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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le mardi 19 janvier 1971 - Vol. 11 N° 2

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Réforme électorale


Journal des débats

 

Commission permanente de l'Assemblée nationale

Sujet: Réforme électorale

Séance du mardi 19 janvier 1971

(Quinze heures huit minutes)

M. LAVOIE (président de la commission permanente de l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs! L'honorable premier ministre.

Déclaration ministérielle

M. BOURASSA: M. le Président, j'aimerais, si vous me le permettez, faire, à ce moment-ci des travaux de cette commission de l'Assemblée nationale, une déclaration ministérielle. Dans l'esprit du gouvernement, la présente commission de l'Assemblée nationale deviendra, dans les mois qui viennent, le lieu par excellence de la réforme de nos institutions parlementaires et électorales. Nous croyons, en effet, que le temps est venu d'opérer à cet égard des transformations majeures dans le travail de notre Assemblée nationale comme dans les méthodes qui président à sa composition et à son fonctionnement. A cet égard, déjà, un comité ad hoc formé des leaders parlementaires des quatre partis qui siègent à l'Assemblée nationale effectue présentement un travail qu'on me dit extrêmement constructif en ce qui touche la réforme des règlements de la Chambre. Inutile de vous dire que, tous, nous sommes désireux de voir au plus tôt notre Assemblée nationale disposer de règlements qui soient conformes au temps que nous vivons, tout en respectant la liberté d'expression qui est le fondement même de notre Assemblée. Par ailleurs, nous avons effectué à cette commission un travail préliminaire extrêmement important en ce qui touche l'ensemble de notre système électoral. Les délibérations que nous avons déjà eues à cette commission, au sujet de la réforme électorale, nous permettent déjà d'entrevoir l'ampleur et les limites que devra comporter l'éventuelle réforme de notre système électoral. En effet, il semble que ce soit le consensus de cette commission. Nous sommes d'accord pour dire qu'une réforme en profondeur de notre système électoral devra porter sur les questions suivantes: le mode de scrutin, la carte électorale, la Loi électorale dans certains de ses aspects, à savoir la liste permanente des électeurs, les dépenses électorales, la question des sondages préélectoraux, etc. Nous avons là un travail considérable à accomplir si nous voulons que, lors des prochaines élections générales, en 1974, la population du Québec puisse disposer d'un système électoral moderne qui respecte au maximum l'expression de la volonté populaire. Alors, autant s'y attaquer dès maintenant.

On a fait, à la suite des élections du 29 avril dernier, toutes sortes de commentaires au sujet de notre système électoral. On a souligné, et souvent avec raison, que notre présent système comportait un certain nombre de déséquilibres et d'injustices, ce que pour ma part je reconnais.

Par contre, l'amertume d'une défaite électorale et les intérêts partisans aidant, on s'est livré à une exploitation systématique et nettement exagérée des déficiences de notre système électoral. On a développé à cet égard une certaine psychose de la carte électorale.

Dernièrement, une étude objective du résultat des dernières élections, conduite par le professeur Vincent Lemieux, établissait qu'avec une carte électorale plus équitable, le mode de scrutin demeurant le même, les trois partis de l'Opposition auraient obtenu le même nombre de sièges, soit dix et le Parti libéral du Québec en aurait obtenu 78. Je fais cette remarque, non pas pour être désagréable vis-à-vis de certains membres de cette commission, mais bien plutôt pour montrer jusqu'à quel point l'ensemble de la question électorale doit être abordé avec prudence et sérieux.

Il s'agit là d'une question extrêmement complexe, où souvent les différents aspects du problème sont intimement liés les uns aux autres, mode de scrutin et carte électorale.

Comme le soulignait le professeur Lemieux, du fait que les préférences des électeurs doivent s'exprimer en conformité avec une loi électorale, dans une carte électorale et selon un mode de scrutin, la volonté des électeurs est toujours plus ou moins déformée, par rapport à un modèle idéal — et d'ailleurs irréalisable — de démocratie directe et spontanée. Il ne faut donc pas s'illusionner; il s'agit plutôt de chercher ensemble les voies pratiques d'un plus grand respect de la volonté populaire.

Dès le 19 janvier 1970, dans une causerie que je prononçais devant un club social à Montréal, j'avais souligné les déficiences de la représentativité de notre Assemblée nationale. J'ai fait la même chose le 29 avril dernier. Et l'on connaît la suite.

Dès l'automne, notre commission de l'Assemblée nationale commençait ses travaux et, à la fin de la dernière session, nous étions appelés à adopter un projet de loi abrogeant l'article 80 de la constitution relatif aux fameux comtés protégés, laissant ainsi la voie libre à la réforme électorale.

C'est donc convaincu de la nécessité qu'il y a d'opérer une réforme majeure de l'ensemble de notre système électoral que le gouvernement entend poursuivre son objectif, au sujet de la réforme électorale. Cet objectif est d'assurer une meilleure représentativité à notre Assemblée nationale et ce, dans un esprit de justice et d'équité pour tous les groupes d'opinion qui composent la population québécoise. Déjà les travaux de cette commission nous ont permis de constater qu'il s'agissait d'une préoccupation

que nous partageons. Je puis vous assurer que le gouvernement ne ménagera aucun effort afin que, lors des prochaines élections, nous puissions disposer d'un système électoral vraiment moderne et adapté à la nouvelle réalité québécoise.

Comme le travail que nous avons à accomplir est particulièrement complexe, je pense que nous aurions avantage à prendre le temps nécessaire pour adopter une méthode de travail précise et rationnelle.

Conduite des travaux

Voici les principes.

Nous pourrions nous entendre au départ sur un certain nombre de principes quant à la conduite de nos travaux.

Premièrement, parce qu'elle nécessitera une intervention législative, la réforme de notre système électoral sera l'oeuvre des parlementaires. La Commission de l'Assemblée nationale sera le véritable chantier de cette réforme. Nous y consacrerons tout le temps nécessaire. Nous créerons des sous-comités pour certaines questions particulières et nous recourrons à l'expérience et aux connaissances d'experts.

Deuxièmement, si la réforme de notre système électoral doit être l'oeuvre des parlementaires, elle ne devra pas se faire pour cela en vase clos. En effet, nous devrons prévoir dans l'organisation de notre travail une large participation de l'ensemble de la population québécoise ainsi que des groupes les plus représentatifs de notre société. A cet égard, je dois dire que déjà j'ai reçu un certain nombre de mémoires témoignant de l'intérêt que porte l'ensemble de la population québécoise aux travaux que nous entreprenons. A cette séance-ci et à une séance subséquente, si nécessaire, nous pourrions procéder à certaines clarifications préliminaires comme, par exemple, permettre à chacun des groupes parlementaires de préciser — ainsi que je viens de le faire — la façon dont il entrevoit la réforme électorale.

Troisièmement, dresser une liste des sujets devant faire l'objet des travaux de la commission.

Quatrièmement, fixer un certain nombre de priorités et examiner les questions devant être traitées ensemble: mode de scrutin et carte électorale.

Cinquièmement, définir le rôle exact de la commission parlementaire et de ses sous-commissions, préciser les modalités de la contribution des experts et de la participation de la population.

Sixièmement, régler l'aspect technique de nos travaux: rythme de nos séances, personnel requis, secrétariat.

Septièmement, dresser une liste préliminaire des personnes ou des experts que nous aimerions entendre.

Sur ce dernier point, je voudrais suggérer que nous entendions dès la prochaine séance le président général des élections, M. François Drouin. Le témoignage de M. Drouin nous aiderait considérablement à nous faire une idée plus précise de la tâche que nous avons à accomplir, des échéances que nous avons à rencontrer et de la méthode de travail que nous devrions suivre. Si cette proposition agrée aux membres de la commission, nous pourrions demander à M. Drouin de se préparer à venir nous rencontrer pour discuter avec nous des points suivants: 1— L'établissement d'un ordre de priorité, d'un échéancier qu'il aimerait nous voir adopter compte tenu de son expérience et de l'exercice de ses fonctions de président général des élections. 2— La disponibilité des membres de son bureau afin de seconder le travail de cette commission. 3— Liste des études particulières à effectuer. Je sais que le président des élections a déjà fait, à la demande de l'ancien premier ministre, le député de Missisquoi, une étude sur la liste permanente. 4— Présentation d'un bilan général des expériences étrangères en matière de réforme électorale et exposé de la méthode de travail adoptée par le gouvernement fédéral, les autres provinces ou d'autres pays.

Chacun de nous peut proposer une échéance, mais, comme nous n'avons pas une expérience particulière dans ce domaine de la réforme électorale, j'ai pensé qu'il serait utile pour tous les membres de la commission de profiter au départ des connaissances et de l'expérience du président général des élections, M. Drouin.

Ainsi, ce que je propose cet après-midi à l'attention des membres de la commission, c'est que, d'une part, nous nous entendions sur un certain nombre de grands principes devant présider à la réforme électorale et que nous prenions dès maintenant certaines dispositions à court terme afin d'organiser d'une façon rationnelle le travail que nous avons à accomplir.

