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Commission permanente de l'Assemblée
nationale
Sujet: Réforme électorale
Séance du jeudi 28 janvier 1971
(Quinze heures dix minutes):
M. LAVOIE (Laval) (président de la commission permanente de
l'Assemblée nationale): A l'ordre, messieurs!
Programme de travail
M. HARDY: M. le Président, tel qu'il avait été
convenu par tous les membres de la commission, la semaine dernière, nous
avons invité le président général des
élections, Me François Drbuin, à venir témoigner.
Avant que ne débute son témoignage, peut-être devrions-nous
nous entendre sur ce qui devrait constituer le programme de travail de la
séance d'aujourd'hui. Je voulais simplement suggérer
qu'aujourd'hui la séance soit consacrée à l'audition de M.
Drouin, quitte à ce que les membres de la commission puissent
réfléchir sur les propos pleins de sagesse qu'il nous tiendra, et
qu'à la prochaine séance nous procédions à une
discussion afin de fixer les priorités sur lesquelles on veut faire
porter notre travail et notre méthode de travail.
Je me demande si cette façon de procéder conviendrait
à tout le monde.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, en qualité de
représentant du parti de l'Opposition officielle, j'endosse la
recommandation que nous fait le député de Terrebonne, à
l'effet que nous entendions M. Drouin et qu'à une séance
ultérieure nous puissions fixer avec lui des priorités qui nous
aideront dans nos travaux subséquents. Je suggère
également, étant donné la qualité du témoin
qui est avec nous aujourd'hui, que M. Drouin assiste à toutes les
séances de cette commission, afin de nous aider de ses connaissances et
de cette expérience qu'il a acquise dans les hautes fonctions qu'il
occupe à l'heure actuelle.
M. HARDY: Je suis d'accord sur cette dernière proposition du
député de Chicoutimi. Je pense que la présence du
président général des élections et de son adjoint
à nos séances serait très précieuse puisqu'elle
nous permettrait, le cas échéant, de pouvoir connaître
immédiatement leur avis sur certaines opinions ou témoignages qui
pourront nous être présentés par des experts, par
différents groupes ou par des individus qui voudront se faire entendre
si nous décidons d'entendre de tels groupes et de tels individus.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Mégantic.
M. DUMONT: M. le Président, nous remercions le président
des élections d'être présent pour bien nous informer.
J'aimerais peut-être qu'il l'a déjà prévu
qu'il nous donne aussi des informations sur le système existant
en Australie. Cela nous évitera de poser des questions. Je pense que
nous aurons une journée très fructueuse et nous sommes tous
d'accord avec les autres partis pour aller de l'avant dans une réforme
électorale qui avantagerait tout le monde.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
M. LAURIN: II s'agit pour nous, M. le Président, d'aller le plus
vite possible. Nous nous rallions d'avance à toute suggestion qui peut
accélérer les travaux de la commission.
Par ailleurs, nous acceptons avec plaisir la suggestion du
député de Chicoutimi d'inviter le président des
élections à toutes nos séances, étant donné
que nous connaissons son impartialité et son expérience afin
d'accélérer les travaux.
M. HARDY: Je pense que lors de notre dernière séance, il y
avait eu un consensus sur les différents points que le témoin
expert d'aujourd'hui devrait traiter c'est-à-dire les points contenus
dans la déclaration ministérielle du premier ministre. M. Drouin
a en main cette partie de la déclaration ministérielle et on
pourrait l'inviter immédiatement à commenter ces
différents sujets que nous aimerions entendre traiter, quitte à
poser des questions à mesure qu'un témoin déposera, ce qui
faciliterait sûrement le travail.
M. LE PRESIDENT: Me Drouin.
M. PAUL: Je me demande si la suggestion de l'honorable
député de Terrebonne ne devrait pas être
reconsidérée. Le député de Terrebonne nous
suggère d'interrompre M. Drouin au cours de ses remarques, si nous
croyons opportun de lui poser des questions sur des points précis. Je me
demande si on ne devrait pas considérer le travail de M. Drouin comme un
bloc, une étude complète de toute une situation. Peut-être
y aurait-il avantage à ce que cette déclaration ne soit pas
hachée d'interruptions, fort pertinentes, mais, qui risqueraient
peut-être de rendre plus difficile la compréhension de l'ensemble
du problème. Ne devrions-nous pas retenir nos questions pour la fin de
la présentation du mémoire ou de l'exposé de M.
Drouin?
M. HARDY: Je me rallie à la proposition du député
de Maskinongé.
M. LE PRESIDENT: Me Drouin.
Loi et carte électorales
M. DROUIN : Dans la déclaration ministérielle, nous lisons
en premier lieu: "L'établissement d'un ordre de priorité, d'un
échéancier qu'il aimera nous voir adopter". Nous sommes en
janvier 1971. D'après ce que je peux comprendre, vous avez l'intention
d'apporter des changements assez volumineux à la carte
électorale. Il faudra que ces changements soient terminés en
décembre 1972, ou au plus tard, en janvier 1973, afin de permettre la
mise en vigueur de cette loi, les préparatifs, les délimitations
et il en serait de même pour les changements apportés à la
loi électorale pour pouvoir, au cours de l'année 1973, faire
faire les impressions nécessaires à la tenue d'élections
générales.
Evidemment, des changements comme ceux-là n'entrent en vigueur
qu'à la dissolution de la Législature. Alors, cela ne
s'appliquerait pas à des élections partielles tenues en 1973.
Sur cette question, s'il y en a qui veulent discuter, en premier lieu,
il serait obligatoire que ce soit terminé en décembre 1972.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, le président
général des élections nous invite tout de suite à
lui poser une question là-dessus. Vous parlez, M. Drouin, à ce
moment-ci de la Loi électorale elle-même ou de la carte
électorale?
M. DROUIN: Les deux.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Les deux questions sont, dans votre esprit,
liées.
M. DROUIN: Si je comprends bien, la commission a l'intention et de
toucher à la carte électorale et de toucher à la Loi
électorale. Alors, il faudrait que les deux soient terminées en
décembre 1972 pour permettre leur mise en application. Vous comprenez
que, pour tenir des élections générales dans la province,
il faut que le président général des élections
accumule, à son bureau, entre 400 et 450 tonnes de documents.
L'autre jour pour vous donner une petite idée
justement mardi ou mercredi dernier, alors que vous avez siégé
je suis parti d'ici, à Québec, avec un peu plus d'une
demi-tonne de documents pour aller les déposer dans le comté de
Fabre, au sujet de la contestation des élections. Il y en avait environ
1,200 livres.
UNE VOIX: C'est cela.
M. DROUIN: C'étaient seulement les bulletins de vote de
Fabre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Drouin, pour préciser ma question,
donc réforme de la Loi électorale et de la carte
électorale. Il s'agit évidemment, dans votre esprit, de deux
problèmes qui sont intimement liés. Nous le comprenons. Quel est
selon vous l'ordre des priorités: La loi électorale d'abord et le
mode de scrutin que nous définirons un nouveau mode de scrutin ou
le mode actuel ou enfin n'importe lequel mode de scrutin pour ensuite
nous attaquer au problème de la carte elle-même?
M. DROUIN: Pour vous répondre, M. Tremblay, je suis obligé
de vous dire que, pour donner une priorité à la carte ou à
la loi, il faudra connaître les normes qui seront établies par
votre commission. Lorsque la commission aura établi et les normes
concernant la carte et les normes concernant la loi, nous pourrons juger lequel
des changements devrait passer le premier.
M. CHARRON: M. Drouin, si des changements à la carte doivent
être effectués en 1972 pour être effectifs en 1974, il est
possible et même souhaitable que la réforme aille jusqu'à
un changement du mode de scrutin. Si, par hasard, la commission et
l'Assemblée nationale optaient pour un mode de scrutin, disons, comme
celui de l'Allemagne, croyez-vous que puisque ce serait changer
même le scrutin, pas seulement la carte l'échéancier
doit être rapproché et que nous devrions terminer je ne
sais pas pour le mois de juin 1972? Le fait de passer du mode de scrutin
uninominal au mode de scrutin proportionnel vous donnera-t-il, à vous,
plus de travail de préparation pour les prochaines élections, ce
qui nous obligerait à aller plus vite, nous?
M. DROUIN : Evidemment, parce que ça peut tout changer, tout
chambarder excusez l'expression le système
électoral. Cela peut entraîner, n'est-ce-pas, le changement des
formules, le changement du papier des bulletins, le changement des bulletins,
l'augmentation des arrondissements et des sections de vote.
Lorsque nous connaîtrons les normes que votre commission aura
établies en tant que président général des
élections, je pourrai tout simplement vous suggérer lequel des
deux doit passer avant l'autre ou s'ils doivent passer ensemble.
M. LE PRESIDENT: Le député de Terrebonne.
M. HARDY: Si je comprends bien, M. Drouin, à ce moment-ci, vous
ne pouvez pas nous dire si nous devons d'abord procéder à la
refonte de la carte ou à celle du mode de scrutin. La priorité
que vous voyez, c'est d'abord de nous entendre sur ces questions, de savoir si
nous voulons procéder à une réforme du mode de scrutin et
quelles sont les normes
sur lesquelles nous voulons nous baser pour faire la carte
électorale. C'est la priorité sur laquelle nous devons nous
entendre avant de décider si nous faisons l'étude du mode de
scrutin avant celle de la carte.
M. DROUIN: C'est ça.
M. BERTRAND: Par contre, M. Drouin, si vous me le permettez, vous qui
avez déjà participé, je crois, à un comité
fédéral pour la refonte de la carte électorale
fédérale, sans dire que le problème est le même, pas
du tout, mais, d'après l'expérience que vous avez vécue,
combien cela a-t-il pris de temps entre le début, à peu
près, des travaux et la fin des travaux si tout a procédé
normalement? S'il y a eu des délais qui n'étaient pas imputables
aux membres du comité, vous pouvez le dire, mais, en pratique, combien
cela a-t-il pris de temps?
M. DROUIN: Cela a pris un an, du jour où la commission est
entrée en fonction au jour où la nouvelle carte est entrée
en vigueur. Mais, il ne faut pas oublier qu'au fédéral vous avez
une loi et qu'à ce moment-là la Chambre des communes n'y a plus
du tout accès. Lorsque la commission fait son rapport, ça prend
le tiers des députés d'une province pour s'y opposer et c'est la
seule façon.
Alors, dans un sens, vous gagnez le temps de faire un projet de loi, de
le présenter en première lecture, en deuxième lecture, en
comité de la Chambre, en troisième lecture. Vous savez ce que
tout cela peut entraîner. Alors, il ne faut pas oublier que c'est encore
six mois qu'on n'avait pas avec le fédéral.
M. BERTRAND: Alors, cela veut dire, ici, à peu près
dix-huit mois?
M. DROUIN: A peu près.
M. CHARRON: Alors, si on veut arriver à l'échéance
de décembre 1972 et si on calcule la rapidité de nos travaux
parallèlement à celle du gouvernement fédéral,
puisque vous nous donnez, à toutes fins pratiques, 24 mois, et comme
cela prend dix-huit mois, d'ici six mois nous devrions être en mesure de
vous donner...
M. DROUIN: Evidemment, ce n'est pas à moi de dicter une conduite
à la commission ce que la commission a à faire, mais
évidemment, il faut que la commission étudie ce sur quoi elle
basera ses décisions pour établir les normes. Parce que vous avez
des modes, n'est-ce pas, de cartes électorales vous en avez
plusieurs sortes. Vous avez à penser à ceci ou à cela.
Tantôt, on touchera peut-être à la question.
M. LAURIN: Si je comprends bien, M. Drouin, plus les transformations
sont radicales, plus elles portent sur un nombre élevé de sujets:
mode, carte, loi électorale, plus la mise en vigueur va prendre de
temps.
M. DROUIN: Il n'y a pas d'erreur.
M. LAURIN: Donc, c'est long à un double point de vue. Si on
change radicalement, il faut prendre le temps de tout examiner ce qu'il faut
changer, ce qui peut prendre du temps. Et si on arrive à des changements
majeurs sur beaucoup de sujets, la mise en vigueur va prendre beaucoup de
temps.
M. DROUIN: Absolument. Plus vous avez de changements... Cela
entraîne...
M. LAURIN: Aussi bien dire qu'on est presque déjà en
retard.
M. DROUIN: Ah! ça, évidemment... Vous savez, en retard ou
pas en retard, le dernier grand remaniement de la carte électorale
remonte à 1853, ce qui veut dire 118 ans. Vous savez que rendu à
118 ans, ce n'est peut-être pas quatre mois ou six mois de plus qui font
une grosse différence dans tout l'enjeu.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: M. Drouin, après avoir écouté vos propos
aux fins de déterminer laquelle des deux priorités devrait
être considérée, soit la réforme de la carte
électorale ou la loi électorale elle-même, est-ce qu'on
doit dire que la commission doit d'abord décider quel sera le mode de
scrutin avant d'aller plus avant dans le travail de cette commission?
Est-ce que la commission décidera de garder le système que
nous avons actuellement? Si un autre système est adopté, il aura
nécessairement des implications tant sur la redistribution de la carte
électorale que sur la Loi électorale elle-même.
