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Version finale

29e législature, 1re session
(9 juin 1970 au 19 décembre 1970)

Le jeudi 17 décembre 1970 - Vol. 10 N° 41

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Réforme électorale


Journal des débats

 

Commission permanente de l'Assemblée nationale

Sujet: Réforme électorale

Séance du jeudi 17 décembre 1970

(dix heures trente-sept minutes)

M. LAVOIE (Laval) (président de la commission permanente de l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!

Carte électorale et comtés protégés

M. BOURASSA: Au sujet de l'article 80, je sais que le chef de l'Opposition m'avait dit qu'il y aurait peut-être des arguments.

M. BERTRAND: Non, je ne veux pas discuter du problème comme tel. Vous m'avez dit l'autre jour que, d'après certains de vos conseillers juridiques, il était possible de changer la constitution du Québec sans égard à cet article 80. Personnellement, je n'entends pas discuter du tout l'aspect juridique du problème. J'ai toujours été de ceux qui ont dit — et nous l'avons prouvé quand il s'est agi du Conseil législatif — que nous n'avions pas besoin d'aller à Londres pour changer notre constitution.

M. BOURASSA: ... on l'a prouvé dans l'action du pouvoir.

M. BERTRAND: Je n'ai pas changé d'opinion là-dessus. Ce n'est pas là qu'est le problème à l'heure actuelle. Le problème est celui du remaniement de la carte électorale. Comtés protégés ou comtés non protégés, le même problème existe. Avant de déposer une loi à ce sujet-là, il faudrait, je crois, que l'on sache d'abord sur quel principe on se basera pour cette nouvelle redistribution, quel mécanisme on utilisera. Je crois que la plupart des députés, des comtés protégés ou non, avant de dire quelle sera leur opinion, aimeraient bien connaf-tre quelle sera la redistribution de la carte électorale.

M. BOURASSA: II me semble que c'est un prérequis. Avec tout le respect que je dois au chef de l'Opposition, — et j'en ai beaucoup — il me semble que c'est un prérequis qu'on abolisse cet article-là. Autrement, on est paralysé dans toute espèce de réforme de la carte.

M. BERTRAND: Je voudrais dire là-dessus que même sur la question de principe, le gouvernement, à l'heure actuelle, a la majorité des députés qui représentent ces comtés protégés. A ce moment-là, il connaît la position de ses propres députés qui détiennent la majorité. S'il prétend que c'est un obstacle, c'est donc qu'à l'intérieur de son parti, plusieurs des députés qui représentent ces comtés protégés n'y seraient pas favorables.

M. BOURASSA: Pas nécessairement. Mais je dis qu'on avait une chance de clarifier la situation une fois pour toutes sans avoir nécessairement l'assentiment essentiel, nécessaire, obligatoire de la majorité des députés.

M. PAUL: La majorité.

M. BOURASSA: Les neuf sur 17, mais il y a des interprétations diverses, il y en a qui disent que c'est 22.

M. PAUL: Vous lirez l'article 80 de la constitution et vous verrez que le texte est clair.

M. HARDY: Ceux qui ont étudié le problème sont moins catégoriques.

M. PAUL: Mais le texte est clair.

M. BERTRAND: C'est une question d'interprétation.

M. HARDY: M. le Président, si vous me permettez, avec tout le respect que j'ai pour le chef de l'Opposition, je pense qu'il y a vraiment confusion lorsqu'on mélange, à la fois, le problème de l'article 80 et le problème de la redistribution de la carte électorale. Ce sont deux questions fondamentalement différentes qui ne peuvent pas être reliées.

M. BERTRAND: C'est ce que j'ai dit.

M. HARDY: De plus, le problème de l'article 80 et le problème des comtés ruraux sont également deux questions totalement différentes. J'apporte deux arguments à cela. Parmi les 17 comtés protégés, il y en a deux qui ne sont pas des comtés ruraux. Il y a le comté de Sherbrooke et le comté de Hull. Comment pouvons-nous assimiler le problème de l'article 80 avec le problème des comtés ruraux?

Deuxièmement, à côté de cela, il y a une foule de comtés ruraux qui ont les mêmes problèmes que les comtés ruraux parmi les 17 qui, eux, ne sont pas protégés.

M. BERTRAND: C'est cela que j'ai dit tout à l'heure. J'ai dit que le problème de la redistribution de la carte électorale doit s'envisager indépendemment de tout cela. Mais cela ne change pas les principes qui doivent entrer en ligne de compte. On aimerait connaître avant de s'engager là-dedans les principes qui serviront à la redistribution.

M. BOURASSA: Cela peut prendre combien de mois? Vous voulez dire 25 p. c. plus ou moins, pour le rural?

M. HARDY: J'aurais un petit exposé très court à faire sur le problème de l'article 80 et, par la suite, on pourra en discuter. Alors, il est admis que l'article 80 et le problème des comtés ruraux, ce sont deux choses distinctes. Tout le monde admet cela. Bon. Deuxièmement, il y a lieu, par la suite, de s'interroger sur le bien-fondé de cette histoire de l'article 80. S'interroger d'abord sur son bien-fondé au moment où l'AANB a été adopté, parce que si on relit les débats et si on relit entre autres les raisons apportées par M. Galt qui a été le père de cette histoire, on voit immédiatement que ceux qui ont voulu avoir l'article 80 manquaient délibérément de confiance envers la majorité canadienne-française. Et ce manque de confiance est d'autant plus étonnant qu'il n'y a probablement pas de minorités qui ont été plus justement traitées que les minorités anglaises dans la province de Québec. Cela, c'est au moment où l'AANB a été adopté. En se reportant, d'une part, à l'esprit de ceux qui ont voulu protéger des comtés qui étaient de protéger la minorité, et si on regarde ce qui se passe aujourd'hui, parmi ces 17 comtés, il y en a deux qui ont encore une petite majorité française, alors qu'il y en a d'autres... Et c'est ça qui est aberrant.

Si je regarde, par exemple, le comté de Frontenac qui est un comté protégé, pour protéger la minorité anglaise, les gens sont presque à 100 p. c. de langue française. Le comté de Labelle qui est un comté protégé, supposément pour protéger la minorité de langue anglaise, est quasiment à 100 p. c. de langue française. Au fond, il y en a deux. Alors, si on compare les principes sous-jacents, même si on admet que ces principes pouvaient être bons en 1867, aujourd'hui cela ne correspond plus du tout au contexte politique. Surtout, maintenir cette clause, je trouve que cela n'a rien à voir avec les principes qui vont présider à la redistribution de la carte électorale parce que maintenir l'article 80 c'est aller en contradiction flagrante avec tous les principes démocratiques actuels.

Quant aux principes, je pense, que les 17 comtés protégés s'apparentent d'une façon très claire avec le système des bourgs pourris qui ont existé il y a plusieurs décennies en Grande-Bretagne.

M. BOURASSA: Mutadis mutandis.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mutadis mu-tandis, parce que ce n'était pas du tout la même chose.

M. HARDY: C'est-à-dire que c'était une protection...

M. BOURASSA: II y avait des comtés protégés, alors...

M. HARDY: Je comprends qu'il y a des distinctions, mais le principe sous-jacent.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II y a même des contradictions...

M. HARDY: Je pense que, dans le contexte actuel, c'est un anachronisme, je ne voudrais pas répéter le dire de M. Sauriol, ce matin, mais je pense que c'est un anachronisme que de maintenir ces 17 comtés protégés. Cela, c'est sur le plan des principes.

Deuxièmement, sur le plan pratique, il est impossible de songer à refaire une carte électorale si on maintient l'entrave des 17 comtés, parce que ces comtés se trouvent éparpillés un peu partout à travers la province. Si on veut penser à refaire une carte électorale en maintenant les 17 comtés, il faut songer à augmenter peut-être à un nombre assez considérable les sièges, ce qui n'est pas nécessairement souhaitable. Je ne pense pas que la population accepterait facilement qu'on augmente d'une façon considérable le nombre de sièges. De toute façon, si on compare avec d'autres provinces, je ne vois pas pourquoi le Québec aurait un nombre de députés tellement plus considérable. Je me demande si on a les moyens, d'abord. Il y a une question financière. On peut peut-être se demander s'il n'y a pas trop de députés à l'heure actuelle. Il ne faut donc pas songer à les augmenter, il y a une question financière et aussi une question d'efficacité.

Une fois passée cette question pratique, je reviens à une question de principe. Je m'étonne que, d'une part, on ne cesse de dire que le Québec est bafoué, que le Québec ne peut pas affirmer sa personnalité.

Nous avons ici une façon concrète d'allier des questions pratiques, c'est-à-dire de refaire la carte électorale, et la possibilité, l'occasion pour l'Assemblée nationale, d'affirmer d'une façon concrète sa souveraineté dans sa sphère de juridiction.

Je trouve qu'il est temps qu'on cesse de brailler et de dire: Nous n'avons pas de pouvoirs et il nous faudrait plus de pouvoirs. Qu'on utilise au moins les pouvoirs dont on dispose en vertu de l'article 92 (1 de la constitution, c'est-à-dire amender notre propre constitution. C'est un geste positif de souveraineté.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...

M. BOURASSA: Je sais que l'argument du chef de l'Opposition n'est pas seulement pour la question de la protection des comtés anglophones; pour lui, il y a, si je comprends bien, une question de protection du vote rural. Etant donné...

M. BERTRAND: Je suis pour le vote rural adéquat.

M. BOURASSA: ... l'évolution considérable et les mouvements de population, ce qui inquiète le chef de l'Opposition, c'est que, en abolis-

sant l'article 80, on affecte la représentation souhaitable du vote rural.

M. BERTRAND: C'est parce que, jadis — et c'est toujours l'argument qui a été invoqué par notre parti, par son chef à l'époque, M. Johnson...

M. BOURASSA: M. Duplessis aussi en parlait souvent.

M. BERTRAND: ... en particulier— ces comtés protégés, à l'origine, avaient en vue de protéger les droits de la minorité anglophone. Cela est admis, on n'aura pas besoin de me convaincre longtemps qu'aujourd'hui la minorité anglophone, dans ces comtés-là, il n'y en a plus ou à peu près plus. Il faudrait être aveugle pour ne pas s'en rendre compte, c'est tout compris. Mais le problème est le suivant: on met l'accent aujourd'hui sur une représentation mathématique, on veut appliquer le principe d'un homme, un vote. Si on l'applique d'une manière absolue, ce n'est pas compliqué, la représentation rurale va décroître au point qu'il va y avoir un déséquilibre fondamental dans notre société. Il ne faut pas l'oublier. La représentation rurale n'a certainement pas...

M. HARDY: Est-ce que vous me permettez une question?

M. BERTRAND: Qu'on me laisse parler! Oui, je permets une question.

M. HARDY: Justement, les deux questions sont tellement reliées qu'il est difficile de les discuter.

M. BERTRAND: Je l'ai dit.

M. HARDY: Mais, j'aurais à proposer tantôt un plan qui répond totalement aux inquiétudes.

M. BERTRAND: Laissez-moi terminer mon exposé, vous proposerez votre plan tantôt.

Je dis donc que l'idée des comtés protégés et de la protection de la minorité anglophone, il faut l'admettre, n'a plus sa raison d'être. Je me demande même pourquoi, en 1867, on l'a insérée dans la constitution, mais on n'est pas pour refaire tout cela.

M. HARDY: Les libéraux étaient contre cela en 1867.

M. BERTRAND: Les libéraux étaient, à l'époque, contre la Confédération canadienne.

M. PAUL: A l'époque, c'étaient des socialistes.

M. BERTRAND: Noël-Aimé Dorion était à ce moment-là séparatiste.

M. HARDY: Libéral.

M. BERTRAND: Libéral séparatiste.

M. HARDY: Autonomiste.

M. BERTRAND: II était le révolutionnaire de l'époque.

M. HARDY: Un vrai libéral.

M. BERTRAND: Le parti libéral à l'époque était le Parti québécois.

M. HARDY: Nos ancêtres sont révolutionnaires.

M. BOURASSA: ... Vous deviendrez libéraux bientôt.

M. BERTRAND: C'est pour ça que les députés du P.Q. vous ont appuyés hier.

M. HARDY: C'est le cheminement habituel, le PQ va devenir libéral.

M. BERTRAND: Mais, badinage à part, le principe que notre parti a toujours mis de l'avant, en particulier dans son programme électoral de 1966, a été le maintien d'une représentation rurale adéquate. Or, si nous étions placés à la fin d'un travail qui aurait été effectué par la commission parlementaire de l'Assemblée nationale sur un projet de redistribution électorale, sur quelque chose de concret, nous serions en mesure de nous prononcer beaucoup mieux que nous ne le sommes au départ, alors nous ne connaissons même pas d'une manière concrète ce que sera la redistribution de la carte électorale.

Autrement dit, je trouve que l'on met la charrue devant les boeufs.

M. BOURASSA: M. le Président, si je peux répondre au chef de l'Opposition...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, ... écoutez, monsieur...

M. BOURASSA: Une seconde, cela ne sera pas long. Le député pose la question à savoir si on doit faire adopter le projet de loi durant la présente session ou non, ça revient à cela. Je comprends la préoccupation du chef de l'Opposition, et il y a des députés dans mon parti comme dans le sien comme dans les autres partis qui verront certainement à ce qu'il y ait une représentation rurale appropriée. C'est indéniable. Mais je ne vois pas en quoi on peut concevoir qu'on pourra garder d'une façon intégrale les frontières des comtés protégés actuels, alors que, dans certains cas, il y a environ 15,000 électeurs et dans d'autres cas quatre fois plus; il est clair que quelle que soit

la solution à laquelle nous arriverons, il faudra modifier les frontières. Aussi bien faire un geste décisif aujourd'hui ou demain ou après-demain — je ne sais pas quand l'Opposition veut terminer la session...

M. PAUL: Nous ne sommes pas pressés. M. BOURASSA: Non? Alors disons...

M. PAUL: Nous avons de petites nouvelles pour vous...

M. BOURASSA: ... le 24 décembre, ou le 26 ou le 27...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le 6 janvier.

M. BOURASSA: Non.

M. PAUL: Vous ajournerez.

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Chicoutimi, s'il vous plaît.