A plus long terme, pour autant que nous puissions le prévoir et en maintenant une assez grande souplesse d'application, je dirais que les travaux de notre commission dans les mois à venir pourraient comporter trois phases principales. Une première phase d'organisation, d'information, de recherche et de participation. Une deuxième phase de réalisation au plan technique: formation de sous-comités techniques, travaux spécialisés. Enfin, une troisième phase, participation de la population et de tous les groupes intéressés et prise de décisions par les parlementaires et l'Assemblée nationale.

Cependant, même si nous pouvons nous faire une idée assez précise des échéances à rencontrer dans l'ensemble du processus de révision de notre système électoral, nous devons aussi nous assurer à l'avance d'une certaine souplesse dans l'application des normes, procédures et échéan-

ces que nous adopterons. Ceci me paraît particulièrement important si nous voulons maintenir un juste équilibre entre les différentes parties de notre future loi électorale.

Nous savons tous que les différents aspects d'un système électoral sont très souvent imbriqués les uns dans les autres et qu'une décision sur l'un de ces aspects dans un sens donné entraîne nécessairement des conséquences pour le reste. Il faut donc savoir évaluer une orientation particulière en fonction de l'ensemble du système et, au besoin, pouvoir remettre en cause certains choix faits dans un contexte particulier.

De toute façon, je sais que nous pourrons compter en tout temps sur la collaboration de tous les parlementaires et sur la participation éclairée de la population. Je soumets donc à l'attention de cette commission les quelques remarques que je viens de formuler. Je voudrais simplement dire en terminant que, quant à nous du gouvernement, maintenant que la question des comtés protégés est réglée, le processus de révision de notre système électoral est désormais définitivement engagé.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

Etude en profondeur du problème

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je remercie le premier ministre de nous avoir fait part des intentions du gouvernement, tout en regrettant toutefois qu'il ne nous ait pas auparavant fait tenir des copies de son texte, ce qui nous eût permis d'examiner avec plus de circonspection le programme de travail qu'il nous propose et les principes qui le sous-ten-dent.

Je crois toutefois que le premier ministre — et je l'en félicite — a bien compris le sens des observations que nous avons faites dès le moment où cette commission a commencé de siéger. Nous avions en effet fait observer au gouvernement que la commission qui devait s'occuper de la refonte de la carte électorale ne pouvait pas travailler à la petite semaine et prendre l'ensemble des problèmes à la pièce, mais qu'il s'agissait plutôt d'une étude en profondeur d'un problème qui a des implications très importantes sur l'ensemble des institutions du Québec.

Le premier ministre a parlé de la réforme de nos institutions parlementaires et de la réforme électorale. Il a fait observer que cela nous amènerait à étudier le problème du mode de scrutin, de la Loi électorale, de la carte électorale, des dépenses, des sondages pré-électoraux, etc., tout un ensemble de problèmes que nous avions déjà évoqués et qui avaient fait l'objet de discussions qui — il faut bien le dire — ne s'étaient pas produites dans un ordre exemplai- re parce que nous défrichions un terrain en quelque sorte vierge et qu'il nous fallait procéder à sérier les problèmes avant que d'en faire l'examen et l'analyse.

Je note donc avec satisfaction que le premier ministre — et je crois que ce sera là l'avis des membres de cette commission — veut procéder à la réforme de nos institutions parlementaires.

Cela vaut évidemment — et je crois que c'est là l'intention du gouvernement — pour les institutions parlementaires du Québec. Tout à l'heure, lorsque le premier ministre parlait de priorités à établir, je me prenais à souhaiter qu'il évoquât un problème encore plus important et qui est aussi un prérequis à cette réforme de nos institutions parlementaires que nous voulons entreprendre aujourd'hui.

Et ce prérequis cause — je l'ai dit dès le début des premières réunions de cette commission — le problème de la situation du Québec à l'intérieur de la fédération canadienne, parce que, même si nous procédons à la réforme des institutions parlementaires du Québec, il nous faut en même temps songer à ce que sera le Québec de demain et quelles seront ses relations avec les autres Etats membres de la fédération canadienne et ses relations avec les autres pays du continent nord-américain.

Il s'agit là, à mon sens, d'un prérequis, d'une priorité, et j'aurais souhaité que le premier ministre évoquât ce problème et nous rassurât sur l'intention du gouvernement de procéder à une réforme complète, non pas seulement de la constitution interne du Québec mais bien à une réforme complète de la constitution du Québec envisagée dans l'optique du devenir constitutionnel du Québec.

Car, quoi qu'on fasse pour revaloriser, pour restructurer les institutions parlementaires du Québec, il nous faudra quand même, un jour ou l'autre, nous poser la question de savoir quelle sera exactement la place du Québec à l'intérieur de la fédération canadienne et quelles sont les orientations que les partis politiques et que les citoyens voudront donner à cet avenir du Québec.

Il s'agit donc là, je le répète, dans mon esprit, d'un prérequis. Ce qui ne nous empêche pas, toutefois, de nous attaquer aux problèmes qu'a évoqués le premier ministre et qui me paraissent couvrir passablement le terrain que nous avons à défricher.

Le premier ministre, dans sa déclaration, a parlé des problèmes que je viens d'énoncer. J'aurais voulu aussi qu'il nous exprimât ses vues, qu'il nous fît connaître sa philosophie de l'Etat québécois, afin de nous éclairer sur ce que son gouvernement pense de l'Etat du Québec et des orientations de son activité.

J'aurais voulu également qu'il nous parlât du rôle du législateur, c'est-à-dire de la place du député dans l'Etat du Québec et dans le cadre des nouvelles institutions parlementaires que nous voulons nous donner. Cela est important,

avant que de s'attaquer à des questions précises, qui ne sont pas des questions de détail, puisqu'elles sont très importantes: mode de scrutin, loi électorale, carte électorale, etc. Ces problèmes mettent en cause la situation du législateur.

Lorsque nous parlons de carte électorale, de collèges électoraux, par exemple, il nous faut bien rattacher ces problèmes majeurs, à celui de la situation du législateur. Nous devrons le faire, lorsque nous examinerons la création des collèges électoraux, le mode de scrutin et le réaménagement de la carte électorale.

Il nous faudra, à ce moment-là, nous demander si nous devions nous rabattre sur certaines solutions qui ont déjà été évoquées, en particulier à propos de scrutin uninominal ou de scrutin d'une autre forme. Il faudra bien songer à définir exactement le rôle du législateur, car quelle que soit la carte électorale, quel que soit ce réaménagement de la carte électorale et quel que soit le mode de scrutin que nous nous donnerons, il y aura des députés et il faudra définir leur rôle, les situer dans ce cadre des nouvelles institutions parlementaires qui seront les nôtres.

Alors, au cours du débat qui a marqué la présentation de la loi qui a fait disparaître ce qu'on appelle les comtés protégés, nous avions parlé du problème de la représentativité des parlementaires et du problème de la représentation des divers milieux socio-économiques du Québec.

C'est donc un aspect de cet examen qui devra retenir notre attention dans l'élaboration de cet échéancier que le premier ministre voudra nous proposer ou que la commission s'entendra pour accepter.

Je retiens de ce que le premier ministre a dit — c'est là une prise de position du gouvernement fort valable — qu'il veut non seulement associer les parlementaires au travail de la refonte des institutions parlementaires et de nos institutions électorales également, mais en faire les responsables de cette refonte.

C'est un voeu que j'exprimais dès la première ou la seconde réunion de cette commission de l'Assemblée nationale. En effet, en une matière aussi délicate et qui touche immédiatement les parlementaires, je ne voulais pas que le gouvernement donnât à quelqu'un d'autre la responsabilité de s'occuper d'une question qui appartient au premier chef aux parlementaires.

A certains moments, dans des cas particuliers, pour l'examen de questions particulières, il est excellent de requérir l'avis des experts et, le cas échéant, de créer des commissions du gouvernement chargées de faire rapport. Mais l'institutionnalisation de cette pratique finit par mettre le gouvernement dans la situation de celui qui gouverne par procuration ou par personnes interposées. Dans un domaine comme celui de la refonte ou de la réforme de nos institutions parlementaires, il est extrêmement important que ce soient les parlementaires eux-mêmes qui assument cette responsabilité parce que ce sont eux qui sont élus et aussi parce que, étant, comme on le dit dans le jargon du métier, sur le terrain, ils sont beaucoup mieux placés que quiconque pour établir et pour définir exactement la politique que le gouvernement devrait suivre et pour faire connaître aussi quels sont les problèmes particuliers aux régions déterminées que nous représentons.

Je retiens donc cette expression de la volonté du gouvernement de vouloir faire des parlementaires les premiers responsables, ce qui n'exclut pas — et le premier ministre l'a dit — que nous devions requérir l'avis d'experts et de créer, toutes les fois que cela sera nécessaire, des comités ad hoc chargés d'examiner des questions techniques, de nous présenter des rapports, de dresser des inventaires et ainsi, de pallier des insuffisances de connaissances des parlementaires en cette matière.

