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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le jeudi 28 janvier 1971 - Vol. 11 N° 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Réforme électorale


Journal des débats

 

Commission permanente de l'Assemblée nationale

Sujet: Réforme électorale

Séance du jeudi 28 janvier 1971

(Quinze heures dix minutes):

M. LAVOIE (Laval) (président de la commission permanente de l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!

Programme de travail

M. HARDY: M. le Président, tel qu'il avait été convenu par tous les membres de la commission, la semaine dernière, nous avons invité le président général des élections, Me François Drbuin, à venir témoigner. Avant que ne débute son témoignage, peut-être devrions-nous nous entendre sur ce qui devrait constituer le programme de travail de la séance d'aujourd'hui. Je voulais simplement suggérer qu'aujourd'hui la séance soit consacrée à l'audition de M. Drouin, quitte à ce que les membres de la commission puissent réfléchir sur les propos pleins de sagesse qu'il nous tiendra, et qu'à la prochaine séance nous procédions à une discussion afin de fixer les priorités sur lesquelles on veut faire porter notre travail et notre méthode de travail.

Je me demande si cette façon de procéder conviendrait à tout le monde.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, en qualité de représentant du parti de l'Opposition officielle, j'endosse la recommandation que nous fait le député de Terrebonne, à l'effet que nous entendions M. Drouin et qu'à une séance ultérieure nous puissions fixer avec lui des priorités qui nous aideront dans nos travaux subséquents. Je suggère également, étant donné la qualité du témoin qui est avec nous aujourd'hui, que M. Drouin assiste à toutes les séances de cette commission, afin de nous aider de ses connaissances et de cette expérience qu'il a acquise dans les hautes fonctions qu'il occupe à l'heure actuelle.

M. HARDY: Je suis d'accord sur cette dernière proposition du député de Chicoutimi. Je pense que la présence du président général des élections et de son adjoint à nos séances serait très précieuse puisqu'elle nous permettrait, le cas échéant, de pouvoir connaître immédiatement leur avis sur certaines opinions ou témoignages qui pourront nous être présentés par des experts, par différents groupes ou par des individus qui voudront se faire entendre si nous décidons d'entendre de tels groupes et de tels individus.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Mégantic.

M. DUMONT: M. le Président, nous remercions le président des élections d'être présent pour bien nous informer. J'aimerais — peut-être qu'il l'a déjà prévu — qu'il nous donne aussi des informations sur le système existant en Australie. Cela nous évitera de poser des questions. Je pense que nous aurons une journée très fructueuse et nous sommes tous d'accord avec les autres partis pour aller de l'avant dans une réforme électorale qui avantagerait tout le monde.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: II s'agit pour nous, M. le Président, d'aller le plus vite possible. Nous nous rallions d'avance à toute suggestion qui peut accélérer les travaux de la commission.

Par ailleurs, nous acceptons avec plaisir la suggestion du député de Chicoutimi d'inviter le président des élections à toutes nos séances, étant donné que nous connaissons son impartialité et son expérience afin d'accélérer les travaux.

M. HARDY: Je pense que lors de notre dernière séance, il y avait eu un consensus sur les différents points que le témoin expert d'aujourd'hui devrait traiter c'est-à-dire les points contenus dans la déclaration ministérielle du premier ministre. M. Drouin a en main cette partie de la déclaration ministérielle et on pourrait l'inviter immédiatement à commenter ces différents sujets que nous aimerions entendre traiter, quitte à poser des questions à mesure qu'un témoin déposera, ce qui faciliterait sûrement le travail.

M. LE PRESIDENT: Me Drouin.

M. PAUL: Je me demande si la suggestion de l'honorable député de Terrebonne ne devrait pas être reconsidérée. Le député de Terrebonne nous suggère d'interrompre M. Drouin au cours de ses remarques, si nous croyons opportun de lui poser des questions sur des points précis. Je me demande si on ne devrait pas considérer le travail de M. Drouin comme un bloc, une étude complète de toute une situation. Peut-être y aurait-il avantage à ce que cette déclaration ne soit pas hachée d'interruptions, fort pertinentes, mais, qui risqueraient peut-être de rendre plus difficile la compréhension de l'ensemble du problème. Ne devrions-nous pas retenir nos questions pour la fin de la présentation du mémoire ou de l'exposé de M. Drouin?

M. HARDY: Je me rallie à la proposition du député de Maskinongé.

M. LE PRESIDENT: Me Drouin.

Loi et carte électorales

M. DROUIN : Dans la déclaration ministérielle, nous lisons en premier lieu: "L'établissement d'un ordre de priorité, d'un échéancier qu'il aimera nous voir adopter". Nous sommes en janvier 1971. D'après ce que je peux comprendre, vous avez l'intention d'apporter des changements assez volumineux à la carte électorale. Il faudra que ces changements soient terminés en décembre 1972, ou au plus tard, en janvier 1973, afin de permettre la mise en vigueur de cette loi, les préparatifs, les délimitations et il en serait de même pour les changements apportés à la loi électorale pour pouvoir, au cours de l'année 1973, faire faire les impressions nécessaires à la tenue d'élections générales.

Evidemment, des changements comme ceux-là n'entrent en vigueur qu'à la dissolution de la Législature. Alors, cela ne s'appliquerait pas à des élections partielles tenues en 1973.

Sur cette question, s'il y en a qui veulent discuter, en premier lieu, il serait obligatoire que ce soit terminé en décembre 1972.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, le président général des élections nous invite tout de suite à lui poser une question là-dessus. Vous parlez, M. Drouin, à ce moment-ci de la Loi électorale elle-même ou de la carte électorale?

M. DROUIN: Les deux.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Les deux questions sont, dans votre esprit, liées.

M. DROUIN: Si je comprends bien, la commission a l'intention et de toucher à la carte électorale et de toucher à la Loi électorale. Alors, il faudrait que les deux soient terminées en décembre 1972 pour permettre leur mise en application. Vous comprenez que, pour tenir des élections générales dans la province, il faut que le président général des élections accumule, à son bureau, entre 400 et 450 tonnes de documents.

L'autre jour — pour vous donner une petite idée — justement mardi ou mercredi dernier, alors que vous avez siégé — je suis parti d'ici, à Québec, avec un peu plus d'une demi-tonne de documents pour aller les déposer dans le comté de Fabre, au sujet de la contestation des élections. Il y en avait environ 1,200 livres.

UNE VOIX: C'est cela.

M. DROUIN: C'étaient seulement les bulletins de vote de Fabre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Drouin, pour préciser ma question, donc réforme de la Loi électorale et de la carte électorale. Il s'agit évidemment, dans votre esprit, de deux problèmes qui sont intimement liés. Nous le comprenons. Quel est selon vous l'ordre des priorités: La loi électorale d'abord et le mode de scrutin que nous définirons — un nouveau mode de scrutin ou le mode actuel ou enfin n'importe lequel mode de scrutin — pour ensuite nous attaquer au problème de la carte elle-même?

M. DROUIN: Pour vous répondre, M. Tremblay, je suis obligé de vous dire que, pour donner une priorité à la carte ou à la loi, il faudra connaître les normes qui seront établies par votre commission. Lorsque la commission aura établi et les normes concernant la carte et les normes concernant la loi, nous pourrons juger lequel des changements devrait passer le premier.

M. CHARRON: M. Drouin, si des changements à la carte doivent être effectués en 1972 pour être effectifs en 1974, il est possible et même souhaitable que la réforme aille jusqu'à un changement du mode de scrutin. Si, par hasard, la commission et l'Assemblée nationale optaient pour un mode de scrutin, disons, comme celui de l'Allemagne, croyez-vous que — puisque ce serait changer même le scrutin, pas seulement la carte — l'échéancier doit être rapproché et que nous devrions terminer — je ne sais pas — pour le mois de juin 1972? Le fait de passer du mode de scrutin uninominal au mode de scrutin proportionnel vous donnera-t-il, à vous, plus de travail de préparation pour les prochaines élections, ce qui nous obligerait à aller plus vite, nous?

M. DROUIN : Evidemment, parce que ça peut tout changer, tout chambarder — excusez l'expression — le système électoral. Cela peut entraîner, n'est-ce-pas, le changement des formules, le changement du papier des bulletins, le changement des bulletins, l'augmentation des arrondissements et des sections de vote.

Lorsque nous connaîtrons les normes que votre commission aura établies en tant que président général des élections, je pourrai tout simplement vous suggérer lequel des deux doit passer avant l'autre ou s'ils doivent passer ensemble.

M. LE PRESIDENT: Le député de Terrebonne.

M. HARDY: Si je comprends bien, M. Drouin, à ce moment-ci, vous ne pouvez pas nous dire si nous devons d'abord procéder à la refonte de la carte ou à celle du mode de scrutin. La priorité que vous voyez, c'est d'abord de nous entendre sur ces questions, de savoir si nous voulons procéder à une réforme du mode de scrutin et quelles sont les normes

sur lesquelles nous voulons nous baser pour faire la carte électorale. C'est la priorité sur laquelle nous devons nous entendre avant de décider si nous faisons l'étude du mode de scrutin avant celle de la carte.

M. DROUIN: C'est ça.

M. BERTRAND: Par contre, M. Drouin, si vous me le permettez, vous qui avez déjà participé, je crois, à un comité fédéral pour la refonte de la carte électorale fédérale, sans dire que le problème est le même, pas du tout, mais, d'après l'expérience que vous avez vécue, combien cela a-t-il pris de temps entre le début, à peu près, des travaux et la fin des travaux si tout a procédé normalement? S'il y a eu des délais qui n'étaient pas imputables aux membres du comité, vous pouvez le dire, mais, en pratique, combien cela a-t-il pris de temps?

M. DROUIN: Cela a pris un an, du jour où la commission est entrée en fonction au jour où la nouvelle carte est entrée en vigueur. Mais, il ne faut pas oublier qu'au fédéral vous avez une loi et qu'à ce moment-là la Chambre des communes n'y a plus du tout accès. Lorsque la commission fait son rapport, ça prend le tiers des députés d'une province pour s'y opposer et c'est la seule façon.

Alors, dans un sens, vous gagnez le temps de faire un projet de loi, de le présenter en première lecture, en deuxième lecture, en comité de la Chambre, en troisième lecture. Vous savez ce que tout cela peut entraîner. Alors, il ne faut pas oublier que c'est encore six mois qu'on n'avait pas avec le fédéral.

M. BERTRAND: Alors, cela veut dire, ici, à peu près dix-huit mois?

M. DROUIN: A peu près.

M. CHARRON: Alors, si on veut arriver à l'échéance de décembre 1972 et si on calcule la rapidité de nos travaux parallèlement à celle du gouvernement fédéral, puisque vous nous donnez, à toutes fins pratiques, 24 mois, et comme cela prend dix-huit mois, d'ici six mois nous devrions être en mesure de vous donner...

M. DROUIN: Evidemment, ce n'est pas à moi de dicter une conduite à la commission ce que la commission a à faire, mais évidemment, il faut que la commission étudie ce sur quoi elle basera ses décisions pour établir les normes. Parce que vous avez des modes, n'est-ce pas, de cartes électorales — vous en avez plusieurs sortes. Vous avez à penser à ceci ou à cela. Tantôt, on touchera peut-être à la question.

M. LAURIN: Si je comprends bien, M. Drouin, plus les transformations sont radicales, plus elles portent sur un nombre élevé de sujets: mode, carte, loi électorale, plus la mise en vigueur va prendre de temps.

M. DROUIN: Il n'y a pas d'erreur.

M. LAURIN: Donc, c'est long à un double point de vue. Si on change radicalement, il faut prendre le temps de tout examiner ce qu'il faut changer, ce qui peut prendre du temps. Et si on arrive à des changements majeurs sur beaucoup de sujets, la mise en vigueur va prendre beaucoup de temps.

M. DROUIN: Absolument. Plus vous avez de changements... Cela entraîne...

M. LAURIN: Aussi bien dire qu'on est presque déjà en retard.

M. DROUIN: Ah! ça, évidemment... Vous savez, en retard ou pas en retard, le dernier grand remaniement de la carte électorale remonte à 1853, ce qui veut dire 118 ans. Vous savez que rendu à 118 ans, ce n'est peut-être pas quatre mois ou six mois de plus qui font une grosse différence dans tout l'enjeu.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: M. Drouin, après avoir écouté vos propos aux fins de déterminer laquelle des deux priorités devrait être considérée, soit la réforme de la carte électorale ou la loi électorale elle-même, est-ce qu'on doit dire que la commission doit d'abord décider quel sera le mode de scrutin avant d'aller plus avant dans le travail de cette commission?

Est-ce que la commission décidera de garder le système que nous avons actuellement? Si un autre système est adopté, il aura nécessairement des implications tant sur la redistribution de la carte électorale que sur la Loi électorale elle-même.