M. BOURASSA: D'accord, nous ajournerons au mois de mars.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais...

M. DUMONT: J'aurais une question précise, une seule question. Je ne pensais pas que la discussion reprenait immédiatement. A la suite de l'exposé du député de Terrebonne, vous avez parlé de l'article 92 qui nous permettrait d'amender notre propre constitution.

Est-ce à dire que vous auriez été aussi en faveur, selon l'article 92, d'amender ou d'annuler le serment d'allégeance à la reine de la même façon?

M. HARDY: Je vous avoue que je n'ai pas étudié ce problème d'une façon particulière.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): C'est un autre problème.

M. HARDY: Vous comprendrez que, comme tout être humain, je suis limité dans le temps et dans l'espace. Depuis quelques semaines, je me suis limité à étudier le problème des modes de scrutin et de la carte électorale. Personnellement, le problème du serment, je ne le considère pas tellement important. Je suis, comme tout le monde, contre le serment à la reine, mais je ne considère pas que c'est une priorité.

M. DUMONT: Mais si on l'amende à un endroit, on peut l'amender...

M. HARDY: Alors, je n'ai pas étudié cela en profondeur. Ce qui m'a intéressé au cours des dernières semaines, c'est le problème de la carte électorale, les modes de scrutin et la réforme électorale dans son ensemble.

M. DUMONT: Mais vous voulez...

M. HARDY: Je considère qu'en 1970, il est préférable de s'intéresser aux réalités plutôt qu'aux symboles.

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Chicoutimi demande la parole depuis déjà quelque temps.

M. CHOQUETTE: C'est rare qu'il demande la parole comme il l'a fait ce matin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Faisant suite aux propos...

M. CHOQUETTE: H s'améliore.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... du député de Terrebonne, je voudrais d'abord faire un peu l'historique des travaux de la commission. Nous avons tenu trois sessions, la première portant sur le serment d'allégeance et qui s'est terminée comme vous le savez. Deuxièmement, nous avons abordé ensuite le problème fondamental qui est celui de la réforme électorale et nous avions convenu, lors de la dernière réunion, d'inviter les députés qui représentent des comtés dits protégés, à se faire entendre. Cela avait été un consensus unanime de la commission.

M. HARDY: Mais ce n'est pas là...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous voulez me permettre de poursuivre, M. le député de Terrebonne. Vous n'êtes pas vice-président.

M. HARDY: Je vais être patient.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, soyez patient.

M.BERTRAND: Vous n'êtes que membre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voici comment se pose le problème. Le premier ministre, comme l'ont dit certains journalistes, a voulu nous prendre par surprise.

M. BOURASSA: Non.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'était pas son intention, puisque le premier ministre est trop pur pour avoir des intentions comme ça.

M. BOURASSA: J'en ai parlé...

M. PAUL: Innocemment.

M. BOURASSA: ... le 29 avril.

M. HARDY : Cela fait longtemps qu'on en parle.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Par un citoyen, un simple contribuable. Blague à part, il faut bien que je taquine le premier ministre. Cela le met de bonne humeur et il aime ça. Il a le sens de l'humour, lui. Le premier ministre, ne voulant pas nous prendre par surprise (restriction mentale) propose un projet de loi visant à l'abolition des comtés dits protégés. Voilà que le député de Terrebonne nous a dit tout à l'heure que ..

M. HARDY: Question de règlement, M. le Président. Je ne voudrais pas exagérer, mais le le projet de loi 65 n'abolit pas les comtés que...

M. PAUL: M. le Président je me demande si l'on peut discuter du projet de loi 65 ici ce matin. On peut discuter de l'article 80, mais pas du bill 65.

M. HARDY: Je sais combien le député de Chicoutimi est précis dans son vocabulaire et précis dans tout ce qu'il dit; je ne voudrais donc pas qu'il prétende que le bill 65 déposé abolit les comtés protégés, au contraire. Il abolit un privilège, mais ne touche pas aux frontières des comtés protégés.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce sont là des distinctions purement académiques.

M. HARDY: Théologiques.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Purement académiques. Le problème se pose de la façon suivante: On nous propose un projet de loi qui, à toutes fins utiles, va faire disparaître ce que le député de Terrebonne a dit être une sorte d'embarras anachronique.

M. BOURASSA: M. Paul Sauriol aussi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Entendons-nous là-dessus, M. Paul Sauriol n'est pas membre du Parlement.

M. BOURASSA: Non, mais c'est un observateur politique averti.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II a pu être à certains moments à l'emploi du Parti libéral, mais il n'est pas membre du Parlement.

M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement, il n'a jamais été à l'emploi du Parti libéral.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, fermons la parenthèse. Le premier ministre va me laisser parler, j'espère. Je n'interromps jamais le premier ministre moi, je ne lui pose que des questions.

M. BOURASSA: C'est parce qu'on attaque M. Paul Sauriol et, je le pense, injustement.

M. PAUL: M. Tremblay a dit qu'il écrivait les articles qu'on lui commande.

M. BOURASSA: Comment? Oui? C'est injuste.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'office, M. le Président, je ne pense pas que le premier ministre soit obligé de défendre M. Sauriol, que je n'ai pas attaqué. Le problème est donc le suivant...

M. BOURASSA: Vous avez dit qu'il a été à l'emploi du Parti libéral.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): On nous propose un projet de loi, qui, à toutes fins utiles, indépendamment des distinctions qu'a faites tout à l'heure le député de Terrebonne, vise à abolir, à faire disparaître cet anachronisme des comtés dits protégés. Le problème que je me pose ce matin — et je crois que c'est là la question fondamentale — et le député de Terrebonne dans son argumentation m'a fourni l'argument dont j'avais besoin quand il dit: "C'est un anachronisme, cela nous embarrasse, cela n'a plus de sens à l'heure actuelle. Bon, débarrassons-nous de ça". Admettons ça par hypothèse. Mais je crois justement que c'est précisément à partir de cette considération qu'il nous est permis de faire les observations suivantes, que je fais en mon nom et, j'imagine aussi, au nom de mes collègues.

Je crois que le gouvernement, dans sa hâte à procéder à une réforme électorale, procède à la pièce et met en quelque façon la charrue devant les boeufs.

Au fond, le problème qui intéresse tous et chacun de nous, c'est le problème de la constitution interne du Québec, laquelle devra couvrir évidemment un champ quand même immense. Cela est un aspect extrêmement important. A cela, va évidemment se greffer le problème qui fait l'objet des délibérations de cette commission depuis qu'elle a siégé; et, ce matin, le problème fondamental c'est le problème du système constitutionnel dans lequel nous vivons au Québec et au Canada également, le problème, ensuite, de nos institutions parlementaires qui englobe, bien entendu, toutes les questions touchant au réaménagement de la carte électorale, collèges électoraux, modes du scrutin, etc., etc.

Je pense que la commission parlementaire ne devrait pas travailler à la pièce mais prendre l'ensemble du problème et commencer par le commencement, c'est-à-dire examiner de quelle

façon il est possible, dans le cadre de la souveraineté que nous possédons en vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, de procéder à cette refonte constitutionnelle en vue de doter le Québec d'une constitution qui soit vraiment adaptée aux problèmes actuels et aux besoins actuels et au cours de l'élaboration de ce projet de constitution, examiner l'un après l'autre les grands problèmes qui se posent, soit celui de nos institutions parlementaires et de notre système électoral comprenant l'ensemble du problème électoral, le réaménagement de la carte, collèges électoraux, modes de scrutin, etc., etc.

Le premier ministre, à mon avis, avec ce projet de loi...

M. HARDY: Il agit.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... met la charrue devant les boeufs, fait du travail à la petite semaine.

M. BOURASSA: II agit...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le premier ministre sait très bien...

M. HARDY: Cela fait depuis 1950 que vous parlez de ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne lui impute pas de motif. On en parle tous depuis 1867.

M. HARDY: Alors, là on commence à agir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On a commencé à agir bien avant vous. On a aboli le Conseil législatif, par exemple, malgré votre volonté d'aller devant la reine.

Il va donc se poser au cours de l'examen de ces divers problèmes des questions, des problèmes comme celui qui a fait l'objet de nos discussions antérieures, soit celui des comtés dits protégés. Mais respectueux que je suis de la volonté des membres de la commission, nous avions convenu, avant que d'aller plus loin, d'interroger nos collègues qui représentent ces comtés dits protégés afin d'avoir leur opinion.

M. BOURASSA: Si le député peut me permettre juste une petite remarque. Nous avons eu, je l'ai dit, je crois, à l'Assemblée nationale ou à une conférence de presse...

UNE VOIX: A une conférence de presse.

M. BOURASSA: ... plutôt à une conférence de presse, il faut avoir du respect pour les journalistes.

M. PAUL: Oui, il faudrait, avant d'avoir du respect envers les journalistes, commencer par inviter vos propres députés à respecter les journalistes.

M. BOURASSA: Ils ont fait toutes les mises au point nécessaires.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous écoute.

M. BOURASSA: Nous avons eu trois rencontres du caucus où toutes ces questions ont été discutées. Je ne sais pas si le caucus de l'Union Nationale...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela n'a rien à voir, je regrette, à la commission parlementaire. Le caucus du Parti libéral n'a rien à voir à la commission parlementaire. Lors de la dernière séance de la commission parlementaire, M. le premier ministre, permettez-moi de vous le rappeler, cela vait été entendu et M. Laporte était d'accord. Je cite le journal des Débats du 23 septembre 1970, numéro 27, page B-1328, où M. Laporte, notre collègue dont nous avons regretté le départ, — il nous manque ce matin — disait ceci, M. le Président: "Nous acceptons d'abord quant à nous — et je pense que c'est unanime — la suggestion faite par le leader parlementaire de l'Opposition officielle d'inviter à la prochaine réunion les représentants des comtés protégés par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique." Je pense que nous devrions ce matin nous en tenir à cette entente. Cela n'empêchera en rien l'examen ultérieur du projet de loi, absolument pas.

M. BOURASSA: Quand?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'autre part, quand on parle de la constitution d'un pays, M. le premier ministre...

M. BOURASSA: II faut aller lentement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Laissez-moi donc parler. Je regrette le premier ministre est nerveux ce matin, il est déjà fatigué. Ce n'est pas normal, la journée n'est même pas passée, elle n'est pas amorcée encore, elle est jeune.

M. HARDY: Cela fait longtemps.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le problème, lorsqu'on parle de constitution, est de donner en somme, de forger pour une nation, un instrument, une institution au sens étymologique du terme. On n'est pas, vous savez M. le Président, obligé de procéder à la vapeur, c'est tout le contraire, parce qu'on planifie, pas pour l'immédiat, pas simplement pour pouvoir dire: On agit, on agit. On planifie pour des années à venir, parce que l'instrument qu'on va forger, on ne le forge pas pour nous, on le forge pour les générations à venir.

II est donc extrêmement important que nous suivions la procédure que nous avions convenu de suivre, à savoir d'entendre les députés qui représentent les comtés dits protégés. Le premier ministre — ou je ne sais plus trop qui — a parlé du caucus libéral etc. Cela n'a rien à voir à la commission. Mais il y a ici des représentants des comtés dits protégés. Nous voulons les entendre pour avoir une idée exacte de la conception qu'ils se font de leur rôle de représentants du peuple et, en particulier, de représentants de ces comtés. Le chef de l'Opposition a parlé tout à l'heure de la distinction qu'il faut faire entre comtés protégés et comtés ruraux. C'est exactement notre position. M. Johnson et M. Bertrand eux-mêmes ont été les premiers à mettre de l'avant ces idées-là alors qu'on parlait de la redistribution électorale basée uniquement, conçue uniquement à partir de principes démographiques.

M. HARDY: Qui a dit cela?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le rapport de la commission, vous n'étiez pas là.

M. HARDY: Je regrette, ce n'est pas cela. M. BERTRAND: En principe, oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): En principe, cela revenait à cela. Nous ferons les nuances plus tard, M. le Président, puisque nous sommes en train de délimiter le champ de notre investigation, de notre enquête.

On nous avait dit par ailleurs que l'on nous ferait parvenir des documents historiques, juridiques, etc., qui auraient permis à tous les membres de la commission, à tous les députés — parce que nous avons insisté pour que tous les députés soient ici — de formuler leur opinion sur les propositions que le gouvernement a bien voulu nous faire. Or, voilà que tout à coup on semble pris d'une sorte d'ivresse de l'action, on veut aller à la course...

M. HARDY: On ne voudrait simplement pas arrêter.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On veut aller à la course. M. le Président, en une matière aussi délicate et aussi grave dans ses conséquences que celle de la refonte de la constitution, de l'élaboration d'une nouvelle constitution, de la mise en place de nouvelles structures en matière électorale, etc., il ne s'agit pas d'aller à la course, mais de bien d'abord délimiter le champ d'action et de bien s'assurer que le terrain est solide. Ce n'est pas une question de pas de tortue...

M. BOURASSA: N'avez-vous pas reçu...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une question de réflexion.

M. BOURASSA: On me dit que tous les députés ont reçu les différents rapports...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous ne les avons pas reçus.

M. BOURASSA: On vient de m'informer que tout a été envoyé...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous ne les avons pas reçus.

M. BOURASSA: Etes-vous membre de la commission?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je suis membre de la commission, comme tout le monde, tous les députés.

M. BOURASSA: On m'a donc mal informé. De toute façon, cela ne change rien au problème. Le pas de tortue, ça ne nous intéresse pas dans le Parti libéral.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ça ne nous intéresse pas non plus.

M. PAUL: Vous devriez avoir autant de vitesse pour trouver les nouveaux emplois.

M. BOURASSA: Certain.

M. PAUL: On en reparlera en temps et lieu!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le problème, M. le Président... Je regrette que le premier ministre intervienne à temps et à contre temps.

M. BOURASSA: D'accord, je retire...

M. LAVOIE (Wolfe): La loi du syndicalisme agricole aurait été beaucoup plus urgente que celle-là.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le premier ministre intervient à temps et à contre temps, nous empêche de procéder. Nous avons quand même un temps limité. Il ne s'agit pas, encore une fois, de procéder à pas de tortue, ce n'est pas vrai. Mais il s'agit de bâtir un instrument et, avant de bâtir cet instrument, il faut bien voir quel est le matériau qu'on va utiliser, de quelle façon on entend employer cet instrument et quels sont les objectifs que nous nous proposons d'atteindre en forgeant cet instrument en fonction des besoins de la société moderne dans laquelle nous vivons à l'heure actuelle.