J'imagine — et le premier ministre pourra me dire si mon interprétation est bonne — que le gouvernement n'a pas l'intention de créer une commission du gouvernement chargée de s'occuper des problèmes de la Loi électorale, de la carte électorale, du mode de scrutin et de toute question connexe, mais qu'il veut que la commission parlementaire soit vraiment l'instrument de la réforme institutionnelle que nous entreprenons et que l'avis des experts en ces matières et dans ce domaine ne sera requis que lorsque la commission parlementaire le demandera. Je crois que c'est là l'intention du gouvernement, si j'interprète bien la déclaration qu'a faite le premier ministre.

M. le Président, ce sont là quelques observations préliminaires que je voulais faire à la suite de la déclaration du premier ministre. C'est une déclaration que j'endosserais entièrement si le premier ministre avait, comme je l'ai dit au départ, évoqué avant tout le problème du devenir constitutionnel du Québec et de la situation du Québec à l'intérieur de la fédération canadienne et dans le milieu nord-américain. Le jour où ayant procédé à une refonte et à une réforme de nos institutions parlementaires, il nous faudra bien voir si les réformes que nous entreprenons sont adaptables à la situation constitutionnelle qui est la nôtre depuis 1867, situation constitutionnelle qui a à ce point évolué, compte tenu de la politique pratiquée par le gouvernement central, qu'à toutes fins utiles — je l'ai dit ailleurs et je le répète ici — la constitution de 1867 n'existe plus et que, par conséquent, le Québec a maintenant le champ libre pour procéder non pas seulement à une refonte, à une réforme de ses institutions parlementaires, mais à inventer pour lui-même un nouveau mode de vie.

Il lui faudra soumettre, de façon directe, très franche et très nette, des propositions aux autres Etats membres de la fédération et au gouvernement central, afin de procéder non pas au genre de révision constitutionnelle dont on parle à l'heure actuelle et qui se poursuit à un

rythme extrêmement lent, mais de proposer aux Etats membres de la fédération et au gouvernement central un nouveau pacte d'association avec le reste du Canada et un nouveau mode d'intégration du Québec dans la vie socio-économique nord-américaine. C'est là, à mon sens, un prérequis, et si l'on devait n'en pas tenir compte, il se pourrait que tout le travail que nous nous proposons d'accomplir et que nous commençons aujourd'hui soit, au départ, faussé et que les résultats en soient caducs, au moment où nous voudrons les appliquer, où nous voudrons essayer de les faire coïncider avec les instruments politiques qui ont été jusqu'à présent les nôtres et dont les articulations majeures se trouvent formulées dans cette vieille constitution de 1867.

Donc, monsieur le Président, en terminant, j'insiste sur ce que je viens de dire et je remercie le premier ministre de nous donner l'assurance que ce sont les parlementaires qui accompliront le travail et que c'est la commission parlementaire de l'Assemblée nationale qui décidera de requérir, le cas échéant, l'avis des experts.

Je vous remercie, M. le Président.

M. BOURASSA: Une remarque pour faire suite aux propos fort objectifs du député de Chicoutimi. Je comprends son inquiétude mais nous devons constater qu'en vertu de l'article 92, paragraphe 1) de la constitution canadienne, le Québec est maître de ses institutions parlementaires.

Quant au deuxième point sur son interprétation de ce que j'ai dit, il est clair que c'est la commission parlementaire — comme il l'a compris — qui va décider des réformes à apporter, mais il pourra y avoir — c'est évident puisque nous ne pouvons pas faire ce travail dans le détail — des groupes d'experts ou des commissions d'experts qui pourront examiner, par exemple, le découpage de la carte électorale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, si vous me le permettez, je vais poser une question au premier ministre, compte tenu de ce que j'ai dit au sujet de la constitution canadienne.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je permettrai cette question...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, mais c'est parce que... Oui, excusez-moi.

M. LE PRESIDENT: ... après ma courte intervention.

Je voudrais faire remarquer également au député de Chicoutimi — je n'ai pas voulu l'interrompre lorsqu'il a soulevé la question, essentielle sans aucun doute, de la constitution du Québec dans l'optique de la constitution canadienne — que, dans la nomenclature des commissions de l'Assemblée nationale, il existe la commission, qui a été reformée, de la constitution. Et je me demande, comme président de cette commission-ci, jusqu'où je pourrai permettre cette discussion sans nécessairement entraîner un dédoublement avec l'autre commission qui sera appelée sans doute à siéger, celle de la constitution elle-même.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je tiens note de votre observation, qui est fort pertinente — et je vous remercie de nous le rappeler — mais le premier ministre — et la déclaration du premier ministre en atteste — en somme a posé le problème.

Il vient d'évoquer l'article de la constitution qui permet au Québec de procéder à une réforme interne de ses institutions. D'autre part, j'ai rappelé au premier ministre — cela pourra faire l'objet des discussions de la commission de la constitution — que la démarche constitutionnelle que nous avons suivie depuis 1867 a abouti à toutes fins utiles à une sorte d'abolition de la constitution de 1867 et que nous ne devons pas considérer cette constitution de 1867 comme un tabou, comme quelque chose qui pourrait nous empêcher de procéder à un examen complet du problème. J'ai nettement l'impression que si la commission de l'Assemblée nationale aborde tous les problèmes qu'a évoqués le premier ministre tout à l'heure dans sa déclaration, nous serons fatalement obligés de poser l'entier du problème et qu'à toutes fins utiles la commission actuelle va devenir par la force des choses la commission de la constitution.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

Système équitable

M. SAMSON: M. le Président, suite aux deux déclarations ministérielles du premier ministre que nous avons écouté d'ailleurs avec beaucoup d'intérêt, nous comprenons que les intentions du gouvernement sont que la réforme soit complète, totale, en passant par les modes de scrutin, la carte électorale, la Loi électorale, même les dépenses électorales. Il a même touché aussi un sujet intéressant: les sondages électoraux. Nous comprenons que ce n'est qu'en entreprenant une réforme électorale complète que nous pouvons réellement poursuivre les buts que nous poursuivons, c'est-à-dire avoir un système électoral qui sera adapté aux jours d'aujourd'hui.

Je pense que c'est tout à fait important que nous puissions — puisque l'occasion nous en est donnée — refaire le tout au grand complet, et pas seulement une réforme de surface. Qu'on aille en profondeur et que l'on voie tous les problèmes qui se posent. Cela serait peut-être même l'occasion idéale pour que les quatre partis siégeant à l'Assemblée nationale se don-

nent la main pour faire une étude sérieuse et objective puisque, relativement à cette réforme électorale, évidemment, notre méthode a été contestée depuis quelque temps. Si elle a été contestée, c'est sûrement pour de très bonnes raisons. Sans vouloir discuter aujourd'hui ces raisons, une chose demeure, c'est que nous avons à faire quelque chose, et cela doit se faire peut-être pas en essayant de respecter des échéanciers. Je pense que nous ne devrions pas mettre l'accent sur le temps que nous devons prendre. Nous devons y mettre le temps nécessaire pour en arriver à des réformes qui soient de véritables, réformes qui amèneront chez nous un système électoral équitable pour l'ensemble de la population du Québec.

En ce sens, nous retenons comme très objective, très sérieuse, la suggestion qui nous est faite par le gouvernement de faire entendre devant la commission parlementaire le président général des élections. Nous croyons que c'est au départ ce que nous devons faire pour que toute réforme soit logique. Nous devons pouvoir questionner le président général des élections qui, selon moi, a une très grande expérience de notre système électoral, afin de connaître ses suggestions, ce qu'il pense de notre système, ce qu'il verrait comme modifications possibles. Cela serait sûrement un très bon départ qui nous permettrait par la suite d'ouvrir des avenues sur d'autres discussions. Nous avons également reçu du gouvernement de la documentation sur certains systèmes électoraux en d'autres pays. Cela pourra nous être très utile. A notre sens, nous devrions prendre en considération tout ce qui nous sera soumis parmi les systèmes électoraux du monde et tenter de bénéficier de l'expérience des autres pour donner au Québec le système électoral le plus parfait possible.

Nous avons, lors de séances antérieures, fortement appuyé sur la participation de la population. Aujourd'hui, nous aimerions répéter ce que nous avons dit antérieurement, c'est-à-dire que, selon nous, la commission parlementaire devrait pouvoir se déplacer, aller rencontrer la population dans les différentes régions de la province et y tenir des séances publiques permettant à tous les corps publics qui ont des mémoires à présenter de le faire et de pouvoir s'exprimer devant la commission.