M. DROUIN: Je crois qu'une fois que la commission aura établi ses normes, tant pour la carte que pour la Loi électorale, les personnes que vous nommerez à une sous-commission ou comme experts pour les mettre en oeuvre diront-elles, que l'un doit passer avant l'autre ou inversement.

M. PAUL: Mais est-ce qu'on ne doit pas disposer préalablement de cette question du mode de scrutin?

M. DROUIN: Tout dépend de la décision que vous prendrez.

Mode de scrutin

M. PAUL: Est-ce que, dans l'ordre logique des travaux de la commission, l'on peut dire

que le mode de scrutin doit d'abord retenir l'attention de la commission?

M. DROUIN: Vous pouvez avoir un mode de scrutin qui ne touche en rien à la carte et vous pouvez avoir un mode de scrutin qui lui touche. Si vous faites une carte et qu'ensuite vous choisissez un mode de scrutin qui change votre carte, il vaudrait mieux évidemment, passer l'autre avant. Vous pouvez aussi avoir un mode de scrutin qui, même s'il est changé, n'affecte pas la carte. Alors, il faut attendre tout ça.

M. CHARRON: Je crois que, même si la commission décidait de maintenir le mode de scrutin uninominal à un tour que nous avons, la carte elle-même serait modifiée automatiquement. La carte "va y goûter" de toute façon, même si on garde le même mode de scrutin.

M. DROUIN: Oui, oui.

M. CHARRON: C'est une des raisons pour lesquelles on s'applique à la réforme électorale. Si on passe, par exemple, au système uninominal à deux tours ou au système proportionnel, la carte va être encore plus profondément modifiée. Donc, je suis d'accord avec le député de Maskinongé qui dit que c'est le mode de scrutin qui va affecter notre travail sur tout le reste, la carte électorale et la loi elle-même.

M. DROUIN: Je crois qu'à l'heure actuelle c'est une décision qui relève de votre commission et non pas de moi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.

M. VINCENT: J'aurais une question. Vous avez parlé d'un an. Or, vous avez référé tout à l'heure à la commission qui a été formée à Ottawa et à laquelle vous avez siégé, d'ailleurs. Si ma mémoire est fidèle, la commission a été formée en 1964, elle a fait son rapport en 1965, la loi a été votée par la Chambre des communes au mois de mars 1966, et tout en tenant compte qu'il y a eu une élection au fédéral le 8 novembre 1965...

M. DROUIN: Elle n'était pas en vigueur.

M. VINCENT: ... cette nouvelle carte électorale d'Ottawa n'a servi qu'en juin 1968. Donc, la commission a été nommée en 1964 et le président général des élections à Ottawa ne s'est servi de cette nouvelle carte qu'en 1968.

M. DROUIN: Seulement aux élections de 1968, c'est vrai. Si ma mémoire est fidèle, j'ai été averti de ma nomination en janvier...

M. VINCENT: 1965.

M. DROUIN: ... 1965 et nous avons siégé dans la province durant les mois de juin, juillet, août et septembre. Nous avons remis le tout à la fin de novembre.

M. VINCENT: Ce que je voulais mentionner, c'est qu'à Ottawa...

M. DROUIN: C'est en 1966, par exemple, n'est-ce pas... Il faut que cela soit remis par le commissaire à la représentation. Cela a été remis au secrétaire d'Etat qui, lui, les publie dans la Gazette officielle. Toute une procédure a suivi, mais notre fonction était terminée à ce moment-là, sauf si la Chambre des communes, à la demande d'un tiers des députés, nous avait demandé de faire des changements; par exemple, des députés de la province de Québec nous ont demandé de changer le nom d'un comté, et nous l'avons changé.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: M. le Président, je comprends qu'il n'est pas facile, pour vous, d'exprimer une opinion catégorique, et étant donné que vous présumez qu'il y aura peut-être éventuellement un comité d'experts, il est normal que vous observiez une certaine prudence. Mais supposons que l'on vous confie ce travail personnellement, par quoi commenceriez-vous? Par la réforme de la carte ou par la réforme du mode d'élection?

M. DROUIN: A ce moment-là, c'est malheureux de vous le dire, mais il faudra que j'attende que la commission me donne les normes.

M. BERTRAND: II l'a dit.

M. DROUIN: En ayant les normes que votre commission aura établies, je vous dirai : On doit commencer par la loi électorale et non pas par la carte.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER : M. le Président, si je comprends bien, il y a des normes générales à établir et il y a aussi des normes particulières, et au niveau des normes générales, ce sont les principes de base qui détermineraient que le mode de scrutin doit précéder la carte?

Autrement dit, si l'on détermine que le mode de scrutin sera un système mixte, à partir de cela, si l'on détermine que c'est les deux tiers élus territorialement et un tiers élu par un vote proportionnel, cela peut déterminer le nombre de comtés et la sorte de carte que l'on aura par la suite. Ce sont des normes, au départ.

M. DROUIN: C'est cela.

M. LEGER: Mais si on touche la question d'homogénéité territoriale pour tel genre de comté, cela peut se faire en même temps que la carte. Les deux iront de pair, à ce moment-là.

M. DROUIN: Ils peuvent aller de pair.

M. LEGER: Ce que vous voulez savoir, ce sont les normes générales et quel mode de scrutin on veut avoir. A partir de là, on peut procéder.

M. DROUIN: De même que pour la carte. C'est votre commission qui va décider des normes qui vont présider à la refonte de la carte électorale. On peut partir du plus simple. Il faut penser aux comtés urbains, aux comtés ruraux, à ce que vous ferez. Il faut penser aux Iles-de-la-Madeleine: Qu'est-ce que vous en faites? Vous avez énormément de choses: le comté de Duplessis... Surtout, quand on voit ce qui s'est fait et ce qui se fait ailleurs, on se demande...

M. HARDY: M. le Président, il semble assez évident, à partir des opinions que vous venez d'émettre, qu'il s'agit pour nous d'abord de déterminer presque simultanément — je pense qu'il est quasiment impossible, dans le temps, de séparer cela — si on procède à un changement du mode de scrutin, d'une part, et quelles sont, d'autre part, les normes sur lesquelles on voudrait baser la nouvelle division territoriale.

Peut-être serait-il bon de vous demander ce que vous pensez des différents modes de scrutin existant dans le monde, d'une part, en en donnant un résumé succint et, d'autre part, en donnant, à la lumière de votre expérience de 25 ans, la valeur, selon vous, de ces différents modes de scrutin et, surtout, leur valeur en fonction du contexte politico-social québécois.

M. DROUIN: Vous savez, tous les systèmes de scrutin utilisés dans certains pays sont souvent bons, mais ils ont toujours un mauvais côté. C'est peut-être assez cocasse de vous dire cela, mais, en droit électoral, on ne choisit jamais ce qu'il y a de mieux; on choisit ce qu'il y a de moins pire. Cela paraît drôle, mais c'est cela. Vous avez toujours un mauvais côté.

Par exemple, dans un des pays du nord — la Suède ou la Norvège, je ne peux pas m'en souvenir — on avait décidé, pour empêcher un type de voter deux fois, de lui faire tremper le majeur dans un liquide qui noircissait le bout du doigt. Comme ça ne partait qu'au contact de l'air et après 72 heures, on était sûr que le type ne votait pas deux fois. Ce qu'on n'a pas pensé, cependant — parce que c'est toujours une arme à deux tranchants; il y a le moins pire — c'est qu'il y en a qui pouvaient se procurer du liquide. On allait voir l'adversaire la veille et on lui disait: Trempe ton doigt ou tu perds ta job. Alors, il ne votait pas du tout.

Vous comprenez qu'il y a toutes sortes...

M. LE PRESIDENT: Pourriez-vous, pour rejoindre, je crois, l'idée du député de Terrebonne, sans donner votre opinion personnelle, nous donner succinctement une explication pour éclairer les membres et les députés de la Chambre sur le vote uninominal à un tour que nous avons, à deux tours, proportionnel ou mixte? Nous aimerions avoir un petit résumé de ces quatre systèmes majeurs. Je comprends qu'il peut y avoir 100 systèmes.

M. DROUIN: Prenons le système à un tour et à deux tours, d'abord...

M. LESSARD: M. le Président, si vous me le permettez, est-ce que M. Drouin pourrait aussi, en même temps qu'il va donner ces explications, concrétiser en disant, par exemple, où se font ces différentes choses?

M. DROUIN: D'abord, des élections à deux tours de scrutin, à ma connaissance, il n'y en a pas de ce côté-ci de l'Atlantique. Vous n'en avez pas aux Etats-Unis; vous n'en avez au Canada dans aucune province. Y en a-t-il dans des petits pays de l'Amérique du Sud? Je ne le crois pas.

Evidemment, on ne peut pas toujours suivre les lois électorales qui changent, surtout dans ces pays où on écrit en portugais ou en espagnol, ne les ayant ni en anglais ni en français. A tout événement, il n'y en a pas, que je sache, mais vous en avez en Europe. D'abord, vous avez la France qui a deux tours de scrutin.

M. LE PRESIDENT: Ici, je pense bien qu'il faudrait peut-être expliquer davantage, qu'au Canada, aux Etats-Unis ou en Angleterre, le système que nous avons est à un tour.

M. DROUIN: C'est à un tour...

M. LE PRESIDENT: Dans le système à deux tours, pour celui qui n'a pas 50 p. c. du vote au premier tour, il y a une élection la semaine suivante.

M. DROUIN: D'ailleurs, avec le système britannique que nous avons, tout est à un tour à partir du vote que les députés donnent en Chambre. Si vous votez une loi qui condamne celui qui l'enfreint à $5,000 d'amende, ce n'est pas parce qu'elle est adoptée avec 10 voix de majorité seulement en Chambre qu'on va abaisser l'amende à $2,500. Ce n'est pas parce que la cour Suprême a rendu son jugement sur l'ivres-somètre à cinq juges contre quatre que le jugement est moins bon.

Le système anglais est entièrement basé la-dessus. On élit un bâtonnier, on élit le président de la Chambre des notaires, on élit les personnes qui deviennent les présidents des syndicats, on élit...

UNE VOIX: Les marguilliers.

M. DROUIN:... les marguilliers, on les élit tous à un tour. Tout notre système est basé sur un seul tour. Maintenant, il serait peut-être intéressant pour les députés qui sont ici de regarder ce qu'aurait donné un deuxième tour en 1970.

M. HARDY: Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus?

M. DROUIN: Non je n'ai pas de chiffres, mais là où on aurait été obligé de faire un deuxième tour de scrutin, il n'y a pas d'erreur que le peuple, qui d'habitude suit le gouvernement élu... Vous vous souvenez du fameux comté de Charlevoix-Saguenay qui à un moment était formé de deux districts électoraux qui ne formaient qu'un collège électoral et n'élisait qu'un député. Or, l'élection avait toujours lieu dix jours après, en 1944, en 1939, puis en 1936. Ce qui arrivait, c'est que le député était toujours élu par acclamation parce qu'on ne lui faisait pas d'opposition. On ne voulait pas que le comté aille dans l'Opposition.

C'est un peu ce qui arriverait, c'est qu'on suivrait le cours...

M. HARDY: Est-ce que vous pourriez nous dire approximativement, M. le Président, combien de comtés, à l'élection du 29 avril, n'ont pas eu une majorité absolue, ce qui donnerait le nombre de comtés où on aurait dû procéder à une nouvelle élection avec un système à deux tours?

M. DROUIN: Je pourrais vous les donner pour la prochaine réunion; je n'ai pas ces chiffres ici.

M. LESSARD: M. le Président, on vient de nous dire que le système uninominal à un tour existe de ce côté-ci de l'océan. Cela veut donc dire qu'en fait chez nous on n'a pas la tradition du système à deux tours. Est-ce qu'il y a des explications profondes ou sociologiques à cela, ou si c'est tout simplement parce que notre système vient du système monarchique anglais?

M. DROUIN: Je pense bien qu'il y a plus que cela. En plus du fait que notre système provienne du système britannique, il y a aussi l'étendue de notre province. Imaginez-vous qu'on soit obligé de recommencer un deuxième tour de scrutin dans le district électoral de Duplessis une semaine après l'élection. C'est impossible. On ne peut pas faire imprimer de nouveaux bulletins, aller les porter au scrutateur avec tout ce qu'il faut dans une autre boîte de scrutin pour tenir un deuxième tour, on ne peut pas faire cela dans une semaine. Tandis que la France peut faire des choses que nous nous ne pouvons pas faire; Là, je ne parle pas selon mes opinions. Je parle au point de vue des résultats pratiques.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Excusez-moi. Est-ce que vous avez terminé?

M. DROUIN: Oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le système de ballottage une semaine après, vous voyez évidemment les difficultés énormes que cela comporterait si on devait reprendre un tour après le jour ordinaire du scrutin.

