si on peut l'appeler comme tel. Le vote libre peut
peut-être exister, mais je n'y crois pas tellement au sein du Parti
libéral. Alors, à ce moment-là, pour qu'une opinion
franche et nette soit formée, il faut d'abord que, dans le cas de toutes
les personnes que nous avons consultées, nous donnions ces rapports. Je
crois que c'est justement vouloir aller trop vite que d'adopter un bill qui va
abolir l'article 80 et que c'est conforme à l'idée du
député de Bagot qui réclamait un référendum.
Tout le monde a été
unanime à dire d'ailleurs que le tout devrait aller jusqu'au
référendum.
Je continue les question que j'avais commencé à poser.
J'ajoutais une autre question. "Si d'autres comtés sont aussi devenus
à majorité anglaise, pourrions-nous étendre ce droit
à plus de 17 comtés dans le Québec? La réponse a
été non. "Devons-nous conserver ces droits acquis pour
empêcher la réforme de la carte électorale ou si cette
attitude est une atteinte à la démocratie? Réponse: "Je ne
suis pas pour la réforme de la carte électorale". C'était
la réponse qu'on donnait. Je vous donne justement la forme de rapport
que vous pourriez avoir de la part des 17 comtés protégés.
Enfin, je peux parler pour les trois comtés de notre parti, les
comtés protégés. Les trois ont fait aussi des
enquêtes au sens que nous l'avons fait.
UNE VOIX: Cela ne me surprend pas.
M. DUMONT: Je pense qu'à ce moment-là, avant de
présenter un projet de loi no 65, nous devrions prendre le travail
sérieux que nous avons mené, permettre d'entendre ceux qui ont
des rapports à présenter et c'est précisément
là la forme de rapport à faire.
Voici une autre question: "Que nous conseillez-vous de faire pour
empêcher les comtés de la région de Montréal de
s'angliciser davantage? " Réponse: Je me fie à la
compétence des députés après consultation". Les
gens veulent même une consultation et ils s'en remettent là aux
députés. Les gens sont tous d'accord pour une consultation
générale. Le député de Bagot disait même: "Un
référendum". Je crois qu'aujourd'hui on ne respecte pas du tout
ce qui s'est passé. J'ai demandé hier à l'Assemblée
nationale, au premier ministre, s'il avait d'abord l'intention de faire
entendre les 17 députés, je l'ai aussi réclamé
avant-hier. Aujourd'hui, on ne s'en occupe pas. On fait fi de toutes ces
demandes qui avaient pourtant été très bien
formulées et acceptées à l'unanimité puisque en
vertu du testament politique de l'homme que nous avons connu à cette
table de travail, je pense que le gouvernement doit accepter la parole qu'il a
donnée, à savoir: "Nous acceptons, M. le Président,
d'abord quant à nous". Je pense que c'est unanime, selon la suggestion
faite par le leader parlementaire d'inviter à la prochaine
réunion les représentants des comtés
protégés par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Il n'y a pas eu, M. le Président, de 14 octobre. Mais il y a un
17 décembre, et nous ne respectons même pas le testament politique
d'un homme qui avait comme idéal d'avoir une méthode
démocratique d'agir et non pas une dictature imposée.
M. LEVESQUE: M. le Président...
UNE VOIX: Tout à l'heure, vous n'avez pas reconnu mon droit de
parole.
M. DUMONT: Je l'avais toujours dit.
M. LEVESQUE: M. le Président...
M. DUMONT: Quand c'est bien, on le dit.
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le leader parlementaire.
M. LEVESQUE: On me permettra d'intervenir, à ce moment-ci, pour
inviter le député de Terrebonne qui a beaucoup travaillé
à un projet, à nous l'exposer avant l'ajournement. Je crois qu'il
y a là peut-être de quoi répondre d'une façon
positive à des objections que nous avons entendues autour de la table,
ce matin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, faisant suite à
la suggestion du député de Bonaventure, nous avons convenu
d'entendre les députés. Ils ont commencé de s'exprimer. Il
y en a d'autres qui peuvent s'exprimer là-dessus. Je sais que le
député de Rouyn-Noranda a des choses à dire, ainsi que les
députés de Brome et de Huntingdon.
M. LEVESQUE: II n'y a aucune objection, M. le Président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous aimerions les entendre tout de
suite...