Les priorités, selon nous, seraient, après avoir entendu le président général des élections, de pouvoir adopter un plan de travail qui permettrait à la commission de commencer immédiatement à tenir ces séances publiques pour ramasser le bagage d'informations qu'il est possible d'aller chercher chez notre population. Evidemment, il y a aussi les comtés urbains, les comtés ruraux. Nous devrons sérieusement prendre ce problème en considération dans nos études, en sachant qu'il est établi qu'en moyenne, dans les comtés ruraux, il y a 15 p. c. de la population de plus que dans les comtés urbains qui participent directement aux élections, qui se dérangent pour aller voter. C'est une chose qu'on devra étudier sérieusement pour en venir à une réforme qui sera logique, équitable, suivant les circonstances et suivant les coutumes de notre population.

Il y a également ce sujet qui est très important. Nous devrions considérer, dans nos futures délibérations, une date fixe pour nos élections. Cela a été discuté précédemment, mais ce serait peut-être l'occasion parfaite pour nous d'en arriver à proposer réellement une réforme, que la date des élections cesse d'être un jeu de cache-cache. Je ne parle pas plus pour un parti que pour un autre, parce que tous les partis peuvent un jour s'en servir ou, un autre jour, peut-être en souffrir. Une date fixe pour les élections pourrait être étudiée sérieusement pour que cela soit réellement une réforme. Quand on parle de réforme réelle, il faut que cela soit une réforme qui réponde véritablement aux besoins de la population.

M. le Président, avec votre permission, puisque vous avez eu la gentillesse de permettre deux fois au premier ministre une intervention, de même qu'à l'honorable député de Chicoutimi, nous avions préparé, le leader parlementaire en collaboration avec nos députés, ce qui est en quelque sorte une feuille de route qui pourrait peut-être éclairer la commission parlementaire. Nous voudrions, du moins, vous faire part des suggestions que nous aurions à faire concernant ce problème et la suggestion que nous apportions, que la commission parlementaire se déplace et aille visiter certaines régions. Cela prendrait tout au plus une minute ou deux, M. le Président, avec votre permission. Le député de Mégantic pourrait vous en faire part, si vous le voulez bien.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mégantic.

Commission itinérante

M. DUMONT: Merci, M. le Président. Nous avons d'abord prévu, dans les déplacements de la commission parlementaire, nous rendre à Gaspé pour consulter entre autres les électeurs d'un comté qui est très discuté de ce temps-ci, les Iles-de-la-Madeleine, et les comtés environnants; deuxièmement, aller à Rimouski, Montmagny, Thetford Mines, Granby, Trois-Rivières, Chicoutimi, en Abitibi, à Terrebonne; enfin, dans les différents comtés de la ville de Montréal.

Nous avons prévu que la Côte-Nord pourrait être représentée, ainsi que Gaspé. Nous avons même mentionné les noms des comtés — dans la deuxième étape de ce travail, déterminer le nombre de comtés qu'il devra y avoir à l'Assemblée nationale. Je crois que c'est aussi une étude qui devra être faite très sérieusement.

Deuxièmement, certificat d'identification

pour les grandes villes comme Québec et Montréal. En plus, une liste permanente pour tous les électeurs et rejet du vote obligatoire.

Troisième étape, et c'est un document de travail que nous présentons. Premièrement, le financement des partis politiques, la publicité électorale et les dépenses électorales, la disparition de la caisse électorale ou un plafonnement du montant des souscriptions rendues déductibles de l'impôt sur le revenu.

Quatrième étape, les conclusions et le rapport final. Il s'agit surtout, d'apporter une attention bien spéciale à la possibilité d'étudier le système existant actuellement en Australie.

Alors, pour l'information de tous les membres de la commission parlementaire, nous avons préparé un texte que, si M. le Président le permet, nous distribuerons afin que les gens puissent le consulter. J'en ai pour les journalistes également.

Merci, M. le Président.

M. HARDY: M. le Président, avec la permission du député, est-ce que je pourrais lui poser une question pendant que l'on procède à la distribution du texte?

Est-ce que ces déplacements à travers la province constitueraient la première phase du travail de la commission dans l'esprit de votre document?

M. DUMONT: Cela deviendrait immédiatement après la rencontre avec le président d'élections, M. Drouin.

M. HARDY: Alors, dans votre esprit, on rencontre d'abord le président et, ensuite, on se déplace à travers la province.

M. DUMONT: Comme la commission du biculturalisme a fonctionné dans le Canada, mais, là, ce serait pour la réforme électorale dans la province de Québec.

M. BOSSE: Sur un point d'ordre, M. le Président. Avant que la commission ne se déplace dans la province, est-ce qu'il serait possible qu'on se déplace à l'intérieur de l'édifice pour qu'au moins les élus du peuple aient de l'espace pour s'asseoir? Nous pourrions peut-être nous déplacer d'abord à l'intérieur, dans une salle plus appropriée.

M. PAUL: M. le Président, avec votre permission, je voudrais poser une question à l'honorable député de Mégantic. Dans la suggestion qu'il nous fait de rendre la commission itinérante à travers le Québec, l'honorable député pourrait-il nous dire si cette commission comprendrait tous les membres de l'Assemblée nationale ou seulement les membres qui en font partie, au début de la session?

M. DUMONT: Je pense que le député de

Maskinongé a bien compris que les onze devront se déplacer pour rapporter à l'Assemblée nationale une foule de documents qui nous seront très utiles.

M. PAUL: Alors, cela ne comprendrait pas le déplacement de tous les députés.

M. DUMONT: C'est assurément impossible. Les onze peuvent rapporter ici, à l'Assemblée nationale, tous les documents qui seront utiles à une véritable réforme électorale.

M. PAUL: Je vous remercie.

M. HARDY: Sur la même question, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget m'a demandé la parole, il y a très longtemps.

M. HARDY: Ah bon! Très bien.

M. LE PRESIDENT: Je pense que nous pourrions permettre aux chefs de chacun des partis de s'exprimer.

M. HARDY: Quitte à revenir aux modalités.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

Postulats de base

M. LAURIN: M. le Président, l'intérêt constant et extrême du Parti québécois pour la question de la réforme électorale est très bien connu maintenant du gouvernement et de la population du Québec. De la même façon, le gouvernement et la population de Québec connaissent très bien, maintenant, les travaux sérieux, objectifs et exhaustifs que notre parti a consacrés à cette question.

Par ailleurs, nous ne savions pas que le chef du gouvernement avait l'intention, aujourd'hui, de faire une déclaration aussi substantielle et aussi encourageante pour l'avenir de la démocratie au Québec. C'est la raison pour laquelle nous avions cru opportun de faire parvenir, dès hier soir, aux membres de la commission les considérations et les propositions suivantes.

Lors de la première réunion de la commission de l'Assemblée nationale consacrée à l'étude de la réforme électorale, le Parti québécois avait soumis un calendrier de travail. Il faut maintenant revoir ce calendrier à la lumière des travaux accomplis jusqu'à maintenant et de l'adoption de la Loi 65, abrogeant la protection spéciale accordée à certains comtés par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Les postulats de base seraient les suivants. Lors de la dernière réunion de la commission tenue le 17 décembre, le gouvernement a accepté certains postulats de base que nous

avions nous-mêmes proposés. Etant donné leur importance, il est nécessaire, je crois, de les répéter:

Premièrement, la réforme électorale doit porter simultanément sur la carte électorale, le mode de scrutin et tous les autres aspects du processus électoral.

Deuxièmement, la réforme devra être accomplie avant les prochaines élections générales.

Troisièmement, cette réforme sera l'oeuvre de la commission de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire des parlementaires aidés, à l'occasion, par des comités de spécialistes.

Afin que la commission puisse travailler d'une façon ordonnée et expéditive, nous proposons l'adoption d'un échéancier précis comportant cinq étapes principales:

La première étape se déroulerait de janvier à mars 1971, elle serait consacrée à des sessions de la commission de l'Assemblée nationale et s'occuperait d'établir la méthode de procéder, entendrait des spécialistes et peut-être aussi la population en même temps qu'elle fixerait les grandes lignes de la réforme, c'est-à-dire établirait les principes qui doivent guider notre action.

Dans une deuxième étape, qui se prolongerait de mars à décembre 1971, nous assisterions à la formation d'un ou de plusieurs comités d'experts qui exécuteraient leurs travaux et produiraient leurs rapports.

Dans une troisième étape, de janviers à mars 1972, il y aurait plusieurs sessions de la commission de l'Assemblée nationale pour considérer le rapport des spécialistes, pour entendre les représentations de la population et pour faire rapport à l'Assemblée nationale.

Dans une quatrième étape, qui se déroulerait de mai à juin 1972, le Parlement procéderait à l'adoption d'une nouvelle loi électorale.

Et enfin, dans une cinquième étape, qui durerait de juin à décembre 1972, le gouvernement procéderait à la mise en place de la nouvelle loi électorale.