M. DROUIN: Le président général ne peut pas envoyer à l'avance du papier pour imprimer le bulletin, parce que c'est lui qui est responsable du papier, qui est, comme vous le savez, fabriqué avec un filigrane secret que seul le président connaît. Alors, il faudrait envoyer à Sept-Iles le papier nécessaire pour faire imprimer, par exemple, les bulletins du district de Duplessis. Il faut que le papier se rende. Il faut l'imprimer, le mettre en livrets. Il faut le livrer et, après ça, que le président aille les porter à chaque endroit où est tenu un bureau de scrutin, y compris l'île d'Anticosti. Voyez-vous?

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. Drouin... UNE VOIX: C'est quelques comtés.

M. DROUIN: Comme monsieur le dit, c'est quelques comtés. Il serait difficile de dire: II y aura deux tours dans un district électoral de Québec ou de Montréal, mais, quand ce sera en dehors, il n'y aura pas deux tours. Vous me comprenez?

M. CHARRON: II reste que la loi pourrait atteindre une certaine flexibilité; on pourrait dire: Un scrutin uninominal à deux tours, et dans l'ensemble des comtés...

M. DROUIN: Trois semaines, deux semaines?

M. CHARRON: ...ce sera une semaine après, par exemple, à l'exception de comtés comme celui de Duplessis ou n'importe quel autre auxquels on pourrait donner deux semaines.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Drouin, nous entrons dans des modalités techniques très précises, mais, tout à l'heure, le député de Saguenay vous a posé la question à savoir pourquoi avons-nous, de ce côté-ci de l'Atlantique, adopté communément ce système à un tour. Il vous demandait si c'était parce que nous avions toujours vécu ici en régime monarchique. Evidemment, ce n'était probablement pas ce

que voulait dire le député. H voulait sans doute dire...

M. LESSARD: Excusez, M. le Président. Le régime britannique, si vous voulez.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...le régime britannique, la monarchie n'ayant rien à voir à cela. Comme on le sait, elle a été déposée, et c'est après qu'on a organisé le système de monarchie constitutionnelle et que les parlementaires ont inventé le régime sous lequel nous vivons actuellement. Vos connaissances, M. Drouin, dans ce domaine vous ont incité à nous dire que ça n'existait que de ce côté-ci de l'Atlantique. Est-ce que, sans porter un jugement de valeur, vous avez examiné longuement le système français, le mode de scrutin français?

M. DROUIN: Dans le mode de scrutin français, il y a deux tours. Encore là, vous savez, quand cinq personnes se présentent à la présidence de la France et qu'aucune ne parvient à avoir la majorité, on recommence avec les deux plus forts. Alors, ceux qui ont voté pour les trois derniers disent: Nous autres, nous votions pour eux: alors, nous perdons notre vote. Si nous ne retournons pas voter, nous perdons notre vote. Puis, si vous étudiez le moindrement, vous allez voir que, dans 85 p. c, 90 p. c. des cas et j'oserais dire un peu plus, c'est toujours celui qui est arrivé premier qui continue à arriver premier.

M. DUMONT: Tout à l'heure, Me Drouin, vous avez dit: Système britannique toujours à un tour de scrutin. Si ma mémoire est bonne, tous les conseils municipaux, les maires, sans l'inspiration du code Napoléon, en sont encore à un tour de scrutin.

M. DROUIN: Oui.

M. DUMONT: A quel moment, vers quelle année, le divorce a-t-il existé entre le système à un tour en France et la méthode britannique dont on a parlé tout à l'heure?

M. DROUIN: Je comprends, mais je ne suis pas prêt à dire qu'on n'a pas calqué un peu notre système municipal et les autres sur le système anglais, parce que, quand notre Assemblée de 1791 a été formée, nous avons calqué beaucoup de choses sur le système anglais. Evidemment, nous avons, par le traité de 1874, conservé les droits civils, mais c'est tout. Le reste on en a hérité de la méthode anglaise.

M. DUMONT: Napoléon aurait triché la couronne!

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Terrebonne.

Comportement électoral des Québécois

M.HARDY: M. le Président, vous avez tantôt semblé émettre certaines réserves quant aux conséquences possibles sur le comportement des électeurs du Québec, l'incidence que pourrait avoir le mode à deux tours. Avant qu'une décision soit prise, si jamais on devait explorer la possibilité d'adopter ce mode de scrutin, ne croyez-vous pas qu'il serait prudent pour la commission de faire préparer une étude sociologique sur le comportement de l'électorat québécois, pour savoir exactement ce qu'il adviendrait?

Il y a une hypothèse qui aurait peut-être avantage à être vérifiée scientifiquement. Mais il y a une hypothèse qui peut nous venir immédiatement à l'esprit, à savoir que l'établissement de ce mode à deux tours aurait, à toutes fins pratiques, comme résultat, de faire disparaître les tiers partis, ou peut-être même toute opposition, compte tenu de notre contexte social.

M. DROUIN: M. Hardy, s'il y en a un qui le sait, c'est vous, que lors d'une élection partielle on vote ordinairement avec le gouvernement.

M. HARDY: Hélas!

M. DROUIN: Je ne veux pas faire de politique, mais c'est un fait. En 1965, il y a eu deux élections partielles, une dans Saint-Maurice et une dans Terrebonne.

M. VINCENT: De grosses majorités renversées.

M. DROUIN: A ce moment-là, l'Union Nationale n'a pas présenté de candidat, ni à l'une, ni à l'autre et les libéraux ont été élus. En 1966, ces deux comtés sont passés à l'Union Nationale.

M. HARDY: C'est ça.

M. DROUIN: II faudrait tout simplement regarder dans mon étude que j'ai à mon bureau sur les élections partielles. Vous avez des districts électoraux, où il y a eu énormément d'élections partielles. Je pense bien que si je m'amusais à poser la question: Dans quel district électoral y a-t-il eu le plus d'élections partielles depuis 1867? Personne ne penserait de me dire que c'est Trois-Rivières. Il y en a eu dix ou onze avec la dernière et je crois que les gens ont toujours voté, lors des élections partielles, du côté du gouvernement.

M. HARDY: Vous faites une espèce de projection en disant qu'il serait fort possible qu'avec un mode de scrutin à deux tours, si l'électorat se comporte de la même façon à une élection générale à deux tours que lors d'une élection partielle, lorsque les électeurs vien-

draient pour voter la deuxième fois, ils voteraient pour le parti qui a obtenu le plus de votes la première fois.

M. DROUIN: A moins que le premier ou le deuxième dans un district, ne soit pas le candidat du gouvernement élu, ce qui est encore peu probable. Mais ce sont les résultats des élections partielles qui comptent. Je ne vous dis pas qu'il n'arrive pas que lors d'élections partielles le gouvernement ne l'emporte pas.

M. HARDY: Le comté de Westmount.

M. DROUIN: Vous avez eu Notre-Dame-de-Grâce, sous le gouvernement de M. Bertrand qui est resté...

M. HARDY: Le comté de Westmount sous le gouvernement de M. Duplessis.

M. DROUIN: Oui, vous avez des cas.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. LESSARD: Au sujet du ballottage du vote à deux tours, il semble que cela ne va pas selon notre milieu géographique. Il y a deux principes qu'il faut quand même faire jouer à l'intérieur d'un système électoral, soit la stabilité et une représentation quand même démocratique des électeurs. Est-ce que, dans certains pays, en particulier en Allemagne, on n'applique pas le système à un tour et ensuite une certaine représentation proportionnelle des électeurs, par la suite?

M. DROUIN: II n'y a pas d'erreur qu'en Allemagne, vous avez une certaine quantité de députés qui sont élus par le peuple et une certaine quantité de députés désignés.

M. LE PRESIDENT: Avez-vous la proportion?

M. DROUIN: C'est 60-40, ou 2/3 - 1/3. Il faudrait non seulement étudier le système électoral, mais aussi le système exécutif.

M. LAURIN: Je peux vous donner la réponse, M. le Président. La Chambre basse est formée de 456 députés. On élit au scrutin uninominal à un tour dans 248 circonscriptions et dans l'autre, ce sont des députés élus à la proportionnelle.

M. DUMONT: J'ai ici, M. le Président, un chiffre très précis d'une élection à deux tours. En 1958 le Parti communiste de la France a eu 3,850,000 voix (comme il existe 24 p. c. pour un parti) et ils ont eu dix sièges et le parti du général de Gaulle 3,674,000 voix pour 189 sièges. Ce que Me Drouin disait tout à l'heure quant au ballottage par rapport au deuxième tour, peut élire des gens dont la population n'a peut-être pas voulu.

Je pense qu'il y a là un réel danger. Ce sont là des conclusions et des études.

M. DROUIN: J'en viens un peu à ce que je voulais vous dire tantôt: lorsqu'une loi est adoptée — une loi qui est désirée par la députation élue — elle ne serait pas votée parce qu'une partie de la députation non élue la renverserait. Vous renversez tout notre système de responsabilité ministérielle. Il faudrait étudier ça au complet. Je ne peux pas vous dire de but en blanc la portée de tout ça.

M. LEGER: Une question a été posée tantôt. A la dernière élection, celle de 1970, combien y a-t-il de comtés qui ont élu un représentant qui avait au moins 50 p. c. du vote? Le chiffre est 31. Il y a 31 comtés qui ont élu immédiatement un député qui avait 50 p. c. du vote exprimé. Sur ces 31 comtés — je pense bien que les libéraux devraient le savoir — il n'y avait qu'un député créditiste et qu'un député de l'Union nationale, tous les autres étaient des députés libéraux. Il faudrait quand même ajouter que, sur les 31 comtés, il y en avait 18 en majorité ou à très forte proportion anglophones. Si on arrivait à la conclusion que les deux tours seraient bons et que la population suivrait un gouvernement qui serait en voie d'être élu, à ce moment-là, on pourrait se retrouver avec un parti qui aurait été directement dirigé par une minorité anglophone.

M. LESSARD: Tout à l'heure, M. Drouin nous disait qu'il pourrait y avoir opposition entre les députés élus et les députés nommés, désignés au vote proportionnel. Ces députés désignés au vote proportionnel sont quand même désignés par des partis politiques. Cette opposition-là est-elle déjà arrivée, par exemple en Allemagne? Et si ces députés-là étaient intégrés à l'intérieur de partis politiques a mon sens, je douterais énormément qu'il y ait collusion entre des députés qui seraient désignés au vote proportionnel vis-à-vis des députés qui seraient élus par la population.

M. DROUIN: II faut ici faire une différence. Qu'il y ait collusion ou non, on ne peut pas décider d'avance qu'il y aura collusion ou qu'il n'y en aura pas. On ne peut pas décider d'avance, si vous établissez ce système, ce qui va se passer en 1990 ou en l'an 2000. Quand nous établissons des normes au point de vue de droit électoral, il faut toujours penser à la répercussion. Si une chose peut se faire, c'est suffisant, même si on peut juger qu'elle ne se fera jamais, mais si elle peut se faire. C'est comme ça quand on apporte des amendements à la Loi électorale, on commence par dire: Est-ce que la chose peut-être faite? On me rapporte à moi telle et

telle chose. Dans mon comté, il s'est passé telle et telle chose. Je ne regarde pas et je ne fais pas enquête pour savoir si la chose est vraie ou non. Je regarde si, avec la loi que nous avons, cela peut arriver. C'est suffisant pour demander d'apporter un amendement.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Tout à l'heure, le député de Terrebonne faisait une intervention dans laquelle il y avait une espèce de suggestion concernant une étude sur le comportement électoral des Québécois qui devrait faciliter nos travaux. Sans préavis, sans prendre position sur une pareille étude à commander ou à ne pas commander, il y a quand même des remarques, et je m'inspire aussi de ce que vient de dire M. Drouin. Tout d'abord, des études du comportement électoral des Québécois, il y en a déjà, il en pleut. Il suffit pour nous de les rassembler et les comités d'experts nous les apporteront. D'autre part, même si nous nous lancions dans une nouvelle étude du comportement électoral des Québécois, il y a des choses fondamentales qu'il faudrait avoir à l'esprit avant de s'inspirer de ça pour déterminer le mode de scrutin que l'on veut. C'est que cette culture politique des Québécois a été formée dans un style de scrutin uninominal à un tour. Elle est donc profondément marquée de ça. Si on dit, par l'étude du comportement électoral des Québécois, que les Québécois aiment l'affrontement bipartiste, qu'ils aiment le noir et le blanc, et que pour tout ça on devrait choisir un mode de scrutin, il faut dire que le mode de scrutin actuel les a amenés à aimer le noir et le blanc ou le bleu ou le rouge, l'affrontement de deux partis plutôt que le multipartisme. Le comportement électoral des Québécois duquel on voudrait s'inspirer pour faire un nouveau mode de scrutin est lui-même l'effet d'un mode de scrutin qui existe ici au pays depuis 100 ans.