M. LEVESQUE: Très bien, monsieur.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... avant que vous n'adoptiez un projet qui
risque de nous...
M. LEVESQUE: M. le Président, j'ai demandé la parole tout
à l'heure.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez demandé la parole mais vous
aviez fini.
M. LEVESQUE: Non, je n'avais pas fini. Voici ce que je voulais ajouter:
II n'y a rien qui empêche les autres députés par la suite
cela va prendre trois ou quatre minutes...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je préfère les entendre tout de
suite.
M. LEVESQUE: Vous préférez... Mais je crois, M. le
Président, que j'avais demandé la parole.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je connais la tactique du
député.
M. LEVESQUE: Ce n'est pas une tactique.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une tactique du leader de la Chambre.
M. LEVESQUE: Ce n'est pas une tactique,
c'est simplement parce qu'on ne veut pas qu'il y ait ajournement avant
que...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II veut que l'on nous propose un
programme...
M. LEVESQUE: C'est assez positif.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... avant que d'avoir entendu les gens
conformément à ce que nous avions décidé lors de la
première réunion de la commission...
M. LEVESQUE: M. le Président...
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): J'accorde...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et le député de Huntingdon a le
droit de parler.
M. HARDY: Oui, sûrement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Laissez-le donc parler! Est-ce que vous voulez
bâillonner vos propres députés...
M. HARDY: Non. C'est pour l'efficacité...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... parce qu'ils ne sont pas d'accord avec
vous?
M. SAMSON: Laissez-le parler!
M. HARDY: M. le Président, c'est tout simplement... J'ai entendu
tantôt le député de Wolfe. Il y a une foule de choses dans
son texte avec lesquelles je suis d'accord. Et peut-être que les autres
députés qui seront appelés à parler... Si on me
donnait l'occasion, en trois ou quatre minutes, d'exposer ce que je propose
bien humblement, cela pourrait tranquilliser les inquiétudes de certains
députés.
M. LAVOIE (Wolfe): Mais donnez la chance aux autres de parler.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): De quel droit allez-vous parler avant les
autres, alors que vous avez parlé amplement et enlevé la parole
à vos collègues qui sont prêts à parler?
M. HARDY: C'est simplement pour une question d'efficacité.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas au nom de l'efficacité,
c'est une tactique.
M. HARDY: Ce n'est pas une tactique. Ce que je propose ici est de nature
à faire disparaître de nombreuses inquiétudes
fondées sur la question de la représentation des comtés
ruraux.
Je dis que, si on me permettait, en trois ou quatre minutes, d'exposer
cela ce qui aurait dû être fait peut-être au
début, avec mon premier exposé cela pourrait
éclairer l'ensemble des discussions. Mon intention n'est aucunement
je suis bien prêt à être ici jusqu'à 10 heures
ce soir de bâillonner qui que ce soit. Mais je pense tout
simplement, pour une meilleure méthodologie de notre travail, qu'il
serait préférable que les autres députés ne
s'expriment, qu'ils connaissent au moins un plan de travail qui a
déjà été accepté par le cabinet.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant, un instant, M. le
Président. Cela devient grave. On a déclaré tout à
l'heure qu'ici c'étaient des parlementaires, indépendamment des
partis qui allaient s'exprimer.
M. HARDY: C'est ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voilà que le député de
Terrebonne va nous proposer un programme pensé, accepté par le
cabinet. Vous refusez les droits de vos collègues à s'exprimer.
Conformément à l'entente qui avait été convenue,
j'aimerais entendre le député de Huntingdon et le
député de Brome...
M. LEVESQUE: M. le Président, il ne faudrait pas non plus
charrier.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... avant que d'avoir cette décision du
cabinet.
M. LEVESQUE: M. le Président...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II n'est pas question de décision du
cabinet, ici. C'est une question de libre opinion des
députés.
M. HARDY: Exactement, je suis d'accord.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, je demande au député de
considérer ses collègues au même rang que lui.
M. HARDY: Tous les députés libéraux, membres de
cette commission, ont parfaitement le droit de rejeter ce que je proposerai
ici.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais c'est une proposition du cabinet.
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): A l'ordre!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous allez nous dire si cette proposition du
cabinet a reçu l'assentiment du caucus, contrairement à ce que
nous savons.