En ce qui concerne les sessions de la commission, nous croyons qu'il est possible que la commission termine la première partie de ses travaux avant l'ajournement de Pâques en procédant suivant le calendrier suivant: Aujourd'hui, par exemple, si c'est possible, adoption de la procédure du calendrier des travaux et de la liste des spécialistes à entendre; le 27 janvier, étude de la liste permanente des électeurs, toujours avec des spécialistes au besoin ; les 3 et 10 février, étude sur le nombre des députés, le mode de scrutin, les systèmes proportionnels; les deux sessions du 17 et du 24 février, étude de la carte électorale; réunion du 3 mars, étude de l'identification des votants, du scrutin, de la machine à voter; réunion du 10 mars, étude des problèmes qui entourent la publicité électorale, les sondages électoraux, ainsi que les dépenses électorales, quant à leur plafonnement et à leur remboursement; réunion du 17 mars, étude du financement des partis politiques et enfin, 24 mars, mise au point du rapport de la commission.

Le gouvernement a proposé, lors de la dernière réunion de la commission, que dès cette première phase, la commission puisse entendre les représentations de la population. Bien que nous ne soyons pas opposés, en principe, à cette façon de procéder, nous nous demandons si c'est la meilleure. A notre avis, il vaudrait beaucoup mieux consulter la population sur un projet précis de réforme, après que les comités de spécialistes auront fait rapport. C'est pourquoi, dans notre échéancier général, nous avons placé cette consultation à la troisième étape.

Il ne faut pas oublier, en effet, que dans la première étape, il s'agit surtout de prendre des décisions d'ordre politique sur les grandes lignes de la réforme. Nous croyons que les membres de la commission, après avoir entendu les experts sur les aspects techniques de certaines réformes envisagées, seront en mesure de se prononcer sur ce genre de questions d'ordre général. Nous gagnerions ainsi un temps précieux, tout en prévoyant une consultation de la population dans des circonstances où cette consultation, portant sur un projet concret, aurait plus de chance d'être significative.

La déclaration que nous venons d'entendre de la part du premier ministre, comme vous vous en êtes rendu compte, M. le Président, recoupe, sur plusieurs points, les sujets que nous voulions porter à l'attention de la commission. Elle les recoupe aussi bien en ce qui concerne les principes, les priorités, la liste des sujets à étudier, la liste des spécialistes à faire entendre, les études à effectuer qu'en ce qui concerne la méthode par laquelle nous devrions procéder, c'est-à-dire trois phases: La première, l'organisation; la deuxième, la réalisation et la troisième, la consultation.

Nous ne voulons pas revenir sur le passé, ainsi que l'a fait le premier ministre, car nous savons que l'oeuvre à effectuer est très importante et que nous n'avons guère de temps pour le faire. Je voudrais simplement signaler que cette psychose de la carte électorale dont a parlé le premier ministre est, comme dirait Descartes, la chose du monde la mieux partagée puisqu'elle n'est l'apanage d'aucun parti en particulier.

Nous croyons préférable de nous mettre immédiatement au travail et de nous entendre sur le calendrier, l'échéancier, les méthodes et les procédures que nous devons adopter. Cela ne devrait pas être trop difficile puisque, en entendant les représentants des divers partis, j'ai vu à peu près les mêmes sujets revenir à l'esprit de chacun.

Il s'agirait simplement de les mettre dans l'ordre qui paraîtrait le plus logique et le plus cohérent.

Nous sommes donc préparés à commencer

immédiatement cette étude de sujets précis en ce qui concerne, par exemple, le calendrier, la méthode et la procédure afin que nous puissions, dès cette première séance, faire rapport de l'état de la question.

Je voudrais aussi dire un mot en ce qui concerne l'intervention du député de Chicoutimi. Je suis bien d'accord avec lui que la question de l'avenir constitutionnel du Québec est extrêmement importante, mais comme l'a fait remarquer le président, il y a peut-être d'autres lieux que cette commission pour étudier ce problème. Pour ma part, je craindrais beaucoup qu'en étendant d'une façon aussi vaste le sujet qui est à l'étude, ceci retarde d'une façon sérieuse nos travaux et ait pour conséquence de retarder une réforme qui n'a que trop tardé déjà et qui, l'expérience l'a déjà prouvé et le prouvera encore, comporte de longues études et une longue réflexion.

Je suis donc d'avis que nous devrions garder ce problème-là pour une autre commission, quitte à ce que le gouvernement, s'il le veut, précise, simplement par une déclaration, sa position en ce qui concerne l'avenir constitutionnel du Québec. Quant aux suggestions apportées, soit par le député de Rouyn-Noranda ou par celui de Mégantic, nous les faisons nôtres en grande partie, puisque nous reconnaissons là également nos préoccupations. Je suis très heureux de dire aux représentants de ce groupe que nous sommes bien décidés, pour notre part, à faire abstraction de tout parti pris, d'esprit partisan ou électoraliste pour nous unir avec eux et les autres partis pour que nous étudiions ce problème dans un esprit tout à fait objectif, sentant que la population a les yeux rivés sur cette commission et qu'elle attend de cette commission des travaux précis, des travaux rapides qui, encore une fois, comme je le disais à propos de la déclaration du premier ministre, mettront enfin de la substance dans toutes les déclarations que nous faisons pour le progrès de la démocratie.

M. BOURASSA: M. le Président, je remercie le député de Bourget de même que le député de Rouyn-Noranda et le député de Chicoutimi. Je pense que la réforme semble tout à fait bien amorcée, si on regarde l'objectivité avec laquelle on aborde ces discussions. Je me demande si les chefs de partis seraient d'accord pour que, la semaine prochaine — vous parliez du 27 — le 28, parce que d'après le calendrier qui nous est soumis, cela pourrait être plus facile, on entende M. François Drouin, le président général des élections. Le jeudi 28 janvier dans l'après-midi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Jeudi.

M. BOURASSA: Vous avez des congrès, vous autres, de votre côté.

M. PAUL: Ne vous occupez donc pas de ce qui ne vous intéresse pas. Le matin, il y a, je crois, la commission des engagements financiers.

M. BOURASSA: C'est ça.

M. PAUL: Je crois que c'est la seule commission, jusqu'à maintenant. Dans l'après-midi...

M. BOURASSA: C'est ça, dans l'après-midi. M. HARDY: Dans l'après-midi à trois heures.

M. BOURASSA: On pourrait entendre M. François Drouin.

M. LAURIN: M. le Président, est-ce que je pourrais demander au premier ministre, s'il donne suite à son intention de faire entendre le président des élections, s'il lui donnerait des instructions quant au sujet qu'il aborderait devant nous?

M. BOURASSA: C'est une chose que l'on pourrait discuter sur-le-champ, les questions à poser. Cela lui donne quand même une dizaine de jours pour se préparer. On pourrait préparer des questions pour le président général des élections: son point de vue sur la carte électorale, le temps que cela peut prendre pour la refaire, son point de vue sur d'autres questions que la commission parlementaire pourrait juger pertinentes. Mais je voudrais qu'on s'entende sur le fait qu'on lui demande de venir témoigner devant la commission, la semaine prochaine, que ce soit mercredi ou jeudi, mais quant à nous, jeudi après-midi, à trois heures, cela nous paraîtrait une date acceptable.

M. LAURIN: Je serais tout à fait d'accord sur cette suggestion, dans la mesure justement, où le président général des élections serait avisé...

M. BOURASSA: ... avisé des questions qui lui seraient posées.

M. LAURIN: ... par le gouvernement de la liste des sujets dont il devrait nous entretenir.

M. BOURASSA: D'accord.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. le Président, je crois que c'est une suggestion qu'on pourrait retenir de convoquer M. François Drouin, tout en lui laissant, naturellement, toute latitude pour préparer son témoignage devant la commission et en l'aidant de certaines questions dont nous pourrions l'informer le plus tôt possible, afin qu'il ait le temps de se préparer à comparaître devant la commission parlementaire de l'Assemblée nationale.

Nous n'avons pas, pour notre part, d'objection, au contraire, mais je crois qu'il y aurait

lieu de lui faire savoir, le plus vite possible, quelles sont les questions que nous avons l'intention de lui poser, quitte naturellement à le laisser libre d'aborder le problème dans la perspective qu'il jugera la plus utile à la commission.

M. BOURASSA: J'ai déjà quatre points que j'ai soumis dans ma déclaration.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, c'est très bien. Ce que le premier ministre a suggéré est déjà excellent.

M. BOURASSA: Est-ce que le député de Rouyn-Noranda ou le député de Bourget ou le député de Chicoutimi auraient d'autres questions qui pourraient être ajoutées aux quatre que j'ai déjà mentionnées dans ma déclaration? Est-ce qu'on vous a remis un texte de ma déclaration?

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on peut considérer que l'article a) "permettre à chacun des groupes parlementaires de préciser la façon dont il entrevoit la réforme électorale" est clos? Nous pourrions entamer, peut-être, les priorités ou une liste des sujets devant faire l'objet des travaux de la commission.