D est évident que si nous vivions, depuis cent ans, dans un système proportionnel qui aurait permis l'existence de plusieurs partis, le comportement électoral des Québécois qu'on étudierait en 1971 en serait un où on découvrirait chez les Québécois un grand souci de diversité des opinions, de pluralisme des partis, des formations politiques. Celui qu'on va découvrir, qu'on en fasse une étude supplémentaire à celles qui ont été faites antérieurement, sera sûrement marqué par le fait que, depuis 100 ans, nous vivons avec l'habitude de nous rassembler dans ce qui s'appelle la cloche électorale où tous les partis convergent parce que c'est là que se trouve la majorité de l'électorat. Finalement, les différences entre partis, on peut prendre un ministre d'un parti et le passer à un autre parti, cela n'a à peu près aucune espèce d'importance parce que les partis en sont venus, à un moment ou à un autre, à se ressembler étrangement, et que ce soit l'un ou l'autre au pouvoir, c'est changer d'allure mais pas de fond.

M. VINCENT: On peut prendre un ministre dans un parti...

M. HARDY: Deux brèves remarques sur les propos du député de Saint-Jacques. Je conviens avec lui que de nombreuses études existent sur le comportement de l'électorat québécois et je pense, entre autres, aux études de mon ancien professeur de sciences politiques, M. Robert Boily. Je pensais à une hypothèse bien spéciale. Les études sont générales. J'imagine que cette étude que la commission pourrait commander s'inspirerait largement de celles déjà faites, mais elle aurait comme hypothèse bien spéciale de voir quelle serait l'incidence d'un mode à deux tours eu égard au comportement de l'électorat québécois. Deuxièmement, je suis d'accord avec le député de Saint-Jacques pour reconnaître que le fait d'avoir eu le mode actuel a pu influencer sur le comportement des électeurs, mais j'imagine qu'une étude scientifique qui serait faite tiendrait compte de cette variable et tâcherait de l'évaluer aussi précisément que possible avec les outils dont on dispose.

M. CHARRON: Autrement dit, on demanderait à nos experts de nous dire, en connaissant la donnée fondamentale, que la culture politique est uninominale à un tour, et quelles seraient, selon eux, les conséquences sur le comportement des Québécois de l'adoption du mode de scrutin à deux tours.

M. HARDY: Encore là, pour terminer, je ne prétends pas qu'on pourrait se baser uniquement sur cette étude pour prendre une décision. Elle pourrait quand même nous servir d'éclairage et de point de repère important. Il ne s'agirait pas nécessairement de se fier uniquement à cette étude du comportement électoral pour prendre une décision quant au mode à deux tours ou à tout autre mode.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour enchaf-nez et pour reprendre les remarques qu'a faites le député de Terrebonne à la suite de celle du député de Saint-Jacques, il est évident qu'il y a eu beaucoup d'études sur le comportement électoral des Québécois. Le député de Terrebonne suggère que l'on pourrait examiner la possibilité de demander une autre étude de même nature. On nous dit: Nous connaissons déjà le comportement des électeurs, il y eu des études de faites là-dessus. Or, c'est précisément à partir de ces nombreuses études dont on parle que beaucoup de gens ont demandé que nous revisions notre système électoral. Le fait que nos gens aient été habitués à un mode de

scrutin à un tour n'implique pas qu'ils ne soient pas disposés à en changer. Il n'implique pas non plus que cela ait empêché les citoyens de se regrouper dans d'autres formations politiques et d'instaurer ici un système de multipartisme parce qu'il y a toujours eu, sauf à certains moments, à certaines périodes de notre histoire, des formations politiques autres que celles que l'on appelle les formations politiques traditionnelles.

Par conséquent, je crois que la suggestion que fait le député de Terrebonne me parait valable. D ne s'agit peut-être pas de demander une étude qui exigerait qu'on recommence à pied d'oeuvre cet examen du comportement électoral des citoyens, mais qu'on ait une étude de synthèse et que des experts en fassent l'analyse, dégagent les lignes de force, en tirent des conclusions qui puissent nous aider dans nos travaux. Je maintiens que la pratique que nous avons connue, jusqu'à présent, d'un système à un tour n'a pas empêché la création de formations politiques et l'instauration d'un régime multipartite ici.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, j'aurais une question à poser à Me Drouin. Dans le document que le Parti québécois a déposé au mois de septembre devant la commission, de la page 22 à la page 34, nous faisons une énumération des principaux modes de scrutin en vigueur dans tous les pays du monde. Nous en donnons un bref historique. Nous donnons les avantages et les désavantages. Je voudrais demander à Me Drouin s'il a remarqué des omissions, soit dans les avantages ou dans les désavantages, s'il y a des erreurs et s'il y aurait quelque chose à ajouter, cela dans le but d'accélérer nos discussions. Parce qu'il me semble que ce sont des études qui ont été faites, par des politicologues à plusieurs reprises. Il s'agit, en somme, de les rassembler, de les résumer le plus rapidement possible afin que nous continuions nos travaux en les adaptant à la situation québécoise.

M. HARDY: Je ne voudrais pas être méchant, mais est-ce que le député de Bourget voudrait, indirectement, faire endosser son mémoire par le président des élections?

M. LAURIN: Non. Je n'aurais aucune objection, M. le Président, parce que ceci est absolument non partisan. Nous nous sommes contentés de ramasser ce qui existe dans les traités de politicologie...

M. HARDY: Je dis cela en blague!

M. LAURIN: ... et simplement mettre de côté les avantages, les désavantages.

M. BERTRAND: M. le Président, nous trouvons à peu près tout cela dans le petit volume "Systèmes électoraux" de...

M. LAURIN: Aussi.

M.BERTRAND: ... Jean-Marie Cotteret et de Claude Emery.

M. LESSARD: Je suis d'accord, M. le Président...

M. BERTRAND: C'est assez complet. Nous avons là les avantages et les désavantages d'à peu près tous les modes: scrutin majoritaire à un tour, à deux tours et le scrutin qui existe en Allemagne, en République fédérale allemande, ce qu'on appelle le système personnalisé.

M. HARDY: Je suis d'accord avec l'honorable chef de l'Opposition. Ce qu'on retrouve dans le petit volume de la collection "Que sais-je? " et ce que l'on retrouve dans le document du Parti québécois, que je reconnais être largement objectif, présente les avantages et les désavantages théoriques des modes de scrutin.

M. BERTRAND: C'est cela.

M. HARDY: Or, ce qui serait peut-être intéressant — et je pense que c'est dans l'esprit du député de Bourget...

M. LAURIN: C'est le sens de ma question.

M. HARDY: ... suivant l'expérience du président général des élections, quels seraient concrètement, ici, au Québec, les avantages et les désavantages de ces modes de scrutin?

M. LEGER: Une autre remarque, M. le Président. Nous sommes venus ici pour entendre M. Drouin. Je comprends qu'on peut lui poser des questions, mais nous sommes en train de discuter de tous ces principes. Il me semble qu'on devrait, justement, poser moins de question et l'écouter.

M. HARDY: Vous donnez l'exemple immédiatement et vous écoutez.

M. LEGER: Je suis d'accord.

M. DROUIN: Le document que M. le député de Bourget a mentionné, qui a été déposé en septembre 1970 — il m'en a fait cadeau, tantôt — c'est la première fois que je le vois. Que voulez-vous? Je ne l'ai pas su, je n'ai pas assisté aux délibérations de la commission. Alors, je ne l'ai pas parcouru. J'aimerais bien avoir le temps de le parcourir. Vous m'avez mentionné, M. le député, les pages...

M. LAURIN: Les pages 22 à 34

M. DROUIN: Les pages 22 à 34. Alors...

M. HARDY: Pour que nous puissions continuer à procéder, M. le Président, pourrions-nous demander, d'une autre façon, à peu près la même chose? A partir de la connaissance que vous avez, personnellement, des différents modes de scrutin existant dans le monde, pouvez-vous brièvement nous en donner les avantages et les désavantages, eu égard aux contextes politico-social, géographique et historique du Québec?

Avantages et désavantages

M. DROUIN: D'abord, le désavantage qu'il y a, pour la province de Québec, d'avoir, d'après moi, un système à deux tours, c'est la difficulté d'organiser le vote. Deuxièmement, le désavantage que cela apporterait aussi, serait peut-être de faire disparaître certains députés élus d'un tiers parti ou d'un parti de l'Opposition. Députés qui disparaîtraient parce qu'au deuxième tour on voterait pour le gouvernement élu. Nous sommes habitués comme cela, ici. Nous avons reçu cela de père en fils. Lorsque vous voulez changer la Loi électorale, c'est la même chose que lorsque vous voulez changer la carte électorale. J'ai rencontré des gens au sujet de la carte électorale. Je pense qu'il y a seulement une opposition qu'on ne m'a pas faite, de la part des députés, c'est qu'on ne m'a pas dit: Je ne peux pas accepter votre délimitation parce que ma belle-mère n'est plus dans le comté. Je pense que c'est la seule chose que je n'ai pas entendue. A part cela, je les ai toutes entendues.

Alors nous sommes habitués comme cela, n'est-ce pas? Vous avez la même chose lorsque vous dites: Nous allons placer la paroisse X dans tel district électoral au lieu de tel autre, pour de multiples raisons. Les gens disent: Cela n'a pas de bon sens! Mon arrière-grand-père a toujours voté dans ce comté, mon père, mes oncles. Je ne peux pas aller voter dans un autre comté.

Cela n'a pas de bon sens, vous comprenez, mon arrière-grand-père a toujours voté dans ce comté-là, mon père, mes oncles, ainsi de suite. Je ne peux pas aller voter dans un autre comté; ça n'a pas de bon sens. Pour eux, c'est une chose énorme. Alors, vous sauriez tout de suite, avec le système à deux tours, qui l'emporterait. Maintenant, vous seriez obligés effectivement, avec ce système à deux tours, de fixer la date du deuxième tour à quinze jours ou trois semaines afin d'être sûrs de le faire ouvertement. Comme le disait un député tantôt, s'il n'y a que 31 députés qui ont été élus majoritairement au premier tour, cela veut dire qu'il y en a beaucoup à reprendre: 77.

Maintenant, en Allemagne, évidemment, ils ont des...

M. HARDY: Si vous le permettez, avant de passer à un autre mode de scrutin, vous avez énuméré les désavantages qu'il y aurait au Québec d'adopter le mode à deux tours. Y a-t-il des avantages, selon vous, ou si votre silence sur les avantages équivaut à dire qu'il n'y en a pas?

M. DROUIN: Le seul avantage qu'il y aurait, ce serait de dire que tous les députés sont élus à la majorité. Je ne vois pas d'avantages marqués à dire: Monsieur a été élu avec 56 p. c. Si vous prenez l'exemple de M. de Gaulle, la dernière fois qu'il a été élu président, il a été élu avec 56 p. c. des votes au deuxième tour et avec 48 p. c. au premier tour. Il était élu avec 48 p. c, il avait la majorité tout de même; c'était lui qui en avait le plus. Pourquoi a-t-on fait un autre tour? Il a été réélu quand même. Alors, je ne vois pas l'avantage que retirerait le Québec d'un deuxième tour de scrutin. Il y a plus de désavantages que d'avantages.

M. LAVOIE (Wolfe): Cela veut dire que le mode de scrutin à deux tours nécessiterait que nous changions nos coutumes politiques. Les gens pensent que le député au pouvoir a tous les avantages et que le député à l'Opposition n'a aucun avantage.

M. DROUIN: C'est-à-dire que le deuxième tour, ce sont des élections partielles. Cela revient à ça.

UNE VOIX: II faut changer nos coutumes politiques.

M. DROUIN: Ce sont mes opinions. Je ne veux pas influencer la commission. Vous me demandez ce que j'en pense.

M. VINCENT: Il se dégage de ce que vous venez de dire que, puisqu'aux dernières élections, d'après le député de Lafontaine, il y a eu 31 députés élus avec plus de la moitié des votes et que, des 31, il y avait seulement un député du Ralliement créditiste et un de l'Union Nationale, le deuxième tour aurait confirmé dans l'Opposition un seul député de l'Union Nationale et un seul député du Ralliement créditiste.

M. DROUIN: Ou à peu près.

M. LEGER: Peut-être qu'ils seraient disparus.

M. VINCENT: Ou à peu près.

M. DROUIN: Prenez, par exemple, ce qui s'est déjà passé à l'Ile-du-Prince-Edouard. Il y a à peu près 25 ou 30 ans, l'Ile-du-Prince-Edouard, comme province, a élu 30 députés. A ce moment-là, sa Législature comptait 30 députés. Les libéraux ont pris le pouvoir avec 30

députés. Le vote conservateur, il y en a tout de même eu, mais il n'y avait aucun député en Chambre. On ne pouvait pas leur en désigner ou faire un deuxième tour, puisqu'ils étaient tous élus. Le gouvernement a même été obligé de désigner parmi ses députés un membre pour devenir chef de l'Opposition et pour le critiquer, parce qu'il fallait un chef de l'Opposition.