M. HARDY: II faut tout de même être logique.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Pour le savoir, il nous faut entendre le
député de Huntingdon et le député de Brome...
M. HARDY: Eh bien! si vous voulez...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... qui a lui-même condamné la
procédure suivie tout à l'heure.
M. LEVESQUE: Laissez-nous lui donner la parole. La parole a
été demandée...
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Un instant, s'il vous plaît.
J'accorderai la parole à tout membre de cette commission, tout
député qui est ici présent, que ce soient le
député de Brome, de Huntingdon, d'Olier ou de Saint-Louis.
Actuellement, ceux qui m'ont demandé la parole sont le
député de Terrebonne et le député de
Rouyn-Noranda.
UNE VOIX: M. le Président, c'est une question d'ordre... Le
député de Chicoutimi semble insister pour donner la parole
à qui il veut.
M. SAMSON: M. le Président...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah! M. le Président...
UNE VOIX: C'est ce que vous faites depuis le début.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas du tout cela, M. le
Président.
UNE VOIX: Ce n'est pas à vous à décider à
qui donner la parole.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, ce matin, il est
manifeste que nous sommes manoeuvrés par le député de
Terrebonne, refusant le droit de ses collègues à s'exprimer comme
ils doivent le faire.
M. HARDY: J'invoque le règlement...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous sommes en face d'un bâillon, c'est
simple...
M. LEVESQUE: Est-ce que le député...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est de la tactique, de la stratégie
pour nous imposer, d'office, la décision du cabinet, qui n'est pas
acceptée par le député de Brome et par le
député de Huntingdon.
M. LEVESQUE: Est-ce que...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est simple, cela. Et le député
d'Olier n'a rien à dire là-dessus. Il y a des arguments qui
exigent...
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): D'ac--cord, d'accord. Le
député de Huntingdon soulève un point de
règlement.
M. FRASER: Est-ce que je peux céder mon droit de parole au
député de Terrebonne pour quelques minutes et lui laisser
expliquer son affaire? Ensuite, nous parlerons.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous avons la preuve évidente de la
complicité du gouvernement qui manoeuvre la commission au mépris
des droits parlementaires.
UNE VOIX: Le député de Chicoutimi fait-il de la
projection?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): La tactique d'intimidation à l'endroit
du député de Huntingdon, à l'endroit du
député de Brome, c'est bien évident.
M. LEVESQUE: Le député...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II est évident que le
député de Brome veut parler.
M. LEVESQUE: M. le Président, le député de
Chicoutimi vient de prononcer des paroles avec un sourire que nous ne verrons
pas dans le journal des Débats. On lira cela comme si
c'était...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous ferez comme le ministre des Affaires
municipales, on mettra un astérisque et on indiquera
"applaudissements".
M. HARDY: M. le Président, est-ce que j'ai la parole?
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Terrebonne
a la parole.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dix-huit fois.
M. HARDY: Est-ce que nous pourrions revenir à un peu de
sérénité et comme mise au point...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'aimerais entendre le député de
Brome avant.
M. HARDY: Je dois dire...
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): A l'ordre! A l'ordre!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, c'est inviter le député de
Brome.
M. LEVESQUE: C'est une insulte au président.
M. HARDY: Je dois dire, M. le Président,
que j'ai proposé tout simplement un document de travail...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Du cabinet.
M. HARDY: ... qui peut avoir été discuté avec des
membres du cabinet...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous nous avez dit tout à l'heure
"document de travail du cabinet".
M. HARDY: M. le Président, il s'agit d'un document de travail. Il
est évident que je propose ce document de travail à la commission
comme point de départ et qu'il pourra être amendé, autant
par les membres du Parti québécois que par les membres de l'Union
Nationale et les membres du Ralliement crédi-tiste.