L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, j'aimerais, puisque les membres des autres partis ont pu dire un mot sur le sujet, pouvoir dire qu'évidemment nous sommes d'accord sur la date du 28, l'heure et tout; il n'y a pas de problème avec ça, sauf qu'en plus des sujets que vous allez aborder avec le président général des élections, j'aimerais qu'il soit pris en considération qu'on lui laisse l'entière latitude de nous soumettre et de nous suggérer ce qu'il croit bon de faire.

M. HARDY: Sans le limiter.

M. SAMSON: Sans le limiter, exactement.

M. LAURIN: M. le Président, ma question n'avait pas du tout pour but de limiter le président des élections. Quand je demandais au gouvernement d'aviser le président des élections, c'était simplement à titre indicatif pour qu'il puisse centrer son exposé introductif sur certains thèmes. Il est bien entendu que je n'avais aucunement l'intention de limiter le président des élections, dont l'expérience est tellement vaste, à certains sujets qui pourraient faire notre affaire, mais non pas l'affaire du président des élections qui pourrait avoir d'autres remarques dont il voudrait nous faire part.

M. HARDY: Est-ce que je pourrais demander au député de Bourget s'il ne croit pas que les différents points indiqués dans la déclaration du premier ministre sont suffisamment larges pour servir d'orientation ou de paramètre au président général des élections?

M. LAURIN: Oui, je crois qu'ils sont assez larges pour servir de cadre aussi bien aux questions qu'aux discussions.

M. le Président, puisque nous en sommes déjà à la question des spécialistes, nous avons également préparé une liste des spécialistes, que nous aimerions soumettre à l'attention du gouvernement comme étant susceptibles d'être invités à témoigner devant cette commission. Je ne sais pas si le temps est opportun pour le faire, mais j'ai cette liste à votre disposition.

M. LE PRESIDENT: Je ne sais pas si on ne va pas dans un sous-paragraphe de l'étude du problème global que nous avons à envisager. Si on veut procéder avec ordre, je crois bien qu'il faudrait dresser une liste des sujets devant faire l'objet d'une étude ou fixer les priorités.

M. HARDY: M. le Président, je ne sais pas, mais je pense justement qu'il est peut-être prématuré cet après-midi de fixer des priorités, puisque justement nous voulons entendre comme premier témoin le président général des élections qui nous donnerait un peu ce qu'il entrevoit, lui, comme devant être le cadre général de nos études.

Alors, si on fixe dès aujourd'hui des priorités et si, la semaine prochaine, le président général des élections nous démontre que nos priorités ne sont pas nécessairement valables, je me demande si on ne fait pas du travail inutile aujourd'hui. Je pense qu'on devrait d'abord entendre le président général des élections, puisqu'on considère qu'à cause de son expérience c'est lui qui peut en quelque sorte servir d'initiateur à nos travaux, et, à la suite du témoignage du président général des élections, nous pourrions fixer des priorités ou les sujets sur lesquels la commission devrait travailler.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je crois, M. le Président, que l'observation du député de Terrebonne est fort pertinente. Nous avons un expert à entendre. Le premier ministre dans sa déclaration a quand même indiqué quels pourraient être les sujets à couvrir par le président général des élections. A la suite de son témoignage, il nous serait beaucoup plus facile de définir quelles pourront être les priorités ou les sujets précis que nous devrons aborder pour faire avancer le travail. A ce moment-là, les membres de la commission pourraient indiquer quels sont les experts qu'ils aimeraient entendre ici à la commission. Si nous commençons tout de suite à faire l'examen d'une liste d'experts, ne sachant pas quels sont les sujets qui retiendront devantage l'attention du président général des élections, bien, nous pouvons tâtonner encore un bout de temps et risquer de paralyser les travaux de la commission.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.

Présentation de documents

M. CARDINAL: M. le Président, c'est purement une suggestion d'ordre pratique pour aider les travaux de la commission que je voudrais faire, si vous me le permettez. Il y a onze membres qui sont, d'office, les membres qui constituent la commission — et c'est d'eux qu'on parlait tantôt — et ils pourraient peut-être, suivant la suggestion du député de Mégan-tic qui est à étudier, être itinérants. Mais il y a aussi cet autre fait que tous les députés peuvent participer aux travaux de cette commission. Or, aujourd'hui, nous avons constaté tout d'abord que l'honorable premier ministre a fait une déclaration et qu'il a pu distribuer ensuite assez rapidement — et on l'en félicite — à tous les députés présents, une copie de sa déclaration. Le député de Bourget a indiqué qu'il avait envoyé, hier soir, aux membres de la commission, certainement aux onze, un document qui mérite étude mais que seules onze personnes ont pu avoir la chance de voir. Je reviens donc à une suggestion qui a été faite devant d'autres commissions, c'est que ceux qui ont un document à apporter devant la commission devraient prévoir qu'il y a au moins, peut-être, une cinquantaine de personnes présentes. Je suggérerais aux représentants officiels des partis membres de la commission, ou aux chefs de parti, ou à qui que ce soit qui ait un document à présenter, de préparer un nombre suffisant de copies pour tous les députés.

M. HARDY: M. le Président, pour faire suite à la suggestion du député de Bagot, je pense que la commission devrait peut-être se pencher sur le problème de l'organisation d'un secrétariat, puisqu'il s'agit d'une commission assez importante dont les travaux se dérouleront pendant un certain temps, une commission qui aura en quelque sorte... Même si officiellement les commissions n'ont pas d'archives, il nous faudrait des archives si nous voulons assurer une permanence à nos travaux. Alors, je pense qu'il faudrait s'entendre premièrement, sur l'organisation du secrétariat. Deuxièmement, je me demande si chacun des partis ne devrait pas faire connaître à la commission quel est le député de son parti qui est plus particulièrement chargé du problème de la réforme électorale dans la répartition du travail parlementaire afin que le secrétariat de la commission puisse communiquer directement avec ce député qui est le principal responsable pour son parti du problème de la réforme électorale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'ailleurs, M. le Président, dans la déclaration du premier ministre au sujet de la participation du prési- dent, M. Drouin, il est bien indiqué que le président général des élections pourra nous donner de façon précise des indications sur la création d'un secrétariat qui pourra nous aider à préparer nos travaux et à nous faire tenir tous les documents utiles. C'est à l'occasion d'ailleurs de cette comparution du président général des élections que nous pourrions peut-être examiner la suggestion qu'a faite le député de Rouyn-Noranda, à savoir que la commission se déplace. Le président général des élections, compte tenu de son expérience, pourra nous dire si cela est possible, si cela est praticable, parce que nous ne refusons évidemment pas — je l'ai dit tout à l'heure — la consultation avec les citoyens, mais le président sera en mesure de nous dire de quelle façon cela pourra être fait et à quel moment il sera utile de le faire.

Archives et documentation

M. LE PRESIDENT: Avant d'accorder la parole au député de Mégantic et en réponse à une question soulevée par le premier ministre et le député de Terrebonne, je dois vous dire que, depuis quelques semaines, depuis un mois ou deux, en collaboration avec les officiers de l'Assemblée nationale, nous sommes en train d'établir un secrétariat permanent, un système d'archives de toutes les commissions. Actuellement, le secrétaire de la commission qui siège cet après-midi est M. Desmeules. Par contre, M. Jean Côté, le secrétaire adjoint, est le responsable général des vingt et quelque commissions que nous avons. Son assistant est M. Gelly. Ils auront à leur service d'ici quelque temps deux jeunes avocats, étant donné l'importance que les commissions prennent dans nos travaux parlementaires. Le local sera ici, sur l'étage, où il y aura un système de documentation et d'archives d'établi pour toutes les commissions de l'Assemblée nationale et particulièrement pour la commission qui nous préoccupe actuellement. Nous avons de l'aide de la bibliothèque également pour établir ce service d'archives et de documentation.

On peut dire que ce système est déjà en marche actuellement et que, dès la reprise de la session, il sera établi d'une façon permanente.

M. PAUL: Pour répondre à la demande du député de Terrebonne, je crois qu'il serait logique que les membres de l'Assemblée nationale connaissent qui est le porte-parole officiel du parti, dans cette étude de la réforme électorale, que ce soit le mode du scrutin, la redistribution de la carte ou la loi électorale.

M. DUMONT: Je pense que les membres de la commission sont automatiquement ceux qui reçoivent les avis et ils sont très intéressés à recevoir, en plus des avis de convocation, toute la documentation, afin de bien étudier cette

réforme électorale. En m'accordant la parole, tout à l'heure, M. le Président...

M. PAUL: Je n'avais pas fini, M. le Président; si vous permettez, je vais terminer. Qu'il me soit permis...

M. DUMONT: Cela fait trois fois que l'on m'enlève la parole, M. le Président. Alors, d'accord, laissons terminer le député de Maskinongé.

M. PAUL: ... de vous signaler que, pour l'Opposition officielle, M. Tremblay, député de Chicoutimi, est le porte-parole officiel du parti de l'Union Nationale, sur cette question de la réforme électorale.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mégantic.