M. LE PRESIDENT: M. Drouin, pour faire suite à la question du député de Terrebonne...

M. DROUIN: Oui.

M. LE PRESIDENT: ... je crois qu'il y a quatre grands système électoraux, si l'on peut dire, quatre systèmes de base: uninominal à un tour, que nous avons; unimoninal à deux tours, proportionnel et mixte.

M. HARDY: Avec des variations.

M. LE PRESIDENT: Pour répondre parfaitement et totalement à la question du député de Terrebonne, pourriez-vous commencer à nous expliquer le système à un tour, à deux tours, proportionnel et mixte, en nous donnant les avantages et les désavantages dans chacun des cas?

Je demanderais aux députés de ne pas interrompre et de ne pas poser de questions jusqu'à la fin de l'exposé.

M. DROUIN: Très bien. Les systèmes à un tour et à deux tours, évidemment, on les a passés. Quand on donne les avantages du système à un tour, cela donne les désavantages du système à deux tours; cela va ensemble. Le système proportionnel, on ne peut jamais l'atteindre. Parce que pour l'atteindre, il faudrait exactement autant de députés qu'il y a d'électeurs. Là, vous l'obtiendriez.

M. HARDY: C'est le système de Jean-Jacques Rousseau.

M. DROUIN: J'ai transposé à l'échelle de la province de Québec l'exemple donné par un auteur belge qui a écrit sur le vote proportionnel, pour être bien compris. Vous avez, dans un club de pêche, une salle de 30 pieds de long et 30 membres. Il s'agit de savoir si on place le foyer sur le mur de gauche ou sur le mur de droite. Alors, on vote. C'est 15 à 5. On pose donc le foyer à 15 pieds, en plein milieu et tout le monde est content. C'est proportionnel, voyez-vous. Vous avez satisfait les cinq qui ne voulaient pas que cela aille à gauche et vous avez satisfait les quinze qui voulaient que ce soit à droite. Vous avez donc placé le manteau de cheminée à quinze pieds au milieu de la salle. C'est l'exemple qu'on nous donne du vote proportionnel. On ne peut jamais arriver, il en restera toujours.

Si vous dites que parce qu'on a accumulé tant de votes, on donne une proportion, il va toujours y avoir un restant. Je ne vois donc pas d'avantages, personnellement, au vote proportionnel.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple concret basé sur un, deux ou trois comtés, à la dernière élection?

M. DROUIN: Ici?

M. LE PRESIDENT: S'il y avait eu vote proportionnel.

M. DROUIN: S'il y avait eu vote proportionnel, non. Je n'ai pas cela à la mémoire. Il faudrait faire un travail spécial pour cela. Mais on le fera. Evidemment, on cumule à un moment donné pour satisfaire tout le monde. C'est aussi qu'en plusieurs endroits vous avez des candidats défaits à l'électorat qui peuvent être élus avec le vote proportionnel.

M. COITEUX: M. Drouin...

M. DROUIN: Mais encore là — excusez-moi — c'est la commission qui a à établir ces normes. Moi, je donne seulement mes opinions qui sont bien sages.

M. HARDY: Et le vote proportionnel, selon vous — je voudrais bien vous interpréter exactement — serait inapplicable au Québec.

M. DROUIN: D'après moi, vous savez, des quatre votes que vous m'avez soumis, dans l'ordre, pour revenir à ce que je vous disais tantôt — on ne choisit pas le meilleur mais on choisit le moins mauvais — le moins mauvais, c'est le vote que nous avons, ensuite, c'est le vote à deux tours, puis le vote proportionnel ou mixte. D'après moi, c'est dans l'ordre.

M. LEGER: Le mixte serait le pire, d'après vous?

M. DROUIN: Le mixte, d'après moi, c'est le pire...

M. BERTRAND: M. Drouin, étant donné que nous parlons du dernier...

M. DROUIN: ... parce qu'on y mélange les deux.

M. BERTRAND: ... vous ne partagez donc pas l'opinion de M. Jean-Charles Bonenfant qui dit que le système électoral idéal est sans doute la représentation proportionnelle qui assure une représentation parlementaire en proportion exacte des votes obtenus. Mais il ajoute: II est difficile d'application, surtout dans un Etat

habitué par l'histoire à la présence d'un député par comté.

Connaissez-vous vous-même le système électoral de la République allemande, qui est un système que l'on appelle mixte?

M. DROUIN: Je l'ai étudié, évidemment...

M. BERTRAND: II est nominal à un tour et on y a greffé la proportionnelle.

M. DROUIN: La proportionnelle.

M. BERTRAND: Les candidats ont donc deux votes. Un vote local dans une circonscription donnée, le vote de l'électeur et, deuxièmement, il y a le scrutin de liste dans les "làuder", comme on appelle, les provinces ou les régions. Vous connaissez ce système?

M. DROUIN: Absolument. Mais voyez-vous, ce qui arrive...

M. BERTRAND: D'abord, y reconnaissez-vous des avantages, de grands avantages ou des désavantages plus grands. Lesquels sont-ils?

M. DROUIN: A la lecture du système que j'ai pu lire... Evidemment, je n'ai pas pu lire le système dans la langue allemande. Vous me comprenez. J'ai donc lu des bribes ici et là. Comme je vous le disais, il faudrait connaître tout l'ensemble du système exécutif pour savoir comment cela fonctionne, pour pouvoir le juger.

D'abord, dans le système à deux tours, si une personne est défaite au deuxième tour, avec le vote proportionnel, elle peut être désignée et choisie.

M. BERTRAND: Sur le scrutin de liste. M. DROUIN: Oui. M. BERTRAND: Si elle est battue. M. DROUIN: Si elle est battue.

M. LAURIN: Ce n'est pas deux tours. Il vote en même temps pour le candidat qui se présente territorialement et en même temps pour un nom qui est inscrit sur une liste.

M. DROUIN: Vous avez ça en Belgique aussi.

M. LAURIN: Ce n'est pas la même chose en Belgique.

M. DROUIN: On vote, n'est-ce pas, à côté du nom et on vote pour la liste en haut. Si on vote seulement pour la liste, à ce moment-là, on vote pour celui qui est le plus fort. Si on vote pour la liste et pour le type qui est battu, à ce moment-là, celui qui est battu ne compte pas et il tombe sur la liste. Si son vote est bon parce que c'est celui qui est élu, pour la liste, ça tombe. Ce qui arrive, c'est qu'à la suite de ça, il faut penser que vous avez un dépouillement qui prend énormément de temps; ça prend quinze jours, trois semaines avant de savoir au juste où vous en êtes.

M. LEGER: M. Drouin, pouvez-vous nous donner votre avis sur le style de vote mixte suivant? Supposons que la commission parlementaire accepte l'idée d'une proportionnelle mixte à deux tiers élus territorialement et à un tiers élu proportionnellement. Les élections doivent voter sur un bulletin de vote, en même temps pour un parti et pour un homme. Cela veut dire que, dans des comtés, il y a des personnes qui votent pour le candidat parce qu'ils aiment ou admirent ses qualités, mais qui, parce qu'elles n'aiment pas son parti, votent pour un autre parti. Cela fait quand même deux compilations qui permettraient d'établir, du côté proportionnel, le nombre de votes qui vont à un parti. A ce moment-là, selon le tiers des députés qu'il reste à désigner, on pourrait faire une proportion.

Quels avantages ou désavantages verriez-vous à ce vote-là?

M. DROUIN: Je vois ça difficilement établi ici, avec la grandeur de notre territoire.

M. LEGER: Au point de vue de l'organisation, mais au point de vue du principe?

M. DROUIN: Au point de vue du principe, évidemment, vous avez des choses qui sont très bonnes en principe, mais la difficulté c'est de les mettre en pratique.

M. LEGER: Vous avez vu qu'en 1966 le parti RIN et le parti RN ont eu ensemble environ 200,000 votes. Comme il n'y avait aucune façon d'établir une proportion, ces gens-là n'ont eu aucun représentant à l'Assemblée nationale. Alors, même s'il y a des difficultés d'organisation, est-ce qu'on ne doit pas partir d'un principe? Est-il valable ce principe? Ensuite, on verrait si les difficultés sont réellement insurmontables ou si c'est réalisable.

M. DROUIN: Oui, mais ça, vous savez, c'est l'enjeu d'une élection. Que voulez-vous, moi, je vois ça comme ça.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: M. Drouin, vous avez émis certaines réserves vis-à-vis du système à deux tours. J'ai cru sentir qu'il y aurait, à cause de notre façon de procéder, des conséquences dans

l'immédiat au niveau scolaire, au niveau syndical, en somme, à tous les autres niveaux.

J'aimerais exprimer une opinion et vous demander vos commentaires sur la possibilité d'application d'un système qui, à mon sens, peut-être, corrigerait les désavantages du système actuel et, en même temps, réussirait à accrocher les avantages du système à deux tours. Par exemple, serait-il possible d'ordonner un deuxième tour de scrutin dans les comtés où il n'y aurait pas, disons, un minimum de 60 p. c. ou 70 p. c. des gens qui seraient allés voter? Autrement dit, dans les comtés où il y aurait 60 p. c. ou 70 p. c. des gens qui seraient allés voter, on pourrait considérer que la personne élue représente, quand même, la majorité. Maintenant, dans certaines élections municipales, on a vu, encore tout récemment, qu'à peine 23 p. c. des gens étaient allés voter. A ce moment-là, on ne peut pas dire que c'est très, très démocratique. Alors, est-ce que le deuxième tour de scrutin ne pourrait pas être ordonné dans des cas spécifiques comme ceux-là?

M. DROUIN: Puis, si vous n'obtenez pas 40 p. c. des votes, au deuxième tour?

M. PEARSON: Bien, ça veut dire que les gens ne sont pas intéressés.

M. DROUIN: Oui, oui, je vous comprends, mais, vous savez, il y a des districts électoraux dans la province de Québec où le vote est de 51 p. c, 52 p. c, 53 p. c, pas plus. Vous avez d'autres comtés où ça vote à 95 p. c, 93 p. c, tout le temps.

M. PEARSON: Oui, mais c'est la même chose dans certains syndicats ou certains organismes. Si les gens n'y vont pas, ce n'est pas de la démocratie, et l'Etat intervient pour forcer les gens à aller voter, si l'on veut que cela soit démocratique.

M. DROUIN: Ils ont eu le vote obligatoire en Europe et ils se sont aperçus que c'était un moyen de fraude parce que, quand on oblige des personnes à aller voter, il y en a toujours 10 p. c, 12 p. c. ou 20 p. c. qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent pas y aller. Comme elles ne veulent pas être traduites devant les tribunaux, elles vont trouver les partis politiques et disent: Voici mon certificat, voulez-vous me faire voter? Voici ma photo, faites-moi voter. Alors, ils accumulent les possibilités de fraude. Ils n'ont pas besoin d'aller en chercher, ils les ont.

M. PEARSON: Oui, mais il me semble que ce sont des modalités que l'on pourrait corriger.

M. DROUIN: Ah! mais cela est bien difficile!

M. PEARSON: La meilleure façon de frau- der, c'est justement quand il y a peu de gens qui vont voter. Si vous avez seulement 20 p. c. qui y vont, il reste 80 p. c. aux fraudeurs pour s'amuser avec les absents.

M. DROUIN: Mais, que voulez-vous, c'est la liberté!

M. PEARSON: Non, mais, à comparer au système à un ou deux tours, je vous demandais vos commentaires sur les possibilités d'application d'un tel système. D'après vous, c'est inapplicable?

M. DROUIN: A la dernière élection provinciale, on a voté à 82 p. c, à peu près. On a voté à 72 p. c. dans l'île de Montréal. Vous voyez le jeu? Pour atteindre 82 p. c. dans la province, il a fallu un vote joliment élevé à d'autres endroits.

M. PEARSON: D'accord.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, le président général des élections vient de faire une analyse rapide des différents modes de scrutin, en soulignant les avantages et les désavantages. Je tiens à dire au départ que si j'avais à faire l'ordre des quatre systèmes, comme vous l'avez fait, je ferais probablement exactement l'inverse de ce que vous avez fait. Le système qui m'apparaît le plus démocratique est le système mixte tel que réussi en Allemagne actuellement.

M. DROUIN: Au point de vue démocratique, je l'admets. Moi, je vous réponds en tant que président général des élections, dans la pratique.

M. CHARRON: Oui, je vous comprends très bien, mais les membres de l'Assemblée nationale sont ici pour choisir ensemble, à toutes fins pratiques, le mode de scrutin le plus démocratique c'est-à-dire celui qui fera que, véritablement, le gouvernement sera le choix de la majorité et que la Chambre sera le reflet des courants d'opinions qui existent dans la population québécoise.

M. HARDY: M. le Président, je ne voudrais pas être désagréable, mais — nos délibérations se sont très bien déroulées jusqu'ici — je pense que tout le monde avait convenu que la raison d'être de la réunion d'aujourd'hui et de la venue du président des élections était pour avoir son opinion à lui.