M. DROUIN: Je crois qu'une fois que la commission aura établi ses
normes, tant pour la carte que pour la Loi électorale, les personnes que
vous nommerez à une sous-commission ou comme experts pour les mettre en
oeuvre diront-elles, que l'un doit passer avant l'autre ou inversement.
M. PAUL: Mais est-ce qu'on ne doit pas disposer préalablement de
cette question du mode de scrutin?
M. DROUIN: Tout dépend de la décision que vous
prendrez.
Mode de scrutin
M. PAUL: Est-ce que, dans l'ordre logique des travaux de la commission,
l'on peut dire
que le mode de scrutin doit d'abord retenir l'attention de la
commission?
M. DROUIN: Vous pouvez avoir un mode de scrutin qui ne touche en rien
à la carte et vous pouvez avoir un mode de scrutin qui lui touche. Si
vous faites une carte et qu'ensuite vous choisissez un mode de scrutin qui
change votre carte, il vaudrait mieux évidemment, passer l'autre avant.
Vous pouvez aussi avoir un mode de scrutin qui, même s'il est
changé, n'affecte pas la carte. Alors, il faut attendre tout
ça.
M. CHARRON: Je crois que, même si la commission décidait de
maintenir le mode de scrutin uninominal à un tour que nous avons, la
carte elle-même serait modifiée automatiquement. La carte "va y
goûter" de toute façon, même si on garde le même mode
de scrutin.
M. DROUIN: Oui, oui.
M. CHARRON: C'est une des raisons pour lesquelles on s'applique à
la réforme électorale. Si on passe, par exemple, au
système uninominal à deux tours ou au système
proportionnel, la carte va être encore plus profondément
modifiée. Donc, je suis d'accord avec le député de
Maskinongé qui dit que c'est le mode de scrutin qui va affecter notre
travail sur tout le reste, la carte électorale et la loi
elle-même.
M. DROUIN: Je crois qu'à l'heure actuelle c'est une
décision qui relève de votre commission et non pas de moi.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.
M. VINCENT: J'aurais une question. Vous avez parlé d'un an. Or,
vous avez référé tout à l'heure à la
commission qui a été formée à Ottawa et à
laquelle vous avez siégé, d'ailleurs. Si ma mémoire est
fidèle, la commission a été formée en 1964, elle a
fait son rapport en 1965, la loi a été votée par la
Chambre des communes au mois de mars 1966, et tout en tenant compte qu'il y a
eu une élection au fédéral le 8 novembre 1965...
M. DROUIN: Elle n'était pas en vigueur.
M. VINCENT: ... cette nouvelle carte électorale d'Ottawa n'a
servi qu'en juin 1968. Donc, la commission a été nommée en
1964 et le président général des élections à
Ottawa ne s'est servi de cette nouvelle carte qu'en 1968.
M. DROUIN: Seulement aux élections de 1968, c'est vrai. Si ma
mémoire est fidèle, j'ai été averti de ma
nomination en janvier...
M. VINCENT: 1965.
M. DROUIN: ... 1965 et nous avons siégé dans la province
durant les mois de juin, juillet, août et septembre. Nous avons remis le
tout à la fin de novembre.
M. VINCENT: Ce que je voulais mentionner, c'est qu'à
Ottawa...
M. DROUIN: C'est en 1966, par exemple, n'est-ce pas... Il faut que cela
soit remis par le commissaire à la représentation. Cela a
été remis au secrétaire d'Etat qui, lui, les publie dans
la Gazette officielle. Toute une procédure a suivi, mais notre fonction
était terminée à ce moment-là, sauf si la Chambre
des communes, à la demande d'un tiers des députés, nous
avait demandé de faire des changements; par exemple, des
députés de la province de Québec nous ont demandé
de changer le nom d'un comté, et nous l'avons changé.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent.
M. PEARSON: M. le Président, je comprends qu'il n'est pas facile,
pour vous, d'exprimer une opinion catégorique, et étant
donné que vous présumez qu'il y aura peut-être
éventuellement un comité d'experts, il est normal que vous
observiez une certaine prudence. Mais supposons que l'on vous confie ce travail
personnellement, par quoi commenceriez-vous? Par la réforme de la carte
ou par la réforme du mode d'élection?
M. DROUIN: A ce moment-là, c'est malheureux de vous le dire, mais
il faudra que j'attende que la commission me donne les normes.
M. BERTRAND: II l'a dit.
M. DROUIN: En ayant les normes que votre commission aura
établies, je vous dirai : On doit commencer par la loi électorale
et non pas par la carte.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.
M. LEGER : M. le Président, si je comprends bien, il y a des
normes générales à établir et il y a aussi des
normes particulières, et au niveau des normes générales,
ce sont les principes de base qui détermineraient que le mode de scrutin
doit précéder la carte?
Autrement dit, si l'on détermine que le mode de scrutin sera un
système mixte, à partir de cela, si l'on détermine que
c'est les deux tiers élus territorialement et un tiers élu par un
vote proportionnel, cela peut déterminer le nombre de comtés et
la sorte de carte que l'on aura par la suite. Ce sont des normes, au
départ.
M. DROUIN: C'est cela.
M. LEGER: Mais si on touche la question
d'homogénéité territoriale pour tel genre de comté,
cela peut se faire en même temps que la carte. Les deux iront de pair,
à ce moment-là.
M. DROUIN: Ils peuvent aller de pair.
M. LEGER: Ce que vous voulez savoir, ce sont les normes
générales et quel mode de scrutin on veut avoir. A partir de
là, on peut procéder.
M. DROUIN: De même que pour la carte. C'est votre commission qui
va décider des normes qui vont présider à la refonte de la
carte électorale. On peut partir du plus simple. Il faut penser aux
comtés urbains, aux comtés ruraux, à ce que vous ferez. Il
faut penser aux Iles-de-la-Madeleine: Qu'est-ce que vous en faites? Vous avez
énormément de choses: le comté de Duplessis... Surtout,
quand on voit ce qui s'est fait et ce qui se fait ailleurs, on se
demande...
M. HARDY: M. le Président, il semble assez évident,
à partir des opinions que vous venez d'émettre, qu'il s'agit pour
nous d'abord de déterminer presque simultanément je pense
qu'il est quasiment impossible, dans le temps, de séparer cela si
on procède à un changement du mode de scrutin, d'une part, et
quelles sont, d'autre part, les normes sur lesquelles on voudrait baser la
nouvelle division territoriale.
Peut-être serait-il bon de vous demander ce que vous pensez des
différents modes de scrutin existant dans le monde, d'une part, en en
donnant un résumé succint et, d'autre part, en donnant, à
la lumière de votre expérience de 25 ans, la valeur, selon vous,
de ces différents modes de scrutin et, surtout, leur valeur en fonction
du contexte politico-social québécois.
M. DROUIN: Vous savez, tous les systèmes de scrutin
utilisés dans certains pays sont souvent bons, mais ils ont toujours un
mauvais côté. C'est peut-être assez cocasse de vous dire
cela, mais, en droit électoral, on ne choisit jamais ce qu'il y a de
mieux; on choisit ce qu'il y a de moins pire. Cela paraît drôle,
mais c'est cela. Vous avez toujours un mauvais côté.
Par exemple, dans un des pays du nord la Suède ou la
Norvège, je ne peux pas m'en souvenir on avait
décidé, pour empêcher un type de voter deux fois, de lui
faire tremper le majeur dans un liquide qui noircissait le bout du doigt. Comme
ça ne partait qu'au contact de l'air et après 72 heures, on
était sûr que le type ne votait pas deux fois. Ce qu'on n'a pas
pensé, cependant parce que c'est toujours une arme à deux
tranchants; il y a le moins pire c'est qu'il y en a qui pouvaient se
procurer du liquide. On allait voir l'adversaire la veille et on lui disait:
Trempe ton doigt ou tu perds ta job. Alors, il ne votait pas du tout.
Vous comprenez qu'il y a toutes sortes...
M. LE PRESIDENT: Pourriez-vous, pour rejoindre, je crois, l'idée
du député de Terrebonne, sans donner votre opinion personnelle,
nous donner succinctement une explication pour éclairer les membres et
les députés de la Chambre sur le vote uninominal à un tour
que nous avons, à deux tours, proportionnel ou mixte? Nous aimerions
avoir un petit résumé de ces quatre systèmes majeurs. Je
comprends qu'il peut y avoir 100 systèmes.
M. DROUIN: Prenons le système à un tour et à deux
tours, d'abord...
M. LESSARD: M. le Président, si vous me le permettez, est-ce que
M. Drouin pourrait aussi, en même temps qu'il va donner ces explications,
concrétiser en disant, par exemple, où se font ces
différentes choses?
M. DROUIN: D'abord, des élections à deux tours de scrutin,
à ma connaissance, il n'y en a pas de ce côté-ci de
l'Atlantique. Vous n'en avez pas aux Etats-Unis; vous n'en avez au Canada dans
aucune province. Y en a-t-il dans des petits pays de l'Amérique du Sud?
Je ne le crois pas.
Evidemment, on ne peut pas toujours suivre les lois électorales
qui changent, surtout dans ces pays où on écrit en portugais ou
en espagnol, ne les ayant ni en anglais ni en français. A tout
événement, il n'y en a pas, que je sache, mais vous en avez en
Europe. D'abord, vous avez la France qui a deux tours de scrutin.
M. LE PRESIDENT: Ici, je pense bien qu'il faudrait peut-être
expliquer davantage, qu'au Canada, aux Etats-Unis ou en Angleterre, le
système que nous avons est à un tour.
M. DROUIN: C'est à un tour...
M. LE PRESIDENT: Dans le système à deux tours, pour celui
qui n'a pas 50 p. c. du vote au premier tour, il y a une élection la
semaine suivante.
M. DROUIN: D'ailleurs, avec le système britannique que nous
avons, tout est à un tour à partir du vote que les
députés donnent en Chambre. Si vous votez une loi qui condamne
celui qui l'enfreint à $5,000 d'amende, ce n'est pas parce qu'elle est
adoptée avec 10 voix de majorité seulement en Chambre qu'on va
abaisser l'amende à $2,500. Ce n'est pas parce que la cour Suprême
a rendu son jugement sur l'ivres-somètre à cinq juges contre
quatre que le jugement est moins bon.
Le système anglais est entièrement basé la-dessus.
On élit un bâtonnier, on élit le président de la
Chambre des notaires, on élit les personnes qui deviennent les
présidents des syndicats, on élit...
UNE VOIX: Les marguilliers.
M. DROUIN:... les marguilliers, on les élit tous à un
tour. Tout notre système est basé sur un seul tour. Maintenant,
il serait peut-être intéressant pour les députés qui
sont ici de regarder ce qu'aurait donné un deuxième tour en
1970.
M. HARDY: Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus?
M. DROUIN: Non je n'ai pas de chiffres, mais là où on
aurait été obligé de faire un deuxième tour de
scrutin, il n'y a pas d'erreur que le peuple, qui d'habitude suit le
gouvernement élu... Vous vous souvenez du fameux comté de
Charlevoix-Saguenay qui à un moment était formé de deux
districts électoraux qui ne formaient qu'un collège
électoral et n'élisait qu'un député. Or,
l'élection avait toujours lieu dix jours après, en 1944, en 1939,
puis en 1936. Ce qui arrivait, c'est que le député était
toujours élu par acclamation parce qu'on ne lui faisait pas
d'opposition. On ne voulait pas que le comté aille dans
l'Opposition.
C'est un peu ce qui arriverait, c'est qu'on suivrait le cours...
M. HARDY: Est-ce que vous pourriez nous dire approximativement, M. le
Président, combien de comtés, à l'élection du 29
avril, n'ont pas eu une majorité absolue, ce qui donnerait le nombre de
comtés où on aurait dû procéder à une
nouvelle élection avec un système à deux tours?
M. DROUIN: Je pourrais vous les donner pour la prochaine réunion;
je n'ai pas ces chiffres ici.
M. LESSARD: M. le Président, on vient de nous dire que le
système uninominal à un tour existe de ce côté-ci de
l'océan. Cela veut donc dire qu'en fait chez nous on n'a pas la
tradition du système à deux tours. Est-ce qu'il y a des
explications profondes ou sociologiques à cela, ou si c'est tout
simplement parce que notre système vient du système monarchique
anglais?
M. DROUIN: Je pense bien qu'il y a plus que cela. En plus du fait que
notre système provienne du système britannique, il y a aussi
l'étendue de notre province. Imaginez-vous qu'on soit obligé de
recommencer un deuxième tour de scrutin dans le district
électoral de Duplessis une semaine après l'élection. C'est
impossible. On ne peut pas faire imprimer de nouveaux bulletins, aller les
porter au scrutateur avec tout ce qu'il faut dans une autre boîte de
scrutin pour tenir un deuxième tour, on ne peut pas faire cela dans une
semaine. Tandis que la France peut faire des choses que nous nous ne pouvons
pas faire; Là, je ne parle pas selon mes opinions. Je parle au point de
vue des résultats pratiques.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Excusez-moi. Est-ce que vous avez
terminé?
M. DROUIN: Oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le système de ballottage une semaine
après, vous voyez évidemment les difficultés
énormes que cela comporterait si on devait reprendre un tour
après le jour ordinaire du scrutin.