Que le premier ministre n'essaie pas de faire des procès d'intention et de nous dire qu'on veut procéder à pas de tortue. Nous sommes tout autant désireux qu'il l'est d'aller le plus rapidement qu'il est possible de le faire en l'instance, en l'occurrence, parce que nous jouons avec des choses extrêmement délicates et ce n'est pas nous qui aurons à subir les

conséquences désastreuses de gestes hâtifs. Ce sont les gens qui nous suivront. Le premier ministre est jeune, il ne sera pas éternel, il va mourir un jour. On lui fera des funérailles d'Etat, même si ça fait 40 ans qu'il n'est plus au pouvoir. On lui fera des funérailles d'Etat. Je vous le promets, M. le Président.

La question en est donc une d'envergure, on la pose mal au départ, en s'attachant à une petite chose. Vous savez que je ne suis pas fétichiste en matière de constitution, j'ai fait assez de déclarations là-dessus pour qu'on le sache. L'histoire de l'article 80 et tout cela, moi, cela ne me préoccupe pas plus qu'il faut.

Mais, derrière l'article 80, il y a quand même des réalités au sujet desquelles nous avions convenu d'entendre les députés des comtés dits protégés.

Ce matin, je ne voudrais pas qu'on chambarde cette procédure que nous avions accepté de suivre, pour en arriver à un consensus et à un examen de l'échéancier. Et cet échéancier, nous voulons qu'il soit bien précis et qu'il corresponde aussi aux volontés de tous les députés.

Là, il y a une chose sur laquelle je voudrais attirer l'attention du premier ministre. H est premier ministre, il a une équipe, il assume la responsabilité du gouvernement. Pour un temps X, c'est le peuple qui décide cela, pour lui, comme pour nous, comme pour n'importe qui à venir. Nous sommes tous des parlementaires, représentants du peuple, donc, au premier chef intéressé à cette réforme de nos institutions. Je ne parle pas seulement de la réforme électorale, à ce moment-là. Par conséquent, nous devrions situer le problème absolument en dehors des lignes de partis. Nous devrions situer le problème simplement envisager ce problème dans l'optique d'une reconstruction constitutionnelle du Québec, ce qui nous amènera à forger un instrument dont les parlementaires auront à se servir plus tard et qui régira la vie de la cité, la vie de la communauté québécoise pour l'avenir.

Par conséquent, il n'est pas question du parti Libéral, il n'est pas question de l'Union Nationale, du Parti Québécois, du parti Créditistes ou de n'importe quel parti à venir. Il est question, pour des parlementaires sérieux, de se dépouiller de ce vêtement politique qu'ils ont revêtus dans telle ou telle circonstance et d'examiner la question froidement, sans aucune idée de faire triompher la volonté d'un parti sur celle des autres partis politiques.

Ici, ce matin, M. le Président, il n'y a pas d'Opposition, il n'y a pas de gouvernement. Il y a simplement les responsables de la vie de la nation, de la vie actuelle et de la vie future de la nation. Ce que nous voulons bâtir, c'est la cité du Québec.

M. HARDY: La res publica.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La res publica. On devrait, il me semble, suivre la procédure que nous avions convenu de suivre, à savoir, entendre les représentants des comtés dits protégés tel que cela avait été convenu avec le ministre M. Laporte. C'est ça la question. Ce n'est pas de se hâter de dire: Ecoutez, on va régler la question de l'article 80 et après, tout va être réglé.

M. BOURASSA: Durant le débat, en deuxième lecture, ils pourront s'exprimer.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils pourront s'exprimer, d'accord. Mais, M. le Président, le premier ministre n'a pas compris ce que je viens de dire.

J'ai dit qu'ici, à la commission parlementaire, nous ne devions pas considérer qu'il y a un parti au pouvoir et deux partis d'opposition. Mais qu'il n'y a que des parlementaires, qui auront...

M. BOURASSA: En Chambre, c'est facile.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...qui ont ici une liberté qu'en Chambre ils n'auront pas.

M. BOURASSA: M. le Président, voyons. Nous avons la liberté d'expression pour chaque parti.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est clair.

M. HARDY: II y a toujours la liberté des députés...

M. BOURASSA: II y a une liberté d'expression.

M. HARDY: ...mais pas le privilège.

M. BOURASSA : Ils vont avoir toute la liberté nécessaire, mais je pense qu'après cet exposé du député de Chicoutimi...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je n'ai pas fini.

M. BOURASSA: II est 11 h 10...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II m'interrompt constamment. Je n'ai pas fini.

M. HARDY: Est-ce qu'il y a une limite de temps, M. le Président?

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Une heure.

M. BOURASSA: C'est pour cela qu'on veut procéder, M. le Président, des discours comme ça, il va y en avoir 20, 30, on va se retrouver en 1973 et nous n'aurons rien décidé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. le

Président, pour résumer le problème, le premier ministre met la charrue devant les boeufs. Il attache toute sa considération à l'arricle 80.

M. BOURASSA: C'est un premier pas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est un premier pas, mais c'est un premier pas de tortue puisqu'on a dit que c'était un anachronisme et qu'on pourra s'en débarrasser très rapidement. Le problème, c'est la constitution interne du Québec et à l'intérieur de cette constitution tous les mécanismes institutionnels qui régiront la vie du Québec pour l'avenir. Je l'ai dit dès le début des séances de cette commission, que l'on procédait mal, d'abord, quand on a parlé du serment d'allégeance et qu'on a essayé ensuite de faire du travail à la pièce.

J'aimerais donc que nous entendions ce matin les députés qui représentent des comtés dits protégés pour savoir s'ils partagent par exemple l'opinion du député de Terrebonne. Il a exprimé son opinion sur les comtés protégés, le chef de l'Opposition officielle l'a exprimée aussi, le premier ministre l'a exprimée aussi. J'aimerais entendre les députés, puisqu'il avait été convenu de les entendre. Pourquoi leur refuser ce matin le droit de se faire entendre?

M. BOURASSA: Si on le fait à l'Assemblée nationale...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je préfère que nous les entendions ici.

M. BOURASSA: Pourquoi?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Parce que...

M. HARDY: Qui les empêche de parler ici?

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, dans le cadre du débat qui s'instituera lorsque nous examinerons le projet de loi, il y aura des limites de procédure qui n'existent pas ce matin, du fait que nous examinons ce matin un problème dans son ensemble.

M. HARDY: Me permettez-vous une question?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant. Tandis qu'en Chambre nous serons limités par le cadre de la loi, et, à ce moment, le président nous dira: Je regrette, ce n'est pas dans l'ordre, puisque le principe de la loi, c'est ceci, cela et que les modalités sont telles et telles. Nous avons donc ici une liberté d'expression qui ne nous sera plus laissée en Chambre, non pas par mauvaise volonté du gouvernement, mais en raison des règles de procédure qui régissent nos délibérations.

M. BOURASSA: ...des règles de procédure...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et le premier ministre, le leader parlementaire de l'Opposition peut le dire, je lui laisse la parole. Il l'a demandée d'ailleurs.

M. HARDY: Est-ce que vous me permettez une question?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.

M. HARDY: Qu'est-ce qui empêche les députés représentant les comtés protégés de se faire entendre ici, ce matin, et de donner leur opinion? Si vous me permettez juste une question...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais où voulez-vous en venir?

M. HARDY: ... en réponse à l'argumentation...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ce que je vous demande.

M. HARDY: ... de l'honorable député de Chicoutimi, c'est qu'au fond,votre approche du problème est le suivant: vous voulez que le problème de l'article 80 soit...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): "Est la suivante", on dit "une approche".

M. HARDY: Je reconnais immédiatement mon infériorité sur le plan de la maîtrise de la langue française vis-à-vis du député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, charmant élève.

M. HARDY: Fermons la parenthèse!

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Un instant, s'il vous plaît. Est-ce que je peux faire une suggestion?

UNE VOIX: Oui.

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Je pense bien que le député de Terrebonne est le porte-parole de la droite ici à la commission.

M. BERTRAND: Vous venez de le nommer, M. le Président.

M. BOURASSA: Faites la nuance nécessaire. M. BERTRAND: Vous venez de le nommer.

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Est-ce qu'il ne serait pas préférable, avant que le député de Terrebonne réponde au point de vue

du député de Chicoutimi...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une exception.

M. BOURASSA: C'est notre expert.

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): ... qu'on entende le chef du Ralliement créditis-te...

M. BERTRAND: Oui, je pense que cela serait préférable.

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): ... ainsi que le chef du Parti québécois?

M. HARDY: Cela peut peut-être mêler les choses. Je ne sais pas...

M. BERTRAND: Non!

M. HARDY:... mais cela serait peut-être plus court si je répondais immédiatement au député de Chicoutimi.

M. BOURASSA: Je pense que vous pourriez...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'était pas une réponse que vous vouliez me donner, c'est une question que vous vouliez me poser?

M. HARDY: Un peu les deux, comme vous faites très souvent en Chambre.

M .TREMBLAY (Chicoutimi): Non, non, non.

M. BERTRAND: Revenons donc à la parole du Président.

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Chicoutimi prête la parole au chef du Ralliement créditiste.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord. UNE VOIX: Sans intérêt.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sans intérêt, avec dividendes.

M. BOURASSA: Mensuels.

M. SAMSON: Je remercie beaucoup le député de Chicoutimi de m'avoir prêté son droit de parole. M. le Président, je pense que ce qui vient d'être dit par le député de Chicoutimi et le chef de l'Opposition officielle est sûrement fondé en ce sens que nous avons assisté...

UNE VOIX: Un mariage.

M. BOURASSA: Deux mariages valent mieux qu'un!

M. SAMSON: Bien oui, il s'en est fait un, hier, du Parti québécois au Parti libéral. Pourquoi pas nous, aujourd'hui?

M. SAMSON: M. le Président, lors de la dernière réunion de la commission parlementaire, les parlementaires responsables ont pris certaines décisions, et nous pouvons nous rapporter à ce sujet au journal des Débats concernant ces décisions. Le leader parlementaire du temps, à la suite de certaines de nos revendications et de certains de nos arguments, avait lui-même convenu d'accepter un mode de travail, c'est-à-dire que tous les députés concernés pourraient intervenir, parce que, lorsqu'il est question de comtés protégés par l'article 80, il s'agit des comtés protégés. Nous avions revendiqué, à ce moment — je pense que nous sommes encore dans l'ordre de le faire aujourd'hui, et c'est bien dit à l'article 80 — que le tout peut être changé lors des deuxième et troisième lectures, à l'Assemblée nationale, avec le concours de la majorité absolue des députés qui représentent ces circonscriptions...

Or, M. le Président, je ne pense pas qu'aucun de ces députés ait le droit de déterminer par lui-même, et tout seul, s'il veut que le tout soit changé.

Je pense qu'il doit consulter ses électeurs, parce que c'est le comté qui est protégé, je l'ai dit, je le redis.

M. HARDY: Une question, juste une question.

M. SAMSON: Attendez! Vous aurez le temps tantôt.

M. HARDY: Mais cela pourrait changer...

M. SAMSON: Cela ne changerait pas mon opinion et sûrement pas la vôtre non plus.

M. HARDY: Je ne sais pas.

M. SAMSON: Je crois qu'on se comprend assez bien là-dessus. C'est d'ailleurs vous, tantôt, qui avez dit que tous les députés avaient droit de parole ce matin, que tout le monde avait le droit de s'exprimer. C'est depuis ce temps-là que vous tentez d'arrêter les autres.

M. HARDY: C'est juste une question.

M. SAMSON: Si vous tentez d'arrêter l'Opposition, vos députés ne seront sûrement pas à l'aise pour dire ce qu'ils pensent. Je crois que ces députés, dans les neuf concernés ou les dix...

M. VEILLEUX: N'ayez pas peur.

M. BOURASSA: Vous verrez demain.

M. SAMSON: II y a sûrement des députés qui ne sont pas d'accord avec votre prise de position et c'est là que je veux en venir, M. le Président.

UNE VOIX: C'étaient des lois.

M. SAMSON: Lorsqu'on parle de comtés protégés, ce sont les électeurs de ces comtés qui sont protégés, et ce sont eux qui doivent dire à leur député ce qu'ils veulent faire. Actuellement, en mettant la charrue devant les boeufs, en soumettant un bill pour abolir l'article 80, nous le ferons avec le concours de l'Assemblée nationale sans permettre à ces députés de consulter leurs électeurs d'abord, et aussi, avec le danger que cela comporte — tout le monde le sait, on n'a pas besoin de le cacher — si nous allons à l'Assemblée nationale pour voter un bill, évidemment, les députés seront astreints à la discipline de parti. Ils voteront avec le gouvernement. Je pense que tout le monde le sait. Cela se fait tout le temps et cela ve se faire encore cette fois-ci. Vous me le direz plus tard si cela se passe autrement.

M. HARDY: Cela veut-il dire qu'il n'y a pas de liberté chez vous?

M. SAMSON: Je vous demande pardon. Chez nous, il y en a, c'est chez vous qu'il n'y en a pas. En ce qui nous concerne, nous avons demandé aux trois députés de notre parti qui représentent des circonscriptions protégées de consulter leurs électeurs et de donner leur opinion suivant les consultations. Or, M. le Président, nous avions dit lors de la dernière réunion de la commission parlementaire que les 17 concernés auraient le loisir de venir comparaître devant la commission et d'expliquer chacun leur cas. Aujourd'hui, on est revenu sur ces paroles et on procède autrement. Pourquoi procède-t-on autrement? Est-ce qu'on s'est aperçu que la majorité des 17 députés serait contre ce changement? On se permet de se poser la question.

M. HARDY: Je ne veux pas être procédurier, M. le Président, mais on me prête des intentions...

M. SAMSON: Ecoutez, vous, l'histoire de prêter des intentions, vous en avez prêté depuis ce matin à tout le monde. Laissez-nous au moins le loisir... Vous n'êtes pas président aujourd'hui. Là on peut se parler. Quand vous êtes président, je vous respecte comme président. Vous m'obligez d'arrêter quand c'est le temps et j'obéis. Aujourd'hui, je n'obéirai pas, parce que nous sommes sur le même pied. Vous vous reprendrez quand vous serez président.