M. CHARRON: Oui. DES VOIX: Oui. M. HARDY: Je pense que les membres de la

commission pourront éventuellement donner leur opinion.

M. CHARRON: J'allais poser une question au président général des élections.

M. HARDY. Bon, très bien.

M. CHARRON : Dans les avantages que vous avez mentionnés au mode de scrutin à deux tours, le seul avantage qui vous saute aux yeux est que l'on serait sûr que les députés soient élus de façon majoritaire, ce qui est vrai. Ne trouvez-vous pas aussi important, ce qui serait aussi un avantage du scrutin à deux tours, que les différents courants d'opinions dans la population soient représentés de façon équitable au sein de l'Assemblée nationale?

M. DROUIN: Avec le deuxième tour, vous risquez de les faire disparaître.

M. CROISETIERE: C'est cela.

M. CHARRON: Comme le système mixte le prouve en Allemagne, dans son application concrète actuellement, il corrige et rétablit un peu plus l'équité des courants d'opinions dans la population, au niveau de l'Assemblée nationale allemande, je ne sais trop son nom. Ne vous semblerait-il pas aussi un avantage, en tant que président général des élections?

M. DROUIN: Je voudrais dire d'abord au député de Saint-Jacques que je ne veux pas faire de politique. Vous me comprenez, je suis en dehors de la politique. N'oubliez pas une chose: Prenez — je ne vous blesserai pas en parlant du Parti québécois — le Parti québécois. Supposons que vous avez deux tours et supposons que vous êtes balayés par le deuxième tour...

M. LESSARD: On ne parle pas des deux tours.

M. DROUIN: Monsieur me parle des deux tours.

M. LESSARD: On parle du système mixte allemand.

M. CHARRON: J'ai donné un exemple, tantôt, à partir des deux tours, mais ma première intervention...

M. DROUIN: Après cela, vous avez le système mixte qui vous replace, qui vous redonne la représentation. C'est cela, dans le fond.

M. CHARRON : Ce que je ne comprends pas, M. Drouin, c'est que vous êtes d'accord pour dire que sur le plan de la représentation, du reflet démocratique de la population à l'Assemblée nationale, c'est probablement le système mixte qui fait le plus d'efforts pour le représenter.

Selon votre plan de technicien d'élections qui avez à réaliser ces élections, votre choix est placé sur le quatrième; c'est certainement le plus difficile à organiser, et le plus facile à organiser est celui dans lequel on vit actuellement.

Dans vos choix techniques, ne seriez-vous pas d'accord pour pousser plus loin et dire que ce qui serait encore plus facile serait de simplifier le côté de l'organisation mais n'est-ce pas proportionnel? Plus vous simplifiez l'organisation des élections, moins c'est démocratique comme résultat.

M. DROUIN: Vous savez, vous pourriez avoir le système suivant qui n'est pas applicable mais qui donnerait justice: sur le bulletin de vote, vous avez des candidats et on fait voter l'électeur avec un chiffre, 1, 2, 3, 4, 5, suivant l'ordre qu'il voudrait. Vous avez tout de suite les deux tours sans qu'on sache pour qui ou par qui. Vous comprenez, il faut penser à la population, aux 3,500,000 électeurs à qui il faut faire comprendre le système.

M. LESSARD: M. le Président, nous comprenons que le...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.

M. JORON: M. le Président, nous sommes ici pour trouver un système électoral non pas uniquement pour satisfaire les techniciens des élections, c'est-à-dire trouver le système le plus facile à faire fonctionner, mais au contraire, un système électoral qui doit le mieux servir un idéal — que je ne m'engagerai pas à décrire, cela pourrait provoquer de longues péroraisons — qui est celui de la démocratie.

Vous avez situé vos réponses au niveau technique uniquement, et il est peut-être préférable que nous nous limitions à cela pour l'instant.

Quant au système proportionnel, vous l'avez décrit assez sommairement en disant qu'il est inapplicable au Québec. Techniquement, ce n'est pourtant pas un système qui me paraisse bien compliqué. Est-ce que je peux vous demander pourquoi vous le trouvez inapplicable au Québec, sans porter de jugement sur la valeur politique du système mais strictement sur l'aspect technique?

M. DROUIN: C'est assez difficile de vous donner plus que ce que je vous ai donné. Je viens ici à titre de président général des élections. Je suis président général depuis 26 ans. Je ne fais du droit électoral que depuis ce temps-là, et je regarde cela à titre de président général des élections. Je ne regarde pas cela au point de vue de l'électorat, ni à titre de député, ni

comme manière de se faire élire ou de ne pas se faire élire. Cet aspect-là, pour le moment, je le laisse de côté. Je vois mal le vote proportionnel. Le vote proportionnel n'existe à nulle part, ici, dans quelque milieu que ce soit. On ne l'a pas à la cour d'Appel, ni à la cour Suprême, ni même à la Chambre, en haut.

M. JORON : Permettez-moi d'insister. En quoi est-ce qu'il est techniquement difficile d'application au Québec? On ne l'a pas, c'est un fait, on aurait peut-être dû l'avoir, c'est une autre question. Mais, en quoi est-il difficile d'application?

M. DROUIN: II est difficile d'application, d'abord, parce que toute notre organisation n'est pas habituée à cela.

M. DUMONT: Est-ce que la grandeur du territoire et le taux de population ont aussi une influence?

M. DROUIN: Evidemment, tout cela a une influence.

M. JORON : Sur ce point, je voudrais contester. Tout à l'heure, vous le disiez au sujet du système à deux tours, mais je ne suis absolument pas d'accord. Je voudrais souligner le point suivant: Comme difficulté technique d'application du système à deux tours, vous semblez faire porter la même difficulté sur le système proportionnel...

M. HARDY: M. le Président, encore une fois, juste un petit point d'ordre. Ce n'est pas nécessairement un point d'ordre, c'est une question pratique.

Je reviens à ce que j'ai dit tantôt. Loin de moi l'idée d'empêcher le député de Gouin, ou tout autre député, d'exprimer son opinion sur le témoignage du président général des élections, mais je pense que cela devrait venir par la suite. Je pense que l'objet de la présence du président général des élections c'est de lui faire dire... — et là-dessus je reconnais au député de Gouin la liberté de multiplier les questions et les sous-questions afin d'obliger le président général des élections à dire toute sa pensée sur les avantages et les désavantages des modes de scrutin — mais je pense qu'il ne serait pas valable, si nous voulons procéder avec célérité, que chaque député dise: Je considère que cette opinion du témoin n'est pas bonne, ou plus ou moins bonne.

M. JORON: Si vous permettez, M. le Président, dans le sens de ce que vient de dire le député de Terrebonne, c'est précisément pour poser une sous-question que je reviens à ce sujet-là. On mentionnait comme difficulté de ces systèmes la grandeur du territoire. Il ne faudrait quand même pas exagérer cette ques- tion. On sait que 80 p. c. de la population du Québec — et par conséquent il en est de même pour les bureaux de votation— occupe un territoire en fait relativement plus petit que la Belgique. Si ça peut se faire sur un territoire comme celui de la France, de l'Italie ou de l'Union Soviétique — ce n'est pas le cas à cause du système des partis en Union Soviétique — je ne vois pas pourquoi ça ne peut pas se faire sur le territoire du Québec, qui est relativement restreint. En fait, oublions le Grand Nord — il n'y a pas de bureau de votation — le territoire n'est pas si grand que ça.

Alors, où est la difficulté technique? E y a des cas isolés, j'en conviens. Je ne voudrais pas blesser les députés qui viennent de régions plus éloignées, mais est-ce que vous pensez vraiment que la question de la grandeur du territoire subsiste toujours, que 80 p. c. de la population est quand même massée dans un territoire relativement restreint?

M. DROUIN: Oui, mais regardez, M. le député...

M. JORON: Je comprends que ça pose un problème pour l'île d'Anticosti.

M. DROUIN: Tout de même, il reste 20 p. c. Si, pour le proportionnel, si, pour la majorité absolue, si, pour donner une représentation proportionnelle, on doit tout de suite négliger 20 p. c. sur 80 p. c...

M. JORON: C'est la question que je vous pose.

M. DROUIN: Je ne vois pas pourquoi. Dans ces systèmes-là, si on veut absolument se servir de la représentation proportionnelle, il faut que ce soit bon à 100 p. c. Si c'est bon à 80 p. c, à 85 p. c, il y a 15 p. c. d'ignorés. Moi, je vous donne mon opinion.

M. CHARRON : Concernant le scrutin uninominal à un tour qui existe actuellement, est-ce que vous pouvez dire le pourcentage pour lequel il est bon? Si celui de la proportionnelle était bon pour 80 p. c, celui dans lequel on vit actuellement, il est bon pour combien de gens?

M. DROUIN: D'après moi, il est bon pour tout le monde actuellement.

M. CHARRON: Nous autres, dans le reflet que ça donne à l'Assemblée nationale, entre la force des courants d'opinions...

M. DROUIN: Là-dessus, je vous comprends facilement.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, en analysant les implications et les conséquences ou l'application pratique d'un système par représentation proportionnelle ou mixte, est-ce que vous avez analysé le mécanisme de la responsabilité ministérielle qui pourrait être mise en cause par l'application d'un tel système électoral?

M. DROUIN: Je ne l'ai pas examiné, mais ça me sauterait évidemment aux yeux. Est-ce qu'il faudrait à ce moment-là...

M. PAUL: Repenser toute cette philosophie politique qui existe dans notre système depuis bientôt près de cent ans.

M. DROUIN: Evidemment, parce que vous pouvez avoir une loi qui est adoptée en Chambre par dix de majorité et qui n'est pas nécessairement une loi présentée par le gouvernement, où la responsabilité ministérielle est en jeu, mais elle peut être battue par des gens qui ne sont pas élus. Ce n'est pas une sécurité.

M.PAUL: A ce moment-là, M. Drouin — je ne voudrais pas être accusé de peut-être devancer les travaux de la commission — si nous avions un système électoral à date fixe et étions appelés à faire disparaître ce principe de la responsabilité ministérielle, les implications d'un système proportionnel ou mixte ne seraient-elles pas plus faciles?

M. DROUIN: Evidemment, ce serait à examiner, il n'y a pas d'erreur.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, la question que le député de Gouin a posée et la mienne ont pour but de faire expliciter les réponses que nous avons obtenues et qui nous semblent un peu brèves ou sommaires. Ma question va dans le même sens. Tout à l'heure, à une question qu'on lui a posée, M. Drouin a répondu que le pire système serait le système mixte, parce qu'il combinerait les désavantages des deux systèmes, c'est-à-dire l'uninominal à un tour et celui de la proportionnelle. Est-ce que, M. Drouin, on ne pourrait pas envisager un système mixte qui, au lieu de combiner les désavantages des deux systèmes, combinerait les avantages de ces deux systèmes?

M. DROUIN: Cela peut être étudié. Cela pourrait être étudié. Il n'y a pas d'erreur.

M. LAURIN: Cela pourrait être renversé. M. DROUIN: Cela peut être étudié.

M. LAURIN : On pourrait même envisager un système mixte qui corrigerait par sa moitié les désavantages de la première moitié.

M. DROUIN: II y a toujours moyen d'améliorer, sur cela, il n'y a pas d'erreur. Même les systèmes les meilleurs peuvent être améliorés.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.

M. DROUIN : Regardez par exemple des pays comme les Etats-Unis. Ceux-ci ont tout de même un système électoral assez avancé, un système qui s'approche du nôtre, si vous voulez, au point de vue électoral. C'est comme ça depuis l'Indépendance.

M. HARDY: Est-ce que vous voulez dire que le système électoral des Etats-Unis est un des systèmes les plus avancés?

M. DROUIN: Des plus avancés, c'est-à-dire qu'ils ont gardé le même système; ils n'ont pas changé pour adopter le système européen, ils ont gardé le système de vote selon lequel la personne qui a le plus de voix est élue.

M. HARDY: Mais vous avez dit que c'était le système le plus avancé. Quelle était la signification exacte de ce...

M. DROUIN: Non. Ce n'est pas cela que j'ai voulu dire. J'ai voulu dire que le peuple américain est un peuple avancé...

M. HARDY: Ah! bon.

M. DROUIN: ... qui a gardé ce système-là malgré tous les changements qu'ils ont apportés.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.

M. LESSARD: Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas eu de système à deux tours ici qu'on n'en fera pas un. On nous a dit tout à l'heure qu'il s'agissait d'essayer de choisir le moins pire. Mais le plus facile aussi ce serait de ne rien changer. Le système le plus facile, c'est la dictature. Nous sommes ici pour essayer de trouver un système. Tout à l'heure, par exemple, en ce qui concerne le système mixte, M. Drouin a dit: Ce serait difficile d'application. C'est la seule chose qu'il nous a dite. Et quand je parle du système mixte, je ne parle pas — parce qu'on a mélangé tout à l'heure un peu — du système à deux tours. Je parle du système uninominal à un tour à l'intérieur duquel il y a, comme correctif, le vote proportionnel. Je pense que M. Drouin devrait expliquer pourquoi il nous a dit tout à l'heure que ce serait difficile d'application. Mais en quoi?