Je propose la chose suivante. Il y a des préliminaires, des
postulats. Quant à l'ensemble de la réforme électorale, il
convient comme l'a dit d'ailleurs le député de Chicoutimi
dans ses premières remarques d'établir un plan de travail
général. Pour ma part, je considère que l'on doit
être ouvert ou être disposé à toutes les
hypothèses possibles de réforme, tant sur le plan de la carte
électorale, sur les modes de scrutin, que sur des amendements à
apporter éventuellement à la Loi électorale. Il ne s'agit
pas, au point de départ, de fermer des avenues, mais de se placer en
quelque sorte "au neutre', et d'envisager toutes les possibilités, en
ayant comme seul objectif d'assurer au Parlement québécois une
meilleure représentativité, c'est-à-dire que la
démocratie fonctionne le mieux possible au Québec.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comme on le voit ce matin par le bâillon
apposé à vos députés.
M. HARDY: Par ailleurs, il faut admettre, comme d'ailleurs les
députés du parti de l'Opposition officielle l'ont admis et
je partage cette idée, je pense en particulier à ce que disait
l'honorable député de Montcalm il faut admettre que toute
cette question est profondément reliée: carte électorale,
mode de scrutin et autres problèmes. Tout ça est très
relié. J'avoue que j'ai modifié personnellement mon opinion
là-dessus, parce qu'au point de départ je pensais donner
priorité à la carte électorale, mais devant...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A la suite de la séance du cabinet?
M. HARDY: ... les excellentes suggestions du député de
Montcalm, en particulier, je suis revenu à une autre proposition que je
vous soumets. Je pense qu'il faut aborder l'ensemble du problème, carte
électorale, et mode de scrutin, en ayant comme point de vue, d'une part,
qu'il s'agit de questions extrêmement importantes. En particulier, si on
pense au mode de scrutin, c'est bien beau de dire: On change le mode de
scrutin, mais il faut penser aussi à tout ce que cela implique. Changer
le mode de scrutin, cela veut dire modifier la vie politique
québécoise. Cela veut dire modifier, sinon dans leurs structures,
du moins dans leur fonctionnement, les institutions politiques du
Québec. Alors, cela admis, si on regarde la carte électorale
aussi, il y a une foule de questions à envisager. C'est là que je
rejoins le député de Wolfe. C'est là que je rejoins le
député de Huntingdon ou le député de Brome.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais on ne les a pas entendus.
M. HARDY: J'ai eu fréquemment...
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Mais on ne les a pas entendus, ces
deux-là.
UNE VOIX: Ils vont se décider.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qu'est-ce que le cabinet leur a fait?
M. HARDY: Quand on regarde... Est-ce que le député de
Chicoutimi...
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Quelle promesse ont-ils reçue pour se
taire ce matin?
UNE VOIX: Voyons! M. le Président, à l'ordre!
M. HARDY: Le député de Chicoutimi voudrait-il me laisser
terminer? Je l'ai écouté religieusement quand il a
parlé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous m'avez interrompu constamment!
M. HARDY: Quand on regarde le problème de la carte
électorale, c'est évident qu'il y a une série de facteurs
dont il faut tenir compte, comme la densité de la population, les
problèmes particuliers auxquels doivent faire face les
députés des comtés ruraux, j'en sais quelque chose
les facteurs géographiques, l'accessibilité de certains
territoires, la configuration du territoire, l'intégrité, surtout
en milieu rural, des municipalités existantes. Voilà tout un
ensemble de questions dont il faut tenir compte, quant à la carte
électorale. Alors, une fois cela admis, d'une part complexité de
l'ensemble du problème et, d'autre part nécessité de
procéder avec une certaine célérité si on ne veut
pas se retrouver en 1980 avec la même situation qu'on a
présentement, ce que je suggère bien humblement, c'est que la
commission de l'Assemblée nationale dans un premier temps,
procède à l'audition d'experts, de groupes et d'individus
qui voudront se faire entendre.
Il y a la composition linguistique j'avais des notes que j'ai
oubliées qui constitue également un problème dont
il faut tenir compte. Alors, tous ces facteurs étant admis, la
commission de l'Assemblée nationale pourrait dans un premier temps
procéder à l'audition d'experts, de groupes et d'individus qui
pourraient venir nous dire comment ils envisagent le problème de la
refonte de la carte électorale. Les gens dont le député de
Mégantic nous parlait tout à l'heure pourront venir nous dire ce
qu'ils en pensent, comme les gens des autres comtés pourront
également venir nous le dire. Ils pourront le dire à leur
député.
M. DUMONT: On n'est pas sûr qu'il n'y aura pas le
bâillon.