M. HARDY: Vous faites bien.

M. SAMSON: M. le Président...

M. BERTRAND: La parole est au...

M. SAMSON: Je pense que si on veut en revenir au pourquoi de ces comtés protégés par l'article 80, on se rappellera que ces comtés ont été protégés pour protéger une minorité anglophone dans le temps. Premièrement, si aujourd'hui, nous en arrivons à changer cet article avant d'avoir d'abord consulté les députés, et deuxièmement, avant de connaître quelles seront les intentions du gouvernement au sujet d'une redistribution éventuelle de la carte électorale, cela nous amène à nous poser certaines questions, à savoir quelles garanties aurons-nous qu'un certain équilibre sera maintenu. Autant ces comtés ont été protégés par l'article 80 pour protéger les minorités anglophones de ces comtés qui sont aujourd'hui quand même en majorité francophones, autant nous ne savons pas si dans la redistribution prévue par le gouvernement, on ne passera pas à l'exagération dans l'autre sens, c'est-à-dire — je parle de possibilités — qu'avec une redistribution que nous ne connaissons pas aujourd'hui et qu'on nous présentera éventuellement, quel genre de comtés nous offrira-t-on? Est-ce que ces comtés ne seront pas redistribués en majorité sur l'île de Montréal dans les parties anglophones? Nous ne le savons pas. Si nous ne le savons pas, cela veut dire qu'il y a un risque et c'est justement ce qu'on veut abolir aujourd'hui. Mais il nous revient par la suite d'une autre façon. Autant cet article-là a contribué à garantir les droits des Anglo-Saxons à ce moment-là et ils ne sont plus en danger aujourd'hui, autant la non-abolition de l'article pourrait nous garantir les droits des francophones actuellement.

Alors, M. le Président, il s'agit de garantir l'équilibre.

Si le gouvernement voulait agir de la façon normale, c'est-à-dire nous présenter d'abord son projet de redistribution ou de réforme avant de nous obliger à abolir cet article, je crois qu'on travaillerait de la bonne façon et on pourrait là, en toute connaissance de cause, donner notre accord, s'il y a lieu. S'il n'y a pas lieu, évidemment, nous continuerons à faire de l'opposition, mais lorsque nous connaîtrons le projet, à ce moment-là, nous pourrions donner notre accord. S'il est à notre sens, logique, honnête envers toute la population du Québec, nous donnerons sûrement notre accord. Mais qu'on nous fasse connaître d'abord quelles sont les intentions, quel est le projet de la redistribution. Qu'on nous revienne par la suite, et s'il y a lieu d'abolir cet article 80, nous le ferons.

Je pense qu'aucun des députés parmi les 17 ne serait contre cela, à la condition de savoir d'avance où ça va nous mener. Actuellement, nous ne savons pas où ça va nous mener. On dit aux députés: Vous allez voter sur un bill qui nous sera présenté, sur le bill 65 visant à l'abolition de l'article 80, et vous allez voter

là-dessus par la voie normale, c'est-à-dire tout ce qui concerne la discipline de parti ordinaire que nous connaissons. Ceci veut dire à l'avance —étant donné que les libéraux, ont la majorité absolue de ces 17 députés — que personne n'a tellement de chance de faire connaître son opposition.

Je crois donc que ce qui avait été décidé à la dernière réunion de la commission de l'Assemblée nationale l'avait été dans le but de permettre à tous ces députés de faire connaître ce que leurs électeurs veulent décider en ce qui concerne cet article 80, en ce qui concerne les comtés protégés. A un moment donné, on nous a même suggéré que des recherches soient faites au sein de ces comtés et qu'on puisse venir devant la commission réellement en connaissance de cause. Et même plus que ça, les 17 députés ont été convoqués pour une réunion qui n'a pas eu lieu. Ils ont déjà été convoqués. C'est vous dire jusqu'à quel point nous tenions à ce processus, à ce que les députés eux-mêmes viennent nous dire ce qu'ils en pensent, une fois qu'ils auront eu la chance de consulter les électeurs de leur comté.

M. le Président, aujourd'hui, par le bill 65, qu'on présentera à l'Assemblée nationale, on obligera — qu'on le veuille ou non, qu'on veuille l'admettre ou non — plusieurs et même presque tous les députés du côté du gouvernement qui représentent des comtés protégés à être d'accord malgré eux. Or, nous savons, pour avoir discuté avec certains d'entre eux, qu'ils ne sont pas tous d'accord. Pourquoi ne leur donne-t-on pas la chance de s'exprimer librement? Pourquoi ne donne-t-on pas la chance à ces députés de venir s'expliquer et que ça se fasse comme nous l'avions dit lors de la dernière réunion? Il semble aujourd'hui qu'on ne respecte pas ce qu'on a décidé à la dernière réunion.

Comment voulez-vous, si on ne sait pas respecter ce qu'on a dit à la dernière réunion, qu'on puisse s'attendre que le gouvernement respecte dans l'avenir ce qu'on dit aujourd'hui? Je pense que c'est tout à fait logique qu'on puisse au moins s'attendre que le gouvernement respecte les promesses qu'il a faites et n'y a pas tellement longtemps. Ce ne sont pas des promesses électorales, cela s'est dit ici à la commission de l'Assemblée nationale.

Nous sommes entièrement d'accord sur ce point avec l'Union Nationale, qui, je pense, a entièrement raison de vouloir consulter les électeurs avant de revenir devant la commission. Elle a entièrement raison de dire que les députés doivent d'abord venir eux-mêmes —ceux qui représentent ces circonscriptions — dire ce qu'ils en pensent. Après cela, s'il y a lieu, M. le Président et M. le premier ministre, nous reviendrons à votre bill 65 en connaissance de cause.

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Bourget.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, le député de Rouyn-Noranda en a mis un petit peu plus que j'en avais mis, il a vulgarisé mes savants propos.

M. VEILLEUX: C'est-à-dire du divorce. M. HARDY: C'est la fusion de la droite.

M. SAMSON: M. le député de Chicoutimi, je me suis arrangé pour les vulgariser, pour qu'ils comprennent de l'autre côté.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour une fois, je suis d'accord avec le député de Rouyn-Noranda.

M. DUMONT: C'est la deuxième fois en deux jours.

UNE VOIX: C'est ce qui devient inquiétant.

M. HARDY: Ah! oui, la fusion de la droite, avec M. Wagner comme chef.

M. MARCHAND: Vous ne savez plus de quel côté vous fusionner!

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, lors de la réunion de la commission de l'Assemblée nationale où nous avons discuté de ce problème, j'ai fait valoir les raisons pour lesquelles l'article 80 ne valait plus. En conformité avec ce qu'a dit d'ailleurs le député de Terrebonne, j'ai fait valoir que c'était uniquement pour des raisons linguistiques que cet article avait été inclus dans la constitution de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique probablement comme le député de Terrebonne l'a dit, en raison de la méfiance que l'on continuait d'entretenir alors à l'endroit de la majorité française du Québec.

Il me semble que c'est maintenant évident pour tout le monde, et tout le monde l'a dit, que ces raisons ne valaient plus. J'ai également dit à cette occasion que toute refonte de la carte électorale était absolument impossible si on ne faisait pas sauter ce verrou qui en empêchait la. réalisation concrète et la réalisation pratique. J'ai également dit, et là encore je suis d'accord avec le député de Terrebonne, que l'abolition ou l'abrogation de cet article 80, quelle que soit la forme que cela prenne, que l'article cesse d'avoir effet ou qu'il soit tout simplement aboli, que cela constituait une façon concrète d'affirmer la souveraineté du Québec tout au moins en ce qui concerne les sphères de sa juridiction.

Je ne suis pas du tout d'accord, M. le Président, à ce que l'on change le sens constitutionnel qui avait été donné à l'article 80 en 1867. Je pense que ce serait contraire à toutes

les règles de la logique, du bon sens et de la démocratie qu'un article qui avait été mis dans la constitution pour protéger la minorité anglophone soit maintenant conçu comme un article qui vise à protéger la représentation rurale du Québec. C'est un vice de logique, c'est le triomphe de la lettre sur l'esprit. Il me semble qu'ici, on doit continuer à préférer la lettre à l'esprit. Il est impossible d'imaginer de changer, de dévoyer le sens d'un pareil article. Si l'on veut maintenir une représentation rurale adéquate au sein du Parlement de Québec, on devrait prendre d'autres moyens que le maintien d'un article absolument désuet et anachronique. Il y a d'autres moyens...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si le député de Bourget me permet... Un petit détail ici, il n'a jamais...

M. LAURIN: C'est simplement une expression d'opinion.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, il est quand même important...

M. LAURIN: M. le Président, j'ai une remarque à faire, je ne me suis pas du tout référé aux opinions qui ont été exprimées avant la mienne.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais voici...

M. LAURIN: Pas du tout, c'est simplement une expression...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord.

M. LAURIN: ... de ma propre conviction que je voulais apporter davant cette commission.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement pour faire observer ceci.

M. LAURIN: Je ne sais pas si on peut invoquer un règlement là-dessus.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai une petite observation. Je ne veux pas vous interrompre et je ne veux pas non plus interpréter vos propos. Mais je tiens à dire ceci, à la suite du député de Missisquoi et chef de l'Opposition et aussi du député de Maskinongé, que nous n'avons pas du tout exprimé l'avis que nous devions maintenir l'article 80 comme tel. J'ai dit que je n'étais pas fétichiste. Je ne voudrais pas que les propos du député de Bourget soient interprétés comme une condamnation de ceux que nous avons tenus. D'ailleurs, il l'a dit lui-même.

M. HARDY: Le député de Bourget n'a pas dit que le député de Chicoutimi était anachronique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ce que je voulais préciser, M. le Président.

M. LAURIN: Je voulais tout simplement dire, M. le Président, qu'un article qui a été mis dans une constitution pour une certaine fin ne peut pas être maintenu pour une autre fin. C'est simplement un principe que je voulais faire valoir.

Je suis d'accord avec plusieurs de ceux qui se sont exprimés ici que le maintien de la représentation rurale dans le Parlement d'un pays peut avoir beaucoup de mérite, beaucoup d'intérêt, mais je voudrais simplement signaler qu'il y avait d'autres moyens auxquels nous pouvions recourir pour maintenir cette représentation à un niveau raisonnable. Ce que je n'admets pas, c'est que nous ne pouvons pas confier à 17 comtés sur 108 dans un pays un rôle de chien de garde qui ne lui revient pas. Je pense que ce rôle de chien de garde de la démocratie revient au Parlement, aux institutions parlementaires, dont cette commission. Je pense que la meilleure façon pour un Parlement d'assumer ce rôle, c'est de faire faire des études ou de faire lui-même des études qui aboutissent à des critères de représentativité, travail que nous ferons dans les séances ultérieures de la commission. Plusieurs hypothèses ont déjà été émises à ce sujet, on peut discuter des mérites de ces divers critères, nous en avons signalé quelques-uns dans un document de travail: le principe de l'égalité des électeurs, le principe de l'homogénéité sociale et économique, le principe de l'homogénéité linguistique, le principe de l'homogénéité territoriale, le principe du maintien d'une représentation adéquate du monde rural. Mais justement, M. le Président, pour que nous puissions étudier ces critères en toute lucidité, en toute objectivité, il faut auparavant faire sauter ce verrou et cette chafne qui nous empêchent de nous y atteler avec toute la célérité et l'objectivité désirables.

Je me référerai à ce que disait tout à l'heure le député de Chicoutimi. Il lui semblait que c'était là procéder à la pièce, que c'était là mettre la charrue devant les boeufs. Je regrette de ne pas être d'accord avec le député de Chicoutimi, car il me semble précisément qu'il a été bien établi que tant que nous aurons dans notre constitution cet article encore une fois désuet, anachronique, ceci nous empêche de procéder d'une façon logique, sereine et sage à toutes les autres études auxquelles il nous fait faire face. Pour moi et pour beaucoup d'autres personnes, j'en suis sûr, cela est un prérequis, cela est un préalable qui nous permettra de déblayer le terrain et d'aborder l'ensemble du problème avec tous les moyens que nous possédons.

Il me semble aussi, M. le Président — je me réfère encore à ce que disait tout à l'heure le député de Chicoutimi — que personne ne conteste, du moins de ce côté-ci, la nécessité pour le Québec de réviser sa constitution interne.

Mais — et le député de Chicoutimi sera sûrement d'accord avec moi — c'est là un processus extrêmement complexe, long, difficile et en plus conflictuel, qui risque de nous mettre dans une série de contestations avec un autre palier de gouvernement. Or, quand on connaît le tempo, le rythme auquel procèdent ces discussions dans notre système confédératif, on peut entrevoir une longue série de pourparlers qui feraient peut-être que nous nous enliserions dans les marais de la procédure ou dans les marais de la contestation.

Durant ce temps, la réforme électorale, qui est absolument essentielle pour que la démocratie soit digne de ce nom, serait retardée et courrait même le risque de n'être même pas entreprise. C'est la raison pour laquelle je préfère que nous fassions sauter encore une fois ce verrou et que nous procédions peut-être en même temps à la réforme électorale et à la réforme de la constitution interne du Québec. Je ne crois pas que les deux fonctions soient incompatibles.

Maintenant, est-ce qu'il y a eu véritablement entente au préalable dans cette commission en ce qui concerne la procédure que nous suivrions? J'ai assisté à ces commissions, j'y ai participé et il me semble qu'il n'y a pas eu d'entente formelle en ce qui concerne la procédure à suivre.

M. HARDY: Exact.

M. LAURIN: Bien sûr, des opinions ont été exprimées mais aucun vote n'a été pris. Or, si un vote avait été pris, je pense que le Parti québécois aurait voté contre une proposition présumée qui est apparue dans ce que le député de Chicoutimi et le député de Rouyn-Noranda ont dit. Nous aurions voté contre elle d'autant plus que, même à cette commission, nous avions déposé une sorte de modèle de projet de loi visant à l'abrogation de l'article 80, ce qui montre bien dans quel sens se situaient nos préoccupations et nos opinions.

Il est donc possible qu'il se soit dégagé un certain consensus entre certains membres de la commission mais il n'y a pas eu d'entente formelle manifestée par un vote.