M. HARDY: D'accord.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Argenteuil.

M. SAINDON: M. le Président...

M. LESSARD: J'ai posé une question, M. le Président.

M. SAINDON: N'y aurait-il pas lieu...

M. LE PRESIDENT: C'était une question?

M. LESSARD: Oui, oui, c'était une question. En quoi? Il nous a dit que c'était difficile...

M. LE PRESIDENT: Je pense que c'était plutôt une affirmation qu'une question. Pour-riez-vous répéter votre question?

M. LESSARD: Voici, M. le Président. M. Drouin, tout à l'heure, à une question que lui posait le député de Lafontaine, a dit: Je ne vaois pas comment cela pourrait être appliqué. Ce serait difficile d'application. Alors je lui demande quelles sont les raisons qu'il peut nous donner à ce sujet-là. Pourquoi ce système-là serait-il difficile d'application? C'est un système qui ressemble quand même énormément au nôtre, excepté qu'il y a un correctif pour représenter un peu les différentes opinions des électeurs.

M. DROUIN: Evidemment, lorsque vous avez fait un tour, quelqu'un est élu. Il faut faire faire un calcul spécial par notre personnel électoral qui va nous l'envoyer. Nous avons déjà de la difficulté actuellement à faire exécuter la loi. Vous ne vous imaginez pas jusqu'à quel point. Dans des districts électoraux par exemple, au-delà de 1,500 bulletins de vote sont rejetés. Nous avons eu le cas du personnel électoral, des régions éloignées où on n'en entend pas beaucoup parler, mais de la région de Montréal qui, le soir de l'élection, le scrutateur, le greffier, le représentant, de connivence, ont posté à chaque candidat les bulletins qu'il y avait dans la boîte de scrutin. Il y a encore le cas des scrutateurs qu'on avait fait venir pour le dépouillement du scrutin et qui, quand on leur a demandé: Où sont les bulletins, nous ont répondu: Monsieur, moi je suis pour des élections honnêtes. Quand je suis arrivé chez moi le soir, j'ai tout mis ça dans le poële.

M. LESSARD: Mais si on leur donnait des cours au lieu de les nommer comme ça quelques jours avant l'élection.

M. HARDY: M. le Président, j'aimerais que le président des élections ait la possibilité de terminer son témoignage sans qu'il y ait des opinions qui interviennent.

M. DROUIN: Vous avez 15,500 scrutateurs dans la province. Il faut tout de même penser à ce qu'on leur donne à faire. C'est ça, la mise en application.

M. BERTRAND: M. le Président, si vous me permettez...

M. DROUIN: Je suis obligé de vous dire...

M. BERTRAND: ... de continuer dans la même ligne... J'ai lu quelques auteurs là-dessus, et la plupart, le consensus semble que le système allemand — et on utilise l'exemple un peu partout — semblerait être une combinaison acceptable. Du moins, il a été éprouvé en Allemagne. Du point de vue pratique, vous venez de parler du scrutin uninominal à un tour, compilation du résultat. Si vous y greffez le vote proportionnel, c'est-à-dire que nous ne parlerons pas de "länder", mais de régions économiques au Québec... Prenez une région économique qui est à l'intérieur d'une région économique donnée, où dix personnes ont été élues localement. La loi dit:

II y en aura cinq choisis d'après une liste — il faudrait qu'il y ait une liste — comment procéderait-on à ce vote-là?

M. DROUIN: Vous changez un peu la directive.

M. BERTRAND: Pouvez-vous prendre le système mixte?

M. DROUIN: Je comprends. Vous avez 108 districts qui élisent, à un tour de scrutin, 108 députés.

M. BERTRAND: C'est ça, d'abord.

M. DROUIN: Supposons que vous diminuez ça à 90 ou même à 80. Vous en laissez 18 ou 28. Vous divisez la province en régions...

M. BERTRAND: Disons. Régions ou zones.

M. DROUIN: ... disons, en régions économiques. Dans ces régions économiques là, vous tenez une autre élection le même jour...

M. BERTRAND: Le même jour.

M. DROUIN: ... avec le même mode de scrutin. Là, ce n'est plus pareil.

M. LEGER: M. le Président, voici ma question...

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Argenteuil et, après, l'honorable député de Lafontaine.

M. SAINDON: M. le Président, n'y aurait-il pas lieu de diriger nos réunions d'une autre façon, d'une façon plus objective, qui laisserait moins de portes ouvertes aux interventions et aux intérêts partisans?

M. LAURIN: J'aimerais que le député donne des exemples d'interventions partisanes.

M. SAINDON: Aujourd'hui, la discussion a été conduite par les députés péquistes et il est bien évident que tout ce qu'ils ont en tête, tout ce qu'ils cherchent, c'est un mode de scrutin qui les favoriserait eux-mêmes, au détriment de toute la population.

M. LAURIN: M. le Président, je m'oppose à cette déclaration d'intention.

M. LEGER: Un point d'ordre. DES VOIX: A l'ordre!

M. SAINDON: Alors, c'est clair et évident. Il faudrait que nos réunions soient dirigées d'une autre façon.

M. LESSARD: Les mêmes accusations pourraient être portées contre les députés de l'autre côté. Nous tentons de trouver une solution à un problème. Nous avons posé des questions et le président des élections nous a affirmé certaines choses.

M. SAINDON: Cela fait une heure quarante-cinq.

M. LESSARD: M. Bertrand, d'ailleurs, a posé la question, en disant : Si on ajoute le vote proportionnel, quelles seraient les conséquences au point de vue de la complication des élections?

M. SAINDON: Non, nous sommes plus objectifs que ça.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Tout se déroulait bien depuis une heure quarante-cinq. Pour répondre aux allégations du député d'Argenteuil, je donne la parole à ceux qui la demandent et je tente de diviser ce droit de parole le plus équitablement possible. D'ailleurs, le prochain opinant est le député de Lafontaine et le suivant est le député de Saint-Jean.

Système mixte

M. LEGER: Ma question à M. Drouin est la suivante. Au niveau de la difficulté d'application d'un système mixte, est-ce que vous pourriez répondre à deux questions différentes? A mon point de vue, il y aurait peut-être une difficulté d'organisation. Est-ce que, dans votre esprit, la population aurait de la difficulté à comprendre un système électoral différent? Autrement dit, d'après vous, un système où les gens auraient, en même temps, à voter pour deux options différentes, soit une personne ou un parti avec une liste, poserait-il, première- ment une difficulté au point de vue technique et, deuxièmement, du côté de l'application technique précise de votre organisation?

Si, au lieu d'avoir les 15,000 personnes que vous mentionniez tout à l'heure — un personnel qui n'a pas été tellement formé, mais qui, très souvent, est nommé par le parti au pouvoir et par le parti d'Opposition à la dernière minute —vous aviez des fonctionnaires entraînés, bien équipés — du fait que le vote est terminé à sept heures, on peut avoir rapidement le résultat des 72 ou 80 députés élus territorialement; le calcul, par la suite, du côté proportionnel se fait quand même dans la même soirée ou peut-être dans la nuit, mais c'est un travail de technicien —est-ce que vous verriez une difficulté du côté de l'organisation du résultat du vote par les techniciens?

M. DROUIN: D'abord, votre première question. Il n'y a pas de difficultés techniques si vous avez 80 députés élus dans 80 districts électoraux de la province de Québec et que vous avez, en plus, 28 députés choisis dans 28 régions par un vote. Il n'y a pas de difficulté à ce que, dans le même bureau de scrutin, l'électeur ait deux bulletins à compléter. Mais, si vous avez 108 districts électoraux qui élisent 108 députés, ou qui en élisent 80 et qu'après ça, lorsque les boîtes s'en vont chez mon président d'élections, il faut les dépouiller à nouveau pour savoir tout ça, là, vous permettez à mes présidents d'élections, d'avoir accès aux boites, et c'est bien dangereux. Il ne faut pas qu'une boite soit ouverte, tant que les délais de contestation ne sont pas expirés.

M. LEGER: Une question subsidiaire sur ce que vous venez de dire. Cela signifie qu'il serait préférable de déterminer d'avance combien de députés il faudrait élire de façon territoriale. C'est une décision comme celle-là qui devrait être prise en premier. A la suite de ça, il y aurait moins de difficultés techniques à établir le reste de la proportionnelle.

M. DROUIN: La proportionnelle par région, mais aussi par présentation et par un bulletin de vote.

M. LESSARD; cela ne corrigerait pas la situation. Si vous avez une deuxième élection...

UNE VOIX: II n'y en a pas de deuxième.

M. LESSARD: Cela ne corrige pas nécessairement la mauvaise répartition des députés à l'intérieur de l'Assemblée nationale parce qu'il n'y a plus de proportionnelle. Ce qui arrive, c'est que la même position des partis politiques peut aussi bien se présenter au niveau de la région qu 'au niveau des comtés.

M. DROUIN: Quant à l'autre système de la

proportionnelle après, je ne vois pas de façon de l'établir pour que cela ait du sens, sauf en même temps. Maintenant, dans les régions où l'on établirait un genre de division électorale au lieu d'un district électoral, il n'y a rien qui empêcherait que l'on vote pour un parti et non pour une personne.

M. BERTRAND: Mais, le vote le même jour.

M. DROUIN: Le vote le même jour et en même temps.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Est-ce que vous avez...

M. LEGER: II n'a pas répondu à ma deuxième question.

M. BERTRAND: La compréhension.

M. LEGER : La compréhension par la population de ce vote double la même journée. Y voyez-vous une difficulté?

M. DROUIN: Si on présente deux bulletins de vote à un électeur, il n'y a pas de difficulté, il va voter deux fois. S'il entre dans un bureau de scrutin au municipal et qu'on lui remet quatre bulletins, il va voter quatre fois.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: Si on prend le système mixte tel qu'il existe en Allemagne, est-ce que vous avez des chiffres indiquant, en pourcentage, la différence qu'il y a entre les députés élus par l'électorat et ceux nommés par le parti d'après le pourcentage du vote? Le pourcentage est-il identique ou s'il est complètement différent?

M. DROUIN: C'est 66 p. c. 33 p. c. C'est 66 p. c. des députés. Mais vous voulez savoir le vote attribué. Je n'ai pas de chiffres pour cela.

M. VEILLEUX: Prenons un exemple pratique. Tout à l'heure, le député de Lafontaine disait qu'en 1966 X p. c. des électeurs s'étaient prononcés pour le RIN ou le RN, mais qu'il n'y avait pas eu de représentant à l'Assemblée nationale. Par exemple, dans un régime comme celui qui existe en Allemagne, je voudrais savoir ici, au point de vue du pourcentage, qu'est-ce qui nous indique que la personne qui a voté pour le RIN ou pour le RN a voté pour le parti plutôt que pour l'individu qui s'était présenté? Dans un vote mixte, vous dites qu'il y a un vote pour l'individu et l'autre pour le parti. On entend fréquemment les tenants du Parti québécois dire qu'on n'a pas une représentation proportionnelle. Qu'est-ce qui indique que le nombre de votes que le député de Bourget a reçus aurait été le même si l'individu avait voté pour le parti plutôt que pour celui qui représentait le Parti québécois dans le comté de Bourget?

M. DROUIN: C'est impossible de le savoir.

M. LEGER: Je dois corriger la présentation du député de Saint-Jean. Les 28 députés vont être élus en proportion du total de votes qu'ils ont eu dans toute la province ou dans toute la région. Ce qui veut dire que si, dans la région, vous avez élu 80 députés, mais qu'il y a eu une quantité énorme de gens qui ont voté pour d'autres partis, le total de ces votes amène pour les 28 députés à désigner — une proportion qui corrige la situation. A ce moment-là, si, sur 80 députés, il y en a eu 40 du Ralliement créditiste, ceux-ci auraient le droit — si le vote a été à peu près semblable, comme vous le dites — d'avoir 50 p. c. des 28 députés à élire. Il y a quand même un changement au niveau de la correction pour les 28 députés.

M. VEILLEUX: Je ne suis pas d'accord avec vous. Si on prend le système qu'expliquait le député de Missisquoi tout à l'heure, à savoir qu'un individu vote deux fois, le vote qu'il accorde à l'individu dans le comté ne représente pas nécessairement le pourcentage du parti globalement.

M. BERTRAND: Etant donné qu'il n'y a qu'un pays au monde où ce système est appliqué, si le président général des élections pouvait nous obtenir, probablement par l'ambassade de l'Allemagne, des documents —j'entends des fac-similés des bulletins de vote — et savoir, si l'élection a lieu le même jour et comment on procède en pratique. Ce qui vous intéresse, vous, ce qui nous intéresse, nous aussi... La théorie je peux la trouver dans 50 volumes. Ce qui m'intéresse, moi, c'est le mécanisme. Je pense que tout votre témoignage est marqué au coin de l'expérience que vous avez vécue. Si vous pouviez obtenir des renseignements qui nous permettraient de mieux préciser, à la lumière de l'expérience allemande...