M. DROUIN: Le président général ne peut pas envoyer
à l'avance du papier pour imprimer le bulletin, parce que c'est lui qui
est responsable du papier, qui est, comme vous le savez, fabriqué avec
un filigrane secret que seul le président connaît. Alors, il
faudrait envoyer à Sept-Iles le papier nécessaire pour faire
imprimer, par exemple, les bulletins du district de Duplessis. Il faut que le
papier se rende. Il faut l'imprimer, le mettre en livrets. Il faut le livrer
et, après ça, que le président aille les porter à
chaque endroit où est tenu un bureau de scrutin, y compris l'île
d'Anticosti. Voyez-vous?
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. Drouin... UNE VOIX: C'est quelques
comtés.
M. DROUIN: Comme monsieur le dit, c'est quelques comtés. Il
serait difficile de dire: II y aura deux tours dans un district
électoral de Québec ou de Montréal, mais, quand ce sera en
dehors, il n'y aura pas deux tours. Vous me comprenez?
M. CHARRON: II reste que la loi pourrait atteindre une certaine
flexibilité; on pourrait dire: Un scrutin uninominal à deux
tours, et dans l'ensemble des comtés...
M. DROUIN: Trois semaines, deux semaines?
M. CHARRON: ...ce sera une semaine après, par exemple, à
l'exception de comtés comme celui de Duplessis ou n'importe quel autre
auxquels on pourrait donner deux semaines.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Drouin, nous entrons dans des
modalités techniques très précises, mais, tout à
l'heure, le député de Saguenay vous a posé la question
à savoir pourquoi avons-nous, de ce côté-ci de
l'Atlantique, adopté communément ce système à un
tour. Il vous demandait si c'était parce que nous avions toujours
vécu ici en régime monarchique. Evidemment, ce n'était
probablement pas ce
que voulait dire le député. H voulait sans doute
dire...
M. LESSARD: Excusez, M. le Président. Le régime
britannique, si vous voulez.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...le régime britannique, la monarchie
n'ayant rien à voir à cela. Comme on le sait, elle a
été déposée, et c'est après qu'on a
organisé le système de monarchie constitutionnelle et que les
parlementaires ont inventé le régime sous lequel nous vivons
actuellement. Vos connaissances, M. Drouin, dans ce domaine vous ont
incité à nous dire que ça n'existait que de ce
côté-ci de l'Atlantique. Est-ce que, sans porter un jugement de
valeur, vous avez examiné longuement le système français,
le mode de scrutin français?
M. DROUIN: Dans le mode de scrutin français, il y a deux tours.
Encore là, vous savez, quand cinq personnes se présentent
à la présidence de la France et qu'aucune ne parvient à
avoir la majorité, on recommence avec les deux plus forts. Alors, ceux
qui ont voté pour les trois derniers disent: Nous autres, nous votions
pour eux: alors, nous perdons notre vote. Si nous ne retournons pas voter, nous
perdons notre vote. Puis, si vous étudiez le moindrement, vous allez
voir que, dans 85 p. c, 90 p. c. des cas et j'oserais dire un peu plus, c'est
toujours celui qui est arrivé premier qui continue à arriver
premier.
M. DUMONT: Tout à l'heure, Me Drouin, vous avez dit:
Système britannique toujours à un tour de scrutin. Si ma
mémoire est bonne, tous les conseils municipaux, les maires, sans
l'inspiration du code Napoléon, en sont encore à un tour de
scrutin.
M. DROUIN: Oui.
M. DUMONT: A quel moment, vers quelle année, le divorce a-t-il
existé entre le système à un tour en France et la
méthode britannique dont on a parlé tout à l'heure?
M. DROUIN: Je comprends, mais je ne suis pas prêt à dire
qu'on n'a pas calqué un peu notre système municipal et les autres
sur le système anglais, parce que, quand notre Assemblée de 1791
a été formée, nous avons calqué beaucoup de choses
sur le système anglais. Evidemment, nous avons, par le traité de
1874, conservé les droits civils, mais c'est tout. Le reste on en a
hérité de la méthode anglaise.
M. DUMONT: Napoléon aurait triché la couronne!
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Terrebonne.
Comportement électoral des
Québécois
M.HARDY: M. le Président, vous avez tantôt semblé
émettre certaines réserves quant aux conséquences
possibles sur le comportement des électeurs du Québec,
l'incidence que pourrait avoir le mode à deux tours. Avant qu'une
décision soit prise, si jamais on devait explorer la possibilité
d'adopter ce mode de scrutin, ne croyez-vous pas qu'il serait prudent pour la
commission de faire préparer une étude sociologique sur le
comportement de l'électorat québécois, pour savoir
exactement ce qu'il adviendrait?
Il y a une hypothèse qui aurait peut-être avantage à
être vérifiée scientifiquement. Mais il y a une
hypothèse qui peut nous venir immédiatement à l'esprit,
à savoir que l'établissement de ce mode à deux tours
aurait, à toutes fins pratiques, comme résultat, de faire
disparaître les tiers partis, ou peut-être même toute
opposition, compte tenu de notre contexte social.
M. DROUIN: M. Hardy, s'il y en a un qui le sait, c'est vous, que lors
d'une élection partielle on vote ordinairement avec le gouvernement.
M. HARDY: Hélas!
M. DROUIN: Je ne veux pas faire de politique, mais c'est un fait. En
1965, il y a eu deux élections partielles, une dans Saint-Maurice et une
dans Terrebonne.
M. VINCENT: De grosses majorités renversées.
M. DROUIN: A ce moment-là, l'Union Nationale n'a pas
présenté de candidat, ni à l'une, ni à l'autre et
les libéraux ont été élus. En 1966, ces deux
comtés sont passés à l'Union Nationale.
M. HARDY: C'est ça.
M. DROUIN: II faudrait tout simplement regarder dans mon étude
que j'ai à mon bureau sur les élections partielles. Vous avez des
districts électoraux, où il y a eu énormément
d'élections partielles. Je pense bien que si je m'amusais à poser
la question: Dans quel district électoral y a-t-il eu le plus
d'élections partielles depuis 1867? Personne ne penserait de me dire que
c'est Trois-Rivières. Il y en a eu dix ou onze avec la dernière
et je crois que les gens ont toujours voté, lors des élections
partielles, du côté du gouvernement.
M. HARDY: Vous faites une espèce de projection en disant qu'il
serait fort possible qu'avec un mode de scrutin à deux tours, si
l'électorat se comporte de la même façon à une
élection générale à deux tours que lors d'une
élection partielle, lorsque les électeurs vien-
draient pour voter la deuxième fois, ils voteraient pour le parti
qui a obtenu le plus de votes la première fois.
M. DROUIN: A moins que le premier ou le deuxième dans un
district, ne soit pas le candidat du gouvernement élu, ce qui est encore
peu probable. Mais ce sont les résultats des élections partielles
qui comptent. Je ne vous dis pas qu'il n'arrive pas que lors d'élections
partielles le gouvernement ne l'emporte pas.
M. HARDY: Le comté de Westmount.
M. DROUIN: Vous avez eu Notre-Dame-de-Grâce, sous le gouvernement
de M. Bertrand qui est resté...
M. HARDY: Le comté de Westmount sous le gouvernement de M.
Duplessis.
M. DROUIN: Oui, vous avez des cas.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. LESSARD: Au sujet du ballottage du vote à deux tours, il
semble que cela ne va pas selon notre milieu géographique. Il y a deux
principes qu'il faut quand même faire jouer à l'intérieur
d'un système électoral, soit la stabilité et une
représentation quand même démocratique des
électeurs. Est-ce que, dans certains pays, en particulier en Allemagne,
on n'applique pas le système à un tour et ensuite une certaine
représentation proportionnelle des électeurs, par la suite?
M. DROUIN: II n'y a pas d'erreur qu'en Allemagne, vous avez une certaine
quantité de députés qui sont élus par le peuple et
une certaine quantité de députés
désignés.
M. LE PRESIDENT: Avez-vous la proportion?
M. DROUIN: C'est 60-40, ou 2/3 - 1/3. Il faudrait non seulement
étudier le système électoral, mais aussi le système
exécutif.
M. LAURIN: Je peux vous donner la réponse, M. le
Président. La Chambre basse est formée de 456
députés. On élit au scrutin uninominal à un tour
dans 248 circonscriptions et dans l'autre, ce sont des députés
élus à la proportionnelle.
M. DUMONT: J'ai ici, M. le Président, un chiffre très
précis d'une élection à deux tours. En 1958 le Parti
communiste de la France a eu 3,850,000 voix (comme il existe 24 p. c. pour un
parti) et ils ont eu dix sièges et le parti du général de
Gaulle 3,674,000 voix pour 189 sièges. Ce que Me Drouin disait tout
à l'heure quant au ballottage par rapport au deuxième tour, peut
élire des gens dont la population n'a peut-être pas voulu.
Je pense qu'il y a là un réel danger. Ce sont là
des conclusions et des études.
M. DROUIN: J'en viens un peu à ce que je voulais vous dire
tantôt: lorsqu'une loi est adoptée une loi qui est
désirée par la députation élue elle ne
serait pas votée parce qu'une partie de la députation non
élue la renverserait. Vous renversez tout notre système de
responsabilité ministérielle. Il faudrait étudier
ça au complet. Je ne peux pas vous dire de but en blanc la portée
de tout ça.
M. LEGER: Une question a été posée tantôt. A
la dernière élection, celle de 1970, combien y a-t-il de
comtés qui ont élu un représentant qui avait au moins 50
p. c. du vote? Le chiffre est 31. Il y a 31 comtés qui ont élu
immédiatement un député qui avait 50 p. c. du vote
exprimé. Sur ces 31 comtés je pense bien que les
libéraux devraient le savoir il n'y avait qu'un
député créditiste et qu'un député de l'Union
nationale, tous les autres étaient des députés
libéraux. Il faudrait quand même ajouter que, sur les 31
comtés, il y en avait 18 en majorité ou à très
forte proportion anglophones. Si on arrivait à la conclusion que les
deux tours seraient bons et que la population suivrait un gouvernement qui
serait en voie d'être élu, à ce moment-là, on
pourrait se retrouver avec un parti qui aurait été directement
dirigé par une minorité anglophone.
M. LESSARD: Tout à l'heure, M. Drouin nous disait qu'il pourrait
y avoir opposition entre les députés élus et les
députés nommés, désignés au vote
proportionnel. Ces députés désignés au vote
proportionnel sont quand même désignés par des partis
politiques. Cette opposition-là est-elle déjà
arrivée, par exemple en Allemagne? Et si ces
députés-là étaient intégrés à
l'intérieur de partis politiques a mon sens, je douterais
énormément qu'il y ait collusion entre des députés
qui seraient désignés au vote proportionnel vis-à-vis des
députés qui seraient élus par la population.
M. DROUIN: II faut ici faire une différence. Qu'il y ait
collusion ou non, on ne peut pas décider d'avance qu'il y aura collusion
ou qu'il n'y en aura pas. On ne peut pas décider d'avance, si vous
établissez ce système, ce qui va se passer en 1990 ou en l'an
2000. Quand nous établissons des normes au point de vue de droit
électoral, il faut toujours penser à la répercussion. Si
une chose peut se faire, c'est suffisant, même si on peut juger qu'elle
ne se fera jamais, mais si elle peut se faire. C'est comme ça quand on
apporte des amendements à la Loi électorale, on commence par
dire: Est-ce que la chose peut-être faite? On me rapporte à moi
telle et
telle chose. Dans mon comté, il s'est passé telle et telle
chose. Je ne regarde pas et je ne fais pas enquête pour savoir si la
chose est vraie ou non. Je regarde si, avec la loi que nous avons, cela peut
arriver. C'est suffisant pour demander d'apporter un amendement.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: Tout à l'heure, le député de Terrebonne
faisait une intervention dans laquelle il y avait une espèce de
suggestion concernant une étude sur le comportement électoral des
Québécois qui devrait faciliter nos travaux. Sans préavis,
sans prendre position sur une pareille étude à commander ou
à ne pas commander, il y a quand même des remarques, et je
m'inspire aussi de ce que vient de dire M. Drouin. Tout d'abord, des
études du comportement électoral des Québécois, il
y en a déjà, il en pleut. Il suffit pour nous de les rassembler
et les comités d'experts nous les apporteront. D'autre part, même
si nous nous lancions dans une nouvelle étude du comportement
électoral des Québécois, il y a des choses fondamentales
qu'il faudrait avoir à l'esprit avant de s'inspirer de ça pour
déterminer le mode de scrutin que l'on veut. C'est que cette culture
politique des Québécois a été formée dans un
style de scrutin uninominal à un tour. Elle est donc profondément
marquée de ça. Si on dit, par l'étude du comportement
électoral des Québécois, que les Québécois
aiment l'affrontement bipartiste, qu'ils aiment le noir et le blanc, et que
pour tout ça on devrait choisir un mode de scrutin, il faut dire que le
mode de scrutin actuel les a amenés à aimer le noir et le blanc
ou le bleu ou le rouge, l'affrontement de deux partis plutôt que le
multipartisme. Le comportement électoral des Québécois
duquel on voudrait s'inspirer pour faire un nouveau mode de scrutin est
lui-même l'effet d'un mode de scrutin qui existe ici au pays depuis 100
ans.