Même s'il y avait eu un consensus au sein de la majorité de la commission, nous aurions estimé que cela aurait été une erreur et peut-être à ce moment-là aurions-nous été obligés de souhaiter que le gouvernement revienne sur la décision conformément au vieux principe que, s'il est mauvais de prendre une mauvaise décision, c'est encore plus mauvais d'y persévérer. Au contraire, après ce consensus qui a semblé se manifester, qui n'exprimait pas, encore une fois, à mon avis, l'opinion officielle du gouvernement, le gouvernement a continué ses études et, à la suite de ces études, il semble qu'il ait pris une décision que, pour notre part, nous continuons à considérer sage, logique, constitu- tionnelle, allant dans le sens de la préservation des intérêts de la démocratie.

Et c'est la raison pour laquelle nous sommes d'abord avec le gouvernement pour que nous procédions avec la plus grande célérité possible. Car il faut bien remarquer, M. le Président, qu'en pareille matière, tellement complexe — nous savons que la réforme du système électoral, de la carte électorale, de la loi électorale, comporte un très grand nombre d'étapes difficiles et complexes — si nous ne prenons pas date le plus rapidement possible, si nous ne faisons pas avancer le travail étant donné le petit nombre de séances de la commission, étant donné le travail complexe qu'une commission pourra être obligée d'élaborer, nous allons perdre un temps précieux et qui risque de nous faire nous retrouver devant la population du Québec avec une réforme qui ne serait qu'une réformette, ou pas de réforme du tout.

C'est pourquoi, dans ces matières, nous considérons pour notre part que la lenteur du processus peut équivaloir non pas tellement à de l'obstruction, mais à un enterrement de première classe d'un projet que la population du Québec continue de réclamer avec la dernière énergie.

Merci, M. le Président!

M. HARDY: C'est le meilleur discours du député de Bourget depuis longtemps.

M. BOURASSA: II n'était pas...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, à la suite des observations qu'a faites le député de Bourget...

M. BOURASSA: Je voudrais juste dire un mot parce que, malheureusement, je dois m'absenter quelque temps.

UNE VOIX: Encore!

M. BOURASSA: Encore. J'ai toute la question du conflit de la construction, le chef de l'Opposition est au courant de la complexité, sinon le député de Chicoutimi...

M. PAUL: Prenez votre boîte à outils et allez-y au plus vite.

M. BERTRAND : Allez-y ! Allez-y !

M. BOURASSA: Puis-je dire quelques mots, M. le Président? Nous avons un plan d'action, nous voulons inviter des experts. M. Hardy, le député de Terrebonne, qui est le représentant du parti pour discuter cette question, va faire des suggestions aux membres de cette commission pour les prochaines séances. Quant à moi, je dois dire que les arguments qui ont été avancés, même s'ils ont été faits de bonne foi, ne m'ont pas convaincu de retarder l'adoption

du projet de loi. J'ai l'intention, sauf s'il y a des développements nouveaux d'ici la fin de la séance, de procéder à la deuxième lecture, de la Loi sur les districts électoraux parce que les députés pourront s'exprimer en deuxième lecture. Tous les députés intéressés à ce projet de loi pourront exprimer leurs opinions alors. Qu'ils le fassent ici ou qu'ils le fassent à l'Assemblée nationale, je ne vois pas quelle différence il y a.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je veux faire suite aux observations du député de Bourget. Evidemment il a tenu des propos fort sensés, mais je pense qu'il comprend mal l'attitude des députés qui se sont exprimés jusqu'à présent. Il n'est pas question pour nous, je le répète, d'attacher une valeur sacramentelle à l'article 80. Nous croyons que, nous l'avons dit, il s'agit d'un anachronisme. D'autre part, je maintiens que le gouvernement met la charrue devant les boeufs. Pour une raison très simple, c'est que la disparition de cet article 80 devient une affaire purement technique à partir du moment où l'on s'est entendu sur un programme d'action à suivre au sein de la commission pour les travaux de la commission. Mais je dis ceci, à la suite des observations du premier ministre, tout à l'heure, quand il a dit: "Les députés auront l'occasion de se prononcer".

Très bien, mais je vous rappelle, encore une fois, M. le Président, que dans le cadre d'un débat qui s'instituera en Chambre, à partir du projet de loi qui est devant nous, nous n'aurons pas la même liberté d'action que nous avons ce matin. Et cela rejoint justement les préoccupations du député de Bourget.

Nous voulons déblayer le terrain. Or, le meilleur endroit pour le déblayer avant de passer à l'examen du projet de loi, c'est d'entendre ici les députés qui ont manifesté la volonté, le désir d'être entendus à la commission parlementaire. Je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas une question de parti ici, c'est une question de parlementaires qui représentent des circonscriptions réparties sur tout le territoire du Québec et qui ont, peut-être — et j'en suis sûr dans certains cas — des propositions concrètes à formuler et des observations qui nous inciteront à repenser le programme d'action de la commission parlementaire à laquelle nous siégeons ce matin.

Il ne s'agit pas du tout — et le député de Bourget le comprendra — de maintenir un respect fétichiste pour un article dont tout le monde dit qu'il est anachronique. Le chef de l'Opposition l'a dit tout à l'heure en notre nom. Ce n'est pas ça le problème. C'est un problème de répartition géographique, territoriale, etc., de population, ainsi de suite. C'est un problème qui met en cause des principes démographiques, par exemple des principes qui touchent à ce qu'on appelle l'entité socio-économique de chacune des circonscriptions. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi on ne prendrait pas ce matin le temps d'entendre les députés sur ces sujets-là, avant que d'aller en Chambre discuter d'un projet de loi qui, lui, nous imposera, en raison de la procédure, des limites.

M. le Président, vous êtes là pour le dire, et vous savez très bien que nous ne pourrons pas discuter de la même façon que nous pouvons le faire ici.

M. HARDY: M. le Président...

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Terrebonne, le suivant sera le député de Lafontaine.

M. HARDY: ... j'ai écouté évidemment avec beaucoup d'attention les propos du député de Chicoutimi, du député de Rouyn-Noranda et du député de Bourget.

Il apparaît, d'une façon bien claire, que l'approche de ce problème par le député de Chicoutimi diffère totalement de la nôtre en ce sens que le député de Chicoutimi voudrait que l'on envisage la réforme globale de la constitution. Or, l'histoire récente nous enseigne que, depuis 1950, on parle, on tient des conférences, et que surtout on fait des campagnes électorales sur ce problème, mais que l'on n'a jamais réussi à poser des gestes. Je suis d'accord avec le député de Chicoutimi. S'il s'agissait d'un élément qui met en cause toute l'économie de la constitution québécoise, à ce moment-là, je dirais que le député de Chicoutimi a raison de ne pas procéder à la pièce parce qu'on pourrait, à ce moment-là, arriver à un déséquilibre.

Mais le député de Chicoutimi reconnaîtra avec moi que l'article 80 ne met en rien en cause l'économie générale de la constitution interne du Québec. Si on attend pour abroger l'article 80 d'en arriver à un concensus sur l'amendement de la constitution globale, comme le premier ministre l'a dit tantôt, on risque de se retrouver dans cinq ou dix ans, l'article 80 sera encore là. On aura été empêché de faire une réforme totale de la carte électorale. Et la carte électorale sera encore anti-démocratique sinon féodale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le député me permet une petite question très brève?

M. HARDY: Je ne ferai pas comme le député de Chicoutimi, je vais lui permettre la question.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le député ne se rend pas compte d'une chose? C'est que, même une fois disparu l'article 80, dès lors qu'on va parler de procéder à une réforme ou à une refonte électorale, on va mettre en cause tous les mécanismes de la constitution interne du Québec.

M. HARDY: Pas nécessairement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, on travaille donc à la pièce.

M. HARDY: Non. Je regrette infiniment...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une fois examinés ces grands problèmes-là...

M. HARDY: ... ce n'est plus une question.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... une fois délimité le terrain, à ce moment-là...

M. HARDY: Je reprends mon droit de parole.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... on devrait se débarrasser de l'article 80.

M. HARDY: M. le Président, la carte électorale ne met aucunement en cause l'ensemble de la constitution. La preuve est que, depuis 1867, on a amendé à maintes reprises la Loi de la division territoriale. Le député de Chicoutimi sait très bien cela. On peut très bien procéder à la refonte de la carte électorale et on peut même procéder à une modification du mode de scrutin sans toucher à rien de l'ensemble de la constitution. C'est possible.

Pour terminer ces propos, je dis que le projet de loi 65 n'entame en rien ou ne préjuge en rien de la modification globale de la constitution du Québec parce qu'il ne s'agit pas d'une pièce maîtresse de cette constitution.

Deuxièmement, quant aux propos du député de Rouyn-Noranda nous disant qu'il fallait absolument consulter les électeurs des dix-sept comtés, j'ai mis ceci en doute à la dernière réunion. Pour un motif tout à fait réaliste, je considère qu'il est anormal que 10 p. c. de la population du Québec décide d'elle-même, seule, si on doit ou non modifier la constitution du Québec.

L'ensemble des comtés protégés représente à peu près 660,000 personnes ou à peu près.

M. LAURIN: Est-ce que je peux poser une question?

M.HARDY: Oui, oui.

M. LAURIN: Pour que cette consultation soit véritablement valable, est-ce qu'il n'aurait pas fallu consulter simplement les électeurs anglophones de ces comtés?

M. HARDY: D'abord, cela les protégeait. Et deuxièmement, depuis le 23 septembre — dernière réunion de la commission — je pense que les députés, qui voulaient vraiment consulter leurs électeurs, en ont eu suffisamment le temps. La dernière réunion de la commission parlementaire de l'Assemblée nationale a eu lieu le 23 septembre. Qui a empêché les députés représentant les comtés protégés de consulter leurs électeurs?

M. SAMSON: Demandez leur de venir pour voir...

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Pour le savoir, convoquez-les!

M. HARDY: Troisièmement...

M. SAMSON: C'est ce que nous vous demandons: Convoquez-les!

M. HARDY: Troisièmement...

M. SAMSON: On vous demande de les convoquer. Convoquez-les!

M. HARDY: M. le député, vous m'avez demandé de respecter votre droit de parole, voulez-vous faire la même chose avec moi?

M. SAMSON : Je viens de vous remettre la même chose que vous avez fait tout à l'heure.

M. HARDY: Bon, très bien, nous sommes quittes, c'est fini?

M. SAMSON: Là, on recommence.

M. HARDY: Troisièmement, le député de Chicoutimi, comme d'autres députés, nous a dit tout à l'heure pourquoi il y avait eu une entente. Comme le député de Bourget l'a dit, il n'y avait pas eu d'entente formelle. C'étaient des opinions émises au sujet des dix-sept comtés. Il n'y a pas eu d'entente formelle. Oui, je l'ai relu.

Maintenant, il y a une réunion de la commission, ce matin, avant que le projet de loi ne soit étudié en deuxième lecture. Et tous les députés, y compris les députés représentant les comtés protégés, comme tous les autres députés représentant des comtés non protégés...

M.BERTRAND: Le député de Terrebonne me permet-il de dire...

M. HARDY: Une question?

M. BERTRAND: Oui... qu'il n'y a pas eu d'entente formelle: B-1328, M. Laporte: "M. le Président, nous acceptons d'abord — quant à nous, je pense que c'est unanime — la suggestion faite par le leader parlementaire de l'Opposition officielle d'inviter à la prochaine réunion les représentants des comtés protégés par l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique."

M. HARDY: Très bien, M. l'honorable député de Missisquoi, ils sont invités ce matin. Ils ont

l'entière liberté de nous dire ce qu'ils pensent de la chose. C'est précisément ce que je disais. A la réunion de ce matin, non seulement les dix-sept députés...

M. TREMBLAY (Chicoutimi) : Laissez-nous le temps de les entendre.

M. HARDY : Je pense que là-dessus le député de Chicoutimi a largement pris le temps de la commission...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon!

M. HARDY: ... il peut me laisser le temps de répondre à ses propos.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon, M. le Président! L'exposé du député de Terrebonne avait comme but d'orienter, au départ, les délibération...

M. HARDY: D'accord.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... afin d'empêcher que nous respections cette entente. C'est pour cela que je suis intervenu.

M. HARDY: M. le Président, je ne ferai pas de rappel aux règlements, pour accélérer les travaux. Je reviens à mon propos.

Les dix-sept députés représentant les comtés protégés sont ici, ce matin. Ils ont eu suffisamment le temps de consulter leurs électeurs, et ils peuvent donner à la commission le résultat de leur consultation.

Je termine en disant que je suis bien d'accord avec le député de Chicoutimi, et même je suis persuadé que tous les députés de cette Chambre, y compris les députés qui sont ici ce matin, envisagent le problème sans esprit de parti. Je suis également convaincu que tous les députés qui sont ici ce matin envisagent le problème en ne pensant pas à leur intérêt électoral, en particulier, ceux qui représentent les comtés protégés.

M. LEGER: Est-ce que j'ai la parole, M. le Président?

M. BERTRAND: Le porte-parole du gouvernement vient de déclarer que c'était vrai que les représentants des comtés protégés pouvaient se faire entendre ce matin et que cela avait été une entente unanime.

A ce moment-ci, le député du comté de Bourget vient de soulever un problème. Il dit: S'il y avait, comme le suggère le représentant du Ralliement créditiste, consultation des électeurs, qui faudrait-il consulter dans les comtés protégés? Faudrait-il consulter les électeurs anglophones? Alors, il y a ici, au sein de ce groupe des représentants anglophones. Il y a deux collègues, celui de Huntingdon et celui du comté de Brome qui peuvent très bien suivre la discussion en langue française et peut-être pourraient-ils faire écho aux représentations que leurs électeurs ont pu faire quant à cette protection qui a été accordée à la minorité anglophone en vertu de l'article 80 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Quant à moi, j'aimerais...

M. LEVESQUE: Ce n'est pas au chef de l'Opposition à donner le droit de parole.

M. BERTRAND: M. le Président, je n'accepterai pas que le leader parlementaire du gouvernement vienne dire qu'il ne m'appartient pas de donner le droit de parole. Ce n'est pas ça que j'ai fait du tout. Il connaît ma méthode de procéder. Ce n'est pas cela du tout que j'ai fait. Il devrait retenir ses nerfs et se maîtriser davantage. C'est à vous, bien entendu, M. le Président, qu'il appartient de le faire, mais j'ai noté que, depuis le début, celui qui était le porte-parole du gouvernement ici, le député de Terrebonne, n'a pas fait pareille invitation à ses collègues.