M. HARDY: Pendant un premier temps, nous procédons donc à
l'audition de toutes les personnes qui veulent se faire entendre sur l'ensemble
de la question de la réforme globale de la carte électorale. A la
suite de ces auditions, qui pourront durer le temps jugé
nécessaire par la commission, il pourra y avoir lieu de former des
comités d'experts pour concrétiser les décisions
auxquelles en arrivera la commission à la suite des auditions publiques.
A ce moment-là, on pourra s'entendre les membres de la
commission, les parlementaires sur les critères qui devraient
présider à la redistribution de la carte électorale
j'en ai énuméré quelques-uns de ces critères tout
à l'heure et les auditions publiques pourraient nous en faire
valoir d'autres. Il y a peut-être d'autres critères qui pourraient
être envisagés et que les intéressés pourront nous
faire voir.
Ce sera la même chose pour les modes de scrutin. Il y a des
experts qui pourront venir nous dire quels en sont les avantages. Il existe une
multitude de modes de scrutin. Il y a un document de travail qui a
été présenté par le Parti québécois
et qui nous a fait voir en particulier les avantages d'un de ces modes. Mais il
y a une multitude de ces modes de scrutin.
La Commission de l'Assemblée nationale, si elle veut prendre des
décisions éclairées, devra entendre des experts sur ces
différents modes de scrutin des experts indépendants
qui pourront nous faire valoir d'une part l'aspect positif et l'aspect
négatif de chacun de ces modes de scrutin et, par la suite, la
commission pourra prendre des décisions. C'est pourquoi je soumets ce
plan de travail. Nous pourrions commencer dès le mois de janvier. La
commission pourrait se réunir à partir du mois de janvier,
à un rythme régulier, commencer ces auditions tant d'experts que
du public, les faire durer le temps qu'il sera nécessaire, et prendre
des décisions par la suite, à la lumière de ces
auditions.
A ce moment-là, les problèmes des comtés ruraux,
des comtés urbains, les problèmes linguistiques, les
problèmes d'homogénéité, les problèmes de
territoire celui des Iles-de-la-Madeleine, il n'y a pas que
celui-là, il y a le problème du comté de Duplessis qui
constitue un problème spécial...
M. LAVOIE (Wolfe): J'aurais une question à poser au
député: Qu'est-ce qu'il entend par experts? Est-ce qu'il entend
des gens qui connaissent la vie rurale, ce que signifie un comté
rural?
M. HARDY: On m'a justement soumis le nom d'une personne qui est à
la fois un universitaire et qui connaît très bien la vie rurale,
c'est un spécialiste en géographie rurale, qui a publié au
moins deux ou trois volumes et une multitude de communications sur le
problème.
M. LAVOIE (Wolfe): Qui est-il?
M. HARDY: Un M. Morisset, qui est professeur à
l'Université d'Ottawa. Il y en a probablement d'autres. Mais, encore une
fois, la raison pour laquelle je propose ces auditions, c'est que ce ne soient
pas seulement des spécialistes. Les chambres de commerce du comté
de Wolfe, du comté de Brome, toutes les associations existantes qui
veulent se faire entendre auront, dans le plan de travail que je propose, la
possibilité de venir ici à la commission et de se faire entendre.
Je ne veux engager personne, mais il y aurait peut-être
possibilité que la commission se déplace pour répondre
à certaines questions, qu'elle aille sur place pour faciliter l'audition
des personnes intéressées, de façon que la commission ait
une vue d'ensemble et aussi complète que possible du
problème.
Il ne s'agit pas d'ignorer les problèmes de qui que ce soit, il
ne s'agit pas de préparer une réforme électorale dans les
nuages, théorique, mais de préparer une réforme qui tienne
compte des facteurs économiques, sociologiques, politiques et autres qui
existent vraiment sur le territoire du Québec afin que cette
réforme électorale colle le plus possible à la
réalité québécoise.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce que vient de dire le député
de Terrebonne prouve à l'évidence qu'il n'y a pas urgence
à procéder à l'examen du projet de loi 65...
M. PAUL: C'est de la poudre aux yeux!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... puisque le délai qu'il veut donner
à la commission est tel que le projet de loi ne s'impose plus.
M. HARDY: Est-ce que je peux répondre
parce que cela me permettrait en même temps de répondre au
député de Chicoutimi.