D est évident que si nous vivions, depuis cent ans, dans un
système proportionnel qui aurait permis l'existence de plusieurs partis,
le comportement électoral des Québécois qu'on
étudierait en 1971 en serait un où on découvrirait chez
les Québécois un grand souci de diversité des opinions, de
pluralisme des partis, des formations politiques. Celui qu'on va
découvrir, qu'on en fasse une étude supplémentaire
à celles qui ont été faites antérieurement, sera
sûrement marqué par le fait que, depuis 100 ans, nous vivons avec
l'habitude de nous rassembler dans ce qui s'appelle la cloche électorale
où tous les partis convergent parce que c'est là que se trouve la
majorité de l'électorat. Finalement, les différences entre
partis, on peut prendre un ministre d'un parti et le passer à un autre
parti, cela n'a à peu près aucune espèce d'importance
parce que les partis en sont venus, à un moment ou à un autre,
à se ressembler étrangement, et que ce soit l'un ou l'autre au
pouvoir, c'est changer d'allure mais pas de fond.
M. VINCENT: On peut prendre un ministre dans un parti...
M. HARDY: Deux brèves remarques sur les propos du
député de Saint-Jacques. Je conviens avec lui que de nombreuses
études existent sur le comportement de l'électorat
québécois et je pense, entre autres, aux études de mon
ancien professeur de sciences politiques, M. Robert Boily. Je pensais à
une hypothèse bien spéciale. Les études sont
générales. J'imagine que cette étude que la commission
pourrait commander s'inspirerait largement de celles déjà faites,
mais elle aurait comme hypothèse bien spéciale de voir quelle
serait l'incidence d'un mode à deux tours eu égard au
comportement de l'électorat québécois.
Deuxièmement, je suis d'accord avec le député de
Saint-Jacques pour reconnaître que le fait d'avoir eu le mode actuel a pu
influencer sur le comportement des électeurs, mais j'imagine qu'une
étude scientifique qui serait faite tiendrait compte de cette variable
et tâcherait de l'évaluer aussi précisément que
possible avec les outils dont on dispose.
M. CHARRON: Autrement dit, on demanderait à nos experts de nous
dire, en connaissant la donnée fondamentale, que la culture politique
est uninominale à un tour, et quelles seraient, selon eux, les
conséquences sur le comportement des Québécois de
l'adoption du mode de scrutin à deux tours.
M. HARDY: Encore là, pour terminer, je ne prétends pas
qu'on pourrait se baser uniquement sur cette étude pour prendre une
décision. Elle pourrait quand même nous servir d'éclairage
et de point de repère important. Il ne s'agirait pas
nécessairement de se fier uniquement à cette étude du
comportement électoral pour prendre une décision quant au mode
à deux tours ou à tout autre mode.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour enchaf-nez et pour reprendre les
remarques qu'a faites le député de Terrebonne à la suite
de celle du député de Saint-Jacques, il est évident qu'il
y a eu beaucoup d'études sur le comportement électoral des
Québécois. Le député de Terrebonne suggère
que l'on pourrait examiner la possibilité de demander une autre
étude de même nature. On nous dit: Nous connaissons
déjà le comportement des électeurs, il y eu des
études de faites là-dessus. Or, c'est précisément
à partir de ces nombreuses études dont on parle que beaucoup de
gens ont demandé que nous revisions notre système
électoral. Le fait que nos gens aient été habitués
à un mode de
scrutin à un tour n'implique pas qu'ils ne soient pas
disposés à en changer. Il n'implique pas non plus que cela ait
empêché les citoyens de se regrouper dans d'autres formations
politiques et d'instaurer ici un système de multipartisme parce qu'il y
a toujours eu, sauf à certains moments, à certaines
périodes de notre histoire, des formations politiques autres que celles
que l'on appelle les formations politiques traditionnelles.
Par conséquent, je crois que la suggestion que fait le
député de Terrebonne me parait valable. D ne s'agit
peut-être pas de demander une étude qui exigerait qu'on recommence
à pied d'oeuvre cet examen du comportement électoral des
citoyens, mais qu'on ait une étude de synthèse et que des experts
en fassent l'analyse, dégagent les lignes de force, en tirent des
conclusions qui puissent nous aider dans nos travaux. Je maintiens que la
pratique que nous avons connue, jusqu'à présent, d'un
système à un tour n'a pas empêché la création
de formations politiques et l'instauration d'un régime multipartite
ici.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
M. LAURIN: M. le Président, j'aurais une question à poser
à Me Drouin. Dans le document que le Parti québécois a
déposé au mois de septembre devant la commission, de la page 22
à la page 34, nous faisons une énumération des principaux
modes de scrutin en vigueur dans tous les pays du monde. Nous en donnons un
bref historique. Nous donnons les avantages et les désavantages. Je
voudrais demander à Me Drouin s'il a remarqué des omissions, soit
dans les avantages ou dans les désavantages, s'il y a des erreurs et
s'il y aurait quelque chose à ajouter, cela dans le but
d'accélérer nos discussions. Parce qu'il me semble que ce sont
des études qui ont été faites, par des politicologues
à plusieurs reprises. Il s'agit, en somme, de les rassembler, de les
résumer le plus rapidement possible afin que nous continuions nos
travaux en les adaptant à la situation québécoise.
M. HARDY: Je ne voudrais pas être méchant, mais est-ce que
le député de Bourget voudrait, indirectement, faire endosser son
mémoire par le président des élections?
M. LAURIN: Non. Je n'aurais aucune objection, M. le Président,
parce que ceci est absolument non partisan. Nous nous sommes contentés
de ramasser ce qui existe dans les traités de politicologie...
M. HARDY: Je dis cela en blague!
M. LAURIN: ... et simplement mettre de côté les avantages,
les désavantages.
M. BERTRAND: M. le Président, nous trouvons à peu
près tout cela dans le petit volume "Systèmes électoraux"
de...
M. LAURIN: Aussi.
M.BERTRAND: ... Jean-Marie Cotteret et de Claude Emery.
M. LESSARD: Je suis d'accord, M. le Président...
M. BERTRAND: C'est assez complet. Nous avons là les avantages et
les désavantages d'à peu près tous les modes: scrutin
majoritaire à un tour, à deux tours et le scrutin qui existe en
Allemagne, en République fédérale allemande, ce qu'on
appelle le système personnalisé.
M. HARDY: Je suis d'accord avec l'honorable chef de l'Opposition. Ce
qu'on retrouve dans le petit volume de la collection "Que sais-je? " et ce que
l'on retrouve dans le document du Parti québécois, que je
reconnais être largement objectif, présente les avantages et les
désavantages théoriques des modes de scrutin.
M. BERTRAND: C'est cela.
M. HARDY: Or, ce qui serait peut-être intéressant et
je pense que c'est dans l'esprit du député de Bourget...
M. LAURIN: C'est le sens de ma question.
M. HARDY: ... suivant l'expérience du président
général des élections, quels seraient concrètement,
ici, au Québec, les avantages et les désavantages de ces modes de
scrutin?
M. LEGER: Une autre remarque, M. le Président. Nous sommes venus
ici pour entendre M. Drouin. Je comprends qu'on peut lui poser des questions,
mais nous sommes en train de discuter de tous ces principes. Il me semble qu'on
devrait, justement, poser moins de question et l'écouter.
M. HARDY: Vous donnez l'exemple immédiatement et vous
écoutez.
M. LEGER: Je suis d'accord.
M. DROUIN: Le document que M. le député de Bourget a
mentionné, qui a été déposé en septembre
1970 il m'en a fait cadeau, tantôt c'est la première
fois que je le vois. Que voulez-vous? Je ne l'ai pas su, je n'ai pas
assisté aux délibérations de la commission. Alors, je ne
l'ai pas parcouru. J'aimerais bien avoir le temps de le parcourir. Vous m'avez
mentionné, M. le député, les pages...
M. LAURIN: Les pages 22 à 34
M. DROUIN: Les pages 22 à 34. Alors...
M. HARDY: Pour que nous puissions continuer à procéder, M.
le Président, pourrions-nous demander, d'une autre façon,
à peu près la même chose? A partir de la connaissance que
vous avez, personnellement, des différents modes de scrutin existant
dans le monde, pouvez-vous brièvement nous en donner les avantages et
les désavantages, eu égard aux contextes politico-social,
géographique et historique du Québec?
Avantages et désavantages
M. DROUIN: D'abord, le désavantage qu'il y a, pour la province de
Québec, d'avoir, d'après moi, un système à deux
tours, c'est la difficulté d'organiser le vote. Deuxièmement, le
désavantage que cela apporterait aussi, serait peut-être de faire
disparaître certains députés élus d'un tiers parti
ou d'un parti de l'Opposition. Députés qui disparaîtraient
parce qu'au deuxième tour on voterait pour le gouvernement élu.
Nous sommes habitués comme cela, ici. Nous avons reçu cela de
père en fils. Lorsque vous voulez changer la Loi électorale,
c'est la même chose que lorsque vous voulez changer la carte
électorale. J'ai rencontré des gens au sujet de la carte
électorale. Je pense qu'il y a seulement une opposition qu'on ne m'a pas
faite, de la part des députés, c'est qu'on ne m'a pas dit: Je ne
peux pas accepter votre délimitation parce que ma belle-mère
n'est plus dans le comté. Je pense que c'est la seule chose que je n'ai
pas entendue. A part cela, je les ai toutes entendues.
Alors nous sommes habitués comme cela, n'est-ce pas? Vous avez la
même chose lorsque vous dites: Nous allons placer la paroisse X dans tel
district électoral au lieu de tel autre, pour de multiples raisons. Les
gens disent: Cela n'a pas de bon sens! Mon arrière-grand-père a
toujours voté dans ce comté, mon père, mes oncles. Je ne
peux pas aller voter dans un autre comté.
Cela n'a pas de bon sens, vous comprenez, mon
arrière-grand-père a toujours voté dans ce
comté-là, mon père, mes oncles, ainsi de suite. Je ne peux
pas aller voter dans un autre comté; ça n'a pas de bon sens. Pour
eux, c'est une chose énorme. Alors, vous sauriez tout de suite, avec le
système à deux tours, qui l'emporterait. Maintenant, vous seriez
obligés effectivement, avec ce système à deux tours, de
fixer la date du deuxième tour à quinze jours ou trois semaines
afin d'être sûrs de le faire ouvertement. Comme le disait un
député tantôt, s'il n'y a que 31 députés qui
ont été élus majoritairement au premier tour, cela veut
dire qu'il y en a beaucoup à reprendre: 77.
Maintenant, en Allemagne, évidemment, ils ont des...
M. HARDY: Si vous le permettez, avant de passer à un autre mode
de scrutin, vous avez énuméré les désavantages
qu'il y aurait au Québec d'adopter le mode à deux tours. Y a-t-il
des avantages, selon vous, ou si votre silence sur les avantages
équivaut à dire qu'il n'y en a pas?
M. DROUIN: Le seul avantage qu'il y aurait, ce serait de dire que tous
les députés sont élus à la majorité. Je ne
vois pas d'avantages marqués à dire: Monsieur a été
élu avec 56 p. c. Si vous prenez l'exemple de M. de Gaulle, la
dernière fois qu'il a été élu président, il
a été élu avec 56 p. c. des votes au deuxième tour
et avec 48 p. c. au premier tour. Il était élu avec 48 p. c, il
avait la majorité tout de même; c'était lui qui en avait le
plus. Pourquoi a-t-on fait un autre tour? Il a été
réélu quand même. Alors, je ne vois pas l'avantage que
retirerait le Québec d'un deuxième tour de scrutin. Il y a plus
de désavantages que d'avantages.
M. LAVOIE (Wolfe): Cela veut dire que le mode de scrutin à deux
tours nécessiterait que nous changions nos coutumes politiques. Les gens
pensent que le député au pouvoir a tous les avantages et que le
député à l'Opposition n'a aucun avantage.
M. DROUIN: C'est-à-dire que le deuxième tour, ce sont des
élections partielles. Cela revient à ça.
UNE VOIX: II faut changer nos coutumes politiques.
M. DROUIN: Ce sont mes opinions. Je ne veux pas influencer la
commission. Vous me demandez ce que j'en pense.
M. VINCENT: Il se dégage de ce que vous venez de dire que,
puisqu'aux dernières élections, d'après le
député de Lafontaine, il y a eu 31 députés
élus avec plus de la moitié des votes et que, des 31, il y avait
seulement un député du Ralliement créditiste et un de
l'Union Nationale, le deuxième tour aurait confirmé dans
l'Opposition un seul député de l'Union Nationale et un seul
député du Ralliement créditiste.
M. DROUIN: Ou à peu près.
M. LEGER: Peut-être qu'ils seraient disparus.
M. VINCENT: Ou à peu près.
M. DROUIN: Prenez, par exemple, ce qui s'est déjà
passé à l'Ile-du-Prince-Edouard. Il y a à peu près
25 ou 30 ans, l'Ile-du-Prince-Edouard, comme province, a élu 30
députés. A ce moment-là, sa Législature comptait 30
députés. Les libéraux ont pris le pouvoir avec 30
députés. Le vote conservateur, il y en a tout de
même eu, mais il n'y avait aucun député en Chambre. On ne
pouvait pas leur en désigner ou faire un deuxième tour,
puisqu'ils étaient tous élus. Le gouvernement a même
été obligé de désigner parmi ses
députés un membre pour devenir chef de l'Opposition et pour le
critiquer, parce qu'il fallait un chef de l'Opposition.