M. LEVESQUE: II a dit que s'ils étaient ici, il avaient le droit d'exercer leur droit de parole et je crois que c'est au président à donner le droit de parole pour mettre un certain ordre.

M. BERTRAND: Exactement.

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Les députés de Lafontaine, de Wolfe et de Mégantic ont laissé voir tout à l'heure...

M. LEGER: Voici...

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): ... qu'ils désiraient adresser la parole. Je suis bien prêt à le reconnaître. Tout d'abord, le député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je vais essayer d'être bref. Je me demande si on avance à grand chose, ce matin, étant donné que cette commission parlementaire avait justement été convoquée pour entendre — et je ne voyais pas d'autre raison de cette convocation — ceux des 17 comtés protégés qui avaient quelque chose à dire. Je remarque que pour représenter les 17 comtés protégés, il n'y a que huit députés présents ce matin. Est-ce que cela veut dire: Qui ne dit mot, consent et que les neuf députés absents acceptent le projet du gouvernement actuel? Mais les huit qui sont présents ont certainement quelque chose à dire ce matin. Une petite remarque, sans vouloir attaquer personnellement les députés de l'Union Nationale, mais quand je regarde la population des comtés protégés actuellement.la moyenne normale d'électeurs au Québec serait actuellement de 32,000 personnes par comté. Comme de

raison, quand on regarde les 17 comtés protégés, on voit qu'il y en a huit sur 17 qui ont moins de 16,000 électeurs. Je remarque en plus que, sur les 17 comtés représentés actuellement par l'Union Nationale, il y en a douze qui sont en bas de la moyenne de 20,000 et la plupart sont dans les comtés protégés. Quand on présente l'argument de comtés protégés pour les électeurs, c'est absolument fausser le problème. Ce n'est pas l'électeur qui est protégé dans ces comtés parce que le but premier, comme on l'a dit tantôt, je ne veux pas me répéter, c'est une question linguistique... Mais le fait qu'on agrandisse plus tard les frontières d'un comté protégé n'enlève pas à l'électeur de privilèges du fait qu'il y ait un député par 20,000 ou 32,000 ou même 35,000 électeurs. Je pense que le danger est beaucoup plus du côté du député qui représente cette circonscription, puisque cela risque de changer ses frontières. Je ne vois pas qu'on puisse faire autrement que d'entendre ces députés qui nous diront les raisons pour lesquelles ils pourraient s'opposer ou accepter ce changement. Je ne vois pas de quelle façon ils peuvent nous apporter — je voudrais bien les écouter tantôt — des arguments de leurs électeurs qui nous montreraient réellement qu'il y a eu un contact, une consultation qui rejoint tous les gens.

Alors, je ne pense pas, si on veut avancer dans la réforme de la carte électorale, du mode du scrutin et de la loi électorale, qu'on doive rester bloqué trop longtemps sur le premier obstacle, qui est le comté protégé. Si on veut faire une règle générale dans toute la province au niveau de l'homogénéité, soit du nombre d'électeurs ou des autres caractéristiques: linguistiques, territoriales et sociales, je ne pense pas qu'on doive au départ laisser des privilèges à des comtés minoritaires ce qui empêchait d'avoir une loi ou un principe général pour toute la province.

La seule chose que je pourrais reprocher au gouvernement actuel est celle-ci: étant donné que c'est lui qui a convoqué cette réunion de la commission, je veux demander comment il se fait qu'il n'ait pas spécialement obligé ces 11 ou 12 députés à être présents ce matin.

M. HARDY: C'est la démocratie, nous n'obligeons personne. Voyons-donc! On n'est pas en système totalitaire.

M. LEGER: Non, mais par convocation. C'est une convocation et je pense que...

M. HARDY: On ne peut pas obliger des députés à être présents.

M. LEGER: ... lorsqu'on a une loi à présenter, que celle-ci pourrait exiger la majorité des députés des comtés protégés et que l'on a cette majorité avec les 11 libéraux, on pourrait au moins leur demander d'être présents ce matin pour en discuter.

M. HARDY: Ils ont tous été invités.

M. LEGER: Je remarque qu'il n'y a que quatre députés libéraux présents, trois de l'Union Nationale et un seul créditiste.

M.HARDY: Ils ont tous été invités. C'est que leur absence est un consentement implicite.

M. LEGER : C'est ce que j'ai demandé tout à l'heure. Si c'est un consentement implicite, il n'y a pas de problème. Je suggère immédiatement, si on veut avancer, de demander aux députés qui sont présents et qui représentent ces circonscriptions de comtés protégés de bien vouloir s'exprimer là-dessus. Sinon, nous ne faisons que parler, nous n'agissons pas.

M. HARDY: Je suis bien d'accord.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On n'a pas le droit, M. le Président — et j'invoque le règlement — de porter un jugement sur l'absence de certains députés ici. d'abord, les convocations ne nous ont pas été envoyées — vous le savez — très tôt...

M. HARDY: C'est au feuilleton.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tout le monde n'a pas eu le temps de se préparer. D'autre part, il y a des raisons majeures. Si on regarde la fiche de présence en Chambre des députés du Parti libéral, on constate que ce n'est pas brillant.

MR. BROWN: Mr. Chairman...

M. LE PRESIDNET: Le député de Brome.

M. LEVESQUE : Je tiens simplement à faire une remarque: on prendra le vote enregistré hier et on verra s'il y a présence ou non des députés.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord, monsieur.

M. DUMONT: J'aimerais...

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Est-ce que le député de Wolfe désire adresser la parole?

M. LAVOIE (Wolfe); Si le député de Brome veut parler avant moi, je me réserve le droit de parler après lui.

MR. BROWN: Mr. Chairman, I do not want to talk on the subject unless the 17 are going to be invited to speak. There was no written recommendation or invitation by the vice-president to this meeting whatsoever, in any way, to anyone of the members who are of the

protected counties. There was officially no reason given why this meeting was to bo held here this morning. The vice-president has never been in any of the counties involved outside of the City of Montreal to do any studies whatsoever on these protected counties. I would just like you to keep this in mind where we are discussing this. This meeting was not called specifically by notice to discuss the situation of the protected counties whatsoever. If the members of the protected counties had been invited, as they should have been invited, they would have probably been all here, if their health had allowed them to be here.

M. LEGER: Est-ce que je peux vous poser une petite question?

M. BROWN: Oui, toujours.

M. LEGER: Est-ce que vous avez bien dit que vous ne parleriez pas sur ce projet-là s'il n'y avait pas les 17 représentants des comtés présents à cette réunion?

M. BROWN: J'ai dit: II n'y a pas eu d'avis d'écrit aux 17. En plus, on a pas donné un avis à tout le monde à l'effet que la réunion porterait sur le problème des comtés protégés. Jamais.

M. LEGER: No, you did not understand my question. I just asked: Did you already say that you were not going to talk about this subject unless the 17 are here?

MR. FRASER: Or invited.

MR. BROWN: Or invited to speak.

UNE VOIX: Us n'ont pas été convoqués.

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Wolfe.

M. HARDY: J'ai une mise au point, M. le Président. H y eu l'avis au feuilleton et deuxièmement le premier ministre a fait mention en Chambre, de la réunion de la Commission de l'Assemblée nationale lorsqu'il a déposé le projet de loi no 65. Le premier ministre a dit qu'il espérait qu'on discute du projet de loi no 65 à la réunion de la commission ce matin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah, pardon! Il n'y a pas d'ordre du jour. On ne nous a pas proposé d'ordre du jour.

M. HARDY: Ce n'est pas ça que j'ai dit. Je répète...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Brome a raison: il n'y a pas d'ordre du jour et il n'y a pas eu d'invitation.

M. HARDY: D'accord.

M. DUMONT: M. le Président, j'ai demandé s'il était d'avis de convoquer les 17 représentants. Il a dit: Demain, nous avons une assemblée.

M. HARDY: Comme j'ai été mis en cause, je ne veux pas commencer de polémique, je veux tout simplement dire ceci: Premièrement, il y a eu un avis au feuilleton, tous les députés ont donc été convoqués à la réunion de ce matin. Deuxièmement, lors du dépôt du projet de loi en Chambre, le premier ministre a émis le voeu ou l'opinion que la commission, donc les 17 députés représentant les comtés protégés, soient appelés à se prononcer sur le projet de loi. Je ne dis pas plus.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que c'était inscrit dans l'invitation qui nous a été envoyée par les greffiers, que le sujet serait celui-ci ou celui-là et qu'il y aurait un ordre du jour?

M. HARDY : Ce n'est pas ça que je dis.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le député de Brome a parfaitement raison de condamner le gouvernement de ne pas avoir procédé comme il devait le faire.

M. HARDY: Le député de Brome a raison mais c'est seulement une mise au point.

M. LEVESQUE: Le député de Chicoutimi a bien semblé comprendre le but de notre réunion parce qu'il a pris la parole dès le début et il a eu de la misère à la laisser à d'autres.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon! C'est lui qui a pris la parole dès le début. Gardez vos nerfs pour cet après-midi.

M. SAMSON: Je voudrais dire qu'il y a eu avis donné aux 17 députés pour une réunion. Ils avaient été convoqués spécifiquement pour une réunion qui n'a pas eu lieu. Aujourd'hui, la réunion a lieu et ils n'ont pas été convoqués de la même façon. Pourquoi? Le député de Brome l'a dit tantôt, ils auraient dû être convoqués spécifiquement pour cette raison. La question revêt tellement d'importance qu'ils auraient dû l'être. M. le Président, nous nous rangeons avec le député de Brome pour dire qu'il a parfaitement raison lorsqu'il dit qu'il ne devrait pas en être question à moins que les 17 concernés aient été dûment convoqués. Ce qui n'a pas été fait.

M. LEVESQUE: Nous comprenons la sollicitude du député de Rouyn-Noranda mais que l'on me permette simplement de rappeler qu'à la commission parlementaire de l'Assemblée

nationale il a toujours été convenu que tous les députés pouvaient participer aux délibérations et que, seulement pour le vote, il était question d'un comité où les gens étaient nommés.

M. LEGER: On peut peut-être blâmer le gouvernement de ne pas avoir envoyé une convocation. Pour ne pas perdre de temps, est-ce que l'on ne pourrait pas demander d'écouter ceux qui sont présents? A la prochaine réunion, c'est sûr que les 17 n'auront pas le temps de parler. Est-ce que ceux qui sont présents ne pourraient pas commencer pas donner leur point de vue?

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Wolfe.

M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, peu importe ce que pensent les péquistes, les édito-rislistes des journaux...

M. BROWN: "Clôture", this is what you want to apply?

M. LAVOIE (Wolfe): Même M. Bonenfant pense que ces gens-là ne connaissent pas tout à fait nos problèmes. Ce n'est pas une question de protéger le député mais de protéger les comtés qui sont déjà protégés jusqu'à un certain point. Depuis 25 ans, tous les chefs de parti politique du Québec ont prôné la nécessité d'une certaine réforme de la carte électorale. Différents motifs incitaient plus particulièrement les chefs d'Opposition à préconiser une telle refonte de la carte électorale. Cependant, on s'est rendu compte des nombreux désavantages sur le plan socio-économique que la présence de cette réforme pouvait comporter. Vous me permettrez d'éviter d'interpréter les sentiments qui animent aujourd'hui le premier ministre, de favoriser une refonte de la carte électorale qui aurait comme conséquence pratique, dans l'immédiat, de desservir les intérêts d'un parti ou de deux partis dont la clientèle se rencontre actuellement dans les comtés urbains, surtout dans l'île de Montréal.

Je voudrais restreindre mon intervention aux impératifs du mandat que j'ai reçu de ma population. En effet, les électeurs de Wolfe m'ont délégué pour défendre leurs droits et leurs intérêts au sein de l'Assemblée nationale. Un sondage très récent m'a permis de tâter le pouls de la population de Wolfe. Celle-ci refuse catégoriquement une refonte de la carte électorale qui aurait pour effet de noyer dans un grand tout géographique cette population homogène sur le plan social et économique. Les raisons de ce refus catégorique sont les suivantes: 1) Le comté de Wolfe possède une grande variété de problèmes et tous les ministères du gouvernement sont impliqués directement dans son développement et dans le bien-être de la population. C'est ainsi que les ministères de l'Agriculture, des Terres et Forêts, des Affaires sociales, des Richesses naturelles, de la Voirie, du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, etc., doivent planifier et agir en fonction des intérêts propres de ce secteur. 2) Si on acceptait, pour un instant, le principe de la représentation proportionnelle, on aboutirait très bientôt au paradoxe suivant: Toutes les régions de la province seraient administrées en fonction des besoins et des caprices d'une seule ville qui s'appelle Montréal. C'est tellement vrai que l'île de Montréal et sa périphérie représentent près des deux tiers de toute la population du Québec.

Sur un plan beaucoup plus pratique, un parti politique, qui voudrait à tout prix prendre le pouvoir, n'aurait qu'à permettre tous les avantages possibles à la ville de Montréal et sa périphérie, sans même se préoccuper des diverses autres régions du Québec et, à plus forte raison, d'un comté de la dimension de celui que je représente. Par la suite, ce même parti politique pourrait conserver la faveur du Montréalais en gavant cette ville commettant ainsi une injustice sociale et économique inqualifiable pour le reste du secteur du Québec. Les plus fébriles adversaires d'une réforme électorale, en vue d'établir une représentation proportionnelle à la population deviennent à mes yeux des adversaires irréductibles dans l'aménagement de nos ressources naturelles renouvelables ou non.

En terminant, M. le Président, je laisse le soin aux sociologues, aux économistes, aux intellectuels, d'élaborer peut-être d'une façon plus savante, sur les dangers énormes d'une réforme de la carte électorale qui ne tiendrait pas compte des arguments que j'ai énumérés plus haut. Si on trouvait une formule mitoyenne et souple, susceptible de protéger les droits et les intérêts de comtés et de populations semblables à ceux que je représente, je serais disposé à étudier la possibilité d'une refonte de la carte électorale.

M. HARDY: On est d'accord.

M. VEILLEUX: Est-ce que je pourrais poser au député de Wolfe, une question? Quelle est la grandeur de l'assiette géographique de votre comté?