M. DUMONT: Une priorité que j'aimerais voir établie, et tous les partis ont semblé d'accord, de même que le premier ministre et vous-même, M. le Président, c'est cette consultation du public. Je pense au député des Iles-de-la-Madeleine. Son comté est tellement éloigné; qu'il est difficile de commencer à faire préparer des mémoires par les corps intermédiaires. Je pense aux députés de Gaspé-Nord et Gaspé-Sud, qui eux-mêmes sont éloignés de leur comté. Les nouveaux maires que nous avons dans ces régions, même les jeunes qui sont aux études dans les CEGEP aujourd'hui, qui s'intéressent de plus en plus à la politique, pourraient déjà préparer des mémoires. S'il était accepté d'emblée que la commission parlementaire se déplace, ils pourraient, aussitôt que les dates seront fixées, commencer à préparer ces mémoires, afin que toute la population puisse participer à cette véritable réforme électorale que nous voulons au Québec.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A propos de cette suggestion du député qui représente le Ralliement créditiste, nous n'avons pas d'objection, évidemment — au contraire, je l'ai dit et répété — à ce qu'il y ait consultation de la population. Est-ce que cette consultation devra se faire par mode de voyages, à savoir que la commission se transporte d'un point à l'autre du Québec? Il peut être acquis dès le départ, dès cet après-midi, que les citoyens, les groupes représentatifs de citoyens, les groupements organisés, les corps intermédiaires, etc., soient immédiatement avertis qu'éventuellement, à un moment que la commission déterminera, ils seront invités à se faire entendre, à faire connaître leur point de vue. Dès maintenant, selon que la procédure le permet, nous pourrions faire donner un avis, afin que ces gens, où qu'ils se trouvent, se préparent à se faire entendre devant la commission, soit ici ou là où elle se trouvera, si on décide d'en faire une commission itinérante.

M. LAURIN: Je crois, pour ma part, que cette suggestion est prématurée. Nous sommes d'accord pour la consultation de la population, mais il me semble qu'il y aurait intérêt que la population soit consultée sur un projet précis. Il faudrait donc que la commission puisse travailler auparavant à quelque chose, à des principes, des lignes de force, des lignes de direction, afin que nous puissions poser des questions précises à la population. D me semble qu'il y a là une nécessité, pour la commission, de procéder à un certain nombre de séances qui permettraient de dégager les grandes orientations, avant que nous lui demandions son avis.

Donc, autant je suis pour le principe de la consultation, autant je pense que cette consultation, pour donner tout son fruit, devrait être instaurée au moment le plus opportun.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, si vous permettez, je vais ajouter un petit mot à l'intention de mon collègue de Bourget. D'accord, il est peut-être prématuré de demander aux citoyens de préparer des mémoires, à l'heure actuelle, les citoyens ne sachant pas exactement quels sont les projets de réforme que nous entendons leur soumettre. Mais, ne voulant pas que les citoyens soient préjugés par des orientations que nous aurions esquissées, il n'est peut-être pas mauvais de les prévenir tout de suite qu'ils auront à comparaître, s'ils le veulent, et qu'ainsi ils pourront nous apporter des suggestions sans être au départ embarrassés par celles qui auront pu être faites par les membres de la commission ou par des experts.

Participation du public

M. HARDY: M. le Président, je pense bien modestement que j'aurais peut-être une suggestion à faire qui pourrait marier la proposition du député de Bourget et celle du député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mariage civil.

M. HARDY: D'une part, je pense qu'il serait nécessaire, avant d'inviter — soit par des avis dans les journaux ou autrement — le public ou les corps intermédiaires à se faire entendre que nous fixions nous-mêmes les points. Encore là, nous nous reportons à la prochaine séance. Lorsque la commission se sera entendue sur les différents points qu'elle veut étudier, elle pourra en faire part au public afin que l'on prépare ses mémoires en fonction de ces points et que l'on ne vienne pas parler de choses étrangères aux points que nous voulons étudier, nous.

D'autre part, et c'est là que je me rapproche de la formule du député de Chicoutimi, il ne faudrait pas non plus être trop indicatifs avant les témoignages du public. Si nous arrivons avec un projet de réforme trop précis, nous le limitons. Je pense que si nous voulons vraiment

que la commission travaille dans un esprit de participation, avec la plus grande participation possible du public, il faudrait quand même ne pas rétrécir trop le corridor. Nous pourrions nous entendre sur des points, mais après cela laisser le public exprimer toutes les opinions, tout l'éventail des opinions possibles, que ce soit sur les modes de scrutin, la carte électorale, etc.

C'est pourquoi je ne serais pas tout à fait d'accord pour que nous adoptions des orientations trop précises avant d'aller devant le public. Que nous adoptions les points sur lesquels nous voulons travailler, d'accord, mais pas d'orientations trop précises afin de laisser une liberté aussi grande que possible au public de se faire entendre.

M. LAURIN: M. le Président...

M. DUMONT: M. le Président, j'accepte les points de vue du député de Terrebonne en ce sens que le président des élections, M. Drouin, doit d'abord être entendu et que nous pourrons fixer par la suite la possibilité de nous rendre à différents endroits de la province.

Mais je trouve absolument illogique l'idée de dire : Nous allons nous prononcer et après faire enquête dans la province. Il faut d'abord faire une enquête. J'ai donné en exemple, en faisant des recommandations à l'effet de nous déplacer, l'enquête sur le bilinguisme au Canada. Il aurait été ridicule de tirer des conclusions et d'aller enquêter par la suite. Nous devons d'abord enquêter et par la suite nous tirerons les conclusions avec la commission parlementaire et tous les députés de l'Assemblée nationale.

Nous sommes d'accord pour entendre en priorité Me François Drouin à la prochaine séance de l'assemblée.

M. LAURIN: II y avait aussi une autre remarque à faire, M. le Président. Je trouvais la suggestion prématurée pour une autre raison. C'est que, même si nous avons accepté le principe de la consultation de la population, nous n'avons pas encore discuté des modalités de cette consultation, de son ampleur, de son envergure. Avant de donner suite à une suggestion très précise, il faudrait que nous nous entendions, au sein de la commission, sur l'ampleur de cette consultation. Pour reprendre l'exemple du député de Mégantic, il y a aussi d'autres exemples qui peuvent aller dans un sens opposé. Ainsi, en ce qui concerne le problème de la construction, le gouvernement a procédé à des consultations qui ont été longues, élaborées et qui, malgré tout, n'ont guère donné de résultat, peut-être parce que le travail de déblaiement n'avait pas été suffisant quant à son envergure et à son ampleur.

Il y a donc du pour et du contre. C'est justement la raison pour laquelle je dis que la suggestion est peut-être prématurée car il importe qu'elle soit examinée dans toutes ses dimensions.

M. LEGER: M. le Président, je trouve que l'exemple présenté par le député de Mégantic n'est pas tout à fait conforme à la réalité de notre consultation de la population. Il est sûr que la majorité des renseignements que la commission Laurendeau-Dunton a recueillis a pris auprès de la population était surtout de ressentir les malaises vis-à-vis d'une population dans une telle région, et en faisant le tour du Canada on a quand même trouvé des solutions. Tandis qu'au niveau de la réforme électorale, il y a des aspects techniques de l'organisation électorale qui ne peuvent pas être expliqués immédiatement à la population à moins que nous les ayons étudiés nous-mêmes. C'est pour cette raison que je dis qu'il faut d'abord établir des lignes maîtresses pour "circoncire" le problème et ensuite demander à la population, devant le problème général...

M. LAURIN : Circonscrire.

M. LEGER: M. le Président, à la suite de ces énoncés, la population pourra nous donner les renseignements dont nous avons besoin pour terminer. Tantôt je voulais poser une question au président, c'est un peu tard, mais je reviens en arrière sur la question du secrétariat de la commission parlementaire. Est-ce que ce secrétariat va établir non seulement en ressources les mémoires qui vont être présentés à la suite de nos travaux? Est-ce qu'il va y avoir aussi une certaine bibliographie des études qui ont été faites jusqu'à maintenant dans les systèmes électoraux mondiaux, dans tous les autres pays, ainsi que toutes les études faites par des experts dans ce domaine-là? Si on se fie seulement sur ce qu'il y a à la bibliothèque, il y a de gros risques que les volumes qui nous intéressent soient déjà empruntés.

M. LE PRESIDENT: Je pense que nous allons tenter d'obtenir toutes les archives et documentation utiles, entre autres les documents qui ont été remis aux onze membres de la commission et d'autres documents. Egalement, on pourra demander, je pense bien, au président général des élections, qui a certainement lui-même une bibliothèque sans doute bien garnie sur le sujet, de nous procurer des exemplaires...

M. LEGER: En quantité suffisante.

M. LE PRESIDENT: ... Si les membres ont des suggestions pour se procurer d'autres ouvrages sur le sujet, nous serons heureux de les entendre.