M. LE PRESIDENT: M. Drouin, pour faire suite à la question du
député de Terrebonne...
M. DROUIN: Oui.
M. LE PRESIDENT: ... je crois qu'il y a quatre grands système
électoraux, si l'on peut dire, quatre systèmes de base:
uninominal à un tour, que nous avons; unimoninal à deux tours,
proportionnel et mixte.
M. HARDY: Avec des variations.
M. LE PRESIDENT: Pour répondre parfaitement et totalement
à la question du député de Terrebonne, pourriez-vous
commencer à nous expliquer le système à un tour, à
deux tours, proportionnel et mixte, en nous donnant les avantages et les
désavantages dans chacun des cas?
Je demanderais aux députés de ne pas interrompre et de ne
pas poser de questions jusqu'à la fin de l'exposé.
M. DROUIN: Très bien. Les systèmes à un tour et
à deux tours, évidemment, on les a passés. Quand on donne
les avantages du système à un tour, cela donne les
désavantages du système à deux tours; cela va ensemble. Le
système proportionnel, on ne peut jamais l'atteindre. Parce que pour
l'atteindre, il faudrait exactement autant de députés qu'il y a
d'électeurs. Là, vous l'obtiendriez.
M. HARDY: C'est le système de Jean-Jacques Rousseau.
M. DROUIN: J'ai transposé à l'échelle de la
province de Québec l'exemple donné par un auteur belge qui a
écrit sur le vote proportionnel, pour être bien compris. Vous
avez, dans un club de pêche, une salle de 30 pieds de long et 30 membres.
Il s'agit de savoir si on place le foyer sur le mur de gauche ou sur le mur de
droite. Alors, on vote. C'est 15 à 5. On pose donc le foyer à 15
pieds, en plein milieu et tout le monde est content. C'est proportionnel,
voyez-vous. Vous avez satisfait les cinq qui ne voulaient pas que cela aille
à gauche et vous avez satisfait les quinze qui voulaient que ce soit
à droite. Vous avez donc placé le manteau de cheminée
à quinze pieds au milieu de la salle. C'est l'exemple qu'on nous donne
du vote proportionnel. On ne peut jamais arriver, il en restera toujours.
Si vous dites que parce qu'on a accumulé tant de votes, on donne
une proportion, il va toujours y avoir un restant. Je ne vois donc pas
d'avantages, personnellement, au vote proportionnel.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple concret
basé sur un, deux ou trois comtés, à la dernière
élection?
M. DROUIN: Ici?
M. LE PRESIDENT: S'il y avait eu vote proportionnel.
M. DROUIN: S'il y avait eu vote proportionnel, non. Je n'ai pas cela
à la mémoire. Il faudrait faire un travail spécial pour
cela. Mais on le fera. Evidemment, on cumule à un moment donné
pour satisfaire tout le monde. C'est aussi qu'en plusieurs endroits vous avez
des candidats défaits à l'électorat qui peuvent être
élus avec le vote proportionnel.
M. COITEUX: M. Drouin...
M. DROUIN: Mais encore là excusez-moi c'est la
commission qui a à établir ces normes. Moi, je donne seulement
mes opinions qui sont bien sages.
M. HARDY: Et le vote proportionnel, selon vous je voudrais bien
vous interpréter exactement serait inapplicable au
Québec.
M. DROUIN: D'après moi, vous savez, des quatre votes que vous
m'avez soumis, dans l'ordre, pour revenir à ce que je vous disais
tantôt on ne choisit pas le meilleur mais on choisit le moins
mauvais le moins mauvais, c'est le vote que nous avons, ensuite, c'est
le vote à deux tours, puis le vote proportionnel ou mixte.
D'après moi, c'est dans l'ordre.
M. LEGER: Le mixte serait le pire, d'après vous?
M. DROUIN: Le mixte, d'après moi, c'est le pire...
M. BERTRAND: M. Drouin, étant donné que nous parlons du
dernier...
M. DROUIN: ... parce qu'on y mélange les deux.
M. BERTRAND: ... vous ne partagez donc pas l'opinion de M. Jean-Charles
Bonenfant qui dit que le système électoral idéal est sans
doute la représentation proportionnelle qui assure une
représentation parlementaire en proportion exacte des votes obtenus.
Mais il ajoute: II est difficile d'application, surtout dans un Etat
habitué par l'histoire à la présence d'un
député par comté.
Connaissez-vous vous-même le système électoral de la
République allemande, qui est un système que l'on appelle
mixte?
M. DROUIN: Je l'ai étudié, évidemment...
M. BERTRAND: II est nominal à un tour et on y a greffé la
proportionnelle.
M. DROUIN: La proportionnelle.
M. BERTRAND: Les candidats ont donc deux votes. Un vote local dans une
circonscription donnée, le vote de l'électeur et,
deuxièmement, il y a le scrutin de liste dans les "làuder", comme
on appelle, les provinces ou les régions. Vous connaissez ce
système?
M. DROUIN: Absolument. Mais voyez-vous, ce qui arrive...
M. BERTRAND: D'abord, y reconnaissez-vous des avantages, de grands
avantages ou des désavantages plus grands. Lesquels sont-ils?
M. DROUIN: A la lecture du système que j'ai pu lire...
Evidemment, je n'ai pas pu lire le système dans la langue allemande.
Vous me comprenez. J'ai donc lu des bribes ici et là. Comme je vous le
disais, il faudrait connaître tout l'ensemble du système
exécutif pour savoir comment cela fonctionne, pour pouvoir le juger.
D'abord, dans le système à deux tours, si une personne est
défaite au deuxième tour, avec le vote proportionnel, elle peut
être désignée et choisie.
M. BERTRAND: Sur le scrutin de liste. M. DROUIN: Oui. M. BERTRAND: Si
elle est battue. M. DROUIN: Si elle est battue.
M. LAURIN: Ce n'est pas deux tours. Il vote en même temps pour le
candidat qui se présente territorialement et en même temps pour un
nom qui est inscrit sur une liste.
M. DROUIN: Vous avez ça en Belgique aussi.
M. LAURIN: Ce n'est pas la même chose en Belgique.
M. DROUIN: On vote, n'est-ce pas, à côté du nom et
on vote pour la liste en haut. Si on vote seulement pour la liste, à ce
moment-là, on vote pour celui qui est le plus fort. Si on vote pour la
liste et pour le type qui est battu, à ce moment-là, celui qui
est battu ne compte pas et il tombe sur la liste. Si son vote est bon parce que
c'est celui qui est élu, pour la liste, ça tombe. Ce qui arrive,
c'est qu'à la suite de ça, il faut penser que vous avez un
dépouillement qui prend énormément de temps; ça
prend quinze jours, trois semaines avant de savoir au juste où vous en
êtes.
M. LEGER: M. Drouin, pouvez-vous nous donner votre avis sur le style de
vote mixte suivant? Supposons que la commission parlementaire accepte
l'idée d'une proportionnelle mixte à deux tiers élus
territorialement et à un tiers élu proportionnellement. Les
élections doivent voter sur un bulletin de vote, en même temps
pour un parti et pour un homme. Cela veut dire que, dans des comtés, il
y a des personnes qui votent pour le candidat parce qu'ils aiment ou admirent
ses qualités, mais qui, parce qu'elles n'aiment pas son parti, votent
pour un autre parti. Cela fait quand même deux compilations qui
permettraient d'établir, du côté proportionnel, le nombre
de votes qui vont à un parti. A ce moment-là, selon le tiers des
députés qu'il reste à désigner, on pourrait faire
une proportion.
Quels avantages ou désavantages verriez-vous à ce
vote-là?
M. DROUIN: Je vois ça difficilement établi ici, avec la
grandeur de notre territoire.
M. LEGER: Au point de vue de l'organisation, mais au point de vue du
principe?
M. DROUIN: Au point de vue du principe, évidemment, vous avez des
choses qui sont très bonnes en principe, mais la difficulté c'est
de les mettre en pratique.
M. LEGER: Vous avez vu qu'en 1966 le parti RIN et le parti RN ont eu
ensemble environ 200,000 votes. Comme il n'y avait aucune façon
d'établir une proportion, ces gens-là n'ont eu aucun
représentant à l'Assemblée nationale. Alors, même
s'il y a des difficultés d'organisation, est-ce qu'on ne doit pas partir
d'un principe? Est-il valable ce principe? Ensuite, on verrait si les
difficultés sont réellement insurmontables ou si c'est
réalisable.
M. DROUIN: Oui, mais ça, vous savez, c'est l'enjeu d'une
élection. Que voulez-vous, moi, je vois ça comme ça.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent.
M. PEARSON: M. Drouin, vous avez émis certaines réserves
vis-à-vis du système à deux tours. J'ai cru sentir qu'il y
aurait, à cause de notre façon de procéder, des
conséquences dans
l'immédiat au niveau scolaire, au niveau syndical, en somme,
à tous les autres niveaux.
J'aimerais exprimer une opinion et vous demander vos commentaires sur la
possibilité d'application d'un système qui, à mon sens,
peut-être, corrigerait les désavantages du système actuel
et, en même temps, réussirait à accrocher les avantages du
système à deux tours. Par exemple, serait-il possible d'ordonner
un deuxième tour de scrutin dans les comtés où il n'y
aurait pas, disons, un minimum de 60 p. c. ou 70 p. c. des gens qui seraient
allés voter? Autrement dit, dans les comtés où il y aurait
60 p. c. ou 70 p. c. des gens qui seraient allés voter, on pourrait
considérer que la personne élue représente, quand
même, la majorité. Maintenant, dans certaines élections
municipales, on a vu, encore tout récemment, qu'à peine 23 p. c.
des gens étaient allés voter. A ce moment-là, on ne peut
pas dire que c'est très, très démocratique. Alors, est-ce
que le deuxième tour de scrutin ne pourrait pas être
ordonné dans des cas spécifiques comme ceux-là?
M. DROUIN: Puis, si vous n'obtenez pas 40 p. c. des votes, au
deuxième tour?
M. PEARSON: Bien, ça veut dire que les gens ne sont pas
intéressés.
M. DROUIN: Oui, oui, je vous comprends, mais, vous savez, il y a des
districts électoraux dans la province de Québec où le vote
est de 51 p. c, 52 p. c, 53 p. c, pas plus. Vous avez d'autres comtés
où ça vote à 95 p. c, 93 p. c, tout le temps.
M. PEARSON: Oui, mais c'est la même chose dans certains syndicats
ou certains organismes. Si les gens n'y vont pas, ce n'est pas de la
démocratie, et l'Etat intervient pour forcer les gens à aller
voter, si l'on veut que cela soit démocratique.
M. DROUIN: Ils ont eu le vote obligatoire en Europe et ils se sont
aperçus que c'était un moyen de fraude parce que, quand on oblige
des personnes à aller voter, il y en a toujours 10 p. c, 12 p. c. ou 20
p. c. qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent pas y aller. Comme elles ne
veulent pas être traduites devant les tribunaux, elles vont trouver les
partis politiques et disent: Voici mon certificat, voulez-vous me faire voter?
Voici ma photo, faites-moi voter. Alors, ils accumulent les possibilités
de fraude. Ils n'ont pas besoin d'aller en chercher, ils les ont.
M. PEARSON: Oui, mais il me semble que ce sont des modalités que
l'on pourrait corriger.
M. DROUIN: Ah! mais cela est bien difficile!
M. PEARSON: La meilleure façon de frau- der, c'est justement
quand il y a peu de gens qui vont voter. Si vous avez seulement 20 p. c. qui y
vont, il reste 80 p. c. aux fraudeurs pour s'amuser avec les absents.
M. DROUIN: Mais, que voulez-vous, c'est la liberté!
M. PEARSON: Non, mais, à comparer au système à un
ou deux tours, je vous demandais vos commentaires sur les possibilités
d'application d'un tel système. D'après vous, c'est
inapplicable?
M. DROUIN: A la dernière élection provinciale, on a
voté à 82 p. c, à peu près. On a voté
à 72 p. c. dans l'île de Montréal. Vous voyez le jeu? Pour
atteindre 82 p. c. dans la province, il a fallu un vote joliment
élevé à d'autres endroits.
M. PEARSON: D'accord.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, le président
général des élections vient de faire une analyse rapide
des différents modes de scrutin, en soulignant les avantages et les
désavantages. Je tiens à dire au départ que si j'avais
à faire l'ordre des quatre systèmes, comme vous l'avez fait, je
ferais probablement exactement l'inverse de ce que vous avez fait. Le
système qui m'apparaît le plus démocratique est le
système mixte tel que réussi en Allemagne actuellement.
M. DROUIN: Au point de vue démocratique, je l'admets. Moi, je
vous réponds en tant que président général des
élections, dans la pratique.
M. CHARRON: Oui, je vous comprends très bien, mais les membres de
l'Assemblée nationale sont ici pour choisir ensemble, à toutes
fins pratiques, le mode de scrutin le plus démocratique
c'est-à-dire celui qui fera que, véritablement, le gouvernement
sera le choix de la majorité et que la Chambre sera le reflet des
courants d'opinions qui existent dans la population
québécoise.
M. HARDY: M. le Président, je ne voudrais pas être
désagréable, mais nos délibérations se sont
très bien déroulées jusqu'ici je pense que tout le
monde avait convenu que la raison d'être de la réunion
d'aujourd'hui et de la venue du président des élections
était pour avoir son opinion à lui.