M. LAVOIE (Wolfe): C'est 50 milles carrés, M. le député de St-Jean.

M. VEILLEUX: Concrètement parlant, en longueur et en largeur?

M. LAVOIE (Wolfe): C'est 65 milles d'un point à l'autre.

M. LE PRESIDENT (Lavoie): L'honorable député.

M. PICARD (Olier): Est-ce que le député de Wolfe pourrait nous dire, lorsqu'il parle des deux tiers de la population dans la périphérie de Montréal, où il met ces limites?

M. LAVOIE (Wolfe): Pardon?

M. PICARD (Olier): Où mettez-vous ces limites de la périphérie de Montréal? Deux tiers où il y aurait une population de 4 millions dans la périphérie de Montréal ou la métropole...

M. LAVOIE (Wolfe): C'est Montréal et sa périphérie.

M. PICARD (Olier): Où finissent ces limites pour établir...

M. LAVOIE (Laval): Dans les comtés aux environs de Montréal. Les comtés immédiats.

M. PICARD (Olier): Un instant! Deux tiers, c'est 4 millions.

M. LAVOIE (Wolfe): Oui, c'est ça aussi!

M. PICARD (Olier): Le grand Montréal a toujours été considéré comme une agglomération d'environ 2 millions et demi et non pas 4 millions.

M. LAVOIE (Wolfe): Pour le grand Montréal.

M. PICARD (Olier): Poussez, mais poussez égal!

M.,LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): L'honorable député de Mégantic.

M. DUMONT: Merci, M. le Président. Des avis ont été émis à savoir si les représentants des comtés protégés ont été convoqués, oui ou non. Je pense que, même si une motion a été présentée invitant tous les députés à être présents, il n'a pas été spécifié qu'à ce moment-là le rapport ou la demande qui a été faite, lors de la dernière séance du 23 septembre à l'effet que les gens devaient être d'abord consultés, de préparer ce rapport pour venir ici l'exprimer. Cela avait d'ailleurs été le désir unanime de tous les députés du temps comme le chef de l'Opposition officielle vient d'ailleurs de le rappeler. En plus, à la page B-1324, M. Laporte, de regrettée mémoire, déclarait: "Est-ce qu'il ne serait pas mieux pour que nous ayons, nous, un jugement serein, que la commission songe à envoyer des gens dans les dix régions économiques du Québec, qui iraient sur place entendre ce que les gens ont à dire". Il y avait parmi les arguments, qui nous sont apportés, des points qui méritent d'être retenus. Le comté des Iles-de-la-Madeleine me paraît un exemple clair et classique à ce moment-là et ça pourrait être valable. Quand ces déclarations ont été exprimées, nous avions demandé d'abord une consultation. Nous devons, donner le rapport de ces consultations que nous avons faites.

Personnellement, tel que je l'avais dit, j'ai organisé dans le comté, des causeries, des rencontres avec les gens et j'ai posé les questions. J'en énumère quelques-unes; j'ai ici des réponses types. Les questions étaient posées pour laisser les gens libres d'exprimer leurs opinions. Exemple: En 1867 — c'est la question que je posais — dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique il était prévu que des comtés, à majorité anglaise, ne pouvaient être modifiés sans le consentement de la majorité des députés de ces comtés. Croyez-vous que cet article de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique soit encore nécessaire aujourd 'hui? La réponse était à ce moment-là: Non. Je vous donne même une réponse qui était non. J'ai eu, dans toutes les réponses, 50 — 50. Les opinions sont partagées. Mais est-ce qu'il n'y aurait pas intérêt, tel que M. Laporte l'avait demandé à ce moment-là, d'aller dans tous les comtés pour consulter, faire un genre de référendum.

On peut même citer un peu plus loin une déclaration de M. Cardinal. Le député de Mégantic a soulevé un point. J'avais demandé à ce moment-là la consultation des électeurs. Ce qui me paraît important, c'est que nous devons procéder de façon démocratique. Pour ma part, à l'origine, quelle que soit la situation aujourd'hui, je conçois difficilement que nous ayons accepté les comtés protégés. Mais puisqu'il y en a eu, nous devons à ce moment-là, je crois, prendre l'idée de tous les députés qui étaient unanimes à accepter d'abord une consultation...

Vous avec une question?

M. HARDY: Le député de Mégantic admettra-t-il avec moi, s'il prétend que le temps n'a pas été suffisant pour consulter, pour faire rapport et tout cela que, lorsque le bill sera étudié en deuxième lecture, il pourra toujours faire une motion de renvoi à trois mois ou six mois?

M. DUMONT: C'est ce qu'à ce moment-ci j'ai demandé et ce qu'on réclame. On a fait des enquêtes. Je réponds au député de Terrebonne que nous devrions faire au moins que tout le monde se prépare une opinion et agir pour empêcher le "libre bâillonnement", si on peut l'appeler comme tel. Le vote libre peut peut-être exister, mais je n'y crois pas tellement au sein du Parti libéral. Alors, à ce moment-là, pour qu'une opinion franche et nette soit formée, il faut d'abord que, dans le cas de toutes les personnes que nous avons consultées, nous donnions ces rapports. Je crois que c'est justement vouloir aller trop vite que d'adopter un bill qui va abolir l'article 80 et que c'est conforme à l'idée du député de Bagot qui réclamait un référendum. Tout le monde a été

unanime à dire d'ailleurs que le tout devrait aller jusqu'au référendum.

Je continue les question que j'avais commencé à poser. J'ajoutais une autre question. "Si d'autres comtés sont aussi devenus à majorité anglaise, pourrions-nous étendre ce droit à plus de 17 comtés dans le Québec? La réponse a été non. "Devons-nous conserver ces droits acquis pour empêcher la réforme de la carte électorale ou si cette attitude est une atteinte à la démocratie? Réponse: "Je ne suis pas pour la réforme de la carte électorale". C'était la réponse qu'on donnait. Je vous donne justement la forme de rapport que vous pourriez avoir de la part des 17 comtés protégés. Enfin, je peux parler pour les trois comtés de notre parti, les comtés protégés. Les trois ont fait aussi des enquêtes au sens que nous l'avons fait.

UNE VOIX: Cela ne me surprend pas.

M. DUMONT: Je pense qu'à ce moment-là, avant de présenter un projet de loi no 65, nous devrions prendre le travail sérieux que nous avons mené, permettre d'entendre ceux qui ont des rapports à présenter et c'est précisément là la forme de rapport à faire.

Voici une autre question: "Que nous conseillez-vous de faire pour empêcher les comtés de la région de Montréal de s'angliciser davantage? " Réponse: Je me fie à la compétence des députés après consultation". Les gens veulent même une consultation et ils s'en remettent là aux députés. Les gens sont tous d'accord pour une consultation générale. Le député de Bagot disait même: "Un référendum". Je crois qu'aujourd'hui on ne respecte pas du tout ce qui s'est passé. J'ai demandé hier à l'Assemblée nationale, au premier ministre, s'il avait d'abord l'intention de faire entendre les 17 députés, je l'ai aussi réclamé avant-hier. Aujourd'hui, on ne s'en occupe pas. On fait fi de toutes ces demandes qui avaient pourtant été très bien formulées et acceptées à l'unanimité puisque en vertu du testament politique de l'homme que nous avons connu à cette table de travail, je pense que le gouvernement doit accepter la parole qu'il a donnée, à savoir: "Nous acceptons, M. le Président, d'abord quant à nous". Je pense que c'est unanime, selon la suggestion faite par le leader parlementaire d'inviter à la prochaine réunion les représentants des comtés protégés par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Il n'y a pas eu, M. le Président, de 14 octobre. Mais il y a un 17 décembre, et nous ne respectons même pas le testament politique d'un homme qui avait comme idéal d'avoir une méthode démocratique d'agir et non pas une dictature imposée.

M. LEVESQUE: M. le Président...

UNE VOIX: Tout à l'heure, vous n'avez pas reconnu mon droit de parole.

M. DUMONT: Je l'avais toujours dit.

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. DUMONT: Quand c'est bien, on le dit.

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le leader parlementaire.

M. LEVESQUE: On me permettra d'intervenir, à ce moment-ci, pour inviter le député de Terrebonne qui a beaucoup travaillé à un projet, à nous l'exposer avant l'ajournement. Je crois qu'il y a là peut-être de quoi répondre d'une façon positive à des objections que nous avons entendues autour de la table, ce matin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, faisant suite à la suggestion du député de Bonaventure, nous avons convenu d'entendre les députés. Ils ont commencé de s'exprimer. Il y en a d'autres qui peuvent s'exprimer là-dessus. Je sais que le député de Rouyn-Noranda a des choses à dire, ainsi que les députés de Brome et de Huntingdon.

M. LEVESQUE: II n'y a aucune objection, M. le Président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous aimerions les entendre tout de suite...

M. LEVESQUE: Très bien, monsieur.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... avant que vous n'adoptiez un projet qui risque de nous...

M. LEVESQUE: M. le Président, j'ai demandé la parole tout à l'heure.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez demandé la parole mais vous aviez fini.

M. LEVESQUE: Non, je n'avais pas fini. Voici ce que je voulais ajouter: II n'y a rien qui empêche les autres députés par la suite — cela va prendre trois ou quatre minutes...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je préfère les entendre tout de suite.

M. LEVESQUE: Vous préférez... Mais je crois, M. le Président, que j'avais demandé la parole.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je connais la tactique du député.

M. LEVESQUE: Ce n'est pas une tactique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une tactique du leader de la Chambre.

M. LEVESQUE: Ce n'est pas une tactique,

c'est simplement parce qu'on ne veut pas qu'il y ait ajournement avant que...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II veut que l'on nous propose un programme...

M. LEVESQUE: C'est assez positif.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... avant que d'avoir entendu les gens conformément à ce que nous avions décidé lors de la première réunion de la commission...

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): J'accorde...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et le député de Huntingdon a le droit de parler.

M. HARDY: Oui, sûrement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Laissez-le donc parler! Est-ce que vous voulez bâillonner vos propres députés...

M. HARDY: Non. C'est pour l'efficacité...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... parce qu'ils ne sont pas d'accord avec vous?

M. SAMSON: Laissez-le parler!

M. HARDY: M. le Président, c'est tout simplement... J'ai entendu tantôt le député de Wolfe. Il y a une foule de choses dans son texte avec lesquelles je suis d'accord. Et peut-être que les autres députés qui seront appelés à parler... Si on me donnait l'occasion, en trois ou quatre minutes, d'exposer ce que je propose bien humblement, cela pourrait tranquilliser les inquiétudes de certains députés.

M. LAVOIE (Wolfe): Mais donnez la chance aux autres de parler.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): De quel droit allez-vous parler avant les autres, alors que vous avez parlé amplement et enlevé la parole à vos collègues qui sont prêts à parler?

M. HARDY: C'est simplement pour une question d'efficacité.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas au nom de l'efficacité, c'est une tactique.

M. HARDY: Ce n'est pas une tactique. Ce que je propose ici est de nature à faire disparaître de nombreuses inquiétudes fondées sur la question de la représentation des comtés ruraux.

Je dis que, si on me permettait, en trois ou quatre minutes, d'exposer cela — ce qui aurait dû être fait peut-être au début, avec mon premier exposé — cela pourrait éclairer l'ensemble des discussions. Mon intention n'est aucunement — je suis bien prêt à être ici jusqu'à 10 heures ce soir — de bâillonner qui que ce soit. Mais je pense tout simplement, pour une meilleure méthodologie de notre travail, qu'il serait préférable que les autres députés ne s'expriment, qu'ils connaissent au moins un plan de travail qui a déjà été accepté par le cabinet.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un instant, un instant, M. le Président. Cela devient grave. On a déclaré tout à l'heure qu'ici c'étaient des parlementaires, indépendamment des partis qui allaient s'exprimer.

M. HARDY: C'est ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voilà que le député de Terrebonne va nous proposer un programme pensé, accepté par le cabinet. Vous refusez les droits de vos collègues à s'exprimer. Conformément à l'entente qui avait été convenue, j'aimerais entendre le député de Huntingdon et le député de Brome...

M. LEVESQUE: M. le Président, il ne faudrait pas non plus charrier.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... avant que d'avoir cette décision du cabinet.

M. LEVESQUE: M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II n'est pas question de décision du cabinet, ici. C'est une question de libre opinion des députés.

M. HARDY: Exactement, je suis d'accord.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, je demande au député de considérer ses collègues au même rang que lui.

M. HARDY: Tous les députés libéraux, membres de cette commission, ont parfaitement le droit de rejeter ce que je proposerai ici.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais c'est une proposition du cabinet.

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous allez nous dire si cette proposition du cabinet a reçu l'assentiment du caucus, contrairement à ce que nous savons.

M. HARDY: II faut tout de même être logique.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Pour le savoir, il nous faut entendre le député de Huntingdon et le député de Brome...

M. HARDY: Eh bien! si vous voulez...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... qui a lui-même condamné la procédure suivie tout à l'heure.

M. LEVESQUE: Laissez-nous lui donner la parole. La parole a été demandée...

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Un instant, s'il vous plaît. J'accorderai la parole à tout membre de cette commission, tout député qui est ici présent, que ce soient le député de Brome, de Huntingdon, d'Olier ou de Saint-Louis. Actuellement, ceux qui m'ont demandé la parole sont le député de Terrebonne et le député de Rouyn-Noranda.

UNE VOIX: M. le Président, c'est une question d'ordre... Le député de Chicoutimi semble insister pour donner la parole à qui il veut.

M. SAMSON: M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah! M. le Président...

UNE VOIX: C'est ce que vous faites depuis le début.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas du tout cela, M. le Président.

UNE VOIX: Ce n'est pas à vous à décider à qui donner la parole.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, ce matin, il est manifeste que nous sommes manoeuvrés par le député de Terrebonne, refusant le droit de ses collègues à s'exprimer comme ils doivent le faire.

M. HARDY: J'invoque le règlement...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous sommes en face d'un bâillon, c'est simple...

M. LEVESQUE: Est-ce que le député...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est de la tactique, de la stratégie pour nous imposer, d'office, la décision du cabinet, qui n'est pas acceptée par le député de Brome et par le député de Huntingdon.

M. LEVESQUE: Est-ce que...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est simple, cela. Et le député d'Olier n'a rien à dire là-dessus. Il y a des arguments qui exigent...

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): D'ac--cord, d'accord. Le député de Huntingdon soulève un point de règlement.