Audition de spécialistes

M. LAURIN: M. le Président, je voudrais revenir sur cette question des spécialistes que nous devrons entendre. Si j'ai exprimé le désir de présenter immédiatement une liste de spécialistes possibles, c'est qu'il est possible que nous posions à tous nos spécialistes, d'abord au président des élections et à tous ceux qui pourraient être invités, des questions portant à peu près sur tous ces sujets, que ce soit le mode de scrutin, la carte électorale, la liste permanente, les dépenses électorales, les sondages électoraux. Par ailleurs, il est possible que, selon les experts que nous présenterons, il y en ait qui soient plus précisément spécialisés dans tel ou tel autre problème. C'est la raison pour laquelle il serait peut-être opportun pour le gouvernement aussi bien que pour le président général des élections de connaître déjà une liste des spécialistes, qui pourraient eux-mêmes étudier, afin de prévoir un calendrier, et de se sentir plus libres de préciser la marche de nos travaux.

C'est la raison pour laquelle j'émettais le souhait de présenter immédiatement, à l'intention de la commission et du gouvernement, une liste de spécialistes que nous avons dressée il y a déjà quelque temps, dans un esprit non partisan, encore une fois.

M. LE PRESIDENT: Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: M. le Président, ne craignez-vous pas que la rencontre de ces spécialistes-là avant celle de la population serait de nature à influencer la population, comme le député de Mégantic le disait tout à l'heure? Je crois que la décision de la population sur le sujet ayant été le choix de la commission sera beaucoup plus le reflet de ce qu'entend la population sur une loi électorale démocratique plutôt que le choix des spécialistes, si bien choisis soient-ils. Je crois réellement que si on entendait des spécialistes avant, cela pourrait avoir des incidences et influencer la population sur des questions décidées d'avance.

M. LAURIN: De toute façon, M. le Président, les noms que je voudrais soumettre ne préjugent en rien...

M. HARDY: Une suggestion si vous le permettez. A la lumière des différentes interventions faites précédemment, d'abord je retiens ceci: je pense qu'il ne faudrait pas avoir une position trop rigide. Quand j'entends, d'une part, le problème de se promener à travers la province et, en fait, les deux suggestions proposées, celle du député de Mégantic et celle du député de Lafontaine, je pense qu'il faudrait quand même tenir compte de ces différents impératifs.

Deuxièmement, quant à la question de la liste d'experts ou de l'intervention des experts ou du public, encore là je ne vois pas tellement de difficultés parce que le tout pourra se faire simultanément, c'est-à-dire qu'à une séance de la commission, nous pourrons entendre des spécialistes, et à une séance subséquente, nous pourrons entendre le public. Je ne pense pas que le public se laisse tellement influencer; et même à certains moments, il ne faudrait quand même pas opposer les spécialistes à la population. A un moment donné, les spécialistes pourraient orienter ou aider, sans les influencer ou les diriger, les corps intermédiaires ou les individus à préparer leurs propres mémoires.

Je pense qu'il y aurait possibilité, en adoptant une méthode assez souple de travail, de répondre aux différentes inquiétudes et aux différentes interrogations que les membres de la commission viennent de soumettre.

M. le Président, je pense qu'il se dégage une chose de la réunion de cet après-midi, c'est que tout le monde s'entend sur la nécessité, d'abord, de convoquer le président général des élections pour, ensuite, fixer les points que nous voulons étudier. Alors, je me demande s'il n'y aurait pas lieu d'ajourner la séance au jeudi 28 janvier, à trois heures.

M. LAURIN: M. le Président, dois-je conclure des remarques du député de Terrebonne qu'il n'aurait pas d'objection à ce que je soumette à la commission la liste des spécialistes?

M. HARDY: Ou peut-être, ce qui serait plus simple — je m'excuse, j'ai oublié ceci — c'est que le député de Bourget fasse parvenir aux membres de la commission...

M. LAURIN: Bon, d'accord.

M. HARDY: ... la liste de ces spécialistes afin que chaque membre de la commission puisse en prendre connaissance et donner ses observations lors de la prochaine séance, le 28 janvier.

M. LAURIN: D'accord.

Plan de travail

M. LE PRESIDENT: Il y aurait peut-être lieu d'établir immédiatement une procédure. Comme tous les députés sont membres de cette commission, au lieu de demander à chaque député de communiquer avec tous les membres, peut-être qu'on pourrait, s'il y a des communications à faire parvenir à toute la députation, se servir du secrétaire de la commission, M. Desmeules, que tout le monde connaît bien et qui a certainement l'équipement voulu pour faire suivre à tous les membres de cette Chambre tous les ouvrages ou toute la documentation désirée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord. Très bien.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques

M. CHARRON: M. le Président, sans vouloir étirer ou reporter à plus tard la demande d'ajournement du député de Terrebonne, je voudrais quand même ajouter quelque chose qui rejoint les propos du député d'Abitibi-Ouest et ceux du député de Bourget.

La commission, depuis le début de ses travaux, même si elle a eu certains résultats — certains sont venus directement de l'Assemblée nationale par la Loi 65 — donne quand même l'impression à l'ensemble de la population de tourner un peu en rond. J'ai bien l'impression que ce n'est pas nécessairement la faute des membres de cette commission, c'est-à-dire des 108 députés du Québec. S'il y a une chose que nous réalisons et que nous avons réalisée cet après-midi aussi, c'est que c'est un problème énormément complexe. C'est ici que je rejoins les propos du député d'Abitibi-Ouest. Même si nous devions aller tout de suite voir la population, celle-ci nous répondrait exactement ce que nous réalisons nous, ici, en commission, que c'est un problème énormément complexe et elle-même nous demanderait de recourir à des experts.

Je crois que, si nous quittons, aujourd'hui, cette séance pour nous réunir la semaine prochaine, nous ne sommes quand même pas prêts à dire que nous savons par quel bout "poigner" la réforme électorale. Puisqu'on s'est entendu, tout à l'heure, pour indiquer quelques sujets de réflexion au président général des élections que nous rencontrerons la semaine prochaine, une des premières choses que nous suggérerions, c'est que Me Drouin lui-même, par l'expérience que je lui reconnais nous dise précisément par quel bout prendre la réforme électorale. C'est ce que, pour ma part, je voudrais entendre de la commission la semaine prochaine.

M. HARDY: C'est ce que le premier ministre a suggéré dans sa déclaration ministérielle.

M. CHARRON: Parce qu'il pourrait se produire que le président général des élections nous indique, lui aussi, dans un brillant exposé, la complexité du problème et qu'ayant entendu le président général des élections, nous nous retrouvions, la semaine suivante en disant : Bon, à partir des propos du président général des élections, par quel bout allons-nous prendre le problème?

M. HARDY: J'ai l'impression, justement — je suis bien d'accord avec le député de Saint-Jacques — qu'à la suite de l'exposé du président général des élections le problème ne nous paraîtra pas moins compliqué qu'il ne nous le paraît aujourd'hui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voulais faire observer ceci: Le député de Saint-Jacques a raison de dire que, jusqu'à présent, nous avons peut-être tourné en rond, mais nous avons quand même déblayé le terrain. La déclaration ministérielle du premier ministre a fait la synthèse de toutes les idées que nous avions suggérées. Le plan de travail qu'il nous propose est le résultat des suggestions et du travail de la commission, travail qui s'est accompli au cours des réunions antérieures. Je crois que la comparution du président général des élections nous permettra d'établir définitivement quels sont les points majeurs de ce problème extrêmement complexe et, ensuite, d'établir quelles sont les priorités, de quelle façon nous devons aborder le problème ou, comme le disait le député de Saint-Jacques tout à l'heure, de quelle façon on va le "poigner."

M. HARDY: Pour ajouter aux propos du député de Chicoutimi, je pense que la déclaration du premier ministre est un excellent exemple d'un travail collégial.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mégantic.

M. DUMONT: Je veux dire, à la suite de toutes les déclarations qui ont été faites aujourd'hui, que le travail a été des plus intéressants et que nous n'avons pas tourné en rond. Au contraire, c'est un travail très constructif. Tout de même, quand nous demandons la consultation de la population, il ne faut pas commencer par la fin, c'est-à-dire d'abord aller voir cette population parce que c'est celle population qui se servira de cette loi électorale qui placera, demain, à cette Assemblée nationale, les députés qui devront la représenter. Je pense que, quand on veut une consultation populaire, il faut d'abord aller au peuple et, ensuite, tirer des conclusions de ce que ces gens ont donné comme information.

M. LE PRESIDENT: Je dois également ajouter que M. Desmeules, notre invité aujourd'hui, avait demandé à M. Drouin d'être à notre disposition, mais ce dernier a dû se rendre à Montréal pour accompagner les bulletins de vote du comité de Fabre qui doivent être produits à la cour, demain.

M. HARDY: Alors, M. le Président, je propose l'ajournement de la séance au jeudi 28, à trois heures.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

(Fin de la séance: 16 h 36)

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