M. CHARRON: Oui. DES VOIX: Oui. M. HARDY: Je pense que les membres de
la
commission pourront éventuellement donner leur opinion.
M. CHARRON: J'allais poser une question au président
général des élections.
M. HARDY. Bon, très bien.
M. CHARRON : Dans les avantages que vous avez mentionnés au mode
de scrutin à deux tours, le seul avantage qui vous saute aux yeux est
que l'on serait sûr que les députés soient élus de
façon majoritaire, ce qui est vrai. Ne trouvez-vous pas aussi important,
ce qui serait aussi un avantage du scrutin à deux tours, que les
différents courants d'opinions dans la population soient
représentés de façon équitable au sein de
l'Assemblée nationale?
M. DROUIN: Avec le deuxième tour, vous risquez de les faire
disparaître.
M. CROISETIERE: C'est cela.
M. CHARRON: Comme le système mixte le prouve en Allemagne, dans
son application concrète actuellement, il corrige et rétablit un
peu plus l'équité des courants d'opinions dans la population, au
niveau de l'Assemblée nationale allemande, je ne sais trop son nom. Ne
vous semblerait-il pas aussi un avantage, en tant que président
général des élections?
M. DROUIN: Je voudrais dire d'abord au député de
Saint-Jacques que je ne veux pas faire de politique. Vous me comprenez, je suis
en dehors de la politique. N'oubliez pas une chose: Prenez je ne vous
blesserai pas en parlant du Parti québécois le Parti
québécois. Supposons que vous avez deux tours et supposons que
vous êtes balayés par le deuxième tour...
M. LESSARD: On ne parle pas des deux tours.
M. DROUIN: Monsieur me parle des deux tours.
M. LESSARD: On parle du système mixte allemand.
M. CHARRON: J'ai donné un exemple, tantôt, à partir
des deux tours, mais ma première intervention...
M. DROUIN: Après cela, vous avez le système mixte qui vous
replace, qui vous redonne la représentation. C'est cela, dans le
fond.
M. CHARRON : Ce que je ne comprends pas, M. Drouin, c'est que vous
êtes d'accord pour dire que sur le plan de la représentation, du
reflet démocratique de la population à l'Assemblée
nationale, c'est probablement le système mixte qui fait le plus
d'efforts pour le représenter.
Selon votre plan de technicien d'élections qui avez à
réaliser ces élections, votre choix est placé sur le
quatrième; c'est certainement le plus difficile à organiser, et
le plus facile à organiser est celui dans lequel on vit
actuellement.
Dans vos choix techniques, ne seriez-vous pas d'accord pour pousser plus
loin et dire que ce qui serait encore plus facile serait de simplifier le
côté de l'organisation mais n'est-ce pas proportionnel? Plus vous
simplifiez l'organisation des élections, moins c'est démocratique
comme résultat.
M. DROUIN: Vous savez, vous pourriez avoir le système suivant qui
n'est pas applicable mais qui donnerait justice: sur le bulletin de vote, vous
avez des candidats et on fait voter l'électeur avec un chiffre, 1, 2, 3,
4, 5, suivant l'ordre qu'il voudrait. Vous avez tout de suite les deux tours
sans qu'on sache pour qui ou par qui. Vous comprenez, il faut penser à
la population, aux 3,500,000 électeurs à qui il faut faire
comprendre le système.
M. LESSARD: M. le Président, nous comprenons que le...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.
M. JORON: M. le Président, nous sommes ici pour trouver un
système électoral non pas uniquement pour satisfaire les
techniciens des élections, c'est-à-dire trouver le système
le plus facile à faire fonctionner, mais au contraire, un système
électoral qui doit le mieux servir un idéal que je ne
m'engagerai pas à décrire, cela pourrait provoquer de longues
péroraisons qui est celui de la démocratie.
Vous avez situé vos réponses au niveau technique
uniquement, et il est peut-être préférable que nous nous
limitions à cela pour l'instant.
Quant au système proportionnel, vous l'avez décrit assez
sommairement en disant qu'il est inapplicable au Québec. Techniquement,
ce n'est pourtant pas un système qui me paraisse bien compliqué.
Est-ce que je peux vous demander pourquoi vous le trouvez inapplicable au
Québec, sans porter de jugement sur la valeur politique du
système mais strictement sur l'aspect technique?
M. DROUIN: C'est assez difficile de vous donner plus que ce que je vous
ai donné. Je viens ici à titre de président
général des élections. Je suis président
général depuis 26 ans. Je ne fais du droit électoral que
depuis ce temps-là, et je regarde cela à titre de
président général des élections. Je ne regarde pas
cela au point de vue de l'électorat, ni à titre de
député, ni
comme manière de se faire élire ou de ne pas se faire
élire. Cet aspect-là, pour le moment, je le laisse de
côté. Je vois mal le vote proportionnel. Le vote proportionnel
n'existe à nulle part, ici, dans quelque milieu que ce soit. On ne l'a
pas à la cour d'Appel, ni à la cour Suprême, ni même
à la Chambre, en haut.
M. JORON : Permettez-moi d'insister. En quoi est-ce qu'il est
techniquement difficile d'application au Québec? On ne l'a pas, c'est un
fait, on aurait peut-être dû l'avoir, c'est une autre question.
Mais, en quoi est-il difficile d'application?
M. DROUIN: II est difficile d'application, d'abord, parce que toute
notre organisation n'est pas habituée à cela.
M. DUMONT: Est-ce que la grandeur du territoire et le taux de population
ont aussi une influence?
M. DROUIN: Evidemment, tout cela a une influence.
M. JORON : Sur ce point, je voudrais contester. Tout à l'heure,
vous le disiez au sujet du système à deux tours, mais je ne suis
absolument pas d'accord. Je voudrais souligner le point suivant: Comme
difficulté technique d'application du système à deux
tours, vous semblez faire porter la même difficulté sur le
système proportionnel...
M. HARDY: M. le Président, encore une fois, juste un petit point
d'ordre. Ce n'est pas nécessairement un point d'ordre, c'est une
question pratique.
Je reviens à ce que j'ai dit tantôt. Loin de moi
l'idée d'empêcher le député de Gouin, ou tout autre
député, d'exprimer son opinion sur le témoignage du
président général des élections, mais je pense que
cela devrait venir par la suite. Je pense que l'objet de la présence du
président général des élections c'est de lui faire
dire... et là-dessus je reconnais au député de
Gouin la liberté de multiplier les questions et les sous-questions afin
d'obliger le président général des élections
à dire toute sa pensée sur les avantages et les
désavantages des modes de scrutin mais je pense qu'il ne serait
pas valable, si nous voulons procéder avec
célérité, que chaque député dise: Je
considère que cette opinion du témoin n'est pas bonne, ou plus ou
moins bonne.
M. JORON: Si vous permettez, M. le Président, dans le sens de ce
que vient de dire le député de Terrebonne, c'est
précisément pour poser une sous-question que je reviens à
ce sujet-là. On mentionnait comme difficulté de ces
systèmes la grandeur du territoire. Il ne faudrait quand même pas
exagérer cette ques- tion. On sait que 80 p. c. de la population du
Québec et par conséquent il en est de même pour les
bureaux de votation occupe un territoire en fait relativement plus petit
que la Belgique. Si ça peut se faire sur un territoire comme celui de la
France, de l'Italie ou de l'Union Soviétique ce n'est pas le cas
à cause du système des partis en Union Soviétique
je ne vois pas pourquoi ça ne peut pas se faire sur le territoire du
Québec, qui est relativement restreint. En fait, oublions le Grand Nord
il n'y a pas de bureau de votation le territoire n'est pas si
grand que ça.
Alors, où est la difficulté technique? E y a des cas
isolés, j'en conviens. Je ne voudrais pas blesser les
députés qui viennent de régions plus
éloignées, mais est-ce que vous pensez vraiment que la question
de la grandeur du territoire subsiste toujours, que 80 p. c. de la population
est quand même massée dans un territoire relativement
restreint?
M. DROUIN: Oui, mais regardez, M. le député...
M. JORON: Je comprends que ça pose un problème pour
l'île d'Anticosti.
M. DROUIN: Tout de même, il reste 20 p. c. Si, pour le
proportionnel, si, pour la majorité absolue, si, pour donner une
représentation proportionnelle, on doit tout de suite négliger 20
p. c. sur 80 p. c...
M. JORON: C'est la question que je vous pose.
M. DROUIN: Je ne vois pas pourquoi. Dans ces systèmes-là,
si on veut absolument se servir de la représentation proportionnelle, il
faut que ce soit bon à 100 p. c. Si c'est bon à 80 p. c, à
85 p. c, il y a 15 p. c. d'ignorés. Moi, je vous donne mon opinion.
M. CHARRON : Concernant le scrutin uninominal à un tour qui
existe actuellement, est-ce que vous pouvez dire le pourcentage pour lequel il
est bon? Si celui de la proportionnelle était bon pour 80 p. c, celui
dans lequel on vit actuellement, il est bon pour combien de gens?
M. DROUIN: D'après moi, il est bon pour tout le monde
actuellement.
M. CHARRON: Nous autres, dans le reflet que ça donne à
l'Assemblée nationale, entre la force des courants d'opinions...
M. DROUIN: Là-dessus, je vous comprends facilement.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, en analysant les implications et les
conséquences ou l'application pratique d'un système par
représentation proportionnelle ou mixte, est-ce que vous avez
analysé le mécanisme de la responsabilité
ministérielle qui pourrait être mise en cause par l'application
d'un tel système électoral?
M. DROUIN: Je ne l'ai pas examiné, mais ça me sauterait
évidemment aux yeux. Est-ce qu'il faudrait à ce
moment-là...
M. PAUL: Repenser toute cette philosophie politique qui existe dans
notre système depuis bientôt près de cent ans.
M. DROUIN: Evidemment, parce que vous pouvez avoir une loi qui est
adoptée en Chambre par dix de majorité et qui n'est pas
nécessairement une loi présentée par le gouvernement,
où la responsabilité ministérielle est en jeu, mais elle
peut être battue par des gens qui ne sont pas élus. Ce n'est pas
une sécurité.
M.PAUL: A ce moment-là, M. Drouin je ne voudrais pas
être accusé de peut-être devancer les travaux de la
commission si nous avions un système électoral à
date fixe et étions appelés à faire disparaître ce
principe de la responsabilité ministérielle, les implications
d'un système proportionnel ou mixte ne seraient-elles pas plus
faciles?
M. DROUIN: Evidemment, ce serait à examiner, il n'y a pas
d'erreur.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: M. le Président, la question que le
député de Gouin a posée et la mienne ont pour but de faire
expliciter les réponses que nous avons obtenues et qui nous semblent un
peu brèves ou sommaires. Ma question va dans le même sens. Tout
à l'heure, à une question qu'on lui a posée, M. Drouin a
répondu que le pire système serait le système mixte, parce
qu'il combinerait les désavantages des deux systèmes,
c'est-à-dire l'uninominal à un tour et celui de la
proportionnelle. Est-ce que, M. Drouin, on ne pourrait pas envisager un
système mixte qui, au lieu de combiner les désavantages des deux
systèmes, combinerait les avantages de ces deux systèmes?
M. DROUIN: Cela peut être étudié. Cela pourrait
être étudié. Il n'y a pas d'erreur.
M. LAURIN: Cela pourrait être renversé. M. DROUIN: Cela
peut être étudié.
M. LAURIN : On pourrait même envisager un système mixte qui
corrigerait par sa moitié les désavantages de la première
moitié.
M. DROUIN: II y a toujours moyen d'améliorer, sur cela, il n'y a
pas d'erreur. Même les systèmes les meilleurs peuvent être
améliorés.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay.
M. DROUIN : Regardez par exemple des pays comme les Etats-Unis. Ceux-ci
ont tout de même un système électoral assez avancé,
un système qui s'approche du nôtre, si vous voulez, au point de
vue électoral. C'est comme ça depuis l'Indépendance.
M. HARDY: Est-ce que vous voulez dire que le système
électoral des Etats-Unis est un des systèmes les plus
avancés?
M. DROUIN: Des plus avancés, c'est-à-dire qu'ils ont
gardé le même système; ils n'ont pas changé pour
adopter le système européen, ils ont gardé le
système de vote selon lequel la personne qui a le plus de voix est
élue.
M. HARDY: Mais vous avez dit que c'était le système le
plus avancé. Quelle était la signification exacte de ce...
M. DROUIN: Non. Ce n'est pas cela que j'ai voulu dire. J'ai voulu dire
que le peuple américain est un peuple avancé...
M. HARDY: Ah! bon.
M. DROUIN: ... qui a gardé ce système-là
malgré tous les changements qu'ils ont apportés.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.
M. LESSARD: Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas eu de système
à deux tours ici qu'on n'en fera pas un. On nous a dit tout à
l'heure qu'il s'agissait d'essayer de choisir le moins pire. Mais le plus
facile aussi ce serait de ne rien changer. Le système le plus facile,
c'est la dictature. Nous sommes ici pour essayer de trouver un système.