M. FRASER: Est-ce que je peux céder mon droit de parole au député de Terrebonne pour quelques minutes et lui laisser expliquer son affaire? Ensuite, nous parlerons.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous avons la preuve évidente de la complicité du gouvernement qui manoeuvre la commission au mépris des droits parlementaires.

UNE VOIX: Le député de Chicoutimi fait-il de la projection?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): La tactique d'intimidation à l'endroit du député de Huntingdon, à l'endroit du député de Brome, c'est bien évident.

M. LEVESQUE: Le député...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II est évident que le député de Brome veut parler.

M. LEVESQUE: M. le Président, le député de Chicoutimi vient de prononcer des paroles avec un sourire que nous ne verrons pas dans le journal des Débats. On lira cela comme si c'était...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous ferez comme le ministre des Affaires municipales, on mettra un astérisque et on indiquera "applaudissements".

M. HARDY: M. le Président, est-ce que j'ai la parole?

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Terrebonne a la parole.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dix-huit fois.

M. HARDY: Est-ce que nous pourrions revenir à un peu de sérénité et comme mise au point...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'aimerais entendre le député de Brome avant.

M. HARDY: Je dois dire...

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): A l'ordre! A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, c'est inviter le député de Brome.

M. LEVESQUE: C'est une insulte au président.

M. HARDY: Je dois dire, M. le Président,

que j'ai proposé tout simplement un document de travail...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Du cabinet.

M. HARDY: ... qui peut avoir été discuté avec des membres du cabinet...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous nous avez dit tout à l'heure "document de travail du cabinet".

M. HARDY: M. le Président, il s'agit d'un document de travail. Il est évident que je propose ce document de travail à la commission comme point de départ et qu'il pourra être amendé, autant par les membres du Parti québécois que par les membres de l'Union Nationale et les membres du Ralliement crédi-tiste.

Je propose la chose suivante. Il y a des préliminaires, des postulats. Quant à l'ensemble de la réforme électorale, il convient — comme l'a dit d'ailleurs le député de Chicoutimi dans ses premières remarques — d'établir un plan de travail général. Pour ma part, je considère que l'on doit être ouvert ou être disposé à toutes les hypothèses possibles de réforme, tant sur le plan de la carte électorale, sur les modes de scrutin, que sur des amendements à apporter éventuellement à la Loi électorale. Il ne s'agit pas, au point de départ, de fermer des avenues, mais de se placer en quelque sorte "au neutre', et d'envisager toutes les possibilités, en ayant comme seul objectif d'assurer au Parlement québécois une meilleure représentativité, c'est-à-dire que la démocratie fonctionne le mieux possible au Québec.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Comme on le voit ce matin par le bâillon apposé à vos députés.

M. HARDY: Par ailleurs, il faut admettre, comme d'ailleurs les députés du parti de l'Opposition officielle l'ont admis —et je partage cette idée, je pense en particulier à ce que disait l'honorable député de Montcalm — il faut admettre que toute cette question est profondément reliée: carte électorale, mode de scrutin et autres problèmes. Tout ça est très relié. J'avoue que j'ai modifié personnellement mon opinion là-dessus, parce qu'au point de départ je pensais donner priorité à la carte électorale, mais devant...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A la suite de la séance du cabinet?

M. HARDY: ... les excellentes suggestions du député de Montcalm, en particulier, je suis revenu à une autre proposition que je vous soumets. Je pense qu'il faut aborder l'ensemble du problème, carte électorale, et mode de scrutin, en ayant comme point de vue, d'une part, qu'il s'agit de questions extrêmement importantes. En particulier, si on pense au mode de scrutin, c'est bien beau de dire: On change le mode de scrutin, mais il faut penser aussi à tout ce que cela implique. Changer le mode de scrutin, cela veut dire modifier la vie politique québécoise. Cela veut dire modifier, sinon dans leurs structures, du moins dans leur fonctionnement, les institutions politiques du Québec. Alors, cela admis, si on regarde la carte électorale aussi, il y a une foule de questions à envisager. C'est là que je rejoins le député de Wolfe. C'est là que je rejoins le député de Huntingdon ou le député de Brome.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais on ne les a pas entendus.

M. HARDY: J'ai eu fréquemment...

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Mais on ne les a pas entendus, ces deux-là.

UNE VOIX: Ils vont se décider.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qu'est-ce que le cabinet leur a fait?

M. HARDY: Quand on regarde... Est-ce que le député de Chicoutimi...

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Quelle promesse ont-ils reçue pour se taire ce matin?

UNE VOIX: Voyons! M. le Président, à l'ordre!

M. HARDY: Le député de Chicoutimi voudrait-il me laisser terminer? Je l'ai écouté religieusement quand il a parlé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous m'avez interrompu constamment!

M. HARDY: Quand on regarde le problème de la carte électorale, c'est évident qu'il y a une série de facteurs dont il faut tenir compte, comme la densité de la population, les problèmes particuliers auxquels doivent faire face les députés des comtés ruraux, — j'en sais quelque chose — les facteurs géographiques, l'accessibilité de certains territoires, la configuration du territoire, l'intégrité, surtout en milieu rural, des municipalités existantes. Voilà tout un ensemble de questions dont il faut tenir compte, quant à la carte électorale. Alors, une fois cela admis, d'une part complexité de l'ensemble du problème et, d'autre part nécessité de procéder avec une certaine célérité si on ne veut pas se retrouver en 1980 avec la même situation qu'on a présentement, ce que je suggère bien humblement, c'est que la commission de l'Assemblée nationale dans un premier temps,

procède à l'audition d'experts, de groupes et d'individus qui voudront se faire entendre.

Il y a la composition linguistique — j'avais des notes que j'ai oubliées — qui constitue également un problème dont il faut tenir compte. Alors, tous ces facteurs étant admis, la commission de l'Assemblée nationale pourrait dans un premier temps procéder à l'audition d'experts, de groupes et d'individus qui pourraient venir nous dire comment ils envisagent le problème de la refonte de la carte électorale. Les gens dont le député de Mégantic nous parlait tout à l'heure pourront venir nous dire ce qu'ils en pensent, comme les gens des autres comtés pourront également venir nous le dire. Ils pourront le dire à leur député.

M. DUMONT: On n'est pas sûr qu'il n'y aura pas le bâillon.

M. HARDY: Pendant un premier temps, nous procédons donc à l'audition de toutes les personnes qui veulent se faire entendre sur l'ensemble de la question de la réforme globale de la carte électorale. A la suite de ces auditions, qui pourront durer le temps jugé nécessaire par la commission, il pourra y avoir lieu de former des comités d'experts pour concrétiser les décisions auxquelles en arrivera la commission à la suite des auditions publiques. A ce moment-là, on pourra s'entendre — les membres de la commission, les parlementaires — sur les critères qui devraient présider à la redistribution de la carte électorale — j'en ai énuméré quelques-uns de ces critères tout à l'heure — et les auditions publiques pourraient nous en faire valoir d'autres. Il y a peut-être d'autres critères qui pourraient être envisagés et que les intéressés pourront nous faire voir.

Ce sera la même chose pour les modes de scrutin. Il y a des experts qui pourront venir nous dire quels en sont les avantages. Il existe une multitude de modes de scrutin. Il y a un document de travail qui a été présenté par le Parti québécois et qui nous a fait voir en particulier les avantages d'un de ces modes. Mais il y a une multitude de ces modes de scrutin.

La Commission de l'Assemblée nationale, si elle veut prendre des décisions éclairées, devra entendre des experts sur ces différents modes de scrutin — des experts indépendants — qui pourront nous faire valoir d'une part l'aspect positif et l'aspect négatif de chacun de ces modes de scrutin et, par la suite, la commission pourra prendre des décisions. C'est pourquoi je soumets ce plan de travail. Nous pourrions commencer dès le mois de janvier. La commission pourrait se réunir à partir du mois de janvier, à un rythme régulier, commencer ces auditions tant d'experts que du public, les faire durer le temps qu'il sera nécessaire, et prendre des décisions par la suite, à la lumière de ces auditions.

A ce moment-là, les problèmes des comtés ruraux, des comtés urbains, les problèmes linguistiques, les problèmes d'homogénéité, les problèmes de territoire — celui des Iles-de-la-Madeleine, il n'y a pas que celui-là, il y a le problème du comté de Duplessis qui constitue un problème spécial...

M. LAVOIE (Wolfe): J'aurais une question à poser au député: Qu'est-ce qu'il entend par experts? Est-ce qu'il entend des gens qui connaissent la vie rurale, ce que signifie un comté rural?

M. HARDY: On m'a justement soumis le nom d'une personne qui est à la fois un universitaire et qui connaît très bien la vie rurale, c'est un spécialiste en géographie rurale, qui a publié au moins deux ou trois volumes et une multitude de communications sur le problème.

M. LAVOIE (Wolfe): Qui est-il?

M. HARDY: Un M. Morisset, qui est professeur à l'Université d'Ottawa. Il y en a probablement d'autres. Mais, encore une fois, la raison pour laquelle je propose ces auditions, c'est que ce ne soient pas seulement des spécialistes. Les chambres de commerce du comté de Wolfe, du comté de Brome, toutes les associations existantes qui veulent se faire entendre auront, dans le plan de travail que je propose, la possibilité de venir ici à la commission et de se faire entendre. Je ne veux engager personne, mais il y aurait peut-être possibilité que la commission se déplace pour répondre à certaines questions, qu'elle aille sur place pour faciliter l'audition des personnes intéressées, de façon que la commission ait une vue d'ensemble et aussi complète que possible du problème.

Il ne s'agit pas d'ignorer les problèmes de qui que ce soit, il ne s'agit pas de préparer une réforme électorale dans les nuages, théorique, mais de préparer une réforme qui tienne compte des facteurs économiques, sociologiques, politiques et autres qui existent vraiment sur le territoire du Québec afin que cette réforme électorale colle le plus possible à la réalité québécoise.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce que vient de dire le député de Terrebonne prouve à l'évidence qu'il n'y a pas urgence à procéder à l'examen du projet de loi 65...

M. PAUL: C'est de la poudre aux yeux!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... puisque le délai qu'il veut donner à la commission est tel que le projet de loi ne s'impose plus.

M. HARDY: Est-ce que je peux répondre

parce que cela me permettrait en même temps de répondre au député de Chicoutimi.

M. DUMONT: Est-ce que le député admettrait..? Le premier ministre a souligné que la méthode de vote du scrutin allemand serait peut-être une formule acceptable — le ministre des Finances l'a signalé — pour changer le mode de scrutin. Est-ce que vous admettez que si on changeait — après avoir réformé la carte électorale — cette façon de voter, que tout serait à recommencer pour la carte électorale?

M. HARDY: J'ai l'impression que le député de Mégantic ne m'a pas compris. Justement, je ne veux pas qu'on étudie ça séparément. La commission de l'Assemblée nationale va étudier, va inviter les gens à se prononcer sur tout l'ensemble de ce problème de façon que, lorsque la commission de l'Assemblée nationale prendra une décision sur la carte électorale, elle la prenne en même temps sur les modes de scrutin, parce que tout cela se complète. D'autre part, en réponse à la question du député de Chicoutimi, si l'article 80 demeure, les études, ou l'audition des mémoires ne pourront pas se faire dans le même esprit que si l'article 80 est disparu, parce que ces gens-là auront toujours une barrière et ça ne donnera rien de poursuivre des études dans ce domaine si on est bloqué par l'article 80, d'où l'importance d'adopter le projet de loi 65.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils vont être aussi intelligents que le député de Terrebonne et ils vont se rendre compte que c'est anachronique.

M. LEVESQUE: Je propose l'ajournement de la séance, sine die.

M. SAMSON: M. le Président, un instant s'il vous plaît.

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Tout à l'heure, on avait commencé à écouter les députés qui représentent les comtés protégés et le député de Huntingdon avait cédé son droit de parole pour quatre minutes. On n'a pas eu la chance de l'entendre. Est-ce que l'on ne pourrait pas, avant d'ajourner, entendre le député de Huntingdon?

M. HARDY: Je suis parfaitement d'accord et que les autres députés qui ont à se faire entendre le fassent.

M. LE PRESIDENT (Lavoie) (Laval): L'honorable député de Huntingdon.

M. FRASER: Je ne crois pas que ce soit une chose qui va éclairer les députés. Vous êtes tous conscients du problème des comtés ruraux. Il y a des comtés énormes, il y a des comtés avec de grandes étendues du territoire et difficiles à desservir. Il y a une considération qui doit être donnée, c'est de desservir la population. On peut représenter 100,000 personnes et recevoir deux ou trois lettres par semaine. On peut représenter 15,000 personnes et recevoir une centaine de lettres par semaine. Les moyens de travail dans les comtés ruraux, doivent suivre les moyens de travail dans les villes. C'est bien beau de parler d'un vote pour un homme, d'un député pour tant de personnes, mais c'est la théorie des 100 p. c. Il n'y a rien qui marche à 100 p. c. même dans la vie.

Aux Etats-Unis, le pays situé au sud du nôtre, le Sénat est composé de deux sénateurs de chaque état. Il y a de tout petits états de 400,000 ou 800,000 âmes comme le Vermont et il y en a comme l'état de New York avec je ne sais combien de millions. Ils ont deux sénateurs chacun. Cette théorie d'un vote pour un homme, c'est bien beau mais cela n'arrive jamais. J'espère que mon ami, le député de Terrebonne va considérer tout cela et la commission aussi. J'ai parlé assez longuement du problème avec les gens de Huntingdon. Ce sont des gens raisonnables, je peux le dire, et ils acceptent la théorie qu'on ne peut pas résister. You cannot stop the tides as King Canut tried to do long ago. La marée va venir, qu'on le veuille ou non. C'est mieux d'accepter d'être agrandi que d'accepter d'être lavé. J'ai toujours été un homme du parti. Ce n'est pas pour vous dire que je suis mieux que vous, mais je vais trouver difficile de voter pour faire disparaître l'article 80 de la constitution parce que ce n'est pas moi qui suis protégé, c'est mon comté. Je trouve cela difficile aussi de voter contre le parti dont je suis membre, mais je crois qu'il faut que je me fie au premier ministre et au bon sens de la commission.

M. LE PRESIDENT (Lavoie): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance 12 h 41)

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