M. DUMONT: Est-ce que le député admettrait..? Le premier
ministre a souligné que la méthode de vote du scrutin allemand
serait peut-être une formule acceptable le ministre des Finances
l'a signalé pour changer le mode de scrutin. Est-ce que vous
admettez que si on changeait après avoir réformé la
carte électorale cette façon de voter, que tout serait
à recommencer pour la carte électorale?
M. HARDY: J'ai l'impression que le député de
Mégantic ne m'a pas compris. Justement, je ne veux pas qu'on
étudie ça séparément. La commission de
l'Assemblée nationale va étudier, va inviter les gens à se
prononcer sur tout l'ensemble de ce problème de façon que,
lorsque la commission de l'Assemblée nationale prendra une
décision sur la carte électorale, elle la prenne en même
temps sur les modes de scrutin, parce que tout cela se complète. D'autre
part, en réponse à la question du député de
Chicoutimi, si l'article 80 demeure, les études, ou l'audition des
mémoires ne pourront pas se faire dans le même esprit que si
l'article 80 est disparu, parce que ces gens-là auront toujours une
barrière et ça ne donnera rien de poursuivre des études
dans ce domaine si on est bloqué par l'article 80, d'où
l'importance d'adopter le projet de loi 65.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils vont être aussi intelligents que le
député de Terrebonne et ils vont se rendre compte que c'est
anachronique.
M. LEVESQUE: Je propose l'ajournement de la séance, sine die.
M. SAMSON: M. le Président, un instant s'il vous plaît.
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: Tout à l'heure, on avait commencé à
écouter les députés qui représentent les
comtés protégés et le député de Huntingdon
avait cédé son droit de parole pour quatre minutes. On n'a pas eu
la chance de l'entendre. Est-ce que l'on ne pourrait pas, avant d'ajourner,
entendre le député de Huntingdon?
M. HARDY: Je suis parfaitement d'accord et que les autres
députés qui ont à se faire entendre le fassent.
M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): L'honorable député de
Huntingdon.
M. FRASER: Je ne crois pas que ce soit une chose qui va éclairer
les députés. Vous êtes tous conscients du problème
des comtés ruraux. Il y a des comtés énormes, il y a des
comtés avec de grandes étendues du territoire et difficiles
à desservir. Il y a une considération qui doit être
donnée, c'est de desservir la population. On peut représenter
100,000 personnes et recevoir deux ou trois lettres par semaine. On peut
représenter 15,000 personnes et recevoir une centaine de lettres par
semaine. Les moyens de travail dans les comtés ruraux, doivent suivre
les moyens de travail dans les villes. C'est bien beau de parler d'un vote pour
un homme, d'un député pour tant de personnes, mais c'est la
théorie des 100 p. c. Il n'y a rien qui marche à 100 p. c.
même dans la vie.
Aux Etats-Unis, le pays situé au sud du nôtre, le
Sénat est composé de deux sénateurs de chaque état.
Il y a de tout petits états de 400,000 ou 800,000 âmes comme le
Vermont et il y en a comme l'état de New York avec je ne sais combien de
millions. Ils ont deux sénateurs chacun. Cette théorie d'un vote
pour un homme, c'est bien beau mais cela n'arrive jamais. J'espère que
mon ami, le député de Terrebonne va considérer tout cela
et la commission aussi. J'ai parlé assez longuement du problème
avec les gens de Huntingdon. Ce sont des gens raisonnables, je peux le dire, et
ils acceptent la théorie qu'on ne peut pas résister. You cannot
stop the tides as King Canut tried to do long ago. La marée va venir,
qu'on le veuille ou non. C'est mieux d'accepter d'être agrandi que
d'accepter d'être lavé. J'ai toujours été un homme
du parti. Ce n'est pas pour vous dire que je suis mieux que vous, mais je vais
trouver difficile de voter pour faire disparaître l'article 80 de la
constitution parce que ce n'est pas moi qui suis protégé, c'est
mon comté. Je trouve cela difficile aussi de voter contre le parti dont
je suis membre, mais je crois qu'il faut que je me fie au premier ministre et
au bon sens de la commission.
M. LE PRESIDENT (Lavoie): La commission ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance 12 h 41)