Tout à l'heure, par exemple, en ce qui concerne le système mixte,
M. Drouin a dit: Ce serait difficile d'application. C'est la seule chose qu'il
nous a dite. Et quand je parle du système mixte, je ne parle pas
parce qu'on a mélangé tout à l'heure un peu du
système à deux tours. Je parle du système uninominal
à un tour à l'intérieur duquel il y a, comme correctif, le
vote proportionnel. Je pense que M. Drouin devrait expliquer pourquoi il nous a
dit tout à l'heure que ce serait difficile d'application. Mais en
quoi?
M. HARDY: D'accord.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Argenteuil.
M. SAINDON: M. le Président...
M. LESSARD: J'ai posé une question, M. le Président.
M. SAINDON: N'y aurait-il pas lieu...
M. LE PRESIDENT: C'était une question?
M. LESSARD: Oui, oui, c'était une question. En quoi? Il nous a
dit que c'était difficile...
M. LE PRESIDENT: Je pense que c'était plutôt une
affirmation qu'une question. Pour-riez-vous répéter votre
question?
M. LESSARD: Voici, M. le Président. M. Drouin, tout à
l'heure, à une question que lui posait le député de
Lafontaine, a dit: Je ne vaois pas comment cela pourrait être
appliqué. Ce serait difficile d'application. Alors je lui demande
quelles sont les raisons qu'il peut nous donner à ce sujet-là.
Pourquoi ce système-là serait-il difficile d'application? C'est
un système qui ressemble quand même énormément au
nôtre, excepté qu'il y a un correctif pour représenter un
peu les différentes opinions des électeurs.
M. DROUIN: Evidemment, lorsque vous avez fait un tour, quelqu'un est
élu. Il faut faire faire un calcul spécial par notre personnel
électoral qui va nous l'envoyer. Nous avons déjà de la
difficulté actuellement à faire exécuter la loi. Vous ne
vous imaginez pas jusqu'à quel point. Dans des districts
électoraux par exemple, au-delà de 1,500 bulletins de vote sont
rejetés. Nous avons eu le cas du personnel électoral, des
régions éloignées où on n'en entend pas beaucoup
parler, mais de la région de Montréal qui, le soir de
l'élection, le scrutateur, le greffier, le représentant, de
connivence, ont posté à chaque candidat les bulletins qu'il y
avait dans la boîte de scrutin. Il y a encore le cas des scrutateurs
qu'on avait fait venir pour le dépouillement du scrutin et qui, quand on
leur a demandé: Où sont les bulletins, nous ont répondu:
Monsieur, moi je suis pour des élections honnêtes. Quand je suis
arrivé chez moi le soir, j'ai tout mis ça dans le poële.
M. LESSARD: Mais si on leur donnait des cours au lieu de les nommer
comme ça quelques jours avant l'élection.
M. HARDY: M. le Président, j'aimerais que le président des
élections ait la possibilité de terminer son témoignage
sans qu'il y ait des opinions qui interviennent.
M. DROUIN: Vous avez 15,500 scrutateurs dans la province. Il faut tout
de même penser à ce qu'on leur donne à faire. C'est
ça, la mise en application.
M. BERTRAND: M. le Président, si vous me permettez...
M. DROUIN: Je suis obligé de vous dire...
M. BERTRAND: ... de continuer dans la même ligne... J'ai lu
quelques auteurs là-dessus, et la plupart, le consensus semble que le
système allemand et on utilise l'exemple un peu partout
semblerait être une combinaison acceptable. Du moins, il a
été éprouvé en Allemagne. Du point de vue pratique,
vous venez de parler du scrutin uninominal à un tour, compilation du
résultat. Si vous y greffez le vote proportionnel, c'est-à-dire
que nous ne parlerons pas de "länder", mais de régions
économiques au Québec... Prenez une région
économique qui est à l'intérieur d'une région
économique donnée, où dix personnes ont été
élues localement. La loi dit:
II y en aura cinq choisis d'après une liste il faudrait
qu'il y ait une liste comment procéderait-on à ce
vote-là?
M. DROUIN: Vous changez un peu la directive.
M. BERTRAND: Pouvez-vous prendre le système mixte?
M. DROUIN: Je comprends. Vous avez 108 districts qui élisent,
à un tour de scrutin, 108 députés.
M. BERTRAND: C'est ça, d'abord.
M. DROUIN: Supposons que vous diminuez ça à 90 ou
même à 80. Vous en laissez 18 ou 28. Vous divisez la province en
régions...
M. BERTRAND: Disons. Régions ou zones.
M. DROUIN: ... disons, en régions économiques. Dans ces
régions économiques là, vous tenez une autre
élection le même jour...
M. BERTRAND: Le même jour.
M. DROUIN: ... avec le même mode de scrutin. Là, ce n'est
plus pareil.
M. LEGER: M. le Président, voici ma question...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Argenteuil et,
après, l'honorable député de Lafontaine.
M. SAINDON: M. le Président, n'y aurait-il pas lieu de diriger
nos réunions d'une autre façon, d'une façon plus
objective, qui laisserait moins de portes ouvertes aux interventions et aux
intérêts partisans?
M. LAURIN: J'aimerais que le député donne des exemples
d'interventions partisanes.
M. SAINDON: Aujourd'hui, la discussion a été conduite par
les députés péquistes et il est bien évident que
tout ce qu'ils ont en tête, tout ce qu'ils cherchent, c'est un mode de
scrutin qui les favoriserait eux-mêmes, au détriment de toute la
population.
M. LAURIN: M. le Président, je m'oppose à cette
déclaration d'intention.
M. LEGER: Un point d'ordre. DES VOIX: A l'ordre!
M. SAINDON: Alors, c'est clair et évident. Il faudrait que nos
réunions soient dirigées d'une autre façon.
M. LESSARD: Les mêmes accusations pourraient être
portées contre les députés de l'autre côté.
Nous tentons de trouver une solution à un problème. Nous avons
posé des questions et le président des élections nous a
affirmé certaines choses.
M. SAINDON: Cela fait une heure quarante-cinq.
M. LESSARD: M. Bertrand, d'ailleurs, a posé la question, en
disant : Si on ajoute le vote proportionnel, quelles seraient les
conséquences au point de vue de la complication des
élections?
M. SAINDON: Non, nous sommes plus objectifs que ça.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Tout se déroulait bien depuis une
heure quarante-cinq. Pour répondre aux allégations du
député d'Argenteuil, je donne la parole à ceux qui la
demandent et je tente de diviser ce droit de parole le plus
équitablement possible. D'ailleurs, le prochain opinant est le
député de Lafontaine et le suivant est le député de
Saint-Jean.
Système mixte
M. LEGER: Ma question à M. Drouin est la suivante. Au niveau de
la difficulté d'application d'un système mixte, est-ce que vous
pourriez répondre à deux questions différentes? A mon
point de vue, il y aurait peut-être une difficulté d'organisation.
Est-ce que, dans votre esprit, la population aurait de la difficulté
à comprendre un système électoral différent?
Autrement dit, d'après vous, un système où les gens
auraient, en même temps, à voter pour deux options
différentes, soit une personne ou un parti avec une liste, poserait-il,
première- ment une difficulté au point de vue technique et,
deuxièmement, du côté de l'application technique
précise de votre organisation?
Si, au lieu d'avoir les 15,000 personnes que vous mentionniez tout
à l'heure un personnel qui n'a pas été tellement
formé, mais qui, très souvent, est nommé par le parti au
pouvoir et par le parti d'Opposition à la dernière minute
vous aviez des fonctionnaires entraînés, bien
équipés du fait que le vote est terminé à
sept heures, on peut avoir rapidement le résultat des 72 ou 80
députés élus territorialement; le calcul, par la suite, du
côté proportionnel se fait quand même dans la même
soirée ou peut-être dans la nuit, mais c'est un travail de
technicien est-ce que vous verriez une difficulté du
côté de l'organisation du résultat du vote par les
techniciens?
M. DROUIN: D'abord, votre première question. Il n'y a pas de
difficultés techniques si vous avez 80 députés élus
dans 80 districts électoraux de la province de Québec et que vous
avez, en plus, 28 députés choisis dans 28 régions par un
vote. Il n'y a pas de difficulté à ce que, dans le même
bureau de scrutin, l'électeur ait deux bulletins à
compléter. Mais, si vous avez 108 districts électoraux qui
élisent 108 députés, ou qui en élisent 80 et
qu'après ça, lorsque les boîtes s'en vont chez mon
président d'élections, il faut les dépouiller à
nouveau pour savoir tout ça, là, vous permettez à mes
présidents d'élections, d'avoir accès aux boites, et c'est
bien dangereux. Il ne faut pas qu'une boite soit ouverte, tant que les
délais de contestation ne sont pas expirés.
M. LEGER: Une question subsidiaire sur ce que vous venez de dire. Cela
signifie qu'il serait préférable de déterminer d'avance
combien de députés il faudrait élire de façon
territoriale. C'est une décision comme celle-là qui devrait
être prise en premier. A la suite de ça, il y aurait moins de
difficultés techniques à établir le reste de la
proportionnelle.
M. DROUIN: La proportionnelle par région, mais aussi par
présentation et par un bulletin de vote.
M. LESSARD; cela ne corrigerait pas la situation. Si vous avez une
deuxième élection...
UNE VOIX: II n'y en a pas de deuxième.
M. LESSARD: Cela ne corrige pas nécessairement la mauvaise
répartition des députés à l'intérieur de
l'Assemblée nationale parce qu'il n'y a plus de proportionnelle. Ce qui
arrive, c'est que la même position des partis politiques peut aussi bien
se présenter au niveau de la région qu 'au niveau des
comtés.
M. DROUIN: Quant à l'autre système de la
proportionnelle après, je ne vois pas de façon de
l'établir pour que cela ait du sens, sauf en même temps.
Maintenant, dans les régions où l'on établirait un genre
de division électorale au lieu d'un district électoral, il n'y a
rien qui empêcherait que l'on vote pour un parti et non pour une
personne.
M. BERTRAND: Mais, le vote le même jour.
M. DROUIN: Le vote le même jour et en même temps.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Est-ce que vous avez...
M. LEGER: II n'a pas répondu à ma deuxième
question.
M. BERTRAND: La compréhension.
M. LEGER : La compréhension par la population de ce vote double
la même journée. Y voyez-vous une difficulté?
M. DROUIN: Si on présente deux bulletins de vote à un
électeur, il n'y a pas de difficulté, il va voter deux fois. S'il
entre dans un bureau de scrutin au municipal et qu'on lui remet quatre
bulletins, il va voter quatre fois.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Si on prend le système mixte tel qu'il existe en
Allemagne, est-ce que vous avez des chiffres indiquant, en pourcentage, la
différence qu'il y a entre les députés élus par
l'électorat et ceux nommés par le parti d'après le
pourcentage du vote? Le pourcentage est-il identique ou s'il est
complètement différent?
M. DROUIN: C'est 66 p. c. 33 p. c. C'est 66 p. c. des
députés. Mais vous voulez savoir le vote attribué. Je n'ai
pas de chiffres pour cela.
M. VEILLEUX: Prenons un exemple pratique. Tout à l'heure, le
député de Lafontaine disait qu'en 1966 X p. c. des
électeurs s'étaient prononcés pour le RIN ou le RN, mais
qu'il n'y avait pas eu de représentant à l'Assemblée
nationale. Par exemple, dans un régime comme celui qui existe en
Allemagne, je voudrais savoir ici, au point de vue du pourcentage, qu'est-ce
qui nous indique que la personne qui a voté pour le RIN ou pour le RN a
voté pour le parti plutôt que pour l'individu qui s'était
présenté? Dans un vote mixte, vous dites qu'il y a un vote pour
l'individu et l'autre pour le parti. On entend fréquemment les tenants
du Parti québécois dire qu'on n'a pas une représentation
proportionnelle. Qu'est-ce qui indique que le nombre de votes que le
député de Bourget a reçus aurait été le
même si l'individu avait voté pour le parti plutôt que pour
celui qui représentait le Parti québécois dans le
comté de Bourget?
M. DROUIN: C'est impossible de le savoir.
M. LEGER: Je dois corriger la présentation du
député de Saint-Jean. Les 28 députés vont
être élus en proportion du total de votes qu'ils ont eu dans toute
la province ou dans toute la région. Ce qui veut dire que si, dans la
région, vous avez élu 80 députés, mais qu'il y a eu
une quantité énorme de gens qui ont voté pour d'autres
partis, le total de ces votes amène pour les 28 députés
à désigner une proportion qui corrige la situation. A ce
moment-là, si, sur 80 députés, il y en a eu 40 du
Ralliement créditiste, ceux-ci auraient le droit si le vote a
été à peu près semblable, comme vous le dites
d'avoir 50 p. c. des 28 députés à élire. Il
y a quand même un changement au niveau de la correction pour les 28
députés.
M. VEILLEUX: Je ne suis pas d'accord avec vous. Si on prend le
système qu'expliquait le député de Missisquoi tout
à l'heure, à savoir qu'un individu vote deux fois, le vote qu'il
accorde à l'individu dans le comté ne représente pas
nécessairement le pourcentage du parti globalement.