M. DROUIN: J'ai essayé et c'est très difficile d'obtenir des documents, même de la France et de l'Angleterre. Si on ne passe pas par la Maison du Québec à une place ou à une autre pour obtenir des documents, on ne nous répond pas. J'ai écrit en Belgique pour avoir des documents et recevoir des bulletins de vote. Cela a pris des mois et des mois et j'ai réussi après avoir parlé avec l'ambassadeur de la Belgique, à Ottawa.

M. BERTRAND: Vous pourriez les avoir par notre maison à Düsseldorf.

M. DROUIN: Je ne le sais pas. On le pourrait.

M. HARDY: Dans cette ligne de pensée, je pense qu'il y aurait lieu d'explorer ce mode de scrutin mixte puisqu'il faut quand même admettre qu'il y a eu de nombreuses opinions favorables de la part de politicologues et de journalistes. Et puisque l'on continue dans la ligne de pensée du début de nos travaux d'explorer toutes les possibilités, la meilleure formule pour aller au fond de la chose, ce serait d'inviter des experts allemands qui pourraient venir nous parler. Il serait certainement possible d'avoir la traduction, je ne crois pas que cela serait une difficulté majeure. C'est peut-être là la solution, faire venir des gens qui vivent ce système et même, en faire venir de deux catégories, parce que j'ai lu récemment qu'en Allemagne on songeait à modifier ce système.

M. DROUIN: Je n'ai pas osé dire cela... M. BERTRAND: Mais dites-le donc!

M. DROUIN: ... mais quelqu'un m'a dit —je suis obligé de taire le nom — qu'il était allé en Allemagne et que les gens n'étaient pas satisfaits. D'où cela provient-il? Ce que cela rapporte? Je ne veux pas aller plus loin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, les observations du député de Terrebonne me paraissent très justes. Je suis valablement informé, moi aussi, que le système allemand est loin de satisfaire les Allemands qui, particulièrement dans les milieux universitaires où on trouve les politicologues, déclarent que ce système est devenu absolument antidémocratique. J'ai même l'avis écrit d'un spécialiste à ce sujet — dont je ne peux pas donner le nom pour l'instant — qui me disait que des mouvements se formaient afin de changer le système parce qu'on estimait qu'il permettait des trafics et des fraudes très importants et, j'ajoute ceci, qu'on songeait à examiner la possibilité d'instaurer en Allemagne un système équivalent à celui des systèmes britanniques.

M. BERTRAND: M. le Président, on aura besoin de volontaires pour aller en Allemagne, on pourra peut-être faire appel à ceux qui sont autour de la table...

M. LEGER: On va tous y aller.

M. HARDY: Une commission rogatoire.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Pour faire suite aux propos du député de Missisquoi qui, tantôt, s'interrogeait sur les résultats pratiques du système en

Allemagne, dans un article paru dans Le Soleil du 27 juin 1970, Jean-Charles Bonenfant, que vous citiez tout à l'heure, terminait son article comme ceci: Lorsqu'on examine les résultats des élections allemandes de 1965 — donc il y cinq ou 6 ans — on s'aperçoit qu'avec le système mixte on obtient la correspondance proportionnelle des voies et des sièges. Ce qui était visé par le système, — je ne sais pas si le système a pourri en 5 ans — mais en 1965 il a donné les résultats qu'on cherchait. D'autre part, les désavantages — moi aussi je suis au courant des critiques formulées contre le système mixte allemand — portent sur deux choses qui, au Québec ne devraient pas nécessairement être répétées. D'une part, sur le fait que les listes sont bloquées; plutôt que des listes ouvertes, ce sont des listes bloquées. C'est donc le choix des partis politiques que d'imposer l'ordre. Numéro un du parti, numéro deux du parti, numéro trois du parti. Ce qui fait qu'à toutes fins pratiques, quand les partis ne sont pas démocratiques, c'est le chef qui choisit ses quatre ou cinq acolytes.

Et ces quatre ou cinq sont presque automatiquement élus, parce que c'est sûr que ces partis-là vont chercher peut-être bien 20 p. c. du vote. Alors, sans qu'on ait le choix de dire oui ou non, c'est un seul homme qui a choisi cinq députés au sein du Parlement allemand. C'est une première critique que l'on fait en Allemagne.

M. LE PRESIDENT: Comment pourriez-vous débloquer la liste?

M. CHARRON: Par exemple, par le processus des listes ouvertes; on peut décider, soit au sein des partis, soit que les membres des partis politiques le fassent eux-mêmes, lors des conventions, comme quand on choisit un candidat dans un district. Ils choisissent eux-mêmes, par un vote, la liste des représentants qu'ils voudraient.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cela voudrait dire qu'il y aurait une loi pour forcer la démocratisation des partis?

M. CHARRON: Cela ne nuirait pas, en tout cas.

M. PAUL: Est-ce que sur le plan pratique...

M. BERTRAND: Le cas dont parle le député de Saint-Jacques s'est présenté, d'ailleurs, en France. J'ai ici un petit volume, "Systèmes électoraux". Aux élections de 1956, il y avait une liste bloquée. Le premier en tête, Maurice Thorez, qui a été le chef du Parti communiste: 172,555 voix, élu. Le dernier, André Bolzé, qui était le dernier sur la liste: 174,000 votes, battu. Autrement dit, il n'est pas élu. On a élu les cinq premiers sur la liste. Voilà une liste bloquée. On

voit que Thorez, qui a été élu, n'a recueilli que 172,555 vois. Ce n'est certainement pas démocratique.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: Est-ce que l'honorable député de Saint-Jacques me permettrait une question?

M. CHARRON: Oui.

M. PAUL: Est-ce qu'il irait jusqu'à suggérer l'obligation, pour les partis politiques, de tenir des préliminaires pour choisir les candidats?

M. CHARRON: Eh bien-là, comme cela...

M. PAUL: Ecoutez, je ne voudrais pas que vous me prêtiez des intentions que je n'ai pas. J'y vais bien franchement...

M. CHARRON : Je ne voudrais pas que vous me prêtiez des positions auxquelles je n'ai pas pensé. A première vue, oui. Ce sont des choses bien possibles. Mais cela dépend du système que nous adopterons. Le système américain nécessite presque automatiquement des primaires. Est-ce que le système mixte allemand en nécessite, lui, dans le territoire allemand? C'est une autre affaire. Ils n'en font pas, que je sache.

Juste une phrase. Une autre critique que font très souvent les Allemands quant à leur propre système, c'est la lenteur — cela peut intéresser les techniciens des élections — qu'on met à faire le décompte mathématique pour savoir quel gouvernement est au pouvoir. Cela peut durer une semaine. Cela aurait pu être le cas lors de nos dernières élections, assez corsées.

M. HARDY: Est-ce que le député de Saint-Jacques me permet une question?

M. CHARRON: Oui.

M. HARDY : Je ne mets pas en doute le témoignage qu'il apporte sur les critiques du système allemand, mais est-ce que le député de Saint-Jacques admettrait que la meilleure façon d'évaluer, pour nous, ce système serait d'avoir des spécialistes allemands ici?

M. CHARRON: Pleinement.

M. HARDY: M. le Président, comme nous avons déjà beaucoup demandé au président des élections, puisque cela fait deux heures qu'il est sur la sellette, je me demande s'il n'y aurait pas lieu d'ajourner notre séance. H a été convenu que le président général des élections devait assister à toutes nos séances, nous pourrions, à la prochaine, continuer à l'entendre. Il y a sûrement encore beaucoup de questions que nous pourrions lui poser.

Je propose, quant à moi, l'ajournement de la séance. Quant à la prochaine date, je crois que, la semaine prochaine, tous les jours sont pris.

Mardi, c'est la commission sur la liberté de la presse, mercredi le bill 69, jeudi et vendredi, le projet de loi sur les consommateurs. Il faudrait donc trouver une date dans l'autre semaine pour poursuivre nos travaux.

M. LE PRESIDENT: Le député de Mégantic.

M. DUMONT: M. le Président, je constate que tous les députés ont parlé, mais nous avons très peu entendu Me Drouin parce que nous avons pris sa place. Dès le début, j'avais demandé qu'il nous donne une explication, entre autres, sur la méthode électorale de l'Australie. Avant d'ajourner, si Me Drouin a des renseignements sur la méthode électorale de ce pays...

UNE VOIX: La semaine prochaine.

M. DUMONT: Peut-être pourrions-nous alors inviter les mêmes experts, parce que si nous ne parlons que de l'Allemagne, nous ne saurons pas s'il y a autre chose de meilleur.

M. HARDY: Dans le même esprit, peut-être le président des élections pourrait-il se préparer, pour la prochaine séance de la commission, en fonction des réformes qu'il jugerait à propos que nous apportions à la Loi électorale. Je sais que M. Drouin a déjà préparé une étude sur les problèmes que pourrait poser l'établissement d'une liste permanente d'électeurs.

Liste permanente d'électeurs

M. DROUIN: Pour ce qui est de la liste permanente, évidemment, j'ai étudié un peu tous les systèmes qui existent. D'après moi, le plus pratique et le moins coûteux est 1'énumération annuelle.

M. HARDY: Peut-être pourriez-vous davantage expliciter cette position à notre prochaine séance. Je propose l'ajournement...

M. LE PRESIDENT: Un instant. A l'ordre! L'honorable député de Bourget.

M. LAURIN: Au début de la séance, le député de Terrebonne avait proposé qu'à la prochaine réunion nous étudiions les priorités et les méthodes. Je ne vois pas beaucoup de raisons de modifier cette intention qu'il avait exprimée puisque, de toute façon, le président des élections sera avec nous à toutes les séances et qu'il sera libre d'intervenir lorsque nous étudierons soit le mode de scrutin, soit la carte électorale, soit la Loi électorale. Ne serait-il pas préférable, la prochaine fois, de nous entendre d'une façon définitive sur les priorités et les

méthodes, quitte à ce que nous poursuivions ensuite l'étude du mode de scrutin en tenant compte de ce que pourra nous dire de nouveau le président des élections?

M. HARDY: Evidemment, il est très habile de la part du député de Bourget de se référer à ce que j'ai dit au début de la séance, mais je vais le référer à ce que tous les membres de la commission ont adopté en principe à la séance de la semaine dernière où nous avons convenu d'entendre d'abord le président général des élections. Avant de déterminer — je pense que c'est un processus normal — les sujets sur lesquels nous devons faire porter nos études et notre calendrier, nous devons d'abord essayer de circonscrire le champ de travail.

Au début de la séance, je pensais que pendant la séance d'aujourd'hui nous pourrions terminer avec le témoignage de M. Drouin. Mais je présume que plusieurs députés ont encore des questions à poser au président général des élections. En tout cas, j'en aurai moi-même sur d'autres sujets, et je pense que si nous voulons nous conformer au principe adopté à la séance de la semaine dernière, nous devrions continuer, la semaine prochaine, à entendre le témoignage du président général des élections.

Et, si nous en avons le temps, nous pourrions fixer les points sur lesquels nous voulons faire porter nos études; je suis d'accord. Mais je pense que, si on veut procéder avec logique, il faudrait d'abord en finir avec le témoignage du président général des élections.

M. LAURIN: L'entendrons-nous sur le même sujet ou sur d'autres sujets?

M. HARDY: Cela dépend des députés. S'il y en a qui ont encore des questions à lui poser sur les modes de scrutin, je ne me reconnais pas le droit de les limiter de quelque façon que ce soit.

M. CROISETIERE: Personnellement, M. le Président, j'aimerais entendre, à la prochaine séance, l'opinion du président général des élections concernant le régime présidentiel, entre autres.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On élargira le débat.

M. DROUIN: Est-ce que M. le Président me permettrait un mot?

J'ai distribué des bulletins de vote pour votre plaisir. Ce sont des bulletins selon la méthode de notre loi, mais suivant la loi belge. On vote en noircissant le petit cercle. C'est le bulletin belge. Je vous en ai fait distribuer pour que vous puissiez les regarder, si cela vous intéresse.

La Belgique a adopté ce bulletin, après en avoir changé 17 fois. Suivant les enquêtes faites en Belgique, ils ont découvert que le X fait à la méthode des élections anglaises, comme ils disent là-bas, permettait 262 combinaisons différentes pour se faire reconnaître. Alors, ils ont adopté ce système. On donne un gros crayon gras à l'électeur et il noircit le cercle pour voter.

M. HARDY: M. le Président, je propose que nous ajournions nos travaux à jeudi, le 11 février, dix heures trente.

M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux.

(Fin de la séance: 17 h 5)

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