M. BERTRAND: Etant donné qu'il n'y a qu'un pays au monde
où ce système est appliqué, si le président
général des élections pouvait nous obtenir, probablement
par l'ambassade de l'Allemagne, des documents j'entends des
fac-similés des bulletins de vote et savoir, si l'élection
a lieu le même jour et comment on procède en pratique. Ce qui vous
intéresse, vous, ce qui nous intéresse, nous aussi... La
théorie je peux la trouver dans 50 volumes. Ce qui m'intéresse,
moi, c'est le mécanisme. Je pense que tout votre témoignage est
marqué au coin de l'expérience que vous avez vécue. Si
vous pouviez obtenir des renseignements qui nous permettraient de mieux
préciser, à la lumière de l'expérience
allemande...
M. DROUIN: J'ai essayé et c'est très difficile d'obtenir
des documents, même de la France et de l'Angleterre. Si on ne passe pas
par la Maison du Québec à une place ou à une autre pour
obtenir des documents, on ne nous répond pas. J'ai écrit en
Belgique pour avoir des documents et recevoir des bulletins de vote. Cela a
pris des mois et des mois et j'ai réussi après avoir parlé
avec l'ambassadeur de la Belgique, à Ottawa.
M. BERTRAND: Vous pourriez les avoir par notre maison à
Düsseldorf.
M. DROUIN: Je ne le sais pas. On le pourrait.
M. HARDY: Dans cette ligne de pensée, je pense qu'il y aurait
lieu d'explorer ce mode de scrutin mixte puisqu'il faut quand même
admettre qu'il y a eu de nombreuses opinions favorables de la part de
politicologues et de journalistes. Et puisque l'on continue dans la ligne de
pensée du début de nos travaux d'explorer toutes les
possibilités, la meilleure formule pour aller au fond de la chose, ce
serait d'inviter des experts allemands qui pourraient venir nous parler. Il
serait certainement possible d'avoir la traduction, je ne crois pas que cela
serait une difficulté majeure. C'est peut-être là la
solution, faire venir des gens qui vivent ce système et même, en
faire venir de deux catégories, parce que j'ai lu récemment qu'en
Allemagne on songeait à modifier ce système.
M. DROUIN: Je n'ai pas osé dire cela... M. BERTRAND: Mais
dites-le donc!
M. DROUIN: ... mais quelqu'un m'a dit je suis obligé de
taire le nom qu'il était allé en Allemagne et que les gens
n'étaient pas satisfaits. D'où cela provient-il? Ce que cela
rapporte? Je ne veux pas aller plus loin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, les observations du
député de Terrebonne me paraissent très justes. Je suis
valablement informé, moi aussi, que le système allemand est loin
de satisfaire les Allemands qui, particulièrement dans les milieux
universitaires où on trouve les politicologues, déclarent que ce
système est devenu absolument antidémocratique. J'ai même
l'avis écrit d'un spécialiste à ce sujet dont je ne
peux pas donner le nom pour l'instant qui me disait que des mouvements
se formaient afin de changer le système parce qu'on estimait qu'il
permettait des trafics et des fraudes très importants et, j'ajoute ceci,
qu'on songeait à examiner la possibilité d'instaurer en Allemagne
un système équivalent à celui des systèmes
britanniques.
M. BERTRAND: M. le Président, on aura besoin de volontaires pour
aller en Allemagne, on pourra peut-être faire appel à ceux qui
sont autour de la table...
M. LEGER: On va tous y aller.
M. HARDY: Une commission rogatoire.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: Pour faire suite aux propos du député de
Missisquoi qui, tantôt, s'interrogeait sur les résultats pratiques
du système en
Allemagne, dans un article paru dans Le Soleil du 27 juin 1970,
Jean-Charles Bonenfant, que vous citiez tout à l'heure, terminait son
article comme ceci: Lorsqu'on examine les résultats des élections
allemandes de 1965 donc il y cinq ou 6 ans on s'aperçoit
qu'avec le système mixte on obtient la correspondance proportionnelle
des voies et des sièges. Ce qui était visé par le
système, je ne sais pas si le système a pourri en 5 ans
mais en 1965 il a donné les résultats qu'on cherchait.
D'autre part, les désavantages moi aussi je suis au courant des
critiques formulées contre le système mixte allemand
portent sur deux choses qui, au Québec ne devraient pas
nécessairement être répétées. D'une part, sur
le fait que les listes sont bloquées; plutôt que des listes
ouvertes, ce sont des listes bloquées. C'est donc le choix des partis
politiques que d'imposer l'ordre. Numéro un du parti, numéro deux
du parti, numéro trois du parti. Ce qui fait qu'à toutes fins
pratiques, quand les partis ne sont pas démocratiques, c'est le chef qui
choisit ses quatre ou cinq acolytes.
Et ces quatre ou cinq sont presque automatiquement élus, parce
que c'est sûr que ces partis-là vont chercher peut-être bien
20 p. c. du vote. Alors, sans qu'on ait le choix de dire oui ou non, c'est un
seul homme qui a choisi cinq députés au sein du Parlement
allemand. C'est une première critique que l'on fait en Allemagne.
M. LE PRESIDENT: Comment pourriez-vous débloquer la liste?
M. CHARRON: Par exemple, par le processus des listes ouvertes; on peut
décider, soit au sein des partis, soit que les membres des partis
politiques le fassent eux-mêmes, lors des conventions, comme quand on
choisit un candidat dans un district. Ils choisissent eux-mêmes, par un
vote, la liste des représentants qu'ils voudraient.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que cela voudrait dire qu'il y aurait une loi
pour forcer la démocratisation des partis?
M. CHARRON: Cela ne nuirait pas, en tout cas.
M. PAUL: Est-ce que sur le plan pratique...
M. BERTRAND: Le cas dont parle le député de Saint-Jacques
s'est présenté, d'ailleurs, en France. J'ai ici un petit volume,
"Systèmes électoraux". Aux élections de 1956, il y avait
une liste bloquée. Le premier en tête, Maurice Thorez, qui a
été le chef du Parti communiste: 172,555 voix, élu. Le
dernier, André Bolzé, qui était le dernier sur la liste:
174,000 votes, battu. Autrement dit, il n'est pas élu. On a élu
les cinq premiers sur la liste. Voilà une liste bloquée. On
voit que Thorez, qui a été élu, n'a recueilli que
172,555 vois. Ce n'est certainement pas démocratique.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: Est-ce que l'honorable député de Saint-Jacques me
permettrait une question?
M. CHARRON: Oui.
M. PAUL: Est-ce qu'il irait jusqu'à suggérer l'obligation,
pour les partis politiques, de tenir des préliminaires pour choisir les
candidats?
M. CHARRON: Eh bien-là, comme cela...
M. PAUL: Ecoutez, je ne voudrais pas que vous me prêtiez des
intentions que je n'ai pas. J'y vais bien franchement...
M. CHARRON : Je ne voudrais pas que vous me prêtiez des positions
auxquelles je n'ai pas pensé. A première vue, oui. Ce sont des
choses bien possibles. Mais cela dépend du système que nous
adopterons. Le système américain nécessite presque
automatiquement des primaires. Est-ce que le système mixte allemand en
nécessite, lui, dans le territoire allemand? C'est une autre affaire.
Ils n'en font pas, que je sache.
Juste une phrase. Une autre critique que font très souvent les
Allemands quant à leur propre système, c'est la lenteur
cela peut intéresser les techniciens des élections qu'on
met à faire le décompte mathématique pour savoir quel
gouvernement est au pouvoir. Cela peut durer une semaine. Cela aurait pu
être le cas lors de nos dernières élections, assez
corsées.
M. HARDY: Est-ce que le député de Saint-Jacques me permet
une question?
M. CHARRON: Oui.
M. HARDY : Je ne mets pas en doute le témoignage qu'il apporte
sur les critiques du système allemand, mais est-ce que le
député de Saint-Jacques admettrait que la meilleure façon
d'évaluer, pour nous, ce système serait d'avoir des
spécialistes allemands ici?
M. CHARRON: Pleinement.
M. HARDY: M. le Président, comme nous avons déjà
beaucoup demandé au président des élections, puisque cela
fait deux heures qu'il est sur la sellette, je me demande s'il n'y aurait pas
lieu d'ajourner notre séance. H a été convenu que le
président général des élections devait assister
à toutes nos séances, nous pourrions, à la prochaine,
continuer à l'entendre. Il y a sûrement encore beaucoup de
questions que nous pourrions lui poser.
Je propose, quant à moi, l'ajournement de la séance. Quant
à la prochaine date, je crois que, la semaine prochaine, tous les jours
sont pris.
Mardi, c'est la commission sur la liberté de la presse, mercredi
le bill 69, jeudi et vendredi, le projet de loi sur les consommateurs. Il
faudrait donc trouver une date dans l'autre semaine pour poursuivre nos
travaux.
M. LE PRESIDENT: Le député de Mégantic.
M. DUMONT: M. le Président, je constate que tous les
députés ont parlé, mais nous avons très peu entendu
Me Drouin parce que nous avons pris sa place. Dès le début,
j'avais demandé qu'il nous donne une explication, entre autres, sur la
méthode électorale de l'Australie. Avant d'ajourner, si Me Drouin
a des renseignements sur la méthode électorale de ce pays...
UNE VOIX: La semaine prochaine.
M. DUMONT: Peut-être pourrions-nous alors inviter les mêmes
experts, parce que si nous ne parlons que de l'Allemagne, nous ne saurons pas
s'il y a autre chose de meilleur.
M. HARDY: Dans le même esprit, peut-être le président
des élections pourrait-il se préparer, pour la prochaine
séance de la commission, en fonction des réformes qu'il jugerait
à propos que nous apportions à la Loi électorale. Je sais
que M. Drouin a déjà préparé une étude sur
les problèmes que pourrait poser l'établissement d'une liste
permanente d'électeurs.
Liste permanente d'électeurs
M. DROUIN: Pour ce qui est de la liste permanente, évidemment,
j'ai étudié un peu tous les systèmes qui existent.
D'après moi, le plus pratique et le moins coûteux est
1'énumération annuelle.
M. HARDY: Peut-être pourriez-vous davantage expliciter cette
position à notre prochaine séance. Je propose
l'ajournement...
M. LE PRESIDENT: Un instant. A l'ordre! L'honorable député
de Bourget.
M. LAURIN: Au début de la séance, le député
de Terrebonne avait proposé qu'à la prochaine réunion nous
étudiions les priorités et les méthodes. Je ne vois pas
beaucoup de raisons de modifier cette intention qu'il avait exprimée
puisque, de toute façon, le président des élections sera
avec nous à toutes les séances et qu'il sera libre d'intervenir
lorsque nous étudierons soit le mode de scrutin, soit la carte
électorale, soit la Loi électorale. Ne serait-il pas
préférable, la prochaine fois, de nous entendre d'une
façon définitive sur les priorités et les
méthodes, quitte à ce que nous poursuivions ensuite
l'étude du mode de scrutin en tenant compte de ce que pourra nous dire
de nouveau le président des élections?
M. HARDY: Evidemment, il est très habile de la part du
député de Bourget de se référer à ce que
j'ai dit au début de la séance, mais je vais le
référer à ce que tous les membres de la commission ont
adopté en principe à la séance de la semaine
dernière où nous avons convenu d'entendre d'abord le
président général des élections. Avant de
déterminer je pense que c'est un processus normal les
sujets sur lesquels nous devons faire porter nos études et notre
calendrier, nous devons d'abord essayer de circonscrire le champ de
travail.
Au début de la séance, je pensais que pendant la
séance d'aujourd'hui nous pourrions terminer avec le témoignage
de M. Drouin. Mais je présume que plusieurs députés ont
encore des questions à poser au président général
des élections. En tout cas, j'en aurai moi-même sur d'autres
sujets, et je pense que si nous voulons nous conformer au principe
adopté à la séance de la semaine dernière, nous
devrions continuer, la semaine prochaine, à entendre le
témoignage du président général des
élections.
Et, si nous en avons le temps, nous pourrions fixer les points sur
lesquels nous voulons faire porter nos études; je suis d'accord. Mais je
pense que, si on veut procéder avec logique, il faudrait d'abord en
finir avec le témoignage du président général des
élections.
M. LAURIN: L'entendrons-nous sur le même sujet ou sur d'autres
sujets?
M. HARDY: Cela dépend des députés. S'il y en a qui
ont encore des questions à lui poser sur les modes de scrutin, je ne me
reconnais pas le droit de les limiter de quelque façon que ce soit.
M. CROISETIERE: Personnellement, M. le Président, j'aimerais
entendre, à la prochaine séance, l'opinion du président
général des élections concernant le régime
présidentiel, entre autres.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On élargira le débat.
M. DROUIN: Est-ce que M. le Président me permettrait un mot?
J'ai distribué des bulletins de vote pour votre plaisir. Ce sont
des bulletins selon la méthode de notre loi, mais suivant la loi belge.
On vote en noircissant le petit cercle. C'est le bulletin belge. Je vous en ai
fait distribuer pour que vous puissiez les regarder, si cela vous
intéresse.
La Belgique a adopté ce bulletin, après en avoir
changé 17 fois. Suivant les enquêtes faites en Belgique, ils ont
découvert que le X fait à la méthode des élections
anglaises, comme ils disent là-bas, permettait 262 combinaisons
différentes pour se faire reconnaître. Alors, ils ont
adopté ce système. On donne un gros crayon gras à
l'électeur et il noircit le cercle pour voter.
M. HARDY: M. le Président, je propose que nous ajournions nos
travaux à jeudi, le 11 février, dix heures trente.
M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux.
(Fin de la séance: 17 h 5)